Colletet, Guillaume
Notices biographiques sur les
trois Marot.
NOTICES BIOGRAPHIQUES
SUK
Les Trois Marot
Par G. COLLETET
Précédemment tranfcrites daprès le manufcrit détruit
dans l'incendie de la bibliothèque du Louvre
le 24 mai 187T & publiées
pour la première fois
par
GEORGES GUIFFREY
A PARIS
C/ie:^ A\ Lemerre , Libraire
47, PASSAGE CHOISEUL, 47
1871
NOTICES BIOGRAPHIQUES
SUR
Les Trois Marot
NOTICES BIOGRAPHIQUES
SUR
Les Trois Marot
Par G. COLLETET
Précédemment tranfcrites d'après le manufcrit détruit
dans l'incendie de la bibliothèque du Louvre
le 24 mai 1871 & publiées
pour la première €ois
par
i
GEORGES GUIFFREY
A PARIS
Chc:^ A. Lemerre, Libraire
47, PASSAGE CHOISEUL, 47
I 87 I
Pu
â07284
JEAN MAROT
OMME l'Aurore eft d'autant plus
chère & plus agréable à la Terre
qu'elle eft la couriere de ce bel aftre
qui l'anime & qui fait fleurir & fruc-
tifier toutes chofes; auify qui confiderera Jean
Marot, comme l'autheur de la vie de Clément,
bénira mille fois l'heureufe naifTance du père qui
mit un tel fils au monde. Et en cela il luy advint
comme à Loiiis de Ronfard, à Oélavien de Saind-
Gelais, à Jules de l'Efcale, à Jean Douza, à Vef-
pafien StrofTe, & à quelques autres qui furent
poètes véritablement, mais qui produifirent des
enfans qui l'emportèrent de bien loin fur eux dans
le facré myftere de la poëfie ; puifque Pierre de
Ronfard, Mellin de Saind- Gelais, Jofeph de
6 Les Trois Marot.
TEfcale, Jean Douza, & Hercule StrofTe, furent
de grands foleils fur le ParnafTe des Mufes latines
& françoifes , qui effacèrent la fplendeur des
avant coureurs de leur lumière. Celuy dont je
veux parler nafquit en la ville de Caen en Nor-
mandie, province fî fertile en poètes que Clément
Marot mefines en rend ce fidèle tefmoignage
en faveur de fon père qu'il appelle fon arbre
paternel :
De Jean de Meun s'enfle le cours de Loire,
En maiftre Alain Normandie prend gloire
Et plaint encor mon arbre paternel, &c. . .
I
Comme il eftoit pourveu d'un gentil efprit qui
Texcitoit à la poëfie, il crut qu'il ne devoit point
cacher fon talent en terre & que pour le faire
valloir, il devoit venir le faire efclatter en la cour
du roy Louis XII, qui n'eftoit gueres de moins
père des Mufes que père du peuple, ce qu'il fit
certes d'autant plus volontiers qu'avec beaucoup
de vertu il avoit fort peu de bonne fortune, tef-
moin ce qu'en diél fon fils :
Son art efloit fon bien fpi?^ituel
Et Tefperance efloit fon temporel.
Les poètes eftoient alors fort rares, & pour
peu qu'un homme euft l'addreffe de mefurer un
vers & d'apparier quelques rymes il paflbit pour
un efprit inimitable, ou du moins fort edevé au
Jean Marot. j
deflus du vulgaire. Quelques-unes de Tes rymes
scellant efpandues à la cour parvinrent jufques au
cabinet de la royne Anne, duchefle de Bretagne,
qui les leut avec plaifîr & qui en vouUut cognoiftre
Tautheur 5 & fon bonheur voullut que cefte ver-
tueufe princeffe prifl tant de gouft à fon entretien,
aufly bien qu'à Tes vers qu^'elle Tarrefta des lors à
fon fervice en qualité de fon poëte, ou de fon
efcrivain ordinaire, comme ils difoient, & luy
ordonna pour cela de bons gages. Ainfy Marot,
qui avoit peine à fubfîfter de luy mefme, fe vit en
eftat de faire un eftabliffement folide & de dire
avec raifon :
Que les bienfaits ejî oient fon temporel.
Mais, comme en matière d'advanoement il n'y a
prefque que la première planche difficile à trou-
ver, après le deceds de cefte genereufe princefTe,
qui fut deux fois royne de France, le roy Fran-
çois I", qui aimoit la poëfie & les poètes plus que
tous fes predeceffeurs enfemble, & qui eftoit bon
poëte luy mefme, ne defdaigna pas de jetter les
yeux deffus luy, &, pour l'approcher plus près de
fa perfonne, de luy donner une charge de valet de
chambre ordinaire de Sa Majefté; & par la ren-
contre d'un fî bon maiftre, Marot fe put confoler
de la perte de fa bonne maiftrefte. Ce fut alors
auffy qu'il mit plus que jamais la main à la plume
& qu'il produifit de certaines petites fleurs poé-
tiques qui eurent l'agrément des clames & par
8 Les Tt^oïs Marot.
confequent de toute la cour. Comme le poëte
Ennius fuivit le grand Scipion dans Tes expédi-
tions militaires, Marot, qui fut à peu près l'En-
nius de Ton fiecle , fuivit le Roy, fon maiilre, au
voyag-e d'Italie, où il compofa des vers qui le
firent cognoiftre tant deçà que delà les Alpes.
Car encore que cet autheur n'euil aucune cognoif-
fance des langues grecques & latines, & qu'il ne
fe fouftint que de fes propres forces, fi eft ce que
l'on peut dire avec vérité que la nature luy avoit
infpiré ce fecret génie qui faiél fmon les grands
& fublimes poètes du moins les poètes affez ele-
gans, car c'eft ainfy qu'Eftienne Pafquier appelle
Jean Marot dans fes dodes Recherches de la France.
Mais quoy qu'il euft compofé beaucoup de divers
ouvrages qui furent fort approuvez de fon temps,
fî eft ce qu'il fut fi peu foigneux de les recueillir
de fon vivant que nous n'avons pas la quatriefme
partie de ce qu'il avoit faid. N'eft ce point,
comme il avoit le fens fort bon & le jugement
fort clair & fort pénétrant, qu'il fe doutoit bien
que noftre langue ne s'enrichiroit pas beaucoup
de fes fraifles threfors, & qu'il prevoyoit déjà que
fon fils & quelques autres efprits de fa volée effa-
ceroient bientôt dans fon art tous ceux qui les
avoient précédez? Certes, fi c'efl cela, il n'avoit
pas mauvaife raifon, puifqu'il falloit bien des
efforts, d'autres élévations d'efprit & d'autres
génies que le fien pour tirer noftre langue de
Tenffance où elle eftoit, & pour la mettre dans
l'eftat floriffant où nous la voyons. Ce n'eft pas
Jean Ma?^ot. q
que ces premiers efforts foient à melprifer puif-
que la perfeétion d'une langue n'eft pas l'ouvrage
d'un feul règne, ny d'un feul homme, mais c'eft
qu'ils ne méritent pas toute la louange que l'on
doibt aux ouvrages accomplis & affin que mon
leéleur puifTe juger de foy mefme de la valeur
des fîens...
L'an 1536, Tes œuvres furent imprimées à
Paris foubs le titre Le Recueil de Jean Marot de
Caen,^ &c., poëte, &c., en fuitte de l'adolefcence
clémentine de fon iils ; il eft bien vray qu'elles
avoient efté déjà imprimées feparement à Paris
chez Pierre Roffet, mais fans la datte de l'année.
Elles contiennent plufieurs rondeaux, plufieurs
epiftres & plufieurs chants royaux, dignes, ce diél
l'advis au leéleur, d'eftre non feuUement eftimez
mais admirez. Mais fi l'Admiration» comme difent
les fages, eft la fille de l'Ignorance, il nous excu-
fera bien fi, ayant quelque lumière des chofes
dont il s'agit, nous demeurons dans les fimples
termes de l'eftime & n'allons pas jufques à l'ad-
miration.
Pour ce que fes vingt quatre rondeaux^ dont il
compofa le Doâtrinal des princejfes & nobles dames,
font la première & peut eftre la principale partie
de fon livre en ce qu'elle contient plufieurs enfei-
gnements falutaires à bien vivre, j'en rapporteray
pour exemple celuy cy où il confeille aux dames
de condition d'avoir toujours chez elles des gens
dodes & lettrez comme il les appelle dans fon
titre :
10 Les Tî^ois Marot.
Et! fa mat/on doibt la princejfe avoir
Gens bien lettre^, car ainfy qu'on peut voir
Que l'arbre & fruiâ le verger embellijî.
L'homme fçavant fa demeure ennoblit.
Par la doBrine iffant de fon fçavoir.
Tout bon confeil elle en peut recevoir.
Mais d'un gros fol certes à dire voir
Autant vaudroit qu'il dormift fur un lit
En fa maifon.
Préférer faut fcience à tout avoir :
La raifon eft, que l'or ne peut pourvoir
Oit fens humain fon vouloir accomplift,
Princeffe donc de grand honneur s'emplifl.
Qui d'attirer gpis difcrets faiâ devoir
En fa maifon.
Entre fes epiftres, celle, qu'au nom des dames
de Paris il addrefle au roy François I", eftant delà
les monts, & ayant deifaia les SuifTes, eft affez
ingenieufe; mais encore n'eft elle rien auprès de
celle qu'il efcrivit de Milan à la royne Claude,
première femme du roy François F", où il avoit
commencé de faire le naïf & véritable tableau de
la deffaiéte des SuifTes au camp de Sainéle Bri-
gide, deflein que la mort prévint au grand regret
de ceux qui euffent efté ravis de lire des chofes
mémorables dont l'autheur avoit efté le tefmoin
oculaire; elle commence de la forte :
Tige d'honneur, hermine liliale,
Chappeau ducal foubs couronne loyalle.
Jean Marot. ii
Refplendijfaiit par fon celejîe lujlre
Inextinguible, 6 dame très illujlre.
Ne t'efbahisfi moy, fiinple orateur.
De ta mai/on le moindre ferviteur,
Ay o^ê prendre audace de fefcrire ;
Car le fubjet que je prétends infcrire
En cejîe carte, eji Jî très favorable.
Doux & plaifant que l'auras agréable.
Comme je crois, & que n'auras efgard
Si l'efcrit vient de bajfe & fimple part.
Autre rai fon, fouveraine princeffe.
Me donne cœur, c'eji que plus grand liejje
Ne pourroit dame en fon cœur recevoir
Que bon rapport du fien efpoux avoir.
Et le relie où, dans un vieux ftyle, il y a d'af-
fez bons & topiques pour un homme qui n'avoit
que fa rhétorique naturelle. Ce qu'il confirme
encore par fa refponfe des Eftats de France aux
feditieux, qu'il traitte auffy mal par fa plume, que
fon prince les avoit mal traittez avec Tes armes.
Et c'eft là qu'il monftre comme la fortune a grande
part aux affaires humaines , & que pour avoir
comme laiffé perdre Milan on peut juger par la
prife de Fontarabie en peu de mois, & de Hefdin
en moins d'un jour, quelle eft la valeur des Fran-
çois dans le cours de leurs conqueftes.
Mais pour ne point parler de fes chants royaux,
qui font tous des matières chreftiennes & pieufes
& qui ne font pas mal faits en leur genre , je ne
puis m'empefcher de rapporter encore icy un de
12
Les Trois Marot.
Tes derniers & plus naift rondeaux ». . ^.
P'us que ce vieux ffenre dlTr' ' ''""'=>"'
'■orte renouvelle de n!fl ^ ^^'' ' "'*'^ ''^ ^«^"e
.- pas de ^o s,%T:::iT' '^"'^ "'^ ^ p-^-
%ent «efles d^n faire ''°'''' "î"' "^ ^^^
par ceft ample recûernT' P°"""' °" '' P^"' ^°"-
peu de ;ours. ^"' ' "" ^" =" '=°"'P''é depuis
(^omme ma très honnorée ,naiftreffT'
' ^« tout honneur
^tpar depit chacun d'eux me ^i^
Mais c'en tnuf diffame;
Je ''aiJra/TietZr':: "'''^'-'^'
J ^jervirajfans blafme
Ln tout honneur.
^i faut advoupr m.^ •
P>- rupporcables de' "L^ ^"7 """^ '* "" "-
licompofaencoreenverfh» ••
des deux heureux voyais de r""'r' ''"'^''''-^
3"e iit le viaoneux ZoS xil '"^ ^''^'''
'^" '557, qui font d-aumnt ' ' ""P'-""«» à Lyon,
<>- --a v,eH,e mais nai" fp .l'/^^'^^''^'^^ ^ ''-'
vcpoeiie y remarque beau-
Jean Marot. 13
coup de circonftances particulières que les hif-
toires modernes ont oubliées. Voici le commen-
cement du voyage de Gènes :
Alors que Mars vit affaiblir fes armés.
Paix avoir lieu, ceffer bruiti & vacarmes,
Harnois mis jus, fes ejîandars plojei.
Et fes vaffaux nejîre plus emplojei
A démolir villes, chajîeaux, ne murs.
Hors de l'efpoir des triomphes futurs.
Il pourpenfa les façons & manières
De fufciter fes foldats & bannières
Qui jà avaient eflé par trop longtemps.
Outre fou veiiil, fans debat^ & contens.
Ainfj penfant furvint de fan hault throfne
Dame Pallas, qii'aulcuns nomment Bellanne,
Jadis cojiceue au cerveau Juppiter,
Luj- fuadant que, fans plus arrefler,
Circumvolafi les nations Itales.
Et le relie où il y a de la profe & des vers
& des defcriptions aflez vives & allez bien imagi-
nées dans leur vieux langage.
Voicy comme il commence le voyage de Ve-
nife, qui eft de fort longue haleine :
Au temps que Mars foubs le vouloir des dieux
Fit triompher par gefles glorieux
Louis douiiefme, aorné, par mérite.
De bruit & los que mort ne def hérite,
Vulcan laiffa foufJJer en fes fourneaux.
14 • Les Trois Marot.
Centaures plus ne battirent métaux
Armes forgeant, car le vraj- Jîls unique
Du dieu Mapors, d'un Jîer bras herculique,
Avoit mis jus la nation fuperbe
Comme la faux qui renverfe toute herbe, &c.
Au refte le leéleur fçaura que ce voyage, qui
eft auffi bien que l'autre très difficile à recouvrer,
eft parfemé de rondeaux & d'autres fortes de
vieilles poëfies, qui, comme j'ai diél, font fort
confiderables à caufe de l'hiftoire véritable qu'elles
contiennent.
Il mourut fous le règne de François I", à
l'aage de 60 ans, comme je l'infère tant de
l'epiftre naïfve que Clément Marot, fon fils, adreffa
au mefme Roy pour luy fucceder en l'eflat de fon
père, que de Cefte epigramme dont il couronna
la fuitte de l'epiflre que Jean Marot efcrivoit de
Milan à la royne Claude ; car c'eft ainfy qu'en
parle ce jeune Clément :
Icf l'autheur fon epijîre laiffa.
Et de diâer pourtant ne fe lafja.
Mais en chemin la mort le vint furprendre
En luj difant : Ton efprit par deçà
De travailler foixante ans ne cejja.
Temps efi qu'ailleurs repos il aille prendre.
Je croirois volontiers qu'il mourut en fa ville
de Cahors en Quercy, où il s'eftoit marié pendant
un voyage que le roy François V fit en Langue-
Jean Mat^ot. i^
doc. Du moins après Ton fervice à la cour, celle
ville fut fa demeure ordinaire & le lieu natal
de fon fils , qu'il exhorta toujours de fon vivant
de fuivre le doux & noble exercice des Mufes
& de rendre en cela de bons & ag^reables fervices
au l^oy & à fa patrie. En quoy certes il efloit bien
efloigné de l'humeur avare & boudeufe de la
plufpart des pères , qui ne portent leurs fils qu'à
ces emplois utiles, mais épineux, qui leur
acquièrent beaucoup de bien & peu ou point
de renommée.
Sa devife efloit ne trop ne trop peu.
Outre ces galands hommes qui ont parlé de
luy avec honneur, comme La Croix du Maine,
Antoine du Verdier & Georges Draude , qui ne
l'oublient pas dans leurs bibliothèques univerfelles
André du Chefne, dans fa biMiotheque particu-
lière des hiftoriens de France, parlant de fa
defcription des deux heureux voyages d'Itahe, luy
rend cefl illuflre tefmoignage qu'ils elloient fort
véritablement efcrits. Il fe trouve mefme à l'en-
trée de fes œuvres de l'édition de l'an 1536, une
gentille epigramme latine d'un certain poëte qui ne
feint point de dire qu'il ne le faut plus appeler en
latin Marotus mais Maro, & là-deffus il continue
de le comparer avec Virgile, le grand Virgile, des
mots duquel mefmes je me ferviray en cette
occafion.
Si par va licet componere inagnis.
Finalement, un poëte latin anonyme regala fa
i6
Les Trois Marot.
defcription des deux vovap-P. H'f^oi- a
gramme Jat.ne qui n'a pas 1' r' ''"^ ^^^
4"! n a pas mauvaife grâce.
""'l'^"' ^^''^ P^''<t''s ,ui refait unus
Galhcus h,c vates, galHca mira canil.
CLEMENT MAROT
L n'en eft pas toujours des grands
poètes, ce qu'au rapport des poètes
mefmes il en eft de la Majefté qui
îl devient grande, fitoft qu'elle eft née.
Mais il en eft d'eux ordinairement comme du plus
précieux de tous les métaux que la nature ne
forme, ne purifie & ne raffine dans fes entrailles
qu'avecque la longueur du temps, ou tout au
moins comme du tonnerre qui n'efclatte pas du
premier coup, mais qui murmure & qui gronde
dans les nues auparavant que d'efclatter fur la
terre. Et en eftet il eft fouvent arrivé que les
grands poètes ont efté précédez par la naiftance
de quelques autres qui eftoyent comme les eflays
de la nature, ou les courriers de l'art & les ache-
i8 Les Trois Marot.
minements à la perfedion, puifque les poètes
divins ont fouvent eu pour pères des poètes, à la
vérité, mais qui n'eftoyent que des poètes humains.
Car c'eft ainfy que noftre cygne Vandomois appelle
les poètes du commun 5 ainfy Hercule de Strozzi
eut pour père Vefpafîen de Strozzi, qui fit des vers
latins véritablement, mais, au rapport d'un grand
critique de Ton fiecle, nullement comparables à
ceux de Ton fils ; ainfy le grand Torquato Taflb
l'emporta de bien loin en matière de poëfie ita-
lienne fur Bernardo Taffo, fon père, dont nous
avons un jufte volume ; ainfy Mellin de Sainél-
Gelais effaça dans fes poëfies la gloire d'Oélavien
fon père; ainfy Jofeph de l'Efcale fit bien pa-
roiftre par l'oppontion de fes poëfies latines avec-
que celles de Jules Cefar fon père, que le père
n'en eftoit pas vm auffi bon fabricateur qu'il en
eftoit bon juge ; ainfy noftre divin Pierre de Ron-
fard effaça par fes mufes naiffantes toute la gloire
que Loiiis de Ronfard, fon père, s'eftoit acquife
par fes vers françois foubs le règne de François
premier; ainfy Cefar de Noftradamus fit bien voir,
par le corps de fes poëfies, la force de l'efprit
dont il eftoit animé, & qu'en ceft art il l'empor-
toit de bien loin fur fon père, d'auffy loin qu'un
excellent poëte l'emporte fur un fimple rymeur;
&, fi j'ofe mettre en jeu ceux qui vivent, Nicolas
Vauquelin des Yveteaux monftra bien par la force
& par la pureté de fes vers que Jean de la Fref-
naye Vauquelin, fon père, tout fameux qu'il fut
en fon fiecle, n'avoitpas trouvé, comme le fils, le
Clément Marot. lo
glorieux fecret de contenter & de ravir le noftre.
Certes le deflin de ces grands poètes fut le deftin
mefme de Clément Marot, puifqu'ayant eu pour
père le poëte Jean Marot, on peut dire juftement
de luy, ce que l'on dit autrefois d'un ancien, 7>-
dides melior pâtre. En effet, il eut pour père Jean
Marot, qui fe fit de fon temps fignaler par fes vers,
& duquel auffy j'ai faia la vie en qualité de poëte
françois. Mais, foit que le fils fufl né dans un
meilleur fiecle, foit qu'il fe fuft employé ferieufe-
ment & plus foigneufement à cultiver noflre lan-
gue, il advint qu'il fut le premier des François qui
commença de tirer noftre langue de cefle obfcure
& honteufe barbarie où elle eftoi^ enfevelie mifera-
blement, & qui la rendit, fmon fort pompeufe & fort
efclattante, du moins affez claire & intelligible, ce
qui fut d'autant plus admirable en luy, qu'il n'avoit
aucune cognoiffance des langues, ni des fciences.
Auffy l'heureufe félicité de fon efprit le rendit fi
agréable à ce grand réparateur des bonnes lettres,
le roy François premier, qu'il confentit aifement
que Clément Marot, qui avoit des fa plus tendre
jeuneffe eflé nourry auprès de Marguerite de Na-
varre, & qu'il fervoit en qualité de. fon valet de
chambre ordinaire, exerçât auprès de Sa Majesté
la charge de valet de chambre que Jean Marot,
fon père, avoit exercée autresfois; & ce grand
monarque prit un tel plaifir dans la ledure des
vers de ce gentil poëte, qu'à fon exemple toute
la cour pohe en fit fes délices. 11 n'y avoit point
de princes, ny de princeffes, de grands feigneurs,
Les Trois Marot.
20 ^
poëfos de ce bel efpru ^^^ ^ ^^^^^„
eombloa auffydeb, n & ^^ "- -™"^ """^
rechercho« fon amu.e ^^ ^^^^^ ^^ ^^ ^^p^^_
'""""Ïefld t ^etae jufque dans les pays
tation selpanuiL 'nt à le confiderer
étrangers, qu. .-— «.^^^^^e & le pl-
comme le prem.er poe e de b ^.^^^ ^^^^^^
grand oj— * ^ ."f ^^^^nça d'eftre auffy
de Cahors en ^^J'I^^^ ^ d elprir, que la
'Tt ITd :: e trpt la naiffance du grand
Te tJeC^rn,n feullement les François, max
'f- "" ttr::;: r i:at:.e d^es chores
advmt, par «ne /«J° -, f„, contraint
humâmes, que cet ««J^^"' ^ ^^ .,
d'abandonner la cour & la franc
eftoit prefque adoré^ ^.^^^^„, u caufe de fon
•rc'rftr3rirp::^^^'^equ>. grand pe.ne,
ri . Îen eft du poL Marot comme du poe.
Ovide dont on fçait le bann.ffement en Sc.thye
^^dom les grammainens cherchent encore le
Clément Marot. 21
vray fubjed. Toutesfois, s'il en faut croire Antoine
de Laval, le fubjed du banniflement de Marot
vient d'un difcours un peu libre qu'il avoit pro-
féré contre le roy François lorfqu'il avoit di6l :
Il n'eft que du fablon d'Eftampes pour faire
reluire un vieux pot. Ceux qui fçavent l'hiftoire
fecrette & particulière du temps n'ignorent pas que
cela regardoit la maiftrefTe du Roy, ducheffe d'Ef-
tampes & de Ponthieux, laquelle fe vouUut vanger
de Marot à la première occafion, tant il eft vray de
dire que jamais les femmes ne perdent la mémoire
des traits piquans que l'on a lancés contre elles.
Si l'on adjoufte foy à un autheur moderne, Marot
fut banny du royaume & des boi;ines grâces de fon
Roy pour avoir compofé des vers trop libres contre
les gens d'Eglife. Et, en effet, la plus commune
créance eft que l'eftroitte familiarité qu'il avoit
contraélée avec les principaux luthériens, le fit
foupçonner d'avoir changé de relligion & de
fuivre le libertinage & la nouveauté, auify bien
que tant d'autres qui, pour cela mefme, furent
punis, ou congédiés, foit par les arrefts , foit
par l'exprès commandement du Roy. Et en effet,
c'eft le fentiment de Théodore de Beze qui,
dans fes Portraits des hommes illujlres, parlant de
Marot, diél que ce gentil poëte fortit deux fois
du royaume à caufe de la relligion. Et c'eft pour-
tant de quoy Marot luy mefme fe juftifie dans
plufieurs endroits de fes œuvres, & notamment
dans fon epiftre qu'il efcrivit au Roy pendant fon
exil à Ferrare, car c'eft là qu'en exagérant la
11
Les Trois Marot.
«nalice de fes adverfaires & de fes envieux ,1 „. .
Demor. tonferf, pour, après à W ai Ce
^^^r. iernoy courir vers toj ,naint conte
ZT: ,""''"" ^^'-"^"^ nrenteurs
Dégels as font les premiers inventeurs-
'^ '"f'-f 'Is m'ont ,,nné le no,n
Luther e,"crZJa "" "' '^ ''^"""'■
y ">" Pefche,, &, tout bien aiviCé
^""on, de luj. ne fuis point baptift
,.f ' '^ '■«'*^' où il repouffe cefte calonin.-.
q"'I peut, & monftre gu'ii ."^ "'°'"."'^' =>"«"(
bercail de la vraye Edife / '"""' '^"^ «J"
f"fon de ceux qu'i l'of Ji'a LT ^^ "''' ' '^ -"-
tique. Et, enfuitte devVn.t ^ P"""" "" ''^^^-
P>aint de certain /ujrco^f.r" "' '^"' " ''^
«- dans Ton poLTde -En r^ '"'" ^^°''
vanger de luy, foubs prétexte dL '"'' P°" ''^
"a-re, eftoient entrez danTr "^ "" """^ '■"='&i-
emparez de Tes pap.ers TZ r T" °"' ^'^'*°'^«
"■efine iniuftement eT r '"^'' * '''•^"'^"t
A propos de quoy Zc^TlT"' ^ '^^ ^onte.
----LdJr.ti-nTr;:--'
Clément Marot. 23
partout, pour avoir rencontré parmy fes livres des
livres deffendus, de magie, de nécromancie & de
cabale, comme fî un homme de lettres, avec la per-
miflîon de fes fuperieurs, n^avoit pas la liberté de
voir toute forte de livres, bons ou mauvais, pour
apprendre les uns & réfuter les autres , & c'eft
ce qu'il diél aufîy luy mefme en ces termes :
// ejl bien vray que livres de deffenfe
On y trouva; mais cela n'ejî offenfe
A un po'éte, à qui l'oii doibt la/cher
La bride longue & rien ne luy cacher.
Soit d'aj^t magie, iiecromajtce, ou cabale.
Et n'ejl doârine, efcrite, nj- verbale.
Qu'un vray poëte au chef ne deujî avoir
Pour faire bien d'efcrire fon devoir.
Sçavoir le mal eji fouvent proffitable.
Mais en ufer eJi toujours evitable.
Et d'autre part, que m'a nuit de tout liî^e?
Le grand donneur m'a donné fens d'ejlire
En ces livrets tout cela qui accorde
Aux fainâs efcrits de grâce & de concorde.
Et de jetter tout cela qui diffère
Du f acre fens, quand près on le confère.
Il fe plaint encore dans ce mefme poëme de
certains doéleurs ig-norans, qui nommoient alors
hérétiques tous ceux qui fçavoient les langues à
perfedion. En quoy véritablement il a tort de
condamner un corps fçavant & célèbre pour la
24 L^^ Trois Marot.
fimplicité, ou pour la malice de quelques-uns, car
c'eft ainfy qu'il en parle :
Autant comme eux, fans caufe qui f oit bonne.
Me veut du mal l'ignorante Sorbonne,
Bien ignorante elle eji d'ejlre ennemie
De la trilingue & noble Académie
Qu'as erige'e. Il eJi trop manifejie
Que là dedans contre ton veuil celejîe
EJI deffendu qu'on ne vaife allegant
Hébreu, nj grec, nj latin élégant
Difant que c'eji langage d'heretique.
O pauvres gens, de fçavoir tout hetique,
Bienfaiâes vraj^ ce proverbe courant.
Science n'a haijieux que l'ignorant.
Certes, o Roj, fi le profond des cœurs
On veut fonder de ces forboniqueurs.
Trouvé fera que de toj ils fe deulent.
Comment douloir? mais que grand inalfe veulent^
Dont tu as faiât les lettres & les arts
Plus reluifans que du temps des Cefars.
Par où il defigne l'inftitution des profefTeurs
royaux que le grand roy François 1" avoit efla-
blis & gagez dans fon collège de Cambray, de
Triquet, ou de trois Evefques, qui eft la meime
chofe, & que dans leur eftabliflement eurent pour
adverfaires quelques-uns du corps de Sorbonne,
comme Ta obfervé, je croy, le dode Pafquier
dans Tes Recherches de la France.
Quoy qu'il en foit, Marot craignant l'indigna-
Clément Marot. 25
tion du Roy, fon maiftre, auquel fes ennemis
l'avoient rendu odieux , fe retira d'abord en
Bearn, auprès de Marguerite de Navarre, fœur
du Roy, qui, félon Framianus Stradas, pluftot que
félon la vérité, eftoit alors l'ancien & ordinaire
afyle des coupables. Marot luy mefme parle de
celle retraite en d'autres termes lorfqu'il diéï :
Je m'en alla/, pour fuir ce danger.
Non en pajs, non à prince ejlraiiger.
Non point ufant de fugitif dejlour.
Mais pour fervir Vautre Roy à mon tour.
Mon fécond maiftre, & ta fœur fon efpoufe,
A qui je fus des ans à quatre â dou^e
De ta maiîi noble heureufement donné, &c.
Et puis voyant comme on punifToit par le
feu, non feullement tous les hérétiques décla-
rez, mais encore ceux qui eftoient aucunement
foupçonnez de l'eftre, il paffa en Italie & fe retira
dans la ville de Ferrare, auprès de celle vertueufe
princelTe, belle fœur & couline germaine du roy
François \" & lille du roy Louis XII, duchelTe
de Ferrare.
De ton clair fang une princejfe humaine.
Ta belle fœur & coufine germaine.
Fille du Roy tant craint & renomme'.
Père du peuple aux chroniques nommé.
En fon duché de Ferrare venue.
26 Les Trois Marot.
M'a retiré de grâce & retenue.
Pour ce que bien luj' plaijî mon efcriture.
Et que je fuis encor ta nourriture.
Quelque temps après, le Roy, qui cheriflbit
Marot, ayant efté appaifé, tant par les rymes
diverfes , qu'il luy avoit envoyées d'Italie fur le
fubjeél de fa difgrace, que par les recommanda-
tions de quelques amis qu'il avoit à la cour, fouf-
frit que ce bel efprit y revint, & en tefmoigna
mefme beaucoup de fatisfaéïion, & ce fut alors
que Marot, à la perfuafîon de ce fameux profef-
feur en lan^e hébraïque , François Vatable ,
ayant quitté les ,fubjeds profanes , & s'eftant
refolu de ne plus faire des vers que pour les chofes
fainéles, entreprit la verfion françoife des divins
pfeaumes de David. Mais pour ce qu'il n'avoitpas
la cognoiffance des langues neceffaires pour un
fi noble travail, il foUicita le mefme Vatable
& Mellin de Sainél-Gelais de luy expliquer en
profe les verfets des cinquante pfeaumes, ce qu'ils
firent très volontiers pour l'intereft public & pour
l'afFedion particulière & cordiale qu'ils luy por-
toient, & fur leur profe il compofa fes vers. Mais
comme il eftoit fort peu verfé dans ces hautes
matières, il y fit tant de bévues & tant d'erreurs,
qu'encore que la cour receuft favorablement fon
ouvrage & que le Roy mefme prifi grand plaifir
à chanter fes fiances, que les plus habiles mufi-
ciens de ces temps là avoient mis fur de très
beaux airs différents, fi eft ce qu'à caufe des
Clément Marot. 27
plaintes de la Sorbonne & la jufte cenfure qu'elle
fit de fes pfeaumes, on deffendit de les lire, & Sa
Majefté foufFrit que Ton fit defFenfe de les lire
& de les reimprimer davantage. Mais celle def-
fenfe, comme diél le fidèle interprète de Thifloire
de la g-uerre de Flandre dans la vie de Margue-
rite de Parme, produifit l'effet ordinaire , elle
augmenta l'envie des ledeurs & la réputation de
l'ouvrage. Néanmoins il prit de nouveaux fubjeéls
d'efcrire, & de la poëfie fainéle il repafTa bientoll
à la prophane, qui efi:oit efFedivement celle où il
reufîîfToit le mieux. Cependant fa hardiefTe s'ac-
crut par les divers applaudifTements qu'il en
receut partout. Et, comme il ii'efloit pas capable
d'arrefler fon efprit, ny fa plume, il fe mit à com-
pofer tant d'invedives contre ces puifTans adver-
faires, & à compofer des œuvres qui fe fentoient
encore tant du fagot & du libertinage, que l'ap-
prehenfion du châtiment dont on le menaça le fit
bien toft retirer à Genève, où il acheva de fe def-
crier par les longues conférences qu'il eut avec
ce grand & dode herefiarque, Jean Calvin, qui le
receut à bras ouvers , & qui contrada avecque
luy une amitié inviolable, ce qui fut caufe que fa
verfion des pfeaumes fut entièrement abandonnée
par tous les bons cathohques, & ce d'autant plus
que quelque temps après , cet autre doéte
& fameux apoftat, Théodore de Beze, fon amy,
voullut parachever la Venus de cet Appelle fran-
çois, puifqu'il adjoufta aux cinquante pfeaumes,
que Marot avoit traduits, les cent autres qui ref-
28 Les Trois Mat^ot.
toient encore à traduire. En quoy, au jugement
mefme d'Eftienne Pafquier , Théodore de Beze
tout confommé qu'il eftoit dans les fciences &dans
les lang-ues, reuffit beaucoup moins encore que
Marot, d'autant que comme Marot ignoroit les
langues eftrangeres, celuy cy n'avoit nullement
eftudié les grâces de fa langue maternelle, fpecia-
lement dans noftre poëfie vulgaire , qui , toute
vulgaire qu'elle eft, n'employé pas indifféremment
toute forte de mots & de phrafes, ce qui monflre
clairement la grande difficulté qu'il y a de tra-
duire des ouvrages en vers.
Apres avoir donc fejourné quelque temps à
Genève, & humé l.'air peftilent & empoifonné du
lac de Léman & de la relligion reformée, dans le
dépit qu'il eut de fe voir fi mal à la cour qu'il
aimoit après tout, beaucoup plus que toutes les
conférences des miniflres, il fe retira en Piedmont
& dans la ville de Thurin, où il tafcha par la
réputation que fon mérite s'eftoit acquife partout,
de fubfifter & de vivre avec le plus de repos
& de tranquillité qu'il luy fut poffible, ce qui ne
fut pas fans fe plaindre encore ainfy de l'injuftice
de fa patrie :
•T abandonna/ fans avoir commis crime
L'ingrate Finance, ingrate, ingratijfime
A fon poëte; &, en la delaiffant.
Fort grand regret mon cœur ne vint bleffant;
Tu ments, Marot, grand regret tu fentis
Quand tu penfas à tes enffans petits.
Clément Marot. 29
Par OLi il paroift aflez qu'il eftoit marié, & qu'il
avoit un defplaifîr extrefme d'eftre contraint,
par la perfecution de fes ennemis, d'abandonner
ainfy fa femme & fes enfFans. Ainfy cet excellent
homme, qui avoit parmy les fîens û juftement
mérité le titre de poëte, ne le fut que trop à fon
dommage , puifque la fortune qui , par une haine
fecrette & particulière , traverfe ordinairement le
repos de ces hommes divins, le prit enfin pour but
de fes traits & luy fit fentir les cruelles pointes de
fa rage. Auffy fut ce dans ce funefte efloignement
de fa famille, de fes amis & de la cour de fon
prince que, dans le comble de Fennuy & de la
mélancolie où il eftoit, la mort le vint furprendre
& luy donner le fatal coup de la mort. Tannée
mefme que l'armée du Roy foubs la conduitte du
duc d'Anguyen remporta fur les Impériaux la
mémorable victoire de Serifolas, qui fut Tan 1 544,
& le foixantiefme de fon aage. Il laiffa un fils
nommé Michel Marot, duquel j'ay faiét auffy la
vie dans cefte hiftoire des poètes.
Quiconque fera curieux de voir fon vray por-
trait le peut confulter parmy Les Hommes Illiijîres
de Théodore de Beze, dans le Prompttiat't^e des
médailles des perfonnes renommées, & VHiJloire
chronologique des grands hommes imprimée à Pa
ris, l'an 1617.
Il avoit la tefte groffe & ronde, le front large
& eflevé, les cheveux longs, le nez gros & eflevé,
les yeux à fleur de tefte, la barbe & les mouftaches
longues, & le col affez court. Quant à fa taille
Les Trois Marot.
Tapprends qu'elle eftoit affe. med.ocre, & fa devife
ancienne eftoit, /<> mo»-' «y """•'^- ^ , .
Je m'abftiendrois volontiers icy de parler de
fes ouvrages, d'autanc qu'ils font cognus a tous
ceux qui fet^aiettent les livres, neantmo.ns pu.f-
Vft ,me lov que je me fuis impolée icy,
Tque d'^meuS^j'y feky en payant quelques
tetuës obfervations qui ne font pas fi con.n.unes,
fe ne refuferay pas à mon leaeur cur.eux ce pet.
"'lÏs œuvres furent fi favorablement accueillies
de tous à mefure qu'U les compofoit, que )ama
livre ne fut ny tant .mpr.mé, ny tant -"^ujl-j^
fien- ie n'en excepteray pas un feul de tous ceux
' , ,„rp/luv & aui remplirent l'Europe
nui vmrent après luy ex h"' ^ . _
du bruit de leur nom. Car, encore que cet autheur
ne U pasremply de la cognoiffance des bonne
lettres fi eft ce que je croy qu'.l n'en efto.t pas
f dénué qu'il ne'les mift affe^ heureufement en
pratique Auffy ma créance eft, qu'ayant con-
Cméfajetmeffe en la leéW des bvres fran-
CoTs à mefure qu'il vefquit il appnt la langue
latin'e, & mefme quelque chofe de la grecque,
car. pour ce qui eft de l'italienne, le fe,our affe
long qu'il fit en Italie, luy en put donner affe. de
cognoiffance, &, pour juftifier ce que je dis, com-
ment eft ce qu'il auroit pu traduire en vers fran-
cois XHifioirc de Uandre & de Hero. compofee
;ar Mufée en beaux vers grecs; le Jugement de
Minos par ce fameux orateur grec , Lucien ; la
première Eglogue des Bucoliques de Virgile; les
Clément Marot. ->!
deux premiers livres de la Metamoiyhofe d'Ovide
& plufieurs Epigrammes de Martial, les Trijîes
vers de Philippe Beroalde, fur la mort & pafîion
de Noftre Seigneur, quelques vers latins de Sal-
mon Macrin, les Vifions de Pétrarque & quelques
uns de Tes plus beaux fonnets, s'il n'avoit eu
cognoiflance de ces trois langues étrangères, car,
de dire qu'il ait faiél tout cela par le fecours d'au-
truy, il eft ridicule de croire qu'il ait toujours eu
à fa fuitte & à Tes gages quelque truchement,
& quelque interprète. Ne dit-il pas luy mefme,
dans la préface de Tes Metamorphofes, "qu'il ne
vouUut pas tant le fier en fes inventions propres
que les laifTant repofer il ne jettaft l'œil fur les
livres latins, dont la gravité des fentences & le
plaifîr de la leélure avoient mené fa main & amufé
fa mufe. Et puis dans les poëiîes que nous avons
de fon invention n'y en a-t-il pas un aifez bon
nombre qui, par leurs traits poétiques & par leurs
belles expreffions moulées fur l'antiquité, nous
peuvent perfuader qu'il avoit faiél quelque amitié
avecque les anciens poètes grecs & latins? Quoy
qu'il en foit, tout ce qu'il efcrivit, foit invention,
foit tradudion, il le fit, comme did Pafquier, avec
un très heureux genius, c'eft à dire, avec une
veine grandement fluide & naturelle, avec un vers
non affeélé & avec un fens toujours très raifon-
nable. Ce qui le fit eftimer partout, & ce qui luy
perfuada mefme qu'il acqueroit par là l'immorta-
lité au mefpris de fes envieux & des ignorans de
fon fiecle. Du moins eft ce ainfy qu'il a parlé dans
î2 Les Trois Marot.
quelques vers qu'il addrefle au leéteur, au frontif-
pice de Ton livre.
OJîer je peux, approche-tqy mon livre.
Un tas d'efcrits qui par d' autres font faits ,
Or va, c'eft faiâ, cours léger & délivre
Et defchargê d'u7i lourd & pe faut faix.
Sans eux, mon livre, en mes vers pourras prendt^e
Vie après moy, pour jamais, ou longtemps.
Mes œuvres donc content te doibvent rendre.
Peuples & roys s'en tiennent bien contens.
Auffi peut-on dire qu'encore que le fîecle fui-
vant euft produiél dans la poëfie des héros dont
peut eftre il ne valloit pas l'ombre, puifque Ron-
fard, du Bellay, du Bartas & Defportes montèrent
après luy fur noftre ParnafTe, fî eft ce que de noftre
temps mefme fa Mufe a faiét tant de bruit , qu'à
caufe de luy on a renouvelle l'antique ufage des
rondeaux & des epiftres en vers naïfs & burlef-
ques, & ceux qui les ont renouveliez n'ont efté
louez, ny eftimez parmy nous qu'autant qu'ils
approchoient de la naïfveté & du mérite de ceux
de Marot. Ainfy l'illuftre rhéteur Quintilien n'efti-
moit les hommes eloquens qu'autant que leur ftyle
imitoit celluy de Ciceron. Je fçay que, comme il
eft malaifé d'exceller parfaitement en quelque art
que ce foit, il eut des ennemis & des adverfaires
dans Ton art mefme, tefmoin un petit Sagon & un
Charles de la Huetterie qui fe voullurent mefler
d'efcrire contre luy, mais il abbaiffa fî bien leur
Clément Marot. ^-^
orgueil par les rymes piquantes qu'il luy lança,
que Sagon fut longtemps le jouet de la cour'
comme Marot en fut toute la gloire. L'epiftre qu'il
compofaluymefme foubs le nom de Phrippelippes,
fon valet, contre le plat & orgueilleux Sagon '
m'en peut démentir. Certes, fi j'en fuis cru, jamais
le poëte Archiloque ne fit des iambes plus per-
çans contre Lycambe qu'il obligea de fe tuer,
& ne luy fit jamais un plus fameux licol. Et,
comme il eftoit auffy chery fort tendrement des
habiles de fon fiecle, il fut puifTament fécondé par
plufieurs de fes amis , & fpecialement de Charles
de Fontaine, qui prirent à tafche de confondre ces
petits & nouveaux adverfaires, comme j'ay did
ailleurs. Je fçay bien que le grand Ronfard confi-
derant la fehcité de fon fiecle, auprès de celle de
Marot, ne put un jour s'empefcher de ravaller le
mérite de Marot, lorfque, dans fon ode fur la vic-
toire du comte d'Anguyen, à Serifoles, il parle
ainfy à ce jeune prince vidorieux, qui eftoit alors
heutenant gênerai pour Sa Majefté, en Piedmont :
L'hymne qu'après tes combats
Marot fit de ta viâoire.
Prince heureux n'efgala pas
Les mej^ites de ta gloire ;
Je confejje bien qu'à l'heure
Sa plume ejîoit la meilleure
Pour efbaucher fimplement
Les premiers traits feullement.
Mais mor né d'un meilleur aage,
3
34
Les Trois Marot.
Aux lettres induftrieux.
Je veux parfaire V ouvrage
D'un art plus laborieux.
au V^^^ll^'^lZ\2 ode de Ronfard rur le
r '•"' ^£ '& W'il fouhaitte que le le^eur
& en parai ele, & û'C q ^^ ^^^^ p^^^
fe donne la pauenc de les ^^^^^^ ^^^^ ^^
juger puis après des coups ^^^^^. ^^^
't t S:S1 eTce^uC lin. l'un, U n'aura
"r la de mefprifer l'autre, tefmoignage qu.
pas fubjea '"'"'"P „x pour Marot, que
eft d'autant P^^ f :^;;;jrnon feuUement pour
Pafquier a «'=°g"" fl^^^^^e, mais peut eftre
le prenuer P^^ " ^Us ceux qm font à
X^'alltSeRonrard parle .honorable-
comme )e diray tantoft, ?" J^/i' A,„fy
paroiftre la haute eftime l"'' f^f^'^'^'g^Enn.us,
^::£i -r--a:;°::rrS
agréable, qu'au rapport d un certa .^
fimie utdiulaboraveritœtasfecuta,utmagi
Clément Marot. ^^
d'un efprit afTez grand & d'un naturel merveilleux,
mais c'eft que la poëfie françoife ne commençoit
quafi que deifous luy, & qu'elle ne pouvoit à Ton
commencement eftre parfaire comme elle a efté
foubs Ronfard, nidla res confummata eji diim incipit,
diél Seneque , & les commencemens des chofes
font tousjours bien efloignés de leur perfeélion,
& cela eft fï vray, que, du temps de Marot mefme,
la plufpart de ceux qui efcrivoient ignoroient la
cefure de l'E féminin, ou la couppe féminine
comme on l'appella des lors, règle très neceflaire
à noftre poëfie françoife, que Marot n'obferva
jamais à la première édition de fes œuvres, & qu'il
apprit de Jean le Maire des Belges, comme on le
voit dans l'epiftre de l'Adolefcence Clémentine du
mefme Marot, dattée de Paris, le 12" jour d'aouft
1532. AufTy l'obferva-t-il inviolablement depuis,
tefmoin ce vers de la première Eglogue de Virgile :
O Melibe'e, amy cher & parfaiâ.
Car en la première édition il y avoit ainfy :
O Melibée, mon bon amy parfaiâ.
Et ainfy des autres 5 car quant à l'alternative
& à l'entrelas de la ryme mafculine & féminine,
fi cognus & fi bien pratiquez depuis par les poètes
épiques & lyriques , comme cela n'eftoit pas
encore de la cognoiflance, ou du moins du goût
de fon fiecle , il ne les faut pas chercher dans les
^ Les Trois Marot.
^ "'! trcuÏs ffeLs, & le no.ma de fon
'" r.tlefcënce Clémentine, ou les premières
„om ^'^^f^^2Z Marot de Cahors en Quercy,
oeuvres de Clément ra favorablement
livre qui , comme , ay ^f'^^' p^^„,, „e le
receu, que )-- P^\^"„t J ';,à caufe des
f„t ^««ivanta^tiblf ouL: inesV'l contient,
Tr" Tn^diaSs commencèrent à déclamer
plufieurs pred,cateu ^^^^^.^ ^„ p^yic, qu.
contre luy. Ma ^teue ^^
^^nfpr & car oubliance, dans la cnanc
reÎe7lL,ce.em^neA-^^^^^^^^
tr a:; :drndtle1e/u.;:rs,raffea.n
ÏÏ avo'i pour cet ouvrage, part.culanté que ce
TeÎme Puyherbaut exagère puiffamment en fu.te
Te quoy les chreftiens de ne fe plus amufer a cefte
IL^":-"^ -rme qu^co
comme un efpnt abandonné au l.bertmage & au
Clément Marot. -ij
lutheranifme. En effet, comme c'eftoit la créance
commune, il tafcha de s'en juftifier encore par une
epiftre à Bouchard , doéleur en théologie, auquel
I il parle ainfy :
Donne refponfe à mon prefent affaire,
Doâe doâeur, qui t'a induit à faire
Emprifonner depuis Jîx jours en ça
Un tien amj, qui onc ne t'offenfa.
Et voulloir mettre en luj crainte & terreur
D'aigre jujiice, en difant que l'erreur
Tient de Luther, point ne fuis lutherijle.
Ni ivinglien, encore moins papifle.
Je ne fus onc, ne fuis, nj ne feray
Sinon chrejlien, & mes jours pafferaj.
S'il plaiji à Dieu, foubs fon fis Jefus-Chrift;
Je fuis celluj qui aj faiS maint efcrit.
Dont un feul vers on n'en fçauroit extraire
Qui à la loj diviite fut contraire, &c.
Auffy y a-t-il bien de l'apparence que ce fut
plus toft une haine particulière d'une certaine
dame, légère en amour & vindicative, contre
laquelle Marot avoit compofé ce rondeau :
Comme inconfante & de cœur fauffe & lafche
Elle me laiffe, &c...
que rintereft de la relligion, qui lui caufa cefte
difgrace; car, comme il appelle ce mefme ron-
Les Trois Marot.
r s^ c «rife la gentille ballade qu'il
deau la caufe de fa P"^«' '^5„our refrain :
fo en prifon & qu. a toujours pour
=ftp «lame, pour fe vanger
faUWenparoiftre que cafte da«e,^^ ^^^^^^^
de luy, avo:t folU .te ardam ^^^^^ ^^^^ ,^
doaeur d'employer ^^^^^^H ^^ lutheranifme,
faire emprifonner foubs p e ext ^^^^ ^^^
„ais le roy François prem e^ q^ ^^^^ ^^ ^,^^_
nez, & qui l^^ï^"'^ '""^'f,' Tndifcret &intereffé,
pocnfie, ayant ^^^^^^^f^^L toft Marot en
& tout ce petit P«^ -^g^' ^^ ^^ i, ,o„deau par-
liberté, comme on le peut voi v
faia qu'il en compofa :
Sir:;:— ir^^-^-
^-T^da^rre^-dS^e^Xe
!TTf" re te d quelques lafches dévots, ou
Ï, oTrrteS:re.e. lly peufa faire perdre a v
■ -rïi^:T«tT:SertdTparis,qul
pnfon. Mais a ,u V^ ^^^^^ ^^^.^ ^^^^^^^
rfes pÏfombres replis des âmes noires
dans les p us l'innocence de
rcurMalumtédesaccufateurs-ouvritles
laccuic rniiffrant & perfecute, &, pai^
Clément Marot. îû
moigna bien qu'il eft très difficile d'impofer a fes
fens & d'obfcurcir fes divines lumières.
Mais quiconque voudra voir les œuvres de
Marot en un feul & jufte volume peut chercher
Fedition qui en fut faide à Lyon Tan 1597, aufly
bien que les autres qui furent failles fur celle-là
mefme à Rouen & en plufieurs autres villes
du royaume. Elles contiennent ce qu'il appelle
Opufcules, qui font de divers poëmes, des Elégies,
des Epiflres, des Ballades, des Chants divers, des
Rondeaux , des Chanfons , des Epigrammes ,
des Eftrennes, des Epitaphes ou le Cimetière,
des Complaintes & les verfions dont j'ay parlé.
Entre fes opufcules, qui font un petit recueil de
diverfes poëmes , pour ne rien dire de fon Temple
de Ciipido qui eit un excellent & véritable origi-
nal poétique, fon poëme de l'EnfFer eft fort gentil
& fort confîderable, en ce qu'il contient une forte
& jufte inveélive contre les mauvais juges, & eft
comme une efpece d'apologie pour repouffer la
calomnie de ceux qui l'appelloient luthérien, ou
fuppoft de Luther; c'eft là qu'il did de bonne
grâce pour refponfe à Rhadamante :
Car tu es rnide, & mon nom eji Clément,
Et pour moîijtrer qu'à grand tort on m'attrijîe
Clément n'ejl point le nom de lutherijîe
Ains ejl le nom, à bien l'interpréter.
Du plus contraire emtemjy de Luther,
C'ejl le fainâ nom du pape qui accole
Les chiens d'Enfer, s'il luj plaijt, d'une ejlole.
40
Les Trois Marot.
Le crains-tu point? c'ejl celluf qui a^rme.
Qui ouvre Enfer, quand il veult, & le ferme.
Cellujr qui peut en feu chaud martyrer
Cent mille efprits, ou les en retirer.
Par où a de%ne fans doubte le V-V^Cleme^^^^^
au'il recognoiffoit comme le chef vifible de 1 Eglife
univerfelle, & par confequent on peut croire qu il
n'eftoit paslutherifte, ny de la créance des autres
fedateurs de Luther.
En fuitte il dia qu'il natquit
A Cahors en Quercf,
Que je laijfaypour venir querre icf ^
Mille malheurs, auxquels ma dejîinée
M'avoit fou/mis, car une matinée.
N'ayant dix ans, en France fus mené.
Là où depuis me fuis tant pour mené
Que f oublia/ ma langue maternelle
Et grojfement apprins la paternelle.
Langue françoife es grands cours eftimée.
Laquelle enfin quelque peu s'eft limée.
Suivant le roy François, premier du nom.
Dont lefçavoir excelle le renom.
Ceft lefeul bien que fay acquis en France
Depuis vingt ans en labeur & fouffrance.
Et puifqu'il fut, comme j'ay did, vallet de
chambre de la fœur du roy François avec quel-
ques autres particularitez de fa vie que j'ay ci-
devant touchées, enfin il fe refolut de fouffnr fes
miferes, puifque le Roy luy mefme, fon bon mail-
Clément Marot. a\
tre, n'en eftoit pas alors exempt, eftant auffy bien
que luy prifonnier en Efpagne, & aiifTy bien que
luy malmené de la mauvaife fortune. En quoy il
paroifl que, comme les grands poètes ont quelques
forts attachements à la vertu des grands princes,
ils ont encore beaucoup de fympathie avec leur
bonne ou leur mauvaife fortune.
Ses Elégies font efcrites d'un ftyle fi naïf que
fon temps n'a rien produit de mieux.
Quant à fes Epiftres, on peut dire, fans le
flatter, qu'elles font aù-deffus du mérite de fon
fiecle, & mefme qu'elles doivent vivre jufque au
dernier de tous les fiecles, furtout celle qu'il
addreffe au roy François premier, après avoir efté
defrobé par fon vallet, & l'autre où il fupplie Sa
Majefté de le délivrer de prifon; car il me femble
qu'il fe rencontre là autant de naturel, voire
mefme autant d'efprit, que l'on en puifle rencon-
trer dans pas une auftre pièce de cefte nature,
& entre tant de bonnes chofes ce trait me femble
excellent & pathétique :
Au mi f érable corps.
Dont je vous parle, il n'efl demeuré fors
Le pauvre efprit qui lamente & f ouf pire.
Et en pleurant tafche de vous faire rire.
Son autre Epiftre au mefme prince , pour luy
recommander Papillon, poëte franc ois, qui eftoit
malade, a, ce me femble, aufly des agremens tout
particuliers & tefmoigne bien par là qu'il n'eftoit
Les Trois Marot.
pas moins excellent amy qu'excellent poète. Belle
Lcon certes pour quelques poètes env.eux de
noftre temps, qui, bien loin de féconder de le;^
"vorable fufege la fortune de le- «iodes anu,
tafchent toujours de la deftruire par le"- lafches
medifances & parleurs impertmentes cenfures.
meauai.c y youUo s exammer
Je n'aurois jamais taiCt, n )>- vuu
icy ponctuellement tous les ouvrages de ce be
ef^It; il fuffit d'adjoufter que fes EpiS-~ "
nrefqùe toutes le fel & la pomte de celles de
'mLL.S. qu'elles ont auffypaffé de jn temps
pour des chefs-d'œuvre qui Pe^-ve" bien eftre
encore l'agréable divert.ffement d" ""ft"^^ ' f f^
parmy fes Complaintes, celle P-r le gêner IPru-
dhome & celle pour Flonmond Robertet, & E^o
gue pour la reyne mère, Loyfe de Savoie, fon
efcriL d'un fi bel air & d'un ftyle fi Poénq- & fi
pailoral que les Tombeaux de Jean Second & les
Ces funèbres de l'antique Mofchus & de Bion
Jfme n'ont rien de plus fort , ny de plus agréable ;
le doae leaeur en peut juger auffy bien que moy.
Mais comme au rapport d'Eftienne Pafqu.e
(Recherches de la France, 1. vu, c. , ) , ce fut Clément
Marot qui reforma le Romant de la Rofe & qui e
fit parler le langage de fon temps aifin d.nviter
les efprits délicats à la ledure de cefte vieille
& fameufe antiquaille, fi nous en croyons encore
quelques autheurs, il traduifit en vers franço.s le
colloque d'Erafme de rAbbé& de la Femme favante
avec ceUuy de la Vierge |.«<;y=<P5, ou qm hait le ma-
riage, & compofa le Sermon du bon & du mauvais
Clément Marot. 43
pajleur, la Complainte du pajioureau chrejîien, faiâe
en forme d'Eglogue rujiiqiie foiibs la perfonne de
Pan, dieu des bergers, trouvée après la mort de
Tautheur en la ville de Chambery, & imprimée à
Rouen Tan i S49 ; ^^ Balladin & le Riche en pauvreté,
joyeux en affliâion & content en fouffrance, impri-
mez à Thurin, pièces qui ne fe rencontrent point
dans le corps de fes livres.
Apres tant de beaux & de divers ouvrages, il
ne faut pas s'eftonner û les plus habiles hommes
de Ton fiecle, & mefme du fiecle fuivant , ont û
hautement exalté fon mérite, & û nous voyons
leurs efcrits briller de la fplendeur de fon nom ;
la plus part de fes amis, &, entre les autres,
Charles Fontaine , faifant allufion fur le nom de
Marot, l'appeloient le Maro, ou le Virgile de fon
fiecle; mais quant à luy il croyoit bien, à la vérité,
en avoir le nom, mais non pas le mérite, tefmoin
ce qu'il did là-deffus fi naïfvement, & fi juftement
auify, dans fon EnfFer :
Quand au furnom, aufff vraj qu'Evangile,
Il tire à cil du po'éte Virgile,
Jadis cherj de Mecenas à Rome,
Maro s'appelle & Marot je me nomme;
Marot je fuis, & Maro ne fuis pas.
Il n'en fut onc depuis le Jien tj^efpas ;
Mais puif qu'avons un vray Mecenas ores,
Quelque Maro nous pouvons voir encordes.
Charles de Sainde-Marthe, dans fon Tempe
44 Les Trois Marot.
de France luy rend ce tefmoig-nage d'eftime & le
met au premier rang^ de nos autheurs François :
Calliope, la mufe refonnante,
A par fa voix une voix conformante,
Cefi fon Marot, le poëte fçavatit.
Lequel premier met la plume en avant.
Plume de mots & fentence fertile.
Plume à trouver & à coucher fubtile.
Il luy addrefTa encore plufieurs autres vers
comme l'epigramme fur fon vallet qui Favoit
defrobé. Elle commence ainfy :
Ton ferviteur le mien avoit appris.
Ou tous deux ont efié à mefme ef choie;
jy ay efié, comme toj, fi bien pris
Qu'il ne m'eft pas demeuré une obole;
Le tien efioit de f ai 8 & de parolle
Un vrai gafcon; fi le mien ne Vétoit,
A tout le moins bonne mine en portoit, &c.
Celle qu'il fît pour refponfe à quelqu'un qui
l'exhortoit de mettre fes vers en lumière :
Chafcun Marot efcrivant ne peut efire
Pour attirer le leâteur par douxfijle, ôc.
Celle qu'il luy addreffe comme à fon père d'al-
liance & comme à fon maiftre en poëfie :
Que dira-t-on de me voir fi hardj
De compofer après toy cher Clément? &c.
Clément Marot.
, Celle où ,1 le prie, comme allant fon bon amv
de^>.c_nder Tes oeuvres à la duchelTe ^
Tu vors. Marot. quel moyen j'ay trouvé
Donnant mon livre à la perle de Franee. &c.
Celle du faux bruit de fa
mort
Il fut un bruit que Marot efioit mort
Et ee bruit faux un menteur affeura. &c.
Et finalement dans fon epiftre en profe au
recretau-e d'Avanfon, ,1 le met en tefte desteau"
efpnts de fon temps qu',1 eftimoit le plus Euftol
de Beauheu, dans fes divers rapports^ luy addrel
appeUe très éloquent poëte, & eftime fa ville de
dans" ÎoTfe rr'/^ ''^™'^ l"^''- -"P^ '«^
content V.'"' f" ^'"''''"''' "°" ^^"'l^-ent
conten de 1 avo.r, dans fon art poétique francois
futurs, le loue encore hautement dans fon Ouintil
les diverfes rymes de fon invention, & dans la
SldÏT 'V "''''-' ^'Ovide/tefmoince
^^■«/r ^/^/^ Mu/eus rAnden,
Poëte grec, qui pour le coimnm bien
^ Les Trois Marot.
Qu'on peut cueiWr de fa fagedoarine, ,
Parle francois par la langue dmne
farte ji , X Mnrnt en France,
nu ^rand Uaro, nomme Marot
^ 1 nu non la Romaine arrogance.
Le veuille, ou non
Marot non moindre en fa françotj
, r^ infiQ-ue romaine.
Qu'ejioit Maro en fa langue
•. H.bert d'iffoudun, dans fes rondeaux,
po'ëtesfrançoispl commence amfy.
Comme à Plate je crois ,u'en ton enfance,
Zs le berceau, en fgned'eWence
Mouches à nnel te ren,pliffoient la touche, &c.
D.„s Tes v.fions ^^^f^'^ZnlnTZ':.
Lieffe, il faia une longue d.greffion en
En voicy quelques vieilles rymes :
Our ce Marot, que tu me verras lire,
pZs dou. eft-il que d'0,yHeus la lyre.
Car R Virgile efl poète plus grave
Entre Latins, aufrreft le plus trave
Entre François ce Marot ^"^J'f''
Chafcun le peut cognoiflre par fes d,as.
Et ne crof point que par fuavite
Il n'ait de nom jufte confimté
Au grand Maro, & qu'il en fo.t proptce
De militer & vivre fous la hce
De vos efprits; donc après la leBure
De mots dorés d' élégante faSure,
Clément Marot. An
Prins & choifis au livre marotic
Tenant de l'art & engin poëtic,
Ny a celluy d'entre eux qui ne s'hardie
D'aimer Marot & puis ne l'ejiudie, &c.
Dans Tes epigrammes qui font à la fin de Ton
Temple de la Chafteté, il faia fouvent fort hon-
norable commémoration de luy, tefmoin celle qui
commence :
Qiii tient propos de Cahors en Qiiercy,
Du bon Marot la terre naturelle,
Cognoijl ajfei ce paj-s efclaircy
D'avoir produit une femence telle, &c.
Parmy fon recueil d'epitaphes, j'y en ay ren-
contré une de fa façon qui porte pour titre :
Epitaphe de feu Clément Marot, prince des
poètes de fon temps, & qui eft conceue en ces
termes deferans au poffible :
Lorfque la mort par envie & outrance
Fit à Thurin choir Marot à l'envers.
Vous eujjîei ^<^" les poètes de France
Plorer leur père en deuil & plaints divers.
Là difoient-ils, fera mangé des vers
Le bon poëte, amoureux de P allas.
Puis tout Soudain ils entroient en foulas,
Difants, le corps fubjet à pouriture
Thurin i^eçoit, mais les hauts deux, helas!
Ont eu l'efprit, France fon efcriture.
48 Les Trois Mavot.
Finalement, dans fon epiilre latine, qui eft
inférée à la fin de Tes commentaires des divins
oracles de Zoroaftre, ancien philofophe grec, fai-
fant une doéle enumeration des fçavans hommes
& des beaux efprits de fon fiecle, il parle ainfy
honorablement du poëte Clément Marot : Perpe-
tuum fpleiidoris fui fpecimen pojieris reliquit Cle-
înens Marotus. C'eft-à-dire que Clément Marot a
laifTé par fes fameux efcrits un éternel échantil-
lon de fa fplendeur & de fa gloire à la pofterité.
Jean le Mafle, Angevin , dans fes annotations
fur le Bréviaire des nobles , parlant des epi-
grammes de Clément Marot, diél que nos poètes,
devenant à fon exemple plus délicats & plus
friands , commencent à quitter les triolets & les
virelais pour accouftrer l'epigramme en la forme
qu'on la voyoit alors. Jean Doublet, Dieppois,
dans fes diverfes élégies, introduit une vieille
dariolette ou maquerelle, qui enfeigne à une belle
& jeune iîlle l'art d'aimer pour le gain & à faire
quelque honteux traffic de fon corps, & luy faiét
dire qu'elle ne fe doibt point laiffer charmer aux
beaux vers de fon fiecle, fuifent-ils ceux de Marot,
ou de Ronfard mefme, qu'il appelle le Pindare
gaulois ; où, en paffant, je diray qu'il femble que
la Macette de Régnier ne foit qu'une copie de ce
vieux original, fi ce n'eft qu'ils ayent tous deux
emprunté la mefme chofe du Bernia, ou de quel-
que autre poëte italien. Eftienne Forcadel, après
fon chant des Seraines, luy confacre quelques
vers qui me font échappez de la mémoire.
Clément Marot.
Jacques Pelletier du Mans, dans fon Art poé-
tique françcs parlant de la première introdulio„
des odes en France, m que les pfeaume d"
Marot font de vrayes odes & qu'il „e leur en
manque que le non,, comme aux autres la chofe
Et plus bas, parlant de la fatyre francoife, il dia
que de fon temps Clément Marot fot le premiet
qu. en fit & qui l'appela coq à l'afne, dont il donne
es ra.fons que l'on peut voir à loi/ir dans fon
l.vre. Ma,s pour rendre l'honneur qu'il do.b aux
poètes de fon temps, il d.a ces parolles d'u^ ex-
ceUent homme, qui font fort confiderables, que
nous n avons Jamais eu en France un poë e de
P us heureux naturel, qu. n'a eu pas u'n au..e
deffaut, finon qu'd n'a pas voullu grand chofe
ayant peu tout ce qu'U a voullu, homme .nim!:
table en certames fehcitez & finguherement en la
traduflion des pfeaumes , œuvres à vivr. , ,
m.o i'„ 0 1 ' "^"""^es a vivre autant
que I ouy & le non, tant pour la matière que pour
la forme, & tant pour l'ame que pour le corps
François Burgot fait mention de noftre poëte
en quelque endroit de fes ouvrages qu'il feroit
peut eftre ennuyeux de citer.
A-^^^^v""^- ^^ ^^'^' "°" '^""«"^ ^""""e i'ay
diét de lavoir mis parmy fes Illujlres. & d'avoir
compofé des vers latins fur fa mort, ne defdaiVna
pas encore de luy confacrer cefte epigramme en
noftre langue ■
J'admire ton efprit en mille inventions
Qui ton nom graveront au temple de mémoire.
4
y^'
;-o Les Trois Marot.
Mais des pfeaumes faints tes riches ver/tons
Te couronnent, Marot, d'une éternelle gloire.
Il eft bien jufte auffy que, comme il loue hau-
tement la beauté de fon efprit, il condamne ail-
leurs le libertinage de fa vie , en difant que ce
poëte ayant paffé prefque toute fa vie à la fuitte
de la cour où Fhonnefteté & la pieté n'ont guère
d'audiance, il ne fe foucia pas beaucoup de refor-
, . mer fa vie peu chreftienne, ains fe gouvernoit à
Jlr,. fa manière accouftumée mefme en fa vieilleffe.
- C'eft le jugement de Beze ; mais après tout laiflbns
au grand & divin fcrutateur des cœurs, fi j'ofe
efcorcher ce mot du latin des Efcritures Sainéles,
à juger des aétions des hommes puifqu'il en juge
nettement & fans paiîîon. Quoy que Joachin du
Bellay en plufieurs endroits de fon traiélé de
V Illujiration de la langue françoife femble ne pas
eftimer beaucoup les œuvres de Marot, lorfqu'il
fe rid de ceux qui s'attachent fî fort à Fimiter
(1. 5, c, 8.) qu'il femble mefme le blafmer, o chofe
eftrange, pour avoir, did-il, trop fuperftitieufe-
ment entremeflé dans tous fes pfeaumes les vers
mafcuhns avec les féminins, & qu'il appelle le
demeflé, qu'eut ce poëte avec un de fes plus
fameux adverfaires, la farce de Marot & de Sagon.
Si eft ce qu'il ne put s'empefcher de rendre le
tefmoignage à la vérité lorfqu'il compofa une
epitaphe en fa louange , dont je ne rapporteray
que les premiers vers, puifqu'on la peut voir en-
tière dans fes œuvres qui font fort publiques.
Clément Marot.
Si de cellur le tombeau veut fçavoir
f' d' Marc avait plus due l'e nom
Il te convient tous les lieux aller voir
Ou Franee a mis le but de fon renom. &c.
la manière de ViX""""" ^" ^^^^' ^^^P-- à
27'' '' '"'"■'■ '<" P'^^-nont. l'univers
Mejit, me t.nt, m'enterra, me eognut
^l^-' """""'■'" ^ourt tout mol temps eut
P.edmont mes os & l'univers mes vers.
quiefme cercle de fa C.W T'^"''"^' ''^"^ '« cm-
à propos de It nT:£^r,T'''''''f''"
ainry les louanges de Mafot ^''"^' ^'^""
^rot. l'un des premiers, d'un vers doux & facile
ûe /. mufefejit auditeur fort docile ^
tA chanta l'Epigramme & l'Eglogue bien joint
Ta^ après Martial ,ue Virgile plus coijt
Punfonjlyle elima de façon plus heureufe
^2 Les Trois Marot.
En la tnetamorphofe héroïque & nomhreufe.
Et aux chants de David qu'en vers il a rendus
AJfei bien agence^ & non pas entendus.
Guillaume de Sallufte du Bartas, dans le fé-
cond jour (Babylone) de fa grande Semaine, louant
ceux qui ont le mieux cultivé noftre langue fran-
çoife, rend cet éternel & véritable éloge à Clé-
ment Marot :
Mais qui font les François? ce terme fans façon
D'où la groffiere main du pareffeux maçon
A levé feullement les plus dures écailles,
C'ejl tof Clément Marot qui, furieux, travailles
Artiflement fans art, & poingt d'un beau foucf
Tranfporte Helicon d'Italie en Quercj,
Marot que je venere ainff qu'un coiffée
Noircf, brifé, mouffu, une médaille ufée
Un ef corné tombeau; non tant pour leur beauté
Que pour le faind refpeâ de leur antiquité, &c.
Jean Vulteïus de Rheims, qui publia, Tan 1^37,
quatre livres d'Epigrammes latines, femble avoir
pris à tafche de le louer prefque dans toutes les
pages de fon livre. Je n'en rapporteray icy que cefte
feuUe epigramme qui eft peut eftre une des plus
fubtiles, car la plus part des autres me femblent
fi fades, que celles que l'on appelle epigrammes
à la grecque ne le fauroient eftre davantage. C'eft
donc ainfy qu'il parle à Marot :
Clément Marot.
Grata bonis funt grata ,„a!is tua carmina; doais
Indoa,s tua funt carmina grata ftmul
Hoc magnum pulchrum.ue puta, na,n maxima laus eft
Pojfe placere bonis, poffe placerc malis.
Mais puifque j'en fuis fur le latin, ce fameux
autheur d'Ital.e, L,l.us Gyraldus, dans fo„ ^Z
dialogue des poètes de fon temps, rend ce tefmoi-
gnage en faveur de celuy dont .1 eft queftion. Ce-
l'-2f'P'-'"''''-'S'^Gallorum,plurimafuoicliomate
; *; f " ^^'•^%'""' confcripta edidit, inter auœ
f''"'^e'^'norphof,s0.idiana,&VirgiUiEglogaJu.
d'cum M,nois. Encomium Beroaldi & aliapermulta
tum profana, tum etiamfacra.- & puis que l'on difé
que le nom de nos poètes vulgaires ne paffe pas'
les Alpes avec honneur! De moy, j'ay de grandes \
obl,gat.ons à l'Italie qui eft devenue fi foulent ^
1 écho de mes vers, & qui fi foulent aufly les faiél
parler fa langue, mais d'un air hien pL noblt
& plus efclattant que je ne les fis jama.s parler la
noftre. Vous le tefmoignerez à la pofterité grands
Bagn,s, doaes Camoles, illuftres Allacis qui n'avez
pas dédaigné d'eftre les fidelles interprètes de
2Vr . ? t ''' '^°™'"""i'î"er aux Nymphes
de lArne & du Tybre; je debvois ce me femble
cefte pente difgreffion à ces excellens hommes
qu, m ont fa,a tant d'honneur; mais pour retour-
ner d ou nous fommes partis, Jean Edouard
du Monm, que j'appellerois volontiers le dode
& ténébreux fanfaron de noftre Parnaffe dans fon
54 Les Trois Marot.
Temple de la Poëfie philofophique, après en avoir
exclus quelques petits efprits de Ton fiecle qu^l
appelle des ombres vagabondes & des fonnetteurs
françois, dia qu'il vaudroit bien mieux y intro-
duire Rabelais & Marot.
Pour entrer en crédit en nojtre fainâ palais
Où logeroit plus tôt Marot & Rabelais.
Eftienne Tabourot rapporte par cy par là plu-
iieurs vers de Marot dans Tes agréables Bigar-
rures; rautheur du Promptuaire des médailles,
dans fa féconde partie, après avoir did que Tes
vers fembleroientpeu de chofe en comparaifon de
ceux d'aujourd'huy, fi eft ce qu'il ne defdaigne
pas de nous donner fon portrait & de dire enfuitte
qu'il s'eft acquis de grandes louanges des le temps
que la poëfie françoife a commencé d'eftre en prix
& en eftime. Mais celluy qui nous a donné en
abrégé Phiftoire chronologique des grands hommes
du dernier fiecle, paffe bien plus avant lorfque
parlant de Marot, il n'en dia que ces deux mots
qui font très remarquables, c'eft affavoir qu'il
eftoit le poëte des princes & le prince des poètes
de fon aage. François des Rues, dans fa defcrip-
tion des villes de France, en parlant de Cahors
en Quercy, n'oubhe pas de remarquer que c'eftoit
la ville natale de Clément Marot, l'un des pre-
miers poètes du dernier fiecle. Eftienne Pafquier
ne fe peut lafTer de le citer & de le louer en mille
endroits de fes dodes Recherches de la France
Clément Marot.
& Spécialement dans Ton fepriefme livr. r> '
Roche on 'tous 1^°""'^ & Marefcha. de la
pneur de Sa,ne-Rom„aId, feuillant, d L e troi '
fieme volume de Ton Threfor chr'onolojique t
eT ~f/,:,?°r- ■""'^-^ de roni:^:: ï
en vray qu il fe meconte lorfau'il HiA «
l.eu que Marot avo.t traduit en vers f 1 1 "
despreaumes deDavM^puir^u'effealtr Z
deflus & comme le d.fent en termes exprès Théo
dore de Beze & Eftienne Pafquier. Mail le ne"
rero.t ,ama s faia, /i ;'al,e,uoisMcy cous eux I
ont honorablement parlé de luy. Qu'il ll.ffil
r; 't""" 'ï"^ ^^ '"^ ^y -«^ toutÎ etate'
&^ns lever la plume, ceux-là feulement "rj
ront prefentez à ma mémoire. 11 eft bien vray Le
TfÎltts "^ '"''''' ''""-'"- -^^ -
■fepri/e de Marot le chef-d'œuvre chanté
hn la mufe françoife ore plus accomplie,
Auffy bien que celluy qui pour louer le grand
uunt voicy le premier vers :
Lefollajtre Marot mefaid tout fondre en ris.
5^ Les Trois Ma rot.
Mais poiivois-je paffer icy foubs filence la
Frefnaye Vauquelin qui dans Ton Art poétique
François parle ainfy de noftre fameux Marot en
parlant du progrès de la fatyre.
Depuis, les coq à Vafne à ces vers fuccederent.
Qui les rimeursfrançois trop longtemps pojfederent.
Dont Marot eut l'honneur, &c.
Et en un autre endroit il loue hautement Ton
petit recueil d'Eftrennes. Vofîîus parle encore de
luy en termes fort honnorables, & voilà tout ce que
jufqu'à prefent j'ay trouvé de ceft excellent homme
du fiecle de François premier dans mes longues
^ pénibles leélures.
MICHEL MAROT
ONT RE la maxime d'Horace, il n'ar-
rive que trop fouvent que les forts
n'engendrent pas des forts, que les
aigles ne produifent que des colombes,
& mefme, félon le commun proverbe Filii Heroum
noxa, que les héros ne mettent au monde que des
lafches & des pagnotes. Cela fe peut voir claire-
ment en la perfonne de celluy cy; car encore qu'il
fut €]s de Clément Marot, prince des poètes de
fon temps, fi eft ce que bien loin de fucceder à la
principauté de fon père, il laifla paffer fon fceptre
en d'autres mains & ne fe fentit aucunement du
lieu de fa naiffance. Ce qui me faiél croire que ce
iîls proffita fort peu des inllrudions de fon père,
ou plus toft que fon père luy faillit auparavant
^8 Les Trois Mat^ot.
qu'il fuft en aage de les recevoir. Quoy qu'il en
foit, il le vouUut imiter en faifant quelquefois les
rymes ; mais comme fon père en avoit fai6l pour
fa gloire , celluy cy n'en fit qu'à fa honte , puif-
qu'elles font déplorables au dernier point. Certes
en matière d'èftude & de réputation que l'on y
acquiert, je ferois volontiers de l'advis de ce grand
& célèbre jurifconfulte Jacques Cujas. Il n'avoit
qu'un fils, & jugeant bien qu'il eftoit naturellement
ennemy du travail, & par confequent qu'il ne
pourroit jamais tenir un rang notable parmy les
grands jurifconfultes de fon fiecle, ny marcher
dignement fur les traces paternelles , il le divertit
de cefte eftude fevere, & le laiflant fuivre fes incli-
nations, il luy donna de quoy fubfiller dans le jeu
& dans les agréables compagnies des courtifans
& des dames. En effet on ne doibt pas eftre blafmé
pour n'eftre pas fçavant, mais on le doibt eftre
pour fe piquer d'un art où l'on eft incapable de
reuflîr. Tous les enffans des poètes ne font pas
obligez d'eftre poètes de mefime ; mais ils font obli-
gez de ne rien produire qui foit indigne de la
réputation du nom qu'ils portent. Ce Marot donc
fit des vers, mais fi lafches & fi fades, qu'il eut
beaucoup mieux faiél de lire ceux de fon père que
de nous donner les fiens. Quiconque fera curieux
d'en voir n'a qu'à confulter le livre qu'Antoine
Couillard efcrivit contre les prophéties de Noftra-
damus & qui fut imprimé à Paris l'an 1560,
puifque l'on trouve là de fes odes & de fes epi-
grammes qui certes n'ont rien du fleury d'Ho-
Michel Marot. cç
race, ny de Taigu de Martial; tefmoin ce com-
mencement d'une ode qu'il addreffa à la reyne de
Navarre, princeffe qui Faimoit fans doubte en la
coniîderation de Ton père :
Ma princejje.
Ma maijlrejfe.
Je fuis le fils de Clément,
Qui fans rufe
Par fa miife
Salue la Reyne humblement.
Je n'ay grâce.
Ni l'audace
Telle que mon père avoit,
Ny la veine
Souveraine
Dont fi bien chanter fouloit ;
Qui me garde
Et retarde
De m' offrir devant tes yeux
La peur forte
Que je porte
Efl que ne puis faire mieux.
Et le refte qui ne juftifie que trop la vérité de
ce dernier vers. Voicy encore une de fes fades
epigrammes au feigneur du Pavillon , Antoine
Couillard, Ton amy intime & fon frère d'alliance ,
qui pour recompenfe luy en addreffa plufieurs
autres.
6o Les Trois Marot.
Efprit divin de bonne y^ace jjfu.
Où font ajjîs des deejfes les dons,
Excufe un peu inon efcrit mal tijfii
Que prefenter à tes clairs j^eux ofons.
Socrate peut qu'un chafcun cognoijfons,
Ainfj, pour vray n'ejlant feur de moy mefme,
N'ofois chanter à ta lyre fuprefme.
Mais puif que fay ta volonté cognue
Ne craindras plus de t'en donner de mefme
Puifqu'envers toy ma mufe ejî devenue.
Comme toutes les autres ne font pas de meil-
leure trempe, je m'abftiendray d'en rapporter icy
davantage.
Je croy qu'il mourut afTez jeune, & que ce fut
environ l'an 1 560. Et je fonde ma créance prefque
indubitable fur ce que je rencontre fort peu de fes
vers, & que je ne trouve point, ou peu d'autheurs
de fon temps qui ayent parlé de luy. Sa devife
qui efloit trifîe & penfif, me perfuade encore que,
n'ayant rien du mérite de fon père, il ne fe fentit
que de fa mauvaife fortune , & que l'accompa-
gnant dans fon départ précipité de la cour de
France, il avoit ruiné fa famille & laiffé tout à
l'abandon , car je trouve dans une de fes epi-
grammes qu'il iit un voyage pénible en Italie,
c'eft ainfy qu'il en parle :
A. mon retour du pays de Ferrare,
Par Chambery mon chemin s' addrejfant ,
J'ai trouvé certe une chofe bien rare
Michel Marot. 6i
Ail cabinet de mon père Clément,
Car revolvaiit fes efcrits pour les lire...
Et le refle , où il dit ruftiquement qu'entre les
manufcrits de Ton père il trouva une lettre en
ryme qu'il addreffoit à ce feigneur du Pavillon,
Antoine Couillard ; mais je me fuis aflez expliqué
fur cet article dans la vie de celluy là, difant que
j'avois peine à croire que celte epiftre fut .du %le
de Clément Marot, car il y a toutes les apparences
du monde que c'ell plus toft une produélion du fils
que du père.
Antoine du Verdier & La Croix du Maine ont
faiét mention de luy dans leur Bibliothèque fran-
çoife , & l'autheur du Promptuaire des arts & des
fciences ne l'a pas oublié dans fon catalogue.
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