LIBRARY OF
WELLE5LEY COLLEGE
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LUIGI BOCCHERINI
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HOTICE
SUR LA VIE ET LES OUVRAGES
DE
LUIGI BOGCHERINI,
SUIVIE
DU CATALOGUE RAISONNÉ
DE TOUTES SES ŒUVRES, TANT PUBLIÉES OU'iNÉDITES
par L. PICQUOT
PARIS
CHEZ PHILIPP, ÉDITEUR DE MUSIQUE
Boulevard des Italiens, 19
ET CHEZ LES PRINCIPAUX MARCHANDS DE MUSIQUE
1851
BROUDE BROS.
M u s i c
NEW YORK
23604:4
PRÉFACE
En remettant au jour l'œuvre de L. Picquot, nous avons,
certes, pour but essentiel de rappeler l'attention sur un art
tout saturé de fantaisie, tout vivifié d'inspiration, tout
empreint d'une douce et pénétrante poésie, sur un art a la
fois puissant et varié que nous croyons fermement capable
de revivre, car il réalise une chose probablement unique dans
le domaine musical : on s'apercevra, en effet, dès qu'il sera
plus et mieux connu, qu'un des maîtres instrumentistes les
plus authentiques de la vieille Italie, le seul et unique héritier,
peut-être, d'un Sammartini, s'est inconsciemment assimilé,
pendant près de quarante années, l'impérissable, le chaud et
précieux trésor musical de 1 Espagne, pour nous restituer,
dans ses quatuors, trios, quintettes ou symphonies, une beauté
qui n'est point classée et ne le sera peut-être jamais — car
si elle nous offre d'abord des modèles proprement et vivement
italiens, elle ne tarde point à se parer, d'une façon plus pro-
fonde, à devenir plus gravement passionnée, sous l'action
de l'âpre et rude ambiance castillane. Telle se dessine, disons-
nous, dès le premier regard, la physionomie de Luigi Bocche-
rini. Protestons tout de suite contre le ridicule qualificatif
de « femme de Haydn » dont on a affublé un des artistes les
plus originaux et les plus exempts d'imitation qui ait jamais
— 2 —
vécu ; peut-être doit-on, pour une part, à cette boutade, le
je ne sais quoi de fade et d'édulcoré qui est venu dénaturer
l'appréciation commune de nos contemporains a l'égard de
Boccherini : son art présente, au contraire, des contrastes
fort accusés, et son penchant à la sereine contemplation
n'exclut nullement la vigueur, ni même une certaine force
sourde et inconnue, qui tend à donner aux sentiments exprimés
un caractère assez souvent tragique.
Mais à l'hommage que nous nous proposons de rendre
ici au vieux maître demeuré si jeune pour nous, il nous faut
associer, dès maintenant, l'homme qui a passé une partie
de son existence à l'aimer et à recueillir sur lui et sur son œuvre
tous les détails biographiques et tous les renseignements
musicaux qu'il lui a été possible d'obtenir. L'ouvrage que
L. Picquot fit paraître en 1851 sous le titre fort modeste de
Notice sur la vie et les ouvrages de Luigi Boccherini suivie du
Catalogue raisonné de toutes ses œuvres tant publiées qu inédites,
et que nous remettons au jour, est pour nous un véritable
monument de simple et saine information, en même temps
que de réelle musicologie, au sens le plus moderne du mot.
Plût au ciel que des « amateurs » aussi « distingués » eussent
publié de semblables « Notices » sur tous les grands Maîtres !
Les routes de la musicologie se trouveraient singulièrement
aplanies et, avec moins de belles phrases et moins d'anec-
dotes, nous saurions mieux à quoi nous en tenir sur l'œuvre
musicale des uns et des autres, chose essentielle, tout de
même, lorsqu'il s'agit de l'histoire des musiciens. Et nous
ne pouvons retenir un mouvement d'admiration à la pensée
que l'auteur fait paraître son œuvre en l'an de grâce 1851 !
A cette date, quelles sont les œuvres de critique musicale ?
— 3 -
Quelles sont surtout les biographies musicales ? Nous trou-
vons les récits du compagnon de Beethoven, Ant. Schindler
(1840), les étonnants essais de biographie musicale consacrés
à Mozart par le diplomate russe Oulibicheff (1843) ; l'œuvre
où un autre Russe, Aug. de Lenz, caractérise les Trois Styles de
Beethoven, n'a paru qu'en 1852. Aucune d'elles d'ailleurs ne
tente une étude critique de l'œuvre entier d'un de ces
maîtres. Et, sauf preuve du contraire, nous sommes fortement
tenté de croire que la modeste c Notice » de Picquot précède
glorieusement tous les travaux de grande envergure qui ont
été consacrés par la suite aux maîtres classiques. Picquot
est un des plus authentiques et des plus clairvoyants précur-
seurs de la musicologie moderne.
Son travail embrasse une œuvre vaste et complexe, née au
cours d'environ un demi-siècle : cette œuvre, si l'on tient
compte des recherches nouvelles, atteint un total qui approche
de quatre cents pièces ; sa conscience est telle qu'il s'est
enquis de toutes les éditions, que les ayant recueillies, il a dû
procéder chaque fois qu'il a pu le faire à des comparaisons
avec les manuscrits originaux : il s'est assimilé la technique
d'un art essentiellement subjectif et variable, de sorte qu'il
se sent en mesure de séparer le vrai d'avec le faux. Il a eu, il
est vrai, entre les mains un document d'un prix inestimable,
qui lui a servi de guide fidèle et sûr : c'est le Catalogue théma-
tique des ouvrages de musique composés par Boccherini dressé
par l'auteur lui-même, et dont une copie lui avait été com-
muniquée par le célèbre violoniste Baillot, l'un des interprètes
les plus fameux et les plus compréhensifs du maître italien.
Cet« état musical '> de la vie de Boccherini s'étend de 1761
à 1803 et comporte 64 œuvres, dont la plupart comprend.
selon l'usage du temps, six numéros. Chose étrange, le
maître exclut de cette liste toutes ses œuvres vocales, reli-
gieuses ou profanes, et presque tous ses concertos. De sorte
que le catalogue n'enregistre que la plupart des œuvres
directement vendues ou cédées aux éditeurs.
Il est évident que ce document capital doit servir de base
à tout travail musicologique sur l'œuvre instrumentale de
Luigi Boccherini : nous regrettons même que Picquot
n'ait pas cru devoir placer d'abord en tête de chaque unité
de son Catalogue, les numéros donnés par Boccherini lui-
même à chacune de ses œuvres, au lieu de prendre pour base
de son classement les numéros donnés par les éditeurs,
numéros tout à fait arbitraires, incomplets, et ne présentant
aucun intérêt pour la chronologie (I). Mais il n'est pas moins
certain que Picquot épuise son sujet et adjoint à chaque fait
ou à chaque œuvre qu'il étudie, les plus judicieuses considé-
rations, nées de la critique la plus convaincante et la plus
sûre. La façon dont il rectifie les erreurs des dictionnaires
ou de la Biographie de Fétis,par exemple, demeure péremp-
toire et n'admet aucune réplique. Je reconnais bien que
certaines appréciations qu'il donne à l'égard des devanciers
de Boccherini, tant sur leur personnalité que sur les carac-
tères généraux de leur musique, n'ont plus cours aujourd'hui :
l'importance historique, notamment, la beauté et la variété
expressive qui se découvrent de plus en plus chaque jour
dans l'œuvre d'un Sammartini ; les réalisations nombreuses
et fortes d'un Telemann ou d'un Stamitz en Allemagne,
(1) A chacune de nos clta'ions d'oeuvres de Boccherini, nous adopterons
les numéros qu'il leur a donnés lui-même, dans son Catalogue.
d'un van Maldere aux Pays-Bas, d'un Guillemain en France,
maintenant qu'elles commencent à être mieux connues et
qu'elles ont été replacées, grâce à des travaux récents, dans
le cadre qui les a vu naître, prennent une importance et
occupent un rang si prépondérant qu'on n'hésite plus à
désigner en elles, aujourd'hui, les premières créations
géniales où se manifeste l'esprit moderne — pré-classique,
si l'on veut, dans la musique. Mais le seul fait de citer en
1851 ces cinq noms résumant les écoles instrumentales de
l'Europe au XVIII® siècle, n'est-il point déjà très étonnamment
remarquable ? Le choix de ces cinq noms, ceux des princi-
paux précurseurs et rénovateurs de l'art musical moderne,
donne à penser que l'obscur musicologue de Bar-le-Duc
avait ressenti la nécessité de scruter le passé, et qu'il avait
parfaitement su distinguer les véritables sources de l'art
instrumental en Europe. Il n'admet pas encore que son
héros se rattache à l'une d'elles, mais il les a discernées,
alors qu'aucune ligne n'était encore tracée dans la sombre
nuit du passé ; cela, déjà, est énorme et dénote une somme
de connaissances bien rare et qui s'accompagne chez lui
d'un jugement et d'une perspicacité fort au-dessus de ce
que l'on est habitué de rencontrer.
Dès son avant-propos, Picquot exprime le souhait le plus
cher à tout musicologue épris du passé : il voudrait « que les
musiciens instruits entreprissent, suivant leurs prédilections,
le pays qu'ils habitent, les ressources dont ils disposent, de
compléter les biographies des plus célèbres compositeurs ».
Et par quelle méthode y parvenir ? L'auteur nous la définit
si nettement qu'il semble impossible d'y rien ajouter : « Par
une énumération chronologique de chacune de leurs œuvres,
des éditions et des reproductions sous formes diverses qui en
ont été faites, des fraudes et des suppositions de nom aux-
quelles elles ont donné lieu, — par l'indication des biblio-
thèques publiques ou particulières, qui renferment les
manuscrits originaux, les œuvres inédites ou très rares ; —
enfin, par une appréciation critique, mais succincte, propre à
éclairer l'amateur sur le mérite de chacune et à guider son
choix (1)». Certes, l'auteur se rend compte, mieux que tout
autre, des difficultés d'une tâche semblable ; il gémit à propos
des erreurs, des omissions, des titres mensongers dont les
œuvres sont affublées, des fausses attributions, etc. « Ajoutez
à ces causes incessantes d'incertitude et d'erreur, l'absence
obstinée de toute date dans la publication, la rareté des
bibliothèques, l'insuffisance des plus riches, et l'on jugera
s'il est aucun effort humain capable de triompher d'un
pareil désordre dans l'immensité des productions musicales
que deux siècles ont entassées. » Les transes de ce genre,
ressenties par toute conscience de travailleur digne de ce
nom, n'ont point, que je sache, trouvé de meilleur inter-
prète, ni de plus sobre, pour les traduire.
Aussi, l'auteur ne peut-il s'empêcher d'exprimer la joie
que lui vaut, vers 1 828, l'apparition du Catalogue thématique
des manuscrits originaux de Mozart, paru chez l'éditeur
André, à Ofîenbach. Certes, ce catalogue n'est point parfait,
ni surtout complet ; car il omet toutes les œuvres de jeunesse
et ne reproduit que la liste des œuvres dressée par Mozart
lui-même à partir de 1784 ; mais, tel qu'il est, combien réel
l'intérêt qui s'en dégage, combien désirables d'autres tenta-
(1)P. IL
— 7 —
tives du même genre, pour les « compositeurs les plus en
renom, principalement en ce qui concerne la partie instru-
mentale » !...
On sent là le ^ésir d'éclaircir mainte question soulevée
par la négligence des anciennes éditions ou l'incorrection
d'anciennes copies d'œuvres instrumentales : qu'il s'agisse
d'une fausse attribution, ou d'erreurs dans les textes musicaux,
les difficultés surgissent fréquemment sous les pas du cher-
cheur, et elles se présentent plus souvent que dans l'examen
des œuvres écrites pour un ensemble vocal, opéra ou oratorio,
celui-ci nous étant transmis sous la forme d'une partition.
Picquot a senti que maint déboire, mainte humiliation avait
accablé le pauvre Boccherini, aussi bien dans sa vie que dans
son œuvre ; il n'a pas voulu laisser le temps accumuler sur
celle-ci la poussière de l'oubli. Sa tentative a quelque chose
de réellement touchant : l'amour qui se traduit à chaque page
de la « Notice » ne prévoit que trop, hélas, l'abandon prochain,
à peu près total, où va tomber l'œuvre d'un grand artiste.
Pour y parer, il résume dans cette modeste « Notice >' tout ce
que de longues années de recherches lui ont appris sur la vie
et sur l'œuvre de Luigi Boccherini : on peut dire qu'il a non
seulement feuilleté celle-ci à peu près intégralement, mais
qu'il l'a étudiée, jouée, et surtout comprise et aimée. Je
ne sais s'il a prévu la grandeur où atteindra le résultat de
ses efforts : aujourd'hui, nous constatons en effet, que
grâce à lui, Boccherini est peut-être le premier des grands
artistes ayant trouvé sur sa route un homme capable
d'écrire une biographie musicale dont la modeste Notice
nous offre peut-être, croyons-nous, le prem.ier exemple !
*
* *
L'auteur, en somme, place Corelli en tête des âges de la
musique instrumentale : de ses disciples, s'échelonnant dans
les limites d'un demi-siècle, surgira Jean Baptiste Viotti
qui les surpassera tous, aussi bien par l'éloquence souveraine
de son jeu que par ses talents éminents de compositeur.
Picquot veut démontrer ainsi la primauté des violonistes,
mais il n'attribue pas entièrement à ceux-ci la création de la
musique instrumentale : à ce point de vue, il rapporte tout à
Boccherini, et nous avons déjà dit qu'en l'état actuel de nos
connaissances historiques, ces opinions trop absolues ne sont
plus acceptables. Mais il ne semble pas exagéré de prétendre
que Boccherini précède, dans le domaine de la musique de
chambre, l'apparition de Haydn : alors que le premier recueil
de quatuors de celui-ci se présente sous l'aspect encore va-
riable de quatuors ou Symphonies — exactement comme l'op. I
de Boccherini, — on peut dire que les deux recueils de qua-
tuors du maître italien (op. 8 et 9 du Catalogue de l'auteur),
ayant été composés en 1769 et 1770, atteignent déjà à une
maîtrise du genre que nous ne croyons pas pouvoir recon-
naître dans les Cassations de Jos. Haydn, contemporaines de
ces mêmes années-là. (1). A l'audition d'un quatuor de ces
deux recueils de Boccherini, un musicien a le droit d'être
satisfait. 11 a aussi le droit de s'étonner de la satisfaction qu'il
éprouve : car, pour nous tout au moins, l'art classique a
(1) V, pour cette priorité de Boccherini, D. A. Ceru : Cenni intorno alla Vita
e le Opère di L. Boccherini, p. 20.
dès lors atteint son but et, peut-être, pour la première fois
sous cette forme : équilibre parfait des sonorités, indépen-
dance des parties, traitement des idées, tout cela se trouve
réalisé, avec la libre et ferme aisance d'écriture d'un maître
classique.
De plus, il est vraiment curieux de constater que cette réus-
site complète eut lieu dans un pays lointain, assez peu acces-
sible aux influences étrangères : Boccherini, en effet, venait à
peine d'arriver en Espagne, où il dédiait à son nouveau pro-
tecteur, l'Infant don Luis, frère de Charles III, le second
recueil de quatuors (op. 8) composé dans le cours de l'année
1769 (1). C'est à « Messieurs les dilettantes de Madrid »
qu'il devait consacrer le troisième recueil (op. 9) daté de
1770 (2). Il parachève donc, dès les premiers mois de sa
nouvelle installation, le chef-d'œuvre des quatre parties ins-
trumentales combinées, alors que Haydn n'y a point encore
fait éclater les plus beaux fruits de son génie, que Mozart
s'y essaie à peine, et que Jean Chrétien Bach y débute (1 768).
Est-ce le séjour de Paris qui a pu révéler au jeune musi-
cien un tel secret ? N'est-ce pas plutôt la connaissance
acquise ou, peut-être, les enseignements reçus pendant un
séjour probablement beaucoup plus long qu'on ne croit
dans l'Italie du Nord, où règne encore pleinement l'art fan-
taisiste et foncièrement poétique du vieux Sammartini ? Le
fait est que ce séjour a pu durer cinq ans : de 1762 à 1767
(1) C'est le recueil paru chez l'Editeur Vénier (op. 6) et dont la publication
est annoncée dès décembre 1 769 (Mercure de France, p. 206).
(2) Ce recueil, paru aussi chez Vénier (op. 10), n'est annoncé qu'en décembre
1772 (/W.,p. 183-4).
- 10 -
environ ! Et lorsque, par la suite, on aperçoit la parenté qui
unit BoccKerini au maître de Milan, il est difficile de ne pas
songer à ce qu'ont pu être ces années inconnues d'apprentis-
sage et de réflexion.
Quant à l'art que le jeune maître a dû voir pratiquer dans
les milieux princiers, au moment de son arrivée en Espagne,
il nous faut bien avouer que nous l'ignorons : seuls, deux
noms nous sont connus. Ils confirment l'idée que nous avions
d'un italianisme dès lors prépondérant. Le chef de la musique
royale n'était ^utre probablement que le musicien padouan
Giuseppe Antonio Paganelli, auteur de partitions d'opéras
et d'une quantité considérable de musique mstrumentale,
parmi laquelle d'importantes Sonates et Divertissements pour
le clavecin, où l'auteur crée un style plus coulant et plus
fluide que celui de Galuppi, un style qui n'a pas dû rester
étranger aux études que Léopold Mozart imposait à son fils.
Puis, Boccherini trouve un rival en la personne d'un autre
Italien, Gaetano Brunetti, déjà solidement établi en Espagne,
bien avant l'arrivée du musicien de Lucques et chef de la
musique du Prince des Asturies, le futur protecteur de Bocche-
rini. C'est avant tout un violoniste, dont l'œuvre instrumentale
ne semble pas négligeable et qui vécut en Espagne de 1765
environ à 1808, époque de sa mort. Picquot possédait 214 de
ses œuvres auxquelles il reconnaît des <' qualités vraiment
distinguées » et il paraît que Charles IV faisait sa nourriture
quotidienne de la musique de Brunetti, la préférant à celle
de l'artiste génial qui, en Espagne, vécut longtemps pauvre
et ignoré.
11 -
*
Le renom du jeune artiste, basé sur l'exécution aussi
bien que sur la composition, devait franchir nos frontières
dès l'année 1 767 : car son premier recueil de Symphonies ou
Quatuors (op. 1) est annoncé par le Mercure de France (p. 167)
dès le 1®^ avril de cette année-là. Et ce n'est que bien près d'un
an plus tard, le dimanche 20 mars ] 768, que Boccherini et son
ami, le violoniste Manfredi débutent au Concert spirituel :
« M. Boccherini, déjà connu par ses trios et ses quatuors, qui
sont d'un grand effet, a exécuté en maître sur le violoncelle
une sonate de sa composition, » tandis que Manfredi se fai-
sait applaudir en jouant un concerto de violon de sa com-
position (I). On voit par là que la renommée avait précédé
leur visite à Paris ; l'éditeur Vénier, un vénitien qui a joué un
grand rôle pour la diffusion de la musique italienne en France,
devait assurer le succès des œuvres de Boccherini, en les
publiant jusqu'aux Quintettes de l'op. 23 (avril 1777), après
quoi les Sieber et les Pleyel allaient, jusqu'aux dernières
années du siècle, s'enrichir de la vente des œuvres de Bocche-
rini : exploitation d'un véritable trésor, quasi-inépuisable.
D'ailleurs, Vénier sait parfaitement préparer son public.
Voici comment il annonce cet étonnant second recueil de
Quatuors auquel nous avons déjà fait allusion :
« Ce 2^ œuvre de Quatuors a été exécuté, avant d'être
gravé, en présence de grands connaisseurs qui ne l'ont pas
jugé inférieur au premier œuvre de quatuors qui a déjà paru
(1) (/W.,AvrilI, 1768,p. 199).
- 12 -
du même auteur et pour lequel le public a témoigné le plus
vif empressement. » (Mercure, décembre 1769 (1). C'est là,
comme nous l'avons dit, le premier recueil dédié par Bocche-
rini à son nouveau protecteur espagnol, recueil qui marque
des progrès si frappants que, dès lors (l'auteur n'a que
26 ans), on peut le considérer comme le maître par excellence
du quatuor classique. A partir de ce moment, la renommée
du jeune maître ne cesse de s'affirmer et de grandir.
Par l'annonce rapportée plus haut relative au concert du
20 mars 1768, où Boccherini et Manfredi parurent pour la
première fois devant le public parisien (2), on a pu constater
que les œuvres du maître de Lucques étaient déjà connues
en France. Dès le début de 1767, en effet, l'éditeur Vénier
avait publié les Symphonies ou Quatuors (op. I) et, la même
année, une mystérieuse Symphonie à quatre parties obligées.
Cors de chasse ad libitum, « imprimée avec les nouveaux carac-
tères » avait paru par les soins de Grange, à Paris. Picquotne
veut pas admettre l'authenticité de cette ouverture italienne
« del signor Bouqueriny » qui rentre dans le moule d'une
quantité de morceaux de ce genre, écrits par des maîtres
fameux ou obscurs. Mais il est bien difficile d'admettre que
l'art de Boccherini puisse, dès lors, provoquer le faux en
matière de composition instrumentale ; et c'est pour la même
raison, augmentée des considérations de technique et de valeur
musicale, que nous regardons les Trios op. 3, parus chez La
0)lbid.?. 206, 207.
(2) M. de la Laurencie n'a pu relever aucune trace dans le fonds des Menus
plaisirs du roi pour I 768, du nom de Boccherini : le musicien ne s'est donc pas
produit à la Cour, à Versailles (Note de M. de la Laurencie).
- 13 -
Chevardière, comme l'une des premières œuvres du maître,
l'une de celles qui ont dû être écrites pendant le séjour dans
l'Italie du Nord. Nous n'avons pu malheureusement décou-
vrir la date exacte de la publication de ce recueil, confiée comme
celle de l'op. 2, à La Chevardière, à une époque probablement
antérieure à celle où les rapports entre Boccherini et l'éditeur
Vénier devinrent de plus en plus fréquents. On peut inférer
de tout ceci que la date probable de l'arrivée des deux jeunes
artistes italiens à Paris doit être reportée à l'année 1767.
Le plus important témoignage musical du séjour de Bocche-
rini à Paris est incontestablement le recueil des six Sonates
(op. 5) pour clavecin et violon (1) dédié à une de nos premières
pianistes, M™^ Brillon de Jouy. Ces sonates nous font
voir l'auteur sous un aspect très rare et qu'il n'aura plus à
nous offrir pendant toute sa vie espagnole : en effet, il aban-
donnera quasiment le piano, et ne reprendra l'instrument à
clavier que quelques trente ans plus tard, lorsqu'il aura à
écrire des quintettes où le piano deviendra le centre autour
duquel les instruments à archet viendront se grouper. L'in-
fluence française et notamment celle de Jean Schobert,
qui venait de disparaître prématurément, se manifeste, indis-
cutable, dans ces intéressantes sonates, tant par le caractère
pathétique de certains mouvements lents, que par une écri-
ture « pianistique >' très particulière que nous ne retrouverons
plus dans la suite de la carrière de Boccherini. Exception faite.
(1) Février 1769 (Mercure de France, p. 208). Ces sonates peuvent aussi
s'exécuter sur la harpe. Les quatuors et les derniers trios du même auteur se
trouvaient en vente à ce moment.
- 14 -
tout de même, pour un recueil de six Sonates en trio(]), pour
le clavecin ou piano forte, avec accompagnement de violon
et basse, paru beaucoup plus tard chez La Chevardière, et
qui a eu d'assez nombreuses rééditions en France, chez
Boyer et chez Naderman, en Allemagne, chez Gotz à Mann-
heim. Ce recueil qui inspire des doutes àPicquot, au sujet de
l'authenticité, nous paraît très certainement dû à Boccherini,
et forme même une suite aux sonates de l'op. 5, car les édi-
teurs le dénomment « second livre ». En tout cas, l'inspiration
est toute semblable, et certains de ces trios se calquent entiè-
rement sur l'une ou l'autre des Sonates de l'op. 5. Des décou-
vertes récentes tendent d'ailleurs à prouver que le jeune
maître a donné à l'instrument à clavier une importance qui a
été tout à fait méconnue jusqu'ici : il existe en effet, à Dresde
un véritable concerto de clavecin qui paraît fort intéressant.
Il est écrit dans le ton dé mi bémol, pour clavicemhalo, avec
l'accompagnement de deux violons, deux hautbois, alto et
basse (2).
Parmi les œuvres assez nombreuses de Boccherini que
Picquot a ignorées, il en est une, datée de 1 774, qui se trouve
(1) Journal de Paris : janvier 1781.
(2) Cette œuvre n'a point été connue de Picquot. Gerber (Tome I, p. 174)
signale dès 1 790, la virtuosité du maître aussi bien sur le violoncelle que sur le
piano. Il semble bien, jusqu'à preuve du contraire, que Boccherini ne se rattache
pas à l'école pianistique issue de Scarlatti et si remarquablement représentée
en Elspagnc par le P. Soler et ses disciples.
- 15 -
à la Bibliothèque de Darmstadt et qui doit être assez curieuse ;
c'est un petit Ballet espagnol qui a été donné sur les théâtres
de Vienne et de Moscou en 1774 et 1775 (1). Un spécialiste,
ou un collectionneur de ces admirables danses espagnoles
pourrait, nous en sommes certain, découvrir dans l'ensemble
des œuvres de Boccherini toutes celles que l'usage faisait
admettre au XVI ll^ siècle ; nous croyons même que pareille
récolte — d'une beauté et d'une richesse sans exemple, —
ne pourrait être faite avec autant de fruit dans l'œuvre
d'aucun musicien. Outre les fandangos, les séguedilles, l'éton-
nante Tiranna, les rythmes espagnols les plus authentiques
foisonnent dans toute l'œuvre de notre auteur. Il n'est pas
jusqu'aux menuets qui ne se trouvent généralement « hispa-
nisés » de la plus originale façon. Oserons-nous parler ici du
trop célèbre petit morceau à l'ombre duquel hélas ! s'est réfu-
giée toute la gloire du malheureux Boccherini ? Il appartient
à la seconde série de ses quintettes, écrite en 1771 : eh bien,
déjà, les pizzicati de ses accompagnements, de même que les
syncopes qui régnent dans tout le morceau lui valent une sorte
de ferraillement sec qui évoque les habitudes chères à n'im-
porte quel guitariste : c'est déjà un menuet espagnol. Et
lorsque, pour une occasion qui demeure inconnue, le musicien
écrit, trois ans plus tard, un Ballet espagnol, c'est probable-
ment qu'il s'est assimilé le goût de sa nouvelle patrie. Dans
sa musique de chambre, il sait en tirer déjà un parti véri-
tablement enchanteur, capable de frapper ses biographes à
un tel degré qu'ils voient dans la réalisation de ces danses,
(1) Nous devons ces renseignements à l'obligeance de M. le Professeur D'' W.
Upmeyer.
- 16 -
la qualité maîtresse de Boccherini. Le fait est que ses danses
sont toujours empreintes d'un charme sui generis, très parti-
culier, et qui fait de chacune d'elles un tableau achevé. La
raison d'être du Ballet espagnol tient peut-être aussi à une
circonstance familiale qui, au besoin, pourrait aider à l'expli-
quer. Le jeune maître avait une sœur aînée, Marie-Esther
Boccherini, qui avait épousé à Vienne, vers 1767, Onorato
Vigano, compositeur et maître de ballets, dont le nom serait
oublié aujourd'hui si de ce mariage n'était né le plus fameux
chorégraphe et danseur italien du XVI ll^ siècle : Salvator
Vigano, le rival de Vestris, l'auteur de somptueux et remar-
quables ballets, dont l'un, Prométhée, a été mis en musique
par Beethoven. Il n'est pas impossible que le Ballet
espagnol de Boccherini doive son existence au beau-frère
chorégraphe et que le jeune Salvator ait réglé sur les
rythmes de ses danses, ses premiers pas. Quoiqu'il
en soit, la danse devait être en honneur dans la
famille du maître qui a pu voir, par la suite, évoluer son
célèbre neveu devant la Cour ou les grands d'Espagne (1).
Dans presque toutes ses œuvres, soit de musique de chambre,
soit de musique d'orchestre, retentissent les échos irrésis-
tibles des danses violentes ou nostalgiques de l'Espagne :
parfois même, le maître les désigne, et l'on remarque, dans
un de ses derniers quintettes, l'imitation du « fandango que
jouait sur la guitare le P. Basilio. « De tout cela se dégage un
parfum de chaude poésie, d'une vigueur ardente et sensuelle,
comme celui que répandent les tubéreuses ou les orangers.
(1) V. un important article de M. Prunières, consacré à Salvator Vigano
dans la Revue Musicale, V^ déc. 1921.
- 17 -
dans la nuit étouffante. Mais, à ces éléments issus du génie
populaire espagnol, Boccherini ajoute encore l'expression
personnelle d'un art et d'une âme candide et originale, faite
de tendre enjouement et aussi, répétons-le, d'énergie virile,
dont il est à peu près impossible, croyons-nous, de trouver
l'équivalent musical.
Pour ce qui est de la virtuosité, Boccherini nous prouve
qu'il devait avoir à sa disposition des instrumentistes de
valeur : dans son quatuor ou son quintette, le violon ou le
violoncelle, et aussi l'alto, réclament et même exigent des
forces qui dépassent celles de la moyenne des exécutants.
La famille Font, qui formait à elle seule le quatuor du roi,
auquel vint s'adjoindre celui qui devait, d'abord en qualité
de deuxième violoncelle, l'épanouir et l'exalter, atteignait à
des possibilités qui ont dû puissamment aider et même ins-
pirer Boccherini, dans la création de ce quatuor et surtout
de ce quintette, dont le groupement, muni des deux vio-
loncelles, ne laisse pas que d'être assez anormal. A cet égard,
nous ne sommes pas loin de croire que les deux fameux vio-
loncellistes français , Jean-Pierre et Jean-Louis Duport,
ont dû jouer, eux aussi, un rôle fort important dans la persis-
tance du groupement des deux violoncelles, particulier et à
peu près distinctif, des quintettes de Boccherini. L'aîné
des deux frères, Jean-Pierre, revenant d'un séjour en Angle-
terre (1769-1771) séjourna en Espagne, pendant environ
deux ans (1771-1773) ; or, c'est précisément au cours de ces
années-là qu'apparaissent les premiers quintettes du jeune
maître, et il n'est pas exagéré de supposer que Duport, appelé
par Frédéric II à Berlin en 1773, n'a pu perdre le souvenir
du musicien exquis, lorsqu'il devint surintendant des
- 18 -
Concerts de la Cour de Prusse, en 1787. D'ailleurs, Boccherini
avait connu les deux frères, dès son séjour à Paris, en 1 768,
soit chez le Prince de Conti, soit chez le Baron de Bagge,
cet étrange mélomane qui avait créé un centre musical
à Paris, soit encore chez l'éminente pianiste française,
Mme Brillon de Jouy. Un historien contemporain n'hésite
pas à déclarer que <■< la grande majorité des quintettes de
Boccherini se trouvant à la Bibliothèque du Château, à
Berlin, doit son existence aux deux frères Pierre et Louis
Duport, tous deux remarquables violoncellistes qui ont
séjourné et fonctionné pendant de longues années à la Cour
de Berlin. C'est probablement grâce à eux que Boccherini,
ayant dédié une de ses œuvres au roi Frédéric-Guillaume,
reçut en 1 787, nous dit Picquot, le titre de compositeur de
la Chambre deS. M. ))(!).
Ici se pose un problème biographique que Picquot n a
point soupçonné. Dépourvu de moyens d'existence après la
mort de l'Infant don Luis, Boccherini, cela est certain, a
quitté l'Espagne pour se rendre en Prusse, et son séjour dans
ce dernier pays a pu se prolonger, peut-être pendant plusieurs
années. Mais, nous ne sommes malheureusement pas en
mesure d'en pouvoir fixer la durée, car nous ne connaissons
qu'une seule lettre du maître, datée de Breslau le 30 juillet
1787, et dont les termes nous prouvent qu'il est entré en
relations avec de hauts personnages de la Cour prussienne, et
(1) Andréas Moser. — Geschichte des Violinspiels, p. 293 et suiv. — C'est, en
réalité, par le décret en date du 21 janvier 1786 que Boccherini devint le compo-
siteur attitré du roi de Prusse. Son protecteur espagnol, l'Infant Don Luis,
était mort le 7 août 1785.
- 19 -
qu'il n'a nullement l'air d'un voyageur traversant le pays,
au cours d'une tournée artistique. Cette lettre dont on trou-
vera une traduction à la fin de ce volume, jette un jour nou-
veau sur une période de sa vie où il atteint la pleine maturité :
elle est adressée à son compatriote, le marquis Lucchesini,
devenu diplomate prussien, et qui devait, quelque vingt ans
plus tard, sous Frédéric III, en qualité d'ambassadeur de
Prusse auprès de l'empereur Napoléon, être chargé de négo-
cier la paix après léna ; les propositions n'ayant pu être rati-
fiées par Frédéric III, il donna sa démission pour rentrer dans
sa ville natale, à Lucques, où il devint le chambellan de la
princesse Elisa, sœur de Napoléon. Grâce à lui, bien des
portes ont dû s'ouvrir en Allemagne devant le grand musicien,
que vantaient déjà devant le roi les deux artistes français,
Jean-Pierre et Jean-Louis Duport, qualifiés entre tous pour
apprécier et mettre en valeur les compositions du maître
italo-espagnol. Le fait est que dix-huit quatuors et trente
quintettes, petits et grands, se trouvent aujourd'hui dans la
Bibliothèque privée de l'ex-empereur à Berlin, la plupart en
manuscrits autographes et ornés de la mention Bene de la
main du roi Frédéric, qui a dû les jouer ou se les faire jouer
maintes fois (I). En outre, deux Concerti (ou Symphonies) à
(1) V. Thouret. — Catalogue du fonds musical de la Bibliothèque de l'empe-
reur. Il est certain que, dès 1783, le futur Frédéric-Guillaume II, alors prince de
Prusse, est un fervent admirateur de Boccherini qui lui a déjà dédié une de
ses œuvres : les rapports du maître avec la Cour prussienne sont donc antérieurs
de plusieurs années à la mort de son protecteur espagnol, l'Infant don
Luis (1785). V. à cet égard, l'important document daté de Potsdam le
l^'" Novembre 1783 signé de Frédéric-Guillaume : Luis Boccherini. — Apunies
biograficos y Catalogo de las Obi as de este célèbre Mazstro public ados por su
biznieto D. Alfredo Boccherini y Calonje (Madrid 1 879).
- 20 -
plusieurs instruments ont été écrits en novembre et décembre
1 786, et plusieurs Divertimenti notturni de mai à août 1 787,
précisément à la date de la lettre susdite ; parmi ces composi-
tions, peut-être en existe-t-il encore une ou deux que
Picquot n'a point connues et toutes doivent déjà avoir été
écrites pour répondre aux conditions de l'engagement signe
le 21 janvier 1786, date à laquelle, comme nous l'avons dit,
Boccherini a été nommé compositeur du roi de Prusse.
Le mystère qui plane sur ce séjour du maître en Allemagne
— séjour qui, en somme, a pu durer du début de 1 786 à celui
de 1788, — fait naître dans notre esprit une autre question
au sujet de laquelle, malheureusement, nous ne sommes pas
en mesure d'apporter ici de précisions nouvelles. Vers les
années ci-dessus indiquées, nous constatons que les recueils
d'oeuvres de Boccherini commencent à paraître à Vienne,
publiés par l'éditeur Artaria, ce même Artaria qui mit au
jour les œuvres de Haydn, de Mozart et de Beethoven ; ce
sont, les op. 27 (six quatuors (1 777 ou 78), op. 24 de l'auteur),
les op. 32 (six quatuors, op. piccola 26 du catalogue de l'au-
teur, composés en 1778), 33 (six quatuors op. 32 de l'auteur
composés en 1 780 et qui étaient célèbres), 34 (concerto pour
violoncelle, un des plus joués, paru chez l'éditeur Cappi à
Vienne), 35 (six trios pour 2 violons et violoncelle, op. 34 de
l'auteur composés en 1781), 36 (trois quintetti op. 25 de
l'auteur composés en 1778). Or, l'on sait qu'un des frères
du musicien, Jean- Antoine -Gaston, vivait à Vienne depuis
vingt ans peut-être, qu'il y avait publié un volume de
poésies (1774) et qu'à partir de 1767, il y avait écrit des
livrets d'opéras qui ont surtout été mis en musique par
Salieri, mais aussi par Gassmann,et même par Haydn (l'ora-
- 21 -
torio Le Retour de Tohie) ; là s'était mariée la sœur aînée
dont nous avons rappelé plus haut le souvenir. N'est-il pas
assez naturel d'admettre que Luigi Boccherini, étant à Breslau
Ouillet 1787), s'y soit rendu vers ce même moment ? N'a-t-il
pu rejoindre l'Espagne en passant par l'Italie ? S'il est venu
à Vienne, n'y a-t-il point rencontré Mozart ? Série de points
d'interrogation attendant des réponses qui ne sauraient nous
laisser indifférent.
Les archives de l'éditeur Artaria ont conservé une lettre
où le maître de Lucques témoigne ses sentiments d'admira-
tion pour Joseph Haydn : mais aucune trace ne demeure de
ses rapports éventuels avec Mozart. Cependant, deux écri-
vains italiens, Giuseppe Carpani, et, plus tard, un compatriote
de Boccherini, le marquis Antonio Mazzarosa, font des allu-
sions très nettes à une parenté de style. A vrai dire, cette
parenté nous semble assez difficile à définir, à travers les
différences de tempérament et de forme. En 1808, Carpani
déclare que le style de Mozart procède de Haydn pour ce qui
est du « brillant >>, et de Boccherini, pour ce qui est du < style
lié et sérieux « : mesto, c'est-à-dire de l'expression mélanco-
lique de son langage. Toute vérification approfondie est chose
fort difficile, car l'on sait qu'une portion minime de l'œuvre
du maître de Lucques a été mise en partition. En réalité, il ne
nous semble pas douteux que Mozart a connu et étudié
Boccherini dès ses premiers séjours en Italie : nous croyons
en avoir apporté des preuves dans une étude sur les séries
de quatuors de sa période milanaise. Mais il serait fort ins-
tructif de pouvoir se rendre compte, partitions en main, de
l'influence qu'a peut-être exercée, grâce aux œuvres parues
chez Artaria vers 1786 ou 7, un homme qui, désormais, avait
— 22 —
mis tout son génie à satisfaire le goût de Frédéric-Guillaume !
D'ailleurs, une étude poussée de l'œuvre de Boccherini
nous semble tout à fait susceptible, aussi bien dans le domaine
de la symphonie que dans celui de la musique de chambre,
de jeter un jour nouveau sur l'histoire de la période classique.
Et même nous avons parfois songé, très distinctement, à
Schubert, au cours de l'un ou l'autre quatuor ou quintette de
la maturité de Boccherini. Raison de plus pour croire au
rôle joué par les publications d'Artaria dans la vie musicale
viennoise ! Et l'on remarquera plus loin, sous la plume de
Picquot, le succès fait toujours à Vienne, au ballet de Nina (1)
de Persuis, qui, selon une coutume fréquente à cette époque,
avait emprunté la scène la plus pathétique de son œuvre
au finale d'un quintette, écrit par Boccherini en 1 774 !
Ce fait ne nous étonne nullement. Nous avons déjà signalé
le caractère pathétique et dramatique de mainte œuvre
instrumentale du maître ; de plus, les accointances de Bocche-
rini avec des compositeurs et maîtres de ballet rendent très
explicable ce choix du musicien français. Et d'ailleurs,
comme va nous le dire Picquot, « tout, dans cette musique,
fait tableau » (2). Rien n'est plus exact. On a très souvent, en
écoutant Boccherini, l'impression que, d'un bout à l'autre,
l'un ou l'autre de ses quatuors ou surtout de ses quintettes,
forme un tout destiné à nous suggérer l'idée d'une scène
coupée par divers épisodes, et qui reproduit avant lafin,enleur
donnant un sens définitif, leur véritable sens, les péripéties
du début. Ceci est un des traits caractéristiques de la manière
( 1 ) Représenté à Paris en 1813.
(2) V. p. 64 de la Notice.
- 23 -
du musicien qui frappe, d'ailleurs, plus d'un contemporain.
Quant aux effets descriptifs, l'exemple du quintette intitulé :
la Ucceliera (la volière), où le chant des oiseaux fait écho aux
sonneries des chasseurs et aux danses des bergers, accom-
pagnées par la musette, marque une évidente tentative de
musique pittoresque et descriptive, où les effets sont stylisés,
dans un goût très conforme à celui du XVîI!^ siècle, un peu
rapetisses et comme mécanisés. On pourrait imaginer une
corrélation entre mainte œuvre « boccherinienne » de cette
époque et certaines œuvres où se manifeste la fantaisie de
Goya et qui représentent des scènes champêtres, telles que
nous les évoquons aussitôt dans notre souvenir français,
mais, ici, avec quelque chose de très différent, et de très espa-
gnol. D'autres exemples, quoique non désignés par l'auteur,
surgiraient comme des révélations, si l'on pouvait faire une
revue un peu com.plète, ne fût-ce que des seuls quintettes de
Boccherini ; nous renonçons à donner une idée de la richesse,
de la variété des scènes pittoresques et poétiques que ferait
revivre un tel exam.en !
Que pensent donc les contemporains de cette œuvre si
complexe ? Quel est le sentiment de ceux qui, dès le début,
se sont trouvés en contact avec elle ? Il importe de recueillir
ces témoignages, de les confronter, et de tenter d'en faire
jaillir un peu de lumière. Ainsi, quelques traits de la physio-
nomie du maître ressortiront, éclairés d'un jour nouveau.
L'apparition des premiers quintettes (op. 12 et 13) dans
.3
- 24 -
rédition parisienne de Vénier, est de janvier 1774 (1).
Il semble bien que ces deux recueils assurent très prompte-
ment la célébrité à leur auteur, car, dès 1776, l'esthéticien
Cari Ludwig Junker, consacre un long article à Boccherini
dans son fantaisiste et curieux petit volume de portraits
musicaux (2).
Quelle surprise pour nous d'y lire que Boccherini est déci-
dément trop ami de l'ombre, trop sombre, trop bourru ! Il
s'embrouille dans les difficultés, et ainsi martyrise l'oreille,
sans délivrer le cœur du poids qui l'accable, il interrompt
brusquement le cours d'une histoire sentimentale... « Puis,
je trouve qu'il manque vraiment trop de plan, de dessin, et
d'ordonnance... ; il me paraît décousu, et ne travaille chaque
jour que sous son inspiration particulière, il s'abandonne trop
au hasard, tantôt à l'idée qui traverse son imagination, tantôt
au sentiment qui fait battre son cœur... Tout compte fait,
l'impression qui domine en présence des trouvailles origi-
nales de Boccherini, c'est celle du frisson et par suite de
l'effroi.
« Mais, depuis que je connais ses quintettes pour deux
violoncelles, depuis lors, je remarque que l'auteur commence
(tout au moins pour moi) à devenir plus chaud dans ses inspi-
rations et plus net dans l'expression des diverses sortes de
sentiments ; là, il semble avoir travaillé d'après un plan,
d'après un dessin préalable. Ces quintettes sont beaux — ils
sont même pathétiques «.
Telle est l'opinion d'un des premiers commentateurs, qui
(1) Mercure, p. 181, janvier 1774.
(2) Zwanzig Componisten, Berne 1776, p. 16-21.
- 25 -
est, à la fois, un grand connaisseur de musique, un savant et,
déjà pleinement, un véritable romantique ; cette opinion donne
lieu à un article qui s'imprime deux ans à peine après que les
deux premiers recueils de quintettes ont paru à Paris. Voilà,
certes, pour le peu de bruit que font habituellement les œu-
vres de musique instrumentale, un événement exceptionnel !
Décidément, les chants de Boccherini survolent promptement
les Pyrénées, et l'Espagne n'est pas le pays de l'isolement.
Mais, plus curieuse et plus remarquable peut-être que la promp-
titude de la renommée, est l'appréciation esthétique de Jun-
ker. Il juge, en sa qualité d'Allemand, que cette musique ita-
lienne est souvent quelque peu désordonnée et confuse,
qu'elle remue notre cœur au détriment de nos oreilles, ou
celles-ci sans notre cœur, ou même ni les unes ni l'autre ; mais
il trouve les mouvements vifs construits selon la mode alle-
mande, tandis que les Adagios capables « de mettre les Italiens
hors d'eux-mêmes ^) lui paraissent inassimilables. Tout cela
nous semble assez étrange. Mais qu'il est donc difficile pour
nous — que l'on nous pardonne l'expression, — d'entrer
dans la peau d'un connaisseur perspicace de 1776 ! L'effet
produit par le style ultra expressif de Boccherini sur des audi-
teurs allemands, habitués surtout aux sévérités de l'école de
l'Allemagne du Nord, se traduit, sous la plume de Junker,
par des appréciations qui ressemblent fortement à celles qui
sortent de la bouche des auditeurs et des critiques contempo-
rains des premiers romantiques. Et combien il est intéressant
et suggestif de les retrouver, à peu près textuelles, à propos de
l'œuvre d'un homme que le futur XIX® siècle va promptement
qualifier de « perruque » !
On ne peut guère s'expliquer comment Junker, reprochant
- 26 -
à Boccherini de manquer de plan et de s'abandonner trop
librement au moindre écart de son imagination féconde, trouve
qu'il change de méthode dans ses premiers quintettes et
qu'il commence à y travailler selon des plans préétablis. Nous
avons plutôt l'impression que c'est le contraire qui est vrai :
car rien de plus net, de plus dessiné, que certains morceaux
de son op. 1 et 2. Tandis que, par contre, on sent surtout
l'inspiration purement sentimentale guider uniquement
l'auteur dans mainte œuvre écrite au début de son séjour
en hspagne. Retenons avant tout que, pour le critique alle-
mand de 1776, le sentiment général qui se dégage de l'œuvre
de Boccherini se résume dans ce qu'on peut déjà nommer
le trouble romantique. Dès le début du Sturm und Drang,
Boccherini, frémissant, est donc atteint, lui aussi, du mal
nouveau ! Au point de vue de la pure critique, on ne trouve
guère d'équivalent à cet article de Junker, et l'on regrette que
Mozart ne figure pas dans la galerie de ces portraits musi-
caux : les appréciations enregistrées par le lexicographe
Gerber, dès la première édition de son Dictionnaire, ne sont
point négligeables cependant. En 1790, le chemin parcouru
par Boccherini est considérable. « Il est, nous dit Gerber, un
des plus grands compositeurs instrumentaux de l'Italie : nul
mieux que lui ne sillonne le champ des modulations, avec
autant d'aisance et de liberté, nul n'utilise comme lui les
trésors de l'harmonie... Et, avec cela, combien son chant
demeure fondu, plein de cœur et d'expansion ! Malgré la
grande quantité de ses compositions, il est toujours neuf et
presqu'inépuisable !... Pour nous. Allemands, il semble bien
qu'il n'y ait qu'Haydn que nous puissions opposer a cet Ita-
lien(l)». Remarquons qu'à ce moment, aucune des nombreuses
œuvres publiées par Pleyel n'avait paru ! L'article ne concerne
donc que des œuvres antérieures à l'op. 36, environ.
En France, ce succès s'affirme dès la publication des pre-
miers recueils du maître. Les deux premiers livres de quin-
tettes, annoncés de nouveau, un an plus tôt que l'article de
Junker, par Y Esprit des journaux (février 1 775) donnent lieu
au commentaire suivant : « Les deux œuvres que nous annon-
çons doivent être particulièrement distinguées par la beauté
des chants variés et soutenus par une harmonie agréable et
savante. > Inutile, d'ailleurs, d'insister sur le fait capital que
toutes les premières éditions de Boccherini sont françaises(2).
Mais, plus tard, après la Révolution, l 'enthousiasmée ne s'est point
ralenti : nous assistons à une scène mondaine, non exempte
d'un certain snobisme, rapportée, à propos d*Anecdotes
sur Viotti, alors le roi du violon : « Ce fut là que des princes,
malgré l'orgueil du rang ; de grandes dames en dépit de la
vanité des titres ; de jolies fem.mes et de petits messieurs,
malgré leur faiblesse, montèrent pour la première fois au
cinquième étage, où l'on entendait la musique céleste de
Boccherini, exécutée par Viotti '^ (3). On verra dans une des
lettres du maître que nous publions à la suite de ce volume,
que cet éloge était venu jusqu'à lui, et qu'il n'y avait pas été
insensible (4). Nous avons là une preuve que, au temps du
Directoire, la musique de Boccherini était tout à fait à la
(l)Gerber(Tomel. p. 174), 1790.
(2) Vénier, La Chevardlère puis De Roullède, Le Duc, Boyer, Imbauit,
Pleyel.
(3) Décade philosophique, an VI (1797), 3 trimestre, p. 525.
(4) V. Appendice. Lettre du 8 juillet 1799, adressée à M'" Jos. Chénier.
- 28 -
mode, et que les « incroyables « lui témoignaient un intérêt
attendri. Ce sentiment d'admiration se traduit d'une manière
plus motivée, tout à fait à la même époque, dans un « Compte
rendu sur les fameux Mémoires ou Essais sur la musique par le
citoyen Grétry, de l'Institut National de France, etc. (1) »...
Le citoyen Grétry cite les Symphonies d'Haydn: «Ceux qui les
connoissent, et quel musicien ne les connoit pas ! ont éprouvé
comme nous qu'elles expriment toujours un sentiment,
qu elles l'inspirent, et quil ne leur manque que la parole.
Nous en dirons autant de Boccherini, le sentimental par
excellence, dont la mélodie est si pure et l'harmonie si par-
faite, qui tour à tour est sombre, tendre, déchirant, gracieux,
et même très gai par accès. Un jeune homme venoit d'exécuter
pour la première fois le trait suivant, l'un des moins connus
et des moins cités de ses Quintetti :
Poco Adaqio Sosleniilo
^
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î
m
■^±
?it.
Q^
^à^\\ \X\m\\ "êm^
\ ]^ i !
< L'archet lui tombe des mains, et il s'écrie: Voilà le premier
accent de la douleur d'Ariadne,au moment où elle fut délaissée
dans l'île de Naxos ! Fontenelle aurait dit : Sonate, que me
veux-tu ? Haydn et Boccherini répondent : Nous voulons
une âme et tu n'as que de l'esprit : jais des épigrammes et des
calculs^K Ceci est une contre-partie française du portrait
(!) Journal des Savants, 30 ventôse an VI, p. 171.
- 29 -
musical de Junker, dessiné vingt ans plus tôt; ici plus d'obs-
curités, mais une compréhension totale, avec une appréciation
tout aussi romantique. Le « sentimental par excellence »
qu'est Boccherini n'ignore aucune des passions humaines, et
le signataire du compte rendu nous montre qu'en 1797, on
parcourt, en écoutant l'œuvre du maître, toutes les régions de
l'âme : Boccherini sait être aussi sombre et même déchirant
que tendre ou gracieux. L'esthéticien allemand et, vingt ans
plus tard le journaliste français, se rencontrent, car tous deux
reconnaissent, à travers les différences de leur esprit, l'inspi-
ration sentimentale qui guide à peu près seule la muse de
Boccherini. C'est vers la fin du siècle que sa musique semble
atteindre le maximum de son rayonnement.
Il faudra, comme il est normal, attendre la mort du musi-
cien pour voir son œuvre entrer dans le domaine de la litté-
rature. Elle n'inspirera point de roman, mais timidement,
s'inscrira sur les pages intimes du journal d'un poète, le
charmant Chênedollé qui, parmi les premiers romantiques,
goûtera en elle toutes les délices musicales que ceux-ci ont
tenté de traduire, sans l'intervention d'aucune mythologie :
Bocherini (sic),
1808 (4 février).
« Sa musique est enchanteresse. Je n'aime que ce qui est
rêvé en musique, et voilà le caractère c^e la science. Il vous
enlève dans une atmosphère de musique, il vous place dans
un séjour mystérieux où il vous arrive des sons inconnus et
magiques. On croit entendre les vers les plus mélodieux, et
respirer à la fois les parfums les plus exquis. Voilà la double
sensation qu'il donne. Il vous entoure de vers et de parfums.
- 30 -
Il y a, à la fois, dans sa musique, le mélange des parfums et de
la poésie. Les motifs ont quelque chose de rêvé et d'inattendu
qui transporte l'âme dans un voyage enchanté. Il vous roule
et vous berce délicieusement dans sa musique. Il est plus
enivrant qu'Haydn. C'est le Racine de la musique ». Et, plus
loin :
«... La musique attaque plus vivement les fibres que la
poésie. Il y a plus de vague, quelque chose de plus indéfini,
de plus aérien. Il y a du ciel dans cette musique-là ! Quels
accents !... » (1)
Comme dans le journal de 1 797, l'auteur trouve une teinte
céleste aux inspirations du maître ; tout concorde puisqu'on a
parlé aussi de leur caractère souvent angélique ; mais, ici,
l'enthousiasme du poète, quoique plus discret et intime,
résonne si profondément que l'on sent bien le choc de la
grâce. Tout cela ne peut nécessairement émaner que d'un
« sentimental par excellence » : mais hélas ! cette sentimen-
talité ne suffira plus à la nouvelle école. Bientôt, elle ne signi-
fiera plus rien, et ni la variété ni le charme de ce langage ne
frapperont plus personne. Lorsque Spohr déclare brutale-
ment, après avoir entendu Baiilot interpréter avec une supé-
riorité évidente, quelque quintette de Boccherini : «Ce n'est
pas de la musique ! » cela résulte plus, à notre avis, d*une
réelle incapacité ethnique à saisir une telle beauté spontanée,
que d'une question de mode. C'est bien plutôt une question
de race que de temps ; mais cela dénote tout de même, de
(I) Thèse sur Chênedollé par Madame Paul deSarrie, nécLucyde Lamare,
A l'Aube du Romantisme, Chênedollé (1769-1833), Caen, Imp. E. Domin. 1922:
V. à la suite ; Extraits du Journal de Chênedollé. (1802-33).
— :>i
la part d'un homme dent l'œuvre est bien loin d'être négli-
geable au point de vue historique et esthétique, une incom-
préhension affligeante de l'art italien. Evidemment, quelques
années plus tard, et toujours chez l'illustre violoniste Baillot,
le jeune Félix Mendelssohn fera preuve d'une autre souplesse
d'esprit, lorsqu'il écrira, dans une lettre à sa sœur : « La soirée
chez Baillot commença par un quintette de Boccherini, une
« perruque », mais sous laquelle sourit un vieil homme aimable
et charmant » (1).
D'une manière générale, la critique allemande, lorsque
paraissent chez Pleyel, à Paris, de nombreux recueils de
Boccherini (2), apprécie les œuvres avec une sorte de modéra-
tion : les quatuors (op. 39) ont souvent « des pensées bien
conduites, du feu, une certaine manière agréable. Mais ils
sont inférieurs à Haydn, Mozart et aux premiers quatuors
de Pleyel >>... Les trios (op. 44) sont très bien écrits, ils ont
une très bonne sonorité ; ils sont très recommandables pour
une certaine classe d'élèves « moyenne « ; les duos pour deux
violons op. 46 sont « de bon goût et habilement construits : on
se réjouit de voir ici le brave Boccherini qui considère habi-
tuellement le violon avec tant de sérieux, comme tenté de
l'embrasser ». Et lorsque, le 21 août 1805, le journal de
Leipzig annonce la mort du maître, l'article signé par la
rédaction décerne de justes éloges, aussi bien à la personne
qu'à l'art de Boccherini (3).
(1) Félix Mendelssohn. Reisebrieje aus den Jahren 1830 bis 1832. Leipzig.
Hermann Mendelssohn, 1864 (p. 308).
(2) V. AUgemeine Musik Zeitung (1798), p. 571 (Symphonies) 584 (quatuors)
587 (trios op. 44), etc.
(3) Ihid. VII, p. 756.
- 32 -
Mais il n*est pas moins vrai que, malgré la publication
monumentale faite à Paris sous la Restauration par Janet
et Cotelle, malgré les séances de Baillot qui entretiennent
comme une sorte de culte, les auditeurs fidèles ne sont plus
que de vieilles gens qui s'égrènent petit à petit et lorsque la
présente Notice tente, en 1851, de rappeler l'attention sur
cet art subtil et charmant, on s'aperçoit que, d'une part,
l'indiflférence et le mauvais goût de cette période n'ont laissé
qu'un désert dans le monde de l'art, et que, de l'autre, les
grands romantiques semblent avoir définitivement étoufxé
un art qui n'a plus aucun représentant. En somme, un art
fait de vive et chaude poésie, d'une variété quasi infinie
dans l'ordre sentimental, inauguré en Italie dès le milieu du
XVIII^ siècle par Sammartini est mort avec Boccherini, à
Madrid, le 28 mai 1805. Le romantisme triomphant, sous des
ramures de plus en plus touffues, étouffera ses dernières
pousses.
Un journaliste français qui signe Maurice Cristal (2),
cependant, tente beaucoup plus tard de le faire revivre.
Dans une série d'articles parue, entre le 14 février et le
29 août 1875, au Ménestrel, il aborde deux grands sujets.
Il s'agit, pour lui, de donner quelques aperçus nou-
veaux alors sur l'histoire de la Symphonie et d'appeler
l'attention sur le rôle joué par Sammartini et plus tard, par
Mysliweczek. La curiosité de son esprit le conduit à
faire des constatations d'ordre général qui tombaient d'ail-
(I) Il se nommait Maurice Germa. Né vers 1825, économiste et critique
musical, il a écrit dans la Revue Contemporaine, an Correspondant, k ï Annuaire
encyclopédique, dans la Revue et Gazette musicale.
- 33 -
leurs dans le vide, car elles ne pouvaient guère trouver
d'écho. Il est le premier critique qui ait relevé la filiation
qui unit les deux grands musiciens instrumentaux de l'Italie,
le maître de Milan et celui de Lucques. Dire, par exemple,
ceci (en 1875!) en parlant de Sammartini :«.... C'est de lui
surtout qu'on peut dire qu'il est le premier en date des
symphonistes de race latine. Or, il ne s'agit plus d'aller
comparer Boccherini à Beethoven, mais de bien tracer la voie
de sentiments, de charme et de joyeuseté fascinantes que la
musique concertante prit dans le Midi de l'Europe, après
Sammartini. C'est principalement dans Boccherini que cette
physionomie s'incarne et s'idéalise » ; dire cela nous apparaît
comme une sorte de divination. Avant tout travail d'exégèse,
il déclare que « Samm.artini est le premier dans lequel s'accuse
le lyrisme instrumental^^ et c'est à cette constatation qu'abou-
tissent nombre de savantes recherches actuelles. Il y a là
la perspicacité et la netteté de vue, tout ce qui fait l'étofle
d'un grand pionnier de l'histoire de la musique instrumentale.
Son but principal, après nous avoir fait part de ses vues
intelligentes et profondes sur celle-ci, est de nous éclairer
au sujet de l'influence exercée sur Boccherini par la musique
espagnole. Il intitule d'ailleurs ses articles « Boccherini et
la musique en Espagne », ce qui le conduit naturellement à
nous parler de l'histoire de la musique dans ce pays. Tentative
bien originale aussi ! Peut-être ira-t-il un peu loin en nous
affirmant que « Boccherini est le portrait musical de l'Es-
pagne >\ chose assez malaisée à démontrer d'une manière
aussi péremptoire. Mais, lorsqu'il découvre dans la musi-
que du maître — qu'il a dû sérieusement pratiquer ou
bien entendre, — « le caractère typique des anciens rythmes
- 34 -
espagnols et l'impression tour à tour sensuelle, passionnée,
douloureuse, quelquefois terrible (1) de la musique autochtone
de la péninsule », il nous donne la formule véritable. 11 a
voulu « mettre ici en relief « cette source de l'inspiration,
« principe actif que la critique musicale oublie trop souvent».
Combien riche et profonde, cette source ! « 11 ne l'a pas cher-
chée, il s'en est nourri inconsciemment, c'est le génie même
de l'Espagne qui lui a fourni son langage lyrique, qui a
empreint dans toute son œuvre cette âme ineffaçable d'une
nationalité, qui est la force secrète de toutes ses compositions».
Là, il oublie évidemment tout ce qui a été écrit antérieure-
ment au séjour en Espagne ; et il reste à démontrer que les
premières œuvres, composées à partir de 1769, se sont
aussitôt imprégnées, à un tel degré, d'hispanismes dévorants.
Ce qui ne veut pas dire que ceux-ci ne se trouvent vibrants,
en maintes pages de ces œuvres... Celui qui relèvera chaque
participation de la puissante force musicale de l'Espagne,
dans l'œuvre de Boccherini, aura bien mérité de la science
musicologique. Enfin, comment ne pas sentir s'éveiller le feu
poétique particulier au vieux maître, et comment ne pas être
sûr que le critique ait pénétré tout ce qui fait la beauté propre
et le charme de son art, lorsque nous lisons les lignes qui
terminent cette étude originale :
« Quand nous entendons ces adagios douloureux, ces largos
passionnés, ces menuets enguirlandés comme pour un bal,
avec ces cordes pincées dans les sonorités moyennes pour
donner à la phrase chantante toute cette plénitude de sons
argentins et ces reflets dansants de la mandoline ou de la
(1) Cf. plus haut. Junker, op. cit.
- 35 -
guitare ; quand à ces rythmes délicieux, à travers lesquels
reparaissent les nuits espagnoles étoilées d'amour, nous
voyons soudain les regards s'illuminer, comme si le paradis
s'ouvrait devant eux, alors notre esprit se reporte vers cette
chambre humble où Boccherini, sans meubles, sans habits,
sans argent, sans pain, juché dans son appentis et courbé sur
sa table de travail, évoquait dans son esprit tous les délires
de ses désirs, de ses amours, de ses rêves, de sa naïve piété,
de ses inconsolables deuils, et les transcrivait pour notre
admiration.»
Nous avons dit plus haut que ces articles de Cristal étaient
restés sans écho, alors qu'ils eussent tant mérité d'en éveiller
au moins quelques-uns. C'est exact pour ce qui nous concerne,
mais ni le travail, ni les idées du journaliste français ne demeu-
rèrent étrangers au premier en date des biographes allemands
de Boccherini. En effet, le docteur H. M. Schletterer en tire
parti dès les premières pages de la biographie du maître
italien, et il n'hésite pas à emprunter aux articles de Cristal
des passages entiers de l'introduction dudit ouvrage. Et la
Notice de Picquot, devenue classique, servira de base à tout
ce qui fait la suite du travail de Schletterer : celui-ci repro-
duira même scrupuleusement le catalogue final, muni de
toutes les annotations et commentaires de Picquot (1).
(1) On trouvera plus loin, presqu'à chaque page du Catalogue dressé par
Picquot, d'après celui de Boccherini, quelques mentions ou rectifications
apportées par nous, ainsi que les dates de publication de quelques-unes des
œuvres parues à Paris, et que le dépouillement des journaux de l'époque nous a
permis de fixer définitivement.
- 3Ô
*
*
Comme nous l'avons dit déjà, il nous est impossible, faute
de partitions, de fournir une vue d'ensemble des procédés
de composition musicale employés par Boccherini au cours
de sa longue carrière artistique. Ceux-ci ont nécessairement
beaucoup varié ; mais il en est plusieurs, fort caractéristiques,
auxquels il est demeuré fidèle. D'une manière générale, si
l'on examine des œuvres instrumentales (quatuors, quintettes)
écrites par lui en l'espace de trente ou quarante années, on
remarquera que la répétition d'une idée ou d'un dessin a
lieu presqu'invariablement, le plus souvent sans changement
de ton, ce qui n'est pas sans engendrer une certame mono-
tonie ; et, pour tâcher à l'éviter, on peut, on doit même,
renouveler ou changer l'expression de ladite idée. D'ailleurs,
les indications dynamiques, les nuances sont poussées si loin
et, en général, si méticuleusement indiquées, qu'il n'est guère
possible de ne pas tenir compte d'une telle direction : nous
ne connaissons pas d'auteur contemporain qui ait veillé avec
une telle précision et, dirons-nous, un tel luxe, à l'interpréta-
tion expressive de la musique : tendance déjà nettement
« romantique ».
Nous avons fait allusion plus haut au procédé particulier à
Boccherini, et qui consiste à ramener à la fin d'un quatuor
ou d'un quintette, ou le début textuel de celui-ci ou, simple-
ment, des dessms qui figuraient dans le premier morceau.
De là, se dégage d'abord un sentiment très net de ce qui fait
l'unité d'un morceau, et surtout aussi le désir de l'auteur de
nous peindre une scène, ou de nous chanter tout un poème :
- 37 -
malgré les épisodes les plus divers, tels que mouvements
lents entiers, longs menuets et trios, etc., nous ne devons pas
oublier l'introduction à laquelle nous serons ramenés et
qui servira de conclusion à l'ensemble, tel un véritable pré-
lude aux grandes œuvres cycliques du XIX^ siècle. Chanter,
avons-nous dit. Oui, chanter, c'est là le but où doivent tendre
toutes les indications données avec tant de prodigalité par
l'auteur ; cela est vrai, aussi bien dans les mouvements vifs
que dans les andantes, dans les menuets que les rondos. Et
ce chant masquera les unissons ou les vides momentanés, et
d'ailleurs certainement voulus pour obtenir certains effets
pittoresques, lors de certains passages. Puis, aussi aimer à
se ressouvenir, vers la fin, de ce qui faisait l'inspiration du
début.
La recherche des sonorités est si poussée que l'auteur,
pour donner plus d'éloignement à un trait, pour estomper
quelque dessin et rentre l'effet lointain, recommande soit au
premier violoncelle, soit au premier violon de jouer sur le
chevalet, « sul ponticello », procédé que les grands maîtres
n'ont pas mis en usage. Il dénote une préoccupation très
vive de l'effet pittoresque, et cela n'a rien qui puisse nous
surprendre chez un artiste dont nous avons eu plus haut
l'occasion d'apprécier le goût marqué pour les scènes de
danses, les pastorales, les effets descriptifs.
Comment Boccherini traite-t-il la partie capitale du
« morceau de sonate », le développement ? Cette importante
question n'échappe nullement à Picquot (1) qui, en un temps
où la morphologie n'existe guère, nous montre fort bien
(1) V. p. 39,40etsuiv
- 38 -
quelle fut, a cet égard, la méthode de Boccherini : en somme,
son génie lui permet de faire des développements construits
sur les sujets constitutifs du morceau de sonate — grand art
où demeurent insurpassés les maîtres allemands de la période
classique ; puis, il se contentera, à d'autres moments, d'utiliser
seulement un des sujets ou même un fragment, une amorce
de l'un d'eux, dans le creuset du développement, ou encore il
fera jaillir un motif ou un dessin nouveau, qui fournira peut-
être la matière entière de ce développement. Et, ici, Picquot
fait remarquer que ce motif nouveau qui « jaillit au début
de cette seconde partie, se fond dans l'ensemble avec un
bonheur d'affinité qui résoud le problème si difficile de la
variété dans l'unité. » Je crois qu'on ne peut mieux dire. Il y a
là une sorte de justification du « développement » au sens le
plus strict du mot, mais tel que l'ont pratiqué les maîtres
italiens : trouver ou plutôt, comme l'exprime Picquot, faire
jaillir une idée engendrée par les éléments du début et par
conséquent que l'on sent non seulement apparentée, mais
issue desdits éléments, n'est-ce pas un résultat remarquable ?
Loin de nous l'idée de considérer comme chose accessoire
la puissante malaxation, le bruit sublime de la forge où un
Haydn, un Beethoven, soumettent à l'épreuve du feu tout
ou partie d'un thème musical ! Ce que nous voulons dire,
c'est qu'il n'est peut-être pas moins admirable d'extraire une
idée nouvelle du jeu de ces éléments, mais une idée que l'on
sent se rattacher à eux comme par le lien mystérieux de la
filiation, lien tout idéal, sans aucune apparence matérielle,
et qui justifiera musicalement pour nous ce que nous appelle-
rons le développement italien : n'oublions pas, d'ailleurs
que les Italiens n'ont pas été les seuls à savoir en tirer parti :
-39-
Mozart, souvent, ne l'a pas dédaigné. Picquot reconnaît donc
chez Boccherini l'emploi du sujet nouveau au cours du
développement, et son affinité avec les sujets principaux dans
un morceau de sonate ; il sent parfaitement tout ce que
l'emploi de ce procédé apporte de variété et de piquant, sans
porter préjudice à l'unité du morceau. 11 fait comprendre
aussi l'effet souvent heureux d'une rentrée du premier sujet,
absente dans le corps du morceau et qui ne se produit qu'en
manière de conclusion, procédé familier aussi à la plume
toute instrumentale du maître de Lucques. Tout cela, répé-
tons-le, dénote chez le biographe français un sens aigu, bien
rare en son temps, de la morphologie.
11 n'est pas difficile de relever dans différentes œuvres
écrites pendant le cours de la carrière du maître des exemples
très nets de ces différentes méthodes ; mais la connaissance de
l'œuvre entière ne permet pas encore de tracer exactement les
phases diverses de cette évolution. Contentons-nous donc de
signaler ici, au hasard des quelques morceaux dont la partition
a été publiée, les différents types de développement enregistrés
par l'âge classique.
Le premier mouvement du n° 1 de la série de symphonies
ou quatuors (op. 1) présente le schéma de la vieille sonate
italienne sans rentrée du premier sujet à la tonique. Aux
barres de reprise, celui-ci reviendra dans la tonalité de sa
seconde exposition (mi-bémol majeur), mais la période s'allon-
gera du double de sa longueur primitive, sans adjonction
d'idée nouvelle, et par le moyen de modulations et de trans-
formations apportées à la substance de la première partie. Le
retour du second sujet s'effectue sans autre changement que
sa transposition à la tonique ("ut mineur) . Ne nous étonnons
- 40 -
pas de cette construction, car l'œuvre date de 1761, et ce
n'est que plus tard que les changements surviendront.
Dès 1770, dans les quatuors op. 9 de l'auteur, le système de
la rentrée du premier sujet à la tonique est établi : et c'est là
un fait important. Quelques exemples recueillis dans des
œuvres postérieures nous prouvent que ce système est cou-
ramment pratiqué : dans Y Allegro con spirito qui précède le
trop célèbre menuet du quintette en mi majeur (op. 13) ; en
1778, dans un nostalgique quintette en la mineur (op. 25), le
premier morceau nous offre un développement libre, am.orcé
par la mesure qui précède les barres et dont l'étendue est de
44 mesures ; il est suivi d'une rentrée à la tonique, et d'une
coda faite des éléments qui y avaient été omis. On trouve
dans un quintette en ré (1787) un développement du pre-
mier Allegro vivo où se rencontrent, intervertis, les éléments
constitutifs de la première partie, et la rentrée du premier
sujet a lieu tout à la fin, en manière de coda. Lorsqu'on
étudie certains des grands quintettes de la période 1795-
1800, on rencontre une étonnante variété de formes : Boc-
cherini tente parfois deux développements juxtaposés, chacun
muni de ses barres de reprise, et la rentrée ne se fait qu'en
manière de conclusion. (Quintettes avec piano 1797.) Tan-
dis que, dans un grand et magnifique quintette à cordes en
mi hémol, écrit en 1795, il donne le modèle de la noblesse
et de la variété classique dans le premier morceau, régu-
lièrement construit ; dans la finale, il s'essaie à un remar-
quable fugato, muni de trois longues reprises variées et,
la même année, il écrit un quintette en ut majeur débutant
par une grave introduction en mineur, r/4//e^ro assai s'arrête
brusquement pour faire place à une innocente Cantilène
- 41 -
suivie d'un exquis et poétique menuet, après quoi, c'est une
rentrée variée du premier mouvement qu'achève une brillante
Coda (1). On voit la diversité des sytèmes et les recherches
formelles effectuées par le m.aître, dans la mise en œuvre
d'un morceau de sonate.
Peut-être la création la igplus orinale de Boccherini se
manifeste-t-elle dans les Rondos. La façon dont il sait enguir-
lander ses thèmes, les sertir dans la couronne éblouissante de
ses intermèdes, les rehausser par le contraste d'inventions
toujours renouvelées, nous semble parfois d'une fantaisie
inimitable et, à l'occasion d'une étude sur les séries des
quatuors italiens de Mozart, ainsi que sur ses fameuses sonates
« romantiques », pour piano et violon, nous eûmes l'occasion
de montrer l'influence exercée par les rondos du maître de
Lucques sur le jeune Salzbourgeois.
Que ces thèmes de rondos soient des andantes ou des
mouvements vifs, le charm.e et l'intérêt demeurent les mêmes :
Boccherini a commencé par adopter le cadre du rondeau
français à un ou deux intermèdes (dans les sonates pour
piano et violon notamment) ; mais, déjà là, surgissent les
inventions nouvelles, avec une liberté et une variété qui ne
tarderont pas à se m.ontrer insoupçonnées, surtout à mesure
que s'avancera la carrière espagnole du maître. Il y aurait
une étude à élaborer sur les progrès que manifeste le rondo
chez Boccherini. Cette forme devint pour lui, une source
d'inventions sans limites : la verve, la désinvolture, l'esprit,
ravivent sans cesse un thème, quel qu'il soit, et l'enthousiasme
s'allume parmi les exécutants familiarisés avec ce genre et ce
(1) V. ces différents Quintettes dans la petite Edition de poche Ricordi.
— 42 -
style. Rien de plus intéressant que de suivre l'élargissement
et l'enrichissement progressif du rondo a. travers l'œuvre du
maître ; il nous faut renoncer à donner ici l'idée de cette
richesse et de cette variété. Peut-être est-ce là que l'élément
« impondérable » de son génie se manifeste le plus remarqua-
blement.
Il est une autre question que pose la critique moderne à
l'égard de Boccherini. Picquot passe rapidement sur elle, en
déclarant que l'infériorité du maître, à ce point de vue, ne
permet pas de le mettre au rang des compositeurs allemands ;
que, de plus, le caractère de son génie, fait d'intimité et de
douceur, l'éloigné du grand éclat des foules. Il s'agit de la
symphonie. Picquot ne voit dans la Sym.phonie de Boccherini
que « des Quintetti ou Sextuors renforcés » (1). Il est vrai que,
mise en regard de sa musique de chambre, l'œuvre proprement
« symphonique » du maître n'est pas très importante. Mais
nous présumons qu'une étude portant sur une vingtaine de
ses symphonies proprement dites, conduirait à un résultat
très opposé à l'opinion qu'émettait Picquot : sans que nous
puissions naturellement donner aucune précision, nous
sommes portés à croire que le recueil op. 22 (1775) pourrait
nous fournir des exem.ples très purs et très beaux de sympho-
nies pour petit orchestre, dans le style du XVIII^ siècle, tandis
que le recueil inédit op. 35 (1782), et les symphonies séparées
qui s'échelonnent de 1 787 à 1 792, seraient de nature à nous
révéler quelque chose deftotalement ignoré et de particuliè-
(1) V. p. 75, 76. Une importante série de Symphonies vient d'être retrouvée
par M. Ch. Bouvet, à la Bibliothèque de l'Opéra où sont conservés les manus-
crits, de nombreuses œuvres de Bcccherini.
- 43 -
rement libre et modeme(l). L'audition de l'une des premières
nous donne l'impression que la connaissance de l'œuvre
symphonique rehausserait plutôt encore le sens de notre
appréciation.
Sans préjuger des résultats auxquels une telle enquête
pourrait atteindre, nous ne croyons nullement nous exposer
à un démenti en prétendant qu'elle n'ajouterait rien aux
raisons qu'on a voulu faire valoir relativement à la parenté
qui unirait l'art de Boccherini à celui de la célèbre école de
Mannheim. Lorsque, grâce aux travaux du Professeur Rie-
mann, cette école est sortie des cendres de l'oubli, on a
soutenu que la découverte de Stamitz et de ses disciples, avait
donné le mot de ce qu'on a appelé l'énigme Boccherini. Or,
pour nous, la question à ce moment n'a pas fait un seul pas
en avant.... Nous comprenons et partageons l'étonnement de
ceux qui, étudiant 'd'un peu près l'histoire de l'art instru-
mental, ont trouvé accompli, dès la décennie 1770-1780, le
chef d'oeuvre du trio, du quatuor ou du quintette ; car c'est
un fait que, dès lors, Boccherini en a signé plusieurs. Mais,
pour nous, si l'op. I du maître de Lucques est un grand
événement, il s'explique, que l'on nous permette d'employer
ce mot, italiquement : c'est non pas l'école de Mannheim,
mais le seul précédent des S infonie per caméra, de celles de
Tartini notamment, qui suffit à tout expliquer ou à tout faire
comprendre. Et pour ce qu'il y a de capricieux et de poétique
(1) V. Rivista Italiana (article de R. Sondheimer), fasc. 4 (1920) et les citations
du D'" K. Nef dans son Histoire de la Symphonie p. 1 76 et s. On pourra constater
que Boccherini a repris, pour servir d'Introduction à son Stabat mater (1801) le
morceau par où débutait la 4'- Symphonie en fa (1782), restée inédite.
- 44 -
dans l'œuvre du jeune Lucquois, le précédent du vieux
Milanais Sammartini nous suffit aussi largement. Dans le
domaine proprement symphonique, comment d'ailleurs
admettre que l'école de Stamitz ait joué pareil rôle et exercé
semblable influence, parmi les cours princières et chez les
amateurs en Espagne ? Pour nous, le génie de Boccherini a
d'abord été guidé par des maîtres Romains, restés malheu-
reusement obscurs ; puis, il a été en contact avec les maîtres
instrumentistes de l'Italie du Nord, puis à Paris avec l'école
française, et, enfin, pendant son long séjour au delà des
Pyrénées, avec des Italiens d'abord, en attendant de s'impré-
gner de l'air ambiant, tout parfumé des chaudes senteurs
castillanes ou andalouses. Nous n'omettrons point naturelle-
ment tout ce qui fait la part inconsciente du génie, et cette
part est grande chez un artiste tel que l'a été Boccherini !
Et maintenant que nous avons essayé de mettre au point
l'état actuel de nos connaissances relatives à la vie et à l'œuvre
du maître, il est temps de laisser la parole à celui qui s'est
si parfaitement identifié avec cette vie et cette œuvre : mais,
il nous faut encore adresser aux musicologues de l'avenir et
aux musiciens d'aujourd'hui un double et pressant appel.
Njus demandons aux premiers de scruter le terrain qui a
nourri la fleur boccherinienne, en lui donnant de si rares
couleurs, et nous leur demandons aussi de l'étudier elle-
même, dans sa formation et son développement ; aux seconds
nous voudrions faire comprendre qu'ils peuvent seuls faire
cesser l'oubli scandaleux où a sombré une des œuvres musi-
cales les plus richement variées : devant maintes et maintes
pages tour à tour grandioses, pittoresques et toujours émues,
ils verront surgir la physionomie d'un homme capable d'élans
— 45 —
sublimes, d'un homme qui a créé un langage musical tout
pénétré d'ardente poésie, de pieuse adoration, un langage où
l'originalité et la beauté s'égalent, pour nous donner une
certaine qualité de parfum qui, disons-le encore, demeure,
pour nous, sans équivalent.
G. DE S. F.
Nous donnons à la fin de ce volume la liste des éditions pratiques actuelle-
ment accessibles de plusieurs œuvres de Boccherini, et nous nous promettons
d'enrichir un peu cette liste par la publication de quelques séries inédites, appar-
tenant à la Bibliothèque du Conservatoire et à la Bibliothèque de l'Opéra.
AVANT-PROPOS
En écrivant cette Notice, l'auteur s'est proposé trois choses :
rectifier les erreurs assez considérables commises par les bio-
graphes de Boccherini et ajouter aux faits déjà connus d'au-
tres faits qui le sont peu ou point ; remettre en mémoire un
compositeur célèbre dont les œuvres, filles du génie, demeu-
reront des modèles de grâce, de sensibilité et de goût ; enfin
offrir aux amateurs un Catalogue raisonné et complet des
ouvrages dont se compose la volumineuse collection des
titres de Boccherini à l'admiration des connaisseurs.
Cette troisième et dernière partie n'est pas celle qui a néces-
sité le moins de recherches. Quel musicien, s'étant occupé
sérieusement de bibliographie musicale, n'a gémi sur les
erreurs dont fourmillent les recueils biographiques dans
l'énumération des œuvres de chaque compositeur ! Omissions,
doubles emplois, méprises, suppositions, s'y accumulent en
raison même du degré de mérite de ces œuvres, qui, livrées
sans défense à la spéculation commerciale, se déguisent et se
travestissent sous mille formes, comme autant d'appâts à la
crédulité publique. De là ces titres mensongers qui donnent
pour originale une œuvre qui ne l'est pas ; qui lui assignent
- 48 -
un ordre numérique inexact quand il n'est pas imaginaire, ou
qui placent sous l'égide d'un nom recommandable les rapso-
dies d'un obscur faiseur. Ajoutez a ces causes incessantes d'in-
certitude et d'erreur l'absence obstinée de toute date dans la
publication, la rareté des bibliothèques, l'insuffisance des plus
riches, et l'on jugera s'il est aucun efïort humain capable de
triompher d'un pareil désordre dans l'immensité des produc-
tions musicales que deux siècles ont entassées.
Mais ce qui semble impossible dans une bibliographie géné-
rale, cesse de l'être pour une bibliographie particulière où
l'exactitude est de rigueur. C'est pourquoi il serait à désirer
que les musiciens instruits entreprissent, suivant leurs prédi-
lections, le pays qu'ils habitent, les ressources dont ils dis-
posent, de compléter les biographies des plus célèbres com-
positeurs (de ceux surtout dont les travaux ont exercé une
large mfluence sur les progrès de l'art, et sont destinés, par
cela même, à survivre à leur époque et à intéresser les con-
naisseurs de tous les temps), de compléter, disons-nous, ces
biographies des plus célèbres compositeurs : — par une
énumé ration chronologique de chacune de leurs œuvres,
des éditions et des reproductions sous formes diverses qui
en ont été faites, des fraudes et des suppositions de nom
auxquelles elles ont donné lieu ; — par l'indication des
bibliothèques publiques ou particulières qui renferment les
manuscrits originaux, les œuvres inédites ou très rares ; —
enfin par une appréciation critique, mais succincte, propre à
éclairer l'amateur sur le mérite de chacune et à guider son
choix.
On conçoit l'utilité d'un travail semblable, exécuté avec
conscience et talent. Déjà l'éditeur André, d'Ofîenbach,
- 49 -
possesseur de la plus intéressante partie des manuscrits
originaux de Mozart, a publié, vers 1828, un catalogue
thématique des ouvrages de cet illustre maître. Malheureuse-
ment, il a cru devoir négliger les œuvres qui se rapportent à
la jeunesse de l'auteur, et ne commencer qu'à l'année 1 784 (1),
de sorte que son travail laisse une lacune bien regrettable
pour tous ceux qui aimeraient à suivre et à voir se développer
les progrès et les phases diverses de ce merveilleux génie
Tel qu'il est, néanmoins, et nonobstant quelques reproches
qu'on pourrait lui adresser, ce Catalogue est plein d'intérêt
et montre de quelle utilité seraient des recherches semblables
sur les productions des compositeurs les plus en renom,
principalement en ce qui concerne la partie instrumentale.
Mû par cette conviction, et consultant moins ses forces
que son zèle, l'auteur de la Notice sur Boccherini ne s'est pas
attaché seulement à rédiger un Catalogue où l'exactitude
rachetât ce qu'il ofïre de défectueux sous d autres rapports ;
essayant de mettre en pratique les idées émises plus haut, il
a cru devoir accompagner chaque œuvre d'observations biblio-
graphiques, historiques ou critiques, de manière à faire mieux
saisir l'esprit et le plan dans lesquels il serait désirable que
les catalogues des grands auteurs fussent conçus.
Puisse cet essai, tout imparfait qu'il est, trouver des imi-
(1) On trouve dans la Revue Musicale de M. Fétis, année 1835, une liste
chronologique des ouvrages de Mozart, depuis sa plus tendre enfance jusqu'à
sa mort ; cette liste est accompagnée de notes intéressantes sur l'une et l'autre
période, la première antérieure à 1784, la seconde postérieure. (P.).
Nous faisons suivre de la lettre P. toutes les annotations émanant de
Picquot.
- 50 -
tateurs et stimuler le zèle de plus érudits et de plus capables !
Puisse-t-il aussi ramener les artistes et les amateurs au goût
d'une musique simple, naïve, mélodieuse, puisée aux sources
les plus pures de l'inspiration et du sentiment ! L'auteur n'am-
bitionne pas d'autre récompense.
NOTICE
SUR LA VIE ET LES OUVRAGES
DE
LUIGI BOCCHERINI
SUIVIE
DU CATALOGUE RAISONNÉ
DE TOUTES SES ŒUVRES, TANT PUBLIÉES Qu'lNEDITES
La musique instrumentale destinée à la chambre, celle
dont les moyens d'exécution se résum.ent dans le violon et
ses congénères, ne date en réalité que de la fin du XVII^ siècle.
Ce n'est pas à dire qu'antérieurement à cette époque ce genre
de musique n'eût été connu, cultivé, ou qu'il n'eût fait aucun
progrès, faute de maîtres habiles ; non sans doute. Mais il
est permis d'avancer que, jusqu'à l'apparition de Corelli (1),
rien dans les travaux de ses devanciers ni de ses contemporains
eux-mêmes n'indiquait la savante direction qu'il eut la gloire
(1) Son premier ouvrage : XII Sonate a fre, due Violini e Violoncello, col
Basso per iorgano, fut publié à Rome en 1685 ; le 5'-, son chef-d'œuvre, en
1700 (P.).
- 52 —
d'imprimer à son art. Supérieur aux maîtres de ce temps par
le savoir, par l'exécution, par la pensée qui agrandit tout, il
se posa comme chef d'école dans son immortel Œuvre 5, en
frayant des routes nouvelles où le suivirent avec ardeur des
disciples dignes de transmettre ses préceptes et de continuer
la révolution qu'il avait si heureusement commencée. Après
cet illustre réformateur, vint Tartini, Tartini aussi grand
compositeur que grand violoniste, dont les œuvres brillantes
d'invention et de génie ne contribuèrent pas moins que les
leçons du maître à affermir et a étendre les conquêtes de
l'école instrumentale. Les élèves de ces deux grands artistes,
Geminiani, Locatelli, Somis, Leclair, Nardini, Pugnani,
Domenico Ferrari et plusieurs autres, ajoutèrent encore à
la gloire de cette école et préparèrent l'époque mémorable
dont Viotti devint plus tard la sublime personnification.
Toutefois, il faut le reconnaître, quelque influence qu'aient
exercée les travaux de ces virtuoses sur le grand mouvement
opéré dans la musique instrumentale vers la seconde moitié
du XVIII^ siècle, quelque puissante qu'ait été la force d'impul-
sion qu'ils lui donnèrent, ils entrevirent à peine les hautes
destinées auxquelles leur art devait s'élever. Préoccupés
uniquement des progrès du violon, des moyens de les hâter
et de les étendre, ils conçurent leurs compositions dans ce
but exclusif ; leurs idées roulant dans ce cercle restreint
qu'elles ne surent point franchir, ils n'imaginèrent aucune de
ces combinaisons ingénieuses d'instruments où chaque par-
tie devenue concertante ajoute à l'intérêt du discours musical,
lui donne de la vie et du corps, permet toutes les scènes, tous
les tons, tous les tableaux, et transporte l'auditeur dans le
monde infini de l'idéal.
- 53 -
A un autre, à Boccherini était réservé l'honneur de s'élancer
au delà, et de découvrir le vaste et inépuisable champ où il
cueillit les premières palmes. C'est le flambeau de cet admi-
rable génie qui éclaira ces voies inconnues, où marchèrent
ensuite, d'un pas si ferme et si sûr, les Haydn, les Mozart,
les Beethoven, ces divins modèles d'une perfection à laquelle
on désespère d'atteindre.
Elle est donc bien légitimement acquise la place qu'oc-
cupe, parmi ces maîtres de l'art, le créateur du Trio, du
Quatuor et du Quintette. Aussi les biographes de tous les pays
se sont plu à rendre hommage au génie de ce grand artiste ;
tous ont parlé de ses travaux, de ses titres à une impérissable
célébrité, avec un talent, une chaleur de conviction tels qu'il
serait téméraire d'élever la voix après eux, si l'amour de la
vérité ne faisait un devoir de suppléer à leurs omissions, et de
rectifier les erreurs qu'ils ont involontairement commises.
LuiGi Boccherini naquit à Lucques le 14 janvier 1740 (I).
Son père, habile contre-bassiste, lui donna les premières
(1) Luigi Boccherini est né, en réalité, le 19 février 1743, à 10 h. du matin,
dans la paroisse St-Sauveur de Lucques. Il était le troisième enfant issu du ma-
riage de Léopold Boccherini, remarquable contre-bassiste, et de Maria Santa,
fille de Dominique Prosperi. Il reçut le baptême, à la date du 22 février, dans
l'église S*- Jean et S*^-Reparate, laquelle église se trouvait unie à la Métro-
politaine ; c'est dans cette même église qu'il fit sa première communion
en 1757.
En 1749, la famille comptait cinq enfants : Marie Esther (1741) ; Antoine
(\742) ; Louis-Rodolphe (1743) ; Mathilde (1745) ; Riccarda-Gonzaga (1748).
V. Schletterer, p. 110, 111.
Comme pour beaucoup de grands artistes italiens, on sait, en somme, fort
peu de chose sur ses premières orientations musicales : son séjour à Rome,
- 54 -
leçons de musique et de violoncelie ; mais il ne tarda pas à
être remplacé dans ce soin par le maître de chapelle de l'arche-
vêché, labbé Vannucci, qui voulut cultiver lui-même les
heureuses dispositions du jeune Boccherini. Telle était la
facilité de l'élève que bientôt cette ressource devint insuf-
fisante ; on décida qu'il irait à Rome pour s'y perfectionner
dans le mécanisme de son instrument et apprendre la compo-
sition. Né avec la précieuse faculté de créer des chants faciles
et purs, de les accompagner d'une harmonie douce, expressive,
appropriée à leur suavité, Boccherini que la nature avait
doué de l'instinct mélodique le plus exquis, eut peu à faire
avec ses nouveaux maîtres, ou plutôt ceux-ci n'eurent qu'à
diriger ses premiers pas. A peine âgé de vingt ans, il manifesta
son génie par des compositions originales, dont la richesse et
la nouveauté des formes, la fraîcheur, la grâce, la naïveté
des pensées excitèrent un enthousiasme général. Ces compo-
sitions sont encore aujourd'hui, après plus de quatre-vingts
ans, un sujet d'admiration et de vives jouissances pour les
amateurs d'un art où les révolutions dans le goût sont si
subites, les préférences si fréquentes, où l'oubli suit de si
près l'engouement. Tant il est vrai que les ouvrages produits
sous l'inspiration du cœur conservent à jamais leur charme
primitif !
Ses études terminées, Boccherini, jeune d'âge, riche d'avenir.
les noms de ses maîtres d'alors, notamment, dont l'importance dut êtreconsidé-
rable sur sa première formation, demeurent obscurs. Cette école romaine, tant dans
la musique religieuse que dans la musique instrumentale, a sûrement et vivement
frappé le jeune homme : elle a pu contribuer à lui donner cette qualité d'inspi-
ration, de ferveur et d'onction religieuse qui se manifestera chez lui au cours de
toute sa carrière artistique.
- 55 -
comblé des témoignages les plus flatteurs, revint dans sa
patrie, souriant à cette gloire qui devait être désormais
l'unique objet de son ambition et de ses travaux. De retour
à Lucques, il n'oublia point le séminaire où il avait puisé ses
premières connaissances ; il y fit entendre les compositions
qui lui avaient valu le suffrage de tout ce que Rome possédait
de plus distingué(l). Un enivrement général suivit ce début ;
on ne savait ce qu'on devait admirer le plus de l'exécution
ravissante du virtuose, ou de cette facture à la fois neuve et
piquante, si habilement appropriée à un genre alors informe
et sans caractère décidé.
Boccherini savoura pendant quelque temps, au milieu
de ses compatriotes, l'ivresse du premier succès. Mais la
soif de la célébrité le tourmentait ; Lucques n'était point
un théâtre où pussent s'accomplir les destinées qu'il rêvait
incessamment ; il résolut de les chercher ailleurs. Lié d'une
étroite amitié avec Manfredi, violoniste de l'école de Tartini,
il lui fit partager aisément son désir de parcourir les capi-
tales. Confiant leur avenir à une même fortune, les deux
artistes dirent adieu à leur pays, puis visitèrent successivement
Turin et quelques villes de la Lombardie (2), du Piémont et
du Midi de la France. Partout leur talent excita l'admiration
et l'enthousiasme. Après cette excursion qui paraît s'être
prolongée plusieurs années (car durant l'intervalle de 1762
(1) M. Arnaldo Bonaventura vient de découvrir une cantate inédite, la
Confederazione dei Sabini con Roma, écrite pour Lucques en 1765. V. la
bibliographie.
(2) V. la Préface pour l'époque probable du voyage en Lombardie et en Pié-
mont, et la durée de celui-ci.
- 56 -
à 1 767 le génie si actif de Boccherini ne produisit qu'un seul
ouvrage, six Trios), les deux amis arrivèrent à Paris, vers 1 768
et non en 1771, comme l'avance le savant biographe,
M. Fétis (1). L'éditeur de musique. Lâche vardière, les pré-
senta au fameux baron de Bagge, aussi célèbre par la protection
qu'il accordait aux artistes, que par ses incroyables prétentions
comme violoniste. Là se réunissait tout ce que Paris comptait
de musiciens distingués, entr'autres Gossec, Gaviniès, Capron
et Duport l'aîné (2). Ce fut devant cet aréopage que parurent
(1) Consulter, pour la preuve, la note jointe à l'Op. 5, première partie du
Catalogue, K^ série (P.).
(2) Parmi les compositions les plus importantes et les plus significatives de
Boccherini qui étaient demeurées inconnues à Picquot figure un Concerto
pour violon, en ré majeur, récemment publié par un virtuose contemporain,
M. S. Dushkin. D'après une trop brève annonce, le Concerto daterait de 1768
et serait dédié au fidèle compagnon et ami du maître, le violoniste Filippo
Manfredi.
L'œuvre est si importante, si caractéristique, et touche de si près un des
Concertos de violon de Mozart qu'elle a donné lieu à une étude parue dans la
Zeitschrift fur Musikwissenschaft (Cahier 7 : avril 1928). Malheureusement,
nous ne nous croyons pas autorisé à émettre un avis tant que nous ne connaîtrons
pas l'œuvre sous sa forme originale. La publication d'une telle œuvre d'après le'
texte primitif, serait un grand service rendu non seulement à Boccherini, mais
à l'histoire du Concerto de violon : car VAndante et, notamment, le finale avec
ses divers épisodes, présente le modèle à peu près textuel des deux finales
des 3® et 4*^ concertos de violon de Mozart.
Tout ce que nous pouvons dire, c'est qu'aucun des quatre concertos pour
violoncelle parus à Paris de 1769 à 1771 n'offre une pareille importance, ni un
pareil développement. D'autre part, si le Concerto de violon date en réalité
du séjour de Boccherini à Paris en 1 768, (nous serions tentés de le croire plus
jeune de quelques années), — la forme un peu hétéroclite de son finale «en pot
pourri » s'expliquerait fort bien par le contact deBoccheriniavecl'écolefrançaise,
dont on sait qu'il a sûrement connu quelques représentants fameux, tels Gaviniès
- 57 —
les deux virtuoses Lucquois. Sortis avec honneur de cette
première épreuve, ils ne tardèrent pas à en affronter une
seconde plus périlleuse, en débutant au concert spirituel
où brillaient à l'envi les artistes les plus goûtés du public (1).
Ils avaient à combattre de puissants rivaux dont la réputation
dès longtemps affermie ne redoutait aucune concurrence.
Aussi ne songèrent-ils pas à les surpasser par les prestiges
de l'exécution. Cherchant autre part leurs moyens de succès,
ils s'attachèrent moins à surprendre qu'à toucher leur audi-
toire en lui faisant entendre ces productions si fraîches, si
gracieuses du génie de Boccherini, rendues avec le charme
qu'elles respirent. Cette marche habile fut favorable aux
débutants ; on ne pensa point à les comparer aux autres
artistes, on se laissa faire (2), et leur triomphe fut assuré.
Le lendemain, leur compatriote Vénier, éditeur de musique,
vint les prier de regarder sa maison comme la leur, et offrit
de graver leurs ouvrages (3). Saisissant cette occasion d ac-
quitter la dette de la reconnaissance, Boccherini donna
son premier œuvre de Quatuors à Vénier, et son premier
et Capron, à Paris, en 1768. Il faut noter d'ailleurs, qu'un Concerto cle violon de
Boccherini avait paru dans une vieille édition parisienne (Naderman) : peut'
être est-ce le même.
(1) Le dimanche 20 mars 1768.
(2) Expression de Gluck. {?.).
(3) C'est une erreur. L'op. I avait paru un an auparavant à Paris. (V. Mercure
de France, année 1767, p. 167). L'annonce désigne nettement les 6 Sinfonie ossia
Quartetti op. I""» : elle est du l*^"" avril 1767, un an par conséquent avant le
concert où débuta Boccherini (20 mars 1768). On signale d'ailleurs, à propos
de ce concert, les trios et les quatuors du jeune musicien. {Mercure, 1768,
p. 199.) Les deux premiers recueils de Boccherini dateraient de son séjour
d'études à Rome (v. 1756-1761 environ), v. Ceru, op. cit., p. 6.
- 58 -
livre de Trios à La Chevardière, qui tous deux s'empressèrent
de les publier. Accueilli, recherché par le monde musical,
Boccherini distingua surtout M^^ Brillon de Jouy, femme
aussi célèbre alors par sa grande habileté sur le clavecin que
par ses connaissances variées et par son amabilité. Il écrivit
pour elle six Sonates avec accompagnement de violon, dignes
à tous égards de l'un et de l'autre.
Cependant la réputation du compositeur et celle du
violoniste grandissaient. Sur les éloges qu'il en entendit,
l'ambassadeur d'Espagne les pressa de se rendre à Madrid,
les assurant de l'accueil le plus gracieux de la part du prince
des Asturies, grand amateur de musique, qui régna plus tard
sous le nom de Charles ÎV. Charmé de cette proposition qui
semblait lui ouvrir un avenir magnifique, Boccherini partit
avec son ami, vers la fin de 1768 ou au commencement de
1769, pour la capitale des Espagnes, le premier, escorté de
rêves de gloire, le second, plus positif, sensible surtout au
faveurs de la fortune.
C'est ici le lieu de rectifier plusieurs erreurs accréditées
par les principaux biographes de Boccherini. Suivant les
estimables auteurs du Dictionnaire historique des Musiciens^
)> Boccherini s'étant fixé en Espagne, fut admis chez le roi,
» et s'en fit aimer. Bientôt après il fut attaché à l'Académie
» royale de ce prince, et comblé par lui d'honneurs et de
« présents. La seule obligation qu'on lui imposa fut de
» donner, chaque année, neuf morceaux de sa composition
» pour l'usage de l'Académie. Boccherini y souscrivit et tint
>^ parole «.
De son côté, M. Fétis, après avoir, en les répétant, donné
à ces assertions l'autorité de son nom, ajoute que le roi
- 59 -
(Charles III) pensionna Boccherini, et que le prince des
Asturies le chargea de la direction de sa musique particulière
pour laquelle le fécond artiste aurait composé une immense
quantité de musique, restée inconnue, parce qu'il ne la
considérait pas comme sa propriété.
Rien n'établit l'exactitude de ces allégations ; elles se
trouvent au contraire complètement infirmées par les manus-
crits mêmes de Boccherini, et par certaines circonstances de
sa vie qui, comme on le verra, concordent parfaitement avec
ces documents. Voici ce qui ressort de leur examen.
Boccherini apporta avec lui, en Espagne, son 3^ livre de
trios (gravé op. 9) qu'il s'empressa de dédier au prince des
Asturies. Immédiatement après, il composa, per la cor te di
Madrid, un Concerto a piu stromenti ohligati (gravé op. 8)
Quel effet produisirent ces deux ouvrages sur l'esprit du roi
et de son fils aîné en faveur de Boccherini ? On ne saurait
le dire exactement ; mais il est hors de doute que le grand
compositeur n'obtint pas la distinction due à son mérite,
puisque ni le roi, ni l'héritier présomptif ne songèrent à se
l'attacher. Ce fut l'Infant don Louis, frère de Charles III,
qui répara cette injustice. En efîet, on remarque que dès cette
même année 1 769, Boccherini écrivit pour son protecteur six
quartetti (gravés op. 6) qu'il lui dédia en prenant le titre de
Compositore e virtuoso di caméra di S, A. R. don Luigi, infante
d'Ispagnia (1). Tous les manuscrits de l'auteur reproduisent
invariablement, sur leur feuille de tête, cette qualification
unique, sans qu'il y soit fait jamais mention d'autres titres
(1) Cette œuvre, très importante pour l'histoire musicale, vient d'être rééditée
à Milan (Ed. Ricordi), Révision E. Polo.
- 60 -
jusqu'à la mort de l'infant, arrivée le 7 août 1785. A partir
de cette époque, au contraire, on voit Boccherini étaler avec
une sorte de complaisance les différents titres dont il était
revêtu. Ainsi, par exemple, on lit assez fréquemment : Corn-
posti da Luigi Boccherini, professore di musica aWattual servizio
di S. M. C, ccmpositore di caméra di S. M. Prussiana, e
Direttore del concerto dell excellentisma senora, Comtessa
di Benavente, duchessa di Ossuna, di Gandia, etc., etc. Mais
souvent aussi il néglige la plupart de ces titres pour ne
conserver que celui de compositeur de la Chambre du roi
Frédéric-Guillaume lî, dont il était pensionné, et pour lequel
il écrivit, de 1787 à 1797, tous les ouvrages que son génie
fit éclore pendant cette période.
Ces circonstances ignorées de tous les biographes de
Boccherini prouvent évidemment que, durant les seize
premières années de son séjour en Espagne, il n'eut d'autre
protecteur que l'Infant don Louis ; que l'intérêt dont l'hono-
raient Charles III et le prince des Asturies était fort problé-
matique, et que loin de s'engager à composer, chaque année,
neuf morceaux pour leur musique particulière, il n'eut même
pas la pensée, soit juste fierté, soit par toute autre cause, de
leur dédier un seul ouvrage. Il en fut de même après la mort
de l'Infant ; car Boccherini, dès 1787, travailla à peu près
exclusivement pour le roi Frédéric-Guillaume II, et ensuite
pour Lucien Bonaparte, sans que de ces mots aWattual servizio
di S. M. C. qu'on trouve sur quelques-uns de ses manuscrits
postérieurs à 1 786, on puisse inférer qu'il composât également
pour le prince des Asturies devenu Charles IV ; en effet,
aWattual servizio ne signifie pas autre chose que : attaché à la
musique de S. M. C. La suite de cette Notice ne laissera
- 61 —
aucun doute à cet égard en fixant d'une manière précise le
sens et le motif de cette expression.
Boccherini avait trop la conscience de sa valeur, il aimait
trop la gloire pour permettre qu'on enfouît dans la poudre
d'une bibliothèque, même royale, les plus belles inspirations
de sa muse. 11 voulait que ses ouvrages fussent publiés, répan-
dus, et ce qui le fait voir, c'est que, composant pour l'usage
particulier, soit de l'Infant don Louis, soit de Frédéric Guil-
laume II, soit de Lucien Bonaparte ou d'autres personnages,
il envoyait indistinctement copie de toutes ses œuvres aux
éditeurs étrangers qui possédaient sa confiance. Celles de ses
œuvres dernières qui, par une cause quelconque, ne leur ont
pas été adressées, n'en figurent pas moins, dans leur ordre
chronologique, sur le Catalogue thématique qu'il a rédigé
avec un soin et une exactitude rares, témoignage irrécusable
de l'importance qu'il y attachait. Tout, dans ce Catalogue,
confirme rigoureusement ce qui vient d'être avancé, et défend
de supposer qu'il eût volontairement omis quantité d'œuvres
considérables par ce seul motif qu'elles auraient été compo-
sées pour l'usage personnel de l'héritier du trône (1).
Quelle apparence y a-t-iî que Boccherini eût négligé d'ins-
crire sur ce véritable livre d'or ses principaux titres à la célé-
brité ! S'il eût jamais abdiqué une portion de ses droits
sacrifiés forcément à un caprice de roi, il devait aux intérêts
(1) La liste chronologique se trouve reproduite dans la brochure publiée par
son petit fils en 1879 : Luis Boccherini. Apuntes biograficos y Catalogo de las
ohras de este célèbre Maestro, Publicados por su biznieto D. Alfredo Boccheriniy
Calonje. Madrid, Imprenta y Litografia de A. Rodero Galle de Hortaleza, 128.
Les œuvres qui y figurent sont celles qui ont été vendues ou remises par
Boccherini aux éditeurs.
- 62 -
de sa gloire, a sa dignité d'artiste qu'il comprenait si bien,
d'indiquer avec plus de sollicitude encore celles de ses com-
positions dérobées à la publicité par une égoïste exigence, et
de faciliter par là, dans un avenir plus favorable, la recherche
et la réunion de ces œuvres momentanément soustraites au
^rand jour. S'il ne l'a point fait, c'est qu'elles n'existaient
pas, qu'elles ne pouvaient exister ; car la fécondité déjà si
prodigieuse du compositeur n'aurait jamais suffi à ce complé-
ment imaginaire.
Quelque concluantes que soient ces preuves, il en est
une dernière, plus décisive encore, tirée des injustes préven-
tions du prince des Asturies à l'égard de Boccherini ; préven-
tions telles, que le grand compositeur en souffrit toute sa vie,
et expia cruellement le tort de s'être montré supérieur et sur-
tout trop véridique.
Ce sujet demande quelques développements qu'on ne
lira pas sans intérêt ; car il fournit l'occasion de parler d'un
autre artiste à peu près inconnu dont les productions eussent
rendu le nom célèbre, si, moins avide de renommée que
désireux de complaire à un maître, il n'eût accepté, sous peine
d'exil, l'interdiction de publier aucune de ses œuvres compo-
sées pour le seul usage du prince des Asturies et du duc d'Albe.
Lorsque Boccherini vint se fixer à Madrid, le prince
des Asturies avait pour chef de sa musique Gaetano Bru-
netti, violoniste habile (1). L'arrivée du compositeur Lucquois
(I) Contrairement a ce qu'avance M. Fétls, article Brunettl, que celui-ci ne
serait venu à Madrid qu'en 1779 ou 1780, appelé par Boccherini pour remplacer
Manfredi comme premier violon de la musique du roi d'Espagne, il est hors
de doute que non seulement Brunetti occupait cette place dès 1771, mais qu'il
- 63 -
éveilla la jalousie de Brunetti qui craignait de partager
et peut-être de perdre une faveur qu'il prétendait conserver
pour lui seul. D'un esprit souple et intrigant, peu scrupuleux
sur les moyens, Brunetti, tout en caressant Boccherini qui
se plaisait à lui révéler les secrets de son art, ne négligea rien
avait même précédé Boccherini en Espagne. Ces deux faits résultent : le premier,
d'un manuscrit autographe que j'ai sous les yeux, sur lequel on lit : fatto per uso
del S. S. Principe di Asturias, da Gaetano Brunetti, violino di caméra di S. A.
1771 ; le second, de deux autres manuscrits, également autographes, portant
des titres en espagnol avec les dates de 1 766 et 1 769.
Le même auteur ajoute que Mozart aurait connu Brunetti à Mannheim, en
1778. C'est une- double erreur. D'abord c'est à Vienne, en 1780-1781, et non à
Mannheim, en 1778, que Mozart a connu un Brunetti qui ne pouvait être le
même que Gaetano. On lit, en efîet, dans la Biographie de Mozart, par Ouli-
bichefî, tome \^^, page 145, que lorsque ce grand artiste vint prendre possession
en 1780, de son emploi à la chapelle de l'archevêque de Salzbourg, il y trouva
deux musiciens, Ceccarelli et Brunetti, avec lesquels il se lia et dont il se loue
par la suite dans ses lettres à son père, datées de Vienne, mars et avril 1781.
Or, s'il est vrai, et tout le prouve, que Gaetano Brunetti n'ait pas cessé d'être
jusqu'à l'époque de sa mort au service du prince des Asturies, ou de Charles IV,
c'est-à-dire de 1771 à 1808, il est évident qu'il n'a pu être, en 1780-1781, ni
connu de Mozart, ni attaché à la musique d'un prince allemand ; que. par
conséquent, M. Fétis a dû confondre deux Brunetti parfaitement distincts.
Ajoutons que Charles IV préférait la musique de G. Brunetti à celle de tout
autre compositeur, et qu'il la jouait presque exclusivement. Brunetti conserva
jusqu'à la fin de ses jours la faveur de son royal maître, pour lequel il a écrit
une quantité considérable de Sonates, Duos, Trios, Quatuors, Quintetti, Sym-
phonies, etc., qui brillent par des qualités vraiment distinguées qu'on ne soup-
çonne pas dans celles de ses premières œuvres qui ont été publiées. Je possède 214
de ces divers morceaux, tous autographes ; mais j'ai tout lieu de penser que
cette collection est loin d'être complète (P.).
J'ajouterai que le violoniste attaché à la Chapelle de l'Archevêque de Salz-
bourg, pour lequel Mozart écrivit divers morceaux, est Antonio Brunetti qui,
ainsi que l'affirme justement Picquot, ne doit pas être confondu avec Gaetano
Brunetti. Peut-être est-il de la même famille.
- 64 -
pour lui aliéner l'esprit du prince, ce a quoi il ne réussit
que trop, puisque Boccherini fut constamment tenu à dis-
tance et obligé d'accepter une position relativement très
secondaire. Toutefois le prince des Asturies n'avait jamais
manifesté ses sentiments secrets à l'égard de Boccherini,
lorsqu'une circonstance fortuite vint leur donner un éclat
terrible. Voici en quels termes M. Castil-Blaze rend compte
de ce fait, dans la notice qu'il a consacrée au célèbre violo-
niste Alexandre Boucher (1). (Revue de Paris, mai 1845,
page 10).
« Don Louis, oncle de Charles IV, alors prince des Asturies,
conduit un jour Boccherini chez son neveu pour lui faire
entendre de nouveaux quintettes de ce maître favori. La
musique est ouverte sur les pupitres, Charles prend son
archet : il tenait toujours la partie de premier violon ; or,
dans cette partie figurait un trait d'une extrême longueur et
d'une complète monotonie. Ut si, ut si: ces deux notes rapi-
dement coulées, se répétaient au point de couvrir la moitié
a une page. Le roi les attaque bravement, continue, poursuit
ce discours ; mais il est tellement absorbé par l'attention
donnée a sa partie, qu'il n'entend pas les dessins, les accords
ingénieux, introduits au-dessus comme au-dessous de cette
pédale intérieure. Il s'impatiente, sa mauvaise humeur
va crescendo, sa voix se joint à son archet pour articuler ridi-
culement le trait monotone ; abandonnant enfin le travail
qui le fatiguait, il se lève et dit avec l'accent de la colère :
1) Alexandre Boucher, célèbre virtuose, surnommé le roi des violons (1778-
(1861).
- 65 -
— C'est pitoyable, misérable, un écolier en ferait autant :
ut si, ut si !
— Sire, que Votre Majesté veuille bien prêter l'oreille
aux jeux que le second violon et la viole exécutent, au pizzi-
cato que le violoncelle fait entendre en même temps que je
retiens le premier violon sur un trait uniforme. Ce trait perd
sa monotonie dès que les autres instruments sont entrés et
se mêlent à la conversation.
— Ut si, ut si, et cela pendant une demi-heure ! ut si,
ut si, plaisante conversation ! musique d'écolier, de mauvais
écolier.
— Sire, avant de porter un tel jugement, il faudrait s'y
connaître. — Insolent !
« Bondissant de colère, Charles saisit Boccherini par
ses vêtements ; il l'enlève à bras tendu, le fait passer par
la fenêtre et le tient suspendu sur l'abîme. — Ah ! sire,
votre religion !... s'écria la prmcesse des Asturies. A ces
mots, le prince fait un demi-tour sur lui-même, et Boccherini,
ramené dans le salon, est jeté vivement dans la pièce voisine. »
Cette scène quelque peu chargée sans doute, mais dont le
fond est vrai, priva sans retour le malheureux Boccherini de la
bienveillance royale. Le nouveau roi des Espagnes, le succes-
seur de Charles III ne sut jamais oublier l'injure faite au prince
des Asturies. Néanmoins, il crut concilier les exigences de sa
majesté offensée avec la protection qu'il se faisait gloire
d'accorder aux artistes, en confirmant le traitement dont le
roi son père avait gratifié Boccherini, aussitôt après la mort
de l'infant don Louis. Mais il s'en tint là, et ne voulut plus
ni voir le compositeur, ni même exécuter sa musique. Toutes
les sollicitations, toutes les prières afin de le ramener à de
- 66 -
meilleurs et plus justes sentiments furent si mal accueillies,
que le nom du grand homme cessa d'être prononcé à la cour.
Qui me parle encore de Boccherini ? répondait-il avec brus-
querie aux malencontreux intercesseurs ; Boccherini est mort ;
qu'on le sache bien, et qu'on ne m'en parle plus !
Portant partout avec lui son implacable rancune, s'il lui
arrivait de rencontrer à la promenade le pauvre disgracié,
il affectait, lui qui saluait tout le monde avec courtoisie, de
ne pas le remarquer, absolument comme s'il ne l'eût jamais
connu. Cette haine entretenue, avivée par la jalousie de
Brunetti, ne cessa de tourmenter, comme un ver rongeur,
l'inconsolable et trop sensible Boccherini paré, pour tout
dédommagement, du vain titre d'organiste in partibus de la
chapelle royale. C'est par allusion à ces fonctions qu'il ne
remplissait d'ailleurs pas, mais qui motivaient le modeste
traitement dont il jouissait depuis la mort de son protecteur,
qu'il ajoutait quelquefois en tête de ses partitions ces mots :
allattual servizio di S. M. C, sans doute pour donner à
entendre qu'il se tenait aux ordres du roi.
Boccherini ainsi méconnu, dédaigné, s'occupa de trouver,
hors de l'Espagne, un appréciateur plus juste et plus éclairé.
Parmi les souverains dont la musique faisait les délices,
Frédéric-Guillaume II se distinguait alors autant par sa
munificence envers les artistes que par son goût passionné
pour le violoncelle, dont il jouait admirablement. Boccherini
songea à lui dédier un de ses ouvrages, ce qu'il fit par l'inter-
médiaire de l'ambassadeur de Prusse près la cour de Madrid.
Il ne tarda pas à recevoir du roi- virtuose une lettre des plus
gracieuses, accompagnée d'une superbe tabatière remplie
de ducats, et du diplôme de compositeur de la chambre de
— 67 —
S. M. Prussienne. A partir de ce jour, Boccherini écrivit
exclusivement pour le roi Frédéric-Guillaume II, ainsi que le
témoignent tous les manuscrits depuis 1 787, et surtout cette
note qu'on lit sur le catalogue de l'auteur, même année 1 787 :
Tutti le seguenti opère sono state scritte espressamente per S. M.
ilRediPrussia(\).
Dix ans s'écoulèrent de la sorte sans apporter de change-
ment notable dans la position de Boccherini. La perte de son
premier protecteur, rendue plus sensible encore par l'ingra-
titude de la cour, l'avait conduit à une vie retirée, partagée
entre les soins d'une famille nombreuse, ses travaux et
l'exercice d'une douce piété. Profondément religieux, il
consacrait tous les jours les prières, le mémento d'une messe à
chacun de ses cinq enfants. Doué d'une verve, d'une fécondité
également merveilleuses, puisant ses inspirations comme dans
une source intarissable, il prenait, quittait et reprenait
son travail avec la même facilité, sans que le cours de ses
idées en souffrît le moindre dommage. La cloche de la paroisse
se faisait-elle entendre ? il laissait la plume pour le livre du
chrétien. On eût dit d'une fontaine musicale dont il suffisait
de tourner le robinet pour en faire jaillir ou suspendre le jet
mélodieux. Il composait dans son cœur : mais quant à l'exé-
cution de ses chefs-d'œuvre, il n'avait plus depuis longtemps
la satisfaction d'en jouir. Etranger au monde qui l'ignorait,
vivant saintement en famille, au milieu de quelques amis de
choix, obligé d'ailleurs, à la suite d'un crachement de sang,
(1) Cette mention figure dans le catalogue après l'op. 35 (1782).
Le décret du Roi de Prusse est du 21 janvier 1786. Il est très probable que
Boccherini se trouvait dès lors en Allemagne.
- 68 -
de renoncer au violoncelle, il envoyait successivement, sans
qu'il les eût entendues, ses compositions au monarque prus-
sien. Aussi quel bonheur pour lui lorsqu'ayant fait, vers 1 796,
la connaissance du marquis de Benavente, il put goûter, deux
fois par semaine, chez ce généreux protecteur, le plaisir
d'entendre enfin les délicieuses inspirations de sa muse
rendues avec leur véritable caractère, par ses anciens compa-
gnons de la villa d'Arenas (1), lieu d'exil infligé à l'infant don
Louis, coupable d'un mariage disproportionné ! (2).
La fortune semblait donc lui sourire... Hélas ! ses retours
sont fréquents, et Boccherini ne tarda pas à sentir de nouveau,
plus affreuses encore, les atteintes du malheur. Marié deux
fois, il eut la douleur de perdre coup sur coup deux filles
déjà grandes, et de voir expirer à ses côtés sa seconde femme,
frappée d'apoplexie foudroyante ! Cette triple et cruelle
séparation, qui empoisonna le reste de ses jours, n'avait pas
épuisé la rigueur du destin. La mort de Frédéric-Guillaume II
lui porta un nouveau coup, en anéantissant la meilleure part
de son modique revenu. Ainsi poursuivi, accablé par un sort
funeste, dans ses affections, dans ses ressources, vers la fin
de cette laborieuse carrière, le grand homme supportait
chrétiennement ses maux, lorsque la République française
désigna, pour la représenter à Madrid, un amateur éclairé
des arts, Lucien Bonaparte. C'était un noble protecteur qui
savait accueillir, honorer le talent. Boccherini plaça sous son
(1) C'est de cette ville d'Arenas qu'il avait adressé, en 1781, à l'éditeurviennoîs
Artaria une lettre où il charge celui-ci de transmettre ses compliments admiratifs
à Joseph Haydn.
(2) II avait épousé, le 25 juin 1776, la fille d'un capitaine aragonais. (P.).
- 69 —
patronage six quintetti pour le piano, dédiés à la grande
nation (1). Dès ce moment, les salons, la table et la bourse de
l'ambassadeur furent ouverts au célèbre artiste qui écrivit,
en 1800 et 1802, un Stabat à trois voix (2), et douze
quintetti (3), les seuls qu'il ait faits pour deux violons, deux
altos et violoncelle, magnifiques compositions dignes du frère
du futur dominateur de l'Europe.
La vieillesse de Boccherini semblait une fois encore à
l'abri de nouvelles vicissitudes. Illusion ! Le cours des évé-
nements, le rappel de Lucien, la gravité et la multiplicité des
affaires politiques, tout se réunit pour le remettre en oubli
et pour le rejeter dans les angoisses d'une vie aux prises avec
la misère.
Ce fut dans la période postérieure à la mort de Frédéric-
Guillaume II que Boccherini commença, grâce aux concerts
du marquis de Benavente qui le mirent en évidence, à
recueillir quelque célébrité parmi ses compatriotes d'adoption,
au milieu desquels il avait vécu trente années sans qu'ils se
doutassent de son existence, tant le digne et saint homme
avait peu d'ambition, d'intrigue et d'entregent ! Voici com-
ment sa renommée s'étendit dans la haute société et lui
procura quelques faibles avantages pécuniaires.
Le marquis ej^cellait sur la guitare, instrument cher à
tout bon Espagnol. Il pria Boccherini de disposer une partie
(1) Ce sont ceux publiés chez Nouzou, à Paris, par Lagarde, comme œuvre
posthume. C'est l'op. 57 de l'auteur qui date de 1799. Ils ont paru à Paris en
janvier 1 820 (V. AUgemeine Musik Zeitung, 22^ année).
(2) Op. 61 (1801).
(3) Op. 60 et 62 (1801-1802). M' Charles Bouvet vient de découvrir les
manuscrits originaux de dix de ces quintettes, à la Bibliothèque de l'Opéra.
-70 -
de guitare à son usage dans telles compositions qui lui plai-
raient, moyennant une gratification de cent francs par qua-
tuor, quintette ou symphonie. Quelques autres riches amateurs
agirent de même, ce qui détermina Boccherini, non pas à
composer, comme beaucoup l'ont cru, mais à arranger avec
une partie de guitare un assez grand nombre de morceaux
choisis parmi ses ouvrages. Ce fut pour satisfaire à de sem-
blables demandes qu'il arrangea ses douze quintetti de piano
pour deux violons, deux violes et violoncelle, et d'autres
ouvrages encore ; mais comme la plupart des œuvres origi-
nales d'où Boccherini les avait tirées étaient inconnues en
Espagne, au lieu même où elles avaient été composées, on a
exagéré à plaisir le nombre déjà fort considérable de ses
productions, ce qui induisit en erreur tous ses biographes,
faute d'avoir remonté à la source, consulté et comparé les
documents.
On voit par ces détails, fournis par le marquis de Benavente
lui-même, en 1847, que M. Fétis s'est aussi trompé dans
ce qu'il avance relativement à la prétendue mort de ce per-
sonnage, retiré depuis longtemps à Bordeaux, où il n'a cessé
de vivre que le 1 9 août 1 849. Mais ce qui est malheureusement
trop vrai, c'est l'insuffisance de semblables ressources pour
adoucir une vieillesse attristée par tant et de si rudes épreuves,
en dépit d'un travail incessant, infatigable, qui n'ôtait rien,
chose surprenante ! à la fraîcheur des idées, à l'éclat et à l'acti-
vité de l'imagination, ni à la verve inspiratrice. Telle était
cependant la détresse du sublime compositeur que, lorsque
M°ie Gail le vit à Madrid, en 1803 (1), il n'avait qu'une
(1) Madame Gail, née Sophie Garre (1775-1819).
- 71 -
seule chambre pour sa famille et pour lui. Quand il voulait y
travailler en repos, il se retirait, à l'aide d'une échelle, dans
une sorte d'appentis en bois, pratiqué contre la muraille,
et décoré d'une table, d'une chaise et d'un vieil alto troué,
veuf de trois cordes. C'est dans cette situation précaire,
tourmentée, que sa rigoureuse probité refusa mille francs
du Stabat à trois voix promis antérieurement à l'éditeur
Siéber pour soixante piastres, c'est-à-dire pour moins du
tiers de cette somme ! (1).
Enfin, accablé par le chagrin, par les soucis, succombant
à la peine, le grand artiste, après une courte maladie, espèce
de suffocation de poitrine, expira le 28 mai 1805, âgé d'un
peu plus de soixante-cinq ans (2), ainsi qu'il résulte de l'acte
de décès transcrit sur les registres de la paroisse Saint- Juste,
à Madrid. Son convoi, modeste comme sa vie, se fit sans
pompe, escorté d'un petit nombre d'amis. Tout ce que l'on a
dit de l'empressement de la cour et des grands à suivre
ses funérailles est controuvé (3).
Il existe en France deux portraits de Boccherini, assez
dissemblables, que la gravure a popularisés parmi les musi-
ciens. Le premier, mis en tête de la belle collection des
Quintetti, publiée par Janet et Cotelle, est dessiné d'après
une jolie miniature qui appartenait au violoniste feu J.-B.
Cartier ; le second, copié d'après un buste, fut apporté de
(1) V. à ce sujet la lettre publiée à la fin de ce volume, où il est question du
Stabat.
(2) Et non en 1806, comme l'indiquent par erreur les biographes (P.)j
Il était, en réalité, âgé de soixante-deux ans et trois mois.
(3) On lira, aux pièces justificatives, le texte de l'acte de sépulture.
6
-11-
Madrid par Mazas. Une controverse s'est engagée à ce sujet
entre les possesseurs de l'un et l'autre portrait. Ecoutons
Cartier. Lorsque Rode eut jeté les yeux sur cette miniature,
il s'écria : C'est lui ! c'est bien lui ! et il le baisa avec trans-
port. De son côté, le fameux violoncelliste Duport fut si
frappé de la ressemblance, qu'il sollicita, comme une faveur,
d'en prendre copie pour orner sa tabatière. Enfin, la société
anglaise, voulant perpétuer les traits des plus célèbres musi-
ciens, s'adressa, pour le portrait de Boccherini, non à Mazas,
mais à Cartier seul, par l'intermédiaire de Libon. Mazas
ajoutait-il, a été trompé ; il fit à Madrid l'acquisition d'un
buste de Haydn qu'on lui vendit pour celui de Boccherini,
et ne manqua pas, dès son retour en France, de le faire copier
et d'en multiplier les épreuves, exposées en vente chez tous
les marchands de musique. Un jour, l'éditeur Frey entend,
du fond de son magasin, un quidam qui montrait une grande
colère : — C'est affreux, c'est abominable ! Il aborde le
curieux exaspéré, et lui demande à qui il en a.
— Comment, Monsieur, vous vendez cette caricature
pour le portrait de Boccherini ! c'est une horreur, une
supercherie de marchand de musique, etc., etc. Le plaignant
n'avait pas tort, car ce plaignant était l'organiste Verdier,
élève, ami et médecin de Boccherini ! Voilà ce qu'affirmait
Cartier.
D'un autre côté, le marquis de Benavente assure qu'il
n'existait à Madrid qu'un buste de Boccherini dû au ciseau
du sculpteur Fox. Ce buste, couronné publiquement et
offert au maître par ses élèves dans une fête oii l'art et la
poésie servaient d'interprète à leurs sentiments, a été conservé
- 73 -
pieusement par les fils de Boccherini ; il est aujourd'hui la
propriété du petit-fils.
Comment concilier ces deux versions qui proviennent
de sources également respectables ? Cartier prétendait
avoir connu Boccherini, vers 1779, à Avignon où ce dernier
serait allé visiter une de ses nièces mariée au violoniste Fischer.
Ne serait-il pas possible, dans ce cas, que la miniature eût été
peinte lors de ce voyage, tandis que le buste n'aurait été fait
que longtemps après ? Effectivement, M. Alex. Boucher,
consulté sur ces deux portraits placés dans son cabinet en
regard l'un de l'autre, explique par la différence des époques,
celle qu'on remarque, moins peut-être dans les lignes et
les contours que dans l'expression générale. La miniature
montre une physionomie douce, placide, à la fois spirituelle
et remplie d'enjouement et de bonté, dans laquelle on aime
à retrouver le caractère mélodieux, tendre et délicat des
compositions de Boccherini ; c'est l'époque de sa jeunesse, de
ses jours de bonheur. Le buste, au contraire, est plus amaigri,
d'un aspect triste, soucieux ; ce n'est plus le calme heureux,
mais la souffrance, la résignation ; oh ! oui, l'on ne saurait
s'y tromper, c'est l'époque du désenchantement et des tra-
verses ; c'est Boccherini malheureux (1) (2).
(1) Ceci était écrit lorsque l'auteur de cette Notice reçut du petit-fils de
Boccherini, à qui il avait envoyé le portrait gravé d'après la miniature de Cartier
pour en avoir son sentiment, la réponse suivante qui confirme pleinement
l'interprétation donnée plus haut : « Quant au portrait de mon aïeul, que vous
« m'avez adressé, j'y trouve quelque analogie, mais non pas une ressemblance
« parfaite avec le buste que je possède, ce qui provient peut-être de la différence
« d'âge. S'il y a plus de vivacité dans la physionomie du vôtre, dans celle du
« mien, il y a plus de philosophie ; on y reconnaît le penseur profond, » (P.).
(2) L'hypothèse de Picquot paraît inadmissible : il est visible que la minia-
- 74 -
A l'heure qu'il est, il ne reste plus qu'un rejeton de ce
célèbre compositeur ; tous ses enfants sont morts : le dernier,
don José, archiviste du marquis Seralbo, est décédé en décem-
bre 1 847, laissant un fils, don Fernando Boccherini, professeur
à l'académie des arts de Madrid, seul héritier de ce beau
nom.
ture représente un homme dont les traits sont déià marqués par l'âge ; elle ne
peut dater que des dernières années du XVIII*^ siècle. Le dessin fait d'après le
buste ne donne vraisemblablement guère l'idée de l'original. Mais il existe un
portrait, inconnu et charm.ant, qui représente l'artiste plus jeune et qui est
reproduit dans la brochure, déjà signalée, publiée en 1879 par son petit-fils.
Nous le plaçons en tête de cet ouvrage.
n
ÎI
La musique de Boccherini ouvrit l'ère glorieuse qui vit
éclore tant de chefs-d'œuvre dans le genre instrumental
intrigué. Pour en bien apprécier le mérite, pour en juger
plus exactement la portée et l'influence, il est indispensable
qu'on se reporte vers l'époque (1760) où elle se produisit
pour la première fois, et qu'on la compare avec ce qui existait
alors. Les compositions instrumentales à plusieurs parties,
de Télemann, de San Martini, de Van Maldère, de Guille-
main, de Jean Stamitz occupaient le premier rang, mais sans
sortir des ornières de la sonate ancienne, sans ajouter à celle-ci
les développements ni l'intérêt que comporte la réunion
d'un plus grand nombre de concertants. C'était de la musique
sage, travaillée, plus ou moins bien écrite, scolastiquement
parlant ; mais rien de neuf, rien d'inventé, rien qui décelât le
progrès. Evidemment ces auteurs n'avaient point deviné le
caractère du Trio, du Quatuor, du Quintette instrumental,
bien qu'ils décorassent de ces noms prétentieux leurs pro-
ductions incolores, dénuées de cette chaleur de sentiment,
de cette vivacité d'imagination qui leur assure la vie. Compa-
rées aux premiers élans de Boccherini, c'était le vol terre-
à-terre en présence de celui de l'aigle. Il était réservé à un
génie de vingt et un ans de réaliser, pour un genre jusqu'alors
- 76 -
informe, obscur et vague, le fiât lux de la Genèse. A la vive
et soudaine lueur que cet astre resplendissant projette tout à
coup sur cette portion nébuleuse de l'empire de l'art, à son
action fécondante, aux beautés diverses qui se réfléchissent
nombreuses et brillantes sous ses rayons ardents, l'esprit
demeure frappé d'admiration et s'incline devant la puissance
de cette révolution opérée par le génie de Boccherini, qui
élève le quatuor à la hauteur des plus magnifiques conceptions
de l'église et du théâtre. Mais aussi quelle richesse d'inven-
tion, quelle belle et savante ordonnance ! Que d'originalité,
de noblesse et de mesure dans l'ensemble ; de grâce, de charme
et de fini dans les détails ! Quelle pureté de dessin, quelle
touche moelleuse, quel coloris suave ! Où trouver une expres-
sion plus naïve et plus douce, une sensibilité plus profonde
et plus vraie ? Dans les adagios, modèles de grandiose reli-
gieux, quelle foi vive, quelle touchante onction ! Et lors-
qu empruntant la harpe et la voix du Psalmiste, saisi d'un
saint enthousiasme, il module sur des accents divers, ces
chants de douleur ou de joie, de désespoir ou de confiance,
d'exaltation ou d'abattement, sublimes élégies où le compo-
siteur s'inspire de l'esprit des prophètes, c'est le souffle
divin qui l'anime encore, soit qu'il raconte les tristesses de la
terre, soit qu'il entonne les louanges de Jéhovah, et s'élève
de l'humble prière à l'hozanna du triomphe !
Toutefois cet essor prodigieux semble moins le résultat
de la réflexion et de l'étude, que celui d'une sorte d'intui-
tion, partage d*un génie inspiré. En effet, la nature prodigua
ses dons à Boccherini avec un tel amour, elle lui départit
une si grande puissance d'imagination avec le goût qui sert
à la régler, que le compositeur n'eut qu'à suivre ses inspira-
- 77 -
tions pour devenir novateur (1) et créer la musique instru-
mentale destinée à la chambre, comme Haydn créa la sym-
phonie, assemblage pompeux de toutes les richesses orches-
trales. Une si merveilleuse organisation laissait peu de chose
à faire à l'art, et l'on doit s'en réjouir, car elle fit de Boccherini
un être à part, une de c^s individualités uniques qui n'ont
d'ailleurs aucun trait de ressemblance, et qui demeurent à
jamais un type qu'il n'est donné à qui que ce soit ds repro-
duire. Boccherini n'imita personne, personne n'a pu l'imiter.
Feuilletez les partitions de ses devanciers, de ses contempo-
rains, de ceux qui ont profité de ses découvertes ; vous restez
en défaut : rien ne l'annonce, rien ne le rappelle ; on n'a pu
lui emprunter, pour ainsi dire, que la partie matérielle de
son œuvre ; la coupe, le plan, l'ordonnance des morceaux ;
la disposition, l'agencement, le rôle des parties. Mais ce faire
pittoresque, mais ces tableaux enchanteurs, mais ces scènes
d'innocence primitive, mais cette expression angéhque, mais
cet adorable sentiment religieux, dégagé de toute préoccu-
pation terrestre, pur d'alliage, qui monte vers Dieu pour
s'unir à lui, voilà ce que l'on chercherait vainement ailleurs,
voilà ce qui place Boccherini dans une sphère à part, sphère
d'harmonieuse et céleste mélodie, où expirent les bruits de
la terre, où ne retentissent que les concerts des anges !
Après avoir montré dans le Trio et dans le Quatuor la
(1) C'est à l'année 1758 environ qu'on rapporte la composition des premiers
quatuors de Haydn ; ils auraient par conséquent précédé de trois années ceux de
Boccherini. Mais il suffit de mettre en regard les premiers ouvrages en ce genre
de ces deux maîtres pour reconnaître qu'au second appartient sans conteste
tout l'honneur de l'invention ; sa supériorité n'est pas moins frappante dans le
Trio (P.).
- 78 -
manière de traiter ce genre si difficile, Boccherini mit le
sceau à sa gloire par la création du Quintetto pour deux
Violons, Viole et deux Violoncelles, combinaison ignorée
avant lui, parce que les auteurs n'avaient compris et considéré
la basse que comme partie fondamentale de l'accorripagne-
ment. On a dit, pour expliquer cette innovation de deux vio-
loncelles concertants, qu il entrait dans le système de compo-
sition de Boccherini de rendre la musique avec toute la sua-
vité dont elle était susceptible ; que la qualité des sons du
violoncelle, remplissant cet objet mieux que le violon, il
s'était attaché à faire ressortir le violoncelle, en conservant
pour l'harmonie le violon, l'alto et la basse : de là ridée d'un
second violoncelle qui souvent est concertant avec le premier (1).
Outre l'espèce de contradiction qui se remarque dans
cette interprétation, celle-ci pèche évidemment par la base ;
car il s'en suivrait que les parties de violon et d'alto ne figurent
que pour l'harmonie, ce qui est une profonde erreur. Aucune
musique n'offre autant de chant que celle de Boccherini dans
les dessins de l'accompagnement ; ceci est si vrai que, pour
la bien jouer, il faut toujours chanter ; c'est de l'union com-
plète des parties chantantes que résulte l'effet harmonique,
sans qu'on puisse décider que telle partie soit plus essentielle
que telle autre. On eût été plus près de la vérité, ce semble,
si l'on eût dit que Boccherini, violoncelliste-virtuose, dut être
porté naturellement, par pur instinct, à faire travailler son
instrument favori dont le caractère et le timbre répondaient
si bien a la nature mélancolique, tendre et religieuse de son
génie. L'accession d'une seconde partie de violoncelle
(1) Dictionnaire historique des Musiciens, tome 1^'', page 86 (P.
— 79 —
dans ses admirables quintetti ne fut donc pas de sa part
le résultat d'un système préconçu, mais simplement l'efïet
d'une prédilection favorisée encore par la composition du
personnel musical de la Chambre de l'Infant don Louis. La
famille Font en formait le quatuor ; renforcée d'un cinquième
membre, violoncelliste-compositeur de premier ordre, il
fallait nécessairement trouver une combinaison qui utilisât
les talents des cinq artistes réunis. De là l'idée du quintetto
tel que Boccherini l'a conçu et exécuté dès 1770 (1).
Ce premier œuvre est rempli de beautés dont près de
quatre-vingts ans n'ont pu ternir encore la fraîcheur et
l'éclat. Il y règne une verve, une chaleur, une inspiration,
un enthousiasme, une originalité de formes et de mélodie
qui bravent le temps et la mode ; c'est le beau dans toute
son acception, le beau qui émeut, qui vivifie, qui transporte ;
rien, il faut l'avouer, ne donnait l'idée d'une pareille création
qui restera, dans l'histoire de l'art, comme une conquête
du génie. Quel parti admirable Boccherini a su tirer des
deux violoncelles ! Avec quel charme il les fait chanter, et
les marie aux autres instruments ! Avec quelle adresse il
utilise la différence des timbres pour en tirer des effets ravis-
sants jusqu'alors inconnus ! Mais écoutons l'un de ses
derniers interprètes, Baillot, dont l'irréparable perte est un
long deuil pour l'art, Baillot, le type du grand artiste, la gloire
(1) Ces premiers Quintettes du maître semblent bien être, jusqu'à nouvel avis,
parmi les premiers qui aient été écrits. Toutefois, un Quintette de Jean Chrétien
Bach et un de Toeschi paraissaient à Paris dès 1 770. D'autre part, une admirable
série de six Quintettes à cordes de J.-B. Sammartini porte la date de 1773 ;
c'est cette même année que sont nés aussi les deux premiers Quintettes (en ut
et en fa) de Michel Haydn, et le premier qu'ait écrit son jeune élève : Mozart.
- 80 -
de l'école française, qui fut aussi le vir probus dicendi peritus ;
écoutons ce religieux adorateur de la muse de Boccherini,
appréciant ses œuvres immortelles, offertes par lui comme
modèles aux amateurs du violoncelle : « Rien, dit-il (1), ne
» surpasse le charme qui l'accompagne dans la musique de ce
» grand maître ; s'il le fait chanter seul, c'est avec une sensi-
» bilité si profonde, une simplicité si noble, qu'on oublie
» l'art et l'imitation, et que, pénétré d'un sentiment reli-
« gieux, on s'imagine entendre une voix céleste, tant elle a
» une expression étrangère à tout ce qui blesse le cœur ; l'on
» dirait plutôt qu'elle cherche à consoler ; s'il fait parler à la
» fois les cinq instruments, c'est avec une harmonie pleine
» et auguste qui invite au recueillement, qui jette l'imagina-
» tion dans une douce rêverie, ou qui la fixe sur des tableaux
» enchanteurs ; c'est la grâce de l'Albane, c'est la naïve
» sensibilité de Gessner ; et lorsque changeant de style il
» prend une teinte sombre et mélancolique, il va droit au
» cœur par des moyens si doux, que les larmes coulent sans
» qu'on s'en aperçoive ; s'il attriste, c'est pour mieux toucher ;
» s'il semble ôter à l'âme toute sa force, c'est pour la réconci-
» lier avec elle-même, pour apaiser le tumulte des passions,
» y faire succéder un calme délicieux, transporter dans un
» monde meilleur, et faire goûter les plaisirs de l'âge d'or. »
A côté de cette éloquente expression du sentiment de l'un
des plus éloquents interprètes des chefs-d'œuvre de Bocche-
rini, de Haydn, de Mozart et de Beethoven, plaçons en
regard l'opinion d'un autre juge non moins compétent,
(1) Méthode de violoncelle, adoptée par le conservatoire impérial de
musique (P.)-
- 81 -
d'un juge que l'étendue et la profondeur de son savoir et la
sévérité de ses principes, en matière de composition musicale,
rangent en tête des critiques qui font autorité. Voici comment
s'exprime M. Fétis (tome 2, page 223 de la Biographie uni-
verselle des Musiciens) : « Jamais compositeur n'eut, plus que
» Boccherini, le mérite de l'originalité ; ses idées sont toutes
w individuelles, et ses ouvrages sont si remarquables, sous
» ce rapport, qu'on serait tenté de croire qu'il ne connaissait
') point d'autre m.usique que la sienne (1). La conduite, le
)> plan de ses compositions, leur système de modulation,
)> lui appartiennent en propre comme les idées mélodiques.
» Admirable par la manière dont il sait suspendre l'intérêt
» par des épisodes inattendus, c'est toujours par des phrases
» du caractère le plus simple qu'il produit l'effet le plus vif.
» Ses pensées toujours gracieuses, souvent mélancoliques,
» ont un charme inexprimable par leur naïveté. On a souvent
» reproché à Boccherini de manquer de force, d'énergie ;
>* cependant plusieurs de ses Quintetti sont em.preints d'un
» caractère de passion véhémente. Son harmonie, quelquefois
)' incorrecte, est féconde en effets piquants et inattendus. Il
» fait souvent usage de l'unisson, ce qui réduit parfois son
)> quintetto à un simple duo ; mais, dans ce cas, il tire parti
« de la différence des timbres avec une adresse merveilleuse,
» et ce qui serait un défaut chez un autre, devient chez lui
» la source de beautés qui lui sont propres. Ses adagios et ses
» menuets sont presque tous délicieux ; ses finales seules
(1) Cette conjecture est parfaitement fondée : Boccherini avait tellement la
conscience et le respect de son individualité que, par crainte de l'altérer, il
s'mterdisait l'étude des autres grands maîtres, ses contemporains (P.).
- 82 -
)5 ont vieilli. Chose singulière ! avec un mérite si remarquable,
« Boccherini n'est connu maintenant qu'en France. L'Alle-
)) magne dédaigne sa simplicité naïve, et l'opinion qu'en ont
» les artistes de ce pays se résume dans un mot prononcé par
^) Spohr à Paris, dans une réunion musicale, où l'on venait
» d'exécuter quelques-uns des quintetti du maître Italien.
» On demandait au célèbre violoniste et compositeur alle-
)) mand ce qu'il en pensait : Je pense, répondit-il, que cela ne
» mérite pas le nom de musique ! Il est fâcheux que la manière
» de sentir se formule comme les idées chez les artistes, et
» qu'un homme de mérite, passionné pour les transitions
» fréquentes, soit arrivé au point de ne plus trouver de charme
» aux choses simples et naturelles, et, ce qui est bien plus
)> triste encore, à devenir insensible au mérite de créations
» toutes originales et individuelles. Heureux l'artiste qui
« sait certaines choses qu'on ignorait un siècle avant lui ;
» mais malheureux cent fois celui dont le savoir se transforme
» en habitudes, et qui ne comprend que ce que l'on fait de
» son temps ! L'art est immense ; gardons-nous de le cir-
« conscrire dans une forme et dans une époque ! •
Honneur à l'auteur de ces nobles paroles ! Honneur au
savant qui revendique ainsi les droits imprescriptibles du
génie ! Oui, sans doute, le beau est de tous les temps : il
survit aux caprices de la mode, aux variations du goût, parce
qu'il est absolu, parce qu'il est indépendant de certaines
formes, de certaines tendances, parce qu'il a son principe
dans le vrai, dans les plus nobles inspirations de l'âme, parce
qu'il émane de la nature elle-même, et qu'à ces titres, il est
éternel. Rassurez- vous donc, artistes qui travaillez en vue de la
gloire ; votre œuvre, fille de l'invention et du génie, est impé-
- 83 -
rissable ; elle n'a rien de commun avec les succès éphémères
qu'une génération accueille et applaudit, que la génération
suivante oublie et délaisse ! Si trois siècles de progrès dans
un art où les transformations ont été si fréquentes et si sou-
daines, les révolutions si profondes, n'ont point obscurci
l'auréole toujours resplendissante de Palestrina ; si les travaux
des Scarlatti, des Bach, des Handel,des Marcello, des Durante,
des Pergolèse, brillent encore du plus vif éclat, c'est qu'en
effet les conceptions du génie portent en elles un principe de
vie qui résiste aux efforts du temps !
Sur environ trois cents trios, quatuors et quintetti composés
par Boccherini, il en est bien peu qui ne se distinguent par
quelqu'une des qualités particulières a son génie : beaucoup
brillent par l'invention, la hauteur du style, l'ordonnance
harmonieuse des parties ; par une facture ou pittoresque,
ou majestueuse, ou passionnée, et surtout par cette faculté
inspiratrice qui ne l'abandonne jamais. Son début, tantôt
noble, gracieux ou vif, souvent grave ou mélancolique, toujours
original, expressif, intéresse tout d'abord; on sent qu'il par-
ticipe de ce premier jet que les Italiens caractérisent di prima
intenzione. Sous ce rapport, nul compositeur ne l'égale par
la variété, l'abondance, la spontanéité des pensées ; c'est
une richesse d'imagination, un goût, une flexibilité qui sem-
blent n'emprunter rien à l'art, mais qui font éclore les chefs-
d'œuvre sous sa chaude et féconde inspiration, sans effort,
naturellement, comme autrefois La Fontaine laissait couler
ses fables immortelles. Rien ne prouve mieux la puissance
inventive de ce beau génie que son aptitude à traiter diver-
sement le même sujet et à en former des tableaux tout à fait
dissemblables. Ses rivaux n'offrent aucun exemple d'une
- 84 -
pareille faculté. Lorsque les grands maîtres allemands,
Haydn particulièrement, sont parvenus à la péroraison,
leur sujet a été tellement travaillé, pressuré, qu'on n'en
saurait plus rien extraire. Ainsi l'insecte aux ailes brillantes
ne laisse après lui qu'une inutile enveloppe. Chez Boccherini,
c'est tout l'opposé : jamais il n'épuise l'idée ; il se plaît au
contraire à l'embellir, a la parer de vives couleurs ; il l'en-
toure de compagnes charmantes avec lesquelles on la voit
se jouer et se confondre, mais sans lui ôter la guirlande de
roses qui relève l'éclat de sa robe virginale et la distingue entre
toutes. Si, dans son trajet, sa main effeuille quelques pétales
de cette fleur bien-aimée, il en conserve toujours assez pour
qu'on puisse la reconnaître et jouir de son parfum, pour la
marier heureusement à un autre bouquet. Voyez avec quelle
habileté, quelle aisance il met en relief une idée déjà produite l
Une pensée, une phrase, une mélodie lui plaît-elle ? Il se
garde de la prodiguer ; il ne la montre que ce qu'il faut pour
qu'on la remarque, pour la faire désirer ; mais lorsque, dans
les différents morceaux dont son œuvre se compose, on l'a
tout à fait perdue de vue, il la ramène avec une sorte d'amour
et d'orgueil ; il ajoute ainsi au plaisir de l'oreille, à la satis-
faction du cœur, le contentement de l'esprit, par un rapport
d'ordre et d'unité qui double la jouissance. Ailleurs, c'est un
motif tout entier qu'il emprunte. Surpris par cet air de
connaissance, vous vous imaginez que ce n'est qu'un traves-
tissement, c'est-à-dire les mêmes idées sous une autre com-
binaison instrumentale. Nullement : c'est bien le même cadre,
mais le tableau diffère ; d'autres points de vue, d'autres scènes
s'offrent à vos yeux émerveillés, et vous ne savez ce que vous
- 85 -
devez admirer le plus de l'inépuisable imagination du peintre
ou des séduisantes couleurs de sa palette (I).
Parmi les compositions diverses où Boccherini s'est montré
dans toute l'originalité, tout le charme de son talent, les
connaisseurs ne peuvent se lasser d'entendre ses délicieux
menuets, dans lesquels la grâce naïve, l'enjouement, l'aban-
don, la variété le disputent à l'invention. Conçus dans un
système tout différent de celui des autres grands maîtres, ils
forment un genre à part, sans analogue ailleurs, dont le célèbre
artiste a gardé le secret. Mais c'est dans Vadagio surtout
qu'il étale les richesses de son cœur, le grandiose du sentiment
religieux puisé dans une foi vive, à la source des livres saints.
Rien n'égale la suavité de ces chants si chastes et si purs, où
la pensée du compositeur, dégagée de toute passion terrestre,
ne respire qu'amour divin et s'élève, sur les ailes de l'espé-
rance, vers l'immortel séjour. Empreints d'une ineffable
onction, les adagios de Boccherini «font surtout l'admiration
» des connaisseurs et le désespoir des artistes ; ils donnent
» l'idée de la musique des anges. » (2).
Les Finales seules ont vieilli, dit M. Fétis. Malgré l'autorité
acquise aux arrêts de ce savant, qu'il soit permis de repousser
cette critique, comme beaucoup trop absolue. Vraie pour
certains morceaux de ce genre, elle cesse de l'être pour la
plupart. Si l'on voulait rapprocher les finales de Boccherini
de celles d'Haydn, peut-être trouverait-on que ces dernières
(1) La manière de construire un morceau a considérablement varié pendant
le cours de la carrière artistique de Boccherini : pour l'emploi de certains pro-
cédés de composition, voyez la piéface.
(2) Choron et Fayolle (P.).
ont, en plus grand nombre, vieilli davantage ou présentent
des sujets incomparablement plus communs. Ce qui a véri-
tablement vieilli dans Boccherini, ce sont certaines terminai-
sons de phrases, surtout dans ses menuets, quelque admirables
qu'ils soient d'ailleurs. Mais quant à ses finales, si quelques-
unes prêtent a. la critique, beaucoup au contraire se recom-
mandent par la chaleur, la verve, l'originalité ; par une
facture piquante, pleine de grâce, de fraîcheur ou d'entraî-
nement qui couronne dignement l'œuvre.
Indépendamment de leur mérite d'un ordre si élevé, les
compositions de Boccherini se recommanderont toujours aux
musiciens amateurs par un intérêt tout particulier d'exécution.
Chez les autres grands maîtres, la partie du premier violon
règne souvent en souveraine et éclipse toutes les autres ; on
peut en faire la remarque dans les quatuors d'Haydn, si
admirables d'ailleurs. Chez Boccherini, chacune des parties
ne relève, pour ainsi dire, que d'elle-même. Là, point de
primauté : toutes ont des droits égaux, toutes concertent,
soit à tour de rôle, soit simultanément ; toutes intéressent
l'exécutant au même degré. L'accompagnement lui-même,
sous une inépuisable variété de formes, de tours piquants et
originaux, participe du chant et lui emprunte son expression,
ses moyens, ses délicatesses et son charme. On ne saurait donc
observer trop scrupuleusement, dans l'exécution de cette
musique, le grand précepte de Tartini : Pour bien jouer, il
faut bien chanter.
Les procédés de Boccherini sont d'une telle simplicité
qu'ils échappent à l'analyse. Il serait difficile, en effet, d'expli-
quer à quoi tiennent les effets heureux répandus à profusion
dans ses ouvrages, tant les moyens qu'il emploie semblent à
- 87 -
la portée de tous. Sa manière, toujours naturelle, gracieuse,
naïve, séduit d'autant plus qu'elle afïecte moins de prétention
et de recherche ; le travail et l'art n'y apparaissent jamais ;
tout coule de source avec une limpidité, une abondance qui
ne tarit point. Tirant tout de lui-même, ce compositeur est si
riche de son propre fonds qu'il n'emprunte jamais au pouvoir
de l'harmonie pour déguiser le vide ou l'absence de la pensée :
les idées lui arrivent en foule, et lorsqu'on s'imagine qu'elles
sont près de s'épuiser, une modulation neuve, incisive, un
épisode inattendu vient leur donner un autre tour, exciter
plus vivement l'intérêt, ouvrir de nouvelles perspectives, et
jeter l'âme dans le ravissement.
C'est surtout dans la façon de traiter la deuxième partie
des grands morceaux qu'éclate la fécondité de ses ressources.
Tous les musiciens savent que cette seconde partie est l'écueil
du compositeur. Tel s'est tiré de la première avec succès,
qui échoue complètement à la deuxième ; car, dit M. Castil-
Blaze, « l'une peut être produite par l'imagination seule,
l'autre exige la réunion du génie au talent. » C'est là que les
modulations savantes, les recherches harmoniques les plus
riches se combinent, se croisent, s'entre-choquent pour illu-
miner, sous mille formes diverses, les idées principales. Dans
ce système, les ouvrages des maîtres allemands offrent des
modèles d'une désespérante perfection. Néanmoins, il faut
le reconnaître, cette marche trop invariablement suivie perd
en inspiration et en spontanéité ce qu'elle gagne en science ; le
connaisseur sait d'avance par quels chemins on va le conduire,
il entrevoit déjà les perspectives qu'on lui ménage ; rarement
l'imprévu le surprend et l'émeut dans ce dédale scientifique
7
où les plus habiles ne réussissent pas toujours à éviter l'obs-
curité, la confusion ou le désordre.
Le génie inventif de Boccherini répugne à ces procédés
dont il use quand il lui plaît, mais sans s'y asservir. Là se
déploie son étonnante faculté de couvrir de fleurs un terrain
aride. Aussi ses secondes parties n'ont rien de conventionnel ;
on y sent partout le souffle de l'inspiration. S'il veut développer
son sujet principal, il le fait avec aisance ; préfère-t-il donner
le premier rôle à l'accessoire ? Rien de plus piquant, de plus
original que l'effet qu'il sait en tirer. Parfois un motif nouveau
jaillit au début de cette seconde partie et se fond dans l'ensem-
ble avec un bonheur d'affinité qui résout le problème si
difficile de la variété dans l'unité. Ailleurs, les divers sujets
se jouent entre eux, se recherchent, se mêlent, se fuient tour à
tour, sous des formes saisissantes, inattendues qui s'emparent
également de l'esprit et du cœur. Il n'est pas jusqu'au motif
principal qui ne fasse preuve d'indépendance et ne dédaigne
de se montrer à l'heure convenue. Dans son allure capri-
cieuse, alors qu'on s'y attend le moins, il apparaît soudain,
prévenant ou retardant le vœu qui l'appelle, vers le com-
mencement, au milieu, ici ou là, parfois à la fin qu'il clôt
magistralement (I).
Parmi les moyens dont Boccherini use volontiers, il en est
qui seraient partout ailleurs une marque d'impuissance et de
stérilité, et qui deviennent chez lui la source féconde d'effets
délicieux, de beautés toutes particulières ; tel est l'emploi
fréquent de l'octave et de l'unisson, justement réprouvé
parce qu'il réduit d'autant l'harmonie. Mais il en est un sur-
(1) Pour la conception du développement chez Boccherini, v. aussi la préface.
— 89 —
tout que sa vulgarité rendrait monotone chez tout autre,
et qui, dans Boccherini, produit toujours un effet sûr, tant le
compositeur se montre habile à en tirer parti, tant est merveil-
leuse la variété de formes sous lesquelles il use d'un moyen
qui semble s'y prêter si peu ; c'est la dominante employée
comme une sorte de pédale intérieure ou aiguë. Toutes les
fois qu'elle se fait entendre, c'est un charme nouveau dont
il revêt sa pensée, une gaze légère dont il l'enveloppe comme
pour la soustraire à quelque soufHe impur, ou la placer dans
un lointain mystérieux qui ajoute encore à sa candeur et à ses
grâces. Certes, combien d'écoliers dédaigneraient de recourir
a ces moyens si simples, si faciles ; ils croiraient déroger à la
science. Moins scrupuleux, moins timoré, le grand composi-
teur aime à s'en servir, parce qu'entre ses mains le cuivre
devient or. Faire beaucoup avec peu fut le grand art de Boc-
cherini. Jamais chez lui d'étalage scientifique : il pousse si loin
le scrupule à cet égard, qu'on pourrait lui reprocher parfois
trop de sobriété dans l'harmonie, une sorte d'affectation à
la négliger, comme si elle n'était à ses yeux qu'un manteau
fastueux destiné le plus souvent à couvrir des guenilles. Et
cependant ce n'était pas faute de ressources ; il a montré
dans plus d'une de ses œuvres qu'il savait, lui aussi, dès
qu'il le voulait, demander a la puissance des combinaisons
harmoniques ces efîets majestueux, grandioses, énergiques,
qui ont élevé si haut l'école allemande. Mais fidèle au système
des grands maîtres italiens, obéissant d'ailleurs à la nature
toute mélodique de son génie, il ne considérait l'harmonie
que comme un auxiliaire et lui refusait cette prééminence
qu'elle sut conquérir plus tard. Il craignait avec raison qu'en
usant de tous les moyens sans discernement ni mesure, qu'en
— 90 -
jetant tout à pleines mains, tout à la fois, partout et toujours,
on n arrivât à blaser, à endurcir l'oreille, à la rendre insensible
aux véritables beautés, et à dénaturer l'art.
De là cette différence si frappante qu'on remarque entre
sa manière, ses procédés, et ceux des maîtres allemands. Le
but ne différait pas moins. Tandis que ceux-ci semblent
appeler à leur aide toutes les ressources, tous les trésors de
la science et du contre-point, qu'ils recherchent le grand jour
et l'éclat, qu'en vue des applaudissements d'un brillant audi-
toire ils s'étudient à faire jaillir d'un petit nombre d'instru-
ments, comme d'un ensemble symphonique, des flots d'har-
monie, on croirait au contraire que Boccherini fuit l'agitation,
le tumulte des grandes assemblées ; que désireux de se replier
sur lui-même, d'éloigner les pensées mondaines pour se livrer
aux douces émotions, aux innocentes joies qu'inspire le
spectacle de la nature, il a besoin de calme, de solitude, afin
de donner l'essor à sa muse et la laisser, comme le chantre des
nuits, exhaler dans le silence ses tendres et mélodieux accents.
Aussi sa musique est celle de l'intimité par excellence.
Gardez-vous de l'appeler à ces concerts où l'oreille est inces-
samment distraite par les yeux, où par conséquent l'esprit
n est jamais assez dégage pour permettre au cœur des jouis-
sances sans partage ; où d'ailleurs un local trop spacieux,
rempli d'une foule plus ou moins attentive, détruit à chaque
instant l'effet des plus délicates nuances. Non, il lui faut pour
se produire dans sa grâce ingénue, dans la candeur de sa
pensée, un auditoire peu nombreux, mais initié, recueilli,
plus sensible aux beautés de sentiment qu'aux effets étudiés.
C'est alors qu'elle se plaît à se révéler tout entière ; c'est
alors qu'elle se manifeste dans sa pureté primitive, qu'elle
- 91 -
séduit, pénètre, ravit, qu'elle provoque dans l'âme une foule
d'émotions délicieuses et de joies inconnues.
Il est à remarquer que la musique de Boccherini, bien
qu'elle ne présente pas en général de grandes difficultés
d'exécution, déconcerte d'ordinaire ceux qui l'abordent pour
la première fois : cela n'a rien d'étonnant. Habituée dès long-
temps aux form.es germaniques, à une harmonie nerveuse et
savante, au travail intrigué du contre-point qui usurpe trop
ouvertement peut-être les droits du chant, l'oreille ainsi
nourrie et entretenue cherche en vain ce qu'elle a coutume
de rencontrer ; mais déçue et dépaysée, elle se montre incré-
dule et rebelle, se refusant à comprendre un sens dont elle n'a
pas la clé. Semblable à ces estomacs saturés d'épices et de
liqueurs que n'excitent plus les mets simples et naturels,
elle repousse d'abord cette nourriture si peu conforme à ses
goûts. Mais insensiblement elle arrive à une appréciation
plus saine ; et quand, après bien des essais, elle est enfin
parvenue à saisir le caractère et le style particuliers de cette
musique jusqu'alors incomprise, elle s'étonne elle-même
d'être restée insensible à ses beautés, et passe de l'indiffé-
rence à l'enthousiasme. Cette explication, confirmée par bien
des exemples, démontre qu'avant de se prononcer sur les
œuvres du grand maître italien, il faut les étudier avec soin,
s'en pénétrer, et surtout se faire initier aux secrets de leur
exécution. Ce n'est pas que celle-ci réclame les talents d'un
virtuose consommé ; loin de là : il suffit de posséder conve-
nablement son instrument, car les difficultés tiennent moins
au mécanisme et au trait qu'à certaines conditions d'aptitude,
inhérentes à l'organisation même de l'exécutant, hors des-
quelles il ne saurait prétendre au rôle d'adepte. Ces condi-
- 92 -
tions nécessaires, indispensables, ont leur foyer dans une sensi-
bilité profonde, un goût exquis, une sorte de sens intérieur
qui sait deviner la pensée du compositeur et se mettre en
communication avec elle. Alors, que l'archet, obéissant aux
inspirations du cœur, interprète avec âme ces chants suaves
et religieux qui coulent de source ; qu'il ne s'écarte jamais de
la pensée intime ; qu'il se persuade que tout, dans cette
musique, fait tableau, exprime une situation ou un sentiment !
Qu'il s'attache dès lors à rendre ces nuances délicates, ce
coloris moelleux, ces demi-teintes, cette magie du clair-obscur
qui prêtent tant de charme aux compositions de Boccherini
et l'ont fait appeler à juste titre le peintre des grâces. Que tous
les concertants unis, confondus dans une même pensée,
exécutent leur partie avec conscience, con amore ; qu'ils
chantent toujours, que leur unique préoccupation tende à les
élever à la hauteur du maître, à l'interpréter dignement ;
qu'ils sachent bien qu'il n'est qu'une manière de rendre
cette musique tout origmale, où chaque note a son intention,
sa portée, son effet ; où les contrastes sont d'observation
rigoureuse ; où rien ne saurait être négligé parce que tout a
un but ; qu'ils s'identifient, en un mot, avec le compositeur,
qu'ils l'évoquent pour s'inspirer de son esprit et s'enflammer
à son souffle divin. Une sembla*ble exécution exige beaucoup
d'étude et tout à la fois, suivant l'expression de Baillot, une
force et une délicatesse d'organes qu'on pourrait appeler un
sixième sens, s'il ne valait mieux remonter jusqu'à l'âme qui
est la source et qui sera toujours la mesure du talent.
Ces recommandations, si minutieuses qu'elles paraissent,
cesseront d'étonner, quand on saura combien Boccherini
se montrait difficile sur l'exécution de ses ouvrages. Sur ce
- 93 -
point, il ne plaisantait pas ; en voici une preuve entre mille.
Le marquis de Benavente avait réuni chez lui l'élite de la
noblesse et des amateurs de Madrid. Alexandre Boucher,
frais débarqué,
Jeune et dans l'âge heureux qui méconnaît la crainte,
venait d'exécuter, aux applaudissements de l'illustre assis-
tance et de Boccherini lui-même, un concerto des plus diffi-
ciles. Encouragé par ce succès flatteur, croyant peut-être
même aussi faire sa cour au célèbre compositeur, il s'approche
de lui, et sollicite comme une grâce la permission de jouer en
sa présence un de ses quintettes. — Vous êtes bien jeune,
réplique le maître ; vous jouez trop bien du violon ; il faut, pour
ma musique, une certaine habitude qui vous manque, une
manière enfin qui s'écarte trop de vos principes. — Alexandre
n'a jamais reculé ; il insiste, et Boccherini finit par céder
d'assez mauvaise grâce. On commence... a peine Boucher en
était à la douzième mesure qu'il se sent saisi, arrêté au poi-
gnet... il regarde... c'était Boccherini lui-même. — Je vous
avais bien dit que vous étiez trop jeune pour jouer ma musi-
que, et, ce disant, il enlevait les parties des pupitres. Boucher,
abasourdi d'un pareil affront, ne put que lui répondre :
Maître, il n'y a qu'un moyen de réparer le mal que vous me
faites, c'est de m'initier vous-même à l'exécution de vos
chefs-d'œuvre ; apprenez-moi à les interpréter dignement. —
Volontiers, s'empresse de répliquer Boccherini ; venez chez
moi, je serai heureux de diriger un talent comme le vôtre.
Cette anecdote, racontée par Boucher, confirmée par le
marquis de Benavente chez qui la scène eut lieu, donne sin-
gulièrement à réfléchir et démontre évidemment que, si
- 94 -
grand virtuose qu'on soit, il est indispensable de se pénétrer,
par une étude consciencieuse et assidue, de la manière et
du style qui conviennent à la musique de ce grand maître,
sous peine de n'en donner que la parodie. C'est un avertisse-
ment à l'adresse de ceux qui se hâtent de prononcer avec une
sorte de dédain sur le mérite de productions consacrées par
soixante années de succès et par l'enthousiasme des rois de
l'exécution.
Boccherini possédait au suprême degré le talent de com-
muniquer aux autres le sentiment qui l'animait. Sous sa
direction, la même pensée, le même esprit, la même verve
inspirait les exécutants ; pas une distraction, pas une négli-
gence n'était tolérée. Rigide et intraitable observateur des
mille nuances dont sa musique est toute diaprée, il ne trou-
vait jamais les Forte assez accentués, les Piano assez adoucis ;
énergique avec les premiers, un souffle pour les seconds lui
suffisait : deWolio, amico, deWolio (de l'huile !) avait- il cou-
tume de s'écrier sitôt qu'une partie élevait un peu trop la voix.
Nulle autre musique autant que la sienne n'offre ces mots.
Pianissimo, ou Sotto voce assai. Il avait si bien stylé les musi-
ciens de la chambre de l'Infant don Louis que, longtemps
après, lorsque Rode (1) les entendit, ce célèbre violoniste
fut transporté d'admiration ; il avouait que nulle part cette
musique n'était si parfaitement rendue, ni ne lui avait causé
tant de plaisir. Mais aussi, quand, par malheur, l'exécution
ne répondait ni à la pensée, ni au goût du maître, le bouillant
(1) Rode visita Madrid vers 1799, et s'y lia d'amitié avec Boccherini qui
écrivit pour lui l'instrumentation de son 6 ' G)ncerto en si bémol, dédié à la reine
d'Espagne (P.).
- 95 -
compositeur ne savait plus se contenir ; il s'agitait, trépignait,
jusqu'à ce qu'enfin, a bout de patience, il s'enfuît à toutes
jambes, en criant qu'on assassinait ses enfants.
On a avancé que Boccherini entretenait une correspon-
dance suivie avec Haydn pour qui il professait une sincère
admiration. Rien ne prouve la vérité de ce fait. Néanmoins,
si l'on en croit certains dires, cette admiration n'aurait pas
exclu la sévérité, car on rapporte qu'ayant entendu le quatuor
en ut, op. 33 du maître allemand, Boccherini se serait écrié,
en montrant sa main droite : « Si jamais je me permettais
)> d'écrire un semblable quatuor, je me couperais le poignet ! »
C'est bien rigoureux, mais aussi est-ce vrai ?
Le violoniste Puppo (1), voulant marquer la différence
qui existe entre ces deux grands maîtres, a dit : « Boccherini
est la femme d'Haydn. » Mot heureux qui exprime d'une
manière frappante le caractère particulier des compositions
de ces deux hommes à jamais célèbres.
On a vu combien la renommée de Boccherini avait été
tardive en Espagne, combien sa vie y fut obscure, ignorée, à
ce point que le poète Yriarte, auteur d'un estimable poème
espagnol sur la musique, ne l'a pas compris dans sa brillante
nomenclature des grands musiciens de l'époque, quoique
depuis dix ans déjà le maître italien eût fixé son séjour dans la
capitale de l'Espagne. Ce n'est qu'en France qu'il a joui
pleinement de sa gloire. C'est là que la gravure et la presse ont
multiplié, répandu par milliers, ces productions immortelles
devenues les délices de tous les vrais connaisseurs. On a
(1) Puppo (Giuseppe), violoniste né à Lucques en 1749, mort en 1827.
— 96 —
calculé, dit M. Fétis, qu'il s'est vendu pour environ deux
millions de francs de la musique de Boccherini ; cependant
l'auteur a vécu dans un état voisin de l'indigence ! triste et
désespérant résultat, si la gloire ne rachetait aux yeux de
l'artiste les torts de la fortune !
97 -
ni
Aujourd'hui le culte de Boccherini est bien délaissé !
On se demande à quelle cause attribuer l'abandon de ce
grand compositeur. A coup sûr, il ne prouve rien contre
son mérite, car le moyen d'imaginer que des artistes tels que
Gaviniès, Duport, Viotti, Rode, Baillot, Boucher et tant
d'autres qui ont professé une admiration sans bornes pour ce
sublime génie, se soient trompés ! Quels doutes conserverait-
on en présence de si hauts témoignages, fortifiés par le plus
illustre de tous, par celui de Mozart lui-même, le divin Mozart
qui avait deux prédilections bien marquées, l'un pour Handel,
l'autre pour le tendre Boccherini (1). La raison de ce délais-
sement est ailleurs ; il faut la chercher dans la direction qu'on
a fait suivre à la musique instrumentale, dominée par la
déplorable école du piano, et, tranchons le mot, dans l'igno-
rance, les préjugés et l'engouement des musiciens eux-mêmes.
On nous permettra d'en donner ici un échantillon.
M. P., professeur de violon étant chez le marchand de
musique Frey, causait avec lui. Tout à coup les yeux du vir-
tuose s'arrêtent sur la collection des œuvres de Boccherini,
(1) Pour ces rapports probables avec Mozart, v. la préface et le renvoi p. 56
au sujet du Concerto de violon.
- 98 -
et s'adressant à M. Frey en mauvais français : Qu est-ce que
cest que ça ? — C'est Boccherini, répond le marchand de
musique étonné. — Je ne connais pas cela. — Comment,
vous ne connaissez pas ce célèbre compositeur ? — En quoi
est-il célèbre ?... Non, je n'en ai aucune connaissance. —
Tant pis pour vous. Monsieur. — Je ne vois rien là qui soit
tant pis pour moi. — J'en suis fâché, je vous le répète, tant
pis pour vous. Connaissez-vous du moins les quatuors
d'Haydn ? — Oui, j'en ai joué autrefois un œuvre, et j'ai
entendu quelques-unes de ses symphonies. — Et les œuvres
de Mozart ? — Je connais la Flûte enchantée et Don Juan, et
j'ai accompagné quelques-unes de ses Sonates de piano. —
Ah ! ah ! mais du moins connaissez-vous Viotti ? — J'en ai
entendu parler, et je ne connais de lui qu'un de ses Concertos.
— Mais que jouez-vous donc ? — Ma musique. — Cependant,
quels sont les auteurs classiques où vous avez appris le violon ?
— C'est dans ma musique que j'ai appris à avoir du talent.
A ces mots, le marchand de musique, très bon musicien, fit une
pirouette, et parla de tout autre chose.
Quelques jours après, entre dans le magasin de M. Frey
le grand compositeur Paër, dont les regards se portent par
hasard sur la collection de Boccherini. Ah ! s'écrie-t-il,
celui-là est notre père à tous. Alors M. Frey lui raconte la
scène qui s'était passée avec M. P., et M. Paër lui répond :
Qui que ce soit, ce ne peut être un homme de talent.
Cette anecdote, donnée sous la garantie de M. Fayolle (1),
peint merveilleusement la présomption, on dirait presque
(1) Eile est tirée de scn opuscule : Paganini et Bériot, ou Avis aux jeunes artistes
qui se destinent à l'enseignement du violon ; in-8° Paris, 1 83 1 , page 31 (P.) .
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Timpertlnence de certains professeurs et artistes.' Combien
sont de la force de M. P. ! Mais c'est assez, revenons.
En substituant la musique d'effet à la musique expressive,
le bruit à la mélodie, les auteurs de ce changement vicieux et
les prôneurs à la suite ont donné satisfaction, non pas à un
besoin, mais à la médiocrité. Il sera toujours facile d'arriver
à certains effets, au moyen de certaines formules qui s'ap-
prennent, et en ouvrant tout l'arsenal instrumental ; mais
créer de beaux chants, de belles pensées, les disposer avec
art, les développer savamment, en faire un tout harmonieux,
lucide, transparent, c'est autre chose, et l'on comprend que
beaucoup s'en soucient peu. Les instrumentistes ont donc
voulu briller, les compositeurs, en remuant des masses impo-
santes, produire des effets plus saisissants. De là cette ava-
lanche de fantaisies et d'airs variés d'une part, ce fracas
étourdissant de l'autre ; et le commun d'applaudir, moutons
de sauter. De l'effet, toujours de l'effet, rien que de l'effet ;
c'est proprement matérialiser l'art. Mais est-il bien sûr que
ce soit de la musique ? Qu'un virtuose aime à se faire entendre
dans des morceaux hérissés de difficultés qui surprennent
quelquefois sans toucher jamais, cela se conçoit ; c'est une
satisfaction d'amour-propre sans plus de portée, et qui ne
préjuge rien ; c'est de la prestidigitation instrumentale. Mais
qu'un compositeur, égarant le goût public, se fasse l'apôtre
de l'erreur; qu'il ne voie, qu'il ne cherche dans son art que les
moyens de produire les plus grands effets possibles en trom-
pant l'oreille, en la faisant passer dans un dédale de successions
harmoniques, en lui donnant à peine un moment de relâche
pour la conduire de nouveau dans un labyrinthe inextricable
de notes altérées et hurlant de se trouver ensemble, sans lui
- iOO -
accorder jamais le plus petit repos mélodique ; voilà qui est
intolérable pour l'auditeur de goût, désastreux pour l'art
vrai ; voilà ce qui perdra la musique si l'on n'y met ordre.
Et qu'on n'appelle pas modulation ce dévergondage harmo-
nique. Moduler, dit un grand maître, c'est faire route, c'est
aller quelque part. L'oreille veut bien vous suivre, elle demande
même à être ainsi promenée ; mais c'est à condition que lors
qu'elle est arrivée où vous l'avez conduite, elle y trouvera
quelque chose qui la paie de son voyage, et qu'elle s'y reposera
quelque temps. Si vous la voulez toujours faire courir, sans
lui donner la satisfaction qu'elle attend, elle se lasse, ne vous
suit plus, vous laisse seul, et toute votre peine est perdue.
Ainsi, moduler uniquement pour moduler, c'est prouver
qu'on ignore le but de l'art comme ses principes, c'est affecter
une surabondance de savoir et d'imagination, pour cacher
la disette de l'un et de l'autre.
Quel que soit le musicien qui se permette ces aberrations,
peu importe ; la question est de savoir si cette route nouvelle
conduit à quelque chose de satisfaisant dans la musique de
quatuor ou de chambre, la seule dont il s'agisse ici. Or, la
réponse est plus que douteuse. Les artistes dont le seul but
est de briller par une exécution qui se joue de toutes les diffi-
cultés de trait et d'intonation, se récrieront peut-être ; mais
leur opinion est au moins suspecte. En vain, ils l'abritent
derrière le grand nom de Beethoven. Tant que cet immortel
génie a suivi les traces de Mozart, tant qu'il n'a fait que les
dépasser dans la mesure de ce que permet la poétique musi-
cale, tant que son vol pindarique n'a franchi les limites de
l'art que pour montrer jusqu'où elles peuvent être reculées,
il a commandé l'admiration, imposé sa puissance souveraine.
- 101 -
Mais lorsque, considérant l'art sous un autre point de vue
qu'il ne l'avait fait lui-même, lorsque répudiant à la fois, et
l'exemple des plus beaux génies et son glorieux passé, il
dédaigna de charmer l'oreille par le développement successif
de quelques phrases principales, par des mélodies heureuses,
ou par de belles et émouvantes combinaisons harmoniques,
lorsqu'en un mot, il rejeta des formes trop symétriques,
trop conventionnelles à son gré, pour se lancer à corps perdu
dans la fantaisie libre de toute règle, de toute contrainte,
quel en fut le résultat ? Comparez ses beaux quatuors avec
les six derniers, enfants de ce système d'affranchissement
illimité, et répondez (I) ! Ce que la puissance d'un tel génie
n'a pu opérer, sera-t-il le partage de ses imitateurs ? Est-ce
avec de la science seule qu'ils en viendront à bout ? Mais le
contre-point, si habile qu'on soit à le traiter, n'est pas plus
la musique que la grammaire n'est l'éloquence et la poésie.
Tout le savoir musical imaginable, toute la dextérité possible
à développer un sujet, harmoniquement parlant, ne suffisent
pas à édifier un ouvrage de longue vie, si l'inspiration, c'est-
à-dire le génie, n'agite sur lui son flambeau créateur. Quoique
vous disiez, il n'est de bonne et durable musique que celle
qui forme un tableau dans l'imagination, ou qui fait naître
un sentiment dans le cœur. Tant que la vôtre ne donnera que
l'idée du chaos, tant que le sentiment n'animera pas vos
productions, tant que vous ne puiserez pas au cœur, source
féconde des belles pensées, tant que vous manquerez de goût
et de mesure, que vous ne saurez qu'entasser notes sur notes,
accords sur accords, que vous ignorerez en un mot le chemin
(1) La postérité a répondu.
— 102 -
de 1 ame, cessez de martyriser nos oreilles, cessez de mettre
l'esprit a la torture pour le contraindre à deviner vos énigmes
musicales, et surtout abstenez-vous de ce suprême dédain
qui accueille les productions d'un grand maître par ce mot
incroyable : Ce nest pas de la musique ! Mais qu'est-ce donc,
s'il vous plaît ? Auriez-vous, par hasard, la prétention de
l'avoir inventée ? Alors, dites-le, et l'on s'empressera de
changer les choses et les mots. Si la musique n'est plus faite
pour plaire et pour toucher, si l'imagination et le sentiment
doivent en être bannis, si la mélodie est une intruse, la grâce
une fille de peu ; si le souffle divin qui anime tout cela est lui-
même un hors-d'œuvre, une superfluité, oh ! alors vous avez
raison, la musique de Boccherini n'est pas de la musique,
car elle n'a rien de commun avec vos pénibles et indigestes
élucubrations !
Mais vous qui, sensibles aux plus douces jouissances de
l'art, le cultivez avec passion et lui demandez vos plus nobles
délassements ; vous dont le goût sûr, délicat, exercé, n'accueille
que ce qui touche, émeut, intéresse, qui voulez avant tout
la vérité, l'expression, l'ordre, les convenances, sans accep-
tion de temps, d'école ni de système ; vous enfin pour qui le
beau absolu, éternel, est l'unique loi, vous saurez vous gar-
der de ce superbe dédain qui trahit l'ignorance ou l'erreur,
et mène à l'ostracisme ; vous saurez vous défier de ces préten-
dus connaisseurs qui, resserrés dans le cercle étroit de leurs
habitudes et de leurs goûts, ne semblent comprendre et ne
sentir que par système ; vous refuserez de vous montrer
comme eux, injustes, exclusifs, bornés ; vous craindrez sur-
tout de porter une main sacrilège sur les divinités consacrées
par l'admiration des hommes. Le Panthéon de l'art est assez
- 103 -
vaste pour s'ouvrir à toutes les gloires, sans qu'il soit jamais
besoin d'abattre une statue, afin d'en élever une autre.
Le véritable musicien, animé d'un noble enthousiasme,
s'élève au-dessus des préjugés, recherche le beau, la variété
dans l'art, non dans le vague ni dans les choses matérielles,
ni dans les effets physiques, mais dans l'ordre moral et intel-
lectuel, dans le sentiment, cette douce voix de l'âme qui parle
à son cœur. Sympathique à tous les talents, ardent défenseur
des droits méconnus, adorateur de toutes les gloires, c'est
pour elles qu'il réserve son encens ; il tresse une couronne
pour chaque génie, et sait passer sans apostasie, pour y revenir
encore, du culte de Boccherini, au culte d'Haydn, de Mozart
ou de Beethoven !
- 104 -
Les vers qui suivent, hommage au génie de Boccherini,
sont extraits d'un poème inédit, consacré aux plus célèbres
compositeurs, par M. Fayolle, l'un des auteurs du Diction-
naire historique des Musiciens. Nous espérons qu'on ne les lira
pas sans intérêt :
BOCCHERINI
POÈME
Emule harmonieux du tendre Sacchlni,
Chantre du sentiment, divin Boccherini !
0 toi, dont la musique, originale et pure
A si bien rencontré les tons de la nature.
Et, d'un sexe enchanteur imitant le pouvoir,
Gîmme à travers un voile aime à se laisser voir ;
On dit que des forêts cherchant la solitude,
Loin du monde et du bruit, tu faisais ton étude
De l'art qui sur la terre est un présent du ciel.
Et donne l'avant-goût du bonheur éternel.
Un barbare, insensible à ta lyre angélique.
Osa dire : cela nest point de la musique.
Quel blasphème ! et pourtant, dans ses plus doux transports.
Où trouver qui rendra tes sublimes accords ?
Boucher seul nous les rend, lui que la verve inspire.
Lui dont le violon comme une voix soupire.
Et qui, le même soir, ressuscite avec art
Hayden, Boccherini, Beethoven et Mozart.
De sa maturité prolongeant la carrière.
Pour lui le temps s'arrête, ou retourne en arrière.
Et l'archet triomphant qui trompe sa rigueur
Semble encor rajeunir de grâce et de vigueur.
Duport et Viotti jadis ont fait entendre
Ces chefs-d'œuvre de l'art qu'on ne sait plus comprendre.
Depuis qu'on a perdu le sentiment du beau.
Et qu'on voit la critique éteindre son flambeau.
- 105 -
Tantôt Boccherini par les sons de sa lyre
Nous peint le désespoir, et tantôt le délire.
Ailleurs il nous décrit des sièges, des combats.
Et puis, dans leurs foyers, le retour des soldats.
De tableaux variés, sur une toile vaste.
Il présente à l'esprit l'harmonieux contraste.
Et des plus grands effets achevant la leçon,
Il sait avec génie employer l'unisson.
Le goût, qui de l'ensemble a prescrit rordonnance,
Elague des détails la stérile abondance.
De ses fougueux transports sait réprimer l'élan.
Et remplir un sujet sans sortir de son plan.
Tels on voit des nochers, dans leur marche prescrite
Resserrer autour d'eux l'espace sans limite ;
Et la boussole en main, fendant les flots amers,
Diriger leur esquif sur l'abîme des mers.
Comme il lisait la bible et surtout les prophètes.
Ses chants religieux en sont les interprètes.
Sans doute le Très-Haut, sur son trône éternel
Entend cette musique en un chœur solennel.
Elle est digne, en effet, de chanter ses louanges.
Puisqu'elle est ici-bas la musique des anges !
Un ami de l'enfance, en charmant son ennui,
Hayden voulut toujours correspondre avec lui ;
De leurs talents tous deux se faisaient confidence.
Hélas ! on a perdu cette correspondance
Où, sans être jaloux, deux célèbres rivaux.
Pour leur gloire commune épuraient leurs travaux.
Hayden, dans sa vieillesse, a joui de sa gloire.
Certain de remporter sa plus belle victoire ;
Et de Moïse même, empruntant le pinceau.
De la Création il trace le tableau ;
Du sort de son ami voyez la différence.
Après avoir vécu presque dans l'indigence.
Il meurt.... Mais respirant son immortalité.
Il lègue son génie à la postérité !
* *
CATALOGUE GENERAL
DES
ŒUVRES DE BOCCHERINI
1- PARTIE
SUBDIVISÉE EN DEUX SÉRIES
LA 1"
COMPRENANT TOUS LES OUVRAGES PUBLIÉS. CLASSÉS DANS
L'ORDRE NUMÉRIQUE SUIVI PAR LES ÉDITEURS ;
LA 26
COMPRENANT LES OUVRAGES PUBLIÉS SANS NUMÉRO D'ORDRE
r^ SÉRIE (1)
Op. 1 . Sei Sinfonie o sia Quartetti, per due Violoni, Alto e Vio-
loncello obligati, dedicati ai veri dilettanti e conoscitori di
Musica, Paris, Venier. — Amst., HuMMEL.
Composé en 1761 comme œuvre 2, publié en 1768 (2)
lors de la présence de l'auteur à Paris, cet ouvrage est extrê-
(1) Avis essentiel. Les numéros d'œuvre placés en marge sont ceux adoptés
par les éditeurs, et indiqués sur le frontispice ; ils concordent rarement avec
ceux de l'auteur. Ainsi, l'on peut voir déjà que les quatuors gravés comme op. I
sont cependant le 2*^ ouvrage de Boccherini, tandis que les Trios publiés sous la
(2) C'est en 1 767 qu'ils parurent à Paris.
- 103 -
mement remarquable à plus d'un titre, et doit faire époque.
Là, Boccherini se révèle tout entier. Son goût, sa manière,
sa touche suave, son génie se manifestent soudainement
avec une supériorité, une intelligence de l'art qui laisse bien
loin en arrière les productions analogues de ses devanciers, à
tel point qu'il devient créateur et fixe pour toujours le véri-
table caractère du genre. D'autres grands maîtres, venus après
lui, ont sans doute modifié, étendu le domaine du Trio, du
Quatuor et du Quintette, mais en suivant la route qu'il eut
la gloire de tracer. Quand on rapproche les œuvres de ses
prédécesseurs immédiats et de ses contemporains et qu'on
les compare avec les siennes, on ne peut se défendre d'admi-
ration à l'aspect de cette révolution si radicale, si avancée et
désignation d'op. 2 ont été réellement sa première production. Ces différences,
plus marquées à mesure qu'on avance, se retrouvent, à de rares exceptions près,
dans toute la première partie.
Si donc l'on voulait connaître l'ordre dans lequel les diverses compositions
de Boccherini se sont produites, il faudrait les classer, non d'après les numéros
des éditeurs, pla.és en marge, mais d'après ceux de l'auteur qui suivent immé-
diatement la date ou l'année de la composition.
Quant à la foi que méritent ces mêmes dates et numéros, ainsi que les thèmes
notés dans la 2^ partie, elle dérive du document dans lequel j'ai puisé toutes mes
Indications. Ce document n'est autre que la copie qui m'a été communiquée
par Baillot du Catalogue thématique des ouvrages de musique composés par Bocche-
rini. La grande quantité de manuscrits autographes que j'ai comparés et vérifiés
sur ce catalogue ne permettent pas d'en suspecter l'authenticité : thèmes, dates
et numéros étaient également exacts, non seulement pour les ouvrages publiés
mais encore pour tous ceux inédits dont je possède, en originaux, la plus grande
partie. Je puis donc garantir une scrupuleuse exactitude dans le catalogue qui
fait suite à ma Notice sur Boccherini. Je ne saurais prétendre à la même confiance
pour les commentaires et appréciations qui suivent l'énoncé de chaque ouvrage ;
ce travail m'étant propre, relève essentiellement de la critique (P.),
— 109 —
pourtant si sûre, opérée de prime-saut, sans tâtonnements,
par un jeune artiste de vingt et un ans ! (1).
Viotti avait une prédilection marquée pour ce premier
œuvre ; rien n'égalait, dit-on, la foudroyante énergie de son
exécution dans l'allégro final du 1^^ quatuor, modèle de véhé-
mence et d'irrésistible entraînement.
Op. 2. Six Trios à 2 Violons et Violoncelle. — Paris, La Che-
VARDIÈRE, Bailleux, Imbault ; réimprimés en 1824, par
Janet et CoTELLE, 1^^ livre, N°® 1 et 6 de leur belle mais
incorrecte édition.
Cet ouvrage est le premier de Boccherini, car il figure
en tête de son catalogue thématique manuscrit avec la date
de 1 760. La manière de l'auteur n'y est pas moins caractérisée
que dans l'ouvrage précédent, et décèle une expérience, une
sûreté qu'on s'étonne de rencontrer à un si haut degré chez
un débutant novateur. Ces 6 trios sont charmants ; mais
l'on peut citer surtout le 1 ^^ en fa, le 2® en si bémol et le 4®
en ré.
Le Trio est une des gloires de Boccherini ; personne,
après lui, n'a mieux traité ce genre difficile dans lequel il
occupe un rang que, jusqu'à présent, nul compositeur n est
parvenu à lui ravir.
Op. 3. Six Trios pour premier Violon^ deuxième Violon ou Vio-
loncelle et Basse. Paris, La ChevardIÈRE, Le Duc.
(1) Il n'était âgé que de dix-huit ans.
- 110-
— 2^ livre, N^ 7 à 12 de la collection JaneT et Co-
TELLE.
Cet ouvrage, que je ne crois pas de Boccherini, me paraît
le produit d'une spéculation mercantile ; ce n'est pas la seule
que j'aurai l'occasion de signaler. (Voir la note sur l œuvre 7.)
Op. 4. Sei Sinfonie a tre, per due Violini e Violoncello. Paris,
Venier, Boyer, Nadermann. — 3^ livre, N^ 13 à 18 de
la collection Janet et CoTELLE.
Composés en 1766, op. 4 de l'auteur, ces trios sont char-
mants, entr 'autres les 2^, 4® et 5^ (1).
Op. 5. Six Duo pour deux Violons, Paris, La ChevardiÈRE. —
Deuxième édition, moderne, Paris, Pacini.
Composés en 1761, op. 3 de l'auteur, ces duos, fort jolis,
sont dignes du maître. Le motif du premier forme le début
du 27^ trio (3^ de Vop. 9) (2).
Op. 5. Sei Sonate di Cembalo e Violino obligato dedicate a Madama
Brillon de Jouy. Paris, Venier, Le Menu, Nadermann.
— Deuxième édition, moderne, K^ et 2' liv., Paris,
veuve Launer.
Composées en 1 768, op. 5 de l'auteur (3).
(1) Ce sont les 5ei Sinfonie a tre op. 4 qui parurent pendant le séjour de l'au-
teur à Paris (mars 1 768) {Mercure, p. 1 73).
(2) Quatre de ces duos ont paru dans l'édition Longman et Lukey à
Londres, op. X.
(3) Ces Sonates op. 5 parurent en février 1 769 (Mercure, p. 208).
- 111 —
Cette date fixe d'une manière certaine l'époque de la pré-
sence de Boccherini à Paris, et prouve incontestablement
que M. Fétis s'est trompé en la reportant a l'année 1771,
tandis que depuis près de trois ans déjà Boccherini était en
Espagne, comme le démontre cette annotation de l'auteur,
mise en tête de son œuvre 7 (Gravé op. 8) : Concerto grande
composto in Madrid, 1 769, per la Academia, etc., etc.
Les auteurs du Dictionnaire historique des Musiciens pré-
sentent Ni^^ Brillon de Jouy comme une des plus habiles
clavecinistes de son temps. En effet, Burney qui l'entendit à
Passy, lors de son voyage en France, en 1 770, se plaît à rendre
hommage à ses rares talents et à son amabilité. Plusieurs des
célèbres compositeurs d'Italie et d'Allemagne qui ont pu
l'admirer lui ont dédié leurs ouvrages. Boccherini, lui aussi,
fut bien inspiré par cette femme accomplie ; ses sonates sont
dignes de tous deux, la 4^ et la 6® surtout qui lui ont fourni
les débuts de son 26^ trio (2^ de l'œuvre 9) et de son 1^^ quin-
tetto.
Ces sonates ont été mises en Quatuor pour deux Violons
Alto et Violoncelle, par Cambini, mais comme telles sont
restées manuscrites ; j'en possède deux, ainsi arrangées.
Op. 6. Six Quartetti per due Violini, Alto e Violoncello, dedicati
a S. A. R. don Luigi, Infante di Spagna, Paris, Venier.
— Amsterdam, Hummel, avec indication d'op. 2.
Composés en 1769, op. 8 de l'auteur (1).
(1) Ce recueil si important, un des plus remarquables de l'auteur, est annoncé
à Paris en décembre 1 769 {Mercure, p. 206). Annonces, affiches et avis divers :
11 décembre 1769. Affiches de Paris, 11 décembre p. 1062.
- 112 -
La date et la dédicace de cet ouvrage où l'on distingue
surtout le 1^^ et le (f quatuors, ajoutent un nouveau poids
à la réfutation que j'ai faite des erreurs des biographes sur
l'époque de la venue de Boccherini en Espagne et sur son
engagement à la cour.
Op. 7. Sei Conversazioni a tre, per due Violini e Violoncello,
dedicate a gli Amatori délia musica. Paris, MlROGLIO,
au bureau d'abonnement musical. — 4^ livre N^ 19 à 24
de la collection Janet ET CoTELLE (1).
Ces Trios, non plus que ceux de l'op. 3, ne figurent point
sur le Catalogue rédigé par Boccherini. Est-ce un motif
suffisant pour se ranger à l'avis des auteurs du Dictionnaire
historique des musiciens, qui attribuent cet œuvre 7 à Mares-
calchi, marchand de musique à Naples, tandis que le véri-
table œuvre 7, toujours suivant eux, se composerait en réa-
lité des 6 sonates pour Violon et Basse, publiées par Lache-
vardière sans dénomination d'œuvre ? Je ne le crois pas. Ces
auteurs et le savant M. Fétis qui a répété leur assertion, me
paraissent s'être trompés, sans qu'ils puissent s'étayer de
l'omission que je viens de signaler, car cette omission ne
prouve rien, puisqu'il est facile d'en indiquer d'autres, à
commencer par ces mêmes sonates que Boccherini n'a pas
mentionnées sur son catalogue, quoique lui appartenant
évidemment. C'est donc uniquement dans le style, dans la
manière, dans ce cachet d'individualité impossible à repro-
(1) Ces trios ou Conversations op. 7, dédiés aux amateurs de musique, sont
annoncés en juillet 1 770 (Mercure, p. 1 70) et en août (p. 1888).
- 113 -
duire qu'il faut rechercher les raisons concluantes pour ou
contre une authenticité contestée. Eh bien ! je ne crains pas
de le dire : personne autre que Boccherini lui-même n'était
capable de composer ces trios qui brillent des mêmes qualités
que leurs aînés. Il y a tel motif, telle phrase, telle modulation,
telle affinité qui décèlent l'auteur, et défendent qu'on s'y
trompe. C'est parce que je n'ai trouvé rien de semblable
dans l'œuvre 3 que je l'ai repoussée comme apocryphe et
que je suis porté à penser que c'est à elle que s'appliquerait
avec plus de vraisemblance qu'à l'œuvre 7 la remarque des
biographes cités plus haut.
Op. 8. Concerto a più stromenti concertanti, due Violini, Oboe,
Violoncello, Alto e Basso obligati, due Violini, fagotti e
comi di ripieno, composto per la Corte di Madrid. Paris,
Venier.
Composé en 1769, op. 7 de l'auteur (1).
Ce Concerto est une véritable symphonie concertante
composée pour la Cour d'Espagne, sitôt l'arrivée de Bocche-
rini à Madrid. Cet ouvrage, devenu assez rare, justifie la
prédilection de l'auteur qui en a reproduit les traits les plus
saillants dans son 4^ quintette et longtemps après, en 1 799,
dans une symphonie concertante pour Guitare, Violon,
Hautbois, etc., arrangée d'après ce même quintetto, pour le
marquis de Benavente.
(1) Ce Concerto (ou Symphonie Concertante), la première composition
écrite pour la Cour de Madrid (op. 8) est annoncée à Paris (Mercure, p. 190
en novembre 1770.
-114-
Op. 9. Sei Terzetti per due Violini e Violoncello, dédiés au prince
des Asturies ; Paris, Venier ; — Londres... 5® livre,
N^ 25 a 30 de la collection Janet et CoTELLE.
Composés en 1769, op. 6 de l'auteur (1).
Ouvrage distingué où l'on remarque plusieurs morceaux
admirablement écrits, particulièrement dans le 2^, le 4^,
et le 6^ Trios. Le motif du n^ 27 est tiré du 1^^ duo, op. 5;
celui du N° 26 l'est de la 6^ sonate de clavecin.
Op. 10. Sei Quartetti per due Violini, Alto e Violoncello, dedicati
alli Sig" Dilettanti di Madrid, — Paris, Venier. — Ams-
terdam, HuMMEL, avec indication d'op. 7.
Composés en 1770, op. 9 de l'auteur (2).
Le 3® Quatuor débute par un allegro assai, tandis que
sur le catalogue thématique rédigé par Boccherini, ce même
quatuor commence ainsi :
Je présume que ce Largo n'est qu'une courte introduction
supprimée à la gravure, et qu'il n'y a pas eu substitution,
car le quatuor gravé est du pur Boccherini.
Cet ouvrage se recommande par plusieurs morceaux
charmants, entr'autres dans les l*^ 2^, ¥ et 6® quatuors
(1) Les Sei Terzetti op. 9 : Mercure, p. 193 (avril 1771).
(2) Les six Quatuors op. 10 : Mercure, p. 183, 4 décembre 1772.
~ 115 -
a. 11 . Sei Divertimenti per due Violinù Alto e Violoncello ; Paris,
Venier. — Amsterdam, HuMMEL, avec indication d'op. 8.
Composés en 1772, op. 15 pîccola de l'auteur (1).
Les compositions de Boccherini se divisent en deux classes
sous la dénomination à'Opera grande et d'Opéra piccola,
distinction échappée à tous ses biographes. Dans la première
se rangent les ouvrages de plus longue haleine, composés
d'au moins trois morceaux, le plus souvent de quatre, c'est-
à-dire d'un Allegro, d'un Adagio, d'un Menuet et d'une
Finale. Les ouvrages de proportions moindres, bornés à
deux morceaux seulement, un Allegro ou un Andante suivi
d'un Menuet ou d'un Rondeau, forment la seconde classe (2).
Rien n'égale le goût exquis, l'élégance, la suavité de ces pièces
légères qui sont à celles d'un caractère plus élevé ce qu'est
le tableau de genre à la grande peinture. Il est regrettable
que beaucoup de ces petits chefs-d'œuvre soient restés inédits ;
mais un assez grand nombre ont été publiés pour qu'on
puisse en apprécier le mérite et reconnaître que dans cette
spécialité d'autant plus ingrate que les bornes en sont plus
étroites, Boccherini n'a point de rivaux. Les quatuors gravés
op. 40 et les quintetti, op. 45, resteront les modèles inimitables
(1) Les six Divertimenti en quatuor (op. 11), Mercure, p. 190, avril 1773
Journal de musique, 1773, III, p. 75.
(2) Les nombreuses œuvres écrites par Boccherini sous cette forme appar-
tiennent au genre de la vieille Sonate de chambre italienne, débutant le plus
souvent par un mouvement lent et se terminant par un menuet ou petit Rondo,
Les modèles foisonnent dans l'œuvre de Sammartini et l'on peut admettre que
ce sont ceux-là qui ont inspiré, tout d'abord, Boccherini.
- 116 -
d'un genre dont l'œuvre 1 1 ci-dessus inaugure avec bonheur
l'introduction.
On a dit que ces sortes de morceaux avaient été composés
originairement pour satisfaire à la stricte ponctualité du roi
Charles III, qui fixait rigoureusement l'emploi de son temps
pour les plaisirs aussi bien que pour les affaires. Quand
l'heure de cesser la musique approchait, on remplissait
l'intervalle qui restait à courir, au moyen de ces petits mor-
ceaux pour lesquels Boccherini n'a point d'égal. A cette
explication, il n'y a qu'une difficulté, c'est qu'il ne travailla
jamais pour ce souverain.
Op. 12. Sei Quintetti per due Violinù Viola e due VioloncelU.
Paris, Venier, — l^r livre, Pleyel. — N°M à 6 de la magni-
fique collection publiée en 1 829 par Janet et CoTELLE.
Composé en 1771, op. 10 de l'auteur (1).
C'est le quintetto qui a rendu si populaire le nom de
Boccherini. On ne peut le prononcer en effet sans réveiller
dans l'esprit l'idée du quintette, et réciproquement. C'est
qu'aussi Boccherini a brillé, dans ce genre de composition,
d'un éclat incomparable, et fut d'une fécondité qui tient
du prodige. Sur cent cinquante-cinq quintetti originaux
avoués par lui, il en est bien peu de faibles ; beaucoup sont
admirables. Aussi, je me contenterai de signaler les plus
beaux, afin de ne pas tomber dans la monotonie des redites.
C'est à trente et un ans (2) que Boccherini composa ce pre-
(1) Les premiers Quintettes (op. 12) composés en 1771, sont annoncés à Paris
(Mercure, p. 181), en janvier 1774.
(2) Il n'était âgé que de 28 ans,
- 117 -
mier œuvre, alors que son talent avait acquis toute sa maturité.
Bien des chefs-d'œuvre ont succédé à celui-ci ; aucun ne le
surpasse. Le 1^^ quintetto, dit M. Fétis, est plein d'enthou-
siasme et d'élévation ; l'adagio est d'une harmonie délicieuse.
Mais ce savant se trompe quand il ajoute que Boccherini a
reproduit le motif du premier morceau dans ses sonates de
clavecin ; c'est précisément le contraire, ainsi que le prouvent
les dates de composition de l'un et l'autre ouvrage. (Voir la
note de F op. 5.) J'ose ajouter que le deuxième et le cinquième
ne le cèdent en rien au premier ; ils sont d'un fini, d'une
grâce, d'une suavité qui survivront à tous les caprices de la
mode.
13. Seî Quintetti per due Violini, Viola e due Violoncelli.
Paris, Venier. — 2^ livre, Pleyel. — N^^ 7 à 12 de la
collection Janet et CoTELLE.
Composés en 1771, op. 11 de l'auteur (1).
Le 4^ quintetto, dit encore M. Fétis, est d'une beauté
achevée. C'est dans cet œuvre que se trouve le célèbre quin-
tetto intitulé rUcCELLIERA (la Volière). L'auteur a voulu
peindre une scène champêtre où le chant des oiseaux se marie
au son du cor de chasse, à la musette des pâtres et à la danse
villageoise. Ce tableau est de la plus exquise originalité. Le
2^ quintetto se distingue également par une facture aussi
neuve que pittoresque.
( 1 ) Le second recueil de Quintettes (op. 1 3), aussi composé en 1 77 1 ,est annoncé
à Paris, janvier I, 1775 (Mercure, p. 205).
- 118 -
Op. 14. Sei Terzetti per Violinoy Viola e Violoncello. — Paris,
La ChevardiÈre. — 6^ livre, N^ 31 à 36 de la collection
JaNET et COTELLE.
G)mposés en 1772, op. 14 de l'auteur.
Œuvre capitale où se trouvent réunies toutes les qualités
de Boccherini ; mais l'exécution en est fort difficile à cause
de la partie de Violoncelle dans laquelle l'auteur s'est plu à
multiplier les traits. Le quatrième, plus abordable, peut riva-
liser avec les plus beaux ; Vandantino, d'une ravissante
simplicité, fait opposition avec V allegro assai qui le suit,
morceau plein de chaleur, d'entraînement et de verve.
La partition autographe fait partie de la bibliothèque
de M. Farrenc, ancien éditeur et professeur de musique à
Paris, aussi recommandable par son zèle ardent pour l'art
que par l'étendue de ses connaissances.
Je possède un quintetto à 2 Violons, 2 Altos et Violoncelle,
arrangé par Boccherini d'après V Andantino et YAndante con
variazioni du 5^ Trio en mi bémol ; j'ignore si l'auteur a
arrangé de même les autres morceaux de cet œuvre remar-
quable (1).
Op. 15. Sei Dîvertimenti per due Violini, Flauto obligato, Viola,
due Violoncelli, e Basso di ripieno, espressamente composti
per S. A. R. don Luigi, Infante di Spagna, Paris, La
ChevardiÈre, Sieber ; gravés seulement en sextuor, la
(1) Il existe une ancienne édition anglaise de ces trios remarquables
parue chez John Welcker.
- 119 -
partie de Contrebasse étant marquée par Fauteur ad libi-
tum.
Composés en 1773, op. 16 de l'auteur.
Cet ouvrage, assez peu connu, renferme des beautés de
premier ordre, notamment le 2^ sextuor qui se distingue par
une touche mâle et grandiose. Les variations qui le terminent
sont charmantes mais difficiles.
La partition autographe est entre les mains de M. Farrenc.
)p. 16. Six Symphonies à plusieurs instruments récitants, composées
pour S. A. R. l'Infant don Louis d'Espagne, Paris, La
Chevardière, Le Duc.
Composées en 1771, op. 12 de l'auteur.
Je n ai jamais eu l'occasion d'entendre ces symphonies
concertantes ; mais à en juger à la simple lecture, quelques-
unes offrent des parties vraiment distinguées, dignes du grand
compositeur. On remarque dans la 4^ une chaconne faite à
l'imitation de celle de Gluck dans le Festin de Pierre.
Cet ouvrage, entièrement épuisé, est fort rare (1).
)p. 17. Sei Quintetti per due Violini, Viola e due Violoncelli.
Paris, La Chevardière. — 4^ livre, Pleyel. — N^ 19
à 24 de la collection Janet et CoTELLE.
Composés en 1774, op. 18 de l'auteur.
Œuvre remarquable dans lequel il est difficile de faire
(1) Il existe deux de ces Symphonies, en livraisons, à la Bibliothèque clu
Conservatoire (Recueil 3. Symphonies concertantes).
- 120 -
un choix ; je citerai néanmoins le 1^^ en ut mineur, parce
qu'il me fournit l'occasion de rapporter un fait assez
piquant.
Persuis avait monté à Vienne son charmant ballet de
Nina. On sait que les auteurs de ces sortes d'ouvrages met-
taient volontiers à contribution les plus célèbres composi-
teurs et puisaient dans leurs œuvres les morceaux qu'ils
jugeaient les mieux appropriés à la situation qu'ils avaient
à rendre. Or, la scène où Nina, apprenant la mort de son
amant, s'abandonne au sombre désespoir, précurseur de sa
folie, cette scène était exprimée par l'orchestre avec un pathé-
tique, une énergie, un désordre qui peignaient admirablement
l'état de l'infortunée Nina. Un transport unanime accueillit
cette belle conception ; et comme les connaisseurs les plus
distingués en félicitaient à l'envi l'auteur du ballet : « le mor-
» ceau qui excite si justement votre enthousiasme, leur
» répondit Persuis, est pourtant l'œuvre d'un musicien que
» vous n'estimez guère ; il est tiré tout entier d'un quintetto
» de Boccherini. » En effet, c'était la finale du quintetto en
ut mineur de l'œuvre 1 7 ci-dessus qui avait procuré ce triom-
phe à l'auteur de Nina.
La partition autographe se trouve dans la bibliothèque de
M. Farrenc.
1^ j 1 8. Il n'existe à ma connaissance aucun ouvrage de Boccherini
*j]9. sous l'un et l'autre de ces numéros.
Op. 20. Sei Quintetti per due Violini, Viola e due Vioîoncelli. —
- 121 -
Paris, Venier. — 3^ livre, Pleyel. — N^s 13 à 18 de la
collection JaneT et CoTELLE.
Composés en 1772, op. 13 de l'auteur (I).
Dans l'ordre de composition, ces quintettl forment bien
le 3« livre, mais alors ils auraient dû prendre le rang de
1 œuvre 1 7. Quoi qu'il en soit de cette interversion, ils sont
charmants, particulièrement les 2^ et 5^. Quant au 4^ en ré
mineur, c est une de ces conceptions heureuses qu'il appartient
au génie seul de produire. L'accent passionné du début est
une des plus belles inspirations qu'on puisse citer en ce
genre.
Dp. 21. Six Quintetti pour Flûte, 2 Violons, Alto et Violoncelle.
— Paris, La Chevardière, Sieber. — Lyon, Castaud.
Composés en 1773, op. 17 piccola de l'auteur.
^ Les Menuets des deux premiers quintetti sont, dit M. Fétis,
d'une grâce céleste.
Dp. 22, Sei Sinfonie per due Violini, Viola e Basso, Ohoi o Flauti e
Comi. — Paris, Sieber.
Composées en 1775, op. 21 de l'auteur.
Comme symphoniste, Boccherinl est bien loin des grands
maîtres de l'Allemagne. La nature de son talent se refusait
à un genre qui exige une vigueur de ton qu'elle ne compor-
tait pas. Le grand jour, l'éclat, le bruit semblent effaroucher la
(1) Le troisième recueil de Quintettes (op. 20) composé en 1 772, et dédié à Don
Luigi Infant d'Espagne, est annoncé en décembre 1776 (Mercure, p. |8I)i
- 122 -
muse de Boccherini ; ce qu'il lui faut, c'est le calme, l'intimité,
l'abandon, tout ce qui provoque la mélancolie et le recueille-
ment, ou la tendresse, les épanche ments, les douces confi-
dences. Considérées dans cet esprit, comme si elles n'étaient
elles-mêmes que des Quintetti ou des Sextuors renforcés,
les symphonies de Boccherini sont riches de beautés incon-
testables et ont droit à l'intérêt et à l'estime des connaisseurs
exempts de prévention (1).
Op. 23. Sei Quintetti per due Violini, Viola e due Violoncelli. —
Paris, Venier. — Livre 5^ Pleyel. — N^^ 25 à 30 de la
collection Janet et CoTELLE.
Composés en 1775, op. 20 de l'auteur (2).
Le 2^ et surtout le 3^ sont d'une grande beauté.
Op. 24. Sei Sestetti Concertanti per due Violinù due Viole e dm
Violoncelli. — Paris, SîEBER.
Composés en 1776, op. 23 de l'auteur.
Le Sextuor, quoiqu'ofîrant une combinaison très heureuse
d'instruments, n'a jamais rencontré beaucoup d'amateurs.
Cela explique pourquoi cet ouvrage est si peu connu, car il
renferme en grand nombre des beautés de premier ordre
qui le classent parmi les chefs-d'œuvre de l'auteur.
Je possède la partition autographe de cet ouvrage.
(1) V. à cet égard la préface p. 42 et s. La deuxième de ces Symphonies a
paru à Londres sous ce titre : The periodical Overture, n° 55.
(2) Les Quintettes op. 23 (composés en 1775) forment le 6- livre des Quin-
tettes. Ils sont annoncés en avril 1777 (Mercure, p. 182).
- 123 -
Op. 25. Six Quintetti pour Flûte, deux Violons, Alto et Violoncelle,
Par La Chevardière, Sieber.
Composés en 1 774, op. piccola 1 9 de l'auteur.
Ouvrage charmant ; la partie de Violoncelle des 3^ et 4®
Quintetti est fort travaillée.
La partition autographe fait partie de la bibliothèque
de M. Farrenc.
Op. 26. Sei Quartetfi per due Violini, Alto e Basso, libro quinte
di Quartetti. Paris, Là ChevardiÈRE, Decombe.
Composés en 1775, op. piccola 22 de l'auteur.
Il est très regrettable que cet ouvrage soit devenu si rare,
car la plupart des morceaux qui le composent sont très dis-
tingués.
L'éditeur André d'Ofïenbach a publié, sous la désignation
de N° 8, l'un de ces Quatuors, celui en si bémol, si je ne me
trompe.
Op. 27. Sei Quartetti Concertanti per due Violini, Alto e Violon-
cello. Paris, SiEBER. — Amsterdam, HuMMEL, avec indica-
tion d'op. 1 1 .
Composés en 1777, op. 24 de l'auteur (1).
Ouvrage distingué, devenu assez rare, dont je possède la
partition autographe. Les 4^, 5^ et 6^ Quatuors sont superbes ;
(1) Ce recueil op. 27 nous paraît conçu dans un esprit plus galant, et la
virtuosité y a une plus grande place que dans les précédents quatuors. Il daterait
de 1778, d'après le catalogue de l'auteur (op. 24).
- 124 -
ce dernier offre une partie de Violoncelle extrêmement
difficile. Le 4® contient un Minuetto ravissant d'élégance et
de sentiment.
)p. 27. Concerto pour Flûte. Paris, Frère.
Cet ouvrage sans mérite est une spéculation sur le nom de
Boccherini, de même que le suivant. (1)
Dp. 28. Six Trios dialogues pour 2 Violons et Violoncelle. Paris
Bailleux*
Cambini pourrait bien être l'auteur de ces Trios.
129 .
^' Je ne connais aucun ouvrage de Boccherini sous ces N°^
30. j,
^. d œuvre.
Op. 32. Six Quatuors à 2 Violons, Alto et Basse obligés. Vienne
Artaria. — Paris, Le Duc.
Ce n'est qu'une seule et même édition à laquelle Le Duc
a substitué un frontispice autre que celui d'Artaria.
Composés en 1778, op. plccola 26 de l'auteur.
Ces Quatuors sont plus faibles, dit M. Fétis, que les autres
compositions de Boccherini ; cependant le 4^ est digne de
son talent. Ce jugement n'a rien de trop sévère.
(1) Toutes nos recherches pour le retrouver sont demeurées jusqu'ici sans
résultati
- 125 -
Op. 33. Six Quatuors à 2 Violons, Alto et Violoncelle. Paris, SlÉBER.
— Lyon, Castaud. — Vienne, Artaria.
Gîmposés en 1780, op. 32 de l'auteur (1).
Excellentes compositions où le talent de l'auteur me
semble être dans tout son éclat. Ainsi s'exprime M. Fétis,
puis il ajoute : Boyer, éditeur de Paris, a pris de cet œuvre
les 2^ et 3^ quatuors, et y a joint un quatuor de Brunetti
pour en former un recueil qu*il a publié en 1788, comme
l'œuvre 36 de Boccherini.
Toutes mes recherches pour me procurer cet œuvre 36
ayant été infructueuses, je n'ai pu vérifier le fait, qui est très-
possible en ce qui concerne Boccherini, mais qui me paraît
plus douteux à l'égard de Brunetti. Celui-ci, comme on l'a vu
dans ma Notice, avait souscrit à la défense de ne publier
aucune de ses œuvres, toutes composées expressément
pour l'usage du Prince des Asturies (Charles IV), et il a
tenu parole. On comprend difficilement qu'un seul de ses qua-
tuors ait échappé à cette interdiction, avec d'autant plus de
raison qu'il n'y a pas de quatuors parmi celles de ses œuvres
qui avaient été gravées antérieurement à son engagement avec
le roi d'Espagne.
On est embarrassé de faire un choix dans ce remarquable
ouvrage ; je ne puis cependant me dispenser de citer le 4®
Quatuor en ut, All° bizarro, dont la partie de Violoncelle
offre quelques difficultés, et le 6® en la, modèle de grâce, de
légèreté et d'animation ; rien de plus ravissant que le Menuet.
(1) Les six quatuors op. 32 de l'auteur et op. 33 (Edition Sieber), figurent
aux annonces et notices (Mercure, p. 191), février 1785.
- 126 -
Op. 34. Concerto per il Violoncello obligato. Amsterdam, Henning.
— Vienne, Cappi.
Quoique ce Concerto ne figure pas sur le Catalogue de
Boccherini, je n'ai aucune raison de le croire supposé (1).
Op. 35. Six Trios pour 2 Violons et Violoncelle. Paris, BoYER. —
Vienne, Artaria. — 7^ livre, N°^ 37 à 42 de la collection
JaNET et COTELLE.
Composés en 1771, op. 34 de l'auteur (2).
Ces Trios peuvent être rangés parmi les plus beaux de
Boccherini ; on distingue surtout le 3^ et le 5^ ; celui-ci se
termine par un air varié délicieux que l'auteur a traité de
nouveau, mais avec des changements considérables, dans son
77^ Quintetto de l'édition Janet et Cotelle.
Op. 36. Trois Quintetti pour 2 Violons, Alto et 2 Violoncelles. Paris,
Imbault. — Vienne..., — 7^ livre, Pleyel ; N°s 37 à 39
de la collection Janet et CoTELLE.
Composés en 1778, op. 25 de l'auteur (3).
L'op. 25 de Boccherini se compose de six quintetti, les
trois premiers forment l'œuvre 36 ci-dessus ; j'indiquerai
les trois derniers au fur et à mesure qu'ils se présenteront
dans les publications postérieures.
(1) Un exemplaire de l'édition de ce Concerto est conservé à la Biblio-
thèque des Amis de la Musique, à Vienne.
(2) Les trios op. 34 de l'auteur datent de 1781 et non de 1771.
(3) Les trois Quintettes op. 25 de l'auteur (composés en 1778) et op. 36
(Ed. Imbault). Mercure, p. 48, janvier 1786.
127 -
Ces quintetti ne sont pas indignes des autres ; on remarque
surtout le Minuetto du 1^^ qui est admirable.
Dp. 37. Six Duos concertants pour deux Violons. Paris, Bar-
BIERI.
Ces duos, faussement attribués à Boccherini, sont d'Agus,
professeur de musique, d'abord à Londres, puis à Paris.
Le véritable œuvre 37 est le suivant :
}p. 37. Vingt-quatre nouveaux Quintetti à 2 Violons, Alto
et 2 Violoncelles. Paris, Pleyel, 8 livraisons ; — 8^, 9^,
10^ et 11^ livres, N^^ 40 à 63 de la collection Janet et
COTELLE.
Cet œuvre 37 est la réunion de quintetti pris indistincte-
ment parmi les ouvrages de ce genre, composés par Bocche-
rini, depuis 1778 jusqu'en 1795 ; il en est de même de la
plupart des publications postérieures. J'indiquerai soigneuse-
ment les dates et les numéros d 'œuvre de l'auteur auxquels
chacun d'eux se rapporte, en désignant le quintetto gravé par
le numéro qu'il occupe dans la collection Janet et Cotelle.
Le nO 56 appartient à l'œuvre 25, année 1778.
Les noM6, 47, 53 et 54 à 28 1779.
— 59et62 à 39 1787.
— 31 et6l à 41 1788.
— 52 et 58 à 42 1789.
— 40, 43 et 57 à 45 1792.
— 41, 42, 49, 55 et 60.., à 46 1793.
— 44, 45, 48 et 50 à 49 1794.
— 63 à 51 1795.
- 128 -
Cet œuvre 37 forme à lui seul une collection de Quintetti
des plus distinguées, car il n'en est pas un où l'on ne trouve
des beautés d'un ordre différent et toujours supérieur. Néan-
moins, je ne puis me défendre, malgré l'embarras du choix,
de mentionner les n^^ 49, 42, 45, 46, 50, 52, 55, 58, 60, 62
et 63 dans lesquels l'auteur atteint les plus hautes régions de
l'art ; l'expression manque pour le louer dignement.
Rode avait une prédilection marquée pour le 52^ en sol
mineur. Quant au 42®, délicieux développement d'un motif
du duo Cara, Cara, du Matrimonio Segreto, il se recommande
à l'intérêt des connaisseurs par l'association de deux des plus
grands musiciens dont s'enorgueillisse l'Italie du XVIII® siècle,
Cimarosa et Boccherini, frères en inspiration, génies trans-
cendants qui prodiguèrent, dans une voie différente, des tré-
sors de mélodie, d'élégance et d'originalité ; tous deux éga-
lement admirables par l'abondance et la richesse des idées,
par la variété et la nouveauté des formes, par le goût exquis
qui les met en œuvre, et par cette chaleur vraie qui procède de
l'âme et communique à toutes leurs productions un charme
inexprimable.
Op. 38. Six Trios pour Violon, Alto et Violoncelle. Paris, Pleyel.
— 8® livre. Nos 43 à 48 de la collection Janet et CoTELLE.
Composés en 1793, opéra piccola 47 de l'auteur.
Ces petits Trios sont charmants, notamment le 5® et
le 6® (1).
(1) Ils ont été réédités dans la collection Litolff.
— 129 —
Dp. 39. Douze Quatuors pour 2 Violons, Alto et Violoncelle.]^^, 2®,
3^ et 4^ livraisons. — Paris, Pleyel.
Voici ce qu'on lit dans la Biographie universelle des musi-
ciens, par M. Fétis, article Boccherini :
« Les 12 Quatuors pour 2 Violons, Alto et Basse, publiés
» par Pleyel, comme l'œuvre 39, sont en partie une spécula-
» tion mercantile, car il n'y a que trois de ces Quatuors
» qui sont originaux et qui étaient inédits ; trois ont été
» faits par Cambini, à l'imitation du style de Boccherini ;
» les autres ont été pris dans divers œuvres. »
Ainsi, d'après le savant critique, ces 1 2 Quatuors se compo-
seraient de :
3 Quatuors originaux inédits,
6 Quatuors précédemment publiés,
3 Quatuors de la façon de Cambini.
Tout cela est erroné, surtout ce qui est attribué à Cambini
dont toute la facilité et le savoir-faire n'allaient pas jusqu'à
l'imitation de l'inimitable Boccherini.
Voici ce qui est vrai :
5 Quatuors, les 2^ 3^ 10^ 11^ et 12^ de l'œuvre 39 sont
la reproduction exacte des 1^^, 3^, 4^, 5^ et 6^ Qua-
tuors de l'op. 33, édité par Siéber.
7 Quatuors sont originaux et n'avaient jamais été publiés ;
ce sont les 1^^ 4^ 5^ 6^ 7^ 8^ et 9^ dudit œuvre 39.
Tous figurent sur le Catalogue thématique de
Boccherini, avec les dates suivantes ; ils appar-
tiennent :
Le 8® à l'œuvre 39 de l'auteur, année 1787.
- 130 -
Le 5^ et le 6^ à l'œuvre 41 de l'auteur, année 1788.
Les 1^^ 4^, 7^ et 9^ à l'œuvre 51 de l'auteur, année 1795.
Il m'a paru d'autant plus utile de rectifier cette erreur
échappée à un biographe d'ordinaire si exact, qu'elle pourrait
nuire à une œuvre capitale, riche des plus belles inspirations
de Boccherini. J'en donnerai pour preuve l'effet produit
par Baillot, dans le premier de ces quatuors (en sol), qu'il
n'avait pas craint d'exécuter immédiatement après le formi-
dable quintetto en ut de Beethoven (l'Orage). M. Fétis,
présent à cette séance, était, comme tout le monde, sous le
charme ; je vois encore sa surprise, son ravissement à l'audi-
tion de cette musique simple, naïve, succédant à la puissante
et vigoureuse harmonie du maître allemand. C'était mer-
veilleux. Des comparaisons ! nul n'y songeait. On était ému,
transporté, ravi ; voilà tout. Tel est le pouvoir des inspirations
qui coulent de l'âme, qu'elles exercent un empire irrésistible,
parce qu'elles vont directement au cœur !
3p. 40. Six Quartettini pour 2 Violons, Alto et Violoncelle. Paris,
Pleyel.
Composés en 1796, op. piccola 53 de l'auteur.
M. Fétis n'ayant pas vu cet œuvre, pourtant bien connu,
présume qu'il est une réimpression de l'op. 32. Cela n est
pas. Ce petit ouvrage, entièrement original, est un vrai
diamant qu'on ne se lasse pas d'admirer. Malgré la difficulté
de choisir, je citerai le 2^ et le 6^ quartettini, ravissants modèles
de grâce, de fraîcheur et de vie. Boccherini a emprunté au
motif du 3^ le thème des piquantes variations qui terminent
le 5^ quintetto pour piano, op. 46.
- 131 -
)p. 41 . Symphonie Concertante à 8 instruments obligés, 2 Violons,
2 Violoncelles, Alto, Oboe ou Flûte, Cor et Basson. Paris,
Pleyel.
Composée en 1787, op. piccola 38 de l'auteur.
Cet ouvrage ne figure que comme sextuor sur le catalogue
de Boccherini ; il est probable que l'éditeur aura trouvé plus
avantageux pour la vente de le disposer en Symphonie
concertante, ou plutôt en octuor. Quoi qu'il en soit, c'est un
fort agréable morceau.
)p. 42. Premier Sextuor pour 2 Violons, Alto, Cor et 2 Violoncelles.
Second Sextuor pour Violon, Viola, Fagotto, Oboe o Flauto,
Contrabasso et Cor. Paris. Pleyel.
Composée en 1 787, op. piccola 38 de l'auteur.
Ces deux morceaux, chacun d'un genre différent, sont en
tout dignes de Boccherini.
)p. 43. Ouverture à grand Orchestre pour 2 Violons, 2 Altos,
Violoncelle, Contrebasse, 2 Hautbois, 2 Cors et Basson.
Paris, Pleyel.
Composée en 1790, op. 43 de l'auteur (1).
•p. 44. Six Trios pour 2 Violons et Violoncelle. Livres 1^^ et 2®.
— Paris, Pleyel. — 9^ livre, N°s 49 à 52 de la collection
Janet et Cotelle.
Composés en 1796, op. 54 de l'auteur.
1) La partition de cette Symphonie existe au Conservatoire de Bruxelles.
- 132 -
Cet œuvre 44, tel qu'il a été gravé par Pleyel, ne renferme
que quatre trios qui soient originaux, bien que l'œuvre 54
de l'auteur, d'où ils sont tirés, en contienne six. C'est pour-
quoi, dans la collection Janet qui ne reproduit que les trios
publiés antérieurement, le 9^ livre ne se compose que de
quatre trios.
Pour compléter les six trios annoncés par le titre de l'op. 44,
l'éditeur a eu recours à l'œuvre 35 dont il a extrait le 2®
et le 3^ (n°® 38 et 39 de la collection Janet). Les deux trios
originaux complémentaires, ainsi remplacés par un double
emploi, se retrouvent en duos, 1^^ et 5^, dans l'œuvre 46 pour
2 violons, aussi publié par Pleyel, sans que je puisse concevoir
le motif d'une semblable mutilation d'autant plus regrettable
que ces morceaux sont charmants, dignes en tout de ce bel
œuvre pour lequel Boccherini paraît avoir eu une certaine
prédilection, puisqu'il l'a disposé en quatuors pour 2 violons,
alto et violoncelle ; mais, dans cette combinaison, il est resté
inédit.
Le 1^^ et le 2^ trios (n^^ 49 ^^ 50) sont admirables.
Op. 45. Six nouveaux Quîntetti pour Flûte ou Oboe^ 2 Violons,
Alto et Violoncelle. 1^^ et 2^ livres. — Paris, Pleyel.
G)mposés en 1 797, op. piccola 55 de l'auteur, pour le célèbre
hautboïste Barli, de la musique de Charles IV.
Cet ouvrage, que M. Fétis avoue ne pas connaître, ne saurait
être trop recommandé ; je n'hésite pas à le classer parmi les
plus élégantes productions du génie de Boccherini. La pas-
torale du 1^^ quintetto, le 3^, le ¥ et surtout le 5^ sont des
morceaux achevés qu'on veut toujours entendre.
- 133 -
p. 46. Six Duos pour 2 Violons. 1^^ et 2^ livraisons. Paris, Pleyel (1)
Ces duos, tirés des trios et quintetti de Boccherini, n'ont
d'intérêt pour l'amateur que parce qu'ils contiennent, réduits
(1) Bien qu'aucune mention de ces deux livraisons de Duos pour deux violons
ne figure dans la correspondance échangée pendant les années 1 796 à 1 799 entre
Boccherini et Ignace Pleyel, on peut supposer qu'ils émanent du maître ou que,
tout au moins, ils ont été publiés avec son assentiment : car, Picquot le reconnaît
expressément, " il n'est pas un seul des ouvrages de Boccherini, publiés par
Pleyel, qui n'appartienne incontestablement au maître italien ». Mais le biographe
de Boccherini n'aperçoit dans ces recueils de duos pour deux violons que des
arrangements dus, peut-être, nous dit-il, à la plume féconde de Cambini.
Nous pensons que celle de Pleyel pouvait suffire, car le célèbre compositeur,
éditeur et fabricant de pianos était l'auteur de nombreux et remarquables
recueils de duos à deux violons et pouvait supprimer simplement la basse de
quelques trios pour obtenir le résultat désiré. Mais, pour qui a étudié ces deux
livraisons parues chez Pleyel, chose assez bizarre, sous la désignation numérique
d'op. 46 alors qu'un recueil de Quintettes avec piano paraissait chez le même
Pleyel avec le même numéro d'oeuvre, — pour qui a étudié ces deux recueils,
[a question n'est pas aussi simple. Pour deux au moins de ces duos, il ne s'agit
pas de transcriptions de trios ou de quintettes antérieurs, mais de refontes com-
plètes dont il paraît bien que l'auteur seul a pu être capable.
Voyez notamment le dernier duo en ré mineur, fait d'après un quintette
composé en 1793 : le premier morceau semble avoir été coulé dans un autre
moule. Et le duo en ut majeur, provenant du trio écrit en 1781 (op. 34) contient
un air varié qui se retrouve « avec des changements considérables », nous dit
Picquot, dans un quintette de l'op. 29 (1779). Donc, le cas est fréquent chez
Boccherini, l'auteur reprend d'anciennes œuvres pour leur donner une, deux,
ou même trois formes entièrement nouvelles. Telle est, pour nous, toute l'his-
toire des duos op. 46.
Quant à la participation hypothétique de Cambini, elle appartient au domaine
de la légende et n'est signalée, d'ailleurs, qu'après 1800, tandis que les Duos
avaient paru chez Pleyel, dans le lot important d'œuvres de Boccherini publié
en 1 798. Ils se répandirent promptement et sont signalés par les lexicographes
comme '< célèbres « vers 1815 : le fait est que dans le genre du duo à coi des, un
tel résultat n'a peut-être jamais été atteint.
En résumé, de ces six duos remarquables, trois proviennent de trios à cordes
- 134 -
en duos, deux trios, le 1^^, et le 5®, qui n'ont pas été publiés
dans leur véritable combinaison (Voir la note de F op. 44).
Op. 46. Six Quintetti pour Piano, 2 Violons, Alto et Violoncelle,
6 livraisons, N^^ 1 à 6. — Paris, Pleyel.
Composés en 1797, op. 56 de l'auteur.
A propos de ce très remarquable ouvrage, M. Fétis a
commis une grande erreur en avançant que cet œuvre a été
choisi parmi les quintettes de violon et arrangé d'après eux
pour le piano. Quelque erronée que soit cette assertion, je
comprends que le savant bibliographe ait pu se tromper. Il
existe en effet un certain nombre de copies de ces quintetti
arrangés par Boccherini lui-même, pour 2 violons, 2 altos
et violoncelle. Je suis porté à croire que M. Fétis a entendu
d'abord ces derniers quintetti, et que les retrouvant plus
tard disposés pour le piano, en a conclu naturellement que
ceux-ci n'étaient qu'un arrangement, et cela avec d'autant
plus de vraisemblance que déjà Pleyel et Hérold père avaient
arrangé pour le piano un certain nbmbre de quintetti de
violon du même auteur, choisis parmi les plus beaux. Mais si
le catalogue de Boccherini n'était pas là pour démontrer
l'erreur, toute espèce de doute disparaîtrait en présence de la
partition autographe que j'ai consultée, et qui doit se trouver
(op. 34) composés en 1781 : ce sont ceux écrits dans les tonalités de mi, fa et ut
majeur ; deux autres, en sol et en mi bémol figureut dans la série de trios
à cordes (op. 54) écrit en 1796 et enfin le sixième duo que nous signalons
plus haut, en ré mineur, véritable refonte, pour le premier allegro, de l'un des
grands quintettes de 1793, auquel a été adjoint un Menuet qui, lui, appartient
à un quintette en ré, composé en 1794. (Edition Janet et Cotelle n'' 50).
- 135 -
encore entre les mains de M. Camille Pleyel, chez qui j'en ai
eu connaissance en 1834.
Ces Quintetti pour Piano sont donc tous originaux ; j'ajou-
terai qu'ils sont de la plus grande beauté, notamment le 3^,
qui est délicieux, le 5^, où l'on trouve un menuet divin et un
air varié charmant, dont le thème est emprunté au motif
du 3®. Quatuor de l'œuvre 40, et enfin le 6^, d'un style large
et majestueux, traité, selon l'expression de l'auteur, a modo
di concerto (1).
)p. 47. Douze nouveaux Quintetti pour 2 Violons^ Viole et
2 Violoncelles, K^, 2^, 3^ et ¥ livraisons. — Paris, Pleyel,
ou 12^ et 13® livres, N*^ 64 à 75 de la collection Janet et
CoTELLE.
Ces douze Quintetti, de même que ceux de l'op. 37, sont
tirés de diverses œuvres de l'auteur ; en voici l'origine :
Les n°^ 68 et 72 appartiennent à l'op. 25 de 1778.
— 74 et 75 29 1779.
— 73 31 1780.
— 67 40 1787.
— 71 42 1789.
— 66 43 1790.
— 64 45 1792.
— 65 46 1793.
— 70 49 1794.
— 69 51 1795.
Tous ces Quintettes rivalisent de perfection ; en citant
(1) Ces Quintette» ont paru chez 0. Legouix à Pans.
10
- 136 -
les n^ 64, 66, 69, 71, 72, 74 et 75, je crains d'être injuste
envers les autres, tant le choix me semble téméraire. Le
n° 66, entr'autres, se distingue par un Menuet d'une ravis-
sante originalité.
Op. 48. Six Quintetti pour 2 violons. Alto et 2 Violoncelles. -1^^ et
2^ livraisons. — Paris, Pleyel ; ou 14^ livre, N<^ 76 à 81
de la collection JaneT et CoTELLE.
Les n^ 76, 77, 78 et 8 1 sont tirés de lop. ... 29 de 1 779 .
Lesn«s79et80 31 1780.
Dignes des précédents. Le motif du n° 81 est le même que
celui du n° 43 de Top. 37, mais là se borne la ressemblance.
Dp. 49. Six Quintettini pour 2 Violons, Alto et 2 Violoncelles. Paris,
Pleyel. — 6^ livre, N^^ 31 à 36 de la collection Janet et
CoTELLE.
Composés en 1779, op. piccola 27 de l'auteur.
Je crois que ces Quintettini ont été gravés primitivement
en Italie sous la désignation d'op. 33. C'est à tort que M. Fétis
doute de l'authenticité de cet ouvrage ; il ne l'a sûrement pas
entendu, car il y aurait reconnu la touche gracieuse de Boc-
cherini (1).
(1) L'édition primitive de ces six Quintettini est celle d'Antonio Zatta, à
Venise.
- 137 -
Op. 50. Six Quintetti pour 2 Violons, Alto et 2 Violoncelles. 15^ livre,
V^ et 2^ livraisons, N^^ 82 à 87 de la collection Janet et
COTELLE.
Composés en 1788, op. 40 de l'auteur.
Ces Quintetti, jusqu'alors inédits, ont paru pour la pre-
mière fois dans la belle et précieuse collection de Janet et
Cotelle. Ces estimables éditeurs les tenaient, ainsi que les
six suivants, de Duport jeune qui se les était procurés
tandis qu'il se trouvait au service de Frédéric-Guillaume II,
pour qui Boccherini a écrit une grande partie de ses admi-
rables compositions de 1787 à 1797.
Ces Quintetti ne le cèdent guère aux précédents ; on
remarque surtout le 2^ imitando il Fandango che suona sulla
Chitarra il Padre Basilio, où l'originalité, l'abandon, la grâce
et la verve castillanes sont exprimés avec un rare bonheur.
)p. 51. Six Quintetti pour 2 Violons, Alto et 2 Violoncelles.
\(f livre, K^ et 2^ livraisons. — N^^ 88 à 93 de la collection
Janet et Cotelle qu'ils terminent.
Composés, nO 88 et 89, en 1779, op. 28. et les n» 90, 91, 92 et 93,
en 1795, op. 50 de l'auteur.
Les deux premiers sont dans la grande manière de Bocche-
rini ; les quatre autreà, de proportions moindres, appartiennent
au genre qu'il a si supérieurement traité sous la dénomination
d'opéra piccola.
- 138 -
Aucun ouvrage gravé, de Boccherini, ne correspond à
l'un de ces numéros d'ordre. Les six quatuors ci-après,
52. op. 58, édités par Siéber, auraient dû prendre le rang et
53. la désignation d'oeuvre 52, afin d'éviter une lacune qui,
54. sans nul doute, a mis en défaut et désappointé plus d'un
55. amateur. Voici l'explication de cette lacune. Siéber, sans
56. s'occuper des publications précédentes, ni du numéro
57. d'ordre auquel elles s'étaient arrêtées, a adopté le numéro
d'œuvre de l'auteur lui-même. En efïet, ces quatuors figurent
sur le catalogue de Boccherini comme œuvre 58.
p. 58. Six Quartetti à deux Violons, Alto et Violoncelle. K^ et
2^ parties. — Paris, SlÉBER.
Composés en 1799, op. 58 de l'auteur.
Ces quatuors rivalisent avec les plus beaux de Boccherini ;
tous les six indistinctement se recommandent par une couleur
et un mérite particuliers. Nulle part ailleurs, plus que dans
cet admirable ouvrage, Boccherini n'a prodigué les trésors de
, sa riche imagination. Variété de formes, de tons, de coloris :
scènes tendres, joyeuses, naïves ou passionnées ; sentiment
profond, charme indicible, élévation, force, véhémence, il a
su tout peindre, tout exprimer. C'est, dans un cercle restreint,
le magnifique résumé de toutes les qualités du grand artiste.
Peut-être est-ce ici le lieu de rappeler que le compositeur qui
n'a que du talent est condamné fatalement a se mouvoir dans
un cercle d'idées qu'il ne saurait franchir, cercle plus ou
moins restreint, suivant la somme de facultés que la nature
lui a départie. Tant qu'il ne l'a pas parcouru tout entier,
ses idées naissent et se produisent avec l'agrément, l'aisance.
- 139 -
la grâce ou la vigueur qu'il lui est donné d'atteindre. Mais
bientôt elles deviennent plus rares et se formulent irrésisti-
blement. Arrivé à ce point, l'artiste revient sur ses pas, buti-
nant çà et là quelques épis ; mais la moisson est faite ; c'est
sur elle qu'il vivra désormais. Adieu poésie, invention,
spontanéité, adieu ! la source est tarie. Ses productions
ne sont plus que des redites ; si habile qu'il se montre à
les déguiser, il ne saurait donner le change au connaisseur,
car sous le voile d'une trame ingénieuse, celui-ci ne découvrira
plus que l'art ou plutôt le métier. Ainsi s'explique, pour ne
parler que du passé, l'oubli profond oii sont tombées les
productions, d'abord si avidement accueillies, de Cambini,
de Davaux, de Pleyel, de Girowetz, de Wranizky et de tant
d'autres compositeurs d'un mérite assurément fort distingué.
L'artiste de génie, au contraire, porte en lui un feu qui
ne se consume jamais ; il embrasse le domaine entier de
l'art ; plus il s'élève, plus l'espace s'agrandit : de nouveaux
horizons se déroulent successivement à son regard inspiré
et stimulent son vol audacieux. Tout ce qu'il voit, il le
conquiert ; tout ce qu'il touche, il le féconde et le vivifie ;
son pouvoir, irrésistible, immense, asservit l'art à ses lois ;
il n'a de limites que celles qu'il se pose à lui-même. Suivez
Boccherini, Haydn, Mozart, Beethoven, dans leur course
infatigable ; ils ne s'arrêtent jamais ; une conquête succède à
une conquête, un chef-d'œuvre à un chef-d'œuvre. Leur
pensée, ardente, insatiable, gravite incessamment vers l'in-
connu et lui dérobe ses mystères. Aussi remarque-t-on dans
les productions de ces beaux génies une marche ascendante
qui constate pour chaque nouvel ouvrage un nouveau pro-
grès. L'œuvre 58, dont je viens de parler, en offre un témoi-
- 140 -
gnage irrécusable que rendent plus éclatant encore les douze
derniers quintetti, op. 60 et 62, composés pour Lucien Bona-
parte, dont il sera parlé à la fin de la deuxième partie de ce
catalogue, et les deux derniers quatuors, op. 64, également
inédits, par lesquels Boccherini a clos sa vaste et glorieuse
carrière .
Suite de la V^ PARTIE
2 SÉRIE
(OUVRAGES PUBLIÉS SANS NUMÉRO D'ŒUVRE.)
Première Symphonie à quatre parties obligées^ Cors de
chasse ad libitum, imprimée avec les nouveaux caractères,
par Grange. — Paris, 1767, in-folio (1).
Rien de plus faible que ce morceau qui n'est certainement
pas de Boccherini. Néanmoins, la date de sa publication le
rend curieux, en ce qu'elle annoncerait que le nom de Bocche-
rini avait devancé sa présence à Paris, bien qu'aucun de ses
ouvrages n'eût encore été publié, le premier n'ayant paru
qu'en 1768.
Ce n'est qu'à la Bibliothèque nationale, où elle était ins-
crite sous le numéro d'ordre 1905, que j'ai eu connaissance
de cette symphonie imprimée sous le nom del signore Bou-
queriny (sic).
(1) Cette Symphonie est probablement une des toutes premières compositions
du maître. V. la préface.
- 141 -
Six Sonates à Violon seul et Basse. — Paris, La Chevar-
DIÈRE ; réimprimées par Ozi, au Conservatoire (1).
Cet ouvrage auquel les auteurs du Dictionnaire historique
des Musiciens assignent, je ne sais sur quel fondement, le
rang d'œuvre 7, a été publié à Londres, sous ce titre : Six
Solos pour le violoncelle. J'ignore pour lequel de ces instru-
ments, violon ou violoncelle, il a été composé, Boccherini
n'ayant pas compris dans son catalogue ces Sonates qui, du
reste, sont fort belles et lui appartiennent incontestablement.
Quatre Concertos pour Violoncelle. N^ 1 à 4. — Paris,
au bureau d'abonnement musical, chez MiROGLIO, BoYER,
Nadermann.
J*ai tout lieu de croire que ces Concertos sont le produit
d'une spéculation mercantile, car, de même que l'ouvrage
suivant, ils sont peu dignes du grand nom sous le patronage
duquel ils ont été publiés. (2)
Sérénade à 2 Violons, 2 Hautbois, 2 Cors et Basse, com-
posée à l'occasion du mariage de l'Infant don Louis
(1) Les Soli pour violoncelle (ou pour violon) de Boccherini existent en beau-
coup plus grand nombre. C'est dans un de ces morceaux pour violoncelle que le
jeune homme s'est produit à Paris, au Concert Spirituel, pour la première fois
en 1768.
(2) Les deux premiers de ces Concertos pour violoncelle qui, pour n3us,
sont indubitablement de Boccherini, sont annoncés en juin et août 1770. (Mer-
cure, p. 114 et 163). Le quatrième paraît le 21 octobre 1 771 : Annonces, Affiches et
Avis divers, p. 850).
- 142 -
d*Espagne (le 25 juin 1 776), petit format oblong, Lyon,
Guéra(I).
(Voir la note précédente.)
Six Sonates en Trio pour le Clavecin ou Piano-Forte,
avec accompagnement de Violon et Basse. 2^ livre. — Paris,
La Chevardière, Boyer, Nadermann.
Ces Sonates, que je crois également supposées, ont été
publiées à Mannheim et à Worms, en deux livres, avec
l'indication d*op. 12 et 13.
Trois Trios pour Flûte, Violon et Basse. Livre 1^^. — •
Paris, Boyer, Nadermann.
Trois Trios pour Flûte, Violon et Basse. Livre 2^. —
Paris, Boyer, Nadermann.
Trois Quatuors pour Flûte, Violon et Alto et Basse.
Livre l^^. — Paris, BoYER, Nadermann.
Trois Quatuors pour Flûte, Violon, Alto et Basse.
Livre 2^. — Paris, Boyer, Nadermann.
Les premiers Trios et Quatuors de Boccherini ont fourni
le canevas de ces ouvrages sans mérite, dans lesquels on a
(1) La Sérénade, œuvre de circonstance, sûrement de lui, est annoncée en
août et septembre 1777 : Gazette de France, 18 août 1777 (p. 326) ; Mercure,
septembre 1777 (p. 179).
- 143 -
substitué à la partie de l^'' violon, par voie de transposition,
une partie de flûte, ce qui en dénature complètement le
caractère et l'efïet.
Six Sonates pour Piano et Violon. Paris... — (1).
Ces Sonates sont tirées, savoir : la K^, la 2^ et la 4^ des
6^, 1^^ et 2^ Quatuors, op. 1 ; la 3^ du ¥ Quintetto pour
flûte op. 21 ; la 5^ et la 6^ des 2^ et 1^^ Quatuors de Top. 10.
Trois Sonates pour Piano et Violon. Op. 2. — Ofîenbach,
André. — Arrangées et extraites des trois premiers Trios
de Violon, Alto et Violoncelle ; op. 14.
Tous les ouvrages qui précèdent ont été publiés antérieu-
rement à 1 787, car ils figurent sur le Catalogue thématique
de la maison Breitkopf et Haertel, de Leipsick, années 1 766 à
1787.
Trois Sonates pour Piano et Violon. Livre 3^. — Paris,
SlÉBER.
Trois Sonates pour Piano et Violon. Livre 4^. — Paris,
SlÉBER.
Six Sonates pour Piano et Violon. Livre 5^. — Amster-
dam, HUMMEL, WORMS, KrEITNER.
(1) Ces Sonates « pour Clavecin ou la Harpe avec accompagnement de violon »
obligé, figurent dans la Gazette de France (p. 116) à la date du 3 avril 1778.
Pour les Sonates en Trio (2 livre) parues chez la Chevardière, Boyer, Nader-
mann, voir la préface. Elles ont paru à Paris en 1781.
- 144 -
Six Sonates pour Piano et Violon, sans autre désigna-
tion. — Vienne, Artaria.
Je n'ai vu aucun de ces quatre ouvrages que je soupçonne
fort de n'être que des arrangements, sauf le 3^ qui pourrait
bien faire double emploi avec l'œuvre 5 de Boccherini,
mentionné dans la K^ série ; dans ce cas, il serait la réimpres-
sion à l'étranger d'une œuvre originale.
Trois Quatuors pour Flûte, Violon, Alto et Violoncelle.
Œuvre 5 pour Flûte. — Paris, Pleyel.
Arrangés d'après les Quintetti N°^ 44, 45 et 60 de la col-
lection Janet et Cotelle.
On lit ce qui suit dans la Biographie universelle des Musi-
siens, tome 3, article Cambini : « Vers 1800, et dans les
» deux ou trois années suivantes, Pleyel employa Cambini
» à composer quelques Quintetti et des Quatuors dans le
» style de Boccherini. 11 y réussit si bien, que ces morceaux
» furent mêlés à d'autres inédits de ce compositeur original,
» et furent publiés sous son nom, sans que les amateurs ni
5) les artistes se doutassent de cette spéculation commerciale. »
J'ai fait voir, dans la note de l'œuvre 39, que M. Fétis
s'était trompé du tout au tout dans ce qu'il avance relative-
ment à cette prétendue participation de Cambini, puisqu'il
n'est pas un seul des ouvrages de Boccherini, publiés par
Pleyel, qui n'appartienne incontestablement au maître Italien.
L'assertion du savant bibliographe, répétéeà l'article Cambini,
est donc complètement erronée. Si jamais Pleyel utilisa les
talents de Cambini, ce ne fut pas au tour de force de la plus
— 145 —
impossible des imitations, mais sans cloute à divers arrange-
ments, pour les besoins du commerce, tels, par exemple,
que les Duos de l'œuvre 46, et les Quatuors qui précèdent
cette note (1).
Ajoutons que Pleyel possédait quantité de Quatuors et
Quintetti originaux de Boccherini qu'il n'a jamais publiés.
On conviendra que ce n'était pas le cas d'appeler un faiseur
â son aide et de multiplier les frais, quand on avait sous la
(1) Il y a, en outre, une très bonne raison pour être de l'avis de Picquot^ à cet
égard. C'est que, après 1800, il semble à peu près certain qu'aucune œuvre
nouvelle de Boccherini n'a plus été publiée par Pleyel ,• les quatuors op. 58,
composés en 1799, ont paru chez Sieber. Les dernières œuvres du maître
restèrent inédites : il en existe, croyons-nous, quelques copies.
La vérité est que Cambini a dû arranger, sous les formes les plus diverses,
nombre d'œuvres de Boccherini. Mais il n'a pu, du vivant du maître, glisser
dans l'œuvre authentique publiée par Pleyel, aucun morceau de lui, Cambini.
Les œuvres venues d'Espagne étaient complètes et ne pouvaient s'adjoindre
aucun fragment apocryphe.
Ce Cambini, d'ailleurs, est un musicien qui, pour vivre, a un peu fait toutes
les besognes. Selon nous, son art ne présente aucun rapport avec celui du maître
de Lucques; il n'est nullement un homme de génie, mais c'est un artiste fort
cuneux : il a une facilité alliée à une science qui, notamment, se fait jour dans
ses derniers quatuors, au sujet desquels il a écrit des articles qui ont fait grand
bruit. C'est, en outre, un technicien remarquable qui connaît tous les instru-
ments : ses compositions pour l'alto, par exemple, sont peut-être sans précé-
dents. Son œuvre instrumentale est énorme et recèle de tout : il est l'un des
principaux créateurs de la Symphonie Concertante à Paris ; il a écrit dans tous
les genres, sous toutes les formes. Cette œuvre devrait même être étudiée par
un musicologue en quête de sujets : nous sommes certain que cette étude réser-
verait quelques surprises. Mais, s'il a tout fait ou tout essayé musicalement,
s'il a été à la solde de tous les éditeurs et marchands de musique, une chose lui
était réellement interdite : celle d'imiter et sans nécessité un homme inimitable
et surtout un homme d'un tempérament aussi différent du sien. Sur les Duos
op. 46, cités par Picquot, voir la note de la p. 1 33.
- 146 -
main beaucoup mieux que ce qu'on eût obtenu d'une par-
ticipation étrangère. Il est donc évident, en ce qui concerne
Boccherini, que jamais Pleyel ne s'est rendu coupable de la
fraude commerciale qui lui est imputée ; c'est une justice
due à sa mémoire.
Première Symphonie périodique à grand Orchestre,
Paris, Pleyel.
G>mposée en 1792, op. 45 de l'auteur.
Deuxième Symphonie périodique à grand Orchestre.
Paris, Pleyel.
Composée en 1792, op. 37 de l'auteur (1).
En tenant toujours compte du genre de Boccherini,
ces deux ouvrages sont certainement dignes de lui.
Six Quintetti spécialement composés pour le Piano-Fortey
avec accompagnements obligés et concertants de 2 Vio-
lonSy Alto et Violoncelle ; Œuvre posthume. — Edition
dédiée à M"^^ la duchesse de Berry. — Paris, Nouzou.
Composés en 1799, op. 57 de l'auteur, ces superbes quin-
tetti avaient été dédiés à la Nation et à la République Fran-
çaise, et remis à Lucien Bonaparte, lors de son ambassade
en Espagne ; on voit que l'éditeur Lagarde les a singu-
lièrement détournés de leur véritable destination, en les
offrant à M^^ la duchesse de Berry. Quel que soit le patronage
(1) Composée en réalité, en 1787.
- 147 —
sous lequel ils dussent paraître, l'essentiel était qu'ils fussent
beaux. Sous ce rapport, ils ne laissent rien à désirer. C'est un
ouvrage de formes en général plus sévères, mais toujours
nobles ou gracieuses. Le (f quintetto contient des variations
charmantes sur la retraite de Madrid, reproduites d'après
un quintetto de violon, resté inédit, composé en 1780.
Douze nouveaux Quintetti pour 2 Violons, 2 Altos et
Violoncelle, composés à Madrid pour le marquis de Bena-
vente. Œuvre posthume, K^ livraison. — Bordeaux,
Leduc. — Paris, Auguste Leduc.
Titre mensonger, en ce qu'il tendrait à faire croire qu'il
s'agit d'un ouvrage original, ce qui n'est pas. On a vu, dans
la Notice, que Boccherini avait disposé, avec une partie
de guitare pour le marquis de Benavente, son protecteur,
un certain nombre de morceaux choisis dans celles de ses
œuvres qui se prêtaient le mieux à cette substitution. M. le
marquis de Benavente, forcé par les circonstances de demander
un refuge à l'hospitalité française, vint se fixer à Bordeaux
et apporta avec lui la musique qu'il put sauver de son nau-
frage politique. Parmi ces ouvrages, arrangés par Boccherini
lui-même avec une partie de guitare, se trouvaient une dou-
zaine de quintetti pour 2 violons, guitare, alto et violoncelle.
La spéculation résolut d'en faire son profit ; mais comme
leur combinaison instrumentale paraissait moins favorable
que celle de 2 violons, 2 altos et violoncelle préférée par la
plupart des amateurs, on adopta cette dernière qui eut lieu par
la transformation de la partie de guitare en une partie de
second alto. Ce travail délicat fut confié à un lauréat du
- 148 -
Conservatoire, M. Garnault (1), qui l'accomplit avec beau-
coup de conscience et de talent. Cet habile professeur arrangea
de la sorte six quintetti, mais trois seulement furent livrés à
l'impression ; ce sont eux qui forment la première et seule
livraison publiée des 12 quintetti ci-dessus promis par
le titre. Ils sont tirés des 2®, ¥ et 5^ quintetti de l'œuvre
posthume de Boccherini pour le piano, qui précède immédia-
tement.
J'ajouterai que Boccherini avait une prédilection mar-
quée pour ces deux œuvres de quintetti pour le piano (gravés
op. 46 et œuvre posthume), car outre la combinaison dans
laquelle il les a reproduits pour le marquis de Benavente,
il les a encore arrangés pour 2 violons, 2 altos et violoncelle.
Je les possède ainsi tous les douze.
Stabat Mater à 3 voix, avec 2 Violons, Alto, Violoncelle
et Contrebasse ; — Paris, SlÉBER.
Composé en 1801 op. 61 de l'aateor, et donné à Lucien
Bonaparte.
Il paraît que ce Stabat avait été composé originairement
pour une seule voix, car j'en possède le manuscrit, lequel
porte la date de 1781. Boccherini, en le disposant pour trois
voix, a changé très peu de chose aux accompagnements ;
il a seulement ajouté une introduction en style de symphonie
qui n'existait pas dans le principe (2), et retouché les accom-
pagnements sans en changer essentiellement le caractère. Ce
(1) Aujourd'hui professeur à La Rochelle (P.).
(2) C'est le premier morceau d'une Syrrphonie de i'op. 35, restée inédite.
- 149 -
Stabat, que je considère comme un chef-d'œuvre, est d'une
exécution facile et n'exige point un grand orchestre ni un
grand local. L'auteur désire la pure naïveté et l'exactitude.
Je compléterai ce Catalogue des œuvres gravées sous le
nom de Boccherini par l'indication des morceaux arrangés
pour le piano par Pleyel, Hérold père et le marquis de Lou-
vois.
Trois Sonates pour Piano, Violon et Violoncelle, tirées
des nouveaux Quintetti de Boccherini, par Ignace Pleyel ,*
— Pleyel et fils aîné.
Ce sont les quintetti N°' 45, 55 et 64 de la collection Janet
et Cotelle.
Trois Sonates pour Piano, Violon et Violoncelle, tirées
des nouveaux Quintetti de Boccherini, par Ignace Pleyel.
— Paris, Pleyel et fils aîné.
Il n'a paru qu'une seule sonate ; elle est tirée du N^ 65
de la même collection.
Trois Sonates pour Piano, Violon et Alto, tirées des
nouveaux manuscrits de Boccherini, par Hérold père.
Op. 11. — Paris, Pleyel et fils aîné.
Elles sont arrangées d'après les N°' 44, 50 et 63 de la même
collection.
- 150 -
Quintetto de Boccherini en ré mineur, arrangé en Trio
pour Piano, Violon et Basse, par le marquis de Louvois.
Paris, SCHLESINGER.
Quintetto de Boccherini en sol mineur, arrangé pour
les mêmes instruments, par le même. Paris, ScHLESiNGER.
Le premier de ces Quintetti est tiré du N^ 37, et le second
du N^ 41 de la collection Janet et Cotelle.
2« PARTIE
COMPRENANT LA LISTE THÉMATIQUE
DE TOUS LES OUVRAGES DE BOCCHERINI
RESTÉS INÉDITS
CLASSÉS CHRONOLOGIQUEMENT DANS LEUR ORDRE DE COMPOSITION
- 1780 -
Sei Quintetti per due Violiniy Viola e due Violoncelli
Op. 30 piccola (1).
Andanle
I
^-0-
m
^^È^
Allegro
(1) Bib. de l'Opéra (n°^ 1, 3 et 4). Copie au Conservatoire.
11
- 152
Cantalïile
yfy^'\[ii!\\[j\[îj^
Alle^
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AIle|retta
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la miisica noHyrna
di Madrid N
6^ ^E\
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Jui
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Charmant ouvrage qui méritait certes les honneurs de
l'impression. Rien de plus original que le 6^ quintette dans
lequel Boccherini a voulu rappeler la Musique qui s'entend
de nuit dans les rues de Madrid, depuis le coup de l'AvE
Maria della Parrochia, jusqu'à La Ritirata (retraite).
Les chants sacrés du Rosario se mêlant aux danses du peuple,
aux airs des chanteurs des rues, au rasgado des guitares,
donnent à ce quintette une physionomie des plus singulières
pour ceux qui ignorent les habitudes madrilègnes. Le tableau
se termine par un Tempo di Marcia, la Retraite, dont les
délicieuses variations ont été reproduites par l'auteur dans
le 6°^^ quintetto de l'œuvre pour piano, publié par Lagarde,
chez Nouzou.
- 153 -
— 1780 —
Sei Quintetti per due Violinù Viola e due Violoncelle
Op. 31 grande {]) (2).
\ ^^ Gravé N° 80 de la collection Janet et CoTELLE
Moderato assai
(2) *
if ^
fïalonce& /."
Andante lento
'V^^rvm
F
fî:
% ! Gravé N.» 75 de la même collection
Cankbile
5!
M
^
«
^^é é i
# r p>
6® Gravé No 79 de la même collection (3).
(1) On a vu, dans la première partie du Catalogue, qu'à partir de l'Op. 37,
l'éditeur Pleyel avait, sans souci de l'ordre chronologique, puisé indistinctement
dans les divers ouvrages de Boccherini, les morceaux qu'il lui convenait de
publier. Afin de prévenir toute confusion, j'ai cru devoir, pour toutes les œuvres
dont une partie seulement a été gravée, rétablir l'ordre primitif et détailler l'œuvre
entière, en indiquant, par le numéro de la collection ou de la publication, les
morceaux édités, et en notant le thème de tous ceux qui ne l'ont pas été. Ainsi,
les thèmes notés, désignent exclusivement les compositions inédites ; le surplus
n'est qu'un complément destiné à présenter l'ensemble des morceaux dont
chaque œuvre était formée (P.).
(2) J'ai fait précéder d'un astérisque tous les ouvrages de Boccherini qui me
manquent. J'adjure MM. les professeurs et amateurs qui pourraient me fournir
des indications précieuses à cet égard, de vouloir bien me les donner en m'écri-
vant à Bar-Ie-Duc (P.).
(3) Bib. de l'Opéra à Paris (n^e 2 et 5) Berlin (complet).
— 154 -
Le 2^ Quintetto, le seul qui me manque dans la section
de ceux composés pour deux Violons, Alto et deux Violon-
celles, fait partie des quelques ouvrages que possède le
petit-fils de Boccherini, professeur de mathématiques à
Madrid. En 1834, j'en avais découvert une copie chez M. Ca-
mille Pleyel ; malheureusement la partie de premier violon
manquait.
- 1781 -
Sei Quartettini per due ViolinU Viola e due Violoncelli (1) ;
Op. 33 piccola (2).
Al!!* Spiritoso.
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Allegretto
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And* cou molo
And' soslenuto.
f'iolttoce//o sola
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(1) Violoncello et non pas due violoncelli.
(2) Berlin. Bib. de l'Opéra, Paris (complet).
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- 155 -
Ail* hriUaulf
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^ FiolûMcelia
Aaa^io.
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^
^^
S
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Légères et charmantes compositions, pleines d'entrain
et de verve.
- 1782-
Sei Sinfonie a piu strumenti (9 parties),
Ail? Assai. Op. 35 grande (1).
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2.' Ail? Assai
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(I) Berlin. Bib. de l'Opéra à Paris (complet).
- 156
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A •,^. ; -t-
6- ^^5
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UUU-V^
Entre cet ouvrage, op. 35, 1782, et le suivant, op. 36,
1786, on remarque une lacune de plus de trois années, pen-
dant lesquelles le génie si fécond de Boccherini paraîtrait
s'être reposé, et cela dans un âge où la force productive
est dans toute son énergie. Frappé d'une si longue inter-
ruption contre nature, je voulus en connaître la cause. Après
bien des recherches, j'acquis la certitude que cette inter-
ruption n'était qu'apparente, et qu'elle ne portait en effet
que sur la composition instrumentale. Boccherini, loin de
rester inactif pendant cette période, s'était écarté de sa
route ordinaire pour s'essayer dans un genre tout nouveau
pour lui, la musique sacrée, et, circonstance ignorée de tous
ses biographes, pour aborder le théâtre. J'ai découvert qu'en
1783 il avait composé, sous le titre de ViLLANCICOS, des
chants à quatre voix et à grand orchestre, destinés soit à
l'Eglise, soit aux couvents et aux pensionnats, et, en 1785-
1786, un opéra, LA Clementïna, sur un libretto de don
Ramon de la Crux. Je suis donc autorisé à penser que la
plupart des morceaux de chant dont je donne plus loin
l'indication, se rapportent à cette époque, et qu'il en est
sans doute un plus grand nombre, mais sur lesquels malheu-
- 157
reusement je n ai pu obtenir jusqu'ici des renseignements
authentiques. Maintenant, par quels motifs Boccherini
ne les a-t-il pas inscrits sur son Catalogue ? Je l'ignore ; ce
qui est incontestable, c'est qu'ils existent (1).
- 1786 -- (2)
Sei Quintettini per due Violini, Viola e due Violoncelli ;
Op. 36 piccola.
Anif affelluoso
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^AL4^Lttcr'^g^
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(1) Nous croyons que Boccherini ne portait sur son catalogue que les œuvres
qu'il destinait à la vente.
(2) Cette série de Quintettini date de 1784. Ils se trouvent à la Bibliothèque
de l'Opéra, au Conservatoire, et figurent à Berlin en manuscrits autographes.
Le n° 4 est le Quint ettino délie Scacciapensieri.
158 -
Andanle
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7Z.
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Lento amoi-oso
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Li"Kf'lcf
[ih\m
= 1787 =
NOTA. Tutti le seguenti opère sono state scritte expressamente per S. M. il Re di
Prussia.
Frédéric-Guillaume II étant mort le 15 novembre 1797, les ouvrages posté-
rieurs à cette date ne le concernent plus. (Note rectificative de celle de l'auteur.)
Quatre Sinfonie a Grande Orchestra ; Op. 37 Grande (1).
1 Gravé chez Pleyel, sous le titre de 2® Symphonie périodique (2).
Grave (3)
AU? vivo
4!
^
(1 ) Les nOs 3 et 4 : Bib. de l'Opéra. Paris et Berlin.
(2) Composée en novembre 1786. Bruxelles. Conservatoire W 7248. Autogr.
à Berliin M. 423.
(3) Composée en décembre 1786. Autogr. à Berlin M. 426.
- 159 -
- 1787 —
Cinque Sestetti e un Ottetto con Ohoe ; Op. 38 piccola (1).
1 ^^ Gravé chez Pleyel, comme 2® Sextuor, Op. 42.
2e A)t^^ ir
^
^ Lento
^^
F=F^
i,ni t.i ,F'm
4^ Gravé chez Pleyel, comme 1^' Sextuor, Op. 42.
5^ Gravé chez le même, sous ce titre : Symph. concert, à 8 ; Op. 41.
Ottetto.
l
0 ^
Amoroso.
1788
Un Giogo di Minuetti hallahili a grande Orchestra (2) ;
Una Sinfonia a gr. orchestra ;
Due Quintetti per due Violinù Viola e due Violoncelli ;
Due Quartetti per due ViolinViola e Violoncello ;
Op. 41 grande.
immJ,AijJ]ï^\J\UQ
(1) Berlin.
(2) Les Menuets et la Symphonie, Berlin.
160 -
Sinfonia.
■^^^^^m
1^^ (ji^intettô Gravé N» 51 de la Collection Janet et Cotelle.
2^ û Gravé N° 61 de la Collection Janet et CoTELLE.
1 ^' (illâPlCttO Gravé chez Pleyel, Op. 39, 3^ quatuor de la 2^ livr.
2® U Gravé chez Pleyel, Op. 39, 2^ d^ S9
1789
Tre Quintetti per due Violinù Viola e due Violoncelli ;
Una Sinfonia grande ; Op. 42 (1).
Les 3 Quintetti ont été publiés ; ce sont les H^ 58, 71 et 52
de la Collection Janet et CoTELLE.
Sinfonia |f^
f-, -p-
•-p^
'A
(I) La Symphonie ; Berlin.
- 161 -
= 1789 =
Due Quartettini per due Violinù Viola e Violoncello (1) ;
Quintettino per due Violini, Viola e due Violoncelli ;
Ottetto. Op. piccola.
1- Quarts |,V:^^gp; 1^ J
^^ d- li^î'rf [^i:^j^
Ottetto ^^
*
Cet ouvrage, placé sur le Catalogue de Boccherini, entre
les op. 42 et 43, ne porte point de numéro d'ordre. Sauf
l'Octuor, dont je ne puis juger, ne le connaissant pas, il
n'offre rien de bien remarquable (2).
i\) Les 2 Quartettini et \e Quintettino; (Paris Conservatoire. Bib. de rOpéra)^
(2) Le Catalogue de Boccherini, publié par son p>etit-fils, comprend, sous la
dénomination d'op. 42, toutes les œuvres ci-dessus, composées en 1789.
— 162 —
- 1790 —
Due Quintetti per due Violini, Viola e due Violoncelli (1) ;
Due Quartetti per due Violini, Viola e Violoncello ;
Quintettino per due Violini , Viola e due Violoncelli ;
Sinfonia a grande Orchestra ; Op. 43 grande.
fuintetlo fir^^lj^r^lf-j^^
1" Ouintetlo
9« il*
*• "• Gravé, N.» 06 de la Coll«cllon Jafet et Cotelle.
r H«« p'iJQjjl^ï
2- «.art* iïlLfr[_^^i^p
1" Ouinir toQ-lf^J^l^
(1) Paris G)nservatoire et Bib. Berlin.
- 163 -
1®^ SinfATliâ Gravée chez Pleyel, sous ce titre: Ouverture à srand
1 UmiVUia Orchestre ; op. 43. (1).
Compositions charmantes, particulièrement le premier
Quintetto qui est superbe.
— 1792 —
Sei Quartettini per due Violinû Viola e Violoncello ;
Op. 44 piccola (2).
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And!^» Lento
(1) La Sinfonia ; Bruxelles G)nservatolre (partition).
(2) Paris (Conservatoire : parties séparées). Bib. de l'Opéra (complet).
164
Andantino
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= 1794 =
Sei Quartettini per due ViolinU Viola e Violoncello ;
Op, 48 piccola (1).
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Andante
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(1) Paris Conservatoire. Bib. de l'Opéra (complet).
165 -
AU? VivBce
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Il est bien regrettable que les deux œuvres de Quatuors
qui précèdent n'aient pas été publiés par Pleyel, qui en avait
acquis la propriété ; car ils sont dignes, dans leur genre;
de figurer parmi les plus suaves compositions de Boccherini.
- 1795 -
Sei Quintetti ptr due Violini, Viola e due Violoncelli ;
Op. 50 piccola 0).
Les Quintetti 1 , 2, 4 et 5 de cet œuvre ont paru pour
la première fois dans la collection Janet et Cotelle qu'ils
terminent ; voici les thèmes des 3* et* 6 restés inédits :
Ail? Moderato
tn:
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Lar^Kett»
6' (^
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(1) Paris G)nservatoire. Bib. de l'Opéra (complet).
— 166 -
- 1795-
Quatro Quartetti per due Violini, Viola e Violoncello ;
Op. 52 grande.
L*op. 51 qui précède immédiatement celui-ci sur le cata-
logue de l'auteur, est composé de deux quintetti et de quatre
quatuors, nombre assez insolite (1). Boccherini n'ayant pas
noté, par une exception unique, les quatre quatuors désignés
par lui comme formant son op. 52, je présume que c'est
parce qu'en réalité ils font double emploi avec les quatre
de son œuvre 51 (2). Ce qui me confirme dans cette supposi-
tion,outre la concordance extraordinaire de quatre quatuors
dans chacun des op. 51 et 52, c'est que ce dernier œuvre
serait le troisième de l'année 1 795 ; or, il est très rare de
rencontrer trois œuvres écrites dans une même année : géné-
ralement on n'en trouve que deux, surtout depuis 1787,
quelquefois qu'une seule. Si donc je ne me trompais pas, les
quatre quatuors que semble désigner l'op. 52 se rapporte-
raient en effet à l'op. 51 ; dans ce cas, ils ne seraient pas
inédits, car ils font partie de l'œuvre 39 édité par Pleyel ;
ce sont les 1®', 4®, 7® et 9^ dudit œuvre. De plus, ce double
emploi de l'op. 52 avec l'op. 51 ne causerait aucune lacune
(1) L'op. 51, d'après le catalogue de Boccherini, ne comporte que deux quin-
tettes composés en 1795 ; ce sont les n°^ 63 et 69 de l'Edition Janet et Cotellej
L'op. 52 ne comporte, d'après ledit catalogue, que quatre quatuors {vP^ 1, 4, 7
et 9). Edition Pleyel, cp. 39 (P.).
(2) C'est une erreur. Le Catalogue du maître porte que les quatre Quatuors
(parus chez Pleyel) forment bien l'op. 52.
- 167 -
dans Tordre numérique de l'auteur, puisqu'il existe, entre
les op. 42 et 43, ainsi que je l'ai fait voir en son lieu, une œuvre
privée de numéro d'ordre, laquelle servirait à combler le
vide laissé par la suppression de l'op. 52.
Telle me semblait être l'explication la plus plausible de
l'unique omission de Boccherini dans la notation théma-
tique de toutes ses œuvres, lorsque, tout récemment, j'eus
connaissance d'un quatuor attribué à ce compositeur, et dont
voici le motif :
Auâf Lento.
m
£
Ê
^^
Tin^ii T^jia
Comme tous les manuscrits de cet auteur portent, sans
exception, la date de leur composition, je ne doutai pas que
cette date ne me mît sur la voie de la vérité, car si elle se
rapportait à l'année 1795, évidemment mon explication
serait erronée. Je n'eus donc cesse que je ne me fusse procuré
ce quatuor qui était entre les mains d'un amateur de Madrid.
Je l'obtins ; mais, ô désappointement ! le manuscrit était
sans date et ne portait d'autre titre que celui-ci : QuARTETTO,
Bocherini. Un examen attentif de ce quatuor me convainquit
d'ailleurs qu'il était supposé ; rien n'y révèle la touche si
reconnaissable de Boccherini. Je maintiens donc ma première
supposition, jusqu'à ce que des documents authentiques
viennent l'infirmer.
12
— 168
- 1796 -
Sei Terzetti per due Violini e Violoncello, posta in Quartetti
Op. 54 grande.
Les Trios 1 , 4, 5 et 6 de cet œuvre terminent la collection
Janet et Cotelle, sous les N<^^ 49, 50, 52 et 51 . Les 2^ et 3^
n'ont pas été publiés en Trios ; mais on les trouve mutilés
en duos pour deux violons dans Top. 46, édité par Pleyel,
ainsi que je l'ai expliqué dans la première partie du Cata-
logue. En voici les thèmes (1) :
Ail? ton moto.
i
e
^
w
Moderato assai.
'■■fl'fllIfLLJ'^lM
S
Ce bel ouvrage a été mis en Quatuor par Boccherini lui-
même ; malheureusement je n'ai pu en découvrir jusqu'ici
de copie.
- 1800 -
Messa a Quatro, con tutti istrumenti ohligati ; Op. 59.
Je n'ai aucun renseignement sur cet ouvrage.
(1) Ces deux trios en parties séparées. Paris, Conservatoire. Le dernier :
Bib. de l'Opéra (autographe).
- 169 —
- 1801 -
Sei Quintetti per due Violini, due Viole e Violoncello ; Op. 60(1 )
Per il Cittadino Luciano Bonaparte.
AU? vivo.
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Ami!" tomodo.
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(1) Seul, le premier de ces quintettes : Paris, Conservatoire. Les autres viennent
d'être retrouvés par M. Ch. Bouvet à la Bibliothèque de l'Opéra. Le n° 4
manque.
- 170 —
= 1802 = (1)
Sei Quintetti per due Violini, due Viole e Violoncello,
Op. 62 ; per il Cittadino Luciano Bonaparte,
AU! Maësloso.
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6
(1) Bibliothèque de l'Opéra où ils ont été retrouvés par M. Ch. Bouvet. La
partie de violoncelle du n° 5 manque.
- 171 -
Boccherini n'a composé que ces deux seuls œuvres de
Quintetti pour deux violons, deux altos et violoncelle, qui
soient véritablement originaux ; tous les autres qu'on ren-
contre, disposés dans cette même combinaison, entre les
mains de quelques amateurs, ne sont que des reproductions,
sous une forme différente, d'ouvrages antérieurs.
M. le marquis de Benavente m'avait souvent parlé des
douze Quintetti ci-dessus, avec une chaleur d'admiration
bien propre à accroître, s'il était possible, mon vif désir de
les connaître et de les sauver d'une perte à peu près certaine,
puisque les collectionneurs les plus zélés et les mieux ins-
truits ou en ignoraient l'existence, ou ne savaient dans
quelles mains les trouver. Bien longtemps je désespérai
d'être plus heureux. Que de démarches, que de lettres écrites
dans un but qui semblait, hélas ! s'éloigner chaque jour
davantage ! Je ne me rebutai point, et, à force de persévé-
rance et de recherches, mes efforts de dix-huit années furent
couronnés d'un succès presque complet. J'eus le bonheur de
découvrir et de me faire céder onze de ces quintetti, dont
dix sont autographes ; il ne me manque plus que le 4^ en
mi bémol de l'op. 60. L'historique de cette découverte rem-
plirait certainement un volume. Je suis donc doublement
heureux d'un résultat qui me permettra d'ajouter aux jouis-
sances des vrais amateurs par le don que je me propose de
faire au Conservatoire de Musique, à Paris, de la collec-
tion, à peu près complète, des œuvres inédites de Bocche-
rini (I).
Quant au mérite des Quintetti composés pour Lucien
(1) Ces œuvres se trouvent aujourd'hui à la Bibliothèque de l'Opéra.
- 172 -
Bonaparte, l'expression manque pour les louer dignement.
Bien loin de se sentir de la vieillesse de l'auteur, ils accusent
au contraire une touche plus mâle, plus hardie, soutenue
par des combinaisons harmoniques où le nerf et la vigueur
n'excluent aucune des autres qualités du célèbre composi-
teur.
- 1802 -
Cantata al Santo Natale di N. S. Jesu Christo, a 4 voci
obligati, Coro e Istrumenti ; Dedicata ail Imperatore
di Russia ; Op. 63.
Cet ouvrage, qui faisait partie de la bibliothèque de feu
M. Porro, a dû passer entre les mains de son gendre
M. Beaucé ; toutes mes démarches auprès de ce dernier
pour en avoir communication sont restées sans résultat.
- 1804 —
Sei Quartetti per due Violini, Viola e Violoncello ; Op. 64.
Op. 64.
AB^moUo,
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Ail? con brio.
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r ^ // J J
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- 173 -
Le 1^^ Quatuor est superbe ; le second, d'une facture et
d'une originalité également admirables, est inachevé et
s'arrête après le premier morceau ; c'est le dernier accord
échappé à la lyre de Boccherini. Voici ce que m'écrivait
Baillot, son sublime interprète, en me remerciant de l'envoi
de ces deux Quatuors : « Le Quatuor en fa m'avait charmé ;
» le dernier... que ne l'a-t-il achevé !... Il semble qu'il ait
voulu dire aux âmes pieuses : nous nous reverrons ! »
Le manuscrit autographe de ce dernier ouvrage doit être en
la possession du successeur de Janet et Cotelle ; je suis sûr
du moins de l'y avoir vu en 1832 (1).
Ici se termine cette longue série de chefs-d'œuvre qui ont
immortalisé le nom de Boccherini (2). Néanmoins il existe,
en outre, de nombreux morceaux de chant que le célèbre
compositeur n'a pas mentionnés sur son catalogue, j'ignore
par quel motif. Voici les thèmes de ceux que je possède, tous
autographes, et de ceux dont le petit-fils de Boccherini m'a
donné connaissance ; sauf trois ou quatre, ils ne portent
aucune date :
(1) Les deux Quatuors n'ont pu, jusqu'ici, être retrouvés.
(2) Je n'ai pas compris, dans cette seconde partie, trois Sonates inédites de
Boccherini pour le Violoncelle, qui devaient être publiées par M. Fayolle
(voir le Dictionnaire Historique des Musiciens, article Marescalchi), parce que cet
ouvrage lui ayant été dérobé, et n'en ayant pas moi-même autrement connais-
sance, je ne me suis pas trouvé à même d'en constater l 'authenticité (P.).
— 174 —
Aria Âcademica, ^ con Violini, Viola e Basso (1).
Deh ! respirer lasdaiemi qualche momento in pace.
Sotto Toce. k/
4-.
t
'1 r- p-rl fT I r-f pp rV.
Aria Academica, con Violini, Oboe, Viola e Basso.
Caro son tua cosi per virtù d'Amor i moti del tuo cor,
i^ndantiiio conmolo.
^^^^^^
Aria Academica, con Violini, Viola e Basso.
5e non ti moro al lato Idolo del cor mio.
Canlal)il<
4-
^
w
^
é d Pi»
1
È
(1) Ces douze Arie Accademiche viennent d'être retrouvées par M. Ch. Bouvet,
en partitions manuscrites, à la Bibliothèque de l'Opéra.
- 175 -
Recitativo Aria Âcademica, con Violini, Oboe,
Viola, Corni a Basso.
Misera dove son ! taure del tehro queste cKio respiro.
Andanle recilalivo.
v^m\'\m\[m.
Aria Academica, con Violini, Oboe, Corni,
Viola e Basso.
Care luci che régnât sugl affetti del mio cor.
ARdautino imoroso
m
roso. K
t=t
-gj i
Aria Academica con Violini, Oboe, Corni,
Viola e Basso.
înfelice in van mi lagno quai dolente tortorella.
AHejro spiritoso.
s
^. r r I 1- ) :
- 176 -
Aria Âcademica con Viollni, Oboe, Corno,
Viola e Basso.
Tu di saper procura, dove il mio ben saggira.
'"rJ J^>>->,^
y ^'p p
g
Aria Academica, con Violini, Oboe, Fagotti e Basso.
Numi se giusti siete rendente a me quel cor.
Aiii* Amoroso. .^-^ -iS^ i ^ M r^iT^
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s
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Aria Academica, con Violini, Oboe, Corni,
Viola e Basso.
Caro padro a me non dei rammentar che padre su.
AW! cou moîD
. o >
^
^
S
- 177 -
Aria Âcademica, con Violini, Oboe, Corni,
Viola e Basso.
Ah che nel dirti addio mi sento il cor dividere.
Ana. cû/i^ un poco o^ moto
^^^^^^^
Duetto Âcademico, con Violini, Oboe, Corni,
Viola e Basso ; 1792.
La Destra ti chiedo mio dolce sostegno per ultimo.
Andantino con moto.
t
1
l^
r\
s
i
Recitativo e Aria Academica, con Violini,
Oboe a solo. Viola e Basso.
ujjhn'j.Nj
v=w
I
ArUbajio, Di Gutdà:e^ se^ ve.ro a//en7niïey o le.
178 -
Recitativo e Aria Âcademica, con Violini,
Viola e Basso.
Con i
iroiiia.
M
U
À
\—\-i
t
^
m
one,
Sï veramente^ îo t^e^^io d rmo rMuo e fn&
Villancicos (sorte d'ode sacrée qu'on a coutume, en Es-
pagne, de chanter aux fêtes de Noël) a quatro vocCy a
toda Orchestra ; 1783.
Cet ouvrage a produit, lors de son exécution, un grand
effet ; il est resté la propriété du petit-fils de Boccherini
de même que les deux suivants :
La Clementina, Opéra o Melodramay paroles de don Ramon
de la Crux (1).
Le petit-fils de Boccherini m'apprend que c'est le pre-
mier opéra de son illustre aïeul qui l'a fait entendre en 1786
avec un succès éclatant. Doit-on inférer de ce mot premier
que ce n'est pas le seul ouvrage de ce genre que Boccherini
aurait composé ? Le fait mériterait d'être éclairci.
Scène d'Inès de Castro. D*après la même autorité, cet
ouvrage, d'un grand mérite, serait le chant du cygne.
(1) Berlin, Ms. autogr.
- 179 -
la dernière inspiration du génie de Boccherini. En voici
la K® mesure (1) :
lues
Il r, ry \> [^ \' ^
yèrma., ^feuù^, cAe,
Telle est la nomenclature, aussi complète qu'il m*a été
donné de la faire, des titres de Luigi Boccherini à l'admira-
tion de la'postérité. Je n'ai indiqué, dans la 2^ partie de ce
Catalogue, que les ouvrages originaux, car il existe, dispersés
en Espagne et en France, un grand nombre de morceaux
choisis et arrangés par lui-même, parmi celles de ses pro-
ductions qu'il affectionnait le plus. Ainsi, outre les quatuors
tirés des trios op. 44, outre les quintetti extraits tant des
œuvres de piano que d'autres œuvres instrumentales, il a
disposé, soit pour le marquis de Benavente, soit pour divers
amateurs, des quatuors, quintetti, symphonies, etc., avec
une partie de guitare obligée. Feu M. le colonel Charmont»
de Montzé ville, • près Verdun, avait rapporté de Madrid,
vers 1812, une quantité considérable de morceaux ainsi
arrangés pour la guitare ; après sa mort, cette collection
précieuse s'est malheureusement perdue, sans que sa famille
puisse dire où ni comment.
(1) Paris Conservatoire.
- 180 -
Parmi ce genre d'ouvrages, voici l'indication de ceux dont
j'ai personnellement connaissance :
Quintetti pour 2 Violons, Alto, Guitare et Basse (1).
Les 1^^ 4^ et 6^ de l'op. 46 pour le Piano, publié par
Pleyel. M. Cotelle, successeur de Janet et Cotelle, possède
la partition autographe de ce dernier et magnifique quin-
tette.
Les 2^, 4^ et 5^ de l'œuvre posthume pour le Piano, publié
par Lagarde, chez Nouzou, ainsi que les Variations sur la
Retraite de Madrid qui terminent le 6^ quintetto de la
même publication.
Le 4^ quintetto contient un Minuetto qu'on ne trouve
ni dans l'œuvre de Piano, ni dans les autres compositions ;
il est vraisemblablement original.
Quoique j'aie la conviction que les 12 quintetti de piano
aient été tous arrangés pour la guitare par Boccherini, je ne
cite que ceux que je possède ou que j ai vus.
Un Quintetto composé des deux premiers morceaux,
Pastorale et All^ Maëstoso, du N° 6 de la collection Janet
et Cotelle ; du Grave assai et du Fandango du N° 83 de
la même collection.
(1) Deux de ces quintettes ont été réédités. V. Die Gitane. Leipzig (20^ et
21^ Gihiers).
- 181 -
Un Quintette composé du 3^ Quatuor tout entier de l'op. 40,
d'un All^ giusto appartenant au 7® quatuor de Top. 39, et
de Tair varié du 5^ quintetto pour piano, op. 46.
Un Quintetto composé, les 1 ^^ et 4^ morceaux, du 1 ^^ quin-
tetto pour hautbois, op. 45 ; les 2^ et 3^ morceaux, du
1^^ quatuor de l'op. 40.
Sinfonia a grande Orchestra con due Violini principale
due di Ripieno, Oboe, Chitarra, Viola, Corni, Fagotto,
Violoncello obligati e Basso, per il Sig^^ Marchese di Bena»
vente, 1799 (1).
C'est une symphonie concertante arrangée d'après le
4^ quintetto de la collection Janet et Cotelle.
(1) Bib. de l'Opéra.
RÉSUMÉ
DU
CATALOGUE PRÉCÉDENT
MUSIQUE DE VIOLON
6 Sonates de Violon ou Violoncelle ; originales.
18 Duos pour 2 Violons ; 6 sont originaux, 6 supposés, et 6 tirés
et arrangés d'autres ouvrages de l'auteur.
50 Trios pour 2 Violons et Violoncelle ; 42 sont originaux ; 6 sup-
posés et 2 inédits.
12 Trios pour Violon, Alto et Violoncelle ; tous sont originaux.
12 Trios pour Flûte, Violon et Violoncelle ; tous sont arrangés.
91 Quartetti pour 2 Violons, Alto et Violoncelle ; tous sont originaux ;
67 ont été publiés, 24 sont inédits.
15 Quartetti pour Flûte, Violon, Alto et Violoncelle ; tous sont arrangés.
18 Quintetti pour Flûte ou Hautbois, 2 Violons, Alto et Violoncelle;
tous sont originaux et publiés.
1 5 Quintetti pour 2 Violons, 2 Altos et Violoncelle ; 1 2 sont originaux
et inédits ; 3 sont tirés et arrangés des Quintetti de
Piano.
113 Quintetti pour 2 Violons, Alto et 2 Violoncelles ; tous sont origi-
naux ; 93 ont été publiés, 20 sont restés inédits.
1 6 Sextuors originaux, dont 2 inédits.
2 Octuors originaux, inédits.
1 Sérénade ouvrage supposé.
1 Suite de Menuets à srand orchestre ; ouvrage original, inédit.
13
- 184 -
21 Symphonies ; toutes sont originales, hormis une ; 1 1 sont restées inédites.
8 Symphonies concertantes, y compris le Concerto, op. 8 ; toutes sont
originales et ont été publiées.
1 Concerto pour Flûte, supposé.
5 Concertos .... pour le Violoncelle ; un seul paraît original.
MUSIQUE DE PIANO
24 Sonates pour Piano et Violon ; 6 seulement sont originales, toutes
les autres ne sont que des arrangements.
15 Sonates ou Trios, pour Piano, Violon et Violoncelle ou Alto ; 6 sont
supposées ; les 9 autres sont tirées des Quintetti de
Boccherini et arrangées avec soin.
12 Quintetti pour Piano, 2 Violons, Alto et Violoncelle; originaux.
Ils ont été arrangés par Boccherini lui-même pour
2 Violons, 2 Altos et Violoncelle, mais ils n'ont pas
été publiés.
MUSIQUE DE GUITARE
9 Quintetti pour Guitare, 2 Violons, Alto et Basse, arrangés par
Boccherini lui-même ; tous inédits.
1 Symphonie concertante, également arrangée par Boccherini, et inédite.
MUSIQUE VOCALE
Stabat Mater, à trois voix, avec accompagnement de 2 violons. Alto,
Violoncelle et Contre-Basse ; publié.
Messa a quatro, con tutti instrumenti ohligati ; inédite.
Cantata al santo natale de N.-S. Jesu Christo, a 4 voci obligati,
coro e instrumenti ; inédite.
Villancicos, a 4 voci e toda orchestra ; inédit.
Opéra a Melodrama, La Clementina ; inédit.
14 Morceaux de concert. Airs, Duos, Scènes, avec accompagnement d'or-
chestre ; tous inédits.
- 185 -
Il résulte du résumé ci-dessus, purgé des ouvrages tant
apocryphes qu'arrangés, que les œuvres originales de Bocche-
rini, non compris la partie vocale vraisemblablement incom-
plète, s'élèvent à 366 morceaux divers, qui se décomposent
comme suit :
6 Sonates pour Piano et Violon »
6 d° pour Violon et Basse »
6 Duos pour 2 Violons »
42 Trios pour 2 Violons et Violoncelle, dont 2 inédits.
12 d^ pour Violon, Alto et Violoncelle »
91 Quartetti pour 2 Violons, Alto et Violoncelle, dont 24 inédits,
18 Quintetti pour Flûte ou Hautbois, 2 Violons, Alto et
Violoncelle id .
12 d° pour Piano, 2 Violons, Alto et Violoncelle id.
113 d° pour 2 Violons, Alto et 2 Violoncelles, dont. ... 20 inédits.
12 d° . . • . . pour 2 Violons,2 Altos et Violoncelle, dont. 1 1 id.
16 Sextetti pour divers instruments, dont 2 id.
2 Octuors — 2 id.
1 Suite de Menuets à grand orchestre 1 id .
20 Symphonies, dont 11 id.
8 Symphonies concertantes id.
1 Concerto de Violoncelle id .
366 Compositions instrumentales diverses, dont 74 inédites.
APPENDICE
TRADUCTION DES LETTRES (1)
Au Marquis LucCHESINI, Chambellan, à Postdam.
Le départ du Ministre von Hoym (lequel est accompagné
du Conseiller Mustau, un digne gentleman) me fait perdre
Tespoir de revoir jamais le grand Roi. J'avais espéré courir
une grande chance qui m*eût permis de revoir cette province ;
le rappel du Ministre m'a fait perdre la partie.
C'est pour moi une véritable consolation d'apprendre
que l'état intéressant de Madame la Marquise progresse
heureusement. Puisse-t-elle vous donner des descendants
qui vous ressemblent ! Lenisque Ilithya tuere matrem ! Je
me représente avec une pleine et sincère satisfaction la ma-
nière dont vous manifesterez les droits sacrés du père,
qu'elle vous confie. Depuis plusieurs mois, je ne vois plus la
(1) Cette lettre figure dans le recueil publié par La Mara, vol. I, p. 270,
Musikerbriefe.
- 188 -
signora Zanetta. Elle est restée longtemps à la campagne, et,
au moment de son retour, je me suis trouvé confiné dans ma
chambre par suite de fréquents crachements de sang et
plus encore, par suite de forte enflure des pieds qui s'ac-
compagnaient d'une disparition à peu près complète de mes
forces.
Je n'ose pas vous importuner des questions que je désirerais
vous poser ; mais je ne puis m'empêcher de vous dire que j'ai
lu dans mon journal de Berlin que Potemkin avait rassemblé
1 7 Régiments de sa division qui étaient dispersés et qu'il
s'est proclamé souverain de la Crimée et de ses dépendances.
N. B. — Le tranquille et paisible Peppino (Joseph II)
le sait. Aussi incroyable que m'apparaisse cette nouvelle,
aussi agréable elle serait pour moi, si elle était vraie ; car elle
convaincrait les deux dames de Tsarskoie-Selo de la fidélité
de leurs chers alliés.
Que dites-vous de Birster et de Nicolai ? Quelle mansuétude
respire dans leurs écrits ? Que Dieu nous préserve, nous
catholiques, de ce genre de patriotes et d'amis de l'huma-
nité !
Mes plus humbles compliments à la Marquise aux ordres de
laquelle je suis.
Adieu, aimez votre
LUIGI BOCCHERINI.
Breslau, le 30 juillet 1787,
P.-S. — Je suis ravi de M. le Comte Munarrini.
- 189 -
II
A Monsieur Ignace Pleyel,
Rue Neuve des Petits-Champs, n° 29,
Entre les rues Chabanais et Sainte- Anne, à Paris.
Madril le 30 Avril 1798.
Très estimé Monsieur et ami,
Il me semble que le contenu de ma dernière lettre ne
méritait point d'être ainsi négligé : en présence donc de votre
si long silence, je prends le parti de vous adresser la présente
par une troisième main, pour être sûr de savoir en son temps
qu'elle fût consignée dans la vôtre.
Je vous prie de considérer qu'il s'est déjà écoulé plus de
1 6 mois depuis que vous avez en votre possession la première
remise de 58 morceaux de musique, et que votre obligation
la plus sacrée vis-à-vis de moi était de me les retourner dès
qu'ils auraient été copiés ; que, jusqu'à cette heure, je vous
les ai vainement réclamés ; que la privation que j'en ai
(par votre seule faute), m'a causé et cause beaucoup de
préjudice à mes intérêts, et finalement que je ne demande
qu'une seule chose : que vous me rendiez justice.
Considérez encore que, passé le temps nécessaire pour
recevoir réponse à cette lettre, je me verrai obligé et forcé,
contre ma volonté, de prendre toutes les mesures et faire
tous recours que je jugerai opportun, afin d'obtenir mes
manuscrits ; et si les conséquences vous sont désagréables,
ce ne sera pas ma faute, mais bien seulement la vôtre, parce
- 190 -
que vous me donnez un juste motif de recourir à cette
extrémité, laquelle j'ai voulu éviter jusqu'ici pour le motif
de courtoisie et pour l'estime et la considération que vous
méritez par ailleurs. Pour ce qui est de la seconde remise des
110 autres morceaux, j'attendrai jusqu'à la fin de l'année
courante, délai qui me paraît plus que suffisant pour en
faire une copie, puisque depuis environ 8 mois, ils se trouvent
en votre possession. Après vous avoir averti déjà trois ou
quatre fois, considérez donc bien que je ne puis vous donner
preuve plus claire de la considération et amitié que je vous
conserve et avec lesquelles je suis
Votre très dévoué Serviteur et Ami (1),
LUIGI BOCCHERINI.
III
A Monsieur Ignace Pleyel, auteur.
Rue Neuve des Petits-Champs, n° 24,
entre les rues Chabanais et Sainte- Anne, à Paris.
MaJnV/, 18 Mars 1799,
Mon très cher ami.
Votre chère lettre datée du 2 du mois courant, est arrivée
à temps pour empêcher que mes deux œuvres en question
(1) Cette lettre fait partie des archives de la Maison Pleyel. Celle-ci
possède une série fort intéressante de lettres de Boccherlni dont l'obligeanee
de M. Marc Pincherle nous a permis de prendre connaissance.
- 191 -
soient allées à Londres ; votre silence me faisait croire que
votre mauvaise humeur durait encore à mon égard : mais
ayant constaté, avec un inexprimable plaisir, tout le contraire
dans votre lettre précitée, j*ai renoncé à quelque petit avan-
tage matériel que l'on me promettait en plus, pour conserver
(ainsi que je l'ai fait fidèlement par le passé), la préférence
à mon cher Pleyel. Les deux œuvres en question sont donc
pour vous. Je vous ai écrit quelquefois, dans les temps
passés, que je me trouvais sollicité par de nombreux agents
de quelques éditeurs de Paris : tel M. L'Ohest représentant
le Duc, M. Maus pour la veuve de Vogt, M. Sandos pour
Naderman, pour ce dernier encore, il Signor Pignatelli, et
bien d'autres, etc. A tous ceux-ci ma réponse a toujours été
qu'avant de savoir les dernières décisions de Pleyel et de
recevoir ses lettres, ma parole lui était donnée, et à cette parole
je n'ai jamais manqué. Et quand ils en viennent à se disputer
à ce sujet, mettez-les au défi de vous montrer une lettre de
moi : non seulement ils ne pourront la produire, mais pas
même une seule ligne de ma main. Je ne me suis jamais
offert et ne m'offrirai à personne. Que ce soit là une
preuve convaincante de la parole que je vous ai toujours
gardée et que je vous garderai jusqu'à ce que vous veniez
à en manquer vis-à-vis de moi, ce dont je vous crois incapable.
La seconde preuve, c'est que lesdites œuvres se trouvent
encore en ma possession : ne soyez donc pas si crédule et
prenez-vous-en moins à celui qui a de l'estime pour vous et
qui est incapable de manquer de parole à qui que ce soit,
tel est Boccherini. Disposez donc selon votre bon plaisir
de la lettre de change de 100 doublons, au sujet des deux
œuvres ; et, ainsi que vous avez convenu pour le prix, j'espère
- 192 -
que vous aurez accepté toutes les autres conditions contenues
dans ma lettre du 24 décembre 1 798 qui, pour être honnêtes,
vous conviendront, je crois, mais je serais heureux que vous
les discutiez afin de pouvoir vivre en sécurité, afin que les
discordes qui se sont produites entre nous par le passé, et
dont vous savez que d'autres voudraient profiter, ne puissent
renaître. Voici près de 40 ans que je suis compositeur, et je
ne serais pas Boccherini si j'avais écrit comme vous me le
conseillez, et vous non plus ne seriez pas Pleyel, et le Pleyel
que vous êtes : j'en veux pour preuve votre œuvre de Quatuors
dédiée au Roi de Naples, que j'écoute toujours avec beaucoup
de plaisir, de même que plusieurs autres œuvres de vous,
vraiment magistrales et superbes. Vous ne pouvez dans celles-
ci suivre votre conseil, c'est-à-dire la facilité, et la brièveté ;
en pareil cas, adieu modulation, et travail des thèmes donnés,
etc., etc.
En peu de mots, on ne peut dire et méditer que peu.
D'autre part, je me fais une raison, et me rends compte que
les pauvres dilettanti ne peuvent que rarement réussir dans
les morceaux travaillés, par suite de la difficulté des mouve-
ments, de Tintonation, et pour d'autres motifs ; c'est pour-
quoi je vous promets de vous satisfaire aussi à ce point de
vue, d'autant plus que la spéculation commerciale l'exige
encore. Mais, ne voulant pas perdre la réputation qui est
mienne, et ce renom qui m'a coûté tant de peine à acquérir
dans le Monde, restons donc d'accord sur ce point ; dans
l'œuvre des quatuors et dans toutes les autres que j'écrirai,
deux seront selon mon style et ma manière, et quatre selon
votre désir : mais considérez qu'il n'y a rien de pire que de
lier les mains à un pauvre auteur, c'est-à-dire de tracer
- 193 —
une limite à sa pensée et à son imagination en l'assujettis-
sant a des préceptes ; je crois qu'il en sera de même pour
vous, mais je vous répète qu'en toutes choses je désire vous
contenter. Actuellement, je suis de nouveau très occupé
et je ne serai libre qu'au début de juillet prochain ; je com-
mencerai alors l'œuvre de Quatuors, que j'espère terminer
avant la fin de l'année courante. (Ici, un grand espace libre
avant la formule de salutation).
Je vous souhaite tous les biens, et notamment le rétablis-
ment de la santé de vos chers Fils. Aimez-moi comme je
vous aime et croyez que je suis de tout cœur
Votre très affectionné ami et serviteur,
LUIGI BOCCHERINI (1).
IV
Au Citoyen M. J. Chenier,
Représentant du Peuple.
MadrilS Juillet m9 (2).
Citoyen Représentant,
Il y a longtemps que je suis informé par M. de Sandoz de
la bonté que vous avez pour moi, et pour mes productions
(1) L'autographe de cette lettre appartient à la Bibliothèque du Conser-
vatoire.
(2) Isographie des hommes célèbres. Vol. I, 1828-30. Cette lettre provient de
la Collection de M. Bérard.
- 194 -
harmoniques, Citoyen-Représentant ; c'est pour cela que
vous ne vous étonnerez pas que j'ose vous écrire la présente
lettre, et pour le motif suivant.
Je viens de remettre à l'ambassadeur de la République une
œuvre (1) que j'ai écrite et dédiée à la Nation Française,
en témoignage de la vive reconnaissance et gratitude que
j'éprouve à l'égard de cette grande nation, qui, plus que
toute autre, a senti, honoré et aussi exalté mes pauvres
compositions jusqu'à les qualifier de « célestes », ainsi qu'il
est dit dans le journal La Décade, n^ 36. J'en ai facilité l'étude
à tous ceux qui peuvent en jouir ; ces compositions m'ont
coûté près de 5 mois de labeur et d'étude : si j'ai fait quelque
chose de bon, je l'ignore ; je sais bien que la musique est
faite pour parler au cœur de l'homme ; et c'est ce à quoi je
m'efforce de parvenir, si je le puis : la musique privée de
sentiment et de passions est insignifiante ; d'où il résulte que
le compositeur n'obtient rien sans les exécutants.
Votre très humble Serviteur,
LUIGI BOCCHERINI.
(1) II s'agit de l'op. 57 de l'auteur écrit en 1799 : Six Quintettes pour le
Piano-Forte, avec accompagnements obligés et concertants de 2 violons, Alto
et Violoncelle. Cette œuvre a paru à Paris chez l'éditeur Nouzou et fut dédiée
par celui-ci à la Duchesse de Berry.
~ 195 -
A Monsieur SiÉber, père.
Editeur de musique,
rue Honoré, n° 85,
à Paris.
Madrid, le 24 Août m].
Très estimé Monsieur,
Ce n'est que le 19 courant que me fut remise, par une
personne inconnue, une lettre de vous sans date ; mais cette
lettre me fait comprendre que vous m'avez encore écrit à
la date du 3 mars dernier ; cependant je vous affirme sur
mon honneur que, depuis votre dernière lettre du 1 1 septem-
bre, je n'ai plus rien su de vous, et, par conséquent, il y a
presqu'un an que je suis privé de vos lettres et cela jusqu'au
moment où m'est parvenue celle à laquelle je réponds main-
tenant. Je n'ai rien su de Walteman (1) et des mille lires que
celui-ci devait me faire tenir au début de cette année (cela
résultait de la lettre que vous m'avez envoyée ouverte, de sa
part) n'ont pas été payées ; non plus que les 600 livres pour
le Stahat Mater, de manière que, par suite de ce silence et
inaction, j'ai eu quelque dommage à subir, j'ai dû suspendre
le travail que j'exécutais pour vous, et prendre des engage-
ments dans ce pays-ci, la situation de ma maison l'exigeant
ainsi.
(I) Naderman, l'éditeur ?
- 196 -
J'ai reçu, non sans de désagréables contestations, les mille
lires pour les quatuors que vous connaissez, et de tout ceci
j'ai eu le plaisir de vous avertir dans mes lettres du 8 octobre
et du 20 novembre de l'an passé : à la date du premier décem-
bre, je vous ai écrit encore en vous remettant l'acte de cession
de cette œuvre, lequel demeure enregistré ici en cette Ambas-
sade de France, selon l'usage. Enfin, je vous ai écrit de nou-
veau le 5 février de cette année, et je n'ai reçu aucune réponse
à ces différentes lettres, ce qui me cause beaucoup d'étonne-
ment, étant sûr et certain qu'au moins deux de celles-ci
ont été remises entre vos mains ; M. Ferino de Paris l'a écrit
à son correspondant, mon ami, M. Vincent Salucci à Madrid.
Quoi qu'il en soit, je ne suis nullement coupable du retard
qui en est résulté : l'œuvre des Quatuors est ici en ma possession
avec le Stabat Mater : je les remettrai à la personne qui sera
chargée de me payer les 600 lires pour cette dernière œuvre,
étant donné que, je le répète, la première m'a été soldée.
J'en viens maintenant à vous indiquer le moyen le plus
rapide pour le paiement et l'expédition des œuvres, qui par-
viendront aussitôt entre vos mains ; et il se réduit simplement
à ce que vous donniez des ordres à M. Ferino de Paris de
faire payer ici à M. Vincent Salucci les sommes nécessaires,
avec l'ordre de Ferino de recevoir de moi les œuvres et de les
expédier à Paris, et vous serez aussitôt servi. Pour ce qui est
de l'avenir, dès que j'aurai terminé les travaux commandés
dans ce Pays-ci, et étant donné que j'ai pris l'engagement
d'écrire pour l'ambassadeur de France, et que je ne sais
quel genre d'œuvre de moi il désire, — je vous aviserai...
(ici une lacune, le papier étant déchiré) ; tant (?) que j'aurai
vie et santé, je tiendrai la parole que je vous ai donnée, ne
- 197 -
pouvant le faire maintenant, par suite de l'incident qui m*a
privé de vos lettres pendant presqu'un an. Je me réjouis que
celui-ci n'ait pas eu pour cause quelque dommage subi
par votre santé : répondez-moi aussitôt, par la poste, à mon
adresse, et croyez que je suis plein de respect et de considé-
ration pour vous.
Votre très obligé et reconnaissant serviteur,
LUIGI BOCCHERINI.
Calle de la Madera alta n° 18. Premier étage à Madrid (I).
Acte de décès de Boccherini
Paroisse S. Justo de Madrid.
Registre de 1804 à 1813, folio 86^
M. Louis Boccherini, originaire de la ville de Lucques,
chef-lieu d'un archevêché en Toscane, voisin de cette Cour,
veuf en premières noces de M™^ Clementina Pelicho, et
en secondes noces de M°^^ M* (Maria) del Pilar Joaquina
Forreti, décéda le vingt-huit mai mil huit cent-cinq, rue
Jesus-Maria, maison n° cinq. Il reçut les Saints Sacrements,
testa le six septembre mil sept cent quatre vingt-dix-neuf par
devant Antonio Martinez Llorent, notaire de S. M. Il laissa
pour le salut de son âme cinquante messes avec une aumône
de quatre réaux. Il nomma pour exécuteurs testamentaires sa
défunte femme M°^^ MMel Pilar Joaquina Forreti, Messieurs
(1) L'autographe de cette lettre appartient à la Bibliothèque du Conserva-
toire.
- 198 -
Louis-Marc et Joseph-Mariano Boccherini, ses fils ; et pour
héritiers les dits Louis, Joseph, et Marie Thérèse, Marianne
et Isabelle Boccherini y Pelicho, ses enfants, issus du mariage
avec ladite Clementina Pelicho. Il fut enseveli dans cette
Paroisse de S. Justo et donna à sa fabrique trente-trois réaux.
Signé :
Dom° Herrera.
Annonce du décès de Boccherini dans le Journal de Paris
an 13 (1805), p. 2034:
« M. Boccherini, célèbre violoncelle (sic), vient de mourir
à Madrid dans sa 70^ année. Ses derniers ouvrages, au nombre
de cinquante quatuors, quintetti ou Sextuors, sont entre
les mains de M. le Comte de Bénévent, son protecteur. »
(8 Juillet 1805).
Boccherini n'était, en réalité, âgé que de 62 ans, car il
naquit à Lucques le 19 Février 1743,
ŒUVRES RETROUVÉES
POUR LES INSTRUMENTS
Concerto en ré pour violoncelle (ace. 2 viol. ; 2 flûtes, Alto et Basse). Berlin
Ms. 2002.
Concerto en mi bémol pour violoncelle (Part, autogr.) Milan Conservatoire
(Archivio Noseda, n° 1188.)
Concerto per il Clavicembalo (mi bémol). (Quatuor, 2 hautb. 2 Cors). Dresd.
Mus.
Concerto en ré pour violon (dédié à Filippo Manfredi), réédité par M. Dushkin.
Sonate pour alto et basse (Milan. Conserv.) Archivio Noseda, n° 1204.
Deux Duos pour deux violons Id. Id.
Sinfonia in re Id. Id.
20 Sonates pour violoncelle et basse (Id. Id.)
11 Quintettes (avec deux altos) op. 60 et 62 (dédiés à Lucien Bonaparte),
(Le n» 4 de l'op. 60 fait défaut). Paris. Bibl. de l'Opéra.
Ballet espagnol (1774). Partition et parties Ms. Darmstadt.
Concerto per il Piano forte (ut majeur). Transcription d'un Concerto de vio-
loncelle. Berlin, ms. 19.
Deux Menuets (orchestre). Mus. F. 1389. Modène Bib. Estense.
ŒUVRES VOCALES
Credo à 4 voix avec orchestre. Bibl. de Parme.
4 Motets et fragments de messe. Einsiedeln.
Dans Latrobe, 4 chants religieux.
La Confederazione dei Sabini con Roma. Cantate (1765) : V. Rivista
Italiana fasc. 2. 1929.
La Clementina, opéra en deux actes (1786). Berlin autogr. Ms. 2000.
1 1 Aria Accademiche et un Duetto (1792). Bibl. de l'Opéra.
Aria : Mi dona mi renda quell'alma. Bibl. de Parme.
14
-200 -
ÉDITIONS MODERNES
Editions Peters : 1 vol. de Quatuors.
1 de Quintettes.
LiTOLFF : Trios à cordes op. 38.
Duos pour deux violons.
RiCORDI : Partitions Revision Polo : Quatuors op. 6, 2 vol.
Id. op. 1. 10, 27. 33. 2 vol.
RiCORDI : Partitions (Format Vade-Mecum). Florence. Guidi.
Quintetto op. 37 n° 1 (do mineur),
op. 37 T)P 2 (ré),
op. 47 (la mineur),
op. 47 (mi bémol),
op. 1 3 (mi majeur).
Quartetto op. 1 n° 1 (ut mineur).
Quintettino (Musica notturna di Madrid). 1780. Chr. Bachmann.
Hanovre, 1922.
Legouix (0.). Six quintettes op. 46 pour piano, deux violons, alto et violoncelle
(en parties).
Nagel (A.) Deux terzetti inédits (op. 54) composés en 1796.Musik. Archiv.
Hanovre (1929).
Quintettes avec guitare. V. Die Gitarre, Leipzig. Cahiers 20 et 21.
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Bouvet (Ch.). Inventaire des Manusc ils autographes de Boccherini appartenant
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Novembre 1929.
- 201 —
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GerVASONI (Carlo). — Varie Notizie Storico-musicali.
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Malfatti (G.). — Luigi Boccherini (Lucca, 1905).
Mazzarosa (le Marquis Antoine). — Œuvres.
Mendelssohn-Bartholdy (¥.).— Reisebriefe aus den Jahren, 1830-32 (Leipzig,
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Mess. — Rîtratto Slorico délia Musica.
Meysel. — Handbuch der musikalischen Literatur, Leipzig, 1817.
Moser (Andréas). — Geschichte des Violinspiels.
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PUCCINI (Prof. Michèle). — Cenni Storici délia Musica in Lucca (1863).
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Sondheimer (R.). — Théorie der Sinfonie. Leipzig, Breitkopf, 1925.
Spohr (Louis). — Autobiographie.
Thouret (G.). Catalogue de la Bibliothèque musicale privée de l'empereur, (1895),
Berlin.
ToRCHi (Luigi). — La musica istrumentale in Italia. Turin, Bocca, 1901.
202
PÉRIODIQUES
Allgemeine Mùsik Zeitung, 1798-1805.
Annonces, affiches et avis divers (1797).
L'Art ancien et l'art moderne (1851), art. de Scudo sur L. Picquot.
L'Art musical (18 février 1864), Scudo d'après Fétis.
La Décade philosophique. An VI (1797).
L'Esprit des journaux (1775).
Journal de Paris ( 1 78 1 ).
Journal des Savants, An V.
Le Ménestrel i\S75). Etude de Maurice Cristal.
Mercure de France (1767-1786).
Gazetta di Milano, 1852, 1856, 1892, 1901, 1905 (pour la commémoration de
Boccherini).
La Réforme musicale (1870).
Revue et Gazette musicale (1851).
Revue musicale (Fétis), (1829). Tome 5, p. 536.
Revue de Paris (m5).
Rivista Italiana (1920), fasc. 4. Art. de Sondheimer.
Berliner Monatschrift (art. de Reichardt).
Z. I. M. G. 1 904-5. (Revue de la Société Internationale de musique) : Ein italienisch-
spanischer Meister der Kammermusik (V. N. M. Z. 26, 1 7).
Zeitschrift fur Mùsikwissenschaft, mars-mai 1928 (Art. de E. v. Zchinsky-
Troxler).
- 203 —
ADDENDA
Page 152. Quintette n° 3 : au lieu de Cantabile, lire Andantino Lentarello.
Page 160. (au haut de la page) le tempo de la Sinfonia (1788) est Allegro vivo
assai.
Page 161. Le 1®' Quartettino (en la) porte, en titre, Allegro moderato.
Id. Le 2® Id (en ut) s'intitule : Andante.
Id. Le Quintettino (en si mineur) : Andante affettuoso.
Id. L'Ottetto (en mi bémol) : Andante lento.
Page 162. Le 1^"^ quintette (en ré) : Allegro moderato. Il est à remarquer que le
second accord doit être rectifié comme suit : la do ^'mi.
Id. Le 1®' quartetto (en la) : Allegretto moderato.
Id. Le 2® Id. (Id). Allegretto con moto.
Id. Le 1^^ Quintettino (en mi bémol) : Andante affettuoso.
Page 163, Le 1^*" Quartettino (en si bémol) : Maestoso assai.
Page 1 65. Le Quintettino n° 3 (en si bémol) : Allegretto moderato.
Id. Le Quintettino n9 6 (en si bémol) : Andantino lento.
Page 169. Le premier Quintette (en ut) : Allegro vivace.
Le deuxième (en si bémol) : Andante con moto.
Le cinquième (en sol) : Allegro con moto.
Page 1 70. Le Quintette n^ 2 (en mi bémol) : Andante con un poco di moto.
Le n** 3 (en fa) : Andantino amoroso.
Le n° 6 (en mi) : Allegro vivo assai.
Date Due
1
Library Bureau Cat. No. 1137
WELLESLEY COLLEGE LIBRARY
3 5002 03072 5787
ML 410 . B66 P4
Picquot^ Louis.
No-tice sur la vie et les
ouvrages de Luigi
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