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NOTRE FRANCE
D'EXTRÊME-ORIENT
Copyright by Perrin et C'», 1912.
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DU MEME AUTEUR
Ma première Croisière, i vol. Pion {Épuisé).
La ville au Bois dormant, i vol. Pion.
En Indo-Chine. Mes chasses, mes voyages, i vol. Lafilte.
JOLI TYPE DE FEMME ANNAMITE
DUC DE MONTPENSIER
-^'
NOTRE FRANCE
D'EXTRÊME-ORIENT
PREFACE
M. LE MYRE DE VILERS
Ouvrage orné de 18 gravures
d'après les photographies de l'auteur
PARIS ^ N^
LIBRAIRIE ACADÉMIQUE
PERRIN ET 0\ LIBRAIRES-ÉDITEURS
35, QUAI DES GRA.NDS-AUGUSTINS, 35
I 9 I 3
Tous droits do reproduction et de traduction réservés pour tous pajs.
X
PREFACE
Soldat dans Tâme, passionné d'aventures, M^"" le
duc de Montpensier aurait désiré entrer dans Farmée
où ses ancêtres ont laissé tant de glorieux souvenirs.
La politique ne le lui permit pas.
Le prince voulut, cependant, servir son pays et,
s'inspirant de Texemple de son cousin Henri d'Orléans,
résolut de participer à notre expansion coloniale en
faisant mieux connaître la plus belle de nos possessions
d'outre-mer. A. cet effet, M^"" le duc de Montpensier
entreprit une grande exploration en Indo-Chine et
débarqua à Saigon le 22 janvier 1907.
Convenablement outillé, il visita de nombreuses
régions jusque-là ignorées, et, grâce au concours d'un
habile collaborateur, prit de nombreux fdms cinémato-
graphiques qui lui permirent de saisir sur le vif les
indigènes dans les différentes manifestations de leurs
travaux, de leurs fêtes, de leur existence familiale. Ses
vues des villages mois fournissent à l'ethnographie des
documents inédits du plus haut intérêt.
II PREFACE
Pendant cinq années il visita la Cochinchine, le Cam-
bodge, le Laos, l'Annam, recueillant près des colons,
des fonctionnaires, des notables indigènes des renseigne-
ments sur les mœurs, les coutumes, l'organisation
sociale des habitants, sur l'agriculture et l'industrie. Sa
bonne humeur constante lui ouvrait toutes les portes et
provoquait la confiance.
Tenant à se rendre compte de la vie matérielle et
morale du colon, il se fit planteur de caoutchouc, don-
nant ainsi un puissant encouragement à cette nouvelle
industrie qui doit doubler la prospérité de la Cochinchine
en la soustrayant aux dangers de la monoculture rizi-
cole. S'associant aux plaisirs de ses compatriotes, il
fonda des prix pour les courses, offrit un aéroplane,
ouvrit un club aéronautique, et, comme dernière marque
de son attachement à la colonie, fit construire un châ-
teau à Phan-thiet, sa principale résidence.
Au bout de cinq années de séjour, le prince quitta la
colonie, emportant l'estime et l'affection de ceux
qui l'ont connu, muni d'abondantes documentations
qu'aucun autre explorateur n'aurait pu se procurer.
Malgré les fatigues de cette laborieuse campagne,
sa santé n'a pas été éprouvée par le climat ; dès son
retour il se mit au travail et prépara la publication de
deux importants ouvrages. Dans le premier, portant
pour titre En Indo-Chine, le duc de Montpensier
raconte ses voyages et ses chasses ; dans le second,
PREFACE III
d'ordre économique et scientifique, il fait connaître
rindo-Chine telle qu'il l'a vue et comprise, en évitant
soigneusement, comme la prudence le lui commandait,
toule immixtion dans la politique locale. Les personnes
qui ont habité la colonie approuveront certainement cette
réserve ; elles savent que souvent les critiques dépassent
la mesure, qu'on y distribue l'éloge ou le blâme selon
les impressions de l'heure.
Cependant, si l'on tient compte des difficultés
presque insurmontables que nous rencontrâmes au début
de la conquête dans un pays d'une civilisation très
avancée dont nous ignorions la langue et même l'écri-
ture, il est de toute équité de reconnaître que l'œuvre de
la France en Asie a été considérable et fait honneur au
génie de notre race.
M^'"" le duc de Montpensier a donc complètement
atteint le but qu'il se proposait. En entreprenant son
exploration et en publiant La France d Extréme-Orienl,
il a fidèlement servi le pays.
Le Myre de \ilers
NOTRE FRANCE
D'EXTRÊME-ORIENT
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Premières relations de la France et de TEmpire d'Annam. — Gia-
Long et Ms^ de Behaine.
Expédition de Cochinchine (i8j8). La Cochinchine colonie fran-
çaise (1867). Protectorat du Cambodge (1867).
Mission Doudart de Lagrée et Francis Garnier (1866-1868) et la
politique française en Annam et au Tonkin, — Le traité du
i5 mars 1874.
Expédition du commandant Rivière au Tonkin (1882). — Opéra-
tions de l'amiral Courbet. — Occupation du Delta. — Traité
du -20 août 1882 et du 5 juin 1884. — L'affaire de Lang-Son.
— Paix avec la Chine.
Occupation du Laos. — Acquisition du territoire de Quang-
Tcheou-Wan (1900).
Réunion au Cambodge des territoires de Battambang, Sisophon et
Siemreap (1907).
Première organisation administrative. — Le gouvernement des
amiraux en Cochinchine. — Les gouverneurs civils.
L'oeuvre de pacification au Tonkin. — La mission de Paul Bert.
2 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Le Gouvernement général de l'Indo-Chine et les premiers Gou-
verneurs généraux.
Les débuts de Toccupation française en Indo-
Chine remontent à 1809.
Jusqu'à cette date, les relations de la France avec
Tempire d'Annam n'avaient eu aucun caractère
permanent d'occupation, et n'avaient été marquées
d'aucune intention colonisatrice. Au xyii'' siècle,
des missionnaires s'étaient installés dans le pays
pour Y convertir les indigènes au christianisme, et
l'un d'eux, Alexandre de Rhodes, venu au Tonkin
vers 1627, y fit même un long séjour.
Plus tard, des commerçants envoyés par la Com-
pagnie des Indes Orientales cherchèrent à nouer
des relations en Indo-Chine et en Chine. L'un
d'eux. Poivre, avait même reçu en 1 748 du Ministre
de la Marine, Maurepas, une mission commer-
ciale.
Poivre était entré en relations avec la cour de
Hué, et avait obtenu l'autorisation de fonder un
comptoir dans la baie de Tourane à Faï-fo. Mal-
heureusement la décadence et la suppression de
la Compagnie des Indes ne permit pas à la France
de tirer parti des négociations de Poi\Te, et pen-
dant les années qui suivirent, les missionnaires
HISTORIQUE 3
soûls perpétuèrent dans ces régions le nom de
notre pays.
A la fin du xviii" siècle, la France fut amenée
cependant à intervenir dans les affaires d'Annam
d'une manière plus active.
L'empire d' Annam était alors en proie à de pro-
fondes dissensions.
Les partisans des Lé disputaient le pouvoir aux
partisans du Nguyên et finalement les Nguyên
battus avaient dû se réfugier à la cour du roi de
Siam.
C'est là que Nguyên- Anh, plus connu dans la
suite sous le nom de Gia-Long, rencontra lévêque
d'Adran, W Pigneau de Behaine. Celui-ci était
depuis quinze ans vicaire apostolique en Cocliin-
chine ; il dissuada Gia-Long de recourir à la pro-
tection des Hollandais de Batavia et des Anglais
du Bengale, et lui vantant la puissance de la France
rincita à demander son appui.
L'évêque d'Adran espérait ainsi à la fois res-
taurer Gia-Long sur le trône d'Annam, et, en assu-
rant la domination française en Indo-Chine, con-
vertir le pays au catholicisme.
Gia-Long se laissa aisément persuader, et le
28 novembre 1787 un traité d'alliance offensive
4 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
et défensive fut signé à Versailles avec le roi
Louis XVI.
Le roi de France promettait à l'empereur Gia-
Long une escadi-e de 20 bâtiments de guerre,
7 régiments, des armes, des munitions et
5oo.ooo piastres en espèces. En retour, le souve-
rain de l'Annam cédait à la France, en toute sou-
veraineté, la ville et la baie de Tourane, etFarchipel
de Poulo-Condore ; il accordait aux consuls fran-
çais la faveur de résider dans tous les ports de la
Cochinchine ; toutes les opinions religieuses
devaient être libres dans les territoires cédés, des
taxes seraient perçues par les Français, suivant les
usages du pays, et le roi ne réclamait aucune part
sur les taxes.
Enfin si la guerre recommençait dans llnde,
Gia-Long promettait un secours de i4 000 soldats,
et s'engageait à lever une armée de 60.000 hommes
pour y défendre nos établissements, si les opéra-
tions s'étendaient à la Cochinchine.
Bien que de misérables querelles personnelles
aient à ce moment contrecarré Faction pourtant si
clairvoyante de M'*^ de Behaine, et gêné lapplica-
tion intégrale du traité, celui-ci n'en marque pas
moins une date importante dans l'histoire de nos
HISTORIQUE 5
relations avec rExtrême-Orient, car le texte allait
servir de base à toute notre politique ultérieure
dans ces régions lointaines.
Gia-Long, grâce à Tappui des Français, put
réunir une armée, l'organiser et la discipliner. Une
flotte fut construite et Gia-Long fut rétabli sur son
trône. Hué, Saigon, Mytho furent fortifiées sur le
modèle des forteresses de Vauban, et en 1812 la
puissance de Gia-Long devint telle qu'il put recon-
quérir le Tonkin, se faire connaître en Chine et
vivre en paix jusqu'à sa mort en 1820.
Gia-Long n'oublia pas les services que notre
pays et en particulier M'"" de Behaine lui avaient
rendus : le mausolée superbe qu'il lui fit élever en
témoigne encore de nos jours.
Ses successeurs devaient montrer à Fégard de
notre pays de tous autres sentiments. Son fils,
Minh-Mang, puis Thieû-Tri, et finalement Tu-Duc,
tous trois fanatiques et cruels, persécutèrent, en
effet, les Français établis en Cochinchine, et
particulièrement nos missionnaires.
Bien qu'à ce moment Fopinion fût généralement
assez peu portée vers des entreprises lointaines, le
gouvernement ne pouvait impunément laisser
massacrer nos nationaux. En 1841, i843, des
b >'OTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
vaisseaux de guerre français apparurent sur les
côtes d'Annam.
En 1847, Thieû-Tri, sommé de respecter les
traités par les amiraux Lapierre et Rigault de
Genouilly, leur répondit qu'il n'obéirait pas. On
le vit même essayer traîtreusement de surprendre
nos vaisseaux dans la baie de Tourane. Une action
énergique devenait nécessaire. Une bataille sen-
gagea, au cours de laquelle la flotte annamite fut
détruite.
La leçon ne devait malheureusement pas porter.
Tandis que l'escadre française s'éloignait, Thieû-
Tri mourait, léguant à son fils et successeur Tu-
Duc sa haine contre les Français et son fanatisme.
De nouvelles atrocités ne tardèrent pas à être
commises.
En 1 856, M. de Montigny chargé de se rendre
à la cour de Hué pour présenter à Tu-Duc les
réclamations de lEmpereur jXapoléon III ne fut
même pas reçu, et dut se retirer devant la risée des
mandarins. Tu-Duc nous bravait ouvertement.
Une nouvelle intervention s'imposait, sous peine
de voir le prestige français détruit dans tout TEx-
trême-Orient. La France etFEspagne se décidèrent
en commun à entreprendre une action énergique.
HISTORIQUE 7
L'arrivée de la flotte de ramiral Rigault de
Genouilly devant Tourane marque le point de
départ de notre installation en Indo-Chine.
Le i^'" septembre i858, Tourane est pris ; quel-
ques mois après, Saigon, 17 février 1839, tombe
entre nos mains.
Tu-Duc cependant organise la résistance, le
climat fait des ravages épouvantables parmi nos
troupes ; en quelques semaines notre situation
devient critique. Un instant on peut même croire
que cette campagne brillamment commencée va
avoir un piteux dénouement. La guerre venait
d'éclater en Italie entre la France et F Autriche, et
nous nous préparions à lutter contre la Chine.
L'amiral Page, qui avait succédé à l'amiral Rigault
de Genouilly, ne disposait que d'effectifs insigni-
fiants pour tenir tête à Nguyên-Tri-Phung, le meil-
reur général de Tu-Duc. Les opérations traînaient
en longueur.
Au mois de février 1 86 1 , la guerre de Chine
est heureusement finie ; l'amiral Charmes débarque
à Saigon et écrase à Ki-Hoa l'armée annamite.
Mytho et Bien-Hoa tombent peu après entre nos
mains.
Vaincu, menacé même par une insurrection for-
5 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
midable qui venait d'éclater au Tonkin, à Tinsti-
gation du prince de Lê-Phuong, Tu-Duc demande
la paix. Elle fut signée au Camp des Lettrés le
5 juin 1862. Tu-Duc cédait à la France les trois
provinces de Saïgon, Bien-Hoa et Mytho, et les
îles de Poulo-Condore, il ouvrait au commerce les
trois ports de Tourane, Balat et Quang-An, payait
à la France età lEspagne une indemnité de guerre
de 20 millions, accordait enfin aux missionnaires
et aux chrétiens indigènes la liberté du culte dans
tout lEmpire, s'engageait enfin à ne céder aucune
parcelle de son territoire « qu'avec le consente-
ment de r Empereur des Français » .
Tu-Duc avait également promis d'observer vis-
à-vis de la France une paix et une amitié com-
plètes.
Dès qu il fut débarrassé de son compétiteur
Lê-Phuong, Tu-Duc ne songea qu'à éluder ses
engagements. Excitant ses sujets contre nous, cher-
chant par tous les moyens à nous lasser de
notre nouvelle conquête, Tu-Duc rendit bientôt
une deuxième intervention française nécessaire.
Pour en finir avec les rebelles qui menaçaient
nos établissements, il fallait se rendre maître des
provinces occidentales de la Cochinchine. Le
HISTORIQUE 9
19 juin 1867, r amiral La Grandière parut devant
Vinh-Long. Les habitants s'enfuirent épouvantés.
Chaudoc et Hatien se rendirent peu de temps
après. Le delta du Mékong était à nous. L'amiral
La Grandière l'annexa purement et simplement
(déclaration du 23 juin 18G7).
L'établissement de la France en Cochinchine
présente avec la conquête de l'Algérie plus d'un
trait de ressemblance. En Cochinchine, comme
jadis en Algérie, certains hommes politiques entre-
voyaient dans notre jeune établissement le point
de départ d'un grand empire colonial. D'autres,
au contraire, affectaient de n'y voir qu un pied à
terre provisoire, un gage contre les violences de
Tu- Duc. Comme en Algérie, les adversaires de
toute expansion coloniale avaient même failli
en 1 863 obtenir de Napoléon III l'abandon de nos
établissements de Cochinchine. L'intervention
éclairée et patriotique du marquis de Chasseloup-
Laubat, de Duruy, de l'amiral Rigault de
Genouilly et de quelques hommes d'Etat, tels que
Thiers, réussit seule à empêcher l'évacuation pro-
jetée de se réaliser. Comme en Algérie aussi, la
possession d'un territoire riche et peuplé, situé au
milieu d'un pays plein d'avenir, allait nous
10 NOTRE FRANCE D^EXTRÉME-ORIENT
entraîner à reculer les bornes de notre conquête.
Depuis deux siècles, le Siam et FAnnam se dis-
putaient le royaume du Cambodge. En i863, le
roi du Cambodge, Norodom, menacé par Tu-Duc,
se tourne vers la France, et lui demande aide et
protection. Nous ne pouvions laisser échapper
cette occasion d'étendre notre action vers TOuest,
et sur les rives du Mé-Kong, en repoussant ses
avances. Un premier traité signé avec le Siam le
ID juillet 1867 établit définitivement notre influence
au Cambodge. Aux termes de ce traité, le roi de
Siam renonçait à tout tribut, présent ou autre
marque de vassalité de la part du Cambodge, et de
son côté, FEmpereur des Français s'engageait à
ne point s'emparer de ce royaume pour Fincor-
porer à ses possessions de Cochinchine \
Du coup, notre sphère d'action en Indo-Chine
se trouvait doublée.
Le résultat était précieux, cai^, à ce moment, on
commençait à se préoccujDcr sérieusement de
^ Un traité signe quelques années plus tard, le 17 juin 1884,
devait préciser définitivement notre situation au Cambodge en le
plaçant directement sous notre protectorat. Le Cambodge accep-
tait d accomplir toutes les réformes administratives, judiciaires,
financières et commerciales auxquelles la France jugerait utile de
procéder pour faciliter l'accomplissement de son protectorat.
HISTORIQUE II
rechercher les moyens de permettre au commerce
européen d atteindre facilement les régions du Sud
de la Chine, le Kouang-Si, le Se-Tchouen, le
Kouei-Tcheou et le Yun-JNam, dont on devinait
les prodigieuses et multiples richesses. La voie du
\ang-tse-Kiang, seule pratiquée jusqu'alors, était
longue, pénible et coûteuse.
De Soueï-Fou à Shang-Haï les bateaux mettaient
deux mois et demi à la descente, cinq à la montée.
Les rapides du fleuve ne permettaient le passage
en barques que pendant les deux tiers de Tannée.
Les douanes du Céleste-Empire, les révoltes des
populations riveraines gênaient également les rela-
tions commerciales. Il devenait indispensable de
rechercher une voie plus sûre.
Depuis de longues années déjà, les Anglais cher-
chaient un passage privilégié par Flraouaddy,
mais malgré toute la ténacité de Margary et mal-
gré le traité de Tche-Fou de 1876, T Angleterre
navait pas réussi à Fatteindre dans des conditions
pleinement satisfaisantes. La France, établie à
Fembouchure du Mé-Kong en Cochinchine et au
Cambodge, tenait au contraire la clef du problème.
Quelques mois après la prise de Saigon, une
brochure très remarquable intitulée La Cochinchine
12 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
française en 1864 avait fait dans le monde poli-
tique une profonde impression. On y réclamait
Textension de notre colonie naissante, et on mon-
trait au gouvernement la route qui devait nous con-
duire en Chine. L'auteur, qui dissimulait sa véri-
table identité sous un pseudonyme, était un jeune
enseigne de vaisseau de vingt-cinq ans, Francis
Garnier. Ce que voulait Francis Garnier, c'était
fonder en Indo-Chine un vaste empire colonied
français, ouvi'ir dans la péninsule des routes dans
tous les sens et la mettre en relation avec les pro-
vinces du Sud de la Chine. Il citait lexemple des
Anglais essayant de pénétrer les mystérieuses
régions du Haut-Iraouaddy, et obligés d'étudier
le problème par le côté le moins abordable. Il
demandait enfin qu'il profitât de notre situation
en Cochinchine pour le résoudre à notre profit.
Le Ministre de la Marine M. de Chasseloup-
Laubat, le Gouverneur de la Cochinchine, Famiral
de La Grandière, avaient été frappés de la justesse
de ces vues et séduits par les perspectives bril-
lantes exposées dans le travail de Francis Garnier.
L'exploration pacifique du Mé-Kong fut décidée.
De ce jour, notre installation en Cochinchine
devenait une entreprise vraiment nationale.
HISTORIQUE l3
L'histoii*c de la mission Doudart de Lagrée et
Francis Garnier (1866- 1868) ainsi que les événe-
ments qui suivirent sont trop connus pour qu'il
soit nécessaire de les raconter longuement.
Malgré la mort de Doudart de Lagrée, et le pro-
fond dénuement où se trouvait la mission quand
elle arriva à Shang-Haïle 12 juin 1868, après avoir
accompli un trajet de plus de 2.000 kilomètres,
à travers des régions inconnues, la mission appor-
tait une série incomparable d'observations écono-
miques et scientifiques.
Si les désastres de la guerre franco-allemande
n'étaient venus à ce moment détourner Tattention
du gouvernement de la question indo-chinoise, les
résultats de cette randonnée héroïque auraient
été immédiats.
Malheureusement les circonstances n'étaient pas
favorables . Quand Francis Garnier rentra en France,
on raccueillit froidement ; on trouva ses entre-
prises inopportunes et compromettantes.
Les courageux efforts de Jean Dupuis sur le
fleuve Rouge, l'expédition fantastique de Francis
Garnier s'emparant d'Hanoï et conquérant le Delta
avec une poignée d'hommes en 1878 ne parvinrent
pas à secouer lapathie du gouvernement.
ï4 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Bien mieux, le i5 mars 1874, une convention
était signée avec FAnnam, aux termes de laquelle
la France reconnaissait la souveraineté du roi
d'Annam et son entière indépendance vis-à-vis de
toute puissance étrangère.
D'autre part, elle lui promettait gratuitement
son appui pour le maintien de Tordi'e dans ses
Etats, pour la destruction de la piraterie sur ses
côtes, lui offrait à cet effet des armes, des muni-
tions et des navires de guerre. Elle s'engageait, en
outre, à fournil* à FAnnam des instructeurs mili-
taires, des marins, des ingénieurs et des chefs
d'ateliers.
Enfin elle lui faisait remise de tout ce qui lui
était dû de Fancienne indemnité de guerre encore
impayée, soit environ 6 millions.
En compensation de ces avantages, Tu-Duc
s'engageait à ouvrir trois ports au commerce de
toutes les nations : Hanoï, Haïphong et Qui-Nhon,
et réservait seulement à la France le droit d'y entre-
tenir un consul assisté d'une force de cent hommes
au plus, et investi du droit du juridiction dans les
procès entre les Français et les étrangers, et entre
les Français et les Annamites, avec le concours
(Y un magistrat indigène. Tu-Duc s'engageait
I
HISTORIQUE l5
également à conformer sa politique extérieure à
celle de la France ; il reconnaissait la pleine et
entière souveraineté de notre pays sur les six pro-
vinces de Gochinchine et promettait le libre exer-
cice du culte catholique à tous ses sujets, mais sa
conduite antérieure permettait de rester sceptique
en face d'engagements de ce genre. On s'en aperçut
bientôt. Pour braver la France qui avait proclamé
son entière indépendance, Tu-Duc, dès 1876,
envoya à lEmpereur de Chine une ambassade et
une lettre où il Fassurait (( de sa sincérité, de son
respect et de son obéissance ». La lettre fut publiée
dans la Gazette officielle de Pékin et Fambassade
comblée d'honneurs.
Les difficultés s'accrurent rapidement. Les
douanes annamites favorisaient la contrebande chi-
noise, les pirates infestaient les côtes et bravaient
nos consuls ; sous prétexte de venir dans le Haut-
Tonkin chasser les rebelles, les troupes chinoises
s'installaient à leur place. Nos soldats cantonnés
dans les ports d'Haïphong et d'Hanoï voyaient se
masser autour d'eux des bandes de Pavillons-Noirs
et de pirates sous l'œil bienveillant de la police
annamite, et vu leur petit nombre, se trouvaient
dans l'impossibilité d'intervenir. Tu-Duc, de son
l6 NOTRE FRAN'CE D EXTREME-ORIENT
côté, suscitait toutes sortes de difficultés à nos repré-
sentants et persécutaient les Annamites qui, pen-
dant les années précédentes, avaient manifesté
quelque fidélité à la France.
Une nouvelle intervention s'imposait, et cela
non seulement contre F Annam, mais aussi contre
la Chine à qui Tu-Duc avait demandé des secours.
C'est ici que se place toute une série d'événe-
ments bien connus et qui devaient finalement
donner à notre colonie dlndo-Chine sa configura-
tion politique actuelle.
Au début se place Texpédition confiée au com-
mandant Rivière, qui arriva à Hanoï le 5 avril 1882.
Rivière reprend Hanoï d'assaut le 16 avril, enlève
Nam-Dinh aux Pavillons-Noirs, il est malheureu-
sement tué le 19 mai au cours d'une sortie sur la
route de Son-Tay, non loin de l'endroit où dix ans
aupai'avant Francis Garnier était mort dans des
circonstances analogues. Quelques heures avant
le départ de cette expédition M. le Myre de Villers,
alors gouverneur général de Flndo-Chine, avait
entretenu le commandant Rivière. L'éminent gou-
verneur qui devait plus tard organiser notre
colonie de Madagascar, en soulevant, par son
activité et son énergie, l'admiration unanime du
HISTORIQUE 17
pays, regretta maintes fois la mort du brave
Rivière.
Mais cet événement eut pour elFet de décider les
Chambres à voter les crédits nécessaires pour entre-
prendre une action immédiate plus énergique. Le
général Boët à la tête de 3.700 hommes reprend
donc Foffensive au Tonkin, tandis que l'amiral
Courbet, à la tête de Fescadre, s'empare des ports
de Thuan-An, à Feutrée de la rivière de Hué,
Le 20 juillet Tu-Duc étant mort, ces rapides
succès décident son frère et successeur Hiep-Hoa
à signer le 2 5 août un traité dont les conditions
étaient avantageuses.
L'Annam reconnaissait le protectorat de la
France, cédait la province de Binh-Thuan, rap-
pelait ses troupes du Tonkin, acceptait l'occupation
militaire des forts de Thuan-An par une garnison
française, le contrôle de la France sur les douanes
et les travaux publics, Fouverture de trois ports
au commerce, létablissement de routes et de télé-
graphes, l'installation de résidents français dans
les chefs-lieux, etc..
Le traité du 25 août n'engageait que les Anna-
mites, il restait à chasser du Tonkin les Pavillons-
Noirs et les réguliers chinois.
NOTRE FRAPs'CE D EXTREME-ORIENT
A la fin d'octobre i883, Famiral Courbet prend
PJ
donc la direction des opérations militaires et attaque
Son-Tay etBac-jNinh. Le i4 décembre, la première
de ces places est prise. Sur ces entrefaites, la cour
de Hué nous suscite de nouveaux embarras : le
successeur de Tu-Duc, Hiep-Hoa, qui avait signé
le traité du 2 5 août, est empoisonné et son parent
Kien-Pbuoc est proclamé sans le consentement de
notre résident à Hué (décembre i883).
De nouveaux renforts sont heureusement
envoyés à ce moment par la Métropole, le corps
expéditionnaire sélève alors à 16.000 hommes et
les troupes divisées en deux brigades sous les ordres
des généraux Brière de Flsle et iVégrier avancent
contre Bac-Ninh. Le 12 mars i88/j, après une
bataille de quatre jours, la ville est prise; le
18 mars, les Chinois sont également chassés de
Thai-Nguyen, le 12 avril de Houng-Hoa et le
i^juin de Tuyên-Quang. Lamiral Courbet, pen-
dant ce temps, menace avec son escadre Haï-j\an
et Canton.
Ces succès devaient amener naturellement
TAnnam et la Chine à composition.
L occupation du Delta du Tonkin avait dérouté
le parti de la guerre à Pékin, on ne croyait pas que
HISTORIQUE 19
le Parlement français voterait si vite les crédits
nécessaires et que les opérations seraient aussi
rapidement menées. Le vice-roi Li-Hong-Tchang
se montra donc disposé à accueillir favorablement
les propositions de paix qui lui furent faites en
avril 1884. Le II mai, les préliminaires de Tien-
Sin étaient signés.
Le gouvernement annamite n'avait guère de
raisons pour résister plus longtemps. Le 5 juin,
notre représentant à Hué, M. Patenôtre, signait
également avec TEmpeur d'Annam un traité qui
confirmait le traité négocié le 23 août i883 par
M. Harmand.
Cet traité consacrait définitivement notre pro-
tectorat sur TAnnam.
La paix n'était point pourtant encore assurée, et
deux incidents allaient avoir en France des con-
séquences politiques importantes et un douloureux
retentissement.
En juin 1884, le général Millot avait envoyé
quelques compagnies de tirailleurs à Lang-Son sur
la frontière tonkinoise pour remplacer la garnison
chinoise. Avant d'arriver à Lang-Son, au défilé de
Bac-Lé, notre colonne, décimée par la chaleur et
la fièvre, se heurta à 10.000 réguliers chinois;
ao NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
accueillie peir un feu meurtrier, elle dut se retirer
après avoir eu une centaine d hommes hors de
combat.
Le traité de Tien-Tsin avait été mal accueilli à
Pékin. Ce traité se trouvait violé.
Le 20 août 1884, lamiral Courbet bombardait
Tai'senal de Fou-Tcheou, mais ce fait de guerre à
si grande distance de Pékin ne devait pas avoir
r effet qu'on en espérait.
A Paris, de nouveaux crédits avaient été votés,
et des renforts expédiés. Une nouvelle campagne
allait commencer au Tonkin. Il s'agissait d'en
finii" et de rejeter les Chinois de Fautre côté de la
frontière .
Les opérations furent menées avec rapidité
et énergie. L'arrivée du général de Négrier devant
Lang-Son et la défaite des réguliers chinois amè-
nent à nouveau le Tsung-li-Yamen à prêter Toreille
aux conseils de paix qui lui sont donnés de tous
côtés. Le 26 mars i885 enfin, la paix est faite.
On touchait au but.
Pour refouler les Chinois, le général de Négrier
avait franchi la frontière chinoise et, le i[\ mai,
s'était heurté à des forces importantes. Après une
lutte sanglante dans laquelle il avait été blessé, il
HISTORIQUE 2 1
dut se replier après avoir perdu un tiers de son
effectif.
L'attitude de la Chine, qui penchait visiblement
vers la paix, ne s'en trouva nullement modifiée, et
le i^^ avril i885, elle acceptait les préliminaires de
paix. Le gouvernement chinois reconnaissait la
convention de Tien-Tsin, signée Tannée précé-
dente, et par suite nos droits sur le Tonkin, il
s'engageait en outre à respecter nos conventions avec
la cour d'Annam, et sanctionnait ainsi tous les
traités conclus jusque-là.
L'Indo-Chine était à nous.
La conquête proprement dite était terminée. Il
restait à pacifier et à organiser le pays.
Pour établir notre domination sur FAnnam et
le Tonkin de nouvelles campagnes étaient encore
nécessaires. Les opérations qui suivirent furent
longues etpénibles. Elles se terminèrent néanmoins
à la fin de 1889 par la soumission des principaux
chefs rebelles, dont on acheta Fobéissance par de
très larges concessions.
L'occupation du Laos se fit progressivement,
soit par Tannexion directe des populations indé-
,
22 ^'OTRE FRANCE d'eXTRÉME-ORIENT
pendantes de la vallée du Mé-Kong, soit à la suite
de traités passés avecle Siamen 1873, 1896, 1902
et 1904.
En 1898, rindo-Chine s'est accrue du territoire
de Kouang-Tchéou-Wan. Le territoire situé dans
le Kouang-Toung a été cédé à bail par la Chine à
la France pour une durée de 99 ans, le 10 avril
1898.
Par le même accord la Chine s'est engagée à ne
jamais aliéner à d'autres puissances les îles d Haï-
Nan, et les provinces du Yun-nam, du Kouang-Si
et de Kouang-Toung, limitrophes du Tonkin.
Elle nous a reconnu également le droit de péné-
trer dans ces provinces, d'y fonder des exploita-
tions agricoles ou minières, et d y construire des
chemins de fer.
Plus récemment, une convention signée avec
le Siam le 23 mars 1907 a rendu au Cambodge
les provinces depuis longtemps contestées de Bat-
tambang, de Siem-Reap et de Sisophon.
C est ce dernier accord en date qui a achevé de
donner à notre Indo-Chine ses limites politiques
actuelles.
CHAPITRE II
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE
I
LE RELIEF
Dans son ensemble, le relief de la Péninsule
Indo-chinoise est une dépendance du puissant
massif thibétain qui couvre toute la Chine méri-
dionale. A partir de la frontière du Tonkin, les
diverses chaînes se différencient et prennent une
direction N.-E. S.-E, ne laissant entre elles que
des vallées étroites et parallèles . A mesure qu'on
avance vers le Sud, ces vallées s'élargissent, les
montagnes s'abaissent et deviennent des plateaux
plus ou moins accidentés séparant entre elles les
bassins du Mékong et les fleuves côtiers.
Bien que Forographie de Flndo-Chine procède
directement des immenses massifs qui se déve-
loppent sur le Yun-nam et le Kouang-Si, il n'est
24 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
pas impossible d'y distinguer un certain nombre
de régions montagneuses et de chaînes qui ont
une originalité propre.
Sans doute, au nord du Fleuve Rouge, les
massifs granitiques cristallins et gneissiques à
travers lesquels les affluents de droite du fleuve se
sont frayés un passage, affectent des directions
très confuses. lia fallu toute la science du colonel
Friquegnon et de M. Tingénieur en chef Lante-
nois, dont les remarquables travaux font autorité
en cette matière, pour déterminer, au moins dans
ses grandes lignes, Forographie de ces régions. La
direction générale N.-O. S.-E. ne subsiste que
dans la vallée du Song-Ghay . Plus au Nord, les plis-
sements se font en éventail et quelquefois en sui-
vant une orientation franchement N. -S. On y ren-
contre cependant des montagnes élevées. Entre le
Song-Gay et la Rivière Claire, le Tsi-Con-Link
atteint 2.400 mètres. Entre la Rivière Claire et le
Song-Cam le massif du Pou-Ta-Ka comporte les
sommets d'une altitude sensiblement égale. A
Fouest du Pou-Ta-Ka, au sud de Cao-Bang, le Pia-
Ta et le Pia-Ouac atteignent encore 2.000 mètres.
Les hauteurs diminuent à mesure qu'on s'avance
vers le Sud, leTam-Dao atteint à peine i . 000 mètres.
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE 7.5
Au sud du Fleuve Rouge, la chaîne qui sépare
le Fleuve Rouge de la Rivière Noire est encore
une des ramifications importantes des montagnes
Yunnamaises. On y remarque des formations très
complexes. Les terrains primaires et secondaires
(schistes et calcaires) y alternent avec des massifs
microgranitiques et porphyriques. Ses altitudes
très élevées, les plus élevées même du Tonkin y
ont été relevées : 2.858 mètres dans le groupe des
Aiguilles au sud de Laokay ; mais à la différence
des massifs qui s'étendent plus au Nord, la direc-
tion est franchement N.-O. S.-E. ; le Fleuve Rouge,
qui y a tracé sa vallée, a un cours presque recti-
ligne et à ce point de vue représente la voie de
pénétration naturelle par excellence vers le Yun-
nam et les provinces méridionales de la Chine.
Au sud de ces montagnes, au nord de la grande
houcle du Mékong, et jusqu'au 102° de longitude
Est, s'étend le Haut-Laos. Ce grand massif pré-
sente une originalité plus nette. Dans son
ensemhle, c'est une région très mouvementée et
de formation géologique très complexe. On y cons-
tate l'existence de granits et de calcaires carboni-
fères, de schistes et de grès secondaires ainsi que
de nombreux terrains métamorphiques. Il est fort
a6 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
difficile de déterminer la direction des chaînes qui
le couvrent. Le capitaine Cupet qui a traversé le
Haut-Laos, avec la mission Pavie, remarque que
les arêtes montagneuses y sont si nombreuses,
les directions s'enchevêtrent tellement, la hauteur
des chaînes limitant les bassins des grandes rivières
ou ceux de leurs affluents est si peu différente
qu'on ne peut guère assigner, à première vue,
d orientation générale au relief autrement que par
la direction des cours d'eau les plus importants.
Le charme qui se dégage de cette région très
accidentée a été très exactement remarqué par le
capitaine Cupet. Une brume inexplicable enve-
loppe souvent ces montagnes limitant l'horizon à
courte distance. On dirait un mélange de pous-
sière impalpable et de fumée dégagées du sol sans
cause apparente. Les silhouettes des grandes
chaînes apparaissent indécises, à peine estompées
sur le ciel, donnant lillusion de nuages légers avec
lesquels on les confond souvent \
On y trouve des sommets de plus de 2.000
mètres, comme au Pou-Loï entre le Nam-Het et le
Nam-Khan et au Pou-Bia (2.830 mètres) au sud
^ Mission Pavie. Orographie et Voyages, t. III, p. 168 et suiv.
DESCRIPTION GEOGRAPHIQUE 27
de Xieng-Khouang. Les plateaux eux-mêmes sont
assez élevés : le Hua-Pank et le Tra-Ninh ont une
altitude moyenne de i.3oo mètres.
Au Nord, la jonction du Haut-Laos avec les
chaînes longeant la Rivière Noire se fait par des
plateaux de 900 à 1.200 mètres qui s'abaissent
même à 3oo mètres dans la vallée du Haut-
Song-Ma.
Au sud-est du massif du Haut-Laos, s^étend,
entre le Mékong et la mer, la Chaîne annami-
tiqae. Le terme de Cordillère, dont on se sert
pour la désigner, est assez impropre en ce sens
que cette chaîne, qui s'étend sur plus de huit
degrés de latitude, ne représente pas une arête
continue. C'est, au contraire, une série de tronçons
montagneux sélargissant en certains endroits en
forme de plateaux et où des sommets élevés
alternent avec de brusques dépressions.
La Chaîne annamitique commence au sud du
Song-La. Les massifs du Pou-Luong (i .200 mètres
environ), du Pou-Sang (1.700 mètres), le plateau
de Kammon se développent suivant une direction
nettement N.-O. S.-E. et deux cols coupent cette
succession de montagnes : celui du Hop-Ham et
celui de Qui-Hop (800 mètres) . C'est par eux que
28 NOTRE FBANCE D EXTRÊME-ORIENT
peuvent s'établir les communications entre Vinh
et Pak-Hin-Boun sur le Mékong.
A l'Est, un contrefort transversal de la Cordil-
lère, le Hoanh-Son se détache sur la mer et se ter-
mine au cap \ung-Chua. Ce chaînon est coupé
près de la mer par un col peu élevé (120 mètres)
qui a joué jadis un très grand rôle, aussi bien au
point de vue stratégique qu'au point de vue éco-
nomique dans Fhistoire des relations de lAnnam
et du Tonkin, c'est la Porte d'Annam.
Bien que les provinces situées au nord du Hoanh-
Son appartiennent au Nord-Annam, le Hoanh-Son
délimite géographiquement dune manière encore
aujourd'hui très nette, le Tonkin de TAnnam pro-
prement dit.
Au sud du col de Qui-Hop, la Chaîne annami-
tique présente quelques massifs élevés : le Pou-
Hac (2.000 mètres), le Pou-Thuong qui est coupé
par le col de Men-Gia (460 mètres), la Dent du
Tigre (i .800 mètres) . Au sud de la Dent du Tigre,
le col d'Aï-Lao (4oo mètres environ) interrompt
de nouveau la chaîne. C'est le passage le plus
important de toute la Cordillère. Facile d'accès, il
met en communication Quang-Tri et Hué avec la
vallée du Mékong. La route projetée enti'e Dong-
DESCRIPTION GEOGRAPHIQUE ag
Ha et Savannaket empruntera le passage en atten-
dant que le rail se substitue à la route.
Au sud de ce point, on retrouve de nouvelles
crêtes, parmi lesquelles plusieurs dépassent
2.000 mètres; le Pou-Atouat, en face d'Hué
(2.000 mètres) , la Mère et l'Enfant (2. 100 mètres),
entre le Phu-Yen et le Khan-Hoa. Les cols des
Nuages (470 mètres) entreTouraneetHué, d'Ankhé
et de Jok-Kao ouvrent des passages à travers la
montagne et mettent en relations la côte avec
TaiTière-pays du Sud-Annam qui touche au
Mékong.
Au Sud-Ouest et au Sud, la Cordillère propre-
ment dite disparait et fait place à de vastes pla-
teaux de i.ooo à 1.200 mètres d'altitude. Le pla-
teau des Boloven s'étale entre le Se-Don, le
Mékong et le Se-Kong à i.ioo mètres d élévation.
Ces trois rivières ont dû se creuser au travers un
passage et les rapides de Khône qui gênent encore
à rheure actuelle la navigation du Mékong témoi-
gnent des difficultés que le fleuve a rencontrées.
A 1 Ouest, le plateau des Boloven se prolonge parla
chaîne de Pnom-DangTck qui borde au Nord le
Cambodge.
Au Sud, les plateaux de 1 Ayum, du Dar-Lac,
3o NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
du Lang-Bian, des Ma, s'étagent à travers la
Cochinchine, mais les sommets les plus élevés
qui les surmontent ne dépassent pas 800 à
900 mètres. On touche alors à la Basse-Gochin-
chine et au Delta du Mékong.
Au delà, entre la grande dépression dont le
fond est occupé aujourd'hui par le Tonlé-Sap
cambodgien et le golfe de Siam, le sol se relève.
Dans la chaîne de FEléjDhant et dans les monts des
Cardamomes, on trouve encore quelques chaî-
nons dépassant i . 5oo mètres et les îles qui parsè-
ment le littoral indiquent les transformations géo-
logiques qui ont eu lieu dans cette région au cours
des âges antérieurs ; mais au nord des monts des
Cardamomes, le sol s'abaisse et la large dépression
qui s'ouvre entre cette chaîne et celle de Dangrek
explique la facilité des relations qui de tout temps
ont existé entre le Cambodge et le Siam.
II
LES COTES
Les côtes de l'Indo-Chine ont une longueur de
2.5oo kilomètres. Un coup d'œil rapide sur une
carte permet de constater qu'elles se développent
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE 3l
du Nord au Sud suivant la forme d'un S allongé
dont la boucle supérieure correspondrait au golfe
du Tonkin et la boucle inférieure au delta du
Mékong.
Leur aspect et leur configuration sont en rela-
tion très étroite avec le relief du pays qu'elles
bordent.
Au Nord, de la frontière de Chine à Quang-Yen
le littoral est très rocheux, très découpé, creusé
d'une multitude de baies très sûres abritées der-
rière des myriades d'îles et d'îlots que nos offi-
ciers de marine ont décorés des noms les plus
fantaisistes (le Crapaud, le Moine, le Coq, FOEuf,
le Képi, le Chandelier, l'Ours, FEncrier, le
Lapin, etc.). Celles de Ké-Bao, de Cac-Ba,dela
Table, Fîle Rousse et l'île Madeleine sont les plus
considérables. Elles avoisinent la magnifique baie
d'Along dont les falaises abruptes et sauvages, les
grottes ont été si souvent citées comme l'une
des curiosités les plus remarquables de Flndo-
Chine.
De Quang-Yen au cap Chou-May, les mon-
tagnes s'éloignent du littoral et la côte devient
basse, sablonneuse et monotone. Au Nord, les
bouches du Thaï-Binh, du Fleuve Rouge, du
0'2 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Song-Ma découpent seules les côtes plates du
delta du Tonkin et du Thanh-Hoa.
Au cap Vung-Chua, le Hoanh-Son, qui se
détache de la Cordillère annamitique, détermine
un éperon rocheux mais qui ne rompt qu'un ins-
tant la monotonie de cette côte basse rectiligne,
bordée de dunes, battue par la houle Nord-Est et
si redoutée des pêcheurs annamites qu'ils l'ont
surnommée la Côte de Fer.
Au delà du cap Ghou-May, la côte change
complètement d'aspect. Les montagnes bordent la
mer en fermant Ihorizon. Le littoral s'accidente
immédiatement et forme la magnifique et spa-
cieuse rade de Tourane. Des îles nombreuses, les
Lao-Ray, Culao-Cham, rompent la monotonie du
large.
A partir du cap Batangan, la côte se dirige vers
le Sud, droite, abrupte et sans îles. Elle reste
capricieusement découpée et creusée d'une multi-
tude de baies : baies de Tan-Quan, de Vuong-Moc,
de Vuong-Bac, de Da-Dieng, de Binh-Coi, de
Binh-Cang, de Gam-Ranh.
Du cap Padaran au cap Saint- Jacques, s'étend
une sorte de zone de transition. Les montagnes
sont maintenant plus éloignées de la mer, elles
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE 33
sont d'ailleurs peu élevées, puisqu'il ne s'agit
plus que des derniers contreforts méridionaux de
la Cordillère annamitique. La côte présente des
baies très ouvertes et des caps peu accusés :
baies de Phan-Ri et Phan-Thiet, cap Baké, pointe
Kéga, pointe Guio.
Au cap Saint- Jacques, le paysage change tota-
lement : à la montagne succède le delta. Le rivage
redevient plat, coupé des seules embouchures du
Dong-Naï et du Mékong. D'anciennes îles, aujour-
d hui réunies au rivage par les alluvions du fleuve
et qui émergent de la plaine environnante rompent
seules l'uniformité de la côte. La pointe de
Camau qui s'avance comme un coin vers le Sud
dans la mer et qui constitue la pointe méridionale
de la colonie se rattache au delta du Mékong.
Les baies qui la découpent sont très ouvertes et ne
sont d'aucune utilité pour la navigation (baies de
Cua-Lon, de Cay-Duong, de Rach-Gia, de Canh-
Rai).
Au Nord, à partir du cap de la Table, le littoral
redevient rocheux et accidenté en raison de la
proximité des montagnes cambodgiennes. De
nombreux archipels bordent la côte (île du Milieu,
Phu-Quoc, îles Rong et Rong-Sam Lam, etc..) ;
3
34 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
mais ces îles sont trop éloignées de la côte pour
protéger efficacement les baies (baie de Kompong-
Som) qui restent trop ouvertes : aussi ne trouve-
t-on dans cette région aucun port convenable. Il
convient également d'ajouter qu'un exhaussement
constant du rivage, qu^augmente encore le dépôt
des alluvions charriées par les fleuves, ne donnent
pas à ces baies une profondeur suffisante.
III
LES COURS D'EAU
L'orographie de la péninsule indo-chinoise con-
ditionne son hydrographie. La suite des mon-
tagnes qui la traverse du Nord au Sud et qui par
endroits se rapproche tout près de la mer n'a
permis nulle part rétablissement de grands fleuves
transversaux orientés de TEst à FOuest ou de
rOuest à FEst.
Toute Fhydrographie de FIndo-Ghine se résume
au Nord dans le bassin du Fleuve Rouge et à
FOuest dans celui du Mékong qui, comme le pré-
cédent, descend des montagnes du Yun-nam, mais
qui doit longer et contourner toute la chaîne anna-
mitique avant de trouver une issue vers la mer.
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE 35
Les autres fleuves côtiers sont sans importance au
moins au point de vue de la longueur.
Le Fleuve Rouge ou Song-Caï prend sa source
au Yun-nam, au sud du lac de Tali, sous le 26" de
latitude Nord, à une altitude de 2 .000 mètres. Après
un cours assez tourmenté en Chine, il entre au
ïonkin et le traverse en ligne droite entre deux
chaînes montagneuses qui le dominent par endroits
à gauche de i.ooo mètres, à droite de plus de
2.5oo mètres.
Son cours se ressent naturellement de ce voi-
sinage. Entre Man-Hao et Yen-Bay on ne compte
pas moins de 3o rapides qui rendent la navigation
très périlleuse.
A partir de Yen-Bay, la vallée, jusque-là très
étroite, s'élargit. A Lao-Kay le fleuve n'a pas plus
de IDG mètres de largeur, en amont de Vietri il
en a déjà plus de i.ooo.
Après son confluent avec la Rivière Noire (à
droite) et la Rivière Glaire (à gauche) , le Fleuve
Rouge se répand sur de vastes étendues que par-
sèment pendant la saison des basses eaux d'im-
menses bancs de sable. Son delta qui englobe les
provinces les plus riches du Tonkin commence
peu après Viétri.
36 NOTRE FRANCE DEXTRÈME-ORIENT
Avant Hanoï, le Song-Gaï se divise en deux
branches, l'une, le Day, se dirige vers le Sud et
passe à jNinh-Binh, Tautre continue vers Test,
passe à Hanoï et à Hong- Yen, et se subdivise en
une foule de bouches (Gua Dien-Ho, Gua Traly,
Gua Balat) .
La Rivière Noire (Song-Bo) et la Rivière Glaire
(Song-Go) ont un cours et un régime tout à fait
analogues à ceux du fleuve principal. La première
descend parallèlement au Fleuve Rouge jusqu'à
Hanoï, à cet endroit elle se heurte à un contrefort
montagneux qui loblige brusquement à remonter
vers le Nord ; mais, coulant dans cette direction,
elle ne tarde pas à rencontrer le Fleuve Rouge. La
Rivière Noire n'est guère navigable. Les chaloupes
la remontent jusqu'à Gho-Bo, mais au delà, seules
les pirogues des Thaï blancs peuvent la remonter ;
pendant les hautes eaux, les tourbillons inter-
rompent même toute circulation.
La Rivière Glaire est accessible aux sampans
indigènes jusqu'à Ha-Giang, c'est-à-dire presque
jusqu à la frontière chinoise, sauf pendant la
période des hautes eaux, mais les chaloupes ne
vont pas au delà de Tuyen Quan. La Rivière
Glaire, dont le cours est moins encaissé que celui
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE ^7
de la Rivière Noire, reçoit quelques affluents im-
portants : le Song-Chay qui vient de Chine et le
Song-Day qui longe le massif du Tam-Dao.
Le Thaï-Binh est un fleuve qui se jette dans le
golfe du Tonkin au nord du delta du Fleuve
Rouge. Formé de la réunion de plusieurs rivières
(Song-Cau, Song Thuong, Song-Luc-j\amj qui
descendent de la région montagneuse environnant
Thaï-Nguyen et Lang-Son, le Thaï-Binh a colla-
horé à la formation du delta du Tonkin.
Comme le Song-Caï, le Thaï-Binh, dès qu'il
arrive dans la plaine, se divise en plusieurs
branches et se jette dans la mer par un très grand
nombre de bouches (Cua Nam-Trieu, Cua Cam,
CuaLac-Tray, Cua Van-Uc, Cua Thaï-Binh, etc.).
La navigation y est également restreinte. Sur le
fleuve principal elle ne dépasse pas Dap-Cau et
Bac-Ran sur le Song-Cau, son affluent le plus
important.
A travers le delta tonkinois, les diverses embou-
chures du Song Caï et du Thaï-Binh sont reliées
par de nombreux canaux : le canal des Bambous,
le canal de Nam-Dinh, le canal des Rapides per-
mettant à la navigation très active de cette
région de passer indistinctement dun bassin dans
38 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
Tautre et de desservir toute la plaine deltaïque.
Le régime du Fleuve Rouge est très variable
suivant les saisons. De fin décembre à fin mars
les eaux basses ; mais à partir du mois d'avril,
mai, les pluies qu'apporte la mousson du Sud-Est
et qui tombent sur les liants plateaux oii le fleuve
et ses affluents prennent leurs sources, le gros-
sissent très rapidement. A Hanoï, on a enregistré
en 1904 et 1907 des crues de 10 et 11 mètres.
Le cours du fleuve a alors une vitesse qui dépasse
parfois 10 mètres à la seconde.
Pendant cette période des hautes eaux, la navi-
gation devient très active. Les chaloupes à vapeur
peuvent remonter jusqu'à Lao-Kay. Pendant le
reste du temps, seules les jonques indigènes peuvent
circuler, car elles n'ont qu'un très faible tirant
d'eau. Au delà de Lao-Kay, les courants et les
rapides rendent la navigation très dangereuse. Les
sampans remontent cependant le fleuve jusqu'à
Man-Hao, mais à partir de ce point toute circula-
tion par voie fluviale devient impossible et on doit
transborder marchandises et voyageurs à dos de
mulet.
Pour les nombreuses populations- qui habitent
le delta, le Fleuve Rouge, c'est à la fois une
DESCRIPTION GKOGRAPHTQUE ^9
source de richesse et de difTicultés multiples. Afin
de se préserver des inondations, les Annamites
ont depuis longtemps dû construire de nombreuses
digues. Il en existe même en certains endroits
deux et même trois rangées parallèles de façon que
la rupture de Tune n'entraîne pas de trop graves
inondations. L'administration les entretient et les
renforce. Malheureusement les eaux du fleuve
sont tellement chargées de limon que Ion a à
lutter, en même temps, contre une autre difficulté :
Texhaussement constant du lit du fleuve, et on ne
parvient pas à éviter complètement les inonda-
tions. Certaines ont été terribles. En 1903, deux
digues importantes s'étant rompues, 210.000 hec-
tares de rizières furent détruits, entraînant pour
plus de 18 millions de francs de dégâts. En 1909,
encore i5.ooo hectares ont été anéantis.
L'apport des alluvions charriées par le Fleuve
Rouge gêne aussi beaucoup la navigation dans le
delta. Les embouchures du fleuve sont fermées
par des bancs, que seuls les navires de faible tirant
d'eau peuvent franchir. Le Gua Cam et le Gua
Nam-Trieu, au Nord, s'ensablent moins vite, mais
les gros navires qui viennent à Haïphong sur le
Gua Gam ne peuvent pénétrer dans le port qu'au
4o
moment de la marée, et encore doit-on sans cesse
procéder à des travaux de dragage pour éviter
Tenvasement du port.
Le Mékong est le plus considérable des fleuves
indo-chinois. Sa longueur totale ne paraît pas
encore très exactement connue, les uns lui donnent
un cours de4 200 kilomètres, d'autres 4 840 kilo-
mètres. Son bassin est évalué à i million de kilo-
mètres carrés, soit à une surface équivalente à près
de deux fois la France. Le Mékong, qui prend sa
source dans Test du plateau du Thibet, a déjà
franchi près de 2.000 kilomètres quand il pénètre
en Indo-Chine.
Lorsqu'il entre au Laos, c'est déjà un grand
fleuve de 3oo à 4oo mètres de largeur. Son lit est
malheureusement encombré de roches qui rendent
toute navigation impossible. De Xieng-Sen à Vien-
Tian, le Mékong franchit de nombreux rapides,
mais les pirogues indigènes peuvent déjà circuler
sans trop de danger.
Entre Xieng-Sen et Vien-Tian, le Mékong reçoit
plusieurs affluents importants : le jXam-Beng, le
Nam-Hou qui se jette un peu au nord de Louang-
Prabang et le Nam-Ghan qui atteint le fleuve à
DESCRIPTION GEOGRAPHIQUE /, i
Louang-Prabang même. Le Nam-Hou est une
grande rivière qui descend du Nord et qui est
navigable pendant toute Tannée sur plus de
i5o kilomètres. Le cours du JNam-Hou a été jadis
exploré par Doudart de Lagrée qui a décrit cette
grande masse d'eau noirâtre très profonde qui
coule entre des rochers majestueux, aux formes
tourmentées et pittoresques. Sur plus de 12 kilo-
mètres des rochers ont été sculptés par des artistes
indigènes, les uns représentent des figures hu-
maines, les autres des animaux, éléphants,
buffles, singes, crocodiles. Son affluent, le iNam-
Bac, présente des figures semblables. Les arbres
et les gazons des rives ont aussi des formes d'ani-
maux. A Fépoque de la fête des eaux, les indi-
gènes réparent chaque année les ouvrages qui
auraient pu être endommagés.
A Vien-Tian, le Mékong n'est plus qu'à
3oo mètres d'altitude, mais de nombreux rapides
entravent encore son cours. Ceux de Kemmarat,
de Khône, de Préapatang sont les plus connus. Si
Ton met à part un bief de 5oo kilomètres qui
s'étend entre Yien-Tian et Savannaket, la naviga-
tion reste dangereuse dans ces régions. Au delà de
Thasakou, le fleuve n'est praticable qu'aux
4a NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
radeaux et aux pirogues indigènes. De Kemmarat
à Pak-Moun sur une distance de i6o kilomètres,
entre Tembouchure de Se-Bang-Hien et du Se-
Moun, le Mékong se trouve parfois ramené d'une
longueur de 5 à 600 mètres à une largeur de l\o à
5 G mètres. Il franchit avec une vitesse vertigi-
neuse ces trois passages.
M. le D^ Harmand, qui a exploité Tun des pre-
miers cette section du Mékong, Ta décrite avec
une exactitude saisissante :
(( En ce point, dit-il, le lit du fleuve se rétrécit,
des berges d'argile et de sable, mollement ondu-
lées, disparaissent pour faire place à d'énormes
rochers d'aspect triste et sauvage, quelquefois
taillés à pic comme un coup de ciseau gigantesque.
Le fleuve, aux eaux désertes et sombres, prend
Taspect d'un canal entre deux murailles cyclo-
péennes et acquiert une profondeur énorme. Le
courant est fort, mais uniforme et sans rapides...
La force du courant obHge, de place en place, les
hommes à grimper sur les rochers et à haler les
pirogues Tune après l'autre au moyen de longs
câbles de rotin. Puis ils redescendent à bord ruis-
selants d'eau et de sueur, se remettent à la pagaie
ou à la gaffe, pour recommencer bientôt le
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE 43
manège, dans les endroits où la ligne de grand
courant se rapprochant d'une des murailles ne
permet plus d avancer... Après les rapides, le
Mékong sélargit peu à peu et les rochers se
recouvrent de limon desséché. Mais il est toujours
aussi encaissé d'une vingtaine de mètres, au-des-
sous du faîte des falaises, oii se dressent de vilains
bambous, jaunes et sans feuilles, pareils à
d'énormes balais et de maigres ai^bres à huile.
C'est triste à mourir. Les rives sont complète-
ment désertes : qui donc voudrait vivre au milieu
d'une pareille désolation ! Quelques sternes au bec
rouge ou jaune et des vanneaux criards animent
seuls le paysage. Plus loin les rives se relèvent à
pic, atteignant par endroits jusqu'à do mètres de
hauteur... Le fleuve présente ainsi une série
d'étranglements et de bassins qui se succèdent
comme les gi'ains d'un chapelet ; à chaque étran-
glement, un rapide ^ »
En aval de Muong-Khong, commencent les
fameux rapides du Rhône, véritables cataractes,
parsemés d'îles recouvertes d'épaisses forêts.
Francis Garnier, qui les a rencontrés en remon-
1 D"" Harmand. Le Laos et les populations sauvages de V Indo-Chine ;
Tour du monde, 1880.
44 NOTRE FRAîsCE D EXTRÊME-ORIENT
tant le fleuve, a donné la description suivante de
cette partie très curieuse du Mékong :
(( Les chutes de Khône sont précédées par un
immense et magnifique bassin qui a environ une
lieue et demie dans sa plus grande dimension et
une quarantaine de mètres de profondeur. Il est
limité au Nord par un amas compact d'îles au
milieu desquelles surgissent pour la première fois
quelques collines. C'est au travers de ce groupe
d îles et par vingt canaux différents que les eaux
du fleuve, quelque temps retenues dans les sinuo-
sités de leurs rives, se précipitent dans le tran-
quille bassin où elles viennent se confondre et
s'apaiser. A l'extrémité ouest de ce bassin et sur
la rive droite du fleuve s'élève un groupe de mon-
tagnes. On sent que c'est là le point de départ de
Fan'ête rocheuse qui est venue barrer malencon-
treusement le cours du fleuve. En traversant le
bassin, on aperçoit successivement à l'entrée de
chaque bras des chutes d'eau, différentes d'aspect
et de hauteur, qui ferment l'horizon de leur
mobile rideau d'écume. Les eaux ne tombent
point cependant partout en cascades. Dans quel-
ques bras longs et sinueux, elles ont aplani l'obs-
tacle et coulent en torrent. Ce sont là des pas-
DESCRIPTION GÉOGHAPHIQLE 45
sages dont profitent les indigènes pour faire passer
leurs barques. Les deux canaux les plus impor-
tants et les cataractes les plus belles se trouvent
dans les deux bras extrêmes du fleuve. Là, on
voit des chutes deau de plus de i5 mètres de
hauteur verticale et d'une longueur qui atteint
parfois un kilomètre. La ligne des cataractes
atteint, décomposée en plusieurs tronçons, un
développement total de 12 à i3 kilomètres. Au-
dessus, le fleuve se rétrécit un instant jusqu'à ne
plus mesurer que la moitié de cette dimension,
puis il s'épanouit de nouveau sur Timmense pla-
teau de rochers qui précède les chutes \ »
Dans la partie moyenne de son cours, c est-à-
dire entre Vien-Tian et Kratié, le Mékong reçoit
quelques affluents considérables. Ce sont, à gauche
et descendant des massifs du Haut-Laos et de la
Cordillère annamitique : le Nam Ngoum, le
Nam San, le Nam Kha-Dinh le Nam Hin-Boum,
le Se Bang-Faï, le Se Bang-Kien, le Se Don et le
Se Kong qui lui arrive grossi du Se San et du
Tonlé Srépok. Ces rivières sont accessibles aux
pirogues indigènes sur une bonne partie de leur
^ Fr. Garnier. Voyage et exploration en Indo-Chine, l. 1> p. 176.
46 NOTRE FRANCE d'eXTRÉME-ORIENT
cours et constituent un réseau de voies de commu-
nication d'une utilité très appréciable pour péné-
trer dans tout le pays Laotien.
A droite, le Mékong reçoit le Sé-Moun. C'est
un affluent considérable qui, grossi du Nam-Si,
roule un volume d'eau énorme. Si à Pimoun, à
quelques kilomètres du confluent avec le Mékong,
des chutes n'interrompaient pas la navigation, le
Sé-Moun serait une voie de pénétration magni-
fique pour aller par Oubône de la vallée du
Mékong jusqu'à Khorat en plein pays siamois,
malheureusement c'est un obstacle naturel qui
sera sans doute encore longtemps infranchissable.
A Kratié, où commence son cours inférieur, le
Mékong devient navigable en toute saison. A
Kompong-Ghan, on entre dans la grande dépres-
sion cambdogienne, la pente devient très faible
et le fleuve s'étend largement. En amont de Pnom-
Penh commence le delta du Mékong : celui-ci, au
lieu dit les Quatre-Bras, se divise en deux
branches. L'une, le Tonlé-Sap, se dirige vers le
Nord-Ouest et la région des Lacs. L'autre continue
vers le Sud-Est et la mer.
La première, pendant la saison des crues, verse
le trop-plein du fleuve dans les lacs cambodgiens,
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE 47
mais, à la saison sèche, le courant se retourne et le
Tonlé-Sap envoie ses eaux au Mékong. Alterna-
tivement émissaire des lacs ou du fleuve suivant
la saison, ce bras, long de 120 kilomètres, a
i.ooo mètres de largeur devant Pnom-Penh, il est
soumis à Finfluence des marées tout comme le
Mékong du reste jusqu'au rapide de Sambor.
La région des Lacs se compose de trois
cuvettes distinctes : le Veal Phuoc, ou plaine de
boue, très peu profond (3o à [\o centimètres d'eau
en saison sèche), le Petit Lac qui, en dehors du
chenal central, n'est pas sensiblement plus profond
et le Grand Lac situé entre la rivière de Battambang
et celle de Pursat, qui a une profondeur d'un
mètre environ pendant les basses eaux. La largeur
moyenne de ces trois lacs atteint une trentaine de
kilomètres, leur longueur i4o kilomètres. Au
moment des hautes eaux ces limites disparaissent
sous une immense nappe d'eau. Aux eaux du
Mékong viennent s'ajouter celles d'une multitude
de rivières qui descendent de la chaîne du Dang-
Rek au Nord et des monts des Cardamomes au Sud-
Ouest et sont pour la plupart accessibles aux petits
vapeurs ; à gauche, la rivière de Siem-Réap qui
conduit aux monuments d Ang-Kor, le Stung-Sen,
48 >OTRE FRANCE d"eXTRÉME-ORIE>T
à droite le Stung-Sang-Ké qui mène à Battambang,
le Stung-Pursat qui met en communication Pursat
avec le Grand Lac. A cette époque, la zone
d inondation quintuple la surface du Jac et les
chaloupes à vapeur arrivent à Battambang qui, en
saison sèche, est à 70 kilomètres du Lac.
Immédiatement au-dessous de Pnom-Penh, le
fleuve se divise en deux branches qui se dirigent
parallèlement vers le Sud-Est pendant 200 kilo-
mètres. Celle de 1 Ouest, Hang-Giang, ou fleuve de
Bassac, est navigable à Tépoque des hautes eaux
pour les canonnières et seulement pour les barques
du pays pendant la saison sèche. Ses rives cou-
vertes de rizières et de villages sont assez peu-
plées. Le fleuve traverse successivement Chau-
doc, qui est relié à Hatien sur le golfe de Siam par
le canal de Vinh-An, Long-Xuyen qui commu-
nique par un canal avec Rach-Gia, Daï-JXgaï d'où
une rivière canalisée ouvre une route aux chaloupes
jusqu à Soc-Trang et Bac-Lieu à travers des
rizières magnifiques. A Daï-Ngaï, le Bassac se
divise en trois bras : Cua-Dinh-An, Cua-Ba-Thac,
Cua-Tran-Dé qui se jettent dans la mer.
La branche orientale, Tien-Giang, ou Fleuve
Antérieur, est navigable en toute saison pour tous
DESCRIPTION GEOGRAPHIQUE 49
les navires calant 3 mètres. Plus large que la
précédente, elle arrose des plaines peuplées très
fertiles, couvertes de rizières. Le Tien-Giang se
ramifie en une foule de bras secondaires ou arroyos
et répand ses eaux sur les immenses terrains d'inon-
dation de la plaine des Joncs. Avant d'atteindre
Vinh-Long, il se divise en trois grandes branches
(cua) au Nord, celle de Mytho (cua Thio) est la
plus importante. Les jonques annamites et les
vapeurs fluviaux la remontent sans difficulté. Au
centre se trouve celle de Bentrée et au Sud celle
de Vinh-Long et Tra-Yinh qui se subdivise encore
avant d'atteindre la mer.
Le delta du Mékong est Fun des plus vastes du
globe. Sa base vers la mer n'a pas moins de
600 kilomètres et en avant du littoral des bas-fonds
le prolongent à plus de 5o kilomètres. C'est un
ancien golfe qui a été comblé par les apports du
fleuve. Au milieu du delta on reconnaît encore,
dans les éminences qui en parsèment la surface, les
anciennes îles qui émergeaient du golfe : Nui Sap,
Nui San, Nui Ba-Thé, Mon Soc, Mon Dat. L'ar-
chipel de Poulo-Gondore est lui-même sur une plate-
forme que recouvre à peine 20 à 3o mètres d'eau.
Il est vi^aisemblable qu'un jour viendra où ces îles
4
5o ^-OTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIEN'T
se trouveront rattachées au continent. Le gi^and
fleuve modifie incessamment ses rives, ses îles, ses
aiToyos ainsi que les plaines de son delta. Les
bancs de sable qu'il charrie sont d ailleurs un obs-
tacle à sa navigation, les grands navires ne peuvent
le remonter à mai'ée basse.
Les obstacles qui ban-ent le cours du Mékong
depuis son entrée en Indochine, et les alluvions
que le fleuve arrache aux flancs des montagnes
qu'il côtoyé ne permettront d'ailleurs jamais de
faille de cette grande artère fluviale une voie navi-
gable de grande valeur. Son débit est en outre très
irrégulier. Les pluies apportées pai' la mousson du
Sud-Ouest, de juin à octobre, et qui succèdent à
la fonte des neiges dans le Thibet produisent des
crues pendant lesquelles le courant est trop violent
pour permettre la navigation et l'utiliser sans
danger; au contraire, pendant la saison sèche,
d'octobre à mai, on risque de ne plus pouvoir
avancer faute d'eau. En effectuant divers travaux
d'aménagement, on pourra faciliter la navigation
— et on l'a déjà fait en plusieurs points. On
ne pourra jamais supprimer tous les obstacles et
donner au Mékong la valeur économique et com-
merciale qu'ont la plupai't des grands fleuves
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE 5l
chinois . Nous verrons ultérieurement comment le
commerce Futilise pour ses transports.
Au nord de la colonie, les eaux du Thaï-Binh
viennent se déverser dans le delta du Tonkin. Au
Sud, etpresque symétriquement, le Dong-Naï vient
mêler ses eaux dans les mômes conditions à celles
du Mékong. Le Dong-Naï prend sa source au sud
de FAnnam, à 1.200 mètres d'altitude dans le
massif du Lang-Bian. Les régions qu'il traverse
sont pittoresques et grandioses.
Encombré de roches et encaissé entre de hautes
rives, le Dong-Naï se précipite de rapides en rapides
et n'est pas navigable même assez loin après sa
sortie des montagnes. Un banc de roches barre son
cours en aval de Bien-Hoa et les navires ne peuvent
le franchir qu'à marée haute .
Le Dong-Naï reçoit à droite, à 10 lieues de la
mer, la rivière de Saïgon qui vient des contreforts
méridionaux de la Cordillère annamitique, puis les
deux Vaïco, le Vaïco oriental et le Vaïco occidental.
Le premier, le Vaïco oriental, est seul navigable
pour les navires calant 2 à 3 mètres. Autour de
Saïgon, toutes ces rivières se divisent et se subdi-
visent en d'innombrables arroyos communiquant
entre eux et avec ceux du Mékong, de telle sorte
5a NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
que Saigon, quoique situé en dehors du delta du
Mékong proprement dit, est quand même le prin-
cipal débouché de toutes les marchandises qui
entrent en Cochinchine au Laos ou au Cambodge
ou qui en sortent.
En dehors des quatre fleuves qui viennent d^être
étudiés. Fleuve Rouge et Thaï-Binh, Mékong et
Dong-Naï, les autres cours d'eau de la péninsule
ont une importance tout à fait secondaire. Ce sont
de petits fleuves côtiers sans développement en
raison de la proximité des montagnes avec la mer.
Du Sud au Nord on rencontre :
Le Son-Gaï ou rivière de Phan-Rang ;
La rivière de Nha-Trang;
Le Song-Darang et le Song-Ga-Go ou rivière de
Phu-Yen.
La rivière d'Ana-Nhon qui draine une partie
de la province de Binh-Dinh et le Song-Pakhuc
la province de Quang-Ngaï ;
La rivière de Tourane, dont un affluent dessert
Faï-Fo, est navigable sur 80 kilomètres.
La rivière de Hué est courte, mais importante
au point de vue économique, et très pittoresque
avec ses rives bordées de bambous et ses habita-
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE 53
tiens indigènes qui se dissimulent dans la verdure.
La rivière de Deng-Ha et le Song-Giang dans le
Quang-Binh.
Dans les provinces du Ha-Tinh, de Nghé-An
et de Thanh-Koa, les trois provinces septentrio-
nales de TAnnam, la Cordillère s'écarte de la
mer et a permis aux rivières de prendre un déve-
loppement un peu plus considérable.
Le Song-Ca, qui descend du Pou-Li dans le
Haut-Laos, aboutit à la mer près de Vinli après
un cours de Goo kilomètres. C'est un fleuve
encombré de rapides. Le capitaine Cupet en a
rencontré 117 entre Muong-Hua-Huong et Cua-Rao,
mais les sampans peuvent les franchir. Au-des-
sous de Cua-Rao, les chaloupes à vapeur peuvent
circuler pendant la période des hautes eaux.
Le Song-Ma qui prend sa source dans la région
de Dien-Bien-Phu et le Song-Chu qui naît près de
Sam-Neua, sont, comme le précédent, encombrés
de rapides et accessibles à la navigation d'une
manière très irrégulière. Le Song-Ma et le Song-
Chu forment au sud du grand delta du Fleuve
Rouge, un petit delta : le Thanh-Koa.
5.'| NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
IV
LE CLIMAT
La situation géographique de Flndo-Chine, son
étendue, sa configuration physique, les montagnes
qui la couvrent et empêchent les vents venant de
la mer de pénétrer dans certaines régions, le voi-
sinage ou Féloignement de la mer sont autant
de causes qui diversifient le climat de Flndo-
Ghine.
Aussi, bien que notre colonie d'Indo-Chine soit
située dans la zone tropicale et soit dotée d'un
climat qu'on est convenu de qualifier de tropical,
doit-on faire des réserves sérieuses à ce sujet et
indiquer que cette règle subit d'assez nombreuses
dérogations suivant le pays que Ton considère en
particulier.
La température est presque toujours élevée et
dans Fensemble elle est caractérisée par des écarts
très faibles, les moyennes ne sont pourtant pas
pai^tout les mêmes suivant qu'il sagit de la Cochin-
chine, de FAnnam ou du Tonkin. En Gochin-
chine, à Saigon, la moyenne maxima est de 33**
DESCRIPTION GEOGRAPHIQUE ^^
et la moyenne minima de 24^5- En Annam, à
Hué, la moyenne maxima est de 36% la moyenne
minima est de i5°6. Au Tonkin, il existe un véri-
table hiver. Dans le delta, la moyenne des minima
de février est de i3°8 et sur les plateaux de
la haute région, l'hiver est beaucoup plus sen-
sible.
Ces moyennes elles-mêmes ne représentent que
des données relativement fictives, d'autant plus
que les observations que Ton possède sont en
général assez incomplètes et portent sur un
nombre d'années assez restreint. De plus, le climat
de Saigon ne représente pas le climat de la Gochin-
chine tout entière, ni celui de Hué celui de tout
r Annam.
Le climat du nord de FAnnam est très semblable
à celui du Tonkin et celui du sud de la même
colonie se rapproche beaucoup plus du climat de
la Cochinchine que du climat de Hué. Le voisi-
nage de la mer ou de la Chaîne annamitique modi-
fie également dans des proportions très notables
le climat normal du pays. Certaines stations éle-
vées comme le plateau du Lang-Bian jouissent
d'une température beaucoup moins haute que
les régions voisines et plus basses. Au Laos, la
56 NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
proximité des montagnes qui met le pays à Fabri des
influences marines, la température comporte des
écarts souvent considérables. A Vien-Tian, on note
des moyennes de il\' en décembre et à Xieng-
Khouang des moyennes de 6*^ à la même époque
tandis que pendant les mois de mars, avril, mai,
des températures de 27®, 3o°, 34° ne sont pas
rares.
Les moussons qui soufflent avec régularité sur
toute la péninsule indo-chinoise établissent une
uniformité beaucou]3 plus grande dans le régime
des vents de Flndo-Chine. Le régime des mous-
sons est particulièrement régulier dans le Sud et
il le serait éo^alement dans le nord de la péninsule
'O
penmi
si le voisinage des côtes d'Annam et du Tonkin
ne les faisait dévier et souffler du Sud-Est au lieu
du Sud-Ouest.
Les typhons sont des vents très violents qui
accompagnent souvent les moussons. Ce sont des
tourbillons qui sont particulièrement dangereux
dans le golfe du Tonkin et sur les côtes d'Annam.
On les redoute de juin à septembre au Tonkin
et de septembre à novembre en Annam. Les
typhons occasionnent souvent des dégâts consi-
dérables en projetant sur les rivages et sur les
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE 5^
côtes basses des millions de mètres cubes d'eau.
Le typhon de 1903 a fait à Hanoi plus de
3.000 victimes et anéanti des espaces considé-
rables de rizières.
Le régime des pluies étant en relations directes
du régime des vents est par suite régulier surtout
dans le Sud. Au Cambodge et en Gochinchine, la
saison des pluies correspond à la saison de la
moisson d'été (mai à octobre). Au Tonkin, le
régime des pluies est moins régulier. Les mois de
juillet, août et septembre, pendant lesquels souffle
la mousson sont certainement très pluvieux, mais
d autres mois ne le sont guère moins. Sur les
côtes d' Annam , la mousson d'hiver qui s'est chargée
d'humidité en passant sur les mers de Chine occa-
sionne des pluies d hiver d'autant plus considéra-
bles que Ton descend davantage vers le Sud,
Le régime des pluies est d'ailleurs dans l'en-
semble assez inégal. Certaines années sont très
humides, d'autres très sèches. Il en résulte soit
des inondations, soit des sécheresses non moins
désastreuses pour Tagriculture.
La tension électrique qui est élevée particuliè-
rement au Tonkin rend le climat humide et chaud
de l'Indo-Chine assez difficile à supporter en général
58 NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
pour rEuropéen. Les côtes et les régions basses
qui, au premier abord, sembleraient malsaines,
sont encore plus salubres que les montagnes à cause
de la proximité de la mer qui y entretient ordi-
nairement une brise pure et vivifiante. Les régions
élevées généralement boisées occasionnent souvent
des fièvres que Ton attribue à Faccumulation des
détritus végétaux qui y pourrissent et aux brouil-
lards. Quelques régions élevées comme le Tran-
rsinh, le Lang-Bian, le Tam-Dao ou le Naï-Ong
sont saines i^aice que les plateaux sont en général
dénudés et que les vents peuvent purifier latmos-
phère .
CHAPITRE III
L EXPANSION KMER ET ANNAMITE
DANS LA PÉNINSULE INDO CHINOISE
Les Khmers et les Chams en Indo-Chine. — L'expansion annamite
et chinoise. — Formation de l'Empire d'Annam. — Les popu-
lations indo-chinoises actuelles.
Malgré les nombreux travaux de détail déjà
publiés, notamment par les soins de TEcole fran-
çaise d'Extrême-Orient, Fethnographie de Flndo-
Chine reste à faire. Llndo-Ghine a subi tant d'in-
vasions et vu tant de migrations que, dans Tétat
actuel de nos connaissances, il n'est guère pos-
sible de construire autre chose que des hypothèses
plus ou moins vraisemblables en face des races
multiples qu'on y rencontre.
Avant notre intervention, quatre peuples parais-
sent s'être successivement disputé le territoire de
rindo-Chine : les Khmers, les Chams, les Thaïs et
les Annamites.
Les Khmers et les Chams étaient d'origine hin-
6o >'OTRE FRA>'CE D^EXTRÉME-ORIENT
doue. Ils arrivèrent en Indo-Chine probablement
bien avant le commencement de l'ère chrétienne
et y fondèrent deux grands Etats : le Founan au
Sud, le Champa dans le Nord.
On ne sait à peu près rien du Founan sinon
qu'un Etat vassal, le Cambodge, le remplaça vers
le iv^ siècle.
Bien que Ton continue sans relâche à déchiffrer
les inscriptions khmers qui couvrent les monuments
dAngkor, on connaît peu de choses sur Ihistoire
de ce peuple primitif. On ignore même à quelle
époque exacte et dans quelles circonstances les
Cambodgiens se substituèrent aux Khmers.
Il est possible que les Cambodgiens soient d'ori-
gine thaï et soient venus pai' suite de la Chine
méridionale.
Les Thaïs auraient pénétré, croit-on, d abord
dans le Haut-Tonkin et de là se seraient répandus
dans tout le sud-ouest jusque dans la péninsule
malaise.
Les Tho qui occupent encore la région qui
s'étend entre la Rivière Claii'c et Monkay seraient
des descendants plus ou moins mélangés de ces
Thaïs primitifs.
En s'avançant vers le Sud, ces peuples thaïs
L EXPANSION KMER ET ANNAMITE 6l
auraient fondé au Laos les royaumes de Vien-tian
et de Luang-Prabang, puis vers le xii^ siècle auraient
substitué leur suzeraineté au Cambodge à celle des
anciens Klimers ; enfin continuant leur mouvement
vers le Sud-Ouest, auraient finalement fondé un
nouveau royaume au Siam.
Les Cambodgiens, sans cesse exposés aux atta-
ques de leurs voisins siamois et annamites, eurent
une histoire très troublée pendant les siècles qui
suivirent et ce n est que lïntervention française au
temps de Norodom qui leur procura la paix et la
sécurité.
Lliistoire des Chams, habitants du Champa,
est peu connue, malgré leurs démêlés avec les
Annamites qui, les refoulant peu à peu du Nord
vers le Sud, finirent par les vaincre définitive-
ment.
On trouve des vestiges des Chams tout le long
de la Cordillère annamitique, depuis le Quang-
Nam jusqu'au Sud-Annam. Dans le Khanh-Hoa
particulièrement, on voit encore des traces de leur
civilisation qui consistent surtout en monuments
religieux dédiés à des rois passés au rang des
génies et en de nombreuses stèles avec inscriptions
sanscrites. L'une des plus anciennes a été décou-
62 >'OTRE FRA>'CE d'eXTRÊME-ORIENT
verte dans une rivière à 6 kilomètres de Nha-
Trang. C'est une pierre grossièrement taillée
de 2°',5o de hauteur. L'inscription en sanscrit
archaïque remonte à 1.400 ans environ et relate
une offrande faite aux divinités par le roi Srinava.
De l'autre côté de la rivière de Nha-Trang s'élève
sur un mamelon un autre monument cham, le
Poh-iNagar, qui remonte au vin*" siècle ; il abrite
la statue de Baghavati aux douze bras, mère de
Siva. Le temple est encore aujourd'hui l'objet
dune grande vénération de la part des indigènes.
La civilisation cham paraît avoir eu le temps de
moins se développer cependant que la civilisation
khmer. Les Chams établis sur le littoral de l'An-
nam furent, en effet, exposés, plus encore que les
Khmers, aux incursions des Annamites et durent
soutenir contre les envahisseurs et aussi contre les
pirates venus par mer plus de luttes et plus de
guerres, jusqu'au jour où ils finirent par céder à
la formidable poussée sino-annamite venue du
Nord.
Les Annamites, qui absorbèrent finalement les
Chams, venaient, comme les Thaïs, des confins du
Thibet.
Des travaux récents permettent de penser que
l'expansion kmer et annamite 63
Finvasion de Tlndo-Ghine par les Annamites fut,
à Forigine, en quelque sorte, une entreprise de
colonisation chinoise.
Longtemps avant notre ère, les Annamites pri-
mitifs menaient probablement le long des fron-
tières méridionales de la Chine une existence
indépendante, pastorale et quasi sauvage, analogue
à celle que Fon constate aujourd'hui encore chez
les montagnards deSé-Tchouenetdu Yun-nam. Peu
à peu, ces peuplades pénétrèrent sur les hauts pla-
teaux du Tonkin et dans la partie montagneuse de
FAnnam où vivaient déjà les Champans. Pêcheurs et
chasseurs, assurément pas agriculteurs, ces Anna-
mites étaient plutôt des populations indépendantes
qui fuyaient devant les armées chinoises cherchant
à pénétrer au Tonkin.
D'après le Yii-Kung^ F Empire chinois, au
i^^ siècle avant Jésus-Christ, ne comptait que neuf
provinces et dépassait à peine le Yang-Tsé-Kiang ;
il avait pensé vivre derrière sa muraille, mais il
se vit bientôt contraint de la franchir.
L'expansion chinoise se fit d'abord vers l'Ouest
et c'est de cette époque que date l'émigration des
clans annamites ; puis les armées chinoises descen-
dirent vers le Sud et envahirent le Tonkin. Les
64 NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
populations du Kouang-Toung et du Kouang-Si
déversèrent alors un flot démigrants en armes qui
occupèrent le nord du Tonkin pêle-mêle avec
Télément annamite qui les avait pacifiquement
devancés.
L'Annam tout entier devait rester province chi-
noise de 1 1 1 avant Jésus-Christ à 987 après Jésus-
Christ.
La domination chinoise fut très féconde pour
FAnnam, bien que les chroniqueurs annamites la
représentent aujourd'hui comme une période de
désolation et d'exaction. La Chine s'efforça d'in-
culquer aux clans annamites les principes de sa
civilisation. «Longtemps, dit M. Camille BrifFaut,
il fut difficile au vainqueur d'astreindre ce peuple
de chasseurs à la culture du sol et à la vie séden-
taire ; il aimait tant sa liberté vagabonde qu'il se
refusa longtemps à s'accoutumer aux règles de
l'Empire du Milieu et porte encore aujourd'hui
dans sa promptitude à la rébellion et à Fexode la
trace atavique de son passé migrateur. »
(( Le Gouvernement chinois, comme s'il eût senti
qu'il lui valait mieux composer avec ce petit
peuple que de tenter de l'éloigner ou de le détruire,
utilisa toute sa patience et toute sa science à Fas^
I
L EXPANSION KMER ET ANNAMITE 65
similer et à Fabsorber ; les mélanges de nationalité
et les fusions de races ne furent point interdites ;
la colonisation raisonnée du pays fut entreprise et
donnée comme modèle par les troupes impériales,
dont chaque unité déguisait un paysan ; les con-
damnés à 1 exil furent dirigés de Chine sur les
pays annexés ; un immense et continuel exemple
fut donné par les immigrants chinois aux popula-
tions aborigènes ! D'aucuns préférèrent se retirer,
mais TAnnamite demeura et le gouvernement
ne le découragea point, ayant le dessein de se
l'assimiler \ »
Sous l'influence du conquérant chinois, une
transformation profonde s'accomplit chez le peuple
annamite. Du iv*' au v^ siècle, on le voit déplacer
lentement son habitat, descendre des montagnes,
abandonner la forêt pour les terres marécageuses
et fertiles du delta tonkinois, essaimer le long de
la côte d'Annam, à TOuest et au Sud, refouler et
anéantir les autochtones, se constituer et grandir.
Après plusieurs tentatives infructueuses, au
milieu du x° siècle, 1 Empire d'Annam conquit
son indépendance et chassa les Chinois.
* C. Briffaut. La Cité annamite, t. I, p. 148 et passim.
5
66 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Pendant les cinq siècles qui suivent, le nouvel
État accroît sa domination sur les Champas et les
Malais, puis continue à s étendre vers le Sud. Les
populations primitives des bords du Dong-Naï, de la
Basse-Cochinchine, sont successivement soumises,
et les Annamites, remontant peu à peu les cours
d'eau, refoulent dans les parties reculées de la
forêt les Cambodgiens. Aujourd'hui encore, en
Cocbinchine, quelques cantons cambodgiens attes-
tent la présence de l'ancienne domination khmer
dans cette région.
A la fin du xvn^ siècle, le Bas-Cambodge n'était
plus qu'une province annamite organisée adminis-
trativement et dont la colonisation raisonnée com-
mençait selon les anciennes métbodes sino-anna-
mites : les vagabonds, les errants, les criminels
étaient déportés dans la nouvelle province au fur
et à mesure que s'étendait la conquête des pays du
Bas-Mékong. La révolte des Tày-Son qui survint
à la fin du xvii^ siècle n'interrompit pas l'exode des
populations annamites vers le sud de la Cocbin-
chine ; sous le règne si troublé de Gia-Long, beau-
coup d'Annamites fuyant les révoltes vinrent se
fixer à Soctrang, Cantho et Travinh.
L'Empire d'Annam, continuant son exode sécu-
L EXPANSION KMER ET ANNAMITE 67
laire vers le Sud, se disposait à franchir les fron-
tières du Haut-Cambodge et à achever l'absorption
de Fancien empire khmer lorsque 1 Europe vint
troubler cette conquête lente et y mettre un terme.
Ce rapide exposé de la formation ethnique de
rindo-Chine serait incomplet si on n'y mentionnait
pas encore l'arrivée plus récente de nouveax immi-
grants venus de Chine et de l'Inde.
La constitution de l'Etat annamite au Tonkin,
en Annam et en Cochinchine et même au Cam-
bodge n'avait pas complètement arrêté le mouve-
ment d'émigration chinoise vers le Sud. L'infiltra-
tion chinoise fut constante pendant ces mille der-
nières années et les frontières du nord du Tonkin
ne furent jamais respectées par les bandes de
pirates que le Gouvernement chinois installait par
la suite dans le pays pour prix de leurs services en
leur distribuant des terres.
A la fin du xvif siècle, des Chinois, partisans des
Minhs, craignant les représailles des Mandchous,
vinrent demander asile à la cour de Hué et l'Em-
pereur les autorisa à s'installer à Mytho et à Bien-
Hoa.
Au début du xviii^ siècle, un aventurier chi-
68 NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
nois, Mac-Càu, vint s'établir dans le golfe du Siam,
à Ha-Tièn. Plusieurs villages, puis Rach-Gia et
Gam-au s'élevèrent malgré les attaques des pirates
et des Khmers. Mac-Gàu fit hommage de ses con-
quêtes à l'Empereur de Hué qui l'autorisa à y ins-
taller d'autres de ses compatriotes.
Depuis cette époque, l'émigration chinoise ne
s'est guère arrêtée et, de nos jours, les commer-
çants venus de Ganton ou du Phuc-\en sont très
nombreux : Cholon est une ville presque entière-
ment chinoise.
Quant aux Hindous, leur venue est plus récente
encore. Elle ne remonte guère au delà de notre
arrivée dans la péninsule. Les Hindous sont soit
des usuriers (chettys), soit des commerçants. Ils
commencent à entrer aussi dans l'administration .
Les indications qui précèdent permettent dès
maintenant de se faire une idée de Fethnographie
de rindo-Chine.
Une race a une prédominance très marquée et
donne à notre colonie une très réelle unité, c'est
L EXPANSION KM EH ET ANNAMITE 69
la race annamite, représentée approximativement
par 12 millions d individus.
Viennent ensuite les descendants des races abo-
rigènes (300.000 environ) et les descendants des
populations chams soumises par les Annamites
(100.000 environ), puis les Thaïs (1.200.000) et
les Cambodgiens (i.doo.ooo), enfin les Chinois
(230. 000) et les Hindous (25o.oooj.
Quant aux Européens, on évalue leur nombre à
17 ou 18.000 parmi lesquels on compte environ
1 5.000 Français, sans compter, bien entendu, les
troupes métropolitaines stationnaii'es dans la colo-
nie.
n\
CHAPITRE lY
LES ANNAMITES
Le type annamite. — La société annamite. — La famille. — La
commune. — Organisation politique et sociale. — Les religions
et le culte des ancêtres. — Les fêtes. — La main-d'œuvre anna-
mite.
Le peuple annamite représente les cinq sixièmes
de la population totale de Flndo-Chine. Il occupe
actuellement toute la région des plaines du Tonkin,
de TAnnam et de la Cochinchine. Au Cambodge,
les Annamites sont assez peu nombreux (à peine
5 p. loo de la population) . Les Annamites sont très
clairsemés dans les montagnes, ils ne vont jamais
s'installer qu'à contre-cœur dans les hautes régions
où Feau, disent-ils, est mauvaise et donne lafîèvre.
Bien que la race annamite ait subi à travers ses
nombreuses migrations d'inévitables croisements
qui ont dû en altérer assez fortement la pureté, le
type actuel de l'Annamite est encore très nette-
ment caractérisé.
7a NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Au physique, FAnnamite est de taille moyenne,
plutôt petite, d'apparence chétive sous ses vête-
ments quoiqu'en réalité il soit fortement musclé.
Les traits du visage sont peu accentués, les pom-
mettes, par contre, sont très saillantes, le front est
bombé, haut et large, le nez épaté, la mâchoire
est très développée et comporte généralement une
dentition qui serait superbe si elle n'était abîmée
soit par Fhabitude qu'ont les Annamites de se
laquer les dents en noir, soit par Fusage du bétel.
Les yeux peu obliques, mais très bridés, sont doux
et expressifs. La chevelure est noire, rude, lon-
gue et abondante. La barbe est rare et pousse très
tard. Le teint est très variable suivant les occupa-
tions de Findividu, sa condition sociale ou même
la région qu il habite. L'Annamite est le plus sou-
vent de couleur vieil ivoire, parfois blanc mat,
quelquefois brun foncé, surtout dans les pays où
le type a subi des croisements avec les Chams
primitifs.
La démarche est active, souple, Fabord obsé-
quieux, mais déliant à l'égard des Européens,
affable cependant et cérémonieux dans les relations
habituelles.
Au moral, le caractère de FAnnamite a été par-
LES ANNAMITES 73
fois très sévèrement apprécié. On a souvent trouvé
1 Annamite fourbe, de mauvaise foi et d'une mora-
lité douteuse. On oublie trop fréquemment, en por-
tant des jugements de ce genre, que nous sommes
en présence dindigènes qui voient surtout en nous
des vainqueurs. Au reste, les Français qui ont
le plus contribué à répandre sur TAnnamite
ces jugements ont fréquenté surtout lAnnamite
des villes, les fonctionnaires indigènes. Tinter-
prêté, le boy, toute une population servile et
corrompue et ne connaissent guère le paysan, le
nhâquê qui représente pourtant Timmense majo-
rité de la population. Celui-ci a, au contraire, de
très réelles qualités : il est patient, sobre, doué
d^une compréhension très rapide des choses et
beaucoup d'Annamites incorporés dans notre admi-
nistration sont des agents très dévoués, d'une
loyauté à toute épreuve.
Notons enfin que le type annamite, au physique
aussi bien qu au moral, n est ni unique, ni im-
muable. L'Annamite du Tonkin ne ressemble pas
à lAnnamite de Cochinchine. Le Tonkinois est
plus robuste, plus énergique, plus actif; il a plus
d'initiative que son congénère ; on sent que pour
lui la vie est souvent plus dure et qu'au cours des
74 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
âges antérieurs il a dû déployer plus d'énergie
pour résister à l'invasion chinoise et défendre
contre l'activité chinoise ses biens et sa place dans
la lutte quotidienne pour la vie.
La société annamite est fondée sur une orga-
nisation très puissante de la famille, copiée d'ail-
leurs sur Forganisation delà famille chinoise. Tout
Annamite doit normalement faire partie d'une
famille, ce qui entraîne pour lui l'obligation de se
marier, de perpétuer la race, de façon à pouvoir
continuer aussi bien la culture du bien familial
que la célébration du culte des ancêtres.
Le Kê-cù est FAnnamite des campagnes qui
réunit ces conditions essentielles. [Kê signifie à la
fois succéder, perpétuer et cà, sédentaire, domi-
cilié.) Il est l'héritier, le successeur des fondateurs
de la famille. « Sédentaire et agi-icole, comme ses
pères, dit M. BrifFaut, le Kê-cù a mission sacrée
de sauvegarder et de perpétuer F œuvre. Que les
morts dorment heureux dans leurs tombes ! Ce que
le père a commencé, le fils le continuera. »
Dans la notion pure de la famille annamite,
comme dans celle de la famille chinoise, lexpa-
triation définitive ne se conçoit pas. L'Annamite,
comme le Chinois, considère comme un malheur
LES A>'NAMITES
la mort loin du village natal. Lorsque, par esprit
de lucre, FAnnamite vient à s'expatrier, il doit,
aux termes mêmes de la loi, déclarer publiquement
qu'il reviendra. Pendant son absence, sa place reste
marquée au foyer familial; ses proches et au
besoin l'autorité communale prennent soin de ses
biens. Et s'il est parti sans s'être, au préalable,
soumis aux formalités de Fabsence légale, lorsqu il
revient, on lui fera bon accueil, on lui donnera
même des terres abandonnées ou incultes afin de
ne pas le laisser sans moyen d'existence.
Une organisation de la famille aussi rigoureuse
entraîne naturellement une hiérarchie très sévère
et des devoirs d'assistance très stricts entre enfants
et parents. Au temps de Gia-Long, la loi pénale
témoignait d'un tel respect pour la collectivité
familiale qu'elle autorisait le condamné à mort à
demeurer auprès de ses aïeul ou aïeule, père ou
mère âgés de plus de soixante-dix ans et infirmes,
pour les soigner, les nourrir et veiller aux céré-
monies du culte. En ce cas, le condamné ne subis-
sait que la peine de cent coups de truong. La
peine ne devenait exécutoire qu au cas où il ne se
conformerait pas à son devoir. La loi pénale
tenait même compte du degré de parenté liant les
76 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
coauteurs d'un délit et punissait plus gravement
le plus âgé parce qu il avait ce le devoir spécial » de
maintenir le plus jeune dans le droit chemin.
Le père de famille a naturellement Fautorité la
plus étendue sur tous ses enfants qui lui doivent un
respect absolu, dont les formes extérieures sont
même assurées par des sanctions pénales. Légale-
ment, il peut avoir plusieurs épouses, mais une
seule a rang de maîtresse de maison et de mère de
famille ; elle commande aux épouses de rang infé-
rieur dont les enfants sont ses enfants au même
titre que ceux du père de famille.
La commune, le village est la réunion de plu-
sieurs familles et le pouvoir central lui reconnaît
une autonomie et une indépendance presque
absolues. Des notables majem^s et des notables
mineurs l'administrent. Le maire (Ly-Trùong) est
choisi parmi les premiers, mais il n'en est pas le
président, il est seulement Tagent d'exécution de
leurs délibérations et il en règle les diverses moda-
lités d'accord avec les notables mineurs. En prin-
cipe, le pouvoir central n'intervient jamais dans
l'administration intérieure de la commune. Ce
sont les notables qui répartissent et perçoivent
limpôt. La répartition s'opère d'après le nombre
II
LES ANNAMITES 77
des inscrits propriétaires et artisans. Chacun doit
payer proportionnellement aux terres qu'il cul-
tive.
Les liens de solidarité des familles à Fintérieur
de la commune ne sont pas moins forts que ceux
qui unissent les individus à Fintérieur de la
famille. La commune est propriétaire des terres.
Elle en surveille la culture, encourage et punit,
allotit et dessaisit selon les aptitudes, les moyens
économiques, les forces et la bonne volonté de
chacun. Le Dân-Dào, le transfuge qui, pour ne
pas satisfaire aux charges fiscales, abandonne sa
terre et sa famille est une cause de désordre dans
Fétablissement de 1 assiette de l'impôt ; la loi et la
coutume le traquent en conséquence de toutes
parts et il est fatalement voué à la piraterie ou
obligé tôt ou tard de revenir dans sa patrie d'ori-
gine. La commune réserve d ailleurs obligatoire-
ment une partie des terres disponibles pour ses
indigents et cette organisation charitable rend rela-
tivement très rare le paupérisme parmi les Anna-
mites.
Le canton (tông) , la sous-préfecture (huyên) et
la préfecture (phu), même la province (tinh) ne
sont que des cadres administratifs sans conséquence
8 KOTRE FRA>^CE D EXTREME-ORIENT
au point de vue social. Au-dessus de la commune,
il n"y a que l'Etat qui se concentre tout entier
dans TEmpereur.
L'Empereur (Vua) est à la fois monarque et
juge suprême. Il n*a à côté de lui aucune autorité
susceptible de contrebalancer ou d'affaiblir la
sienne. Aucune constitution, aucun parlement,
aucune noblesse héréditaire. Un corps de manda-
rins seul l'assiste pour l'administration de l'Etat.
Il Y a deux catégories de mandarins : des manda-
rins civils, recrutés au concours et des mandarins
militaires qui doivent seulement j ustifier d'aptitudes
physiques suffisantes. Les premiers jouissent d'un
prestige beaucoup plus marqué que les seconds.
Tous les offices de mandarins sont classés en
neuf catégories et chaque catégorie est subdivisée
en deux classes. Dans la première classe du pre-
mier degré, il n'y a que neuf mandarins, les
(( quatre colonnes de l'Empire » et les cinq maré-
chaux. La première classe du deuxième degré
comprend les six ministres et les tông-dôc (gou-
verneur) des grandes provinces. Viennent ensuite
les préfets (quan-phu), les sous-préfets (quan-
huyên, etc. Les mandarins sont recrutés parmi
les lettrés ayant satisfait à des concours littéraires
LES ANNAMITES 79
qui ont lieu périodiquement. Certains concours
durent plusieurs semaines et sont présidés par les
plus hauts fonctionnaires de la cour.
Primitivement, les concours consistaient en dis-
sertations, en poésies ; depuis notre installation
dans le pays, l'administration y a introduit des
matières plus en rapport avec les occupations des
futurs mandarins. Ces concours jouissent d'une
très grande faveur et F Annamite professe, à Tégard
de tous ceux qui sV distinguent, une véritable
vénération. En terre d'Annam, la science est
honorée à Fégal d'une vertu et, dans chaque vil-
lage, le simple maître d'école passe, dans la hié-
rarchie du respect, immédiatement après le père
de famille.
Au point de vue religieux, les Annamites pra-
tiquent soit le confucianisme, soit le bouddhisme
ou le taoïsme. Parfois même, ils juxtaposent ces
divers cultes. Le confucianisme est le culte officiel,
l'Empereur, les lettrés, les fonctionnaires en sont
les officiants naturels.
Le culte des ancêtres, des grands hommes, des
génies est la base du confucianisme. C'est à cer-
tains égards plus une morale qu'une religion, car
aucune divinité, à proprement parler, n'est honorée
8o NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
en particulier. Le culte des ancêtres est célébré
par le chef de la famille, et dans aucun cas ne
peut être célébré par une femme. Le culte des
grands hommes est célébré par TEmpereur et les
mandarins. Au culte des ancêtres, les Annamites
ajoutent celui du génie du foyer qui rappelle assez
celui des dieux lares chez les Romains,
Un certain nombre d'Annamites sont boud-
dhistes, mais ce bouddhisme est très superficiel et
se confond chez beaucoup avec le confucianisme.
Quand au taoïsme, fondé par La-Tseu, c'était
au début une doctrine philosophique ; il a dégé-
néré en une série de rites plus ou moins magiques
auxquels on a recours en cas d épidémies, de cala-
mités, pour faire choix d'un lieu de sépul-
ture, etc.. Certaines sectes — les Dao-Tiên, les
Dao Dông-Côt et les Dao-Nôi — participent à la
fois du confucianisme et du taoïsme.
Beaucoup d'Annamites empruntent d'ailleurs à
ces diverses religions une grande quantité de
superstitions ; fort peu les pratiquent dans toute
leur pureté. On trouve généralement dans les vil-
lages annamites une pagode affectée au culte de
Bouddha, des pagodes plus petites servant à la
célébration du culte de Dieux secondaires ou de
150L JJIJH A
LES ANNAMITES 01
déesses, des autels en maçonnerie dédiés au culte
deConfucius, enfin, et surtout, une grande pagode
appelée dinh et dédiée au culte particulier des
génies du village et qui sert aussi de maison com-
mune et de lieu de réunion jDOur les notables
délibérant sur les intérêts de la commune.
C'est finalement dans le culte des ancêtres que
se résume la religion annamite.
L'Annamite croit que les âmes des morts souf-
frent si elles ne sont pas Tobjet d'un culte familial,
qu'elles apparaissent aux vivants et les tourmen-
tent si on ne leur rend pas les honneurs auxquels
elles ont droit. L'Annamite tient donc par-dessus
tout à laisser une postérité mâle pour perpétuer ce
culte, et, s'il n'a pas d enfants, il en adopte.
Toutes les fêtes annamites ont pour base le
culte des ancêtres.
C'est lui qui domine la cérémonie du mariage.
Au jour fixé, le fiancé et le cortège se rendent au
domicile de la fiancée. Là, devant Tau tel des
ancêtres, tout décoré pour la circonstance, par-
fumé de bâtonnets d'encens, on place un plateau
de bétel et deux bougies. Le chef de famille les
allume et annonce aux ancêtres qu'il marie sa
fille à un Tel, fils de un Tel et appelle leur béné-
6
8à NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
diction sur le nouveau couple. Le père et la mère
des deux époux font quatre lays devant Tautel et
on se retire ; la première partie de la cérémonie,
qui a pour objet de détacher la fiancée de son
ancienne famille, est terminée. On se rend alors
dans la maison de l^époux et les nouveaux époux
vont faire des lays devant Tautel domestique. Là,
le père prévient de même les ancêtres du mariage
qui est en train de s'accomplir, et il ne reste plus
qu'à aller festoyer dans la maison du nouvel
époux.
Au moment des funérailles, les ancêtres de la
famille sont également associés à la cérémonie.
Quand un Annamite vient à mourir, on pousse de
grands cris pour rappeler son âme, puis on revêt
le mort de ses vêtements ordinaires. On le place
dans un cercueil avec sept sapèques dans la bouche,
si c'est un homme, neuf si c'est une femme, afin
de chasser les mauvais esprits. Au moment fixé
pour rinhumation, le cercueil est placé sur un
brancard et le cortège, précédé de deux hommes
armés de lances et de bâtons, pour chasser le diable,
se met en marche, suivi de porteurs de bannières
rouges et blanches avec des caractères. Des assis^
tants portent de Tencens et des offrandes. Après
LES ANNAMITES 83
eux viennent le conducteur du deuil, le cercueil
et la famille. L'inhumation terminée, on offre des
sacrifices aux génies de la terre.
Les différentes phases du deuil donnent lieu à
des cérémonies familiales (cung) . La première a
Heu trois mois et dix jours après le décès, c'est
l'anniversaire des cent jours (tuân-ba-nhut) , la fin
des pleurs. La seconde se célèbre au bout dun
an, c'est le tien-tuong, ou petit bonheur, et la
troisième à l'expiration de la deuxième année,
G est le dai-tuong, ou grand bonheur, fin de deuil.
Il y a deux manières de célébrer ces fêtes, soit
suivant la forme rituelle de Confucius (lam-dang-
le) j soit suivant celle de Bouddha (lam-dang-phât) .
La première consiste à présenter aux mânes du
défunt un repas copieux et en se conformant aux
principes du grand philosophe chinois ; la deuxième
a pour but de prendre 1 àme du défunt (bat-bon)
pour la transporter dans 1 Occident, berceau de
Bouddha. Les offrandes se composent alors exclu-
sivement de végétaux, c'est une sorte de jeûne.
Quelques Annamites riches, pour donner plus
d'éclat à ces fêtes familiales, les célèbrent même
suivant les deux rites et font succéder au jeûne (an-
chay) de grands festins (^nga-mang), retour au gras.
84 NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
Les plus grandes fêtes de la vie religieuse de
r Annamite ont lieu à Tépoque du nouvel an,
c'est le Têt. Le Têt est encore une fête qui se rat-
tache de très près au culte des ancêtres. Le Têt
est une fête tout à la fois officielle, religieuse et
familiale. Elle dure environ une dizaine de jours et
TAnnamite même le plus pauvre ne voudrait pas
ne pas la célébrer. Le Gouvernement s'associe à ces
manifestations, en faisant cesser l'expédition des
affaires du vingt-cinquième jour du douzième mois
annamite jusqu au dixième jour du premier mois
de la nouvelle année.
En ville, tout le mouvement commercial est sus-
pendu, on ne voit que des gens revêtus de leurs
plus beaux atours, qui circulent pour se rendre
visite et on n'entend guère d'autres bruits que
celui des pétards qui sont, on le sait, de toutes
es fêtes annamites.
La fête elle-même a lieu à l'intérieur des mai-
sons. Devant la porte, sur la rue, on plante un
grand mât orné au sommet de feuilles de latanier,
de cocotier ou de plumes. Le soir on y accroche
une lanterne. Dans la cour, on plante également
un bambou vert. Toute cette décoration extérieure
a pour objet d'indiquer la maison aux mânes des
LES ANNAMITES 85
ancêtres et des parents morts; par ces signes, ils
sont invités à entrer et à prendre le repas qui est
servi pour eux sur l'autel des ancêtres.
Sur le seuil de la porte, on trace à la craie des
arcs et des flèches, on y ajoute même parfois
quelques fagots et plantes épineuses, afin de
défendre l'entrée delà maison aux mauvais esprits.
A Tintérieur, Tameublement habituel est complè-
tement bouleversé. Sur le côté gauche du mur de
la porte, en voit une petite niche carrée, c'est un
autel en l'honneur du génie du quartier, chef des
portes. On y voit brûler des cierges, des bâtons
d'encens, des fleurs; des papiers dorés ornent cet
autel, et deux fois par jour on offre deux repas
au génie.
Dans la première pièce, faisant face générale-
ment à la porte d'entrée, s'élève Fautel des ancêtres.
Une tablette dorée est placée dessus et porte les
noms des descendants morts, et tout autour s'éta-
lent des brûle-parfums, des vases à baguettes
d'encens, des papiers dorés ; enfin, un repas tout
aussi copieux que celui qui peut être destiné à la
famille vivante.
Le grand repas a lieu le trentième jour du
12^ mois à minuit. On l'accompagne d'un fracas
86 NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
épouvantable de pétards, de coups de tam-tam et
de gong. Au cours de ce festin, on fait d abon-
dantes libations et il est bien peu d'Annamites qui
ne soient complètement ivres au début de la nou-
velle année.
Enfin, le 4 du premier mois, on fait un dernier
repas, on finit de brûler tous les papiers dorés, tous
les pétards. Les ancêtres sont partis. Avant de rou-
vrir la maison et de reprendre les occupations habi-
tuelles, les Annamites attendent le soleil, lui seul
doit y pénétrer le premier sous peine des plus
effroyables calamités.
Le Ministère des rites surveille dailleurs Fac-
complissement de toutes ces formalités au cours
des diverses cérémonies qui marquent la vie reli-
gieuse de r Annamite. Tout un chapitre du code
annamite détermine celle que 1 on doit accomplir,
lors des grands sacrifices offerts au ciel, à la terre,
aux esprits protecteurs de la dynastie et de 1 Etat
ou lors des sacrifices moyens offerts au soleil du
matin, à la lune du soir, au vent, aux nuages, à la
foudre, à la pluie, aux montagnes hantées, à la
mer et aux torrents ainsi qu'aux esprits des anciens
empereurs et des ancêtres.
Cette organisation étatique et ces pratiques reli-
LES ANNAMITES 87
gieuâes ont fini à la longue par créer une menta-
lité sociale très originale à TAnnamite des cam-
pagnes. Le Kê-cù a une morale très intimement
liée à toutes les circonstances de la vie rurale qui
absorbe toute son activité. Son honneur est d'être
cultivateur et bon cultivateur au sein de la com-
mune. Son bonheur ne dépasse pas les limites de
sa rizière. Son devoir consiste à observer rigou-
reusement toutes les pratiques qui lui procureront
une bonne récolte, tous les rites religieux qui lui
concilieront les forces mystérieuses et fécondes de
la nature. Les inondations, les typhons, les orages
sont pour lui le signe de la colère du Ciel et
quand ces calamités viennent à se produire, elles
indiquent que quelque formule du rituel écono-
mique a été méconnu, il faut s'efforcer sans retard
de conjurer le péril en offrant aux génies mécon-
tents les sacrifices ou les offrandes nécessaires.
Les religions occidentales ont eu relativement
peu de prise sur le peuple annamite des campa^
gnes. L'islamisme a fait quelques progrès dans le
sud de FAnnam et le christianisme compte des
fidèles assez nombreux grâce au zèle des mission-
naires, mais les Annamites ayant embrassé le chris-
tianisme ne sont guère plus de 5 à 600 ooo. Les
88 NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
catholiques sont réunis en chrétienté dans des vil-
lages disséminés sur tout le territoire de la colonie,
et répartis au point de vue hiériarchique en dix
vicariats apostoliques dont cinq pour le Tonkin,
trois pour lAnnam et deux pour la Cochinchine
et le Cambodge.
Au point de vue professionnel, la majorité des
Annamites est surtout composée d'agriculteurs,
dont l'infatigable ardeur s'exerce surtout dans les
deltas. Là le cultivateur annamite a réussi à tirer
parti même des terrains les moins favorisés. Son
ingéniosité a inventé mille procédés pour irriguer
sa rizière ou pour le protéger de 1 inondation.
L'Annamite est également pêcheur. Le déve-
loppement considérable des côtes la naturellement
conduit à chercher dans la mer le complément de
son alimentation, et les nombreux cours d'eau qui
sillonnent son pays ont entretenu ce besoin chez
ceux qui sont plus éloignés delà côte. Les Anna-
mites sont souvent aussi des ouvriers d'art remar-
quables dont les broderies, les sculptures, les incrus-
tations ornent les maisons riches.
Tous, d'ailleurs, quel que soit leur métier ou
leur goût personnel, font preuve de sérieuses apti-
LES ANNAMITES 89
tudes professionnelles. L'Annamite, quel que soit
le travail auquel on l'emploie, exécute très vite la
besogne qu'on lui confie grâce à son habileté natu-
relle qui est extrêmement développée et qui se
contente souvent pour Fexercer des outils les plus
rudimentaires.
Dans les usines, sur les chantiers de travaux
publics, les Annamites rendent de précieux ser-
vices. Les témoignages à ce sujet sont très nom-
breux et catégoriques. Un officier qui a assisté à
la pose du matériel de la voie ferrée sur la ligne
d'Hanoï à Laokay, le capitaine Ibos, s'exprime
ainsi dans son ouvrage sur le chemin de fer du
Fleuve Rouge :
« L'Annamite, dit-il, a des aptitudes marquées
pour la mécanique et les métiers qui en dérivent.
Ajusteurs, ouvriers en fer et en cuivre de toutes
catégories, dressés dans les ateliers de la Compagnie
ou dans ceux de la Direction des travaux publics
et des entreprises privées, suffisent, sous la sur-
veillance de contremaîtres européens, à tous les
besoins. Wagons, locomotives, appareils éléva-
toires, machines-outils arrivent de France dé-
montés. Nos Annamites ont vite compris les rela-
tions et les rôles des diverses parties d'un appareil
90 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
et font preuve dune surprenante dextérité dans
le montage, les réparations, Tentretien des mul-
tiples organes mécaniques d'une voie ferrée. Dans
la conduite des trains, mécaniciens et chauffeurs
montrent un zèle louable, une grande expérience
et dans les circonstances difficiles un imperturbable
sang- froid. »
Le jour où un enseignement professionnel bien
adapté aux nécessités locales serait donné à FAn-
namite, celui-ci apporterait à lindustrie naissante
indo-chinoise un appoint remarquable. Lorsque le
jeune Annamite aura passé à 1 école profession-
nelle deux ans à apprendre un métier de mécani-
cien, d'électricien, de tanneur, d'ébéniste, d'ajus-
teur, il trouvera toujours un emploi rémunérateur.
Intelligent et travailleur, il pourra devenir un con-
tremaître précieux dans un atelier. En tout état
de cause, il n'aura jamais de mépris pour les pro-
fessions manuelles, comme aujourd hui tant de
demi-lettrés qui sont surtout des déclassés, des
oisifs, réduits pour vivre à des besognes très lou-
ches. Peu à peu et par une évolution inconsciente
mais fatale chez l'ouvrier annamite, apparaîtra la
notion du devoir et de la responsabilité. Aujour-
d'hui, on lui reproche à lusine d'être un véritable
LES ANNAMITES 91
enfant, toujours prêt à s'amuser ou à quitter son
travail pour le moindre motif sans souci du pré-
judice que son absence peut causer. Ce défaut ne
tardera pas à disparaître quand une éducation
morale et professionnelle convenable aura démontré
à FAnnamite Fétroite solidarité qui existe entre
ses propres intérêts et ceux du patron.
Notre devoir de grande nation colonisatrice
nous commande impérieusement de ne pas négliger
un élément ethnique aussi nombreux et d une
valeur aussi grande ; TAnnamite est l'auxiliaire
nécessaire et Tinstrumcnt de notre œuvre dans
son pays.
CHAPITRE V
LES CAMBODGIENS
Le type cambodgion. — Institutions politiques et sociales. — Les
reformes récentes en matière communale. — Constitution de la
propriété privée au Cambodge.
Religion. — Les bonzes. — Les fêtes de la vie cambodgienne.
On évalue à i.3oo.ooo le nombre des Cambod-
giens existant en Indo-Chine. La plupart vivent au
Cambodge où ils représentent près des 85 p. loo
de la population totale. En Cochinchine, il n'y
en a que de 7 p. loo. Au Laos, on en trouve
quelques-uns dans le Sud.
L'origine des Cambodgiens est très obscure,
nous Favons vu. Ils sont vraisemblablement les
descendants d'une race aborigène qui a été suc-
cessivement modifiée parles Klimers et les Thaïs.
On rencontre parmi les Cambodgiens deux types
assez nettement caractérisés. L un estgrand, svelte,
a le nez droit; Tautre est massif, trapu étale nez
écrasé. Chez Tun et l'autre la bouche est assez
94 NOTRE FRANGE D EXTRÊME-ORIENT
grande avec des lèvres charnues. Le teint est clair
ordinairement, mais peut parfois être rouge bronzé.
Les yeux sont passablement bridés et le regard est
oblique. Les cheveux très noirs sont abondants.
Hommes et femmes les portent coupés en brosse.
Le torse est carré, la taille bien prise, les jambes
droites, les pieds sont petits, Torteil est écarté
comme chez l'Annamite. La démarche est sûre et
ne manque pas d'une certaine élégance.
Les hommes portent une sorte de veston droit
boutonné devant et un pantalon très court, les
femmes une robe serrée à la taille et aux poignets.
Le langouti ou sampot qui couvre simplement
les reins et les cuisses remplace d'ailleurs souvent
ces vêtements. Des ceintures de soie plus ou moins
richement brodées accompagnent quelquefois ce
costume.
Le caractère du Cambodgien est très doux, très
insouciant aussi, et on retrouve peu chez ce peuple
indifférent et d une nature passive les traditions
d'énergie qu'attestent si brillamment les magni-
fiques monuments de l'antiquité de la civilisation
khmer. Le Cambodgien se contente de peu. La
forêt voisine lui fournit le bambou, le rotin néces-
saires à la construction de sa maison, le sol fécondé
LES CAMBODGIENS qS
chaque année par Tinondation lui procure sans
la moindre fatigue le riz dont il se nourrit. Les
lacs et les rivières lui donnent les poissons qui
complètent son alimentation. Le plus souvent les
hommes laissent aux femmes le soin de cultiver les
quelques arpents de terre qu'ils possèdent et pas-
sent leur temps à la chasse ou dans les pagodes
qui sont pour eux de véritables lieux de réunion.
Un travail sérieux ne saurait les intéresser, et bien
souvent, dans certains districts, l'administration
s'est heurtée à la mauvaise volonté des habitants
lorsqu'elle a voulu entreprendre avec leur collabo-
ration des travaux tels que le creusement de
canaux ou la construction de routes.
Les institutions cambodgiennes diffèrent tota-
lement des institutions annamites. Avant que le
protectorat n'ait modifié Fancien état de choses,
le roi était propriétaire éminent de toutes les terres
du royaume, maître absolu de tous les biens et de
toutes les existences. Son pouvoir était illimité et
sa volonté faisait loi. Au-dessous du roi, une
noblesse, assez semblable à notre féodalité au
moyen âge, se partageait le pays en fiefs. Cinq
ministres et des gouverneurs assistaient le roi
dans l'administration des provinces. S. M. Siso-
96 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
wath, le roi actuel du Cambodge, a fortement
contribué à modifier cette organisation séculaire.
Après avoir abandonné son droit de propriétaire
éminent il a créé, par diverses ordonnances, la
propriété indigène et la commune cambodgienne.
La propriété indigène a été organisée sur les
bases suivantes :
Tout terrain est présumé appartenir à celui qui
le possède et le cultive d'une façon paisible et
continuelle. Tout Cambodgien possesseur de ter-
rain est tenu d'en acquérir Timmatriculation ; sa
demande est affichée à la maison commune afin
de permettre aux oppositions de se produire. La
durée de raiTichage dure six mois et à F expiration
de ce délai, si la dematide n'a faitTobjet d'aucune
opposition, elle est immatriculée et un titre de
propriété détaché d'un registre à souches est délivré
au propriétaire. Ce titre constitue une preuve
désormais inattaquable en justice.
En cas d opposition, le Conseil des notables
statue si la description physique de la parcelle est
seule en cause ; dans tous les autres cas, les tribu-
naux sont seuls compétents.
Les terrains abandonnés depuis plus de cinq
ans font retour au domaine et toutes conventions
LES CAMBODGIENS 97
comportant modification du droit de propriété doit
être constatée par voie d'immatriculation sur les
titres de propriété.
Plusieurs ordonnances, en créant les budgets
résidentiels, en supprimant les apanages ministé-
riels avaient déjà réalisé des réformes précieuses
pour le développement du pays. L'ordonnance
du 5 juin 1908, en organisant la commune, a fait
faire un pas de plus dans cette voie en sauvegar-
dant d'une façon plus nette les intérêts immédiats
de la population.
Le Conseil communal se compose désormais de
membres élus (Krom-Chumnum) se réunissant au
moins tous les trois mois. Il dirige les affaires de
commune (Khum). Les Krom-Chumnum sont
élus au scrutin secret par les électeurs de chacun
des Khum ou agglomération comptant plus de
5o habitants. Sous leurs ordres, ils ont les chefs
de groupes de familles, comprenant plus de
20 habitants. Ils sont les représentants de l'autorité
administrative dans le khum auquel ils appar-
tiennent.
Les conseillers des divers khum élisent parmi
eux ou en dehors d eux un Mékhum, sorte de
maire qui devient chef de Khum. Le Mékhum est
7
gS NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
assisté d'un nombre d'adjoints proportionné à
Timpor tance du Khum. Les mandats conférés ont
une durée de quatre ans et les élus doivent savoir
lire et écrire et n'avoir subi aucune condamnation
correctionnelle ou criminelle .
Le Mékhum, qui doit être de nationalité cam-
bodgienne, est chargé de la direction de tous les
services du Khum. En cas d empêchement, il est
remplacé par le premier adjoint à qui incombe,
en temps ordinaire, le recouvrement des impôts,
le contrôle permanent de la Caisse du village et la
tenue du registre des délibérations du Conseil du
Khum. Le deuxième adjoint est spécialement
chargé de la Caisse de la police et des réquisi-
tions.
La personnalité morale du Khum a été reconnue
et la liste de ses biens fonciers établie et déposée à
la Résidence et au chef-lieu de la province. Ses
biens ne peuvent être aliénés qu'avec l'autorisation
du Conseil de Résidence, sur la proposition du Con-
seil du Khum et du gouverneur de la région.
Aucune action judiciaire ne peut être poursuivie
par le Mékhum sans autorisation du gouverneur
et du résident.
Les Cambodgiens sont ordinairement boud-
LES CAMBODGIENS 99
dhistes, mais leur religion est très fortement imbue
de brahmanisme et entremêlée d'un grand nombre
de superstitions.
Le système religieux cambodgien n'a pas d'autre
divinité que Bouddha. Bouddha n'est d'ailleurs
pour les Cambodgiens rien d'autre qu'un homme
ne différant pas d'origine avec ses semblables
mais qui, par ses mérites et ses vertus, a été
admis dans une des sphères célestes. Il en est
sorti pour reprendre la forme humaine, expirer à
son heure et passer dans le Nirvana. Ni Dieu, ni
création. On part de l'hypothèse que la matière a
existé de tout temps et que le vent, la terre, l'eau
et le feu sont les quatre causes de la création.
Les fêtes religieuses cambodgiennes sont très
nombreuses. Les unes ont pour objet la nouvelle
année, les autres sont destinées à attirer la pluie
sur les plants de riz nouvellement repiqué ou
pour la faire cesser lorsque les rizières sont suffi-
samment arrosées. On offre encore des fêtes à
la lune au mois d'octobre en l'honneur du pre-
mier riz. Au mois de septembre, la fête des morts
dure trois jours.
Ce sont les bonzes qui sont chargés de célébrer
toutes ces cérémonies en l'honneur de Bouddha
lOO NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
dans les pagodes. Les bonzes représentent une
classe très nombreuse et très influente parmi la
population. Les bonzes, réunis en commun dans
desbonzeries. vivent des aumônes qu'ils recueillent
de porte en porte. Ils sont vêtus de jaune et évi-
tent le contact et même la vue des femmes. Leurs
journées se passent en prières et en méditations.
Ils n'ont, à parler, aucune fonction sacerdotale et
tout individu peut se faire bonze, soit à perpétuité,
soit pour un temps donné. Lorsqu'un jeune
homme veut embrasser la vie religieuse et se faire
bonze, il prend l'avis de ses parents, consulte les
bonzes et fait un stage d'un certain temps dans
une bonzerie; lorsque les bonzes jugent son édu-
cation suffisante, ils l'admettent définitivement
parmi eux. Les parents du jeune homme lui
donnent alors la part d héritage qui lui revient et
cette somme est généralement destinée à l'achat
du trousseau du nouveau bonze et au paiement de
la grande fête qui est donnée au moment de son
entrée dans la vie religieuse. Les bonzes donnent
rinstruction aux enfants dans les bonzeries et tout
adolescent, quelle que soit sa condition sociale,
doit y passer au moins quelques mois. Les Cam-
bodgiens entourent les bonzes d un très grand
I
LES CAMBODGIENS lOi
respect et leur donnent toujours la première place
dans les cérémonies. La personne d'un bonze est
inviolable, nul que ses pairs n'a le droit de juger
ses actes.
En dehors de Bouddha, tout spécialement
honoré dans les pagodes, les Cambodgiens ont un
culte particulier pour le Nac-Ta (esprit du bien) et
le A-rac (esprit du mal) . Le Nac-ta est un dieu
qu'on invoque en toutes circonstances, quand il
s'agit de retrouver un objet perdu, de guérir un
malade, de détourner un malheur quelconque. Si
le résultat attendu survient, on offre au Nac-ta
des bananes, du poulet bouilli, de 1 alcool que
le Cambodgien à la fm de la cérémonie consomme
par reconnaissance du service rendu. Les maladies
sont dues à Fesprit du mal. Pour apaiser TA-rac
il faut avoir recours à des sorciers qui seuls con-
naissent les moyens ordinairement très bruyants
d'y parvenir.
Le mariage, les funérailles donnent également
lieu à des fêtes de la vie cambodgienne. Le mariage
a lieu sensiblement de la même manière que chez
les Annamites, à la seule différence essentielle pour-
tant que le mari va habiter chez sa femme. La
femme joue ordinairement le rôle de chef de
lOa NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
famille; c'est elle qui hérite, rend le culte aux
ancêtres et détient la fortune de la communauté.
Les Cambodgiens brûlent généralement leurs
morts. La fête de la crémation est célébrée avec
plus ou moins de solennité suivant la fortune de
la famille. Les riches brûlent en général les corps
de leurs morts quelques jours seulement après le
décès ; ils en apportent ensuite les cendres à la
pagode où elles sont conservées. Les pauvres
attendent parfois plusieurs mois avant de procéder
à cette opération et réunissent pendant ce laps de
temps l'argent nécessaire. La veuve ne peut se
remarier avant lincinération de son premier
naari.
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CHAPITRE VI
POPULATIONS thaï
GHAMS ET SAUVAGES
I. Les Thaïs. — Thos. Laotiens.
IL Les Chams et les Malais.
IIL Les populations dites sauvages : Mois, Khas, Muongs, Manij,
Méos, etc.
IV. Les Chinois.
Mœurs. Costumes. Organisation sociale.
I
LES thaïs
La race thaï, on la vu précédemment, s'est
répandue du \un nam au Siam, suivant le mot de
M. Finot, comme une grande nappe dinondation.
(( Pareille à un fleuve immense qui réfléchit dans
ses eaux la variété des paysages, elle s'est trans-
formée à 1 image des peuples qu'elle a côtoyés dans
sa marche ; le Thaï du Yun nam ressemble au Chi-
nois, celui du Tonkin à FAnnamite, celui du Laos
I0/| NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
et du Siam au Khmer. Les uns pratiquent le
bouddhisme singalais, les autres le culte des
ancêtres; les uns brûlent leurs morts, les autres
les enterrent. Non moins que les costumes, la
langue a été modifiée par Tafflux d'éléments
étrangers. L'écriture est plus diverse encore : on
arriverait facilement à en relever une dizaine de
variétés. »
Les agglomérations thaï les plus importantes se
rencontrent dans le Haut-Tonkin et au Laos.
Dans le Haut-Tonkin, la race thaï est repré-
sentée par les Thos qui habitent au nombre
de iDO.ooo environ la région comprise entre la
Rivière Claire et Kébao, cest-à-dire les plaines de
Ha-Giang, de Daobang, de Bac-Giang, de Thaï-
Nguyen et de Tuyen-quang. Les Thos sont peu
actifs, peu entreprenants et ne cherchent pas à tirer
parti des richesses forestières qui les entourent. Ils
mènent au fond une existence assez misérable.
Profondément ennemis de tout progrès, leur
maison, leur costume et leurs instruments de
travail n'ont pas changé depuis des siècles.
Le Tho est plus grand, plus fort que l'Annamite,
ses membres sont moins grêles. Bon marcheur, il
est un excellent porteur, malgré la difficulté des
POPULATIONS THAÏ, CHAMS ET SAUVAGES io5
chemins. Au moral, c'est un résigné qui supporte
le joug de l'étranger avec une fatalité tout orien-
tale. Si le joug lui devient trop lourd, il émigré.
La femme est bien proportionnée et a une certaine
grâce jusqu'au moment de son mariage. Mariée,
elle se déforme très vite, car elle est assujettie à
tous les travaux pénibles.
Les Thos se nourrissent de riz, particulièrement
de riz gluant qu'i^ font cuire à la vapeur d'une
façon spéciale. Au-dessus d'une marmite pleine
d'eau, ils placent un gros bambou fermé à la partie
inférieure avec un morceau de toile et un fin
treillis de bambou. Quand 1 eau bout, la vapeur
traverse le bambou dans lequel le riz est placé.
Les Thos vont également chercher dans la forêt
pour se nourrir des pousses de bambous, des fleurs
de bananiers sauvages. Les rivières leur four-
nissent également des poissons qu'ils harponnent
au passage ou qu'ils prennent à l'aide de nasses et
d'éperviers. A lâchasse, les Thos se servent darba-
lètes et de flèches empoisonnées. Leur adresse est
très remarquable.
Les Thos ont un costume de forme semblable
à celui des Annamites. Il se compose dune tunique
boutonnée sur le côté et d'un pantalon court retenu
Io6 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
par une ceinture et dont le bas est souvent resserré
dans des jambières en toile. Leurs vêtements sont
teints en bleu bien qu'ils récoltent beaucoup de
cunao dans leur pays. Les femmes shabillent
comme les hommes avec, en plus, un cache-sein
de cotonnade blanche. Elles portent les cheveux
roulés autour de la tête comme les femmes anna-
mites .
Les villages thos sont ordinairement formés de
trois ou quatre cases bâties dans le fond des vallées.
Le Tho bâtit ordinairement sa maison au milieu
même des terrains qu'il cultive afin d'avoir le
moins de mal possible pour planter sa rizière ou
pour la protéger. Au temps delà piraterie, les Thos
avaient pris T habitude de se grouper; depuis que
la sécurité règne dans leur pays, ils sont revenus
à leurs anciennes habitudes. La maison est ordi-
nairement bâtie sur pilotis, ce qui lui donne 1 air
d'une habitation lacustre autour de laquelle Feau
se serait retirée. On y accède par un escalier gros-
sièrement taillé et aboutissant à un palier dont le
plancher est à claire-voie. De ce palier on entre
dans la maison. Celle-ci est ordinairement divisée
en deux parties. Lune est réservée à la famille et
l'autre, séparée de la première par une cloison en
POPULATIONS THAÏ, CHAMS ET SAUA'AGES 107
tambour, est destinée aux étrangers. G 'est dans cette
deuxième pièce qu'est placé Fautel des ancêtres,
très modeste le plus souvent. L'ameublement est
très rudimentaire. Le lit se compose d'une natte
et d'une couverture rembourrée avec du coton,
parfois le lit est entouré d'un moustiquaire.
L'oreiller est un morceau de bambou. Quelques
tasses, une bassine enfer, une marmite, une bouil-
lotte pour le thé représentent les ustensiles de cui-
sine usuels. On sert le repas par terre sur un pla-
teau en bois ou en cuivre et on mange les aliments
au moyen de baguettes.
Le Tho change fréquemment ses pénates. Si un
danger le menace, il déménage et va s'installer
ailleurs, quitte à revenir dès que toute crainte a
disparu.
Gomme les Annamites, les Thos pratiquent le
culte des ancêtres et une foule de superstitions.
Leur religion est très primitive et de nombreux
sorciers participent à leurs fêtes. Gelles-ci sont
simples et bizarres. Elles consistent le plus souvent
dans des sacrifices de poulets, de cochons, sacri-
fices accompagnés de chants et d'une musique
criarde produite par des flûtes nasillardes et des
castagnettes. Quand une personne est malade, on
Io8 NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
fait venir le sorcier et on fait un vacarme épou-
vantable pour chasser l'esprit du mal .
Les Thos n'ont ni écriture, ni littérature, ni tra-
ditions. On ne trouve chez eux aucune légende de
nature à révéler leur origine ; et beaucoup igno-
rent même ce qui s'est passé dans leur village au
temps de leur grand-père ou même de leur père.
Les Laotiens appartiennent au groupe thaï ;
ils en forment même le rameau le plus important.
Leur taille élevée, leur teint clair leur donnent
un certain cachet de distinction. Beaucoup se
tatouent le ventre et les jambes, particulièrement
ceux qui habitent la région des anciens royaumes
de Vien-tian et de Bassacetcest même cette parti-
cularité qui leur a valu le nom de Laotiens à
ventre noir que Ton donne souvent aux Laotiens
du Nord par opposition aux « Laotiens à ventre
blanc » qui habitent le Laos méridional.
Les Laotiens ont des maisons, un mobilier, une
nourriture analogue à ceux des Thaïs décrits précé-
demment. Leur vêtement est quelque peu diffé-
rent. Il se compose ordinairement d'un langouti
qui est une pièce d'étoffe de coton et quelquefois
de soie passée entre les jambes et autour de la
ceinture comme le sampot cambodgien. Les gens
POPULATIONS THAÏ, CHAMS ET SAUVAGES 109
aisés portent quelquefois en plus une petite veste
boutonnée droit sur la poitrine à manches étroites
ou une écharpe en soie. Leur tête est rasée; au
sommet le Laotien ne conserve quun rond de che-
veux longs de trois à quatre centimètres. Les
femmes, qui sont habillées comme les hommes,
portent leurs cheveux relevés en chignon sur le
sommet de la tête. Tous aiment beaucoup les
bijoux d'or et dargent.
Les Laotiens sont, comme les Thaïs, très non-
chalants et très paresseux. Ils n'exercent aucune
industrie. Quelques-uns sont sculpteurs sur bois,
ciseleurs de métaux et fabriquent des boîtes, des
vases, ou même des meubles, mais, en général,
ils ne pratiquent aucun métier déterminé, se bor-
nant à être, tour à tour et suivant les circonstances,
chai' pen tiers, tisserands, teinturiers, tailleurs,
pêcheurs, etc..
Le Laotien est assez religieux, il passe, quand
il est jeune, un temps plus ou moins long dans
les pagodes qui servent à la fois à la célébration
du culte et de maison d'école. Il est en général
bouddhiste et rend un culte aux exprits.
Les autres peuplades d'origine thaï sont les
Thaïs blancs, les Thaïs noirs, les Thaïs rouges, les
IIO NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Thaïs Nenas, les Lus qui vivent disséminés dans les
régions montagneuses du bassin du Mékong et dans
le Haut-Laos. Quelques-unes sont assez laborieuses,
leurs cultures sont soignées et leurs villages plus
propres que chez les Laotiens. Leur religion ne
dépasse pas Fadoration superstitieuse des esprits et
de nombreuses pratiques de sorcellerie.
II
GHAMS ET MALAIS
Les Ghams, qui, à l'instar des Khmers, tinrent
une place importante dans Fancienne histoire de
FIndo-Ghine, n'occupent plus aujourd'hui que de
petites bourgades disséminées dans le sud de
FAnnam, en Gochinchine (région de Ghâu-dôc) et
au Gambodge. On leur donne assez communément
le nom de Malais .
Dans les siècles passés, les Malais avaient la
réputation d'excellents marins et de bons soldats.
On les a beaucoup employés au moment des
guerres entre FAnnam et le Gambodge. Les Ghams
et les Malais étaient alors organisés en régiments
(co) ayant à leur tête des chefs choisis parmi eux
I
POPULATIONS THAÏ, CHAMS ET SAUVAGES lil
et toujours prêts à marcher au premier signal.
Ils furent très utiles aux Annamites pour de' fendre
leurs frontières menacées par les Cambodgiens.
Aujourd'hui les Malais et les Ghams sont ordi-
nairement commerçants, très peu sont cultivateurs.
Ils font surtout du commerce d'échange : tabac,
soieries, poissons secs, bétel, noix d'arec, sel. Comme
chez les Chinois, on remarque chez eux un esprit
d'association très puissant et il n'est pas rare de
les voir se grouper pour acheter une barque et
parcourir le pays. Quelques-uns confectionnent
des bijoux qui témoignent d'un certain goût.
Les Chams sont, au physique, d'une taille supé-
rieure à celle des Annamites (i°',7o en moyenne).
Leur tète est bien proportionnée, l'œil est bien
fendu, franc de regard et de couleur, la bouche
moyenne, la lèvre sans épaisseur exagérée. Les
cheveux sont noirs et très longs, les femmes les
tordent en chignon, les hommes les recouvrent
d'un turban ou d un carré de soie.
Beaucoup de Chams sont musulmans, les autres
sont brahmaniques.
Les Malais et les Chams vivent entre eux et se
marient entre eux. Quelquefois un Malais ou un
Cham épouse une Cambodgienne, mais une Malaise
lia NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
OU une Cham n'épouse jamais un étranger à sa
race .
Les habitations sont groupées et à peine séparées
par d'étroites ruelles. Les maisons sont toutes
construites sur pilotis à i™,5o au-dessus du
niveau du sol. Elles sont grandes et spacieuses,
soignées et ne manquent pas d une certaine élé-
gance. Aucune culture ne les entoure, à peine
aperçoit-on derrière les hameaux Chams quelques
champs de maïs.
Les populations diminuent d'ailleurs chaque
année d'une façon assez sensible. On comptait
en 1880 plus de 1 3.ooo Chams et Malais dans la
seule province du Châu-dôc, ils n'étaient plus
que 4. 000 ces dernières années. Beaucoup émigrent
au Cambodge.
III
POPULATIONS DITES SAUVAGES
Les peuples dont nous venons de décrire à grands
traits Ihabitat et les mœurs sont des produits
ethniques plus ou moins purs des diverses invasions
qui ont eu 1 Indo-Chine pour terrain d'expansion.
Ils n'ont cependant pas fait complètement dispa-
f>OPLLATIONS TUAI, CHAMS ET SAUVAGES ni
raître les populations autochtones et primitives.
Ce sont ces populations que Ton désigne sous le
nom passablement impropre de « populations
sauvages ».
Au point de vue ethnographique, ces peuplades
appartiennent soit au type négrito, soit au type
malais ou au type thihétain.
On les classe ordinairement en trois groupes
d'après leur répartition géographique.
Les unes habitent le sud de 1 Annam, ce sont
les Mois, les autres, telles que les Khas, vivent au
Laos, le troisième groupe comprend les monta-
gnards du Tonkin, c'est-à-dire les Muongs, les
Maos ou \ao, les Méos et les Lolos.
Parmi ces peuplades du Sud-Annam, les Mois
représentent le groupe le plus sauvage et le plus
important. Les Mois comprennent un grand nombre
de tribus : les Gho-ma, les Stieng, les Rade, les
Bahnar, les Djarai, les Sédang, les Kaseng, les
Lové, les Souk, les Arak, les iNiaheu, les Boloven
vivent entre la mer de Chine et le Mékong; les
lv(jui, les Jau, les Samré, les Bar, les Guay que
Ton rencontre disséminés au Cambodge, sont éga-
lement des Mois.
Toutes ces tribus vivent en général dans les
8
Il4 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
montagnes du sud de FAnnam. A FEst et au
Sud existe un premier groupe moï mélangé
d'éléments chams ; on le rencontre dans la zone
des Hauts-Plateaux auxquels donne accès, de la
côte, la vallée du Bas S. Ba. Au Sud-Ouest
et à FOuest vient un deuxième groupe de tribus moï
mélangées d'éléments khmers ; leur zone d habitat
correspond au glacis du Mékong, aux vallées tri-
butaires du grand Fleuve et au bassin du Dong-jNaï
qui appartint jusqu'au milieu du xviii^ siècle à
FEmpire khmer.
La zone montagneuse centrale du Nord-Ouest,
dont l'impraticabilité protégeait les populations
indigènes des infiltrations étrangères, a permis aux
tribus mois de s'y maintenir à l'état à peu près
pur. Les influences laotiennes et annamites y sont
trop récentes pour avoir transformé la race.
Les Mois, en dépit d'assertions contraires, sont
des populations douces et, malgré leur allure bel-
liqueuse aisées à manier. Les Mois sont malheureu-
sement peu travailleurs. Beaucoup de Mois ont
été jadis des pirates redoutables. Certaines tribus
telles que les Jarais et les Sédangs avaient fait
même de la piraterie leur occupation habituelle
et rendu les régions mois d une sécurité plus
POPULATIONS THAÏ, CHAMS ET SAUVAGES Il5
que douteuse. Ceci explique leur réputation plutôt
mauvaise, mais en les menant avec douceur, on
les apprivoise très vite.
Il n^y a pas de nation moi à proprement parler,
comme on Ta cru parfois. Le village placé sous la
protection et le despotisme d'un chef constitue
toute Tunité sociale. Parfois un chef est assez puis-
sant pour réunir sous son autorité plusieurs vil-
lages, mais c'est l'exception. Le chef est ordinaire-
ment issu d'une famille aisée. Autour de lui se
groupent un certain nombre de familles libres,
propriétaires de quelque bétail, puis un assez
grand nombre d engagés pour dettes et de a. ser-
viteurs », sorte d'esclaves. Comme chez beaucoup
de peuplades indo-chinoises, les sorciersjouentdans
l'organisation sociale un rôle prépondérant et
rémunérateur pour eux-mêmes. Leur intervention
est fréquente mais comporte quelques risques,
car lorsqu'un sorcier se trompe dans ses prévi-
sions, il est généralement l'objet de représailles
qui vont jusqu à la mort.
La religion des Mois est des plus simples, a Ils
croient que la terre est plate et ronde comme un
disque et que le soleil y touche par les bords.
Autrefois, disent-ils, le ciel et la terre se touchaient
Il6 NOTRE FRArs'CE D EXTREME-ORIENT
sur toute leur surface. Le vent, le tonnerre, les
nuages, la pluie sont pour eux les manifestations
de la colère du génie qui habite le ciel. Le soleil,
la lune sont autant de génies puissants. Du reste,
ils ont Ihabitude d attribuer immédiatement une
puissance occulte à tout ce qu ils ne comprennent
pas... Les Mois croient à lexistence d un être
suprême qui aurait créé le ciel et la terre, mais ils
ne lui donnent pas de nom. Ce « dieu » habitait
autrefois, disent-ils, près des humains lorsque
la terre et le ciel se touchaient ; mais comme il
y a très longtemps qu'ils se sont séparés, per-
sonne n'a conservé le souvenir du nom du Créa-
teur \ »
Un génie bienfaisant, qui ne serait autre peut-
être que Bouddha, veille sur les cultures, les exis-
tences et distribue le bien-être aux humains. Natu-
rellement les présages, l'âme des morts, les reve-
nants jouent un rôle considérable dans la vie de
ces populations primitives.
L'importance des villages mois est très variable.
Parfois un village ne comporte pas plus de trois
ou quatre maisons, quelquefois il en comporte une
^ Besnard. Les populations mois du Darlac, Bulletin de l'Ecole
française d'Extrême-Orient, janvier-juin 1907.
POPULATIONS THAÏ. CHAMS ET SAUVAGES II7
soixantaine et même davantage. Certaines tribus
telle que les Muongs les entourent de palissades
solides formant deux ou trois enceintes.
Les maisons mois sont ordinairement construites
sur pilotis et comportent une plate-forme qui est
destinée à faciliter le chargement des éléphants.
Au-dessous de cette plate-forme se trouvent les
étables où Ton rassemble les bœufs, les chevaux
et tous les animaux domestiques. Les cloisons et
les murs sont naturellement en bambous et le toit
à pente très inclinée est recouvert d un épais man-
teau d'herbe et de paille. Ces maisons, relative-
ment confortables, sont très solides, elles ont chez
certaines tribus des dimensions assez considérables,
une cinquantaine de mètres ordinairement, parfois
même davantage. Chez dautres peuplades mois,
elles sont de dimensions plus restreintes. La maison
est divisée en deux parties : dans la première, der-
rière rentrée, se trouve la salle commune. Elle
tient souvent la moitié de Fédifîce, on s'y rassemble
pour boire et on y rencontre tous les ustensiles de la
vie, les armes notamment, toute une collection de
vases, de récipients nécessaires à la cuisson du riz.
L'autre partie de la maison est strictement réservée
aux divers ménages composant la famille. C'est là
Ii8 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
que se tiennent ordinairement les femmes et
qu'elles vaquent aux travaux domestiques. Chez
certaines tribus, les maisons comportent également
des magasins où l'on conserve le riz.
Le riz est la base de la nourriture des Mois. Les
Mois en cultivent de plusieurs sortes, ordinaire-
ment du riz de montagne selon la méthode habi-
tuelle des rays. Les Mois récoltent également beau-
coup de mais et cette céréale atteint dans leurs
montagnes des dimensions parfois gigantesques.
Des spécimens de quatre, cinq mètres ne sont pas
rares et la plante atteint couramment deux et trois
mètres. Les courges, les citrouilles, les pastèques,
les concombres, les patates, le manioc, les oignons,
les haricots, sont également cultivés par les Mois.
Très fumeur, le Moi plante beaucoup de tabac à
proximité des villages. La feuille, une fois cueillie,
est passée au feu, roulée et découpée. On la fume
sans autre préparation.
Au riz et au manioc, les Mois ajoutent pour leur
nourriture du gibier et du poisson. Le Moi est
même fort peu délicat en matière de gibier et tout
animal susceptible d'être mangé est absorbé goulû-
ment, même les lézards, les insectes, les rats. Le
Moi boit ordinairement de l'eau, mais, au moment
POPULATIONS THAÏ, CHAMS ET SAUVAGES Il9
des fêtes, il absorbe de lalcool de riz jusqu'à com-
plète ivresse.
L'accoutrement des Mois est très sommaire. Une
simple ceinture passée autour des reins leur suffit
ordinairement. Les vêtements de fêtes sont plus
luxueux et comportent entre autres une tunique
plus ou moins brodée suivant la richesse du pro-
priétaire. Des brandebourgs de flanelle rouge sont
également cousus souvent sur la poitrine et dans
le dos et complètent Fornementation du costume.
Une couverture polychrome et ornée de dessins
qui ne sont pas dépourvus d'originalité s'ajoute à
ces vêtements. Les Mois se drapent dedans à la façon
des ponchos. Sur la tête, ils portent ordinairement
un turban, sorte de chiffon crasseux qui leur
enveloppe la tête et le chignon.
Les femmes portent une sorte de jupon retenu
autour des hanches et qui tombe au-dessous du
genou. Elles ont généralement le torse nu, mais,
pour sortir, endossent une petite veste beaucoup
plus courte que celle des hommes.
Les Mois couchent sur des nattes de joncs posées
à même sur le plancher ou sur des lits de camp.
Comme oreillers, ils ont de simples bambous ou
des blocs de bois fendus dans le sens de la Ion-
lio NOTRE FRANGE D EXTREME-ORIENT
giicur, parfois ils se servent aussi d'oreillers plus
doux fal)riqués avec de la bourre de faux coton-
tonnier.
Les Mois n'ont, à proprement parler, aucune
industrie, mais confectionnent la plupart des usten-
siles dont ils ont besoin. Les forgerons façonnent
des hachettes, des couteaux, des lances, des bou-
cliers. Les Mois portent à peu près constamment sur
eux le coupe-coupe, qui leur sert à une foule
d'usages ; les riches possèdent même des coupe-
coupe d'apparat qu'ils portent au moment des
fêtes.
Les Mois, tout en étant encore peu policés dans
Tensemble, ne sont pas incapables d'éducation et,
avec de la douceur, on pourrait très aisément les
amener à un état de civilisation beaucoup plus
avancé.
Les Khas habitent le Laos méridional et occu-
pent les deux versants de la Chame annamitique.
En général, ils ne se mélangent pas plus avec les
Annamites que les Mois; en annamite, Moi veut
dire sauvage, et, en laotien, Kha a la même signi-
fication.
Leur tempérament belliqueux et indépendant
les fait ressembler assez aux Mois. Leurs mœurs
POPULATIONS THAÏ
rappellent celles des Laotiens. Presque tous sont
chasseurs et agriculteurs.
La culture du riz représente leur occupation
habituelle. Dès qu'une tribu kha a choisi un
emplacement oii elle pense pouvoir planter du riz,
elle s'y transporte et met le feu à la brousse. Sur
remplacement du « ray », elle élève des cases et
sème du riz. Elle reste là jusqu'au moment de la
récolte et une fois celle-ci terminée elle se trans-
porte ailleurs ou revient dans son village. Le riz
nécessaire à la nourriture de la famille est mis de
côté, le reste est vendu sur le marché voisin, ou
échangé contre des vêtements, du sel, des armes,
des ustensiles de ménage, du tabac ou des bijoux.
En général, les Khas sont agiles et robustes,
turbulents et crédules. Ils sont entièrement sous
la dépendance de leurs sorciers.
Les Maongs, que Ion rencontre dans les massifs
montagneux, situés au nord de TAnnam et entre
la Rivière Noire et le Fleuve Rouge, ont eu long-
temps une organisation sociale très particulière.
Les Muongs sont, en effet, constitués en tribus
ayant une existence indépendante. A la tête de
ces tribus se trouve un chef élu par les Quang-
langs qui sont des sortes de seigneurs féodaux héré-
122 >^OTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
ditaires Généralement le chef du groupement
(chau) est pris dans la même famille, c'est ordinai-
rement celle qui par sa richesse ou par d'autres
moyens a su prévaloir sur les autres.
Les Muongs ont su rester très indépendants
malgré les incursions des bandes chinoises qui ont
investi leur pays à de nombreuses reprises, et,
malgré les efTorts des empereurs de Hué pour leur
imposer la domination annamite. Sous Minh-Manh
ils s'y soumirent pendant quelques années, mais
se soulevèrent lorsque TAnnam voulut les placer
sous Fadministration des mandarins et introduire
dans leur pays l'organisation communale et l'en-
seignement du chinois.
Des troubles éclatèrent et sous Tu-Duc la cour
de Hué dut renoncer à ces idées d'annexion et d'as-
similation en les laissant sous l'autorité de leur
Quan-lang, dont elle reconnut les droits en leur
confiant des fonctions publiques. Ces Quan-lang,
qui évitent avec soin toute mésalliance, ont fondé
une véritable aristocratie féodale pourvue de véri-
tables fiefs et qui subsiste encore de nos jours.
Depuis 1891, date de notre installation dans le
pays, les troubles ont cessé car notre administra-
tion a respecté les anciennes traditions. Les Quan-
POPULATIONS THAÏ, CHAMS ET SAUVAGES r^i
langs qui subsistent n'ont cependant aucun carac-
tère officiel ; en pays muong, ce sont les chefs de
canton et les ly-truong qui exercent les ordres du
Gouvernement.
Les Muongs sont, au physique, dune taille
élevée, leur poitrine est large et leurs membres
plus forts que ceux des Annamites. Ces qualités
physiques en font des gens robustes, doués dune
endurance très grande et qui leur permet de sup-
porter beaucoup plus facilement que les Anna-
mites le climat chaud et humide des basses vallées
de leurs pays. Par contre, leur intelligence est en
général assez limitée, elle est beaucoup moins
développée que celle des Annamites.
Les Muongs exploitent leurs forets et apportent
sur les marchés — en particulier sur celui de Chobo,
dans la province de Hoa-binh — les bois qu'ils y
abattent, ducaoutchouc, du benjoin, du rotin, etc..
Les Muongs fabriquent eux-mêmes leurs armes
qui consistent en coupe-coupe et en arbalète. L'ar-
balète est l'arme du peuple. Cet instrument se
compose d un fut en bois de gô-sên. L arc que
supporte ce fût est fait d'un bois très dur (le coy-
guong) , la corde est en fibres de ramie et les flèches
sont fabriqués avec des tiges de bambou femelle;
Ilfi NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
on les empoisonne dans un liquide obtenu en fai-
sant macérer des feuilles de cay-sai.
Les Muongs fabriquent quelques étoffes et les
teignent de couleurs variées et éclatantes. Elles
sont de qualité ordinairement supérieure à celles
qu'emploient les Annamites.
Le riz représente la culture la plus importante
des pays muongs. On récolte trois sortes de riz :
le lua-nêp, le lua-té et le lua-lôc. Ce dernier est le
riz de montagne, il est très commun car il alavan-
tage de pouvoir croître sur les pentes des mon-
tagnes arrosées seulement par Teau des pluies.
Pour cultiver le riz de plaine, les Muongs notam-
ment dans la région de Siac-Son — ont été obligés
d'établir des rizières étagées qu'ils irriguent en y
fadsant monter Feau au moyen de grandes roues
élévatoires ou norias. Un barrage est fait au tra-
vers de la rivière et ne laisse à 1 eau pour s'écouler
qu'un passage étroit. Le courant s'y engouffre et met
en mouvement de grandes roues de huit à dix
mètres de diamètre munies de palettes et d'augets
en bambous. L eau est reçue dans des bassins et
de là répartie dans les champs avoisinants.
LHndustrie n'existe pas chez les Muongs. Leurs
maisons sont construites en bois, en bambou, à
POPULATIONS TH\1, CHAMS ET SAUVAGES i'25
l'exclusion de tous autres matériaux. Les Muongs
ne se livrent point à F exploitation des mines et
semblent même avoir du dédain pour ce genre
d'industrie.
11 existe un nombre considérable de tribus Mans,
Meos et Lolos. Elles occupent en général les hau-
teurs du bassin de la Rivière Claire et de ses
affluents. Ordinairement les Meos et les Lolos habi-
tent les plateaux et les crêtes et construisent leurs
hameaux jusqu à 2.000 mètres d altitude. Les
Mans vivent plus bas, entre 4oo et 800 mètres.
Une légende indigène explique pourquoi les
Mans habitent ces régions élevées. Un empereur de
Chine avait un jour promis sa fille en mariage et
la moitié de son empire à celui qui lui rapporte-
rait la tète d'un de ses ennemis. Un Man, ayant
réussi à réaliser ce désir, réclama l'exécution de
la promesse. Un conseiller avisé fit remarquer
qu'en promettant la moitié de son empire, le sou-
verain n'avait pas indiqué dans quel sens on trace-
rait la ligne de démarcation, on pouvait donc la
comprendre suivant un plan horizontal et aban-
donner au barbare toute la partie supérieure, c'est-
à-dire la terre aux pentes difficiles où il était
impossible d'établir des rizières et dont les Chinois
126 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
ne faisaient rien. Le conseiller fut écouté et c'est
ainsi que les Mans furent mis en possession de
toutes les montagnes.
Cette règle nest d'ailleurs pas absolue. Il y a
des Mans sur les rives du Fleuve Rouge et des
Meos qui vivent à des altitudes assez basses, mais
les uns et les autres s'accommodent mal de cet
habitat et ceux que l'on rencontre dans les vallées
n'ont pas la vigueur de leurs congénères qui habi-
tent dans des montagnes.
En général, les hommes sont de haute stature
et bien constitués, ce sont de grands marcheurs. Ils
tracent de larges sentiers presque toujours en ligne
droite. Jamais ils ne contournent un mamelon, ils
le montent à pic et le redescendent de même avec
une agilité surprenante. Les femmes sont égale-
ment fortes et travailleuses. Elles ont une coiffure
bizarre composée d'une sorte de planchette ou de
petit panier qui se dresse sur le chignon au sommet
de la tête. Elles portent leurs enfants comme les
Chinoises à califourchon sur leur dos, dans une
pièce d'étofPe qui s'attache au cou et à la ceinture.
On représente souvent les tribus mans comme
essentiellement nomades; c'est exagéré. Les Mans
sont moins attachés que les Annamites à leur
POPULATIONS THAÏ, CHAMS ET SAUVAGES 127
village, mais s'il leur arrive de Fabandonner, c'est
souvent plus par nécessité que par désir de chan-
gement. L'Annamite qui considère les Mans comme
des êtres inférieurs, taillables et corvéables à merci,
leur fait souvent sentir durement sa supériorité ;
pour échapper à cette tyrannie, les Mans émi-
grent. Les procédés de culture de ces peuplades
rendent également leur exode périodique presque
indispensable. L'humus naturel du sol, amassé
sous le couvert de la forêt, disparaît rapidement
sous rinfluence de la pluie dès que les arbres et
les broussailles ont été détruits et le terrain n'est
bientôt plus assez fertile pour cultiver le riz. Le
Man est alors obligé de se mettre en quête de nou-
veaux emplacements.
Les Mans construisent leurs maisons sur pilotis.
Les gens vivent dans la maison, le bétail et la
basse-cour au-dessous. A l'intérieur, il existe deux
ou trois autels des ancêtres. On y entretient du feu
nuit et jour, été comme hiver, car les allumettes
y sont inconnues. Le mobilier n'existe guère. On
dort ordinairement sur le plancher qui est fait de
bambous écrasés, et pour prendre ses repas ou
pour causer, le Man s'accroupit par terre les jambes
croisées.
128 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Le costume des Mans est assez variable. Il con-
siste, en général, en une veste à manches courtes
et en un pantalon large à la chinoise, de couleur
bleue ou blanche. Un turban ordinairement bleu
entoure la tête. Les femmes ont parfois un assez
joli costume, une ample tunique bleue à grand
col rouge rabattu, se prolongeant par devant jus-
qu'à la ceinture et orné de broderies, de verroterie
et de petits glands. Cette tunique s'ouvre sur un
cache- sein bleu brodé de rouge et recouvert de
larges plaques d argent. Le pantalon est bleu et
brodé. Beaucoup se parent de larges boucles
d'oreilles et de colliers d'argent. Dans certaines
tribus, les femmes s épilent soigneusement les
sourcils, l'absence de sourcils étant pour elles le
dernier mot de l'élégance.
Le culte des ancêtres, mêlé de superstitions
nombreuses, constitue la seule religion des Mans.
Tout individu qui meurt devient immédiatement
pour la famille un génie tutélaire. Les esprits éli-
sent domicile dans les angles des maisons et veil-
lent avec soin sur leur postérité. Chez certaines
peuplades mans, cette croyance est si forte que
quand la famille entière quitte la maison pour
aller dans la montagne vaquer à ses travaux, per-
sonne n'a Fidée qu'un vol puisse y être commis. Le
téméraire qui, pendant l'absence des maîtres,
oserait s'introduire dans leur logis, serait immé-
diatement ensorcelé.
Les Méos sont de race analogue. On en ren-
contre dans le Ilaut-Tonkin un assez grand nombre
de tribus, particulièrement dans la province de
Yen-Bay. On les distingue en Méos noirs et en
Méos blancs, suivant la couleur bleu foncé ou
blanc sale de leur costume.
Ce costume se compose, pour les hommes, d'un
pantalon relevé comme un pantalon de zouave et
d'une petite veste boutonnée sur le côté ; pour les
femmes, d'une veste portant dans le dos un col
de matelot et d'une jupe plissée en accordéon
autour de la taille ordinairement ornée de brode-
ries. Des bijoux en argent complètent cet habille-
ment.
Les maisons méos sont construites au ras du
sol. Elles sont ordinairement très sales, plusieurs
familles habitent souvent sous le même toit. Les
Méos sont de terribles destructeurs de forêts. Pour
mettre en culture un ou deux hectares de terre,
ils n'hésitent pas à détruire parfois tout un ver-
sant boisé. L'année suivante, après les pluies, la
9
l3o NOTRE FRAÎsCE D EXTRÊME-ORIENT
terre végétale a disparu et le Méo transporte ail-
leurs ses pénates.
Les Méos plantent du riz de montagne et surtout
du maïs qui constitue la base de leur nourriture.
Ils cultivent également beaucoup de légumes et se
livrent à Félevage du bétail, des chevaux, des
porcs, de la volaille. Ils s'adonnent également
volontiers au commerce et descendent dans la
plaine les produits de leur culture. Leurs affaires
terminées, ils se hâtent d'ailleurs de remonter sur
leurs cimes par des sentiers à pic et toujours en
ligne droite.
Les Méos n'ont pas d'autre religion que le culte
des ancêtres. Plus indépendants encore que les
Mans, ils supportent difficilement toute autorité
et sont toujours prêts à émigrer pour s'y sous-
traire. Ils ne respectent guère que le chef de leur
village qu'ils élisent eux-mêmes.
IV
LES CHINOIS
En plus de ces nombreuses populations, il
existe encore en Indo- Chine, nous Tavons indiqué,
POPULATIONS THAÏ, CHAMS ET SAUVAGES l'U
environ 200.000 Chinois repartis sur tout le ter-
ritoire de la colonie et plus spécialement établis en
Cochinchine et au Cambodge.
L'élément chinois ne se mélange pas au reste
de la population. C'est une entité ethnique à part
qui tient à rester indépendante. Le Chinois ne
s'expatrie qu'avec Fespoir de retourner dans son
pays natal pour y finir ses jours. Les Chinois ont
monopolisé en Indo-Chine la plus grande partie du
petit commerce. En relations très étroites et très
suivies avec les paysans, ils leur prêtent de largent
à gros intérêt au moment des semailles et les récu-
pèrent au moment de la récolte. En cas de non
paiement, ils s'emparent du sol, il paraît même
que dans certaines provinces de Cochinchine, la
moitié des rizières leur appartient.
En Cochinchine, les Chinois se groupent sui-
vant leur habitude en congrégations. La congréga-
tion de Canton comprend les Chinois originaires
de Canton et des environs ainsi que de la partie
nord-ouest de la province. La congrégation des
Hakkas comprend les Chinois de la partie nord-
est de la même province. Les Chinois du sud-
ouest de la province d'Amoy sont groupés dans la
congrégation de Fou-Kien et ceux de Swatow et
l32 NOTRE FRANCE d'eXTRÉME-ORIENT
Haï-Nan dans celles de Trieu-Chaii et de Haï-Nan.
Les Gantonais sont les plus nombreux. Très
nombreux en Cochinchine, ils sont surtout indus-
triels et commerçants. ACbolon, plusieurs décor-
tiqueries de riz leur appartiennent; beaucoup y
possèdent des magasins de soie, des scieries, des
briqueteries, des chantiers de construction. Un
grand nombre de Gantonais sont également maçons,
marchands de meubles, cordonniers, charpentiers,
tailleurs, bouchers, restaurateurs, etc.. La navi-
gation fluviale en Gochinchine est presque entiè-
rement entre leurs mains .
Les Fou-Kien sont un peu moins nombreux,
mais beaucoup occupent dans le commerce des
situations importantes. A Saigon, 63 maisons de
commerce et à Gholon ï3c) sont entre leurs mains.
On remarque que dans cette congrégation, on ne
rencontre ni domestiques, ni ouvriers, il n'y a que
des commerçants ou des commis aspirant à le
devenir.
Les Hakkas possèdent à Saïgon 70 maisons de
commerce et 4^ à Gholon. Leur importance au
point de vue commercial est cependant moindre
que celle des Ghinois appartenant aux deux
grandes congrégations précédentes. Les Hakkas
-h i:
RESTAURANT EN PLEIN AIR
PORTEUR D EAU CHINOIS
POPULATIONS thaï, ClIAMS ET SAUVAGES i33
exerçant plus volontiers de petits métiers, forge-
rons, tailleurs de pierre, mécanicien, cordonnier,
boulanger, charron. Quelques-uns sont agricul-
teurs, et maraîchers.
Les Trieu-Chau sont plus nombreux, mais se
bornent à être bateliers ou débardeurs. Les Haï-
Nan sont ordinairement agriculteurs.
AuTonkin,on compte 12.000 Chinois. Presque
tous s'adonnent au commerce ou fournissent la
main-d'œuvre aux industries locales.
En Annam, il y en a moins : 5. 000 environ,
mais ces Chinois ont, malgré leur nombre relati-
vement restreint une importance très réelle au
point de vue commercial. Plusieurs grosses mai-
sons de commerce de Faï-Fo et de Tourane sont
entièrement chinoises. Quelques-unes ont même
des comptoirs à Fintérieur et réalisent de très
sérieux bénéfices dans Fachat et la vente de la soie
et de la cannelle.
Les Chinois sont colporteurs au Laos et au
Cambodge. Dans ce dernier pays, ils sont particu-
lièrement nombreux (90.000 environ). Beaucoup
sont agriculteurs.
Les Chinois sont partout très solidaires les uns
des autres et leurs œuvres de mutualité et d assis-
i34
NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
tance sont multiples. Leur nombre et leur acti-
vité, qui s'exerce sous les formes les plus diverses
dans un pays qui a plus besoin d'agriculture que
de commerçants, a obligé l'administration à envi-
sager l'utilité d'une réglementation spéciale de
rimmigration chinoise. La question chinoise est
très complexe et mérite d'être envisagée avec une
très sérieuse attention. C'est, à l'heure actuelle,
l'un des problèmes de politique indigène et éco-
nomique les plus délicats à résoudre.
CHAPITRE VII
PRODUITS D ORIGINE ANIMALE
FAUNE. CHASSE. PÈCHE. ÉLEVAGE
I. Faune et chasse. — Les animaux sauvages de l'Indo-Chine. Pro-
cédés de chasse indigènes.
II. Pêche. — Pêche maritime et fluviale. Procédés employés par
les indigènes. Produits de la pêche.
III. Élevage. — Buffles, chevaux, etc. Vers à soie.
I
FAUNE ET CHASSE
La faune indo-chinoise est extrêmement variée
et le chasseur trouve dans la colonie matière à de
merveilleuses prouesses. Le gros et le petit gibier
abondent.
Les éléphants sont encore très nombreux dans
certaines régions de FAnnam, du Laos et du Cam-
bodge ; on en trouve même encore dans certaines
provinces de Cochinchine. Les Laotiens et les
Cambodgiens en capturent un grand nombre, les
l36 NOTRE FRANCE d'eXTRÉME-ORIENT
domestiquent et les utilisent pour les transports.
Au Cambodge, dans beaucoup de provinces,
l'éléphant est le seul moyen de transport qu'on
puisse même employer en raison de la nature du
pays.
Les tigres, très nombreux, causent des ravages
quelquefois épouvantables dans les districts fores-
tiers et montagneux. Dans certaines provinces, il
n'est pas rare de voir des villages entiers émigrer et
abandonner les cultures à l'approche du fauve. Vers
le mois de novembre . le tigre ne se contente pas de la
forêt et du gibier qu'elle contient et on le voit,
particulièrement en Annam, s'aventurer dans la
plaine, sur la route mandarine, traverser les villages
et y faire des victimes. Les indigènes en cachent
d'ailleurs soigneusement le nombre par crainte de la
vengeance du fauve qu'ils entourent d'un respect
superstitieux. « Monsieur le Tigre » (Ong Cop) est
de la part des Annamites Fobj et d'une terreur qu'il
est très difficile de vaincre. L'administration, qui a
organisé tout un système de prime pour détruire cet
animal, a d abord à lutter contre lui et ensuite
contre l'Annamite. Celui-ci le protège dans sa
superstition maladroite jusqu'à aller lui ouvrir la
porte du piège où par hasard il s'est fait prendre.
PRODUITS d'origine ANIMALE î3']
La panthère est très commune en Annam, le
chat sauvage, le chat- tigre sont très abondants.
Le rhinocéros se rencontre surtout au Laos et
dans les forêts deTAnnam et de l'est de la Cochin-
chine.
L'ours est représenté par plusieurs variétés ; au
Sud ou trouve le petit ours à miel ou ours malais,
au Nord, dans les montagnes du Tonkin, Tours
du Thibet, beaucoup plus gros et plus fort.
Les sangliers vivent en bandes nombreuses, et
causent de grands dégâts aux cultures indigènes.
On rencontre encore de nombreuses variétés de
buffles sauvages, de daims, de chevreuils et des
cerfs dont la chair est très estimée par les indigènes .
Les petits mammifères sont légion : agoutis,
lièvres, écureuils, porcs-épics, pangolins pullulent
dans les forêts et dans la brousse.
Les singes sont représentés par un très grand
nombre d'espèces de toute taille et de toutes couleurs .
Le macaque ourson à queue très courte est spécial
à rindo-Chine.
Paimi les oiseaux, il faut citer le paon qui est
très commun, de nombreuses variétés de faisans,
de poules et de coqs sauvages, de cailles, de per-
dreaux, de sarcelles, de bécasses, particulièrement
l38 NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
au Tonkin de novembre à mars, de bécassines, de
canards, daigrettes, de grues et de marabouts, de
pigeons et de tourterelles. Des troupes doies sau-
vages descendent pendant Fhivernage du nord de
la Chine et se cantonnent au Tonkin et dans le
nord de TAnnam.
Les marais, les rivières sont peuplés d'animaux
aquatiques ; on y rencontre un grand nombre d'es-
pèces de tortues ; le Mékong renferme moins de
crocodiles qu autrefois, mais il en existe encore
cependant. Les rizières contiennent une quantité
énorme de grenouilles et de crapauds. Le cri du
petit crapaud-buffle s'entend de très loin et imite
à s'y méprendre le beuglement des buffles.
Citons encore, en terminant cette rapide énumé-
ration, les serpents très nombreux en Indo-Chine
(cobras, serpents bananiers, serpent fouet, ser-
pent buffle, serpent minute, etc. . .) et les myriades
d insectes nuisibles et désagréables (scorpions,
scolopendres, sangsues des bois, termites, mous-
tiques, qui peuplent la forêt, la brousse, et même
les villages, causant des dégradations sans nombre
aux cultures et rendant parfois la vie extrèm^ement
désagréable aux hommes et aux animaux.
Cette multitude d'animaux procure à Falimen-
PRODUITS D ORIGIIS^E ANIMALE l^()
tation indigène un contingent très appréciable et
au commerce des produits non moins recherchés
(défenses d'éléphant, cornes de rhinocéros, peaux
et plumes) .
La chasse est pratiquée par les indigènes, soit à
courre avec des chiens, soit au filet, soit à la haie
avec des rabatteurs, soit à Tare avec des dards
empoisonnés, soit au piège ou à TafFût. 11 ne sera
peut-être pas dénué d'intérêt de donner quelques
détails sur la manière dont se pratiquent ces dif-
férentes chasses.
La chasse à courre se pratique pour le sanglier
et le cerf. Les chasseurs, en général au nombre de
huit ou dix, sont armés de lances, de piques et de
haches. Us emmènent avec eux une dizaine de
chiens spéciaux (cho-sang) dont la taille et la force
sont plus développées que celles des chiens ordi-
naires ; ces chiens fort bien dressés obéissent au
son de la corne et, quand ils sont à jeun, montrent
beaucoup de flair.
On surprend ordinairement le gibier au gîte, la
chasse commence donc de grand matin, dès Taube.
Si la bête est surprise, les chiens 1 entourent et les
chasseurs la frappent de leurs armes. Si elle vient
à éventer la meute et à fuir, on la suit, mais elle
l4o NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
échappe souvent; il est juste de dire que ce cas
se présente rarement, car les chasseurs sont ordi-
nairement très adroits .
On chasse au filet, soit les quadrupèdes comme
les cerfs, les daims, etc., soit les oiseaux, comme
la tourterelle, la bécassine, la sarcelle et une sorte
de goéland qu'on appelle le con-ba-kiên
Quand il s^agit de quadrupèdes, la chasse exige
un personnel assez nombreux de rabatteurs. On
se sert de deux engins, le luoi-cungetleluoi-khoe,
dont les mailles sont faites avec des lanières de
peau de buffle et de grosses cordes en fibre de
coco enduites de résine.
L'engin a une dizaine de mètres de long et
i'",5o de hauteur. On le tend au débouché d'une
clairière où Ton a relevé des traces fraîches de
gibier et les deux cordes qui encadrent ses bords
sont fixées à deux piquets solidement plantés en
terre, mais en s'entrecroisant de telle manière que
le filet peut se rabattre comme une porte. Quand
Fanimal, traqué par les rabatteurs au bruit du tam-
tam, du gong, de la corne et des pétards, vient
heurter lengin, celui-ci s'abat en enveloppant la
bête, les chasseurs portés à proximité l'abattent à
coups de lances.
PRODUITS D ORIGINE ANIMALE I^I
Les luoi-koc sont dix filets rectangulaires que
l'on dispose en angle au fond d'une clairière en
ménageant une étroite sortie. Le gibier, traqué
comme ci-dessus, est tué à mesure quil tente de
s'échapper par Touverture.
Pour la chasse à la tourterelle, on se sert éga-
lement de filets rectangulaires que Ton dispose
au-dessus d'un coin de terre fraîchement remuée.
Une tourterelle apprivoisée placée au centre sert à
attirer les autres que l'on attrape en rabattant
les filets sur elles.
Il existe différentes formes de filets, suivant les
pays, mais le procédé reste sensiblement le même
partout.
La chasse à la haie se pratique comme la pré-
cédente pour les grands fauves.
Dans la chasse à l'arc les chasseurs vont deux
par deux. L'un imite à l'aide d'appels spéciaux le
cri de la femelle ou du petit de l'animal dont on a
signalé la présence, l'autre, muni d'un arc et de
flèches empoisonnées, setient prêta tirer. Dès que
l'animal, trompé par le cri, apparaît, le chasseur le
tue à bout portant. Cette chasse n'est pas sans
danger, car il arrive qu'un tigre trompé lui-même
par le crise présente. Ordinairement, les chasseurs
I \7. NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
se sauvent, mais si la fuite est impossible, ils le
tirent, et il est heureux pour eux en ce cas que
TefTet du poison des flèches soit foudroyant.
La chasse à dos de buffle est une sorte de chasse
à courre que Ton pratique d'ailleurs assez peu
aujourd'hui.
Les indigènes se servent également de fosses et
de lacets, placés dans les sentiers fréquentés par
le gibier.
Le khai est employé pour le tigre et la pan-
thère.
C'est une sorte de cage rectangulaire dont les
dimensions varient suivant la taille de lanimal
qu'il s'agit de capturer. Le bas est formé par une
planche à bascule qui maintient la porte d'entrée
ouverte au moyen d'un déclic. On place au centre
un jeune porc ou un chien en guise d'appât dans
un compartiment abrité par des barreaux. Quand
le fauve a pénétré dans la cage pour l'atteindre, il
fait jouer le déclic et la porte tombe en l'enfer-
mant.
Le bây-lô est un nœud coulant dissimulé dans
un trou et attaché à un pieu ou à un fort bambou
bandé en arc : quand l'animal est pris, le bambou
se détend et le maintient en l'air étranglé.
IMIODUITS D ORIGINE ANIMALE l \'i
II
PÊCHE
La pèche fournit aux indigènes des ressources
alimentaires plus considérables encore et plus
variées que la chasse. Le poisson salé, séché ou
frais constitue avec le riz la nourriture essentielle
de toutes les populations indo-chinoises ; on en
exporte chaque année pour une douzaine de mil-
lions de francs.
On doit distinguer la pêche maritime et la pêche
fluviale .
La pêche maritime n'est pas pratiquée sur toutes
les côtes.
Le golfe de Siam est assez pauvre en poissons,
la population est peu nombreuse et la mousson
du Sud-Ouest y souffle avec violence. Kampot,
Hatien, Rach-Gia etTîle de Phu-Quôc sont cepen-
dant des centres de pêche importants. La pêche,
sauf à Phu-Quôc, n'a pas d'autre but que de satis-
faire les besoins de la consommation locale.
A Phu-Quôc, elle a relativement plus d'exten-
sion, étant subordonnée à l'industrie de la fabri-
cation d'une saumure renommée dans toute lin-
I44 NOTRE FRANCE D*EXTRÈME-ORIENT
do-Chine, le mioc-mâm et de la pâte de chevrettes
appelée mani-ruôc. Duong-Lông est le centre de
fahrication du nuoc-mâm, une centaine d'indus-
triels s'y livrent tant que souffle la mousson du
Nord-Est et emploient à ce travail plus de deux cents
ouvriers. Ce produit s^obtient en empilant dans
de grandes cuves en bois des couches de poissons
d'une espèce particulière, le ca-com, que Ton
sépare les unes des autres par des couches de sel,
de façon à obtenir trois parties de poisson pour
une de sel. Quand les cuves sont garnies suivant
ces proportions, on les couvre d'une claie en
bambou et on presse. Au bout de quelques jours,
une liqueur fermentée, brune, trouble, à odeur
très forte commence à se dégager; l'opération dure
deux à trois mois environ, pendant lesquels on
soutire le liquide dans des jarres en terre vernissée
d'une contenance de quatre à cinq litres. C'est le
nuoc-mâm. Pour le bonifier, on le laisse déposer
au soleil son excès de sel et les détritus organiques
dont il est chargé, et on décante à nouveau.
Le mâm-ruoc se prépare en pilant des chevrettes
avec du sel. On obtient ainsi un produit à odeur
forte, de couleur rougeâtre. On en expédie la plus
grande partie au Siam.
PHODUITb h ORIGINE ANIMALE i .\3
La pcche est beaucoup plus abondante le long
des cotes de Cochinchine et de TAnnam du Sud
sur le versant de la mer de Chine. L'existence de
salines et une mousson plus douce ont permis à
des centres de pêche de se développer à Baclieu,
Gangio, Baria et tout le long de la côte jusqu'au
cap Vai'clla, à Phan-Tliiet, Phan-Ri et Mui-né. Ces
côtes sont exceptionnellement poissonneuses, non
seulement le poisson y est abondant, mais encore
d'une qualité tout à fait supérieure.
La plus grande partie du poisson pêche est
séché pour 1 exportation ou mis en fermentation
pour la fabrication du nuoc-mâm.
La pêche se fait au filet. Le luoi-rung est une
sorte de seine. On en réunit trois ensemble, celui
du milieu forme poche. Chaque seine ayant
environ 70 à i5o mètres de long, Tensemble de
Fengin présente un développement de i5o à
3oo mètres. Chacune des deux extrémités libres
est attachée à une des barques qui trament le filet
depuis la pleine mer jusqu'à la grève en les rappro-
chant légèrement Tune de Tautre de façon à
donner au filet la forme d'un angle rentrant au
sommet duquel se trouve la poche. Le poisson,
poussé par 1 engin, remonte jusqu au sommet, et
I '|6 NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
au moment où les barques arrivent à teiTe une
cinquantaine de coolies saisissent les extrémités du
filet et Tattirent sur le sable. Cette pêche se pra-
tique pendant six mois de Tannée, de mars à
septembre, et nécessite l'emploi de deux filets va-
riant de 3oo à 5oo piastres chacun, de cinq jonques
d'une valeur de loo piastres chacune et une bonne
campagne peut rapporter de i.3oo à i.joo pias-
ti'es que le propriétaire partage par moitié avec les
coolies.
Le pêcheur qui ne dispose pas du capital néces-
saire pour cette pêche se contente dun cuoi-rê.
C'est un filet à grandes mailles de lo mètres de
long sur 2 de large. Il porte sur un de ses grands
côtés une ligne de flotteurs qui le maintient à la
surface de l'eau, mais à la différence du luoi-rung,
le bord opposé n'est pas garni de plomb, ce qui
lui permet dosciller sous Teau dans tous les sens.
Les deux bouts du filet sont en outre attachés à
deux perches de bambou, maintenues verticale-
ment hors de Teau par un contre-poids et portant
à 1 extrémité supérieure une torche allumée. La
pêche se pratique la nuit. Quatre propriétaires de
filets se réunissent en général pour louer une
embarcation, ils attachent leurs quatre engins à
PRODUITS D ORIGINE AiNIMALE l/,7
des distances diiTérentes et les traînent doucement
au large. Le poisson, attiré par les lumières, se
23récipite contre le piège tendu, s entortille dans
les mailles du fdet, d'autant plus sûrement qu'il
se débat davantage. On ne prend à cette pèche
que de gros poissons et chaque saison de pêche
peut rapporter à chacun des propriétaires des
quatre barques 5oo piastres.
Le poisson pris est salé ou séché, à moins qu'on
ne Tutilise à la fabrication du nuoc-mâm. Le
salage se fait en superposant dans de grandes cuves
des couches de poissons et de sel. Les poissons
sont alors soumis à une forte pression pendant six
ou sept jours, puis exposés au soleil pendant
trois jours. 3o piculs de poisson ainsi traité
donnent 23 piculs de poisson salé, valant sur le
marché de Saigon 3 piastres 5o le picul.
Pour sécher le poisson, on le fend aussitôt péché
en suivant la ligne du dos et en glissant le couteau
le long de Tarête. On le met macérer une nuit dans
de 1 eau salée, le lendemain, on le lave à Teau
douce, et on le sèche au soleil; le picul de poisson
séché se vend environ 4 piastres.
Avec les petites espèces, on fabrique du nuoc-
mâm. Mais sur les côtes de Cochinchine, on
l4o NOTRE IRANCE D EXTREME-ORIENT
apporte peu de soins à la préparation de cette sau-
mure, elle est par suite peu estimée.
Autour du cap Saint- Jacques, on trouve en abon-
dance des langoustes, des huîtres et des palourdes,
mais ces mollusques ne valent pas ceux que Ton
pèche en France. Les langoustes sont petites et
ont un goût très particulier. Les huîtres sont petites
et ne font Tobjet d'aucune culture. Elles vivent en
agglomérations compactes sur les rochers et sont
dans rimpossibihté de se développer. Une culture
rationnelle pourrait seule en améliorer la qualité.
Au nord du cap Varella etjusqu'auThanh-hoa,
les pêcheries sont restreintes uniquement aux
besoins de la consommation locale. Il y a peu de
bons ports, les typhons sont fréquents et la
mousson du Nord-Est est très violente. Les pêche-
ries ne reprennent quà partir du Than-hoa et
redeviennent actives le long du delta du Tonkin.
Dans le golfe du Tonkin, les pêcheries font
vivre de nombreuses populations, mais elles sont
cependant moins rémunératrices que le long des
côtes cochinchinoises ou annamites ; les bancs de
poissons sont moins riches et en outre les
pêcheurs chinois de Haï-j\an et de Pak-hoï
viennent faire aux pêcheurs tonkinois une
I
PRODl'TTS n ORIGINE ANIMALE 1^9
concurrence redoutable, car ils sont mieux
outilles.
Dans la province de Quang-Yên, la pêche a
pourtant une très réelle importance, et indépen-
damment des pêcheries indigènes installées sur les
rives, les jonques chinoises qui viennent à la
Cac-ba pendant la plus grande partie de Tannée
pour s'y livrer à la grande pêche déterminent dans
cette région un mouvement d'échanges qui est loin
d'être négligeable.
Ces jonques restent pendant plusieurs mois sur
les côtes, venant s abriter la nuit ou pendant les
mauvais temps dans la baie de la Cac-ba. Le poisson
péché est vidé, salé et séché au fur et à mesure
de la capture. De grandes jonques l'emportent
vers Pac-Khi, d'oià on lexpédie en Chine. H y a
des saisons où il y a dans la baie de la Cac-ba près
de mille jonques venues des mers de Chine.
La pêche fluviale produit également des res-
sources qui viennent s'ajouter à celles de la pêche
maritime. Au Tonkin et en Annam elle ne donne
pas lieu, à proprement parler, à un commerce ;
quoique très active, elle fournit des vivres aux
populations locales et rien de plus.
l5o NOTRE FRANCE D'EXTRÊME-ORIENT
C'est en Cochinchine et surtout au Cambodge
qu'elle est au contraire particulièrement abondante.
Les cours d'eau qui sillonnent le pays en tous sens
sont habités par des myriades de poissons, qui
font l'objet d'un commerce très développé.
Pendant toute l'année les indigènes pèchent les
diverses espèces de poissons à écailles blanches
dites ca-trang. qui servent de base à l'alimentation
de la population. Il y en a une quai-antaine d'espèces
(ca-chay, ca-duôi, ca-phên, ca-luon-trân, etc..)
qui vivent dans les grands fleuves ou dans les
aiToyos ayant au moins trois mètres de fond.
Pendant la saison sèche, c'est-à-dire de février
à a\Til. au moment de la baisse des eaux, on pêche
les poissons de marais (ca-dông) qui comptent sept
ou huit espèces communes (ca-loc, ca-bong, ca-
sât, ca-trê, ca-dày, etc.). Ces espèces se pèchent
à la source des cours deau, dans les plaines inon-
dées, dans les cuvettes boueuses des rizières, dans
les étangs.
Le matériel de pêche employé n'a rien de très
particulier. On se sert de filets fixés de dimensions
variables, d éperviers, d'hameçons et de lignes.
Les poissons de marais sont capturés au moyen
de nasses et surtout de clayonnages faits de bam-
PRODUITS d'origine ANIMALE i5i
bous qui sont mis en place au moment où les eaux
se retirent. On sèche et on sale le poisson quand
on ne peut le consommer frais.
Dans certaines provinces, Chau-Doc, par
exemple, où la pêche est une véritable industrie,
celle-ci est réglementée. Il existe trois sortes de
pêcheries. Les grandes pêcheries sont affermées
par lEtat à des particuliers ; les pêcheries de vil-
lages sont aflcrmées aux villages qui les sous-louent
par voie d'adjudication, enfin les mares et les
fosses sont louées par les villages. Les locations
procurent des revenus appréciables. Dans les pro-
vinces de Chau-Doc les prix de location sont
annuellement les suivants :
Fleuve antérieur 2.900 francs.
Fleuve postérieur i .002 —
Arroyos de Tra-da, Hông-Ngu, So-
thuong, So-ha 2.600 —
Arroyo de Pa-Long 679 —
Pêcheries des villages et mares . . . 2i.o32 —
De Chau-Doc on exporte chaque année environ
21.000 piculs de poissons frais, 7.200 piculs de
poissons secs, 3, joo piculs de poissons salés.
Dans la région du Grand-Lac au Cambodge,
Tépoque de la pêche donne lieu à un spectacle
extrêmement curieux qui a été d ailleurs maintes
132 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
fois décrit. Les pêcheurs, annamites, siamois,
chinois, arrivent dans les arroyos du Grand-Lac
dès les premiers jours de décembre pour choisir
leurs emplacements, élever leurs séchoirs et leurs
huttes en bambous, préparer les claies qui doivent
servir à établii' les barrages. La forêt voisine
fournit les matériaux nécessaires. Une pêcherie
bien organisée comprend un personnel assez nom-
breux, ordinairement 2J hommes et une douzaine
de femmes. Les engagements sont contractés pour
six mois, l'homme est payé loo francs et les
femmes 5o.
On fournit à chacun les instruments dont il a
besoin, 1 7 kilogrammes de riz, 1 de bétel, 2 de tabac
par mois, cinq pantalons, cinq chemises et un cha-
peau . Quand les eaux commencent à baisser, de véri-
tables villages sont construits sur le lac ; maisons,
séchoirs, sanctuaires, petits jardins suspendus, rien
n'y manque. On évalue à une trentaine de mille le
nombre des pêcheurs et commerçants de tout genre
qui viennent exercer leur profession sur le Tonlé-
Sap pendant la saison de la pêche. La plus grande
partie du poisson séché ou salé est achetée sur
place par des Chinois et exportée vers Pnom-Penh
et Saigon par la voie du Mékong.
PRODUITS D ORIGINE ANIMALE l'î-J
On évalue à 2 j.ooo tonnes en moyenne la quan-
tité de poisson annuellement exporté d' Indo-Chine
vers Singapour et Hong-Kong ^
A ce produit s'ajoutent des envois de crevettes
séchées, de pâte et de saumure de poissons, de graisse
et de colle de poissons, d'ailerons de requins et de
nids de salanganes ou hirondelles de mer recueillis
dans les îles dépendant de Quang-Nam (notam-
ment dans Tîle de Galao-Gham), et qui sont très
recherchés en Chine. La qualité la plus estimée,
dite Yen-Hayet, se vend de i^'', 10 à i'^'',5o les
3o grammes, la qualité inférieure, dite Yen-Sao,
vaut o^'",8o. On exporte également en Chine des
quantités assez notables d'algues marines comes-
tibles, recueillies sur les côtes du nord de TAnnam.
III
ÉLEVAGE
Avec la chasse et la pêche, Télevage fournit une
troisième catégorie importante de produits dori-
gine animale.
^ En 1910, on a exporté 26.964.808 kilogrammes de poissons
secs et 616.879 kilogrammes de pâtes de poissons et saumures.
l54 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
L'élevage des animaux domestiques pourrait
procurer en Indo-Chine des bénéfices considéra-
bles. Malheureusement on ne pratique, en général,
cette industrie agricole que d'une manière tout à
fait rudimentaire.
Les principaux animaux que Ton élève sont les
buffles et les bœufs, les chevaux, les porcs, quel-
ques moutons et des animaux de basse-cour.
Le buffle est l'animal domestique par excel-
lence. Peu délicat, le buffle, qui aime beaucoup
Teau, est tout désigné pour le travail dans les
rizières. Très docile pour les indigènes, de tout
jeunes enfants suffisent à le conduire. On élève le
buffle un peu paitout en Indo-Chine. Certaines
régions en exportent. Ce sont, au Tonkin, les pro-
vinces voisines du delta, en Annam, les provinces
de Vinh, du Thanh-Hoa, du Ha-tinh, du Phu-
Yen et du Khanh-hoa. En Cochinchine, on se
livre assez à Télevage ; par contre, au Cambodge,
il y a de nombreux troupeaux de bovidés. Le
marché de Kratié est particulièrement fréquenté.
On y trouve une race spéciale, pour le bœuf stieng,
qui fournit les transports d'excellents trotteurs.
Des épizooties fréquentes sont malheureusement
désastreuses pour Télevage des bovidés indo-chi-
PRODUITS d'origine ANIMALE l55
nois, et leur menace a fait prendre depuis quelques
années des mesures pour réglementer et réduire
l'exportation.
La population bovine et bubaline malgré tout
diminue, car les marchands philippins achètent à
des prix très élevés tous les animaux qu'ils peu-
vent trouver. Les indigènes, alléchés par Tappât
de gains élevés, vendent inconsidérément et dans
certaines régions manquent maintenant des buffles
nécessaires pour les travaux agricoles.
Il serait à désirer que Télevage en grand soit
entrepris sans retard. Les hautes régions du
Tonkin dans les districts de Gao-Bang de Bac-Kan,
de Bao-Lac et de Ha-Giang ; en Annam, les pla-
teaux du Lang-Biang et d'An-Khâ, au Laos les
plateaux du Tra-Ninh et du Cam-Mon et les
plaines voisines de Savannaket offrent de vastes
étendues herbeuses propres à l'élevage.
Certains colons et le service zootechnique du
Tonkin ont déjà obtenu par croisement ou par
acclimatemement de races importées des résultats
encourageants. Au Lang-Biang, il y a actuellement
des vaches provenant d'un croisement de la race
du pays avec notre race bretonne, qui commencent
à être très appréciées comme vaches laitières en
l56 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
Annam et au Tonkin. On doit souhaiter que les ex-
périences soient poursuivies et développées dans de
établissements spécialement aménagés à cet effet.
Le cheval annamite est très résistant et très
robuste. Son seul défaut est sa taille très petite qui
ne dépasse guère l'^^O- Le service zootechnique
est parvenu à obtenir des croisements intéressants
avec des juments tarbaises et australiennes, mais
ces essais ont jusqu'ici été assez peu nombreux, en
raison des frais très lourds qui en résultaient.
Le mouton sacclimate très difficilement en
Indo-Chine, le climat est trop humide. Seule une
race spéciale provenant de la péninsule malaise a
pu jusqu'ici se développer à la station de Yen-Dinh
dans le Thanh-hoa.
Les porcs sont élevés par contre à peu près par-
tout en Indo-Chine. On en exporte même du
Tonkin, de FAnnam et du Cambodge, des quan-
tités considérables vers la Chine et les entrepôts
de Singapour.
On élève également beaucoup de poulets, de
canards et d'oies. On exporte en Chine des canards
desséchés.
Le ver à soie a été introduit en Indo-Chine par
les Chinois deux siècles avant notre ère.
PUODLITS D OlUGINE VMMALE 1^7
Les races de ver qui s'y rencontrent sont très
robustes, bien adaptées au climat et donnent sept à
buit générations par an. Le mûrier est en outre très
abondant partout.
Toutes ces circonstances favorables font que
Télevage du ver à soie joue un rôle considérable
dans Féconomie générale de la colonie.
La sériculture est à Iheure actuelle particulière-
ment développée au Tonkin, dans les provinces de
Bac-Giang, de Bac-Niah, de Nam-Dinh et de
Ninh-Binh; en Annam dans celles de Than-hoa,
de Quang-Nam et de Binh-Dinh ; en Cocbinchine
dans celle de Chau-doc, au Cambodge dans les
régions voisines du Mékong.
Le ver à soie indo-chinois ne fournit en général
quun petit cocon (i. loo à 1.200 au kilogramme,
tandis que pour nos belles espèces françaises 4oo
à l\30 suffisent) et en outre il faut 22 à 23 kilo-
grammes de cocons pour i kilogramme de soie ;
mais la soie obtenue a un très bel éclat.
Les méthodes d'éducation sont fixées par une
longue routine souvent défectueuse. Les Anna-
mites entassent trop de vers dans leurs paniers et
leur ménagent trop la nourriture. Ces circons-
tances permettent aux maladies — en particulier à
l58 NOTRE FRANCE DEXTRÊME-ORIENT
la pébrine — de se développer et de causer de
grands ravages.
Depuis 1 90G, r administration s'efforce de fournir
aux sériculteurs des graines débarrassées de tout
germe de pébrine par des méthodes analogues à
celles pratiquées jadis en France par Pasteur, et
ses efforts ont permis d'améliorer dune façon très
notable la production pendant ces dernières années.
Des croisements et des sélections judicieuses ont
également eu pour résultat d augmenter le poids
des cocons et leur richesse soyeuse. Des appareils
nouveaux et des méthodes de dévidage perfec-
tionnés ont été introduits. On a réussi à obtenir
des soies grèges de meilleures qualités.
La production de la soie oscille actuellement
autour de i .200.000 kilogrammes chaque année. Il
n'est pas douteux que dans un avenir prochain nos
manufactures métropolitaines qui demandent
pour l'instant à létranger les grèges dont elles ont
besoin, pourront s approvisionner dans la colonie,
et que les Etats-Unis aussi qui en achètent beau-
coup à Canton deviendront pour Flndo-Chine de
nouveaux clients.
CHAPITRE VIII
PRODUITS D'ORIGINE VÉGÉTALE
FLORE. FORÊTS. CULTURES
I. Les forêts indo-chinoises. — Répartition et peuplement. —
Principales essences.
II. Cultures alimentaires : riz, maïs, manioc. — Cultures colo-
niales : thé, café, poivre, canne à sucre, etc. — Coton et pro-
duits textiles. — Caoutchouc.
Au point de vue végétal, le paysage indo-chinois
présente deux aspects essentiels : la forêt et la
rizière.
La prairie représente une troisième formation
végétale, mais moins caractérisée que la précé-
dente.
La prairie est d'ailleurs souvent mêlée à la forêt.
Sur le versant laotien de la Cordillère annami-
tique depuis le plateau des Boloven jusqu'au
Lang-bian et sur les massifs côtiers annamites,
on rencontre d'assez vastes étendues de prairies,
mais la nature géologique du sol ne convient pas
l6o NOTRE FRANCE d'eXTRÉME-ORIENT
ordinairement au développement des graminées
propres à l'élevage. Le tranh, qui constitue la
prairie le plus ordinairement, est une sorte de
roseau sans grande valeur nutritive pour le bétail.
La rizière et la forêt forment le plus singulier
des contrastes. La première est aussi monotone
que la seconde est variée. En pays de rizière, la
campagne s'étend à perte de vue, uniformément
plate, divisée en compartiments par les digues.
C'est un paysage de marais salants, sauf qu'à cer-
taines époques les marais deviennent verts et se
transforment en une ondoyante prairie où toutes
les gammes de vert se trouvent successivement
représentées.
I
LES FORÊTS INDO-CHINOISES
La forêt indo-chinoise, au contraire, sous l'in-
fluence de rhumidité et de la chaleur est en géné-
ral luxuriante, comme toutes les forêts tropicales.
La superficie des forêts en Indo-Chine est im-
mense. 11 est même actuellement très difficile de
révaluer d'une façon approximative. Elle couvre
indistinctement le bassin du Fleuve Rouge, la Cor-
I
PRODUITS d'origine VEGETALE l6l
dillère annamitique et le bassin du Mékong d'un
épais manteau de verdure.
Les indigènes Font détérioré en de nombreux
endroits par la déplorable pratique des ray^ ou
feux de brousse, qu'ils allument pour défricher
les emplacements dont ils ont besoin et aussi par
des exploitations sans méthode et sans soin.
Elle n'en reste pas moins dans l'ensemble très
dense, et certains massifs exposés aux grandes
pluies des moussons et certaines vallées basses et
humides sont encore à Fheure actuelle couvertes
de forêts magnifiques.
Au Tonkin, les forêts que Ton rencontre entre
la Rivière Claire et le Song-Ghay, entre le Son-
Cau et le Song-Day, le versant nord-est du Tam-
Dao dans la région de Bac-Kan et dans celle du
Pho-binh-gia, sont justement célèbres par la mul-
titude des essences qu'elles renferment. L'aspect
des forêts tonkinoises n'est pas cependant aussi
beau, ni aussi imposant que celui des autres forêts
de rindo-Chine. Les schistes et les calcaires qui
composent la plus grande partie du sous-sol ne
sont pas favorables au développement des gros
arbres. Le plus souvent les forêts sont élevées,
mais très grêles, même chez des arbres très vieux.
l6a NOTRE FRANCE DEXTRÊME-ORIENT
Le service forestier a même dû abaisser au Tonkin
à 0,35 la mesure minimum du diamètre exigé
pour Tabatage des ai'bres, alors qu'en Cocbin-
chine cette limite est de 0,93 et de i mètre au
Cambodge.
En Annam, les vallées du cours moyen du Song-
Ma, du Song-Chu, du Song-Ca sont également
couvertes de hautes et belles forêts ; malheureuse-
ment, dans certaines provinces les feux de brousse
des indigènes en ont détruit de vastes étendues.
Dans Farrière-pays d'Annam, dans le Tra-Ninh,
au Gam-Mon et au Lang-Bian la forêt est plus
clairsemée ; elle est souvent éclaircie par des
régions herbeuses que parsèment des bouquets de
pins et de diverses espèces de cupulifères.
Les terres rouges des régions basses de Gochin-
chine oii le sol est à la fois fertile et frais offrent
par contre de magnifiques types de forêts. Tantôt
les arbres puissants et forts y poussent très serrés,
entrelacés de lianes comme dans toutes les forêts
tropicales, tantôt la forêt est coupée de clairières.
Partout les arbres sont hauts et droits et les
espèces très nombreuses.
Dans son ouvrage célèbre sur la Flore fores-
tière de Cochinchine^ le botaniste Pierre en a
PRODUITS n OnîGTNE VÉGÉTALE ifi'î
décrit ^)i'A difTérentes, sans compter les variclcs,
et la mort Ta empêché de continuer son inven-
taire
Dans le nord du Cambodge, entre le Grand-
Lac et les plateaux du Sud-Annam les forêts rede-
viennent plus maigres. Les arbres qui les peu-
plent sont ordinairement résineux et rabougris.
Quelques fougères et une herbe dure et jaune
tapissent le sol. Cette végétation relativement
pauvre contraste avec la précédente, mais elle
provient de la nature gréseuse du sous-sol qui
produit des terrains sablonneux et infertiles.
Dans leur ensemble et malgré la pauvreté —
relative d ailleurs — de certaines régions, les
forêts indo-chinoises représentent une source de
richesses naturelles qui mérite d'être aménagée
avec soin.
Jusqu'ici les indigènes n'ont apporté dans l'ex-
ploitation des forêts de la colonie aucune mé-
thode.
Dans beaucoup de provinces et faute de sur-
veillance, l'abatage, qui a lieu toute Tannée,
s'effectue dans des conditions déplorables. On
n'observe aucun principe de coupe rationnelle, ni
de reboisement. L'indigène coupe les arbres vieux
l64 NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
et jeunes sans discernement et détruit le plus sou-
vent par le feu les jeunes pousses qui peuvent
subsister, uniquement pour avoir le passage libre
pour le transport des gros arbres abattus. On conçoit
combien cette manière de procéder est défectueuse.
Quantités de districts sont dépeuplés pour long-
temps. C'est une perte très sérieuse pour la colonie
et en même temps ce déboisement systématique
cause des perturbations dangereuses dans la
région des cours deaux qui prennent leur source
dans ces régions.
Depuis plusieurs années les services forestiers
et l'administration s'efforcent de réagir contre ces
pratiques dangereuses ; mais dans l'état actuel des
choses, ils doivent limiter leur action à la surveil-
lance, à la protection et à l'aménagement des prin-
cipaux massifs forestiers. Pour assurer l'exploita-
tion méthodique et supprimer aussi bien la coupe
libre que les rays, on a pratiqué le système des
mises en réserve. Les boisemenls déclarés mis en
réserve par arrêté du Gouverneur général sont
mis en exploitation méthodique. L'exploitation
des coupes dans chaque réserve a lieu par voie
d'adjudication publique ou par marché de gré à
gré. Au 3o juin 191 1, il existait en Indo-Chine
PRODUITS n'orUCilNE VÉGÉTALE 1^)5
i8G réserves représentant 3(*)0.37i hectares et
réparties entre les diverses colonies de la façon
suivante :
Cochinchinc, 81 réserves d'une surface de 167.335 hectares ;
Cambodge, 3i — — — 21.202 —
Annam, 10 — — — 45-4»o —
Tonkin, 63 — — — i36.384 —
Ces résultats auxquels s'ajoutent de nombreuses
études de reboisements sont appréciables ; ils sont
malheureusement encore très insuffisants eu égard
à rimmensité des forets qu'il s'agirait de protéger.
Le service forestier manque d'ailleurs de per-
sonnel et dans beaucoup de régions on a du se
borner à cantonner les peuplades nomades dans
des districts déterminés où elles restent libres de
continuer à couper les bois comme elles Tenten-
dent et à pratiquer leurs « rays » destruc-
teurs .
Ce serait sortir du cadre de cette étude que
d'entreprendre la description même sommaire des
multiples espèces arborescentes qui composent la
foret indo-chinoise. Il n'est pas cependant possible
de ne pas indiquer brièvement quelles sont les
plus importantes d'entre elles et dont l'exploitation
est commencée et peut devenir rémunératrice.
l66 NOTRE FRANGE d'eXTRÉME-ORIENT
Dans les forêts du Tonkin, du Nord-Annam et
du Haut-Laos ce sont surtout les cupulifères qui
dominent. Ces arbres qui comportent des sortes
nombreuses sont tous de grands arbres que l on
utilise dans Fébénisterie et dans la menuiserie,
d'autant plus volontiers qu'ils sont inattaquables
par les insectes.
Viennent ensuite les conifères auxquels appar-
tiennent les cèdres de la région du Ha-Giang, les
bois de cercueil, les pins à deux feuilles de la
région de Mon-Kay et de la province de Quang-
Yen, jDuis les légumineuses mimosées, dont le type
le plus répandu et le plus connu est le lim. Les
bois de fer sont employés à une foule d'usages et
ont une grande valeur comme bois d'ébénisterie
et d'ameublement.
Dans la forêt cochinchinoise, la famille des
diptérocarpées fournit des arbres de dimensions
énormes et particulièrement utiles par la qualité
de leur bois. Ils comportent de nombreuses
espèces et jouent dans la production forestière de
la Gochinchine un rôle analogue à celui des cupu-
lifères dans la forêt tonkinoise.
Ce sont des spécimens de ces arbres que les
indigènes font descendre vers la mer sur les
PRODUITS n'oHlGINK VÉGÉTALE id']
énormes radeaux que Ton rencontre quand on
remonte les grandes rivières indo-chinoises.
L'abatage des arbres a lieu à la hache ou au
coupe-coupe, assez rarement à la scie. Les plus
belles pièces, les troncs des gros arbres sont mis
de côté pour servir de bois de charpente ou d'ébé-
nisterie, tandis que les jeunes arbustes et les
branches secondaires des gros arbres sont débites
pour servir de bois à brûler ou transformés sur
place en charbon de bois. Toutes les pièces desti-
nées à être exportées sont alors réunies sur la berge
de la rivière la plus voisine. Là on les charge quel-
quefois sur des jonques ou des sampans à voile, le
plus souvent on les assemble en radeaux.
La confection de ces radeaux est assez délicate,
car la plupart de ces bois, vu leur densité, ne peu-
vent flotter, on doit alors se servir de flotteurs en
bambous. Lorsque Tapprovisionnement de bois est
jugé suffisant, les exploitants procèdent à une
coupe de bambous qui, par exemple, est de 9 à
16.000 par stock dc3oo pièces de 4 mètres. Cette
provision sert à former, par paquets et par couches
légèrement plongeantes de bambous régulièrement
superposés, le cadre et le fond du radeau. Les bois
sont placés au centre et sur toute la longueur de
l68 NOTRE FRANCE DEXTRÈME-ORIENT
cet encadrement. Toutes les jDièces sont percées à
une extrémité et attachés entre elles et au cadre
du radeau.
Des pièces légères sont ensuite disposées en tra-
vers sur la plate-forme, réunies bout à bout au
moyen de lianes et de gros cordages en fibres de
bambous qui entourent complètement le radeau.
La largeur de ces trains de bois excède rarement
10 mètres, mais la longueur atteint 60, 80 et
même 100 mètres. Un équipage de G à 8 hommes
s'installe sur le radeau dans de petites cases en
bambous et tout le chargement descend la rivière.
L'abatage, le rassemblement et la confection d'un
radeau composé de 3oo pièces de bois et 10.000
bambous nécessitent en moyenne 3 à 4 niois de
travail avec 12 à i5 ouvriers employés chaque
jour.
A côté des espèces précédemment citées, les
forêts indo-chinoises en renferment d'autres non
moins précieuses.
Le camphrier, les arbres à laque sont du nombre.
11 existe plusieurs espèces d'arbres à laque. L'un
d'eux, Tarbre à cochenille, produit la laque car-
minée. Aussitôt que l'arbrisseau est assez robuste,
on y suspend de petites branches portant des œufs
PHODITTS n'oiUr.TNE VÉGÉTALE i^Q
d'insectes. L éclosion a lieu en peu de semaines et
les branches disparaissent bientôt sous une couche
épaisse de laque où sont dissimulés de nombreux
œufs. D'autres arbres de la même espèce produi-
sent par simple incision de la gomme-gutte, du
stick-laque qui est employé dans l'industrie des
vernis.
La cardamome, qui donne lieu à un important
commerce, croit au Cambodge à l'état de nature
dans les régions humides de Pursat et du Thpong
et au Tonkin dans les districts de Pho-Binh-gia
et de Cao-bang. Les indigènes se bornent à élaguer
les arbustes ; la cardamome du Cambodge est de
beaucoup la plus estimée.
Le cannelier se trouve en abondance en Annam
dans la province de Quang-Nam. Les Chinois de
Faï-Fo, qui détiennent presque entièrement le
monopole du commerce de la cannelle, en expor-
tent des quantités considérables sur Canton. Depuis
quelques années, les Annamites ont fait dans les
montagnes voisines des plantations de canneliers
et la cannelle cultivée, moins recherchée que la
cannelle sauvage, se vend encore à des prix très
élevés sur les marchés de la Chine. Là encore
l'Administration a du intervenir pour réglementer
lyo NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Texploitation et Texportation de la cannelle, car les
indigènes cédant à Fattrait de prix très élevés
offerts par les Chinois détruisaient sans merci les
vieux arbres dont Técorce fournit un produit d'un
goût particulièrement fort et apprécié.
Le cu-nâu est une sorte d'excroissance qu'on
trouve sur les racines de certaines lianes. Ce pro-
duit, qui est employé pour teindre en brun les
étoffes indigènes, est très recherché. Il est commun
dans les terrains schisteux, particulièrement dans
les provinces de Yinh-Yen et de Phu-To, au
Tonkin .
La badiane ou anis étoile, qui entre dans la
composition de lanisette et de labsinthe, donne
lieu à une production très irrégulière. On en
recueille actuellement surtout dans les environs de
Lang-Son.
Le benjoin, le vétiver existent à Tétat plus ou
moins sauvage au Tonkin, et même pour beaucoup
de ces plantes il est difficile de distinguer celles
qui croissent naturellement de celles qui font l'objet
de cultures spéciales.
Une énumération de ce genre serait très incom-
plète si on ne faisait une place importante aux
bambous et aux arbres à huile.
PRODUITS D ORIGINE VEGETALE 171
Le bambou se rencontre à peu près partout au
Tonkin, dans le nord et le centre de TAnnam, au
Laos, au Cambodge et en Gochinchine. On en
compte jusqu'à 32 espèces que l'on peut diviser
en trois catégories : i"" le bambou mâle à nœuds
saillants et puissants, plein sur les deux tiers à peu
près de son épaisseur, il atteint une hauteur d'en-
viron 20 mètres; 2^ le bambou femelle à parois
très minces ; 3° le bambou hybride qui a la gros-
seur du bambou mâle et les autres caractères du
bambou femelle. Comme lui il est peu utilisable.
Par contre le premier sert aux usages les plus
variés. Les maisons sont pour la plupart et pour
la plus grande partie construites en bambou. On
en fait des liens et des cordes, des treillis, des
paniers, des nattes, des cloisons, on en construit
des barques d'un bon marché extraordinaire, on
en fait des pipes et des tuyaux de pipe, des cha-
peaux, des bâtons, des rames, des objets sonores
pour les appels et les signaux, des ponts pour
passer les torrents, des bâtonnets pour manger le
riz, des cure-dents, et une foule d'ustensiles domes-
tiques. Ses épines et la haie fourrée qui entourent
les villages forment de puissantes défenses pour
les habitants ; on mange même les jeunes pousses ;
172 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
on Tutilise en un mot à tant d'usages qu'on peut
se demander ce que serait la vie des Annamites
sans le bambou.
Quant aux arbres à huile, il en existe de nom-
breuses sortes. Leur exploitation commence à
peine, mais si Ton considère Timportance des
demandes de produits oléagineux sur le marché
français on peut voir là une sorte de richesse très
précieuse pour la colonie. On rencontre au Tonkin
et dans le Nord-Annam Tabrasin et en Gochin-
chine le bancoulier ; le garcinia est abondant dans
les bassins de la Rivière Noire et de la Rivière
Claire, à côté du stillingia ou arbre à suif de Chine.
En Cochinchine, il existe des irvingias qui donnent
un suif végétal très employé pour la fabrication
des bougies.
A côté de toutes ces espèces arborescentes qui
se rencontrent à Tétat plus ou moins spontané
dans les forêts dlndo-Chine, il convient de citer
maintenant un certain nombre de plantes ou d'ar-
bustes cultivés par les indigènes et que Ton utilise
soit dans l'alimentation, soit dans l'industrie.
PRODUITS d'origine VEGETALE 17^
II
CULTURES ALIMENTAIRES : LE RIZ
Au premier rang des cultures alimentaires de
rindochine se place le riz. Le riz est pour ainsi
dire Tunique nourriture de la majorité des indi-
gènes.
Il en existe une très grande quantité de variétés.
Une enquête officielle faite en Cochinchine a
démontré que cette colonie en renferme plus de
200 espèces définies, ayant chacune une dénomina-
tion spéciale. Il est certain qu'au Tonkin et en
Annam où le climat et les terrains sont beaucoup
plus différenciés qu'en Cochinchine, il en existe
autant, sinon davantage.
Au point de vue de la qualité, on classe les riz,
soit d'après leur habitat (riz de plaines ou repiqué,
riz de montagne ou semé à la volée), soit d'après
leur consistance après cuisson, riz durs (gâo) ou
gluants (nêp), soit d'après la couleur du grain
(riz blanc, noir, rouge, etc.), soit d'après leur
précocité (riz de trois mois, ou riz tardif).
Sur le marché de Cholon, où sont les grands
entrepôts de riz, le commerce distingue trois caté-
174 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
gories de riz : le go-cong ou riz à grains ronds et
courts, c'est le riz le plus recherché en Europe, le
Baï-xau ou riz à grains demi-longs qui est très
apprécié par les indigènes et le Vinh-long à grains
longs qui est le plus commun.
Selon Fétat plus ou moins avancé de sa prépa-
ration, le riz prend le nom de paddy quand le
grain n'est pas débarrassé de son enveloppe, de
riz blanc quand il est décortiqué, de riz cargo,
quand une faible quantité de paddy est encore
mélangée à du riz décortiqué. Le riz glacé est du riz
blanc dépelliculé et spécialement traité. On se sert
et on exporte même les brisures de riz.
En Indo-Chine, on trouve des rizières un peu
partout. Etant donné que le riz a besoin d'une
terre fertile, riche en humus, et de beaucoup
d'eau, on rencontre les plus belles rizières dans
les deux deltas du Fleuve Rouge et du Mékong,
mais il y a de nombreuses rizières ailleurs, il en
existe même dans les montagnes, où Ton sème un
riz spécial qui se contente d'une humidité moindre.
Les indigènes, pour qui le riz a une importance
alimentaire plus grande que le pain chez nous,
plantent en réahté le riz partout où ils le peuvent.
Toutes les plaines irriguées naturellement ou irri-
PRODUITS d'origine VEGETALE 175
gables artificiellement lui sont consacrées et dans
les régions où le régime hydrographique s'y prête,
au Tonkin par exemple, et dans le Nord-Annam,
on fait même deux récoltes par an.
En Cochinchine les rizières occupent en moyenne
une surface de i.35o.ooo hectares, quelquefois
davantage (ï.494-ooo pendant ces dernières
années). C'est le cinquième de la superficie totale
de la colonie.
Depuis trente ans les rizières ont pris dans la
colonie une extension considérable.
En 1880, on n'en cultivait guère plus de
5oo.ooo hectares. En 1890, on cultivait déjà plus
de 85o.ooo et en 1900 près de 1.200.000. Dans
certaines provinces il ne reste pour ainsi dire plus
de place disponible, la rizière occupe entièrement
toutes les terres susceptibles d'être cultivées. C'est
le cas des provinces de Go-CongoÙ98,8p. 100 de
la surface est en rizières, Travinh (80,9 p. 100),
Vinhlong (76,8 p. 100). Dans d'autres, la propor-
tion, quoique inférieure, reste élevée : Soctranh
(75 p. 100), Giadinh et Cholon (60 p. 100),
Mytho (60 p. 100), Bentré (09 p. 100).
Dans quelques provinces Long-Xuyen, Rach-
gia, Tanan, cette proportion s'abaisse à 24, 23, i4
176 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
p. 100; elle n'est plus que de 5, 4 et 2 p. 100
dans celles de Bien-Hoa, Thudaumot et Tayninh,
c'est-à-dire dans les régions septentrionales et
montagneuses de la colonie.
Cette culture pourra prendre un développe-
ment beaucoup plus considérable, le jour où
les travaux d'irrigation nécessaires seront effec-
tués. Une superficie égale à celle actuellement
occupée par les rizières pourrait être mise en
culture dans l'immense plaine des Joncs, située
au nord du Mékong et dans la plaine marécageuse
de la presqu'île de Camau. De grands travaux de
drainage et d irrigation sont actuellement en cours
d'exécution et peut-être est-ce la main-d'œuvre qui
viendra à manquer et à empêcher la riziculture
de prendre dans ces régions toute l'extension
désirée.
En Annam, les plaines sont plus rares. La mon-
tagne aboutit à la mer en beaucoup d'endroits et
le plus souvent il n'y a le long du rivage qu'une
mince bande de terres de quelques kilomètres de
large seulement. Les embouchures deltaïques des
petits fleuves côtiers sont cependant utilisées pour
les rizières. Le Thanh-hoa, lelNghê-An, le Quang-
rSam, le Binh-Dinh renferment des rizières bien
PRODUITS D ORIGINE VEGETALE 177
cultivées, malheureusement exposées aux inonda-
tions et aux raz de marée.
Le ïonkin, bien que plus peuplé que la Cochin-
chine, comporte une surface moindre cultivée en
rizières : 8 à 900.000 hectares environ. La possi-
bilité de faire deux récoltes par an sur le même
emplacement (cinquième et dixième mois, mai-juin
et octobre-novembre) compense la moindre éten-
due des rizières.
Les rizières sont surtout abondantes dans le
delta. Dans les provinces de Haï-Duong. de Ha-
Nam et de Kièn-An 5o p. 100 environ de la sur-
face totale est en rizières, dans celles de Ha-Dong
et de j\am-Dinh cette proportion atteint 73 p. 100
et dans celle de Bac-Ninh elle dépasse 90 p. 100.
Dans la province déjà montagneuse de Haï-Duong,
on rencontre encore 92 p. 100 de la superficie
cultivés en rizières.
Au contraire de ce qui se passe en Cochinchine,
il y a dans le delta tonkinois peu de terrains dis-
ponibles susceptibles d'être tranformés en rizières.
On estime qu'on ne peut guère ajouter plus
de 140.000 hectares à la surface totale des rizières.
Seuls des travaux d'irrigation et d'appropriation
des terrains déjà cultivés pourront accroître le ren-
17'^ NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
dément. Un des problèmes essentiels à résoudre à
ce point de vue est la protection des rizières contre
les dangers d'inondation.
Au Cambodge, le riz est également la principale
culture des provinces de Takeo, Soai-Rieng, Prey-
veng, Siem-Reap et Battambang ; le Cambodge
est malheureusement peu peuplé et on ne peut
guère songer pour Tinstant à accroître la superficie
des rizières. La superficie actuelle des rizières ne
dépasse pas 673.000 hectares, soit 45 5 p. 100 de
la surface totale.
Au Laos, il y a également dans les plaines de
nombreuses rizières, mais le riz produit est con-
sommé sur place.
La culture du riz la plus répandue, et qui est
pratiquée dans les rizières à grands rendements,
comporte des semis dans des pépinières spéciales
(ma) et le repiquage du jeune plant dans la rizière.
Ces deux opérations sont délicates et demandent
quon soit maître dinonder ou d'assécher à volonté
la rizière, d autant plus que si le riz a grand besoin
d'eau, Texcès d'humidité lui est tout aussi
nuisible. Il faut pouvoir inonder la rizière avant
les labours qui se font quand la terre est trans-
formée en boue liquide et après le repiquage
PRODUITS D ORIGINE VEGETALE 179
pendant deux on trois mois. Il faut également
pouvoir Tassccher à Tépoque de la maturation et
de la récolte. Le temps de la végétation dure
quatre à cinq mois et dans certaines régions,
en combinant très exactement Tépoque des semis
et de la végétation, on peut faire deux récoltes.
Dans les pays où la topographie ne permet pas
une irrigation facile, on remplace Tune des
deux cultures de riz par une autre culture vivrière,
patates, maïs ou par du coton.
En Cochinchine, la récolte du premier moi (jan-
vier-février) est de beaucoup la plus forte. Une
seconde récolte de riz liàtif a lieu ordinairement
vers le septième mois (août-septembre) . Dans le
Nord-Annam et au Tonkin on fait deux récoltes au
cinquième mois (mai-juin) et au dixième mois
(novembre). Quand elle nest pas contrariée par des
inondations, ou des typhons, cette dernière récolte
est la plus importante. Dans FAnnam du Centre et
du Sud, les deux récoltes ont lieu pendant le troi-
sième mois (avril) et le huitième mois (septembre-
octobre) .
Le rendement varie suivant les régions et sui-
vantes années. On considère généralement comme
satisfaisant un rendement de 2.000 kilogrammes
l8o NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
de paddy à rhectare en Goehinchine, mais il y a
des régions où on doit se contenter de rendements
inférieurs (800 kilogrammes) tandis que dans
d'autres on obtient jusqu'à 4.000 kilogrammes.
Le prix est également très variable. Au Tonkin,
le riz vaut de i piastre 25 à 2 piastres le picul,
c'est-à-dire de 5 à 9 francs les too kilogrammes.
Sur le marché de Cholon, le riz vaut ordinairement
8 francs les 100 kilogrammes.
Le riz de montagne est cultivé par les Mois et
les Muongs de la Chaîne annami tique. Il donne lieu
à des opérations beaucoup moins compliquées. On
le sème à la volée. Le riz pousse d'une manière
beaucoup plus irrégulière et donne par suite des
rendements moins élevés.
La culture du riz dans les régions rizicoles
occupe tous les Annamites y compris les femmes
et les enfants. Les hommes labourent, les enfants
conduisent les buffles, les femmes repiquent, tout
le monde collabore à la récolte. Le nhaqué anna-
mite s'est ingénié à mettre en valeur le plus de ter-
rain possible. Pour irriguer des rizières il a inventé
de multiples appareds.
Dans certaines régions, des norias à pédales, des
roues élévatoires mues par des bœufs ou par le
PRODUITS d'origine VÉGÉTALE l8l
coiiraiil, des pîmiers munis de longues cordes,
balancées par deux ouvriers selon une cadence
régulière, servent à élever et à transporter Teau
dans la rizière.
Divers colons ont déjà chercher à utiliser de
puissantes pompes rotatrices pour irriguer des
plaines jusqu'ici dépourvues d'eau, des semeuses
permettant d'éviter le repiquage, des moisson-
neuses. 11 est certain que les procédés de culture
pourraient être améliorés et on ne peut que féli-
citer rAdmiiiistration d'avoir Fan dernier permis
rentrée en franchise de douane des machines agri-
coles (d'origine américaine notamment) servant à
la culture du riz, il y a dans leur introduction en
Indo-Chine et dans leur vulgarisation un moyen
précieux pour augmenter le rendement des cul-
tures.
Le riz produit est consommé sur place ou
exporté.
Pour l'Annamite, le riz dur est Faliment par
excellence. An Com^ qui correspond en annamite
à ridée de manger, signifie littéralement manger
du riz cuit. Les pauvres le consomment cuit à
Teau avec quelques légumes et un peu de nuoc-mâm
ou saumure de poissons. Les riches y ajoutent
l8'2 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
quelques mets plus compliqués empruntés à la
cuisine chinoise. Mais le riz constitue toujours au
moins la moitié de la masse alimentaire.
Le nép ou riz gluant sert à la distillation de
Talcool, on en fait également du vermicelle, de
la pâtisserie et de la colle.
Parmi les grands pays producteurs de riz Tlndo-
Ghine figure au second rang, très près derrière la
Birmanie. Le tableau ci-après indique en tonnes
les quantités de riz exportées pendant ces dix
dernières années.
EXPORT.*.TIO>S VERS
ANNÉES
EXP0RT.VT10>S TOT.*.LKS
hK FRANCE ET LES COLONIES
1900. . . .
915.637
162.609
1901.
912.434
205.729
1902.
i.ii5.6oi
218.709
1903.
676.019
90 . 000
1904.
965.607
239.754
1905.
622.037
153.933
1906.
740.484
171.019
1907.
I .428.121
191 .422
1908.
1.234.003
198,270
1909.
I .095.855
268.755
1910.
1 .269.516
284.794
1911.
858. 453^
204 . 962
^ Par suite de la mauvaise récolte.
L industrie exporte en somme peu de riz en
PRODUITS D ORIGINE VEGETALE i8^
France. Le riz du Tonkin est dirigé ordinairement
vers Hong-Kong.
Depuis quelques années, il en vient davantage en
France (29.G00 tonnes en 1908, 53.joo en 1909).
Ceux de Cochinchine sont expédiés également
pour les 2/3 vers Hong-Kong, les Philippines et
au Japon.
En France on préfère pour la consommation
les riz de Java ou d Italie; le riz indo-chinois qui
y est importé sert dans les distilleries, les amidon-
neries, les féculcries et pour la nourriture des
volailles. Pour que le riz dindo- Chine se crée une
place plus considérable sur le marché métropolitain,
il faudrait exiger des producteurs annamites plus
de soins dans le choix de leurs semences. Il reste
encore beaucoup à faire dans cet ordre d'idées.
Le riz est la principale culture alimentaire des
Annamites, il n'est pas la seule. Depuis quelques
années le maïs a pris au Tonkin un très grand déve-
loppement. En 1904, on nen exportait que
107 tonnes, en 1910 on en a exporté près de
100.000. Sa production tend d ailleurs à se géné-
raliser et à s'étendre à toute 1 Indo-Chine.
On le cultive dans les plaines trop élevées pour
pouvoir être facilement irriguées, sur les pentes
l8/, NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
fertiles et aussi dans les rizières après la récolte du
riz. Dans les terres nouvellement défrichées c est
la céréale que Ton plante de préférence à toute autre.
Il en existe de nombreuses variétés. Chez les
Muongs il existe une sorte de maïs qui est remar-
quable par la hauteur de sa tige qui atteint parfois
4 mètres. On a même introduit cette espèce dans
le midi de la France il y a quelques années comme
maïs-fourrage, elle a donné des rendements supé-
rieurs aux meilleurs maïs mexicains. On cultive
ordinairement deux espèces de maïs ; le bap-nêp
dont le grain blanc devient gluant après cuisson et
le bap-giang dont Tépi porte à la fois des grains
blancs et des grains rougeâtres. On consomme de
préférence le premier sous forme de galette sucrée,
dure et cassante. Il y a quelques années, TAdmi-
nistration avait essayé d introduii^e en Cochincliine
une espèce de maïs d Europe, à gros gi^ains,
mûrissant bien, et donnant d'excellente farine.
Mais ce grain peu gluant et peu sucré n'a pas eu
de succès auprès des indigènes qui voient dans
cette plante plutôt une friandise qu'un aliment.
Dans certaines provinces, le maïs se récolte encore
vert et tendre, un peu avant la pleine maturité et
on le consomme immédiatement. On le cuit dans
PRODUITS DOHIGINE VEGETALE l85
l'eau, encore enveloppé de sa feuille et on le mange
à même sa raffle. Quelques-uns le font griller sur
les charbons.
Le rendement de cette céréale est avantageux.
Chaque tige en terrain propice et bien cultivé donne
ordinairement deux épis. Un hectare de maïs
rapporte environ 4oo kilogrammes qui se vendent
à raison de 7 à 8 francs les 100 kilogrammes.
Il nexiste guère en Indo-Chine d'autres céréales
qui fassent Fobjet d'une culture régulière. On a
tenté à plusieurs reprises de semer du blé, de 1 orge,
du seigle, de lavoine dans les hautes régions du
Tonkin. Ces cultures n'ont présenté aucun intérêt.
Quelques blés indigènes seuls sont cultivés dans
la région de Cao-Bang. En quelques endroits, on
sème également du millet et du sarrazin pour
Talimentation.
Par contre, les Annamites cultivent pour leur
alimentation beaucoup de plantes à rhizomes ou à
tubercules féculents.
Le manioc, que Ton utilise pour la fabrication
du tapioca, est lobjet d'une véritable culture dans
les terres sèches du Tonkin, de FAnnam et du
Cambodge. Les patates occupent les terrains
pauvres, sablonneux. On en plante beaucoup au
l86 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
bord de la mer. On en cultive également souvent
dans les rizières quand la sécheresse ou le manque
de temps ne permet pas de préparer une seconde
récolte de riz. Certaines variétés de haricots (dau-
xanh) sont également très répandues et servent à
des farines ou des pâtes alimentaires.
Les légumes et les fruits sont très abondants et
très variés, paiticulièrement au Cambodge et en
Cochinchine.
Les bananiers sont cultivés autour de toutes
les maisons, les ananas poussent à 1 état sauvage
au ïonkin et en Annam. Mangues, mangoustans,
letchis, oranges, mandarines, goyaves, limons,
pamplemousses, pommes-cannelles, jujubes sont
très communs. Certains fruits qui répugnent aux
Européens sont au contraire très appréciés des indi-
gènes. Le fruit dujacquier etle durian. quine pous-
sent guère qu'en Cochinchine et au Cambodge, se
reconnaissent de loin, quand ils ne sont pas frais, à
leur odeur repoussante. La carambole avec laquelle
on fait des confitures est trouvée trop acide par les
Européens. Les fruits de nos pays s acclimatent très
difficilement et c esta grandpeine que, dans certai-
nes régions, on a pu obtenir quelques raisins de
table et des fraises, à Nui-chua-chang par exemple.
PRODUITS d'ohigine végétalk i «'^7
Les cultures dites coloniales sont représentées
en Indo-Chine par le thé, le café, la canne à sucre
et le poivre.
Le thé vient très bien en Annam dans le Ha-
tinh et le QuangNam, et au Tonkin dans le Phu-
Tho, le jNinh-Binh et le Bac-Giang. Sa produc-
tion est déjà considérable et on exporte en
France des quantités très appréciables : 029.909
kilogrammes en 1910. Mais cette culture pren-
drait une extension beaucoup plus grande si le
thé entrait en franchise de douane dans la Métro-
pole et si la qualité des thés expédiés était meilleure.
Malheureusement à ce point de vue le théd'Annam
laisse en général beaucoup à désirer. Les procédés
de culture sont en effet par trop défectueux et
primitifs dans certains districts. Le cultivateur
ne sai'cle presque jamais sa plantation et ne la
fume pas. 11 se contente d'élaguer Tarbuste de
façon à le rendre touffu et à empêcher sa hauteur
de dépasser i"',2o, i"\5o, puis il se borne à
enfouir au pied de l'arbre les branches élaguées
et les feuilles impropres à la consommation, pré-
tendant que c est là le meilleur des engrais. 11 con-
viendrait en outre d'apporter au sélectionnement
et au triage des feuilles plus de discernement. Le
l88 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
peu de soin apporté à la dessiccation et à la fer-
mentation rend aussi la conservation du produit
souvent très difficile. Dans certaines provinces
tonkinoises (Phu-Tho) on tend heureusement à
réagir contre ces méthodes défectueuses. Depuis
quelques années la culture du thé a pris un grand
développement dans les huyên de Gamkhé et de
Thanh-ba ; des colons européens ont initié les
indigènes aux meilleurs procédés de taille des
arbustes, de cueillette et de préparation. Ils ont en
outre assuré lécoulement des récoltes en en ache-
tant la totahté aux indigènes et les résultats obtenus
ont été des plus encourageants.
Le café a été introduit en Indo-Chine lors des
premières interventions françaises. Il est cultivé au
Tonkin et dans quelques districts de TAnnam
(Quang-Tri, Quang-lNam et Binh-Dinh) ; mais les
tentatives de culture en grand n'ont pas très bien
réussi. Les planteurs ont à lutter contre un para-
site, le borer, que F on n'est pas encore parvenu à
combattre efficacement.
La canne à sucre est cultivée dans tous les pays
del Indo-Chine. etplusparticulièrementenAnnam,
au Cambodge et dans la Cochinchine orientale. A
1 aide de presses verticales actionnées par des buffles
PRODUITS d'origine VÉGPÎTÀLE 189
les indigènes en extraient un marc noir et grossier,
présenté sous forme de galettes que l'on exporte
en Chine.
On extrait également du sucre du palmier à
sucre du Cambodge. L'exportation des sucres
indo-chinois vers la Chine varie entre 2.000 et
7.000 tonnes; mais le commerce total entre
l'Annam et le Tonkin est beaucoup plus considé-
rable, on révalue de i5 à 20.000 tonnes.
L'Indo-Chine, etparticuhèrement le Cambodge,
produit beaucoup de poivre. On en cultive aussi
en Coclîinchine (^Hatien et Baria) et dans TAnnam
central ; mais cette culture n'est pas très rémuné-
ratrice, la production excédant souvent la demande.
Les détaxes dont ce produit a bénéficié pendant
quelques années à son entrée en France a favorisé
l'extension des poivrières, mais une crise de sur-
production n'a pas tardé à éclater et actuellement
la culture des poivrières ne peut redevenir rému-
nératrice qu'à condition de chercher de nouveaux
débouchés à l'étranger.
Aux cultures alimentaires, on peut rattacher
sans exagération celles du tabac, de la noix d'arec
et du bétel, car ces produits jouent un rôle consi-
dérable dans la vie quotidienne des indigènes.
igo NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
En Indo-Chine toutes les populations indigènes
fument. Les principaux centres de production du
tabac sont les terres rouges de la Cochinchine
orientale, les provinces de Phu-\en, Binh-Dinh,
Quang-Ngai, Quang-Tri et Quang-Binh en Annam,
de Haï-Duong au Tonkin, de Vientiane et de
Kampot au Laos et au Cambodge. Certains tabacs
du Laos et de FAnnam ont même une certaine
réputation. Pendant ces dix dernières années, la
production du tabac a quintuplé en Cochinchine
et au Cambodge. Elle pourait prendre un dévelop-
pement beaucoup plus considérable. La Direction
générale des Manufactures de F Etat songe à uti-
liser les tabacs indo-chinois ; une commission
d'études a été instituée à cet effet, il y a deux ans,
et on espère arriver à des essais qui donneront
satisfaction.
L'aréquier fait partie du paysage annamite. Il
est peu de villages autour desquels on ne voit se
dresser le tronc lisse et droit des aréquiers. C'est
sa noix que Fon mâche avec le bétel. La grappe
sort en un magnifique bouquet vert et blanc qui
répand une odeur très suave et enivrante, compa-
rable à celle de Foranger. Un ai^équier met cinq à
six ans à venir avant de rapporter ; k paitir de cet
I
PRODUITS D ORIGINE VEGETALE 191
âge il donne trois ou quatre grappes par an. Cet
arbre est très sensible à Feau et aux courants d'air
de certains vents ; trois jours d'inondation suffisent
pour le faire périr. Son fruit se mâche vert ou
séché, suivant Tépoque, seul ou avec du bétel.
Le bétel est presque toujours cultivé à côté de
Taréquier. C'est une sorte de lierre dont les Anna-
mites mâchent la feuille avec un peu de chaux et
un quartier de noix d'arec. La mastication du
bétel produit un goût frais, piquant, très agréable
pour ceux qui y sont habitués. La salive devient
rouge, couleur de sang, les nerfs se sentent
stimulés, tandis qu'une douce chaleur se répand
dans tout le corps et le repose. Les Annamites en
font un article de cérémonie et ne manquent pas
d'en offrir aux étrangers qui viennent les visiter
ou aux amis qu'ils rencontrent chemin faisant. Il
nest pas un Annamite qui n'en ait dans sa cein-
ture ou dans un sachet quelques boules. On plante
beaucoup de bétel. La feuille se cueille au fur et
à mesure des besoins. Elle ne peut que se con-
sommer fraîche, après sept ou huit jours elle ne
vaut plus rien. La culture du bétel est assez lucra-
tive, mais elle exige beaucoup de soins. Un hec-
tare produit une quantité de feuilles d'une valeur
19^ NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
approximative de 25o francs. Les plantations de
bétel doivent être renouvelées tous les trois ans.
Les principales cultures industrielles de Flndo-
Chine sont celles des textiles, des oléagineux et
des plantes à caoutchouc.
En tête de tous les textiles figure le coton. On
en cultive deux espèces spéciales : le Gossypium
herbaceum au Tonkin, en Annam et en Cochin-
cliine, le G. hirsutum au Cambodge.
Le cotonnier herbacé se présente sous deux
formes : le bong-tàu ou cotonnier chinois a de
0,80 à I mètre de haut, le bong-se ou coton-
nier du pays est plus petit, 0,23 à 0,60. La
production du Tonkin et de F Annam est variable.
Elle oscille autour de i.ooo tonnes par an. Celle
du Cambodge est beaucoup plus importante :
elle atteint 7 à 8.000 tonnes chaque année. Le
cotonnier est cultivé surtout sur les rives du
Mékong, dans la province de Kompong-Cham.
On en trouve aussi au Laos, mais sa culture y est
limitée en raison du peu de densité de la popula-
tion.
Le coton herbacé a des soies courbes qui ne
pourraient convenir aux filatures françaises, mais
PRODUITS D ORIGINE VEGETALE 19^
que les filatures du Tonkin utilisent parfaitement.
Le coton du Cambodge fournit également une
soie assez courte, mais de belle couleur et frisant
facilement. Sur le marché de Hong-Kong, cette
particularité lui fait obtenir un cours de 2 piastres
plus élevé parpicul, que les cotons dellnde. Très
apprécié à Hong-Kong et au Japon, il le serait
également en France, si les quantités produites
étaient suffisantes pour conquérir une place sur
notre marché.
La ramie, dont on se sert pour la fabrication
des filets de pêche, est cultivée dans toute llndo-
Ghine et particulièrement sur la Rivière Noire,
dans le nord de l'Annam et dans le Laos. La
consommation locale excède d'ailleurs de beaucoup
la production indigène.
Le jute trouverait en Indo-Chine des débouchés
considérables. On s'en sert pour fabriquer des
cordes, notamment la trame des nattes ou des sacs
destinés à Femballage, il n'est malheureusement
cultivé que dans quelques districts du Tonkin, si
bien que Flndo-Chine est obligée d'importer
chaque année de Singapore pour plusieurs mil-
lions de francs de gunnies (sacs de jute pour le riz
et le poivre), fabriqués avec les jutes de Flnde.
i3
194 NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
Le chanvre est cultivé dans le jNord-Annam,
le Haut-Tonkin et au Laos, mais en petite quantité.
On a songé à exploiter pour la production des
fibres textiles les immenses peuplements de bana-
niers sauvages qui existent dans les hautes vallées
du Tonkin, mais jusqu'ici les essais qui ont été
tentés n'ont pas donné, semble-t-il, des résultats
satisfaisants.
L'abaca est une sorte de bananier qui croît en
grande quantité aux Philippines. Il donne une
fibre textile extrêmement longue et résistante, une
fibre a parfois plus de 2 mètres de long et peut
supporter un poids de 4 kilogrammes. L'abaca
est employé dans la fabrication des câbles, courroies
de transmission. L'Amérique et F Australie en
achètent des quantités considérables. Cette plante
était jadis inconnue au Tonkin. Elle y a été intro-
duite par un planteur. L'abaca donne un rende-
ment très rémunérateur. On sème en place ou on
replante. Au bout d'un an on peut commencer
à couper.
Aux plantes énumérées ci-dessus, il convient
d'ajouter le coir, produit fibreux qui entoure la
noix de coco et qui est très demandé par 1 indus-
trie de la corderie et de la brosserie.
I
PRODUITS D ORIGINE VEGETALE igS
Notons, enfin, dans le même ordre d'idées, que
les matériaux de rembourrage sont très nombreux
en Indo-Chine. Le kapok fourni par des Erioden-
dron et des Bombax du Cambodge, de la Cochin-
chine et de FAnnam est très demandé depuis
quelques années.
La sparterie utilise également des quantités
importantes de rotins, de lataniers fpour la fabri-
cation de chapeaux annamites et de manteaux
imperméables et de joncs pour la fabrication des
nattes). On trouve des joncs à nattes en très
gi'ande quantité dans les provinces maritimes du
Tonkin et de la Cochinchine.
Nous avons précédemment indiqué quelles étaient
les espèces arborescentes figurant dans les forêts
indo-chinoises, d'où on tirait des produits oléagi-
neux. La flore de Flndo-Chine comporte d'autres
plantes cultivées produisant des huiles et graisses
végétales très employées sur place et très deman-
dées sur les marchés étrangers.
Le cocotier, cultivé surtout en Cochinchine,
au Cambodge, le long du Mékong et dans tout
IWnnam central et méridional, a déjà été cité
à propos de la production du coir. Le coprah quil
fournit et dont on retire une huile très employée
196 NOTRE FRANCE d'eXTRÉME-ORIENT
dans rindustrie est exportée d'Indo-Ghine, à rai-
son de 5.000 tonnes par an.
On cultive le ricin dans toute la colonie, parti-
culièrement au Tonkin, le sésame au Cambodge,
les arachides dans le Centre- Annam. L'arachide,
autrefois très cultivée dans les terres hautes, dis-
paraît. Elle est attaquée depuis plusieurs années
par une maladie qui en diminue beaucoup le ren-
dement et la vulgai'isation du pétrole, qu'on subs-
titue partout à Thuile d'arachide pour Téclairage,
est une cause d'abandon de cette culture.
En dehors des textiles et des oléagineux, on
cultive encore en Indo-Chine des arbres à caout-
chouc. Les plantations se sont beaucoup déve-
loppées pendant ces dernières années. Les essais
de Cereas et de Castilloas ont donné des résultats
assez médiocres, mais les ficus elastica et les hévéas
ont bien réussi dans le Nord-Annam, au Tonkin,
et surtout dans les terres rouges de Cochinchine \
Les premiers essais de plantations remontent
à une quinzaine d'années ; mais, au début, on
planta l'hévéa dans les terrains sablonneux pauvres
de la partie basse de la Cochinchine. Les résultats
^ Balletin de l'Asie française, février 191 1, p. 70.
I
PRODUITS D ORIGINE VEGETALE 197
furent médiocres. A partir de 1906, l'attention
des capitalistes fut attirée par les résultats obtenus
dans les Etats malais et à Java, et un certain
nombre de sociétés se formèrent pour la culture
rationnelle des hévéas en Cochinchine. Des essais
dans les terres rouges furent faits et les terres riches
en nitrates et en acide phosphorique apparurent
bientôt comme d'une fertilité égale à celles de
Java.
Aujourd'hui l'hévéa dont la première planta-
tion en Indo-Chine fut celle de llnstitut Pasteur
de Nha-Trang est très répandu en Cochinchine et
donne de très sérieuses espérances. On évaluait en
191 G à un million le nombre des hévéas plantés.
Depuis 19 10, des superficies considérables de
terrains domaniaux ont été vendus en Cochin-
chine ou données en concession à des planteurs
de caoutchouc. En quelques mois, plus de 3o.ooo
hectares ont été aliénés en vue de la culture de
1 hévéa dans la seule province de Bien-Hoa, et les
demandes de concession continuent à affluer. Le
nombre des plantations (non compris celles d éten-
due restreinte que commencent à créer les indi-
gènes) dépasse cinquante, couvrant une superficie
de 60.000 hectares de terres rouges et i4-ooo
198 NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
hectares de terres grises (silico-argileuses) . Dans
les terres rouges, les plantations de Suzannah
comptaient 192.000 arbres au i^' janvier 191 1,
celles de Courtenay iSo.ooo arbres, celles de
Xa-Trach 200.000, la société de caoutchouc de
Cochinchine, à Long-than 18.000. Dans les
terres grises, on rencontre peut-être moins de
plantations aussi considérables, mais les planta-
tions de 25 à 3o.ooo arbres sont très nombreuses.
Plusieurs plantations sont déjà en plein rapport,
d'autres ne tarderont pas à entrer dans la période
de production : à Suzannah, à Xa-Trach, on a
commencé à saigner cette année.
Partout les essais ont été satisfaisants. Les
échantillons de caoutchouc recueillis dans la plan-
tation que la colonie possède à Ong-Yêm ont été
particulièrement remarqués à l'Exposition de
Londres et ont provoqué de nombreuses demandes
d'achat.
L'avenir des plantations d'arbres à caoutchouc
en Cochinchine est intimement lié à la question
du recrutement de la main-d'œuvre. En raison du
développement considérable donné à cette culture
dans le monde entier, le succès dépend en grande
PRODUITS D ORIGINE VEGETALE 199
partie de la rapidité avec laquelle les plantations
atteindront la période de production. Il est indis-
pensable pour les planteurs de disposer, dès
maintenant, de nombreux coolies pour le défri-
chement des terres et Fentretien des exploita-
tions.
La main-d'œuvre locale est manifestement
insuffisante pour toutes les cultures, particulière-
ment en Cochinchine, et il est nécessaire d'avoir
recours à la main-d'œuvre étrangère. On a déjà
tenté de nombreux essais, mais les résultats
obtenus n'ont pas toujours correspondu aux frais
consentis. Des coolies javanais, chinois, tonki-
nois, annamites ont été successivement employés
par diverses sociétés, mais un gxand nombre ont
déserté les plantations ou les ont quittées par suite
de maladies.
Un arrêté du Gouverneur général, en date du
i4 mars 191 1, a nommé une commission com-
posée de fonctionnaires et de planteurs pour
rechercher les moyens propres à favoriser l'immi-
gration en Cochinchine de la main-d'œuvre indo-
chinoise ou étrangère et d'étudier la création de
bureaux de colonisation. Il serait désirable que
ces travaux aboutissent à des propositions pratiques
-iOO NOTRE FRANCE d'eXTRÉME-ORIENT
et réalisables, cai' la question intéresse aussi bien
les planteurs de TEst que les agriculteurs de
rOuest.
La culture du riz exige, en effet, à certaines
époques de Tannée, de nombreux coolies, soit pour
la préparation des terrains, soit pour le repiquage
des plants ou la récolte.
On a tenté, depuis deux ans, d'obvier à la
pénurie de main-dœuvi'e par l'emploi de ma-
chines agricoles, mais les résultats n'ont pas été
concluants. Le matériel employé ne répond pas,
en effet, exactement aux conditions de la culture
en Cochinchine, il est en général trop lourd et,
dans les terres profondes de 1 Ouest, il s'embourbe
dès que le sol est un peu humide. Il faut donc
des machines plus légères; en outre, il est néces-
saire pour faire usage de ces machines que le
sol soit suffisamment sec et humide. Pour cela, il
faut que les cultivateurs soient maîtres du niveau
des eaux sur leurs terres, qu'ils puissent les
défendre contre celles que le reflux des marées
pourrait y amener et évacuer celles qui provien-
nent des pluies. En outre, pour avoir un sol uni, il
faut que le terrain ait été hersé et labouré. Or, le
nhâqué annamite dans Touest de la Cochinchine
PRODUITS D ORIGINE VEGETALE 'loi
ne laboure pas. Il repique les plants de riz dans le
sol humide sans autre travail préparatoire.
Avant d'introduire des machines agricoles, il
est donc indispensable que le cultivateur indigène
modifie ses procédés de travail actuels et qu'il dis-
pose des capitaux nécessaires pour cette transfor-
mation.
Récemment une association s'est fondée en vue
précisément de résoudre cette question de la cul-
ture mécanique en Gochinchine. Elle comprend
un grand nombre de notabilités coloniales et la
plupart des colons de la Gochinchine. Elle est
actuellement sortie de la période d'organisation et
est entrée dans celle des réalisations pratiques ;
elle se propose de commencer des essais sur un
territoire de 3oo hectares. On doit espérer que,
grâce aux ressources importantes dont elle dis-
pose, elle fera faire un grand pas à cette question
qui intéresse à un si haut point l'avenir écono-
mique de toute la colonie.
CHAPITRE IX
PRODUITS D'ORIGINE MINÉRALE
I. Mines. — Houille et lignite.
II. Minerais et gîtes métallifères : fer, cuivre, étain, zinc, etc.
III. Carrières : pierres, marbres, phosphates. — Salines et eaux
thermales.
Bien que Tinventaii-e des divers produits qu'il
renferme n'ait pas encore été complètement dressé,
le sous-sol de Flndo-Chine ne paraît pas moins
riche que la forêt et la plaine dont nous venons
de voir les ressources multiples.
Les productions minérales peuvent être classées
sous les quatre rubriques suivantes : mines, car-
rières, salines et eaux minérales.
I
MINES
La houille existe certainement en abondance à
de très grandes profondeurs. On en a signalé sur
■lO\ NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
plusieurs points et on en exploite déjà des affleu-
rements importants.
Les gisements situés entre Sept-Pagodes et la
baie d'Along (dans les provinces de Haï-duong et
de Quang-Yen) sont, pour l'instant tout au moins,
de beaucoup les plus considérables.
La Société française des charbonnages du Tonkin
l'exploite en deux points : à Hatou et à Nagotna.
A Hatou, l'exploitation a lieu à ciel ouvert, un
chemin de fer à voie étroite de i4 kilomètres
relie la mine à Hongay, sur les bords de la baie
d'Along. A Nagotna, l'extraction a lieu dans des
galeries situées au fond d'un puits de i32 mètres
de profondeur.
La mine de Kébao, située dans Tîle du
même nom, dans la baie d'Along, a une super-
ficie d'environ 25.ooo hectares. On en retire
chaque année 20.000 tonnes de charbon en
moyenne.
La mine Francis située à Dong-Lang, dans le
Quang-Yen, a une superficie beaucoup plus petite
(373 hectares) mais fournit par an une quantité
sensiblement égale de houille.
Ces trois centres occupent près de 5. 000 ouvriers
et ont fourni à l'exportation ces dernières années
PRODUITS D ORIGINE MINERALE 205
plus de 3oo ooo tonnes, valant près de 8 millions
de francs.
Le charbon de Hongay est un charbon maigre
qui ressemble beaucoup à lanthracite. Riche en
gaz pauvre, il a une puissance calorifique assez
élevée, il fournil sous forme de briquettes un com-
bustible très recherché par les chemins de fer et
les compagnies de navigation.
U existe d'autres gisements au Tonkin, à Yen-
Bay, à Dong-Giao (Ninh-Binh j , à Maokhè, à Trang-
Bach, à Mong-Dzuong, à Yen-Khoai, à Dong-
Trieu, et dans 1 île aux Buissons, mais l'exploita-
tion dans les mines est soit difficile, soit restreinte.
Dans le Nghê-An, en Annam, à Tuyen-Nham
on a également reconnu la présence de gisements
de charbon. La mine de Nong-Son, dans la pro-
vince de Quang-Nam, est actuellement en rapport
et en mesure de fournir 80 tonnes de charbon
par jour. Elle a l'avantage d^être en relation avec
Tourane par un cours d'eau navigable.
Plusieurs gisements ont été reconnus au Laos
dans les environs de Luang-Prabang et dans la
province d Attopeu ; mais Tabsence de tout moyen
de communication rend, pour Tinstant, toute
exploitation impossible.
2<)b NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Le territoire de Kouang-Tcheou-Wan paraît éga-
lement renfermer des gîtes carbonifères.
On trouve des gisements importants de lignite
au Tonkin dans la région de Yen-bay, près de
Ninh-Binh, de Laokay et de Lang-Son. Le bassin
de Tan-nhuan seul est exploité. On en extrait
chaque année 20.000 tonnes de combustible.
Le jais qui est une variété de lignite existe,
paraît-il, également dans Fîle de Phu-Quoc
(Gochinchine) .
La production de la houille et du lignite en 1909
a atteint 449-ooc> tonnes, sur lesquelles 249.000
tonnes ont été exportées et i5o.ooo environ con-
sommées sur place.
II
MINERAIS
Les gîtes métallifères sont nombreux en Indo-
Chine et leur exploitation a fait des progrès rapides
pendant ces dernières années.
Les gisements de minerai de fer sont très fré-
quents et les indigènes en exploitent plusieurs
depuis de longues années. Les principaux gîtes fer-
PRODUITS D OHIGINE MINERALE -207
rugineux du Tonkin sont ceux de Ba-xat, Pho-lu,
Ga-vinh, Tay-ha, sur le Fleuve Rouge, ceux du
bassin de Song-Bang-giang (Mo-xat; et du bassin
du Song-Cau (Mona-Khon et Gu-Vanj . Ces mine-
rais sont ordinairement formés de magnétite, d'hé-
matite et quelquefois de limonite, plusieurs sont
manganésifères. Tous ces gîtes produisent du fer
de bonne qualité et plusieurs d'entre eux (Mona-
Khon et Ba-xat) paraissent pai'ticulièrement riches.
Il existe également des gisements ferrugineux en
Annam ; les indigènes exploitent depuis longtemps
celui de Xho-Lam (Nghè-an) qui contient de i5
à 20 p. 100 de manganèse, de Gam-Lo (Quang-
Tri) , de Tra-Bong et de Loi-Thot dans le Quang-
Ngai.
Au Laos on en trouve également dans les pro-
vinces de Louang-Prabang, de Xieng-Khouang, de
Savannaket, de Gam-mon et d'Attopeu. Mais ces
gisements ne sont pas exploités, faute de main-
d'œuvi'e ou de charbon.
Le cuivre existe également au Tonkin, en Annam
et au Laos. Les mines de Le-Vien dans le Quang-
Yen, du Tum-Dao (Vinh-Yenj, deLang-Lang sont
exploitées depuis très longtemps.
Des gisements très riches existeraient, paraît-il,
'AoS NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
au Laos, dans la province de Luang-Prabang.
Dans quelques gisements, le cuivre se présente
associé à de l'argent (Bac-Giang et Quang-Yen) , à
de la blinde, de la galène ou à de Tantimoine
(mines de Lang-Ghea, près d'An-chan).
Le plomb, représenté le plus souvent sous forme
de galène argentifère, était autrefois exploité parles
Ghinois pour le compte du gouvernement anna-
mite. Les mines ont été ensuite abandonnées pen-
dant longtemps, mais des capitalistes français ont
tenté pendant ces dernières années d'en reprendre
l'exploitation. On trouve des gisements importants
dans la province de Tuyen-Quang, en Annam
(]Ngbê-an) dans le Tran-Ninh, dans les provinces
de Luang-Prabang et d'Attopeu.
L'or a été exploité jadis également en plusieurs
points par les Ghinois, et quelques mines abandon-
nées ontété reprises avec succès par des Européens.
Le métal se recueille à la battée dans les régions
deHa-Giang et de Gao-bang, mais en quantités très
minimes. Par contre, on trouve de For filonien
dans le Quang-Nam (à Bong-Min) et surtout au
Laos (Luang-Prabang et Attopeu) , mais l'absence
de main-d'œuvi'e et Téloignement rendent pour
rinstant toute exploitation problématique. Les
PRODUITS D ORIGINE MINERALE '209
gîtes métalliques de zinc et d'étain représentent
une richesse plus considérable que tous les gise-
ments précédents.
Les minerais de zinc ont donné lieu depuis
quelques années à des recherches sérieuses et Tex-
ploitation des mines qui en a été la conséquence
est aujourd'hui très importante. En 190^, Tlndo-
Ghine produisait 200 tonnes de zinc, en 1908 cette
production est passée à 9.300. En 19 10, elle a
dépassé 20.000 tonnes.
On trouve du zinc au Tonkin dans les régions
de Tuyen-Quang, de Thai-Nguyen et de Lang-Son.
La mine de Trang-Du, dans la province de Tuyen-
Quang, fournit par an environ 10.000 tonnes de
minerai. A Ban-Duong, il existe d'anciennes
exploitations que Ton cherche actuellement à
remettre en état. En Annam, un filon de zinc et de
cuivre, à Duc-bo, dans le Quang-Nam, paraît très
riche. On en a extrait ces dernières années jusqu'à
i.DOO tonnes de minerai valant près de iSo.ooo
francs. Au Thanh-hoa on a ouvert récemment une
nouvelle exploitation.
On trouve l'étain comme le zinc, surtout au
Tonkin, particulièrement dans la région de Cao-
bang, près de Nguyên-binh. L'étain y est souvent
14
alO NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
mélangé à d'autres minerais, Avolfram, tungs-
tène, etc.. En 1909, on a exporté 196 tonnes
d'étain et 17 de Avolfram.
De nombreux permis de recherches ont été déU-
vrés pendant ces dernières années dans toute cette
région, et on pense que lexploitation ne tardera
pas à s'accroître rapidement.
De nombreux gisements de minerais d'étain ont
été également signalés au Laos, dans la province
de Savannaket; à Ta-Coua, dans la région de Pa-
Kin-Boun on a trouvé d importants gisements de
cassitérite, très riche en étain fin.
L'antimoine, le soufre existent encore en divers
endroits, en particulier au Laos.
Enfin, notons en terminant cette rapide énumé-
ration que Ion rencontre des mines de saphir dans
la province de Son-Tra (Tonkin) , dans le territoire
de Battambang et dans le Haut Mékong (Ban-
Houei-Sai) et quelques rubis dans la même région.
III
CARRIÈRES ET SALINES
D'importantes carrières de marbre sont exploi-
tées au Tonkin le long de la chaîne du Day (Ha-
PRODUITS D ORIGINE MINERALE '211
Nam) , au Cambodge à Pursat, en Annam à Tou-
rane.
Dans la province de Quang-Vea, il y a également
de grandes carrières de pierre calcaire et de pierre
à chaux. Dans Tîle des Deux-Song, on extrait le
calcaire dont se servent les usines d Haïphong pour
la fabrication des ciments.
En Annam, on trouve du calcaire renfermant des
argiles qui permettent la fabrication de chaux
hydraulique ; au Cambodge, on en trouve d'autres
propres à la fabrication de la chaux grasse.
On trouve encore en Indo-Chine des grès très
abondants dans le nord du Cambodge où ils ont
été utilisés dans toutes les constructions khmers,à
Angkor notamment; de la latérite ferrugineuse,
connue sous le nom de pierre de Bien-Hoa et qui
sert à Fempierrement des routes, des granits, des
argiles, propres à la fabrication des poteries (pro-
vinces de Haï-Ouong, Dong-Trieu, Bien-Hoa et
Kompong-Chnam) .
Il y a deux ans environs, on a même commencé
d'une façon sérieuse la recherche des phosphates,
dont la présence avait été signalée dans les provinces
de Kampot et de Hatien dès 1895. Il est possible
quil y a là pour la colonie une source de richesse
212 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
nouvelle, d'autant plus précieuse que le riz demande
en particulier des terrains fertiles et riches en tous
végétaux.
Salines et eaux thermales. — Aux richesses miné-
rales précédentes s'ajoute le produit des salines et
des eaux thermales. Le sel est recueilli sur toutes les
côtes sablonneuses du Sud du Tonkin et on l'uti-
lise sur place en très grandes quantités pour la con-
servation du poisson péché dans la région.
L'industrie du sel était jadis plus prospère et la
régie, en monopolisant la vente de cette denrée, a
amené une diminution notable de la production.
On trouve encore d'importantes salines au
Tonkin dans le Quang-Yen et dans le Thai-Binh,
en Annam dans le Nghê-An, dans le Quang-Ngai,
le Phu-Yen et le Phan-Rang. Les salines du Phan-
Rang exportent pour près de i5.ooo tonnes de sel
chaque année, principalement sur Hong-Kong.
En Cochinchine, il y a des salines dans les pro-
vinces de Bac-Lieu et de Baria qui trouvent dans
les pêcheries voisines de la côte, du delta et du
Grand-Lac un débouché pour leur produit.
Au Laos, il existe des puits de sel gemme à
Ban-Bo (région de Vien-Tiane) dans les provinces
PRODUITS D'ORIGI^'E MINERALE 2l3
d'Attopeu et de Bassac, mais la production n'est
pas très importante : elle ne suffit pas à la consom-
mation locale.
Llndo-Chine renferme un certain nombre de
sources thermales, connues depuis longtemps par
les indigènes, sans qu'ils paraissent leur avoir
reconnu des propriétés médicales particulières. Au
Laos, dans les provinces de Saravanc et de Sam-
Neua, il y a cependant des eaux sulfureuses très
appréciées pour la guérison des maladies de peau .
CHAPITRE X
MOYENS DE COMMUNICATION
I. Relations maritimes et terrestres extérieures. — Les lignes de na-
vigation. — Les ports indo-chinois.
IL Relations intérieures. — Les routes. — Les voies fluviales navi-
gables. — Les chemins de fer. — Etat du réseau et Hgnes pro-
jetées. — Les lignes de pénétration.
I
RELATIONS MARITIMES
ET TERRESTRES EXTÉRIEURES
L' Indo-Chine, avant d'être colonie française était
un point de relâche habituel pour les lignes de
navigation reliant TEuropc à lExtrême-Orient, à
la Chine et au Japon. Depuis que la France est
installée dans le pays, les services ont été organisés
et régularisés dans des conditions relativement
satisfaisantes.
Deux compagnies françaises, les Messageries
maritimes et les Chargeurs réunis, ont établi des
2l6 >'OTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
services réguliers entre la métropole et Tlndo-
Chine.
Les Messageries assurent le service postal par
des paquebots partant tous les quatorze jours de
Marseille et qui arrivent à Saigon vingt-cinq jours
après, avec des escales à Port-Saïd, Djibouti ou
Aden, Colombo et Singapour. Les mêmes bateaux
continuent sur Hong-Kong, Sbangaï et le Japon.
Une ligne annexe hebdomadaire relie Saigon à
Phang-Rang, Nha-trang, Qui-Nhon, Tourane et
Haïphong.
La même Compagnie a une ligne commerciale
qu'elle dessert au moyen de paquebots (cargo-
boats) à marche plus lente et qui partent de Dun-
kerque une ou deux fois par mois suivant les
besoins. Le voyage est un peu plus long et dure de
trente à trente-cinq jours. Ces bateaux desservent
Tourane et Haïphong sans transbordement.
La Compagnie des Chargeurs réunis assure un
service analogue à celui de la ligne commerciale
des Messageries, au moyen de paquebots partant
une fois par mois de Dunkerque et passant par
Le Havre et Bordeaux au départ de France avant
d'arriver à Marseille.
Des compagnies étrangères peuvent être égale-
MOYENS DE COMMUNICATION -417
ment employées pour se rendre en Indo-Chine en
s'arrêtant à Singapore ou à Hong-Kong pour
reprendre des correspondances à destination de
rindo-Ghine. Ce sont la China Mutual S. N. C
Ld de Swansea-Liverpool au Japon, la Glen-Line
de Londres au Japon, le Norddeutscher Lloyd de
Brème, Hambourg, Gènes et Naples à Colombo,
Singapore, Hong-Kong et le Japon, la Péninsular
and Oriental Steam navigation G", pour Tlnde et
r Indo-Chine (avec transbordement) .
L'Indo-Cliine est en relations maritimes avec
tous les grands pays d Extrême-Orient. La
ligne bi-mensuelle des Messageries maritimes
réunit Saigon à Yokohama par Hong-Kong et
Shangaï. Plusieurs lignes locales font le service
de Haïphong à Hong-Kong avec escale à Pak-Hoï,
Hoï-Hao et Kouang-Tchéou-Wan. Une ligne de
Messageries fluviales de Cochinchine va de Saigon
à Bangkok par Poulo-Gondore, Hatien et Ghanta-
boun. Enfin, la Compagnie des Messageries mari-
times a des lignes annexes qui unissent Saigon à
Singapore et Batavia.
Ajoutons enfin, qu'en plus des nombreux cargos
qui font le trajet entre Saigon et la Chine suivant
les besoins du commerce, la Compagnie française
ai8 >OTRE FRA?ÎCE d'eXTRÊME-ORIENT
du Cabotage des mers de Chine envoie des navires
de Saigon au Japon, en Chine, aux Phihppines
et à Java.
Par voie de terre, les relations de llndo-Chine
avec les pays voisins sont beaucoup moins actives
que par voie de mer. Notre colonie échange de
nombreux produits avec le Siam, mais ce com-
merce, qui emprunte les pistes ou les voies navi-
gables du bassin du Mékong, ne comporte aucun
service régulier, il attend d'ailleurs pour se déve-
lopper la création de moyens de communication
meilleurs et plus rapides.
Le chemin de fer du \unnam, qui réunit depuis
deux ans le delta du Tonkin à \unnan-Fou, a
déjà étendu beaucoup les relations commerciales
du Tonkin avec le sud de la Chine, il faudrait de
même construire, à travers le Laos et se dirigeant
vers le Siam, une voie ferrée pour drainer, vers
les ports de la côte d'Annam, les produits de
l'arrière -pays.
Le Transsibérien mérite également une mention
à propos des voies de communication de ITndo-
Chine. Notre colonie, qui est reliée deux fois par
mois à Shanghaï, avec transbordement à Hong-
Kong, bénéficie en effet de cette ligne, qui permet
MOYENS DE COMMUNICATION '219
de se rendre à Shanghaï en Europe et à Paris en
quinze ou seize jours, suivant Fitinéraiie employé
entre cette ville et le Transsibérien.
Les ports. — Les ports indo-chinois ont été
très notablement améliorés depuis notre installa-
tion dans le pays ; ils ne sont pas cependant encore
à la hauteur du rôle économique qu'ils pourraient
jouer, et il reste beaucoup à faire pour les doter de
tous les aménagements réclamés par le commerce.
Le plus important est celui de Saigon, qui est à
la fois port de commerce et port de guerre. Sa
situation, au centre du réseau navigable du
Mékong, duDong-Naï, de la rivière de Saigon et des
Vaïco, est exceptionnelle et en fait le débouché
naturel des produits de la Gochinchine, du Cam-
bodge et du Laos, en même temps que le point de
débarquement commandé de toutes les marchan-
dises destinées à ces pays.
Son mouvement, qui a atteint, en 1911,
1.090.849 tonnes d'une valeur de 3o8.i 37.036
francs, augmente sans cesse. Ce port de com-
merce est situé à Fembouchure de FArroyo chinois.
Les navires sont conduits entre le cap Saint-Jac-
ques et Saigon par des pilotes, et la durée de ce
trajet est de quatre à cinq heures.
220 >OTRE FRA>'CE D EXTREME-ORIENT
Pendant ces dernières années, on a exécuté de
nombreux travaux d'aménagement dans le port de
commerce, qui sont presque terminés. Ces tra-
vaux sont des plus précieux pour le développement
commercial de ce port. Un quai de i.ioo mètres,
établi sur la rive droite de la rivière, permet
Faccostage simultané de 9 navires de 120 mètres
de longueur. Parallèlement à ce quai, et à une
distance de i5 mètres de la bordure, s'étend 'une
série de magasins ayant ensemble une superficie de
près de 23.000 mètres carrés. Des voies ferrées
ont été en outre établies sur le devant et en
arrière des magasins pour faciliter la manipulation
des marchandises ; 20 postes d'amarrage avec
corps morts semblables à ceux existant déjà sur la
rive gauche ; un pont tournant construit en pro-
longement de la rue d'Adran et destiné à relier
cette voie au port de commerce, complètent ces
aménagements .
Ces travaux ont coûté plus de 10. 3 00. 000 francs
et sont presque entièrement terminés.
Le port militaire de Saigon comporte un arsenal
très bien outillé, d une superficie de 17 hectares
et occupant 2.000 ouvriers. Sa position straté-
gique et les installations dont il est doté en font
MOYENS DE COMMUNICATION 221
un port de guerre de premier ordre. L'arsenal pos-
sède un outillage très puissant et très per-
fectionné, permettant d'exécuter des travaux de
construction et des réparations même délicates
dans les meilleures conditions. A Tarsenal est joint
un bassin de radoub de i6o mètres de long, plus
grand, par conséquent, que le port de Toulon. Son
établissement a coûté plus de 7 millions. L'arsenal
possède, en outre, un bassin de dimensions plus
réduites pour les canonnières, torpilleurs et autres
bâtiments d'un faible tirant d'eau.
L'industrie privée possède plusieurs slips de
carénage dont certains sont très puissants ; mais
le commerce grandissant de Saigon réclame depuis
plusieurs années la construction soit d'une nou-
velle forme de radoub, soit au moins celle d'un
dock flottant.
Haïphong est le principal port du Tonkin. Situé
au confluent du Cua-Cam et du Song-tam-bac, à
20 milles de la mer, à l'extrémité maritime de la
grande voie du Fleuve Rouge et du chemin de fer
de Yunnam, à 5o kilomètres de la baie d'Along,
il est placé, par suite, dans une situation commer-
ciale de premier ordre qui lui assure un trafic gran-
dissant.
■111 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
. Les premiers travaux d'aménagement qu'on y a
effectués remontent aux premières années de
notre occupation. Les appontements, les phares des
Nordways et de Hondau remontent à 1 885-1 887-
1888.
Actuellement, grâce aux di*agages efiFectués, le
port est accessible entons temps aux navires calant
6 mètres. Les navires d'un trop grand tonnage,
pour franchir la barre à marée basse, peuvent
d'ailleurs trouver dans la baie d'Along un mouil-
lage très sûr. (Par un phénomène bizarre et encore
scientifiquement mal expliqué, il n'y a qu'une
marée pai' jour sur les côtes du golfe du Tonkin.)
Haïphong possède des appontements d'une lon-
gueur de 3oo mètres ainsi que des ateliers de
construction et de réparation bien outillés. L'in-
dustrie privée possède des ateliers de construction
et de réparation qui, par leurs seuls moyens, peu-
vent mettre à flot des bateaux de plus de 3oo tonnes.
Ces aménagements sont néanmoins insuffisants.
Le port d' Haïphong se développe rapidement.
En 1907, le mouvement général des marchandises
embarquées et débarquées était de 394.000 tonnes,
en 1910, il a dépassé 465-000 tonnes! Le pavil-
lon allemand n'occupe pas la première place comme
MOYENS DE COMMUNICATION '^^i
nombre de navires, mais avec ses 186.402
tonneaux de jauge et ses i83 navires, il trouve
le moyen de prendre plus de loo.ooo tonnes de
mai'chandises, soit le tiers du tonnage total (1910),
il faut au pavillon français 3o8 navires et
5 29. 464 tonneaux de jauge pour prendre 1 65. 000
tonnes, le deuxième tiers du tonnage total du
port de Haïphong. [Asie française^ mars 191 1,
p. i36.)
De grands travaux ont été projetés pour amé-
liorer les installations du port. Une commission
spéciale en a élaboré le programme en 1906 et
estimé que sa réalisation coûterait 21 millions de
francs et demanderait six ans pour être exécutée.
Ces travaux auraient pour effet de porter la lon-
gueur des appontements à 85o mètres, de rendre
le port accessible aux plus gros navires, creusant
un chenal de profondeur suffisant et passant par
la baie dAlong, la grande Brèche et l'île de Haïnan,
de doter le port d'une forme de radoub de
3oo mètres de longueur utile, enfin, de construire
3.000 mètres carrés de hangars et des voies ferrées
desservant les quais et reliées à la gare du chemin
de fer.
Il n'est pas douteux que le jour où ces travaux
2a4 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
seront terminés, Haïphong comptera parmi les
ports les mieux outillés de l'Extrême-Orient.
La baie de Tourane est 1 une des plus belles du
monde. Abritée du côté de la mer par la presqu'île
montagneuse de Tiên-Cha, on Fa comparée à la
baie de Rio-de-Janeiro et à celle de Diégo-Suarez.
Le port de Tourane est malheureusement d'un
accès difficile, une barre Fobstrue et il serait néces-
saire de creuser un chenal pour permettre aux
gros navires Faccès de la rivière de Tourane où le
port est installé.
Les autres ports (Quang-Yen, Ben-Thuy, Faï-fo,
Phan-thiet, etc.), ne sont fréquentés que par
des chaloupes ou des jonques chinoises, quelque-
fois ces ports sont installés dans des baies pro-
fondes, mais sont mal protégés des moussons ou
des typhons; la rade de Qui-Mion, celle de Nha-
trang ou de la baie de Camranh sont dans ce cas.
II
RELATIONS INTÉRIEURES; ROUTES
VOIES NAVIGABLES, CHEMIN DE FER
Lors de notre arrivée en Indo-Chine, les moyens
de communication intérieurs se réduisaient à des
MOYENS DE COMAÏUNICATION '225
routes plus ou moins bien entretenues et à la navi-
gation par sampans. Notre œuvre dans la colonie
a été marquée à ce point de vue par la cons-
truction de nouvelles routes et par T introduction
dans le pays de nombreux moyens de communi-
cation empruntant à la vapeur ou à Télectricité
leur force de propulsion : chaloupes, chemins de
fer, tramways, automobiles. Il faut ajouter même
à cette énumération Faéroplane qui commence à
évoluer déjà au-dessus des centres.
Les routes sont surtout nombreuses en Cochin-
chine et au Tonkin. En Gochinchine, les routes
bien empierrées de bienhoa (latérite originaire de
Bien-boa) sont souvent fort belles. Les principales
sont celles qui relient Saigon à la frontière du
Cambodge par Trang-banh et Tay-Nanh, et a la
frontière d'Annam par Gia-dinh, Thu-duc, Bien-
hoa, Long-than et Baria ; une belle route réunit
également Baria au Saint- Jacques.
D'autres routes réunissent également Saigon à
Hon-Quam par Thudaumot, à Go-cong par Tanan
et Mytho ; Sadec à Vinh-long par Tra-vinh à tra-
vers les îles du delta.
Les routes provinciales ont été 1 objet de nom-
breuses améliorations pendant ces dernières
2*26
années. Plusieurs provinces (Rentré notamment)
dont la population est très dense et où il est néces-
saire par suite de développer les moyens de com-
munication, n'ont pas hésité depuis trois ans à con-
sacrer la plus grande partie de leurs ressources à la
mise en état de leurs routes. Cette seule pro-
vince possède actuellement un réseau routier d'une
longueur totale de i4o kilomètres, dont 70 sont
des routes nouvelles, bien empierrées en granit.
La route interprovinciale de Long-Xuyên à
Cantho est presque terminée et lorsque les travaux
de la route reliant Vinh-Long à Cantho seront
achevés, les chefs-lieux des cinq provinces du
delta ; Long-Xuyên, Cantho, Vinh-Long, Sadec et
Tra-vinh seront réunis entre eux par un système
de routes excellentes.
Un essor financier sérieux a été récemment con-
senti par la colonie et va permettre d'ici quelques
années F ouverture de routes nouvelles ou la réfec-
tion de voies anciennes à travers les provinces de
Test de la Cochinchine, dans la zone des ce terres
rouges )), où les plantations de caoutchouc pren-
nent une importance croissante. Le budget local de
la Cochinchine a pris en effet à sa charge une
partie des dépenses qu'occasionnera la construction
I
MOYENS DE COMMUNICATION 'l-l'-j
de ces routes. Dès à présent, on a décidé rétablisse-
ment d une voie prolongeant à travers la province de
Baria, la route dite des Mois qui s'amorce à Baria
et ira rejoindre dans la province de Bien-hoa, à la
station de Xuân-Loc, le chemin de fer de Saigon
à Phan-thiet; sont également prévues la réfection
de la route Ghesne et la construction d'une route
réunissant les deux précédentes. Ces travaux, dont
les dépenses ont dû être réparties sur plusieurs
exercices, sont pour la plupart déjà commencés.
Au Tonkin, les routes sont nombreuses, mais
leur état a été souvent Fobjet de critiques justi-
fiées.
Les principales routes du Tonkin rayonnent
autour d'Hanoï et se dirigent vers Cao-Bang par
Thaï-Nguyen et Bac-Kan, — vers Ha-Giang par
Son-Tay, Hung-hoa, Phu-tlio et Tuyen-Quang, —
vers Lao-Kay par Hung-Lao et Yen-bay, — vers
Phu-nho-quan par Hoa-binh, — vers Do-son par
Haï-duong et Haï-Phong, — vers Hongay pai* Bac-
Ninh, Phu-lang-thuong et Lam, — vers Lang-Son
par Phu-lang-thuong et Kep.
A ces diverses routes qui relient en somme
Hanoï à tous les centres importants de la colonie, il
faut ajouter :
•àiS NOTRE FHANCF D p:XTREME-ORIENT
Une route d'intérêt stratégique, longeant la
frontière de Chine de Mon-Kay à Lao-Kay par
Tieu-Yen, Lang-Son, Cao-bang, Bao-Lac et Ha-
giang.
La route mandarine qui unit Hanoï à Hué par
iNam-Dinh et Ninh-binh.
Cette route, qui suit toute la côte d'Annam de
Phan-thiet à Ben-thuy sur une longueur de
1 .200 kilomètres, aurait besoin d'être refaite sur
de nombreux points.
Pendant ces dernières années, on s'est efforcé
d'améliorer au Tonkin, comme en Cochinchine, le
réseau routier, en particulier dans les régions
minières auxquelles il ne manque que les moyens
de transporter leurs produits pour acquérir une
grande prospérité.
Les groupes miniers situés dans les provinces
de Thai-Nguyen, Bac-Kan et Cao-bang réclament
en particulier rétablissement de routes nouvelles.
Actuellement les mines de Thaï-Nguyen, groupes
de Langhit (zinc) et de Giang-tien (charbon) ont
seules à leur disposition un débouché suffisant,
constitué, pendant la période des hautes eaux, par
le cours du Song-Lan et en tous temps par la
route empierrée de Thay iNguyenà Dong-Anh, non
MOYENS DE COMMUNICATION iig
loin de Hanoï. Les autres groupes : Pia-Ouac
(Gao-bang), Ngan-Son (Bac-Kan) elCho-bon (Bac-
Kan) sont beaucoup moins favorisés. Le premier,
où se rencontrent d'excellentes mines d'étain et de
wolfram, n'est desservi que par un sentier muletier
rejoignant à Nguyen-binh la route qui, par Cao-
bang et That-Khé, gagne Lang-Son et le chemin
de fer de Hanoï. Ces communications sont insuf-
fisantes et 1 Administration a projeté une route
carrossable contournant le massif minier et se rac-
cordant avec Tancienne route de Cao-bang qui sera
entièrement refaite. En même temps, le prolon-
gement et la réfection de la route Bac-Kan à Thaï-
Nguyen donnera un nouveau dégagement vers le
Song-Can.
Le groupe de jNgan-Son (plomb argentifère)
bénéficiera lui aussi de ces divers travaux. L'ou-
verture d'un tronçon de 3o kilomètres de routes
actuellement à l'étude, permettra de même aux
propriétaires des gisements de calamine du groupe
de Cho-kôn d expédier leurs produits vers le
Song-Can.
Le même plan de réfection des routes comporte
encore Famélioration de la route de Tuyen-Quang
à Ha-Giang et de la route du Pia-Ouac au Song-
A^o NOTHK IHANCE D EXTREME-ORIENT
Gam (aiïluent de la Rivière Claire). Enfin le massif
minier du Dong-Trieu sera desservi par deux
grandes routes, empruntant le tracé des chemins
actuels et le contournant au Nord par Phu-Lang-
thupng, Luc-nam, An-chan, pour redescendre sur
Quang-Yeii (I plus has, par Sept-Pagodes, Dong-
Trieu et Quang-\cn.
Le Laos n a pas de roule à pnjpromenl parler.
Il n'a que des sentiers difficilement praticables
après la saison des pluies. La seule voie qui soit
carrossable est celle (|iii relie Savaiiiuiketà Quang-
\\\ j);ir L;i()-I);i(> el le col d Aï-laO.
Des sentiers réunisseiil P;ik-San à\ieii-Khouang
el Sam-lNeua, \ Inli m n;iii-(l(»n |),ir le col de lb>p-
hnm et Keiig-Kiee-\ ieii-tiau ;i Lii;«ui:-Prab;mj:,
Luang-Prabang à Cua-Hao (Aniiaiu , Mu(jng-Sing
il Ban-buoi-Sai. Saravan ii Savannaket |)ar Pak-
Sé, Saravan à Vllopeu, Saravan à (JuanL^- fn |)ai'
Lao-bao, mais toutes ces voies escaladant, pour
la ])lu])ail. la (lliaîiie amiainitique où ses contre-
forts, sont très souNenl iiupialicables sur de longs
espaces.
Au Cambodge, il \ a encore assez peu de routes,
mais un réseau complet est en conslruction et
sera lerniiué d'ici quelques années. Une fois
MOYENS DE COMMUNICATION 251
achevé, il aura un développement de 3.ooo kilo-
mètres.
Les principales routes projetées partiront de
Pnom-Penh pour aboutir à TEst a la frontière de
Cochinchine par Banam et Soaï-rieng ; au Nord à la
frontière du Siani par Kompong-thoni et Melou-
prey ; à lOuest vers Battambang par Pursat et
Swaidon-Kéo et vers Cliantaboun par Kompong-
speu ; au Sud, vers le ii^olfe de Si;nn par Kainjiot et
le canal du \ iuli-t('' par fakéo.
L'améli(M'alinn des routes p;ir;iit préoccuper
sérieusenienl 1 Vdiiiiiii-halioii . Le |)i()|el d enipiimt
de ()() niillioMs .lehielleineiil xdiiiiis au l\jile-
ment alhahue une somme de <). )0().ooo Iraucs à
ramélioralioii du i(''>eau loulier de la eoloine à
raisoîi (le
i.ooo.oot) '!'■ t"rniK< [xjiir !*• Tiinkiii :
6.000.000 — — la rrgioii <lii Mt'koiig ;
i.5oo.ooo — — la Cochiru hinc.
Le projet comporte 1 amélioration ou la cons-
fiuelion de routes au Tonkni de Lang-Son à Cao-
bang, de lianoï à Cao-bang, de façon à desservir
les centres miniers de Thaï-Nguyen, Cho-don,
Ngan-son et ^guyen-Binh dont on a vu précédem-
ment le manque de communication.
a32 NOTRE FRANCE d'eXTRÉME-ORIENT
En Annam et au Laos, la construction d'une
route partant du terminus actuel du chemin de
fer (Dong-ha) et aboutissant au Mékong à Savan-
naket serait la grande voie de pénétration réclamée
depuis très longtemps.
En Gochinchine, on établirait des routes nou-
velles dans la région des terres rouges qui sont le
centre des nouvelles plantations de caoutchouc.
Il faut souhaiter pour Tavenir économique de
la colonie que ces projets soient tous exécutés sans
retard. H y a urgence si Ton veut voir cesser un
état de choses vraiment anormal comme celui que
Ton constate dans la région minière du Tonkin, les
propriétaires de mines extrayant des minerais, en
amassent des stocks considérables, puis licencient
finalement leur personnel faute de moyens de
transport pour écouler vers Hanoï les minerais
extraits.
Les voies fluviales navigables sont très nom-
breuses en Indo-Chine ; mais elles sont loin d'être
toutes également praticables. En étudiant 1 hydro-
graphie du pays, on a vu combien dobstacles
naturels entravaient et même parfois empêchaient
complètement la navigation. Rapides, tourbillons,
envasement progressif des deltas, seuils rocheux,
MOYENS DE COMMUNICATION ^33
barres s^opposent tour à tour au passage des
embarcations.
L'Administration a, on doit le reconnaître, déjà
fait beaucoup pour améliorer les conditions défec-
tueuses de navigabilité des cours d'eau.
Le Mékong, de Savannaket à Vien-tian, sur
lequel jadis deux transbordements étaient néces-
saires, est maintenant parcouru pendant toute
Tannée par un service de chaloupes. Entre Saigon
et Vien-tian, la navigation a été également rendue
meilleure et plus rapide. Jadis ce trajet exigeait
quarante-deux à quaiante-cinq jours; il n'en
demande plus que vingt au maximum, mais un
double transbordement et le transport en chemin
de fer à travers l'île de Kkône ne peuvent être
évités, c'est un grave inconvénient que l'on n'est
malheureusement pas près de voir disparaître.
La Compagnie des Messageries fluviales de
Gochinchine assure les services réguliers sur le
Mékong et dans le delta cochinchinois. Ses prin-
cipales lignes sont :
La grande ligne de rOuest : de SaïgonàMytho,
Ghaudoc-Cantho et Daï-i\gaï.
Les lignes de Mytho à Bac-Lieu, Yinh-Long et
Bentré.
234 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
La ligne du Cambodge et des Lacs, de Saigon
à Pnom-Penh, Siem-Reap et Battambang.
Les lignes du Laos, de Khône à Savannaket,
Vien-tian et Luang-Prabang avec des transborde-
ments.
Des chaloupes chinoises assurent d'autres ser-
vices (Chau-doc-Hatien) à travers le delta cochin-
chinois.
L Annam renferme peu de rivières navigables.
On y utilise surtout les lagunes et les canaux qui
réunissent entre elles les rivières le long du lit-
toral. Le principal canal est celui de Thanh-hoa à
Phat-diem. Dans le Sud et même dans le centre,
le cours des rivières est coupé par trop de rapides
pour qu'on puisse Futiliser pour la navigation.
Au Tonkin, les voies navigables sont de valeur
médiocre; les navires calant plus de i",5o peu-
vent difficilement y circuler pendant la période
des basses eaux. Il existe cependant des lignes
régulières de Hanoï à Haïphong, de Hanoï à Son-
tay et Vietry avec bifurcation sur Cho-bo ou
Tuyen-Quang, de Haïphong à Hongay et Mon-
Kay, de Haïphong à iNam-dinh, de Haïphong à
Sept-Pagodes.
Là où les chaloupes à vapeur ne peuvent passer,
MOYENS DE COMMUNICATION l'^J
les sampans et les jonques indigènes qui ont un
très faible tirant d'eau rendent de grands services.
Ces embarcations, en bois ou en bambou tressé
et goudronné et qui se meuvent à la rame, soit à
la voile, soit par le halage, servent au transport
de toutes les marchandises de poids.
Les voies de terre servent surtout pour le trans-
port des menus objets ou des voyageurs. Les indi-
gènes se servent de la balance ou brouette, et
de charrettes. La balance est, on le sait, un
instrument très répandu en Extrême-Orient. On
dépose les marchandises à transporter dans les
plateaux et le fléau se place, en son centre de gra-
vité, sur r épaule du porteur. Quelques mandarins
utilisent le cheval dans leurs déplacements, mais
le moyen de transport le plus usité, pour les voya-
geurs, est le palanquin. C'est une sorte de hamac
dont les deux extrémités sont suspendues à un
solide bambou que deux ou quatre domestiques
portent sur leurs épaules. Le voyageur s'y couche
et ce mode de locomotion est bien en harmonie
avec le caractère nonchalant des Orientaux.
Ajoutons quau Cambodge on utilise beaucoup
pour les transports Téléphant et les charrettes à
bœufs.
236 NOTRE FRAN'CE d'eXTRÉME-ORIENT
A ces modes de transport, on doit ajouter l'au-
tomobile qui depuis quelques années prend en
Indo-Chine une importance croissante. L'état des
routes qui tend à devenir très satisfaisant dans de
nombreuses provinces rend aujourd'hui pratique
ce mode de transport aussi bien pour le voyageur,
le commerçant, le touriste que pour Fadministra-
teur qui peut accomplir maintenant de fréquentes
tournées à travers sa circonscription.
Chemins de fer. — Depuis 1898, nous avons
poursuivi en Indo-Chine la réalisation d'un grand
programme de ti'avaux publics, de chemins de fer
notamment, dont le promoteur fut M. Doumer
quand il était Gouverneur général. Le plan
Doumer comportait la création d'un grand trans-
indochinois reliant le Tonkin à la Cochinchine
et aboutissant au Nord par plusieurs lignes dans
les provinces de la Chine méridionale. C'est pour
les réaliser en partie que M. Doumer fit voter par
le Parlement métropolitain, en décembre 1898,
l'emprunt de 200 millions.
Depuis cette époque, un certain nombre des
lignes prévues ont été construites, d'autres ont été
ajournées, car on s'est aperçu que s il était utile
MOYENS DE COMMUNICATION ïi']
de construire des chemins de fer à travers la colo-
nie, ces travaux n'étaient pas les seuls à avoir une
importance économique de premier ordre, et qu'en
matière d'irrigation notamment il y avait une
œuvre au moins aussi urgente à entreprendre pour
développer la richesse dans ce pays.
Actuellement le réseau ferré indo-chinois, qui a
une longueur totale de 1.317 kilomètres, se com-
pose des lignes suivantes :
Le Tonkin possède à lui seul près de i .000 kilo-
mètres de voies ferrées. Une ligne réunit Hanoï au
Kouang-Sipar Lang-Song et Dong-dang (167 kilo-
mètres ; une autre va de Hanoï à Vinh et Benthuy
par Phu-ly Nam-Dinh, Ninh-Binh et Ïhan-Hoa
(325 kilomètres) ; une troisième va de Haïphong
à Lao-Kay par Haï-dung, Hanoï et Yen-Bay
(390 kilomètres) .
La colonie exploite les deux premières ; la troi-
sième est exploitée par une Compagnie particu-
lière .
La ligne de Haïphong à Lao-Kai se prolonge
jusqu'à Yunnan-Senpar Mong-Tseu, Ami-Tchéou,
et se déroule ainsi sur une longueur de plus de
85o kilomètres. Sa construction a demandé dix
ans. Des difficultés de tous ordres ont dû être
'238 >'OTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
vaincues et le travail fait le plus grand honneur aux
ingénieurs français qui ont eu le talent et le cou-
rage de mener à bien une entreprise aussi colos-
sale.
LWnnam ne possède qu'une seule ligue : celle
de Tourane à Hué et Quang-Tri (173 kilomètres),
qui est exploitée par la colonie. Un chemin de fer
à voie étroite relie Tourane à Faï-fo (35 kilomètres) .
En Cochinchine, une voie ferrée réunissant
Saigon à Mytho par Tan- An (71 kilomètres) existe
depuis longtemps. Cette ligne appartient à la
Société générale des Tramways à vapeur de Cochin-
chine; une autre ligne relie Saigon à Phan-thiet
(190 kilomètres).
Cette ligne que 1 on poursuit jusqu'à Phan-rang
forme avec la ligne de Tourane à Quang-Tri et
celle de Vinh à Hanoï les trois tronçons actuelle-
ment construits du transindochinois projeté par
M. Doumer. La réunion de ces trois lignes a été
ajournée, mais il faut espérer qu'un jour viendra
où cette grande voie sera achevée soit suivant le
plan primitivement adopté, soit en suivant un autre
tracé.
Ces trois tronçons, sauf celui du Xord, n'ont en
effet qu'une utihté immédiate relative et ne pour-
MOYENS DE COMMUNICATION îi^Q
l'ont jouer un rôle économique important que le
jour où ils seront réunis et en communication avec
Tarrière-pays, et notamment avec les provinces du
Laos central.
Pour rinstant, on a pensé — et non sans raison
— qu'il valait mieux diriger notre effort vers des
régions riches et dépourvues de voies de commu-
nication comme le Cambodge et le Laos, et c'est
dans cet esprit qu'a été élaboré le programme du
prochain emprunt de llndo-Chine.
Si on a dû pour l'instant renoncer à prévoir les
crédits nécessaires pour la construction d'une ligne
de chemin de fer mettant en communication Savan-
naket avec la mer et se borner à l'établissement
d'une route, des études seront prochainement faites
pour installer une voie ferrée entre Battambang et
Saigon. Afin de montrer que Fidée du transindo-
chinois n'est pas abandonnée, le projet en question
s'est borné à prévoir les crédits pour la construc-
tion d'un tronçon nouveau réunissant Vinh à Dong-
ha de façon à achever la ligne au moins entre Hanoï
et Tourane avec les provinces du centre de l'Annam
jusqu'ici privées de moyens de communication.
La question des chemins de fer indo-chinois
mérite d'ailleurs de retenir l'attention des pouvoirs
l'iu NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
publics en France de la façon la plus sérieuse. Elle
dépasse en effet singulièrement la portée qu'on lui
prête ordinairement et doit être traitée d un point
de vue général en regardant les progrès qui ont
été réalisés, au delà de nos frontières, chez nos voi-
sins Siamois et Anglais pendant ces dernières
années.
Le Siam disposait en 191 o d un réseau de 982
kilomètres se composant des cinq lignes de
Bangkok-Korat (264 kilomètres) ; Ban-Paji-Pang
Tong Pung(/)46 kilomètres) ; Bangkok-Petriu (63
kilomètres), Bangkok au Menam [6 kilomètres) ;
Bang-Kok-ISoi Pecha-Buri (i5i kilomètres).
Actuellement ces voies ferrées qui rayonnent en
somme autour de Bangkok s'arrêtent dans quatre
directions en des points qui ne peuvent être que
des terminus provisoires. Ce réseau, qui repré-
sente un capital engagé de 110.690.000 francs,
n'a pas coûté très cher à établir (118.766 francs
par kilomètre) et les bénéfices qu'il procure sont
sérieux i/\ millions et demi par an) . Le coefficient
d'exploitation est peu élevé (moins de 40 p. 100).
La même année (1910) les Etats confédérés malais
disposaient d'un réseau de 862 kilomètres, cons-
titué par la ligne de Prai à la frontière de l'Etat
MOYENS DE COMMUNICATION 241
de Johore (3i8 milles) et la ligne de l'Est (io3
milles) auxquelles s'ajoutaient la ligne de Ipoh-
Promoh ( 1 5 milles) , Tampin-Malacca (2 1 milles) ,
Taiping-Port-Weld (7 milles), Kuala-Lumpus-
Batucaves (5 milles) . Ce réseau consiste en somme
dans une ligne centrale (main-roadj qui longe le
versant occidental de la dorsale montagneuse de la
péninsule, dessert les régions moyennes riches en
étain et en plantations de caoutchouc et atteint la
frontière méridionale où elle rejoint le rail des che-
mins de fer de Johore qui la prolongent jusqu'à
Singapore. Les autres lignes ne sont guère que des
embranchements unissant les ports ou les centres
importants à la ligne centrale.
Le réseau malais représente un capital engagé
de 133.471.00Q francs; son prix de revient kilo-
métrique moyen n'a pas atteint 1 5 5. 000 francs et
en 191 G les bénéfices se sont élevés à près de 6 mil-
lions de francs (5. 8 14.200 francs). Le coefficient
d'exploitation, plus élevé que sur le réseau siamois,
ne dépasse pas cependant 61 p. 100.
En Indo-Chine — et la comparaison est suggestive
— notre réseau représente un capital engagé beau-
coup plus considérable (226 millions de francs) . Le
prix de revient kilométrique a atteint un chiffre
16
242 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
relativement élevé : 170.309 francs en moyenne;
et en face des bénéfices précédemment indiqués
pour les chemins de fer siamois (4.545.o33 francs)
et malais (5.8i4-200 francs), ceux de notre réseau
sont plutôt maigres (355.707 francs). Le coeffi-
cient d'exploitation moyen est très élevé (gj p . 1 00) ,
il est de 44 P- ^00 sur la ligne Saïgon-Mytho,
mais dépasse 232 p. 100 sur la ligne Tourane-Hué,
119 p. 100 sur le tronçon Saigon- Khanh-Loa.
Les chemins de fer siamois drainent vers Bang-
kok tous les produits de F intérieur ; si les nôtres
en Indo-Chine convergeaient vers Haiphong au
Nord et vers Saigon au Sud et comportaient au
milieu de la colonie une ligne de raccordement qui
serait en même temps une voie de pénétration à
travers le Laos, il est probable que les résultats
commerciaux de notre réseau indo-chinois seraient
encore meilleurs. Il semble que la solution du
problème pourrait être cherchée d'une part dans
la construction d'une ligne qui partant de Tou-
rane se dirigerait vers le Mékong. Les plateaux
laotiens, actuellement sans valeur parce que sans
communication, pourraient devenir riches le jour
où ils seraient vivifiés par le rail ; d'autre part,
dans la construction d'une ligne qui reliant Saigon
MOYENS DE COMMUNICATION '243
à la frontière siamoise pourrait se raccorder avec
la voie de Bangkok-Pietru-Vatana. L'établissement
de ces lignes permettrait au commerce d'amener
vers Saïgon les produits de larrière-pays siamois
et cambodgien et aurait une influence certainement
décisive dans le développement économique de
tout le sud de la péninsule indo-chinoise. Ce serait
en quelque sorte le pendant au point de vue com-
mercial de la ligne du Yunnam qui nous permet
dès maintenant de drainer vers Hanoï et Haïphong
la plus grande partie des produits du Yunnam et
même du Seu-tchouen et du Quang-Si*.
Notons enfin en terminant qu'il existe en Indo-
Chine un certain nombre de tramways à vapeur ou
électriques. Ce sont les tramAvajs de Hanoï
(78 kilomètres), celui de Phuninh-giang à Ké-Sat
et Cam-giang (42 kilomètres), celui de Tourane
à Fai-fo (35 kilomètres), ceux de Saïgon à
Cholon (route haute et route basse) (11 kilo-
mètres) et de Saïgon à Go-vap et Hoc-Mom
(22 kilomètres) .
^ En 191 1, la situation financière des lignes de chemin de fer de
rindo-Chine en exploitation s'est réglée de la façon suivante, par
rapport à 1910 : (Voir pages 2-|5, 246, 247.)
La situation s'est, on le voit, un peu améliorée en 191 1.
2i4
NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Ce réseau de voies ferrées est complété par
I.200 kilomètres de lignes télégraphiques qui
relient entre eux tous les ports de llndo-Chine,
par des réseaux téléphoniques qui fonctionnent
dans les principales villes et par des postes de télé-
graphie sans fil établis sur divers points de la côte
et de rintérieur et qui sont, sans doute, appelés à
rendre dans un avenir prochain les services les
plus utiles.
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CHAPITRE XI
INDUSTRIE ET MOUVEMENT
COMMERCIAL
I. Industrie alimentaire. Dccortiqucries. — Pêcheries et salai-
sons.
II. Filatures et tissages.
III. Industries diverses.
IV. Mouvement commercial. — Statistiques. — - Clients et four-
nisseurs de rindo-Chine. — Principaux articles d'importation et
d'exportation. — Transit. — Navigation et cabotage.
V. Commerce intérieur.
L'Annamite est patient, habile et de tempéra-
ment industrieux, son pays est riche en produits
de toutes sortes et autour de lui vivent des peuples
qui lui demandent les denrées qui leur manquent.
De tout temps, il a existé en Indo-Chine de nom-
breuses industries et un mouvement d'échanges
très actif. Notre arrivée n'a pas manqué de stimuler
ces dispositions naturelles, d'y susciter des indus-
tries nouvelles et d'y accélérer le mouvement com-
mercial.
25o NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
I
L'INDUSTRIE ALIMENTAIRE
L'Indo-Chine est avant tout un pays agricole. Il
est donc naturel que les industries agiùcoles et ali-
mentaii'es y occupent une place prépondérante. Le
riz qui est le principal produit agricole en fait vivi-e
plusieurs, celles des décortiqueries et des distilleries
en particulier.
Les décortiqueries ne travaillent pas pour l'ex-
portation. Le décor ticage du paddy est une indus-
trie qui ne se pratique en grand que dans des rize-
ries européennes. Les rizeries sont toutes concentrées
sur les quais de Cholon. De grandes machines à
vapeur, chauffées avec la pedlle même du riz, débar-
rassent le paddy de la paille et de son écorce. Les
rizeries de Cholon sont au nombre de neuf: six
sont exclusivement chinoises, une appartient à un
Annamite, les deux autres, fondées avec des capi-
taux français, allemands et chinois sont dirigées par
une maison allemande. Ces usines, pourvues d'un
outillage des plus modernes, fonctionnent jour et
nuit et peuvent, en pleine marche, traiter
1.800.000 tonnes, c est-à-dire une quantité supé-
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL 'iSl
rieur e à la totalité de i exportation indo-chi-
noise.
Autrefois les Annamites fabriquaient leur alcool
en distillant le riz nêp suivant des procédés très
rudimentaires, mais qui leur procurait un alcool
d'un goût empireuma tique spécial qu'ils appré-
ciaient particulièrement. Depuis FétabKssement de
la régie des alcools, les distilleries indigènes ont été
supprimées et remplacées par de très importantes
distilleries qui traitent le riz d'après le procédé
découvert par le D"^ Galmette, à la suite de l'étude
faite par ce savant des moisissures utilisées depuis
longtemps empiriquement par les Chinois et les
Japonais pour la transformation de l'amidon en
alcool. L'alcool produit est beaucoup plus pur que
1 alcool indigène, mais F Annamite en général ne
l'apprécie pas beaucoup, et on a pu voir avec raison
dans ce fait un des motifs les plus sérieux du
mécontentement récent des populations indigènes
contre la régie de l'alcool. Les distilleries de Hanoï,
Nam-dinh et Haï-Duong qui appartiennent à la
Société française des distilleries de llndo- Chine
peuvent produire 4J.000 hectolitres d'alcool par
an. Il existe quelques autres distilleries en Annam,
en Cochinchine et au Cambodge, elles sont entre
a52 NOTRE FR.VNCE D EXTREME-ORIENT
les mains de Chinois et employent des procédés
moins perfectionnés.
Les Annamites consomment beaucoup de pâtes
alimentaires, de vermicelles. Des usines indigènes
fabriquent un peu partout des fécules et des
tapiocas de manioc, d arrow-root, de vermicelles
de riz et de haricots. On cite comme particulière-
ment importantes les fabriques de vermicelle de
Bin-Dinh, de fécule de Quang-Binh.
Une féculerie européenne sest montée il y a
quelques années à Lac-]Nam au Tonkin. Elle y
traite les maniocs de la région et peut produire
jusqu'à trois tonnes de tapioca par jour.
En étudiant précédemment les pêcheries de
rindo-Chine nous avons indiqué les principaux
procédés employés pour la conservation des pois-
sons péchés, soit sur les côtes, soit dans les fleuves
ou dans les régions des Grands Lacs cambodgiens ;
Findustrie des salaisons, des sécheries, la fabrica-
tion des saumures, des pâtes de poisson, de la
colle de poisson font vivre une quantité considé-
rable d'indigènes le long des côtes et au Cam-
bodge.
La valeur des poissons exportés du Cambodge
chaque année représente en moyenne 12 millions
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL '25i
de francs. L'Annam exporte pour 2 ou 3 millions
et le Tonkin pour 2 ou 3oo.ooo francs.
Les pêcheries et les industries qui en dépendent
sont en très grande majorité entre les mains des
indigènes. Il existe cependant dans la baie de Gam-
Rang une importante sécherie de poissons apparte-
nant à des colons français.
Notons encore une brasserie qui fonctionne au
Tonkin et qui fournit une bière légère, appréciée
par les consommateurs européens. Cette usine pro-
duit annuellement 4-t)00 hectolitres de bière. Une
autre brasserie a été construite à Saigon.
L'énorme quantité d'œuf s produits par les innom-
brables canards qui peuplent les rizières suscite, en
Indo-Chine, une industrie spéciale, celle de la
fabrication de ralbumine. Le blanc est transformé
en albumine séchée, le jaune est envoyé en France
pour être utilisé dans les mégisseries. Il existe une
usine de ce genre à Nam-Dinh, deux à Hué, une
à Qui-Nhon. Celle-ci est installée pour traiter
DO.ooo œufs par jour.
a54 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
II
FILATURES ET TISSAGES
Les industries textiles sont nombreuses et impor-
tantes. Le coton est produit, nous Favons vu, en
assez grandes quantités en Annam et au Cam-
bodge. On en exporte beaucoup, mais on en tra-
vaille également sur place soit dans des filatures
indigènes, soit dans des usines européennes.
Trois filatures européennes fonctionnent au
Tonkin, à Hanoï, à Haïpliong et à Nam-Dinh,
elles comportent respectivement lo.ooo, 20.000
et 25.000 broches. Elles n'utilisent d'ailleurs le
coton indigène que comme appoint, pour leur
fabrication elles font venir la plus grande partie
du coton qu'elles traitent de Flnde. Leur pro-
duction, qui atteint 3. 000 tonnes de filés par an,
est exportée en Chine et particulièrement au
Yunnam.
Près de Kompong-Cham, au Cambodge, à
Koack-Kandal, il existe également une usine pour
Fégrenage du coton, qui occupe 45o ouvriers.
L'industrie de la soie est naturellement très
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL itjj
ancienne et très développée surtout dans les pays
annamites.
Les indigènes dévident et tissent la soie, mais
les instruments qu'ils emploient sont souvent rudi-
mentaires et ne permettent de produire que des
pièces de soie de C^j/Jo à o™,5o de largeur au plus.
Actionnés avec les mains et les pieds, ces
métiers rustiques n'ont pas une marche très régu-
lière, la fabrication laisse par suite à désirer et leurs
produits ne sont ordinairement pas assez parfaits
pour être utilisés par nos usines lyonnaises.
Les tisseurs annamites et cambodgiens four-
nissent cependant des étoffes appréciées tant par
leur coloris vai'ié que par leur solidité ; et cette
industrie se développe et s'améliore sous l'effet de
renseignement et des encouragements donnés
depuis une dizaine d'années par T Administration.
Les principaux centres de lindustrie de la soie
sont situés dans les provinces de Bac-Giang et de
Nam-Dinh, au Tonkin, dans le Nghê-An, le
Quang-Nam et le Binh Dinh, en Annam, dans la
province de Chau-doc, en Gochinchine, et dans
celle de Ta-Kéo au Cambodge.
La production de la soie grège est difficile à
évaluer. On ne connaît guère exactement que le
'256 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
chiffre des exportations ; mais ce chiffre n'a pas
grande signification, car les soies grèges sont de
plus en plus tissées dans le pays. Elle atteignait
79.000 kilogrammes en 1908, elle a baissé depuis
sans qu'on puisse en conclure que 1 industrie de
la soie est en décadence, car ce serait contraire à la
vérité. En 1907 on a exporté plus de 100.000 kilo-
grammes de bourre de soie.
Plusieurs usines européennes travaillent la soie.
La plus importante est à Phu-Phong dans la pro-
vince de Binh-Dinh, on y fait à la fois le filage, le
moulinage et le tissage mécanique. Cette usine
emploie 55o ouvriers indigènes. Il en existe égale-
ment d'autres très bien outillées à Faï-fo et à Nam-
Dinh.
A lindustrie de la soie se rattache celle de la
broderie. Les brodeurs du Tonkin et de Bac-Ninh
en particulier sont renommés dans tout lExtrême
Orient et appréciés jusqu'en Europe.
La nomenclature des industries textiles doit
mentionner en outre Findustrie des nattes qui se
pratique dans toutes les régions où les joncs sont
cultivés pour utiliser les terrains trop riches en sel
(deltas du Mékong et du Tonkin, Thanh-
Hoa, etc.).
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL 257
Les principaux centres de fabrication sont Phat-
Dien (Ninh-Binh), Hai-Trieu (Thaï-Binh), Than-
Trieu (Thaï-Binh), Quang-Xuong (Thanh-Hoa),
Bac-Lieu et Tanan. Certaines de ces fabriques
(Hai-Tien et Than-Trieu par exemple) emploient
jusqu'à 5oo métiers et 1.600 ouvriers, hommes,
femmes et enfants. Ces deux usines consomment
90.000 piculs de joncs valant de 2 à 4 piastres le
picul. Chaque métier produit 7 kilogrammes de
nattes par jour et en tenant compte des arrêts de
fabrication, la production de ces deux usines peut
être évaluée à 6.3oo.ooo kilogrammes de nattes
par an, représentés par 12.000 rouleaux ayant
35 mètres de longueur. Pendant très longtemps,
cette industrie était monopolisée par les Chinois
qui revendaient à Hong-Kong, sous le nom de
nattes de Chine, les nattes efPectivement fabri-
quées au Tonkin. Depuis quelques années, des
sociétés annamites se sont fondées pour leur
enlever ce monopole.
III
INDUSTRIES DIVERSES
Les produits forestiers si abondants en Indo-
258 NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
Chine ont suscité un certain nombre d'industries
importantes :
Des scieries ont été installées à Hanoï, à Viétri
et à proximité des forêts en exploitation à Gho-
lon, à Thua-Hau (Thua-Tiên) , à Ben-Thuy (près
de Vinh) , où une société fabrique des lattes de par-
quets en lim. Une des spécialités de l'usine de Ben-
Thuy est Ja préparation du bois de lim qui est
employé dans le monde entier pour faire des
cannes et des manches d'ombrelles ou de parapluies .
Il existe au Laos, dans l'île de Khône et à Luang-
Prabang, deux usines organisées pour débiter des
bois de teck.
Des fabriques d'allumettes existent à Hanoï et à
Ben-Thuy. L'usine d'Hanoï produit annuellement
plus de l[0 millions de boîtes d'allumettes ; celle
de Ben-Thuy emploie 1.200 ouvriers et produit
36 millions de boîtes. Les allumettes indo-chi-
noises sont exportées à Madagascar, à Obock, à
Djibouti, même en Algérie.
Il y a également d assez nombreuses papeteries.
La pâte à papier est obtenue soit avec du bambou,
soit avec diverses espèces de bananiers ou d'agaves.
L'industrie indigène fabrique elle-même du papier
et certains centres, tels que le ce village du Papier »,
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL 2^9
daiis la banlieue d'Hanoï, sont particulièrement
connus.
Ajoutons que les menuisiers annamites font des
meubles en bois et en rotin très finement travaillés
et qui sont très appréciés même hors d'Indo-Chine
pai' les Européens.
Les carrières de calcaire et d'argile, très nom-
breuses en Indo-Chine, ont fourni depuis long-
temps aux indigènes les matières nécessaires pour
la fabrication de la chaux, de la brique et des
tuiles nécessaires à la construction des maisons et
des temples. La chaux de H en-Boum etdeThalek
(Pakhinboum) s'exporte dans tout le bassin du
Mékong jusqu'à Vien-Tiane. Au Tonkin les pote-
ries de Moncay, de Huong-Ganh (Vinh-Yen), de
Bac-Ninh et du Bac-Giang sont particulièrement
connues. Les usines de Gay-Mai (près de Gholon),
qui fournissent des poteries en terre vernissée avec
décors en relief sont connues dans toutlExtrême-
Orient. Au Cambodge, dans la province de Kom-
pong-Ghnang, on fabrique également des poteries
renommées et très répandues.
Une cimenterie très importante existe à Haï-
phong. La Société des ciments de Portland artifi-
ciels de rindo-Glîine qui la dirige possède plusieurs
26o NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
carrières de calcaire dans lîle des Deux-Songs,
emploie i.5oo ouvriers et produit par an 20.000
tonnes de ciment et 10.000 tonnes de chaux. Une
usine de chaux hydraulique à Lang-Tho, près de
Hué, peut livrer 4o tonnes de chaux par jour.
Citons encore les briqueteries européennes, les
poteries, faïenceries et usines céramiques de Dap-
Cau, Hanoï et Bac-Giang, les huileries et savon-
neries de Haïphong et de Qui-Nhon qui trans-
forment en huiles et en savons les produits
aborigènes de TAnnam et du Tonkin.
L'industrie du cuir est très ancienne dans la
province de Haï-Duong. On estime qu'elle remonte
à Tannée i63o. Plusieurs habitants deTruc-Lam,
Van-Lam et Phuong-Lam, envoyés en mission
en Chine auraient, dit-on, profité de leur séjour
pour s initier au travail du cuir alors inconnu
en Annam et auraient rapporté cette industrie,
à leur retour, dans leur pays. Aujourd'hui les
habitants de ces trois villages se rencontrent un
peu partout travaillant le cuir, à Hanoï, à Bac-
Ninh, à Nam-Dinh, Bac-Giang, Sontay, Haï-
phong, mais font tous venir leurs cuirs de
leurs villages, principalement le cuir rouge qu'on
ne trouve nulle part ailleurs au Tonkin. Leur
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL ibl
principale industrie consiste dans la fabrication
des souliers et des sandales, des selles, des cous-
sins, de la chaussure fine. Leurs cuirs ne peuvent
pas cependant rivaliser avec ceux des Chinois
parce que les procédés de tannage employés sont
trop rudimentaires.
Notons enfin à côté des multiples industries
d'art, bijouterie dor et d'argent, des meubles en
bois incrustés ou laqués, des vases et des plats en
cuivre niellé, de la décoration sous toutes ses
formes qui ont contribué à donner à Tart indo-
chinois un cachet si particulier, toute la série d in-
dustries que les besoins de la colonisation ont
rendue nécessaire et développée, ateliers et entre-
prises de construction, de réparations pour le fer
et le bois, usines élévatoires, usines électriques,
imprimeries, fabriques de glaces, etc., etc..
IV
MOUVEMENT COMMERCIAL
COMMERCE EXTÉRIEUR
On ne peut guère étudier le mouvement com-
mercial extérieur de llndo-Chine d'après des sta-
tistiques précises qu à partir du moment où furent
a62
I^OTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
créés les services de la Direction générale des
Douanes et Régies, c'est-à-dire depuis 1896.
De 1896 à 191 o, le commerce de Flndo-Chine,
tant aux importations qu'aux exportations, a
atteint les chiffres suivants (non compris les
mouvements du numéraire qui représentent chaque
année de 3o à 5o millions de francs) :
ANNÉES
IMPORTATIONS
EXPORTATIONS
COMMERCE TOTAL
Francs.
Francs.
Francs.
1896. . . .
81.084.040
88.809.575
169.893.615
1897.
88.183.991
117.234.962
205.414.953
1898.
I02 .444- 346
127.510.979
229.955.325
1899.
115.4^4-493
137.937.288
253.361.781
1900.
186.044.387
i55 .600.385
341.644.772
1901.
202.477.671
160.608.377
363. 086. 047
1902.
2i5 . 162 .998
185.266.589
400.429.587
1903.
204.253.872
120.448. 5o5
324.702.877
1904.
184.995.664
06.373.687
341. 369.351
1905.
254.560.279
168.757.653
423.317.732
1906.
220. 685. 801
176.896.780
397.582.581
1907.
291.937.548
253.417.324
545.354.872
1908.
280.441 .614
246.915 .6i5
527.357 229
1909.
249.753.677
273.034 618
522.788.295
1910.
238.686.288
290.546.912
529.233 .200
1911.
244.142.680
25o. 146.499
494.289.179
En tenant compte du mouvement du numéraire,
le commerce extérieur de llndo-Ghine s'est donc
élevé en moyenne de 1898 à 1901 à plus 3oomil-
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL
t63
lions de francs, de 1902 à 190G à plus de
400 millions et de 1907 à 1911 à 5oo millions
environ. Ces chiffres indiquent un développement
très réel des échanges, d autant plus notable que
les années 1903, 1904, 1903, 190G et 1908 ont
été des années de crise économique marquées par
de mauvaises récoltes provenant d'inondations, de
typhons et d'autres calamités naturelles de même
genre. Seule Tannée 1907 a été bonne.
Parmi les pays clients et les fournisseurs de
rindo-Chine, la France occupe le premier rang.
Son commerce avec la métropole et ses colonies a
atteint de 1900 à 19 11 les chiffres suivants :
ANNÉES
IMPOUT.VTIONS
EXPORTATIO>-S
COMMERCE TOTAL
1900 .
1901.
1902
1903
1904
1905
1906
1907. .
1908. .
1909.
1910. .
1911
Francs.
74 .o32.4oo
100.067 -^^oo
108 . 222 .400
97.396.300
86. 5o 1.400
41 .953.800
86 . 729. 700
r06.866.712
98.371.1N2
99.032. 145
83. 199.000
89.183.466
Francs.
34.767.800
39.640.000
40. 127.600
19.470.900
40 .902.600
39.973.300
38.894.300
42.746.330
46.870.991
66.503.872
66. 507.000
58. 793.502
Francs.
108.800.200
139. 707 .000
i48.35o.ooo
116.867.200
127.404.000
i5i .9'^7. 100
125.624.000
i49.6i3.o52
145.242.173
i65. 536.017
151.706. 000
147.978.968
264
NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Pendant la même période, le commerce dellndo-
Chine avec les pays étrangers s'est élevé aux
chiffres ci-après :
.\.NNÉES
IMPORTATIONS
EXPORT.iTIONS
COMMERCE TOTAL
1897. . . .
1898. . .
1899. .
1900. . .
1901. . .
1902. . . .
1903. . . .
1904. . . .
1905. . . .
1906. . . .
1907. . . .
J908. . . .
1909. . . .
1910. . . .
1911. . . .
Francs.
52.398.200
58.028.600
6o.2i3.8oo
m .818. 100
102 .410.700
106.940.600
106.857.600
98.494.500
III .990.300
108.948.200
185.070.826
182.270.482
i5o.7i2.532
153,487.000
105.457.488
Francs.
99.703.600
96.354.500
114-370.700
120.790.000
120.968.400
145. 139.000
120.977.600
II 5. 507 .200
98.168.300
112 .994. 5oo
210.670.994
200.044.624
206. 530.746
224.039.000
148.789.376
Francs.
132. lOI .800
154.383. 100
i74.584.5oo
232.608. JOO
223.379. 100
252 . 179. 600
227.835.200
214.001 . 700
210. i58.6oo
221 .942 . 700
395 . 741 .820
382.3i5.io6
357.243.278
377.526.000
254.246.864
En jetant un coup d'oeil rapide sur ces tableaux,
on serait volontiers tenté de croire que llndo-Chine
s'est développée au point de vue commercial d'une
manière formidable pendant ces quinze dernières
années.
Le mouvement commercial qui s'élevait en
chiffres ronds à 1^0 millions en 1896 est passé à
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL 265
33o millions en 191 o : c'est un résultat qui à pre-
mière vue dénote une activité commerciale peu
commune. Un examen critique de ces statistiques
douanières est cependant nécessaire si Ton veut se
faire une idée exacte de l'évolution économique de
la colonie. Divers éléments accidentels ou étrangers
au développement de la production dans le pays
sont venus en effet quelque peu grossir ces résul-
tats. C'est ainsi par exemple que les grands tra-
vaux effectués en Indo-Chine de 1900 à 1903
ont occasionné l'importation de matériaux de tous
genres. Leur introduction en Indo-Chine s'est
fait sentir au paragraphe des importations d'une
manière sensible. On doit également apporter une
grande prudence dans la comparaison des statis-
tiques entre elles : les valeurs des produits ayant
plusieurs fois été modifiées et augmentées dans
des proportions considérables. Le chiffre des
importations françaises au début de notre instal-
lation dans le pays serait beaucoup plus élevé si
le calcul en avait été établi sur les bases d'évaluation
adoptées actuellement. C'est ainsi, par exemple,
que le prix des filés de coton, qui avait été fixé
en 1899 à 123 francs les 100 kilogrammes, s'est
trouvé porté ultérieurement à 3oo francs; que
•266 NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
rétain, évalué en 1899 à i.3oo francs la tonne
est entré en ligne de compte à partir de 1900 pour
2.780 francs, que le thé est passé de 3 à 5 francs,
le tabac Chinois de i à 3 francs, la soie de 6^"", 3o
à 63 francs, décuplant ainsi de valeur. Ces varia-
tions de valeur ont grossi le chiffre des importations,
mais en réalité celles-ci n'ont pas autant augmenté
que Ton serait tenté de le croire \
Malgré ces réserves nécessaires pour avoir une
idée exacte de la situation commerciale de llndo-
Chine, on doit reconnaître que celle-ci s'est très
heureusement développée depuis vingt ans et si
les chiffres ci-dessus nlndiquent pas toujours avec
une exactitude rigoureuse lamplitude de ce déve-
loppement, il n'est pas douteux cependant qu'ils
en caractérisent très suffisamment l'importance.
A la métropole 1 Indo-Chine demande surtout
des objets manufacturés, des tissus, principale-
ment des cotonnades (17 à 18 millions par an),
des marchandises, des ouvrages en métaux et des
métaux (16 à 17 millions), des ciments, des armes,
du papier, du sucre, des fils, des boissons, des pro-
duits chimiques, des couleurs, etc..
^ René Ferry. Le régime douanier de V Indo-Chine, p. io3 et
suiv .
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL 267
Aux autres pays de l'Europe ou d'Amérique,
rindo-Chinc achète assez peu de produits. La
Suisse et les Etats-Unis lui fournissent cependant
de rhorlogerie, l'Angleterre et TAllemagne des
machines, des bascules, du fer étamé, du goudron
minéral, de la bière, des jouets; les Etats-Unis des
farines, des conserves alimentaires ; F Autriche des
meubles, etc..
Hong-Kong . . .
Singapore. .
Chine
Indes Néerlandaises
Indes Anglaises. .
Japon
Philippines . . .
Siam
Birmanie . . .
Australie ....
mPORT.^.TIO>-S
Francs
32
333
337
16
724
i33
20
373
940
1
414
782
4
85o
5i8
2
.63o
791
76
3oi
356
840
77
528
I
007
EXPORTATIO>"S
Fraucs.
93 . 732 .822
i8.5o4. 732
33 . 542 .029
27.331.094
3oo. 566
5.060.746
23 . 757 . 721
1.428.738
»
Francs.
148.066
35 . 228
53.915
29.746
5. 161
7.691
23.834
1.785
77
I
• 1^9
.865
969
.876
.084
.537
.022
.578
.528
.007
En dehors de la France, ses principaux fournis-
seurs sont en Extrême-Orient : la Chine, le Japon,
le Siam, les Philippines, les Indes anglaises, soit
directement, soit par 1 intermédiaire des entrepôts
de Hong-Kong et de Singapore qui absorbent une
.z68 >'OTRE FRÂ^'CE d'eXTRÈME-ORIENT
part importante du commerce extérieur indo-chi-
nois, ainsi qu'on peut s en rendre compte par
l'examen du tableau ci-dessus [chiffres de Tannée
1910].
A ces pays, Flndo-Chine achète de multiples
produits nécessaii'es à l'alimentation, au vêtement,
à la vie usuelle. Les principaux sont :
Parmi les matières végétales : des huiles et
sucs végétaux venant de Chine (2 à 3 millions)
et des Indes anglaises /^2. 100.000 francs envi-
ron) 5 des denrées coloniales de consommation à la
Chine, particulièrement du thé (i .800.000 francs) ,
des filaments tiges et fruits aux Indes (coton)
(i. 100. 000 francs) et à la Chine (6o5.ooo francs),
des fruits et des graines à la Chine (i million).
Parmi les matières minérales : des marbres, des
pierres, de la houille, du pétrole aux Indes néerlan-
daises et au Japon (G millions) .
Parmi les matières fabriquées : du papier et
des objets en papier à la Chine (3 millions et demi) ,
des tissus aux Indes anglaises (i.3oo.ooo francs)
et à la Chine (700.000 francs), des fils à la
Chine (i million), de la porcelaine, des poteries
(700.000 francs), de Tor en feuilles pour la bijou-
terie, etc..
i
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL 269
Llndo-Chine exporte surtout des produits ali-
mentaires, en tête desquels vient le riz, qui repré-
sente à lui seul 70 p. 100 de l'exportation totale.
Le riz est de moins en moins demandé par le
Japon et par les Philippines, mais il trouve et trou-
vera encore pendant longtemps un débouché avan-
tageux en Chine et sur le marché de Singapore.
Si les cultivateurs indo-chinois voulaient en outre
améliorer les espèces qu'ils plantent, leur riz pour-
rait même venir en quantités beaucoup plus grandes
en Europe et spécialement en France.
Viennent ensuite les produits de la pêche :
poissons séchés, salés, saumures, etc., qui s'ex-
portent en Chine (ii à 12 millions chaque année),
le maïs (8 à 9 millions), les denrées coloniales de
consommation : poivre, cannelle, tabac, thé, café,
sucre, cardamome (8 millions). Le tabac indo-chi-
nois pourra trouver en Chine un débouché con-
sidérable à mesure que Fusâge de Topium dès
maintenant prohibé disparaîtra.
Llndo-Chine vend encore assez peu de matières
premières nécessaires à rindustrie. Ces exportations
ne représentent guère que 5 à 6 p. 100 du chifFie
total, soit une dizaine de millions. Elle vend de la
houille (5 millions), de la soie, des peaux, du
270 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
caoutchouc, du coton, des minerais. Le jour où
des moyens de communication plus nombreux et
plus pratiques seraient mis à la disposition des
planteurs de caoutchouc ou des prospecteurs de
mines, l'exportation de ces produits saccroîtrait
très rapidement dans des proportions considérables.
L'industrie étant encore peu développée en
Indo-Chine, ou tout au moins insuffisamment
outillée pour travailler en vue de l'exportation , le
chiffre des produits manufacturiers exportés est
très minime. La colonie vend des ouvrages de
vannerie ou de sparterie tels que des nattes et
des pelleteries ornées, des meubles en bois ou en
rotin. Les filés de coton du Tonkin commencent
cependant à faire lobjet d'une exportation sérieuse
au Yunnan.
Transit. — Un grand nombre de marchandises
à destination ou en provenance de la Chine et du
Siam transitent à travers 1 Indo-Chine. Elles em-
pruntent ordinairement trois voies dont il est
possible de mesurer la valeur par limportance des
droits de transit acquittés traversant le territoire
de la colonie. Ces trois voies sont celles de Haï-
phong à Laokay vers Yunnan-sen. de Haïphong à
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL 271
Langson vers le Quang-Si et celles de Pnom-Penh-
Battambang vers leSiam.
Louverture au commerce de la ligne ferrée du
Yunnam, et son prolongement probable dans Fin-
térieur du pays donneront au transit par Haïphong-
Laokay une importance croissante. La voie bir-
mane qui appartient à FAngleterre a d'ailleurs
beaucoup diminué depuis que la voie française a
été ouverte. De 1 3. 800.000 francs en 1904 son
trafic s'est abaissé en igoS à 11.800.000 francs
et à 10.100.000 francs en 1906.
Dès maintenant les principales marchandises
expédiées de Hong-Kong par cette voie à destina-
tion du Yunnam, sont les suivantes et représentent
les valeurs ci-après : filés de coton, 7 millions
environ, tissus de coton, 1.200.000 francs, tabacs
chinois préparés, Soo.ooo francs; viennent ensuite
les farines de froment, les huiles d'arachide, les
pétroles, For en feuilles, les porcelaines, les tissus
de laine, les vêtements, les allumettes, etc..
En échange, le Yunnam envoie à Hong-Kong
pour i3 millions d'étain en saumon, du thé et
divers produits végétaux, tels que des amomes,
des cardamomes, de la gomme laque, de Fopium,
des espèces médicinales, des rotins, etc..
272 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
La voie de transit Pnom-Penh-Battambang a
moins d'importance, car les négociants siamois
s'approvisionnent surtout par la voie de Bangkok
de préférence à la voie de Saigon. Pour donner à
celle-ci une réelle importance, il faudrait que Ton
construisît le chemin de fer projeté à travers le
Cambodge, ou celui du Laos entre Savannaket et
la côte.
V
COMMERCE INTÉRIEUR
Il est assez difficile d'évaluer d'une manière pré-
cise l'importance du commerce intérieur. Il existe
en efiPetun assez grand nombre de petits postes, sur
la côte d'Annam notamment, où se pratique un
cabotage intense et qui échappe à tout contrôle.
D'autre part, le long de la frontière du Laos, toute
statistique risque fort d'être erronée en raison de
Téloignement des postes de douanes qui rend la
surveillance fort précaire.
Les chiffres ci-dessous qui sont ceux de
TAdministration des Douanes et Régies doivent
cependant se rapprocher assez exactement de la
vérité :
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL
273
1909
1910
Cochinchine
Tonkin
\nnani
fr.
53.772.260
58. 630.911
63. 374.0:: 5
3.632.717
fr.
5o.6o3. 10 I
5i .742.805
65.211 .745
4.356.2i5
Cambodge
D'après le dernier rapport de la navigation de
rindo-Chine (en 1910) paru en 191 1 dans le Bul-
letin économique, les principaux produits ali-
mentant le cabotage ont été en 1910 les sui-
vants :
Le cabotage est particulièrement actif en
Annam, il est alimenté pour moitié environ par le
trafic intérieur et pour Tautre moitié par les rela-
tions avec la Gochincbine.
La Cochincbine envoie en Annam du riz, des
poteries communes, des huiles de pétrole, des vins,
du thé, des filés et des tissus de coton. Elle en
reçoit en échange des pâtes de poissons et des sau-
mures, des poissons secs, salés ou fumés, de la
chaux, des légumes secs, du sucre (noir, brun et
blanc), des bois et des allumettes, des tourteaux,
des graines oléagineuses, des noix d'arec sèches,
des huiles végétales (coco, coton, sésame, ara-
18
2^4
>-OTRE FRA>CE D EXTREME-ORIE^'T
chides, etc.) , des peaux de bœufs et de buffles, du
thé, ainsi que du sel en quantités très variables.
PRINCIPALES MARCHANDISES
Peaux et pelleteries brutes. . .
Pâtes de poissons et saumures .
Mais et orge
Riz et paddy
Légumes secs
Noix d'arec
Sucres bruns
Opium
Espèces médicinales
Bois d'ébénisterie
Matériaux, chaux, ciments . . .
Houille
Huile lourde et pétrole . . . .
Médicaments
Poteries
Fils
Tissus
Ouvrages en métaux
Ouvrages en bois autres que les
meubles
Ouvrages en matières diverses ,
Allumettes
Poissons conservés
Poivre, piment, girolle . . . .
Cannelle
Bois communs
Sel
Papier
Armes
1 .602 .973
12 .o5i . 323
923.421
5 .362 . 5o5
966. 723
I. 451.846
I . 207 .679
5 . 2o3 . 108
937.654
926.169
5.452. io5
I .212 .816
809.669
2.398.028
2.726.083
5 493 -997
2.o3o.8i6
I . 276.018
814.362
3.332.343
fr.
I .019.520
12.286.865
1.937. 147
2.818. 177
861.345
I .655.619
»
7.353.655
584.785
I .060. 170
744.204
I .059.664
I . 100.792
4.381 .702
2.625. 287
5.578,240
2.041 .587
2 .829.342
2. i3o 037
2.965.225
638. 039
I .059.689
733.673
984.524
839.841
L'Annam reçoit du Tonkin : du riz, des charbons
INDUSTRIE ET MOUVEMENT COMMERCIAL 27^
et des briquettes, des vins, de Talcool de riz, du
ciment, des filés de coton et du pétrole et lui
envoie du sel, du sucre, des allumettes, des plan-
ches, des pâtes de poissons, des saumures, des
légumes secs, des noix d'arec, des bois, du riz,
du cacao et des tourteaux oléagineux.
Au Tonkin, le trafic de port à port alimente à
peu près la moitié du cabotage, le trafic avec
FAnnam et la Cochinchine Fautre moitié.
Le Tonkin envoie en Cochinchine de la houille
et des briquettes, du ciment et des allumettes, il
en reçoit du sel, du riz et des noix d'arec.
En Cochinchine, le trafic de port à port ne repré-
sente guère que le cinquième du total . La Cochin-
chine est surtout en relations avec le Cambodge
qui lui envoie du poivre en échange d'un assez
gi'and nombre de produits parmi lesquels les tissus
de coton figurent pour un chiffre particulièrement
important.
Le Laos est en communication avec la Cochin-
chine et le Cambodge par le Mékong, dans sa partie
inférieure, avec le Siam dans sa partie septentrio-
nale par les chemins de fer de Korat et de Paknam-
Po. Il est très difficile d'évaluer exactement la
valeur des importations de ce pays en raison, on
276 NOTRE FRAÎS'CE d'eXTRÈME-ORIENT
l'a indiqué précédemment, de Timmense dévelop-
pement de la frontière qui rend souvent illusoii'e
toute surveillance douanière. On les estime d'une
manière approximative et respectivement à 3 mil-
lions et demi et 4 -300.000 francs. Le Siam im-
porte au Laos pour 2 millions et demi de mar-
chandises sous forme de cotonnades, parapluies,
quincaillerie, pétrole, tissus divers et médica-
ments. Le Laos exporte des buffles, des éléphants,
des peaux, du benjoin, des cardamomes et du
bois de teck.
Ajoutons enfin que le mouvement commercial
du territoii^e de Quang-tcheou-Wan s'élève à
12 millions environ : 6. 5 00. 000 francs pour les
importations, 5.5oo.ooo pour les exportations.
Quang-tcheou-Wan exporte des porcs, des nattes,
des bœufs, du sucre, des peaux et importe des filés
de coton, de Fopium, du pétrole, des médicaments
chinois, des tissus de coton et des allumettes.
CHAPITRE XII
L UNITÉ INDO-CHINOISE
I. L'imité indo-chinoise et le Gouvernement général. — Pouvoirs
du Gouverneur général. — Le Conseil du Gouvernement de
rindo-Chine. — Les grands services.
n. Les budgets et l'organisation financière.
I
L'UNITÉ INDO-CHINOISE
ET LE GOUVERNEMENT GÉNÉRAL
L^organisation politique, administrative et finan-
cière de rindo-Chine repose sur la distinction des
intérêts généraux et des intérêts locaux des divers
pays de la colonie.
A la gestion des premiers correspond la notion
du gouvernement général qui est essentiellement
composé d'organes de direction et de contrôle ; à
la gestion des seconds correspond celle des gouver-
nements locaux et provinciaux.
l'jS NOTRE FRANCE d'eXTRÊME -ORIENT
Le Gouvernement général s étendait, en 1887,
au moment de sa création, surleTonkin, FAnnam,
la Gochinchine et le Cambodge. En 1892, il s'est
accru du Laos et en 1900 du territoire de Quang-
Tchéou-Wan. Son institution a réalisé lUnion
indo-chinoise, c'est-à-dire Tunité politique franco-
annamite sans laquelle toute action coloniale aurait
été impossible dans la péninsule.
Le principe de cette unité n'entraînait pas
nécessairement une uniformité absolue dans
l'organisation administrative de l'Union et on
a eu la sagesse, en présence de la diversité des
intérêts propres à chacun des pays de l'Union,
d'organiser au-dessous du Gouvernement général
des gouvernements locaux dotés d'institutions au-
jourd'hui suffisamment décentralisées pour s'adap-
ter aux conditions spéciales à chacun de ces pays.
Le Gouvernement général est constitué par le
Gouverneur général de 1 Indo-Chine qu'assistent un
secrétaire général du Gouvernement général, plu-
sieurs chefs de grands services et un Conseil du
Gouvernement. Des décrets récents, en date du
20 octobre 191 1, ont précisé les attributions et
les fonctions des divers organes administratifs et
financiers du Gouvernement général.
L UNITE INDO-CHINOISE 279
Le Gouverneur général est le dépositaire du
pouvoir de la République en Indo-Chine. Il a la
haute direction et le contrôle de tous les services
civils de la colonie. Il les organise et est respon-
sable de leur fonctionnement. Il répartit entre les
divers pays et suivant les besoins tout le per-
sonnel, à Texception de celui de la magistrature.
Il nomme à toutes les fonctions civiles, sauf à
celles dont la nomination est réservée à l'autorité
métropolitaine par les décrets. Pour ces dernières,
la nomination a lieu sur sa présentation. Le Gou-
verneur général organise et nomme les personnels
locaux et indigènes. Il peut déléguer au Gouver-
neur de la Cochinchine, aux Résidents supérieurs
duTonkin, deFAnnam, du Cambodge, du Laos et
à l'Administrateur du territoire du Quang-tchéou-
Wan tout ou partie de ses pouvoirs en matière
de nomination de personnel, mais il consent ces
délégations sous sa responsabihté.
Le Gouverneur général est responsable de la
défense intérieure et extérieure de l'Indo-Chine. D
dispose à cet effet des forces de terre et de mer qui
y sont statioimées. Il ne peut en aucun cas
exercer le commandement direct des troupes qui
appartient à Fautorité militaire, mais aucune opé-
•280 NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
ration ne peut être entreprise sans son autorisa-
tion.
Le Gouverneur général a seul le droit de cor-
respondre avec le Gouvernement et communique
avec les Départements ministériels sous le couvert
du Ministre des Colonies. Il correspond toutefois
directement avec les ambassadeurs, ministres plé-
nipotentiaires, consuls généraux et vice-consuls
de France en Extrême-Orient ; sans pouvoir tou-
tefois engager aucune négociation diplomatique en
dehors de Tautorisation du Gouvernement.
Une fois pai' an au moins le Gouverneur général
convoque le Conseil du Gouvernement de llndo-
Chine et lui soumet entre autres questions d in-
térêt général les budgets de la colonie.
Ce Conseil, appelé Conseil supérieur de llndo-
Chine jusquà Fan dernier, est composé des prin-
cipaux collaborateurs civils et militaires qui
assistent le Gouverneur général dans sa tache.
Cette assemblée siège ordinairement à Saigon,
mais le Gouverneur général peut la convoquer en
toute autre capitale. Dans l'intervalle des sessions,
une Commission permanente siège et assiste le
Gouverneur général.
De 1900 à 1910, TAdministration a été très for-
L UNITE INDO-CHINOISE 281
tement centralisée. Depuis quelques années, on
paraît vouloir abandonner cette politique et adopter
des mesures de décentralisation qui sans atteindre
le principe d'unité qui sert de fondement au Gou-
vernement général laissent cependant aux diverses
autorités locales une part plus grande d'autorité et
de responsabilité. Les deux tendances peuvent se
justifier. Pendant la période des débuts, le Gou-
vernement avait besoin de marquer sa volonté
d une manière suffisamment énergique pour im-
primer à son action une direction prépondérante.
A la longue, cette politique de centralisation à
outrance a pu paraître s'imposer d'une façon
moins impérieuse et une décentralisation plus
grande a semblé désormais opportune. C'est dans
cet esprit qu'ont été rédigés les derniers décrets
du 20 octobre 1911 et conçues plusieurs mesures
récentes tendant en particulier à la transformation
des anciennes Directions générales en services plus
modestes ayant à leur tête de simples directeurs
ou des inspecteurs-conseils.
Quoique pourvues d'attributions plus restreintes
depuis quelques mois, ces Directions représentent
encore des services administratifs considérables.
La Direction des Douanes et Régies étudie
•28-2 ^'OTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
toutes les réformes d'ordre fiscal susceptibles d'être
apportées aux impôts indirects : les grandes régies
de Talcool, de Topium et du sel, les taxes inté-
rieures de vente et de circulation créent des diffi-
cultés multiples qui réclament pour être résolues
des études minutieuses et attentives ; une organi-
sation minutieuse des services doit être prévue
pour que le contribuable indigène se procure sans
trop de gêne les produits faisant Tobjet du mono-
pole et ne soit pas Tobjet de vexations inutiles.
Le service des Travaux publics a été récemment
réorganisé. La Direction générale a été supprimée ;
létude, Fexécution et l'entretien des travaux inté-
ressant directement les divers pays de FUnion ont
été confiés à des services locaux; le service des
Travaux publics du Gouvernement général n'a plus
gardé dans ses attributions que les services géné-
raux (mines, chemins de fer, services mariti-
mes, etc.) qui n'intéressent qu'indirectement l'Ad-
ministration locale de chaque pays. Un inspecteur-
conseil assure la direction à donner à ces services.
Les anciennes Directions générales de FAgri-
culture, des Forêts, du Commerce et de l'Enseigne-
ment ont été de même transformées, leur per-
sonnel a été réparti dans les services locaux et un
L UNITE INDO-CHINOISE 'l^'i
inspecteur-conseil seul assure désormais auprès
du Gouverneur général 1 unité et la coordination
des vues.
Le chef du Service judiciaire est le Procureur
général près la Cour d appel. Cette Cour se com-
pose de deux chambres siégeant à Saigon et de
deux chambres siégeant à Hanoï. Les fonctions de
Cour d'assises sont remplies par une Commission
criminelle siégeant dans chacune de ces deux
villes. Les litiges entre Européens et indigènes
sont tranchés par le tribunal de première instance
de Saigon et par douze tribunaux répartis de la
manière suivante : neuf en Cochinchine, deux au
Tonkin, un au Cambodge. Enfin cinq justices de
paix à compétence étendue siègent en Cochinchine,
une en Annam, une au Tonkin à côté des tribu-
naux de commerce mixtes à Saigon, Hanoï et Haï-
phong.
II
LES BUDGETS ET L'ORGANISATION
FINANCIÈRE
Lunité administrative réalisée par la création
du Gouvernement général a été complétée en
■lS\ NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
matière budgétaire par la création du budget
général et des budgets locaux.
Le budget général de Tlndo-Chine est préparé
d'après les instructions du Gouverneur général,
parle secrétaire général du Gouvernement général,
chargé des fonctions de directeur des Finances. Il
est arrêté chaque année en Conseil du Gouverne-
ment et approuvé i^aï décret.
Le budget général, comme en Afrique occi-
dentale et en Afrique équatoriale, pourvoit aux
dépenses des grands services communs à Tensemble
du pays (Douanes et Régies, Trésorerie) , et crée
ainsi entre les diverses colonies de FUnion une
solidarité financière excellente à tous points de
vue. Il est alimenté par le produit des taxes de
consommation, par celui des régies (alcool, opium,
sel), pai^ les recettes des Douanes, de FEnregistre-
ment, des Postes, etc..
Les chemins de fer, depuis Tan dernier, font
Fobjet de budgets annexes au budget général,
comme en Afrique occidentale.
Le budget général, ainsi constitué, est considé-
rable. Il s'est équilibré en recettes et en dépenses
pendant ces dernières années de la façon sui-
vante :
L UNITE INDO-CHINOISE
•285
RECETTES
En piastres.
DÉPE>SES
En piastres.
1900. . . .
21.688.928.32
29-969.259,99
27.229.744,81
33.822.013,56
37.037.054,23
37.578.228.33
38.765.662,16
19.054. 463,29
3o. 492.085, 65
27.516. 238. 63
33.434.676,48
36. 037. 054. 23
36.526.562,43
37.783.171,98
1905
1906 .
1907
1908
1909
1910. . .
Les prévisions pour 191 2 sont de 35.3 17.000
piastres, se répartissant ainsi :
Dépenses :
Services des douanes et régies . . . . ii.ii 5. 020 piastres.
Dettes remboursables par annuités . . 7.678.858 —
Contributions aux dépenses militaires
de la métropole 5.622.210
Services de travaux publics 3o6.3io —
Services des postes et télégraphes. . . 2.077.205 —
Services des chemins de fer 1.858.907 —
Recettes :
Contributions indirectes et régies . . . 8.400.000 —
Douanes 23.878.950 —
Enregistrement, domaines et timbre . 1.592.540 —
Chemins de fer 189.907 —
Postes et télégraphes 800.000 —
Pour faire face aux dépenses locales, on a ins-
titué des budgets locaux. La majeure partie de
286 NOTRE FRANCE d'eXTRÈME-ORIENT
leurs recettes consiste dans le produit des impôts
directs et des taxes assimilées.
Ces budgets sont établis chaque année par le
Gouverneur de la Cochinchine, pai^ les Résidents
supérieurs de TAnnam, du Tonkin, du Cambodge
et du Laos et par F Administrateur en chef de
Quang-Tchéou-Wan, avec Taide des conseils locaux
et des principaux chefs de service. Soumis à
l'approbation du Gouverneur général, ils étaient
jusqu à l'année dernière approuvés par décret par
le pouvoir métropolitain. Depuis le décret du
20 octobre 191 1, le Gouverneur général a pouvoir
de les rendre directement exécutoii'es.
Au-dessous du budget général et des budgets
locaux, il existe encore des budgets provinciaux et
communaux. Ces budgets sont alimentés par les
recettes provenant des fermes et des marchés, des
taxes urbaines et des centimes additionnels et font
face aux dépenses des provinces et des communes.
Dans les grandes villes il existe également des
budgets spéciaux, mais leurs recettes sont géné-
ralement insuffisantes et les budgets locaux doi-
vent leur venir en aide au moyen de subventions
spéciales.
CHAPITRE XIII
ORGANISATION DES DIVERSES
COLONIES DE L'UNION INDO CHINOISE
I. Cochinchine. — Le Gouverneur. — Le Conseil privé. — Le
Conseil de gouvernement. — Organisation des provinces. — Les
administrateurs français et indigènes.
IL Protectorats de l'Annam, du Tonkin, du Cambodge et du Laos.
Pouvoirs des résidents supérieurs et des résidents des conseils
locaux. — Administration du territoire de Quang-Tcheou-Wan.
Chaque colonie de FUnion indo-chinoise est
dotée d'une organisation administrative propre et
d'un régime poUtique spécial. La Cochinchine est
un pays d'administration directe, FAnnam, le
Tonkin, le Cambodge, le Laos sont des pays de
protectorat, mais de forme assez dissemblable.
I
COCHINCHINE
La Cochinchine, où nous sommes installés
depuis longtemps, comprend vingt provinces et
'iSS NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
représente un domaine de plus de 57.000 kilo-
mètres carrés, peuplé de 3 millions d'habitants
(2.000 Européens, 2.600.000 Annamites, 1 20.000
Chinois et 280.000 Cambodgiens).
La colonie est placée sous Fautorité d'un Gou-
verneur qui représente le Gouverneur général et
qui est chef de l'administration locale.
Le Gouverneur est assisté dans sa tâche par un
Conseil privé, qui comprend le commandant mili-
taire, le chef du service judiciaire et le directeur
des bureaux du Gouvernement, le procureur de
la République du chef-heu de la colonie, le chef
du service des travaux publics, deux notables
choisis parmi les citoyens français notables, jouis-
sant de leurs droits civils et politiques et désignés
pour deux années par le Gouverneur général sur
présentation du Gouverneur et de deux notables
indigènes nommés par décret. Le Conseil privé
est un Conseil consultatif qui peut se transformer
en Conseil du Contentieux par l'adjonction de deux
magistrats, Fun d'eux prend alors le titre de com-
missaire du gouvernement. Le secrétaire archi-
viste remplit les fonctions de greffier.
Il existe, en outre, en Cochinchine une seconde
assemblée, le Conseil colonial. Ce Conseil qui cor-
COLOiMES DE l'uîsION INDO-CHINOISE '289
respond sensiblement aux Conseils généraux qui
fonctionnent dans nos vieilles colonies des
Antilles et de la Réunion, étudie toutes les ques-
tions d'intérêt général. Pour préciser ses délibé-
rations, il formule des vœux. Il statue sur la
gestion du domaine de la colonie en matière d ac-
quisitions, de baux, d aliénations. Il discute et vote
le budget de la colonie ainsi que ses emprunts.
Il donne enfin des avis sur diverses questions,
notamment en matière de douanes.
Le Conseil colonial est composé de conseillers
français élus au suffrage universel par les citoyens
français résidant en Cochinchine depuis plus d'un
an, de deux délégués du Conseil privé et de six
conseillers annamites élus par les délégués des
notables des villages.
Notons enfin que la Cochinchine élit un député
à la Chambre des députés de la Métropole, mais
qu'elle n est pas représentée au Sénat.
Dans les provinces, on a introduit un système
d'administration directe mixte en ce sens que
rélément indigène y collabore d'une manière
assez étendue.
La commune existe à la base. Elle est dirigée
par un Conseil de douze notables élus par leurs
19
290 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
pairs, parmi les habitants présentant certaines
garanties de fortune, de savoir, et d'honorabilité.
Trois notables qui occupent les trois derniers rangs
dans la hiérarchie des notables, les huong-than, le
tho-truong et le huong-hao sont chargés d'exé-
cuter les ordres du Conseil. Le Conseil administre
les biens de la commune et en affecte les revenus
aux dépenses d'intérêt communal : routes, marchés,
école, pagodes, caisse commune, etc..
Gomme en France, au-dessus de la commune
on trouve le canton qui est administré depuis 1908
par un chef et un sous-chef de canton. Ces agents
sont de véritables fonctionnaires recrutés par con-
cours parmi les candidats désignés par les vil-
lages .
La province représente la réunion de plusieurs
cantons. Elle a à sa tête un administrateur fran-
çais du corps des services civils de Tlndo-Chine.
Dans certaines provinces particulièrement im-
portantes ou étendues, la dissémination considé-
rable des populations s'accommodait assez mal de
cette centralisation et on a pris Ihabitude depuis
quelques années de grouper plusieurs cantons sous
l'autorité de fonctionnaires indigènes (doc-phu,
phu ou huyen) qui sont des sortes de sous-préfets
COLONIES DE L UNION INDO-CHINOISE 291
et servent d'intermédiaires entre les chefs de canton
et le gouverneur. Dans certaines circonscriptions,
ces fonctionnaires sont même des Français.
L'Administrateur, chef de province, réside au
chef-lieu. Il a sous ses ordres immédiats tous les
fonctionnaires de la province et exerce son contrôle
même sur les agents qui relèvent plus directe-
ment des grands services (agents des Travaux
publics, des Douanes, de TEnregistrement, des
Postes, etc..) L'Administrateur est assisté dans sa
tâche d un Conseil provincial composé exclusive-
ment d indigènes qui votent le budget de la pro-
vince.
II
LANNAM. LE TONKIN. LE CAMBODGE. LE LAOS
L'Annam est un pays de protectorat ayant con-
servé Fancienne administration indigène presque
intacte. Celle-ci fonctionne sous le contrôle de la
France.
L'Empereur est au sommet de toute la hiérar-
chie. Un Conseil secret ou Co-Mat lassiste dans
ses délibérations et joue actuellement un rôle d'au-
tant plus prépondérant que l'Empereur actuel,
'igi NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
S. M. Duy-Tan, est encore enfant. Ce Conseil est
composé des sept ministres, de llntérieur. des
Finances, de la Guerre, des Rites, de la Justice,
des Travaux publics et de Tlnstruction publique.
Un Conseil de trois mandarins assiste en outre
chaque ministre. La gestion des fonctionnaires est
contrôlée par un Conseil de censure, nommé par
1 Empereur.
Les provinces, qui sont formées de plusieurs cir-
conscriptions de cantons, sont dirigées par un tong-
doc, assisté d'un chef du service administratif
(Quan-bo) , d'un chef du service judiciaire (an-sat) ,
d un inspecteur des écoles (doc-hoc) et d un com-
mandant militaire (lank-binh) .
Le tong-doc a sous ses ordres des quan-huyen
et des quan-phu qui administrent les circonscrip-
tions et les cantons.
A la base, on trouve la commune dont nous avons
indiqué précédemment lorganisation, avec ses
inscrits, son Conseil de notables, etc..
Le traité de 1 884 (art. 3, 5, ii) avait délimité
strictement le rôle de F Administration française.
Nous devions avoir seulement un Résident général
à Hué pour présider aux relations du protectorat
sans s'immiscer dans l'administration locale des
l^-^'
COLONIES DE L UNION INDO-CHINOISE 'Mj'S
provinces. Nous ne pouvions intervenir qu'en
matière de douanes, de travaux publics et en
général dans les services exigeant une direction
ou le concours d'ingénieurs européens. L'impôt, en
particulier, devait être perçu par les fonctionnaires
indigènes et pour le compte de la cour de Hué.
Peu à peu, notre rôle administratif a grandi et
le Gouvernement français dirige aujourd hui non
seulement les relations extérieures du pays et
les grands services publics, mais encore les
finances et contrôle même l'administration et la
justice indigènes. Deux ordonnances de 1897 et
1898 prises par l'empereur Thanh-Taï ont consacré
le développement de notre action.
Le Résident supérieur représente le Gouverne-
ment français auprès de l'Empereur, préside le
Co-Mat et dirige en fait à l'heure actuelle tous les
grands services publics. Maître du budget dont il
fixe les recettes et les dépenses, il est maître des
finances de TEmpire. Au-dessous de lui des Rési-
dents français placés à côté des fonctionnaires indi-
gènes à la tête des quatorze provinces de la colonie
contrôlent Fadministration indigène.
Le Résident supérieur est assisté d'un Conseil
de protectorat analogue au Conseil privé de Cochin-
29^1 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
chine, mais qui, à la différence de ce Conseil, ne
se transforme pas en Conseil du Contentieux. Le
Conseil du Contentieux siégeant à Hanoï évoque
devant lui les affaires de FAnnam. Le Conseil de
protectorat est composé de fonctionnaires français,
d'un délégué de la Chambre mixte du Commerce
et d'Agriculture et de deux délégués du Co-Mat.
Le Tonkin est, comme FAnnam, un pays de
protectorat, mais le protectorat français y a revêtu
une forme différente et plus stricte qu'en Annam.
Le traité du 6 juin i884 nous en donnait le
droit en autorisant l'installation de résidents et de
résidents-adjoints dans les chefs-lieux où leur pré-
sence serait jugée utile. Ce traité stipulait bien
que les fonctionnaires indigènes en service conti-
nueraient à gouverner et à administrer sous le con-
trôle des résidents, mais l'autorité française pou-
vait demander leur révocation. Nos résidents
avaient en outre le droit de centraliser Fimpôt
avec le concours des quan-bo indigènes et d'en
surveiller la perception et l'emploi.
Notre action s'est d ailleurs fortement accrue au
Tonkin, comme en Annam, depuis i884- Le
poste de Kinh-Luoc, c'est-à-dire de vice-roi du
Tonkin, a été supprimé en 1897 et les attributions
1 a
COLONIES DE l'uNION INDO-CHINOISE '295
de ce haut fonctionnaire indigène ont été dévo-
lues au Résident supérieur du Tonkin. Des rési-
dents ont été installés dans toutes les villes impor-
tantes devenues chefs-lieux de province et tous
ces résidents ont été placés sous la dépendance
très étroite du Résident supérieur.
Comme en Annam, le Résident supérieur est
maître des finances de la colonie en préparant et
en administrant le budget. Un Conseil de protec-
torat qui, à l'occasion, devient Conseil du Conten-
tieux l'assiste dans ses délibérations.
Au Cambodge, l'administration a été organisée
sur des bases nouvelles pendant ces dernières
années. On a vu précédemment comment S. M.
Sisowath avait donné à la commune cambodgienne
une forme nouvelle et plus rationnelle. Au-dessus
de la commune se trouve la province, le Khet,
dirigé par un gouverneur qui a sous ses ordres un
certain nombre de fonctionnaires indigènes chargés
de la police et de TAdministration proprement
dite.
Le Roi est au sommet de la monarchie et dirige
l'Administration indigène. Un Conseil composé de
cinq ministres (premier ministre, un ministre de
la Justice, du Palais, de la Marine et de la Guerre)
2g6 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
et de treize autres membres l'assiste pour Texpé-
dition des affaires. Un intendant de la liste civile
joue le rôle de Ministre des Finances.
Un Résident supérieur français placé auprès du
Roi représente le Gouvernement français et assure
lexercice du protectorat. Le Résident supérieur
préside le Conseil des ministres et le Conseil du
protectorat. Plusieurs chefs de service (Agricul-
ture, Enseignement, Travaux publics, etc..) et
douze résidents, chefs de province, sont sous ses
ordres directs.
Les résidents qui sont chargés de surveiller
l'administration indigène sont assistés d'un Con-
seil de résidence élu qui donne son avis sur toutes
les questions relatives à la répartition de 1 impôt.
Au Laos, on rencontre plusieurs souverainetés
indigènes. Il existe un roi à Luang-Prabang, il en
existe un autre à Bassac, un troisième à Muong-
Sing. La France exerce sur toutes son protectorat
par Fentremise d'un Résident supérieur qui siège
à Vien-Tian et est assisté par douze commissaires
du gouvernement placés à la tète de douze com-
missariats.
L'administration indigène, comme dans les
colonies précédentes, s'exerce dans les villages,
COLONIES DE L UNION INDO-CHINOISE 297
dans les cantons et dans les provinces. Les vil-
lages sont administrés par des phoban et les can-
tons par des tasseing, qui sont assistés les uns et
les autres par deux adjoints et par deux conseils
d'anciens. Un liao-muong est chef de la province,
trois mandarins généralement choisis parmi les
membres des familles nobles de la province, le
tiao-oupahar, le tiao-latsavong et le tiao-lattsabout,
assistent le tiao-muong dans Fadministration de la
province.
La plupart de ces chefs sont élus par les chefs
de villages et agréés par Fautorité française.
Au fond, toute cette administration est très
rudimentaire, en raison de la dissémination des
habitants et de la rareté des moyens de communi-
cation. Notre rôle se borne en fait à tâcher de
secouer l'apathie naturelle des habitants et à les
initier à mettre en valeur leur pays.
Un Administrateur en chef dirige le territoire
de Quang-tchéou-Wan avec sous ses ordres trois
chefs de circonscription. Cet Administrateur en
chef relève directement du Gouverneur général de
FIndo-Chine.
CHAPITRE XIV
SITUATION FINANCIÈRE
Situation financière. — État des finances do la colonie. — Le bud-
get général, les budgets locaux. — Situation de la caisse de
réserve. — Les emprunts.
Nous avons vu précédemment quelle était Tor-
ganisation budgétaire de la colonie ; quelques ren-
seignements sur la situation financière pourront
apporter sur le sujet quelques précisions et mon-
trer le développement économique très réel
pris par la colonie au cours de ces quinze der-
nières années et sa répercussion dans la situa-
tion financière.
Les chiffres ci-dessous se rapportent à Texercice
1910, le seul dont on connaisse encore à Fheure
actuelle d'une manière très précise et officielle les
résultats.
Les recettes et les dépenses du budget général
avaient été arrêtées pour 1910 à la somme totale
3oO NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
de 35.82i.5oo piastres, la piastre étant calculée
au taux de i^%3o.
Les recettes prévues au budget, tant au titre
des recettes ordinaires que des recettes extraordi-
naires, devaient atteindre 37.765.662 piastres,
d'où un excédent sur les recettes de 1.344- 162
piastres.
Les dépenses prévues s'élevaient à 37.421.300
piastres, elles se sont élevées à 37.783.171 piastres,
soit à 361.671 piastres déplus; mais ce chiffre a
permis au budget général de s'équilibrer avec un
excédent définitif de recettes de 982.490 piastres.
La situation du budget général était donc à
cette date excellente. Tous les chapitres s'étaient
soldés du reste avec des excédents de recettes, à
lexception du chapitre de l'exploitation des che-
mins de fer, en déficit de 38.823 piastres. Les
plus-values de recettes sont dues à la prospérité
de la colonie pendant ces dernières années. Les
recettes ont été abondantes, la richesse du pays et
par suite sa capacité d achat s'est trouvée naturel-
lement augmentée. Il en est résulté un développe-
ment très notable des transactions. Les produits
des Douanes, par exemple, qui avaient été prévus
pour 5.450.000 piastres ont dépassé 6.637.000
SITUATION FINANCIKHK 3o (
piastres, d où un excédent de plus de 687.000
piastres. A noter également un excédent de
233. 3o6 piastres sur les droits à 1 exportation. Le
développement des entrées et des sorties de mar-
chandises a eu sa répercussion sur les droits de
statistique, de transit, de phare et d'ancrage, de
navigation, etc., dont les produits sont versés au
budget général.
Le budget local de la Cochinchine pour Texer-
cice 1910, arrêté en recettes et en dépenses à la
somme de 5.273.G00 piastres, a présenté au
3o juin 191 1, date de la clôture de l'exercice, la
situation réelle suivante :
Recettes réalisées : 5.429.024 piastres.
Dépenses effectuées : 5.3o6.i84 piastres.
L'excédent des recettes sur les dépenses a donc
atteint i32.84o piastres.
Le budget local du Tonkin^ arrêté en recettes et
en dépenses à la somme de 6.2,54 o38 piastres a
présenté, en fin d'exercice, la situation suivante :
Recettes réalisées : 6.289.003 piastres.
Dépenses effectuées : 6.240.779 piastres.
D où encore un excédent de l\'6.ii^ piastres,
bien que le budget du Tonkin ait eu, cette année-
là. à faire face aux dépenses occasionnées par les
Soi NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
opérations militaires du Yen-thé contre le Dé-
Tham du Phu-Yen et de Hoa-Binh contre les
réformistes chinois.
Le budget local deVAnnam s'est également soldé
par un excédent de recettes de 69.678 piastres.
Arrêté à la somme de 3. 231. 660 piastres, il
s'est facilement équilibré aux chiffres suivants :
Recettes : 3.263.999 piastres.
Dépenses : 3. 194.321 piastres.
Le budget local du Cambodge est en situation
meilleure encore, puisque Texcédent des recettes
sur les dépenses a atteint 3o4.65i piastres. Les
recettes portées au budget pour 2.927.610 piastres
ont atteint 3.107.494 piastres, et les dépenses
2.802.842 piastres.
Le budget local du Laos a également présenté
une plus-value notable, 6 1.439 piastres, provenant
de 1 excédent des recettes : 967.355 piastres sur
les dépenses : 905.926 piastres.
Le versement du reliquat de lexercice 19 10
aux diverses caisses de réserve de la colonie a
porté 1 actif de 1 Indo-Chine à 9 millions et demi
de piastres. Cest un joli denier qui mieux que
tout commentaire indique quelle est, en somme,
la situation financière de la colonie.
SITUATION FINANCIERE 3o3
Le budget général de 1912 a été arrêté à la
somme de 3 5. 3 17. 000 piastres, en tenant compte
de la nécessité de procéder à des économies
sérieuses dans toutes les branches de l'Adminis-
tration, conformément aux volontés du Parlement.
D'après les derniers renseignements qui sont par-
venus dlndo-Chine, Fexercice en cours se pré-
sente dans d'excellentes conditions; au 3i août
191 2, les recettes prévues pour les quatre prin-
cipaux chapitres du budget général (Douanes,
Contributions indirectes et Régies, Enregistrement,
Domaine et Timbres, Postes, Télégraphes et Télé-
phones) accusaient déjàuneplus-valuede3.3 15.672
piastres.
Au 3 1 mai 1 9 1 2 , la caisse de réserve du budget
général contenait f\.o3i.i5S piastres et comme on
pense que l'exercice 191 1 se clôturera avec un
excédent de recettes de 236.429 piastres, il est
facile de calculer approximativement quel sera
prochainement le montant de la caisse de réserve
de ces colonies.
LTndo-Chine est donc dans une situation finan-
cière très satisfaisante. Si les dépenses ont grandi
depuis quinze ans comme il était naturel à mesure
que notre œuvre de colonisation se développait,
•3o',
NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
ses ressources se sont également accrues sans que
rindigène ait eu en somme à supporter des charges
fiscales exorbitantes. La perception de certains
impôts, celle des impôts indirects, monopoles et
régies en particulier, a pu, à certains moments,
donner lieu à quelques réclamations, mais il s'agit là
de cas isolés qu'une sage administration peut aisé-
ment faiie disparaître. Dans Tensemble, la situation
est bonne et la marche ascendante des budgets reflète
surtout le développement économique du pays.
A titre de renseignements, voici quelle a été la
progression des recettes du budget général depuis
1899-
1899
1900
1901
1902
1903
1904
1903
1906
1907
1908
1909
1910
191 1 (prévis
onsj
191 3 (prévisions) . .
TAUX DE LA PIASTRE
Piastres
Francs
19.687.701
2,52
•21.690.804
2,57
24. 029. 279
2,5o
•28.920.263
2,l5
31.844.277
2,20
3i.45i.6oi
2,34
3o.o66.844
2,46
27.320.023
2,35
33.914.366
2,5o
32.8o5.ooo
2,5o
37.425.500
2,40
35.765.662
2,30
38.362.254
2,40
35.317.000
2,4q
SITUATION FINANCIÈRE 3o5
La dette de Tlndo-Chine comporte actuellement
deux grands emprunts, Tuii de 80 millions de
francs en icS()G par les colonies de TAnnam-
Tonkin et l'autre de 200 millions contracté en
r8f)8 pour Texécution de grands travaux publics
qui faisaient partie du plan de M. le Gouverneur
général Doumer. En 1909, un emprunt de liqui-
dation de j3 millions a été contracté pour achever
de payer les dépenses du chemin de fer du
Yunnan, et si Ton ajoute aux annuités payées au
titre des emprunts précédents celles afférentes au
remboursement du capital de construction du
chemin de fer de Saïgon-Mytho et au service de
rintérêt et de Famortissement des obligations
garanties de la Compagnie des chemins de fer de
r Indo-Chine et du Yunnan, on arrive à un chiffre
de 7.234.408 piastres qui représente l'annuité
totale de la dette de Tlndo-Chine.
Nous avons vu précédemment que le Gouverne-
ment a récemment soumis au Parlement un projet
de loi tendant à permettre à Tlndo-Chine de con-
tracter un nouvel emprunt de 90 millions pour lui
permettre deffectuer un certain nombre de tra-
vaux publics. L'annuité relative à cet emprunt
serait de 444 -450 piastres, mais serait compensée
3o6 NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
par une diminution de la contribution de la
colonie aux dépenses militaires de la métropole en
Indo-Chine. Au point de vue financier, ce nouvel
emprunt n'accroîtrait pas d une manière sensible
les charges de la colonie.
7^
A>G-KO|', THr»M
:b^
1
CHAPITRE XV
L'INDO CHINE AU POINT DE VUE
DU TOURISME
L'Indo-Chinc au point de vue artistique. — Les grands monu-
ments : Ang-Kor, les tombeaux des empereurs de Hué. — Les
grandes villes, Saigon, Pnom-Penh, Hanoi. — Les grands tra-
vaux : le chemin de fer du Yunnam. — Les sites naturels : la
baie d'Along.
L'Indo-Chine au point de vue littéraire. — Les littératures indi-
gènes : les légendes, les romans, les pièces de théâtre, etc.
Les populations dont nous avons précédemment
indiqué le caractère, les mœurs, décrit les princi-
paux types sont toutes très attachantes et intéres-
santes, aussi bien pour F ethnographe que pour le
simple touriste. Nous n'avons indiqué à leur sujet
dans les pages qui précèdent que les caractères
essentiels de leurs coutumes et de leur existence,
mais que de traits curieux renfermerait une étude
plus attentive et plus détaillée de leur vie quoti-
dienne, de leur littérature, de leur art.
Car à la différence des autres populations qui
3o8 NOTRE FRAN'CE d'eXTRÈME-ORIENT
peuplent notre empire africain ou même mal-
gache, nous sommes ici installés en Indo-Chine au
milieu de races ayant une civilisation très ancienne,
un art très délicat, une littérature particulière.
L'art indo-chinois revêt des formes multiples ;
mais ce que Ion en connaît généralement en
Europe ne saurait suffire pour en faire apprécier
toute la délicatesse et la beauté. Les Annamites sont
des maîtres dans la broderie, dans Fébénisterie, et
leur merveilleux talent dans Fart de l'incrustation
et de la sculpture qui leur permet de produire de si
jolis motifs de décoration, ne donne qu'une idée,
très lointaine, de tout ce que Fart indigène ren-
ferme de puissant et d original.
Comme architectes et constructeurs, les peuples
indo-chinois ont produit des œuvres admirables.
J ai décrit récemment le joyau architectural de
llndo-Chine, Ang-Kor, dont heureusement la
majesté sublime commence àretenir l'attention des
touristes du monde entier, habitués jusqu'ici à se
porter vei^ des monuments égyptiens, ou indiens,
remarquables certainement, mais qui ne sont pas
plus imposants \ Cet ensemble extraordinaire dédi-
^ En Indochine, mes chasses, mes voyages (duc de Montpensier) .
l'indo-chine au point de vue du tourisme 3o9
fices ensevelis sous un linceul de verdure, aux
prises depuis des siècles avec une végétation enva-
hissante et destructive, avec ce fameux figuier des
ruines .
Hué, avec ses tombeaux des Empereurs, offre
un spectacle qui n'est guère moins grandiose.
Dans ce pays où le culte des morts synthétise
presque entièrement toute religion, il était naturel
que les restes des anciens empereurs fussent Fobjet
de manifestations artistiques, architecturales impo-
santes. Les tombeaux de Ïhieû-Tri, Tu-Duc, ceux
de Minh-Mang, de Gia-Long, situés dans une région
extrêmement pittoresque, charment le visiteur
autant par l'originalité de leur style que par la
variété de leur conception. Tous ces monuments,
soigneusement dissimulés dans la verdure, en-
châssés dans des pièces d'eau, savamment amé-
nagées et dessinées, tous ces dragons, ces sculp-
tures finement fouillées, tous ces toits pointus
aux arêtes bizarrement contournées sont pour
Tartiste un véritable enchantement, un ravisse-
ment sans fin qui se combine majestueusement
avec la grandeur religieuse qui ennoblit ce somp-
tueux décor.
Les villes indo-chinoises présentent, elles aussi,
3io NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
par rimpression de vie exubérante et d'activité
qui s en dégage, un intérêt non moins puissant.
Une végétation luxuriante, des fleurs innom-
brables aux parfums pénétrants, des arbres aux
silhouettes étranges donnent aux promenades et
aux boulevards que nous y avons créés un chai'me
très spécial.
Saigon, la capitale de la Cochinchine et même
de toute llndo-Chine, pourrait-on dire, avec son
port de commerce et son port de guerre, avec
ses édifices publics : le palais du Gouverneur,
Tarsenal, Fhôpital maritime, la cathédrale, le
palais de Justice, le théâtre, son musée commer-
cial, son hôtel des Postes, ses collèges d'Adran
et de Chasseloup-Laubat, ses habitations com-
modes et salubres, ses rues bien entretenues et
bien arrosées, Saigon peut supporter la compa-
raison avec n importe quelle grande ville de
France et aucune n'est à même de présenter un
cachet d'originalité aussi prénétrant que la
grande cité cochinchinoise, car on n'y trouve
pas cette collection invraisemblable de boutiques
indigènes, de comptoirs, d'étalages multicolores
qui donne à Saigon cette physionomie exotique
et charmante.
ANG KOU VAT
L INDO-CHINE AU POINT DE VUE DU TOURISME j II
A Pnom-Penh, la capitale du Cambodge, le
touriste et lartiste trouvent des aspects nouveaux
et tout différents. Pnom-Penh est une ville toute
récente. En 1889, c était une misérable bourgade
remplie de mares infectes, aujourd'hui cette ville
est vraiment une capitale. Très propres, très bien
entretenues, très animées, très pittoresques, les
rues macadamisées en pierre rouge de Bien-Hoa
s étendent toutes droites. La ville administrative
forme le quartier aristocratique. Elle est dominée
par le dôme du Pnom. La pagode du Pnom est
entourée d'un magnifique jardin et on y accède
par un escalier monumental sur lequel s étage un
peuple de statues de génies, de guerriers armés,
de lions, de danseuses aux formes gracieuses et de
nagas, ces serpents à sept têtes que Ton retrouve
dans toute l'architecture khmer. Au palais du Roi,
la salle du trône avec son parquet formé de
lamelles d'argent et ses peintures murales repré-
sentant les scènes de la vie de Bouddha est d une
richesse merveilleuse.
Hanoï est également un centre dont Fattrait ne
le cède en rien aux autres grandes villes d" Extrême-
Orient. Son lac bordé de pelouses fleuries et au
milieu duquel émerge gracieuse la pagode de la
3l2 NOTRE FRANCE D EXTREME-ORIENT
Montagne de Jade, rendez-vous des lettrés ton-
kinois, son immense jardin botanique, sillonné
de routes carrossables, sa pagode du Grand-
Bouddha qui remonte au xiii^ siècle, le Van-lieu
ou temple de la littérature, connu sous le nom de
Pagode des Corbeaux, la pagode des deux sœurs
Trung sont autant de monuments à visiter et
tous également dignes de captiver le touriste. Le
quartier indigène avec ses rues occupées par un
corps de métier spécial n'est pas moins curieux et
ne présente pas moins de spectacles inattendus
et pittoresques.
L'occupation française s est traduite en Indo-
Chine, depuis vingt-cinq ans, par la construction
de nombreux monuments nécessaires pour la plu-
part à la marche des grands services publics, par
des travaux d'assainissement, par la construction
de routes, de ports, de chemins de fer, de ponts,
dont l'utilité frappe les moins prévenus et les
moins au courant de nos choses coloniales.
Certains de ces travaux représentent des œuvres
de tout premier ordre. Le Pont Doumer à Hanoï
est souvent cité, mais s'il fallait nommer un tra-
vail où lintérêt artistique, pittoresque rivalise
avec 1 intérêt économique, on ne pourrait certai-
L^INDO-CHINE AU POINT DE VUE DU TOURISME 3l3
nement pas trouver de meilleur exemple que le
chemin de fer du Yunnam qui met en communi-
cation, depuis Fan dernier, la capitale du Yunnam
avec Haïphong. Nous avons précédemment indiqué
l'utilité économique et politique que présente
cette nouvelle ligne ferrée, son intérêt au point
de vue pittoresque n'est pas moindre. C'est incon-
testablement Tune des lignes ferrées les plus acci-
dentées et les plus curieuses à parcourir de tout le
monde entier.
Traversant tantôt la grande brousse tropicale,
tantôt cheminant au fond de ravins profonds et
encaissés comme de véritables canons, tantôt esca-
ladant la montagne escarpée, cette ligne laisse
chez tous ceux qui en ont parcouru le tracé un
souvenir inoubliable. Sa construction a soulevé
des problèmes techniques innombrables. Il a fallu
plus de 3.000 ouvrages d'art pour triompher des
obstacles que la nature semblait avoir accumulés
com_me à plaisir sur le tracé. L'énergie et la science
de nos ingénieurs les a vaincus de façon magis-
trale. Certains ponts, tel que le viaduc métallique
qui entre deux tunnels franchit la gorge du Peï-
Ho au kilomètre III, ont été de véritables tours
de force de construction, rendus extrêmement
3l4 NOTRE FRANCE d'eXTRÉME-ORIENT
délicats non seulement par les difficultés mêmes
du travail, mais encore par linsécurité du pays
qui rendait le recrutement de la main-d^œuvre
souvent des plus problématique.
Je ne puis au cours de ces pages trop brèves
songer à décrire la prodigieuse variété de paysages
que Ion rencontre à chaque pas en Indo-Chine.
Certains d entre eux, comme la baie d'Along,
qui est bien Tune des merveilles naturelles les
plus étonnantes qu'il soit au monde, dépassent
dVilleurs la compétence descriptive d'un simple
explorateur et il faudrait la plume d un poète pour
entreprendre, avec quelques chances d'exactitude,
la description de ce prodigieux amoncellement
d'îlots et de rochers aux formes étranges qui
paraissent avoir été jetés là dans la mer bleue par
la main de quelque géant.
Dans un ordre d'idées différent mais non moins
intéressant, la littérature et le théâtre indigènes où
se reflète de façon si curieuse Tâme des diverses
populations indo-chinoises présentent des sujets
d'études variées et des plus inédits.
Les légendes philosophiques et religieuses jouent
un rôle prépondérant dans la vie littéraire des Anna-
mites aussi bien que des Cambodgiens. La gram-
L INDO-CHINE AU POINT DE VUE DU TOURISME iio
maire et les lettres proprement dites ne sont guère
cultivées. Mais la littérature abonde en poèmes,
en pièces de théâtre, en romans, en contes, en
chansons...
Bien que Ton n ait pas réuni jusqu'ici en volume
spécial les récits qui forment le fond de la littéra-
ture cambodgienne et annamite, on en trouve cer-
tains spécimens dans plusieurs ouvrages relatifs
aux populations indo-chinoises.
M. Pavie, dans son volume intitulé Recherches
sur les littératures du Cambodge^ du Siam et du
Laos, nous en fait connaître quelques-uns.
La Viméan Chan est une jeune fille riche, Prea
Chan, dieu de la lune, en devient amoureux; il se
rend au domicile de la jeune personne et la décide
à force de séduction à le suivre. Pour calmer les
alarmes de la famille, il lui donne de l'argent et
emmène la Viméan Chan dans la lune.
Arrivée à destination, la Viméan Chan est en
butte à la jalousie de tout le personnel féminin de
la cour. On décide de lui tendre un piège. Le soir
venu, Prea Chan ayant fait atteler son char pour
aller, selon la coutume, allumer le feu céleste qui
produit la lumière douce dont jouissent les habi-
tants de la terre, les conjurées incitent leur nou-
3l6 ^•OTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
velle compagne à suivre le dieu afin de voir les
choses extraordinaires qu'elles disent avoir admi-
rées elles-mêmes bien des fois.
Piquée dans sa curiosité de femme, la belle
Viméan demande une place sur le char, et lorsque
celui-ci s'est élancé à travers Fespace, la tête de la
compagne du dieu, qui n était point faite pour
résister à un pareil déchaînement des éléments, est
détachée du tronc. La tête tombe sur la terre,
tandis que le tronc reste sur le char.
Le dieu désolé revient sur terre pour y recher-
cher sa tête. Il a la chance de la retrouver,
rassemble les deux parties de la \iméan, un instant
séparées et les ranime. Mais en homme bien avisé,
il se garde de ramener la jeune femme dans la lune.
Il la laisse sur terre et la Viméan peu après s'y
marie avec le fils d un puissant monarque.
Là, son bonheur est de courte durée également.
Les autres princes ayant accusé son mari de vou-
loir usurper la couronne, le roi expatrie son fils
avec toute sa famille. Les fugitifs se retirent dans
une forêt inhabitée. Ils vivent là sans abri et misé-
rablement, quand Indra vient à avoir pitié d'eux
et leur fait bâtir dans cet endroit un palais confor-
table. Ils ont un enfant. Un saint ermite 1 élève et
L INDO-CHINE AU POINT DE VUE DU TOURISME H17
rinitie h. Tart militaire. Quand le jeune homme a
vingt ans, il part pour venger son père et sa mère
et tue successivement ses six oncles, mais respecte
son grand-père quil pourrait également détrôner.
Cet acte de vengeance accompli, il va conquérir
un royaume et y installe son père et sa mère, afin
de leur rendre le rang et Thonneur qui leur sont
dus.
L'histoire du mariage de Rothisen, le Bouddha
et de Néang-Kangrey est également célèbre. Le
père de Néang-Kangrey hésitait à marier sa fille
tant il redoutait le moment de se séparer de leur
enfant. Quand Rothisen se présente pour lui
demander la main de Néang-Kangrey, le père fit
apporter un panier plein de riz et dit au Bouddha :
(( Tous ces grains sont marqués d'un signe que
tu peux voir ; ils sont comptés ; en ta présence, ils
vont être jetés dans les jardins, par les champs,
par les bois d'alentour ; si, sans qu'il en manque
un, tu les rapportes ici demain, je reconnaîtrai que
ta demande vaut la peine d'être examinée. »
Et il en est ainsi fait.
Rothisen emporte le panier vide, et fait la prière
suivante : « O vous tous, les oiseaux, les insectes
de Tair, les fourmis de la terre, ne mangez pas les
^t8 notre FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
petits grains de riz qui viennent de pleuvoir sur
le sol, secondez lamour qui me gagne, ne mettez
pas obstacle au plus cher de mes vœux. O vous,
les génies protecteurs du pays, si vous croyez que
mon union avec la princesse pour qui je suis sou-
mis à cette difficile épreuve doive être de quelque
bien pour les peuples, faites que les êtres animés
que j'invoque entendent ma prière. ))
Tandis qu'il parle, les oiseaux de toute la région
apportent dans le panier tous les grains de riz dis-
persés sur le sol. Rothisen les caresse doucement
et les remercie.
Etonné de ce résultat, le père de la jeune fille
fait le lendemain porter le panier jusqu'au bord des
fleuves, y fait jeter les grains à la volée et dit à
Rothisen : a Je les voudrais demain. »
Rothisen appelle les poissons à son secours,
comme il a fait appel aux oiseaux et leur explique
que son bonheur dépend d'eux. Les poissons se
mettent en quête des précieux grains et les rap-
portent au Bouddha.
Le père de Néang-Kangrey les fait compter et
on constate qu'il en manque un. Rothisen retourne
vers le fleuve et explique la chose aux poissons.
Ceux-ci se regardent surpris, quand 1 un d'eux
L INDO-CHINE AU POINT DE VUE DU TOURISME 3 19
s'approche en le restituant, et avoue qu'il a dé-
robé un grain, croyant que le larcin passerait ina-
perçu. Rothisen lui donne en ce moment du bout
du petit doigt un coup sur le museau et subitement
celui-ci se courbe chez tous ceux de Tespèce.
Les (( nez-courbés » n'ont pas encore obtenu
leur pardon. Chaque année toute la race des nez-
courbés se donne rendez-vous à Kierouil-Kianva
près de Pnom-Penh, dans le grand fleuve pour
aller vers Angkor saluer la statue du Sage et
demander Toubli de FofFense . Mais tous les hommes
du pays qui ne suivent pas la règle du Bouddha
le savent et se donnent rendez-vous sur le fleuve
avec leurs filets. Les nez-courbés ne peuvent passer
et sont pris. C'est l'origine des grandes pêches
annuelles du Cambodge.
Ces légendes sont très nombreuses, j'en ai moi-
même fait noter également quelques-unes que des
lettrés ont mises sur la scène.
Un père veuf a un fils en âge de se marier, bien
qu'il soit très pauvre. Le fils a pour son père une
grande vénération, car il a reçu une excellente
éducation. Une nuit, pendant le sommeil du père,
le fils quitte la maison et va réciter des vers dans
la campagne. Il y a un beau clair de lune. Tout à
3'20 ^'OTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
coup, le promeneur aperçoit une jeune fille. Il
Finterpelle, lui demandant pour quel motif elle se
permet, elle, une étrangère, de venir à lui dans la
nuit avancée. Jamais il ne Ta vue auparavant.
Cette jeune fille qui nest autre qu une fée immor-
telle ayant conçu pour lui un grand amour lui
répond :
(( J'habite comme vous le hameau. J'ai entendu
votre récit qui me semble bien doux et mon carac-
tère a suivi son impulsion. Je suis venue à vous
pour gagner votre amitié. »
Le poète accepte, et les nuits suivantes ils se
retrouvent. Ils deviennent les meilleurs amis du
monde et échangent naturellement une promesse
de mariage. Une nuit, le père surprend le couple
absorbé dans une conversation poétique. Furieux,
le vieillard chasse la jeune fille avec des mots hau-
tains et méprisants, puis sadressant à son fils :
— Si ton cœur peut vraiment concevoir des senti-
ments filiaux, dit-il, je te défends d'agir ainsi,
nous sommes pauvres, mais de la classe des lettrés.
Il faut te marier, certes, mais en faisant, suivant
les règles, la demande à la famille de la jeune fille
que tu as choisie entre toutes.
Avant de regagner la maison, le fils veut avoir
l'iNDO-CHINE au point de vue du tourisme 321
avec son amie un dernier et bref entretien.
— Va, dit-elle, demander la main d'une jolie
fille très honnête, dumêmeâge, qui habite le hameau
voisin.
— Mais, répond-il tristement, notre pauvreté
est grande et je n'ai pas d'argent pour faire face
aux dépenses de la cérémonie nuptiale.
— Qu'à cela ne tienne, reprend celle qu'il ne
doit plus revoir. Je suis la fille d'un riche proprié-
taire. J'ai là un sac d'or. Prends-le. Il est à toi et
sois heureux.
Le jeune homme étonné pleure amèrement.
— Lequel de nous deux, dit-elle encore, a dans
son cœur l'amour le plus vrai, de toi qui pleures
ou de moi qui fais le sacrifice de mon rêve ? Allons !
ne te désole pas, rien n'est changé pour toi,
puisque te voilà riche et que tu auras bientôt une
épouse gracieuse et jolie.
Vite, elle s'éloigne et va faire ses préparatifs,
car la maison du hameau voisin, la jeune fille, les
parents, tout est imaginaire. La fée crée de toutes
pièces tous ces personnages ainsi qu'un homme
courageux qui plus tard jouera un rôle important
dans l'action.
Le lendemain, aux premières lueurs du jour, le
3a2 NOTRE FRANCE DEXTRÈME-ORIENT
fils avoue tout à son père et sollicite rautorisation
d'aller demander la main de la belle jeune fdle hon-
nête du hameau voisin. Il fait sa visite et est agréé.
Un an après son mariage, le jeune lettré est
père d'un garçon. La femme, d'un caractère ai-
mable et plus jolie que jamais... Le ménage vit
heureux.
Dans le même village, malheureusement,
demeure un mandarin retraité qui a beaucoup
d influence. Le jour de la fête des morts, ce man-
darin rencontre le mari, la femme et Fenfant qui
sont allés balayer les tombeaux des ancêtres du
mari.
Attiré par la beauté de la femme le mandarin
demande à Tacheter. Malgi'é la réponse négative
de la famille, il verse l'argent et donne à ses servi-
teurs Tordre d'emporter chez lui, dans sa somp-
tueuse demeure, la femme convoitée. Le mari se
sent incapable de lutter et pour prévenir un nou-
veau malheur, il amène son jeune enfant à la
maison filiale.
Le vieux père, qui estimait à leur juste valeur les
qualités exceptionnelles de sa bru, se hâte d'aller
tenter de reprendre au ravisseur la femme de son fils.
Il est assassiné par les serviteurs du lettré. Seul, le
L INDO-CHINK VU POINT DE VUE DU TOURISME 3vi'î
mari inconsolable ne peut songer à la lutte contre
un homme influent. Il soufl're sans se résigner,
impuissant, et pour mettre le comble à sa souf-
france, il apprend que sa femme s'est suicidée.
C'est alors qu'intervient 1 homme courageux
créé par la fée. Celui-ci va trouver le jeune homme
et lui dit :
— \ ous êtes un homme et non un enfant. On tue
votre père, on pousse votre femme au suicide et
vous ne vous révoltez pas ! Vous acceptez cela !
Vous préférez la vie pour vous-même aux ennuis
de la lutte. Vous vivez comme un simple animal
sans raison. Moi, à votre place — et je vous parle
sans colère, mais par dévouement et sentiment —
je tuerais mon adversaire. Si vous n'êtes pas
capable de cet acte, alors tuez-vous. iN'est-ce pas le
moyen daller retrouver dans l'autre monde votre
père et votre épouse ?
— Pour lutter , répond à travers ses larmes le j eune
lettré, je suis bien faible et j hésite à me tuer parce
que j'ai un enfant en bas âge sur la vie duquel je
voudrais veiller.
— La lâcheté habite votre cœur, conclut 1 homme
courageux, qui sait la valeur de ses muscles, con-
naît les fmesses de l'escrime et peut lancer sans
3l\ NOTRE FRANCE D EXTRÊME-ORIENT
erreur les poignards à cinq ou six mètres dans le
but choisi.
La nuit vient et durant cette nuit le mandarin
est assassiné à coups de poignard dans son lit. En
apprenant ce nouvel événement, le jeune lettré,
craignant d'être soupçonné par la justice, prend la
fuite et gagne la forêt avec son enfant. Mais les
autorités, certaines de sa culpabilité en constatant
son brusque départ, le font rechercher.
On le découvre, on larrête et son enfant est
abandonné dans la forêt.
L'instruction de TafTaire suit son cours ; elle est
longue. Cependant on reconnaît Tinnocence du
prisonnier. On lui rend la liberté et il va de nou-
veau s'installer dans la maison vide où il pleure et
son père, et sa femme et son enfant.
Une nuit, on frappe à la porte; il ouvre. Il
reconnaît son amie d'autrefois, celle qu'il a aban-
donnée sur Tordre de son père. Par la main elle
conduit un enfant. C'est son fils, sain et sauf! Il
ne peut cacher sa joie. Il pose mille questions
hâtives à celle qui est la bienfaitrice de son foyer
tant éprouvé.
Mais l'amie de jadis ne veut répondre à aucune
des questions.
l'indo-ciitne au point de vue du tourisme ■^■2'>
— Vos mallicurs n'existent plus, dit-elle.
Aujourd'hui, que vous voilà seul, sans père, sans
femme, voulez-vous m'acccpler comme épouse ?
Je m'elTorccrai d'être ulilc dans la maison et je
veillerai à tout, tandis que courageux et tenace,
vous compléterez votre instruction...
Les histoires de sorcellerie jouent naturellement
un rôle prépondérant dans cette littérature. On
Ta vu déjà dans le récit précédent, en voici un
autre exemple, c'est la traduction d'un conte cam-
bodgien, qui peut-être est inédit.
Près d'un village, une forêt était habitée par de
mauvais esprits dont tous les habitants redou-
taient la puissance et où nul n'osait aller seul.
Survint un jeune homme qui n'avait pas peur des
esprits. On était à la saison du dessèchement du
riz et dans toutes les maisons on pilait du riz
frais. Le jeune homme entendit ce que l'on racon-
tait des esprits de la forêt, et dit : « Si quelqu'un
veut me donner beaucoup de riz pilé pour entrer
seul dans la forêt du fantôme, je n'aurai pas peur
de lui. » On lui répondit : (c Si tu oses vraiment y
aller, nous te donnerons tous du riz pilé. »
La convention conclue, il pénétra dans la forêt
à 1 heure où les bœufs rentrent à Fétable. Le fan-
326 NOTRE FRANCE D^EXTRÉME-ORIENT
tome souleva une tempête, fit apparaître des chiens
et des chats qui poursuivaient le jeune homme,
mais celui-ci n'eut pas peur et cria : a Fais encore
davantage pour voir. »
Ayant épuisé sa science, le fantôme se trans-
forma en homme, et vint causer avec le jeune
homme et le mena dans un endroit de la forêt où
il y avait un mauvais esprit d'un grade supérieur.
Le simple fantôme lui fait son rapport, et Fes-
prit met en œuvre toute sa puissance, fait appa-
raître des tigres, des éléphants, des buffles, des
bœufs, des bêtes féroces de toutes espèces. Mais
de quelque manière qu'il s'y prît, le jeune
homme n'eut pas la moindre peur et dit seule-
ment de travailler à faire encore plus fort.
Quand Tofficier-fantôme eut tout fait ce qui
était en son pouvoir, il prit la forme humaine et
mena le jeune homme chez des esprits plus puis-
sants encore, des ministres-fantômes ; ceux-ci
firent apparaître des fleuves, des rivières, des
marais, d'immenses mers et cent autres choses,
mais le jeune homme n'eut pas la moindre peur.
Quand les esprits eurent épuisé leur science, ils
se transformèrent également en hommes et le
menèrent chez le roi.
I
L^INDO-CHINE AU POINT DE VUE DU TOURISME ^27
Là, il vit un palais tout garni de meubles,
mais oii il ne paraissait personne. Une fois dans
le palais, il fut environné de flammes de tous
côtés, mais n'avait toujours pas peur. Il criait
même qu'on fit encore plus pour qu'il s'amusât
à regarder.
Le roi alors cessa de l'épouvanter, il lui montra
sous forme humaine tous les esprits qui étaient
dans les palais, puis lui fît raconter son histoire.
Quand le jeune homme eut terminé, le roi lui
proposa de l'adopter et lui ayant fait ouvrir la
bouche il lui cracha trois fois dedans. Puis il
lui permit de s'en retourner. Il avait dès lors le
pouvoir de voir les fantômes.
Il revint au village et réclama l'obole qu'il
avait gagnée. Pour vivre, il se fit médecin.
Lorsque quelqu'un était malade, il allait auprès de
lui et ordonnait aux esprits de cesser de le tour-
menter. Les esprits n'osaient lui résister et il
devint le plus grand médecin du pays.
Les farces, les histoires comiques de voleur
volé obtiennent, surtout au théâtre, ordinairement
un gros succès.
Deux fripons se rencontrent et ont l'intention
de se duper mutuellement. L'un n'a que le four-
3-28 NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
reau et la poignée d'un sabre, l'autre n'a qu'une
clochette à bulïle, sans buffle, bien entendu.
Après les compliments d'usage, ils se proposent
d'échanger le sabre contre le buffle et tombent
d'accord. Sous prétexte qu'il a peur de voir la
lame du sabre, le vendeur du sabre prie son ache-
teur de ne pas sortir cette lame avant d'être bien
loin de lui, et sous prétexte qu'il a peur du buffle,
le vendeur du buffle fait de même vis-à-vis de son
acheteur. Chacun y consent, pensant à part soi
filouter son acheteur. Le marché réalisé, les deux
filous s'aperçoivent qu'ils se sont dupés récipro-
quement et retournent chacun chez eux tout
penauds.
J'ai également noté le scénario suivant d'une
farce qui est jouée très souvent dans les théâtres
ambulants.
Un homme d'un caractère faible est dominé par
sa femme, volontaire et acariâtre. Il est malheu-
reux, battu souvent et peu satisfait des coups
qu'il reçoit. Un jour, sa femme l'envoie au marché
vendre un cochon. Il rencontre un boucher, et
une conversation s'engage.
— Ta femme te bat-elle toujours?
— Oui.
l'indo-chine au point de vue du tourisme 3-29
— Pourquoi ne lui réponds-tu pas ?
— Elle est plus forte que moi.
— Veux-tu que je t'apprenne à boxer?
L'autre, qui entrevoit déjà le plaisir de la ven-
geance, consent à prendre une leçon et pour prix
des conseils qu'il reçoit, fait don du cochon à son
professeur.
Plein d'espoir à l'idée qu'il pourra désormais
défendre sa tranquillité, il revient chez lui.
— L'argent du cochon, demande l'épouse.
— Je n'ai pas d'argent.
— Pas d'argent 1 Que signifie cette ruse ?
— Laisse-moi tranquille! Ne crie pas. Je suis
le plus fort maintenant.
Une bataille s'engage et la femme a encore le
dessus comme jadis. Le malheureux mari, rossé
d'importance, crie comme un beau diable et les
voisins arrivent pour le défendre. Mais ils ont
affaire à forte partie ; la mégère les ligote tous et à
la grande joie du public, elle les oblige à tour de
rôle à faire l'un le singe, l'autre le cochon, un
autre le chien, sous peine de recevoir un châti-
ment immédiat.
Les farces sont courtes et les Annamites qui
sont très gais s'amusent beaucoup à les voir repré-
33o NOTRE FRANCE d'eXTRÊME-ORIENT
senler. Il est vrai qu'ils ne se divertissent pas
moins en assistant à des représentations de tragé-
dies, de drames qui parfois durent plusieurs
jours et qui sont joués dans un langage incom-
préhensible pour eux.
L'usage veut, en effet, que les tragédies soient
écrites dans une langue littéraire, très ancienne,
composée surtout de mots sonores, de cris guttu-
raux, ayant même souvent perdu toute signification
précise. Des Annamites bien plus cultivés avouent
même ne rien comprendre fréquemment aux
paroles des auteurs. La grosse caisse souligne
d'un coup sonore les passages particulièrement
remarquables et tout le monde applaudit et s'extasie
avec une joie enfantine et délirante.
Les spectateurs indigènes ne sont nullement dif-
ficiles. Les théâtres annamites sont des plus som-
maires et les décors réduits à leur plus simple
expression. Une natte étendue sur le parquet
signifie que la scène va se passer dans l'intérieur
du palais royal; l'acteur qui tient un fouet à la
main est un cavalier ; un carré de toile que l'on
agite en le tenant par les extrémités figure la proxi-
mité de la mer, et plus on l'agite, plus la tem-
pête qui sévit sur la mer est violente.
l'indo-chine au point de vue du tourisme 33 1
L'acteur indigène, extraoïdinairement grimé,
s'avance sur la scène et il lui suffit d'une excel-
lente mémoire pour y faire bonne figure. Il est
vrai que si sa mémoire vient à défaillir, il n^a qu'à
improviser ou à faire quelques pirouettes qui
égayeront le public. Celui-ci se soucie peu de
savoir si sa mimique forcenée a trait ou non à la
pièce représentée.
C'est un spectacle curieux que ces théâtres indi-
gènes et l'Européen qui assiste à quelques-unes de
ces représentations y jouit d'un coup d'oeil étrange
et vraiment pittoresque.
Tout est inédit et captivant dans cette merveil-
leuse colonie. Je l'ai dit au début de ce chapitre
et chacun est sûr d'y trouver des sensations nou-
velles et curieuses à chaque pas.
Grâce à l'extrême obligeance des fonctionnaires
de l'Administration et en particulier à l'éminent
Gouverneur général qui dirige actuellement les
destinées de l'Indo-Chine, nous avons pu pénétrer
en maints endroits et y glaner une ample et riche
collection de documents et de choses vues fort
remarquables. Ce volume en donne un résumé
très incomplet malheureusement. 11 serait à sou-
haiter cependant que les renseignements qui s'y
rii
NOTRE FRA^'CE D EXTREME-ORIENT
trouvent puissent donner à nos compatriotes le
désir de connaître de près ce beau pays. Au
moment où s'afRrme chaque jour davantage la
nécessité de donner une conscience coloniale à
notre pays, ce serait pour nous un plaisir très
doux d'avoir pu intéresser quelques Français à la
grande œuvre de civilisation qui se poursuit là-bas
sous le chaud mais merveilleux soleil des tropiques,
à Fombre de notre drapeau.
CHAPITRE XVI
LES ARMES CÉLESTES AU CAMBODGE
LE PREA-KHAN
Les populations cambodgiennes ont toujours eu
le culte du Merveilleux.
De génération en génération, les traditions, les
légendes, et aussi les objets d'origine soi-disant
surnaturelle se transmettent plus ou moins fidè-
lement. Je dis plus ou moins fidèlement, car, dans
leur zèle, les croyants ne dédaignent pas d'inventer
quelques fictions nouvelles, quelques détails inédits
pour augmenter, si possible, le mystérieux prestige
des légendes sacrées.
Il existe, en Indo-Chine, dans des sanctuaires
vénérés, plusieurs armes célestes ; mais la plus
prestigieuse est assurément le prea-khan, épée
donnée par le dieu Indra aux rois khmers.
Cette épée date de plusieurs siècles. Elle est
334 NOTRE FRANCE D EXTRÊME ORIENT
passée, dans 1 esprit des populations, au premier
rang des armes confiées aux mortels par les divi-
nités favorables.
Elle est déposée dans une salle spéciale du
Palais et repose sur des draperies et coussins d'un
grand luxe.
A côté du prea-khan reposent d'autres armes
d'origine également céleste, un fer de lance, des poi-
gnards malais, des arcs, des flèches ; mais tous ces
objets sacrés sont bien loin de posséder le tradi-
tionnel prestige du prea-khan.
Des croquis plus ou moins exacts avaient été faits
de cette épée ; mais ils ne possédaient pas un grand
parfum d'authenticité et d'exactitude.
En outre les profanes, qui avaient pu entrevoir
le prea-khan, connaissaient seulement le fourreau
de Farme.
Contempler la lame, sortant du fourreau, était
considéré jusqu'à ce jour comme faveur impos-
sible à obtenir des gardiens jaloux et fidèles de
larme divine.
J'ai cependant eu la bonne fortune — et je crois
en toute sincérité que je suis le seul — de pou-
voir photographier, hors de son fourreau, sans
que le fait prenne les proportions d'un trop gros
^H
■
Li: PHKV-KMVN
LES ARMES CELESTES AU CAMBODGE 3'35
sacrilège, la lame sacrée, confiée par la divinité
aux rois khmcrs triomplia leurs.
J'ai également photographié d'autres armes.
Je reproduis la photographie duprea-khan, cer-
tain qu'elle offrira quelque intérêt à ceux qui
aiment les légendes si profondément pittoresques
des sectateurs de Bramah et de Bouddha.
Mes photographies ne peuvent donner naturel-
lement les détails du décor de la poignée, à peu
près cylindrique, de Tépée céleste.
Ces détails, les voici, à peu près exacts :
Poignée or ciselé et émaillé. La perle s'associe
harmonieusement à Témail et à la ciselure. Au bas
de la poignée, le buste du divin donateur de
Tarme, le Dieu Indra.
Auprès de la divinité, Téléphant à trois têtes,
portant le dieu Syva. Une tour, au sommet de
laquelle Vichnou et ses quatre bras.
Des singes, des dragons, des plantes décoratives
complètent cette œuvre intéressante d'orfèvrerie
céleste. Le fourreau est en bois recouvert de soie.
Sur cette soie une feuille d'or avec des ornements
découpés dans le métal. Ce sont des singes grima-
çants coiffés de hautes couronnes pointues et vêtus
d'habits princiers.
336 NOTRE FR.\>'CE D EXTRÊME-ORIENT
Là aussi, Vichnou, toujours avec ses quatre bras.
Il repose sur Foiseau sacré Garuda qui écrase des
serpents dans ses serres.
Le fer de lance principal est une œuvre intéres-
sante.
Là encore, parmi les sujets d'or découpés, se
trouve Toiseau Garuda, posé sur le dragon Rahu,
celui-là même qui, parmi de nombreux privilèges,
possède celui de provoquer à son gré les éclipses
de soleil.
Quatre superbes têtes de dragons, au rictus mena-
çant, complètent ce décor pittoresque et charmant.
Cependant, je le répète, ce fer de lance, pas plus
que les arcs, les flèches d origine céleste, est bien
loin d inspirer la même vénération que le prea-
khan, dont je reproduis la photographie à Texclu-
sion de tout autre présent des divinités.
Le prea-khan a été l'objet de plusieurs guerres.
Dans diverses circonstances, notamment, au
siècle dernier, la révolution et les conflits avec les
puissances voisines, ont ravi aux Cambodgiens
Farme divine. Les Annamites, notamment. Font
possédée en 1820, en i84o ; mais toujours la
relique vénérée fut rendue aux souverains du
Cambodge.
LES ARMES CÉLESTES AU CAMBODGE 337
Si la lame du prea-khan était souillée pai' le
moindre soupçon de rouille, par une impureté
quelconque, ce serait le signal de grands malheurs.
Aussi Tarme est-elle Tobjet, plusieurs fois par
semaine, des soins les plus minutieux, de la plus
pieuse sollicitude. Tous les samedis elles mardis,
notamment, les prêtres chargés de ce soin
dégainent le prea-khan, en tournant toujours sa
poignée vers le Nord. Ils s'assurent que la rouille
n'a pas envahi Tacier de Tarme mystérieuse
confiée par la divinité aux souverains khmers et
dont les générations cambodgiennes sont si fières.
Avant de tirer le trait final, je voudrais expri-
mer ici ma reconnaissance envers ceux que ces
pages ont pu intéresser. Je n'ai voulu qu'ap-
porter une modeste pierre, mais très simplement,
et très sincèrement à Toeuvre coloniale. Et cette
pierre, j'ai voulu la poser au seuil du jardin
enchanté de Flndo-Chine où le soleil rayonne sur
des richesses incomparables, pour en faire un des
joyaux les plus précieux du collier glorieux de
notre belle France !
FIN
i
p'^
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1911-191-2.
'xy-
3>V
TABLES
1
i^^
TABLE DES GRAVURES
1. Joli t\pe de femme annamite Frontispice.
2. Bouddha 80
3. Pendant les fêtes du têt 84
4. Enfants cambodgiens 93
5. Elèves bonzes 99
6. Fête de la coupe des cheveux (Cambodge) 10 1
7. Une des dernières nattes (Décembre 191 1) 102
8. Femme cambodgienne 102
g. Restaurant en plein aih iji
10. Porteur d'eau chinois i32
1 1 . Danseuses du Palais (Cambodge) 292
12. Musiciens du Palais (Cambodge) 296
i3. Ang-kor Thom 307
14 • Escalier du vertige (Ang-kor Vat) 3o8
i5. Ang-kor Vat 3 10
16. Ang-kor Vat 3x2
17. Le Pnom 3x4
18. Le Prea-kh.vn 334
2,^1
TABLE DES MATIERES
Chapitre premier. — Historique I
Chapitre II. — Description géographique 2 3
I. Le relief 23
II. Les côtes 3o
III. Les cours d'eau 34
IV. Le climat 54
Chapitre III. — L'expansion khmer et annamite dans
la péninsule indo-chinoise 59
Ch.apitre IV. — Les Annamites 71
Chapitre V. — Les Cambodgiens 93
Chapitre VI. — Populations thaï, ohams et sauvages. io3
I. Les Thaïs io3
II. Chams et Malais iio
III. Populations dites sauvages 112
IV. Les Chinois i3o
Chapitre VII. — Produits d origine animale (Faune.
Chasse. Pêche. Elevage.) i35
I. Faune et chasse i35
II. Pêche 143
m. Elevage i53
Chapitre VIII. — Produits d' origine végétale (Flore.
Forêts. Cultures.) 109
I. Les forêts indo-chinoises i6o
II. Cultures alimentaires : le riz 173
348 TABLE DES MATIERES
Chapitre IX. — Produits d'origine minérale 2o3
I. Mines 2o3
II. Minerais 206
III. Carrières et salines 210
Chapitre X. — Moyens de communication 2i5
I. Relations maritimes et terrestres extérieures ... 2i5
II. Relations intérieures; routes, voies navigables, che-
mins de fer 224
Chapitre XI. — Industrie et mouvement commercial . 249
I. L'industrie alimentaire 25o
II. Filatures et tissages 254
III. Industries diverses 267
"^ IV. Mouvement commercial. Commerce extérieur . . 261
"^ V. Commerce intérieur 272
Chapitre XII. — L'unité indo-chinoise 277
"- I. L'unité indo-chinoise et le Gouvernement général . 277
II. Les budgets et l'organisation financière 283
Chapitre XIII. — Organisation des diverses colonies
de l'Union indo-chinoise 287
I. Cochinchlne 287
II. L'Annam. Le Tonkin. Le Cambodge. Le Laos. . . 291
Chapitre XIV. — Situation financière 299
Chapitre XV. — L'Indo-Chine au point de vue du tou-
risme 307
Chapitre XVI. — Les armes célestes au Cambodge. . 333
Bibliographie 339
ÉVKEUX. IMPRIMERIE CH. HÉRISSEY, PAITL HÉRISSEY, SUCC
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