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Full text of "Notice sur la vie et les ouvrages de Luigi Boccherini, suivie du catalogue raisonné de toutes ses uvres, tant publiées qu'inédites"

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LIBRARY  OF 
WELLE5LEY  COLLEGE 


PURCHASED  FKOM 
Dean  ïhind 


LUIGI  BOCCHERINI 


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HOTICE 

SUR  LA  VIE  ET  LES  OUVRAGES 

DE 

LUIGI  BOGCHERINI, 

SUIVIE 

DU  CATALOGUE  RAISONNÉ 

DE    TOUTES    SES    ŒUVRES,    TANT    PUBLIÉES    OU'iNÉDITES 

par  L.  PICQUOT 


PARIS 

CHEZ    PHILIPP,    ÉDITEUR   DE  MUSIQUE 
Boulevard  des  Italiens,  19 

ET    CHEZ    LES    PRINCIPAUX    MARCHANDS    DE    MUSIQUE 
1851 


BROUDE  BROS. 

M  u  s  i  c 

NEW  YORK 


23604:4 


PRÉFACE 


En  remettant  au  jour  l'œuvre  de  L.  Picquot,  nous   avons, 
certes,  pour  but  essentiel  de  rappeler  l'attention  sur  un  art 
tout    saturé    de    fantaisie,    tout    vivifié    d'inspiration,    tout 
empreint  d'une  douce  et  pénétrante  poésie,  sur  un  art  a  la 
fois  puissant  et  varié  que  nous  croyons  fermement  capable 
de  revivre,  car  il  réalise  une  chose  probablement  unique  dans 
le  domaine  musical  :  on  s'apercevra,  en  effet,  dès  qu'il  sera 
plus  et  mieux  connu,  qu'un  des  maîtres  instrumentistes  les 
plus  authentiques  de  la  vieille  Italie,  le  seul  et  unique  héritier, 
peut-être,  d'un  Sammartini,  s'est  inconsciemment  assimilé, 
pendant  près  de  quarante  années,  l'impérissable,  le  chaud  et 
précieux  trésor  musical  de  1  Espagne,  pour  nous  restituer, 
dans  ses  quatuors,  trios,  quintettes  ou  symphonies,  une  beauté 
qui  n'est  point  classée  et  ne  le  sera  peut-être  jamais  —  car 
si  elle  nous  offre  d'abord  des  modèles  proprement  et  vivement 
italiens,  elle  ne  tarde  point  à  se  parer,  d'une  façon  plus  pro- 
fonde, à  devenir  plus  gravement  passionnée,  sous  l'action 
de  l'âpre  et  rude  ambiance  castillane.  Telle  se  dessine,  disons- 
nous,  dès  le  premier  regard,  la  physionomie  de  Luigi  Bocche- 
rini.  Protestons  tout  de  suite  contre  le  ridicule  qualificatif 
de  «  femme  de  Haydn  »  dont  on  a  affublé  un  des  artistes  les 
plus  originaux  et  les  plus  exempts  d'imitation  qui  ait  jamais 


—  2  — 

vécu  ;  peut-être  doit-on,  pour  une  part,  à  cette  boutade,  le 
je  ne  sais  quoi  de  fade  et  d'édulcoré  qui  est  venu  dénaturer 
l'appréciation  commune  de  nos  contemporains  a  l'égard  de 
Boccherini  :  son  art  présente,  au  contraire,  des  contrastes 
fort  accusés,  et  son  penchant  à  la  sereine  contemplation 
n'exclut  nullement  la  vigueur,  ni  même  une  certaine  force 
sourde  et  inconnue,  qui  tend  à  donner  aux  sentiments  exprimés 
un  caractère  assez  souvent  tragique. 

Mais  à  l'hommage  que  nous  nous  proposons  de  rendre 
ici  au  vieux  maître  demeuré  si  jeune  pour  nous,  il  nous  faut 
associer,  dès  maintenant,  l'homme  qui  a  passé  une  partie 
de  son  existence  à  l'aimer  et  à  recueillir  sur  lui  et  sur  son  œuvre 
tous  les  détails  biographiques  et  tous  les  renseignements 
musicaux  qu'il  lui  a  été  possible  d'obtenir.  L'ouvrage  que 
L.  Picquot  fit  paraître  en  1851  sous  le  titre  fort  modeste  de 
Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Luigi  Boccherini  suivie  du 
Catalogue  raisonné  de  toutes  ses  œuvres  tant  publiées  qu  inédites, 
et  que  nous  remettons  au  jour,  est  pour  nous  un  véritable 
monument  de  simple  et  saine  information,  en  même  temps 
que  de  réelle  musicologie,  au  sens  le  plus  moderne  du  mot. 
Plût  au  ciel  que  des  «  amateurs  »  aussi  «  distingués  »  eussent 
publié  de  semblables  «  Notices  »  sur  tous  les  grands  Maîtres  ! 
Les  routes  de  la  musicologie  se  trouveraient  singulièrement 
aplanies  et,  avec  moins  de  belles  phrases  et  moins  d'anec- 
dotes, nous  saurions  mieux  à  quoi  nous  en  tenir  sur  l'œuvre 
musicale  des  uns  et  des  autres,  chose  essentielle,  tout  de 
même,  lorsqu'il  s'agit  de  l'histoire  des  musiciens.  Et  nous 
ne  pouvons  retenir  un  mouvement  d'admiration  à  la  pensée 
que  l'auteur  fait  paraître  son  œuvre  en  l'an  de  grâce  1851  ! 
A  cette  date,  quelles  sont  les  œuvres  de  critique  musicale  ? 


—  3  - 

Quelles  sont  surtout  les  biographies  musicales  ?  Nous  trou- 
vons les  récits  du  compagnon  de  Beethoven,  Ant.  Schindler 
(1840),  les  étonnants  essais  de  biographie  musicale  consacrés 
à  Mozart  par  le  diplomate  russe  Oulibicheff  (1843)  ;  l'œuvre 
où  un  autre  Russe,  Aug.  de  Lenz,  caractérise  les  Trois  Styles  de 
Beethoven,  n'a  paru  qu'en  1852.  Aucune  d'elles  d'ailleurs  ne 
tente  une  étude  critique  de  l'œuvre  entier  d'un  de  ces 
maîtres.  Et,  sauf  preuve  du  contraire,  nous  sommes  fortement 
tenté  de  croire  que  la  modeste  c  Notice  »  de  Picquot  précède 
glorieusement  tous  les  travaux  de  grande  envergure  qui  ont 
été  consacrés  par  la  suite  aux  maîtres  classiques.  Picquot 
est  un  des  plus  authentiques  et  des  plus  clairvoyants  précur- 
seurs de  la  musicologie  moderne. 

Son  travail  embrasse  une  œuvre  vaste  et  complexe,  née  au 
cours  d'environ  un  demi-siècle  :  cette  œuvre,  si  l'on  tient 
compte  des  recherches  nouvelles,  atteint  un  total  qui  approche 
de  quatre  cents  pièces  ;  sa  conscience  est  telle  qu'il  s'est 
enquis  de  toutes  les  éditions,  que  les  ayant  recueillies,  il  a  dû 
procéder  chaque  fois  qu'il  a  pu  le  faire  à  des  comparaisons 
avec  les  manuscrits  originaux  :  il  s'est  assimilé  la  technique 
d'un  art  essentiellement  subjectif  et  variable,  de  sorte  qu'il 
se  sent  en  mesure  de  séparer  le  vrai  d'avec  le  faux.  Il  a  eu,  il 
est  vrai,  entre  les  mains  un  document  d'un  prix  inestimable, 
qui  lui  a  servi  de  guide  fidèle  et  sûr  :  c'est  le  Catalogue  théma- 
tique des  ouvrages  de  musique  composés  par  Boccherini  dressé 
par  l'auteur  lui-même,  et  dont  une  copie  lui  avait  été  com- 
muniquée par  le  célèbre  violoniste  Baillot,  l'un  des  interprètes 
les  plus  fameux  et  les  plus  compréhensifs  du  maître  italien. 
Cet«  état  musical  '>  de  la  vie  de  Boccherini  s'étend  de  1761 
à  1803  et  comporte  64  œuvres,  dont  la  plupart  comprend. 


selon  l'usage  du  temps,  six  numéros.  Chose  étrange,  le 
maître  exclut  de  cette  liste  toutes  ses  œuvres  vocales,  reli- 
gieuses ou  profanes,  et  presque  tous  ses  concertos.  De  sorte 
que  le  catalogue  n'enregistre  que  la  plupart  des  œuvres 
directement  vendues  ou  cédées  aux  éditeurs. 

Il  est  évident  que  ce  document  capital  doit  servir  de  base 
à  tout  travail  musicologique  sur  l'œuvre  instrumentale  de 
Luigi  Boccherini  :  nous  regrettons  même  que  Picquot 
n'ait  pas  cru  devoir  placer  d'abord  en  tête  de  chaque  unité 
de  son  Catalogue,  les  numéros  donnés  par  Boccherini  lui- 
même  à  chacune  de  ses  œuvres,  au  lieu  de  prendre  pour  base 
de  son  classement  les  numéros  donnés  par  les  éditeurs, 
numéros  tout  à  fait  arbitraires,  incomplets,  et  ne  présentant 
aucun  intérêt  pour  la  chronologie  (I).  Mais  il  n'est  pas  moins 
certain  que  Picquot  épuise  son  sujet  et  adjoint  à  chaque  fait 
ou  à  chaque  œuvre  qu'il  étudie,  les  plus  judicieuses  considé- 
rations, nées  de  la  critique  la  plus  convaincante  et  la  plus 
sûre.  La  façon  dont  il  rectifie  les  erreurs  des  dictionnaires 
ou  de  la  Biographie  de  Fétis,par  exemple,  demeure  péremp- 
toire  et  n'admet  aucune  réplique.  Je  reconnais  bien  que 
certaines  appréciations  qu'il  donne  à  l'égard  des  devanciers 
de  Boccherini,  tant  sur  leur  personnalité  que  sur  les  carac- 
tères généraux  de  leur  musique,  n'ont  plus  cours  aujourd'hui  : 
l'importance  historique,  notamment,  la  beauté  et  la  variété 
expressive  qui  se  découvrent  de  plus  en  plus  chaque  jour 
dans  l'œuvre  d'un  Sammartini  ;  les  réalisations  nombreuses 
et  fortes  d'un  Telemann  ou  d'un  Stamitz  en  Allemagne, 


(1)  A  chacune  de  nos  clta'ions  d'oeuvres  de  Boccherini,    nous  adopterons 
les  numéros  qu'il  leur  a  donnés  lui-même,  dans  son  Catalogue. 


d'un  van  Maldere  aux  Pays-Bas,  d'un  Guillemain  en  France, 
maintenant  qu'elles  commencent  à  être  mieux  connues  et 
qu'elles  ont  été  replacées,  grâce  à  des  travaux  récents,  dans 
le  cadre  qui  les  a  vu  naître,  prennent  une  importance  et 
occupent  un  rang  si  prépondérant  qu'on  n'hésite  plus  à 
désigner  en  elles,  aujourd'hui,  les  premières  créations 
géniales  où  se  manifeste  l'esprit  moderne  —  pré-classique, 
si  l'on  veut,  dans  la  musique.  Mais  le  seul  fait  de  citer  en 
1851  ces  cinq  noms  résumant  les  écoles  instrumentales  de 
l'Europe  au  XVIII®  siècle,  n'est-il  point  déjà  très  étonnamment 
remarquable  ?  Le  choix  de  ces  cinq  noms,  ceux  des  princi- 
paux précurseurs  et  rénovateurs  de  l'art  musical  moderne, 
donne  à  penser  que  l'obscur  musicologue  de  Bar-le-Duc 
avait  ressenti  la  nécessité  de  scruter  le  passé,  et  qu'il  avait 
parfaitement  su  distinguer  les  véritables  sources  de  l'art 
instrumental  en  Europe.  Il  n'admet  pas  encore  que  son 
héros  se  rattache  à  l'une  d'elles,  mais  il  les  a  discernées, 
alors  qu'aucune  ligne  n'était  encore  tracée  dans  la  sombre 
nuit  du  passé  ;  cela,  déjà,  est  énorme  et  dénote  une  somme 
de  connaissances  bien  rare  et  qui  s'accompagne  chez  lui 
d'un  jugement  et  d'une  perspicacité  fort  au-dessus  de  ce 
que  l'on  est  habitué  de  rencontrer. 

Dès  son  avant-propos,  Picquot  exprime  le  souhait  le  plus 
cher  à  tout  musicologue  épris  du  passé  :  il  voudrait  «  que  les 
musiciens  instruits  entreprissent,  suivant  leurs  prédilections, 
le  pays  qu'ils  habitent,  les  ressources  dont  ils  disposent,  de 
compléter  les  biographies  des  plus  célèbres  compositeurs  ». 
Et  par  quelle  méthode  y  parvenir  ?  L'auteur  nous  la  définit 
si  nettement  qu'il  semble  impossible  d'y  rien  ajouter  :  «  Par 
une  énumération  chronologique  de  chacune  de  leurs  œuvres, 


des  éditions  et  des  reproductions  sous  formes  diverses  qui  en 
ont  été  faites,  des  fraudes  et  des  suppositions  de  nom  aux- 
quelles elles  ont  donné  lieu,  —  par  l'indication  des  biblio- 
thèques publiques  ou  particulières,  qui  renferment  les 
manuscrits  originaux,  les  œuvres  inédites  ou  très  rares  ;  — 
enfin,  par  une  appréciation  critique,  mais  succincte,  propre  à 
éclairer  l'amateur  sur  le  mérite  de  chacune  et  à  guider  son 
choix  (1)».  Certes,  l'auteur  se  rend  compte,  mieux  que  tout 
autre,  des  difficultés  d'une  tâche  semblable  ;  il  gémit  à  propos 
des  erreurs,  des  omissions,  des  titres  mensongers  dont  les 
œuvres  sont  affublées,  des  fausses  attributions,  etc.  «  Ajoutez 
à  ces  causes  incessantes  d'incertitude  et  d'erreur,  l'absence 
obstinée  de  toute  date  dans  la  publication,  la  rareté  des 
bibliothèques,  l'insuffisance  des  plus  riches,  et  l'on  jugera 
s'il  est  aucun  effort  humain  capable  de  triompher  d'un 
pareil  désordre  dans  l'immensité  des  productions  musicales 
que  deux  siècles  ont  entassées.  »  Les  transes  de  ce  genre, 
ressenties  par  toute  conscience  de  travailleur  digne  de  ce 
nom,  n'ont  point,  que  je  sache,  trouvé  de  meilleur  inter- 
prète, ni  de  plus  sobre,  pour  les  traduire. 

Aussi,  l'auteur  ne  peut-il  s'empêcher  d'exprimer  la  joie 
que  lui  vaut,  vers  1 828,  l'apparition  du  Catalogue  thématique 
des  manuscrits  originaux  de  Mozart,  paru  chez  l'éditeur 
André,  à  Ofîenbach.  Certes,  ce  catalogue  n'est  point  parfait, 
ni  surtout  complet  ;  car  il  omet  toutes  les  œuvres  de  jeunesse 
et  ne  reproduit  que  la  liste  des  œuvres  dressée  par  Mozart 
lui-même  à  partir  de  1784  ;  mais,  tel  qu'il  est,  combien  réel 
l'intérêt  qui  s'en  dégage,  combien  désirables  d'autres  tenta- 

(1)P.  IL 


—  7  — 

tives  du  même  genre,  pour  les  «  compositeurs  les  plus  en 
renom,  principalement  en  ce  qui  concerne  la  partie  instru- 
mentale »  !... 

On  sent  là  le  ^ésir  d'éclaircir  mainte  question  soulevée 
par  la  négligence  des  anciennes  éditions  ou  l'incorrection 
d'anciennes  copies  d'œuvres  instrumentales  :  qu'il  s'agisse 
d'une  fausse  attribution,  ou  d'erreurs  dans  les  textes  musicaux, 
les  difficultés  surgissent  fréquemment  sous  les  pas  du  cher- 
cheur, et  elles  se  présentent  plus  souvent  que  dans  l'examen 
des  œuvres  écrites  pour  un  ensemble  vocal,  opéra  ou  oratorio, 
celui-ci  nous  étant  transmis  sous  la  forme  d'une  partition. 

Picquot  a  senti  que  maint  déboire,  mainte  humiliation  avait 
accablé  le  pauvre  Boccherini,  aussi  bien  dans  sa  vie  que  dans 
son  œuvre  ;  il  n'a  pas  voulu  laisser  le  temps  accumuler  sur 
celle-ci  la  poussière  de  l'oubli.  Sa  tentative  a  quelque  chose 
de  réellement  touchant  :  l'amour  qui  se  traduit  à  chaque  page 
de  la  «  Notice  »  ne  prévoit  que  trop,  hélas,  l'abandon  prochain, 
à  peu  près  total,  où  va  tomber  l'œuvre  d'un  grand  artiste. 
Pour  y  parer,  il  résume  dans  cette  modeste  «  Notice  >'  tout  ce 
que  de  longues  années  de  recherches  lui  ont  appris  sur  la  vie 
et  sur  l'œuvre  de  Luigi  Boccherini  :  on  peut  dire  qu'il  a  non 
seulement  feuilleté  celle-ci  à  peu  près  intégralement,  mais 
qu'il  l'a  étudiée,  jouée,  et  surtout  comprise  et  aimée.  Je 
ne  sais  s'il  a  prévu  la  grandeur  où  atteindra  le  résultat  de 
ses  efforts  :  aujourd'hui,  nous  constatons  en  effet,  que 
grâce  à  lui,  Boccherini  est  peut-être  le  premier  des  grands 
artistes  ayant  trouvé  sur  sa  route  un  homme  capable 
d'écrire  une  biographie  musicale  dont  la  modeste  Notice 
nous  offre  peut-être,  croyons-nous,  le  prem.ier  exemple  ! 


* 

*        * 


L'auteur,  en  somme,  place  Corelli  en  tête  des  âges  de  la 
musique  instrumentale  :  de  ses  disciples,  s'échelonnant  dans 
les  limites  d'un  demi-siècle,  surgira  Jean  Baptiste  Viotti 
qui  les  surpassera  tous,  aussi  bien  par  l'éloquence  souveraine 
de  son  jeu  que  par  ses  talents  éminents  de  compositeur. 
Picquot  veut  démontrer  ainsi  la  primauté  des  violonistes, 
mais  il  n'attribue  pas  entièrement  à  ceux-ci  la  création  de  la 
musique  instrumentale  :  à  ce  point  de  vue,  il  rapporte  tout  à 
Boccherini,  et  nous  avons  déjà  dit  qu'en  l'état  actuel  de  nos 
connaissances  historiques,  ces  opinions  trop  absolues  ne  sont 
plus  acceptables.  Mais  il  ne  semble  pas  exagéré  de  prétendre 
que  Boccherini  précède,  dans  le  domaine  de  la  musique  de 
chambre,  l'apparition  de  Haydn  :  alors  que  le  premier  recueil 
de  quatuors  de  celui-ci  se  présente  sous  l'aspect  encore  va- 
riable de  quatuors  ou  Symphonies  —  exactement  comme  l'op.  I 
de  Boccherini,  —  on  peut  dire  que  les  deux  recueils  de  qua- 
tuors du  maître  italien  (op.  8  et  9  du  Catalogue  de  l'auteur), 
ayant  été  composés  en  1769  et  1770,  atteignent  déjà  à  une 
maîtrise  du  genre  que  nous  ne  croyons  pas  pouvoir  recon- 
naître dans  les  Cassations  de  Jos.  Haydn,  contemporaines  de 
ces  mêmes  années-là.  (1).  A  l'audition  d'un  quatuor  de  ces 
deux  recueils  de  Boccherini,  un  musicien  a  le  droit  d'être 
satisfait.  11  a  aussi  le  droit  de  s'étonner  de  la  satisfaction  qu'il 
éprouve  :    car,  pour  nous  tout  au  moins,  l'art  classique  a 


(1)  V,  pour  cette  priorité  de  Boccherini,  D.  A.  Ceru  :  Cenni  intorno  alla  Vita 
e  le  Opère  di  L.  Boccherini,  p.  20. 


dès  lors  atteint  son  but  et,  peut-être,  pour  la  première  fois 
sous  cette  forme  :  équilibre  parfait  des  sonorités,  indépen- 
dance des  parties,  traitement  des  idées,  tout  cela  se  trouve 
réalisé,  avec  la  libre  et  ferme  aisance  d'écriture  d'un  maître 
classique. 

De  plus,  il  est  vraiment  curieux  de  constater  que  cette  réus- 
site complète  eut  lieu  dans  un  pays  lointain,  assez  peu  acces- 
sible aux  influences  étrangères  :  Boccherini,  en  effet,  venait  à 
peine  d'arriver  en  Espagne,  où  il  dédiait  à  son  nouveau  pro- 
tecteur, l'Infant  don  Luis,  frère  de  Charles  III,  le  second 
recueil  de  quatuors  (op.  8)  composé  dans  le  cours  de  l'année 

1769  (1).  C'est  à  «  Messieurs  les  dilettantes  de  Madrid  » 
qu'il    devait  consacrer  le  troisième   recueil  (op.  9)  daté  de 

1770  (2).  Il  parachève  donc,  dès  les  premiers  mois  de  sa 
nouvelle  installation,  le  chef-d'œuvre  des  quatre  parties  ins- 
trumentales combinées,  alors  que  Haydn  n'y  a  point  encore 
fait  éclater  les  plus  beaux  fruits  de  son  génie,  que  Mozart 
s'y  essaie  à  peine,  et  que  Jean  Chrétien  Bach  y  débute  (1 768). 
Est-ce  le  séjour  de  Paris  qui  a  pu  révéler  au  jeune  musi- 
cien un  tel  secret  ?  N'est-ce  pas  plutôt  la  connaissance 
acquise  ou,  peut-être,  les  enseignements  reçus  pendant  un 
séjour  probablement  beaucoup  plus  long  qu'on  ne  croit 
dans  l'Italie  du  Nord,  où  règne  encore  pleinement  l'art  fan- 
taisiste et  foncièrement  poétique  du  vieux  Sammartini  ?  Le 
fait  est  que  ce  séjour  a  pu  durer  cinq  ans  :  de  1762  à  1767 


(1)  C'est  le  recueil  paru  chez  l'Editeur  Vénier  (op.  6)  et  dont  la  publication 
est  annoncée  dès  décembre  1 769  (Mercure  de  France,  p.  206). 

(2)  Ce  recueil,  paru  aussi  chez  Vénier  (op.  10),    n'est  annoncé  qu'en  décembre 
1772  (/W.,p.  183-4). 


-  10  - 

environ  !  Et  lorsque,  par  la  suite,  on  aperçoit  la  parenté  qui 
unit  BoccKerini  au  maître  de  Milan,  il  est  difficile  de  ne  pas 
songer  à  ce  qu'ont  pu  être  ces  années  inconnues  d'apprentis- 
sage et  de  réflexion. 

Quant  à  l'art  que  le  jeune  maître  a  dû  voir  pratiquer  dans 
les  milieux  princiers,  au  moment  de  son  arrivée  en  Espagne, 
il  nous  faut  bien  avouer  que  nous  l'ignorons  :  seuls,  deux 
noms  nous  sont  connus.  Ils  confirment  l'idée  que  nous  avions 
d'un  italianisme  dès  lors  prépondérant.  Le  chef  de  la  musique 
royale  n'était  ^utre  probablement  que  le  musicien  padouan 
Giuseppe  Antonio  Paganelli,  auteur  de  partitions  d'opéras 
et  d'une  quantité  considérable  de  musique  mstrumentale, 
parmi  laquelle  d'importantes  Sonates  et  Divertissements  pour 
le  clavecin,  où  l'auteur  crée  un  style  plus  coulant  et  plus 
fluide  que  celui  de  Galuppi,  un  style  qui  n'a  pas  dû  rester 
étranger  aux  études  que  Léopold  Mozart  imposait  à  son  fils. 
Puis,  Boccherini  trouve  un  rival  en  la  personne  d'un  autre 
Italien,  Gaetano  Brunetti,  déjà  solidement  établi  en  Espagne, 
bien  avant  l'arrivée  du  musicien  de  Lucques  et  chef  de  la 
musique  du  Prince  des  Asturies,  le  futur  protecteur  de  Bocche- 
rini. C'est  avant  tout  un  violoniste,  dont  l'œuvre  instrumentale 
ne  semble  pas  négligeable  et  qui  vécut  en  Espagne  de  1765 
environ  à  1808,  époque  de  sa  mort.  Picquot  possédait  214  de 
ses  œuvres  auxquelles  il  reconnaît  des  <'  qualités  vraiment 
distinguées  »  et  il  paraît  que  Charles  IV  faisait  sa  nourriture 
quotidienne  de  la  musique  de  Brunetti,  la  préférant  à  celle 
de  l'artiste  génial  qui,  en  Espagne,  vécut  longtemps  pauvre 
et  ignoré. 


11  - 


* 


Le  renom  du  jeune  artiste,  basé  sur  l'exécution  aussi 
bien  que  sur  la  composition,  devait  franchir  nos  frontières 
dès  l'année  1 767  :  car  son  premier  recueil  de  Symphonies  ou 
Quatuors  (op.  1)  est  annoncé  par  le  Mercure  de  France  (p.  167) 
dès  le  1®^  avril  de  cette  année-là.  Et  ce  n'est  que  bien  près  d'un 
an  plus  tard,  le  dimanche  20  mars  ]  768,  que  Boccherini  et  son 
ami,  le  violoniste  Manfredi  débutent  au  Concert  spirituel  : 
«  M.  Boccherini,  déjà  connu  par  ses  trios  et  ses  quatuors, qui 
sont  d'un  grand  effet,  a  exécuté  en  maître  sur  le  violoncelle 
une  sonate  de  sa  composition,  »  tandis  que  Manfredi  se  fai- 
sait applaudir  en  jouant  un  concerto  de  violon  de  sa  com- 
position (I).  On  voit  par  là  que  la  renommée  avait  précédé 
leur  visite  à  Paris  ;  l'éditeur  Vénier,  un  vénitien  qui  a  joué  un 
grand  rôle  pour  la  diffusion  de  la  musique  italienne  en  France, 
devait  assurer  le  succès  des  œuvres  de  Boccherini,  en  les 
publiant  jusqu'aux  Quintettes  de  l'op.  23  (avril  1777),  après 
quoi  les  Sieber  et  les  Pleyel  allaient,  jusqu'aux  dernières 
années  du  siècle,  s'enrichir  de  la  vente  des  œuvres  de  Bocche- 
rini :  exploitation  d'un  véritable  trésor,  quasi-inépuisable. 
D'ailleurs,  Vénier  sait  parfaitement  préparer  son  public. 
Voici  comment  il  annonce  cet  étonnant  second  recueil  de 
Quatuors  auquel  nous  avons  déjà  fait  allusion  : 

«  Ce  2^  œuvre  de  Quatuors  a  été  exécuté,  avant  d'être 
gravé,  en  présence  de  grands  connaisseurs  qui  ne  l'ont  pas 
jugé  inférieur  au  premier  œuvre  de  quatuors  qui  a  déjà  paru 


(1)  (/W.,AvrilI,  1768,p.  199). 


-  12  - 

du  même  auteur  et  pour  lequel  le  public  a  témoigné  le  plus 
vif  empressement.  »  (Mercure,  décembre  1769  (1).  C'est  là, 
comme  nous  l'avons  dit,  le  premier  recueil  dédié  par  Bocche- 
rini  à  son  nouveau  protecteur  espagnol, recueil  qui  marque 
des  progrès  si  frappants  que,  dès  lors  (l'auteur  n'a  que 
26  ans),  on  peut  le  considérer  comme  le  maître  par  excellence 
du  quatuor  classique.  A  partir  de  ce  moment,  la  renommée 
du  jeune  maître  ne  cesse  de  s'affirmer  et  de  grandir. 

Par  l'annonce  rapportée  plus  haut  relative  au  concert  du 
20  mars  1768,  où  Boccherini  et  Manfredi  parurent  pour  la 
première  fois  devant  le  public  parisien  (2),  on  a  pu  constater 
que  les  œuvres  du  maître  de  Lucques  étaient  déjà  connues 
en  France.  Dès  le  début  de  1767,  en  effet,  l'éditeur  Vénier 
avait  publié  les  Symphonies  ou  Quatuors  (op.  I)  et,  la  même 
année,  une  mystérieuse  Symphonie  à  quatre  parties  obligées. 
Cors  de  chasse  ad  libitum,  «  imprimée  avec  les  nouveaux  carac- 
tères »  avait  paru  par  les  soins  de  Grange,  à  Paris.  Picquotne 
veut  pas  admettre  l'authenticité  de  cette  ouverture  italienne 
«  del  signor  Bouqueriny  »  qui  rentre  dans  le  moule  d'une 
quantité  de  morceaux  de  ce  genre,  écrits  par  des  maîtres 
fameux  ou  obscurs.  Mais  il  est  bien  difficile  d'admettre  que 
l'art  de  Boccherini  puisse,  dès  lors,  provoquer  le  faux  en 
matière  de  composition  instrumentale  ;  et  c'est  pour  la  même 
raison,  augmentée  des  considérations  de  technique  et  de  valeur 
musicale,  que  nous  regardons  les  Trios  op.  3,  parus  chez  La 


0)lbid.?.  206,  207. 

(2)  M.  de  la  Laurencie  n'a  pu  relever  aucune  trace  dans  le  fonds  des  Menus 
plaisirs  du  roi  pour  I  768,  du  nom  de  Boccherini  :  le  musicien  ne  s'est  donc  pas 
produit  à  la  Cour,  à  Versailles   (Note  de  M.  de  la  Laurencie). 


-  13  - 

Chevardière,  comme  l'une  des  premières  œuvres  du  maître, 
l'une  de  celles  qui  ont  dû  être  écrites  pendant  le  séjour  dans 
l'Italie  du  Nord.  Nous  n'avons  pu  malheureusement  décou- 
vrir la  date  exacte  de  la  publication  de  ce  recueil,  confiée  comme 
celle  de  l'op.  2,  à  La  Chevardière,  à  une  époque  probablement 
antérieure  à  celle  où  les  rapports  entre  Boccherini  et  l'éditeur 
Vénier  devinrent  de  plus  en  plus  fréquents.  On  peut  inférer 
de  tout  ceci  que  la  date  probable  de  l'arrivée  des  deux  jeunes 
artistes  italiens  à  Paris  doit  être  reportée  à  l'année  1767. 

Le  plus  important  témoignage  musical  du  séjour  de  Bocche- 
rini à  Paris  est  incontestablement  le  recueil  des  six  Sonates 
(op.  5)  pour  clavecin  et  violon  (1)  dédié  à  une  de  nos  premières 
pianistes,  M™^  Brillon  de  Jouy.  Ces  sonates  nous  font 
voir  l'auteur  sous  un  aspect  très  rare  et  qu'il  n'aura  plus  à 
nous  offrir  pendant  toute  sa  vie  espagnole  :  en  effet,  il  aban- 
donnera quasiment  le  piano,  et  ne  reprendra  l'instrument  à 
clavier  que  quelques  trente  ans  plus  tard,  lorsqu'il  aura  à 
écrire  des  quintettes  où  le  piano  deviendra  le  centre  autour 
duquel  les  instruments  à  archet  viendront  se  grouper.  L'in- 
fluence française  et  notamment  celle  de  Jean  Schobert, 
qui  venait  de  disparaître  prématurément,  se  manifeste,  indis- 
cutable, dans  ces  intéressantes  sonates,  tant  par  le  caractère 
pathétique  de  certains  mouvements  lents,  que  par  une  écri- 
ture «  pianistique  >'  très  particulière  que  nous  ne  retrouverons 
plus  dans  la  suite  de  la  carrière  de  Boccherini.  Exception  faite. 


(1)  Février  1769  (Mercure  de  France,  p.  208).  Ces  sonates  peuvent  aussi 
s'exécuter  sur  la  harpe.  Les  quatuors  et  les  derniers  trios  du  même  auteur  se 
trouvaient  en  vente  à  ce  moment. 


-  14  - 

tout  de  même,  pour  un  recueil  de  six  Sonates  en  trio(]),  pour 
le  clavecin  ou  piano  forte,  avec  accompagnement  de  violon 
et  basse,  paru  beaucoup  plus  tard  chez  La  Chevardière,  et 
qui  a  eu  d'assez  nombreuses  rééditions  en  France,  chez 
Boyer  et  chez  Naderman,  en  Allemagne,  chez  Gotz  à  Mann- 
heim.  Ce  recueil  qui  inspire  des  doutes  àPicquot,  au  sujet  de 
l'authenticité,  nous  paraît  très  certainement  dû  à  Boccherini, 
et  forme  même  une  suite  aux  sonates  de  l'op.  5,  car  les  édi- 
teurs le  dénomment  «  second  livre  ».  En  tout  cas,  l'inspiration 
est  toute  semblable,  et  certains  de  ces  trios  se  calquent  entiè- 
rement sur  l'une  ou  l'autre  des  Sonates  de  l'op.  5.  Des  décou- 
vertes récentes  tendent  d'ailleurs  à  prouver  que  le  jeune 
maître  a  donné  à  l'instrument  à  clavier  une  importance  qui  a 
été  tout  à  fait  méconnue  jusqu'ici  :  il  existe  en  effet,  à  Dresde 
un  véritable  concerto  de  clavecin  qui  paraît  fort  intéressant. 
Il  est  écrit  dans  le  ton  dé  mi  bémol,  pour  clavicemhalo,  avec 
l'accompagnement  de  deux  violons,  deux  hautbois,  alto  et 
basse  (2). 


Parmi  les  œuvres  assez  nombreuses  de  Boccherini   que 
Picquot  a  ignorées,  il  en  est  une,  datée  de  1 774,  qui  se  trouve 


(1)  Journal  de  Paris  :  janvier  1781. 

(2)  Cette  œuvre  n'a  point  été  connue  de  Picquot.  Gerber  (Tome  I,  p.  174) 
signale  dès  1 790,  la  virtuosité  du  maître  aussi  bien  sur  le  violoncelle  que  sur  le 
piano.  Il  semble  bien,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  que  Boccherini  ne  se  rattache 
pas  à  l'école  pianistique  issue  de  Scarlatti  et  si  remarquablement  représentée 
en  Elspagnc  par  le  P.  Soler  et  ses  disciples. 


-  15  - 

à  la  Bibliothèque  de  Darmstadt  et  qui  doit  être  assez  curieuse  ; 
c'est  un  petit  Ballet  espagnol  qui  a  été  donné  sur  les  théâtres 
de  Vienne  et  de  Moscou  en  1774  et  1775  (1).  Un  spécialiste, 
ou  un  collectionneur  de  ces  admirables  danses  espagnoles 
pourrait,  nous  en  sommes  certain,  découvrir  dans  l'ensemble 
des  œuvres  de  Boccherini  toutes  celles  que  l'usage  faisait 
admettre  au  XVI ll^  siècle  ;  nous  croyons  même  que  pareille 
récolte  —  d'une  beauté  et  d'une  richesse  sans  exemple,  — 
ne  pourrait  être  faite  avec  autant  de  fruit  dans  l'œuvre 
d'aucun  musicien.  Outre  les  fandangos,  les  séguedilles,  l'éton- 
nante Tiranna,  les  rythmes  espagnols  les  plus  authentiques 
foisonnent  dans  toute  l'œuvre  de  notre  auteur.  Il  n'est  pas 
jusqu'aux  menuets  qui  ne  se  trouvent  généralement  «  hispa- 
nisés  »  de  la  plus  originale  façon.  Oserons-nous  parler  ici  du 
trop  célèbre  petit  morceau  à  l'ombre  duquel  hélas  !  s'est  réfu- 
giée toute  la  gloire  du  malheureux  Boccherini  ?  Il  appartient 
à  la  seconde  série  de  ses  quintettes,  écrite  en  1771  :  eh  bien, 
déjà,  les  pizzicati  de  ses  accompagnements,  de  même  que  les 
syncopes  qui  régnent  dans  tout  le  morceau  lui  valent  une  sorte 
de  ferraillement  sec  qui  évoque  les  habitudes  chères  à  n'im- 
porte quel  guitariste  :  c'est  déjà  un  menuet  espagnol.  Et 
lorsque,  pour  une  occasion  qui  demeure  inconnue,  le  musicien 
écrit,  trois  ans  plus  tard,  un  Ballet  espagnol,  c'est  probable- 
ment qu'il  s'est  assimilé  le  goût  de  sa  nouvelle  patrie.  Dans 
sa  musique  de  chambre,  il  sait  en  tirer  déjà  un  parti  véri- 
tablement enchanteur,  capable  de  frapper  ses  biographes  à 
un  tel  degré  qu'ils  voient  dans  la  réalisation  de  ces  danses, 


(1)  Nous  devons  ces  renseignements  à  l'obligeance  de  M.  le  Professeur  D''  W. 
Upmeyer. 


-  16  - 

la  qualité  maîtresse  de  Boccherini.  Le  fait  est  que  ses  danses 
sont  toujours  empreintes  d'un  charme  sui  generis,  très  parti- 
culier, et  qui  fait  de  chacune  d'elles  un  tableau  achevé.  La 
raison  d'être  du  Ballet  espagnol  tient  peut-être  aussi  à  une 
circonstance  familiale  qui,  au  besoin,  pourrait  aider  à  l'expli- 
quer. Le  jeune  maître  avait  une  sœur  aînée,  Marie-Esther 
Boccherini,  qui  avait  épousé  à  Vienne,  vers  1767,  Onorato 
Vigano,  compositeur  et  maître  de  ballets,  dont  le  nom  serait 
oublié  aujourd'hui  si  de  ce  mariage  n'était  né  le  plus  fameux 
chorégraphe   et  danseur  italien   du  XVI ll^  siècle  :   Salvator 
Vigano,  le  rival  de  Vestris,  l'auteur  de  somptueux  et  remar- 
quables ballets,  dont  l'un,  Prométhée,  a  été  mis  en  musique 
par    Beethoven.    Il    n'est    pas    impossible    que    le     Ballet 
espagnol  de   Boccherini   doive  son  existence   au   beau-frère 
chorégraphe    et   que   le    jeune  Salvator  ait    réglé   sur    les 
rythmes     de    ses    danses,     ses     premiers     pas.    Quoiqu'il 
en     soit,     la    danse    devait     être     en     honneur     dans    la 
famille  du  maître  qui  a  pu  voir,  par  la  suite,  évoluer  son 
célèbre  neveu  devant  la  Cour  ou  les  grands  d'Espagne  (1). 
Dans  presque  toutes  ses  œuvres,  soit  de  musique  de  chambre, 
soit  de  musique  d'orchestre,  retentissent  les  échos  irrésis- 
tibles des  danses  violentes  ou  nostalgiques  de  l'Espagne  : 
parfois  même,  le  maître  les  désigne,  et  l'on  remarque,  dans 
un  de  ses  derniers  quintettes,  l'imitation  du  «  fandango  que 
jouait  sur  la  guitare  le  P.  Basilio.  «  De  tout  cela  se  dégage  un 
parfum  de  chaude  poésie,  d'une  vigueur  ardente  et  sensuelle, 
comme  celui  que  répandent  les  tubéreuses  ou  les  orangers. 


(1)  V.  un  important  article  de  M.  Prunières,  consacré  à  Salvator  Vigano 
dans  la  Revue  Musicale,  V^  déc.  1921. 


-  17  - 

dans  la  nuit  étouffante.  Mais,  à  ces  éléments  issus  du  génie 
populaire  espagnol,  Boccherini  ajoute  encore  l'expression 
personnelle  d'un  art  et  d'une  âme  candide  et  originale,  faite 
de  tendre  enjouement  et  aussi,  répétons-le,  d'énergie  virile, 
dont  il  est  à  peu  près  impossible,  croyons-nous,  de  trouver 
l'équivalent  musical. 

Pour  ce  qui  est  de  la  virtuosité,  Boccherini  nous  prouve 
qu'il  devait  avoir  à  sa  disposition  des  instrumentistes  de 
valeur  :  dans  son  quatuor  ou  son  quintette,  le  violon  ou  le 
violoncelle,  et  aussi  l'alto,  réclament  et  même  exigent  des 
forces  qui  dépassent  celles  de  la  moyenne  des  exécutants. 
La  famille  Font,  qui  formait  à  elle  seule  le  quatuor  du  roi, 
auquel  vint  s'adjoindre  celui  qui  devait,  d'abord  en  qualité 
de  deuxième  violoncelle,  l'épanouir  et  l'exalter,  atteignait  à 
des  possibilités  qui  ont  dû  puissamment  aider  et  même  ins- 
pirer Boccherini,  dans  la  création  de  ce  quatuor  et  surtout 
de  ce  quintette,  dont  le  groupement,  muni  des  deux  vio- 
loncelles, ne  laisse  pas  que  d'être  assez  anormal.  A  cet  égard, 
nous  ne  sommes  pas  loin  de  croire  que  les  deux  fameux  vio- 
loncellistes français  ,  Jean-Pierre  et  Jean-Louis  Duport, 
ont  dû  jouer,  eux  aussi,  un  rôle  fort  important  dans  la  persis- 
tance du  groupement  des  deux  violoncelles,  particulier  et  à 
peu  près  distinctif,  des  quintettes  de  Boccherini.  L'aîné 
des  deux  frères,  Jean-Pierre,  revenant  d'un  séjour  en  Angle- 
terre (1769-1771)  séjourna  en  Espagne,  pendant  environ 
deux  ans  (1771-1773)  ;  or,  c'est  précisément  au  cours  de  ces 
années-là  qu'apparaissent  les  premiers  quintettes  du  jeune 
maître,  et  il  n'est  pas  exagéré  de  supposer  que  Duport,  appelé 
par  Frédéric  II  à  Berlin  en  1773,  n'a  pu  perdre  le  souvenir 
du    musicien     exquis,     lorsqu'il    devint    surintendant    des 


-  18  - 

Concerts  de  la  Cour  de  Prusse,  en  1787.  D'ailleurs,  Boccherini 
avait  connu  les  deux  frères,  dès  son  séjour  à  Paris,  en  1 768, 
soit  chez  le  Prince  de  Conti,  soit  chez  le  Baron  de  Bagge, 
cet  étrange  mélomane  qui  avait  créé  un  centre  musical 
à  Paris,  soit  encore  chez  l'éminente  pianiste  française, 
Mme  Brillon  de  Jouy.  Un  historien  contemporain  n'hésite 
pas  à  déclarer  que  <■<  la  grande  majorité  des  quintettes  de 
Boccherini  se  trouvant  à  la  Bibliothèque  du  Château,  à 
Berlin,  doit  son  existence  aux  deux  frères  Pierre  et  Louis 
Duport,  tous  deux  remarquables  violoncellistes  qui  ont 
séjourné  et  fonctionné  pendant  de  longues  années  à  la  Cour 
de  Berlin.  C'est  probablement  grâce  à  eux  que  Boccherini, 
ayant  dédié  une  de  ses  œuvres  au  roi  Frédéric-Guillaume, 
reçut  en  1 787,  nous  dit  Picquot,  le  titre  de  compositeur  de 
la  Chambre  deS.  M.  ))(!). 

Ici  se  pose  un  problème  biographique  que  Picquot  n  a 
point  soupçonné.  Dépourvu  de  moyens  d'existence  après  la 
mort  de  l'Infant  don  Luis,  Boccherini,  cela  est  certain,  a 
quitté  l'Espagne  pour  se  rendre  en  Prusse,  et  son  séjour  dans 
ce  dernier  pays  a  pu  se  prolonger,  peut-être  pendant  plusieurs 
années.  Mais,  nous  ne  sommes  malheureusement  pas  en 
mesure  d'en  pouvoir  fixer  la  durée,  car  nous  ne  connaissons 
qu'une  seule  lettre  du  maître,  datée  de  Breslau  le  30  juillet 
1787,  et  dont  les  termes  nous  prouvent  qu'il  est  entré  en 
relations  avec  de  hauts  personnages  de  la  Cour  prussienne,  et 


(1)  Andréas  Moser.  —  Geschichte  des  Violinspiels,  p.  293  et  suiv. —  C'est,  en 
réalité,  par  le  décret  en  date  du  21  janvier  1786  que  Boccherini  devint  le  compo- 
siteur attitré  du  roi  de  Prusse.  Son  protecteur  espagnol,  l'Infant  Don  Luis, 
était  mort  le  7  août  1785. 


-  19  - 

qu'il  n'a  nullement  l'air  d'un  voyageur  traversant  le  pays, 
au  cours  d'une  tournée  artistique.  Cette  lettre  dont  on  trou- 
vera une  traduction  à  la  fin  de  ce  volume,  jette  un  jour  nou- 
veau sur  une  période  de  sa  vie  où  il  atteint  la  pleine  maturité  : 
elle  est  adressée  à  son  compatriote,  le  marquis  Lucchesini, 
devenu  diplomate  prussien,  et  qui  devait,  quelque  vingt  ans 
plus  tard,  sous  Frédéric  III,  en  qualité  d'ambassadeur  de 
Prusse  auprès  de  l'empereur  Napoléon,  être  chargé  de  négo- 
cier la  paix  après  léna  ;  les  propositions  n'ayant  pu  être  rati- 
fiées par  Frédéric  III,  il  donna  sa  démission  pour  rentrer  dans 
sa  ville  natale,  à  Lucques,  où  il  devint  le  chambellan  de  la 
princesse  Elisa,  sœur  de  Napoléon.  Grâce  à  lui,  bien  des 
portes  ont  dû  s'ouvrir  en  Allemagne  devant  le  grand  musicien, 
que  vantaient  déjà  devant  le  roi  les  deux  artistes  français, 
Jean-Pierre  et  Jean-Louis  Duport,  qualifiés  entre  tous  pour 
apprécier  et  mettre  en  valeur  les  compositions  du  maître 
italo-espagnol.  Le  fait  est  que  dix-huit  quatuors  et  trente 
quintettes,  petits  et  grands,  se  trouvent  aujourd'hui  dans  la 
Bibliothèque  privée  de  l'ex-empereur  à  Berlin,  la  plupart  en 
manuscrits  autographes  et  ornés  de  la  mention  Bene  de  la 
main  du  roi  Frédéric,  qui  a  dû  les  jouer  ou  se  les  faire  jouer 
maintes  fois  (I).  En  outre,  deux  Concerti  (ou  Symphonies)  à 


(1)  V.  Thouret.  —  Catalogue  du  fonds  musical  de  la  Bibliothèque  de  l'empe- 
reur. Il  est  certain  que, dès  1783,  le  futur  Frédéric-Guillaume  II,  alors  prince  de 
Prusse,  est  un  fervent  admirateur  de  Boccherini  qui  lui  a  déjà  dédié  une  de 
ses  œuvres  :  les  rapports  du  maître  avec  la  Cour  prussienne  sont  donc  antérieurs 
de  plusieurs  années  à  la  mort  de  son  protecteur  espagnol,  l'Infant  don 
Luis  (1785).  V.  à  cet  égard,  l'important  document  daté  de  Potsdam  le 
l^'"  Novembre  1783  signé  de  Frédéric-Guillaume  :  Luis  Boccherini.  —  Apunies 
biograficos  y  Catalogo  de  las  Obi  as  de  este  célèbre  Mazstro  public  ados  por  su 
biznieto  D.  Alfredo  Boccherini  y  Calonje  (Madrid  1 879). 


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plusieurs  instruments  ont  été  écrits  en  novembre  et  décembre 
1 786,  et  plusieurs  Divertimenti  notturni  de  mai  à  août  1 787, 
précisément  à  la  date  de  la  lettre  susdite  ;  parmi  ces  composi- 
tions, peut-être  en  existe-t-il  encore  une  ou  deux  que 
Picquot  n'a  point  connues  et  toutes  doivent  déjà  avoir  été 
écrites  pour  répondre  aux  conditions  de  l'engagement  signe 
le  21  janvier  1786,  date  à  laquelle,  comme  nous  l'avons  dit, 
Boccherini  a  été  nommé  compositeur  du  roi  de  Prusse. 

Le  mystère  qui  plane  sur  ce  séjour  du  maître  en  Allemagne 
—  séjour  qui,  en  somme,  a  pu  durer  du  début  de  1 786  à  celui 
de  1788,  —  fait  naître  dans  notre  esprit  une  autre  question 
au  sujet  de  laquelle,  malheureusement,  nous  ne  sommes  pas 
en  mesure  d'apporter  ici  de  précisions  nouvelles.  Vers  les 
années  ci-dessus  indiquées,  nous  constatons  que  les  recueils 
d'oeuvres  de  Boccherini  commencent  à  paraître  à  Vienne, 
publiés  par  l'éditeur  Artaria,  ce  même  Artaria  qui  mit  au 
jour  les  œuvres  de  Haydn,  de  Mozart  et  de  Beethoven  ;  ce 
sont,  les  op.  27  (six  quatuors  (1 777  ou  78),  op.  24  de  l'auteur), 
les  op.  32  (six  quatuors,  op.  piccola  26  du  catalogue  de  l'au- 
teur, composés  en  1778),  33  (six  quatuors  op.  32  de  l'auteur 
composés  en  1 780  et  qui  étaient  célèbres),  34  (concerto  pour 
violoncelle,  un  des  plus  joués,  paru  chez  l'éditeur  Cappi  à 
Vienne),  35  (six  trios  pour  2  violons  et  violoncelle,  op.  34  de 
l'auteur  composés  en   1781),  36  (trois  quintetti  op.  25  de 
l'auteur  composés  en  1778).    Or,    l'on  sait  qu'un  des  frères 
du  musicien,  Jean- Antoine -Gaston,  vivait  à  Vienne  depuis 
vingt  ans   peut-être,    qu'il   y    avait  publié    un   volume  de 
poésies  (1774)  et  qu'à  partir  de  1767,  il  y  avait  écrit  des 
livrets  d'opéras  qui  ont  surtout  été   mis  en  musique  par 
Salieri,  mais  aussi  par  Gassmann,et  même  par  Haydn  (l'ora- 


-  21  - 

torio  Le  Retour  de  Tohie)  ;  là  s'était  mariée  la  sœur  aînée 
dont  nous  avons  rappelé  plus  haut  le  souvenir.  N'est-il  pas 
assez  naturel  d'admettre  que  Luigi  Boccherini,  étant  à  Breslau 
Ouillet  1787),  s'y  soit  rendu  vers  ce  même  moment  ?  N'a-t-il 
pu  rejoindre  l'Espagne  en  passant  par  l'Italie  ?  S'il  est  venu 
à  Vienne,  n'y  a-t-il  point  rencontré  Mozart  ?  Série  de  points 
d'interrogation  attendant  des  réponses  qui  ne  sauraient  nous 
laisser  indifférent. 

Les  archives  de  l'éditeur  Artaria  ont  conservé  une  lettre 
où  le  maître  de  Lucques  témoigne  ses  sentiments  d'admira- 
tion pour  Joseph  Haydn  :  mais  aucune  trace  ne  demeure  de 
ses  rapports  éventuels  avec  Mozart.  Cependant,  deux  écri- 
vains italiens,  Giuseppe  Carpani,  et,  plus  tard,  un  compatriote 
de  Boccherini,  le  marquis  Antonio  Mazzarosa,  font  des  allu- 
sions très  nettes  à  une  parenté  de  style.  A  vrai  dire,  cette 
parenté  nous  semble  assez  difficile  à  définir,  à  travers  les 
différences  de  tempérament  et  de  forme.  En  1808,  Carpani 
déclare  que  le  style  de  Mozart  procède  de  Haydn  pour  ce  qui 
est  du  «  brillant  >>,  et  de  Boccherini,  pour  ce  qui  est  du  <  style 
lié  et  sérieux  «  :  mesto,  c'est-à-dire  de  l'expression  mélanco- 
lique de  son  langage.  Toute  vérification  approfondie  est  chose 
fort  difficile,  car  l'on  sait  qu'une  portion  minime  de  l'œuvre 
du  maître  de  Lucques  a  été  mise  en  partition.  En  réalité,  il  ne 
nous  semble  pas  douteux  que  Mozart  a  connu  et  étudié 
Boccherini  dès  ses  premiers  séjours  en  Italie  :  nous  croyons 
en  avoir  apporté  des  preuves  dans  une  étude  sur  les  séries 
de  quatuors  de  sa  période  milanaise.  Mais  il  serait  fort  ins- 
tructif de  pouvoir  se  rendre  compte,  partitions  en  main,  de 
l'influence  qu'a  peut-être  exercée,  grâce  aux  œuvres  parues 
chez  Artaria  vers  1786  ou  7,  un  homme  qui,  désormais,  avait 


—  22  — 

mis  tout  son  génie  à  satisfaire  le  goût  de  Frédéric-Guillaume  ! 
D'ailleurs,  une  étude  poussée  de  l'œuvre  de  Boccherini 
nous  semble  tout  à  fait  susceptible,  aussi  bien  dans  le  domaine 
de  la  symphonie  que  dans  celui  de  la  musique  de  chambre, 
de  jeter  un  jour  nouveau  sur  l'histoire  de  la  période  classique. 
Et  même  nous  avons  parfois  songé,  très  distinctement,  à 
Schubert,  au  cours  de  l'un  ou  l'autre  quatuor  ou  quintette  de 
la  maturité  de  Boccherini.  Raison  de  plus  pour  croire  au 
rôle  joué  par  les  publications  d'Artaria  dans  la  vie  musicale 
viennoise  !  Et  l'on  remarquera  plus  loin,  sous  la  plume  de 
Picquot,  le  succès  fait  toujours  à  Vienne,  au  ballet  de  Nina  (1) 
de  Persuis,  qui,  selon  une  coutume  fréquente  à  cette  époque, 
avait  emprunté  la  scène  la  plus  pathétique  de  son  œuvre 
au  finale  d'un  quintette,  écrit  par  Boccherini  en  1 774  ! 

Ce  fait  ne  nous  étonne  nullement.  Nous  avons  déjà  signalé 
le  caractère  pathétique  et  dramatique  de  mainte  œuvre 
instrumentale  du  maître  ;  de  plus,  les  accointances  de  Bocche- 
rini avec  des  compositeurs  et  maîtres  de  ballet  rendent  très 
explicable  ce  choix  du  musicien  français.  Et  d'ailleurs, 
comme  va  nous  le  dire  Picquot,  «  tout,  dans  cette  musique, 
fait  tableau  »  (2).  Rien  n'est  plus  exact.  On  a  très  souvent,  en 
écoutant  Boccherini,  l'impression  que,  d'un  bout  à  l'autre, 
l'un  ou  l'autre  de  ses  quatuors  ou  surtout  de  ses  quintettes, 
forme  un  tout  destiné  à  nous  suggérer  l'idée  d'une  scène 
coupée  par  divers  épisodes,  et  qui  reproduit  avant  lafin,enleur 
donnant  un  sens  définitif,  leur  véritable  sens,  les  péripéties 
du  début.  Ceci  est  un  des  traits  caractéristiques  de  la  manière 


(  1  )  Représenté  à  Paris  en  1813. 
(2)  V.  p.  64  de  la  Notice. 


-  23  - 

du  musicien  qui  frappe,  d'ailleurs,  plus  d'un  contemporain. 
Quant  aux  effets  descriptifs,  l'exemple  du  quintette  intitulé  : 
la  Ucceliera  (la  volière),  où  le  chant  des  oiseaux  fait  écho  aux 
sonneries  des  chasseurs  et  aux  danses  des  bergers,  accom- 
pagnées par  la  musette,  marque  une  évidente  tentative  de 
musique  pittoresque  et  descriptive,  où  les  effets  sont  stylisés, 
dans  un  goût  très  conforme  à  celui  du  XVîI!^  siècle,  un  peu 
rapetisses  et  comme  mécanisés.  On  pourrait  imaginer  une 
corrélation  entre  mainte  œuvre  «  boccherinienne  »  de  cette 
époque  et  certaines  œuvres  où  se  manifeste  la  fantaisie  de 
Goya  et  qui  représentent  des  scènes  champêtres,  telles  que 
nous  les  évoquons  aussitôt  dans  notre  souvenir  français, 
mais,  ici,  avec  quelque  chose  de  très  différent,  et  de  très  espa- 
gnol. D'autres  exemples,  quoique  non  désignés  par  l'auteur, 
surgiraient  comme  des  révélations,  si  l'on  pouvait  faire  une 
revue  un  peu  com.plète,  ne  fût-ce  que  des  seuls  quintettes  de 
Boccherini  ;  nous  renonçons  à  donner  une  idée  de  la  richesse, 
de  la  variété  des  scènes  pittoresques  et  poétiques  que  ferait 
revivre  un  tel  exam.en  ! 


Que  pensent  donc  les  contemporains  de  cette  œuvre  si 
complexe  ?  Quel  est  le  sentiment  de  ceux  qui,  dès  le  début, 
se  sont  trouvés  en  contact  avec  elle  ?  Il  importe  de  recueillir 
ces  témoignages,  de  les  confronter,  et  de  tenter  d'en  faire 
jaillir  un  peu  de  lumière.  Ainsi,  quelques  traits  de  la  physio- 
nomie du  maître  ressortiront,  éclairés  d'un  jour  nouveau. 

L'apparition  des  premiers  quintettes  (op.  12  et    13)   dans 

.3 


-  24  - 

rédition  parisienne  de  Vénier,  est  de  janvier  1774  (1). 
Il  semble  bien  que  ces  deux  recueils  assurent  très  prompte- 
ment  la  célébrité  à  leur  auteur,  car,  dès  1776,  l'esthéticien 
Cari  Ludwig  Junker,  consacre  un  long  article  à  Boccherini 
dans  son  fantaisiste  et  curieux  petit  volume  de  portraits 
musicaux   (2). 

Quelle  surprise  pour  nous  d'y  lire  que  Boccherini  est  déci- 
dément trop  ami  de  l'ombre,  trop  sombre,  trop  bourru  !  Il 
s'embrouille  dans  les  difficultés,  et  ainsi  martyrise  l'oreille, 
sans  délivrer  le  cœur  du  poids  qui  l'accable,  il  interrompt 
brusquement  le  cours  d'une  histoire  sentimentale...  «  Puis, 
je  trouve  qu'il  manque  vraiment  trop  de  plan,  de  dessin,  et 
d'ordonnance...  ;  il  me  paraît  décousu,  et  ne  travaille  chaque 
jour  que  sous  son  inspiration  particulière,  il  s'abandonne  trop 
au  hasard,  tantôt  à  l'idée  qui  traverse  son  imagination,  tantôt 
au  sentiment  qui  fait  battre  son  cœur...  Tout  compte  fait, 
l'impression  qui  domine  en  présence  des  trouvailles  origi- 
nales de  Boccherini,  c'est  celle  du  frisson  et  par  suite  de 
l'effroi. 

«  Mais,  depuis  que  je  connais  ses  quintettes  pour  deux 
violoncelles,  depuis  lors,  je  remarque  que  l'auteur  commence 
(tout  au  moins  pour  moi)  à  devenir  plus  chaud  dans  ses  inspi- 
rations et  plus  net  dans  l'expression  des  diverses  sortes  de 
sentiments  ;  là,  il  semble  avoir  travaillé  d'après  un  plan, 
d'après  un  dessin  préalable.  Ces  quintettes  sont  beaux  —  ils 
sont  même  pathétiques  «. 

Telle  est  l'opinion  d'un  des  premiers  commentateurs,  qui 


(1)  Mercure,  p.  181,  janvier  1774. 

(2)  Zwanzig  Componisten,  Berne  1776,  p.  16-21. 


-  25  - 

est,  à  la  fois,  un  grand  connaisseur  de  musique,  un  savant  et, 
déjà  pleinement,  un  véritable  romantique  ;  cette  opinion  donne 
lieu  à  un  article  qui  s'imprime  deux  ans  à  peine  après  que  les 
deux  premiers  recueils  de  quintettes  ont  paru  à  Paris.  Voilà, 
certes,  pour  le  peu  de  bruit  que  font  habituellement  les  œu- 
vres de  musique  instrumentale,  un  événement  exceptionnel  ! 
Décidément,  les  chants  de  Boccherini  survolent  promptement 
les  Pyrénées,  et  l'Espagne  n'est  pas  le  pays  de  l'isolement. 
Mais,  plus  curieuse  et  plus  remarquable  peut-être  que  la  promp- 
titude de  la  renommée,  est  l'appréciation  esthétique  de  Jun- 
ker.  Il  juge,  en  sa  qualité  d'Allemand,  que  cette  musique  ita- 
lienne est  souvent  quelque  peu  désordonnée  et  confuse, 
qu'elle  remue  notre  cœur  au  détriment  de  nos  oreilles,  ou 
celles-ci  sans  notre  cœur,  ou  même  ni  les  unes  ni  l'autre  ;  mais 
il  trouve  les  mouvements  vifs  construits  selon  la  mode  alle- 
mande, tandis  que  les  Adagios  capables  «  de  mettre  les  Italiens 
hors  d'eux-mêmes  ^)  lui  paraissent  inassimilables.  Tout  cela 
nous  semble  assez  étrange.  Mais  qu'il  est  donc  difficile  pour 
nous  —  que  l'on  nous  pardonne  l'expression,  —  d'entrer 
dans  la  peau  d'un  connaisseur  perspicace  de  1776  !  L'effet 
produit  par  le  style  ultra  expressif  de  Boccherini  sur  des  audi- 
teurs allemands,  habitués  surtout  aux  sévérités  de  l'école  de 
l'Allemagne  du  Nord,  se  traduit,  sous  la  plume  de  Junker, 
par  des  appréciations  qui  ressemblent  fortement  à  celles  qui 
sortent  de  la  bouche  des  auditeurs  et  des  critiques  contempo- 
rains des  premiers  romantiques.  Et  combien  il  est  intéressant 
et  suggestif  de  les  retrouver,  à  peu  près  textuelles,  à  propos  de 
l'œuvre  d'un  homme  que  le  futur  XIX®  siècle  va  promptement 
qualifier  de  «  perruque  »  ! 

On  ne  peut  guère  s'expliquer  comment  Junker,  reprochant 


-  26  - 

à  Boccherini  de  manquer  de  plan  et  de  s'abandonner  trop 
librement  au  moindre  écart  de  son  imagination  féconde,  trouve 
qu'il  change  de  méthode  dans  ses  premiers  quintettes  et 
qu'il  commence  à  y  travailler  selon  des  plans  préétablis.  Nous 
avons  plutôt  l'impression  que  c'est  le  contraire  qui  est  vrai  : 
car  rien  de  plus  net,  de  plus  dessiné,  que  certains  morceaux 
de  son  op.  1  et  2.  Tandis  que,  par  contre,  on  sent  surtout 
l'inspiration  purement  sentimentale  guider  uniquement 
l'auteur  dans  mainte  œuvre  écrite  au  début  de  son  séjour 
en  hspagne.  Retenons  avant  tout  que,  pour  le  critique  alle- 
mand de  1776,  le  sentiment  général  qui  se  dégage  de  l'œuvre 
de  Boccherini  se  résume  dans  ce  qu'on  peut  déjà  nommer 
le  trouble  romantique.  Dès  le  début  du  Sturm  und  Drang, 
Boccherini,  frémissant,  est  donc  atteint,  lui  aussi,  du  mal 
nouveau  !  Au  point  de  vue  de  la  pure  critique,  on  ne  trouve 
guère  d'équivalent  à  cet  article  de  Junker,  et  l'on  regrette  que 
Mozart  ne  figure  pas  dans  la  galerie  de  ces  portraits  musi- 
caux :  les  appréciations  enregistrées  par  le  lexicographe 
Gerber,  dès  la  première  édition  de  son  Dictionnaire,  ne  sont 
point  négligeables  cependant.  En  1790,  le  chemin  parcouru 
par  Boccherini  est  considérable.  «  Il  est,  nous  dit  Gerber,  un 
des  plus  grands  compositeurs  instrumentaux  de  l'Italie  :  nul 
mieux  que  lui  ne  sillonne  le  champ  des  modulations,  avec 
autant  d'aisance  et  de  liberté,  nul  n'utilise  comme  lui  les 
trésors  de  l'harmonie...  Et,  avec  cela,  combien  son  chant 
demeure  fondu,  plein  de  cœur  et  d'expansion  !  Malgré  la 
grande  quantité  de  ses  compositions,  il  est  toujours  neuf  et 
presqu'inépuisable  !...  Pour  nous.  Allemands,  il  semble  bien 
qu'il  n'y  ait  qu'Haydn  que  nous  puissions  opposer  a  cet  Ita- 


lien(l)».  Remarquons  qu'à  ce  moment, aucune  des  nombreuses 
œuvres  publiées  par  Pleyel  n'avait  paru  !  L'article  ne  concerne 
donc  que  des  œuvres  antérieures  à  l'op.  36,  environ. 

En  France,  ce  succès  s'affirme  dès  la  publication  des  pre- 
miers recueils  du  maître.  Les  deux  premiers  livres  de  quin- 
tettes, annoncés  de  nouveau,  un  an  plus  tôt  que  l'article  de 
Junker,  par  Y  Esprit  des  journaux  (février  1 775)  donnent  lieu 
au  commentaire  suivant  :  «  Les  deux  œuvres  que  nous  annon- 
çons doivent  être  particulièrement  distinguées  par  la  beauté 
des  chants  variés  et  soutenus  par  une  harmonie  agréable  et 
savante.  >  Inutile,  d'ailleurs,  d'insister  sur  le  fait  capital  que 
toutes  les  premières  éditions  de  Boccherini  sont  françaises(2). 
Mais,  plus  tard,  après  la  Révolution,  l 'enthousiasmée  ne  s'est  point 
ralenti  :  nous  assistons  à  une  scène  mondaine,  non  exempte 
d'un  certain  snobisme,  rapportée,  à  propos  d*Anecdotes 
sur  Viotti,  alors  le  roi  du  violon  :  «  Ce  fut  là  que  des  princes, 
malgré  l'orgueil  du  rang  ;  de  grandes  dames  en  dépit  de  la 
vanité  des  titres  ;  de  jolies  fem.mes  et  de  petits  messieurs, 
malgré  leur  faiblesse,  montèrent  pour  la  première  fois  au 
cinquième  étage,  où  l'on  entendait  la  musique  céleste  de 
Boccherini,  exécutée  par  Viotti  '^  (3).  On  verra  dans  une  des 
lettres  du  maître  que  nous  publions  à  la  suite  de  ce  volume, 
que  cet  éloge  était  venu  jusqu'à  lui,  et  qu'il  n'y  avait  pas  été 
insensible  (4).  Nous  avons  là  une  preuve  que,  au  temps  du 
Directoire,  la  musique  de  Boccherini  était  tout  à  fait  à  la 


(l)Gerber(Tomel.  p.  174),  1790. 

(2)  Vénier,  La  Chevardlère  puis  De  Roullède,  Le  Duc,  Boyer,  Imbauit, 
Pleyel. 

(3)  Décade  philosophique,  an  VI  (1797),  3    trimestre,  p.  525. 

(4)  V.  Appendice.  Lettre  du  8  juillet  1799,  adressée  à  M'"  Jos.  Chénier. 


-  28  - 

mode,  et  que  les  «  incroyables  «  lui  témoignaient  un  intérêt 
attendri.  Ce  sentiment  d'admiration  se  traduit  d'une  manière 
plus  motivée,  tout  à  fait  à  la  même  époque,  dans  un  «  Compte 
rendu  sur  les  fameux  Mémoires  ou  Essais  sur  la  musique  par  le 
citoyen  Grétry,  de  l'Institut  National  de  France,  etc.  (1)  »... 
Le  citoyen  Grétry  cite  les  Symphonies  d'Haydn:  «Ceux  qui  les 
connoissent,  et  quel  musicien  ne  les  connoit  pas  !  ont  éprouvé 
comme  nous  qu'elles  expriment  toujours  un  sentiment, 
qu  elles  l'inspirent,  et  quil  ne  leur  manque  que  la  parole. 
Nous  en  dirons  autant  de  Boccherini,  le  sentimental  par 
excellence,  dont  la  mélodie  est  si  pure  et  l'harmonie  si  par- 
faite, qui  tour  à  tour  est  sombre,  tendre,  déchirant,  gracieux, 
et  même  très  gai  par  accès. Un  jeune  homme  venoit  d'exécuter 
pour  la  première  fois  le  trait  suivant,  l'un  des  moins  connus 
et  des  moins  cités  de  ses  Quintetti  : 
Poco  Adaqio  Sosleniilo 


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< L'archet  lui  tombe  des  mains, et  il  s'écrie: Voilà  le  premier 
accent  de  la  douleur  d'Ariadne,au  moment  où  elle  fut  délaissée 
dans  l'île  de  Naxos  !  Fontenelle  aurait  dit  :  Sonate,  que  me 
veux-tu  ?  Haydn  et  Boccherini  répondent  :  Nous  voulons 
une  âme  et  tu  n'as  que  de  l'esprit  :  jais  des  épigrammes  et  des 
calculs^K   Ceci   est   une   contre-partie   française    du   portrait 


(!)  Journal  des  Savants,  30  ventôse  an  VI,  p.  171. 


-  29  - 

musical  de  Junker, dessiné  vingt  ans  plus  tôt;  ici  plus  d'obs- 
curités, mais  une  compréhension  totale,  avec  une  appréciation 
tout  aussi  romantique.  Le  «  sentimental  par  excellence  » 
qu'est  Boccherini  n'ignore  aucune  des  passions  humaines,  et 
le  signataire  du  compte  rendu  nous  montre  qu'en  1797,  on 
parcourt,  en  écoutant  l'œuvre  du  maître,  toutes  les  régions  de 
l'âme  :  Boccherini  sait  être  aussi  sombre  et  même  déchirant 
que  tendre  ou  gracieux.  L'esthéticien  allemand  et,  vingt  ans 
plus  tard  le  journaliste  français,  se  rencontrent,  car  tous  deux 
reconnaissent,  à  travers  les  différences  de  leur  esprit,  l'inspi- 
ration sentimentale  qui  guide  à  peu  près  seule  la  muse  de 
Boccherini.  C'est  vers  la  fin  du  siècle  que  sa  musique  semble 
atteindre  le  maximum  de  son  rayonnement. 

Il  faudra,  comme  il  est  normal,  attendre  la  mort  du  musi- 
cien pour  voir  son  œuvre  entrer  dans  le  domaine  de  la  litté- 
rature. Elle  n'inspirera  point  de  roman,  mais  timidement, 
s'inscrira  sur  les  pages  intimes  du  journal  d'un  poète,  le 
charmant  Chênedollé  qui,  parmi  les  premiers  romantiques, 
goûtera  en  elle  toutes  les  délices  musicales  que  ceux-ci  ont 
tenté  de  traduire,  sans  l'intervention  d'aucune  mythologie  : 

Bocherini  (sic), 
1808  (4  février). 

«  Sa  musique  est  enchanteresse.  Je  n'aime  que  ce  qui  est 
rêvé  en  musique,  et  voilà  le  caractère  c^e  la  science.  Il  vous 
enlève  dans  une  atmosphère  de  musique,  il  vous  place  dans 
un  séjour  mystérieux  où  il  vous  arrive  des  sons  inconnus  et 
magiques.  On  croit  entendre  les  vers  les  plus  mélodieux,  et 
respirer  à  la  fois  les  parfums  les  plus  exquis.  Voilà  la  double 
sensation  qu'il  donne.  Il  vous  entoure  de  vers  et  de  parfums. 


-  30  - 

Il  y  a,  à  la  fois,  dans  sa  musique,  le  mélange  des  parfums  et  de 
la  poésie.  Les  motifs  ont  quelque  chose  de  rêvé  et  d'inattendu 
qui  transporte  l'âme  dans  un  voyage  enchanté.  Il  vous  roule 
et  vous  berce  délicieusement  dans  sa  musique.  Il  est  plus 
enivrant  qu'Haydn.  C'est  le  Racine  de  la  musique  ».  Et,  plus 
loin  : 

«...  La  musique  attaque  plus  vivement  les  fibres  que  la 
poésie.  Il  y  a  plus  de  vague,  quelque  chose  de  plus  indéfini, 
de  plus  aérien.  Il  y  a  du  ciel  dans  cette  musique-là  !  Quels 
accents  !...  »  (1) 

Comme  dans  le  journal  de  1 797,  l'auteur  trouve  une  teinte 
céleste  aux  inspirations  du  maître  ;  tout  concorde  puisqu'on  a 
parlé  aussi  de  leur  caractère  souvent  angélique  ;  mais,  ici, 
l'enthousiasme  du  poète,  quoique  plus  discret  et  intime, 
résonne  si  profondément  que  l'on  sent  bien  le  choc  de  la 
grâce.  Tout  cela  ne  peut  nécessairement  émaner  que  d'un 
«  sentimental  par  excellence  »  :  mais  hélas  !  cette  sentimen- 
talité ne  suffira  plus  à  la  nouvelle  école.  Bientôt,  elle  ne  signi- 
fiera plus  rien,  et  ni  la  variété  ni  le  charme  de  ce  langage  ne 
frapperont  plus  personne.  Lorsque  Spohr  déclare  brutale- 
ment, après  avoir  entendu  Baiilot  interpréter  avec  une  supé- 
riorité évidente,  quelque  quintette  de  Boccherini  :  «Ce  n'est 
pas  de  la  musique  !  »  cela  résulte  plus,  à  notre  avis,  d*une 
réelle  incapacité  ethnique  à  saisir  une  telle  beauté  spontanée, 
que  d'une  question  de  mode.  C'est  bien  plutôt  une  question 
de  race  que  de  temps  ;  mais  cela  dénote  tout  de  même,  de 


(I)  Thèse  sur  Chênedollé  par  Madame  Paul  deSarrie,  nécLucyde  Lamare, 
A  l'Aube  du  Romantisme,  Chênedollé  (1769-1833),  Caen,  Imp.  E.  Domin.  1922: 
V.  à  la  suite  ;  Extraits  du  Journal  de  Chênedollé.  (1802-33). 


—  :>i 


la  part  d'un  homme  dent  l'œuvre  est  bien  loin  d'être  négli- 
geable au  point  de  vue  historique  et  esthétique,  une  incom- 
préhension affligeante  de  l'art  italien.  Evidemment,  quelques 
années  plus  tard,  et  toujours  chez  l'illustre  violoniste  Baillot, 
le  jeune  Félix  Mendelssohn  fera  preuve  d'une  autre  souplesse 
d'esprit,  lorsqu'il  écrira,  dans  une  lettre  à  sa  sœur  :  «  La  soirée 
chez  Baillot  commença  par  un  quintette  de  Boccherini,  une 
«  perruque  »,  mais  sous  laquelle  sourit  un  vieil  homme  aimable 
et  charmant  »  (1). 

D'une  manière  générale,  la  critique  allemande,  lorsque 
paraissent  chez  Pleyel,  à  Paris,  de  nombreux  recueils  de 
Boccherini  (2),  apprécie  les  œuvres  avec  une  sorte  de  modéra- 
tion :  les  quatuors  (op.  39)  ont  souvent  «  des  pensées  bien 
conduites,  du  feu,  une  certaine  manière  agréable.  Mais  ils 
sont  inférieurs  à  Haydn,  Mozart  et  aux  premiers  quatuors 
de  Pleyel  >>...  Les  trios  (op.  44)  sont  très  bien  écrits,  ils  ont 
une  très  bonne  sonorité  ;  ils  sont  très  recommandables  pour 
une  certaine  classe  d'élèves  «  moyenne  «  ;  les  duos  pour  deux 
violons  op.  46  sont  «  de  bon  goût  et  habilement  construits  :  on 
se  réjouit  de  voir  ici  le  brave  Boccherini  qui  considère  habi- 
tuellement le  violon  avec  tant  de  sérieux,  comme  tenté  de 
l'embrasser  ».  Et  lorsque,  le  21  août  1805,  le  journal  de 
Leipzig  annonce  la  mort  du  maître,  l'article  signé  par  la 
rédaction  décerne  de  justes  éloges,  aussi  bien  à  la  personne 
qu'à  l'art  de  Boccherini  (3). 


(1)  Félix  Mendelssohn.  Reisebrieje  aus  den  Jahren    1830  bis  1832.  Leipzig. 
Hermann  Mendelssohn,  1864  (p.  308). 

(2)  V.  AUgemeine  Musik  Zeitung  (1798),  p.  571  (Symphonies)  584  (quatuors) 
587  (trios  op.  44),  etc. 

(3)  Ihid.  VII,  p.  756. 


-  32  - 

Mais  il  n*est  pas  moins  vrai  que,  malgré  la  publication 
monumentale  faite  à  Paris  sous  la  Restauration  par  Janet 
et  Cotelle,  malgré  les  séances  de  Baillot  qui  entretiennent 
comme  une  sorte  de  culte,  les  auditeurs  fidèles  ne  sont  plus 
que  de  vieilles  gens  qui  s'égrènent  petit  à  petit  et  lorsque  la 
présente  Notice  tente,  en  1851,  de  rappeler  l'attention  sur 
cet  art  subtil  et  charmant,  on  s'aperçoit  que,  d'une  part, 
l'indiflférence  et  le  mauvais  goût  de  cette  période  n'ont  laissé 
qu'un  désert  dans  le  monde  de  l'art,  et  que,  de  l'autre,  les 
grands  romantiques  semblent  avoir  définitivement  étoufxé 
un  art  qui  n'a  plus  aucun  représentant.  En  somme,  un  art 
fait  de  vive  et  chaude  poésie,  d'une  variété  quasi  infinie 
dans  l'ordre  sentimental,  inauguré  en  Italie  dès  le  milieu  du 
XVIII^  siècle  par  Sammartini  est  mort  avec  Boccherini,  à 
Madrid,  le  28  mai  1805.  Le  romantisme  triomphant,  sous  des 
ramures  de  plus  en  plus  touffues,  étouffera  ses  dernières 
pousses. 

Un  journaliste  français  qui  signe  Maurice  Cristal  (2), 
cependant,  tente  beaucoup  plus  tard  de  le  faire  revivre. 
Dans  une  série  d'articles  parue,  entre  le  14  février  et  le 
29  août  1875,  au  Ménestrel,  il  aborde  deux  grands  sujets. 
Il  s'agit,  pour  lui,  de  donner  quelques  aperçus  nou- 
veaux alors  sur  l'histoire  de  la  Symphonie  et  d'appeler 
l'attention  sur  le  rôle  joué  par  Sammartini  et  plus  tard,  par 
Mysliweczek.  La  curiosité  de  son  esprit  le  conduit  à 
faire  des  constatations  d'ordre  général  qui  tombaient  d'ail- 


(I)  Il  se  nommait  Maurice  Germa.  Né  vers  1825,  économiste  et  critique 
musical,  il  a  écrit  dans  la  Revue  Contemporaine, an  Correspondant,  k  ï Annuaire 
encyclopédique,  dans  la  Revue  et  Gazette  musicale. 


-  33  - 

leurs  dans  le  vide,  car  elles  ne  pouvaient  guère  trouver 
d'écho.  Il  est  le  premier  critique  qui  ait  relevé  la  filiation 
qui  unit  les  deux  grands  musiciens  instrumentaux  de  l'Italie, 
le  maître  de  Milan  et  celui  de  Lucques.  Dire,  par  exemple, 
ceci  (en  1875!)  en  parlant  de  Sammartini  :«....  C'est  de  lui 
surtout  qu'on  peut  dire  qu'il  est  le  premier  en  date  des 
symphonistes  de  race  latine.  Or,  il  ne  s'agit  plus  d'aller 
comparer  Boccherini  à  Beethoven,  mais  de  bien  tracer  la  voie 
de  sentiments,  de  charme  et  de  joyeuseté  fascinantes  que  la 
musique  concertante  prit  dans  le  Midi  de  l'Europe,  après 
Sammartini.  C'est  principalement  dans  Boccherini  que  cette 
physionomie  s'incarne  et  s'idéalise  »  ;  dire  cela  nous  apparaît 
comme  une  sorte  de  divination.  Avant  tout  travail  d'exégèse, 
il  déclare  que  «  Samm.artini  est  le  premier  dans  lequel  s'accuse 
le  lyrisme  instrumental^^  et  c'est  à  cette  constatation  qu'abou- 
tissent nombre  de  savantes  recherches  actuelles.  Il  y  a  là 
la  perspicacité  et  la  netteté  de  vue,  tout  ce  qui  fait  l'étofle 
d'un  grand  pionnier  de  l'histoire  de  la  musique  instrumentale. 
Son  but  principal,  après  nous  avoir  fait  part  de  ses  vues 
intelligentes  et  profondes  sur  celle-ci,  est  de  nous  éclairer 
au  sujet  de  l'influence  exercée  sur  Boccherini  par  la  musique 
espagnole.  Il  intitule  d'ailleurs  ses  articles  «  Boccherini  et 
la  musique  en  Espagne  »,  ce  qui  le  conduit  naturellement  à 
nous  parler  de  l'histoire  de  la  musique  dans  ce  pays.  Tentative 
bien  originale  aussi  !  Peut-être  ira-t-il  un  peu  loin  en  nous 
affirmant  que  «  Boccherini  est  le  portrait  musical  de  l'Es- 
pagne >\  chose  assez  malaisée  à  démontrer  d'une  manière 
aussi  péremptoire.  Mais,  lorsqu'il  découvre  dans  la  musi- 
que du  maître  —  qu'il  a  dû  sérieusement  pratiquer  ou 
bien  entendre,  —   «  le  caractère  typique  des  anciens  rythmes 


-  34  - 

espagnols  et  l'impression  tour  à  tour  sensuelle,  passionnée, 
douloureuse,  quelquefois  terrible  (1)  de  la  musique  autochtone 
de  la  péninsule  »,  il  nous  donne  la  formule  véritable.  11  a 
voulu  «  mettre  ici  en  relief  «  cette  source  de  l'inspiration, 
«  principe  actif  que  la  critique  musicale  oublie  trop  souvent». 
Combien  riche  et  profonde,  cette  source  !  «  11  ne  l'a  pas  cher- 
chée, il  s'en  est  nourri  inconsciemment,  c'est  le  génie  même 
de  l'Espagne  qui  lui  a  fourni  son  langage  lyrique,  qui  a 
empreint  dans  toute  son  œuvre  cette  âme  ineffaçable  d'une 
nationalité,  qui  est  la  force  secrète  de  toutes  ses  compositions». 
Là,  il  oublie  évidemment  tout  ce  qui  a  été  écrit  antérieure- 
ment au  séjour  en  Espagne  ;  et  il  reste  à  démontrer  que  les 
premières  œuvres,  composées  à  partir  de  1769,  se  sont 
aussitôt  imprégnées,  à  un  tel  degré,  d'hispanismes  dévorants. 
Ce  qui  ne  veut  pas  dire  que  ceux-ci  ne  se  trouvent  vibrants, 
en  maintes  pages  de  ces  œuvres...  Celui  qui  relèvera  chaque 
participation  de  la  puissante  force  musicale  de  l'Espagne, 
dans  l'œuvre  de  Boccherini,  aura  bien  mérité  de  la  science 
musicologique.  Enfin,  comment  ne  pas  sentir  s'éveiller  le  feu 
poétique  particulier  au  vieux  maître,  et  comment  ne  pas  être 
sûr  que  le  critique  ait  pénétré  tout  ce  qui  fait  la  beauté  propre 
et  le  charme  de  son  art,  lorsque  nous  lisons  les  lignes  qui 
terminent  cette  étude  originale  : 

«  Quand  nous  entendons  ces  adagios  douloureux,  ces  largos 
passionnés,  ces  menuets  enguirlandés  comme  pour  un  bal, 
avec  ces  cordes  pincées  dans  les  sonorités  moyennes  pour 
donner  à  la  phrase  chantante  toute  cette  plénitude  de  sons 
argentins  et  ces  reflets  dansants  de  la  mandoline  ou  de  la 


(1)  Cf.  plus  haut.  Junker,  op.  cit. 


-  35  - 

guitare  ;  quand  à  ces  rythmes  délicieux,  à  travers  lesquels 
reparaissent  les  nuits  espagnoles  étoilées  d'amour,  nous 
voyons  soudain  les  regards  s'illuminer,  comme  si  le  paradis 
s'ouvrait  devant  eux,  alors  notre  esprit  se  reporte  vers  cette 
chambre  humble  où  Boccherini,  sans  meubles,  sans  habits, 
sans  argent,  sans  pain,  juché  dans  son  appentis  et  courbé  sur 
sa  table  de  travail,  évoquait  dans  son  esprit  tous  les  délires 
de  ses  désirs,  de  ses  amours,  de  ses  rêves,  de  sa  naïve  piété, 
de  ses  inconsolables  deuils,  et  les  transcrivait  pour  notre 
admiration.» 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  ces  articles  de  Cristal  étaient 
restés  sans  écho,  alors  qu'ils  eussent  tant  mérité  d'en  éveiller 
au  moins  quelques-uns.  C'est  exact  pour  ce  qui  nous  concerne, 
mais  ni  le  travail,  ni  les  idées  du  journaliste  français  ne  demeu- 
rèrent étrangers  au  premier  en  date  des  biographes  allemands 
de  Boccherini.  En  effet,  le  docteur  H.  M.  Schletterer  en  tire 
parti  dès  les  premières  pages  de  la  biographie  du  maître 
italien,  et  il  n'hésite  pas  à  emprunter  aux  articles  de  Cristal 
des  passages  entiers  de  l'introduction  dudit  ouvrage.  Et  la 
Notice  de  Picquot,  devenue  classique,  servira  de  base  à  tout 
ce  qui  fait  la  suite  du  travail  de  Schletterer  :  celui-ci  repro- 
duira même  scrupuleusement  le  catalogue  final,  muni  de 
toutes  les  annotations  et  commentaires  de  Picquot  (1). 


(1)  On  trouvera  plus  loin,  presqu'à  chaque  page  du  Catalogue  dressé  par 
Picquot,  d'après  celui  de  Boccherini,  quelques  mentions  ou  rectifications 
apportées  par  nous,  ainsi  que  les  dates  de  publication  de  quelques-unes  des 
œuvres  parues  à  Paris,  et  que  le  dépouillement  des  journaux  de  l'époque  nous  a 
permis  de  fixer  définitivement. 


-  3Ô 


* 
* 


Comme  nous  l'avons  dit  déjà,  il  nous  est  impossible,  faute 
de  partitions,  de  fournir  une  vue  d'ensemble  des  procédés 
de  composition  musicale  employés  par  Boccherini  au  cours 
de  sa  longue  carrière  artistique.  Ceux-ci  ont  nécessairement 
beaucoup  varié  ;  mais  il  en  est  plusieurs,  fort  caractéristiques, 
auxquels  il  est  demeuré  fidèle.  D'une  manière  générale,  si 
l'on  examine  des  œuvres  instrumentales  (quatuors,  quintettes) 
écrites  par  lui  en  l'espace  de  trente  ou  quarante  années,  on 
remarquera  que  la  répétition  d'une  idée  ou  d'un  dessin  a 
lieu  presqu'invariablement,  le  plus  souvent  sans  changement 
de  ton,  ce  qui  n'est  pas  sans  engendrer  une  certame  mono- 
tonie ;  et,  pour  tâcher  à  l'éviter,  on  peut,  on  doit  même, 
renouveler  ou  changer  l'expression  de  ladite  idée.  D'ailleurs, 
les  indications  dynamiques,  les  nuances  sont  poussées  si  loin 
et,  en  général,  si  méticuleusement  indiquées,  qu'il  n'est  guère 
possible  de  ne  pas  tenir  compte  d'une  telle  direction  :  nous 
ne  connaissons  pas  d'auteur  contemporain  qui  ait  veillé  avec 
une  telle  précision  et,  dirons-nous,  un  tel  luxe,  à  l'interpréta- 
tion expressive  de  la  musique  :  tendance  déjà  nettement 
«  romantique  ». 

Nous  avons  fait  allusion  plus  haut  au  procédé  particulier  à 
Boccherini,  et  qui  consiste  à  ramener  à  la  fin  d'un  quatuor 
ou  d'un  quintette,  ou  le  début  textuel  de  celui-ci  ou,  simple- 
ment, des  dessms  qui  figuraient  dans  le  premier  morceau. 
De  là,  se  dégage  d'abord  un  sentiment  très  net  de  ce  qui  fait 
l'unité  d'un  morceau,  et  surtout  aussi  le  désir  de  l'auteur  de 
nous  peindre  une  scène,  ou  de  nous  chanter  tout  un  poème  : 


-  37  - 

malgré  les  épisodes  les  plus  divers,  tels  que  mouvements 
lents  entiers,  longs  menuets  et  trios,  etc.,  nous  ne  devons  pas 
oublier  l'introduction  à  laquelle  nous  serons  ramenés  et 
qui  servira  de  conclusion  à  l'ensemble,  tel  un  véritable  pré- 
lude aux  grandes  œuvres  cycliques  du  XIX^  siècle.  Chanter, 
avons-nous  dit.  Oui,  chanter,  c'est  là  le  but  où  doivent  tendre 
toutes  les  indications  données  avec  tant  de  prodigalité  par 
l'auteur  ;  cela  est  vrai,  aussi  bien  dans  les  mouvements  vifs 
que  dans  les  andantes,  dans  les  menuets  que  les  rondos.  Et 
ce  chant  masquera  les  unissons  ou  les  vides  momentanés,  et 
d'ailleurs  certainement  voulus  pour  obtenir  certains  effets 
pittoresques,  lors  de  certains  passages.  Puis,  aussi  aimer  à 
se  ressouvenir,  vers  la  fin,  de  ce  qui  faisait  l'inspiration  du 
début. 

La  recherche  des  sonorités  est  si  poussée  que  l'auteur, 
pour  donner  plus  d'éloignement  à  un  trait,  pour  estomper 
quelque  dessin  et  rentre  l'effet  lointain,  recommande  soit  au 
premier  violoncelle,  soit  au  premier  violon  de  jouer  sur  le 
chevalet,  «  sul  ponticello  »,  procédé  que  les  grands  maîtres 
n'ont  pas  mis  en  usage.  Il  dénote  une  préoccupation  très 
vive  de  l'effet  pittoresque,  et  cela  n'a  rien  qui  puisse  nous 
surprendre  chez  un  artiste  dont  nous  avons  eu  plus  haut 
l'occasion  d'apprécier  le  goût  marqué  pour  les  scènes  de 
danses,  les  pastorales,  les  effets  descriptifs. 

Comment  Boccherini  traite-t-il  la  partie  capitale  du 
«  morceau  de  sonate  »,  le  développement  ?  Cette  importante 
question  n'échappe  nullement  à  Picquot  (1)  qui,  en  un  temps 
où  la  morphologie  n'existe  guère,   nous  montre  fort  bien 


(1)  V.  p.  39,40etsuiv 


-  38  - 

quelle  fut,  a  cet  égard,  la  méthode  de  Boccherini  :  en  somme, 
son  génie  lui  permet  de  faire  des  développements  construits 
sur  les  sujets  constitutifs  du  morceau  de  sonate  —  grand  art 
où  demeurent  insurpassés  les  maîtres  allemands  de  la  période 
classique  ;  puis,  il  se  contentera,  à  d'autres  moments,  d'utiliser 
seulement  un  des  sujets  ou  même  un  fragment,  une  amorce 
de  l'un  d'eux,  dans  le  creuset  du  développement,  ou  encore  il 
fera  jaillir  un  motif  ou  un  dessin  nouveau,  qui  fournira  peut- 
être  la  matière  entière  de  ce  développement.  Et,  ici,  Picquot 
fait  remarquer  que  ce  motif  nouveau  qui  «  jaillit  au  début 
de  cette  seconde  partie,  se  fond  dans  l'ensemble  avec  un 
bonheur  d'affinité  qui  résoud  le  problème  si  difficile  de  la 
variété  dans  l'unité.  »  Je  crois  qu'on  ne  peut  mieux  dire.  Il  y  a 
là  une  sorte  de  justification  du  «  développement  »  au  sens  le 
plus  strict  du  mot,  mais  tel  que  l'ont  pratiqué  les  maîtres 
italiens  :  trouver  ou  plutôt,  comme  l'exprime  Picquot,  faire 
jaillir  une  idée  engendrée  par  les  éléments  du  début  et  par 
conséquent  que  l'on  sent  non  seulement  apparentée,  mais 
issue  desdits  éléments,  n'est-ce  pas  un  résultat  remarquable  ? 
Loin  de  nous  l'idée  de  considérer  comme  chose  accessoire 
la  puissante  malaxation,  le  bruit  sublime  de  la  forge  où  un 
Haydn,  un  Beethoven,  soumettent  à  l'épreuve  du  feu  tout 
ou  partie  d'un  thème  musical  !  Ce  que  nous  voulons  dire, 
c'est  qu'il  n'est  peut-être  pas  moins  admirable  d'extraire  une 
idée  nouvelle  du  jeu  de  ces  éléments,  mais  une  idée  que  l'on 
sent  se  rattacher  à  eux  comme  par  le  lien  mystérieux  de  la 
filiation,  lien  tout  idéal,  sans  aucune  apparence  matérielle, 
et  qui  justifiera  musicalement  pour  nous  ce  que  nous  appelle- 
rons le  développement  italien  :  n'oublions  pas,  d'ailleurs 
que  les  Italiens  n'ont  pas  été  les  seuls  à  savoir  en  tirer  parti  : 


-39- 

Mozart,  souvent,  ne  l'a  pas  dédaigné.  Picquot  reconnaît  donc 
chez  Boccherini  l'emploi  du  sujet  nouveau  au  cours  du 
développement,  et  son  affinité  avec  les  sujets  principaux  dans 
un  morceau  de  sonate  ;  il  sent  parfaitement  tout  ce  que 
l'emploi  de  ce  procédé  apporte  de  variété  et  de  piquant,  sans 
porter  préjudice  à  l'unité  du  morceau.  11  fait  comprendre 
aussi  l'effet  souvent  heureux  d'une  rentrée  du  premier  sujet, 
absente  dans  le  corps  du  morceau  et  qui  ne  se  produit  qu'en 
manière  de  conclusion,  procédé  familier  aussi  à  la  plume 
toute  instrumentale  du  maître  de  Lucques.  Tout  cela,  répé- 
tons-le, dénote  chez  le  biographe  français  un  sens  aigu,  bien 
rare  en  son  temps,  de  la  morphologie. 

11  n'est  pas  difficile  de  relever  dans  différentes  œuvres 
écrites  pendant  le  cours  de  la  carrière  du  maître  des  exemples 
très  nets  de  ces  différentes  méthodes  ;  mais  la  connaissance  de 
l'œuvre  entière  ne  permet  pas  encore  de  tracer  exactement  les 
phases  diverses  de  cette  évolution.  Contentons-nous  donc  de 
signaler  ici,  au  hasard  des  quelques  morceaux  dont  la  partition 
a  été  publiée,  les  différents  types  de  développement  enregistrés 
par  l'âge  classique. 

Le  premier  mouvement  du  n°  1  de  la  série  de  symphonies 
ou  quatuors  (op.  1)  présente  le  schéma  de  la  vieille  sonate 
italienne  sans  rentrée  du  premier  sujet  à  la  tonique.  Aux 
barres  de  reprise,  celui-ci  reviendra  dans  la  tonalité  de  sa 
seconde  exposition  (mi-bémol  majeur),  mais  la  période  s'allon- 
gera du  double  de  sa  longueur  primitive,  sans  adjonction 
d'idée  nouvelle,  et  par  le  moyen  de  modulations  et  de  trans- 
formations apportées  à  la  substance  de  la  première  partie.  Le 
retour  du  second  sujet  s'effectue  sans  autre  changement  que 
sa  transposition  à  la  tonique  ("ut  mineur) .  Ne  nous  étonnons 


-  40  - 

pas  de  cette  construction,  car  l'œuvre  date  de   1761,  et  ce 
n'est  que  plus  tard  que  les  changements  surviendront. 

Dès  1770,  dans  les  quatuors  op. 9  de  l'auteur,  le  système  de 
la  rentrée  du  premier  sujet  à  la  tonique  est  établi  :  et  c'est  là 
un  fait  important.  Quelques  exemples  recueillis  dans  des 
œuvres  postérieures  nous  prouvent  que  ce  système  est  cou- 
ramment pratiqué  :  dans  Y  Allegro  con  spirito  qui  précède  le 
trop  célèbre  menuet  du  quintette  en  mi  majeur  (op.  13)  ;  en 
1778,  dans  un  nostalgique  quintette  en  la  mineur  (op.  25),  le 
premier  morceau  nous  offre  un  développement  libre,  am.orcé 
par  la  mesure  qui  précède  les  barres  et  dont  l'étendue  est  de 
44  mesures  ;  il  est  suivi  d'une  rentrée  à  la  tonique,  et  d'une 
coda  faite  des  éléments  qui  y  avaient  été  omis.  On  trouve 
dans  un  quintette  en  ré  (1787)  un  développement  du  pre- 
mier Allegro  vivo  où  se  rencontrent,  intervertis,  les  éléments 
constitutifs  de  la  première  partie,  et  la  rentrée  du  premier 
sujet  a  lieu  tout  à  la  fin,  en  manière  de  coda.  Lorsqu'on 
étudie  certains  des  grands  quintettes  de  la  période  1795- 
1800,  on  rencontre  une  étonnante  variété  de  formes  :  Boc- 
cherini  tente  parfois  deux  développements  juxtaposés,  chacun 
muni  de  ses  barres  de  reprise,  et  la  rentrée  ne  se  fait  qu'en 
manière  de  conclusion.  (Quintettes  avec  piano  1797.)  Tan- 
dis que,  dans  un  grand  et  magnifique  quintette  à  cordes  en 
mi  hémol,  écrit  en  1795,  il  donne  le  modèle  de  la  noblesse 
et  de  la  variété  classique  dans  le  premier  morceau,  régu- 
lièrement construit  ;  dans  la  finale,  il  s'essaie  à  un  remar- 
quable fugato,  muni  de  trois  longues  reprises  variées  et, 
la  même  année,  il  écrit  un  quintette  en  ut  majeur  débutant 
par  une  grave  introduction  en  mineur,  r/4//e^ro  assai  s'arrête 
brusquement   pour   faire   place   à   une   innocente   Cantilène 


-  41  - 

suivie  d'un  exquis  et  poétique  menuet, après  quoi,  c'est  une 
rentrée  variée  du  premier  mouvement  qu'achève  une  brillante 
Coda  (1).  On  voit  la  diversité  des  sytèmes  et  les  recherches 
formelles  effectuées  par  le  m.aître,  dans  la  mise  en  œuvre 
d'un  morceau  de  sonate. 

Peut-être  la  création  la  igplus  orinale  de  Boccherini  se 
manifeste-t-elle  dans  les  Rondos.  La  façon  dont  il  sait  enguir- 
lander ses  thèmes,  les  sertir  dans  la  couronne  éblouissante  de 
ses  intermèdes,  les  rehausser  par  le  contraste  d'inventions 
toujours  renouvelées,  nous  semble  parfois  d'une  fantaisie 
inimitable  et,  à  l'occasion  d'une  étude  sur  les  séries  des 
quatuors  italiens  de  Mozart,  ainsi  que  sur  ses  fameuses  sonates 
«  romantiques  »,  pour  piano  et  violon,  nous  eûmes  l'occasion 
de  montrer  l'influence  exercée  par  les  rondos  du  maître  de 
Lucques  sur  le  jeune  Salzbourgeois. 

Que  ces  thèmes  de  rondos  soient  des  andantes  ou  des 
mouvements  vifs,  le  charm.e  et  l'intérêt  demeurent  les  mêmes  : 
Boccherini  a  commencé  par  adopter  le  cadre  du  rondeau 
français  à  un  ou  deux  intermèdes  (dans  les  sonates  pour 
piano  et  violon  notamment)  ;  mais,  déjà  là,  surgissent  les 
inventions  nouvelles,  avec  une  liberté  et  une  variété  qui  ne 
tarderont  pas  à  se  m.ontrer  insoupçonnées,  surtout  à  mesure 
que  s'avancera  la  carrière  espagnole  du  maître.  Il  y  aurait 
une  étude  à  élaborer  sur  les  progrès  que  manifeste  le  rondo 
chez  Boccherini.  Cette  forme  devint  pour  lui,  une  source 
d'inventions  sans  limites  :  la  verve,  la  désinvolture,  l'esprit, 
ravivent  sans  cesse  un  thème,  quel  qu'il  soit,  et  l'enthousiasme 
s'allume  parmi  les  exécutants  familiarisés  avec  ce  genre  et  ce 


(1)  V.  ces  différents  Quintettes  dans  la  petite  Edition  de  poche  Ricordi. 


—  42  - 

style.  Rien  de  plus  intéressant  que  de  suivre  l'élargissement 
et  l'enrichissement  progressif  du  rondo  a.  travers  l'œuvre  du 
maître  ;  il  nous  faut  renoncer  à  donner  ici  l'idée  de  cette 
richesse  et  de  cette  variété.  Peut-être  est-ce  là  que  l'élément 
«  impondérable  »  de  son  génie  se  manifeste  le  plus  remarqua- 
blement. 

Il  est  une  autre  question  que  pose  la  critique  moderne  à 
l'égard  de  Boccherini.  Picquot  passe  rapidement  sur  elle,  en 
déclarant  que  l'infériorité  du  maître,  à  ce  point  de  vue,  ne 
permet  pas  de  le  mettre  au  rang  des  compositeurs  allemands  ; 
que,  de  plus,  le  caractère  de  son  génie,  fait  d'intimité  et  de 
douceur,  l'éloigné  du  grand  éclat  des  foules.  Il  s'agit  de  la 
symphonie.  Picquot  ne  voit  dans  la  Sym.phonie  de  Boccherini 
que  «  des  Quintetti  ou  Sextuors  renforcés  »  (1).  Il  est  vrai  que, 
mise  en  regard  de  sa  musique  de  chambre,  l'œuvre  proprement 
«  symphonique  »  du  maître  n'est  pas  très  importante.  Mais 
nous  présumons  qu'une  étude  portant  sur  une  vingtaine  de 
ses  symphonies  proprement  dites,  conduirait  à  un  résultat 
très  opposé  à  l'opinion  qu'émettait  Picquot  :  sans  que  nous 
puissions  naturellement  donner  aucune  précision,  nous 
sommes  portés  à  croire  que  le  recueil  op.  22  (1775)  pourrait 
nous  fournir  des  exem.ples  très  purs  et  très  beaux  de  sympho- 
nies pour  petit  orchestre,  dans  le  style  du  XVIII^  siècle,  tandis 
que  le  recueil  inédit  op.  35  (1782), et  les  symphonies  séparées 
qui  s'échelonnent  de  1 787  à  1 792,  seraient  de  nature  à  nous 
révéler  quelque  chose  deftotalement  ignoré  et  de  particuliè- 


(1)  V.  p.  75,  76.  Une  importante  série  de  Symphonies  vient  d'être  retrouvée 
par  M.  Ch.  Bouvet,  à  la  Bibliothèque  de  l'Opéra  où  sont  conservés  les  manus- 
crits, de  nombreuses  œuvres  de  Bcccherini. 


-  43  - 

rement  libre  et  modeme(l).  L'audition  de  l'une  des  premières 
nous  donne  l'impression  que  la  connaissance  de  l'œuvre 
symphonique  rehausserait  plutôt  encore  le  sens  de  notre 
appréciation. 

Sans  préjuger  des  résultats  auxquels  une  telle  enquête 
pourrait  atteindre,  nous  ne  croyons  nullement  nous  exposer 
à  un  démenti  en  prétendant  qu'elle  n'ajouterait  rien  aux 
raisons  qu'on  a  voulu  faire  valoir  relativement  à  la  parenté 
qui  unirait  l'art  de  Boccherini  à  celui  de  la  célèbre  école  de 
Mannheim.  Lorsque,  grâce  aux  travaux  du  Professeur  Rie- 
mann,  cette  école  est  sortie  des  cendres  de  l'oubli,  on  a 
soutenu  que  la  découverte  de  Stamitz  et  de  ses  disciples, avait 
donné  le  mot  de  ce  qu'on  a  appelé  l'énigme  Boccherini.  Or, 
pour  nous,  la  question  à  ce  moment  n'a  pas  fait  un  seul  pas 
en  avant....  Nous  comprenons  et  partageons  l'étonnement  de 
ceux  qui,  étudiant  'd'un  peu  près  l'histoire  de  l'art  instru- 
mental, ont  trouvé  accompli,  dès  la  décennie  1770-1780,  le 
chef  d'oeuvre  du  trio,  du  quatuor  ou  du  quintette  ;  car  c'est 
un  fait  que,  dès  lors,  Boccherini  en  a  signé  plusieurs.  Mais, 
pour  nous,  si  l'op.  I  du  maître  de  Lucques  est  un  grand 
événement,  il  s'explique,  que  l'on  nous  permette  d'employer 
ce  mot,  italiquement  :  c'est  non  pas  l'école  de  Mannheim, 
mais  le  seul  précédent  des  S infonie  per  caméra,  de  celles  de 
Tartini  notamment,  qui  suffit  à  tout  expliquer  ou  à  tout  faire 
comprendre.  Et  pour  ce  qu'il  y  a  de  capricieux  et  de  poétique 


(1)  V.  Rivista  Italiana  (article  de  R.  Sondheimer),  fasc.  4  (1920)  et  les  citations 
du  D'"  K.  Nef  dans  son  Histoire  de  la  Symphonie  p.  1 76  et  s.  On  pourra  constater 
que  Boccherini  a  repris,  pour  servir  d'Introduction  à  son  Stabat  mater  (1801)  le 
morceau  par  où  débutait  la  4'-  Symphonie  en  fa  (1782),  restée  inédite. 


-  44  - 

dans  l'œuvre  du  jeune  Lucquois,  le  précédent  du  vieux 
Milanais  Sammartini  nous  suffit  aussi  largement.  Dans  le 
domaine  proprement  symphonique,  comment  d'ailleurs 
admettre  que  l'école  de  Stamitz  ait  joué  pareil  rôle  et  exercé 
semblable  influence,  parmi  les  cours  princières  et  chez  les 
amateurs  en  Espagne  ?  Pour  nous,  le  génie  de  Boccherini  a 
d'abord  été  guidé  par  des  maîtres  Romains,  restés  malheu- 
reusement obscurs  ;  puis,  il  a  été  en  contact  avec  les  maîtres 
instrumentistes  de  l'Italie  du  Nord,  puis  à  Paris  avec  l'école 
française,  et,  enfin,  pendant  son  long  séjour  au  delà  des 
Pyrénées,  avec  des  Italiens  d'abord,  en  attendant  de  s'impré- 
gner de  l'air  ambiant,  tout  parfumé  des  chaudes  senteurs 
castillanes  ou  andalouses.  Nous  n'omettrons  point  naturelle- 
ment tout  ce  qui  fait  la  part  inconsciente  du  génie,  et  cette 
part  est  grande  chez  un  artiste  tel  que  l'a  été  Boccherini  ! 

Et  maintenant  que  nous  avons  essayé  de  mettre  au  point 
l'état  actuel  de  nos  connaissances  relatives  à  la  vie  et  à  l'œuvre 
du  maître,  il  est  temps  de  laisser  la  parole  à  celui  qui  s'est 
si  parfaitement  identifié  avec  cette  vie  et  cette  œuvre  :  mais, 
il  nous  faut  encore  adresser  aux  musicologues  de  l'avenir  et 
aux  musiciens  d'aujourd'hui  un  double  et  pressant  appel. 
Njus  demandons  aux  premiers  de  scruter  le  terrain  qui  a 
nourri  la  fleur  boccherinienne,  en  lui  donnant  de  si  rares 
couleurs,  et  nous  leur  demandons  aussi  de  l'étudier  elle- 
même,  dans  sa  formation  et  son  développement  ;  aux  seconds 
nous  voudrions  faire  comprendre  qu'ils  peuvent  seuls  faire 
cesser  l'oubli  scandaleux  où  a  sombré  une  des  œuvres  musi- 
cales les  plus  richement  variées  :  devant  maintes  et  maintes 
pages  tour  à  tour  grandioses,  pittoresques  et  toujours  émues, 
ils  verront  surgir  la  physionomie  d'un  homme  capable  d'élans 


—  45  — 

sublimes,  d'un  homme  qui  a  créé  un  langage  musical  tout 
pénétré  d'ardente  poésie,  de  pieuse  adoration,  un  langage  où 
l'originalité  et  la  beauté  s'égalent,  pour  nous  donner  une 
certaine  qualité  de  parfum  qui,  disons-le  encore,  demeure, 
pour  nous,  sans  équivalent. 

G.    DE   S.    F. 


Nous  donnons  à  la  fin  de  ce  volume  la  liste  des  éditions  pratiques  actuelle- 
ment accessibles  de  plusieurs  œuvres  de  Boccherini,  et  nous  nous  promettons 
d'enrichir  un  peu  cette  liste  par  la  publication  de  quelques  séries  inédites,  appar- 
tenant à  la  Bibliothèque  du  Conservatoire  et  à  la  Bibliothèque  de  l'Opéra. 


AVANT-PROPOS 


En  écrivant  cette  Notice,  l'auteur  s'est  proposé  trois  choses  : 
rectifier  les  erreurs  assez  considérables  commises  par  les  bio- 
graphes de  Boccherini  et  ajouter  aux  faits  déjà  connus  d'au- 
tres faits  qui  le  sont  peu  ou  point  ;  remettre  en  mémoire  un 
compositeur  célèbre  dont  les  œuvres,  filles  du  génie,  demeu- 
reront des  modèles  de  grâce,  de  sensibilité  et  de  goût  ;  enfin 
offrir  aux  amateurs  un  Catalogue  raisonné  et  complet  des 
ouvrages  dont  se  compose  la  volumineuse  collection  des 
titres  de  Boccherini  à  l'admiration  des  connaisseurs. 

Cette  troisième  et  dernière  partie  n'est  pas  celle  qui  a  néces- 
sité le  moins  de  recherches.  Quel  musicien,  s'étant  occupé 
sérieusement  de  bibliographie  musicale,  n'a  gémi  sur  les 
erreurs  dont  fourmillent  les  recueils  biographiques  dans 
l'énumération  des  œuvres  de  chaque  compositeur  !  Omissions, 
doubles  emplois,  méprises,  suppositions,  s'y  accumulent  en 
raison  même  du  degré  de  mérite  de  ces  œuvres,  qui,  livrées 
sans  défense  à  la  spéculation  commerciale,  se  déguisent  et  se 
travestissent  sous  mille  formes,  comme  autant  d'appâts  à  la 
crédulité  publique.  De  là  ces  titres  mensongers  qui  donnent 
pour  originale  une  œuvre  qui  ne  l'est  pas  ;  qui  lui  assignent 


-  48  - 

un  ordre  numérique  inexact  quand  il  n'est  pas  imaginaire,  ou 
qui  placent  sous  l'égide  d'un  nom  recommandable  les  rapso- 
dies  d'un  obscur  faiseur.  Ajoutez  a  ces  causes  incessantes  d'in- 
certitude et  d'erreur  l'absence  obstinée  de  toute  date  dans  la 
publication,  la  rareté  des  bibliothèques,  l'insuffisance  des  plus 
riches,  et  l'on  jugera  s'il  est  aucun  efïort  humain  capable  de 
triompher  d'un  pareil  désordre  dans  l'immensité  des  produc- 
tions musicales  que  deux  siècles  ont  entassées. 

Mais  ce  qui  semble  impossible  dans  une  bibliographie  géné- 
rale, cesse  de  l'être  pour  une  bibliographie  particulière  où 
l'exactitude  est  de  rigueur.  C'est  pourquoi  il  serait  à  désirer 
que  les  musiciens  instruits  entreprissent,  suivant  leurs  prédi- 
lections, le  pays  qu'ils  habitent,  les  ressources  dont  ils  dis- 
posent, de  compléter  les  biographies  des  plus  célèbres  com- 
positeurs (de  ceux  surtout  dont  les  travaux  ont  exercé  une 
large  mfluence  sur  les  progrès  de  l'art,  et  sont  destinés,  par 
cela  même,  à  survivre  à  leur  époque  et  à  intéresser  les  con- 
naisseurs de  tous  les  temps),  de  compléter,  disons-nous,  ces 
biographies  des  plus  célèbres  compositeurs  :  —  par  une 
énumé ration  chronologique  de  chacune  de  leurs  œuvres, 
des  éditions  et  des  reproductions  sous  formes  diverses  qui 
en  ont  été  faites,  des  fraudes  et  des  suppositions  de  nom 
auxquelles  elles  ont  donné  lieu  ;  —  par  l'indication  des 
bibliothèques  publiques  ou  particulières  qui  renferment  les 
manuscrits  originaux,  les  œuvres  inédites  ou  très  rares  ;  — 
enfin  par  une  appréciation  critique,  mais  succincte,  propre  à 
éclairer  l'amateur  sur  le  mérite  de  chacune  et  à  guider  son 
choix. 

On  conçoit  l'utilité  d'un  travail  semblable,  exécuté  avec 
conscience    et   talent.    Déjà    l'éditeur   André,    d'Ofîenbach, 


-  49  - 

possesseur  de  la  plus  intéressante  partie  des  manuscrits 
originaux  de  Mozart,  a  publié,  vers  1828,  un  catalogue 
thématique  des  ouvrages  de  cet  illustre  maître.  Malheureuse- 
ment, il  a  cru  devoir  négliger  les  œuvres  qui  se  rapportent  à 
la  jeunesse  de  l'auteur,  et  ne  commencer  qu'à  l'année  1 784  (1), 
de  sorte  que  son  travail  laisse  une  lacune  bien  regrettable 
pour  tous  ceux  qui  aimeraient  à  suivre  et  à  voir  se  développer 
les  progrès  et  les  phases  diverses  de  ce  merveilleux  génie 
Tel  qu'il  est,  néanmoins,  et  nonobstant  quelques  reproches 
qu'on  pourrait  lui  adresser,  ce  Catalogue  est  plein  d'intérêt 
et  montre  de  quelle  utilité  seraient  des  recherches  semblables 
sur  les  productions  des  compositeurs  les  plus  en  renom, 
principalement  en  ce  qui  concerne  la  partie  instrumentale. 

Mû  par  cette  conviction,  et  consultant  moins  ses  forces 
que  son  zèle,  l'auteur  de  la  Notice  sur  Boccherini  ne  s'est  pas 
attaché  seulement  à  rédiger  un  Catalogue  où  l'exactitude 
rachetât  ce  qu'il  ofïre  de  défectueux  sous  d  autres  rapports  ; 
essayant  de  mettre  en  pratique  les  idées  émises  plus  haut,  il 
a  cru  devoir  accompagner  chaque  œuvre  d'observations  biblio- 
graphiques, historiques  ou  critiques,  de  manière  à  faire  mieux 
saisir  l'esprit  et  le  plan  dans  lesquels  il  serait  désirable  que 
les  catalogues  des  grands  auteurs  fussent  conçus. 

Puisse  cet  essai,  tout  imparfait  qu'il  est,  trouver  des  imi- 


(1)  On  trouve  dans  la  Revue  Musicale  de  M.  Fétis,  année  1835,  une  liste 
chronologique  des  ouvrages  de  Mozart,  depuis  sa  plus  tendre  enfance  jusqu'à 
sa  mort  ;  cette  liste  est  accompagnée  de  notes  intéressantes  sur  l'une  et  l'autre 
période,  la  première  antérieure  à  1784,  la  seconde  postérieure.  (P.). 

Nous  faisons  suivre  de  la  lettre  P.  toutes  les  annotations  émanant  de 
Picquot. 


-  50  - 

tateurs  et  stimuler  le  zèle  de  plus  érudits  et  de  plus  capables  ! 
Puisse-t-il  aussi  ramener  les  artistes  et  les  amateurs  au  goût 
d'une  musique  simple,  naïve,  mélodieuse,  puisée  aux  sources 
les  plus  pures  de  l'inspiration  et  du  sentiment  !  L'auteur  n'am- 
bitionne pas  d'autre  récompense. 


NOTICE 

SUR  LA  VIE  ET  LES  OUVRAGES 


DE 


LUIGI  BOCCHERINI 

SUIVIE 

DU   CATALOGUE    RAISONNÉ 

DE  TOUTES  SES  ŒUVRES,   TANT   PUBLIÉES  Qu'lNEDITES 


La  musique  instrumentale  destinée  à  la  chambre,  celle 
dont  les  moyens  d'exécution  se  résum.ent  dans  le  violon  et 
ses  congénères,  ne  date  en  réalité  que  de  la  fin  du  XVII^  siècle. 
Ce  n'est  pas  à  dire  qu'antérieurement  à  cette  époque  ce  genre 
de  musique  n'eût  été  connu,  cultivé,  ou  qu'il  n'eût  fait  aucun 
progrès,  faute  de  maîtres  habiles  ;  non  sans  doute.  Mais  il 
est  permis  d'avancer  que,  jusqu'à  l'apparition  de  Corelli  (1), 
rien  dans  les  travaux  de  ses  devanciers  ni  de  ses  contemporains 
eux-mêmes  n'indiquait  la  savante  direction  qu'il  eut  la  gloire 


(1)  Son  premier  ouvrage  :  XII  Sonate  a  fre,  due  Violini  e  Violoncello,  col 
Basso  per  iorgano,  fut  publié  à  Rome  en  1685  ;  le  5'-,  son  chef-d'œuvre,  en 
1700  (P.). 


-  52  — 

d'imprimer  à  son  art.  Supérieur  aux  maîtres  de  ce  temps  par 
le  savoir,  par  l'exécution,  par  la  pensée  qui  agrandit  tout,  il 
se  posa  comme  chef  d'école  dans  son  immortel  Œuvre  5,  en 
frayant  des  routes  nouvelles  où  le  suivirent  avec  ardeur  des 
disciples  dignes  de  transmettre  ses  préceptes  et  de  continuer 
la  révolution  qu'il  avait  si  heureusement  commencée.  Après 
cet  illustre  réformateur,  vint  Tartini,  Tartini  aussi  grand 
compositeur  que  grand  violoniste,  dont  les  œuvres  brillantes 
d'invention  et  de  génie  ne  contribuèrent  pas  moins  que  les 
leçons  du  maître  à  affermir  et  a  étendre  les  conquêtes  de 
l'école  instrumentale.  Les  élèves  de  ces  deux  grands  artistes, 
Geminiani,  Locatelli,  Somis,  Leclair,  Nardini,  Pugnani, 
Domenico  Ferrari  et  plusieurs  autres,  ajoutèrent  encore  à 
la  gloire  de  cette  école  et  préparèrent  l'époque  mémorable 
dont  Viotti  devint  plus  tard  la  sublime  personnification. 

Toutefois,  il  faut  le  reconnaître,  quelque  influence  qu'aient 
exercée  les  travaux  de  ces  virtuoses  sur  le  grand  mouvement 
opéré  dans  la  musique  instrumentale  vers  la  seconde  moitié 
du  XVIII^  siècle,  quelque  puissante  qu'ait  été  la  force  d'impul- 
sion qu'ils  lui  donnèrent,  ils  entrevirent  à  peine  les  hautes 
destinées  auxquelles  leur  art  devait  s'élever.  Préoccupés 
uniquement  des  progrès  du  violon,  des  moyens  de  les  hâter 
et  de  les  étendre,  ils  conçurent  leurs  compositions  dans  ce 
but  exclusif  ;  leurs  idées  roulant  dans  ce  cercle  restreint 
qu'elles  ne  surent  point  franchir,  ils  n'imaginèrent  aucune  de 
ces  combinaisons  ingénieuses  d'instruments  où  chaque  par- 
tie devenue  concertante  ajoute  à  l'intérêt  du  discours  musical, 
lui  donne  de  la  vie  et  du  corps,  permet  toutes  les  scènes,  tous 
les  tons,  tous  les  tableaux,  et  transporte  l'auditeur  dans  le 
monde    infini    de    l'idéal. 


-  53  - 

A  un  autre,  à  Boccherini  était  réservé  l'honneur  de  s'élancer 
au  delà,  et  de  découvrir  le  vaste  et  inépuisable  champ  où  il 
cueillit  les  premières  palmes.  C'est  le  flambeau  de  cet  admi- 
rable génie  qui  éclaira  ces  voies  inconnues,  où  marchèrent 
ensuite,  d'un  pas  si  ferme  et  si  sûr,  les  Haydn,  les  Mozart, 
les  Beethoven,  ces  divins  modèles  d'une  perfection  à  laquelle 
on  désespère  d'atteindre. 

Elle  est  donc  bien  légitimement  acquise  la  place  qu'oc- 
cupe, parmi  ces  maîtres  de  l'art,  le  créateur  du  Trio,  du 
Quatuor  et  du  Quintette.  Aussi  les  biographes  de  tous  les  pays 
se  sont  plu  à  rendre  hommage  au  génie  de  ce  grand  artiste  ; 
tous  ont  parlé  de  ses  travaux,  de  ses  titres  à  une  impérissable 
célébrité,  avec  un  talent,  une  chaleur  de  conviction  tels  qu'il 
serait  téméraire  d'élever  la  voix  après  eux,  si  l'amour  de  la 
vérité  ne  faisait  un  devoir  de  suppléer  à  leurs  omissions,  et  de 
rectifier  les  erreurs  qu'ils  ont  involontairement  commises. 

LuiGi  Boccherini  naquit  à  Lucques  le  14  janvier  1740  (I). 
Son  père,   habile  contre-bassiste,   lui   donna   les   premières 


(1)  Luigi  Boccherini  est  né,  en  réalité,  le  19  février  1743,  à  10  h.  du  matin, 
dans  la  paroisse  St-Sauveur  de  Lucques.  Il  était  le  troisième  enfant  issu  du  ma- 
riage de  Léopold  Boccherini,  remarquable  contre-bassiste,  et  de  Maria  Santa, 
fille  de  Dominique  Prosperi.  Il  reçut  le  baptême,  à  la  date  du  22  février,  dans 
l'église  S*- Jean  et  S*^-Reparate,  laquelle  église  se  trouvait  unie  à  la  Métro- 
politaine ;  c'est  dans  cette  même  église  qu'il  fit  sa  première  communion 
en  1757. 

En  1749,  la  famille  comptait  cinq  enfants  :  Marie  Esther  (1741)  ;  Antoine 
(\742)  ;  Louis-Rodolphe  (1743)  ;  Mathilde  (1745)  ;  Riccarda-Gonzaga  (1748). 
V.  Schletterer,  p.  110,  111. 

Comme  pour  beaucoup  de  grands  artistes  italiens,  on  sait,  en  somme,  fort 
peu  de  chose  sur  ses  premières  orientations  musicales  :  son  séjour  à  Rome, 


-  54  - 

leçons  de  musique  et  de  violoncelie  ;  mais  il  ne  tarda  pas  à 
être  remplacé  dans  ce  soin  par  le  maître  de  chapelle  de  l'arche- 
vêché, labbé  Vannucci,  qui  voulut  cultiver  lui-même  les 
heureuses  dispositions  du  jeune  Boccherini.  Telle  était  la 
facilité  de  l'élève  que  bientôt  cette  ressource  devint  insuf- 
fisante ;  on  décida  qu'il  irait  à  Rome  pour  s'y  perfectionner 
dans  le  mécanisme  de  son  instrument  et  apprendre  la  compo- 
sition. Né  avec  la  précieuse  faculté  de  créer  des  chants  faciles 
et  purs,  de  les  accompagner  d'une  harmonie  douce,  expressive, 
appropriée  à  leur  suavité,  Boccherini  que  la  nature  avait 
doué  de  l'instinct  mélodique  le  plus  exquis,  eut  peu  à  faire 
avec  ses  nouveaux  maîtres,  ou  plutôt  ceux-ci  n'eurent  qu'à 
diriger  ses  premiers  pas.  A  peine  âgé  de  vingt  ans,  il  manifesta 
son  génie  par  des  compositions  originales,  dont  la  richesse  et 
la  nouveauté  des  formes,  la  fraîcheur,  la  grâce,  la  naïveté 
des  pensées  excitèrent  un  enthousiasme  général.  Ces  compo- 
sitions sont  encore  aujourd'hui,  après  plus  de  quatre-vingts 
ans,  un  sujet  d'admiration  et  de  vives  jouissances  pour  les 
amateurs  d'un  art  où  les  révolutions  dans  le  goût  sont  si 
subites,  les  préférences  si  fréquentes,  où  l'oubli  suit  de  si 
près  l'engouement.  Tant  il  est  vrai  que  les  ouvrages  produits 
sous  l'inspiration  du  cœur  conservent  à  jamais  leur  charme 
primitif  ! 
Ses  études  terminées,  Boccherini,  jeune  d'âge,  riche  d'avenir. 


les  noms  de  ses  maîtres  d'alors,  notamment,  dont  l'importance  dut  êtreconsidé- 
rable  sur  sa  première  formation,  demeurent  obscurs.  Cette  école  romaine,  tant  dans 
la  musique  religieuse  que  dans  la  musique  instrumentale, a  sûrement  et  vivement 
frappé  le  jeune  homme  :  elle  a  pu  contribuer  à  lui  donner  cette  qualité  d'inspi- 
ration, de  ferveur  et  d'onction  religieuse  qui  se  manifestera  chez  lui  au  cours  de 
toute  sa  carrière  artistique. 


-  55  - 

comblé  des  témoignages  les  plus  flatteurs,  revint  dans  sa 
patrie,  souriant  à  cette  gloire  qui  devait  être  désormais 
l'unique  objet  de  son  ambition  et  de  ses  travaux.  De  retour 
à  Lucques,  il  n'oublia  point  le  séminaire  où  il  avait  puisé  ses 
premières  connaissances  ;  il  y  fit  entendre  les  compositions 
qui  lui  avaient  valu  le  suffrage  de  tout  ce  que  Rome  possédait 
de  plus  distingué(l).  Un  enivrement  général  suivit  ce  début  ; 
on  ne  savait  ce  qu'on  devait  admirer  le  plus  de  l'exécution 
ravissante  du  virtuose,  ou  de  cette  facture  à  la  fois  neuve  et 
piquante,  si  habilement  appropriée  à  un  genre  alors  informe 
et  sans  caractère  décidé. 

Boccherini  savoura  pendant  quelque  temps,  au  milieu 
de  ses  compatriotes,  l'ivresse  du  premier  succès.  Mais  la 
soif  de  la  célébrité  le  tourmentait  ;  Lucques  n'était  point 
un  théâtre  où  pussent  s'accomplir  les  destinées  qu'il  rêvait 
incessamment  ;  il  résolut  de  les  chercher  ailleurs.  Lié  d'une 
étroite  amitié  avec  Manfredi,  violoniste  de  l'école  de  Tartini, 
il  lui  fit  partager  aisément  son  désir  de  parcourir  les  capi- 
tales. Confiant  leur  avenir  à  une  même  fortune,  les  deux 
artistes  dirent  adieu  à  leur  pays,  puis  visitèrent  successivement 
Turin  et  quelques  villes  de  la  Lombardie  (2),  du  Piémont  et 
du  Midi  de  la  France.  Partout  leur  talent  excita  l'admiration 
et  l'enthousiasme.  Après  cette  excursion  qui  paraît  s'être 
prolongée  plusieurs  années  (car  durant  l'intervalle  de  1762 


(1)  M.  Arnaldo  Bonaventura  vient  de  découvrir  une  cantate  inédite,  la 
Confederazione  dei  Sabini  con  Roma,  écrite  pour  Lucques  en  1765.  V.  la 
bibliographie. 

(2)  V.  la  Préface  pour  l'époque  probable  du  voyage  en  Lombardie  et  en  Pié- 
mont, et   la  durée  de  celui-ci. 


-  56  - 

à  1 767  le  génie  si  actif  de  Boccherini  ne  produisit  qu'un  seul 
ouvrage,  six  Trios),  les  deux  amis  arrivèrent  à  Paris,  vers  1 768 
et  non  en  1771,  comme  l'avance  le  savant  biographe, 
M.  Fétis  (1).  L'éditeur  de  musique.  Lâche vardière,  les  pré- 
senta au  fameux  baron  de  Bagge,  aussi  célèbre  par  la  protection 
qu'il  accordait  aux  artistes,  que  par  ses  incroyables  prétentions 
comme  violoniste.  Là  se  réunissait  tout  ce  que  Paris  comptait 
de  musiciens  distingués,  entr'autres  Gossec,  Gaviniès,  Capron 
et  Duport  l'aîné  (2).  Ce  fut  devant  cet  aréopage  que  parurent 


(1)  Consulter,  pour  la  preuve,  la  note  jointe  à  l'Op.  5,  première  partie  du 
Catalogue,  K^  série  (P.). 

(2)  Parmi  les  compositions  les  plus  importantes  et  les  plus  significatives  de 
Boccherini  qui  étaient  demeurées  inconnues  à  Picquot  figure  un  Concerto 
pour  violon,  en  ré  majeur,  récemment  publié  par  un  virtuose  contemporain, 
M.  S.  Dushkin.  D'après  une  trop  brève  annonce,  le  Concerto  daterait  de  1768 
et  serait  dédié  au  fidèle  compagnon  et  ami  du  maître,  le  violoniste  Filippo 
Manfredi. 

L'œuvre  est  si  importante,  si  caractéristique,  et  touche  de  si  près  un  des 
Concertos  de  violon  de  Mozart  qu'elle  a  donné  lieu  à  une  étude  parue  dans  la 
Zeitschrift  fur  Musikwissenschaft  (Cahier  7  :  avril  1928).  Malheureusement, 
nous  ne  nous  croyons  pas  autorisé  à  émettre  un  avis  tant  que  nous  ne  connaîtrons 
pas  l'œuvre  sous  sa  forme  originale.  La  publication  d'une  telle  œuvre  d'après  le' 
texte  primitif,  serait  un  grand  service  rendu  non  seulement  à  Boccherini,  mais 
à  l'histoire  du  Concerto  de  violon  :  car  VAndante  et,  notamment,  le  finale  avec 
ses  divers  épisodes,  présente  le  modèle  à  peu  près  textuel  des  deux  finales 
des  3®  et  4*^  concertos  de  violon  de  Mozart. 

Tout  ce  que  nous  pouvons  dire,  c'est  qu'aucun  des  quatre  concertos  pour 
violoncelle  parus  à  Paris  de  1769  à  1771  n'offre  une  pareille  importance,  ni  un 
pareil  développement.  D'autre  part,  si  le  Concerto  de  violon  date  en  réalité 
du  séjour  de  Boccherini  à  Paris  en  1 768,  (nous  serions  tentés  de  le  croire  plus 
jeune  de  quelques  années),  —  la  forme  un  peu  hétéroclite  de  son  finale  «en pot 
pourri  »  s'expliquerait  fort  bien  par  le  contact deBoccheriniavecl'écolefrançaise, 
dont  on  sait  qu'il  a  sûrement  connu  quelques  représentants  fameux,  tels  Gaviniès 


-  57  — 

les  deux  virtuoses  Lucquois.  Sortis  avec  honneur  de  cette 
première  épreuve,  ils  ne  tardèrent  pas  à  en  affronter  une 
seconde  plus  périlleuse,  en  débutant  au  concert  spirituel 
où  brillaient  à  l'envi  les  artistes  les  plus  goûtés  du  public  (1). 
Ils  avaient  à  combattre  de  puissants  rivaux  dont  la  réputation 
dès  longtemps  affermie  ne  redoutait  aucune  concurrence. 
Aussi  ne  songèrent-ils  pas  à  les  surpasser  par  les  prestiges 
de  l'exécution.  Cherchant  autre  part  leurs  moyens  de  succès, 
ils  s'attachèrent  moins  à  surprendre  qu'à  toucher  leur  audi- 
toire en  lui  faisant  entendre  ces  productions  si  fraîches,  si 
gracieuses  du  génie  de  Boccherini,  rendues  avec  le  charme 
qu'elles  respirent.  Cette  marche  habile  fut  favorable  aux 
débutants  ;  on  ne  pensa  point  à  les  comparer  aux  autres 
artistes,  on  se  laissa  faire  (2),  et  leur  triomphe  fut  assuré. 
Le  lendemain,  leur  compatriote  Vénier,  éditeur  de  musique, 
vint  les  prier  de  regarder  sa  maison  comme  la  leur,  et  offrit 
de  graver  leurs  ouvrages  (3).  Saisissant  cette  occasion  d  ac- 
quitter la  dette  de  la  reconnaissance,  Boccherini  donna 
son  premier  œuvre  de  Quatuors  à  Vénier,  et  son  premier 


et  Capron,  à  Paris,  en  1768.  Il  faut  noter  d'ailleurs,  qu'un  Concerto  cle  violon  de 
Boccherini  avait  paru  dans  une  vieille  édition  parisienne  (Naderman)  :  peut' 
être  est-ce  le  même. 

(1)  Le  dimanche  20  mars  1768. 

(2)  Expression  de  Gluck.  {?.). 

(3)  C'est  une  erreur.  L'op.  I  avait  paru  un  an  auparavant  à  Paris.  (V.  Mercure 
de  France,  année  1767,  p.  167).  L'annonce  désigne  nettement  les  6  Sinfonie  ossia 
Quartetti  op.  I""»  :  elle  est  du  l*^""  avril  1767,  un  an  par  conséquent  avant  le 
concert  où  débuta  Boccherini  (20  mars  1768).  On  signale  d'ailleurs,  à  propos 
de  ce  concert,  les  trios  et  les  quatuors  du  jeune  musicien.  {Mercure,  1768, 
p.  199.)  Les  deux  premiers  recueils  de  Boccherini  dateraient  de  son  séjour 
d'études  à  Rome  (v.  1756-1761  environ),  v.  Ceru,  op.  cit.,  p.  6. 


-  58  - 

livre  de  Trios  à  La  Chevardière,  qui  tous  deux  s'empressèrent 
de  les  publier.  Accueilli,  recherché  par  le  monde  musical, 
Boccherini  distingua  surtout  M^^  Brillon  de  Jouy,  femme 
aussi  célèbre  alors  par  sa  grande  habileté  sur  le  clavecin  que 
par  ses  connaissances  variées  et  par  son  amabilité.  Il  écrivit 
pour  elle  six  Sonates  avec  accompagnement  de  violon,  dignes 
à  tous  égards  de  l'un  et  de  l'autre. 

Cependant  la  réputation  du  compositeur  et  celle  du 
violoniste  grandissaient.  Sur  les  éloges  qu'il  en  entendit, 
l'ambassadeur  d'Espagne  les  pressa  de  se  rendre  à  Madrid, 
les  assurant  de  l'accueil  le  plus  gracieux  de  la  part  du  prince 
des  Asturies,  grand  amateur  de  musique,  qui  régna  plus  tard 
sous  le  nom  de  Charles  ÎV.  Charmé  de  cette  proposition  qui 
semblait  lui  ouvrir  un  avenir  magnifique,  Boccherini  partit 
avec  son  ami,  vers  la  fin  de  1768  ou  au  commencement  de 
1769,  pour  la  capitale  des  Espagnes,  le  premier,  escorté  de 
rêves  de  gloire,  le  second,  plus  positif,  sensible  surtout  au 
faveurs  de  la  fortune. 

C'est  ici  le  lieu  de  rectifier  plusieurs  erreurs  accréditées 
par  les  principaux  biographes  de  Boccherini.  Suivant  les 
estimables  auteurs  du  Dictionnaire  historique  des  Musiciens^ 
)>  Boccherini  s'étant  fixé  en  Espagne,  fut  admis  chez  le  roi, 
»  et  s'en  fit  aimer.  Bientôt  après  il  fut  attaché  à  l'Académie 
»  royale  de  ce  prince,  et  comblé  par  lui  d'honneurs  et  de 
«  présents.  La  seule  obligation  qu'on  lui  imposa  fut  de 
»  donner,  chaque  année,  neuf  morceaux  de  sa  composition 
»  pour  l'usage  de  l'Académie.  Boccherini  y  souscrivit  et  tint 
>^  parole  «. 

De  son  côté,  M.  Fétis,  après  avoir,  en  les  répétant,  donné 
à  ces   assertions   l'autorité    de    son   nom,    ajoute  que  le  roi 


-  59  - 

(Charles  III)  pensionna  Boccherini,  et  que  le  prince  des 
Asturies  le  chargea  de  la  direction  de  sa  musique  particulière 
pour  laquelle  le  fécond  artiste  aurait  composé  une  immense 
quantité  de  musique,  restée  inconnue,  parce  qu'il  ne  la 
considérait  pas  comme  sa  propriété. 

Rien  n'établit  l'exactitude  de  ces  allégations  ;  elles  se 
trouvent  au  contraire  complètement  infirmées  par  les  manus- 
crits mêmes  de  Boccherini,  et  par  certaines  circonstances  de 
sa  vie  qui,  comme  on  le  verra,  concordent  parfaitement  avec 
ces  documents.  Voici  ce  qui  ressort  de  leur  examen. 

Boccherini  apporta  avec  lui,  en  Espagne,  son  3^  livre  de 
trios  (gravé  op.  9)  qu'il  s'empressa  de  dédier  au  prince  des 
Asturies.  Immédiatement  après,  il  composa,  per  la  cor  te  di 
Madrid,  un  Concerto  a  piu  stromenti  ohligati  (gravé  op.  8) 
Quel  effet  produisirent  ces  deux  ouvrages  sur  l'esprit  du  roi 
et  de  son  fils  aîné  en  faveur  de  Boccherini  ?  On  ne  saurait 
le  dire  exactement  ;  mais  il  est  hors  de  doute  que  le  grand 
compositeur  n'obtint  pas  la  distinction  due  à  son  mérite, 
puisque  ni  le  roi,  ni  l'héritier  présomptif  ne  songèrent  à  se 
l'attacher.  Ce  fut  l'Infant  don  Louis,  frère  de  Charles  III, 
qui  répara  cette  injustice.  En  efîet,  on  remarque  que  dès  cette 
même  année  1 769,  Boccherini  écrivit  pour  son  protecteur  six 
quartetti  (gravés  op.  6)  qu'il  lui  dédia  en  prenant  le  titre  de 
Compositore  e  virtuoso  di  caméra  di  S,  A.  R.  don  Luigi,  infante 
d'Ispagnia  (1).  Tous  les  manuscrits  de  l'auteur  reproduisent 
invariablement,  sur  leur  feuille  de  tête,  cette  qualification 
unique,  sans  qu'il  y  soit  fait  jamais  mention  d'autres  titres 


(1)  Cette  œuvre,  très  importante  pour  l'histoire  musicale,  vient  d'être  rééditée 
à  Milan  (Ed.  Ricordi),  Révision  E.  Polo. 


-  60  - 

jusqu'à  la  mort  de  l'infant,  arrivée  le  7  août  1785.  A  partir 
de  cette  époque,  au  contraire,  on  voit  Boccherini  étaler  avec 
une  sorte  de  complaisance  les  différents  titres  dont  il  était 
revêtu.  Ainsi,  par  exemple,  on  lit  assez  fréquemment  :  Corn- 
posti  da  Luigi  Boccherini,  professore  di  musica  aWattual  servizio 
di  S.  M.  C,  ccmpositore  di  caméra  di  S.  M.  Prussiana,  e 
Direttore  del  concerto  dell  excellentisma  senora,  Comtessa 
di  Benavente,  duchessa  di  Ossuna,  di  Gandia,  etc.,  etc.  Mais 
souvent  aussi  il  néglige  la  plupart  de  ces  titres  pour  ne 
conserver  que  celui  de  compositeur  de  la  Chambre  du  roi 
Frédéric-Guillaume  lî,  dont  il  était  pensionné,  et  pour  lequel 
il  écrivit,  de  1787  à  1797,  tous  les  ouvrages  que  son  génie 
fit  éclore  pendant  cette  période. 

Ces  circonstances  ignorées  de  tous  les  biographes  de 
Boccherini  prouvent  évidemment  que,  durant  les  seize 
premières  années  de  son  séjour  en  Espagne,  il  n'eut  d'autre 
protecteur  que  l'Infant  don  Louis  ;  que  l'intérêt  dont  l'hono- 
raient Charles  III  et  le  prince  des  Asturies  était  fort  problé- 
matique, et  que  loin  de  s'engager  à  composer,  chaque  année, 
neuf  morceaux  pour  leur  musique  particulière,  il  n'eut  même 
pas  la  pensée,  soit  juste  fierté,  soit  par  toute  autre  cause,  de 
leur  dédier  un  seul  ouvrage.  Il  en  fut  de  même  après  la  mort 
de  l'Infant  ;  car  Boccherini,  dès  1787,  travailla  à  peu  près 
exclusivement  pour  le  roi  Frédéric-Guillaume  II,  et  ensuite 
pour  Lucien  Bonaparte,  sans  que  de  ces  mots  aWattual  servizio 
di  S.  M.  C.  qu'on  trouve  sur  quelques-uns  de  ses  manuscrits 
postérieurs  à  1 786,  on  puisse  inférer  qu'il  composât  également 
pour  le  prince  des  Asturies  devenu  Charles  IV  ;  en  effet, 
aWattual  servizio  ne  signifie  pas  autre  chose  que  :  attaché  à  la 
musique  de  S.  M.  C.  La  suite  de  cette  Notice  ne  laissera 


-  61  — 

aucun  doute  à  cet  égard  en  fixant  d'une  manière  précise  le 
sens  et  le  motif  de  cette  expression. 

Boccherini  avait  trop  la  conscience  de  sa  valeur,  il  aimait 
trop  la  gloire  pour  permettre  qu'on  enfouît  dans  la  poudre 
d'une  bibliothèque,  même  royale,  les  plus  belles  inspirations 
de  sa  muse.  11  voulait  que  ses  ouvrages  fussent  publiés,  répan- 
dus, et  ce  qui  le  fait  voir,  c'est  que,  composant  pour  l'usage 
particulier,  soit  de  l'Infant  don  Louis,  soit  de  Frédéric  Guil- 
laume II,  soit  de  Lucien  Bonaparte  ou  d'autres  personnages, 
il  envoyait  indistinctement  copie  de  toutes  ses  œuvres  aux 
éditeurs  étrangers  qui  possédaient  sa  confiance.  Celles  de  ses 
œuvres  dernières  qui,  par  une  cause  quelconque,  ne  leur  ont 
pas  été  adressées,  n'en  figurent  pas  moins,  dans  leur  ordre 
chronologique,  sur  le  Catalogue  thématique  qu'il  a  rédigé 
avec  un  soin  et  une  exactitude  rares,  témoignage  irrécusable 
de  l'importance  qu'il  y  attachait.  Tout,  dans  ce  Catalogue, 
confirme  rigoureusement  ce  qui  vient  d'être  avancé,  et  défend 
de  supposer  qu'il  eût  volontairement  omis  quantité  d'œuvres 
considérables  par  ce  seul  motif  qu'elles  auraient  été  compo- 
sées pour  l'usage  personnel  de  l'héritier  du  trône  (1). 

Quelle  apparence  y  a-t-iî  que  Boccherini  eût  négligé  d'ins- 
crire sur  ce  véritable  livre  d'or  ses  principaux  titres  à  la  célé- 
brité !  S'il  eût  jamais  abdiqué  une  portion  de  ses  droits 
sacrifiés  forcément  à  un  caprice  de  roi,  il  devait  aux  intérêts 


(1)  La  liste  chronologique  se  trouve  reproduite  dans  la  brochure  publiée  par 
son  petit  fils  en  1879  :  Luis  Boccherini.  Apuntes  biograficos  y  Catalogo  de  las 
ohras  de  este  célèbre  Maestro,  Publicados  por  su  biznieto  D.  Alfredo  Boccheriniy 
Calonje.  Madrid,  Imprenta  y  Litografia  de  A.  Rodero  Galle  de  Hortaleza,  128. 

Les  œuvres  qui  y  figurent  sont  celles  qui  ont  été  vendues  ou  remises  par 
Boccherini  aux  éditeurs. 


-  62  - 

de  sa  gloire,  a  sa  dignité  d'artiste  qu'il  comprenait  si  bien, 
d'indiquer  avec  plus  de  sollicitude  encore  celles  de  ses  com- 
positions dérobées  à  la  publicité  par  une  égoïste  exigence,  et 
de  faciliter  par  là,  dans  un  avenir  plus  favorable,  la  recherche 
et  la  réunion  de  ces  œuvres  momentanément  soustraites  au 
^rand  jour.  S'il  ne  l'a  point  fait,  c'est  qu'elles  n'existaient 
pas,  qu'elles  ne  pouvaient  exister  ;  car  la  fécondité  déjà  si 
prodigieuse  du  compositeur  n'aurait  jamais  suffi  à  ce  complé- 
ment imaginaire. 

Quelque  concluantes  que  soient  ces  preuves,  il  en  est 
une  dernière,  plus  décisive  encore,  tirée  des  injustes  préven- 
tions du  prince  des  Asturies  à  l'égard  de  Boccherini  ;  préven- 
tions telles,  que  le  grand  compositeur  en  souffrit  toute  sa  vie, 
et  expia  cruellement  le  tort  de  s'être  montré  supérieur  et  sur- 
tout trop  véridique. 

Ce  sujet  demande  quelques  développements  qu'on  ne 
lira  pas  sans  intérêt  ;  car  il  fournit  l'occasion  de  parler  d'un 
autre  artiste  à  peu  près  inconnu  dont  les  productions  eussent 
rendu  le  nom  célèbre,  si,  moins  avide  de  renommée  que 
désireux  de  complaire  à  un  maître,  il  n'eût  accepté,  sous  peine 
d'exil,  l'interdiction  de  publier  aucune  de  ses  œuvres  compo- 
sées pour  le  seul  usage  du  prince  des  Asturies  et  du  duc  d'Albe. 

Lorsque  Boccherini  vint  se  fixer  à  Madrid,  le  prince 
des  Asturies  avait  pour  chef  de  sa  musique  Gaetano  Bru- 
netti,  violoniste  habile  (1).  L'arrivée  du  compositeur  Lucquois 


(I)  Contrairement  a  ce  qu'avance  M.  Fétls,  article  Brunettl,  que  celui-ci  ne 
serait  venu  à  Madrid  qu'en  1779  ou  1780,  appelé  par  Boccherini  pour  remplacer 
Manfredi  comme  premier  violon  de  la  musique  du  roi  d'Espagne,  il  est  hors 
de  doute  que  non  seulement  Brunetti  occupait  cette  place  dès  1771,  mais  qu'il 


-  63  - 

éveilla  la  jalousie  de  Brunetti  qui  craignait  de  partager 
et  peut-être  de  perdre  une  faveur  qu'il  prétendait  conserver 
pour  lui  seul.  D'un  esprit  souple  et  intrigant,  peu  scrupuleux 
sur  les  moyens,  Brunetti,  tout  en  caressant  Boccherini  qui 
se  plaisait  à  lui  révéler  les  secrets  de  son  art,  ne  négligea  rien 


avait  même  précédé  Boccherini  en  Espagne.  Ces  deux  faits  résultent  :  le  premier, 
d'un  manuscrit  autographe  que  j'ai  sous  les  yeux,  sur  lequel  on  lit  :  fatto  per  uso 
del  S.  S.  Principe  di  Asturias,  da  Gaetano  Brunetti,  violino  di  caméra  di  S.  A. 
1771  ;  le  second,  de  deux  autres  manuscrits,  également  autographes,  portant 
des  titres  en  espagnol  avec  les  dates  de  1 766  et  1 769. 

Le  même  auteur  ajoute  que  Mozart  aurait  connu  Brunetti  à  Mannheim,  en 
1778.  C'est  une- double  erreur.  D'abord  c'est  à  Vienne,  en  1780-1781,  et  non  à 
Mannheim,  en  1778,  que  Mozart  a  connu  un  Brunetti  qui  ne  pouvait  être  le 
même  que  Gaetano.  On  lit,  en  efîet,  dans  la  Biographie  de  Mozart,  par  Ouli- 
bichefî,  tome  \^^,  page  145,  que  lorsque  ce  grand  artiste  vint  prendre  possession 
en  1780,  de  son  emploi  à  la  chapelle  de  l'archevêque  de  Salzbourg,  il  y  trouva 
deux  musiciens,  Ceccarelli  et  Brunetti,  avec  lesquels  il  se  lia  et  dont  il  se  loue 
par  la  suite  dans  ses  lettres  à  son  père,  datées  de  Vienne,  mars  et  avril  1781. 
Or,  s'il  est  vrai,  et  tout  le  prouve,  que  Gaetano  Brunetti  n'ait  pas  cessé  d'être 
jusqu'à  l'époque  de  sa  mort  au  service  du  prince  des  Asturies,  ou  de  Charles  IV, 
c'est-à-dire  de  1771  à  1808,  il  est  évident  qu'il  n'a  pu  être,  en  1780-1781,  ni 
connu  de  Mozart,  ni  attaché  à  la  musique  d'un  prince  allemand  ;  que.  par 
conséquent,  M.  Fétis  a  dû  confondre  deux  Brunetti  parfaitement  distincts. 

Ajoutons  que  Charles  IV  préférait  la  musique  de  G.  Brunetti  à  celle  de  tout 
autre  compositeur,  et  qu'il  la  jouait  presque  exclusivement.  Brunetti  conserva 
jusqu'à  la  fin  de  ses  jours  la  faveur  de  son  royal  maître,  pour  lequel  il  a  écrit 
une  quantité  considérable  de  Sonates,  Duos,  Trios,  Quatuors,  Quintetti,  Sym- 
phonies, etc.,  qui  brillent  par  des  qualités  vraiment  distinguées  qu'on  ne  soup- 
çonne pas  dans  celles  de  ses  premières  œuvres  qui  ont  été  publiées.  Je  possède  214 
de  ces  divers  morceaux,  tous  autographes  ;  mais  j'ai  tout  lieu  de  penser  que 
cette  collection  est  loin  d'être  complète  (P.). 

J'ajouterai  que  le  violoniste  attaché  à  la  Chapelle  de  l'Archevêque  de  Salz- 
bourg, pour  lequel  Mozart  écrivit  divers  morceaux,  est  Antonio  Brunetti  qui, 
ainsi  que  l'affirme  justement  Picquot,  ne  doit  pas  être  confondu  avec  Gaetano 
Brunetti.  Peut-être  est-il  de  la  même  famille. 


-  64  - 

pour  lui  aliéner  l'esprit  du  prince,  ce  a  quoi  il  ne  réussit 
que  trop,  puisque  Boccherini  fut  constamment  tenu  à  dis- 
tance et  obligé  d'accepter  une  position  relativement  très 
secondaire.  Toutefois  le  prince  des  Asturies  n'avait  jamais 
manifesté  ses  sentiments  secrets  à  l'égard  de  Boccherini, 
lorsqu'une  circonstance  fortuite  vint  leur  donner  un  éclat 
terrible.  Voici  en  quels  termes  M.  Castil-Blaze  rend  compte 
de  ce  fait,  dans  la  notice  qu'il  a  consacrée  au  célèbre  violo- 
niste Alexandre  Boucher  (1).  (Revue  de  Paris,  mai  1845, 
page  10). 

«  Don  Louis,  oncle  de  Charles  IV,  alors  prince  des  Asturies, 
conduit  un  jour  Boccherini  chez  son  neveu  pour  lui  faire 
entendre  de  nouveaux  quintettes  de  ce  maître  favori.  La 
musique  est  ouverte  sur  les  pupitres,  Charles  prend  son 
archet  :  il  tenait  toujours  la  partie  de  premier  violon  ;  or, 
dans  cette  partie  figurait  un  trait  d'une  extrême  longueur  et 
d'une  complète  monotonie.  Ut  si,  ut  si:  ces  deux  notes  rapi- 
dement coulées,  se  répétaient  au  point  de  couvrir  la  moitié 
a  une  page.  Le  roi  les  attaque  bravement,  continue,  poursuit 
ce  discours  ;  mais  il  est  tellement  absorbé  par  l'attention 
donnée  a  sa  partie,  qu'il  n'entend  pas  les  dessins,  les  accords 
ingénieux,  introduits  au-dessus  comme  au-dessous  de  cette 
pédale  intérieure.  Il  s'impatiente,  sa  mauvaise  humeur 
va  crescendo,  sa  voix  se  joint  à  son  archet  pour  articuler  ridi- 
culement le  trait  monotone  ;  abandonnant  enfin  le  travail 
qui  le  fatiguait,  il  se  lève  et  dit  avec  l'accent  de  la  colère  : 


1)  Alexandre  Boucher,  célèbre  virtuose,  surnommé  le  roi  des  violons  (1778- 
(1861). 


-  65  - 

—  C'est  pitoyable,  misérable,  un  écolier  en  ferait  autant  : 
ut  si,  ut  si  ! 

—  Sire,  que  Votre  Majesté  veuille  bien  prêter  l'oreille 
aux  jeux  que  le  second  violon  et  la  viole  exécutent,  au  pizzi- 
cato que  le  violoncelle  fait  entendre  en  même  temps  que  je 
retiens  le  premier  violon  sur  un  trait  uniforme.  Ce  trait  perd 
sa  monotonie  dès  que  les  autres  instruments  sont  entrés  et 
se  mêlent  à  la  conversation. 

—  Ut  si,  ut  si,  et  cela  pendant  une  demi-heure  !  ut  si, 
ut  si,  plaisante  conversation  !  musique  d'écolier,  de  mauvais 
écolier. 

—  Sire,  avant  de  porter  un  tel  jugement,  il  faudrait  s'y 
connaître.  —  Insolent  ! 

«  Bondissant  de  colère,  Charles  saisit  Boccherini  par 
ses  vêtements  ;  il  l'enlève  à  bras  tendu,  le  fait  passer  par 
la  fenêtre  et  le  tient  suspendu  sur  l'abîme.  —  Ah  !  sire, 
votre  religion  !...  s'écria  la  prmcesse  des  Asturies.  A  ces 
mots,  le  prince  fait  un  demi-tour  sur  lui-même,  et  Boccherini, 
ramené  dans  le  salon,  est  jeté  vivement  dans  la  pièce  voisine.  » 

Cette  scène  quelque  peu  chargée  sans  doute,  mais  dont  le 
fond  est  vrai,  priva  sans  retour  le  malheureux  Boccherini  de  la 
bienveillance  royale.  Le  nouveau  roi  des  Espagnes,  le  succes- 
seur de  Charles  III  ne  sut  jamais  oublier  l'injure  faite  au  prince 
des  Asturies.  Néanmoins,  il  crut  concilier  les  exigences  de  sa 
majesté  offensée  avec  la  protection  qu'il  se  faisait  gloire 
d'accorder  aux  artistes,  en  confirmant  le  traitement  dont  le 
roi  son  père  avait  gratifié  Boccherini,  aussitôt  après  la  mort 
de  l'infant  don  Louis.  Mais  il  s'en  tint  là,  et  ne  voulut  plus 
ni  voir  le  compositeur,  ni  même  exécuter  sa  musique.  Toutes 
les  sollicitations,  toutes  les  prières  afin  de  le  ramener  à  de 


-  66  - 

meilleurs  et  plus  justes  sentiments  furent  si  mal  accueillies, 
que  le  nom  du  grand  homme  cessa  d'être  prononcé  à  la  cour. 
Qui  me  parle  encore  de  Boccherini  ?  répondait-il  avec  brus- 
querie aux  malencontreux  intercesseurs  ;  Boccherini  est  mort  ; 
qu'on  le  sache  bien,  et  qu'on  ne  m'en  parle  plus  ! 

Portant  partout  avec  lui  son  implacable  rancune,  s'il  lui 
arrivait  de  rencontrer  à  la  promenade  le  pauvre  disgracié, 
il  affectait,  lui  qui  saluait  tout  le  monde  avec  courtoisie,  de 
ne  pas  le  remarquer,  absolument  comme  s'il  ne  l'eût  jamais 
connu.  Cette  haine  entretenue,  avivée  par  la  jalousie  de 
Brunetti,  ne  cessa  de  tourmenter,  comme  un  ver  rongeur, 
l'inconsolable  et  trop  sensible  Boccherini  paré,  pour  tout 
dédommagement,  du  vain  titre  d'organiste  in  partibus  de  la 
chapelle  royale.  C'est  par  allusion  à  ces  fonctions  qu'il  ne 
remplissait  d'ailleurs  pas,  mais  qui  motivaient  le  modeste 
traitement  dont  il  jouissait  depuis  la  mort  de  son  protecteur, 
qu'il  ajoutait  quelquefois  en  tête  de  ses  partitions  ces  mots  : 
allattual  servizio  di  S.  M.  C,  sans  doute  pour  donner  à 
entendre  qu'il  se  tenait  aux  ordres  du  roi. 

Boccherini  ainsi  méconnu,  dédaigné,  s'occupa  de  trouver, 
hors  de  l'Espagne,  un  appréciateur  plus  juste  et  plus  éclairé. 
Parmi  les  souverains  dont  la  musique  faisait  les  délices, 
Frédéric-Guillaume  II  se  distinguait  alors  autant  par  sa 
munificence  envers  les  artistes  que  par  son  goût  passionné 
pour  le  violoncelle,  dont  il  jouait  admirablement.  Boccherini 
songea  à  lui  dédier  un  de  ses  ouvrages,  ce  qu'il  fit  par  l'inter- 
médiaire de  l'ambassadeur  de  Prusse  près  la  cour  de  Madrid. 
Il  ne  tarda  pas  à  recevoir  du  roi- virtuose  une  lettre  des  plus 
gracieuses,  accompagnée  d'une  superbe  tabatière  remplie 
de  ducats,  et  du  diplôme  de  compositeur  de  la  chambre  de 


—  67  — 

S.  M.  Prussienne.  A  partir  de  ce  jour,  Boccherini  écrivit 
exclusivement  pour  le  roi  Frédéric-Guillaume  II,  ainsi  que  le 
témoignent  tous  les  manuscrits  depuis  1 787,  et  surtout  cette 
note  qu'on  lit  sur  le  catalogue  de  l'auteur,  même  année  1 787  : 
Tutti  le  seguenti  opère  sono  state  scritte  espressamente  per  S.  M. 
ilRediPrussia(\). 

Dix  ans  s'écoulèrent  de  la  sorte  sans  apporter  de  change- 
ment notable  dans  la  position  de  Boccherini.  La  perte  de  son 
premier  protecteur,  rendue  plus  sensible  encore  par  l'ingra- 
titude de  la  cour,  l'avait  conduit  à  une  vie  retirée,  partagée 
entre  les  soins  d'une  famille  nombreuse,  ses  travaux  et 
l'exercice  d'une  douce  piété.  Profondément  religieux,  il 
consacrait  tous  les  jours  les  prières,  le  mémento  d'une  messe  à 
chacun  de  ses  cinq  enfants.  Doué  d'une  verve,  d'une  fécondité 
également  merveilleuses,  puisant  ses  inspirations  comme  dans 
une  source  intarissable,  il  prenait,  quittait  et  reprenait 
son  travail  avec  la  même  facilité,  sans  que  le  cours  de  ses 
idées  en  souffrît  le  moindre  dommage.  La  cloche  de  la  paroisse 
se  faisait-elle  entendre  ?  il  laissait  la  plume  pour  le  livre  du 
chrétien.  On  eût  dit  d'une  fontaine  musicale  dont  il  suffisait 
de  tourner  le  robinet  pour  en  faire  jaillir  ou  suspendre  le  jet 
mélodieux.  Il  composait  dans  son  cœur  :  mais  quant  à  l'exé- 
cution de  ses  chefs-d'œuvre,  il  n'avait  plus  depuis  longtemps 
la  satisfaction  d'en  jouir.  Etranger  au  monde  qui  l'ignorait, 
vivant  saintement  en  famille,  au  milieu  de  quelques  amis  de 
choix,  obligé  d'ailleurs,  à  la  suite  d'un  crachement  de  sang, 


(1)  Cette  mention  figure  dans  le  catalogue  après  l'op.  35  (1782). 
Le  décret  du  Roi  de  Prusse  est  du  21  janvier  1786.  Il  est  très  probable  que 
Boccherini  se  trouvait  dès  lors  en  Allemagne. 


-  68  - 

de  renoncer  au  violoncelle,  il  envoyait  successivement,  sans 
qu'il  les  eût  entendues,  ses  compositions  au  monarque  prus- 
sien. Aussi  quel  bonheur  pour  lui  lorsqu'ayant  fait,  vers  1 796, 
la  connaissance  du  marquis  de  Benavente,  il  put  goûter,  deux 
fois  par  semaine,  chez  ce  généreux  protecteur,  le  plaisir 
d'entendre  enfin  les  délicieuses  inspirations  de  sa  muse 
rendues  avec  leur  véritable  caractère,  par  ses  anciens  compa- 
gnons de  la  villa  d'Arenas  (1),  lieu  d'exil  infligé  à  l'infant  don 
Louis,  coupable  d'un  mariage  disproportionné  !  (2). 

La  fortune  semblait  donc  lui  sourire...  Hélas  !  ses  retours 
sont  fréquents,  et  Boccherini  ne  tarda  pas  à  sentir  de  nouveau, 
plus  affreuses  encore,  les  atteintes  du  malheur.  Marié  deux 
fois,  il  eut  la  douleur  de  perdre  coup  sur  coup  deux  filles 
déjà  grandes,  et  de  voir  expirer  à  ses  côtés  sa  seconde  femme, 
frappée  d'apoplexie  foudroyante  !  Cette  triple  et  cruelle 
séparation,  qui  empoisonna  le  reste  de  ses  jours,  n'avait  pas 
épuisé  la  rigueur  du  destin.  La  mort  de  Frédéric-Guillaume  II 
lui  porta  un  nouveau  coup,  en  anéantissant  la  meilleure  part 
de  son  modique  revenu.  Ainsi  poursuivi,  accablé  par  un  sort 
funeste,  dans  ses  affections,  dans  ses  ressources,  vers  la  fin 
de  cette  laborieuse  carrière,  le  grand  homme  supportait 
chrétiennement  ses  maux,  lorsque  la  République  française 
désigna,  pour  la  représenter  à  Madrid,  un  amateur  éclairé 
des  arts,  Lucien  Bonaparte.  C'était  un  noble  protecteur  qui 
savait  accueillir,  honorer  le  talent.  Boccherini  plaça  sous  son 


(1)  C'est  de  cette  ville  d'Arenas  qu'il  avait  adressé,  en  1781,  à  l'éditeurviennoîs 
Artaria  une  lettre  où  il  charge  celui-ci  de  transmettre  ses  compliments  admiratifs 
à  Joseph  Haydn. 

(2)  II  avait  épousé,  le  25  juin  1776,  la  fille  d'un  capitaine  aragonais.  (P.). 


-  69  — 

patronage  six  quintetti  pour  le  piano,  dédiés  à  la  grande 
nation  (1).  Dès  ce  moment,  les  salons,  la  table  et  la  bourse  de 
l'ambassadeur  furent  ouverts  au  célèbre  artiste  qui  écrivit, 
en  1800  et  1802,  un  Stabat  à  trois  voix  (2),  et  douze 
quintetti  (3),  les  seuls  qu'il  ait  faits  pour  deux  violons,  deux 
altos  et  violoncelle,  magnifiques  compositions  dignes  du  frère 
du  futur  dominateur  de  l'Europe. 

La  vieillesse  de  Boccherini  semblait  une  fois  encore  à 
l'abri  de  nouvelles  vicissitudes.  Illusion  !  Le  cours  des  évé- 
nements, le  rappel  de  Lucien,  la  gravité  et  la  multiplicité  des 
affaires  politiques,  tout  se  réunit  pour  le  remettre  en  oubli 
et  pour  le  rejeter  dans  les  angoisses  d'une  vie  aux  prises  avec 
la  misère. 

Ce  fut  dans  la  période  postérieure  à  la  mort  de  Frédéric- 
Guillaume  II  que  Boccherini  commença,  grâce  aux  concerts 
du  marquis  de  Benavente  qui  le  mirent  en  évidence,  à 
recueillir  quelque  célébrité  parmi  ses  compatriotes  d'adoption, 
au  milieu  desquels  il  avait  vécu  trente  années  sans  qu'ils  se 
doutassent  de  son  existence,  tant  le  digne  et  saint  homme 
avait  peu  d'ambition,  d'intrigue  et  d'entregent  !  Voici  com- 
ment sa  renommée  s'étendit  dans  la  haute  société  et  lui 
procura  quelques  faibles  avantages  pécuniaires. 

Le  marquis  ej^cellait  sur  la  guitare,  instrument  cher  à 
tout  bon  Espagnol.  Il  pria  Boccherini  de  disposer  une  partie 


(1)  Ce  sont  ceux  publiés  chez  Nouzou,  à  Paris,  par  Lagarde,  comme  œuvre 
posthume.  C'est  l'op.  57  de  l'auteur  qui  date  de  1799.  Ils  ont  paru  à  Paris  en 
janvier  1 820  (V.  AUgemeine  Musik  Zeitung,  22^  année). 

(2)  Op.  61  (1801). 

(3)  Op.  60  et  62  (1801-1802).  M'  Charles  Bouvet  vient  de  découvrir  les 
manuscrits  originaux  de  dix  de  ces  quintettes,  à  la  Bibliothèque  de  l'Opéra. 


-70  - 

de  guitare  à  son  usage  dans  telles  compositions  qui  lui  plai- 
raient, moyennant  une  gratification  de  cent  francs  par  qua- 
tuor, quintette  ou  symphonie.  Quelques  autres  riches  amateurs 
agirent  de  même,  ce  qui  détermina  Boccherini,  non  pas  à 
composer,  comme  beaucoup  l'ont  cru,  mais  à  arranger  avec 
une  partie  de  guitare  un  assez  grand  nombre  de  morceaux 
choisis  parmi  ses  ouvrages.  Ce  fut  pour  satisfaire  à  de  sem- 
blables demandes  qu'il  arrangea  ses  douze  quintetti  de  piano 
pour  deux  violons,  deux  violes  et  violoncelle,  et  d'autres 
ouvrages  encore  ;  mais  comme  la  plupart  des  œuvres  origi- 
nales d'où  Boccherini  les  avait  tirées  étaient  inconnues  en 
Espagne,  au  lieu  même  où  elles  avaient  été  composées,  on  a 
exagéré  à  plaisir  le  nombre  déjà  fort  considérable  de  ses 
productions,  ce  qui  induisit  en  erreur  tous  ses  biographes, 
faute  d'avoir  remonté  à  la  source,  consulté  et  comparé  les 
documents. 

On  voit  par  ces  détails,  fournis  par  le  marquis  de  Benavente 
lui-même,  en  1847,  que  M.  Fétis  s'est  aussi  trompé  dans 
ce  qu'il  avance  relativement  à  la  prétendue  mort  de  ce  per- 
sonnage, retiré  depuis  longtemps  à  Bordeaux,  où  il  n'a  cessé 
de  vivre  que  le  1 9  août  1 849.  Mais  ce  qui  est  malheureusement 
trop  vrai,  c'est  l'insuffisance  de  semblables  ressources  pour 
adoucir  une  vieillesse  attristée  par  tant  et  de  si  rudes  épreuves, 
en  dépit  d'un  travail  incessant,  infatigable,  qui  n'ôtait  rien, 
chose  surprenante  !  à  la  fraîcheur  des  idées,  à  l'éclat  et  à  l'acti- 
vité de  l'imagination,  ni  à  la  verve  inspiratrice.  Telle  était 
cependant  la  détresse  du  sublime  compositeur  que,  lorsque 
M°ie  Gail  le  vit  à  Madrid,  en  1803  (1),  il  n'avait  qu'une 


(1)  Madame  Gail,  née  Sophie  Garre  (1775-1819). 


-  71  - 

seule  chambre  pour  sa  famille  et  pour  lui.  Quand  il  voulait  y 
travailler  en  repos,  il  se  retirait,  à  l'aide  d'une  échelle,  dans 
une  sorte  d'appentis  en  bois,  pratiqué  contre  la  muraille, 
et  décoré  d'une  table,  d'une  chaise  et  d'un  vieil  alto  troué, 
veuf  de  trois  cordes.  C'est  dans  cette  situation  précaire, 
tourmentée,  que  sa  rigoureuse  probité  refusa  mille  francs 
du  Stabat  à  trois  voix  promis  antérieurement  à  l'éditeur 
Siéber  pour  soixante  piastres,  c'est-à-dire  pour  moins  du 
tiers  de  cette  somme  !  (1). 

Enfin,  accablé  par  le  chagrin,  par  les  soucis,  succombant 
à  la  peine,  le  grand  artiste,  après  une  courte  maladie,  espèce 
de  suffocation  de  poitrine,  expira  le  28  mai  1805,  âgé  d'un 
peu  plus  de  soixante-cinq  ans  (2),  ainsi  qu'il  résulte  de  l'acte 
de  décès  transcrit  sur  les  registres  de  la  paroisse  Saint- Juste, 
à  Madrid.  Son  convoi,  modeste  comme  sa  vie,  se  fit  sans 
pompe,  escorté  d'un  petit  nombre  d'amis.  Tout  ce  que  l'on  a 
dit  de  l'empressement  de  la  cour  et  des  grands  à  suivre 
ses  funérailles  est  controuvé  (3). 

Il  existe  en  France  deux  portraits  de  Boccherini,  assez 
dissemblables,  que  la  gravure  a  popularisés  parmi  les  musi- 
ciens. Le  premier,  mis  en  tête  de  la  belle  collection  des 
Quintetti,  publiée  par  Janet  et  Cotelle,  est  dessiné  d'après 
une  jolie  miniature  qui  appartenait  au  violoniste  feu  J.-B. 
Cartier  ;  le  second,  copié  d'après  un  buste,  fut  apporté  de 


(1)  V.  à  ce  sujet  la  lettre  publiée  à  la  fin  de  ce  volume,  où  il  est  question  du 
Stabat. 

(2)  Et  non  en  1806,  comme  l'indiquent  par  erreur  les  biographes  (P.)j 
Il  était,  en  réalité,  âgé  de  soixante-deux  ans  et  trois  mois. 

(3)  On  lira,  aux  pièces  justificatives,  le  texte  de  l'acte  de  sépulture. 

6 


-11- 

Madrid  par  Mazas.  Une  controverse  s'est  engagée  à  ce  sujet 
entre  les  possesseurs  de  l'un  et  l'autre  portrait.  Ecoutons 
Cartier.  Lorsque  Rode  eut  jeté  les  yeux  sur  cette  miniature, 
il  s'écria  :  C'est  lui  !  c'est  bien  lui  !  et  il  le  baisa  avec  trans- 
port. De  son  côté,  le  fameux  violoncelliste  Duport  fut  si 
frappé  de  la  ressemblance,  qu'il  sollicita,  comme  une  faveur, 
d'en  prendre  copie  pour  orner  sa  tabatière.  Enfin,  la  société 
anglaise,  voulant  perpétuer  les  traits  des  plus  célèbres  musi- 
ciens, s'adressa,  pour  le  portrait  de  Boccherini,  non  à  Mazas, 
mais  à  Cartier  seul,  par  l'intermédiaire  de  Libon.  Mazas 
ajoutait-il,  a  été  trompé  ;  il  fit  à  Madrid  l'acquisition  d'un 
buste  de  Haydn  qu'on  lui  vendit  pour  celui  de  Boccherini, 
et  ne  manqua  pas,  dès  son  retour  en  France,  de  le  faire  copier 
et  d'en  multiplier  les  épreuves,  exposées  en  vente  chez  tous 
les  marchands  de  musique.  Un  jour,  l'éditeur  Frey  entend, 
du  fond  de  son  magasin,  un  quidam  qui  montrait  une  grande 
colère  :  —  C'est  affreux,  c'est  abominable  !  Il  aborde  le 
curieux  exaspéré,  et  lui  demande  à  qui  il  en  a. 

—  Comment,  Monsieur,  vous  vendez  cette  caricature 
pour  le  portrait  de  Boccherini  !  c'est  une  horreur,  une 
supercherie  de  marchand  de  musique,  etc.,  etc.  Le  plaignant 
n'avait  pas  tort,  car  ce  plaignant  était  l'organiste  Verdier, 
élève,  ami  et  médecin  de  Boccherini  !  Voilà  ce  qu'affirmait 
Cartier. 

D'un  autre  côté,  le  marquis  de  Benavente  assure  qu'il 
n'existait  à  Madrid  qu'un  buste  de  Boccherini  dû  au  ciseau 
du  sculpteur  Fox.  Ce  buste,  couronné  publiquement  et 
offert  au  maître  par  ses  élèves  dans  une  fête  oii  l'art  et  la 
poésie  servaient  d'interprète  à  leurs  sentiments,  a  été  conservé 


-  73  - 

pieusement  par  les  fils  de  Boccherini  ;  il  est  aujourd'hui  la 
propriété  du  petit-fils. 

Comment  concilier  ces  deux  versions  qui  proviennent 
de  sources  également  respectables  ?  Cartier  prétendait 
avoir  connu  Boccherini,  vers  1779,  à  Avignon  où  ce  dernier 
serait  allé  visiter  une  de  ses  nièces  mariée  au  violoniste  Fischer. 
Ne  serait-il  pas  possible,  dans  ce  cas,  que  la  miniature  eût  été 
peinte  lors  de  ce  voyage,  tandis  que  le  buste  n'aurait  été  fait 
que  longtemps  après  ?  Effectivement,  M.  Alex.  Boucher, 
consulté  sur  ces  deux  portraits  placés  dans  son  cabinet  en 
regard  l'un  de  l'autre,  explique  par  la  différence  des  époques, 
celle  qu'on  remarque,  moins  peut-être  dans  les  lignes  et 
les  contours  que  dans  l'expression  générale.  La  miniature 
montre  une  physionomie  douce,  placide,  à  la  fois  spirituelle 
et  remplie  d'enjouement  et  de  bonté,  dans  laquelle  on  aime 
à  retrouver  le  caractère  mélodieux,  tendre  et  délicat  des 
compositions  de  Boccherini  ;  c'est  l'époque  de  sa  jeunesse,  de 
ses  jours  de  bonheur.  Le  buste,  au  contraire,  est  plus  amaigri, 
d'un  aspect  triste,  soucieux  ;  ce  n'est  plus  le  calme  heureux, 
mais  la  souffrance,  la  résignation  ;  oh  !  oui,  l'on  ne  saurait 
s'y  tromper,  c'est  l'époque  du  désenchantement  et  des  tra- 
verses ;  c'est  Boccherini  malheureux  (1)  (2). 


(1)  Ceci  était  écrit  lorsque  l'auteur  de  cette  Notice  reçut  du  petit-fils  de 
Boccherini,  à  qui  il  avait  envoyé  le  portrait  gravé  d'après  la  miniature  de  Cartier 
pour  en  avoir  son  sentiment,  la  réponse  suivante  qui  confirme  pleinement 
l'interprétation  donnée  plus  haut  :  «  Quant  au  portrait  de  mon  aïeul,  que  vous 
«  m'avez  adressé,  j'y  trouve  quelque  analogie,  mais  non  pas  une  ressemblance 
«  parfaite  avec  le  buste  que  je  possède,  ce  qui  provient  peut-être  de  la  différence 
«  d'âge.  S'il  y  a  plus  de  vivacité  dans  la  physionomie  du  vôtre,  dans  celle  du 
«  mien,  il  y  a  plus  de  philosophie  ;  on  y  reconnaît  le  penseur  profond,  »  (P.). 

(2)  L'hypothèse  de  Picquot  paraît  inadmissible  :  il  est  visible  que  la  minia- 


-  74  - 

A  l'heure  qu'il  est,  il  ne  reste  plus  qu'un  rejeton  de  ce 
célèbre  compositeur  ;  tous  ses  enfants  sont  morts  :  le  dernier, 
don  José,  archiviste  du  marquis  Seralbo,  est  décédé  en  décem- 
bre 1 847,  laissant  un  fils,  don  Fernando  Boccherini,  professeur 
à  l'académie  des  arts  de  Madrid,  seul  héritier  de  ce  beau 
nom. 


ture  représente  un  homme  dont  les  traits  sont  déià  marqués  par  l'âge  ;  elle  ne 
peut  dater  que  des  dernières  années  du  XVIII*^  siècle.  Le  dessin  fait  d'après  le 
buste  ne  donne  vraisemblablement  guère  l'idée  de  l'original.  Mais  il  existe  un 
portrait,  inconnu  et  charm.ant,  qui  représente  l'artiste  plus  jeune  et  qui  est 
reproduit  dans  la  brochure,  déjà  signalée,  publiée  en  1879  par  son  petit-fils. 
Nous  le  plaçons  en  tête  de  cet  ouvrage. 


n 


ÎI 


La  musique  de  Boccherini  ouvrit  l'ère  glorieuse  qui  vit 
éclore  tant  de  chefs-d'œuvre  dans  le  genre  instrumental 
intrigué.  Pour  en  bien  apprécier  le  mérite,  pour  en  juger 
plus  exactement  la  portée  et  l'influence,  il  est  indispensable 
qu'on  se  reporte  vers  l'époque  (1760)  où  elle  se  produisit 
pour  la  première  fois,  et  qu'on  la  compare  avec  ce  qui  existait 
alors.  Les  compositions  instrumentales  à  plusieurs  parties, 
de  Télemann,  de  San  Martini,  de  Van  Maldère,  de  Guille- 
main,  de  Jean  Stamitz  occupaient  le  premier  rang,  mais  sans 
sortir  des  ornières  de  la  sonate  ancienne,  sans  ajouter  à  celle-ci 
les  développements  ni  l'intérêt  que  comporte  la  réunion 
d'un  plus  grand  nombre  de  concertants.  C'était  de  la  musique 
sage,  travaillée,  plus  ou  moins  bien  écrite,  scolastiquement 
parlant  ;  mais  rien  de  neuf,  rien  d'inventé,  rien  qui  décelât  le 
progrès.  Evidemment  ces  auteurs  n'avaient  point  deviné  le 
caractère  du  Trio,  du  Quatuor,  du  Quintette  instrumental, 
bien  qu'ils  décorassent  de  ces  noms  prétentieux  leurs  pro- 
ductions incolores,  dénuées  de  cette  chaleur  de  sentiment, 
de  cette  vivacité  d'imagination  qui  leur  assure  la  vie.  Compa- 
rées aux  premiers  élans  de  Boccherini,  c'était  le  vol  terre- 
à-terre  en  présence  de  celui  de  l'aigle.  Il  était  réservé  à  un 
génie  de  vingt  et  un  ans  de  réaliser,  pour  un  genre  jusqu'alors 


-  76  - 

informe,  obscur  et  vague,  le  fiât  lux  de  la  Genèse.  A  la  vive 
et  soudaine  lueur  que  cet  astre  resplendissant  projette  tout  à 
coup  sur  cette  portion  nébuleuse  de  l'empire  de  l'art,  à  son 
action  fécondante,  aux  beautés  diverses  qui  se  réfléchissent 
nombreuses  et  brillantes  sous  ses  rayons  ardents,  l'esprit 
demeure  frappé  d'admiration  et  s'incline  devant  la  puissance 
de  cette  révolution  opérée  par  le  génie  de  Boccherini,  qui 
élève  le  quatuor  à  la  hauteur  des  plus  magnifiques  conceptions 
de  l'église  et  du  théâtre.  Mais  aussi  quelle  richesse  d'inven- 
tion, quelle  belle  et  savante  ordonnance  !  Que  d'originalité, 
de  noblesse  et  de  mesure  dans  l'ensemble  ;  de  grâce,  de  charme 
et  de  fini  dans  les  détails  !  Quelle  pureté  de  dessin,  quelle 
touche  moelleuse,  quel  coloris  suave  !  Où  trouver  une  expres- 
sion plus  naïve  et  plus  douce,  une  sensibilité  plus  profonde 
et  plus  vraie  ?  Dans  les  adagios,  modèles  de  grandiose  reli- 
gieux, quelle  foi  vive,  quelle  touchante  onction  !  Et  lors- 
qu  empruntant  la  harpe  et  la  voix  du  Psalmiste,  saisi  d'un 
saint  enthousiasme,  il  module  sur  des  accents  divers,  ces 
chants  de  douleur  ou  de  joie,  de  désespoir  ou  de  confiance, 
d'exaltation  ou  d'abattement,  sublimes  élégies  où  le  compo- 
siteur s'inspire  de  l'esprit  des  prophètes,  c'est  le  souffle 
divin  qui  l'anime  encore,  soit  qu'il  raconte  les  tristesses  de  la 
terre,  soit  qu'il  entonne  les  louanges  de  Jéhovah,  et  s'élève 
de  l'humble  prière  à  l'hozanna  du  triomphe  ! 

Toutefois  cet  essor  prodigieux  semble  moins  le  résultat 
de  la  réflexion  et  de  l'étude,  que  celui  d'une  sorte  d'intui- 
tion, partage  d*un  génie  inspiré.  En  effet,  la  nature  prodigua 
ses  dons  à  Boccherini  avec  un  tel  amour,  elle  lui  départit 
une  si  grande  puissance  d'imagination  avec  le  goût  qui  sert 
à  la  régler,  que  le  compositeur  n'eut  qu'à  suivre  ses  inspira- 


-  77  - 

tions  pour  devenir  novateur  (1)  et  créer  la  musique  instru- 
mentale destinée  à  la  chambre,  comme  Haydn  créa  la  sym- 
phonie, assemblage  pompeux  de  toutes  les  richesses  orches- 
trales. Une  si  merveilleuse  organisation  laissait  peu  de  chose 
à  faire  à  l'art,  et  l'on  doit  s'en  réjouir,  car  elle  fit  de  Boccherini 
un  être  à  part,  une  de  c^s  individualités  uniques  qui  n'ont 
d'ailleurs  aucun  trait  de  ressemblance,  et  qui  demeurent  à 
jamais  un  type  qu'il  n'est  donné  à  qui  que  ce  soit  ds  repro- 
duire. Boccherini  n'imita  personne,  personne  n'a  pu  l'imiter. 
Feuilletez  les  partitions  de  ses  devanciers,  de  ses  contempo- 
rains, de  ceux  qui  ont  profité  de  ses  découvertes  ;  vous  restez 
en  défaut  :  rien  ne  l'annonce,  rien  ne  le  rappelle  ;  on  n'a  pu 
lui  emprunter,  pour  ainsi  dire,  que  la  partie  matérielle  de 
son  œuvre  ;  la  coupe,  le  plan,  l'ordonnance  des  morceaux  ; 
la  disposition,  l'agencement,  le  rôle  des  parties.  Mais  ce  faire 
pittoresque,  mais  ces  tableaux  enchanteurs,  mais  ces  scènes 
d'innocence  primitive,  mais  cette  expression  angéhque,  mais 
cet  adorable  sentiment  religieux,  dégagé  de  toute  préoccu- 
pation terrestre,  pur  d'alliage,  qui  monte  vers  Dieu  pour 
s'unir  à  lui,  voilà  ce  que  l'on  chercherait  vainement  ailleurs, 
voilà  ce  qui  place  Boccherini  dans  une  sphère  à  part,  sphère 
d'harmonieuse  et  céleste  mélodie,  où  expirent  les  bruits  de 
la  terre,  où  ne  retentissent  que  les  concerts  des  anges  ! 

Après  avoir  montré  dans  le  Trio  et  dans  le  Quatuor  la 


(1)  C'est  à  l'année  1758  environ  qu'on  rapporte  la  composition  des  premiers 
quatuors  de  Haydn  ;  ils  auraient  par  conséquent  précédé  de  trois  années  ceux  de 
Boccherini.  Mais  il  suffit  de  mettre  en  regard  les  premiers  ouvrages  en  ce  genre 
de  ces  deux  maîtres  pour  reconnaître  qu'au  second  appartient  sans  conteste 
tout  l'honneur  de  l'invention  ;  sa  supériorité  n'est  pas  moins  frappante  dans  le 
Trio  (P.). 


-  78  - 

manière  de  traiter  ce  genre  si  difficile,  Boccherini  mit  le 
sceau  à  sa  gloire  par  la  création  du  Quintetto  pour  deux 
Violons,  Viole  et   deux  Violoncelles,   combinaison   ignorée 
avant  lui,  parce  que  les  auteurs  n'avaient  compris  et  considéré 
la  basse  que  comme  partie  fondamentale  de  l'accorripagne- 
ment.  On  a  dit,  pour  expliquer  cette  innovation  de  deux  vio- 
loncelles concertants,  qu  il  entrait  dans  le  système  de  compo- 
sition de  Boccherini  de  rendre  la  musique  avec  toute  la  sua- 
vité dont  elle  était  susceptible  ;  que  la  qualité  des  sons  du 
violoncelle,  remplissant  cet   objet   mieux   que   le   violon,   il 
s'était  attaché  à  faire  ressortir  le  violoncelle,  en  conservant 
pour  l'harmonie  le  violon,  l'alto  et  la  basse  :  de  là  ridée  d'un 
second  violoncelle  qui  souvent  est  concertant  avec  le  premier  (1). 
Outre   l'espèce   de   contradiction   qui   se   remarque   dans 
cette  interprétation,  celle-ci  pèche  évidemment  par  la  base  ; 
car  il  s'en  suivrait  que  les  parties  de  violon  et  d'alto  ne  figurent 
que  pour  l'harmonie,  ce  qui  est  une  profonde  erreur.  Aucune 
musique  n'offre  autant  de  chant  que  celle  de  Boccherini  dans 
les  dessins  de  l'accompagnement  ;  ceci  est  si  vrai  que,  pour 
la  bien  jouer,  il  faut  toujours  chanter  ;  c'est  de  l'union  com- 
plète des  parties  chantantes  que  résulte  l'effet  harmonique, 
sans  qu'on  puisse  décider  que  telle  partie  soit  plus  essentielle 
que  telle  autre.  On  eût  été  plus  près  de  la  vérité,  ce  semble, 
si  l'on  eût  dit  que  Boccherini,  violoncelliste-virtuose,  dut  être 
porté  naturellement,  par  pur  instinct,  à  faire  travailler  son 
instrument  favori  dont  le  caractère  et  le  timbre  répondaient 
si  bien  a  la  nature  mélancolique,  tendre  et  religieuse  de  son 
génie.    L'accession    d'une    seconde    partie    de    violoncelle 


(1)  Dictionnaire  historique  des  Musiciens,  tome  1^'',  page  86  (P. 


—  79  — 

dans  ses  admirables  quintetti  ne  fut  donc  pas  de  sa  part 
le  résultat  d'un  système  préconçu,  mais  simplement  l'efïet 
d'une  prédilection  favorisée  encore  par  la  composition  du 
personnel  musical  de  la  Chambre  de  l'Infant  don  Louis.  La 
famille  Font  en  formait  le  quatuor  ;  renforcée  d'un  cinquième 
membre,  violoncelliste-compositeur  de  premier  ordre,  il 
fallait  nécessairement  trouver  une  combinaison  qui  utilisât 
les  talents  des  cinq  artistes  réunis.  De  là  l'idée  du  quintetto 
tel  que  Boccherini  l'a  conçu  et  exécuté  dès  1770  (1). 

Ce  premier  œuvre  est  rempli  de  beautés  dont  près  de 
quatre-vingts  ans  n'ont  pu  ternir  encore  la  fraîcheur  et 
l'éclat.  Il  y  règne  une  verve,  une  chaleur,  une  inspiration, 
un  enthousiasme,  une  originalité  de  formes  et  de  mélodie 
qui  bravent  le  temps  et  la  mode  ;  c'est  le  beau  dans  toute 
son  acception,  le  beau  qui  émeut,  qui  vivifie,  qui  transporte  ; 
rien,  il  faut  l'avouer,  ne  donnait  l'idée  d'une  pareille  création 
qui  restera,  dans  l'histoire  de  l'art,  comme  une  conquête 
du  génie.  Quel  parti  admirable  Boccherini  a  su  tirer  des 
deux  violoncelles  !  Avec  quel  charme  il  les  fait  chanter,  et 
les  marie  aux  autres  instruments  !  Avec  quelle  adresse  il 
utilise  la  différence  des  timbres  pour  en  tirer  des  effets  ravis- 
sants jusqu'alors  inconnus  !  Mais  écoutons  l'un  de  ses 
derniers  interprètes,  Baillot,  dont  l'irréparable  perte  est  un 
long  deuil  pour  l'art,  Baillot,  le  type  du  grand  artiste,  la  gloire 


(1)  Ces  premiers  Quintettes  du  maître  semblent  bien  être,  jusqu'à  nouvel  avis, 
parmi  les  premiers  qui  aient  été  écrits.  Toutefois,  un  Quintette  de  Jean  Chrétien 
Bach  et  un  de  Toeschi  paraissaient  à  Paris  dès  1 770.  D'autre  part,  une  admirable 
série  de  six  Quintettes  à  cordes  de  J.-B.  Sammartini  porte  la  date  de  1773  ; 
c'est  cette  même  année  que  sont  nés  aussi  les  deux  premiers  Quintettes  (en  ut 
et  en  fa)   de  Michel  Haydn,  et  le  premier  qu'ait  écrit  son  jeune  élève  :  Mozart. 


-  80  - 

de  l'école  française,  qui  fut  aussi  le  vir  probus  dicendi  peritus  ; 
écoutons  ce  religieux  adorateur  de  la  muse  de  Boccherini, 
appréciant  ses  œuvres  immortelles,  offertes  par  lui  comme 
modèles  aux  amateurs  du  violoncelle  :  «  Rien,  dit-il  (1),  ne 
»  surpasse  le  charme  qui  l'accompagne  dans  la  musique  de  ce 
»  grand  maître  ;  s'il  le  fait  chanter  seul,  c'est  avec  une  sensi- 
»  bilité  si  profonde,  une  simplicité  si  noble,  qu'on  oublie 
»  l'art  et  l'imitation,  et  que,  pénétré  d'un  sentiment  reli- 
«  gieux,  on  s'imagine  entendre  une  voix  céleste,  tant  elle  a 
»  une  expression  étrangère  à  tout  ce  qui  blesse  le  cœur  ;  l'on 
»  dirait  plutôt  qu'elle  cherche  à  consoler  ;  s'il  fait  parler  à  la 
»  fois  les  cinq  instruments,  c'est  avec  une  harmonie  pleine 
»  et  auguste  qui  invite  au  recueillement,  qui  jette  l'imagina- 
»  tion  dans  une  douce  rêverie,  ou  qui  la  fixe  sur  des  tableaux 
»  enchanteurs  ;  c'est  la  grâce  de  l'Albane,  c'est  la  naïve 
»  sensibilité  de  Gessner  ;  et  lorsque  changeant  de  style  il 
»  prend  une  teinte  sombre  et  mélancolique,  il  va  droit  au 
»  cœur  par  des  moyens  si  doux,  que  les  larmes  coulent  sans 
»  qu'on  s'en  aperçoive  ;  s'il  attriste,  c'est  pour  mieux  toucher  ; 
»  s'il  semble  ôter  à  l'âme  toute  sa  force,  c'est  pour  la  réconci- 
»  lier  avec  elle-même,  pour  apaiser  le  tumulte  des  passions, 
»  y  faire  succéder  un  calme  délicieux,  transporter  dans  un 
»  monde  meilleur,  et  faire  goûter  les  plaisirs  de  l'âge  d'or.  » 
A  côté  de  cette  éloquente  expression  du  sentiment  de  l'un 
des  plus  éloquents  interprètes  des  chefs-d'œuvre  de  Bocche- 
rini, de  Haydn,  de  Mozart  et  de  Beethoven,  plaçons  en 
regard   l'opinion   d'un   autre   juge   non   moins   compétent, 


(1)    Méthode    de   violoncelle,  adoptée    par  le  conservatoire    impérial    de 
musique   (P.)- 


-  81  - 

d'un  juge  que  l'étendue  et  la  profondeur  de  son  savoir  et  la 
sévérité  de  ses  principes,  en  matière  de  composition  musicale, 
rangent  en  tête  des  critiques  qui  font  autorité.  Voici  comment 
s'exprime  M.  Fétis  (tome  2,  page  223  de  la  Biographie  uni- 
verselle des  Musiciens)  :  «  Jamais  compositeur  n'eut,  plus  que 
»  Boccherini,  le  mérite  de  l'originalité  ;  ses  idées  sont  toutes 
w  individuelles,  et  ses  ouvrages  sont  si  remarquables,  sous 
»  ce  rapport,  qu'on  serait  tenté  de  croire  qu'il  ne  connaissait 
')  point  d'autre  m.usique  que  la  sienne  (1).  La  conduite,  le 
)>  plan  de  ses  compositions,  leur  système  de  modulation, 
)>  lui  appartiennent  en  propre  comme  les  idées  mélodiques. 
»  Admirable  par  la  manière  dont  il  sait  suspendre  l'intérêt 
»  par  des  épisodes  inattendus,  c'est  toujours  par  des  phrases 
»  du  caractère  le  plus  simple  qu'il  produit  l'effet  le  plus  vif. 
»  Ses  pensées  toujours  gracieuses,  souvent  mélancoliques, 
»  ont  un  charme  inexprimable  par  leur  naïveté.  On  a  souvent 
»  reproché  à  Boccherini  de  manquer  de  force,  d'énergie  ; 
>*  cependant  plusieurs  de  ses  Quintetti  sont  em.preints  d'un 
»  caractère  de  passion  véhémente.  Son  harmonie,  quelquefois 
)'  incorrecte,  est  féconde  en  effets  piquants  et  inattendus.  Il 
»  fait  souvent  usage  de  l'unisson,  ce  qui  réduit  parfois  son 
)>  quintetto  à  un  simple  duo  ;  mais,  dans  ce  cas,  il  tire  parti 
«  de  la  différence  des  timbres  avec  une  adresse  merveilleuse, 
»  et  ce  qui  serait  un  défaut  chez  un  autre,  devient  chez  lui 
»  la  source  de  beautés  qui  lui  sont  propres.  Ses  adagios  et  ses 
»  menuets  sont  presque  tous  délicieux  ;   ses  finales   seules 


(1)  Cette  conjecture  est  parfaitement  fondée  :  Boccherini  avait  tellement  la 
conscience  et  le  respect  de  son  individualité  que,  par  crainte  de  l'altérer,  il 
s'mterdisait  l'étude  des  autres  grands  maîtres,  ses  contemporains    (P.). 


-  82  - 

)5  ont  vieilli.  Chose  singulière  !  avec  un  mérite  si  remarquable, 
«  Boccherini  n'est  connu  maintenant  qu'en  France.  L'Alle- 
))  magne  dédaigne  sa  simplicité  naïve,  et  l'opinion  qu'en  ont 
»  les  artistes  de  ce  pays  se  résume  dans  un  mot  prononcé  par 
^)  Spohr  à  Paris,  dans  une  réunion  musicale,  où  l'on  venait 
»  d'exécuter  quelques-uns  des  quintetti  du  maître  Italien. 
»  On  demandait  au  célèbre  violoniste  et  compositeur  alle- 
))  mand  ce  qu'il  en  pensait  :  Je  pense,  répondit-il,  que  cela  ne 
»  mérite  pas  le  nom  de  musique  !  Il  est  fâcheux  que  la  manière 
»  de  sentir  se  formule  comme  les  idées  chez  les  artistes,  et 
»  qu'un  homme  de  mérite,  passionné  pour  les  transitions 
»  fréquentes,  soit  arrivé  au  point  de  ne  plus  trouver  de  charme 
»  aux  choses  simples  et  naturelles,  et,  ce  qui  est  bien  plus 
)>  triste  encore,  à  devenir  insensible  au  mérite  de  créations 
»  toutes  originales  et  individuelles.  Heureux  l'artiste  qui 
«  sait  certaines  choses  qu'on  ignorait  un  siècle  avant  lui  ; 
»  mais  malheureux  cent  fois  celui  dont  le  savoir  se  transforme 
»  en  habitudes,  et  qui  ne  comprend  que  ce  que  l'on  fait  de 
»  son  temps  !  L'art  est  immense  ;  gardons-nous  de  le  cir- 
«  conscrire  dans  une  forme  et  dans  une  époque  !  • 

Honneur  à  l'auteur  de  ces  nobles  paroles  !  Honneur  au 
savant  qui  revendique  ainsi  les  droits  imprescriptibles  du 
génie  !  Oui,  sans  doute,  le  beau  est  de  tous  les  temps  :  il 
survit  aux  caprices  de  la  mode,  aux  variations  du  goût,  parce 
qu'il  est  absolu,  parce  qu'il  est  indépendant  de  certaines 
formes,  de  certaines  tendances,  parce  qu'il  a  son  principe 
dans  le  vrai,  dans  les  plus  nobles  inspirations  de  l'âme,  parce 
qu'il  émane  de  la  nature  elle-même,  et  qu'à  ces  titres,  il  est 
éternel.  Rassurez- vous  donc,  artistes  qui  travaillez  en  vue  de  la 
gloire  ;  votre  œuvre,  fille  de  l'invention  et  du  génie,  est  impé- 


-  83  - 

rissable  ;  elle  n'a  rien  de  commun  avec  les  succès  éphémères 
qu'une  génération  accueille  et  applaudit,  que  la  génération 
suivante  oublie  et  délaisse  !  Si  trois  siècles  de  progrès  dans 
un  art  où  les  transformations  ont  été  si  fréquentes  et  si  sou- 
daines, les  révolutions  si  profondes,  n'ont  point  obscurci 
l'auréole  toujours  resplendissante  de  Palestrina  ;  si  les  travaux 
des  Scarlatti,  des  Bach,  des  Handel,des  Marcello,  des  Durante, 
des  Pergolèse,  brillent  encore  du  plus  vif  éclat,  c'est  qu'en 
effet  les  conceptions  du  génie  portent  en  elles  un  principe  de 
vie  qui  résiste  aux  efforts  du  temps  ! 

Sur  environ  trois  cents  trios,  quatuors  et  quintetti  composés 
par  Boccherini,  il  en  est  bien  peu  qui  ne  se  distinguent  par 
quelqu'une  des  qualités  particulières  a  son  génie  :  beaucoup 
brillent  par  l'invention,  la  hauteur  du  style,  l'ordonnance 
harmonieuse  des  parties  ;  par  une  facture  ou  pittoresque, 
ou  majestueuse,  ou  passionnée,  et  surtout  par  cette  faculté 
inspiratrice  qui  ne  l'abandonne  jamais.  Son  début,  tantôt 
noble,  gracieux  ou  vif,  souvent  grave  ou  mélancolique,  toujours 
original,  expressif,  intéresse  tout  d'abord;  on  sent  qu'il  par- 
ticipe de  ce  premier  jet  que  les  Italiens  caractérisent  di  prima 
intenzione.  Sous  ce  rapport,  nul  compositeur  ne  l'égale  par 
la  variété,  l'abondance,  la  spontanéité  des  pensées  ;  c'est 
une  richesse  d'imagination,  un  goût,  une  flexibilité  qui  sem- 
blent n'emprunter  rien  à  l'art,  mais  qui  font  éclore  les  chefs- 
d'œuvre  sous  sa  chaude  et  féconde  inspiration,  sans  effort, 
naturellement,  comme  autrefois  La  Fontaine  laissait  couler 
ses  fables  immortelles.  Rien  ne  prouve  mieux  la  puissance 
inventive  de  ce  beau  génie  que  son  aptitude  à  traiter  diver- 
sement le  même  sujet  et  à  en  former  des  tableaux  tout  à  fait 
dissemblables.  Ses   rivaux   n'offrent   aucun   exemple   d'une 


-  84  - 

pareille  faculté.  Lorsque  les  grands  maîtres  allemands, 
Haydn  particulièrement,  sont  parvenus  à  la  péroraison, 
leur  sujet  a  été  tellement  travaillé,  pressuré,  qu'on  n'en 
saurait  plus  rien  extraire.  Ainsi  l'insecte  aux  ailes  brillantes 
ne  laisse  après  lui  qu'une  inutile  enveloppe.  Chez  Boccherini, 
c'est  tout  l'opposé  :  jamais  il  n'épuise  l'idée  ;  il  se  plaît  au 
contraire  à  l'embellir,  a  la  parer  de  vives  couleurs  ;  il  l'en- 
toure de  compagnes  charmantes  avec  lesquelles  on  la  voit 
se  jouer  et  se  confondre,  mais  sans  lui  ôter  la  guirlande  de 
roses  qui  relève  l'éclat  de  sa  robe  virginale  et  la  distingue  entre 
toutes.  Si,  dans  son  trajet,  sa  main  effeuille  quelques  pétales 
de  cette  fleur  bien-aimée,  il  en  conserve  toujours  assez  pour 
qu'on  puisse  la  reconnaître  et  jouir  de  son  parfum,  pour  la 
marier  heureusement  à  un  autre  bouquet.  Voyez  avec  quelle 
habileté,  quelle  aisance  il  met  en  relief  une  idée  déjà  produite  l 
Une  pensée,  une  phrase,  une  mélodie  lui  plaît-elle  ?  Il  se 
garde  de  la  prodiguer  ;  il  ne  la  montre  que  ce  qu'il  faut  pour 
qu'on  la  remarque,  pour  la  faire  désirer  ;  mais  lorsque,  dans 
les  différents  morceaux  dont  son  œuvre  se  compose,  on  l'a 
tout  à  fait  perdue  de  vue,  il  la  ramène  avec  une  sorte  d'amour 
et  d'orgueil  ;  il  ajoute  ainsi  au  plaisir  de  l'oreille,  à  la  satis- 
faction du  cœur,  le  contentement  de  l'esprit,  par  un  rapport 
d'ordre  et  d'unité  qui  double  la  jouissance.  Ailleurs,  c'est  un 
motif  tout  entier  qu'il  emprunte.  Surpris  par  cet  air  de 
connaissance,  vous  vous  imaginez  que  ce  n'est  qu'un  traves- 
tissement, c'est-à-dire  les  mêmes  idées  sous  une  autre  com- 
binaison instrumentale.  Nullement  :  c'est  bien  le  même  cadre, 
mais  le  tableau  diffère  ;  d'autres  points  de  vue,  d'autres  scènes 
s'offrent  à  vos  yeux  émerveillés,  et  vous  ne  savez  ce  que  vous 


-  85  - 

devez  admirer  le  plus  de  l'inépuisable  imagination  du  peintre 
ou  des  séduisantes  couleurs  de  sa  palette  (I). 

Parmi  les  compositions  diverses  où  Boccherini  s'est  montré 
dans  toute  l'originalité,  tout  le  charme  de  son  talent,  les 
connaisseurs  ne  peuvent  se  lasser  d'entendre  ses  délicieux 
menuets,  dans  lesquels  la  grâce  naïve,  l'enjouement,  l'aban- 
don, la  variété  le  disputent  à  l'invention.  Conçus  dans  un 
système  tout  différent  de  celui  des  autres  grands  maîtres,  ils 
forment  un  genre  à  part,  sans  analogue  ailleurs,  dont  le  célèbre 
artiste  a  gardé  le  secret.  Mais  c'est  dans  Vadagio  surtout 
qu'il  étale  les  richesses  de  son  cœur,  le  grandiose  du  sentiment 
religieux  puisé  dans  une  foi  vive,  à  la  source  des  livres  saints. 
Rien  n'égale  la  suavité  de  ces  chants  si  chastes  et  si  purs,  où 
la  pensée  du  compositeur,  dégagée  de  toute  passion  terrestre, 
ne  respire  qu'amour  divin  et  s'élève,  sur  les  ailes  de  l'espé- 
rance, vers  l'immortel  séjour.  Empreints  d'une  ineffable 
onction,  les  adagios  de  Boccherini  «font  surtout  l'admiration 
»  des  connaisseurs  et  le  désespoir  des  artistes  ;  ils  donnent 
»  l'idée  de  la  musique  des  anges.  »  (2). 

Les  Finales  seules  ont  vieilli,  dit  M.  Fétis.  Malgré  l'autorité 
acquise  aux  arrêts  de  ce  savant,  qu'il  soit  permis  de  repousser 
cette  critique,  comme  beaucoup  trop  absolue.  Vraie  pour 
certains  morceaux  de  ce  genre,  elle  cesse  de  l'être  pour  la 
plupart.  Si  l'on  voulait  rapprocher  les  finales  de  Boccherini 
de  celles  d'Haydn,  peut-être  trouverait-on  que  ces  dernières 


(1)  La  manière  de  construire  un  morceau  a  considérablement  varié  pendant 
le  cours  de  la  carrière  artistique  de  Boccherini  :  pour  l'emploi  de  certains  pro- 
cédés de  composition,  voyez  la  piéface. 

(2)  Choron  et  Fayolle    (P.). 


ont,  en  plus  grand  nombre,  vieilli  davantage  ou  présentent 
des  sujets  incomparablement  plus  communs.  Ce  qui  a  véri- 
tablement vieilli  dans  Boccherini,  ce  sont  certaines  terminai- 
sons de  phrases,  surtout  dans  ses  menuets,  quelque  admirables 
qu'ils  soient  d'ailleurs. Mais  quant  à  ses  finales, si  quelques- 
unes  prêtent  a.  la  critique,  beaucoup  au  contraire  se  recom- 
mandent par  la  chaleur,  la  verve,  l'originalité  ;  par  une 
facture  piquante,  pleine  de  grâce,  de  fraîcheur  ou  d'entraî- 
nement qui  couronne  dignement  l'œuvre. 

Indépendamment  de  leur  mérite  d'un  ordre  si  élevé,  les 
compositions  de  Boccherini  se  recommanderont  toujours  aux 
musiciens  amateurs  par  un  intérêt  tout  particulier  d'exécution. 
Chez  les  autres  grands  maîtres,  la  partie  du  premier  violon 
règne  souvent  en  souveraine  et  éclipse  toutes  les  autres  ;  on 
peut  en  faire  la  remarque  dans  les  quatuors  d'Haydn,  si 
admirables  d'ailleurs.  Chez  Boccherini,  chacune  des  parties 
ne  relève,  pour  ainsi  dire,  que  d'elle-même.  Là,  point  de 
primauté  :  toutes  ont  des  droits  égaux,  toutes  concertent, 
soit  à  tour  de  rôle,  soit  simultanément  ;  toutes  intéressent 
l'exécutant  au  même  degré.  L'accompagnement  lui-même, 
sous  une  inépuisable  variété  de  formes,  de  tours  piquants  et 
originaux,  participe  du  chant  et  lui  emprunte  son  expression, 
ses  moyens,  ses  délicatesses  et  son  charme.  On  ne  saurait  donc 
observer  trop  scrupuleusement,  dans  l'exécution  de  cette 
musique,  le  grand  précepte  de  Tartini  :  Pour  bien  jouer,  il 
faut  bien  chanter. 

Les  procédés  de  Boccherini  sont  d'une  telle  simplicité 
qu'ils  échappent  à  l'analyse.  Il  serait  difficile,  en  effet,  d'expli- 
quer à  quoi  tiennent  les  effets  heureux  répandus  à  profusion 
dans  ses  ouvrages,  tant  les  moyens  qu'il  emploie  semblent  à 


-  87  - 

la  portée  de  tous.  Sa  manière,  toujours  naturelle,  gracieuse, 
naïve,  séduit  d'autant  plus  qu'elle  afïecte  moins  de  prétention 
et  de  recherche  ;  le  travail  et  l'art  n'y  apparaissent  jamais  ; 
tout  coule  de  source  avec  une  limpidité,  une  abondance  qui 
ne  tarit  point.  Tirant  tout  de  lui-même,  ce  compositeur  est  si 
riche  de  son  propre  fonds  qu'il  n'emprunte  jamais  au  pouvoir 
de  l'harmonie  pour  déguiser  le  vide  ou  l'absence  de  la  pensée  : 
les  idées  lui  arrivent  en  foule,  et  lorsqu'on  s'imagine  qu'elles 
sont  près  de  s'épuiser,  une  modulation  neuve,  incisive,  un 
épisode  inattendu  vient  leur  donner  un  autre  tour,  exciter 
plus  vivement  l'intérêt,  ouvrir  de  nouvelles  perspectives,  et 
jeter  l'âme  dans  le  ravissement. 

C'est  surtout  dans  la  façon  de  traiter  la  deuxième  partie 
des  grands  morceaux  qu'éclate  la  fécondité  de  ses  ressources. 
Tous  les  musiciens  savent  que  cette  seconde  partie  est  l'écueil 
du  compositeur.  Tel  s'est  tiré  de  la  première  avec  succès, 
qui  échoue  complètement  à  la  deuxième  ;  car,  dit  M.  Castil- 
Blaze,  «  l'une  peut  être  produite  par  l'imagination  seule, 
l'autre  exige  la  réunion  du  génie  au  talent.  »  C'est  là  que  les 
modulations  savantes,  les  recherches  harmoniques  les  plus 
riches  se  combinent,  se  croisent,  s'entre-choquent  pour  illu- 
miner, sous  mille  formes  diverses,  les  idées  principales.  Dans 
ce  système,  les  ouvrages  des  maîtres  allemands  offrent  des 
modèles  d'une  désespérante  perfection.  Néanmoins,  il  faut 
le  reconnaître,  cette  marche  trop  invariablement  suivie  perd 
en  inspiration  et  en  spontanéité  ce  qu'elle  gagne  en  science  ;  le 
connaisseur  sait  d'avance  par  quels  chemins  on  va  le  conduire, 
il  entrevoit  déjà  les  perspectives  qu'on  lui  ménage  ;  rarement 
l'imprévu  le  surprend  et  l'émeut  dans  ce  dédale  scientifique 

7 


où  les  plus  habiles  ne  réussissent  pas  toujours  à  éviter  l'obs- 
curité, la  confusion  ou  le  désordre. 

Le  génie  inventif  de  Boccherini  répugne  à  ces  procédés 
dont  il  use  quand  il  lui  plaît,  mais  sans  s'y  asservir.  Là  se 
déploie  son  étonnante  faculté  de  couvrir  de  fleurs  un  terrain 
aride.  Aussi  ses  secondes  parties  n'ont  rien  de  conventionnel  ; 
on  y  sent  partout  le  souffle  de  l'inspiration. S'il  veut  développer 
son  sujet  principal,  il  le  fait  avec  aisance  ;  préfère-t-il  donner 
le  premier  rôle  à  l'accessoire  ?  Rien  de  plus  piquant,  de  plus 
original  que  l'effet  qu'il  sait  en  tirer.  Parfois  un  motif  nouveau 
jaillit  au  début  de  cette  seconde  partie  et  se  fond  dans  l'ensem- 
ble avec  un  bonheur  d'affinité  qui  résout  le  problème  si 
difficile  de  la  variété  dans  l'unité.  Ailleurs,  les  divers  sujets 
se  jouent  entre  eux,  se  recherchent,  se  mêlent,  se  fuient  tour  à 
tour,  sous  des  formes  saisissantes,  inattendues  qui  s'emparent 
également  de  l'esprit  et  du  cœur.  Il  n'est  pas  jusqu'au  motif 
principal  qui  ne  fasse  preuve  d'indépendance  et  ne  dédaigne 
de  se  montrer  à  l'heure  convenue.  Dans  son  allure  capri- 
cieuse, alors  qu'on  s'y  attend  le  moins,  il  apparaît  soudain, 
prévenant  ou  retardant  le  vœu  qui  l'appelle,  vers  le  com- 
mencement, au  milieu,  ici  ou  là,  parfois  à  la  fin  qu'il  clôt 
magistralement  (I). 

Parmi  les  moyens  dont  Boccherini  use  volontiers,  il  en  est 
qui  seraient  partout  ailleurs  une  marque  d'impuissance  et  de 
stérilité,  et  qui  deviennent  chez  lui  la  source  féconde  d'effets 
délicieux,  de  beautés  toutes  particulières  ;  tel  est  l'emploi 
fréquent  de  l'octave  et  de  l'unisson,  justement  réprouvé 
parce  qu'il  réduit  d'autant  l'harmonie.  Mais  il  en  est  un  sur- 


(1)  Pour  la  conception  du  développement  chez  Boccherini,  v.  aussi  la  préface. 


—  89  — 

tout  que  sa  vulgarité  rendrait  monotone  chez  tout  autre, 
et  qui,  dans  Boccherini,  produit  toujours  un  effet  sûr,  tant  le 
compositeur  se  montre  habile  à  en  tirer  parti,  tant  est  merveil- 
leuse la  variété  de  formes  sous  lesquelles  il  use  d'un  moyen 
qui  semble  s'y  prêter  si  peu  ;  c'est  la  dominante  employée 
comme  une  sorte  de  pédale  intérieure  ou  aiguë.  Toutes  les 
fois  qu'elle  se  fait  entendre,  c'est  un  charme  nouveau  dont 
il  revêt  sa  pensée,  une  gaze  légère  dont  il  l'enveloppe  comme 
pour  la  soustraire  à  quelque  soufHe  impur,  ou  la  placer  dans 
un  lointain  mystérieux  qui  ajoute  encore  à  sa  candeur  et  à  ses 
grâces.  Certes,  combien  d'écoliers  dédaigneraient  de  recourir 
a  ces  moyens  si  simples,  si  faciles  ;  ils  croiraient  déroger  à  la 
science.  Moins  scrupuleux,  moins  timoré,  le  grand  composi- 
teur aime  à  s'en  servir,  parce  qu'entre  ses  mains  le  cuivre 
devient  or.  Faire  beaucoup  avec  peu  fut  le  grand  art  de  Boc- 
cherini. Jamais  chez  lui  d'étalage  scientifique  :  il  pousse  si  loin 
le  scrupule  à  cet  égard,  qu'on  pourrait  lui  reprocher  parfois 
trop  de  sobriété  dans  l'harmonie,  une  sorte  d'affectation  à 
la  négliger,  comme  si  elle  n'était  à  ses  yeux  qu'un  manteau 
fastueux  destiné  le  plus  souvent  à  couvrir  des  guenilles.  Et 
cependant  ce  n'était  pas  faute  de  ressources  ;  il  a  montré 
dans  plus  d'une  de  ses  œuvres  qu'il  savait,  lui  aussi,  dès 
qu'il  le  voulait,  demander  a  la  puissance  des  combinaisons 
harmoniques  ces  efîets  majestueux,  grandioses,  énergiques, 
qui  ont  élevé  si  haut  l'école  allemande.  Mais  fidèle  au  système 
des  grands  maîtres  italiens,  obéissant  d'ailleurs  à  la  nature 
toute  mélodique  de  son  génie,  il  ne  considérait  l'harmonie 
que  comme  un  auxiliaire  et  lui  refusait  cette  prééminence 
qu'elle  sut  conquérir  plus  tard.  Il  craignait  avec  raison  qu'en 
usant  de  tous  les  moyens  sans  discernement  ni  mesure,  qu'en 


—  90  - 

jetant  tout  à  pleines  mains,  tout  à  la  fois,  partout  et  toujours, 
on  n  arrivât  à  blaser,  à  endurcir  l'oreille,  à  la  rendre  insensible 
aux  véritables  beautés,  et  à  dénaturer  l'art. 

De  là  cette  différence  si  frappante  qu'on  remarque  entre 
sa  manière,  ses  procédés,  et  ceux  des  maîtres  allemands.  Le 
but  ne  différait  pas  moins.  Tandis  que  ceux-ci  semblent 
appeler  à  leur  aide  toutes  les  ressources,  tous  les  trésors  de 
la  science  et  du  contre-point,  qu'ils  recherchent  le  grand  jour 
et  l'éclat,  qu'en  vue  des  applaudissements  d'un  brillant  audi- 
toire ils  s'étudient  à  faire  jaillir  d'un  petit  nombre  d'instru- 
ments, comme  d'un  ensemble  symphonique,  des  flots  d'har- 
monie, on  croirait  au  contraire  que  Boccherini  fuit  l'agitation, 
le  tumulte  des  grandes  assemblées  ;  que  désireux  de  se  replier 
sur  lui-même,  d'éloigner  les  pensées  mondaines  pour  se  livrer 
aux  douces  émotions,  aux  innocentes  joies  qu'inspire  le 
spectacle  de  la  nature,  il  a  besoin  de  calme,  de  solitude,  afin 
de  donner  l'essor  à  sa  muse  et  la  laisser,  comme  le  chantre  des 
nuits,  exhaler  dans  le  silence  ses  tendres  et  mélodieux  accents. 

Aussi  sa  musique  est  celle  de  l'intimité  par  excellence. 
Gardez-vous  de  l'appeler  à  ces  concerts  où  l'oreille  est  inces- 
samment distraite  par  les  yeux,  où  par  conséquent  l'esprit 
n  est  jamais  assez  dégage  pour  permettre  au  cœur  des  jouis- 
sances sans  partage  ;  où  d'ailleurs  un  local  trop  spacieux, 
rempli  d'une  foule  plus  ou  moins  attentive,  détruit  à  chaque 
instant  l'effet  des  plus  délicates  nuances.  Non,  il  lui  faut  pour 
se  produire  dans  sa  grâce  ingénue,  dans  la  candeur  de  sa 
pensée,  un  auditoire  peu  nombreux,  mais  initié,  recueilli, 
plus  sensible  aux  beautés  de  sentiment  qu'aux  effets  étudiés. 
C'est  alors  qu'elle  se  plaît  à  se  révéler  tout  entière  ;  c'est 
alors  qu'elle  se  manifeste  dans  sa  pureté  primitive,  qu'elle 


-  91  - 

séduit,  pénètre,  ravit,  qu'elle  provoque  dans  l'âme  une  foule 
d'émotions  délicieuses  et  de  joies  inconnues. 

Il  est  à  remarquer  que  la  musique  de  Boccherini,  bien 
qu'elle  ne  présente  pas  en  général  de  grandes  difficultés 
d'exécution,  déconcerte  d'ordinaire  ceux  qui  l'abordent  pour 
la  première  fois  :  cela  n'a  rien  d'étonnant.  Habituée  dès  long- 
temps aux  form.es  germaniques,  à  une  harmonie  nerveuse  et 
savante,  au  travail  intrigué  du  contre-point  qui  usurpe  trop 
ouvertement  peut-être  les  droits  du  chant,  l'oreille  ainsi 
nourrie  et  entretenue  cherche  en  vain  ce  qu'elle  a  coutume 
de  rencontrer  ;  mais  déçue  et  dépaysée,  elle  se  montre  incré- 
dule et  rebelle,  se  refusant  à  comprendre  un  sens  dont  elle  n'a 
pas  la  clé.  Semblable  à  ces  estomacs  saturés  d'épices  et  de 
liqueurs  que  n'excitent  plus  les  mets  simples  et  naturels, 
elle  repousse  d'abord  cette  nourriture  si  peu  conforme  à  ses 
goûts.  Mais  insensiblement  elle  arrive  à  une  appréciation 
plus  saine  ;  et  quand,  après  bien  des  essais,  elle  est  enfin 
parvenue  à  saisir  le  caractère  et  le  style  particuliers  de  cette 
musique  jusqu'alors  incomprise,  elle  s'étonne  elle-même 
d'être  restée  insensible  à  ses  beautés,  et  passe  de  l'indiffé- 
rence à  l'enthousiasme.  Cette  explication,  confirmée  par  bien 
des  exemples,  démontre  qu'avant  de  se  prononcer  sur  les 
œuvres  du  grand  maître  italien,  il  faut  les  étudier  avec  soin, 
s'en  pénétrer,  et  surtout  se  faire  initier  aux  secrets  de  leur 
exécution.  Ce  n'est  pas  que  celle-ci  réclame  les  talents  d'un 
virtuose  consommé  ;  loin  de  là  :  il  suffit  de  posséder  conve- 
nablement son  instrument,  car  les  difficultés  tiennent  moins 
au  mécanisme  et  au  trait  qu'à  certaines  conditions  d'aptitude, 
inhérentes  à  l'organisation  même  de  l'exécutant,  hors  des- 
quelles il  ne  saurait  prétendre  au  rôle  d'adepte.  Ces  condi- 


-  92  - 

tions  nécessaires,  indispensables,  ont  leur  foyer  dans  une  sensi- 
bilité profonde,  un  goût  exquis,  une  sorte  de  sens  intérieur 
qui  sait  deviner  la  pensée  du  compositeur  et  se  mettre  en 
communication  avec  elle.  Alors,  que  l'archet,  obéissant  aux 
inspirations  du  cœur,  interprète  avec  âme  ces  chants  suaves 
et  religieux  qui  coulent  de  source  ;  qu'il  ne  s'écarte  jamais  de 
la  pensée  intime  ;  qu'il  se  persuade  que  tout,  dans  cette 
musique,  fait  tableau,  exprime  une  situation  ou  un  sentiment  ! 
Qu'il  s'attache  dès  lors  à  rendre  ces  nuances  délicates,  ce 
coloris  moelleux,  ces  demi-teintes,  cette  magie  du  clair-obscur 
qui  prêtent  tant  de  charme  aux  compositions  de  Boccherini 
et  l'ont  fait  appeler  à  juste  titre  le  peintre  des  grâces.  Que  tous 
les  concertants  unis,  confondus  dans  une  même  pensée, 
exécutent  leur  partie  avec  conscience,  con  amore  ;  qu'ils 
chantent  toujours,  que  leur  unique  préoccupation  tende  à  les 
élever  à  la  hauteur  du  maître,  à  l'interpréter  dignement  ; 
qu'ils  sachent  bien  qu'il  n'est  qu'une  manière  de  rendre 
cette  musique  tout  origmale,  où  chaque  note  a  son  intention, 
sa  portée,  son  effet  ;  où  les  contrastes  sont  d'observation 
rigoureuse  ;  où  rien  ne  saurait  être  négligé  parce  que  tout  a 
un  but  ;  qu'ils  s'identifient,  en  un  mot,  avec  le  compositeur, 
qu'ils  l'évoquent  pour  s'inspirer  de  son  esprit  et  s'enflammer 
à  son  souffle  divin.  Une  sembla*ble  exécution  exige  beaucoup 
d'étude  et  tout  à  la  fois,  suivant  l'expression  de  Baillot,  une 
force  et  une  délicatesse  d'organes  qu'on  pourrait  appeler  un 
sixième  sens,  s'il  ne  valait  mieux  remonter  jusqu'à  l'âme  qui 
est  la  source  et  qui  sera  toujours  la  mesure  du  talent. 

Ces  recommandations,  si  minutieuses  qu'elles  paraissent, 
cesseront  d'étonner,  quand  on  saura  combien  Boccherini 
se  montrait  difficile  sur  l'exécution  de  ses  ouvrages.  Sur  ce 


-  93  - 

point,  il  ne  plaisantait  pas  ;  en  voici  une  preuve  entre  mille. 
Le  marquis  de  Benavente  avait  réuni  chez  lui  l'élite  de  la 
noblesse  et  des  amateurs  de  Madrid.  Alexandre  Boucher, 
frais  débarqué, 

Jeune  et  dans  l'âge  heureux  qui  méconnaît  la  crainte, 

venait  d'exécuter,  aux  applaudissements  de  l'illustre  assis- 
tance et  de  Boccherini  lui-même,  un  concerto  des  plus  diffi- 
ciles. Encouragé  par  ce  succès  flatteur,  croyant  peut-être 
même  aussi  faire  sa  cour  au  célèbre  compositeur,  il  s'approche 
de  lui,  et  sollicite  comme  une  grâce  la  permission  de  jouer  en 
sa  présence  un  de  ses  quintettes.  —  Vous  êtes  bien  jeune, 
réplique  le  maître  ;  vous  jouez  trop  bien  du  violon  ;  il  faut,  pour 
ma  musique,  une  certaine  habitude  qui  vous  manque,  une 
manière  enfin  qui  s'écarte  trop  de  vos  principes.  —  Alexandre 
n'a  jamais  reculé  ;  il  insiste,  et  Boccherini  finit  par  céder 
d'assez  mauvaise  grâce.  On  commence...  a  peine  Boucher  en 
était  à  la  douzième  mesure  qu'il  se  sent  saisi,  arrêté  au  poi- 
gnet... il  regarde...  c'était  Boccherini  lui-même.  —  Je  vous 
avais  bien  dit  que  vous  étiez  trop  jeune  pour  jouer  ma  musi- 
que, et,  ce  disant,  il  enlevait  les  parties  des  pupitres.  Boucher, 
abasourdi  d'un  pareil  affront,  ne  put  que  lui  répondre  : 
Maître,  il  n'y  a  qu'un  moyen  de  réparer  le  mal  que  vous  me 
faites,  c'est  de  m'initier  vous-même  à  l'exécution  de  vos 
chefs-d'œuvre  ;  apprenez-moi  à  les  interpréter  dignement.  — 
Volontiers,  s'empresse  de  répliquer  Boccherini  ;  venez  chez 
moi,  je  serai  heureux  de  diriger  un  talent  comme  le  vôtre. 
Cette  anecdote,  racontée  par  Boucher,  confirmée  par  le 
marquis  de  Benavente  chez  qui  la  scène  eut  lieu,  donne  sin- 
gulièrement  à   réfléchir   et   démontre  évidemment   que,    si 


-  94  - 

grand  virtuose  qu'on  soit,  il  est  indispensable  de  se  pénétrer, 
par  une  étude  consciencieuse  et  assidue,  de  la  manière  et 
du  style  qui  conviennent  à  la  musique  de  ce  grand  maître, 
sous  peine  de  n'en  donner  que  la  parodie.  C'est  un  avertisse- 
ment à  l'adresse  de  ceux  qui  se  hâtent  de  prononcer  avec  une 
sorte  de  dédain  sur  le  mérite  de  productions  consacrées  par 
soixante  années  de  succès  et  par  l'enthousiasme  des  rois  de 
l'exécution. 

Boccherini  possédait  au  suprême  degré  le  talent  de  com- 
muniquer aux  autres  le  sentiment  qui  l'animait.  Sous  sa 
direction,  la  même  pensée,  le  même  esprit,  la  même  verve 
inspirait  les  exécutants  ;  pas  une  distraction,  pas  une  négli- 
gence n'était  tolérée.  Rigide  et  intraitable  observateur  des 
mille  nuances  dont  sa  musique  est  toute  diaprée,  il  ne  trou- 
vait jamais  les  Forte  assez  accentués,  les  Piano  assez  adoucis  ; 
énergique  avec  les  premiers,  un  souffle  pour  les  seconds  lui 
suffisait  :  deWolio,  amico,  deWolio  (de  l'huile  !)  avait- il  cou- 
tume de  s'écrier  sitôt  qu'une  partie  élevait  un  peu  trop  la  voix. 
Nulle  autre  musique  autant  que  la  sienne  n'offre  ces  mots. 
Pianissimo,  ou  Sotto  voce  assai.  Il  avait  si  bien  stylé  les  musi- 
ciens de  la  chambre  de  l'Infant  don  Louis  que,  longtemps 
après,  lorsque  Rode  (1)  les  entendit,  ce  célèbre  violoniste 
fut  transporté  d'admiration  ;  il  avouait  que  nulle  part  cette 
musique  n'était  si  parfaitement  rendue,  ni  ne  lui  avait  causé 
tant  de  plaisir.  Mais  aussi,  quand,  par  malheur,  l'exécution 
ne  répondait  ni  à  la  pensée,  ni  au  goût  du  maître,  le  bouillant 


(1)  Rode  visita  Madrid  vers  1799,  et  s'y  lia  d'amitié  avec  Boccherini  qui 
écrivit  pour  lui  l'instrumentation  de  son  6  '  G)ncerto  en  si  bémol,  dédié  à  la  reine 
d'Espagne    (P.). 


-  95  - 

compositeur  ne  savait  plus  se  contenir  ;  il  s'agitait,  trépignait, 
jusqu'à  ce  qu'enfin,  a  bout  de  patience,  il  s'enfuît  à  toutes 
jambes,  en  criant  qu'on  assassinait  ses  enfants. 

On  a  avancé  que  Boccherini  entretenait  une  correspon- 
dance suivie  avec  Haydn  pour  qui  il  professait  une  sincère 
admiration.  Rien  ne  prouve  la  vérité  de  ce  fait.  Néanmoins, 
si  l'on  en  croit  certains  dires,  cette  admiration  n'aurait  pas 
exclu  la  sévérité,  car  on  rapporte  qu'ayant  entendu  le  quatuor 
en  ut,  op.  33  du  maître  allemand,  Boccherini  se  serait  écrié, 
en  montrant  sa  main  droite  :  «  Si  jamais  je  me  permettais 
)>  d'écrire  un  semblable  quatuor,  je  me  couperais  le  poignet  !  » 
C'est  bien  rigoureux,  mais  aussi  est-ce  vrai  ? 

Le  violoniste  Puppo  (1),  voulant  marquer  la  différence 
qui  existe  entre  ces  deux  grands  maîtres,  a  dit  :  «  Boccherini 
est  la  femme  d'Haydn.  »  Mot  heureux  qui  exprime  d'une 
manière  frappante  le  caractère  particulier  des  compositions 
de  ces  deux  hommes  à  jamais  célèbres. 

On  a  vu  combien  la  renommée  de  Boccherini  avait  été 
tardive  en  Espagne,  combien  sa  vie  y  fut  obscure,  ignorée,  à 
ce  point  que  le  poète  Yriarte,  auteur  d'un  estimable  poème 
espagnol  sur  la  musique,  ne  l'a  pas  compris  dans  sa  brillante 
nomenclature  des  grands  musiciens  de  l'époque,  quoique 
depuis  dix  ans  déjà  le  maître  italien  eût  fixé  son  séjour  dans  la 
capitale  de  l'Espagne.  Ce  n'est  qu'en  France  qu'il  a  joui 
pleinement  de  sa  gloire.  C'est  là  que  la  gravure  et  la  presse  ont 
multiplié,  répandu  par  milliers,  ces  productions  immortelles 
devenues  les  délices  de  tous  les  vrais  connaisseurs.  On  a 


(1)  Puppo  (Giuseppe),  violoniste  né  à  Lucques  en  1749,  mort  en  1827. 


—  96  — 

calculé,  dit  M.  Fétis,  qu'il  s'est  vendu  pour  environ  deux 
millions  de  francs  de  la  musique  de  Boccherini  ;  cependant 
l'auteur  a  vécu  dans  un  état  voisin  de  l'indigence  !  triste  et 
désespérant  résultat,  si  la  gloire  ne  rachetait  aux  yeux  de 
l'artiste  les  torts  de  la  fortune  ! 


97  - 


ni 


Aujourd'hui  le  culte  de  Boccherini  est  bien  délaissé  ! 
On  se  demande  à  quelle  cause  attribuer  l'abandon  de  ce 
grand  compositeur.  A  coup  sûr,  il  ne  prouve  rien  contre 
son  mérite,  car  le  moyen  d'imaginer  que  des  artistes  tels  que 
Gaviniès,  Duport,  Viotti,  Rode,  Baillot,  Boucher  et  tant 
d'autres  qui  ont  professé  une  admiration  sans  bornes  pour  ce 
sublime  génie,  se  soient  trompés  !  Quels  doutes  conserverait- 
on  en  présence  de  si  hauts  témoignages,  fortifiés  par  le  plus 
illustre  de  tous,  par  celui  de  Mozart  lui-même,  le  divin  Mozart 
qui  avait  deux  prédilections  bien  marquées,  l'un  pour  Handel, 
l'autre  pour  le  tendre  Boccherini  (1).  La  raison  de  ce  délais- 
sement est  ailleurs  ;  il  faut  la  chercher  dans  la  direction  qu'on 
a  fait  suivre  à  la  musique  instrumentale,  dominée  par  la 
déplorable  école  du  piano,  et,  tranchons  le  mot,  dans  l'igno- 
rance, les  préjugés  et  l'engouement  des  musiciens  eux-mêmes. 
On  nous  permettra  d'en  donner  ici  un  échantillon. 

M.  P.,  professeur  de  violon  étant  chez  le  marchand  de 
musique  Frey,  causait  avec  lui.  Tout  à  coup  les  yeux  du  vir- 
tuose s'arrêtent  sur  la  collection  des  œuvres  de  Boccherini, 


(1)  Pour  ces  rapports  probables  avec  Mozart,  v.  la  préface  et  le  renvoi  p.  56 
au  sujet  du  Concerto  de  violon. 


-  98  - 

et  s'adressant  à  M.  Frey  en  mauvais  français  :  Qu  est-ce  que 
cest  que  ça  ?  —  C'est  Boccherini,  répond  le  marchand  de 
musique  étonné.  —  Je  ne  connais  pas  cela.  —  Comment, 
vous  ne  connaissez  pas  ce  célèbre  compositeur  ?  —  En  quoi 
est-il  célèbre  ?...  Non,  je  n'en  ai  aucune  connaissance.  — 
Tant  pis  pour  vous.  Monsieur.  —  Je  ne  vois  rien  là  qui  soit 
tant  pis  pour  moi.  —  J'en  suis  fâché,  je  vous  le  répète,  tant 
pis  pour  vous.  Connaissez-vous  du  moins  les  quatuors 
d'Haydn  ?  —  Oui,  j'en  ai  joué  autrefois  un  œuvre,  et  j'ai 
entendu  quelques-unes  de  ses  symphonies.  —  Et  les  œuvres 
de  Mozart  ?  —  Je  connais  la  Flûte  enchantée  et  Don  Juan,  et 
j'ai  accompagné  quelques-unes  de  ses  Sonates  de  piano.  — 
Ah  !  ah  !  mais  du  moins  connaissez-vous  Viotti  ?  —  J'en  ai 
entendu  parler,  et  je  ne  connais  de  lui  qu'un  de  ses  Concertos. 

—  Mais  que  jouez-vous  donc  ? — Ma  musique.  —  Cependant, 
quels  sont  les  auteurs  classiques  où  vous  avez  appris  le  violon  ? 

—  C'est  dans  ma  musique  que  j'ai  appris  à  avoir  du  talent. 
A  ces  mots,  le  marchand  de  musique,  très  bon  musicien,  fit  une 
pirouette,  et  parla  de  tout  autre  chose. 

Quelques  jours  après,  entre  dans  le  magasin  de  M.  Frey 
le  grand  compositeur  Paër,  dont  les  regards  se  portent  par 
hasard  sur  la  collection  de  Boccherini.  Ah  !  s'écrie-t-il, 
celui-là  est  notre  père  à  tous.  Alors  M.  Frey  lui  raconte  la 
scène  qui  s'était  passée  avec  M.  P.,  et  M.  Paër  lui  répond  : 
Qui  que  ce  soit,  ce  ne  peut  être  un  homme  de  talent. 

Cette  anecdote,  donnée  sous  la  garantie  de  M.  Fayolle  (1), 
peint  merveilleusement  la  présomption,  on  dirait  presque 


(1)  Eile  est  tirée  de  scn  opuscule  :  Paganini  et  Bériot,  ou  Avis  aux  jeunes  artistes 
qui  se  destinent  à  l'enseignement  du  violon  ;  in-8°  Paris,  1 83 1 ,  page  31     (P.) . 


-  99  - 

Timpertlnence  de  certains  professeurs  et  artistes.'  Combien 
sont  de  la  force  de  M.  P.  !  Mais  c'est  assez,  revenons. 

En  substituant  la  musique  d'effet  à  la  musique  expressive, 
le  bruit  à  la  mélodie,  les  auteurs  de  ce  changement  vicieux  et 
les  prôneurs  à  la  suite  ont  donné  satisfaction,  non  pas  à  un 
besoin,  mais  à  la  médiocrité.  Il  sera  toujours  facile  d'arriver 
à  certains  effets,  au  moyen  de  certaines  formules  qui  s'ap- 
prennent, et  en  ouvrant  tout  l'arsenal  instrumental  ;  mais 
créer  de  beaux  chants,  de  belles  pensées,  les  disposer  avec 
art,  les  développer  savamment,  en  faire  un  tout  harmonieux, 
lucide,  transparent,  c'est  autre  chose,  et  l'on  comprend  que 
beaucoup  s'en  soucient  peu.  Les  instrumentistes  ont  donc 
voulu  briller,  les  compositeurs,  en  remuant  des  masses  impo- 
santes, produire  des  effets  plus  saisissants.  De  là  cette  ava- 
lanche de  fantaisies  et  d'airs  variés  d'une  part,  ce  fracas 
étourdissant  de  l'autre  ;  et  le  commun  d'applaudir,  moutons 
de  sauter.  De  l'effet,  toujours  de  l'effet,  rien  que  de  l'effet  ; 
c'est  proprement  matérialiser  l'art.  Mais  est-il  bien  sûr  que 
ce  soit  de  la  musique  ?  Qu'un  virtuose  aime  à  se  faire  entendre 
dans  des  morceaux  hérissés  de  difficultés  qui  surprennent 
quelquefois  sans  toucher  jamais,  cela  se  conçoit  ;  c'est  une 
satisfaction  d'amour-propre  sans  plus  de  portée,  et  qui  ne 
préjuge  rien  ;  c'est  de  la  prestidigitation  instrumentale.  Mais 
qu'un  compositeur,  égarant  le  goût  public,  se  fasse  l'apôtre 
de  l'erreur;  qu'il  ne  voie,  qu'il  ne  cherche  dans  son  art  que  les 
moyens  de  produire  les  plus  grands  effets  possibles  en  trom- 
pant l'oreille,  en  la  faisant  passer  dans  un  dédale  de  successions 
harmoniques,  en  lui  donnant  à  peine  un  moment  de  relâche 
pour  la  conduire  de  nouveau  dans  un  labyrinthe  inextricable 
de  notes  altérées  et  hurlant  de  se  trouver  ensemble,  sans  lui 


-  iOO  - 

accorder  jamais  le  plus  petit  repos  mélodique  ;  voilà  qui  est 
intolérable  pour  l'auditeur  de  goût,  désastreux  pour  l'art 
vrai  ;  voilà  ce  qui  perdra  la  musique  si  l'on  n'y  met  ordre. 
Et  qu'on  n'appelle  pas  modulation  ce  dévergondage  harmo- 
nique. Moduler,  dit  un  grand  maître,  c'est  faire  route,  c'est 
aller  quelque  part.  L'oreille  veut  bien  vous  suivre,  elle  demande 
même  à  être  ainsi  promenée  ;  mais  c'est  à  condition  que  lors 
qu'elle  est  arrivée  où  vous  l'avez  conduite,  elle  y  trouvera 
quelque  chose  qui  la  paie  de  son  voyage,  et  qu'elle  s'y  reposera 
quelque  temps.  Si  vous  la  voulez  toujours  faire  courir,  sans 
lui  donner  la  satisfaction  qu'elle  attend,  elle  se  lasse,  ne  vous 
suit  plus,  vous  laisse  seul,  et  toute  votre  peine  est  perdue. 
Ainsi,  moduler  uniquement  pour  moduler,  c'est  prouver 
qu'on  ignore  le  but  de  l'art  comme  ses  principes,  c'est  affecter 
une  surabondance  de  savoir  et  d'imagination,  pour  cacher 
la  disette  de  l'un  et  de  l'autre. 

Quel  que  soit  le  musicien  qui  se  permette  ces  aberrations, 
peu  importe  ;  la  question  est  de  savoir  si  cette  route  nouvelle 
conduit  à  quelque  chose  de  satisfaisant  dans  la  musique  de 
quatuor  ou  de  chambre,  la  seule  dont  il  s'agisse  ici.  Or,  la 
réponse  est  plus  que  douteuse.  Les  artistes  dont  le  seul  but 
est  de  briller  par  une  exécution  qui  se  joue  de  toutes  les  diffi- 
cultés de  trait  et  d'intonation,  se  récrieront  peut-être  ;  mais 
leur  opinion  est  au  moins  suspecte.  En  vain,  ils  l'abritent 
derrière  le  grand  nom  de  Beethoven.  Tant  que  cet  immortel 
génie  a  suivi  les  traces  de  Mozart,  tant  qu'il  n'a  fait  que  les 
dépasser  dans  la  mesure  de  ce  que  permet  la  poétique  musi- 
cale, tant  que  son  vol  pindarique  n'a  franchi  les  limites  de 
l'art  que  pour  montrer  jusqu'où  elles  peuvent  être  reculées, 
il  a  commandé  l'admiration,  imposé  sa  puissance  souveraine. 


-  101  - 

Mais  lorsque,  considérant  l'art  sous  un  autre  point  de  vue 
qu'il  ne  l'avait  fait  lui-même,  lorsque  répudiant  à  la  fois,  et 
l'exemple  des  plus  beaux  génies  et  son  glorieux  passé,  il 
dédaigna  de  charmer  l'oreille  par  le  développement  successif 
de  quelques  phrases  principales,  par  des  mélodies  heureuses, 
ou  par  de  belles  et  émouvantes  combinaisons  harmoniques, 
lorsqu'en  un  mot,  il  rejeta  des  formes  trop  symétriques, 
trop  conventionnelles  à  son  gré,  pour  se  lancer  à  corps  perdu 
dans  la  fantaisie  libre  de  toute  règle,  de  toute  contrainte, 
quel  en  fut  le  résultat  ?  Comparez  ses  beaux  quatuors  avec 
les  six  derniers,  enfants  de  ce  système  d'affranchissement 
illimité,  et  répondez  (I)  !  Ce  que  la  puissance  d'un  tel  génie 
n'a  pu  opérer,  sera-t-il  le  partage  de  ses  imitateurs  ?  Est-ce 
avec  de  la  science  seule  qu'ils  en  viendront  à  bout  ?  Mais  le 
contre-point,  si  habile  qu'on  soit  à  le  traiter,  n'est  pas  plus 
la  musique  que  la  grammaire  n'est  l'éloquence  et  la  poésie. 
Tout  le  savoir  musical  imaginable,  toute  la  dextérité  possible 
à  développer  un  sujet,  harmoniquement  parlant,  ne  suffisent 
pas  à  édifier  un  ouvrage  de  longue  vie,  si  l'inspiration,  c'est- 
à-dire  le  génie,  n'agite  sur  lui  son  flambeau  créateur.  Quoique 
vous  disiez,  il  n'est  de  bonne  et  durable  musique  que  celle 
qui  forme  un  tableau  dans  l'imagination,  ou  qui  fait  naître 
un  sentiment  dans  le  cœur.  Tant  que  la  vôtre  ne  donnera  que 
l'idée  du  chaos,  tant  que  le  sentiment  n'animera  pas  vos 
productions,  tant  que  vous  ne  puiserez  pas  au  cœur,  source 
féconde  des  belles  pensées,  tant  que  vous  manquerez  de  goût 
et  de  mesure,  que  vous  ne  saurez  qu'entasser  notes  sur  notes, 
accords  sur  accords,  que  vous  ignorerez  en  un  mot  le  chemin 


(1)  La  postérité  a  répondu. 


—  102  - 

de  1  ame,  cessez  de  martyriser  nos  oreilles,  cessez  de  mettre 
l'esprit  a  la  torture  pour  le  contraindre  à  deviner  vos  énigmes 
musicales,  et  surtout  abstenez-vous  de  ce  suprême  dédain 
qui  accueille  les  productions  d'un  grand  maître  par  ce  mot 
incroyable  :  Ce  nest  pas  de  la  musique  !  Mais  qu'est-ce  donc, 
s'il  vous  plaît  ?  Auriez-vous,  par  hasard,  la  prétention  de 
l'avoir  inventée  ?  Alors,  dites-le,  et  l'on  s'empressera  de 
changer  les  choses  et  les  mots.  Si  la  musique  n'est  plus  faite 
pour  plaire  et  pour  toucher,  si  l'imagination  et  le  sentiment 
doivent  en  être  bannis,  si  la  mélodie  est  une  intruse,  la  grâce 
une  fille  de  peu  ;  si  le  souffle  divin  qui  anime  tout  cela  est  lui- 
même  un  hors-d'œuvre,  une  superfluité,  oh  !  alors  vous  avez 
raison,  la  musique  de  Boccherini  n'est  pas  de  la  musique, 
car  elle  n'a  rien  de  commun  avec  vos  pénibles  et  indigestes 
élucubrations  ! 

Mais  vous  qui,  sensibles  aux  plus  douces  jouissances  de 
l'art,  le  cultivez  avec  passion  et  lui  demandez  vos  plus  nobles 
délassements  ;  vous  dont  le  goût  sûr,  délicat,  exercé,  n'accueille 
que  ce  qui  touche,  émeut,  intéresse,  qui  voulez  avant  tout 
la  vérité,  l'expression,  l'ordre,  les  convenances,  sans  accep- 
tion de  temps,  d'école  ni  de  système  ;  vous  enfin  pour  qui  le 
beau  absolu,  éternel,  est  l'unique  loi,  vous  saurez  vous  gar- 
der de  ce  superbe  dédain  qui  trahit  l'ignorance  ou  l'erreur, 
et  mène  à  l'ostracisme  ;  vous  saurez  vous  défier  de  ces  préten- 
dus connaisseurs  qui,  resserrés  dans  le  cercle  étroit  de  leurs 
habitudes  et  de  leurs  goûts,  ne  semblent  comprendre  et  ne 
sentir  que  par  système  ;  vous  refuserez  de  vous  montrer 
comme  eux,  injustes,  exclusifs,  bornés  ;  vous  craindrez  sur- 
tout de  porter  une  main  sacrilège  sur  les  divinités  consacrées 
par  l'admiration  des  hommes.  Le  Panthéon  de  l'art  est  assez 


-  103  - 

vaste  pour  s'ouvrir  à  toutes  les  gloires,  sans  qu'il  soit  jamais 
besoin  d'abattre  une  statue,  afin  d'en  élever  une  autre. 
Le  véritable  musicien,  animé  d'un  noble  enthousiasme, 
s'élève  au-dessus  des  préjugés,  recherche  le  beau,  la  variété 
dans  l'art,  non  dans  le  vague  ni  dans  les  choses  matérielles, 
ni  dans  les  effets  physiques,  mais  dans  l'ordre  moral  et  intel- 
lectuel, dans  le  sentiment,  cette  douce  voix  de  l'âme  qui  parle 
à  son  cœur.  Sympathique  à  tous  les  talents,  ardent  défenseur 
des  droits  méconnus,  adorateur  de  toutes  les  gloires,  c'est 
pour  elles  qu'il  réserve  son  encens  ;  il  tresse  une  couronne 
pour  chaque  génie,  et  sait  passer  sans  apostasie,  pour  y  revenir 
encore,  du  culte  de  Boccherini,  au  culte  d'Haydn,  de  Mozart 
ou  de  Beethoven  ! 


-  104  - 

Les  vers  qui  suivent,  hommage  au  génie  de  Boccherini, 
sont  extraits  d'un  poème  inédit,  consacré  aux  plus  célèbres 
compositeurs,  par  M.  Fayolle,  l'un  des  auteurs  du  Diction- 
naire historique  des  Musiciens.  Nous  espérons  qu'on  ne  les  lira 
pas  sans  intérêt  : 

BOCCHERINI 

POÈME 

Emule  harmonieux  du  tendre  Sacchlni, 
Chantre    du    sentiment,    divin    Boccherini  ! 
0  toi,  dont  la  musique,  originale  et  pure 
A  si   bien   rencontré  les   tons   de   la   nature. 
Et,  d'un  sexe  enchanteur  imitant  le  pouvoir, 
Gîmme  à  travers  un  voile  aime  à  se  laisser  voir  ; 
On  dit  que  des  forêts   cherchant  la  solitude, 
Loin  du  monde  et  du  bruit,  tu  faisais  ton  étude 
De  l'art  qui  sur  la  terre  est  un  présent  du  ciel. 
Et  donne  l'avant-goût  du  bonheur  éternel. 
Un  barbare,  insensible  à  ta  lyre  angélique. 
Osa  dire  :  cela  nest  point  de  la  musique. 

Quel  blasphème  !  et  pourtant,  dans  ses  plus  doux  transports. 
Où  trouver  qui  rendra  tes  sublimes  accords  ? 
Boucher  seul  nous  les  rend,  lui  que  la  verve  inspire. 
Lui  dont  le  violon  comme  une  voix  soupire. 
Et  qui,  le  même  soir,  ressuscite  avec  art 
Hayden,  Boccherini,  Beethoven  et  Mozart. 
De  sa  maturité  prolongeant  la  carrière. 
Pour  lui  le  temps  s'arrête,  ou  retourne  en  arrière. 
Et  l'archet  triomphant  qui  trompe  sa  rigueur 
Semble  encor  rajeunir  de  grâce  et  de  vigueur. 

Duport  et  Viotti  jadis  ont  fait  entendre 
Ces  chefs-d'œuvre  de  l'art  qu'on  ne  sait  plus  comprendre. 
Depuis  qu'on  a  perdu  le  sentiment  du  beau. 
Et  qu'on  voit  la  critique  éteindre  son  flambeau. 


-  105  - 

Tantôt  Boccherini  par  les  sons  de  sa  lyre 
Nous  peint  le  désespoir,  et  tantôt  le  délire. 
Ailleurs  il  nous  décrit  des  sièges,  des  combats. 
Et  puis,  dans  leurs  foyers,  le  retour  des  soldats. 
De  tableaux  variés,  sur  une  toile  vaste. 
Il  présente  à  l'esprit  l'harmonieux  contraste. 
Et  des  plus  grands  effets  achevant  la  leçon, 
Il  sait  avec  génie  employer  l'unisson. 
Le  goût,  qui  de  l'ensemble  a  prescrit  rordonnance, 
Elague  des  détails  la  stérile  abondance. 
De  ses  fougueux  transports  sait  réprimer  l'élan. 
Et  remplir  un  sujet  sans  sortir  de  son  plan. 
Tels  on  voit  des  nochers,  dans  leur  marche  prescrite 
Resserrer  autour  d'eux  l'espace  sans  limite  ; 
Et  la  boussole  en  main,  fendant  les  flots  amers, 
Diriger  leur  esquif  sur  l'abîme  des  mers. 
Comme  il  lisait  la  bible  et  surtout  les  prophètes. 
Ses  chants  religieux  en  sont  les  interprètes. 
Sans  doute  le  Très-Haut,  sur  son  trône  éternel 
Entend  cette  musique  en  un  chœur  solennel. 
Elle  est  digne,  en  effet,  de  chanter  ses  louanges. 
Puisqu'elle  est  ici-bas  la  musique  des  anges  ! 

Un  ami  de  l'enfance,  en  charmant  son  ennui, 
Hayden  voulut  toujours  correspondre  avec  lui  ; 
De  leurs  talents  tous  deux  se  faisaient  confidence. 
Hélas  !  on  a  perdu  cette  correspondance 
Où,  sans  être  jaloux,  deux  célèbres  rivaux. 
Pour  leur  gloire  commune  épuraient  leurs  travaux. 
Hayden,  dans  sa  vieillesse,  a  joui  de  sa  gloire. 
Certain  de  remporter  sa  plus  belle  victoire  ; 
Et  de  Moïse  même,  empruntant  le  pinceau. 
De  la  Création  il  trace  le  tableau  ; 
Du  sort  de  son  ami  voyez  la  différence. 
Après  avoir  vécu  presque  dans  l'indigence. 
Il  meurt....  Mais  respirant  son  immortalité. 
Il  lègue  son  génie  à  la  postérité  ! 


*  * 


CATALOGUE   GENERAL 

DES 

ŒUVRES    DE    BOCCHERINI 


1-    PARTIE 

SUBDIVISÉE       EN      DEUX      SÉRIES 

LA    1" 

COMPRENANT  TOUS  LES  OUVRAGES  PUBLIÉS.  CLASSÉS  DANS 
L'ORDRE  NUMÉRIQUE  SUIVI  PAR  LES  ÉDITEURS  ; 

LA    26 

COMPRENANT  LES  OUVRAGES  PUBLIÉS  SANS  NUMÉRO  D'ORDRE 


r^    SÉRIE  (1) 

Op.  1 .  Sei  Sinfonie  o  sia  Quartetti,  per  due  Violoni,  Alto  e  Vio- 
loncello  obligati,  dedicati  ai  veri  dilettanti  e  conoscitori  di 
Musica,  Paris,  Venier.  —  Amst.,  HuMMEL. 

Composé  en  1761    comme  œuvre  2,  publié  en   1768   (2) 
lors  de  la  présence  de  l'auteur  à  Paris,  cet  ouvrage  est  extrê- 


(1)  Avis  essentiel.  Les  numéros  d'œuvre  placés  en  marge  sont  ceux  adoptés 
par  les  éditeurs,  et  indiqués  sur  le  frontispice  ;  ils  concordent  rarement  avec 
ceux  de  l'auteur.  Ainsi,  l'on  peut  voir  déjà  que  les  quatuors  gravés  comme  op.  I 
sont  cependant  le  2*^  ouvrage  de  Boccherini,  tandis  que  les  Trios  publiés  sous  la 

(2)  C'est  en  1 767  qu'ils  parurent  à  Paris. 


-  103  - 

mement  remarquable  à  plus  d'un  titre,  et  doit  faire  époque. 
Là,  Boccherini  se  révèle  tout  entier.  Son  goût,  sa  manière, 
sa  touche  suave,  son  génie  se  manifestent  soudainement 
avec  une  supériorité,  une  intelligence  de  l'art  qui  laisse  bien 
loin  en  arrière  les  productions  analogues  de  ses  devanciers,  à 
tel  point  qu'il  devient  créateur  et  fixe  pour  toujours  le  véri- 
table caractère  du  genre.  D'autres  grands  maîtres,  venus  après 
lui,  ont  sans  doute  modifié,  étendu  le  domaine  du  Trio,  du 
Quatuor  et  du  Quintette,  mais  en  suivant  la  route  qu'il  eut 
la  gloire  de  tracer.  Quand  on  rapproche  les  œuvres  de  ses 
prédécesseurs  immédiats  et  de  ses  contemporains  et  qu'on 
les  compare  avec  les  siennes,  on  ne  peut  se  défendre  d'admi- 
ration à  l'aspect  de  cette  révolution  si  radicale,  si  avancée  et 


désignation  d'op.  2  ont  été  réellement  sa  première  production.  Ces  différences, 
plus  marquées  à  mesure  qu'on  avance,  se  retrouvent,  à  de  rares  exceptions  près, 
dans  toute  la  première  partie. 

Si  donc  l'on  voulait  connaître  l'ordre  dans  lequel  les  diverses  compositions 
de  Boccherini  se  sont  produites,  il  faudrait  les  classer,  non  d'après  les  numéros 
des  éditeurs,  pla.és  en  marge,  mais  d'après  ceux  de  l'auteur  qui  suivent  immé- 
diatement la  date  ou  l'année  de  la  composition. 

Quant  à  la  foi  que  méritent  ces  mêmes  dates  et  numéros,  ainsi  que  les  thèmes 
notés  dans  la  2^  partie,  elle  dérive  du  document  dans  lequel  j'ai  puisé  toutes  mes 
Indications.  Ce  document  n'est  autre  que  la  copie  qui  m'a  été  communiquée 
par  Baillot  du  Catalogue  thématique  des  ouvrages  de  musique  composés  par  Bocche- 
rini. La  grande  quantité  de  manuscrits  autographes  que  j'ai  comparés  et  vérifiés 
sur  ce  catalogue  ne  permettent  pas  d'en  suspecter  l'authenticité  :  thèmes,  dates 
et  numéros  étaient  également  exacts,  non  seulement  pour  les  ouvrages  publiés 
mais  encore  pour  tous  ceux  inédits  dont  je  possède,  en  originaux,  la  plus  grande 
partie.  Je  puis  donc  garantir  une  scrupuleuse  exactitude  dans  le  catalogue  qui 
fait  suite  à  ma  Notice  sur  Boccherini.  Je  ne  saurais  prétendre  à  la  même  confiance 
pour  les  commentaires  et  appréciations  qui  suivent  l'énoncé  de  chaque  ouvrage  ; 
ce  travail  m'étant  propre,  relève  essentiellement  de  la  critique  (P.), 


—  109  — 

pourtant  si  sûre,  opérée  de  prime-saut,  sans  tâtonnements, 
par  un  jeune  artiste  de  vingt  et  un  ans  !  (1). 

Viotti  avait  une  prédilection  marquée  pour  ce  premier 
œuvre  ;  rien  n'égalait,  dit-on,  la  foudroyante  énergie  de  son 
exécution  dans  l'allégro  final  du  1^^  quatuor,  modèle  de  véhé- 
mence et  d'irrésistible  entraînement. 

Op.  2.  Six  Trios  à  2  Violons  et  Violoncelle.  —  Paris,  La  Che- 
VARDIÈRE,  Bailleux,  Imbault  ;  réimprimés  en  1824,  par 
Janet  et  CoTELLE,  1^^  livre,  N°®  1  et  6  de  leur  belle  mais 
incorrecte  édition. 

Cet  ouvrage  est  le  premier  de  Boccherini,  car  il  figure 
en  tête  de  son  catalogue  thématique  manuscrit  avec  la  date 
de  1 760.  La  manière  de  l'auteur  n'y  est  pas  moins  caractérisée 
que  dans  l'ouvrage  précédent,  et  décèle  une  expérience,  une 
sûreté  qu'on  s'étonne  de  rencontrer  à  un  si  haut  degré  chez 
un  débutant  novateur.  Ces  6  trios  sont  charmants  ;  mais 
l'on  peut  citer  surtout  le  1  ^^  en  fa,  le  2®  en  si  bémol  et  le  4® 
en   ré. 

Le  Trio  est  une  des  gloires  de  Boccherini  ;  personne, 
après  lui,  n'a  mieux  traité  ce  genre  difficile  dans  lequel  il 
occupe  un  rang  que,  jusqu'à  présent,  nul  compositeur  n  est 
parvenu  à  lui  ravir. 


Op.  3.  Six  Trios  pour   premier   Violon^  deuxième    Violon  ou    Vio- 
loncelle    et    Basse.    Paris,    La    ChevardIÈRE,    Le     Duc. 


(1)  Il  n'était  âgé  que  de  dix-huit  ans. 


-  110- 

—  2^  livre,    N^  7  à  12  de  la   collection   JaneT  et  Co- 

TELLE. 

Cet  ouvrage,  que  je  ne  crois  pas  de  Boccherini,  me  paraît 
le  produit  d'une  spéculation  mercantile  ;  ce  n'est  pas  la  seule 
que  j'aurai  l'occasion  de  signaler.  (Voir  la  note  sur  l œuvre  7.) 

Op.  4.  Sei  Sinfonie  a  tre,  per  due  Violini  e  Violoncello.  Paris, 
Venier,  Boyer,  Nadermann.  —  3^  livre,  N^  13  à  18  de 
la  collection  Janet  et  CoTELLE. 

Composés  en  1766,  op.  4  de  l'auteur,  ces  trios  sont  char- 
mants, entr 'autres  les  2^,  4®  et  5^  (1). 

Op.  5.  Six  Duo  pour  deux  Violons,  Paris,  La  ChevardiÈRE.  — 
Deuxième   édition,   moderne,  Paris,  Pacini. 

Composés  en  1761,  op.  3  de  l'auteur,  ces  duos,  fort  jolis, 
sont  dignes  du  maître.  Le  motif  du  premier  forme  le  début 
du  27^  trio  (3^  de  Vop.  9)  (2). 

Op.  5.   Sei  Sonate  di  Cembalo  e  Violino  obligato  dedicate  a  Madama 
Brillon  de  Jouy.  Paris,  Venier,  Le  Menu,  Nadermann. 

—  Deuxième  édition,    moderne,    K^  et    2'    liv.,    Paris, 
veuve  Launer. 

Composées  en  1 768,  op.  5  de  l'auteur  (3). 

(1)  Ce  sont  les  5ei  Sinfonie  a  tre  op.  4  qui  parurent  pendant  le  séjour  de  l'au- 
teur à  Paris  (mars  1 768)  {Mercure,  p.  1 73). 

(2)  Quatre  de  ces  duos  ont  paru  dans  l'édition  Longman  et  Lukey  à 
Londres,  op.  X. 

(3)  Ces  Sonates  op.  5  parurent  en  février  1 769  (Mercure,  p.  208). 


-  111  — 

Cette  date  fixe  d'une  manière  certaine  l'époque  de  la  pré- 
sence de  Boccherini  à  Paris,  et  prouve  incontestablement 
que  M.  Fétis  s'est  trompé  en  la  reportant  a  l'année  1771, 
tandis  que  depuis  près  de  trois  ans  déjà  Boccherini  était  en 
Espagne,  comme  le  démontre  cette  annotation  de  l'auteur, 
mise  en  tête  de  son  œuvre  7  (Gravé  op.  8)  :  Concerto  grande 
composto  in  Madrid,  1 769,  per  la  Academia,  etc.,  etc. 

Les  auteurs  du  Dictionnaire  historique  des  Musiciens  pré- 
sentent Ni^^  Brillon  de  Jouy  comme  une  des  plus  habiles 
clavecinistes  de  son  temps.  En  effet,  Burney  qui  l'entendit  à 
Passy,  lors  de  son  voyage  en  France,  en  1 770,  se  plaît  à  rendre 
hommage  à  ses  rares  talents  et  à  son  amabilité.  Plusieurs  des 
célèbres  compositeurs  d'Italie  et  d'Allemagne  qui  ont  pu 
l'admirer  lui  ont  dédié  leurs  ouvrages.  Boccherini,  lui  aussi, 
fut  bien  inspiré  par  cette  femme  accomplie  ;  ses  sonates  sont 
dignes  de  tous  deux,  la  4^  et  la  6®  surtout  qui  lui  ont  fourni 
les  débuts  de  son  26^  trio  (2^  de  l'œuvre  9)  et  de  son  1^^  quin- 
tetto. 

Ces  sonates  ont  été  mises  en  Quatuor  pour  deux  Violons 
Alto  et  Violoncelle,  par  Cambini,  mais  comme  telles  sont 
restées   manuscrites   ;   j'en  possède   deux,   ainsi   arrangées. 

Op.  6.  Six  Quartetti  per  due  Violini,  Alto  e  Violoncello,  dedicati 
a  S.  A.  R.  don  Luigi,  Infante  di  Spagna,  Paris,  Venier. 
—  Amsterdam,  Hummel,  avec  indication  d'op.  2. 

Composés  en  1769,  op.  8  de  l'auteur  (1). 


(1)  Ce  recueil  si  important,  un  des  plus  remarquables  de  l'auteur,  est  annoncé 
à  Paris  en  décembre  1 769  {Mercure,  p.  206).  Annonces,  affiches  et  avis  divers  : 
11  décembre  1769.  Affiches  de  Paris,  11  décembre  p.  1062. 


-  112  - 

La  date  et  la  dédicace  de  cet  ouvrage  où  l'on  distingue 
surtout  le  1^^  et  le  (f  quatuors,  ajoutent  un  nouveau  poids 
à  la  réfutation  que  j'ai  faite  des  erreurs  des  biographes  sur 
l'époque  de  la  venue  de  Boccherini  en  Espagne  et  sur  son 
engagement  à  la  cour. 

Op.  7.  Sei  Conversazioni  a  tre,  per  due  Violini  e  Violoncello, 
dedicate  a  gli  Amatori  délia  musica.  Paris,  MlROGLIO, 
au  bureau  d'abonnement  musical. —  4^  livre  N^  19  à  24 
de  la  collection  Janet  ET  CoTELLE  (1). 

Ces  Trios,  non  plus  que  ceux  de  l'op.  3,  ne  figurent  point 
sur  le  Catalogue  rédigé  par  Boccherini.  Est-ce  un  motif 
suffisant  pour  se  ranger  à  l'avis  des  auteurs  du  Dictionnaire 
historique  des  musiciens,  qui  attribuent  cet  œuvre  7  à  Mares- 
calchi,  marchand  de  musique  à  Naples,  tandis  que  le  véri- 
table œuvre  7,  toujours  suivant  eux,  se  composerait  en  réa- 
lité des  6  sonates  pour  Violon  et  Basse,  publiées  par  Lache- 
vardière  sans  dénomination  d'œuvre  ?  Je  ne  le  crois  pas.  Ces 
auteurs  et  le  savant  M.  Fétis  qui  a  répété  leur  assertion,  me 
paraissent  s'être  trompés,  sans  qu'ils  puissent  s'étayer  de 
l'omission  que  je  viens  de  signaler,  car  cette  omission  ne 
prouve  rien,  puisqu'il  est  facile  d'en  indiquer  d'autres,  à 
commencer  par  ces  mêmes  sonates  que  Boccherini  n'a  pas 
mentionnées  sur  son  catalogue,  quoique  lui  appartenant 
évidemment.  C'est  donc  uniquement  dans  le  style,  dans  la 
manière,  dans  ce  cachet  d'individualité  impossible  à  repro- 


(1)  Ces  trios  ou  Conversations  op.  7,  dédiés  aux  amateurs  de  musique,  sont 
annoncés  en  juillet  1 770  (Mercure,  p.  1 70)  et  en  août  (p.  1888). 


-  113  - 

duire  qu'il  faut  rechercher  les  raisons  concluantes  pour  ou 
contre  une  authenticité  contestée.  Eh  bien  !  je  ne  crains  pas 
de  le  dire  :  personne  autre  que  Boccherini  lui-même  n'était 
capable  de  composer  ces  trios  qui  brillent  des  mêmes  qualités 
que  leurs  aînés.  Il  y  a  tel  motif,  telle  phrase,  telle  modulation, 
telle  affinité  qui  décèlent  l'auteur,  et  défendent  qu'on  s'y 
trompe.  C'est  parce  que  je  n'ai  trouvé  rien  de  semblable 
dans  l'œuvre  3  que  je  l'ai  repoussée  comme  apocryphe  et 
que  je  suis  porté  à  penser  que  c'est  à  elle  que  s'appliquerait 
avec  plus  de  vraisemblance  qu'à  l'œuvre  7  la  remarque  des 
biographes  cités  plus  haut. 


Op.  8.  Concerto  a  più  stromenti  concertanti,  due  Violini,  Oboe, 
Violoncello,  Alto  e  Basso  obligati,  due  Violini,  fagotti  e 
comi  di  ripieno,  composto  per  la  Corte  di  Madrid.  Paris, 
Venier. 

Composé  en  1769,  op.  7  de  l'auteur  (1). 

Ce  Concerto  est  une  véritable  symphonie  concertante 
composée  pour  la  Cour  d'Espagne,  sitôt  l'arrivée  de  Bocche- 
rini à  Madrid.  Cet  ouvrage,  devenu  assez  rare,  justifie  la 
prédilection  de  l'auteur  qui  en  a  reproduit  les  traits  les  plus 
saillants  dans  son  4^  quintette  et  longtemps  après,  en  1 799, 
dans  une  symphonie  concertante  pour  Guitare,  Violon, 
Hautbois,  etc.,  arrangée  d'après  ce  même  quintetto,  pour  le 
marquis  de  Benavente. 


(1)  Ce  Concerto  (ou  Symphonie  Concertante),  la  première  composition 
écrite  pour  la  Cour  de  Madrid  (op.  8)  est  annoncée  à  Paris  (Mercure,  p.  190 
en  novembre  1770. 


-114- 

Op.  9.  Sei  Terzetti  per  due  Violini  e  Violoncello,  dédiés  au  prince 
des  Asturies  ;  Paris,  Venier  ;  —  Londres...  5®  livre, 
N^  25  a  30  de  la  collection  Janet  et  CoTELLE. 

Composés  en  1769,  op.  6  de  l'auteur  (1). 

Ouvrage  distingué  où  l'on  remarque  plusieurs  morceaux 
admirablement  écrits,  particulièrement  dans  le  2^,  le  4^, 
et  le  6^  Trios.  Le  motif  du  n^  27  est  tiré  du  1^^  duo, op.  5; 
celui  du  N°  26  l'est  de  la  6^  sonate  de  clavecin. 

Op.  10.  Sei  Quartetti  per  due  Violini,  Alto  e  Violoncello,  dedicati 
alli  Sig"  Dilettanti  di  Madrid,  —  Paris,  Venier.  —  Ams- 
terdam, HuMMEL,  avec  indication  d'op.  7. 

Composés  en   1770,  op.  9  de  l'auteur  (2). 

Le  3®  Quatuor  débute  par  un  allegro  assai,  tandis  que 
sur  le  catalogue  thématique  rédigé  par  Boccherini,  ce  même 
quatuor  commence  ainsi  : 


Je  présume  que  ce  Largo  n'est  qu'une  courte  introduction 
supprimée  à  la  gravure,  et  qu'il  n'y  a  pas  eu  substitution, 
car  le  quatuor  gravé  est  du  pur  Boccherini. 

Cet  ouvrage  se  recommande  par  plusieurs  morceaux 
charmants,  entr'autres  dans  les   l*^   2^,  ¥  et  6®   quatuors 

(1)  Les  Sei  Terzetti  op.  9  :  Mercure,  p.  193  (avril  1771). 

(2)  Les  six  Quatuors  op.  10  :  Mercure,  p.  183,  4  décembre  1772. 


~  115  - 

a.  11 .  Sei  Divertimenti  per  due  Violinù  Alto  e  Violoncello  ;  Paris, 
Venier. —  Amsterdam,  HuMMEL,  avec  indication  d'op.  8. 

Composés  en   1772,  op.   15  pîccola  de  l'auteur  (1). 

Les  compositions  de  Boccherini  se  divisent  en  deux  classes 
sous  la  dénomination  à'Opera  grande  et  d'Opéra  piccola, 
distinction  échappée  à  tous  ses  biographes.  Dans  la  première 
se  rangent  les  ouvrages  de  plus  longue  haleine,  composés 
d'au  moins  trois  morceaux,  le  plus  souvent  de  quatre,  c'est- 
à-dire  d'un  Allegro,  d'un  Adagio,  d'un  Menuet  et  d'une 
Finale.  Les  ouvrages  de  proportions  moindres,  bornés  à 
deux  morceaux  seulement,  un  Allegro  ou  un  Andante  suivi 
d'un  Menuet  ou  d'un  Rondeau,  forment  la  seconde  classe  (2). 
Rien  n'égale  le  goût  exquis,  l'élégance,  la  suavité  de  ces  pièces 
légères  qui  sont  à  celles  d'un  caractère  plus  élevé  ce  qu'est 
le  tableau  de  genre  à  la  grande  peinture.  Il  est  regrettable 
que  beaucoup  de  ces  petits  chefs-d'œuvre  soient  restés  inédits  ; 
mais  un  assez  grand  nombre  ont  été  publiés  pour  qu'on 
puisse  en  apprécier  le  mérite  et  reconnaître  que  dans  cette 
spécialité  d'autant  plus  ingrate  que  les  bornes  en  sont  plus 
étroites,  Boccherini  n'a  point  de  rivaux.  Les  quatuors  gravés 
op.  40  et  les  quintetti,  op.  45,  resteront  les  modèles  inimitables 


(1)  Les  six  Divertimenti  en  quatuor  (op.  11),  Mercure,  p.  190,  avril  1773 
Journal  de  musique,  1773,  III,  p.  75. 

(2)  Les  nombreuses  œuvres  écrites  par  Boccherini  sous  cette  forme  appar- 
tiennent au  genre  de  la  vieille  Sonate  de  chambre  italienne,  débutant  le  plus 
souvent  par  un  mouvement  lent  et  se  terminant  par  un  menuet  ou  petit  Rondo, 
Les  modèles  foisonnent  dans  l'œuvre  de  Sammartini  et  l'on  peut  admettre  que 
ce  sont  ceux-là  qui  ont  inspiré,  tout  d'abord,  Boccherini. 


-  116  - 

d'un  genre  dont  l'œuvre  1 1  ci-dessus  inaugure  avec  bonheur 
l'introduction. 

On  a  dit  que  ces  sortes  de  morceaux  avaient  été  composés 
originairement  pour  satisfaire  à  la  stricte  ponctualité  du  roi 
Charles  III,  qui  fixait  rigoureusement  l'emploi  de  son  temps 
pour  les  plaisirs  aussi  bien  que  pour  les  affaires.  Quand 
l'heure  de  cesser  la  musique  approchait,  on  remplissait 
l'intervalle  qui  restait  à  courir,  au  moyen  de  ces  petits  mor- 
ceaux pour  lesquels  Boccherini  n'a  point  d'égal.  A  cette 
explication,  il  n'y  a  qu'une  difficulté,  c'est  qu'il  ne  travailla 
jamais  pour  ce  souverain. 

Op.  12.  Sei  Quintetti  per  due  Violinù  Viola  e  due  VioloncelU. 
Paris,  Venier,  —  l^r  livre,  Pleyel.  —  N°M  à  6  de  la  magni- 
fique collection  publiée  en  1 829  par  Janet  et  CoTELLE. 

Composé  en  1771,  op.  10  de  l'auteur  (1). 

C'est  le  quintetto  qui  a  rendu  si  populaire  le  nom  de 
Boccherini.  On  ne  peut  le  prononcer  en  effet  sans  réveiller 
dans  l'esprit  l'idée  du  quintette,  et  réciproquement.  C'est 
qu'aussi  Boccherini  a  brillé,  dans  ce  genre  de  composition, 
d'un  éclat  incomparable,  et  fut  d'une  fécondité  qui  tient 
du  prodige.  Sur  cent  cinquante-cinq  quintetti  originaux 
avoués  par  lui,  il  en  est  bien  peu  de  faibles  ;  beaucoup  sont 
admirables.  Aussi,  je  me  contenterai  de  signaler  les  plus 
beaux,  afin  de  ne  pas  tomber  dans  la  monotonie  des  redites. 

C'est  à  trente  et  un  ans  (2)  que  Boccherini  composa  ce  pre- 


(1)  Les  premiers  Quintettes  (op.  12)  composés  en  1771,  sont  annoncés  à  Paris 
(Mercure,  p.  181),  en  janvier  1774. 

(2)  Il  n'était  âgé  que  de  28  ans, 


-  117  - 

mier  œuvre,  alors  que  son  talent  avait  acquis  toute  sa  maturité. 
Bien  des  chefs-d'œuvre  ont  succédé  à  celui-ci  ;  aucun  ne  le 
surpasse.  Le  1^^  quintetto,  dit  M.  Fétis,  est  plein  d'enthou- 
siasme et  d'élévation  ;  l'adagio  est  d'une  harmonie  délicieuse. 
Mais  ce  savant  se  trompe  quand  il  ajoute  que  Boccherini  a 
reproduit  le  motif  du  premier  morceau  dans  ses  sonates  de 
clavecin  ;  c'est  précisément  le  contraire,  ainsi  que  le  prouvent 
les  dates  de  composition  de  l'un  et  l'autre  ouvrage.  (Voir  la 
note  de  F  op.  5.)  J'ose  ajouter  que  le  deuxième  et  le  cinquième 
ne  le  cèdent  en  rien  au  premier  ;  ils  sont  d'un  fini,  d'une 
grâce,  d'une  suavité  qui  survivront  à  tous  les  caprices  de  la 
mode. 


13.  Seî  Quintetti  per  due  Violini,  Viola  e  due  Violoncelli. 
Paris,  Venier.  —  2^  livre,  Pleyel.  —  N^^  7  à  12  de  la 
collection  Janet  et  CoTELLE. 

Composés  en  1771,  op.  11  de  l'auteur  (1). 

Le  4^  quintetto,  dit  encore  M.  Fétis,  est  d'une  beauté 
achevée.  C'est  dans  cet  œuvre  que  se  trouve  le  célèbre  quin- 
tetto intitulé  rUcCELLIERA  (la  Volière).  L'auteur  a  voulu 
peindre  une  scène  champêtre  où  le  chant  des  oiseaux  se  marie 
au  son  du  cor  de  chasse,  à  la  musette  des  pâtres  et  à  la  danse 
villageoise.  Ce  tableau  est  de  la  plus  exquise  originalité.  Le 
2^  quintetto  se  distingue  également  par  une  facture  aussi 
neuve  que  pittoresque. 


(  1  )  Le  second  recueil  de  Quintettes  (op.  1 3),  aussi  composé  en  1 77 1  ,est  annoncé 
à  Paris,  janvier  I,  1775  (Mercure,  p.  205). 


-  118  - 

Op.  14.    Sei   Terzetti    per  Violinoy    Viola  e   Violoncello.  —  Paris, 
La  ChevardiÈre.  —  6^  livre,  N^  31  à  36  de  la  collection 

JaNET  et  COTELLE. 

G)mposés  en  1772,  op.  14  de  l'auteur. 

Œuvre  capitale  où  se  trouvent  réunies  toutes  les  qualités 
de  Boccherini  ;  mais  l'exécution  en  est  fort  difficile  à  cause 
de  la  partie  de  Violoncelle  dans  laquelle  l'auteur  s'est  plu  à 
multiplier  les  traits.  Le  quatrième,  plus  abordable,  peut  riva- 
liser avec  les  plus  beaux  ;  Vandantino,  d'une  ravissante 
simplicité,  fait  opposition  avec  V allegro  assai  qui  le  suit, 
morceau  plein  de  chaleur,  d'entraînement  et  de  verve. 

La  partition  autographe  fait  partie  de  la  bibliothèque 
de  M.  Farrenc,  ancien  éditeur  et  professeur  de  musique  à 
Paris,  aussi  recommandable  par  son  zèle  ardent  pour  l'art 
que  par  l'étendue  de  ses  connaissances. 

Je  possède  un  quintetto  à  2  Violons,  2  Altos  et  Violoncelle, 
arrangé  par  Boccherini  d'après  V Andantino  et  YAndante  con 
variazioni  du  5^  Trio  en  mi  bémol  ;  j'ignore  si  l'auteur  a 
arrangé  de  même  les  autres  morceaux  de  cet  œuvre  remar- 
quable (1). 

Op.  15.  Sei  Dîvertimenti  per  due  Violini,  Flauto  obligato,  Viola, 
due  Violoncelli,  e  Basso  di  ripieno,  espressamente  composti 
per  S.  A.  R.  don  Luigi,  Infante  di  Spagna,  Paris,  La 
ChevardiÈre,  Sieber  ;   gravés   seulement   en    sextuor,   la 


(1)    Il    existe  une  ancienne  édition  anglaise    de   ces    trios    remarquables 
parue  chez  John  Welcker. 


-  119  - 

partie  de  Contrebasse  étant  marquée  par  Fauteur  ad  libi- 
tum. 

Composés  en   1773,  op.   16  de  l'auteur. 

Cet  ouvrage,  assez  peu  connu,  renferme  des  beautés  de 
premier  ordre,  notamment  le  2^  sextuor  qui  se  distingue  par 
une  touche  mâle  et  grandiose.  Les  variations  qui  le  terminent 
sont  charmantes  mais  difficiles. 

La  partition  autographe  est  entre  les  mains  de  M.  Farrenc. 

)p.  16.  Six  Symphonies  à  plusieurs  instruments  récitants,  composées 
pour  S.  A.  R.  l'Infant  don  Louis  d'Espagne,  Paris,  La 
Chevardière,  Le  Duc. 

Composées  en   1771,  op.    12  de  l'auteur. 

Je  n  ai  jamais  eu  l'occasion  d'entendre  ces  symphonies 
concertantes  ;  mais  à  en  juger  à  la  simple  lecture,  quelques- 
unes  offrent  des  parties  vraiment  distinguées,  dignes  du  grand 
compositeur.  On  remarque  dans  la  4^  une  chaconne  faite  à 
l'imitation  de  celle  de  Gluck  dans  le  Festin  de  Pierre. 

Cet  ouvrage,  entièrement  épuisé,  est  fort  rare  (1). 

)p.  17.  Sei  Quintetti  per  due  Violini,  Viola  e  due  Violoncelli. 
Paris,  La  Chevardière.  —  4^  livre,  Pleyel.  —  N^  19 
à  24  de  la  collection  Janet  et  CoTELLE. 

Composés  en   1774,  op.   18  de  l'auteur. 

Œuvre  remarquable  dans  lequel  il  est  difficile  de  faire 


(1)  Il  existe  deux  de  ces  Symphonies,  en  livraisons,  à  la  Bibliothèque  clu 
Conservatoire  (Recueil  3.  Symphonies  concertantes). 


-  120  - 

un  choix  ;  je  citerai  néanmoins  le  1^^  en  ut  mineur,  parce 
qu'il  me  fournit  l'occasion  de  rapporter  un  fait  assez 
piquant. 

Persuis  avait  monté  à  Vienne  son  charmant  ballet  de 
Nina.  On  sait  que  les  auteurs  de  ces  sortes  d'ouvrages  met- 
taient volontiers  à  contribution  les  plus  célèbres  composi- 
teurs et  puisaient  dans  leurs  œuvres  les  morceaux  qu'ils 
jugeaient  les  mieux  appropriés  à  la  situation  qu'ils  avaient 
à  rendre.  Or,  la  scène  où  Nina,  apprenant  la  mort  de  son 
amant,  s'abandonne  au  sombre  désespoir,  précurseur  de  sa 
folie,  cette  scène  était  exprimée  par  l'orchestre  avec  un  pathé- 
tique, une  énergie,  un  désordre  qui  peignaient  admirablement 
l'état  de  l'infortunée  Nina.  Un  transport  unanime  accueillit 
cette  belle  conception  ;  et  comme  les  connaisseurs  les  plus 
distingués  en  félicitaient  à  l'envi  l'auteur  du  ballet  :  «  le  mor- 
»  ceau  qui  excite  si  justement  votre  enthousiasme,  leur 
»  répondit  Persuis,  est  pourtant  l'œuvre  d'un  musicien  que 
»  vous  n'estimez  guère  ;  il  est  tiré  tout  entier  d'un  quintetto 
»  de  Boccherini.  »  En  effet,  c'était  la  finale  du  quintetto  en 
ut  mineur  de  l'œuvre  1 7  ci-dessus  qui  avait  procuré  ce  triom- 
phe à  l'auteur  de  Nina. 

La  partition  autographe  se  trouve  dans  la  bibliothèque  de 
M.  Farrenc. 

1^    j  1 8.      Il  n'existe  à  ma  connaissance  aucun  ouvrage  de  Boccherini 
*j]9.  sous  l'un  et  l'autre  de  ces  numéros. 

Op.  20.  Sei  Quintetti  per  due  Violini,  Viola  e  due  Vioîoncelli.  — 


-  121  - 

Paris,  Venier.  —  3^  livre,  Pleyel.  —  N^s  13  à  18  de  la 
collection  JaneT  et  CoTELLE. 

Composés  en  1772,  op.  13  de  l'auteur  (I). 

Dans  l'ordre  de  composition,  ces  quintettl  forment  bien 
le  3«  livre,  mais  alors  ils  auraient  dû  prendre  le  rang  de 
1  œuvre  1 7.  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  interversion,  ils  sont 
charmants,  particulièrement  les  2^  et  5^.  Quant  au  4^  en  ré 
mineur,  c  est  une  de  ces  conceptions  heureuses  qu'il  appartient 
au  génie  seul  de  produire.  L'accent  passionné  du  début  est 
une  des  plus  belles  inspirations  qu'on  puisse  citer  en  ce 
genre. 

Dp.  21.  Six  Quintetti    pour  Flûte,  2  Violons,  Alto  et    Violoncelle. 
—  Paris,  La  Chevardière,  Sieber.  —  Lyon,  Castaud. 

Composés  en  1773,  op.   17  piccola  de  l'auteur. 

^  Les  Menuets  des  deux  premiers  quintetti  sont,  dit  M.  Fétis, 
d'une  grâce  céleste. 

Dp.  22,  Sei  Sinfonie  per  due  Violini,  Viola  e  Basso,  Ohoi  o  Flauti  e 
Comi.  —  Paris,  Sieber. 

Composées  en   1775,  op.  21    de  l'auteur. 

Comme  symphoniste,  Boccherinl  est  bien  loin  des  grands 
maîtres  de  l'Allemagne.  La  nature  de  son  talent  se  refusait 
à  un  genre  qui  exige  une  vigueur  de  ton  qu'elle  ne  compor- 
tait pas.  Le  grand  jour,  l'éclat,  le  bruit  semblent  effaroucher  la 


(1)  Le  troisième  recueil  de  Quintettes  (op.  20)  composé  en  1 772,  et  dédié  à  Don 
Luigi  Infant  d'Espagne,   est  annoncé  en  décembre    1776  (Mercure,  p.   |8I)i 


-  122  - 

muse  de  Boccherini  ;  ce  qu'il  lui  faut, c'est  le  calme,  l'intimité, 
l'abandon,  tout  ce  qui  provoque  la  mélancolie  et  le  recueille- 
ment, ou  la  tendresse,  les  épanche ments,  les  douces  confi- 
dences. Considérées  dans  cet  esprit,  comme  si  elles  n'étaient 
elles-mêmes  que  des  Quintetti  ou  des  Sextuors  renforcés, 
les  symphonies  de  Boccherini  sont  riches  de  beautés  incon- 
testables et  ont  droit  à  l'intérêt  et  à  l'estime  des  connaisseurs 
exempts  de  prévention  (1). 

Op.  23.  Sei  Quintetti  per  due  Violini,  Viola  e  due  Violoncelli.  — 
Paris,  Venier.  —  Livre  5^  Pleyel.  —  N^^  25  à  30  de  la 
collection  Janet  et  CoTELLE. 

Composés  en  1775,  op.  20  de  l'auteur  (2). 

Le  2^  et  surtout  le  3^  sont  d'une  grande  beauté. 

Op.  24.  Sei  Sestetti  Concertanti  per  due  Violinù  due  Viole  e  dm 
Violoncelli.  —  Paris,  SîEBER. 

Composés  en   1776,  op.  23  de  l'auteur. 

Le  Sextuor,  quoiqu'ofîrant  une  combinaison  très  heureuse 
d'instruments,  n'a  jamais  rencontré  beaucoup  d'amateurs. 
Cela  explique  pourquoi  cet  ouvrage  est  si  peu  connu,  car  il 
renferme  en  grand  nombre  des  beautés  de  premier  ordre 
qui  le  classent  parmi  les  chefs-d'œuvre  de  l'auteur. 

Je  possède  la  partition  autographe  de  cet  ouvrage. 


(1)  V.  à  cet  égard  la  préface  p.  42  et  s.  La  deuxième  de  ces  Symphonies  a 
paru  à  Londres  sous  ce  titre  :  The  periodical  Overture,  n°  55. 

(2)  Les  Quintettes  op.  23  (composés  en  1775)  forment  le  6-  livre  des  Quin- 
tettes. Ils  sont  annoncés  en  avril  1777  (Mercure,  p.  182). 


-  123  - 

Op.  25.    Six   Quintetti  pour  Flûte,  deux  Violons,  Alto  et  Violoncelle, 
Par  La  Chevardière,  Sieber. 

Composés  en  1 774,  op.  piccola  1 9  de  l'auteur. 

Ouvrage  charmant  ;  la  partie  de  Violoncelle  des  3^  et  4® 
Quintetti  est  fort  travaillée. 

La  partition  autographe  fait  partie  de  la  bibliothèque 
de  M.  Farrenc. 

Op.  26.  Sei  Quartetfi  per  due   Violini,  Alto  e  Basso,  libro  quinte 
di  Quartetti.  Paris,  Là  ChevardiÈRE,  Decombe. 

Composés  en  1775,  op.  piccola  22  de  l'auteur. 

Il  est  très  regrettable  que  cet  ouvrage  soit  devenu  si  rare, 
car  la  plupart  des  morceaux  qui  le  composent  sont  très  dis- 
tingués. 

L'éditeur  André  d'Ofïenbach  a  publié,  sous  la  désignation 
de  N°  8,  l'un  de  ces  Quatuors,  celui  en  si  bémol,  si  je  ne  me 
trompe. 


Op.  27.  Sei  Quartetti  Concertanti  per  due  Violini,  Alto  e  Violon- 
cello.  Paris,  SiEBER.  —  Amsterdam,  HuMMEL,  avec  indica- 
tion d'op.  1 1 . 

Composés  en  1777,  op.  24  de  l'auteur  (1). 

Ouvrage  distingué,  devenu  assez  rare,  dont  je  possède  la 
partition  autographe.  Les  4^,  5^  et  6^  Quatuors  sont  superbes  ; 


(1)  Ce  recueil  op.  27  nous  paraît  conçu  dans  un  esprit  plus  galant,  et  la 
virtuosité  y  a  une  plus  grande  place  que  dans  les  précédents  quatuors.  Il  daterait 
de  1778,  d'après  le  catalogue  de  l'auteur  (op.  24). 


-  124  - 

ce  dernier  offre  une  partie  de  Violoncelle  extrêmement 
difficile.  Le  4®  contient  un  Minuetto  ravissant  d'élégance  et 
de  sentiment. 

)p.  27.  Concerto  pour  Flûte.  Paris, Frère. 

Cet  ouvrage  sans  mérite  est  une  spéculation  sur  le  nom  de 
Boccherini,  de  même  que  le  suivant.  (1) 

Dp.  28.  Six  Trios   dialogues  pour  2    Violons  et    Violoncelle.  Paris 
Bailleux* 

Cambini  pourrait  bien  être  l'auteur  de  ces  Trios. 

129  . 

^'      Je  ne  connais  aucun  ouvrage  de  Boccherini  sous  ces  N°^ 
30.  j, 
^.    d  œuvre. 

Op.  32.  Six  Quatuors  à  2   Violons,  Alto  et  Basse  obligés.  Vienne 
Artaria.  —  Paris,  Le  Duc. 

Ce  n'est  qu'une  seule  et  même  édition  à  laquelle  Le  Duc 
a  substitué  un  frontispice  autre  que  celui  d'Artaria. 

Composés  en  1778,  op.  plccola  26  de  l'auteur. 

Ces  Quatuors  sont  plus  faibles,  dit  M.  Fétis,  que  les  autres 
compositions  de  Boccherini  ;  cependant  le  4^  est  digne  de 
son  talent.  Ce  jugement  n'a  rien  de  trop  sévère. 


(1)  Toutes  nos  recherches  pour  le  retrouver  sont  demeurées  jusqu'ici  sans 
résultati 


-  125  - 

Op.  33.  Six  Quatuors  à  2  Violons,  Alto  et  Violoncelle.  Paris,  SlÉBER. 
—  Lyon,  Castaud.  —  Vienne,  Artaria. 

Gîmposés  en   1780,  op.  32  de  l'auteur  (1). 

Excellentes  compositions  où  le  talent  de  l'auteur  me 
semble  être  dans  tout  son  éclat.  Ainsi  s'exprime  M.  Fétis, 
puis  il  ajoute  :  Boyer,  éditeur  de  Paris,  a  pris  de  cet  œuvre 
les  2^  et  3^  quatuors,  et  y  a  joint  un  quatuor  de  Brunetti 
pour  en  former  un  recueil  qu*il  a  publié  en  1788,  comme 
l'œuvre  36  de  Boccherini. 

Toutes  mes  recherches  pour  me  procurer  cet  œuvre  36 
ayant  été  infructueuses,  je  n'ai  pu  vérifier  le  fait,  qui  est  très- 
possible  en  ce  qui  concerne  Boccherini,  mais  qui  me  paraît 
plus  douteux  à  l'égard  de  Brunetti.  Celui-ci,  comme  on  l'a  vu 
dans  ma  Notice,  avait  souscrit  à  la  défense  de  ne  publier 
aucune  de  ses  œuvres,  toutes  composées  expressément 
pour  l'usage  du  Prince  des  Asturies  (Charles  IV),  et  il  a 
tenu  parole. On  comprend  difficilement  qu'un  seul  de  ses  qua- 
tuors ait  échappé  à  cette  interdiction,  avec  d'autant  plus  de 
raison  qu'il  n'y  a  pas  de  quatuors  parmi  celles  de  ses  œuvres 
qui  avaient  été  gravées  antérieurement  à  son  engagement  avec 
le  roi  d'Espagne. 

On  est  embarrassé  de  faire  un  choix  dans  ce  remarquable 
ouvrage  ;  je  ne  puis  cependant  me  dispenser  de  citer  le  4® 
Quatuor  en  ut,  All°  bizarro,  dont  la  partie  de  Violoncelle 
offre  quelques  difficultés,  et  le  6®  en  la,  modèle  de  grâce,  de 
légèreté  et  d'animation  ;  rien  de  plus  ravissant  que  le  Menuet. 


(1)  Les  six  quatuors  op.  32  de  l'auteur  et  op.  33  (Edition  Sieber),  figurent 
aux  annonces  et  notices  (Mercure,  p.  191),  février  1785. 


-  126  - 

Op.  34.  Concerto  per  il  Violoncello  obligato.  Amsterdam,  Henning. 
—  Vienne,  Cappi. 

Quoique  ce  Concerto  ne  figure  pas  sur  le  Catalogue  de 
Boccherini,  je  n'ai  aucune  raison  de  le  croire  supposé  (1). 

Op.  35.  Six  Trios  pour  2  Violons  et  Violoncelle.  Paris,  BoYER.  — 
Vienne,  Artaria.  —  7^  livre,  N°^  37  à  42  de  la  collection 
JaNET  et  COTELLE. 

Composés  en   1771,  op.   34  de  l'auteur  (2). 

Ces  Trios  peuvent  être  rangés  parmi  les  plus  beaux  de 
Boccherini  ;  on  distingue  surtout  le  3^  et  le  5^  ;  celui-ci  se 
termine  par  un  air  varié  délicieux  que  l'auteur  a  traité  de 
nouveau,  mais  avec  des  changements  considérables,  dans  son 
77^  Quintetto  de  l'édition  Janet  et  Cotelle. 

Op.  36.  Trois  Quintetti  pour  2  Violons,  Alto  et  2  Violoncelles.  Paris, 
Imbault.  —  Vienne...,  —  7^  livre,  Pleyel  ;  N°s  37  à  39 
de  la  collection  Janet  et  CoTELLE. 

Composés  en  1778,  op.  25  de  l'auteur  (3). 

L'op.  25  de  Boccherini  se  compose  de  six  quintetti,  les 
trois  premiers  forment  l'œuvre  36  ci-dessus  ;  j'indiquerai 
les  trois  derniers  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  se  présenteront 
dans  les  publications  postérieures. 


(1)  Un  exemplaire  de  l'édition  de  ce  Concerto  est  conservé  à  la  Biblio- 
thèque  des  Amis  de  la  Musique,  à  Vienne. 

(2)  Les  trios  op.  34  de  l'auteur  datent  de  1781  et  non  de  1771. 

(3)  Les  trois  Quintettes  op.  25  de  l'auteur  (composés  en   1778)  et  op.  36 
(Ed.  Imbault).  Mercure,  p.  48,  janvier  1786. 


127  - 


Ces  quintetti  ne  sont  pas  indignes  des  autres  ;  on  remarque 
surtout  le  Minuetto  du  1^^  qui  est  admirable. 

Dp.  37.  Six   Duos    concertants    pour    deux    Violons.  Paris,   Bar- 

BIERI. 

Ces  duos,  faussement  attribués  à  Boccherini,  sont  d'Agus, 
professeur  de  musique,  d'abord  à  Londres,  puis  à  Paris. 
Le  véritable  œuvre  37  est  le  suivant  : 

}p.  37.  Vingt-quatre  nouveaux  Quintetti  à  2  Violons,  Alto 
et  2  Violoncelles.  Paris,  Pleyel,  8  livraisons  ;  —  8^,  9^, 
10^  et  11^  livres,  N^^  40  à  63  de  la  collection  Janet  et 
COTELLE. 

Cet  œuvre  37  est  la  réunion  de  quintetti  pris  indistincte- 
ment parmi  les  ouvrages  de  ce  genre,  composés  par  Bocche- 
rini, depuis  1778  jusqu'en  1795  ;  il  en  est  de  même  de  la 
plupart  des  publications  postérieures.  J'indiquerai  soigneuse- 
ment les  dates  et  les  numéros  d 'œuvre  de  l'auteur  auxquels 
chacun  d'eux  se  rapporte,  en  désignant  le  quintetto  gravé  par 
le  numéro  qu'il  occupe  dans  la  collection  Janet  et  Cotelle. 

Le  nO     56    appartient   à  l'œuvre   25,    année  1778. 

Les  noM6, 47, 53  et 54 à 28 1779. 

—  59et62 à 39 1787. 

—  31  et6l à 41 1788. 

—  52  et  58 à 42 1789. 

—  40,  43  et  57 à 45 1792. 

—  41,  42,  49,  55  et  60.., à 46 1793. 

—  44, 45, 48  et  50 à 49 1794. 

—  63 à 51 1795. 


-  128  - 

Cet  œuvre  37  forme  à  lui  seul  une  collection  de  Quintetti 
des  plus  distinguées,  car  il  n'en  est  pas  un  où  l'on  ne  trouve 
des  beautés  d'un  ordre  différent  et  toujours  supérieur.  Néan- 
moins, je  ne  puis  me  défendre,  malgré  l'embarras  du  choix, 
de  mentionner  les  n^^  49,  42,  45,  46,  50,  52,  55,  58,  60,  62 
et  63  dans  lesquels  l'auteur  atteint  les  plus  hautes  régions  de 
l'art  ;  l'expression  manque  pour  le  louer  dignement. 

Rode  avait  une  prédilection  marquée  pour  le  52^  en  sol 
mineur.  Quant  au  42®,  délicieux  développement  d'un  motif 
du  duo  Cara,  Cara,  du  Matrimonio  Segreto,  il  se  recommande 
à  l'intérêt  des  connaisseurs  par  l'association  de  deux  des  plus 
grands  musiciens  dont  s'enorgueillisse  l'Italie  du  XVIII®  siècle, 
Cimarosa  et  Boccherini,  frères  en  inspiration,  génies  trans- 
cendants qui  prodiguèrent,  dans  une  voie  différente,  des  tré- 
sors de  mélodie,  d'élégance  et  d'originalité  ;  tous  deux  éga- 
lement admirables  par  l'abondance  et  la  richesse  des  idées, 
par  la  variété  et  la  nouveauté  des  formes,  par  le  goût  exquis 
qui  les  met  en  œuvre,  et  par  cette  chaleur  vraie  qui  procède  de 
l'âme  et  communique  à  toutes  leurs  productions  un  charme 
inexprimable. 

Op.  38.  Six  Trios  pour  Violon,  Alto  et  Violoncelle.  Paris,  Pleyel. 
—  8®  livre.  Nos  43  à  48  de  la  collection   Janet  et  CoTELLE. 

Composés  en  1793,  opéra  piccola  47  de  l'auteur. 

Ces   petits  Trios   sont  charmants,   notamment  le  5®  et 
le  6®  (1). 


(1)  Ils  ont  été  réédités  dans  la  collection  Litolff. 


—  129  — 

Dp.  39.  Douze  Quatuors  pour  2  Violons, Alto  et  Violoncelle.]^^,  2®, 
3^  et  4^  livraisons.  —  Paris,  Pleyel. 

Voici  ce  qu'on  lit  dans  la  Biographie  universelle  des  musi- 
ciens, par  M.  Fétis,  article  Boccherini  : 

«  Les  12  Quatuors  pour  2  Violons,  Alto  et  Basse,  publiés 
»  par  Pleyel,  comme  l'œuvre  39,  sont  en  partie  une  spécula- 
»  tion  mercantile,  car  il  n'y  a  que  trois  de  ces  Quatuors 
»  qui  sont  originaux  et  qui  étaient  inédits  ;  trois  ont  été 
»  faits  par  Cambini,  à  l'imitation  du  style  de  Boccherini  ; 
»  les  autres  ont  été  pris  dans  divers  œuvres.  » 

Ainsi,  d'après  le  savant  critique,  ces  1 2  Quatuors  se  compo- 
seraient de  : 

3  Quatuors  originaux  inédits, 

6  Quatuors  précédemment  publiés, 

3  Quatuors  de  la  façon  de  Cambini. 

Tout  cela  est  erroné,  surtout  ce  qui  est  attribué  à  Cambini 
dont  toute  la  facilité  et  le  savoir-faire  n'allaient  pas  jusqu'à 
l'imitation  de  l'inimitable  Boccherini. 

Voici  ce  qui  est  vrai  : 

5  Quatuors,  les  2^  3^  10^  11^  et  12^  de  l'œuvre  39  sont 
la  reproduction  exacte  des  1^^,  3^,  4^,  5^  et  6^  Qua- 
tuors de  l'op.  33,  édité  par  Siéber. 

7  Quatuors  sont  originaux  et  n'avaient  jamais  été  publiés  ; 
ce  sont  les  1^^  4^  5^  6^  7^  8^  et  9^  dudit  œuvre  39. 
Tous  figurent  sur  le  Catalogue  thématique  de 
Boccherini,  avec  les  dates  suivantes  ;  ils  appar- 
tiennent : 

Le  8® à  l'œuvre  39  de  l'auteur,  année  1787. 


-  130  - 

Le  5^  et  le  6^ à  l'œuvre  41   de  l'auteur,  année   1788. 

Les  1^^  4^,  7^  et  9^  à  l'œuvre  51  de  l'auteur,  année  1795. 
Il  m'a  paru  d'autant  plus  utile  de  rectifier  cette  erreur 
échappée  à  un  biographe  d'ordinaire  si  exact,  qu'elle  pourrait 
nuire  à  une  œuvre  capitale,  riche  des  plus  belles  inspirations 
de  Boccherini.  J'en  donnerai  pour  preuve  l'effet  produit 
par  Baillot,  dans  le  premier  de  ces  quatuors  (en  sol),  qu'il 
n'avait  pas  craint  d'exécuter  immédiatement  après  le  formi- 
dable quintetto  en  ut  de  Beethoven  (l'Orage).  M.  Fétis, 
présent  à  cette  séance,  était,  comme  tout  le  monde,  sous  le 
charme  ;  je  vois  encore  sa  surprise,  son  ravissement  à  l'audi- 
tion de  cette  musique  simple,  naïve,  succédant  à  la  puissante 
et  vigoureuse  harmonie  du  maître  allemand.  C'était  mer- 
veilleux. Des  comparaisons  !  nul  n'y  songeait.  On  était  ému, 
transporté,  ravi  ;  voilà  tout.  Tel  est  le  pouvoir  des  inspirations 
qui  coulent  de  l'âme,  qu'elles  exercent  un  empire  irrésistible, 
parce  qu'elles  vont  directement  au  cœur  ! 

3p.  40.  Six  Quartettini  pour  2  Violons,  Alto  et  Violoncelle.  Paris, 
Pleyel. 

Composés  en  1796,  op.  piccola  53  de  l'auteur. 

M.  Fétis  n'ayant  pas  vu  cet  œuvre,  pourtant  bien  connu, 
présume  qu'il  est  une  réimpression  de  l'op.  32.  Cela  n  est 
pas.  Ce  petit  ouvrage,  entièrement  original,  est  un  vrai 
diamant  qu'on  ne  se  lasse  pas  d'admirer.  Malgré  la  difficulté 
de  choisir,  je  citerai  le  2^  et  le  6^  quartettini,  ravissants  modèles 
de  grâce,  de  fraîcheur  et  de  vie.  Boccherini  a  emprunté  au 
motif  du  3^  le  thème  des  piquantes  variations  qui  terminent 
le  5^  quintetto  pour  piano,  op.  46. 


-  131  - 

)p.  41 .  Symphonie  Concertante  à  8  instruments  obligés,  2  Violons, 
2  Violoncelles,  Alto,  Oboe  ou  Flûte,  Cor  et  Basson.  Paris, 
Pleyel. 

Composée  en  1787,  op.  piccola  38  de  l'auteur. 

Cet  ouvrage  ne  figure  que  comme  sextuor  sur  le  catalogue 
de  Boccherini  ;  il  est  probable  que  l'éditeur  aura  trouvé  plus 
avantageux  pour  la  vente  de  le  disposer  en  Symphonie 
concertante,  ou  plutôt  en  octuor.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  un 
fort  agréable  morceau. 

)p.  42.  Premier  Sextuor  pour  2  Violons,  Alto,  Cor  et  2  Violoncelles. 
Second  Sextuor  pour  Violon,  Viola,  Fagotto,  Oboe  o  Flauto, 
Contrabasso  et  Cor.  Paris.  Pleyel. 

Composée  en  1 787,  op.  piccola  38  de  l'auteur. 

Ces  deux  morceaux,  chacun  d'un  genre  différent,  sont  en 
tout  dignes  de  Boccherini. 

)p.  43.  Ouverture  à  grand  Orchestre  pour  2  Violons,  2  Altos, 
Violoncelle,  Contrebasse,  2  Hautbois,  2  Cors  et  Basson. 
Paris,  Pleyel. 

Composée  en   1790,  op.  43  de  l'auteur  (1). 

•p.  44.  Six  Trios  pour  2  Violons  et  Violoncelle.  Livres  1^^  et  2®. 
—  Paris,  Pleyel.  —  9^  livre,  N°s  49  à  52  de  la  collection 
Janet  et  Cotelle. 

Composés  en  1796,  op.  54  de  l'auteur. 


1)  La  partition  de  cette  Symphonie  existe  au  Conservatoire  de  Bruxelles. 


-  132  - 

Cet  œuvre  44,  tel  qu'il  a  été  gravé  par  Pleyel,  ne  renferme 
que  quatre  trios  qui  soient  originaux,  bien  que  l'œuvre  54 
de  l'auteur,  d'où  ils  sont  tirés,  en  contienne  six.  C'est  pour- 
quoi, dans  la  collection  Janet  qui  ne  reproduit  que  les  trios 
publiés  antérieurement,  le  9^  livre  ne  se  compose  que  de 
quatre  trios. 

Pour  compléter  les  six  trios  annoncés  par  le  titre  de  l'op.  44, 
l'éditeur  a  eu  recours  à  l'œuvre  35  dont  il  a  extrait  le  2® 
et  le  3^  (n°®  38  et  39  de  la  collection  Janet).  Les  deux  trios 
originaux  complémentaires,  ainsi  remplacés  par  un  double 
emploi,  se  retrouvent  en  duos,  1^^  et  5^,  dans  l'œuvre  46  pour 
2  violons,  aussi  publié  par  Pleyel,  sans  que  je  puisse  concevoir 
le  motif  d'une  semblable  mutilation  d'autant  plus  regrettable 
que  ces  morceaux  sont  charmants,  dignes  en  tout  de  ce  bel 
œuvre  pour  lequel  Boccherini  paraît  avoir  eu  une  certaine 
prédilection,  puisqu'il  l'a  disposé  en  quatuors  pour  2  violons, 
alto  et  violoncelle  ;  mais,  dans  cette  combinaison,  il  est  resté 
inédit. 

Le  1^^  et  le  2^  trios  (n^^  49  ^^  50)  sont  admirables. 

Op.  45.   Six  nouveaux   Quîntetti  pour  Flûte  ou  Oboe^  2  Violons, 
Alto  et  Violoncelle.  1^^  et  2^  livres.  —  Paris,  Pleyel. 

G)mposés  en  1 797,  op.  piccola  55  de  l'auteur,  pour  le  célèbre 
hautboïste  Barli,  de  la  musique  de  Charles  IV. 

Cet  ouvrage,  que  M.  Fétis  avoue  ne  pas  connaître,  ne  saurait 
être  trop  recommandé  ;  je  n'hésite  pas  à  le  classer  parmi  les 
plus  élégantes  productions  du  génie  de  Boccherini.  La  pas- 
torale du  1^^  quintetto,  le  3^,  le  ¥  et  surtout  le  5^  sont  des 
morceaux  achevés  qu'on  veut  toujours  entendre. 


-  133  - 
p.  46.  Six  Duos  pour  2  Violons.  1^^  et  2^  livraisons.  Paris,  Pleyel  (1) 

Ces  duos,  tirés  des  trios  et  quintetti  de  Boccherini,  n'ont 
d'intérêt  pour  l'amateur  que  parce  qu'ils  contiennent,  réduits 


(1)  Bien  qu'aucune  mention  de  ces  deux  livraisons  de  Duos  pour  deux  violons 
ne  figure  dans  la  correspondance  échangée  pendant  les  années  1 796  à  1 799  entre 
Boccherini  et  Ignace  Pleyel,  on  peut  supposer  qu'ils  émanent  du  maître  ou  que, 
tout  au  moins,  ils  ont  été  publiés  avec  son  assentiment  :  car,  Picquot  le  reconnaît 
expressément,  "  il  n'est  pas  un  seul  des  ouvrages  de  Boccherini,  publiés  par 
Pleyel,  qui  n'appartienne  incontestablement  au  maître  italien  ».  Mais  le  biographe 
de  Boccherini  n'aperçoit  dans  ces  recueils  de  duos  pour  deux  violons  que  des 
arrangements  dus,  peut-être,  nous  dit-il,  à  la  plume  féconde  de  Cambini. 
Nous  pensons  que  celle  de  Pleyel  pouvait  suffire,  car  le  célèbre  compositeur, 
éditeur  et  fabricant  de  pianos  était  l'auteur  de  nombreux  et  remarquables 
recueils  de  duos  à  deux  violons  et  pouvait  supprimer  simplement  la  basse  de 
quelques  trios  pour  obtenir  le  résultat  désiré.  Mais,  pour  qui  a  étudié  ces  deux 
livraisons  parues  chez  Pleyel,  chose  assez  bizarre,  sous  la  désignation  numérique 
d'op.  46  alors  qu'un  recueil  de  Quintettes  avec  piano  paraissait  chez  le  même 
Pleyel  avec  le  même  numéro  d'oeuvre,  —  pour  qui  a  étudié  ces  deux  recueils, 
[a  question  n'est  pas  aussi  simple.  Pour  deux  au  moins  de  ces  duos,  il  ne  s'agit 
pas  de  transcriptions  de  trios  ou  de  quintettes  antérieurs,  mais  de  refontes  com- 
plètes dont  il  paraît  bien  que  l'auteur  seul  a  pu  être  capable. 

Voyez  notamment  le  dernier  duo  en  ré  mineur,  fait  d'après  un  quintette 
composé  en  1793  :  le  premier  morceau  semble  avoir  été  coulé  dans  un  autre 
moule.  Et  le  duo  en  ut  majeur,  provenant  du  trio  écrit  en  1781  (op.  34)  contient 
un  air  varié  qui  se  retrouve  «  avec  des  changements  considérables  »,  nous  dit 
Picquot,  dans  un  quintette  de  l'op.  29  (1779).  Donc,  le  cas  est  fréquent  chez 
Boccherini,  l'auteur  reprend  d'anciennes  œuvres  pour  leur  donner  une,  deux, 
ou  même  trois  formes  entièrement  nouvelles.  Telle  est,  pour  nous,  toute  l'his- 
toire des  duos  op.  46. 

Quant  à  la  participation  hypothétique  de  Cambini,  elle  appartient  au  domaine 
de  la  légende  et  n'est  signalée,  d'ailleurs,  qu'après  1800,  tandis  que  les  Duos 
avaient  paru  chez  Pleyel,  dans  le  lot  important  d'œuvres  de  Boccherini  publié 
en  1 798.  Ils  se  répandirent  promptement  et  sont  signalés  par  les  lexicographes 
comme  '<  célèbres  «  vers  1815  :  le  fait  est  que  dans  le  genre  du  duo  à  coi  des,  un 
tel  résultat  n'a  peut-être  jamais  été  atteint. 

En  résumé,  de  ces  six  duos  remarquables,  trois  proviennent  de  trios  à  cordes 


-  134  - 

en  duos,  deux  trios,  le  1^^,  et  le  5®,  qui  n'ont  pas  été  publiés 
dans  leur  véritable   combinaison   (Voir  la  note  de  F  op.  44). 

Op.  46.  Six  Quintetti  pour  Piano,  2   Violons,  Alto  et   Violoncelle, 
6  livraisons,  N^^  1  à  6.  —  Paris,  Pleyel. 

Composés  en   1797,  op.  56  de  l'auteur. 

A  propos  de  ce  très  remarquable  ouvrage,  M.  Fétis  a 
commis  une  grande  erreur  en  avançant  que  cet  œuvre  a  été 
choisi  parmi  les  quintettes  de  violon  et  arrangé  d'après  eux 
pour  le  piano.  Quelque  erronée  que  soit  cette  assertion,  je 
comprends  que  le  savant  bibliographe  ait  pu  se  tromper.  Il 
existe  en  effet  un  certain  nombre  de  copies  de  ces  quintetti 
arrangés  par  Boccherini  lui-même,  pour  2  violons,  2  altos 
et  violoncelle.  Je  suis  porté  à  croire  que  M.  Fétis  a  entendu 
d'abord  ces  derniers  quintetti,  et  que  les  retrouvant  plus 
tard  disposés  pour  le  piano,  en  a  conclu  naturellement  que 
ceux-ci  n'étaient  qu'un  arrangement,  et  cela  avec  d'autant 
plus  de  vraisemblance  que  déjà  Pleyel  et  Hérold  père  avaient 
arrangé  pour  le  piano  un  certain  nbmbre  de  quintetti  de 
violon  du  même  auteur,  choisis  parmi  les  plus  beaux.  Mais  si 
le  catalogue  de  Boccherini  n'était  pas  là  pour  démontrer 
l'erreur,  toute  espèce  de  doute  disparaîtrait  en  présence  de  la 
partition  autographe  que  j'ai  consultée,  et  qui  doit  se  trouver 


(op.  34)  composés  en  1781  :  ce  sont  ceux  écrits  dans  les  tonalités  de  mi,  fa  et  ut 
majeur  ;  deux  autres,  en  sol  et  en  mi  bémol  figureut  dans  la  série  de  trios 
à  cordes  (op.  54)  écrit  en  1796  et  enfin  le  sixième  duo  que  nous  signalons 
plus  haut,  en  ré  mineur,  véritable  refonte,  pour  le  premier  allegro,  de  l'un  des 
grands  quintettes  de  1793,  auquel  a  été  adjoint  un  Menuet  qui,  lui,  appartient 
à  un  quintette  en  ré,  composé  en  1794.  (Edition  Janet  et  Cotelle  n''  50). 


-  135  - 

encore  entre  les  mains  de  M.  Camille  Pleyel,  chez  qui  j'en  ai 
eu  connaissance  en  1834. 

Ces  Quintetti  pour  Piano  sont  donc  tous  originaux  ;  j'ajou- 
terai qu'ils  sont  de  la  plus  grande  beauté,  notamment  le  3^, 
qui  est  délicieux,  le  5^,  où  l'on  trouve  un  menuet  divin  et  un 
air  varié  charmant,  dont  le  thème  est  emprunté  au  motif 
du  3®.  Quatuor  de  l'œuvre  40,  et  enfin  le  6^,  d'un  style  large 
et  majestueux,  traité,  selon  l'expression  de  l'auteur,  a  modo 
di  concerto  (1). 

)p.  47.  Douze  nouveaux  Quintetti  pour  2  Violons^  Viole  et 
2  Violoncelles,  K^,  2^,  3^  et  ¥  livraisons.  —  Paris,  Pleyel, 
ou  12^  et  13®  livres,  N*^  64  à  75  de  la  collection  Janet  et 
CoTELLE. 

Ces  douze  Quintetti,  de  même  que  ceux  de  l'op.  37,  sont 
tirés  de  diverses  œuvres  de  l'auteur  ;  en  voici  l'origine  : 

Les  n°^  68  et  72  appartiennent  à  l'op.  25  de  1778. 

—  74  et  75 29  1779. 

—  73 31  1780. 

—  67 40  1787. 

—  71 42  1789. 

—  66 43  1790. 

—  64 45  1792. 

—  65 46  1793. 

—  70 49  1794. 

—  69 51  1795. 

Tous  ces  Quintettes  rivalisent  de  perfection  ;  en  citant 


(1)  Ces  Quintette»  ont  paru  chez  0.  Legouix  à  Pans. 

10 


-  136  - 

les  n^  64,  66,  69,  71,  72,  74  et  75,  je  crains  d'être  injuste 
envers  les  autres,  tant  le  choix  me  semble  téméraire.  Le 
n°  66,  entr'autres,  se  distingue  par  un  Menuet  d'une  ravis- 
sante originalité. 

Op.  48.  Six  Quintetti  pour  2  violons.  Alto  et  2  Violoncelles.  -1^^  et 
2^  livraisons.  —  Paris,  Pleyel  ;  ou  14^  livre,  N<^  76  à  81 
de  la  collection  JaneT  et  CoTELLE. 

Les  n^  76,  77, 78  et  8 1  sont  tirés  de  lop. ...  29  de  1 779 . 
Lesn«s79et80 31         1780. 

Dignes  des  précédents.  Le  motif  du  n°  81  est  le  même  que 
celui  du  n°  43  de  Top.  37,  mais  là  se  borne  la  ressemblance. 


Dp.  49.  Six  Quintettini  pour  2  Violons,  Alto  et  2  Violoncelles.  Paris, 
Pleyel.  —  6^  livre,  N^^  31  à  36  de  la  collection  Janet  et 

CoTELLE. 

Composés  en  1779,  op.  piccola  27  de  l'auteur. 

Je  crois  que  ces  Quintettini  ont  été  gravés  primitivement 
en  Italie  sous  la  désignation  d'op.  33.  C'est  à  tort  que  M.  Fétis 
doute  de  l'authenticité  de  cet  ouvrage  ;  il  ne  l'a  sûrement  pas 
entendu,  car  il  y  aurait  reconnu  la  touche  gracieuse  de  Boc- 
cherini  (1). 


(1)  L'édition  primitive  de  ces  six  Quintettini  est  celle  d'Antonio  Zatta,  à 
Venise. 


-  137  - 

Op.  50.  Six  Quintetti  pour  2  Violons,  Alto  et  2  Violoncelles.  15^  livre, 
V^  et  2^  livraisons,  N^^  82  à  87  de  la  collection  Janet  et 
COTELLE. 

Composés  en   1788,  op.  40  de  l'auteur. 

Ces  Quintetti,  jusqu'alors  inédits,  ont  paru  pour  la  pre- 
mière fois  dans  la  belle  et  précieuse  collection  de  Janet  et 
Cotelle.  Ces  estimables  éditeurs  les  tenaient,  ainsi  que  les 
six  suivants,  de  Duport  jeune  qui  se  les  était  procurés 
tandis  qu'il  se  trouvait  au  service  de  Frédéric-Guillaume  II, 
pour  qui  Boccherini  a  écrit  une  grande  partie  de  ses  admi- 
rables compositions  de  1787  à  1797. 

Ces  Quintetti  ne  le  cèdent  guère  aux  précédents  ;  on 
remarque  surtout  le  2^  imitando  il  Fandango  che  suona  sulla 
Chitarra  il  Padre  Basilio,  où  l'originalité,  l'abandon,  la  grâce 
et  la  verve  castillanes  sont  exprimés  avec  un  rare  bonheur. 


)p.  51.  Six  Quintetti  pour  2  Violons,  Alto  et  2  Violoncelles. 
\(f  livre,  K^  et  2^  livraisons.  —  N^^  88  à  93  de  la  collection 
Janet  et  Cotelle  qu'ils  terminent. 

Composés,  nO  88  et  89,  en  1779,  op.  28.  et  les  n»    90,  91,  92  et  93, 
en   1795,  op.  50  de  l'auteur. 

Les  deux  premiers  sont  dans  la  grande  manière  de  Bocche- 
rini ;  les  quatre  autreà,  de  proportions  moindres,  appartiennent 
au  genre  qu'il  a  si  supérieurement  traité  sous  la  dénomination 
d'opéra  piccola. 


-  138  - 

Aucun  ouvrage  gravé,   de  Boccherini,   ne  correspond  à 
l'un   de  ces   numéros   d'ordre.   Les   six   quatuors   ci-après, 

52.  op.  58,  édités  par  Siéber,  auraient  dû  prendre  le  rang  et 

53.  la   désignation   d'oeuvre   52,   afin   d'éviter   une   lacune   qui, 

54.  sans  nul  doute,  a  mis  en  défaut  et  désappointé  plus  d'un 

55.  amateur.   Voici   l'explication    de    cette    lacune.  Siéber,  sans 

56.  s'occuper    des    publications     précédentes,    ni    du     numéro 

57.  d'ordre  auquel  elles  s'étaient  arrêtées,  a  adopté  le  numéro 
d'œuvre  de  l'auteur  lui-même.  En  efïet,  ces  quatuors  figurent 
sur  le  catalogue  de  Boccherini  comme  œuvre  58. 


p.  58.    Six  Quartetti    à  deux  Violons,  Alto  et  Violoncelle.  K^  et 
2^  parties.  —  Paris,  SlÉBER. 

Composés  en  1799,  op.  58  de  l'auteur. 

Ces  quatuors  rivalisent  avec  les  plus  beaux  de  Boccherini  ; 
tous  les  six  indistinctement  se  recommandent  par  une  couleur 
et  un  mérite  particuliers.  Nulle  part  ailleurs,  plus  que  dans 
cet  admirable  ouvrage,  Boccherini  n'a  prodigué  les  trésors  de 
,  sa  riche  imagination.  Variété  de  formes,  de  tons,  de  coloris  : 
scènes  tendres,  joyeuses,  naïves  ou  passionnées  ;  sentiment 
profond,  charme  indicible,  élévation,  force,  véhémence,  il  a 
su  tout  peindre,  tout  exprimer.  C'est,  dans  un  cercle  restreint, 
le  magnifique  résumé  de  toutes  les  qualités  du  grand  artiste. 
Peut-être  est-ce  ici  le  lieu  de  rappeler  que  le  compositeur  qui 
n'a  que  du  talent  est  condamné  fatalement  a  se  mouvoir  dans 
un  cercle  d'idées  qu'il  ne  saurait  franchir,  cercle  plus  ou 
moins  restreint,  suivant  la  somme  de  facultés  que  la  nature 
lui  a  départie.  Tant  qu'il  ne  l'a  pas  parcouru  tout  entier, 
ses  idées  naissent  et  se  produisent  avec  l'agrément,  l'aisance. 


-  139  - 

la  grâce  ou  la  vigueur  qu'il  lui  est  donné  d'atteindre.  Mais 
bientôt  elles  deviennent  plus  rares  et  se  formulent  irrésisti- 
blement. Arrivé  à  ce  point,  l'artiste  revient  sur  ses  pas,  buti- 
nant çà  et  là  quelques  épis  ;  mais  la  moisson  est  faite  ;  c'est 
sur  elle  qu'il  vivra  désormais.  Adieu  poésie,  invention, 
spontanéité,  adieu  !  la  source  est  tarie.  Ses  productions 
ne  sont  plus  que  des  redites  ;  si  habile  qu'il  se  montre  à 
les  déguiser,  il  ne  saurait  donner  le  change  au  connaisseur, 
car  sous  le  voile  d'une  trame  ingénieuse,  celui-ci  ne  découvrira 
plus  que  l'art  ou  plutôt  le  métier.  Ainsi  s'explique,  pour  ne 
parler  que  du  passé,  l'oubli  profond  oii  sont  tombées  les 
productions,  d'abord  si  avidement  accueillies,  de  Cambini, 
de  Davaux,  de  Pleyel,  de  Girowetz,  de  Wranizky  et  de  tant 
d'autres  compositeurs  d'un  mérite  assurément  fort  distingué. 
L'artiste  de  génie,  au  contraire,  porte  en  lui  un  feu  qui 
ne  se  consume  jamais  ;  il  embrasse  le  domaine  entier  de 
l'art  ;  plus  il  s'élève,  plus  l'espace  s'agrandit  :  de  nouveaux 
horizons  se  déroulent  successivement  à  son  regard  inspiré 
et  stimulent  son  vol  audacieux.  Tout  ce  qu'il  voit,  il  le 
conquiert  ;  tout  ce  qu'il  touche,  il  le  féconde  et  le  vivifie  ; 
son  pouvoir,  irrésistible,  immense,  asservit  l'art  à  ses  lois  ; 
il  n'a  de  limites  que  celles  qu'il  se  pose  à  lui-même.  Suivez 
Boccherini,  Haydn,  Mozart,  Beethoven,  dans  leur  course 
infatigable  ;  ils  ne  s'arrêtent  jamais  ;  une  conquête  succède  à 
une  conquête,  un  chef-d'œuvre  à  un  chef-d'œuvre.  Leur 
pensée,  ardente,  insatiable,  gravite  incessamment  vers  l'in- 
connu et  lui  dérobe  ses  mystères.  Aussi  remarque-t-on  dans 
les  productions  de  ces  beaux  génies  une  marche  ascendante 
qui  constate  pour  chaque  nouvel  ouvrage  un  nouveau  pro- 
grès. L'œuvre  58,  dont  je  viens  de  parler,  en  offre  un  témoi- 


-  140  - 

gnage  irrécusable  que  rendent  plus  éclatant  encore  les  douze 
derniers  quintetti,  op.  60  et  62,  composés  pour  Lucien  Bona- 
parte, dont  il  sera  parlé  à  la  fin  de  la  deuxième  partie  de  ce 
catalogue,  et  les  deux  derniers  quatuors,  op.  64,  également 
inédits,  par  lesquels  Boccherini  a  clos  sa  vaste  et  glorieuse 
carrière . 


Suite  de  la  V^  PARTIE 
2    SÉRIE 

(OUVRAGES  PUBLIÉS  SANS  NUMÉRO  D'ŒUVRE.) 

Première  Symphonie  à  quatre  parties  obligées^  Cors  de 
chasse  ad  libitum,  imprimée  avec  les  nouveaux  caractères, 
par  Grange.  —  Paris,  1767,  in-folio  (1). 

Rien  de  plus  faible  que  ce  morceau  qui  n'est  certainement 
pas  de  Boccherini.  Néanmoins,  la  date  de  sa  publication  le 
rend  curieux,  en  ce  qu'elle  annoncerait  que  le  nom  de  Bocche- 
rini avait  devancé  sa  présence  à  Paris,  bien  qu'aucun  de  ses 
ouvrages  n'eût  encore  été  publié,  le  premier  n'ayant  paru 
qu'en  1768. 

Ce  n'est  qu'à  la  Bibliothèque  nationale,  où  elle  était  ins- 
crite sous  le  numéro  d'ordre  1905,  que  j'ai  eu  connaissance 
de  cette  symphonie  imprimée  sous  le  nom  del  signore  Bou- 
queriny  (sic). 


(1)  Cette  Symphonie  est  probablement  une  des  toutes  premières  compositions 
du  maître.  V.  la  préface. 


-  141  - 

Six  Sonates  à  Violon  seul  et  Basse.  —  Paris,  La  Chevar- 
DIÈRE  ;  réimprimées  par  Ozi,  au  Conservatoire  (1). 

Cet  ouvrage  auquel  les  auteurs  du  Dictionnaire  historique 
des  Musiciens  assignent,  je  ne  sais  sur  quel  fondement,  le 
rang  d'œuvre  7,  a  été  publié  à  Londres,  sous  ce  titre  :  Six 
Solos  pour  le  violoncelle.  J'ignore  pour  lequel  de  ces  instru- 
ments, violon  ou  violoncelle,  il  a  été  composé,  Boccherini 
n'ayant  pas  compris  dans  son  catalogue  ces  Sonates  qui,  du 
reste,  sont  fort  belles  et  lui  appartiennent  incontestablement. 

Quatre    Concertos  pour  Violoncelle.  N^  1  à  4.  —  Paris, 
au  bureau  d'abonnement  musical,  chez  MiROGLIO,  BoYER, 

Nadermann. 

J*ai  tout  lieu  de  croire  que  ces  Concertos  sont  le  produit 
d'une  spéculation  mercantile,  car,  de  même  que  l'ouvrage 
suivant,  ils  sont  peu  dignes  du  grand  nom  sous  le  patronage 
duquel  ils  ont  été  publiés.   (2) 

Sérénade  à  2  Violons,  2   Hautbois,  2  Cors  et   Basse,    com- 
posée   à    l'occasion   du   mariage   de   l'Infant   don   Louis 


(1)  Les  Soli  pour  violoncelle  (ou  pour  violon)  de  Boccherini  existent  en  beau- 
coup plus  grand  nombre.  C'est  dans  un  de  ces  morceaux  pour  violoncelle  que  le 
jeune  homme  s'est  produit  à  Paris, au  Concert  Spirituel,  pour  la  première  fois 
en  1768. 

(2)  Les  deux  premiers  de  ces  Concertos  pour  violoncelle  qui,  pour  n3us, 
sont  indubitablement  de  Boccherini,  sont  annoncés  en  juin  et  août  1770.  (Mer- 
cure, p.  114  et  163).  Le  quatrième  paraît  le  21  octobre  1 771  :  Annonces,  Affiches  et 
Avis  divers,  p.  850). 


-  142  - 

d*Espagne  (le  25  juin  1 776),   petit  format  oblong,   Lyon, 
Guéra(I). 

(Voir  la  note  précédente.) 

Six  Sonates  en  Trio  pour  le  Clavecin  ou  Piano-Forte, 
avec  accompagnement  de  Violon  et  Basse.  2^  livre.  —  Paris, 
La  Chevardière,  Boyer,  Nadermann. 

Ces  Sonates,  que  je  crois  également  supposées,  ont  été 
publiées  à  Mannheim  et  à  Worms,  en  deux  livres,  avec 
l'indication  d*op.  12  et  13. 

Trois  Trios  pour  Flûte,  Violon  et  Basse.  Livre  1^^.  — • 
Paris,  Boyer,  Nadermann. 

Trois  Trios  pour  Flûte,  Violon  et  Basse.  Livre  2^.  — 
Paris,  Boyer,  Nadermann. 

Trois  Quatuors  pour  Flûte,  Violon  et  Alto  et  Basse. 
Livre   l^^.  —  Paris,  BoYER,  Nadermann. 

Trois  Quatuors  pour  Flûte,  Violon,  Alto  et  Basse. 
Livre  2^.  —  Paris,  Boyer,  Nadermann. 

Les  premiers  Trios  et  Quatuors  de  Boccherini  ont  fourni 
le  canevas  de  ces  ouvrages  sans  mérite,  dans  lesquels  on  a 


(1)  La  Sérénade,  œuvre  de  circonstance,  sûrement  de  lui,  est  annoncée  en 
août  et  septembre  1777  :  Gazette  de  France,  18  août  1777  (p.  326)  ;  Mercure, 
septembre  1777  (p.  179). 


-  143  - 

substitué  à  la  partie  de  l^''  violon,  par  voie  de  transposition, 
une  partie  de  flûte,  ce  qui  en  dénature  complètement  le 
caractère  et  l'efïet. 

Six  Sonates  pour  Piano  et  Violon.  Paris...  —  (1). 

Ces  Sonates  sont  tirées,  savoir  :  la  K^,  la  2^  et  la  4^  des 
6^,  1^^  et  2^  Quatuors,  op.  1  ;  la  3^  du  ¥  Quintetto  pour 
flûte  op.  21  ;  la  5^  et  la  6^  des  2^  et  1^^  Quatuors  de  Top.  10. 

Trois  Sonates  pour  Piano  et  Violon.  Op.  2. —  Ofîenbach, 
André.  —  Arrangées  et  extraites  des  trois  premiers  Trios 
de  Violon,  Alto  et  Violoncelle  ;  op.  14. 

Tous  les  ouvrages  qui  précèdent  ont  été  publiés  antérieu- 
rement à  1 787,  car  ils  figurent  sur  le  Catalogue  thématique 
de  la  maison  Breitkopf  et  Haertel,  de  Leipsick,  années  1 766  à 
1787. 

Trois  Sonates  pour  Piano  et  Violon.  Livre  3^.  —  Paris, 

SlÉBER. 

Trois  Sonates  pour  Piano  et    Violon.  Livre  4^.  —  Paris, 

SlÉBER. 

Six  Sonates  pour  Piano  et  Violon.  Livre  5^.  —  Amster- 
dam, HUMMEL,  WORMS,  KrEITNER. 


(1)  Ces  Sonates  «  pour  Clavecin  ou  la  Harpe  avec  accompagnement  de  violon  » 
obligé,  figurent  dans  la  Gazette  de  France  (p.  116)  à  la  date  du  3  avril  1778. 

Pour  les  Sonates  en  Trio  (2  livre)  parues  chez  la  Chevardière,  Boyer,  Nader- 
mann,  voir  la  préface.  Elles  ont  paru  à  Paris  en  1781. 


-  144  - 

Six   Sonates   pour  Piano  et    Violon,   sans   autre   désigna- 
tion. —  Vienne,  Artaria. 

Je  n'ai  vu  aucun  de  ces  quatre  ouvrages  que  je  soupçonne 
fort  de  n'être  que  des  arrangements,  sauf  le  3^  qui  pourrait 
bien  faire  double  emploi  avec  l'œuvre  5  de  Boccherini, 
mentionné  dans  la  K^  série  ;  dans  ce  cas,  il  serait  la  réimpres- 
sion à  l'étranger  d'une  œuvre  originale. 

Trois   Quatuors  pour  Flûte,    Violon,   Alto  et    Violoncelle. 
Œuvre  5  pour  Flûte.  —  Paris,  Pleyel. 

Arrangés  d'après  les  Quintetti  N°^  44,  45  et  60  de  la  col- 
lection Janet  et  Cotelle. 

On  lit  ce  qui  suit  dans  la  Biographie  universelle  des  Musi- 
siens,  tome  3,  article  Cambini  :  «  Vers  1800,  et  dans  les 
»  deux  ou  trois  années  suivantes,  Pleyel  employa  Cambini 
»  à  composer  quelques  Quintetti  et  des  Quatuors  dans  le 
»  style  de  Boccherini.  11  y  réussit  si  bien,  que  ces  morceaux 
»  furent  mêlés  à  d'autres  inédits  de  ce  compositeur  original, 
»  et  furent  publiés  sous  son  nom,  sans  que  les  amateurs  ni 
5)  les  artistes  se  doutassent  de  cette  spéculation  commerciale.  » 

J'ai  fait  voir,  dans  la  note  de  l'œuvre  39,  que  M.  Fétis 
s'était  trompé  du  tout  au  tout  dans  ce  qu'il  avance  relative- 
ment à  cette  prétendue  participation  de  Cambini,  puisqu'il 
n'est  pas  un  seul  des  ouvrages  de  Boccherini,  publiés  par 
Pleyel,  qui  n'appartienne  incontestablement  au  maître  Italien. 
L'assertion  du  savant  bibliographe,  répétéeà  l'article  Cambini, 
est  donc  complètement  erronée.  Si  jamais  Pleyel  utilisa  les 
talents  de  Cambini,  ce  ne  fut  pas  au  tour  de  force  de  la  plus 


—  145  — 

impossible  des  imitations,  mais  sans  cloute  à  divers  arrange- 
ments, pour  les  besoins  du  commerce,  tels,  par  exemple, 
que  les  Duos  de  l'œuvre  46,  et  les  Quatuors  qui  précèdent 
cette  note  (1). 

Ajoutons  que  Pleyel  possédait  quantité  de  Quatuors  et 
Quintetti  originaux  de  Boccherini  qu'il  n'a  jamais  publiés. 
On  conviendra  que  ce  n'était  pas  le  cas  d'appeler  un  faiseur 
â  son  aide  et  de  multiplier  les  frais,  quand  on  avait  sous  la 


(1)  Il  y  a,  en  outre,  une  très  bonne  raison  pour  être  de  l'avis  de  Picquot^  à  cet 
égard.  C'est  que,  après  1800,  il  semble  à  peu  près  certain  qu'aucune  œuvre 
nouvelle  de  Boccherini  n'a  plus  été  publiée  par  Pleyel  ,•  les  quatuors  op.  58, 
composés  en  1799,  ont  paru  chez  Sieber.  Les  dernières  œuvres  du  maître 
restèrent  inédites  :  il  en  existe,  croyons-nous,  quelques  copies. 

La  vérité  est  que  Cambini  a  dû  arranger,  sous  les  formes  les  plus  diverses, 
nombre  d'œuvres  de  Boccherini.  Mais  il  n'a  pu,  du  vivant  du  maître,  glisser 
dans  l'œuvre  authentique  publiée  par  Pleyel,  aucun  morceau  de  lui,  Cambini. 
Les  œuvres  venues  d'Espagne  étaient  complètes  et  ne  pouvaient  s'adjoindre 
aucun  fragment  apocryphe. 

Ce  Cambini,  d'ailleurs,  est  un  musicien  qui,  pour  vivre,  a  un  peu  fait  toutes 
les  besognes.  Selon  nous,  son  art  ne  présente  aucun  rapport  avec  celui  du  maître 
de  Lucques;  il  n'est  nullement  un  homme  de  génie, mais  c'est  un  artiste  fort 
cuneux  :  il  a  une  facilité  alliée  à  une  science  qui,  notamment,  se  fait  jour  dans 
ses  derniers  quatuors,  au  sujet  desquels  il  a  écrit  des  articles  qui  ont  fait  grand 
bruit.  C'est,  en  outre,  un  technicien  remarquable  qui  connaît  tous  les  instru- 
ments :  ses  compositions  pour  l'alto,  par  exemple,  sont  peut-être  sans  précé- 
dents. Son  œuvre  instrumentale  est  énorme  et  recèle  de  tout  :  il  est  l'un  des 
principaux  créateurs  de  la  Symphonie  Concertante  à  Paris  ;  il  a  écrit  dans  tous 
les  genres,  sous  toutes  les  formes.  Cette  œuvre  devrait  même  être  étudiée  par 
un  musicologue  en  quête  de  sujets  :  nous  sommes  certain  que  cette  étude  réser- 
verait quelques  surprises.  Mais,  s'il  a  tout  fait  ou  tout  essayé  musicalement, 
s'il  a  été  à  la  solde  de  tous  les  éditeurs  et  marchands  de  musique,  une  chose  lui 
était  réellement  interdite  :  celle  d'imiter  et  sans  nécessité  un  homme  inimitable 
et  surtout  un  homme  d'un  tempérament  aussi  différent  du  sien.  Sur  les  Duos 
op.  46,  cités  par  Picquot,  voir  la  note  de  la  p.  1 33. 


-  146  - 

main  beaucoup  mieux  que  ce  qu'on  eût  obtenu  d'une  par- 
ticipation étrangère.  Il  est  donc  évident,  en  ce  qui  concerne 
Boccherini,  que  jamais  Pleyel  ne  s'est  rendu  coupable  de  la 
fraude  commerciale  qui  lui  est  imputée  ;  c'est  une  justice 
due  à  sa  mémoire. 

Première  Symphonie  périodique  à  grand  Orchestre, 
Paris,  Pleyel. 

G>mposée  en  1792,  op.  45  de  l'auteur. 

Deuxième  Symphonie  périodique  à  grand  Orchestre. 
Paris,  Pleyel. 

Composée  en  1792,  op.  37  de  l'auteur  (1). 

En  tenant  toujours  compte  du  genre  de  Boccherini, 
ces  deux  ouvrages  sont  certainement  dignes  de  lui. 

Six  Quintetti  spécialement  composés  pour  le  Piano-Fortey 
avec  accompagnements  obligés  et  concertants  de  2  Vio- 
lonSy  Alto  et  Violoncelle  ;  Œuvre  posthume.  —  Edition 
dédiée  à  M"^^    la   duchesse  de  Berry.  —  Paris,  Nouzou. 

Composés  en  1799,  op.  57  de  l'auteur,  ces  superbes  quin- 
tetti avaient  été  dédiés  à  la  Nation  et  à  la  République  Fran- 
çaise, et  remis  à  Lucien  Bonaparte,  lors  de  son  ambassade 
en  Espagne  ;  on  voit  que  l'éditeur  Lagarde  les  a  singu- 
lièrement détournés  de  leur  véritable  destination,  en  les 
offrant  à  M^^  la  duchesse  de  Berry.  Quel  que  soit  le  patronage 


(1)  Composée  en  réalité,  en  1787. 


-  147  — 

sous  lequel  ils  dussent  paraître,  l'essentiel  était  qu'ils  fussent 
beaux.  Sous  ce  rapport,  ils  ne  laissent  rien  à  désirer.  C'est  un 
ouvrage  de  formes  en  général  plus  sévères,  mais  toujours 
nobles  ou  gracieuses.  Le  (f  quintetto  contient  des  variations 
charmantes  sur  la  retraite  de  Madrid,  reproduites  d'après 
un  quintetto  de  violon,  resté  inédit,  composé  en  1780. 

Douze  nouveaux  Quintetti  pour  2  Violons,  2  Altos  et 
Violoncelle,  composés  à  Madrid  pour  le  marquis  de  Bena- 
vente.  Œuvre  posthume,  K^  livraison.  —  Bordeaux, 
Leduc.  —  Paris,  Auguste  Leduc. 

Titre  mensonger,  en  ce  qu'il  tendrait  à  faire  croire  qu'il 
s'agit  d'un  ouvrage  original,  ce  qui  n'est  pas.  On  a  vu,  dans 
la  Notice,  que  Boccherini  avait  disposé,  avec  une  partie 
de  guitare  pour  le  marquis  de  Benavente,  son  protecteur, 
un  certain  nombre  de  morceaux  choisis  dans  celles  de  ses 
œuvres  qui  se  prêtaient  le  mieux  à  cette  substitution.  M.  le 
marquis  de  Benavente,  forcé  par  les  circonstances  de  demander 
un  refuge  à  l'hospitalité  française,  vint  se  fixer  à  Bordeaux 
et  apporta  avec  lui  la  musique  qu'il  put  sauver  de  son  nau- 
frage politique.  Parmi  ces  ouvrages,  arrangés  par  Boccherini 
lui-même  avec  une  partie  de  guitare,  se  trouvaient  une  dou- 
zaine de  quintetti  pour  2  violons,  guitare,  alto  et  violoncelle. 
La  spéculation  résolut  d'en  faire  son  profit  ;  mais  comme 
leur  combinaison  instrumentale  paraissait  moins  favorable 
que  celle  de  2  violons,  2  altos  et  violoncelle  préférée  par  la 
plupart  des  amateurs,  on  adopta  cette  dernière  qui  eut  lieu  par 
la  transformation  de  la  partie  de  guitare  en  une  partie  de 
second  alto.  Ce  travail  délicat  fut  confié  à  un  lauréat  du 


-  148  - 

Conservatoire,  M.  Garnault  (1),  qui  l'accomplit  avec  beau- 
coup de  conscience  et  de  talent.  Cet  habile  professeur  arrangea 
de  la  sorte  six  quintetti,  mais  trois  seulement  furent  livrés  à 
l'impression  ;  ce  sont  eux  qui  forment  la  première  et  seule 
livraison  publiée  des  12  quintetti  ci-dessus  promis  par 
le  titre.  Ils  sont  tirés  des  2®,  ¥  et  5^  quintetti  de  l'œuvre 
posthume  de  Boccherini  pour  le  piano,  qui  précède  immédia- 
tement. 

J'ajouterai  que  Boccherini  avait  une  prédilection  mar- 
quée pour  ces  deux  œuvres  de  quintetti  pour  le  piano  (gravés 
op.  46  et  œuvre  posthume),  car  outre  la  combinaison  dans 
laquelle  il  les  a  reproduits  pour  le  marquis  de  Benavente, 
il  les  a  encore  arrangés  pour  2  violons,  2  altos  et  violoncelle. 
Je  les  possède  ainsi  tous  les  douze. 

Stabat  Mater  à  3  voix,  avec  2   Violons,  Alto,   Violoncelle 
et  Contrebasse  ;  —  Paris,  SlÉBER. 

Composé  en  1801  op.  61  de  l'aateor,  et  donné  à  Lucien 
Bonaparte. 

Il  paraît  que  ce  Stabat  avait  été  composé  originairement 
pour  une  seule  voix,  car  j'en  possède  le  manuscrit,  lequel 
porte  la  date  de  1781.  Boccherini,  en  le  disposant  pour  trois 
voix,  a  changé  très  peu  de  chose  aux  accompagnements  ; 
il  a  seulement  ajouté  une  introduction  en  style  de  symphonie 
qui  n'existait  pas  dans  le  principe  (2),  et  retouché  les  accom- 
pagnements sans  en  changer  essentiellement  le  caractère.  Ce 


(1)  Aujourd'hui  professeur  à  La  Rochelle  (P.). 

(2)  C'est  le  premier  morceau  d'une  Syrrphonie  de  i'op.  35,  restée  inédite. 


-  149  - 

Stabat,  que  je  considère  comme  un  chef-d'œuvre,  est  d'une 
exécution  facile  et  n'exige  point  un  grand  orchestre  ni  un 
grand  local.  L'auteur  désire  la  pure  naïveté  et  l'exactitude. 


Je  compléterai  ce  Catalogue  des  œuvres  gravées  sous  le 
nom  de  Boccherini  par  l'indication  des  morceaux  arrangés 
pour  le  piano  par  Pleyel,  Hérold  père  et  le  marquis  de  Lou- 
vois. 

Trois  Sonates  pour  Piano,  Violon  et  Violoncelle,  tirées 
des  nouveaux  Quintetti  de  Boccherini,  par  Ignace  Pleyel  ,* 

—  Pleyel  et  fils  aîné. 

Ce  sont  les  quintetti  N°'  45,  55  et  64  de  la  collection  Janet 
et  Cotelle. 

Trois  Sonates  pour  Piano,  Violon  et  Violoncelle,  tirées 
des  nouveaux  Quintetti  de  Boccherini,  par  Ignace  Pleyel. 

—  Paris,  Pleyel  et  fils  aîné. 

Il  n'a  paru  qu'une  seule  sonate  ;  elle  est  tirée  du  N^  65 
de  la  même  collection. 

Trois  Sonates  pour  Piano,  Violon  et  Alto,  tirées  des 
nouveaux  manuscrits  de  Boccherini,  par  Hérold  père. 
Op.  11.  —  Paris,  Pleyel  et  fils  aîné. 

Elles  sont  arrangées  d'après  les  N°'  44,  50  et  63  de  la  même 
collection. 


-  150  - 

Quintetto  de  Boccherini  en  ré  mineur,  arrangé  en  Trio 
pour  Piano,  Violon  et  Basse,  par  le  marquis  de  Louvois. 
Paris,  SCHLESINGER. 

Quintetto  de  Boccherini  en  sol  mineur,  arrangé  pour 
les  mêmes  instruments,  par  le  même.  Paris,  ScHLESiNGER. 

Le  premier  de  ces  Quintetti  est  tiré  du  N^  37,  et  le  second 
du  N^  41  de  la  collection  Janet  et  Cotelle. 


2«   PARTIE 

COMPRENANT  LA  LISTE  THÉMATIQUE 

DE   TOUS    LES    OUVRAGES    DE    BOCCHERINI 

RESTÉS     INÉDITS 

CLASSÉS      CHRONOLOGIQUEMENT     DANS      LEUR     ORDRE     DE    COMPOSITION 


-  1780  - 

Sei  Quintetti  per  due  Violiniy  Viola  e  due  Violoncelli 
Op.    30   piccola    (1). 

Andanle 


I 


^-0- 


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^^È^ 


Allegro 


(1)  Bib.  de  l'Opéra  (n°^  1,  3  et  4).  Copie  au  Conservatoire. 


11 


-  152 


Cantalïile 


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Alle^ 


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L'i^igûû^' 


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la  miisica  noHyrna 
di  Madrid     N 


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Charmant  ouvrage  qui  méritait  certes  les  honneurs  de 
l'impression.  Rien  de  plus  original  que  le  6^  quintette  dans 
lequel  Boccherini  a  voulu  rappeler  la  Musique  qui  s'entend 
de  nuit  dans  les  rues  de  Madrid,  depuis  le  coup  de  l'AvE 
Maria  della  Parrochia,  jusqu'à  La  Ritirata  (retraite). 
Les  chants  sacrés  du  Rosario  se  mêlant  aux  danses  du  peuple, 
aux  airs  des  chanteurs  des  rues,  au  rasgado  des  guitares, 
donnent  à  ce  quintette  une  physionomie  des  plus  singulières 
pour  ceux  qui  ignorent  les  habitudes  madrilègnes.  Le  tableau 
se  termine  par  un  Tempo  di  Marcia,  la  Retraite,  dont  les 
délicieuses  variations  ont  été  reproduites  par  l'auteur  dans 
le  6°^^  quintetto  de  l'œuvre  pour  piano,  publié  par  Lagarde, 
chez  Nouzou. 


-  153  - 
—  1780  — 

Sei  Quintetti  per  due  Violinù  Viola  e  due  Violoncelle 
Op.  31    grande  {])  (2). 

\  ^^  Gravé  N°  80  de  la  collection  Janet  et  CoTELLE 
Moderato   assai 


(2)  * 


if  ^ 


fïalonce&  /." 


Andante  lento 


'V^^rvm 


F 


fî: 


%  !     Gravé  N.»  75  de  la  même  collection 
Cankbile 


5! 


M 


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#  r  p> 


6®  Gravé  No  79  de  la  même  collection  (3). 


(1)  On  a  vu,  dans  la  première  partie  du  Catalogue,  qu'à  partir  de  l'Op.  37, 
l'éditeur  Pleyel  avait,  sans  souci  de  l'ordre  chronologique,  puisé  indistinctement 
dans  les  divers  ouvrages  de  Boccherini,  les  morceaux  qu'il  lui  convenait  de 
publier.  Afin  de  prévenir  toute  confusion,  j'ai  cru  devoir,  pour  toutes  les  œuvres 
dont  une  partie  seulement  a  été  gravée,  rétablir  l'ordre  primitif  et  détailler  l'œuvre 
entière,  en  indiquant,  par  le  numéro  de  la  collection  ou  de  la  publication,  les 
morceaux  édités,  et  en  notant  le  thème  de  tous  ceux  qui  ne  l'ont  pas  été.  Ainsi, 
les  thèmes  notés,  désignent  exclusivement  les  compositions  inédites  ;  le  surplus 
n'est  qu'un  complément  destiné  à  présenter  l'ensemble  des  morceaux  dont 
chaque  œuvre  était  formée  (P.). 

(2)  J'ai  fait  précéder  d'un  astérisque  tous  les  ouvrages  de  Boccherini  qui  me 
manquent.  J'adjure  MM.  les  professeurs  et  amateurs  qui  pourraient  me  fournir 
des  indications  précieuses  à  cet  égard,  de  vouloir  bien  me  les  donner  en  m'écri- 
vant  à  Bar-Ie-Duc  (P.). 

(3)  Bib.  de  l'Opéra  à  Paris  (n^e  2  et  5)  Berlin  (complet). 


—  154  - 


Le  2^  Quintetto,  le  seul  qui  me  manque  dans  la  section 
de  ceux  composés  pour  deux  Violons,  Alto  et  deux  Violon- 
celles, fait  partie  des  quelques  ouvrages  que  possède  le 
petit-fils  de  Boccherini,  professeur  de  mathématiques  à 
Madrid.  En  1834,  j'en  avais  découvert  une  copie  chez  M.  Ca- 
mille Pleyel  ;  malheureusement  la  partie  de  premier  violon 
manquait. 

-   1781   - 

Sei  Quartettini  per  due  ViolinU  Viola  e  due  Violoncelli  (1)  ; 
Op.  33  piccola  (2). 
Al!!*  Spiritoso. 


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Allegretto 


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And*  cou  molo 


And'  soslenuto. 


f'iolttoce//o  sola 


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(1)  Violoncello  et  non  pas  due  violoncelli. 

(2)  Berlin.  Bib.  de  l'Opéra,  Paris  (complet). 


«      Sr— ^ 


-  155  - 
Ail*  hriUaulf 


Se 


^  FiolûMcelia 

Aaa^io. 


6-   ^^ 


^ 


^^ 


S 


W ^^  •  ^^ 

Légères    et   charmantes    compositions,    pleines    d'entrain 
et  de  verve. 

-  1782- 

Sei  Sinfonie  a  piu  strumenti  (9  parties), 
Ail?  Assai.    Op.  35  grande  (1). 


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2.'   Ail?  Assai 


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(I)  Berlin.  Bib.  de  l'Opéra  à  Paris  (complet). 


-  156 


Alle|,ro 


¥iiiniB\i-'m 


m   m  m 


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A     •,^.  ;  -t- 


6- ^^5 


^ 


UUU-V^ 


Entre  cet  ouvrage,  op.  35,  1782,  et  le  suivant,  op.  36, 
1786,  on  remarque  une  lacune  de  plus  de  trois  années,  pen- 
dant lesquelles  le  génie  si  fécond  de  Boccherini  paraîtrait 
s'être  reposé,  et  cela  dans  un  âge  où  la  force  productive 
est  dans  toute  son  énergie.  Frappé  d'une  si  longue  inter- 
ruption contre  nature,  je  voulus  en  connaître  la  cause.  Après 
bien  des  recherches,  j'acquis  la  certitude  que  cette  inter- 
ruption n'était  qu'apparente,  et  qu'elle  ne  portait  en  effet 
que  sur  la  composition  instrumentale.  Boccherini,  loin  de 
rester  inactif  pendant  cette  période,  s'était  écarté  de  sa 
route  ordinaire  pour  s'essayer  dans  un  genre  tout  nouveau 
pour  lui,  la  musique  sacrée,  et,  circonstance  ignorée  de  tous 
ses  biographes,  pour  aborder  le  théâtre.  J'ai  découvert  qu'en 
1783  il  avait  composé,  sous  le  titre  de  ViLLANCICOS,  des 
chants  à  quatre  voix  et  à  grand  orchestre,  destinés  soit  à 
l'Eglise,  soit  aux  couvents  et  aux  pensionnats,  et,  en  1785- 
1786,  un  opéra,  LA  Clementïna,  sur  un  libretto  de  don 
Ramon  de  la  Crux.  Je  suis  donc  autorisé  à  penser  que  la 
plupart  des  morceaux  de  chant  dont  je  donne  plus  loin 
l'indication,  se  rapportent  à  cette  époque,  et  qu'il  en  est 
sans  doute  un  plus  grand  nombre,  mais  sur  lesquels  malheu- 


-  157 


reusement  je  n  ai  pu  obtenir  jusqu'ici  des  renseignements 
authentiques.  Maintenant,  par  quels  motifs  Boccherini 
ne  les  a-t-il  pas  inscrits  sur  son  Catalogue  ?  Je  l'ignore  ;  ce 
qui  est  incontestable,  c'est  qu'ils  existent  (1). 

-  1786  --  (2) 

Sei  Quintettini  per  due  Violini,   Viola  e  due  Violoncelli  ; 
Op.  36  piccola. 


Anif  affelluoso 


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Attr  Vivo 


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Et 


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AllegreUo 


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^AL4^Lttcr'^g^ 


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(1)  Nous  croyons  que  Boccherini  ne  portait  sur  son  catalogue  que  les  œuvres 
qu'il  destinait  à  la  vente. 

(2)  Cette  série  de  Quintettini  date  de  1784.  Ils  se  trouvent  à  la  Bibliothèque 
de  l'Opéra,  au  Conservatoire,  et  figurent  à  Berlin  en  manuscrits  autographes. 
Le  n°  4  est  le  Quint ettino  délie  Scacciapensieri. 


158  - 


Andanle 


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7Z. 


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Lento  amoi-oso 


6:feM'  m 


Li"Kf'lcf 


[ih\m 


=  1787  = 

NOTA.  Tutti  le  seguenti  opère  sono  state  scritte  expressamente  per  S.  M.  il  Re  di 
Prussia. 

Frédéric-Guillaume  II  étant  mort  le  15  novembre  1797,  les  ouvrages  posté- 
rieurs à  cette  date  ne  le  concernent  plus.  (Note  rectificative  de  celle  de  l'auteur.) 

Quatre  Sinfonie  a  Grande  Orchestra  ;  Op.  37  Grande  (1). 

1       Gravé  chez  Pleyel,  sous  le  titre  de  2®  Symphonie  périodique  (2). 
Grave    (3) 


AU?  vivo 


4! 


^ 


(1  )  Les  nOs  3  et  4  :  Bib.  de  l'Opéra.  Paris  et  Berlin. 

(2)  Composée  en  novembre  1786.  Bruxelles.  Conservatoire  W  7248.  Autogr. 
à  Berliin  M.  423. 

(3)  Composée  en  décembre  1786.  Autogr.  à  Berlin  M.  426. 


-  159  - 

-  1787  — 
Cinque  Sestetti  e  un  Ottetto  con  Ohoe  ;  Op.  38  piccola  (1). 

1  ^^  Gravé  chez  Pleyel,  comme  2®  Sextuor,  Op.  42. 


2e  A)t^^  ir 


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^  Lento 


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F=F^ 


i,ni  t.i  ,F'm 


4^  Gravé  chez  Pleyel,  comme  1^'  Sextuor,  Op.  42. 

5^  Gravé  chez  le  même,  sous  ce  titre  :  Symph.  concert,  à  8  ;  Op.  41. 


Ottetto. 


l 


0 ^ 


Amoroso. 


1788 


Un  Giogo  di  Minuetti  hallahili  a  grande  Orchestra  (2)  ; 
Una  Sinfonia  a  gr.  orchestra  ; 

Due  Quintetti  per  due  Violinù  Viola  e  due  Violoncelli  ; 
Due  Quartetti  per  due  ViolinViola  e  Violoncello  ; 
Op.  41  grande. 


immJ,AijJ]ï^\J\UQ 


(1)  Berlin. 

(2)  Les  Menuets  et  la  Symphonie,  Berlin. 


160  - 


Sinfonia. 


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1^^  (ji^intettô     Gravé  N»  51  de  la  Collection  Janet  et  Cotelle. 

2^         û  Gravé  N°  61  de  la  Collection  Janet  et  CoTELLE. 
1  ^'  (illâPlCttO     Gravé  chez  Pleyel,  Op.  39,  3^  quatuor  de  la  2^  livr. 

2®        U  Gravé  chez  Pleyel,  Op.  39,  2^        d^  S9 


1789 


Tre  Quintetti  per  due  Violinù  Viola  e  due  Violoncelli  ; 
Una  Sinfonia  grande  ;  Op.  42  (1). 

Les  3  Quintetti  ont  été  publiés  ;  ce  sont  les  H^  58,  71  et  52 
de  la  Collection  Janet  et  CoTELLE. 


Sinfonia  |f^ 


f-,  -p- 


•-p^ 


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(I)  La  Symphonie  ;  Berlin. 


-  161  - 
=  1789  = 

Due  Quartettini  per  due  Violinù  Viola  e  Violoncello  (1)  ; 
Quintettino  per  due  Violini,  Viola  e  due  Violoncelli  ; 
Ottetto.  Op.  piccola. 


1-  Quarts |,V:^^gp;  1^  J 


^^  d-  li^î'rf  [^i:^j^ 


Ottetto   ^^ 


* 


Cet  ouvrage,  placé  sur  le  Catalogue  de  Boccherini,  entre 
les  op.  42  et  43,  ne  porte  point  de  numéro  d'ordre.  Sauf 
l'Octuor,  dont  je  ne  puis  juger,  ne  le  connaissant  pas,  il 
n'offre  rien  de  bien  remarquable  (2). 


i\)  Les  2  Quartettini  et  \e  Quintettino;  (Paris  Conservatoire.  Bib.  de  rOpéra)^ 
(2)  Le  Catalogue  de  Boccherini,  publié  par  son  p>etit-fils,  comprend,  sous  la 
dénomination  d'op.  42,  toutes  les  œuvres  ci-dessus,  composées  en  1789. 


—  162  — 

-  1790  — 


Due  Quintetti  per  due  Violini,  Viola  e  due  Violoncelli  (1)  ; 
Due  Quartetti  per  due  Violini,  Viola  e  Violoncello  ; 
Quintettino  per  due  Violini ,  Viola  e  due  Violoncelli  ; 
Sinfonia  a  grande  Orchestra  ;  Op.  43  grande. 


fuintetlo  fir^^lj^r^lf-j^^ 


1"  Ouintetlo 


9«         il* 

*•  "•       Gravé,  N.»  06  de  la  Coll«cllon  Jafet  et  Cotelle. 


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2-  «.art*  iïlLfr[_^^i^p 


1"  Ouinir  toQ-lf^J^l^ 


(1)  Paris  G)nservatoire  et  Bib.  Berlin. 


-  163  - 

1®^   SinfATliâ    Gravée  chez  Pleyel,  sous  ce  titre:  Ouverture  à  srand 
1        UmiVUia        Orchestre  ;  op.  43.  (1). 

Compositions    charmantes,    particulièrement    le    premier 
Quintetto  qui  est  superbe. 

—  1792  — 

Sei  Quartettini  per  due  Violinû  Viola  e  Violoncello  ; 
Op.  44  piccola  (2). 


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LarglïeftD 


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IciilD  Assai 


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Lw  Tirqjma.     Preslo 


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And!^»   Lento 


(1)  La  Sinfonia  ;  Bruxelles  G)nservatolre  (partition). 

(2)  Paris  (Conservatoire  :  parties  séparées).  Bib.  de  l'Opéra  (complet). 


164 


Andantino 


<>-¥^uiih<i-n^ 


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*!-♦ 


=  1794  = 

Sei  Quartettini  per  due  ViolinU  Viola  e  Violoncello  ; 
Op,  48  piccola  (1). 

And  f  moderato  ^ ^  ^ — ^ 


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Andante 


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Andf  Lento 


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O.    (A)    ^     4, 


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Larghetto 


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(1)  Paris  Conservatoire.  Bib.  de  l'Opéra  (complet). 


165  - 


AU?  VivBce 


5 


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^   -ê   -ê 


Il  est  bien  regrettable  que  les  deux  œuvres  de  Quatuors 
qui  précèdent  n'aient  pas  été  publiés  par  Pleyel,  qui  en  avait 
acquis  la  propriété  ;  car  ils  sont  dignes,  dans  leur  genre; 
de  figurer  parmi  les  plus  suaves  compositions  de  Boccherini. 

-  1795  - 

Sei  Quintetti  ptr  due  Violini,   Viola  e  due  Violoncelli  ; 
Op.  50  piccola  0). 

Les  Quintetti  1 ,  2,  4  et  5  de  cet  œuvre  ont  paru  pour 
la  première  fois  dans  la  collection  Janet  et  Cotelle  qu'ils 
terminent  ;  voici  les  thèmes  des   3*  et*  6  restés  inédits  : 


Ail?  Moderato 


tn: 


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Lar^Kett» 


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i^jLj  \m 


'•  '■  I'  1 1 T^'  h  '  ^  f^ 


(1)  Paris  G)nservatoire.  Bib.  de  l'Opéra  (complet). 


—  166  - 

-  1795- 

Quatro   Quartetti  per  due    Violini,    Viola  e    Violoncello  ; 
Op.  52      grande. 

L*op.  51  qui  précède  immédiatement  celui-ci  sur  le  cata- 
logue de  l'auteur,  est  composé  de  deux  quintetti  et  de  quatre 
quatuors,  nombre  assez  insolite  (1).  Boccherini  n'ayant  pas 
noté,  par  une  exception  unique,  les  quatre  quatuors  désignés 
par  lui  comme  formant  son  op.  52,  je  présume  que  c'est 
parce  qu'en  réalité  ils  font  double  emploi  avec  les  quatre 
de  son  œuvre  51  (2).  Ce  qui  me  confirme  dans  cette  supposi- 
tion,outre  la  concordance  extraordinaire  de  quatre  quatuors 
dans  chacun  des  op.  51  et  52,  c'est  que  ce  dernier  œuvre 
serait  le  troisième  de  l'année  1 795  ;  or,  il  est  très  rare  de 
rencontrer  trois  œuvres  écrites  dans  une  même  année  :  géné- 
ralement on  n'en  trouve  que  deux,  surtout  depuis  1787, 
quelquefois  qu'une  seule.  Si  donc  je  ne  me  trompais  pas,  les 
quatre  quatuors  que  semble  désigner  l'op.  52  se  rapporte- 
raient en  effet  à  l'op.  51  ;  dans  ce  cas,  ils  ne  seraient  pas 
inédits,  car  ils  font  partie  de  l'œuvre  39  édité  par  Pleyel  ; 
ce  sont  les  1®',  4®,  7®  et  9^  dudit  œuvre.  De  plus,  ce  double 
emploi  de  l'op.  52  avec  l'op.  51  ne  causerait  aucune  lacune 


(1)  L'op.  51,  d'après  le  catalogue  de  Boccherini,  ne  comporte  que  deux  quin- 
tettes composés  en  1795  ;  ce  sont  les  n°^  63  et  69  de  l'Edition  Janet  et  Cotellej 
L'op.  52  ne  comporte,  d'après  ledit  catalogue,  que  quatre  quatuors  {vP^  1,  4,  7 
et  9).  Edition  Pleyel,  cp.  39  (P.). 

(2)  C'est  une  erreur.  Le  Catalogue  du  maître  porte  que  les  quatre  Quatuors 
(parus  chez  Pleyel)  forment  bien  l'op.  52. 


-  167  - 

dans  Tordre  numérique  de  l'auteur,  puisqu'il  existe,  entre 
les  op.  42  et  43,  ainsi  que  je  l'ai  fait  voir  en  son  lieu,  une  œuvre 
privée  de  numéro  d'ordre,  laquelle  servirait  à  combler  le 
vide  laissé  par  la  suppression  de  l'op.  52. 

Telle  me  semblait  être  l'explication  la  plus  plausible  de 
l'unique  omission  de  Boccherini  dans  la  notation  théma- 
tique de  toutes  ses  œuvres,  lorsque,  tout  récemment,  j'eus 
connaissance  d'un  quatuor  attribué  à  ce  compositeur,  et  dont 
voici  le  motif  : 


Auâf  Lento. 


m 


£ 


Ê 


^^ 


Tin^ii  T^jia 


Comme  tous  les  manuscrits  de  cet  auteur  portent,  sans 
exception,  la  date  de  leur  composition,  je  ne  doutai  pas  que 
cette  date  ne  me  mît  sur  la  voie  de  la  vérité,  car  si  elle  se 
rapportait  à  l'année  1795,  évidemment  mon  explication 
serait  erronée.  Je  n'eus  donc  cesse  que  je  ne  me  fusse  procuré 
ce  quatuor  qui  était  entre  les  mains  d'un  amateur  de  Madrid. 
Je  l'obtins  ;  mais,  ô  désappointement  !  le  manuscrit  était 
sans  date  et  ne  portait  d'autre  titre  que  celui-ci  :  QuARTETTO, 
Bocherini.  Un  examen  attentif  de  ce  quatuor  me  convainquit 
d'ailleurs  qu'il  était  supposé  ;  rien  n'y  révèle  la  touche  si 
reconnaissable  de  Boccherini.  Je  maintiens  donc  ma  première 
supposition,  jusqu'à  ce  que  des  documents  authentiques 
viennent  l'infirmer. 


12 


—  168 


-  1796  - 

Sei  Terzetti  per  due  Violini  e  Violoncello,  posta  in  Quartetti 
Op.  54    grande. 

Les  Trios  1 ,  4,  5  et  6  de  cet  œuvre  terminent  la  collection 
Janet  et  Cotelle,  sous  les  N<^^  49,  50,  52  et  51 .  Les  2^  et  3^ 
n'ont  pas  été  publiés  en  Trios  ;  mais  on  les  trouve  mutilés 
en  duos  pour  deux  violons  dans  Top.  46,  édité  par  Pleyel, 
ainsi  que  je  l'ai  expliqué  dans  la  première  partie  du  Cata- 
logue. En  voici  les  thèmes  (1)  : 

Ail?  ton  moto. 


i 


e 


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w 


Moderato  assai. 


'■■fl'fllIfLLJ'^lM 


S 


Ce  bel  ouvrage  a  été  mis  en  Quatuor  par  Boccherini  lui- 
même  ;  malheureusement  je  n'ai  pu  en  découvrir  jusqu'ici 
de  copie. 


-  1800  - 
Messa  a  Quatro,   con  tutti  istrumenti  ohligati  ;   Op.   59. 
Je  n'ai  aucun  renseignement  sur  cet  ouvrage. 


(1)  Ces  deux  trios  en  parties  séparées.  Paris,  Conservatoire.   Le  dernier  : 
Bib.  de  l'Opéra  (autographe). 


-  169  — 

-  1801  - 

Sei  Quintetti  per  due  Violini,  due  Viole  e  Violoncello  ;  Op. 60(1  ) 
Per  il  Cittadino  Luciano  Bonaparte. 
AU?  vivo. 


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Ami!"  tomodo. 


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LaTg-liello. 


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Alle^To. 


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MV.   Moderato. 


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1 


(1)  Seul,  le  premier  de  ces  quintettes  :  Paris,  Conservatoire.  Les  autres  viennent 
d'être  retrouvés  par  M.  Ch.  Bouvet  à  la  Bibliothèque  de  l'Opéra.  Le  n°  4 
manque. 


-  170  — 

=  1802  =  (1) 

Sei  Quintetti  per  due  Violini,  due  Viole  e  Violoncello, 
Op.  62  ;  per  il  Cittadino  Luciano  Bonaparte, 


AU!  Maësloso. 


■mibS — 


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Andanle. 


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imoroso. 


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f'iff. 


Allegro. 


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An."  molfo. 


^N^=^ 


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6 


(1)  Bibliothèque  de  l'Opéra  où  ils  ont  été  retrouvés  par  M.  Ch.  Bouvet.  La 
partie  de  violoncelle  du  n°  5  manque. 


-  171  - 

Boccherini  n'a  composé  que  ces  deux  seuls  œuvres  de 
Quintetti  pour  deux  violons,  deux  altos  et  violoncelle,  qui 
soient  véritablement  originaux  ;  tous  les  autres  qu'on  ren- 
contre, disposés  dans  cette  même  combinaison,  entre  les 
mains  de  quelques  amateurs,  ne  sont  que  des  reproductions, 
sous  une  forme  différente,  d'ouvrages  antérieurs. 

M.  le  marquis  de  Benavente  m'avait  souvent  parlé  des 
douze  Quintetti  ci-dessus,  avec  une  chaleur  d'admiration 
bien  propre  à  accroître,  s'il  était  possible,  mon  vif  désir  de 
les  connaître  et  de  les  sauver  d'une  perte  à  peu  près  certaine, 
puisque  les  collectionneurs  les  plus  zélés  et  les  mieux  ins- 
truits ou  en  ignoraient  l'existence,  ou  ne  savaient  dans 
quelles  mains  les  trouver.  Bien  longtemps  je  désespérai 
d'être  plus  heureux.  Que  de  démarches,  que  de  lettres  écrites 
dans  un  but  qui  semblait,  hélas  !  s'éloigner  chaque  jour 
davantage  !  Je  ne  me  rebutai  point,  et,  à  force  de  persévé- 
rance et  de  recherches,  mes  efforts  de  dix-huit  années  furent 
couronnés  d'un  succès  presque  complet.  J'eus  le  bonheur  de 
découvrir  et  de  me  faire  céder  onze  de  ces  quintetti,  dont 
dix  sont  autographes  ;  il  ne  me  manque  plus  que  le  4^  en 
mi  bémol  de  l'op.  60.  L'historique  de  cette  découverte  rem- 
plirait certainement  un  volume.  Je  suis  donc  doublement 
heureux  d'un  résultat  qui  me  permettra  d'ajouter  aux  jouis- 
sances des  vrais  amateurs  par  le  don  que  je  me  propose  de 
faire  au  Conservatoire  de  Musique,  à  Paris,  de  la  collec- 
tion, à  peu  près  complète,  des  œuvres  inédites  de  Bocche- 
rini   (I). 

Quant  au  mérite  des  Quintetti  composés  pour  Lucien 


(1)  Ces  œuvres  se  trouvent  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  de  l'Opéra. 


-  172  - 

Bonaparte,  l'expression  manque  pour  les  louer  dignement. 
Bien  loin  de  se  sentir  de  la  vieillesse  de  l'auteur,  ils  accusent 
au  contraire  une  touche  plus  mâle,  plus  hardie,  soutenue 
par  des  combinaisons  harmoniques  où  le  nerf  et  la  vigueur 
n'excluent  aucune  des  autres  qualités  du  célèbre  composi- 
teur. 

-  1802  - 

Cantata  al  Santo  Natale  di  N.  S.  Jesu  Christo,  a  4  voci 
obligati,  Coro  e  Istrumenti  ;  Dedicata  ail Imperatore 
di  Russia  ;  Op.  63. 

Cet  ouvrage,  qui  faisait  partie  de  la  bibliothèque  de  feu 
M.  Porro,  a  dû  passer  entre  les  mains  de  son  gendre 
M.  Beaucé  ;  toutes  mes  démarches  auprès  de  ce  dernier 
pour  en  avoir  communication  sont  restées  sans  résultat. 


-  1804  — 
Sei  Quartetti  per  due  Violini,  Viola  e  Violoncello  ;  Op.  64. 

Op.  64. 
AB^moUo, 


1      ^ 


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22: 


-9- 

Ail?  con  brio. 


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r  ^  //  J  J 


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-  173  - 

Le  1^^  Quatuor  est  superbe  ;  le  second,  d'une  facture  et 
d'une  originalité  également  admirables,  est  inachevé  et 
s'arrête  après  le  premier  morceau  ;  c'est  le  dernier  accord 
échappé  à  la  lyre  de  Boccherini.  Voici  ce  que  m'écrivait 
Baillot,  son  sublime  interprète,  en  me  remerciant  de  l'envoi 
de  ces  deux  Quatuors  :  «  Le  Quatuor  en  fa  m'avait  charmé  ; 
»  le  dernier...  que  ne  l'a-t-il  achevé  !...  Il  semble  qu'il  ait 
voulu  dire  aux  âmes  pieuses  :  nous  nous  reverrons  !  » 

Le  manuscrit  autographe  de  ce  dernier  ouvrage  doit  être  en 
la  possession  du  successeur  de  Janet  et  Cotelle  ;  je  suis  sûr 
du  moins  de  l'y  avoir  vu  en  1832  (1). 


Ici  se  termine  cette  longue  série  de  chefs-d'œuvre  qui  ont 
immortalisé  le  nom  de  Boccherini  (2).  Néanmoins  il  existe, 
en  outre,  de  nombreux  morceaux  de  chant  que  le  célèbre 
compositeur  n'a  pas  mentionnés  sur  son  catalogue,  j'ignore 
par  quel  motif.  Voici  les  thèmes  de  ceux  que  je  possède,  tous 
autographes,  et  de  ceux  dont  le  petit-fils  de  Boccherini  m'a 
donné  connaissance  ;  sauf  trois  ou  quatre,  ils  ne  portent 
aucune  date  : 


(1)  Les  deux  Quatuors  n'ont  pu,  jusqu'ici,  être  retrouvés. 

(2)  Je  n'ai  pas  compris,  dans  cette  seconde  partie,  trois  Sonates  inédites  de 
Boccherini  pour  le  Violoncelle,  qui  devaient  être  publiées  par  M.  Fayolle 
(voir  le  Dictionnaire  Historique  des  Musiciens,  article  Marescalchi),  parce  que  cet 
ouvrage  lui  ayant  été  dérobé,  et  n'en  ayant  pas  moi-même  autrement  connais- 
sance, je  ne  me  suis  pas  trouvé  à  même  d'en  constater  l 'authenticité  (P.). 


—  174  — 
Aria  Âcademica,  ^  con  Violini,  Viola  e  Basso  (1). 
Deh  !   respirer   lasdaiemi  qualche  momento  in  pace. 

Sotto  Toce.  k/ 

4-. 


t 


'1  r- p-rl  fT  I  r-f  pp  rV. 


Aria  Academica,  con  Violini,  Oboe,  Viola  e  Basso. 
Caro  son  tua  cosi  per  virtù  d'Amor  i  moti  del  tuo  cor, 

i^ndantiiio  conmolo. 


^^^^^^ 


Aria  Academica,  con  Violini,  Viola  e  Basso. 
5e  non  ti  moro  al  lato  Idolo  del  cor  mio. 


Canlal)il< 


4- 


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é  d Pi» 


1 


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(1)  Ces  douze  Arie  Accademiche  viennent  d'être  retrouvées  par  M.  Ch.  Bouvet, 
en  partitions  manuscrites,  à  la  Bibliothèque  de  l'Opéra. 


-  175  - 

Recitativo  Aria  Âcademica,  con  Violini,  Oboe, 
Viola,    Corni    a    Basso. 

Misera  dove  son  !  taure  del  tehro  queste  cKio  respiro. 


Andanle  recilalivo. 


v^m\'\m\[m. 


Aria  Academica,  con  Violini,  Oboe,  Corni, 
Viola    e    Basso. 

Care  luci  che  régnât  sugl  affetti  del  mio  cor. 

ARdautino  imoroso 


m 


roso.  K 


t=t 


-gj      i 


Aria  Academica  con  Violini,  Oboe,  Corni, 
Viola    e    Basso. 

înfelice    in    van    mi   lagno    quai   dolente    tortorella. 
AHejro  spiritoso. 


s 


^.  r         r       I    1-  )     : 


-  176  - 

Aria  Âcademica  con  Viollni,  Oboe,  Corno, 
Viola    e    Basso. 

Tu  di  saper  procura,  dove  il  mio  ben  saggira. 


'"rJ  J^>>->,^ 


y  ^'p  p 


g 


Aria  Academica,  con  Violini,  Oboe,  Fagotti  e  Basso. 
Numi  se  giusti  siete  rendente  a  me  quel  cor. 

Aiii* Amoroso.         .^-^  -iS^     i      ^       M   r^iT^ 


m 


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s 


>4é 


Aria  Academica,  con  Violini,  Oboe,  Corni, 
Viola    e    Basso. 

Caro  padro  a  me  non  dei  rammentar  che  padre  su. 


AW!  cou  moîD 

.   o   > 


^ 


^ 


S 


-  177  - 


Aria  Âcademica,  con  Violini,  Oboe,  Corni, 
Viola    e    Basso. 

Ah  che  nel  dirti  addio  mi  sento  il  cor  dividere. 
Ana.        cû/i^  un  poco  o^    moto 


^^^^^^^ 


Duetto  Âcademico,  con  Violini,  Oboe,  Corni, 
Viola  e  Basso  ;  1792. 

La  Destra  ti  chiedo  mio  dolce  sostegno  per  ultimo. 


Andantino  con  moto. 


t 


1 


l^ 


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s 


i 


Recitativo  e  Aria  Academica,  con  Violini, 
Oboe  a  solo.  Viola  e  Basso. 


ujjhn'j.Nj 


v=w 


I 


ArUbajio,    Di   Gutdà:e^     se^ ve.ro        a//en7niïey     o    le. 


178  - 


Recitativo  e  Aria  Âcademica,  con  Violini, 
Viola    e    Basso. 


Con  i 


iroiiia. 


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À 


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one, 


Sï    veramente^    îo    t^e^^io    d  rmo  rMuo  e    fn& 


Villancicos  (sorte  d'ode  sacrée  qu'on  a  coutume,  en  Es- 
pagne, de  chanter  aux  fêtes  de  Noël)  a  quatro  vocCy  a 
toda  Orchestra  ;  1783. 

Cet  ouvrage  a  produit,  lors  de  son  exécution,  un  grand 
effet  ;  il  est  resté  la  propriété  du  petit-fils  de  Boccherini 
de  même  que  les  deux  suivants  : 

La  Clementina,  Opéra  o  Melodramay  paroles  de  don  Ramon 
de  la  Crux  (1). 

Le  petit-fils  de  Boccherini  m'apprend  que  c'est  le  pre- 
mier opéra  de  son  illustre  aïeul  qui  l'a  fait  entendre  en  1786 
avec  un  succès  éclatant.  Doit-on  inférer  de  ce  mot  premier 
que  ce  n'est  pas  le  seul  ouvrage  de  ce  genre  que  Boccherini 
aurait  composé  ?  Le  fait  mériterait  d'être  éclairci. 

Scène  d'Inès  de  Castro.  D*après  la  même  autorité,  cet 
ouvrage,   d'un   grand   mérite,   serait   le  chant  du  cygne. 


(1)  Berlin,  Ms.  autogr. 


-  179  - 

la  dernière  inspiration  du  génie  de  Boccherini.  En  voici 
la  K®  mesure  (1)  : 


lues 


Il  r,  ry  \>  [^  \'  ^ 


yèrma.,      ^feuù^,  cAe, 


Telle  est  la  nomenclature,  aussi  complète  qu'il  m*a  été 
donné  de  la  faire,  des  titres  de  Luigi  Boccherini  à  l'admira- 
tion de  la'postérité.  Je  n'ai  indiqué,  dans  la  2^  partie  de  ce 
Catalogue,  que  les  ouvrages  originaux,  car  il  existe,  dispersés 
en  Espagne  et  en  France,  un  grand  nombre  de  morceaux 
choisis  et  arrangés  par  lui-même,  parmi  celles  de  ses  pro- 
ductions qu'il  affectionnait  le  plus.  Ainsi,  outre  les  quatuors 
tirés  des  trios  op.  44,  outre  les  quintetti  extraits  tant  des 
œuvres  de  piano  que  d'autres  œuvres  instrumentales,  il  a 
disposé,  soit  pour  le  marquis  de  Benavente,  soit  pour  divers 
amateurs,  des  quatuors,  quintetti,  symphonies,  etc.,  avec 
une  partie  de  guitare  obligée.  Feu  M.  le  colonel  Charmont» 
de  Montzé ville,  •  près  Verdun,  avait  rapporté  de  Madrid, 
vers  1812,  une  quantité  considérable  de  morceaux  ainsi 
arrangés  pour  la  guitare  ;  après  sa  mort,  cette  collection 
précieuse  s'est  malheureusement  perdue,  sans  que  sa  famille 
puisse  dire  où  ni  comment. 


(1)  Paris  Conservatoire. 


-  180  - 

Parmi  ce  genre  d'ouvrages,  voici  l'indication  de  ceux  dont 
j'ai  personnellement  connaissance  : 

Quintetti  pour  2  Violons,  Alto,  Guitare  et  Basse  (1). 

Les  1^^  4^  et  6^  de  l'op.  46  pour  le  Piano,  publié  par 
Pleyel.  M.  Cotelle,  successeur  de  Janet  et  Cotelle,  possède 
la  partition  autographe  de  ce  dernier  et  magnifique  quin- 
tette. 

Les  2^,  4^  et  5^  de  l'œuvre  posthume  pour  le  Piano,  publié 
par  Lagarde,  chez  Nouzou,  ainsi  que  les  Variations  sur  la 
Retraite  de  Madrid  qui  terminent  le  6^  quintetto  de  la 
même  publication. 

Le  4^  quintetto  contient  un  Minuetto  qu'on  ne  trouve 
ni  dans  l'œuvre  de  Piano,  ni  dans  les  autres  compositions  ; 
il  est  vraisemblablement  original. 

Quoique  j'aie  la  conviction  que  les  12  quintetti  de  piano 
aient  été  tous  arrangés  pour  la  guitare  par  Boccherini,  je  ne 
cite  que  ceux  que  je  possède  ou  que  j  ai  vus. 

Un  Quintetto  composé  des  deux  premiers  morceaux, 
Pastorale  et  All^  Maëstoso,  du  N°  6  de  la  collection  Janet 
et  Cotelle  ;  du  Grave  assai  et  du  Fandango  du  N°  83  de 
la  même  collection. 


(1)  Deux  de  ces  quintettes  ont  été  réédités.  V.  Die  Gitane.  Leipzig  (20^ et 
21^  Gihiers). 


-  181  - 

Un  Quintette  composé  du  3^  Quatuor  tout  entier  de  l'op.  40, 
d'un  All^  giusto  appartenant  au  7®  quatuor  de  Top.  39,  et 
de  Tair  varié  du  5^  quintetto  pour  piano,  op.  46. 

Un  Quintetto  composé,  les  1  ^^  et  4^  morceaux,  du  1  ^^  quin- 
tetto pour  hautbois,  op.  45  ;  les  2^  et  3^  morceaux,  du 
1^^  quatuor  de  l'op.  40. 

Sinfonia  a  grande  Orchestra  con  due  Violini  principale 
due  di  Ripieno,  Oboe,  Chitarra,  Viola,  Corni,  Fagotto, 
Violoncello  obligati  e  Basso,  per  il  Sig^^  Marchese  di  Bena» 
vente,  1799  (1). 

C'est   une    symphonie    concertante    arrangée    d'après    le 
4^  quintetto  de  la  collection  Janet  et  Cotelle. 


(1)  Bib.  de  l'Opéra. 


RÉSUMÉ 


DU 


CATALOGUE    PRÉCÉDENT 


MUSIQUE  DE  VIOLON 

6  Sonates de  Violon  ou  Violoncelle  ;  originales. 

18  Duos pour  2  Violons  ;  6  sont  originaux,  6  supposés,  et  6  tirés 

et  arrangés  d'autres  ouvrages  de  l'auteur. 

50  Trios pour  2  Violons  et  Violoncelle  ;  42  sont  originaux  ;  6  sup- 
posés et  2  inédits. 

12  Trios pour  Violon,  Alto  et  Violoncelle  ;  tous  sont  originaux. 

12  Trios pour  Flûte,  Violon  et  Violoncelle  ;  tous  sont  arrangés. 

91   Quartetti pour  2  Violons,  Alto  et  Violoncelle  ;  tous  sont  originaux  ; 

67  ont  été  publiés,  24  sont  inédits. 

15  Quartetti pour  Flûte,  Violon,  Alto  et  Violoncelle  ;  tous  sont  arrangés. 

18  Quintetti pour  Flûte  ou  Hautbois,  2  Violons,  Alto  et  Violoncelle; 

tous  sont  originaux  et  publiés. 

1 5  Quintetti pour  2  Violons,  2  Altos  et  Violoncelle  ;  1 2  sont  originaux 

et  inédits  ;  3  sont  tirés  et  arrangés  des  Quintetti  de 
Piano. 
113  Quintetti pour  2  Violons,  Alto  et  2  Violoncelles  ;  tous  sont  origi- 
naux ;  93  ont  été  publiés,  20  sont  restés  inédits. 

1 6  Sextuors originaux,  dont  2  inédits. 

2  Octuors originaux,  inédits. 

1  Sérénade ouvrage  supposé. 

1    Suite  de  Menuets  à  srand  orchestre  ;  ouvrage  original,  inédit. 

13 


-  184  - 

21   Symphonies  ;  toutes  sont  originales,  hormis  une  ;  1 1  sont  restées  inédites. 

8  Symphonies  concertantes,  y  compris  le  Concerto,  op.  8  ;  toutes  sont 

originales  et  ont  été  publiées. 

1  Concerto pour  Flûte,  supposé. 

5  Concertos  ....  pour  le  Violoncelle  ;  un  seul  paraît  original. 

MUSIQUE  DE  PIANO 

24  Sonates pour  Piano  et  Violon  ;  6  seulement  sont  originales,  toutes 

les  autres  ne  sont  que  des  arrangements. 

15  Sonates  ou  Trios,  pour  Piano,  Violon  et  Violoncelle  ou  Alto  ;  6  sont 
supposées  ;  les  9  autres  sont  tirées  des  Quintetti  de 
Boccherini  et  arrangées  avec  soin. 

12  Quintetti pour  Piano,  2  Violons,  Alto  et  Violoncelle;  originaux. 

Ils  ont  été  arrangés  par  Boccherini  lui-même  pour 
2  Violons,  2  Altos  et  Violoncelle,  mais  ils  n'ont  pas 
été  publiés. 

MUSIQUE  DE  GUITARE 

9  Quintetti pour   Guitare,   2    Violons,  Alto  et  Basse,  arrangés   par 

Boccherini  lui-même  ;  tous  inédits. 
1   Symphonie  concertante,  également  arrangée  par  Boccherini,  et  inédite. 

MUSIQUE  VOCALE 

Stabat  Mater,   à   trois  voix,   avec  accompagnement  de  2   violons.  Alto, 

Violoncelle  et  Contre-Basse  ;  publié. 
Messa  a  quatro,  con  tutti  instrumenti  ohligati  ;  inédite. 

Cantata al  santo  natale  de  N.-S.  Jesu  Christo,  a  4  voci  obligati, 

coro  e  instrumenti  ;  inédite. 
Villancicos,  a  4  voci  e  toda  orchestra  ;  inédit. 
Opéra  a  Melodrama,  La  Clementina  ;  inédit. 
14  Morceaux  de  concert.  Airs,  Duos,  Scènes,  avec  accompagnement  d'or- 
chestre  ;  tous  inédits. 


-  185  - 

Il  résulte  du  résumé  ci-dessus,  purgé  des  ouvrages  tant 
apocryphes  qu'arrangés,  que  les  œuvres  originales  de  Bocche- 
rini,  non  compris  la  partie  vocale  vraisemblablement  incom- 
plète, s'élèvent  à  366  morceaux  divers,  qui  se  décomposent 
comme  suit  : 

6  Sonates pour  Piano  et  Violon » 

6           d°     pour  Violon  et  Basse » 

6  Duos pour  2  Violons    » 

42  Trios pour  2  Violons  et  Violoncelle,  dont 2  inédits. 

12     d^ pour  Violon,  Alto  et  Violoncelle » 

91   Quartetti pour  2  Violons,  Alto  et  Violoncelle,  dont 24  inédits, 

18  Quintetti pour  Flûte  ou  Hautbois,  2    Violons,  Alto  et 

Violoncelle     id . 

12        d°       pour  Piano,  2  Violons,  Alto  et  Violoncelle id. 

113        d°        pour  2  Violons,  Alto  et  2  Violoncelles,  dont.  ...  20  inédits. 

12         d°        .  .  •  .  .   pour  2  Violons,2  Altos  et  Violoncelle,  dont.  1 1  id. 

16  Sextetti pour  divers  instruments,  dont 2  id. 

2  Octuors —        2  id. 

1  Suite  de  Menuets  à  grand  orchestre 1   id . 

20  Symphonies,  dont 11  id. 

8  Symphonies  concertantes id. 

1  Concerto de  Violoncelle id . 

366  Compositions  instrumentales  diverses,  dont 74  inédites. 


APPENDICE 


TRADUCTION  DES  LETTRES  (1) 


Au  Marquis  LucCHESINI,  Chambellan,  à  Postdam. 

Le  départ  du  Ministre  von  Hoym  (lequel  est  accompagné 
du  Conseiller  Mustau,  un  digne  gentleman)  me  fait  perdre 
Tespoir  de  revoir  jamais  le  grand  Roi.  J'avais  espéré  courir 
une  grande  chance  qui  m*eût  permis  de  revoir  cette  province  ; 
le  rappel  du  Ministre  m'a  fait  perdre  la  partie. 

C'est  pour  moi  une  véritable  consolation  d'apprendre 
que  l'état  intéressant  de  Madame  la  Marquise  progresse 
heureusement.  Puisse-t-elle  vous  donner  des  descendants 
qui  vous  ressemblent  !  Lenisque  Ilithya  tuere  matrem  !  Je 
me  représente  avec  une  pleine  et  sincère  satisfaction  la  ma- 
nière dont  vous  manifesterez  les  droits  sacrés  du  père, 
qu'elle  vous  confie.  Depuis  plusieurs  mois,  je  ne  vois  plus  la 


(1)  Cette  lettre  figure  dans  le  recueil  publié  par  La  Mara,  vol.  I,  p.  270, 
Musikerbriefe. 


-  188  - 

signora  Zanetta.  Elle  est  restée  longtemps  à  la  campagne,  et, 
au  moment  de  son  retour,  je  me  suis  trouvé  confiné  dans  ma 
chambre  par  suite  de  fréquents  crachements  de  sang  et 
plus  encore,  par  suite  de  forte  enflure  des  pieds  qui  s'ac- 
compagnaient d'une  disparition  à  peu  près  complète  de  mes 
forces. 

Je  n'ose  pas  vous  importuner  des  questions  que  je  désirerais 
vous  poser  ;  mais  je  ne  puis  m'empêcher  de  vous  dire  que  j'ai 
lu  dans  mon  journal  de  Berlin  que  Potemkin  avait  rassemblé 
1 7  Régiments  de  sa  division  qui  étaient  dispersés  et  qu'il 
s'est  proclamé  souverain  de  la  Crimée  et  de  ses  dépendances. 

N.  B.  —  Le  tranquille  et  paisible  Peppino  (Joseph  II) 
le  sait.  Aussi  incroyable  que  m'apparaisse  cette  nouvelle, 
aussi  agréable  elle  serait  pour  moi,  si  elle  était  vraie  ;  car  elle 
convaincrait  les  deux  dames  de  Tsarskoie-Selo  de  la  fidélité 
de   leurs   chers    alliés. 

Que  dites-vous  de  Birster  et  de  Nicolai  ?  Quelle  mansuétude 
respire  dans  leurs  écrits  ?  Que  Dieu  nous  préserve,  nous 
catholiques,  de  ce  genre  de  patriotes  et  d'amis  de  l'huma- 
nité   ! 

Mes  plus  humbles  compliments  à  la  Marquise  aux  ordres  de 
laquelle  je  suis. 

Adieu,   aimez   votre 

LUIGI  BOCCHERINI. 

Breslau,  le  30  juillet  1787, 

P.-S.  —  Je  suis  ravi  de  M.  le  Comte  Munarrini. 


-  189  - 
II 

A  Monsieur  Ignace  Pleyel, 
Rue  Neuve  des  Petits-Champs,  n°  29, 
Entre  les  rues  Chabanais  et  Sainte- Anne,  à  Paris. 

Madril  le  30  Avril  1798. 
Très  estimé  Monsieur  et  ami, 

Il  me  semble  que  le  contenu  de  ma  dernière  lettre  ne 
méritait  point  d'être  ainsi  négligé  :  en  présence  donc  de  votre 
si  long  silence,  je  prends  le  parti  de  vous  adresser  la  présente 
par  une  troisième  main,  pour  être  sûr  de  savoir  en  son  temps 
qu'elle  fût  consignée  dans  la  vôtre. 

Je  vous  prie  de  considérer  qu'il  s'est  déjà  écoulé  plus  de 
1 6  mois  depuis  que  vous  avez  en  votre  possession  la  première 
remise  de  58  morceaux  de  musique,  et  que  votre  obligation 
la  plus  sacrée  vis-à-vis  de  moi  était  de  me  les  retourner  dès 
qu'ils  auraient  été  copiés  ;  que,  jusqu'à  cette  heure,  je  vous 
les  ai  vainement  réclamés  ;  que  la  privation  que  j'en  ai 
(par  votre  seule  faute),  m'a  causé  et  cause  beaucoup  de 
préjudice  à  mes  intérêts,  et  finalement  que  je  ne  demande 
qu'une  seule  chose  :  que  vous  me  rendiez  justice. 

Considérez  encore  que,  passé  le  temps  nécessaire  pour 
recevoir  réponse  à  cette  lettre,  je  me  verrai  obligé  et  forcé, 
contre  ma  volonté,  de  prendre  toutes  les  mesures  et  faire 
tous  recours  que  je  jugerai  opportun,  afin  d'obtenir  mes 
manuscrits  ;  et  si  les  conséquences  vous  sont  désagréables, 
ce  ne  sera  pas  ma  faute,  mais  bien  seulement  la  vôtre,  parce 


-  190  - 

que  vous  me  donnez  un  juste  motif  de  recourir  à  cette 
extrémité,  laquelle  j'ai  voulu  éviter  jusqu'ici  pour  le  motif 
de  courtoisie  et  pour  l'estime  et  la  considération  que  vous 
méritez  par  ailleurs.  Pour  ce  qui  est  de  la  seconde  remise  des 
110  autres  morceaux,  j'attendrai  jusqu'à  la  fin  de  l'année 
courante,  délai  qui  me  paraît  plus  que  suffisant  pour  en 
faire  une  copie,  puisque  depuis  environ  8  mois,  ils  se  trouvent 
en  votre  possession.  Après  vous  avoir  averti  déjà  trois  ou 
quatre  fois,  considérez  donc  bien  que  je  ne  puis  vous  donner 
preuve  plus  claire  de  la  considération  et  amitié  que  je  vous 
conserve  et  avec  lesquelles  je  suis 

Votre  très  dévoué  Serviteur  et  Ami  (1), 

LUIGI  BOCCHERINI. 


III 


A  Monsieur  Ignace  Pleyel,  auteur. 
Rue  Neuve  des  Petits-Champs,  n°  24, 
entre  les  rues  Chabanais  et  Sainte- Anne,  à  Paris. 

MaJnV/,  18  Mars  1799, 

Mon  très  cher  ami. 

Votre  chère  lettre  datée  du  2  du  mois  courant,  est  arrivée 
à  temps  pour  empêcher  que  mes  deux  œuvres  en  question 


(1)  Cette  lettre  fait  partie  des  archives  de  la  Maison  Pleyel.  Celle-ci 
possède  une  série  fort  intéressante  de  lettres  de  Boccherlni  dont  l'obligeanee 
de  M.  Marc  Pincherle  nous  a  permis  de  prendre  connaissance. 


-  191  - 

soient  allées  à  Londres  ;  votre  silence  me  faisait  croire  que 
votre  mauvaise  humeur  durait  encore  à  mon  égard  :  mais 
ayant  constaté,  avec  un  inexprimable  plaisir,  tout  le  contraire 
dans  votre  lettre  précitée,  j*ai  renoncé  à  quelque  petit  avan- 
tage matériel  que  l'on  me  promettait  en  plus,  pour  conserver 
(ainsi  que  je  l'ai  fait  fidèlement  par  le  passé),  la  préférence 
à  mon  cher  Pleyel.  Les  deux  œuvres  en  question  sont  donc 
pour  vous.  Je  vous  ai  écrit  quelquefois,  dans  les  temps 
passés,  que  je  me  trouvais  sollicité  par  de  nombreux  agents 
de  quelques  éditeurs  de  Paris  :  tel  M.  L'Ohest  représentant 
le  Duc,  M.  Maus  pour  la  veuve  de  Vogt,  M.  Sandos  pour 
Naderman,  pour  ce  dernier  encore,  il  Signor  Pignatelli,  et 
bien  d'autres,  etc.  A  tous  ceux-ci  ma  réponse  a  toujours  été 
qu'avant  de  savoir  les  dernières  décisions  de  Pleyel  et  de 
recevoir  ses  lettres,  ma  parole  lui  était  donnée,  et  à  cette  parole 
je  n'ai  jamais  manqué.  Et  quand  ils  en  viennent  à  se  disputer 
à  ce  sujet,  mettez-les  au  défi  de  vous  montrer  une  lettre  de 
moi  :  non  seulement  ils  ne  pourront  la  produire,  mais  pas 
même  une  seule  ligne  de  ma  main.  Je  ne  me  suis  jamais 
offert  et  ne  m'offrirai  à  personne.  Que  ce  soit  là  une 
preuve  convaincante  de  la  parole  que  je  vous  ai  toujours 
gardée  et  que  je  vous  garderai  jusqu'à  ce  que  vous  veniez 
à  en  manquer  vis-à-vis  de  moi,  ce  dont  je  vous  crois  incapable. 
La  seconde  preuve,  c'est  que  lesdites  œuvres  se  trouvent 
encore  en  ma  possession  :  ne  soyez  donc  pas  si  crédule  et 
prenez-vous-en  moins  à  celui  qui  a  de  l'estime  pour  vous  et 
qui  est  incapable  de  manquer  de  parole  à  qui  que  ce  soit, 
tel  est  Boccherini.  Disposez  donc  selon  votre  bon  plaisir 
de  la  lettre  de  change  de  100  doublons,  au  sujet  des  deux 
œuvres  ;  et,  ainsi  que  vous  avez  convenu  pour  le  prix,  j'espère 


-  192  - 

que  vous  aurez  accepté  toutes  les  autres  conditions  contenues 
dans  ma  lettre  du  24  décembre  1 798  qui,  pour  être  honnêtes, 
vous  conviendront,  je  crois,  mais  je  serais  heureux  que  vous 
les  discutiez  afin  de  pouvoir  vivre  en  sécurité,  afin  que  les 
discordes  qui  se  sont  produites  entre  nous  par  le  passé,  et 
dont  vous  savez  que  d'autres  voudraient  profiter,  ne  puissent 
renaître.  Voici  près  de  40  ans  que  je  suis  compositeur,  et  je 
ne  serais  pas  Boccherini  si  j'avais  écrit  comme  vous  me  le 
conseillez,  et  vous  non  plus  ne  seriez  pas  Pleyel,  et  le  Pleyel 
que  vous  êtes  :  j'en  veux  pour  preuve  votre  œuvre  de  Quatuors 
dédiée  au  Roi  de  Naples,  que  j'écoute  toujours  avec  beaucoup 
de  plaisir,  de  même  que  plusieurs  autres  œuvres  de  vous, 
vraiment  magistrales  et  superbes.  Vous  ne  pouvez  dans  celles- 
ci  suivre  votre  conseil,  c'est-à-dire  la  facilité,  et  la  brièveté  ; 
en  pareil  cas,  adieu  modulation,  et  travail  des  thèmes  donnés, 
etc.,  etc. 

En  peu  de  mots,  on  ne  peut  dire  et  méditer  que  peu. 
D'autre  part,  je  me  fais  une  raison,  et  me  rends  compte  que 
les  pauvres  dilettanti  ne  peuvent  que  rarement  réussir  dans 
les  morceaux  travaillés,  par  suite  de  la  difficulté  des  mouve- 
ments, de  Tintonation,  et  pour  d'autres  motifs  ;  c'est  pour- 
quoi je  vous  promets  de  vous  satisfaire  aussi  à  ce  point  de 
vue,  d'autant  plus  que  la  spéculation  commerciale  l'exige 
encore.  Mais,  ne  voulant  pas  perdre  la  réputation  qui  est 
mienne,  et  ce  renom  qui  m'a  coûté  tant  de  peine  à  acquérir 
dans  le  Monde,  restons  donc  d'accord  sur  ce  point  ;  dans 
l'œuvre  des  quatuors  et  dans  toutes  les  autres  que  j'écrirai, 
deux  seront  selon  mon  style  et  ma  manière,  et  quatre  selon 
votre  désir  :  mais  considérez  qu'il  n'y  a  rien  de  pire  que  de 
lier  les   mains  à  un  pauvre  auteur,   c'est-à-dire  de  tracer 


-  193  — 

une  limite  à  sa  pensée  et  à  son  imagination  en  l'assujettis- 
sant a  des  préceptes  ;  je  crois  qu'il  en  sera  de  même  pour 
vous,  mais  je  vous  répète  qu'en  toutes  choses  je  désire  vous 
contenter.  Actuellement,  je  suis  de  nouveau  très  occupé 
et  je  ne  serai  libre  qu'au  début  de  juillet  prochain  ;  je  com- 
mencerai alors  l'œuvre  de  Quatuors,  que  j'espère  terminer 
avant  la  fin  de  l'année  courante.  (Ici,  un  grand  espace  libre 
avant  la  formule  de  salutation). 

Je  vous  souhaite  tous  les  biens,  et  notamment  le  rétablis- 
ment  de  la  santé  de  vos  chers  Fils.  Aimez-moi  comme  je 
vous  aime  et  croyez  que  je  suis  de  tout  cœur 

Votre   très   affectionné   ami   et   serviteur, 

LUIGI    BOCCHERINI  (1). 


IV 

Au  Citoyen  M.  J.  Chenier, 
Représentant  du  Peuple. 

MadrilS  Juillet  m9  (2). 

Citoyen    Représentant, 

Il  y  a  longtemps  que  je  suis  informé  par  M.  de  Sandoz  de 
la  bonté  que  vous  avez  pour  moi,  et  pour  mes  productions 


(1)  L'autographe  de   cette   lettre  appartient  à  la  Bibliothèque  du  Conser- 
vatoire. 

(2)  Isographie  des  hommes  célèbres.  Vol.  I,  1828-30.  Cette  lettre  provient  de 
la  Collection  de  M.  Bérard. 


-  194  - 

harmoniques,  Citoyen-Représentant  ;  c'est  pour  cela  que 
vous  ne  vous  étonnerez  pas  que  j'ose  vous  écrire  la  présente 
lettre,  et  pour  le  motif  suivant. 

Je  viens  de  remettre  à  l'ambassadeur  de  la  République  une 
œuvre  (1)  que  j'ai  écrite  et  dédiée  à  la  Nation  Française, 
en  témoignage  de  la  vive  reconnaissance  et  gratitude  que 
j'éprouve  à  l'égard  de  cette  grande  nation,  qui,  plus  que 
toute  autre,  a  senti,  honoré  et  aussi  exalté  mes  pauvres 
compositions  jusqu'à  les  qualifier  de  «  célestes  »,  ainsi  qu'il 
est  dit  dans  le  journal  La  Décade,  n^  36.  J'en  ai  facilité  l'étude 
à  tous  ceux  qui  peuvent  en  jouir  ;  ces  compositions  m'ont 
coûté  près  de  5  mois  de  labeur  et  d'étude  :  si  j'ai  fait  quelque 
chose  de  bon,  je  l'ignore  ;  je  sais  bien  que  la  musique  est 
faite  pour  parler  au  cœur  de  l'homme  ;  et  c'est  ce  à  quoi  je 
m'efforce  de  parvenir,  si  je  le  puis  :  la  musique  privée  de 
sentiment  et  de  passions  est  insignifiante  ;  d'où  il  résulte  que 
le  compositeur  n'obtient  rien  sans  les  exécutants. 

Votre  très  humble  Serviteur, 

LUIGI    BOCCHERINI. 


(1)  II  s'agit  de  l'op.  57  de  l'auteur  écrit  en  1799  :  Six  Quintettes  pour  le 
Piano-Forte,  avec  accompagnements  obligés  et  concertants  de  2  violons,  Alto 
et  Violoncelle.  Cette  œuvre  a  paru  à  Paris  chez  l'éditeur  Nouzou  et  fut  dédiée 
par  celui-ci  à  la  Duchesse  de  Berry. 


~  195  - 


A  Monsieur  SiÉber,  père. 
Editeur  de  musique, 
rue  Honoré,  n°  85, 
à  Paris. 

Madrid,  le  24  Août  m]. 

Très  estimé  Monsieur, 

Ce  n'est  que  le  19  courant  que  me  fut  remise,  par  une 
personne  inconnue,  une  lettre  de  vous  sans  date  ;  mais  cette 
lettre  me  fait  comprendre  que  vous  m'avez  encore  écrit  à 
la  date  du  3  mars  dernier  ;  cependant  je  vous  affirme  sur 
mon  honneur  que,  depuis  votre  dernière  lettre  du  1 1  septem- 
bre, je  n'ai  plus  rien  su  de  vous,  et,  par  conséquent,  il  y  a 
presqu'un  an  que  je  suis  privé  de  vos  lettres  et  cela  jusqu'au 
moment  où  m'est  parvenue  celle  à  laquelle  je  réponds  main- 
tenant. Je  n'ai  rien  su  de  Walteman  (1)  et  des  mille  lires  que 
celui-ci  devait  me  faire  tenir  au  début  de  cette  année  (cela 
résultait  de  la  lettre  que  vous  m'avez  envoyée  ouverte,  de  sa 
part)  n'ont  pas  été  payées  ;  non  plus  que  les  600  livres  pour 
le  Stahat  Mater,  de  manière  que,  par  suite  de  ce  silence  et 
inaction,  j'ai  eu  quelque  dommage  à  subir,  j'ai  dû  suspendre 
le  travail  que  j'exécutais  pour  vous,  et  prendre  des  engage- 
ments dans  ce  pays-ci,  la  situation  de  ma  maison  l'exigeant 
ainsi. 


(I)  Naderman,  l'éditeur  ? 


-  196  - 

J'ai  reçu,  non  sans  de  désagréables  contestations,  les  mille 
lires  pour  les  quatuors  que  vous  connaissez,  et  de  tout  ceci 
j'ai  eu  le  plaisir  de  vous  avertir  dans  mes  lettres  du  8  octobre 
et  du  20  novembre  de  l'an  passé  :  à  la  date  du  premier  décem- 
bre, je  vous  ai  écrit  encore  en  vous  remettant  l'acte  de  cession 
de  cette  œuvre,  lequel  demeure  enregistré  ici  en  cette  Ambas- 
sade de  France,  selon  l'usage.  Enfin,  je  vous  ai  écrit  de  nou- 
veau le  5  février  de  cette  année,  et  je  n'ai  reçu  aucune  réponse 
à  ces  différentes  lettres,  ce  qui  me  cause  beaucoup  d'étonne- 
ment,  étant  sûr  et  certain  qu'au  moins  deux  de  celles-ci 
ont  été  remises  entre  vos  mains  ;  M.  Ferino  de  Paris  l'a  écrit 
à  son  correspondant,  mon  ami,  M.  Vincent  Salucci  à  Madrid. 
Quoi  qu'il  en  soit,  je  ne  suis  nullement  coupable  du  retard 
qui  en  est  résulté  :  l'œuvre  des  Quatuors  est  ici  en  ma  possession 
avec  le  Stabat  Mater  :  je  les  remettrai  à  la  personne  qui  sera 
chargée  de  me  payer  les  600  lires  pour  cette  dernière  œuvre, 
étant  donné  que,  je  le  répète,  la  première  m'a  été  soldée. 

J'en  viens  maintenant  à  vous  indiquer  le  moyen  le  plus 
rapide  pour  le  paiement  et  l'expédition  des  œuvres,  qui  par- 
viendront aussitôt  entre  vos  mains  ;  et  il  se  réduit  simplement 
à  ce  que  vous  donniez  des  ordres  à  M.  Ferino  de  Paris  de 
faire  payer  ici  à  M.  Vincent  Salucci  les  sommes  nécessaires, 
avec  l'ordre  de  Ferino  de  recevoir  de  moi  les  œuvres  et  de  les 
expédier  à  Paris,  et  vous  serez  aussitôt  servi.  Pour  ce  qui  est 
de  l'avenir,  dès  que  j'aurai  terminé  les  travaux  commandés 
dans  ce  Pays-ci,  et  étant  donné  que  j'ai  pris  l'engagement 
d'écrire  pour  l'ambassadeur  de  France,  et  que  je  ne  sais 
quel  genre  d'œuvre  de  moi  il  désire,  —  je  vous  aviserai... 
(ici  une  lacune,  le  papier  étant  déchiré)  ;  tant  (?)  que  j'aurai 
vie  et  santé,  je  tiendrai  la  parole  que  je  vous  ai  donnée,  ne 


-  197  - 

pouvant  le  faire  maintenant,  par  suite  de  l'incident  qui  m*a 
privé  de  vos  lettres  pendant  presqu'un  an.  Je  me  réjouis  que 
celui-ci  n'ait  pas  eu  pour  cause  quelque  dommage  subi 
par  votre  santé  :  répondez-moi  aussitôt,  par  la  poste,  à  mon 
adresse,  et  croyez  que  je  suis  plein  de  respect  et  de  considé- 
ration pour  vous. 

Votre  très  obligé  et  reconnaissant  serviteur, 

LUIGI    BOCCHERINI. 

Calle  de  la  Madera  alta  n°  18.  Premier  étage  à  Madrid  (I). 


Acte   de   décès   de   Boccherini 

Paroisse  S.   Justo   de   Madrid. 

Registre  de  1804  à  1813,  folio  86^ 

M.  Louis  Boccherini,  originaire  de  la  ville  de  Lucques, 
chef-lieu  d'un  archevêché  en  Toscane,  voisin  de  cette  Cour, 
veuf  en  premières  noces  de  M™^  Clementina  Pelicho,  et 
en  secondes  noces  de  M°^^  M*  (Maria)  del  Pilar  Joaquina 
Forreti,  décéda  le  vingt-huit  mai  mil  huit  cent-cinq,  rue 
Jesus-Maria,  maison  n°  cinq.  Il  reçut  les  Saints  Sacrements, 
testa  le  six  septembre  mil  sept  cent  quatre  vingt-dix-neuf  par 
devant  Antonio  Martinez  Llorent,  notaire  de  S.  M.  Il  laissa 
pour  le  salut  de  son  âme  cinquante  messes  avec  une  aumône 
de  quatre  réaux.  Il  nomma  pour  exécuteurs  testamentaires  sa 
défunte  femme  M°^^  MMel  Pilar  Joaquina  Forreti,  Messieurs 


(1)  L'autographe  de  cette  lettre  appartient  à  la  Bibliothèque  du  Conserva- 
toire. 


-  198  - 

Louis-Marc  et  Joseph-Mariano  Boccherini,  ses  fils  ;  et  pour 
héritiers  les  dits  Louis,  Joseph,  et  Marie  Thérèse,  Marianne 
et  Isabelle  Boccherini  y  Pelicho,  ses  enfants,  issus  du  mariage 
avec  ladite  Clementina  Pelicho.  Il  fut  enseveli  dans  cette 
Paroisse  de  S.  Justo  et  donna  à  sa  fabrique  trente-trois  réaux. 

Signé  : 

Dom°  Herrera. 

Annonce  du  décès  de  Boccherini  dans  le  Journal  de  Paris 
an  13  (1805),  p.  2034: 

«  M.  Boccherini,  célèbre  violoncelle  (sic),  vient  de  mourir 
à  Madrid  dans  sa  70^  année.  Ses  derniers  ouvrages,  au  nombre 
de  cinquante  quatuors,  quintetti  ou  Sextuors,  sont  entre 
les  mains  de  M.  le  Comte  de  Bénévent,  son  protecteur.  » 
(8  Juillet  1805). 

Boccherini  n'était,  en  réalité,  âgé  que  de  62  ans,  car  il 
naquit  à  Lucques  le  19  Février  1743, 


ŒUVRES  RETROUVÉES 


POUR  LES  INSTRUMENTS 

Concerto  en  ré  pour  violoncelle  (ace.  2  viol.  ;  2  flûtes,  Alto  et  Basse).  Berlin 
Ms.  2002. 

Concerto  en  mi  bémol  pour  violoncelle  (Part,  autogr.)  Milan  Conservatoire 
(Archivio  Noseda,  n°  1188.) 

Concerto  per  il  Clavicembalo  (mi  bémol).  (Quatuor,  2  hautb.  2  Cors).  Dresd. 
Mus. 

Concerto  en  ré  pour  violon  (dédié  à  Filippo  Manfredi),  réédité  par  M.  Dushkin. 

Sonate  pour  alto  et  basse  (Milan.  Conserv.)  Archivio  Noseda,  n°  1204. 

Deux  Duos  pour  deux  violons  Id.  Id. 

Sinfonia  in  re  Id.  Id. 

20  Sonates  pour  violoncelle  et  basse  (Id.  Id.) 

11  Quintettes  (avec  deux  altos)  op.  60  et  62  (dédiés  à  Lucien  Bonaparte), 
(Le  n»  4  de  l'op.  60  fait  défaut).  Paris.  Bibl.  de  l'Opéra. 

Ballet  espagnol  (1774).  Partition  et  parties  Ms.  Darmstadt. 

Concerto  per  il  Piano  forte  (ut  majeur).  Transcription  d'un  Concerto  de  vio- 
loncelle. Berlin,  ms.  19. 

Deux  Menuets  (orchestre).  Mus.  F.  1389.  Modène  Bib.  Estense. 

ŒUVRES  VOCALES 

Credo  à  4  voix  avec  orchestre.  Bibl.  de  Parme. 

4  Motets  et  fragments  de  messe.  Einsiedeln. 

Dans  Latrobe,  4  chants  religieux. 

La  Confederazione  dei  Sabini  con  Roma.  Cantate   (1765)  :  V.  Rivista 

Italiana  fasc.  2.   1929. 
La  Clementina,  opéra  en  deux  actes  (1786).  Berlin  autogr.  Ms.  2000. 
1 1  Aria  Accademiche  et  un  Duetto  (1792).  Bibl.  de  l'Opéra. 
Aria  :  Mi  dona  mi  renda  quell'alma.  Bibl.  de  Parme. 

14 


-200  - 
ÉDITIONS  MODERNES 


Editions  Peters  :  1   vol.  de  Quatuors. 

1  de  Quintettes. 
LiTOLFF  :  Trios  à  cordes  op.  38. 

Duos  pour  deux  violons. 
RiCORDI  :  Partitions  Revision  Polo  :  Quatuors  op.  6,  2  vol. 

Id.  op.  1.  10,  27.  33.  2  vol. 
RiCORDI  :  Partitions  (Format   Vade-Mecum).  Florence.  Guidi. 
Quintetto  op.  37  n°  1  (do  mineur), 
op.  37  T)P  2  (ré), 
op.  47  (la  mineur), 
op.  47  (mi  bémol), 
op.  1 3  (mi  majeur). 
Quartetto  op.  1  n°  1  (ut  mineur). 

Quintettino  (Musica  notturna  di  Madrid).  1780.  Chr.  Bachmann. 
Hanovre,  1922. 
Legouix  (0.).  Six  quintettes  op.  46  pour  piano,  deux  violons,  alto  et  violoncelle 

(en  parties). 
Nagel  (A.)  Deux  terzetti  inédits  (op.  54)  composés  en  1796.Musik.  Archiv. 
Hanovre  (1929). 
Quintettes  avec  guitare.  V.  Die  Gitarre,  Leipzig.  Cahiers  20  et  21. 


BIBLIOGRAPHIE 


Bachaumont  {Mémoires  secrets). 

BelosELSKY  (Prince  de).  —  De  la  Musique  en  Italie  (1778). 

Bertini.  —  Dictionnaire  de  Musique. 

BertINI  (M.  D.).  —  Ritratto  di  Boccherini  (1877)  pour  l'Edition  du  Stahat. 

BOCCHERINI  Y  Calonje  (D.  Alfredo).  —  Luis  Boccherini,  Madrid  1 879. 

Bouvet  (Ch.).  Inventaire  des  Manusc  ils  autographes  de  Boccherini  appartenant 

à   la  Bibliothèque  de  i Opéra.   V,  Revue  de   Musicologie,  n°  32. 

Novembre  1929. 


-  201  — 

BuRNEY  (Ch.).  —  Histoire  de  la  Musique. 

Carpani  (G.).  Le  Haydine  (Lettres  1808). 

Ceru  (D.  a.).  —  Cenni  intorno  alla  vila  e  le  opère  diLuigi  Boccherini,  Lucca,  1864. 

Chrzanowsky  (Witold).  —  Le  rondeau  instrumental  et  les  formes  du  rondeau  au 

XViii^  siècle.  Leipzig,  191 1. 
Cristal  (Maurice  Germa,  dit).  —  Boccherini  et  la  musique  en  Espagne.  Etude 

parue  dans  le  Ménestrel  (Février-Août  1875.) 
ExiMENO  (l'Abbé).  —  Délie  origine,  e  délie  régale  délia  musica  (1774). 
EiTNER.  —  Quellenlexikon  (art.  Boccherini). 
FÉTIS.  —  Biographie  universelle  des  musiciens  (art.  Boccherini). 
Gerber.  —  Lexikpn  der  Tonkunst  (Tome  I),  1 790. 
GerVASONI  (Carlo).  —  Varie  Notizie  Storico-musicali. 
Junker  (Carl-Ludwig).  —  Zwanzig  Componisten,  Berne,  1776. 
Malfatti  (G.).  —  Luigi  Boccherini  (Lucca,  1905). 
Mazzarosa  (le  Marquis  Antoine).  —  Œuvres. 
Mendelssohn-Bartholdy  (¥.).— Reisebriefe  aus  den  Jahren,  1830-32  (Leipzig, 

1864). 
Mess.  —  Rîtratto  Slorico  délia  Musica. 

Meysel.  —  Handbuch  der  musikalischen  Literatur,  Leipzig,  1817. 
Moser  (Andréas).  —  Geschichte  des  Violinspiels. 
Nef  (D'  Oskar).  —  Geschichte  der  Sinfonie,  Leipzig,  Breitkopf,  1 921 . 
PhotiadÈS  (Constantin).  —  V.  Revue  de  Paris,  1°^  Décembre  1926,   «  Gloires  de 

jadis  et  d'aujourd'hui.  » 
PUCCINI  (Prof.  Michèle).  —  Cenni  Storici  délia  Musica  in  Lucca  (1863). 
RiEMANN  (Hugo).  —  Dictionnaire  des  Musiciens. 
Samie  (M"^^  Paul  de),  née  Lucy  DE  Lamare.  —  L'Aube  du  Romantisme.  Chêne- 

dollé.  Thèse  Caen,  E.  Domin,  1922. 
SchlettERER  (D^  h.  m.).  —  Luigi  Boccherini.  Musikal,  Vortrœge,  IV. 
Sondheimer  (R.).  —  Théorie  der  Sinfonie.  Leipzig,  Breitkopf,  1925. 
Spohr  (Louis).  —  Autobiographie. 
Thouret  (G.).  Catalogue  de  la  Bibliothèque  musicale  privée  de  l'empereur,  (1895), 

Berlin. 
ToRCHi  (Luigi).  —  La  musica  istrumentale  in  Italia.  Turin,  Bocca,  1901. 


202 


PÉRIODIQUES 


Allgemeine  Mùsik  Zeitung,   1798-1805. 

Annonces,  affiches  et  avis  divers  (1797). 

L'Art  ancien  et  l'art  moderne  (1851),  art.  de  Scudo  sur  L.  Picquot. 

L'Art  musical  (18  février  1864),  Scudo  d'après  Fétis. 

La  Décade  philosophique.  An  VI  (1797). 

L'Esprit  des  journaux  (1775). 

Journal  de  Paris  (  1 78 1  ). 

Journal  des  Savants,  An  V. 

Le  Ménestrel i\S75).  Etude  de  Maurice  Cristal. 

Mercure  de  France  (1767-1786). 

Gazetta  di  Milano,  1852,  1856,  1892,  1901,  1905  (pour  la  commémoration  de 

Boccherini). 
La  Réforme  musicale  (1870). 
Revue  et  Gazette  musicale  (1851). 
Revue  musicale  (Fétis),  (1829).  Tome  5,  p.  536. 
Revue  de  Paris  (m5). 

Rivista  Italiana  (1920),  fasc.  4.  Art.  de  Sondheimer. 
Berliner  Monatschrift  (art.  de  Reichardt). 
Z.  I.  M.  G.  1 904-5.  (Revue  de  la  Société  Internationale  de  musique)  :  Ein  italienisch- 

spanischer  Meister  der  Kammermusik  (V.  N.  M.  Z.  26,  1 7). 
Zeitschrift  fur  Mùsikwissenschaft,   mars-mai    1928    (Art.  de  E.  v.  Zchinsky- 

Troxler). 


-  203  — 


ADDENDA 


Page  152.  Quintette  n°  3  :  au  lieu  de  Cantabile,  lire  Andantino  Lentarello. 
Page  160.  (au  haut  de  la  page)  le  tempo  de  la  Sinfonia  (1788)  est  Allegro  vivo 
assai. 

Page  161.  Le  1®'  Quartettino  (en  la)  porte,  en  titre,  Allegro  moderato. 
Id.      Le  2®  Id        (en  ut)  s'intitule  :  Andante. 

Id.      Le  Quintettino  (en  si  mineur)  :  Andante  affettuoso. 
Id.      L'Ottetto  (en   mi   bémol)   :   Andante  lento. 

Page  162.  Le  1^"^  quintette  (en  ré)  :  Allegro  moderato.  Il  est  à  remarquer  que  le 
second  accord  doit  être  rectifié  comme  suit  :  la  do  ^'mi. 
Id.       Le  1®'  quartetto  (en  la)  :  Allegretto  moderato. 
Id.       Le  2®        Id.      (Id).    Allegretto  con  moto. 
Id.       Le  1^^  Quintettino  (en  mi  bémol)  :  Andante  affettuoso. 

Page  163,  Le  1^*"  Quartettino  (en  si  bémol)  :  Maestoso  assai. 

Page  1 65.  Le  Quintettino  n°  3  (en  si  bémol)  :  Allegretto  moderato. 
Id.       Le  Quintettino  n9  6  (en  si  bémol)  :  Andantino  lento. 

Page  169.  Le  premier  Quintette  (en  ut)  :  Allegro  vivace. 
Le  deuxième  (en  si  bémol)  :  Andante  con  moto. 
Le  cinquième  (en  sol)  :  Allegro  con  moto. 

Page  1 70.  Le  Quintette  n^  2  (en  mi  bémol)  :  Andante  con  un  poco  di  moto. 
Le  n**  3  (en  fa)  :  Andantino  amoroso. 
Le  n°  6  (en  mi)  :  Allegro  vivo  assai. 


Date  Due 

1 

Library  Bureau  Cat.  No.  1137 

WELLESLEY  COLLEGE  LIBRARY 


3  5002  03072  5787 


ML  410  . B66  P4 

Picquot^  Louis. 

No-tice  sur  la  vie  et  les 
ouvrages  de  Luigi 


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