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Full text of "Notice sur l'artillerie de la marine en Cochinchine: (période de conquête et ..."

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I— 



V 



NOTICE 



l . SUR 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE 



EN COCHINCHINE 



(l'KRlODK DE CONQUÊTE ET D'ORGANISATION) 



PAR 



M. le Colonel H. DE PO YEN 



DE D'ABTIIiLEBIB DB LA. HASINB 



(Extrait du Mémotial de V Artillerie de la marine) 




BERGER-LEVRAULT ET C^ ÉDITEURS 



PARIS 

5, RUE DES BEAUX-ARTS 



NANCY 
18, RUE DES GLACIS 



1894 

Touê droite réservée 




LIBRAIRIE MILITAIRE BERGER-LEVRAULT ET G" 

Paris, 5, rue des Beaux-Arts. — 18, rue des Glacis, Nancy. 



EXTRAITS 

DU • • 

MÉMORIAL DE L'ARTILLERIE DE LA MARINE . 



Le Service des batteries (Lq côte en temps de paix et en temps de 
guerre, par E. G. Millon d'Ailly de Vernkcil, chef ^'escadron de l'ar- 
tillciie de la marine. 1890. Iri-8®, hroché . .' . . .' . . 1 fr. 26 c. 

Napoléon et la défense des côtes, par F.-.!. Delauneyj chef dcscadron 
de rartillerie de la marine. 1890. lu-S^» 1 fr. 50 c. 

Le Soudan français en 1888-1889. Uupport militaire du chef dcscadron 
AttcHiNARD, de l'artillerie do la maiinc, commandant supérieur. 1890. 
In-8'', avec 1 carte et t planche en pholoty[-ic, broché 2 fr. 

Le Soudan français en 1889-189U. Rapport militaire parle m6me. 1891. 
In-8°, avec deux cartes et une planche 2fr. 50 c. 

Étude balistique sur les bouches à feu de l'artillerie navale, par le 
colonel J.-B.-V. Lefèyre, de rartillerie. 1891. In-8°, avec 10 tii:nres, 
broché 1 fr. 25 c. 

Réglage et organisation du tir des batteries de côté, par A. Kiyals, 
capitaine d'artillerie. 18'Jl.. Volume in-S" de 359 pages, avec 1 10 ligures, 
broché 6 fr. 

La Pyrotechnie militaire (1591), par maître JohanBovy de Liège, pubhée 
d'après le manuscrit inédit de la Bibliothèque nationale. 189*2. Brochure 
iu-8° de G8 pages^ sur papier fort, avec 39 photogravures. 3 {p. SO c. 

Ancien mémoire sur le Dahomey. Mémoire pour servir d'instrUciion 

- au directeur qui me succédera du comptoir de Juda, par M. Goi'uc 
(1791). Publication du Mémorial de l'artillerie de rnarim, 1892. 
Brochure in-8°, avec une gravure 1 fr. 

Notice sur le tir courbe, par le comte Magnus de Sparue, ancien c^j^i- 
taine dVlillerie. 1^92. In-8°. ; 2 fl\ 

— 2<» mémoire. 1893. In-S° ' . 2 fi\ 50 c. 



Cours spécial sur le matériel de côte, à Tubage des cadres do rfirtilte> 
rie de la marine, par A. Delaissey, colonel d'artillerie de la nhirinè. 
1890. Un volume in-12 de 274 pages 2 fi*, 

Étude sur le tir à la mer dans les batteries basses, par R. SicAtJT tel 
Maorice, lieutenants d'artillerie. 188G. în-S^, avec 3 planch., broché^ 2 fh 

La Guerre maritime et les ports militaires de la France, par le 
contre-amiral A DBE, 1882. Grand in-S» ........... É fr. 

La Rade de Toulon et sa défense, par le contre-amiral do Pi.n de SaJmt- 
Andué. 1882. Grand in-8^, avec un plan, broché ....... 2 fr. 

L'Artillerie à l'Exposition de 1889, par P. Vkyrines, capitaine d'artU- 
lerie. 1890. In-8«, avec 30 planches » 7 fr. 50 C, 

Rapport de la sous-commission de l'Artillerie chargée de rechercher et 
d'étudier, à TExposition universelle de 1889, les objets, produits, appa- 
reils et procédés pouvant intéresser Tarmée. 1892. Volume grand iu-H'* 
de 331 pages, avec gravures, 8 planches et 1 tableau, br. 7 fr. 50 c. 

Carnet de l'officier de marine pour 1893. Brcueil de renseignements ï 
1 usage des officiers de la marine militaire et de la marine du commerce^ 
suivi d'une liste du personnel mise à jour, par Léon îIenako. 15*' année^ 
Volume in- 18 de 5<>8 pages, relié en percaie 3 fr. 50 c. 

Traité d'artillerie à l'usage des officiers de marine, par Ë. Nicol, 
lieutenant de vaisseau. 189i. Volume in-S° de la BiOiiothèqilô du Marin. 
'S liesse.) 



NOTICE 



SUR 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE 

EN COCHINCHINE 

(PÉRIODE DE CONQUÊTE ET D'ORGANISATION) 



NOTICE 



SUR 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE 

EN COCHINCHINE 

(PÉRIODE DE CONQUÊTE ET D'ORGANISATION) 



PAR 

M. LE COLONEL H. DE POYEN 

DB L'ABTILLEBIB DE LA MÂRIRB. 



(Extrait da Mémorial de l'artillerie de la marine) 




PARIS 

IMPRIMERIE NATIONALE 



M DGGG XGIII 



/_c> 



^ ^ ^ ^'^ 

^ 






L'ARTILLERIE DE LA MARINE 



EN COCHINCHINE 



(PERIODE DE CONQUETE ET D'ORGANISATION). 



Le Mimoriid a déjà donne la relation du rôle joue par Tar- 
tillerle de la marine dans les récentes expéditions de Formose 
et de Madagascar, ainsi que dans Tune des campagnes du 
Tonkin; celui qu'elle a joué en Cochinchine pendant la pé- 
riode de conquête et d'organisation de cette colonie ne parait 
pas moins digne d'être rapporté; mais, comme il s'agit 
ici de faits plus anciens et dont les principaux acteurs ont 
déjà disparu, il ne sera peut-^tre pas possible de donner à ce 
récit la précision de détails qui caractérise les récits précé- 
dents faits sur les notes et souvenirs de témoins oculaires. 
Quelque imparfait d'ailleurs qu'il puisse être, il sera toujours 
de nature à faire ressortir les importants services rendus par 
l'arme de l'artillerie de la marine dans les premières cam- 
pagnes de rindo-Chine. 

On se dispensera d'exposer ici les causes qui ont amené 
l'expédition dirigée par la France contre l'empire d'Annam 
et l'ensemble des faits de guerre de cette lointaine campagne: 
ce sont des choses qui rentrent dans le domaine de l'histoire 
générale et non dans l'historique particulier de l'artillerie 
de la marine et qui sont d'ailleurs suffisamment connus du 
lecteur. 

Il en est de même pour la géographie de la Cochinchine, 
que la plupart de nos camarades connaissent de vUu et que 
tous connaissent au moins par les cartes, les publications 



2 L'ARTILLERIE DE U MARINE EN COCHINCHINE. 

spéciales el les récits verbaux de ceux qui y ont fait cam-' 
pagne. 

Nous entrerons donc, sans autre préambule, dans l'ana- 
lyse des faits qui se rapportent à la conquête et à Torgani- 
sation de notre colonie indo-chinoise, en indiquant le rôle 
particulier qui est échu pendant cetle période à Tartillerie 
de la marine. 



L'ARTILLERIE DE U MARINE EN COCHINCHINE, 
CHAPITRE PREMIER. 

EXPEDITIONS DE TOURANE ET DE SAIGON (1858-1859). 



( 



L'artillerie de la marine a tout d'abord été représentée 
dans les mers de Tlndo-Chine par un simple détachement 
de 50 hommes, placé sous les ordres du capitaine Lacour (^) 
et formé en partie avec des hommes du régiment d'artillerie, 
en partie avec des ouvriers. 

Ce détachement de 50 hommes ainsi constitué forma la 
l'* section de la 3* compagnie du régiment et tut embarqué le 
26 décembre 1857 à Toulon , à destination des mers de Chine ^^\ 

<^) Jean-François Lacour, promotion de TEcole polytechnique de i86i. 
mort général de brigade en retraite en 1 889. Ce détachement avait ia com- 
position suivante : 

Capitaine en premier, commandant, Lacour; 
Sous- lieutenant, Hédon. 

CONTINGENT FOURNI PAR LE RÉGIMENT. 

Sergent-major 1 

Sergents â 

Caporaux 3 

Artificiers 8 

Canonniers servants 3o 

Trompette 1 

Total "Tô" 

CONTINGENT FOURNI PAR LA 2* COMPAGNIE D^OUVRIERS. 

Sergent i 

Caporal i 

Maître ouvrier i 

Ouvriers de 3' classe 7 

Total 10 

Total général 5o 

Les 10 hommes fournis par la a* compagnie d'ouvriers passèrent d'ail- 
leurs, par voie de changement de corps, au régiment d'artillerie, en vertu 
d'une dépêche ministérielle du 17 décembre 1857. 

^*^ A la disposition du contre-amiral Rigault de Genouilly, qui comman- 
dait alors la division navale stationnée dans ces mers. 

1 . 



à L'ARTILLERIE DE LA MARLNE EiN COGHINGHINE. 

tandis que la 2' section de la compagnie reslait en garnison 
à LoricnL Mais peu de jours après, le 6 janvier 1858, le Mi- 
nistre ordonnait de former immédiatement la 2" section de 
cette 3* compagnie avec un effectif égal de 50 hommes ^^K 

Celte section devait» aux termes de la dépêche précitée 
du 6 janvier, être armée de carabines à tige et complètement 
approvisionnée deffets de toute nature pour une durée de 
trois années. Le Ministre recommandait en outre de choisir 
autant que possible des hommes ayant encore plusieurs an- 
nées à rester sous les drapeaux, doués d'une bonne consti- 
tution et ayant une conduite satisfaisante. La 2'' section ainsi 
formée fut embarquée le à février suivant avec ordre de se 
joindre, dès son arrivée à destination, à la r® section, de 
manière à réunir la compagnie tout entière sous les ordres 
du capitaine Lacour. 

Lorsque Tamiral Rigault de Genouilly eut résolu d'attaquer 
les forts de Tourane, il trouva donc la 3' compagnie régu- 
lièrement constituée avec un effectif de 100 hommes au 
mouillage d'Haï-Nan, où il avait concentré à l'avance sa 
division navale avec le petit corps expéditionnaire franco- 
espagnol. 

L'attaque des forts eut lieu le T' septembre 1858. C'était 
la première action de la campagne et on pouvait s'attendre à 
ce qu'elle fût vivement disputée. 

^^) GeUe section était composée de la manière suivante : 

Capitaine en second, Terrasse ( Lonis-Matliieu ) ; 
Lieutenant en premier, Le Doyen (François-Louis). 

Sergents 3 

Sergent fourrier i 

Caporaux A 

Artificiers 3 

Canonniers servants 38 

Trompette i 

Total 5o 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 5 

La baie de Toiirane peut é(rc consid<$rée comme le port 
de Hué, capitale de Tempire, et le roi Gia-Loog avait fait 
construire, pour la défendre, des forts par les officiers fran- 
çais, compagnons de Tévéque d'Adran. Ces forts, construits 
d'après les principes de Vauban, étaient encore en bon état 
de défense. 

cr D'au très ouvrages nouveaux ont été élevés depuis lors par 
les Cochinchinois sur le modèle de ces premiers travaux. 
D'abord une balterie rasante au pied de l'ancien fort du 
Nord; elle est armée de 12 pièces de très gros calibre des- 
tinées à défendre, avec ce fort, l'entrée de la rade. Un autre 
fort, dit de T Observatoire, construit sur un îlot, protège éga- 
lement cette entrée. Cet ouvrage défensif présente deux fronts, 
armés aussi de pièces de gros calibre prêtes à canonner les 
bâtiments qui voudraient entrer. Cet îlot est relié lui-même 
à la terre ferme par une chaussée en pierre de 1.500 mètres 
de long, qui assure aux défenseurs du fort une ligne de re- 
traite. 

rrLa batterie de YAiguade est aussi de construction nou- 
velle; armée de 9 pièces de gros calibre, elle s'élève sur le 
flanc de la montagne pour battre de ses feux le mouillage 
intérieur. Les routes de terre qui conduisent à ces différents 
ouvrages avaient été barricadées dans la prévision d'un dé- 
barquement ennemi. De plus, deux des forts anciens, le fort 
de TËst et le fort deTOuest, construits sur les deux côtés de 
la rivière eu défendent l'entrée et dominent au loin la cam- 
pagne; ils peuvent, avec des projectiles bien dirigés, la ba- 
layer sur une grande étendue ^^^.^ 

Ces forts si bien conçus et si bien armés n'opposèrent 
cependant à l'attaque de lamiral Rigaultde Genouilly qu'une 
faible et molle résistance. Après avoir tiré quelques coups de 
canon en réponse au feu bien nourri des bâtiments, les dé- 

^*) Les Expéditions de Chine et de Cochinchine, d'après les i!ocumcnls 
officiels, pnr le baron de l?azanrouft, f. I. 



6 L*ARTILLER1E DE LA MARINE EN COGHINCHINE. 

fenseurs, pris de panique, s'enfuient et disparaissent dans 
rinlérieur du pays. Les troupes françaises et espagnoles sont 
alors mises à terre et viennent sMtablir dans la partie plate 
de la presqu'île, à proximité du fort de TEst, sous le com- 
mandement du lieutenant- colonel d'infanterie de marine 
Reybaud. Le génie s'occupe aussitôt d'élever une ligne de 
défense susceptible de permettre à une -faible garnison de 
conserver les positions conquises, tandis que le capitaine 
Lacour construit une batterie destinée à recevoir des pièces 
de 30. (tMais ces travaux avancent péniblement, car le terrain 
couvert de broussailles épaisses est en outre encombré de 
roches qu'il faut détruire par la mine et présente des diffi- 
cultés sans nombre auxquelles viennent se joindre les cha- 
leurs étouffantes d'un;" soleil tropical ^^Kt) Ils furent cependant 
terminés à la date dii 28 septembre : à cette date, la ligne 
de défense était achevée cl la batterie, construite par l'artil- 
lerie de la marine était armée et approvisionnée en muni- 
tions. Le petit corps expéditionnaire put alors évacuer son 
camp provisoire dans la presqu'tle et se retirer derrière ces 
retranchements. 

Il y resta longtemps, car l'amiral Rigault de Genouilly 
hésita plusieurs mois entre une marche sur Hué et une nou- 
velle attaque sur quelque autre point du littoral de l'empire 
de Tu-Duc. 

Pendant ce temps, les troupes du corps expéditionnaire 
eurent à subir les pluies torrentielles des mois d'octobre et 
de novembre, et si elles n'eurent pas à combattre contre un 
ennemi qui se dérobait, elles furent assaillies par les fièvres 
et la dysenterie du pays, sans compter le choléra qu'elles 
avaient rapporté du mouillage dans l'île Haï-Nan, et perdirent 
un grand nombre d'hommes. 

Le chef de bataillon d'artillerie de la marine Marchai 



t^^ Les Expéditions de Chine et de Cochinchine, d'après les documents 
ofliciels, par le baron de Bazancoiirt, t. I. 



L*ARTILLER!E DE LÀ MARINE EN GOGHINGHINE. 7 

^Adolphe-Jean), qui avait été dëstgnd le 8 juro 1858 pour 
prendre le commandement de rartitierie en Indo-Chine, ne 
tarda pas à rejoindre ces troupes au camp de Tourane. 

L'amiral Rigault, qui sMtait enfin décidé à frapper un coup 
sur Saigon, fit route pour cette nouvelle destination le 2 fé- 
vrier 1859. Il emmenait avec lui la ^^ compagnie d artillerie 
avec le capitaine Lacour, dont ii avait su vite apprécier les 
remarquables qualités, et laissait à Tourane le commandant 
Marchai , attaché au service de lartillerie de position établie 
dans les ouvrages de défense du camp. 

Le 10 février, la division navale de Tamiral Rigault arri^ 
vait à rentrée de la rivière de Saigon et, dès le H , elle for- 
çait le passage du cap Saint-Jacques, qui était défendu par 
de nombreuses batteries. Du 1 1 au 15 , elle enlevait successive^ 
ment les cinq forts qui s'échelonnaient sur la rivière entre le 
cap Saint-Jacques et les deux grands forts du sud de Saigon 
situés en face Tun de Tautre sur les deux bords de la rivière, 
ti 1 kilomètre environ de la ville. 

L^artillerie de la marine prit une part active et efficace 
aux succès obtenus pendant ces quatre jours, et Tamiral Ui- 
gault tint à le constater dans la dépêche envoyée au Ministre 
de la marine le 28 février 1859 : 

vr Afin, dit-ii, d avoir toujours sous la main une force prête 
pour les débarquements, je distribuai sur le Primauguet, le 
Phlégéton, V Avalanche, VAlartm et VEl Cano trois compagnies 
françaises sous le commandement du colonel Reybaud et du 
chef de bataillon Martin des Pallières, deux compagnies 
d'infanterie espagnole sous les ordres du chef de bataillon 
Palanca et un détachement d artillerie de la marine. Les cha- 
loupes et les canots-tambours étaient remorqués par les cor* 
vettes et par les canonnières. Ces canots-tambours portaient 
les canons rayés en bronze du capitaine Lacour, manœuvrant 
sur leurs affûts de campagne, grâce à un procédé très ingé- 
nieux imaginé par cet habile et brave officier, rt 

C'est ainsi que la batterie de campagne de Tartillerie de la 



8 KARTILLEBIE D£ U MARINE EN GOGHINGHINE, 

tnarine put coDcourir aux attaques des forls annamites suc- 
cessivement effectuées par la division navale. 

On la retrouve encore les deux jours suivants, 15 et 16 fë- 
vrier, à la prise des deux forts du Sud : car deux canons de ^ 
rayes, s^vis parles artilleurs de la marine, sont places aux 
sabords de chasse de la canonnière YAlarme. Deux autres 
canons rayés sont également places en chasse à bord du 
PkUgéton et du Primauguet : les six canons de la batterie con- 
courent donc au feu d'artillerie qui ravage rapidement les 
forts et les amène à se rendre le 16 février, à 8 heures du 
matin. 

Le même jour, tandis qu'on démantèle le fort de la rive 
droite et qu'on occupe celui de la rive gauche, le capitaine 
dartiUerie Lacour est monté sur YAvalanche en compagnie 
du capitaine de frégate Jauréguiberry et du commandant du 
génie Dupré-Déroulède pour aller exécuter une reconnais- 
sance en vue de la place de Saigon, et c'est sur le rapport 
de cette reconnaissance que Tamiral fonde son plan d'at- 
taque. 

L'attaque a lieu le 17 : le tir de toute l'artillerie des bâ- 
timents a bientôt éteint le feu de la citadelle, et les embar- 
cations mettent à terre toutes les troupes embarquées qui 
doivent donner l'assaut. Celles-ci se forment en colonne, sous 
la protection des canons de à rayés de l'artillerie de la marine 
et des tirailleurs placés dans les hunes des bâtiments. La pe- 
tite colonne d'assaut s'élance sous les ordres du commandant 
Martin des Pallières; les canons du capitaine Lacour restent 
à la réserve. L'assaut a réussi : nous sommes maîtres de la 
citadelle. Aussitôt le capitaine Lacour y transporte sa batterie 
et installe ses pièces de manière à pouvoir répondre, le cas 
échéant, à un retour offensif de l'ennemi. 

L'amiral Rigaull, dans son rapport du 28 février 1859 sur 
la prise de Saigon, constate que la conduite des troupes a été 
au-dessus de tout éloge : «La rapidité' des opérations a im- 
posé à tous d'énormes fatigues , supportées avec un dévoue- 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 9 

ment d'autant plus mëritoire que lé corps expëdilionnaire 
échappait à peine aux influences des maladies qui ont sëvi 
si cruellement à Tourane.?» 

La prise de la citadelle de Saigon , qui ëtait un véritable 
arsenal, fit tomber en nos mains un matériel de guerre con- 
sidérable, environ 200 bouches a feu en fonte ou en bronze, 
20.000 armes de main (fusils, pistolets, piques, sabres) et 
une centaine de tonneaux de poudre, avec des projectiles et 
des balles en proportion. Après avoir fait recueillir et recenser 
sommairement ce matériel, Tamiral décida la destruction de 
la citadelle. Cette destruction fut exécutée dans la journée 
du 8 mars tret sans aucun accident, grâce aux bonnes pré- 
cautions prises par M. le commandant du génie Dupré-Dé- 
roulëde et M. le capitaine d'artillerie Lacour. Trente-deux 
fourneaux de mine ont été mis en action et ont renversé les 
bastions et les courtines ?) ^^\ 

Peu de temps après cette destruction (avril 1859), Tapiiral 
Rigault revint à Tourane, laissant au commandant du Pri- 
mauguety le capitaine de frégate Jauréguiberry, le comman- 
dement supérieur de la subdivision navale stationnée dans la 
rivière de Saigon et du fort du Sud occupé par une petite 
garnison franco-espagnole. Le nom du capitaine Lacour se 
trouve encore dans la première dépêche que Tamiral adresse 
au Ministre après son retour pour lui rendre compte de ce 
déplacement : tr J'ai à regretter seulement que les plus méri- 
tants serviteurs et les plus dignes, tels que le capitaine de 
vaisseau Reynaud, le lieutenant de vaisseau Lafont, le capi- 
taine d'artillerie Lacour, n'aient pu encore figurer dans les 
promotions; toutefois j'aime à croire que l'expédition de 
Saigon leur ouvrira la porte aux grades que depuis longtemps 
je sollicite pour eux. -n 

Avant de repartir pour Tourane après la prise de Saigon , 
l'amiral Rigault avait rappelé, pour prendre le commande- 

0) Dépêche do Faillirai au Mioislre en date du i& mai-s iSBq. 



10 uarullerk de u marine en goghinghine. 

ment dfe la garnison laissée au fort da Sud sur la ri?ière de 
Saigon, le commandant d'artillerie de la marine Marchai, 
récemment arrive à Tourane. Cette garnison se composait 
d'une compagnie d'infanterie de marine, d'nne compagnie 
d'infanterie espagnole et d'un détachement de matelots ca* 
nonniers. 



^ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINCHINE. 11 

CHAPITRE IL 

ARRIYÉB DE LA 10" COMPAGNIE. — OERRiiBKS AFFAIRES 
DE TOURANE, — EVACUATION. 



Au moment même où la 3" compagnie entrait avec l'amiral 
Rigault de. Genouiliy dans la rivière de Saigon, le 12 fé- 
vrier 1859 nne antre compagnie du i*ëgiment, la 10% s'em-r 
barquait à Toulon et était dirigée sur la Gochinchine par la 
voie de Suez(^). Cette compagnie, formée, comme la 3% d'élé- 
ments pris au régiment et dans la compagnie d'ouvriers, avait 
un effectif de 100 hommes (^). 

t^} Voie de terre, bien enlendu, le canal n^ayant été ouvert que dix ans 
plus lard. 

(') Elle était composée de la manière suivante : 

Capitaine en premier, Gorréard; 

Capitaine en second , Chevrilion ; 

Lieutenant en premier, Audouard; 

Sous-lieutenant, Robin. 

RiGIMENT. 

Sergent-major i 

Sergents 5 

Sergent fourrier \ i 

Caporaux 8 

Artificiers 8 

Canonniers servants • 6o 

Trompettes a 

Total 85 

COMPAGNIE D'ODYBIRRS. 

Sergent i 

Caporaux • s 

Maître ouvrier i 

Ouvriers de 3* classe 1 1 

Total i5 

Total général loo 



13 VARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINGHINE. 

Elle ëtait, comme la 3° compa{][nic, approyisionnëe d'effets 
de toute nature pour trois annëes, y compris les tentes-abris 
et leurs accessoires. 

Dès son arrivée au camp de Tourane le 29 avril 1859, 
cette malheureuse compagnie fut assaillie par les maladies 
régnantes : fièvre, dysenterie, choléra; les hommes, insuffi- 
samment abrités parleurs tentes contre les rayons d'un soleil 
ardent et contre les pluies torrentielles du pays, fatigués 
d^ailleurs par les pénibles travaux de terrassement qu exi- 
geaient les soins de la défense, se trouvaient dans des condi- 
tions déplorables pour y résister; aussi la compagnie fut-elle 
promptement décimée. 

Le capitaine commandant Corréard avait été Tune des 
premières victimes : il était mort le 21 mai 1859. Exactement 
un mois après, le 21 juin 1859, par décret impérial inséré 
au Bulletin officiel de la Manne ^ il était nommé chef de bataillon 
au choix l II est vrai qu'à cette époque il n'existait pas de 
communication télégraphique entre l'Extrême-Orient et le 
ministère de la marine. 

Le capitaine en second de la S"* compagnie. Terrasse (qui 
passa à la \" classe le 9 septembre 1859), fut appelé à prendre 
le commandement de la 10' en remplacement de Corréard. 

Celte compagnie était arrivée à Tourane sur le Duchayla, 
qui apportait, concurremment avec la Marne, des renforts au 
corps expéditionnaire de Tlndo-Chine, renforts qui étaient 
impatiemment attendus par l'amiral Rigault de Genouilly. 
En effet,. à son retour à Tourane, il avait pu constater que 
les Annamites, enhardis par la longue inaction des Français et 
surtout par l'absence des forces qu'il avait emmenées à Saigon, 
avaient repris l'offensive et construit des travaux qui mena- 
çaient la sécurité de la flottille et celle des troupes. Un enga- 
gement assez sérieux avait eu lieu les 6 et 7 février, dans 
lequel l'ennemi avait été repoussé, mais il n'en continuait 
pas moins ses travaux d'approche; aussi, dès l'arrivée de la 
Marne et du Duchayh, l'amiral résolut d'enlever ces ou- 



r ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 13 

vrages. L'attaque générale eut lieu le 8 mai et débuta à 
6 heures et demie du matin par un feu général d'artillerie 
exécuté simultanément par les batteries de position du fort 
de TEst et du fort de TOuest, tous les bâtiments de la flot^ 
tille et une batterie dobusiers de montagne dirigée par le 
capitaine Lacour que Tamiral avait ramené avec lui de Saï- 

Lorsque Tartillerie eut produit un effet jugé suffisant, on 
lança les troupes franco -espagnoles à Tassaut des lignes 
cochinchinoises. Elles étaient formées en trois colonnes : 
dans la colonne de droite, commandée par le capitaine de 
vaisseau Reynaud, marchaient 20 artilleurs de la 10* com- 
pagnie; le capitaine Lacour se trouvait dans la colonne du 
centre avec une batterie d'obusiers; deux de ces obusiers 
traînés à bras marchaient sous les ordres du lieutenant Carré 
à Tavant-garde de cette colonne, commandée par le colonel 
espagnol Luis de Lanzarote. Nous n'avons pas retrouvé les 
motifs qui ont déterminé l'adoption de cette formation qui 
paraît aujourd'hui un peu singulière. 

Les trois colonnes abordèrent les lignes ennemies travée une 
résolution et un entrain dignes des plus grands éloges^, et à 
10 heures du matin l'ennemi était chassé de toutes ses posi- 
tions. Ces ouvrages étaient pourtant solides, entourés de fossés 
profonds dont le fond et les revers étaient semés de bambous 
pointus solidement fichés en terre. Les troupes , qui avaient 
combattu plus de trois heures sous un soleil de feu, avaient 
fait preuve dans cette affaire d'un réel dévouement, vu l'état 
d'un grand nombre d'hommes déjà notablement affaiblis par 
la maladie. Les Français avaient eu 5 morts et àO blessés, 
les Espagnols 5 morts et 28 blessés. Les Annamites, qui 
étaient au nombre de 1.000 avaient 700 hommes hors de 
combat, dont une centaine de morts. 

Dans la semaine suivante, tandis que l'ennemi s'établissait 
dans ses ouvrages en arrière couvrant la route de Hué, on 
retourna contre lui les ouvrages occupés et on établit des 



tA L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHIKGHINE. 

lignes de défense complëmentairesi qui furent armées avec 
les obusiers de monlagne. 

Après cette affaire, Tamiral entra dans une longue période 
de négociations avec les mandarins annamites, et les troupes 
restèrent inactives dans leur camp. Pendant ce temps les 
maladies redoublèrent d'intensité et le corps expéditionnaire 
fit des pertes énormes. Dans sa dépêche du 27 juin, Tamiral 
constate que du 15 au 26 juin, près de 80 hommes ont suc- 
combé. Un peu plus tard, il signale parmi les corps qui ont 
le plus souffert ta compagnie d artillerie apportée par le Du'- 
ckayla^ c'est-à-dire la 10' : trEUe ne compte pas, dit-il, 
20 hommes valides. t» Ainsi, au bout de trois mois, cette mal- 
heureuse compagnie avait perdu son capitaine et ne pouvait 
pas mettre en ligne le cinquième de son effectif. 

Les états numériques joints h la correspondance officielle 
permettent de suivre les décès survenus dans Tartillerie de la 
marine pendant les sept premiers mois de 1859; ils atteignent 
le chiffre de 40. 

L'amiral , fatigué et souffrant lui-même , demandait instam- 
ment à rentrer en France; mais, avant son départ, il voulut 
recommander encore une fois le capitaine d'artillerie dont 
il appréciait si bien les brillants servicee, et le 16 août 1859 
il écrivit au Minisire : cr J'ai Thonneur de renvoyer a Votre 
Excellence la lettre de nomination de M. Corréard au grade 
de chef de bataillon. J'ai fait connaître à Votre Excellence la 
mort de cet officier. Je renouvelle près de Votre Excellence 
mes instances pour que le grade de chef de bataillon laissé 
vacant par la mort de M. Corréard soit conféré à M. le capi- 
taine La cour, dont je ne saurais trop louer les mérites et les 
services. ij 

Les négociations entamées avec les mandarins traînèrent 
près de quatre mois sans aboutir à aucun résultat et furent 
définitivement rompues le 7 septembre : l'amiral , pour assurer 
la tranquillité des positions occupées par les troupes sur le 
bord de la rivière de Hué, se vit alors conduit a attaquer les 



UARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 15 

lignes où l'ennemi s'était retiré depuis le 8 mai et à détruire 
son artillerie. Ces lignes étaient, par rapport aux lignes con- 
quises le 8 mai, à peu près à la même distance que ces der* 
nières Tétaient des premières positions des troupes alliées 
autour du fort de f Ouest Ces fortifications étaient entourées 
de doubles fossés garnis de bambous piquants, et défendues 
en avant par une accumulation de chevaux de firise et de 
trous de loup. 

La reconnaissance de ces ouvrages fut faite de grand 
matin le 15 septembre par le commandant du génie Dupré- 
Déroulède; le même jour, les troupes, partagées en trois co-> 
lonnes et une réserve, s'élançaient à Tattàque. Les difficultés 
du terrain étaient trop grandes pour qu'on put traîner avec 
soi un seul obusier de montagne, et la flottille mouillée dans 
la rivière put seule contrebattre par de l'artillerie les forts 
annamites et soutenir de son feu les colonnes d'assaut. En 
revanche, tout ce qu'il y avait d'hommes valides d'artillerie de 
la marine, soit de la 3% soit de la 10** compagnie, fut réparti 
dans les colonnes et combattit ce jour-là en fantassin, 

La colonne de droite, commandée par le lieutenant-colonel 
d'infanterie de marine Reybaud, avait le lieutenant Hédon 
avec un détachement d'artilleursl 

La colonne du centre n'avait pas d'artillerie. 

La colonne de gauche , commandée par le capitaine de vais- 
seau Reynaud, avait le capitaine Lacour avec un détachement 
d'artillerie. 

Enfin le capitaine Chevrillon, avec un troisième détache* 
ment, marchait à la réserve, sous les ordres du commandant 
d'infanterie de marine Breschin. 

Nos troupes déployèrent les mêmes qualités et la même 
ardeur que dans les attaques précédentes, et la journée du 
15 septembre se termina comme celle du 8 mai : en quelques 
heures l'ennemi fut délogé et rejeté en désordre dans la di-^ 
rection de Hué. Nous étions maîtres de ses positions, mais il 
restait à les débarrasser de l'artillerie dont elles étaient armées. 



16 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINGHINE. 

On ne pouvait songer à la traîner avec soi , puisque le terrain 
n'avait pas permis seulement de fair^rouler un obusier de 
montagne; il fallait donc la détruire. Ce soin fut dévolu au 
capitaine Lacour, qui fut chargé de mettre rapidement hora 
de service àO bouches à feu. Il y parvint en les chargeant 
toutes à outrance, et en y mettant le feu après avoir forte- 
ment éclissé les boulets. Ces bouches à feu étaient d'assez 
gros calibre; plusieurs d'entre elles récemment fondues à 
Hué présentaient un fini d'exécution et une élégance de tra- 
vail qui excita L'admiration des connaisseurs. L'explosion de 
ces àO bouches à feu avait commencé à dégrader les remparts; 
un incendie allumé sur un grand nombre de points à la fois 
vint compléter la ruine des ouvrages. 

L'amiral rendit compte au Ministre par une dépêche du 
21 septembre de l'heureux résultat de cette affaire, et en 
profita pour appeler une fois encore l'attention bienveillante 
du Ministre sur les services distingués du capitaine Lacour. 
Bientôt après, le 1^*^ novembre, ayant enfin reçu l'autorisa- 
tion de rentrer en France, il remit le commandement des 
forces navales et du corps expéditionnaire au contre-amiral 
Page. 

Le nouveau commandant en chef, froissé par un édit in- 
solent de Tu-Duc, résolut de lui infliger sans tarder une 
nouvelle leçon. En conséquence, le 18 novembre, il attaquait 
les forts de Kien-Chan qui défendaient une jolie petite rade 
à l'Ouest de la baie de Tourane et constituaient la clef de la 
route impériale de Hué. Ces forts furent enlevés avec vigueur 
par l'action simultanée de la flottille et des troupes franco- 
espagnoles, comme dans les affaires précédentes. Ils étaient 
pourtant solides, casemates en bambou, et l'on y avait accu- 
mulé les défenses accessoires; l'action fut très chaude : le 
commandant du génie Déroulède, qui avait rendu tant de 
services au corps expéditionnaire, fut coupé en deux par un 
boulet; plusieurs officiers furent blessés. Les artilleurs de la 
marine purent, cette fois, servir leurs obusiers, qui fureot 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE, EN GOCHINCHÏNE. 1 7 

placés sur Y Alarme et sur V Avalanche : ils firent comme tou- 
jours bravement leur devoir; le sous-officier de Kergariou et 
le canonnier Pujol furent particulièrement signalés pour leur 
ielle conduite : l'amiral Page proposa le premier pour le 
grade de sous-lieutenant et le second pour la médaille mili- 
taire. 

Cet acte de vigueur fut le dernier qui marqua Tcccupation 
française de Tourane. La guerre de Chine de 1860, qui exi- 
geait remploi de toutes les forces réunies dans ces mers, 
amena bientôt l'évacuation de Tourane, qui fut terminée au 
mois de mars 1860. 

La situation de Tartillerie à ce moment se trouve résumée 
de la manière suivante dans un document où lamiral Page 
expose au Ministre l'état des forces placées sous ses ordres 
au 1" janvier 1860 : 

3" compagnie. — 3 officiers, 55 sou»-officiers et soldats. 

10* compagnie. — 3 officiers, 59 sous-officiers et soldats. 

Au moment de l'évacuation , la 3" compagnie fut concentrée 
à Saigon, tandis que la 10* compagnie fut désignée pour 
faire partie du petit corps d'occupation de Canton, placé 
sous le commandement supérieur du capitaine de vaisseau 
Coupvent-Desbois. C'est là qu'elle perdit un officier, le sous- 
lieutenant de Kergariou, récemment promu. Au mois de dé- 
cembre 1861, l'une des sections de cette compagnie fut ren- 
voyée à Saigon, et lorsque Canton fut définitivement évacué 
(février 1862) l'autre section fut à son tour dirigée sur Saigon 
avec tout son matériel, en sorte que tout ce qui restait de 
cette compagnie se trouva rassemblé dans la capitale de la 
Cochinchine. 

La première campagne de l'Indo-Chine était terminée : 
malgré les longues hésitations du commandant en chef et la 
dispersion de nos efforts sur deux points éloignés l'un de 
l'autre, elle avait abouti à un succès. Nos armes avaient tou- 
jours été victorieuses et nous avions jeté les premiers fonde- 
ments d'une colonie dans la Basse-Cochinchine. 

9 



18 r ARTILLERIE DE U MARINE EN GOGHINCHINE. 

Les récompenses accordées à l'artillerie de la mariné à la 
suite des affaires de la baie de Tourane et de la ritiëre de 
Saigon forment le commentaire le plus éloquent des services 
rendus dans ces diverses circonstances. Aussi nous en repro- 
duisons ici la liste reconstituée à Taide des divers décrets 
impériaux successivement publiés dans le Bulletin officiel de la 
marine : 

Décret du tg février 18 5g. -^ Carré (Edouard -Sébastien), 
sergent à la d"" compagnie, est promu sous-lieulenant. 

Décret du g mars j85g. — Hédon (Charles), lieutenant 
à la 3' compagnie, est nommé chevalier de la Légion d'hon- 
neur pour sa belle conduite à la prise des forts de Tourane. 

Décret du g mars iSSg. ^^ La médaille militaire est con* 
férée à Vaillant (Léon), sergent au régiment d'artillerie de 
la marine, et au i" canonnier Boulle (Pierre- Antoine), en 
récompense de leur^ belle conduite dans Texpédition de Co- 
chincbiné. 

Décret du no avril 18 5g. — La médaille militaire est con- 
férée à Dubuis (Benoit) et Cachou (Basile)^ caikonniers de 
r" classe au régiment d'artillerie de la marine, en récom-* 
pense de leur belle conduite dans l'expédition de Saigon. 

Décret du st 3 juillet i85g. — Lacour (J.-F.), capitaine en 
premier, est promu officier de la Légion d'honneur. (Affaire 
du 8 mai 1859 à Tourane.) 

Décret du q3 juillet 18 5g. — La médaille militaire est 
conférée à Haage (Albert-Joseph), caporal d'artillerie de la 
marine, et aux canonniers Delarue (Barthélémy) et Bûcher 
(Jules), tous les trois blessés dans l'affaire du 8 mai 1850 à 
Tourane. 

Décret du i3 août 18 5g. — Confère la médaille militaire 
au canonnier Hennequin (Charles). 

Décret du ig novembre 18 5g. — Sont nommés chevaliers 
de la Légion d'honneur, en récompense de leur belle con-* 
duite à Taitaque des lignes cochinchinoises de Tourane le 
15 septembre 1859 : Chevrillon (Isidore), capitaine en se- 



L^ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 19 

cond; Carré (Edmond), sous-lieutenant, et Dietrich (Fran- 
çois-Philippe) , sergent dWlillerie de la marine. 

Décret du ig novenAre i85g. — * Confère la mëdaille mi- 
litaire à Strebler (Joseph), artificier, Boraly (Louis), ea- 
nonnier, et Reynaud (Joseph), caporal de Tartillerie de la 
marine. (Même affaire du 15 septembre.) 

Décret du atâ février 1860. — De Kergariou (Amëdée- 
Louis-Théobald), sergent-major au régiment d'artillerie de la 
marine, signalé pour sa conduite en Cochinchine au combat 
du 18 novembre 1859, est promu sous-lieutenant. 

Enfin le commandant Marchai fut nommé officier de la 
liëgion d'honneur à la fin de sa campagne de Cochinchine 
par déeret du 31 décembre 1860; il avait quitté la colonie 
pour rentrer en France le 12 décembre. 

Le capiCaine Lacour avait aussi quitté la Cochinchine le 
l*' septembre 1860^ laissant le commandement derla 3* com- 
pagnie à Tancieii lieutenant en premier de la lOV Audouard, 
qui avait été pix)inu capitaine en second le 11 septembre 1859. 



â 



20 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 

CHAPITRE III. 

PRISE DES LIGNES DE GDI-HOA , 1861 ^^K 



Karairal Rigault de Genouiily, après son expédition de 
Saigon, s empressa de revenir à Tourane, laissant au capi- 
taine de vaisseau Dariès^ nommé commandant supérieur à 
Saigon, le soin de défendre la nouvelle conquête. La garni- 
son qu'il lui confiait à cet effet était bien faible : 3 compa- 
gnies d'infanterie de marine, 200 togals espagnols, 100 in- 
digènes auxiliaires et un détachement du génie, au total 
750 hommes, plus une section de la 3' compagnie d'artillerie. 
L'autre section, avec le capitaine commandant Lacour, avait 
suivi, comme nous l'avons vu, l'amiral à Tourane. Mais, au 
moment de l'évacuation définitive de Tourane (mars 1860)^ 
cette section était venue rejoindre l'autre à Saigon, et la 
3" compagnie s'était retrouvée concentrée tout entière dans 
les lignes de défense de la ville. 

La situation des défenseurs de Saigon était alors très pré- 
caire. On sait comment les Annamites avaient mis à profit 
l'absence de la division navale et des troupes qui prenaient 
part avec l'amiral Charner aux opérations de l'expédition de 
Chine de 1860. Leur armée commandée par le meilleur gé- 
néral de l'empire, Nguyen-Tri-Phuong, avait resserré peu à 
peu la petite garnison franco-espagnole par des travaux de 
circonvallalion; afin de l'isoler complètement, elle avait éta- 
bli à à kilomètres au nord-ouest de Saïgon, à cheval sur la 
route de Tay-Ninh, au lieu dit Ghi-Hoa ^^\ de grandes lignes 
fortifiées qui se continuaient à la fois en face de Saïgon et 
de Cholon, traversant toute la plaine des tombeaux depuis 

(^) On ëcrit souvent aussi Ki-Hoa : nous avons préféré Torthographe 
Chi-Hoa, qui est celle indiquée par le savant professeur annamite Truong- 
Vinh-Ky, plus connu sous son nom chrétien de Petrus Ky. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 21 

i'arroyo de l'Avalanche jusqu'à h^auteur de Cho-Quan* La gar- 
nison se trouvait ainsi prisonnière de fait, et elle était si 
étroitement bloquée qu'elle resta une fois cinq mois de suite 
sans recevoir aucunes nouvelles du dehors. Les soldats ne 
pouvaient d'ailleurs s'éloigner à plus de 100 mètres des avant- 
postes sans courir le risque d'étre*assassinés. 

A la fin de décembre 1860, les Annamites se rapprochèrent 
encore et leurs travailleurs commencèrent à fortifier un vil- 
lage situé à 1.500 mètres seulement de la pagode Barbé que 
nous occupions sans artillerie et qui était couverte par une 
simple muraille en briques. Le commandant Dariès, pour 
s'opposer à ces travaux, fit aussitôt canonner le village à dis- 
tance de 600 mètres par quatre obusiers de montagne de la 
3^ compagnie. Le village fut promptement ruiné, mais les 
travaux recommencèrent presque aussitôt après la cessation 
du feu. 

Le commandant résolut alors de diriger contre eux une 
reconnaissance offensive, qui fut exécutée le 1" janvier 1861. 
IL avait réuni pour cette petite expédition 470 hommes d'in- 
fanterie, un détachement du génie, et quatre obusiers de 
montagne, qui étaient placés sous les ordres du capitaine 
Audouard, le capitaine en premier Lacour étant parti pour 
rentrer en France depuis quatre mois, r Notre petite artille- 
rie, dit le commandant Dariès dans son rapport sur cette 
affaire, prenait position et ouvrait son feu à 300 mètres sur 
le village, aytant dans le but de faciliter l'escalade des re- 
tranchements qui le couvraient que pour fouiller par ses 
obus le fourré qui l'avoisine.?? Trois colonnes distinctes de 
100 hommes furent alors lancées à l'assaut des retranche- 
ments, mais l'une d'elles se trouva un moment arrêtée devant 
une ligne de fortins d'où partait un feu très vif de gingoles 
et de pierriers : «rMais soutenue par deux obusiers de mon- 
tagne qui, sous la conduite du capitaine Audouard, venaient 
se placer à 150 mètres seulement des positions ennemies, 
elle gardait sa position, et bientôt le feu des Annamites était 



23 L'ARTILLERIE DE U VilMSE EN COCHINGHLNE. 

oblige de céder bous Teffet de 1109 obus qui frappaient iou9 
le but avec une admirable justesse (^).i» 

Celte justesse n a rien de surpreuaut tu ia dislance si pe- 
tiie du but, mais ia hardiesse et la décision du chef de Tar- 
tillerie contribua fortement au succès de la reconnaissance. 
Le but fut atteint et la petite troupe opéra tranquillement 
sa retraite. 

Sur ces entrefaites, la guerre de Chine avait pris fin, et ie 
général en chef de Montauban avait pu mettre à la disposition 
de lamiral Chamer, pour débloquer Saigon et assurer notre 
position en Cochinchine, des renforts importants, savoir : 
toute rinfanterie de marine qui avait pris part à Texpédition 
de Chine, un bataillon de chasseurs à pied, un peloton de 
25 chasseurs d^Afrique, un détachement du génie et enfin 
un détachement d^artillerie de la guerre, très nécessaire, 
puisque Tartillerie de ia marine n'avait alors en Cochinchine 
que la 3* compagnie, déjà bien réduite. Ce détachement d'ar- 
tillerie comprenait 15 officiers, 306 hommes et 184 chevaux, 
avec deux sections de 12 de campagne et une demi-batterie 
de 4 rayé de campagne. U était placé sous les ordres du lieu^ 
tenant-colonel Crouzat (^). 

Ces renforts arrivèrent à Saigon dans les premiers jours 
de février 1861, et dès le 2d février Tamiral Charoer, ayant 
hâte de débloquer Saigon, attaquait les lignes de Chi-Hoa> 
Le rapport qu'il adressa ie 26 février au Ministre de la mar 
rine décrit ainsi les tr formidables positions^ quil s'agissait 
d'enlever. 

(r Profitant des affaires qui nous attiraient dans le Nord et 
du peu de forces que nous avions laissées à Saigon, les An- 
namites avaient fait des travaux considérables pour se re- 
trancher dans ia plaine de Chi-Hoa et dominer ainsi tout le 

fi) Rapport du commandant Dariès en date du 3 janvier 1861. 

(*) Crouzat, chef d^escadron au 16' régiment d^arlillerie monté, était 
parti, comme commandant les batteries de campagne de Texpédition dé 
Chine. H avait été promu lieutenant-colonel le 1*' février 1860. 



UARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINCHINE. 23 

pays. Travailiaot la terre avec une grande facilita et s'ap^ 
payant sur un retrauchement principal habilement fortifie, 
Hs avaient donne à leurs lignes un développement extraor- 
dinaire, dont on estime Tëtendue à 13 kilomètres. De là, ils 
poussaient continuellement vers nous de nouvelles parallèles 
et menaçaient notre pdisition de Saigon o& ils nous tenaient 
enfermes. . . 

(rLes lignes de Chi*Hoa présentent, comme je Taidit plus 
haut, un développement d'environ 12.000 mètres, sans comp- 
ter les forts détachés qui Tentourent de tous côtés. Tous ces 
ouvrages sont habilement placés et défendus par une nom- 
breuse armée. On se fait difficilement une idée de la miUli- 
tude d^obstacles qui y sont accumulés. Ce sont des épaule- 
ments en terre hérissés de plusieurs lignes de bambous, 
protégés quelquefois par cinq fossés remplis de trous de loup, 
par des chevaux de frise et des palissades enchevêtrées avec 
nn art incroyable. D'étroites meurtrières, ouvertes dans toutes 
les parties et très rapprochées, sont garnies de canons, de 
pierriers et de gingoles (énormes fusils du calibre d'une li- 
vre); chaque soldat est en outre armé d'un fusil à pierre avec 
sa baïonnette. 9) 

La puissance de ces fortifications annamites, qui paraissait 
si formidable au temps de Tamiral Charner, a été certaine- 
ment encore dépassée dans les forts chinois du Tonkin et de 
Formose , d'autant plus que l'escarpement des hauteurs sur 
lesquelles ils étaient généralement assis formait un obstacle 
additionnel qui ne pouvait exister dans la plaine unie qui 
s'étend autour de Saigon; quoi qu'il en soit, l'enlèvement de 
ces ouvrages constituait encore une tâche assez rude, surtout 
si l'on tient compte de l'influence débilitante du climat et 
de l'élévation de la température. Ils étaient d ailleurs défendus 
par une .véritable armée bien organisée et bien commandée : 
21.000 réguliers annamites et 1.000 Don-Dien^^), plus une 

^^) Les Don-Dien , espèce de colons militaires, faisaient partie de l'armée 
active en temps de guerre et cultivaient' des rizières en temps de paix. 



2à UARTiUERlE DE LA MARINE EN COCHINGUINE. 

dizaine de mille de gardes nationaux ou miliciens employés 
à la défense des flancs à i'cxtrâmilé des lignes. 

Les forces franco-espagnoles qui attaquaient celte armée se 
montaient seulement au chiffre de 8.000 hommes. EUesavaient 
dix pièces d^artillerie, à savoir : les quatre canons de 12 de 
campagne et les trois canons de 4 de campagne de Tartillerie 
de terre et trois obusiers de montagne de rartilleriedè la ma- 
rine. Les deux artilleries avaient aussi des sections dé fuséens 
munies de leur matériel : affûts, chevalets et fusées de guerre. 
Lartillerie de terre lançait des fusées de 9 centimètres et 
rartillerie de la marine des fusées de 125 millimètres^^). A la 
veille de lattaque, on envoya un grand nombre de ces fusées 
dans le camp ennemi pour le troubler et Tinquiéter. Cet em- 
ploi de» fusées de guerre est intéressant à noter pour les 
artilleurs, car c'est une des dernières apparitions que ces 
engins un peu trop capricieux ont faites sur les champs de 
balaille. Les fusées, en effet, ont cessé de faire partie de notre 
matériel de guérite depuis 1870. 

L'attaque commença le 24 au point du jour : d'après la 
nature des obstacles à vaincre, il est facile de comprendre 
que 1 artillerie y joua un grand rôle. Elle déboucha de Caï- 
Maï, qui formait fextréme gauche de la ligne franco-espa- 
gnole dans Tordre suivant : les obusiers de montagne de 
Tartillerie de la marine, les fusées, les trois canons de à de 
campagne et les quatre canons rayés de 12 de campagne, et 
vint se déployer en ligne, en face des ouvrages cochincfainois, 
à 1.100 mètres de distance; puis elle exécuta un feu en avan- 
çant, par batterie, qui approcha sa ligne jusqu'à 200 mètres 
de la contrescarpe. Ce feu, précis et vigoureux, facilita la 
marche des colonnes d'attaque, qui réussirent rapidement à 
s'emparer de l'ouvrage,, principal objet de cette attaque. 

Le lendemain 25 février, on procéda à l'attaque des nom- 

(^' On peut voir les détails relatifs à ces fusées dans le Manuel de pyro- 
technie à l'usage de Vartillerie de la marine , t. IV, p. i et suivantes. 



^ARTILLERIE DE LA MARINÉ EN COCHiNCHINE. 25 

breux ouvrages qui restaient à enlever, en préparant et sou- 
tenant, comme la veille, la marche des troupes d'infanterie 
par le feu de toute Tartillerie. A peine les troupes furent-elles 
développées devant ces ouvrages que les Annamites ouvrirent 
le feu. ttUne section d'obusiers de montagne de Tarlillerie de 
la marine portée à Textréme droite leur répondit d'abord, et 
nos tirailleurs continuèrent à s'avancer pendant que tout le 
reste de Tartillerie, déployée au centre de notre ligne, com- 
mençait, à partir de 1.000 mètres environ, un feu des plus 
vifs et des mieux dirigés en avançant au trot par batterie. 

ffLe tir de l'ennemi, d'abord très violent, diminua d'in- 
tensité lorsque l'artillerie, parvenue dans son mouvement à 
environ 250 mètres de la contrescarpe, fit pleuvoir une grêle 
de mitraille sur le haut des parapets ^^l?). Les colonnes d'at- 
taque s'élancèrent alors avec entrain, mais elles trouvèrent 
une vigoureuse résiistance et il fallut faire donner les réserves 
pour chasser l'ennemi de ses derniers retranchements. Nous 
avions eu dans ces deux journées 12 tués et 213 blessés. 

Après deux jours de repos, la colonne expéditionnaire 
continua ses opérations en attaquant le fort de Tong-Kéou, 
situé à 5 kilomètres dans le nord de Chi-Hoa. Cette fois en- 
core, elle fut reçue à longue distance par un feu soutenu de 
giugoles et de pierriers; mais ce feu fut promptement éteint 
par les canons et les fusées de notre artillerie. Les obusiers 
de montagne de l'artillerie de la marine avaient marché ce 
jour-là, comme les jours précédents, sous les ordres du co- 
lonel Crouzat, avec toute l'artillerie. 

Quand le feu des remparts fut éteint, l'infanterie put 
s'emparer assez facilement des trois forts reliés entre eux qui 
constituaient la place de Tong-Kéou. Le même jour, la co- 
lonne occupait le fort de Taï-Thuy, situé au delà de Tong- 
Kéou et précipitamment évacué par l'ennemi, (les journées 
suivantes furent employées à pousser des reconnaissances et 



(1) 



Rapport du vice-amiral Gharner en date du 37 février 1861. 



2d L*ARTiLLSBIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 

à recevoir les soumissions des villages voisins, et le 10 mars, 
les troupes purent venir reprendre leurs cantonnements à 
Saigon. Toutefois nne coloune mobile d'infanterie fut laissée 
à Tong-Kéou avec deux obusiers de montagne; le reste de 
lartillerie vint réoccuper la pagode des Mares» située entre 
Saigon et Cholon. 

A la suite de cette expédition et par décret impérial du 
22 avril 1861, le capitaine Audouard, de la 3** compagnie, fut 
nommé chevalier de la Légion d'honneur, et le maréchal des 
logis Trendel reçut la médaille militaire. 

Pendant les derniers jours de mars et les premiers jours 
d'avril, on construisit à Thu-Dau-Mot, dans le nord de la ri- 
vière de Saigon, un poste fortifié, pour arrêter de ce côté 
tout retour offensif des Annamites dispersés après la prise 
de Ghi-Hoa et de Tong-Kéou : ce fort reçut une garnison de 
200 hommes et fut armé d'un obusier de 30 et de deux petits 
obusiers de montagne. 

En terminant le récit de cette première période de la con- 
quête, qui nous assurait la possession de Saigon et de ses 
environs, nous signalerons, en ce qui concerne Tartillerie de 
la marine, Tobiluaire des Français qui ont succombé eu Co- 
chinchine depuis le commencement de Texpéditiou jusqu'au 
31 décembre 1861, publié par Fallu de la Barrière dans l'ap- 
pendice de son Histoire de rexpédition de Cochinchine en i86t. 

On constate, en l'analysant, que dans cette période d'un 
peu plus de trois années, le faible détachement du régiment 
d'artillerie de la marine qui se trouvait en Cochinchine y s^ 
laissé 80 morts, dont : 1 capitaine en premier, 5 maréchaux 
des logis, 3 artificiers, 3 trompettes et 62 canonniers. 



L'ABTILLERIE DE LA MARINE EN GOCHINGHINE. 27 

CHAPITRE IV. 

PRI8E DE HTTHO. 



Aussitôt après la prise de Chi-Hoa et Tong-Këou, qui nous 
assurait la possession des environs de Saigon, Tamiral Char- 
ner résolut de s'emparer de Myiho et prépara à cet effet une 
expédition combinée par voie de mer et par voie de terre. Le 
contre-amiral Page commandait la division de canonnières 
qui devait atteindre Mytho par la mer et le fleuve du Cam- 
bodge (^\ et le capitaine de vaisseau Du Quilio commandait 
la colonne de troupes qui devait suivre la voie de terre. Il 
avait pour chef d'état-major le chef de bataillon du génie 
ÂUizé. En exposant au Ministre, par lettre du 12 avril 1861, 
le projet quil commençait à mettre à exécution, le comman- 
dant en chef faisait ressortir les difficultés que rencontrerait 
la marche de Tartillerie dans cette colonne : ftLe pays coupé 
par des ruisseaux, des marécages et des rizières ne permet 
aucun accès aux chevaux, de sorte que notre artillerie ne 
pourra être conduite quà bras d'hommes, à moins quau 
dernier moment on ne finisse par trouver un terrain suffi- 
samment ferme. Dans ce cas, nos opérations seraient rendues 
plus faciles, surtout pour la manœuvre des pièces qui alors 
pourraient être attelées. ?> 

Une reconnaissance préalable faite sur la route de Mytho 
avait permis à Tamiral de conclure qu il faudrait à la colonne 
au moins 25 jours pour arriver sous les murs de la place ^^K 
Aussi Tamiral jugeant que la marche faite uniquement par 
la voie de terre entraînerait de trop grandes difficultés, 

(^) Celte division comprenait : la Fusée, ie Lily, le Shamrock et la Dra- 
gonne. 

(') Aujourd'hui on peut facilement aller de Saigon à Mytho en chemin 
de fer et revenir dans la même joamée. 



28 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGflINGflINE, 

décida quo, à partir du confluent du Rach-Nun-Ngu (arroyo 
de la Poste) avec le Vaïco, la marche en avant serait con- 
tinuée dans cet arroyo au moyen de canonnières. Ces canon- 
nières {Mitraille, Alarme et canonnières en fer N"* 18, 20 
et 31) étaient réunies sous le commandement du capitaine 
de frégate Bourdais. Elles avaient à bord deux compagnies 
de marins de débarquement (2' et 5') et 30 soldats d'infan- 
terie espagnole commandés par le lieutenant Molini. Le ca- 
pitaine du génie Malet et le capitaine d'état-major Haillot 
avaient été adjoints au commandant Bourdais. 

Les canonnières, parties de Saigon le 27 mars 1861, pas- 
sèrent les journées du 29 et du 30 à essayer de rejoindre le 
Cambodge par Tarroyo commercial, paraHèle à Tarroyo de 
la Poste et situé à quelques lieues plus au Nord, espérant 
ainsi éviter les forts et barrages qui défendaient ce dernier 
cours d'eau. Mais leur tentative fut vaine, Tarroyo commer- 
cial était trop peu profond et trop embarrassé de grandes 
herbes. 

Elles pénétrèrent donc dans Tarroyo de la Poste le 1" avril , 
et détruisirent les deux premiers barrages : on fit le même jour, 
par terre, une reconnaissance sur les forts voisins, appuyée 
par les canons de la flottille. 

Le 2 avril, elles attaquent ces deux forts à coups de canon 
et forcent l'ennemi à les évacuer. Mais Y Alarme et la Mitraille, 
dont le tirant d'eau est trop fort, ne peuvent plus avancer, et 
les canonnières en fer pourront seules désormais poursuivre 
la marche en avant. Cependant les compagnies de débarque- 
ment mises- à terre procèdent à la destruction des Torts éva- 
cués et des estacades voisines. Ces estacades étaient formées 
de pieux, d'aréquiers et de bambous entremêlés de grands 
paniers chargés de pierres. Quant aux forts, ils étaient en- 
tourés de fossés pleins d'eau, de 2 mètres de profondeur, et 
munis de nombreuses défenses accessoires. 

Le 3 avril, on détruit de même, après une courte canon- 
nade, un troisième fort avec une estacade, semblable aux 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHFNE. 29 

précédents. En arrière, une autre estacade ëtait formée par 
une grande jonque mandarine coulée et remplie de terre : 
entre tes deux, barrages étaiebt. préparés 25 radeaux incen- 
diaires. Cette défense était placée au dos d ane de Farroyo, 
c'est-à-dire au point où les courants du Vaïco et du Cam- 
bodge se rencontrent et viennent rehausser le fond : il n y a 
guère en ce point que 1"" 50 d'eau à marée haute. . 

Tous ces obstacles étaient déblayés le soir du 5 avril et la, 
flottille, renforcée par l'arrivée de la canonnière en fer N" 16, 
poursuivit sa marche jusqu'à un nouveau barrage (le sep-, 
tième) situé 1 kilomètre plus loin. Dans cette marche, elle 
fut assaillie par les projectiles de quelques pièces mobiles 
que les Annamites avaient amenées sur la rive. Le feu des 
canonnières ne tarda pas d'ailleurs à les disperser et on put 
procéder à la destruction du septième barrage. 

C'est là que la petite colonne expéditionnaire, partie de 
Saïgon le 4 avril, vint faire sa jonction avec les canonnières. 
Elle comprenait une section de 50 hommes du génie, deux 
compagnies de chasseurs à pied, deux compagnies d'infan- 
terie de marine, une compagnie de fusiliers -marins et un 
détachement d'artillerie, comprenant le personnel de deux 
pièces de d de campagne, de deux pièces de montagne rayées 
et de deux chevalets de fusées, en tout 600 hommes. Dès 
lors cette colonne dut appuyer et éclairer la marche des ca- 
nonnières, restant toujours en communication avec elles et 
venant y prendre son ravitaillement. Elle dut marcher sur la 
rive Sud (la rive opposée à Mytho), parce que les arroyos à 
franchir de ce côté étaient moins nombreux et moins larges 
que sur l'autre rive. Le 6 avril au soir, on avait déjà pu faire 
passer sur cette rive une compagnie de chasseurs et deux 
compagnies d'infanterie de marine sous les ordres du chef 
de bataillon AUizé, adjoint au commandant de la colonne. 

Ces troupes à peine débarquées se mirent en mouvement, 
mais, à 500 mètres de distance, elles trouvèrent l'ennemi 
occupant une ligne d'environ 1 kilomètre avec des tirailleurs 



30 L^ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINGHINE. 

en avant, quelques batteries de fusils de rempart en position 
et des réserves. 

Après un feu de tirailleurs à grande distance assez vif et 
deux feux de peloton de Tinfanterie espagnole, diriges avec 
le plus grand sang-froid par le lieutenant Molini, Tennemi 
abandonna ses positions et se replia en laissant 5 morts sur 
le terrain. Les troupes allèrent occuper le village vis-à-vis 
d'un barrage en avant de la batterie. 

rr Entre ce barrage et les canonnières, il en existait un 
autre de construction gigantesque. Ce dernier avait plus 
de 90 mètres de longueur; il se composait d'une estacade en 
aréquiers et bambous et de 27 barques annamites coulëes et 
l^mplies de terre. Tout Tintervaile jusqu'aux canonnières, 
c'est-à-dire sur une longueur de plus de 1.200 mètres, ëtait 
rempli d'arbres coupés et jetés en travers de l'arroyot^î.» 

Grâce à l'activité et à l'énergie des troupes de terre et de 
mer, ces obstacles furent déblayés au bout de deux jours et 
les canonnières purent venir mouiller dans la soirée du 8 avril 
eb face du campement de l'infanterie. 

On savait qu'on devait trouver, à 5 ou 6 kilomètres plus 
loin, un fort défendu par des pièces de gros calibre. On ré- 
solut de faire tourner ce fort par les troupes et de le faire 
prendre à revers par les obusiers de montagne, les fusées et 
les tirailleurs, pendant que les canonnières l'attaqueraient 
de front. Les troupes exécutèrent ce mouvement tournant 
dans la journée du 9 avril; mais égarées, volontairement ou 
non, par leur guide, elles arrivèrent devant un camp ennemi 
et prireiit aussitôt leurs dispositions d'attaque, ce qui suffit 

(^) Rapport du commandant Allizé, daté de Mylbo le ]5 avril i86i. 
G*edt d^aiîleors à ce rapport que fiont empruntés presque tous les détails de 
ce récit. La semaine suivante (39 avril), le commandant Allizé était enlevé 
par le choléra , dont il avait pris le germe dans cette expédition de Mytho. 
Il s^était déjà fait remarquer à Ghi-Hoa. G^était un officier d'un grand 
mérite et qui paraissait destiné à arriver rapidement aux grades les plus 
élevés. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN OOGHINCHINË. 31 

pour déterminer la fuile de Tennemi; elles durent alors re- 
venir à leur point de départ. 

Dans la nuit du 9 au 10, un fort brûlot, qui put heureu- 
sement être évité, fut lancé confre les canonnières. Dans la 
journée du 10, une reconnaissance, conduite par le capitaine 
Amaudrie du Chaifault, capitaine au \h^ d'artillerie, etcom- 
prenant, outre l'artillerie de la colonne, Tinfanterie espa- 
{Tnole, une compagnie de chasseurs et une compagnie de 
fusiliers-marins, se dirigea à travers champs pour tâcher de 
trouver le fort qu'on n'avait pu voir la veille et de choisir le 
point d'où l'artillerie pourrait lé prendre à revers. Cette fois, 
ttle guide conduisit la reconnaissance droit sur Mylho, en 
avant même des jonques mandarines qui sont auprès de la 
citadelle. La reconnaissance revint après avoir essuyé le feu 
d'une pièce cachée dans les broussailles, que les habitants 
prétendaient être la seule batterie qui existât en avant de 
Mytho. Ils affirmèrent en outre que les Annamites avaient 
enlevé les> canons qui existaient sur la rivière. Dans cet état 
de choses, ne sachant où était le fort et dans la probabilité 
que s'il n'avait pas été évacué il y restait peu d'artillerie^ 
l'ordre fut donné au commandant Bourdais d'attaquer t^).i» 
Le Cipmmandant partit aussitôt, emmenant trois compagnies 
d'infanterie dans des chaloupes remorquées par les canon- 
nières. Il devait avancer jusqu'à 2.000 mètres de Mytho et 
y attendre le reste de la colonne, grossie au chiffre de 
900 hommes par des renforts successivement envoyés de 
Saigon. L'artillerie était largement représentée dans ces ren- 
forts et comptait maintenant huit obusiers de montagne, 
partie à l'artillerie de terre, partie à l'artillerie de la ma- 
rine. 

La marche du commandant Bourdais était à peine com- 
mencée que l'invisible fort commença à tirer sans qu'on pût 
encore distinguer sa position : on dut répondre en tirant 

<*) Rapport déjà cité du commandant Allicé. 



32 ^ARTILLERIE DE U MARINE EN COCHINGHINE. 

frau jugé^. Enfin, au détour d'un coude brusque de Tarroyo, 
ce fort fut aperçu droit devant, à AOO mètres de distance. 
Aussitôt trois coups de canon partirent du fort; Tun d eux 
frappa en pleine poilrine le commandant Bourdais, qui fut 
tué sur le coup; les deux autres firent sur les canonnières 
des dégâts matériels avec un seul homme blessé. Toutes les 
canonnières criblèrent alors le fort de leur feu ; les parapets 
évenirés furent bientôt intenables et lennemi les abandonna; 
les troupes de débarquement occupèrent immédiatement le 
fort. 

Le II avril, une reconnaissance fut poussée sur la route 
de Mytho et trouva un nouveau fort évacué, celui de Tamé- 
léon, que le commandant Du Quilio (il occuper par deux 
compagnies d'infanterie de marine. Une deuxième reconnais- 
sance fut poussée le même jour jusqu'à 200 mètres des murs 
de la citadelle de Mytbo, ce qui détermina l'apparition sur 
la droite d'une troupe de 1.500 Annamites. 

Le 12 avril, les canonnières et la colonne d'infanterie avec 
les obusiers de montagne et les fusées viennent jusqu'à 
l.âOO mètres de la citadelle : le génie prépare en ce point 
un débarcadère pour l'artillerie de campagne, qui doit ar- 
river le lendemain, et travaille à rendre la route praticable 
jusqu'à un pelit arroyo situé à 500 mètres des murs. Le 
commandant Du Quilio décide que le lendemain 13 avril, 
au point du jour, une grande reconnaissance, avec les obu- 
siers et les fusées, quatre compagnies d'infanterie, le génie 
et ses échelles, sera conduite aussi près que possible des 
murs de la place; les canonnières devaient suivre le mou- 
vement et l'appuyer de leur feu si on voyait la possibilité 
d'emporter la place par un coup de main. Dans cette même 
journée du 12, on avait aperçu au milieu de la citadelle une 
grande fumée, qui pouvait être l'indice des préparatifs d'une 
évacuation, et les canonnières envoyèrent quelques obus dans 
la direction de cette fumée. 

Le 13 au matin, quand la reconnaissance ordonnée par le 



UARTILLERIE D£ LA MARINE EN COCHINGHINE. 33 

commandant Du Quilio arriva à portée de fusil de ia place, 
elle y vit flotter le drapeau tricolore. C'était Tamiral Page 
qui, ayant forcé en deux jours, avec sa division navale, les 
passes du Cambodge défendues par des forts garnis d'une 
nombreuse artillerie et de fortes estacades, était arrivé de- 
vant Myibo le 12 avril à 2 heures de l'aprës-midi. Les man- 
darins effrayés par Tapproche simultanée de cette division 
navale, d'une part, des canonnières et des troupes expédi- 
tionnaires, d'autre part, sachant leurs forts pris, leurs esta- 
cades détruites, toutes leurs défenses surmontées, se rési- 
gnèrent à évacuer la place sans combat en brAlant leurs 
magasins à riz. C'est la fumée de cet incendie que la division 
de l'amiral Page et la colonne du commandant Du Quilio 
avaient simultanément aperçue. 

L'amiral avait fait occuper la citadelle aussitôt et le corps 
expéditionnaire y entra le lendemain matin. 

Cette expédition de Mytho, mieux conçue et mieux con- 
duite que celles que nous avons précédemment analysées, 
avait eu un succès complet. 

La colonne expéditionnaire, dont la direction effective 
était entre les mains du commandant Allizé, eut à exécuter 
une marche des plus difficiles et à vaincre beaucoup d'ob- 
stacles. Elle dut s'emparer d'un grand nombre d'estacades, et 
détruire ces barrages en travaillant nuit et jour, dans l'eau, 
dans la boue, sous le soleil le plus ardent, si bien qu'elle ne 
tarda pas à être envahie par le choléra. 

11 n'existait aucune route : on marchait dans les rizières 
et les bois d'aréquiers, toujours sur un sol mou et maréca- 
geux, souvent encombré de plantes flexibles et épineuses. 
Dans ces conditions, la marche de l'artillerie était particu- 
lièrement pénible : le matériel de montagne était porté par 
des coolies; quatre hommes portaient l'obusier, quatre autres 
l'affût; enfin deux hommes portaient chacune des caisses de 
munitions. Ce matériel marchait ainsi aussi vite que l'in- 
fiinterie. 

3 



u vkntuuaM d% la marlne en cochwghine. 

Eo réBawé^ ai rariîUerie n a pas eu à agir beaucoup' pat 
a^n feu daaa cette expëdîiion, elle a contribué au succès pat 
son effet moral, et a f«it preuve d'une grande résistance a la 
(aligue et d'une grande énergie dans le Iravait continu de 
celte marche sur farroyo de la Poste , si fortement organisé 
pour la défensive. 



CHAPITRE V. 

INSTALLATION D^UNR GARNISON ITARTILLRltlfî EN GOCHfNGHINE. 



Nous avons vu deux compagnies du régiment d'artillerie 
figurer et agir dans le corps expéditionnaire de Tlndo-Chine 
depuis la fin de 1858 jusqu'au milieu de Tannée 1861. Cette 
expédition étant terminée par la prise de Chi-Hoa et de 
Mytho, les renforts prêtés par le département de la guerre 
devaient bientôt être rapatriés; les batteries d'artillerie de terre 
venues avec le lieutenant-colonel Crouzat devaient, en par- 
ticulier, partir pour la France à la fin de Tannée 1861, et il 
importait, pour les remplacer, de constituer dans la basse 
Cochinchine, devenue colonie française, une forte garnison 
d'artillerie de la marine. 

A cet effet, dès le 19 février 1861, la 13" batterie du régi- 
ment, constituée avec à officiers et 100 hommes sous le com- 
mandement du capitaine en 1" Poidloûe, était embarquée à 
Toulon à destination de Saigon et y arrivait le 29 avril. C'était 
une batterie h pied, sans aucun cheval. 

Quelques mois après, le 8 juillet 1861 , deux autres batte- 
ries, la 15% capitaine Marchet, et la 16% capitaine de Guil- 
hermy, s'embarquaient à leur tour sous les ordres du chef 
d'escadron Sapia, nommé commandant de l'artillerie en Co- 
chinchine. Chacune de ces batteries avait à officiers et 1 ad- 
judant, toujours avec un effectif de 100 hommes; elles em- 
menaient avec elles une centaine de chevaux, et, suivant les 
instructions ministérielles, on les avait composées, autant 
que possible, avec des hommes ayant Thabitude du cheval ^^K 

En même temps, le Ministre rappelait en France la 3"" bat- 
terie absente depuis 1858 et prescrivait de reformer la 10* 

(^^ A cette époque, le régiment d'artillerie de la marine était encore un 
simple régiment à pied, sans chevaux ni conducteurs. 

3. 



36 L*ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 

sous les ordres du capitaine en l*' Terrasse, en empruntant 
deux officiers de la 3* batterie. 

Ainsi, dans la pensée du Ministre, le détachement du ré- 
giment d artillerie en Cochinchine devait comprendre à bat- 
teries, à savoir les 10% 13% 15* et 16'. Mais, lorsque la 10" fut 
concentrée à Saigon à son retour de Canton, elle était telle- 
ment réduite en nombre et composée d'bommes tellement 
affaiblis que sa reconstitution aurait donné lieu à de grandes 
difficultés. Aussi Tamiral commandant en chef se vit forcé de 
prononcer sa dissolution et de réduire à trois batteries for- 
tement constituées la composition de la garnison d'artillerie. 

En revanche, Tamiral avait créé, par arrêté du 23 octobre 
1861, un demi-escadron de canonniers-couducteurs destiné à 
concourir, avec les trois batteries à pied, aux exercices et aux 
manœuvres, à former des batteries mobiles et à remplir 
Toffice de train des parcs à la direction d artillerie de Saigon. 

EnGn un important détachement d'ouvriers fourni par la 
6* compagnie était parti le 8 juillet avec les 15* et 16* batte- 
ries; ce détachement, qui comprenait 50 hommes de toutes 
professions, était commandé par le capitaine en V^ Briens, 
aidé d'un lieutenant en 1"; il avait donc l'effectif d'une demi- 
batterie. 

Toutes ces troupes d'artillerie avaient été munies, au mo- 
ment de leur embarquement, du nouvel armement de l'ar- 
tillerie de la marine, à savoip^de mousquetons d'artillerie 
transformés bis, lesquels étaient approvisionnés à 300 coups 
par arme (cartouche modèle 1857). 

Les bouches à feu mises à la disposition des batteries, en 
dehors des obusiers de montagne venus primitivement avec 
les 3' et 10" compagnies, furent cédées par les troupes d'ar- 
tillerie de terre ayant fait partie de l'expédition de Chine. 

Au mois de juillet 1861, une première cession de matériel 
d'artillerie fut faite à la marine par le département de la 
guerre représenté en cette circonstance par le général Jamin, 
de passage à Saigon. Elle comprenait : 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 37 

h canons obusiers de 12 rayes; 3 canons de h rayés; 3 obu- 
siers de montagne rayés, avec les accessoires et approvision- 
nements de ces bouches à feu. 

Elle fut complétée au mois de septembre suivant par une 
nouvelle cession de : 

2 canons obusiers de 12 rayés, 3 canons de h rayés, 3 obu- 
siers de montagne rayés, toujours avec leurs accessoires et 
approvisionnements. 

Cela faisait donc au total 6 canons obusiers de 12, 6 canons 
de 4 rayés et 6 obusiers de montagne rayés qui passaient de 
rartillerie de terre à l'artillerie de la marine, c'est-à-dire le 
matériel de deux batteries de campagne et d'une batterie de 
montagne. 

Quant au personnel de l'artillerie de terre, il fut rapatrié 
tout entier à la fin de la même année; à partir du l*' jan- 
vier 1862, il ne resta donc plus en Cocbinchine que l'artillerie 
de la marine; c'est pourquoi, dans le récit des opérations 
militaires qui nous restent à exposer, toute confusion étant 
devenue impossible, nous emploierons dans la suite, pour 
abréger le discours, l'expression simple d'artillerie en parlant 
de l'artillerie de la marine. C'est, du reste, l'expression em- 
ployée dans les documents ofiiciels relatifs à la Cocbinchine 
à partir de cetle époque. 

Il fallait encore, pour compléter l'organisation des batte- 
ries, leur donner en nombre suffisant les ouvriers spéciaux 
qui n'existaient pas encore dans le régiment à pied de l'ar- 
tillerie. L'amiral Charner s'était préoccupé de cette nécessité 
qu'il avait plusieurs fois signalée au Ministre. Dans une lettre 
du 27 mai 1861, il réclame l'envoi de deux vétérinaires, de 
cinq ouvriers selliers et de cinq maréchaux ferrants. ffNous 
manquons complètement, dit-il, d'ouvriers selliers et de vé- 
térinaires, ainsi que de maréchaux ferrants.?} Dans une autre 
lettre du 13 juillet, il est plus explicite encore: trPour que 
l'artillerie de la marine pjîf?'^. sans trop de désavantage, 
remplacer l'artillerie de l'armée, il faut qu'elle emprunte à 



S8 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINCHINE. 

la gaerre dos ioslrueieurs, des bourreliers, des maréchaux 
ferrante, des vélérinaires. Alors elle pourra se mouvoir avec 
des pièces attelées de chevaux et de mulets, ce qui est de 
première nécessité dans ce pays, tandis qu'aujourd'hui elle 
ne sait manœuvrer ses bouches à feu qu'à la bricole, n 

Cette insuffisauce des moyens d'action de Tarlilierie de la 
marine «n Gocbincbine n'était que trop réelle; elle détermina 
une nouvelle organisation du corps, créée par décret du 
14 août 1861, et qui comprenait une compagnie de conduc- 
teurs. Le début de cette compagnie était des plus modestes, 
car elle n avait que 39 chevaux, mais c'était un point de dé- 
part. On a fait quelques progrès sous ce rapport depuis trente 
ans, et il en reste encore beaucoup à faire. 

Quoi quil en soit, on parvint, en effet, à recruter dans 
les troupes du <;orps expéditionnaire de Chine qui passaient 
à Saigon en rentrant en France le personnel nécessaire à 
l'artillerie en instructeurs, conducteurs et ouvriers spéciaux. 

On dut créer aussi un service de remonte dont la direction 
fut confiée au capitaine Terrasse, désigné par le Ministre 
pour prendre le commandement de la 10'' batterie qui n'avait 
pu être reconstituée. Un premier achat de 100 chevaux avait 
d'ailleurs ^té fait en Egypte au mois de septembre 1861 par 
l'amiral Bonard qui se rendait en Cochinchine pour y succé- 
der, comme commandant en chef, à l'amiral Charner^^). Ces 
chevaux provenaient du licenciement d'une partie de la ca- 
valerie du vice-roi , ce qui permit de les acheter à bon compte. 
L'amiral, dans une lettre au Ministre du 25 septembre 1861 , 
donne quelques détails intéressants sur cette remonte : 

wJe suis arrivé à Suez le 24 de ce mois, ayant quitté le 
Caire après m'être assuré que rien ne pouvait désormais 
entraver l'opération de la remonte. 

«rJe n'ai point encore entre les mains le compte détaillé 



^*^ La remise du service par Tamiral Charner à son successeur fut effec- 
tuée le 2^9 novembre 1 86i . 



L'ARTILLERIE DE LA MARINfi EN GOGHiNGHlNE. ^9 

de Tachât des chevaux, pour lesquels j ai fait établir un eon- 
trôle signalétique avec indication du prix de revient de cha- 
cun, mais je crois que le prix moyen sera, ainsi que j'ai déjà 
eu rhonneur de l'annoncer à Votre Excellence, d'environ 
300 francs. 

trLa Commission contimie à fonctionner; je pense qu'elle 
aura tout terminé demain et que je pourrai appareiller dans 
la même journée. Tous les chevaux achetés sont dans d'ex- 
cellentes conditions d'âge, de force et de santé. Il serait à 
désirer que le complément des animaux de cette espèce^ ùé- 
oesfi^ires à la Goehinchine, puisse être acquis de la même 
manière. 

f^J'ai fait joindre à l'envoi de ces animaux trente ânes ou 
ânesses du pays, et j'ai laissé l'ordre à M. le commandant 
Fisquet de me faire parvenir, par les diverses occasions qui 
se présenteront pour la Goehinchine, le complément à l&O de 
très bétes de gomme qui, moins délicates que les chevaux, 
peuvent venir en toutes saisons ^^^ Ces ânes, qui, chargés, 
peuvent être facilement dirigés au nombre de 20 ou 80 par 
un «eul conducteur, me seront de la plus grande utilité. 

ffLes mulets nécessaires aux ambulances et an portage des 
pièces et affûts de montagne sont tfès chers et très rares ici; 
j*ai donc dû m'absfenir de chercher à m'en procurer. i> 

Cette opération avait ^fé effectuée avec le concours d'un 
détaehement de cavalerie qui se trouvait de passage en Egypte, 
revenant de Chine, et qui avait pu fournir ie personnel d'une 
commission d'achat régulièrement composée. 

Après avoir pris possession de son commandement à Sai- 
gon, l'amiral Bonard fut conduit à prendre successivement, 
par suite des circonstances, diverses mesures qui vfmwnt 
modifier encore la situation des troupes placées sous les 
ordres du chef d'escadron commandant l'artillerie. 



(') 11 était recommandé de n'envoyer les chevaux que pendant la saison 
de h mousson de S. 0. 



40 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINCHINE. 

Le 5 fôvrier 1863^ une décision du commandant en chef, 
qui faisait passer à in marine les divers services administra- 
tifs de la guerre attachés au corps expéditionnaire, donnait, 
en outre, à l'artillerie de la marine le service du train. 

(rLe service du train des équipages, ainsi que du matériel 
roulant et de ses accessoires, existant actuellement en Co- 
chinchine, sera repris par Tartillerie, sauf à compléter cette 
cession et à décider sur le passage dans larlillerie de marine 
des volontaires de la compagnie du (rain, dès l'arrivée à 
Saigon de la fraction de cette compagnie attendue de Chine 
avec son matériel. En conséquence, à partir du 10 février, 
le service du train sera assuré par Tartillerie de marine, t» 

Le 15 février cette décision était complétée de la manière 
suivante par une autre décision du commandant en chef : 

trLes Tagals du train auxiliaire des équipages militaires 
passent à la marine en même temps que le matériel, à la 
date du 10 février, et sont placés sous les ordres du com- 
mandant de rartilierie. Ces hommes seront spécialement .em- 
ployés au service du train et seront payés comme travailleurs 
au titre de la direction d'artillerie. Ils recevront de la marine 
une ration de vivres. 

crLes Tagals seront admis à l'avenir à servir dans le train 
auxiliaire d'artillerie sur l'acceptation du commandant du 
corps qui leur fera souscrire un engagement de six mois à 
deux ans. Le commandant de l'artillerie fera procéder au 
rengagement de ceux de ces hommes dont le temps de service 
est expiré et qui consentiront à rester. 

rrLe nombre des auxiliaires employés au train d'artillerie 
est fixé provisoirement à 30 hommes d'origine asiatique, 
Tagals, Annamites, Chinois..?} 

Ce chiffre fut d'ailleurs porté à 50 hommes par une nou- 
velle décision en date du \à juin. 

A raison du service particulier attribué dès lors aux troupes 
d'artillerie de Cochincbine, le commandant en chef alloua, 
par décision du 21 février 1862, aux officiers et aux adjudants 



L^ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOCHIXGHINE. ai 

sous-officiers de la portion du régiment d*arlillerie de ia 
marine set^ant dans le corps expéditionnaire, ainsi qu'à tous 
autres sous-officiers et tous soldats du demi-escadron du 
Irain d'artillerie récemment créé dans cette portion, une in- 
demnité spéciale et locale représentative de la différence de 
solde attribuée dans rarlillorie de terre aux services monté et 
non monté ^^^Ti 

En même temps il était alloué, à compter du 23 octobre 
1861, au régiment d'artillerie de la marine, pour le demi- 
escadron du train nouvellen)ent formé en Cochinchine, une 
première mise de 400 francs de masse générale (deuxième 
portion) et une somme annuelle de 550 francs pour Tentretien 
de cette masse. 

Ce demi-escadron ne tarda pas d'ailleurs à voir modifier 
son organisation. En effet, le 21 février 1862, lamiral Bonard 
fit insérer au Bulletin officiel de la Cochinchine la décision 
suivante : 

1. Le demi-escadron de canonniers-conducteurs, créé dans 
le corps de l'artillerie de la marine en Cochinchine par l'ar- 
rêté du 23 octobre dernier du vice-amiral commandant en 
chef, pour le service spécial du train et des transports de 
l'artillerie, est agrandi et transformé en un escadron de ca- 
nonniers-conducteurs chargé des services réunis du train et 
des transports de l'artillerie et des équipages militaires de 
tout le corps expéditionnaire, ainsi que des établissements 
foudés ou à fonder en Cochinchine. 

2. Cet escadron est destiné à concourir, avec les batteries 
à pied du régiment d'artillerie de la marine, à toutes les 

(') A savoir : hoo francs par an pour roflicicr supérieur commandant les 
troupes crarlillerie du corps expéditionnaire. 

900 francs par an pour tout officier inférieur servant dans les batteries 
actives ou dans te dcmi-es.adron du train d'arliilerie. 

10 centimes par jour pour tout adjudant sous-officier des ballerics et du 
demi-escadron et pour tout autre sous-officier et tout soldai du dcmi-os- 
cadron. 



hh L'ARTILLERIE DE U MARINE EN COCHIXCHINE. 

Tous les ateliers fonclionnaient donc à Saigon, comme 
dans les ports de France, dès Tannëe 1862, el ie programme 
des réjouissances pouF la fête du 15 août 1862 comportait 
dëjà un feu d'artifice lire par la direction d'artillerie. 

Nous résumerons dans ie chapitre suivant les importants 
travaux de construction exécutés dès le début par les soins 
de cette direction; mais, en terminant ce chapitre relatif à la 
constitution de la garnison d artillerie en Cochinchine, il ne 
sera pas inutile de reproduire ici la situation détaillée de cette 
garnison à la fin de Tannée 1861, telle qu'elle résulte de 
l'état officiel de la répartition des troupes du corps' expédi- 
tionnaire à la date du 20 décembre 1861. 

ArtiUerie de marine. 

Offirien. Hommes. 

Présents th 4oi 

ATbôpiUl 1 84 

Détachés. o 67 

Délenusoii dése. leurs o 3 

Effeclifs ]5 545 

Ces effectifs étaient répartis de la manière suivante : 

Officiera. Hommes. 

A ta pagode des clochetons o 5 

A la pagode de Caï-Mai 5 

A Tong-Kéou o 3 

A Rach-Tra 3 

A Mylho 1 23 

En expédition à [Hcn-Hoa 8 319 

A Saigon 5 1 38 

Totaux lû 389 

Cet état de répartition accuse 32 hommes de moins que la 
situation générale de rarlillerie, et, comme il est accompagné 
d'une note spécifiant que la situation des troupes en expédi- 
tion à Bien-Hoa n'est qu'approximative et basée sur des états 
fournis à une date antérieure, il faut en conclure que le 
chiffre des hommes à Bien-Hoa est trop faible de 32 et doit 
être porté à 244 hommes. 



L'AKHLLERIE DE U MABINË Ë'^ GOGHINGHINE. AS 

fixé, chaque fois qu'il y aura lieu, par \e commandant en 
ehef, sur les propositions du commandant de lartillerie et 
suivant Télendue des besoins à satisfaire, la balance des gains 
et des pertes et les ressources des remontes, v 

Une décision du 10 avril 1862 fit passer la direction du 
service de la remonte, confiée d'abord, comme nous Tavons 
vu, à un capitaine d'artillerie, dans les mains du capitaine 
commandant f escadron de spahis cochinchinois récemment 
«née pour fiisionner en un seul corps les cavaliers tagals et 
ceux des divers régiments français qui se trouvaient en Co- 
ciiinetiiiie, provenant de l'expédition de Chine. 

Tandis que le service des troupes était ainsi organisé, la 
direction d'artillerie s'était aussi constituée sur le modèle des 
directions de France. Le commandant Sapia avait pris, en 
même temps que le commandement des troupes, les fonctions 
de directeur, et dès le 29 novembre 1861, la décision qui désigne 
les chefs de service pouvant communiquer avec le comman- 
dant en chef mentionne le commandant de l'artillerie et aussi 
le commandant du génie rr chargé du service des ponts et 
chaussées?). Le 12 mars 1862, ces deux chefs de service sont 
aussi mentionnés parmi ceux qui ont droit à la franchise té- 
légraphique. Enfin, le 21 décembre 1862, ils sont désignés 
tous deux pour faire partie d'une commission de défeuse in- 
stituée pour éclairer le Gouverneur sur les décisions à prendre 
en ce ^ui concerne l'armement, le casernement et toutes les 
mesures qui intéressent la sécurité des postes ou forts. 

Sous les ordres du directeur se trouvait le détachement 
d'ouvriers de la 6° compagnie, auquel étaient adjoints des 
ouvriers indigènes; nous avons vu que les Tagals auxiliaires 
avaient été aissimilés à ces ouvriers employés dans les ateliers. 

(Jn personnel do gardes concourait, sous les ordres des 
officiers, au service de la direction : garde comptable, garde 
contrôleur d'armes, avec plusieurs chefs armuriers militaires, 
G^ï ouvrier d'état et sous^cbef ouvrier d'état, chef artificier 
de direction et chef artificier de régiœent. 



46 L ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCiilNQHtNE. 

CHAPITRE VI. 

PBEVIBRCS C0!<ISTRCCTI0!«8 DE LURTILLBRIB. 



Depuis la prise de Saigon jusqu'au milieu de Tannée 1861, 
les troupes qui se trouvaient en Cochinchine ne constituaient 
qn*un corps expéditionnaire; elles n'étaient donc pas caser- 
nées, mais cantonnées tant bien que mal dans les pagodes, 
maisons ou magasins annamites ; partout enfin où elles pou- 
vaient trouver un abri existant. 

Mais après la victoire de Chi-Hoa et la prise deMytho, ce 
corps expéditionnaire se trouvait transformé en corps d'occu- 
pation et il fallut songer à créer tous les locaux nécessaires 
à la garnison permanente de Saigon. Cette garnison ne for- 
mait guère que la moitié des troupes de Cochinchine, l'autre 
moitié étant détachée en différents points de la nouvelle co- 
lonie, tels que Mytho, Taï-Ninh, Hoc-ltf on, Tong-Kéou, Tan- 
An, etc. Pendant le deuxième semestre de l'année 1861, le 
nombre des hommes ainsi détachés a varié en effet de 1425 
h 1837, tandis que l'effectif total des troupes à laisser en Co- 
chinchine après le départ des renforts fournis par la guerre 
pour l'attaque de Chi-Hoa et l'arrivée des troupes de rempla- 
cement de la marine devait être de 3.060 à 3.500 hommesT 
Les détachements avaient d'ailleurs trouve à se loger d'une 
manière suffisante dans les diverses localités occupées. 

Il n'en était pas de môme à Saigon. L'amiral Charner, dès 
le 13 juillet 1861, exposait au Ministre la situation dans une 
lettre dont les passages suivants méritent d'être rapportés : 

fil n'existe réellement d'un peu convenable que les bar- 
• raques de l'hôpital de la marine construites depuis peu de 
temps sur le plateau de Saigon. Néanmoins les 200 malades 
qu'elles peuvent recevoir y sont traités avec tous les soins 
imaginables et l'on n'a rien épargné pour remédier à l'état 
misérable des locaux. 400 autres malades sont relégués à 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINCHiNE. A7 

Cbo-Q^an^ à A kilomètres de Sa'igoa^^). . . Après avoir coa-^ 
struit des hôpitaux, le plus urgent, cest do bâtir deux ca*^ 
sernes ayant au moins un élage, Tune pour Tiofanterie, Tacitre 
pour Tartillerie. 

rrLe manque d'(Mifices capabks de logeur quelques eea- 
taines de soldats re unis a forcé de fractionner kss troupes sur 
une étendue de près de 6 kilomètres. Il arrive de la sc^rte 
que les marins sont casernes dans d^» cases et quelques pa- 
godes près de la vilk chinoise; Tartillerie de terre est établie 
à la pagode des Mares, à mv-ehemin de cette vilW à Saison ; 
le bataillon du 101'' est à I kilomètre {dus rapproebé de 
Saigon, tandis que le bataillon de chasseurs est caserne près 
die remplacement de Taucienne citadelle, c'est-à*-dire de 
Tautre (Aie de Ssuigon. Sans entrer dans une énamération 
plus détaillée, je pub ai&rmer qu'en fait de bâtisses de 
tout genre ... les ressources de notre coloaie soat ins^ni- 
fiantes^?) 

Il fut décidé que Fb6pital serait construit sur Templace- 
WAoi des baraques provisoires qui était le point le plus sain 
de Saigon, que la caserne d'infanterie serait au eamf d^ le^ 
très; enfin, que Tartillerie s'établirait aa-dessous de rb4pî1ial 
jusqu'au bord de la rivière. L'artillerie de marine s'y trouvait 
déjà au moQient où l'amiral écrivait Les lignes que nous ve^ 
ttonside citer, et ce détail penit servir à compléter son éau- 
mérotioD. 

L'emiplacemont attribué a l'artillerie était situé sur le boi'd 
de la rivière de Saigon et partagé en deux parties par la rue 



^') n y avait donc alors 6ôo hommes malades à Thèpital. Or il rëstitte 
dfune aulr» l.ettre de l'amiral Ghamer que, à la date du a 8 juin:, c'est- 
àr-dire q^iwe jours auparavant , il n'f avait en Cochincbine que 3,600 hom- 
mes de troupe (marins non compris). 

Dans une letlre précédenle du i3 juin, Tamirai constate d'ailleurs trque 
rinsalubrilc du climat donne en moyenne une mortalité de 3ô p. loo pai^ 
an cl que le nombre des malades ou exempts de service, surtout lorsque 
left]i0mm«s faiiguent, sVlève du quart au tiers des eSertifs?). 



48 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINCHINE. 

Isabelle II (aujourd'hui rue d'Espagne) qui le traversait dans 
toute sa largeur. La partie comprise entre cette rue et la ri- 
vière ëtait un marécage fangeux, borde des deux côtés par 
des arroyos dits arroyo de Tartillerie et arroyo des subsis- 
tances, qui en formaient un petit delta : la partie située au- 
dessus de cette rue et limitée par la rue parallèle suivante, 
appelée alors rue de la Sainte-Enfance, aujourd'hui rue de 
la Grandière, était sur un terrain un peu plus stable et de 
formation un peu plus avancée. La partie basse devait servir 
à asseoir les bâtiments de la direction; la partie haute était 
réservée aux logements du directeur, des officiers et des 
gardes. 

Les lignes suivantes, extraites d'un rapport rédigé par le 
commandant de Guilhermy sous la date du 3 mars 1857, fe- 
ront comprendre les difficultés que Tartillerie avait à sur- 
monter pour faire l'adaptation du terrain qui lui était attri- 
bué et pour y élever les bâtiments nécessaires h son service : 

(tLes bâtiments de la direction d'artillerie sont élevés sur 
un sol fangeux, de formation très récente, au-dessous duquel 
on descend à une assez grande profondeur avant de trouver 
des couches solides de quelque étendue, car les amas d'argile 
très siliceuse que la sonde rencontre sont, le plus souvent, 
interrompus brusquement de tous côtés, comme des éboule- 
ments partiels arrachés et roulés par les eaux. La saison des 
pluies, les hautes marées et les six mois de sécheresse ont 
une grande influence sur la mobilité de ce sol très perméable 
qui, s'aflaissant sous de fortes charges, se contracte , travaille 
et se meut parfois, pour ainsi dire de lui-même, dans des 
endroits où la charge est insigniGante. En un mot, c'est un 
sol qui se forme et s'asseoit. Aussi l'excès de précaution 
n'est-il qu'une mesure de prudence très justifiée quand on 
établit des fondations dans les terrains bas voisins du fleuve 
et formés de récentes alluvions^^).?) 



(0 



Presque partout dans la Basse-Gocbinchine le sol voîsiu des fleuves 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINGHINË. 49 

En dëpil de ces difficultés, rartillerie, sans tarder, se mit 
résolument à Tœuvre, et elle eut le bon esprit de construire 
immédiatement des bâtiments sinon définitifs, du moins sus- 
ceptibles d'avoir une durée assez longue pour attendre qu'on 
pût les remplacer par les belles constructions modernes en 
fer et briques, et d'offrir jusque-là les conditions hygiéniques 
et relativement confortables qui sont indispensables aux Euro- 
péens sous le climat si débilitant de la Cochinchine. Le com- 
mandant Sapia, qui prit cette résolution et la poursuivit avec 
autant d'activité que d'énergie, excita au début dans la co- 
lonie de violenles jalousies. On reprocha à l'artillerie de ne 
travailler que pour elle, ce qui était pourtant assez naturel, 
puisqu'il y avait alors à Saigon un service du génie officiel- 
lement chargé de tous les travaux militaires autres que ceux 
de l'artillerie ainsi que des ponts et chaussées. Du reste, en 
appropriant et desséchant le marécage où elle devait s'établir 
et en le couvrant de constructions convenables, elle rendait 
un service réel à la ville naissante ^^), sans compter l'influence 
salutaire de l'exemple donné à tous par la prompte et bonne 
construction de ses bâtiments. 

el des arroyos est fonné d*uno vase incomplètement solidifiée , parfois même 
encore un peu fluide < mais toujours incapable de Supporter ta cliârge dVnc 
lourde conslraclion. Pendant la construction du ctiemin de fer de Mytlio , 
en 1886 , on avait d^abord tenté de faire la rampe d^accès du pont de Rcn- 
Luc (sur le Vaïco orientât) en terre de rizières. Le pont étant très étevé, 
la rampe avait un développement et un poids considérable. Lorsqu'elle fui 
presque terminée , elle sVnfonça brusquement dans le sot de près de a mè- 
tres, tandis que te terrain avoisinant se soulevait et formait de chaque côté 
de la rampe de larges boursoufflures. 

Le même phénomène a été observé plusieurs fois à ta batterie du Rach- 
Gioî, construite pour études sur ta rive droite de ta rivière de Saigon, un 
peu en aval de la ville. Chaque fois que te coffre de la batterie atteignait 
un certain poids , il s'enfonçait dans la vase et faisait saillir en bosses le 
terrain environnant. En chargeant de nouveau le cofire , on provoquait un 
nouvel enfoncement. 

(^) Le colonel Goffyn, commandant du génie, avait établi au commen- 
cement de Tannée 1863 un plan grandiose pour la ville de Saigon. Ce plan 
était conçu pour 5oo,ooo hnbitants. 

U 



50 L*ARTILLERIE DE U MARINE EN C0GH1II€HINE. 

Dkê le débarquement à Saigon, les troupes du corps eipë- 
ditiounaire s^ëtaient logées, comme elles avaient pu, dans les 
maisons annamites abandonnées; puis on avait transporté et 
groupé ces cases suivant les besoins de chaque service en 
eomplétant f installation par des baraques venues de Manille 
et achetées à nos alliés les Espagnols. Un plan des établisse* 
ments de lartillerie que le commandant Sapia fit établir au 
mois d'octobre 1861 , au moment où il venait de prendre le 
service de la direction, permet de constater ce qui existait 
alors et qui a été le point de départ du bel ensemble de eoo^ 
structions qui existe aujourd'hui. 

La liste des bâtiments de lartillerie (si toutefois on peut 
donner le nom de bâtiments à ces abris provisoires) n'est pas 
longue : 

1°^ Une ease annamite remontée servant de bureau pour 
le commandant et pour le garde d^artiilerie; 

2^ Deux baraques de Manille servant. Tune de salle 
d'armea et d'atelier d'armurerie, Tautre de magasin de la 
direction; 

3° Un grand hangar; 

4° Une baraque de Manille servant d'atelier à bois; 

5° Une vieille case annamite transformée en forge et ate- 
lier à fer; 

6*" Quatre baraques de Manille servant de logement aux 
troupes d'artillerie; 

T Une case annamite en bon état, servant de salle d'ar-r 
tifice; 

8° Un corps de garde pour l'artillerie; 

9* Un hangar en paillettes arrangé pour servir de logement 
aux officiers d'artillerie. 

Ge$ cases ou baraques étaient posées sur le terrain attri« 
bué à l'artillerie, coupé par des brousses et des marais et par 
les branches mortes de l'arroyo des subsistances, sorte de 
marea qui se prolongeaient jusqu'à la rue d'Espagne. 

Avant de substituer de vrais bâtiments à ces abris provi- 



LARTfLLËRiË DE LÀ MiRiNE EN COCHINCHINE. M 

soires, il fallait défrieher les emptaoements, faire les déblais^ 
remblais et travaux d^assèchement indispensables, et ce fut, 
en effet, le premier travail entrepris. Il fallut aussi jeter "des 
ponts sur les arroyos qui coupaient le terrain , pour assurer 
les communications nëoessaims entre les diverses parties de 
r^tablia&ement. Sans attendre d ailleurs rachèvement de ces 
travaux préliminaires, le directeur fit commencer la con- 
struction de plusieurs des bâtiments nécessaires au service de 
Tartillerie, qui se divisent en deux séries distinctes : 1° loge* 
ments pour les officiers, les hommes et les chevaux ou mulets ; 
2'' ateliers, magasins et bureaux de la direction. 

Ainsi, à la fin du premier trimestre 1862, cinq construc- 
tions se poursuivaient à la fois par les soins de lartillerie : 

l*" Un bâtiment en bois et maçonnerie composé d'un re^- 
de^chaussée et d'un étage pour recevoir à Tétage ia salle 
d^armes avec lea bureaux et ateliers de Tarmurerie, au rez- 
de-chaussée l'atelier d'ajustage et les bureaux des officiers de 
la compagnie d'ouvriers; 

2"* Un bâtiment en bois pour le magasin d'habillement, 
avec logement et bureau pour l'officier d'habillement; 

â"" Deux pavillons en maçonnerie (annexes de caserne), 
contenant le corps de garde, les salles de police, les prisons, 
cuisines et bureaux ; 

à'^ Transport et transformation d'une case annamite en 
écurie pour une section du train (provisoire); 

5* Construction à l'entreprise d'un édifice à étage pour 
caserne et magasins. 

Il suffira, après avoir indiqué ce début des constructions, 
de faire remarquer qu'elles se sont poursuivies au milieu des 
travaux spéciaux de l'artillerie; que ce service a eu, en outre, 
à pourvoir au logement provisoire de nombreuses munitions 
débarquées par les bâtiments qui servaient de magasins en 
temps de guerre et déposées à la direction en attendant qu'on 
pAt les renvoyer en France; qu'il a àA faire face, pendant la 
même période, à plusieurs expéditions et assurer tous les 

à. 



52 L'ARTILLEBIE DE LA MARINE EN GOGHINCHINE. 

ravitaillements par la voie de terre au moyen de son service 
des transports. 

Le plan des ëlablissements de Tartillerie arrêté au T' jan- 
vier 1863 par le commandant Sapia permet de se rendre 
compte des résultats obtenus en quinze mois de travail sous 
son active et énergique impulsion. Les branches mortes de 
Tarroyo des subsistances, comblées et asséchées, ont disparu; 
deux ponts en bois sont jetés sur le bras intérieur qui a été 
rectifié et canalisé; Tensemble de rétablissement se dessine 
en quatre groupes distincts : en haut, le groupe du logement 
des officiers, en bas le groupe de la direction; au milieu 
celui du quartier des troupes d'artillerie et celui du train et 
du service des transports. Dans les trois premiers groupes 
figurent plusieurs bâtiments neufs déjà achevés ou en cours 
de construction; dans le dernier groupe on retrouve les ba- 
raques de Manille et les cases annamites qui formaient en 
1861 tous les abris de Tartillerie et qui ont été disposées de 
manière à fournir les magasins, écuries et remises nécessaires 
au service des transports. 

Le commandant Maillard, qui succéda au commandant 
Sapia, promu lieutenant-colonel (1863-1865), dans ses fonc- 
tions de directeur de TartiUerie à Saigon, poursuivit avec 
non moins d'activité l'œuvre commencée par son prédéces- 
seur et acheva l'édification de plusieurs des bâtiments eu 
cours de construction. Promu à son tour lieutenant-coloneU 
il fut remplacé par le commandant Roche (1865-1867), qui a 
laissé une note détaillée de l'état des travaux exécutés avant 
son arrivée et pendant son séjour. Cette note très précise 
donne de la manière suivante la nomenclature de ces travaux : 

1° Constructions terminées avant le la juillet î865 (prise de 
service du commandant Roche). 

Quartier des troupes : Caserne à un étage pouvant loger 
315 hommes avec hangar servant de magasin. 

Pavillon à rez-de-chaussée contenant les cuisines, les 
salles de police et prisons, le poste de garde de police. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE ISN GOGHINGH^NE. 53 

Pavillon à rez-de-chaussée contenant la salle de rapport, 
le logement des adjudants, la salle de visite, etc. 

Direction d'artillerie : Un atelier pour les ouvriers h bois. 

Un atelier d'ajustage. 

Un atelier de forges. 

Un grand bâtiment à étages (salle d'armes et magasins). 

Un petit bâtiment servant d atelier pour les ouvriers armu- 
riers. 

Un grand magasin pour le harnachement. 

Logements d'officiers : Un grand bâtiment à étage pour le 
logement du directeur. 

Un bâtiment de style annamite pour loger un officier 
marié. 

2° Constructions commencées avant le m juiUet 18 6 5 et termi- 
nées au 1" janvier 1866. 

Quartier des troupes : Un bâtiment servant de cantine. 

Direction d'artillerie : Un atelier de charronnage et de 
peinture. 

Logements d'officiers : Un second bâtiment de style auna- 
mite pour un officier marié. 

Un pavillon pour six officiers non mariés. 

3^ Constructions commencées avant le la juiUet 18 65, encore 
en cours cF exécution au 1*" janvier 1866, 

Quartier des troupes : Deux bâtiments devant servir d'écu- 
ries. 

Direction d'artillerie : Un atelier de fonderie et forges. 

Cette nomenclature montre d'une façon nette la progres- 
sion des travaux exécutés dans l'établissement de l'artillerie 
à Saïgon, mais, pour la compléter, il importe de signaler que 
l'artillerie avait deux autres établissements en dehors de l'en- 
ceinte de la ville : celui de la pagode des Mares et celui de 
l'Espérance. 

La pagode des Mares, située sur la route de Saïgon à 
Cholon, avait déjà servi po.ur le logement des troupes et le 



64 UABTILLERIE Dfi'U MARINE EN COr.HfNGBINE. 

parc de i orlillerie de terre pendant son séjour en Gochin- 
chine. Lartillerie de marine y irouTak donc une installation 
toute faite dans les bâtiments annamites réauia sons ce nom 
collectif de pagode et qui cHaient en bon état «a moment de 
la conquête. Elle se borna donc à dëfricher, et à entourer d'une 
clôture, de vastes terrains autour de ces bâtiments, afin d'y 
cultiver des berbes propres à la nourrttare de ses chevaux; 
elle réussit, en effet, a y faire venir d'assez bons fourragfes. 
L'artillerie ne conserva pas d^ailleurs bien longtemps cet éta- 
blissement qui lui fournissait trois logements d'oificierst car 
elle l'évacua définitivement au 1*' janvier 1866. Il est oceopé 
aujourd'hui par les tirailleurs annamites. 

L'établissement de l'Espérance avait été donné à t'artillene 
pour y installer ses ateliers d'artifices el ses magasins de 
munitions. C'était un vaste terrain , ayant un peu pfus de sept 
hectares de superficie, bien disposé, et qui, par sa situation 
isolée sur le bord de l'arroyo de l'Avalanche et son éloigne- 
ment de la direction d'artillerie, satisfaisait aux condition» 
voulues pour sa destination. Il avait été tout 'd'abord divisé 
en cinq parties, séparées par des clôtures en palétuviers : 

l'' Espace occupé par les salles d'artifices et les magasiusr; 

2° Espace occupé par la caserne du détacliement d^arlil- 
lerie et ses dépendances; 

3° Partie réservée pour le capitaine chargé des po«dre» 
et artifices (logement et dépendances); 

4° Partie réservée pour le garde artificier (logement et dé- 
pendances); 

5° Espace réseiTé pour les besoins ultérieurs. 

Les bâtiments nécessaires avaient été commencés ccmcur-^ 
remment avec ceux de l'établissement gëfiéral de l'artillefie 
dans l'enceinte de Saïgon. 

Au 1*'' janvier 1866, les constructions achevées étaient les 
suivantes : 

La caserne du détachement pour 35 hommes ,^ avec ktrines, 
puits et lavoir à proximité de la caserne» 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EPi COGHINGHINE. M 

Un pavillon avec latrines, cuisine et puits, pour le capitaine 
ebargé des poudres et artifices. 

Un pavillon avec mêmes dépendances pour le garde arti- 
ficier. 

Une salle d'artifices. 

Un atelier de visite et de démolition. 

Trois magasins, dont deut pour les projectiles et un poui" 
les munitions confectionnées. 

Un atelier pour la fonte des balles. 

On pouvait donc le considérer déjà comme à peu prètf 
complet. 

Nous venons de suivre la progression des constructions 
exécutées par la direction d'artillerie jusqu'au 1^ janvier 1866. 

Pendant Tannée 1866, on acheva les écuries avec la ma-* 
téchalerie et Tinfirmerie des chevaux; en 1866 et 1861, on 
construisit des ailes en retour au bâtiment de Tatelier de 
l'ajustage el des machines, et l'on exécuta les routes, trottoirs, 
caniveaux nécessaires pour finir d'approprier le terrain de la 
direction et y faciliter les communications. On commença 
enfin une nouvelle salle d'armes. La période des premières 
constructions de l'arlillerie, qui fait l'objet de ce chapitre, est 
donc terminée; on entre désormais dans une nouvelle période 
oii la plupart de celles-ci seront remplacées par des construc- 
tions plus perfectionnées. 

Le tableau ci-après résume, avec la liste de ces bâtiments ^ 
la nature de leur construction, la longueur de leurs trois 
dimensions et les dépenses effectuées pour leur construction. 
Il est emprunté à un rapport du commandant de Guilhermy, 
successeur du commandant Roche, qui porte la date du 
3 mars 1868. 



56 



L'ARTILLERIE DE LA MARLNË EN COGHINGHINE. 

RBLETé, PAR EXERCICE ET PàR BATIMENT, DBS DEPENSES 

DEPUIS LE T TRIMESTRE 1863 (iNCLL's) 




DESIGNATION OU EMPLOI. 



LOGEMENTS D'OPPICIEBS 
ET D^EMPLOris. 



NATURE 
de 

LA COASTEOCTIOII. 



Mauoo et bureaux da cbeT de service ) _ .... 

de rtrtiUerio } ^n panii de bois h t étage. 



Dépendances. 



Pafillon des offidersO . . . . 

Dépendances 

Petite maison poar officiers. 



Petite maison poor officiers 

Maison de i^offider commandant àj 
rEspéranocC) | 

Dépendances | 

Mais(Hi du garde d^artillcrie de I*£spé-) 
rance O \ 

GASBRRBMBRT^ 

Caserne de Saïgou 

Appentis longeant la caserne 

Salle de police , corps de garde , etc.O. 

Cbambres d^adjndanls, salles des rap-) 
ports {') ) 

Cantines. 

Caserne de rEspcrance O 

ÉGDBIB8. 



En pans de boia. 

Idem. 

Idem, 

Maison annamite. 

Idem. 

Idem. 
En pans de bois. 

Idem. 



DIMENSIONS. 



UMnOB 

de 
dehors 

en 
debors. 



mètres. 



ta,75 



Es pans de bois h t étage. 

En pans de bois. 

Idem. 

Idem. 

Mars et piliers en briques. 
En pans de bois. 



Écuries , marécbalerie et infirmerie | Eu briques avec piliers 
des chevaux ) en pierres de Bieu-Hoa. 

A reporter 



17,00 

■ 

ti,oo 

11,00 

19,00 

• 

11,71 



6o,36 
6a,36 

9&,00 

i4,oo 

99,00 
95,60 



j95i,75 



i.ABe«ja 

de 
dehon 

en 
dehors. 



mètres. 



i5,oo 



11,00 

« 

11,00 
11,00 

7,95 

■ 

6,10 



i4,»8 m 
e,35 

5,00 
11, QO 

ai,70 
6,i5 



AAOTICt 

des murs 

ou 
du dessous 
du tirant. 



mètres. 



8,00 j 

I 

?" ( 
. ) 

a 

3,37 

■ 

3,33 



7,5o 



8,10 
3,3o 
3,10 

3,10 

3,99 
3,3 



3,5o 



(') Ces bdtimenls ont des varangues extérieures ; mais les espaces ainsi couverts ne sont pas compris 
(') Y compris une varangue de 3'",5o de large, au rez-de-chaussée et à Tétage, qai règne daiis toute la 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOCHINCHINE. 



57 



QUE L-» ARTILLERIE A FAITES POUR LES CONSTRUCTIONS 
JUSQU'AU 4® THIHESTRE 1867 (iNCLUS). 



DÉPENSES PENDANT LES ANNÉES 



1863. 



Régie. 



francs. 



9-796 



« t .087 



i.5o6 



&.o3o 



437.696 



7.6ao 



Entreprise. 



francs. 



186/i. 



Régie. 



francs. 



A6.566 

+ 6.8âa 

I de bois fourni ] 

par 

la direction. 

18. 991 

+ 3.956 
de bois fourni! 

par 
la direction. 



99.993 



7.108 



1.470 



i.o58 



i5i 



8.194 



1865. 



Régie. 



fitincs. 



9.i48 



701 

3.798 

359 

583 



355 



1866. 
Régie. 



fran 



es. 



Antérieur au 9" trimestre i863. 



i8i.635 



» 
9.899 



79-177 



476 



37.548 



83.758 



*i>-799 
793 



39.4 



11 



63.940 



1867. 



Régie. 



francs. 



1.346 



1.346 



TOTAUX. 



francs. 



94.575 



50.373 

3.798 

9.916 
6.934 



i46.i45 



» 5.799 
11.711 



78.3o5 



409.856 



daqs les dimensions indiquées, 
longueur du bâtimeol. 



M 



L AhTILLERlE DE LA MARINE EN COCHlNCHlNfi» 



llÉM«NATiOI« OU BMMiOf. 



Report 



ATKUBRS BT HA0MIII8 
DB LA DIRBGTIOn. 

Peinture et boufreilerie 

Charron nage 

Atelier k boit 

Anciennes forges (magasin) 

Ajustage et machines 

Ajustage et machines (parties en retour). 

Forges et fonderie 

Ancienne Balle d'armes et magasin. . . 

Appentis le long de ia salle d'armes. . 

Nouvelle salle d'armes el nouvelle ar- 
murerie 

Ancienne armurerie (destinée aux bu> 
reaux) 

Magasin du harnachement 

Pont sur Tarroyo 



NATOHB 
4e 

LA coniTftucnoii. 



Pont américain. 



Routes , trottoirs , caniveaux . 



Quatre ateliers ou magasins de r£spé« 
rancc<') 

Grand magasin de l'Espérance O 

Mur de Penceinte des magasins de 
TËspérance 

Réparations, baraquements, installa- 
tions diverses h Saigon, à TEspë- 
ranoe et aux Mares 



Creusement, pilotage et pavage d'ar- 
royoR 



En pans de bdfs. 

Idem. 

Idem. 

Idem. 

Piliers eo briquet reliés 
par des murs. 

Idem. 

Idem. 

En pans de bois à i étage. 

• 

Murs en briques. 

En pans de beis. 

Idem. 

Sur pilotis. 

Eo bois. 

Portée. 

Caniveaux en briques. 
Routa en pierres de fiien-Hoa. 

En pans de bois. 
Idem. 

En briques. 



DIMENSIONS. 



I.0N60BUB 

dehoni 


LABOIVB 

de 

dehors 


ed 


en 
dehors. 


mètres. 


mèkct. 


33,5o 


11,00 


4i,i5 


10, 5o 


3&,8o 


i4,70 


iM5 


i3,5o 


3o,6o 


i3,6o 


«7»95 


i3,(o 


3ot6o 


i3,6o 


&9,tO 


8,00 


A*,ao 


4,5o 


3s|Oo 


11,00 


io,5o 


9.5o 


39,5» 


19,4o 


i6,5o 


4,90 


t5,8o 


3,5i 


19,00 


• 


)68tOo 


10,00 


90^85 (') 


6,10 (') 


30^00 


6,90 


$90,00 


■ 


H 


• 



HIUTIUB 

des ânrt 

ou 
du dessous 
du tirant. 



mètres. 



9,75 
3,5o 
5,5o 
5,3o 

5,00 

5,00 
5,00 
6,90 

9,95 
8,00 

3,&o 



3,&o 
9,5o 



Totaux. 



890 mètres cubes de déblais 
pour 900 piastres, pavage 
en pierres de Bieo-Hoa à rai- 
ton de 5 piastres par mètre 
cube, pilotage à raison de 
3o piesiret le mètre coarant. 



I 



(') Ces bâtiments ont des viirangues extérieures ; mais les espaces ainsi couverts ne e0«t pis 
(') Ce sont les dimensions de cAoeim. 



L'ARTILLSRIË DE LÀ MfAAnE EN GOCHINCHINE. 



59 



DÉPENSES PENDANT LES ANNÉES 



1869. 


186/î. 


B^e. 


Entreprise. 


R%ie. 


francs. 


fFSoes. 


inneft. 


t8i.635 


79.177 


8a.758 


13.0^7 


• 


w 



1865. 



R%ie» 



frenes. 
63.qAo 



If 



95.915 
1.984 



91.36& 
10.979 



95Â.917 



437 
Aotërieur au 9* Iriméslfe 1868-. 



1866. 



l^.é^. 



flranes. 
1.346 



18.396 



108.819 



a 



N*Mt pM taelkeY<» 

Antërieuf au 9* trimestrt i863. 
899 

3.906 



9.664 
3.54i 



75.591 



i67-973 



4.4o9 

9«6 



iS.OAO 



io4.958 



t.373 
45o 



1 4.000 



lui. 739 



99.469 



139.697 



1867. 



fiiuies. 



90.186 



49.996 



108.919 



^k^*i»Mi^Mta_^^^^fe^h^.tfMM 



TOTAUX. 



frtnct. 

409.856 



'1 8.484 



M 

a 



147.894 



41.996 



H 


96.807 


M 


1.984 


• 


3.906 


a 


a 


i3.ooo 


i3.ooo 


a 


36.8o3 


a 


14.469 


19.807 


19.807 


90.000 


78.460 



76.591 



876.796 



dans les dimensions indiquées. 



M 4 ■■ ■ ■ * ■ 



^^^^^haa^ 



^amssk 



i 



60 L\4RTiLLËmË D£ LA MARINE EN GOGUINGHINE. 

Il faudrait, pour être complet, ajouter à cet exposé géné- 
ral des travaux exécutés dans la place de Saigon quelques 
travaux de moindre iuiportauce exécutés à Textérieur, tels 
que la construction des logements provisoires pour les che- 
vaux à Bien-Hoa et à Baria et de magasins provisoires pour 
les munitions; enfin Tinstallation de plates-formes dans les 
places conquises pour y monter les canons destinés à défendre 
^es places. 

CHAPITRE VIL 

PRISE DE BIEN-HOA. 



Après la prise de Ghi-Hoa, Tarméede Nguyen-Tri-Phuong 
s'était débandée, et les soldats annamites dispersés avaient 
fui au premier moment dans toutes les directions; mais peu 
à peu, ils s'étaient ralliés vers Bien-Hoa arrivant isolément 
ou par petits groupes autour de celte place munie, comme 
Saigon et Mytho, d'une citadelle construite suivant les prin- 
cipes de la fortification française du xviii* siècle. Ils avaient 
suivant leur coutume hérissé les abords de cette place de 
défenses accessoires et fermé par des barrages le cours du 
Donnai", organisant ainsi la reconstitution de leur armée dans 
un centre de résistance puissamment défendu. La place de 
Bien-Hoa devenait donc une menace pour Saigon, d'autant 
plus que les Annamites avaient élevé à peu près à moitié de 
roule de Bien-Hoa à Saigon un camp fortifié défendu par 
3.000 hommes. Ce poste avancé de l'ennemi n'était qu'à deux 
lieues de Saigon, à Mi-Hoa. 

Il eût étd dangereux de laisser une pareille situation se 
prolonger, aussi l'amiral Bonard dès son arrivée en Cochin- 
cliine s'occupa de préparer les opérations nécessaires pour 
enlever la place de Bien-Hoa. Une sommation catégorique fut 
envoyée au gouverneur annamite de Bien-Hoa dès que ces 



L*ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINË. 61 

préparatifs furent terminés; la réponse n'ayant pas été satis- 
faisante, les troupes expéditionnaires furent mises en marche 
dès le lendemain, 14 décembre 1861 , à cinq heures du matin. 

La marche sur Bien-Hoa, comme la marche sur Mvtho, 
devait comprendre une action combinée des canonnières dans 
le Donnai* et des troupes à terre, mais le fleuve était obstrué 
sur deux lieues de parcours en aval de la citadelle par neuf 
solides barrages en bois et une estacade en pierres ('l Un peu 
plus loin, à sept lieues de Bien-Hoa, se trouvait un obstacle 
de 1.000 mètres de développement composé de pilotis solides 
n'ayant pas plus d'un pied de distance les uns des autres. 
Tous ces barrages étaient soutenus par des forts armés de 
canons et des parapets préparés pour les tirailleurs. S'il 
avait fallu, comme dans l'arroyo de la Poste, attaquer de 
front et enlever successivement tous ces obstacles, on aurait 
perdu beaucoup de temps, peut-être beaucoup d'hommes; 
heureusement l'arroyo de Go-Com(-) qui débouche dans le 
Donnai à peu de distance de Bien-Hoa permit de tourner 
une partie de ces défenses et d'attaquer d'abord le centre de 
la ligne. 

'Les forces réunies pour cette opération étaient divisées en 
trois parties : 

r Une colonne d'attaque commandée par le commandant 
Comte du bataillon de chasseurs à pied et comprenant, outre 
ce bataillon, une compagnie de débarquement, 100 hommes 
d'infanterie espagnole, 50 cavaliers et un détachement d'ar- 
tillerie avec 4 obusiers de montagne; 

2° Une colonne de réserve commandée par le lieutenant- 
colonel Domenech-Diego de l'infanterie de marine et com- 

^^î On peut voir encore aujourd'hui, à marée basse, quelques restes de 
cette eslacade en pierres, à une demi-lieue en avant de Bien-Hoa. 

f*J Le rapport officiel de Tamiral Bonard écrit Go-Cong, mais cette 
orthographe parait devoir être réservée pour le clief-lieu de Tarrondisse- 
ment voisin de celui de Mylho, sur la rive gauche du Cambodge et qui est 
le pays dWigine de la famille régnante en Annam. 



62 L*ARTILLERI£ DE U MARINE EN GOGHINCHINË. 

prenant 1 bataillon du 3* régiment de Tinfanterie de marine^ 
100 hommes d'infanterie espagnole et un détachement d'ar- 
tillerie avec 2 canons de 4 rayés de campagne; 

3* La colonne fluviale, comprenant toutes les embarca- 
tions, 2 grandes canonnières et 12 chaloupes pour opérer les 
débarquements; elle était placée sous les ordres du comman- 
dant Le Biis. 

Nous avons vu dans le chapitre v que le total des troupes 
d artillerie prenant part à cette expédition de Bien-Hoa devait 
être évalué, d'après Tétat officiel de répartition des troupes 
au 20 décembre 1861, à 8 officiers, 2A4 hommes et 121 che* 
vaux; elles étaient placées sous tes ordres du capitaine de 
Guilhermy commandant la lO** batterie. Le même état de ré- 
partition donne pour les autres corps les eflfeclifs approches 
suivants : 



ArUnei;je. . . • • 

9* bataillon de chasseurs à pied 

101* régiment de ligne 

3* régiment d^infanterie de marine. . . . 

Corps de débarquement 

Génie 

Cavalerie 

Services administratifs , . . . . 

Gendarmerie 







Ghevani 


Officiers. 


HoiDiDes. 


et moletn. 


8 


%kk 


191 


91 


^5o 


%% 


10 


a5o 


6 


6 


300 


H 


6 


i8^ 


a 


5 


H 


9 


1 


6o 


Ç4 


k 


i3 


6 


1 


10 


p 



Effectif total 69 1.470 990 

Le 13 décembre au soir la colonne Comte bivouaquait à 
Hon-Loc tandis que la colonne Domenech^Diego était rassem- 
blée au point A ('i. Le 14 au point du jour la colonne Comte 
se mit en marche sur Go-Com, tandis que le commandant 
Le Bris s'y rendait directement par larroyo de Go-Com et 

^^) Or désignait alors et Ton désigne encore aujourd'hui aous ie nom âa 
point A , Tendroit où la route de Saigon à Bien-Hoa coupe la rivière de 
Saigon. 



rARTiLlEBIS DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 63 

que le commandant de la Renommée avec ses embarcation» 
coQ¥0i^eait snr le même point par un autre arroyo. Le poste 
attaqué simultanément par les trois côtés n'oppovsa qu'une 
faible risistance; a huit heures du matin il était évacué par 
les Annamites et occupé par une partie du bataillon de 
chasseurs. On pouvaitdès lors attaquer les barrages supérieurs 
de la rivière de Bien-Hoa (Donnai) qui ae trouvaient un peu 
au-dessus du débouché de larrovo de Go-Com dans cette ri" 
vière. Ils étaient défendus par deui^ grands forts, Tun sur 
la riva droite, armé de 30 canons, lautre »ur la rive gauche, 
armé de 12 canons, puis une série 4o petits forU s'échelon* 
naient le long de la rivière jusqu'à Bien-Hoa, Les navires 
allèrent s'emboaser dans la rivière pour attaquer ces forts de 
front, tandis que la colonne Comte, diminuée des chasseurs 
iaissésà Go-Com , mais emmenant toute son artillerie s'avançait 
pour prendre ces foris à revers. Leur résistance fut beaucoup 
plus sérieuse que celle de Go^Com. La canonnière YAlarme 
reçut, en effet, à elle seule, 54 boulets dans sa coque et eut, 
en outre, son gréement et sa mâture coupés. Mais lorsque le 
fort de droite se vit pris à revers par Tartillerie de la colonne 
Comte la résistance cessa et le fort put être rapidement 
enlevé; peu de temps après, celui de gauche sautait avec 
fracas par suite évidemment de Texplosion de quelque ma- 
gasin à poudre, ce qui détermina Tévacuation précipitée par 
les Annamites de tous les autres petits forts existant entre le 
barrage et Bien-Hoa. Le commandant Le Bris put alors 
procéder à la destruction des barrages, opération qui exigea 
un travail continu de deux jours et deux nuits. 

Pendant ce temps la colonne Comte se dirigeait vers le 
camp de Mi-Hoa, surveillé et tenu en respect par la colonne 
de réserve; elle arriva sur les derrières de ce camp et s'étant 
mise en communication avec la colonne de réserve qui s'avan- 
çait de front sur le centre du camp, elle s'élança à l'attaque 
en mémo temps que cette dernière. Les chasseurs de Go-Com 
qui venaient rallier la colonne se présentaient en même temps 



64 L*ARTILLERIE DE. LA MARINE EN COGHINGHINE. 

sur le flanc de la position. Les Annamites furent saisis de 
panique en voyant cette attaque se dessiner par trois côtés h 
la fois ; ils s'enfuirent en désordre serrés de près par la colonne 
Domenech-Diego qui les poursuivait, repassèrent le Donnai' 
et ne s'arrêtèrent que sous les murs de Bien-Hoa. 

Après la prise et la destruction du camp de Mi-Hoa, la 
colonne Comte vint, en passant de nouveau par 6o-Com, 
rejoindre la rive droite du Donnai' et s'apprêter à franchir le 
fleuve, tandis que la colonne de réserve revenait au point A 
à l'effet de s'y embarquer pour rejoindre Bien-Hoa par la 
voie fluviale. L'amiral Bonard avec YOndine et la canon- 
nière 31 franchissait pendant ce temps les barrages détruits 
et se portait en avant pour choisir un bon point de débar- 
quement à proximité de Bien-Hoa. En arrivant devant la cita- 
delle, qui était cachée par un rideau d'arbres, il fut accueilli 
par une volée de coups de canon à laquelle il répondit immé- 
diatement; au bout d'un petit nombre de coups, le feu des 
Annamites cessa et un vaste embrasement vint illuminer la 
citadelle. Les défenseurs s'enfuyaient après avoir allumé un 
incendie qui épargna heureusement la plupart des bâtiments, 
ainsi que d'importants dépôts de bois. Ils avaient commencé 
par brûler vifs AOO prisonniers, pour la plupart Annamites 
chrétiens de tout âge et des deux sexes, égorgeant ou rejetant 
à coup de lance dans l'enclos où ils les faisaient griller les 
malheureuses victimes qui tentaient de s'échapper. 

Les troupes ne purent passer sur la rive gauche et prendre 
possession de la citadelle que le lendemain 19 décembre; 
elles purent à peine recueillir quelques survivants de cet 
horrible auto-da-fé. Quant à l'armée de Tu-Duc, elle évacua 
en désordre tôule la province de Bien-Hoa, repassa les mon- 
tagnes et se réfugia dans le Binh-Tuan. 

Le jour même de la prise de possession de la citadelle, une 
commission dans laquelle figuraient un délégué du comman- 
dant de rartilierie et un délégué du commandant du génie 
fut instituée pour procéder a au recensement du matériel de 



^ARTILLERIE DR LA MARINE EN COGHINGHINE. 65 

toute espèce qui est tombe au pouvoir du corps expëdition- 
naire, par suite de la prise de Bien-Hoa.?) Ce matériel était 
considérable : àS pièces de canon; un grand nombre d*armes 
et de munitions, un approvisionnement de bois de construc- 
tions, 15 jonques royales, etc. 

Dans cette campagne de quatre jours les troupes n'avaient 
perdu que 2 hommes par le feu et un mort d'insolation. Ces 
perles si faibles s'expliquent par la concordance des mouve- 
ments simultanés des colonnes qui inspirait à Tennemi une 
frayeur assez grande pour le déterminer à abandonner ses 
remparts dès le commencement de Tattaque^^). Il y eut, en 
revanche, plusieurs cas de maladies graves provoqués par les 
fatigues de la marche, sous ce climat insalubre. 

Quelques jours après, dans la première semaine de janvier 
1862, le bataillon de chasseurs et le bataillon du lor de 
ligne qui avaient pris part à cette expédition rentraient à 
Saïgon pour être rapatriés en France. 

(^) On peut remarquer aussi d'une manière générale que les Annamites 
entretenant fort mal leurs armes et leurs munitions, les unes et les autres 
se détérioraient facilement sous Tinfluence d'un climat à la fois chaud, hu-« 
mide et saturé d'électricité; par suite, au moment du combat, leur feu 
devenait souvent incertain et perdait beaucoup de son efficacité. 



C6 L^ARTILLERiE DE LA MARINE EN COCHINGHINE. 

CHAPITRE VIIL 

PRISE DE B4RIA. — CONQUÊTE DE TOUTE LA PROVINCE Dfc BIEIV-HOA. 



La prise de Baria est à peu près la répétition exacte de 
celle de Bien-Hoa. Comme à Bien-Hoa, en effet, les Anna- 
mites ont organisé un centre de résistance à Phuoc-Ty-Phu, 
prélecture de Baria, et ils ont couvert de barrages, défendus 
par des forls à terre, les arroyos qui conduisent directement 
à la citadelle; comme à Bien-Hoa aussi, Tamiral Bonard 
tourne ces barrages, en envoyant seulement quelques embar- 
cations faire un semblant d'attaque de front, et il fait débar- 
quer les troupes au village de Tong-Taï, en arrière des forts 
qui défendent les barrages. 

Ces troupes sont d'ailleurs les mêmes qui ont opéré à 
Bien-IIoa^^î et qui, après quelques jours de repos, ont con- 
tinué leur marche dans la direction de Baria. 

Le débarquement à Tong-Taï a lieu le 7 janvier 1862 et, 
quoiqu'il se fasse sans résistance de Tennemi, les difficultés 
du terrain ne permettent de l'achever qu'à la nuiL Leà pre- 
mières troupes mises à terre enlèvent un poste avancé qui 
gardait le pont assurant le passage de Tong-Taï à la cita- 
delle. L'ennemi, surpris, n'a pas le temps de le détruire; 
mais, comprenant l'importance de ce pont qui permettra de 
tourner la citadelle et de la prendre à revers, il tente une 
attaque de nuit, soutenue par quelques pièces d'artillerie et 
quelques pierriers pour reprendre ce poste. L'attaque, com- 
mencée avant 10 heures du soir, ne finit qu'à 2 heures du 
matin; elle est finalement repoussée et ne nous coûte qu'un 
homme tué. Suivant leur habitude, les Annamites, se voyant 
tournés, évacuent aussitôt Phuoc-Ty-Phu, et le lendemain, 

^*î Diminuées des deux bataillons d'infanterie de la guerre, rentrés A 
Saigon pour s*y embarquer, et de la garnison laissée à Bien-Hoa. 



L'ARTILLERIE DE U xMARÏNE EN GOCHINCHTNE. 67 

8 janvier, nos troupes vont les remplacer dans leurs caserne- 
ments, qui étaient, du reste, parfaitement établis. 

Comme à Bien-Hoa, ils laissent entre nos mains un ma- 
tériel important que leur fuite précipitée ne leur laisse pas 
le tetiips de détruire, mais ils font brAler vifs un grand 
nombre de prisonniers chrétiens (300 environ), qui périssent 
dans d'affreuses torlures. 

L'armée qui défendait Baria était exclusivement composée 
de soldats ^réguliers bien équipés, appartenant à 5 régiments 
différents^'). Celte armée régulière battit en retraite par la 
roule de Loog-Lap qui va rejoindre la route de Hué à l'en- 
droit où elle s'éloigne de la mer; elle évitait ainsi de suivre 
la roule qui longe la mer et qui aurait pu être batlue par le 
feu des canonnières. Le gros de ses forces s'établit à Long- 
Lap, où elle avait de grands magasins avec des postes avan- 
cés; le reste fut réparti dans les villages voisins formant un 
demi-cercle autour de Baria, dans le Nord. Celte armée, qui 
comptait de 4.000 à 5.000 hommes, menaçait encore Baria et 
restait maîtresse des voies de communication avec Hué qui 
assuraient sa retraite. Il fallut encore douze jours de marche 
aux trolipes expéditionnaires pour compléter les effets de la 
prise de Baria en chassant l'ennemi de toutes ces positions, 
brûlant ses magasins de Long-Lap, et le rejetant définitive- 
ment dans le Bifah-Tuan. Elles avaient été renforcées pour cette 
expédition complémentaire par une colonne de la garrlison 
de Bied-Hoa, partie le 13 janvier de cette place et compre- 
nant^ outre l'infanterie, 100 cavaliers, 10 hommes du génie 
et t pièces d'artillerie. Cette colonne arriva. le 16 janvier à 
Baria, ayant parcouru toute la distance entré les deux places 
non seulement sans rencontrer aucune résistance, mais en- 
core sans trouver aucun symptôme d'hostilité dans les popu- 

^^) L'amiral Bonard, dans son rapport, signale Tabsence complèie des 
irréguliers, constatée ici pour la première fois, comme une preuve que la 
j^pulation était lasse de se dévouer pour les mandarins et par suite comme 
un symptôme de pacification. 

5. 



68 LARTILLERIE DE U MARINE EN COGHINGHINE. 

talions traversées. En même temps Tamiral Bonard avait 
dirigé de Saigon sur le même point un petit renfort d'in- 
fanterie espagnole et tous les mulets disponibles, pour être 
affectés au service des vivres et des ambulances. Il se rendit 
lui-même à Baria le 17 janvier avec son état-major et disposa 
les troupes expéditionnaires en trois colonnes susceptibles 
d*agir suivant les circonstances, soit simultanément si l'en- 
nemi se concentrait et opposait une résistance sérieuse, soit 
séparément si Tennemi se divisait sur les trois routes mettant 
en communication le camp de Long-Lap et Hué. Elles se 
composaient de la manière suivante : 

f* colonne : commandant, colonel Palanca; la cavalerie, 
le génie et les Espagnols; 

2* colonne : commandant, lieutenant-colonel Domenech- 
Diégo; 400 hommes d'infanterie, à pièces d'artillerie montée, 
quelques cavaliers et quelques sapeurs du génie; 

3** colonne : commandant, capitaine de vaisseau Coupvent-' 
Desbois; les compagnies de débarquement, la compagnie 
cantonnaise (^\ 2 pièces d'artillerie montée, quelques cava- 
liers et sapeurs. 

Il restait en outre à Baria une garnison suffisante pour 
mettre la place à l'abri de toute surprise. 

Le 19 janvier au matin, l'amiral partit de Baria avec les 
deux premières colonnes en suivant la route de Long-Nioum 
sur laquelle l'ennemi occupait les positions échelonnées de 
Long-Kiem, Long-Lap, Long-Hip et Long-Nioum. Le pre- 
mier posle de Long-Kiem fut enlevé dans la matinée après 
une courte défense, et celui de Long-Lap, avec ses importants 
magasins, fut enlevé dans la soirée du même jour. Le len^ 
demain, 20 janvier, on poussa jusqu'à Long-Nioum qui avait 
été évacué pendant la nuit, les troupes annamites s'étant 
rabattues sur Phuc-To. Le 21 janvier, les deux colonnes ren- 



(^) Gompagnic d'infanterie recrutée à Canton, alors qu'on ne pouvait 
encore recruter des indigènes annamites. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 69 

trèrent à Baria, et le 22, prenant avec elles la 3* colonne, 
elles s'avancèrent dans la direction de Phuc-To, où Tennemi 
paraissait s'être concentré. La colonne Palanca marchait en 
avant, la colonne Coupvent-Desbois marchait au centre avec 
Tamiral Bonard; la colonne Domencch-Diégo, laissée en ar- 
rière, formait la réserve. Les deux premières colonnes, par- 
ties à 5 heures et demie du matin de Baria, arrivèrent dans 
la soirée à Phuc-To et purent Toccuper sans coup férir, l'ar- 
mée annamite ayant évacué ce poste et ayant commencé à 
hattre franchement en refraite. La 3* colonne ayant quitté 
Baria dans l'après-midi s'arrêta pour passer la nuit à Mien- 
Nhut à quelque distance de Phuc-To; elle rejoignit les deux 
autres le lendemain , et tout le petit corps expéditionnaire se 
lança à la poursuite de l'ennemi, qui précipitait sa fuite, 
abandonnant ses morts sur le terrain, et faisant seulement 
défendre par son arrière-garde quelques passages de rivière. 
Celte poursuite, continuée les 23, 24 et 25 janvier, se pro- 
longea jusqu'à la limite des provinces de Bien-Hoa et de 
Binh-Tuan, et débarrassa complètement In première de ces 
provinces de l'armée régulière annamite. 

Celle-ci, débandée et démoralisée, se rassembla à Coun- 
Mi, à deux journées de marche dans l'intérieur du Binh-Tuan, 
où elle fut recueillie par des mandarins militaires accourus 
de Hué avec un renfort de 4.000 hommes. 

Cette prise de possession de la province de Bien-Hoa avait 
pu être obtenue sans pertes sensibles de notre côté, par le 
feu de l'ennemi, mais, comme toujours en pareil cas, un 
certain nombre d'hommes succombèrent aux maladies et aux 
fatigues des marches. 

Pendant quelque temps après la conquête de la province, 
de petites colonnes partant de Bien-Hoa et de Baria durent 
la parcourir en tous sens pour en achever la pacification, 
rassurer les habitants et les protéger contre les bandes de 
pillards armés qui se forment habituellement dans ce pays à 
la suite d'une guerre. 



10 LARTILLCRIE DE U MARINE EN COGHINCHINE. 

CHAPITRE IX. 

OPERATIONS CONTRE VIRH-LONG ET Ml COUI. 



Los diverses expëditions que nous venons de rapporter 
avaient rëtabli la Iranquillitë sur les bords de la rivière de 
Saigon et de la rivière de Bien-Hoa ; mais, pendant ce temps, 
Tagitalion se perpétuait et grandissait sur les rives du Cam- 
bodge. La citadelle de Vinh-Long, devenue la résidence d'un 
vice-roi annamite, devenait le point d*appui de Topposition 
et le centre des menées hostiles soulevées contre nous à l'in- 
stigation de Tu-Duc. L'amiral Bonard jugea utile de réduire 
cette place qui menaçait directement Mytho, et il réunit à 
cet effet dans celte dernière ville, au mois de mars 1862, les 
forces de terre et de mer nécessaires pour une expédition 
combinée contre Vinli-Long. 

Les forces de mer, commandées par le capitaine de vais- 
seau Desvaux, comprenaient : deux canonnières de 1*^ classe 
{Dragonne et Fusée) , deux avisos de flottille [Shamrock et Ondine) 
et sept petites canonnières (n~ 18, 20, 22, 24, 27, 29 et 30). 
Les troupes de débarquement, commandées par le lieute- 
nant-colonel d^infanterie de marine Reboul, comprenaient : 
deux compagnies d'infanterie espagnole, trois compagnies de 
tirailleurs algériens ^^\ une compagnie d'infanterie de ma- 
rine, une section montée et une section à pied de l'artillerie 
de marine sous les ordres du capitaine Dard (Charles) de la 
13* batterie, de pelits délachemeuls de génie, de cavalerie 
et de gendarmerie, une compagnie de partisans annamites 
avec une section de coolies armés, enfin une brigade topo- 
gi'aphique dirigée par le commandant de Foucaud. 

t*) Un bataillon de tirailleurs algériens venait de remplacer en Cochin- 
chîne le a* bataillon de chasseurs à pied. C'est la dernière troupe que le 
d<^partement de la guerre a fournie dans celle colonie. 



LURTILLERIE DE LA MARINE EN COCHlNCHlNE. 71 

L'expédition, partie de Mytho le 20 mars 1862, opérait 
sans résistance, dans la soirée, le débarquement des troupes 
aux Tuileries, point situé en aval do Vinh-Long et asseï 
éloigné pour être à portée du feu dq la place. Les deux gou* 
lets qui conduisent dans le port de Vinh-Long avaient été 
obstrués par des barrages, et ces barrages, celui de l'Est 
comme celui de TOuest, étaient défendus chacun par quatre 
forts bien armés; la flottille était trop faible pour les enlever 
par une attaque de front, et il était nécessaire de faire tour- 
ner ces défenses par les troupes de débarquement, tt L'expé- 
rience m'ayant prouvé, dit Tamirat Bonard dans son rapport 
sur cette expédition, que les attaques simultanées, et surtout 
celles qui menacent la retraite des Annamites, avaient un 
résultat certain, j'ai adopté les dispositions suivantes : les 
troupes de débarquement qui venaient d'enlever dans la ma* 
tinée du 22 mars le passage du premier arroyo^^^, en établis- 
saut un pont sous le feu de l'ennemi, se sont mises en me- 
sure de franchir le second, qui ofl*rait les mêmes difficultés, 
mais dont le passage pouvait seul permettre de prendre à 
revers le grand fort que les petites canonnières canonuaient 
depuis 10 heures du matin sans pouvoir éteindre son feu. 

(T Vers 5 heures du soir, le feu des forts de l'Ouest s'étant 
ri(lenti, j'ai fait cesser l'attaque des canonnières afin de ne 
pas gêner le mouvement tournant des troupes. Cette attaque 
successive a eu un plein succès; tous les forts de l'Ouest ont 
été enlevés tour à tour et le principal occupé, w 

11 est à remarquer que les Annamites n'ont jamais tenu 
dans leurs forts les mieux armés et les mieux conditionnés, 
dès qu'ils ont été pris à revers par nos troupes, et surtout 
par notre artillerie. Les premiers coups de canon tirés en 
arrière de leurs positions ont toujours été le signal de Téva- 

(^) Pour effectuer leur mouvement (ouroant depuis les Tuileries jusqu^en 
arrière des forts de Vinh-Loog, les troupes devaient franchir successivement 
Quatre arroyos asse; larges et assez profonds dont les ponis avaient été dé- 
truits par les Annamites. 



72 ^ARTILLERIE DE U MARINE EN GOGHmGUl?I£« 

cuation de leurs retranchements. C'est ce qui explique la 
similitude des manœuvres exëcutëes dans les différentes ex- 
péditions décrites ici; le but est toujours le même : amener 
des troupes et^ autant que possible, de Tartillerie en arrière 
de la position qu'on attaque de front par les fleuves et les 
arroyos. Cette lactique était ici d'autant plus nécessaire que 
la flottille se trouvait dans une impuissance relative vis-è-vis 
des forts de Vinh-Long. 

Les deux grandes canonnières atlaquaicnt les forts de TEst 
pendant que les petites canonnières et les troupes enlevaient 
les forts de TOuest : elles réussirent à éteindre leur feu grâce 
à la supériorité de lartillerie^^); mais les Annamites mirent 
une grande ténacité dans leur résistance , remplaçant plusieurs 
fois sous le feu les pièces démontées par les obus de nos ca- 
nonnières. Enfin, après une lutte de sept heures, tous les forts 
extérieurs étaient occupés; la citadelle seule lançait encore 
quelques boulets sur les troupes et sur la flottille; mais, pen- 
dant la nuit, les Annamites Tévacuèrent en y allumant un 
incendie, suivant leur coutume invariable. 

Le 23 mars au matin , les troupes et les marins entraient 
simultanément dans la citadelle par les deux portes opposées, 
et, plus heureux quà Bien-Hoa et à Baria, ils arrivaient à 
temps pour épargner aux prisonniers chrétiens Thorrible sup- 
plice déjà préparé. • 

Vinh-Long et ses forts étaient armés de 80 pièces de ca- 
non au moment de Tattaque; 68 restèrent entre nos mains, 
avec un approvisionnement de poudre et de salpêtre. On y 
trouva aussi une fonderie de canons dans laquelle se trou- 
vaient quelques obus que les Annamites avaient fondus sur le 
modèle des nôtres, ayant reconnu, a leurs dépens, la supé- 
riorité de ce genre de projectiles. 



^^) Les Annamites n'avaient que des canons lisses à boulets ronds, tandis 
que l^artillerie de ia marine était pourvue de canons rayés à obus eiplosifs; 
elle disposait d'ailleurs de calibres plus forts. 



^ARTILLERIE DE LÀ MARINE EN GOGHINGHINE. 73 

La prise de Vinh-Long ne suffisait pas cependant pour 
assurer la tranquilité dans le Sud de la Basse-Cochinchine; 
un centre de rébellion, qui formait comme une succursale 
de Vinh-Long, sMtait établi à Mi-Coui, dans la province de 
Mytho; il y avait là non seulement un centre fortifié et sa 
garnison, mais une administration civile complète, gouver- 
nant d'accord avec le vice-roi de Vinh-Long au nom de Tu- 
Duc. 

L'amiral Bonard, profitant des forces laissées disponibles 
après la prise de Vinh-Long, s*empressa de les diriger sur M i- 
Coui. Le commandement supérieur de Texpédilion fut donné 
au capitaine de vaisseau Desvaux, qui avait sous ses ordres 
directs la flottille fluviale, tandis que le colonel espagnol 
Palanca commandait la colonne de troupes qui devait com- 
biner ses mouvements avec ceux de la flottille. Cette colonne, 
comprenant : Tinfanterie espagnole (200 hommes), une com- 
pagnie de tirailleurs algériens et un détachement d'artillerie 
pourvu de deux obusiers de montagne rayés et de quelques 
fusées de guerre, part de Mytho le 27 mars 1862 et s'avance 
directement vers les fortifications de Mi-Coui. Les deux autres 
compagnies de tirailleurs algériens (commandant Piétri) ar- 
rivées la veille à Caï-Laï vont eflectuer en même temps une 
reconnaissance de ces fortifications. Toujours à cette date du 
27 mars, deux grandes canonnières, Y Alarme et Y Avalanche y 
étaient mouillées dans le Vaïco, l'une devant l'arroyo de la 
poste, l'autre devant l'arroyo commercial, tandis que les cha- 
loupes, canots et jonques armées en guerre pénètrent dans 
les divers arroyos et se rapprochent du théâtre de l'action, 
de manière à former un blocus et à arrêter les bandes anna- 
mites chassées par les troupes expéditionnaires. Le lieutenant 
de vaisseau Vergne forme une troisième colonne avec 115 ma- 
rins des compagnies de débarquement, deux obusiers de 
montagne approvisionnés chacun à 60 coups, et 60 coolies 
annamites. 

Le commandant Desvaux, arrivé le 27 au soir à Caï-Laï 



74 L'ARTILL£RiE DE LA MARINE EN GOGHINCHix^E. 

donne repos complet aux troupes qui s'y Irouvent pendant 
la journ<{e du 38 et envoie par pr<(caulion une petite ca- 
nonnière chercher à Mylho un obusicr de montagne avec son 
armement. 

Cependant la colonne Palanca, qui continuait sa marche, 
se trouve envelopptîe par de nombreuses bandes annamites 
au moment où elle approchait du petit fort de Ni-Bing; 
elle enlève ce fort d'assaut tout en repoussant Tattaque de 
ces bandes. Dans cette circonstance, dit le commandant Des- 
\aux, trie capitaine Dard fait merveille avec ses deux obu- 
siers^^J». 

Les Annamites, mis en fuite, sont vivement poursuivis 
jusqu'au fort avance de Tong-Niéou, qui est évacué ci dans 
lequel la colonne passe la nuit du 28. Le 20 au matin, elle 
pousse jusqu'à la citadelle de Mi-Coui, qu'elle trouve éga- 
lement évacuée. La marche de cette colonne avait été si 
prompte, qu'elle arrivait au but avant les tirailleurs du com- 
mandant Piétri qui, d'après le plan d'attaque, devaient faire 
leur jonction avec elle devant Mi-Coui. 

Ces tirailleurs, partis de Caï-Laï le 29, à 5 heures du ma- 
tin, arrivaient à 7 heures devant le petit fort de Mi-an, situé 
sur la rive droite du rach Taluoch à 1.800 mètres enviroji 
au-dessous de Mi-Coui; leur approche suffit pour délerminer 
les Annamites à l'évacuer. Ils traversent, sans s'arrêter, ce fort 
où lennemi a allumé Tiocendie, rencontrent ensuite deux 
ponts incomplètement détruits par rennemi dans sa fuite 
précipitée, les font rétablir rapidement par les hommes du 
génie qui les accompagnent et débouchent enCn dans la 
plaine de Mi-Coui; en arrivant devant la citadelle, à 8 heures 
et demie, ils sont salués par les clairons de la colonne Pa- 
lanca qui venait de les y précéder. 

Le but était atteint; le lendemain, 30 mars, les colonnes 

(^ Rapport adressé au contre-amiral, commandant en chef, le 7 avril 
186a, et daté de Mylho. 



rAnmiElRlE DE LA MARINE EN GÛGHI^CHINE. 73 

se mettent en route pour Mylho par des chemins différents 
avec missioitde détruire tous les forts quelles rencontreront. 
Les Annamites en élevaient en effet partout dans cette ré- 
gion, presque tous encore inachevés et non armés. trMais H 
était temps d'arriver, dit le rapport déjà cité du commandant 
Desvaux; »i cette campagne avait été remise à la prochaine 
belle saison, on aurait alors trouvé de vraies, lignes de Chi- 
Hoa, appuyée» sur une forteresse redoutable. Il eût fallu un 
véritable siège, dans un pays central, avec des communica- 
tions difficiles, et, dans cette hypothèse, lea Annamites au- 
raient probablement tenu jusqu'au bout, v 

La colonne Palanca, partie avec son artillerie le 3Q mar& 
à 5 heures du matin, arriva le 2 avril à 8 heures du matin 
sur les bords du Vaïco en face du mouillage de VAw^ncke, 
Le soir même elle s'embarquait pour Saigon, où elle rentrait 
le 3 avril dans la matinée ^^\ 

Le commandant Desvaux avait joint à son rapport un état 
sommaire de récolement du matériel et des munitions trouvés 
dans les forts de Mi-Coui enlevés par la colonne Palanca. 
Nous reproduisons ici cet état pour donner un exemple de la 
manière dont était organisée la défense de ces forts que les 
Annamites élevaient partout en si grand nombre pour tenter 
d'arrêter la marche des colonnes françaises. 

(^) Le colonel Palanca , en rentrant à Saigon , adressa à t'attriral Bouard 
un ifapporl sur celle expédition. Nous traduisons de ce rapport, qui natu- 
rellement est écrit en langue espagnole, un passage dans lequel le com- 
mandant de la colonne rend hommage à la vigueur de rartiilerie : ((Je dois 
mentionner d^une manière toute spéciale ^]. le capitaine d^artillerie Dard , 
qui a su tirer parti de son arme dans toute la mesure du possible, et qiii» 
non content de la conduite brillante du feu sur le champ de bataille, a »u 
vaincre avec autant d'intelligence que d''enlrain les difliciles obstacles que 
Tartillerie a fréquemment rencontrés sur sa route et s'est particulièrement 
distingué dans la construction de deux ponts. Son lieutenant, M. Peyri- 
chout, a secondé admirablement son capitaine et mérité tous les éloges 
que je puis lui donner.» 



76 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINCHINE. 



BTAT SOMMAIRE PU RBGOLBMEXT DU MATEBIBL ET DBS MUNITIONS 

TROUVES DANS LES FORTS. 



Fart avancé de Tong-Niéou. 

1 canon en fonte de fer du calibre de 68 millimèlres : a été 
enclouë. 

120 kilogrammes de poudre en gargousses et 80 boulets 
de 6 livres ont été jetës dans un puits, ainsi que les muni- 
tions pour fusils. 

Ce fort renfermait 42 embrasures pour canons de divers 
calibres et n'était point encore achève. 

Grands ouvrages retranchés de Tong-Niéou. 

2 canons en fonte de 16 (provenance annamile) sur affûts 
à à rouleltes, A canons en fonte de 12 (provenance anna- 
mite) sur affûts à A roulettes, 8 canons en fonte de 6 (pro- 
venances annamite et hollandaise) sur affûts à A rouletles, 
2 canons en foule de A (provenances annamite et hollan- 
daise) sur affûts à crosse, 2 gingoles (ou pierriers de demi- 
livre) en fonte. 

Ces pièces ont toutes élc enclouées et renversées de leurs 
affûts; ceux-ci ont, pour la plupart, été jetés au feu. 

2.600 kilogrammes de poudre en grenier ou en apprêté, 
240 boulets de divers calibres, 70 pots explosifs à mèche, 
1.100 mitrailles à grosses et petites balles, 800 balles en 
plomb. 

Toutes ces munitions ont été jetées dans un puits. 

2 carabines à tige, dont une avec sabre-baïonnette, 1 sabre 
de canonnier monté, 1 mousqueton d artillerie. 

Armes françaises : conservées. 

20 fusils de rempart sur chandelier, 72 fusils d'infanterie 



L*ARTILLERIË DE LA MARINE EN COGHINGHINE. 77 

de divers modèles, 3A0 lances annamites, 18 lances anna- 
mites avec oriflamme. 

Les bois de ces armes ont été brisés; les canons et les 
baïonnettes ont été faussés. 

88 gibernes garnies de 880 cartouches à balle. 

Ces ouvrages renfermaient 92 embrasures pour canons ou 
gingoies et se trouvaient complètement achevés. 

Citadelle de Mi-Coui. 

3 canons en fonte des calibres de 60, 75 et 95 millimètres : 
ont été mis hors de service. 

625 kilogrammes de poudre en grenier ou en apprêté, 
190 boulets de divers calibres, AOO kilogrammes de mitraille 
à petites et grosses balles, 105 pots explosifs à mèche, 
200 fusées incendiaires. 

Ces munitions ont été noyées dans les puits. 

A Mi-Coui, le 29 mars 1862. 

Le Capitaine 
commandant le détachement d'artillerie. 

Dard. 



78 L*ARTILLERIE DE LA MARINE EIV COCHINCHmE. 



CHAPITRE X. 

INSURRECTION célIBRALE DE 1862. 



A la suite des faits de guerre rapportes dans les chapitres 
prëcédenlâ, les Fracçais 8e trouvaient maîtres des deux pro- 
vinces entières de Saîgoii et de Bien-Hoa et de celle de 
Mylho, sauf Go-Cong, qui était reste entre les mains des 
Annamites. Les provinces de TOuest se trouvaient même 
entamées par la prise de Vinh-Long. Tu -Duc comprit qu'il 
étaitlempsd arrêter la marche envahissante des conquérants, 
et il envoya a Saigon, pour demander la paix, une ambas- 
sade à la tête de laquelle se trouvait Phan-Than-Giang, >ice- 
roi des trois provinces de l'Ouest et l'un des personnages les 
plus considérés de fempire d'Anna m. Après d'assez longues 
négociations, un traité de paix fut en effet signé h SaTgon le 
5. juillet. Ce traité, qui nous assurait l'entière possession des 
trois provinces conquises moyennant la rétrocession de Vinh- 
Long à l'Anna m, semblait devoir mettre fin à la guerre; mais 
c'était une apparence trompeuse. Le traité reçut bien un 
commencement d'exécution; il fut même versé une pcirtie 
de l'indemnité de guerre stipulée en faveur de la France et de 
l'Espagne, mats peu à peu le parti hostile à la paix reprit le 
dessus à la cour de Hué, et, en dépit des sages conseils de 
Phan-Than-Giang, Tu-Duc sedécida à recommencer la lutte. 
Cependant, comme l'expérience lui avait appris qu'il avait 
peu de chance de résister aux Français dans une guerre régu- 
lière, le gouvernement annamite, au lieu de réunir, comme 
à Chi-Hoa, une grande armée pour nous combattre, orga- 
nisa sur toute la surface de la Cochinchine une insurrection 
générale permanente qui, en nous obligeant à diviser nos 
forces à l'exlrême, lui donnait plus de chances de succès. 
L'amiral Bonard signalait depuis quelque temps au Mi- 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHLNE. 79 

nistt^e ràgîlalion sourde qui régnait dans toufe ta Cocbinchine, 
rétal de surmenage du corps expéditionnaire aflaibli |)ar les 
congédiements, les maladies et la mort, et réclamait instam- 
ment dans toutes tes lettres l'envoi de renforts. irSi Votre Ex- 
cellence ne peut pas m'envoyer les renforts que j'ai deman- 
dés, dit-il dans sa lettre du 13 décembre 1862, je ne puis 
répondre de la situation. ?> Trois jours plus tard , Tinsurrection 
éclatait et se répandait rapidement dans toute la colonie. 

Le 17 décembre, en effet, à à heured du matin, le fort de 
Taï-Tboï, dans le Rath-Tra, est brusquement attaqué par une 
bande de 300 hommes armés de lances et munis d'échelles 
en bambous. La garnison, composée de 74 hommes d'infan- 
terie de marjne, est surprise dans l'obscurité; elle parvient 
cependant à repousser l'ennemi; mais son commandant, le 
capitaine Thouroude, est tué à coups de lance. 

Dans la nuit du 17 au 18 décembre, le fort de Long-^ 
Than, dans la province de Bien-Hoa, est attaqué par 
1.300 Annamites partagés en deux bandes distinctes. Tous, ils 
sont armés de fusils et échangent une asisez longue fusillade 
avec la petite garnison du fort; celle-ci exécute à 5 heures 
du matin uni[5 vigoureuse sortie qui la débarinsse des assail- 
lants et leur fait perdre environ 200 hommes. Le reste de la 
bande se console en brûlant la sous-préfecture de Long-Than 
et massacrant le Huyen avec un certain nombre de chré- 
tiens. L'amiral fait, aussitôt qu'il est prévenu, renforcer la 
garnison du fort, qui est portée à 49 hommes d'infanterie, 
40 cavaliers et 5 artilleurs avec 2 obusiers de montagne. 

Dans la même iluit du 17 au 18 décembre, 6 brûlots sont 
lancés contre la canonnière Y Alarme à Tan-Hoa^ tandis que 
la batterie d'artillerie (capitaine Marchet) et le poste d'ili- 
fiinterie de marine en observation devant Go-Gong (^) étaient 



(^) On sait que Go-Gong était resté entre les mains des Annamites, et 
demeurait dans notre province de Mytlio le foyer de la résistance nationale 
contre nous. 



80 L*ARTILLER1E DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 

attaqués avec vigueur par le feu de plusieurs pelils forls 
avances de cette place et du fort principal. Une Iroupe de 
AOO Annamites effectua même une sortie offensive, mais elle 
fut repoussëe avec des pertes sensibles. 

Dans la journée du 18, des brûlots sont lancés contre la 
lorcha n"* 10 mouillée aux Quatre-Bras comme poste de sur- 
veillance près de Phuoc*Ty-Phu. 

Sur la roule de Phuoc-Ty-Phu, un surveillant des télé- 
graphes, accompagné par un caporal et trois hommes d'in- 
fanlerie de marine, est surpris par une bande d'une centaine 
d'insurgés. Tous les Français sont massacrés, sauf Tun des 
soldats qui parvient à sMchapper. 

Le 18 au soir, une troupe de 2.000 rebelles avec des pier- 
riers vient attaquer, à 150 mètres, le détachement d'infanterie 
de marine qui occupe le poste de Thuoc-Nieu, dans la pro- 
vince de Mytho; cette troupe est repoussée avec de grandes 
pertes. 

Dans la même soirée du 18, une autre Iroupe de 2.000 re- 
belles avec 12 pierriers attaque le fort de Rach-Kien, occupé 
par une compagnie d'infanterie de marine et quelques artil- 
leurs avec 2 obusiers de montagne. La première décharge 
des obusiers met la bande en fuite; elle se reforme le len- 
demain et vient de nouveau se présenter devant le fort, 
mais elle est définitivement chassée par le tir de quelques 
obus. 

Le 25 décembre, une bande attaque Ben-Ca, à 8 kilomètres 
de Bien-Hoa, et brûle la sous-préfecture. Elle se porte en- 
suite à Tan-Trieu, gros village situé à 6 kilomètres de Bien- 
Hoa, pour brûler le village et massacrer les chrétiens. Mais 
cette chrétienté avait à sa tête un missionnaire énergique qui 
se savait menacé ^^); il avait demandé, pour se défendre, des 
armes à l'inspecteur de Bien-Hoa, qui n'avait pas pu ou 
n'avait pas voulu lui en donner. Il était alors allé en demander 

(^} L^abbé Besombes. 



L^ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINCflINE. 81 

à la Direction d'arliilerie à Saigon, et avait obtenu sans 
difficulté, du commandant Sapia, une quinzaine de fusils 
démodés avec quelques munitions. Rentré à Tan-Trieu, it 
distribue ces fusils et en démontre Tusage à ses néophytes, 
si bien que lorsque la bande des rebelles approche, elle est 
reçue par un feu bien nourri. L'attaque est repoussée; les 
rebelles perdent près de 60 hommes et laissent quelques pri- 
sonniers entre les mains du missionnaire. 

Des mouvements analogues se produisent sur d'autres 
points: Tinsurrection est battue partout, il est vrai, mais 
elle démontre un réel aguerrissement chez les Annamites, 
qui, renversant les rôles, viennent maintenant nous attaquer 
dans nos postes. L'amiral Bonard le fait observer au Ministre 
et continue à demander des renforts qui n'arrivent jamais. 
Les doléances perpétuelles du gouverneur de la Cochinchine 
impatientaient le Ministre de la marine, comme il est facile 
de le voir par les annotations écrites en marge de ses let- 
tres ^^). Et cependant ces doléances étaient fondées, car il 
fallait faire face à la fois sur tous les points, et avec le faible 
effectif du corps expéditionnaire on ne pouvait fournir par- 
tout que des garnisons insuffisantes et fatiguer les troupes 
par de fréquents déplacements. Saigon avait dd être presque 
entièrement démuni pour fournir aux nécessités urgentes, 
et dans sa lettre au Ministre du 8 janvier 1863 le gouverneur 
pouvait dire : trPour sauvegarder la sécurité de la ville, je 
suis obligé de mettre à terre tout ce que j'ai de marins, 
d'armer les civils, les malades et les inGrmiers, les commis 

aux vivres, les ouvriers, etc Je n'ai littéralement pas 

100 hommes disponibles.?) 

L'état et situation des divers forts de la Cochinchine^ ar- 



(0 Par exemple celle-d : crJe comprends que M. Bonard regrette de 
D^avoir pas pins de moyens; je le regrette plus que lui. Mais ce ton de 
mauvaise humeur incessant finit par devenir fort peu convenable. Il faut 
le lui dire bien nettement.» 



8*i 



L ARTILLERIE DE LA MARLNË EN COGHINCHLNE. 



rélë au 20 janvier 1863 par le colonel dloranlerie de mariae 
Keboul , chef d'état-major, montre bien quelle était à ce mo- 
ment la dissémination des troupes. 

L'extrait relatif à lartillerie est donné en détail ci-des- 



sous : 



DésiG!«ATIO?l DBS POSTES. 



DirccUoo 

Ri^ment ( £^''««' 

_ etncadron < OoTraget neafs.. 

S-'P-o. < dulnùp. I c.mH«ll.«... 

Compagnie d^oatriere 

SubiâiiUnU 

Pagode de Caï-Maï 

Tong>K.éoa 

Traro-Bang 

Tar-Ninh 

Rach-Kieo 

Tu-Yen-Môl 

Mj Iho 

Bien-Hoa 

Long-Than-Huyen 

Baria 

Vinh-Long 

Go-CoDg 



EFPECTIP 
PtéSBRT. 



OfD- 
ciers. 



h 
1 
1 
3 
1 
1 



1 

9 
a 
1 

1 



Troupes. 



96 



66 
s5 
• 
1 
1 
5 
8 
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95 

38 
3 

*9 
11 

*7 



CDB- 



VADI. 



38 



3 
5 

9 



MU- 



LETS. 



Ï^ES. 



5& 



38 



95 



19 

*7 

■ 

6 



On peut d'ailleurs constater, en parcourant Tétat général de 
répartition, que les autres troupes sont proportionnellement 
aussi morcelées que rartillerie. Elles constituent en effet le gros 
de la garnison dans tous les postes où se trouvent des artil- 
leurs, mais en oulre elles défendent plusieurs postes où 
rartillerie n est pas représentée : par exemple, le fort du Sud 
de Saigon, occupé par de Tinfanlerie de marine, des troupes 
indigènes et 3 hommes du génie; le fort Testard, occupé par 
quelques tirailleurs algériens et 3 hommes du génie; Hoch- 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 83 

Moud, gardé par 12 hommes d'infanterie de marine; Rach- 
Tra, par 54 hommes d'infanterie de marine et 5 cavaliers; 
Can-Gioc, gardé par 16 hommes d'infanterie de marine; 
Kien-An-Phu, par 25 tirailleurs algériens, etc. 

Si l'insurrection avait été partout repoussée dans les der- 
nières semaines de décembre 1862, elle était loin d'être dé- 
couragée; elle était d'ailleurs sans cesse excitée et entretenue 
par des émissaires venus de Hué, qui parcouraient le pays 
en tous sens. Le centre de l'insurrection dans la Basse-Co- 
chinchine était à Go -Gong, et c'est de là que parlaient les 
émissaires semant des proclamations pour exciter la révolte 
dans les trois provinces. Un mandarin influent de Go-Cong, 
le Quan-Dinh, avait pris ouvertement le titre de chef de l'in- 
surrection générale contre les Français, titre qu'il préten- 
dait, à tort ou à raison, avoir reçu officiellement de la cour 
de Hué. C'était lui qui lançait les proclamations incendiaires 
préchant non seulement la révolte et le pillage, mais encore 
l'assassinat. Il promettait une prime de 20 onces d'argent par 
tête de soldat européen, variant de 30 à 100 onces pour la 
tête d'un officier ayant de un à sept galons; de 1.000 onces 
pour brûler un magasin de vivres ou de poudre, de 4.000 on- 
ces pour brûler un grand navire. Il s'était fait décerner le 
titre de Pham-ngay-binh-tay (infatigable destructeur des Occi- 
dentaux). 

Phan-Than-Giang, chef du parti de la paix, désavoua pu- 
bliquement le Quan-Dinh; mais ce désaveu n'arrêta pas ses 
manœuvres. L'amiral Bonard ne disposant pas de forces suf- 
fisantes pour enlever Go-Gong, avait dû se contenter d'éta- 
blir une sorte de blocus autour de ce foyer de rébellion à 
l'aide de troupes d'artillerie et d'infanterie sur terre et de 
canonnières sur les arroyos, et nous avons vu que ces forces 
de blocus avaient été attaquées dès le premier jour de l'in- 
surrection. 

La situation n'était donc pas brillante à la fm de Tannée 
1862, et l'amiral continuait à demander avec plus de raison 

6. 



84 L^ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHlNCHiNE. 

que jamais, mais sans plus de succès, des renforts pour le 
corps expéditionnaire; il fixait entre autres à 700 hommes 
{^effectif nécessaire des troupes d'artillerie. 

La nouvelle année apporta une recrudescence dans les 
troubles de la colonie. Dans la première semaine de janvier, 
les câbles télégraphiques forent coupés sur plusieurs points 
entre Saigon et Mytho; la route elle-même fut aussi coupée 
et détruite en plusieurs endroits. 

Une affaire sérieuse eut lieu dans Tarrondissement de 
Baria. 

Le 1*' janvier 1863, le chef de bataillon d'infanterie de 
marine Coquet, qui commandait ce poste important, envoie 
une reconnaissance sur la route de Than-Mi où on lui avait 
signalé l'existence de chrétiens annamites errants qu'il s'agis- 
sait de rallier, et lui-même se porte sur Long-Lap, oii devait 
se trouver une bande de rebelles. Mais la première recon* 
naissance eut seule l'occasion de s'engager. Sa force était de 
25 hommes de la 9* compagnie d'infanterie de marine (capi- 
taine Miche de la Malleraye), 12 artilleurs servants ou con- 
ducteurs avec un canon de A rayé de campagne (lieutenant 
Peyrichout) et 13 cavaliers ou gendarmes (sous-lieutenant 
de Rigodit). Elle s'avança trop loin et fut bientôt entourée 
par des masses profondes : le feu calme et précis de la pièce 
d'artillerie, le feu des fantassins déployés en tirailleurs dans 
les broussailles du bord de la route, enfin deux charges au- 
dacieuses de la poignée de cavaliers placés sous les ordres 
du sous-lieutenant de Rigodit finirent par dégager la colonne 
d'une situation réellement critique. Deux cavaliers euro- 
péens (^) avaient été tués et 7 chevaux blessés. 

Le commandant Coquet signala comme s'étant particuliè- 
rement distingué dans cette affaire le lieutenant Peyrichout, 
qui, malgré la petite distance qui le séparait des rebelles, ne 



(*) On sait que la cavalerie cochinchinoîse comptait beaucoup de Tagals 
de Manille. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOCHINGHINE. 85 

battait en retraite que lentement et s'arrêtait de temps en 
temps pour lirer à mitraille sur les masses compactes des 
Annamites. 

Quelques jours après, une partie du télégraphe reliant 
Bien-Hoa à Baria était détruite par les insurgés, et Tamiral 
Bonard devait renoncer à mettre en communication télégra- 
phique Saigon avec le cap Saint-Jacques ^^K 

Les 5, 6 et 7 janvier, une petite expédition dut être dirigée 
contre des forces rebelles qui avaient pris position derrière 
Gya-Than (province de Mytho). Deux détachements furent 
formés pour cette expédition : Tun, avec le lieutenant de 
vaisseau Gougeard, avait àb hommes d'infanterie et des An- 
namites volontaires; Tautre, avec le lieutenant de vaisseau 
Dol, avait àO tirailleurs algériens, 30 marins et 10 artilleurs 
avec un canon de h rayé. 

(rLe premier détachement passe de vive force Tarroyo de 
Bach-Sao et arrive à Gia-Than. Le deuxième détachement, 
parti de Phu-Kut, suit une route parallèle à Tarroyo Ké-Luoc, 
rencontre les rebelles ayant leur droite appuyée sur les 
bambous de larroyo et leur gauche à un massif dans la 
plaine; ils avaient quelques pierriers; ils ont été repoussés. 

(tLes Annamites reforment leurs lignes entre Gya-Than et 
Benh-Cak; ils sont de nouveau battus, et le lieutenant d'in- 
fanterie de marine Dupont d'Aisy, adjudant-major de la co- 
lonne, leur enlève un pierrier. Nous restons maîtres des 
routes de Benh-Cak, Gia-Than et Song-Than. La jonction 
des deux colonnes a lieu à Gia-Than (^).t) 

Les deux colonnes, après avoir battu séparément la région 
voisine, se rejoignent de nouveau à Long-Tri. Elles ont mis 
partout les Annamites en fuite, ont détruit une fonderie de 
projectiles en plomb, une fabrique de boucliers en bambous 



<') Lettre de Tamiral au Ministre en date du 19 janvier i863. 
(') Rapport officiel du chef dMlat-major gênerai Reboui en date du 
3o janvier i863. 



86 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHIiNGHINE. 

tressés recouvcrls de peau de bufile, et tu^ une centaine de 
rebelles. Elles n'avaient eu aucun homme tué et seulement 
3 coolies blessés. 

Du 8 au là janvier, autre expédition pour chasser des 
bandes qui se fortifiaient à Go-Den, toujours dans la pro- 
vince de Mytho. Le lieutenant de vaisseau Lespès, chargé 
de cette expédition, avait sous ses ordres une compagnie de 
tirailleurs algériens (80 hommes), 30 soldats indigènes, 
15 hommes d'infanterie de marine, 11 marins et 5 artilleurs 
fuséens. Ka outre, une canonnière et une embarcation armée 
en guerre portant une section d'infanterie de marine se por- 
tent par le rach Doï-Ma devant les fortifications de Long-Khé, 
que la colonne Lespès doit attaquer par terre. Cette colonne 
arrive le 8 à Go-Den, après avoir débusqué les Annamites 
d'une redoute et dispersé deux bandes rencontrées sur sa 
route; le 9, elle marche sur Long-Khé, dont elle trouve les 
ouvrages abandonnés. Elle pousse alors jusqu'à Canduoc, où 
elle arrive le 11. En effectuant son retour, elle trouve une 
résistance assez sérieuse à Long-Pbu et à Go Den; les Anna- 
mites, qui se laissent aborder de plus près que dans les 
rencontres précédentes, sont dispersés après avoir perdu 
beaucoup de monde. De notre côté, un soldat blessé et un 
ofBcier contusionné. 

Dans la province de Bien-IIoa, la première semaine de 
janvier donne aussi lieu à des reconnaissances suivies de 
quelques petits engajjemenls. 

Le 17 janvier, le lieutenant d'infanterie de marine en 
observation devant Go-Cong pousse une reconnaissance vers 
les ouvrages de Vinh-Loi, entre daus un fortin et ramène 
deux pierriers et un prisonnier. Il effectue, les 21, 22 et 
23 janvier, d'autres reconnaissances sur la route de Dong- 
Son, tuant du monde aux rebelles et brûlant leurs appro- 
visionnements. Du côté des Français, un quartier- maître 
blessé le 17; le lieutenant et un caporal blessés dans les trois 
autres journées. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHÏNE, 87 

Les Annamites revenaient cependant souvent dans les lo-. 
calilés d'où ils avaient été expulsés; cette ténacité, dont ils 
n'avaient pas fait preuve jusqu'alors, démontre la pression 
exercée sur eux par les agitateurs. C'est ainsi que le 17 jan- 
vier le commandant du fort de Rach-Kien se voit forcé d'aller 
déloger, pour la troisième fois, les Annamites du village et 
des retranchements voisins qu'ils occupaient avec une ving- 
taine de pierriers. Ils sont mis en fuite et perdent une soixan- 
taine d'hommes, sans qu'il y ait ni tué ni blessé du côté des 
Français malgré le feu des pierriers. 

Le 23 janvier, le capitaine Herbillon, commandant le fort 
de Long-Than, exe'cute une sortie avec 35 hommes d'infan- 
terie de marine, quelques matas et un obusier de montagne 
avec 3 artilleurs; il marche sur Phuoc-Laï, ofi 400 rebelles 
s'étaient fortifiés, enlève leurs retranchements et les force à 
fuir dans les bois en laissant sur le terrain A hommes tués 
et 6 grièvement blessés. De notre côté, 3 matas blessés. Le 
lendemain 24 janvier, il opère la même exécution à Ban- 
Long, oii s'étaient fortifiés environ 800 rebelles. 

A Baria, le fort était menacé au même moment par des 
rassemblements sérieux, mais la garnison, trop faible pour 
agir à l'extérieur, restait sur la défensive et réparait les 
remparts en vue d'une agression. Les insurgés avaient, en 
effet, réussi à attirer à eux les tribus des Mois limitrophes 
des territoires de Bien-Hoa et de Baria, et le concours de 
ces tribus sauvages, qui s'étaient abstenues jusqu'alors de 
prendre part aux hostilités, apportait un appoint notable à 
l'insurrection dans la province de Bien-Hoa. 

Tous les détails que nous venons de rapporter sont assu- 
rément un peu longs, mais il était nécessaire de les indiquer, 
car si chacun d'eux est peu important, leur ensemble seul 
permet de juger de l'état d'anarchie dans lequel se débattait 
la Cochinchine à la fin de l'année 1862 et au commencement 
de l'année 1863. Nous croyons d'ailleurs qu'ils ne sont guère 



88 L'ARTILLERIE DE U MARINE EN COCHINCHINE. 

coonus et que pea de personnes imaginent exactement au- 
jourd'hui la somme d'eflbrts que les troupes de la marine 
ont dû développer, au début, pour conserver et développer 
cette belle colonie, efforts que rendait inévitables f inexpli- 
cable persévérance avec laqueUe le Gouvernement refusait 
d'envoyer les renforts demandés. 

Au point de vue particulier du présent historique, ces 
détails permettent de voir nettement le rdie de Tartillerie 
pour laquelle on avait dû pousser k Textréme la division en 
petits paquets. Si dans quelques circonstances elle se trouvait 
un peu groupée sous les ordres d*un capitaine (comme à 
Mi-Couî) ou d'un lieutenant (comme à Baria), elle était la 
plupart du temps répartie en petits détachements de 3 à 
10 hommes, sans officier de Tarme, placée sous les ordres 
directs tantôt d'un officier d'infanterie de marine ou d^un 
officier de tirailleurs, tantôt d'un lieutenant de vaisseau ou 
d'un officier espagnol. Elle avait d'ailleurs le rôle le plus 
difficile dans cette guerre de partisans, où le feu de l'ennemi 
était presque négligeable et oii tout l'effort se traduisait par 
des marches rapides dans des terrains défavorables; le trans- 
port de son matériel, canons ou fusées, lui créait en effet 
des difficultés spéciales. Elle arriva pourtant à faire toujours 
honorablement ce qui lui était demandé pendant cette in- 
surrection complexe et disséminée sur tous les points de la 
colonie. 

L'amiral Bonard ne se lassait pas pendant ce temps de 
supplier le Ministre de renforcer le corps expéditionnaire; 
il accusait avec vivacité les diverses directions du ministère 
auxquelles on remettait le soin de répondre à ses demandes : 
ffCes directions, dit-il, sont dans Tignorance la plus com- 
plète des besoins incessants d'une armée, à plus de mille 
lieues de la métropole, en présence d'une population aussi 
nombreuse que celle de la France, ne reculant devant au- 
cune des ruses et des atrocités que les nations civilisées 
n'emploient jamais, même dans les guerres les plus achar- 



L ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 89 

nëes(^).?) Il constate à nouveau que le corps expéditionnaire 
ne peut suffire à une tâche qui est au-dessus de ses forces, 
et s'exprime en. particulier sur Tartillerie dans les termes 
suivants : 

(T L'artillerie est insuffisante, même pour Tentretien du 
service courant, en artilleurs et en ouvriers; quant au ser- 
vice des transports des vivres et ambulances, elle est com- 
plètement hors d'état d'y faire face : elle n'a ni les conducteurs, 
ni les bêles de bât, ni les voitures nécessaires pour suffire à 
ces exigences; il en résulte qu'il est impossible de tenir la 
campagne dans ces conditions. Il faut des conducteurs de 
Yoitui'es, des muletiers, etc., gens spéciaux qu'on n'improvise 
pas avec des Annamites et sans instructeurs; il est donc 
essentiel que le département de la guerre, si la marine ne 
peut les fournir, donne ces conducteurs et ces muletiers sans 
lesquels il est impossible de rien faire, t) 

Les lacunes signalées si énergiquement par l'amiral Bo- 
nard dans l'organisation des troupes de la marine étaient 
parfaitement exactes; encore aujourd'hui, ce n'est qu'avec 
l'aide du département de la guerre que ces troupes peuvent 
suffire aux besoins des divers services, dès que la situation 
devient tant soit peu critique. 

(1) Lettre da 3] janvier i863. 



90 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 



CHAPITRE XI. 

ARRIvéB DE RENFORTS. RÉPRESSION DE L'INSURRECTION. 



L'amiral reçut enOn la promesse de Tenvoi des renforts 
demandés, mais il craignit que ces troupes ne pussent pas 
arriver de France avant la saison des pluies qui est impropre 
à toute opération militaire. Il tenait cependant, avant de de- 
mander à Hué la ratification du traité du 5 juin 1862 lorsque 
ce traité serait revenu de Paris signé par Tempereur, h 
dompter complètement cette insurrection dont le parti de la 
guerre se servait pour empêcher Tu-Duc de consentir à Texé- 
cution du traité. Il aurait voulu se présenter au souverain 
annamite avec le fait acquis de la possession réelle et effec- 
tive de toute la Basse-Cochinchine. Pour cela, il fallait non 
seulement écraser les bandes insurgées partout où elles se 
montraient, mais encore s'emparer de Go-Cong, le grand 
centre de Tinsurrection et qui d'ailleurs avait jusqu'alors com- 
plètement échappé à notre conquête. 

Si Go-Cong n'était pas pris avant la saison des pluies, on 
était obligé de renvoyer à l'année suivante l'exécution de 
cette importante opération. Dans ces circonstances, l'amiral 
Bonard n'hésita pas à faire un appel immédiat au contre- 
amiral Jaurès commandant la station navale des mers de la 
Chine et en même temps au capitaine général des Philippines 
dont les compatriotes partageaient avec tant de dévouement 
les fatigues du corps expéditionnaire et dont le gouvernement 
était solidaire de la France pour l'exécution du traité. 

Ces deux demandes furent agréées avec un égal empresse- 
ment. L'amiral Jaurès envoya directement à Saigon la frégate 
la Renommée avec plusieurs compagnies du 3"*® bataillon d'in- 
fanterie légère d'Afrique prises à Shang-Haï, et fil passer par 
Manille la frégate Igi Sémiramis, pour y prendre un bataillon 



r ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 91 

d'infanterie espagnole fourni par nos fidèles alliés. Ces ren- 
forts arrivèrent à Saigon le 1" février et permirent à Tamiral 
Bonard de sortir de la stricte défensive dans laquelle il avait 
été obligé de se tenir pendant tout le mois de janvier et de 
reprendre partout à la fois une vigoureuse offensive. Le ba- 
taillon annamite récemment créé, dont Tinstruction était 
maintenant complète et dont la fidélité, mise à Tépreuve dans 
plusieurs affaires, n'avait rien laissé à désirer, lui fournissait 
d'ailleurs un autre moyen d'action qui était loin d'être négli- 
geable. 

Nous indiquerons sommairement les opérations qui purent 
aîors être exécutées simultanétnent sur tous les points me- 
nacés. 

1° à Baria. — Nous avons laissé, à la date du 20 janvier, 
le commandant Coquet entouré par de nombreuses bandes 
d'Annamites et de Mois. Le gouverneur avait envoyé, pour 
l'aider à se dégager, un petit renfort composé avec les bommes 
disponibles à Saigon qu'il ne devait d'abord garder que mo- 
mentanément; mais l'arrivée des troupes apportées par la 
Renommée et la Sémiramis lui permit de le conserver. Il sut 
d'ailleurs s'en servir avec succès. 

Le 20 janvier, dans une sortie, il attaque une tranchée 
faite par les Mois et leur tue une vingtaine d'hommes. 

Le 23 janvier, il marche sur Cho-Beu et se trouve débordé 
par des masses annamites qui se portent sur son liane gauche 
et sur ses derrières : il est dégagé par le feu de l'artillerie qui 
tue beaucoup de monde en tirant sur ces masses compactes. 

A la fin de janvier et dans le courant de février, il conti- 
nue à poursuivre et à disperser les bandes qui se forment 
dans le voisinage de la place et dégage complètement le ter- 
ritoire de la préfecture jusqu'à la frontière du Binh-Thuan. 

2" à Bieu-Hoa. — Dans la première quinzaine de février, 
le lieutenant-colonel Loubère, commandant supérieur de la 
province de Bien-Hoa, à la disposition duquel on avait mis, 
à titre de renfort, une des compagnies d'infanterie légère 



92 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHlNCHlNE. 

d'Afrique qui venaient de débarquer en Cochinchine, bal deux 
fois les rebelles et force un grand nombre de villages à faire 
leur soumission. Cette petite expédition coûte: un sergent, 
deux caporaux et cinq chasseurs de Tinfanlerie légère blessés 
ainsi que deux matas (miliciens annamites). On capture en 
revanche un millier de personnes (familles d'insurgés) et 
quelques centaines de buffles. 

3"* à 6o-Den. — Dans la province de Mytho,on est obligé 
de diriger une nouvelle expédition contre 6o-Den qui a été 
réoccupé par les Annamites. Plusieurs cc^onnes marchent 
simultanément sur ce point. Tune, parUnt de Saigon, com- 
prend deux compagnies d'infanterie légère d'Afrique (capi- 
taine Cotte) et un détachement d'artillerie avec un obusier de 
montagne (sous- lieutenant Dutech). 

Une autre (lieutenant de vaisseau Gougeard) part de 
Ben-Luc avec 40 fusiliers marins, 50 hommes du bataillon 
indigène et 1 obusier de montagne de l'artillerie. 

Une troisième (capitaine Chasseriau) part de Rach-Kien 
avec 83 hommes d'infanterie de marine. 

Enfin une quatrième (lieutenant de vaisseau Dupuis) part 
de Caï-Trom avec 80 fusiliers marins. 

Toutes ces colonnes arrivent ensemble à 6o-Den à l'heure 
indiquée, après avoir enlevé les retranchements et détruit 
les obstacles semés sur leur route; les Annamites, craignant 
d'être cernés par ce mouvement concentrique, abandonnent 
sans combat toutes leurs positions. 

4« à Tay-Ninh. — A Tay-Ninh, le chef de bataillon Brière 
de risle, par des pointes fréquentes, empêche la jonction des 
diverses bandes et capture un de leurs chefs. 

5** à Ben-Luc. — Deux compagnies d'infanterie légère 
d'Afrique occupent les fortifications de Ben-Luc. 

Telle était la situation au 28 février lorsque arriva enfin 
d'Europe le capitaine de vaisseau Fricault, porteur des rati- 
fications du traité conclu à Saigon le 5 juin 1862. L'amiral 
Bonard, plénipotentiaire de l'empereur Napoléon III, et le 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 93 

colonel Palanca, plënipotenliaire de la reine Isabelle II, en- 
voyèrent immédiatement au roi Tu-Duc un ultimatum rëdigé 
et signe en commun » par lequel ils le sommaient de répon- 
dre catégoriquement par oui ou par non s'il voulait recevoir 
les plénipotentiaires avec tous les honneurs dus aux souve- 
rains qu ils représentaient et ratifier à son tour le traité. La 
fermeté de cet ultimatum puisait évidemment sa source dans 
Tarrivée des renforts récemment reçus ^^\ et Ton ne cachait 
pas à Tu-Duc que, s'il refusait la ratification, on lui pren- 
di*ait par la force beaucoup plus qu il ne cédait par le traité 
de paix. Tu-Duc, à qui Ton n'avait encore jamais parlé sur un 
ton aussi résolu, dut s'incliner. Il accepta toutes les conditions 
imposées. 

Le 1" avril suivant, l'amiral Bonard expédiait à Hué, sur 
l'aviso le Forbtny les deux plénipotentiaires Lam et Phan- 
Than-Giang, signataires du traité pour le roi d'Annam, char- 
gés de veiller aux préparatifs de la cérémonie. Le lendemain 
2 avril, il partait pour la même destination sur la Sémiramiê 
avec la corvette espagnole Circé portant le colonel Palanca. 
Les ratifications furent solennellement échangées, et la paix 
définitivement rétablie entre l'Ânnam et les puissances chré- 
tiennes alliées. 

Mais, dans l'intervalle écoulé entre l'envoi de l'ultimatum 
et l'échange définitif des ratifications, les troupes expédition- 
naires avaient remporté un nouveau succès décisif par la 
prise de 6o-Cong. 

0> Indépendammeni des renforts fournis par Tamiral Jaurès et le capi- 
laine général de Manille, la Garonne était arrivée à Saigon le 96 février^ 
portant 6 compagnies d^infanterîe afec un détachement d^arliilerle. Les dé- 
marches répétées de Tamiral Bonard se trouvateni donc à la fin couronnées 
de succès. 



94 L'ARTILLEniE DE LA MARINE EN COCHINCIUNE. 



CHAPITRE XII. 

PRISE DE GO-CO!IG. 



La situation de Go-Cong dans une sorte de presqu'île va- 
seuse comprise entre le Cambodge, le Soirap et le Vafco, 
coupée par plusieurs arroyos et par de nombreux cours d'eau 
impraticables aux bâtiments et même aux embarcations or- 
dinaires, et couverte çà et là de grands marais noyés pen- 
dant la plus grande partie de Tannëe, offrait à un plus haut 
degré, pour les opérations militaires, toutes les difficultés que 
présente habiluejlement le sol dans le Delta de la Basse-Co- 
chinchine. Les Annamites avaient d'ailleurs accumulé, sur 
tout le territoire de ce canton, les forts, les fortins, les bar- 
rages et les défenses accessoires. 

Les forces dont disposait le Gouverneur à la fin de Tannée 
1862 ne lui permettant pas d'enlever une position aussi forte, 
il s'était borné à en établir le blocus au commencement du 
mois de novembre; blocus forcément incomplet, car les émis- 
saires de rinsurreclion trouvaient le moyen dépasser pendant 
la nuit à travers des marais inabordables pour nos troupes; 
pour ce blocus, le lieutenant de vaisseau Guys avec Y Alarme 
et les deux canonnières 13 et 19 était venu mouiller [jrès du 
confluent du rach Go-Cua et du rach Go-Cong; la batterie du 
capitaine Marcbet était venue s'établir près de ce confluent, 
et la 17*' compagnie d'infanterie de marine, venue également 
de Saigon, envoya une section occuper la plaine comprise 
entre Go-Gong et le rach Tay-Nhien-Trung, tandis que l'autre 
s'établissait près de Viuh-Toï pour protéger ce village occupé 
par des Annamites dévoués à notre cause. Pendant près de 
quatre mois, tous ces détachements restèrent dans ces posles 
entourés de marais : aussi ils ne furent pas épargnés par les 
maladies. Le capitaine Marcbet avait reçu l'ordre d'établir 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHLNCfllNE. 95 

près du mouillage de VAlarme une batlerie qui devait être 
armëe de 6 canons de 30 pour protéger le mouillage des bâ- 
timents et le débarquement des colonnes expéditionnaires et 
fournir un point d'appui solide au départ de ces colonnes. Le 
terrain était un marais vaseux, et la batterie ne put être con- 
struite qu'à Taide de barriques enfoncées dans la vase et sur- 
montées d'une plate-forme continue en bois. 

Quant aux Annamites rebelles, ils occupaient 6o-Gong, 
Vinh-Loï, D(mg-Son, avaient coupé la route de Dong-Son à 
Vinh-Toï, construit des forts sur le rach Muon-Dao, le rach 
Gra et le rach Cua-Cao et un autre à Traï-Ca. Le Lan-Lop, 
qui se jette dans le Soirap, avait été fermé par des barrages 
défendus par des forts. 

Telle était la situation au moment où il fut possible de 
commencer les opérations : le 13 février, V Européen partait de 
Saigon portant 150 lils d'hôpital, des vivres pour alimenter 
1200 hommes pendant un mois, 8 pièces de canon et du ma- 
tériel du génie, et venait mouiller à Tembouchure du rach 
La. Plusieurs bateaux-citernes remplis d'eau potable étaient 
rassemblés au même point. Le même jour, une colonne com- 
posée de 3 compagnies de tirailleurs algériens, 100 hommes 
du bataillon annamite, 80 chasseurs de l'infanterie légère 
d'Afrique, 30 soldats du génie et une section d'artillerie avec 
2 canons rayés de montagne débarquait dans le rach Dung 
sous les ordres du commandant Piélri, marchait droit sur 
Dong-Son et occupait ce village sans coup férir. 

Le surlendemain, 15 février, la même colonne se porte de 
Dong-Son sur Vinh-Loï en trois détachements : celui de droite 
formé avec le génie et l'infanterie légère d'Afrique, celui de 
gauche formé avec les indigènes et l'un des canons de mon- 
tagne, celui du centre formé avec les tirailleurs algériens et 
l'autre canon de montagne. Ce dernier détachement était con- 
duit directement par le commandant Piétri. Le détachement 
de gauche eut à traverser des marais et à enlever plusieurs 
ouvrages. L'attaque générale contre le fort de Vinh-Loï eut 



M ^ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCDINCHINE. 

lieu à 11 heures du matin avec un plein succès: les Anna- 
mites prirent la fuite après une faible résistance. 

L'amiral Bonard, qui était venu présider au débarquement 
de la colonne Piétri, retourna aussitôt à Saigon pour former 
une nouvelle colonne destinée à combiner avec celle-ci une 
attaque décisive contre 6o-Cong. Il ne ressort des rapports 
officiels aucun motif pour lequel ces colonnes n'auraient pu 
être formées et lancées simultanément: il a dû cependant 
en exister quelqu'un ^^\ puisque nous avons vu Tamiral lui- 
même expliquer et vanter l'avantage des actions simulta- 
nées. Quoi qu'il en soit, pendant ce temps, le commandant 
Piétri dut se maintenir d'une part sur la route de Dong-Son à 
Vinh-Loî et d'aulre part se relier avec le poste de Cho-Gao, 
situé sur le rach Gabon à peu de distance de son embouchure 
dans le. Cambodge et occupé par le lieutenant de vaisseau 
Gougeard avec 100 hommes de la garnison de Mytho (marins 
et Annamites). Cette même garnison de Mytho formait en 
même temps deux autres détachements d'une centaine 
d'hommes chacun, pour chasser les Annamites du rach Mun- 
Dao, du rach Gia et du rach Cua-Cao; deux canonnières et 
des jonques armées en guerre, mouillées dans le Cambodge 
près de l'embouchure de ces arroyos, étaient en mesure de 
couper la retraite aux fuyards qui seraient tentés de prendre 
la voie fluviale. 

La nouvelle colonne formée à Saigon fut placée sous les 
ordres directs du colonel espagnol Palanca : elle comprenait 
600 hommes d'infanterie espagnole, 3 compagnies d'infante- 
rie de marine, 100 fusiliers marins et une batterie d'artillerie 
avec 6 pièces de campagne. Le général Chaumont, qui devait 
prendre le commandement supérieur des troupes, se mit en 
route avec cette colonne le 22 février. Toutes ces troupes fu- 

(') Peut-être une insuffisance des moyens de transport, car Taniiral Ro- 
nard, dans sa correspondance avec le ministre, se plaignait autant du man- 
que de bateaux dans la flottille que du manque de troupes dans le corps 
expéditionnaire. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINCHIiNE. 97 

rent mises à terre dans la soirée à 2 kilomètres du Tay-Nhien- 
Trung; la journée du 23 fut employée à faire des reconnais- 
sances et à construire un pont sur Tarroyo. Le 2â, la co- 
lonne franchissait le Tay-Nhien-Trung à l'aide de ce pont. 

En même temps le commandant Piétri recevait Tordre de 
quitter Dong-Son et de se porter directement sur Go-Cong, 
tandis que les détachements auxiliaires fournis par la garni- 
son de Mytho accomplissaient leur mission, le premier (lieu- 
tenant de vaisseau Vergne) en enlevant les lignes du rach Gia , 
le second (lieutenant de vaisseau Réveillère) en réduisant au 
silence le fortin du Cua-Cao. 

D'autre part, le départ de la colonne principale était ap- 
puyé par les canonnières 13 et 19 qui attaquaient le fort anna- 
mite le plus avancé et forçaient l'ennemi à l'évacuer. 

Les diverses colonnes mises en marche le 24 février de- 
vaient arriver, à peu près en même temps, devant Go-Cong 
par des chemins séparés, et opérer une attaque simultanée. 
Mais aussitôt que les rebelles virent leurs ouvrages avancés 
tournés par les troupes qui avaient passé le Tay-Nhien-Trung 
(colonne Palanca, munie d'une batterie de campagne), ils 
abandonnèrent non seulement ces ouvrages, mais encore le 
village et le fort même de Go-Cong, et s'enfuirent à travers 
les marais et les broussailles de la plaine. 

Nous n'avions eu dans cette affaire qu'une dizaine de bles- 
sés atteints le 23 février pendant la construction du pont 
sur le Tay-Nhien-Trung; les Annamites, en effet, comprenant 
que ce pont permettrait de tourner leurs ouvrages, avaient 
concentré sur les travailleur^ tous les feux de leurs pierriers, 
et c'est la seule résistance réelle qu'ils aient opposée à l'at- 
taque. Il y avait eu en outre plusieurs victimes du choléra,, 
entre autres le lieutenant de vaisseau Odet Pellion> enlevé 
en douze heures à bord de Y Alarme. 

Nos troupes étaient donc entrées le 2A dans Go-Cong; le 
leudemain, 25 février, une partie de ces troupes sortit de Go- 
Cong sous les ordres du général Chaumont et alla chasser 



98 L ARTILLERIE DE LA MARINE E\ COCHINGHINE. 

tes rebelles de leur dernier refuge, le fort de Traï-Ca, tandis 
que la corvette espagnole la Grcé enlevait les forts de Lon- 
Lap et détruisait les barrages de cet arroyo. 

Ce canton de Go-Cong qui avait si longtemps tenu en 
($chec les forces insuffisantes du corps expéditionnaire et qui 
avait fonnenlë une insurrection générale capable de mettre en 
jeu l'existence même do notre colonie, était dès lors tout entier 
entre nos mains; et, pourarriver à un résultat aussi important, 
il n'avait pour ainsi dire pas été besoin de luttes et de corn-- 
bats, il avait suffi d amener autour de la position un ensemble 
de forces assez grand pour en assurer la conquête. Dès que 
ces forces approchent de Go-Connr, la position est abandonnée 
par les défenseurs. Un enseignement bien frappant se dégage 
de ce fait: c'est la grande économie de sang, de temps et 
d'argent qui serait réalisée dans les expéditions analogues si 
Ton voulait mettre tout de suite à la disposition du comman- 
dant en chef des forces suffisantes pour frapper un coup dé- 
cisif et marcher vigoureusement dès le début sur le point 
principal qu il s'agit d'emporter. 

L'effet de la prise de Go-Cong sur la population annamite 
fut considérable et porta le dernier coup à l'insurrection. Des 
soumissions nombreuses affluèrent dans les trois provinces, 
et celte fois sans arrière-pensée. Les habitants des villages, 
en faisant leur soumission, arrêtaient eux-mêmes les chefs de 
la rébellion pour les livrer aux autorités françaises auxquelles 
ils remettaient en même temps leurs armes et les petits ca- 
nons dissimulés jusqu'alors dans les broussailles ou les ma- 
rais. Une série de petites colonnes mobiles à terre et des bâ- 
timents de flottille dans les arroyos parcourut la Cochinchine 
en tous sens à la fin de février et dans le mois de mars, ac- 
célérant ce mouvement de soumission pour arriver à la pa- 
cification générale de la colonie. 

Lorsque l'amiral Bonard se présenta à Hué au commence- 
ment d'avril pour exiger la ratification du traité, il se trouva 
donc dans une situation très avantageuse, ayant pour lui le 



UARTILLERIE DE U MARINE EN GOGHINGHINE. 99 

fait acquis de ia possession effective des trois provinces. Aussi, 
comme nous Tavons dil; plus baut^ Tempereur Tu-Duc se 
soumit sans résistance nouvelle. La ratification du traite fut 
signée le 14 avril 1863 dans la salle des édits du palais royal 
de Huë. 

La paix étant désormais assurée, les Espagnols, qui pen- 
dant cinq années avaient partagé en fidèles alliés nos fati- 
gues et nos succès dans toutes les parties de la Cochinchine, 
repartirent pour Manille au commencement du mois d^avril, 
et Tamiral Bonar4 rédigea , à Toccasion de leur départ et sous 
la date du 31 mars, un ordre du jour où il faisait en termes 
émus ses adieux à cette troupe vaillante et disciplinée. Désor* 
mais. la Cochinchine était colonie française et n'était plus 
occupée que par les troupes françaises. 



/• 



100 L ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINtHINE. 



CHAPITRE XIII. 

REVISION DU TRAITE DE PAIX. NOUYEAUX MOUVEMENTS 

INSURRECTIONNELS. 



Le vice-amiral Bonard, très fatigué par les soucis du gou- 
vernement de la Cochinchine pendant ces années si agitées 
de ia conquête et de l'insurrection , dut rentrer en France 
aussitôt après le voyage de Hué et l'échange solennel des rati- 
fications. Le contre-amiral de la Grandière, désigné pour le 
remplacer, s'embarqua à Marseille le 19 février 1863. Son 
voyage coïncidait avec une relève importante de rartilierie en 
Cochinchine, car, dans une lettre écrite à bord de l'Impéra- 
trice pour rendre compte au Ministre de la première partie de 
son voyage, il signale sur le Labourdonnais , qui Tavait con- 
duit de Marseille à Alexandrie, la présence de deux officiers 
d'artillerie allant à Saigon et trouve sur VlmpérairicCy qui le 
porte de Suez en Cochinchine, 319 artilleurs avec une canti- 
nière et 3 officiers, et il ajoute plus loin : trLes 320 artilleurs 
de Y Impératrice vont braver les hautes températures de l'Océan 
Indien dans des conditions parfaites de bien-être. Cette troupe 
arrivera à Saigon aussi fraîche qu'à son départ de France.?) 
Il est à regretter qu'on n'ait pu toujours en dire autant des 
troupes qui ont été expédiées depuis cette époque en Extrême- 
Orient. 

L'amiral de la Grandière, arrivé à Saigon le 28 mars, prit 
officiellement les fonctions de Gouverneur et de comman- 
dant en chef le T' mai, au départ de l'amiral Bonard^^). Il 
semblait que son gouvernement dût s'exercer sans incident 
grave dans une colonie tranquille et pacifiée, mais Tu-Duc, 
qui n'avait accepté le traité de paix que contraint et forcé, 

t'J Mort peu de temps après sa rentrée en France. 



^ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 101 

songeait dëjà aux moyens de le modifier et de reprendre une 
partie, au moins, des territoires qui lui avaient éié enlevés 
par la force. (1 résolut à cet effet d'envoyer une ambassade en 
France. Cette ambassade comprenait 62 personnes, dont 3 am- 
bassadeurs (^) ; à ces 62 personnes de l'ambassade du roi Tu- 
Duc, le Gouverneur fit joindre 9 Annamites de la Cochinchine 
française, dont le principal était Petrus Ky, professeur du 
collège des interprèles français, et le tout fut embarqué à 
Saigon à la fin du mois de juin 1863. Celte ambassade ne 
rentra à Saigon que le 18 mars 1864 et, après y avoir passé 
quelques jours, elle fut reconduite à Hué sur un aviso de 
rÉlat. 

Si elle était restée longtemps en France, elle n'y avait pas 
perdu son temps. Son but était de demander la revision du 
traité du 5 juin 1862 et la rétrocession à TAnnam par la 
France des trois pro\inces conquises moyennant une indem- 
nité pécuniaire. En dépit des observations du Gouverneur de 
la Cochinchine et du marquis de Chasseloup-Laubat, Ministre 
de la marine, le Gouvernement français, qui avait toujours été 
hésitant dans cette affaire de la conquête de la colonie (^), lui 
accorda la plus grande partie de ce qu'elle demandait. 

Un nouveau projet de convention, destiné à remplacer le 
traité du 5 juin , fut élaboré à Paris. Notre occupation devait 
être restreinte à quatre postes : Saigon, Mytho, Thu-Dau-Môt 

(^) Noms et litres des trois ambassadears : 

i" ambassadeur : Phan-Than-Giang, vice grand censeur du royaume, 
i" degré, a' classe. 

a* ambassadeur : Phan-Phu-Thu, premier secrétaire du ministère de 
rintérieur, a' degré , a* classe. 

Ambassadeur adjoint : Nguyen-Khai-Dân, maître des cérémonies du 
palais, chef de la justice du département de Tourane, 3* degré, a* classe. 

(^) Il no faut pas perdre de vue que la guerre d^Annam avait été entre- 
prise, au début, non pour conquérir la Cochinchine, mais pour venger les 
missionnaires français et espagnols martyrisés et obtenir dans les états de 
Tu-Duc le libre exercice du culte catholique. G^est d'ailleurs ce qui avail 
conduit TEspagne à s'associer à la France dans cette guerre. 



102 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINCHINE 

et Cholon; rien, comme on le voit, dans la province de Bien- 
Hoa. On stipulait, il est vrai, le libre parcours des fleuves avec 
une zone de A à 5 kilomètres le long des voies navigables 
pour en assurer la circulalion. Le reste de notre conquête 
était rétrocédé aux Annamites moyennant une indemnité de 
100 millions payable en cinquante annuités de 2 millions. En 
résumé, d'après cette nouvelle convention, nous n'avions plus 
de colonie en Bassc-Cochinchine, mais seulement quelques 
comptoirs de commerce. 

La nouvelle du succès des négociations de Phan-Than-Giang 
produisit naturellement un effet désastreux dans le pays. L*agr* 
talion recommença partout , les Annamites ralliés étant furieux 
de se voir abandonnés, et les Annamites hostiles espérant 
ttous arracher bientôt la faible partie du territoire que nous 
conservait la nouvelle convention. On put craindre une nou- 
velle révolte* 

L'amiral de la Grandière, qui voyait les choses de plus près 
que les négociateurs de Paris, ne se faisait pas d'illusion à ce 
sujet. C'est ainsi qu*il s'exprime dans une lettre du 27 oc-» 
tobre 1863 : 

ttVous savez, M. le Ministre, la nécessité où je me suis 
trouvé d'ajourner le rapatriement du bataillon des tirailleurs 
algériens. Notre situation à l'époque de Tannée à laquelle 
nous sommes arrivés,, la menace de troubles qu'il faut éviter 
à tout prix, pour empêcher qu ils ne dégénèrent en une nou- 
velle insurrection , commandaient de maintenir cette troupe 
en Cochinehine.t» 

La leltre du 29 novembre 1863 est encore plus explicite; 
TAmiral ^ après avoir constaté que la tranquillité n'a pas encore 
été troublée, dit qu'il y a lieu do penser que, si l'insurrec- 
tion éclate à la fin de décembre, elle ne sera pas générale; 
il ajoute: «r Les arrestations assez nombreuses opérées récem- 
ment, les exécutions prononcées contre quelques chefs in- 
soumis et des individus convaincus d'embauchage ont pro- 
duit un excellent effet sur l'esprit public. Aussi n'est-il pas 



r ARTILLERIE DE LÀ MARINE EN GOCHINCHINE. 103 

rare de voir des villages secouer la crainte que leur inspiraient 
les mandarins et s'enhardir aujourd'hui jusqu'à venir d eux- 
mêmes dénoncer les fauteurs de troubles. C'est ainsi que nous 
n'avons pas compté moins de 12 chefs insoumis remis dans 
ces derniers temps entre nos mains. ^ 

Ce fut peut-être grâce à ces mesures que le mouvement 
insurrectionnel avorta presque partout. Il ne prit quelque 
importance que dans le cercle de Baria où dés rassemblements 
séditieux se formèrent dès les premiers jours de l'année 1866. 
Les rebelles construisirent même plusieurs ouvrages fortifiés 
dans le nord-est de cet arrondissement. Une colonne fut orga- 
nisée à Bària, sous les ordres du lieutenant-colonel Loubère, 
commandant supérieur de la province de Bien-Hoa; l'artil- 
lerie y était représentée par 2 obusiers de montage, portés 
à dos de mulet, sous les ordres du capitaine Godin; cette 
colonne délogea les Annamites des forts de Song-Rai et de 
Ba-Ka dans la journée du 22 avril 1864, détruisit ces forts, 
enleva les dépôts de campement jusqu'alors bien cachés et 
dont l'emplacement fut révélé par des Annaniites soumis, fit 
un assez grand nombre de prisonniers et ramena enfin la paci- 
fication dans la contrée. Ces opérations, qui furent rapide- 
ment exécutées et termiuée.< en quatre jours, s'accomplirent, 
comme d'habitude, sans perles sérieuses par le feu de l'en- 
nemi (il y eut cependant quelques hommes et un officier 
blessés lors de l'attaque dis forts), mais elles coûtèrent comme 
toujours de grandes fatigues à la colonne expéditionnaire, 
a cause des obstacles accumulés sur les routes par les insurgés. 
Le lieutenant-colonel Loubère apprécia tout particulièrement 
les services rendus par l'artillerie et proposa, à la suite de 
cette afiaire, le capitaine Godin pour la croix de chevalier de 
la Légion d'honneur. 

L'année 1865 commença, comme l'année J866, par une 
tentative de révolte sur cette frontière du Binh-Thuan, qui 
constituait le point le plus favorable pour les rebelles à cause 
de l'appui qu'ils étaient sûrs de trouver dans la province 



i06 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGUINCHINE. 

de celui de Gia^Loan et de la colonne Sève est à Nang-Gio 
sur la route de Gia-Pbu. Ce fort est reconnu dans la matinëe 
du 27 et, au moment où Ton prenait les dispositions d'at- 
taque, on reconnaît qu*il a été ëvacuë et incendie comme 
Gia-Lao. G était le principal refuge des rebelles et leur ar- 
senal de guerre; ils y fabriquaient des affûts de canons et de 
pierriers, des montures de gingols, de fusils et d*arbalètes« 

Le 27, dans Taprès-midi, Tinfanterie tente, sans succès 
d'ailleurs, de rejoindre les fuyards sur la rouie du Binh- 
Tbuan, tandis que Tartillerie, demeurée dans le fort, en 
achève la destruction. L'expédition était terminée, et le len- 
demain 28 toutes les troupes repartaient pour Long-Than. 

Le commandant constate dans son rapport que chacun a 
fait son devoir et accorde à Tartillerie une mention spécialcé 
«L'artillerie, dit-il, a passé par des chemins qui, à première 
vue, paraissaient impraticables; c'est à peine si un cavalier 
osait sV aventurer.^ Il cite, d'autre part, comme s'étant par- 
ticulièrement distingués, le capitaine Godin, commandant 
Tartillerie, le canonnier-servant Auguste et le canonnier-con- 
ducteur Berger. 

Les insurrections partielles que nous venons de signaler 
prouvent que le Gouvernement français avait été bien mal 
récompensé de sa bienveillante condescendance envers les 
ambassadeurs annamites. Heureusement pour lui, la mau- 
vaise foi de Tu-Duc fut trop tôt révélée; ce monarque astu- 
cieux refusa d'accepter les clauses de la nouvelle convention 
qu'il avait sollicitée, demanda la réduction de l'indemnité de 
100 millions et la suppression de plusieurs des conditions qui 
lui étaient imposées. Le commandant Aubaret fut envoyé de 
Saigon à Hué avec le titre de consul pour discuter les noun 
velles prétentions de la cour d'Annam. Les négociations traî- 
naient en longueur, il était impossible de s'entendre, et pendant 
ce temps éclataient en Cochinchine des troubles excités par 
les grands mandarins de cette cour. Cet état de choses finit 
par impatienter l'amiral de la Grandière, qui prit sur lui 



L*ARniLKRiE; DE LA MARINE 1S^'S GOCHINCHINE. 107 

d'jenvoyer au consul Tordre de rompre définit! vemeut toute 
négociation» Il rendit compte de cet ordre à Paris en expor 
sant vigoureusement ces motifs, et ol)UQt enfin au mois de 
janvier 1865 une décision du Gouvernement qui. mettait fin à 
tous les pourparlers au sujet de la convention et déclarait 
quon s'en tiendrait au traité de 1862. La colonie de Gochia* 
chine demeurait donc constituée avec ses trois provinces 
entières. 

Cet insuccès diplomatique et la répression rapide de ia 
révolte de Gia-Lao et de Gia Phu auraient dû, semble-t-it^ 
calmer Tardeur belliqueuse des Annamites ; néanmoins 1 année 
1866 fut encore marquée comme les précédentes par une 
tentative de révolte. Elle eut lieii cette fois dans Ia plaine des 
Joncs f que les Annamites considéraient comme inaccessible à 
nos troupes et constituant pour eux un refuge inexpugnable ^^)^ 
Au centre de cette vaste plaine, sur un plateau sablonneux, 
élevé par exception à 1 ou 2 mètres au-*dessus des eaux, 
s'élevait le village de Tap-Muoy avec une forte citadelle où 
résidait le chef des bandes insoumises, Tien-Ho. Trois voies 
de communication, ayant en moyenne plus de 50 centimètres 
de profondeur d'eau et de vase, servaient de routes pour 
relier Tap-Muoy à l'intérieur du pays. Ces trois routes étaient 
couvertes, chacune, par plusieurs forts palissades et armés 



(') La plaine dei Jona est re vaste espace compris entre le Vaîco Occi- 
dental (ou petit Vaico) au Nord , le fleuve du Cambodge à TOuest et au Sud 
et Tarroyo commercial à TEst. Sa superficie n'est pas de moins de /î.ooo ki- 
iomètrcs carrée. C'est un marais où Ton enfonce jusqu'à la ceinture, couvert 
d'berbes et de joncs de i mèiro de bauteur et semé de très rares oasis de 
sable noir, variant de 3oo à 3.ooo mètres de circonférence. Les herbes et 
joncs y sont si denses que les petites barques seules parviennent à s'y 
glisser, et encore faut-il en général pour cela que les piétons les aient tassées 
et foulées, de manière à y frayer une sorte de canal ayant de Ao centimètres 
à 1 mètre. C'est là ce qui porte le nom de routes dans la plaine des Joncs 
quand ce n'est pas le lit même des cours d'eau boueux qui la sillonnent. 
(Rapport officiel du capitaine de vaisseau E. de Jonquières, chef d'état* 
major général , sur l'expédition de la plaine des Jones). 



108 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 

de pierriers. Les rebelles réfugiés daas ce repaire exerçaient 
des déprédations continnelles; cest pour y mettre un terme 
que Tamiral de la Grandière décida d envoyer une expédition 
contre ces pillards. Trois petites colonnes distinctes furent 
organisées pour marcher sur Tap-Muoy par les trois roules 
que nous avons signalées et commencèrent leur mouvement 
dans la matinée du 14 avril 1866. La colonne de droite, dite 
du Vaîco, commandée par le capitaine d'infanterie de marine 
Gally-Passebosc, comprenait 30 hommes d'infanterie de ma- 
rine, 30 hommes de la compagnie indigène, 45 miliciens 
annamites et 25 marins de la Fusée, au total 130 hommes; 
la colonne du centre, dite d'Apply, commandée par le chef 
de bataillon d'infanterie de marine DerAme, comprenait 
43 hommes d'infanterie de marine et 82 miliciens, au total 
125 hommes; la colonne de gauche, dite de Can-Lo, com- 
mandée par le capitaine d'infanterie de marine Boubé, com- 
prenait 28 hommes d'infanterie de marine, 33 hommes de la 
compagnie indigène, 60 miliciens et 4 marins dont un quar- 
tier-maitre, qui servaient un obusier de montagne, au total 
125 hommes. On voit que les trois colonnes étaient d'égale 
force et que l'artillerie de la marine n'y était pas représentée. 
Le 15 avril chacune des trois colonnes enlève les forts les plus 
avancés qu'elle rencontre sur sa route et l'ennemi se trouve 
refoulé dans les trois forts de Ob-Viep, Dong-Tieo et Dong- 
Ta, les plus rapprochés de Thap-Muoy et qui en formaient 
d'ailleurs les plus fortes défenses. 

La marche en avant fut continuée le 16 ; toutefois la colonne 
de gauche ayant trouvé une route impraticable dut s'arrêter 
et maintenir sa position; les deux autres colonnes purent 
avancer avec les plus grandes difficultés, au bivouac les 
hommes étaient dans Teau cr presque jusqu'à la ceinture?). La 
colonne du centre arriva dans l'après-midi devant le fort de 
Dong-Tien, défendu par 250 Annamites et àO pierriers. Le 
quan qui marchait entête avec les 82 miliciens tenta de l'en- 
lever sans attendre le détachement français, mais une grêle 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 109 

do mitraille atteignit en peu de. temps le tiers de ses hommes 
et il fut contraint de se replier. L'attaque fut renouvelée le 
17 avec toute la troupe. 

A ce même moment, la colonne de droite arrivait devant 
le fort de Dong-Ta, défendu par 300 Annamites sous les ordres 
directs de Tien-Ho et muni de àb petites pièces. Il était 
10 heures 30 du matin et la chaleur était déjà accablante; 
néanmoins le capitaine Gally-Passebosc, entendant le canon 
de Dong-Tien aux prises avec la colonne du centre, fait en- 
tourer le fort de trois côtés et ordonne Tattaque immédiate; 
sur deux côtés Teau est si profonde qu'on est obligé de faire 
pendre les gibernes au cou des soldats. La résistance est 
énergique, nos troupes s'avancent à découvert à 30 mètres 
des remparts malgré la vivacité du feu que les Annamites 
dirigent surtout sur les officiers et sur les soldats européens; 
pendant qu elles soutiennent ce feu avec une remarquable 
ténacité, les hommes de la compagnie indigène, sous l'impul- 
sion du sous-lieutenant Rouquette, escaladent le fort par le 
bastion de droite. Dès lors l'ennemi, qui a déjà d'ailleurs 
subi de grandes pertes, ne songe plus qu'à fuir et s'échappe 
dans diverses directions, à travers les marais où il est im- 
possible de le poursuivre. Ce hardi coup de main détermina 
l'évacuation de Dong-Tien et de Thap-Muoy, et ces deux forts 
furent détruits et brûlés le lendemain 18 avril, le premier 
par le commandant Derôme, le second par le capitaine Gally. 

Le 19, le but de l'expédition étant complètement atteint, 
ces deux colonnes rebroussèrent chemin ; la colonne de gauche , 
informée de ces résultats, se mit à son tour en route le 21. 
Nous avons eu, pendant cette affaire de quatre jours, 8 morts 
et 39 blessés (^î. Le fort de Ob-Viep, que la colonne de gauche 
n'avait pu atteindre, fut à son tour détruit le 25 par une 
colonne de miliciens envoyée spécialement à cet effet; c'était 
le dernier rempart des rebelles de la plaine des Joncs. 

^^) Ainsi répartis : colonne de droite, a morts, i5 blesses; du centre, 
3 morts, si blessés; de gauche, 3 morts, 3 blessés. 



no L* ARTILLERIE DE LA MARINE EN G0CHINCHC9E. 

Ce succès était surtout ioUportant, parce quii dëmontrait 
que les repaires les plus relirét de la Gochinchine n'étaient pas 
à Tabri de nos coups; il dut frapper profondément les hauts 
dignitaires de la cour de Hué, car le grand ministre Pfaan- 
Than-Giang, qni était alors en tournée d'inspection dans la 
proyince de Vinh-Long, crut devoir venir féliciter le Gou- 
verneur de la Gochinchine an sujet de cette victoire. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCBINÈ. llf 



CHAPITRE XIV. 

REVOLTE À TAT-N1NI1 EN 1866. 



Cependant la cour de Hué^ incorrigible dans sa mauvaise 
foi 9 ne se décidait pas à nous laisser la tranquille possession 
des provinces qu elle avait été obligée de nous céder et cher- 
chait sans relâche à nous créer de nouvelles difficultés : deux 
mois après Texpédition de la plaine des Joncs une insurrec- 
tion sérieuse éclatait brusquement à Tay-Ninh. Le 7 juin 
1866, un groupe de 2.000 hommes, Annamites de la frontière, 
Chams et Cambodgiens partisans du prétendant Pou-Combo ^^\ 
marché contre le fort de Tay-Ninb; le capitaine Savin de 
Larclause, inspecteur de ce poste » comptant sur son ascen- 
dant moral pour disperser le rassemblement, s'avance vers 
eux avec i^ne simple escorte de 20 hommes d'infanterie de 
marine, commandée par un sous-lieutenant; mais à peine 
est-il à leur portée qu il est entouré, vigoureusement attaqué 
et bientôt tué d'un coup de feu. L'escorte essaye vainement 
de le secourir, Tofficier qui la commande et plusieurs hommes 
sont tués à leur tour, les autres parviennent péniblement à 
rentrer dans le fort. 

Dès que la nouvelle de ce malheur fut connue à Saifgon , on 
se hâta d'envoyer des renforts, et le lieutenant-colonel Mar«- 
ehaisse, de l'infanterie de marine, fut chargé de poursuivre et 
de châtier les rebelles. Le 14 juin, il sortit avec t50 hommes 
d'infanterie et une section de canons de à R. de montagne, 
commandée par le capitaine Fournier, et rejoignit les rebelles 

(') On trouvera dans le chapitre suivant ie récit de la lutte soutenue par 
nos troupes contre ce prétendant Pou-Combo. 



112 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOCHLNCHINE. 

vers 3 heures de iaprès-midi ; il en était séparé par un ruis- 
seau marécageux, le rach Vinh; la tête de colonne, dans son 
ardeur à venger les victimes du 7 juin, franchit immédiate- 
ment le ruisseau pour se jeter sur Tennemi , mais elle rencontre 
un marais où elle s'embourbe et elle est entourée par les 
bandes rebelles; le colonel Marchaisse et une dizaine de ses 
hommes sont lues; rinfanterie se replie poursuivie vivement 
par les révoltés, mais le feu des deux pièces d'artillerie dirigé 
avec sang-froid et précision par le capitaine Fournier arrête 
bientôt ces masses et les force à se disperser dans les brous- 
sailles; le capitaine Fournier rassemble alors le reste de la 
colonne et la ramène à Tay-Ninh où il arrive à 3 heures du 
matin. L'ennemi, d'ailleurs, avait fait des pertes considé- 
rables, surtout par l'effet du tir à mitraille, à petite distance, 
dé l'artillerie et avait abandonné le champ de bataille en y 
laissant de nombreux cadavres. 

 la suite de cette fâcheuse affaire du Vinh, la garnison de 
Tay-Nitth fut portée à 500 hommes et celle de Tram-Bang fut 
également renforcée ^^\ tandis que des navires furent placés 
en station dans le Vaïco Oriental pour soutenir les mouve- 
ments des troupes. Les rebelles annamites, encouragés parce 
succès relatif, conçurent la pensée de venir nous attaquer à 
Saïgon et à Cholon. Toutefois ils n'osèrent pas s'y décider et 
se bornèrent à envahir, par surprise, dans la matinée da 
2A juin, le fort de Toug-Kéou défendu par 50 hommes de la 
compagnie indigène et 16 cavaliers. Ils escaladèrent sans bruit 
les parapets de l'enceinte et commencèrent à mettre le fort 
au pillage. La garnison put se rallier dans un coin du fort 
sous les ordres des officiers et ouvrit un feu très vif qui Gt 
dans les rangs des assaillants de larges trouées. Quand les 

()) On fit partir de Saigon, le i5 juin, pour Tay-Ninh, i lieatenaot 
d'artillerie avec i maréchal des logis, s brigadiers et 17 canonniers; le 
19 juin, pour Tram-Bang, 1 maréchal des logis, 1 brigadier et 6 canon- 
niers; le 24 juin, pour Toog-Kéou, s maréchaux des logis, 1 brigadier, 
1 9 servants et 7 conducteurs. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINCHINE. 113 

munitions furent épuisées, une charge vigoureuse à la baïon- 
nette refoula Tennemi hors de l'enceinte, et les spahis sautant 
sur leurs chevaux chargèrent les fuyards et les poursuivirent 
jusqu'à une demi- lieue au delà des glacis. Nous avions eu 
2 hommes tués et 7 blessés, mais Tennemi avait subi des 
perles bien plus considérables et laissé dix cadavres dans le 
fort sans compter ceux qu il avait pu emporter. 

tr Cette agression avait été facilitée par l'état du fort; de 
larges fossés, des remparts en gazons sont d'excellents ob- 
stacles contre de Tartillerie, mais ils nont point de valeur 
contre les indigènes qui se glissent dans Tombre, sans faire 
de bruit, ne sont armés pour la plupart que de lances et de 
sabres et ne sont redoutables que par la supériorité de leur 
nombre. Ce qu'il faudrait à nos troupes en Cochinchine, ce 
sont des réduits en maçonnerie, bien crénelés; 10 Français 
dans un pareil blockhaus avec leurs chassepots, et au besoin 
une petite pièce d'artillerie, pourraient défier toutes les at- 
taques d'une armée annamite ^^^ tj. 

Cette remarque du commandant Vial sur les fortifications 
en terre à grand développement de ci^te est fort juste, aussi, 
dans l'organisation des postes qui existent aujourd'hui en 
Cochinchine, on leur a partout substitué des blockhaus en 
maçonnerie à développement réduit. 

Le jour même de l'attaque de Tong-Kéou , les rebelles es- 
sayèrent une autre attaque contre Tram-Bang, mais le fort 
étant bien gardé, ils se retirèrent après avoir tiré contre le 
village quelques coups de pierrier. 

Les bandes annamites qui avaient assailli Tong-Kéou, 
Tram-Bang et menacé Cholon s'étaient recrutées principale- 
ment dans le canton de Cau-An-Ha, vaste triangle coupé de 

(') Via), Les premières années de la Cochinchine, t. II, p. 65. G^est dia- 
prés cet oavrage et diaprés des notes fournies par la direction d^artilierie 
de Saigon que nous résumons ici le récit de i^insurrection de Tay-Ninh, 
la correspondance du gouverneur de la Cochinchine relativement k cette 
affaire n^existe pas dans les archives. 

8 



114 L ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINGHINE. 

marécages qui s'étend depuis Tram-Bang jusqu'au Ben-Luc, 
d'une pari, et à Tarroyo Chinois, d'autre part, sur la rive 
gauche du Vaïco Oriental. Il fallait éviter de laisser reconsti- 
tuer dans ce canton un nouveau centre de rébellion comme 
ceux de Go-Coug et de Thap-Muoy; à cet effet une double 
attaque fut dirigée le 27 juin coqtre ces bandes. Le chef 
d'escadron d'artillerie Roche ^^^ partit de Tong-Kéou avec 
200 hommes d'infanterie, 100 miliciens et 2 canons de h rayés 
de campagne, tandis qu'un détachement de 50 marins, com- 
mandé par le lieutenant de vaisseau Rémiot-Lerebours, dé- 
barquait en face sur la rive gauche du Vaïco et s'avançait 
directement dans le Cau-An-Ha. Le commandant Roche s'em- 
para de vive force de la chaussée qui traverse les marais, 
passa la nuit à faire rétablir, en dépit d'une pluie battante, 
les parties qui avaient été coupées par l'ennemi et continua 
le lendemain sa marche en avant. Les marins de leur côté 
dissipèrent les bandes rencontrées et j^iurent leur prendre une 
petite pièce d'artillerie. Les rebelles, terrifiés par cette double 
attaque vigoureusement conduite, essayèrent de descendre sur 
Tram-Bang, mais reçus devant cette place par une fusillade 
bien nourrie, ils finirent par $e disperser, la plus grande 
partie remontant vers le Nord pour aller rejoindre, au Cam- 
bodge, les partisans de Pou-Combo. 

On avait aussi formé à Saigon une colonne volante prête 
à se lancer sur tout nouveau point qui serait menacé*^, elle 
comprenait : 

Infanterie : 1 officier, 2 sergents, 2 caporaux, 2A hommes. 

Cavalerie : 1 oflScier, 1 maréchal des logis, 1 trompette, 
12 cavaliers. 

Artillerie : 1 maréchal des logis, t brigadier, 8 canonniers 
(tous montés), avec une pièce de à et un caisson attelés à 
h chevaux. 

Cependant le commandant Alleyron qui avait remplacé à 

'^ Il était arrivé la veille de Saigon avec i maréchal des logis, 6 servants 
et 7 conducteurs. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE^ EN COCHINCHINE. 115 

Tay-Ninh le ii eu tenant-colonel Marchaisse ne restait pas in- 
actif. Le 2 juillet, il sortit avec àOO hommes et 3 obusiers 
de montagne coramande's par le capitaine Fournier. Cette 
fois ce fui Tennemi qui commença Tattaque à midi, voulant 
surprendre nos troupes qui venaient de faire halte dans une 
grande clairière. H s'élança tout à coup, en niasses nom- 
breuses, des broussailles qui entouraient cette clairière et dans 
lesquelles, suivant son habitude, il avait eu soin de se dissi- 
muler. Sous le choc de cette attaque imprévue, nos soldats 
se forment à la hâte, on dirige contre l'assaillant le feu de 
rinfanterie et de Tartillerie qui le déconcerte, une charge du 
peloton de cavaliers de la colonne achève sa déroute et ba- 
laye définitivement le terrain. 

Le lendemain, 3 juillet, en revenant à Tay-Ninh, la colonne 
rencontre une autre bande de 300 Annamites et la met éga- 
lement en déroute. 

Le 11 juillet, le commandant AUeyron fait une nouvelle 
sortie et rencontre les rebelles le 13, à Ba-Vang, où ils s'é- 
taient retranchés derrière quelques ouvrages palissades; nos 
troupes les délogent. 

Quelques débris de ces bandes étaient venus se réfugier à 
Binh-Toï, village situé dans les environs de Tan-An. L'in- 
specteur de cet arrondissement, accompagné par 2 aspirants, 
se mit en marche le 22 août avec un détachement de mili- 
ciens et quelques marins pour les chasser de ce repaire, mais 
il fut évacué précipitamment à leur approche, tr On y a trouvé 
59 pièces en bronze dont plusieurs avaient servi récemment, 
les autres étaient neuves. Ce dépôt appartenant au fils de 
Quan-Dinh constituait une de ses ressources les plus impor- 
tantes; sa destruction a produit un grand effet parmi les po- 
pulations qui habitent entre les Vaïcos^'^T). 

D'autre part, la garnison de Tay-Ninh parcourut pendant 
le mois d'août tous les environs de la place, pourchassant 

(') Courrier de Satgnn, du 5 septembre 1866, cité par ViaL 

8. 



116 UARTDLLERIE DE/LA MARINE EN GOCHINGEIINE. 

sans trêve les derniers débris de Tinsurrection, et Ton put dès 
lors considérer la révolte des Annamites de cette région 
comme définitivement réprimée. 

Le gouverneur jugea utile de donner un témoignage public 
de satisfaction aux officiers et aux soldats qui s'éteient distin- 
gués dans la pénible campagne qui avait assuré cette répres- 
sion, et il mit leurs noms à Tordre du jour par une décision en 
date du r** septembre 1866. L'artillerie, qui avait eu un rôle 
des plus efficaces dans cette campagne et surtout dans les 
journées du 14 juin et du 2 juillet, figure dans cet ordre du 
jour par les noms du capitaine commandant Fournier, d'un 
lieutenant, d'un maréchal des logis et de quatre canonniers. 

Le capitaine Fournier fut nommé chevalier de la Légion 
d'honneur pour sa belle conduite dans cette expédition (dé- 
cret du 10 novembre 1866), et un autre décret de même date 
conféra la médaille militaire au man^chal des logis Mivielle 
et à deux canonniers qui s'étaient particulièrement distingués 
sous ses ordres. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 117 



CHAPITRE XV. 

APFAIRBS DU CAMBODGE. LB'PRéTENDANT POU-GOHBO. 



Le royaume de Cambodge, qui se débattait depuis deux 
siècles entre les deux empires rivaux de Siam et de TAnnam, 
sous rinfluence desquels il se trouvait alternativement place, 
ëtail en réalité, au moment de la conquête de la Cochinchine, 
sous la dépendance de Tu-Duc, et en particulier sous la sur- 
veillance du vice-roi de Saigon. Il était naturel pour les 
Français qui s'étaient substitués au souverain annamite dans 
la possession de la Basse-Cochinchine de se substituer éga- 
lement à lui dans la suzeraineté qu'il exerçait sur le Cam- 
bodge. C'est ce qu avait parfaitement compris le contre-amiral 
de la Grandière, dès quil eut pris possession du gouverne- 
ment de la colonie. 11 se rendit donc auprès de Pra-Noro- 
dom, roi du Cambodge, et, secondé avec un grand dévoue- 
ment par le commandant Doudart de Lagrée, Texplorateur 
du Mékong, et aussi par Monseigneur Tévéque Miche, il put 
faire signer à ce monarque un traité qui le plaçait sous le 
protectorat de la France. Ce traité, signé par Norodom le 
11 août 1863 et ratifié par l'empereur Napoléon III le 3 juillet 
1864, plaçait non seulement le Cambodge sous notre protec- 
torat, mais encore nous livrait en toute propriété, pour y 
construire un fort et des dépôts de charbon, l'importante 
position des Quatre-Bras sur le grand fleuve du Cambodge 
avec un terrain de 500 mètres de longueur sur les deux rives 
du fleuve. 

Ce protectorat, si facilement acquis, demeura deux ans sans 
créer de diflicultés au gouvernement de la Cochinchine, mais, 
au mois de mai 1865, un bonze cambodgien du nom de Pou- 
Combo s'annonça tout à coup comme étant le fils d'un frère 



118 L'ARTILLERIE DE U MARINE EN GOGHINGUINË. 

afné du dernier roi du Cambodge, père de Norodom^^), et 
revendiqua ses prétendus droits de succession au trône. L*a- 
mirai fit \enir Pou-Combo à Saigon, l'engagea à y vivre 
tranquillement sous notre «protection et lui assura même des 
moyens d'existence. Pou-Combo parut accepter et vécut en 
effet pendant quelque temps dans une tranquillité au moins 
apparente, mais au mois de mai de 1866, au moment où al- 
lait éclater la révolte de Tay-Ninh, il disparut de Saigon et 
arriva sur la frontière du Cambodge, reo'utismt aussitôt des 
bandes armées et annonçant Tintention de reprendre par la 
force le trône dont il se prétendait l'héritier légitime. 

Nous avons vu que le premier acte des partisans du pré- 
tendant avait été de prendre part à la révolte de Tay-Ninh. 
Ils s'engagèrent ensuite dans l'intérieur du Cambodge pour 
marcher contre Norodom, qui envoya pour les combattre une 
troupe de 500 hommes, commandée par son ministre de la 
guerre; mais cette troupe fut battue le 18 août par les insur- 
gés et le ministre tué dans le combat. 

Quant aux Français, après la répression de la révolte de 
Tay-Ninh, ils furent empêchés par les pluies torrentielles et 
continues des mois d'août, de septembre et d'octobre, de 
poursuivre les succès de la campagne ouverte au mois de juin 
contre les rebelles et durent se borner, pendant cette saison 
pluvieuse, à les repousser du bord du fleuve et à intercepter 
les approvisionnements qui leur étaient envoyés des provinces 
occidentales de la Cochinchine. 

Les hostilités furent reprises le 22 novembre 1866^^^: une 
colonne de 600 hommes de toutes armes (dont 100 partisans 
annamites) partit le 20 novembre de Bung-Ro, village situé 
un peu au-dessus de Tay-Ninh , sur la rive droite du Vaïco 

^') Ce prince, nommé Ong-Gliang, n'avait laissé que des filles. 

(') Dans rintervalle (26 octobre) les Cambodgiens Gdèles à Norodom 
avaient été battus encore une fois par le prétendant, et celle défaite avait 
eu pour effet de faire tomber au pouvoir des insurgés Joute la province de 
Bap-Num. 



L* ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOCHINCHINE. 1 19 

Oriental, et marcha vers le N. 0. ralliant à elle les popula- 
tions cambodgiennes et recrutant de nombreux auxiliaires à 
mesure qu'elle avançait. L'ennemi fut vigoureusement pour- 
suivi et baltu dans deux ou trois rencontres. Pou-Combo re- 
connaissant la supériorité de nos armes évita dès lors d'ac- 
cepter le combat en rase campagne. A l'approche de nos 
soldats, ses bandes se dispersaient et disparaissaient à travers 
les broussailles pour aller se reformer phis loin, en avant, 
sur les flancs ou sur les derrières de nos colonnes. Enfin il se 
décida à passer dans la province de Compong-Soï et à nous 
abandonner celle de Bap-Num. La rapidité de ses mouve- 
ments lui permit d'échapper à nos colonnes, alourdies par 
les bagages qu'elles étaient obligées de traîner avec elles, et 
fatiguées par les ardeurs du climat; il avait déjà franchi le 
Mékong quand celles-ci arrivèrent sur la rive, le 7 décembre 
1866. 

Il y avait lieu de penser que le prétendant ne voulant plus 
tenir la campagne contre les troupes françaises lancées à sa 
poursuite irait se jeter dans les forêts du Laos, mais pour- 
rait, auparavant, tenter une attaque contre les capitales de 
Oudong et de Puom-Penh qu'il savait peu défendues. C'est 
pourquoi l'amiral de la Grandière envoya uq détachement 
de 300 hommes d'infanterie de marine, sous les ordres du 
chef de bataillon Brière de l'Isle, pour défendre ces capi- 
tales. 

Pendant ce temps la colonne de 600 hommes qui poursui- 
vait Pou-Combo, se divisa en deux parties : la première 
moitié continua la poursuite de l'ennemi dans la province de 
Compong-Soï, l'atteignit, le mit en déroute et, s'étant assurée 
qu'il cherchait maintenant à rejoindre les capitales et à les 
surprendre ^^î, elle revint sur le Mékong pour s'y embarquer, 
et se porter à la défense de ces deux villes; la seconde moitié 

t*^ il ignorait naturellement i^envoi de» 3oo hommes destinés à meUre 
ces places à l^abri dVn coup de main. 



120 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 

se dirigea sur Tay-Ninh par une route différente de celle 
quelle venait de suivre et rentra à Bung-Ro le 30 décembre, 
après avoir parcouru toutes les provinces de Bap-Nuin et de 
Compong-Soï, refoulant devant elle les partisans de Pou- 
Combo et prêtant la main aux opérations des troupes établies 
à Pnom-Penh et à Oudong; elle avait marché pendant trente- 
huit jours consécutifs. 

Pou-Combo, de son côté, avait continué sa marche rapide 
se dirigeant sur Oudong, pour en brusquer lattaque. Il ar- 
riva devant la place le 17 décembre, à la tête de 2.500 hommes, 
et, la croyant toujours faiblement gardée, il n'hésita pas à 
Tattaquer aussitôt sur plusieurs points à la fois et put même 
pénétrer dans la citadelle et dans le palais royal avec une 
partie de ses troupes (^), tandis que l'autre partie formait une 
colonne menaçant de nous couper la route de Compong- 
Luong; après une courte lutte, cette colonne fut repoussée, 
Tennemi fut chassé de Tenceinte oik il avait réussi à pénétrer, 
et les insurgés mis en déroute furent poursuivis pendant une 
demi-heure par nos miliciens. 

Celte attaque décida le gouverneur de la Cochinchine à 
faire partir pour Pnom-Penh le colonel Reboul, comman- 
dant supérieur des troupes, avec des renforts qui portèrent 
à 800 hommes Teffectif de la colonne expéditionnaire du Haut- 
Cambodge. 

L'échec de Pou-Combo devant Oudong ne l'avait d'ailleurs 
pas découragé; il continua ses manœuvres autour des deux 
capitales, s'efforçant de relever le moral de son armée, récol- 
tant de nouvelles recrues, préchant partout la guerre contre 
Tétranger, et formant autour des deux places comme une ligne 
d'investissement avec les Cambodgiens rebelles. Peu de jours 
après son arrivée, le colonel Beboul attaqua cette ligne sur 

<') Les partisans de Pou-Combo arrivés dans Tenceinte se mêlaient et se 
confondaient avec les partisans du roi , et purent approcher de nos soldats 
jusqu'à portée de pistolet avant d'êlre reconnus. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 121 

plusieurs points : des engagements eurent lieu le 3, le 7 et 
le 10 janvier 1867; Tennemi y subit des pertes 1res sensibles. 
L'affaire la plus importante fut celle du 10 janvier. Le com- 
mandant Domange ayant avec lui 81 bommes d'infanterie, 
4 artilleurs et àO miliciens, en tout 125 hommes, rencontra 
une bande de 1.500 insurgés, commandés par Pou-Gombo 
en personne et retranchés derrière des abatis d'arbres. Ces 
obstacles furent franchis malgré la résistance énergique des 
Cambodgiens, stimulés par la présence du prétendant; ceux- 
ci revinrent plusieurs fois à la charge avec beaucoup d'élan , 
mais finirent par être définitivement repoussés en laissant 
sur le terrain une centaine de morts et un grand nombre de 
blessés. Il n'y avait de notre côté qu'un seul homme blessé, 
ce qui permet d'admettre que ces bandes, qui avaient fait 
preuve pourtant de courage et de ténacité, étaient bien mal 
armées et probablement à peu près dépourvues d'armes à 
feu. Le 7 janvier, le résultat avait été le même : les rebelles 
cambodgiens au nombre de 1.500, aidés par 200 Annamites 
sous les ordres du fils de Quan-Dinh, avaient subi des pertes 
considérables, sans qu'il y ait eu un seul homme atteint de 
notre côté. Les documents officiels ne font d'ailleurs aucune 
mention de l'armement de ces bandes grossies, dans chaque 
village traversé par le prétendant, à l'aide des pauvres habi- 
tants qui ne devaient évidemment avoir en leur possession 
ni armes à feu ni munitions de guerre ^^\ 

Ces échecs successifs affaiblirent naturellement le prestige 
dePou-Combo, qui fut abandonné par une grande partie de 
ses hommes et dut se réfugier vers le Nord, dans les contrées 
sauvages où il était hors d'atteinte. 

Pendant que le prétendant était ainsi refoulé, les troupes 
de la garnison de Tay-Ninh poursuivaient dans leurs derniers 

(^) Dans les dernières affaires du Cambodge ( 1 88 A- 1 885 ) , qui ressemblent 
beaucoup à celles de 1866-1867 (révolte de Si-Volha tout à fait analogue 
à celle de Pon-Gombo), les bandes rebelles n^étaient souvent armées que 
de bâtons. 



122 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINGHINE. 

repaires les insurges annamites que nous avons vu faire cause 
commune avec ses partisans. Le 8 janvier 1867, une colonne 
de 170 hommes partie de TayNlnh, sous les ordres du capi- 
taine de la Broue et dans laquelle figurait un détachement 
d artillerie avec le capitaine Basset, commandant de la 
24* batterie, s'empare du fort d'An-Cu, énergiquement dé- 
fendu par la troupe nombreuse de Cambodgiens et d'Anna- 
mites qui l'occupaient; la lutte dura une heure et demie et 
nous coûta 2 tués et 21 blessés. Le capitaine Basset, qui se 
distingua dans cette affaire, y reçut pour sa part cinq bles- 
sures. La colonne, sans vivres et sans moyens de transport 
pour les blessés, dut renoncer à poursuivre l'ennemi et ren- 
trer immédiatement à Tay-Ninh. Elle revint quelques jours 
après à An-Cu pour détruire les fortifications et les magasins 
qu'elle n'avait pas eu le temps de raser le 8 janvier. Les re- 
belles^ mis en fuite et vigoureusement poursuivis, se dispersè- 
rent dans les bois, laissant entre nos mains presque toutes 
leurs armes et leurs munitions. Ce dernier échec de l'insur- 
rection acheva de pacifier les environs deTay-Ninh. Qu^l^iues 
bandes essayèrent pourtant de s'y reformer dans le cours du 
mois de février, mais, ne so sentant pas en force, elles remon- 
tèrent également vers le Nord après avoir pillé quelques vil- 
lages. 

l<n retour ofTensil' des rebelles cambodgiens, qui s'étaient 
cantonnés après leur défaite sur la rive gauche du Mékong, 
se produisit au mois de mai (1867). Ils vinrent attaquer les 
villages de notre frontière du Nord, qui durent être évacués 
par les habitants, trop faibles pour opposer isolément une ré- 
sistance sérieuse. Ceux-ci se réfugièrent au nombre de 6.000 
environ à Go-Xay sur la rive droite du grand Vaïco, et un 
détachement de miliciens, appuyé par deux canonnières, fut 
euvoyépour protiger leurs campements. 

Ce retour offensif, provoqué par un mouvement maladroit 
des généraux de Norodom charges de poursuivre les partisans 
de Pou-Combo après la défaite et qui s'étaient laissés sur- 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOCHINCHINE. i23 

prendre, par le prétendant, dans une marche de flanc, dé- 
couragea les Cambodgiens fidèles des provinces du Sud. L'a- 
miral de la Grandière, cédant à leurs sollicitations, désigna 
le prince PraKéo-Pha, frère de Norodom, pour gouverner et 
défendre ces provinces; les habitants, parmi lesquels il jouis- 
sait d'une grande popularité, se rallièrent autour de lui, et un 
détachement de 120 soldats français fut envoyé à Go-Xay pour 
le soutenir. Ces mesures suflSrent pour mettre fin aux agres- 
sions des rebelles et décider leur retraite. Le prince les pour- 
suivit, rétablissant partout les habitants paisibles dans les 
villages abandonnés et recueillant sur sa route de nombreuses 
adhésions. La fortune n'élait plus favorable au prétendant; 
les Annamites qui formaient le noyau le plus solide de son 
armée l'abandonnèrent et il dut renoncer à la lutte. 

Quatre de ces Annamites, dont un chef important, furent 
arrêtés près de Banam et livrés au capitaine de la canonnière 
la Massue y qui les porta à Saifgon. On trouva sur eux des pa- 
piers compromettants pour la cour de Hué, car ils prouvaient 
une fois de plus que nos adversaires avaient constamment 
trouvé un refuge et des secours dans les provinces de l'Ouest, 
et ce dernier incident poussa le gouverneur de la Cochin- 
chine à hâter l'exécution du projet, conçu déjà depuis long- 
temps, de s'emparer de ces trois provinces. 



\2à L*ÂRTILLER1£ DE LA MAEUNE EN COGHINGHINE. 



CHAPITRE XVI. 

PRISE DES TROIS PROVINCES DE L'OUEST. 



On a |)u constater, en voyant se renouveler chaque année, 
depuis la conquête des provinces orientales de la Basse-Co- 
chinchinc, des troubles périodiques et des révoltes plus ou 
moins étendues, combien la répression locale de ces rébel- 
lions était inefficace. A la pacification imposée sur un point 
par les armes des troupes expéditionnaires succédait bientôt 
sur un autre point du territoire une agitation semblable à 
celle qu on venait d'élouffer. C'est que les rebelles dispersés 
trouvaient toujours après la lutte un refuge assuré dans les 
provinces de Fouest encore soumises à la domination, de Tu- 
Duc. Ils y trouvaient même un appui efficace et des encoura- 
gements de toute sorte, car les autorités annamites leur four- 
nissaient de l'argent , des armes, des munitions, et donnaient 
aux chefs annamites révoltés des grades et des distinctions 
honorifiques. 

L'amiral avait fait plusieurs fois des représentations à la 
cour de Hué à ce sujet sans jamais obtenir une satisfaction 
convenable. Il avait été amené à conclure que notre colonie 
ne pourrait jamais être complètement pacifiée tant que les trois 
provinces de l'ouest resteraient entre les mains de Tu-Duc et 
que, pour sauvegarder la tranquillité de notre territoire, il 
fallait substituer dans ces trois provinces la domination de la 
France à celle du roi d'Annam. 11 sut faire'partager celle con- 
viction au gouvernement métropolitain et fut autorisé par lui à 
prendre possession des trois provinces occidentales, reportant 
ainsi les frontières de la colonie jusqu'à la mer et supprimant 
par suite, de ce côté, tout voisinage importun. 

Dès lors il se prépara à agir au moment opportun, com- 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGUINGHINE. 125 

binant secrètement toutes les opérations nécessaires à la prise 
de possession, à l'occupation et à Tadministration des pro- 
vinces de Ving-Long, Chaudoc et Halien. 

Le 17 juin 1867, tous ses préparatifs étant terminés, il 
adressa à rrSon Excellence Phan-Than-Giang, vice-grand cen- 
seur du royaume d'AnnamTî, qui se trouvait alors à Vinh-Long 
oli il exerçait le gouvernement supérieur des trois provinces, 
une dépêche où il demandait la cession immédiate de ces pro- 
vinces. Voici le passage le plus caractéristique de celte dé- 
pêche : 

rrLe Gouvernement français, disait Tamiral, a apprécié 
comme elle devait Têlre la situation dans laquelle se trouve 
le territoire qui lui est soumis et a reconnu que les désordres 
qui s'y sont manifestés pendant quelque temps et qui ont 
continué à se perpétuer au Cambodge, pays placé sous son 
protectorat, ne provenaient que du fait des Annamites re- 
belles, dont une grande partie appartenait à la province de 
Chaudoc, et obtenait les encouragements occultes des manda- 
rins qui n'ont cessé , par tous les moyens en leur pouvoir, de 
fomenter la révolîe et de susciter des embarras. En consé- 
([uence, j'ai Thonneur d'informer Votre Excellence que, pour 
faire cesser cet état de choses et aGn d'asseoir l'autorité de la 
France dans ces contrées , j'ai reçu l'ordre de m'emparer, de 
gré ou de force, des provinces placées au sud de la Cochin- 
chine. Je viens en donner avis à Votre Excellence en la priant 
instamment, afin d'exiler une effusion de sang inutile, d'ac- 
céder à la cession dont il s'agit. Dans le cas où, contre mon 
désir, il n'y aurait pas moyen d'arriver à une entente à l'a- 
miable, je me mettrais immédiatement en mesure d'agir par 
la force. T) 

La réponse de Phan-Than-Giang à un pareil ultimatum ne 
pouvait guère être que négative. Le gouverneur de la Cochin- 
chine ne paraît pas avoir attendu celte réponse, car dès le 
lendemain du jour où il avait envoyé cette dépêche il entrait 
en campagne. Le 18 juin, en elfet, l'amiral de la Grandière, 



126 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINGHINE. 

accompagné de tout son état-major, quitta Saigon à bord de 
son yacht YOndine, pour aller diriger en personne l'ensemble 
des opérations qui devaient nous mettre en possession des 
trois provinces; il arriva à Mytbo le 19 et y trouva réunis 
tous les navires qui devaient prendre part à Texpédition^^). 
Celte flottille était dirigée par le capitaine de frégate Galey, 
commandant de Taviso le Bien-Hoa, 

Les troupes expéditionnaires, placées sous les ordres du 
colonel Reboul, furent aussitôt embarquées. Elles formaient 
un total d'environ 1.000 hommes, à savoir neuf compagnies 
d'infanterie de marine et une compagnie indigène, un déta- 
chement d'ouvriers du génie commandé par le chef de ba- 
taillon Bovet, et un détachement d'artillerie commandé par 
le chef d'escadron de Guilhermy. Ce détachement comprenait 
une batterie commandée par le capitaine Piton-Bressant, et 
une quinzaine d'ouvriers sous les ordres du capitaine Bour- 
diaux. En passant à Mytho, l'artillerie prend le capitaine en 
second Croizier qui s'y trouvait détaché et le matériel com- 
prenant à canons de 4 B. de montagne avec 24 caisses de 
munitions, et un affût de rechange, 2 mortiers de 15 centi- 
mètres approvisionnés à 100 coups et 42 fusées de guerre avec 
3 chevalets. 

En outre, AOO miliciens placés sous les ordres spéciaux du 
directeur de l'intérieur et 200 coolies étaient embarqués sur 
des jonques traînées à la remorque par les navires. 

rr A minuit, la flottille appareilla et remonta lentement le 
cours du fleuve en ligne de bataille. Au jour (20 juin), une 
brume épaisse couvrait le pays et les navires défilèrent invi- 
sibles devant Vinh-Long, s'engageant les uns après les autres 
dans la passe étroite que l'amiral Bonard avait forcée si glo- 



^*) Aviso à vapeur Bien-Hoa; canonnières Hallebarde, Bourdais, Mi- 
traille, Fauconneau, Sagaie, Fusée, Arc, Yatagan, Flamberge; aviso à 
yappur Alom-Prah; canonnières-transports Egpingole, Glaive, Framée et 
Fleuret; en tout, avec VOndine, dix-sept bâtiments. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 127 

rieusement einq années auparavant. A 7 heures et demie, 
toute la division e'tait à l'ancre; plusieurs compagnies d'in- 
fanterie de marine avaient été mises à terre sur les côtés de 
la place en face de laquelle les navires étaient à leur poste 
de combat. 

ffUne légère brise dissipait alors le brouillard, et au mo- 
ment où uii aide de camp de l'amiral vint sommer la cita- 
delle de se rendre, les chefs annamites purent s'assurer que 
toute résistance serait inutile contre les forces qui les entou- 
raientî^î.15 

Phan-Thau-Giang ne disposait pas en effet de forces sus- 
ceptibles de lutter avec celles accumulées par l'amiral de la 
Grandière et qui venaient de faire si brusquement apparition 
devant Vinh-Long. Il dut se résoudre à rendre immédiatement 
la citadelle, et, accompagné du gouverneur particulier de 
Vinh-Long, il se rendit à bord de YOndine pour faire sa sou- 
mission à l'amiral, recommandant aux mandarins et à la po- 
pulation annamite qui l'avaient accompagné sur le quai le 
calme dont il leur donnait l'exemple. 

Les soldats annamites évacuèrent la citadelle à midi, et 
nos troupes l'occupèrent dans Ja soirée. Le matériel de guerre, 
les armes et les munitions restaient en notre pouvoir. Le ca- 
pitaine d'artillerie Croizier, capitaine en second de la 23* bat- 
terie, fut laissé à Vinh-Long avec mission de recueillir et de 
recenser ce matériel. 

Le jour même, un petit détachement de soldats et de mi- 
liciens fut embarqué pour Sadec, important et riche marché 
situé sur le fleuve à une petite distance de Vinh-Long et s'en 
empara sans coup férir, tandis que les troupes d'infanterie et 
d'artillerie destinées à constituer la garnison de Vinh-Long 
s'installaient dans les casernements de la citadelle, sous les 
ordres du colonel Reboul , désigné pour prendre le comman- 
dement des trois provinces. 

^*) Vial, Leê premièrei années d$ la Cochinchine^ t. II, p. is8. 



128 L' ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 

Le lendemain 21 juin, Taniiral, ne voulant pas laisser au 
gouverneur de Chaudoc le temps de se reconnaître, fit appa- 
reiller à 5 heures du matin une flottille composée du Bien- 
Hoa et des canonnières Alarme y Fusée, Fleuret, Bourdais, 
Hallebarde eiFlamberge, emportant 415 hommes d'infanterie 
et d'artillerie avec 300 miliciens ou coolies annamites. La 
flottille était commandée par le capitaine de frégate Galey, 
accompagné du directeur de Tintérieur et des directeurs de 
Tarlillerie et du génie (commandants de Guilhermy etBovet); 
les troupes embarquées étaient sous les ordres du chef de ba- 
taillon Domange. Coomie garantie supplémentaire, Tamiral 
avait demandé à Phan-Than-Giang des instructions écrites pour 
les gouverneurs particuliers de Chaudoc et d'Hatien placés, 
comme on sait, sous sa dépendance. Ces instructions faisaient 
connaître qu il avait été obligé de remettre la citadelle de 
Vinh-Long aux Français, recommandaient aux populations 
de se tenir tranquilles et signalaient les promesses de sécurité 
faites par Tamiral aux fonctionnaires et aux populations qui 
ne devaient subir aucun dommage du fait de notre prise de 
possession. 

Le commandant Galev arriva devant Chaudoc avec sa flot- 
tille le 21 juin à 8 heures et demie du soir. Dans l'après-midi, 
il avait capturé en passant dans le canal de Yam-Nao une 
jonque mandarine portant le gouverneur d'Hatien, en tour- 
née d'inspection, et s était empressé d'arrêter ce haut fonc- 
tionnaire, de le prendre à bord do Bien-Hoa et de lui com- 
muniquer les instructions de Phan-Than-Giang. 

Quelques instants après que la flottille eut mouillé en face 
de l'entrée principale, une jonque montée par un mandarin 
militaire du grade de lanh-binh (officier général) vint deman- 
der ce que voulaient les Français. On répondit qu'on avait à 
communiquer au gouverneur des instructions de Phan-Than- 
Giang et qu'on l'invitait à venir en prendre connaissance. 
Celui-ci refusa d'abord de quitter sa forteresse pendant la 
nuit; puis, sur les instances formelles du commandant Galey, 



L^ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHlNCHlNE. 129 

il se décida à venir à bord du Bien-Hoa à 1 1 heures du soir. 
C'était, parait-il, un homme résolu , elles Annamites croyaient 
bien qu'il défendrait énergiquement la place de Chaudoc. 
Mais la missive formelle de son supérieur le déconcerta telle- 
ment qu'il se borna à demander un court délai pour remettre 
la citadelle; ce délai lui fut d'ailleurs refusé, et à minuit 
le commandant Galey, accompagné du directeur de l'inté- 
rieur, allait coucher dans la forteresse avec une escorte de 
100 hommes^ 

L'amiral arriva le lendemain 22 juin à midi et fut surpris 
de trouver déjà la citadelle occupée. On procéda comme à 
Vinh-Long : une garnison d'infanterie, avec deux sections 
d'artillerie, fut installée dans la citadelle et le capitaine en 
premier d'artillerie Pitou-Bressant , commandant des sections, 
fut chargé de recueillir et d'inventorier le matériel de guerre 
de toute espèce que la remise de la citadelle laissait entre nos 
mains. Tandis qu'il se livrait à cette besogne avec l'ardeur 
qu'il mettait en toutes choses, il contracta le germe d'une 
maladie qui s'aggrava bientôt par les fatigues de son labeur 
journalier. Il fallut le ramener à l'hôpital de Saigon, oi^ il 
mourut le 27 septembre 1867. 

Le 23 juin , le commandant Galey quitta Chaudoc pour aller 
prendre possession d'Hatien, ce qui devait être la fin et le 
couronnemeni de l'expédition jusque-là si heureusement et si 
rapidement conduite. La présence du gouverneur de Hatien 
qu'il emmenait avec lui et qui, avant de partir, avait promis 
à l'amiral'de faciliter au commandant l'approche de la cita- 
delle et d'en faire ouvrir les portes permettait d'ailleurs de 
prévoir que la fin de l'expédition serait aussi heureuse que le 
commencement. 

La flottille qui se dirigeait sur Hatien se composait de la 
canonnière la Flamberge, d'une chaloupe à vapeur et de 
22 jonques. Les troupes embarquées comprenaient une demi- 
compagnie d'infanterie de marine, une compagnie indigène, 
une section de fusiliers marins, la compagnie de 50 mili- 



130 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHlNGHmE. 

ciens du quan Tan, et un détachement d'artillerie formé de 
15 canonniers- ouvriers avec 2 obusiers de montagne sous les 
ordres du capitaine Bourdiaux, capitaine en second à la 
6' compagnie d'ouvriers. 

Cette flottille s'engagea à midi dans le canal de Vinli-Te, 
qui relie Chaudoc à Hatien, voie étroite et peu profonde 
creusée pour faire communiquer le bras inférieur du Mékong 
avec le golfe de Siam. La canonnière la Flamberge ne put ar- 
river jusqu'au bout, faute de fond, et restu échouée aux trois 
quarts du parcours, qui est environ d'une quarantaine de 
milles. La chaloupe à vapeur continua seule avec les jonques 
chargées de troupes. Elles arrivèrent en vue de la place dans 
la matinée du '24 juin; le fort domine le débouché du canal 
dans une vaste baie qui est envahie à la fuis par les alluviona 
mêmes du canal et par les sables de la mer; aussi quand les 
embarcations voulurent se déployer en bataille devant le dé- 
barcadère, la plupart s'échouèrent sur des hauts-fonds. La 
jonque porlant le quan Tan et ses 50 miliciens, auxquels 
s'était joint le capitaine Bourdiaux, put cependant accoster 
sans retard avec Tembarcation du commandant Galey. Tous 
les fonctionnaires annamites et les habitants notables étaient 
venus sur le quai pour le recevoir. Après avoir fait lire à la 
population, en présence du gouverneur d'Hatien, qui ne 
l'avait pas quitté depuis le 21 juin, les ordres et les procla- 
mations de l'amiral, il prit solennellement possession, au 
nom de l'empereur des Français, de la citadelle, qui (ut d'a- 
bord occupée par les matas du quan Tan en attendant le 
débarquement des autres troupes. Le lendemain, 25 juin, le 
capitaine Bourdiaux fut chargé de parcourir l'extérieur de 
l'enceinte fortifiée, et constata dans cette reconnaissance que 
tous les alentours du fort étaient bieii réellement évacué» et 
abandonnés; puis il eut à recueillir et à recenser les impar- 
tants approvisionnements d'armes et de munitions qui exis- 
taient dans les magasins de la citadelle. Les soldats annamites 
qui formaient la garnison de la place furent licenciés et s'em- 
pressèrent aussitôt de rentrer dans leurs villages. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. \M 

La prise d'Hatien, qui donnait à la Cochinchine sa fron* 
tière naturelle sur le golfe de Siam, mettait fin à rexpëdition. 

L'amiral de la Grandière, en rendant compte au Ministre 
de celte courte mais fructueuse campagne, s'exprimait dans 
les termes suivants : «Cette conquête a été accomplie en 
moins de huit jours sans coup férir, fjes importantes cita- 
delles de Vinh-Long, de Chaudoc et de Ha tien, surprises 
par la rapidité de nos préparatifs et Taudace de nos monve- 
ments(^), n'ont pas hésité à nous ouvrir leurs portes, et à nous 
livrer un approvisionnement considérable de canons, de fu- 
sils, de matériel de toute espèce. Les autres poiots stratégi- 
ques de la Basse-Cochincbine ont été occupés sans résistance. i) 

Comme épilogue de cette conquête, il y a lieu de mention- 
ner ici la mort touchante de Phan-Than-Giang, qui ne voulut 
pas survivre après la perte des trois provinces dont il avait la 
haute administration. Ce vieillard de soixante^quatorze ans, 
qui avait consacré sa longue vie avec le plus grand dévone* 
ment au service de son pays, qui avait occupé les fonctions 
les plus élevées de l'empire et fait preuve toujours d'un désin- 
téressement absolu, qui, après avoir lutté longtemps avec vi- 
gueur contre notre influence, avait été assez sage et assez 
intelli[>ent pour se faire auprès de Tu-Duc le champion de la 
modération et de l'entente loyale avec les Français, couronna 
son existence si pure et si honorable par une fin digne des 
héros de l'antiquité. Le 4 juillet, après avoir fait k ses Gis 
toutes ses recommandations et écrit au gouverneur de la 

(^) L'amiral aurait pu ajouter «et effrayées par la masse des forces que 
nous avions rassemblées» ; car il est probable que si Ton ne s'était pas pré- 
senté en force devant ces places elles auraient élé tente'es de nous opposer 
de la résistance. Si toute effusion de sang a été évitée, c'est que Phan-Than- 
Giang a pu se convaincre immédiatement que les ressources dont ii dispo- 
sait ne lui permettaient pas de résister sérieusement à une attaque com- 
binée de la flottille et des troupes expéditionnaires. On doit ici i^connaitre 
une fois de plus Timmense avantage qu'il y a à se présenter tout d'abord 
avec des forces lai*gement sufiisantes pour arriver au but qu'on se propose 
d'atteindre. 



132 L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINË. 

Cochincbine u-ne lettre â*adieu dans laquelle il exprimait une 
haute estime et un vif attachement pour Famiral Bonard, il 
s'empoisonna devant tous ses parents réunis en avalant une 
forte dose d opium et mourut avec une calme résignation le 
lendemain 5 juillet 1867. L'amiral de la Grandière lui fit 
rendre les honneurs funèbres et envoya une lettre de condo- 
léances à son fils aîné. 

Ce n était pas d'ailleurs le seul homme remarquable que 
nous ayons rencontré devant nous dans cette conquête de la 
Cochincbine. H est un autre nom qu'on peut rapprocher de 
celui de Phan-Than-Giangel réunir dans la même estime. C'est 
celui du grand maréchal Nguyen-Tri-Pbuongfqui avait com- 
mandé contre nous l'armée annamite de Tourane, puis celle 
de Chi-Hoa. Blessé au bras dans cette dernière affaire, il se 
retira d'abord à Bien-Hoa, puis fut envoyé commander les 
troupes annamites au Tonkin , où il servit avec le même dé- 
vouement et la même valeur. A la fin de 1866, il fut rappelé 
à Hué, comme ministre de la guerre, à la suite d'un complot 
qui avait failli coûter à Tu-Duc le trône et la vie; le vieux 
maréchal rentra dans la capitale à la tête de quelques troupes 
d'élite qui venaient de faire la guerre sous ses ordres. 

rr Devant lui un soldat portait, déployés au bout d'une 
lance, les vêtements modestes et usés qui lui avaient servi 
pendant la campagne. C'étaient tous ses bagages. Nguyen-Tri- 
Phuong voulait montrer ainsi à la foule qui se pressait sur 
son passage qu'il avait servi son pays sans essayer de s'enri- 
chir par les exactions et le pillage. Ce désintéressement absolu 
était bien réel. C'était un exemple de vertu militaire, bien rare 
en Asie, et qui aurait été digne de nos héros les plus illus- 
tres; il fait le plus grand honneur à ce vieux défenseur de 
l'Annam^^J.fl 

(^) Vial, Lei première» année» de la Cochinchine, t. II, p. gâ. 



L'ARTIIXERIE DE LA MARINE EN COCHINCflINE. 133 



CHAPITRE XVII. 

PACIFICATION DÉFINITIVE DE LA COCHINGHINE. 



La conquête des trois provinces devait fatalement conduire 
bientôt à la pacification définitive de la Cochincbine et du 
Cambodge, et ses premiers effets ne tardèrent pas à se faire 
sentir. Pou-Combo privé des ressources de toute espèce qu'il 
recevait jusqu'alors de Cbaudoc, arsenal attitré de l'insur- 
rection permanente, fut atteint le 17 juillet près de Tam-Rall 
par le prince Pra-Kbéo-Pha à la tête de àMO Cambodgiens, 
complètement battu et réduit à se réfugier encore une fois 
dans le Laos, n'ayant plus cette fois avec lui que quelques 
partisans cambodgiens, les alliés annamites l'ayant aban- 
donné pour rentrer dans leurs villages et les tribus Chams 
ayant aussi regagné leurs cantonnements habituels. 

Il fut cependant en mesure de tenter un nouvel effort à la 
fin du mois de novembre et se dérobant à la poursuite du 
prince Pra-Khéo-Pha, il parvint à se jeter avec une centaine 
d'hommes dans la province de Compong-Soai. Mais la popu- 
lation, lasse d'être pillée par les rebelles, attaqua cette pe- 
tite troupe avec vigueur, tua sur place 34 de ses hommes et 
s'empara du prétendant lui-même qui s'était défendu avec la 
plus grande énergie et était criblé de blessures. On le chargea 
dans une barque pour le conduire à Pnom-Penh, mais il 
mourut dans le trajet, 3 décembre 1867^^^ Sa tête coupée 
immédiatement fut apportée au roi; elle fut exposée auprès 
du palais avec celle de trois de ses principaux partisans. 
Ainsi finit l'insurrection de Pou-Combo. 

^*) Il est possible que Pou-Combo soit mort des suiles des blessures 
reçues dans ie combat, mais it est possible aussi qu^ii ait ét^ achevé en 
roule par les hommes auxquels il était confié. 



iZh L'ARTILLËRIK DE LA MARINE £N COGHINGHINE. 

Pendant ce temps d autres (roubles, excites par les fils de 
Phan-Than-Giang, auxquels leur père avait laissé le soin de le 
venger, se produisaient sur le territoire môme des provinces 
récemment annexées. Au commencement du mois d'août une 
première bande se montre près de Bentré et est dispersée 
par des miliciens et des indigènes fidèles; le 26 août uue 
autre bande bostile se Forme près de Long-Dien, dans Tin- 
spection de Tra-Vinh. Le lieutenant Dulieu, inspecteur de cet 
arrondissement, marche à sa rencontre avec Téquipage delà 
Lorcha n"* i (1 aspirant et 8 marins), 1 caporal d'infanterie 
de marine et 28 miliciens. Ces miliciens encore peu éprouvés, 
voyant que la bande attaquée comptait près de 300 hommes, 
sont pris de peur et s'enfuient au commencement de Taction. 
Les Français trop peu nombreux sont obligés de se replier 
après une lutte acharnée : le caporal d'infanterie et 3 mili- 
ciens avaient été tués, 1 matelot grièvement blessé. Ce petit 
échec fut réparé huit jours après. 1 capitaine d'infanterie de 
marine avec 25 soldats et 60 miliciens, plus l'aspirant et 
6 marins de la Lorcha, rencontra la bande rebelle et par un 
combat de deux heures la dispersa après lui avoir fait subir 
de grandes pertes. 

Cependant l'agitation se continuait dans le Sud de la pro- 
vince de Vinh-Long et au commencement du mois de no- 
vembre, les fils de Phan-Than-Giang,qui jusqu'alors s'étaient 
contentés de provoquer la rébellion, quittèrent leur village 
pour aller y prendre personnellement une part plus efl'ective. 
Dans la nuit du 9 au 10 novembre l'inspecteur de Tarron- 
dissement de Bentré qui s'était rendu avec une faible escorte 
à Huong-Diem, sur le canal de Bentré, pour y arrêter les 
perturbateurs qui lui étaient signalés, fut attaqué par les re- 
belles et eut de la peine à se dégager. Le gouverneur comprit 
qu'il fallait comprimer énergiquement ce commencement de 
rébellion sans lui laisser le temps de se développer. Grâce 
aux ordres transmis télégraphiquement de Saigon a Vinh- 
Long, 150 hommes d'in/anterie de marine, avec un obusier 



LiniLLEME DE U IIARLNE EN COCHDKCHLXE. 1S5 

de moDUgne serti par Farlillerie el 900 miliciens, parait are 
coDcentrés à Benlré le soir da 1 1 noTembre. Le 12 au inatiii. 
ces 350 homioes embarqués sur trais canonnières, sous les 
ordres dn capitaine de frégate Ansart , commandant sapériear 
de la proTÎnce de Vinb-Long, sniraient le canal jnsqa^à 
Hiiong-Diem et dispeisaient one bande qui roulait s opposer 
à leur débarquement. La petite troupe se partagea alors en 
deux parties : Tune marchant vers le Nord , lautre marchant 
vers le Sud, de manière à pourchasser les groupes rebelles 
dans foutes les directions ; la même opération fut continuée 
le 13 et dans la journée 4lu th on rentrait à Benlré, après 
aToir déblayé le terrain et en laissant à Huong-Diem un ])oste 
de 50 miliciens. 

Le lendemain, 15 novembre, la colonne reformée à Ben- 
tré et comprenant environ 200 Français et 200 miliciens ^'K 
toujours sous les ordres du commandant Ansart, i*eprit la 
poursuite dos rebelles et alla débarquer près du village de 
An-thoi. Elle marcha toute la journée suivant de mauvais 
sentiers à travers les bois, les rizières et les marais, chemin 
difficile snrtoat pour les artilleurs qui traînaient à bras leur 
obusierde montagne. Elle dispersa, chemin faisant, une pe- 
tite bande armée d'un pierrier et vint bivouaquer pendant 
la nuit près du village de Bentré; à 2 heures du matin le 
campement fut assailli par une Iroupe nombreuse de rebelles 
qui se précipita avec un grand élan sur toute Tétendue des 
lignes de la colonne. Celle-ci formée en carré dirigea à bout 
portant un feu de mousqueterie violent sur la masse des as- 
saillants : quand la petite pièce d'artillerie placée au centre 
du carré était prête à tirer. Tune des faces s^ouvrait pour lui 
permettre f renvoyer sa mitraille à Tennemi. La vigueur de ce 
feu rapproché eut bientôt raison de Tiropétuosité de Tattaque 
et au lever du jour la troupe des insurgés s'était dispersée, 
laissant de nombreux, cadavres à quelques mètres des lignes 

^^^ Parmi lesquels ceux de Go-Cong, romniamlés par le quan Taiî. 



136 r ARTILLERIE DE LA MARINE EN COGHINGHINE. 

françaises. Les milicieDS Turent chargés d'en poursuivre les 
débris et ramenèrent dans la journée du 16 une quarantaine 
de prisonniers après avpir renconiré partout, couchés dans 
les rizières, des morts et des blessi's. Cette troupe avait été 
lancée à lattaque parles fils dePhon-Than-Giang, mais ceux- 
ci s'étaient enfuis avant le jour, dès qu'ils avaient perdu Tes- 
poir du succès; leurs malheureux partisans s'étaient battus 
avec un grand courage , mais complètement dépourvus d'armes 
à feu, ils n'avaient pu que se faire (uer sur nos lignes sans 
nous causer aucune perte : deux miliciens seulement furent 
légèrement blessés. 

Cette affaire de Ba-Tri découragea complètement les re- 
belles et tous les villages de l'inspection de Benlré s'em- 
pressèrent de faire leur soumission. La révolte des fils de 
Phan-Than-Giang se terminait ainsi , en même lemps que celle 
du prétendant cambodgien : désormais la pacification de la 
colonie était assurée. 

Mais après tant de luttes et de lentatives de révolte, après 
les troubles incessants de plusieurs années, l'agitation sou- 
levée par les agents de Tu-Duc ne pouvait s'éteindre sans 
n^anifester encore quelques courtes convulsions. 

Au Cambodge, un dernier mouvement des pillards et va- 
gabonds qui formaient les débris des Landes de Pou-Combo 
fut réprimé au mois de février, par un des lieutenants du 
prince Pra-Khéo-Pha, auquel le gouverneur de la Cochinchine 
avait fait envoyer les munitions nécessaires. Ils durent se dis- 
perser définitivement et se retirer sur le territoire des Stiengs. 

Dans les provinces annexées le mouvement eut plus de 
gravité. Dans la nuit du r** mai une bande, assez nombreuse 
escalada les murs de la citadelle de Mytho et eut le temps 
de massacrer le maitre-commis des subsistances et de blesser 
trois de ses agents, avant que les soldats de la garnison (^) 



^^> Au nombre de g5 seulement; effedif trop réduit pour la garde d'une 
cilad.ellc «lyant un développement d^enceinte aussi grand que celle de .Vfytho. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOCHiNCHlNE. 137 

aient eu le temps de prendre ieurs armes et de provoquer la 
fuite des assaillants par quelques coups de fusil. 

Le 16 juin une autre bande, qui comprenait d ailleurs les 
auteurs du coup de main de Mytho, surprend de la même 
manière pendant une nuit obscure le poste de Rach-Gia, oc- 
cupé par une petite garnison de 30 hommes. Quoique les as- 
saillants n'eussent pas d autres armes que des lances , ils étaient 
assez nombreux pour entourer les soldats et les empêcher de 
se défendre. L'officier commandant le poste, l'inspecteur de 
Rach-Gia et tous les hommes de la garnison, sauf un soldat 
d'infanterie de marine qui put se sauver et se cacher dans les 
broussailles, furent tués sur place; leurs têtes furent coupées 
et pour la plupart exposées sur la rive du canal; le village 
de Rach-Gia fut livré aux flammes î^î. 

Les \ictimes de cette attaque imprévue ne tardèrent pas à 
être vengées. Le commandant Ansart, réunissant toutes les 
forces disponibles à Vinh-Long, les envoya aussitôt à Rach- 
Gia, qui fut repris le 21 juin en un seul élan des troupes. Il 
y eut parmi les rebelles quelques tués et quelques blessés et 
une soixantaine de prisonniers, mais les chefs avec un cer- 
tain nombre de leurs partisans réussirent à s'échapper, à re- 
joindre des jonques qui les atlendaicnt sur le rivage et purent 
ainsi gagner l'île de Phu-Quoc. 

Il fallut attendre jusqu'au 19 septembre pour capturer ces 
derniers soldats de l'insurrection; l'aviso le Goéland vint, à 
cette date, débarquer à Phu-Quoc le'quan Tan, avec 125 mi- 
liciens de Go-Cong. Rien que les rebelles fussent au nombre 
d'environ 300, le quan les attaqua a\ec vigueur, les battit deux 
fois, et en dernier lieu, ajdé par les habitants, réussit à les 
cerner et les obligea à se rendre. Le chef principal et l'insti- 
gateur de ce mouvement, le quan Truc, conduit à Saigon, y 

^^^ On peut renouveler à propos de ceUe afTiure Pobscrvalion déjà faite à 
propos des ciladellrs de Tong-Kéou el de Mytho sur les inconvénients des 
enceintes à grand développemeut, formées de parapets faciles à escalader, 
utilisées comme forts pour un petit poste. 



138 ^ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOGHINGHINE. 

fui jugé, condamné et exécuté : on s empara en outre de 
50 barils de poudre anglaise, 3 canons , à carabines Françaises 
et 21 fusils (^). Un poste de 50 miliciens fut laissi en garnison 
dans nie. 

Ici finit rhistoire de la conquête proprement dite de la 
Cochinchine et des insurrections qu^elle a provoquées. A partir 
de la fin de Tannée 1868, notre domination est franchement 
acceptée dans les six provinces et Télat permanent de guerre, 
la série continuelle d'expéditions plus ou moins importantes 
mais toujours fatigantes pour les troupes qui y prenaient 
part, cessent complètemenl. La garnison de la Cochinchine 
devient, pour les troupes, à peu près assimilable à celle des 
autres colonies, et si désormais il survient quelque trouble 
local, sa répression sera une affaire de police plutôt qu une 
expédition de guerre. En outre, les miliciens indigènes dont 
la fidélité est maintenant bien éprouvée et qui ont acquis 
l'instruction et la valeur d'une troupe assez sérieuse pourront 
assurer l'ordre et la sécurité dans les postes de l'intérieur. 
Au mois de juin 1867 ces miliciens avaient déjà été substitués 
anx garnisons européennes dans un certain nombre de postes, 
savoir : 

Dans la province de Saigon : à Ba-Houm, Rach-Kien et 
Vinh-Loï. 

Dans la province de Mylho : à Kicn-An-Phu, Gbo-Gao et 
Caï-Bé. 

Dans lu province de Bien^Hoa : à Phuoc-Thanet Bao-Than. 

Le 1*"* avril 1868, l'amiral de la Grandtère écrivait au Mi- 
nistre : ïf Je considère qu'il est possible, dès à présent, de ré- 
duire de 200 hommes l'effectif des .marins dans la colonie ?), et 
ajoutait que le service de protection des arroyos, dans les 
provinces de Chaudoc et d'Halien , serait désormais suflSsam- 
ment assuré par 2 chaloupes à vapeur. 

Enfin le contre- amiral Ohîer, successeur intérimaire de 

(0 On retrouva aUs»i le palelot de Tofficier qui commandait le poste de 
Rach-Gia. 



L^ARilLLERlE D£ LA MARINE EN COCHINGHINE. 139 

l'amiral de la Grandière, dans une lettre au Ministre en date 
du 29 août 1868, montre bien le fonctionnement régulier du 
gouvernement dans un pays pacifié. 

Dans une lettre du mois suivant, 2à septembre 1868, il con- 
state en outre que Tensemble des renseignements tournis par 
les inspecteurs et par les officiers commandant des détache- 
ments de troupes sur Tctat d'esprit des populations qui les 
entourent est satisfaisant. 

Ces appréciations n étaient point trop optimistes, car si 
quelques bandes se reformaient à ce moment dans le Nord 
de la province de Bien-Hoa , c'étaient non plus des citoyens 
insurgés contre la domination Française, mais des pillards et 
bandits, de l'espèce habituellement désignée en ces pays sous 
le nom de pirates. Aussi famiral Obier résolut de disperser 
toutes ces bandes sans effusion de sang. 

Il forma à cet effet cinq petites colonnes et défendit ex- 
pressément à leurs chefs d'attaquer de front les forts dans 
lesquels les pirates se retraincheraient, sachant bien que 
ceux-ci se hâteraient de les abandonner dès qu'ils les ver- 
raient dépassés ou tournés par les troupes. 

La première colonne, composée de 150 hommes, dont 
110 soldats indigènes, et commandée par le capitaine de 
Ferri-Fontnouvelle, partit de Tay-Ninh le 10 novembre 1868, 
se dirigeant vers le Nord. 

La deuxième colonne, formée de 50 miliciens commandés 
par le lieutenant de vaisseau Swiencki, partit de Tay-Ninh 
le 11, dans une direction un peu différente de la précédente. 

La troisième colonne, formée de 70 soldats français et 
commandée par le chef de bataillon Danos, se trouvait dès 
le 8 novembre à Dung-No et devait rayonner les jours sui- 
vants dans les environs de ce village. 

Un détachement de 40 miliciens de Thu-Dau-Mot, com- 
mandés par leur inspecteur, alla rejoindre cette colonne à 
Ghan-Tang le 2 novembre pour lui fournir l'élément indigène 
qui lui manquait. 



Uâ L'ARTILLERIE DE LÀ MARINE EN COGHINGHINE. 

La composition du détachement de la compagnie d'ouvriers, 
commande par un capitaine, n était pas modifiée ^^l 

Quelques années après, la compagnie bis de conducteurs 
fut transformée en un simple détachement commandé par 
un lieutenant; enfin, en 1888, ces canonniers-conducteurs 
furent fondus dans la 24^ batterie à pied qui se transforma 
ainsi en batterie montée. 

Nous avons vu que, par suite des nécessités de la lutte, les 
troupes d'artillerie étaient très dispersées en Cochinchine en 
1862. Après la prise de 6o-Cong et la ratification du traité 
depai^ren 1863, les détachements fournis par l'artillerie dans 
l'intérieur du pays étaient composés de la manière suivante : 

A Baria: 1 officier; 

3 maréchaux de logis, dont 1 de conducteurs; 

1 fourrier; 

cation au personnel de l'adillerie de la marine et des colonies, détaille ainsi 
la composition de cette compagnie bis : 

Capitaine de i" ou de a' classe i 

Lieutenant de -i'* classe i 

Adjudant sons-offîcier i 

Maréchal des logis chef i 

Maréchaux des logis 5 

Fourrier i 

Brigadiers 5 

Ganonniers-eondueteurs de i" classe aS 

Conducteurs -canonniers de u' classe 5i 

Maréchaux ferrants 5 

Bourreliers a 

Trompettes 4 a 

^*^ Un rapport médical adressé au Gouverneur par le chef du service de 
santé d'Ormay, le 16 février 1870, fait connaître le chiffre annuet des décès 
survenus dans les corps de troupe de la garnison de Cochinchine dans 
la période quinquennale 1863-1867. Pour rartillerie, ce chiffre de décès 
s^élève: en t86^ à 43, en i864 à 17, en 186& à 31, en 1866 à 9, en 
1867 à «3; total peor les cinq années : 111, On a déjà vu, chapitre III, 
page 11 A, que Tartillerie avait perdu 80 homsies dans la pério^ triémuile 
de 1869 à t96t. 



L*ARTILL£R1E DE LÀ MARINE EN GOCHINGHINE. 143 

k brigadiers, dont 1 de conducleurs; 
34 caiiouniers, dont 14 conducteurs; 
Total : 43 hommes, avec 3 chevaux, 3 ânes et 12 mulets. 

A Bien-Hoa : 3 officiers; 
1 maréchal des logis chef; 

4 maréchaux des logis, dont 1 de conducteurs; 

1 fourrier; 

3 brigadiers, dont 1 de conducteurs; 
33 canonniers, dont 13 conducteurs; 
Total : 45 hommes, avec 8 chevaux, 8 ânes et 15 muleU. 

A Go-Cong : 1 maréchal des logis; 

2 brigadiers; 

10 canonniers servants; 
Total : 13 hommes. 

A Mytho : 1 officier; 

2 maréchaux des logis; 

2 brigadiers; 

) trompette; 

16 canonniers servants; 

Total : 22 hommes. 

A Tay-Ninh : 1 maréchal des logis; 
1 brigadier; 

5 servants; 
Total : 7 hommes. 

Plus quelques hommes à Tram-Bang, Tong-Kéou, Rach- 
Kiem et Long-Than. 

Peu à peu ces détachements furent supprimés, et Tartillerie 
finit par se concentrer tout entière à Saigon, oii sont les ca- 
sernements de ses hommes et les écuries de ses animaux. 
Bien-Hoa, Tay-Ninh, Mytho, Tram-Bang, Tong-Kéou et les 
autres petits postes furent évacués en 1868, Baria en 1869. 

Les détachements établis à Vinh-Long, Hatien et Chaudoc 



ihà LARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 

après la conquête des Irois provinces de TOuest furent aussi 
rappelés en 1869. 

S 2. Remontes, — On a vu précédemmeut (chapitre V) que 
les premiers chevaux destinés à Tartillerie de la marine en 
Cochinchine avaient été envoyés directement de France en 
1861 avec les 15' et 16* batteries; que Tarairal Bonard avait 
fait acheter, à la fin de la même année, au Caire, un certain 
nombre de chevaux égyptiens; en outre, les troupes de Tarmée 
de terre rentrant de l'expédition de Chine laissèrent aussi des 
chevaux en Cochinchine pour le service de Tartillerie. 

Plus tard, en 1870, lorsque Tescadron de spahis cochin- 
chinois fut licencié, la plus grande partie de ses chevaux fui 
aussi versée à Tartillerie de la marine ^^\ 

Mais on n'avait pas lardé à constater que les chevaux fran- 
çais ne pouvaient pas rendre de longs services sous le climat 
de la Cochinchine. Au bout d'une durée de séjour assez courte, 
ils étaient atteints d'une maladie des os, qui affaiblissait 
rapidement leurs membres, les mettait hors d'état de porter 
le cavalier et finalement les faisait périr. En vain on chercha , 
en modifiant l'alimentation, à remédier à ce fléau : le riz, 
l'orge, le gram de l'Inde, pas plus que le maïs et l'avoine, 
ne purent en préserver les animaux de race française. 

On essaya alors des chevaux arabes provenant de nos re- 
montes d'Algérie, mais cette race, qui a pourtant la réputa- 
tion de supporter mieux qu'aucune autre les influences des 
climats , ne résista pas mieux que la race française en Cochin- 
chine. De nouveaux essais furent tentés avec les chevaux 
d'Australie, mais sans plus de succès. En 1885, àO de ces ani- 
maux, choisis avec soin dans un lot nombreux venu de Sid- 

(^) Le détachement de spahis cochiachiaoîs, reste de Tescadroo créé en 
1863 par ramiral Bonard, a été licencié le 1 1 juin 1870 et rapatrié le 
10 juillet suivant. (L^amiral Ohier avait réclamé plusieurs fois, depuis 1869, 
la suppression de cette cavalerie, qu^ii jugeait inutile.) Les chevaux de ces 
spahis furent alors versés partie à la gendarmerie, partie à Partiilerie. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCH[NE. 145 

ney à Singapore et payés fort cher (2.000 francs la pièce), 
furent mis en service à Saigon; mais ils subirent bientôt, 
comme les autres, l'influence de la terrible maladie. En 
somme, en dehœrs des chevaux du pays, qui sont bien petits 
pour le service de Tartillerie, les chevaux de Manille, qui sont 
un peu plus grands et un peu plus forts, ont seuls fourni des 
remontes susceptibles de résister à Tinfluence débilitante du 
climat de Saigon. 

Aujourd'hui Tartillerie en Cochinchine est montée avec des 
chevaux de cette provenance. 

Quant aux mulets, ils proviennent toujours du nord de la 
Chine. Ils supportent facilement le climat, se portent bien, 
sont toujours énergiques, sinon faciles de caractère, et se 
contentent, pour leur nourriture, de paddy (riz non décor- 
tiqué), denrée très abondante, très facile à se procurer sur 
place et qui coûte très bon marché. 

S 3. Travaux de la direction. — On a exposé dans le cha- 
pitre VI les premiers travaux de construction exécutés par la 
direction d'artillerie depuis la conquête jusqu'à l'année 1868. 
Depuis cette époque, les travaux ont été poursuivis sans re- 
lâche; les anciens bâtiments ont été réparés ou remplacés. 
L'hôtel du directeur a été refait en 1869; il a été construit 
plusieurs logements d'officiers et de gardes; en outre, en 
1884, quand on a pris possession du parc du génie, qui est 
devenu le parc d'artillerie n° 2, on y a installé des logements 
de gardes titulaires mariés, ainsi que ceux des gardes sta- 
giaires. 

Ce qui manquait tout à fait en 1868, c'étaient les maga- 
sins à poudre, car on ne pouvait considérer comme tels la 
pagode Barbet et la pagode des Mares où étaient alors, faute 
de mieux, emmagasinées toutes les munitions de l'artillerie. 

Voici comment s'exprimait à ce sujet le colonel du génie 
Malcor, chargé de l'inspection générale du service des con- 
structions en 1868 : 

10 



U6 L'AIITILLERJE DE LA MARINE EN GOGHJNGUINE. 

vLe génie constrait actuellement, dans un des bastions de 
Tancienne citadelle de Saigon, un magasin à poudre de U 
contenance de 150,000 kilogrammes de poudre, qui pourra 
être mis en service à la fin de lanuëe courante et permettra 
Tévacualion et l'abandon des magasins des pagodes Barbet 
et des Mares, qui sont fort peu propres a Taffectatioa quon 
leur a donnée provisoirement, faute de mieux. L'isolement de 
ces locaux oblige rarlillerie à avoir sur ces deux points des 
corps de garde de sûreté pour empêcher les vols; il y a, en 
outre, un autre danger résultant du mode de construction en 
bois de ces locaux ; ce danger est atténué par cette circonstance 
que toutes les poudres et les jnunitions sont renfermées dans 
des boites en cuivre. Quoi qu'il en soit, ainsi que nous l'avons 
déjà dit, cet état de choses cessera avec la fin de l'année 1868.-» 

Aujourd'hui, en effet, les poudres se trouvent dans un 
magasin réglementaire bien construit, et les munitions con- 
fectionnées dans des magasins spéciaux édifiés à cet effet sur 
les terrains de l'Espérance. 

S à, StAstitution de Fartillerie au génie pour le service des ira- 
vaux militaires. — La modification la plus importante survenue 
dans l'organisation du service de l'artillerie est assurément 
celle qui a ajouté à ses attributions ordinaires toutes celles du 
service du génie. On sait que le Ministre de guerre avait tenu, 
en 1873, u décharger l'arme du génie du service colonial 
qu'elle avait toujours rempli jusqu'alors. Le génie lut immé* 
diatemcnt débarrassé de tout service dans les f élites colonies 
et conserva provisoirement celui du Sén(^gal , de la Cochin- 
cbinc et de la Martinique. Un peu plus tard, en 1880, il 
demanda à abandonner aussi ces trois colonies. Le Ministre 
de la marine, obligé dès lors de pourvoir à l'exécution de» 
travaux militaires par ses propres moyens, fit rendre, le 
26 juin 1880, un décret par lequel le service colonial des 
constructions et fortifications était confié à l'artillerie de ia 
marine. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINGHLXE. 147 

Pour la mettre en mesure de satisfaire à cette nouvelle 
tÂcke, il élait tréé une 5* classe de gardes d'artillerie destinés 
à se substituer aux adjoints du génie et dénommés gardes 
conducteurs des travaux. Les gardes titulaires de cette nouvelle 
section étaient secondés par des employés civils dénommés 
gardes auxiliaires et par des sous-officiers élèves-gardes dé- 
nommés gardes stagiaires. 

La Martinique et le Sénégal furent d'abord soumis à ce 
nouveau régime, puis, la dernière de toutes les colonies, la 
Cochinchine, le reçut à son tour à la date du T'' janvier 1884. 
A cet effet, le chef du service, qui avait jusqu'alors été un 
chef d'escadron, fut remplacé par un lieutenant-colonel; un 
chef d'escadron était d'ailleurs placé sous ses ordres comme 
sous-directeur; 3 capitaines en T', 5 gardes titulaires con- 
ducteurs des travaux, 5 gardes auxiliaires et 5 gardes sta- 
giaires étaient en outre spécialement affectés au service des 
travaux militaires. Enfin un certain nombre de gardiens-con- 
derges étaient créés pour ôtre préposés à la garde et à la 
conservation des bâtiments militaires. Ce personnel était loin 
d^étre trop nombreux, eu égard au grand nombre de bâtiments 
militaires, disséminés sur toute la surface de la Cochinchine 
que le génie militaire livrait désormais à l'artillerie de la 
marine. 

On s'en convaincra facilement en parcourant la légende 
générale du petit atlas des bâtiments militaires que nous re- 
produisons ci-dessous. Elle permet en effet déjuger de l'im- 
portance du service actuel des constructions dans la colonie, 
surtout si l'on a soin de remarquer que plusieurs unités de 
cette légende, telles que le quartier d'infanterie de Saigon, 
le quartier d'artillerie, la direction d'artillerie et Tbôpitàl 
militaire, se composent chacune d'un nombre considérable 
de bâtiments. 



10. 



148 



L^ARTiLLERlE DE LA MARINE EN GOGHINCHINE. 



LB6ENDB célvéRALR DU PETIT ÂTLiS DES BATIMENTS 



LOCALITÉS. 



DÉSIGNATION 
BÂTIMBRTS. 



ORIGINE. 



À QDI 



ils 
AminuauT. 



8 !•'. CASER- 



Saigor I Quartier A de la cita- 
delle. 

Quartier D d^artillerie. 



SaIgoii 



SAiOON 



Gholor 

FortdbGaî-MaL 



BiBN-HoA 



Établissement pyrotech- 
nique de TEspé- 
rance G. 

Quartier £ 



Gaserne a. 



Fort 
DB Tay-Ninh. 

Mttho 



Ghaddog. 



H ATI EN, 



Saigon 
Saigon 



Blockhaus a. 



Gonstniit de 1868 à 
1886. 

GoDstruit de 186A à 
1886. 



Gonstruit de 1869 à 
1890. 

Gonstruit de i863 à 
1868. 

Gonstruit en 187s. 

Gonstruit en 1889- 
i883. 



A rÉut. . 

Idem 



Caserne a \ ^^}^'^ "** '^^9 * 

( 1883. 



Gaserne a.. 
Blockhaus a, 
Gaserne a. . , 



Gonstruit de 1876 à 
1878. 

Gonstruit en 1881- 
1889. 

Gonstruit en 1877. 



Idem. 

Idem. 
Idem. 



Idem 

Idem 

Idem 

Idem 

Idem 



S 2. LOGEMENTS 



Hôtel du directeur d'ar- 
tillerie E. Bâtiment a. 

Logements d'officiers 
d'artillerie. Bâti- 
ment a. 



Gonstruit en 1869. 

Gonstruit de 186s à 
1870. 



Idem. 



Idem. 



L*ARTILLER1E DE LA MARINE EN GOGHINGHIIVE 



\à9 



MILITAIRES DE LA GOGHINGHINE. 



DESTINATION 



ACTUELLE. 



CONTENANCE. 



OBSERVATIONS. 



PîEMENT. 
Caserne d'infanterie. 

Caserne A d'artillerie. 

Caserne I (détachement 
d'ouvriers). 

Caserne d'artillerie. 



Caserne d'infanterie. 



Caserne d'infanterie. 



Caserne d'infanterie. 



Caserne d'infanterie. 



Caserne d'infanterie. 



Caserne d'infanterie. 



Caserne d'infanterie. 



i./i3o hommes et 13 che- 
vaux. 

911 hommes et 10a che- 
vaux. 

98 hommes. 

a 6 hommes et 3 chevaux. 



70 hommes. 

34 hommes. 

906 hommes et 3 chevaux. 

190 hommes. 

107 hommes. 

3o hommes. 



Cette caserne est voûtée. 



Prêté aa service local. 



Prêté aa service local. 



D'OFFICIERS. 



Logement du directeur. 
Logement de capitaines. 



1 officier supérieur. 
9 capitaines. 



150 



L*ART1LLE]UE DE Li BtiRINB EN GOCHUICHf!«E. 



LOCALITÉS. 



SiÎGOR. 

Saigon . 
Saigon 



SliGON 

Saîgon . 



Gbolon. 



FobtdbGaî-Maî. 



BiBN-HoA. 

Tat-Ninb. 
Taï-Ninh , 



DÉSIGNATION 
des 

bItiiibnts. 



Logements d^oflBdere 
aartillerie. Bâti- 
ment b. 

Parc d'artyierie N' a S. 
Bâtiment a. 

Etablissement de TEs- 
péraace G. Bâti- 
ment r. 

Bâtiment S 

Hôtel du Général K. 
Hôtel a. 

PavillonP 



Bâtiment d. 



Mttbo. . 
Mttho. . 

MïTBO. . 

Gbaudog. 
Ghaudoc. 
Hatibn . . 



Blockhaus a , 
Bâtiment 6. 
Bâtiment e . 



ORIGINE. 



Gonstruit de 1871 à 
1874. 

Gonstruit de 1869 à 
iSgo. 



Gonstruit en 1878 
1S79. 

Gonstruit en 187a. 
Gonstruit en 1879. 



fls 
ut mvuaun . 



àrÉtat. 



Idem, 
Idem, 

lêsm. 
Idem, 

Idem, 



Idem., 



Bâtiment d. 
Bâtiment/. 
Bâtiment k. 
Blokhaus a. 
Bâtiment/. 
Bâtiment d. 



Gonstruit en 188 a- Mem, 
i883. 

Gonstruit de 1879 à 
188a. 



Gonstruit de 1879 â 
^ 188a. 



Gonstruit de 1876 à 
1878. 

Gonstruit de 1876 à 
1878. 

Gonstruit de 18175 à 
1878. 

Gonstruit de 1881 à 
188a. 

Gonstruit en 1881- 
188a. 

Gonstruit en. 1877. 



Uem, 



Idem, 
Idem, 
Idem, 
Idem, 
Idem, 
Idem, 



L'ARTJLLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHINE. 



151 



BaaaMBB 



DESTINATION 



ÀGTUELLI, 



Logement de gardes d^ar> 
tiHerie. 



Logement de gardes nui- 
riés. 

Logement de capitaine. 
Logement de garde. 

Logement du commandant 
de la brigade. 

Logement des officiers de 
tirailleurs. 

Logement du commandant 
du poste. 

Logement du commandant 
du poste. 

Logement des officiers de 
troupe. 

Logements des ofliciers de 
troupe. 

Logements des officiers de 
troupe. 

Logements des officiers 
sans troupe. 

Logement d^officier sans 
troupe. 

Logements des officiers de 
troupe. 

Logement des officiers sans 
troupe. 

Logement des officiers sans 
troupe. 



CONTENANCE. 



OBSERTATIONS. 



3 gardes. 

3 gardes. 

1 capitaine. 
1 garde. 

1 officier supérieur. 

I capitaine, i lieutenant. 

I officier. 

1 officier. 

6 officiers. 

1 commissaire, i docteur, 
1 officier d^artilierie de 
passage. 



t commissaire, a docteurs, 
1 garde d'artillerie. 
1 capitaine, i lieutenant, 
f garde d^artillerie. 



Prêté au semée local. 



BÉtiiBeut inoccupé; limlie en 
rniaes. 



Oteupé aetudlameiU |Nir Poffl* 
der àc tirailleurs. 



f&3 



L ARTILLERIE DE LA MAKSL t^ COCBSXSBSE, 



UKALlTés. 



DESIGNATION 
■Itibeits. 



A QO 



OBICI^L 



Hkltton 



I HôpiUl miliUirp U . . . j O 

I 1 889. 



5 3. BATIHESTS 



de 1&60 à AFfiat. 



SaIoo» 



Tkf'Sinn 



MrTHo 



Chauooc. 



Bâtiment a 



Ambulance d. 



HApitai c 



Ambulance 6. 



Conalnnt en 1 887. 



CoDstrait en 1889- h 
i883. 

Constmit de 1876 à. 
1877. 



Omslrnit en 1889. 



S A. BÂTIVEHTS 



SaIoor 

* 


Établissement des sub- 
sistances V. 


SaIoor 


Magasin Y de TAva- 
lanche. 


Mttiio. ...... 


Bâtiment h « . 







Construit en i885. 

Construit de i865 à 

1868. 

Construit en i88â- 
i885. 



IdetiL. 

tnBff^m • « • • • 



SaKoon 



s 5. MAGASINS DE L'HABILLEMENT, 



ins Y de TAva- 
ianchr. 



Construit de i865 à 
1868. 



Idem. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHIiNE. 



153 





DESTINATION 

ACTUKLLB. 


COMTENANCK. 


OBSERVATIONS. 




DES HÔPITAUX. 


• 






Bâtiments des malades et 
accessoires. 


5 officiers de santé et d'ad- 
ministration , 10 in- 
firmiers, 4/j officiers 
malades et 356 sous- 
officiers et soldats ma- 
lades. 


Li^ment des sœurs. 




Bâtiments des malades et 


91 sous-officiers et soldats. 






accessoires. 








Bâtiments des malades et 
accessoires. 


1 infirmiei:, 37 sous-offi- 
ciers et soldats. 






Bâtiments des malades et 
accessoires. 

Bâtiments des malades et 
accessoires. 


6 officiers et ^9 sous-offi- 
ciers et soldats malades. 
Logement des sœurs. 

Logement d'un docteur, 
d'un infirmier et 13 
sous -officiers et ma- 
lades. 




DES SUBSISTANCES. 






Bureaux , logement de 
concierge, magasin. 

Anciens magasins. 


Farine, vins et liquides, 
salaisons, conserves. 

Sert à loger le fourrage, etc. 






Casernement, remises, 
cambuses et boulange- 
rie. 


Liquides, farine, conserves. 




DU CAMPEMENT, DES LITS MILITAIRES, ETC. 






Approvisionnements et bu- 
reaux. 


Efietâ de campement et 
objets de literie pour 
3.700 hommes. Effets 
de petit équipement et 
ameublements. 





tu 



L^AmLLOHE DC U MMÊÊSt ES COCmJÊOÊBE^ 



locujm. 



! DfcSIG!lâT10^ 



•2m 



OBICI^L 



AQCl 



Sâi«of 



I 



Saîum ' ÉlaUraeflMot pjfrolecb- 

•iqoe ée PEipé- 
raore G. 

Samm Pur «TaHillerie o* s S 



t886. 



189a. 



$6. ir 

et iM# 

a? 1869 à 



I 



AFÉliL. 



Gooslnnt de tSrit 
1874. 



S 7. CAaDf ATSS 



SaIcov 



(>>rps de ganle de b| 
poudrière. 



S 8. TOUBS KT COftPS 



S 9. BÂTIMSIfTS 



SiisoH» . • . . • 



Saîgor 



Polygone P. 



Champ de manoeuvre. 



S 10. CHAMPS BK TU 



Est nsfadlé dans 
la pdaine do 
TMHbeaax«daiis 
on tenua n^ap- 

rif^inBt pas 
l'État. 

A l'État. .. 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOCHINGHINE. 



ibb 





DESTINATION 


GOKTI&NANGE. 


OBSERVATIONS. 




ACTHILLE. 


\ 






DE L'ARTIUJUIIB. 








Bureaux, ateliers, maga- 








sins, etc. 








Magasins i œuMiioBS, 








dépôt, etc. 








Anciens ateliers et maga- 


Dépôt de matériaux. 






sins du génie. 






ET SOUTERRAINS. 


NéanU 


DE GARDE ISOLES. 


Poste de soidafes^ 


7 hommes. 




DBS BATTERIES DE cdTB« 


Néant 


ET DE MANOEUTRp. 




Champ de tir. 


Toute la garnison. 






Champ de manœuvre. 


Toute la gamiaon. 





156 r ARTILLERIE DE LA MARINE EN GOCHINGHIJNE. 

S 5. Résumé, — Etat actuel du personnel, — En résumé, le 
lieutenant-colonel commandant rarlillerie en Cochinchine se 
trouve aujourd'hui à la tête de trois services distincts : 

r Commandement des troupes de Tarme, comprenant la 
23** batterie à pied et la 24" balterie montée, pourvues Tune 
et l'autre d'un capitaine en l*', d'un capitaine en 2* et de deux 
lieutenants, ainsi que le détachement de la 5*" compagnie 
d'ouvriers pourvue d'un capitaine et d'un lieutenant; 

2° La direction de l'artillerie ; 

3° La direction des travaux militaires (ancien service du 
génie). 

Pour assurer ces deux derniers services, il a sous ses 
ordres : 

Un chef d'escadron sous-directeur; 

Trois capitaines en 1*' adjoints; 

Deux gardes-comptables titulaires et deux auxiliaires; 

Un garde artificier; 

Trois gardes ouvriers d'étal ; 

Trois gardes conducteurs des travaux titulaires et quatre 
auxiliaires; 

Un garde contrôleur d'armes; 

Les ouvriers militaires du détachement de la 5" compagnie; 

Des gardiens-concierges; 

Des ouvriers armuriers militaires; 

Des ouvriers civils asiatiques (Annamites ou Chinois). 

La plupart des constructions du service des travaux mili- 
taires sont d'ailleurs exécutées à l'entreprise; les entrepre- 
neurs peuvent être européens ou asiatiques. 

Le directeur, les officiers de la direction et les employés 
militaires sont logés dans des bâtiments de l'État bien con- 
struits et bien organisés. 

Nous croyons utile de faire remarquer, en terminant cet 
historique du rôle joué par l'artillerie de la marine en Co- 
chinchine pendant la conquête et les premières années de 



L'ARTILLERIE DE LA MARINE EN COCHINCHÏNE. 157 

l'occupation, que pendant cette période un certain nombre 
d'officiers de l'arme sont entrés dans l'inspection ^^^ des affaires 
indigènes et ont ainsi pris une part directe à l'organisation 
intérieure de la colonie; l'un d'eux est actuellement résident 
supérieur à Pnom-Penh et représente la France dans le pro- 
tectorat du Cambodge. 

(*î Les termes d'^inspecteur et à^inspection des affaires indigènes ont été 
remplacés depuis quelque temps par ceux d'administrateur et dadministra- 
iion. Toutefois on continue, dans le langage ordinaire, à désigner sous le 
nom d'Inspection la résidence des administrateurs des affaires indigènes. 
C'est ainsi que la promenade en voiture que les habitants de Saigon font 
journellement avant leur diner s'appelle le tour de l'Inspection, parce qu'elle 
se fait sur la route qui conduit à la résidence de l'administrateur du district 
de Bien-Hoa. 



TABLE DES MATIERES. 



Pages. 

Chapitre l"". Expédilions de Tourane et de Saigon 3 

II. Arrivée de la lo* compagnie; dernières affaires de 

Tourane; évacuation 1 1 

III. Prise des lignes de Chi-Hoa qo 

IV. Prise de Mytbo 37 

V. Installation d^une garnison d'artillerie en Gochin- 

chiue 35 

VI. Premières constructions de rartillerie à6 

VIL Prise de Bien-Hoa 60 

VIII. Prise de Baria; conquête de toute la province de 

Bien-Hoa 60 

IX Opérations contre Vinh-Long et Mi-Coui. . . , 70 

X. Insurrection générale de 1 863 78 

XI. Arrivée de renforts ; répression de l'insurrection . ... 90 

XII. Prise de 6o-Cong 9A 

XIII. Revision du traité de paix; nouveaux mouvements 

insurrectionnels '. 1 00 

XIV. Révolte à Tay-Ninh 111 

XV. Affaires du Cambodge; le prétendant Pou-Combo . . 117 

XVI. Prise de» trois provinces de FOuest. 1 a4 

XVII. Pacification définitive de la Cochinchine i33 

XV] II. Modifications apportées à Torganisation du service de 

Tartillerie 1 4 1 



ce 



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Guide pour l'instruction d'artillerie dans les batteries montées. 
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Guide pour l'instruction à pied dans les batteries montées. liS03. 
Volume Ui-t 8, crrlonné 60 c. 

Guide pour l'instruction de conduite des voitures dans les batteries 
montées. 1^93. Volume in-ls. cartonné. . . 60 c. 

Notions sommaires d'artillerie {Batteries montées île 90 de campagne). 
Rédigées conformément au Uèglement sur les bouches à feu fie campagne, 
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Guide et questionnaire pour les instructions intérieures (Artillerie 
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Les Revues et instructions iutérieures d'une batterie à cheval, par 
un commandant de batterie. 1890. Un volume ia-18, broché . . 75 c. 

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112 pag<^s d'impression in-8*», avec figures dans le texte et planches 
htrs texte. Prix par an. France : 20 fr,; Union postale. .... 22 fr. 

Des abonnemjnts (en âoiiacription aeuUmznt) au prix de 12 fr. pour rintérlcur 
et l'AI.^orie (le port on sas dam les Colonies) seront délivrés aux officiera 
français des armées de terra et de mer, aux officiers en retraite, démission- 
naires, de réserve, de l'année territoriale et anciens militaires de tous {grades. 

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— Tables analytiques et alphabétiques des matières contenues dans 
les vingt-six premiers volumes de la licviis d'artillerie (d'octobi'e 1.S72 
à septembre 188)). ln-s<>, brochi 3 fr. 

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par ;m, depuis 18s7. — Chaq.we livraison compi'cnant environ C feuilles 
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active, réserve et armée territoriale) peuvent s'abonner à la lievue avec une 
réduction de 5 fr. sur les prix ci-ie^sus. 

Conférences sur l'Artillerie de campagne, à Tusage des officiers des 
autres aimes et des officiers de la réserve et de l'armée territoriale. 
1 892. Volume in-R", broché 2 fr. 50 c. 

Récits et souvenirs pour les Canonniers. 1893. Vol. in-18, cart. 75 c. 

L'Artillerie de campagne et de montagne dans les États européens 
en 1890. Étude complète du matériel (bouches ii feu, aflùts, voitui'cs et 
munitions), de Tapprovisionnem^nt, de Tefficacité des bouches à fju, du 
personnel et de la composition des batteries, par le capitaine d'artillerie 
J. ScuuBKUT, membre du comité militaii'e technique et administratif de 
Vienne. Traduction du capitaine Bodenhorst, de Tartillerie belge. 1892. 
Volume in-4**, avec I G planches in-folio 12 fr 

Balistique extérieure, par 1<\ Si.\cci, lieutenant-colonel d'arlil^ 
fesseur de balistique à TÉcole d'application de Tartillerie et d 
de mécanique supérieure à Tuniversité de Turin, Traduction a 
P. Laurent, Ingénieur à la Société des Forges cl Chantiers ( 
terranée, suivie d'une No!e sur U'S projectiles discoïdes, par 
chef d'escadron au 11* régimjnt d'artilleria. 1SJ2. Volumo gi 
de 490 pages, avec 60 figures, broché 



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Histoire de rExpédition de Cochinchine en 4861, par le contre-amiral 
L. Pallu de la Baiiuièiie. Nouvelle édition. 1888. Volume grand iii-S« 

avec 3 cartes, broché. 7 fr. 50 c! 

Rapport sur la reconnaissance du fleuve de Tonkin, par de Keugara- 
Di:c, lieut. de vaiss., consul de France à Hanoï 1877. Gr. in-8°, hr. 2 fr. 

Emploi de Tartillerie de montagne dans rexpédition du Tonkin, par 
E. JoiuDY, chef d'escadron d'artillerie. 1890. In-S". . . . 1 fr. 25 c. 

Le Service du génie au Tonkin sous Tadministration de la marine, par 
L. KRErrMANN, capitaine du génie. 1889. Volume iii-8° avec 120 figures 
et 13 planches, broché 6 fr. 

La Région nord-est du Tonkin, par M. Gcérin, lieutenant d'infanterie 
de marine. 1892. In-8°, avec G planches ....... ... 2 fr. 

De Hanoï à Pékin. Notes sur la Chine, par le lieutenanl-eolonol Boçinais, 
avec une préface de M. A. Uambaid, professeur à la Faculté des lettres 
de Paris. 1892. Volume in-l 2 3 fr. 50c. 

La Question du Tonkin (rAnuam et les Annamites; histoire, institutions, 
mœurs, origine et développement de la question du Tonkin. Politique de 
la France, "de TAngleterre et de la Chine. Le protectorat) , par Paul 
Deschanel, rédacteur au Journal des Débats. 1883. Volume in-12 de 
513 pages, broché ... . 5 fr. 

Le Royaume de Cambodge, par A. Bohnais, capitaine d'infanterie de 
marine, et A. Pallus, professeur à l'école Turgot. 1884. Grand in-8**, 
broché. . 2 fr. 50 c. 

La France et l'Angleterre en Asie, par Philippe Lehault, membre de la 
Société de géographie, explorateur eu Asie. Tome 1<^'. — Indo-Chine, 
les derniers jours de la dynastie des rois d'Ava. 1892. Un vol. in-S*» 
de 780 pages, avec G cartes, broché . . . . iO fr. 

Opérations de l'escadre française dans la rivière Min. 1885. ln-8°, 
avec 2 pi, broché . . 1 fr. 

Opérations de lartillerie russe pendant l'expédition de 1880-1881 dans 
PAsie centrale. 188G. In-8'', avec 3 cartes et un tableau, br. 1 fr. 50 c. 

Ghiwa. Rapi-orts de Hugo Stumm, lieutenant au 1®' régiment de hussards 
de Westphalie n<» 8; traduits de Pallemand par A. Wachteb, ancien 
capitaine d'élat-major. 1871. Un volume in-8°, avec 5 cartes coloriées, 
broché. 5 fr. 



« 



t\*tC7, Mnp. Derger LevranU et Cis. 



DS SS7.CTPI 
NolkMwrrwtMMtoctota 



557 

3 6105 Ml 514 725 r "7 P é 



Stanford University Libraries 
Stanford, Califomia 

Retum tbis book on or before date due.