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Full text of "Notices biographiques sur les trois Marot. Précédemment transcrites d'après le manuscrit détruit dans l'incendie de la bibliothèque du Louvre, le 24 mai 1871 & publiées pour la première fois par Georges Guiffrey"

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Colletet,  Guillaume 

Notices  biographiques  sur  les 
trois  Marot. 


NOTICES    BIOGRAPHIQUES 


SUK 


Les  Trois   Marot 


Par    G.    COLLETET 


Précédemment   tranfcrites  daprès  le  manufcrit  détruit 

dans  l'incendie  de  la  bibliothèque  du  Louvre 

le    24    mai    187T    &    publiées 

pour  la  première  fois 

par 
GEORGES     GUIFFREY 


A     PARIS 
C/ie:^    A\     Lemerre ,     Libraire 

47,     PASSAGE     CHOISEUL,     47 
1871 


NOTICES    BIOGRAPHIQUES 


SUR 


Les    Trois    Marot 


NOTICES    BIOGRAPHIQUES 


SUR 


Les  Trois   Marot 


Par    G.    COLLETET 


Précédemment  tranfcrites  d'après  le  manufcrit  détruit 

dans  l'incendie  de  la  bibliothèque  du  Louvre 

le   24   mai    1871    &   publiées 

pour  la  première  €ois 


par 

i 

GEORGES    GUIFFREY 


A    PARIS 
Chc:^    A.     Lemerre,     Libraire 

47,     PASSAGE    CHOISEUL,    47 
I  87  I 


Pu 


â07284 


JEAN    MAROT 


OMME  l'Aurore  eft  d'autant  plus 
chère  &  plus  agréable  à  la  Terre 
qu'elle  eft  la  couriere  de  ce  bel  aftre 
qui  l'anime  &  qui  fait  fleurir  &  fruc- 
tifier toutes  chofes;  auify  qui  confiderera  Jean 
Marot,  comme  l'autheur  de  la  vie  de  Clément, 
bénira  mille  fois  l'heureufe  naifTance  du  père  qui 
mit  un  tel  fils  au  monde.  Et  en  cela  il  luy  advint 
comme  à  Loiiis  de  Ronfard,  à  Oélavien  de  Saind- 
Gelais,  à  Jules  de  l'Efcale,  à  Jean  Douza,  à  Vef- 
pafien  StrofTe,  &  à  quelques  autres  qui  furent 
poètes  véritablement,  mais  qui  produifirent  des 
enfans  qui  l'emportèrent  de  bien  loin  fur  eux  dans 
le  facré  myftere  de  la  poëfie  ;  puifque  Pierre  de 
Ronfard,  Mellin    de    Saind- Gelais,    Jofeph    de 


6  Les   Trois  Marot. 

TEfcale,  Jean  Douza,  &  Hercule  StrofTe,  furent 
de  grands  foleils  fur  le  ParnafTe  des  Mufes  latines 
&  françoifes ,  qui  effacèrent  la  fplendeur  des 
avant  coureurs  de  leur  lumière.  Celuy  dont  je 
veux  parler  nafquit  en  la  ville  de  Caen  en  Nor- 
mandie, province  fî  fertile  en  poètes  que  Clément 
Marot  mefines  en  rend  ce  fidèle  tefmoignage 
en  faveur  de  fon  père  qu'il  appelle  fon  arbre 
paternel   : 

De  Jean  de  Meun  s'enfle  le  cours  de  Loire, 
En  maiftre  Alain  Normandie  prend  gloire 
Et  plaint  encor  mon  arbre  paternel,  &c. . . 

I 
Comme  il  eftoit  pourveu  d'un  gentil  efprit  qui 
Texcitoit  à  la  poëfie,  il  crut  qu'il  ne  devoit  point 
cacher  fon  talent  en  terre  &  que  pour  le  faire 
valloir,  il  devoit  venir  le  faire  efclatter  en  la  cour 
du  roy  Louis  XII,  qui  n'eftoit  gueres  de  moins 
père  des  Mufes  que  père  du  peuple,  ce  qu'il  fit 
certes  d'autant  plus  volontiers  qu'avec  beaucoup 
de  vertu  il  avoit  fort  peu  de  bonne  fortune,  tef- 
moin  ce  qu'en  diél  fon  fils  : 

Son  art  efloit  fon  bien  fpi?^ituel 
Et  Tefperance  efloit  fon  temporel. 

Les  poètes  eftoient  alors  fort  rares,  &  pour 
peu  qu'un  homme  euft  l'addreffe  de  mefurer  un 
vers  &  d'apparier  quelques  rymes  il  paflbit  pour 
un  efprit  inimitable,  ou  du  moins  fort  edevé  au 


Jean   Marot.  j 

deflus  du  vulgaire.  Quelques-unes  de  Tes  rymes 
scellant  efpandues  à  la  cour  parvinrent  jufques  au 
cabinet  de  la  royne  Anne,  duchefle  de  Bretagne, 
qui  les  leut  avec  plaifîr  &  qui  en  vouUut  cognoiftre 
Tautheur  5  &  fon  bonheur  voullut  que  cefte  ver- 
tueufe  princeffe  prifl  tant  de  gouft  à  fon  entretien, 
aufly  bien  qu'à  Tes  vers  qu^'elle  Tarrefta  des  lors  à 
fon  fervice  en  qualité  de  fon  poëte,  ou  de  fon 
efcrivain  ordinaire,  comme  ils  difoient,  &  luy 
ordonna  pour  cela  de  bons  gages.  Ainfy  Marot, 
qui  avoit  peine  à  fubfîfter  de  luy  mefme,  fe  vit  en 
eftat  de  faire  un  eftabliffement  folide  &  de  dire 
avec  raifon  : 


Que  les  bienfaits  ejî oient  fon  temporel. 


Mais,  comme  en  matière  d'advanoement  il  n'y  a 
prefque  que  la  première  planche  difficile  à  trou- 
ver, après  le  deceds  de  cefte  genereufe  princefTe, 
qui  fut  deux  fois  royne  de  France,  le  roy  Fran- 
çois I",  qui  aimoit  la  poëfie  &  les  poètes  plus  que 
tous  fes  predeceffeurs  enfemble,  &  qui  eftoit  bon 
poëte  luy  mefme,  ne  defdaigna  pas  de  jetter  les 
yeux  deffus  luy,  &,  pour  l'approcher  plus  près  de 
fa  perfonne,  de  luy  donner  une  charge  de  valet  de 
chambre  ordinaire  de  Sa  Majefté;  &  par  la  ren- 
contre d'un  fî  bon  maiftre,  Marot  fe  put  confoler 
de  la  perte  de  fa  bonne  maiftrefte.  Ce  fut  alors 
auffy  qu'il  mit  plus  que  jamais  la  main  à  la  plume 
&  qu'il  produifit  de  certaines  petites  fleurs  poé- 
tiques  qui  eurent  l'agrément   des  clames    &   par 


8  Les   Tt^oïs  Marot. 

confequent  de  toute  la  cour.  Comme  le  poëte 
Ennius  fuivit  le  grand  Scipion  dans  Tes  expédi- 
tions militaires,  Marot,  qui  fut  à  peu  près  l'En- 
nius  de  Ton  fiecle ,  fuivit  le  Roy,  fon  maiilre,  au 
voyag-e  d'Italie,  où  il  compofa  des  vers  qui  le 
firent  cognoiftre  tant  deçà  que  delà  les  Alpes. 
Car  encore  que  cet  autheur  n'euil  aucune  cognoif- 
fance  des  langues  grecques  &  latines,  &  qu'il  ne 
fe  fouftint  que  de  fes  propres  forces,  fi  eft  ce  que 
l'on  peut  dire  avec  vérité  que  la  nature  luy  avoit 
infpiré  ce  fecret  génie  qui  faiél  fmon  les  grands 
&  fublimes  poètes  du  moins  les  poètes  affez  ele- 
gans,  car  c'eft  ainfy  qu'Eftienne  Pafquier  appelle 
Jean  Marot  dans  fes  dodes  Recherches  de  la  France. 
Mais  quoy  qu'il  euft  compofé  beaucoup  de  divers 
ouvrages  qui  furent  fort  approuvez  de  fon  temps, 
fî  eft  ce  qu'il  fut  fi  peu  foigneux  de  les  recueillir 
de  fon  vivant  que  nous  n'avons  pas  la  quatriefme 
partie  de  ce  qu'il  avoit  faid.  N'eft  ce  point, 
comme  il  avoit  le  fens  fort  bon  &  le  jugement 
fort  clair  &  fort  pénétrant,  qu'il  fe  doutoit  bien 
que  noftre  langue  ne  s'enrichiroit  pas  beaucoup 
de  fes  fraifles  threfors,  &  qu'il  prevoyoit  déjà  que 
fon  fils  &  quelques  autres  efprits  de  fa  volée  effa- 
ceroient  bientôt  dans  fon  art  tous  ceux  qui  les 
avoient  précédez?  Certes,  fi  c'efl  cela,  il  n'avoit 
pas  mauvaife  raifon,  puifqu'il  falloit  bien  des 
efforts,  d'autres  élévations  d'efprit  &  d'autres 
génies  que  le  fien  pour  tirer  noftre  langue  de 
Tenffance  où  elle  eftoit,  &  pour  la  mettre  dans 
l'eftat  floriffant  où  nous  la  voyons.   Ce  n'eft  pas 


Jean   Ma?^ot.  q 

que  ces  premiers  efforts  foient  à  melprifer  puif- 
que  la  perfeétion  d'une  langue  n'eft  pas  l'ouvrage 
d'un  feul  règne,  ny  d'un  feul  homme,  mais  c'eft 
qu'ils  ne  méritent  pas  toute  la  louange  que  l'on 
doibt  aux  ouvrages  accomplis  &  affin  que  mon 
leéleur  puifTe  juger  de  foy  mefme  de  la  valeur 
des  fîens... 

L'an  1536,  Tes  œuvres  furent  imprimées  à 
Paris  foubs  le  titre  Le  Recueil  de  Jean  Marot  de 
Caen,^  &c.,  poëte,  &c.,  en  fuitte  de  l'adolefcence 
clémentine  de  fon  iils  ;  il  eft  bien  vray  qu'elles 
avoient  efté  déjà  imprimées  feparement  à  Paris 
chez  Pierre  Roffet,  mais  fans  la  datte  de  l'année. 
Elles  contiennent  plufieurs  rondeaux,  plufieurs 
epiftres  &  plufieurs  chants  royaux,  dignes,  ce  diél 
l'advis  au  leéleur,  d'eftre  non  feuUement  eftimez 
mais  admirez.  Mais  fi  l'Admiration»  comme  difent 
les  fages,  eft  la  fille  de  l'Ignorance,  il  nous  excu- 
fera  bien  fi,  ayant  quelque  lumière  des  chofes 
dont  il  s'agit,  nous  demeurons  dans  les  fimples 
termes  de  l'eftime  &  n'allons  pas  jufques  à  l'ad- 
miration. 

Pour  ce  que  fes  vingt  quatre  rondeaux^  dont  il 
compofa  le  Doâtrinal  des  princejfes  &  nobles  dames, 
font  la  première  &  peut  eftre  la  principale  partie 
de  fon  livre  en  ce  qu'elle  contient  plufieurs  enfei- 
gnements  falutaires  à  bien  vivre,  j'en  rapporteray 
pour  exemple  celuy  cy  où  il  confeille  aux  dames 
de  condition  d'avoir  toujours  chez  elles  des  gens 
dodes  &  lettrez  comme  il  les  appelle  dans  fon 
titre  : 


10  Les   Tî^ois  Marot. 

Et!  fa  mat/on  doibt  la  princejfe  avoir 
Gens  bien  lettre^,  car  ainfy  qu'on  peut  voir 
Que  l'arbre  &  fruiâ  le  verger  embellijî. 
L'homme  fçavant  fa  demeure  ennoblit. 
Par  la  doBrine  iffant  de  fon  fçavoir. 
Tout  bon  confeil  elle  en  peut  recevoir. 
Mais  d'un  gros  fol  certes  à  dire  voir 
Autant  vaudroit  qu'il  dormift  fur  un  lit 

En  fa  maifon. 
Préférer  faut  fcience  à  tout  avoir  : 
La  raifon  eft,  que  l'or  ne  peut  pourvoir 
Oit  fens  humain  fon  vouloir  accomplift, 
Princeffe  donc  de  grand  honneur  s'emplifl. 
Qui  d'attirer  gpis  difcrets  faiâ  devoir 

En  fa  maifon. 

Entre  fes  epiftres,  celle,  qu'au  nom  des  dames 
de  Paris  il  addrefle  au  roy  François  I",  eftant  delà 
les  monts,  &  ayant  deifaia  les  SuifTes,  eft  affez 
ingenieufe;  mais  encore  n'eft  elle  rien  auprès  de 
celle  qu'il  efcrivit  de  Milan  à  la  royne  Claude, 
première  femme  du  roy  François  F",  où  il  avoit 
commencé  de  faire  le  naïf  &  véritable  tableau  de 
la  deffaiéte  des  SuifTes  au  camp  de  Sainéle  Bri- 
gide,  deflein  que  la  mort  prévint  au  grand  regret 
de  ceux  qui  euffent  efté  ravis  de  lire  des  chofes 
mémorables  dont  l'autheur  avoit  efté  le  tefmoin 
oculaire;  elle  commence  de  la  forte  : 

Tige  d'honneur,  hermine  liliale, 
Chappeau  ducal  foubs  couronne  loyalle. 


Jean   Marot.  ii 

Refplendijfaiit  par  fon  celejîe  lujlre 
Inextinguible,  6  dame  très  illujlre. 
Ne  t'efbahisfi  moy,  fiinple  orateur. 
De  ta  mai/on  le  moindre  ferviteur, 
Ay  o^ê  prendre  audace  de  fefcrire  ; 
Car  le  fubjet  que  je  prétends  infcrire 
En  cejîe  carte,  eji  Jî  très  favorable. 
Doux  &  plaifant  que  l'auras  agréable. 
Comme  je  crois,  &  que  n'auras  efgard 
Si  l'efcrit  vient  de  bajfe  &  fimple  part. 
Autre  rai  fon,  fouveraine  princeffe. 
Me  donne  cœur,  c'eji  que  plus  grand  liejje 
Ne  pourroit  dame  en  fon  cœur  recevoir 
Que  bon  rapport  du  fien  efpoux  avoir. 

Et  le  relie  où,  dans  un  vieux  ftyle,  il  y  a  d'af- 
fez  bons  &  topiques  pour  un  homme  qui  n'avoit 
que  fa  rhétorique  naturelle.  Ce  qu'il  confirme 
encore  par  fa  refponfe  des  Eftats  de  France  aux 
feditieux,  qu'il  traitte  auffy  mal  par  fa  plume,  que 
fon  prince  les  avoit  mal  traittez  avec  Tes  armes. 
Et  c'eft  là  qu'il  monftre  comme  la  fortune  a  grande 
part  aux  affaires  humaines  ,  &  que  pour  avoir 
comme  laiffé  perdre  Milan  on  peut  juger  par  la 
prife  de  Fontarabie  en  peu  de  mois,  &  de  Hefdin 
en  moins  d'un  jour,  quelle  eft  la  valeur  des  Fran- 
çois dans  le  cours  de  leurs  conqueftes. 

Mais  pour  ne  point  parler  de  fes  chants  royaux, 
qui  font  tous  des  matières  chreftiennes  &  pieufes 
&  qui  ne  font  pas  mal  faits  en  leur  genre ,  je  ne 
puis  m'empefcher  de  rapporter  encore  icy  un  de 


12 


Les    Trois  Marot. 


Tes  derniers  &  plus  naift  rondeaux  ».  .     ^. 

P'us  que  ce  vieux  ffenre  dlTr'         '  ''""'=>"' 

'■orte  renouvelle  de  n!fl        ^  ^^''  '  "'*'^  ''^  ^«^"e 

.-  pas  de  ^o  s,%T:::iT'  '^"'^  "'^  ^  p-^- 

%ent  «efles  d^n  faire  ''°''''  "î"'  "^  ^^^ 

par  ceft  ample  recûernT'  P°"""'  °"  ''  P^"'  ^°"- 
peu  de  ;ours.  ^"'  '  ""  ^"  ="  '=°"'P''é  depuis 

(^omme  ma  très  honnorée  ,naiftreffT' 
'  ^«  tout  honneur 

^tpar  depit  chacun  d'eux  me  ^i^ 
Mais  c'en  tnuf  diffame; 

Je  ''aiJra/TietZr'::  "'''^'-'^' 
J ^jervirajfans  blafme 

Ln  tout  honneur. 

^i  faut  advoupr  m.^  • 
P>- rupporcables  de' "L^ ^"7  """^  '*  ""  "- 

licompofaencoreenverfh»    •• 
des  deux  heureux  voyais  de  r""'r'  ''"'^''''-^ 
3"e  iit  le  viaoneux  ZoS  xil  '"^  ^''^''' 

'^"  '557,  qui  font  d-aumnt  '  '  ""P'-""«»  à  Lyon, 

<>-  --a  v,eH,e  mais  nai" fp  .l'/^^'^^''^'^^  ^  ''-' 

vcpoeiie  y  remarque  beau- 


Jean   Marot.  13 

coup  de  circonftances  particulières  que  les  hif- 
toires  modernes  ont  oubliées.  Voici  le  commen- 
cement du  voyage  de  Gènes  : 

Alors  que  Mars  vit  affaiblir  fes  armés. 
Paix  avoir  lieu,  ceffer  bruiti  &  vacarmes, 
Harnois  mis  jus,  fes  ejîandars  plojei. 
Et  fes  vaffaux  nejîre  plus  emplojei 
A  démolir  villes,  chajîeaux,  ne  murs. 
Hors  de  l'efpoir  des  triomphes  futurs. 
Il  pourpenfa  les  façons  &  manières 
De  fufciter  fes  foldats  &  bannières 
Qui  jà  avaient  eflé  par  trop  longtemps. 
Outre  fou  veiiil,  fans  debat^  &  contens. 
Ainfj  penfant  furvint  de  fan  hault  throfne 
Dame  Pallas,  qii'aulcuns  nomment  Bellanne, 
Jadis  cojiceue  au  cerveau  Juppiter, 
Luj-  fuadant  que,  fans  plus  arrefler, 
Circumvolafi  les  nations  Itales. 

Et  le  relie  où  il  y  a  de  la  profe  &  des  vers 
&  des  defcriptions  aflez  vives  &  allez  bien  imagi- 
nées dans  leur  vieux  langage. 

Voicy  comme  il  commence  le  voyage  de  Ve- 
nife,  qui  eft  de  fort  longue  haleine  : 

Au  temps  que  Mars  foubs  le  vouloir  des  dieux 
Fit  triompher  par  gefles  glorieux 
Louis  douiiefme,  aorné,  par  mérite. 
De  bruit  &  los  que  mort  ne  def  hérite, 
Vulcan  laiffa  foufJJer  en  fes  fourneaux. 


14   •  Les   Trois  Marot. 

Centaures  plus  ne  battirent  métaux 
Armes  forgeant,  car  le  vraj-  Jîls  unique 
Du  dieu  Mapors,  d'un  Jîer  bras  herculique, 
Avoit  mis  jus  la  nation  fuperbe 
Comme  la  faux  qui  renverfe  toute  herbe,  &c. 

Au  refte  le  leéleur  fçaura  que  ce  voyage,  qui 
eft  auffi  bien  que  l'autre  très  difficile  à  recouvrer, 
eft  parfemé  de  rondeaux  &  d'autres  fortes  de 
vieilles  poëfies,  qui,  comme  j'ai  diél,  font  fort 
confiderables  à  caufe  de  l'hiftoire  véritable  qu'elles 
contiennent. 

Il  mourut  fous  le  règne  de  François  I",  à 
l'aage  de  60  ans,  comme  je  l'infère  tant  de 
l'epiftre  naïfve  que  Clément  Marot,  fon  fils,  adreffa 
au  mefme  Roy  pour  luy  fucceder  en  l'eflat  de  fon 
père,  que  de  Cefte  epigramme  dont  il  couronna 
la  fuitte  de  l'epiflre  que  Jean  Marot  efcrivoit  de 
Milan  à  la  royne  Claude  ;  car  c'eft  ainfy  qu'en 
parle  ce  jeune  Clément  : 

Icf  l'autheur  fon  epijîre  laiffa. 

Et  de  diâer  pourtant  ne  fe  lafja. 

Mais  en  chemin  la  mort  le  vint  furprendre 

En  luj  difant  :  Ton  efprit  par  deçà 

De  travailler  foixante  ans  ne  cejja. 

Temps  efi  qu'ailleurs  repos  il  aille  prendre. 

Je  croirois  volontiers  qu'il  mourut  en  fa  ville 
de  Cahors  en  Quercy,  où  il  s'eftoit  marié  pendant 
un  voyage  que  le  roy  François  V  fit  en  Langue- 


Jean  Mat^ot.  i^ 

doc.  Du  moins  après  Ton  fervice  à  la  cour,  celle 
ville  fut  fa  demeure  ordinaire  &  le  lieu  natal 
de  fon  fils ,  qu'il  exhorta  toujours  de  fon  vivant 
de  fuivre  le  doux  &  noble  exercice  des  Mufes 
&  de  rendre  en  cela  de  bons  &  ag^reables  fervices 
au  l^oy  &  à  fa  patrie.  En  quoy  certes  il  efloit  bien 
efloigné  de  l'humeur  avare  &  boudeufe  de  la 
plufpart  des  pères ,  qui  ne  portent  leurs  fils  qu'à 
ces  emplois  utiles,  mais  épineux,  qui  leur 
acquièrent  beaucoup  de  bien  &  peu  ou  point 
de  renommée. 

Sa  devife  efloit  ne  trop  ne  trop  peu. 
Outre  ces  galands  hommes  qui  ont  parlé  de 
luy  avec  honneur,  comme  La  Croix  du  Maine, 
Antoine  du  Verdier  &  Georges  Draude ,  qui  ne 
l'oublient  pas  dans  leurs  bibliothèques univerfelles 
André  du  Chefne,  dans  fa  biMiotheque  particu- 
lière des  hiftoriens  de  France,  parlant  de  fa 
defcription  des  deux  heureux  voyages  d'Itahe,  luy 
rend  cefl  illuflre  tefmoignage  qu'ils  elloient  fort 
véritablement  efcrits.  Il  fe  trouve  mefme  à  l'en- 
trée de  fes  œuvres  de  l'édition  de  l'an  1536,  une 
gentille  epigramme  latine  d'un  certain  poëte  qui  ne 
feint  point  de  dire  qu'il  ne  le  faut  plus  appeler  en 
latin  Marotus  mais  Maro,  &  là-deffus  il  continue 
de  le  comparer  avec  Virgile,  le  grand  Virgile,  des 
mots  duquel  mefmes  je  me  ferviray  en  cette 
occafion. 

Si  par  va  licet  componere  inagnis. 
Finalement,  un  poëte  latin  anonyme  regala  fa 


i6 


Les    Trois  Marot. 


defcription  des  deux  vovap-P.  H'f^oi-    a 

gramme  Jat.ne  qui  n'a  pas  1'         r'       ''"^  ^^^ 
4"!  n  a  pas  mauvaife  grâce. 

""'l'^"'  ^^''^  P^''<t''s  ,ui  refait  unus 
Galhcus  h,c  vates,  galHca  mira  canil. 


CLEMENT   MAROT 


L  n'en  eft  pas  toujours  des  grands 
poètes,  ce  qu'au  rapport  des  poètes 
mefmes  il  en  eft  de  la  Majefté  qui 
îl  devient  grande,  fitoft  qu'elle  eft  née. 
Mais  il  en  eft  d'eux  ordinairement  comme  du  plus 
précieux  de  tous  les  métaux  que  la  nature  ne 
forme,  ne  purifie  &  ne  raffine  dans  fes  entrailles 
qu'avecque  la  longueur  du  temps,  ou  tout  au 
moins  comme  du  tonnerre  qui  n'efclatte  pas  du 
premier  coup,  mais  qui  murmure  &  qui  gronde 
dans  les  nues  auparavant  que  d'efclatter  fur  la 
terre.  Et  en  eftet  il  eft  fouvent  arrivé  que  les 
grands  poètes  ont  efté  précédez  par  la  naiftance 
de  quelques  autres  qui  eftoyent  comme  les  eflays 
de  la  nature,  ou  les  courriers  de  l'art  &  les  ache- 


i8  Les    Trois  Marot. 

minements  à  la  perfedion,  puifque  les  poètes 
divins  ont  fouvent  eu  pour  pères  des  poètes,  à  la 
vérité,  mais  qui  n'eftoyent  que  des  poètes  humains. 
Car  c'eft  ainfy  que  noftre  cygne  Vandomois  appelle 
les  poètes  du  commun  5  ainfy  Hercule  de  Strozzi 
eut  pour  père  Vefpafîen  de  Strozzi,  qui  fit  des  vers 
latins  véritablement,  mais,  au  rapport  d'un  grand 
critique  de  Ton  fiecle,  nullement  comparables  à 
ceux  de  Ton  fils  ;  ainfy  le  grand  Torquato  Taflb 
l'emporta  de  bien  loin  en  matière  de  poëfie  ita- 
lienne fur  Bernardo  Taffo,  fon  père,  dont  nous 
avons  un  jufte  volume  ;  ainfy  Mellin  de  Sainél- 
Gelais  effaça  dans  fes  poëfies  la  gloire  d'Oélavien 
fon  père;  ainfy  Jofeph  de  l'Efcale  fit  bien  pa- 
roiftre  par  l'oppontion  de  fes  poëfies  latines  avec- 
que  celles  de  Jules  Cefar  fon  père,  que  le  père 
n'en  eftoit  pas  vm  auffi  bon  fabricateur  qu'il  en 
eftoit  bon  juge  ;  ainfy  noftre  divin  Pierre  de  Ron- 
fard  effaça  par  fes  mufes  naiffantes  toute  la  gloire 
que  Loiiis  de  Ronfard,  fon  père,  s'eftoit  acquife 
par  fes  vers  françois  foubs  le  règne  de  François 
premier;  ainfy  Cefar  de  Noftradamus  fit  bien  voir, 
par  le  corps  de  fes  poëfies,  la  force  de  l'efprit 
dont  il  eftoit  animé,  &  qu'en  ceft  art  il  l'empor- 
toit  de  bien  loin  fur  fon  père,  d'auffy  loin  qu'un 
excellent  poëte  l'emporte  fur  un  fimple  rymeur; 
&,  fi  j'ofe  mettre  en  jeu  ceux  qui  vivent,  Nicolas 
Vauquelin  des  Yveteaux  monftra  bien  par  la  force 
&  par  la  pureté  de  fes  vers  que  Jean  de  la  Fref- 
naye  Vauquelin,  fon  père,  tout  fameux  qu'il  fut 
en  fon  fiecle,  n'avoitpas  trouvé,  comme  le  fils,  le 


Clément  Marot.  lo 

glorieux  fecret  de  contenter  &  de  ravir  le  noftre. 
Certes  le  deflin  de  ces  grands  poètes  fut  le  deftin 
mefme  de  Clément  Marot,  puifqu'ayant  eu  pour 
père  le  poëte  Jean  Marot,  on  peut  dire  juftement 
de  luy,  ce  que  l'on  dit  autrefois  d'un  ancien,  7>- 
dides  melior  pâtre.  En  effet,  il  eut  pour  père  Jean 
Marot,  qui  fe  fit  de  fon  temps  fignaler  par  fes  vers, 
&  duquel  auffy  j'ai  faia  la  vie  en  qualité  de  poëte 
françois.  Mais,  foit  que  le  fils  fufl  né   dans  un 
meilleur  fiecle,  foit  qu'il  fe  fuft  employé  ferieufe- 
ment  &  plus  foigneufement  à  cultiver  noflre  lan- 
gue, il  advint  qu'il  fut  le  premier  des  François  qui 
commença  de  tirer  noftre  langue  de  cefle  obfcure 
&  honteufe  barbarie  où  elle  eftoi^  enfevelie  mifera- 
blement,  &  qui  la  rendit,  fmon  fort  pompeufe  &  fort 
efclattante,  du  moins  affez  claire  &  intelligible,  ce 
qui  fut  d'autant  plus  admirable  en  luy,  qu'il  n'avoit 
aucune  cognoiffance  des  langues,  ni  des  fciences. 
Auffy  l'heureufe  félicité  de  fon  efprit  le  rendit  fi 
agréable  à  ce  grand  réparateur  des  bonnes  lettres, 
le  roy  François  premier,  qu'il  confentit  aifement 
que  Clément  Marot,  qui  avoit  des  fa  plus  tendre 
jeuneffe  eflé  nourry  auprès  de  Marguerite  de  Na- 
varre, &  qu'il  fervoit  en  qualité  de. fon  valet  de 
chambre  ordinaire,  exerçât  auprès  de  Sa  Majesté 
la  charge  de  valet  de  chambre  que  Jean  Marot, 
fon  père,    avoit  exercée  autresfois;  &  ce  grand 
monarque  prit  un  tel  plaifir  dans  la  ledure  des 
vers  de  ce  gentil  poëte,  qu'à  fon  exemple  toute 
la  cour  pohe  en  fit  fes  délices.  11  n'y  avoit  point 
de  princes,  ny  de  princeffes,  de  grands  feigneurs, 


Les    Trois   Marot. 


20  ^ 

poëfos  de  ce  bel  efpru  ^^^  ^  ^^^^^„ 

eombloa  auffydeb,  n  &      ^^  "-  -™"^  """^ 
rechercho«  fon    amu.e        ^^  ^^^^^  ^^  ^^  ^^p^^_ 

'""""Ïefld  t   ^etae  jufque   dans   les   pays 
tation   selpanuiL  'nt    à  le   confiderer 

étrangers,    qu.  .-— «.^^^^^e   &  le   pl- 
comme  le  prem.er  poe  e  de  b  ^.^^^  ^^^^^^ 

grand  oj— *  ^  ."f  ^^^^nça  d'eftre  auffy 
de  Cahors  en  ^^J'I^^^  ^ d  elprir,  que  la 
'Tt  ITd  ::  e trpt  la  naiffance  du  grand 
Te  tJeC^rn,n  feullement  les  François,  max 

'f-  ""  ttr::;:  r  i:at:.e  d^es  chores 

advmt,  par  «ne  /«J°  -,  f„,  contraint 

humâmes,  que  cet  ««J^^"'  ^  ^^  ., 

d'abandonner  la  cour  &  la  franc 

eftoit  prefque  adoré^  ^.^^^^„,  u  caufe  de  fon 

•rc'rftr3rirp::^^^'^equ>.  grand  pe.ne, 

ri .  Îen  eft  du  poL  Marot  comme  du  poe. 

Ovide   dont  on  fçait  le  bann.ffement  en  Sc.thye 

^^dom  les  grammainens  cherchent  encore  le 


Clément   Marot.  21 

vray  fubjed.  Toutesfois,  s'il  en  faut  croire  Antoine 
de  Laval,  le  fubjed  du  banniflement  de  Marot 
vient  d'un  difcours  un  peu  libre  qu'il  avoit  pro- 
féré contre  le  roy  François  lorfqu'il  avoit  di6l  : 
Il    n'eft    que    du    fablon    d'Eftampes    pour    faire 
reluire  un  vieux  pot.  Ceux  qui  fçavent  l'hiftoire 
fecrette  &  particulière  du  temps  n'ignorent  pas  que 
cela  regardoit  la  maiftrefTe  du  Roy,  ducheffe  d'Ef- 
tampes &  de  Ponthieux,  laquelle  fe  vouUut  vanger 
de  Marot  à  la  première  occafion,  tant  il  eft  vray  de 
dire  que  jamais  les  femmes  ne  perdent  la  mémoire 
des  traits  piquans  que  l'on  a  lancés  contre  elles. 
Si  l'on  adjoufte  foy  à  un  autheur  moderne,  Marot 
fut  banny  du  royaume  &  des  boi;ines  grâces  de  fon 
Roy  pour  avoir  compofé  des  vers  trop  libres  contre 
les  gens  d'Eglife.  Et,  en  effet,  la  plus  commune 
créance   eft  que  l'eftroitte  familiarité  qu'il  avoit 
contraélée  avec  les  principaux  luthériens,  le  fit 
foupçonner  d'avoir    changé    de    relligion    &    de 
fuivre  le  libertinage  &  la  nouveauté,   auify  bien 
que  tant  d'autres   qui,  pour  cela  mefme,  furent 
punis,    ou    congédiés,   foit  par  les    arrefts ,    foit 
par  l'exprès  commandement  du  Roy.  Et  en  effet, 
c'eft   le    fentiment    de    Théodore    de   Beze    qui, 
dans  fes  Portraits  des  hommes  illujlres,  parlant  de 
Marot,  diél  que  ce  gentil  poëte  fortit  deux  fois 
du  royaume  à  caufe  de  la  relligion.  Et  c'eft  pour- 
tant de  quoy    Marot  luy  mefme  fe  juftifie   dans 
plufieurs  endroits  de  fes  œuvres,  &  notamment 
dans  fon  epiftre  qu'il  efcrivit  au  Roy  pendant  fon 
exil  à  Ferrare,  car  c'eft  là   qu'en   exagérant  la 


11 


Les    Trois   Marot. 


«nalice  de  fes  adverfaires  &  de  fes  envieux  ,1  „.  . 

Demor.  tonferf,  pour,  après  à  W  ai  Ce 

^^^r.  iernoy  courir  vers  toj  ,naint  conte 

ZT:    ,""''""  ^^'-"^"^  nrenteurs 
Dégels  as  font  les  premiers  inventeurs- 

'^ '"f'-f 'Is  m'ont  ,,nné  le  no,n 

Luther  e,"crZJa     ""  "' '^  ''^"""'■ 

y  ">"  Pefche,,  &,  tout  bien  aiviCé 
^""on,  de  luj.  ne  fuis  point  baptift 

,.f  '  '^  '■«'*^'  où  il  repouffe  cefte  calonin.-. 
q"'I  peut,  &  monftre  gu'ii     ."^  "'°'"."'^' =>"«"( 
bercail  de  la  vraye  Edife    /        '"""'  '^"^  «J" 
f"fon  de  ceux  qu'i  l'of  Ji'a  LT  ^^  "'''  '  '^  -"- 
tique.  Et,  enfuitte   devVn.t  ^         P""""  ""  ''^^^- 
P>aint  de  certain  /ujrco^f.r"  "'  '^"'  "  ''^ 
«-  dans  Ton  poLTde   -En    r^  '"'"  ^^°'' 
vanger  de  luy,  foubs  prétexte  dL     '"''  P°"  ''^ 
"a-re,   eftoient  entrez  danTr  "^  ""  """^  '■"='&i- 
emparez  de  Tes  pap.ers  TZ  r     T"  °"'  ^'^'*°'^« 
"■efine  iniuftement  eT     r  '"^''  *  '''•^"'^"t 

A  propos  de  quoy  Zc^TlT"'  ^  '^^  ^onte. 

----LdJr.ti-nTr;:--' 


Clément   Marot.  23 

partout,  pour  avoir  rencontré  parmy  fes  livres  des 
livres  deffendus,  de  magie,  de  nécromancie  &  de 
cabale,  comme  fî  un  homme  de  lettres,  avec  la  per- 
miflîon  de  fes  fuperieurs,  n^avoit  pas  la  liberté  de 
voir  toute  forte  de  livres,  bons  ou  mauvais,  pour 
apprendre  les  uns  &  réfuter  les  autres ,  &  c'eft 
ce  qu'il  diél  aufîy  luy  mefme  en  ces  termes  : 


//  ejl  bien  vray  que  livres  de  deffenfe 

On  y  trouva;  mais  cela  n'ejî  offenfe 

A  un  po'éte,  à  qui  l'oii  doibt  la/cher 

La  bride  longue  &  rien  ne  luy  cacher. 

Soit  d'aj^t  magie,  iiecromajtce,  ou  cabale. 

Et  n'ejl  doârine,  efcrite,  nj-  verbale. 

Qu'un  vray  poëte  au  chef  ne  deujî  avoir 

Pour  faire  bien  d'efcrire  fon  devoir. 

Sçavoir  le  mal  eji  fouvent  proffitable. 

Mais  en  ufer  eJi  toujours  evitable. 

Et  d'autre  part,  que  m'a  nuit  de  tout  liî^e? 

Le  grand  donneur  m'a  donné  fens  d'ejlire 

En  ces  livrets  tout  cela  qui  accorde 

Aux  fainâs  efcrits  de  grâce  &  de  concorde. 

Et  de  jetter  tout  cela  qui  diffère 

Du  f acre  fens,  quand  près  on  le  confère. 


Il  fe  plaint  encore  dans  ce  mefme  poëme  de 
certains  doéleurs  ig-norans,  qui  nommoient  alors 
hérétiques  tous  ceux  qui  fçavoient  les  langues  à 
perfedion.  En  quoy  véritablement  il  a  tort  de 
condamner  un  corps  fçavant  &  célèbre  pour  la 


24  L^^    Trois  Marot. 

fimplicité,  ou  pour  la  malice  de  quelques-uns,  car 
c'eft  ainfy  qu'il  en  parle  : 

Autant  comme  eux,  fans  caufe  qui  f oit  bonne. 

Me  veut  du  mal  l'ignorante  Sorbonne, 

Bien  ignorante  elle  eji  d'ejlre  ennemie 

De  la  trilingue  &  noble  Académie 

Qu'as  erige'e.  Il  eJi  trop  manifejie 

Que  là  dedans  contre  ton  veuil  celejîe 

EJI  deffendu  qu'on  ne  vaife  allegant 

Hébreu,  nj  grec,  nj  latin  élégant 

Difant  que  c'eji  langage  d'heretique. 

O  pauvres  gens,  de  fçavoir  tout  hetique, 

Bienfaiâes  vraj^  ce  proverbe  courant. 

Science  n'a  haijieux  que  l'ignorant. 

Certes,  o  Roj,  fi  le  profond  des  cœurs 

On  veut  fonder  de  ces  forboniqueurs. 

Trouvé  fera  que  de  toj  ils  fe  deulent. 

Comment  douloir?  mais  que  grand  inalfe  veulent^ 

Dont  tu  as  faiât  les  lettres  &  les  arts 

Plus  reluifans  que  du  temps  des  Cefars. 

Par  où  il  defigne  l'inftitution  des  profefTeurs 
royaux  que  le  grand  roy  François  1"  avoit  efla- 
blis  &  gagez  dans  fon  collège  de  Cambray,  de 
Triquet,  ou  de  trois  Evefques,  qui  eft  la  meime 
chofe,  &  que  dans  leur  eftabliflement  eurent  pour 
adverfaires  quelques-uns  du  corps  de  Sorbonne, 
comme  Ta  obfervé,  je  croy,  le  dode  Pafquier 
dans  Tes  Recherches  de  la  France. 

Quoy  qu'il  en  foit,    Marot  craignant  l'indigna- 


Clément  Marot.  25 

tion  du  Roy,  fon  maiftre,  auquel  fes  ennemis 
l'avoient  rendu  odieux  ,  fe  retira  d'abord  en 
Bearn,  auprès  de  Marguerite  de  Navarre,  fœur 
du  Roy,  qui,  félon  Framianus  Stradas,  pluftot  que 
félon  la  vérité,  eftoit  alors  l'ancien  &  ordinaire 
afyle  des  coupables.  Marot  luy  mefme  parle  de 
celle  retraite  en  d'autres  termes  lorfqu'il  diéï  : 

Je  m'en  alla/,  pour  fuir  ce  danger. 
Non  en  pajs,  non  à  prince  ejlraiiger. 
Non  point  ufant  de  fugitif  dejlour. 
Mais  pour  fervir  Vautre  Roy  à  mon  tour. 
Mon  fécond  maiftre,  &  ta  fœur  fon  efpoufe, 
A  qui  je  fus  des  ans  à  quatre  â  dou^e 
De  ta  maiîi  noble  heureufement  donné,  &c. 

Et  puis  voyant  comme  on  punifToit  par  le 
feu,  non  feullement  tous  les  hérétiques  décla- 
rez, mais  encore  ceux  qui  eftoient  aucunement 
foupçonnez  de  l'eftre,  il  paffa  en  Italie  &  fe  retira 
dans  la  ville  de  Ferrare,  auprès  de  celle  vertueufe 
princelTe,  belle  fœur  &  couline  germaine  du  roy 
François  \"  &  lille  du  roy  Louis  XII,  duchelTe 
de  Ferrare. 

De  ton  clair  fang  une  princejfe  humaine. 
Ta  belle  fœur  &  coufine  germaine. 
Fille  du  Roy  tant  craint  &  renomme'. 
Père  du  peuple  aux  chroniques  nommé. 
En  fon  duché  de  Ferrare  venue. 


26  Les    Trois   Marot. 

M'a  retiré  de  grâce  &  retenue. 

Pour  ce  que  bien  luj'  plaijî  mon  efcriture. 

Et  que  je  fuis  encor  ta  nourriture. 

Quelque  temps  après,  le  Roy,  qui  cheriflbit 
Marot,  ayant  efté  appaifé,  tant  par  les  rymes 
diverfes  ,  qu'il  luy  avoit  envoyées  d'Italie  fur  le 
fubjeél  de  fa  difgrace,  que  par  les  recommanda- 
tions de  quelques  amis  qu'il  avoit  à  la  cour,  fouf- 
frit  que  ce  bel  efprit  y  revint,  &  en  tefmoigna 
mefme  beaucoup  de  fatisfaéïion,  &  ce  fut  alors 
que  Marot,  à  la  perfuafîon  de  ce  fameux  profef- 
feur  en  lan^e  hébraïque  ,  François  Vatable , 
ayant  quitté  les  ,fubjeds  profanes ,  &  s'eftant 
refolu  de  ne  plus  faire  des  vers  que  pour  les  chofes 
fainéles,  entreprit  la  verfion  françoife  des  divins 
pfeaumes  de  David.  Mais  pour  ce  qu'il  n'avoitpas 
la  cognoiffance  des  langues  neceffaires  pour  un 
fi  noble  travail,  il  foUicita  le  mefme  Vatable 
&  Mellin  de  Sainél-Gelais  de  luy  expliquer  en 
profe  les  verfets  des  cinquante  pfeaumes,  ce  qu'ils 
firent  très  volontiers  pour  l'intereft  public  &  pour 
l'afFedion  particulière  &  cordiale  qu'ils  luy  por- 
toient,  &  fur  leur  profe  il  compofa  fes  vers.  Mais 
comme  il  eftoit  fort  peu  verfé  dans  ces  hautes 
matières,  il  y  fit  tant  de  bévues  &  tant  d'erreurs, 
qu'encore  que  la  cour  receuft  favorablement  fon 
ouvrage  &  que  le  Roy  mefme  prifi  grand  plaifir 
à  chanter  fes  fiances,  que  les  plus  habiles  mufi- 
ciens  de  ces  temps  là  avoient  mis  fur  de  très 
beaux   airs   différents,    fi   eft  ce  qu'à    caufe    des 


Clément  Marot.  27 

plaintes  de  la  Sorbonne  &  la  jufte  cenfure  qu'elle 
fit  de  fes  pfeaumes,  on  deffendit  de  les  lire,  &  Sa 
Majefté  foufFrit  que  Ton  fit   defFenfe  de  les  lire 
&  de  les  reimprimer  davantage.  Mais  celle  def- 
fenfe,  comme  diél  le  fidèle  interprète  de  Thifloire 
de  la  g-uerre  de  Flandre  dans  la   vie   de  Margue- 
rite  de  Parme,    produifit  l'effet  ordinaire  ,    elle 
augmenta  l'envie  des  ledeurs  &  la  réputation  de 
l'ouvrage.  Néanmoins  il  prit  de  nouveaux  fubjeéls 
d'efcrire,  &  de  la  poëfie  fainéle  il  repafTa  bientoll 
à  la  prophane,  qui  efi:oit  efFedivement  celle  où  il 
reufîîfToit  le  mieux.  Cependant  fa  hardiefTe  s'ac- 
crut   par   les    divers    applaudifTements    qu'il    en 
receut  partout.  Et,  comme  il  ii'efloit  pas  capable 
d'arrefler  fon  efprit,  ny  fa  plume,  il  fe  mit  à  com- 
pofer  tant  d'invedives  contre  ces  puifTans  adver- 
faires,  &  à  compofer  des   œuvres  qui  fe  fentoient 
encore  tant  du  fagot  &  du  libertinage,  que  l'ap- 
prehenfion  du  châtiment  dont  on  le  menaça  le  fit 
bien  toft  retirer  à  Genève,  où  il  acheva  de  fe  def- 
crier  par  les  longues   conférences  qu'il   eut  avec 
ce  grand  &  dode  herefiarque,  Jean  Calvin,  qui  le 
receut  à  bras  ouvers  ,   &  qui   contrada   avecque 
luy  une  amitié  inviolable,  ce  qui  fut  caufe  que  fa 
verfion  des  pfeaumes  fut  entièrement  abandonnée 
par  tous  les  bons  cathohques,  &  ce  d'autant  plus 
que    quelque    temps    après  ,    cet     autre     doéte 
&  fameux  apoftat,  Théodore  de  Beze,  fon  amy, 
voullut  parachever  la  Venus  de  cet  Appelle  fran- 
çois,  puifqu'il  adjoufta  aux  cinquante  pfeaumes, 
que  Marot  avoit  traduits,  les  cent  autres  qui  ref- 


28  Les   Trois  Mat^ot. 

toient  encore  à  traduire.  En  quoy,  au  jugement 
mefme  d'Eftienne  Pafquier ,  Théodore  de  Beze 
tout  confommé  qu'il  eftoit  dans  les  fciences  &dans 
les  lang-ues,  reuffit  beaucoup  moins  encore  que 
Marot,  d'autant  que  comme  Marot  ignoroit  les 
langues  eftrangeres,  celuy  cy  n'avoit  nullement 
eftudié  les  grâces  de  fa  langue  maternelle,  fpecia- 
lement  dans  noftre  poëfie  vulgaire ,  qui ,  toute 
vulgaire  qu'elle  eft,  n'employé  pas  indifféremment 
toute  forte  de  mots  &  de  phrafes,  ce  qui  monflre 
clairement  la  grande  difficulté  qu'il  y  a  de  tra- 
duire des  ouvrages  en  vers. 

Apres  avoir  donc  fejourné  quelque  temps  à 
Genève,  &  humé  l.'air  peftilent  &  empoifonné  du 
lac  de  Léman  &  de  la  relligion  reformée,  dans  le 
dépit  qu'il  eut  de  fe  voir  fi  mal  à  la  cour  qu'il 
aimoit  après  tout,  beaucoup  plus  que  toutes  les 
conférences  des  miniflres,  il  fe  retira  en  Piedmont 
&  dans  la  ville  de  Thurin,  où  il  tafcha  par  la 
réputation  que  fon  mérite  s'eftoit  acquife  partout, 
de  fubfifter  &  de  vivre  avec  le  plus  de  repos 
&  de  tranquillité  qu'il  luy  fut  poffible,  ce  qui  ne 
fut  pas  fans  fe  plaindre  encore  ainfy  de  l'injuftice 
de  fa  patrie  : 

•T abandonna/  fans  avoir  commis  crime 
L'ingrate  Finance,  ingrate,  ingratijfime 
A  fon  poëte;  &,  en  la  delaiffant. 
Fort  grand  regret  mon  cœur  ne  vint  bleffant; 
Tu  ments,  Marot,  grand  regret  tu  fentis 
Quand  tu  penfas  à  tes  enffans  petits. 


Clément  Marot.  29 

Par  OLi  il  paroift  aflez  qu'il  eftoit  marié,  &  qu'il 
avoit    un    defplaifîr    extrefme    d'eftre    contraint, 
par  la  perfecution  de  fes  ennemis,  d'abandonner 
ainfy  fa  femme  &  fes  enfFans.  Ainfy  cet  excellent 
homme,  qui  avoit  parmy  les   fîens  û   juftement 
mérité  le  titre  de  poëte,  ne  le  fut  que  trop  à  fon 
dommage ,  puifque  la  fortune  qui ,  par  une  haine 
fecrette  &  particulière ,  traverfe  ordinairement  le 
repos  de  ces  hommes  divins,  le  prit  enfin  pour  but 
de  fes  traits  &  luy  fit  fentir  les  cruelles  pointes  de 
fa  rage.  Auffy  fut  ce  dans  ce  funefte  efloignement 
de  fa  famille,  de  fes   amis  &  de  la  cour  de  fon 
prince  que,  dans  le   comble  de  Fennuy  &   de  la 
mélancolie  où  il  eftoit,  la  mort  le  vint  furprendre 
&  luy  donner  le   fatal  coup  de  la  mort.  Tannée 
mefme  que  l'armée  du  Roy  foubs  la  conduitte  du 
duc    d'Anguyen  remporta   fur   les    Impériaux    la 
mémorable  victoire  de  Serifolas,  qui  fut  Tan  1 544, 
&   le  foixantiefme   de  fon   aage.    Il  laiffa  un  fils 
nommé  Michel  Marot,  duquel  j'ay  faiét  auffy  la 
vie  dans  cefte  hiftoire  des  poètes. 

Quiconque  fera  curieux  de  voir  fon  vray  por- 
trait le  peut  confulter  parmy  Les  Hommes  Illiijîres 
de  Théodore  de  Beze,  dans  le  Prompttiat't^e  des 
médailles  des  perfonnes  renommées,  &  VHiJloire 
chronologique  des  grands  hommes  imprimée  à  Pa 
ris,  l'an  1617. 

Il  avoit  la  tefte  groffe  &  ronde,  le  front  large 
&  eflevé,  les  cheveux  longs,  le  nez  gros  &  eflevé, 
les  yeux  à  fleur  de  tefte,  la  barbe  &  les  mouftaches 
longues,  &  le  col  affez    court.   Quant  à  fa  taille 


Les   Trois    Marot. 
Tapprends  qu'elle  eftoit  affe.  med.ocre,  &  fa  devife 

ancienne  eftoit, /<>  mo»-' «y  """•'^-       ^         ,       . 

Je  m'abftiendrois  volontiers  icy  de  parler  de 
fes  ouvrages,  d'autanc  qu'ils  font  cognus  a  tous 
ceux  qui  fet^aiettent  les  livres,  neantmo.ns  pu.f- 
Vft  ,me  lov  que  je  me  fuis  impolée  icy, 
Tque  d'^meuS^j'y  feky  en  payant  quelques 
tetuës  obfervations  qui  ne  font  pas  fi  con.n.unes, 
fe  ne  refuferay  pas  à  mon  leaeur  cur.eux  ce  pet. 

"'lÏs  œuvres  furent  fi  favorablement  accueillies 
de  tous  à  mefure  qu'U  les  compofoit,  que  )ama 
livre  ne  fut  ny  tant  .mpr.mé,  ny  tant  -"^ujl-j^ 
fien-  ie  n'en  excepteray  pas  un  feul  de  tous  ceux 
'  ,  ,„rp/luv  &  aui  remplirent  l'Europe 

nui  vmrent  après  luy  ex  h"'         ^  .      _ 

du  bruit  de  leur  nom.  Car,  encore  que  cet  autheur 
ne  U  pasremply  de  la  cognoiffance  des  bonne 
lettres  fi  eft  ce  que  je  croy  qu'.l  n'en  efto.t  pas 
f  dénué  qu'il  ne'les  mift  affe^  heureufement  en 
pratique    Auffy  ma  créance   eft,  qu'ayant   con- 
Cméfajetmeffe  en  la  leéW  des  bvres  fran- 
CoTs    à  mefure  qu'il  vefquit   il   appnt  la  langue 
latin'e,  &  mefme  quelque  chofe  de  la  grecque, 
car.  pour  ce  qui  eft  de  l'italienne,  le  fe,our  affe 
long  qu'il  fit  en  Italie,  luy  en  put  donner  affe.  de 
cognoiffance,  &,  pour  juftifier  ce  que  je  dis,  com- 
ment eft  ce  qu'il  auroit  pu  traduire  en  vers  fran- 
cois  XHifioirc  de  Uandre  &  de  Hero.   compofee 
;ar  Mufée  en  beaux  vers  grecs;  le  Jugement  de 
Minos  par  ce  fameux  orateur  grec ,  Lucien  ;  la 
première  Eglogue  des  Bucoliques  de  Virgile;  les 


Clément  Marot.  ->! 

deux  premiers  livres  de  la  Metamoiyhofe  d'Ovide 
&  plufieurs  Epigrammes  de  Martial,  les    Trijîes 
vers  de  Philippe  Beroalde,  fur  la  mort  &  pafîion 
de  Noftre  Seigneur,  quelques  vers  latins  de  Sal- 
mon  Macrin,  les  Vifions  de  Pétrarque  &  quelques 
uns  de    Tes   plus  beaux  fonnets,   s'il   n'avoit  eu 
cognoiflance  de  ces  trois  langues  étrangères,  car, 
de  dire  qu'il  ait  faiél  tout  cela  par  le  fecours  d'au- 
truy,  il  eft  ridicule  de  croire  qu'il  ait  toujours  eu 
à  fa  fuitte  &   à  Tes  gages  quelque  truchement, 
&  quelque  interprète.  Ne  dit-il  pas  luy  mefme, 
dans   la  préface  de  Tes  Metamorphofes,  "qu'il  ne 
vouUut  pas  tant  le  fier  en  fes  inventions  propres 
que  les  laifTant  repofer  il  ne  jettaft  l'œil  fur  les 
livres  latins,  dont  la  gravité  des  fentences  &  le 
plaifîr  de  la  leélure  avoient  mené  fa  main  &  amufé 
fa  mufe.  Et  puis  dans  les  poëiîes  que  nous  avons 
de  fon  invention   n'y   en   a-t-il  pas  un  aifez  bon 
nombre  qui,  par  leurs  traits  poétiques  &  par  leurs 
belles   expreffions   moulées   fur  l'antiquité,   nous 
peuvent  perfuader  qu'il  avoit  faiél  quelque  amitié 
avecque  les  anciens  poètes  grecs  &  latins?  Quoy 
qu'il  en  foit,  tout  ce  qu'il  efcrivit,  foit  invention, 
foit  tradudion,  il  le  fit,  comme  did  Pafquier,  avec 
un  très  heureux  genius,   c'eft  à  dire,    avec  une 
veine  grandement  fluide  &  naturelle,  avec  un  vers 
non  affeélé  &  avec  un  fens  toujours  très  raifon- 
nable.  Ce  qui  le  fit  eftimer  partout,  &  ce  qui  luy 
perfuada  mefme  qu'il  acqueroit  par  là  l'immorta- 
lité au  mefpris  de  fes  envieux  &  des  ignorans  de 
fon  fiecle.  Du  moins  eft  ce  ainfy  qu'il  a  parlé  dans 


î2  Les   Trois  Marot. 

quelques  vers  qu'il  addrefle  au  leéteur,  au  frontif- 
pice  de  Ton  livre. 

OJîer  je  peux,  approche-tqy  mon  livre. 
Un  tas  d'efcrits  qui  par  d' autres  font  faits , 
Or  va,  c'eft  faiâ,  cours  léger  &  délivre 
Et  defchargê  d'u7i  lourd  &  pe faut  faix. 
Sans  eux,  mon  livre,  en  mes  vers  pourras  prendt^e 
Vie  après  moy,  pour  jamais,  ou  longtemps. 
Mes  œuvres  donc  content  te  doibvent  rendre. 
Peuples  &  roys  s'en  tiennent  bien  contens. 

Auffi  peut-on  dire  qu'encore  que  le  fîecle  fui- 
vant  euft  produiél  dans  la  poëfie  des  héros  dont 
peut  eftre  il  ne  valloit  pas  l'ombre,  puifque  Ron- 
fard,  du  Bellay,  du  Bartas  &  Defportes  montèrent 
après  luy  fur  noftre  ParnafTe,  fî  eft  ce  que  de  noftre 
temps  mefme  fa  Mufe  a  faiét  tant  de  bruit ,  qu'à 
caufe  de  luy  on  a  renouvelle  l'antique  ufage  des 
rondeaux  &  des  epiftres  en  vers  naïfs  &  burlef- 
ques,  &  ceux  qui  les  ont  renouveliez  n'ont  efté 
louez,  ny  eftimez  parmy  nous  qu'autant  qu'ils 
approchoient  de  la  naïfveté  &  du  mérite  de  ceux 
de  Marot.  Ainfy  l'illuftre  rhéteur  Quintilien  n'efti- 
moit  les  hommes  eloquens  qu'autant  que  leur  ftyle 
imitoit  celluy  de  Ciceron.  Je  fçay  que,  comme  il 
eft  malaifé  d'exceller  parfaitement  en  quelque  art 
que  ce  foit,  il  eut  des  ennemis  &  des  adverfaires 
dans  Ton  art  mefme,  tefmoin  un  petit  Sagon  &  un 
Charles  de  la  Huetterie  qui  fe  voullurent  mefler 
d'efcrire  contre  luy,  mais  il  abbaiffa  fî  bien  leur 


Clément  Marot.  ^-^ 

orgueil  par  les  rymes  piquantes  qu'il  luy  lança, 
que   Sagon  fut  longtemps    le  jouet  de  la  cour' 
comme  Marot  en  fut  toute  la  gloire.  L'epiftre  qu'il 
compofaluymefme  foubs  le  nom  de  Phrippelippes, 
fon  valet,  contre  le   plat  &  orgueilleux  Sagon  ' 
m'en  peut  démentir.  Certes,  fi  j'en  fuis  cru,  jamais 
le  poëte  Archiloque  ne  fit  des  iambes  plus  per- 
çans  contre  Lycambe   qu'il  obligea  de   fe  tuer, 
&  ne  luy  fit  jamais  un  plus  fameux   licol.  Et, 
comme  il  eftoit  auffy  chery  fort  tendrement  des 
habiles  de  fon  fiecle,  il  fut  puifTament  fécondé  par 
plufieurs  de  fes  amis ,  &  fpecialement  de  Charles 
de  Fontaine,  qui  prirent  à  tafche  de  confondre  ces 
petits  &  nouveaux  adverfaires,  comme  j'ay  did 
ailleurs.  Je  fçay  bien  que  le  grand  Ronfard  confi- 
derant  la  fehcité  de  fon  fiecle,  auprès  de  celle  de 
Marot,  ne  put  un  jour  s'empefcher  de  ravaller  le 
mérite  de  Marot,  lorfque,  dans  fon  ode  fur  la  vic- 
toire du  comte  d'Anguyen,  à  Serifoles,   il  parle 
ainfy  à  ce  jeune  prince  vidorieux,  qui  eftoit  alors 
heutenant  gênerai  pour  Sa  Majefté,  en  Piedmont  : 

L'hymne  qu'après  tes  combats 
Marot  fit  de  ta  viâoire. 
Prince  heureux  n'efgala  pas 
Les  mej^ites  de  ta  gloire  ; 
Je  confejje  bien  qu'à  l'heure 
Sa  plume  ejîoit  la  meilleure 
Pour  efbaucher  fimplement 
Les  premiers  traits  feullement. 
Mais  mor  né  d'un  meilleur  aage, 

3 


34 


Les   Trois   Marot. 

Aux  lettres  induftrieux. 
Je  veux  parfaire  V ouvrage 
D'un  art  plus  laborieux. 


au  V^^^ll^'^lZ\2  ode  de  Ronfard  rur  le 

r '•"'  ^£  '&  W'il  fouhaitte  que  le  le^eur 
&  en  parai  ele,  &  û'C  q  ^^  ^^^^  p^^^ 

fe  donne  la  pauenc     de  les  ^^^^^^  ^^^^  ^^ 

juger  puis  après  des  coups  ^^^^^.   ^^^ 

't  t  S:S1  eTce^uC lin.  l'un,  U  n'aura 
"r  la  de  mefprifer  l'autre,  tefmoignage  qu. 
pas  fubjea  '"'"'"P  „x  pour  Marot,  que 

eft  d'autant  P^^  f  :^;;;jrnon  feuUement  pour 
Pafquier  a  «'=°g""  fl^^^^^e,  mais  peut  eftre 
le  prenuer  P^^  "  ^Us  ceux  qm  font  à 
X^'alltSeRonrard parle  .honorable- 

comme  )e   diray   tantoft,  ?"      J^/i'     A,„fy 
paroiftre  la  haute  eftime  l"'' f^f^'^'^'g^Enn.us, 

^::£i  -r--a:;°::rrS 

agréable,  qu'au  rapport  d  un  certa  .^ 

fimie    utdiulaboraveritœtasfecuta,utmagi 


Clément   Marot.  ^^ 

d'un  efprit  afTez  grand  &  d'un  naturel  merveilleux, 
mais  c'eft  que  la  poëfie  françoife  ne  commençoit 
quafi  que  deifous  luy,  &  qu'elle  ne  pouvoit  à  Ton 
commencement  eftre  parfaire  comme  elle  a  efté 
foubs  Ronfard,  nidla  res  confummata  eji  diim  incipit, 
diél  Seneque ,  &  les   commencemens  des  chofes 
font  tousjours  bien  efloignés  de  leur  perfeélion, 
&  cela  eft  fï  vray,  que,  du  temps  de  Marot  mefme, 
la  plufpart  de  ceux  qui  efcrivoient  ignoroient  la 
cefure   de  l'E  féminin,    ou  la   couppe    féminine 
comme  on  l'appella  des  lors,  règle  très  neceflaire 
à  noftre  poëfie   françoife,    que  Marot  n'obferva 
jamais  à  la  première  édition  de  fes  œuvres,  &  qu'il 
apprit  de  Jean  le  Maire  des  Belges,  comme  on  le 
voit  dans  l'epiftre  de  l'Adolefcence  Clémentine  du 
mefme  Marot,  dattée  de  Paris,  le  12"  jour  d'aouft 
1532.  AufTy  l'obferva-t-il  inviolablement  depuis, 
tefmoin  ce  vers  de  la  première  Eglogue  de  Virgile  : 

O  Melibe'e,  amy  cher  &  parfaiâ. 

Car  en  la  première  édition  il  y  avoit  ainfy  : 

O  Melibée,  mon  bon  amy  parfaiâ. 

Et  ainfy  des  autres  5  car  quant  à  l'alternative 
&  à  l'entrelas  de  la  ryme  mafculine  &  féminine, 
fi  cognus  &  fi  bien  pratiquez  depuis  par  les  poètes 
épiques  &  lyriques  ,  comme  cela  n'eftoit  pas 
encore  de  la  cognoiflance,  ou  du  moins  du  goût 
de  fon  fiecle ,  il  ne  les  faut  pas  chercher  dans  les 


^  Les   Trois   Marot. 

^  "'!  trcuÏs     ffeLs,  &  le  no.ma  de  fon 

'"     r.tlefcënce  Clémentine,  ou  les  premières 

„om  ^'^^f^^2Z  Marot  de  Cahors  en  Quercy, 

oeuvres  de  Clément  ra  favorablement 

livre  qui ,  comme  ,  ay  ^f'^^'      p^^„,,  „e  le 

receu,  que  )--  P^\^"„t  J ';,à  caufe  des 

f„t   ^««ivanta^tiblf  ouL:  inesV'l  contient, 

Tr"  Tn^diaSs  commencèrent  à  déclamer 

plufieurs  pred,cateu  ^^^^^.^  ^„  p^yic,  qu. 

contre  luy.  Ma  ^teue  ^^ 

^^nfpr  &  car  oubliance,  dans  la  cnanc 
reÎe7lL,ce.em^neA-^^^^^^^^ 

tr  a:;  :drndtle1e/u.;:rs,raffea.n 
ÏÏ  avo'i  pour  cet  ouvrage,  part.culanté  que  ce 
TeÎme  Puyherbaut  exagère  puiffamment  en  fu.te 
Te  quoy  les  chreftiens  de  ne  fe  plus  amufer  a  cefte 

IL^":-"^  -rme   qu^co 
comme  un  efpnt  abandonné  au  l.bertmage  &  au 


Clément   Marot.  -ij 

lutheranifme.  En  effet,  comme  c'eftoit  la  créance 
commune,  il  tafcha  de  s'en  juftifier  encore  par  une 
epiftre  à  Bouchard ,  doéleur  en  théologie,  auquel 
I  il  parle  ainfy  : 

Donne  refponfe  à  mon  prefent  affaire, 

Doâe  doâeur,  qui  t'a  induit  à  faire 

Emprifonner  depuis  Jîx  jours  en  ça 

Un  tien  amj,  qui  onc  ne  t'offenfa. 

Et  voulloir  mettre  en  luj  crainte  &  terreur 

D'aigre  jujiice,  en  difant  que  l'erreur 

Tient  de  Luther,  point  ne  fuis  lutherijle. 

Ni  ivinglien,  encore  moins  papifle. 

Je  ne  fus  onc,  ne  fuis,  nj  ne  feray 

Sinon  chrejlien,  &  mes  jours  pafferaj. 

S'il  plaiji  à  Dieu,  foubs  fon  fis  Jefus-Chrift; 

Je  fuis  celluj  qui  aj  faiS  maint  efcrit. 

Dont  un  feul  vers  on  n'en  fçauroit  extraire 

Qui  à  la  loj  diviite  fut  contraire,  &c. 

Auffy  y  a-t-il  bien  de  l'apparence  que  ce  fut 
plus  toft  une  haine  particulière  d'une  certaine 
dame,  légère  en  amour  &  vindicative,  contre 
laquelle  Marot  avoit  compofé  ce  rondeau  : 

Comme  inconfante  &  de  cœur  fauffe  &  lafche 
Elle  me  laiffe,  &c... 

que  rintereft  de  la  relligion,  qui  lui  caufa  cefte 
difgrace;  car,   comme  il  appelle  ce  mefme  ron- 


Les  Trois  Marot. 
r   s^    c  «rife  la  gentille  ballade  qu'il 
deau  la  caufe  de  fa  P"^«' '^5„our  refrain  : 
fo  en  prifon  &  qu.  a  toujours  pour 

=ftp  «lame,  pour  fe  vanger 
faUWenparoiftre  que  cafte  da«e,^^  ^^^^^^^ 

de  luy,  avo:t  folU  .te  ardam  ^^^^^  ^^^^  ,^ 

doaeur  d'employer  ^^^^^^H        ^^  lutheranifme, 
faire  emprifonner  foubs  p  e  ext  ^^^^  ^^^ 

„ais  le  roy  François  prem  e^  q^  ^^^^  ^^  ^,^^_ 
nez,  &  qui  l^^ï^"'^ '""^'f,' Tndifcret  &intereffé, 
pocnfie,  ayant  ^^^^^^^f^^L  toft  Marot  en 
&  tout  ce  petit  P«^  -^g^'  ^^  ^^  i,  ,o„deau  par- 
liberté,  comme  on  le  peut  voi  v 
faia  qu'il  en  compofa  : 

Sir:;:— ir^^-^- 
^-T^da^rre^-dS^e^Xe 

!TTf"  re  te  d    quelques  lafches  dévots,  ou 
Ï,  oTrrteS:re.e.  lly  peufa  faire  perdre  a  v 

■  -rïi^:T«tT:SertdTparis,qul 

pnfon.  Mais  a  ,u  V^  ^^^^^  ^^^.^  ^^^^^^^ 

rfes  pÏfombres  replis  des  âmes  noires 
dans  les  p  us  l'innocence  de 

rcurMalumtédesaccufateurs-ouvritles 
laccuic  rniiffrant  &  perfecute,  &,  pai^ 


Clément   Marot.  îû 

moigna  bien  qu'il  eft  très  difficile  d'impofer  a  fes 
fens  &  d'obfcurcir  fes  divines  lumières. 

Mais  quiconque  voudra  voir  les  œuvres  de 
Marot  en  un  feul  &  jufte  volume  peut  chercher 
Fedition  qui  en  fut  faide  à  Lyon  Tan  1597,  aufly 
bien  que  les  autres  qui  furent  failles  fur  celle-là 
mefme  à  Rouen  &  en  plufieurs  autres  villes 
du  royaume.  Elles  contiennent  ce  qu'il  appelle 
Opufcules,  qui  font  de  divers  poëmes,  des  Elégies, 
des  Epiflres,  des  Ballades,  des  Chants  divers,  des 
Rondeaux ,  des  Chanfons ,  des  Epigrammes , 
des  Eftrennes,  des  Epitaphes  ou  le  Cimetière, 
des  Complaintes  &  les  verfions  dont  j'ay  parlé. 

Entre  fes  opufcules,  qui  font  un  petit  recueil  de 
diverfes  poëmes ,  pour  ne  rien  dire  de  fon  Temple 
de  Ciipido  qui  eit  un  excellent  &  véritable  origi- 
nal poétique,  fon  poëme  de  l'EnfFer  eft  fort  gentil 
&  fort  confîderable,  en  ce  qu'il  contient  une  forte 
&  jufte  inveélive  contre  les  mauvais  juges,  &  eft 
comme  une  efpece  d'apologie  pour  repouffer  la 
calomnie  de  ceux  qui  l'appelloient  luthérien,  ou 
fuppoft  de  Luther;  c'eft  là  qu'il  did  de  bonne 
grâce  pour  refponfe  à  Rhadamante  : 

Car  tu  es  rnide,  &  mon  nom  eji  Clément, 

Et  pour  moîijtrer  qu'à  grand  tort  on  m'attrijîe 

Clément  n'ejl  point  le  nom  de  lutherijîe 

Ains  ejl  le  nom,  à  bien  l'interpréter. 

Du  plus  contraire  emtemjy  de  Luther, 

C'ejl  le  fainâ  nom  du  pape  qui  accole 

Les  chiens  d'Enfer,  s'il  luj  plaijt,  d'une  ejlole. 


40 


Les   Trois   Marot. 


Le  crains-tu  point?  c'ejl  celluf  qui  a^rme. 
Qui  ouvre  Enfer,  quand  il  veult,  &  le  ferme. 
Cellujr  qui  peut  en  feu  chaud  martyrer 
Cent  mille  efprits,  ou  les  en  retirer. 

Par  où  a  de%ne  fans  doubte  le  V-V^Cleme^^^^^ 
au'il  recognoiffoit  comme  le  chef  vifible  de  1  Eglife 
univerfelle,  &  par  confequent  on  peut  croire  qu  il 
n'eftoit  paslutherifte,  ny  de  la  créance  des  autres 
fedateurs  de  Luther. 

En  fuitte  il  dia  qu'il  natquit 

A  Cahors  en  Quercf, 
Que  je  laijfaypour  venir  querre  icf  ^ 
Mille  malheurs,  auxquels  ma  dejîinée 
M'avoit  fou/mis,  car  une  matinée. 
N'ayant  dix  ans,  en  France  fus  mené. 
Là  où  depuis  me  fuis  tant  pour  mené 
Que  f  oublia/  ma  langue  maternelle 
Et  grojfement  apprins  la  paternelle. 
Langue  françoife  es  grands  cours  eftimée. 
Laquelle  enfin  quelque  peu  s'eft  limée. 
Suivant  le  roy  François,  premier  du  nom. 
Dont  lefçavoir  excelle  le  renom. 
Ceft  lefeul  bien  que  fay  acquis  en  France 
Depuis  vingt  ans  en  labeur  &  fouffrance. 

Et  puifqu'il  fut,  comme  j'ay  did,  vallet  de 
chambre  de  la  fœur  du  roy  François  avec  quel- 
ques autres  particularitez  de  fa  vie  que  j'ay  ci- 
devant  touchées,  enfin  il  fe  refolut  de  fouffnr  fes 
miferes,  puifque  le  Roy  luy  mefme,  fon  bon  mail- 


Clément   Marot.  a\ 

tre,  n'en  eftoit  pas  alors  exempt,  eftant  auffy  bien 
que  luy  prifonnier  en  Efpagne,  &  aiifTy  bien  que 
luy  malmené  de  la  mauvaife  fortune.  En  quoy  il 
paroifl  que,  comme  les  grands  poètes  ont  quelques 
forts  attachements  à  la  vertu  des  grands  princes, 
ils  ont  encore  beaucoup  de  fympathie  avec  leur 
bonne  ou  leur  mauvaife  fortune. 

Ses  Elégies  font  efcrites  d'un  ftyle  fi  naïf  que 
fon  temps  n'a  rien  produit  de  mieux. 

Quant  à  fes  Epiftres,  on  peut  dire,  fans  le 
flatter,  qu'elles  font  aù-deffus  du  mérite  de  fon 
fiecle,  &  mefme  qu'elles  doivent  vivre  jufque  au 
dernier  de  tous  les  fiecles,  furtout  celle  qu'il 
addreffe  au  roy  François  premier,  après  avoir  efté 
defrobé  par  fon  vallet,  &  l'autre  où  il  fupplie  Sa 
Majefté  de  le  délivrer  de  prifon;  car  il  me  femble 
qu'il  fe  rencontre  là  autant  de  naturel,  voire 
mefme  autant  d'efprit,  que  l'on  en  puifle  rencon- 
trer dans  pas  une  auftre  pièce  de  cefte  nature, 
&  entre  tant  de  bonnes  chofes  ce  trait  me  femble 
excellent  &  pathétique  : 

Au  mi f érable  corps. 
Dont  je  vous  parle,  il  n'efl  demeuré  fors 
Le  pauvre  efprit  qui  lamente  &  f  ouf  pire. 
Et  en  pleurant  tafche  de  vous  faire  rire. 

Son  autre  Epiftre  au  mefme  prince ,  pour  luy 
recommander  Papillon,  poëte  franc  ois,  qui  eftoit 
malade,  a,  ce  me  femble,  aufly  des  agremens  tout 
particuliers  &  tefmoigne  bien  par  là  qu'il  n'eftoit 


Les   Trois  Marot. 
pas  moins  excellent  amy  qu'excellent  poète.  Belle 
Lcon   certes  pour  quelques   poètes   env.eux   de 
noftre  temps,  qui,  bien  loin  de  féconder  de  le;^ 
"vorable  fufege  la  fortune  de  le-  «iodes  anu, 
tafchent  toujours  de  la  deftruire  par  le"-  lafches 
medifances  &  parleurs  impertmentes  cenfures. 
meauai.c         y  youUo  s  exammer 

Je  n'aurois  jamais  taiCt,  n  )>-  vuu 
icy  ponctuellement  tous  les  ouvrages  de  ce  be 
ef^It;  il  fuffit  d'adjoufter  que  fes  EpiS-~  " 
nrefqùe  toutes  le  fel  &  la  pomte  de  celles  de 
'mLL.S.  qu'elles  ont  auffypaffé  de  jn  temps 

pour  des  chefs-d'œuvre   qui  Pe^-ve"  bien  eftre 
encore  l'agréable  divert.ffement  d"  ""ft"^^  '  f  f^ 
parmy  fes  Complaintes,  celle  P-r  le  gêner  IPru- 
dhome  &  celle  pour  Flonmond  Robertet,  &   E^o 
gue  pour  la  reyne  mère,  Loyfe  de  Savoie,  fon 
efcriL  d'un  fi  bel  air  &  d'un  ftyle  fi  Poénq-  &  fi 
pailoral  que  les  Tombeaux  de  Jean  Second  &  les 
Ces  funèbres  de  l'antique  Mofchus  &  de  Bion 
Jfme  n'ont  rien  de  plus  fort ,  ny  de  plus  agréable  ; 
le  doae  leaeur  en  peut  juger  auffy  bien  que  moy. 
Mais  comme  au  rapport  d'Eftienne  Pafqu.e 
(Recherches  de  la  France,  1.  vu,  c.  ,  ) ,  ce  fut  Clément 
Marot  qui  reforma  le  Romant  de  la  Rofe  &  qui  e 
fit  parler  le  langage  de  fon  temps   aifin  d.nviter 
les  efprits  délicats  à  la  ledure  de  cefte  vieille 
&  fameufe  antiquaille,  fi  nous  en  croyons  encore 
quelques  autheurs,  il  traduifit  en  vers  franço.s  le 
colloque  d'Erafme  de  rAbbé&  de  la  Femme  favante 
avec  ceUuy  de  la  Vierge  |.«<;y=<P5,  ou  qm  hait  le  ma- 
riage, &  compofa  le  Sermon  du  bon  &  du  mauvais 


Clément  Marot.  43 

pajleur,  la  Complainte  du  pajioureau  chrejîien,  faiâe 
en  forme  d'Eglogue  rujiiqiie  foiibs  la  perfonne  de 
Pan,  dieu  des  bergers,  trouvée  après  la  mort  de 
Tautheur  en  la  ville  de  Chambery,  &  imprimée  à 
Rouen  Tan  i  S49  ;  ^^  Balladin  &  le  Riche  en  pauvreté, 
joyeux  en  affliâion  &  content  en  fouffrance,  impri- 
mez à  Thurin,  pièces  qui  ne  fe  rencontrent  point 
dans  le  corps  de  fes  livres. 

Apres  tant  de  beaux  &  de  divers  ouvrages,  il 
ne  faut  pas  s'eftonner  û  les  plus  habiles  hommes 
de  Ton  fiecle,  &  mefme  du  fiecle  fuivant ,  ont  û 
hautement  exalté  fon  mérite,  &  û  nous  voyons 
leurs  efcrits  briller  de  la  fplendeur  de  fon  nom  ; 
la  plus  part  de  fes  amis,  &,  entre  les  autres, 
Charles  Fontaine ,  faifant  allufion  fur  le  nom  de 
Marot,  l'appeloient  le  Maro,  ou  le  Virgile  de  fon 
fiecle;  mais  quant  à  luy  il  croyoit  bien,  à  la  vérité, 
en  avoir  le  nom,  mais  non  pas  le  mérite,  tefmoin 
ce  qu'il  did  là-deffus  fi  naïfvement,  &  fi  juftement 
auify,  dans  fon  EnfFer  : 

Quand  au  furnom,  aufff  vraj  qu'Evangile, 
Il  tire  à  cil  du  po'éte  Virgile, 
Jadis  cherj  de  Mecenas  à  Rome, 
Maro  s'appelle  &  Marot  je  me  nomme; 
Marot  je  fuis,  &  Maro  ne  fuis  pas. 
Il  n'en  fut  onc  depuis  le  Jien  tj^efpas  ; 
Mais  puif qu'avons  un  vray  Mecenas  ores, 
Quelque  Maro  nous  pouvons  voir  encordes. 

Charles  de  Sainde-Marthe,  dans  fon  Tempe 


44  Les    Trois   Marot. 

de  France  luy  rend  ce  tefmoig-nage  d'eftime  &  le 
met  au  premier  rang^  de  nos  autheurs  François  : 

Calliope,  la  mufe  refonnante, 
A  par  fa  voix  une  voix  conformante, 
Cefi  fon  Marot,  le  poëte  fçavatit. 
Lequel  premier  met  la  plume  en  avant. 
Plume  de  mots  &  fentence  fertile. 
Plume  à  trouver  &  à  coucher  fubtile. 

Il  luy  addrefTa  encore  plufieurs  autres  vers 
comme  l'epigramme  fur  fon  vallet  qui  Favoit 
defrobé.  Elle  commence  ainfy  : 

Ton  ferviteur  le  mien  avoit  appris. 

Ou  tous  deux  ont  efié  à  mefme  ef choie; 

jy  ay  efié,  comme  toj,  fi  bien  pris 

Qu'il  ne  m'eft  pas  demeuré  une  obole; 

Le  tien  efioit  de  f  ai 8  &  de  parolle 

Un  vrai  gafcon;  fi  le  mien  ne  Vétoit, 

A  tout  le  moins  bonne  mine  en  portoit,  &c. 

Celle  qu'il  fît  pour  refponfe  à  quelqu'un  qui 
l'exhortoit  de  mettre  fes  vers  en  lumière  : 

Chafcun  Marot  efcrivant  ne  peut  efire 
Pour  attirer  le  leâteur  par  douxfijle,  ôc. 

Celle  qu'il  luy  addreffe  comme  à  fon  père  d'al- 
liance &  comme  à  fon  maiftre  en  poëfie  : 

Que  dira-t-on  de  me  voir  fi  hardj 

De  compofer  après  toy  cher  Clément?  &c. 


Clément  Marot. 

,  Celle  où  ,1  le  prie,  comme  allant  fon  bon  amv 

de^>.c_nder  Tes  oeuvres  à  la  duchelTe   ^ 

Tu  vors.  Marot.  quel  moyen  j'ay  trouvé 
Donnant  mon  livre  à  la  perle  de  Franee.  &c. 


Celle  du  faux  bruit  de  fa 


mort 


Il  fut  un  bruit  que  Marot  efioit  mort 
Et  ee  bruit  faux  un  menteur  affeura.  &c. 

Et  finalement  dans  fon  epiftre  en  profe  au 
recretau-e  d'Avanfon,  ,1  le  met  en  tefte  desteau" 
efpnts  de  fon  temps  qu',1  eftimoit  le  plus  Euftol 
de  Beauheu,  dans  fes  divers  rapports^ luy  addrel 

appeUe  très  éloquent  poëte,  &  eftime  fa  ville  de 

dans"  ÎoTfe      rr'/^  ''^™'^  l"^''-  -"P^  '«^ 

content V.'"'         f"  ^'"''''"'''  "°"  ^^"'l^-ent 
conten    de  1  avo.r,  dans  fon  art  poétique  francois 

futurs,  le  loue  encore  hautement  dans  fon  Ouintil 
les  diverfes  rymes  de  fon  invention,  &  dans  la 
SldÏT  'V  "''''-'  ^'Ovide/tefmoince 


^^■«/r  ^/^/^  Mu/eus  rAnden, 
Poëte  grec,  qui  pour  le  coimnm  bien 


^  Les  Trois   Marot. 

Qu'on  peut  cueiWr  de  fa  fagedoarine,  , 

Parle  francois  par  la  langue  dmne 
farte  ji      ,       X  Mnrnt  en  France, 

nu  ^rand  Uaro,  nomme  Marot 

^      1     nu  non  la  Romaine  arrogance. 
Le  veuille,  ou  non 
Marot  non  moindre  en  fa  françotj 

,  r^  infiQ-ue  romaine. 

Qu'ejioit  Maro  en  fa  langue 

•.  H.bert  d'iffoudun,  dans  fes  rondeaux, 
po'ëtesfrançoispl  commence  amfy. 

Comme  à  Plate  je  crois  ,u'en  ton  enfance, 
Zs  le  berceau,  en  fgned'eWence 
Mouches  à  nnel  te  ren,pliffoient  la  touche,  &c. 

D.„s   Tes   v.fions   ^^^f^'^ZnlnTZ':. 
Lieffe,  il  faia  une  longue  d.greffion  en 
En  voicy  quelques  vieilles  rymes  : 

Our  ce  Marot,  que  tu  me  verras  lire, 
pZs  dou.  eft-il  que  d'0,yHeus  la  lyre. 
Car  R  Virgile  efl  poète  plus  grave 
Entre  Latins,  aufrreft  le  plus  trave 

Entre  François  ce  Marot  ^"^J'f'' 
Chafcun  le  peut  cognoiflre  par  fes  d,as. 

Et  ne  crof  point  que  par  fuavite 

Il  n'ait  de  nom  jufte  confimté 

Au  grand  Maro,  &  qu'il  en  fo.t  proptce 

De  militer  &  vivre  fous  la  hce 

De  vos  efprits;  donc  après  la  leBure 

De  mots  dorés  d' élégante  faSure, 


Clément  Marot.  An 

Prins  &  choifis  au  livre  marotic 
Tenant  de  l'art  &  engin  poëtic, 
Ny  a  celluy  d'entre  eux  qui  ne  s'hardie 
D'aimer  Marot  &  puis  ne  l'ejiudie,  &c. 

Dans  Tes  epigrammes  qui  font  à  la  fin  de  Ton 
Temple  de  la  Chafteté,  il  faia  fouvent  fort  hon- 
norable  commémoration  de  luy,  tefmoin  celle  qui 
commence  : 

Qiii  tient  propos  de  Cahors  en  Qiiercy, 
Du  bon  Marot  la  terre  naturelle, 
Cognoijl  ajfei  ce  paj-s  efclaircy 
D'avoir  produit  une  femence  telle,  &c. 

Parmy  fon  recueil  d'epitaphes,  j'y  en  ay  ren- 
contré une  de  fa  façon  qui  porte  pour  titre  : 
Epitaphe  de  feu  Clément  Marot,  prince  des 
poètes  de  fon  temps,  &  qui  eft  conceue  en  ces 
termes  deferans  au  poffible  : 

Lorfque  la  mort  par  envie  &  outrance 
Fit  à  Thurin  choir  Marot  à  l'envers. 
Vous  eujjîei  ^<^"  les  poètes  de  France 
Plorer  leur  père  en  deuil  &  plaints  divers. 
Là  difoient-ils,  fera  mangé  des  vers 
Le  bon  poëte,  amoureux  de  P allas. 
Puis  tout  Soudain  ils  entroient  en  foulas, 
Difants,  le  corps  fubjet  à  pouriture 
Thurin  i^eçoit,  mais  les  hauts  deux,  helas! 
Ont  eu  l'efprit,  France  fon  efcriture. 


48  Les   Trois  Mavot. 

Finalement,  dans  fon  epiilre  latine,  qui  eft 
inférée  à  la  fin  de  Tes  commentaires  des  divins 
oracles  de  Zoroaftre,  ancien  philofophe  grec,  fai- 
fant  une  doéle  enumeration  des  fçavans  hommes 
&  des  beaux  efprits  de  fon  fiecle,  il  parle  ainfy 
honorablement  du  poëte  Clément  Marot  :  Perpe- 
tuum  fpleiidoris  fui  fpecimen  pojieris  reliquit  Cle- 
înens  Marotus.  C'eft-à-dire  que  Clément  Marot  a 
laifTé  par  fes  fameux  efcrits  un  éternel  échantil- 
lon de  fa  fplendeur  &  de  fa  gloire  à  la  pofterité. 

Jean  le  Mafle,  Angevin ,  dans  fes  annotations 
fur  le  Bréviaire  des  nobles ,  parlant  des  epi- 
grammes  de  Clément  Marot,  diél  que  nos  poètes, 
devenant  à  fon  exemple  plus  délicats  &  plus 
friands ,  commencent  à  quitter  les  triolets  &  les 
virelais  pour  accouftrer  l'epigramme  en  la  forme 
qu'on  la  voyoit  alors.  Jean  Doublet,  Dieppois, 
dans  fes  diverfes  élégies,  introduit  une  vieille 
dariolette  ou  maquerelle,  qui  enfeigne  à  une  belle 
&  jeune  iîlle  l'art  d'aimer  pour  le  gain  &  à  faire 
quelque  honteux  traffic  de  fon  corps,  &  luy  faiét 
dire  qu'elle  ne  fe  doibt  point  laiffer  charmer  aux 
beaux  vers  de  fon  fiecle,  fuifent-ils  ceux  de  Marot, 
ou  de  Ronfard  mefme,  qu'il  appelle  le  Pindare 
gaulois  ;  où,  en  paffant,  je  diray  qu'il  femble  que 
la  Macette  de  Régnier  ne  foit  qu'une  copie  de  ce 
vieux  original,  fi  ce  n'eft  qu'ils  ayent  tous  deux 
emprunté  la  mefme  chofe  du  Bernia,  ou  de  quel- 
que autre  poëte  italien.  Eftienne  Forcadel,  après 
fon  chant  des  Seraines,  luy  confacre  quelques 
vers  qui  me  font  échappez  de  la  mémoire. 


Clément  Marot. 
Jacques  Pelletier  du  Mans,  dans  fon  Art  poé- 
tique françcs    parlant  de  la  première  introdulio„ 
des  odes  en  France,  m  que  les  pfeaume    d" 
Marot  font  de   vrayes  odes  &   qu'il  „e  leur  en 
manque  que  le  non,,  comme  aux  autres  la  chofe 
Et  plus  bas,  parlant  de  la  fatyre  francoife,  il  dia 
que  de  fon  temps  Clément  Marot  fot  le  premiet 
qu.  en  fit  &  qui  l'appela  coq  à  l'afne,  dont  il  donne 
es  ra.fons  que  l'on  peut  voir  à  loi/ir  dans  fon 
l.vre.  Ma,s   pour  rendre  l'honneur  qu'il  do.b   aux 
poètes  de  fon  temps,  il  d.a  ces  parolles  d'u^  ex- 
ceUent  homme,  qui  font  fort  confiderables,  que 
nous  n  avons  Jamais  eu  en  France  un  poë  e  de 
P  us  heureux  naturel,  qu.   n'a  eu  pas   u'n  au..e 
deffaut,  finon  qu'd  n'a  pas  voullu  grand  chofe 
ayant  peu  tout  ce  qu'U  a  voullu,  homme  .nim!: 
table  en  certames  fehcitez  &  finguherement  en  la 

traduflion  des  pfeaumes ,  œuvres  à  vivr.  ,  , 
m.o  i'„      0  1  '  "^"""^es  a  vivre  autant 

que  I  ouy  &  le  non,  tant  pour  la  matière  que  pour 
la  forme,  &  tant  pour  l'ame  que  pour  le  corps 

François  Burgot  fait  mention  de  noftre  poëte 
en  quelque  endroit  de  fes  ouvrages  qu'il  feroit 
peut  eftre  ennuyeux  de  citer. 

A-^^^^v""^-  ^^  ^^'^'  "°"  '^""«"^  ^""""e  i'ay 
diét  de  lavoir  mis  parmy  fes  Illujlres.  &  d'avoir 
compofé  des  vers  latins  fur  fa  mort,  ne  defdaiVna 
pas  encore  de  luy  confacrer  cefte  epigramme  en 
noftre  langue  ■ 

J'admire  ton  efprit  en  mille  inventions 

Qui  ton  nom  graveront  au  temple  de  mémoire. 


4 


y^' 


;-o  Les    Trois   Marot. 

Mais  des  pfeaumes  faints  tes  riches  ver/tons 
Te  couronnent,  Marot,  d'une  éternelle  gloire. 

Il  eft  bien  jufte  auffy  que,  comme  il  loue  hau- 
tement la  beauté  de  fon  efprit,  il  condamne  ail- 
leurs le  libertinage  de  fa  vie ,  en  difant  que  ce 
poëte  ayant  paffé  prefque  toute  fa  vie  à  la  fuitte 
de  la  cour  où  Fhonnefteté  &  la  pieté  n'ont  guère 
d'audiance,  il  ne  fe  foucia  pas  beaucoup  de  refor- 
,  .  mer  fa  vie  peu  chreftienne,   ains  fe  gouvernoit  à 

Jlr,.  fa  manière  accouftumée  mefme  en  fa  vieilleffe. 

-  C'eft  le  jugement  de  Beze  ;  mais  après  tout  laiflbns 

au  grand  &  divin  fcrutateur  des  cœurs,  fi  j'ofe 
efcorcher  ce  mot  du  latin  des  Efcritures  Sainéles, 
à  juger  des  aétions  des  hommes  puifqu'il  en  juge 
nettement  &  fans  paiîîon.  Quoy  que  Joachin  du 
Bellay  en  plufieurs  endroits  de  fon  traiélé  de 
V Illujiration  de  la  langue  françoife  femble  ne  pas 
eftimer  beaucoup  les  œuvres  de  Marot,  lorfqu'il 
fe  rid  de  ceux  qui  s'attachent  fî  fort  à  Fimiter 
(1.  5,  c,  8.)  qu'il  femble  mefme  le  blafmer,  o  chofe 
eftrange,  pour  avoir,  did-il,  trop  fuperftitieufe- 
ment  entremeflé  dans  tous  fes  pfeaumes  les  vers 
mafcuhns  avec  les  féminins,  &  qu'il  appelle  le 
demeflé,  qu'eut  ce  poëte  avec  un  de  fes  plus 
fameux  adverfaires,  la  farce  de  Marot  &  de  Sagon. 
Si  eft  ce  qu'il  ne  put  s'empefcher  de  rendre  le 
tefmoignage  à  la  vérité  lorfqu'il  compofa  une 
epitaphe  en  fa  louange ,  dont  je  ne  rapporteray 
que  les  premiers  vers,  puifqu'on  la  peut  voir  en- 
tière dans  fes  œuvres  qui  font  fort  publiques. 


Clément  Marot. 

Si  de  cellur  le  tombeau  veut  fçavoir 

f' d' Marc  avait  plus  due  l'e  nom 
Il  te  convient  tous  les  lieux  aller  voir 
Ou  Franee  a  mis  le  but  de  fon  renom.  &c. 

la  manière  de  ViX"""""  ^"  ^^^^'  ^^^P--  à 

27''  ''  '"'"■'■  '<"  P'^^-nont.  l'univers 
Mejit,  me  t.nt,  m'enterra,  me  eognut 

^l^-' """""'■'"  ^ourt  tout  mol  temps  eut 
P.edmont  mes  os  &  l'univers  mes  vers. 

quiefme  cercle  de  fa  C.W  T'^"''"^'  ''^"^  '«  cm- 
à  propos  de  It  nT:£^r,T'''''''f''" 
ainry  les  louanges  de  Mafot  ^''"^'  ^'^"" 

^rot.  l'un  des  premiers,  d'un  vers  doux  &  facile 
ûe  /.  mufefejit  auditeur  fort  docile  ^ 

tA  chanta  l'Epigramme  &  l'Eglogue  bien  joint 
Ta^  après  Martial  ,ue  Virgile  plus  coijt 
Punfonjlyle  elima  de  façon  plus  heureufe 


^2  Les  Trois  Marot. 

En  la  tnetamorphofe  héroïque  &  nomhreufe. 
Et  aux  chants  de  David  qu'en  vers  il  a  rendus 
AJfei  bien  agence^  &  non  pas  entendus. 

Guillaume  de  Sallufte  du  Bartas,  dans  le  fé- 
cond jour  (Babylone)  de  fa  grande  Semaine,  louant 
ceux  qui  ont  le  mieux  cultivé  noftre  langue  fran- 
çoife,  rend  cet  éternel  &  véritable  éloge  à  Clé- 
ment Marot  : 

Mais  qui  font  les  François?  ce  terme  fans  façon 
D'où  la  groffiere  main  du  pareffeux  maçon 
A  levé  feullement  les  plus  dures  écailles, 
C'ejl  tof  Clément  Marot  qui,  furieux,  travailles 
Artiflement  fans  art,  &  poingt  d'un  beau  foucf 
Tranfporte  Helicon  d'Italie  en  Quercj, 
Marot  que  je  venere  ainff  qu'un  coiffée 
Noircf,  brifé,  mouffu,  une  médaille  ufée 
Un  ef corné  tombeau;  non  tant  pour  leur  beauté 
Que  pour  le  faind  refpeâ  de  leur  antiquité,  &c. 

Jean  Vulteïus  de  Rheims,  qui  publia,  Tan  1^37, 
quatre  livres  d'Epigrammes  latines,  femble  avoir 
pris  à  tafche  de  le  louer  prefque  dans  toutes  les 
pages  de  fon  livre.  Je  n'en  rapporteray  icy  que  cefte 
feuUe  epigramme  qui  eft  peut  eftre  une  des  plus 
fubtiles,  car  la  plus  part  des  autres  me  femblent 
fi  fades,  que  celles  que  l'on  appelle  epigrammes 
à  la  grecque  ne  le  fauroient  eftre  davantage.  C'eft 
donc  ainfy  qu'il  parle  à  Marot  : 


Clément  Marot. 

Grata  bonis  funt  grata  ,„a!is  tua  carmina;  doais 

Indoa,s  tua  funt  carmina  grata  ftmul 
Hoc  magnum  pulchrum.ue  puta,  na,n  maxima  laus  eft 

Pojfe  placere  bonis,  poffe  placerc  malis. 

Mais  puifque  j'en  fuis  fur  le  latin,  ce  fameux 
autheur  d'Ital.e,  L,l.us  Gyraldus,  dans  fo„  ^Z 
dialogue  des  poètes  de  fon  temps,  rend  ce  tefmoi- 
gnage  en  faveur  de  celuy  dont  .1  eft  queftion.  Ce- 

l'-2f'P'-'"''''-'S'^Gallorum,plurimafuoicliomate 
;   *;  f  "  ^^'•^%'""'   confcripta   edidit,  inter  auœ 

f''"'^e'^'norphof,s0.idiana,&VirgiUiEglogaJu. 
d'cum  M,nois.  Encomium  Beroaldi  &  aliapermulta 
tum profana,  tum  etiamfacra.-  &  puis  que  l'on  difé 
que  le  nom  de  nos  poètes  vulgaires  ne  paffe  pas' 
les  Alpes  avec  honneur!  De  moy,  j'ay  de  grandes  \ 

obl,gat.ons  à  l'Italie   qui  eft  devenue  fi  foulent  ^ 

1  écho  de  mes  vers,  &  qui  fi  foulent  aufly  les  faiél 
parler  fa  langue,  mais  d'un  air  hien  pL  noblt 
&  plus  efclattant  que  je  ne  les  fis  jama.s  parler  la 
noftre.  Vous  le  tefmoignerez  à  la  pofterité  grands 
Bagn,s,  doaes  Camoles,  illuftres  Allacis  qui  n'avez 
pas    dédaigné   d'eftre  les   fidelles  interprètes   de 
2Vr    .  ?  t '''  '^°™'"""i'î"er  aux  Nymphes 
de  lArne  &  du  Tybre;  je  debvois  ce  me  femble 
cefte  pente  difgreffion  à  ces  excellens  hommes 
qu,  m  ont  fa,a  tant  d'honneur;  mais  pour  retour- 
ner  d  ou    nous    fommes   partis,   Jean   Edouard 
du  Monm,  que  j'appellerois  volontiers  le  dode 
&  ténébreux  fanfaron  de  noftre  Parnaffe  dans  fon 


54  Les   Trois  Marot. 


Temple  de  la  Poëfie  philofophique,  après  en  avoir 
exclus  quelques  petits  efprits  de  Ton  fiecle  qu^l 
appelle  des  ombres  vagabondes  &  des  fonnetteurs 
françois,  dia  qu'il  vaudroit  bien  mieux  y  intro- 
duire Rabelais  &  Marot. 

Pour  entrer  en  crédit  en  nojtre  fainâ  palais 
Où  logeroit  plus  tôt  Marot  &  Rabelais. 

Eftienne  Tabourot  rapporte  par  cy  par  là  plu- 
iieurs  vers  de  Marot  dans  Tes  agréables  Bigar- 
rures; rautheur  du  Promptuaire  des  médailles, 
dans  fa  féconde  partie,  après  avoir  did  que  Tes 
vers  fembleroientpeu  de  chofe  en  comparaifon  de 
ceux  d'aujourd'huy,  fi  eft  ce  qu'il  ne   defdaigne 
pas  de  nous  donner  fon  portrait  &  de  dire  enfuitte 
qu'il  s'eft  acquis  de  grandes  louanges  des  le  temps 
que  la  poëfie  françoife  a  commencé  d'eftre  en  prix 
&  en   eftime.  Mais  celluy  qui  nous  a  donné  en 
abrégé  Phiftoire  chronologique  des  grands  hommes 
du  dernier  fiecle,  paffe  bien  plus  avant  lorfque 
parlant  de  Marot,  il  n'en  dia  que  ces  deux  mots 
qui   font   très    remarquables,  c'eft   affavoir  qu'il 
eftoit  le  poëte  des  princes  &  le  prince  des  poètes 
de  fon  aage.  François  des  Rues,  dans  fa  defcrip- 
tion  des  villes  de  France,  en  parlant  de  Cahors 
en  Quercy,  n'oubhe  pas  de  remarquer  que  c'eftoit 
la  ville  natale  de  Clément  Marot,  l'un  des  pre- 
miers poètes  du  dernier  fiecle.  Eftienne  Pafquier 
ne  fe  peut  lafTer  de  le  citer  &  de  le  louer  en  mille 
endroits   de  fes    dodes   Recherches    de   la  France 


Clément  Marot. 
&  Spécialement  dans  Ton  fepriefme  livr.   r>  ' 

Roche  on  'tous  1^°""'^  &  Marefcha.  de  la 

pneur  de  Sa,ne-Rom„aId,  feuillant,  d  L    e  troi  ' 
fieme  volume  de  Ton  Threfor  chr'onolojique  t 

eT  ~f/,:,?°r-  ■""'^-^  de  roni:^::  ï 

en  vray  qu  il  fe  meconte  lorfau'il  HiA  « 
l.eu  que  Marot  avo.t  traduit  en  vers  f  1  1      " 
despreaumes  deDavM^puir^u'effealtr    Z 

deflus  &  comme  le  d.fent  en  termes  exprès  Théo 
dore  de  Beze  &  Eftienne  Pafquier.  Mail  le  ne" 
rero.t  ,ama  s  faia,  /i  ;'al,e,uoisMcy  cous    eux  I 
ont  honorablement  parlé  de  luy.  Qu'il  ll.ffil 

r;  't"""  'ï"^  ^^  '"^  ^y  -«^  toutÎ  etate' 
&^ns  lever  la  plume,  ceux-là  feulement  "rj 
ront  prefentez  à  ma  mémoire.  11  eft  bien  vray  Le 

TfÎltts  "^  '"'''''  ''""-'"-  -^^  - 

■fepri/e  de  Marot  le  chef-d'œuvre  chanté 
hn  la  mufe  françoife  ore plus  accomplie, 

Auffy  bien  que  celluy  qui  pour  louer  le  grand 
uunt  voicy  le  premier  vers  : 

Lefollajtre  Marot  mefaid  tout  fondre  en  ris. 


5^  Les   Trois  Ma  rot. 

Mais  poiivois-je  paffer  icy  foubs  filence  la 
Frefnaye  Vauquelin  qui  dans  Ton  Art  poétique 
François  parle  ainfy  de  noftre  fameux  Marot  en 
parlant  du  progrès  de  la  fatyre. 

Depuis,  les  coq  à  Vafne  à  ces  vers  fuccederent. 
Qui  les  rimeursfrançois  trop  longtemps pojfederent. 
Dont  Marot  eut  l'honneur,  &c. 

Et  en  un  autre  endroit  il  loue  hautement  Ton 
petit  recueil  d'Eftrennes.  Vofîîus  parle  encore  de 
luy  en  termes  fort  honnorables,  &  voilà  tout  ce  que 
jufqu'à  prefent  j'ay  trouvé  de  ceft  excellent  homme 
du  fiecle  de  François  premier  dans  mes  longues 
^  pénibles  leélures. 


MICHEL   MAROT 


ONT  RE  la  maxime  d'Horace,  il  n'ar- 
rive que  trop  fouvent  que  les  forts 
n'engendrent  pas  des  forts,  que  les 
aigles  ne  produifent  que  des  colombes, 
&  mefme,  félon  le  commun  proverbe  Filii  Heroum 
noxa,  que  les  héros  ne  mettent  au  monde  que  des 
lafches  &  des  pagnotes.  Cela  fe  peut  voir  claire- 
ment en  la  perfonne  de  celluy  cy;  car  encore  qu'il 
fut  €]s  de  Clément  Marot,  prince  des  poètes  de 
fon  temps,  fi  eft  ce  que  bien  loin  de  fucceder  à  la 
principauté  de  fon  père,  il  laifla  paffer  fon  fceptre 
en  d'autres  mains  &  ne  fe  fentit  aucunement  du 
lieu  de  fa  naiffance.  Ce  qui  me  faiél  croire  que  ce 
iîls  proffita  fort  peu  des  inllrudions  de  fon  père, 
ou  plus  toft  que  fon  père  luy  faillit  auparavant 


^8  Les   Trois   Mat^ot. 

qu'il  fuft  en  aage  de  les  recevoir.  Quoy  qu'il  en 
foit,  il  le  vouUut  imiter  en  faifant  quelquefois  les 
rymes  ;  mais  comme  fon  père  en  avoit  fai6l  pour 
fa  gloire ,  celluy  cy  n'en  fit  qu'à  fa  honte ,  puif- 
qu'elles  font  déplorables  au  dernier  point.  Certes 
en  matière  d'èftude  &  de  réputation  que  l'on  y 
acquiert,  je  ferois  volontiers  de  l'advis  de  ce  grand 
&  célèbre  jurifconfulte  Jacques  Cujas.  Il  n'avoit 
qu'un  fils,  &  jugeant  bien  qu'il  eftoit  naturellement 
ennemy  du  travail,  &  par  confequent  qu'il  ne 
pourroit  jamais  tenir  un  rang  notable  parmy  les 
grands  jurifconfultes  de  fon  fiecle,  ny  marcher 
dignement  fur  les  traces  paternelles  ,  il  le  divertit 
de  cefte  eftude  fevere,  &  le  laiflant  fuivre  fes  incli- 
nations, il  luy  donna  de  quoy  fubfiller  dans  le  jeu 
&  dans  les  agréables  compagnies  des  courtifans 
&  des  dames.  En  effet  on  ne  doibt  pas  eftre  blafmé 
pour  n'eftre  pas  fçavant,  mais  on  le  doibt  eftre 
pour  fe  piquer  d'un  art  où  l'on  eft  incapable  de 
reuflîr.  Tous  les  enffans  des  poètes  ne  font  pas 
obligez  d'eftre  poètes  de  mefime  ;  mais  ils  font  obli- 
gez de  ne  rien  produire  qui  foit  indigne  de  la 
réputation  du  nom  qu'ils  portent.  Ce  Marot  donc 
fit  des  vers,  mais  fi  lafches  &  fi  fades,  qu'il  eut 
beaucoup  mieux  faiél  de  lire  ceux  de  fon  père  que 
de  nous  donner  les  fiens.  Quiconque  fera  curieux 
d'en  voir  n'a  qu'à  confulter  le  livre  qu'Antoine 
Couillard  efcrivit  contre  les  prophéties  de  Noftra- 
damus  &  qui  fut  imprimé  à  Paris  l'an  1560, 
puifque  l'on  trouve  là  de  fes  odes  &  de  fes  epi- 
grammes    qui  certes  n'ont  rien  du  fleury  d'Ho- 


Michel  Marot.  cç 

race,  ny  de  Taigu  de  Martial;  tefmoin  ce  com- 
mencement d'une  ode  qu'il  addreffa  à  la  reyne  de 
Navarre,  princeffe  qui  Faimoit  fans  doubte  en  la 
coniîderation  de  Ton  père  : 

Ma  princejje. 

Ma  maijlrejfe. 
Je  fuis  le  fils  de  Clément, 

Qui  fans  rufe 

Par  fa  miife 
Salue  la  Reyne  humblement. 

Je  n'ay  grâce. 

Ni  l'audace 
Telle  que  mon  père  avoit, 

Ny  la  veine 

Souveraine 
Dont  fi  bien  chanter  fouloit  ; 

Qui  me  garde 

Et  retarde 
De  m' offrir  devant  tes  yeux 

La  peur  forte 

Que  je  porte 
Efl  que  ne  puis  faire  mieux. 

Et  le  refte  qui  ne  juftifie  que  trop  la  vérité  de 
ce  dernier  vers.  Voicy  encore  une  de  fes  fades 
epigrammes  au  feigneur  du  Pavillon ,  Antoine 
Couillard,  Ton  amy  intime  &  fon  frère  d'alliance , 
qui  pour  recompenfe  luy  en  addreffa  plufieurs 
autres. 


6o  Les   Trois   Marot. 

Efprit  divin  de  bonne  y^ace  jjfu. 

Où  font  ajjîs  des  deejfes  les  dons, 

Excufe  un  peu  inon  efcrit  mal  tijfii 

Que  prefenter  à  tes  clairs  j^eux  ofons. 

Socrate  peut  qu'un  chafcun  cognoijfons, 

Ainfj,  pour  vray  n'ejlant  feur  de  moy  mefme, 

N'ofois  chanter  à  ta  lyre  fuprefme. 

Mais  puif que  fay  ta  volonté  cognue 

Ne  craindras  plus  de  t'en  donner  de  mefme 

Puifqu'envers  toy  ma  mufe  ejî  devenue. 

Comme  toutes  les  autres  ne  font  pas  de  meil- 
leure trempe,  je  m'abftiendray  d'en  rapporter  icy 
davantage. 

Je  croy  qu'il  mourut  afTez  jeune,  &  que  ce  fut 
environ  l'an  1 560.  Et  je  fonde  ma  créance  prefque 
indubitable  fur  ce  que  je  rencontre  fort  peu  de  fes 
vers,  &  que  je  ne  trouve  point,  ou  peu  d'autheurs 
de  fon  temps  qui  ayent  parlé  de  luy.  Sa  devife 
qui  efloit  trifîe  &  penfif,  me  perfuade  encore  que, 
n'ayant  rien  du  mérite  de  fon  père,  il  ne  fe  fentit 
que  de  fa  mauvaife  fortune ,  &  que  l'accompa- 
gnant dans  fon  départ  précipité  de  la  cour  de 
France,  il  avoit  ruiné  fa  famille  &  laiffé  tout  à 
l'abandon  ,  car  je  trouve  dans  une  de  fes  epi- 
grammes  qu'il  iit  un  voyage  pénible  en  Italie, 
c'eft  ainfy  qu'il  en  parle  : 

A. mon  retour  du  pays  de  Ferrare, 
Par  Chambery  mon  chemin  s' addrejfant , 
J'ai  trouvé  certe  une  chofe  bien  rare 


Michel  Marot.  6i 

Ail  cabinet  de  mon  père  Clément, 

Car  revolvaiit  fes  efcrits pour  les  lire... 

Et  le  refle ,  où  il  dit  ruftiquement  qu'entre  les 
manufcrits  de  Ton  père  il  trouva  une  lettre  en 
ryme  qu'il  addreffoit  à  ce  feigneur  du  Pavillon, 
Antoine  Couillard  ;  mais  je  me  fuis  aflez  expliqué 
fur  cet  article  dans  la  vie  de  celluy  là,  difant  que 
j'avois  peine  à  croire  que  celte  epiftre  fut  .du  %le 
de  Clément  Marot,  car  il  y  a  toutes  les  apparences 
du  monde  que  c'ell  plus  toft  une  produélion  du  fils 
que  du  père. 

Antoine  du  Verdier  &  La  Croix  du  Maine  ont 
faiét  mention  de  luy  dans  leur  Bibliothèque  fran- 
çoife ,  &  l'autheur  du  Promptuaire  des  arts  &  des 
fciences  ne  l'a  pas  oublié  dans  fon  catalogue. 


Ce   prefent   livre    fut   achevé    d'imprimer  le 

Jeudi    xxviii"   jour   de    Septembre,    l'an 

M  DCCC  LXXI,  pour  Georges  GuifFrey 

par  Jules  Claye,  imprimeur. 


* 


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&  un  grand  nombre  de  vers  inédits  publiés  d'après  les 
manuscrits  originaux,  par  G.  Guiffrey.  —  6  vol.  m-8". 

I\MUS.  .1.    Cl.AYK,    IMPKIMKUR,    ",    UrK    S.\INT-BBN<ilT.     —     [  li<S  | 


Collet et,   Guillaume 

Notices  biographiques 
sur  les  trois  Marot. 


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