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NOUVELLE
BIOGRAPHIE GÉNÉRALE
DEPUIS
LES TEMPS LES PLUS RECULÉS
JUSQU'A NOS JOURS.
TOME TRENTE-SIXIEME.
Monniotte. — Murr.
TYPOGRAPHIE CE H. FIRMIN DIDOT. — MESNIL (EURE).
NOUVELLE
BIOGRAPHIE GENERALE
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DEPUIS
LES TEMPS LES PLUS RECULÉS
JUSQU'A NOS JOURS,
AVEC LES RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
ET L'INDICATION DE» SOURCES A CONSULTER;
PUBLIÉE PAR
MM. FIRMIN DIDOT FRÈRES,
SOUS LA DIRECTION
DE M. LE Dr HOEFER.
lame 3rrntr=£itrtrmf.
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PARIS,
FÏRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET O", EDITEURS,
IMPRIMEURS-LIBRAIRES DE L'iNSTITUT DE FRANCE,
BUE JACOB, B6
M DCCC LXL
Les éditeurs se réservent le droit de traduction et de reproduction à l'étranger.
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NOUVELLE
BIOGRAPHIE
GÉNÉRALE
DEPUIS LES TEMPS LES PIDS BECDIÉS JUSQU'A NOS JOURS.
M
monxiotte (Jean- François), bénédictin
français, né à Besançon, en 1723, mort à Tigery,
près de Corbeil, le 29 avril 1797. Entré de bonne
heure dans la congrégation de Saint-Maur, il
enseigna à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés
la philosophie et les mathématiques. Après la
suppression de son ordre, il se retira dans le
village où il mourut. Il fut l'éditeur des Insti-
tutiones Philosophiae de François Rivard
(Paris, 1778 et 1780, 4 vol. in-12). C'est à tort
que Courbier et d'autres bibliographes ont avancé
que dom Monniotle devait être considéré comme
le véritable auteur de Y Art du Facteur d'Or-
gues, publié sous le nom de dom Bedos de Celles,
dans la Description des Arts et Métiers; 1769,
in-folio. Cette assertion n'est nullement fon-
dée. H. F.
Feller, Dict. biogr. -r Fétis , Dict. des Musiciens.
Jioxxix (***), peintre hollandais, né à Bois-
le-Duc,en 1606, mortdans la même ville, en 1686.
Il eut pour professeur Marc Gherards, et se
plut, comme lui, à représenter des intérieurs.
Monnix mit moins de licence que son maître dans
le choix de ses sujets, puisque, étant allé fort
jeune en Italie, le pape Urbain VIII le garda à sa
cour durant treize années. Revenu riche dans sa
patrie, Monnix y peignit peu. Sa manière est soi-
gnée, son dessin bon, son coloris sobre. Ses des-
sins, excellents , font regretter la rareté de ses
toiles , presque toutes dispersées dans les gale-
ries italiennes. A. de L.
nescamps , La Fie des Peintres hollandais, t. l,p. 309.
mosxot (Pierre- Etienne), sculpteur fran-
çais, né à Besançon, en 1660, mort à Rome, en
1730. Il montra de bonne heure un goût décidé
pour la sculpture. Il alla en Italie, et lit de si
rapides progrès qu'on lui confia, en 1690, l'exé-
cution du tombeau du pape Innocent XI, érigé
dans la basilique de Saint-Pierre. Le succès qu'il
obtint dans ce grand travail le mit en réputation,
et lui valut plusieurs commandes importantes,
NOUV. BIOGK. CÉNÉR. — T. XXXVf.
entre autres celle des statues de Saint Pierre et
de Saint Paul pour l'église de Saint-Jean de
Latran. Il était un des directeurs de- l'Académie
de Saint-Luc, à Rome. G. de F.
annuaire du Doubs, 1854.
monnot (Antoine), chirurgien français, né
en 1765, à Besançon, où il est mort, le 4 juillet
1820. Admis en 1788 au Collège de Chirurgie de
sa ville natale, il devint en 1789 démonstrateur
d'anatomie à l'université. La suppression de cet
établissement l'ayant laissé sans emploi , il fut
attaché par le général Wimpffen au service de
l'hôpital Saint-Jacques, puis à celui de l'hôpital
de Louhans. Rappelé à Besançon, il y professa
l'art des accouchements (1794), et fit partie depuis
1807 de l'École secondaire de Médecine. D'un
caractère généreux et bienfaisant, il soignait de
préférence les malades pauvres. « Ceux, disait-il,
qui peuvent payer les soins qu'on leur donne
n'en manqueront jamais. » Ses écrits sont ins-
tructifs, mais d'un style incorrect; nous citerons :
Description d'une nouvelle Machine pour
obtenir l'extension continuée dans les frac-
tures des extrémités inférieures; Besançon,
1791, in-8°; — Réflexions servant d'intro-
duction à l'étude de V Anatomie ; ibid., 1791,
in-8°; — Précis d' Anatomie à l'usage des
élèves de l'école de dessin de l'École cen-
trale; ibid., 1799, in-8"; — Observations sur
V Hydrophobie; ibid., 1799, in-8°. K.
Biogr. Méd. — Mahul, Annuaire nécrolog., 1820.
monnoye (La). Voy. La Monnoye.
mon noyer ( Jean- Baptiste), célèbre pein-
tre de fleurs et de fruits, né à Lille, en 1635,
mort à Londres, le 16 février 1699.11 vint jeune
à Paris, et s'y fit bientôt une très-grande répu-
tation; il fut chargé de nombreux tableaux pour
la décoration de Versailles et Trianon. Lord
Montagu l'emmena en Angleterre avec La Fosse
et Rousseau, peintre de perspective, pour orner le
palais magnifique qu'il se faisait construire. Lord
1
MONNOYER — MONOD
Carlisle, lord Burlington et d'autres personna-
ges anglais le chargèrent de nombreux travaux.
La reine Marie avait Monnoyer en grande estime,
et venait souvent, dans son atelier pour le voir
travailler. On peut encore aujourd'hui répéter le
jugement de Mariette sur Monnoyer : « C'est,
dit le célèbre amateur, c'est de tous les peintres
de fleurs celui qui les a su le mieux grouper
et qui les a peintes avec plus de goût. Il n'y a
pas mis le même fini que ceux d'entre les Fla-
mands qui les ont traitées, mais il les a rendues
avec une légèreté et une finesse qui n'ont été
connues que de lui seul. » Malheureusement
beaucoup de ses tableaux ont poussé au noir,
ce qui nuit à l'effet combiné par le peintre.
Poilly, Vauquier, Smith ont gravé environ cin-
quante pièces d'après Monnoyer, et il a gravé
lui-même d'après ses dessins « d'une pointe aima-
ble et spirituelle ». Ses estampes sont fort ap-
préciées des amateurs et recherchées des dessi-
nateurs de fabrique. Le musée du Louvre pos-
sède onze tableaux attribués à Monnoyer ; huit
de ces tablea'ix sont indubitablement du maître.
Monnoyer fut reçu provisoirement membre de
l'Académie en 1663 et définitivement le 3 octo-
bre 1665. Il eut deux fils; l'un, Antoine, peignit
aussi les fleurs, mais à un degré bien inférieur à
son père ; il fut néanmoins reçu de l'Académie
le 25 octobre 1704; l'autre, nommé Baptiste,
se retira en Italie , où il se rit religieux domini-
cain. Il peignait également e>t décora les écoles
de son couvent de tableaux représentant la vie
de saint Dominique ; il avait étudié sous la di-
rection de J.-B. Corneille le jeune. H. H — n.
Hulier et Rost, Manuel des Curieux. — Robert Du-
mesnil, Le Peintre nraveur français — M ariette, Abece-
dario, dans la Archives de l'Art français. — F. Vjllot,
Notice des Tableaux du Louvre.
moxod ( Pierre ), savant jésuite savoyard,
né à Bonneville, en 1586, mort le 31 mars 1644,
à Miolans. Fils d'un membre du sénat de Cham-
béry, il entra chez les Jésuites en 1603, ensei-
gna les belles-lettres et la philosophie dans di-
vers collèges de son ordre, et devint enfin recteur
de celui de Turin. Choisi pour confesseur de la
duchesse Christine , sœur du roi de France
LouisXUI, il exerça bientôt beaucoup d'influence
sur cette princesse, et obtint une grande part
dans la direction des affaires politiques. Envoyé
à Paris en 1636 pour réclamer en faveur de la
maison de Savoie les honneurs de la royauté,
il ne put s'entendre avec Richelieu; irrité de
voir ses demandes éludées, il se lia avec les en-
nemis du ministre, notamment avec le P. Catis-
sin, confesreur de Louis XIII , pour renverser
le cardinal. Celui-ci, devinant une partie de ces
intrigues, renvoya à Turin le P. Monod, qui
chercha dès lors à détourner Christine de
l'alliance française. Richelieu essaya de le des-
servir auprès de la duchesse; mais Monod sut
conserver sur elle toute son autorité, même après
que linirigue qu'il avait ourdie avec le P. Caus-
sin eut échoué. En 1640 le cardinal de La Va-
lette, sur l'ordre de Richelieu, le fit enlever sur
la route d'Ivrée à Villeneuve. Enfermé d'abord
à Pignerol et ensuite à Cunéo, Monod tfmiva
moyen de s'échapper; mais il fut repris et trans-
féré à Miolans, où il resta jusqu'à sa mort, mal-
gré l'entremise du pape : Christine, croyant que
l'appui de Richelieu lui était indispensable pour
la préserver des entreprises de ses beaux-frè-
res, n'osa pas demander la mise en liberté de
son confesseur. On a de Monod : Recherches
historiques sur les alliances de France eu
de Savoie; Lyon, 1621, in-4°; — Amedeus
paciftcus, seu de Eugenii IV et Amedei Sa-
baudiee ducis, in sua obedientia Felicis V
nuncupati, controversiis ; Turin, 1624, in-4° ;
Paris, 1626, in-8°; reproduit dans le tome XVQ
des Annales de Baronius ; — Apologie pour
la Maison de Savoie contre les scandaleuses
invectives de la Première et Seconde Savoy-
sienne ; Chambéry, 1631, in-4°; suivie d'une
Seconde Apologie, qui, traduite en italien par
l'auteur, parut à Turin, 1632, in-4°; — Tratiato
del titolo regio dovuto alla casa di Savoya,
con un ristretto délie revoluzioni del Reame
di Cipri e ragioni délia cnsa di Savoya so-
pra di esso ; Turin, 1633, infol.; cet ouvrage,
publié en même temps en latin, fut cause de la
brouille entre la Savoie et Venise; il fut attaqué
avec violence par Graswinckel; — Il Capri-
corno ossia l'Oroscopo d'Auguste Cesare ; Tu-
rin, 1633, in 8°; pseudonyme; — Extirpation
de l'Hérésie, ou déclaration des motifs que le
roi de France a d'abandonner la protection
de Genève ; la seconde partie est restée inédite,
ainsi que les ouvrages suivants, conservés en
manuscrit à la bibliothèque de l'université de
Turin: Annales ecclesiaslici et civiles Sabau-
diae ;— Vita B.MargaritxSabaudee,marchio-
nissae Montisferrati ; etc. O.
Rosotti, Scriptores Pedemontii, p. 470. — Richelieu,
Mémoires, t. X — Le Vassor, Hist. de Louis XIII. —
Botta, Hist. d'Italie.
monod ( Henri), publicisle et homme d'État
suisse, né en janvier 1753, à Morges, dans le can-
ton de Vaud, mort le 13 septembre 1833. Pen-
dant qu'il étudiait le droit à Tubingue, il se lia
intimement avec son compatriote Fr.-César de
Laharpe ( voy. ce nom ). Après avoir depuis
1775 rempli divers emplois dans l'administra-
tion publique, il contribua beaucoup en 1798 à
affranchir son pays de la domination tyrannique
de Berne. Nommé en 1802 préfet du canton de
Vaud, i! fit partie de la députation helvétique
envoyée à Paris pour négocier avec le premier
consul l'acte de médiation, qui régla pendant
onze ans la constitution de la Suisse. En 1803
il se démit de ses fonctions, et vécut pendant
plusieurs années au milieu de sa famille. Les
événements de la fin de l'empire l'engagèrent à
prendre de nouveau part aux affaires publiques;
sa capacité et son expérience furent d'une grande
utilité à ses compatriotes. Après avoir fait par-
,, MONOD — MONPOU
tiède la diète réunie en 1814 à Zurich, il fut
élu landamman de son canton. On a de lui:
Coup d'œil sur les principales bases à suivre
dans la législation de l'Helvétie d'après r,on
système social ; Lausanne, 1799, in-8° ; — Cor-
respondance entre le colonel Desporles et le
citoyen H. Monod; Berne, 1805, in-8°; suivie
d'Observations; — Mémoires ; Francfort et
Paris, 1805,2 vol. in-8°; — Le Censeur, ou
Lettres d'un patriote vaudois à ses conci-
toyens; Lausanne, 1808, in-8° ; anonyme; —
La Folie du jour, ou conversation entre quel-
ques membres du cercle des Gobe- Mouches;
anonyme ; — Lettres écrites de Lausanne à
M. le comte d'A... ; 1814, in-8°. O.
Archives Hist. — Biog. moderne des Contemvorains.
monod ( Gaspard- Joël), littérateur suisse,
né en 1717, à Genève, où il est mort, en 1783. Il
appartenait à l'église réformée. En 1759 il fut
envoyé à la Guadeloupe comme chapelain du
gouverneur, et rentra dans son pays lorsqu'à la
suite du traité de Paris les Anglais cessèrent
d'occuper cette colonie. On a de lui des traduc-
tions d'ouvrages anglais, notamment Le Monde,
ou suite du Spectateur, par Edw. Moore
(Leyde, 1757, 2 vol. in-12); Henriette Cour-
tenay ; de miss Lennox (Amst., 1758, 2 vol.
in-12); Lettres, mémoires et négociations de
Durlley Carleton, ambassadeur de Jac-
ques 1er (La Haye, 1759, 3 vol. in-12); et
Histoire de Grandisson (Leyde, 1759, 7 vol.
in-12). Ces traductions sont plus exactes qu'é-
légantes, P.
mono» ( Jean ), littérateur, fils du précé-
dent, né en 1765, à Genève, mort le 23 avril
1836, à Paris. D'abord pasteur à Copenhague,
il vint à Paris en 1808, y exerça les mêmes
fonctions et reçut en 1820 la croix d'Honneur.
Après 1830, il fut nommé président du consis-
toire de l'église réformée. On lui doit une tra-
duction des Lettres de F.- V. Reinhard sur
ses études et sa carrière de prédicateur
( Paris, 1816, in-8), des Sermons et les articles
qui concernent la Suisse dans la Biographie
universelle.
Son fils, Frédéric- Joël- Jean-Gérard Monod,
né le 17 mai 1794, àMonnaz (canton deVaud),
a été pasteur à Paris depuis 1819 jusqu'en 1849.
En 1824 il a pris la direction des Archives du
Christianisme, recueil religieux estimé. P.
Senebier, Hist. Littér. de Genève, III.
monperlier ( Jean- Antoine- Marie) , au-
teur dramatique français, né à Lyon, le 31 juin
1788, mort le 23 mars 1819, à Paris. Après avoir
étudié l'art du dessin, il fit paraître, en 1810,
un premier recueil de pièces fugitives, et la
même année il fit recevoir et représenter sa pre-
mière pièce au théâtre de Lyon. Le succès
qu'elle obtint le fit persévérer dans cette nou-
velle voie. Au commencement de la restaura-
tion, il vint à Paris, et travailla pour les théâ-
tres de la Gaîté et de la Porte Saint-Martin:
G
mais la faiblesse de sa complexion , et le la-
beur opiniâtre auquel il était obligé de se livrer
pour soutenir une nombreuse famille , abré-
gèrent ses jours, et il mourut à peine âgé de
trente et un ans. On a de lui s Le Cimetière,
suivi de La mort d'Oscar, d'un Voyage au
mont Cindre, poèmes; Lyon, 1811, iu-18 ; —
Poèmes et Poésies fugitives; Lyon, 1812,
in-18; et une vingtaine de mélodrames et de
vaudevilles dont on trouvera la liste dans La
France Littéraire. E. C.
Journal de Lyon, 30 mars 1819.
monpou (Hippolyle), compositeur français,
né à Paris, le 12 juin 1804, mort à Orléans, le
9 août 1841. Il entra d'abord, comme enfant de
chœur, à l'église Saint-Germain-l'Auverrois, et
suivit en même temps les cours de la maîtrise
de Notre Dame, sous la direction de Desvignes.
11 alla ensuite continuer ses éludes musicales
à l'Ecole royale et spéciale de Chant, que Cho-
ron venait de fonder, et fut nommé à l'âge de
seize ans organiste de la cathédrale de Tours, où
il resta pendant deux ans. Choron le rappela
alors à Paris pour lui confier les fonctions de
professeur d'accompagnement dans son institu-
tion. Successivement organiste de Saint-Thomas-
d'Aquin , de Saint-Nicolas-des-Champs , de la
Sorbonne, le jeune Hippolyte Monpou fit exé-
cuter dans ces églises plusieurs messes de sa
composition. Il n'étudiait guère à cette époque
que les maîtres de musique sacrée, Palestrina,
Clari, Carissimi, Haendel, et travaillait conscien-
cieusement à se mettre au niveau d'une tâche
pleine de grandeur et de sévérité. Tout à coup
la révolution de 1830 éclata. L'église, qui avait
adopté le jeune artiste et qui paraissait aussi se
charger de le faire vivre, ne lui offrait plus de
ressources. L'École de Choron , qui , en 1 824,
avait été transformée en Institution royale de
Musique classique et religieuse, avait été
fermée, et plusieurs artistes formés dans cette
école, entre autres MM. Duprez, Dietsch, Adrien
de La Faye , Nicon-Choron , Scudo , VVartel ,
Mme Stolz, avaient pris leur essor vers les di-
verses branches de l'art où ils allaient bientôt
se faire une réputation. Monpou se décida bra-
vement à abandonner la musique religieuse pour
la musique profane. Désespérant de la messe
et du psaume, il se jeta dans la romance,
et entreprit de se distinguer dans ce genre fri-
vole par un style sérieux et tendre, par une
coupe aventureuse, par des rhylhmes pi-
quants , heurtés et nouveaux. C'est ainsi qu'il
écrivit VAndalouse,Gastibelza, Les deux Ar-
chers, Les Résurrectionnistes , Le Voile
blanc, etc. Mais il fallait que ses romances fus-
sent chantées. Il trouva dans le monde des pa-
trons et des patronesses qui lui prêtèrent com-
plaisamment le secours de leur voix, et ne s'en
tint pas là. Quoiqu'il n'eût point de voix, il
chanta lui-même ses productions avec une verve
qui ajouta encore à leur originalité. Il alla plus
1.
MONPOU — MONRO
S
loin : il chanta sur le théâtre de l'Odéon dans
un ambigu musical qui terminait une représenta-
tion à bénéfice ; il chanta dans la salle Laffitte,
où il donna un concert entièrement composé de
ses œuvres, et qui offrait le plus étrange as-
semblage de morceaux délicieux et de morceaux
bizarres. II puisait ses inspirations dans les poé-
sies d'Alfred de Musset, de Victor Hugo, de Fré-
déric Soulié, auxquelles sa musique prêtait un
nouveau charme. Il avait mis en musique jus-
qu'à un chapitre des Paroles d'un Croyant de
l'abbé de La Mennais, jusqu'à la dernière scène
d' Othello de Shakspeare, littéralement traduite
par Alfred de Vigny. Plein de volonté et de per-
sévérance, Monpou voulait prouver qu'il était
capable d'écrire autre chose que des romances,
et forcer les barrières de la scène lyrique-
Le théâtre du Palais-Royal, nouvellement ou-
vert sous la direction de M. Dormeuil , offrait
aux jeunes compositeurs les moyens de se faire
connaître. Adolphe Adam, Flotow, Pilatti et
quelques autres travaillaient pour ce théâtre ,
où l'auteur de cet article retrouva Monpou en
1833. Monpou fut chargé par les spirituels au-
teurs de la pièce de Vert-Vert, MM. Deforges et
de Leuven, d'écrire pour une autre pièce inti-
tulée La Salamandre , plusieurs morceaux de
musique qui furent chaleureusement applaudis.
Peu de temps après, Frédéric Souliélui confia le
livret des Deux Reines, opéra comique en un
acte, qui fut représenté en 1835. Ce coup d'essai
du compositeur sur là scène de l'Opéra-Comique
fut un coup de maître ; l'air : Adieu mon beau
navire , devint bientôt populaire. Aux Deux
Reines succédèrent Le Luthier de Vienne, en
un acte, et Piquillo, en trois actes, paroles
d'Alexandre Dumas, représenté en 1837. Vin-
rent ensuite Perugina, en un acte, Le Planteur,
en deux actes, et La chaste Suzanne, en trois
actes, au théâtre de la Renaissance. Mais quoi-
que Monpou eût répandu dans toutes ces pro-
ductions une foule d'idées heureuses et qu'il y
ait fait preuve d'un talent réel, il ne retrouva
pas un succès égal à celui qu'avait obtenu son
premier opéra des Deux Reines. Il était en train
d'écrire la partition d'un nouvel ouvrage en trois
actes, La Reine Jeanne, lorsqu'il tomba grave-
ment malade, d'une inflammation de l'estomac
et des intestins. On dit que la crainte de n'avoir
pas terminé son travail dans le délai fixé entre
lui et le directeur de l'Opéi a-Comique contri-
bua beaucoup à aggraver cette affection , dont il
était atteint depuis longtemps. Il partit pour la
Touraine, comptant sur la salutaire influence
de ce doux climat. Arrivé à Orléans, il se sentit
hors d'état de continuer sa route, et se fit trans-
porter dans une maison de campagne des en-
virons, chez son ami Vanderburch. Bientôt
après il dut revenir à Orléans pour être plus à
portée des secoure de la médecine ; mais tous
les efforts de la science fun-nt impuissants, et il
succomba dans cette ville, à l'âge de trente-sept
ans. Sa femme, qui l'accompagnait, fit transporter
ses restes à Paris. Ses obsèques eurent lieu à
Saint-Roch, le 14 août 1841 ; on y exécuta une
messe dans laquelle M. Dietsch avait eu l'heu-
reuse idée de faire entrer un motet composé sur
des motifs des Deux Reines et de La chaste
Suzanne, et qui fut chanté par Duprez. La dé-
pouille mortelle d'Hippolyte Monpou fut déposée
au cimetière du Père Lachaise. Cet artiste, en-
levé trop tôt à son art, n'avait écrit qu'un acte de
son opéra de La Reine Jeanne ; il laissa aussi
en manuscrit plusieurs morceaux d'un autre
opéra en trois actes, Lambert Simnel. Ces deux
ouvrages, terminés par Adolphe Adam, ont plus
lard été représentés. D. Denne-Baron.
Revue et Gazette musicales de Paris. — Dict. de la
Conv. — Documents part.
monro ( Alexander), anatomiste anglais, né
en septembre 1697, à Londres, mort le 10 juillet
1767, à Edimbourg. Ses parents étaient origi-
naires du nord de l'Ecosse. Fils d'un chirurgien
militaire qui en quittant le service s'était fixé
à Edimbourg, il reçut dans cette ville une ins-
truction solide, suivit à Londres le cours d'ana-
tomie de Cheselden, et compléta ses études mé-
dicales à Paris, puis à Leyde, où son habileté et
ses talents précoces le recommandèrent à l'at-
tention de Boerhaave. De retour à Edimbourg,
il fut nommé démonstrateur d'anatomie aux
écoles de chirurgie (1719). Bientôt il ouvrit des
cours publics ; Alston imita son exemple, ainsi
que Sinclair, Rutherford , Innés et Plummer, et
en peu de temps l'université put offrir un com-
plet enseignement médical aux nombreux élèves
qui la fréquentaient. Ce plan d'éducation est dû
tout entier, dit-on, au père d'Alexandre Monro,
qui s'y associa avec enthousiasme. Ce fut sur-
tout par les efforts de ce dernier que s'éleva, au
moyen d'une souscription publique, l'hôpital
anneNé à l'école, et où il ne cessa jusqu'à sa
mort de donner des leçons. Il fut aussi le créa-
teur d'une société savante, d'abord composée
de médecins (1), et qui le chargea de publier ses
mémoires, puis organisée sur des bases plus
larges par le mathématicien Maclaurin. En 1759,
il résigna sa chaire d'anatomie à son fils, et mou-
rut d'un ulcère fongueux à la vessie et au rec-
tum, après cinq années de souffrances. Monro
eut la réputation méritée d'un des meilleurs
anatomistes de son temps ; il ne se distingua pas
moins dans la pratique de la chirurgie. Le pre-
mier il essaya la méthode de guérir l'hydrocèle
par des injections de vin et d'alcool, et il se
montra l'un des plus grands antagonistes de l'o-
pération du cancer au sein. Il menait une vie
fort occupée : outre ses fonctions scientifiques,
il en remplissait d'autres, d'un genre bien diffé-
rent, telles que celles de directeur de la banque
d'Ecosse., de juge de paix, de commissaire des
grandes routes, etc. Il était membre de la Société
(1| Quelques auteurs l'ont maladroitement confondue
avec la société royale d'Edimbourg.
g
MONRO
10
royale de Londres et membre honoraire de l'A-
cadémie de Chirurgie de Paris. On a de lui :
Osteology, or trealise on the anatomy of the
bones ; Edimbourg, 1726, in-8° ; huit éditions en
ont été faites pendant la vie de l'auteur, qui a
augmenté les dernières ; trad. en allemand (Leip-
zig, 1761, in-8°) et en français par Sue, ou
plutôt par Mme d'Arconville (Paris, 1759, 2 vol.
in-fol. fig.). Cette traduction ne comprend que
l'ostëologie. La portion qui traite du système
nerveux a aussi paru en latin, avec des notes par
Coopmans ( Franeker, 1751, 1754, in-8°), et en
français par Lebègue de Presle (Paris, 1767,
2 vol. in-12, avec le traité des Maladies ner-.
veuses deWhytt); — JEssay on comparative
Anatomy ; Londres, 1744, 1775, in-8° ; trad. en
allemand (1790) et en français (1786, in-12) ; —
Expostulalory Epistle to Dr Hunier; Edim-
bourg, 1762, in-8° -, — An Account of the Ino-
culation of small-poxin Scotland /Edimbourg,
1765, in-8°; trad. en 1766 en français et en al-
lemand : c'estwne réponse aux questions que la
Faculté de Paris lui avait adressées; il s'y montre
partisan déclaré de l'inoculation. On lui doit en-
core plusieurs dissertations dans les Médical
Essays and Observations by a Society atEdin-
burgh f Édimb., 1732 et ann. suiv., 6 vol. in-8°),
recueil édité par ses soins, et dans les Essays
physical and lilerary (2 vol.), qui en sont la
suite; quelques-unes ont été traduites. Les
œuvres de ce médecin ont été réunies par son fils
Alexandre (Londres, 1721, in-4°). P. L — y.
Donald Monro, Vie d'Alex. Monro, à la tête de ses
OEuvres. — A. Duncnn, Account of the Life and JVri-
tings of A. Monro; Édimb., 1781.
monro ( Alexander), dit le jeune, fils du pré-
cédent, né en 1732, à Edimbourg, où il est mort,
en 1817. Il succéda à son père dans la chaire
d'anatomie et de chirurgie, et l'occupa de 1759 à
1801. On a de lui : De Hydrope; Edimbourg,
1753, in-4°; — De Testibus et de Semine in
variis animalibus ; ibid., 1755, in-8<>; _ An
Essay on the Dropsy and Us différent species ;
Londres, 1756, 1765, in-12; trad. en français
par Savary (1760, in-8°), et en allemand (1762,
1777, in-8Q ) ; — De Venis lymphaticis valvu-
losis; Berlin, 1757, in-8°; — Analomical and
physiological Observations, wherein Huntefs
daim to some discoveries is examined;
Édimb., 1758, in-8°: une apologie de cet ouvrage
a paru dans la même année; — Miscroscopical
lnquiries into the rierves and brain; ibid.,
1780, in-fol. ; — Observations on the Structure
and Fonctions of the JServoxis System; ibid.,
17S3, gr. in-fol. fig.; — Structure and Physio-
logy ofFishes, explained and comparée wiih
those ofman and other animais ; ibid., 1785,
gr. in-fol. fig. ; — Description of ail the Bursee
mucosœ of the human body; Londres, 1788,
gr. in-fol. pi.; trad. en allemand par Rosen-
mùller (1799, in-fol.); — Experiments on the
Nervous System ivith opium andmetallic sub-
stances; Édimb., 1793, in-4"; — Trealiscs on
the Brain, the eye and the ear ; ibid., 1797
in-4°; — Observations on crural Hernia;
ibid., 1803, in-8°. Ce médecin a beaucoup con-
tribué à la connaissance du système nerveux cé-
rébro-spinal., p. l.
Rose , New Biograph. Dictionary.
MONRO (Donald), médecin, frère du pré-
cédent, né en 1729, mort le 9 juin 1802, à Edim-
bourg. Il alla s'établir à Londres, et devint en-
suite chirurgien des armées. On a de lui : An
account of the Diseases whîch were mosl fré-
quent in the British mililary hospitals in
Germany from 1761 to 1763; Londres, 1764,
in-8°, trad. en allemand ; — TrcatÀse on Mine-
rai Waters; Londres, 1770, 2 vol. in-8°; — Ob-
servations on the means of preserving the
health ofsoldiers ; Londres, 1762, 2 vol. in-8°;
trad. en français : La Médecine d'Armée (Pa-
ris, 1769, in-8°); —Treatise on Materia Me-
dica; Londres, 1788, 4 vol. in-8°. P. L.
Chalmers, General biogr. Dictionary .
monro (Alexander), médecin anglais, fils
d'Alexandre Monro le jeune, né vers 1775, à
Edimbourg. Reçu docteur en 1797, il enseigna
à Edimbourg l'anatomie et la chirurgie, et devint,
en 1827, président du Collège des Médecins.
Nous citerons de lui : The morbid Anatomy of
the human gullet, stomach and intestines;
Edimbourg, 1811, 1830, in-8° pi. , — Outlines
of the Anatomy of the human body in Us
sound and diseased state; ibid., 1813, 1816,
1825, 4 vol. in-8°pl. ; — Observations on the
Thoracic Duct ; ibid., 18 14,in-4°, avec un atlas de
pi.; — On the différent Kinds of Small-Pox ;
ibid., 1818, in-8°; — Hydrocephalus ; ibid.,
1827, in-8° pi.; — Anatomy of the Brain,
ivith some observations on ils functions;
ibid., 1831, 1832,in-8°. 11 a publié un ouvrage
posthume de son père, intitulé Essays and
heads of lectures on Anatomy, physiology,
pathology and practice; ibid., 1840, in-8°,pl.,
et qu'il a fait précéder d'une notice biogra-
phique. K.
Callisen , Medicin. SchriftstellerlexOcon.
monro (Alexander), théologien anglais, né
en 1648, dans le comté de Ross, mort en 1713,
à Edimbourg. Après avoir professé la philosophie
à l'université d'Aberdeen, il fut principal de celle
d'Edimbourg (1686); et venait d'être nommé
évêque des Orcades (1688) lorsque son refus de
serment au roi Guillaume III lui fit perdre cette
dignité. Devenu prédicateur d'une congrégation
épiscopale, il écrivit quelques pamphlets, no-
tamment des Recherches sur les nouvelles Opi-
nions. K.
monro (John), médecin anglais, petit-fils
du précédent, né le 16 novembre 1715, à Green-
wich, mort le 27 décembre 1791, au village de
Hadley. Fils d'un médecin, il embrassa la même
carrière, étudia son art à Edimbourg et à Leyde,
et parcourut ensuite l'Allemagne et l'Italie.
11 MONRO — MONfiOK
Nommé docteur par l'université d'Oxford, il fut,
en 1751, adjoint à sou père pour les hôpitaux
de Bridewell et de Bethlem,etendevint,en 1752,
le médecin titulaire. Depuis cette époque il s'oc-
cupa exclusivement des maladies mentales. On
n'a de lui que des Remarks on Beattie's Trea-
tise on Madness (Londres, 1758, in-8°), où
l'on trouve des vues judicieuses. Horace et Shaks-
peare étaient ses auteurs favoris; il avait même
écrit sur ce dernier un grand nombre de notes
dont Steevens a tiré parti. K.
Chaluiers, General Biograph. Dictionary.
MQNJtoCQ (Michel- Charles- François), au-
teur religieux français, né le 15 septembre 1763,
à Trelly, prè% Coutances, mort le 17 septembre
1834, à Paris. Après avoir été curé en province,
il fut attaché à l'hôpital militaire du Val-de-Gràce,
dont il devint aumônier en chef. Il est auteur
d'une Bibliothèque des Pasteurs ( Paris, 1812,
4 vol. in-8° ) : recueil de prônes , d'homélies et
de discours sur les vérités fondamentales de la
religion et sur la morale. On lui doit encore :
Le Soldat chrétien; Paris, 1823, 1824, in-24;
— Instructions sur la Confession auricu-
laire; Paris, 1827, in-18. K.
Quérard, La France Littéraire.
monroe (James ), homme d'État américain,
cinquième président des États-Unis, né dans le
comté de Westmoreland (Virginie), le 2 avril
1759, mort à New-York, le 4 juillet 1831. Il ap-
partenait à une ancienne et honorable famille,
mais on sait peu de chose sur les premières an-
nées de sa jeunesse. Poussé par un ardent pa-
triotisme, il quitta à dix-sept ans le collège de
William-et-Mary, où il poursuivait ses études ,
pour s'enrôler dans l'armée. La déclaration d'in-
dépendance venait d'être proclamée, et c'était
au moment critique où Washington se préparait
à défendre New-York contre les forces supé-
rieures des Anglais. Il partagea les souffrances
et les revers de l'armée américaine, se trouva
aux combats désastreux de Harlem Heights
et de White Plains; et àTrenton, il reçut une
blessure dont il porta toujours la marque. Après
son rétablissement, il fut promu au rang de ca-
pitaine, et en 1777 et 1778, lit un service actif
comme aide de camp de lord Stirling. Il se dis-
tingua aux combats de Brandy wine, de German-
town et de Monmoulh. Peu avant la lin de la
guerre, il fut nommé colonel, sur la recomman-
dation de Washington, et rentra en Virginie pour
étudier le droit et se préparer à la vie politique.
En 1782, Monroe fut élu membre du conseil lé-
gislatif, et y montra assez de tact pour se faire
envoyer l'année suivante un des délégués pour
représenter l'État au congrès continental. Il y
resta jusqu'en 1786. La loi interdisant une se-
conde élection, il se fixa à Fredericksburg pour
exercer comme avocat. Mais bientôt il fut élu à
la législature, et en 1788 choisi comme délégué
à la Convention d'État qui devait se prononcer
sur l'adoption de la constitution fédérale. Avant
12
cette consécration solennelle , il aurait voulu y
introduire quelques amendements. Les hommes
politiques les plus distingués étaient fort divisés
sur cette grave question. Monroe était dans l'op-
position avec Patrick Henry, G. Masonet autres.
La constitution fut enfin adoptée par un vote de
quatre-vingt-neuf voix contre soixante-dix-neuf.
Dès qu'elle fut en opération, il se présenta
comme candidat pour la chambre des représen-
tants, en opposition à Madison, et échoua. Mais
peu après, il fut nommé sénateur au congrès par
l'État de Virginie, et vint y siéger en 1790. Il
continua ces fonctions jusqu'en 1794, et il est à
remarquer qu'il agissait avec le parti anti-fédé-
raliste , en opposition à l'administration de Wa-
shington. Le gouvernement de la république fran-
çaise ayant demandé le rappel de Gouverneur-
Morris , ministre en France, qui était accusé de
penchants aristocratiques parce qu'il avait au-
tant de sagesse que de sagacité , Washington
nomma, par déférence pour le parti démocratique,
Monroe, son successeur. Il pensait qu'un ami
bien connu de la révolution française serait plus
capable qu'un autre de rétablir entre les deux
pays la confiance et les bons rapports qui avaient
été altérés par les événements et les préférences
supposées d'Hamilton pour l'Angleterre. Monroe
fut reçu en France avec beaucoup de faveur par
le gouvernement et le peuple. Mais, ayant suivi
une politique trop conciliante, il fut accusé aux
États-Unis de sacrifier les droits et les intérêts
de son propre pays, de ne pas se conformer aux
vues de neutralité maintenues par le président,
et en 1796 il fut rappelé. Le parti démocratique
le considéra comme ayant été sacrifié pour son
attachement aux principes d'une politique libé-
rale. Monroe lui-même publia un volume pour
justifier ses vues et sa conduite pendant sa mis-
sion en France, non sans quelque censure de
l'administration fédérale. Mais il n'avait aucun
sentiment d'hostilité contre Washington. Il
resta en bons termes avec lui, et plus tard s'as-
socia à ses concitoyens pour rendre hommage
au mérite et à la parfaite droiture de ce grand
homme. Peu après, il fut élu à la législature, et
en 1799 nommé par cette assemblée gouver-
neur de l'État de Virginie. Il occupa ces fonctions
trois ans, terme fixé par la constitution. Sous la
présidence de Jefferson, il fut envoyé comme
ministre extraordinaire en France, pour agir de
concert avec R. R. Livingston, qui était déjà à
Paris, au sujet de l'achat de La Nouvelle-Orléans,
ou d'un droit de dépôt sur le Mississipi pour
les États-Unis. Il réussit à accomplir l'achat et
la cession de la Louisiane entière. De là il passa
à Londres, où il était chargé de remplacer R.King,
qui avait donné sa démission. Mais bientôt il
fut appelé en Espagne pour seconder le minisire
Ch. Pinckney au sujet de négociations impor-
tantes. Dans le transfert de la Louisiane par
l'Espagne à la France, et par la France aux
États-Unis, les limites de la province n'avaient
13
MONKOK
14
pas été définies avec précision. L'Espagne se
prononçait énergiquement pour en réduire l'é-
tendue et rétablir ses droits sur une portion du
territoire. Les efforts de Monroe, joints à ceux
de Pinckney, restèrent sans résultat. La contro-
verse pour les droits réciproques resta ouverte.
11 retourna à Londres pour défendre les droits
des États-Unis, comme neutres, contre le système
d'usurpation de la Grande-Bretagne. Il y fut
joint par William Pinckney, envoyé récemment,
comme ministre, en Angleterre. Le ministère d'a-
lors avait, des tendances whig. Monroe, de con-
cert avec Pinckney, parvint à négocier, en 1807,
un traité qui, bien qu'il ne fût pas aussi favo-
rable qu'ils l'auraient désiré, leur paraissait, au
fond, très-avantageux pour les États-Unis. Le
président Jefferson, soit antipathie contre l'An-
gleterre , soit crainte de la portée de certaines
conditions que renfermait ce traité, ne le soumit
point au sénat, et le renvoya à Londres pour ré-
vision. Le cabinet britannique venait d'être
changé, et Canning, ministre des affaires étran-
gères, refusa de reprendre la négociation. La
mission de Monroe était terminée ; il revint en
Amérique. Pendant assez longtemps, il conserva
un vif mécontentement contre Jefferson , pour
avoir rejeté le traité sans consulter le sénat, et
pour avoir différé son relour à l'effet d'empêcher
sa concurrence avec Madison pour la présidence.
Jefferson, dans sa correspondance avec Monroe,
expliqua ses motifs pour le rejet du traité, et
déclara son intention de rester parfaitement
neutre entre les deux amis qu'on désignait pour
lui succéder. La législature de Virginie décida
des prétentions respectives des deux candidats,
en se prononçant en faveur de Madison. Monroe
et ses amis se soumirent à cette décision. En
181.1, il fut élu de nouveau gouverneur de la
"Virginie, mais n'exerça que peu de temps; car
il fut choisi comme secrétaire d'État (affaires
étrangères) par le président Madison. Il occupa
ce poste jusqu'au terme de la présidence.
La guerre qui menaçait depuis longtemps avec
l'Angleterre éclata enfin. Après la prise de Wa-
shington et la démission du général Armstrong,
Monroe fut nommé an département vacant de la
guerre , tout en conservant ses fonctions de se-
crétaire d'État. Il montra comme ministre de la
guerre une remarquable énergie et hardiesse de
caractère. Il trouva le trésor épuisé, le crédit
public presque anéanti, tandis que l'ennemi,
délivré de la guerre contre la France, se dispo-
sait à tourner contre les États-Unis ses forces
enorgueillies par leurs récents triomphes. Son
premier devoir était de se préparer pour la nou-
velle campagne. Le congrès avait autorisé une
armée de soixante mille hommes. Monroe pro-
posa d'j ajouter une force régulière de quarante
mille hommes pour défendre les frontières et les
côtes de la mer, et de les tirer de la masse de
la population par la voie de la conscription.
Cette mesure hardie, imitée du système de Na-
poléon , et fort opposée au génie de la nation ,
était de nature à compromettre gravement sa
popularité et ses espérances à la prochaine pré-
sidence; mais il n'hésita point, et s'ouvrit à
quelques amis de son intention de retirer sa can-
didature. Heureusement la conclusion de la paix
rendit inutile cette augmentation de l'armée.
Vers la fin de 1814, La Nouvelle-Orléans était
sérieusement menacée par les Anglais avec une
flotte et une armée. Le crédit du gouvernement
était au plus bas pour se procurer l'argent néces-
saire à la défense. Monroe engagea son crédit
personnel comme auxiliaire de celui du gouver-
nement, et parvint à trouver les ressources dont
le besoin était urgent. La Nouvelle-Orléans fut
défendue avec succès, et l'entière délaite des
Anglais sous le général Packenham termina la
guerre d'une manière honorable pour les armes
américaines (janvier 1815). A la conclusion de
la paix, il eut à renouveler les relations étran-
gères qui avaient été en partie suspendues , et
à modifier la politique intérieure du pays pour
l'adapter aux grands changements qu'avait pro-
duits la pacification générale de l'Europe. Il fut
aidé dans ces devoirs laborieux par l'opinion
publique, et prêta un concours plein de zèle à
Madison pour établir le système de politique
intérieure qui fut adopté après la guerre, et qui
fut développé et agrandi après son élection à la
présidence. Depuis plusieurs années le parti dé-
mocratique l'avait désigné comme successeur de
Madison. Au printemps de 1816, les représen-
tants de ce parti au congrès le nommèrent par
un vote de soixante-cinq voix. Les électeurs
spéciaux se bornèrent à sanctionner ce choix.
Monroe fut inauguré président le 4 mars 1817.
On raconte que peu auparavant le général Jack-
son ( depuis lui-même président) lui recom-
manda de s'élever au-dessus des divisions de
parti et d'admettre dans son cabinet et la haute
administration les plus distingués des fédéra-
listes. Monroe n'osa pas suivre ce sage conseil.
Non-seulement les places du cabinet, mais toutes
celles qui dépendaient de son pouvoir conti-
nuèrent, comme sous ses prédécesseurs Jeffer-
son et Madison, à être données, presque unique-
ment, à ceux qui professaient ses opinions poli-
tiques. Sous d'autres rapports, la politique de
Monroe fut libérale et conciliante pour tous les
partis. Seulement il se montra constamment op-
posé, d'après la lettre de la constitution telle
qu'il l'entendait, aux vues de ceux qui voulaient
appliquer 1 argent du trésor fédéral aux amélio-
rations intérieures. 11 ne céda qu'en 1824 sur
ce point, lorsqu'il sanctionna un bill voté par
le congrès pour appliquer 30,000 dollars aux
études préparatoires de canaux et de routes,
qui seraient désignés par le président. Sous son
administration eut lieu la négociation du traité
qui assura la Floride aux États-Unis, cession
d'une grande importance. Ainsi, comme ministre
et puis comme président, il avait pris une part
15 MONROE
active aux deux acquisitions les plus considé-
rables du Sud, la Louisiane et la Floride ( 1803,
1821). Il fut réélu à la présidence avec plus
d'unanimité qu'aucun président depuis Washing-
ton : il obtint tous les votes des électeurs excepté
un seul. Sa seconde administration fut encore
plus calme que la première. Il s'était fait un
apaisement dans la violence des passions poli-
tiques. Le pays s'occupait, avec une ardente ac-
tivité, de développer ses ressources intérieures et
le commerce à l'étranger. Monroe finit sa car-
rière au service du gouvernement fédéral, le
3 mars 1825. Il se retira alors dans le comté
de London en Virginie, et y accepta l'office de
juge de paix. Il fut aussi nommé visiteur de
l'université de Virginie. Dans le cours de 1830,
il vint s'établir à New -York pour vivre avec son
gendre. Il y acheva sa vie, entouré de soins et
de sollicitude. On a remarqué que, comme deux
autres présidents, il mourut le 4 juillet, jour an-
niversaire de la déclaration d'indépendance.
Monroe n'avait point une intelligence et des ta-
lents supérieurs ; mais il avait, à un haut degré,
la prudence, la fermeté, un jugement sain, quoi-
que lent, et une persévérance infatigable. Il fut
un exemple remarquable de ce que peut accomplir
le travail, une application constante pour un but
donné. Sa physionomie était commune, ses ma-
nières douces et agréables, mais il y manquait ,
ainsi qu'à son langage, la distinction. Williams
dit « que bien qu'il eût reçu du trésor public, dans
lecours de sa vie, 360,000 dollars (1,800,000 fr.),
il se retira des fonctions publiques avec beau-
coup de dettes. » Soit imprudence , soit insuffi-
sance de traitement, Monroe était toujours à court
d'argent. Il sortit enfin de ces embarras au moyen
d'allocations votées par le congrès, motivées par
les avances qu'il avait faites durant la guerre. Un
héritage, provenant d'un oncle, ajouta à ce fonds,
et il laissa à ses deux filles une fortune conve-
nable quoique modeste. Il avait été enterré à
New-York. En 1859, d'après une décision delà
législature de Virginie, ses restes mortels ont été
transportés avec une certaine pompe à Richmond,
la principale ville de l'État. J. Chanut.
Edwin Williams, Statesman's Manual, with the Mes-
sages and Lives of Présidents, l. I. — National Ameri-
can Portraits, IIIe vol., 1836. — Hildreth, History of the
United- S laies, 3 vol. in-8°. — Lieber, Encyclopxdia Ame-
ricana. — Q. Adaras, Eulogy. — English Cyclopasdict
( Blography ).
monrose ( Claude-Louis-Séraphin Bar-
rizain, dit ), comédien français, né à Besançon,
le 6 décembre 1783, mort le 20 avril 1843, à
Montmartre, près Paris. Entraîné vers le théâtre
par un penchant irrésistible, il quitta fort jeune
sa ville natale, vint à Paris , et fut engagé au
théâtre des Jeunes-Artistes de la rue de Bondy,
où il débuta le 12 ventôse an vu ( 2 mars 1799 )
par le rôle de Montmort, dans V Enfant de l'A-
mour. Il s'y montra un des plus intelligents in-
terprètes de cette troupe, à laquelle on doit encore
les frères Lepeintre, Mue Déjazet, Firmin, etc. En
— MONS
16
1803 il se mita parcourir la province, où il recueillit
de nombreux témoignages de sympathie. De retour
à Paris, dans les premiers mois de 1815, il fit
ses débuts à la Comédie-Française parle rôle de
Mascarille, dans L'Etourdi (11 mai 1815). L'ac-
cueil flatteur qu'il reçut du public le fit admettre
au nombre des sociétaires, au commencement de
1816. Obligé, par les exigences des gentilshommes
de la chambre, de se soumettre à de nouveaux
débuts, il fut définitivement reçu sociétaire en
avril 1817. Des arrangements furent pris qui
laissèrent au nouvel élu une part, à peu près
équitable, dans la distribution des rôles. Il se
montra alors avec avantage dans l'ancien réper-
toire, et joua successivement les rôles de Crispin
des Folies Amoureuses; de Scapin dans Les
Fourberies ; de Mascarille dans L'Etourdi; de
Sganarelle dans Le Festin de pierre, etc. Mais
ce fut surtout dans le rôle de Figaro du Barbier
de Séville qu'il obtint un éclatant triomphe. II
était impossible de déployer plus de finesse , de
verve et de gaieté; aussi ces brillants résultats
lui valurent-ils d'heureuses créations, parmi les-
quelles nous devons citer les rôles de Trigoviile,
dans Orgueil et Vanité; de Germain, dans
L'heureuse Rencontre ; de Floridor, dans Les
Plaideurs sans procès; de Valentin, dans L'É-
cole des Vieillards ; de Després, dans Les trois
Quartiers; de Charançon, dans Les quatre
Ages ; de Dominique dans Le Possédé ; de
Therme, dans Une Aventure du chevalier de
Grammont. Vers la fin de sa vie, sa mémoire se
perdit, ses facultés se dérangèrent, et il mourut
dans la maison de santé du docteur Blanche.
Monrose était petit et maigre ; ses traits, quoi-
que peu avantageux , ne manquaient pas cepen-
dant d'expression et de vivacité; son geste était
hardi et rapide ; enfin il possédait toutes les qualités
nécessaires à son emploi , c'est-à-dire la ruse, la
souplesse, l'audace et un sang-froid impertur-
bable ; le seul reproche que l'on puisse peut-être
lui adresser, c'était de mettre un peu d'exagéra-
tion dans son jeu, et de se laisser parfois trop
entraîner par la verve et l'inspiration. Par un de
ces contrastes assez fréquents chez les comédiens
et les auteurs dramatiques , Monrose, qui sur la
scène déployait un entrain et une gaieté commu-
nicative, se montrait dans la vie privée d'un ca-
ractère triste et mélancolique. On doit du reste
attribuer cet état à une maladie de foie dont il était
atteint, et qui l'eût probablement enlevé plus tôt
aux nombreux admirateurs de son talent sans les
soins de son ami le docteur Louyer-Villermet.
E. Cleder.
Documents particuliers.
mons {Jean-Baptiste van), chimiste belge,
né à Bruxelles, le 11 novembre 1765, mort à
Louvain, le 6 septembre 1842.' Fils du receveur
du grand béguinage de sa ville natale, il fit ses
premières études dans un collège de la Campine,
puis entra comme élève dans une officine de
pharmacien. A l'âge de vingt ans, il publia un
17
Mom
18
Essai sur les principes de la Chimie anti-
phlogislique ; Bruxelles, 1785, in-8°, et deux
ans plus tard il subit avec distinction les épreu-
ves de la maîtrise en pharmacie. Dès le com-
mencement de l'insurrection brabançonne, il se
plaça dans les rangs du parti voncKiste, et peu
die temps après l'arrestation du général van der
Mersch, il fut lui-même emprisonnée Bruxelles,
sous l'inculpation de lèse-majesté ; mais il échappa
heureusement à ce premier danger. Les armées
françaises ayant, après la bataille de Jemmappe,
occupé la Belgique , van Mons fut élu représen-
tant du peuple ; mais, bien qu'âgé de vingt-sept
ans seulement, il resta pur des excès de cette
époque. En janvier 1795, il fut chargé par Bo-
berjot, envoyé du gouvernement français, de
faire des recherches sur les mines de la Belgi-
que ; l'année suivante, il devint associé de l'Ins-
titut national, et en 1797 professeur de chimie
et de physique expérimentale à l'École centrale
de Bruxelles. Il concourut à la même époque à la
rédaction des Annales de Chimie, publiées à
Paris, et leur fournit la traduction de nombreux
mémoires extraits des journaux anglais, italiens
et hollandais. En 1801, il commença à faire pa-
raître à Bruxelles son Journal de Chimie et de
Physique, recueil périodique qui n'eut que deux
ans d'existence. Pour se livrer plus entièrement
à ses études de prédilection, van Mons avait
renoncé à l'exercice de la pharmacie, et s'était
fait recevoir, en 1807, docteur en médecine delà
faculté de Paris. Après la création du royaume
des Pays-Bas, il fut nommé membre de l'Aca-
démie royale de Bruxelles, et en 1817 appelé à
la chaire de chimie et d'agronomie à l'université
de Louvain. Depuis son enfance il s'occupait
avec ardeur de la culture des arbres fruitiers :
ses procédés pour leur propagation se sont ré-
pandus jusqu'en Amérique , et la Belgique lui
doit les magnifiques pépinières qu'elle possède
aujourd'hui. L'université de Louvain ayant été
supprimée après la révolution de 1830, van Mons
fut nommé professeur à l'université de Gand ;
mais il n'accepta pas ce nouvel emploi, et fut
admis à la retraite avec le titre de professeur
émérite. Nous citerons de lui : Ceniura Com-
mentarii a Wicglebo nuper editi de Vaporis
in Aerem Conversione ; Bruxelles, an ix, in-4°;
— Théorie de la Combustion ; Bruxelles, an x
(1802), in-8°; — Principes d'Électricité ou
confirmation de la théorie électrique de Fran-
klin; Bruxelles, an xi (1803), in-8°; — Lettre
à Bucholz , sur la formation des métaux en
général, et en particulier de ceux de Davy,
ou essai de réforme générale de la théorie
chimique; Bruxelles, 1810, in-8°; — Principes
élémentaires de Chimie philosophique, avec
des applications générales de la doctrine des
proportions déterminées; Bruxelles, 1818,
in- 1 2 ; — ( avec Bory de Saint- Vincent et Drapiez ),
Annales générales des Sciences physiques;
Bruxelles, 1819-1821, 8 vol. in-8°; — Pharma-
copée usuelle, théorique et pratique; Lou-
vain, 1821-1822, 2 vol. in-8"; — Conspectus
Mixtionumchemicarum ; Louvain, 1827, in-12;
— Materiei medico-pharmaceuticx Compen-
dium ; Louvain, 1829, in-8° ; — Abrégé de
Chimie à Vusage des leçons; Louvain, 1831-
1835, 5 vol. in-12; — Arbres fruitiers, leur
culture en Belgique, et leur propagation par
la graine, ou pomologie belge, expérimentale
et raisonnée; Louvain, 1835-1836, 2 vol. in-12.
Il a traduit et annoté les Eléments de Philoso-
phie chimique de Davy; Paris, 1813-1816,
2 vol. in-8°. Il a publié comme éditeur : Phar-
macopœa medici praclici universalis, etc., de
Swediaur, avec notes et additions; Bruxelles,
1817, 3 vol. in-18. Enfin, on trouve des tra-
vaux de van Mons dans les Mémoires de l'Ins-
titut national : sciences mathématiques et
physiques, tom. 1er; dans le Magasin encyclo-
pédique, et dans les Mémoires et les Bulletins
de l'Académie royale de Belgique. La biblio-
thèque de ce corps savant possède de Mons plu-
sieurs manuscrits inédits. E. Regnard.
Quetelet, Notice historique sur Jeun-Baptiste van
Mons, dans l'annuaire de i Acad. roy. de Bruxelles,
1843, p. 177. — A. Poileau, Notice nécrologique et histo-
rique sur M. van Mons, dans les annales de la Société
d' Horticulture de Paris, XXI, 282. — Le Livre d'Or de
l'Ordre de Léopold, II, 356. — L'Horticulteur belge, II,
201.
mons {Louis- Augustin-Ferdinand van ),
général belge, fils du précédent, né à Bruxelles,
le 23 février 1796, mort à Liège, le 31 mars 1847.
Élève de l'école militaire de Saint-Cyr en 1812,
il entra en 1814 dans l'armée des Pays-Bas
comme sous-lieutenant d'artillerie, et parvint de
grade en grade à celui de général major auquel
il fut promu en 1845. Il a publié : Cours élé-
mentaire d'artillerie, à l'usage des jeunes
officiers, aspirants et sous-officiers du corps
d'artillerie belge; Bruxelles, 1833, in-12; —
Mémorial à l'usage de l'armée belge, ou pré-
cis sur les différentes branches de l'art mi-
litaire; Bruxelles, 1835-1836, 2 vol. gr. in-8° ;
— Manuel d'armement à l'usage des troupes
belges; Bruxelles, 1836, in-8° : adoptés pour
l'instruction des cadres de l'armée, ces ouvrages
ont eu plusieurs éditions. E. R.
Dictionnaire des Hommes de Lettres de la Belgique. —
Le Livre d'or de l'Ordre de Léopold, il, 221.
* mons ( Théodore van ), jurisconsulte belge,
frère du précédent, né à Bruxelles, le 31 mars
1801. Entré en 1830 dans la magistrature, il est
depuis 1836 conseiller à la cour d'appel de sa
ville natale, et depuis 1 853 président de la cour
militaire. Nous citerons de lui : Pasicrisio, ou
collection générale de la jurisprudence fran-
çaise et belge depuis 1791, classée par ordre
chronologique ; ouvrage formant trois séries, la
première de 1 1 vol. in-8° et la seconde de 30 vol.
in-8° ; la troisième série est en cours de publi-
cation ; — Table générale alphabétique de la
Jurisprudence belge, de 1814 à 1833; Bruxel-
les, 1835, in-8°. 11 a concouru à la rédaction de
19
MONS — MONSIGNORI
20
La Jurisprudence du dix-neuvième siècle,
journal fondé à Bruxelles en 1827. E. R.
Biographie générale des Belges. — Le Livre d'or de
l'Ordre de Léopold, I, 465. — Bibliogr. de la. Belgique.
monsalto (José Finestres y), juriscon-
sulte espagnol, né le 11 avril 1688, à Barcelone,
mort le 17 novembre 1770, à Montfalca de Mo-
senmeca, village de Catalogne. Après avoir été
reçu docteur à l'université de Cervera, il y en-
seigna le droit pendant plusieurs années. Son
profond savoir lui fit donner le surnom de Co-
varruvias catalan. Il s'occupa surtout d'éduca-
tion publique, visita les collèges et écoles de la
province, et y laissa de sages règlements qui
furent suivis pendant longtemps. Il ne se con-
tenta pas d'introduire à Barcelone les caractères
grecs; mais il contribua aux frais nécessaires
pour en doter les imprimeries. On a de lui :
Exercilationes academicee XII; Cervera,
1745, in-4°; — In Hermogeniani juriscon-
sulti juris epitomarum libres VI commen-
tarius ; ibid., 1757, 2 vol. in-4°: ouvrage estimé
et qui contient un abrégé historique des meil-
leurs juristes de Catalogne; — Sylloge Inscrip-
tionum Romanarum quse in principatu Ca-
talaunise vel exstant vel aliquando exstite-
runt, cum «o#i5; ibid., 1760, in-4°. P.
Camus, Biblioth. de Droit.
* moxsklet ( Charles ), littérateur français,
né à Nantes, le 30 mars 1825. Il fit ses études
dans sa ville natale et à Bordeaux. Après avoir
écrit des articles dans Le Courrier de la Gironde,
il vint à Paris en 1846, et fit paraître l'année
suivante, dans V Époque et dans La Patrie, deux
romans. Il donna des articles au Pays, au Na-
tional, à YAthœneum, à la Revue de Paris, au
Monde illustré, au Constitutionnel, etc.
On a encore de M. Monselet : Marie et Ferdi-
nand, poème ; Bordeaux, 1842, in-8° ; — Histoire
du Tribunal révolutionnaire ; 1850, in-18; —
Statues et Statuettes; 1851, in-18; — Rétif de
La Bretonne; 1853, in-12 : il a essayé, dans ce
livre, de réhabiliter cet auteur qui, comme on l'a
dit, « écrivait dans la boue » ; — Figurines pari-
siennes ; 1854, in-16; — Les Vignes du Sei-
gneur (poésies); 1855, in-16; — La Franc-
maçonnerie des Femmes, roman qui a paru dans
La Presse, en 1856, 6 vol. in-8°; — La Lor-
gnette littéraire, 1857, in-12 : c'est une revue
assez piquante des écrivains vivants ; — Les
Oubliés et les Délaissés; 1857, 2 vol. in-12;
portraits d'hummes du siècle dernier qui ont
d'abord paru dans Le Constitutionnel. G. i>e F.
Documents particuliers. — Prarond, De quelques Écri-
vains nouveaux; 1852.
moxsiau (Nicolas-André), peintre fran-
çais, né en 1754, à Paris, où il est mort, en juillet
1837. Il étudia la peinture chez Peyron, et fut
reçu comme agrégé à l'Académie royale de Pein-
ture, en 1787, après avoir exposé au salon de
cette année trois tableaux : Alexandre domp-
tant (e cheval Encéphale; la Mort de Phocion;
la Mort de Caton dytique. Ce peintre fécond
produisit un grand nombre de scènes histori-
ques, dont nous ne citerons que les principales :
Mort d'Agis, salon de 1789; — Zeuxis cher-
chant des modèles, 1198; — Socraleet Alci-
biade chez Aspasie, même salon; — Adonis
partant pour la chasse, 1800; — Trait su-
blime d'amour maternel (le lion de Florence),
1801 ; gravé par Cazeneuve; — Molière lisant
son Tartufe chez Ninon, 1802; gravé par An-
selme; — Mort de Raphaël ; — L'Éducation
de V Amour ; — Eponine et Sabinus : ces trois
tableaux furent exposés en 1804 ; un prix d'en-
couragement fut donné pour le dernier ; — As-
pasie s' instruisant avec les hommes les plus
célèbres d'Athènes, 1806; — Poussin recon-
duisant le cardinal de Massini, même salon!;
— Les Comices de Lyon, 1808; — Philoclèle
dansJ'ile de Lemnos ; — Trait de la valeur
d' Alexandre (à l'assaut de la ville des Oxydra-
ques); — L'Extase de sainte Thérèse : ces
trois tableaux furent exposés au salon de 1810;
— Prédication de saint Denis; 1814, est dans
l'église de Saint-Denis; — Couronnement de
Marie de Médicis ; 1814 : se trouve dans la
sacristie de 1'égl1 se de Saint-Denis; — Alexandre
et Diogène, 1819 ; est au château de Versailles ;
— Dévouement de Belzunce, évêque de Mar-
seille, pendant la peste de cette ville ; fait
partiedu musée duLouvre; — Sainte Cécile en-
tourée de chrétiens, 1819; — Fulvie décou-
vrant à Cicéron la conjuration de Caiïlina
1822; — Aria et Pœtus, 1824; — Etablis-
sement de l'Ordre de Saint-Bruno, à Paris,
1824; — Ajax et Ulysse se disputant les
armes d' Achille, 1827; — L' Éducation du duc
de Bourgogne, même salon; — Le Chagrin
monte en croupe et galoppe avec lui, 1833; —
Le bon Pasteur, même salon ; — des por-
traits , des dessins pour divers ouvrages de li-
brairie, entre autres pour les Œuvres de Delille.
Cetartiste, qui peignait avec une extrême facilité,
avait pris la couleur peu agréable de son maître ,
Peyron; son dessin n'avait pas, non plus, la
correction désirable ; mais ses compositions of-
fraient du mouvement et de la chaleur. G. de F.
Annuaire des Artistes français, 1836. — Livrets des
salons.
monsignori dit Bonsignori (Francesco),
peintre de l'école de Mantoue, né en 1455, à
Vérone, mort en 1519. 11 enlra jeune dans râte-
lier d'Andréa Mantegna à Mantoue, où il passa
une grande partie de sa vie, protégé et comblé
de bienfaits par le marquis François II de Gon-
zague. Il n'égala pas son maître pour la pureté
du dessin et la beauté des formes, mais il ap-
procha davantage du goût moderne, ayant des
contours plus pleins, des draperies plus larges,
et une plus grande douceur de touche. Il avait
peint sur toile pour l'église des Franciscains Saint
Louis et saint Bernardin soutenant le nom
de Jésus entouré d'une auréole; ce tableau,
21
MONSIGNORI — MONSIGNY
22
fini comme une miniature, est aujourd'hui à
Milan, dans le musée de Brera. Dans la fameuse
église de la Miidona délie Grazie, à cinq milles
de Mantoue, est un Saint Sébastien, qui passe
pour le chef-d'œuvre de ce maître (1). Il exécuta
dans le palais des Gonzague diverses peintures;
mais bien qu'il en ait été plusieurs fois prié par
son protecteur, il se refusa toujours à traiter
aucun sujet lascif. On voit plusieurs de ses ou-
vrages à Vérone, tels qu'une Madone à fresque
sur la façade de la maison Tafelli, et à Sainl-Na-
zaire-et-Saint-Celse, un tableau très-estimé, La
Madone entre saint Biaise et saint Sébastien.
Il paraît que , par humilité peut-être, il avait
changé lui-même son nom de Monsignori en celui
de Bonsignori, car à Saint-Bernardin de Vérone,
nous trouvons une Madone entourée de saints,
tableau signé : Francisais Bonsignarius ver.
p. mcccclxxxviu , et à Saint-Fermo-Maggiore
une autre Vierge, avec saint Christophe et
saint Jérôme, signée de même, mais datée de
1484.
Cet artiste excellait dans les portraits, et il fit
ceux de tous les membres de la famille de Gonza-
gue, et d'un grand nombre d'autres personnages
illustres de son temps. Il n'excella pas moins à
peindre les animaux, et l'on raconte que plu-
sieurs fois d'autres animaux y furent trompés.
Atteint de la maladie de la pierre, il était allé
chercher sa guérison aux eaux de Caldero;il
n'y trouva que la mort. Le marquis de Mantoue
fit rapporter son corps à Mantoue, où il fut en-
seveli honorablement par la confrérie de Saint-
François. C'est à tort qu'Orlandi fait Monsignori
frère du célèbre architecte frà Giocondo; Fran-
cesco n'eut d'autres frères que les deux religieux
peintres Chèrubino et Girolamo. E. B— n.
Vasari, f-'ite. — Orlandi, Abbeecdario. — Baldinucci,
NotUie. — Lanzi, Storia pittorica. — Ticozzi, Diziona-
(1) Rien n'est d'une vérité plus saisissante que l'ex-
pression de cette ligure; en la contemplant, on serait
porté à croire à la vérité de l'anecdote rapportée à ce
sujet par Vasari. « Le marquis de Mantoue étant allé,
selon sa coutume, regarder Monsignori travaillant à ce
tableau, lui dit : « Francesco, il faut prendre un beau
modèle pour ce saint. — J'ai, répondit Francesco, un
superbe portefaix que je lie avec des cordes afin d'obtenir
u.ne pose naturelle. — Cependant, répliqua le marquis,
ta, figure manque de vérité et de mouvement. Tous les
membres de ton saint devraient exprimer la douleur et
l'effroi qu'éprouve nécessairement un homme garrotté et
servant de but à des flèches ; mais si tu veux, je te mon-
trerai comment tu dois opérer. — J'accepte avec em-
pressemeBt, dit Francesco. — Eh bien , quand tu auras
solidement attaché ton modèle , avertis-mol , et je te
donnerai une leçon. ». Le lendemain, Francesco n'eut
pas plus tôt serré les liens de son portefaix, qu'il fit
appeler secrètement le marquis, dont il ignorait enrore
les intentions. Le marquis arriva bientôt ; il se précipita
avec fracas dans l'atelier, les yeux flamboyants de fureur,
et la main armée d'une arbalète qu'il dirigea en lui
criant à tue-léte : « Ah ! traître, tu es mort, je te tiens
donc enfin!» Epouvanté par ces terribles paroles, le
malheureux patient se livra aux efforts les plus déses-
pérés pour rompre les cordes qui le retenaient. La con-
traction de son visage et de tous ses membres exprimait
avec une vérité effrayante l'horreur de la mort. Alors
le marquis dit tranquillement a Francesco : « Le voilà
posé convenablement, le reste est ton affaire. »
rin. — G. Snslnl. Nuovo Prospttlo di Maidova. — Ben-
nassutl, Guida di fero/ia. — Catalogua du musée àe
Brera.
monsignori ( Frà Girolamo ) , peintre ita-
lien, frère du précédent, né à Vérone, en 1458,
mort en 1518. Comme son frère, frà Chèru-
bino, il eut pour maître son père Alberto, et de-
vint un peintre de talent. Il appartenait à l'ordre
des Dominicains, mais par humilité il ne voulut
jamais être que frère convers. Très simple de
mœurs, et tout à fait étranger aux choses de ce
monde, « il habitait, dit Vasari, une ferme de
son couvent, située au milieu de la campagne,
loin du bruit et du mouvement. Il employait l'ar-
gent qu'on lui envoyait à acheter des couleurs et
des objets de première nécessité, et mettait le
reste dans une boîte sans couvercle suspendue
au plafond de sa chambre, de sorte que chacun
pouvait y puiser. Afin d'éviter l'ennui de songer
chaque jour à sa nourriture, il faisait cuire le
lundi une chaudronnée de haricots pour toute la
semaine. » Étant allé à Milan vers 1498, il y fit de
La Cène de Léonard de Vinci une excellente
copie, la plus parfaite, au dire de Lanzi, qui ait été
exécutée d'après ce chef-d'œuvre; elle était pla-
cée dans la grande bibliothèque des bénédictins
de Polirone à Mantoue. Lors de la suppression
des couvents à la fin du siècle dernier, elle fut
vendue un louis à un Français et transportée à
Paris, où on en a perdu la trace. Frà Girolamo
a peint le même sujet à une abbaye de bénédic-
tins dans le Mantouan, et à Mantoue au cou-
vent de S. Domenico, pour lequel il avait com-
mencé une Passion que la mort ne lui per-
mit pas d'achever. A Mantoue , on voit de lui
dans la galerie de l'Académie des Beaux-Arts, un
Spasimo très-pathétique; et à Saint-Barnabe
une Madone à fresque, composition gracieuse ,
dans laquelle l'enfant Jésus est vraiment ra-
phaélesque. A Sainte-Anastasie de Vérone, on
lui attribue quelques fresques accompagnant le
mausolée de Cortesia Sarego. Une épidémie ayant
éclaté à Mantoue, frà Girolamo ne cessa de soi-
gner ses frères avec un dévouement, dont il fut
victime ; atteint par la contagion , il mourut à
soixante ans. E. B — «.
Vasari, Vite. — Orlandi, Abbecedario. — Lanzi, Storia
pittorica. — Ticozzi, Dizionario. — G. Snsani, Nuovo
Prm.pet.to di Mantova. — Dennassuti, Guida délia Città
di Verona.
monsigny ( Pierre-Alexandre de), compo-
siteur lyrique français, né le 17 octobre 1729,
à Fauquemberg, bourg de Picardie, près Saint-
Omer, et mort à Paris, le 14 janvier 1817.
Il était issu d'une ancienne famille noble et ori-
ginaire de Sardaigne. Ses ancêtres étaient venus
s'établir, au commencement du seizième siècle,
dans les Pays-Bas, où ils possédèrent pendant
longtemps des domaines considérables; mais
leur fortune, après s'être peu à peu amoindrie,
se trouvait presque entièrement dissipée lors
de la naissance de Monsigny. Son père, qui oc-
cupait un emploi à Saint-Omer, lui fit faire ses
23
MONSIGNY
24
humanités au collège des jésuites de cette ville.
Un des pères jésuites ayant remarqué le goût
passionné de l'enfant pour la musique , lui en-
seigna à jouer un peu du violon. On dit aussi
que le jeune Monsigny, après sa sortie du collège,
continua l'étude de cet instrument sous la direc-
tion du carillonneur de l'abbaye de Saint-Bertin.
Quelque faibles que fussent les notions musicales
qu'il avait reçues, elles suffirent pour faire
naître chez lui le sentiment de l'art dont il de-
vint une des gloires.
A l'âge de dix-huit ans, Monsigny perdit son
père, qui en mourant lui avait fait promettre
d'être l'appui et le soutien de sa mère, de sa
sœur et de ses quatre frères. Il dut renoncer à
la carrière militaire, qu'il avait eu l'intention
d'embrasser; et comme la province ne lui offrait
aucune ressource, il vint courageusement à Paris,
où il obtint un emploi dans la comptabilité du
clergé. Monsigny avait alors dix-neuf ans. Son
nom, son amabilité, ses manières distinguées ,
le firent accueillir avec bienveillance dans les
sociétés les plus brillantes de la capitale. Il eut
bientôt de nombreux et puissants amis, qui l'ai-
dèrent à placer ses frères (1), et son modeste
revenu fut alors presque entièrement consacré
à assurer une position convenable à sa mère et
à sa sœur.
Au milieu des occupations qu'exigeait son état,
Monsigny se sentait entraîné par un penchant
irrésistible vers la musique. Dès son arrivée à
Paris, il s'était empressé de se rendre à l'Opéra,
où Rameau brillait alors de tout l'éclat de sa
renommée. Mais les grands ouvrages qu'on y re-
présentait firent sur Monsigny une impression
bien différente de celle qu'il en attendait; il n'y
trouva que des effets étrangers à l'art plein de
charme qu'il rêvait. A quelque temps de là, en
1752, une troupe d'opéra bouffe, composée de
quelques chanteurs italiens , fut admise à faire
entendre sur la scène de l'Académie royale
de Musique la Serva Padvona, de Pergolèse,
et d'autres partitions d'intermède, dont les mé-
lodies gracieuses, élégantes, spirituelles, sou-
tenues par une instrumentation bien appropriée,
excitèrent l'admiration des gens de goût. Mon-
signy crut entrevoir la réalisation de ses rêves.
Il lui venait des idées musicales qu'il jetait" sur
le papier; mais les leçons du jésuite et du ca-
rillonneur de Saint-Bertin n'avaient pas été suf-
fisantes pour le mettre en position d'accomplir
le vague dessein qui semblait germer en lui. 11
prit pour maître de composition un contrebas-
siste de l'Opéra, nommé Gianotti , qui lui ensei-
gna les éléments de l'harmonie d'après les prin-
cipes de la basse fondamentale. Au bout de cinq
à six mois d'étude, Monsigny se trouva en état
d'écrire les accompagnements d'un air, et ne re-
cula pas devant l'idée de composer un petit
(1) Son frère cadet mourut capitaine au régiment de
Beauce, et chevalier de Saint-Louis. Ses trois1 autres
frères occupèrent diverses places dans les colcnies.
opéra. Secondé dans sa résolution par le plus
heureux instinct et par le goût que la nature lui
avait départi , il écrivit la partition des Aveux
indiscrets, pièce en un acte, dont il fit en-
tendre les principaux morceaux à ses amis;
ceux-ci le pressèrent de donner cet ouvrage à la
scène, et en 1759 Les Aveux indiscrets furent
représentés au théâtre de l'Opéra-Comique de la
foire Saint- Laurent (1). Malgré l'immense suc-
cès qu'obtint cet essai , Monsigny crut devoir à
sa position de ne point se nommer. L'année sui-
vante, il donna au même théâtre Le Maître en
Droit et Le Cadi dupé. La verve comique qui
brille dans ce dernier ouvrage fit dire au poëte
Sedaine, après avoir entendu le duo entre le
cadi et le teinturier: « Voilà mon homme 1 » et
bientôt il se lia de la plus vive amitié avec Mon-
signy, dont il devint le collaborateur. Le premier
résultat de leur association fut : On ne s'avise
jamais de tout. Cette pièce, représentée le
17 septembre 1761, eut un tel succès que la
Comédie-Italienne, qui déjà s'alarmait de la
vogue obtenue par l'Opéra-Comique, et dont les
pièces italiennes commençaient a attirer moins
de spectateurs, sollicita la clôture du théâtre
forain, et la réunion de son répertoire au sien;
elle l'obtint en 1763, mais elle eut soin d'incor-
porer dans sa troupe les meilleurs acteurs de l'an-
cien Opéra-Comique , parmi lesquels on remar-
quait Clairval et Laructte. Ce fut pour ces deux
théâtres réunis en un seul que Sedaine et Mon-
signy écrivirent Le Roi et le Fermier, opéra
comique en trois actes, qui fut représenté en
1762. Ce fut aussi dans cet ouvrage, où la ma-
nière du compositeur s'agrandit, que le talent de
Monsigny se révéla au public et peut-être à lui-
même, avec cette sensibilité exquise, cette
expression vraie des passions, ce pathétique du
cœur, que l'on retrouve plus tard à un degré si
éminent dans ses autres productions. Les deux
collaborateurs donnèrent ensuite, en 1764, Rose
et Colas, vrai chef-d'œuvre de grâce naïve.
Après les deux grands succès de Le Roi et le
Fermier et de Rose et Colas, Monsigny écrivit
Aline, reine de Golconde, en trois actes, qui
(1) A cette époque, il n'existait à Paris que trois théâ-
tres régulièrement établis : l'Académie royale de Mu-
sique, la Comédie-Française et la Comédie- Italienne, où
l'on représentait des pièces en italien, d'autres en fran-
çais et quelques pièces en vaudevilles. Mais à côté de
ces trois théâtres permanents et reconnus, il en existait
un d'un rang inférieur, qui donnait passagèrement des
représentations aux Foires Saint-Germain et Saint-Lau-
rent, et qui, sans cesse persécuté par les grands théâtres,
auxquels ils payait une redevance, étendit peu â peu son
genre, qui ne consistait d'abord qu'en parades et en vau-
devilles. L'attrait de la musique avait fait intercaler dans
les pièces des airs nouveaux , mais en trop petit nombre
pour constituer la comédie lyrique. Ce ne fut qu'en 1753
qu'on y représenta la comédie à arietles intitulée Les
Truqueurs , paroles de Vailé, musique de Dauvergne, qui
peut être considérée comme le premier opéra-comique
français. Duni vint ensuite, et enrichit cette scène de nou-
velles et charmantes productions. Philidor débuta la
même année que Monsigny, et également sur ce théâ-
tres, qui /ut le berceau du genre.
25
MONSIGNY
•26
fut représentée, en 17GB, à l'Académie royale
de Musique. Ce grand ouvrage y fut chaleureu-
sement applaudi , mais on voit que le composi-
teur est moins à son aise sur cette vaste scène.
Ce n'est plus le Monsigny de la Comédie-Ita-
lienne; là, il s'était montré réellement créateur :
à l'Opéra , malgré le charme de ses mélodies , il
n'est plus que le continuateur d'une école qui
n'avait pas ses sympathies et à laquelle il ne
croyait môme pas.
Jusque alors Monsigny avait gardé l'anonyme.
Cependant, son nom qu'on italianisait en l'appe-
lant Moncini, était à peu près connu du public.
On avait fini par savoir que le compositeur était
français. Monsigny, voyant le succès de ses ou-
vrages, chercha à s'affranchir d'occupations qui
ne lui permettaient pas de se livrer autant qu'il le
désirait à l'art qu'il idolâtrait. Il quitta en 1768
la place qu'il occupait dans le bureau des comptes
du clergé de France, et acheta la charge de
maître d'hôtel du duc d'Orléans. Les fonctions
de cette charge étaient sous beaucoup de rap-
ports assimilées à celles des gentilshommes de
la maison du prince. Leduc d'Orléans aimait les
arts et protégeait ceux qui les cultivaient. Mon-
signy, qu'il avait su distinguer, gagna sa con-
fiance et trouva le moyen, dans des fonctions qui
lui laissaient le plus honorable loisir, de rendre
d'importants services , en obtenant beaucoup de
grâces pour les autres , et en ne demandant ja-
mais rien pour lui. Déjà et avant son admission
chez le duc d'Orléans, Monsigny, pour lui com-
plaire, avait composé la musique d'une pièce en
trois actes1, de. Collé, intitulée L'Ile sonnante,
qui fut représentée sur le petit théâtre de so-
ciété de Villers-Cotterets. Cet ouvrage ne put
réussir, même devant un auditoire disposé à l'in-
dulgence. Le poëme était mauvais ; Sedaine eut
beau le remanier, la pièce n'en eut pas un meil-
leur sort à la Comédie-Italienne, où elle fut
jouée le 4 janvier 1768. Mais l'année suivante
Monsigny prit une éclatante revanche , en don-
nant sur ce théâtre Le Déserteur, drame en
trois actes, où le talent du musicien atteignit
sa plus haute portée. Un immense progrès s'é-
tait accompli dans la manière du compositeur
depuis ses premiers ouvrages. Le sentiment pa-
thétique, si remarquable dans Le Déserteur, n'y
exclut pas la forme musicale; on peut dire même
que sous ce dernier rapport plusieurs mor-
ceaux de cet opéra ne seraient pas mieux com-
binés si la musique en était écrite par nos maîtres
les plus célèbres; chez Monsigny l'instinct et le
sentiment avaient suppléé sans désavantage à la
science acquise. Il donna ensuite Le Faucon ,
en un acte (1771); La belle Arsène, en trois
actes (1773), Le Rendez-vous bien employé,
en un acte (1776) ; et Félix ou l'Enfant de la
Forêt, drame en trois actes, qui fut repré-
senté pour la première fois le 24 novembre
1777, et dans lequel se trouvent le délicieux
quintette : Finissez donc, monsieur le mili-
taire; l'air charmant : Qu'on se batte, qu'on
se déchire; et. un admirable trio, véritable mo-
dèle de sentiment. Félix fut le dernier ouvrage
de Monsigny. Cependant le compositeur était
dans toute la force du talent et de l'âge, puis-
qu'il n'avait pas alors plus de quarante-huit ans;
mais un de ses yeux était à peu près perdu par
une cataracte; l'autre était très-faible et ne pou-
vait être conservé que par un repos absolu.
Monsigny dut se résigner. Une fois, pourtant,
il fut sur le point de succomber à la tenta-
tion : Sedaine lui ayant lu le poëme^de Richard
Cœur de Lion , quïl venait de terminer, Mon-
signy ne put résister au désir de traiter un sujet
qui lui paraissait si favorable à la musique ; mais
les médecins lui interdirent de nouveau tout
travail sous peine de perdre complètement
la vue, et il rendit le manuscrit à Sedaine en
l'engageant à le confier à Grétry ; le conseil était
bon. Peu à peu l'état de sa vue s'améliora;
mais, soit qu'il craignît de la compromettre,
soit qu'il eût perdu l'habitude du travail , soit
enfin que, comme il le disait plus tard à M. Fé-
tis, il ne lui fût plus venu d'idées musicales de-
puis son dernier opéra de Félix, Monsigny re-
nonça, non sans regret, à la carrière qu'il avait
naguère parcourue avec tant d'éclat.
Monsigny n'avait songé à se marier qu'à près
de cinquante ans ; il avait épousé MIle de Ville-
magne, qui était plus jeune que lui de vingt ans,
et à la famille de laquelle il était déjà étroite-
ment uni par les liens de l'amitié (1). Il vivait
heureux au milieu de cette famille lorsque la
révolution éclata. Il perdit tout ce qu'il possé-
dait, ainsi que sa place dans la maison d'Or-
léans et une pension de 2,000 francs qu'il tenait
de Louis XV et que Louis XVI lui avait con-
tinuée. Il se retira alors dans une petite maison
du faubourg Saint-Martin qu'il quittait quel-
quefois pour aller à la Comédie-Ilalienne. Il
allait s'asseoir d'habitude au foyer, où il ren-
contrait d'anciens amis; bien rarement il en-
trait dans la salle, et semblait être devenu in-
différent à l'art qu'il avait tant aimé. Un soir
qu'il était à sa place accoutumée, une loge
étant restée entr'ouverte , quelques sons par-
vinrent à son oreille : « Mais c'est très-joli ce
que j'entends là , « s'écria-t il en s'adressant à
une personne qui se trouvait à ses côtés. » — « Je
le crois bien, répliqua son interlocuteur, on joue
en ce moment Rose et Colas. » Monsigny, dont on
ne donnait plus que très-rarement les ouvrages,
qui étaient passés de mode, avait même oublié
sa musique. Les comédiens sociétaires de l'O-
péra-Comique, connaissant, son état de gêne,
prirent une généreuse initiative, et lui firent, en
1798, une pension viagère de 2,400 francs
qu'ils lui offrirent délicatement en éehange de la
cession de ses droits d'auteur sur ses ouvrages.
(1) Il eut de ce mariage quatre enfants : un fils et une
fille, qui étaient les aînés, ont seuls survécu; les deux
plus jeunes moururent en bas âge.
27
MONSIGNY — MONSTIER
28
Peu de temps après, le gouvernement lui ren-
dit la pension de 2,000 francs que la révolu-
tion lui avait enlevée. Puis, en 1800, Sarrette
le fit nommer à l'une des places d'inspecteur
des études du Conservatoire, devenue vacante
par la mort de Piccini. Monsigny donna dans
cette circonstance une preuve de sa modestie
et de son désintéressement. Il s'agissait à cette
époque de former un corps de doctrines par la
publication de méthodes destinées à l'enseigne-
ment des diverses parties de l'art. Les inspec-
teurs se réunissaient souvent pour discuter
entre eux les questions théoriques. Après quel-
ques séances, Monsigny alla trouver Sarrette :
« Mais, mon ami, lui dit-il, pourquoi m'avez-vous
donc mis là? Il faut être plus' savant que je ne
le suis pour un pareil emploi qui serait bien mieux
occupé par un autre. » Et malgré les instances
de Sarrette, il se démit de ses fonctions, aux-
quelles était attaché un traitement de 6,000
francs. Quelques années plus tard , Napoléon,
assistant à une représentation du Déserteur
que l'on avait remis au théâtre, parut enchanté
de cette musique, qu'il entendait pour la pre-
mière fois. Le comte Daru, qui se trouvait à
son côté dans la loge impériale, s'intéressait
beaucoup à Monsigny, et profita de l'occasion
pour parler de lui : « Sire, dit-il à l'empereur,
l'auteur serait bien heureux s'il savait le plaisir
que sa musique a fait à Votre Majesté. — Com-
ment, est-ce que Monsigny existe encore ? —
Oui certainement , Sire. — Il doit être bien
âgé; quelle est sa position? — Il a été complète-
ment ruiné par la révolution , mais Votre Ma-
jesté a déjà daigné lui faire rendre une pension
de 2,000 francs qui lui avait été accordée par
Louis XV. — Ce n'est pas assez, répliqua l'em-
pereur, vous l'informerez demain que sa pen-
sion est portée à 6,000 francs. » A la mort de
Grétry, en 1813, Monsigny (ut appelé à lui suc-
céder à l'Institut. Lors de la Restauration, il
perdit sa pension de 6,000 francs ; mais le duc
d'Orléans lui en fit bientôt obtenir une de 3,000
francs, et en 1816 il fut décoré de la Légion
d'Honneur. Parvenu à une extrême vieillesse,
il ne jouit pas longtemps de ses honneurs, et s'é-
tfignit doucement le 14 janvier 1817, à l'âge
de quatre-vingt-huit ans. Ses obsèques furent
célébrées à l'église Saint Laurent , a quelques
pas du lieu même où l'on voyait encore les ves-
tiges du modeste théâtre forain sur lequel Mon-
signy, plus de cinquante ans auparavant, avait
préludé à ses succès. Outre les opéras que nous
avons cités, Monsigny en a laissé deux en manus-
crit; ces deux ouvrages, en un acte, ont pour
titre : Pagamin de Monègue et Philémon et
Baucis; ils avaient été composés vers 1770.
Dieudonné Denne-Bàron.
Choron et Fayolle, Dicl. hist. des musiciens, — Quatre-
mère de (^uincy, Notice sur Monsigny , lue à l'institut'
— Kétis, Biographie univ. des Musiciens — Notice
hist. sur Monsigny, par Ad. Adam, dans la Renne con-
temporaine. — P. Hédouin, Mosaïque; Paris, 18S6.
monson (sir William), marin anglais, né
en 1569, mort en février 1642, à Kinnersley
(comté de Surrey ). Il interrompit ses études à
Oxford pour s'embarquer, à l'rnsu de ses pa-
rents ; à dix-huit ans il commandait un bâti-
ment de la marine royale, et à vingt il prenait
part, avec le titre de vice-amiral, à l'expédition
des Açores dirigée par le comte de Cumberland.
En 1591, à la suite d'un sanglant combat, il
tomba au pouvoir des Espagnols, et fut conduit
en Portugal, où il resta deux ans prisonnier. Il
reprit néanmoins du service, seconda puissam-
ment le comte d'Essex lors de la prise de Ca-
dix ( 1594), et fut créé chevalier. Sous le règne
de Jacques Ier, il ne remplit d'autre charge que
celle d'amiral de la Marche ( narrow seas )
et, de 1604 à 1616, il eut plus d'une fois l'occa-
sion de réprimer les agressions des Hollandais.
Malgré ses loyaux services, il subit un court
emprisonnement à la Tour, disgrâce que lui
attirèrent ses plaintes sur le mauvais état de la
marine et l'incurie des ministres. Après s'être
prononcé contre les expéditions d'Alger, de Ca-
dix et de l'île de Rhé, dont l'issue 'fut égale-
ment malheureuse, il commanda en 16.35 la
Hotte destinée à combattre les Français et les
Hollandais. Ce fut dans sa retraite de Kinnersley
qu'il rédigea les Naval tracts, que Churchill a
publiés dans sa Collection qf voyages. K.
Campbell. Lives of the liritish. Admirais.
MONSTIER (Artur dv), hagiographe fran-
çais, né à Rouen, en 1607, mort en 1662. Il entra
chez les Récollets de la province de Saint-Denis.
Sa vie fut tout entière consacrée aux études his-
toriques. Son style est diffus, mais les renseigne-
ments qu'il donne sont exacts. On a de lui : plu-
sieurs Vies de saints et de bienheureux, insérées
dans les Flores Sancîorum de Ribadeneira; —
La Piété Jrançoise envers la sainte Vierge
Notre-Dame de Liasse ; Paris , 1637, in-8°;
réimprimée sous le titre de De la Dévotion des
François envers la Vierge, avec la Vie de
sainte Lucrèce, vierge et martyre; ibid.; —
De la Sainteté de la monarchie .française,
des rois très-chrétiens et des enfants de
France ; Paris, 1638, 9 livres, in-fol. et in-8°;
— Martyrologium franciscanum ; Paris ,
1638 et 1653, in-fol.; — Sacrum Gynseceum,
seu Martyrologium amplissimum ; Paris,
1657, in-fol. ; — Neustria Pia, seu De. omni-
bus et singulis Abbatiis et Prioratibus tolius
Normannix, etc. ; Rouen, 1663-1665, 3 vol.
in-fol Cet ouvrage est devenu fort rare. Il de-
vait former cinq volumes; l'auteur mourut lors-
que le troisième paraissait. Les deux premiers
tomes : Neustria Christiana , Irailent des pré-
lats normands; le troisième, Neustria Sancta,
des sainls de la Neustrie ; les deux derniers vo-
lumes sont restes manuscrits dais la bibliothèque
des Récollds de Rouen. A. L.
Le 1*. I.elonp: , Bibliothèque des Histoires de France,
t. 11. — W'dddlng, De Script, écries. — Le l'.Jean de Saint-
Antoine, Bibtioth. univ. Francise., t. 1, p. 143 et ssq.
29
MONSTRELEÏ
30
monstrelet ( Enguerrand de), chroni-
queur français du quinzième siècle, né vers 1390,
moitié 20 juillet 145:5. On possède peude détails
sur sa vie. Le nom de Monstrelet est celui d'un
village de Picardie, aujourd'hui Montrelet, situé
près de Doullens. Selon Carpentier, historien du
Cambrésis, cette terreauraiteu pour seigneur, dès
1125, un Enguerrand de Monstrelet; d'où serait
descendu le chroniqueur. M. Quicherat , d'a-
près une autorité qu'il ne désigne pas, le donne
comme « un bâtard de bonne maison, natif du
comté de Boulogne ». Monstrelet se déclare
lui-même issu de noble génération. M. Ravenel a
découvert et publié de nos jours des lettres de
rémission accordées en 1424 , par Henri VI ,
roi de France, et d'Angleterre, en faveur d'un
écuyer nommé Enguerrand de Monstrelet, ac-
cusé d'avoir détroussé, sur la grande route, des
marchands dans les environs d'Abbeville. Le
coupable , désigné dans ces lettres , était capi-
taine de Frencq et servait sous les ordres de
Jean de Luxembourg, comte de Saint-Paul. Ces
divers traits paraissent convenir parfaitement à
notre chroniqueur. En 1430, Monstrelet, tou-
jours attaché à Jean de Luxembourg, se trou-
vait à Compiègne, et remplissait vraisembla-
blement quelque office, comme celui de bailli,
demi-civil et demi-militaire. Revêtu de cette
qualité, il vit la Pucelle à Compiègne, lorsque
cette héroïne fut prise par les Bourguignons. En
racontant cet épisode , il atteste qu'il fut per-
sonnellement témoin de l'entrevue du duc de
Bourgogne avec l'illustre prisonnière. De 1436
à 1440, Monstrelet fut lieutenant du gavenier
de Cambray -ou percepteur de la gave, sorte
de redevance, que les églises de Flandre payaient
au comte, pour sa protection. Il exerça ensuite
la charge de prévôt de Cambray et prêta ser-
ment, comme tel, le 9 mars 1444. Le 12 mars
de l'année suivante, il réunit à cet emploi celui
de bailli de Walincourt. Il mourut à l'âge de
soixante-trois ans, et fut inhumé aux Cordeliers
de Cambray. De son mariage avec Jeanne de
Valbuon, il laissa une rille, Bonne de Monstrelet,
qui épousa Martin de Beaulaincourt, écuyer (1).
Dans son état le plus étendu, la Chronique de
Monstrelet ne se compose que de deux livres. Le
premier s'étend de l'an 1400, ou environ (terme
où s'arrête Froissart) , à l'an 1422. Le second
commence à cette dernière date, avec le règne
(1) Le portrait de Monstrelet a été gravé par M. de
Larmessin , d'après un original inconnu, mais qui parait
digne de conliance. On trouvera celte curieuse effigie
dans l'ouvrage Intitulé : Académie des Sciences et des
Arts, contenant les vies et les Élnues historiques des
hommes illustres qui ont excelle en ces professions de-
puis environ quatre siècles,... avec leurs pourlraits
tirez sur des orlyinanx au naturel, etc., par Isaac
Bullarl; Bruxelles, 168*. î vol. pet. In-fol.; t. I. p. 188. Il
existe uue réduction, plus récente, de celle gravure. I.e
manuscrit 8299,6, f° 1, contient aussi uue repré^enlalion d.
Monslielet. Cette figure a été recueillie connue portrait
par Gaignières ; Rois et Reines, 1461 1515 feuillets, 52 el
5» bis ). Mais l'original ( exécuté vers 1600 ) ne saurait
offrir aucune valeur iconographique.
de Charles Vil, et se continue jusqu'en 1444.
Ces deux livres seuls sont l'œuvre authentique
de Monstrelet. Le troisième livre , que présen-
tent beaucoup d'éditions, tant manuscrites qu'im-
primées, constitue une suite ou appendice, plus
ou moins développé, ajouté à l'auteur principal
parles libraires. Ce troisième livre (de 1444 à
1467) appartient à Mathieu de Coucy ou d'Es-
couchy, l'un des nombreux élèves ou continua-
teurs de Monstrelet.
Les principaux manuscrits de cet ouvrage
sont les suivants, qui tous se conservent à la bi-
bliothèque impériale de Paris : l°Ms. 8347, 5, 5,
Olim Colbert 3186; celui-ci est le plus ancien,
et paraît remonter à la première moitié du
quinzième siècle. 2° Ms. suppl. franc., n° 93;
écrit en 1459; chacun de ces deux textes ne
contient que le premier livre. 3° S345, 4° 8346,
qui renferment les deux livres. Les suivants
présentent les trois livres savoir : 5° Ms. 8299,
5, Colbert 19; écrit vers 1500. 6° Ms. 8299, 6,
Colbert 20; 7° La Vallière 32. Ce dernier fut
exécuté, en 1510, à Gènes, pour François de
Rochechouart , gouverneur de cette place au
nom de Louis XII. Il est orné de nombreuses
miniatures d'une grande beauté, mais qui, par
leur date tardive, forment avec le texte, autant
d'anachronismes (1). Indépendamment de ces
exemplaires, tous insuffisants et seuls connus en
France, nous en signalerons deux autres : 1° Ms.
de la bibliothèque de Leyde, provenant d'Isaac
Vossius; ce volume est orné de peintures sur
vélin des plus remarquables, exécutées dans les
Pays-Bas sous le règne de Philippe le Bon ; 2° Ms.
du BritishMuseum(iwy. Willem ain, Monuments
français inédits, 1839, in-fol., t. III, page 10).
La première édition impiimée de Monstrelet
est celle qu'a donnée sans date, en deux tirages,
Vérard, vers la fin du quinzième siècle. L'un et
l'autre tirage comprend les trois livres, de
1400 à 1467, en trois volumes in-folio, gothi-
que. On trouve au département des impri-
més de la Bibliothèque impériale de Paris
ua exemplaire sur vélin du deuxième tirage,
enrichi de 385 miniatures. Viennent ensuite :
l'édition de Jean Petit et Michel Lenoir, sans
date, 3 tomes petit in-folio golhique; l'ouvrage
est ici continué jusqu'en 1498, et celle de Re-
gnault, 3 vol. in-fol., 15 1 8, continué jusqu'en
1516. Une mention spéciale est due à celle de
Denis Sauvage; Paris, 1572, 3 vol. in-fol.; re-
produite par Métayer, 1595, 3 vol. in-fol. M. Da-
cier, avaut la révolution française, avait pré-
paré une nouvelle édition de Monstrelet. Mais
cette œuvre est de celles que cet académicien
laissa inachevées. De nos jours, M. Buchon a
mis à contribution ces divers matériaux. On lui
doit plusieurs éditions récentes de ce chroni-
queur. La dernière est celle du Panthéon lit-
(1) Un spécimen de ces peintures se trouve au tom. III
( seizième siècle ), dans la Paleograp/ae universelle de
MM. Sylvestre et Champollion Mgeac.
31 MONSTRELET — MONTAGNA.
téraire, 1837 et années suivantes, 1 vol. grand
in-8°. Monstrelet a été également traduit et im-
primé en Angleterre par Jolines, éditeur de Frois-
sarl. Toutes ces impressions et notamment la der-
nière édition française, sans notes, sans table,
pleine d'erreurs et de lapsus, pour les noms
d'hommes, de lieux, etc., sont indignes de l'é-
tat actuel de la science et des justes exigences
de la critique. Guidée par ces motifs, la Société
de l'Histoire de France a récemment confié à
M. Douët d'Arcq le soin de donner un nouveau
texte de Monstrelet. Cet ouvrage, en cours de
publication depuis 1857, comprendra seulement
les deux livres authentiques, et formera sept vo-
lumes in-8°.
On reproche à la Chronique de Monstrelet
d'être un panégyrique de son seigneurie comte
de Saint-Paul. L'indépendance du caractère, dif-
ficile dans tous les temps, se rencontre rare-
ment parmi les chroniqueurs du quinzième siè-
cle , attachés presque tous à la personne d'un
patron et d'un maître. En dehors de ce qui
touche à Jean de Luxembourg, Monstrelet ma-
nifeste, en général, une équité de jugement qu'il
serait injuste de méconnaître, il supplée d'ail-
leurs à la justice de ses appréciations par une
abondance de notions et de témoignages, qui lui
tiennent lieu d'impartialité. Monstrelet succède
immédiatement , et sans faire trop pauvre
figure, à Froissait. Il est le père véritable et di-
rect de toute une école de chroniqueurs bour-
guignons du quinzième siècle. G. Chastelain,
Wavrin, Fenin, Saint-Remi, P. Cochon, Coucy
et beaucoup d'autres recueils, anonymes, ont été
imités, continués d'après Monstrelet, ou formés
de sa substance. A.V. — V.
La Chronique d'Enguerrand de Monstrelet en deux
livres avec pièces justificatives, 1400-1444, publiée pour
la Société de l/Jistoire de France par L. Douët d'Arcq,
tome !•', préface. — Qutcherat, Procès de la l'uceUe,
t. IV, p. 860. — J. Ch. Rrunet, Manuel du Libraire, etc.
montauioli ( Cassiodoro ), érudit italien,
né le 5 février 1698, à Modène, où il est mort,
en mai 1783. Il prit en 1717 l'habit de Saint-
Benoît dans la congrégation du Mont-Cassin, et
quitta en 1756 le couvent de Polirone pour aller
habiter une maison de son ordre à Modène. 11
professa la philosophie pendant plusieurs an-
nées et fut appelé à diverses fonctions monasti-
ques. Ses principaux ouvrages sont : Eserctzi
di celesti ajfetti, trattidal libre de' Salmi;
Home, 174'2 ; — Truttato pralico delta earità
cristiana in quanto è amor verso Dio; Bo-
logne, 1751, et Venise, 1761;— Enchiridio
evangelico; Modène, 1755; — Maniera facile
ai meditare cou frutto le massime cris-
ttane; Bologne, 1759,2 vol. in-12; — Santo
Mauro, abbate ; Bologne, 1766; — Detti,
Pratiche e Hkordi diS. Andréa Arellino; Ve-
nise, 1771 ; — Parabole del figliuol d) Dio;
Plaisance, 1772; — Il dïvino sermone nel
monte; Rome, 1779. P.
Ditionario Hassttnese.
32
montauna (Benedetlo), peintre de l'école
vénitienne, né à Vicence, mort vers 1435. Bien
qu'imitateur des Bellini, il paraît avoir été élève
d'Andréa Mantegna. Il peignit l'histoire et le por-
trait avec un égal succès, et travailla surtout pour
sa ville natale. A la Madonna-delMonte-Berico,
près Vicence, dans le réfectoire du couvent, était
le chef-d'œuvre de ce maître, une Adoration des
Mages signée Benedictus Montagna pinxit a '
di primo giuglio MCCCCXXV111. Ce chef-
d'œuvre a été mis en pièces en 1848 par les
Autrichiens, qui, à Vicence, comme dans tout
l'état Lombard-Vénilien, ont traité les objets
d'art avec une barbarie qu'on ne saurait assez
flétrir. Le musée de Brera à Milan possède une
Madone avec saint Pierre, saint Paul,
saint François et saint Antoine de Padoue,
tableau qui porte la même date que le précé-
dent. E. B— n.
iUdolfl, rite degli illustri Pittorl Veneti e délia Stato.
— Morelll, Notizia. — G.-B. Ilerti. Nuova Guida per k'i-
cenza. — Catalogue du Musée de Brera.
montagna ( Bartolommeo), peintre de l'é-
cole vénitienne, lils du précédent, né à Vicence,
existait encore en 1507. 11 eutpourmaître Andréa
Mautegna. Si dans ses ouvrages on peut être cho-
qué de l'emploi des dorures, dans tout le reste il
se montre l'égal des bons peintres de son temps.
Son dessin a de la correction ; ses nus sont vrais
et bien rendus; son coloris est riant, et ses
figures d'anges sont remplies de grâce. 11 en-
tendait bien l'architecture et la perspective,
comme en fait foi un tableau aujourd'hui au
musée de Milan : La Madone sur un trône ,
avec saint André, sainte Monique, saint Si-
gismond, sainte Ursule et trois anges jouant
des instruments. Ce tableau est signent daté de
1499. Lanzi lui donne de grands éloges, ainsi
qu'à un autre représentant La Madone et deux
saints, qui est à l'Académie des Beaux- Arts de
Venise. Les ouvrages de ce maître étaient très-
nombreux dans l'Etat de Venise, et bien que
plusieurs aient disparu à la fin du siècle dernier,
on peut encore en citer une assez grande quan-
tité. Ainsi, à Vicence, nous trouvons La Vierge
avec sainte Monique et la Madeleine proster-
nées devant l'enfant Jésus ; — la Présentation
de Jésus-Christ au temple ; — Saint Joseph
et d'autres saints adorant Jésus, fresque pres-
que détruite; — Madeleine, saint Jérôme,
sainte Monique et saint Martin, composition
pleine de noblesse ; — La Vierge avec saim
Barthélémy, saint Augustin et saint Sé-
bastien. Près de Vicence, à la Madonuawji-
Monte -Berico, une Piété est signée : Opiu
Bart/iolommei Montagna M CCCCC V avrile
A Vérone, il a peint à fresque dans une cha
pelle de l'église Saint Nazaire-et-Saint-Celse
quatre sujets, fort ruinés aujourd'hui, tiré
de la vie de saint Biaise. Padoue possède i
l'église du séminaire un des meilleurs ou
vrages de Montagna, La Vierge sur un Iran
33
MONTAGNA —
avtc saint Pierre, saint Paul, saint Jean-
Baptiste, sainte Catherine et deux anges. A
la Chartreuse «le Pavie est un tableau plein de
grâce, La Vierge et deux saints. Enfin au
Bnusée de Berlin, une antre Madone <lo Mon-
hgna porte la daté <ie 1500. E. B— n.
VtMrii I tt* — RlitolU, ) tte tleali illtistrt l'ittori
teiwti. — i.aml. — Ttooixi. — P. Paoolo, Xuora cuida
ilt Podor.i. iiennassuti, Gvtdu di f'erona. — G.-B.
IUtII, (.Miilil |vr > IMMI,
hom'au.w ( Benedetto), graveur italien,
parent des précédents, ne vers 1 -ï >"> S , àVicence,
mort en 1530, à Vérone. Il fut sinon relève, du
moins l'imitateur de Giovanni Bellini, et tra-
vailla presque toujours à Venise, où il se tit
surtout remarquer par le tableau qu'il tit pour
l'église île Sainte-Marie d'Artona. 11 avait atteint
l'âge tnûr lorsqu'il entreprit de graver ses prin-
cipales compositions; quoique ses travaux eu
M genre soient un peu durs, empâtés et rappel-
lent le style gothique, ils ont acquis un certain
prix aux yeux des amateurs. La plupart portent
ses initiales ou môme sa signature entière, />Y-
nedetto Montagna. Nous citerons Le Sacrifiée
d'Abraham; une Sainte Famille; L'Homme
assis près d'un palmier ; V Enlèvement d'Eu-
rope ; Apollon et Midas ; Les deux Musiciens,
La Vierge dans un paysage, etc. Cet artiste a
aussi gravé beaucoup d'estampes pour différents
ouvrages de son temps. P.
Ttcoizl, Dizionafio. — Huber et Rosi, Manuel des
Curieux, III, 49. — Bartseh, L» Peintre gravtur, Mil.
— Hrulllot. Met. des Monogrammes, II, u° S6S. — Re-
nouvler, Tvpts des MaUres graveurs.
montagnac ( Lucien- François-Joseph ,
baron de ) , officiel1 supérieur français , né le
17 mai 1803, à Pouru-aux-Bois, près Sedan, tué
le 22 septembre 1845, à SidiBrahim (Algérie).
Issu d'une ancienne famille militaire ( vou. Gain
se Montaio.nac ) , il entra en 1815 à l'Ecole de
Saint-Cyr, fut nommé sous- lieutenant d'infan-
terie en 1821, et prit part a la campagne de
1823 en Espagne. Sa courageuse conduite pen-
dant l'insurrection qui les 5 et 6 juin 1839 en-
sanglanta Paris, l'avait désigné pour la croix
d'Honneur; mais, au moment où il fut appelé
pour la recevoir des mains du roi, il la refusa,
en disant « qu'il n'avait pas encore, assez fait
pour la mériter ». Plus tard il donna une nou-
velle preuve de l'élévation de son caractère.
Cité, dans un ordre du jour, pour un acte de
courage qui appartenait à l'un de ses camara-
des, il protesta publiquement et reporta l'hon-
neur du fait sur celui à qui il était dû. Nommé
capitaine en 1836, il passa en Algérie, et se
distingua dans les expéditions de Teniah, d'O-
ran, de Medeah, deMilianahet de Constantine;
en 1840 il reçut la croix d'Honneur, et en 1842
il fut signalé quatre fois dans les ordres du
jour de l'armée. Élevé au grade de chef de
bataillon (18 juillet 1841), il fit, dans le combat
du 17 juin 1843, une chute malheureuse qui lui
brisa le bras près du poignet, et lui ôta pour tou-
jours l'usage de la main droite. Après avoir été
M0UV. BIOCK. CÉNITR. — T. XXXV).
MONTAGNANA 34
nomme lieutenant-colonel ( 10 mars 184» ), il fut
investi du commandement supérieur du camp
de Djemma-Ga/.aoual, petit port de la frontière
du Maroc. Appelé par de perfides indications à
protéger, contre une prétendue irruption d'Abd-
el-Kader, une tribu voisine, il quitta le camp,
pour n'y plus rentrer, dans la nuit du 2t sep-
tembre 1845, emmenant avec lui trois cent cin-
quante-cinq chasseurs à pied du 8'* bataillon,
soixante-cinq cavaliers du "'hussards, deux, sol-
dats du train et un interprète. Engagea dans un
piège, écrases par des forces supérieures, qu'ani-
mait la présence d'Abdel- Kader. plus de quatre
cents hommes succombèrent api es des prodiges de
valeur. Le colonel de Monlagnac, qui marchait
à la tète de l'avant-garde, tomba l'un des pre-
miers. « Je pleure cet officier, disait de lui le
duc de Nemours; il n'en était pas de plus brave
et de plus intelligent (1). » K.
/ r- Moniteur universel, septembre 1845. — Moniteur
de l'armée, 1845. — L'.Jrdennais, 16 octobre 1845.
MONTAUNAC. Voy. GAIN DE MoNTAIGNAC.
MON'i'AGNANA, famille de médecins italiens,
dont les plus connus sont :
Barlolommeo, ué vers 1400, à Montagnana,
petite ville dont il prit le nom, professa la mé-
decine à Bologne et à Padoue ; il ne parait pas
avoir vécu au delà de 1460. Il a écrit : Concilia
Medica, édita Padiuv anno 1436 ; s. I. n. d.
( Mantoue ou Padoue, vers 1475), in-fol. go-
thique à 2 col. ; une réimpression non moins
rare date de 1476 , on en connaît d'autres édi-
tions, faites à Venise (1497), à Lyon (1525), à
Francfort (1604) et à Nuremberg (1652); —
De Bal nets Patavinis ;de Composition et Dosi
Medicinarum ; Padoue, 1556.
Pietro , frère du précédent, est auteur d'un
traité De Urinarum Judiciis; Padoue, 1487,
in-4°.
Bartolommeo , fils ou neveu du chef de la
famille, mort le 1 1 mai 1525, à Venise , s'établit
en 1508 dans celte ville, après avoir pendant
longtemps occupé une chaire à l'université de
Padoue. On a de lui : Besponsa reparanilx
conservandieque sanitatis ; De Pestilentia, et
plusieurs autres opuscules.
(1) Des traits d'un courage héroïque ont signalé le dé-
sastre de Sun- Ki-.iiiiiu ( c'est le nom du marabout où les
Français s'étalent retranchés!. Après que les hommes
des deux compagnies formant le centre eurent été tous
tués, les quatre-vingts carabiniers survivants résistèrent
pendant deux jours, sans eau, s;ms vivres, à toutes
les attaques des Arabes. Ces malhenreni n'avalent entre
eux qu'une bouteille d'absinthe ; Ils furent forcés de boire
leur urine pour apaiser leur soif ; privés de munitions ils
coupèrent en quatre leurs dernières balles. Abd-el-Ka-
der, qui dirigeait lui-même cette attaque, adressa plu-
sieurs lettres, écrites en français, à ces braves pour leur
promettre la vie sauve s'ils consentaient à se rendre ;
ils refusèrent. Vers le soir du second Jmir, le capitaine
(ïéraux, seul oflicler qui n'eût pas élé tué, sortit avec
ses soldats du marabout pour se diriger sur Djemma-
Gazaouat. Parvenue, après des efforts prodigieux, à une
lieue environ du camp, cette petite troupe enta traverser
un ravin rempli de Kabyles, te fut. un nouveau massacre
auquel dix hommes seulement échappèrent.
35 MONTAGNANA
Barlolommeo, fils du précédent, auteur d'un
traité De Morbo Gallico, inséré par Luvigini
dans le recueil De Morbis Venereis.
Marco-Antonio , fils du précédent, mort -en
1572, professa de 1545 à 1570 la chirurgie et
l'anatomie à Padoue, et publia De Herpete,
Phagedscna, Gangrena, Sphacelo et cancro ;
Venise, 1559. in-4°.
Pietro, frère du précédent, mort trois mois
après lui, en 1572, lui succéda en 1570 dans la
chaire de chirurgie. Outre des Tables anatomi-
ques en couleur, on cite de lui un opuscule : De j
Vulneribus et Ulceribus.
Angelo, mort le 24 octobre 1678, enseigna
depuis 1637 la médecine à Padoue. C'est le der-
nier représentant de cette famille. P.
Papadopoli, Historia Gymnasii Patav., I. — Manget,
Biblioth. Scriptor. Medicormn. — Tirabosclii, Storia
délia Letter. Ital.
montagne ( Jacques de ), magistrat fran-
çais, né vers 1530, au Puy, mort à Montpellier.
Nommé en 1555 avocat général en la cour des
aides de Montpellier, il adopta les principes de
la réforme, et prit une part active aux troubles
qui en 1561 éclatèrent dans cette ville. En 1575
il devint président de la même cour, et en 1576
il reçut des lettres de noblesse. On a de lui :
Histoire delà Religion et de l'État de France
depuis la mort de Henri II jusqu'au com-
mencement des troubles de 1560 ; s. 1. (Genève),
1 565, in-8° ; c'est un fragment d'une volumineuse
Histoire (ras.) del 'Europe depuis Ibtâjusqu'en
1587, dont il ne reste plus qu'un livre, le XIVe,
conservé à la Bibliothèque impériale. P. L.
Haas; frères, La France Protestante.
* montagne ( Jean-François-Camille ) ,
botaniste français, né le 15 février 1784, à Vau-
doy ( Seine-et-Marne ). Fils d'un chirurgien, qui
lelaissa orphelin dès l'enfance, il parvint presque
sans maîtres, faute de moyens pour les payer, à
corriger tant bien que mal le défaut d'éducation
résultat des événements. A quatorze ans il
s'engagea dans la marine ; admis comme novice
timonier et dirigé sur Toulon, il fit partie de
l'expédition d'Egypte, et passa dans les bureaux
de l'administration. En 1802 il revint en France
avec l'armée qui avait capitulé à Alexandrie, et
se livra avec ardeur à l'étude de la médecine.
Nommé chirurgien (1804), puis attaché à l'hôpi-
tal militaire de Boulogne-sur-Mer, il fut envoyé
en 1806 à l'armée de Naples, et obtint en 1808 le
grade de chirurgien major dans un régiment de la
garde royale. Chargé en 1814 du service chirur-
gical de la garde royale de Murât, il fut désigné
en 1815 pour prendre, avec le titre de chirurgien
en chef, la direction du service de santé de l'armée
de ce roi. A la suite d'une campagne désastreuse,
les Français, malgré l'engagement pris par les
Autrichiens de respecter leur liberté, furent tous
faits prisonniers de guerre et emmenés au fond
de la Hongrie, dans la forteresse d'Arad. En 1816
il leur fut permis de rentrer dans leur patrie. Après
- MONTAGNE 3g
avoir exercé la médecine à Paris, M. Montagne fut
rappelé au service en qualité de chirurgien ma-
jor (1819); il prit part à la campagne d'Espagne,
et sa conduite pendant le siège de Pampelune
lui valut la croix d'Honneur. En 1830 il fut mis
à la tête de l'hôpital militaire de Sedan. Deux
ans plus tard, il obtint sa retraite, et. s'établit à
Paris. Depuis longtemps son goût le portait
vers l'étude des plantes. Pendant qu'il était au
service, il visita successivement la Lorraine, les
Vosges, l'Espagne, la Bretagne, les îles d'Hyères,
les environs de Lyon, les Pyrénées et les Ardennes,
et y put moissonner d'amples récoltes de plantes
nouvelles ou rares. Mais de retour a Paris , il
trouva les éludes cryptogamiques, auxquelles il
s'était particulièrement adonné, presque aban-
données en France, ou du moins négligées à ce
point que les voyageurs naturalistes étaient obli-
gés, pour faire dénommer et décrire les nom-
breuses espèces de végétaux cellulaires qu'ils rap-
portaient des pays lointains, de les adresser à
des savants de Suède, d'Allemagne ou d'An-
gleterre. C'est ce qui était arrivé à MM. Gaudi-
chaud et Auguste de Saint-Hilaire, tous deux
membres de l'Académie des Sciences. Soutenu
par l'ambition d'être utile, M. Montagne se dé-
voua à cette branche de la botanique, et lui con-
sacra dix heures par jour pendant vingt années ;
il introduisit, décrivit et figura en grande partie
près de deux mille espèces, et pour arrivera ce
résultat il entretint une correspondance des plus
actives avec les principaux botanistes de l'Eu-
rope et de l'Amérique. Ce travail opiniâtre trouva
enfin sa récompense : après avoir eu sept voix en
1837 comme candidat à l'Académie des Sciences,
il fut élu en 1852 à la presque unanimité, en
remplacement d'Achille Richard. Le 8 avril 1858
il reçut la croix d'officier de la Légion d'Honneur.
On a de M. Montagne : Notice sur les Plantes
cryptogames récemment découvertes en
France, insérée,de 1832 à 1837, dans \esArc/ii-
ves de Botanique ( Iet II ) et les Annales des
Sciences naturelles ( 2S série, I, V et VI ) ; —
Détermination des Champignons, dans le Voyage
aux Indes Orientales de Bélanger, en 1825-
1829; — Prodromus Florse Fernandcsiame,
sistens enumerationem plantarum cel/ula-
riumquasin insulaJuan Fernandez a Bertero
collectas describit, dans les Ann. des Se. nat.
( 2e série, lit et I V ) ; — Observations sur un
champignon entomochtone, ou histoire botani-
que de la muscardine, dans le Recueil des Sa-
vants étrangers ; — Huit Centuries de plantes
cellulaires exotiques nouvelles, dans les Ann.
des Se. nat. (1837-1858, t. VIII à XX, et 3e sé-
rie, t. IV et sniv., avec pi.); — Des organes
mâles du Targionia, même recueil 1838, IX);
— Cryptogames Brasilienses ab Augusto Sainû-
Hilaire collectse, même recueil (1839. XI); —
Recherches sur la structure du nucleus du
genre Sphœrophorus de la famille des lichens,
même recueil ( 1840, XV); — Phyceae novœ
87
au/ minus notx, dans les Otia Hispanica de
15. Webb(1839); — Plantx cellulnres , dans
la Phytographia Canariensis de Webb et de
Berthelot; 1840, în-40, avec 10 pi. col.; — Cryp-
togamx Nilgherienses, dans les Ann. des Se.
nal. ( 1842, XVII et XVIII); — Cryploga-
wie, dans VHistoriafisica de la isla de Cuba
tleRamondeLaSagra; Paris, 1838-1842, in-8°,
avec atlas in-fol.; — Décades offungi, dans le
London Journal of Bolany (.1844, III); —
Mémoire sur le phénomène, de la coloration
des eaux de la mer Rouge, dans les Comptes
rendus de l'Acad. des Se. (1844) ; — Plantes
cellulaires, dans le Voyage au pôle sud de
Dumont d'Urville(1842-lS45, in-8°, avec atlas);
— Cryptogames cellulaires, dans le Voyage
de La Bonite (1844-1846, in-8°); — De Capno-
dio, novo génère, dans les Annales (1849, XI);
— Crypîogamia Guyanensis, même recueil
(1850, XIV);— Criptogamia, tomes VII et VIII
de l'Historia fisica de Chile de Cl. Gay, in-8°,
avec atlas (1850) ; — Algues, dans X Explora-
tion scientifique de l'Algérie (1850); — Ser-
tum Patagonicum et Florula Boliviensis,
dans le Voyage dans l'Amérique méridionale
d'Alcide d'Orbigny ; — Sylloge generum spe-
cierumque Cryptogamarum ; Paris, 1853,in-4°,
avec planches. M. Montagne a, en outre, fourni
de nombreux mémoires à divers recueils scienti-
fiques et les articles généraux Cryptogames,
Hépatiques, Lichens, Mousses et Algues au
Dictionnaire d'Histoire naturelle de Ch. d'Or-
bigny. — M. Montagne est un de ces hommes d'é-
lite qui ont conservé jusqu'à l'extrême vieillesse
toute la vigueur de l'esprit et qui, par l'intelli-
gence et le cœur, honorent le plus Phumanité.
Docum. partie.
MONTAGNE. Voy. PlATTENBERG.
montag.mni ( Carlo-Ignazio ), comte de
Miiubeilo, diplomate piémontais , né à Trino
( Montferrat), le 12 mai 1730, mort à Turin, le
19 août 1790. Fils d'un notaire, il fit ses études
et son droit à Turin, où il fut reçu docteur, en
1752. En 1753 le comte Martini de Cigala l'en-
voya à Vienne ( Autriche ) liquider la succession
du général Baloria. En 1773 le roi de Sardaigne,
Victor-Amédée III, l'ennoblit avec le titrede comte
de Mirabello. En 1775 il était ministre plénipo-
tentiaire à la diète de Ratisbonne, et en 1778 à
La Haye, auprès du stathouder Guillaume V. De
retour dans sa patrie (1790) il fut nommé vice-
président des archives et chevalier de Saint-
Maurice.'Il mourut quelques mois plus tard. On a
de lui : Pro Monarchia ; Vienne, 1755 : l'auteur
y soutient que l'état monarchique est le seul qui
puisse assurer le bonheur des peuples; — Es-
sai sur l'Avantage de connaître le caractère
des peuples et leurs goûts, pour le gouver-
nement d'un État ; 1756; — Lettre sur l'ex-
pédition du roi de Prusse ( Frédéric II ) en
Moravie ; Vienne, 11 juillet 1758; —Essai
pour servir à l'étude du droit de la nature
MONTAGNE — MONTAGU 38
et des gens ; 1759 ; — Sur le Moyen de régler
ses études avec profil; 1761 (en italien) ; —
Sur la Politique en général ; Vienne, 1762 ; —
Refutatio de Juribus Vicariorum /mperii;
Vienne, 1763, in-4°; — Réflexions sur les
Voyages politiques d'un prince; Vienne, 1765;
— De la Souveraineté prétendue des Génois
sur toute la Ligurie ; 1766;— Réflexions sur
les affaires de Pologne; Vienne, 1767 ; — Sur
J'exequatur des bulles des papes; sur son
origine et ses limites dans les États catho-
liques ; 1769 : écrit plein de recherches et de
sens; — Sur les Lois adoptées par les prin-
ces catholiques contre les corporations reli-
gieuses ; 1770; — Esprit de Cicéron sur les
gouvernements; ili à; —Sur le Code primi-
tif et conventionnel des nations en fait de
commerce et de marine ; 1780; — Sur la Tac-
tique moderne ; 1782; — un grand nombre
d'écrits inédits, conservés à la bibliothèque royale
de Turin. A. d'E — p — c.
mojvtaGiVCOli ( Giovanni - Domenico ) ,
théologien italien, né à Batignano ( territoire de
Sienne ), vivait dans la première moitié du dix-
septième siècle. Moine dominicain , il se distin-
gua par une piété austère ainsi que par son at-
tachement à la doctrine de saint Thomas. On a
de lui : Defensiones philosophicx angelicx
ThomisticRS ; Venise, 1609, in-fol.; cet ouvrage
revu et augmenté parut sous le même titre en
1610àNaples. P.
Échard et Quétif, Script. Ord. Prssdicat., II, 337.
* moxtagnt (Etienne), sculpteur français,
né à Saint-Étienne (Loire )., le 17 juin 1816.
Élève de Rude et de David d'Angers, il ne se fit
connaître qu'au salon de 1849, où une statue en
plâtre de Saint Louis de Gonzague lui valut
une médaille de troisième classe ; cette statue fît
aussi partie de l'exposition universelle de 1855.
On vit ensuite de cet artiste : au salon de 1850,
une statue de la Vierge, plâtre; à celui de 1853,
L'Enfant prodigue, statue en marbre pour la-
quelle il reçut une médaille de deuxième classe
et qui fit partie aussi de l'exposition universelle
de 1855; à cette dernière exposition, La Roule
du ciel, stalue en plâtre : une nouvelle médaille
de troisième classe fut donnée à M. Montagny à
cette exposition ; au salon de 1857, Saint Louis
roi de France, statue en marbre, pour laquelle
il reçut une médaille de première classe ; au
salon de 1859, La Vierge et l'Enfant, slatue en
plâtre pour la grande église de Saint-Étienne
(Loire). Ilaexécuté aussi, en 1859, une statue en
pierre de La Vierge et l'Enfant Jésus, pour
Msr Devoucoux, évêque d'Évreux, dont la ré-
duction au tiers parut au salon de la même an-
née, etXe Génie de la Fort une, groupe en pierre
pour le palais du Louvre, place Napoléon.
M. Montagny a fait, en outre, un assez grand
nombre de portraits en bustes et en médail-
lons. G. de F.
Documents partie.
2.
39
MOJNTAGU — MONTAGUE
40
MONTAGU (Basile) , jurisconsulte anglais, né
le 24 avril 1770, à Londres, mortl.e 27 novembre
1851, à Boulogne-sur-mer (Fiance). Fils naturel
du quatrième comte de Sandwich , il fut élevé
' par ses soins, et fréquenta l'école de Charter-
nouse, puis l'université de Cambridge. Ayant
perdu son père en 1792, et dépouillé par un pro-
cès de la fortune qu'il lui avait laissée, il s'ap-
pliqua à l'étude du droit, et fut admis en 1798 au
barreau. En 1806 il obtint de lord Ersliine une
place de commissaire aux faillites (commission-
ner of bankrupts)et laconserva une dizaine d'an-
nées. Montagu passait pour un médiocre avocat,
mais pour un praticien instruit et fort expert; ses
ouvrages sont fort nombreux; nous n'en cite-
rons que les principaux : Dig est ofthe Ban krupt
Laws, wïtha collection of the statutes and of
the cases upon that subject; Londres, 1805,
4 vol. in-8° : ce manuel, devenu classique, a eu
un grand nombre d'éditions ; — Sélections from
the works of Taylor, Hooker, Hall and lord
Bacon, ivith an analysis ofthe advancement
of learnïng; Londres, 1805, in-12; — The
Opinions of différent au t hors on the punish-
ment of death; Londres, 1809-1813, 3 vol.
in-8°. La publication de cet ouvrage donna lieu
à l'auteur de former une société pour 1 aboli-
tion progressive de la peine de mort ; de concert
avec Samuel Romilly, Wilberforce et d'autres
philanthropes, il demanda que cette peine ne fût
plus applicable aux crimes commis sans vio-
lence, et ses efforts furent couronnés de succès ;
— Inquiries into the effects of fermented
liquors, by a water-drinker ; Londres, 1814,
in-8°; — Law and practice in Bankrvptcy ;
Londres, 3 vol. in-8° ; — The works of Fran-
cis Bacon; Londres, 1825-1834, 16 vol. in-8" :
le t. XVI, qui est en deux parties, contient la
Vie de Bacon, travail utile , sinon bien écrit;
— Essays and, sélections; Londres, 1837,
in-12 ; — The Law and practice of parliamen-
tary Elections; Londres, 1839,in-8°, avec John-
son Neale. Montagu a laissé , dit-on, une cen-
taine de volumes en manuscrit. P. L.
The English Cyclopxdia ( Biogr. )
montague ( Sir Edward), magistrat anglais,
né à Bridgstock (comté de Northampton), mort
le 10 février 1556, dans le même comté. Il était
de la même famille que les comtes d'Halifax et
de Manchester. Après avoir exercé la profession
d'avocat, il entra à la chambre des communes, et
ne tarda pas à y acquérir une grande influence
sur l'esprit de ses collègues. S'il faut s'en rap-
porter à Collins, contredit sur ce point par Hume
et d'autres historiens , il aurait présidé la cham-
bre lorsqu'en 1523 fut proposée et rejetée presque
aussitôt une demande de subsides faite par
Henri VIII. Le roi, qui avait un pressant be-
soin d'argent, manda sir Edward , et lui dit d'un
ton irrité : « Eh quoi, l'ami! ils ne veulent pas
admettre mon bill? S'il n'est pas passé demain,
ajouta-t-il en mettant la main sur la tête du ,
président , cette tête ne restera pas sur vos
épaules. » Montague agit avec tant d'adresse et
de promptitude qu'à l'heure indiquée la chambre
était revenue sur sa décision. Docteur en droit
en 1532, chevalier en 1533, il obtint en 1534
la concession de plusieurs terres qui avaient ap-
partenu à des abbayes. D'avocat du roi il devint
ensuite grand juge de la cour du banc du roi, et
résigna cet office en 1545 pour présider la cour
des plaids communs, « abaissement en honneur,
dit Fuller, mais élévation en profit ». 11 fit
aussi partie du conseil privé. Désigné par le tes-
tament d'Henri VHI comme l'un des seize con-
seillers qui devaient administrer les affaires pen-
dant la minorité d'Edward VI ; il contribua au
renversement du duc de Somerset (1549), et
ne fit pas moins d'opposition aux visées ambi-
tieuses du duc de Northumberland. De concert
avec les autres chefs de la magistrature, il re-
fusa d'abord d'accéder au changement que pro-
posait le duc, en faveur de sa belle-fille Jane Grey,
dans l'ordre de la succession à la couronne, dé-
clarant qu'un pareil acte était une violation du
testament du feu roi et qu'il exposait à la peine de
trahison ceux qui l'auraient dressé comme ceux
qui l'auraient conseillé ( 14 juin 1553 ). Le duc
s'emporta, les menaça et les appela traîtres. Ap-
pelé le lendemain devant le roi, Montague ajouta
qu'il ne connaissait d'autre moyen légitime que
la présentation d'Un bill spécial au parlement.
Sur l'ordre du roi de se soumettre sur-le-champ
à sa volonté, il commença à se troubler et se
déclara prêt à obéir pourvu qu'on lui délivrât,
sous le grand sceau, une commission qui l'auto-
riserait à dresser l'acte de changement, puis un
pardon complet pour ceux qui l'auraient rédigé.
Quoique encore entachée d'illégalité, cette me-
sure fut adoptée dans le conseil. Toutefois le
triomphe de Novthumberland fut de courte durée;
au bout de quelques jours Edward VI mourut :
l'aristocratie se révolta, et Marie monta sur le
trône. Quant à Montague, il paya de ses emplois
et de sa liberté la complaisance dont il s'était
rendu coupable; après avoir passé quelque temps
à la tour de Londres , il se retira dans une de
ses propriétés.
Son fils, James Montague, mort en 1618, fut
évêque de Bath,d'où il fut transféré à Winches-
ter ; il jouit d'une grande faveur auprès du roi
Jacques Ier, dont il traduisit les œuvres en latin*
— Son petit-fils est connu sous le nom de comte
de Manchester (voy. ce nom). P. L— y.
Fuller, Church history, llv. VIII; WortMesof ' England
(édit. 18/>0), II, 811. — Collins, History of English Peerage.
montague ou montagu ( Richard), éru-
dit anglais, né en 1578, à Dorney (comté de Buc-
kingham ), mort le 13 avril 1641, à Norwich. Fils
d'un ministre anglican , il fit ses études à Elon
et à Cambridge, où il prit ses degrés, et devint
successivement pasteur de diverses paroisses,
prébendier de Wells, chapelain du roi Jac-
ques 1er, doyen et archidiacre d'Hereford. On-
41
MONTAGUE
42
tre sa place au collège d'Eton , il jouissait, en
vertu d'une dispense, d'un canonicat de Wind-
sor, et pendant huit années consécutives il
fit les leçons de théologie dans la chapelle de
cette ville. Promu en 1628 à l'évêché de Chi-
chester, il fut transféré en 1638 au siège de
Norwich. Ses sentiments se rapprochaient de
ceux des catholiques sur la plus grande partie
des points controversés. Le livre qu'il dirigea
contre les jésuites missionnaires, intitulé Appel
à César, le fit accuser d'arminianisme. Cité en
1625 devant la chambre des communes et obligé
de fournir une caution de 2,000 liv. sterl., Mon-
tague, malgré l'appui du roi et de plusieurs pré-
lats , fut convaincu d'avoir troublé la paix de
l'Église, d'inspirer l'indifférence aux fidèles et de
les porter, autant qu'il était en lui, à se récon-
cilier avec le papisme. Comme on n'a pu décou-
vrir qu'il ait été admis à se défendre, ni qu'il ait
fait aucune réponse aux articles produits contre
lui, il est probable que la chambre des commu-
nes abandonna la poursuite de cette affaire. Cet
évêque était versé dans les langues anciennes et
possédait bien les pères et l'antiquité ecclésias-
tique. D'après Fuller, « ses talents étaient accom-
pagnés d'une grande aigreur dans ses écrits, et
sa plume élait trempée dans le fiel quand il écri-
vait contre ceux qui pensaient autrement que
lui ». Il fit de grandes dépenses pour entretenir des
gens de lettres dans les pays étrangers et pour
se procurer des manuscrits dont il faisait usage
dans ses attaques contre l'Église romaine. On a
de lui : The two Invectives of Gregory Nazian-
zen againts Julian ; Eton, 1610, in-4°; traduc-
tion d'autant plus recherchée qu'elle ne se trouve
pas dans les éditions de saint Grégoire; — On
the Invocation of Saints ; 1621 ; — Diatribse
upon the first part of Selden's History ot
Tithes; Londres, 1621, in-4°. Il accuse Selden
d'avoir beaucoup pris des autres pour composer
son Histoire des Dîmes. «Je puis vous assurer,
lui dit-il, que vous êtes violemment soupçonné
de voler ce qui est aux autres et de vous en faire
honneur dans le public. » Le reste de l'intro-
duction est sur le même ton de grossièreté. Cet
ouvrage plut beaucoup à Jacques Ier, qui or-
donna à l'auteur d'examiner et de purger l'his-
toire ecclésiastique, qu'on regardait alors comme
ayant été fort corrompue par quantité de fables ;
— Analecta exercitationum ecclesiasticarum ;
Londres, 1622, in-fol.; Casaubon a reproché à
Montague de lui avoir pris l'idée et le plan d'un de
ses ouvrages, mais on n'a reconnu aucun rapport
entre le travail de ces deux écrivains ; — An ans-
wer to thelate gagger of the protestants ; Lon-
dres, 1624, in-4°; — Appello Csesarem; Londres,
1625, in-4° : brochure dédiée à Charles Ier, et
qui lui suscita de fâcheux embarras; elle donna
lieu à une querelle des plus animées parmi les
théologiens anglicans ; — Antidiatribx adprio-
rem partent diatribarum J.-C. Bulengeri
contra Is. Casaubomim ; Londres, 1625, in-
fol. ; — Eusebii Pamphili lib. X de demons-
tratione evangelica, gr. et lat., cum notis;
Paris, 1628, in-fol.; — Apparatus ad origines
ecclesiasticas ; Oxford, 1635, in-fol. ; — Origi-
nes ecclesiasticx ; Londres, 1636-1642, 2 vol.
in-fol; il y a beaucoup d'érudition dans cet ou-
vrage, oublié aujourd'hui, et dont le second vo-
lume est dédié à Jésus-Christ ; — Versio et
notée in Photii Epistolas ; Londres, 1651, in-
fol. On conjecture avec beaucoup de vraisem-
blance qu'il a aidé Henri Savile dans l'édition
grecque des Œuvres de saint Jean Chrysostome
(Eton, 1612, 8 vol. in-fol. ). P. L— v.
Fuller, Church History, liv. il. — Heylln, Life of arch-
bishop Laud, liv. 2. — Rushworth , Collections, I. —
Collier, Ecclesiastical History, liv. 8 et 9. — Wood ,
Mhense Oxon. — Chalrners, General Biogr. Dict. —
Chaiifepié, Dict. hist.
montague (Edward ), 1er comte de Sand-
wich , célèbre marin anglais, né le 27 juillet 1625,
mort le 28 mai 1672, au combat naval de Sole-
bay. Son père , sir Sidney, le plus jeune des
frères de lord Edward Montague de Boughton,
avait passé sa vie au service des rois Jacques et
Charles ; quoiqu'il eût, au début des troubles ,
épousé la cause des mécontents, il se sépara
d'eux dans la suite et se vit exclu du long par-
lement pour avoir refusé de s'associer à l'une
des mesures de la majorité. Le jeune Edward,
nourri dans les principes des cavaliers, se maria
en 1642 avec une fille de lord Crewe, et l'amour
qu'il ressentait pour sa femme lui fit adopter les
opinions libérales de son beau-père. L'année sui-
vanteil reçut du parlement la commission de lever
un régiment (1643), à la tête duquel il se signala
par un bouillant courage à la prise de Lincoln,
au siège d'York , et aux batailles de Marston-
Moor et de Naseby ; en septembre 1645 il con-
duisit quatre régiments au secours de l'armée,
qui assiégeait Bristol. Avant d'avoir atteint sa
vingt-et-unième année, il était entré à la chambre
des communes pour le comté d'Huntingdon.
Quelques auteurs ont prétendu qu'il s'abstint d'y
siéger lorsque cette assemblée tomba, en 1 647,
sous la domination militaire; s'il le fit, il est
probable que ce fut plutôt par insouciance que
par politique, et qu'en cela il était d'accord avec
Cromwell, qui ne cessa de lui donner des preu-
ves de sa bienveillance. La paix ayant été faite
avec la Hollande , il quitta l'armée pour le ser-
vice de mer, étudia la lactique navale , et fut as-
socié en A 656 à l'amiral Blake dans l'expédition
de la Méditerranée. A la mort de Blake, il com-
manda en qualité d'amiral la flotte destinée en
apparence à réconcilier la Suède et le Danemark,
et en réalité à empêcher les Hollandais d'agir
contre la Suède de concert avec les Danois et à
faciliter la prise de Dunkerque par les Français.
II s'acquitta de cette mission avec autant de cou-
rage que de prudence , battit les Espagnols près
des Dunes et conféra avec le maréchal de Turenne
. sur les moyens de continuer la guerre. Après la
mort de Cromwell, il accepta de Richard , son
43
MONTAGUE
44
61s, un commandement plus important dans la
Baltique, conclut entre les États du Nord une mé-
diation armée, à la suite de laquelle le roi de
Suède fut obligé de lever le siège de Copenha-
gue. Cependant un grand dégoût contre ceux qui
l'employaient, l'irritation de voir chacun de ses
actes subordonné au contrôle d'Algernon Sid-
ney et de deux autres commissaires, peut-être
aussi, suivant Clarendon, « un reste d'amour
pour la monarchie», lui firent prendre la brus-
que détermination d'abandonner son poste et de
revenir en Angleterre sous levain prétexte d'in-
suffisance dans les approvisionnements. Son re-
tour lui attira les justes reproches du parlement ;
forcé de donner sa démission, il se retira tran-
quillement à la campagne, et y demeura jusqu'à
la chute de cette assemblée. Pendant que Monk
s'avançait sur Londres, Montague reçut de ce gé-
néral l'invitation de reprendre sa place à la tête
non-seulement de la flotte de la Baltique, mais
de la marine entière. Confirmé dans ces nouvelles
fonctions par le roi lui-même, il fit voile pour
les côtes de Hollande, s'empressa de remettre le
commandement au duc d'Yorl<;qui fut nommé
grand amiral , reçut Charles II à bord de son
propre navire et le ramena triomphalement à
Douvres ( 26 mai 1 660 ). En récompense de sa
conduite, il reçut du roi l'ordre de la Jarretière,
la pairie avec les titres de baron Montague de
Saint-Neots , de vicomte Hinchinbroke et de
comte de Sandwich, une place au conseil privé,
la maîtrise de la garde-robe, et la charge de
vice-amiral d'Angleterre. Enfin, dans la cérémo-
nie du couronnement, il eut l'honneur de porter
le sceptre de saint Edouard, distinction qui ne
s'accordait qu'aux princes du sang. La guerre
lui permit de prouver d'une manière plus écla-
tante son attachement à la nouvelle royauté.
Après avoir dirigé sans succès une attaque con-
tre Alger ( 1661 ), il s'empara de Tanger et ra-
mena de Lisbonne la princesse Catherine, de
Bragance, qui devait épouser le roi. Lorsque
les hostilités furent reprises contre la Hollande
( 1664 ), il contribua à la capture d'un grand
nombre de bâtiments et décida le gain de la ba-
taille navale du 3 juin 1665 en coupant en deux
la ligne de l'amiral Opdam , manœuvre har-
die, qui fut, dit-on, employée pour la première
fois. Il retira de cette courte campagne autant
d'honneur que de profit; car au lieu de ramener
intact, suivant la loi, chaque vaisseau capturé à
l'ennemi, il s'en appropria les riches cargaisons,
et en distribua une partie à ses officiers. Cet acte
de folie ( il ne méritait pas d'autre nom ) ne fut
pas plus totconnu qu'il donna un motif aux enne-
mis de l'amiral de se déchaîner contre lui. Monk,
qui était à la tête île l'amirauté, ne se montra pas
un des moins ardents : non-seulement il prit
des mesures rigoureuses pour la restitution des
parts de prise, mais d'accord avec Coventry, son
confident, il persuada au roi de faire un exem-
ple en dépouillant lord Sandwich de son com-
mandement. Le roi, qui avait donné carte blan-
che à l'amiral, n'osa le destituer, et le choisit
pour l'ambassade d'Espagne ( 166S). C'était un
honorable exil. Le comte de Sandwich déploya
en cette occasion tous les talents d'un habile né-
gociateur ; il parvint à réconcilier l'Espagne et le
Portugal, et conclut avec la première de ces
puissances un traité de commerce fort avanta-
geux. Lorsqu'il reparut à la cour (1668), on ne
lui épargna pas les louanges pour l'adresse dont
il avait fait preuve, et il regagna sans peine les
bonnes grâces du roi. Nommé bientôt après pré-
sident du bureau de commerce , il s'éleva en
plein conseil, et avec beaucoup de chaleur, con-
tre la vente de Dunkerque, et ne cessa de préco-
niser une étroite alliance avec l'Espagne pour
contre-balancer l'ambition de Louis XIV. A la
reprise de la guerre contre les Hollandais (1672),.
il fut chargé de commander l'escadre sous les-
ordres du duc d'York. Les flottes combinées de
France et d'Angleterre étaient mouillées à Solebay,
où elles s'apprêtaient à célébrer l'anniversaire
de la restauration, lorsque le 28 mai 1672, au
point du jour, Ruyter vint les attaquer. Au milieu
de la confusion générale, le comte de Sandwich,
dont les prudents avis sur le danger d'une telle
position n'avaient pas été suivis, se hâta avec
les vaisseaux de l'avant-garde de sortir de la
baie , mouvement qui permit au duc d'York et
au comte d'Estrées de manœuvrer avec plus
d'ordre et de sécurité; puis il se précipita au
milieu des assaillants, attira, sur lui tous leurs
efforts, et tua de sa main l'amiral hollandais
van Ghent. Le Royal James, qu'il montait,
devenu le point de mire de l'ennemi, perdit les
deux tiers de son équipage; un brûlot, masqué
par la fumée, s'approcha et finit par l'incendier.
Le brave Sandwich, averti de l'imminence du
danger, refusa de se sauver et périt au milieu des
flammes avec tous ses officiers. Quinze jours après
les habitants de Harwich virent flotter sur le
rivage son cadavre>qu'ils reconnurent à l'ordre
de la Jarretière dont il était décoré. D'après les
ordres du roi il fut embaumé et enterré avec la
plus grande pompe dans l'église de Westminster.
On a du comte de Sandwich diverses lettres
insérées dans le t. Ier des State Papers de
Thurloe , dans les Letters d'Arlingfon et dans
les Original Letters and Negotiations of sir
R. Fanshaw, the earl of Sandwich, etc.; et
une traduction d'après l'espagnol : The Art of
Metals, in which is declared the manner of
their génération and the concomitants of
them, by Albaro Alonzo Barba, curate of Po-
tosi, in Per u (Londres, 1674, in-8°). P. L — y.
Campbell, Lires of the admira/s. — Collins, Peerage.
— Lord Orford, Catalogue of royal and noble Milhors.
— Clarendon , Memoirs. — Lodge , Portraits of illus-
trions Per sonages (éd. 1849), V.
montague (Charles, comte d'Halifax),
homme d'État anglais, né à Horion, dans le comté
deNorthampton,le 16 avril 1661. mort le 19 mai
1715. Il était le quatrième fils de Georges Monta-
45
gue.cinqiiièmefilsdeHenri, premier comte de Man-
chester. Lorsqu'il lut devenu premier ministre, on
lui reprocha souvent d'être un parvenu ; « accusa-
tion qui parait étrange, dit Macaulay, car il descen-
dait d'une famille aussi ancienne que la conquête;
il avait des droits héréditaires éventuels à un
titre de comte, et il était du côté paternel cou-
sin de trois comtes; mais il était le plus jeune
fils d'un cadet de famille, et- par cette phrase on
désignait proverbialement une personne assez
pauvre pour s'abaisser à la plus abjecte servitude
ou pour se lancer dans les aventures les plus dé-
sespérées. » Destiné à l'Église, Charles Montague
fit ses études à l'école de Westminster, où il se
distingua par son talent pour la poésie latine, et
fut ensuite envoyé au collège de La Trinité à Cam-
bridge. Dans cette université la philosophie de
Descartes était encore à la mode. Montague fut
du petit nombre des étudiants qui délaissèrent
MONTAGUE 46
pondérant dans l'État, et Montague montra bien-
tôt que nul n'était aussi capable que lui de ma-
nœuvrer habilement dans une assemblée. Sa vie
pendant quelques années lut une suite de triom-
phes. L'adresse extraordinaire qu'il déploya au
commencement de 1 09?. dans la conférence avec
les lords au sujet des jugements dans le cas de
trahison, le plaça au piemier rang des orateurs
parlementaires. Le 21 mars de la même année,
il devint un des lords de la trésorerie , et Godol-
phin, le financier le plus expérimenté, reconnut
qu'il avait un maître. En 1695, quand les whigs
occupèrent décidément le pouvoir, Montague, un
des principaux du parti, entra dans le ministère
comme chancelier de l'échiquier. Ses mesures
financières, aussi intelligentes que hardies, fon-
dèrent ou du moins développèrent largement le
crédit public en Angleterre ; les plus connues sont
la refonte de la monnaie et l'émission des bills
les doctrines du philosophe français pour suivre «*e l'échiquier. Le 1er mai 1697 il joignit au titre
les leçons d'un des professeurs de l'université ,
de Newton. Sous un pareir maître, le jeune Mon-
tague fit de grands progrès dans les sciences
exactes ; mais la poésie était son occupation fa-
vorite. En 1685 il fit sur la mort de Charles II
des vers qui commençaient ainsi : « Salut, grand
Charles, monarque à la mémoire bénie. Le meil-
leur homme qui ait jamais occupé un trône »,
et qui se terminait par ces deux vers : « Dans
Charles roi et homme si bon, nous voyons une
double image delà Divinité. » Cette composition
plut tellement au comte Dorset, le magnifique
patron des gens de lettres, qu'il fit venir le jeune
étudiant à Londres et le présenta aux écrivains
les plus en renom. Montagne prit bientôt place à
côté des plus spirituels en parodiant avec Prior
(1687) La Biche et la Panthère ( The Hind
and the Panther), poème allégorique et théo-
logiqiie de Dryden. Cette parodie intitulée : The
Hind and the Panther transversed ta the
story of the country mouse and city mouse,
est en grande partie écrite en prose, sous forme
de dialogue, et paraît imitée du Rehearsal de
Buckingham. Montague était déjà, à ce qu'il
semble, un homme politique. Johnson dit sim-
plement « qu'il signa l'invitation au prince d'O*
range et siégea à la Convention » ; mais pour
être admis à signer l'invitation qui décida le
prince d'Orange à passer en Angleterre, il fal-
lait avoir déjà quelque influence politique, et l'on
suppose que le futur premier ministre est le
Charles Montague qui siégea comme membre
pour la ville de Durham dans le parlement de
Jacques en 1685. A la Convention il représenta
le bourg de Malden. Le même bourg l'envoya
au parlement qui se rassembla en mars 1690.
Vers le temps de la révolution il épousa la com-
tesse douairière de Manchester. Il songeait alors
à entrer dans l'Église , mais ses succès au parle-
ment le décidèrent à poursuivre la carrière po-
litique. La chambre des communes, par suite de
la révolution, tendait à devenir le pouvoir pré-
de chancelier de l'échiquier celui de premier
lord de la trésorerie. Premier ministre avec la
majorité assurée dans le parlement, il ne sut
pas garder le pouvoir qu'il avait conquis si ra-
pidement. Malgré son esprit, il montra les dé-
fauts d'un parvenu : l'arrogance, la vanité, la
froideur à l'égard de ses anciens amis; l'ostenta-
tion dans l'étalage de sa fortune nouvellement
acquise. Il se fit ainsi beaucoup d'ennemis. En
même temps un remarquable mouvement s'o-
pérait dans l'opinion publique qui penchait
maintenant vers le torysme; les élections de 1699
envoyèrent à la chambre des communes beau-
coup de tories; il fallut remanier le ministère.
Montague céda ses places de premier lord et de
chancelier à lord Tankerville et à John Smith,
et devint auditeur de l'échiquier ( novembre
1699). L'année suivante, quand les tories eurent
pris un ascendant plus marqué, ils se débarras-
sèrent de Montague en l'envoyant siéger à la
chambre des lords avec le titre de baron Hali-
fax. Cet exil honorifique ne suffit pas pour sa-
tisfaire les rancunes du parti. En avril 1701 la
nouvelle chambre des communes le décréta d'ac-
cusation avec lord Somers et les comtes de Port-
land et Oxford ; l'accusation fut rejetée par les
lords le 24 juin. Les charges élevées contre
Halifax et dirigées particulièrement contre ses opé-
rations financières, n'étaient pas très-graves. Au
point de vue politique, od lui reprochait d'avoir
conseillé les deux traités avec la France pour le
partage de la monarchie espagnole. L'avènement
de la reine Anne en 1702 donna encore plus de
force aux tories, qui revinrent à la charge contre
Halifax et le mirent une seconde fois en accusa-
tion (1703). Un vote des lords le sauva encore,
mais pendant tout le règne d'Anne il ne rem-
plit pas de fonctions officielles. Il défendit dans
la chambre des lords le parti whig, qui, après
un retour incomplet de faveur, avait été exclu
de nouveau du pouvoir. Son attachement bien
connu à la cause de la succession hanovrienne
47
MONTAGUE
48
le fit choisir pour membre de la régence qui
gouverna l'Angleterre après la mort d'Anne jus-
qu'à l'arrivée du roi Georges. Dans le premier
ministère du nouveau roi il occupa la place de
premier lord de la trésorerie, et le 14 octobre
1714 il fut élevé à la dignité de comte Halifax
et vicomte Sunbury. Il mourut l'année suivante,
sans laisser d'enfants. Son titre de baron passa
à son neveu Georges Montàgue, qui fut créé peu
après comte d'Halifax et vicomte Sunbury. Le
fils du second comte d'Halifax mourut sans pos-
térité, en 1772, et le titre s'éteignit. Le comte
d'Halifax fut un des membres les plus éminents
du grand parti whig, auquel l'Angleterre doit la
révolution de 1C88, la succession hanovrienne,
l'union avec l'Ecosse. C'était un homme poli-
tique hardi, fertile en expédients , sincèrement
libéral et fidèle à ses opinions. Malheureusement
sa vanité excessive et sa remuante ambition lui
donnèrent souvent les apparences d'un aven-
turier sans scrupule et sans foi. Le duc de Marl-
borough, dans une lettre à la duchesse, écri-
vait : « Je suis d'accord avec vous que lord
Halifax n'a pas d'autre principe que son ambi-
tion, et qu'il bouleverserait tout plutôt que de ne
pas arriver à ses fins. » Il est fâcheux pour un
homme d'État de donner de soi une pareille idée ;
mais il est juste d'ajouter que Montàgue valait
mieux que sa réputation. Comme poète s'il ne
s'éleva pas au-dessus du médiocre, il eut le mé-
rite de reconnaître et de protéger le talent chez
les autres; on lui reproche cependant de n'avoir
pas assez apporté de discernement dans son pa-
tronage et d'avoir récompensé trop souvent l'a-
dulation. L. J.
Burnet, History of his own Urnes. — Johnson, Lives
of the Poets. — Parliamentary History. — Howell. State
Trials, t. VI. — Walpole, Royal andjiobles Authors. —
Macaulay, History of England.
montàgue (Lady Mary Wortley) , femme
anglaise , célèbre par son esprit et ses Lettres,
née à Thoresby, comté de Nottingham, en 1690,
morte le 21 août 1762. Lady Mary Pierrepont
était la fille aînée du duc Kingston et de lady
Mary Fielding, fille du comte de Denbigh. Son
père, étant devenu veuf en 1694, concentra toute
son affection sur cette enfant , qui annonçait au-
tant d'esprit que de beauté. De bonne heure, il
l'introduisit dans la société, et à peine sortie de
l'enfance la fit présider à sa table. Des biogra-
phes disent qu'elle suivit les études classiques
dont son frère était occupé sous un précepteur,
fait qui est contesté par d'autres. Ce qui paraît
positif, c'est qu'elle parvint à apprendre le latin,
le français, et même le grec, car nous avons
d'elle une traduction del' Enchiridion d'Épictète,
qui fut revue par le célèbre évêque de Salisbury,
le docteur Burnet. Il est vrai que des critiques
charitables prétendent que cette traduction fut
faite, non pas sur le texte grec, mais d'après une
version latine. Vivant d'habitude à la campa-
gne, ayant beaucoup de loisirs, «lie lut beau-
coup, un peu au hasard, et suivant son goût,
« ce qui produisit, dit-elle , la plus mauvaise
éducation du monde. » Mais il y avait chez elle
un fonds d'esprit et de bon sens, une habi-
tude de réflexion qui tira un excellent parti de
ces lectures décousues. Jeune fille, elle eut pour
amie Mrs. Anne Wortley, femme s.ensée et d'un
caractère élevé. Cette dame avait un fils froid,
judicieux, beau, instruit, nommé Edward Wor-
lley-Montague. Ce jeune homme et lady Mary
eurent occasion un jour de causer longuement.
Il fut ravi de trouver une jeune fille qui pouvait
parler des auteurs classiques, et qui montrait
autant de jugement que de connaissances. De
son côté, lady Mary fut charmée d'un jeune
homme qui inaugurait sa cour ( a Jlirtation )
par une discussion sur les héros romains, qui
avait été élevé à Cambridge, et de plus qui avait
beaucoup voyagé sur le continent. Une cour ré-
gulière commença et fut suivie d'une correspon-
dance entre eux qui dura deux ans. Il l'aima
autant qu'il le pouvait, c'est-à-dire à un degré
fort tempéré, et elle l'aima de tout son cœur,
mais avec les formes de réserve qu'imposaient
les convenances. Edward Wortley continua la
cour à sa manière , froid , mesuré , et hésitant
devant une conclusion ; et elle, comme un oi-
seau fasciné, mais qui a peur, voltigeait autour
de lui, remplissant ses lettres de réflexions
sensées sur l'amour et l'amitié. La crainte dfe la
perdre finit enfin par toucher ce cœur qui ne
voulait écouter que la raison. Le duc de Kings-
ton ordonna à sa fille de se préparer à un ma-
riage qui était de son choix à lui. Alors Edward
Wortley se décida , mais le mariage se fit sans
le consentement du duc, aux vues duquel le
futur gendre n'avait pas voulu accéder au sujet
d'un établissement de douaire (1712). Les lettres
que lui écrivit lady Mary avant le mariage, et
publiées entières pour la première fois dans l'é-
dition de ses ouvrages par lord Wharncliffe,
montrent qu'elle avait déjà, à un degré marqué,
cette pénétration de style et de pensée qui dis-
tingue ses écrits, aussi bien qu'une maturité de
jugement au-dessus de son âge. Pendant trois
ans, le jeune ménage vécut à la campagne et
sans faste. Mais peu après l'avènement de Geor-
ges Ier, Wortley-Montagu, qui était membre du
parlement depuis plusieurs années , fut nommé
un des commissaires du trésor, grâce à la pro-
tection de son cousin, Charles Montagu, de-
puis comte de Halifax, qui avait été fait pre
mier lord de la trésorerie (1714)". Lady Mary vint
résider à Londres , «t fut admise dans la haute
société. Son esprit et sa beauté lui acquirent de
"suite une brillante réputation. Rien n'égalait
le charme et la variété de ses entretiens. Elle fit
connaissance avec les auteurs les plus distin-
gués de ce temps, Addison, Pope, Congrève et
autres, et là elle brillait autant que dans les
cercles du grand monde. En 1716, son mari fut
nommé ambassadeur à Constantinople. Elle par-
tit" avec lui au mois d'août, et après avoir tra-
49
MONTAGUE
50
versé l'Allemagne, la Hongrie et les provinces du
nord di> la Turquie, elle arriva à Andrinople, où
le sultan était alors établi. Ce long voyage eut
lieu sans accident, bien que la guerre fût alors
déchaînée entre les Impériaux et les Turcs. Ce
fut pendant cette mission que lady Mary adressa à
quelques amies, la comtesse deMar, sa sœur ; lady
Rich. Pope ; Mrs. Thistlethwaite, etc., ces leltres
célèbres qui peignent les mœurs et les scènes de
la vie orientale avec autant d'exactitude que de
vivacité et d'élégance de style. En observant
l'usage répandu en Turquie d'inoculer la petite
vérole , elle se convainquit de son efficacité ,
et employa le procédé pour son propre fils,
qui avait trois ans. L'expérience réussit pleine-
ment. Plus tard, elle prit beaucoup de peines
pour introduire l'inoculation en Angleterre, et
c'est à ses efforts assidus que son pays et l'hu-
manité entière doivent ce bienfait. Son mari
ayant été rappelé au bout de deux ans, le
voyage du retour s'accomplit par l'Archipel et la
Méditerranée. Ils visitèrent Tunis et les ruines
deCarthage, se rendirent à Gênes, de là à Turin,
et traversant la France, arrivèrent en Angleterre
en octobre 47 18. Peu après, suivant les conseils
et les instances de Pope, elle se fixa dans le cé-
lèbre vilUige de Twickenham, près de Londres.
Là elle régna vingt ans comme reine de la so-
ciété. Naturellement elle eut des ennemis. Les
femmes ne pouvaient lui pardonner sa beauté,
ni lui pardonner son esprit, qu'elles ne compre-
naient pas ou qui était si au-dessus du leur, ni
ses libres manières et ses excentricités de toi-
lette-et de langage, qui avaient toujours de l'attrait.
Les hommes ne pouvaient lui pardonner, parce
qu'elle les égalait ou les surpassait en talents,
tandis que son esprit indomptable blessait leur
amour-propre. Jamais elle ne compromit sa ré-
putation par faiblesse pour aucun d'entre eux.
Elle n'aima jamais que son mari, et l'aima avec
constance, tout en gardant ses manières bril-
lantes et un peu étourdies. C'est à Twickenham
que le peintre Kneller fit ce célèbre portrait où
elle est représentée dans tout l'éclat de sa beauté
et avec un riche costume oriental. C'est là aussi
qu'après des années d'étroite amitié éclata la
querelle avec Pope, qui amena de part et d'au-
tre des récriminations et des satires. Les vraies
causes n'en ont pas été exposées avec précision.
On a attribué la rupture à des rivalités littérai-
res. Elles ont pu y contribuer, mais ce n'est pas
la vraie raison. Elle nous est donnée par l'exposé
de lady Mary, lequel est corroboré d'ailleurs par
d'autres témoignages. Il paraît que le poëte ne
comprit jamais cette brillante femme, qui n'ai-
mait que son mari. Peu satisfait de son amitié,
il rechercha davantage. Il lui écrivait des let-
tres où l'amour était gazé par l'admiration;
elle avait l'air de ne pas comprendre le premier
sentiment, et lui répondait avec son style spiri-
tuel et animé. Un certain jour, et à un moment
très-mal choisi, le poëte s'avisa de lui faire une
déclaration en forme. Pope, que ses ennemis ap-
pelaient un point d'interrogation, n'était pas
beau, partant il était peu dangereux , malgré
tout le prestige de son esprit. Il parait que la
déclaration avait été très-romanesque. Lady Mary
aurait dû la recevoir avec dignité et froideur :
c'était le procédé le plus prudent, et qui sauvait
une explication et une querelle. Au lieu de cela,
elle ne put garder son sérieux, et éclata de rire.
Dès ce moment le poëte, blessé, devint son impla-
cable ennemi, et ne cessa, chose honteuse pour
sa mémoire, de la poursuivre de sarcasmes et de
satires à peine déguisés. C'est pendant cette épo-
que qu'elle écrivit quantité de pièces de vers
qui circulaient dans sa société, et dont quel-
ques-unes furent alors imprimées sous le voile
de l'anonyme. Mais on ne peut la considérer
comme poëte. Elle manquait du feu poétique.
Ses vers ont de la facilité, de l'élégance et une
certaine vivacité : ce n'est pas assez pour vivre.
Le plus remarquable de ses essais est intitulé
Town Eclogues, au nombre de six, composées
comme une espèce de parodie des églogues pas-
torales, et avec l'intention de satire pour le
beau monde. Dans l'année 1739, sa santé dé-
clina, et elle résolut de passer le reste de ses
jours sur le continent. Elle quitta donc sa fa-
mille, ses amis, son mari, avec lequel elle paraît
avoir été en bons termes, bien qu'ils ne se soient
jamais revus. Elle se dirigea vers l'Italie. Ve-
nise, Avignon, Chambéry furent à différents
temps sa résidence, et elle passait ordinairement
ses étés à Louvere sur le lac Iseo ( territoire de
Venise ), lieu très-agréable et célèbre par ses
eaux minérales. Là elle occupait un vieux palais,
qu'elle répara et embellit, et s'amusait avec son
jardin, la culture de ses vers à soie et la petite
société du lieu, qui avait pour elle une grande
considération. En 1758, elle se fatigua de la so-
litude, et s'établit à poste fixe à Venise. A la
mort de son mari ( 1761), lady Mary céda aux
instances de la comtesse de Bute , sa fille, qui
la pressait de revenir en Angleterre. Elle ne
survécut que quelques mois à son retour , et
mourut d'un cancer au sein qu'elle avait caché
longtemps. Dans la cathédrale de Litchfield on
voit un monument en marbre consacré à sa mé-
moire : « une femme représentant la Beauté y
verse des larmes sur la tombe de celle qui, par
l'inoculation qu'elle introduisit en Europe, en-
leva à la mort et à la laideur une foule d'enfants
destinés à devenir leurs victimes. Ce cénotaphe,
où sont gravées les initiales M. W. M. (Mary
Wortley-Montague ), est dû aux soins généreux
de Henriette Inge, fille de sir John Wrottesley,
baronnet, et porte la date de 1789.
Les Lettres de lady Montague, bien qu'elles
n'aient pas paru de son vivant, avaient été évi-
demment écrites dans la vue d'une publication,
future. Elle avait conservé des copies de toutes,
et peu de temps avant sa mort elle donna un
exemplaire manuscrit de sa main à M. Sowden,
51 MONTAGUE
mmisb'e protestant à Roterdam, avec quelques
lignes l'autorisant à en faire l'usage qu'il voudrait,
et un second exemplaire d'une main différente à
M. Mblesworth. Après sa mort, la comtesse de
Bute, sa fille, prit des mesures pour obtenir ces
deux copies, et paya la première 500 liv. sterling.
Mais il paraît qu'un double avait été pris en secret
par deux voyageurs anglais qui avaient emprunté
le manuscrit au ministre protestant, et c'est d'a-
près ce double que les lettres furent publiées en
1763, 3 volumes in 12. L'éditeur était un capi-
taine mal famé nommé Cleland. Un quatrième
volume parut en 1767, composé de lettres dont
il n'y a pas de manuscrit connu, mais sur l'au-
thenticité desquelles la famille n'a jamaisélevé de
doutes. Ces lettres, telles qu'elles parurent,
étaient précédées d'une préface datée de 1724 et
signé M. A., qui, on l'a su plus tard, était Mary
AstelU amie particulière de lady Montagu, et
femme d'une grande réputation littéraire à cette
époque, et qui, après avoir lu les lettres en ma-
nuscrit, avait écrit cette préface. L'authenticité
complète des lettres ne fut considérée comme
établie que par la publication qui eut lieu en
1803,5 vol. in-12, d'après les manuscrits ori-
ginaux, par un M. Dallaway, qui mit en tête
une notice de lady Montagu de très-peu de mé-
rite sous tous les rapports. Une seconde édition
parut en 1817 avec de nouvelles lettres. Mais
une édition nouvelle et complète des Œuvres de
lady Montagu fut publiée en 1836 et en 1837 par
lord Wharncliffe, son arrière-petit-fils, 3 volumes
in-8°. Elle renferme de nouvelles lettres et d'au-
tres pièces qui n'avaient pas encore vu le jour.
Mais le principal attrait et mérite de cette pu-
blication vient d'une nouvelle notice de lady
Montagu, modestement intitulée « Anecdotes de
biographie », due à la plume de sa petite-fille
lady Louisa Stuart, et qui est écrite avec le
talent et la vivacité ingénieuse qui distinguaient
son aïeule. Plusieurs éditions et traductions
des Lettres de Constantinople et de France ont
été publiées en France par divers libraires ou
auteurs. — L'esprit et le talent de lady Montagu
brillent dans toute sa correspondance, mais il
y manque souvent la douceur et la délicatesse
d'une femme. Le goût plus épuré de notre épo-
que rejetterait bien des passages ou détails qui
nous paraissent un peu grossiers ou inconve-
nants. On y trouve aussi des traces de pédante-
rie. Cette critique faite, les lettres de lady
Montague, surtout celles sur la Turquie, méri-
tent un haut rang dans la littérature anglaise.
Elles sont le principal titre de sa réputation.Tous
les touristes, qui depuis un siècle ont visité la
Turquie sont d'accord pour reconnaître que cette
peinture des mœurs orientales est exacte, et
animée d'un style vif et pittoresque. Ces lettres
abondent non-seulement en esprit et en humour,
mais présentent souvent beaucoup de sagacité
et de profondeur. Ce sont réellement des lettres,
et non des essais critiques ou didactiques,
52
où l'auteur s'efforce de briller par beaucoup
d'esprit et de savoir. J. Chanut.
Chalmers, Bïographical Dictionary. — Rase, Gênerai
Biography. — Ghambers, Cyclonœdla o/ English Litera-
ture. — Biographical anecdotes, d.ins l'édition publiée
par lord Wharncliffe des Letters and n orksoflady Mon-
tagv ; 1837. — The Queens of Society ; Lomion, 1860.
montague ( Edward Wortleï ) , fils de la
précédente, né en octobre 17 13, à Londres, mort
le 2 mai 1776, à Padoue. Objet de la plus vive
affection de sa mère, qui l'emmena avec elle à
Constantinople, il commença de bonne heure à
faire du bruit dans le monde comme ayant été
le premier Anglais sur lequel on eût essayé l'in-
oculation. A son retour en Angleterre (1719),
il fut placé à l'école de Westminster ; mais
bientôt il disparut, et ce ne fut qu'au bout d'une
année qu'un ami de la famille, le révérend
Forster, le retrouva sur le port, une corbeille
sur la tête et dans l'accoutrement des reven-
deurs de poisson. Ramené au collège, il s'échappa
encore une fois, s'engagea à bord d'un bâtiment
prêt à mettre à la voile pour le Portugal et, dé-
barqué à Oporto, il gagna la campagne, où il vé-
cut deux ou trois ans chez les paysans. Reconnu
un jour par son ancien maître de navire, il fut
reconduit malgré lui auprès de ses parents, qui
le comblèrent de caresses. Ii paya d'ingratitude
cet oubli de ses fautes, et déserta la maison pa-
ternelle pour s'assujettir à la pénible vie de ma-
telot sur un vaisseau marchand. On l'envoya
alors aux colonies sous la conduite du rév.
Forster qui fut chargé d'achever, tant bien que
mal, son éducation en courant le monde. Lors-
qu'il revint à Londres , il avait plus de trente
ans; ii était permis de le csoire guéri de sa folie.
Pourvu d'un emploi dans le comté d'Huntingdon
(1747), il se fit remarquer par de nouvelles sin-
gularités, s'adonna au jeu, fit des dettes, et ne
trouva finalement d'autre moyen que la fuite
pour se tirer d'affaire. 11 alla jusqu'à Paris (1751).
A peine arrivé, il se trouva mêlé dans un hon eux
procès qui l'amena devant le grand Chàtelet . On
usa d'indulgence à son égard , et il retourna
dans son pays , où pendant quelques années il
demeura tranquille. En 1754 il entra à la cham-
bre des communes ; il y fit sans doute une assez
pauvre figure, et il ne songea guère à racheter le
passé par une plus sage conduite, puisque ni son
père ni sa mère ne consent rent à le revoir; en
mourant l'un lui laissa un revenu de 1,000 livres
sterling sur son immense fortune (1761), et
l'autre, une guinée ( 1762 ). Montague n'avait pas
du reste attendu la mort de sa mère pour re-
prendre le cours de ses aventures. Apres avoir
résidé en Italie, il parcourut la Terre Sainte ,
l'Egypte , l'Arménie ; il avait laissé croître sa
barbe et revêtu le costume asiatique; de pro-
testant il s'était fait catholique, puis musul-
man ; il parlait avec facilité l'arabe, l'hébreu, le
persan, le chaldéen et l'italien. On lui a connu
deux femmes et trois enfants naturels, mais il
n'est pas certain qu'il n'en ait pas eu davantage.
53
Toua les moyens lui semblaient bons pour satis-
faire ses goûts ou ses désirs, et, comme il l'a
écrit lui-môme au P. Lami , ii jouait volontiers
toutes sortes de personnages, m Chez les nobles
d'Allemagne, j'ai fait l'écuyer ; j'ai été laboureur
dans les champs de la Suisse et de la Hollande;
je n'y ai pas même dédaigné l'humble métier de
postillon. A Paris , je me suis donné les airs
d'un petit-maître ; j'ai été abbé à Rome; à Ham-
bourg j'ai pris la grave contenance d'un minis-
tre luthérien et j'ai raisonné théologie de manière
à rendre le clergé jaloux. Bref, j'ai joué tous les
rôles que Fielding donne à son Julien, et j'ai eu
le sort d'une guinée , qui est tantôt entre les
mains d'une reine, tantôt dans le sac d'un sale
Israélite. » lin dînant avec le peintre Romney, il
eut le gosier embarrassé d'un os de perdrix, et
tomba malade. Un prêtre, que ses domestiques
avaient appelé, lui ayant demandé dans quelle foi
il voulait quitter le monde : « J'espère, dit-il ,
que ce sera dans celle d'un bon musulman. » Il
n'en fut pas moins inhumé dans un cloître de
Padoue.
Montague n'était pas dépourv.u de connais-
sances : il avait le goût des antiquités, et de
temps à autre il aimait à écrire. On a de lui : Ré-
élections on Ihe rise and fall of the ancient
republics, adapted to the présent state of
Great^Britain ; Londres, 1759, in-8°; traduit en
français par M"e Legeai d'Ourxigné (Paris, 1769,
in-12) et par Cantwell (Paris, 1793, in-8°), cet
ouvrage a été attribué au rév. Forster, qui n'a
élevé de réclamation qu'après la mort de son
élève; — quelques mémoires d'archéologie adres-
sés à la Société royale de Londres et imprimés
dans les Philosophical Transactions. P. L — t.
Nichols, History of Leicesters hire, et Lilerary Anec-
dotes, IV.
moxtague (John), comte de Sandwich,,
homme politique anglais, né le 3 novembre 1718,
à Londres, où il est mort, le 30 avril 1792. Fils
du vicomte Hinchinbroke, il fit de bonnes études
à Eton et à Cambridge. En quittant l'université,
il entreprit, en compagnie de lord Bessborougb,
de MM. Netthorpe et Mackye, et du peintre Lio-
tard, un voyage d'agrément autour de la Médi-
terranée ; il en rapporta deux momies „ huit ibis
embaumés, une grande quantité d'anciens papy-
rus , quinze cornées , cinq cents médailles , un
vase grec, et une table de marbre,, dont l'ins-
cription, longtemps indéchiffrable, ne fut expliquée
qu'en 1743, par le savant Taylor. Quand il eut
l'âge requis, il prit à la chambre des lords le
siège qu'il avait hérité en 1729 de son grand -
père avec le titre de comte de Sandwich. Il se
joignit au parti qui était en opposition avec Robert
Walpole. Nommé second lord de l'amirauté à la
fin de 1744, il contribua activement à éteindre la
rébellion jacobitede 1 745 et il assista, en qualité de
plénipotentiaire, aux délibérations qui précé-
dèrent le traité d'Aix-la-Chapelle (1748). A son
retour il entra an conseil privé, et devint premier
MONTAGUE 54
lord de l'amirauté. Cette charge, dans l'exercice
de laquelle il fit preuve de beaucoup d'activité,
lui fut retirée en 1751 ; mais il la remplit encore
deux fois, la première de 1763 à 1765, et la se-
conde de 1771 à 1782, pendant toute la durée
du ministère de lord North. Sa conduite à la tête
d'une administration dont la guerre d'Améri-
que rendit la direction fort pénible lui fit infini-
ment d'honneur. 11 réforma de nombreux abus,
surlout dans les arsenaux, qu'il visitait chaque
année; il augmenta l'établissement des soldats
de marine, il encouragea les voyages d'explora-
tion, notamment ceux de Cook. Orateur plus so-
lide que brillant, il apportait dans les débats parle-
mentaires du bon sens et de la modération ; on le
vit plus d'une fois, durant la guerre d'Amérique,
réfuter avec calme les attaques passionnées de
ses adversaires. Parmi ces derniers il compta
lord Chatham; mais, sans se laisser éblouir par
la rare éloquence de cet orateur, il n'hésita ja-
mais à lui répondre, et il le fit de manière à lui
prouver que sa réponse était nécessaire et con-
venable. Comme homme privé , il était affable,
généreux, prompt à rendre service, fort adonné
au plaisir, et amateur enthousiaste de musique.
On a de lui : A Voyage performed by the
earl of Sandwich round the MedUerranean in
the years 1738 and 1739 ; Londres, 1799, in-8°,
publié par les soins de son chapelain JohnCooke,
qui y a ajouté une notice biographique. P. L — y.
J. Cooke, Memoir of the earl ot Sandwich. — Collins,
Peerage. — Monthly Review, XXXIII (nouv. série). —
Chaliners. General Biographical Dict., XXII.
montague (Georges), naturaliste anglais,
mort en 1815, à Knowle ( comté de Devon
II
appartenait à une ancienne famille du pays de
Galles. Ses connaissances étendues en histoire
naturelle le firent compter parmi les premiers
membres de la Société Linnéenne de Londres.
Il est l'auteur de deux ouvrages très-estimés :
Ornithological Dictionary of Alphabetical
Synopsis of British Birds (Londres, 1802,
2 vol. in-8° fig. ), et T < stacea Britannica, or
natural history of British shells, marine,
land and fresh-water, including the most
mimite (Londres, 1803, in-4° fig. , avec un
suppl., 1809, in-4° ). Le recueil de la Société Lin-
néenne contient encore de lui beaucoup de dis-
sertations et de mémoires sur les oiseaux et les
coquilles du sud de l'Angleterre. K.
The English. Cyclopxdia ( Biogr.).
montague (Éiizabeth Robinson, mistress),
femme auteur anglaise, née le 2 octobre 1720, à
York, morte le 25 août 1800, à Londres. Élevée
à Cambridge, où résidait sa famille, elle fut con-
fiée aux soins du second mari de sa grand 'mère,
le fameux théologien Conyers Middleton, qui
l'habitua à résumer chaque soir les savantes
conversations auxquelles elle était présente. Sa
sensibilité rare, l'éclat de sa beauté enfantine,
la précocité de son intelligence en firent la mer-
veille de l'université. Introduite de bonne heure-
55
MONTAGUE — MONTAIGNE
56
dans la meilleure société, elle en conserva
le goût pendant le reste de sa vie. A l'âge de
vingt-deux ans, elle épousa un des petits-fils du
premier comte de Sandwich, Edward Montague,
qui siégea dans plusieurs parlements pour le
bourg d'Huntingdon. 11 mourut en 1775, la lais-
sant maîtresse d'une fortune considérable, dont
elle sut faire le plus noble usage. On a de cette
dame : Three Dialogîies qf the Dead, publiés
avec ceux de lord Lyttelton ( 1760 ) ; — Essay
on the genius and writings of Shakespeare ;
Londres, 1769, in-8°. Elle entreprit surtout cet
ouvrage pour venger le grand poëte anglais des
sarcasmes que Voltaire lui avait prodigués.
Après l'avoir lu, Cowper en porta le jugement
suivant : « Je ne m'étonne plus si mistress
Montague tient une si grande place dans ce qu'on
appelle le monde savant, et si chaque critique
incline son bonnet devant elle. L'érudition , le
bon sens, le profond jugement et l'esprit qu'elle
y a déployés justifient pleinement non-seule-
ment mes éloges , mais tous les éloges que l'on
a décernés à ses talents ou qu'on lui décernera
dans l'avenir. » Voltaire ne pardonna pointa une
femme de l'avoir battu sur le terrain de la criti-
que ; il lui répliqua vivement, quoique d'une fa-
çon détournée, dans sa Lettre à l'Académie
Française du 25 août 1776. Mistress Montague
prit aussitôt la plume, et écrivit l'apologie de
Shakespeare, qui fut traduite en français l'année
suivante (Paris, 1777,in-8°). Après sa mort,
son neveu fit paraître sa Correspondance lit-
téraire ( 4 vol. in-8° ), qui prouve que l'on n'a
rien dit de trop sur le charme de sa conversa-
tion et l'étendue de ses connaissances; les noms
les plus illustres de cette époque, Pope, Johnson,
Goldsmith, Beattie, Burke , les lords Bath et
Littelton, figurent parmi ceux qu'elle entrete-
nait le plus souvent. Elle avait fondé dans son
hôtel une sorte de réunion littéraire, qui fut pen-
dant plusieurs années connue sous le nom de Blue
Btockings Club (Club des Bas-bleus). P. L— y.
Forbes, Life of Beattie. — Censura Utteraria, t. II et
III. — Gentleman's Magazine, LXX. — Hayley, Life of
Cowper. — Chalmers, General Biograph. Dict.
Montaigne {Michel Eyquem de), célèbre
moraliste français, né au château de Montaigne,
en Périgord, le vendredi 28 février 1533, mort
le 13 septembre 1592. Il était le troisième fils de
Pierre Eyquem écuy er, seigneur de Montaigne (1),
dont la famille faisait remonter ses titres de no-
blesse au commencement du quinzième siècle,
(1) « Après la mort de son père et de ses deux frères
aînés, Michel devint le chef de la .famille; il succéda aux
titres comme aux biens : de Thou lui donne le titre
à'écuyer dans la notice nécrologique qu'il lui consacre,
Montanut eques. Jusque alors il signait Michel Montai-
gne ; c'est encore la signature mise au bas des lettres
ou dédicaces de 1870, insérées dans les œuvres de
La Boëtie. Plus tard il signa Montaigne. Quelques-uns de
ses cachets portent avec ses armes : Michel seigneur de
Montaigne. » (Griin). Montaigne avait des armes qu'il
décrit ainsi : « Je porte d'azur semé de trèfles d'or, à une
patte de lyon de mesme, armée de gueule», mise en
fasce. » Essais, l. 1, ch. xvi.
et s'était alliée à des Anglais de Guyenne (1).
Pierre Eyquem, après avoir fait plusieurs cam-
pagnes en Italie, se maria en 1528, à l'âge de
trente -trois ans. Établi au château de Montaigne,
où il s'occupait de l'éducation de ses enfants, il
ne le quitta guère que pour aller remplir des
fonctions publiques à Bordeaux. Il fut élu jurât
decette ville en juillet 1530, sous-maire en 1536,
jurât de nouveau en 1540, enfin maire le 1er août
1554. En cette dernière qualité il fit un voyage
à la cour (2). Il destina ses deux, premiers fils
à suivre la carrière des armes, et réserva le
troisième, Michel, pour la magistrature. L'édu-
cation de celui-ci fut singulière pour un fils de
gentilhomme et bien propre à développer ces
idées d'égalité naturelle et d'indépendance qui
caractérisèrent sa philosophie. « Le bon père
que Dieu me donna, dit-il, m'envoya dez le ber-
ceau, nourrir à un pauvre village des siens, et
m'y teint autant que je feus en nourrice, et en-
cores au delà ; me dressant à la plus basse et
commune façon de vivre... Son humeur visoit
encores à une aultre fin, de me rallier avecques
le peuple et cette condition d'hommes qui a be-
soing de notre ayde; et estimoit que je feusse
tenu de regarder plustost vers celuy qui rne tend
les bras, que vers celuy qui me tourne le dos ;
et feut cette rayson pourquoy aussi il me donna
à tenir sur les fonts à des personnes de la plus
abjecte fortune, pour m'y obliger et m'y atta-
cher, v En même temps qu'il donnait à son fils,
dès le berceau, cette Jeçon -d'égalité, Pierre
Eyquem ne négligeait pas de lui assurer une bonne
instruction. Il s'y prit d'une façon assez singu-
lière. Montaigne, dans son style vif et coloré, a
raconté comment on lui enseigna le latin. Quoi-
qu'il soit dangereux avec lui de s'abandonner au
charme des citations, quinous entraîneraient trop
loin, nous rappellerons tout au long des détails
qui nous aideront à comprendre le talent de
l'auteur des Essais en montrant dans quelles
circonstances et de quels éléments ce talent com-
mença à se former. « Feu mon père, dit Mon-
taigne, ayant faict toutes les recherches qu'homme
peult faire parmy les gents sçavants et d'enten-
dement, d'une forme d'institution exquise, feut
ad visé de cet inconvénient qui estoit en usage;
et luy disoit on que cette longueur que nous
mettions à apprendre les langues qui ne leur
coustoient rien, est la seule cause pourquoy
nous ne pouvons arriver à la grandeur d'ame et
de cognoissance des anciens Grecs et Romains.
Je ne croy pas que c'en soit la seule cause.
Tant y a que l'expédient que mon père y trouva,
(1) Montaigne a eu soin de mentionner cette alliance.
« C'est une nation , dit-il, à laquelle ceux de mon quar-
tier ont eu aultre fois une si privée accointance qu'il
reste encores en ma maison aulcunes traces de notre
ancien cousinage. » L. 11, c. xh.
(2) Un chroniqueur bordelais, Jean Darnal, dit à cette
occasion : « Monsieur le maire allant en cour pour les
affaires de la ville, lui furent envoyez vingt tonneaux de
vin pour faire des présens aux seigneurs favorables à la
dicte ville. •>
67
MONTAIGNE
58
ce feut qu'en nourrice, et avant le premier des-
nouement de ma langue, il me donna en charge
à un Allemand, qui depuis est mort fameux
médecin en France, du tout ignorant de nostre
langue, et très-bien versé en la latine. Cetluy-cy,
qu'il avoit faict venir expiez, et qui estoit bien
chèrement gagé, m'avoit continuellement entre
les bras. lien eut aussi avecques lui deux aultres
moindres en scavoir pour me suyvre et soula-
ger le premier : ceulx-cy ne m'entretenoient
d'aultre langue que latine. Quant au reste de
sa maison, c'estoit une reigle inviolable que ny
lui-même, ny ma mère, ny valet, ny chambrière,
ne parloient en ma compaignie qu'autant de
mots de latin que chacun avoit apprins pour
jargonner avec moy. C'est merveille du fruict
que chacun y feit. Mon père et ma mère y ap-
prindrent assez de latin pour l'entendre, et en
acquirent à suffisance pour s'en servir à la né-
cessité, comme feirent aussi les aultres domes-
tiques qui estoient plus attachez à mon service.
Somme, nous nous latinizasmes tant, qu'il en
regorgea jusques à nos villages tout autour, où
il y a encores et ont prins pied par l'usage plu-
sieurs appellations latines d'artisan6 et d'utils.
Quant à moy, j'avoy plus de six ans avant que
j'entendisse non plus de françois ou de perigor-
din que d'arabesque; et sans art, sans livre,
sans grammaire ou précepte, sans fouet et sans
larmes j'avois apprins du latin tout aussi pur
que mon maître d'école le sçavoit Quant au
grec, duquel je n'ay quasi du tout point d'intel-
ligence, mon pèredesseigna mêle faire apprendre
par art, mais d'une voye nouvelle, par l'orme
d'esbat et d'exercice : nous pelotions nos décli-
naisons, à la manière de ceulx qui, par certains
jeux de tablier (damier) apprennent l'arithmé-
tique et la géométrie. Car entre aultres choses,
il avoit esté conseillé de me faire gouster la
science et le debvoir par une volonté non forcée,
et de mon propre désir, et d'eslever mon ame
en toute doulceur et liberté, sans rigueur et con-
traincte : je dis jusques à telle superstition, que
parce qu'aulcuns tiennent que cela trouble la
cervelle tendre des enfants de les esveiller le
matin en sursault, et de les arracher du sommeil
(auquel ils sont plongez beaucoup plus que nous
ne sommes) tout à coup et par violence; il me
faisoit esveiller par le son de quelque instrument,
et ne feus jamais sans homme qui m'en servist. »
Montaigne prétend que cette « si exquise cul-
ture » manqua son effet pour deux raisons, d'a-
bord parce que avec une santé ferme et entière,
un naturel doux et traitable, il était « si poisant,
mol et endormi qu'on ne le pouvoit arracher de
l'oisiveté même pour le faire jouer (1). » Ensuite
parce que son père, au lieu de lui laisser achever
! (1) « Ce que Je veoyoy, ajoute-t-il, je le veoyoy bien ;
et soubs celte complexion lourde, nourrissdy des imagi-
nations hardies et des opinions au-dessus de mon aage.
L'esprit Je l'avoy lent, et qui n'alloit qu'autant qu'on le
menoit; l'appréhension tardifve, l'invention lasche; et
aprez tout un incroyable default de mémoire. »
son éducation à la maison, l'envoya, vers L'âge de
six ans, au collège de Guyenne. Michel en sortit
à treize ans, après avoir terminé ses études; c'est-
à-dire, si on l'en croit, après avoir oublié pres-
que tout son latin et sans avoir rien appris qui
en valût la peine. En quittant le collège de
Guyenne il fit son cours de droit ; on ne sait
dans quelle ville. M. Griin suppose avec vraisem-
blance que ce fut à Toulouse, où les leçons de
Cujas, alors à ses débuts, mais déjà c élèbre, atti-
raient des étudiants de toutes les parties de la
France. C'est là sans doute que Michel Mon-
taigne se lia avec quelques-uns de ses condis-
ciples, depuis magistrats célèbres, Etienne Pas-
quier, Henri de Mesmes, Antoine Loisel, Pierre
Pithou. Il est probable aussi qu'il ne fit pas
tout son cours de droit dans la même ville , et
qu'il fut étudiant à Bordeaux et à Paris. Son
premier séjour dans cette grande ville remonte
à sa jeunesse et presque à son enfance . A la fin
de ses études il entra dans la magistrature. Dans
le courant de 1555 ou de 1556, Pierre Eyquem
de Montaigne, membre de la cour des aides de
Périgueux depuis l'institution de cette cour, le
16 décembre 1554, céda sa place à son fils Mi-
chel. La cour des aides de Périgueux n'eut pas
une longue durée : elle fut transférée à Bordeaux
au mois de mai 1557. Michel Montaigne suivit
sa compagnie, qui n'obtint pas d'être immédiate-
ment incorporée dans le parlement de Bordeaux.
L'incorporation n'eut lieu que le 14 novembre
1561, et c'est de cette époque seulement que
date l'entrée définitive de Montaigne en la cour
souveraine de Bordeaux. Dans l'intervalle il fit
plusieurs voyages à Paris, et suivit assidûment
la cour (1). De temps en temps il revenait à Bor-
deaux, où le rappelaient ses fonctions de membre
de la cour des aides transférée et ses rapports
d'amitié avec plusieurs conseillers du parlement.
Il s'était lié avec l'un d'eux , l'aimable et noble
La Boëtie d'une amitié qu'il a immortalisée dans
quelques-unes des plus belles pages de- ses Es-
sais (voy. La Boetie). Cette liaison, rompue par
la mort prématurée de La Boëtie, au mois d'août
1563, fut le plus mémorable épisode de la vie
parlementaire de Montaigne, qui n'était point fait
pour cette carrière. « Il n'y avoit homme moins
chicaneur et moins praticien que lui,» dit Etienne
Pasquier. Il n'avait pas pris goût à la jurispru-
dence, quoique son père l'y eût « plongé tout en-
fant jusqu'aux oreilles » ; il la trouvait compli-
quée dans ses formes, violente dans ses prescrip-
tions, barbare dans son langage, pleine de
contradictions et de ténèbres. 11 se demandait
pourquoi le langage commun «si aysé à toutaultre
usage devient obscur et non intelligible en con-
tractet testament; et il pensait que les hommes
(1) En 1558 il assista, comme militaire ou comme sim-
ple curieux, an siège de Thlonville ; il est probable qu'en
1560, l'année de la conjuration d'Amboise, il se trouvait
à la cour de François II ; et 11 est à peu près certain qu'il
était avec Charles IX à Rouen en octobre 1562.
59
MONTAIGNE
(iO
de loi ont tout embrouillé pour se rendre néces-
saires (1). Il s'étonnait que la France eût plus
de lois que tout le reste du monde, et que de
ces lois et usances il y en eût « plusieurs bar-
bares et monstrueuses » Il s'indignait de l'atro-
cité des supplices et de l'usage de la torture.
« Tout ce qui est au delà de la mort simple, di-
sait-il, me semble pure cruauté. » «Celuy que le
juge a gebenné pour ne le faire mourir innocent,
il le fait mourir innocent et géhenne. ■» •
Avec de pareilles opinions Michel Montaigne
devait avoir hâte de quitter le parlement. Après la
mort de son père, en 1568, et de ses deux frères
aînés, il résigna sa place de conseiller en faveur
deFlorimond de Raymond le 24 juillet 1570. On
a pensé que la politique n'avait pas été étrangère
à cette résolution; que voyant avec dégoût et
inquiétude le gouvernement de Charles IX, il
abandonna des fonctions qui pouvaient le rendre
complice des actes de ce gouvernement. Ce sont
là des suppositions bien hasardées. Montaigne
était humain et éclairé ; mais il ne partageait ni
les haines ni les espérances des partis qui agi-
taient alors la France. « Une police, disait-il,
c'est comme un bâtiment de diverses pièces
jointes ensemble d'une telle liaison qu'il est im-
possible d'en esbranler une que tout le corps ne
s'en sente.... Je suis desgouté de la nouvelleté,
quelque visage quelle porte, et ay raison car j'en
ay vu des effets très-dommageables... » Un peu
après sa démission de conseiller, et avant la
Saint-Barthélémy, il écrivait le 10 septembre
1570 : « La nouvelleté couste si cher jusqu'à
cette heure à ce pauvre État, et ne sçais si nous
en sommes à la dernière enchère, qu'en tout et
partout j'en quitte le parti. » Celui qui s'expri-
mait ainsi n'était pas un homme d'opposition. 'Il
avoue de plus qu'il aimait la cour et qu'il y a
passé une partie de sa vie. Il aimait aussi beau-
coup Paris, dont il a fait au IIIe livre de ses
Essais un éloge magnifique et plein d'émotion.
On ne sait rien sur les premiers séjours qu'il fit
dans cette ville, mais il est certain qu'il parut à
la cour et qu'il y fut remarqué, plus encore par
(1) Voir dans le I. III, en. xni, plusieurs pages admi-
rables de verve et de bon sens, sur ces complications de
la jurisprudence; nous en citons quelques lignes . « Les
princes de cet art d'appliquants d'une péeullere attention
à trier des mots solennes et former des clauses artistes,
ont tant poisé chaque syllabe, cspeluché si primement
chasque espèce de cousture, que les voylà enfrasquez et
embrouillez en l'infinité des figures, et si menues parti-
tions, qu'elles ne peuvent .pins tumber soubs aulcun rè-
glement et prescription, ny aulenne certaine intelligence.
Nous doutions sur Ulpiao, et redoublons encore sur Bar-
tolus et Balrins... Qui ne diroit que les gloses augmen-
tent les doubtes et l'ignorance, puisqu'il ne se veoid
autcun livre, soit humain, soit divin, sur qui le monde
s'embesongne, duquel l'interprétation face tarir la diffi-
culté? Le centlesuie commenlaire le renvoyé à son suy-
vani, plus espineux et scabreux que le premier ne l'avoit
trouvé. . Cela se veoid mieulx en la chicane; on donne
autorité des lois à infinis docteurs, Infinis arrests, et a
autant d'interprétations... Il y ajilus à faire à interpréter
les interprétations qu'a interpréter les choses; et plus
de livres sur les livres que sur dultre subject : nous ne
faisons que nous entrcgloser. »
sa rare distinction d'esprit que par sa position
dans la magistrature. Charles IX le créa , au
mois d'octobre 1571, chevalier de l'ordre de
Saint-Michel ; cette faveur était alors si prodi-
guée que Michel Montaigne, qui l'avait beaucoup
désirée, fut peu flatté de la recevoir. Vers le
même temps il éprouva pour les agitations de
la cour un dégoût passager, et il résolut de se
retirer dans son château du Périgord, et d'y cul-
tiver en paix les lettres jusqu'à la fin de sa vie.
Les circonstances publiques justifiaient cetie ré-
solution, à laquelle cependant il ne fut pas fidèle,
car il accepta, vers 1576, la charge de gentil-
homme ordinaire de la chambre du roi, et plus
tard celle de gentilhomme de la chambre du
roi de Navarre. La vie de Montaigne depuis sa
sortie du parlement jusqu'à son voyage en Italie
fut principalement remplie par la composition
des deux premiers livres de ses Essais. Les af-
faires publiques y tinrent aussi une place assez
importante, mais qu'il est impossible de préciser.
M. Grûn a rassemblé et discuté tous les ren-
seignements à ce sujet. Nous renvoyons à son
savant ouvrage pour les détails de cette période,
dont un autre biographe, M. Clément, a ainsi
résumé l'ensemble. « Quelques négociations où
Montaigne servit successivement d'intermédiaire
entre Charles IX, Henri III, le duc de Guise et
le roi de Navarre, marquèrent dans la vie pu-
blique de l'illustre auteur des Essais, pendant
les années qui suivirent sa retraite du parlement
de Bordeaux ; mais les détails sur le rôle que
le négociateur joua dans ces affaires, d'une im-
portance aujourd'hui secondaire, font défaut.
Ami en tout temps de l'autorité royale et légi-
time, malgré les violences du gouvernement de
Charles IX, les faiblesses de Henri III et les
séductions irrésistibles du roi de Navarre, Mon-
taigne n'intervint entre eux que dans le but de
raffermir la royauté contre la ligne incessante
des partis. Par intervalles, la guerre civile de-
venant plus envenimée et plus générale dans sa
province, le négociateur suspendait ses démar-
ches, l'écrivain philosophe abandonnait la plume
pour l'épée, le gentilhomme ordinaire de la
chambre du roi se transformait en soldat. Mais
le noble et dur métier des armes ne convenait
guère sans doute à cette nature contemplative,
amie du bien-être, et, il faut bien le dire aussi,
passablement égoïste... Entraîné, poussé malgré
lui, dans les guerres civiles qui désolaient plus
particulièrement sa province, il ne pouvait que
les maudire et en souhaiter la fin. Quand l'o-
rage était un peu calmé, il revenait à sa li-
brairie et ajoutait quelques chapitres à ses Es-
sais. » La première édition de cet ouvrage pa-
rut en 1580. Nous apprécierons plus loin les
Essais ; disons ici seulement dans quelles cir-
constances ils furent composés. Montaigne était
un esprit paresseux, qui pour penser active-
ment avait besoin d'une excitation étrangère.
L'agitation d'une grande ville, les conversations
61
avec des amis, la vue de pays nouveaux et sur-
tout la lecture des anciens étaient pour -lui des
stimulants utiles et même nécessaires. Avec ce
tempérament intellectuel, il ne songea point d'a-
bord à écrire; il lui suffisait de laisser sa pensée
s'exercer sur les innombrables sujets que lui of-
fraient son expérience et ses lectures ; niaiscomme
il était distrait et avait la mémoire courte, il s'a-
perçut vite qu'il laissait perdre une foule de
pensées ingénieuses , et il se plut à les noter. Il
prit goût à cet amusement, qui convenait par-
faitement à son imagination, riche et indisciplinée,
et à son talent inné de style. Ce fut ainsi qu'il
rassembla sans suite et sans intention de les
publier un trésor de pensées et d'expressions.
Mais sa traduction de la Théologie naturelle
de Raymond Sebonde, publiée en 1569, et son
édition des Œuvres inédites de La Boëtie, l'en-
couragèrent à devenirauteur lui-aanêrae. Pour cela
il n'eut qu'à ranger sous divers titres, à déve-
lopper, à lier légèrement par des pensées nou-
velles les pensées qu'il avait déjà recueillies.
Cette élaboration longue , soignée mais non pé-
nible, et qui fut plutôt pour lui un nouvel amu-
sement, amena les Essais au point de pouvoir
être présentés en 1580 au public, qui les ac-
cueillit bien. Ce n'était pourtant qu'une ébauche
de l'ouvrage que nous connaissons aujourd'hui.
La même année Montaigne partit pour un long
voyage, dans l'espoir de rétablir sa 6an*té, ru-
dement éprouvée depuis deux ans par une né-
phrétique. 11 quitta le château de Montaigne le
22 juin 1580, rendit visite au maréchal de Ma-
tignon , qui faisait le siège de La Fère ; puis il
se dirigea sur la Lorraine , et s'arrêta aux bains
de Plombières. De là il se rendit en Allemagne ,
puis en Suisse, et enfin en Italie, en passant par
le Tyrol. On a le journal de son voyage .; <il le
tenait pour lui-même, et s'y laisse voir tout à
fait en négligé (1). Le langage en est sec, dé-
cousu, incorrect même .pour le temps ; vers la
fin l'auteur laisse son mauvais français pour un
italien qui ne vaut pas mieux; mais toutce fatras
est très-utile et parfois amusant à consulter Mon-
taigne s'y révèle naïvement dans son égoïsme de
valétudinaire, et dans sa vanité gasconne il s'y
montre aussi un observateur calme , impartial ,
éclairé, dégagé de préjugés nationaux, lll n'oublie
aucun détail sur les variations de sa santé et
sur les effets des eaux minérales.; il «ate avec
un soin égal les honneurs qui lui ont été rendus.
Un de ses frères et quelques gentilshommes de
ses amis l'accompagnaient. Les nobles voyageurs
étaient reçus avec les plus grands égards dans
toutes les villes où ils passaient. Montaigne , de
son côté, faisait peindre ses armoiries sur un
écusson qu'il laissait à Plombières etàAugsbourg,
comme souvenir de l'hospitalité reçue. Cîétait à
ce qu'il semble la coutume eu Lorraine, et en
(t) Ce journal fut d'abord tenu par un serviteur de
Montaigne, qm lui servait de secrétaire, puis à partir du
séjour à Rome par Montaigne lui-même.
MQWTAJGNK 62
Allemagne,; mais en Italie, où on ne la connais-
sait pas, il tint à coeur de l'introduire et laissa
ses armoiries dans les hôtelleries de Prse et de
Lucques, en ncommanrlant qu'on se gardât bien
de les enlever. A Lorette il obtint de placer dans
la chapelle un ex-voto d'argent ciselé, avec la
figure de la Vierge, la sienne, celle de sa femme
et celle de sa fille. A Rome il n'oublia pas de se
faire décerner un brevet de citoyen romain. Dans
les Essais il prétend qu'il lui fut offert; la vérité
est qu'il le sollicita. Il dit dans son journal : « Je
cherchai et emploïai tous mes cinq sens de na-
ture pour obtenir le titre de citoyen romain, ne
fût ce que pour l'anoien honneur et religieuse
mémoire de son autorité.... J'y trouvai de la
difficulté; toutefois, je la surmontai.... L'auto-
rité du pape y fut emploïée par le moyen de
Philippe Masoti , son maggiodormo, qui m'avoit
pris en singulière amitié, et s'y peina fort....
C'est un titre vain, tant y a que j'ay reçu beau-
coup de plaisir de l'avoir obtenu. » Après un
séjour de cinq mois à Rome , il revint ( août
1581 ) aux bains délia villa près de Lucques.
Là il reçut le 7 septembre une lettre qui lui
annonçait que le 2 août il avait été élu à l'u-
nanimité maire de Bordeaux. Il repartit pour
Rome le 12 septembre, et en y arrivant ( 1er oc-
tobre ) il trouva une lettre des jurats de Bor-
deaux qui lui annonçaient officiellement sa no-
mination, et le priaient d'accepter. Il s'excusa
d'abord , mais les Bordelais s'adressèrent au roi
Henri III, qui ordonna à Montaigne d'accepter.
Le philosophe n'attendant pas la lettre royale
( datée du 25 novembre ) partit de Rome le
16 octobre, et arriva dans son château le 30 no-
vembre, après une absence de dix-sept mois huit
jours. Il succédait dans la place de maire au
maréchal de Biron. Il semble que le philosophe,
quoi qu'en ait dit Balzac , occupa avec honneur
cette -magistrature, particulièrement difficile à
remplir dans un temps de troubles. Mais son
administration est peu connue. Les registres de
la ville de Bordeaux qui se rapportent à cette
époque offrent beaucoup de lacunes. Montaigne
prétend que ses concitoyens lui reprochèrent de
s'adonner ans. affaires trop lâchement et de n'y
porter .qu'une affection languissante , et il ajoute
que ces reproches « n'-éf oient pas 'du tout éloi-
gnés d'apparence ». En entrant en charge il avait
prévenu les Bondelais de ne pas trop compter
sur lui : « Je me déchiffrai fidèlement et cons-
ciencieusement, dit il , tout tel que je me sens
être; sans mémoire, sans vigilance, sans expé-
rience et sans vigueur, sans haine aussi , sans
ambition, sans avarice et sans violence. » Il est
certain que le maire de Bordeaux tint au delà
de ce qu'il avait promis, et qu'il se montra
constamment honnête, impartial, modéré. Au
mois d'août 1582, il se rendit à Paris pour sou-
tenir auprès du roi les intérêts de Bordeaux, et
obtint gain de cause. Ce succès contribua à sa
réélection pour .deux autres années ( 1er août
63
MONTAIGNE
64
1583). Quelques citoyens protestèrent contre
cette élection, comme contraire à l'ordonnance
de 1550; mais Henri III la maintint. L'année
suivante, 1584, la situation politique s'aggrava
encore. Les protestants, avec le roi de Navarre à
leur tête, les catholiques conduits par Guise al-
laient en venir aux mains, et le roi Henri 111,
également menacé par les deux partis, cédait
aux catholiques, mais commençait à incliner vers
le roi de Navarre. Ce fut aussi la politique de
Montaigne, royaliste dévoué, et catholique d'o-
pinion avec une assez vive sympathie pour le
roi de Navarre. Le maréchal de Matignon, gou-
verneur de la Guyenne, avait les mêmes senti-
ments. L'accord du gouverneur et du maire
contint les tendances contraires du parlement,
et prévint un soulèvement des catholiques li-
gueurs. Au mois de mai 1585, Montaigne eut
seul la charge du gouvernement de Bordeaux,
en l'absence de M. de Matignon, et il s'en acquitta
avec une énergie dont témoigne une lettre de
lui au maréchal. Malheureusement quelques
jours plus tard il montra moins de fermeté de-
vant un fléau plus redoutable que la guerre ci-
vile. Au mois de juin la peste fit de terribles
ravages à Bordeaux. Montaigne, qui n'avait plus
qu'un mois à rester en charge, et que l'obliga-
tion de veiller sur sa famille avait rappelé à son
château, ne jugea pas à propos de revenir à Bor-
deaux. Au mois de juillet les jurats exprimè-
rent le désir que le maire vînt présider aux élec-
tions de son successeur. Montaigne leur répondit
de Libourne le 30 juillet qu'il « n'épargneroit pas
sa vie pour leur service, mais qu'il ne pouvoit
pas se hazarder d'aller en la ville , vu le mau-
vais état où elle estoit, notamment pour Iuy,
qui venoitd'un si bon air ». 11 offrait de se rendre
jusqu'au village de Feuillas, « si le mal n'y estoit
arrivé», pour conférer avec les jurats, et il leur
souhaitait une vie longue et heureuse (1). Ainsi se
termina par une lettre peu héroïque une admi-
nistration d'ailleurs honorable.
Montaigne, redevenu simple particulier, remit
de l'ordre dans ses affaires, qui avaient beaucoup
souffert de la guerre et de la peste dans la ter-
rible année 1585 (2), revit ses Essais et en pré-
para une nouvelle édition. Use trouvait à Paris,
pour l'impression de ses Essais, en 1588 après
la journée des barricades, et lorsque le roi en
avait été chassé. 11 fut arrêté comme royaliste
et mis à la Bastille ; mais la reine mère inter-
vint près du duc de Guise,qui ordonna le jour
même son élargissement (10 juillet). Il se ren-
dit la même année aux états de Blois , sans titre
(1) On a un peu amplifié cet incident, que les contem-
porains ne remarquèrent pas. Il s'agissait d'une simple
formalité, dont Montaigne, vu les circonstances, crut
pouvoir se dispenser; il n'y a rien à en conclure contre
son courage.
(2) Voir dans les Essais, I. III, c. xir^ une vive peinture
de cette triste époque, où « mille diverses sortes de
maux accoururent a lui à la file : Je les eusse plus gail-
lardement soufferts à la foule », ajoule-t-11.
officiel, car il n'était pas député de sa province.
On a supposé que Montaigne, qui avait eu en
Guyenne de fréquents rapports avec le roi de
Navarre , qui l'avait reçu dans son château en
1584 (19 décembre) et en 1587 (24 octobre), venait
aux états avec une mission secrète auprès du duc
de Guise ou de Henri III, peut-être auprès de
ces deux puissants rivaux que Henri de Navarre
avait également intérêt à ménager. Ce n'est
qu'une conjecture. Après le meurtre du duc de
Guise (décembre 1588), Montaigne revint dans
la Guyenne, et passa une partie de l'année 1589
à Bordeaux, dans la société de Charron, prédi-
cateur théologien qui avait le goût de la philo-
sophie morale. Il s'occupa aussi des affaires pu-
bliques , et par ses conseils et son influence il
aida son successeur à la mairie , le maréchal de
Matignon, à maintenir Bordeaux dans le parti du
roi. Après la mort de Henri III, le roi de Navarre,
devenu roi de France, aurait voulu attirer Mon-
taigne près de lui ; il lui exprima plusieurs fois
le désir de le voir. Le philosophe, qui après les
agitations des dernières années était rentré dans
son château de Montaigne, ne se souciait pas
d'en sortir. Il résista, et comme Henri IV, dans
une dernière lettre, lui proposait sans doute de
le défrayer de son voyage , il répondit noblement
le 2 septembre 1590 : « Sire, Vostre Majesté me
fera, s'il lui plaist, ceste grâce de croire que je
ne plaindray pas ma bourse aux occasions aux-
quelles je ne voudrois espargner ma vie. Je n'ay
jamais receu bien quelconque de la libéralité des
roysnon plus que demandé ny mérité, et n'ay
receu nul payement des pas que j'ay employés à
leur service , desquels Vostre Majesté â eu en
partie connoissance. Ce que j'ay faict pour ses
prédécesseurs , je le feray encore beaucoup plus
volontiers pour elle. Je suis, Sire, aussy riche
que je me souhaite. Quand j'auray espuisé ma
bourse auprès de Vostre Majesté, à Paris, je
prendray la hardiesse de le luy dire, et lors, sy
elle m'estime digne de me tenir plus longtemps
à sa suite , elle en aura meilleur marché que du
moindre de ses officiers. » Montaigne n'eut pas
le plaisir vivement souhaité de voir Henri IV
paisiblement établi sur le trône de France. Sa
santé s'était prématurément affaiblie; il avait
acquis « la colique ( néphrétique ) par la libéra-
lité des ans », et il sentait la mort « le pincer
continuellement à la gorge ou aux reins ». Quand
elle se présenta il l'accueillit en homme qui était
depuis longtemps préparé à la recevoir. « Une
esquinancie lui étant tombée sur la langue, dit
Estienne Pasquier, il demeura trois jours entiers
plein d'entendement sans pouvoir parler. Au
moyen de quoy il étoit obligé d'avoir recours à
la plume pour faire entendre ses volontés. Et
comme il sentit sa fin approcher, il pria , par
un petit bulletin , sa femme de semondre quel-
ques gentilshommes siens voisins afin de prendre
congé d'eux. Arrivés qu'ils furent, il fit" dire la
, messe dans sa chambre ; et comme le prebstre
65
étoit sur l'élévation du corpus Domini, ce pauvre
gentilhomme s'eslança , au moins mal qu'il put,
comme à corps perdu sur son lit, les mains
jointes, et en ce dernier acte rendit son esprit
à Dieu , qui fut un -beau miroir de l'intérieur de
son âme. » Montaigne nous apprend dans ses
Essais que quand il se sentait malade il faisait
aussitôt appeler un prêtre. On voit qu'il ne se
démentit pas à ses derniers moments. II a dit
encore dans ses Essais qu'en payant on trouve
partout « qui vous tienne la tête et qui vous frotte
les pieds ». Ces paroles irrévérencieuses ont fait
penser à quelques personnes qu'en terminant sa
vie d'une manière si catholique, Montaigne
obéissait moins à la foi intérieure, qui est peu
manifeste dans ses écrits, qu'aux convenances
religieuses , qu'il respecta toujours.
Montaigne épousa en 1 565 Mi'e Françoise de
La Chassaigne, fille d'un des conseillers du par-
lement de Bordeaux « par convenance, dit-il, et
pour se conformer à l'usage, plutôt que par incli-
nation naturelle » ; il eut d'elle six filles, dont cinq
ne vécurent que quelques jours. La deuxième ,
Léonor, née le 9 septembre 1571, vécut et eut
des enfants. Mlle de Gournay, personne de sa-
voir et grande admiralrice des Essais, voulut être
la fille d'alliance de Montaigne ( voy. Gournay ).
Le philosophe gentilhomme permit à Charron,
un autre de ses admirateurs, son disciple et son
ami, de porter ses armes.
Montaigne était d'une taille au-dessous de la
moyenne; il s'en plaint comme d'un inconvénient
pour ceux qui remplissent des charges ; il n'était
point d'ailleurs mécontent de sa mine, car c'est
à lui qu'il pense lorsqu'il parle de « ce petit
homme aux yeux pleins de douceur, au front
large , au nez bien faict , à la barbe brune ( à
escorce de châtaigne ), égale, époisse, à la tête
justement ronde , à l'oreille , à la bouche petites,
au teint frais, au visage agréable , aux membres
"proportionnés , qui n'en est pas plus laid parce
qu'il n'a pas six pieds. » Après cette agréable
esquisse physique , nous empruntons aux Essais
quelques détails sur les sentiments de l'auteur.
« Je suis, dit-il, peu en prinse des violentes pas-
sions ; j'ai la compréhension naturellement dure,
et l'encrouste et l'espessis tous les jours d'avan-
tage. » Il avoue qu'il a été sensible à l'amour ;
« mais, ajoute-t-il, je n'ai point trouvé Vénus
si impérieuse déesse. » Son amitié pour son père
et pour La Boëtie sont bien connues ; H a trouvé
pour peindre ces deux affections des mots char-
mants, admirables ; nous en citerons deux, bien
souvent cités , et qui peignent son âme. « Après
la mort de mon père , dit-il, je ne montois jamais
à cheval sans porter un manteau qui lui avoit
appartenu , non par commodité ou par délices ,
mais parce qu'il me sembloit m'envelopper de
lui.» — « Si on me presse de dire pourquoi je l'ay-
mois (La Boëtie), je sens que cela ne peult s'ex-
primer qu'en répondant : Parce que c'étoit lui,
parce que c'étoit moi. » A ces accents, à mille
NOUV. BIOGR. CÉNÉR. — T. XXXVI.
MONTAIGNE 66
autres, ou plutôt à toutes les pages des Essais,
on reconnaît une nature bien douée, non pas
héroïque peut-être, mais généreuse, d'une sen-
sibilité exquise, ne visant pas au sublime et se
contentant d'être honnête, capable de dévoue-
ment et incapable d'une action basse, enfin le
modèle de ce que l'on pourrait appeler la vertu
moyenne. Le livre où cet aimable caractère se
raconte, avec des détails infinis, qui ne parais-
sent pas trop longs , est resté une des lectures
favorites des esprits honnêtes et délicats ; il est
encore ce qu'on le proclamait au seizième siècle,
« le bréviaire des honnêtes gens. » Au dix-sep-
tième siècle il se fit contre les Essais une réac-
tion qui partit surtout de Port-Royal, et à la-
quelle Malebranche s'associa. C'était l'esprit
chrétien qui protestait contre le scepticisme de
Montaigne. Ce scepticisme au contraire fut pour
lui un titre de faveur auprès des écrivains du dix-
huitième siècle , qui firent du livre des Essais
une arme de guerre. Le dix-neuvième siècle, plus
impartial , n'a cherché et trouvé dans les Essais
que ce que l'auteur avait voulu y mettre, le doute
en beaucoup de choses , la tolérance dans toutes.
Littérairement les avis ont été moins partagés,
et les critiques les plus sévères ont rarement
résisté au charme de ce style incisif, original,
coloré. L'Académie Française proposa l'Éloge de
Montaigne pour sujet du prix d'éloquence en
1812. Ce concours est resté célèbre par le nom-
bre et le mérite des discours soumis au juge-
ment de l'Académie. Le prix fut remporté par
M. Villemain, dont le charmant Éloge est encore
ce que l'on a écrit de plus ingénieux et de plus
agréable sur Montaigne écrivain ; la philosophie
de l'auteur des Essais fut appréciée avec plus
d'étendue dans les discours d'autres concur-
rents, Droz, Jay, Victorin Fabre, Leclerc, Biot.
Depuis cette époque, Montaigne s'est souvent
présenté à la critique contemporaine, qui l'a tou-
jours accueilli avec sympathie et qui s'est ef-
forcée de le comprendre et de le célébrer digne-
ment. Sa vie et ses ouvrages ont en même temps
attiré l'attention de quelques érudits distingués,
au premier rang desquels il faut placer le doc-
teur Payen, qui a déjà tant fait pour Montai-
gne, et de qui l'on attend deux choses qui nous
manquent encore, une biographie complète de
Montaigne et une édition définitive des Essais.
Après cet excellent et infatigable Montaigno-
logue, comme l'appelle M. Gustave Brunet, il est
juste de citer M. G. Brunet lui-même, MM.d'Et-
chevery, Macé, Jubinal, Horace de Vieil -Castel,
Delpit, Bigorie de Laschamps, et particulière-
ment MM. Grùn et Bayle Saint-John. Il serait
difficile de dire quelque chose de neuf sur le
génie d'un auteur qui a eu tant d'admirateurs
et tant de dévots, quelquefois superstitieux :•
pour une appréciation détaillée nous renvoyons
aux discours cités plus haut, et nous nous bor-
nons à quelques remarques qui peuvent faciliter
l'intelligence d'un livre qui n'offre en apparence
67
MONTAIGNE
68
ni suite ni cohésion. Nous avons dit comment
les Essais avaient été commencés, sans dessein,
ou du moins sans autre dessein pour l'auteur que
de noter ses pensées et de s'en rendre compte.
Aussi, comme l'a fort bien dit Montesquieu, « dans
la plupart des auteurs on voit l'homme qui
écrit, dans Montaigne on voit l'homme qui
pense ; » et il est juste d'ajouter l'homme qui
pense par lui-même. L'auteur des Essais est
certainement l'esprit le plus indépendant qui ait
jamais existé ; indépendant sans être révolté, et
détaché des systèmes des autres sans en avoir
un qui lui soit propre. Mais si Montaigne n'a
pas de parti pris, il a des idées qu'il n'em-
prunte à personne, ou qu'il n'emprunte que dans
la mesure qui lui convient, et qu'il regarde
comme légitimes (non pas comme vraies , car il
ne va pas jusque là), par cela seul qu'elles lui
appartiennent. Sa philosophie n'est ni celle
d'Épicure, ni celle de Zenon, ni celle de Platon,
ni celle d'Aristote; c'est la philosophie de Mon-
taigne; sa morale n'est ni la morale païenne ni
la morale chrétienne; c'est la morale de Mon-
taigne. Cette prétention d'un esprit qui prend
uniquement sa conscience pour mesure et règle
de ses actes, cette revendication des droits des
opinions individuelles , et ce que l'on pourrait
appeler l'épanouissement d'une individualité
dans tout un livre, ne choquent pas, parce que
l'auteur, outre les grâces du style, a une incon-
testable sincérité et un dessein philosophique.
Que Montaigne soit sincère, et que les Essais
soient un livre de bonne foi, qui en douterait,?
L'auteur a pu dire en toute vérité : « Je veulx
qu'on m'y veoye en ma façon simple, naturelle
et ordinaire, sans estude et artifice, car c'est
moy que je peinds. Mes défaults s'y liront au
vif, mes imperfections et ma forme naifve, au-
tant que la révérence publique me l'a permis.
Que si j'eusse esté parmy ces nations qu'on dict
vivre encores soubs la doulce liberté des pre-
mières loix. de nature, je t'asseure que je m'y
feusse très-volontiers peinct tout entier et tout
nud. »
Mais sous cette représentation fidèle d'un
homme, il y a un dessein à la fois philosophique
et social, que Montaigne n'avait pas' en commen-
çant, et qu'il avait en publiant son livre, le
dessein d'enseigner aux hommes la tolérance en
religion et en politique. Cœur honnête et géné-
reux, esprit délicat et modéré, Montaigne fut
condamné à vivre dans un siècle tragique, où l'in-
tolérance mutuelle des sectes et des partis était
portée au dernier degré de férocité. Il eut horreur
de ces excès motivés sur des croyances qui n'a-
vaient même pas toujours l'excuse de la sincérité,
et entreprit de montrer, non par des raisonne-
ments en forme, mais par des observations fines,
et par des exemples recueillis comme au hasard
et sans intention, que toutes les opinions hu-
maines sont tellement incertaines qu'il est im-
possible de décider quelles sont les plus fondées ;
que chacun a le droit de garder ses opinions parce
qu'il n'est pas sûr que les opinions des autres
valent mieux , et que c'est cruauté et déraison
d'imposer par force aux autres des doctrines
que nous croyons vraies et qui sont peut-être
fausses, car que savons-nous (1) ? Tout est incer-
tain , excepté le christianisme, que Montaigne
réserve sous la forme catholique, à laquelle il
adhère expressément. Cette exception, si elle
était sérieuse, détruirait toute sa théorie, car le
christianisme étant le régulateur moral suprême,
il servirait peu d'exclure le dogmatisme de la
spéculation s'il devait régner sur la vie. Mon-
taigne sentait bien cette difficulté, qu'il n'a-
vouait pas, et c'est contre elle que son livre est
indirectement dirigé. Il admet le christianisme
comme croyance, mais il l'écarté comme morale ;
il règle la vie sur des considérations et des con-
venances parement humaines; dans la mort
même il ne fait intervenir ni les terreurs ni les
consolations que la religion a rassemblées sur
les derniers moments de l'homme. Il veut que
l'homme ne redoute pas la mort, parce qu'elle
est une, pièce de l'ordre universel, parce qu'elle
ressemble à des choses qui nous sont très-fami-~
Iières, au sommeil, aux défaillances, n'étant elle-
même qu'un sommeil plus profond et une dé-
faillance plus complète ; nulle part il ne laisse
entrevoir les peines et les récompenses que la
religion a placées au delà de ce sommeil et de
cette défaillance. Ainsi le christianisme admis
par un restede croyance, par habitude, par pru-
dence, se trouve de fait exclu de la vie et de la
mort. On peut dire que Montaigne, après avoir
chassé sans cérémonie les autres opinions, écon-
duit le christianisme avec beaucoup d'égards-
Voilà la pensée fondamentale des Essais ; elle
prend des formes si diverses et se dérobe sous
tant de divagations qu'il est facile de s'y trom-
per (2). Il vaut mieux d'ailleurs ne pas prendre les
Essais par ce côté de la controverse et les con-
sidérer simplement comme le plus attrayant des
manuels de morale , un trésor d'observations
(1) Que savons-nous ? ou plutôt, que sais-je ? c'est la
devise de Montaigne. Il ne dit pas je doute, il ne dit
pas, je ne sais pas : ce seraient des affirmations; il dit
que sais-je? « Il met toutes choses dans un doute uni-
versel et si général que ce doute s'emporte soi-même, et
que l'homme doutant même s'il doute, son incertitude
roule sur elle-même dans un cercle perpétuel et sans
repos, s'opposant également à ceux qui disent que tout
est incertain et à ceux qui disent que tout ne l'est pas,
parce qu'il ne veut rien assurer. C'est dans ce doute qui
doute de soi et dans cette ignorance qui s'ignore qu'est
l'essence de son opinion, qu'il n'a pu exprimer par au-
cun terme positif. .«(Pascal, Entretien avec M. de Saci,
à la suite des Pensées. )
(2) l'ar exemple, l'attaque contre les miracles se trouve
dans le chapitre sur les boiteux. On a fait un Montaigne
chrétien, on ferait un Montaigne païen, un Montaigne
épicurien; stoïcien, etc., etc. Ce n'est pas l'homme d'une
croyance ou d'une secte qui se peint dans les Essais;
c'est l'homme ondoyant et divers qui s'y reflète dans
toutes ses diversités et ses contradictions; mais une
lecture attentive du chapitre intitulé Apologie de Ray-
mond Sebonde laisse peu de doute sur le fond de la pen-
sée de l'aulcur.
r,9
MONTAIGNE
70
et de pensées merveilleusement exprimées. Ces
pensées ne sont pas toujours tirées de son tonds,
il les prend souvent dans les auteurs anciens,
qu'il lisait sans cesse, et surtout dans ses deux
auteurs favoris, Sénèque et Plutarque; mais il
se les approprie par la vivacité d'un style qui
n'est qu'à lui : « Montaigne, dit M. Villemain,
décrit la pensée comme il décrit les objets, par
des détails animés, qui la rendent sensible aux
yeux. Son style est une allégorie toujours vraie,
où toutes les abstractions de l'esprit revêtent
une forme matérielle, prennent un corps, un vi-
sage, et se laissent, en quelque sorte, toucher et
manier. S'il veut nous donner une idée de la
vertu, il la placera dans une plaine fertile et
fleurissante , où qui en sait l'adresse peut
arriver par des roules galonnées, ombra-
geuses et doux fleurantes. Il prolongera cette
peinture avec la plus étonnante facilité d'ex-
pression; et quand il l'aura terminée, pour en
augmenter l'effet par le contraste, il nous mon-
trera dans le lointain la chimérique vertu des
philosophes sur un rocher à l'écart, parmi
des ronces, fantôme à effrayer les gens...
Montaigne abuse beaucoup de son lecteur. Ces
chapitres qui parlent de tout, excepté de ce que
promettait le titre , ces digressions qui s'em-
barrassent l'une dans l'autre , ces longues pa-
renthèses qui donnent le temps d'oublier l'idée
principale , ces exemples qui viennent à la suite
de ces raisonnements et ne s'y rapportent pas...
pourraient fatiguer, et l'on serait quelquefois
tenté de ne plus suivre un écrivain qui ne veut
jamais avoir de marche assurée, si un trait
inattendu ne nous ramenait, si une pensée naïve
et forte, un mot original ne venait nous piquer,
nous réveiller. Le sujet nous a souvent échappé :
mais nous retrouvons toujours l'auteur ; et c'est
lui que nous aimons. w
Bibliographie. Théologie naturelle de Raymond
Sebonde {voy. Sebonde); — Opuscules de La
Boêlie {voy. Boetie); — Les Essais de messire
Michel, seigneur de Montaigne.. . livre premier
cl second. Bourdeaus, par S. M illanges , impri-
meur du roi '•; 4580, 2 part, pet. in-8°. Cette édition
originale des Essais contient le même nombre de
chapitres que les suivantes, mais ils sont plus courts
et offrent peu de citations; la seconde édition, revue
et augmentée par l'auteur, fut imprimée par S. Mil-
langes, 1582, un seul vol. pet. in-8°; une troi-
sième édition parut à Paris (Jean Ricber, 13S7,
in-12) ; il en parut une quatrième, qui a jusque ici
échappé aux bibliographes; la cinquième édition,
la dernière publiée du vivant de l'auteur, parut aug-
mentée d'un troisième livre et de six cents addi-
tions aux deux premiers; Paris, Abel L'Angelier ;
1588, in-4°; d'après cette édition fut faite celle de
Lyon, 15^5, in 8°, sous le titre de Livre des Essais-,
il en parut dans la même ville, 1393, pet. in-8°, une
édition, que M. Paym regarde comme la plus mau-
vaise que l'on ait jamais publiée. Montaigne avait
laissé en mourant deux exemplaires de l'édition de
«588 chargés de corrections et d'additions de sa
main, mais différents l'un de l'autre. Ce fut sur un de
ces exemplaires que M1*» de Gournay donna l'édition
de Paris, Abel L'AngHicr (Michel Sonnius), (593,
in- fol., « revue et augmentée d'un tiers plus qu'aux
précédentes impressions ». Cette édition, qui fait au-
torité pour le texte des Essais, contient une préface
apologétique de l'éditeur. M "e de Gournay donna
une seconde édition; Paris (L'Angelier),1598,grand
in-8° (réimprimée en 1600 et IG02),avec une courte
préface en remplacement de celle » que l'aveugle-
ment de son âge et d'une violente lièvre d'âme lui
laissa naguère échapper ». La troisième édition de
M"e de Gournay ; Paris, 1617, in-4° , reproduit la
grande préface de 1595, mais modifiée et améliorée
et donne la traduction française de presque toutes
les citations grecques et latines ; cette édition est
incorrecte, mais moins que celle de Paris, 1027,
in-4°. La dernière édition de M"e de Gournay {éd.
exactement corrigée selon le vrai exemplaire, en-
richie à la marge des noms des auteurs cités et de
la version de leurs passages... avec la vie de l'au-
teur, plus deux tables....: Paris, 1635, in-fol.),
dédiée au cardinal de Richelieu, est utile, à cause
des pièces qu'elle contient, mais elle vaut moins que
celle de 1393 pour le texte, que l'éditeur a légèrement
altéré afin de le rendre plus correct et plus intelli-
gible ; la préface de 1595 est augmentée et améliorée.
Nous avons cité toutes les éditions des Essais pu-
bliées par Montaigne et par M'le de Gournay ; parmi
les éditions qui ont paru depuis 1635 les principales
sont : celles de Bruxelles et d'Amsterdam, 1639,
3 vol. in-12; cette édition, peu correcte, n'est re-
marquable que parce qu'elle passe pour avoir été
imprimée par les Elzevier de Leyde; mais M. Bru-
net pense qu'elle est de Foppens. L'édition de
Coste , Londres , 1724, 3 vol. gr. in-4°, améliorée
dans celle de Paris, 1725, 3 vol. in-4*, dans celle de
La Haye, 1727, 5 vol. in-12, dans celle de Lon-
dres, 1739, 6 voL in-12, et surtout dans celle
de Londres, 1743, 7 vol. in-12, la dernière et ia
meilleure donnée par Coste, qui a eu le tort de ra-
jeunir l'orthographe des Essais, mais qui a joint
au texte des notes souvent utiles et curieuses. On
trouve dans les éditions de 1739 et 1745 neuf lettres
de Montaigne , le discours d'Etienne de La Boëtie
Sur la servitude volontaire ; — Les Essais revus et
collationnés sur un exemplaire corrigé de la main
de l'auteur {par Naigeon ) ; Paris, 1802, 4 vol.
in-8° ; cet exemplaire, différent de celui qui avait
servi à l'édition de 1595, offre de bonnes variantes,
mais en somme il ne vaut pas celui dont MU* de
Gournay avait fait usage. Citons encore les éditions
données parMM. Éloi Johanneau, Paris, 1818, 5vol.
in-8° ; de L'Aulnay , 1818, gr. in-8° ; Amaury Duval,
1820-1825, 6 vol. in-8° ; Lefèvre, 1823, 5 vol. in-8° ;
Jos.-Vict. Leclerc, 1826-1828, 3 vol. in-S° ; le Pan-
théon littéraire, 1836, gr. in-8°; M. Louandre, ( 834,
4 vol. in-12: — Journal du Foyagede Michel de Mon-
taigne en- Italie, avec des notes par Meunier de
@Me>'/0»;Rome,l774,in-4c (1 ). Des extraits des Essais
ont été publiés sous les titres suivants : Pensées de
Montaigne, propres à former l'esprit et tes mœurs
(recueillies par Artaud); Paris, 1700, in-12; —
L'Esprit de Montaigne, ou les maximes, pensées,
jugements et réflexions de cet auteur rédigées par
ordre de matières par Pesselier; Berlin ( Paris) ,
1753,2 vol. in 12; — Christianisme de Montaigne,
ou pensées de ce grand homme sur la religion
(l)Un exemplaire des Commentaires de Cé-;ar qni avait
appartenu à Montaigne et portait toute une page de sa
main a été acquis par te duc d'Aumale, au prix de 1550 fr.
3.
71
MONTAIGNE — MONTAIGU
72
par M. l'abbé L** (Labouderie ) ; Paris, 1819, in-S°.
JH. Payen, dans une suite de brochures, a donné
plusieurs lettres inédites de Montaigne, et de pré-
cieuses notes autobiographiques écrites par l'auteur
des Essais sur un volume des Éphémérides de
Beutucr. 11 serait à désirer qu'une édition complète
et soignée réunît enfin tout ce qui est sorti de la
plume de Montaigne et relevât avec exactitude les
variantes des différentes éditions des Essais depuis
celle de tSSO jusqu'à celle de 1633 (I) . Il existe en an-
glais deux traductions de Montaigne,l'une par Florio,
Fautre par Cotton. La traduction de Florio était
une des lectures favorites de Shakspeare. Un des
derniers et des plus savants biographes de Montaigne,
M. Bayle Saint-John, prétend qu'aucun écrivain
français, à l'exception peut-être de Rabelais, n'a
exercé autant d'influence sur la littérature anglaise
que l'auteur des Essais. L. Jodbert.
DeThou, Historia sui temporis. — Ltienne P.isquier,
Lettres. — La Croix du Maine, Bibliothèque française.
- 3. Bouhier, Mémoires sur la vie et les ouvrages de
Michel de Montaiqne , avec une comparaison d'Épic-
tête et de Montaigne { par B. Pascal ). - Talbcrt, Eloge
de Mich. de Montaigne, couronné par l'Académie de
Bordeaux; Paris, 1775, in-12. — Dom Devienne, El. his-
torique de Mich.de Montaigne ; Paris, 1775, in-12. — La
Dixmerie, El. analytique et historique de M. de Montai-
gne ; Paris, 1781, in-8° ; — Mme de Bourdic-Viot.fi/. de Mon-
taigne; Paris, 1800,in-8«. — Villemain, Eloge de M. Mon-
taigne ; — Journal des savants, juillet et octobre 1855.
— Jay, El. de Montaigne ,1312, in 8". — Droz, El. de
Mich. Montaigne ; 1312, in-8°. — Biot, Montaigne, dis-
cours ; 1812, in-8°. — Du Iloure, El. de Mich. Mon-
taigne; 1812, in-8°. — Victorin Fabre, El. de Mich.
Montaiqne; 1813. in-8». — Dutens, El. de Mich. Mon-
taigne; 1818, in-8°. — Vict. Leclerc, Eloge de Mon-
taigne; 1812, in 8°. — Payen, Notice bibliographique
sur Montaigne ; Paris, 1837, in-8°; - Documents iné-
dits ou peu connus sur Montaigne ; 1847, in-8°. — Nou-
veaux Documents ; 1850, in-8°. — Documents inédits;
185S, in-8°.— Recherches sur Montaigne; 1856, ln-80.—
A. Jubinal, Une Lettre inédite de Montaigne ; Paris, 1850,
in-8°. _ Griin, La Vie publique de Michel Montaigne ,■
Paris, 1855, in-8°. — Al. de Gourgues, Réflexions suitya vie
et le caractère de Montaigne ; Bordeaux , 1856, in-3°. —
Bayle Saint-John, Montaigne the Essayist ; Londres,
1838, in-8°. — Vinet, Essais de Philosophie morale. —
Emerson, The représentative Mm. — Sainte-Beuve,
Port-Royal; Causeries du lundi, t. IV. — P. Clément,
dans la Revue contemporaine, 31 août 1855. Bigorie de
L.ischamps, Michel de Montaigne, deuxième édlt. ;
Paris, 1860, in-12.
MONTAIGU ( Pierre Guérin Ier de ) , trei-
zième grand-maître de l'Ordre des Hospitaliers
de Saint-Jean-de-Jérusalem, né en Auvergne, à
Montaigu-en-Combraille, près Riom, vers 1168,
mort en Palestine, en 1230. Il fut élu en 1208
grand-maître de son ordre, dont il avait occupé
les principaux grades , après la mort de Geoffroy
le P.ath. Sa valeur, sa dévotion l'avaient surtout
fait distinguer. La grande-maîtrise des Hospita-
liers siégeait alors à Ptolémaïs. Guérin de Mon-
taigu lutta avec succès contre les musulmans. Il
défit le soudan d'Egypte, Malek el Moubeckr
Nasser, te calife de Syrie, et conduisit un secours
important à Livon Ier, roi d'Arménie, attaqué
par le sultan SeJjioucided'Iconium,Azz ed Dinler.
(1) Il faudrait bien se gardrr d'omettre le Journal du
Voyage, sous prétexle qu'il « n'a aucun intérêt ». Ce
Journal est au contraire d'un grand intérêt pour qui
veut bien connaître Montaigne; M. Bayle Saint-John en
a signalé toute l'importance.
Le courage du grand-maître décida de la victoire.
De retour en Palestine, il se signala à la prise
de Damiette (1219Î, et devint l'ami de tous les
princes croisés. Il chercha, mais en vain, à
rapprocher son ordre de celui des Templiers,avec
lequel il était en guerre ouverte. En 1228, il en-
gagea le pape Grégoire IX à prêcher une nou-
velle croisade, puis il refusa d'y prendre part,
parce que l'armée chrétienne était commandée
par l'empereur d'Allemagne Frédéric II, qui avait
encouru l'excommunication majeure. Guérin de
Montaigu mourut peu après, et Bertrand de
Texis lui succéda. A. n'E — p— c.
Bosio et Baudouin , Biit. de l'Ordre de Jérusalem. —
Naberat, Privilèges de l'Ordre de Jérusalem.
montaigu ( Guillaume de ), abbé de Cî-
teaux, mort, suivant M. Petit-Radel, le 19 mai
1246. Il fut d'abord prieur de Clairvaux, en-
suite abbé de La Ferté, puis de Cîteaux. C'était
un homme qui jouissait d'une grande autorité.
Grégoire IX l'employa dans une négociation très-
importante. 11 s'agissait, en 1229, d'arrêter les
rois de France et d'Angleterre, qui étaient sur
le point d'en venir aux mains, Guillaume alla
d'abord trouver le roi de France, en calma les res-
sentiments, et fit ensuite avec le même succès
la même démarche auprès du roi d'Angleterre.
La gaerre n'eut pas lieu. Diverses lettres de Gré-
goire IX, publiées dans les Annales de Cîteaux,
nous apprennent que la cour de Rome remit à la sa* <
gacitéde Guillaume le règlement de plusieurs au-
tres affaires d'un intérêt moins général. En 1239,
comme il se rendait au concile de Rome, il
tomba dans les mains de Frédéric II, fut emmené
captif et chargé de chaînes. Vers la fin de sa vie
Guillaume abdiqua le gouvernement de Cîteaux,
et se retira dans le monastère de Clairvaux , où
il mourut, sous l'habit d'un simple moine. B. H.
annales Cisterienses , t. IV, passim. — Hist. Littér.
de la France, t. XVIII, p. 338. — Gallia Christiana,
t. IV, col. 995.
montaigu (Jean de ), surintendant des fi-
nances, né vers 1350, décapité le 17 octobre
1409. Lepèrede Jean se nommait Gérard deMon-
taigu ; i! fut notaire et secrétaire du roi , anobli
en 1363, garde du trésor des chartes, etc. Sai
mère, Biette de Cassinelle, originaire de Lucques,
en Italie, était une femme non moins remarquable
par sa beauté que par le profit qu'elle en sut tirer.
La faveur dont elle jouit à la cour permit aux
ennemis du surintendant d'ajouter à leurs ca-
lomnies cette médisance , que Jean de Montaigu
avait dans les veines du sang royal , mais illégi-
time. Jean fut élevé à la cour sous les yeux de
son protecteur Charles V, et y servit d'abord
comme secrétaire du roi. La vivacité de son es-
prit, fertile en expédients d'affaires, sa complai-
sance, son zèle et la souplesse de son caractère,
lui acquirent les bonnes grâces de Charles VI,
qu'il vit naître. Le dauphin, devenu roi, lui
continua et augmenta ces faveurs. Peu à peu Jean,
s'enrichit des libéralités royales, et fonda pro-
I gressivement son opulence, tout en asseyant son
73
MONTA 1GU
74
crédit. Charles VI, en 1388, sortit pour ainsi
dire de tutelle et commença de régner, si ce n'est
par lui-môme, du moins par des ministres ou
favoris de son choix. Au nombre de ces der-
niers, il accorda l'un des premiers rangs à Jean
deMontaigu, qui dès lois, par l'habitude que le
jeune roi avait de ses rapports, lui devint en
quelque sorle indispensable.
Assez brave pour mettre l'épéeà la main dans
une circonstance opportune, Jean avait combattu
sous les yeux du prince (1382) à la bataille de
Rosbecque. Seul parmi les secrétaires du roi , il
donna cet exemple , qui lui valut les éperons de
chevalier. Louis, duc d'Orléans, devenu adulte,
prit pied de plus en plus, auprès de Charles VI,
son frère , dans la confiance du roi et dans le
gouvernement de l'État. Montaigu se rapprocha
de Louis, etse rangea parmi ses partisans, contre
Philippe le Hardi , duc de Bourgogne. En 1401,
il obtint l'une des hautes charges de la cou-
ronne , celle de grand maître de l'hôtel du roi. Il
était déjà vidame de Laon , capitaine de la Bas-
tille , préposé au gouvernement de l'hôtel du roi
et de la reine. Il était le véritable chef du conseil,
et pour tout dire, il avait le maniement souve-
rain des finances.
Montaigu fit alors construire le château de
Marcoussis (1), ainsi qu'un prieuré de Célestins.
Cette résidence fut une merveille de l'architec-
ture et de l'art au quinzième siècle. La lutte po-
litique , ouverte entre les ducs d'Orléans et de
Bourgogne, survécut à Philippe le Hardi, mort
en 1404. Elle se ranima, plus violente que par
le passé , entre Louis , duc d'Orléans, et Jean
sans Peur. Le duc de Bourgogne , en 1405, ra-
mena d'autorité le dauphin, de Juvisy à Paris.
Le jeune prince en ce moment s'éloignait de
la capitale par ordre de la reine et du duc Louis,
qui virent dans l'acte du Bourguignon un af-
front sanglant fait à leur autorité. Jean de
Montaigu, en cette i rencontre, osa tenir tête
à Jean sans Peur. Ce dernier conçut dès lors,
contre le surintendant , un ressentiment mortel.
En 1407, Jean Gt assassiner Louis, et Mon-
taigu put voir, dans un crime aussi hardi, un
avertissement pour lui - même. La force des
choses et ses antécédents contraignaient le sur-
intendant ou à combattre le duc de Bourgogne,
ou à descendre ( autrement peut-être que sain
et sauf) du faîte de la puissance et des gran-
deurs. Afin de se sauvegarder dans cette po-
sition difficile, le premier ministre comptait sur
son art à flatter les hommes et à les manier,
sur l'étendue et les racines de sa position, ou de
son crédit, sur l'amitié du duc de Berry, de la
reine, du roi de France. Jean de Montaigu avait
fait un de ses frères évêque de Chartres , puis
archevêque de Sens et chancelier de France.
Gérard , son autre frère , était évêque de Paris.
Marié à Jacqueline de La Grange, nièce du car-
(1) Seine-et-Oise.
dînai d'Amiens , il en eut quatre filles et un
fils, qu'il avait tous établis dans de hauts em-
plois. Charles, son fils, fut marié dès l'âge de
onze ans à Catherine d'Albret. Ses quatre filles
s'allièrent les unes à des princes du sang royal,
et les autres à des officiers de Jean sans Peur.
Le surintendant comptait spécialement sur cette
dernière garantie pour le préserver contre son
redoutable adversaire.
Jean de Montaigu fut le principal auteur de
la Paix de Chartres , célébrée dans cette ville
au mois de mars 1409. Ce traité humilia les deux
partis par une justice incomplète. Il ne satisfit
point la famille d'Orléans, en laissant debout et
impuni le grief sanglant dont elle poursuivait la
réparation. Jean sans Peur s'irrita des semblants
d'excuse qui furent exigés de lui. Sa haine s'accrut
d'autanf,et parvint au comble.Monf aigu , se voyant
sous le coup de ce péril , avait d'abord songé à
fuir. Jean, duc de Berry, possédait en Auvergne
un château fort presque inaccessible, appelé
Monet ou Nonette. Le grand -maître conçut le
dessein d'échanger avec le duc ce castel, contre
le manoir de Marcoussis, et de s'y retirer avec
ses richesses. En même temps, il s'efforça de
désarmer le duc de Bourgogne à force de caresses
et de flatteries. Mais Jean sans Peur conservait
sa haine et savait dissimuler. Il endormit le mi-
nistre dans une sécurité trompeuse.
A peu de temps de là, Jean de Montaigu
fournit de lui-même un prétexte à son ennemi.
Le 22 septembre 1409, le ministre célébra, chez
lui, la fête du sacre ou joyeux avènement de
son frère, Gérard, récemment pourvu de l'é-
vêché de Paris. Cette fête, qui réunifie duc de
Bourgogne et la cour, surpassa en pompe, en
éclat, en opulence , tout ce que l'on avait vu de
comparable dans le passé , même au palais des
rois de France. Ce déployemeut de luxe offrait
un argument spécieux pour soulever contre le sur-
intendant la haine populaire. Des dénonciateurs
apostés créèrent à point nommé un concert de
récriminations. Chacun signalait à l'envi et dé-
nombrait avec animosité les bienfaits, les libéra-
lités que le financier avait su s'attirer de la part
d'un roi insensé , pour s'enrichir lui et les siens.
On comparait à cette immense fortune le peu
de services sérieux rendus à l'État par le mi-
nistre. On rappelait ses complaisances sans bornes
aux caprices des princes, en matière d'impôts, qui
écrasaient le peuple, son initiative ou sa parti-
cipation dans des concussions avérées. Ces griefs,
même légitimes, servaient à la fois de voile et
d'instrument à la passion violente et personnelle
dont le duc était animé. Le 7 octobre 1409, Jean
de Montaigu fut arrêté près la porte Saint- Victor,
en plein jour, par le prévôt de Paris, créature
du duc de Bourgogne. Le parlement était alors
en vacances. Des commissaires furent nommés
pour juger un prévenu condamné d'avance.
Montaigu, homme frêle et chétif, était âgé d'en-
viron cinquante-neuf ans. Soumis à la torture
MONTAIGU - MONTAIGUT
76
des cordes et du brodequin , il avoua tous les
crimes qu'on lui imputait. Il invoqua vainement
sa qualité de clerc et la juridiction du parle-
ment. Vainement il en appela de la sentence qui
le frappait, à la justice de cette cour, seule ré-
gulière et souveraine. Jean de Montaigu fut dé-
capité au pilori des halles (1). A. V.— V.
Lucien Merlet, Biographie de Jean de Montaigu;
Paris, Didot, 1852. in-8". — La fie de Jean de Montaigu
avec {'Histoire de Marcoussis, par Simon de La Motle ,
célestin. Ms. de l'an 1674, appartenant a M. Jérôme Pi-
chon. — Direction générale des Archives : L 1540, xx
10,093, 1° 187. — Anselme, Généalogie des Montaigu. —
Godefroy, Charles FI, p. 148, etc. — Chronique de
Cousinot, etc., etc.
montaigu ( Anne-Charles Basset de ), gé-
néral français, né le 10 juin 1751, à Versailles.
Entré en 1768 dans la gendarmerie, il y servit
jusqu'à la réforme de ce corps (1788), et fut
nommé, en 1792, chef de brigade. Lors de la dé-
fection de Dumouriez, il se porta sut Valen-
ciennes avec trois bataillons et deux détache-
ments de cavalerie et d'artillerie légère , et pendant
vingt jours il réussit à contenir les Autrichiens
des deux camps de Rceux et des Loups. L'armée
française ayant été obligée de se replier, il sou-
tint la retraite avec beaucoup de sang-froid et
de fermeté; après avoir arrêté l'ennemi à Es-
cœuvres, village qu'il avait fortifié, il employa
les manœuvres les plus adroites pour dissimuler
son entrée à Cambrai ; cette action fut l'objet
d'une mention honorable dans les procès-ver-
baux de la Convention. Montaigu reprit bientôt
l'offensive, et marcha à la tête de quatorze ba-
taillons au secours de Dunkerque, dont les An-
glais commençaient le blocus. Son attaque fut
si prompte qu'il força ces derniers à regagner
leurs vaisseaux , en abandonnant trente pièces
de canon ainsi que leurs magasins de fourrages
et de munitions. Nommé général de brigade
( 1er novembre 1793 ) , Montaigu obtint des
succès contre Beaulieu, et fut blessé àMarvelles
dans une affaire glorieuse pour lui. Promu au
grade de général de division (21 mai 1794), il
fut battu le même jour, mais il maintint l'ordre
parmi ses troupes et protégea la retraite. Au
combat de Charïeroi, il ne fut pas plus heureux;
il se trouva à la bataille de Fleurus, et prépara,
en occupant le mont Palissel, la prise de Mons.
Il venait de s'emparer de Hassell lorsqu'on le
destitua; réintégré un mois plus tard dans son
grade, il servit à l'armée de Sambre et Meuse,
puis à celle du Rhin , mit Manheim en état de
défense, et en prit le commandement lorsque les
lignes de Mayence eurent été rompues ( octobre
1795). Enfermé dans une ville dénuée de res-
(1) Jean de Montaigu, au rapport du greffier du par-
lement, était « un homme de basse corpulence, maigre ,
à peu de barbe, légier et apert , hâtif en langage, qulns ,
(prompt |, subtil et diligent, etc. » Il avait été représenté
en pierre de relief colorée sur un pilier de la porte de
la chapelle, au château de Marcoussis. Cette effigie a
été gravée dans les Monuments de la Monarchie fran-
çaise, tome III, planche 36, figure 3. f'oy. Hennin, Mo-
numents de la France , 1858, in-S°, t. V, p, 403, 404.
sources, il obligea l'ennemi à diviser ses forces,
et ne consentit à capituler, après onze jours de
tranchée ouverte , qu'après avoir été forcé dans
ses derniers retranchements. A son retour en
France, il demanda que sa conduite fût jugée
par un conseil de guerre; déchargé de tout blâme
et renvoyé à ses fonctions ( 25 octobre 1797), il
fut admis, en 1799, au traitement de réforme. Ç)n
ignore l'époque de sa mort. K.
De Courcelles, Dict. hist. des Généraux français,
I», 366.
MONTAitHTT (1) ( Gilles- Aycelin de ), prélat
français, né vers 1252, à Glaine-Montaigut, près
Billom (Auvergne), mort à Paris, le 23 juin
1318. Prévôt de la cathédrale de Clermont en
1285, et peu après chanoine de Narbonne, il
fut élu archevêque de cette ville par une partie
du chapitre, en 1287. Ordonné prêtre, le 17 mars
1291, par Simon de Beaulieu, archevêque de
Bourges, il partit ensuite pour Rome, et le car-
dinal Gérard Bianchi, évêque de Sabine, le sacra
à Viterbe,au mois de mai suivant. On le trouve
au nombre des conseillers d'État présents au
Louvre en 1296, lorsque le chancelier Pierre
Flotte donna lecture des lettres par lesquelles
Gui, comte de Flandre, révoquait les pouvoirs de
ses ambassadeurs , chargés de traiter de la paix,
avec Philippe le Bel. Gilles, au nom de ce der-
nier prince, signa, en juin 1299, la trêve conclue
à Montreuil avec le roi d'Angleterre. Le 24 oc-
tobre 1301, il se trouvait à l'assemblée convoquée
à-Senlis pour juger Bernard Saisset, évêque de
Pamiers, légat du pape, et l'un de ses suffragants.
Appelé à Rome à ce sujet, Gilles reçut du roi
l'ordre de ne point s'y rendre, et il obéit.Il fut un
des cinq prélats présents à l'assemblée du Louvre
le 12 mars 1303, tenue contre Boniface VIII, et
travailla à l'élection de Bertrand de Goth ( Clé-
ment V),dont il était ami ; aussi fut-il le premier
des évêques français chargés d'informer contre
les Templiers. Le 27 février 1309, il fut nommé
garde des sceaux, et après avoir présidé un syn-
ode diocésain à Narbonne, et en 1310 un con-
cile à Béziers , il permuta son archevêché , le 5
mai 1311, contre celui de Rouen, dont il prit pos-
session en personne, le 29 août suivant. Présent |
au concile général de Vienne , il y fut d'avis
qu'il était inutile d'entendre les Templiers en
leurs défenses. De retour à Rouen, il y présida
en octobre 1313 un concile provincial, et en tint
deux autres en 1315 à Rouen, et le 17 novembre
1317 à Pontoise. Par son testament, lu 13 dé-
cembre 1314, il institua pour héritier Albert-
Aycelin de Montaigut, évoque de Clermont, son !
neveu, à la condition d'entretenir dans des mai-
sons qui lui appartenaient, rue des Sept-Voies ,
à Paris, autant de pauvres écoliers, qu'autant
de lois la somme de dix livres se trouverait dans
(1) C'est à tort que la plupart des historiens ont écrit
Montaigu; le village dont cette famille est originaire a
toujours été mentionné dans les actes officiels sous le j
nom de Montaigut.
77 MONTA 1GUÏ
celle du revenu annuel de ces maisons. Telle fut
l'origine du collège de Montaigut, sur l'empla-
cement duquel s'élèvent aujourd'hui les bâti-
ments de la bibliothèque de Sainte-Geneviève.
H. FlSQUET.
C.aUia Christiana, tomes VI et XII. — Du f.hesnr,
Histoire des Chanceliers de France. — France Pontifi-
cale.
moktal ( Charles de Montsa.ulnin, comte
du ), général français, né en 1616, mort en 1696,
à Dunkerque. Issu de l'ancienne maison de Mont-
saulnin établie dans le Nivernais depuis le quin-
zième siècle , il s'attacha dès sa jeunesse au grand
Condé, qui lui donna une compagnie dans le ré-
giment d'Enghien, et défendit en 1653 jusqu'à
la dernière extrémité la ville de Sainie-Menehould
contre Louis XIV en personne. Nommé gouver-
neur de Charleroi en 1672, il força le prince
d'Orange à lever le siège de cette place et lui
fit perdre beaucoup de monde. Ce fut à cette oc-
casion que le roi s'écria : « Je voudrais bien
voir Vauban attaquer une place et Montai la
défendre! Mais non, ajouta-t-il après un moment
de réflexion, j'en serais bien fâché, car ils y péri-
raient tous les deux. »> Créé lieutenant général
en 1673, Montai continua de servir en Flandre, et
déploya, surtout dans l'attaque des places, toute
l'expérience et la valeur qu'on peut attendre
d'un capitaine consommé. Le gain de la bataille
de Steinkerke fut dû en partie à sa vigilance et
à la confiance que les troupes avaient en lui. Lors
de la promotion des maréchaux en 1693, il n'y
fut pas compris, et fut extrêmement sensible à
cet oubli. « Montai, rapporte Saint-Simon, étoit
un grand vieillard de quatre-vingts ans, qui avoit
perdu un œil à la guerre, où il avoit été couvert
de coups. 11 s'y étoit infiniment distingué, et sou-
vent en des commandements en chef considé-
rables. Tout cria pour lui , hors lui-même. Sa
modestie et sa sagesse le firent admirer. Le roi
en fut touché, et lui promit de réparer le tort
qu'il lui avait fait. Il s'en alla quelque peu chez
lui , puis revint, et servit par les espérances qui
lui avaient été données et qui furent trompeuses
jusqu'à sa mort. »
Son petit-fils, Charles-Louis , mort le 22 août
1758, en Bourgogne, à l'âge de soixante-dix-sept
ans, fut colonel du régiment de Poitou, maré-
chal de camp (1719) et lieutenant général (1734).
Il n'eut que deux filles, et son nom s'éteignit avec
lui. K.
Moréri, Grand Dict. Hist. ( éd. 1759 ). - Saint-Simon,
Mémoires , 1.
* monta l ( Claude) , inventeur et facteur de
pianos français, né "à La Palisse (Allier), le 28
juillet 1800. Fils d'un honnête artisan, sa pre-
mière enfance s'écoula libre et joyeuse ; mais vers
sa sixième année, à la suite d'une grave maladie,
il fut frappé d'une cécité complète. Cet accident,
qui eût été si fatal pour tout autre, ne lui fit rien
perdre des heureuses dispositions dont la nature
l'avait doué, et bientôt, au contraire, se développa
en lui, d'une manière très-marquée, cette force
— l'.lO.NTAL 78
de volonté, cette énergie persévérante qu'il a
montrées dans tout le cours de sa carrière. Il ap-
prit à lire au moyen de lettres en relief tracées
sur des cartes au moyen de piqûres d'épingles.
On l'envoya à l'école de l'endroit, et là son in-
telligence s'appropria promptement les éléments
auxquels l'enfance est si difficilement initiée. Un
instinct musical s'était déjà manifesté en lui. Il
avait eu occasion d'entendre et de toucher des
violons ; n'en ayant pas à sa disposition , il se mit
dans l'esprit d'en faire un. Quoique grossière-
ment construit, rien ne manquait à cet instru-
ment, sur lequel il parvint à jouer quelques airs.
L'histoire de M. Montai est tout entière dans ce
trait remarquable. Grâce à la protection de la
duchesse d'Angoulême , à laquelle il fut présenté
lors du voyage que cette princesse fit à Vichy,
en 1817, il fut admis à l'Institution des jeunes
aveugles de .Paris. Il y apprit et y professa
bientôt les mathématiques ; c'est à lui qu'on
doit l'invention des cartes géométriques en re-
lief, qui furent d'un puissant secours pour cette
branche d'instruction dans l'établissement. Il
acquérait en même temps une certaine force sur
plusieurs instruments, notamment sur le violon
et sur le piano, et fut chargé de donner à son
tour des leçons aux jeunes élèves. Puis enfin ,
sous l'impulsion d'un goût prononcé pour les
arts mécaniques et d'une aptitude manuelle qui,
comme on l'a vu , s'étaient manifestées dès l'en-
fance , il fut amené à une ingénieuse tentative
qui devait lui faire une destinée nouvelle. Il en-
treprit un jour d'accorder les pianos de l'insti-
tution ; mais pour prouver qu'il était capable
de ce travail, il se mit, avec l'aide d'un de ses
condisciples, aveugle comme lui , à démonter un
vieux piano dont on ne se servait plus , et, après
avoir étudié chaque pièce , il le reconstruisit et
le présenta au directeur, parfaitement réparé et
accordé. Peu de temps après on le chargea de la
réparation de l'orgue de l'établissement. M. Mon-
tai rêvait une position qu'il ne pouvait point se
faire en restant à l'Institution des jeunes aveu-
gles. Plein de confiance dans la Providence , il
quitta cette maison, en 1830, et pourvut à son
existence en se livrant d'abord à l'accord et à
l'entretien des pianos. Il ouvrit ensuite un cours
public d'accord de ces instruments, à l'usage
des gens du monde, et en retira l'avantage d'aug-
menter sa clientèle. Il publia, en 1834, un Abrégé
de l'art d'accorder soi-même son piano , in-8u,
planches et figures, suivi, deux ans après, d'un
Traité complet de l'Accord du Piano. L'an-
née suivante, 1835, il commençait un établisse-
ment qui envoyait quelques pianos à l'exposition
de 1839. Depuis lors cet établissement s'est dé-
veloppé sur une grande échelle, et son chef, dont
l'habileté emprunte à sa position exceptionnelle
quelque chose de merveilleux, a obtenu succes-
sivement toutes les récompenses et distinctions
que peuvent décerner les jurys des expositions,
les sociétés et les athénées; en 1851, M. Montai
79
a été décoré de la Légion d'Honneur. Parmi les
inventions et les perfectionnements qu'il a in-
troduits dans l'art de construire les pianos , il
fautciter particulièrement son Système de trans-
position, son Sijstème de contre-tirage, son
Perfectionnement dans les chevalets, sa Table
d'harmonie , et sa nouvelle Pédale d'expres-
sion. Dieudonné Denne-Baron.
Fétis , Biographie universelle des Musiciens. —
Claude Montai, sa vie et ses travaux, notice par
M. P.-A. Dufau, Paris, 1857. — Vapereau, Dict. univ. des
Corttemp. ; Paris, 1858.
montalbani (Jean-Baptiste, comte), sa-
vant italien, né à Bologne, en 1596, mort à Suda,
dans l'île de Candie, en 1646. D'une ancienne
famille patricienne, originaire de Milan, et qui
porta d'abord le nom A'Alicorni , il parcourut,
après s'être fait recevoir docteur en droit et en
philosophie, la France, l'Allemagne et la Po-
logne , séjourna un an à Constantinople , visita
ensuite la Perse et la plus grande partie de la
haute Asie. De retour en Europe , il entra dans
l'armée du duc de Savoie avec le grade de ser-
gent major général de bataille. Fait prisonnier
par les Espagnols, il fut traité avec beaucoup
de dureté; après avoir obtenu sa liberté, il se
rendit à Venise ; le sénat de cette ville lui confia
un commandement supérieur dans l'île de Candie.
Il parlait avec facilité jusqu'à treize langues de
l'Orient. On a de lui : De moribus Turcarum
Commentarii ; Rome, 1625 et 1636; Leyde,
1643, in- 12 ; — Il a laissé en manuscrit : An-
nales ab anno MDC Suppellectilis Taciti,
seu Senientise Tacili cum applicatione exem-
plorum nostri aevi; — Grammatica turcica ;
— Proposiliones, Lemmata et Problemata de
inclinatione et tactione linearum, etc. O.
Orlandi, Scrittori Bolognesi. — Fantcuzi, Scrittori
Bolognesi.
montalbani ( Marco-Antonio , marquis),
minéralogiste italien , fils du précédent , né en
1630, à Bologne, où il est mort, en 1695. Il fit
de la minéralogie une étude particulière et par-
courut, afin d'étendre ses connaissances , l'Alle-
magne , la Hongrie et la Pologne , où il reçut du
roi Jean-Casimir le titre de marquis. Il visita
encore d'autres pays, notamment les côtes de
l'Adriatique. On a de lui : Cafascopia miné-
rale, ovvero esplanazione e modo difar saggio
d'ogni miniera metallica; Bologne, 1676,
in-4°; — Pratica minérale; ibid., 1678, in-4°;
Relazione delV acque minérale del regno
d'Ungaria ; Venise , 1687, in-4°. On lui attribue
encore une Vie de l'empereur Ferdinand , en
italien. P.
montalbani ( Castore , marquis ), littéra-
teur, fils du précédent, né en 1670, à Bologne ,
où il est mort, en 1732.11 embrassa le métier des
armes , devint capitaine des gardes à cheval du
cardinal de Gonzague, et passa au service de la
république de Venise , qui lui confia le gouver-
nement de Carrare. Rappelé en 1723 à Bologne ,
il y remplit jusqu'à sa mort la chaire d'architec-
MONTAL — MONTALBANI 80
ture militaire. En lui s'éteignit la famille des
Montalbani de Bologne. Comme son grand-oncle
Ovidio, il s'occupa de toutes les sciences et se
mêla de tirer des horoscopes. On a de lui des
discours , des poèmes et des dissertations, et de
1707 à 1714 il publia sous le nom anagramma-
tisé de Brancaleone Masotti des Almanachs
astrologiques. P.
Orlandi, Notizie degli Scrittori Bolognesi.
montalbani ( Ovidio ) , botaniste italien ,
frère puîné de Giambattista, né vers 1602, à Bo-
logne, où il est mort, le 20 septembre 1671. Après
avoir terminé ses études , il se tourna du côté
de la médecine , et reçut à Bologne le diplôme
de docteur en cette faculté , aussi bien qu'en
philosophie et en droit (1622). Toutefois il ne
commença à professer que douze ans plus tard ,
en 1634, et il enseigna successivement dans l'u-
niversité de sa ville natale la logique, la phy-
sique, les mathématiques, la morale et la méde-
cine. En 1637 il fut nommé en même temps
conservateur du cabinet d'histoire naturelle et
astronome du sénat. Plusieurs académies d'Italie
s'empressèrent de l'inscrire parmi leurs mem-
bres. Il fut un des fondateurs de celle des Ves-
pert ini , établie en 1624 à Bologne, et qui tint
chez lui ses premières assemblées. Montalbani
s'était attaché de bonne heure à acquérir des con-
naissances variées ; mais son savoir était moins
le fruit delà réflexion que de la mémoire et d'une
merveilleuse facilité. Si à une érudition si abon-
dante il eût réuni la critique et l'exactitude, il mé-
riterait d'être placé au rang des plus estimables
écrivains de son temps. Thunberg lui a con-
sacré dans sa flore du Japon un genre de plantes
qu'il a nommé bumaldia, d'après le pseudonyme
favori de Montalbani. Parmi ses nombreux ou-
vrages nous citerons : Index omnium plan-
tarum exsiccatarum et cartis agglutinata-
rum quse in proprio musseo conspiciuntur ;
Bologne, 1624, in-4° ; catalogue de l'herbier
qu'il avait formé lui-même en 4 vol. in-fol. ; —
Spéculum Euclidianum ; ibid., 1628, in-4°;
— Spheerographia ; ibid., 1633, in-fol.; —
Discorsi aslrologici, con "warii trattati an-
nessi; ibid., 1633-1671, 30 vol. in-4°: ce recueil
se compose d'une suite de volumes détachés,
ayant chacun leur titre particulier et traitant en
général des diverses manières de tirer un ho-
roscope , comme la Geoscopia céréale , la Ki-
poscopia, la Stibologia, V Entrapeliologia, etc. ;
— De illuminabili lapide Bononiensi Epis-
tola; ibid., 1634, in -4°; il s'agit d'une pierre qui
acquiert par la calcination la propriété du phos-
phore; — Clarorum aliquot Doctorum Bo-
noniensium elogialia Cenotaphia ; ibid., 1640,
in-4°; — Minervalia JBonon. Civium Anade-
mata, seu bibliotheca Bononiensis ; ibid.,
1641, in-24 : publié sous le nom de G. A. Bu-
makli , ce petit ouvrage , plein de recherches ,
a été refondu par Orlandi dans ses Scrittori
Bolognesi; — Le Antichità piii antiche di
81
MONTALBANI — MONTALDO
82
Bologna rislrette in U libri intitolati il Co-
losso e gli Historici spiriti ; ibid., 1651, in-4° :
cet ouvrage , dont les deux parties avaient déjà
paru isolément, a été réuni à la Cronoproslasi
Felsinea, sous le titre Le Glorie poldiche di
Bologna; ibid., 1653, in-4°; — Formulario
econonico, cibario e médicinale di materie,
piùjadli e di ininor coslo, etc.; ibid., 1654,
in-4°; Montalbani s'est encore déguisé ici, comme
dans daulres écrits , sous l'anagramme de Gio-
van-Aitonio Rumaldi; — Bibliotheca Bota-
nica,sm herboristarum scriptorum promota
synoda; ibid., 1654, in-24: opuscule où l'on
trouve un premier essai de la synonymie des
graminées et que Seguier a réimprimé à la suite
àesàBblioth. Botanica (LaHaye,17l4, in-4°);
— Vocibolista Bolognese ; ibid., 1660, in-12;
Nœa anteprseludialis dendranatomes ,
arborée scilicet resolutionis adumbratio;
ibid., 1)60, in-4° ; — Horticus botanographicus;
ibid., £60, in-8°; il y a à la suite un traité des
monstnosités végétales; — Ulyssis Aldrovandi
Dendnlogia ; ibid., 1 668, in-fol.; Francfort,167 1,
in-fol. ; quoiqu'elle porte le nom d'Aldrovande,
cette hitoire naturelle des arbres est presque en-
tièremeit l'œuvre de Montalbani. P.
Alldos. Dottori Bolognesi, p. 153. — Orlandi, Notizie
degli Scittori Bolognesi , p. 222. — Argelati , Biblioth.
Mediolaiensis , t. il. — Ghilini, Theatro d'Huomini
ietteratiw partie. — Niceron, Mémoires, XXXVII.
moxtaldo (Leonardo), doge de Gênes,
né ver. 1325, mort en 1384. D'une riche fa-
mille pébéienne et habile jurisconsulte, il fut
dès 1S3 l'un des chefs les plus importants du
parti ;ibelin, et combattit avec succès l'in-
fluence des Fregose. Plusieurs fois il se porta
commi candidat au dogat, mais les brigues des
patriefens le firent échouer. Guarco régnait et
luttait contre Antoniotto Adorno, lorsque, un
nouveni droit sur la boucherie ayant été décrété
(6 avril 1383), le peuple s'insurgea, assaillit le
palais ducal, et remit le souverain pouvoir entre
ies mains de huit dictateurs. Cet office de la
provision (c'était le nom du nouveau gouver-
nement) devait se composer de quatre mar-
chands et de quatre artisans. Montaldo, quoique
jurisconsulte, mais qui depuis longtemps flattait
les passions populaires, eut l'habileté de se
faire élire membre de cet office comme arti-
san. Le notariat comptait alors à Gênes parmi
les métiers, et quoiqu'il n'en exerçât pas la pro-
fession, Montaldo se fit agréger au collège des
notaires. Tous les nobles furent à l'instant rem-
placés par des plébéiens. Guarco fut obligé de se
réfugier à Final. Frédéric de Pagano fut nommé
à sa place, mais il ne l'accepta pas. La populace
acclama alors Antoniotto Adorno, tandis que la
bourgeoisie choisissait Montaldo. Un conflit al-
lait s'élever lorsque PietroFrégose et la noblesse
se rallièrent à Montaldo, qui fut reconnu doge sans
coup férir. Il débuta par donner une amnistie gé-
nérale et par dégrever les impôts. Il avait déclaré
n'accepter le pouvoir que pour six mois ; mais ce
temps écoulé, il oublia sa promesse, et continua de
gouverner, à la satisfaction générale. Jacques de
Lusignan, oncle de Pierre II {Pétrin), roi de
Chypre, était alors prisonnier à Gênes depuis huit
ans. Son neveu étant mort sans postérité, Jacques
hérita de sa couronne. Montaldo traita bien vite
avec son captif, et lui fournit une flotte de dix ga-
lères pour le mettre à même de prendre posses-
sion de son royaume , mais à la condition qu'il
céderait Famagouste aux Génois. Ce traité s'ac-
complit sans obstacle; Montaldo continuait à faire
prospérer sa patrie lorsqu'une maladie épidé-
mique se déclara à Gênes et l'enleva. Antoniotto
Adorno lui succéda. A. de L.
Serra, La Storia dclV antica Liguria, etc.; ITorino,
1834, 4 vol. — Emile Vincens , Hist. de la république de
Gênes, t. II, p. 55.
montaldo (Antonio), doge de Gênes , fils
du précédent, né en 1369, mort en 1398. 11 par-
vint au pouvoir par la violence, qui au surplus
était devenue le seul moyen de gouverner à Gênes.
Il rassembla une troupe de soldats , et vint une
nuit de décembre 1391 assaillir une des portes
de la ville. A ce bruit seul , le doge Antoniotto
Adorno, qui écrivait, jeta sa plume , et s'enfuit
rapidement. Montaldo fut donc élu à sa place :
il avait à peine vingt-trois ans. Il se montrait
digne de sa fortune par un bouillant courage et
quelques sentiments généreux : les fils des
doges précédents, Boccanegra et Guarca, s'u-
nirent à Adorno pour renverser l'intrus ; mais il
vainquit leurs partis, et dans une rencontre Boc-
canegra fut pris les armes à la main, puis traduit
devant le podestat et condamné à mort. L'exé-
cution devait se faire devant le palais ducal; le
patient aperçut le doge, et lui tendit des mains
suppliantes; Montaldo en fut ému : il envoya
son frère pour faire surseoir à l'exécution. Le po-
destat feignit de méconnaître le messager, et pressa
le supplice : mais Montaldo, s'élançant sur i'écha-
faud, vint lui-même arrêter le bras du bourreau,
et sans tenir compte de la colère du juge, sauva
la vie de son ennemi. Après s'être maintenu à
peine une année au pouvoir, Montaldo, lassé,
déposa le pouvoir, et laissant le champ libre aux
autres concurrents, il vécut dansla retraite ; pour-
tant quand il vit Antoniotto Adovno revenir s'em-
parer du dogat à la tête de bandes mercenaires,
il rallia ses partisans,et fut le combattre au premier
rang. La mêlée fut sanglante, le meilleur sang gé-
nois y coula; mais Adorno fut repoussé. Montaldo
rentra modestement dans ses foyers; mais dès le
lendemain le peuple lui décernait une seconde
fois le titre de doge (1394). Il le garda peu : lassé
des intrigues des gibelins , des tumultes de
chaque jour, il abdiqua de nouveau. Les guelfes
lui nommèrent un successeur ; mais Adorno re-
parut à la tête des gibelins. Au moment où le
sang allait couler, Montaldo vint se poser entre
les deux partis; il déclara que son intention n'é-
tait pas de revendiquer la dignité qu'il avait sé-
rieusement abandonnée, mais qu'il s'opposait à
83
MONTALDO —
ce qu'Adorno l'usurpât une fois de plus. Sur cette
protestation les deux chefs convinrent qu'aucun
d'eux ne serait doge, et qu'une élection nou-
velle aurait lieu le lendemain. Ils se présentèrent
à l'assemblée populaire en se tenant par la main.
Mais Adorno, changeant de rôle, par un discours
adroit, enleva les suffrages, et Montaldo, indigné
d'êlre joué, se retira à Gavi, où il se fortifia. De là
il fit des courses répétées jusqu'aux portes de
Gênes, et soutenu par Giovanni Galeas Visconti,
duc de Milan, réduisit bientôt Adorno à placer
Gênes sous la seigneurie du roi de France, Char-
les VI. Valerande Luxembourg, comte de Saint-
Paul, vint en prendre possession (1396). Il mar-
cha contre Montaldo, qui, après quelque défense,
capitula, et remit Gavi aux Français. On ne voit
point qu'il ait joué un rôle important dans les
troubles qui affligèrent sa patrie durant les an-
nées suivantes. « Il semble, dit M. Vincens,
n'avoir plus joué que le rôle douteux et subal-
terne d'un intrigant aux ordres du tyran mila-
nais. » Montaldo fut enlevé à vingt-neuf ans par
la maladie épidémique qui, apportée par un na-
vire venant d'Orient, désola pendant plusieurs
années le Ponant. A. de L.
Manusc. de la Bibliothèque impériale : collection Du-
puy, vol. 139. — Sisiuondi , Hist. des Républiques ita-
liennes, t. xri. — Emile Vincens, Hist. de la Répu-
blique de Gènes, t. Il, p. 73-102.
montalembert, nom d'une ancienne fa-
mille française qui paraît remonter au douzième
siècle. Originaire du Poitou et divisée en plu-
sieurs branches établies en Bretagne, en Agenois
et en Périgord, cette famille a produit plusieurs
personnages remarquables , parmi lesquels nous
citerons :
monta lembert {André de ), seigneur
d'Essé et de Panvilliers , capitaine français , né
en 1483, en Poitou, tué le 12 juin 1553, à Té-
rouanne. Son père, ayant peu de bien et une
nombreuse famille , le plaça comme page chez
le sénéchal de Poitou, André de Vivonne, qui
l'emmena avec lui à l'expédition de Naples (1495).
Il assista à la bataille de Fornoue, et entra bientôt
après dans la maison du comte d'Angoulême,
depuis François Ier; il fit avec ce prince tous
ses exercices, et la grâce avec laquelle il s'en ac-
quittait le mit en faveur. Il combattit avec va-
leur à ses côtés dans les guerres de Louis XII
en Italie, et se distingua aussi par son adresse
dans les fêtes militaires qu'on donnait à la cour.
Il devint un si brave chevalier que François Ier
le choisit en 1520 avec deux autres gentils-
hommes pour soutenir, avec lui, dans le tournoi
qui eut lieu au camp du Drap d'or, l'effort des
quatre plus fortes lances qui se présenteraient.
« Nous sommes, disait-il souvent, quatre gen-
tilshommes de la Guienne, qui combattons en
lice et courons la bague contre tous allans et
venans de la France : moi, Sansac, d'Essé et
Chastaigneraye. » La campagne de Piémont, en
1535, fournit à d'Essé des occasions de montrer
MONTALEMBERT 84
i ses talents militaires. A la tête de mille clievau-
[ légers , il envahit la Savoie avec l'amiral Chabot,
se jeta dans Turin, que menaçait l'empereur, et
n'en sortit qu'à la paix (1537), après avoir em-
porté le château de Ciria par escalade. Il fut
nommé lieutenant de la compagnie de cinquante
hommes d'armes du duc de Montpensier. En
1543 il se rendit à Landrecies, place dont le roi
venait de s'emparer, et eut ordre de la mettre
au plus tôt en état de défense. Les traviux n'é-
taient pas terminés lorsque Charles Qfint en
personne s'avança avec une armée de cinquante
mille hommes pour en faire le siège. La laiblesse
de la place, le peu de troupes qui la défendaient,
une large brèche aux murailles , la privation de
vivres, rien ne fit fléchir la fermeté d< d'Essé.
Inspirant à ses soldats l'indomptable courage
qui l'animait, il tenta de fréquentes sortes, dans
lesquelles il remporta toujours l'avantage; un
jour il s'avança jusqu'à une batterie eniemie et
enleva une pièce qu'il lit rouler dans >e fossé.
Une telle résistance déconcerta l'empenur, qui,
craignant d'exposer ses troupes aux dangers d'un
assaut, ne pensa plus qu'à affamer la pla<e. Après
trois mois et demi de siège, François Ie1, instruit
de l'extrémité où se trouvait la garnisoi, vint à
son secours ; lorsqu'il vit entrer dans on camp
d'Essé et ses compagnons, hâves, affamis, estro-
piés, il courut au-devant d'eux ,[et doma à l'un
la charge de gentilhomme de sa chambe et aux
autres tous les privilèges de h noblesse.Au mois
de septembre 1545, ce brave capitaiie com-
manda le fort d'Outreau , bâti près de B>ulogne-
sur-mer, pour incommoder les Anglais qui s'é-
taient rendus maîtres de cette ville. Il onserva
ce poste pendant plus de deux ans milgré les
efforts de l'ennemi et malgré les ravage, que la
peste fit parmi ses troupes. Le 28 avril 1548, il
fut mis avec le titre de lieutenant généial à la
tête de la petite armée que Henri 11 envoya au
secours de l'Ecosse. A peine arrivé dans ce pays
( 16 juin), il fit passer en France la jeune reine
Marie, destinée à épouser le dauphin, et entre-
prit, de concert avec le duc d'Hamilton, le
siège de Haddington; sous les murs de cette
place il failla en pièces les Anglais, et leur prit
deux mille hommes et le général de la cavalerie.
Le 26 décembre il s'empara de l'importante for-
teresse de Hurrie, dont la garnison fut passée au
fil de l'épée, et en moins d'une année il enleva
aux Anglais tout ce qu'ils tenaient dans le midi
de l'Ecosse. Son dernier fait d'armes fut la con-
quête de l'île des Chevaux, dans le golfe d'E-
dimbourg. Rappelé en France , il céda le com-
mandement à Thermes, et reçut du roi le collier
de l'ordre et le gouvernement d'Ambleteuse
(1549). Il s'était retiré depuis 1550 dans sa terre
de Panvilliers, où il souffrait d'une jaunisse qu'il
avait rapportée d'Ecosse , lorsqu'il fut appelé à
défendre Térouanne contre l'armée impériale
(1553). Cet ordre lui causa une grande joie : car
il ne craignait vien tant que de mourir dans son
85
MONTALEMBERT
86
lit. En prenant congé du roi il le pria de croire
« que si Térouanne était prise, il serait mort et
par conséquent guéri de la jaunisse ». Il tint pa-
role. La place fut attaquée avec une incroyable
furie, et bientôt cinquante mille coups de canon
y ouvrirent une brèche de soixante pas. Pen-
dant dix heures d'Essé soutint trois assauts;
mais au dernier il fut tué, d'une arquebusade, par
un soldat espagnol, à l'âge de soixante-dix ans.
Sa mort entraîna la perte de la ville. P. L.
Mèicray, Hist. de France sous François l'r et
Henri II. — rirantliùme, Capitaines illustres. — Du
Bouchet, annales d'Aquitaine. —Du Bellay, Mémoires.
— D'Auvipny, fies des Hommes illustres de la France,
XIII. — De Courcelles , Dict. hist. des Généraux fran-
çais. Vil.
Mo.vrAH.KMBERT ( M arc - René, marquis
de), général et tacticien français, né le 16 juil-
let 1 7 1 i , à Angoulême,mort le 29 mars 1800, à
Paris. Quoiqu'il fût par sa naissance destiné à
la carrière des armes, il reçut une éducation
fort soignée, et fit des progrès rapides dans la
littérature et dans les sciences exactes. Entré
au service en 1732, avec le grade d'enseigne, il
assista aux sièges de Kehl (1733) et de Philips-
bourg (1734), et obtint, après la guerre de Bo-
hême, la compagnie des gardes du prince de
Conti. Il n'avait encore rien produit lorsqu'il fut
jugé digne d'entrer à l'Académie des Sciences
en qualité d'associé (1747). La lecture du Traité
de l'Attaque des Places de Vauban lui inspira
l'idée de suppléer aux lacunes qu'il crut remar-
quer dans cet ouvrage, et dès lors il se livra
entièrement à l'étude des fortifications. Ce fut
vers la même époque (1750) qu'il fit construire
dans ses propriétés de l'Angoumois et du Péri-
gord des forges considérables, qu'il mit bientôt
en état de fournir à la marine, qui en manquait,
des canons et des projectiles. Attaché, pendant
la guerre de Sept Ans, à l'état-major des armées
de Suède et de Russie, ii prit part aux plans
de campagne concertés par les généraux étran-
gers en même temps qu'il tenait le ministère
français au courant des opérations militaires.
On l'employa ensuite en Bretagne et à l'île d'O-
leron, qu'il fortifia suivant le système perpendi-
culaire, dont il avait, dès 1761, fait paraître un
aperçu. Ce fut surtout aux sièges d'Hanovre et
de Brunswick qu'il s'en servit avec succès. Chargé
en 1779 de protéger l'île d'Aix contre les attaques
des Anglais , il y éleva , en moins de deux aas ,
un fort en bois, qui ne coûta que 800,000 fr.
( chiffre de beaucoup inférieur à celui des ingé-
nieurs); cette construction était d'une solidité
telle qu'elle ne souffrit aucunement de la détona-
tion simultanée de toutes les batteries , quoique,
de l'avis de fous les officiers , elle ne dût pas
résister à la commotion produite par une sem-
blable secousse- Partisan des principes de la
révolution, il refusa d'émigrer et fit, à l'exemple
d'un vieux soldat de Touraine , l'abandon d'une
pension qui lui avait été accordée pour la perte
d'un œil. En 1790, il réclama auprès de l'As-
semblée nationale le payement des six millions qui
lui étaient dus pour les établissements du Péri-
gord, qu'il avait cédés à l'adminjstration de la
marine ; mais il ne put les obtenir. Effrayé des
progrès de la révolution, il passa en Angleterre
avec sa femme, M»e de Comarieu; bientôt
après il revint seul à Paris , subit une courte dé-
tention, et demanda le divorce de son premier
mariage, pour épouser, dans un âge déjà bien
avancé, la sœur de Cadet de Vaux, le célèbre
chimiste. On a prétendu qu'il dut à cette al-
liance la mainlevée du séquestre de ses biens.
Aimant le faste et la dépense, endetté d'ailleurs
par l'impression de ses ouvrages, Montalemberî
fut obligé de vendre sa belle terre de Maumont,
en Angoumois ; mais il reçut en payement des
assignats dépréciés, et il fut réduit à un état
fâcheux, qui ne l'empêcha pas néanmoins d'en-
tretenir un dessinateur et un mécanicien pour
exécuter ses modèles de fortification en relief.
Il offrit cette collection précieuse au comité de
salut public, et fut plusieurs fois appelé, avec
Darçon et Marescot, à partager ses délibérations.
La Convention, à laquelle il avait fait hommage
de ses ouvrages , chargea le comité d'instruction
publique de lui accorder des encouragemen ts, et en
1796 le Conseil des Cinq Cents les accueillit avec
une grande faveur La place de Montalembert était
marquée à l'Institut dans la section de mécanique,
où il y avait une vacance (1797), mais il se retira
devant Bonaparte, qui était son concurrent. Son
buste a été exécuté, après sa mort , par le scuip-
teurBonvallet. Le principal ouvrage de ce savant
général est : La Fortification perpendiculaire,
ou essai sur plusieurs manières de fortifier la
ligne droite, le triangle, le carré et tous les
polygones, de quelque étendue qu'en soient les
côtés, endonnant à leur défense une direction
perpendiculaire ; Paris, 1776 1786, 11 vol. gr.
in-4°, avec 164 pi. ; reproduit en 1793, sous le titre:
L'Art défensif supérieur à Vojfensif. Ce recueil
considérable, dont l'apparition excita contre l'au-
teur le corps entier du génie, offre des détails sur
toutes les parties de l'art militaire et beaucoup
de mémoires. Montalembert prétendait rendre les
États impénétrables en les ceignant de doubles
lignes, soutenues, à la portée du canon , par des
forts ou des places, qui devenaient inaccessibles en
abritant sous des casemates et en croisant, selon
des directions toujours perpendiculaires l'une à
l'autre, assez de canons pour que l'assiégeant
ne pût même établir ses premières batteries.
Parmi les nombreux modèles que lui offraient les
anciennes casemates, il choisit, comme avait fait
le roi Auguste II, le^ casemates à plusieurs éta-
ges , voûtées sur piles d'équerre au mur d'es-
carpe et ouvertes du côté de la place. Ces faus-
ses casemates, il les disposait en un vaste am-
phithéâtre dont plusieurs enceintes concentriques
formaient les degrés. Fourcroy réfuta Montalem-
bert en 1786, et tomba dans des exagérationsd'un
autre genre. On a encore du marquis de Monta-
87
MONTALEMBERT
S8
lembert : Essai sur l'intérêt des nations en
général ; Paris, 1748, in-8"; — Mémoire histo-
rique sur la fonte de canons de fer ; 1758,
in-4°; — Cheminée-poêle ou Poêle français ;
1766, iu-4°; — Correspondance pendant la
guerre de 1757-1760 pour servir à l'histoire
de la dernière guerre; Londres (Neufchâtel ),
1777, 3 vol. in-8°: cette correspondance est in-
téressante pour l'histoire de la guerre de Sept
Ans; — Supplément au tome F de la Fortifi-
cation perpendiculaire , contenant de nouvelles
preuves, etc.; Paris, 1786, in-8°, pi.; réimpr.
en format in-4° pour servir de tome VI au grand
ouvrage de l'auteur ; — Réponse au mémoire
par plusieurs officiers du corps du génie;
Paris, 1787, in-8°, pi.; réimpr. dans l'Art dé-
fensif (t. VII); — L'Ami de l'Art défen-
sif, ou observations sur le journal polytech-
nique de l'École centrale des Travaux pu-
blics, Paris, 1796-1798, 6 n"s in-4° ; réimpr.
dans l'Art défensif (t. XI); — Relation du
siège de Saint-Jean-d' Acre ; 1798, in- 8°. Il a
fourni au recueil de l'Académie des Sciences
divers mémoires Sur les salines (1748) , Sur
la rotation des boulets dans les pièces de ca-
non (1755), Sur la qualité de fonte la plus
convenable à l'artillerie (1759), etc. Monta-
lembert aimait beaucoup les lettres, et il y con-
sacrait ses moments de loisir. Il avait composé
un grand nombre de contes en vers et de chan-
sons , où l'on trouvait de la grâce et de l'élé-
gance, mais qui n'ont pas vu le jour; on a aussi
de lui trois comédies , La Bergère de qualité,
La Bohémienne supposée et La Statue, qu'il
fit représenter chez lui, et qui ont été imprimées
à petit nombre. P. L.
Lalande, Notice dans le Magasin encyclop. — Delisle
de Sales , et Laplatrière, Éloge hist. du général 3Ion-
talembert; Paris, 1801, in-4°, avec portr.
montalembert (Marie-Joséphine deComa-
rieu, marquise de), femme auteur française, née
à Bordeaux, morte le 3 juillet 1832, dans un âge
avancé. C'était la première femme du général de
Montalembert, qu'il avait épousée en 1770 ; aban-
donnée en 1792, à Londres, elle rentra en France
après la mort de son mari. Elle avait l'esprit
orné et délicat; on a d'elle deux, romans, qui se
distinguent par un style harmonieux et des si-
tuations touchantes : Élise Duménil; Londres,
1798; Paris, 1801, 6 vol. in-12 fig.; et Horace,
ou le Château des Ombres; Paris, 1822, 4 vol.
in-12. P. L.
Prudhomme, Biogr. des Femmes célèbres.
montalembert ( Louis-François-Joseph-
Bonaventure de Tryon, comte de), député
français, né le 18 octobre 1758, mort en 1831. Il
embrassa de bonne heure la carrière militaire, et
donna en 1789 sa démission de chef d'escadron
au régiment de Gévaudan. Sous l'empire il siégea
au corps législatif ( 1809), fut élu candidat à la
présidence, en remplacement de M. de Fontanes
(15 février 1 810), devintquesteur de cette assem-
blée, et chambellan de Napoléon, qui lui donna
le titre de comte. Lors de la rentrée des Bour-
bons, il fit pendant quelques années partie de la
chambre des députés. K.
Biogr. nouv. des Contemp. (1824).
montalembert ( Athénaïs - Bernard-
Louis- Claude de Tryon, vicomte de), officier
français, frère du précédent, né le 29 décembre
1768, à Paris, mort le 8 octobre 1842, à Aix.
D'abord page de la petite écurie du roi (1784),
il obtint en 1787 une sous-lieutenance au régi-
ment de Gévaudan, rejoignit en 1791 la légion
de Condé, et fut blessé dans les deux campagnes
suivantes. Après avoir servi en Hollande et dans
les Cercles, il rentra avec le régiment de Hohen-
lohe à l'armée de Condé, et y demeura jusqu'au
licenciement. En 1801 il revint en France, et se
maria avec la comtesse de Turpin de Jouhé.
Le 31 mars 1814 il fut à.Paris un des premiers
à arborer la cocarde blanche, et pendant les
Cent Jours il parcourut l'ouest et le midi pour y
fomenter une insurrection. Nommé colonel (1815),
il organisa la légion du Puy-de-Dôme et com-
manda en second l'école militaire de Saint-Cyr.
Après la révolution de Juillet 1830, il donna sa
démission, et se retira en Provence. K.
Biogr. des Hommes vivants.
montalembert ( Marc-René-Anne-Ma-
rie, comte de), diplomate français, né le 10 juil-
let 1777, à Paris, où il est mort, le 20 juin 1831.
Neveu du marquis René, il était fils du baron
Jean-Charles de Montalembert, qui servit d'a-
bord la cause royale à Saint-Domingue , s'y joi-
gnit aux Anglais confre Toussaint Louverture,
fut fait en 1797 maréchal de camp par le comte
d'Artois, et mourut le 20 février 1810, dans l'île
de La Trinité. Après avoir été capitaine dans la
légion d'émigrés qui portait le nom de sa famille,
il passa en 1799 dans l'armée anglaise, où les con-
naissances militaires qu'il avait acquises sous le
général Jarry le firent promptement distinguer.
Envoyé en Egypte, puis dans les Indes ( 1804-
1808 ), il fut employé en Portugal et en Espagne
dans l'état-major du duc de Wellington, prit part
à l'expédition de Walcheren, et devint en 1811
lieutenant-colonel. En 1814, il fut chargé par le
prince régent d'annoncer à Louis XVIII son avè-
nement au trône, et accompagna en France ce
prince, qui lui accorda le grade de colonel, les
croix de Saint-Louis et de la Légion d'Honneur, et
le poste de secrétaire d'ambassade à Londres.
Nommé ministre plénipotentiaire à Stuttgard
(juillet 1816), puis à Copenhague (1819), il fut
créé pair de France le 5 mars 1819. Son attitude
politique lui fit perdre ses fonctions diploma-
tiques sous le ministère Richelieu, en 1820.
On remarqua les discours qu'il prononça sur les
questions de la guerre d'Espagne, de la septen-
nalité, de l'indemnité des émigrés et des sub-
stitutions. Envoyé comme ambassadeur à Stock-
holm à la fin de 1826, il revint en France après
la mort de sa fille (octobre 1829). Révoqué une
«9
seconde fois de ses fonctions diplomatiques au
mois d'août 1830, il prêta néanmoins serment
au nouveau chef de l'État. Pendant cette der-
nière partie de sa vie , il participa de la façon
la plus active aux discussions politiques de la
chambre des pairs. K.
Hcnrion. annuaire biographique, II. — De Courcelles,
Généalogie de la maison de Montalembert ; Paris, 1833.
* montalembert ( Charles Forbes, comte
de ), homme politique français, né à Londres,
le 29 mai 1810. Fils du précédent et d'Élise Ro-
sée Forbes, d'une ancienne famille d'Ecosse, il
commença ses études au collège des Écossais à
Paris, et les acheva en 1829, à l'institution Sainte-
Barbe (aujourd'hui collégeRollin). Acceptantavec
haj-diesse l'alliance de la religion catholique avec
la démocratie, dont l'abbé F. de La Mennais se
constituait l'apôtre, il prit part à la fondation de
L'Avenir ( 18 octobre 1830), journal qui avait
choisi pour double épigraphe: Dieu et Liberté,
le Pape et le Peuple. L'abbé Lacordaire en était
aussi collaborateur, et leur amitié date de cette
époque. Élu membre du conseil de l'agence gé-
nérale pour la défense de la liberté religieuse, il
fut chargé de parcourir quelques départements
afin de ranimer le courage des catholiques, d'ex-
citer leur compassion au récit des misères de leurs
frères d'Irlande, et de populariser le nom du
grand agitateur O'Connell. De cette époque date
la publication de ses premières brochures sur la
situation de l'Irlande. Rédacteur très-actif de L'A-
venir, M. de Montalembert, en même temps qu'il
y publiait de vigoureux articles pour la défense
de la nationalité polonaise, commença contre l'u-
niversité une sorte de croisade, en réclamant, au
nom de la Charte , cette entière liberté d'ensei-
gnement qu'il ne cessa de revendiquer depuis.
Une pétition sur cet objet est adressée par M. de
Montalembert et ses collaborateurs de L'Avenir à
la chambre des pairs, qui , après un assez long
débat, en prononce le renvoi au ministre. Décidés
à attaquer de front le privilège , et pour mieux
constater le droit , MM. de Montalembert, Lacor-
daire et de Coux ouvrirent, .sans autorisation de
l'université, une école gratuite d'externes , dans
un vaste local , rue des Beaux-Arts , n° 3. C'était
le 9 mai 1831 ; deux jours après un commissaire
de police prononça, au nom de la loi, la fermeture
de cet établissement. Les trois maîtres d'école ,
comme s'intitulaient les audacieux adversaires
de Y État enseignant , furent traduits, non de-
vant la cour d'assises, qui aurait dû être saisie
de ce procès, mais en police correctionnelle. Une
consultation, signée par les principaux membres
de l'Ordre et approuvée par la majorité des bar-
reaux de France, déclina la compétence de- cette
juridiction et réclama celle du jury ; mais la cour
d'appel retint l'affaire et rendit un arrêt qui ren-
voyait au 28 du mois de juin, pour plaider au
fond. La mort du père de M. de Montalembert,
survenue dans l'intervalle, investit tout à coup
1« jeune homme des prérogatives de la pairie , et
MONTALEMBERT 90
le procès fut évoqué devant la haute cour. De-
venu pair de France presque à la veille de l'a-
bolition de l'hérédité de la pairie, M. de Monta-
lembert fit ses débuts d'orateur à la barre de la
noble chambre, le 19 septembre 1831, comme
accusé d'un délit prévu par l'article 56 du dé-
cret du 15 novembre 1811. Dès les premiers
mots de sa défense, il fit preuve d'un talent ora-
toire aussi élégant qu'incisif. Ses co-accusés
prirent la parole après lui, et, comme la cour d'ap-
pel, qui le 28 juin précédent les avait jugés pat-
défaut, la haute cour les condamna tous trois à
cent francs d'amende, et solidairement aux frais
du procès.
A cette même époque, lejournal L'Avenir, par
un zèle peut-être intempestif, attaquait et flagel-
lait à la fois tous les abus sociaux. En présence
de l'opposition violente que ses doctrines sou-
levèrent au sein de l'épiscopat français, la publi-
cation de cette feuille fut, de l'avis unanime de ses
rédacteurs, suspendue le 15 novembre de cette
année, et peu de jours après M. de Montalembert
partit pour Rome avec MM. de La Mennais et La-
cordaire. Les trois pèlerins obtinrent une au-
dience du souverain pontife, et tout en recon-
naissant qu'ils ne voulaient d 'autres guides que l'É-
glise et ses pasteurs ils quittèrent la ville éternelle,
à la fois pleins de tristesse et de résignation. A
leur retour en France, ils trouvèrent une lettre
encyclique du t5 août 1832, par laquelle Gré-
goire XVI, sans prononcer leur nom, condamnait
les doctrines hardies de L'Avenir. Ce journal
cessa dès lors de paraître, et l'agence générale
pour la défense de la liberté religieuse fut déclarée
dissoute.
Ramené ainsi à la plus sévère orthodoxie ,
M. de Montalembert passa près de deux années
en Allemagne , et s'y livra sur le moyen âge à
des études dont l'influence a été pour lui déci-
sive. C'est à ce voyage qu'on doit une touchante
et poétique légende, l'Histoire de sainte Elisa-
beth de Hongrie. Le 14 mai 1835 il reparut
dans la chambre des pairs pour y siéger avec
voix délibérative , prêta serment , et « dès lors
il eut, dit M. Sainte-Beuve, le droit de tout dire ,
de tout oser, moyennant cette élégance de parole-
et de débit qui ne l'abandonne jamais. Il put y
faire entendre en toute franchise les accents les
plus passionnés pour cette liberté dont l'amour
fut le seul excès de sa jeunesse ; il put y déve-
lopper ses théories absolues, qui eussent fait fré-
mir dans une autre bouche, mais qui plaisaient
presque dans la sienne. Il put même y donner
libre cours à ses qualités incisives, mordantes ,
acérées, et se montrer personnel envers les po-
tentats et les ministres impunément.... Jusqu'à
lui en France, tout homme qui ne disait pas : Je
ne stiis point catholique, était censé l'être. Il
s'attacha à montrer que la plupart de ces gens-
là n'étaient point des alliés pour lui , mais plutôt
pour l'ennemi: Il tendit d'une manière tranchée
à instituer le duel entre ce qu'il appelait les fils
91
MONTALEMBERT
92
des croisés et les fils de Voltaire. En répé- J
tant sans cesse : Nous autres catholiques, au
lien de dire : Nous tous catholiques, comme
on faisait auparavant, en se représentant, lui et
les siens, comme dans un état d'oppression criante
et d'isolement , il donna à penser que le catho-
licisme en France pourrait n'être bientôt plus
qu'un grand parti, une grande secte. »
La discussion des lois de septembre offrit au
comtedeMontalembertl'occasionderemporterun
premier triomphe de tribune. On le vit alors con-
jurer le gouvernement de ne point déclarer aux in-
telligences une guerre aveugle et fatale. Plus tard,
à l'occasion de la loi sur le travail des enfants,
il flétrit les résultats de l'industrie casernée, de
cette industrie des filatures et des usines, qui
arrache le pauvre, sa femme et ses enfants aux
habitudes de la famille, aux bienfaits de la vie
des champs, pour les parquer dans des réduits
malsains , dans d'obscurs ateliers , où tous les
âges, tous les sexes sont condamnés à une dégra-
dation systématique et progressive. Champion
des lettres et des arts, il les défendit contre ce
qu'il appelle le vandalisme moderne, et grâce à
son initiative, au sein de la chambre ou des con-
grès archéologiques, il conserva à la France plu-
sieurs de ses merveilles du style ogival. Il fit un
rapport pour la restauration de Notre-Dame de
Paris, et signala peu de temps après la ruine de
la façade de l'antique abbatiale de Saint-Denis.
En 1837, il s'éleva avec force contre le projet
de loi relatif à la cession à la ville de Paris des
terrains occupés par l'archevêché.
Après un voyagea Londres (1839), où il pro-
nonça un discours dans la réunion des Amis de la
Pologne, M. de Montalembert partit l'année sui-
vante pour l'Orient. Il avait, dès le 16 août 1836,
épousé à Bruxelles M"e Marie- Anne-Henriette de
Mérode, fille du ministre belge. A la nouvelle du
projet de loi sur l'instruction secondaire, il lança
de Madère, où il était allé en 1843 chercher un
climat propice à la santé de sa jeune femme, une
brochure pour tracer aux catholiques leurs de-
voirs et la ligne de conduite à suivre dans cette
conjoncture. 11 revint tout exprès à Paris pour
soutenir le poids de la discussion, et retourna en-
suite à Madère pour veiller à ses affections domes-
tiques. Ce fut à cette époque qu'il prit à la cham-
bre des pairs la position élevée qu'il a gardée
depuis et qu'il se posa décidément comme le
chef du parti catholique, en fondant le comité
électoral de la liberté religieuse, dont M. de
Vatimesnil, ancien ministre de l'instruction pu-
blique, fut vice-président. A partir decette session
de 1844, son talent n'eut plus qu'à se déployer.
Le discours qu'il prononça le 21 janvier 1847 sur
l'incorporation de Cracovie restera comme un
des plus mémorables. Flétrissant l'ancien par-
tage de la Pologne , et établissant en principe
que tôt ou tard l'injustice amène après elle le
châtiment, il montra « la nation opprimée qui
s'attache aux flancs de la puissance opprimante
comme une plaie vengeresse, immortelle. » Et
plus loin, comparant le peuple écrasé à l'antique
géant étouffé sous l'Etna : « On a cru, s'écriait-il,
anéantir un peuple , on a créé un volcan. »
A l'occasion de la guerre du Sonderbund , dans
la séanee du 14 janvier 1848, il monta à la tribune
pour prendre part à la discussion des affaires
de Suisse; tout son discours ne fut qu'une évo-
cation directe , prophétique. « C'est un vaincu ,
dit-il en commençant, qui vient parlera des vain-
cus, c'est-à-dire aux représentants de l'ordre
social, de l'ordre régulier, de l'ordre libéral qui
vient d'être vaincu en Suisse, et qui est menacé
dans toute l'Europe par une nouvelle invasion
de barbares. » Cependant, tout en dénonçant les
excès du radicalisme en France, il ne voulait pas
qu'on eût recours à des mesures extra-légales. Il
sonnait bien la trompette d'alarme, mais il ajou-
tait en même temps : « Gardez-vous de courir
aux armes ! » Contradiction flagrante, que la ré-
volution du 24 février devait mettre en lumière !
Apès la révolution de 1848, envoyé à la Cons-
tituante par le département du Doubs, il y vint
siégera l'extrême droite. Membre du comité élec-
toral de la rue de Poitiers, il vota généralement
avec le parti modéré; mais toutefois, par une
autre conséquence de ses principes libéraux, il
se prononça avec la gauche contre le rétablisse-
ment du cautionnement des journaux et contre
le maintien de l'état de siège pendant la discus-
sion de la Constitution , dont il refusa d'approu-
ver l'ensemble. Le 12 janvier 1849, parlant sur
la proposition Râteau, il convia ironiquement
l'Assemblée nationale à se dissoudre elle-même.
Le 10 février, il fit substituer la division des can-
tons en quatre sections au vote cantonal qui avait
produit l'Assemblée constituante. Le 21 avril, il
fit adopter un amendement qui sauva l'inamo-
vibilité de la magistrature d'alors. Le départe-
ment du Doubs le réélut à l'Assemblée législative,
et les électeurs des Côtes-du-Nord lui donnèrent
en même temps leurs suffrages. Dans la discus-
sion du projet de loi restrictif de la presse, pré-
senté par M. Dufaure (21 juillet 1849), il trouva
l'occasion de proclamer de hautes vérités. Son
discours sur les affaires de Rome (19 octobre
1849) lui fit reconnaître avec amertume que le
résultat le plus net de l'anarchie n'était pas de
détrôner quelques rois, mais bien de détrôner
la liberté. Pie IX, après avoir lu ce discours,
adressa un bref de remerciaient à M. de Monta-
lembert, qui pendant les vacances de l'Assemblée
fit un voyage à Rome, où il reçut de la munici-
palité de Rome le titre de citoyen romain.
En 1850, il prit une part active à la préparation
et à la discussion de la loi dite du 31 mal, des-
tinée à restreindre le suffrage universel. Au com-
mencement de 1851 , à l'époque des premières
récriminations de cette assemblée contre le pré-
sident de la république, M. de Montaiembeit
se sépara quelquefois de son parti pour prendre
la défense du prince, en déclarant qu'il n'était
98
MONTALEMBERT — MONTAX1VET
94
ni son conseiller ni son confident, mais son té-
moin, et en protestant « contre une des ingrati-
tudes les plus aveugles et les moins justifiées
de ce temps.ci. » Il se fit alors charger du
rapport de la loi sur l'observation du dimanche,
qui ne fut pas votée. Après le coup d'État du
2 décembre 1851, il fut nommé membre de la
commission consultative ; mais dès le mois de
janvier 1852 il se démit de ses fonctions. Élu
membre de l'Académie Française pour succéder
à Droz , il fut reçu solennellement le 5 fé-
vrier 1852. Peu de temps après, le comte de
Montalembert, fut envoyé par le département
du Doubs au corps législatif , . où il repré-
sentait presque seul l'opposition. Au mois de
mars 1854, à l'occasion d'une lettre confiden-
tielle écrite par lui à M. Dupin, publiée contre
sa volonté dans les journaux belges et colpor-
tée à Paris , l'assemblée autorisa contre lui des
poursuites, qui aboutirent à une ordonnance
de non-lieu. Vaincu aux élections de 1857 par
le candidat du gouvernement , le comte de
Montalembert, après vingt-deux ans de luttes
et de triomphes oratoires, se retira de la vie po-
litique, et reprit la plume de publiciste. Un ar-
ticle qu'il avait inséré dans Le Correspondant
du 25 octobre 1858, sous le titre : Un débat sur
l'Inde au parlement anglais, le fit, le 24 no-
vembre, traduire devant le tribunal correction-
nel de la Seine, comme prévenu « d'excitation à la
haine et au mépris: du gouvernement, d'attaque
contre le principe du suffrage universel et les
droits et l'autorité que le chef de l'État tient de
la Constitution, enfin d'attaque contre le respect
dû aux lois et l'inviolabilité des droits qu'elles ont
consacrés ». Le prévenu fut condamné à six mois
d'emprisonnement et à 3,000 francs d'amende.
Pendant qu'il interjetait appel de cette condamna-
tion, un décret impérial lui fit remise pleine et en-
tière de la peine. M. de Montalembert crut devoir
refuser cette grâce, et le 21 décembre la cour
d'appel écarta le chef d'accusation le plus grave,
qui eût soumis le condamné à la transportation
éventuelle, et réduisit à trois mois l'emprisonne-
ment prononcé contre lui, tout en maintenant l'a-
mende dont les premiers juges l'avaient frappé.
Le gouvernement tint à honneur de ne donner
aucune suite à cette condamnation.
On a de M. de Montalembert : Histoire de
sainte Elisabeth de Hongrie, duchesse de
Thuringe (1207-1231) ; Paris, 1836, in-8°,et
plusieurs autres éditions , dont une abrégée,
Paris, 1841, in-18; — Monuments de V His-
toire de sainte Elisabeth de Hongrie; Paris,
1838-1840, in-folio. Cette collection, publiée en
quatorze livraisons, se compose de trente gra-
vures contenant diverses œuvres de peinture et
de sculpture, avec des dessins d'Overbeck, de
Muller, de Fiatzeet d'Ott. Hauser. Elle est pré-
cédée d'une introduction sur l'état de l'art re-
ligieux en France ; — Du Vandalisme et du Ca-
tholicisme dans l'art, fragments ,■ Paris, 1839,
in-8", avec fig. Ce recueil contient une Lettre
sur le Vandalisme en France, publiée dans
la Revue des Deux Mondes; un Aperçu de
r Histoire de la Peinture catholique en Ita-
lie et des Réflexions sur l'état actuel de l'art
religieux en France; — Du Devoir des Ca-
tholiques dans la question de la liberté d'en-
seignement ; Paris, 1843, in-8°, et 1844, in-32;
— Trois Discours sur la liberté de l'Église,
la liberté d'enseignement et la liberté des
ordres monastiques, prononcés à la chambre
des pairs; Paris, 1844, in 18 ; — Saint An-
selme : fragment de /'Introduction à f His-
toire de saint Bernard; Paris, 1844, in-8°; —
Défense de l'École libre devant la Cour des
Pairs (septembre 1831), etc.; Paris, 1844,
in-18 ; — Quelques Conseils aux Catholiques
sur la direction à donner à la polémique ac-
tuelle et sur quelques dangers à éviter';
Paris, 1849, in-8°; — Des Intérêts catholi-
ques au dix-neuvième siècle; Paris, 1852,
in-8°; — L'Avenir politique de l'Angleterre;
Paris, 1855, in-8° ; — Pie IX et lord Pal-
merston; Paris, 1856, in-8°; — Les Moines
d' Occident depuis saint Benoît jusqu'à saint
Bernard ; Paris, 1860, 2 vol. in-8° ; — un grand
nombre de Discours à la chambre des pairs,
à la Constituante, à la Législative et au Corps
législatif; — Livre. des Pèlerins polonais, tra-
duit d'Adam Miçkiewïtz, suivi d'un Hymne à
laPologne, parF. de LaMennais; 1833, in-18. Ce
livre, qui fut mis à l'index à Rome, est introuvable
aujourd'hui; — divers articles dans la Revue
des Deux Mondes et dans Le Correspondant.
MM. Lecoffre et compagnie publient en ce mo-
ment (1860-1861) les Œuvres de M. de Monta-
lembert. Cette édition, qui formera 8 vol. in-8",
doit comprendre : Discours, 3 vol.; Œuvres
polémiques et diverses, 2 vol. ; Art at Littéra-
ture, 1 vol.; Histoire de sainte Elisabeth de
Hongrie, 2 vol. H. Fisqdet (de Montpellier).
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome I. — E. de
Mirecourt, Les Contemporains. — Vapereau, Diction-
naire universel des Contemporains. — A. Nettement,
Histoire de la Littérature française.
iwontalivet (Jean-Pierre Bachasson,
comte de), homme d'État français, né le 5 juillet
1766, à Neukirch(l), près Sarreguemines, mort
le 22 janvier 1823, dans sa terre de La Grange,
près Pouilly (Nièvre). Sa famille, noble et an-
cienne, était originaire du Dauphiné. Fils d'un
maréchal de camp qui commandait en Lorraine,
et naturellement destiné à la carrière des armes,
il entra dès l' âge de treize ans dans le régiment
des hussards de Nassau (1779), et bientôt après
il passa, en qualité de sous- lieutenant, dans les
dragons de La Rochefoucauld Cédant à de nou-
velles vues adoptées par ses parents, il s'appliqua
avec ardeur à feti.de des lois, se fit recevoir
avocat au parlement de Grenoble, et y devint
conseiller à dix-neuf ans, en vertu d'une dis-
(1) Et non à Sarrpguemines.
95
pense d'âge (1785). Par son application au tra-
vail, par son intégrité et par la rectitude précoce de
son jugement, il devint en peu de temps un des
membres les plus recommandables de sa compa-
gnie. Exilé avec ses collègues, sous le ministère
de M. de Brienne (1788), et privé de sa charge
par suite des décrets de l'Assemblée nationale
(septembre 1790), il se montra chaleureux par-
tisan des principes de liberté que la révolution
avait fait éclore. En 1789, il avait connu à Valence,
dans le salon de sa mère, un jeune officier d'ar-
tillerie qui devait ceindre un jour la couronne
impériale. Mais cette liaison dura peu : la diffé-
rence des opinions politiques la rompit. Bona-
parte était alors républicain exalté, et le jeune
conseiller possédait déjà cet esprit de modéra-
tion dont plus tard dans la plus haute fortune
il ne se départit jamais. En cessant de se voir les
deux jeunes gens n'en conservèrent pas moins
l'un pour l'autre une estime réelle qui devait un
jour les rapprocher. Telle fut l'origine de la for-
tune de M. de Montalivet. Bien qu'il vît avec
chagrin la révolution rejeter les doctrines cons-
titutionnelles qu'il avait embrassées," il lutta,
autant qu'il put, contre les dangers d'une
époque si orageuse : ce fut ainsi qu'il essaya
d'arracher, au plus fort de la terreur, un de ses
oncles à l'échafaud, et qu'il dénonça la munici-
palité de Paris à la tribune des Jacobins. Pour
échapper aux conséquences de son audace, il
s'enrôla sous le drapeau national comme simple
volontaire, et alla se battre en Italie. Il ne rentra
en France qu'à la fin de 1794, après la dissolu-
tion des bataillons dauphinois; on lui avait donné
le grade de caporal (1). Nommé en l'an m maire
de Valence, il rendit de signalés services en
conjurant le fléau de la famine et en apaisant
Firritation des esprits à force de fermeté , de
prudence et d'impartialité. Devenu premier con-
sul, Napoléon se souvint de M. de Montalivet, et
lui fit offrir, par le ministre Chaptal, la préfecture
delà Manche; comme ce dernier hésitait à quit-
ter une ville dont les habitants lui étaient dé-
voués, Napoléon passa outre, et M. de Montalivet
apprit sa nomination par Le Moniteur (17 avril
1801). Sa sage et habile administration dans un
département livré à la guerre civile (2) le fit
élever à la préfecture de Seine-et-Oise (31 mars
1804). Bientôt après il fut successivement appelé
au conseil d'État (1805) et à la direction générale
des ponts et chaussées (3 mai 1806). La haute capa-
cité et l'activité que déploya dans ce poste M. de
MONTALIVET 96
Montalivet redoublèrent la confiance que Napo-
léon avait déjà en lui et le déterminèrent à lui
confier, le 1er octobre 1809, le ministère de l'inté-
rieur, en remplacement du comte Crétet. Dans
cette situation élevée , il prouva à la fois l'éten-
due de son esprit et la variété de ses connais-
sances. Embrassant d'un coup d'œil toutes les
branches de sa vaste administration , il exerçait
sur toutes l'influence d'une étonnante aptitude
au travail et d'un esprit judicieux, pénétrant
et plein de ressources. Il s'appliqua surtout
à favoriser les progrès de l'industrie nationale.
« Il n'est probablement aucun ministre, dans
les temps modernes (1), qui ait eu le bonheur de
laisseraprès lui autant de monuments que M. de
Montalivet. Si on additionnait avec les sommes
dont il a dirigé l'emploi, pendant les trois ans
qu'il s'est trouvé à la tête des travaux publics ,
les ouvrages qui ont été exécutés dans la ville
de Paris pendant son ministère, on arrive à une
dépense de 110 millions, qui n'est que le tiers
de ce qu'a coûté l'achèvement de ces grands ou-
vrages. Il eut l'honneur de poser la première
pierre des bassins d'Anvers ; il fit améliorer le
port d'Ostende, et suivre avec activité la cons-
truction de ces belles routes qui ont aplani les
Alpes. Paris seul a vu quarante millions consa-
crés à prolonger les quais , à jeter des ponts , à
multiplier les fontaines ; et tandis que la Bourse
et les arcs de triomphe s'élevaient, les abattoirs
étaient construits , les marchés, les greniers, les
entrepôts étaient mis à la disposition du com-
merce... De tels résultats font assez connaître
l'importance de l'administration et le zèle de
l'administrateur. » L'empereur allait partir pour
la Russie lorsqu'il fut arrêté tout à coup par des
avis certains sur l'imminence d'une disette, moitié
réelle et moitié factice, qui pouvait troubler sé-
rieusement le pays. Après avoir pris dans le plus
grand secret des mesures propres à éloigner ce
fléau , il en confia l'exécution à M. de Monta-
livet sur qui reposa en partie le succès d'une
opération si difficile (2). Lors des désastres de
1814, la fidélité de ce ministre ne se démentit
| pas un seul instant; il fut du petit nombre de
I ceux qui voulaient qu'on défendît Paris ; l'avis
J contraire ayant prévalu , il suivit à Blois l'impé-
I ratrice Marie-Louise, accepta le titre de secré-
j taire de la régence , et essaya de réveiller par
j des proclamations le courage des partisans de
(1) M. de Montalivet parlait souvent de cette époque de
sa vie avec un sentiment de bonheur. Quelques années
avjnc sa mort, il montrait avec une sorte d'orgueil à ses
fils son sac de caporal, qu'il avait enveloppé dans son
écharpe de ministre.
(2) Le chevalier de Hrulard, son ancien camarade, était
venupourrallumerdansla Manche les restes delà chouan-
nerie. L'ordre de l'arrêter fut envoyé au préfet, qui, au
lieu de l'exécuter, donna vingt-quatre heures au cou-
pable pour prendre la fuite. Puis, sans perdre de temps, il
accourut à Paris rendre compte de sa conduite au pre-
mier consul, qui l'approuva.
(1) M. Daru prononçait ces paroles en 1823.
(2)« On a fait à M. de Montalivet, dit M. Tissot, le re-
proche d'un dévouement poussé jusqu'à l'esclavage de la
pensée. Que le ministre ait subi, comme tout le monde,
l'irrésistible ascendant du génie armé de toute la puis-
sance, qu'il ait montré pour l'empereur un dévouement
absolu, nous l'avouons sans détour; quant à l'esclavage
de la pensée, H ne se serait pas soumis à cet abaissement
de son caractère. On jour même, blessé de la vivacité
des paroles de Napoléon qu'il avait contredit ouverte-
ment sur la question de la possibilité du retour des Bour-
bons, Il ne rentra chez lui que pour donner sa démission.
Elle ne fut point acceptée par l'empereur, qui mit une
grâce Infinie à retenir un ministre dont il estimait la
franchise. »
97
MONTALIVET
98
l'empire. Au retour de l'ilc d'Elbe , il fut appelé,
le 21 mars 1815, à l'intendance générale de la
couronne, et le 2 juin il devint pair de France.
Après la deuxième abdication de Napoléon , il se
retira dans ses terres, où il vécut tout à fait
étranger aux affaires politiques jusqu'au jour où
M. Decazes lui fit donner un siège à la chambre
des pairs (5 mars 1819). Il y prit rang dans le
parti constitutionnel, et se montra le constant dé-
fenseur des droits garantis par la charte. La mort
de. Napoléon , l'idole de son cœur, avait porté
une profonde atteinte à sa santé , qui s'affaiblit
de jour en jour. Au moment de mourir il adressa
ces paroles à sa famille rassemblée autour de
lui : « Me« enfants, vous voyez comment on
meurt quand on a vécu en honnête homme. »
Il avait été créé comte en 1809 et baron en
1821.
Daru, Éloge du comte de Montalivet , dans le Moni-
teur, 18Î3. — Biogr. nouv. des Çontemp. — Biogr. des
Hommes vivants. — Bégln, Biogr. de la Moselle. — Ma-
hul, annuaire nécrologique, 1823. — Tlssot, Encycl.
des G. du M. — Le Bas, Dict. nitt. de ta France.
I montalivet ( Marthe- Camille Bachas-
son, comte de ) , homme d'État français , fils du
précédent, né le 25 avril 1801 , à Valence (Drôme).
11 annonça de bonne heure d'heureuses disposi-
tions, qui furent cultivées par son père. Après
avoir terminé ses études au collège de Henri IV,
il entra à l'École Polytechnique, d'où il sortit
l'un des premiers de la promotion de 1822. De-
venu élève de l'école des ponts et chaussées, il
se fit remarquer par le célèbre Prony, qui le ci-
tait comme un sujet de grande espérance. Il se
destinait à suivre la carrière des ponts et chaus-
sées lorsque la mort inattendue de son frère
aîné, Simon , lui ouvrit les portes de la chambre
des pairs ; mais il ne commença à siéger qu'en
1826, époque où il atteignit l'âge fixé par la loi.
Dès la première année de son admission, ses
opinions, franchement énoncées, le placèrent au
rang des amis de la liberté. En 1829, on le vit
s'élever avec courage contre le ministère Poli-
gnac, et il s'associa sans hésiter au mouvement
électoral qui envoya à la chambre des députés
les fameux deux cent vingt et un. Le 30 juillet
1830, il coUfut à la chambre des pairs, où plu-
sieurs de ses collègues, d'accord avec lui, s'asso-
cièrent liautement à la résistance populaire en
faveur de la Charte violée par les ordonnances.
On le vil bientôt, au Palais-Royal , se présenter
devant le duc d'Orléans, dont il était inconnu.
Louis-Philippe, devenu roi, ne tarda point à re-
connaître dans le jeune pair un caractère sain ,
un esprit solide et positif, qui ne manquait pas
d'une certaine dextérité naturelle, que le temps
développerait, un homme enfin propre à exercer
de hautes fonctions dans un gouvernement cons-
titutionnel; aussi, après avoir confié à M. de
Montalivet l'intendance provisoire de la dotation
de la couronne (16 octobre 1830), il se trouva
disposé à lui donner, sur la proposition de
M. Laffitte, le portefeuille de ministre de l'inté-
NOUV. BIOGR. GÊNER. — T. XXXVI.
rieur, en remplacement de M. Guizot (2 novem-
bre 1830). On se rappelle combien les circons-
tances étaient alors difficiles. La révolution
fermentait encore dans tous les cœurs. Le procès
des ministres de Charles X ajoutait chaque jour
de nouveaux levains à la fermentation générale.
M. Laffitte et ses collègues déployaient toute leur
influence pour prévenir une scène sanglante,
dont la seule pensée faisait horreur au roi.
M. de Montalivet se chargea de conjurer ce mal-
heur. Après avoir pris toutes les précautions
pour la sûreté des juges et pour celle des accu-
sés, il résolut d'enlever ces derniers avant le pro-
noncé du jugement ; avec une escorte de gardes
nationaux et de chasseurs, il conduisit jusqu'au
château de Vincennes les victimes désignées,
qui rendirent des actions de grâces à leur libé-
rateur. M. de Montalivet voulait alors que l'on
tendît la main aux hommes les plus ardents du
parti libéral, et croyait à la possibilité de les atti-
rer et de les attacher au gouvernement par les
preuvesdunehonorableconfiance.il se vit bientôt
dépassé par des exigences qu'il ne pouvait satis-
faire, ou retenu par les imprudences même du
parti qu'il aurait voulu sorvir. Sur ces entrefaites,
le ministère Laffitte fut ébranlé par la retraite de
M. Dupont de l'Eure et par la démission de La
Fayette. M. de Montalivet fut chargé par le roi
de presser ce dernier de garder le commande-
ment des gardes nationales; mais le général per-
sista dans son refus. Un nouveau ministère se
forma, en partie par les soins de M. de Monta-
livet ; dans cette administration , il accepta le
portefeuille de l'instruction publique et des cul-
tes ( 13 mars 1831 ). Plein de déférence pour le
clergé, mais ferme à en prévenir les usurpations,
défenseur courageux des droits de l'université ,
il marqua surtout son passage dans le ministère
par les plus heureux et les plus constants efforts
pour favoriser l'instruction populaire. Casimir
Périer, devenu président du conseil, regardait
M. de Montalivet comme son bras droit ; mou-
rant du choléra, il le désigna pour son succes-
seur au ministère de l'intérieur (27 avril 1832).
Après avoir mis les départements de l'ouest en
état de siège et tout disposé pour l'arrestation
de la duchesse de Berri, M. de Montalivet pré-
sida à l'exécution des mesures adoptées pour
réprimer l'insurrection républicaine des 5 et
6 juin. A cette époque, il accompagna le roi au
milieu des quartiers de l'insurrection. La vic-
toire obtenue, il fut un des plus ardents à empê-
cher l'effusion du sang des vaincus, condamnés
à mort par la cour d'assises. Ayant refusé de
s'associer à MM. Thiers et Guizot, que le minis-
tère appelait dans son sein , il donna sa démis-
sion (10 octobre 1832), redevint intendant gé-
néral de la liste civile et fut chargé à la chambre
des pairs de remplir les fonctions de juge d'ins-
truction dans le procès d'avril 1834. Rentré au
ministère de l'intérieur (22 février 1836), il en
sortit au bout de quelques mois, quand M. Gui-
4
99
MONTALIVET — MONTALVAN
100
zot ressaisit le pouvoir (6 septembre); mais
le 15 avril 1837 il accepta du comte Mole le
même portefeuille. Il eut au sujet des élections
de vifs débats à soutenir : d'un côté la gaucbe
l'accusait de manœuvres immorales et d'influences
illégitimes ; de l'autre M. Jaubert lui reprochait
de s'être contenté de lever les mains au ciel
pendant le combat. Ces difficultés n'empêchèrent
pas M. de Montalivet de. se signaler par la pré-
sentation de plusieurs lois d'une grande utilité,
sur les aliénés et sur les attributions des con-
seils généraux de département. On lui dut
aussi la proposition d'une loi relative à l'achè-
vement de plusieurs monuments publics, tels
que la maison royale de Charenton, les Archives
du royaume, qui périssaient , l'Institution des
Jeunes Aveugles et l'École vétérinaire d'Alfort.
La réforme des prisons et du système péniten-
tiaire attira aussi son attention : il envoya même
une commission aux États-Unis pour y étudier
ce système. C'est alors que commençait à se
former cette fameuse coalition qui devint si
redoutable an ministère. M. de Montalivet, en
s'appuyant sur l'admirable talent déployé par le
comte Mole dans cette session , fit tête à l'orage
avec beaucoup de fermeté , resta fidèle à ses
collègues, et fut regardé comme le lien du cabi-
net. Les hostilités continuant toujours, le mi-
nistère eut recours à la mesure extrême d'une
nouvelle dissolution. M. de Montalivet fut encore
chargé de présider aux élections ; leur résultat
parut défavorable : le ministère se retira
(31 mars 1839 ). En aucun temps de sa car-
rière politique, M. de Montalivet ne fut aussi
violemment accusé qu'à cette époque; suivant
ses adversaires, il n'avait jamais montré tant de
docilité à l'influence personnelle du roi. Il laissa
passer l'orage, et attendit l'un de ces retours fa-
vorables qui ne manquent rarement aux hommes
politiques.
M. de Montalivet occupa jusqu'au 24 février
1848 l'intendance de la liste civile. C'est dans
ce poste érainent qu'il a contribué, avec autant
de zèle qae de succès, à la création du Musée
de Versailles, l'une des grandes pensées du roi.
Lors de la chute du gouvernement de Juillet, il
rentra dans la vie privée, mais en gardant une
noble fidélité aux convictions politiques de toute
sa vie ainsi qu'à la famille d'Orléans. Ce fut lui
qui, à la tête d'un détachement de garde na-
tionale à cheval accompagna le roi à sa sortie de
Paris. En 1851 il défendit la mémoire de Louis-
Philippe dans une brochure qu'il publia sur La
Liste civile. Il fait partie depuis 1840 de l'A-
cadémie des Beaux-Arts à titre de membre libre.
Encycl. des Gens du Monde. — V. de Novlon, Ilist.
du Gouvernement de Louis- Philippe. — Dict. de la
Convers.
mosvtal,to ou montàlti ( Giovanni-
Slefano Danedi, dit le), peintre de l'école
milanaise, né à Treviglio, en 1608, mort en 1689,
Élève de P. -F. Mazzuchelli , dit le Morazzone*
il adoucit sa manière et peignit avee plus de soin
et de délicatesse qu'on ne le faisait généralement
de son temps Son imagination était riche, et
son ordonnance grandiose; seulement on re-
proche à ce maître un peu de froideur, bien
qu'il ait su parfois éviter ce défaut, comme le
prouve son Martyre de sainte Justine à Santa-
Maria-Pedone de Milan. Les peintures du Mon-
talto sont nombreuses dans cette ville ; nous ci-
terons : à la Madonna delle-Grazie , Sainte Rose
de Lima prosternée devant la Vierge; à Santa-
Maria-del- Carminé, Sainte Marie-Madeleine
Pazzi; à Saint-Joseph, un Saint Jean-Bap-
tiste. Les fresques qu'il a laissées sont en géné-
ral inférieures à ses tableaux. On en trouve à
Sainte-Marthe, à Santa-Maria-Incoronata , au
palais' Poldi-Pezzoli, à la cathédrale de Monza
et à la chartreuse de Pavie. E. B— n.
Lanzi, Storia. — Pirovano, Guida di Milano
MONTALTO OU MONTALTI (Giuseppe Da-
nedi, dit le), frère du précédent, né à Trevi-
glio,en 1619, mort en 1689. Après avoir reçu
les leçons du Morazzone, il alla à Bologne étu-
dier sous le Guide, dont il saisit assez bien le
style , ainsi que le montrent ses deux tableaux
de l'église Saint-Sébastien de Milan, Y Annoncia-
tion et le Massacre des Innocents, que l'on a
quelquefois attribués à son frère. Le musée de
Dresde possède de lui un bon tableau , Saint
Antoine caressant Venfant Jésus. E. B— n.
Orlandi, Abbecedario. — Lanzi, Storia.
moxtalvan (Juan-Perez de), littérateur
espagnol, né à Madrid, en 1602, mort en 1638.
H était fils d'un libraire, et dès sa jeunesse il
eut le bonheur de jouir de l'amitié de Lope de
Vega, qui le recevait dans sa maison et le traitait
comme son fils. A dix-sept ans il commença à
écrire pour le théâtre; ses essais furent bien
accueillis, et de 1619 à 1638 il composa une
centaine de comedias. Il était entré dans les
ordres à vingt-trois ans, et il obtint bientôt l'em-
ploi, alors important, de notaire apostolique de la
sainte inquisition. Il écrivit aussi des nouvelles.
De nombreuses éditions attestent que ses ou-
vrages jouissaient d'une vogue incontestable ; il
fut toutefois exposé à des critiques acerbes; il
compta parmi ses détracteurs plusieurs écrivains
en renom à cette époque; le célèbre Francisco
de Quevedo fut un des plus acharnés. Une anec-
dote a été conservée à cet égard. Les deux écri-
vains se trouvaient un jour au palais; on venait
d'exposer un tabteau de Velasquez représen-
tant saint Jérôme flagellé par des anges en pu-
nition de ce qu'il avait lu des livres profanes-
Montalvan, provoqué par le roi, se mit à impro-
viser ces vers assez médiocres :
Los angeles a porih
Al santo azotes le dan
Porque a Ciceron leya...
Quevedo, l'interrompant, ajouta aussitôt :
Cuerpe de Dios! que séria
leyera: à Monlulvan.
101
MONTALVAN
102
Le satirique ne se borna pas à ces épigrammes;
il écrivit un opuscule dans lequel Montalvan est
traité de plagiaire, d'être dépourvu de style et
d'imagination. Six mois avant sa fin prématurée,
Montalvan avait perdu la raison , malheur qui
fut attribué à l'excès du travail. Il excita des
regrets unanimes, et un grand nombre de poètes
le célébrèrent longtemps encore après sa mort.
Les principales œuvres de Montalvan sont deux
volumesde ses comedias, imprimés, l'un à Alcala,
en 1628, l'autre à Madrid, en 1639; ils renferment
vingt-quatre pièces, qui ont reparu à Valence, en
1652 ; d'autres sont disséminées dans des recueils
ou ont été imprimées séparément; beaucoup sont
restées inédites. Elles conservent encore quel-
que réputation en Espagne ; elles n'offrent cepen-
dant rien qui leur assigne un rang bien distin-
gué. Leur auteur n'avait pas d'originalité, de
physionomie spéciale; il imitait, parfois avec
bonheur; l'influence de Lope de Vega se fait re-
marquer chez lui en maint endroit, mais il est
bien loin de son modèle. Dans la précipitation
de son travail , il entasse les incidents sans se
préoccuper de suivre un plan, de former un en-
semble harmonieux. Dépoorvu de goût, il met
parfois, à côté de tirades héroïques des traits
remplis de trivialité; sa diction est souvent
plate, emphatique et boursouflée. Malgré ces
défauts , il faut reconnaître chez Montalvan une
grande facilité et parfois des scènes bien con-
duites, un intérêt véritable, de l'esprit dans le
dialogue. Quelques-unes de ses pièces sont fort
au-dessus des autres; Los Amantes de Ternel
retracent un épisode qui avait réellement eu
lieu en Aragon à l'époque de Charles Quint et
qui a été mis sur le théâtre par divers écrivains
espagnols ; la pièce de Montalvan est seule restée
en possession de la scène. La Doncella de la-
bor est une pièce d'intrigue assez bien ourdie.
On place parmi les chefs-d'œuvre de Montalvan
la comédie intitulée : No hay vida como la
honra; il la composa sous la vive inspiration
d'un accès de colère et de dépit ; il l'entreprit
le lendemain du jour où une de- ses pièces avait
été outrageusement sifflée, et il eut la satisfac-
tion de jouir d'une revanche éclatante ; l'œuvre
nouvelle eut de nombreuses représentations sur1
les deux théâtres de Madrid et fut très-chaude-
ment applaudie. On accueillit avec enthousiasme
la scène où un proscrit, Don Carlos, dont la
tête a été miseàiprix, se livre lui-même à ses
ennemis et réclame la somme promise, dans le'
but de sauver ainsi de la pauvreté une épouse
bien aimée. 11 y a des situations piquantes dans
La Toquera Vizcaina; malheureusement elles
sont mêlées de trop d'invraisemblances et d'im-
possibilités pour que le spectateur y trouve un
plaisir sincère. Après ces quatre pièces, qui sont
ce que Montalvan a fait de mieux, on peut citer
aussi celles qui ont pour titre : Cumplir con
sa obligation; Ser prudente y ser su/rido ;
Como a padre y como a rey, et La Mas cons-
! tante Muger. Il y a une énergie brutale dans
De un Castigo dos venganzas; épisode plein
de sang, fait réel qui avait eu lieu à Lisbonne
I l'année même où Montalvan le présenta au par-
j terre de Madrid. La Puerto Macarena retrace,
mais sans mérite, l'histoire tragique de Blanche
de Bourbon. Il n'y a rien de remarquable dans
El secundo Seneca de Espaha , nom sous le-
quel il faut entendre Philippe II, œuvre dont
le sort mystérieux de don Carlos a fourni le su-
jet. Les autres ouvrages de Montalvan, El Poli-
femo; Eldivino Nazareno ; Sanson ; Palmeria
de Oliva, ne méritent pas qu'on s'y arrête.
Montalvan se plaça aussi an nombre des con-
teurs; il prodigua dans ses nouvelles tous les
faux brillants de la prose poétique; il obtint
parmi ses contemporains un succès de vogue, qui
ne s'est pas soutenu. Son début en ce genre fut
le volume intitulé Sucessos y Prodigios de
amor, en octo novelas exemplares ; Madrid,
1624 : on vit se succéder une douzaine d'éditions
dans l'espace d'un siècle; deRampalle en donna
une traduction française (Paris, 1644), fort ou-
bliée aujourd'hui; B. Cialdini en avait fait pa-
raître une en italien (Venise, 1628). De nos
jours ces novelas ont été reproduites dans le
tome II du Tesoro de- Novelistas espanoles
(Paris,. 1847, in- 8°). Encouragé par ses suc-
cès , Montalvan livra au public son Para to-
dos, Exemples morales humanos y divinos,
recueil où se pressent, en grand nombre, des ré-
cits qui paraissent aujourd'hui assez insipides.
La première édition parut en 1633 ; celle da-
tée de 1671 est la neuvième; il en existe aussi
de> 1691 et 1736. Vanel en tira huit nouvelles,
qu'il publia en 1684, 2 vol. in-12 ( La Semaine
de Montalvan, ou les Mariages mal assortis) ;
une réimpression eut lieu en Hollande en 1686.
Après la mort de Lope de Vega , Montalvan fit
paraître, en 1636, sous le titre de Fama pos-
thuma, un in-4° rempli de vers élogieux, es-
critos por los mas esclarecidos ingenios , et
dans lequel il mit largement du sien. Douze ans
plus tôt un ouvrage de Lope, l'Orfeo, avait paru
sous le nom de Montai van, qui, s'essayant dans
un autre genre , fort goûté alors en Espagne ,
écrivit la Vida y purgatorio de san Patritio
(Madrid, 1627, 1656; Séville, 1696, etc.). Cette
légende, fondée sur de vieilles et curieuses tra-
ditions, fut deux fois traduite en français (1638
et 1640). Deux des comédies de Montalvan se
trouvent dans le tome IV du Tesoro del Teatro
espanol, publié à Paris par Baudry ; le Journal
étranger, mai 1765, a donné des extraits de
cet auteur peu connu en France.
G. Brdnet.
P. Grande de Tenu , Lagrimas panegiricas à la lem-
pruna tnuerte del doctor Don /. ferez de Montalvan.
— J.-A. Alvarez de Balna . Hijos de Madrid, t. III,
p. 271. — Ticknor, History of Spanisti Literature, t. II.
— A.-F. von Schack, Ceschichte der dramatischen litera-
tur in Spanien, t. II, p. 540. — De Puibusque, Histoire
comparée des Littératures espagnole et française, t. I.
103
MONTALVO — MONTAN
104
montalvo {Luis Galvez de), poëte espa-
gnol, né ennovembre 1549, à Guadalaxara, mort
en 1610, à Palerme. Il fut reçu docteur en droit
et en théologie à l'université d'Alcala, et ce fut
peut-être dans cette ville qu'il connut Cervantes;
dans la suite il se forma entre eux une assez vive
amitié, et ils ne négligèrent pas l'occasion de se
décerner l'un à l'autre des louanges. Montalvo
s'attacha à la puissante maison de l'Infantado, et
passa la plus grande partie de sa vie dans les
châteaux ou à la cour. Mais n'en ayant pu ob-
tenir la moindre faveur, il entra dans l'ordre de
Saint- Jérôme, et passa en Sicile, où il mourut, à
l'âge de soixante-et-un ans. Pendant un premier
voyage en Italie qu'il avait fait en 1675, il avait
commencé à Naples le Pastor de Filida, roman
pastoral , mêlé de prose et de vers. La richesse
d'imagination, la délicatesse de sentiments et la
pureté du style qui sont les principales qualités
de ce livre le rendirent promptement populaire;
publié pour la première fois à Madrid, en 1582,
il eut plusieurs éditions, dont la meilleure est celle
qu'a donnée Mayans y Siscar (Madrid, 1792,
in-8°). Le second ouvrage de Montalvo est un
poème en huit chants, traduit de l'italien de
Tansillo et intitulé : La Lagrimas de san Pedro
(Madrid, 1587, in-8°). Il avait aussi traduit en
octaves espagnoles La Jérusalem délivrée, et
l'on assure que cet ouvrage posthume a été im-
primé à Naples. P.
N. Antonio , Biblioth. nova Hispana. — Mayans y Sis-
car, Notice à la tôte de la 6e édit. de la Filida. — Na-
varretc, fida de Cervantes, p. 66, -278, 407. — Tlcknor,
History of Spanish Literature, 11,43.
montamy (Didier- François d'Arclais de),
savant français, né en 1702, à Montamy, près
de Vire (Basse-Normandie), mort le 8 février
1765, à Paris. Issu d'une ancienne et noble fa-
mille, il occupa dans la maison du duc d'Orléans
la charge de premier maître d'hôtel. Amateur
éclairé, il cultivait les arts et a laissé quelques
ouvrages estimés : La Lithogéognosie, ou exa-
men des pierres et des terres; Paris, 1753,
2 vol. in-12, trad. de l'allemand de J. -H. Pott;
— Traité pratique des différentes manières
dépeindre, inséré par dom Pernetydans le Dic-
tionnaire portatif de Peinture (Paris, 1757,
in-8° ) ; — Traité des Couleurs pour la peinture
en émail et sur la porcelaine, précédé de l'Art
de peindre sur l'émail; Paris, 1765, in-12.
Cet ouvrage posthume a été édité par Diderot
avec des additions ; on. le retrouve dans l'édition
de ses Œuvres (1821, t. VIII). P. L.
Chaudon et Delandine, Dict. universel (1810).
montais, hérésiarque, né à Ardaban, dans
la Mysie, mort vers 212. L'ambition fut le mo-
bile qui entraîna Montan dans l'hérésie. 11 em-
brassa d'abord le christianisme, dans l'espérance
d'arriver aux plus hautes dignités de l'Église;
mais, trompé dans son attente, il résolut de se
faire chef de secte. Ayant réussi à s'adjoindre
deux femmes fort riches , Priscilie et Maximille,
qui s'abandonnèrent aveuglément à lui, il com-
mença vers 171 à prêcher ses étranges théories.
Il prétendait que Dieu avait voulu d'abord sauver
le monde par Moïse et les prophètes; qu'ayant
échoué, il s'était lui-même incarné sans obtenir
un meilleur résultat; qu'enfin, consentant à faire
une nouvelle expérience, il était descendu en son
serviteur Montan , lui avait accordé le don de
prophétie, et l'avait choisi pour révéler aux
hommes les hautes vérités qu'ils n'étaient pas en
état de comprendre du temps des apôtres. Doué
d'une vive imagination et d'une éloquence très- ,
communicative, Montan eut bientôt rassemblé
quelques disciples; il n'oublia rien d'ailleurs de
ce qui pouvait le faire regarder comme inspiré; ,
il avait pris le nom de Paraclet, et quand il an-
nonçait sa doctrine, il paraissait, comme la
sibylle antique, agité de mouvements convulsifs,
et sa figure se contractait sous l'influence des
forces intérieures qui semblaient le dominer. La
sévérité de sa morale, l'austérité de ses mœurs
prévenaient en sa faveur; il condamnait les se-
condes noces , comme adultères , refusait le par-
don aux pécheurs longtemps endurcis, et défen-
dait de fuir la persécution et le martyr ; il avait
enfin établi jusqu'à trois carêmes très-rigoureux,
et ordonné de nouveaux jeûnes. Le pape Victor
jugea d'abord les montanistes sur l'apparence,
et il leur donna des lettres d'approbation ; mais
il les retira dès qu'on lui eut fait comprendre
qu'il avait été trompé. La doctrine de Montan
fut alors examinée dans une réunion d'évêques,
qui la déclara profane et hérétique ; c'est dans
ce concile qu'on établit le principe « que le Ssint-
Esprit perfectionne ceux à qui il se communique,
au lieu de les dégrader ; et qu'en faisant parler
les prophètes, il ne leur ôte pas le libre usage de
la raison et des sens ». Montan ne se soumit
point; ses disciples ne tardèrent pas à remplir
toute la Phrygie ; ils envahirent la Galatie, Cons-
tantinople et même l'Afrique, où ils parvinrent
à séduire Tertullien, qui plus tard sa sépara
d'eux, mais sans condamner leur doctrine. Les
montanistes s'accordaient du reste à reconnaître
l'inspiration qu'avaient reçue les apôtres ; mais ils
distinguaient le Saint-Esprit du Paraclet. Le Pa-
raclet, suivant eux, avait inspiré Montan et avait
révélé par sa bouche des vérités bien supérieures
à celles qu'avait enseignées Jésus-Christ, ils -
finirent par se diviser en un grand nombre de
sectes; les uns suivirent les opinions de Proclus;
les autres adoptèrent les doctrines du sabellia-
nisme, qui leur furent prêchées par Échines ; et
peu à peu les montanistes disparurent, fraction-
nés sous les noms de passalorinchites, arto-
tyrites, tascordurgites et ascadurpites. Montan
vécut, dit-on, jusqu'à l'année 212, et quelques
écrivains prétendent qu'il mit fin à ses jours en
se pendant.
Apollinaire d'HiérapIes écrivit contre Montan
et le montanismeun ouvrage aujourd'hui perdu,
mais qui existait encore au temps de Phocius;
c'est à tort que Ruffin et Nicéphore ont regardé
105
MONTAN — MONTANCLOS
106
comme un fragment de cet ouvrage les pages
que reproduit Eusèbe, livre V, chapitre xvi, car
Apollinaire s'adressait à la secte naissante, et le
fragment cité est évidemment postérieur à la
mort de Montan. Trois autres polémistes : Mil-
tiade et deux Apollonius, l'un grec et l'autre
romain, ont également écrit contre Montan. Il
ne nous reste rien du premier; Eusèbe, livre V,
chapitre xxvm, rapporte un extrait de l'ouvrage
du second. Tertullieu a soutenu les doctrines de
cette secte dans le livre de la monogamie et de
l'exhortation à la chasteté , et dans son traité
sur les jeûnes. Montan avait écrit un livre de
prophéties, qui ne nous est point parvenu ; Pris-
cille et Maximille en avaient, dit-on, publié aussi
quelques sentences. Alfred Franklin.
Eusèbe, Hist. ecclesiast. — Straucb, De- Montano hx-
resiarcha celebri; 1680, in-4°. — Pluquet, Dict. des Hé-
résies. — Conrad Kirchner, De Montanislis ; de eorum
oriuine, etc.; 183», in-i8°.
montanari (Geminiano), astronome ita-
lien, né en 1632, à Modène, mort le 13 octobre
1687, à Padoue. Placé de bonne heure sous la
tutelle de sa mère, qui veilla avec soin sur son
éducation, il s'adonna d'abord à la jurispru-
dence, qu'il étudia, ainsi que la philosophie, à
Florence, et fut appelé comme professeur à
Vienne, après avoir été reçu docteur à l'univer-
sité difsalzbourg. Dans la capitale de l'Autriche
il rencontra le florentin Paul de Bono, directeur
delà monnaie impériale, et l'accepta pour guide
dans l'étude de la physique et des mathématiques
pour laquelle il avait dès l'enfance manifesté
une véritable prédilection. En 1657 ils parcou-
rurent ensemble la Bohême, et Montanari revint
seul à Modène, où l'attachèrent pendant quelque
temps les offres brillantes du duc Alphonse IV.
A la- mort de ce prince, il vint habiter Florence,
abandonna tout à fait le droit, et continua, sous
la protection du cardinal LéopolddeMédicis, ses
expériences de physique. Il se retira ensuite dans
les environs de Moflène, à Pansano, et travailla aux
éphémérides célestes de CornelioMalvasia. Ce fut
par . l'intermédiaire de ce savant qu'il obtint en
1664 la chaice de. mathématiques à l'université
de Bologne; il y accomplit ses principaux, tra-
vaux, et s'y lia avec Grassini, Mezzavacca, Sam-
pieri, Manfredi, etc. En 1678 il vint occuper à
Padoue la chaire d'astronomie que la république
de Venise avait créée pour lui. Montanari s'était
formé une théorie empruntée en grande partie à
Aristote et à. Descartes. Il se servait pour ses
observations d'un micromètre qui offre la plus
grande ressemblance avec celui d'Auzout. Il y
a plus d'érudition que d'originalité dans ses ou-
vrages. Ce qui pourra faire vivre son nom , ce
sont d'une part les changements qu'un des pre-
miers il a remarqués, dans plus de cent étoiles, et
de l'autre les lettres que lui a adressées Dominique
Cassini au sujet des réfractions. On a de lui :
Comètes Bononise abservatus- ann. 1664 et
1665; Bologne, 1665, in-4°; — JSphemeris
Lambergiana ad a. 1666; ibid., 1665, in-4°;
— Pensieri fisico-matemalici sopra alcune
esperienze intorno diversi effetti diliquori;
ibid., IG67, in-4° ; — Speculazioni fisiche sopra
gli effetti di que' velri temprati, che rotti in
una parte si risolvono tutti in polvere; ibid.,
1671, in-4° ; l'une des deux lettres de cet opus-
cule est adressée au grand-duc Ferdinand II ; —
Discorso sopra la sparizione di alcune stelle
ed altre novilà scoperle nel cielo; ibid., 1672,
in-4°; — La Livella diottrica; ibid., 1674,
in-4°; — Fiamma volante, meteora ; ibid.,
1676,in-4°; — Manualetto de' bombisti, ovvero
ristretto délia avvertenze piu necessarie per
ben maneggiare i mortari ; 2e édit., Vérone,
1684, in-24 ; .— L'Aslrologia convinta di falso ;
Venise, 1685, in-4°; on y trouve une notice des
principaux événements de la vie de l'auteur ; —
Miscellanea italica physico-mathematica;
Bologne, 1692, in-4°, choix de quatre disserta-
tions qui avaient paru isolément ; — Le Forze
di Eolo, discorse sopra gli effetti del vortice
detto neglistati Venetila Bisciabuova ; Parme,
1694, in-12; — Discorso sopra la tromba par-
lante, aggiuntovi un trattato posturno del
mare Adriatico e sua corrente esaminata;
Venise, 1715, réimpr. dans la collection des
Scrittori dell'acque. Montanari a laissé beaucoup
d'ouvrages inédits, entre autres L'ingegnero
civile, militare e d'acque, des traités sur la
dioptrique, la mécanique, la trigonométrie, la
fortification, etc. P.
Tiraboschi, Biblioteca Modenese. — Fabroni, F'itse
Italorum, III.
montanari (Francesco), peintre italien,
né en 1750, à Lugo, où il est mort, en 1786. Il
fréquenta les ateliers de Gandolfi et de Cignaroli,
parcourut les principales villes d'Italie, et se re-
tira dans sa ville natale, où se trouvent la plu-
part de ses œuvres, telles que La Mort de Ra-
cket, L'Enfant prodigue, une Descente de
croix, La Confiance d'Alexandre, les portraits
de Cignaroli et de Raphaël Mengs. Un de ses
meilleurs tableaux est Le Martyre de saint Cré-
pin et de saint Crépinien. E. B.
Tipaldo, Biogr. degli Italiani illustri, I.
MONTANCLOS (Marier Emilie Mayon de),
femme auteur française, née en 1736, à Aix,
morte le 29 août 1812, à Paris. Elle appartenait
à une famille originaire de l'île de , Sardaigne.
Veuve du baron de Princen, elle épousa en se-
condes noces Charlemagne Cuvelier-Grandin de
Montanclos, qui adonné en 1786 une traduction
en vers de La Jérusalem délivrée. De bonne
heure elle cultiva les lettres, qui devinrent pour
elle, quand elle eut perdu sa fortune, un moyen
d'existence assez précaire. Depuis 1804 elle n'eut
d'autres ressources qu'une petite pension sur la
cassette impériale. On a de cette, dame : Le
Choix des fées par l'Amour et l'Hymen ; Paris,
1782, in-8°, comédie en l'honneur de la naissance
du dauphin; — Œuvres diverses (en. vers et
en prose); Grenoble et Paris, 1791, 2 vol. in-12;
107 MOINTANCLOS
— Robert le bossu, ou les trois sœurs, vau- i
deviile; Paris, 1799, in-8°; — Le Fauteuil, i
comédie; Paris, 1799, in-8°; — La bonne Mai-
tresse, comédie; Paris, 1803, in-8°; — Alison \
et Silvain, opéra (en prose); Paris, 1803, i
in 8o. Mme de Montanclos a dirigé depuis 1774 i
le Journal des Dames, qu'elle céda vers 1785 à
Mercier; on trouve d'elle beaucoup de pièces
fugitives dans ÏAlmanach des Muses. K.
Pi'udhomme, Biogr. des Femmes célèbres, III.
* montanelli (Joseph), poète italien, né en
1813, dans une petite bourgade de la Toscane,
est fils d'un organiste de village. Tout jeune, il
voulait suivre l'humble carrière de son père,
mais à la suite d'études sérieuses il résolut de
se livrer à l'enseignement. Ce fut après la révo-
lution italienne de 1839 qu'il occupa à l'uni-
versité de Pise la place de professeur de droit
commercial. Dans ses mémoires sur l'Italie,
M. Montauelli raconte qu'entraîné par la lec-
ture des œuvres de Volney et du baron d'Hol-
bach,il était devenu athée, mais qu'arrivé à l'âge
de trente-et-un ans ses idées s'étaient modifiées,
et qu'il s'était proclamé partisan fougueux du
néo-catholicisme. M. Montanelli fit ses premiers
essais littéraires dans un petit journal ayant pour
titre V 'Indicatore P'tsano, et qui avait pour spé-
cialité d'indiquer le cours des halles. Plus tard il
publiait dans un recueil de quelque valeur 11 Su-
balpino, des fragments d'un poème dramatique
qui furent le sujet de La Teniazione, publié :à
Paris, et dont Mœe George Sand a fait un
compte rendu détaillé dansZa Presse. A la même
époque se rattache la publication d'un recueil de
poésies intitulé Liriche. Pendant la révolution
italienne de 1848 il fonda un journal, Vltalia,
qui ne vécut que deux mois. M. Montanelli, en
dévoué patriote , prit une part active aux com-
bats qui se livrèrent à cette époque, et fut même
laissé pour mort sur le champ de bataille de Cur-
tatone. Quelque temps après, ne renonçant pas
à son goût pour la poésie, il vint à Paris, où il
traduisit une tragédie de M. Ernest Legouvé,
Médée, qui avait été refusée par mademoiselle
Rachel au Théâtre-Français. Mme Ristori obtint
dans cette pièce au Théâtre- Italien de Paris un
, de ses plus grands triomphes. Entraîné par ce
succès, et plein de reconnaissance envers' Mme Ris-
tori , M. Montanelli écrivit pour cette tragé-
dienne une nouvelle pièce intitulée Camma. On
lui fait le reproche, peut-être à tort, d'avoir copié
plusieurs scènes de cette dernière tragédie sur
un manuscrit qui lui avait été confié à Venise.
Quoiqu'il en soit, Camma eut très-peu de succès.
Lorsqu'éclata la guerre d'Italie de 1859, M. Mon-
tanelli se hâta de reprendre dans l'armée de l'in-
dépendance la place qu'il avait si courageusement
remplie en 1848, et il s'engagea comme simple
volontaire. A. Rabier.
Rabelais, Journal bioaraphigue. — Al. Dumas [Le
Monte ChrUto).
montani ( Giuseppe ), peintre de l'école bc-
— MONTANO 108
lonaise, né à Pesaro, en 1641, vivait encore en
1678. 11 habita longtemps Venise, où il se fit con-
naître comme habile paysagiste. De retour dans
sa patrie, il écrivit une histoire des peintres de
Pesaro et d'Urbin, citée par Malvasia, mais dont
le manuscrit est perdu. E. B— n.
Malvasia, Felsina pittrice.
montani ( Giovanni Giuseppe), théologien
italien, né vers 16S5, à Pesaro, mort en 1760, à
Rome. Issu d'une noble famille, il fit profession
à Rome dans la Société de Jésus, et enseigna la.
théologie morale avec tant de succès que l'on
venait le consulter de toutes parts. Il retoucha, et
corrigea un ouvrage du P. Pelizzari, y fit beau-
coup d'additions, qu'il tira en grande partie des
décrets de la congrégation sacrée et des bulles
de Benoît XIV, et le publia sous le titre : Trac-
talus de Monialibus (Rome, 1755, in-4«-
2«édit., Venise, 1761).
Un auteur de la même famille, Montani
(Francesco), mort en 1754, fut gentilhomme
de la chambre du grand-duc Cosme 111, qu
l'employa dans plusieurs .affaires importantes.
On a de lui divers écrits pjeius d'érudition, mais
qui manquent de critique. p.
Richard et Giraud, Bibliothèque Sacrée.
montani ( G.-B. ). Voy. Lombardelu.
montanini (Pietro), peintre de l'école
romaine, né àPérouse, en 1626, mort en 1689.
Élève de CiroFerri et deSalvator Rosa, il imita
les paysages de ce dernier avec assez de succès
pour qu'ils fussent fort recherchés en France,
surtout lorsqu'il n'y avait point introduit de
figures. Quant à ses tableaux d'histoire, ils sont
au-dessous du médiocre. Pérouse possède plu-
sieurs de ses ouvrages, tels que la Fuite en
Egypte et la Prédication de saint Jean-Bap-
tiste, conservés au palais1 Braceeschi.E. B — n.
Ticozzi, Dizionario. — ■ R. Garabini, Guida di Perugia,
montano (Jean-Baptiste) , célèbre mé-
decin italien, né à Vérone, en 1488, mort en
1551, à Terrazo, dans les environs de cette ville.
Après avoir suivi à Padoue les cours de Musurus
et de Pomponace, et ensuite étudié la médecine,
il enseigna la littérature grecque à Naples, et fut
nommé en 1 539 professeur de médecine à Pa-
doue, emploi qu'il exerça pendant onze ans. Il
était réputé un des plus habiles médecins de son
temps ; Charles Quint et François Ier essayè-
rent en vain de l'attirer à leur cour. Il avait
pour amis le cardinal Hippolyte de Médicis, Pon-
tanus, Sannazar et autres hommes distingués.
On a de lui : .Etii Amideni Libri XVI inter-
prétai!; Venise, 1534, et Bâle, 1538, in-fol.; on
y trouve aussi des commentaires de Cornarius;
— De Differentiis Medicamentorum ; Wittem-
berg, 1551, in -8°; — In nonum Librum Razis,
ad Almansorem Ëxpositio ; Venise, 1554-, et
Bâle, 1562, hi-8°; — Lectiones inprimum Ca-
nonem Avicennas; Venise, 1554-1556, 2 vol.
in-8°; — De Fecibus et Urinis; Padoue, 15*4,
et Paris, 1555; — Explanationes in Galène
I0i) MONTANO —
artem curandi; Venise, 1554, in-8°; — De\
Medicamentis simplicibus ; Veniso, 1555, in-8";
— ûpitscula varki, in quibus tota ferc medi-
cina cxplicatur; Dâle, 1558 et 1565, hv8°; — I
Comllia Medica; Nuremberg, 1559 et 1583,
in-fol.; — Medicina universn, ex lectiouihia
scriptisque Montant collecta a M. Weindri-
chio; Francfort', 1587, in-fol. ; — In Libros
Galcrri De Elementis, natura hamana, alra
bile, temperamentis et facullalibus natara-
libns periochx; Hanovre, 1595, in-8»; — De
1 Morbo Gallico; Lyon, 1728, in fol. O.
Ghllini, Theatro. — Papndopoli, Gymnasium Patavi-
ntnn, t^ I. — Maffel, Ferons, iltmtrata, t. II ; et ZJe
P'irh illustribus Feronensibns.— Facciolati, Fasti Gym-
nasii Palavini, pars III. — Tiraboschl, Storia délia let-
ter. ital.
MOTTANO (Leandro), théologien espagnol ,
né à Murcie, vivait dans le dix-septième siècle.
Il est aussi connu sous le nom de Léandre de
Murcie. Moine capucin, il fut provincial de Cas-
tille, qualificateur de l'inquisition et prédicateur
du roi. Nous citerons parmi ses nombreux ou-
vrages : Quxstiones regulares y régla de los
menores; Madrid, 1045, in-4°; — Quxstiones se-
lectx morales; ihid., 1646, in-fol. ; — Commen-
taria in Esther ;ibu\., 1647, in-fol.; — Expli-
caciondeiasbulas de Innocencio X;ibid., 1650,
in-4°; — Disquïsitiones morales in primant
S. Thomx; ibid., 1663-1670, 2 vol. in-fol. P.
N. Antonio, Bibl. nova Hispana. — Le P. Jean de
Saint-Antoine, Bibl. unit: franciscana, \l; 279.
montansier (Marguerite Brunet, dite
M1!e ), directrice et fondatrice de théâtres, née à
Bayonne, en 1730, morte à Paris, le 13 juillet
1820. Née d'une familledé marins.élle fut élevée
aux' Ursulines de Bordeaux; mais elle partit fort
jeune encore avec une troupe de comédiens qui
allait jouer dans les colonies ; elle y resta quel-
ques années. A son retour en France-, elle parut
sur tes théâtres de province , et débuta aux
Français ; mais son accent méridional l'empê-
cha d'y rester. En 1775, ayant obtenu par la pro-
tection delà retrre'le privilège exclusif de donner
des spectacles et des bals dans Versailles,
Jfflle Montansier fit bâtir la salle de la rue des
Réservoirs, dontl'ouvertureeutlieuen 1777. C'est
de ce théàtrc-école que sortirent un grand nombre
d'acteurs qui ont illustré la scène française.
Vers cette époque mourut M. de Saint-Conty,
qui avait procuré à'MHc Montansier la direc-
tion de plusieurs théâtres pendant la résidence
de la cour, à Fontainebleau, à Compiègne, au
Havre, où elle fit bâtir une salle ; à Rouen, Caen,
Orléans, Tours, Angers, où elle envoyait ■ ses
meilleurs acteurs de Versailles. Lorsqu'au mois
d'octobre 17891a cour quitta Versailles.'Ml'e Mon-
tansier loua au Palais-Royal la salle des Templiers,
dite de Beaujolais, qu'elle fit agrandir et embeMir.
En 1792 , craignant pour sa vie, elle équipa, à ses
frais, une compagnie franche de quatre-vingts
hommes presque tous acteurs et commandés > par
Neuvîlle;cettecompagnie,qu'oncrut d'abord n'être
MONTANSIER 110
qu'une troupe destinée à jouer la comédie à l'ar-
mée de Dumouriez, resta six semaines au camp de
la Lune, et ne revint que quand l'ennemi eut évacué
le territoire. Elle lit bâtir rue de la Loi ( aujour-
d'hui Louvois), en l'ace la Bibliothèque Ricbelieu,
une salle magnifique dont l'ouverture eut lieu le
15août 1793 sous letitre de Théâtre national, et
prit plus tard le nom de Théâtre des Arts- le succès
fut très grand et lui attira en même tempsheaucoup
d'ennemis. Déjà au mois de mars, Duliern avait
présenté à la Convention, une médaille portant
l'effigie de Louis XVI avec cette exergue : Mar-
tyrisé le 21 janvier 1793. Un billet lui avait dé-
noncé Mlle Montansier comme distributrice de
cet emblème royaliste. Plus tard, le 24 brumaire
an n, Chaumelte dit à la séance du conseil gé-
néral de la commune : «.Je dénonce la citoyenne
Moutansier comme ayant fait bâtir la salle de
spectacle, rue de la Loi, pour mettre le feu à la
Bibliothèque nationale; l'argent de l'Angleterre
a beaucoup contribué à la construction de cet
édifice, et la ci-devant reine a fourni 50,000 écus.
Je demande donc que ce spectacle soit fermé, à
cause des dangers qui pourraient enrésulter si le
feu y prenait. » Cette proposition fut adoptée.
Hébert ajouta : « Je dénonce personnellement
la demoiselle Montansier; j'ai des renseignements
contre elle, et il m'a été offert une loge à son
nouveau théâtre pour m'engager à me taire. Je
requiers que la Montansier soit mise en état d'ar-
restation comme suspecte. « (Adopté). Chaumette,
persistant, dit de nouveau : « Je demande en
outre que les acteurs, actrices et directeurs de
tous les. théâtres de Paris passent à la censure
du conseil. -» Ce qui fut encore adopté. Aussi le
théâtre; fut-il immédiatement fermé, et le lende-:
main Mlle Montansier arrêtée, bien qu'elle lût en
société avec Fabre d'Églantine. Elle fut enfermée
à la petite Force, où elle resta jusqu'à la chute de
Robespierre. Pendant sa captivité les représenta-
tions continuaient au théâtre Beaujolais, qui prit le
titre de Théâtre du péristyle dupalais Égalité,
et, quelque temps après, celui de Théâtre de la
Montagne. Quant au Théâtre national, il rou-
vrit peu de jours après sa clôture, mais sous une
administration nommée par la Commune et qui
ne subsista que pendant quelque temps. On y
transféra en 1794 le grand opéra, qui y resta jus-
qu'à la mort du du c de Berry. Du collège du Pies-
sis où elle fut enfermée en sortant de la petite
Force, M1|e Montansier adressa à la Convention
un mémoire qui» fut discuté dans les séances des
24 et 25 frimaire an ni. Elle demandait sept mil-
lions d'indemnité pour cette expropriation. Sur
quoi Bourdon de l'Oise s'écria : « Sept millions
pour un théâtre ! on aurait à ce prix une escadre
de sept vaisseaux. »Ramel, rapporteur, réduisit,
au nom du comitédes' finances, les prétentions de
la postulante à 200,000 fr. Après de longs ajour-
nements, vint en 1812 un décret daté de Moscou-
qui accordait à'Mlle" Montansier une indemnité
de 300,000 fr. A l'époque de la restauration elle
111
M0NTANS1ER — MONTARROYO
112
renouvela ses réclamations, fit retentir les con-
seils et les tribunaux de ses plaintes. En 1814,
elle adressa à la chambre des députés une de-
mande qui fut repoussée par l'ordre du jour.
Sa fortune se rétablit un peu lorsqu'elle s'associa
au théâtre des Variétés, dont la salle du Palais-
Royal fut le berceau et qui obtint un si grand
succès. A. Jadin.
Armand Rageneau et Audiffré, annuaire dramatique,
XVIiectXVlue année, p. 38S-397. — Mahul, Annuaire
nécrologique, 1820.
moktanus. Voy. Arias Montanos, et Ber-
ghe {Robert van den).
* monta ran ( Marie-Constance- Albertine
de Moisson de Vaux, baronne de ), femme au-
teur française, née à Rouen, vers 1795, est fille
du baron de Vaux , ancien colonel d'état-major
et écuyer de la reine Hortense, et de MUe du Per-
rier-Dumouriez, dame du palais de l'impératrice
Joséphine. Le baron de Montaran, son mari,
grand bibliophile , qui appartenait à une des
plus anciennes familles de France, avait été, pen-
dant dix ans, écuyer de l'empereur Napoléon 1er.
Mme de Montaran a passé une partie de son en-
fance auprès de l'impératrice Joséphine et de la
reine Hortense. Le goût des arts se développa
chez elle de très-bonne heure, et elle a cultivé avec
un succès égal la peinture.la musique et les lettres.
C'est dans un voyage que fit madame de Mon-
taran en Italie, au moment où elle venait de perdre
sa mère, que sou aptitude pour la composition
se développa. Elle revint d'Italie rapportant la
description des lieux qu'elle avait visités et les
dessins dans lesquels elle en avait consigné le
souvenir. Charles Nodier l'engagea à publier ce
voyage, qui parut en 1837, sous le titre de : Na-
ples et-Venise ( Paris, in-8° ), avec des dessins
de Gudin et d'Isabey. Elle a publié depuis :
Moitié et Florence; Paris, 1838, in-s°; — Les
Bords du Rhin; Paris, 1838, in-8°; trad. en
anglais et en allemand; — Anselme, nouvelles;
Paris, 1840, in-8° ; — La Marquise de Vi-
uotttte;Paris,1842,3 vol. in-8°; — Mes Loisirs;
Paris, 1846, 2 vol. in-8° ;• _ La Clef des
Champs ;in-8°; — Poésies; Paris, 1855, in-8°.
Madame de Montaran vient d'assurer au musée
de Caen la possession d'une galerie composée
de tableaux dus aux pinceaux de maîtres an-
ciens et modernes. C. H— u.
Documents particuliers.
' montargon ( Robert- François de) , eu
religion le P. Hyacinthe de l'Assomption,
prédicateur et théologien français, né à Paris,
le 27 mai 1705, noyé à Plombières, dans la nuit
du 24 au 25 juillet 1770. Il fit ses vœux chez
les Augustins de la rue Notre-Dame des Vic-
toires à Paris ( les Petits Pères J, et se fit bientôt
remarquer par son talent oratoire. Il devint
prédicateur de Louis XV et reçut le titre d'aumô-
nier de Stanislas Ier (ex-roi de Pologne), duc
de Lorraine et de Bar. Sa vie fut consacrée à
son ministère. Atteint de paralysie, il alla, en
1770, chercher un soulagement aux eaux de
Plombières, ville que Stanislas venait d'em-
bellir, ou mieux, de rendre habitable; un dé-
bordement de l'Angronne ravagea la cité re-
naissante et le P. de Montargon trouva la mort
là où il cherchait la guérison. On a de lui :
Dictionnaire apostolique à l'usage de mes-
sieurs les curés de la ville et de la campa-
gne qui se destinent à la chaire; Paris, 1752-
1758; Paris, 13 vol. in-8° : cet ouvrage est
resté le vade mecum des ecclésiastiques. Il a
été réimprimé souvent et traduit dans diverses
langues. Les 6 premiers volumes traitent de la
morale ; les 7e et 8e des mystères de Jésus-
Christ ; le 9e de la Vierge ; le 1 0e des saints ; le 1 Ie
des homélies du carême; le 12e de sujets divers;
le 13e est une Table générale et raisonnée des
sujets traités dans les douze autres volumes ;
— Recueils d'Éloquence sainte; in-12 ; — His-
toire de l'institution de la fête du Saint-Sa-
crement ; 1753, in-12. A. L.
Dictionnaire portatif des prédicateurs. — Les PP. Ri-
chard et Giraud, Biblioth. Sacrée.
montargue (Pierre de), ingénieur mili-
taire prussien, d'origine française, né à Uzès,
en 1660, mort àMaëslricht, en 1733. Ses parents
étaient protestants, et durent fuir leur patrie
après la révocation de l'édit de Nantes. Ils cher-
chèrent un refuge en Prusse. Pierre de Mon-
targue y prit du service, et à l'aide -de ses con-
naissances dans le dessin et la topographie , il
obtint un avancement rapide. Il devint major
général et ingénieur en chef des armées prus-
siennes. Il dirigea plusieurs expéditions impor-
tantes, entre autres le siège de Stralsund. On
lui doit de nombreux plans de villes fortifiées
et le relevé complet de la Baltique et des pays
qui l'encadrent. A. L.
Dict. Hist. ( 1822,).
montarroïo ( Jozé Freire de ), littéra-
teur portugais, né en 1670, à Lisbonne, où il est
mort en 1730. Il appartenait à la famille noble
de Mascarenhas. Après avoir voyagé dans pres-
que toute l'Europe, il servit en qualité de capi-
taine depuis 1704 jusqu'en 1710, et quitta à
cette époque le métier de la guerre pour se li-
vrer à l'étude. Ce fut, lui qui, dit-on, introduisit
le premier en Portugal l'usage des gazettes. Il
était membre de plusieurs académies de son
pays. Il a laissé un grand nombre d'ouvrages,
parmi lesquels nous citerons : Négociations de
la paix de Riswyck ; La Haye, 1677, 2 vol.
in-8° : cet ouvrage parut l'année suivante à
La Haye, en portugais; — Auréola dos In-
dios ; Lisbonne, 1702, in-fol. ; — Historia an-
nual do mundo das gazetas de Lisboa; ibid.,
1714-1758, recueil annuel ; — Relaçao dos pro-
gressas das armas portuguezas na India ;
ibid., 1715-i716, 3 vol. in-4°;— Relaçaô da
morte de Luiz XIV; ibid., 1715, in-4°; — Os
Orizes conquislados; ibid., 1716, in-4°; —
Appariçoes e successos espantozos; ibid.,
171-6, in-4c ; — 0 novo Nabuco; ibid., 1717,
113 MONTARROYO
in-4°; — Oran conquistado e defendido;
ibid., 1733, in-4°. Il a laissé de nombreux ma-
nuscrits, notamment Genealogias das familias
\ie Portugal ( 24 vol. in-fol. ), Quinla essen-
j :ia da historia da Europa(8 vol. in-4°), etc. P.
I Summario da biblioth. Lusitana, II.
montauban (Jean, sire de), amiral de
[France, né vers 1412, mort en mai 1466, àTours.
[il descendait d'une noble famille de Bretagne,
| connue depuis le douzième siècle; son père,
1 Guillaume, avait été chancelier de la reine Isa-
pelle de Bavière. .Chambellan et conseiller du
I roi Charles VII, il était maréchal de Bretagne
I l'époque du procès intenté par le duc Pierre II
» son frère Gilles, et fut chargé de la garde de ce
lernier, qu'il traita avec beaucoup de douceur.
II aida le roi à reprendre la Normandie aux An-
glais et se trouva à la prise de Caen et de Cher-
bourg. Nommé bailli du Cotentin en récompense
le ses services (1450), il conduisit en 1453 une
irmée bretonne en Guienne, fit des prodiges de
valeur au combat de Castillon, où Talbot et son
fils furent tués, et soumit toute la province à
[ l'autorité royale. Dès son avènement au trône
I Louis XI créa le sire de Montauban grand maître
des eaux et forêts (1461), puis amiral de France
i à la place du comte de Sancerre. En 1464 il
assista à la ratification du traité de paix conclu
à .Milan entre le duc et le roi. La descendance
directe de sa famille s'éteignit avec lui.
Son frère Artus, bailli du Cotentin, contribua
beaucoup à la mort violente du prince Gilles
de Bretagne, se fit moine célestin en 1450, fut
élu archevêque de Bordeaux et mourut en
1468. K.
Moréri, Grand Dict. Hist. — Anselme, Grands-Officiers
de la Couronne.
montauban ( Philippe de ), chancelier de
Bretagne, mort en 1518. D'une autre branche
que 4e précédent, il fut capitaine de Rennes, et
succéda en 1485 a La Villéon dans la charge de
chancelier de Bretagne. Après la mort du duc
François II (1488), il fit partie du conseil de
régence, et exerça un grand empire sur l'esprit
de;la jeune duchesse Anne; non-seulement il
ruina les projets du maréchal de Rieux, qui vou-
lait lui faire épouser d'Albret, mais il contribua
de tous ses efforts à la conclusion de son ma-
riage avec Charles VIII. A peine ce grand acte
politique eut-il été consommé (1491) qu'un des
premiers il en ressentit les effets : loin d'obte-
nir la dignité de chancelier de France ainsi qu'il
en avait la promesse du roi, il perdit la chancel-
lerie de Bretagne, abolie par lettres patentes de
1494, et fut obligé de se contenter de l'emploi
de chef d'une chambre de justice .formée de
quatre maîtres des requêtes. On lui laissa pour-
tant jusqu'à sa mort le titre et les gages de la
charge qu'il avait si fidèlement remplie. K.
Dom Lobineau, Hist. de Bretagne.
montauban (Jacques Pousset de), poëte
français, né vers 1620, mort le 16 janvier 1685,
— MONTAUBAN
114
à Paris. D'abord avocat au parlement de Paris,
il s'acquit de la réputation au barreau, et fut
nommé échevin en 1673. Né avec de l'esprit
et du goût, il fréquenta les beaux esprits du
temps; son commerce avec Racine, Despréaux,
Chapelle, etc., le mit de part dans la comédie des
Plaideurs, qui fut composée par cette société.
Il écrivit seul avec plus de constance que de bon-
heur plusieurs tragédies, où le talent fait abso-
lument défaut. Selon les frères Parfaict, « sa versi-
fication est assez correcte, mais vide de pen-
sées, et ses ouvrages réguliers, en ce qui regarde
l'unité du jour et du lieu, ne pourraient être mis
qu'au-dessous de ceux de Rotrou, de Scudery,
de Du Ryer et autres poètes qui l'ont précédé. »
Quant à ses plans et à ses personnages, ils sont
tous manques et la plupart rendus d'une façon
ridicule. Voici les titres de ses pièces : Zénobie,
reine d' Arménie (jouée en 1650); Paris, 1653,
in-12; — Les Charmes de Félicie, pastorale
(1651); Paris, 1654, in-12 : tirée de la Diana de
Montemayor; — Seleucus (1652) ; Paris, 1654,
in-12; — Le Comte d'Hollande (1653); Paris,
1654, in-12; — Indegonde (1653); Paris, 1654,
in-12. 11 est encore l'auteur d'une comédie, Pa-
nurge, jouée en 1674 et non imprimée, et de
plaidoyers insérés dans le Cabinet des Curieux.
P. L.
Le Mercure français, 1683. — Parfaict, Hist. du Théâtre
français, VU. '
montauban (***), fameux capitaine des
flibustiers ; le lieu et la date exacts de sa nais-
sance sont inconnus, mais tout porte à croire
que , comme la plupart de ses confrères , il avait
pris pour nom celui de sa ville natale. Il semble
né vers 1650, et mourut à Bordeaux en 1700.
Les événements qui le décidèrent à se joindre
aux Frères de la Côte (1), restent ignorés. On
le voit apparaître déjà comme chef en 1680, et
durant vingt années il fut la terreur des Espa-
gnols en Afrique et en Amérique. Il courut sur-
tout , rapporte A.-O. Œmelin , les côtes de la
Nouvelle-Espagne, de Carthagène, du Mexique,
de la Floride, delà Nouvelle- York, de la Guinée,
les îles Canaries et celles du cap Verd. Habile
marin, brave jusqu'à la témérité et assez ins-
truit, on comprend qu'il ait exercé facilement
une grande influence sur ses terribles compa-
gnons. Si ses hauts faits n'effacent pas ceux de
Montbars, de Grammont, de Morgan, et autres
chefs d'aventuriers,' ils les égalent. Sa haine
pour les Espagnols était la même, et, de plus,
Montauban détestait les Anglais ; aussi ses équi-
pages étaient exclusivement composés de Fran-
çais. Nous ne citerons que les principaux faits
de ses croisières. La campagne qu'il fit en 1691
fut mémorable par le ravage des côtes de Guinée :
avec moins de cent-vingt hommes et un navire
du plus bas tonnage, il osa entrer dans le Rio de
Sierra-Leone, mit à contribution cette ville por-
(i) Nom que se donnaient les flibustiers et les bouca-
niers des Antilles.
t!5
MONTAUBAN — MONTAUSIER
lii
tugaise après en avoir pris et fait sauter !a for-
teresse, défendue par vingt-quatre canons. En
1694, à la hauteur des Befmufies, il enleva l'es-
corte et deux bâtiments marchands d'un convoi
qui des Bermudes se rendait en Angleterre. Comme
il ramenait ses prises en France, il prit eu route
un navire anglais de seize canons, qu'il vendit à
La Rochelle (3septembre 1694). En février 1695,
il reprit la mer sur Le Loup, corvette de trente-
quatre canons, et s'empara dans les îles du
cap Vert de quatre bâtiments anglais, qu'il se
borna à rançonner. Il rencontra ensuite, par
le travers du cap des Trois-Pointes sur la Côte-d'Or
( Guinée septentrionale ), trois navires de guerre
hollandais, dont une frégate de trente-quatre;
il les combattit tout le jour, et les força de cher-
cher un refuge sous les batteries du comptoir de
Bassam. Au cap S. Juan, sur la côte du Poivre,
il prit un bâtiment négrier anglais armé de vingt
pièces, et chargé de dents d'éléphants, de cire et
de trois cent cinquante nègres. Pendant le combat
le capitaine anglais eut la cruauté de faire égorger
une partie de sa cargaison humaine, afin qu'elle
ne tombât pas aux mains des Français ; Montauban
rendit la liberté aux nègres survivants , et crut
faire un acte de justice en faisant pendre à une
vergue le capitaine anglais et quatre hommes de
son équipage. Il envoya sa prise à Saint-Do-
mingue, mais elle fut enlevée au Petit Goave, et
les quelquesmatelots qui la conduisaient subirent
i le dernier supplice, en représailles de la pendaison
du négrier anglais. Montauban jura de venger
leur mort. En attendant, en vue de l'île des
Princes ( golfe de Biatra ),. il prit un câpre bran-
debourgeois qui faisait la course sur tous les
petits navires sans distinction de pavillon. On
voit que Montauban faisait une espèce de poliee
maritime. Il alla ensuite croiser sur les côtes
d'Angola. Le 22 septembre 1695, il découvrit
un pavillon anglais portant cinquante-deux pièces
en batterie. Loin d'éviter un si redoutable ad-
versaire, il fit masquer ses sabords, et comme son
ennemi avait le vent, il le laissa arriver,.suppor-
tant sa canonnade sans riposter; le combat s'ouvrit
. seulement lorsque l'arrière de l'anglais, dont les
grappins avaient été habilement évités, vint s'a-
battre sous le beaupré de Montauban. Les flibus-
tiers s'élancèrent alors sur son feuillard la hacheà
la main et firent un tel carnage que le capitaine an-
glais, s'apercevant que déjà ses gens demandaient
quartier, mit le feu à ses. poudres et que les deux
navires sautèrent, ensemble. Mautau ban était sur
son pont où il donnait des ordres, au moment de
l'explosion et fut lancé, s'il faut l'en croire, à
plus de deux cents toises. Quoique fort, étourdi,
l'instinct de la conservation lui fit saisir une
épave ; il surnagea. Parmi des corps mutilés, des
membres flottants, une mer sanglante .et en-
tlammée, il reconnut quelques-uns des siens qui
nageaient encore. 11 les encouragea, ranima leur
courage, et au nombre de quinze ou seize, ils
gagnèrent une chaloupe et ^n canot qui flottaient
au hasard. Ils en réparèrent les avaries ave<
leurs vêtements et se fièrent au vent. Monîaubai
avait tout un côté de la tête brûlé vt était corn
plétement sourd. Après trois jours de douleurs
et non sans avoir jeté à la mer plusieurs de leur
camarades morts, les naufragés atterrirent au ca|i
Corse. Ils y furent recueillis par des nègres chré
tiens, auxquels précisément Montauban avai
rendu la liberté. Il implora leur .protection ; mai
ses brûlures le faisaient méconnaissable, et déj;
le prince Thomé parlait de le faire décapite:
comme imposteur, lorsqu'il put se faire recon
naître à une blessure reçue à la cuisse dans l
combat contre le capitaine négrier anglais qu'i
avait fait pendre. Montauban fut alors le bienveni
et tint même sur les fonts baptismaux un des fil:
du prince nègre : il lui donna le nom de Louv.
le Grand. Il s'embarqua ensuite, avec ses gens,ai
cap Lopez sur un bâtiment portugais qui les dé
posa à San-Thomé, «d'où ils s'embarquèrent pou
la Barbade sur un vaisseau anglais dont le ca
pitaine lui parut si sincère, que Montauban cru
qu'il étoit de son honneur d'accepter les offre:
qu'il lui faisoit; mais à son arrivée l'amiral Russe
retint tous les flibustiers prisonniers » ; cepen-
dant dans la suite il rendit la liberté à Montaubai
et à deux de ses compagnons. Montauban s'étai >
assuré quelque fortune : il mourut dans l'ai
sance. On a publié une partie de ses mémoire!
sons le titre de Relation du voyage du sïeui
de MontaubaÛd, capitaine des flibustiers
en Guinée en 1695. Rien ne prouve que cett<
relation , qui se trouve aussi à la suite de la tra-
duction de Las Casas, Tyrannies et Cruautéi
des Espagnols, Amsterdam, 1698, in- 12, soi!
authentique. A. de Lacaze.
OEmelin , Histoire des aventuriers flibustiers ( Lyon
177*, 3 vol. in-12 ), ch. xr, p. 245 -260.
montausieb ( Charles be Sainte-Maure,
marquis,, puis duc de ), gouverneur du grand
dauphin, né le 6 octobre 1610, mort le 17 mai
1690, à Paris. D'une très-ancienne famille de
Touraine, il porta jusqu'à la mort de son frère
aîné le titre et le nom de marquis de Salles. Sa
mère, Marguerite de Chateaubriand, restée veuve
à vingt- cinq ans, se retira dans l'Angoumois
et veilla avec sollicitude sur son éducation. Les
deux enfants, unis par une amitié tendre et
profonde, formaient entre eux un frappant con-
traste : tandis que l'aîné se montrait docile,
affable et studieux, le cadet était d'un caractère
entier, rude et sauvage; aucun maître ne put
rien tirer de lui , et sa mère seule put lui ap-
prendre à lire. On le vit de bonne heure se I
rompre à la fatigue, braver les intempéries de
l'air, se contenter d'une nourriture grossière, et
pratiquer avec adresse les exercices violents. A
l'Académie protestante de Sedan, où il passa
quelques années, il fit peu de progrès dans les
lettres , mais il se signala par une gravité pré-
coce, par une attention scrupuleuse à remplir
ses devoirs, et surtout par une sincérité qui seir-
V7
MONTAUSIER
118
filait innée chez lui. Très-attaché à la foi protes-
tait', dans laquelle il avait été élevé, son zèle ne
it que s'accroître sous l'influence des leçons de
»ierre du Moulin ; « dans un âge, dit Fléchier,
ù l'on ne sait pas encore sa religion , il défen-
dait déjà la sienne. » Il vint ensuite à Paris.
Livré à lui-même, il prit le goût des historiens
jt des poètes, consacra à lire et à rimer tout le
3mps qu'il ne donnait pas aux armes, et fré-
uentaavec quelques auteurs , tels que Scudery,
'lonrartet Chapelain; ce dernier resta son ami.
l vingt ans, il rejoignit en Italie son frère Hector
l630),et participa à l'héroïque défense de Casai.
le fût dans l'hiver de 1631 qu'il parut pour la
l| Manière l'ois à llhôtel de Rambouillet ( voy. l'ar-
ide suivant); il y retourna d'abord rarement,
t l'admiration que lui inspira Vin comparable
ulie le laissa tout à fait libre de former à la
our de Nancy plusieurs liaisons galantes. En
635 le marquis de Salles était passé en Lor-
iue, où son oncle, M. de Brassac, avait un
mmandement ; il y gagna le brevet de capi-
ine. Bientôt las de la guerre civile, il alla en
634 se ranger sous les drapeaux du duc de
Veimar, et assista à la bataille de.Nordlingen.
Devenu pai la mortde son frère (1) marquis de
Jontausier , il fit en qualité de colonel les cam-
>agnes suivantes sur le Rhin ; pendant le siège
Le Brisach, qui dura huit mois, il rendit de grands
ervices, et repoussa avec tant d'impétuosité
es troupes de Lamboy au delà du fleuve qu'il
lécida , par ce dernier combat, de la capitula-
ion de la ville. Sur la demande du duc Bernard,
i>n le nomma maréchal de camp (décembre
< 638), et on ajouta à cette faveur le gouverne-
nent de la haute Alsace, pays récemment con-
|uis et qu'il sut maintenir en paix. En 1640, il
éprit les armes, et devint en Allemagne le lieu-
euant du comte de Guébriant, qui avait conçu
;x>ur lui beaucoup d'estime; à, peine ce dernier
ttait-il mort, que surpris à Duttïingeh par les Im-
périaux, Montausier fut fait prisonnier avec-
Àanlzau et la majeure partie de l'armée (24 no-
vembre 1643) et emmené à Schweinfurt. Au
jout de dix mois d'une captivité assez dure, il
jaya sa rançon, fixée à dix mille écus, et ra-
;iieta en même temps la liberté de plusieurs of-
icieis pauvres. Rentré en France, il fut accueilli
ivec distinction à la cour et élevé peu de temps
iprès au grade .de lieutenant général (1645). Re-
venant alors à la grande affaire de sa vie, son
nariage avec Mlle d'Angennes, et désirant
uplanir le dernier obstacle qui en retardait Ja
conclusion, il abjura.. le. calvinisme (2). Dans
(1) Né en 1607, Hector fut frappé (Tune pierre à la tète lors
le la prise de Borroio, et mourut quinze jours après, le
iOjuillet 1635, Il avait été fait colonel à cause du brillant
îourage qu'il avait montré à Casai. Avant de partir avec
e duc de Rouan pour la Valteline, il dit. à M11» de Ram-
bouillet qu'il y s.rait tué et que son frèretl plus lieureux
lue lui, l'épouserait. Son nom se retrouve fréquemment
lans les écrits de Chapelain et de Voiture.
(î| D'après Talleœajat, zélé huguenot, il le ût d'une fa-
cette même année il traita pour deux cent mille
livres des gouvernements de Saintonge et d'An-
goumois, et obtint enfin la main de Julie.
Après avoir fait en volontaire sous les ordres
de Condé lacampagne de 1646, pendant laquelle
il assista aux sièges si meurtriers de Mardick et
de Dunkerque, Montausier se rendit à Angou-
lême, où sa présence était devenue nécessaire à
cause des troubles qui venaient d'éclater. La
plupart de ses amis avaient pris parti pour
la Fronde; lui-même avait de trop justes
griefs contre le cardinal de Mazarin , qui s'était
habitué à ne plus compter qu'avec les gens qui
savaient se faire craindre : deux fois il avait
éprouvé la justice du ministre et s'était vu ôter,
en faveur de d'Harcourt et deTurenne,le gouver-
nement de l'Alsace et le commandement d'un
corps de troupes. N'écoutant que la voix du de-
voir, il resta fidèle au roi, et trouva le prix
de sa fidélité dans sa fidélité même. Il maintint
d'abord dans l'obéissance les provinces qui lui
avaient été confiées; la guerre civile s'étant
rallumée dans le midi (1652), il agit de concert
avec d'Harcourt, dégagea Cognac et entra dans
La'Rochelle. Seul, il reprit Saintes (1) et Taille-
bourg, encore occupés par les rebelles, força les
Espagnols à évacuer Talmont, et au combat de
Montançais(17 juin 1652), reçut des blessures si
graves qu'elles donnèrent des craintes pour sa
vie. Lorsqu'en 1653 la paix lui permit de revenir
à Paris, il se dédommagea de l'oubli du cardi-
nal (2) dans la commerce des beaux-esprits (3).
Après le mariage de Louis XIV, Montausier,
qui avait reçu de ce prince un accueil des plus
affables lors de son passage à Angoulême, se
montra fort assidu à la cour . (4). Admis au
çon qui sentait bien l'intérêt. Pourtant il ne se rendit pas
avant d'avoir combattu, et le cordelier Kaure, prédica-
teur de la reine et un des fameux théologiens du temps,
ne le convertit pas sans quelque peine. Puis l'amour aida
un peu à la grâce, a Le cœur, a dit Pascal, a ses raisons
que la raison ne connaît pas. » Sa mère persévéra da-ns
la communion réformée.
(1) U préserva cette ville du pillage en faisant aux sol-
dats d'énormes sacrifices pécuniaires, « exemple magna-
nime, dit M. Roux, qui ne fut imité de personne dans
cette triste guerre ».
(2) « Pour peu qu'il eût. voulu donner de soupçons au
cardinal quand M. le Prince était en Xaintonge,le cardinal
l'eût fait tout ce qu'il eût voulu être; mais il ne voulut
point escroquer le bâton de maréchal de France ; aussi
ne l'a-t-il pu avoir quand il l'a demandé. >> (Tallemjnt).
{StM prisait Balzac et admettait Ménage à sa table;
Jamais il n'avait pu soufIiirVoiture.il allait fort sou--
vent aux samedis de Mue de Scudèry, et il prenait parf „
.chez Mm" de Grignan , sa belle-sœur, aux discussions des
^précieuses, .qui lui avalent donné le nom de Menalidiis'.
Celait Chapelain qu'il préférait: A son goût, assez mé-
chant du reste, La PuceÙe était un chef-d'œuvre, et La
Mesnardière, , qui l'avait critiquée, méritait la bastonnade.
Il le lui avait dit à. lui-même. On voit dans la correspon-
dance de Balzac que, non content d'assister les poètes, il
travaillait alors jour et nuit à différents ouvrages, entre
autres à une traduction de Perse en vers français- C'est
aussi à cette époque de sa vie que se rapportent ses
amours avec Pelloquln, jolie suivante de sa femme,,
qui n'osait la chasser de chez elle.
(4) Il y parut- austère, simple, franc jusqu'à la ru-
desse ; mais ce libre langage devait être un attrait de
119 MONTAUSIER 12
nombre des chevaliers du Saint-Esprit (1662), il t bliait jusqu'à le corriger à coups de poing (1
fut pourvu du gouvernement de Normandie à la
mort du duc de Longueviile ( mai 1663). En 1664
il alla à la rencontre des cardinaux, Chigi et Impe-
riali, légats du pape, chargés de réparer l'injure
faite à l'ambassadeur de France à Rome, et les
amena à Fontainebleau. Quelques jours après le
roi lui accorda des lettres de duc et pair (juillet
1664). Il venait, malgré son âge, de prendre
part à la première conquête de la Franche-
Comté, lorsque apprenant que la peste faisait à
Rouen d'affreux ravages, il se rendit dans celte
ville, établit le bon ordre, rassura les esprits et
distribua de larges aumônes; les exemples de
courage et de charité qu'il donnait publique-
ment produisirent les plus salutaires effets
(1668). Cet acte de dévouement mit le comble
à l'estime que le roi avait conçue pour lui : de
son propre mouvement il le choisit pour gou-
verneur du dauphin.
Le choix du roi obtint l'approbation géné-
rale. Montausier ne s'y soumit pas sans une ap-
préhension extrême. Prenant au sérieux les de-
voirs de sa charge, « il fut inséparable du dau-
phin et le suivait en tous ses mouvements pour
étudier son caractère et connaître ses inclina-
tions ; il couchait dans la chambre du prince, et
c'est un devoir dont il ne se dispensa jamais
que pour les raisons les plus fortes ; il assis-
tait à son lever et à ses prières , il le suivait
à la messe ; pendant l'étude il redevenait éco-
lier avec son disciple; il ne le quittait pas plus
dans les temps destinés au divertissement et au
jeu , parce qu'il n'ignorait pas que c'est alors
que les enfants moins retenus montrent ordinai-
rement ce qu'ils sont. » (Petit). Par trop d'exac-
titude et de zèle Montausier dépassa le but qu'il
désirait atteindre; cette discipline rigoureuse
rebuta complètement un enfant né doux, pares-
seux et opiniâtre. « La manière rude avec la-
quelle on le forçait d'étudier, dit Mme de Cajiusr,
lui donna un si grand dégoût pour les livres
qu'il prit la résolution de n'en jamais ouvrir
quand il serait son maître, et il a tenu parole.»
Ses illustres précepteurs, BossuetetHuet (1), dé-
pensèrent en pure perte leur savoir et leur pa-
tience. Mais c'était" surtout le duc qui avait inspiré
au dauphin une sorte d'horreur, le due qui ne lui
épargnait ni le fouet ni les férules et qui s'ou-
plus pour le souverain au milieu des fades adulations
des courtisans. Chez lui, s'il faut en croire Tallemant,
il ne se contenait guère , it C'est un bomme tout d'une
pièce ;. Mme de Rambouillet dit qu'il est fou à force
d'élre sage. Jamais H n'y en eut un qui eût plus de be-
soin de sacrifier aux grâces. Il crie , Il est rude , il rompt
en visière, et s'il gronde quelqu'un, il lui remet devant
les yeux toutes les iniquités passées. Jamais homme
n'a tant servi à me guérir de l'humeur de dispuler.»
Au milieu du relâchement de !a cour, sa piété ne fit que
redoubler; il assistait tous les jours à la messe, obser-
vait rigoureusement les jeûnes et se nourrissait de pieuses
lectures; Il relut lesÊvangiles jusqu'à cent treize fois.
(l) Ils furent désignés par le roi et non, comme on l'a
dit, par Montausier, qui avait présenté le président de
Pergny et Ménage.
Rien ne se faisait sans l'assentiment de Montât
sier, qui s'occupait de l'éducation de son élèv
comme si le roi n'en eût chargé que lui. Le pr«
mier il eut l'idée des belles éditions d'auteui
classiques ad usum Delphini, et en fit part
Huet (voy. ce nom), qui surveilla lui-même U
détails de cette vaste entreprise. Il rédigea rj
son côté et présenta au dauphin la première pa:
tie d'un recueil qui , sous forme de maximi
morales et politiques, contenait en quelque sor
le résumé de ses instructions journalières. Si
ennemis, excités par le dauphin et soutenus p;
la reine;dont on avait alarmé la tendresse m.
ternelle , profitèrent de cette circonstance pot
le desservir auprès de Louis XIV et critiquer
plan d'éducation qu'il avait suivi avec plus d\
piniâtreté que de convenance peut-être. Montai
sier avait prévu cette attaque : « Tous les ei
nemis de l'ordre et de la solide piété, avait-
écrit, se déclareront contre moi , parce qu'i
trouveront leur condamnation dans ces maximes
Dans une Apologie habile et vigoureuse, il r
futa toutes les calomnies auxquelles il était <
butte depuis dix ans, et exposa dans les pli
grands détails ses principes et la directit
qu'il avait embrassée.
Cette éducation si laborieuse prit fin le 30 d
cembre 1679, jour où furent arrêtés les articl
du mariage entre le dauphin et Marie-Christii
de Bavière. Toutefois Montausier garda les h
noraires de gouverneur, ainsi que les charges i
premier gentilhomme de la chambre et de grai
maître de la garde-robe dans la maison du jeui
prince. En lui rendant la liberté, il pronon
ces paroles : « Monseigneur, si vous êtes hoi
nête homme, vous m'aimerez ; si vous ne l'êt
pas , vous me haïrez, et je m'en consolerai. »
présida à la formation de la maison du dauphi
qu'il s'efforça de composer d'hommes honorabl
au nombre desquels il eut le tort de faire entr-
M. de Crussol, son gendre, et entretint avec 1 '.
des rapports de respect et d'amitié ; Mme de Si
vigne nous a conservé une des lettres qu'il 1
adressa en 1689 : « Monseigneur, écrivait-il,
ne vous fais point de compliment sur la prise >
Philisbourg; vous aviez une bonne armée, d!
bombes, du canon et Vauban. Je ne vous >
fais point aussi sur ce que vous êtes brave, c'e1
une vertu héréditaire dans votre maison ; nu
je me réjouis avec vous de ce que vous êtes I
béral, généreux, humain, et faisant valoir les se
yicesdeceux qui font bien. Voilà sur quoi jevo
fais mon compliment. » Le tour quasi épigrar
matique et grondeur de cette missive fait ajout
à la spirituelle marquise que « ce style est dig
de M. de Montausier et d'un gouverneur » (2, j
(i) Voy. les Mémoires de Dubois.
|2) Quelque dure qu'eût été son éducation , le daupt
conserva un vrai respect pour la mémoire de Monta
sier. Parmi les nombreuses anecdotes auxquelles ell<!
donné lieu, nous citerons les deii'x suivantes. En tira
au blanc, le prince s'était de beaucoup écarté du but;
121
La vieillesse de Montausier s'écoula à la cour,
et il y vécut entouré d'honneurs et de considé-
ration. Le roi l'appela plus d'une fois dans ses
conseils, et ne lui refusa jamais aucune des grâces,
assez nombreuses, qu'il ne se fit pas faute de sol-
liciter pour ses parents ou ses amis. C'est par
cette intervention officieuse qu'il participa en-
core à la vie publique. La mort de sa femme,
celle de ses vieux amis Chapelain , Godeau ,
Conrart, ses démêlés avec le duc d'Uzès , la ré-
vocation de l'édit de Nantes affligèrent ses der-
nières années et contribuèrent à rendre son hu-
meur plus irritable et plus morose. Peu favorable
\ la nouvelle génération littéraire, il applaudit
pourtant aux débuts de Molière et de Racine.
On avait cherché à l'exciter contre le premier en
ni faisant entendre qu'il avait été pris pour
Modèle d'Alceste dans Le Misanthrope. Montau-
sier alla voir la pièce. « Je n'ai garde de vouloir
lu mal à Molière, dit-il ; il faut que l'original
soit bon, puisque la copie est si belle. Le seul
•eproche que j'aie à lui faire, c'est qu'il n'a
ws imité parfaitement son modèle; je voudrais
jien être comme son misanthrope, c'est un hon-
îête homme. >< Quant à Boileau , il ne lui par-
lonna de longtemps ses attaques contre Cha-
jelain , et il s'était exprimé même assez durè-
rent sur le compte du satirique en apprenant
qu'il avait reçu du roi une pension. Boileau
réussit à ramener le duc sur son compte par ce
passage de l'Épltre à Racine :
Et qu'importe à mes vers que Perrin les admire,
Pourvu qu'ils puissent plaire au plus puissant des rois;
Qu'à Chantilly Condé les souffre quelquefois,
Et plut au ciel encor, pour couronner l'ouvrage,
Que Montausier voulût leur donner son suffrage !
Cette adroite flatterie désarma Montausier; il
sentit à ce trait fondre ses anciennes préven-
tions, et rencontrant à quelque temps de là
Boileau dans la galerie de Versailles, il lui mar-
qua le regret qu'il avait éprouvé de la mort
ide son frsre, M. de Puymorin Le poète parut
fort touché , et ajouta : « Mon frère m'a tou-
jours dit que les grâces dont le roi m'a com-
blé et les bons traitements que je reçois ici ne
peuvent réparer le malheur que j'ai eu de ne
pouvoir mériter jusqu'à présent les bonnes grâces
du plus vertueux et du plus respectable seigneur
|qui soit à la cour. »
\ Souffrant d'un asthme depuis quelques années,
(Montausier termina, le 17 mai 1690, à l'âge de
quatre-vingts ans, une longue carrière illustrée
[par les plus hautes vertus. Partout on regretta un
[homme « vaillant dans la guerre, dit Fléchier,
savant dans la paix, respecté parce qu'il était
juste , aimé parce qu'il était bienfaisant, et quel-
jeune marquis de Créqui tira à son tour et plus mal encore,
(quoique fort adroit. «.Ah 1 petit corrompu, s'écria le duc,
jil faudrait vous étrangler !» Un autre Jour.au milieu
[d'une discussion, le dauphin, s'imaginant avoir été frappé
par son gouverneur, demanda aussitôt ses pistolets.
« Apportez les à Monseigneur, > reprit Montausier, et les
présentant lui-même à son élève Interdit, il ajouta froi-
dement : « Voyez ce que vous en voulez faire. »
MONTAUSIER 122
quefois craint parce qu'il" était sincère et irré-
prochable ». De quatre enfants qu'il eut de sa
femme, deux moururent en bas Ûge ; ses deux
filles épousèrent, l'une le marquis de Grignan, et
l'autre le duc d'Uzès. P. L — y.
Oraison funèbre du duc de Montausier, par Fléchier
(1690), l'abbé Anselme (1718), le P. Courand, et l'abbé Du
Jarry (1690). — Nicolas Petit, Fie du duc de montau-
sier; Paris, 1729, 2 vol. in-lï. — Puget de Saint-Pierre,
Histoire du duc de Montausier ; Paris, 178*, 1783, lu— 8°.
— Éloge de Montausier, par Garât , Lacrelellc aîné
Leroy et Percheron de La Galezièrc-, celui de Garât a
été couronné par l'Acad. Fr. en 1781. — Ma.ssillon, Orai-
son funèbre du dauphin. — Mémoires du temps. —
Tallemant, Historiettes. — v. Cousin, Jeunesse de Mn" de
Longueville. — Llvet, Précieux et précieuses ; Paris,
1859, ln-8°. — Amédée Roux, Montausier, sa vie et son
temps; Paris, 1860, in-8°.
montausier ( Julie - Lutine d'Angennes,
duchesse de), femme duprécédent, née en 1607,
à Paris, où elle est morte, le 15 novembre 1671.
Elle était l'aînée des sept enfants de la célèbre
marquise de Rambouillet (voy. ce nom). « Après
Hélène, écrivain dit Tallemant des Réaux vers
1654, il n'y a guère eu de personne dont la
beauté ait été plus généralement chantée; ce-
pendant, ce n'a jamais été une beauté. A la
vérité elle a toujours la taille fort avantageuse.
On dit qu'en sa jeunesse elle n'était point
trop maigre et qu'elle avait le teint beau. Je
veux croire, cela étant ainsi , que dansant
admirablement comme elle faisait, avec l'es-
prit et la grâce qu'elle a toujours eus , c'était
une fort aimable personne. « A une beauté
majestueuse elle joignait les qualités du cœur et
les dons de l'esprit. Quand son plus jeune frère
fut attaqué de la peste, elle s'enferma pendant
neuf jours avec lui, et lui prodigua inutilement
les soins les plus touchants ( 1631 ) ; elle se dé-
voua avec le même empressement pour soigner
Mme de Longueville, atteinte de la. petite vérole
( 1642 ). Élevée sous les yeux de sa mère, au mi-
lieu de la plus brillante compagnie de beaux es-
prits et de gentilshommes, elle se forma de
bonne heure dans ces entretiens qui exercèrent
tant d'influence sur le goût public. Tout enfant
qu'elle était, elle se fit admirer, selon Fléchier,
de ceux qui étaient eux-mêmes l'ornement et
l'admiration de leur siècle. Trois de ses sœurs
ayant pris le voile, elle devint en quelque sorte la
compagne de sa mère, s'associa plus intimement
qu'aucune autre à sa vie, et partagea ses senti-
ments élevés, ses amitiés et ses douleurs. Pour
les familiers de l'hôtel Rambouillet, elle était la
princesse Julée, comme sa mère la Sage Ar-
thenice ; dans le roman de Cyrus, l'une était ca-
chée sous le nom de Philonide, l'autre sous celui
de Cléomire. Elle se mêlait volontiers aux di-
vertissements de l'hôtel ainsi qu'aux discussions
littéraires; en 1629 elle joua la Sophonisbe de
Mairet. Pendant la-guerre de trente ans, elle s'in-
téressa si fort aux succès de Gustave-Adolphe
qu'on la disait partout amoureuse de ce héros.
Mais elle avait le cœur fier et n'entendait point
que la galanterie sortît des bornes du badinage.
123
MONTA USIER
124
Voitnre s'étant un jour émancipé jusqu'à lui bai-
ser le bras, elle lui ôta en quelques mots l'envie
de jamais reprendre une telle liberté. Le dcsir
de connaître une personne si accomplie attira
M. de Montausier à l'hôtel de Rambouillet. L'ad-
miration d'abord , puis l'amour l'y fit revenir.
Quand il s'y présenta pour la première fois en
1631, il fut amené par son frère aîné,qui jouait
là le personnage d'un amant passionné de Julie
pour mieux dissimuler sa liaison galante avec
une dame Aubry. Après la mort de son frère,
Montausier put prétendre ouvertement à la main
de Julie. Bien des obstacles retardèrent cette
alliance : la différence d'âge et de fortune , la
religion, une hésitation mutuelle; l'ua attendit
d'être maréchal de camp et gouverneur de l'Al-
sace avant de se déclarer; il voulut faire ses preu-
ves et ajouter l'éclat de la gloire au mérite de la
constance ; l'autre répugnait à l'idée du mariage ;
elle avait fait vœu de ne s'y point engager, et
l'affection pour le marquis ne lui vint que tar-
divement. Quatorze ans se passèrent, pendant
lesquels Montausier entretint avec Chapelain et
Voiture une active correspondance et composa
en l'honneur de Julie la plupart de ces poésies,
dont les meilleures sont tout au plus médiocres.
Tout l'hôtel s'associait du reste à ses fatigues,
à ses dangers ou à ses succès, et il en résultait,
selon l'expression de Chapelain, « plus de lettres
en prose et en vers qu'il n'en faudrait pour faire
une Arcadie de Sannazar ».
De retour à Paris après une assez longue cap-
tivité en Allemagne, Montausier renouvela plus
vivement ses instances auprès de Julie- Pressée
par M"e Paulet, par M-me de Sabré, par la du-
chesse d'Aiguillon, parle cardinal de Mazarin,par
la reine elle-même, pressée soutouf par sa mère,
qui lui reprocha sa dureté, Julie- ne put résister
davantage; elle surmonta enfinses scrupules et,
après avoir pris pour la forme les ordres de ses
parents-, elle consentit à mettre un terme au
long martyre de son amant. Les noces se firent:
à' Ruel, le 15 juillet 1645, dans la maison de
Mme d'Aiguillon, s'il en faut croire Tallemant,
le caractère de Julie subit en quelques années
une transformation qui était peu à son avantage.
« Depuis son1 mariage, dit-il, elle est devenue un
peu cabaleuse; Elle. veut avoir cour, elle a des
secrets avec tout le monde, elle est de tout et
ne fait pas toute la distinction nécessaire. Je
tiens que Mlle déi Rambouillet valait mieux que
Mme de Montausier. Elle est pourtant bonne et
civile, mais il s'en faut bien que ce soit sa mère. »
Les manières conciliantes de la marquise^ servi*
rent d'autant plus la fortune de son mari que cer
dernier, « homme tout d'une pièce, » était inca-
pable de se modérer et de rien tenter pour gagner
les bonnes grâces de la cour. En 1661 elle fut
choisie pour être gouvernante du grand dauphin,
et exerça jusqu'en 1664 les fonctions de cette
charge. Quelques jours après l'élévation de son
mari à la dignité de duc et pair, elle remplaça, le
1er août 1664,comme dame d'honneur de la reine
une de ses proches parentes, Mme de Navailles.
qui venait de se démettre avec beaucoup d(
dignité. Sa conduite en cette grave circonstance
fut appréciée défavorablement par ses contem
porains, ainsi qu'en témoigne ce passage des
Mémoires de Mme de Motteville : « Cette danu
ne haïssait pas la cour. Elle désirait l'approba-
tion générale, et plus ardemment encore de ceux
qui avaient du crédit, car naturellement elle avail
de l'âpreté pour tout ce qui s'appelle la faveur..,
Il est aisé de juger qu'elle devait être agréabk
au roi , non-seulement parce qu'elle avait dt<
belles qualités , mais à cause que le mérite qui
était en elle était entièrement tourné à la mode
du monde. » En faisant même une large part h<
la prévention, on est forcé de reconnaître qu<<
Mme de Montausier montra beaucoup trop de
faiblesse dans l'exercice de ses fonctions, el
qu'elle apporta de singulières facilités aux amours
encore secrètes de Louis XIV et de Mlle de Lai
Vallière. Plus tard, quand le roi jeta les yeux!
sur Mme de Montespan, il ne trouva pas la dame
d'honneur moins faible et moins complaisante.
M''e de Montpensier et Saini-Simon sont fort'
explicites à cet égard. « Ce qui surprit, dit ce
dernier, ce fut la protection que Mme de Montes-
pan trouva auprès de Mme de Montausier. » Le
roi lui-même lui donna asile chez la duchesse
contre son mari. « Il y pénétra pourtant un jour,
et, voulant arracher sa femme d'entre les bras
de Mme de Montausier, qui cria au secours de
ses domestiques) il lui dit deschoses horribles, et
mêla ses reproches des injures les plus atroces. ^>
Ce fut pour réparer cet outrage scandaleux au-
tant que pour imposer silence aux propos de la
cour, que le roi accorda peu de temps après à
Montausier la charge de gouverneur du dauphin.
Mais Julie, cruellement humiliée des insultes de
M. de Montespan, tomba malade ; depuis cette
époque sa santé s'affaiblit et son intelligence, na-
guère si ferme, fut obscurcie par des visions fu-
nestes. Vers la fin de 1669 elle se vit contrainte
de quitter la cour. Après plus de deux années
de langueur et de défaillances presque conti-
nuelles, elle s'éteignit, le 15 novembre 1671, à
l'âge de soixante-quatre ans. .
Sept ans avant son mariage, en 1638, M. de
Montausier avait mis à profit ses relations avec
les familiers de l'hôtel de Rambouillet pour exé-
cuter un dessein des plus galants ; les associant
tous, excepté Voiture, qu'il ne pouvait souffrir, à
son enthousiaste admiration pour M"e d'Angen-
nes, il composa avec eux cette fameuse Guir-
lande de Julie, écrite par le célèbre calligraphe
Jarry, reliée par Le Gascon et peinte par Ro-
bert. Jamais peut-être offrande poétique n'a donné
lieu à de si médiocres vers (1). Des trois exem-.
(î)'On n'a retenu avec plaisir que le quatrain de Des-
marets sur la violette :
Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe,
Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour;
125 MONTAUSIER
plairesqui en ont été faits, le plus beau, celui qui
a été offert à Julie, est dans la possession du
duc d'Uzès. On en a imprimé diverses copies,
, notamment en 1784, in-8°, en 1818 et en 1824,
in-1 8 avec figures coloriées. P. L — y.
FICehier, Oraison funèbre de Mmo de Montausier. —
'NI Petit, fie du duc de Montausier. — Rœderer, Mé-
moire pour servir a l'histoire de la société polie; Paris,
!183S, in-8°. — V. Cousin, La Jeunesse de Mtm de Longue-
[ville, et !>tnu de Sablé. — Mémoires du temps. —
'A. Roux, montausier et son temps. — Cb. Livet, Pré-
cieux et précieuses.
'. montaut ( Louis de Maribon de ), conven-
tionnel français, néen 1754, au château de Mon-
taut , commune de Montréal ( Gers ) , mort au
même lieu, le 12 juillet 1842. Mousquetaire du
roi, et ensuite officier dans l'armée, il s'em-
ipressa de quitter le service dès les premiers
'jours de la révolution, dont il embrassa là cause
avec enthousiasme, quoique sa famille tout
entière eût pris la défense de la monarchie. Aussi
fut-il successivement nommé : en 1790 admi-
nistrateur du district de Condom , lieutenant-
■colonel de la garde nationale de cette ville , et
enfin membre de l'Assemblée législative pour re-
présenter le département du Gers. On lui re-
proche d'avoir, le 18. avril 1792, défendu dans
cette assemblée les auteurs des massacres d'A-
vignon, et peu après d'avoir dénoncé à la fureur
populaire les royalistes que l'on désignait alors
sous le nom de chevaliers du poignard. Membre
de la Convention nationale, il vota pour la mort
du roi, contre l'appel au peuple et contre le sursis,
et -concourut avec les montagnards à la pros-
cription des girondins. L'un des fauteurs du
mouvement du 12 germinal an m ( 1er avril 1795)
Montaut, quoiqu'il eût eu l'adresse de ne point se
compromettre , n'en fut pas moins décrété d'ac-
cusation, le 18 de ce même mois. Il se défendit
habilement, sans toutefois détruire entièrement
les griefs dont il était l'objet, et fut amnistié
l'année suivante. La loi du 12 janvier 1816 l'ayant
contraint de quitter la France , il se réfugia en
Suisse, où ih demeura jusqu'à la révolution de
Juillet. A cette époque , Montaut revint au châ-
teau de Montaut, qui après sa mort a été détruit
presque entièrement. H. F.
Biogr. portât, des Contemp.
montauto: (Antonio), sculpteur et ar-
chitecte florentin, vivait à la fin du dix-sep-
tième siècle. Il s'était fait à Florence une telle
réputation qu'il fut appelé à Rome comme ar-
chitecte de Saint-Pierre. Il sculpta pour l'ab-
Mais si sur votre front je me puis voir on Jour,
La plus humble des fleurs sera la plus superbe.
Outre Montausier, qui composa seize madrigaux, on y
retrouve Arnauld d'Andilly, père et fils, Arnauld de Cor-
bevtllc, Arnauld de Briotte, Chapelain, Colletet, Cor-
neille, Desraarets, Godeau, Gombauld, les. trois Habert,
Maleville, Pinchesne, Scudéry, Tallemant des Réaux et
le marquis de Rambouillet. Le nombre des pièces est de
6», avec la dédicace. 11 est probable que la Guirlande
exécutée par Jarryen 1641, fut offerte à Julie le l«rjan
vier 1642. ( Voy. la Notice insérée dans le suppl. à la
première partie du Catalogue du duc de La Fallière. )
— MONTAZET
126
side de cette basilique une statue de saint
François, et pour le souterrain de la chapelle
Corsini à Saint-Jean de-Latran, un groupe re-
présentant une Piété. Au nom de Montauto, se
rattache le souvenir d'une des plus grandes
pertes que les arts aient jamais faites. Lorsqu'il
se fut définitivement fixé à Rome, il chargea «in
de ses élèves de lui apporter de Florence ce
qu'il possédait de plus précieux. Dans une des
caisses était un trésor inappréciable, un exeiu-
plaire in-fol. de Dante , avec commentaire de
Landino, ayant ses larges marges couvertes de
dessins originaux de Michel-Ange. Le navire
ayant failnaufrage entre Livourne et Civita-Vec-
chia, ce livre fut englouti par les flots. E. B — n.
Bottari, Note aile vite di Vasari. — Cicognara, Storia
délia Scultura.
mmnxtazet (Antoine de Malvin de), pré-
lat français, né le 17 août 1713, au château de
Quissac, près Agen, mort le 2 mai 1788, à Paris.
D'une bonne famille de l'Agenais, il embrassa il'é*
tat ecclésiastique, et obtint entre autres bénéfices
les abbayes de Saint- Victor de Paris et de Monstier
enArgonne. A la fin de 1742, il devint aumônier
du roi, et fut nommé en 1748 évêque d'Autun;
Le 31 mars 1759 il fut élevé à l'archevêché de
Lyon en remplacement du cardinal de Tenciiï,
mort l'année précédente. « Zélé contre les philo-
sophes, dit Feller, ardent défenseur des préroga-
tives de son siège, qu'il prétendait s'étendre jusqu'à
réformer i les jugements des métropolitains, ad-
versaire fortuné des usages et privilèges de son
chapitre, qu'il parvint à faire supprimer par l'au-
torité civile, ce- prélat tient une place distin-
guée dans l'histoire de l'Église gallicane de ce
siècle. Comblé d'éloges^ les plus emphatiques,
égalé aux Irénée et aux Augustin par les gens
de la petite Église (de Jansenius), il se dé-
clara dans plusieurs occasions en faveur de ce
parti, dont il ne connaissait pas assez l'esprit ni
le but. » Il eut avec M. de Beaumont, arche-
vêque de Paris, de nombreux démêlés à propos
des querelles religieuses du temps. Lafin de sa
vie fut troublée par des chagrins domestiques
et par les éclats soandaleux de quelques con-
vulsionnâmes. Quoiqu'il n'ait point été du nom
bre des appelants et qu'il ait évuV', ainsi que
M. de Fitz-James, évêque de Soissons, son
premier protecteur, . toute démarche d'oppo-
sition formelle à la bulle Vnigenitus, il a été
regardé par les orthodoxes comme un ennemi
plus dangereux qu'un, adversaire déclaré'.
Montazet avait une mémoire heureuse, une
imagination brillante, un esprit actif; son élo-
quence était élevée , énergique et bien nour-
rie. 11 avait été admis en 1757 dans l'Académie
Française. Ses principaux écrits sont : Lettre
à V Archevêque de Paris; Lyon, 1760, in-4°;
il y prend le titre de primat de France;
— Mandement contre ^Histoire du peuple de
Dieu de Berruijer; Lyon, 1762, in-12; — Ins-
truction pastorale sur les sources de Vincre-
127
MONTAZET — MONTBAREY
128
dulité et les fondements de la religion;
Paris, 1776, in-4°; elle fut fort applaudie jus-
qu'au moment où elle fut réimprimée sous le
titre de Plagiats de M. Varchevêque et avec
les passages en regard tirés des Principes de
la foi chrétienne de Duguet ; on a lieu de
croire que la composition de Y Instruction pas-
torale est du P. Lambert; — Catéchisme;
Lyon, 1768; — Rituel du diocèse de Lyon;
Lyon, 1788, 3 vol. in-12. Ce fut sous ses aus-
pices que parurent les Inslitutiones Théologien
(Lyon, 1782, 1784, 6 vol. in-12), et les 1ns-
titutiones Philosophiez: ( Lyon, 1784, 5 vol.
in-12) : ce système de théologie, proscrit en
France, fut introduit en Italie et en Espagne, où
il jouit d'un moment de vogue. P. L.
VAmi de la Religion, XXII, 161-172. — Bachaumont,
Mémoires secrets, passim. — Mlgne, Dict. des Jansé-
nistes. — Feller, Vict. Hist.
montbarey ( Alexandre- Marie- Léonor
de Saint-Maukis, comte, puis prince de), mi-
nistre français, né le 20 avril 1732, à Besançon,
mort le 5 mai 1796, à Constance. Issu d'une
famille ancienne originaire de la ville de Saint-
Mauris, dans le Valais, il était fils unique d'un
lieutenant général, mort en 1749; sa mère, pe-
tite-fille du maréchal du Bourg, fut empoisonnée
en couclœs par une garde malade, pressée de
s'approprier ses dépouilles. Placé au collège
des Jésuites à Paris, il en sortit à douze ans
« sachant un peu lire et écrire » ; plus tard le
goût de la lecture, secondé par une mémoire
prodigieuse, suppléa largement à ce défaut d'é-
ducation première. Nommé enseigne au régi-
ment de Lorraine (1744), puis capitaine (1745),
il fit les campagnes d'Allemagne et de Flandre,
et reçut de légères blessures au siège de Fri-
bourg et à la bataille de Laufeld. La mort de
son père le laissa maître à dix-sept ans d'une
fortune considérable. 11 se livra dès lors sans
mesure à la passion du jeu et des femmes, et
continua de mener cette vie de plaisir long-
temps encore après son mariage avec une de-
moiselle de la maison de Mailly (1753), sans
s'écarter néanmoins des règles de la décence
extérieure. « Ma santé, dit il, aurait peut-être
souffert si je m'étais conduit autrement. Je dois
ajouter que mes écarts n'eurent d'autres suites
fâcheuses pour moi que la naissance de- quel-
ques enfants illégitimes. » Après avoir servi de-
puis 1749 aux grenadiers de France, il obtint
en 1758 le titre de colonel et commanda en cette
qualité le régiment de la Couronne, à la tête du-
quel il se distingua à la bataille de Creveldt. Son
crédit à la cour et aussi sa bravoure le firent
comprendre, malgré sa jeunesse, au nombre
des maréchaux de camp dans la promotion du
20 février 1761. Il continua de servir en Alle-
magne, dans l'armée du maréchal de Broglie,
jusqu'en 1762. Dans, cette dernière campagne,
il enleva au prince Ferdinand de Brunswick six
pièces de canon, dont le roi lui fit présent et qui
ornèrent l'avenue de son château de Ruffey, en
Franche-Comté. Chargé d'exécuter dans le
nord l'ordonnance provisoire de 1764, relative à
une nouvelle formation des troupes, il s'acquitta
avec tant de promptitude et d'habileté de celle
difficile mission, que le duc de Choiseul, alors
ministre, « s'engoua de lui et le prôna mille fois
plus qu'il ne le méritait ». Homme de cour
avant tout, de formes agréables, d'une physio-
nomie heureuse et d'un commerce sûr, M. de
Montbarey se tint à l'écart des coteries et des
cabales et ne fréquenta que les gens assez haut
placés pour servir son ambition ; les princes,
le duc d'Orléans, MM. de Choiseul et de Mau-
repas devinrent ses protecteurs. Sa « bonne
étoile », sur laquelle il comptait beaucoup, fit le
reste. Employé presque tous les ans à inspecter
l'infanterie, il eut la charge de capitaine-colonel
des Suisses du comte de Provence lorsqu'en 1771
on forma la maison militaire de ce prince. En 1774
il obtint de la cour de Vienne le titre de prince du
Saint-Empire, titre qui lui coûta 100,000 francs, et
en 1780 celui de grand d'Espagne delà cour de
Madrid. Du roi Louis XVI il reçut le collier des
ordres ( 1er janvier 1778 ), un hôtel à l'Arsenal,
le grade de lieutenant général ( 1er mars 1780),
200,000 francs pour doter sa fille, et la grande
préfecture d'Haguenau (1788). Fort peu de
temps après avoir été appelé au départemenl
de la guerre, le comte de Saint-Germain, qui
sentait son isolement au milieu de la cour, le
choisit comme adjoint; la place de directeur de
la guerre fut créée pour M. de Montbarey (1776).
qui, au mois d'avril 1777, eut l'adresse de \i
faire convertir en celle de secrétaire d'État ad
joint avec l'entrée au conseil des dépêches. 1 1
ne tarda pas à prendre lui-même le portefeuille
de la guerre (27 septembre 1777) et, soutent
par le crédit de M. de Maurepas, il se maintin j
au pouvoir malgré l'hostilité déclarée du part
qui s'agitait autour de la reine. Bien qu'il eût ém
contraire à la réforme de la maison militaire di
roi, il ne désapprouvait pas entièrement les pro
jets du comte de Saint-Germain ; il se content; |
de les modifier; mais sa prudence passa poui
de l'irrésolution et sa douceur pour de la fai
blesse. Il s'opposa à la déclaration de guerre i
l'Angleterre, et fit ressortir avec justesse le dan
ger pour une monarchie absolue d'encouragé:
l'insurrection des colonies d'Amérique. Con-
trarié dans ses vues par Necker, de Vergennes
le maréchal de Broglie et surtout par l'entouragi
de la reine, il ne fit à peu près rien au minis
tère, et donna sa démission le 17 décembn
1780. Parmi les nombreux mémoires qu'il remi
au roi à celte époque, il y en avait un, où il in
diquait un moyen de combler le déficit de
finances p.ar la suppression successive de beau
coup d'emplois inutiles; le roi l'abandonna su:
cette question, et ce fut le motif de sa retraite
II habitait l'Arsenal lors de la prise de la Bas
tille parle peuple (14 juillet 1789). Sur ui>
129
MONTBAREY — MONTBABS
130
faux avis qu'on allait mettre le feu aux poudres
qui se trouvaient dans cette forteresse, il s'ern-
pressa de quitter son hôtel, fut arrêté en route
par des insurgés, qui le prenaient pour le gou-
verneur de la Bastille, et aurait été massacré
sans l'intervention courageuse du commandant
de La Salle. Le 19 août suivant il se retira
avec sa femme au château de Ruffey, et de là à
Besançon. Au mois de juin 1791 il s'enfuit à
Neufchâtel ; chassé de ce canton avec tous les
Français émigrés par l'arrêté du 25 janvier 1795,
il alla s'établir à Constance, où il mourut, dans
un état voisin de la gêne. On a de lui des Mé-
moires (Paris, 1826-1827, 3 vol. in-8° ), rédigés
en 1792, et qui contiennent, au milieu de redites
fatigantes , d'inexactitudes et de détails oiseux,
des renseignements intéressants sur les intri-
gues et les personnages de la cour de Louis XV
et de Louis XVI.
Son fils, Saint-Mauris ( Louis-Marie-Fran-
çois, prince de), né le 10 septembre 1756,
guillotiné le 17 avril 1794, à Paris, lui succéda
en 1777 comme capitaine des Suisses de Mon-
sieur. En 1788, aux états de Franche-Comté, il
fut du nombre des gentilshommes qui se pro-
noncèrent pour la suppression des privilèges de
la noblesse. Quelque temps après il alla offrir
ses services aux princes émigrés à Coblentz;
mais il en reçut un si mauvais accueil qu'il se
détermina à rentrer en France. Sa retraite ayant
été découverte à Paris, il fut impliqué dans un
procès de conspiration politique, et périt sur l'é-
chafaud avec la famille Sainte-Amaranthe. Sa
veuve, MIle de Langeron, se remaria avec le
prince Louis de La Trémoille.
La fille de M. de Montbarey, née en 1761,
épousa, en 1779, le prince de Nassau-Saarbruck.
Détenue en 1793 comme otagedu ministre Beur-
nonville, elle fut mise en liberté après le 9 ther-
midor. P. L — y.
Mémoires du prince de Montbarey.
montbars (***), surnommé l'Extermina-
teur, célèbre chef français d'aventuriers, né en
Languedoc, vers 1645; Il était de famille no-
ble et riche, reçut une excellente éducation, et
suivit tous les exercices qui peuvent former un
parfait gentilhomme. D'un naturel ardent, d'un
caractère chevaleresque, il s'enflamma dès sa
jeunesse au récit des cruautés exercées par les
Espagnols contreles habitants du Nouveau Monde
et conçut une haine implacable pour les oppres-
seurs de l'Amérique. Il résolut de joindre les ef-
fets à l'intention, et lorsqu'il eut atteint un cer-
tain âge, apprenant qu'un de ses oncles (1), ca-
pitaine de vaisseau dans la marine royale, allait
partir en croisière contre les Espagnols , avec
lesquels la France était en guerre, il s'enfuit de
la maison paternelle, et courut au Havre rejoindre
son oncle (1663). Montbars lui exprima ses
désirs avec tant de fermeté, que le capitaine le
1 (t) OEmelin ne nous a pas transmis le nom de cet offi-
cier, « grand homme, dit-il, de mer et de guerre ».
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXXVI.
voyant d'ailleurs fait pour les armes , sollicita
et obtint de sa famille l'autorisation de le recevoir
à son bord , et quelques jours plus tard tous
deux faisaient route pour les Antilles. Dans les eanx
de Saint-Domingue ils rencontrèrent un fort vais-
seau espagnol qui, loin de prendre chasse, com-
mença une canonnade nourrie. L'oncle, crai-
gnant que le jeune Montbars ne fit quelque im-
prudence, le fit enfermer, et risqua un abordage,
qui fut vaillamment accepté. Quel ne fut pas son
étonnement quand au milieu du combat il re-
trouva son neveu sur le pont de l'ennemi, frap-
pant d'estoc et de taille, renversant tout sur
son passage. Il s'était jeté à l'eau par la fe-
nêtre de sa cabine, et le sabre aux dents, s'ac-
crochant aux amarres de l'espagnol, il était
tombé comme la foudre au milieu des Castil-
lans surpris , et décida ainsi de leur défaite.
Leur vaisseau était richement chargé ; mais tan-
dis que ses camarades évaluaient le butin, Mont-
bars ne s'occupait qu'à compter les morts espa-
gnols. Ce carnage était enfin la réalisation de ses
rêves. L'oncle jugea convenable de relâcher au
Port Margot pour s'y ravitailler et attendre deux
autres galions espagnols qui y étaient annoncés.
Leur navire fut accosté par des canots de bou-
caniers qui racontèrent comment les Espagnols
les massacraient à chaque heure, traîtreusement,
et avaient organisé de véritables chasses à
l'homme (1). « Comment souffrez-vous cela » ?
s'écria Montbars. — Nous sommes résolus à pren-
dre une revanche, répondirent les chasseurs. »
Montbars aussitôt sollicita de son oncle la per-
mission de s'adjoindre aux boucaniers : il des-
cendit accompagné de quelques matelots déter-
minés, et le lendemain un corps de deux mille
Espagnols ou Indiens fuyait devant une centaine
de Français, et laissait cinq cents hommes sur la
place, ainsi que son général van Delmof. Tel fut
le courage de Montbars dans cette action, que
les Indiens le prirent pour un Dieu et que les
boucaniers l'acclamèrent leur chef. Il embarqua
les uns et les autres sur la prise espagnole faite
par son oncle, et dont le commandement lui fut
confié. Huit jours plus tard, les deux navires
français furent attaqués par quatre grands vais-
seaux espagnols. L'oncle de Montbars, après un
combat acharné de plus de trois heures contre
des ennemis supérieurs, tenta un dernier effort
et le fit avec tant de furie qu'il coula ses deux
adversaires ; mais son navire, tout sabordé, les
(1) Ils avaient formé à cet effet des compagnies de
colons et de soldats, dites cinquantaines, qui allaient
chaque semaine faire une battue, ravageant les boucans
et massacrant sans pitié les boucaniers Isolés, sans dé-
fiance, et dont l'industrie était d'ailleurs fortlnoffensivc.
Elle consistait à chasser les bœufs sauvages, alors en
grand nombre dans les savanes de Saint-Domingue, à
en fumer la chair et à en préparer les peaux qu'ils
échangeaient contre de la poudre, des vivres.de l'eau-de-
vle, etc. Ce furent ces cruautés Inutiles qui forcèrent les
boucaniers à changer de vie. Ils devinrent alors les ter-
ribles Frères de la Côte, qui ruinèrent le commerce es-
pagnol dans l'Amérique centrale (1660-1663).
131 MONTBARS — MOîsïBEL
suivit de près. Durant ce temps Montbars ayant
coulé un de ses adversaires, aborda le dernier,
et grâce à ses Indiens, qui, se jetant à la nage,
surprirent les Espagnols par derrière, la victoire
fut bientôt décidée. Il courut alors sur le lieu
du sinistre de son oncle, dont il recueillit une
partie des marins ; mais le vieux, capitaine, gout-
teux et grièvement blessé, hors d'état de nager,
avait payé son triomphe de sa vie. Cette mort,
quoique glorieuse , redoubla la haine de Mont-
bars contre les Espagnols, et se voyant à la
tête de deux excellents vaisseaux , montés par
des hommes déterminés, il résolut de tenir la
mer pour son propre compte. Le reste de son
histoire ne présente plus qu'une suite d'actions
incroyables, des traits de bravoure qui tiendraient
du roman si les historiens ennemis ne les rap-
portaient eux-mêmes. Bientôt aucun bâtiment
espagnol n'osa se montrer dans la baie de Hon-
duras et sur les côtes du Yucatan : Montbars
ne redoutait ni le nombre ni la force, et son au-
dace ou son adresse le rendaient toujours vain-
queur. N'ayant plus d'ennemis sur mer, il ra-
vagea les côtes ; sans artillerie il enleva des for-
teresses, détruisît des villes défendues par de
nombreuses garnisons, mit en déroute des corps
d'armée. Uni à L'Olonais et à Michel le Basque,
il attaqua, et mit à rançon ou incendia Puerto-
Cabello, San- Pedro, Gibraltar, Maracaïbo et
d'autres colonies aussi importantes. Ce fut alors
que les Espagnols lui donnèrent le surnom
d'Exterminateur et mirent sa tête à un prix
énorme. Quelle fut sa fin? Périt-il dans un
naufrage? Fut-il tué dans un de ses combats quo-
tidiens ? Mourut-il obscurément enlevé par le ter-
rible climat sous lequel il naviguait? Rassasié
de vengeance , revint-il dans sa patrie jouir de
ses richesses comme Montauban, ou se fixa-t-il
dans le Nouveau Monde comme Morgan, son
émule3 On l'ignore : cependant le dernier cas
est le plus probable, car il dut se lasser vite des
vices de ses compagnons. Il n'était ni avide ni
cruel : on lui rend cette justice qu'il ne tua ja-
mais un nomme désarmé. Montbars est le héros
d'un roman de J.-B. Picquenard : Monbars
V Exterminateur , ou le dernier des Flibus-
tins : anecdotes du Nouveau Monde; Paris,
1807, 3 vol. in-12 avec fig. Son, nom est aussi
le titre de plusieurs drames (1). A. de L.
(1) OEmelin, qui fut lui-même flibustier durant plu-
sieurs années, en fait le portrait suivant : « Je me sou-
viens de l'avoir vu en passant ;iux Honduras. Il étoit vif,
alerte, et plein de feu comme soat tous les Gascons, il
avoit la taille haute, droite et ferme, l'air grand, noble et
martial, le teint basané. Pour ses yeux, on n'en sauroit
dire ni la forme ni la couleur; ses sourcils noirs et épais
se joignoient on arcade au-dessus, et les couvroient
presque entièrement ; en sorte qu'ils paraissent cachés
comme sous une voûte obscure. On voit bien qu'un
homme fait de cette sorte ne petit être que terrible. Aussi
dit-on que dans le combat il cnmrnençolt à vaincre par
la terreur de ses regards, et qu'il achcvolt par la (orce
de son bras. Pendant que les autres consldéroient avec
plaisir les richesses qui leur tomholent entre les mains,
Monbars se réjouissoit à la vue du grand nombre d'Es-
132
A.-O. OEmelin , Histoire des Aventuriers ou Flibus-
tiers, etc. (Lyon, 1774, 3 vol. in-12), t. il, chap. vi
p. 246-269.
>; ont bas (Jean Barton de) , prélat fran-j
çais, abbé du Dorât en 1446, évêque de Limoges,
le 1er avril 1457, et conseiller au parlement, né
aux environs de Guéret, de Jean Barton, vicomte
de Montbas, chancelier de la Marche limousine,
mort au château d'Isle, le 4 mars 1497, avec le
titre honorifique d'archevêque de Nazareth. Ces!
à lui qu'on doit la construction de la nef magni-
fique de le cathédrale de Limoges et l'impression
du Missale ad usum Lemovicensis Ecclesias, Pa-
risiis, per Joannemde Prato, 1483, in-4°. Le >
1er juillet 1463, il reçut dans sa cathédrale
Louis XI revenant de Bayonne. Deux ans après,
il résigna ses fonctions en faveur de son neveu,
Jean Barton de Mointbas II, qui fit imprimer
le Breviarium Lemovicense (Paris, 1500, in-8°),
et le Brev iarium diœcesis Lemovicensis (1504).
M. A. (de Limoges).
Manuscrit de 1638, à la bibliothèque de Limoges. —
Callia Christiania nova, t. II, col. 536, 551. — Bonaven-
ture, t. III, p. 166, 713, 729, 731.
MGNTBEILLARD (de). Voy. GuÉNEAU.
montbel ( Guillaume - Isidore Baron ,
comte de ) , homme politique français , né h •
4 juillet 1787, à Toulouse, mort le 3 février 1861.
à Frohsdorff, en Autriche. Il se fit remarquer er
1815 par l'ardeur de son zèle monarchique, et fui !
placé sous la surveillance de la police impériale.
Il faisait partie du conseil municipal de Toulouse
lorsqu'il remplaça, comme maire de cette ville,
son ami particulier, M. de Villèle. Élu député de
la Haute-Garonne en 1827, il fut en quelque i
sorte dans la chambre nouvelle le représentant
de l'administration déchue. Actif, doué d'une
élocution facile, dévoué au roi, il mit autant de
chaleur à combattre le parti libéral qu'à soutenu
ou à développer les idées de M. de Villèle; sans
se laisser décourager par le peu de succès de ses ;
propositions ou de ses amendements, il occupai!
presque chaque jour la tribune et savait même
se faire écouter; c'était du reste un honnête
homme, de convictions profondes , faible de ca- i
ractère et ennemi des moyens violents. En 1828,1
au début de la session, il prit à plusieurs reprises}
la défense de M. de Villèle et réclama sur les torts
qu'on lui reprochait un religieux silence. Membre
de la commission chargée d'examiner le projet :
de loi sur la presse périodique, il s'éleva contre'
la licence de la presse, à laquelle il attribuait le]
meurtre du duc de Berri, se prononça pour la
censure facultative et demanda qu'aucun Journal
ne pût paraître sans autorisation, afin d'éteindre
la concurrence, mal funeste qui, disait-il , obli-
geait le producteur à fabriquer au meilleur mar-
ché (3 juin). En 1829 il fut porté par l'extrême
droite à la vice-présidence de la chambre et
pagnols qu'il voyoit sans vie; car il ne ressemblolt pas à ;
ceux qui ne combattent que pour le butin, Il ne hasar- |
doit sa vie que pour la gloire et pour punir les Espa-
gnols de leur cruauté. » (Cbap. VI, p. 255.)
133
n'obtint que les voix de son parti. Le 19 février
il s'opposa à l'ajournement de la proposition de
M. Labbey de Pompièrcs relative à la mise en
accusation des derniers ministres, et sur laquelle
on n'avait rien décidé dans la session précédente.
«On vousdemande, dit-il, d'accuser des hommes,
des citoyens, des pairs de France, d'anciens mi-
nistres du roi : vous ne pouvez laisser plus long-
temps leur position indécise. La chambre ferait
injure à la France si ces hommes sont coupables
et à eux-mêmes s'ils sont innocents : elle ne
saurait se faire un jeu de laisser suspendre sur
leur tête une accusation capitale. » Cette sortie,
de la part de l'ami intime de M. de Villèle fut
un des motifs qui engagèrent la majorité à ac-
cepter la discussion. Le 7 avril il critiqua l'in-
tervention en faveur des Grecs, et se plaignit de
voir augmenter les charges des contribuables,
o par l'étalage de sentiments classiques pour la
patrie de Miltiade et de Léonidas, ou par l'idée
romanesque d'une croisade dans le goût du dou-
zième siècle ». Lors de la formation du ministère
Polignac (8 août 1829), M. de Montbel y figura
d'abord avec le portefeuille des affaires ecclésias-
tiques et de l'instruction publique. Pendant les
trois mois qu'il le conserva, il ne détruisit rien
de ce que M. de Vatimesnil, son prédécesseur,
avait fait de bien ; il refusa même de se prêter à
une mesure ardemment souhaitée par la congré-
gation, c'est-à-dire la suspension des cours de
MM. Cousin, Guizot et Villemain. « Si le gou-
vernement voulait employer la force, dit-il à ce
sujet, ce n'est pas par l'université qu'il faudrait
commencer. » Le 18 novembre suivant, il passa
au département de l'intérieur, laissé vacant par
la démission de M. de La Bourdonnaie. Bien qu'il
se déclarât lui-même au-dessous d'un pareil far-
deau, il dut obéir à la volonté expresse de
Charles X. Ses premiers actes, tels que la no-
mination de M. Sirieys de Marinhac à la direc-
tion de la police générale, indisposèrent contre
lui l'opinion publique, qui s'obstinait d'ailleurs à
ne voir en lui que la doublure ou le confident de
M. de Villèle. Après s'être efforcé de pallier l'effet
des menaçantes paroles du discours de la cou-
ronne, il s'éleva dans la discussion de l'adresse
(5 mars 1830 ) contre « la haine qui alarme, qui
place les honnêtes citoyens sous les coups de la
diffamation et de la calomnie, et qui empêche les
magistrats de faire tout le bien qu'ils désirent «.
Il accusa « le temps d'avoir le mal de la peur ».
Les élections furent sa principale affaire. Non-
seulement il soutint à la tribune qu'il était juste,
indispensable même, que le gouvernement exer-
çât en pareille matière toute son influence, mais
il adressa le 13 avril une circulaire aux préfets (1)
où se trouvait ce passage relatif aux fonction-
naires : « Vous me donnerez sur leur conduite
(il 0an<; le procès des ministres le procureur général,
M. Persil, attribua cette circulaire à M. de Pevronnel.
Elle a été réimprimée en 1830, à la suite de la Protesta-
tion de M. de Montbel. .
MONTBEL 134
des renseignements confidentiels; je ne les ferai
connaître qu'A leurs ministres respectifs, qui pren-
dront à leur égard les mesures que leur dictera
la prudence. » Enfin le 19 mai 1830 il succéda
à M. de Chabrol comme ministre des finances,
et ce fut en cette qualité que sa signature figura
au bas des ordonnances de Juillet. Pendant la
lutte qui en résulta, il ne faiblit pas un seul mo-
ment, et repoussa, comme indigne de la royauté,
tout projet de transaction avec les insurgés. Le
28 il s'établit avec M. de Polignac aux Tuileries,
concourut à plusieurs ordres d'arrestation , et
signa sur le trésor un mandat de 421,000 francs
destinés à procurer sans retard aux troupes les
approvisionnements dont elles manquaient. Après
s'être montré contraire le 29 à la démarche con-
ciliante que MM. de Sémonville et d'Argout ten-
tèrent auprès du duc de Raguse, il suivit ses col-
lègues à Saint-Cloud ; puis, seul avec M. Capelle,
il accompagna le roi a Rambouillet, où le 1er août
il fit une expédition de l'ordonnance qui nommait
le duc d'Orléans lieutenant général du royaume.
Jugeant dès lors ses services inutiles, il s'éloigna
dans la nuit, et rentra à Paris; deux jours après
il monta dans une voiture publique, et se rendit
à Vienne, en Autriche , où il resta pendant plu-
sieurs années. M. de Montbel fut compris comme
contumace dans l'arrêt de la cour des pairs qui
condamna tous les anciens ministres de Charles X
à la mort civile et à la prison perpétuelle. Acte
fut en même temps donné , pour ce qui le con-
cernait personnellement, aux commissaires de
la chambre des députés de leurs réserves pour
le recouvrement sur ses biens des sommes qu'il
avait illégalement ordonnancées dans les journées
des 28 et 29 juillet. Amnistié ainsi que ses collè-
gues sous le ministère Mole, il rentra en France,
et vécut dans la retraite jusqu'à l'époque de sa
mort. On a de M. de Montbel : Protestation
de M. de Montbel contre la procédure ins-
truite et suivie contre lui devant les pairs et
exposé de sa conduite pendant et avant les
événements de juillet 1830; Paris, 1831, in-8°;
— Lettre sur le Choléra de Vienne; Paris,
1852,in-8o, extr. de la Revue des Deux Mondes ;
— Le duc de Relchstadt, notice sur la vie
et la mort de ce prince, rédigée à Vienne sur
des documents authentiques; Paris, 1832,
1833, 1835, in-8° ; — Dernière époque de l'his-
toire de Charles X, ses derniers voyages, sa
maladie, sa mort , son caractère; Paris, 183&,
1837, in-8° ; — Le comte de Marnes, fils aîné
du roi de France Charles X; Paris, 1844,
in-8°; la 4e édit. (1845, in-18) porte le titre :
Le dxie d'Angouléme.
Il ne faut pas confondre M. de Montbel avec
le comte nE Montbel, d'une famille du Berri,
et qui a siégé à la chambre des députés en 1815,
en 1822 et en 1824, et qui est mort en 1860. P. L.
Biogr. uni?, et portât, des Contemp. — Polignac (De),
Etudes kist. et polit. — Boullée, fJist. de la dernière
année de lu Restauration. — Vaubbelle, Hist. des deux
Restaurations, VII et Vin.
5.
135 MONTBELIARD
MONTBÉLIARD, famille comtale , citée dès
le dixième siècle comme une des pins puissantes
du royaume de Bourgogne et comme descen-
dant des rois des Francs. Le premier comte de
Montbéliard dont il soit fait mention est Louis
de Dasborch (966). Un de ses descendants, Louis,
épousa Sophie, héritière de Frédéric II , comte
de Bar, mort en 1034. Gautier de Montbéliard,
devenu connétable de Jérusalem, fut chargé en
1205, après la mort d'Amaury de Lusignan,
son beau -père, de la régence du royaume de
Chypre pendant la minorité de Hugues Ier. Son
cousin Jean de Brienne, petit-fils du comte de
Montbéliard Thierry II, s'assit sur le trône de
Jérusalem. Ce Thierry II étant mort sans des-
cendants mâles, son comté passa entre les mains
de René, comte de Bourgogne; la fille unique de
ce dernier épousa Guillaume de Montfaucon,
dont l'arrière-petite-fille, Henriette, héritière du
comté de Montbéliard, fut mariée en 1397, à
Éberhard le jeune, fils du duc de Wurtemberg.
En 1617 le comté fut accordé en apanage à
Louis-Frédéric, frère cadet du duc de Wurtem-
berg Jean-Frédéric. Léopold-Frédéric, fils de
Louis-Frédéric, élevé à la cour de Louis XIII,
plaça pendant la guerre de Trent Ans ses États
sous la protection de la France ; en 1654 il ob-
tint que son pays fût érigé en principauté. Son
frère et successeur Georges fut en 1676 expulse
de son pays par les Français ; il le recouvra à la
paix de Riswyck.
Léopold- Éberhard, prince de Montbéliard,
fils de Georges, né en 1670, mort le 29 mars
1723. Arrêté à l'âge de onze ans par son parent
le duc de Wurtemberg, il fut relâché sur la de-
mande catégorique de l'empereur, qui menaça le
duc de la mise au ban de l'Empire. Léopold-
Éberhard, entré au service de l'Autriche , prit
part aux guerres de Hongrie, et défendit avec
succès contre les Turcs la forteresse de Tokay.
Ayant succédé en 1699 à son père dans la prin-
cipauté de Montbéliard, il fut mis eh même temps
en possession de neuf seigneuries situées en
France et qu'il tenait de sa mère, fille du maré-
chal de Châtillon,- Coligni. IL s'abandonna dès
lors sans retenue à ses goûts licencieux ; à force
d'instances il obtint de l'empereur que la plus
ancienne de ses concubines, Anne-Sabine Hed-
wiger, fille d'un confiseur, fût créée comtesse de
Sponeck ; les deux autres, Henriette-Hedwige
et Elisabeth-Charlotte de l'Espérance, filles d'un
tailleur, reçurent le titre de baronnes. Après avoir,
dans un traité conclu en 1716 avec le duc de
Wurtemberg, déclaré inhabiles à lui succéder les
treize enfants qu'il avait de ces trois femmes, il
les fit légitimer en 1718 par le régent de France,
Philippe d'Orléans. En réponse à cet acte, le con-
seil aulique proclama leur état de bâtards. Léo-,
pold-Éberbard ne se préoccupa pas de cette dé-
cision. « Ce ne fut pas tout, dit Saint-Simon. Il
jnaria un de ses fils à une de ses filles, sous pré-
texte que la mère de cette fille l'avoit eue d'un
— MONTBOISS1ER
136
mari à qui il l'avoit enlevée puis épousée, et
longtemps après il fut vérifié que cette fille étoit
de lui, quoiqu'ils ne l'aient pas avoué, et que le
mariage ait subsisté. » Alamort de Léopold-Éber-
hard, le comte Georges de Sponeck, l'aîné de ses
bâtards, prit possession de la principauté de
Montbéliard ; mais il en fut expulsé par le duc
de Wurtemberg, qui obtint en sa faveur un ar-
rêt du conseil aulique. Quant aux domaines pos-
sédés en France par Léopold -Éberhard , le dif-
férend fut porté devant le parlement de Paris.
Par le crédit de Mme de Mézières et de la prin-
cesse de Carignan , auxquelles le comte de
Sponeck, celui qui avait épousé sa propre sœur,
remit une forte somme d'argent, il gagna bientôt
à sa cause beaucoup de partisans à la cour de
France, surtout lorsqu'il eut abjuré le luthéra-
nisme. Après que l'affaire eut longtemps traîné
en longueur, « le procès, dit encore Saint-Simon,
fut repris au parlement ; mais les choses étoienl
trop changées pour les faux Montbéliard. CetW
affaire si singulière avoit fait trop de bruit el
avoit trop duré; elle avoit à la fin été éclairci*
de tous les artifices dont elle avoit été voilée..
Le monde s'indigna qu'une prétention si mons
trueuse fût soufferte; les dévots eurent hont*
à leur tour de l'avoir tant protégée; tellemen
qu'il intervint enfin un arrêt contradictoire ei
la grand'chambre, qui replongea cette canailli
infâme dans le néant, d'où elle n'auroit jamais
dû sortir.... Le rare est que malgré cet arrêt
cette race bâtarde a eu l'impudence de conser
ver à Paris son prétendu nom , titre, armes e
livrées, qu'elle va traînant où elle peut, sans êtn
presque plus reçue par personne. » Enfin, ceuî
des bâtards qui vivaient encore reçurent le titn
de comtes d? Hornebour g, et le revenu des seij
gneuries situées en France leur fut abandonné. O
Gollut, Mémoires de la République Séquanaise. -
Duvernay, Éphémërides du comté de Montbéliard.
montboissiër {Pierre de ), vulgairemen
appelé Pierre le Vénérable, fils de Maurice
abbé de Cluni, naquit en Auvergne, et, suivan
toutes les vraisemblances, au château de Mont
boissier, vers 1092, et mourut à Cluni, le 25 dé
cembre 1 156. Pierre de Poitiers le désigne ainsi '
Hune Arverni populi progenuere duces.
Il était donc d'une illustre naissance. Mauria
de Montboissier et Raingarde, sa femme, desti i
nèrent presque tous leurs enfants à l'état ecclé
siastique. Ainsi parmi les frères de Pierre, 1
Gallia Christiana nomme Héraclius, qui fn
archevêque de Lyon ; Pons, abbé de Vezelay
Jourdain, abbé de la Chaise-Dieu; Armand, abh
de Manlieu. Septième rejeton mâle de cetfc I
union si féconde, Pierre entra d'abord au prieur
de Soucilange, où il fit ses premières éludes
puisa Cluni, où, vers l'année 1109, il fut reçi
moine. Nous le voyons ensuite prieur de Vezelay
de Domné. Enfin, le 22 août 1122, il est élu abb
de Cluni. En ces temps pleins de troubles, que
137
pouvoir, quel titre n'est pas contesté? Pierre
vient de prendre possession de sa charge, quand
un ancien abbé de Cluni, qui, après avoir abdi-
qué le gouvernement de cette maison, avait fait
un long pèlerinage à Jérusalem , reparait tout à
coup, pénètre dans l'abbaye les armes à la main,
s'établit en vainqueur dans le logis abbatial, et
prétend régner par la terreur sur les moines atta-
chés au-parti de Pierre. A la suite de cette inva-
sion commencent, on l'a prévu, des débats judi-
ciaires. Les deux rivaux, assignés devant la cour
de Rome, s'y présentent et s'efforcent de faire
prévaloir ce qu'ils appellent leurs droits. Mais,
sur ces entrefaites, une maladie épidémique en-
lève l'ennemi de Pierre, et celui-ci, confirmé
dans sa charge par le souverain pontife, revient
triomphant à Cluni. Deux factions divisaient l'ab-
baye. Pierre rétablit l'ordre longtemps troublé.
Mais voici une autre et plus grave cause d'agi-
tation. A la mort d'Honorius II, deux papes sont
élus à la fois. Entre Anaclet et Innocent II il
faut choisir, et un pareil choix n'est pas facile.
Comme saint Bernard, Pierre se prononce pour
Innocent, et travaille de toutes ses forces à en-
traîner la France dans son parti. On s'accorde à
dire que Pierre agit efficacement en faveur du
pontife par lui préféré. Cette affaire lui donna
de grands embarras; mais il eut du moins
la satisfaction de voir enfin Innocent II reconnu
par la France. En*1132, un chapitre général de
l'ordre est assemblé dans l'abbaye de Cluni.
Deux ..cents prieurs, douze cents religieux y as-
sistent, et Pierre les préside. Toute puissance
civile, même la puissance royale, devait redouter
et ménager le chef d'une <si nombreuse milice.
Que s'il relevait encore l'éclat de son titre par
des qualités personnelles, comme la gravité des
mœurs, l'éloquence, le savoir, l'esprit d'entre-
prise-joint à la prudence et à la vigueur, le su-
périeur d'une telle congrégation était un des
personnages les plus considérables et de l'Église
et de l'État. Le chapitre général de l'année 1132
dicta de sévères règlements. Orderic Vital ne
se contente pas de raconter le fait ; il s'associe
aux remontrances des moines, qui blâmèrent cet
excès de rigueur. Cependant il ajoute que la
douceur de Pierre tempéra, dans la pratique, la
dureté des ordonnances. En 1134, Pierre siège
au concile de Pise. Il revenait dé cette ville,
allant de compagnie avec un nombre considé-
rable d'archevêques, d'évêques, d'abbés, quand
une troupe armée les surprend, les attaque en
pleine campagne, en blesse quelques-uns , met
en fuite les autres , et s'empare de tous leurs
équipages. Pierre, qui était sur sa mule, ayant
à ses côtés Alberic, abbé de Vezelay, se dirige
vers les assaillants, disposé, comme il semble,
à leur opposer quelque résistance ; mais, au pre-
mier choc, il est renversé de sa mule que trans-
perce un coup de lance; et réduit lui-même à
prendre la fuite, il va se cacher dans la plus
prochaine métairie. C'est une « lamentable his-
MONTBOISS1ER 138
toire, » lamentabilem historiam, que Pierre ra-
conte lui-même au souverain pontife, en lui de-
mandant une juste vengeance ( EpisL, lib. I,
epist. 27 ). Nous le retrouvons au concile de
Latran en 1138. Il est de retour en Italie en 1141,
où il s'emploie vainement à réconcilier les Luc-
quois et les Pisans. Ensuite il se rend en Espa-
gne, où il va visiter les maisons de son ordre.
En Espagne il est étonné de voir mêlés aux
chrétiens les sectateurs de Mahomet, formant
un grand peuple, fier de sa richesse, de sa puis-
sance. Ils ont des temples, ils ont un Dieu, qui,
disent-ils, est le Dieu de Moïse. Ils ont des écoles
religieuses, et des théologiens qui interprètent un
livre sacré. Quel est ce livre ? En France, en
Italie, on ne le connaît que de nom. Pierre, cu-
rieux de savoir ce qu'il renferme, charge trois
chrétiens, Pierre de Tolède, Robert Kennet,
voyageur anglais résidant alors en Espagne, et
le dalmate Hermann, de faire en commun une
traduction du Coran. Cette circonstance est
intéressante dans la vie de notre abbé. M. Jour-
dain, dans ses Recherches critiques sur les
traductions d'Aristote, n'a pas manqué de la
signaler. En 1144, en 1145, Pierre esta Rome. En
1146, il est à Cluni, où il forme une seule col-
lection de tous les statuts, au nombre de soixante-
seize, qu'il avait jusqu'alors publiés pour le main-
tien de la discipline. On le revoit à Rome en 1150,
réclamant l'appui du saint-siége contre quelques
religieux insoumis. Quelle existence fut plus active
que la sienne? Il aimait, assure-t-on, les voyages,
et on lui en fait reproche. On dit qu'un abbé
de Cluni se devait tout entier à sa congrégation.
De tous les abbés de Cluni, Pierre est un
de ceux qui se sont le plus occupés de la plus
importante de toutes les affaires domestiques,
la discipline. A-t-il négligé davantage l'admi-
nistration temporelle de ses vastes possessions?
Il est probable qu'il en remit le soin pendant
ses voyages à d'habiles vicaires, puisqu'on
n'apprend pas que de son temps la riche, et
^déjà trop riche,abbaye ait éprouvé quelque no-
table dommage. Les hommes supérieurs ne peu-
vent à leur volonté s'affranchir des obligations
que leur impose leur grande renommée. Quand
saint Bernard et Suger, une série de papes, les
rois de France, d'Espagne, de Sicile , de Jéru-
salem et l'empereur de Constantinople lui-même
s'adressaient à l'abbé de Cluni pour lui demander
des conseils ou des services, se serait-il con-
venablement dispensé d'étudier, de traiter leurs
affaires, sous le prétexte que la visite d'un
prieuré, la poursuite d'un procès, ou l'exacte
supputation des revenus de ses granges devaient
occuper tous les instants d'un abbé vigilant et
scrupuleux? M. Daunon termine la biographie,
de Pierre par ces mots, : « Il n'a point été ca-
nonisé dans les formes, mais l'Église a toujours
honoré sa mémoire; et ce titre de Vénérable,
qui complète son nom, et par lequel l'histoire
le désigne, ce titre, assurément bien inférieur à-
139
MONTBOISSIER
celui de saint , est en revanche une distinction
beaucoup moins commune. »
Il n'existe aucune édition complète des nom-
breux écrits de Pierre le Vénérable, ce qui nous
oblige à les désigner tous par leurs titres particu-
liers. Ses Lettres, au nombre desoixante-et-onze,
se lisent, pour la plus grande partie, dans la Bi-
bliotheca Cluniacensis. Quelques-unes de ces
lettres sont de véritables traités sur des questions
dogmatiques. On aurait donc pu leur attribuer des
titres distincts, comme aux traités suivants : Epis-
tola ad Pelrum de S. Joanne contra eos qui
dicunt Christian nunquam se in EvangeUis
aperte Deumdixisse; Biblioth. Cluniac.,c&\.
966; — Tractatus adversus Judœorwn inve-
teratam durit iêm; ibid., col. 985; — Trac-
tatus adversus Petrobrusianos hsereticos;
ibid., col. 1117; — De Miraculis libri duo;
ibid., col. 1247. Nous avons parlé de la traduc-
tion du Coran, faite par les ordres de Pierre le
Vénérable. La Bibliothèque de Cluni nous
offre une lettre de Pierre à saint Bernard relative
à eette traduction, une préface d'un des traduc-
■ teurs, Robert de Rétines, et un abrégé des erreurs
contenues dans le Coran, abrégé que domMarrier
attribue sans difficulté à Pierre le Vénérable,
sous ce titre : Summula qusedam brevis contra
Hsereses et sectam diabolicse fraudis Sarace-
norum. Notre docteur a, en outre, composé une
réfutation du Coran, en quatre livres, dont les
deux derniers paraissent perdus ; les deux pre-
miers ont été publiés par Martène, dans le tome IX
de \'Amplissima Collectio. Nous admettrons vo-
lontiers que Pierre le Vénérable a prononcé beau-
coup de Sermons: Cependant on n'en possède,
ou du moins on n'en désigne que quatre , un
seul imprimé dans la Bibliothèque de Cluni,
col. 1231, et trois dans les Anecdota de Mar-
tène, t. V, col. 1419-1450. Ses Poésies, au
nombre de quatorze pièces, sont dans la Biblio-
thèque de Cluni. M. Daunou en a fait, à bon
droit, peu de cas. Il faut, en outre, inscrire au
catalogue des œuvres de Pierre le Vénérable le
recueii de ses Statuts, dans la Bibliothèque de
Cluni; et un écrit intitulé Dispositio rei fami-
liaris, publié par Baluze (Miscellanea, t. V).
M. Daunou mentionne enfin quelques morceaux
inédits, qui n'ont aucune importance, et présente
la liste des ouvrages attribués à tort par divers
critiques à Pierre le Vénérable. B. Bauréau.
Gallia Christiana, t. IV, col. 1137. — Bibliotkcea Clu-
niacensis. — Histoire Liltér. de la France, t. XIII,
p. 241. — Pétri Venerabilis Pita, a Rodelfo, dans VAm-
plissima Collectif), t. VI. — Ceillier, Hist. des auteurs
ecclésiastiques, t. XXIII. — Baillet, Pie de Pierre le
Vénérable, au 25 décembre.
montbray ( Geffroi de ) , prélat français,
né à Montbray, près de Saint-LÔ, mort le 2 fé-
vrier 1094, à Coutances. Issu d*une des plus
illustres familles de Normandie, il fut promu dès
sa jeunesse à l'épiscopat et sacré le 10 avril 1049
évoque de Cou lances. Il se trouva à l'assemblée
tenue en 1060 par Guillaume, duc de Normandie,
— MONTBRON 140
à Lillebonne, et dans laquelle fut résolue l'in-
vasion de l'Angleterre. L'un des principaux pro-
moteurs de cette guerre, il suivit à la conquête le
duc son ami, et se conduisit en homme de cœur
à la bataille d'Hastings. Il accompagna Guillaume
à Londres, et dans la cérémonie de son couron-
nement à Westminster, il remplit les fonctions de
chambellan pour les états de Normandie . Lors-
que le conquérant fut rappelé dans son duché,
il laissa Geffroi de Montbray a la tête de ses
milices et s'en trouva bien. En 1067, lorsqu'il eut
battu les deux princes anglo-saxons, Edmond et
Godwin, Geffroi entra dans le Dorset et le Som-
merset, et y fit mutiler « tous les hommes ar-
més ou suspects d'avoir pris les armes » dont il
put s'emparer. Quelques années après, les comtes
de Nortbumberland, de Norfolk, de Hereford
s'étant révoltés contre le conquérant, Geffroi
contribua puissamment à la victoire de Fagadon,
remportée sur eux en 1074, les força de s'en-
fermer ensuite dans Norwich, où il les assiégea,
et les prit par capitulation : en récompense deses
belles et nombreuses actions, Guillaume lui con-
céda en fief 280 terres seigneuriales. Après la
mort de ce prince (1087), il éprouva tant de dis-
grâces, qu'il se vit obligé de revenir en Normandie,
s'estimant heureux de pouvoir échapper par la
fuite. H. F.
Orderic Vital, Histoire ecclésiastique. — Gallia Chris-
tiana, XI. — Aug. Thierry, Hist. de la Conquête de
l'Angleterre par les Normands. — Lecanu, Hist. des
Évêques de Coutances. — Fisquet, France pontificale.
MONTBRET. Voy. COQUEBERT*
montbron (Joseph Chérade, comte de),
littérateur français, né en 1766, au château
d'Horte, près de Montbron (Angoumois), mort
en 1852, au château de Montagrier (Limousin).
Officier à l'âge où l'on n'est encore qu'écolier,
il suivit les princes dans l'émigration, et prit
part à l'expédition de Quiberon; fait prisonnier
el condamné à mort , il réussit à s'évader, et
gagna la Hollande. A l'aide d'un déguisement il
se cacha pendant quelque temps à Bordeaux,, où
il1 donna des leçons de dessin. Rayé à prix d'or
de la liste des émigrés, il rentra dans une partie
de ses biens, et s'occupa de littérature. En 1822
et en 1827, il représenta la Haute- Vienne à la
chambre des députés, et vota constamment avec
le ministère ; entre autres mesures qu'il pro-
posa, on n'est pas peu étonné de trouver celle
de l'impôt progressif. Après 1830, il revint à sou
cliàteau de Montagrier, dont il fit une des plus
belles propriétés du Limousin; il est le premier
qui ait introduit l'alpaga en France. On a de lui :
Les Scandinaves, poème traduit dû suéo-go-
thique, suivi d1 Observations sur les mœurs
et la religion des anciens peuples de l'Eu-
rope barbare; Paris, 1801, 2 vol. in-8°; — Six
Nouvelles; Paris,- 1815, 3 vol. in-12; — Récit
de l'évasion d'un ojficier pris à Quiberon;
Paris, 1815, in-12; la 2e édit. (1825, in-18) est
augmentée d'une élégie et de notes explicatives;;
— Essais sur la Littérature des Hébreux.
141
MONTBRON — MONTBRUN
142
Rachel, le Meurtrier, les Noces funèbres, Né-
ISémie, narrations imitées de l'hébreu, pré-
cédées d'une introduction et du Voyage de
Benjamin de Tudèle à l'oasis lointaine, sui-
vies de notes et de dissertations qui peuvent
servir à l'intelligence de la Bible; Paris, 1819,
4 vol. in-12; — Quelques nouvelles dans la
Bibliothèque des Romans. P. L— y.
Son frère aine, Etienne- Pierre CnÉRADE,
comte de Montbron, né en 1763, mort le 24 jan-
vier 1841, acheta d'abord une charge de con-
seiller au parlement de Paris ; il l'échangea contre
un brevet de sous-lieutenant. Quand vint la ré-
volution il ne suivit point ses parents en émigra-
tion, et se livra, dans son domaine de Scorbé-
Clervault en Poitou, à de grands travaux d'ar-
boriculture. Sa belle plantation de chênes-liége
fixa l'attention de la Société centrale d'Agriculture,
qui lui accorda un de ses prix. On lui doit la
découverte de la variété de noyer tardif à qui
son nom a été donné. Sous la Restauration il re-
prit du service, reçut le commandement en se-
cond des gardes du corps à pied et fut nommé
maréchal de camp. P. L — y.
Texler (Abbé), Notice sur le comte de Montbron, dans
le Bulletin de la Soc. archèol. du Limousin, 1852. — Ar-
bellot , Revue de la Haute-Sienne.
montbrcn ( Charles du Puy), capitaine
français, né vers 1530, au château deMontbrun
(diocèse de Gap), exécuté le 12 août 1575, à
Grenoble. Issu d'une des plus anciennes familles
du Dauphiné, il fit en Italie ses premières armes,
et continua de servir avec distinction dans les
guerres de Flandre et de Lorraine. Chorier ra-
conte qu'a son retour dans sa famille , instruit
qu'une de ses sœurs avait embrassé la réforme
et s'était retirée à Genève, il se mit à sa pour-
suite, en jurant de la ramener catholique ou de
lui arracher la vie; mais l'éloquence de Théo-
dore de Bèze opéra, dit-on, un si brusque chan-
gement dans les convictions du frère que, devenu
fougueux protestant, Montbrun établit une église
dans son château, y appela un pasteur et poussa
la ferveur religieuse jusqu'à employer la violence
vis-à-vis de ses vassaux pour en faire des pro-
sélytes. Le parlement de Grenoble lui ordonna
en 1560 de venir lui rendre compte de sa con-
duite, et, sur son refus de comparaître , chargea
le prévôt des maréchaux de l'amener mort ou
vif. Montbrun se saisit du prévôt, et le jeta dans
les prisons de son manoir. Puis, donnant la main
aux réformés du Comtat, il s'empara de Malau-
cène, qu'il livra au pillage , et ne consentit à la
retraite que sur la promesse d'une amnistie
pleine et entière à tous les insurgés. Cette con-
dition ayant été violée, il reprit les armes, et tira
des catholiques de sanglantes représailles. A la
tête de deux cents hommes, il tendit une embus-
cade à la troupe de La Motte-Gondrin, lieutenant
du roi en Dauphiné , et la tailla en pièces ; pro-
fitant aussitôt de l'effroi de ses ennemis, il se
hâta de gagner Genève avec sa femme pendant
que Gondrin faisait raser son château. Lorsque
éclata la première guerre civile (1562), Mont-
brun accourut se mettre aux ordres du baron
des Adrets, qui lui donna cinq cents arquebusiers
pour occuper Châlons- sur- Saône; menacé par
Tavannes, qui' rassemblait contre lui les milices
de la Bourgogne, il évacua la ville ; ceux des
protestants qui ne voulurent pas le suivre furent
tons massacrés. Après" avoir emporté Mornas
d'assaut, il essuya une défaite sous les murs de
Sisteron, et tenta vainement d'entrer dans Orange.
Le 10 janvier 1563, il arrêta, avec Mouvans et
Cléry, le baron des Adrets, dont la défection
était devenue publique. Dans la seconde guerre
civile, il aida d'Acier à repousser les attaques de
Joyeuse contre Montpellier (1567), combattit
vaillamment à Jarnac et à Moncontour, défit au
passage du Rhône les catholiques commandés
pardeGordes (27 mars 1570), et se rendit maître
de Loriol. Après le massacre de la Saint-Barthé-
lémy, il fut un des premiers à lever l'étendard
de l'insurrection. S'étant concerté avec quelques
chefs déterminés , dont Lesdiguières faisait par-
tie, il soumit presque toutes les villes du Dau-
phiné. Sa défiance de la cour était telle qu'il re-
fusa d'accepter la paix qui venait d'être signée sous
les murs de La Rochelle. En 1574, il mit en dé-
route près du pont de Royan un fort détachement
de l'armée du dauphin d'Auvergne François, et il
força le roi Henri III, dont il avait pillé les ba-
gages, à lever le siège de Livron. Le roi lui
ayant ordonné de poser les armes, Montbrun
s'écria : « Comment ! le roi m'escrit comme roi
et comme si le devois reconnoistre ! Je veux qu'il
sçache que cela seroit bon en temps de paix, et
qu'alors je le reconnoistrai pour tel ; mais en
temps de guerre, qu'on a le bras armé et le cul
sur la selle, tout le monde est compagnon. » En
1575, assailli par Gordes, qui réunit pour le ré-
duire jusqu'à plus de douze mille hommes, il
soutint bravement le combat ; après des prodiges
de valeur, il fut écrasé sous le nombre, et s'é-
tant cassé la cuisse en franchissant un canal, il
fut fait prisonnier et envoyé à Grenoble. « H en
mourra, dit le roi à cette nouvelle, et il verra
à* cette heure s'il est mon compagnon. » Ni
les prières de Condé, ni l'intercession active du
maréchal Damville et du duc de Guise ne
purent le fléchir. « Il manda à la cour de Gre-
noble, rapporte Brantôme, de luy faire son
procès et trancher la teste, quoiqu'on luy re-
monstrast que cela tireroit à conséquence et que
les ennemis en pourroient autant faire à ses ser-
viteurs. » Il fallut, à cause de sa blessure, porter
Montbrun assis dans une chaise sur l'échafaud,
où , avant d'être exécuté , il rappela au peuple
que son seul crime était d'avoir porté les armes
pour la religion et pour la liberté du royaume.
Il avait mérité des deux partis le surnom de
brave. Sa mémoire fut réhabilitée par un ar-.
ticle spécial du traité de 1576, en même temps
que celle de Montgomery. P. L.
143
Gui Allard, Fie du brave Montbrun; Grenoble, 1675,
in-12. — J.-Cl. Martin , Hist. de Charles Dupuy, sur-
nommé le Brave, sei/jneurde Montbrun ; 2e édit. ; Paris,
1816, in-8°. — Cborier, Hist. du Dauphiné. — Brantôme,
Vies des Capitaines illustre*.
montbrun (Jean du Puy, marquis de),
fils du précédent, né vers 1568, mortaprès 1637.
Capitaine de cent hommes d'armes, il reçut en
1612 le titre de conseiller d'État, et assista aux
états généraux de 1614. Bien que, pour le ga-
gner au parti de la cour, on eût érigé sa terre
en marquisat (1620), il leva des troupes et se
mit en devoir de soumettre la Provence, dont
l'assemblée de La Rochelle lui avait donné le gou-
vernement. Le retour de Lesdiguières en Dau-
phiné arrêta ses progrès. En 1622, il commanda
la cavalerie de l'armée de Rohan. P. L.
montbrun (Alexandre du Puy), marquis
de Saint-André, fils du précédent, né en 1600, à
Montbrun,mort en août 1 673,à LaNocle.il avait été
enfant d'honneur du Dauphin (depuis Louis XIII),
et abandonna la cour pour rejoindre Lesdiguières
en Piémont. En 1621 il offrit ses services à Rohan,
qui l'envoya à Montauban avec le titre de gouver-
neur et des troupes; non-seulement il sut tenir
à distance de la ville le maréchal de Thémines,
mais il s'empara de plusieurs châteaux et places
des environs. Il obtint aussi, en 1625, des avan-
tages signalés sur le duc d'Épernon, sans pou-
voir toutefois l'empêcher de ruiner toute la cam-
pagne. Dans la dernière guerre de religion, il
reçut le grade de maréchal de camp, se porta
avec quinze cents hommes au secours du Viva-
rais (1628), et se jeta dans Privas. Louis XIII,
avant de commencer le siège de cette place, lui
fit proposer 100,000 écus s'il la remettait
entre ses mains ; il répondit qu'il était homme
d'honneur, et qu'il se défendrait jusqu'à la morl.
Le 20 mai Richelieu, qui revenait du Piémont,
amena des renforts au roi, et l'armée fut portée
à vingt mille hommes. Sommés plusieurs fois
de se rendre à discrétion, les assiégés conti-
nuèrent de se battre avec acharnement. Dans
l'espoir d'obtenir pour eux des conditions favo-
rables, Montbrun se rendit au camp avec quel-
ques-uns de ses compagnons, et y fut retenu
prisonnier par le cardinal, sous prétexte qu'il
n'avait pas de sauf-conduit. Quant à la ville re-
belle, on la traita avec la dernière rigueur : les
maisons furent pillées et livrées aux flammes,
et les soldats, massacrés, pendus ou envoyés
aux galères; une ordonnance royale déclara
confisqués tous les biens des habitants et inter-
dit à qui que ce fût de s'y établir sans permis-
sion expresse. L'intervention du comte de Sois-
sons sauva Montbrun de la mort. Conduit à Va-
lence, puis dans la tour de Crest, il s'échappa
au bout de quelques mois et, à l'exemple de Ro-
han, il alla offrir soii épée à la république de
Venise. En 1631, il passa sous les drapeaux de
Gustave-Adolphe, qui le nomma colonel, con-
tribua à la prise de Francfort et battit les Impé-
riaux près d'Ingermuude ; ce dernier fait d'armes
MONTBRUN 144
lui valut le gouvernement de la Poméranie. Il
reçut au combat de Nuremberg une blessure
qui l'empêcha d'assister à la bataille de Lutzen.
Après la mort du roi de Suède, il s'attacha au duc
de Saxe-Weimar, tomba aux mains de Wallen-
stein, et resta trois ans détenu dans la forteresse
de Lindan. Rentré en France en 1636, il fut bien
accueilli à la cour, et obtint en 1638 un régiment
à la tête duquel il fit la campagne du Piémont;
au siège de Turinil fut fait prisonnier, et ne re-
couvra sa liberté qu'en 1642. Pendant sa capti-
vité on l'éleva au grade de maréchal de camp.
Il continua ensuite de servir en Italie, fut pourvu
en 1649 du gouvernement du Nivernais, et créé
en 1650 lieutenant général, et prit, jusqu'en 1659,
la plus grande part à toutes les opérations mili-
taires. Le cardinal Mazarin lui offrit le bâton de
maréchal à la condition d'abjurer la religion ré-
formée; mais il refusa de l'acheter à ce prix, et
comme il avait à se plaindre de la cour, il se
retira chez lui. La vieillesse n'abattit pas son
ardeur guerrière. En 1668, à la prière du sénat
de Venise, il consentit à défendre Candie,qu'un
siège meurtrier avait réduit à toute extrémité;
mais Morosini ayant capitulé à son insu, il re-
vint à Venise, et y fut confirmé pour la vie dans
la charge de capitaine général des armées de
terre. Après avoir encore pris part à l'expédition
du comte de Saint-Paul en Pologne (1670), il se
reposa de ses longues fatigues dans sa terre de
La Nocle, où il mourut, à l'âge de soixante- treize
ans. Il ne laissa point d'enfants mâles. — Une
branche de cette famille passa en Hollande à la
révocation de l'édit de Nantes. P. L.
Fié de Saint- André- Montbrun; Paris, 1698. — Haag
frères , La France Protestante.
montbrun de Sous-Carrière , inventeur
des chaises à porteur, fils naturel du duc de
Bellegarde, né dans la première moitié du dix-
septième siècle. Avant lui l'on n'usait que de
fauteuils portés sur brancards ; il fit faire les
espèces de boîtes dont on s'est servi depuis.
Son invention ne fut pas adoptée de suite : il
usa de ruse pour la faire prendre ; Tallemant
dit : « On ne rencontroit que lui par les rues
afin qu'on vît que cette voiture étoit commode. >»
Ces chaises devinrent ensuite fort à la mode
sous le nom de Chaises de Cous- Carrière, et
l'entreprise rapporta de l'argent. L. L.
Sauvai, Antiquités de Paris, t. I, p. 192. — Tallem ant
(les Réaux, 1" édit., t. III, p. 253 ; t. IV, p. 188, 191. —
Furetière, Le Roman bourgeois, édit. Fournier, p. 66.
— Les Lotx de la Galanterie, éd. (Paris, 1855), note.
montbrun ( Louis-Pierre, comte ), géné-
ral français, né à Florensac (Hérault), le 1er mars
1770, tué à la bataille de la Moskowa, le 7 sep-
tembre 1812. Il s'engagea le 1er mai 1789 dana
le 1er régiment de chasseurs à cheval, qu'il ne
quitta qu'après en avoir été le colonel , devint
lieutenant ( 27 juillet 1796) sur le champ de.
bataille d'Altendorff, où il sauva la vie au gé-,
néral Richepanse, dont il était l'aide de camp,i
capitaine (31 mars 1797 ), chef d'escadron.
145
MONTBRUN — MONïCALM
146
1 ( 6 octobre 1799), chef de brigade (15 juin 1800),
; et général de brigade ( 24 décembre 1805). Déjà
considéré comme l'un des meilleurs officiers de
; l'armée, Montbrun avait conquis ce dernier grade
par sa conduite au combat de Ried (29 octobre),
dont en grande partie il avait assuré le succès
par sa participation aux brillants faits d'armes
de la journée d'Austerlitz. Toujours employé
à la grande armée, il était en 1806 dans la Si-
lésie, avec le corps des troupes alliées qui, sous
les ordres du prince Jérôme, assiégeait les
; places fortes de cette province. Le 29 et le 30 no-
i vembre, il mit en déroute un corps de dix mille
-, hommescommandés parle princed'Anhalt-Pleiss,
lui fit près de dix-huit cents prisonniers et luien-
j leva sept pièces de canon. Ses habiles dispositions
I contribuèrent avec celles du général Claparède
i à repousser, le 11 juin 1807, au combat du pont
[ de Drewkenow, sur l'Omulew, les Russes qui
avaient attaqué sur le Bug et la Narew l'ex-
I trême droite de l'armée française, commandée
par Massena. Le 30 novembre 1808, son audace
i décida la victoire remportée par le maréchal
• Victor, au pied du Spmo-Sierra en Espagne , où
[ à la tête des chevau-légers polonais de la garde ,
il força ce dangereux passage défendu par une
division de treize mille hommes et par treize
pièces d'artillerie. Quelques jours après, aux
portes de Madrid, il n'échappa aux fureurs de la
populace qu'en se faisant, avec le plus grand
sang-froid, un passage à coups de sabre. Promu
le 9 mars 1809 au grade de général de division,
il combattit le 22 avril suivant à Eckmùhl, et
contribua par ses attaques opiniâtres , de flanc
et de front, sur l'aile droite de l'ennemi, au
succès de cette journée. Le talent et le courage
qu'il déploya le 14 juin, à la bataille de Raab,
furent mis à l'ordre du jour de l'armée. Après
la pacification de l'Allemagne, Montbrun reçut,
le 10 avril 1810, le commandement de la cava-
lerie de l'armée de Massena en Portugal , et se
plaça dans l'opinion des gens de guerre au rang
des Murât, des Lasalle, des Milhaud et des Col-
bert ; il se distingua surtout le 27 septembre à
la bataille de Bussaco, et le 5 mai 1811 à
celle de Fuentes-de-Onoro. A la fin de cette an-
née, il fut moins heureux lorsque,rentré en Es-
pagne, il entreprit de s'emparer d'Alicante; mais
si dans cette circonstance il commit une faute,
il la répara noblement dans les plaines de Russie.
Chargé, en juin 1812, du commandement du
deuxième corps de réserve de la cavalerie , aux
ordres du roi Murât, il fut frappé par un boulet
dans la plaine de Mojaïkz , tandis qu'à la tête
de sa division il donnait des marques de la plus
brillante valeur. Depuis le 30 juin 1811 il avait
été nommé grand- j( licier de la Légion d'Honneur.
Son nom est gravé sur l'arc de triomphe de l'É-
toile, côté sud.
montbritn (Alexandre, baron), frère du
précédent, né à Florensac, le ier février 1775,
mort à Paris, le 29. septembre 1821. Colonel du'
7e régiment de chasseurs à cheval (1809),
il fut nommé, le 18 octobre 1812, général de bri-
gage. En 1813, il enleva Lunebourg aux Rus-
ses, et fut suspendu de ses fonctions par l'em-
pereur pour s'être replié sans combattre à Fon-
tainebleau pendant la campagne de France ; il fut
réintégré dans son grade après la Restauration.
H. FlSQDET ( de Montpellier ).
Fastes de la Légion d'Honneur. —Moniteur universel,
1792 à 1818, passim. — De Courcelles, Dict. des Cénër.
français. — Mog. (inédite) de l'Hérault.
MOSÏCiLM DE SàINT-VÉRAN ( LoUÎS-Jo-
seph, marquis de), général français, né le 28 fé-
vrier 1712, au château de Candiàc, près Nîmes,
mort le 14 septembre 1759, à Québec. Il descen-
dait d'une ancienne famille du Rouergue. Son
éducation fut confiée, ainsi que celle de son
frère aîné ( voy. Canduc ), aux soins de Dumas,
l'inventeur du bureau typographique; il fit de
grands progrès sous la direction de cet habile
maître, et continua, même au milieu des camps, à
étendre ses connaissances. Destiné à la carrière
des armes, il entra dès l'âge de neuf ans au ser-
vice comme enseigne du régiment de Hainaut
(1721), devint capitaine en 1729, commanda en
1743 le régiment d'Auxerrois , et se distingua de
la façon la plus brillante à la bataille de Plaisance
et au combat d'Exilés. Lorsqu'il devint briga-
dier, il passa dans la cavalerie, et fut mis à la
tête d'un régiment qui portait le nom de sa fa-
mille. Nommé maréchal-de-camp en 1756, il fut
aussitôt envoyé dans le Canada, placé alors sous
le gouvernement du marquis de Vaudreuil. Sans
perdre de temps il entra en campagne et investit
le fort Oswego, qu'il força à se rendre. En 1757
il s'empara du fort Georges, dont la garnison, au
nombre de deux mille hommes , fut tout entière
massacrée par les tribus sauvages alliées. L'an-
née suivante les Anglais reprirent l'offensive
avec une telle supériorité de forces, qu'il fallut
abandonner l'espoir d'arrêter leurs progrès. A une
armée de soixante mille hommes et à de nombreux
vaisseaux, on ne pouvait opposer que quelques
bàtiments,trois mille soldats, autant de miliciens et
quinze à dix-huit cents Indiens indisciplinés. La
culture de la terre, déjà si restreinte, fut sur
plusieurs points abandonnée entièrement'; la
disette se joignit à la guerre pourdésoler le pays.
On se trouva dans une telle pénurie de provi-
sions, que les habitants des villes furent mis à la
ration de quatre onces de pain par jour. Pour
complément de misère, le gouvernement de la
métropole, qui avait résolu l'abandon du Canada,
ne répondait à toutes les sollicitations de se-
cours que par un refus formel, quelquefois par
d'amères. récriminations (1). Le gouverneur et
(1) Dans un des derniers moments de crise, le minis-
tère adressa au gouverneur de Québec la lettre sui-
vante : « Je suis bien fâché d'avoir a vous mander que
vous ne devez point espérer de recevoir des troupes de
renfort; outre qu'elles augmenteraient la disette des;. vi-
vres, que vous n'avez que trop éprouvée Jusqu'à présent,
11 serait fort à craindre qu'elles ne fussent interceptées
147
MONTCALM — MONTCHAL
I4C
Je commissaire des guerres demandèrent en
vain des moyens de résister. Bougainville par-
tit pour la France, afin de représenter de vive
voix au ministre l'état désespéré de la colonie.
De son côté Montcalm écrivit qu'à moins d'un
bonheur inattendu, les Anglais s'empareraient
du Canada dans la campagne de 1759. Il dis-
posa néanmoins son plan de défense en capi-
taine habile; mais la victoire sanglante qu'il
remporta sur lord Abercromby sous les murs
du fort de Carillon ( 18 juillet 175» ) n'empêcha
pas ce général de prendre successivement pos-
session des forts de Frontenac, Duquesne, de
Niagara, de La Couronne et de La Présentation.
L'année suivante l'invasion du Canada eut lieu
sur trois points à la fois; du côté de Québec
s'avança le général Wolfe, à la tête de trente
mille hommes et appuyé par une flotte de plus
de cinquante bâtiments, sous les ordres de l'a-
miral Saunders. En réunissant les habitants des
campagnes à ceux de la ville, Montcalm parvint
à composer une armée de treize mille hommes,
dont six bataillons de troupes régulières. C'était
encore plus qu'il n'avait espéré. « On n'avait eu
intention d'assembler, rapporte un témoin ocu-
laire, que les hommes en état de soutenir les
fatigues de la guerre; mais il régnait une telle
émulation dans le peuple que l'on vit arriver au
camp des vieillards de quatre-vingts ans et des
enfants de douze à treize ans, qui ne voulurent
jamais profiter de l'exemption accordée à leur
âge. » Le siège commença le 27 juin. Pendant
plus de deux mois Wolfe n'obtint d'autre résul-
tat que celui d'incendier la basse ville et de
ravager les campagnes ; il doutait même de la
véductionde la place, une des pius fortes du Nou-
veau Monde, et dans la douleur qu'il en éprouva
il tomba dangereusement malade. A la suite
d'un conseil de guerre, où il fit adopter un plan
des plus hardis, il fit franchir, pendant la nuit
du 13 septembre, une montagne escarpée à son
armée, et la rangea en bataille sur les hauteurs qui
dominent Québec, dans les plaines d'Abraham.
Montcalm n'avait pointsongé à surveiller ce pas-
sage, d'un accès des plus difficiles; aussi sa
surprise à la vue de l'ennemi ne connut point
de bornes, et sa prudence habituelle l'abandonna.
Au lieu de continuer la résistance à l'abri de
remparts inexpugnables, il les quitta précipitam-
ment, se mit à la tête dune dizaine de milliers
d'hommes et courut offrir le combat aux An-
glais, qui l'attendaient de pied ferme. Les deux
armées luttèrent avec un acharnement inouï.
Quoique blessé , Montcalm combattit comme le
dernier des soldats ; rapporté sanglant à Québec, il
ordonna les mesures qu'il croyait propres à re-
pas les Anglais dans le passage; et, comroeleroi ne
pourrait Jamais vous envoyer des secours proportionnas
aux forces que les Anglais sont en état de vous opposer,
les efforts que l'on ferait Ici pour s'en procurer n'auraient
d'autre effet que d'exciter le ministère de Londres à en
faire de plus considérables, pour conserver la supériorité
qu'il s'est acquise dans cette partie du continent. »
parer cette désastreuse journée, et mourut le
lendemain soir. Ses restes furent déposés dans
un trou creusé par une bombe, dans l'églist
du couvent des Ursulines, où ils se trouvenl
encore. Quatre jours après la ville capitulai!
(18 septembre 1759). On sait que le généra
anglais Wolfe ( voy. ce nom ) tomba mortelle-
ment frappé dans la même bataille. En 1827 le
comte de Dalhousie, l'un des gouverneurs anglais
du Canada, confondant lés noms des deux ad-
versaires dans le même souvenir, leur fit éle-
ver un obélisque de marbre avec une inscriptioi
qui débute ainsi : Mortem virtus Gomnmmm
famcm historia, monumentum posterilat
dédit. Montcalm avait épousé en* 1738. une fille
du marquis de Boulay, de laquelle il eut plu-
sieurs enfants. Le général Montcalm est un des
personnages du Dernier des. Mohtcans,, roman
de Cooper. P. L— y.
Garneau, Hist. du Canada, I. — Montgomery-Martin,
History of the British Colonies. — Mémoires sur le Ca-
nada, depuis 1749 jusqu'à 1760 ; Québec, 1830.
MOISTCAL.M (Paul-François-Joseph, marquis
de), marin français, fils du précédent, né en 1756,
dans leRouergue, mort en 1812, en Piémont. 9
parvint rapidement au grade de capitaine de
vaisseau, servit sous d'Estaing et Suffren, et se
distingua au combat de l'île de La Grenade ainsi
qu'au siège de Gibraltar. Nommé en 1789 dé-
puté de la noblesse aux états généraux, il si- i
gna la protestation contre la double représenta-
tion-du tiers, et s'étant ensuite rallié au parti
constitutionnel, il proposa de supprimer les
pensions, motion à laquelle l'assemblée fit, en
l'adoptant, une exception pour les familles de
Montcalm et de d'Assas. A Ja fin de 1790 il
émigra en Espagne, puis en Piémont. Il mourut
des suites d'une chute. P. L.
Biogr nom. des Contemp.
MONTCHAL ( Char les de % prélat français,
né enl589i à Annonay (Vivarais-) , mort à Car-
cassonne, le 22 août 1651. Sa mère se nom-
mait Anne de Guillon. D'abord abbé de Saint-
Amand-de-Boisse , au diocèse d'Angoulême , et
de Saint-Sauveur-le- Vicomte, au diocèse de
Coutances, il devint archevêque de Toulouse
en 1627, par la cession de Louis de Nogaret,
cardinal de La Valette. Il est à remarquer que le
cardinal de La Vallette n'avait pas reçu les ordres
sacrés et n'était pas même simple clerc. Quant à
Montchal, il n'était pas seulement ordonné : ce
qui était plus rare alors chez les ecclésiastiques
de qualité , il était théologien , et même théolo-
gien érudit. Il fut consacré à Paris le 9 janvier
1628, et se rendit ensuite dans sa ville métropo-
litaine. Toulouse eut ak>FS un prélat qui , re-
vêtu de l'habit sacerdotal , officiait et prêchait.
C'était une grande nouveauté. Charles de Mont-
chal revint à Paris en 1635, assister à l'assemblée
du clergé, dont il fut un des principaux ora-
teurs. Eu 1641 nous le trouvons à l'assemblée
de Mantes, dont il a écrit l'histoire. En' 1645 il
siège de nouveau dans l'assemblée de Paris, où
14» MONTCHAL — MONTCHRESTIEN
1 plaide avec énergie la cause des franchises
•cctésiastiques. Le 8 septembre 1643, il con-
,acre l'église de Sorèze. Sous son administration
'église de Toulouse prit des accroissements con-
i idérables, et s'enrichit d'un grand, nombre de
» I nonastères et de couvents. Le zèle de Charles
k | le Montchal pour les affaires de la religion était
I iin zèle éclairé. Il entendait que l'Église fût puis-
t hante, mais il ne cherchait pas les éléments de celte
» - tnissance ailleurs que dans l'exemple des bonnes
t | no?urs , le progrès des études ecclésiastiques, et
a | es nobles triomphes de l'éloquence. Autant
Ml aimait la science, autant H détestait l'in-
I I rigue. Il fut le patron d'une foule de lettrés,
i lui lui dédièrent leurs ouvrages , entre lesquels
i i I suffit de citer Etienne Molinier, François Com»-
s I )éfis , Innocent Cironius , Casanova , Ravel , etc.
j 1 3n a de lui : Mémoires; Rotterdam, 17*8,
h vol. in-12; dans ces Mémoires se trouve le
i Tournai de l'Assemblée de Mantes. S. H.
Callia Christ., t XIII, col. SI. — Du Mêge, Hist des
'nslitut. de la ville de Toulouse, III, 126-127..
montcbal (De). Voy. Bahentin.
I montchevreuil, (Gaston-Jean-Baptiste
: { se Mornay, comte de), général français , tué à
I *eerwinde, le 29 juillet 1693. Il appartenait à
1 une des branches de l'illustre famille -Je Mornay.
j Entré d'abord dans le régiment du Roi-infonterie,
! il obtint dans ce corps un rapide avancement et
! s'éleva jusqu'au grade de lieutenant général.
j Après la bataille de Senef, Condé écrivit au roi :
I « Montchevreuil a fait des .merveilles ; il aspire
aux grandes choses. » Il mérita les éloges du
roi lui-même au siège de Valenciennes. En 1690
; il passa sous les ordres du duc de Luxembourg,
\ se signala encore à Fleurus et eut la principale
i part dans la prise de Mons. Chargé à la bataille
de Neerwinde de s'emparer du village de ce
i nom, il fit une attaque si furieuse qu'il s'y éta-
blit d'emblée; mais il fut tué un moment après.
j II était alors gouverneur d'Arras et lieutenant
général de l'Artois.
Son frère aîné, Henri, marquis de Montche-
vreuil, fut gouverneur du duc du Maine; « fort
honnête homme, dit Saint-Simon, modeste,
brave, mais des plus épais et gueux comme un
rat d'église. » Il avait épousé, en 1653, Margue-
rite Boucher d'Orsay, qui jouit d'un grand crédit
auprès de M™e de Maintenon. Cette dernière
voulut Montchevreuil pour un des trois témoins
de son mariage avec le roi ; elle lui procura le
gouvernement de Saint- Germain-en-Laye, l'at-
tacha à M. du Maine, le fit chevalier de l'ordre,
et mit M»e de Blois sous la conduite de Mme de
Montchevreuil, qui déjà avait rempli par pau-
vreté l'emploi de gouvernante des filles d'hon-
neur de la Dauphine. « Sans aucun esprit, elle
avait tellement captivé M™e de Maintenon qu'elle
ne voyait que par ses yeux; elle était la sur-
veillante de toutes les femmes de la cour. Tout,
jusqu'aux ministres, jusqu'aux filles du roi,
tremblait devant elle; on ne l'approchait que
150
difficilement. » Le marquis mourut le 2 juin 1 706,
à quatre-vingt-quatre ans , et sa femme le 26 oc-
tobre 1699, P. L.
Moi-cri, c.rimd THct. hist. - Saint-Simon, Mémoires
(edit., Ghénuel), I et M.
momchrestiex (Antoine de), poète et
économiste français, né vers 1570, à Falaise, tué
le 7 octobre 1621, au village des Tourailles,
près Dornrront. C'était un aventurier, fris d'un
apothicaire de Falaise, qui s'appelait Mauchres-
tien; il modifia son nom, dont la signification ne
lui plaisait pas, y ajouta la particule nobiliaire,
et prit ensuite le titre de seigneur de Vastevilleou
Vateville. Telle est du moins la version Au Mer-
cure français sut cet écrivain, servilement re-
produite par tous les auteurs qui ont parlé de lui.
Malherbe, en rappelant ces détails dans une lettre
à Peiresc, ne lui refuse pas quelque estime; car
il ajoute: « Il estoit homme d'esprit et de courage,
dont il avoit fait preuve en d'autres occasions qu'en
celle-ci. » Orphelin de bonne heure, Montchrestien
fut placé sous la tutelle d'un gentilhomme protes-
tant qui , au lieu de le faire instruire , le donna
corawne domestique à deux jeunes gens. 11 les
suivit au collège, et s'il profita des leçons , ce
fut en écoutant aux portes , à l'exemple de Ra-
mus et d'Amyot. Quand il fut en âge, il pour-
suivit son tuteur en règlement de compte, et
plaida si habilement qu'il obtint gain de cause et
rentra dans son patrimoine. Peu de temps après
il épousa une veuve, et prit d'une terre qu'elle
possédait le nom de Vateville. Il est probable
qu'à cette époque il vint résider à Paris, où
quelques-unes de ses pièces furent représentées.
Son caraotène turbulent le porta plus d'une fois
à braver la rigueur des ordonnances sur le duel ;
malgré sa réputation d'adresse et de témérité , il
ae fut pas toujours heureux dans ses rencontres :
criblé de blessures par un baron de Gourville,
qu'il fit condamner à 12,000 livres de dommages-
intérêts , il eut un jour le malheur de tuer son
adversaire et fut forcé, pour sauver sa tête, de
passer en Angleterre. Le roi Jacques Ier, à qui il
dédia une tragédie sur la mort de Marie- Stuart ,
s'intéressa à son sort, et lui fit obtenir des lettres
d'abolition. De retour en France, Montchrestien
se retira dans les environs de Châtillon-sur-
Loire, où il établit une fabrique d'acier, ce qui
le fit soupçonner de faux monnayage. En 1621 il
y renonça pour embrasser le parti de la révolte à
la suite du duc de Rohan. Doué d'une énergie
peu commune, il se mit à la tête des calvinistes
de l'Orléanais, et se jeta dans Sancerre ; mais
aussitôt que Condé parut sous les murs de la
ville , l'échevin, secondé par la majorité des ha-
bitants, le mit dans l'impossibilité de résister
en le retenant prisonnier jusque après la signature,
de la capitulation. De là il se rendit à l'assem-
blée de La Rochelle, où on lui donna commission'
de lever des troupes dans !-s Maine et la basse
Normandie. 11 avait déjà réuni cinq à six mille
hommes lorsque, attaqué à J'improviste par une
151
MONTCHRESTIEN — MONTE
15
vingtaine decatholiques au hameau des Tourailles,
il fut tué d'un coup de pistolet , non sans avoir
vendu chèrement sa vie. Quelques jours après,
son cadavre fut portéàDomfront, traîné sur la
claie , rompu et brûlé. Il est à regretter qu'une
existence aussi aventureuse ait empêché Mont-
chrestien de se livrer exclusivement aux lettres,
car il n'était pas dépourvu de puissance et d'o-
riginalité; l'un des derniers et des plus remar-
quables disciples de Garnier, il intéresse encore
aujourd'hui par une certaine élégance de style
qui lui est particulière. « Aussi mauvais tragique
pour le moins que Jodelle et Garnier, dit
M. Sainte-Beuve , il se distingue d'eux par plus
de douceur et de politesse; il y a du Desportes
et du Bertaut dans sa poésie. Ainsi , après avoir,
en son Escossoise, représenté Marie Stuart énu-
mérant tous les malheurs qui l'assaillirent au
berceau, il lui fait ajouter ces deux vers char-
mants :
Comme si dès ce temps la fortune inhumaine
Eût voulu m'allaiter de tristesse et de peine .
Moins connu que Hardy, il lui est en plus d'un
endroit supérieur; il met peu d'intrigue dans
ses œuvres , ne sait pas développer une situa-
tion, et tombe dans les trivialités communes à
ses contemporains ; chez lui le dialogue, parfois
vivement coupé, est trop souvent noyé dans
d'interminables récits. «
On a de Montchrestien : Les Tragédies d'An-
thoine de Montchrestien, sieur de Vasteville,
édition nouvelle, augmentée par Vautheur;
Rouen, 1627, in-8°. Ce recueil, qui parut pour la
première fois en 1600 ou 1601,àRouen, in-8°,et
réimprimé dans la même ville en 1604, in-12,
et à Niort, en t606, in-12, est dédié au prince de
Condé et renferme cinq tragédies en cinq actes
avec chœurs : Les Carthaginoises ou la Li-
berté, représentée sous le titre de Sophonisbe
en 1596, Les Lacènes, ou la Constance (1599),
David ou l'Adultère (1600), Aman, ou la Va-
nité ( 1601 ) , L' Escossoise, ou le désastre,
(1605); un poème historique, Susanne ou la
Chasteté, en quatre chants; une Bergerie,
moitié prose et moitié vers, le meilleur peut-
être de ces divers ouvrages, et qui a été tra-
duite en allemand (Dresde, 1644, in-8°); des
stances, etc.; — Traictéde l '(Economie poli-
tique, dédié au roy et à la règne mère du roy ;
Rouen, 1615, in-4°. D'après Blanqui, c'est la pre-
mière fois qu'on trouve employé le mot à' éco-
nomie politique. « Ce livre, disent MM. Hâag,
est moins un traité qu'une suite de discours un
peu diffus sur des questions d'économie sociale;
l'auteur, zélé protectionniste , réclame pour l'in-
dustrie nationale la prohibition des marchan-
dises étrangères ; il croit à la nécessité des lois
sornptuaires, mais il expose souvent de fort
bonnes idées, dans un- style toujours clair et
correct. Quelquefois, pour combattre la séche-
resse de son discours, il appelle la poésie à son
aide. » On attribue en outra à Montchrestien
une version des Psaumes de David et une IJi&
toire de Normandie, manuscrite. P. L — y.
Biblioth. du Théâtre français, 1, 302. — GoujeL, IHaliQtl,
française. — Catalogue de M. de Soleinne, I, 178. — l£ !
Mercure français, 1621. — Sainte-Beuve, Tablea;
de la Poésie française au seizième siècle.— Dict. d'Eco
nomie polit., II. — Haag frères , La France Protestant'
— Boisard, Biog. du Calvados ; Caen, 1848, in-12.
montoorgr ( Antoine Gautier de), littf
rateur français, né le 17 janvier 1701, à Lyon
mort le 24 octobre 1768, à Paris. Il occup;
la charge de maître de la chambre aux de.
niers du roi et fut membre de l'Académie d
cette ville. Sa grande fortune lui permit de cul
tiver les lettres en amateur et d'encourager le
artistes. On a de lui : L'Ile de Paphos ; Paris
1727, in-12; — Les Fêtes d'Hébé, ou les ta
lents lyriques; Paris, 1739, ïn-4°; cet opéra
ballet en trois entrées, joué le 21 mai 1739 e
repris en 1747 et en 1756, eut un grand succès
dont Rameau , l'auteur de la musique , put re
vendiquer une bonne part ; on en fit trois paro
dies; — Réflexions d'un Peintre sur l'opéra
Paris, 1741, in-12; — Art d'imprimer les ta-
bleaux en trois couleurs; Paris , 1756, in-8°
— L'Opéra de société, en un acte, joué en 1762
— Quelques lettres écrites en 1743 et 174^.1
par une jeune veuve au chevalier de Lu
zeincour; Paris, 1761, 1769, pet. in-8°; 1;;
moitié de ces lettres avait paru en 1759 dans
le Mercure. K.
Nécrologe des Hommes célèbres, 1770.
monte (Piero dal), célèbre canoniste ita-
lien , né à Venise, dans les premières années di
quinzième siècle, mort a Rome, le 12 janvier
1457. Après avoir étudié les lettres grecques el
latines sous la direction de Guarino, et s'êtr<{
fait recevoir maître es arts à Paris , il obtint c j
Padoue le grade de docteur en droit. Nomm*
en 1433 protonotalre apostolique, il fut envoyé!
en 1434, par le pape Eugène IV, au concile dt
Bâle. Peu de temps après il partit pour Rome,!
chargé de demander, au nom du concile, aux habi- ;
tants de cette ville, la mise en liberté du cardinal)
Condolmieri, neveu du pape. Arrêté en route j
par les bandes du condotieri Fortebraccio, il fut
élargi sur les instances de son ami François!
Barbaro , podestat de Vérone. Monte se rendit j
alors à Florence auprès du pape, qui, vers la fin
de l'an 1434 le nomma collecteur des redevances '
à lever dans le royaume d'Angleterre au profit
de la cour pontificale. Après un séjour de cinq
ans dans ce pays , pendant lequel il se concilia
la faveur du duc de Glocester, oncle du roi,
Monti retourna en Italie; appelé en 1442 à l'é-
vêché de Brescia, il n'en prit possession que,
deux ans après. A peine venait-il d'apaiser, avec
l'aide du frère Albert de Sarziano, les discordes \
civiles de cette ville, qu'il fut envoyé en France
comme légat du saint-srége. En 1447, à l'avé-
nement du pape Nicolas V, il alla à Rome rendre J
compte de sa missfon, et retourna ensuite à
Brescia, où il fonda plusieurs églises et quelques
153
établissements pieux. Appelé en 1451 au gou-
vernement de Pérouse , il remplit pendant trois
ans cette charge à la plus grande satisfaction de
la cour de Rome, auprès de laquelle il passa les
trois dernières années de sa vie. Lié avec les
principaux humanistes de l'Italie, notamment
avec Poggio, Monte laissa la réputation d'un
homme savant et vertueux. On a de lui : Re-
pertorium Juris utriusque; Bologne, 1465,
3 vol. in-fol.; Nuremberg, 1477, 2 vol. in-fol.;
; Padoue, 1480, 2 vol. in-fol.; — Monarchia ,
\ in qua generalium conciliorum materia , de
i patestate et prseslantia Romani Pontificis et
j Imperatoris discutitur; Rome, 1496, in-4°,
| 1537, in-16; Lyon, 1512, in-8°; reproduit dans
I let. XTII du Tractatus Tractatuum Juris etdans
[ la Collection Conciliorum du P. Labbe; — Une
} traduction latine du Miraculum Eucharistiœ
j de saint Épiphane; Rome, 1523, in-8°; — Des
Discours et des Lettres, conservés en manus-
i crit en grande partie au Vatican ; des fragments
! en ont été publiés par le cardinal Quirini dans
f ses Fr. Barbari Epistolx, t. II ; et dans ses
| Epistolx ad Benedictum III. ( Pby. Frey-
f tag, Apparatus Litterarius, t. III). O.
; Agostini, Scrittori y eneziani, t. 1. — Ughelll, Italia
r Sacra, t. IV. — Papadapoli, Gymnasium Patavinmti.
i MONTE (J.-L. DEL). Voy. JULES III.
| monte (Hersilie bel). Voy. Cortese.
montealbano (Nepos de), jurisconsulte
français du treizième siècle ; il fut connu en Italie
f sous un nom qu'il dut à sa ville natale, et on
sait aujourd'hui qu'il avait vu le jour en France,
> à Montauban, et non à Albano, près de Rome,
i comme l'avait pensé Pancirolle. Il laissa desou-
i vrages qui eurent une grande réputation et que
l'imprimerie reproduisit fréquemment au com-
fmencement du seizième siècle; son Tractatus
| de Exceptionibus Rerum, seu liber fugitivus,
I obtint, soit isolément, soit à la suite de la Prac-
| tica de Masuer, plus de dix éditions, de 1510
(à 1589, à Paris, à Cologne, à Francfort; des
extraits en furent insérés dans divers recueils
de jurisprudence. G. B\
Sa vigny, Geschichte des Rômischen Hechts im Mit-
telalter, t. V, p. 4i3-445.
MOJITEBELLO (DUC DE). Voy. LANNES.
mcntecatino ( Antonio ) , philosophe ita-
lien, né en 1536, à Ferrare, où il est mort, en
1599. De noble extraction , il fit des leçons sur
divers sujets dans sa patrie, et devint professeur
de philosophie. Il fut particulièrement considéré
du duc Alfonse II, qui le choisit pour secrétaire
et qui le députa en ambassade à la cour de France
et à celle de Rome. Selon Muratori , il paya la
famille de son bienfaiteur d'ingratitude, et fut le
principal instrument de la dévolution du duché
de Ferrare au saint-siége. On a de lui : Aristo-
telis Politicorum Lib. III; Ferrare, 1587-1597,
3 vol. in-fol. : cette version latine est accompa-
gnée d'un commentaire , dont Naudé ne parait
pas faire grand cas, et le t. II, qui parut en 1594,
contient en- outre la République et les Lois de
MONTE — M01NTECUCC0L1 154
Platon ainsi que des fragments ; — In octavum
librum Physicœ Aristolelis Comment arius ;
Ferrare, 1591, in-fol.; — In primam partent
lib. III Aristotelis de Anima. Francesco Patrizi
a dédié à Montecatino un des volumes de ses
Discussiones peripatelicx, et il a laissé un ma-
gnifique éloge des vertus de ce ministre philo-
sophe. P.
Bayle, Dict. Critique. —Naudé, Bibliogr. Polit., Vt.
— A g. Superbi, Apparato degli Uomini itlustri di l'er-
rara. —Muratori, Antich.Ua Estensi , f partie, c. 14,
— Tiraboscbi, Storia délia Letter, liai., VII, i" partie.
MONTECROCE (Ricoldo de), dominicain de
Florence, fut chargé par le pape Boniface VIII,
en 1296, avec plusieurs de ses confrères, d'aller
évangéliser les Bulgares, les Russes, les Géor-
giens, les Tatars, etc., et a écrit, sous le titre
d' Itinerarium peregrinationis , le journal de
cette importante mission. Son œuvre n'est pas
parvenue en original jusqu'à nous, mais plu-
sieurs bibliothèques en possèdent une traduction
française, compilée en 1351 par Jehan Lelong,
mort en 1387, abbé de Saint-Bertin , à Saint-
Omer. Celle qui est conservée à la Bibliothèque
impériale (1) a été imprimée dans L'Hystoire
merveilleuse plaisante et récréative dugrand
empereur de Tartarie, seigneur des Tartares,
nomméle grand Can, etc.; Paris, 1529, in-fol.
Murray, dans ses Discoveries and Travels in
Asia, I, 197, et M. de Remusat dans ses Nou-
veaux Mélanges asiatiques, II, 199, ont donné
quelques fragments de l'ouvrage du zélé dis-
ciple de saint Dominique. Pce A. G.
Echard et Quétif , Scriptores ordinis Prœdicatorum,
I,, S04. — Adelung, Die Heisenden in Uussland bis 1700.
— Senner, Calai. Cod. mss. Biblioth. Bernensis, 11,
460. — Catalogus librorum manusc. Bib. Cottonianse,
par Thomas Smith ; Oxford, 1696, p. 74,
montecuccoli (2) (Sébastien, comte de),
gentilhomme italien, né à Ferrare, vers la fin du
quinzième siècle, exécuté à Lyon, le 7 octobre
1536. Après avoir occupé un emploi à la cour
de Charles Quint, il accompagna en France Ca-
therine de Médicis et devint échanson du dau-
phin François. Au milieu de l'été 1536 ce jeune
prince, après avoir joué longtemps à la paume,
demanda à se rafraîchir; Montecuccoli lui pré-
senta, de l'eau dans un potet de terre rouge. Le
dauphin en but immodérément; quelques heures
après, une pleurésie se déclara chez lui et l'enleva
au bout de quatre jours. Les regrets universels
provoqués par la mort de ce prince , qui don-
nait tant d'espérance , attirèrent le ressentiment
public sur celui qui était la cause involontaire de
(1) Ce manuscrit (n° 7S00 C.J, porte ce titre naïf : « Cy
commence le livre de peregrinacion de l'itinéraire et du
vojage que fist ungbon preu d'omme des frères prêcheurs
qui ot nom frère Riculd qui par le commendement da
sait père ala oultre mer pour prechier aux mescreans
la foy de Dieu et sont en ce tralctie par ordonnance con-
tenuz les royaumes pays et provinces les manières di-
verses des gens, les loys, les sectes, les créances, etc.
Et fut ce livre translaté du latin en françois en l'an de
grâce mil CCCLI, fait et compilé par frère Jehan Lelong
d'Ypre moine de l'eveschée de Taroenne.»
(2) Et non Montecucculi, comme on l'écrit souvent.
155
ce malheur. Montecuccoli, soupçonné d'empoison-
nement, fut arrêté, et traduit devant une com-
mission. Une circonstance particulière le perdit;
on trouva chez lui de l'arsenic et du mercure ,
dont il se servait pour des expériences chimi-
ques, et un traité de YUsance des Poisons.
Mis à la torture , il déclara qu'il avait donné du
poison au dauphin , à l'instigation d'Antoine de
Lève et de Ferdinand de Gonzague , deux géné-
raux de l'empereur, lequel aussi l'aurait encou-
ragé à ce crime. Sur ces dires, arrachés par la
douleur, mais complètement controuvés, il fut
condamné à être traîné sur la claie et ensuite
écartelé. L'exécution eut lieu à Lyon ; le peuple
s'acharna sur les lambeaux du cadavre, et les
jeta dans le Rhône. O.
Robertson, Hist. de Charles Quint. — Rœderer,
Louis XII et François 1er.
aiONTECcccoi.1 (Ernest, comte de), géné-
ral italien , né à Modène, mort en 1633. Entré de
bonne heure au service de l'Autriche, il arriva en
peu d'années au grade de général-feld-zeugmeis-
ter. Après avoir, en 1629, pris part à la cam-
pagne contre le prince d'Orange, il fut rappelé en
Allemagne , où il eut à combattre les Suédois ;
blessé devant Brisach , il tomba dans les mains
des ennemis, et mourut quelques jours après. O.
Ludolph, Schaubùhne.
montecuccoli {Raimond, comte de), cé-
lèbre capitaine italien , cousin du précédent , né
à Modène, en 1608, mort à Linz, le 16 octobre
1681. Après avoir terminé ses études chez les
jésuites, il vint en Allemagne, et entra comme
simple volontaire dans un régiment de dragons.
Les instructions de son cousin Ernest dévelop-
pèrent ses talents pour le métier militaire ; ils
furent bientôt remarqués et lui valurent un
avancement rapide. Chargé en 1637 de déblo-
quer Namslau en Silésie, il s'avança avec deux
mille chevaux seulement contre les huit mille
Suédois, qui assiégeaient cette ville; par des
manœuvres habiles, il parvint à les surprendre,
et il les chargea avec tant d'impétuosité, qu'il les
mit en déroute après leur avoir pris leur artillerie
et leurs bagages. Mais en 1639 il fut battu à
Brandeis par Baner et fait prisonnier. Conduit à
Stettin, il y fut retenu pendant deux années, qu'il
consacra à l'étude des mathématiques, des
sciences naturelles et surtout des théories de
l'art de la guerre. Après avoir été échangé contre
!e général Schlange, il fut en 1-646 commis en
compagnie de Jean de Werfh pour arrêter les
jrogrès du général suédois Wittemberg en
i ohême, et il parvint à lui faire évacuer ce pays,
lien que le résultat des deux années suivantes
lût malheureux pour les armes impériales,
Montecuccoli n'en attacha pas moins son nom
à plusieurs actions glorieuses, qui le rirent ap-
peler, en 1648, à remplacer le feld-maréehal
Holzapfel, tué sur le champ de bataille. Après la
paix de Westphalie il visita la Suède, où il reçut
de la reine Christine l'accueil le plus flatteur. Il
MONTECUCCOLI 156
se rendit ensuite en Italie pour assister aux fêtes
données à l'occasion du mariage du duc de Mo-
dène; dans un tournoi, s'étant mis ajouter avec
son ami le comte Malezani , il eut le malheui
de le tuer d'un coup de lance dans la poitrine.
En 1657 il fut, avec Hasfeld, chargé de com-
mander les seize mille hommes envoyés en
Pologne pour y rétablir l'autorité du roi Jean-
Casimir, que le roi de Suède Charles X et Ra-
gotzky, prince de Transylvanie, venaient de
chasser de sa capitale. Jean-Casimir fut ramené
à Cracoyie; l'occupation de cette ville avait été
promise à l'Autriche; mais les Polonais se
croyant à l'abri du danger par la retraite de l'en-
nemi,ne tinrent aucun compte de leur engagement.
Aussi Montecuccoli reçut-il l'ordre de refuser de
coopérer au siège de Thorn, et il alla prendre ses
quartiers d'hiver. En 1658, il marcha avecl'éleo*
teur de Brandebourg au secours du roi de Dane-
mark, accablé par les..Suédois, et il aida à les chas-
ser du Holstein et du Jutland. L'année d'après,
les alliés ayant échoué dans leur tentative contre
l'île de Fionie, une puissante diversion fut, sur ses
conseils, entreprise dans la Poméranie ; il y prit
part et s'empara de Demmin et de Greifswald.
Rappelé peu de temps après en Autriche pai
suite de la pacification du Nord, Montecuc-
coli fut en 1661 envoyé en Transylvanie, pour
y soutenir contre les Turcs le prince Kémény,
récemment élu par les états de ce pays. Parti
de l'île de Schutt avec ' seize mille hommes, il
parvint à se réunir à Kémény dans le comté de
Zatmar. Il força les passages, et chassa les^
Turcs de la Transylvanie. Toutefois, ne pouvant
se maintenir dans un pays épuisé, il jeta une
garnison dans Klausenbourg , laissa mille che-
vaux à Kémény, et se retira à Cassovie. La mort
de Kémény et les troubles de Hongrie l'em-
pêchèrent de reprendre l'offensive l'année sui-
vante. Ne disposant que d'un petit corps de
troupes, il eut à déployer toutes les ressources
de son génie pour arrêter quelque peu le flot en-
vahisseur des hordes innombrables amenées par
le grand-vizir Ahmed Koprili ; encore ses opéra-
tions étaient-elles souvent contrariées par les
ordres du cabinet de Vienne, qui se laissait
jouer par des propositions d'accommodement.
A la fin de l'an 1663 il se vit forcé de se replier
devant l'armée ennemie, forte de cent mille
hommes et de se retrancher dans l'île de Schutt.
Au commencement de l'année suivante,Montecuc-
coli alla avec le comte de Zriny faire le siège
de Canise; mais la dissension qui éclata entre
les deux généraux, le premier, circonspect et
méthodique, le second, audacieux et entrepre-
nant, empêcha la réussite de cette entreprise,
de même qu'elle fut cause de îa chute de la for-
teresse de Zrinevar; Montecuccoli ne voulut ja-
mais aller au secours de cette place, qui avait
été construite par Zriny. Le vizir s'apprêtait à en-
vahir la Styrie, lorque l'armée impériale fut ren-
forcée par le contingent de la diète et six mille
157 MONTECUCCOLI
Français, ce qui la porta à soixante mille hommes.
Montecuccoli la mena au-devant de l'ennemi et
occupa Saint-Gothard, forte position derrière la
Raab. Le 1er août 1664 les musulmans tentèrent de
forcer le passage; pendant un moment les Impé-
riaux furent jetés dans un si grand désordre que
des fuyards annoncèrent à Gratz la perte de la
bataille. Le courage et l'habileté de Montecuc-
coli tirent changer la fortune; il envoya sa ca-
valerie contre les spahis , et conduisit contre les
lanissaires l'élite de son infanterie. Les spahis
furent repoussés et les rangs des janissaires
rompus par le choc des troupes allemandes et
nr la valeur héroïque des Français ; les Turcs,
nis en déroute, perdirent seize mille des leurs.
Les complications poliliques empêchèrent l'em-
)ereur Léopold de tirer avantageusement parti
Je cette éclatante victoire ; mais il n'en ré-
;ompensa pas moins brillamment Montecuccoli ,
;t le nomma général-Keutenant. En 1666 , il le
îhargea de le représenter au cérémonial de son
nariage avec l'infante Marguerite ; à cette occa-
iion Montecuccoli eut un grave démêlé d'éti-
juette avec le ministre espagnol , qui accompa-
çnajt cette princesse, ce qui n'empêcha pas le
oi d'Espagne de lui conférer l'ordre de la Toi-
son d'or, et de lui faire plus tard présent de la
ïche principauté d'Amalfi. Une autre marque
l'honneur échut encore à Montecuccoli ; il con-
luisit en 1670 à Varsovie, Éléonore, sœur de
'empereur et fiancée au roi de Pologne, Michel.
En 1672, il fut envoyé avec seize millehonmaes
oindre à Halberstadt les troupes de l'électeur
le Brandebourg , qui devaient arrêter l'attaque
mprévue de Louis XIV contre la Hollande:;
nais gêné constamment dans ses opérations et
éduit presque à l'inaction par les intrigues du
ninistre Lobkowitz , partisan de la France , il
îe gagna aucun avantage sur les Français, du
louble inférieurs en nombre aux troupes alliées.
Su moment où, se trouvant à l'entrée des Ar-
iennes, Montecuccoli allait joindre l'armée du
Drince d'Orange, il recula devant Turenne,
nalgré les supplications de l'électeur; ses ins-
juctions lui enjoignaient formellement de ne
3as livrer bataille. Battant toujours en retraite ,
1 alla gagner la Franconie. Mais en l'automne
1673 à la suite du traité d'alliance entre l'empe-
reur, le roi d'Espagne et les États- généraux, il
lut mis à même de prendre l'offensive. Il arriva
ivec quarante mille hommes sur le Mein,. dont
rurenne s'efforça de lui interdire le passage;
rnai&l'évêque de Wurtzbourg lui ayant livré le
pont de sa ville, il put atteindre le Rhin, qu'il
passa le 20 octobre près de Mayence. Il fit sem-
blant de vouloir envahir l'Alsace ; Turenne ac-
courut pour défendre cette province. Montecuc-
coli alors embarqua son infanterie sur le Rhin,
et fit avancer à marches forcées sa cavalerie sur
Andernach , où, par la célérité de ses mouve-
ments, il parvint à joindre le prince d'Orange
le 2 novembre. Dix jours après il s'empara de
158
Bonn, ce qui lui assurait la libre communica-
tion avec les Pays-Bas, et mettait à sa merci les
États de Cologne et de Munster, dont les souve-
rains étaient amis de la France. L'année suivante,
des arrangements de cour ayant mis le comman-
dement supérieur des troupes alliées aux mains de
l'électeur de Brandebourg, Montecuccoli se re-
tira du théâtre de la guerre; son absence fut
signalée par les plus beaux triomphes de Tu-
renne. Aussi, dès le commencement de 1675,
fut-il replacé à la tête de l'armée des coalisés,
comme étant seul capable d'être opposé au hé-
ros français. Au printemps ils se trouvèrent en
face l'un de l'autre sur le Rhin , Montecuccoli
avec vingt-cinq mille hommes , Turenne avec
vingt mille. « Tous deux, dit Voltaire, avaient
réduit la guerre en art. Ils passèrent quatre
mois à se suivre, à s'observer, dans des marches
et des campements, plus estimés que des vic-
toires par les officiers allemands et français. L'un
et l'autre jugeaient de ce que sou adversaire al-
lait tenter par les démarches que lui-même eût
voulu faire à sa place, et ils ue se trompèrent
jamais. Ils opposaient l'un à l'autre la patience,
la ruse et l'activité. » Montecuccoli commença
par simuler une attaque contre Philipsbourg pour
attirer l'ennemi du côté du Palatinat, et pouvoir
alors revenir rapidement sur Strasbourg et sur-
prendre cette ville. Mais Turenne, devinant ce
projet, passa au même moment le Rhin et
transporta ainsi la guerre en Souabe. Montecuc-
coli se hâta d'arriver à Offenbourg, pour ar-
îêter la marche des Français. 11 y arriva le
13 juin. « Désormais, dit M. Henri Martin, les
deux grands capitaines ne se quittèrent plus de
l'œil , pour ainsi dire. Pareils à deux vaillants
lutteurs qui combattent pied contre pied , sans
pouvoir s'ébranler l'un l'autre, Turenne et Mon-
tecuccoli manœuvrèrent, durant six semaines,
dans l'étroit espace de quelques lieues carrées,
sans parvenir à se faire quitter la place. Ces
belles opérations seront un éternel objet d'é-
tude pour les hommes de guerre. Montecuccoli
était un peu supérieur en force numérique et
surtout en artillerie. Turenne compensait cette
infériorité par l'avantage que lui donnaient sa
vigueur et son activité physique sur un rival
usé par les infirmités et obligé de s'en remettre
souvent à l'œil et au jugement d'autrui » (1).
Appréciant comme il convenait la fougue belli-
queuse des Français , l'expérience et le génie de
leur général , Montecuccoli déploya toutes les
ressources de la tactique pour éviter un enga-
gement lant que le succès en aurait pu être dou-
teux. Cependant le 27 juillet Turenne, arrivé à
Sassbach, annonça que l'occasion favorable de
forcer l'ennemi à livrer bataille était arrivée.
Les mouvements de Montecuccoli prouvaient en
effet qu'il redoutait l'issue du combat; mais au
(1) Voyez sur les opérations de ces deux capitaines,
Feuquières, mémoires militaires; et Napoléon, Mémo-
rial, t. V, p. 155-181.
159 MONTECUCCOLI
moment où l'action allait s'engager, Turenne fut
tué. A cette nouvelle son rival ne put réprimer
sa joie ; mais quelques instants après, il dit avec
gravité et tristesse : « Il est mort un homme
qui faisait honneur à l'homme. » La retraite des
Français commença ; Montecuccoli les suivit à la
piste, et tomba sur leur arrière-garde au pont
d'Altenheim ; ils ne furent sauvés que par une
charge désespérée du comte de Lorges. Les Im-
périaux pénétrèrent ensuite dans la basse Al-
sace et assiégèrent Haguenau. Condé fut à la
hâte envoyé au secours de cette place. Monte-
cuccoli leva le siège, et s'avança au-devant des
Français. Général prudent et circonspect , qui
se faisait gloire d'avoir pris pour modèle Fa-
bius Cunctator, il cherchait avec ardeur la ba-
taille ; Condé, le héros impétueux et bouillant,
la refusa et resta pendant le reste de la saison
dans sa position de Chatenoi. Empêché ainsi
d'envahir la haute Alsace, Montecuccoli repassa
le Rhin , après avoir préparé pour l'année sui-
vante le siège de Philipsbourg. Mais gravement
atteint de la goutte, et ne voulant pas compro-
mettre la gloire incomparable qu'il venait d'ac-
quérir en n'ayant pas pu être vaincu par les
deux plus grands capitaines de son siècle , il ré-
signa son commandement, et alla vivre à la cour
de Vienne. L'étude et la fréquentation des sa-
vants, qui avaient toujours rempli ses loisirs,
restèrent le délassement de sa vieillesse.
Membre du Collegium Naturse Curiosorum, il
fit tous ses efforts pour faire fleurir cette acadé-
mie , et il y lisait souvent des mémoires scien-
tifiques. Il mourut des suites d'une blessure
occasionnée par la chute d'une solive. Il a laissé
des Mémoires sur la guerre, publiés dans l'o-
riginal italien à Cologne, 1708, in-8°; traduit en
latin, Vienne, 1718, in-fol. ; et en français, par
Jacques Adam, Paris, 1712, 2 vol. in-12; et
souvent depuis; ces Mémoires , sur lesquels
Turpin de Crissé a publié un commentaire
étendu (Paris, 1769,3 vol. in-4°),comprennent
trois parties : 1° L'Art militaire en général;
recueil d'excellentes observations; reproduit
dans la Bibliothèque Militaire de Liskenne,
t. IV; 2° La Guerre contre les Turcs; 3° Re-
lation, de la campagne de 1664. Les Œuvres
complètes de Montecuccoli , comprenant entre
autres un Traité de l'Art de régner, des Poé-
sies, etc., ont été publiées avec des notes par
Ugo Foscolo-, Milan, 1807-1808, 2 vol. in-fol.;
édition tirée àun très-petit nombre d'exem-
plaires; depuis elles ont paru, corrigées, aug-
mentées et éclaircies par J. Grassi ; Turin, 1821,
2 vol. in-8° et in-4°. O.
Wagner, Vita teopoldi imperatoris. — Paradis!, Élo-
<jio del conte Montecucculi ( Modène, 1776, in-8°). —
Pezz!', I.ebensbeschreibting Monlecucculis (Vienne,
1792, in-8° ). — fi. Monlecucculis Letren (Leipzig, 179î,
et 1808, ln-80). — Tiraboschi , Bibliothecu JJodenensis,
t. III.
montefeltro, ancienne famille italienne
descendant des comtes de Carpegna et souche
— MONTEFELTRO
16
de la première maison des ducs d'Urbin. Mon
te/eltrino 1er, célèbre capitaine delà fin du doc
zième siècle, est le premier membre de cet!
famille qui se soit fait un nom dans l'histoiri
Bonconte, son fils , se mit en 1228 sous la pr<
tection de la république de Rimini, qui le soutii
contre les habitants d'Urbin, ville dont il ava
la prévôté et qui s'était révoltée contre lui. Pai
tisan ardent des gibelins, il fut en 1247 excon
munie par le pape Innocent IV; ses descendan
héritèrent de sa haine contre les guelfes , dont i
devinrent les principaux adversaires dans II
Romagnes et dans la Marche.
Ugolini, Storia dei Contie Duchi d'Vrbino; Florene
1889, 2 vol. in-8°.
Guido, comte de Montefeltro, mort en sej
tembre 1298, son petit-fils, se signala de boni
heure par sa bravoure et ses talents militaire:
grâce à lui le parti gibelin de la Romagne o
succomba pas entièrement sous les coups (
ses ennemis aidés par Charles d'Anjou. En 127;
il fut appelé à commander les habitants de Foi
révoltés contre les Rolonais, qui les opprimaien
il défit complètement l'armée des Rolonais, et
s'avança du côté de leur ville jusqu'à Caste
San-Pietro. Il serait entré dans Bologne si liij
Lambertazzi , chefs des gibelins de cette vill<
ne s'étaient unis contre lui aux Geremei, q
étaient à la tête des guelfes. Peu de temps aprè
les Lambertazzi furent expulsés de Bologne, avi ;
douze mille de leurs adhérents ; les gibelins a '
coururent de toutes parts pour les venger et m
rent à leur tête le comte de Montefeltro. I
13 juin 1275 ce dernier attaqua au pont de Sa j
Procolo les guelfes , très-supérieurs en nomb ,
à ses soldats ; il les mit en déroute , après lei i
avoir tué plus de six mille hommes, et fait quat
mille prisonniers. L'année suivante il s'empa .
de Bagna-Cavallo , et battit de nouveau l'armi
des Bolonais. Ceux-ci demandèrent des secou \
au roi Charles de Naples , qui leur envoya que
ques compagnies de gendarmes; mais Guk:
continua à leur faire subir de nouveaux échec; ;
en novembre 1277, il mit en déroute les Flj
rentins, qui venaient au secours de Bologn
Les habitants de cette ville acceptèrent avi
plaisir la médiation du pape Nicolas III, qui < j
1279 rétablit la paix entre les partis ennemi |
Les Lambertazzi rentrèrent à Bologne ; mais i
en furent chassés de nouveau quelques ma
après. La lutte recommença et devint acharm
à l'avènement du pape Martin IV, lout dévoué I
la politique du roi Charles. Les gibelins de
Romagne se remirent sous le commandemei
de Guido, qui après plusieurs succès remporti
sur Jean da Eppa, le général de l'armée guelfi
alla s'enfermer dans Forli Le comte da Epi
vint l'y assiéger ; mais Guido fit une sortie ■
détruisit l'armée ennemie le 1er mai 1282. C»j
pendant' Forli ne put résister aux nonvellf
troupes envoyées par lé pape et le roi Charles
Guido se retira à Meldola , où il soutint un très
161
MONTEFELTRO
162
long siège. I) ne se rendit que sous le pape Ho-
fnorélV; ses villes furent placées sous l'autorité
f pontificale ; lui-même fut relégué à Asti, en
I Piémont. Il y resta jusqu'en 1290, année où il
? fut appelé par les Pisans , alors accablés par la
! ligue toscane, à prendre le commandement de
' leurs troupes. Il releva promptement leur for-
tune et récupéra presque tous les châteaux du
! territoire de Pise. Nommé alors pour trois ans
! à la seigneurie de cette ville , il forma un corps
f de trois mille arbalétriers , qui , soigneusement
f exercés sous sa direction , se signalèrent bientôt
'par de brillants exploits. Par sa bravoure, par
| la rapidité de ses manœuvres et par son art «l'en-
tretenir des intelligences chez les ennemis, il
obtint. en 1293, pour les Pisans, une paix qui
& leur rendait leurs anciennes frontières. En cette
I année il s'empara de nouveau de la ville d'Urbin,
| et se joignit aux autres seigneurs gibelins , qui
| pendant la longue vacance du saint siège essayè-
rent de secouer l'autorité pontificale. Cependant,
jà l'avènement de Boniface VIII, il fit la paix
' avec l'Église et fut relevé de l'interdit qui pesait
i sur lui depuis qu'il avait quitté son lieu d'exil ;
i e.pape, qui estimait ses talents militaires, lui
■ -estitua plusieurs de ses possessions , qui avaient
f5té confisquées. E.n novembre 1296 Guido, qui
| ians le courant de l'année, avait combattu, mais
l;ans succès, Malatesta da Verruchio , son rival
pour la domination dans le nord de la Romagne,
: f jrit à Ancône l'habit des Franciscains. Trois ans
'•fiprès, i! fut mandé auprès du pape, alors occupé
[ ■' lu siégé de Palestrina, et il fut consulté sur la ma-
nière dé S'emparer d'une place aussi forte ; il ré-
; ' )ondit qu'il n'en connaissait pas d'autre, « que de
> bromettre beaucoup et de peu tenir ». Il mourut
^tfiprès avoir passé encore deux ans dans son cou-
rent. O.
Sf Matthsus de Griffonlbus, Memoriale kistoricum. —
Kttarth. délia Pugliola, Chronica ai Bologna. — Fr. Pi-
I pinus, Chronicon. — Annales Forolivienses. — Ghirar-
.ilani, Storia di Bologna. — Chronica di Pisa anonyma.
y.- Falso Marangonl, Chronica di Pisa. — G. Villani,
M'toria di Firenze. — Raynaidi, Annales, t. XfV.
4f Federigo Ier, comte de Montefeltro, fils
lia précédent, tué le 26 avril 1322. Soutenu par
■[ | on cousin Galeazzo de Montefeltro, qui se si-
gnala par ses conquêtes de Pesaro, Ri mini et
i trano, il consolida la domination de sa maison.
i (tomme son père, il se fit remarquer par sa haine
i fies guelfes ; il se ligua contre eux avec Uguione
» 'ella Faggiuola et avec les Malateste. En 1302
* | envahit le territoire de Césène, et le dévasta.
* j.e pape Clément V s'étant montré d'abord fa-
if I orable aux gibelins , Federigo , nommé par ce
b f'ontife, capitan du saint-siége, défendit les villes
i i 'Osimo et de Jesi contre les habitants d'Ancône,
i*5 pu'il mit en déroute en l'été de 1309, après leur
i, ivoir tué cinq mille hommes. Le pape s'étant
il approché des guelfes à l'arrivée de l'empereur
Henri VII, Federigo devint son adversaire et
i • ngmenta aux dépens du saint-siége ses posses-
[i ions dans la marche d'Ancône. En 1318 il s'em-
NO'JV. BIOCR. GÊNER. — T. XXXVI.
1 para de Gubbio; dans les années suivantes il fut
appelé à la seigneurie de Recanati, Osimo,
Spolète, Fano et Assisi, villes qui s'étaient ré-
voltées contre l'autorité pontificale; ses États
étaient alors plus étendus que ne le furent ja-
mais ceux de ses successeurs. Mais en 1322,
ayant ordonné de nouveaux impôts à Urbin, il
excita une révolte des habitants, qui le mas-
sacrèrent ainsi qu'un de ses fils ; Nolfo, un autre
de ses fils , fut épargné , mais gardé en prison;
Guido et Galeazzo, les deux plus jeunes enfants
de Federigo, furent arrêtés par les habitants de
Gubbio. A ces nouvelles Recanati, Fano et Osimo
reconnurent de nouveau le pouvoir du pape;
mais quelques mois après, les gibelins redevin-
rent les maîtres dans les deux dernières de ces
villes, et ils appelèrent à les gouverner un cousin
de Federigo, Speranza de Montefeltro, qui s'é-
tait réfugié à Saint-Marin , après le désastre qui
avait frappé sa famille. O.
Annales Cœsenates. — villani, Storia di Firenze,
liv. IX. — Raynaidi, Annales, t. XV.
Nolfo, comte de Montefeltro , fils du précé-
dent, mort vers 1360. Jeté en prison lors de l'as-
sassinat de son père par les Ur bina tes, il fut
délivré par eux et proclamé seigneur delà ville
en 1323, époque où ils se soulevèrent contre
les autorités papales , qui leur avaient imposé
de nouvelles taxes. Ses deux frères furent re-
lâchés en même temps ; ce fat avec eux et avec
son cousin Speranza qu'il recouvra les posses-
sions de sa famille , qu'ils gouvernèrent en com-
mun pendant plusieurs années. Mais en 1335
Nolfo , averti que, sur les conseils de Pietro de'
Tarlati , Speranza songeait à dépouiller ses cou-
sins de la seigneurie d'Urbin, le chassa de cette
ville, et lui enleva toute part aux biens de sa
maison. Dans les années suivantes, lui et ses
frères , unis aux Pérugins et à Neri délia Fag-
giuola, soutinrent une lutte sanglante contre Tar-
lati ; elle se termina heureusement pour eux, et
leur valut un agrandissement de territoire.
Comme les autres seigneurs de la Romagne et
de la Marche, ils commandaient eux-mêmes leurs
armées, composées de gentilshommes et de
paysans indigènes, et non de mercenaires étran-
gers; quand ils ne faisaient pas la guerre pour
leur propre compte , ils s'engageaient au service
de quelque république, plutôt que de rester en
repos; aussi les habitants de ces provinces
étaient presque les seuls Italiens qui fussent
encore belliqueux. En 1341 Nolfo, le chef de
la famille, commanda les Pisans dans leur guerre
contre les Florentins, tandis que son frère Guido
était à la tête de la cavalerie florentine ; dix ans
après, il conduisit les troupes de Jean Visconti
contre les Florentins. Cependant, malgré son ex-
périence militaire, il ne put préserver ses posses-
sions des dévastations de la Grande Compagnie.
Attaqué peu de temps après par le cardinal Al-
bornoz, il perdit une grande partie de ses États.
Après sa mort son fils Federigo II se vit enlever
6
163
par le cardinal les villes et les châteaux forts
qui lui restaient encore. O.
Villani , Storia di Firenze. — annales Cœsenates. —
Raynaldi, finales.
Antonio, comte de Montefeltro, fils de
Federigo II, mourut le 19 mai 1404. Il reçut du
cardinal Albornoz le vicariat pontifical d'Urbin ,
ses frères Nolfo et Galeazzo celui de Cagli. En
1375 , lors de la révolte générale qui eut lieu
dans les États de l'Église , il recouvra la pleine
souveraineté d'Urbin , et reconquit ensuite, en
peu de temps, les anciennes possessions des Mon-
tefeltri; il s'y maintint malgré tous les efforts
du pape Urbain VI ; il acquit encore Mozzano,
et reçut la seigneurie de Gubbio de la main des
habitants de cette ville , révoltés contre les Ga-
brielli. Une guerre s'engagea à ce propos entre
ces derniers et le comte de Montefeltro, qui fut
secouru par les Ordelaffi, tandis que ses en-
nemis eurent pour alliés les Malatestc. En 1394
la lutte se termina par la médiation du cardinal
Maramoro; Antonio garda Gubbio, mais paya
aux Gabrielli une somme d'argent ; son fils Guid',
Antonio épousa une sœur des Malateste. Antonio
mourut dix ans après, regretté de ses sujets,
qu'il avait gouvernés avec sagesse. 0.
Guernieri Bernio , Istoria d'AgObbio.
Guid' Antonio, duc de Montefeltro, fils
du précédent, mort le 21 février 1443. En 1408
il acquit par achat la ville d'Assise. Nommé en
1419, par le pape Martin V, recteur du pays de
Spolète et décoré du titre de duc, il se ligua en
cette même année avec ce pape contre le célèbre
condottiere Braccio de Montone, qui lui avait
enlevé la ville d'Assise; il la reprit, mais la
perdit de nouveau , grâce à l'aide que les Ga-
brielli donnèrent à Braccio. En 1430 il reçut de
Martin V, dont il avait, en secondes noces, épousé
la .nièce Catana Colonna, plusieurs châteaux de
l'héritage de Carlo Malatesta. En la même année
il commanda les troupes florentines au siège
de Lucques ; attaqué à l'improviste par Piccinino,
il perdit presque toute son armée. O.
Campano, Fita Bracchii. — Neri di Capponi, Corn-
mentar-ia. — Poggio Bracciolini, Historia Florentina-
Odd' Antonio, comte de Montefeltro, fils
du précédent, né- en 1424, assassiné le 22 juil-
let 1444. Adonné dès le vivant de son père à
la vie la plus licencieuse, il fit enlever, dès qu'il
fut devenu, souverain-, plusieurs femmes à leurs
maris; ceux d'entre ces derniers qui essayèrent
de résister furent mis à mort. Une conspiration
se forma bientôt, pour mettre fin à cette tyran-
nie'; après dix-sept mois de règne, Odd' Antonio
fut poignardé dans son palais. O.
Gaernieri Bernio, Istoria d'Agobbio. — Annales Foro-
linienses.
Federigo III, comte de Montefeltro et
premier ducd'uRBiN, né vers 1410, mortlelOsep-
tembre 1482. Fils naturel de Guid' Antonio
et d'une sœur du célèbre condottiere Bernardini
degli Ubaldini, il fut, dans sa jeunesse, envoyé
à Mantoue pour y être à l'abri de la peste; il y
MONTEFELTRO 164
reçut les leçons du fameux grammairien Yictorin ;
de Feltre, et il en profita si bien qu'il fut bientôt
un des princes les plus instruits de son temps.
Il vécut pendant quelques années auprès de Ga-
leazzo Malatesta , dont il devint le conseiller le
plus intime. Il ne se distinguait pas seulement
par son savoir et son éloquence, mais encore
par sa loyauté , sa franchise , sa délicatesse sur
le point d'honneur, qualités alors si rares en
Italie. D'une taille imposante, d'une figure pleine
de noblesse , il captivait les cœurs par son ex-
trême affabilité. Aussi les peuples d'Urbin s'em-
pressèrent-ils, après la mort de son frère Odd'
Antonio, de l'appeler, malgré le vice de sa nais-
sance, à les gouverner. Il s'occupa avec zèle de
la prospérité de ses sujets , orna sa capitale des
plus beaux monuments d'architecture, attira à :
sa cour des savants, des littérateurs et des ar-
tistes, se faisant leur protecteur et leur ami. j
Sentant que dans une époque de violence et de
désordre , il lui était nécessaire de connaître à
fond l'art de la guerre , il s'attacha à François
Sforce, pour apprendre, sous ce grand ca-
pitaine, le métier des armes. Dès le mois d'août ;
1444, il entra à son service avec quatre cents
lanCes et quatre cents fantassins, et reçut de lui
bientôt après, en présent, la ville de Fossombrone
que, par l'entremise de Federigo, Galeazzo Ma-
latesta avait cédée à Sforce ainsi que Pesaro. i
Sigismond Malatesta , cousin de Galeazzo, avait
espéré hériter de ces villes , et conçut une vio-
lente jalousie contre le comte de Montefeltro et i
contre Sforce ; en 1445 il se joignit aux nom-
breux ennemis qui attaquèrent ce dernier. Sforce
fat soutenu par Federigo, qui seul, de tous les
alliés du célèbre condottiere, ne l'abandonna pas
dans le malheur, même lorsque la guerre eut été
transportée dans ses États; avec l'aide du comte |
de Montefeltro, Sforce triompha à la fin de tous I
ses adversaires, et devint duc de Milan; aussi,
quelques années plus tard, donna-t-il au comte
sa fille en mariage.
Après avoir, en septembre 1447, repris Fossom-
brone , dont Sigismond Malatesta s'était emparé
deux jours auparavant, Federigo fut engagé au
service des Florentins, pour défendre leur terri-
toire contre le roi de Naples. Besté ensuite en
paix pendant plusieurs années, il se vit forcé de
reprendre les armes pour mettre fin aux vexations
et aux violences que commettait sans cesse Si-
gismond Malatesta sur les vassaux d'Urbin. Ce-
pendant , se considérant comme lié par la paix
de Lodi, faite pour rétablir la tranquillité dans
toute l'Italie, il commença par exposer aux di-
vers États, qui l'avaient garantie, la justice de ses
griefs ; il se ligua ensuite avec Alfonse,roi d'Aragon
et de Naples, qui depuis longtemps se proposait de
faire la guerre à Sigismond. Au mois de no-
vembre 1455 il1 envahit, en commun avec Picci-
nino, général d' Al fonse, le territoire de Mala-
testa ; celui-ci perdit en deux ans cinquante-sept
de ses meilleurs châteaux , et ne fut préservé
tG5 MONTEFELTKO
d'une ruine complète que par l'intercession du
pape et de Sforce, qui, en 14C0, rétablirent la paix
entre lui et ses adversaires. En cette môme an-
née, Federigo, s'étant déclaré pour Ferdinand de
Naples contre Jean d'Anjou, commanda, avec
deux frères de Sforce, l'armée chargée d'arrêter
les progrès des Angevins dans les Abruzzes.
Le 27 juillet il fut attaqué par Piccinino , le gé-
néral du duc d'Anjou; après une lutte, acharnée,
qui se continua à la lueur des flambeaux et pen-
dant; laquelle les deux armées se heurtèrent sans
fléchirni reculer, Piccinino fit sonner la retraite ;
mais .les pertes de ses adversaires étaient si con-
Éérables qu'ils se retirèrent, en toute hâte, vers
la Marche. Cependant, grâce aux secours fournis
par le pape et -le duc de Milan, Federigo fut, peu
de temps après en état de tenir la campagne.
Le 13 août 1462, il surprit, près deMondoIfo,
Sigismond Malatesta, qui avait pris parti pour
le duc d'Anjou, mit l'armée ennemie en déroute,
et s'empara ensuite, dans l'espace de quelques
semaines , de presque toutes les possessions de
Sigismond; l'année d'après il le força à sous-
crire une paix qui incorporait aux États de l'É-
glise toutes les villes et forteresses des Mala-
teste, sauf Rimini et Césène. En 1467 il fut choisi
par les Florentins pour conduire l'armée qu'ils
opposèrent à celle des Vénitiens, qui, sous le com-
mandement de Coleoni , s'apprêtait à entrer en
Toscane. Le 25 juillet il assaillit les ennemis à La
Molinella ; le combat, qui dura huit heures, resta in-
décis. En 1469, il soutint Roberto (ils de Sigismond
Malatesta , auquel il avait donné en mariage une
de ses filles, contre le pape Paul II, qui voulait
dépouiller ce prince; le 29 août il défit entière-
ment l'armée pontificale; il n'usa de cette vic-
toire que pour procurer à Roberto une paix ho-
norable. En 1472 il fut chargé par les Floren-
tins de réduire la ville de Volterra , révoltée
contre eux ; vingt-cinq jours après le commence-
ment du siège les habitants capitulèrent; mais
Federigo ne put empêcher ses soldats de piller et
de saccager la ville; de tout le butin amassé,
il ne voulut prendre, qu'une magnifique Bible
hébraïque, dont il enrichit la belle bibliothèque
qu'il avait réunie dans son palais. En 1474, il
maria sa fille Jeanne à Jean de La Rovère, neveu
du pape Sixte IV, duquel il reçut, à cette occa-
sion, le titre de duc d'Urbin. Nommé en 1478
général de la ligue du pape et du roi de Naples
contre Laurent de Médicis, il ravagea pendant
plusieurs mois une grande partie du territoire de
Florence, et s'empara de plusieurs forteresses.
L'année suivante il remporta encore de plus grands
succès , qui auraient amené la chute de Laurent
sans le changement de politique du roi de Naples.
En 1482 ce prince, alliéavecle duc de Milan et la
république de Florence, pour défendre le duc de
Ferrare contre les Vénitiens , confia à Federigo
le commandement de l'armée alliée. Soit que le
duc d'Urbin fût affaibli par l'âge, soit qu'il cédât
à la supériorité de San-Severino, le général vé-
166
nftfen, il parut avoir du désavantage dans toute
la campagne , qui ne fut, du reste signalée par au-
cune action d'éclat. Il mourut quelques mois
après le commencement des hostilités. O.
J. Simnneta, Ilistnrin. — Machiavel, Storia di Firenze.
— Gnrrnlcri Bernlo, Crnnica d'Aqnbbio, — Crnnica di
Bologna. — JoTlauua l'nntanus, De UeiloNeapoUta.no. —
Commentarii PU papx 1t. - Jacobns cardlnaUs Pa-
piensis, Commentarii. — Raynaldi, annales— Xuccardlj
Fita dx. Federigo, dicca di Urbino; Rome, (18Î4, 3 vol.'
Guid' Vbaldo, comte de Montefeltro, duc
d'uRBiN, fils du précédent, né le 24 janvier 1472,
mort le 23 avril 1508. Élevé par le savant Mar-
tinengo, il montra de si étonnantes dispositions,
que l'on craignit qu'il ne vécût pas longtemps,
comme tant d'enfants qui ont l'intelligence pré-
coce (1). Placé, à la mort de son père, sous la
tutelle d'Octaviano degli Ubaldini, il ne tarda pas
à se distinguer dans les armes , quoiqu'il fût
moins belliqueux que son père et ses aïeux.
Après avoir utilement servi le pape Innocent VIII
da«s la guerre avec le roi de Naples, il fut, en
1497, chargé par le pape Alexandre VI du com-
mandement de l'armée, qui devait exécuter l'ar-
rêt de confiscation prononcée contre les Orsini.
Il était sur le point de s'emparer de Bracciano,
le chef-lieu de leur principauté , lorsqu'il apprit
l'arrivée d'une armée amenée au secours de la
Tille par les Vitelli. Ceux-ci, les meilleurs con-
dottieri de l'Italie, s'étaient approprié ce qu'il y
avait de meilleur dans la pratique militaire des
Allemands, des Français et des Suisses; aussi,
quoique inférieurs en nombre, mirent-ils en dé-
route les troupes du duc d'Urbin , qui s'était
porté à leur rencontre sur la route de Soriano;
Guid' Ubaldo fut fait prisonnier avec beaucoup
de gentilshommes. Cet échec décida le pape à
traiter; une des conditions de la paix fut que
les Orsini payeraient 70,000 florins pour frais
de guerre. Or, le pape, sachant que les Or-
sini manquaient d'argent, fit stipuler que Guid'
Ubaldo, seul de tous les prisonniers, payerait
une rançon, poTtée à 40,000 ducats. En 1498
le duc d'Urbin fut mis à la tête des troupes
envoyées en Toscane par les Vénitiens pour faire
une diversion aux entreprises des Florentins
contre Pise; il pénétra assez avant dans les
Apennins. Mais Vitelli, le général ennemi, l'em-
pêcha d'envahir les plaines de la Toscane, et
l'accula vers la fin de l'année dans la partie la
plusmontueuse et la plus stérile de ce pays. Guid'
Ubaldo , tombé malade bientôt après , obtint un
sauf-conduit pour retourner chez lui, et n'assista
pas aux derniers faits de celte guerre, terminée
bientôt après. Pendant les années suivantes il
continua l'embellissement de sa capitale, com-
mencé par son père; comme celui-ci, il attirait
des savants et desartistesàsa cour, une des plus
lettrées et des plus polies de l'Italie. En 1502,
César Borgia, faisant mine d'exécuter une sen-
tence prononcée contre César de Varono , fit
(1) Il gagna de bonne heure de fortes douleurs rhu-
matismales, qu'il garda pendant toute sa vie.
167 MONTEFELTRO
demander à Guid' Ubaldo de lui prêter ce qu'il
avait de soldats et d'artillerie. Le duc, qui n'a-
vait aucun différend avec le pape et aucun mo-
tif de défiance, s'empressa d'obéir, pour ne pas
irriter un aussi redoutable voisin. Lorsque Bor-
gia se fut ainsi fait livrer tous les moyens de dé-
fense du duc , il conduisit à l'improviste ses
troupes dans les États d'Urbin , et s'empara le
même jour de Cagli, l'une des quatre villes du du-
ché, Guid' Ubaldo s'enfuit sans faire de résistance,
et se retira à Mantoue auprès de son beau-frère,
le duc de Gonzague. César Borgia réduisit en sa
puissance tout le duché, sauf les forteresses de
San-Le et de Maiolo. Peu de mois après, Guid'
Ubaldo fut appelé par les condottieri romagnols
conjurés contre Borgia, à se joindre à eux. Il
rentra dans ses États avec quelques troupes; ses
sujets, qui le chérissaient, prirent immédiatement
les;armes en sa faveur, et il recouvra la posses-
sion de son duché aussi rapidement qu'il l'avait
perdue. Cependant les condottieri s'étant récon-
ciliés avec Borgia, Guid' Ubaldo comprit qu'il ne
pourrait défendre sa principauté. Il se hâta donc
de démolir toutes ses forteresses, pour n'avoir
pas besoin de les assiéger dans des temps plus
heureux, et il se rendit à Venise. En 1503, à la
mort d'Alexandre VI, il rentra dans ses États et
les garda jusqu'à sa mort; son beau-frère le pape
Jules II le garantit contre toute entreprise de
Borgia. N'ayant pas d'enfants de sa femme Isa-
belle de Gonzague (voy. ce nom) , il adopta le fils
de sa sœur, François-Marie de La Rovère , qui
fonda la seconde maison des ducs d'Urbin. O;
Baldi. Vita di Guid' Ubaldo, duca di Urbino ( Flo-
rence,'2 vol. in-8°). — Bembo, Fita Guidi Ubaldi. —
Gulchàrdin. - Burchard, Diarium curix romanse. —
Na--di, Storia fiorentina. — Bembo , Hisloria Feneta.
— Raynaldi, Annales.
monteggia ( Giovan-Battista), chirurgien
italien, né le 8 août 1762, à Laveno, sur le lac
Majeur, mort le 17 janvier 1815, à Milan. Fils
d'un employé dans les ponts et chaussées, il fut
élevé au collège de Pallanza, et admis en 1779
au nombre des élèves en chirurgie du grand
hôpital de Milan. Après onze ans de noviciat , il
devint aide-major (1790), puis prosecteur d'ana-
tomie. Malgré sa modestie et une espèce de ti-
midité insurmontable, on rendit à ses talents la
justice qui lui était due en le nommant chirurgien
en second du même hôpital et professeur de
chirurgie. L'excès du travail altéra sa santé; il
fut attaqué d'une fièvre lente qui le mit au tom-
beau, à l'âge de cinquante-trois ans. Son buste
a été placé à l'hôpital de Milan.
Les principaux ouvrages de Monteggia sont :
Fasciculi pathologici; Milan, 1780, in-8°; il
y a des observations curieuses sur les affec-
tations morbides symétriques et asymétriques ,
sur les phénomènes qui accompagnent les lésions
cérébrales, etc.; ibid. ; — Annotazioni pra-
liche sopra i mali venerei ; ibid., 1794, in-8°,
trad. en allemand en 1797 et en 1804; — Dis-
eorso intorno allô studio délia Chirurgla;
— MONTÉGUT 1C8
ibid., 1800, in-8» ; — Istituzioni di Chirurgla;
ibid., 1802-1803, 5 vol. iu-8°; dans l'opinion
de Scarpa, c'était le meilleur traité de chirurgie
qui eût paru en Italie; — SulV Uso délia
Salsapariglia ; ibid., 1806, in-8°. Monteggia a
encore traduit de l'allemand Compendio sopra
le malattie venerei de Fritz (Milan, 1791, in-8°),
et Arte Ostetrica de Stein (ibid., 1796, in-8e );
enfin, il a fourni des mémoires à quelques re-
cueils périodiques. P.
Acerbi, Fita di G. B. Monteggia; Milan, 1818, in-8°.
montègre {Antoine- François, Jenin de),
médecin français, né le 6 mai 1779, à Belley,
mort le 4 septembre 1818, au Port-au-Prince
(Haïti). Il porta les armes pendant quelques an-
nées, étudia la médecine à Paris, fut reçu doc-
teur, et, après avoir occupé en province une
place d'ingénieur du cadastre, s'établit à Paris.
Ses écrits ne tardèrent pas à le faire connaître
comme un praticien instruit et un bon physiolo-
giste. En 1814 il fut un des fondateurs de la So-
ciété pour l'Enseignement élémentaire, et dès '
cette époque il conçut le projet, qu'il n'exécuta
qu'en 1818, d'aller à Saint-Domingue étudier les
véritables caractères de la fièvre jaune. Accueilli
de la manière la plus honorable par le président
de la république d'Haïti, il se rendit au Port-au-
Prince ; chemin faisant , en traversant une ri-
vière, il se jeta à l'eau pour sauver une femme
qui allait se noyer, contracta la fièvre meurtrière '■
qu'il allait combattre, et mourut quatre jours 1
après. On a de Montègre : Du magnétisme ani- 1
mal et de ses partisans ou Recueil de pièces
importantes sur cet objet ; Paris, 1812, in-8°;
— Expériences de la digestion dans l'homme;
Paris, 1814, in-8°, présentées en 1812 à l'Insil-
tut ; Examen rapide du gouvernement des\
Bourbons depuis avril 1814 jusqu'à mars\
1815; Paris, 1815, in-8°, deux éditions dans la
même année ; — Observations sur les lom-\
bries ou vers de terre; Paris, 1815, ih-8"; — -]
Des Hémorrhoïdes, ou traité analytique de\
toutes les affections hémorrhoidales ; Paris,
1819. 1829, in-8°. Il a rédigé de 1810 à 1818
la Gazette de santé, et il a fourni des articles
au Dictionnaire des Sciences médicales. K.
Colorabel, Éloge hist. de Montègre; Port-au-Prince,;
1818. in-8°.
montégct (Jeanne Ségla de), femme au-
teur française, née à Toulouse, le 25 octobre 1 709, 1
morte à Paris, le 17 juin 1752. Son père étant
mort lorsqu'elle avait à peine deux ans , et sa
mère s'étant remariée, elle fut recueillie par une,
tante paternelle, qui fit soigner son éducation;
jusqu'à l'âge de seize ans, époque à laquelle la
jeune Ségla épousa Bernard de Montégut, tré-
sorier de France. Elle connaissait l'italien, l'es-
pagnol et l'anglais; elle servit pour le latin de
précepteur à son fils; elle brillait également ;
dans les arts, la danse, la musique, la peinture, 1
et, chose fort rare chez les femmes, elle excel-
lait dans les mathématiques , l'histoire, fa géc-
169
MONTÉGUT — MONTEIRO DA ROCHA
170
graphie, la physiquo et la chimie, qu'elle ap-
prit sans maîtres, à ce qu'on assure. Malgré
Bette aptitude universelle, Mme de Montégut était
restée étrangère à la poésie , lorsqu'à l'âge de
trente ans, à la suite d'un pari, elle se trouva
dans l'obligation de composer quelques vers, ce
quelle fit rapidement. Ces vers impromptus
ayant obtenu du succès dans le monde, elle prit
du goût pour la versification, etenvoya aux con-
cours des jeux floraux, Cérimène et Daphnis,
églogue; une Ode à Alcandre; Ismène, élégie
(1739) ; La Conversion de Madeleine (1740) ; et
Ode sur le printemps (17 4 1). Courounée trois
fois de suite, elle fut proclamée maîtresse des
jeux floraux, honneur que M"e Catellan et elle
obtinrent seules. Ses Œuvres mêlées furent re-
cueillies par son fils ( Villefranche de Rouergue
et Paris, 1769, 2 vol. in-8°) ; elles se composent
des pièces couronnées par l'Académie des Jeux
floraux; de réflexions morales; d'idylles; d'é-
glogues d'élégies, imitées de Théocrite; de tra-
ductions en vers français des églogues de Pope,
du poëme séculaire d'Horace , etc. A. J.
Prud'homme, Biogr.des femmes célèbres. — Biogr.
Toulousaine.
montégut (Jean-François de), antiquaire
français , fils de la précédente, né à Toulouse, en
1726, guillotiné le 20 avril 1794. Envoyé à Paris,
et après quelques essais de poésie, il fut accueilli
par M. de Caylus, qui lui communiqua son en-
thousiasme pour l'antiquité. Nommé conseiller au
parlement de Tpulouse,il retourna dans cette ville.
En 1752, il fut admis à l'Académie des Sciences
de cette ville et à celle des Jeux floraux. 11 fit de
grandes recherches sur les antiquités de Toulouse ,
trouva l'enceinte de Tolosa , des temples , des
thermes, des arènes; il découvrit les thermes
Onésiens et l'antique Climberis. Lorsque éclata la
révolution, il se réfugia en Espagne, où il s'oc-
cupa de recherches sur les médailles. Il revint
en France en 1791, mais en 1794, les membres
du parlement étant devenus l'objet de nou-
velles persécutions, il fut traduit au tribunal
révolutionnaire de la Seine, et périt sur l'é-
chafaud. 11 a publié : Recherches sur les Anti-
quités de Toulouse; 1777, in-4° ; — Antiqui-
tés découvertes à Toulouse pendant le cours
des années 1783, 1784, 1785; —Essai his-
torique sur la famille de l'empereur Va-
lérien ; — Conjectures sur quelques frag-
ments d'inscriptions romaines ;— Histoire des
Césars, destinée principalement à mettre en
ordre des médailles, écrite en espagnol pen-
dant le séjour de l'auteur en Espagne. G. de F.
Biographie Toulousaine.
monteil. ( Amans-Alexis), historien fran-
çais, né à Rodez, en 1769, mort à Cely, le 20 fé-
vrier 1850. Son père était conseiller au présidial
de Rodez. D'abord destiné au barreau, il étudia
la jurisprudence ; mais en compulsant le vieux
texte des lois, en analysant les anciennes chartes,
il se prit de passion pour les recherches histo-
riques, et bientôt il y consacra tout son temps ;
au lieu de devenir avocat, il devint historien.
Vers 1799 il publia De V Existence des hommes
célèbres dans les républiques. Plus tard, nommé
secrétaire de district, il profita de cette position
pour rassembler, jour par jour, les faits spéciaux
nécessaires à ce travail, et il en composa une Des-
cription de l'Ave.yron (Rodez, 1801, 5 vol.
in-8"), restée comme un modèle de statistique.
Il fut successivement professeur d'histoire à l'É-
cole centrale de Rodez et aux écoles militaires
de Fontainebleau, de Saint-Cyr et de Saint-Ger-
main. II commença en 1827 V Histoire des Fran-
çais des divers états (3e édit. revue et corr.,
1848, 5 vol. gr. in-8°). Cet ouvrage fut l'objet
d'un grand nombre d'éloges et de critiques; les
éloges ont prévalu. L'Académie Française le ju-
gea digne de partager le prix Gobert avec M. Au-
gustin Thierry. Étonné de voir que tous nos
historiens ne s'étaient occupés qu'à écrire les
faits et gestes des rois, des princes et des grands,
Monteil pensa qu'il restait à écrire l'histoire,
plus intéressante , du génie , des travaux , des
études, des mœurs, des habitudes même des ci-
toyens, état par état , métier par métier. L'His-
toire bataille , ainsi qu'il appelait le genre his-
torique, ne pouvait faire connaître tout ce qu'il
fallait savoir pour suivre le progrès de la civi-
lisation du peuple et les causes de sa grandeur;
En 1835, à l'occasion de la vente qu'il fit faire de
ses manuscrits, Monteil fit imprimer son Traité
des matériaux manuscrits de divers genres
d'histoire (1836, 2 vol. in-8°), puis quelque temps
après, La Poétique de l'histoire. Il passa les
derniers temps de sa vie dans une pauvreté
extrême; il habitait Passy, non loin de la de-
meure de Réranger; mais il quitta ce pays pour
se retirer à Cély, village de Seine-et-Marne,
où il mourut. II avait commencé une Histoire
du village de Cély; il avait aussi écrit les pre-
miers feuillets de ses Mémoires , mais la mort
l'arrêta dans ces derniers travaux. A. J.
Doc. part.
monteiro da rocha ( José ), mathémati-
cien portugais, né vers 1735, dans le Minho,
mort en 1819. Il venait d'être admis chez les Jé-
suites lorsque l'expulsion de cette société fut
prononcée; en se faisant séculariser, il obtint
l'autorisation de rester dans son pays. A l'époque
de la réorganisation de l'université de Coïmbre
par Pombal , il fut chargé d'y enseigner l'astro-
nomie, contrihua à la rédaction des statuts et
prononça même, en sa qualité de vice-recteur, un
éloge fort éloquent du ministre, ce qui parut
singulier dans la bouche d'un ex-jésuite. Pen-
dant longtemps il dirigea l'observatoire de Coïm-
bre et fût le rédacteur des Éphémërides qu'on y
a publiées. Il était membre de l'Académie de Lis-
bonne. Telle était l'étendue de ses connaissances
qu'on le reconnut capable , lorsqu'on réforma les
études, de remplir toutes les chaires indistincte-
ment. On a de lui beaucoup de travaux sur les
MONTEIRO DA ROCHA — MONTEMAGNO
171
mathématiques transcendantes; ses Mémoires
sur V astronomie pratique ont été traduits en
français par M. de Mello (Paris, 1808, in-4°).
Un savant portugais du même nom, Monteiro
( Jean-Antoine ), né en 1758, à l'île de Madère,
a publié en français, dans les Annales de Chimie
et autres recueils, des mémoires intéressants sur
la minéralogie et sur les caractères cristallogra-
phiques de plusieurs minéraux. P.
Figanière , Bibllogr. hist. du Portugal.
monteith (Robert), historien écossais,
né à Salmonet , mort vers 1660, à Paris. Obligé,
dit-on de quitter l'Ecosse sur le soupçon d'a-
dultère, il vint à Paris et s'attacha au cardinal
de Retz, qui le nomma son chapelain et chanoine
de Notre-Dame. Il est désigné dans les Mémoires
de Joly comme « un homme savant et de mé-
rite » . Ménage lui a adressé deux pièces de vers
latins. L'ouvrage de Monteith , écrit en français
et publié à Paris en 1660, est devenu extrême-
mentrare, et a été mis en anglais par J. Ogilvie;
History of tke troubles of Gréai Britain
(Londres, 1735, in-4°); il s'étend depuis le
commencement de Charles Ier jusqu'à la fin de
la guerre civile. K.
Chalmers, General Bipgraph. Dictionary.
montelatici (Francesco), dit Cecco Bravo,
peintre de l'école florentine, né à Florence ou k
Pise, peignait en 1637, et mourut en 1661, à Ins-
pruck. Elève de Giovanni Biliverti, et ensuite
de S. Coccapani , il abandonna leur manière
pour se rapprocher de celle du Passignano. Des-
sinateur spirituel, il eut un coloris qui ne man-
quait pas de charme, témoin son Martyre de
saint Nicolas, évêque, à l'église de Saint-Si-
mon-et-Saint*Jude de Florence; mais il tomba
parfois dans le bizarre et l'extravagant, comme
on en peut juger par les fresques tirées de la vie
de Laurent le Magnifique, qu'il peignit en con-
currence avec Giovanni da San-Giovanni. A
Pistoja, dans le cloître du couvent de l'Annun-
ziata, il a peint six lunettes à fresque. Après
avoir longtemps travaillé pour les églises et les
palais de la Toscane , il fut appelé à Inspruck
par l'archiduc Ferdinand, qui lui conféra le titre
de peintre de la cour. E. B— n.
Lanzi, Storia. — Fantozzi, Guida di Firenze.
mojvtelatici ( Ubaldo), agronome italien,
né en 1692, à Florence, où il est mort,en 1770.
Il fut chanoine de Saint-Jean-de-Latran et pro-
fessa la théologie à Pistoie, à Fiésole, à Brescia
et à Milan. Afin de contribuer aux progrès de l'a-
griculture, il entreprit divers voyages en Allema-
gne, en Styrie et enCarinthie, et fonda la Société
économique des Géovgophiles de Florence. Il joi-
gnait à une grande activité dans ses recherches
le discernement et la sagacité nécessaires pour
tirer de l'expérience des applications utiles. On a
de lui: Ragionamento supra imezzi piùneces-
sarj per far refiorireVagricoltura; Florence,
1752, in- 8°. Il a aussi composé, avecManetti, un
Dictionnaire raisonné d'agriculture. P.
172
Manetti, Elogio del abbate U. Montelatici, dans le
Atli délia soc. econom., 1, 11.
montélégier ( Gaspard-Gabriel-Adolphe
Bernon, vicomte de ) , général français , né en
1780, mort le 2 novembre 1825, à Bastia. Fils
d'un maréchal-de- camp, mort en 1833, à quatre-
vingt-sept ans, il s'engagea en 1797, prit part
à l'expédition d'Egypte et revint en France avec
le grade de capitaine. Après avoir été colonel
(1806) et aide-de-camp du maréchal Lefebvre,
il commanda quinze mois un régiment de dra-
gons en Espagne , devint général de brigade
(30 mai 1813 ), se distingua à la bataille de
Leipzig et fut blessé au combat de Brienne. Il
fut le premier officier général qui en 1814 prit
la cocarde blanche et suivit en 1815 à Gand le
duc de Berri, qui l'avait pris pour aide-de-camp.
Promu au grade de lieutenant général (1821), il
fut un des principaux témoins à charge dans
le procès de la conspiration du 19 août 1820, et
ses dépositions amenèrent entre lui et le colonel
Barbier Dufay un échange de lettres fort vives,
puis un duel. Nommé commandant de l'île de
Corse (1823) , il y mourut, d'une fièvre perni-
cieuse. K.
Moniteur univ., 1825, p. 1591.
MOUTKhveo.Voy. Baccio et Raffaellino
da Montelupo.
montemagno (Buonaccorso da) , poëte
italien, vivait au quatorzième siècle. Il était né à
Pistoja d'une famille noble, et il parvint aux pre-
mières dignités de la ville. Il y remplissait en
1364 les fonctions de gonfalonier; c'est tout ce
que l'on sait de sa vie. 11 n'a laissé que quelques
sonnets, d'un style élégant et pur ; il leur doit
d'être regardé comme un des meilleurs imitateurs
de Pétrarque et de figurer sur la liste des Testi
di Lingua de l'Académie delà Crusca. « Tant il
est vrai, dit Ginguené, qu'en poésie il ne faut
que peu de vers, mais dignes du suffrage des
gens de goût pour se faire un assez grand nom. »
Parmi les trente-huit sonnets qui nous sont par-
venus sous le nom de Montemagno, quelques-uns
appartiennent à son petit-fils Buonaccorso d'à
Montemagno , orateur et jurisconsulte , mort à
Florence en 1429, et que l'on a souvent confondu
avec le contemporain de Pétrarque ; la distinc-
tion n'avait pas été faite par Niccola Pilli, qui
donna la première édition des Rime de Monte-
magno; Rome, 1559, in-8°;mais la confusion
de l'aïeul et du petit-fils cessa dans l'excellente
édition de Casotti ; Prose e Rime de' due Buo-
naccorsi da Montemagno, il vecchio e il giO'
vane, con -annotazioni ; Florence, 1718, in-12 ;
réimprimée avec un bon choix de variantes et
dénotes par V. Benini ; Cologne, 1762, in-8°.
Outre plusieurs sonnets, on a de Montemagno
le jeune plusieurs discours latins dans le genre
des déclamations des anciens rhéteurs; Gin-
guené en mentionne deux qui lui paraissent re-
marquables, l'un Sur la Noblesse,qu\, dans la
pensée de l'auteur, appartient plutôt au mérite
173 MQNTEMAGNO — MOKTÉMONT
qu'à la naissance; l'autre est une réponse de
Catilina à Cicéron. Z.
Casotti, Préface de son édition. — Tiraboschi, Storia
délia Littcratura Italiana, t. V, p. 507. — Gingucné,
Histoire Littéraire d'Italie, t. III, p. 176 et 480.
174
montemayor (Geon/cv de), poëtc et roman-
cier espagnol d'origine portugaise, vivait dans le
seizième siècle. II naquit dans la petite ville de
Montemayor, près de Coïmbre, probablement
avant 1520. Dans sa jeunesse il fut soldat. Plus
tard son talent de musicien le fit attacher à la
chapelle de l'infant d'Espagne, depuis Philippe II,
et lui fournit l'occasion de visiter, à la suite de ce
prince, l'Italie et la Flandre. Son esprit avait été
peu cultivé par l'étude ; il ne savait même pas
le latin, mais il avait de l'imagination et il trouva,
dans les aventures de sa vie, plus d'un sujet de
récit romanesque. Probablement il quitta l'Espa-
gne à cause d'un amour malheureux ; probable-
ment aussi il périt à Turin, dans un duel, en 1561,
mais aucun lait de sa vie n'est connu avec pré-
cision et certitude. Son principal ouvrage est le
roman de Diane amoureuse {Diana enamo-
rada), qui parut pour la première fois à Valence,
1542, in-4°. Il est écrit en bon castillan avec
quelques locutions portugaises, et contient, de
l'aveu de l'auteur, des aventures réelles; nous
savons que Montemayor en est lui-même le héros
sous le nom de Sereno, et que l'héroïne était une
dame de Valencia-de-don- Juan, ville située près
de Léon. Montemayor a donc voulu, à l'exemple
de L'Arcadie de Sannazar, raconter sous la forme
d'un roman pastoral quelques événementsde sa
vie et de celle d'un petit nombre de ses amis. Il
suppose à cet effet qu'uu certain nombre de ber-
gers et de bergères se réunissent sur les bords
de l'Ezla au pied des montagnes de Léon, et se
racontent leurs histoires respectives dans sept
livres de prose mêlée de vers. Les deux princi-
paux personnages, Sereno et Diana, qui s'aiment
au début du roman, sont séparés par la magie;
et l'ouvrage se termine brusquement et d'une
manière imprévue par le mariage de Diane avec
Delio, l'indigne rival de Sereno. Cette intrigue
légère est bien fragile pour réunir tant d'histoires
séparées, et tout l'ouvrage est artificiel et décousu,
mais les épisodes sont intéressants, le style a de
la grâce et de la richesse. « Un des grands mé-
rites de Montemayor, dit Bouterweck, c'est de
parler toujours de tendresse, sans tomber jamais
dans la monotonie : il est inépuisable en tour-
nures et en images nouvelles pour varier l'ex-
pression de l'amour. La versification de quelques
morceaux n'est pas toujours harmonieuse et
correcte ; mais, dans d'autres, la douceur du
langage est heureusement unie à l'enchaînement
d'idées le plus naturel. Sa prose a servi de mo-
dèle à tous les auteurs de romans du même genre.
Il s'est attaché à donner de la noblesse à chaque
terme, et de l'harmonie à chaque phrase, sans
que pour cela son style ait rien de pénible ni de
recherché. » Cet éloge n'est pas trop exagéré,
et dans le Don Quichotte., le bon goût du curé
préserve justement la Diana de l'auto-da-fé où
périssent tant d'autres romans. La Diana, laissée
inachevée par l'auteur, fut continuée par Alonzo
Perez, médecin de Salamanquc, et conduite jus-
qu'à la mort de Delio, mari de Diana, mais non
jusqu'au mariage de celle-ci avec Sereno, comme
Montemayor se l'était proposé. Une autre conti-
nuation fut publiée par Gil Polo, en 1564. On
connaît une troisième partie de la Diana ena-
morada par H. Texada; Paris, 1627, in-8°. La
Diana enamorada de Montemayor a eu beau-
coup d'édilions; la plus ancienne est celle de
Valence, 1542, in-4° ; on cite ensuite celle de
Madrid, 1545. Il existe en français, d'après Len-
glet-Dufresnoy, six traductions delà Diane; on
en connaît deux allemandes, et une anglaise, celle
de Bartholomew Yong,qui est excellente (Londres,
1598, in-folio). On a encore de Montemayor un
volume de poésies intitulé Cancionero, qui parut
en 1554 et fut réimprimé avec des additions, à
Madrid, 1588, in-12. Dans les poésies de ce
recueil comme dans celles de la Diana, Monte-
mayor imite souvent les Italiens, mais souvent
aussi il est fidèle au vieux genre castillan. Dans
l'édition de Madrid, 1588, un tiers du volume est
écrit à la manière castillane; les deux autres
tiers sont sur le modèle des Italiens. N.
Barbosa, Bibliot. Lusitana. — Perez, Prologo de sa
continuation de la Diana. — Lenglet-Dufresnoy, Biblio-
thèque des Romans, t. II. — Bouterweck, Histoire de la
Littérat. espagnole, t. I, p. 286, etc. — Sisraondi, Litte-
rat. du midi de l'Europe, 111,301. — Tieknor, History
of Spanish Literature, t. II et III.
montemerlo ( Jean-É tienne) , littérateur
italien, né en 1515, à Tortone, mort en 1572.
Toute sa vie fut consacrée à l'étude. On a de lui :
Délie Frasi toscane libri XII ; Venise, 1566,
in-fol. ; réimprimé sous le titre de : Tesoro délia
lingua toscana,nel quale, con autorità de'
piu approvati scrittori, copiosamente s'in-
segnano le piu eleganti manière diesprimer
ogni concetto, e sono confrontale per le piu
con le frasi latine; Venise, 1594 : cet ouvrage,
fruit de vingt années de travail, resta le meil-
leur dictionnaire italien jusqu'à celui de Perga-
mini.
Son fils, Nicolas Montemerlo, est auteurd'une
histoire de Tortone, de 1155 jusqu'au dix-sep-
tième siècle; elle porte pour titre : Raccogli-
mento di nuova historia délie città di Tor-
tona; Tortone, 1618, in-4°. O.
Bibliotheca Barberina.
* monté.moxt (Albert), littérateur français,
né le 20 août 1788, à Remiremont (Vosges). Après
avoir terminé ses études au collège de Remire-
mont, il fut chargé d'y enseigner les huma-
nités, puis il obtint un emploi au ministère des
finances. Nous citerons de lui : Voyages aux
Alpes et en Italie; Paris, 1821, 2 vol. ia-18;
3e édit. augmentée, 1827, 3 vol. in-18, fig. ;
suite de lettres en prose et en vers contenant
la description de toutes les routes et passages
175
principaux des Alpes, de la Savoie et de l'I-
talie supérieure; — Lettres sur V Astronomie,
en vers e.t en prose, avec des notes; Paris,
1823, 4 vol. in-18, fig.; 3e édit., 1838, 2 vol.
in-8° ; — Voyage dans les cinq parties du
Monde; Paris, 1827, 6 vol. in-18, avec 36
cartes ; — Bibliothèque universelle des Voya-
ges dans les diverses parties du Monde
depuis les premières découvertes jusqu'à
nos jours; Paris, 1833-1837, 46 vol. in-8°,
grav. col. et atlas ; c'est une collection abrégée
à l'usage des gens du monde; — Londres,
voyage à cette capitale et ses environs;
Paris, 1835, in-8°; — Les Odes d'Horace, en
vers français; Paris, 1839, in-18; — Gram-
maire générale, ou philosophie des langues,
présentant l'analyse de V art déparier; Paris,
1845, 2 vol. in-8°; — Voyages nouveaux par
mer et par terre de 1837 à 1847; Paris, 1846-
1847, 5 vol. in-8°. M. Montémont est auteur d'un
très-grand nombre de pièces de vers , odes, di-
thyrambes , chansons , épîtres , publiées en di-
verses circonstances, telles que La Chute de
Missolonghi (1826), La Nymphe de la Vis-
tule (1831), L'Attentat du 28 Juillet (1835),
La Mort du duc d'Orléans (1842), Le Retour
de l'Empire (1853), etc. Il a traduit de l'anglais :
Les Plaisirs de V 'espérance de Campbell (1824),
en vers ; Les Plaisirs de la mémoire de S.
Piogers ( 1 825) , en vers ; les Œuvres de W.
Scott (1830 et ann. suiv., 30 vol. in-8°);
Œuvres poétiques de W. Scott (1837, in-8°),
avec L. Barré; Œuvres complètes de Cooper
(1835, 6 vol. in-8° ), avec B. Laroche; et quel-
ques romans du capitaine Marryat.
Quérard, La France littér. — Biogr. des hommes du
jour, II, l*e partie.
montenàt ( Benoit ) , ecclésiastique fran-
çais, vivait au commencement du seizième siècle -,
il était aumônier du duc Charles de Bourbon ,
mais il est demeuré si peu connu qu'on cherche-
rait en vain son nom dans la Bibliothèque fran-
çaise de La Croix du Maine. A la demande
d'Anne de. France, fille de Louis XI, il écrivit
en 1505 un traité sur la Conformité des pro-
phètes et Sibylles avec les douze articles de
la foi; cet ouvrage, resté inédit, est conservé
parmi les manuscrits de la bibliothèque impé-
riale, n° 7287. G. B.
Paulin Paris, Manuscrits français de la bibliothèque
du Roi , t. VII, p. 310.
montenat (Georgetle de), femme auteur
française, née en 1540, à Toulouse. Orpheline dès
le bas âge, elle fut élevée par les soins et dans
la maison de la reine de Navarre , Jeanne d'AI-
bret , qui lui donna plus tard une place parmi
ses dames. Après la mort de cette princesse,
elle quitta la cour, et se retira dans ses terres,
où elle mourut,vers 1581. Ses principes sévères
et son goût pour la poésie l'empêchèrent de se
marier. Elle a publié sous le titre à'Emblesmes
chresliennes (Lyon, 1571, in-8°), un recueil
MONTÉMONT — MONTÉPIN 176
j dédié à Jeanne d'Albret, traduit en plusieurs
langues, dont chaque emblème est expliqué par
j quatre vers latins et huit français. C'est une
: imitation d'Alciat. K.
Biogr. Toulousaine, II.
moîïtengoiv ( Pedro de ), littérateur espa-
| gnol , né en 1745, à Alicante, mort vers 1825.
j Après avoir été prêtre , il abandonna l'état ec-
clésiastique pour s'occuper de poésie et de tra-
vaux d'imagination. Il passa ses dernières années
à Naples. Il est auteur d'un grand nombre d'ou-
vrages en vers et en prose , dont quelques-uns
ont été réimprimés; nous citerons : El Eusebio;
Madrid, 1786-1787, 4 vol. gr. in-8°: c'est la
meilleure de ses productions; elle a paru de
nouveau à Barcelone (1793), à Perpignan (1819)
et à Paris (1824,' 4 vol. in-18 ); — El Antenor ;
Madrid', 1788,2 vol. gr. in-8°; — Eudoxia,
hija de Belisario ; Madrid, 1793, gr. in-8°;
Barcelone, 1815, pet. in-8°; — El Rodrigo,
romance epico ; Madrid, 1793, in-8°; — El
Mirtilo, o los Pastores trashumantes ; Ma-
drid, 1795, in-8°; — La Perdida de Espana
reparada por el rey Pelayo , poema epico ;
Naples, 1820, in-8°; — La Conquista de Me-
jico por Hernan Cartes, poema epico; Na-
ples, 1820, in-8°. P.
Ticknor, Hist. of Spanish Literature, III.
* montépin ( Xavier-Aymon de ), roman-
cier français, né à Frotey ( Haute-Saône), vers
1820. Fils du comte et le neveu de l'ancien pair
de France du même nom , il débuta, après la
révolution de février 1848, dans quelques feuilles
populaires, entre autres dans Le Lampion. Il
essaya de fonder, avec M. de Calonne, La Bou-
che de fer, qui fut saisie dès son premier nu-
méro. Avec le même, il publia, en 1848, deux
pamphlets politiques intitulés : l'un, Les trois
Journées de Février; l'autre, Le Gouverne-
ment provisoire , histoire anecdotique et po-
litique de ses membres. Il se mit ensuite à
écrire des romans et des pièces de théâtre. Ses
romans eurent du succès : il y peignait la bohème
galante avec une hardiesse qui finit par lui at-
tirerdes poursuites : son livre, intitulé Les Filles
de plâtre, fut saisi en 1856, et la suppression
en fut ordonnée. Parmi les nombreux romans
de M. deMontépin nous citerons : Les Viveurs
d'autrefois ; 1848, 4 vol. in-8°; — Les Viveurs
de Paris; 1852-1856, 14 vol. in-8° ; —Les
Viveurs de province; 1858, 10 vol. in-8° (non
terminé); — Les Amours d'un Fou; 1849,
4 vol. in-8°; — Les Confessions d'un bohème;
1849-1850, 5 vol. in-8°; — Le Vicomte Ra-
phaël ( lre suite du précédent) , 5 vol. in-8°;
— Les Oiseaux de nuit ( 2e suite), 5 vol.
in-8°; — Brelan de Dames, 1849, 4 vol.
in-8°; — Mignonne; 1851, 3 vol. in-8° ; — Le
Club des Hirondelles , 4 vol. in-8° ; — L'Idiot,
5 vol. in-8°; — Pivoine, 2 vol. in-8° ; — Mi-
gnonne (suite As. Pivoine), 3 vol. in-8°; —
Jacques de La Tremblaye , 3 vol. in-8% com-
177 MONTÉPIN
plément de La Reine de Saba. et du Château
des Fantômes; — VÊpèe du Commandeur,
3 vol. in-8°; — Le Château de Périac, 4 vol.
in-8"; — Le Masque rouge, 5 vol. in-8°; —
Les Amours de Vénus, 4 vol. in-8°; — Made-
moiselle Lucifer, 4 vol. in-8°; — Les Valets
de Cœur, 3 vol. in-8°; — V Auberge du So-
leil d'Or; 1852, 4 vol. in-8°; — Un Gen-
tilhomme de grand chemin; 1864, 5 vol.
in- 8° ; — Les Chevaliers du Lansquenet; 1857,
5 vol. in-8°; — L'Officier de Fortune; 1857,
7 vol. in-8° ; — Les deux Bretons ; 1857, 6 vol.
in-8° ; — Mademoiselle la Ruine ( en collabo-
ration avec M. Capendu ); 1858, 5 vol. in-8°; —
La Comtesse Marié; 1859,7 vol.in-8°; — Sou-
venirs intimes et anecdotiques d'un garde du
[corps de Louis XVI II et de Charles X; 1857,
10 vol. in-8°. Parmi ses pièces de théâtre, faites en
collaboration : Le Vol à la Duchesse, drame joué
en 1849, au théâtre de la Porte Saint-Martin ; —
•Les Chevaliers du lansquenet, drame, à l'Ain-
bigu-Comîque, en 1850; — Les Viveurs de Pa-
ris; drame, même théâtre, 1859; — Le Gentil-
homme de grand chemin, drame, théâtre de la
Porte Saint-Martin, 1860. G. de F.
Vapereau, Dict. des Contemp. — Journ. de la Librairie.
montepitlciano ( Marco da. ) , peintre de
l'école florentine, vivait au milieu du quinzième
siècle. Vasari indique deux peintres de ce n»m ,
faisant l'un élève de Spinelli, l'autre de Lorenzo
di Bicci ; c'est une erreur, et les deux ne sont
qu'un seul et même artiste^ui eut pour maître Lo-
renzo di Bicci, élève lui-même de Spinelli. Marco
acheva de peindre en camaïeu dans le cloître du
couvent des Olivetains d'Arezzo des sujets tirés
de la Vie de saint Benoît, commencés par Lo-
renzo. Ces peintures furent terminées le 14 avril
1448, comme il l'indiqua par des vers aussi mé-
diocres que les fresques elles-mêmes. E. B — n.
Vasari, Vite. — O. Brizzi , Guida d'Arezzo.
•■ monte-pulciano. Voy. Morosini ( Fran-
cesco ).
montereac ( Pierre de ) . Voy. Pierre.
moxteko de roxas (Juan), peintre es-
pagnol, né à Madrid, en 1613, mort dans la même
ville, en 1688. Il fut l'un des meilleurs élèves de
Pedro de Las Cuevas, et fit le voyage de Rome,
où il étudia surtout le Caravage. De retour dans
sa patrie , il y a laissé des ouvrages très-estimés.
On remarque parmi ces ouvrages à Madrid : au
collège San-Thomas : une Assomption ; chez les
religieuses de Don-Juan-de-Alarcon : Le Songe
de Joseph ; au couvent de la Merced , Le Pas-
sage de la mer Rouge. La manière de Montero
de Roxas tient essentiellement de l'école hispano-
italienne. A. de L.
montero ( Laurent ), peintre espagnol , né
en 1656, à Séville, mort à Madrid, en 1710. Fres-
quiste distingué, il possédait une grande faci-
lité pour peindre en détrempe l'architecture, le
paysage, les fruits, les fleurs , les ornements.
H vint à Madrid en 1684, et eut une grande part
— MONTESON
178
dans les décorations du Bucn-Retiro. 11 peignit
aussi la vonte et les murailles de la chapelle
Sainte-Marthe dans l'église de Saint-Jérôme à
Madrid. On cite de Montero un beau portrait à
l'huile de Philippe V, exécuté pour le monas-
tère du Paular. A. de L.
Palomino Velasco, El Museo de la l'intura. — Gue-
varra , Los Comentarios de la Pintura. — Cean Bcr-
raudez, Dicion. historien de las Bellas Arles in Espaila.
— Quillct, Dictionnaire des peintres espagnols. — Don
José Mussoy-Valiente, Coleccion de cuadros que se con-
servan en reaies palacios ; Madrid, 1828.
montesinos ( Fernando ), historien espa-
gnol, né à Ossnna, mort après 1652. Il passa de
bonne heure au Pérou, résida à Lima, et devint
membre de l'audience de cette ville. Son amour
pour l'archéologie ne l'empêcha pas d'être utile
à l'administration, et il fut deux fois visitador
ou inspecteur. Ces fonctions le mirent en rap-
port avec les anciens chefs du pays : on suppose
qu'il eut en sa possession les manuscrits du
savant D. Fr.-Luis Lopez, évêque de Quito,
mort en 1588. Il s'occupa aussi des richesses
minéralogiques du pays : on a de lui divers mé-
moires sur l'art d'exploiter les mines d'argent.
Montesinos n'avait malheureusement pas au-
tant de critique que de zèle; ses souvenirs clas-
siques le jetèrent dans d'étranges préoccupations.
Pour lui l'Ophir est le Pérou, et il ne craint pas de
multiplier les dynasties indigènes : selon lui, on
connaissait l'art d'écrire au temps de Toca-corca-
Apu Capac, le roi astronome, fondateur de l'u-
niversité péruvienne de Cuzco, et les feuilles de
bananier et le parchemin recevaient ces carac-
tères , dont plus tard on perdit l'usage après la
mort de Titu-yupanguy et les effroyables dé-
sordres qu'elle amena. Illatici-hucracocha en
abolit d'ailleurs l'usage et il leur substitua celui
des quipos, dont, selon le P. Oliva, l'amauta Ylla
serait l'inventeur. Cet historien si bizarre et si
curieux finit son récit à l'arrivée des Espa-
gnols (1). Mais on sait qu'il avait poussé plus
loin ses investigations historiques et qu'il avait
donné le récitde la conquête. M. Ternaux-Com-
pans s'est contenté de traduire l'histoire des
temps anciens; elle a paru sous le titre de : Mé-
moires historiques de l'ancien Pérou; Paris,
1849, in-8°. Ce travail est extrait de la collection
espagnole rassemblée par le savant Munoz ; il fut
écrit vers 1652. Léon Pinello donne les autres
titres des ouvrages de Montesinos et fait con-
naître ceux qu'il publia sur la métallurgie. F. D.
Epitome de la Bib. oriental y occidental. — Collection
de M. Henri Temaux-Compans.
monteson ou monçon ( Jean de ), théo-
logien espagnol, né vers 1360, à Monteson (Ara-
gon ). Il embrassa la règle de Saint-Dominique,
professa la théologie à Valence, et vint en 1383
à Paris, où il fut reçu docteur (1387). Ayant
avancé dans sa thèse quelques propositions con-
traires à la croyance de l'immaculée conception
de la Vierge , il les vit condamner par la faculté,
(Il Ce second travail, qui porte Se nom A'Annales ms„ a
été utilisé par Preseott.
179 MONTESON —
et Pierre d'Orgemont, alors évêque, défendit
de les soutenir, sous peine d'excommunication.
Cette querelle amena de grands troubles dans
l'université : on jeta en prison ceux des parti-
sans du moine espagnol qui refusèrent de se ré-
tracter, et l'on exclut des cours tous les Domi-
nicains. Jean de Monteson en avait appelé à
Clément VII, pape schismatique résidant à Avi-
gnon; mais s'étant aperçu que les commissaires
qu'on lui avait donnés ne lui étaient point favora-
bles, il prit la fuite (janvier 1389), et il se trouvait
en Aragon lorsqu il fut excommunié. Pour se
venger de cette persécution , il entra dans l'obé-
dience d'Urbain VI, et écrivit contre Clément VII.
La paix ne fut conclue qu'en 1403, et par l'en-
tremise de plusieurs princes et du pape d'Avi-
gnon Benoît XIII. En 1412 il fut chargé par le
duc Alfonse de soutenir ses droits à la couronne
d'Aragon. Sesouvrages n'ont pas été imprimés.P.
Échard et Quétif , Script, ord. Prœdicatorum, I.
montespan ( Françoise- Athénaïs de Ro-
chechouakt , marquise de ) , maîtresse de
Louis XIV, née en 1641, au château de Tonnay-
Charente ( Saintonge ), morte le 28 mai 1707, à
Bourbon-l'Archambault. Fille puînée de Gabriel
de Rochechouart, premier duc de Mortemart,
elle avait pour frère le duc de Vivonne, qui de-
vint maréchal de France, et pour sœurs la char-
mante marquise de Thianges et la savante ab-
besse de Fontevrault. « Ces quatre personnes,
dit Voltaire , plaisaient universellement par un
tour singulier de conversation mêlé de plai-
santerie, de naïveté et de finesse, qu'on appelait
Yesprit des Mortemart. » Connue d'abord sous
le nom de M"e de Tonnay-Charente, elle reçut
une éducation digne de sa naissance>u couvent
de Sainte-Marie, à Saintes. En 1663, à l'âge de
vingt-deux ans, elle épousa Henri-Louis de Par-
daillan deGondrin, marquis de Montespan (1),
et devint presque en même temps dame du
palais de la reine. Avant son mariage elle avait,
comme MIIe de La Vallière, figuré parmi les
filles d'honneur de Madame; elle arriva au
cœur du roi en passant par le même chemin.
Mais ce n'était pas le roi qu'elle aimait alors, et
de son côté le roi ne pouvait la souffrir ; peut-
être s'effrayait-il de son esprit. Elle était toute
à son mari , beau , galant, dédaigneux, grand
joueur, et elle lui donna un fils, le ducd'Antin,
qui les méprisa tous deux. D'abord très-recher-
chée de la reine, qui l'appelait tous les soirs
près d'elle, Mme de Montespan s'était liée chez
Madame d'une tendre amitié avec Mlle de
La Vallière (2) ; l'une et l'autre lui parlaient
(1) C'est le nom d'une ancienne seigneurie de Gascogne,
érigée en marquisat en 1612.
(2) Quand elle ne vit plus qu'une rivale dans son amie,
elle traça d'elle ce portrait :
Soyez boiteuse, ayez quinze ans,
Point de gorge, fort peu de sen3,
Des parents, Dieu le sait !... faites, en fille neuve,
Dans l'antichambre vos enfants,
Sur ma foi, vous aurez le premier des amants,
Et La Vallière en est la preuve.
MONTESPAN
180
sans cesse du roi; elle l'aima sans le savoir, et,
d'humeur violente et passionnée comme elle
était, ce fut par la jalousie que commença son
amour. Le roi, qui la rencontrait sans cesse
chez sa maîtresse et chez sa femme, céda peu
à peu au charme de l'esprit le plus vif et de la
plus éclatante beauté. Il n'est pas besoin, pour
expliquer cette légende amoureuse, d'avoir re- fl
cours, comme on l'a fait, à une cabale de cour-
tisans contre la favorite; encore moins faut-il
accuser d'ambition ou de méchanceté la mar- 1
quise, dont la conduite avait été jusque alors à
l'abri du reproche. C'était en toute sincérité
qu'elle se récriait alors sur les imprudences de :
Mlle de La Vallière. « Dieu me garde d'être [I
maîtresse du roi! s'écriait- elle ; mais si j'étais i;
assez malheureuse pour cela, je n'aurais jamais I
l'effronterie de me présenter devant la reine. » I
Deux ou trois ans se passèrent. Un jour le;
roi, qui commençait à se détacher de MUe de
La Vallière, devint plus pressant avec Mme de \
Montespan ; elle résista, elle avertit son mari, et
le pressa avec les plus fortes instances de l'em- \
mener loin de la cour. Mais le mari, songeant à j
profiter de l'occasion pour son intérêt, railla sa !
femme, et refusa de la laisser partir. A quelque j
temps de là, il s'oublia jusqu'à la frapper et à
la couvrir d'injures, elle et Mme de Montausier, |
chez qui elle avait un appartement ; puis il se I
rendit à Versailles tout vêtu de noir , et prit j
congé du roi en lui disant qu'il portait le deuil i
de sa femme et qu'il ne la verrait plus (1).
Jetée par sa folle passion autant que par l'ex-
travagance de son mari dans les bras de S
Louis XIV (1668), Mme de Montespan s'efforça, ï
avec toute la haine d'une rivale, de ruiner le!
crédit de Mlle de La Vallière. « Abusant de ses!
avantages, dit Mme de Caylus, elle affectait del
se faire servir par elle, donnait des louanges à
son adresse, et assurait qu'elle ne pouvait être!
contente de son ajustement si elle n'y mettait lai
dernière main (2). » Mlle de La Vallière, aveclajj
faiblesse d'un cœur aimant, s'abandonnait àj
cette servilité qui lui permettait au moins des
voirie roi. C'était par pénitence, dit-on, qu'elle |
s'imposait le supplice de rester chez sa rivale,!
croyant se punir par là où elle avait péché. Lesi
deux favorites ne se quittaient plus. Ensembles
(1) 11 tint parole. Exilé dans ses terres, il n'en sortit
plus. « Il vécut toute sa vie et mourut amoureux de sa I
femme », dit Saint-Simon. Par ordre du roi, un arrêté du
Cbâtelet du 11 juin 1676 le sépara de corps et de biens
d'avec elle; cependant il accepta deux cent mille francs
pour payer ses dettes.
(2) La princesse palatine prête à cette situation ries f
teintes odieuses. « La Montespan, dit-elle, qui avait plus
d'esprit, se moquait d'elle publiquement, la traitait fort >
mal et obligeait le roi a en agir de même. Il fallait tra- I
verser la chambre de La Vallière pour se rendre chez la
Montespan. Le roi avait un joli êpagneul appelé Ma-
lice; à l'Instigation delà Montespan, il prenait ce pefit
chien et le jetait à la duchesse de La Vallière en disant:
« Tenez, Madame, voilà votre compagnie, c'est assez. »
Cela était d'autant plus dur qu'au lieu de rester chez elle ,
il ne faisait que passer pour aller chez la Montespan. » ,
181
elles allaient au bal, aux fêtes et a la guerre;
ensemble elles vinrent donner à Madame l'a-
dieu suprême. Pendant près de quatre années la
cour eut le révoltant spectacle et de ce double
adultère et de cette association de deux mal-
tresses, qui avaient des enfants de leur amant
l'une et l'autre. Mme de Maintenon, alors veuve
Scarron, était déjà à la cour; on l'admettait de
moitié dans les récriminations et dans les conli-
dences. La faveur de Mme de Montespan gran-
dissait peu à peu; elle éclata au grand jour
lorsque Lauzun fut enfermé à Pignerol ( 1671 ).
Lauzun n'avait-il pas eu l'incroyable audace de
se cacher sous son lit et de lui répéter ensuite
à l'oreille les propos d'alcôve que lui avait
tenus le roi ? Quand MIle de La Vallière eut
enfin franchi le seuil des Carmélites ( 1674), la
marquise ne garda plus aucune retenue; elle
assista quelquefois au conseil, elle prit part
aux affaires, elle eut même des gardes, « de
peur que son mari ne lui fît quelque affront » ;
elle afficha un luxe effréné ; elle prodigua au-
tour d'elle l'or et les faveurs ; quand on la voyait
passer, elle, Madame et la reine dans le même
carrosse, le peuple s'écriait : « Voilà les trois
reines. » Elle faisait des efforts inouïs pour re-
tenir auprès d'elle le volage monarque. Pour
l'amuser, elle affecta l'enfantillage et l'étour-
'derie. Elle raillait tout le monde et se raillait
elle-même. « Une m'aime pas, avouait-elle quel-
quefois en parlant de Louis XIV, mais il croit
se devoir à lui-même d'avoir pour maîtresse la
plus belle femme de son royaume. »
C'était en effet l'unique secret de cette liaison,
qui, au milieu d'orages continuels, compta de si
rares beaux jours. Tous les contemporains s'accor-
dent à la peindre des plus attrayantes couleurs.
« Belle comme le jour », disait Saint-Simon ;
« une beauté très -achevée », selon Mmc de La
Fayette. La Palatine, qui l'exécrait, vante « ses
beaux cheveux blonds, ses belles mains, sa
belle bouche », et Mme de Sévigné s'écriait avec
admiration : « C'est une chose surprenante que
sa beauté ! » Mignard a laissé d'elle un mer-
veilleux portrait, qui justifie ces lignes sympa-
thiques de M. de Noailles : « La nature avait
prodigué tous ses dons à Mme de Montespan :
des flots de cheveux blonds, des yeux bleus ra-
vissants avec des sourcils plus foncés, qui unis-
saient la vivacité à la langueur, un teint d'une
blancheur éblouissante, une de ces figures enfin
qui éclairent les lieux où elles paraissent. »
Aussi régnait-elle impérieusement, et le roi,
ébloui, subjugué, poussa la folie de l'amour
jusqu'à légitimer les enfants qu'elle lui avait
donnés, enfants issus d'un double adultère.
Cette liaison durait depuis plus de sept ans,
non sans que Louis eût fait à la marquise des
infidélités nombreuses (1), lorsque arriva te ju-
(1) On cite Mm«.de Soubise, Mme du Ludre, M»" de
Fontangcs, etc. Cette dernière fut produite en 1679 par la
marquise elle-même.
MONTESPAN 182
bile de 1676. L'un n'était pas moins dévot que
l'autre, ni d'une dévotion plus éclairée; Bos-
suct leur représenta qui! fallait apaiser la co-
lère de Dieu par un grand acte de contrition. Ils
se soumirent. Tandis que le roi gagnait le ciet
à Versailles, Sa maîtresse courait à Paris jeûner,
pleurer et prier dans un couvent. Bientôt après
elle se représenta à la cour, où c'était son droit
d'être reçue comme dame du palais (t). Ce re-
tour inattendu donna lieu à toute une négocia-
tion, à la (in de laquelle on arrêta entre les deux
amants une entrevue en présence des dames les
plus graves et les plus respectables. Bossuet, en
voulant les convertir, ne réussit qu'à les raccom-
moder. « Le roi, continue Mmc de Caylus, vint
chez Mme de Montespan comme il avait été dé-
cidé ; mais insensiblement il la tira dans une fe-
nêtre ; ils se parlèrent bas assez longtemps ;
ils pleurèrent, et se dirent ce qu'on a accoutumé
de dire en pareil cas. Ils firent ensuite une pro-
fonde révérence à ces vénérables matrones ,
passèrent dans une autre chambre, et il en ad-
vint Mme la duchesse d'Orléans et ensuite M. le
Comte de Toulouse (2). »
Cependant le premier coup était porlé ; la
passion survécut, l'habitude plutôt, mais mor-
tellement atteinte. Mrae de Maintenon, que la
marquise avait comblée de bienfaits, à qui elle
avait confié l'éducation de ses enfants , qu'elle
traitait en amie dévouée , Mme de Maintenon
s'insinuait sourdement dans l'estime du roi, qui
l'avait d'abord écartée de lui avec répugnance.
Elle infligeait, à la favorite la peine du talion.
Mais celle-ci, hautaine et jalouse, s'indigna à la
pensée de partager un seul instant le cœur du
maître ; elle se souvenait de La Vallière. Elle
lutta avec toute l'intempérance de son carac-
tère, avec la rage et la folie de l'amour trompé;
mais que pouvait-elle contre une femme qui ,
montrant le ciel à Louis XIV à travers le ciel
de son lit, savait l'art de le renvoyer toujours
affligé, jamais désespéré ? Cette rivalité furieuse
n'était plus un secret à la cour. « L'étoile de
Quanto pâlit, écrit Mme de Sévigné. Il y a des
larmes, des chagrins, des gaietés affectées, des
bouderies ; enfin tout finit. Voici le temps d'une
crise digue d'attention. » La crise dura trois
ans. Un auxiliaire inattendu en décida l'issue en
faveur de Mme de Maintenon : la vieillesse pré-
maturée du roi, c'est-à-dire la goutte et la fis-
tule, et avec le souci de la santé, les terreurs
superstitieuses de l'âme. Le galant monarque,
transformé peu à peu en pécheur repentant,
laissait arriver jusqu'à lui les cris du remords et
du devoir. Il fit sentir durement à Mme de Mon-
tespan qu'il ne voulait pas être gêné. Aux fêtesv
d'automne de 1679, il avait omis à dessein
son nom sur les listes d'invitation, tl n'en eut
(1) Vers 1G80 elle acheta de la comtesse de Soissons la
charge de surintendante de la maison delà reine.
(2) La spirituelle comtesse ajoute qu'on voyait dans
la physionomie et dans toute la personne de la duchesse
d'Orléans des traces de ce combat de l'amour et du jubilé.
183
MONT ESP AN
184
pas aisément raison ; le repentir était si amer et le
péché si séduisant, !
Tout ce grand éclat d'orageuse passion et
de scandale inouï s'éteignit misérablement.
Louis XÏV, qui avait pris Mu,e de Montespan par
caprice, la quitta par lassitude ; après la mort
delà reine (1683), il continuait encore de passer
«hez elle en allant à la messe ; on le disait tour-
menté par ses remords. L'amour et la beauté
de la marquise défiaient les outrages du temps;
elle n'éprouvait d'autre remords que celui d'a-
voir frayé le chemin à une rivale. Quand vint
l'heure de la retraite, elle ne voulut pas l'enten-
dre. « Le roi ne vous aime plus », lui avait dit
Bossuet. Comment l'aurait-elle cru, elle qui l'ai-
mait encore comme au premier jour? Le roi lui
envoya des messagers plus durs : l'un fut Mm* de
Maintenon, l'autre le propre fils de la marquise,
lejduc du Maine, à qui on avait fait la leçon. A
l'époque du mariage secret du roi, vers la fin de
1684, on lui retira son appartement pour la re-
léguer bien loin, au rez-de-chaussée» Jusqu'en
1 687 Louis alla encore la voir et lui permît, ainsi
que Mme de Maintenon, de monter dans ses car-
rosses Ce ne fut qu'en 1691 qu'elle se décida à
quitter Versailles. A peine fut-elle partie que le
duc du Maine donna l'ordre que tous les meu-
bles, robes et bijoux de sa mère la suivissent à
Paris «pour lui ôter tout prétexte de revenir à la
cour, dans la crainte que si le roi la revoyait, il
lui rendît ses bonnes grâces (1). »
Chassée de la cour, oubliée du roi, Mme de
Montespan alla pleurer aux Carmélites dans les
bras de M1Ie de La Vallière. Plus tard elle se re-
tira dans la communauté des dames de Saint-
Joseph, qu'elle avait naguère rétablie de ses
épargnes. Comme elle n'était pas touchée de la
grâce, elle se retourna bientôt vers le monde,
rouvrit ses salons , appela autour d'elle les
poètes (2) et les grands seigneurs. « Elle par-
lait à chacun comme une reine qui tient sa
cour. » Quand le roi chassait à Fontainebleau,
elle courait à Petit-Bourg, dans le château qu'il
lui avait donné, pour le voir passer au loin;
elle espérait même qu'il viendrait chez elle un
jour. « Mais le roi, fait observer Mme de Caylus,
n'avait pas la religion du passé. » Elle voya-
geait sans cesse, cherchant le repos et obsédée
des ombres du passé; dans les heures noires,
elle se rejetait au couvent. Ce fut là qu'elle écri-
vit à son mari dans les termes les plus hum-
bles,, offrant de retourner avec lui s'il daignait
la recevoir ou de se rendre en quelque lieu qu'il
voulût lui désigner. Sacrifice héroïque ! « Elle
en eut le mérite sans en essayer l'épreuve, »
selon Fexpression de Saint-Simon. M. de Mon-
(1) Mme de Maintenon présida à ce départ précipité.
« Que vous importe, dit-elle à la marquise, qui éclatait
en récriminations, que cette- place soit remplie, pourvu
que ce ne soit pas par vous? — On voit bien, répliqua la
maîtresse déchue, que vous n'avez jamais aimé un roi,
pas même un homme. »
(2) La Fontaine lui dédia le VIIe livre de ses Fables.
tespan répondit qu'il ne voulait plus entendn
parler d'elle. Plusieurs fois on la revit à kl
cour ; elle assista comme une étrangère am ]
mariages de ses enfants. Le temps de sa dis
grâce ne fut plus qu'un long martyre. Elle er j
rait çà et là comme une âme en peine, ne pou |
vant oublier qu'elle s'était assise sur les mar-
ches d'un trône et qu'elle était encore belle i
« Comme je suis bien où je ne suis pas! » s'é jJ
criait-elle souvent. Peu à peu elle en vint £ Il
donner tout son bien aux pauvres. Elle renonça I
au jeu ; sa table devint la plus frugale , elk i
multiplia les jeûnes ; à- toute heure du jour elle
s'interrompait pour prier. « Ses macérations i
étaient continuelles, rapporte Saint-Simon ; ses
chemises et ses draps étaient de toile jaune la
plus dure et la plus grossière, mais cachée sous I
des draps et une chemine ordinaire. Elle portait
sans cesse des hracelels, des jarretières et une I
ceinture à pointes de fer qui lui faisaient sou- 1
vent des plaies, et sa langue, autrefois si à crain- I
dre, avait aussi sa pénitence. Elle était de plus j;!
tellement tourmentée des? affres de la mort, I
qu'elle payait plusieurs femmes dont l'emploi 'I
unique était de la veiller. Elle couchait tous les jj
rideaux ouverts avec beaucoup de bougies dans I
sa chambre, ses veilleuses autour d'elle qu'à I
toutes les fois qu'elle se réveillait elle voulait
trouver causant, jolianl ou mangeant, pour se
rassurer contre leur assoupissement. »
Au printemps de 1707, Mme de Montespan se
rendit, suivant son habitude, aux eauxdeBour-
bon-PArchambault; elle était en compagnie de la
maréchale de Cœuvres. Se voyant un matin j
toute couperosée, elle appela un médecin, qui la
saigna fort mal à propos. Elle s'évanouit, et ne
revint à elle qu'avec le délire. Avant d'expirer
elle fit de ses péchés une confession publique.
Elle fut en peu d'instants si défigurée que son
fils, le duc d'Antin, ne la reconnut pas. « Elle
n'avait, dit Mme de Sévigné, aucun trait ni au-
cun reste qui pût faire souvenir d'elle : c'était
une tête de mort gâtée par une peau noire et
sèche ; c'était enfin une humiliation si grande
pour elle que, si Dieu a voulu qu'elle en ait
fait son profit, il ne lui faut point d'autre péni-
tence. » On l'enterra sans pompe à Poitiers, et
avec « une parcimonie indigne ». Ses entrailles,
qui devaient , d'après ses derniers vœux , être
portées à la communauté des dames de Saint-
Joseph, furent jetées aux chiens par un valet
négligent. Il fut interdit à ses enfants de prendre
le deuil. En apprenant cette mort foudroyante,
Mmc de Maintenon versa des larmes. Louis XIV
parut fort indifférent, et dit pour Mme de Montes-
pan le mot cruel qu'il Tépétajen 1710 pourM"e de
La Vallière: « Il y a trop longtemps qu'elle est
morte pour moi pour que je la pleureaujourd'hui.»
Outre le duc d'Antin et une fille morte en bas
âge qu'elle eut de son mari, Mme de Montespan
donna huit enfants au roi : le duc du Maine, né
en 1670 ; Louis-César, comte de Vexin, abbé de
185
MONTESPAN — MONTESQUIEU
saint-Denis et de Saint-Germain des Prés, né en
1072, mort le 10 janvier 1683; Mlle de Nantes,
iuchesse de Bourbon, née en 1673, morte le
16 juin 1743; M"e de Tours, morte en 1681;
tfiiede/Moîs, duchesse d'Orléans, née en 1677 ; le
:omte de Toulouse, né en 1678; et deux fils,
nortsjeunes. Les six premiers enfants furentsuc-
;essivement légitimés. P. Louisy.
[ Saint-Simon, Dangeau, M""> de CayUis, Mm0 de La
Valette, !Mlle de Montpensier, de Sourches, Mm« de
hlaintcnon, Mémoires. — y\me de Sévigné, Lettres. —
■ liissv-Rabutin , Histoire amoureuse des Gaules. —
i [voltaire, Siècle de Louis XIV. — Lettres de la duchesse
\ \ialatine. — Kortoul, Fastes de Versailles. — A. Hous-
! i aye, Mlle de La Vallière, et Mme de Montespan. — Ca-
ieSgue, Mlle de La Valllèreet (mites les notices sur
1 1 illle de La Vallière et Mme de Maintenon.
[ montesqcied ( Charles de Secondât ,
;>aron de la Brède et de), célèbre publiciste,
i Philosophe et littérateur français, né le 18 jan-
vier 1089, au château de la Brède, près de Bor-
deaux, et mort à Paris, le 10 février 1755. Son
hère, fils d'un président à mortier au parle-
I ! nent de Bordeaux , entra au service, et le
Huitta de bonne heure. Le jeune Montesquieu
ii.nnonça dès son enfance d'heureuses disposi-
tions, et il a dit dans le portrait qu'il a fait de
Hni-même : « L'étude a été pour moi le sou-
If -erain remède contre les dégoûts de la vie,
■ l'ayant jamais eu de chagrin qu'une heure de
lecture n'ait dissipé. » A l'âge de vingt ans, il
ipomposa un ouvrage qu'il n'a pas jugé digne de
h voir le jour, et qui avait pour but de prouver
lique l'idolâtrie de la plupart des païens ne pa-
raissait pas mériter une damnation éternelle. Il
s'était épris de la philosophie des anciens, et ne
mouvait croire que des sages tels que Platon,
[Sénèque, Cicéron, fussent condamnés à subir
i) les peines sans rémission dans l'autre vie. Il se
I préparait dès lors aussi à écrire V Esprit des
■\Lois. « Au sortir du collège, dit-il , on me mit
jians les mains des livres de droit, j'en cherchai
'l'esprit... » (Lettre au grand-prieur de Solar,
!3u 7 mars 1749.)
|| Montesquieu fut reçu conseiller au parlement
|de Bordeaux le 24 février 1714, et son oncle
Ipaternel, président à mortier à ce parlement,
:iui céda sa charge, à laquelle il fut promu le
13 juillet 1716. Du reste, Montesquieu ne peut
jpas être cité comme un grand magistrat. Il avait
'peu de goût pour les devoirs de sa profession;
'il était plus philosophe que jurisconsulte, et il est
jconvenu de son peu d'aptitude à la magistrature
jdans le portrait que nous avons déjà mentionné :
)« Quant à mon métier de président, y dit-il, j'ai
le cœur très-droit, je comprenais assez les ques-
tions en elles-mêmes; mais quanta la procédure,
je n'y entendais rien. Je m'y suis pourtant ap-
pliqué, mais ce .qui me dégoûtait le plus, c'est
'que je voyais à des bêtes le même talent qui me
fuyait pour ainsi dire. »
| En 1722, Montesquieu fut chargé par sa com-
pagnie de rédiger des remontrances adressées
au roi à l'occasion d'un nouvel impôt sur les
186
vins. Il en obtint la réformation; mais plus tard
cet impôt fut reproduit sous une autre forme. Il
fit aussi partie, en 1716, d'une société littéraire
qui venait de se former à Bordeaux. « Le goût
pour I* musique et pour les ouvrages de pur
agrément, dit D'Alembert, avait d'abord rassem-
blé les membres qui la formaient. Montesquieu
voulut donner à leurs travaux une direction plus
utile : il fit transformer cette société littéraire
en une académie des sciences, et il lui commu-
niqua plusieurs écrits sur l'histoire naturelle,
qu'il aimait beaucoup, mais qu'il ne put conti-
nuer de cultiver à cause de la faiblesse de sa
vue. Il lui fit part aussi de ses premiers essais
de littérature et d'histoire, qui consistaient en
une dissertation sur la Politique des Romains
dans la religion, en un Eloge du duc de la
Force, et une Vie du maréchal de Berwick. »
Ces divers morceaux n'auraient pas été de
nature à étendre la renommée de Montesquieu
hors des limites de sa province. Mais l'appari-
tion des Lettres persanes, en 1721, fit une
sensation si profonde que l'on dut rechercher
quel en était l'auteur, qui avait gardé l'anonyme.
La forme de ce livre n'était rien moins que nou-
velle. Elle offrait une imitation assez servile du
Siamois des Amusements sérieux et comiques
de Dufresny. Mais les idées y étaient si finement
exprimées, les observations si justes, la philo-
sophie si hardie, les peintures si vives, qu'il
obtint une vogue immense. Montesquieu lui-
même a constaté ce succès lorsqu'il raconte que
les libraires allaient tirer par la manche chaque
homme de lettres qu'ils rencontraient, en lui di-
sant : « Monsieur, faites-nous des Lettres per-
sanes. » Montesquieu avait craint sans doute de
livrer son nom au public, car la gravité de sa
profession contrastait avec la légèreté de cer-
tains détails, et surtout avec la nouveauté des
opinions dans les matières les plus délicates. On
ne tarda pas cependant à connaître l'auteur et
à savoir que c'était l'un des présidents du parle-
ment de Bordeaux. L'opinion publique le dési-
gna généralement pour l'une des premières
places qui viendraient à vaquer dans le sein de
l'Académie Française. Il se présenta en effet lors
de la mort de Sacy. Mais le vieux cardinal de
Fleury, premier ministre, poussé par de misé-
rables délateurs, écrivit à l'Académie que le roi
ne donnerait jamais son agrément à la nomina-
tion de l'auteur des Lettres persanes. Le cardinal
ajoutait naïvement qu'il n'avait point lu ce livre,
mais que des personnes en qui il avait confiance
lui en avaient fait connaître le poison et le dan-
ger. Alors, si on en croit Voltaire, Montesquieu
aurait usé d'un subterfuge peu digne de sa po-
sition et de son talent : il aurait fait faire en peu
de jours une nouvelle édition de son livre, dans
laquelle on retrancha ou on adoucit tout ce qui
pouvait être condamné par un cardinal ou par
un ministre. « M. de Montesquieu, ajoute Vol-
taire, porta lui-même l'ouvrage au cardinal, qui
187
ne lisait guère, et qui en lut une partie ; cet air
de confiance, soutenu par l'empressement de
quelques personnes en crédit, ramena le cardi-
nal, et Montesquieu entra à l'Académie. » D'A-
lembert ne raconte pas le fait de la même ma-
nière. Il dit que Montesquieu vit le ministre, lui
déclara que, par des raisons particulières, il
n'avouait point les Lettres persanes, mais qu'il
était encore plus éloigné de désavouer un ou-
vrage dont il croyait n'avoir point à rougir et
qu'il devait être jugé d'après une lecture et non
sur une délation. Il termine ce récit en disant
que Montesquieu avait déclaré au gouvernement
qu'après l'espèce d'outrage qu'on allait lui faire ,
il irait chercher chez les étrangers, qui lui ten-
daient les bras, la sûreté, le repos, et peut-être les
récompenses qu'il auraitdû espérer dans son pays*
Montesquieu fut enfin reçu académicien, et il
prononça son discours d'inauguration, le 24 jan-
vier 1728, sept ans, par conséquent, après l'ap-
parition de l'ouvrage qui avait commencé sa ré-
putation. Pour se livrer sans entraves à son
goût dominant, la philosophie et les lettres, il
s'était défait quelque temps auparavant de sa
charge de président. Plus tard, cependant, il en
redevint propriétaire, car voici ce que nous li-
sons dans une lettre adressée par lui à l'abbé de
Guasco, le 28 mars 1748 : « Mon fils ne veut pas
de la charge de président à mortier que je comp-
tais lui donner. Il ne me reste donc que de la
vendre ou de la reprendre moi-même. »
Montesquieu voulut étudier les mœurs des
nations et les formes des gouvernements, en les
voyant de près. Dans le but il se mit à voyager.
Il se rendit d'abord à Vienne, où il fréquenta le
prince Eugène. Il visita ensuite la Hongrie, d'où
il partit pour l'Italie. Après avoir résidé dans cette
contrée célèbre, il parcourut la Suisse et la Hol-
lande, et passa en Angleterre, dans la compagnie
de lord Chesterfield à la fin d'octobre 1729. II
resta deux ans dans ce pays, et y fut accueilli de
la manière la plus distinguée par la reine et par
les personnages les plus élevés. Il fut admis au
nombre des membres de la Société royale de Lon-
dres.
De retour en France, Montesquieu vécut deux
ans au château de la Brède, où il composa son
ouvrage sur Les causes de la grandeur et de
la décadence, des Romains, qui parut en 1734,
et que, suivant D'Alembert, il aurait pu intitu-
ler -. Histoire romaine à Vusage des hommes
d'Etat et des philosophes. Le Dialogue de
Sylla et d'Eucrate, qui se trouve à la suite de
cet ouvrage, est une page admirable, dans la-
quelle la terreur des Romains devant leur dic-
tateur est peinte à grands traits.
Montesquieu préludait ainsi par des chefs-
d'œuvre à son chef-d'œuvre, L'Esprit des Lois.
Ce livre célèbre l'occupa longtemps. « Dans le
cours de vingt années, dit il, je vis mon ouvrage
commencer, croître, s'avancer et finir. » Et en
•effet, une production de cette importance n'est
MONTESQUIEU 18:
pas de celles qui demandent peu d'études et un ;
rapide rédaction. Avant de la livrer au public
Montesquieu la soumit au jugement d'Helvé
tius, qu'il avait déjà plusieurs fois consulté,
La Brède, sur les différentes parties du livre
au fur et à mesure qu'elles étaient terminées
Ce philosophe ne trouva point les idées d
son ami assez hardies ; il craignit que l'ou
vrage ne répondît point à la hante réputatio:
de son auteur. Il demanda à Montesquieu l'au
torisation de le communiquer à Saurin, l'auteu
de Spartacus, qui avait leur confiance com
mune. Saurin partagea l'avis d'Helvétius, et o:
voit, par une lettre que celui-ci lui adressa, 1 1
peu d'impression que la sévérité de ce jugemen
avait fait sur Montesquieu. « J'ai écrit, mo
cher Saurin, est-il dit dans cette lettre d'Helvé
tius, comme nous en étions convenus, au prési
dent, sur l'impression que vous avait faite so.
manuscrit ainsi qu'à moi. J'ai enveloppé notr
jugement de tous les égards de l'intérêt et d
l'amitié. Soyez tranquille, nos avis ne l'ont poin
blessé. » Montesquieu ne tint pas compte de
craintes de ses deux amis. Il envoya son ma
nuscrit à un autre de ses amis, le pasteur Jaco
Vernet, de Genève , pour qu'il le fît imprime
dans cette ville, où en effet l'ouvrage parut ver
le milieu de l'année 1748, en 2 vol. in-4°. Il ob
tint un succès tel qu'ayant été défendu en Autri
che, Montesquieu put écrire, le 27 mai 1750, ai
marquis de Stainville , ambassadeur de l'empe
reur à la cour de France : « Peut-être Yotr
Excellente pensera-t-elle qu'un ouvrage dont oi
a fait dans un an et demi vingt-deux éditions
qui est traduit dans presque toutes les langue j
et qui d'ailleurs contient des choses utiles, n
mérite pas d'être proscrit par le gouvernement.)
L'Esprit des Lois donna lieu à une foule de ju I
'.gementsde natures diverses. Nous n'en rappel
lerons que deux. Mme du Deffand dit, en parlan
de cet ouvrage, « que ce n'était point l'espri
des lois, mais de l'esprit sur les lois. » Ce mo
fit fortune ; celui de Voltaire est plus juste : « L< |
■ genre humain avait perdu ses titres, Montesquiei
les a retrouvés et les lui a rendus. » On doit din
que cet ouvrage n'a pas vieilli. Les recherche: I
récentes faites sur les origines du droit féoda
ont pu modifier certaines opinions de Montes ;
quieu sur ces origines, mais le fond du livre es j
excellent, et après tant d'expériences d'institutions
politiques diverses , il n'en demeure pas moins
le manuel de l'homme d'État et du philosophe j
Si L'Esprit des Lois reçut beaucoup d'hom-
mages , il eut à essuyer aussi de nombreuses ;
critiques. Celles qui furent le plus sensibles à|
Montesquieu émanèrent d'un auteur anonyme,
qui l'accusa d'athéisme dans un journal janséniste j
intitulé : Nouvelles ecclésiastiques. Prévoyant i
que cet auteur n'était que le précurseur des théolo-
giens de la Sorbonne, il se donna la peine de le ré-
futer dans une Défense qui est un modèle de po-
lémique et de bon goût. Une autre réfutation de
(89
L'Esprit des Lois acquit quelquecélébrité auprès
les bibliographes par les noms des personnes qui
y participèrent et parla rareté de l'ouvrage, fort
nédiocredu reste, qui les contient. Nous voulons
>arlcr des Observations attribuées au fermier
énéral Dupin, et qui paraissent être des
P. Plesse et Bertbier, pour la plus grande partie
t lu moins. Mme Dupin, la môme qui eut J.-J. Rous-
seau pour secrétaire, et qui ne le trouvait bon
i ju'au métier de copiste, composa, dit-on, la pré-
l'ace de ces observations. Quelques biographes
[«•étendent que Montesquieu eut la faiblesse de
L'affliger de ces critiques, et qu'il employa le dé-
lit de Mrae de Pompadour pour engager Dupin à
' upprimer son livre. Il y consentit, et tel paraît
htre le motif de la rareté de cet ouvrage, dont
i ine douzaine d'exemplaires seulement auraient
> té mis en circulation. Il ne faut pas confondpe
i vec cette nuée de prétendues réfutations les
iravaux sérieux auxquels L1 Esprit des Lois donna
ieu, et qui sont dus à des écrivains célèbres.
l\insi Voltaire, dans un commentaire, a relevé,
[véc l'admirable bon sens qui le caractérise,
iuelques erreurs échappées à Montesquieu. On
1 publié aussi des observations, souvent fort ju-
J icieuses , de Condorcet sur le livre 29e de ce
\ rand ouvrage. Enfin, Destutt de Tracy est au-
|;ur d'un Commentaire qu'il avait destiné aux
Etats-Unis d'Amérique, et qui est empreint des
principes politiques qui dominent dans ce pays.
S L'Esprit des Lois couronna la haute réputa-
tion de Montesquieu , qui continua de vivre en
[âge à La Brède et à Paris. « Dans sa terre, dit
in de ses biographes (M. Walckenaër),il aimait
I s'occuper de jardinage et d'améliorations agri-
coles; très-jaloux de ses droits seigneuriaux, et
iar conséquent voisin incommode , mais adoré
[le ses paysans, dont il recherchait l'entretien,
farce que, disait-il , ils ne sont pas assez sa-
lants pour raisonner de travers ; dans la capi-
|ale, convive aimable , trop simple et trop né-
gligé peut-être dans ses habillements , comme
(ans ses manières et dans sa conversation, » sa
|ie est semée de traits honorables. Nous n'en
^appellerons qu'un, parce qu'il a donné lieu à
une pièce de théâtre qui obtint un grand succès,
<ous le titre du Bienfait anonyme (1784).
Montesquieu se trouvant à Marseille, donna sa
jiourse à un jeune batelier et consigna secrète-
ment à un banquier la somme de 7,500 livres
tiécessaire pour racheter le père de cet infortuné
lui avait été pris par des corsaires.
i Montesquieu ne voulait jamais consentir à ce '
[|ue l'on fit son portrait. Dassier, fameux graveur
iittaché à la Monnaie de Londres, qui avait déjà
,ait les médailles de plusieurs grands hommes de
ion temps, ayant voulu graver la sienne, avait
jussi essuyé un refus; mais lui avait dit :
t Croyez-vous qu'il n'y ait pas autant d'orgueil
}i refuser ma proposition qu'à l'accepter? » Mon-
jesquieu y consentit enfin, et cette médaille est
jlevenue le type de tous les portraits que l'on a
MONTESQUIEU T90
de lui. Montesquieu s'était marié à Jeanne de
Lartigues, et il en eut un fils et deux filles. L'une
de ces filles, qui épousa son parent Secondât d'A-
gen, servit de lectrice à son père, dont la vue
devenait de plus en plus mauvaise. A celte occa-
sion nous raconterons une anecdote qui peint bien
l'amour- propre dont Buffon était doué. 11 plaçait
Montesquieu parmi les cinq plus grands génies
qu'il connut et qui étaient Newton, Bacon, Leib-
niz, Montesquieu et lui. Il trouvait toutefois que
la phrase du président était trop ëcourlée. « Le
président que j'ai beaucoup connu, disait-il, éfait
presque aveugle et si vif qu'il oubliait ce qu'il
voulait dicter. » Indépendamment des ouvrages
que nous avons cités, Montesquieu est auteur du
Temple de Gnide, qui respire un parfum an-
tique, et d'un Essai sur le Goût , qu'il écrivit
pour l'Encyclopédie , à la demande de D'Alérn-
bert et du chevalier de Jaucourt. Cet écrit ne fut
publié qu'après sa mort, ainsi qu'/d rsace et Ismé-
nie. Il avait aussi composé une Vie de Louis XI,
dont son secrétaire a brûlé le manuscrit par mé-
garde. Nous ignorons si ce secrétaire était Darcet
(depuis célèbre chimiste et sénateur), qui lui fut
attaché en cette qualité . et qui devint aussi le
précepteur de son fils. Il resta auprès Montes-
quieu jusqu'à la mort de ce grand homme.
Montesquieu, fatigué sans doute par les tra-
vaux que lui avait occasionnés la composition
de L'Esprit des Lois, vit sa santé s'altérer sen-
siblement depuis la publication de cet ouvrage.
Il se trouvait à Paris, au mois de janvier 1755,
lorsqu'il fut atteint d'une fièvre inflammatoire
qui l'emporta au bout de treize jours, le iO fé-
vrier de cette année , n'étant âgé que de soixante-
six ans. Il reçut les soins les plus tendres de
son ancienne amie la duchesse d'Aiguillon, du
duc de Nivernais , du chevalier de Jaucourt, de
M. et Mme Dupré de Saint-Maur. Sa fin aurait
donc été paisible sans les intrigues des Jésuites,
qui voulurent le convertir. Ils lui envoyèrent
un P. Kouth et un P. Gastel, qui obsédèrent
l'illustre malade. Montesquieu leur disait : « J'ai
toujours respecté la religion ( on sait qu'il n'a-
vouait pas les Lettres persanes); la morale
de l'Évangile est le plus beau présent que Dieu
ait pu faire aux hommes. » Ils n'en purent tirer
aucun autre aveu, et comme ils le pressaient de
leur remettre les corrections qu'il avait faites
aux Lettres persanes , afin d'en effacer les pas-
sages irréligieux , il s'y refusa ; mais ii' confia
ce manuscrit à la duchesse d'Aiguillon et à
Mrae Dupré de Saint-Maur, en leur disant : « Je
veux tout sacrifier à la religion , mais rien aux
Jésuites; consultez avec mes amis, et décidez si
ceci doit paraître. » Il reçut le viatique des mains
du curé , qui lui dit : « Monsieur, vous comprenez
combien Dieu est grand. — Oui, reprit-il, et
combien les hommes sont petits. » Du reste, ce
qui montre que Montesquieu n'était pas incré-
dule, c'est cette belle pensée que l'on trouve
dans L'Esprit des Lois. « Chose admirable! la
191 MONTESQUIEU -
religion chrétienne, qui ne semble avoir d'objet
que la félicité de l'autre vie, fait encore notre
bonheur dans celle-ci » (livè XXIV, ch. 3).
On a donné un grand nombre d'éditions des
ouvrages séparés de Montesquieu et de ses Œm-
vres complètes. Les deux meilleures de ces der-
nières sont celles qui ont été publiées à Paris, en
1816, chezLefèvre, 6 vol. in-8°, et, en 1819,
chez Lequien , 8 vol. in-8°. Celle-ci a été réim-
primée en 1822 (Paris, Dalibon). L'Académie
Française ayant mis au concours, pour le prix
d'éloquence, l'Éloge de Montesquieu, le prix
a été décerné, le 25 août 1816, à M. Villemain,
et une mention honorable fut accordée à M. Crus-
solle-Lami,qui n'a publié son ouvrage qu'en 1829
(Paris, Rignoux, in-8°). A. Taillandier.
Voltaire, Siècle de Louis XI F et de Louis Xf. —
Dictionnaire Historique, art. Montesquieu. — D'Alem-
bert, Éloge de Montesquieu. — M. Villemain, Eloge
de Montesquieu. — Lettres familières de Montesquieu,
dans ses OEuvres compiètes.
MONTESQUIEU ( ***, baron de ), officier su-
périeur français, mort le 27 juillet 1822, à
Bridge-Hall près Cantorbéry. Petit-fils du pré-
cédent et son dernier descendant direct, il doit
à cette circonstance d'occuper une place dans ce
recueil. Il entra très-jeune au service, et fut
attaché à l'état-major du comte de Rochambeau,
qu'il suivit en Amérique. Il y combattit avec
courage pour la liberté américaine, obtint la dé-
coration de Cincinnatus, et fut nommé colonel
du régiment de Bourbonnais (infanterie), d'où il
passa à celui de Cambresis ( même arme ). Il
émigra en 1792, et joignit l'armée des princes.
Il se distingua à la défense des cantonnements
d'Ath, passa dans l'état-major du duc de Laval,
puis dans celui de lord John Rawdon Moira (dé-
cembre 1793), destiné à coopérer à l'expédition
de Quiberon (juillet 1795 ). A. d'E— p— c.
Comte Lynch, Notice sur le baron de Montesquieu ;
Paris, 1824, in-4°. — Mahul, Ann. nécr. ann. 182*.
montesquiou, maison qui tire son nom
de la terre de Montesquiou , l'une des quatre
baronnies du comté d'Armagnac, aujourd'hui
chef-lieu de canton du déparlement du Gers.
Quelques membres de cette famille , qui comp-
tait entre autres branches celles de Montluc, de
Marsan et de Fezensac , ont acquis une célébrité
historique. Les plus connus sont :
montesquiou (Joseph- François de) , capi-
taine français , vivait dans la seconde partie du
seizième siècle. Il fut successivement sénéchal
du Béarn, guidon des gendarmes du roi et capi-
taine des gardes suisses du duc d'Anjou ( de-
puis Henri III). 11 était à la bataille de Jarnac,
livrée le 13 mars 1569, entre les catholiques et
tes protestants. Lorsque,accablé sous le nombre,
le prince de Coudé, Louis de Bourbon Ier, fut ren-
versé, avec son cheval tué sous lui , ce prince ,
resté sans défenseurs , appela un gentilhomme
catholique nommé Eibar Tisson , seigneur de
Fissac et d'Argence, auquel il avait précédem-
ment sauvé la vie, et se rendit à lui en lui ten-
MONTESQUIOU 19:
dant son gantelet. Argence, secondé par Saint
Jean de Roches, promit de le protéger (1). Mai
ceux qui entouraient le duc d'Anjou avaient vi
la chute de Condé, et Montesquiou s'avança aus
sitôt. Condé l'ayant reconnu s'écria : « Je sui ;
mort, d'Argence, tu ne me sauveras jamais! : |
et il se couvrit la face de son manteau. En effet
Montesquiou arrivant sur lui par derrière ei i
criant : « Tuez, mordieu ; tuez » ! lui cassa la têt
d'un coup de pistolet. Ce lâche assassinat , com
mis de sang-froid sur un homme blessé et pri i
sonnier « fut,ditL'Estoile, exécuté parle comman
dément du duc d'Anjou , qui en manifesta la joi
la plus indécente et parla de faire élever un d
chapelle à l'endroit où Condé avait été tué. » Oi
ignore le reste de la vie de Montesquiou, qu
sans son crime ne figurerait pas dans l'histoire *
Cependant Brantôme l'appelle « un très-brave e g
très-honnête gentilhomme ». A. d'E — p — c I
VEstoUe, Mémoires pour servira l'histoire deFranCt |
t. I, p. 16.— De Thou, Hist., lib. XLV, p. 1"2-176. - I
Tavannes, Mém.,t. XXVIt, ch. xxr, p. 147-163. — Cas
telnau, Mém., I. VII, ch. iv, p. 232. — Brantôme , 1. Il] I
p. 319. — Davlla , Hist. délie Guerre civill de Francia i
llv. IV, p. !0B,— Sismondi, Hist. des Français, t. XIX l
p. 45-47. — Desormeaux , Hist. de la Maison de Condi I
montesquiou ( Pierre de ) , comte d'Ar j
tagnan, maréchal de France, né au chàteai I
d'Armagnac, en 1645, mort au Plessis-Picquet I
le 12 mai 1725. Il entra en 1660 dans les page I
du roi sous le nom de d'Artagnan , et en 166i I
dans les mousquetaires. Après avoir fait le I
guerres de Flandre et de Franche-Comté, pen I
dant lesquelles il assista à un grand nombn I
de sièges, il fut nommé major général de l'inl
fanterie (28 avril 1683), et brigadier (24 aoû I
1688 ) ; on l'envoya commander à Cherbourg !
menacé par le prince d'Orange. En 1689, il as
sista à la bataille de Fleurus, et en 1691 à 1<
prise de Mons. Maréchal-de-camp, le 9 mai 1692
il combattit à Leuze le 18 septembre, suivit li
roi au siège de Namur, se trouva à Steinkerque I
et apporta au roi la nouvelle de la victoire d<1
Nerwinde, remportée le 29 juillet 1£93. Nommi
gouverneur des villes et citadelles de l'Artois |
puis lieutenant général (3 janvier 1696), il form; |
un régiment de treize compagnies franches quil
étaient en garnison à Arras , et qui prit le non .
de son chef. Envoyé en Flandre , il y resta jus ;
qu'en 1706, où il assista à la bataille de Ramilliei
et à toutes les affaires qui eurent lieu jusqu'er j
1709. Enfin, le 11 septembre, à la journée de Mal '
plaquet, il commandait l'aile droite, eut trois che'
vaux tués sous lui et fut nommé maréchal dt
France; ce fut alors qu'il prit le nom de Montes-
quiou. Rentré en Flandre l'année suivante, il fui
adjoint à Villars pour le commandement de l'ara
mée ; il y soutint sa réputation ; son plus beau fait !
d'armes pendant la campagne de 1 7 1 1 est la rupture
| des digues de l'Escaut, exécutée à la vue de l'en-
(1) Le prince avait eu In jambe casst'e dans la malinée
I par une ruade du cheval de son beau-frère, le comte de !
j La Rochefoucauld. 11 n'en combattit pas moins vail-
i laminent.
193
nemi, et qui rendit le cours de ce fleuve inabor-
dable pendant tout l'hiver. Ce fut lui qui conseilla,
: pour forcer les lignes des alliés , de diriger une
attaque sur Denain. Il avait découvert un endroit
faible dans la double ligne de fortification ; il l'in-
diqua à Villars, qui fit faire à l'autre extrémité
une fausse attaque de dragons ; le prince Eugène
s'étant porté de ce côté pour repousser les dragons,
i Villars, à la tête de ses meilleures troupes, atta-
i qua Denain.qui se rendit le 24 juillet 1712. Montes-
[ quiou commandait encore en Flandre lorsque la
paix fut signée en 1713. Envoyé en Bretagne pour
j tenir les étals de cette province à Dinan, il blessa
la noblesse de ce pays. La Bretagne avait con-
servé des privilèges qui pouvaient être considérés
comme des abus, mais auxquels elle tenait;
Montesquiou, au lieu de se mettre à la tête de cinq
ou six cents gentilshommes qui étaient venus au-
devant de lui, les salua de la portière de son car-
rosse et continua son chemin, ce qui suscita contre
lui un vif ressentiment. Le 16 juin 1720 il prit
le commandement du Languedoc et de la Pro-
vence, qu'il conserva jusqu'en 1721; il fut créé
îhevalier des ordres du Roi en 1724. A. Jadin.
Chronologie militaire. III, 391. — D'Avrlgny , Mé-
i noires. — Griffct, Journal de Louit XÏV. — De Qulncy,
Histoire militaire.— Saint-Simon, Mem., XV, 278 et
178.— Duclos Mémoires secrets, p. 311. — Slsmondl,
'Histoire des Français , XXVII, 74 à 141.
| montesquioc-fezensac ( Anne-Pierre,
[marquis de), général et homme politique fran-
çais, né le 17 octobre 1739, à Paris, où il est
[mort, le 30 décembre 1798. Il appartenait à une
[branche différente de celle des précédents (1).
[Élevé à la cour et attaché comme menin aux
enfants de France, il gagna de bonne heure leur
bienveillance par la facilité de son caractère et
[par les grâces de son esprit. Destiné à la carrière
fmili taire, il servit d'abord dans les mousquetaires
[îtdans les chevau-légers , et devint en 1761 co-
[ionel du régiment des Vaisseaux. Créé brigadier
|în 1768 et maréchal de camp le 1er mars 1780,
il reçut .en 1784 1e collier de l'ordre du Saint-
f Esprit. S'il faut en croire le prince de Montbarey,
\\ était souple, flatteur, aimait les intrigues et
h'avait pas moins de prétentions au bel esprit
ju'à la noblesse la plus reculée. Il prit le goût
Hes lettres dans la société du comte de Provence,
3ont il fut dès 1771 le premier écuyer et qui ne
pessa, jusqu'à la révolution, de le combler de
faveurs. Quoiqu'il n'eût absolument rien écrit, il
iîe mit sur les rangs pour remplacer dans l'Acadé-
mie Française l'ancien évêque de Limoges, M. de
poëtlosquet, qui, de son côté, n'avait eu d'autre
f itre à un semblable honneur que celui de précep-
teur des enfants de France; il fut admis d'em-
iolée à la fin de 1784, et sa réception fut honorée
[le la présence du roi de Suède Gustave III. En
[ (i; Il avait gagné un procès où il avait établi qu'il
jlescendait en ligne directe de Clovis ; à cette occasion
r«l.de Maurepas lui dit :« Maintenant, nous espérons
iiu'au moins vous voudrez bien ne pasretraire le royaume
fie France. »
NOUT* BIOGR. CÉNÉR. — T. XXXVI.
MONÏESQUIOU-FEZENSAC
194
rappelant les droitsdu récipiendaire , Suard lui dit :
« Votre falent ne s'est pas borné à de petits ou-
vrages de société ; il s'est élevé à un genre plus
digne encore des regards du public : vous avez
l'ait des comédies, où vous avez peint les mœurs
de la société aveclecoup d'œilfinde l'observateur
et avec le talent du poète. » L'éloge assurément
dépassait le mérite de l'œuvre. On ne connaissait
alors de M. de Montesquiou qu'une comédie de
caractère, Le Minutieux, jouée dans son hôtel,
en mars 1777, par des amateurs, et qui n'obtint
que peu de succès, rapporte Grimm, quoiqu'il
y eût beaucoup d'esprit et des détails heureux.
Le discours du nouvel élu n'en fut pas moins
très-applaudi ; il y règne une grande pureté de
goût. Nommé en 1789 député aux états généraux
par la noblesse de Paris , il fut du nombre des
quarante membres de cet ordre qui se réunirent
les premiers au tiers état. Les matières de fi-
nances l'occupèrent plus spécialement pendant
la session, et il y fit preuve de connaissances
solides, qui étonnèrent ses collègues. Il présida
l'assemblée en 1791. Il fut chargé d'un grand
nombre de rapports, dans lesquels il proposa
la suspension de l'arriéré, la ^réduction de
la dépense et des pensions , la régularité des
liquidations et la liberté du commerce de l'or
et de l'argent. Il obtint de l'Assemblée consti-
tuante que six administrateurs nommés par le
roi surveilleraient les opérations du trésor na-
tional, que les assemblées coloniales proposeraient
elles-mêmes le code qui devait régir les esclaves,
et que la liste civile serait fixée par une loi. Rap-
porteur de la commission nommée pour déter-
miner le mode de fabrication des assignats , il
montra autant de sagesse que de prévoyance dans
les mesures qu'il mit en avant afin d'en régler
l'émission et d'en empêcher le discrédit. II de-
manda aussi l'abolition de l'ordre de Saint-Louis,
pour y substituer celui du Mérite militaire. Après
le retour de Varennes , il rompit avec le parti
de la cour en résignant la charge de premier
écuyer du cSmte de Provence, et écrivit à ce
prince une lettre dans laquelle il justifiait avec
beaucoup de dignité sa conduite politique. A la
fin de 1791 M. de Montesquiou fut appelé au
commandement de l'armée du midi; il se rendit
à Avignon, que des troubles récents venaient
d'ensanglanter, et s'occupa avec succès des
moyens de mettre cette partie de la France à
l'abri de l'invasion étrangère. Brûlant de s'il-
lustrer dans la guerre qui venait de commencer,
il profita de la jonction du roi de Sardaigne à la
coalition pour prendre lui-même l'offensive. Il
avait éprouvé à ce sujet de grandes difficultés
de la part du conseil exécutif; après avoir été
successivement suspendu de ses fonctions de
général et rendu à son commandement, il reçut
enfin l'ordre de réaliser les plans qu'il avait pré-
sentés et de tenter la conquête de la Savoie. Il
entra dans ce pays (22 septembre 1792),- dont
les habitants l'accueillirent comme un libérateur.
195
Presque sans tirer un coup de fusil et dans l'es-
pace de quelques jours , il parvint, par l'habi-
leté de ses manœuvres , à soumettre toute la
Savoie. Pendant ce temps le général Anselme,
qu'il avait détaché sur le comté de Nice, s'y éta-
blissait avec la même rapidité et sans verser une
goutte de sang. La situation de M. de Montes-
quiou nren avait pas moins empiré avec les évé-
nements. On le savait attaché au gouvernement
constitutionnel, et les démarches qu'il avait tentées
avant le 10 août pour rallier les girondins à
cette cause se changèrent en crime irrémissible
après la suppression de la royauté. Il fut décrété
d'accusation le 9 novembre 1792, sous le pré-
texte d'avoir compromis la dignité de la répu-
blique dans la négociation qu'il avait entamée
avec les magistrats de Genève au sujet de l'é-
loignement des troupes suisses ; instruit à temps ,
il quitta Genève, et se retira dans la petite ville
de Bremgarten ( canton de Zurich ) , où il de-
meura jusqu'au 9 thermidor. En 1795 il adressa
à la Convention un mémoire justificatif de sa.
conduite, et demanda des juges dans le cas où
des doutes subsisteraient encore. Son nom fut
aussitôt rayé de la liste des émigrés, et il revint
habiter Paris. « Montesquiou , dit Rœderer, a
quelquefois parlé avec humeur de quelques ma-
gistrats de la république, jamais de la républi-
que qu'avec un vif intérêt. On l'a vu combattre
avec chaleur et blâmer avec amertume non-seu-
lement toute idée de contre- révolution, mais
encore tout projet capable de compromettre la
constitution. Il disait habituellement : « Rien
n'est si facile que de faire aimer et respecter la
république. » Jamais on ne lui a entendu dire
un mot qui annonçât le moindre regret de l'exis-
tence qu'il avait avant la révolution. Il était
prompt, franc, ferme dans ses discours; il ai-
mait les livres, il lisait tous les romans nouveaux,
les trouvait tous assez bons parce qu'il pleurait à
la lecture de tous , sans se douter que le secret
de son attendrissement était en lui, non en eux. »
Des lettres patentes de Louis XVI, en date de
1777, avaient autorisé M. de Montesquiou, ainsi
que tous les membres de sa famille, à ajouter à
son nom celui de Fezensac. On a de lui : Emilie,
ou les joueurs , comédie en cinq actes et en vers ;
Paris, 1787, in-18; — Aux trois ordres de la
nation; Paris (1789), in-8°; — Esquisses de
l'histoire, de la religion, des sciences et
des mœurs des Indiens; Paris, 1791 ; trad, de
l'anglais de Craufurd ; — Mémoires sur les
finances du royaume; Paris, 1791, in-8°; —
Mémoire sur les assignats, avec un Supplé-
ment; Paris, 1791, in-8°; — Mémoire justifi-
catif; 1792, in-4°; le ministre Clavière y ré-
pondit par sa Correspondance avec le général
Montesquiou (1792, in-4c ) ; — Coup d'ail
sur la révolution française, par un ami de
l'ordre et des lois; Hambourg, 1794, in-8°; —
Mémoire, sur les finances; Paris, 1795, in-8°;
— Correspondance avec les ministres et les
MONTESQUÏOU-FEZENSAC
19€
généraux de la République pendant la cam-
pagne de Savoie et la négociation avec Ge-
nève en 1792; Paris, 1796, in-8°; — Du Gou
vernement des finances de la France, d'aprèi
les principes du gouvernement libre et re-
présentatif; Paris, 1797, in-8° ; on y trouve très^
clairement exposés Les principes généraux de 1<
législation financière sous une république, ains
que les moyens d'éteindre la dette nationale. Or
doit encore à M. de Montesquiou plusieurs pièce:
de vers insérées dans les Correspondances di
Grimm et de La Harpe , des articles dans 1<
Journal de Paris et une préface au roman d'A-
dèle de Senanges de Mme de Souza. P. L— y
De Courcelles, Dict. hist. des Généraux français. - j
Victoires et Conquêtes, I. — moniteur unlv., 1789-1792
— Rœderer, dans le Journal de Paris du 12 nivôs
an vu. — De Montbarey, Mémoires, III. — GTlmm, Co:
resp. — Hist. de la 3Iaison de Montesquiou jusqu'ei
1789 ; Paris, 1847, iil-8°.
montesqcioîj - fezensac ( Elisabeth-
Pierre, baron, puis comte de), pair de France
fils du précédent, né le 30 septembre 1764, il
Paris, mort le 4 août 1834, à Courtenvau?
(Sarthe). D'abord sous-lieutenant au régimen i
Dauphin-dragons (1779), il obtint, en 1781, ei
survivance de son père, la charge de premie
écuy er d u comte de Provence, depuis Louis XVIII
Il resta étranger aux événements de la révolu
tion, et vécut dans la retraite jusqu'à l'époque di
couronnement de Napoléon (1804), auquel il as
sisla en qualité de président de canton. Peu di
temps après il fut élu député au corps législatif
et y présida, en 1808,1a commission des finances
qui le chargea du compte rendu de ses travaux
Succédant à Fontanes, devenu sénateur, il présid;
pendant les sessions de 1810, de 1811 et di
1813, l'assemblée elle-même. En 1810, il rem
plaça dans les fonctions de grand-chambellan di
l'empereur le prince de Talleyrand, et le 5 avri
1813 il entra au sénat. Nommé pair de Frano
par Louis XVIII (4 juin 1814), il reprit, dan |
les Cent Jours, son service auprès de Napoléon
qui le nomma membre de sa chambre des Pairs I
il cessa d'être employé depuis les juillet 1815, el
ne reparut à Paris qu'après avoir été élevé d.
nouveau à la pairie (5 mars 1819) ; cette second f
nomination fut, dit-on, un acte spontané du roi ï
qui lui reprochait d'être fier et de n'aller au -de I
vant de personne. Il avait un frère cadet, Henri I
né en 1768, qui fut député sous l'empire el
qui maria une de ses filles au duc de Padoue I
Sa femme, petite-fille du marquis Le Tellierdi fi
Courtanvaux, descendant de Louvois, fut nom
mée,en 1810, gouvernante des enfants de France
elle accompagna en 1814 le roi de Rome à Vienne
P. L.
Bioqr. nouv. des Contemp.
* montesquîou - fezensac (Ambroise
Anatole- Augustin, comte de), général et anciei
pair de France, fils du précédent, né le 8 aoû
178S,àParis. Soldaten 1806, il fut bientôt nomm<
officier de cuirassiers, puis aide de camp du ma
197 MONTESQUIOU-FEZENSAC
réchal Davout. AEsslingil reçut la croix. d'Hon-
neur; il prit part aux campagnes de ttussie et
d'Allemagne, et sa brillante conduite à la bataille
Ide Hanau lui valut le grade de colonel (1813) et
S celui d'aide de camp de l'empereur, dont il était,
| depuis 1809, officier d'ordonnance. Après l'abdi-
[ cation de Fontainebleau, il sollicita la laveur de
[suivre Napoléon à l'île d'Elbe, et n'iyant pu l'ob-
[ tenir, il se rendit à Vienne auprès de sa mère;
[mais à la nouvelle du retour de l'empereur il
.fut soupçonné d'être venu enlever le roi de
iRome, soumis a une rigoureuse surveillance et
jforcé, en 1815, de rentrer en France. Cet acte
(de fidélité le fit porter sur une liste de bannis-
sement; grâce à l'entremise de son parent l'abbé
de Montesquiou, son nom en fut effacé, et quel-
ques mois plus tard il fit partie de la maison
i l'Orléans, comme aide de camp du duc (1816),
i mis comme chevalier d'honneur de la duchesse
19*
H823). Après la révolution de Juillet, il continua
bes dernières fonctions près de la reine, et fut
phargé, en 1830, de faire reconnaître le nouveau
bouvernement par les cours de Rome et de
Vaples. Le 21 avril 1831 il fut promu au grade
lie maréchal de camp et au titre de grand-offi-
pier de la Légion d'Honneur. En 1834 il entra
fi la chambre des députés et fut réélu en 1837
ht en 1839, par un des collèges de la Sarthe; il
honna sa démission peu de temps avant d'accep-
l:er un siège à la chambre des pairs (1841). Sous
[la république il a été admis d'office à la retraite
r avril 1848). On a de M. de Montesquiou : Poé-
Uies ; Paris, 1820-1821, 3 part, in-12; 2e édit.,
[1826, in-18, augmentée d'un quatrième livre;
t— Sonnets, canzones, ballades et sextines de
[Pétrarque, trad. en vers; Paris, 1842-1843,
(3 vol. in-8°; — Chants divers; Paris, 1843,
2 vol. in-8° : recueil de morceaux poétiques des-
tinés à célébrer les splendeurs ou les désastres
[de l'ère impériale ; — Moïse, poëmeen XXIV
Khants; Paris, 1850, 2 vol. in-8°; — M. de
\Fargues, drame; Paris, 1852, in-12; — Un
[crime, drame; Paris, 1853, in-12 ; — Les Sem-
wlables, comédie; Paris, 1853, in-18; ces pièces,
Récrites en vers, n'ont pas été représentées. M. de
[Montesquiou a en outre travaillé au texte de la
[Galerie d'Orléans.
| Son frère Alfred, ancien officier de l'empire,
fse tua en 1847, à Paris, dans un accès de spleen.
j— Son fils, Napoléon- Anatole, né en 1810, a
(représenté, de 1841 à 1846, l'arrondissement de
[Saint-Calais (Sarthe) à la chambre des députés.
j P. L.
; Dict. delà Conversation. — G. Sarrutet Saint-Edme,
\Mngr. des Hommes du Jour, 111, 2« partie. — De Cour-
jcelles, Dict. hist. des Généraux français. — Mullié, Cé-
lébrités militaires.
j montesqïiioïj-fezensac {François-Xa-
mer-Marc- Antoine , abbé de), homme poli-
tique français, né en 1757, au château deMar-
[san,près d'Auch, mort le 4 février 1832, au
Ichàteau de Cïrey , près de Trojes. Issu de la
'branche des Marsan, il était le second fils de
Marc-Antoine de Montesquiou, et neveu, par sa
mère, du duc de Narbonne, un des ministres
de Louis XVI, et par son père, de Philippe,
comte de Marsan, qui le premier usa, en 1777,
de l'autorisation royale d'ajouter à son nom celui
de comte de Fezensac. De bonne heure il em-
brassa l'état ecclésiastique, et se livra avec succès
aux études profanes et sacrées. Il fut pourvu,
en 1782 et en 1786, des deux abbayes de Beau-
lieu, l'une dans le diocèse de Langrcs, l'autre
dans celui du Mans, valant ensemble plus de
13,000 livres de revenu. Dans sa grande jeu-
nesse, il allait souvent à la cour de Louis XV,
et y avait puisé cette politesse exquise, cette
courtoisie qui l'ont toujours distingué. Il de-
vint, en 1785, agent général du clergé, et rem-
plit avec éclat ces fonctions importantes jusqu'au
moment de la révolution. Nommé député par
le clergé de Paris aux états généraux, il resta
avec la minorité ;de son ordre en chambre sé-
parée, et ne se réunit à l'Assemblée nationale
que le 27 juin 1789, sur l'ordre positif du roi;
il n'était pourtant pas hostile aux principes de
réforme et de liberté, et il avait déclaré que son
ordre regardait non Comme un sacrifice, mais
comme un acte de justice,- l'abandon de ses pri-
vilèges pécuniaires. Depuis ce moment il fit
preuve de beaucoup de modération, et ne sortit
jamais des bornes d'une discussion paisible; l'a-
dresse de son langage non moins que la sagesse
de sa conduite lui gagnèrent des amis jusque dans
les rangs de ses adversaires. On raconte queMira-
beau,s'apercevant un jour de l'effet qu'il produisait
sur l'assemblée, s'écria de sa place : « Méfiez-
vous de ce petit serpent; il vous séduira. » Aus-
sitôt que le comité des rapports eut été consti-
tué ( 28 juillet), l'abbé de Montesquiou fut appelé
à en faire partie ; il siégea aussi au comité ecclé-
siastique. Dans la séance du 10 août, il s'opposa
à la suppression de la dîme, en rappela l'antique
origine et qu'elle avait été consacrée par toutes
les lois de la monarchie depuis Charlemagne,
et soutint qu'elle n'appartenait pas à la nation.
Lors de la discussion sur l'aliénation des biens
du clergé, il eut le talent de se faire écouter
après l'abbé Maury (31 octobre); il établit les
droits du clergé sur une possession de mille ans
et sur des titres originaires, et défia de prouver que
ses domaines eussent jamais été aliénés, excepté
de son consentement et pour le bien de l'État.
Le 2 novembre il déclara au comité ecclésias-
tique qu'il ne voulait plus prendre part à ses
délibérations, et offrit même, ainsi que huit de
ses collègues, sa démission, que le comité du
reste n'accepta pas. Ne laissant passer aucune
occasion de défendre les intérêts de ses com-
mettants, il réclama contre la vente de 400 mil-
lions de biens du clergé avant d'avoir assuré le
sort des titulaires dépossédés (19 décembre), et
combattit, avec aussi peu de succès, la proposi-
tion de créer des assignats, prévoyant que c'é-
tait un moyen certain de faire passer les pro-
199
priétés de l'Église dans les mains des séculiers.
Malgré cette opposition constante, la confiance
qu'inspiraient sa probité et sa soumission aux
lois dès qu'elles étaientrendues, lefit comprendre
au nombre des douze commissaires chargés de
procéder à l'aliénation des domaines ecclésias-
tiques. Au commencement de 1790, l'abbé de
Montesquiou fut élu deux fois président, le
4 janvier et le 13 février, et il s'acquitta avec
tant d'impartialité de ses devoirs que l'assemblée
lui adressa des remercîments publics, honneur
que l'on n'accorda à aucun autre des membres du
côté droit. Lorsqu'on délibéra sur la suppression
des ordres monastiques, il parla un des derniers,
et soutint, contre l'avis du plus grand nombre,
que l'assemblée n'avait pas le droit de délier les
religieux de leurs vœux (13 février), et produisit
une vive sensation en demandant qu'il fût au
moins pourvu au sort des vieillards et des mal-
heureux arrachés de leur retraite ( 19 février ).
Dans la fameuse discussion sur le droit de paix
et de guerre, il se prononça pour le droit exclu-
sif du roi, en accordant à la représentation na-
tionale la ratification des alliances et des traités
de commerce (19 mai). Il mit aussi beaucoup
de chaleur à défendre l'abbé de Barmond contre
toute accusation de complicité avec Bonne-Sa-
vardin, qui s'était échappé de la prison de l'Ab-
baye (18 août). Le 26 novembre, parlant après
Mirabeau, il fit sur la constitution civile du clergé
et le serment civique un discours remarquable
pour démontrer le droit de l'Église d'établir
seule sa discipline et ses moyens d'observance;
il demanda, en finissant, que le roi fût prié d'é-
crire au pape pour en obtenir la sanction de la
loi. Cette proposition fut rejetée à la suite d'une
discussion des plus orageuses. Cependant telle
n'était pas, à ce qu'on lit dans les mémoires du
temps , l'opinion personnelle de l'orateur ; dans
une réunion préparatoire composée de prélats
et de députés ecclésiastiques, la question du ser-
ment d'obéissance avait été débattue, et il s'était
déclaré pour l'affirmative ; mais la majorité, en-
traînée par l'évêque deClermont, en ayant décidé
autrement, il se crut obligé de se rallier au sen-
timent de ses collègues. Après avoir voté avec
le côté droit dans toutes les occasions impor-
tantes, il signa la protestation du 12 septembre
1791.
Pendant la session de l'Assemblée législative,
l'abbé de Montesquiou demeura à Paris, se pré-
senta souvent à la cour, et reçut du roi et de la
reine des marques de bienveillance. Au mois de
septembre 1792 , il passa momentanément en
Angleterre , resta caché pendant la terreur, et
ne revint qu'après le coup d'État du 9 ther-
midor. Dès lors il fut, avec MM. Royer-Col-
lard et Becquey, un des commissaires chargés
par Louis XVIII de veiller en France aux inté-
rêts de sa cause, et continua activement avec ce
prince la correspondance qu'il avait commencée
dans l'exil. Ce fut lui qui sous le consulat remit à
MONTESQUIOU-FEZETVSAC 20
Bonaparte cette lettre devenue fameuse et dan
laquelle le descendant des Bourbons reprocha
au soldat parvenu de « tarder beaucoup à lui rei
dre son trône ». Le premier consul ne témoign
aucun méconlenlementàrabbédeMontesquiou d
la mission délicate dont il s'était chargé. L'abt
ayant renouvelé cette tentative et entamé mêrr
à ce sujet quelques négociations , il fut exilé
Menton, dans les Alpes Maritimes ; mais comrr
il était d'un caractère trop pacifique pour devi
nir dangereux, on le laissa vivre tranquille dar
l'asile qu'il s'était choisi.
Après plus de vingt ans d'isolement etd'oubl
l'abbé de Montesquiou fut appelé tout à coup ;
prendre une part considérable à l'établissemei
de la première restauration (1814). Dans legoi
vernement provisoire, organisé au mois d'avi
sous la présidence de M. de Talleyrand , il r I
présenta en querque sorte la dynastie déchue (1 \
et ce fut à son grand déplaisir qu'on mainti
dans le projet de constitution le principe <
rappel des Bourbons au trône par le vœu n
tional. Cette concession lui semblait en effet
négation des droits imprescriptibles du souvera {
légitime. Dans la correspondance qu'il entrel j
nait avec Louis XVIII, il lui proposait, tout < I
repoussant la constitution, de proclamer lu I
même par un édit les principes du droit publl
de la France , de reprendre le plein et enti I
exercice de la souveraineté et de convoqu I
le corps législatif, à cause de l'état des il
nances. Le 16 avril 1814 il fut nommé memb i
du conseil d'État provisoire. Le 13 mai suivan
après une vive résistance et sur les instances 1 1
doublées du roi, il consentit à prendre le port
feuille dû département de l'intérieur, dont 1 1
attributions , bien plus étendues alors qû'éll
ne le sont aujourd'hui, ne pouvaient manqu
d'effrayer ses goûts de paresse et d'indépe f
dance. Jamais on n'avait vu un cabinet compo
d'éléments si hétérogènes. Séparé de quelque]
uns de ses collègues par ses antécédents et f
ses antipathies, l'abbé de Montesquiou se pu
suadait volontiers, ainsi que MM. Dambray]
Ferrand, que le régime nouveau n'était qu'il]
transition nécessaire pour revenir à la monc
chie pure. Il avait été, comme on sait, un c I
rédacteurs qui s'occupèrent des travaux pi J
paratoires de la Charte. Chargé d'en surve ]
1er la discussion au sein de la commissil
nommée par le gouvernement, il fit la si!
gulière proposition de borner, comme sons l'e }
pire, le droit électoral à la désignation des ca I
didats députés et de laisser au roi seul le pou
voir de choisir entré ces derniers. Trois acte !">
qui lui furent suggérés par ses deux collabo; fi
teurs habituels, MM. Royer-Collard et Guizot (' &
(1) Tout le monde sut, suivant son expression, de q
il s'agissait quand on y vit figurer celui qui depuis
longtemps était le ministre' in partibus de Louis XvTlJJ
(2) A l'un il avait donné ta direction de la librairii [
l'autre le secrétariat général dans son ministère. Com f
,>01
narquèrent le court passage de l'abbé de Mon-
esquiou au pouvoir. Le 5 juillet il présenta sur
[a presse un projet de loi qui causa au gouver-
nement plus de discrédit qu'il ne lui valut de
'écurité; rempli de restrictions et de menaces,
il fut en général regardé comme une suspen-
j ion temporaire du droit constitutionnel , et ne
|it converti en loi le 21 octobre qu'après avoir
nbi de vifs débats et d'importants amende-
ments. L'exposé de la situation du royaume ren-
aîtra plus d'approbation (12 juillet 1814) : c'é-
j lit le tableau assez sincère des souffrances que
' . guerre avait infligées à la France et des plaies
latérielles et morales qu'elle laissait à guérir (1).
;ia meilleure mesure politique de l'abbé de
I ontesquiou, bien qu'elle fût loin d'être oppor-
fineet complète, fut la réforme du système gé-
, ^ral de l'instruction publique (ord. du 17 fé-
; ier 1815); l'événement du 20 mars en arrêta
( >xécution, qui ne fut point reprise après les
?nt Jours. Il créa dix-sept universités dans
; s principales villes , une grande école normale
|| un conseil royal, où l'on vit siéger, sous la
[résidence du cardinal de Bausset, Delambre,
I jvier, Royer-Collard, de Bonald et Quatremère
|: Quincy. Aussitôt que la nouvelle du débar-
liement de Napoléon fut connue, il comprit
lie tout était perdu, et tandis qu'il tenait aux
, .ambres un langage d'un optimisme exagéré, il
1; cessait de supplier le roi d'accepter sadémis-
,311.
I Au lieu de suivre Louis XVILT à Gand pen-
j[mt les Cent Jours , l'abbé de Montesquiou se
finira en Angleterre. Sous la seconde restaura-
Ipn, il conserva le titre de ministre d'État avec
|M,C00 fr. de pension, et entra à la chambre des
liirs (17 août 1815), où il prit deux ou trois
Ilis la parole sur des matières de finances (2). Il
Eçut le cordon de l'ordre du Saint-Esprit
1 fut créé comte (1817) et duc(l821), avec la fa-
lilté de transmettre ses titres à son héritier. 11
lisait aussi partie de l'Académie Française, où il
Ktbstint de paraître parce qu'il avait été nommé
«office parle roi (21 mars 1816), et de l'Académie
}\& Inscriptions, qui l'avait élu comme membre
jjore (12 août 1816). Après la révolution de 1830,
; jcontinua de siéger au Luxembourg; mais il
3 [ivoya sa démission en janvier 1832, à cause de
j jiffâiblissement de sa santé. « Par son désinté-
i jssement bien connu et la simplicité de sa vie,
] \t M. Guizot, il avait la confiance des honnêtes
t reprochait devant lui sa qualité de protestant à
i Guizot : « Croyez-vous, répondit-il, que Je veux le
! re pape? » Exclusif dans ses opinions, il professait une
fînveillance générale à l'égard des personnes. Dans le
(maniement des préfectures, il usa de ménagement et
liulint autant que possible le plus grand nombre des
îctionnaires de l'empire..
tl) 11 contenait pourtant une erreur des plus graves
fichant le déficit laissé par l'empire : le ministre l'esti-
'it a treize cents millions, chiffre exagéré de moitié
[isi que M. iMollicn le lui fit savoir par une note.
Ï2V Presque en même temps 11 était élu député par un
j.lcge du Gard.
MONTESQUIOU-FEZENSAC
202
gens. Il était d'un caractère ouvert, d'un esprit
agréable et abondant , prompt à la conversation.
Il aurait pu bien servir legouvernement constitu-
tionnel s'il y avait cru et s'il l'avait aimé; mais il
l'acceptait sans foi et sans goût, comme une
nécessité qu'il fallait éluder et amoindrir de son
mieux en la subissant. Homme parfaitement ho-
norable, d'un cœur plus libéral que ses idées,
d'un esprit distingué, éclairé, naturel avec élé-
gance, mais léger, inconséquent, distrait, peu
propre aux luttes âpres et longues, fait pour
plaire, non pour dominer, hors d'état de con-
duire son parti et de se conduire lui-même dans
les voies où sa raison lui disait de marcher. »
L'abbé de Montesquiou n'a rien fait imprimer ;
mais il a laissé en manuscrit une Histoire de
Louis XV, une Histoire de Louis XVI et de
Marie-Antoinette et un grand nombre de frag-
ments historiques. Dans sa vieillesse il avait
annoncé le projet d'écrire les mémoires de son
temps, mais il n'y a pas donné suite. P. L — y,
DtiMàrs de réception de M. Jay à VAcad.Jr.. et Ré-
ponse de M. Arnault; Paris, 1832, in-4°. — Labouderie
( Abbé ), Notice sur l'abbé-duc de Montesquiou , dans les
Mèm. de la Société des Antiquaires, XII— Biogr. nouv.
des Contemp. — Guizot. Mémoires, I. — Vaulabelle ,
Lamartine, Nettement , Louis de Vieilcastel, Hist. de
la Restauration.
MONTESQUIOU-FEZENSAC ( Philippe- An-
dré-François, comte de), générai français, frère
du précédent, né en 1753, au château de Mar-
san, près d'Auch,mort le 7 février 1833, à Paris.
Entré de bonne heure dans le régiment des vais-
seaux-infanterie , il passa comme capitaine dans
celui de Lorraine-dragons , et devint en 1780 co-
lonel du régiment du Lyonnais. Au commence-
ment de la révolution il sut par sa fermeté y
maintenir la discipline. Nommé maréchal de
camp en 1792, il apaisa les troubles d'Avignon, et
se rendit la même année à Saint-Domingue , où
il fit respecter son autorité malgré les menées
des commissaires Polverel et Sonthonax. Aus-
sitôt qu'il apprit la mort de Louis XVI, il se
démit du commandement; mais arrêté par les
commissaires et détenu à bord d'un vaisseau
pour être transporté en France dès que la mer
redeviendrait libre, il refusa de racheter sa liberté
en reprenant du service. Après le 9 thermidor,
il lui fut permis de passer aux États-Unis. De re-
tour en France sous te consulat , il vécut retiré
dans son château de Marsan jusqu'à la restau-
ration. En 1814 il commanda le département
du Gers, et fut admis à la retraite peu de temps
après. P. L.
* montesqciou-fezensac (Raymond-
Aimery- Philippe Joseph, vicomte, puis duc
de), général et pair de France, fils du précé-
dent, né le 26 janvier 1784, à Paris. Un goût
décidé pour la carrière des armes le porta à
s'enrôler le 6 septembre 1804 au 59e de ligne;
en quelques mois il franchit les grades subal-
ternes, et le 25 mai 1S05 il fut élu sous-lieute-
nant par les officiers du corps. Après avoir fait
MONTESQUIOU-FEZENSAC — MONTESSON
203
les campagnes d'Allemagne et de Prusse, il
épousa en 1808 la fille du général Clarke, mi-
nistre de la guerre, qui le choisit pour aide de
camp. Puis il accompagna en la même qualité
le maréchal Ney en Espagne, et en 1809 le prince
de Neufchàtel en Autriche. Capitaine le 25 fé-
vrier 1809, chef d'escadron et baronde l'empire à
la fin de cette campagne , il fut encore attaché
à l'état-major de Ney au début de la guerre de
Russie. Après la bataille de la Moskowa, il devint
colonel du 4e de ligne (11 septembre 1812), prit
part à la glorieuse retraite du maréchal Ney, et
ramena sur la Vistule .«on régiment, réduit à trente
officiers et à deux cents soldats. Sa belle con-
duite lui mérita le grade de général de brigade
(4 mars 1813). Il contribua àlareprisede Ham-
bourg, vit sa brigade presque détruite à Kulrn,
et partagea la captivité' de la garnison de Dresde,
malgré la capitulation conclue par GouvionSaint-
Cyr (11 novembre 1813). Rentré en France à la
paix, il continua d'être employé dans son grade,
se tint à l'écart pendant les Cent Jours , et fut
nommé le 8 septembre 1815 aide-major général
delà garde royale, à l'organisation de laquelle
il travailla activement. Par ordonnance du
12 septembre 1817, il fut admis à hériter des titres
et de la pairie de son oncle , l'abbé de Montes-
quiou. Lieutenant général en 1823, il commanda
en 1830 la division de réserve de l'armée expé-
ditionnaire d'Alger. Il entra ensuite au co-
mité supérieur d'infanterie , et fut chargé à di-
verses reprises de l'inspection de cette arme.
Créé pair de France le 11 octobre 1832, il sou-
tint la politique ministérielle. De mars 1838 à
juillet 1839, il représenta la France à Madrid.
Après la révolution de Février, il rentra dans la
vie privée. Il est auteur d'un écrit intéressant
intitulé Journal de la Campagne de Russie;
Paris, 1849, in-8°. P. L.
Biogr. 71011». des Contemp. — iUonit. univ., 180S-1S32.
— Pascallet, llevuc yen. Biogr. et littcr., mai 1841. —
Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, t. 1er.
montesson ( Charlotte -Jeanne Béraud
de Là Haie de Riou, marquise de), femme de
Louis-Philippe, duc d'Orléans , née en 1737, à
Paris, où elle est morte, le 6 février 1806. Elle
était d'une bonne famille de Bretagne. Sa mère
s'était mariée en secondes noces avec le marquis
de La Haie , gentilhomme fort riche, qui avait
été l'écuyer, puis l'amant de la duchesse de Berri,
fille du régent. A seize ou dix-sept ans elle ac-
cepta pour époux un vieillard , le marquis de
Montesson , lieutenant général des armées du roi.
Cette union mal assortie cousuma foute sa jeu-
nesse , qui s'écoula au milieu des ennuis de la
vie de château. Elle n'était jamais venue à Ver-
sailles, quoique sa naissance lui en donnât le
droit. Lorsqu'elle devint veuve (17G9), elle avait
trente-deux ans. A peine eut-elle quitté ses ha-
bits de deuil qu'elle se fit présenter à la cour :
un hasard singulier réunit dans la même récep-
tion la dernière maîtresse du roi , Mme du Barri,
à la future épouse du petit-fils du régent. Jeu
encore, plus agréable que jolie, de bonne î j
putation , aimable et cherchant à plaire , m; î
tresse d'une fortune considérable (i), elle 1
aussitôt recherchée et devait l'être : elle av
dans l'esprit beaucoup de justesse , de patien
et de raison; elle cultivait les arts çt rafl'ollait
la comédie. A quelle époque s'attacha-t-elle i
duc d'Orléans (2) ? D'après Collé, il faudrait r
monter à l'année 1766 ; mais Mme de Montesso i
alors mariée, aurait repoussé les vœux du princ
et sa résistance se serait prolongée bien apr
son veuvage , c'est-à-dire jusqu'au moment <
il lui aurait offert sa main. Au bout deplusieu i
années de soupirs et de refus, ce moment arriv i
et le 23 avril 1773 la bénédiction nuptiale f
prononcée par le curé de Saint Eustachç (3). 1 i
mariage resta secret, et Mm« de Montesson , en v
nant résider au Palais-Royal , garda son nom
son titre. « Jamais, dit le duc de Lévis, uni<
n'a eu plus de publicité que son mariage secrt
Mais comme le roi ne voulut point consentir
lui laisser prendre le rang de princesse, elle;
trouva dans une position intermédiaire où el
avait également à redouter le ridicule et l'envi< I
elle sut, par une conduite habile et soutenu
désarmer l'une et l'autre. Affable pour les inft
rieurs , d'une politesse noble et graduée avec li
personnes considérables , respectueuse sans ba
sesse envers les princes , obligeante pour tout
elle acquit à la fois de la bienveillance et de
considération. Le maintien d'une épouse sar '
titre était très-difficile à saisir et à conservei
(1) Aux biens de son mari elle avait ajouté ceux de :
propre famille, que lui avait .laissés son frère aîné, q |
avait été tué en 1733, à la bataille de Minden, où il sei
vait comme officier supérieur dans la gendarmerie.
(2) M"6 deGenlis, dont lanière était sœur utérine <
Mm<i de Montesson , raconte ainsi dans ses Mémoires l'i
rigine, plus singulière que romanesque, de cette grain
passion, dont le duc lui-même lui avait donné les dJ
tails : « C'était au premier voyage qu'elle fit à Viller:
Cotterets. Un jour à la chasse du cerf, dans. la forêi
M. le duc d'Orléans descendit de cheval avec ma tan
pour aller s'asseoir à quelques pas à l'ombre, dans u
endroit qui leur parut joli. M. le duc d'Orléans éta
fort gras, la ehaleur était étouffante; le prince, en nap !
et très-fatigué , demanda la permission d'ôter son coJ
il se met à l'aise, déboutonne son habit, souffle, respii !
avec tant de bonhomie, d'une manière et avec une figm j
qui paraissent si plaisantes à ma tante, qu'elle fait u \
éclat de rire immodéré en l'appelant gros père; et c
fut, dit M. le duc d'Orléans, avec une telle gaieté et un
telle gentillesse que de ce moment elle lui gagna le cœur,( !
il en devint amoureux. C'est un effet sûr avec les princes I
ajoute Mme de tienlls, que celui d'une familiarité ira
prévue, placée avec grâce à la suite d'une conduite res
pectueuse et réservée. »
(3) Un ancien édit de Louis XIII défendait à tous le I
prélats du royaume de marier aucun prince du sân .1
royal sans une permission écrite de la main du ro. i!
fallut bien des manœuvres pour l'obtenir de Louis XV I
enfin, il adressa ce billet laconique à l'archevêque dl
l'aris : « Monsieur l'archevêque, vous croirez ce qui
vous dira de. ma part mon cousin le duc d'Orléans, el
vous passerez outre. » Mais il voulut que le mariage fù
secret autant que faire se pourrait. Ce qui fit dire ma
lignement à l'ambassadeur de Naples que le duc d'Or;
léans, ne pouvant faire M»'« de Montesson duchesse, s'é
tait fait lui-même M. de Montesson.
{205
i elle en vint à bout... Sa maison présentait une
Magnificence sans faste et tempérée par une
, élégance qui réconcilie avec le luxe; sa société
I était une école de bon goût et de politesse. Quoi-
qu'elle aimât les lettres et même qu'elle les cul-
i tivàt , elle n'avait point la manie du bel esprit,
i et son ton était simple et sans prétention....
I Ceux qui aiment à faire des rapprochements,
'n'ont pas manqué de comparer Mme rje Mon-
f tesson à Mme de Maintenon. L'adresse, le ma-
inége et la patience qu'elles ont dû mettre toutes
i deux pour fixer, dans un âge où l'on ne fait plus
fde conquêtes, des princes jusque là fort incons-
tants; le mariage secret de nom, public de fait,
[qui fut le prix de leurs habiles assiduités, voila
j certainement des points de ressemblance ; mais
bile ne s'étend point au delà de la position. Quand
l m en vient aux personnes , on ne trouve plus
f-jue des contrastes. ■» Ingénieuse à varier les
plaisirs du prince, elle donna pendant plusieurs
| îivers des fêtes et des représentations théâtrales
j uixquelles c'était une grande faveur d'être ad-
krnis (1). La plupart des pièces étaient de sa com-
| [iosition , et elle y jouait un. rôle ainsi que le
lue d'Orléans (2). Collé, dans son enthousiasme,
:a compare à M"e Clairon, et Grimm ne tarit
3as d'éloges sur ses talents universels. Quant à
M'»c de Genlis, qui la nommait sa tantâtre,
elle la juge un peu autrement. « Mme de Mon-
. tesson, dit-elle, jouait à mon gré fort mal la
comédie, parce qu'en cela comme en toute chose
?l!e manquait de naturel ; mais elle avait beau-
coup d'habitude et l'espèce de talent d'une co-
médienne de province parvenue par son âge aux
premiers emplois et n'ayant que de la routine. »
i.\près la mort du duc d'Orléans (1785), elle
jsssa de se donner ainsi en spectacle, et vécut au
milieu d'un cercle d'amis qui lui étaient dé-
voués. Elle fut payée du douaire qui lui avait été
itipulé dans son contrat de mariage, et quelques
isontestations s'étant élevées , Louis XVI signa
en 179? un acte par lequel il reconnaissait les
droits qu'elle avait à ce douaire comme veuve
du duc d'Orléans. Elle traversa heureusement
les premières années de la révolution ; arrêtée
pendant la terreur, elle ne sortit de prison qu'a-
uprès le 9 thermidor. Napoléon lui témoigna beau-
Icoup de considération (3), et lui fit payer son
) (i) Voltaire y fut un Jour invité et on le vit applaudir
'.avec transport à de médiocres pièces jouées par des ac-
[teiirs plus médiocres encore. Quand Mm0 de Montesson
, s'approcha de sa loge, il mit un genou à terre, et té-
moigna par les "expressions de la pins vive reconnais-
jsanee combien il était sensible au bonheur dont on l'a-
Lvait fait jouir.
I (S) Les principaux acteurs de cette troupe de société
jetaient MM. de Ségur, de Gand, d'Onesanet Mm«» duCrest
iet de i.amurck.
;:î: Elle avait connu autrefois M»» de Beauharnais ,
qui venait d'épouser le général Bonaparte, rendant l'ex-
ipéiiition d'Egypte, elle eut occasion de la revoir et noua
jïvec elle une liaison assez intime. A son retour, Bona-
iParte, en parcourant des papiers, trouva plusieurs let-
tres de Mme de Montesson; au milieu de sages et utiles
conseils, il remarqua cette phrase : « Vous ne devez
MONTESSON 206
douaire, qui fut assis sur les canaux d'Orléans
et du Loing. M'»1' de Montesson profita de son
crédit pour obtenir du chef de l'État une aug-
mentation considérable aux pensions annuelles
allouées aux membres de la famille d'Orléans.
Elle mourut presque septuagénaire, et légua toute
sa fortune au comte de Valence, qui avait épousé
MlIe de Genlis. Ses restes furent réunis à ceux
du duc d'Orléans et inhumés dans l'église de
Seine-Port ( paroisse du château de Sainte-As-
sise, près deMelun).
Mme de Montesson est auteur de plusieurs
pièces de théâtre, qui eurent toutes chez elle un
succès infaillible. Selon M. de Lévis, « on y
remarquait plus de sens que de verve, plus d'a-
dresse que de talent ; jamais rien de choquant
ou de ridicule, mais aussi rien de saillant, pas
un trait heureux, pas un mot piquant; le dé-
nouaient arrivait au bout des cinq actes, comme
les morts de vieillesse, parce qu'il faut bien que
tout finisse ; alors on éprouvait , pour la pre-
mière fois, un mouvement de gaieté en son-
geant au bon souper qui suivait immédiatement
cette froide représentation. Cette absence totale
d'esprit dans les ouvrages d'une personne qui
n'en manquait pas avait de quoi surprendre. »
On a de Mme de Montesson : Mélanges; Paris,
1782, in-18 -.contenant Pauline, roman; Ro-
samonde , poëme en cinq chants; Les dix-huit
Portes, conte allégorique, et une Lettre de
Saint-Preux à mylord Edouard; — Œuvres
anonymes; Paris, 1782-1785, 8 vol. gr. in-8°.
Ce recueil, n'ajant été tiré qu'à douze exem-
plaires , est devenu rare et précieux, malgré son
peu de mérite littéraire; les amateurs ont la
folie de le payer jusqu'à 800 fr. et au delà. Il
est composé, outre les Mélanges, de quatorze
pièces : Marianne, La Marquise de Sainville,
Robert Sciarts, L'heureux Échange, L'A-
mant romanesque , L'Aventurier comme il y
en a peu, L' H online impassible , V Héritier
généreux, La fausse Vertu, Le Sourd volon-
taire, L'Amant mari, La Comtesse de Cha-
zelle, comédie, La Comtesse de Bar et Agnès
de Méranie, tragédies. Le t. VI, intitulé Œu-
vres chéries, renferme les quatre dernières pro-
ductions.qui sont les plus mauvaises. La Com-
tesse de Chazelle , reçue par acclamation au
Théâtre-Français, tomba tout à plat devant lepu-
blic, qui la déclara fort immorale. La plupart de
ces pièces sont empruntées, quant au sujet, à des
ouvrages connus. Il avait paru une première édi-
tion des Comédies (17.72-1777,, 2 vol.in-80), qui
est encore plus rare que l'autre. P. L.
Collé , Journal. — Grimm, Corresp., 1773, 1780, 1781.
— M1»» de Genlis, Mémoires. — De Lévis, Souvenirs et
Portraits.
moxtessos {Jean-Louis, marquis de), fils
du premier mari de la précédente, né le 27 juin
1746, à Douillet (Maine), mort le 2 mai 1S02, en
jamais, en aucune circonstance de votre vie, oublier
que vous êtes la femme d'un grand homme. »
207 MON TESSON —
Pologne. Député aux états généraux par la no-
blesse du Maine, il donna bientôt sa démission,
émigra et devint à l'armée des princes colonel
d'un régiment qui portait son nom. 11 passa en-
suite au service de la Russie, et fut nommé con-
seiller d'État et général major. On a de lui :
Mémoire sur la vertu répulsive du feu con-
sidéré comme agent principal de la nature;
Le Mans, 1783, in-8° ; — Guise le Balafré,
trag. en cinq actes; Breslau, 1796, in-8°. P. L.
Desportes , Bibliogr. du Maine.
mon TET ( Jacques ), chimiste français, né à
Beaulieu, près de Mandagout ( Languedoc), le
9 mars 1722 , mort à Montpellier, le 13 no-
vembre 1782. Après avoir voyagé pendant quel-
que temps avec un Anglais qui aimait les scien-
ces, il vint à Paris, où il suivit les cours de
Rouelle. De retour à Montpellier avec des ta-
lents perfectionnés par l'étude, il se fit recevoir
pharmacien, et en 1748 fut admis comme ad-
joint dans la classe de chimie de la Société
royale des Sciences de cette ville, à laquelle il
avait présenté quelques mémoires. Ce corps sa-
vant ayant été consulté par le gouvernement
sur divers objets d'agriculture et de minéralogie
relatifs à la province de Languedoc, Montet fut
l'un des commissaires nommés à cette occasion,
et ses observations furent consignées dans plu-
sieurs mémoires, insérés soit dans le recueil de
la Société royale des Sciences de Montpellier,
dont il devint membre associé en 1753, soit dans
le recueil de l'Académie royale des Sciences de
Paris. Nous citerons parmi ces derniers, suivant
l'ordre chronologique : Trois Mémoires sur le
verdet-gris, dans les volumes de 1750, 1753 et
1776 ; — Mémoire sur les chiffons ou drapeaux
qu'on prépare au Grand-Galargues, village du
diocèse de Nîmes, à cinq lieues de Montpellier,
avec le suc de la maurelie ( ricinotdes ) et
dont on fait en Hollande le tournesol, vol. de
1754 ; — Mémoire sur le sel lixivkl de tama-
ris , et dans lequel on prouve que ce sel est un
sel de Glauber parfait, et sur l'emploi que l'on
fait dans les fabriques de salpêtre des cendres du
tamaris, et sur le sel de Garou, 1757; — Mé-
moiresurun grand nombre de volcans éteints
qu'on a trouvés dans le Bas-Languedoc, 1760 ;
— Mémoire sur les salines de Peccais, 1763 ;
— Mémoire sur la manière de cristalliser l'al-
cali fixe de tartre, 1764 ; — Mémoire sur la ma-
nière de conserver en tout temps les cristaux
de l'alcali fixe, 1765 : c'est une suite du mé-
moire précédent; — Mémoires sur quelques
sujets d'histoire naturelle et de chimie, 1768 et
1777 ; — Mémoire dans lequel on démontre que
la racine de Ylris nostras,qu\ croît aux envi-
rons de Montpellier, peut être employée pour les
usages de la médecine et pour les parfums avec
lemême avantage que l'iris de Florence, 1772; —
Mémoire szir la morsure de la vipère, faite à
trois brebis, dont deux desquelles ont été guéries
par l'eau de Luce, et quelques sujets d'histoire
MONTEVERDE
20Î
naturelle et de chimie, 1773; — Mémoire de mi-
néralogie, volume de 1778. — Montet fourni
aussi plusieurs articles de chimie à YEncyclo
pédie méthodique. H. Fisquet (de Montpellier)
Recueils de la Société royale des Sciences de Mont
pellier. — biographie { inédite ) de i' Hérault, pai
H. F.)
montecx (Sébastien de), enMia Montuus
médecin français, né vers 1480, à Rieux (Langue
doc). Il fut probablement reçu docteur à Mont
pellier ; mais ce fut à Lyon qu'il pratiqua son art
On a de lui : De Medicis Sermones VI ; Lyon
1534, in-8°; — Dialexeon medicinaliun
Lib. II; Lyon, 1537, in-4°. Il a édité les An
notatiunculœ in errata recentiorum medi
corum de Léonhard Fuchs (Lyon, 1534, 1548
in-8°).
Son fils, Jérôme, né en Savoie ou en Dau
phiné, prit à Montpellier le diplôme de docteur;
après avoir exercé assez longtemps à Lyon, où
il acquit beaucoup de réputation dans les opéra-
tions chirurgicales, il obtint du roi Henri II h
titre de conseiller-médecin et peut-être la sei
gneurie de Miribel, dans le Valentinois. Or
ignore l'époque de sa mort. Il a laissé : Opus-
cula juvenilia; Lyon, 1556, in-8°; — Com-
pendialum curatricis scientise , cum syllogt
de purgationibus ; ibid., 1556, in-8° ; — Dt
activa médicinal scientia commentarii II,
ibid., 1557, in-8°; trad. en partie en français en
1559 et 1572;— Halosis febrium lib. IX;
ibid., 1558, in-4°; — Chirurgica auxxlia;
ibid., 1558, in-4°; — Anasceve morborum ;
ibid., 1560, in-8°. La plupart des ouvrages pré-
cédents ont été réunis sous le titre de Practica
medica (Venise, 1626, in-4°). K.
Éloy, Dict. hist. de la Médecine.
MONteverde ( Claude ), célèbre composi-
teur vénitien, né à Crémone, vers 1565, mort à
Venise, à la fin de septembre ou au commence-
ment d'octobre 1649. Ce musicien, dont les dé-
couvertes donnèrent naissance à la tonalité et à
l'harmonie modernes, entra d'abord, en qualité
de violiste, au service du duc de Mantoue, et
étudia le contre-point sous la direction de Marc-
Antoine Ingegneri, maître de chapelle du duc,
Entraîné par l'ardeur de son imagination, Mon-
teverde ne tarda pas à se faire une réputation
par une foule de compositions dans lesquelles
les hardiesses de son genre, se révélant à cha-
que pas, préparaient une transformation com-
plète de l'art en créant l'expression dramatique.
11 paraîtrait, d'après le titre de son cinquième
livre de madrigaux, imprimé pour la première
fois à Venise, en 1604, qu'il avait alors succédé
à son maître Ingegneri dans la direction de la
musique du duc de Mantoue. Plus tard, en 1613,
il fut nommé maître de chapelle de Saint-Mare
de Venise, en remplacement de Jules-César Mar-
tinengo, et occupa cette position jusqu'à sa mort.
Monteverde fut un des premiers membres de
l'Académie des Philharmoniques de Bologne. Le
209
MONTEVEIIDE
210
; P. Adrien Banchieri, dans une lettre écrite en
11620, félicitait cette académie d'une acquisition
r aussi glorieuse.
! Pour apprécier l'importance des découvertes
[qui onl assigné à Monteverde la place qu'il occupe
(dans l'histoire de la musique, il faut se rappeler
'que jusque vers la fin du seizième siècle, où l'on
^ne connaissait encore que l'ancienne tonalité de
f l'église, on ne faisait usage que d'accords con-
? sonnants et de quelques prolongations facultatives
qui produisaient des dissonnances préparées.
IDans celte tonalité,' le rapport de la note sensible
fîvec le quatrième degré de la gamme n'existant
pas, il n'y a point de modulation. S'il se fait un
[changement de ton, ce changement a lieu sans
| préparation, sans liaison. Chaque note et chaque
iccord portent repos ; c'est pourquoi on l'a nom-
née musique plane, plain-chant. Dans sa mar-
che lente et grave, elle offre le caractère de ma-
! esté qui la rend si éminemment propre à l'ex-
iression religieuse. Mais les qualités mêmes qui
(flistinguent cette tonalité excluent celles qui con-
I tiennent à l'expression des passions humaines.
| lorsqu'au sortir du moyen âge l'humanité redes-
-emlit des hauteurs de la foi dans la sphère des
pensées terrestres, l'art, pour satisfaire à de nou-
veaux besoins, dut se transformer. Monteverde,
i;ans s'en douter, opéra cette transformation.
lOans ses deux premiers livres de madrigaux, à
'f;inq voix, publiés en 1587 et 1593, il ne montre
I encore la hardiesse de son imagination que dans
l'irrégularité du mouvement des voix et de la
[résolution des dissonnances de prolongation. Son
(r?énie se révèle d'une manière plus franche dans
(son troisième livre de madrigaux , imprimé en
[J1598. Le rhythme y est plus accentué. Si Mon-
Hteverde n'y attaque pas encore sans préparation
{les dissonnances naturelles delà dominante, il
i|V détermine néanmoins le caractère de la tona-
lité moderne, en établissant le rapport de la qua-
ïtrième note de la gamme avec la septième, et en
Constituant celle-ci en véritable note sensible fai-
sant sa résolution sur la tonique. Enfin, dans
i son cinquième livre de madrigaux, publié en
II 604, Monteverde, bravant toutes les règles alors
hen usage et donnant un dernier essor à ses har-
diesses, attaque sans préparation la septième et
(la neuvième de la dominante , le triton, la quinte
[mineure et sixte, et la septième diminuée, li
achève par là la transformation de la tonalité de
jl'église, en lui substituant une tonalité nouvelle,
'le système d'harmonie naturelle de la dominante,
Je genre de musique que l'on a appelé chroma-
tique, et par conséquent la modulation par la-
iquelle, les tons se liant aux tons, les ordres de
jsons aux ordres de sons, il n'est pas un sentiment
que l'art ne puisse exprimer avec toutes ses
{nuances.
| A l'époque des découvertes de Monteverde, et
Iquoique longtemps auparavant Zarlino eût en-
'trevu le mécanisme du renversement des inter-
valles, on n'était pas encore arrivé à considérer
l'harmonie par accord.-; isolés ; aussi ces innova-
tions furent-elles violemment attaquées par
quelques zélés défenseurs de l'ancienne doctrine,
particulièrement par le chanoine bolonais Artusi,
dans son Imperfezzione dclla Musica mo-
derna, qui parut en 1600. Mais si Artusi a pu
avec raison reprocher à Monteverde ses nom-
breuses incorrections dans l'art d'écrire selon les
règles scolastiques, on voit qu'il n'a compris ni
les avantages ni le but de ses inventions harmo-
niques. Monteverde lui-même, ainsi que le prou-
vent les préfacés de quelques-uns de ses ouvra-
ges, n'avait aperçu le résultat de ses heureuses
témérités que sous le rapport de l'expression
dramatique, et ne se doutait pas des consé-
quences de ses découvertes à l'égard de la tona-
lité. « Il n'en est pas moins certain, dit M. Fétis
qui a traité la question avec autant de sagacité
que de savoir, qu'après que l'harmonie des dis.
sonnances naturelles de septième, de neuvième,
et celles qui en dérivent, se fut introduite dans
la musique de chambre et de théâtre, il n'y eut
plus de premier, de second , de troisième ton,
d'authentique ni de plagal dans la musique ; il y
eut un mode majeur et un mineur ; en un mot,
la tonalité ancienne disparut et la moderne fut
créée. »
Là, cependant, ne se bornent point les litres
qui recommandent Monteverde à la postérité.
Cet homme de génie, s'emparant du drame lyri-
que auquel les essais d'Emilio delP Cavalière, de
Jacques Péri, de Jules Caccini venaient de don-
ner naissance, y apporta toutes les ressources de
sa féconde imagination. Dans son opéra d'Ariana,
représenté à la cour de Mantoue, en 1607, il se
montre bien supérieur à ses devanciers sous le
rapport de l'invention mélodique et de l'expres-
sion. Dans son Orfea, il donne plus d'intérêt au
récitatif , à l'air, et crée le duo scénique. Son
instrumentation a plus d'importance, plus de va-
riété dans les effets ; il dispose les instruments
de son orchestre de manière à ce que leurs
combinaisons soient appropriées au caractère des
personnages et aux situations dramatiques (1).
Il trouve des rhythmes nouveaux qui, particu-
(1) On trouve en tête de la première édition àel'Orfeo,
imprimée en 1608, l'indication des instruments, au nombre
de trente-cinq, qui composaient l'orchestre de cet opéra.
Voici quels étaient ces instruments et la manière dont
ils sont disposés dans la partition: Deux clavecins jouaient
les ritournelles et l'accompagnement du prologue, qui
est chanté par La Musique personnifiée; deux contre-
basses de viole accompagnaient Orphée; dix dessus de
viole faisaient les ritournelles du récitatif que chantait
Eurydice; une harpe double , c'est-à-dire à deux rangs
de cordes, servait à l'accompagnement d'un choeur de
nymphes; L'Espérance était annoncée par UDe ritour-
nelle de deux petits violons français et d'un clavecin;
deux guitare* accompagnaient le chant de Caron; lé
chœur des esprits infernaux était soutenu par deux or-
gues ; Proserpine était accompagnée par trois basses de
viole, Pluton par quatre trombones, Apollon par un jeu
de régale, ou petit orgue composé d'un Jeu d'anches monté
sur pied, mais sans tuyaux, et dont le son avait une cer-
taine analogie avec le physhurmonica de nos jours ; Vu
flageolet, deux cornets, un clairon et deux trompettesd
sourdine accompagnaient le chœur final des bergers.
211 MONTE VERDE — MONTÉZUMA
lièrement dans son ballet délie Ingrate, composé
en 1608, àManloue, à l'occasion du mariage de
François de Gonzague avec Marguerite de Sa-
voie, impriment par leur variété à ses airs de
danse un cachet d'accentuation plus marqué.
C'est aussi dans les œuvres de ce musicien
qu'on trouve le premier exemple d'une même
note répétée plusieurs fois de suite par les ins-
truments dans un mouvement plus ou moins ra-
pide, nouveauté d'un grand effet, qui fut l'origine
du trémolo. C'est ainsi que le génie de Monte-
verde, en transformant à son insu la tonalité ecclé-
siastique, créa la tonalité moderne et ouvrit à l'art
une nouvelle et intarissable source de richesses.
Les autres musiciens ne tardèrent point à s'em-
parer de ses découvertes et à les introduire dans
la musique d'église. A partir de ce moment le
style religieux, que Palestrina avait porté à son
plus haut degré d'élévation en le traitant comme
l'émanation d'un sentiment pur et dépouillé de
toutes passions humaines, se modifia successive-
ment de plus en plus par l'introduction de l'é-
lément dramatique; et peut-être est-il permis de
dire que, malgré les œuvres admirables qui ont
été produites depuis lors, la musique d'église a
perdu le caractère qui lui convenait le mieux.
On connaît de Monteverde les ouvrages sui-
vants : Musique d'église : Selra morale e spi-
rituale, nella quale si trova Messe, Salmi,
Hymni, Magnificat, Motetti, Salve Regina e
Lamento, al, 2, 3, 4, 5, 6, 8 voci, con vio-
lini; Venise, 1603 ; — Missa senis vocibus, ad
ecclesiarum choros, et vesperse, etc. ; Venise,
1610; — Messe a quaitro voci, e Salmi a
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 voci concertate e parte
a cappella, con le Litanie délia B. V. ; Venise,
1650. — Opéras : Ariana, à Mantoue ( 1607);
— Orfeo, à Mantoue ( 1 608 ) ; — Le ballet délie
Ingrate, à Mantoue (1608); — Proserpina
rapita, à Venise (1630); — L'Adone, pasto-
rale, à Venise (1639); — Il Ritorno d'Ulisse
in patria; Venise (1641); — L'Incorona-
ziorte dï Poppea, à Venise ( 1642). — Musique
de chambre : Canzonette a tre voci; Venise
(1584); — Il primo libro de' Madrigali a
5 voci; Venise ( 1587 ) ; — Il secondo libro de'
Madrigali a 5 voci; Venise (1593 ) ; — Il terzo
libro dé1 Madrigali a 5 voci; Venise ( 1598);
— Il quarto libro de' Madrigali a 5 voci ; Ve-
nise; — Scherzi miisicali a tre voci; Venise
(1607); — Il quinlo libro de' Madrigali a
5 voci ; Venise (1604) ; — Il sexto libro de Ma-
drigali a 5 voci; Venise; — Il septimo libro
de' Madrigali a à voci; Venise (1620); —
Madrigali guerrieri e amorosi , etc., lib. 8 ;
Venise (1608). Dieudonné Denne Baron.
Gcrber, Neucs historich-biographisches Lexicon der
Tunkùnsller, etc. — Le P. Martini, Esemplare o sia sag-
gio di Contrappurtto fugato. — Choron, Principes de
Composition des écoles d'Italie. — Choron et Fayolle,
IXict. hist.des Musiciens. — Fétis, liiog. universelle des
Musiciens.
monte-veude ( Don Juan-Domingo), gé-
212
néral espagnol, né vers 1772, mort en 1823. En-
tré jeune dans la marine , il était capitaine d«
frégate en 1812. A cette époque il accepta de 1< f
junte centrale séant à Cadix le commandemen' I
général des troupes espagnoles dans la Nouvelle-
Espagne, dont les habitants venaient à Nueva-
Cartagena de proclamer la république (11 no-
vembre 181 1 ). Débarqué à Coro,dans la provinc< •'
de Venezuela, Monte-Verde, profitant des dissen
sions qui régnaient parmi les généraux indépen
dants, avec une poignée de soldats (environ 400) ;
reprit rapidement Carora, Barequisemeto
Araura et San-Carlos. Miranda le battit en juir
1811 devant La Victoria; mais le général répu^
blicain, trahi de toutes parts, affaibli par de nom'
breuses désertions , dut capituler. Monte- Verdi !
montra peu de bonne foi à l'égard de ses adver-
saires : il rompit sans scrupule et éluda les I
traités conclus avec eux, et donna surtout ut
exemple de déloyauté lorsque, le 25 juillet 1812
le général mexicain Miranda ( voy. ce nom ) si
rendit avec ses compagnons et lui remit Li
Guyara, Caracas, Cumana et Nueva-Barcelona
Malgré l'engagement solennel qu'il prit de res-l
pecter les personnes et leurs propriétés , il le: f
fit jeter dans d'infects cachots, où plusieurs mou- 1
rurent; il envoya les autres en Espagne (en I
tr 'autres Miranda), où ils périrent misérablement I
Il pouvait alors rétablir la paix dans les pro- 1
vinces de Caracas et de Venezuela , qui la dé ]
siraient ardemment, mais il ne songea qu'à satis I
faire ses ressentiments, et encombra les prisons I
aussi l'insurrection ne tarda-t-elle pas à se rele I
ver de toutes parts. Battu à Niquitao , Barinas I
par le célèbre Bolivar, chassé de Caracas et dt I
Venezuela, il perdit enfin l'importante bataillfl
d'Aqua-Caliente, où il fut grièvement blessé. 1 1
fut alors remplacé par le cruel don Calleja, e I
revint mourir dans sa patrie. A. de L.
Biographie étrangère. — Restrepo, Hist. de la Révolu- 1
cion de Colombia.
montézuma 1er, en mexicain Moctheuzoma. j
surnommé llhuicamina (1), cinquième roi dtl
Mexico, né vers 1390, mort en 1464. Fils d'Huit- 1
zilihuitl, second roi des Aztèques, il ne succède
pas directement à son père, mort en 1409. Ss j
jeunesse fit préférer son oncle Chimalpopoca, I
dont il devint le meilleur général, et pour lequel!
il remporta plusieurs victoires sur les Tépanèques
et conquit les villes de Chalco et de Téquizquiac.
Lorsqu'Itzcoatl, enfant illégitime d'Huitzilihuitl,
fut choisi pour succéder à Chimalpopoca (1423),
quoique Montézuma eût plus de droits au trône
que son frère adultérin, il s'en montra le loyal!
(2) L'orthographe du nom de ce monarque aztèque,
comme celle de la plupart des personnages et des Jiéax !
de la Nouvelle-Espagne, a été écrite de bien des ma-j
nières. Les historiens espagnols modernes écrivent Mo-
tezuma, mais nous avons cru devoir nous conformer a
l'orthographe adoptée par Bernai Diaz et par le traduc-j
teur de W. Prescott, M. Amedee Plchot. M. de La Re-
naudicre, dans son Mexique ( Univers pittoresque) écrit]
Moctezuwa. Une différence de prononciation paraît ex-
pliquer ces différentes formes.
13 MONTÉZUMA
l;)utien; quand ce monarque tendit une main
Ijnie à Nezahualcoytl , prince de Tezcuco, dé-
1 une et persécuté par Maxtla, usurpateur du
j'ône tépnnèque, ce fut Montézuma qui fut
Ifiargé d'aller négocier la pai\. Maxtla refusa
j . ut Accommodement, et l'amba9sadeur aztèque
I î dut môme son salut qu'à la fuite. De retour
llins sa patrie , Montézuma annonça la guerre,
aie il trouva ses compatriotes peu disposés à
soutenir (1). Néanmoins son influence, jointe
' colle du roi Itzcoatl, décida les Mexicains à
irmer pour la cause du jeune prince de Tez-
oo. Un grand lac séparait seul les adversaires :
If se encontrèrent bientôt à Tanaiacan, et deux
. us. de suite les Aztèques furent battus. Ils
|[ riaient déjà de se soumettre à Maxtla , après
loir sacrifié leur roi et leurs chefs, lorsque
Jnntézuma, tournant le lac par Tlacopan et
ïialco, prit l'ennemi à dos. Maxtla, abandonné
ïr sa noblesse, dégoûtée de son despotisme,
1 nna le signal de la déroute; il se cacha dans
1 établissement de bains ; on l'y découvrit, et il
sacrifié avec le cérémonial en usage chez les
1 tèques (2). Sa capitale, Azcapulasco, fulrasée, et
1 n territoire devint le grand marché des nations
l'Anahuac , qui formèrent (1425) une alliance
i durait encore lors du débarquement de Cor-
> (mars 1519). Elle se composait surtout des
>is puissants États de Tezcuco , Mexico et Tla-
pan. Montézuma continua à servir Itzcoatl avec
i grand zèle. Il soumit le petit royaume de Ta-
a, les princes de Cojohuacan et de Xochi-
ïlco, et rendit, par ses victoires , sa nation la
as puissante de l'Anahuac; aussi à lamortd'Itz-
atl (1436) fut-il appelé au trône, par acclama-
>n. Tous les chefs voisins assistèrent à son
uronnement. Le sang des victimes humaines
issela sur les autels. Une expédition dirigée
ntre les habitants de Chalco fournit les prison-
îrs immolés dans cette horrible solennité. Bientôt
214
lM
!)« à cette terrible annonce, écrit le chroniqueur mexi-
m Ixtlilxochitl, le peuple fut saisi de terreur. Itzcoatl,
icleziiina et les principaux d'entre les nobles s'effor-
rent de relever son courage : mate ce peuple tout trem-
nt leur disait : » Que ferons-nous si nous sommes
ncus? » Et les nobles répondaient : « Nous nous met-
ins à votre disposition ; nous nous livrerons à votre
ngeance! — Ainsi soit-il ! dit le peuple, et nous vous
:rifierons ! Et puis il ajouta : Mais si vous revenez
inqueurs , vous serez nos maitres, nos seigneurs; vous
serez de nous, de nos enfants. Pour vous, nous culti-
rons la terre; nous bâtirons vos maisons; nous porte-
ns vos armes et vos bagages chaque fois que vous irez
la guerre. » N'y a-t-il pas quelque chose de biblique
ns ce double contrat? Telle fut l'origine de l'esclavage
de la division des castes dans le Mexique. » (Ixtlilxochitl,
st. Chic, ms., cap. xxvii.)
's) Cinq prêtres, ou mieux cinq bourreaux, vêtus de
bes noires, saississant la tête ou les membres de la
fethoe, retendaient sur la pierre du sacrifice, bloc de
;pe, convexe dans sa partie supérieure. Le grand-sacri-
ateur, habillé tout de rouge, lui ouvrait alors la poi-
Ine, avec un couteau d'iztly, substance volcanique aussi
; re que le silex, et plongeant sa main dans la plaie, i! en
r.icl.ait le cœur palpitant, qu'il offrait d'abord au soleil,
[jet d'adoralinn dans tout l'Anahuac. Il le jetait ensuite
h pieds de l'idole à qui le temple était consacré. Saha-
n, UiSt delà Nucva-Espaila, liv. II, cap. II, V, XXIV.
Montézuma se trouva trop à l'étroit dans la val-
lée de Tenoclititlan (i). La pente fut portée d'a-
bord au sud dans le Matlatzingo et leTlahuican
et jusqu'à plusieurs centaines de milles de Mexico
sur le territoire d'Oaxaca, dans le Tzapotecapan,
c'est-à-dire jusqu'à l'Océan Pacifique. Vainqueur
partout, Montézuma tourna ses armes vers l'est
et les conduisit avec succès dans le Totonacapan
et le Cuetlacbtian, sur les rivages du golfe du
Mexique. Sa puissance s'étendit ainsi d'une mer
à l'autre. Mais en 1446 un. grand désastre vint
l'affliger. Le lac de Tezcuco déborda et inonda
Mexico. Les habitations furent presque toutes
renversées ; les champs furent inondés ; la peste
et la famine augmentèrent le nombre des vic-
times. Montézuma éleva une ville nouvelle et
plus solide, puis, se concertant avec les monar-
ques ses voisins, chercha à empêcher le retour
d'un pareil événement. Ce fut alors qu'on com-
mença à élever ces digues immenses dont les
restes sont encore un objet d'étonnement et
prouvent l'intelligence et la patience de leurs
constructeurs (2).
Sous le règne de Montézuma Hhuicamina, la
cour impériale devint nombreuse et brillante;
les princes vaincus venaient y rendre hommage
au conquérant et laissaient entre ses mains d'im-
portants otages. Les prêtres furent un instru-
ment entre ses mains (3), et pour leur donner
plus d'importance aux yeux du peuple , il aug-
menta les cérémonies du culte et leur splendeur :
de nouveaux rites furent institués, de nombreux
téocalli (maisons de Dieu) élevés. S'éloignant
complètement des lois promulguées par son sage
allié, Nezahualcoyotl, Montézuma multiplia les
sacrifices humains. Toutes les institutions pri-
rent le caractère du despotisme théocratique. Le
pouvoir royal fit taire les prétentions aristocra-
tiques. Les grands ne furent plus que les valets
du monarque : un cérémonial vraiment oriental
fut établi à la cour, et tout fut silence et respect
autour du trône. Cependant, comme son ver-
tueux voisin de Tezcuco, Montézuma établit des
lois et une police rigoureuses qui atteignaient
tous les états et maintenaient l'ordre et la sou-
mission dans tous les rangs. Les grands crimes
contre la société furent tous punis de la mort;
les adultères étaient lapidés, comme chez les
Hébreux ; le vol suivant sa gravité entraînait la
mort ou l'esclavage; l'ivrognerie chez un jeune
homme était un délit capital ; chez les personnes
d'un âge mûr, elle était réprimée par la dégrada-
(1) Premier nom de Mexico.
(2) Une d'elles n'a pas moins de douze mille mètres de
long sur vingt mètres de large. Cette digue, en partie
dans le lac môme , consistait en un mur de pierre et
d'argile, fraise de chaque côté d'un rang de palissades.
On en voit encore des restes très-considérables dans les
plaines de San-I.orenzo. fce roi de Tezcuco, Nezahual-
coyotl, l'homme le plus éclairé de l'Anahuac d'alors , fut
le directeur de ces immenses travaux.
(3) Us étaient si nombreux que le principal temple de la
capitale comptait à lui seul cinq mille desservants qui y
étaient logés.
215
MONTÉZUMA
2lf
tion civile et la confiscation des biens ; les es-
claves furent protégés, excepté ceux faits à la
guerre, destinés, presque toujours, pour les sa-
crifices.
On le voit, quoique son code fut draconien,
Montézuma apporta un certain ordre parmi ses
sujets, dont, malgré sa sévérité, il était l'idole. Il
mourut craint et respecté de tout l'Anahuac qui
lui donna le surnom <T Ilkuicamina (grand et
juste). Son cousin Axajacatl lui succéda. A. de L.
Ixtlllxochitl, Historia Chichemeca, ms. — Lorenzena-,
Hist. de Nueva-Espana | Mexico, 1770). — Fra Bernar-
dine- de Sahagun, Historia gênerai de las Cosas de
Nueva-Espaila. — Clavigero, Storia antica del îllessico
(1780, 4 vol. in-4°). — Herrera, Historia gênerai de los
échos de las Castil, en las illas y tierra firme del mar
Oceano (4 vol. in-fol.). — Semai Diaz del Castillo, Hist.
verdadera de la conquesta de la JVueva-Espaila. —
Home, De Originibus Americanis (1552, ln-8°). — Gar-
cia, Origen de los Jndios del Nuovo-Mondo (1729. in-fol).
— La Renaudlêre, Mexique, dans V Univers pittoresque,
p. 1517. Wi!liam.-A-Prescott, Hist. de la Conquête
du Mexique (trad. de M. Amédée Pichot; Paris, 1846,
3 vol. in-8° ), t. 1".
montézuma H, Xocojolzin (le jeune), neu-
vième empereur du Mexique , né en 1466, mort
à Mexico, le 30 juin 1520. Petit-fils de l'em-
pereur Axajacatl et neveu de son successeur
Ahuitzotl, il fut appelé au trône à la mort de ce
dernier (1502) de préférence à ses frères, qu'il
surpassait en talents comme général et comme
prêtre, fonctions ordinairement cumulées par les
candidats au trône mexicain. Après avoir pris,
dans sa jeunesse, une part brillante dans les
guerres de l'empire aztèque , il s'était consacré
au sacerdoce et à ses horribles mystères. Grave
et réservé dans ses manières , parlant peu, mais
avec éloquence, il était respecté de la multitude,
qui l'acclama à l'unanimité roi et souverain pon-
tife. Plein d'une feinte humilité, lorsque les
nobles vinrent lui annoncer son élection , ils le
trouvèrent balayant les marches du téocalli de
Huitzilopochtli (1), terrible dieu dont les autels
ruisselaient toujours de sang humain, et ce ne fut
pas à cette école qu'il apprit la mansuétude. Son
caractère se montra toujours d'accord avec son
nom (2). Il protesta qu'exempt d'ambition il
ne désirait rien tant que de rester dans la re-
traite et que le fardeau du pouvoir était trop lourd
pour sa faiblesse; enfin, il se laissa convaincre, et
prit aussitôt les armes pour se procurer les vic-
times destinées à être offertes en holocauste à
son couronnement. Il marcha contre Atlixco
(Tlahuican ), dont les habitants venaient de se-
(1) C'était le Mars des Mexicains et leur divinité pro-
tectrice. Son nom est composé de deux mots : huitzitin,
qui signiûe colibri, el opochtli, gauche, parce que l'Image
de ce dieu portait au pied gauche une touffe de plumes
de cet oiseau (Clavigero, Storia del Messico, t. Il, p. 17).
Il était né d'une vierge qui, étant en prière dans un
temple, vit une petile touffe de plumes brillantes qui flot-
tait en l'air; elle la prit, la plaça sur sonsein, et ne tarda
pas à devenir grosse. Les prêtres espagnols furent fort
étonnés de trouver dans la mythologie mexicaine presque
la contre partie de la conceplion de la firgo deipara
(Sahagun, Hist. de la Nueva-Espana, lib. III, cap. i).
(2) Moteuczoma signifie en mexicain : triste ou sévère.
(Las Casas, Hist. de las Indias, lib. 111, cap. cxx. )
couer le joug mexicain. Il en revint triomphant, i
traînant à sa suite une foule de captifs, qui pé- 1
rirent dans les fêtes du sacre de leur vainqueur. <
Montézuma y déploya un faste sans exemple, el .,
jetant dès lors toute modestie hypocrite , se I
montra tel qu'il était : orgueilleux et despote.
Son premier acte fut de renvoyer du palais el'i
de la cour tous les plébéiens qui y occupaient des I
emplois. Les honneurs et les charges , même les
plus infimes, devinrent le privilège exclusif de
la noblesse. Le contact des gens de basse nais- I
sance lui semblait injurieux pour la royauté. Les E
bornes qui nous sont imposées ne nous per-
mettent pas d'entrer dans le détail des cérémo- 1
nies et de l'étiquette qu'il introduisit à la cour, I
ni de la grandeur et de la magnificence de ses \
palais, de ses maisons de plaisance, de son nom- !
breux harem , de ses parcs , de ses vêtements. I
Outre ses ministres et ses courtisans , il venait j
tous les matins six cents seigneurs feudatairesl
lui faire leur cour. Il créa aussi une garde
noble, chargée de veiller sans cesse sur sa per-
sonne. Personne n'était admis dans le palais que
pieds nus. Sous les peines les plus sévères on ne
devait y parler qu'à voix basse. Le monarque
cessa de se montrer en public, et crut que l'isole-
ment ajoutait à la majesté royale : il trancha de
la divinité, et aurait voulu se faire adorer. Tandis
que la hauteur de son caractère indisposait ses
sujets, il s'aliénait davantage encore leur affec-
tion par de nouvelles taxes, suite des prodiga-
lités de la cour. Ces taxes pesaient surtout sur
les provinces conquises, où elles excitaient de
fréquentes révoltes. Les dernières années du
règne de Montézuma offrent le spectacle de
guerres incessantes, où les forces de la moitié de
l'empire sont occupées à opprimer l'autre, Un
n'existait entre les nouvelles conquêtes et les an-
ciennes provinces aucune fusion : elles étaient
autant divisées d'intérêts que de sympathies;
aussi l'empire aztèque s'affaiblissait en s'agran-J
dissant. Ces causes expliquent les incroyables i
succès de Cortés et le grand nombre d'alliés qu'il
trouva bientôt parmi les peuples indigènes, qui
presque tous détestaient les exactions et la ty-
rannie du gouvernement mexicain.
Cependant le règne de Montézuma est loin
d'être sans gloire. A son avènement , il mit à
mort Malinalli , seigneur de Tlachquiauhco , qui
s'était révolté, et réunit ses États à l'empire. Il
conquit aussi l'Achiotlan. Il tourna ensuite ses
armes contre la république de Tlascala ; mais le
succès ne répondit pas à son espérance, et ses
troupes furent plusieurs fois repoussées. S'il faut
en croire Clavigero , Montézuma ne voulut pas
anéantir ce petit État, afin d'avoir un prétexte
continuel de tenir ses troupes en haleine et de
pouvoir se procurer des victimes pour les fêles
de ses dieux. Quand l'approvisionnement venait
à manquer, les prêtres mexicains jetaient de
grandes clameurs et menaçaient le souverain de
Ja colère céleste. C'est ce qui arriva en 1503,
217
| 1504, où deux années de sécheresse forcèrent un
grand nombre de Mexicains à émigrer et à se
mettre en servitude chez les nations voisines.
Montézuma, cédant aux reproches des prêtres,
porta la guerre dans le Guatemala, à 900 milles
sud-est de sa capitale. Tous les prisonniers faits
dans cette campagne furent immolés pour la dé-
dicace d'un téocalli magnifique qu'il fit élever à
^Mexico en l'honneur de la déesse Centiotl. Le
carnage fut affreux, mais la récolte fut abon-
dante, et les prêtres ne manquèrent pas de l'at-
tribuer à leurs sacrifices sanglants (I). Monté-
zuma envoya peu après son frère Cuitlalmac
contre les Mixtécas et les Zopotécas révoltés; ils
fuient vaincus et leurs villes pillées. En février
I 1506, l'empereur marcha contre les Atlixchèses,
1 les battit et leur fit un grand nombre de prison-
if niers. En 1507, Cuitlalmac prit Tzollan, Mictlan
■et Quauhquéchollan. L'année suivante l'armée
I mexicaine partit pour la province éloignée d'A-
Hnatla, baignée par le golfe du Mexique. Assaillie
flans les montagnes par un froid glacial et des
I nuragans terribles, une partie des guerriers périt
1 misérablement , le reste tomba sous le fer en-
liemi. Ce désastre et l'apparition d'une comète
leta le trouble dans lccœur de l'empereur, au-
■ juel, suivant le récit des historiens, un célèbre
Iistrologue prédit alors la chute de l'empire
iztèque et l'arrivée d'un peuple nouveau. Ces
sinistres présages n'arrêtèrent pourtant pas les
Conquêtes de Montézuma. En 1508, il entreprit
inverses expéditions contre les Tlascalans, les
I Huexotzincas, les Atlixchèses, les Icputépèques
Ilet les Malinaltipèques. Il enleva 8,200 prison-
laiers à ces peuples. En 1509, il apaisa la ré-
Ifvolte des Xochitépèques. En 1510, les tourelles
fe|.1u grand téocalli de Mexico furent consumées
I par le feu durant une nuit calme et pure, et sans
Jmi'on pût en découvrir la cause. En 1511, un
I tèrand nombre de maisons furent renversées par
I les eaux du lac qui furent agitées d'une manière
■[extraordinaire ; trois comètes se montrèrent,
B (1) Selon Zumarraga et Torquemada, sous le règne de
Honté/.uma (environ dix-huit années), le chiffre des vlc-
■Kimes sacrifiées atteignit annuellement pour la capitale
I seulement le chiffre de 20,000. Acosta, Herrera et Clavl-
l'gero pensent que ce chiffre s'appliquait à tout le royaume.
llQuelques écrivains l'ont porté k 50,000! Toutefois, Las
[[Casas, repondant à Sepniveda, qui soutenait qu'aucun
les; voyageurs au Mexique n'évaluait le nombre annuel
Y des sacrifices humains à moins de vingt mille, déclare que
î < c'est là l'évaluation de brigands qui cherchent uneapo-
i flogie pour leurs propres atrocités, et que le véritable nora-
' ibre des victimes n'excédait pas cinquante !... | Œuvres,
éd. Llorenle ; Paris. 1832, 2 vol. in 12), t. I, p. 385. Pres-
t boit prétend que malheureusement le calcul du bon ar-
I blicvêquc de Chiapa « venait plutôt de son coeur que de sa
I iWte ». Le corps du captif sacrifié était ensuite rerais aux
I îuerriers qui l'avaient fait prisonnier, et ceux ci l'offraient
| en festin à leurs amis, en viandes délicatement apprêtées.
' jOes convives des deux sexes prenaient place à cet odieux
: 'banquet, où régnait le plus grand luxe (Torquemada, J/o-
■ narch. Jnd., lib. VII, cap. xix). L'empereur lui-même
\ en usait de la sorte. Ce n'était pas le grossier repas de
> (Cannibales affamés, mais l'authropophagie élevée à l'état
1 jde raffinement épicurien. ( foy. Clavigerc-, Hist. del
\Messico, t. II, p. 49; et Sahagun, Hist. de Nueva-Es-
'pafta, lib. IV, vm et IX.)
MONTÉZUMA 218
et une étrange clarté illumina l'Orient. Elle avait
la forme d'une pyramide dont la large base s'ap-
puyait sur l'horizon et la pointe approchait du
zénith, des milliers d'étincelles en jaillissaient et
semblaient poudrer le ciel d'étoiles. Vers le même
temps , l'on crut voir dans les airs des hommes
armés qui combattaient. Ces phénomènes, rap-
portés par tous les vieux chroniqueurs , ne lais-
sèrent plus de doute aux superstitieux Mexicains
qu'une grande calamité approchait. Pour la con-
jurer, Montézuma éleva deux temples à Tla-
matzinco et à Quaxicalco, et immola, pour leur
consécration, 12,210 victimes humaines. Cette
même année il réprima l'insurrection des Jopas,
et en 1512 il fit la conquête du pays des Quitza-
lapénèses au nord. Ce fut l'époque de la plus
grande splendeur de l'empire aztèque. Sa dis-
solution devait s'accomplir avec une rapidité
inouïe.
En 1516 Nezahualpilli, roid'Acolhuacan, meurt
sans désigner de successeur. Ses trois fils, Caca-
matzin, Ixtlilxochitl et Coanocotzin, se dispu-
tèrent le trône. Cacamatzin était l'aîné, et avait
été reconnu par le conseil suprême deTezcuco;
le droit était pour lui ; néanmoins, battu par ses
frères, il implora le secours de Montézuma. Ce
monarque se posa en arbitre : il rétablit Caca-
mitzin dans sa capitale, à la condition de par-
tager avec Coanocotzin les revenus de son
royaume. Ixtlilxochitl reçut en apanage diverses
provinces situées dans les montagnes du Mezli-
tlan. Ce jeune prince fut fort mécontent d& cette
solution; il jura une haine mortelle àMontézuma,
le défia en combat singulier et ne cessa de l'atta-
quer. Les secours qu'il fournit à Cortés furent
certainement une des principales causes de la
ruine des Aztèques.
A partir du débarquement du héros espagnol
sur le sol américain (13 mars 1519) l'histoire de
Montézuma se lie tellement à celle de Cortés que
nous renvoyons à cet article pour tous les détails
des événements qui précédèrent la mort de l'em-
pereur. Sous l'empire des prédictions fâcheuses
qui lui avaient été faites, il adopta une politique
indécise qui le conduisit à sa perte. Au lieu d'at-
taquer les étrangers avant qu'ils n'eussent le temps
de prendre pied dans le pays et d'y contracter des
alliances, il résolut de leur envoyer des ambas-
sadeurs et de riches présents, mais de leur in-
terdire l'entrée de sa capitale. C'était exciter leur
cupidité «t montrer ses craintes. .Cortés insista;
trois refus accompagnés chaque fois de cadeaux
magnifiques ne le rebutèrent pas. Il fit alliance
avec les chefs de Champoalla et de Chiahuitzla,
qui lui fournirent des guerriers et des vivres, et
se mit en marche pour Mexico. Chemin faisant,
il battit plusieurs fois les Tlascalans, et fit de ces
belliqueux républicains, ennemis mortels des
Mexicains, des alliés fidèles qui contribuèrent
plus que tous à la réussite de ses projets. Ef-
frayé de la révolte de plusieurs dé ses provinces
et de la coalition qui se formait' contre lui, Mon-
219
téznma essaya encore une fois
marche triomphante des Espagnols. Il espérait
satisfaire leur avidité à force de richesses et les
déterminer à se remharquer. Il n'en fut rien.
Cortés continua sa route avec une armée de cent
mille Indiens auxiliaires, qu'il ne congédia qu'à
deux lieues de Mexico. Montézuma eut alors re-
cours à la ruse. Il excita les Cholulans à massa-
crer les Espagnols qui faisaient séjour dans cette
ville. Cortés fut averti du complot par sa mai-
tresse, Marina; il le prévint en exterminant ses
perfides hôtes. Quelques prisonniers lui avouèrent
qu'ils n'avaient agi qu'à l'instigation de l'empe-
reur. Cortés reçut en même temps la nouvelle de
la mort de son ami l'Alguazil don Juan Escalante,
gouverneur de La Vera-Cruz, tué avec plusieurs
soldats dans un combat contre Quauhpopoca,
cacique de Nauhtlan. Conquistador dissimula pour
le moment et accueillit avec bienveillance une
cinquième ambassade de Montézuma, qui lui offrait
quatre charges d'or pour lui et une pour chacun
de ses compagnons (1), s'il voulait retourner à
Cuba : l'empereur s'engageait de plus à payer un
tribut annuel au roi d'Espagne. Cortés accepta
les présents, mais répondit qu'il ne pouvait se re-
tirer sans avoir eu une entrevue avec l'empereur.
Il continua sa marche, toujours bien accueilli des
Indiens. Les princes Cuitlahuatzin et Matlatzin-
catzin , frères de Montézuma, vinrent à sa ren-
contre avec plus de mille seigneurs mexicains ,
après quoi il tit son entrée dans la capitale le
8 novembre 1519. L'empereurl'accucillitdela ma-
nière la plus distinguée et le conduisit dans un pa-
lais assez vaste pour loger les Espagnols, leur
suite et leurs alliés, au nombre de plus de sept
mille personnes. Montézuma offrit au conquis-
tador un grand nombre d'objets précieux en or,
argent, plumes rares, etc., et plus de cinq mille
vêtements. Il envoya également des présents aux
officiers et aux soldats. Il lui offrit même une
de ses filles et à ses principaux officiers des filles
de seigneurs mexicains. Cortés hésita un instant,
mais l'amour de l'or l'emportant, il résolut dès
lors de détrôner le faible monarque, et l'accusa
hautement d'avoir ourdi la trahison de Cholan
et causé la mort d'Escalante. Montézuma , pour
lui prouver son innocence et sa sincérité, fit partir
aussitôt deux envoyés pour Nauhtlan avecordre
d'amener Quauhpopoca et les autres chefs qui
avaient combattu contre les Espagnols. Cortés ne
se contenta pas de cette mesure, il exigea que le
souverain lui-même se remît en otage entre ses
mains jusqu'au retour de ses envoyés, etcomme
l'empereur paraissait indigné de cette proposi-
tion , un officier espagnol s'offrit pour l'enle-
ver de vive force et pour le tuer s'il résistait.
Montézuma, frappé de l'air féroce de cet officier,
pour éviter le danger dont il se voyait menacé,
(1) La charge ordinaire d'un Mexicain était d'environ
50 livres d'Espagne ou 800 onces, de sorte que la somme
eniière, vu le nombre des Espagnols, devait monter à
3,000,000 de scquins (36,120,000 de francs).
MONTÉZUMA 22(
d'arrêter la | se soumit et consentit à être transporté, avec le: i
nobles qui l'entouraient, au quartier des Espa 1|
gnols. L'empereur y était détenu depuis quinzi ;
jours, lorsque les deux messagers revinrent ac
compagnes de Quauhpopoca , du fils de ce ca- 1
eique et de quinze autres nobles accusés d'avoii
combattu Escalante. Cortés les interrogea , le: |
menaça de la torture , et obtint l'aveu qu'ils n'a- ]
vaient rien fait que par ordre de leur maître I
cette déclaration, qui devait mettre à couver
leur responsabilité, devint la cause de leur pprte \
Le cacique et trois de ses compagnons furen j
condamnés à être brûlés vifs comme coupables di ]
trahison (1). Cortés se rendit ensuite auprès d< I
•Montézuma, lui reprocha sa conduite et lui fit met-
tre des fers aux pieds. Montézuma, nourri dans !
l'idée que sa personne était inviolable, demeur;
d'abord muet d'horreur à cette insulte, qu'il re
gardait comme le prélude de sa mort prochaine
Sa douleur finit par éclater. Les larmes et les gé-
missements des gens de sa cour accompagnaien
les siens. Quelques-uns de ses nobles le conso-
laient à genoux , comme une divinité outragée
d'autres soulevaient ses fers pour lui en ailégei
le poids. Pendant ce temps, Cortés fit saish
toutes les armes rassemblées dans les arsenaux
pour la défense publique, et dont le peuple aurai;
pu s'emparer. Il en fit dresser devant le palais
impérial un immense bûcher, sur lequel le can-
tique de Nauhtlan et ses compagnons furenl
brûlés vifs, en présence d'une foule d'Indiens,
spectateurs muets et stupides de cette barbarie.
Ce drame accompli, Cortés alla en grand cortégt
détacher lui-même les fers de l'empereur, qu'il
assura de sa bienveillance pour l'avenir. Mon-
tézuma eut la faiblesse de témoigner sa vive
reconnaissance et sa tendresse à celui qui l'avait
si gravement outragé. Il ne fut plus qu'un man-
nequin entre les mains des Espagnols, et ne"
montra d'énergie que contre ceux qui défen-i
daient ses droits et l'indépendance du pays. C'est-
ainsi qu'il fit enlever traîtreusement son propre
neveu , Cacamatzin , roi de Tezcuco, et le livra
à Cortés. Le général espagnol, qui connaissait les
dispositions hostiles du jeune roi, le fit jeter en
prison, et concéda son royaume à son frère Coa-
nocotzin, qui lui avait donné quelques preuves
de dévouement. 11 s'empara ensuite successive-
ment des deux frères de Montézuma; du sei-
gneur de Tlateloco, grand prêtre de Mexico ; des
rois d'Acolhuacan et de Tlacapan, ainsi que de
plusieurs chefs éminents, possesseurs de fiefs.
Il les faisait arrêter l'un après l'autre lorsqu'ils
venaient rendre visite au monarque prison-
(1) Suivant Bernai Diaz, l'auteur espagnol le plus
croyable, puisqu'il était l'un des capitaines de Cortés, il
n'y eut pas trahison de la part des Mexicains dans cette
occasion. Voici sa version littérale : « Le gouverneur
aztèque était occupé à percevoir chez les Totonaques
les tributs accoutumés, Iorsqu'Esealante étant Intervenu
pour protéger ses alliés, devenus sujets de l'Espagne, fut
tué dans un engagement avec l'ennemi (Hist. de la Con-
guista, etc., cap. XC11I 1. » Mais il fallait un prétexté a
Cortés pour s'emparer de Montézuma.
221
nier. 11 suivit le môme système à l'égard des
f principaux officiers : la persécution ou l'exil frap-
jpèrent tous ceux qui conservaient un sentiment
l'indépendance. Ces mesures s'accomplissaient
f ni nom du malheureux Montézuma, qui ne mon-
ta quelque fermeté que dans le refus constant
: ju'il lit de renoncer à ses dieux « qui, disait-il,
l'avaient jamais fait que du bien à ses sujets ».
Cependant il consentit à ce qu'il ne fût plus servi
le chair humaine sur sa table. Cortés n'insista
bas pour le baptême immédiat, mais il exigea,
f :omme compensation de sa tolérance, que l'empe-
[ eur lui livrât les trésors laissés par son frère et
[irédécesseuf Axajacatl (1). Ils servirent à rem-
bourser les dépenses que Cortés avait faites à
puba, à récompenser ses' officiers, à entretenir le
[ èle des alliés , à préparer de nouvelles défections
ans les provinces restées fidèles à l'empire. Les
' oldats espagnols, insatiables du reste, se montrè-
ent fort mécontents de leur part ; mais c'était un
hoyen de les rendre plus acharnés. L'occasion
I e tarda pas : les nobles firent éclater hautement
l'ur mécontentement contre Cortés, et les prê-
tes persuadèrent à Montézuma que si les blancs
e quittaient le pays, les dieux retireraient leur
\ rotection aux Mexicains et leur refuseraient la
Pluie nécessaire aux fruits de la terre. Ces pré-
fictions frappèrent plus le triste monarque
[ueses précédentes humiliations; il pria Cortés
e partir, s'engageanl à lui fournir tous les ma-
jriaux dont il aurait besoin pour construire
es vaisseaux. Ce n'était pas la volonté du con-
uistador ; il parlementa : huit jours après il
pprit que Panfilo Narvaez arrivait des Indes ,
[vec dix-huit navires pour le chasser du payset
Même le tuer au besoin. Cortés essaya de ga-
iner cetadversaireredoutabîe, qui ouvrit, dit-on,
tes intelligences secrètes avec Montézuma. Nar-
aez rejetant tout accommodement, Corlés
Puitta Mexico , et sans calculer les forces su-
[érieures de son adversaire, le surprit dans
fhampoalla (27 mai 1520) et le fit prisonnier. Il
f;vint ensuite à Mexico après avoir grossi son
fanée des soldats de Narvaez , mais il trouva
| capitale en pleine insurrection; Alvarado,
•n'il avait laissé comme gouverneur en son ab-
';nce , n'avait pas craint de faire massacrer six
tînts des plus nobles mexicains, assemblés pour
pe^ête religieuse. Il prétendit qu'il croyait à un
implot; mais les historiens les plus compé-
nts affirment que lui et ses soldats n'avaient
î d'autre but que de s'emparer, ce qu'ils firent,
îs riches dépouilles de leurs victimes, dont
î avait d'ailleurs fait déposer les armes. Cette
||l) Diaz Bernai, dans sa Historia verdadera de laCon-
ista de la Nueva-Espafla, cap. 88 et 99, évalue le cin-
f ième de ce trésor, part destinée au roi d'Espagne, à 600.000
us en or (environ (3,600,ooofr..|joutre l'argent et des orne-
pnts précieux, estimés plus de cent mille ducats. Pres-
;tt évalué la totalité de ces richesses à la somme de
.125,000 Ir. de notre monnaie actuelle ( Hist. de la Con-
fête du Mexique, t. 11, liv. IV, p.. 166-117 ; trad. d'Amé-
c Pichot. )
MONTÉZUMA 222
lois, le peuple mexicain, indigné, se souleva en
masse, et Alvarado, assiégé dans ses quartiers,
allait succomber, si Corlés ne lui fût arrivé en
aide. Cortés entra triomphalement dans la ville
déserte et dégagea ses compatriotes; Monté-
zuma seul vint le recevoir à son approche des
retranchements espagnols ; mais le général es-
pagnol refusa de le voir, l'appelant « chien »
qui avait correspondu avec Narvaez et voulait
ruiner les Espagnols par la famine. Dès le len-
demain, le combat recommença avec une rage
terrible <Usdeux parts. Montézuma, convaincu
de la perte de sa couronne, tenta du moins de
sauver une partie de ses sujets , et proposa à
Cortés d'obtenir une trêve s'il voulait évacuer
la ville. Cortés était convaincu de cette néces-
sité; mais il voulait, par une dernière ruse,
engager les Mexicains, par la voix de leur em-
pereur, à se disperser et à mettre bas les armes.
La ruse était trop grossière ; aussi Montézuma
répondit-il à l'espagnol : « Nous allons à la mort »;
et se parant de ses habits les plus pompeux, il
parut sur la principale terrasse du palais : à la vue
de leur roi, les assiégeants suspendirent leurs ef-
forts : « Mexicains, leur dit-il, si votre zèle pour
mon service et le désir de me rendre la liberté
vous ont fait prendre les armes contre les étran-
gers, je vous remercie de votre fidélité; mais je
vous dois la vérité; je ne suis point prisonnier,
je suis libre d'habiter ce palais de mon frère ou
de retourner dans le mien !... » Ici l'empereur fut
interrompu par une voix s'élevant de la foule,
qui s'écrie : « Roi des Aztèques, vous êtes un
lâche ! un efféminé ! Vous valez mieux à ma-
nier l'aiguille, comme les femmes, qu'à gouver-
ner une nation de braves. Vous êtes prisonnier
de ces étrangers, et vous ne l'osez avouer » ; et
finissant ces mots, l'homme lança une flèche
contre le roi (1) ; tout le peuple suivit l'exemple de
l'audacieux Mexicain , et le roi tomba frappé à
la tête, au bras et à la cuisse. Relevé par les
Espagnols, il eût pu guérir, car ses blessures
n'étaient pas mortelles, mais arrivé au dernier
degré d'humiliation et de désespoir, il refusa de
prendre le moindre aliment et déchira les ap-
pareils que l'on plaçait sur ses plaies (2). Quoi-
(1) Acosta rapporte une tradition suivant laquelle ce
fut Guatémezin, neveu de Montézuma et qui lui-même
monta plus tard sur le trône, qui interpella ainsi l'empe-
reur et lui décocha la première flèche ( lib. VII, cap.xxvi).
(2) Les historiens espagnols varient sur les causes et
les circonstances de la mort de Montézuma. Cortés et
Gomara l'attribuent à un coup de pierre reçu i \î tète,
Solis au refus de se laisser panser. Bernai Diaz dit qu'il
se laissa mourir de faim ; Herrera assure qu'il succomba
à un violent chagrin; Sahagun et quelques historiens
mexicains affirment qu'il périt de la main des Espa-
gnols, qui lui firent subir la peine du garot avec deux
de ses parents et lancèrent ensuite les trois cadavres
aux Insurgés. Cette version semble inadmissible, car
Cortés rompait ainsi tout -moyen de paix avec les Mexi-
cains; il perdait son meilleur otage et préparait la ter-
rible nuit du Ie* juillet; mais quand on considère le
massacre exécuté par Alvarado quelques jours aupara-
vant et les propres paroles de Cortés, qui ne traitait plus
l'empereur que de « chien » , certains doutes peuvent
MONTÉZUMA — MONTFAUCON
22
que le combat fût des plus acharnés , Cortés fit
remettre le corps de l'empereur à ses sujets. On
ignore le lieu de sa sépulture, Cuitlahuatzin ,
frère de Montézuma, monta sur le trône du
Mexique. Alfred de Lacaze.
Bernai Diaz, Historia verdadera de la Conqueslade la
Nueva-Espaiia— Garcia, Origen de los Indios del Nuovo
JMorKio ( 1729, in-4°). —Cortés, Carta II, III et IV de la
Nueva-Espaîla. — Ovide, Hist. de las Indias , mss- —
— Lorenza, Rel. Seg. de Cortés. — Ixtlilxochitl, Hist.
Chichemeca , mss. — Gomara, Cronica, etc. — Clavi-
gero, Storia antica del Messico (Cesena, 1780). —
W.-A. Prescott, Hist. de la Conquête de Mexique (trad.
d'Am. Pichot, Paris, 1840).
montfaucon (Bernard de), célèbre érudit
français, né le 13 janvier 1655, au château de
Soulage, diocèse de Narbonne, mort dans l'abbaye
de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, le 21 dé-
cembre 1741. Son père, Timoléon de Montfau-
con, sieur de La Rochetaillade et de Conillac,
appartenait à la plus haute noblesse du comté
de Cominges. Bernard devait donc un jour
prendre l'épée, et servir l'État en gentilhomme,
dans les camps. Cependant, contre l'usage des
gens de sa condition, il employa les longues
heures de sa jeunesse à faire de profitables lec-
tures ; il lut avec soin Plutarque, Josèphe, et
quelques autres historiens de l'antiquité, sous
la direction d'un savant ami de son père, Pa-
villon, évêque d'Aleth. En 1672 il entrait aux
cadets de Perpignan; en 1673 il servait comme
volontaire en Allemagne, dans l'armée du ma-
réchal de Turenne. Le voilà soldat, mais par
devoir plutôt que par vocation : ce barbare métier
ne convenait pas à son âme généreuse, et, d'ail-
leurs, dans un temps où la guerre était si active,
il n'y avait pas entre les armes et les lettres de
faciles accommodements. Ayant donc perdu son
père et sa mère, il déposa l'épée, et, de retour
au château de La Rochetaillade, il reprit avec
passion ses études trop longtemps interrompues.
Peu de temps après, cherchant une retraite
encore plus profonde , mieux défendue contre
tous les bruits, toutes les distractions de la vie
mondaine, il se rendit à Toulouse, au monastère
de La Daurade , gouverné par les Bénédictins
de la congrégation de Saint-Maur, et y demanda
l'habit religieux. Il fut d'abord admis au novi-
ciat; puis à la profession, le 13 mai 1676. Le
changement d'état avait été complet : mais,
qu'on ne s'y trompe pas , le changement de
moeurs beaucoup moindre. A cette époque où
tout gentilhomme était appelé par sa naissance
à servir dans l'armée du roi, on rencontrait dans
cette armée un grand nombre de jeunes gens,
qui , comme Bernard de Montfaucon , n'ayant
pas entendu prendre avec la carrière militaire
un engagement irrévocable, vivaient à l'écart de
la soldatesque, et conservaient au milieu des
s'élever sur la mort de Montézuma, dont au surplus
Cortés encore tenait toute la famille en caplivité. l,e
conquérant espagnol doutait d'ailleurs de l.i bonne fol
de son royal prisonnier, et tenait à frapper de terreur
les Indiens.
camps leurs habitudes civiles. D'un autre côté
la congrégation de Saint-Maur étant une con
frérie savante, dont les membres avaient la 1
berté d'entretenir avec le monde un commerc
régulier, on n'y faisait à personne une loi de prc
tiquer les raffinements de l'austérité monasti
que. Nous estimons donc que le jeune Bernai
n'eut à se faire aucune violence pour se confoi
mer aux exigences de sa nouvelle conditioi
Reçu profès, il fut, selon l'usage , envoyé dar
un autre monastère. Sorrèze, où il fit un séjoi
de quelques années, possédait un grand nombi
de manuscrits grecs. Comme il ne connaissa
pas le grec, il se mit avec ardeur à l'étude (
cette langue, et se la rendit familière. Il fit ei
suite un séjour de huit années à l'abbaye de 1
Grasse, diocèse de Carcassonne, d'où il envoj
ses premiers travaux à ses supérieurs. On r
marqua ces heureux essais, et Montfaucon f
alors appelé à Bordeaux, puis à Paris, où il f
chargé, avec dom Pouget et dom Lopin , <
faire de nouvelles éditions de saint Athanase et<
saint Jeâu-Chrysostome. C'est alors qu'il appr
dans ses loisirs, l'hébreu, lechaldéen, le syriaqi
et le copte. Il s'occupa, dans le même temps, \
numismatique, et à la mort de Placide Pc
cheron, en 1694, il fut préposé à la garde <
cabinet des médailles, à Saint-Germain des Pri
Au commencement de l'année 1698 l'édition <
saint Athanase était achevée. Dès qu'elle eut é I
reçue par les savants, elle obtint près d'ei|
beaucoup de succès et fit le plus grand nonne
à la congrégation; Ellies Du pin n'hésita pas
l'appeler en public un ouvrage incomparab
Montfaucon écrivit aussitôt aux supérieurs
son ordre qu'avant de confier à la presse I
éditions déjà préparées des autres pères grec
il était nécessaire d'aller consulter de nombre'
manuscrits conservés en Italie. C'était s'off
pour faire ce voyage littéraire. La proposition
Montfaucon fut accueillie avec empressement,!
il lui fut ordonné de partir au plus tôt pour 1
talie, en la compagnie de dom Paul Brioys (
Ils se mirent en route au mois de mai 1698.
Les deux voyageurs visitèrent d'abord la I
bliothèque de Milan, où ils furent reçus par M<
ratori. De Milan ils allèrent à Modène, à Mantoi'
à Venise. Le monastère de Saint- Georges-Majei"
à Venise, était habité par des religieux bénëd I
tins ; cependant nos deux voyageurs ne f«r<
pas même autorisés par leurs confrères à voir
catalogue des manuscrits que possédait ce
riche abbaye. L'accès de la bibliothèque de Sai:
Marc ne leur fut pas plus facile. Ces mésave
tures sont de tous les temps : hier encore d'à
très bibliothèques italiennes étaient fermées
d'autres missionnaires français. A Ravenne,
Montfaucon et Brioys arrivèrent au commenij
ment du mois de septembre, tous les savait
de la ville se montrèrent pour eux pleins l
(1) Lettre de Montfaucon à Magliabechi.
225
MONTFAUCON
22G
bienveillance. Enfin, verelc milieu de ce mois ils
étaient rendus à Rome. Clande Estiennot rem-
plissait dans cette ville les fonctions de pro-
cureur général de la congrégation, tls allèrent
au milieu de là nuit, accablés de fatigue, lui de-
mander asile : « Ils étaient fort délabrés, »
écrit plaisamment Estiennot à Mabillon, « et
marchaient sur la chrétienté. On les a radoubés
le pied en cap. » Montfaucon se proposait de
séjourner longtemps à Rome. L'année suivante,
|;on hôte, Clande Estiennot, mourut, et Mont-
aucon fut appelé à lui succéder comme pro-
;ureur général. Les jésuites étaient alors très-
missants à Rome, et le procureur de la congré-
gation de Saint-Maur avait pour occupation
irincipale de surveiller toutes leurs démarches,
le démasquer toutes leurs intrigues. C'était
lonc un emploi laborieux et difficile. Montfau-
:on préférait le travail aux affaires. Forcé tou-
el'ois d'intervenir dans les questions qui in-
éressaient la réputation de son ordre, il eut
ivec les jésuites romains de vifs débats, et
nôme un procès devant le tribunal de l'inqui-
ilion. Il s'agissait de saint Augustin, du libre
rbitre , de la grâce : Montfaucon gagna son
rocès. Cependant, aprifc cette victoire, il de-
manda son rappel en France. Ses supérieurs
'engagèrent à rester; tous les personnages con-
idérables de Rome et le pape Clément XI lui-
nême s'efforcèrent de le retenir : mais il se
nontra sourd à toutes les prières , et quitta
tome au mois de mars 1701, écrivant à Gattola
u'il ne pouvait se résoudre à poursuivre une con-
troverse dogmatique avec d'aussi grands men-
eurs que les jésuites : « Se havessi tempo de
iPieg-arli lutte le particularità , lei si stu-
\>irebbe deW ardive et délia facilita di men-
ire di questi uomini, e questa e una délie
frincipali ragioni che mi hannofalto risol-
>ere di andar via da Roma. »
Montlaucon revint donc à Paris, et, retiré à
abbaye de Saint-Germain des Prés, il s'em-
•loya plus ardemment que jamais à continuer
es patientes recherches dans les manuscrits
recs et latins, ainsi qu'à composer ces grands
uvrages qui n'ont pas seulement immortalisé
ifon nom, mais ont encore tant contribué à la
] moire de son ordre. Quand parut en 1719 son
lAntiquité expliquée, toute l'Europe savante
Ifut saisie d'une véritable émotion : le succès de
1 L«t ouvrage fut tel que tout le monde le voulut
,jfre, même les ignorants. Dans l'espace de deux
jLfiois, l'édition, tirée à dix huit cents exem-
ilaires, fut épuisée. Nous croyons que dans
ucun temps et dans aucun lieu, un livre de cette
spèce, de ce volume et de ce format, dix tomes
a-folio, n'a été si promptement vendu. Le
iruit de cet éclatant succès alla jusqu'au duc
''Orléans, qui ordonna d'inscrire Bernard de
lontfaucon parmi les membres honoraires de
Académie des Inscriptions, quoiqu'il n'y eût
>as alors de siège vacant : la mort du P. Letel-
NOUV. BIOCR. CÉNÉB. — T. XXXYI.
lier, célèbre jésuite, fit une vacance cette année
mérne. « Dans une extrême vieillesse, » dit un de
ses biographes, dom Tassin , « dom de Montfaucon
employait encore huit heures par jour à l'étude.
Son tempérament s'était tellement affermi par
l'habitude d'une vie réglée et frugale , que de-
puis plus de cinquante ans il n'avait jamais
été malade. La surveille de sa mort il commu-
niqua encore à l'Académie le plan d'une suite des
Monuments de la monarchie française, qu'il
allait publier en trois volumes ; après quoi il
donnerait, disait-il, une nouvelle édition du
Dictionnaire Grec d'^Emilius Portus, auquel il
avait fait des additions considérables. Il parlait
de la sorte le 19 décembre 1741, et il mourut
presque subitement le 21 du même mois. »
L'historien a bientôt raconté la vie de Bernard
de Montfaucon. Le travail l'ayant occupée pres-
que tout entière , elle n'offre guère d'autres évé-
nements que l'entreprise ou l'achèvement des
ouvrages dont il nous reste à donner le cata-
logue.
Analecla Grxca, sive varia opuscula grœca
hactenus non édita; Paris, 1688, in-4°. On lit
au titre du volume : tomus primus ; c'est cepen-
dant un ouvrage complet. Les éditeurs pen-
saient continuer ce recueil , en confiant au pu-
blic de nouvelles découvertes ; mais c'est un des-
sein qu'ils n'ont pas réalisé. Ces éditeurs sont
Antoine Pouget, Jacques Lopin et Bernard de
Montfaucon. La part de Montfaucon dans l'œuvre
collective des trois religieux bénédictins est l'é-
dition et la traduction latine du Typicum Irenes
Âugustœ, des Excerpta ex Herone de Men-
suris, et de VAntiquum Ralionarium Au-
guiti Csesaris, c'est-à-dire d'Alexis Comnène;
— La Vérité de V Histoire de Judith ; Paris,
1690, in-12. Divers critiques avaient allégué que
l'épisode de Judith, raconté dans l'Ancien Tes-
tament, était simplement une fable dramatique,
une parabole ou une composition littéraire.
Montfaucon, évoquant tous les témoignages de
l'histoire, prétend qu'ils confirment le récit de
la Bible. A cette occasion il fut félicité par Bos-
suet.dans unelettrequi porte la date dulOavril
1690; — Athanasii, arch. Alexandrini,
Opéra omnia ; Paris, 1698, 3 vol. in-fol. Dom
Loppin et dom Pouget travaillèrent à cette
édition des Œuvres de saint Athanase ; dom
Montfaucon en est toutefois le principal au-
teur. C'est une des éditions les plus recom-
mandâmes des, bénédictins : tous les critiques
se sont accordés jusqu'à ce jour à en faire le
plus grand éloge; — Vindicix editionis S. Au-
gustini a Berxedictinis adornatœ, advenus
Epistolam abbatis Germani, auctore D. B.
de la Rivière; Rome, 1699. Le P. Langlois,
jésuite, avait dans une lettre anonyme , Lettre
de l'abbé D., vivement censuré l'édition des
Œuvres de saint Augustin, publiée par la con-
grégation de Saint-Maur. Montfaucon lui répond,
sous le voile du pseudonyme, non sans aigreur.
8
227
MONTFAUCON
22
L'une et l'autre congrégation ayant alors de
nombreux adhérents, chacun des deux adver-
saires put dire à l'issue du combat :
Si quaeritis hiijus
Fortunam pugnœ, non sura superatus ab illo ;
mais ensuite est venue la postérité, qui, tout à
fait désintéressée dans les querelles des deux
ordres rivaux, a placé l'édition bénédictine de
saint Augustin bien au-dessus de toutes les autres;
— Diarium Italicum, sive monument or uni
veterum, bibliothecarum, museorum notitiœ
in Itïnerarïo Italico collectée; Paris, 1702,
in-4°. C'est le journal du voyage littéraire de
Mabillon en Italie. I! est dédié à Cûme III, grand-
duc de Toscane. Montfaucon ayant soumis sa
dédicace à l'approbation du grand-duc, celui-ci
demanda sans doute quelques changements : on
signale en effet] quelques différences entre le
texte qui précède le Diarium et l'original en-
voyé par Montfaucon au grand-duc ( Corres-
pondance de Montfaucon, publiée par M* Va-
léry, t. III, p. 134). Un savant italien, nommé
Ficoroni, fit la critique des remarques de Mont-
faucon sur les monuments de Rome , dans un
opuscule intitulé : Observazioni sopra l'an-
tichità di Roma. Montfaucon lui répondit dans
le Journal des Savants de l'année 1709. Sous
le pseudonyme de Paul Romeraldo Riccobaldi ,
Alexandre Maffei de Volterre publia en 1710,
pour la défense de Montfaucon , son Apologia
del Diario Italico. Les jésuites firent mettre
cette Apologie à l'index; — Collectio nova Pa-
trum et Scriptorum Grascorum, Eusebii Cee-
sariensis, Athanasii et Cosmœ jEgyptii; Pa-
ris, 1706, 2 vol. in-fol. Ce recueil est, par les
matières qu'il renferme, plein d'intérêt. Au
texte et à la traduction latine de ce texte Mont-
faucon a joint , en outre , des préfaces et des
notes où il se montre à la fois théologien habile
et profond érudit ; — Palœographia Grseca, sive
de ortu et progressu litterarum grœcarum,
et variis omnium sseculorum scriplionis
grascas generibus, etc., etc.; Paris, 1708,
in-fol. Comme le fait judicieusement observer
dom Tassin, le Palxographia Graeca de Mont-
faucon a toute l'importance de la Diplomatique
de Mabillon : deux sciences nouvelles ont été
créées par ces deux ouvrages, la paléographie la-
tine, la paléographie grecque, et dans les
chaires où de nos jours on expose ces deux
sciences, les règles établies par Mabillon, par
Montfaucon, sont la matière même de l'enseigne-
ment; — Le Livre de Philon De la Vie Con-
templative, traduit du grec, avec des Obser-
vations où Von fait voir que les Thérapeutes
dont il parle étaient chrétiens; Paris, 170S),
in-12. Le président Bouhier a contredit les ob-
servations de Montfaucon sur la religion des
Ihérapeutes, et cette discussion, remfse derniè-
rement à l'ordre du jour, n'est pas épuisée; —
Jîernardi de Monte Falconis, mon. bened.,
Epistola ad.... ; An vera Narratio- Ruftni de
baptizatis pueris ab Athanasio puero? Paris
1710, in-8°. Montfaucon soutient que le réc
de Rufin est fabuleux ; — Réponse de D. Ber
nard de Montfaucon aux objections que lui
faites M. (Bouhier) contre la Dissertatio
des Thérapeutes; Paris, 1712, in-12. Les pièce
de cette controverse ont été réunies, la mêro
année, en un volume de même format, intitulé
Lettres pour et contre sur la fameuse ques
tion si les solitaires appelés thérapeute
étaient chrétiens; — Hexaplorum Origem
qux supersunt, etc., etc.; Paris, 1713, 2 vo
in-fol. Montfaucon travailla pendant vingt-troi
ans à cette édition d'Origène. Il l'a enrichi
de savantes dissertations et de dictionnaires qi
sont encore en usage. Son dictionnaire grec de
Hexaples a été réimprimé par Abraham Tron
mius à la suite de sa concordance des Septante
— BibliothecaCoisliniana ; Paris, 1715, in-fo
C'est le catalogue de 400 manuscrits grecs de 1
bibliothèque de Coislin. Ces manuscrits légués pâ
M. de Coislin, évêque de Metz, aux religieux d
Saint-Germain des Prés, sont aujourd'hui à 1
Bibliothèque impériale; — S. P. Joannis-Chry*
sostomi, archiepiscopi Constant., Opéra om
nia; Paris, 1718 et années suiv., 13 vol. in-fo
Cette édition de saint Tean-Chrysostome est u
des chefs-d'œuvre de l'érudition bénédictin!
François Faveroles, trésorier de Saint-Denis, i
quatre autres religieux furent employés pendan
treize ans à collationner, sous la directio
de Montfaucon , tous les manuscrits de saii
Jean-Chrysostome qui leur furent confiés. Ce
manuscrits dépassèrent le nombre de trois cent!
Les préfaces annexées aux treize volumes p£
Montfaucon sont réputées à bon droit des me
dèles de critique; — Antiquitas explanation<
et scliematitras illustrata , l'Antiquité expl
quéeet représentée en figures; Paris, 171î|
dfx vol. ïn»fol.,en latin et en français. Les colla)
borateurs <ïe Montfaucon pour cet ouvrage furer. |
Charles de Larue, Martin Bouquet et Josep
Doussot. Certaines parties de l'antiquité nou
sont aujourd'hui mieux connues qu'elles ne l'e
taient à Montfaucon : de plus en plus affranchi
de tout préjugé dogmatique, l'érudition fer
chaquejour dans le vaste domaine des tradition
orientales de nouvelles et importantes découi
vertes, et les explications de Montfaucon, qui or
déjà vieilli, perdront encore de leur autorité
Mars on accordera toujours que L'Antiquit
expliquée fat, au début du dix-huitième siècle
un ouvrage d'une rare perfection, c'est-à-dire 1
résumé le plus complet et le mieux ordonn
de toutes les connaissances alors acquises e
matière d'archéologie grecque, latine, juive
gauloise, etc., etc.; — Supplément au livr\
de L'Antiquité expliquée; Paris, 1724, ciflii
tomes in-fol. Ce supplément a été traduit en an
glais par D. Humphreys; — Dissertation sur l !
Phare d'Alexandrie, sur les autres phares, e i
particulièrement celui de Boulogne-sur -Mer
229 MONTFAUCON
ne à l'Académie des Inscriptions le 7 janvier
11721, cette Dissertation a été imprimée dans le
tome VI des Mémoires de cette Académie; —
Dissertation sur la plante appelée Papyrus ,
;ur le papier d'Egypte, sur te papier de co-
'on, etc., etc.; dans le même volume des Mé-
moires de l'Académie; — Les Monuments de
'a Monarchie françoise; Paris, 1729-1733,
> vol. in-fol. ; — Sur un Passage d' Hérodote ;
le tome XII des Mémoires de l'Académie.
1 s'agit d'un passage, d'un mot, d'une simple
ettre , lue différemment par Montfancon et par
3ronovius ; — Discours sur les monuments
intiques de la ville de Paris et sur une ins-
cription trouvée au bois de Vincennes; dans
e tome XIII des Mémoires ; — Les Modes et
Usages du siècle de Théodose le Grand; dans
H e même tome ; — Observations sur les an-
\ \ iennes divinités de l'Egypte; dans le t. XIV;
■fl - Lettre latine adressée à M. Salmon ,
ty'ibliolhécaire de Sorbonne ; — Recherches à
taire dans le voyage de Constantinople et du
.evant;Asns le Mercure de France , janvier
w 742. Montfancon avait entrepris de faire ce
t? oyage, avec plusieurs de ses confrères en reli-
* ion ; — Bibliotheca bil/liothecarum manus-
wriptorum nova; 1739, 2 vol. in-fol. Ce cata-
• Dgue est le manuel de tous les érudits. — Les
Inatériaux recueillis par Montfaucon et ses con-
iwrèrespour les grands ouvrages que nous avons
i|:i-dessus mentionnés sont conservés à la Bi-
inliothèque impériale, dans le résidu de Saint-
jpermain des Prés. On peut lire aussi dans le
■Mme fonds un grand nombre de lettres reçues
•par Montfaucon ou écrites par lui , qui pour la
jtilupart sont inédites. Cependant quelques parties
Mie la correspondance de Montfaucon ont été impri-
jfnées par M. Valéry, par M. Ulysse Capitaine,
Correspondance de B. de Montfaucon avec le
ivaron G. de Crassiet , Liège, 1855, et par
jp-A. Dantier, Archives des Missions scientifi-
|jf'«e&, 1857. Les restes de Montfaucon, transportés
iiendant la révolution, avec ceux de Descartes et
|jle Manillon, au Musée français des Petits-Augus-
|iins,ontété restitués, le 26 février 1S19, à l'Église
Ile Saint-Germain des Prés. B. Hackéau.
I D. Tr.ssin, flïsi. Uttcr.de la Congrégation de Saint-
\ [Uaur, p. 585-61". — Valéry, Correspondance de Mabil-
! 'on et de Montfaucon avec l'Italie , passim. — Fabricius,
\libliotk. Grseca, t. XIII, p. 849. — Éloge de Montfaucon,
flans VHist. de l'Acad. des Inscriptions, t. XVI.
i montferrat ( Marquis de), noble mai-
llon italienne, fondée au dixième siècle par Ale-
,an, seigneur d'origine franque, dont les ancê-
res déjà possédaient des propriétés étendues
tin Piémont et dans le reste de la haute Italie (1).
pn diplôme du roi Hugues (938) lui accorde
plusieurs domaines importants et l'exempte
, (1) La ville d'où cette famille tire son nom était située
nr le Pô ; elle fut détruite dans les guerres du onzième
lècle ; nu treizième les marquis de Montferrat résidaient
:'niicipahment à Cbivasso et à Moncalvo ; depuis, Casai
llevint leur capitale.
- MONTFERRAT 230
quant à l'exercice de la souveraineté sur ces
terres de toute subordination au comte du pa-
lais. Aleran, que plusieurs autres chartes qua-
lifient de marquis, reçut aussi diverses libéra-
lités de l'empereur Otton (907). Il mourut, croit-
on , en 995. De sa femme Gerberge , iille de
Bérenger, roi d'Italie, il laissa un fils, Guil-
laume 1er, qui lui succéda. On n'a que des ren-
seignements peu sûrs au sujet de la famille de
Montferrat pendant le onzième siècle. O.
A consulter sur l'histoire de la famille et de chacun de
ses membres, Benvenuto Sangiorgio , Cronica di Mon-
ferrato.
Guillaume III, dit le Vieux, hérita, vers
1140, du marquisat de son père, Beinier; ce sur-
nom lui fut donné, parce que dès sa jeunesse
il montra la prudence et la maturité d'un vieil-
lard. Après avoir, en 1147, accompagné l'empe-
reur Conrad III à la croisade , il prit sous l'em-
pereur Frédéric 1er, dont il épousa une fille , une
part active aux guerres de la Lombardie, et
combattit sans relâche les républiques de ce pays.
Seuls de tous les seigneurs de la haute Italie ,
les marquis de Montferrat s'étaient maintenus
indépendants des villes. Les républiques d'Asti
et de Chieri ayant échoué dans une nouvelle
tentative de forcer Guillaume à se soumettre
à leur autorité , se mirent à vexer et à violenter
ses vassaux. Sur les plaintes qu'en fit le mar-
quis, Frédéric marcha en 1155 contre ces deux
villes; les ayant trouvées abandonnées des ha-
bitants , il les fit saccager et ensuite incendier.
Après le départ de l'empereur, Guillaume eut à
lutter seul avec les Pavesans contre une attaque
générale des communes lombardes, qui lui firent
essuyer une défaite; il se vengea en contribuant
de toutes ses forces à l'humiliation cruelle que
l'empereur leur fit subir quelques années plus
tard. Les nombreuses libéralités dont Frédéric
le combla en récompense de ses services (l)
excitèrent la jalousie de la république de Gênes,
qui commença contre lui une guerre acharnée,
qui ne fut terminée que sous son successeur. Les
revers éprouvés par l'empereur en 1167 n'ayant
pas ébranlé sa fidélité ni celle des Pavesans,
les villes de la Ligue lombarde résolurent de
fonder la forteresse d'Alexandrie, destinée à
couper les communications entre les deux seuls
alliés de Frédéric. Ce dernier revint bientôt pour
détruire cette place; mais, malgré l'aide que lui
apporta Guillaume, il ne put s'en rendre maître.
Lorsqu'en 1176 il s'apprêta avec une nouvelle
armée à réduire enfin la résistance des com-
munes, Guillaume rassembla ses troupes, pour
le seconder; mais avant qu'il eût pu rejoindre
l'empereur, celui-ci avait été attaqué et entiè-
rement défait à Lignano. Compris en 1177 dans
la paix de Venise, Guillaume se rendit en 1185
en Orient, où les vaillants fils qu'il avait de sa
seconde femme, Judith, fille du margrave d'Au-
(1) Un diplôme de Frédéric (1164) donne le relevé com-
plet des vastes possessions de Guillaume.
231
MONTFJERRAT
232
triche , s'étaient acquis puissance et gloire. Fait
prisonnier deux ans après la bataille de Tibé-
riade, il fut échangé en 1188 contre un chef de
l'armée de Saladin ( voy. l'article Conrad de
Montferrat.) Guillaume le Vieux mourut très-
peu de temps après.
Otto Frisingensis. — Otto Morena , Hiitoria Laudu-
nensis. — Gunther Ligurinus. — Biidulptius Mediola-
rensis. — Radevicus Frisingensis. — Car'dinalis Arago-
nicis. Fila Alexandre III. — Otto de S. Rlasio. —
Raumer, Geschichte der Hohenstauffen.
Guillaume, dit Longue Bpée, fils aîné du pré-
cédent. Il partit en 1175 avec son frère Reinier
pour la Terre Sainte ; ils s'y distinguèrent bientôt
par leurs exploits. En 1178 Guillaume épousa
Sibylle , sœur et héritière de Baudoin IV, roi
de Jérusalem , et fut nommé comte de Joppé et
d'Ascalon ; il refusa la couronne , que Baudoin,
incapable de régner, à cause de ses infirmités,
voulait lui remettre , et se contenta de gouverner
le pays en qualité de régent. Il mourut en 1183,
laissant un fils en bas âge, du nom de Baudoin,
qui, appelé au trône de Jérusalem en 1184,
régna pendant quelques mois sous la tutelle de
Raymond, comte de Tripoli, et mourut subite-
ment, empoisonné, dit-on, par les partisans de
Gui de Lusignan.
Guillaume de Tyr.
Conrad, marquis de Montferrat et seigneur
de Tyr. Voij. Conrad.
Reinier, frère de Conrad et troisième fils de
Guillaume le Vieux, vint en 1175 à la cour de
l'empereur grec Manuel, qu'il accompagna dans
plusieurs expéditions, et dont il épousa, en
1180, la fille Marie, renommée pour son écla-
tante beauté et qui avait été recherchée par
les plus grands princes de l'Europe. Il reçut
à cette occasion le titre de césar et celui de roi
de Thessalonique. Quelque temps après la mort
de Manuel, Marie, irritée de l'insolence du proto-
sébaste Alexis, favori de sa mère, excita son
mari et un grand nombre de personnages impor-
tants à une conjuration contre Alexis; le complot
fut découvert , mais immédiatement Marie, se-
condée par Reinier, fait naître un soulèvement
général du peuple de Constantinople. Grâce aux
efforts du patriarche Théodose, l'émeute s'apaisa,
et Marie ainsi que Reinier se réconcilièrent en
apparence avec Alexis. Ils n'en travaillèrent pas
moins activement contre lui, et facilitèrent le re-
tour d'Andronic à Constantinople. Mais à peine
ce tyran fut-il parvenu au pouvoir, qu'il les fit
périr par le poison (1182).
Kicetas, Histoire d'Isaat. — Guillaume de Tyr. — Du
Cange, Familise Byzantinx.
Boniface II, marquis de Montferrat, frère
du précédent, mort en 1207. Après avoir passé
plusieurs années en Palestine, il revint en Italie
en 1191, pour prendre en main le gouvernement
du marquisat de Montferrat, dont il hérita bien-
tôt après à la mort de son frère aîné Conrad.
Comme son père, il se montra constamment
fidèle au parti impérial ; aussi reçut-il de Henri VI
entre autres libéralités la ville d'Alexandrie
(1193). Il prit part à la ligue suscitée contre les
Milanais par l'empereur, qu'il aida ensuite à con-
quérir l'Italie méridionale. Après avoir été chargt
par le pape, en 1199, de rétablir là paix«ntr<
Philippe et Otton, tous deux prétendants av
trône impérial, il fut, en 1202, élu chef de la cin
quième croisade, et proclamé solennellement ei
cette qualité dans l'église Notre-Dame à Soissons
Les croisés lui promirent de se trouver tous i
Venise; ils avaient conclu en effet avec cetti
ville un traité pour le transport en Orient d'um
armée de vingt-cinq mille hommes. Mais il n'
fut rejoint à Venise que par une partie des croi
ses; les autres étaient partis par diverses routes
Les Vénitiens néanmoins exigèrent le payemen
intégral et immédiat de la somme convenu'
pour le passage des troupas. Boniface se vi
dans l'impossibilité d'acquitter cette somme pa
suite de l'absence de tant de guerriers, qui au
raient dû contribuer pour leur part à la payer
et bien que lui, le comte de Flandre et plusieur
autres chefs se fussent dépouillés de tout c
qu'ils avaient de précieux, il se trouva que le
croisés devaient encore à la république cin
quanle mille marcs d'argent. Sur l'avis du dog
Dandolo, les Vénitiens proposèrent alors au:
croisés de les aider, en compensation de leu
dette, à conquérir Zara et Trieste. Malgré l'op
position du pape, une grande partie des croisé
accepta cet arrangement; mais Boniface ne vou
lut prendre aucune part à l'expédition qui fu
dirigée contre ces deux villes, parce que d'aprè |
lui elle était directement contraire au vœu qu':
avait fait d'aller combattre les infidèles et no
des chrétiens. Mais il n'eut pas les mêmes scru
pules lorsque le jeune Alexis, fils d'Isaac l'Ange
l'empereur grec détrôné en 1 195, vint le supplié
de rétablir Isaac, promettant qu'en retour ce
lui-ci procurerait aux croisés des secours consi
dérables contre les Sarrasins. Le 7 avril 1203»
l'armée chrétienne fit voile vers Constantinople
et quelques mois plus tard elle avait remis 1
couronne sur la tête d'Isaac; mais l'exécutio
des engagements contractés par Alexis enver
les croisés étant sans cesse éludée, il en résuit
une suite de complications qui finit par la pris
de Constant inople par les croisés. Ceux-ci étaie»
sur le point de proclamer comme empereur I
marquis de Montferrat, lorsqu'ils en furent M
tournés par les Vénitiens, qui redoutaient l'a
grandissement d'un prince dont les États tou
chaient aux leurs. Baudoin, comte de Flandre, fu
élu. Boniface n'en montra aucun ressentiment
il reçut pour sa part de la conquête l'île de Can
die, qu'il céda plus tard aux Vénitiens pour mill
marcs d'argent et tous les pays au delà du Bos
phore. Quelque temps après il demanda à c
qu'en échange des terres d'Asie on lui donna;
la province de Thessalonique comme royaume
Baudoin hésita un peu à établir au sein de l'en»
pire une principauté presque indépendante; mai
133
MONTFERRAT
234
t probité de Boniface, son attachement au bien
ublic, son amour pour la" concorde tirent taire les
ra'mtes politiques. Boniface, après avoir célébré
on mariage avec la veuve d'fsaac, Marguerite de
(ongrie, se mit en marche pour prendre posses-
ion de son royaume ; Baudoin lui annonça qu'il
accompagnerait pour y faire reconnaître sa su-
!eraineté, et persista dans son projet, bien que
1 oniface l'eût prié de ne pas accabler son royaume
u passage d'une nombreuse armée. Une méfiance
lutuelle et bientôt une brouille complète suivit
i; dissentiment; la concorde fut enfin rétablie
'ar l'entremise .surtout de Villehardouin, ami
' u marquis ; et ce dernier alla s'établir dans son
1 >yaume. « Dès lors, dit Le Beau, il ne conserva
is entièrement ce caractère de douceur et de
jnté qui l'avait fait désirer pour empereur par
[ae grande partie des croisés et chérir de tous. »
oussé par l'ambition de s'agrandir, il augmenta
s impôts, rassembla une armée considérable
; s'apprêta à faire la conquête du territoire de
meienne Grèce, gouverné alors en grande par-
i j par Léon Sgure, auprès duquel s'était réfugié
isurpateur Alexis. Jl s'empara sans difficulté
h la Béotie et de l'Attique (1204), et prit Co-
| nthe, où il fit prisonnier Alexis, qu'il envoya à
[ îessalonique. Marguerite, femme de Boniface,
faita avec'douceur Alexis, qui profita de la li-
|:rté qu'on lui laissait pour tramer des nitri-
fies contre Boniface; découvert, il s'évada; mais
[ avait préparé une révolte qui, fomentée aussi
lir le roi des Bulgares, Joannice, éclata bientôt à
laessalonique; elle fut étouffée par le courage
[ ; Marguerite. A ces nouvelles, Boniface, occupé
|i siège de Napoli, revint à la bâte à Thessalo-
fque (1205), et repoussa une attaque de Joan-
|ce contre cette ville. Il employa l'année sui-
|mtc à relever les villes et forteresses détruites
|ir les Bulgares. En l'été 1207, il eut une en-
[evue avec le frère et successeur de Baudoin,
[enri, qui venait d'épouser Agnès, fille du mar-
ins. Ils convinrent d'attaquer ensemble vers la
ii* d'octobre le roi Joannice. Mais quelques
lurs après, Boniface, tombé dans une embuscade
I; brigands bulgares, fut tué d'un coup de lance,
palliait à une grande bravoure personnelle beau-
fup d'habileté dans la conduite de la guerre,
«llehardouin , bon connaisseur en ces matières,
It de lui : « Le marquis Boniface est, comme
macun sait, un prince fort valeureux et des plus
lises au fait de la guerre et des armes , qui soit
Itur le jourd'hui vivant. » De sa première fem-
'e, Éléonore de Savoie, il laissa Guillaume, qui
|fi succéda au marquisat de Montferrat, et
ynès, épouse de Henri, empereur de Constanti-
jhple ; de Marguerite , il eut Démétrius, qui eut
partage le royaume de Thessalonique.
kicetas. — Villehardouin. — Gunther, Dellitm Con-
Untinopolitanum. — Gesta Innocenta III. — Dandolo ,
\ironicon. — Ramnusius, De. Bello Constantinopolitano.
I D'Outreman, Constantinopolis Belgica. — Du Cange,
[stoire de Constantinople. — Le Beau, Histoire du Bas-
\npire, t. XVII.
Guillaume VI, marquis de Montfemut, fils
du précédent, mort en septembre 1225. A la
nouvelle de la mort de son père, au nom du-
quel il gouvernait Je marquisat depuis 1203, il
s'embarqua pour la Grèce, afin d'assurer à son
frère Démétrius, encore .enfant, la succession au
royaume de Thessalonique, compromise par les
menées du comte de Blaudrate, régent du
royaume, qui voulait rendre ce pays indépen-
dant de l'empereur de Constantinople. Celui-ci,
après avoir éloigné le comte, confirma à Démé-
trius la possession de son héritage, et le plaça
sous la tutelle de la marquise Marguerite. De
retour en Italie, Guillaume renouvela l'ancienne
lutte de sa maison contre les Milanais, dont il
empêcha, en 1215,1a réconciliation avec le pape;
il assista contre eux les Pavesans et les Génois.
Son antipathie pour les Milanais le décida (1212)
à se ranger du côté de Frédéric II, bien que ce
prince représentât alors le parti guelfe. Compris,
en 1219, dans la paix générale conclue pour la
Lombardie, il fut rejoint, en 1222, par son frère
Démétrius, qui, sur la nouvelle de l'approche de
l'armée de Théodore, despote d'Épire, avait
quitté précipitamment son royaume de Thessa-
lonique, dont Théodore put ainsi faire aisément
la conquête. Guillaume mit tout en œuvre pour
rétablir Démétrius dams ses États ; après avoir
engagé pour sept mille marcs d'argent la moitié
de ses possessions à l'empereur Frédéric IF, H
parvint, puissamment aidé par le pape, à réunir
une armée considérable ; mais au moment de
s'embarquer, il tomba gravement malade , et ses
soldats se dispersèrent. A peine guéri , il ras-
sembla de nouvelles troupes, avec lesquelles il
fit voile vers la Grèce (mars 1225); arrivé en
Thessalonique, il allait être rejoint par les auxi-
liaires que lui envoyaient les princes d'Athènes,
d'Achaie et deNégrepont, lorsqu'il mourut subite-
ment. Son armée, n'ayant pas confiance en Dé-
métrius , rentra en Italie. Démétrius fit encore
quelques tentatives malheureuses pour recouvrer
son royaume, qu'il légua en mourant (1230) à
l'empereur Frédéric H.
Giulini, Memorie, t. VII. — Caffari , Annales Ge-
nue7ises. — IUccardus de S.-Germano , Chronicon. —
Du Cange, Historia Constantinopolitana. — Raynaldl,
Annales.
Boniface II, dit le Géant {i), fils du précédent,
marquis de Montferrat, mort le 12 juin 1253.
Après la mort de son père, qu'il avait accompagné
en Grèce, il revint dans ses États, dont le gouver-
nement lui fut remis par l'empereur Frédéric IL
Ligué avec les villes d'Asti et de Gênes, il soutint
avec succès, en 1228, avec la république d'Alexan-
drie, qui avait pour alliées la plupart des commu-
nes lombardes, une guerre terminée en 1230. En
1234 il se prononça avec la ligue lombarde pour
Henri, fils de Frédéric II, révolté contre son père,
et prit part à la guerre malheureuse que les com-
munes firent à l'empereur dans les années sui-
(1) Sa taille dépassait l'ordinaire de plus d'une léte.
235
vantes. En 1237 i! se soumit à Frédéric, qui en
1239 renonça en sa faveur aux droits sur le
royaume de Thessalonique, qu'il tenait du testa-
ment de Démétrius. Après avoir ensuite assisté
Frédéric dans ses entreprises contre les guelfes,
et notamment contre la république de Gênes,
Boniface se tourna de nouveau contre l'empe-
reur, en 1243, gagné par une somme d'argent
considérable, qui lui fut remise par les Génois.
Peu de temps après il changea encore de parti,
l'empereur lui ayant fait de bonnes conditions ;
depuis il resta attaché aux gibelins, et défendit
après la mort de Frédéric II la cause de son
fils, Conrad IV. Les habitants d'Alexandrie, profi-
tant des troubles qui éclatèrent alors, envahirent
en 1 252 son territoire, et y occupèrent plusieurs
châteaux ; mais il les défit avec l'aide des Pave-
sans, et les força à restituer leurs conquêtes.
RiccardusdeS. Germano, Chronicon. — Caffari, Annales
Genuenses. — Raumer, Geschischte der Hohenstauffen.
Guillaume VII, dit le Grand, marquis de
Montferrat, fils du précédent, né en 1243, mort
en février 1292. Mineur encore à l'époque où il
succéda à son père, il fut placé sous la tutelle
de sa mère, Marguerite, et de son oncle Tho-
mas II de Savoie. En 1257 il épousa Isabelle
fille de Richard, comte de Glocester, qui lui
apporta en dot quatre mille marcs d'argent.
Nommé en 1260 seigneur d'Alexandrie, il se
déclara deux ans après pour Charles d'Anjou,
par crainte de la prépondérance croissante que
gagnait dans la Lombardie le chef des gibelins
Palavicini ; il aida ce prince à s'emparer de Tu-
rin, et lui ouvrit en 1265 l'entrée de l'Italie. Ce-
pendant lorsque Charles eut manifesté le des-
sein d'établir fortement son autorité en Lombar-
die, Guillaume s'éloigna peu à peu de lui;
avant de rompre, il épousa, en 1271, Béatrix, fille
du roi Alfonse de Castille, qui, nommé roi des
Romains par quelques électeurs, donna à son
gendre le vicariat impérial pour l'Italie. Quoique
ce titre fût devenu nul par l'élection à l'em-
pire de Rodolphe de Habsbourg , Guillaume se
sentit cependant assez fort, en 1274, pour com-
baltre ouvertement la puissance formidable du
roi de Sicile. S'étant ligué avec les républiques
dePavie, d'Asti et de Gênes, ainsi qu'avec les
Visconti de Milan, il s'empara d'Alexandrie, d'Albe
et de plusieurs autres villes du Piémont sou-
mises à Charles; ses succès, dus à son armée
considérable et bien exercée, lui valurent d'être
appelé aux seigneuries de Turin, d'Ivrée , de
Verceil, de Tortone et d'autres villes importantes.
Aussi les Milanais, pressés par les troupes de
Cassone et des délia Torre, le nommèrent-ils en
1278 leur seigneur pour cinq ans, sous la con-
dition qu'il les délivrerait de leurs ennemis. Après
avoir dévasté le territoire de Lodi, il entra en
négociation avec les délia Torre, et conclut avec
eux (1279) un traité de paix, avantageux pour
eux, et stipulant que les prisonniers seraient
relâchés de part et d'autre sans rançon. Les
MONTFERRAT 23
délia Torre eurent l'imprudence de rendre h
premiers la liberté à leurs prisonniers ; aussit
la noblesse milanaise, poussée par les Visconl
déclara que de son côté elle n'exécuterait p,
la convention, qu'elle n'avait pas ratifiée. I "j
guerre fut reprise avec plus de vigueur quej;
mais par les délia Torre, auxquels Guillaume i
dire, pour excuser son manque de foi : « J'ava ,
promis, c'est vrai, mais je n'avais pas prom
d'observer ma promesse. « Cependant le marqui
ne remportant aucun avantage, partit pour
Castille, dans l'espoir d'obtenir des secours de se
beau-père ; arrivé aux environs de Valence,
fut arrêté par ordre de Philippe de Savoie, qi
le retint en prison, jusqu'à ce qu'il eût renom
formellement à toute prétention sur Turin
quelques autres villes (1). Il reçut d' Alfonse (
Castille six cents hommes d'armes et une for
somme d'argent. De retour en Italie, il troin
le parti des délia Torre abattu, à la suite de I
déroute de Veprio ; il ravagea de nouveau le te
ritoire de Lodi, ce qui força cette ville impo I
tante à faire la paix, et il s'empara de Como; » I
1282, ayant rassemblé toutes ses troupes, s j
s'avança contre l'armée guelfe , mais au me «
ment de l'atteindre, il se retira sans motif appf
rent. Le succès médiocre de ses opérations mil ]
taires et le soin qu'il prenait de consolider se
pouvoir à Milan lui aliénèrent les Visconti, qu
cherchaient eux-mêmes à asservir cette ville
en décembre 1282, profitant de son absent i
momentanée, Otto Visconti, archevêque de M j
lan, fit chasser le podestat nommé par le mai j
quis, et fit signifier à ce dernier que le séjour e
la ville lui était interdit. Guillaume s'allia aloi
aux délia Torre, et fit la guerre aux Viscon
jusqu'en 1286, année où fut conclue la paix e
Barlassina , qui attribuait au marquis une forl
somme d'argent en dédommagement de ses pr<
tentions sur le Milanais. Mais l'accord ne fn
pas de longue durée. Proclamé seigneur cl
Pavie par le parti de la noblesse, Guillaumi {
pour se venger d'une incursion faite dans
Novarais par les Visconti, entre en 1290 sur<ï
territoire de Milan, qu'il commence à dévastei j
forcé de se retirer devant l'armée de la ligue de j
villes guelfes, il se jeta sur Asti; mais il trou*
cette place protégée par de nombreuses troup<
amenées par le comte de Savoie, qui venait de s
joindre aux ennemis du marquis. Celui-ci ayai
appris que les habitants d'Alexandrie, gagne
par l'or de la ligue, s'apprêtaient à secouer so
autorité, se rendit à la hâte dans cette ville. Ma:
la violence de ses menaces contre les rebelle
excita un soulèvement, que son escorte, compe
sée presque en entier de cavaliers, ne put étou
fer. Fait prisonnier, il fut placé dans une cage d
fer, et resta jusqu'à sa mort dans cette ignom:
nieuse captivité ; presque tous ses États tombe"
(1) La possession de Turin avait été entre les deo
maisons le sujet de fréquents débats, envenimés encoi
par rattachement des comtes de Savoie au parti guclf'
; 237
rent sous lu domination
\ Ainsi termina Guillaume le Grand, après avoir
i porté à son point culminant la puissance des
[ marquis de Montferrat. Habile et rusé à l'excès (l),
j il échoua, manquant des talents militaires qui
> avaient jusque alors caractérisé sa race. Il laissa
; une fille, Yolande, qui épousa, en 1234, l'em-
| peretir grec Andronic Paléologue, et prit le nom
j d'Irène, sous lequel elle se rendit célèbre, et un
s 6ls,Jean, dont la biographie suit.
I, Glulinl. Memorie, t. VU1. — Chronicon Parmense. —
Rovelll, Storia di Como. — Pingonius , Augusta Tau-
t rinorum. — Guillelmus Ventura, Chronicon Astense. —
: Chronicon Placentinum.
I Jean lf, dit le Juste, marquis de Montfer-
• rat, fds du précédent, né en 1276, mort en
janvier 1305. Presque toutes les villes de Guil-
laume s'élant révoltées à la nouvelle de son
i emprisonnement, Jean se retira à la cour de
i Naples; il s'accommoda avec Matteo Visconti,
en le constituant son lieutenant dans le mar-
i quisat. En 1294 ayant, avec son ami le marquis
i de Saluzzes, ramené à Asti la noblesse gibeline,
il obtint la restitution des possessions enle-
vées par cette ville" à Guillaume. Fortifié
par son alliance avec Amédée y, comte de Sa-
voie, dont il épousa la fille, en 1296, il parvint
dans les années suivantes à organiser contre
Visconti une ligue, dont les membres les plus
influents étaient le marquis de Saluzzes , le
comte de Langosco et la ville de Pavie. En 1299
il s'empara de Novare, de Verceil, de Casale et
autres places ; mais Visconti, ayant su semer la
division parmi ses adversaires , força Jean à
abandonner presque toutes ses conquêtes. En
1301 Jean se rendit de nouveau maître deNovare
et de Verceil, et fit allianceavec Lodi, Alexandrie,
Crémone, les délia Torre, Alberto Scotto et au-
tres seigneurs pour combattre les Visconti, qui
furent chassés l'année -d'après de Milan. Jean re-
couvra alors la plus grande partie de son héri-
tage paternel; mais en 1304 le retour des guelfes
à Âsti lui fit perdre la seigneurie de cette ville. Il
mourut sans enfants, le dernier de la ligne mas-
culine des descendants d'Aleran ; il légua ses États
à sa sœur Yolande ou à celui de ses fils qu'elle
désignerait.
Glulini, Memorie, t. VIII; — Chronieon Parmense. —
— G. Ventura, Chronicon Astense.
Théodore Paléologue, marquis de Montfer-
rat, neveu du précédent, mort le 21 avril 1338,
à Trino. Second fils de l'empereur grec Andronic
et d'Yolande de Montferrat, il fut choisi par sa
mère pour recueillir l'héritage du marquis Jean.
Lorsqu'en 1306 il arriva en Italie, il trouva une
grande partie de ses États occupés par Manfred ,
marquis de Saluées, aidé dans cette usurpation
par Charles, roi de Naples. S'étant, par son ma-
riage avec une Spinola, ménagé l'appui des Lan-
gosco et Lomello, il essaya de faire valoir ses
(1) Lorsqu'il décéda, les Alexandrins, craignant toujours
de sa part quelque feinte, lui versèrent sur le dos du
plomb fondu, pour s'assurer qu'il ne simulait pas la mort.
MONTFERRAT $88
de Matteo Visconti. droits par les armes, et réussit a recouvrer quel-
ques places. La paix fut rétablie entre lui et
Manfred en 1310, par l'empereur Henri VII ; ils
contractèrent même dans les années suivantes
une alliance intime contie le roi Robert de Na-
ples. La sentence prononcée par l'empereur
contre toutes les villes qui s'étaient déclarées
pour Robert, donna occasion à Théodore dé
faire plusieurs conquêtes, notamment celle de
Casale (1316). Ayant, en cette même année, hé-
rité des droits de son beau- père sur Serravalle,
il se rendit en Grèce pour aider son frère l'empe-
reur Andronic à combattre les Turcs. De retour
en Italie en 1319, il convoqua à Chivasso une
assemblée de ses vassaux et des députés de ses
villes, et il y fit établir la paix entre les guelfes
et les gibelins, dont les querelles troublaient en-
core le pays. En 1320 il convoqua de nouveau
les états du marquisat (1), et il y fit régler le
service militaire et les finances. Après avoir
passé quelques années à Constantinople , il revint
en 1330 dans ses États, qu'il gouverna encore huit
ans avec la même sagesse et douceur que précé-
demment. Vers 1326 il avait composé en grec un
Traité de la Discipline militaire, qu'il traduisit
eh latin.
Albert de Mussato, Hïstoria Augusta et De Gestis lta-
licis.
Jean II Paléologue, marquis de Montfer-
rat, fils du précédent, mort en mars 1372. Il
consacra les premières années de son règne à
recouvrer les terres usurpées par ses voisins ,
après la mort de Guillaume le Grand ; s'étant
dans ce but allié aux gibelins , il obtint avec
leur aide, en 1339, le seigneurie d'Asti ; il la céda
Bientôt après aux Visconti pour se concilier leur
amitié. L'ordre et la justice avec laquelle il ad-
ministrait ses Étals , engagea en 1344 la ville
d'Ivrée à se soumettre à lui de son propre mou-
vement, ce que fit aussi, trois ans après, la ville
de Valence. Reforza Dago, sénéchal napolitain
envoyé par la reine de Naples pour rétablir en
Lombardie les affaires du parti guelfe, ayant
envahi les terres du Montferrat, Jean alla à
sa rencontre, et le défit entièrement (1345).
Deux ans après une lutte s'engagea entre lui et
Lùehino Visconti d'une part, et Amédée le Vert,
comte de Savoie, d'autre part, au sujet des places
du Piémont qui avaient appartenu à la couronne
de Naples; quoique Jean et son allié eussent été
vaincus en juillet 1347, après un sanglant com-
bat, le marquis ne s'empara pas moins de Novare,
Albe et d'autres lieux, dont i! remit la plupart à
Visconti. Mais ce dernier, voyant dans le mar-
quis le principal obstacle à l'asservissement des
seigneuries de second ordre, résolut de s'empa-
rer de sa personne par trahison; Jean, averti,
échappa aux embûches qu'on lui tendait, et fit
la paix avec le comte de Savoie, auquel il aban-
(1) Comme le remarque Léo ( Hist. d'Italie), la bour-
geoisie y eut une part plus importante que dans toutes
les autres principautés où se tenaient les diètes.
239
MONTFERRAT
240
donna la moitié de la seigneurie d'ivrée ( 1349).
Nommé en 1355 vicaire impérial à Pavie par
l'empereur Charles IV, dont il s'était concilié la
faveur, il se joignit à cette époque à la ligue qui
se forma dans la Haute Italie , pour abaisser la
puissance des Visconti, et leur enleva Asti, Albe
et Novare, avec l'aide des soldats de la grande
compagnie du comte de Lando. En 1358 la paix
fut rétablie; Jean garda Asti, et reçut Novi en
compensation d'Albe et de Novare, qu'il rendit
aux Visconti. En 1359 il défendit pendant quelque
temps, avec succès, contre Galeazzo Visconti la
ville de Pavie, dont il était le seigneur; mais la
défection du comte de Lando lui fit perdre la
ville, vers la fin de l'année. Il engagea alors à
son service la compagnie blanche , qui amena
la peste en Lombardie, et devint un des mem-
bres les plus actifs de la nouvelle ligue, qui, à
l'instigation du pape, fut conclue contre les Vis-
conti ; ses bandes pénétrèrent plusieurs fois jus-
qu'aux portes de Milan. En 1364, une paix gé-
nérale rétablit le statu quo comme avant la
guerre. En 1369 les troupes du duc Lionel de
Clarence, qui venait de mourir, hypothéquèrent
au marquis, pour vingt-six mille florins d'or, la
ville d'Aibe, que Bernabo de Visconti avait don-
née en dot à sa fille, épouse de Lionel. Une nou-
velle lutte s'engagea entre Jean et Bernabo au
sujet de cette place, et elle dura jusqu'à la mort
du marquis, causée, dit-on, par le chagrin de ne
pas avoir pu, en 1370, empêcher son ennemi de
s'emparer de Côme, de Valence et de Casale. De
sa seconde femme, Elisabeth, fille de Jayme II,
roi de Majorque, il laissa trois fils, qui régnèrent
l'un après l'autre sur le marquisat.
Matteo Villani. — Petrus Azarius, Chronicon Nova-
rense. — Johannos de Bozano, Chronicon Mutinense. —
Corio, Storia di Milano.
Otton, dit aussi Secondotto , marquis de
Montferrat, fils aîné du précédent, né en 1360,
mort en 1378. Encore mineur à la mort de son
père, il fut placé sous la tutelle d'Othon de
Brunswick, qui avait été un des principaux con-
seillers de Jean, et qui, avec l'aide du comte de
Savoie, parvint à repousser les attaques des Vis-
conti contre Asti et autres villes du Montferrat.
L'accord fut rétabli entre lesdeux maisons(l377),
par le mariage d'Othon et de Yolande, sœur de
Jean Galeazzo Visconti, qui s'engagea à rendre
Casale au marquis ; non- seulement il n'exécuta
pas sa promesse, mais il s'empara encore d'Asti
par trahison. D'un caractère irritable, Ofhon fut
exaspéré par cette perfidie, il entra en fureur
à la suite d'un léger manquement d'un de ses
palefreniers, se jeta sur lui et voulut l'étrangler;
un Allemand , compatriote de ce malheureux ,
tire son sabre et en décharge sur la tête du
marquis un coup dont il mourut quatre jours
après , sans laisser de postérité.
Benvenuto San-Giorgio, Cronica del Monferrato.
Jean III, marquis de Montferrat, frère du
précédent, mort le- 25 août 1381. Il n'avait pas
encore atteint sa majorité lorsqu'il succéda, en
1378, à son frère, et fut confié à la tutelle d'Othon
de Brunswick, qui vint de Naples, où il avait
épousé la reine Jeanne, prendre en main le gou-
vernement du marquisat. Othon essaya vaine-
ment de faire restituer à Jean la ville d'Asti, \
usurpée par Jean Galeazzo Visconti ; apprenant
l'entrée de Charles III d'Anjou dans le royaume
de Naples , il courut au secours de la reine
Jeanne, emmenant le jeune marquis, qui fut tué
dans une attaque dirigée sur Naples.
Benvenuti San-Giorgio, Cronica del Monferrato.
Théodore II, marquis de Montferrat, frèredu
précédent, mort en 1418. Élevé à Milan, à la cour
de Visconti, et gardé en cette ville comme otage,
il se vit contraint, lorsqu'il fut appelé au gouver-
nement du marquisat, de renoncer, en faveur de
Jean Galeazzo, à ses prétentions sur Asti, qui fut
donnée au duc Louis de Touraine, frère de Char-
les VI, lors de son mariage avec Valentine de
Milan. L'affection que lui portait néanmoins
Jean Galeazzo lui fut fort utile dans les fréquents
démêlés qu'il eut avec les comtes de Savoie-Pié-
mont (1). Après la mort de Jean Galeazzo, il
profita des troubles qui éclatèrent dans le duché
de Milan, pour se faire restituer Casale et autres
places du Montferrat, usurpées par les Visconti ;
il se joignit dans les années suivantes aux enne-
mis de Jean-Marie , duc de Milan, et contribua
puissamment , en chassant de Gênes les troupes
françaises, à contraindre le duc (1409) à parta-
ger le gouvernement entre les guelfes et les gi-
belins. Appelé par ces derniers, en 1410, à la sei-
gneurie de Gênes, il la perdit trois ans après par
ses mesures violentes contre les Adorno et les
Campo-Fregoso ; après une courte guerre il s'ac-
commoda avec la république, moyennant la re-
mise de quatre-vingt mille florins d'or. Depuis la
mort d'Amédée VII il entretenait des relations
de bonne amitié avec son successeur; après
quelques petites hostilités avec le duc de Milan,
il se réconcilia avec lui en 1417, et lui rendit
Verceil. Nommé, en 1414, vicaire impérial pour
toute la Haute Italie, titre qui passa à tous ses
successeurs, il ne parvint pas à exercer les
droits de cette fonction hors de son propre terri-
toire. « Mais, dit Léo, dans ces limites, ces droits
mirent les marquis de Montferrat en état de ré-
duire à une soumission complète la noblesse, en-
core à demi indépendante, et les communes, qui
jouissaient d'une foule d'immunités et de privi-
lèges. » De sa première femme, Jeanne, fille du
duc de Bari, il laissa un fils, Gian-Jacopo, et
une fille, Sophie, qui épousa en secondes noces
l'empereur grec Jean II Paléologue.
Corio, Stor. di Milano. — Gulchenon, Hist. de la Mai-
son de Savoie. —Stella, Ann. Gen, — Léo, Hist. d'Italie.
Jean-Jacques , marquis de Montferrat, fils
du précédent, né en 1395, mort en 1445. Après
(1) Amédée VII fit un contrat formel avec Antonio PU-
fero, le célèbre empoisonneur, pour se défaire de toute la
famille de Montferrat.
11
MONTFERRA.T — MONTFERR1ER
242
être une première fois ligué, en 1426, avec Flo-
;nce et Venise contre Philippe-Marie, duc de
ilan, il déclara de nouveau, en 1431, d'accord
^ec ces deux républiques, la guerre à ce prince.
; général milanais François Sforce entra dans le
ontlerrat, et l'occupa presqu'entièrement, à
exception de Casale et de quelques châteaux.
an-Jacques implora le secours d'Amédée de
voie, duquel il s'engagea à tenir en fief tout ce
le la maison de Montferrat possédait sur la rive
iichedu Pô. Lorsqu'il eut, en 1443, recouvré ses
ats par la paix de Venise, il voulut se soustraire
fx obligations contractées envers le prince de
voie ; mais celui-ci retint prisonnier le fils du
nquis, Jean, lequel était venu pour traiter de
te affaire, et il obtint ainsi la confirmation
la convention précédemment conclue.
[i De sa femme Jeanne de Savoie , Jean- Jacques
Usa quatre fils, dont trois lui succédèrent l'un
Brès l'autre, et deux filles ; l'une d'elles , Aimée,
Imsa Jean III, roi de Chypre ; sa dot fut payée
li sans peine par la maison de Montferrat,
1 1 cette maison était déchue de son ancienne
| ndeur.
I moneta, y ita F. Sfortix. — A. Billius, Historia Mff-
fanensis. — Guichcnon, Histoire delà Maison deSa-
rean IV, marquis de Montferrat, fils du
cèdent, mort en 1464. Après la mort du der-
:• Visconti , il se ligua avec le duc Charles
rléans contre François Sforce, tandis que
i frère Guillaume entra au service de Fran-
s. Après diverses alternatives de succès et de
ers, il conclut en 1453 par la médiation du
René, la paix avec Sforce, auquel il restitua
conquêtes qu'il avait faites dans le duché de
an. 11 n'eut pas d'enfants de sa femme Margue-
de Savoie.
irio, Storia Milanese. — Soldo, Istoria Bresciana.
'Uillaume VI, marquis de Montferrat, frère
précédent, mort en 1483. En 1448, il s'en-
ea au service de François Sforce, lui pro-
ttant de lui fournir pendant un an et demi,
ir six mille six cents florins par mois , sept
ts lances ( chaque lance était de trois cava-
3) et cinq cents fantassins (1) ; il reçut de
la seigneurie d'Alexandrie et de quelques
;es voisines. Cependant Sforce se repentit
> tard d'avoir abandonné ces villes, et pro-
de l'amour que sa> femme Bianca avait ins-
à Guillaume, pour attirer celui-ci en son
voir. Gardé en prison plus d'une année,
llaume ne recouvra sa liberté qu'en renon-
, moyennant 2,000 livres de pension, à toute
cention sur Alexandrie. 11 passa ensuite au
ice d'Alfonse de Naples; en 1452 il envahit,
i huit cents lances et mille fantassins, le
itoire d'Alexandrie, dont il s'empara, sauf la
taie. Bientôt après il fut surpris à Caninapar
I.e traité conclu à cette occasion et rapporté dans
/ironique de Benvenuto S. Giorgio, p. 718, contient
«"détails curieux sur l'organisation militaire de l'é-
P<ie.
Sagramore de Parme, qui le mit en pleine dé-
route. En 1454, à la paix de Lodi, il se récon-
cilia avec Sforce, dans l'armée duquel il reprit
un commandement. Ayant succédé à son frère
en 1464, il conclut, en 1467, un traité avec le
duc de Milan, pour se garantir contre les pro-
jets ambitieux du prince de Savoie, avec lequel
il eut une courte guerre, terminée en novembre
1467, par la médiation de la France. En 1472, il
fut nommé capitaine général des troupes de Mi-
lan, qui en lui donnant de très-forts subsides
espérait se créer des droits à la succession du
marquis qui n'avait eu aucun lîls de ses trois
femmes.
Simoneta, y ita F. Sfortix. — Gulchenon, Histoire de
la Maison de Savoie.
Boni/ace IV, marquis de Montferrat, frère
du précédent, mort en 1493. Après avoir hésité
pendant quelque temps s'il accepterait l'héritage de
son frère, tant cet héritage était grevé de dettes, il
s'y décida lorsque le duc de Milan lui eut assuré
un fort secours en argent. Comme il était déjà
âgé et sans enfant, Louis, marquis de Saluées,
qui avait épousé la fille de Guillaume VI, croyait
que le Montferrat lui reviendrait à la mort de
Boniface. Mais ce dernier, par une déclaration
solennelle, lui enleva tous droits à sa succession ;
Louis, furieux, fit assassiner Scipion de Mont-
ferrat , descendant collatéral de la maison mar-
quisale, et auquel il pensait que Boniface avait
destiné ses États. Redoutant pour lui-même la
violence de Louis, Boniface se réconcilia avec
lui, promettant par acte authentique de par-
donner ce meurtre ; mais il protesta secrètement
contre cette déclaration et se réserva explicite-
ment le droit de se venger. En 1485 il épousa
Marie , fille du despote de Servie , et il en eut
deux fils, qui lui sucédèrent.
Benvenuto S. Giorgio, Cronica del Montferrato.
GuillaumeVII, marquis de Montferrat, fils
du précédent, né en 1488, mort en 1518. Son
règne n'est remarquable par aucun événement
important; il faut en dire autant du règne de ses
deux successeurs : Boniface V, son fils ( né en
1517, mort en 1530) , et Jean-Georges ( né en
1492, mort en 1533); ce dernier qui avant son
avènement était évêque de Casale, fut le dernier
descendant mâle du marquisat , qui passa à la
maison de Gonzague, du chef de Marguerite,
fille de Guillaume VII et épouse de Frédéric II
de Gonzague. E. Grégoire.
Guichcnon. — Benvenuto S. Giorgio.
ï montfkrrier (Alexandre- André-Victor
Sarrazin de), littérateur et mathématicien fran-
çais, né le 31 août 1792, à Paris. Fils d'un ancien
ingénieur au service de l'Espagne, il s'occupa
d'abord de la théorie du magnétisme animal, en
exposa les principes et les procédés, et en re-
chercha les rapports avec les lois de la physique
et de la physiologie. Il fut même un des fonda-
teurs de la Société parisienne du Magnétisme.
Sous la Restauralion il prit part à la rédaction de
243
MONTFERRIER — MONTFLEURY
24-
plusieurs journaux du parti libéral et en publia
deux en 1820, L'UltraetL 'Oracle français , qui
n'eurent qu'une très-courte existence. Dans La
Minerve il fit insérer deé articles qui portent
tantôt son nom, tantôt le pseudonyme de Timoré.
Après la révolution de 1830, il fonda L'Ère nou-
velle, et devint gérant du Moniteur parisien.
11 est membre de plusieurs sociétés littéraires.
Sa sœur a épousé le mathématicien polonais
Wronski. On a de M. de Montferrier : Eléments
du Magnétisme animal; Paris, 1818, in-8°,
sous le pseudonyme de Lauzanne ; ce fut aussi
sous ce nom que l'auteur fonda, en 1814, les
Annales du Magnétisme animal, dont il rédi-
gea presque seul les premiers volumes ; — Des
Principes et des Procédés du Magnétisme ani-
mal; Paris, 1819, 2 vol. in-8o, sous le nom de
Lauzanne; le t. Ier, contenant une théorie du
magnétisme.estseuldeM. de Montferrier; le t. II
est extrait en grande partie des Recherches
sur la direction du fluide magnétique dé Bruno
( 1785, in-8°) ; — L'Epoque fatale, ode phi-
losophique ; Paris, 1826, in-8°; — Le Christ
au mont des Olives, oratorio; Paris, 1828,
in-8°; — Dictionnaire des Sciences mathé-
matiques pures et appliquées , avec le Sup-
plément ; Paris, 1834-1837-1840, 3 vol. in-4°
à 2 col. fig. ; 2° édit, 1844, 3 vol. in-4° : pi. , cet
ouvrage résume par ordre alphabétique l'his-
toire de toutes les découvertes faites dans ces
sciences, leurs procédés actuels et leur applica-
tion aux arts industriels, ainsi que la biographie
des hommes qui ont agrandi le cercle des con-
naissances positives ; — Théorie des facultés
algorithmiques et des factorielles ; Paris,
1837, in-4°; — Cours élémentaire des Ma-
thématiques pures ; Paris , 1838, 2 vol. in-8c,
pi. ; — Précis élémentaire de Physique et de
Chimie; Paris, 1839, l848,in-8°; — Table des
Logarithmes des nombres depuis 1 jusqu'à
10,000 avec 6 décimales ; Paris, 1840, in-4o :
extrait du Dict. des Mathém. ; — Dictionnaire
universel et raisonné de Marine ; Paris, 1842,
1846, in-4° pi. ; la 2e édit. a paru avec la colla-
boration de M. Rigault de Genouilly. M. de
Montferrier a commencé en 1856 la publication
d'une Encyclopédie mathématique, d'après les
principes d'Hoëne Wronski. P. L — y.
Quérard, La France Litt.— lapereau, Dict. des Contemp.
montfiquet ( Raoul de), auteur ascétique
français, né au village de Montfiquet, près Bayeux,
mort vers 1520. Il était docteur en théologie.
Ses ouvrages , devenus rares , sont recherchés
des bibliographes, à cause de leur ancienneté;
nous citerons : Tractatus de vera, reaU atque
mirabili existentiatotius Christi; Paris, 1481,
in-fol. ; trad. en français ; — Le Livre ou Traicté
du sainct sacrement de l'autel ( Paris, vers
1500, in-4" goth.) ; — Exposition de l'Oraison
dominicale; Paris, 1485, in-4° goth. ; — Expo-
sition de l'Ave Maria; Paris, s. d., in-4o,gotlr. ;
— Le Guidon et Gouvernement des gens ma-
riez, iraitié singulier du sainct sacrement
estât et fruit du mariage; Paris, s. d. (ver
1520), in-4°, goth., et Lyon, s. d., in-8°; ce
ouvrage est écrit en rimes. K.
Brunet , Manuel du Libraire.
montfleury (Zacharie- Jacob, dit), auteu
et comédien français, né en Anjou, en 1 600, mort
Paris, en décembre 1667. Montfleury descenda
d'une famille noble, qui lui fit faire de bonnes éti
des; il fut ensuite admis comme page chez leducd
Guise ; mais le goût du théâtre l'em porta bientôt,e
quittant le duc sans le prévenir, il se joignit à un
troupe de comédiens ambulants. C'est alors qu
pour cacher son véritable nom , il prit celui c
Montfleury, sous lequel il fut reçu dans la trouf
de l'hôtel de Bourgogne, vers 1637. Il joua avf
grand succès dans Le Cid et dans Les Horacei
il réussit aussi dans les rôles comiques (1). i
mort est attribuée aux efforts qu'il fit en jouai
le rôle Oreste. Il fit représenter en 1647 unetn
gédie intitulée : La Mort d'Asdrubal; Pari
in-4°, avec une dédicace au duc d'Épernon
portrait de l'auteur. A. J.
• Chappuzeau, Théâtre français, 1. III, p. 177, 178.
Gaeret, l'amasse réformé. — Saint- Évremond, Lettre
M. de Lyonne, 1669. — Parfaict frères , Histoire <
Théâtre français, t. VI. — Lemazurier, Galerie historiq
des Jeteurs.
sïontfleury ( Antoine- Jacob, dit ), ai
teur dramatique français, fils du précédent, i
en 1640, à Paris, mort le 11 octobre 1685, à A
en Provence. Élevé avec soin, il étudia le dr<
par déférence pour son père ; mais son go
pour la poésie le détourna du barreau, qu'il i
semble pas avoir jamais pratiqué, et dans l'a
née même où il était reçu avocat, il fit paraît
pour son coup d'essai une comédie en un acl
Le Mariage de rien (1660), à laquelle il n
son nom de famille. Dès lors il n'eut pi
d'autre attrait que pour le théâtre, et épousa
fille du comédien Floridor, Marie-Marguerite i
Soûlas. Après avoir remporté de nombreux su
ces, il prit le parti de la finance , et accepta
Colbert, en. 1678, la mission délicate de recouvr
les sommes que le parlement de Provence d
vait au roi. Il agit avec tant de prudence qu
trouva le secret de contenter à la fois la co
et le parlement; cette compagnie lui off
même , dit-on , une charge de conseiller, qi
eut la modestie de refuser. Rappelé à Paris, i
le ministre lui destinait une place dans les fe
mes générales , il tomba malade à Aix, et-
mourut, d'une hydropisie. Pendant le cours de
maladie le dauphin lui offrit une pension s
voulait continuer à travailler pour la scène. (
lit dans l'avertissement des Œuvres de Moi)
fleury père et fils : « Plusieurs comédies de (
auteur sont restées au théâtre ; mais on ne pe
(1) Montfleury était fort grand et fort gros, taille'
gardée alors comme Indispensable pour son empl
Cyrano de Bergerac, qui avait eu querelle avec lui, i
sait : « A cause que ce coquin est si gros qu'on ne p<
le bâtonner tout entier en un jour, il fait le fier. »
245 MONTFLEURY
lissimuler qu'il n'y ait un juste reproche a lui
aire sur la licence qu'il s'est souvent permise,
;oit dans le choix des sujets, soit dans les ex-
cessions. On remarque en général dans les
>ièces de Montfleury de l'esprit, des vers heu-
eusement trouvés, des images vives et rendues
ivec précision, et une grande connaissance du
nonde et du théâtre. Il avait beaucoup de litté-
ature, il savait et parlait si parfaitement l'espa-
;noi que la l'eue reine ( Anne d'Autriche ) disait
fue ceux du pays ne le parlaient pas si bien que
ni ; aussi a-t-il pris dans leurs auteurs quelques-
ins des sujets qu'il a traités. » La seule pièce
lui soit restée de Montfleury au répertoire ac-
|uel du Théâtre-Français est La Femme juge
t partie, qui balança en 16691e succès du Tar-
ufe ; réduite à trois actes par M. Onésime
ieroy, elle a été, depuis le 6 mars 1821, repré-
entée plusieurs fois , quoiqu'elle ait beaucoup
erdu de sa gaieté. Le théâtre d'Antoine Mont-
eury a été publié isolément (Paris, 1705,
vol. in-12 ) , ou réuni à celui de son père
Paris, 1739, 3 vol. in-12, et 1775, 4 vol..
1-12). Cette dernière édition est la plus com-
lète, et renferme : Le Mariage de rien (joué en
660); Le Mari sans femme (1663)-, I'7m-
iromptu de l'hôtel de Condé (1663) ; Thra-
ibule (1663) ; L'École des Jaloux, ou le cocu
| olontaire (1664) ; L'École des Filles (1666) ; La
'emme juge et partie ( 1669 ); Le Procès de
,& Femme juge et partie ( 1669) ; Le Gentil-
lomme de Beauce (1670); La Fille capitaine
1672) ; L'Ambigu-Comique, ou les Amours de
Jidon et d'Énée (1673); Le Comédien poète
1673) : avec Thomas Corneille; Trigaudin, ou
•fartin Braillard (1674) ;Crispin gentilhomme
• 1677) ; La Dame médecin (1678), La Dupe de
oi-même. La comédie des Bêles raisonnables,
eprésentée en 1061, n'est pas comprise dans ce
cueil. P. L.
— MONTFORT
246
,*
Avertissement des OEuvres de théâtre de Montfleury
édif. 1739). — Parfaict frères , Uist. du Théâtre fran-
! montfleury ( Jean Le Petit de), poëte
Èiçais, né en 1698, à Caen, où il est mort, le
vril 1777. Il était fils d'un gentilhomme d'é-
qui devait accompagner Jacques II dans son
expédition d'Angleterre. Ses poésies lui valurent
|es éloges de Louis Racine ainsi que des récom-
penses académiques. Il était membre de la So-
iété des Belles-lettres de Caen. Nous citerons
le lui : Ode au cardinal de Fleury ; 1727 j —
l'ï«r le Zèle; 1729; — La Prise de Berg-op-
Zoom, poème; 1747; — Grandeur de Jésus-
christ, poëme en IV chants, suivi des Gran-
deurs de la Vierge, ode ; Bayeux, 1752, in-80; —
msai (en vers) sur l'instruction morale, poli-
tique et chrétienne; Caen, 1755, in-8o; —La
•Mort justifiée, poëme; s. 1. (Bayeux), 1761,
:n-8°.
i Son frère, l'abbé de Montfleury, mort en
1758, à Caen, chanoine de Bayeux, est auteur
de Lettres cicrieuses et instructives à un
Père de l'Oratoire ( 1728, in-12 ) et de la tra-
duction d'un poëme latin du P. de La Santé, Le
Fer (1725). P. L.
Quérard, La France littéraire.
montfort, famille noble française, descen-
dant, selon l'opinion la plus probable, de Baudoin,
comte de Flandre, et de Judith, fille de Charles
le Chauve. Amauri II, seigneur de Montfort,
petite ville entre Paris et Chartres, est le pre-
mier membre de cette maison dont il soit fait
mention dans l'histoire. Il vivait dans la pre-
mière moitié du onzième siècle, et se fit remarquer
par son attachement à Henri 1er, roi de France,
qu'il aida dans sa lutte contre les intrigues de
la reine Constance. Simon Ier, son fils, épousa
en troisièmes noces Agnès, fille de Richard,
comte d'Évreux, qu'il avait fait enlever. Ses
quatre fils, Amaury III, Richard, Simon II et
Amaury IV lui succédèrent l'un après l'autre. Le
dernier eut de longs démêlés avec Henri Ier, roi
d'Angleterre, au sujet du comté d'Évreux, qui
lui revenait du chef de sa mère; il se réconcilia
en 1128 avec ce prince, qui lui abandonna la
possession du comté ( voy. Orderic et Vital ,
Historia Ecclesiastica , et Suger, Vita Ludo-
vici Grossi). Son petit-fils, Simon III, dit le
Chauve, comte de Montfort et d'Évreux, épousa
Amicie, fille de Robert de Beaumont, comte deLei-
cester ; son fils aîné, Amauri V, hérita du comté
d'Évreux, qu'il céda en 1200 au roi de France;
son second fils fut le fameux Simon 7 F de Mont-
fort, dont l'article suit; le troisième, Gui, sei-
gneur de La Ferté-Alais, devint la tige des sei-
gneurs de Castres.
Simon IV, comte de Montfort et de Leices-
ter, plus tard comte de Toulouse, célèbre capi-
taine français, né vers 1150, tué le 25 juin 1218.
On n'a presque aucun détail sur les cinquante
premières années de sa vie. II conduisit en
1198 une troupe de chevaliers français en Pa-
lestine; privé du concours des croisés allemands,
qui retournèrent chez eux malgré ses prières , il
ne put rien entreprendre contre les Sarrasins,
et se borna à conclure avec eux une trêve
de trois ans. En 1202, il prit part à la cin-
quième croisade, et alla faire avec ses compa-
gnons d'armes le siège de Zara. Mais lorsque
le pape Innocent 1H eut- fait signifier par l'abbé
Gui de Vaux-Cernay défense aux croisés de
continuer cette entreprise , il déclara haute-
ment ne plus vouloir y prendre part ; son avis
fut suivi par d'autres seigneurs, ce qui exaspéra
tant les Véniliens, pour le compte desquels se fai-
sait l'expédition , qu'ils eussent massacré l'abbé
Gui sans l'énergique intervention de Simon. Les
croisés ayant ensuite décidé d'aller rétablir
l'empereur grec Isaac l'Ange, Simon se sépara
d'eux avec son frère Gui , et passa au service
du roi de Hongrie. Peu de temps après il partit
pour la Palestine, où il se signala pendant cinq
ans par les plus brillants exploits. Au printemps
247
de 1208, Simon fit vœu de se joindre aux nom-
breux chevaliers français qui , excités par les
prédications de Gui de Vaux-Cernay,s'apprêtaient
à soumettre par les armes le midi de la France à
l'autorité de l'Église. Le pape Innocent III s'était
décidé à employer la rigueur pour rétablir dans
ce pays la religion catholique, après avoir vu
les moyens de persuasion échouer devant l'obs-
tination de Raymond VI, comte de Toulouse, et
autres puissants seigneurs, protecteurs des hé-
rétiques, et même attachés à leurs doctrines.
La secte de beaucoup la plus nombreuse , celle
des cathares, avait dès le commencement du on-
zième siècle fait les progrès les plus rapides
dans la Gaule méridionale (1). Le pays s'était
trouvé prédisposé en leur faveur par le fonds
païen qu'on remarquait dans l'esprit des habi-
tants , et par le reste d'opposition à Rome, sub-
sistant même depuis que l'arianisme, qui avait
régné deux siècles dans ces contrées, avait été ex-
tirpé. Dans la seconde moitié du douzième siècle,
la civilisation s'y était élevée à un degré unique
alors en Europe ; mais les mœurs chevaleresques
avaient produit un esprit de frivolité qui s'accom-
modait bien mieux des rêveries des cathares que
des préceptes dogmatiques et sévères de l'Église.
Émancipée du pouvoir féodal par sa richesse et
sa puissance , la bourgeoisie partageait les idées
des chevaliers, et détestait comme eux la domi-
nation des prélats, dont l'inconduite, en vain
censurée par les papes, contribuait à détruire
l'autorité du catholicisme. « De tout cela, dit
M. Schmidt dans son Histoire des Cathares, il
était résulté un esprit de liberté et de tolérance
religieuse dont nul autre pays de la chrétienté
ne donnait alors l'exemple. Toutes les opinions
pouvaient se manifester sans obstacle ; l'indiffé-
rence des seigneurs allait si loin que fréquem-
ment ils s'entouraient de juifs, auxquels ils con-
fiaient des emplois civils ou qu'ils recevaient en
qualité de médecins dans leur intimité. Ceux qui
profitaient le plus de cette liberté de pensée, c'é-
taient les hérétiques. Les esprits plus sérieux,
choqués de la frivolité des mœurs des laïques et
des clercs, se sentaient attirés par les prédica-
tions des cathares , qui annonçaient l'intention
(1) Les doctrines des cathares, appelés généralement
albigeois depuis !e commencement du treizième siècle,
avaient pris naissance en Bnlgarieau dixième siècle; es-
sentiellement païennes, et revêtues seulement de quel-
ques formules empruntées au christianisme, elles ensei-
gnaient l'existence d'un bon et d'un mauvais principe, et
plaçaient sous la domination exclusive de ce dernier tout
le monde matériel. Niant le libre arbitre, jetant le dé-
dain sur la création, réprouvant le mariage, elles ten-
daient à détruire tout lien entre les hommes et avatent
pour conséquence rigoureuse l'égoïsme le plus absolu.
Bien qu'à l'époque dont nous traitons les cathares, ceux
au moins d'entre eux qu'on appelait les parfaits, se fis-
sent remarquer par leur austérité, cela n'était pas une
garantie qu'à la longue les principes immoraux renfer-
mes dans leurs croyances ne fussent cause d'une corrup-
tion irrémédiable. Quant à la secte des vaudols , elle pro-
fessait la plupart des dogmes ainsi que la morale de l'É-
glise, dont elle attaquait seulement la constitution hiérar-
chique.
MONTFORT 24S :
de ramener l'Église et la vie à une simplicité
plus austère, tandis que les hommes du mondt
s'associaient volontiers à une secte qui leur p.er <
mettait de vivre à leur gré, à la seule condition d<
se faire imposer les mains à l'heure de la mort. > I
Quoique jusqu'alors le comte de Toulouse , ap :
prouvé en cela par ses sujets , eût éludé toutes '<
les instances du pape tendant à arrêter par I; j
force l'extension de l'hérésie, l'annonce des pré- j
paratifs qui se- faisaient contre lui le rendil
plus traitable, et il remit ( juin 1209 ) entre les
mains du légat Milon les sept places de sûreté
exigées en gage de la sincérité de ses mesures
contre l'hérésie. Après avoir reçu l'absolutior
quelques joursaprès, Raymond alla, par excès dt J
craintejusqu'à se rendre avec des troupes au camp
des croisés qui venaient d'arriver pour combattra
ses propres sujets. En juillet, l'armée catholique, |
forte d'au moins cinquante mille hommes, et où
se trouvaient le duc de Bourgogne , les comtes
de Nevers et de Saint-Pol , Simon de Montforl
et beaucoup d'autres seigneurs, atteignit Mont-
pellier (1). Raymond-Roger, vicomte de Béziers,
jeune homme dont les tuteurs avaient laissé sans
répression se propager l'hérésie , vint trouver
le légat, promettant que dorénavant il exécute-
rait les prescriptions de l'Église touchant le
maintien de la religion catholique; repoussé
avec dédain, il résolut de se défendre contre
l'agression dont on le menaçait, et se jeta dans
Carcassonne avec l'élite de ses soldats. Les
croisés envahirent immédiatement ses États , et
arrivèrent le 22 juillet devant Béziers. Avant de
commencer l'attaque de la ville, ils prièrent les
habitants catholiques d'en sortir ; la plus grande
partie de ceux-ci s'y refusa; mais le'urs chefs se
mirent à négocier en secret sur le moyen de sauver
la population orthodoxe. Les barons croisés
étaient en train de délibérer, lorsqu'une troupe
nombreuse de bourgeois, dans un entraînement
téméraire, fit une sortie. Mais les goujats et ri-
bauds ( espèce de soldats aussi braves que fé-
roces et licencieux, comparables à ce qu'on a
appelé plus tard les enfants perdus ) suffirent
pour les repousser ; ces mêmes ribauds com-
blèrent à l'instant les fossés , escaladèrent les
murs , et en trois heures se rendirent maîtres
de la ville. Ils se mettent à égorger indistincte-
ment hommes, femmes et enfants, tous ceux
qui leur tombaient sous la main (2). Après avoir
ainsi massacré au moins quinze mille personnes,
ils pillèrent la ville et rassemblèrent un immense
(j) La cause de cette affluenec était que ceux qui
avalent fait vœu de se rendre en Terre Sainte en étaient
dégagés en allant pendant quarante jours combattre les
hérétiques.
(2) C'est à cette occasion que le légat consulté sur la
façon de distinguer les catholiques des hérétiques, aurait
dit -. «Tuez-les tous, Dieu saura bien distinguer les
siens. » Ce propos n'est rapporté que par César d'Hels-
terbach, moine fort crédule, qui écrivait au fond de l'Al-
lemagne. De plus, la manière soudaine et imprévue dont
fut prise la ville, l'absence de tous les chefs, rendes
le fait peu vraisemblable.
k249
MONTFORT
250
[butin, mais qui leur fut enlevé par les chevaliers
]iii survinrent alors. De dépit les ribauds mi-
•ent le feu à la ville , ce qui força les seigneurs
i abandonner une grande partie des richesses
lont ils venaient de s'emparer. L'épouvante se
épandit dans toute la contrée, et lorsque les
.roisés se furent mis en marclie sur Carcassonne,
>as un des cent et quelques châteaux qui au-
aient pu les arrêter n'osa résister. Arrivés le
i er août devant Carcassonne, les croisés, après
i voir pris le premier faubourg , donnèrent l'as-
laut au second; mais ils furent repoussés avec
lerte; au moment où ils se retiraient, Simon,
i >u jours un des premiers au danger, vit un de
les chevaliers gisant la jambe cassée dans le
pssé et ne pouvant se sauver; il revint sur
lis pas et enleva le blessé au milieu d'une
frôle de pierres et de traits. La ville fut alors
i ssiégée dans les règles, avec le secours de nom-
reuses machines; au bout de huit jours le se-
)nd faubourg fut emporté. Le roi Pierre II d'A-
igon , suzerain du vicomte, vint impIoreT en fa-
1 eur de celui-ci la pitié des croisés; mais la du-
pté des conditions proposées par le légat fit
|;houer sa médiation. Cependant l'extrême sé-
îeresse força bientôt après la ville à se rendre;
s habitants purent se retirer avec leurs che-
ises et leurs brayes; mais le vicomte fut
irdé prisonnier, probablement contre la teneur
; la capitulation; il mourut quelques mois
us tard ; Simon fut accusé, non sans vraisem-
ance, de l'avoir fait empoisonner. L'abbé de
liteaux , Arnauld , qui jusque ici avait conduit
lirmée, assembla alors les chefs pour qu'ils
I ussent celui auquel serait dévolu le pays qu'ils
jjînaient de conquérir. Les trois premiers aux-
Ijiels la vicomte fut offerte, le duc de Bourgogne
i les comtes de Nevers et de Saint-Pol, la re-
I sèrent, n'admettant pas que Raymond-Roger fût
ISpouillé de son patrimoine. Simon, auquel on fit
lisuite la même proposition , accepta avec joie ,
lius la condition cependant que les croisés s'en-
ligeassent à le secourir s'il venait à être
Iquiété dans sa nouvelle possession. Il com-
lença par y imposer un tribut annuel en faveur
I; la cour de Rome et à prescrire les mesures
Is plus sévères pour la répression de l'hérésie.
|ependant les quarante jours pendant lesquels
||s croisés avaient fait vœu de combattre étaient
ftoulés ; ils repartirent en grande partie pour
(:urs pays, et il ne resta bientôt plus à Simon
b'un petit nombre de chevaliers et quatre à
Inq mille Bourguignons et Allemands retenus par
lie solde élevée (l). Ces forces lui suffirent ce-
i[;ndant pour se mettre en possession de Cas-
tes, Pamiers, Albi et autres villes et châteaux
11(1) Le môme fait se renouvela régulièrement chaque
ILnée , et Simon n'aurait jamais- obtenu de succès de-
f'ifs, si l'immense butin fait dans ces riches contrées
t le produit des confiscations des biens des hérétiques
l|: Vavaient pas mis à même de stipendier des troupes;
prons que celles-ci, à cause de l'acharnement de la*
lerre, exigeaient double solde.
de ses nouveaux États. Il essaya, mais en vain,
d'être admis à prêter à Pierre d'Aragon l'hom-
mage qu'il lui devait pour la vicomte ; bien plus,
le roi fit exhorter les barons à secouer le joug
des étrangers. Aussitôt la plupart des nobles re-
prennent les armes ; le comte de Foix se joint
à eux , et à la fin de l'année Simon n'avait plus
en son pouvoir qu'un petit nombre de places.
Son courage indomptable ne se démentit pas ;
mais ses compagnons étaient dans le plus grand
abattement, lorsqu'ils furent un peu ranimés par
la lettre du pape, qui, confirmant à Simon la
seigneurie du pays, l'instruisit en même temps de
ses efforts auprès de beaucoup de princes pour
les stimuler à porter secours au comte de Mont-
fort. Celui-ci, ayant reçu quelques renforts,
reprit bientôt l'offensive, et répara en partie les
échecs qu'il venait de subir; dans le courant
de l'année il se rendit maître de Minerve et de
Thermes , châteaux extrêmement forts (1).
Pendant ce temps .le comte de Toulouse, après
avoir pris part à la croisade contre le vicomte
de Béziers, avait cherché à se rapprocher de
Simon, dont il demanda la fille pour son fils;
mais Montfort avait repoussé ces avances et
commis plusieurs dégâts sur les domaines de
Raymond , qu'il convoitait et pour la prise
desquels lui et le légat cherchaient à faire naître
un prétexte. Raymond alla se plaindre au pape
de ces procédés iniques; il fut reçu avec de
grands honneurs; mais au lieu d'examiner lui-
même la justification que le comte offrait de faire
de sa conduite., Innocent III le renvoya au con-
cile qui s'ouvrit bientôt après à Saint-Gilles
(septembre 1210). Le légat faisant valoir qu'une
des conditions souscrites par Raymond lors de
son absolution, à savoir qu'il chasserait de ses
états tous les hérétiques, n'était pas remplie,
empêcha que le comte fût admis à répondre aux
accusations portées contre lui. Au concile d'Arles
on offrit enfin à Raymond sa réconciliation avec
l'Église, mais à des conditions si dures et si of-
fensantes, que le comte, décidé à répondre par
(1) Les chroniqueurs contemporains nous donnent des
détails étendus sur les machines employées pour le
siège de ces deux places et des autres , prises dans le
courant de la croisade; leur narration donne une haute
idée de l'habileté des artilleurs de l'époque ; ils racontent
entre autres qu'au siège de Minerve, Simon fit établir un
pierrier si lourd, que la dépense pour le faire fonctionner
coûtait vlngt-et-une livres par jour.
Ces mêmes historiens rapportent aussi les exécutions
d'hérétiques qui suivaient presque toujours la prise des
villes et des châteaux ; à ce sujet nous ne citerons que ce
qui se passa à la reddition de Minerve. Le légat avait
concédé que les hérétiques qui s'y trouvaient auraient
la vie sauve, s'ils se réconciliaient avec l'Église. Robert
de Mauvoisin , ami de Simon , s'emporta à cette nou-
velle, et dit : « Nous sommes venus pour exterminer les
hérétiques et non pour leur faire grâce; ils ne manque-
ront p.is de simuler de se convertir. » — « Ne crains rien,
lui répondit le légat , car je crois que bien peu se récon-
cilieront. » En effet, bien que Simon les eût lui-même
extiortés avec instance de rentrer dans le giron de l'É-
glise , plus de cent quarante cathares persistèrent dans
leurs croyances, et montèrent sur le bûcher pleins de
courage et de joie.
251 MONTFORT
les armes à dételles humiliations, n'eut qu'à faire
connaître les propositions du légat pour que
ses peuples, indignés, s'offrissent à le défendre à
outrance contre ceux qui voulaient faire d'eux
un troupeau de serfs. Montfort et les légats
étaient donc parvenus à leur fin; la guerre sainte
fut prêchée contre Raymond, et ses domaines
furent adjugés au premier occupant.
En mars 1211 , Simon, qui avait enfin fait recevoir
son hommage par Pierre d'Aragon, dont il avait
reçu en garde le fils unique Jacques , fiancé à sa
fille, se trouva à la tète d'une armée considérable
amenée de tous les coins de l'Europe et où figu-
raient plusieurs princes et prélats. Après avoir
obtenu la remise du château de Cabaret il alla
faire le siège de Lavaur; cinq mille Toulousains ca-
tholiques vinrent le rejoindre, et Roger de Com-
minges se présenta pour lui faire hommage. La-
vaur fut pris le 3 mai ; Simon fit mettre à mort
quatre-vingts chevaliers delà garnison ; la dame du
château, qui était hérétique, fut jetée vivante dans
un'puits et écrasée avec des blocs de pierre. Quatre
cents hérétiques de la catégorie des parfaits
furent brûlés, ayant refusé de se convertir. Le butin
fut remis presqu'en entier à Simon , qui le livra
à un usurier de Cahors en remboursement de
ses avances , qui permettaient à Simon d'entre-
tenir des troupes après le départ des croisés.
En effet, quoique ceux-ci l'eussent de nouveau en
grande partie quitté , Simon se sentit cependant
assez fort pour déclarer formellement la guerre
à Raymond , dont il envahit les États, quoique
le comte eût offert de les remettre , sauf Tou-
louse, entre les mains du légat et de satisfaire
à tout ce qu'on exigerait de lui au sujet de la
religion. Après s'être emparé de plusieurs châ-
teaux avec l'aide de Raudoin, propre ffére de
Raymond, Simon arriva en juin devant Toulouse,
que le clergé appelait « la tête du dragon », et qui
était en effet le foyer le plus ardent de l'hérésie.
Raymond se jeta dans la ville avec les comtes
de Foix et de Comminges, et rejoint par des
troupes envoyées par le roi d'Angleterre, il força
Simon à se retirer. Celui-ci , après avoir entiè-
rement dévasté les environs de Toulouse et le
pays de Foix , prit possession de Cahors, qui lui
fut remis par l'évêque-comte de cette ville. Puis,
apprenant que Raymond, à la nouvelle du dé-
part des derniers croisés, avait repris l'offensive
et marchait sur Carcassonne, il se jeta à la hâte
dans Castelnaudary, pour l'arrêter (septembre
1212). Il n'avait trouvé sous sa main qu'un mil-
lier d'hommes, et il ordonna en conséquence à
plusieurs de ses nouveaux vassaux de venir le
rejoindre; aucun d'eux n'obéit, et sa haine contre
les méridionaux n'en devint que plus vive. Gui
deLévis lui amena enfin des renforts; à peu de
distance du château , ils furent attaqués par le
comte de Foix , et ils étaient déjà mis en déroute
lorsque Simon accourut à leur secours avec quel-
ques chevaliers. A la vue de leur vaillant chef,
les soldats de Montfort reprennent courage, et
après plusieurs alternatives de succès et de n \
vers, parviennent à mettre en fuite les troupes d
comte de Foix, de beaucoup supérieures e '
nombre. Cet échec et la nouvelle de Papproct
de nouveaux croisés décidèrent Raymond I
abandonner le siège de Castelnaudary, qu'il ava
commencé ; en revanche il s'empara de plus c j
cinquante châteaux , la plupart dans l'Albigeoi <j
Mais au bout de quelques mois Simon repr I
partout l'avantage, et à la fin de l'année 1212 I
avait réduit Raymond à Toulouse, à Montauban < i
à quelques places voisines. Il réunit alors ( ncJ
vembre 1212) à Pamiers une assemblée de pw
lats, de barons et de bourgeois, et y fit décréter u 2
statut pour le gouvernement du pays conquis (1 I
Dans sa détresse, Raymond implora l'intei \
vention de Pierre d'Aragon. Ce prince obtint d 1
pape,qui, malgré les faux rapports des légats j
montrait de l'intérêt pour le comte de Toulousi i
que celui-ci serait admis à se justifier. Innocei i
ordonna même la suspension de la croisade
mais le concile de Lavaur, où Raymond fut aj j
pelé à exposer sa défense, refusa péremptoirt
ment de l'entendre, sous divers prétextes fc I
tiles. Outré de ce déni de justice, Pierre se du]
clara ouvertement le protecteur de Raymon
ainsi que des comtes de Foix et de Commingei
que le concile n'avait non plus voulu admetti
à se faire relever de l'excommunication ; il pei
sista dans son projet de les défendre par le
armes, quoique le pape, circonvenu par ses légat;
eût révoqué ses premières mesures de douceui
Il amena à ses amis un millier de chevaliers, < I
ils allèrent en commun assiéger Muret, dont 1
garnison faisait des courses jusqu'aux portes d
Toulouse. Simon accourut au secours du ch;
teau ( 2) ; passant à Bolbonne il entra dans l'é J
glise , mit son épée sur l'autel et la reprit , e j
disant : « Seigneur, vous m'avez choisi, tout in
digne que je suis, pour combattre pour vous!
je prends cette épée de dessus votre autel , afii j
que, combattant pour votre gloire, je le fasse ave \
justice. » Ce trait, entre tant d'autres, prouve qu<
Simon était un fanatique sincè relorsqu'il sedonnai
pour le champion delà foi. Le 12 septembre 121.
il vint offrir la bataille aux assiégeants, quoi
qu'il n'eût avec lui qu'un millier de chevaliers
Pierre II, qui s'avança au-devant de lui mâlgn
l'avis de Raymond d'attendre dans les retranche
ments l'attaque des croisés , en avait le double i
il laissa à la garde du camp ses quarante mille fan
(1) Ces consuetudines, conçues en quarante-sept ar-
ticles , sont imprimées entre autres dans le Thesauïui
anecàotorum de Martène; elles soumettent à la coutume
de Paris les chevalier* croisés nouvellement possession-
nés, mais ne changent rien à la situation de ceux qui
sont originaires du pays. Notons encore qu'elles ordonnenl
que la justice soit rendue gratuitement, et que chàqut
pauvre reçoive un avocat pour défendre sa cause, et que
quiconque peut donner caution pour sa comparution de-
vant la justice, ne doit être arrêté.
(2) Sa femme, à la suite d'un songe, voulait le retenir;
il ne l'écouta pas , et lui dit de laisser ses superstition»
aux Espagnols.
6«
ssins, qui, composés surtout de milices bourgeoi-
9, n'étaient pas assez aguerris pour une bataille
ugée. Après une môlée acharnée, où Pierre
«les prodiges de valeur, mais où son adver-
I ! re, non moins brave, se montra bien meilleur
! f >itaine , les croisés remportèrent la victoire,
jhrre perdit la vie; beaucoup de ses chevaliers
\ jrent s'échapper, mais la moitié des fantassins
i fîtes dans le camp fut passée au fil de l'épée.
f triomphe éclatant, qui enlevait à Raymond
: i it espoir de résistance, valut à Simon auprès
\h catholiques la plus haute renommée , tandis
W il n'en fut que plus exécré chez les méridio-
lïix, et»les troubadours lancèrent alors contre
u leurs plus violentes sirventes. Pendant le
iîtede l'année, Montfort étendit de plus en plus
Ir conquêtes ; ainsi il s'empara de Nîmes et força
va soumission le comte de Valentinois.
fku commencement de 1214,1e pape envoya un
Viveau légat, le cardinal Pierre de Bénévent,
•ec la mission de rétablir la paix dans les con-
gés désolées par ces luttes sauvages, faites au
In d'une religion qui prêche à tous la con-
wàe. Le cardinal d'abord obligea Simon à
■ dre aux Aragonais le fils de leur roi , qu'il
• it-en sa garde; il réconcilia ensuite avec l'É-
fl.e (avril 1214) Raymond, les comtes de Foix
!ie Comminges et beaucoup de seigneurs qui
lient combattu contre les croisés ; dans les
|es dressés à ce sujet les trois comtes re-
stent au pouvoir de l'Église tous leurs do-
nnes. Mais pendant que, se fiant à la parole
i légat, ils se croyaient à l'abri de nouvelles
taques, Simon, qui dans l'intervalle avait reçu
contingent de croisés qui lui arrivait tous les
j; du Nord, reprit les hostilités, et soumit à son
ioirité l'Agénois, le Périgord, le Quercy et le
ueFgne. Au commencement de 1215, le concile
Montpellier décida que le pape serait prié d'in-
itir Montfort comme « prince et monarque »
toutes les contrées qu'il avait conquises (1);
locent lui en confia la souveraineté provisoi-
pent, remettant sa décision définitive au pro-
lin concile œcuménique. En avril, Simon fut
■oint par beaucoup de seigneurs français con-
flits par Louis, fils du roi de France ; mais il
ftvait plus besoin d'aide : presque tout le midi
pla France lui obéissait sans résistance. Il vit
ouvrir devant lui les portes de Toulouse;
fiulques, évêque de cette ville, émit l'avis de la
«lier et de la saccager ; mais Simon, parvenu
\i but de son ambition , se refusa à cette barba--
ff, préjudiciable à ses nouveaux intérêts, et se
L'as-
iwtenta de faire raser les fortifications
Ridant que lui donnaient ses victoires était tel,
fil fit décider en sa faveur le différend né efltre
ff et son ancien ami l'abbé de Citeaux, qui, de-
"jpu archevêque de Narbonne, prétendait au
il) Redoutant ses menées ambitieuses , les habitants de
intpellier interdirent à Simon l'entrée de leur ville;
prenant qu'il s'y était rendu en cachette, ils lui coura-
it sus, mais il leur échappa.
MONTFORT 254
duché attaché à celte ville. Quoique Louis de
France, prince indolent et débonnaire, n'eût mis
aucun obstacle à l'élévation de Montfort , qui
pouvait être pleine de danger pour la couronne,
il ne put s'empêcher, de retour à la cour de son
père, d'exprimer l'indignation qu'avait fait naître
en lui la férocité impitoyable de Montfort. Celui-
ci commençait cependant à faire régner l'ordre
et la tranquillité dans les contrées qu'il avait
dévastées si cruellement. Simon venait d'être
investi définitivement de tous les pays dont il
s'était emparé parles armes, sauf les comtés de
Foix et de Comminges. Le concile de Latran en
avait ainsi décidé malgré l'avis fortement ex-
primé par plusieurs prélats, malgré la pitié
qu'inspirait au pape la chute si profonde du
comte de Toulouse, naguère le plus grand sei-
gneur terrier de France, sans en excepter le roi.
On n'avait réservé à Raymond que huit cents li-
vres de pension; les marquisats de Provence et
de Beaucaire, que Simon n'avait pas encore enva-
his, devaient être placés entre les mains d'admi-
nistrateurs nommés par le pape, jusqu'à ce qu'ils
fussent remis au fils de Raymond à sa majorité.
Le comte de Toulouse résolut de s'opposer à ces
décrets, et de tenter de nouveau la fortune des
armes, quoique le roi de France eût confirmé
( avril 1216), la décision du concile en accep-
tant l'hommage que Simon était venu lui
faire (1). Secourus par les rois d'Angleterre et
d'Aragon, Raymond et son fils se rendent en
Provence , où , accueillis avec enthousiasme, ils
voient accourir sous leur bannière une foule de
seigneurs. Le jeune comte, à la tête d'une forte
armée, vint faire ( juillet 1216 ) le siège du châ-
teau de Beaucaire, où Simon avait mis garni-
son ; la ville lui ouvrit les portes dès qu'il se
présenta. Simon vola au secours des siens, et
chercha à prendre la ville tandis que ses enne-
mis continuaient à battre en brèche la citadelle.
Mais après plusieurs combats il se vit contraint
à livrer le château, sous la condition que la
garnison pourrait se retirer. En effet, la croisade
étant regardée comme terminée, il ne recevait
plus de renforts de France ; de plus, il ne se pro-
curait des vivres que très-difficilement, parce que
tout le pays s'était déclaré contre lui, tandis que
le jeune comte était journellement rejoint par les
nombreux ennemis de la domination étrangère.
Simon se retira sur Toulouse; mais un premier
détachement qu'il fit entrer dans cette ville fut
fait prisonnier par les habitants. Il se proposait
de tirer de cet affront une vengeance éclatante,
lorsqu'il fut obligé de consacrer quelques jours
à la négociation d'une trêve avec le comte de
Foix, sur la demande formelle du prieur de
Fontefroide, commis par le pape pour mettre
(1) On rapporte qu'à la dernière entrevue entre le pape
et ie fils de Raymond, ce prince aurait prévenu Innocent
de son projet de reprendre par la force son patrimoine.
Le pape se serait borné à répondre -■ « Quoi que tu fasses,
que Dieu te donne la grâce de bien commencer et de
finir encore mieux. »
255
MONTFORT
lin aux déprédations que Simon exerçait sur les
domaines du comte. Il marcha ensuite sur
Toulouse en ordre de bataille, refusa d'écouter
les députés envoyés par les habitants pour l'as-
surer de leur soumission , et les fit même gar-
rotter et jeter en prison. Repoussant les avis de
plusieurs de ses barons et de son frère Gui, les-
quels lui conseillaient d'user de douceur, il
s'arrêta au projet qui lui fut suggéré par l'évê-
que Foulques de traiter la ville avec la dernière
rigueur. Il laissa l'évêque aller porter à la po-
pulation de trompeuses paroles de paix, et fit en-
suite garrotter, à mesure qu'ils arrivaient, les habi-
tants qui, sur ces promesses, s'avançaient au-de-
vant de lui. Avertis, ceux qui venaient en arrière
retournent à la hâte dans la ville et mettent en
fuite les soldats qui, amenés par l'évêque, avaient
commencé le pillage. A l'arrivée de Simon le
combat s'engagea de nouveau dans les rues ; les
habitants restèrent vainqueurs. L'évêque Foul-
ques alors intervint encore, et se porta garant
que tout serait pardonné si les Toulousains li-
vraient leurs armes et leurs tours, sinon que
tous les prisonniers seraient exécutés. La popu-
lation accepta cet accord ; mais lorsqu'elle se
fut dépouillée de ses moyens de défense, elle
fut contrainte à payer trente mille marcs ; les
prisonniers ne furent pas rendus (l). Simon alla
ensuite faire célébrer l'alliance de Gui, son second
fils, avec la comtesse de Bigorre , dont le mari
Nunez de Roussillon vivait encore ; puis il re-
vint à Toulouse, et réduisit les habitants
au désespoir par ses cruelles exactions.
Dans les premiers mois de 1217, Simon assiégea
le château de Montgrenier appartenant au comte
de Foix ; malgré l'ordre qui lui fut donné par les
commissaires du pape de cesser cette entreprise ,
puisque le comte observait fidèlement les clauses
de sa réconciliation avec l'Église, il persista et
s'empara du fort. Au mois de mai il porta la
guerre sur la rive droite du Rhône, pour s'op-
poser aux progrès du jeune comte Raymond ;
ayant reçu cette fois un renfort considérable de
croisés, il soumit la plus grande partie de cette
contrée. Il passa ensuite le fleuve, et imposa la
paix au comte de Valentinois, à Aymar de Poi-
tiers, qui s'était joint à ses ennemis. Au milieu
de ses succès, il apprend que les Toulousains,
exaspérés contre lui , avaient livré leur ville à
Raymond (septembre 1217 ), et qu'ils faisaient
le siège de la citadelle, où s'étaient réfugiés,
sa femme et ses soldats échappés au massacre
qui avait suivi la rentrée de Raymond. Il mar-
che à la hâte sur Toulouse; en chemin il est
rejoint par son frère Gui, lequel venait d'échouer
dans sa tentative de reprendre la ville avant
(1) Tel est le récit de Guillaume de Tudèle que, malgré
l'autorité de Fauriel, nous regardons, avec M. Schmldt,
comme l'auteur du poëme historique sur la Croisade
des Albigeois ; II se pourrait que sa haine contre Simon
lui eût fait exagérer le tableau des procédés iniques du
comte; quant à l'ensemble des faits, il est confirmé par
Guillaume de Puy-Laurens.
que les nouvelles fortifications, que Raymc
s'empressait de faire construire, ne fussent t
minées. Simon, à son tour, brusqua l'attaque
la ville; repoussé avec perte , il sévit obi •
d'en faire le siège dans les règles. Après i
mois d'efforts héroïques, il n'avait pas enc<
remporté de succès importants ; rebuté de la 1
gueur des opérations et irrité des reprocl |
que lui en faisait le légat, il désirait la mort. Il !
bientôt exaucé; le 25 juin pendant qu'il était
prières dans l'église, on vint l'avertir que les |
nemis venaient de faire une sortielet qu'ils apr.
chaient des machines de siège, tuant tout :
leur passage. « Souffre, dit-il au messager, (
j'assiste aux divins mystères et que je voie c
bord le gage de notre rédemption. » — Il p
lait encore, rapporte un témoin oculaire, le
qu'arriva un second courrier, disant : — « Hàt
vous, le combat s'échauffe et les nôtres ne pn
vent longtemps en soutenir l'effort. — « Sur q
le très-chrétien comte répondit : — « Je ne so
rai avant d'avoir contemplé mon Rédempteur
— Puis comme le prêtre eutélevél'hostie, letr
pieux guerrier du Christ , fléchissant le gei
en terre et tendant les mains vers le ciel, s'écr
— « Nunc dimitte servum iuum, Domine
— et il ajoutait : — « Allons, et s'il faut,rnour<
pour celui qui a daigné mourir pour nous. > i
Simon se précipita sur les ennemis, et les
foula jusque sous les murs de la ville ; forcé dt
retirer à devant les innombrables projectiles 1
ces par les Toulousains , il allait se placer p
de ses machines lorsqu'il fut atteint à la 1
d'une pierre, qui le tua sur le coup (1). Une j
immense éclata dans Toulouse, où les habitat
réduits aux abois, avaient pu craindre de s-
comber sous les coups de ce guerrier fanatiqi
auquel la victoire était restée jusqu'alors fidè
Les croisés étaient consternés; un mois ap
ils levèrent le siège.
(1) « 11 y a dans la ville un pierrier,' dit, dans
poëme Guillaume de Tudèle, œuvre d'un charpentier, ,1
de Salnt-Sernin, de làoù est le cormier, va tirer sa piei I
11 est tendu par les femmes, les filles et les épouses. |
pierre part, elle vient tout droit où il fallait, elle fia :
le comte sur son heaume d'un tel coup que les ye
la cervelle, le haut du crâne, le front et les mâchoires
sont écrasés et mis en pièces ; le comte tombe à tel
mort, sanglant et noir. » Guillaume dépeint avec la m(
énergie de touche les péripéties émouvantes de ce le
siège, qui occupe le quart de son poëme. Simon y
souvent mis en scène dans des parlements, des conse
où ses passions et ses intérêts sont aux prises ou simi
ment en contact avec d'autres passions et d'autres, in
rets. « On ne saurait -point, dit Fauriel, jusqu'où va 1
flexible énergie de sa volonté, si l'on ne voyait à cha(
instant les remontrances les plus fières et les avis
plus sages se briser contre cette volonté. On entreven
à peine les côtés superstitieux ou équivoques de son
ractère, si l'on n'entendait avec quelle naïveté il ma
feste devant les siens sa surprise d'être parfois vain
de ne pas être invariablement heureux dans ses proji
lui Simon, lui le champion de l'Église et de la foi, lu!
fléau de l'hérésie ; si l'on ne voyait ce guerrier, part
ailleurs si intraitable et si fier, toujours prêt à s'hui
lier devant les puissances ecclésiastiques et a leur dem;
der pardon des doutes et des impatiences par lesquel:
les offense dans ses revers. »
2S7
D'une figure belle et agréable, d'une taille îm-
>sante, Simon était d'une habileté extrême à
Itous les exercices militaires (1) ; il joignait à une
intrépidité rare, les talents d'un grand capitaine,
fil était inébranlable dans ses résolutions, que son
'éloquence et ses manières prévenantes savaient
[souvent faire agréer par ceux qui s'y étaient
•d'abord opposés. D'une piété profonde et sincère,
de mœurs austères, il avait, dit-on, le cœur na-
turellement généreux et libéral; mais toutes ces
I qualités étaient déparées par une soif démesurée
de pouvoir et de grandeur, à laquelle il sacrifiait
I toute considération; il était ambitieux, irritable et
[vindicatif à l'excès. Quant à sa cruauté, elle tient
Fplus peut-être de son siècle qu'au caractère du
personnage ; elle serait même excusable aux yeux
!pc certaine école historique : sans la terreur ré-
pandue par les massacres qu'il ordonna, ou qu'il
[toléra, jamais il n'aurait réussi à établir sa domi-
ilsationsur les puissantes contrées du midi (2); or
if toute passagère qu'elle fut, cette domination de-
l' vint la pierre d'assise de la fusion des habitants du
î îord et du midi de la France en une seule nation.
| Les actes de l'administration de Simon comme
l»mte de Toulouse., se trouvent dans un recueil
l'jui est conservé en manuscrit aux Archives de
l 'empire et à la Bibliothèque impériale de Paris,
lît qui porte pour titre : Registrum Curiae.
Pierre de Vaux-Cernay, Historia Aïbigensium. —Guil-
laume de Puy-Laurens, Chronica. — Chroniquede Simon,
teomte de Ùontfort (imprimée entre autres dans la Col-
.'lectitn des Mémoires relatifs à l'histoire de France
Me M. Guizot). —Guillaume de Tudèle, Histoire en vers
\&e la Croisade contre les Albigeois ( publiée par Fauriel
[avec une Introduction). — Csesarius Heisterbachensis,
Klllustria Miracula. — Histoire littéraire de la France,
ni. XVII. — Dom Vaissette, Histoire du Languedoc, t. III.
U— lettres des Légats d'Innocent III, dans fialuze, Mis-
ï.cellanea, t. II. — Catel , Histoire des Comtes de Tou-
l'iouse. — Innocenta III Epistolse. —Guillaume Breton.
[ Amauri, comte de Montfort, connétable de
«[France, fils du précédent, né en 1192 , mort en
! 1241 . Il prit part à plusieurs opérations militaires
de son père, et assista, entre autres, au second
a siège de Toulouse. Après la mort de Simon, il fut
«reconnu par le légat et les croisés comme succes-
Hseur à toutes les seigneuries acquises par son
[{père, dont il essaya, mais en vain, de venger
i',la mort, en faisant entasser devant les portes de
«fToulouse des matières inflammables, auxquelles
jil fit mettre le feu. Le manque de vivres et d'ar-
•igent, la désertion des troupes originaires du pays
[et le départ d'une grande partie des croisés l'o-
Jbligèrent à lever le siège de cette ville (fin de juil-
iletiais) et à se retirer dans l'Albigeois. Ce re-
►vers fut suivi de beaucoup d'autres, tels que la
: perte de Condom,de Marmande, de Nîmes et
, d'une grande partie de la Rouergue et du Quer-
icy. Cependant, sur les instances du pape Ho-
(1) Dans le courant delà guerre le comte de Foix et
f Pierre d'Aragon l'envoyèrent défier en combat singulier,
[mais an dernier moment ils reculèrenl,craignantdeseroe-
i surer avec un si redoutable adversaire.
i (î) Guillaume de Tudèle, Poème de la Croisade, v. 490.
MONTFORT 258
noré III, le roi de France envoya, au printemps
de 1 219, son fils Louis au secours d'Amauri, alors
occupé de reprendre Marmande, tandis que ses
lieutenants bloquaient dans Basiège le comte de
Foix; mais ils furent peu d« temps après entiè-
rement défaits par le jeune comte de Toulouse
Raymond VII. Louis vint rejoindre Amauri de-
vant Marmande avec six cents chevaliers et dix
mille archers. La garnison se rendit à discrétion;
sur les réclamations de l'archevêque d'Auch et
des comtes de Saint-Pol et de Bretagne, elle ne
fut pas massacrée , comme le demandaient les
évêques de Saintes et -de Béziers ; mais Louis
ne put empêcher les soldats d'Amauri de passer
au fil de l'épée plus de cinq mille habitants. Les
croisés allèrent ensuite assiéger Toulouse, mu-
nie alors de dix-sept barbacanes, ou ouvrages
avancés (16 juin 1219). Les forces considérables
réunies dans la ville permirent à Raymond de
repousser les attaques des ennemis, qui après
un mois et demi de tentatives inutiles abandon-
nèrent leur entreprise. Selon quelques historiens,
Louis fut content dé voir échouer le siège,
parce qu'il prévoyait qu' Amauri, incapable de se
soutenir par ses propres forces , serait plus que
jamais à la merci de la France. Amauri en effet
se vit réduit à la défensive, d'autant plus que les
violences et les cruautés des chevaliers français
lui aliénaient de jour en jour l'esprit des popu-
Jationsdu midi. Au commencement de 1220, Ray-
mond sempara de Lavaur, de Puy-Laurens , de
Montauban et de Castelnaudary. En juillet il vint
faire le siège de cette dernière place ; son frère Gui,
comte de Bigorre, qui l'accompagnait, fut tué
quelques jours après ; voulant venger cette mort,
Amauri fit pendant huit mois les plus grands ef-
forts pour prendre la ville ; il n'y réussit pas, et
consuma dans cette entreprise le reste de ses
ressources. Pendant ce temps la vicomte de
Béziers presque tout entière s'était soumise à
Trencavel, fils de Raymond-Roger, qui avait été
dépossédé en 1209 par Simon de Montfort. Dans
les premiers mois de 1221, Amauri alla implorer
l'aide du roi de France; ce prince, après avoir
obtenu du pape le vingtième des revenus ecclé-
siastiques du royaume, équipa en effet une ar-
mée, quil promettait de conduire contre le comte
de Toulouse, mais qu'il envoya ensuite contre
les Anglais. Aussi Raymond put-il se rendre
maître sans difficulté de presque tout ce qu'A-
mauri possédait encore dans l'Agenais. Dans
l'impossibilité d'arrêter les progrès de Raymond,
Amauri offrit au roi de France de lui céder tous
ses droits sur les conquêtes de Simon; mais,
bien que pressé par le pape d'accepter, Philippe-
Auguste, encore en guerre avec l'Angleterre, re-
fusa cette proposition. Amauri conclut alors avec
le comte de Toulouse une trêve , qui devait être
suivie d'une paix durable (1). Les conditions en
(1) Raymond étant allé rendre visite à Amauri fit pour
se divertir répandre parmi ses gens le bruit qu'il était
arrêté ; au lieu de chercher à le délivrer, ses serviteurs
NOUV. ElOGR. GENER.
T. XXXVI.
259
MONTFORT
260
furent discutées au concile de Sens ; mais aucun
accord n'y fut établi.
Sur ces entrefaites, Philippe- Auguste vint à
mourir; son fils et successeur, Louis VIII, sol-
licité par le pape Jde secourir Amauri, lui
donna 10,000 livres, moitié de la somme lé-
guée à cet effet par son père. Les hostilités re-
commencèrent; Amauri fut encore plus malheu-
reux que dans les campagnes précédentes. Une
désertion générale se mit parmi ses troupes;
n'ayant pu trouver à emprunter quelques mil-
liers de livres , il ne garda autour de lui que
vingt chevaliers. Cerné de tous côtés par l'en-
nemi, il signa avec Raymond une nouvelle trêve
(14 janvier 1224); il s'engagea, moyennant
10,000 marcs d'argent, qu'on lui promit, à tra-
vailler à la réconciliation de son adversaire avec
l'Église; en retour il obtint que les places qui lui
restaient encore, Narbonne, Agde, Penne, La
Roque et Termes, ne seraient pas attaquées avant
deux mois. Il prit ensuite le chemin de la France,
et quitta pour toujours le pays où son père avait
espéré établir la domination de la maison de
Montfort. En février 1224, il abandonna ses
droits sur le comté de Toulouse au roi Louis VIII,
sous la condition que ce prince en entrepren-
drait la conquête. Il ne prit plus de part ac-
tive aux événements qui se passèrent ensuite
dans le midi, sinon qu'il empêcha au concile
de Bourges (novembre 1225) que Ravmoud fût
admis à conclure la paix avec l'Église, ce qui dé-
cida enfin le roi de France à entreprendre la
guerre contre le comte de Toulouse. A la fin de
1230, il reçut la charge de connétable. Neuf ans
après il se rendit en Palestine; dans une expé-
dition contre Gaza, il fut fait prisonnier par les
Sarrasins. Relâché en 1241, il repartit pour la
France; il mourut en route, à Otrante, et fut
enterré à Saint- Jean-de-Latran à Rome. E. G.
Gaill. de Tudèle, Poème de la Croisade. — Guillaume
de Puy-Laurens. — Raynaldi, annales. — D. Vaisselte,
Histoire du Languedoc, 1. 111.
montfort (Simon ue), comte de Leices-
ter, quatrième fils de Simon de Montfort, le
vainqueur des Albigeois , et d'Alix de Montmo-
rency, né en France, vers 1206, tué à Evesham,
en Angleterre, le 4 août 1265. Le titre decomte
de Leicester lui vint de sa grand'mère, Amicie de
Beaumont, sœur et héritière de Robert , comte
de Leicester; mais il n'en hérita pas directe-
ment. Pendant tout le règne de Jean sans Terre,
ennemi de Montfort, le titre de comte de Leices-
ter fut porté" par Ranuli', comte de Chesfer,
mari d'une fille d'Amicie. Quelque temps avant
la mort de Ranulf, Simon de Montfort vint of-
frir ses services au roi d'Angleterre Henri III.
Du Tillet raconte qu'il avait renoncé à son hom-
mage et à sa patrie, parce que Blanche de Cas-
tille et saint Louis s'étaient opposés à ce qu'il
épousât, après la mort de Ferrand, Jeanne
s'enfuirent à toutes jambes, ce qui fit beaucoup lire les
deux rivaux.
comtesse de Flandre et de Hainault. H jouissait
déjà d'une grande réputation, et passait pour avoii
hérité des talents militaires et de l'énergie de
son père. Sa naissance et son mérite le firent
bien accueillir de Henri, qui à la mort de Ra-
nulf et sur la renonciation d'Amaury, connétable
de France, frère aîné de Simon, conféra à celui-
ci le titre de comte de Leicester. Ce fut en cette
qualité que Simon assista aux noces de Hen-
ri III, en 1236. Vers le même temps il gagna les
bonnes grâces d'Éléonore, comtesse douairière
de Pembroke , sœur du roi , et l'épousa secrète-
ment, en 1238. Le roi, d'abord vivement irrité,
consentit ensuite à légitimer ce mariage clan-
destin, et envoya Montfort, vers 1249, avec le
titre de sénéchal de Gascogne, réprimer les
troubles de cette province. « Il aborda puissam-
ment en Gascogne , dit Matthieu Paris , accom-
pagné d'un corps de chevaliers, et, muni des
trésors du roi , triompha plus puissamment
même des ennemis du seigneur roi, qui levaient
séditieusement le talon contre lui, soumit si bien
Gaston , Rustein, Guillaume de Solaires et tous
les principaux Bordelais, enfin se conduisit avec
tant de vigueur et de fidélité , qu'il mérita les
louanges et la faveur de tous les amis du sei-
gneur roi, et parut en tous points digne de son
père. » Si Leicester avait les talents de son père,
il en avait aussi la dureté. Les Gascons, exas-
pérés de ses violences, envoyèrent une dépura-
tion à Henri III pour demander son rappel , et
l'accusèrent même de projets séditieux. Henri,
qui se défiait d'un sujet si puissant, le fit revenir
en Angleterre et le traduisit devant un parlement
(1252). Simon trouva dans ses pairs des défen-
seurs ardents, et refusa de rendre ses provisions
de gouverneur, que le roi lui redemandait. Il
s'en suivit une scène violente, dans laquelle le roi
traita Montfort « de traître et de méchant » ; le
comte répondit « que le roi en avait menti >•. Les -
seigneurs intervinrent et amenèrent entre le mo-
narque et Leicester une réconciliation apparente.
Henri III renvoya le comte en Gascogne, mais
peu de temps après il y envoya aussi son fils aîné
Edouard pour surveiller et supplanter Simon de
Leicester. Celui-ci ne résista point et cédant son
gouvernement, il se relira à Paris. Henri III lui
sut gré de cette obéissance et d'avoir refusé
ia charge de connétable de France; il le
rappela à sa cour en 1253. La bonne harmonie i
entre le roi et son sujet ne fut pas de longue du- I
rée. Henri III en se montrant peu fidèle à la j
grande charte, acceptée par Jean sans Terre,
provoqua parmi les seigneurs et le peuple un ,
soulèvement formidable, qui eut pour chef le !
comte de Leicester. Cette lutte a été racontée
aux articles Henri lll et Edouard Ier ; on ne
s'attachera ici qu'à préciser la part qu'y prit le
comte de Leicesler.
Les impôts exorbitants que Henri fut forcé
de mettre sur ses sujets pour remplir ses enga-
gemenls avec le pape excitèrent en Angleterre
il
MONTFORT
262
i esprit de résistance qui devint bientôt une re-
lie ouverte. Le parlement d'Oxford, le furieux
irlement ( the mad parliament ), comme
ppcla un vieux chroniqueur, se rassembla le,
juin 1258, et concentra toute l'autorité dans
conseil de vingt-quatre personnes, dont douze
lient nommées par les barons et douze par le
i. Simon fut l'âme de ce conseil. Les récits
parfaits et suspects des chroniqueurs contem-
rains nous permettent à peine de nous faire
e idée claire du caractère et des projets du
tnte de Leicester. On l'a généralement accusé
ine ambition coupable; mais cette imputation
tstpas solidement établie. 11 parait plus pro-
ble qu'il voulut limiter la royauté, non la ren-
rser, qu'il fut le défenseur sincère des libertés
tionales, qu'il eut pour lui l'opinion du peuple,
qu'enfin, il mit au service d'une noble cause
grands talents et beaucoup de dévouement.
i et ses amis ne tardèrent pas à accaparer tout
oouvoir du conseil, et forcèrent les principaux
timbres nommés par le roi à résigner leurs
tctions, et à s'enfuir du royaume; mais la di-
ion se mit dans le parti vainqueur, et Mont-
t trouva un rival dans un des plus puis-
its barons, Richard de Clare, comte de Glou-
ter. Les querelles des barons permirent à
nri, au commencement de 1261, de secouer le
g du comité de gouvernement. Montfort fut
igé de se réfugier en France. Il revint en
ril 1263 et, soutenu par Gilbert, comte de Glou-
ster, fils de son ancien rival, il en appela aux
ries pour terminer sa querelle avec la royauté.
nri et son fils Edouard furent battus; Ri-
If ird, comte de Cornouailles , fils cadet du roi,
■inagea entre les parties belligérantes un ac-
■lumodement , qui remit tout le pouvoir aux
Juins des barons (12 iuin 1263). La lutte re-
■pmença en 1264. Le 14 mai, les forces des ba-
ins, commandées par Montfort, et l'armée
Ifyale sous les ordres du roi en personne et du
m nce Edouard, se rencontrèrent à Lewes, dans
■comté de Sussex. Les barons remportèrent
*e victoire complète et firent prisonniers Hen-
•III et son fils. La victoire de Lewes mit le
iiuvoir suprême à la disposition de Leicester ;
i nis sa grandeur déplut à ses principaux auxi-
ij lires, qui ne parurent pas éloignés de rétablir
|}ntorité royale. Dès que Edouard se fut échappé
ii * prison, Gloucester et d'autres barons allèrent le
■< i oindre. Le comtede Leicester, abandonné d'une
ftrtie des siens, livra bataille à l'armée royale à
fi esham, et trouva la mort dans cette lutte iné-
«ie. Deux de ses fils, Henri et Pierre, périrent
liée lui ; ses deux autres fils, Guiet Simon, s'é-
i tappèrent et allèrent chercher un refuge auprès
fil Charles d'Anjou. Plus tard Gui vengea son
ire en assassinant Henri, fils de Richard et pe-
: -fils de Henri UI. L. J.
'latthieu Paris, flhtoria major Anglorum. — Du Til-
I I, Recaeil des Roys de France. — Lingard, Histoire
■ UngMerre.
montfort ( Gui de ) , seigneur ' de La
Ferlé- Aleps (Beauoe) et de Castres (Albigeois),
tué le 31 janvier 1229, devant le château de Va-
reilles, près Pamiers. Il était le second frère de
Simon IV de Montfort. Il fut l'un des seigneurs
qui accompagnèrent le roi Philippe-Auguste en
son voyage de Terre Sainte, et se signala aux
sièges d'Acre et de Jaffa en 1 191. A son retour
en France, Gui suivit son frère dans la croisade
contre les Albigeois, et devint son meilleur lieu-
tenant. En 1202, il épousa Helvise d'Ybelin,
veuve de Renaut de Sajette et fille de Marie
reine de Jérusalem. Son frèreSimon lui donna la
ville de Castres avec toutes les conquêtes faites
dans le diocèsed'Albi. Il futtué d'un coup de flèche,
au siège de Vareilles. II laissa un fils, Philippe,
qui lui succéda, et Epernclle, morte religieuse
en l'abbaye de Saint-Antoine des Champs.
montfort ( Philippe I«r de ), seigneur de
Castres, de La Fer té- Aleps et de Tyr. 11 fit
hommage au roi Louis IX en avril 1229. Il
épousa d'abord Éléonore de Courtenai, fille de
Pierre II de Courtenai, empereur de Constanti-
nople ; il en eut Philippe II, qui lui succéda. Il
se remaria avec Marie d'Antioche, dont il eut
Jean de Montfort, seigneur de Tyr, mort en
1283 ; Aufroi, seigneur de Thoron, chef de la
branche des Montfort-Thoron ; Philippe, ma-
riée à Guillaume d'Esneval et morte en 1282;
Alis, et enfin Hélvise, qui moururent filles,après
l'2-8«.
montfort ( Philippe II de ), seigneur de
Castres et de La Ferté-Aleps , mort en 1274. II
suivit Charles d'Anjou à la conquête de Naples,
et s'y distingua. 11 avait épousé Jeanne de Le-
VTS-Mirepoix, dont il eut Jean, qui lui succéda;
Laure, qui fut mariée à Bernard V, comte de
Comminges; Éléonore, dame de Castres et de
La Ferté-Aleps, mariée à Jean V, comte de Ven-
dôme ; et Jeanne, qui épousa Louis Ier de Sa-
voie, seigneur de Vaud.
montfort {Jean de ), comte de Squillace
( Sicile ) et de Montcayeux, mort en 1306. Il
épousa, en 1302, Marguerite de Chaumont, com-
tesse de Chamerlan, et ne laissa pas d'héritiers.
En lui s'éteignit la branche des Montfort-Castres.
Guillaume de Puy«Laurens, Chronica. — Catel, Hist.
des Comtes de Toulouse. — Moréri, Grand Dictionnaire
Historique.
montfort (Antoine de), seigneur de Block-
land, peintre hollandais, né à Moriamés, en
1532, mort à Utrecht, en 1583. Il descendait de
la famille des comtes de Montfort de France.
Son père, Cornille, écoutet de Montfort et sire
de Blockland , fief situé entre Gorcum et Dor-
drecht, était receveur des rentes de Moriamés ,
place fort lucrative. Antoine de Montfort com-
mença la peinture sous son oncle maternel,
Henry Assuérus, portraitiste assez distingué. II
passa ensuite dans l'atelier du célèbre Frank
Floris de Vriendt, dont il devint le meilleur élève
et dont il conserva la manière libre et moelleuse.
9.
263
MONTFORT — MONTGAILLARD
H
Montfort se sentant assez foFt pour se livrer à
ses inspirations, parcourut ta France et une par-
tie de l'Allemagne. De retour dans sa patrie, en
1551 , il se maria, et se fixa à Delft. Sa femme
étant morte en 1572, il fit un voyage en Italie,
et revint demeurer à Utrecht, où il se remaria.
Il laissa trois enfants de ce second mariage.
Montfort peignait tout d'après nature, et donnait
beaucoup d'élégance à ses contours; son dessin
était large ; il rendait bien le nu ; ses draperies
sont de bon goût, ses têtes nobles et bien coif-
fées, ses barbes d'une grande légèreté, ses mains
et ses pieds très-corrects; ses profils de femmes
rappellent ceux du Parmesan. Il dédaignait le
portrait, et ne produisait que de grandes compo-
sitions; aussi ses œuvres sont-elles fort rares.
Gn cite de lui : à Utrecht , plusieurs retables
avec leurs volets, parmi lesquels : L'Assomp-
tion, L'Annonciation, et La Naissance de Jé-
sus; — à Gouda, Décollation de saint Jean-
Baptiste; — à Dordrecht, La Passion; — à
Bois -le -Duc, La Vie de sainte Catherine
('gravée par Henri Goltzius). La douceur de ca-
ractère et la bonne conduite de Montfort aug-
mentaient l'estime que tous avaient pour son
talent. Il a fait d'excellents élèves, entre autres :
Michel Mirevelt, Adrien Cluit et Pierre de
Delft. A. de L.
Descamps, La Vie des Peintres hollandais, etc., t. Ier,
p. 88-89.
montfort (Gratien Bordey, plus connu
sous le nom de), auteur religieux, né vers 1570,
à Montfort, en Franche-Comté, mort le 21 no-
vembre 1650, à Salins. Savant théologien et pré-
dicateur habile, il exerça divers emplois dans
l'ordre des Capucins, entre autres celui de pro-
vincial, en 1618. On a de lui : La Tarentule du
guenon de Genève; Saint-Mihiel, 1620, in-8°;
sous le nom anagrammatisé de Denis de Fort-
mont, il y dénonce au parlement de Dôle un ca-
pucin qui avait apostasie à Genève; — Axio-
mata philosophica ex Aristoiele; Anvers, 1626,
in-8*.
Richard et Giraud, Biblioth. Sacrée.
montgaillard ( Pierre DE Faucheran ,
sieur de), poète français, né dans le seizième
siècle, à Nyons, enDauphiné, mort vers 1605. Il
embrassa le métier des armes, s'attacha à la per-
sonne de deux gentilshommes dauphinois, et fit
plusieurs campagnes sur terre et sur mer ; amou-
reux et guerrier, il ne paraît pas avoir été heu-
reux dans l'un et l'autre état. Il peint ainsi sa
double infortune :
Desdaigné de mon prince et méprisé de Claire,
La terre pour horreur, le ciel pour adversaire,
Combattu du destin comme de la douleur,
Que dols-je devenir?...
Il aimait les lettres, et se consolait par des
chansons, des rigueurs vraies ou supposées de
sa belle, qu'il nomme Claire ou Flamide. Lié
avec Lingendes , Davity , Vital d'Audiguier et
autres rimeurs du temps, il laissa à ses amis le
soin de recueillir ses productions qui selon lui
n'étaient bonnes qu'à brûler sur son tombea'
Ce fut d'Audiguier qui les mit au jour, sous ;]
titre A' Œuvres du feu sieur de Montgaillai
(Paris, 1606, in-12); il donne l'auteur poil
« un homme sans étude et sans art et qui n'av; I
qu'un beau naturel ». On y trouve dans la si
conde partie des couplets satiriques et burleJ
ques, écrits en style très-licencieux. P. ] f
Goujet, Biblioth- françoise, XIV, 86-60.
montgaillard {Bernard de Percin diJ
plus connu sous le nom du Petit- Feuillan
fameux ligueur, né à Montgaillard, diocèse < |
Toulouse, en 1563, mort dans l'abbaye d'Orv; j
duché de Luxembourg, le 8 juin 1628. Apr I
avoir fait d'excellentes études, il entra dans l'o j
dre des Feuillants, que venait de fonder Jean i j
La Barrière, et suivit jeune encore le genre < j
vie très-austère de ces moines, laquelle dépass;
en plusieurs points la sévérité des premiers r j
ligieux de Cîteaux (1). Il vint à Paris en av
1584 avec le fondateur de sa congrégation, et 1 1
tarda pas à se faire une réputation par son él I
quence et par son zèle. L'ardeur naturelle < |
son tempérament , augmentée par ses aust
rites extraordinaires, le conduisit jusqu'à l'ex;
tation. Les dérèglements de la cour, l'indiff
rence delà bourgeoisie, l'abrutissement dupe
pie enflammèrent son zèle. Sa voix trouva i
l'écho, et bientôt son nom devint populaire. L
dames de la cour s'engouèrent aussi de lui ,
lui firent une telle réputation qu'Henri III 1
offrit, mais en vain, les évêchés d'Angers, i
Pamiers et l'abbaye de Morimond. Après
mort de ce prince, Montgaillard, entraîné par l'a
deur que la Ligue faisait paraître pour la d
fense de la religion catholique, prit énergiqu
ment les intérêts de cette association, et méri
d'être appelé le laquais de La ligue, parce qu
quoique boiteux, il ne cessa de se donner béai
coup de mouvement pour le triomphe de I
parti. La violence de ses sermons égala cel
des plus fameux déclamateurs du temps , 1
Boucher, les Lincester et autres fanatique!
qui faisaient de la chaire un tréteau politiqui |
où l'odieux égalait le ridicule. II montra cepei j
dant plus d'éloquence et de conduite que si !
émules. Accusé d'avoir trempé dans un attei !
tat contre la vie d'Henri IV, il dut quitter
France, et alla à Borne, où le pape Clément VI
lui fit le plus honorable accueil. Il passa quelqi
temps après dans les Pays-Bas , et après avo
(1) Tout le temps des religieux feuillants était parlai
entre la prière, la psalmodie et le travail manuel. (
qu'ils accordaient au corps était moins pour le soulen j
que pour le mortifier. La terre toute nue, et seuleme:
couverte d'une planche leur servait de lit, et ilsavaiei
pour chevet une grosse pierre ou une pièce de bois. 1
marchaient toujours tête et pieds nus, et gardaient dai
leur monastère un silence perpétuel. Leur nourritu;
consistait en du pain très-grossfer, en quelques herb
cuites simplement dans l'eau, sans beurre et sans se i
et leur boisson était de l'eau pure. Le poisson, l
œufs, la viande et le vtn leur étaient Interdits en toi
temps. Cette austérité fut trés-adoucie dans la suite.
65
MONTGAILLARD
2C6
rêché pendant cinq ou six ans à Anvers, il fut
Jppelé à Bruxelles comme prédicateur ordinaire
[e l'archiduc Albert et de l'infante Isabelle d'Au-
iche, qu'il accompagna longtemps en Allemagne,
b Italie et en Espagne. Son éloquence fut récom-
pensée en 1612 par l'abbaye de Nivelle au dio-
[èse de Namur et en 1615 par celle d'Orval, au
jiocèsede Trêves. Il fit revivre dans ce dernier
ilionastère toute la pureté de l'ancienne disci-
pline en y introduisant une réforme à peu près
ireilic à celle de la Trappe. Montgaillard, dans
ji dernière maladie, brûla par humilité tous ses
ifnvrages, qui consistaient surtout en sermons,
ii homélies et en exhortations à ses feli-
; eux; on a conservé cependant, Réponse à
[ne lettre qui lui avoit été écrite par Henri
a? Valois ( Henri III), en laquelle il lui re-
montre chrétiennement et charitablement
us fautes et l'exhorte à la pénitence ; 1589,
|-8°; — Oraison funèbre de l'archiduc Al-
\>rt; Bruxelles, 1622, in-4°. A. Valladier, abbé
i|! Saint-Arnoul de Metz, a publié Les Saintes
rontagnes et Collines d'Orval et de Clair-
iiux, vive représentation de la vie exem-
plaire et du religieux trépas de dom Ber-
lard de Montgaillard ; Luxembourg, 1629,
1-4°. H. F.
IGffHia Christ, t. XIII. — Richard et Giraud, Biblioth.
I icrée. — Moreri, Dictionn. histor. — Lefêvre, Calen-
l'ier historique de l'église de Paris.
| montgaillard ( Jean-Jacques de Percin
je), auteur religieux français, né en 1633, à
I oulouse, où il est mort, le 21 mars 1711. Il
liait de la famille des précédents. Il prononça
|;s vœux dans le couvent des Dominicains de
Koulouse, et y passa tonte sa vie. On a de lui un
llirieux ouvrage intitulé : Monumenta Conventus
'Mosani ordinis FF. Prasdicatorum (Tou-
louse, 1693, in-fol.), et qui renferme de grands
étails sur l'inquisition dans les provinces du
liidi. Connu par son ardente piété et par la
ïouceur de ses mœurs, il s'y montra pourtant
ifnimé de cet esprit de fanatisme qui rend le
peur cruel au nom de Dieu ; c'est avec une sorte
île complaisance qu'il raconte des traits d'une
■xécrable barbarie,*comment par exemple « les
{ons pères vont dîner joyeusement après avoir
kit brûler devant eux une femme hérétique,
vénissant Dieu de ce qui vient de se passer
>our l'exaltation de la foi et la gloire de saint
Dominique. » Aussi le registre où s'inscrivent
[es arrêts de sang est-il à ses yeux le livre de
lie. P.
I Biogr. Toulousaine, II
montgaillard (Pierre- Jean- François
|ie Percin de), prélat français, parent des pré-
cédents, né à Toulouse, le 29 mars 1633, mort à
[laint-Pons-de-Tomières, le 13 mars 1713. Son
i<ère, Pierre de Percin, baron de Montgail-
lard, gouverneur de Brème, dans le Milanais,
!ut décapité, pour avoir rendu cette place,
iaute de munitions. Sa mémoire fut toutefois
réhabilitée, et son fils, qui de bonne heure
avait fait paraître d'heureuses dispositions,
fut élevé aux honneurs ecclésiastiques. Reçu
docteur de Sorbonne, il fut nommé, en avril
1664, à l'évêché de Saint-Pons et sacré en cette
qualité à Chaillot, le 12 juillet de l'année sui-
vante. Il fut un des dix-neuf évoques qui si-
gnèrent la lettre adressée au pape Clément IX,
en 1667, pour la défense des évêques d'Alet, de
Pamiers, de Beauvais et d'Angers, opposés à la
souscription du formulaire exigée par la bulle
d'Alexandre Vil du 15 février 1665. Mont-
gaillard dénonça, en 1677, à Innocent XI la mo-
rale relâchée des Jésuites, et prit la défense du
rituel d'Alet, que Jean de Vintimille du Luc,
évêque de Toulon, avait condamné en 1678. Une
lettre de sa main, trouvée dans les archives du
Vatican, prouve cependant qu'avant de mourir
l'évêque de Saint-Pons fit sa soumission à Rome,
et rétracta ses erreurs jansénistes. On a de lui
plusieurs ouvrages qui dénotent combien il était
versé dans les antiquités ecclésiastiques ; nous ci-
terons de lui : Lettres à l'évêque de Toulon sur
le rituel d'Alet; 1678 ; — Directoire des Offices
divins; 1681 ; — Du Droit et du Pouvoir des
Évêques de régler les offices divins dans leurs
diocèses suivant la tradition de tous les siècles
depuis Jésus- Christ jusqu'à présent; 1686,
in-8°; — Instruction sur le sacrifice de la
Messe; 1687, in-12; — Enfin, plusieurs lettres
touchant les affaires du jansénisme adressées à
Fénelon, archevêque de Cambrai, lettres qui
furent condamnées par un bref de Clément XI,
du 18 janvier 1710. H. F.
Histoire de Port-Royal, tome VII. — Supplément de
Moréri. — Gallia Christiana, tome VI. — France pon-
tificale (inédite).
montgaillard (Jean - Gabriel - Maurice
Roques, agent politique français, connu sous le
titre et le nom de comte de), né en 1761, à Tou-
louse, mort le 8 février 1841, à Paris. Après avoir
terminé d'assez bonnes études à Sorèze, il entra
comme sous-lieutenant dans un régiment d'infan-
terie et fit une partie de la guerre d'Amérique»
Lorsque la révolution éclata, il abandonna le ser-
vice, accourut à Paris, et y mena joyeuse vie ; il
s'occupait alors d'agiotageet recevait d'assez for-
tes sommes pour les services qu'il disait rendre
secrètement au roi. Après le 10 Août, il entra dans
la police d'espionnage diplomatique organisée
sous l'influence de Danton, et ce fut alors qu'il
substitua au nom de Roques celui de Montgail-
lard. Il fit plusieurs voyages en Allemagne, et vit
le duc de Brunswick ainsi que les deux frères de
Louis XVI. En 1794, il eut, dit-on, une grande
part à la négociation laborieuse qui amena l'é-
vacuation des Pays-Bas par les Autrichiens.
Après avoir passé trois mois à Londres , il se
rendit à La Haye, à Hambourg et à Vérone. Muni
des pouvoirs de Monsieur (depuis Louis XVIII),
il entreprit vainement de négocier à Vienne l'é-
change de la fille de Louis XVI. On le retrouve
267
MONTGAILLARD
au milieu de l'armée des princes, qui, pleins de
confiance en lui, le chargèrent de ramener à
leur cause Pichegru. Il rédigea les propositions
qui furent faites à ce général au mois d'août
1795, et rendit compte de ses démarches à Mon-
sieur, qui lui témoigna sa satisfaction par une
lettre écrite de sa main. Ce succès lui valut
d'autres missions politiques, dans lesquelles il
donna de nouvelles preuves d'adresse; mais son
zèle changeant tout à coup de direction après la
reddition du fort de Kehl , il renonça à des né-
gociations devenues, rapporte-t-il lui-même, « un
ensemble d'intrigues, de manœuvres sourdes,
de dilapidations ministérielles et particulières ».
En d'autres termes , il passa au gouvernement
français, qu'il n'avait jamais peut-être cessé de
servir. Tout en se ménageant la confiance du
prince de Condé et en paraissant se prêter aux
desseins de M. d'Entraigues, agent royaliste à
Venise, Montgaillard dévoila à l'ambassadeur
Lallemand les secrets de Condé et de Louis XVIII
et lui en fournit les preuves écrites , qui furent
envoyées à Paris et imprimées un peu avant le
1 8 fructidor. Au moment où il quittait la Suisse
pour rentrer en France, on lui redemanda les
papiers qui prouvaient les différentes missions
dont il avait été chargé; non-seulement il ne
voulut rien restituer, mais il alla exprès à Ham-
bourg pour remettre au ministre Roberjot tout
ce qu'il possédait de la correspondance des
princes (1797). On ne peut révoquer ces faits en
doute , puisque c'est à Montgaillard lui-même
qu'on en doit la connaissance. Après le 18 bru-
maire, il revint en France, fut enfermé pendant
quelques mois au Temple, afin d'y surprendre les
secrets des prisonniers royalistes, et s'employa
à découvrir les complices de Cadoudal et de Pi-
chegru. Sous l'empire il continua de rendre le
même genre de services, et reçut, outre d'amples
gratifications, une pension de 12,000 francs, ré-
duite plus tard à 6,000, et qu'il conserva jus-
qu'à sa mort. Un des premiers à se rallier à
Louis XVIII, il ne futjamaisplus protégé et mieux
traité que sous le règne de ce prince, qu'il avait
trahi et outragé. 11 alla au-devant de lui à Com-
piègne le 29 avril 1814. « Votre Majesté a trop
d'esprit pour ne pas m 'avoir compris », lui dit-il.
Le roi en fut tellement persuadé qu'il lui or-
donna de rédiger une brochure , à laquelle il fit
lui-même des additions nombreuses et qui parut
sans avoir passé à la censure. Pour justifier la
sincérité de sa nouvelle conduite , Montgaillard
renia tout ce qu'il avait écrit auparavant, et se
flatta au contraire d'avoir été dans la restaura-
tion de la monarchie « un des instruments qu'il
a plu à la Providence de ne pas rendre tout à fait
inutiles ». Depuis 1830 il ne s'occupa plus d'af-
faires politiques. On a de lui : État de la
France au mois de mai 1794 ; Londres et Ham-
bourg, 1794, in-8°, trad. en anglais par Edm.
Burke; il y a une Suite, qui parut au mois de
septembre suivant; — Nécessité de la Guerre
et Danger de la Paix; La Haye, 1794, in-i- I
trad. en anglais et en hollandais; — L'An 17< I
ou conjectures sur les suites de la Révolutio I
Hambourg, 1795, in-8°; — Ma Conduite pem
dant le cours de la révolution françakm
Londres, 1795, in-8°; — Histoire secrète I
Coblentz dans la révolution des IrançmM
extraite du cabinet diplomatique élecloralm
decelui des princes ;Lonires, 1795; Paris, 18. 1
in-8°; — Mémoire concernant la trahison I
Pichegru dans les années 1793-1795, rédigé J
Van vi par M. de Montgaillard , et dont lu
riginal se trouve aux archives du gouverna
ment; Paris, Impr. du Gouv., mars 1804, in-fi
inséré d'abord dans Le Moniteur, ce mémen!
fut probablement rédigé pour assurer la pet j
des conjurés; on y rencontre les plus fortfl
accusations contre le général Moreau ; — De I
France et de l'Europe sous le gouvernemet
de Bonaparte, dédié à Jérôme; Lyon, avl
1804,in-8°,réimpr. la même annéeàBoulogne-si I
Mer et à Paris ; — Mémoires secrets de Mo* I
gaillard pendant les années de son émigr I
Mon, contenant de nouvelles informations si I
le caractère des princes français et sur les 1 I
trigues des agents de V Angleterre ; Paris, ju I
1804, in-8°; c'est dans cette brochure, publi I
par ordre du premier consul, que l'auteur pai I
de Louis XVIII en ces termes : « Intrigant da I
la paix, inhabile à la guerre, jaloux à l'exc I
d'un triomphe littéraire , et non moins avide 1 1
richesses que passionné pour la représentatioi I
ennemi de ses véritables amis, esclave de s j
courtisans, ombrageux et défiant, superstitiei I
et vindicatif » ; — Fondation de la quatrièn I
dynastie, ou de la dynastie impériale ; Pari \
nov. 1804, in-8°; — Du Rétablissement û\
royaume d'Italie sous l'empereur Napoléi I
et des droits de la couronne de France si 1
le duché de Rome; Paris, 1809, in-8°; il avfj
d'abord paru en 1S05 à Milan, en italien ; — S ■]
tuation de V Angleterre en 1S11; Paris, 181 1
in-8°; — Seconde Guerre de Pologne, ou coi I
sidérations sur la paix publique du Cont I
nentet sur l'indépendance maritime de l'Ei (
rope; Paris, 1812, in-8°; ces quatre écrits furei
rédigés par ordre de l'empereur ; — De la Re.
tauration de la monarchie des Bourbons t '
du retour à l'ordre; Paris, 1814, in-8°; ol
voit, d'après une note de l'auteur, que les par;
ties de cette brochure que les journaux ultra
royalistes critiquèrent avec le plus d'amertum
sont précisément celles que Louis XVIII ava
composées; — Lettres (deux) à M. Ray
nouard sur le projet de loi relatif à la U
berlé de la presse; Paris, juillet et août 1814
in-8°; — De la Calomnie publique et pério
dique; Paris, septembre 1814, in-8°; — De h\
Nécessité d'un Rapprochement sincère et réci
proque entre les Républicains et les Roya
listes ; Paris, janv. 1815, in-8°; la lre édit. fu
signée : « Par un ami de la France et de la pai:
1269 MONTGAILLARD
publique », *t .la 2% imprimée un mois plus
tard, par Taschereau de Fargues, « mon prête-
mom », dit Montgaillard; — Clémence et Jus-
tice; Paris, oct. 1815, in-8°; c'est, d'après Tau-
leur, un plaidoyer politique pour sauver les
jours du maréchal Ney, qui lui avait été demandé
ipar le ministre Fouché; — Esprit, Maximes
?t Principes de M. de Chateaubriand, membre
4e l'Institut; Paris, oct. 1815, in-8°; — Ode à
la Clémence politique et réciproque ; Paris,
l uin 1824, in-8°, sous le nom de Taschereau;
I — Histoire de France depuis 1825 jusqu'à
i fl828, faisant suite à celle de l'abbé de Mont-
gaillard; Paris, 1829, 2 vol. in-8°; une Suite,
À Conduisant jusqu'au 9 août 1830, a paru en
4^(833, 2 vol. in-8°; — Annales françaises , ou
iï:omplément de ^Histoire de France publiée
itl'H 1827 par l'abbé de Montgaillard ; his-
toire entièrement refondue et complétée;
«Paris, 1839, ift-8° : cet ouvrage, annoncé en
Iel2 vol., n'a pas été achevé. Outre les ouvrages
Jlîités , Montgaillard est encore l'auteur de. Mé-
wnoires politiques (3 vol. in-8°), travail fait
«par ordre exprès de Napoléon pour son cabinet
■particulier, de 1804 à 1814, et de Mémoires sur
Jk'es affaires intérieures et extérieures de la
mFrance (2 vol. in-8°), de 1816 à 1820, remis à
|Louis XVIII. (Quant à la part qu'il a prise à VHis-
mioire de France de son frère, voy. l'article sui-
vant.) K.
I Biog. univ. et portât, des Contemp. — Biogr. des
Qt'tommes vivants (1820). — Quérard, Supercheries litté-
raires. — Barbier, Dict. des anonymes.
| montgaillard (Guillaume-Honoré Ro-
ques, se disant abbé Mï), frère puîné duprécédent,
historien français, né en 1772, au village de Mont-
feaillard, près Toulouse, mort par suicide,le 28 avril
(1825, à Ivry, près Paris. Une chute qu'il fit dans
ton enfance le rendit infirme et difforme pour le
leste de sa vie. Il étudia pour être prêtre au sémi-
naire de Bordeaux ; mais il ne prit aucun des
Vdres, émigraen 1792 en Espagne, d'où il passa
\ Afrique, en Angleterre et en Allemagne. On
i «prétendu qu'il avait eu part aux intrigues po-
Uques de son frère et aux profits qui en étaient
lâconséquence , ce qui ne paraît pas dénué de
follement. Rentré en France en 1799, il fut
|, pédant six mois incarcéré au Temple. On ne
L saicomment il vécut jusqu'en 1805, époque où
| H otint un emploi de commis aux fourrages à
j l'armée d'Allemagne. En 1806 il fut chargé de la
j p^'ojption des contributions à Cassel, et depuis
t 1-507 il administra les finances du nouveau
r«yatme de Westphalie , sous la direction du
| omtt Beugnot. En 1809 il eut de nouveau un
I «mplo dans les fourrages, et se rendit en 1810
i Lubejk , où il semble avoir joué un rôle plus
importent. Lors de la première restauration il
f revint à Paris avec une assez jolie fortune, et s'oc- .
|| eupa de iassembler les matériaux d'un ouvrage
| sur la révolution. Étant tombé gravement ma-
| lade, il se jeta, dans un accès de fièvre, par la
— MONTGARNY
270
fenêtre d'an troisième étage, et expira sur-le-
champ. Depuis assez longtemps il avait rompu
toute espèce de relation avec ses frères. On a
de lui : Bévue chronologique de l'histoire de
France, depuis la première convocation des
notables jusqu'au départ des troupes étran-
gères (1787-1818); Paris, 1820, 1823, in-8°;
cette revue obtint un grand succès, tant à cause
des facilités qu'elle offrait pour l'étude de l'his-
toire contemporaine , que par le style véhément
qui semblait indiquer chez l'auteur- une fran-
chise austère, poussée jusqu'à la rudesse; —
Histoire de France depuis la fin du règne de
Louis XVI jusqu'à 1825, précédée d'une In-
troduction historique sur la monarchie
française et les causes qui ont amené la Ré-
volution; Paris, 1826-1827, 9 vol. in-8°;
7e édit., 1839. Ce n'est autre chose que la re-
fonte, excessivementdélayée, de l'ouvrage précé-
dent. A propos d'un procès fait en 1834 par
Montgaillard l'aîné au libraire Moutardier, le
premier fit la déclaration suivante : « Profitant
des travaux de feu mon frère, je composai l'His-
toire de France en 9 volumes. Ce grand ou-
vrage, dont les deux tiers sont de moi seul, fut
achevé en huit mois. Les convenances m'inter-
disaient de le publier sous mon nom. Ce fut pour
cet unique motif qu'on désigna l'abbé comme
seul auteur d'une composition où il n'était entré
que pour un tiers. » Cette histoire, ou plutôt ce
volumineux libelle, recouvert maladroitement
des formes historiques, 'eut un succès de parti.
L'abbé de Montgaillard a encore fourni des no-
tices à la Galerie historique des Contempo-
rains (1822).
Un autre frère, Xavier, né le 11 novembre
1764, prit le titre de marquis de Montgail-
lard , et servit dans l'armée des princes et en
Vendée. H parlait de ses frères avec le plus grand
mépris. IT est mort vers 1S40, en Picardie. K.
Biogr. univ. et portât, des Contemp. — Quérard, La
France Littéraire.
montgarny ( Jean-Baptiste-Tite Har-
matïd de ), médecin français , né à Verdun, vers
1790, mort à Paris, en décembre 1823. D'abord
pharmacien à l'armée d'Espagne, il fut en 1814
placé avec la même qualité à l'hôpital militaire
du Val-de-Gràce à Paris. Il emporta un prix
dans cet établissement, et se fit recevoir doc-
teur en 1818. II. ouvrit avec succès des cours
de physique et de chimie médicales. Une mort
prémainrée l'enleva à la science. On a de lui :
Essai de Toxicologie, considérée d'une ma-
nière générale, dans ses rapports avec la
physiologie hygiénique et pathologique et
spécialement avec la jurisprudence médi-
cale; Paris, 1818, in-8°. Montgarny était un des
collaborateurs .du Dictionnaire des Termes de
Médecine, chirurgie; art vétérinaire, etc.;
Paris, 1823, in-8°; et du Journal universel des
Sciences médicales. L — z — e.
Mahul, Annuaire Nécrologique, ann. 1824.
271 MONTGELAS
montgelas ( Maximilien-Joseph Gar-
herijn, baron, puis comte de), homme poli-
tique allemand, né le 12 septembre 1759, à Mu-
nich , où il est mort , le 13 juin 1838. Issu d'une
ancienne famille qui possédait en Savoie les sei-
gneuries de Thuillier et de Monte- Gelasio, il
était fils d'un général qui porta les armes avec
distinction pour l'électeur de Bavière et petit-fils
d'un président au sénat de Chambéry. Doué des
plus heureuses dispositions pour l'étude , il reçut
une excellente éducation au gymnase de Munich,
et acquit une connaissance étendue de l'histoire
sous la direction du savant Koch , de Strasbourg.
Au retour d'un voyage en France, il obtint en
1777 le titre de conseiller aulique, et en 1779 la
place de censeur, qu'il résigna bientôt après pour
se rendre en Italie. A Naples il fut présenté à
Charles II, duc de Deux-Ponts, qui le nomma son
chambellan. L'amitié dont l'honora Maximilien-
Joseph, successeur de Charles II et depuis roi de
Bavière, futl'origine de sa haute fortune. Lorsque
ce prince succéda à l'électeur palatin Charles-
Théodore (1799), M. de Montgelas, qui depuis
1795 avait administré toutes les affaires des Deux-
Ponts, le suivit à Munich et fut chargé du porte-
feuille des affaires étrangères. Il prit part à diver-
ses négociations qui lui acquirent, comme diplo-
mate, la réputation d'un mérite supérieur. Dans la
suite il joignit à son département la direction cen-
traledes finances (1803) et le ministère de l'inté-
rieur (1806). Il se signala dès lors par un grand
nombre de réformes, restreignit les privilèges de
la noblesse et du clergé , établit une répartition
plus égale des impôts, et supprima beaucoup de
pensions et de sinécures. Sur sa proposition fut
rendu le fameux édit sur la noblesse, qui n'a
jamais été complètement exécuté. Adversaire
déclaré des Jésuites, il fournit à l'historien Lang
les documents nécessaires pour composer l'His-
toire des Jésuites de Bavière, qui ruina pour
un temps le crédit de cette société dans les Etats
catholiques de l'Allemagne. On lui donna le
surnom de Pombal banarois. Ce fut d'après
ses conseils que Maximilien, changeant de con-
duite politique, se tourna vers la France et refusa
de s'unir à la coalition. Aussi fut-il chargé de
signer les traités de Munich (25 mai 1805) et de
Paris (28 février 18IO),.qui concédaient des terri-
toires considérables à la Bavière, et d'assister en
1808 aux conférences d'Erfurt. En récompense
des grands services qu'il avait rendus à l'État, il
obtint le titre de comte (1810), des croix et des
faveurs de toutes sortes. Mais après la déchéance
de Napoléon son crédit s'affaiblit de -jour en
jour; le parti rétrograde, à la tête duquel était le
prince de Wrède, l'emporta; Montgelas négocia
encore en 1816 les arrangements territoriaux
avec l'Autriche , et le 2 février 1817 il donna sa
démission. Il parcourut l'Italie, la Suisse et la
France,, revint en 1819 à Munich, et vécut dans
la retraite. On a de lui une défense de ses actes
politiques : Der Minister Graf Montgelas
MONTGLAT
27S
unler der Regierung Kœnig Maximilians [
s. 1. ( Altenbourg), 1815, in-8° , en réponse è
un écrit violent du prince de Wrède : De le
Bavière sous le ministre Montgelas. K.
Fragmente aus dem. activen Leben des Staatsminis-
ters Grafen von Montgelas ; Munich . 1819, in-8°. — I
Max. von Freyberg, Rede zum Jndenken an den vere-
wigten Staatsmann von Montgelas; ibid.,1839, in-4».
montgeron ( Louis-Basile Carré de), ma
gistrat français, né à Paris, en 1686, mort i
Valence, le 12 mai 1754. Fils d'un maître des
requêtes, il acheta en 1711 uue charge de con-
seiller au parlement. Il se faisait remarquer î
cette époque par un scepticisme absolu , un es-
prit frondeur, une vie déréglée. Il a peint lui-
même « son âme basse et timide,, son orguei
ridicule, son caractère ingrat ». Dans le butd<
convaincre les jansénistes d'imposture, il se ren-
dit, le 7 septembre 1731, sur le tombeau du diacn
Paris, au cimetière Saint-Médard. Là cethomme.
qui avait résisté jusque alors aux preuves les
plus fortes, se déclara subitement convaincu, e
devint aussi passionné fanatique qu'il avait et*
frondeur incrédule. En 1732 il partagea l'exil d(
la chambre des enquêtes, et fut relégué dans les
montagnes de l'Auvergne. Ce fut alors qu'il en-
treprit de réunir toutes les preuves des miracles
de saint Médard. De retour à Paris, il fit impri-
mer le premier voiume d'un grand ouvrage in
titulé : La Vérité des Miracles opérés pa%
l'intercession du diacre Paris ; il le présents
lui-même au roi le 29 juillet 1737, et fut envoyé
à la Bastille quelques heures après. On le trans-
féra ensuite à Viviers, puis à Valence, où ï.
mourut. Son ouvrage, regardé par les jansénistes
comme un chef-d'œuvre inspiré par le Saint-
Esprit, est selon les molinistes un tissu d'inep-
ties et de sottises. Le premier volume contien1
la démonstration de neuf miracles de guérison
le second, publié en 1741, contient des observf !
tions sur les convulsionnaires ; dans le troisièmij
publié en 1748, l'auteur parle de différents s-
cours , propres , selon lui , à guérir toutes )s
maladies (1). Il autorisa en général le plus bizare
fanatisme, et se proclame l'apôtre et le martyriu
ïansénisme. Plusieurs écrits furent publié; à
l'occasion de l'ouvrage de Montgeron; le bié-
dictin La Taste l'a réfuté longuement danses
Lettres théologiques. Montgeron trouva rrme
des adversaires dans son parti : un janséiste
publia en 1749 un écrit intitulé : Illusion nite
au public par M. de Montgeron' sur l'éta des
convulsionnaires. A. H — '.
Dict. des Jansénistes dans l'Encyclop. théoig. ^
Migne , XII. — Figuier, Hist. du Merveilleux, t. I
montglat (François-de-Paule de 3leb-
mont, marquis de), historien français, né t
Turin, mort le 7 avril 1675. Il appartemit, pa\
son père, à une branche de la famille le Cler-
(1) Les principaux secours sont : Cn coup voient d'un
gros chenet, donné dans l'estomac ; — un poids énorme
à soutenir; — des tringles de fer pointues contre le
sein, etc.
r3 MONTGLAT —
ont en Anjou ; son aïeule maternelle, qui fut
uvernante de Henri IV, épousa Robert de Har-
i, baron de Montglat et grand-louvetier du
i. Sa mère , Jeanne de Harlai , fut successive-
ii\t djarne d'honneur de la duchesse de Savoie
de la reine d'Angleterre, princesses de France,
gouvernante de la grande Mademoiselle; elle
jurutlo 28 février 1643. On a peu de détails
r la vie du marquis de Montglat; ses contem-
î rains l'ont dépeint comme un homme sûr, ins-
' lit et judicieux ; et quant à lui , c'est à peine
I se désigne trois ou quatre fois dans le cours
ses Mémoires. Son rang l'appelait à la cour ;
y remplit depuis 1643 la charge de maî-
jp de la garde- robe et fut créé en I66t clïe-
' lier des ordres. Il prit part à plusieurs <5am-
i| gnes de la guerre de Trente Ans en qualité
!| mestre de camp du régiment de Navarre,
i resta durant les troubles de la minorité de
I uis XIV fidèle au parti du cardinal. Il avait
I mémoire si bonne et l'esprit si orné qu'on l'ap-
j ait Montglat la Bibliothèque. Les Mémoires
l 'il a laissés , et dont le P. Bougeant a été l'é-
(eur (Amsterdam, 1727, 4 vol. in-12), con-
Innent, sous une forme narrative, l'histoire
1 3 événements politiques et militaires depuis
[35 jusqu'à 1660. Le style en est coulant et
turel, mais assez négligé. Les faits y sont
F ;ontés avec beaucoup d'ordre et de clarté ,
ps passion surtout, et en plus d'une circons-
hce on peut l'opposer avec succès au cardinal
f Retz. L'auteur de L'Esprit de la Fronde était
ivis qu'on trouverait difficilement « un recueil
In nourri , plus plein de choses, et en général
(as exact et plus fidèle ». Les Mémoires de
ftvntglat ont été réimprimés dans la Collection
pô Mémoires de Michaud et Poujoulat. Il avait
boisé Cécile de Cheverny, petite-fille du chan-
aUr de ce nom , et connue par ses amours
ve< Bussy-Rabulin.
Soi fils , Louis , comte de Cheverny , né en
344 mort le 6 mai 1722, à Paris, devint suc-
essîwment menin du grand dauphin, ambas-
ideu! en Allemagne et en Danemark , gouver-
|2ur lu duc de Chartres et conseiller d'État,
in 168) il se maria avec MUe de Saumery, nièce
fe CoUert, et parvint par cette alliance à réta-
! ir les affaires de sa maison. P. L.
jMoréri, Srand Dict. Hist. — avertissement du P. Bou-
dant.
! montcolfier (Joseph- Michel et Jacques-
\ tienne ), inventeurs des aérostats à air échauffé,
i i mon tgolfières , étaient frères, et naquirent
lus deux à Vidalon-lès-Annonay, le premier en
i740 ; le second , le 7 janvier 1745; Etienne
(ourut à Serrières, le 2 août 1799; Joseph
lourut aux eaux de Balaruc, le 26 juin 1810.
leur père dirigeait une papeterie importante,
jiseph fut placé au collège de Tournon , mais
a raconte qu'à l'âge de treize ans il s'enfuit de
|st établissement. Ses parents le retrouvèrent
jins une métairie où il était occupé à cueillir
MONTGOLFIER
274
des feuilles de mûrier pour les vers à soie. On
le remit entre les mains de ses professeurs, qui
parvinrent avec peine à triompher de son dégoût
pour l'étude. L'amour de l'indépendance lui fit
encore quitter sa ville natale pour aller s'en-
fermer à Saint-Étienne , dans un réduit obscur,
où il vivait de privations. 11 s'y livra à des ex-
périences chimiques, fabriquant du bleu de
Prusse et différents sels, utiles aux arts, qu'il col-
portait lui-même dans le Vivarais. Le désir de
connaître les savants l'amena à Paris , et en fit
un habitué du café Procope. Son père le rappela
pour partager avec lui la direction de sa manu-
facture : Joseph voulut y mettre en essai ses
idées de perfectionnement ; mais Montgolfier le
père, attaché à des procédés qui faisaient la
prospérité de son industrie, s'y opposa. Con-
trarié dans ses goûts, Joseph s'associa un de
ses frères, et forma deux nouveaux établisse-
ments, l'un à Voiron, l'autre à Beaujeu. Là,
son esprit inventif put s'exercer en toute liberté.
Mais des spéculations hasardées, des expériences
ruineuses , et son insouciance naturelle , déran-
gèrent bientôt sa fortune. Il était déjà parvenu à
simplifier la fabrication du papier ordinaire, il
avait amélioré celle des papiers peints , imaginé
une machine pneumatique à l'effet de raréfier
l'air dans les moules de sa fabrique , etc., lors-
que ses découvertes aérostatiques rendirent son
nom européen.
Etienne avait mieux profité de sa jeunesse.
Envoyé de bonne heure au collège Sainte-Barbe,
à Paris, il avait étudié avec succès le latin
et les mathématiques. Comme on le destinait à
l'architecture, on lui donna Soufflot pour maître;
il se livra ensuite à toutes sortes d'expérien-
ces (1). Quand son père l'appela pour le mettre
à la tête de sa manufacture de papiers, Etienne
apporta , sous des cheveux blanchis avant l'âge
de trente ans , un trésor d'idées mûries par l'é-
tude* S'il avait, comme son aîné, le goût des
recherches , il était trop profond mathématicien
pour donner autant que lui au hasard. Il rendit
bien vite ses connaissances fructueuses et son
établissement florissant. Il inventa plusieurs ma-
chines nouvelles, introduisit des procédés plus
simples , et des améliorations dans les colles ,
dans les séchoirs , etc. ; sa sagacité devina te
secret du papier vélin et plusieurs méthodes des
ateliers hollandais et anglais , dont il fit présent
à son pays. Il commençait donc à être avanta-
geusement connu dans l'industrie, lorsque son
nom fut lié à celui de son frère dans l'invention
des aérostats.
Suivant les uns, Etienne, revenant de Mont-
pellier, où il avait acheté et lu attentivement
l'ouvrage de Priestley, Sur les différentes Es-
(1) Le comte Boissy d'Angtas nous apprend que « il
existe dans les environs de Paris des églises et des mai-
sons particulières bâties d'après ses plans et sous sa di-
rection qui attestent tout à la fois et ses talents et sou
bon goût. »
275 MONTGOLFIER
pèces d'air, réfléchissait profondément sur ce
qu'il avait appris, lorsque, montant sur la côte
de Serrières, son esprit fut frappé de la possibi-
lité de voyager dans l'espace en s'emparant d'un
gaz plus léger que l'air. « Nous pouvons main-
tenant voguer dans l'air! » s'écrie-t-il en rentrant
chez lui, et cette idée, confiée à son frère, et
mûrie entre eux, devint le germe d'une des plus
belles inventions modernes. Suivant d'autres, ce
serait une chemise que l'on faisait chauffer et
qui voltigeait au-dessus du feu , qui aurait donné
à Etienne la première idée des ballons; idée
qu'il aurait mise de suite en pratique à la fumée
de son foyer, en faisant une expérience aérosta-
tique avec une sorte de cornet de papier. Selon
d'autres, enfin, Joseph se trouvait à Avignon,
en novembre 1782, pendant le siège de Gi-
braltar; seul, au coin de sa cheminée, et dis-
posé à la rêverie , il se demandait s'il ne serait
pas possible que les airs offrissent un moyen
pour pénétrer dans la place assiégée. Des va-
peurs telles que la fumée qui s'élève sous ses
yeux , et qui va yoyager dans les cieux sous
forme de nuages, emmagasinées en quantité
suffisante, une petite nuée enfermée, lui parais-
sent le principe d'une force ascensionnelle assez
considérable : sur-le-champ, il construit un petit
parallélipipède de taffetas, contenant environ
quarante pieds cubes d'air, en échauffe l'inté-
rieur avec du papier qu'il allume dessous , et le
voit avec satisfaction s'élever jusqu'au plafond.
Aussitôt il répète l'expérience dans son jardin ,
et l'appareil s'élève jusqu'à une hauteur de trente-
six pieds. « On a prétendu , dit le comte Boissy
d'Anglas, que le hasard avait été pour beaucoup
dans l'invention des aérostats, et l'on raconte
même à cet égard des anecdotes dont je puis
garantir la fausseté... La découverte des frères
Montgolfier fut pour eux bien certainement le
résultat d'une théorie appuyée sur des faits et
des observations qui avaient échappé jusque
alors à l'attention des hommes vulgaires. Ils re-
connurent qu'il serait possible d'élever à une
très-grande hauteur une masse d'un très-grand
poids , en remplissant son intérieur d'un fluide
plus léger que l'air atmosphérique dont elle se-
rait entourée, de telle sorte que, n'étant plus
en équilibre avec lui , elle pût s'élever, par sa
légèreté relative, comme une bouteille vide
surnage au-dessus de l'eau, étant devenue, en
se remplissant d'air, plus légère qu'elle; ils
n'eurent plus alors qu'à trouver ce fluide, et ce
fut l'air atmosphérique lui-même , raréfié par la
chaleur, qui le devint. » Quoi qu'il en soit, unis
désormais dans le même but , les deux frères
confondirent leurs efforts pour arriver à un ré-
sultat. Les calculs, les épreuves, tout se fit en
commun ; et après s'être assurés , par de nou-
veaux essais, de la justesse deleurs combinaisons,
ils se décidèrent à en faire part au public.
On a dit que les frères Montgolfier avaient d'a-
bord pensé au gaz hydrogène: ce n'est pas pour-
tant de ce côté qu'ils dirigèrent leurs rech
ches. Ils connaissaient sans doute l'insuccès (
essais de Cavalla , et la difficulté de retenir
gaz dans les enveloppes. Ils cherchèrent
autre gaz, et crurent l'avoir trouvé dans la co
bustion d'un mélange de paille hachée et
laine cardée. Joseph Montgolfier croyait ment
au dire de Mathon de La Cour, que l'électric
jouait un rôle dans cette opération. Il fallut
temps pour convaincre les Montgolfier que c
tait tout simplement à la raréfaction de J'
échauffé qu'ils devaient l'ascension de leurs glol
remplis de fumée. Ils essayèrent leur prott
aux Célestins près d'Annonay, et le succès*
passa leurs espérances. Un parallélipipède
taffetas s'éleva en plein air à une hauteur
soixante-dix pieds. Un plus grand appareil,
six cent cinquante pieds cubes, s'éleva avec
même facilité. Les états du Vivarais étal»
alors assemblés. Les frères Montgolfier invi>
rent messieurs des états > à une expérience qui
comptaient faire publiquement sur la place de
ville. Le 5 juin 1783, le corps entier des ét-
se rendit à l'endroit désigné. Au milieu de.
place un gros ballon de cent dix pieds de <
conférence était posé par son pôle inférieur i
un châssis de seize pieds; ce ballon était en t(
couverte de papier; ii avait trente-cinq pieds
hauteur et présentait l'aspect d'un grand sac a1
des plis de tous côtés. Il pesait quatre cent tre
livres et lût chargé de plus de quatre cents
vres de lest. « Messieurs des états , s'écria 1!
des inventeurs, nous allons remplir ce grand ;
avec une vapeur que nous savons faire , et y<
allez le voir s'enlever jusqu'aux nues. » On :
luma sous l'ouverture du ballon de la pi-
mêlée avec de la laine cardée. Peu à pet
ballon se remplit, prend une forme sphéroïralu
huit hommes suffisent à peine pour le refèû
On lâche ; en dix minutes on constate qie
ballon s'est élevé à une hauteur de mille toisf
puis il descend majestueusement dans ces ■>
gnes voisines, à deux mille sept cents puds <
lieu d'où il était parti.
Le succès de l'expérience d'Annonay se r
pandit partout. L'intendant de la provnce i
transmit la nouvelle à l'Académie des Science
énonçant simplement le procédé des Montg<
fier. L'Académie ne se méprit pas su: la véi
table cause de l'ascension des mon:golfière
la raréfaction de l'air. Lalande, ei renda
compte de cet événement, ajoutait : « No
dîmes tous, cela doit être ; comment n'y a-t-t
pas pensé? » La France accueillit arec entho
siasme la nouvelle découverte. L'Académie d
Sciences invita les Montgolfier à venir à Pai
renouveler leurs expériences sous les yeux >
ce corps savant, et à ses frais. Etienne Moi
golfier se rendit aux vœux de r Académie,
arriva quelques jours après l'expérience tent
au Champ-de-Mars par Charles avec un balli
rempli de gaz hydrogène. L'Académie charg
77
tienne Montgolfier de construire un aérostat
e soixante-dix pieds de hauteur sur quarante
e diamètre. 11 fit fabriquer une espèce de sac
■ r» toile de forme ovale qu'il recouvrit d'un pa-
lier bleu d'azur avec des ornements dorés. Le
2 septembre 1783, en présence des commis-
u'res de l'Académie, Cadet, Bossut, Lavoisier et
'esmarets, on alluma au-dessous de l'ouverture
iférieure de l'aérostat un grand feu de paille
t de laine hachée ; en dix minutes il fut gontlé
t prêt à partir; une pluie battante survint, ac-
jmpagnée d'un vent épouvantable; l'appareil
lit complètement détruit. Une autre expérience
,it annoncée pour le 19 septembre à Versailles,
n présence du roi. En cinq jours on fabriqua
ae aérostat tout en toile couverte de papier
eint décoré d'L entrelacées. On construisit dans
grande cour du phâteau de Versailles une
ispèce de tliéâtre percé au milieu d'une ouver-
ire de plus de quinze pieds de diamètre. Le
îllon fut placé plié transversalement sur cette
averture. Un entourage en toile peinte couvrit
réchaud et les opérateurs, et servit d'enton-
air pour porter la fumée dans l'intérieur de
îérostat. A midi le roi et la reine se rendirent
ans l'enceinte et pénétrèrent sous la machine,
a place était couverte de spectateurs. On al-
ima un feu de paille et de laine , et à une heure
ballon se gonfla avec rapidité , mais un coup
i vent lui fit une longue fente vers le sommet,
ontgolfier ne perdit pas courage. Il jeta un peu
s paille de plus sur son brasier,- on coupa les
)rdes et l'énorme aérostat, s'élança vivement en
,air, emportant une cage d'osier qu'on y avait
,,! ttachée, dans laquelle se trouvaient un mouton,
j m coq et un canard. Arrivé à deux cent qua-
rante toises de hauteur le ballon s'arrêta, plana
j] i|uelques instants , et alla s'abattre dans le bois
l| [le Vaucresson. Au moment de la descente,, la
1 1 orde qui tenait la cage passa contre une pile
Jile bois et se coupa : les animaux furent déta-
Bhés : le coq eut l'épaule écorebée , d'autres
.■♦retendirent que le mouton s'était brisé la tête,
||:t une vive polémique s'engagea à ce sujet dans
ji'aris. k
[i Les Montgolfier devinrent l'objet de mille at-
entions. Une souscription nationate leur remit
j me médaille d'or ; Etienne construisit un aérostat
1 Jans lequel Pilâtre de Rozier monta, en le fai-
j»ant retenir captif par des cordes. D'autres es-
sayèrent du même jeu , des dames en firent au-
1[ant; enfin, Pilâtre de Rozier osa s'élancer li-
| brement dans les airs sur une montgolfière le
>i!l novembre, en partant du château de la Muette.
|L.e 9 décembre 1783, l'Académie des Sciences
1 porta les deux frères Montgolfier sur la liste de
j |es associés surnuméraires , ainsi que Charles ,
1 |Pilâlre de Rozier et d'Arlandes. Quelques jours
1 ïiprès le roi décora Etienne Montgolfier du cordon
; lie Saint Michel, fit une pension de 1,000 livres
| ji Joseph Montgolfier et accorda des lettres de
jQoblessc à leur père. Pendant ce temps, une
MONTGOLFIER 278
autre expérience se préparait à Lyon, sous la
direction de Joseph Montgolfier. L'intendant Fies-
selles ayant réuni un certain nombre de souscrip-
teurs, on fit construire un ballon décent vingt-six
pieds de hauteur sur cent soixante de diamètre.
L'enveloppe était composée de deux toiles d'étou-
pes entre lesquelles on piqua trois feuilles de pa-
pier froissé ; d'intervalle en intervalle, des rubans
de fil , et ensuite des cordes donnaient plus de
consistance à cet assemblage. Cet appareil de-
vaitd'abord emporter un cheval. Après le voyage
de Pilâtre de Rozier, on résolut d'emporter des
voyageurs; trente à quarante personnes se firent
inscrire. Pilâtre de Rozier vint lui-même à Lyon,
et fit faire des changements indispensables. Le
7 janvier 1784, toutes les pièces qui devaient
former le ballon furent portées sur l'estrade
qui lui était destinée aux Brotteaux. On tra-
vailla plusieurs jours à les monter. Dans la nuit
du 15 au 16, une pluie suivie de gelée vint con-
trarier l'opération; on força le feu pour gonfler le
ballon , le feu prit à la calotte ; des pompes pla-
cées sur l'estrade l'éteignirent promptement; on
refit la calotte pendant la nuit; le lundi 19, on
gonfla de nouveau le ballon; il paraissait percé
d'une multitude de trous. Le filet avait été
remplacé par des cordes. Dès que le ballon fut
enflé , le prince Charles de Ligne , les comtes de
Laurencin, de Dampierre et de La Porte se
jetèrent dans la galerie. Pilâtre de Rozier et
Joseph Montgolfier ne voulaient emmener qu'une
personne ; au milieu de la discussion on coupa
les cordes et les deux aéronautes n'eurent que
le temps de se précipiter dans la galerie, avec
un nommé Fontaine , qui avait eu beaucoup de
part à la construction de la machine. Cet appareil
s'éleva lentement. Sa forme était celle d'un globe
terminé en bas par un cône renversé et tronqué
qui portait la galerie. La hauteur à laquelle ce
globe s'éleva fut estimée de quatre ou cinq
cents toises; les voyageurs observèrent qu'ils
ne consommaient pas dans les airs le quart du
combustible qu'il leur fallait à terre pour gonfler
le ballon ; ils voulurent forcer le feu pour monter .
plus haut ; il se fit une ouverture verticale de
quatre pieds et demi près de la nouvelle calotte ,
et la machine alla descendre après quinze mi-
nutes de marche dans un pré derrière la maison
de l'architecte Morand. La descente se fit en
deux ou trois minutes , et cependant le choc
de l'arrivée fut supportable. Dès que l'appareil
eut touché terre, toutes les toiles s'abattirent
et se replièrent en deux ou trois secondes. Les
voyageurs furent dégagés sans accident et ra-
menés en triomphe vers la ville. La machine
avec son lest devait peser huit milliers , elle en
pesait quatorze. Néanmoins ou chansonna les
voyageurs et l'aérostat qui , dans ce voyage, al-
lait, disait-on , ventre à terre.
Comme il arrive à presque tous les inventeurs,
les frères Montgolfier se virent bientôt dépassés
par leurs compétiteurs. De tous côtés des ascen-
279
MONTGOLFIER
2!
sions eurent lieu , des essais furent faits sans
leur concours. Les montgolfières parurent bien
vite devoir être abandonnées. « 11 manquait à
cette merveilleuse invention, dit le comte Boissy-
d'Anglas , le complément qui pouvait seul lui
donner une grande influence sur toutes les com-
binaisons humaines , l'art de se diriger dans les
airs. Les frères Montgolfier en firent le sujet de
leurs études et de leurs essais : ils ne le jugeaient
pas impossible, et quelques combinaisons physi-
ques et mécaniques qu'ils se proposaient de teuter
leur paraissaient pouvoir atteindre à ce but ; mais
il fallait de nombreuses expériences nécessaire-
ment dispendieuses, et leur fortune était médiocre ;
le gouvernement les avait laissés presque sans
récompense... Après de longues sollicitations,
quelques secours insuffisants et fort modiques
leur furent attribués pour cela; ils les eurent
bientôt consommés. On leur en promit d'autres,
qu'on ne leur donna point , et la révolution qui
survint durant le cours de ces nouvelles expé-
riences les interrompit, et leur ôta les moyens
de les continuer. Déjà ils avaient construit un
aérostat en soie, d'une très-grande capacité et
d'une forme lenticulaire, lequel, en s'élevant et
s'abaissant à volonté , par l'augmentation et la
diminution de la chaleur, se rapprochait plus ou
moins rapidement d'un point déterminé; ils
avaient aussi l'idée d'appliquer à leurs aéros-
tats, qu'ils avaient rendus moins fragiles, la
puissance de la machine à vapeur dont ils
avaient étudié la théorie avec une extrême at-
tention. »
Franklin avait dit en parlant des aérostats :
« Cette découverte est un enfant qui promet beau-
coup , mais il faudra voir quelle sera son édu-
cation. » Une somme de 40,000 livres avait été
mise à la disposition des frères Montgolfier pour
rechercher les moyens de diriger les ballons
en l'air. Ils firent quelques essais infructueux.
Après la cessation de ses expériences , Etienne
retourna à sa manufacture, et reprit ses travaux
ordinaires. Dès les premiers temps de la révo-
lution , il fut nommé d'abord procureur syndic
de son district, puis administrateur de son dé-
partement. Dénoncé plusieurs fois pendant la
terreur, il dut son salut à l'attachement de ses
ouvriers. Les malheurs de la révolution l'affec-
tèrent vivement ; malade du cœur, il se rendit
à Lyon avec sa famille , et voyant les secours
de l'art inutiles , il résolut d'épargner à sa femme
et à ses enfants le spectacle de ses derniers mo-
ments. 11 partit seul pour Anuonay, et mourut en
chemin, comme il l'avait prévu.
Bonaparte décora Joseph Montgolfier de la
Légion d'Honneur lorsqu'il distribua des insi-
gnes de cet ordre aux citoyens qui avaient con-
tribué aux progrès de l'industrie nationale.
Plus tard , il fut nommé administrateur du Con-
servatoire des Arts et Métiers, et membre du
bureau consultatif des arts et manufactures près
le ministère de l'intérieur. En 1807, J. Montgol-
fier prit place à l'Institut ; il eut une grande pa
à l'établissement de la Société d'Encourageme
pour l'Industrie nationale, organisée en l'an
(1802). Il en forma le projet, dans une prom
nade à la campagne avec quatre de ses ami
On doit encore à Joseph Montgolfier l'inventit
du bélier hydraulique (1), qu'il mit pour la pr
mière fois en usage en 1792, à sa papeterie i
Voiron, et qu'il perfectionna depuis à Pari
Le même Joseph imagina un calorimètre pouf d
terminer la qualité des différentes tourbes <
Dauphiné; il exécuta une presse hydraulique
inventa un ventilateur pour distiller à froid, I
le seul contact de l'air en mouvement, ain
qu'un appareil pour la dessiccation en grand et
froid des fruits et autres objets de première n
cessité qu'on rétablit ensuite dans leur état pi
mitif en leur restituant l'eau dont ils ont é
privés. Frappé d'une apoplexie qui lui ôta l'usa;
de la parole, Joseph Montgolfier se rendit ai
eaux de Balaruc, où il mourut. On a de lui
Discours sur l'aérostat, prononcé dans ui
séance de l'Académie de Lyon, en 1783; Paris
1784, in-8°; — Mémoires sur la machii
aérostatique (avec son frère) ; 1784, in-8c
— Ballons aérostatiques ( avec son frère )
Berne, 1784, in-8°; — Les Voyageurs aériens
1784, in-8° ; — Note sur le Bélier hydrauliqv
et sur la manière d'en calculer les effets
(1) Cette machine Ingénieuse, que l'inventeur appel
modestement un outil, sert, « au moyen d'une chute d'es
donnée, à élever avec facilité une partie de ces mèmi
eaux à une hauteur Indéterminée ,«t toujours propo)
tionnelle pour la quantité à la hauteur de leur ascei
sion divisée par la hauteur de la chute, à quelqui
pertes prés , à cause des frottements ». Le bélier hydrai
lique se compose d'un tube vertical qui reçoit l'eau i
la chute dont on peut disposer, et se décharge dans u I
tube horizontal en relation à son extrémité avec un
chambre à air dans laquelle plonge un tuyau d'aseci j
sion beaucoup plus mince que les autres. La commun
cation du tube horizontal avec la chambre à air est il
terceptée par une soupape s'ouvrant de bas en haut;
côté de la chambre à air le tube horizontal est perc j
d'une ouverture close par une soupape s'ouvrant d:i
haut en bas. Si maintenant l'on fait descendre de l'ea
par le petit tube d'ascension dans la chambre à ai
jusqu'à comprimer cet air dans le haut de la chambr |
et a remplir ce tube, la soupape d'ascension de I
chambre à air se trouve fermée ; si d'un autre côté 1
tube horizontal est plein d'eau la soupape d'écoulemen
est également fermée. baisant tomber de l'eau par t
tube vertical , il en résulte une colonne active qui donn»
un mouvement proportionnel à la colonne passive di
tube horizontal, lorsque la soupape d'écoulement es
ouverte. Son poids ayant été calculé poui faire équilibn
à une certaine force , lorsque cette force est atteinte pa
la pression donnée à l'eau de la- colonne passive, cetti
soupape se ferme , et l'eau n'a plus d'autre issue qui
par la soupape d'ascension, qu'elle soulève alors. L'eai
entre dans la chambre à air, dont la compression réagi
sur le tube d'ascension. L'eau monte par ce tube, à uni
grande hauteur, jusqu'à ce que la compression de l'ali
fasse équilibre à la force de pression de l'eau du tube ho-
rizontal. La soupape d'ascension se ferme alors, la sou-
pape d'écoulement se rouvre, et le raômé effet se repro-
duit alternativement tant que la chute utilisée fournil
de l'eau. Le poids des soupapes est calculé de manière
que l'une agit dès que l'autre s'arrête, et la compression
de l'air dans la chambre suffit pour donner un écoule-
ment continu en pressant encore la colonne d'ascension
après la fermeture de la soupape d'ascension.
91
MONTGOLFIER —
aris, 1803, in-8° (extrait du Journal des Mi-
es);— Stir le Bélier hydraulique et Nou-
lles Expériences sur le Bélier hydraulique,
[ms le même journal, tomes XV et XVIII; 1803
I 1805; — Description et usages d'un Calo-
\ mètre , ou appareil propre à déterminer
i degré de chaleur ainsi que l'économie qui
fsulte de l'emploi du combustible ( même
urnal , tome XIX, 1806 ) ; — Mémoire sur la
nssibilité de substituer le Bélier hydraulique
\ l'ancienne machine de Marly ( dans le Jour-
\ilde V Ecole Polytechnique, tome VII, 1808).
I M"mc Montgolfier est morte à Paris, en 1845, à
'Ige de cent onze ans. Elle avait conservé la
j le , l'ouïe , l'exercice de ses jambes et une ex-
Nlente mémoire, qu'elle perdit seulement deux
urs avant de mourir. L. Louvet.
pelarobre. Éloge de Joseph Montgolfier. — De Gé-
ndo , Éloge de Montgolfier. — Comte de Boissy-d'An-
t is , dans le Dictionnaire de la Conversation. — Biogr.
\\iv. et portât, des Contemp. — 3. Turgan, Les Ballons.
il Mémoires secrets, ou journal d'un observateur ; 178t.
j Mathoa de La Cour, Lettre sur l'ascension des Fles-
: 'lCS.
[ montgomery (Jacques de), sire de Lorges,
I pitaine français, mort en juillet 1562. Il était fils
j i Robert de Montgomery, seigneur écossais , qui
fait pris du service sous François I,r, et se rat-
chait par les femmes à Jacques Ier, roi d'É-
sse. Jacques de Lorges se distingua de bonne
jure par son courage, et fut mis à la tête d'une
>mpagnie de cent lances. Il se trouvait chez le
pmte de Saint-Pol , en Touraine, lorsque Fran-
)is Ier s'avisa, par une folie de jeunesse, de
enir assiéger le comte dans son château le len-
emain du jour des Rois (1521). L'assaut eut
eu selonles règles de la guerre. Les assiégeants
pmme les assiégés combattaient avec des boules
e neige, des œufs durs et des pommes. Bien-
nt les munitions des gens du château s'épui-
ferent. « Étant enfin toutes armes faillies pour
i défense de ceux de dedans , dit Martin du
fellay, ceux de dehors, forçant la porte, quelque
nal avisé jeta le tison de bois par la fenêtre, et
pmba un tison sur la tête du roi, de quoi il fut fort
[lessé... Mais le gentil prince ne voulut jamais
[u'on informât qui avait jeté le tison, disant que
[il avait fait la faute il fallait qu'il en bût sa part. »
te mal avisé n'était autre, à ce qu'on assure, que
Jacques de Lorges, dont le fils devait acquérir une
i triste célébrité en tuant par maladresse le roi
tanri II. Dans cette même année (1521), il
ffiussit à ravitailler Mézières, que Charles Quint
priait étroitement assiégé , et soutint même sous
p murs de la place un combat singulier avec
n des chefs de l'armée* impériale. En 1543 il
evint colonel d'une légion de trois mille soldats
bvés en Picardie. En 1544 il succéda à Jean
Btuart, comte d'Aubigny, dans la charge de
kapitaine de la garde écossaise. Nommé , par
provisions du 8 mars 1545, lieutenant général
Commandant les troupes que le roi envoyait en
cosse au secours de la régente Marie de Lor-
MONTGOMERY 282
raine , il arriva à Edimbourg au mois de juillet,
combattit sans trop de désavantage sur les fron-
tières, et n'évacua le pays qu'après la conclusion
de la paix ( 7 juin 1546). Il assista en 1557 à la
bataille de Saint-Quentin, et se jeta dans Noyon
pour le défendre contre les Espagnols. Il reprit
le 1er janvier 1559 le commandement des gardes
et des gendarmes écossais, qu'il avait résigné
l'année précédente à son fils , et le conserva jus-
qu'à sa mort. En 1 543 il avait acheté de Fran-
çois d'Orléans , marquis de Rothelin , le comté
de Montgomery, situé en Normandie. P..L.
Martin du Bellay, Mémoires. — Moréri, Grand Dict.
Hist.
montgomery (Gabriel, comte de), capi-
taine français, fils aîné du précédent, né vers
1530, exécuté le 25 mai 1574, à Paris. D'abord
lieutenant de son père, il lui succéda en 1558
dans la charge de capitaine de la garde écos-
saise, et ce fut en cette qualité qu'il arrêta en
1559 Anne du Bourg, du Faur, et trois autres
conseillers au parlement de Paris, coupables
d'avoir tenu au roi le langage de la vérité. Quinze
jours plus tard il lui arriva un malheur, qui de-
vait le rendre tristement célèbre , et dont il res-
sentit jusqu'à la fin de sa vie les suites funestes.
Le 30 juin, dans le tournoi célébré à l'occasion
des mariages de la fille et de la sœur de Hen-
ri II, il avait déjà rompu une lance avec le roi,
lorsque ce dernier, qui avait eu tous les hon-
neurs du combat, lui ordonna de rentrer en lice.
« A quoy, dit Vieilleville , par très-grand mal-
heur il obéit et print une lance... Ayant tous
deux fort valeureusement couru et rompu d'une
grande dextérité et adresse leurs lances, ce mal
habile Lorges ne jecta pas, selon l'ordinaire
coustume, le tronçon qui demeure en la main ,
mais le porta toujours baissé , et en courant ren-
contra la teste du roy, duquel il donna droict
dedans la visière , que le coup haulsa et lui creva
un œil. » Henri perdit connaissance, et expira le
10 juillet 1559, sans êïre revenu à lui-même.
Meurtrier involontaire d'un roi puissant, Lorges
réfléchit que son innocence ne suffisait pas à le
protéger contre les violences de la reine mère,
et se retira en Normandie, d'où il passa en An-
gleterre. Ce fut probablement dans ce pays qu'il
embrassa la réforme. Rappelé en France par la
mort de son père , il hérita de ses grands do-
maines, et prit dès lors le nom de comte de
Montgomery. Il fut ainsi designé dans l'acte d'as-
sociation du 11 avril 1562, acte, par lequel les
chefs protestants inaugurèrent la première de
ces guerres de religion qui désolèrent la France
pendant près d'un demi-siècle. Après la prise
d'Orléans, il entra dans Bourges, à la tête de
cent vingt chevaux (27 mai), désarma les ca-
tholiques, recueillit tout l'argent qui se trouvait
entre les mains des receveurs du roi ou dans les
églises, et le remit au prince de Condé. Presque
aussitôt après il se rendit en Normandie, et
tenta vainement de tenir la campagne contre les
MONTGOMERY
28-
ducs de Bouillon et d'Étampes. Forcé d'aban-
donner Vire, qui fut livré parles catholiques au
pillage et au massacre, il se replia sur Bayeux,
et, conformément aux ordres du chef de la ligue
réformée, il s'embarqua pour Rouen. A peine
eut-il le temps de s'y établir, que l'armée
royale, sous les ordres du roi de Navarre, le
sommait de lui en ouvrir les portes; outre les
bourgeois, il n'avait avec lui que huit cents vieux
soldats français et cinq cents anglais. Le siège
fut poussé avec vigueur et soutenu avec cons-
tance pendant un mois. Après plusieurs assauts
inutiles, le duc de Guise, qui dirigeait les opé-
rations, s'empara du couvent de Sainte-Cathe-
rine, qu'on avait fortifié , et parvint à se loger sur
la porte Sainte-Hilaire; assuré d'emporter la
ville, il hésitait à exposer une des plus riches
cités de France au pillage. Il fit offrir à Mont-
gomery une capitulation honorable; ce dernier,
qui prévoyait une catastrophe prochaine, n'était
pas loin d'accepter cette capitulation , mais il ne
put amener à son sentiment les ministres hu-
guenots, qui, comptant toujours sur le secours
d'en haut, poussèrent la bourgeoisie à combattre
jusqu'à la mort. Un dernier assaut, livré le
26 octobre 1562, consomma la ruine de la ville.
On fit un horrible carnage des soldats et des
habitants. Malgré les efforts de Guise, lé pillage
dura huit jours, et les courtisans, pour venir
après les vainqueurs, ne se montrèrent pas les
moins âpres à la curée. La ville forcée, Montgo-
mery se retira avec les Anglais sur une galère
qu'il tenait prête, franchit par une manœuvre
hardie l'estacade de Caudebec, et gagna le
Havre. Deux mois plus tard, il parut à Dieppe,
et frappa cette ville d'une contribution de
15,000 livres destinée à l'entretien de ses troupes.
Rappelé par Coligny, il retourna dans la basse
Normandie, et s'y rendit maître, sans trop de ré-
sistance, de Saint-Lô, d'Avranches et de Vire.
Après l'édit d'Amboise ( 19 mars 1563), il se re-
tira dans ses terres.
Lors de la seconde prise d'armes (1567), Mont-
gomery conduisit des troupes à Condé, et entra
dans Étampes par escalade. Mais ce fut dans la
troisième guerre qu'il acquit une réputation écla-
tante, parla diligence et l'audace avec lesquelles il
mena l'expédition du Béarn. Accompagné de ses
trois frères , il rallia Coligny au-dessous de la
Loire, et défendit Angoulême après la défaite de
Jarnac, où il n'était pas présent. Ce fut alors que
la reine Jeanne d'Albret lui confia la difficile
tâche de faire rentrer ses États dans le devoir.
Parti de Nontron le 8 juin 1569, il rejoignit, après
de grands délours, l'armée des vicomtes du
Quercy, et, surmontant des obstacles de toutes
sortes, il fondit tout à coup sur le Bigorre, où son
premier exploit fut la prise de Tarbes. En vain
Dam\ille,Montluc , Bellegarde s'efforcent de l'ar-
rêter; grâce à la rapidité de ses mouvements, il
leur échappe, il atteint le Béam, et se saisit d'Or-
Ihez. Frappés d'épouvante, les chefs catholiques
n'osent attendre le vainqueur, qui entre dan
Pau sans coup férir (23 août). Cette rapid
conquête avait eu lieu en moins de trois mois
Après avoir ravagé la Gascogne, Montgomer
rallia l'armée des princes , qui venait d'être bât
tue à Montcontour (10 novembre 1569). A pei
près vers le même temps, il était condamné
mort comme rebelle par le parlement de Pari
et exécuté en effigie sur la place de Grève. Il s
signala au combat d'Arnay-le-Duc et assista a
début de la campagne de Flandre. Il se trouvait
Paris lors du massacre de la Saint-Barthélemj
et dut la vie à la vitesse de son cheval. Le soi
même, Charles IX, informé de sa fuite , écrivit
Matignon, gouverneur de la Normandie, « pou
leprier deprendregardedoulcement et sans gran
bruit où il se serait retiré, afin de le prendre ou 1
faire prendre ». Avec son activité accoutumée
Montgomery, qui s'était réfugié en Angleterre
équipa une flottille de cinquante-trois bâtiment
légers, montée par près de deux mille hommes
qu'il plaça sous les ordres de Champernon, l'und
ses gendres. Il arriva le 19 avril 1573 en vue d
La Rochelle , et ouvrit aussitôt le feu contre I
flotte royale , moins nombreuse que la sienne
mais en meilleure position et mieux équipée
L'inaction des Anglais l'obligea à la retraite. D
retour à Londres, il envoya son fils aîné ave
quatre cents arquebusiera au secours du princ
d'Orange, et sollicita vainement l'appui d'Éli
sabeth ; cette princesse, qui se prêtait alors, pa
dissimulation ou par coquetterie, aux négocia
tions entreprises pour lui faire épouser le du
d'Alençon , refusait toute assistance aux protes
tants français.
Entouré d'un grand nombre de religionnaire
réfugiés, Montgomery s'établit dans les îles d
Jersey et de Guernesey; ce fut là que pendan
l'hiver de 1574 il organisa sa dernière expédition
Outre son zèle ardent pour la religion, il avait
cœur de venger la mort de son frère Saint-Jean
que Matignon venait de faire assassiner. Accep
tant avec joie les propositions du parti des raé
contents, il débarqua, le 11 mars J574, suri
côte de Normandie, occupa Saint-Lô et Caren
tan, et marcha au secours de Domfront, invesl
par Matignon. Ayant reconnu l'impossibilité d
défendre la ville, il se retira avec une poignéi
d'hommes dans le château, dont les vieilles mu
railles s'écroulèrent bientôt sous le feu de l'ar
tillerie catholique. Malgré l'infériorité du nombre
il sortit vainqueur d'une première attaque ; oi
l'avait vu en simple pourpoint et une hache i
la main combattre sur la brèche sans pouvoir 3
trouver la mort, qu'il cherchait. II était résolu ;
s'ensevelir sous les ruines du château; mais
cédant aux prières de ses compagnons, il con
sentit, après quelques pourparlers, à se rendre
(27 mai ), « à charge expresse, qu'il aurait vie
et bagues sauvées ». Cette condition, dont on 1
nié l'authenticité, est affirmée de la façon la plus
positive par La Popelinière, de Serres, L'Estoile,
285 MONTGOMERY
[je Laboureur et plusieurs écrivains catholiques.
U'après La Popelinière, une capitulation fut si-
gnée, laquelle portait « que îe comte sortirait
| a vie sauve et quelques accoutrements sans
j «1res armes que l'épée et la dague ». Cathe-
rine de Médicis témoigna une joie extrême delà
i rise de Montgomery, Elle ne lui avait jamais
j ardonné d'avoir répandu le sang de son mari.
| Ce n'est pas , dit Sismondi , qu'elle eût eu
\ eaucoup d'affection pour Henri II ou de sujet
! e le regretter; mais elle voulait qu'un homme ne
i ut être considéré comme innocent après avoir,
iiême par accident, causé la mort d'un roi. »
mené à Caen, puis à Paris, Montgomery fut
aduit devant le parlement et condamné à mort
ir l'absurde accusation d'avoir comploté avec
oligny le meurtre de Charles IX. Le 26 juin
374, après avoir subi la question extraordi-
lire avec le plus ferme courage, il fut tiré de
tour de la Conciergerie à laquelle on a laissé
j m nom et conduit sur la place de Grève, où il
f it la tête tranchée. La reine mère était pré-
ï nte à l'exécution. « Je requiers deux choses de
>us, dit le comte au peuple lorsqu'il fut arrivé
| ir l'échafaud : l'une de faire savoir à mes en-
\ ots, qui ont été ici déclarés roturiers , que s'ils
i ont la verlu des nobles pour s'en relever, je
\ insens à l'arrêt ; l'autre point, plus important ,
i mt je vous conjure, sur la révérence qu'on doit
iix paroles d'un mourant, c'est que quand on
[ )us demandera pourquoi on a tranché la tête à
ontgomery, vous n'alléguiez ni ses guerres, ni
s armes, ni tant d'enseignes arborées, men-
înnées en mon arrêt, mais faites-moi compa-
îon en cause et en mort de tant de simples
rsonnes selon le monde, vieux, jeunes et
mvres femmelettes, qui en cette même place
ît enduré les feux et les couteaux. »
D'Elisabeth de La Tousche, qu'il avait épousée
i 1549, Montgomery eut de nombreux enfants,
»nt quelques-uns soutinrent dignement l'éclat
i leur nom. Brantôme parle de lui en ces
rmes : « C'était le plus nonchalant en sa
j arge et aussi peu soucieux qu'il étoit possible,
j r il aimait fort ses aises et le jeu ; mais lors-
ji'il avait une fois le cul sur la selle, c'étoit le plus
lillaut et soigneux capitaine qu'on eût su voir;
j reste si brave et si vaillant qu'il assaillait
[ut, foibleou fort, qui se présentât devant lui.
|issia-t-il fait de belles guerres et y a été très*
tureux. » p. Locisy.
286
pa»ila, La Popelinière, Montluc, Condé, d'AubignC-, La
|ue, .Mémoires. - De Thon, Historia sui temporis. —
fuitôme, ' Capitaines illustres. — Huag frères, La
tance Protestante. — Sismonci. Hist. des Français,
iilJ et XIX.
[montgomery (Jacques, comte de Lorges,
■;is de), capitaine français, fils aîné du précé-
>nt, né vers 1550, mort le 28 juin 1609, à
jurbon-Lancy. Il fit ses premières armes sous
i yeux de son père. Après la prise de Dom-
t'ut (1574), il réussit à s'échapper et gagna La
ithelle. S'étant attaché à Condé, il obtint de
lui le commandement de l'Ile de Rhé, puis celui
de Brouage, et fut remplacé en 1577, à cause de
la dépravation de ses mœurs. En 1581 il suivit
le duc d'Anjou en Flandre. Nommé gouverneur
de Castres (1585), il remporta dans le midi de
nombreux avantages pendant la campagne de
1586, et enleva en 1590 la ville de Viviers aux
ligueurs; mais ses violences le firent, en 1591,
chasser de Castres, où il s'était maintenu malgré
le roi de Navarre.
Son frère Gabriel, comte de Lorges, mort en
1635, prit aussi part aux guerres de reli-
gion ; il combattit à Coutras et tenta deux fois
de s'emparer p3r surprise du Mont-Saint-Michel.
On ignore si c'e6t lui ou un de ses frères qui
sauva Henri IV à Aumale, en soutenant avec
Fervaques l'effort des troupes envoyées par le
due de Parme à la poursuite du roi. En 1621 il
vendit à Louis XIII la place de Pontorson, où
il commandait.
Un autre membre de cette famille , petit-fils
du précédent, Jean m Montgomery, né en 1646,
mort en 1731, servit avec distinction dans les
guerres de Flandre et d'Allemagne, abjura le
protestantisme à l'époque de la révocation de
l'édit de Nantes, et devint maréchal de camp en
1696. P. L— y.
Uaag frères, La France Protestante.
montgomery (James), poète anglais, né
le 4 novembre 1771, à Irvine (comté d'Ayr),
mort le 30 avril 1854, à Shefiield. Fils d'un pas-
teur morave, il fut élevé dans un établissement
de cette secte, et s'y fit remarquer comme un
écolier indolent et taciturne ; il n'appritpas grand'-
eàose, ne montra de goût pour rien, si ce n'est
pour la poésie, et rima à quatorze ans un poème
épique d'un millier de vers sur Le Monde. Ses
maîtres, mécontents de lui , le placèrent en ap-
prentissage chez un marchand de Mirfield ; il y
resta deux ans, et se rendit en 1790 à Londres,
où il devint le commis d'un libraire qui avait
refusé de publier ses poésies. En 1792 il entra
au service d'un imprimeur de Shefiield, et four-
nit au journal radical qu'éditait ce dernier des ar-
ticles politiques ; en 1794 il en modéra les prin-
cipes, lui donna pour titre the Iris, et continua de
le rédiger jusqu'en t825. Depuis cette époque il
prit une part active aux assemblées religieuses et
fit des lectures dans les villes voisines sur l'his-
toire de la littérature anglaise (1830), sur les
poètes anglais (1836), et sur quelques détails
peu connus de la poésie anglaise (1852). En
1835 il refusa la chaire de rhétorique à l'uni-
versité d'Edimbourg, et reçut du ministère une
pension de 150 hv. sterl. Montgomery a joui
d'une certaine réputation qu'à beaucoup d'é-
gards il méritait; s'il a peu d'imagination et une
facilité parfois verbeuse, il a des inspirations tou-
chantes et honnêtes, l'amour du bien, un style
harmonieux. Ses poésies, Prison Amusements
(U97);The Wandererin Swilzerland (1806);
The West Indies (1809); Green land (18 10) ;Tke
287 MONTGOMERY
World before theflood (1812) ; The Pélican Is-
landand otàerpoems (1827); Original Hymns
for public, privale and social dévotion (1853),
ont été réunies , le dernier recueil excepté, plu-
sieurs fois (1836, 3 vol. ; 1849, 4 vol. in-12; 1851,
gr. in-8°). On a encore de lui : History of Mis-
sionary enterprise in the South seas ; 1830,
jn_8° ; _ Memoirs of the life and writings of
J. Montgomery ; Londres, 1855-1856, 7 vol.
in-8°, publiés par les soins de John Holland et
de James Everett. P- L— y.
Memoirs of J. Montgomery. - The English CVclopx-
dia (biogr.).
montgomery (Robert), poète anglais, né en
1807, à Bath, mort le 3 décembre 1855, à Brigh-
ton. D'une famille irlandaise, il manifesta de
bonne heure un penchant marqué pour les lettres,
et débuta par la fondation d'un journal hebdo-
madaire, The Inspector, qui n'eut qu'une durée
éphémère. Dans l'année 1827 il publia deux re-
cueils poétiques, The Slage-Coach et The Agere-
viewed; en 1828 parut le poëme intitulé The
Omniprésence of the Deity, composé deux ans
plus tôt et qui obtint une vogue si extraordinaire
qu'en l'espace de huit mois il y en eut huit édi-
tions; la 28e a été imprimée en 1855. Les ou-
vrages qu'il mit au jour dans la suite et qui tous
traitent des sujets religieux, rencontrèrent la même
faveur, trait sans exemple dans les annales de
la poésie si on les juge selon leur mérite et non
d'après le public spécial, et si nombreux en An-
gleterre, auquel ils étaient destinés. Aussi Ma-
caulay et d'autres critiques ont-ils sévèrement
apprécié ce poète de sacristie; on lui a reproché
la banalité et le vague de ses idées , l'enflure de
son style, la bassesse de ses images, sans tenir
compte de sa bonne foi, de sa facilité, souvent
élégante et gracieuse, et d'une certaine éléva-
tion. Au reste, Montgomery n'a jamais songé à
faire servir à sa fortune l'espèce de gloire qu'il
retirait de ses travaux. Avec le fruit de ses pre-
miers poèmes il entra à l'université d'Oxford, et
y prit ses grades ; ordonné ministre en 1835, il
obtint la modeste cure de Whittington dans le
Shropshire, fut attaché en 1838 à une des con-
grégations de Glasgow, et desservit depuis 1843
jusqu'à l'époque de sa mort la chapelle de Percy-
Street à Londres ; il y attira une grande affluence
par sa manière emphatiquede traiter les articles
de controverse ou de foi. On a encore de lui les
poésies suivantes : A universal Prayer; Dealh;
A Vision of heaven, and a Vision of hell;
Londres, 1828, 1829, in-8°; — Satan ; ibid.,
1829, in-8°; — Oxford; ibid., 1831, in- 8°; —
The Messiah, in VI books; ibid., 1832, in-8°;
— Woman, the Angel of li/e;\b\à., 1833; —
Luther, or the spirit of reformation , ibid.,
1842;— Méditations upon Scripture subjects;
ibid., 1842; — Sacred Méditations and moral
Thèmes; ibid., 1847, in-8°; — The Christian
Life, a manual of sacred verses; ibid., 1849,
in-12; — Lyra Christiana, poems on chris-
— MONTGON 26
tianity and the church; ibid., 1851, in-3
Lines on Wellington ; the Hero's funera
ibid., 1852, in-8°; — The Sanctuary ; ibit
1855. Un recueil de ses poésies a été publié
1853. P- L-*>
Men of Vie Time. — Macaulay, dans l'Edinburgk j
vieiv, 1830.
* MONTGOMERY-MARTIN ( Robert), éc
nomiste anglais, né en 1803, dans le comté
Tyrone (Irlande). Après avoir étudié la met
cine à Dublin, il fut attaché à la marine de l'Ét
et servit de 1820 à 1830 en qualité de chirurgii
En 1846 il fut nommé agent comptable à Hoi
Kong. Il est auteur d'un grand nombre d'éci
relatifs à l'économie politique et aux colonies i
glaises; nous citerons : History ofthe Brit
Colonies; Londres, 1834-1835, 5 vol.in-8°: < ■{
vrage estimé, qui a eu plusieurs éditions ; — 1 -
stalistical History of England; — The I
tish colonial Library; Londres, 1838-1843,'
vol.; — Ireland before and after union w-
Great-Britain; ibid., 1843, 1848, in-8"; 1
India; 3 vol. in-8°, trad. en 1860 en frança.
— une édition des Dépêches militaires ri
Wellington, 5 vol.
Dict. d'Économie politique, II.
montgon (Charles-Alexandre de), •
plomate français, né à Versailles, le 24 septeir a
1690, mort à Sarliève (Pays-Bas), en 1770. J
famille, attachée à la cour, le fit entrer dans 5
ordres ; cette première partie de la vie de M ;■
gon reste obscure (1). Après avoir reçu la]*
trise, il vécut quelque temps en Auvergne, ( z
un de ses parents. Avec la protection du c
de Bourbon, il s'attacha au roi d'Espagne I -
lippe V, qui venait de reprendre le sceptre a] 3
la mort de sou fils Louis Ier (1724). Philipp 9
envoya Montgon en mission secrète en Portu I,
puis en France, en apparence pour offrir au v
dinal de Fleury une pleine réconciliation il
voulait renoncer à l'alliance du Hanovre, lis
en réalité pour rassembler les partisans de ! *
pagne et les opposer à ceux de la maison d -
léans. Tant que Louis XV n'eut point de fil: e
duc d'Orléans était l'héritier présomptif d. a
couronne, et la santé du jeune monarque, ii
avait dans son enfance donné beaucoup d'inq:-
tude pour sa vie, n'était point assez raffei'e
pour éloigner l'hypothèse de lavacaneedutre.
Philippe V, ce roi dont la dévotion était si extr ie
qu'il semblait en perdre la raison, ne te ît
aucun compte des renonciations qu'il avai i-
gnées , des engagements si solennels qu'il ; it
pris, ne craignait pas d'exposer la France aie
guerre civile et l'Europe à une guerre généir
pour s'emparer d'une couronne que, par unir
choix, il avait abandonnée à une autre brai|
de sa famille, tandis qu'il reconnaissait ch:
jour qu'il n'était pas en état de porter la sieje
Dans une instruction que Philippe V avait
(1) On a dit, mais sans preuves, qu'il appartenait
façon illcgime à la famille royale.
289 MONTGON —
née à Montgon, en date du 24 décembre 1726, il
disait : « Qu'il l'avoit choisi pour être chargé de
la plus importante de toutes les affaires, du
secret de laquelle dépend l'heureuse issue de la
négociation. C'est que si, ce qu'à Dieu ne plaise,
le roi mon neveu venoit à mourir sans héritier
mâle, étant, comme je le suis , le plus proche
parent, et mes descendants après moi, je dois et
veux succéder à la couronne de mes ancêtres.
Je vous donne une lettre de créance de ma
main , pour le parlement , pour la présenter à
l'instant de la mort du roi mon neveu, dans
laquelle j'ordonne qu'à l'instant que ce cas
arrivera, on me proclame roi. » L'abbé de
Montgon était trop vain, trop présomptueux,
et trop fier de la mission dont il était chargé
pour ne pas la laisser pénétrer par les yeux
des agents du cardinal Fleury. Il fit même des
aveux presque complets au cardinal, qui
l'exila à Douai, et fit saisir tous ses papiers.
Montgon demanda vainement son rappel; Fleury
fut impitoyable, et le malencontreux diplo-
mate mourut dans l'exil. Sur la fin de sa vie, il
publia les Mémoires de ses différentes négo-
ciations, dans les cours d'Espagne et de Por-
tugal depuis 1725 jusqu'à 1731 ; La Haye, Lau-
sanne et Genève, 1742, 5 vol. in-12 ; ibid., 1756,
3 vol. in-12. Il avait paru précédemment un
Recueil de Lettres et Mémoires écrits par
M. l'abbé de Montgon concernant les négocia-
tions dont il a été chargé, Liège, 1732, in-12;
trad. en italien par le marquis Feroni, Florence,
1753, in-8°. A. d'E— p— c.
Flassan, Histoire de la Diplomatie française, t. V,
p. 86. — Sismondi , Hist. des Français, t. V, p. 32-33.
— Noailles, Mémoires, t. V,p. 139 etsuiv. — Lenglet-Du-
fresnoy, Méthode pour étudier l'histoire , t. XII, p. 340.
monthasser billah {Abou-Djafar Mo-
hammed IV, al), khalife abbasside de Bagdad,
né à Djafasiah, en 836, mort en 862, à Sermenraï.
Fils de Matawakket Ier, il succéda, en janvier
862, à son père, après l'assassinat de celui-ci par
les troupes turques , crime auquel il n'était pas
étranger. Après avoir été forcé d'ex-clure de leurs
droitsà la couronne ses deux frères Motaz et
Mouwaïed, qui déplaisaient à la garde turque,
espèce de garde prétorienne, Monthasser inau-
gura son règne par des mesures tolérantes. Il
releva les tombeaux d'Aly et de Houcéin, permit
les pèlerinages aux sanctuaires chiites, et
supprima les anathèmes fulminés contre eux.
Mais après avoir un jour trouvé dans son nou-
veau palais de Sermenraï , où il avait transféré
sa résidence, un tapis qui représentait le meurtre
'le Khosrou II de Perse par son fils Kobad
'Chirongeh, il fut saisi d'une noire mélancolie , en
se rappelant les circonstances de la mort de son
| père. Il mourut après six mois de règne, soit qu'il
;fût tué par des remords de conscience, soit qu'il
^succombât au poison donné par ses chambellans.
; Il avait cultivé la poésie arabe. Ch. R.
Aboulféda, Annales moslemici. — Hammer, Histoire
de la Littérature arabe.
NOL'V. BIOCR. GÉNÉR. — T. XXXVI.
MONTHENAULT
29a
monthasser ( Abou-Ibrahim Ismail ),
roi de la Perse orientale et de la Transoxane,
de la dynastie des Samanides, né à Bokhara, vers
980 de notre ère , mort près de Turkcslan, en
1004. Fils de Houh II, il fut arrêté à Bokhara,
en 999, avec ses frères Mansour H et Abdelmé-
Iek II, patordre d'Ilek-Khan , roi du Turkcs-
tan, et mis en prison. Étant parvenu à s'échap-
per, Monthasser se réfugia dans le Khavizme, y
leva des troupes, défit celles d'Ilek, et rentra dans
Bokhara. Obligé d'en sortir, il occupa le Kho-
raçan, d'où il chassa le gouverneur Nasr, frère
du célèbre Mahmoud le Ghasnévide. Après
avoir dû quitter aussi cette province, Monthas-
ser se réfugie dans le Djordjân, auprès du prince
Disemide-Kabons, et s'empare, avec ses secours,
de Réi et de quelques autres villes de l'Irak, occu-
pées par les Bouïdes. Mais brouillé avec Kabons,
ainsi qu'avec les Ghasrrévides, auxquels il a en-
core pris Nichapour, il s'enrôle parmi les Turko-
mans Ghouzzes, avec l'aide desquels il remporte
plusieurs victoires sur les Kharizmiens ainsi que
sur Ilek. Les habitants de Bokhara et de Sa-
marcande lui avaient ouvert les portes de leurs
villes* mais ses soldats, fatigués de ces guerres
de partisans, ayant comploté de le livrer à Ilek,
Monthasser se sauva chez une tribu turque, par
le chef de laquelle, Mahrouij, il fut assassiné.
Ce prince, d'un courage indomptable, digne d'un
meilleur sort, avait soutenu près de six ans la dy-
nastie mourante au milieu de plus de dix dynasties
rivales. Ch. R.
Mirkhond, Histoire des Samanides. — Otbl, Vie de
Mahmoud le Ghasnévide.
monthenault d'égly ( Charles - Phi-
lippe), érudit français, né le 28 mai 1696, à
Paris, où il est mort, le 2 mai 1749. D'abord
avocat, il fut ensuite attaché à M. de Baussan,
maître des requêtes, intendant de Poitiers et
d'Orléans. Quelques opuscules qu'il donna aux
journaux le firent remarquer, et de retour à Paris
il écrivit l'histoire des rois français de Sicile,
ouvrage qui lui ouvrit les portes de l'Académie
des Inscriptions (1741) ; il y succéda à l'abbé Ban-
nier. Après la mort de L.-F.-J. de La Barre
(1738), il se chargea de continuer le Journal de
Verdun. Devenu aveugle en 1745, il mourut à
la suite d'une longue et douloureuse maladie. On
a de lui •- Amours de Leucippe et de Clitophon,
trad. du grec; Paris, 1734, in-12 : cette ver-
sion, supérieure à celle de Duperronde Castera,
ne contient pasles passages trop libres de l'ori-
ginal ; on l'a attribuée inconsidérément à l'abbé
Desfontaines dans la réimpression qu'on en a faite
en 1796 (Paris, in-18 ); — Histoire des Rois
des Deux-Siciles de la maison de France;
Paris, 1741, 4 vol. in-12. « Elle renferme, dit
Bougainville, soit en abrégé, soit en détail, tout
ce que cette monarchie offre d'intéressant. Le
style en est pur, la narration claire, suivie, natu-
relle. L'historien ne s'y borne pas au récit des
événements, il en développe les causes»; —
10
291 MONTHENAULT
La Callipédie, ou la manière d'avoir de beaux
enfants; Paris, 1749, pet. in-8° : médiocre tra-
duction enprose du poème latin de Cl. Quillet;
— quelques Mémoires dans le Recueil de l'Aca-
démie des Inscriptions. P. L.
Bougainville, Eloge de Monthenault d'Égly, dans les
Mém. de VAcad. des Inscript ., XXIII.
MONTHiON ( François - Gédéon Bailly .
comte de), général et pair de France, né le 27 jan-
vier 1776, à l'île Bourbon, mort le 7 septembre
1850, à Paris. Fils d'un officier d'infanterie, il
s'engagea en 1793» devint aide-de-camp du gé-
néral Turreau, et lit avec lui plusieurs campa-
gnes dans l'ouest, sur le Bhin , en Suisse et en
Italie. Au combat de Suze il gagna le grade de
chef d'escadron. Sous l'empire il passa dans
l'état-major général, se distingua à Austerlitz,
et fut à la lin de la. guerre de 1805 chargé de
missions diplomatiques près des petites cours
d'Allemagne. Sa conduite en Prusse et en Polo-
gne ne fut pas moins brillante : elle lui valut les
insignes de commandant de la Légion d'Hon-
neur (1807), le titre de baron (1808) avec une
dotation de 10,000 fr. et le grade de général de
brigade (22 mai 1808). Ce fut lui qui à Bayonne
reçut les déclarations faites par le roi d'Espagne
Charles IV et par sa famille. Durant la cam-
pagne d'Autriche,, il assista aux batailles d'Eck-
mùhl, d'Essling et de Wagram, et le 15 août
1809 il fut élevé au titre de comte avec une
nouvelle dotation. Rappelé d'Espagne pour pren-
dre part à la guerre de Russie, il fut nommé
général de division (4 décembre 1812), seconda
le prince Eugène dans ses opérations sur l'Elbe,
et remplit à la fin de 1813 les fonctions de ma-
jor général de la grande armée en l'absence de
Berthier. En 1815 il fut blessé à. Waterloo; Mis
en non-activité par les Bourbonst.M. de Monthion
fut créé pair de France le 3 octobre 1837,. et
siégea jusqu'en 1848 dans les rangs de la. ma-
jorité. Son nom est inscrit sur l'are: de triomphe
de l'Étoile. K.
De Courcelles, Dict. hist, des, Généraux -français, I.
.WONTHîON. Voy. MONTVON1.
mostholon (François de), magistrat fran-
çais, né à Autun, vers 1490, mort à Villers-
Cotterets, lev12 juin 1543. Fils d'un avocat du
roi au parlement de Bourgogne; il s'attacha au
barreau de Paris, où il parut avec éclat. La
renommée de son talent lui fit confier, en 1522,
la célèbre cause duconnétable de Bourbon contre
Louise de Savoie, mère de François Ier, et contre
le roi lui-même, pour la succession de la maison
de Bourbon. Ce dernier prince, qui se rendait
incognito aux plaidoieries, fut si content de la
manière dont l'avocat* de sa partie adverse
parlait dans cette affaire, l'une des plus épi-
neuses qui aient jamais été agitées dans aucun
parlement, qu'il lui destina dès lors la charge
d'avocat général , charge dont il le pourvut en
effet en 1532, après la mort d'Olivier Aligret.
Deux ans après, Montholon fut nommé prési-
— MONTHOLON 292
dent à mortier au parlement, et enfin, en 1542,
garde des sceaux de France. Français 1er lui
ayant fait cadeau de 200,000 livres tournois,
somme alors très-considérable, et qui était Se
montant d'une amende dont il avait frappé
les habitants de La Rochelle, en punition d'une
révolte contre son autorité, «Montholon, dit
un écrivain du temps, ne les voulut ern-
bourser ; mais d'une très-grande vertu et sain-
teté qui l'accompagna jusques à la mort, il les
délaissa entre les mains des habitants, pour être
employées à construire et à doter un hôtel-Dieu,
en icelle ville , pour la substentation et nourri-
ture de tous pauvres malades et souffreteux
qui aborderoient céans. Ce qui a été fait depuis,
magnifiquement. » H. F.
mostholon (François de), son fils, mortâ
Tours, le 12 avril 1590, catholique zélé et avocat ■
estimé, hérita de la haute dignité de son père.
Henri II I lui remit les sceaux, le 6 septembre 1 588 :
mais après la mort de ce prince il les rendit, dans
la crainte d'être forcé de signer quelque édit ayant
rapport à la religion et qui pût blesser sa cons-
cience. H. F.
Duciiesne, Histoire des Chanceliers de France.
montholon ( Jean de ), canoniste français
né à Autun, mort à Paris, ie 10 mai 1528. Frèn
de François, premier du nom, il reçut à l'âge di
vingt-deux ans le -bonnet de docteur en droit
et fit profession chez les chanoines réguliers di
Saint- Victor, à Paris. Ses connaissances enthéoi
logie et en jurisprudence lui valurent à-ètm
promu au cardinalat par le pape Clément VII
mais il mourut avant d'avoir reçu les insigne: j
de cette dignité. On a de lui : Prompluarktnï
seu Breviarium Juris diviniet utriusque hu>
ma?ii; Paris, 1520, 2 vol. in-fol. C'est uni
espèce de dictionnaire alphabétique des matière:!
de droit. Il fut aussi l'éditeur du traité d'Étienml
d'Autun, De Sacramento altaris ; Paris, 1517
in-8°, traité qui se trouve dansla Bibliothèqiul
des Pè/es, VIe volume. H. F.
Papillon, Biblioth. des Auteurs de Bourgogne.
m.q.ktholon (Jacques, de), avocat fran
çais, né v«rs 1555, à Paris, où il est mort, l|
17 juillet 1622. Fils de François, deuxième du
nom, il plaida en 1611 au parlement de Pari I
pour les. Jésuites, attaqués par quelques mem
bres de l'université, et publia son Plaidoyer
Paris, 1612, in-80,. après l'avoir retouché et;
avoir ajouté les pièces justificatives. Il y réfut<!
victorieusement les assertions hasardées qiiij
renfermait le plaidoyer de son confrère P. de Li!
Martelière, et dans l'exorde duquel sont ridi>
culement rappelés la bataille de Cannes et le::
différends de Rome et de Capoue. Jacques di
Montholon a aussi publié : Arrêts de la Coui
du Parlement, prononcés en robe rouge d^pui'
1580; Paris, 1622, in-4°. Ce recueil, qui ai
dix-septième siècle eut plusieurs éditions, es
aujourd'hui totalement oublié. H. F.
Morérl. Dict. Hist.
293
montholon ( Charles - Tristan, comte
puis marquis de), général français, delà famille
des précédents, né à Paris, en 1782, mourut le
21 août 1853. De bonne heure il fut destiné à la
| profession des armes. A dix ans il fut embarqué,
l comme élève de marine, à bord de la frégate La
I Junon, qui fit partie de l'escadre commandée
j par l'amirai Truguet, lors de l'expédition contre
fia Sardaigne. En 1798, il entra dans l'armée et
| s'éleva promptement de grade en grade. A l'é-
Ipoque du 18 brumaire, il était chef d'escadron
| et se signala parmi les officiers dévoués au pre-
\ mier consul. Il servit dans les campagnes d'I-
> talie, d'Autriche, de Prusse et de Pologne. Il
! M grièvement blessé à Essling et honorablement
| ;ité dans le bulletin de l'armée. Après Wagram,
1 fut créé comte et attaché à la personne de
l 'empereur. Il fut alors chargé de plusieurs mis-
I ,ions délicates, notamment en 1811, où il fut
i mvoyé en qualité de ministre plénipotentiaire
» )rès de l'archiduc Ferdinand, à Wurlzbourg.
[ jes circonstances avaient, donné à ce poste une
! rès-grande importance. Montholon y déploya
il leaucoup de tact et d'habileté, et il adressa à
empereur un mémoire curieux sur la situation
intérieure de l'Allemagne et les dispositions des
\ irinces confédérés, qui n'attendaient qu'une occa-
jion favorable pour une nouvelle coalition. A
I I on retour à Paris, il fut promu au grade de
! \ ;énéral de brigade, et nommé commandant du
' ] lépartement de la Loire. En 1814 il se trouvait
|i Fontainebleau, et offrit à Napoléon un plan
i mrrli pour rallier les troupes de l'armée de l'Est
i |i t relever sa fortune. L'empereur refusa, pré-
i j oyant bien, disait-il, que les fautes des Bour-
t j ions ne tarderaient pas à lui offrir de meilleures
chances : « Restez en France, ajouta-t-il, et
t j anlez-moi votre fidélité. » Pendant la première
: estauvation, les parents et les amis de Monlho-
i lOn s'étaient groupés autour de Louis -XVIII. Il
! tait pressé par eux, et surtout par Sémonville, son
, I eau-père, et Macdonald son beau-lrère, de s'at-
j-Ucheraux Bourbons. 11 se tint pourtant à l'écart,
ta la nouvelle du débarquement de Napoléon,
le rejoignit dans sa marche sur Paris. L'em-
,<■ iereur le fit son aide-de-camp, et l'emmena avec
J>ni à Waterloo. Après cette fatale journée,
À jfontholon revint à Paris, et resta assidûment
lires de Napoléon. Le jour de son abdication,
i.i Mui-ci lui dit : « Bertrand hésite à m'accom-
jj 'îgner, Drouot me refuse. Vous me suivrez,
.latins, n'est-ce pas?» Montholon répondit sans
ftésiter et avec un.e profonde émotion : « Oui,
i élire! •> C'estainsi qu'il alla partager la captivité de
Ijiiiate- Hélène, où il resta jusqu'à la mort de
'japoléon. Dans les premiers temps, l'empereur
i.Jr'ait partagé entre ses compagnons d'exil le
*'rvice auprès de sa personne et les travaux de
f .ibinet. Mais après le départ de Lascases, en
;|i>vembrel8l6, et du général Gourgaud, en jan-
vier 1818, tout le poids du travail fut laissé à
1 ontholon. Celui-ci passait la plus grande partie
MONTHOLON 294
de la journée et souvent de la nuit auprès de Na-
poléon, soit pour écrire sous sa dictée, soit pour la
lecture ou la conversation. Pendant la maladie de
quarante jours qui amena la mort de Napoléon,
Montholon veilla nuitet jour à son chevet, comme
un fils l'aurait fait pour son père, et reçut sou
dernier soupir. Ce fut lui qui, sur la recomman-
dation expresse de l'empereur, lui ferma les yeux.
Il fut nommé l'un de ses exécuteurs testamen-
taires, et choisi comme dépositaire d'une partie
de ses manuscrits. De retour en Europe, il s'oc-
cupa avec zèle de l'accomplissement des volontés
consignées dans le testament de Napoléon, et, de
concert avec le général Gourgaud, publia les ma-
nuscrits légués à son attachement, sous le titre
suivant : Mémoires pour servir à l'histoire de
France, sous Napoléon, écrits à Sainte-Hé-
lène sous sa dictée ; 1823 et années suivantes.
Il lui aurait été facile, par ses relations de fa-
mille, de s'assurer une belle position. Il préféra
rester indépendant, et avec les deux millions que
lui avait légués l'empereur, il entreprit diverses
spéculations qui tournèrent d'une manière dés-
astreuse. Accablé de dettes et réduit à ne pou-
voir payer, il se réfugia en Belgique. Après la
révolution de 1830, il fut réintégré avec peine
dans l'armée; car si le gouvernement de Juillet
ne se montrait pas difficile pour admettre des
hommes d'une réputation endommagée, il était
rigoriste pour ceux qui avaient des billets pro-
testés. Le général Montholon n'occupa donc
point de position publique. En 1840 il figura
comme chef d'état-major dans l'expédition tentée
à Boulogne par le prince Louis-Napoléon. 11 fut
condamné par la chambre des pairs à vingt ans
de détention, et enfermé avec le prince au châ-
teau de Ham. Sa santé s'y étant sérieusement
altérée, il obtint la permission d'être transféré
dans une maison de santé. Après son rétablis-
sement, il lui fut fait des insinuations pour
conserver cette faveur, moyennant quelques
démarches; mais il sentit combien cette demi-
liberté aurait pour lui un caractère peu hono-
rable, et demanda à rentrer dans sa prison. II
n'en sortit que lorsque l'évasion du prince ren-
dait un plus long emprisonnement à la fois odieux
et inutile. Le gouvernement lui-même le mit en
liberté. Montholon se rendit en Angleterre, et en
1847 fit imprimer son ouvrage : Récits de la Cap-
tivité de Napoléon à Sainte-Hélène. Depuis
vingt ans, quelques parties de ce sujet avaient été
traitées par le comte de Lascases, O'Meara et
autres. Le premier attrait de la nouveauté était
passé, et Montholon se borna avec raison à re-
produire les passages les plus intéressants de son
journal. Là viennent se- réfléchir les phases de
ces six longues années de vains regrets, de vie
monotone, de querelles avec le gouverneur Hud-
son Lowe, et de conversations intimes qui par-
fois vinrent animer celte triste existence de l'exil.
Ces Récits avaient d'abord pani en feuilletons.
Pour en former un corps d'ouvrage, l'auteur les
10.
295
rétablit dans leur ordre naturel
journal tenu pendant six ans. Après la révolution
de Février, Montholon fut élu en 1849 à l'As-
semblée législative, par la Charente-Inférieure;
mais il n'y joua qu'un rôle insignifiant. 11 mourut
quatre ans après. Son fils aîné a suivi la carrière
consulaire, et depuis plusieurs années il remplit
à New-York les fonctions de consul général de
France.
Le général Montholon a publié aussi quelques
autres écrits : De V Armée française; 1834 ; —
Fragments religieux inédits de Napoléon,
recueillis à Sainte- Hélène; 1841 ; et a fourni
quelques articles au Dictionnaire de la Con-
versation. J- CflANUT.
Rabbe, Biogr. des Contemporains. — Biographie du
général Montholon, 1849. — Dict. de la Conversation. —
Récits de la captivité de Napoléon à Sainte-Hélène,
2 vol., 1847.
monti (Pierre), tacticien italien, né à Milan,
vers l'an 1460,mort vers 1530; après avoir étudié
dans sa patrie, il passa au service de la république
de Venise, et obtint le commandement d'un corps
d'infanterie. Il composa deux ouvrages relatifs
à sa profession d'homme de guerre , imprimés
l'un et l'autre à Milan en 1509 : Exercitia atque
artis militaris Colleclanea, et De singulari
Certamine; plus tard livré à des études de
théologie, il mit au jour un gros volume de con-
troverse, qui même à cette époque trouva sans
doute peu de lecteurs : De unius legis veritate
et sectarum jalsitate Libri XI; Milan, 1522,
in-fol. G. B.
Argelati, Bibliotheca Scriptorum Mediolanensium ,
t. II, p. 956 et 2009.
monti (Pietro), quarante-neuvième grand-
maître de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem,
mort en janvier 1 57 2, à Malte. Avant de succéder à
Jean de La Valette (1568), il avait été successive-
ment gouverneur du château Saint-Ange à Rome,
amiral de l'ordre, général des galères de Malte,
ambassadeur auprès des papes Pie IV et Pie V,
etprieurdeCapouedela langue d'Italie. Pendant
sa courte administration, il fit achever la Cité-
Valette, et contribua de tous ses efforts à la vic-
toire de Lépante. Il fut remplacé par Jacques de
La Cassière. P-
Bosio, Hist. de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem.
monti (Antonio de'), peintre de l'école ro-
maine, né vers 1538, mort vers 1588. Connu
sous le nom du quartier qu'il habitait à Rome,
il se fit une telle réputation dans le portrait que
le pape Grégoire XIII posa devant lui. A cin-
quante ans, il périt misérablement renversé et
foulé aux pieds par un buffle furieux. E. B — n.
Baglione, Vite de' Pittori dal 1573 al 164».
monti (Gian- Giacomo), architecte et peintre
italien, né à Bologne, en 1 62 1 , mort en 1 692 . Élève
de Mitelli et de Colonna, il accompagna ces deux
artistes à Florence et à Modène, où il les aida
dans leurs travaux Devenu lui-même habile
peintre de décoration et de perspective, il s'as-
socia à Baldassare Bianclii et à G.-B. Caccioli.
MONTHOLON — MONTI 296
l'ordre de son ; Ils travaillèrent ensemble à Sassuolo, villa du
duc de Modène, où ils peignirent, en 1651, la ga-
lerie de Bacchus, leur meilleur ouvrage. A Mo
dène , ils décorèrent la bibliothèque et cinq sa-
lons du palais ducal, et contribuèrent à la pomp<
de toutes les fêtes publiques. En 1663, le du<
Alfonse IV étant mort, ils furent chargés d'
la pompe de ses funérailles, et à cette occasioi
ils décorèrent de fresques, qui existent encore
le chœur de l'église Saint-Augustin. Dans l'an
née même Monti revint habiter Bologne, où i
paraît s'être adonné plus particulièrement ■
l'architecture. On ne connaissait encore de lui ei
ce genre que Véglise de Saint- Augustin de Mo
dène, édifice médiocre, attribué aussi à Loragt
et Piazza. A Bologne, Monti érigea, en 1688, 1
belle église du Corpus Domini , et bâtit un
belle galerie dans sa maison, aujourd'hui palai
Monti. Sa plus importante entreprise est le gran
portique de 3 kilomètres de long qui joint Bologn
à l'église de la Madonna di S.-Lnca. E. B—t
Crespi, Felsina pittrice. — Orlandi. — Ticozzi. — Lanz
— Campori.— Lazzarelli, V ita di Fontana. — Millzis
Memorie degli Architetti.
monti (Francesco), dit le Bresciannin
délie batlaglie, peintre de l'école vénitienne
né à Brescia, en 1640, mort à Parme, en 171S
Élève de Pietro Ricchi, puis du Borgognone,
imita ce dernier dans ses sujets et son styh
mais il lui fut inférieur surtout dans le coloris
A Parme, où il s'était fixé , il peignit plusieui
tableaux religieux, tels qu'une Visitation ; Saint
Lucie et Saint Antoine; une Résurrection d
Christ (1670). Ses tableaux de batailles soi
très-nombreux dans les galeries de Parme, c
Rome, de Venise, de Naples et de l'Allemagm
où souvent ils sont attribués au "Borgognom
Monti avait ouvert à Parme une académie, où
eut pour élève Ilario Spolverini. E. B— n.
Campori, Gli Artisti negli Stati Estensi. — Bertoluzi
Guida per osservare le Pitlure di l'arma.
3iONTi (Innocenzio), peintre de l'école bc
lonaise, né à Imola, florissait de 1680 à 17L
Élève de Carlo Cignani , son meilleur ouvrag
est une Circoncision qu'il peignit en 1690, pot
l'église du Giesù à La Mirandole, et qui a él
restaurée en 1854. II passa une partie de sa y\
en Allemagne et en Pologne. E. B — n.
Campori, Gli Artisti negli Stati Estensi.
monti (Filippo- Maria), prélat italien, r
le 23 mars 1675, à Bologne, mort le 17 janvii
1754, à Rome. Issu d'une illustre famille orig
naire de Toscane, il acheva ses études à Bologr.
et se rendit à Rome, où son mérite et son savoi
le firent élever à plusieurs emplois honorable
sous les papes Clément XI et XU. En 1743, Bi
nolt XIV lui conféra là pourpre. En mourant
légua à l'Institut de Bologne sa bibliothèque
composée de 12,000 vol., et une collection c
portraits de savants italiens et étrangers qu'
avait formée à grands frais. On a de lui : Rom
tutrice délie belle arti, sculluraed architei
tura, discours prononcé en 1710 devant l'Ac;
297 MONTI
demie de Saint-Luc et inséré dans le t. III des
Prose degli Arcadi; — Elogia cardinalium
pielate, doctrina, legationibus ac rébus pro
gcclesiagestisillustrium apontificatu Alexan-
dri III ad Benedictum XIII ; Rome, 1761,
in-4°. P.
monti (Antoine-Félix, marquis de), gé-
néral français, frère du précédent, né le 12 juil-
let 1681, à Bologne, mort le 13 mars 1738, à
Paris. Destiné d'abord à l'état ecclésiastique,
il se tourna vers la carrière des armes, s'at-
tacha au duc de Vendôme, qui commandait en
Italie, et le suivit en Espagne, où il donna tant
de preuves de sa valeur qu'il parvint au grade
de colonel. « Comme il avait de l'esprit et du
sens, dit Saint-Simon, il était bien reçu dans
les meilleures compagnies , et avec cela fort
honnête homme, quoique ami intime d'Albe-.
roni. » En effet, ce dernier l'employa dans plu-
sieurs négociations , ce qui le fit en 1719 bannir d«
France par lettre de cachet, avec défense en
même temps d'aller en Espagne. Rappelé par
le cardinal de Fleury, qui faisait beaucoup de cas
de ses talents, il fut nommé en 1730 envoyé ex-
traordinaire à la cour de Varsovie, et muni d'ins-
tructions particulières sur la manière de se con-
duire dans le cas où le trône deviendrait vacant
par la mort du roi Auguste. Quand cetévénement
arriva (1733), Monti, qui avait mis dans ses in-
térêts la plupart des nobles polonais, contribua à
faire donner la couronne à Stanislas Leczinski. Il
accompagna ensuite ce prince à Dantzig, et déter-
mina les magistrats de cette ville à soutenir un
siège, qui se prolongea pendant cinq mois. Après
avoir par des moyens adroits favorisé la fuite de
Stanislas, il se remit de lui-même aux mains
des Russes, et fut conduit à Thorn, où il resta
prisonnier jusqu'en 1736. Il avait eu à Dantzig
la disposition des grandes sommes fournies par
la France ; il en rapporta plus d'un million
qu'il aurait pu aisément s'approprier, et le ren-
dit au ministère, qui était bien loin de s'attendre
à un tel acte de délicatesse; nommé pendant son
absence maréchal-de-camp ( 13 février 1734), il
devint lieutenant général en 1736 et chevalier des
ordres en 1737. « Il était encore dans la force de
l'âge, ajoute Saint-Simon, quand il mourut, de dé •
plaisir de sa misère ; il fut fort regretté, et mérita
de l'être. « P.
2!)8
Moréri," Grand Dictionn. Historique. — OEuvres du
Philosophe bienfaisant ( Stanislas ) , \ , 27. — Saint-Si-
mon, Mémoires (édit. Chéruel ), XI.
monti (Giovanni-Battista), poète italien,
né en 1688, à Bologne, où il est mort, le 28 dé-
cembre 1766. Il était parent des précédents et
appartenait à un grand nombre d'Académies-, où-
il fit souvent admirer son éloquence et ses con-
naissances variées en littérature. On cite de lui :
Cento Sonetli sagri e cento Brindisidi Minto
del Picciol Reno ; Venise, 1733, in-8° ; — Tes-
iamento, ovvero preparazione alla, morte;
Bologne, 1746, 1747, in-8° : trad. du latin du
cardinal Bona; — // Giovane civile, ovvero
prccelti di civillà praticati in Francia, ri-
cordali del Galateo e da allri autori; Bo-
logne, 1752, 2 part.; — Applausi a principi ;
Bologne, 1755; — Tabacco, suo utile e giova-
mento e pregiudizi del medesimo; Boiogne,
1756, in-8° : recueil de chansons; — La nuova
Galleria, ovvero cento racconti curiosi e pia-
cevoli; Venise et Bologne, 1757, 2 part. in-8°:
Son frère aîné, Monti ( Giuiio ), né en 1687,
à Bologne, où il est mort, le 10 décembre 1747,
fut chanoine et secrétaire du cardinal Pompée
Aldrovandi, et publia dans le dialecte bolonais
des poésies imprimées en 1764 avec le recueil de
Giuseppe Pozzi. Il a aussi traduit en italien Gil
Blas (Venise, 1746, 1750). P.
Dizionario istorico Bassanese.
monti ( Giuseppe), botaniste italien, né en
1682, àBologne, où il est mort, le 4 mars 1760.
S'étant accoutumé de bonne heure à la culture
des plantes médicinales, il s'appliqua à l'étude
de la botanique et des autres branches de l'his-
toire naturelle, entreprit de fréquentes excur-
sions dans le territoire de Bologne ainsi que
dans la chaîne des Apennins, et forma une riche
collection de minéraux, de pierres et de coquil-
lages. Appelé à la direction du musée de l'Ins-
titut de sa ville natale, il enseigna à l'université
l'histoire naturelle ( 1720) et la matière médi-
cale ( 1736). Micheli a donné le nom de montia
à un genre de la famille des portulacées. On a
de Monti : De Monumento diluviano super
agro Bononiensi détecta Dissertatio ; Bologne,
1719, in-4°, fig. ; le monument qu'il décrit est
une portion de tête de morse ; — Catalogi stir-
pium agri Bononiènsis Prodromus gramina
ac hujus modi affinia complectens ; ibid.,
1719, in-4°, fig.; on n'y trouve ni méthode ni
tableaux; — Plantarum varii Indices ; ibid.,
1724,in-4° ; outre une histoire fort succincte de
la botanique, ce recueil contient trois catalo-
gues de plantes ; — Exotlcorum Simplicium
medicamentorum Indices ; ibid., 1724, in-4° :
cet ouvrage, ainsi que le précédent, a été repro-
duit avec des changements et additions par les
fiis de l'auteur, Petronio et Gaetano, sous le
titre d'Indices Botanici et materiee medicas
(Bologne, 1753, in-4°). P.
Rotermund, Supplém. à Jôcher.
monti (Francesco), peintre de l'école bolo-
naise, né à Bologne, en 1685, mort en 1768.
Élève de Gioseffo del Sole, il joignit un bon co-
loris à une grande richesse de composition.
Le tableau de l'Enlèvement des Sabines com-
mença sa réputation. II travailla beaucoup pour
les galeries et les églises de Bologne, de Turin
et de Brescia. Ses principaux ouvrages sont : La
Vierge, Saint Joseph et Saint Jean-Baptiste,
à Bologne ; et Le Triomphe de Mardochée, à
Turin. Il fut le maître de sa fille Eleonora, née
en 1727, et qui peignit le portrait. E. B— n.
Crespi , Felsina pittrice. — Lanzl , Storia.
299
monti (Vincenzo), poëte italien, né le 19 fé-
vrier 1754, à Alfonsine, dans le district de Leoni
(que sa famille quitta bientôt pour Maïano près
de Fusignano clans la Romagne), mort à Milan,
le 13 octobre 1828. Il fit ses études à Fusignano,
au séminaire de Faenza, et à l'université de
Ferrare. Son instruction n'était ni très-forte ni
très-variée, mais il possédait bien le latin et
connaissait parfaitement Virgile, qu'il plaçait au-
dessus de tous les poètes. Son talent se mani-
festa d'abord par des compositions latines, puis
il s'adonna uniquement à la poésie italienne. Son
premier modèle fut le facile et spirituel Frogoni,
alors très à la mode ; mais sur les conseils de
deux Ferrarais de mérite, Alfonso Varano et
Onofrio Minzoni, il revint promptement à de
meilleursguides. L'Arioste et Dante furent, dans
sa langue maternelle, les objets de sa prédilec-
tion et de ses études. Il y ajoula les prophètes
bibliques et plus tard les poètes grecs, qu'il ne
lisait malheureusement que dans des traduc-
tions latines. Ses premiers essais attirèrent l'at-
tention du légat de Ferrare, le cardinal Bor-
ghèse, qui l'emmena à Rome en 1778. L'année
suivante parut à Livourne un volume de poé-
sies, composé d'œuvres juvéniles, en général peu
dignes de mémoire, mais où l'on remarque une
Vision d'Ezéchiel qui annonce un disciple de
Dante. Un neveu de Pie VI, le prince Luigi Bras-
chi, dont il avait célébré le mariage dans un
chant en terza rima, intitulé La Rellezza deW
Vniverso, le prit pour secrétaire. Dans cette
position, qui le mettait en rapport avec les
nommes les plus distingués de Rome, son talent
se fortifia surtout par l'étude de l'antiquité, que
lui conseillait un de ses meilleurs amis, le grand
archéologue Ennius Qoirinus Visconti. Ce talent
lie s'était encore employé que sur des sujets
secondaires ou de circonstance, lorsque le voyage
d'Alfieri à Rome inspira à Moaii l'idée de riva-
liser avec le célèbre poëte piémonlais. La tra-
gédie (YAristodemo, jouée en 1785, fut le résul-
tat de celte émulation, et laissa les juges indécis
entre l'ordonnance sévère du drame d:Alfieri,
l'énergique concision de son dialogue, et les
beautés, plus éclatantes et plus pathétiques, de
Monti. Aujourd'hui la tragédie du poète romain
ne nous paraît plus qu'une belle étude de style,
dénuée d'invention, et qui ne promettait pas un
poëte dramatique. Dans sa seconde pièce, Ga-
leotto Manfredi, prince de Faenza, il essaya de
mettre plus de variété et de naturel et de se rap-
procher de ce qu'on appela plus tard le drame ro-
mantique ; et sans y réussir complètement, ii donna
des preuves d'un talent vigoureux et flexible.
Pendant les années qui précédèrent la révo-
lution française, le poëte, patronné par les plus
liants prélats de la cour de Rome et payant
leur protection par des flatteries poétiques, mena
une vie tranquille que troublèrent à peine des
querelles littéraires, auxquelles il se mêlait vo-
lontiers et qui lui fournissaient l'occasion d'exer-
MOjNTI 30
cer son talent pour l'épigramme. A cette époqi
appartiennent YOde à Monigolficr, YAmor pi'
regrino, YAmor vergognoso, un petit poërr
en terza rima intitulé 11 Peltegrino apostc
lico sur le voyage de Pie VI à Vienne, et d<
sonnets Sulla Morte di Giuda, et le premie
chant d'unpoëme, LaJFeroniade, destiné à célt
brer les grands travaux entrepris par le gouve
nement pontifical pour l'assainissement des nu
rais Pontins. Les troubles de la révolution, avai
d'atteindre sa paisible existence, lui fournirei
des sujets de poésie. Quelques-uns de ses pr<
tecteurs lui demandèrent de célébrer la mort t
Hugou Bassville, agent de la république françaisi
assassiné à Rome le 13 janvier 1793. Par ui
invention poétique très-heureuse, Monti, au lie
de faire l'apologie de cet odieux attentat conti
le droit des gens, glissa sur le meurtre et chan:
la rédemption de Bassville. Le malheureu:
frappé d'un coup de poignard au ventre, éta
mort dans des sentiments de repentir chrétiei
acte de contrition qui, suivant le poëte, le sam
de l'enfer, mais ne le dispense pas du purgatoin
or ce purgatoire, pour lui, c'est le spectacle de
calamités innombrables que la révolution di
chaîne sur la France, et dont elle menace l'Ei
rope. Le tableau général de la révolution s
trouve ainsi lié à un fait particulier, et deviei
le véritable sujet du poëme. C'est une conce]
tion vraiment poétique, exécutée avec une v
gueur et une magnificence de style qui rai
pellent Virgile et Dante. La Bassvilliana s'ai
rête au quatrième chant lorsque, dans le ciel <
sur la terre, la guerre générale est proclama
contre la France. La guerre ne tourna pascomrr
on l'espérait à Rome, et Monti se dispensa c
terminer son poëme, sous le prétexte que la d<
faite de la coalition, en prolongeant indéfinimei
la durée de la révolution, détruisait tout son pla
et ne lui laissait aucune espérance de tirer so
héros du purgatoire. D'ailleurs les circonstance
changeaient et entraînaient le poëte dans un
autre direction. L'armée française, sous les ordre
de Bonaparte, conquit le Milanais en 1796. Mon
quitta Rome vers le même temps, et après avoi
séjourné à Bologne, puis à Ferrare, où il publi
le premier chant d'un poëme de Promélhée,
se rendit à Milan, devenu la capitale d'une repu
blique cisalpine. Des vers en l'honneur de I
liberté et de la révolution lui concilièrent la fa
veur du nouveau gouvernement, qui le choisi
pour secrétaire. Une fois lancé dans ce nouvea
courantd'idées, il alla jusqu'à composer un chan
pour le théâtre de la Scala, à l'occasion de l'an
niversaire de l'exécution de Louis XVI. La ré
publique cisalpine fut renversée en 1799, pa
l'armée austro-russe que commandait Suwarow
Monti, avec beaucoup d'autres Italiens compromis
dans la cause de la révolution, se réfugia ei
France. Le gouvernement français lui accord,
des secours, et fut même, dit-on, sur le point d<
créer pour lui une chaire de littérature italienm
101
MO.NTl
302
au Collège de France; mais il y renonça, parce
que des ennemis du poëte l'accusèrent d'avoir
fait des vers en l'honneur du général Suwarow :
accusation fausse, mais non pas invraisemblable.
Pendant son séjour en France, Monti acheva sa
tragédie de Caio Gracco, œuvre d'une poésie
élégante, ferme, mais trop souvent déclamatoire
et qui n'égale pas l'Àristodemo. La victoire de
Marengo lui rouvrit l'entrée de l'Italie. Il célébra
son retour par une de ses plus heureuses inspi-
rations, l'hymne charmant et promptement de-
venu populaire qui commence ainsi
Bell' Italia , amate sponJe ,
lo tomo a riveder.
Il composa peu après un poëme ooeantica sur.
la mort de son ami le savant Mascheroni, qui
avait succombé en France, dans l'exil, en 1799.
La Mascheroniana est le pendant et, sur cer-
tains points, la contre-partie de La Bassvilliana.
Les sentiments sont plus calmes, le style plus
touchant. On a remarqué qu'il existait entre ces
deu£ visions la même différence qu'entre L'Enfer
et Le Purgatoire de Dante.
Monti fut nommé professeur d'éloquence à
l'université de Pavie en 1803, mais ses leçons se
bornèrent à quelques discours d'ouverture. En
1805, lorsque Napoléon vint prendre la couronne
de f«r, le poëte célébra l'avènement du nouveau
Charlemagne dans une Vision dantesque, qui lui
valut le titre d'historiographe du royaume d'Ita-
He. Au lieu d'histoire il continua de donner de
la poésie. En 1806 , il publia six chants d'un
poëme en l'honneur de Napoléon, qu'il intitula
Le Darde de la Forêt Noire. Il y célèbre la cam-
pagne de 1805,1a grande bataille d'Austerlitz ,
Texaltation de l'électeur de Bavière à la dignité
royale, le mariage de la fille du nouveau roi avec
le prince Eugène. Dans cette composition, Monti
'traitait naturellement fort mal les Autrichiens et
les autres ennemis de Napoléon; mais le poëme
était à peine commencé que le vainqueur se ré-
concilia avec les Autrichiens. Le barde se rejeta
sur les barbares du'Nord, les Russes, qui étaient
encore en guerre avec la France; mais le traité
de Tilsitt établit une union intime entre Napo-
léon et l'empereur de Russie Alexandre : il ne
fut plus permis d'attaquer le nouvel et puissant
allié. Il y avait dans de pareils revirements de
quoi déconcerter un poëte même aussi flexible
que Monti. Laissant de côté sa grande composi-
tion , il se borna à des pièces de circonstance
sur des membres de la famille impériale. Ma-
riages, naissances, baptêmes, Joseph, Eugène,
Murât, il célébra tout en vrai poëte de cour,
avec une grande élégance de style, une candeur
adulatrice imperturbable et probablement, au
•fond, avec une parfaite indifférence. Chevalier
de la Couronne de Fer et de la Légion d'Honneur,
décoré et pensionné par Murât, membre de l'Ins-
titut du royaume d'Italie, il jouissait tranquiU
lement de sa position, lorsque les événements de
1814 renversèrent la dynastie napoléonienne.
François, empereur d'Autriche, succéda à Napo-
léon comme roi d'Italie. Monti chanta le juste et
pacifique gouvernement de François, et François
conserva au poëte la pension qu'il avait sous
Napoléon. Il y eut donc peu de changement dans
sa situation. D'ailleurs il n'était nullement
homme politique, et sous François comme sous
Napoléon, il continua d'être simplement le plus
accompli des littérateurs italiens. Depuis La
Mascheroniana, ses ouvrages les plus remar-
quables étaient une excellente traduction de
Perse, et une traduction de L'Iliade d'Homère,
élégante, facile et assez fidèle. Monti, qui ne sa-
vait pas un mot de grec, s'était servi des traduc-
teurs et des commentateurs latins, ce qui faisait
dire à Ugo Foscolo :
Questi è Vincenzo Monti cavaliero
Gran traduttor del traduttor' d'Omero.
Monti maria sa fille au comte Perticari de Pe-
saro. Le gendre et le beau-père s'associèrent
pour la publication d'un ouvrage philologique
intitulé Proposta di alcune correzioni ed aq-
giunle al Uizionario délia Crusca, qui devint
le signal d'une guerre de plume entre les litté-
rateurs lombards et les toscans, ou plutôt entre
les exagérés des deux partis. L'ouvrage est du
reste intéressant, et contient de bonnes discus-
sions sur divers points de philologie et d'histoire.
Monti se mêla aussi à la querelle des classiques
et des romantiques. Il lui était pénible, à son âge,
de reconnaître qu'il avait toute sa vie sacrifié à
de fausses divinités. Dans son Sermone sulla
mitologia il s'éleva en beaux vers contre « cette
école septentrionale qui a décrété la mort de
tous les dieux de l'Olympe ». L'éloquence du
plaidoyer ne pouvait sauver une mauvaise cause.
Monti aurait dû songer qu'en secouant le joug
de l'école de Frugoni il était entré dans la voie de
l'innovation ou de la rénovation, et que d'autres,
plus jeunes, devaient aller plus loin. Aristo-
demo, la Bassvilliana, la Mascheroniana
étaient déjà des œuvres romantiques, c'est-à-
dire qui tendaient à renouveler la littérature
italienne; il était naturel qu'à cette innovation
incomplète succédassent les innovations, plus
larges, de l'école romantique. Ce Discours sur la
Mythologie fut une des dernières productions
de Monti. Le poëte mourut quelque temps après,
dans des sentiments de piété qui furent très-re-
marques. Sa femme, Teresa Pikler, qu'il avait
épousée en 1791, mourut en 1834.
Monti est un des plus parfaits écrivains de la
littérature italienne. Plus qu'aucun des poètes de
son temps, il contribua à ramener ses compa-
triotes vers les véritables modèles, et il laissa
lui-même des modèles de style. C'est par la
forme que ses ouvrages vivront ; pour le fond ils
attestent plus souvent la versatilité du poste
que son génie, et méritent peu de survivre aux
circonstances qui les inspirèrent. On a de lui :
Poésie; Livourne, 1779; Parme, 1787; — Ans-
lodemo, tragédie; Parme, 1786, 1787, in-S°.
303
MONTI — MONTIGNY
30^
réimprimée avec Galeotto Manfredi; Rome,
1788, in-8°; — La Bassvilliana, cantica in
morte di Ugo Basville; Rome, 1793, in-8°; —
La Musogonia, poëme; 1797; — La Maschero-
niana, poëme, 1801 ; — une traduction de Perse,
1803 ; — Il Bar do délia Selva Nera, poème en
six chants; 1806 ; — une traduction de L'Iliade
d'Homère; Brescia, 1810, 3 vol. in S"; — Pro-
posta di alcune correzioni ed aggiunte alYo-
cabulario délia Crusca ; Milan, 1817-1824, 6 vor.
in-8", avec un appendice publié en 1826. Les
éditions de ses œuvres sodî : Opère varie;
Milan, 1825-1827, 8 vol. in- 16, contenant 17-
liade tradotta, les Poésie varie, les Poemetli
varii, les Satire di Persio tradotte con nuove
correzioni, les Tragédie, les Dialoghi; —
Opère; Boiogne, 1827-1828; 8 vol. in-16; —
Opère inédite e rare; Milan, 1832-1834; 5 vol.
in-8°; — Opère; Milan, 1839 et années sui-
vantes, 6 vol. in-8°. L. J.
Notizie sulla vita e sull' ingegnodi Vincenzo Monti;
Milan, 1828. — Tommaseo, Articolo necrologico su
V. Monti ; Florence, 1828. — Bozoli, Ragionamento délia
vita e délie opère del cavalière Vinc. Monti; Ferrare,
1837, in-16. — G. A. Maggi, dans la Biografta Italiana
de Tipaldo, vol. VII.
monti ( Giuseppe de' ) . Voy. Franco.
monti (J.-.B.). Voy. Montano.
MONTIANO Y LUYAXDO ( Agustin DE),
littérateur espagnol, né dans la Biscaye, en 1697,
mort en 1759. Il passa sa vie à Madrid, où le re-
tenaient des fonctions qu'il remplissait à la cour.
C'est -vers le théâtre que ses travaux se por-
tèrent avec prédilection. En 1729 il fit paraître
une pièce intitulée El Robo de Dina dont le
sujet était emprunté à la Genèse; elle semble
avoir reproduit en grande partie une comedia de
Lope de Vega qui porte le même titre. Plus tard
TMontiano changea de principes littéraires : il
devint l'adversaire de l'ancien théâtre castillan,
et il s'éprit de la régularité froide et classique
des auteurs tragiques français contemporains de
Louis XV ; La Fosse et Campistron devinrent
ses types de prédilection. Il critiqua les vieux
dramaturges dans deux Discursos sopre las
Comedias espanolas (1750 et 1753, in-12), ac-
compagnés de deux tragédies, Virginia, et
Athaulpho. G. B.
Ticknor, ffist. of Spanish Literature, III, 307.
monticelli (Andréa), peintre italien , né à
Bologne, en 1640, mort en 1716. Élève d'Agostino
Mitelli et de Matteo Borbone, il devint universel,
peignant avec un égal talent, à la détrempe ou
a l'huile, des Heurs, des fruits, des vases, des
marines, des paysages, des perspectives, des
décorations et des tapisseries feintes. Il fut très-
employé à Florence et dans d'autres villes d'I-
talie et même en France. E. B— n.
OrlandI, Abbecedario. — Winckelmann, Neues. Mah-
lerlexikon.
montignot ( Henri), savant. ecclésiastique
français, né vers 1715, à Nancy. Il était chanoine
de Toul, docteur en théologie et membre de
l'Académie de Nancy. On a de lui : Remarques
ihéologiques et critiques sur ^'Histoire di
Peuple de Dieu du P. Berruyer ; 1755, in-12
— Le P. Berruyer justifié (contre les attaque
du P. Maille) ; Nancy, 1759, 2 part, in-12; -
Dictionnaire diplomatique ou Etymologie de.
termes de la basse latinité pour servir à Vin
telligence des archives , des chartes , elc.
Nancy, 1787, in-8° ; — Réflexions sur les ira
munîtes ecclésiastiques ; Paris, 1788, in-8°
avec J. Chas ; — État des Étoiles fixes au se
cond siècle par Cl. Ptolémée, comparé à h
position des mêmes étoiles en 1786, avec l
texte grec et la traduction française ; Nancy
1786, et Strasbourg, 1787, in-4° ; outre le cata^
logue d'étoiles , on y trouve encore le texte e
la traduction du livre VII de VAlmageste d<
Ptolémée, avec une carte des constellations d'a<
près cet astronome. K.
Quérard, La France Littéraire.
MONTIGNY LE BOULANGER (Jean DE)
Voy. Leboolanger.
montigny (Jean de), poète et prélat français,
né en 1637, en Bretagne, mort le 28 septembre
1671, à Vitré. Fils d'un avocat général au parle
ment de Bretagne, il montra dans sa jeunesse
d'heureuses dispositions pour les lettres. Nommé
aumônier ordinaire de la reine Marie-Thérèse, ii
occupa cet emploi pendant plusieurs années,
devint en 1670 évêque de Léon, et mourut aux
états de Vitré. « C'est un dommage extrême
que la mort de ce petit évêque, écrit Mme de
Sévigné; il avait un des plus beaux esprits du
monde pour les sciences : c'est ce qui l'a tué ;
comme Pascal , il s'est épuisé. » Ailleurs elle
ajoute qu'il était « cartésien à brûler ». L'abbé
de Montigny 'avait été admis à l'Académie Fran-
çaise , en remplacement de Gilles Boileau (jan-
vier 1670). Selon d'Olivet, sa prose est correcte,
élégante, nombreuse; sa versification coulante,
noble, pleine d'images. On a de lui : Lettre à
Éraste pour réponse à son libelle contre La
Pucelle de Chapelain; Paris, 1656, in-4°; —
Oraison Junèbre d'Anne d'Autriche; Rennes,
1666, in-4°; — Lettre contenant le voyage
de la cour en 1660 ; dans le Recueil de quel-
ques pièces nouvelles et galantes, t. Ier; —
des poésies diverses, .imprimées dans les re-
cueils du temps, entre autres Le Palais des
Plaisirs , petit poëme composé en réponse au
Séjour des Ennuis de René de Montplaisir, et
qui fait partie du Recueil de Poésies chré-
tiennes, t. IL Saint-Marc avait annoncé le projet
. de rassembler les poésies de Montigny, mais il
n'y donna pas de suite. P. L — y.
D'Olivet, Hist. de l'Acad. Française. — MM de Sévi-
gné, Lettres du 1er au 30 sept. 1671. — Saint-Marc, dan»
L'édit. des OEuvres de Montplaisir, 141.
montigny (Charles-Claude de), littérateur
français, né le 8- avril 1744, à Caen, mort le
25 novembre 18 1 8, à Paris. Avocat au parlement
de Rouen, ii devint pendant la révolution com-
missaire du gouvernement près les tribunaux du
305
Puy-de-Dôme. On a de lui
l'Allemagne; Paris, 1775-1779, 6 vol. in-12;
- Traité philosophique , théologique et pra-
tique de la loi du Divorce demandée aux
ïtats par L.-Ph. d'Orléans; s. 1. (Paris),
uin 1787,in-8° ; — Réclamation pour C. Des-
noulins, précédée de notes historiques sur
'étal de bourreau chez les principales no-
tons connues ; Paris, 1790, in-8°, sous le psen-
lonyme de Mitouflet; — Alphabet universel,
i« sténographie méthodique applicable à
'art typographique; Paris, 1799, in-8°; —
'.es plus illustres Victimes vengées des in-
ustices de leurs contemporains ; Paris, 1802,
n-8° , réfutation des Mémoires du règne de
jouis XVI de Soulavie; — Mémoires histo-
iques de Mm«s Adélaïde et Victoire de
?rance , filles de Louis XV; Paris, 1802, 3
ol. in-12; cette première édition fut réprouvée
ar l'auteur, qui en donna une autre, augmentée
e notes sur les révolutions de France , de Sar-
aigne, de Rome et de Naples; Paris, 1803,
vol. in-12 ; — Abrégé du traité de la Langue
xacte adaptée à l'imprimerie et à la sté-
ographie de Taylor; Paris, 1805, in-4°, pi.;
- De la Monarchie sous la maison de Bour-
on; Paris, 1815, in-8°; ce volume contient VA-
'resseaux Français et aux alliés sur le re-
our de Louis XVIII, qui avait paru en juillet
815. Montigny a encore publié des mémoires
t plaidoyers et il a collaboré au Supplément
le V Encyclopédie et au Répertoire de Juris-
prudence de Guyot.
Un auteur du même nom, Montigny (Jean-
Iharles-François Bidault de ), avocat au par-
ement de Paris, mort dans cette ville, le 7 mai
782, a laissé plusieurs poésies assez médiocres,
les parodies, L'École des Officiers, comédie en
:inq actes (1764, in-8"), un Éloge de Marie
leczinska (1768, in-40;), et des Étrennes pitto-
resques, allégoriques et critiques (1778, in-12).
K.
Journal de la Librairie, 1818. — Biogr. nouv. des
Zontemp,
montigny (Louis-Gabriel) , officier et lit—
érateur français, mort le 11 janvier 1846, à
3aris. Il fit là plupart des campagnes de l'em-
)ire, et assista en qualité de capitaine an siège
l'Anvers, où il fut blessé; au mois de janvier
.833, il fut nommé chef de bataillon au 28e de
igné. Ayant été mis en demi-solde sous la res-
auration, il se jeta dans la presse libérale, col-
abora au Miroir et devint le principal rédacteur
le La Pandore. Il écrivit aussi des romans et
les pièces de théâtre; dans ce dernier genre
ious citerons celles qu'il a signées seul : Les
Français en cantonnement (1821), Mon Cou-
;in Lalure (1822), Le Carnaval (1826), Le
"ommis voyageur (1826), Mon Ami de Paris
1826), Le Café de la garnison (1827), etc. On
i encore de lui : Fragments d'un Miroir brisé,
anecdotes contemporaines, avec un choix de
MONTIGNY 306
Histoire générale ! chansons inédiles; Paris, 1823, in- 18: recueil
des articles fournis au Miroir par l'auteur; —
Les Aventures de garnison ; Paris, 1824, 2 vol.
in-12; — Le Provincial à Paris, esquisses
des mœurs parisiennes; Paris, 1824-1825,
3 vol. in-12; — Le Colonel Duvar, fils natu-
rel de Napoléon, publié d'après les mémoires
d'un contemporain ; Paris, 1827, 4 vol. in-12 ;
— Souvenirs anecdoliques d'un officier de la
grande armée; Paris, 1833, in-8°; — des ar-
ticles dans L'Altiste et Le Moniteur de l'Ar-
mée. K.
Moniteur de V Armée, 1846.
J montigny ( Rose-Marie Cizos, dame), co-
médienne française , plus connue sous le nom de
Rose Chéri, née à Étampes, le 27 octobre 1824.
Son père, Jean-Baptiste Cizos , connu sous le
nom de Chéri, était à la tête d'une troupe assez
nombreuse d'acteurs ambulants, et donnait des
représentations dans nos principales villes du
centre. A l'âge de cinq ans, Rose Chéri fit partie
de la troupe : elle parut sur les planches dans
la Lisette du Roman d'une heure , et joua la
comédie, le vaudeville, l'opéra, le drame, dans
les villes de la Bretagne, du centre et du midi.
M'ie Loïsa Puget, qui la vit à Périgueux, la re-
commanda à Romieu, alors préfet de la Dor-
dogne; quinze jours après, le 30 mai 1842, Bose
Chéri était admise à débuter au Gymnase dra-
matique, sous Je prénom de Marie , dans un
vaudeville de M. Scribe : Estelle , ou le père
et la fille. Après son deuxième début elle
fut remerciée. Cependant, son père avait fini
par intéresser à sa cause Monval , régisseur du
Gymnase, qui offrit à la jeune actrice 75 francs
par mois pour apprendre en double les rôles de
Mlle Nathalie. Six semaines après, le 5 juillet
1842, Rose dut remplir le rôle d'Henriette dans
Une Jeunesse orageuse. Cette fois , un enthou-
siasme unanime éclate; le parterre réclame à
grands cris le nom de la débutante. Le lende-
main, le directeur du Gymnase, Delestre-Poir^
son, la fit signer un engagement de 4,000 fr. par
an. En juin 1844, M. Lemoine- Montigny prit la
direction du théâtre. Sous cette direction .nou-
velle, MM. Scribe, Bayard, A. Dumas fils, Emile
Augier, Mélesville, fournirent à Rose Chéri ses
plus brillantes créations : Le premier Chapitre,
Les deux Sœurs, Emma, Rébecca, Mme de Cé-
rigny, La Belle et la Bête , Un Changement
de main, Geneviève et Clarisse Harlowe,
furent pour le Gymnase une suite de triomphes.
Depuis lors l'Odéon et la Comédie-Française firent
auprès de Rose Chéri d'inutiles démarches ; fidèle
à ses engagements, elle rejeta les offres les plus
brillantes et refusa même de laisser rompre par un
arrêté du ministère le traité qui la liait au Gym-
nase. Elle vivait simplement auprès de sa fa-
mille, lorsqu'un jour M. Scribe vint demander sa
main pour M. Lemoine-Montigny, directeur du
Gymnase; le 12 mai 1847, la jeune actrice de-
vint Mme Montigny, mais elle garda au théâtre
307 MONTIGNY
son nom, déjà célèbre, de Rose Chéri. Depuis
cette époque elle a rempli les principaux rôles
dans les pièces suivantes : Le Collier de perles,
Manon Lescaut, Le Mariage de Victorine, Le
Piano de Berthe, Le Fils de famille , Phili-
berle, Le Pour et le Contre, Diane de Lys,
La Crise, Le Gendre de M. Poirier, Flami-
nio, Ceinture dorée, Le Demi-Monde, et tout
récemment Les Pattes de mouche. Elle a su
donner à tous ces rôles une grâce pleine de fraî-
cheur et de eharmes ; son talent flexible, qui se
prête à la comédie comme au drame , conserve
dans les élans les plus passionnés le naturel et
l'à-propos. « C'est, comme l'a dit M. Dumas fils,
la seule actrice à laquelle les femmes du monde
accordent le droit de les représenter. »
Son mari, Adolphe Lemoine, dit Montigny,
né à Paris, en 1812, fut d'abord acteur; il a di-
rigé quelque temps la Gaîté avec M. Meyer et
depuis 1844 le Gymnase, dont il fait une des
premières scènes littéraires de Paris. Il est au-
teur de quelques vaudevilles et drames. Un des
frères du précédent, Gustave Lemoine, mari de
MUe Loïsa Puget, a fait représenter plusieurs
drames qui ont obtenu un grand succès, tels que
V Abbaye de Castro, les Prussiens en Lor-
raine et La Grâce de Dieu ( 1841 ). A. H— t.
E. de Mirecourt, Mose Chéri, dans Les Contempo-
rains. — Dict. de la Conversation.
MO.\tijo ( Dona Maria • Francisca de
Porto - Car rero , comtesse de), grande d'Es-
pagne, morte àLogrono, en 1808. Issue d'une
des plus anciennes familles d'Espagne et d'Italie,
elle épousa très-jeune le comte deMontijo, grand
d'Espagne de première classe et l'un des sei-
gneurs les plus considérables de la cour de Ma-
drid. Elle se fit connaître par son goût pour la
bonne littérature , et bientôt mérita elle-même
un rang distingué parmi les écrivains desa patrie,
dont sa maison était le lieu de réunion. Sa vertu
et sa piété ne la mirent pas à l'abri des attaques
de quelques prêtres et moines fanatiques. Dom
Baltazar Calvo, chanoine de San-Isidro, et le frà
Antonio Guerrero, dominicain, déclarèrent en
chaire qu'il existait dans la capitale un concilia-
bule de jansénistes sous la protection d'une dame
de la plus haute distinction, qu'ils désignèrent
assez clairement pour que chacun pût recon-
naître la comtesse de Montijo. La chose fit du
bruit : le nonce en écrivit à Rome, et Pie VI en-
voya des lettres de félicitations et de remercî-
menfs aux deux hardis prédicateurs Cette appro-
bation du saint-père souleva une foule de calom-
nies contre la comtesse, qui fut accusée d'entretenir
une correspondance religieuse et littéraire avec le
célèbre abbé Grégoire, évêquede Blois. L'inquisi-
tion évoqua l'affaire ; mais le rang de l'accusée
empêcha toute poursuite ; néanmoins la comtesse
dut s'éloigner de la cour. Elle se retira à Logrono,
où elle mourut, jeune encore, laissant une réputa-
tion bien acquise de vertu et de charité. E. D.
Biographie étrangère (1819). - V. Marty, Généalogie
de la famille Montijo (l'aris, 1857).
— MONTJOIE 3,
montjean ( René de), maréchal de Fram
mort en 1538. Comme tous les cadets de grand
maisons, il se résigna d'abord à l'état ecclésia
tique. Reçu chanoine de l'église d'Angers le 7*1 i
vrier-1502, il était déjà doyen des Mauges
1508, lors de la réformation de la coutume d'A
jou , quoiqu'il fût à peine simple clerc. La me
de son frère aîné le constitua chef de la fami
et le rendit à sa liberté. Il renonça à ses bén
.fices dès 1515 et se maria. Impatient de se ; ■
gnaler et supportant mal l'oisiveté, un peu te
ami aussi , au rapport de Brantôme , du faste
de l'ostentation, il faillit compromettre en pi
d'une occasion la fortune de l'armée et ne s!
tira pas toujours à sa gloire. Déjà fait prisormi
en 1524, près de Verceil, avec sa troupe de ge
darmes, il tomba une seconde fois aux mai
de l'ennemi, à Erignolles (1536). Une aut
fois, prodigue et joueur à son ordinaire,
perdit l'argent destiné à la solde des soudaro
Ceux-ci, manquant de tout, se mutinèrent et |
tinrent assiégé dans son logis , sans vouloir e
tendre raison. Il fallut que le roi le rachetât i ]|
80,000 écus. Montjeanfut nommé en 1537 goal
verneur et lieutenant général en Piémont, il
bientôt après , par suite de la promotion d'Am
de Montmorency à l'office de connétable, « gran
maître de la maréchaussée ». Tous ses biens,
défaut d'héritiers directs, passèrent à Guy il
Scépeaux. c. P t.
Ou Bellay, Mémoires, 1. VIII. - Continuât, de NW
Gilles, fol -iso. — Fourquevaux, Hommes illustres. M
Brantôme. — Poeq. de Livonnicre, mss.
montjoie ( Christophe- Félix-Louis Veï \i
tre de La Touloubre), littérateur et écrive*
français, né à Aix (Provence), le 18 m\
1746, mort à Paris, le 4 avril 1816. Fils !■
Louis Ventre de La Touloubre, professeur d ;
droit français à l'université d Aix (voy. ce nom;
il fut reçu avocat dans sa ville natale, et vir
ensuite à Paris, où il s'occupa plus de la litu
rature que du droit. Quelques ouvrages qu'il ava
publiés le firent en 1790 choisir pour travaille
à L'Année littéraire rédigée par Geoffroy <
Royou. Tous trois fondèrent alors le journ;
L'Ami du Roi, qui obtint un grand succès. L
violence avec laquelle cette feuille combattait
les idées libérales la fit supprimer, le 4 ma»||
1792, par un décret qui, par une compensatioi
assez bizarre, proscrivait également L'Ami dt\\
Peuple de Marat, journal aussi exalté dans un.
opinion contraire. Lorsque le 7 novembre d ••
la même année la Convention eut décidé qui I
Louis XVI comparaîtrait à sa barre pour êtei
jiigé, Montjôie eut le courage de prendre U\>
défense du malheureux monarque , et publia
dans cette intention, plusieurs écrits pleins di
chaleur. Proscrit en avril 1793 par le comité d<
salut public, il se réfugia chez un paysan d( i
Bièvre, où il demeura caché jusqu'à la chute de i
Robespierre. De retour à Paris, il reprit la plume ; '
mais divers écrits et des articles dans les jour-
,309 MONTJOIF.—
,uaux en faveur des royalistes lui valurenten 1797
>une nouvelle proscription. La Suisse lut le pays
iL»ti il chercha alors un abri, et il y fit paraître,
[la plupart pour la défense de la cause des Bout-
j lions, différents ouvrages historiques, qui furent
i l'autant plus recherchés que leur importation
■il l'rance était sévèrement défendue par le Di-
rectoire. La révolution du 18 brumaire (9 no-
vembre 1799) lui ayant permis de revenir à
j Paris, Monljoie parut renoncer à la politique
t >oiir se livrer exclusivement à la littérature. Il
| oublia quelques romans et des articles purement
y iltéraires dans le Journal général de France,
Met surtout dans le Journal des Débats. L'a-
ifénement de Bonaparte à l'empire modifia les
ji )pinions de Monljoie, qui, considérant peut-être
|i a cause des Bourbons comme perdue, accepta,
j ors de l'organisation de l'université, une place
[le professeur de troisième au lycée de Gand,
)l'où il passa plus tard à celui de Bourges, en
| |ua!ité de professeur de rhétorique. La restau-
i ation ne lui garda point rancune de l'acceptation
I le ces fonctions, etLonis XVIII, en lui accordant
l me pension de 3,000 francs sur sa cassette par-
| iculière , le nomma conservateur de la biblio-
! hèque Mazarine. Une attaque d'apoplexie enleva
i ■lonljoie quelques mois après. On a de lui : Di-
vertissement national, à l'occasion de la
Naissance du dauphin; Paris, 1781, in-8°; —
^Lettre sur le Magnétisme animal; Paris,
[..784, in-8° ; — Des Principes de la Monarchie
française; Paris, 1789, 2 vol. in-8° : dans cet
| mvrage, qui se rapporte à l'histoire du droit pu-
blic français, Montjoie manifeste des opinions
nui diffèrent beaucoup de celles qu'il professa
t'année suivante; — L'Ami du Roi, des Fran-
çais, de l'ordre, et surtout de la vérité, ou
ùisloire de la révolution de France et de
y Assemblée nationale pour former avec le
tournai intitulé: L1 Ami du Roi, un cours com-
plet d'histoire du temps actuel; Paris, 1791,
| parties in 4° ; — Réponse aux Réjlexions de
M. Necker sur le procès intentéà Louis XVI;
j 792, in-8°; — Avis à la Convention sur le
ïrrocès de Louis XVI; 1792, in-8° : l'auteur
jnontre dans cet écrit que la Convention n'a pas
<e droit d'examiner les actes du gouvernement
le ce prince, actes desquels il ne peut d'ailleurs
Itre responsable; — Almanach des honnêtes
iens pour les années 1792 et 1793, 2 vol.
i-iS; — Almanach des gens de bien pour
las années 1794, 1795 et 1796, 3 vol. in-18.
'es almanachs sont un recueil de pièces litté-
. krires et d'anecdotes historiques, dont quelques-
^nes^sont très-piquantes; — Histoire de la
,'onjuralion de Maximilien Robespierre; Pa-
is, 1796, in 8° et3 vol. in-18; 1801, 2 vol. in-18,
,vec portrait. Cet ouvrage a été traduit en an-
lais; _ Histoire de la Conjuration de Louis-
yhilippe-Joseph d'Orléans, surnommé Éga-
W ; 1796, 3 vol. in-8°; 1801 , 6 vol. in-18 ; Paris",
834-1837, 3 vol. in-8° : écrit d'un style aussi
MONTJOSIEU
t prolixe qu'incorrect, cet ouvrage fourmille, d'il
ex^çtjtujle^; — Étsge historique et funèbre de
Louis X\'I ; Neufcliatel, 1790, inh" (anonyme);
Paris, 1814, in-8" (avec le nom de l'auteur);
— Éloge historique d", Marie-Antoinette reine
de France ; 1797, in 8°. Il a été traduit en alle-
mand et en hollandais, et l'auteur le refondit
dans un autre onvrage, qu'il publia sous le litre
fie : Histoire d-e Marie-An tvinetle; Paris, 1814,
2 vol. in-S°; 3e édition augmentée, 1816, 2 vol.
in-8". Les inexactitudes nombreuses qui s'é-
taient glissées dans cet ouvrage furent rele-
vées vigoureusement par Bertrand de Molle-
ville; — Histoire de la Révolution de France,
depuis la présentation au Parlement de
l'impôt territorial jusqu'à la convocation
des Ét-ats généraux en Assemblée natio-
nale; 1792, 2 vol. in-8°; — Éloge histo-
rique de J.-B.-F. Bochart de Saron, pre-
mier président du parlement de Paris; Pa-
ris, an vin (1800), in-8°; — Histoire des
quatre Espagnols; 1301, 4 vol. in-12; 1805,
6 vol. in-12; 1823, 4 vol. in-12 ; 1836, 4 vol.
in-12 : c'est un roman plein d'intérêt, mais écrit
d'im style traînant et diffus ; — Histoire d'un
Manuscrit trouvé aumont Pausilippe; Paris,
1802 et 1836, 5 vol. in-12 ; — Histoire d'Inès
de Léon; Paris, 1805 et 1836, 6 vol. in-12, avec
portraits. Ces deux romans ont été souvent
confondus par les bibliographes, et sont pour-
tant bien différents ; — Les Bourbons, ou précis
historique sur les aïtux du roi, sur Sa Ma-
jesté, les princes et les princesses de la
maison de Bourbon qui entourent son trône;
Paris, 1815, in-8°, avec vingt portraits. Monljoie
laissa en outre quelques opéras qu'il avait en vain
cherché à taire recevoirà l'Académiede Musique.
H. FlSQUET.
Babbc, Vieilli de Boisjolin, Biogr. unirers- et portât,
des Contemporains. — Beucliot, Journal général de la
Librairie. — Quérard, La l'rance Littéraire. — Rensei-
gnements particuliers.
MOJiTJOSiEU (Louis de), en latin Demon-
tiosius, érudit français, né dans fe Rouergue,
mort à la fin du seizième siècle. D'une famille
noble, il donna des leçons de mathématiques à
Monsieur, frère du roi, et au duc de Joyeuse,
et il accompagna ce dernier en 1583, à Rome.
II s'y livra à la recherche des antiquités, et ga-
gna par son savoir et sa politesse les bonnes
grâces du pape Sixte Qnint. De retour en France,
« il s'appliqua à illustrer la mécanique des an-
ciens, dit Bayle, et à la faire servir aux. utilités
publiques : il se chargea de la commission de
rendre nette des boues et des âmmondices la
ville, de Paris, mais celte entreprise lui fit perdre
presque tout son bien. » Pour réparer ce mal-
heur, il épousa une femme dont Thumeur aca-
riâtre fut cause de sa mort. Il était doux et
commode dans ses manières, selon le témoignage
de De Thou, et d'un esprit tout à fait propre aux
beaux-arts. Kous citerons de lui : Les Semaines
de Daniel et les jours d'Ézéchiel; Paris,
311
MONTJOSIEU — MONTLIVAULT
1582 ; — Traité de la nouvelle Cosmographie,
auquel il montre les erreurs des astronomes
quant aux triplicitez et signes; — Deux li-
vres de la doctrine de Platon ; — De re num-
maria et ponderibus ; — Gallus Romx hos-
pes,ubi mtilta antiquorum monumenta ex-pli-
cantur; Kome, 1585, in-4° : ouvrage d'une
grande rareté, et dont les deux dernières parties,
De Sculptura gemmarum et De Pictura an-
tiquorum, ont été réimprimées dans le Vitruve
deLaët (Amst., 1649) et dans le t. IX du Thé-
saurus Antiq. Grsecarum de Gronovius. K.
La Croix du Maine et Du Verdler, Mblioth. — Bayle,
Dict, FJist- et crit. — De Thou. Historia sui temporis.
MONTLAUR (Jean de)', prélat français , né
au château de Montlaur, près de Montpellier,
vers 1120, et mort dans cette ville, le 24 février
1190. Chanoine de Maguelone, il en fut élu
évêque vers la fin de 1 1 58, et mêla son nom aux
principaux événements, qui de son temps se pas-
sèrent dans le midi de la France. Ce fut lui qui
détermina Guillem VIII, seigneur de Mont-
pellier, à publier en janvier 1180 un règlement
pour l'école de médecine de cette ville , règle-
ment où, après avoir blâmé le monopole qu'on
exerçait en cela, Guillem donna la liberté,
d'enseigner la médecine à tous ceux qui en se-
raient trouvés capables, de quelque qualité et
de quelque pays qu'ils fussent, et promit de ne
plus restreindre ce droit à certains individus. La
liberté que ce règlement, bien qu'il ne remédiât
pas à tous les abus, rendit à l'école de Mont-
pellier, lui donna un nouveau lustre ; les le-
çons y furent beaucoup plus fréquentes, et la
réputation de tant d'habiles professeurs qui y
enseignaient à l'envi porta sa gloire beaucoup
plus loin qu'elle n'avait été. De là vient que
plusieurs auteurs rapportent à cette époque le
premier établissement de cette école. Il nous
reste de Jean de Montlaur "deux Lettres adres-
sées en 1163 au roi Louis le Jeune, une Ordon-
nance par laquelle il défend en 1169 de rece-
voir des chanoines étrangers dans la commu-
nauté de Maguelone, et enfin une Charte où il
recommande à la charité des fidèles un certain
Bernard, qu'il soumit, en 1170, aune pénitence
publique.
Il ne faut point le confondre avec son neveu,
appelé aussi Jean de Montlaur, qui, né en 1 1 80,
fut sacré en 1234 évêque de Maguelone, publia
le 27 mars 1242 les règlements de l'université
de Montpellier, etmourutàLyon, en janvier 1247.
H. F.
Callia Christiana, tome VI. — Histoire Littéraire de
la France, tome XIV. — D'Aigrefeuillé, Histoire ecclé-
siast. de Montpellier.
montlivault (Casimir- Maurice Guyon,
comte de), administrateur français, né en 1771,
mort le 10 avril 1846, à Blois. Il entra dans
l'ordre de Malte, quitta l'Ile en 1797, après y
avoir résidé dix ans, parcourut l'Italie et l'Alle-
magne, et revint en France sous le consulat. De
1811 à 1814, il administra en qualité d'intendant
général les domaines de l'impératrice Joséphi .
Il se rallia avec empressement aux Bourbons t
devint préfet des Vosges (2 mai 1814). \\\
éloigné de ces fonctions dans les Cent Joi ,
Au second retour du roi, il fut envoyé dans -
sère (juillet 1815). C'était, dit M. de Vai -
belle, « un royaliste improvisé, comme le \ ;
grand nombre des fonctionnaires de cette c -
que, et, comme eux , il déployait dans ses n ^
velles opinions, la violence liabituelle aux g j
ayant un passé politique à faire oublier. \
plus effrayant arbitraire présidait à tous a
actes : exils, destitutions, arrestations, garnis 5
militaires imposées aux communes suspecte t
payées par leurs habitants ». Dans l'espace }
quelques mois il avait destitué deux cent tn ;
maires de l'Isère. Après l'insurrection de Did ,
avortée dans la nuit du 4 au 5 mai 1816, il s a
socia aux plus violentes mesures du gén 1
Donnadieu, avec lequel il avait jusque alors v 1
en mésintelligence. Le 5 mai il promit à ( |j
conque livrerait un des rebelles une récompe ;
qu'il fixa, selon l'importance de la capture, 3
100 à 3,000 fr. ; le 7, il proclama l'état de si î
du département; le 9, il menaça tout habit l
coupable d'avoir recelé un des rebelles « d'<ê
arrêté, livré à la commission militaire et c t
damné à la peine de mort, et de faire rase t
maison de tous les détenteurs d'armes de gut ;
non déclarées ». Ses services furent récomper s
par le titre de conseiller d'État ; mais presque \
même temps il échangeait la préfecture de k
sère contre celle du Calvados ( 17 octo î
1816), qu'il conserva jusqu'à la révolution î
1830.
Son frère aîné, Jacques -Marie-Cécile, n(i
1760, prit part à la guerre d'Amérique sous i
ordres du bailli de Suffren et plus tard à c î
de la Vendée. Sous la restauration il devint i !■
pecteur des postes. Il -eut un fils, Jacqu-
Pierre-Marie, né le 28 mai 1786, qui sen
avec distinction sous l'empire, et fut nommé .
1826 maréchal-de-camp.
Un autre frère, Éléonor-Jacques-Françiï
de-Sxiles, né en 1765, ami intime de Rivai
durant l'émigration, servit dans la marine, :
parvint au grade de capitaine de frégate. I
publié divers ouvrages, tels que Conjectiv,
sur la réunion de la Lune à la Terre et <
satellites en général à leur planète prin ;
pale, à Vaide desquelles on essaye d'exp
quer la cause et les effets du déluge, la d
parition totale d'anciennes espèces vivan
et organiques, et la formation soudaine
apparition d'autres espèces nouvelles et
l'homme lui-même sur le globe lerrestii
Paris, 1821, in-8°, pi. ; — Essai de Cosmo.)
gie; Paris, 1826, in-4°, pi. ; — Grammaire 1
nérale et philosophique; Paris, 1828, in-!j
— Lettres cosmologiques ; Tours, 1835, in-
P. L.
Blogr. des Hommes vivants (1820). — Vaulabellc, 11
313
M0NTL1VAULT — MONTLOSIER
314
iiesn""£ restaurations, IV. — annales de la Soc. A' A-
\ jric. <i Indre-et-Loire, 18+6.
biontlosiek ( François - Dominique de
Rsynaud, comte de ), célèbre publiciste français,
aé à Clermont-Ferrand, le 11 avril 1755, mort
dans la même ville, le 9 décembre 1838. 11 ap-
partenait à une famille noble, mais peu riche,
Mil en était le douzième et dernier enfant. Il
ilut placé à six ans au collège des Jésuites de
DIermont, qui fut bientôt supprimé, et fit peu de
>rogrès dans ses études. Son imagination vive,
ion esprit indépendant, son caractère insociable
\\e le rendaient guère propre à recevoir une
I éducation régulière. Il avoue dans ses Mémoi-
i rs qu'il voulait bien apprendre , mais que les
( éléments de toute connaissance lui étant insup-
hortables, il préférait deviner. Avecune pareille
I méthode on peut apprendre beaucoup, mais on
fippjend mal. Dans les mêmes Mémoires, Mont-
i osier a raconté avec beaucoup d'intérêt et de
ii harme son adolescence dans les écoles et ses
I >remières années de liberté. « On voit, dit M. de
i tarante, se succéder dans cette âme énergique ,
f ine piété ardente ; les agitations d'un amour
| lassionné , l'essai et le dégoût de la vie du
tnonde; l'effet produit par quelques voyages à
[ 'aris^n il aperçut Voltaire et connut D'A lembert;
! in besoin impérieux d'occupation; des études
t ommencées à sa manière, en toutes directions,
t 'anatomse , la chimie , le droit public : tout cela
t menait place au milieu de sa disposition à une
| ndépendance assez sauvage. Aussi ne se sentait-
\ 1 goût à aucune carrière. » Il épousa une veuve,
(simple campagnarde sans beauté, de peu de for-
une et qui avait quinze ans de plus que lui.
(son but, qu'il ne cacha pas, en contractant cette
| nrion, était de revenir habiter le petit manoir de
iRecolène, vendu par sa famille et possédé par
f jette veuve. « Je n'étais amoureux ni d'elle ni de
|;a fortune, dit-il ; je l'étais de ce lieu un peu sau-
nage, qui avait une belle fontaine, de beaux
|»rbres plantés par mon père, et qui me rappelait
es jours de mon enfance. » Il passa ainsi huit
ans à Recolène, cultivant ses champs, lisant les
(Pèresde l'Église, faisant des recherches dans les
} pieux monuments de l'histoire de France, et
étudiant le sol volcanique de l'Auvergne. De
pette dernière étude résulta sa Théorie des Vol-
cans d' Auvergne , ouvrage d'un savoir très-
imparfait et d'une imagination trop forte, qui eut
ile la réputation en Auvergne. Lorsque la révolu-
[ ion éclata, Montlosier, que ses études sur l'his-
ioire de France avaient mis au courant des
juestions soulevées par la convocation des états
;énéraux, se rendit à Paris. Il fut élu sup-
pléant du député de la noblesse de Riom à
'Assemblée constituante, et peu après il siégea
ians cette assemblée en remplacement du mar-
quis de La Ronzière, démissionnaire. Il se mon-
tra l'adversaire ardent du parti libéral, bien
qu'il y eût en lui un fonds de libéralisme; mais
les procédés révolutionnaires de la Constituante
le révoltaient, et il combattit bien souvent des
mesures dont il n'improuvait que la forme pré-
cipitée. Ainsi, après avoir soutenu que les
biens ecclésiastiques n'appartenaient pas à la
nation, il finit par convenir qu'elle pouvait en dis-
poser. C'est dans cette discussion qu'il dit ces
mots célèbres, en parlant des évoques : « Vous
leur ôtez leur croix d'or, ils prendront une
croix de bois ; c'est la croix de bois qui a sauvé
le monde. » Ces paroles étaient fort reli-
gieuses sans doute; cependant les évêques surent
peu degré à l'orateur qui leur offrait en perspec-
tive une croix de bois. Ainsi, M. de Montlosier,
avec son caractère indiscipliné, son éloquence
abrupte et ses théories, mélange incohérent d'i-
dées royalistes, féodales, libérales, irritait le
parti des novateurs sans contenter le parti con-
traire. A la fin de l'Assemblée constituante il alla
rejoindre les princes à Coblentz. Il ne trouva pas
une entière sympathie chez les émigrés, et avant
d'être admis parmi eux il dut se battre en duel
une ou deux fois; mais il tirait bien l'épée, et on
ne lui contesta pas longtemps le titre d'émigré, fi
fit avec l'armée des princes la campagne de 1792,
qui se termina promptement et malheureusement
pour les royalistes, et qui amena la dissolution
presque complète de l'armée de l'émigration.
Montlosier se retira à Hambourg, où il eut des
rapports assez suivis avec plusieurs Français
distingués, tels que l'abbé de Pradt, qui rédigeait
Le Spectateur du Nord , dans un sens royaliste
et modéré. Lui-même, avec une originalité et une
brusquerie qui tenaient à son caractère, était dans
ces idées qu'avaient représentées à la Constituante
Malouet et Clermont-Tonnerre.
De Hambourg Montlosier passa en Angle-
terre et s'établit à Londres. Là encore il trouva
des compatriotes , et il n'eut de liaison qu'avec
des Français. Les Anglais lui déplaisaient, et il
n'aimait en Angleterre que la liberté d'écrire. Il
publia un journal, Le Courrier de Londres,
qu'il rédigea avec son indépendance ordinaire,
et qui fut très-remarque. Il y traitait durement
les émigrés que l'exil n'avait pas corrigés, et qui
nourrissaient des idées de réaction violente. Il
leur disait dans des Lettres sur la Modération :
« Vous vous montrez gros de plus de crimes que
Marat et Robespierre. » Quand le Consulat s'éta-
blit, Montlosier se montra aussitôt attentif et
bienveillant pour cette tentative de reconstruc-
tion politique et sociale. Pour l'étudier de plus
près il accepta une mission très-particulière au-
près du premier consul , de la part sans doute
des princes exilés ; mais cette obscure transac-
tion n'a jamais été éclaircie. Voici ce qu'en ra-
conte la Biographie des Contemporains : « L'ob-
jet de sa mission était, dit-on, de proposer au
premier consul une souveraineté en Italie s'il
voulait consentir au rétablissement des Bour-
bons. Malgré les passeports dont le négociateur
était muni, il fut arrêté à Calais, conduit à Pa-
ris, et enfermé au Temple, dont il sortit après
315
MONTLOSTER
SI
une détention de trente-six heures. En lui fai-
sant obtenir sa liberté , le ministre de la police,
Fouché, l'avertit que son arrestation n'avait eu
lieu que par suite d'une méprise; cependant il
lui défendit de remplirsa mission, et ne lui donna
que dix jours pour retourner en Angleterre. Il
eut toutefois pendant ce temps des conférences
secrètes avec le ministre des affaires étran-
gères ( Talleyrand ) , qui lui fit connaître con-
fidentiellement l'intention qu'avait le premier
consul Bonaparte de rétablir l'ancienne Église de
France , de faire rentrer les émigrés et de les
remettre en possession de leurs biens non ven-
dus. » Ces conférences eurent pour résultat de
rendre Le Courrier de Londres très-favorable
au gouvernement consulaire. Talleyrand et
Fouché conseillèrent à Bonaparte d'appeler à
Paris Montlosier (1801). Le publiciste consentit
bien à rentrer en France, mais il demanda à
transporter à Paris le journal qui composait
toute sa fortune. Le gouvernement l'autorisa en
effet à publier Le Courrier de Londres et de
Paris, mais l'ombrageuse police consulaire ne
pouvait tolérer longtemps un organe indépendant,
et le journal de Montlosier fut supprimé. On
dédommagea l'auteur par une place d'attaché
au ministère des affaires étrangères, avec de bons
appointements et point de travail. A la rupture
de la paix d'Amiens, le pouvoir lui demanda de
rédiger le Bulletin de Paris, journal hebdo-
madaire spécialement dirigé contre l'Angleterre.
Montlosier accepta cette tâche, peu digne de lui,
et dans un grand «nombre d'articles violents et
sarcastiques il déversa sa mauvaise humeur sur
le peuple qui lui avait donné l'hospitalité. Ces
articles, d'ailleurs anonymes, furent à son grand
regret recueillis en un volume intitulé : Les An-
glais ivres d'orgueil et de bière.
Napoléon, devenu empereur, le chargea de lui
présenter un travail sur l'ancienne monarchie,
dans lequel seraient indiquées d'une part les causes
qui avaient amené la révolution, et de l'autre les
tentatives nécessaires pour la combattre et les
moyens de la terminer. Le comte de Montlosier
prit quatre ans pour rédiger ce mémoire, qui de-
vint un volumineux ouvrage. Une commission fut
chargée de l'examiner, et sur son rapport l'em-
pereur, fout en accordant des éloges au comte de
Mon Llosier, n'autorisa pas l'impression de son tra-
vail , qui soutenait sans doute la nécessité d'un
pouvoir fort, mais qui revendiquait aussi les li-
bertés féodales confisquées par la monarchie.
Toutefois le publiciste fut invité à écrire à Napo-
léon sur les affaires de l'État, et cette corres-
pondance dura quinze mois. Vers la fin de 1812,
Montlosier, pressentant sans doute la fin pro-
chaine de l'empire, détourna sa pensée de la
politique, et revint à son ancien goût pour les
sciences naturelles. 11 alla visiter les volcans de
l'Italie. A son retour l'empire était tombé. Mont-
losier connaissait trop bien les émigrés pour
beaucoup espérer de la restauration. Il crut le
moment opportun pour publier sa Monarchi
française, dont il ne donna d'abord que 3 vol, L
quatrième parut pendant les Cent-Jours; el comm
il était peu favorable aux Bourbons, l'auteur, pou
ne pas être accusé d'attaquer les vaincus, le fi
précéder d'une préface hostile à Napoléon. L
seconde restauration eut lieu peu après,
n'inspira pas plus de confiance au comte de Monl
losier. Toutes ses tendances étaient tournée
v/ers le rétablissement de l'ancienne monarchie
pourvu qu'elle eût pour contre-poids les privi
léges féodaux et les libertés provinciales. C'étai
une politique impraticable. Ennuyé de la march
des affaires, il se retira, en janvier 18tfi, dans s
terre de Randan , entre Clermont et le mor
Dore, et se mit à faire de l'agriculture avec cett
opiniâtreté passionnée qu'il portait en toute
choses. Il ne restait pas moins attentif à la poli
tique, très-disposé à aider de ses conseils le
ministres qui défendaient la royauté sans vio
lence, et qui en détestant la révolution mon
traient du respect pour la liberté ; mais quand 1
parti royaliste exclusif arriva aux affaires ave
de Villèle , le vieil agriculteur de Randan se n
trouva dans l'opposition. Chrétien sincère, il avai
contre les influences cléricales une haine qui da
tait des premiers temps de sa vie publique. En 1 826
sentant ses premières antipathies se ranime
à l'aspect du triomphe éclatant du parti prêtre
qui dominait alors dans les conseils du gouvei
nement, il reprit la plume, et publia son Mé
moire à consulter sur les jésuites, les congre
gâtions, les ultramontains, etc., qu'il dénonç
même dans une pétition à la chambre des paire
Quoiqu'il eût pris soin, dans sa préface, de fair
une réserve en faveur de ses idées aristocra
tiques en haine du libéralisme, ce parti accueilli
son livre avec enthousiasme. Le Mémoire <
consulter eut en peu de temps huit éditions, e
son auteur eut les honneurs d'une persécution di
la part du pouvoir. La pension qu'il tenait d<
l'empereur, et qui lui avait été conservée, fu
tout à coup supprimée, et il fut accablé d'où
trages par les écrivains à la solde du gouverne-
ment. Ces attaques personnelles ne firent qu<
redoubler son ardeur; il en vint à comprendn
que, repoussé par ses anciens amis, il ne lui res
tait plus qu'à se jeter dans les bras de ses ad-
versaires politiques. Dans les dernières année;
de la restauration, il fournît en effet des ar-
ticles au Constitutionnel, et au commencemenl
de 1830 il publia une brochure intitulée : De la
Crise présente et de celle qvi se prépare, dans
laquelle il essayait de s'interposer comme média-
teur entre les partis qui devaient bientôt s'atta-
quer de front; mais les royalistes désavouaient
l'homme qui avait indiqué à l'ennemi le côté vul-
nérable du trône, et les libéraux ne pouvaienl
guère écouter celui qui se défendait de « faire
honneur à la révolution de nos libertés, de nos
droits civils et politiques; de lui attribuer notre
nouveau système de nation. O mon Dieu ! di-
:17
MOINTLOSIER — MONTLUC
318
ait-il, c'est contre la révolution que tout cela a
té obtenu, et non par elle. » Cependant, après
•s événements de juillet 1830, élu membre du
jnseil général du département duPuy-de Dôme,
fût appelé à la chambre des pairs par une or-
snnance en date du tl octobre 1832, et s'y
lontra défenseur constant de la monarchie nou-
ille. A q-iatre- vingts ans passés il était un des
•atours les plus assidus de la chambre, et la
nivelle génération admirait dans ce débris de
Constituante une verve originale qui défiait les
teintes île l'âge. Le repos n'était point fait pour
n énergique nature; le comte de Montlosier
: trouva pas la paix même à ses derniers ins-
nts. Atteint d'une maladie mortelle à Cler-
)iit-Ferrand, il demanda les secours de l'église
se confessa ; mais l'évêque de Clermont exi-
a de l'antagoniste du parti prêtre une rétrac-
ion publique, que M. de Montlosier refusa -de
;ner. Il fut en conséquence privé de la sépul-
re ecclésiastique. La population de Clermont
Dtesta contre cet acte d'intolérance, et' se
rta au\ funérailles de ce vieux gentilhomme
i, malgré son caractère absolu et ses opinions
1 idales, s'était concilié l'estime générale. Mont-
rer était à sa mort président de l'Académie
[ Clermont. On a de lui : Essai sur la Théorie
s Volcans d'Auvergne ; Paris, 1789, in 8°;
' av. édit., Clermont et Paris, 1802, in-8°; —
j, saisur l'art de constituer les peuples, ou
\amen des opérations constitutionnelles de
yssemblée nationale de France; Paris, 1791,
&8*; — Grands Discours que prononceront
b commissaires de V Assemblée nationale au
Uen lui présentant la grande Charte, et
i ponse du roi aux commissaires ainsi qu'il
\' présumé ; 1791, in-8°; — De la- Nécessité
vam contre-révolution en France pour ré-
yiHr les finances , la religion , les mœurs,
{monarchie et la liberté; Paris, l791,in-8°;
Des Moyens d'opérer une contre-révolu-
t n pour servir de suite à l'ouvrage du même
yeur intitulé De la Nécessité d'une contre-
rolution; Paris, 1791, in-8°; — Vues som-
yires sur les moyens de paix pour la France,
}tr V Europe , pour les émigrés; Londres,
i,)6,. in-8°; — Observations sur le projet d'un
i'e civil; Paris, 1801, in- 12;— De la Monar-
ae française depuis son établissement jus-
\àmos jours, ou recherches sur les anciennes
i titutions françaises, leurs progrès, leur
i adence, et sur les causes qui ont amené
l révolution et ses dernières phases jus-
flà la déclaration d'empire, avec un Sup-
l ment sur le gouvernement de Bonaparte
wuis son commencement jusqu'à sa chute,
4 ur le retour de la maison de Bourbon ;
lis, 18-14, 3 vol. in-8°; — Delà Monarchie
tnçaise depuis le retour des~ Bourbons jus-
fm Ier avril 1815 ; Considérations sur Pé*-
t\. de la France à cette époque; Examen de
Charte constitutionnelle, de ses défectuosi-
tés et des principes sur lesquels l'ordre, so-
cial peut être recomposé; Paris, 181 :>, in-8°;
— De la Monarchie française depuis la se-
conde restauration jusqu'à la fin de la ses-
sion de 1816; Paris, 1818, in-8° ; — De la
Monarchie française au Ier janvier 1821;
Paris, 1821, in-8»; — De la Monarchie fran-
çaise au l?r mars 1822; Paris, 1822, in-80; —
De la Monarchie au 1er janvier 1824; Paris,
1824, in-8°; — Mémoire à consulter sur un
système religieux, politique, et tendant à
renverser la. religion, la société et le trône;
Paris, 1826, in-8°; — Lettre d'accusation
contre les Jésuites à M. le procureur général,
à M. le premier président, à MM. les prési-
dents, les conseillers membres de la chambre
d'accusation, à tous MM. les conseillers de la
Cour royale de Paris; Paris,. 1856, in-32; —
Dénonciation aux cours royales ; Paris, 1826,
in 8°; — Les Jésuites, les congrégations et le
parti prêtre en 1827; Paris, 1827, in-8°; —
Pétition à la Chambre des Pairs ; Paris, 1827,
in-8°;— Des Mystères de la Vie humaine;
Paris, 1829, 2 vol. iu-8°; — Mémoires sur la Ré-
volution française, le Consulat, l'Empire, la
Restauration et les principaux événements
qui l'ont suivie; Paris, 1829, 2 vol. in-8°; —
De la Crise présente et de celle qui se prépare;
Paris, février 1830, in-8"; — Le Ministère et la
Chambre des Députés.; Paris, 1830, in-8"; —
— De l'Accusation intentée contre les mi-
nistres ; Paris, 1830, in-8";. — A MM. les
Pairs de France et à MM. les Membres de la
Chambre des Députés sur les événements de
juin 1832; Clermont, 1832, in-8°; — Lettre à
MS. Dupin , président de la Chambre des Dé-
putés, au sujet des deux lois< présentées par
le gouvernement sur l'organisation départe-
mentale et' sur l'instruction primaire; Paris,
1833, in-»0. Z.
Mémoires du comte de Montlosier. — liiographie .des
Hommes vivants; Paris, 18.18. — Rabbe, BioprapMe uni-
verselle des Contemporains. — Arnault, Nouvelle Bio-
graphie des Contemporains. — Chateaubriand, Mémoires
d'outre -tombe. — Barante, Notice sur la vie et les ou-
vrai/es de M. le comte de Montlosier ,- Clermont, 1842,
in-8°.
montluc (Biaise de) (1), maréchal de France,
né à Çondom, en 1501, mort en 1577, à sa maison
d'Estillac (Agenois). Il est bien vrai, comme le
dit Brantôme, que Montluc, dans les mémoires
qu'il nous a laissés, « se loue si fort qu'on dirait
que c'est lui qui a tout fait aux guerres où il s'est
trouvé v . Toutefois, même en défalquant de la
masse des événements qu'il raconte tout ce qui
n'a réellement pas d'importance,. il reste encore
cependant assez d'actions d'éclat pour justifier la
réputation de grand capitaine que ses contempo-
rains, amis comme ennemis, lui ont unanimement
(l) Montluc (Biaise de I, suivant des actes authentiques
découverts en 1354 par M. Corne, avoué- à Condom, na-
quit, non à Condom, mais à Sainte-Gemme, lieu situé
commune de Saint-Puy, canton de Valence, arrondisse-
ment de Condom.
I
319
MONTLUC
32
accordée. Du reste, sa vie militaire, de 1521 à
1576, se retrouve tout entière dans les commen-
taires curieux qu'il a composés à l'exemple de
César, dont il n'a pas imité, loin de là, la mo-
destie vraie ou simulée, commentaires que
Henri IV appelait le bréviaire des soldais. L'au-
teur y paraît surtout dominé par le désir louable
de trouver dans ses prouesses et même dans
ses fautes, le tout noté avec une exactitude qui va
jusqu'à la minutie, la matière d'utiles leçons pour
les capitaines. Plusieurs de ses recommanda-
tions ont fait fortune, et, avec les modifications
que le temps et les progrès de l'art devaient
amener, sont restées inscrites au code des com-
mandants d'armée. C'est ainsi, pour ne citer que
ce seul exemple, que l'on retrouve dans son ou-
vrage une pensée reproduite plus tard par Na-
poléon Ier dans une lettre, restée célèbre, adressée
au Directoire, savoir que pour commander en
chef il vaut mieux un moindre capitaine seul
que deux bons ensemble. Montluc avait pro-
fondément étudié l'art militaire tel qu'on le con-
cevait de son temps : c'est véritablement le Jo-
mini du seizième siècle. Mais tout n'est pas éga-
lement louable dans la vie de cet illustre guer-
rier. L'histoire lui reprochera toujours ses cruau-
tés à l'égard des protestants. Brantôme , qui
pourtant se donne comme étant des amis de
Biaise de Montluc, n'a pas hésité à le mettre en
parallèle , pour sa cruauté , avec le sanguinaire
baron des Adrets. Il est juste cependant de re-
marquer que Montluc obéissait, lui, à des convic-
tions réelles, tandis que des Adrets n'était qu'un
monstre sans principes, dévoré de la soif du sang
humain. Quoi qu'il en soit de ce parallèle, il est
constant que Montluc a consigné dans son auto-
biographie une liste infiniment trop étendue des
crimes de lèse-humanité par lesquels il répondait
à ceux de lèse-majesté dont se rendaient cou-
pables les huguenots en se révoltant contre la loi
et le roi dans un but plus politique que religieux.
Le bourreau royalt comme l'appelaient les ré-
formés, a fourni lui-même complète la lugubre
nomenclature des sanglantes exécutions qu'il a
ordonnées sans aucune de ces formes protectrices
admises aujourd'hui et dont il blâme l'emploi
avec un cynisme révoltant. Dans ces choses,
écrit-il quelque part, j'ai ouï dire qu'il jaut
commencer par l'exécution. Celui qui aurait
le courage de relever le contingent du farouche
capitaine gascon dans les tueries qui ont ensan-
glanté la Guienne à l'époque où il exerçait son
prétendu système de pacification, arriverait à un
chiffre vraiment effrayant. « Jamais, écrit-il, lieu-
tenant de ; roi n'a tant fait périr de huguenots
par le couteau et par la corde ; » la corde surtout,
c'était le supplice qu'il aimait à employer. « Un
pendu, dit-il , étonnoil plus que cent tués, et
on pouvoit connaître par où félois passé, car
sur les arbres des chemins on trouvoit les en-
seignes. »,, »
H y a ceci de remarquable dans la vie de
Montluc, eu égard au siècle où il vivait, que, n'
tant pas d'une noblesse ancienne ni éclatante,
ne laissa pas de s'élever par son courage et s i
talents militaires seuls jusqu'à la dignité de m
réchal de France que lui conféra Henri 111 1
1574. Dans ses Commentaires, nous l'avonsdé
dit, Montluc énumère fort au long tous les se
vices qu'il a rendus à son pays. Parmi les cor
bats auxquels il a assisté et qu'il a décrits lo
guement, il en est beaucoup qui tiennent p
de place dans l'histoire. De ce nombre n'est ci
tes pas le combat de Cerisolles, livré le 14 av
1544, l'un des plus célèbres du règne de Fra
çois Ier, et qui, en dégageant Carmagnole, assi f-
la possession momentanée du Piémont aux Fra
çais. Ou sait qu'il contribua par sa valeur perse
nelle au gaiu de cette bataille ; mais on ignore asi
généralement qu'elle ne fut livrée qu'à la su
d'une démarche qu'on l'envoya tenter auprès I
roi pour obtenir de lui la permission de comb
tre. Il faut lire dans ses mémoires les détails I
trêmementintéressantsdel'audiencequ'ildut s
liciter et qu'il obtint à cette occasion. Seul de i y
avis d'abord, mais encouragé par les signes d' g
probation que lui adressait le dauphin, il réuijj
à démontrer la nécessité où se trouvait l'aru
d'Italie de risquer un grand coup pour ravi ■
le prestige du nom français dans le pays. Le 1
sultat de cette brillante affaire est connu. Mo •
lue, aussi vaillant guerrier qu'habile négociât*: .
en assura le succès, un moment compromis. Il M
positif que le comte d'Enghien, général en cl tl
abandonné par une partie des bandes étrange I
placées immédiatement sous ses ordres, bâti
déjà en retraite quand il fit volte-face en ap| U
nant que Montluc avait mis en pleine déro !
les meilleures troupes du marquis du Guast, < f i
des Impériaux. Pour sa récompense, l'heur i
stratégiste fut fait chevalier, de la main du M
néral, sur le champ de bataille.
Les bornes de cette notice nous obligent de fi j
chir vingt étapes de cette carrière militaire, si
rieusement remplie, pour arrivera la défense
lèbre de Sienne, que Montluc regarda toujc
comme la plus belle page de sa vie. Il s'enfaul
beaucoup cependant que les écrivains versés c i
l'art militaire s'accordent avec lui sur ce po;
c'est une question que nous laisserons juger
hommes du métier. Il nous suffit de remarç)
que Montluc , sans espoir d'être secouru pai
troupes du roi, engagées ailleurs, secondé coi|
geusement par les habitants, ne négligea rien { I
défendre la ville contre les efforts du marquij
Marignan. Il souffrit, comme le dernier des
dats, tontes les horreurs de la famine avant dej (■
mettre aux Siennois d'entendre à la capitulai
que leur voulait accorder le chef de l'armée è I
mie. Mais quant au fait, sans précédents, doif
s'applaudit si fort, c'est-à-dire de n'avoir pas
mis que le nom de la France ni le sien figuras I
dans de telles écritures, pour emprunter
langage, tout le mondé sera de l'avis de B
21 MONTLUC
tone, « que la modération seule du vainqueur a
■ndu possible cette prouesse négative ».
Au point de vue des résultats il aurait eu bien
us de raisons de se glorifier de ce qu'il fit pour
cause royale en 1569, lorsque, par une heu-
use inspiration, il détruisit des moulins à
} iteaux qui existaient dans la Garonne près
• Aiguillon. Car il détermina ainsi la chute d'un
| )nt par ou les divers partis des huguenots au-
! lient pu opérer leur jonction , contre-temps
îi paralysa, et môme annula, les succès partiels
t l'ils avaient obtenus et la chance qu'ils avaient
I! profiter d'une mésintelligence survenue entre
ontmorency et Montluc lui-même.
Mais, pour en revenir à l'affaire de Sienne ,
! jntluc, obligé de rentrer en France y arriva vers
milieu du mois de mai 1555. Il reçut, du moins
l'affirme, de son bon maître Henri IL, qui le
jyait perdu , un accueil tel que jamais sujet
I ;a obtint de semblable d'une personne royale-
s ce moment sa fortune fut faite.
Il faudrait un volume, et encore ne suffirait-il
s, pour simplement résumer tous les faits de
erre où a figuré Montluc , et dont il élève la
> ipart, avec plus ou moins de raison, à la hau-
P:r d'actions d'éclat. Nous avons indiqué les
! nçipaux; quelques autres se retrouveront dans
relevé que voici de ses états de service. D'a-
f rd simple archer, homme d'armes , enseigne
fnfanterie, puis capitaine (1521-1528), il obtint
| grade de mestre de camp et de commandant
I la place de Montcalier, en récompense de
[valeur qu'il avait montrée à Boulogne (1549).
I rès la reddition de Sienne (26 avril 1555);
i ut fait chevalier de l'ordre et colonel général
i l'infanterie, charge dont il se démit ensuite
■ ur obtenir en échange une compagnie de
vis d'armes. On a vu de quelle manière il ré-
jndit à la confiance du roi en Guienne ( 1580-
[64) : le couronnement de sa carrière mili-
lire fut la part qu'il prit au siège de La Ro-
j;lle, en 1573, après lequel il obtint le bâton de
i récital de France. Quant au théâtre de ses ex-
iiits ce fut successivement l'Italie, le Roussillon,
I Provence, Rome, la Picardie, le Béarn. L'ilfus-
S guerrier, il est bon de le remarquer, avait
•à pris sa retraite, comme on dirait aujour-
Vui, lorsqu'il assista au siège de La Rochelle.
} repos lui était devenu nécessaire, non-seule-
^.nt à cause de son grand âge, mais aussf de
4 souffrances, suite des blessures qu'il avait
l ues en divers temps, et notamment au siège
IRabastens en Béarn, en 1570, pendant qu'il
Inbattait courageusement au premier rang des
laillants. Cette dernière arquebusade , c'est
Ksi qu'il s'exprime, le défigura au point de Tô-
lier, dit-on, à porter un masque.
'jte qui prouve que Montluc n'était pas oublié à
lour dans les dernières années de sa vie, ainsi
<[iUe prétendait, c'est qu'il reçut en 1572 une
1, re de Catherine de Médicis oit elle l'Infor-
t qu'on avait découvert une grande cons-
NOUV. BIOGR. CÉNÉR. — T. XXXVI.
322
piration contre le roi et son Estât et que
cela avait été cause de ce qui était arrivé...
c'est-à-dire la Saint-Barthélémy. Chose digne
Je remarque ! le sanguinaire pacificateur de la
Guienne ne parait pas avoir applaudi à cette san-
glante péripétie d'un drame où il avait si sou-
vent pris le rôle de bourreau. II est vrai qu'il s'y
mêla dans {'exécution une lâcheté que son cœur
de soldat loyal ne pouvait ni comprendre ni ap-
prouver.
Si le bonheur, comme Montluc s'en vante en
plus d'un efidroit de ses confessions, raccompa-
gna fidèlement à la guerre, il n'en fut pas de
même dans sa famille. Car des quatre fils qu'il
eut de sa première femme, Antoinette Ysalquier,
un seul lui survécut, et ne laissa point de posté-
rité masculine, et de sa seconde femme il n'eut
que des filles (1).
On a fait sept ou huit éditions des Mémoires
de Montluc; la première est de 1592, Bordeaux
(Millinge) . Jean-Paul Faber.
Biaise de Montluc, Commentaires. — Brantôme, fie des
Hommes illustres françois. — Mézeray, Abrégé de l'His-
toire ^é France. - De Thou , Hist. universelle. — Bio-
graphie et Maximes de Montluc | éd. de La Barre-Du-
parcq). — Sainte-Beuve, Moniteur, octobre 1854.
montluc {Marc- Antoine de), capitaine fran-
çais, fils aîné du précédent, mort en 1557. Les
louanges que lui donne son père dans ses Mé-
moires sont confirmées par Brantôme, qui le
représente comme un homme d'une valeur éprou-
vée malgré sa petite taille. II servit avec un grade
assez élevé à Rome. En revenant d'une expédi-
dition contre Ostie.il fut frappé d'une balle
lancée au hasard et blessé mortellement. Il con-
serva pourtant assez de courage pour se traîner
jusqu'au logis du maréchal Strozzi, lui rendit
compte de son fait, et expira peu après.
Brantôme. Vie des Hommes illustres françois. —
Biaise de Montluc, Commentaires.
montxcc (Charles de), dit le capitaine Pet-
rot, frère du précédent, tué en 1566. Après avoir
fait ses premières armes en France, il équipa un
vaisseau en 1 566, et avec trois cents jeunes gentils-
hommes bordelais non moins déterminés que lui,
il fit voile pour Madère, île appartenant aux Por-
tugais et dont il avait formé le projet de s'empa-
rer. Mais en voulant forcer le château il reçut;
dit Brantôme, une grande arquebusade dont il
mourut , et fut enterré dans- cette île. Étrange
destinée des fils de Montluc, dont trois périssent
de mort violente et dans des circonstances à peu
près identiques ! Si l'on en croit l'historien pré-
cité, une expédition que le capitaine Peyrot avait
préparée contre l'Espagne avant son- coup dé
main sur Madère, aurait certainement réussi si
les circonstances ne l'avaient pas contraint de la
retarder d'une année. La version de Montluc sur
les entreprises de son fils est un peu différente de
(1) Biaise de Montluc représentait la juridiction des ma-
réchaux de France dans la série des médaillons qui dé-
coraient-une des façades de l'ancienne Préfecture de Po-
lice.
11
323
celle de Brantôme. Il prétend qu'iJ avait dessein
de conquérir une région de l'Afrique, qu'il ne
nomme pas (1), et que s'il tenta d'occuper mi-
litairement Madère, ce fut par occasion , et
pour punir les habitants qui lui avaient refusé
l'aiguade et même avaient assailli et maltraité
quelques-uns de ses compagnons.
Charles de Montluc était, après Marc-Antoine,
celui de ses fils dont le maréchal promettait le
plus la valeur. Il laissa un fils, qui fut tué au
siège d'Ardres.
Brantôme, Vie des Hommes illustres français. —
Montluc, Commentaires.
montluc ( Jean de ) , frère des précédents,
mort vers 1585. Il servit en Piémont et en
Guienne pendant quelques années, sous les or-
dres de son père, qui, dans son autobiographie, le
loue beaucoup de son courage et de son activité,
mais sans citer de lui aucun exploit particulier.
On ne peut cependant mettre sa valeur en doute,
car elle est attestée par Brantôme et surtout
par une lettre que Jean de La Valette, grand-
maître de l'ordre de Maite,écrivit à Montluc pour
l'informer que son fils au siège du bourg de
Malte (1565) avait fait merveille et que, placé
dans les endroits les plus périlleux, il s'était
montré, par sa bravoure, digne de son père.
Biaise de Montluc tenait beaucoup à ce que
l'un de ses fils entrât dans les ordres, attendu
que l'évèché de Condom était, selon son ex-
pression, dans sa famille. Jean de Monluc se
soumit aux volontés de son père, par pure
obéissance. Il occupa donc le siège que devait
illustrer Bossuet (1571), mais il ne futpas sacré,
à cause de ses infirmités ; il donna sa démission
en 1581, et mourut bientôt après. J.-P. F.
Montluc, Commentaires. — Brantôme, Hommes illus-
tres français.
monthjc { Jean de ), prélat et diplomate
français, frère puîné de Biaise deMontluc,né vers
1508,. mort le 13- avril 1579, à Toulouse. Des-
tiné à l'état ecclésiastique, il revêtit contre son
gré l'habit de Saint-Dominique. La reine de Na-
varre, Marguerite,, qui, dit Brantôme, « aimoît
les savants,, le connoissant tel, le défroqua et le
mena avec, elle à la cour » ; il est probable que
ce fut en qualité d'aumônier. Son esprit souple'
et délié, sa prudence, son grand savoir lui ga-
gnèrent les bonnes grâces de François Ier, qui
l'employa en diverses négociations. Envoyé à
Constantinople, il n'y parvint, si l'on en croit
Paul Manuce, qu'après avoir essuyé des fatigues
inouïe», et eut l'adresse de conclure avec Soli-
man une paix avantageuse pour fa chrétienté.
En revenant de Turquie , il s'arrêta à Borne
(1538), et y prolongea son séjour pendant quel-
ques années ; le pape le revêtit, dit-on, de la
charge de protonotaire apostolique. En 1543 on
le retrouve à Venise, occupé à excuser auprès
(1) C'était, dit-on, dans l'intention de former sur le litto-
ral de l'AfriqiV! des établissements ou comptoirs pour le
commerce.
MONTLUC 3:
du sénat l'alliance de la France avec le Tune,
reçut en 1553 l'évèché de Valence et de Die,
récompense de ses services. Après la nu
d'Henri II, il devint le confident et le conseil
Catherine de Médicis, qui rencontra en lui
instrument docile de ses volontés. Il jouiss
alors d'une grande réputation d'éloquence,
l'appelait souvent au Louvre, et toute la c<
venait l'entendre prêcher, bien qu'on le sût I
vorahle sur beaucoup de points à la réfor
religieuse. Il avait adopté le costume sévère i
prédicants, ce qui arracha un jour cette ext i
mation brutale au connétable de Montmorem i
« Qu'on m'aille tirer de cette chaire cet évêi
travesti en ministre ! » II est difficile d'affin I
quel fut au vrai l'état de ses convictions r j
gieuses. Beaucoup d'historiens l'ont ouverterr |
accusé d'hérésie. A la poursuite du do i
de Valence, il fut même déclaré hérétique
là cour de Borne ; mais le parlement de Pa }
par arrêt du 14 octobre 1560, condamna Pa< j
sateur à l'amende honorable. D'un autre c
le maréchal parle dans ses Commentaire! i
concours absolu que lui prêta son frère [ l
dant la guerre d'extermination qu'il fit aux (^
guenots en Guienne. Ces contradictions j h
vent s'expliquer en les rapprochant des fluc fi
tions qu'a subies la politique à expédients k
Catherine de Médicis, qui, à l'origine des tl
blés, se défiait autant des protestants que j)
catholiques. D'après ce système d'interpi fe
tion, l'évêque de Valence n'aurait eu que le it
de reproduire dans sa conduite les opiup
flottantes de sa royale protectrice , si en p
des cas il ne les a pas suggérées.
En 1 560 , Jean de Montluc reçut des C je
l'épineuse mission de ménager un accomn to
ment entre les Écossais révoltés et la rég Et
Toute son adresse échoua contre la fermetï uj
religionnaires, qu'il trouva peu disposés à H
tre bas les armes ; il ne réussit pas davantfô
la cour d'Elisabeth. D'après ses conseils b
Guise, pour conserver un trône à leur t.*
consentirent à signer la paix à des condition! jrt]
dures pour leur amour-propre. Dans la r n
année il siégea à l'assemblée des notables c pfii
tint à Fontainebleau, et, en sa qualité de fi
nier membre admis au conseil privé, ilpapl
premier ( 23 août 1560 ), et « il le fit plus p
ment, dit Mézeray, que n'eussent su fai.jfâ
ennemis de l'Église romaine ». Après avoi Ht
guement exposé l'état d'avilissement et d Wi
gradation où était tombé le clergé, à comm iw
par les papes et les cardinaux, il proposa -ur
remède à la confusion générale la réunion un
concile national auquel seraient appelés le: jjt
savants ministres réformés. Son avis, soi|
par l'évêque Marillac, prévalut; le colloq '«B
Poissy eut lieu bientôt après, et il y joua 1<
de modérateur. En 1563 il fut cité à compa
devant le tribunal de l'inquisition en i
temps que Jeanne d'Albret et les prélats
525
fais suspecjs d'hérésie. La dernière et la plus
sélèbrede ses ambassades ( il en avait.de son
nropre aveu, rempli plus de seize ) fut celle de
Pologne, en 1572, dont la relation a été écrite
>ar Jean Choisnin, son secrétaire. C'était lui
jui, paratt-il, avait inspiré à la reine mère Fi-
lée de placer la couronne de Pologne sur la
ête du duc d'Anjou. Après avoir envoyé en
[ vant son fils Balagni, afin de préparer les voies,
| ! quitta Paris le 17 août, et apprit à Saint-Di-
Lier la nouvelle du massacre de la Saint-Bar-
hélemy. Victime d'un guet apens qui lui fut
tendu par les gens de l'évoque de Verdun, il
I esta prisonnier jusqu'au moment oîr, par ordre
| u roi, il fut remis en liberté. « Il y a longtemps
j ue je ne fus si marrie que j'ai été du tour qu'on
j ous a fait, lui écrivit Catherine à ce sujet, et
| ous prie de ne vous en fâcher. Que cela ne
1 ous retarde ni décourage. » Montluc arriva vers
\ mi-octobre en Pologne, et n'en repartit qu'a-
[ rès l'élection du prince français ( mai 1573).
i] acheta ce triomphe au prix de la vérité et de
\ m honneur. A force d'assurance et d'habileté,-
i réussit à persuader aux Polonais que le mas--
j icre de la Saint-Barthélémy n'avait pas été pré-
j .édité, que le duc d'Anjou n'y avait aucune
i irt et qu'enfin la cour y avait été contrainte
I ir les attaques des huguenots. Il ne craignit
i is de faire un faux serment en jurant, au nom
,,i son maître, « que tous ceux qui avaient été
tpndamnés pour la prétendue conspiration de
't,aris seraient rétablis, eux ou leurs héritiers,
I I leurs biens, noblesse et honneurs ; que le
are exercice de la religion serait accordé, que
I i diligentes informations seraient faites contre
i kS massacreurs et qu'ils seraient châtiés ». L'é-
; ^ction faite, l'ambassadeur fut désavoué; il
| Uait lui-même donné cet honnête conseil.
, ontluc continua de résider à la cour, et il s'y
{ « t exposé, sous le règne de Henri ICI, à toutes
I|»rtes de mortifications. 11 finit par rentrer dans le
|jron de l'Église romaine, grâce aux jésuites dont
ii, s'entoura vers la fin de sa vie, et mourut à Tou-
louse, dans un âge fort avancé. Il laissa un fils
I [voy. ci-après ), légitimé en 1567, et qu'il eut
| ],nne jeune fille de Picardie , selon les uns, ou
• ^ne esclave grecque , selon les autres.
j On a de Jean de Montluc : Deux instructions
1[ deux épistres au clergé et peuple de Va-
Mince; Avignon, 1557,in-8°; plusieurs fois
■Limpr. et trad. en italien , elles furent condam-
nes par la Sorbonne , — Cleri Valentii et Dien-
Reformatio ; Paris, 1558, in-8°; trad. en
mçais; — Recueil des lieux de l'Écriture
rvant à découvrir les fautes contre les
commandements de la loi; Paris, 1559,
;-8°; — Sermons; Paris, 1559, in-8°; Avi-
ron, 1561, in-16 : recueil condamné et supprimé
r la Sorbonne; — Familière Explication
s articles de la foi; Paris, 1561, in-8°; —
rmons sur les articles de la foij et de fo-
ison dominicale; Paris, 1561, pet. in-8°;
MONTLUC 326
— Harangue au roy en 1563; Paris, 1563,
in-4°; — Orationes ad ordines Polonise ; Cra-
covie, 1573, in-4°; Paris, même année, in-8°:
les deux harangues ont été mises en français à
la même date ; — Epistola ad ordines Polonise ;
1573, in-8°; — De/ensio pro Andium duce
adversus calumnias quorumdam ; 1573, in-8° ,
et aussi en français oans les Mémoires de Char-
les IX; ce mémoire est une sorte de justification
de la Saint-Barthélémy; — Election du roy
Henri III, roy de Pologne; Paris, 1574,
in-4°. P. L.
EpistolseP. Manutii. — Brantôme, Capitaines illus-
tres, liv. V. — De Thoti, Hist. suitemporis. — La Pope-
liniére, Hist. des Guerres ciiHlcs. —Choisnin, Mémoires.
t- Anquetil, Esprit de la Ligue. — Haag frères, La
France Protest. — Sismonrii, Hist. des Français, XVII,
XVIII et XIX.
montluc {Jean de), seigneur de Balagni, fils
naturel du précédent, maréchal de France, né
vers 1545, mort en 1603; il fut légitimé en 1567.
11 étudiait à Padone, lorsque son père parvint ,
à force d'intrigues, à le faire désigner pour aller
en Pologne, afin d'attirer les regards de la no-
blesse par ses manières élégantes, sa gaieté et ses
grandes dépenses, tandis que les aventuriers qui
l'accompagnaient se chargeraient de répandre
les louanges du duc d'Anjou, qu'on voulait faire
élire ; de vanter ses talents, ses victoires et l'é-
clat et les richesses de la cour de France. Les plus
grands seigneurs de la Pologne offrirent l'hospita-
lité à Balagni; les frères Binski, fils du grand-
chancelier, furent les premiers à s'engager à fa-
voriser le duc d'Anjou s'il se présentait comme
candidat à la couronne. De retour en France, Ba-
lagni s'attacha au duc d'Alençon, qui le fit gouver-
neur de Cambrai en 1581. Plus tard, en 1589, il
se jeta dans le parti delà Ligue, et conduisit des
troupes au duc d'Aumale, qui voulait surprendre
Sentis. 11 y avait très-peu de poudre dans Sen-
lis, les murailles étaient faibles et déjà ouvertes
par une brèche considérable; le jeune duc de
Longueville, prévenu parThoré qui commandait,
qu'il serait obligé d'évacuer la place le soir
mèmp , attaqua, malgré son infériorité, l'armée
de la Ligue , et à l'aide de la nuit compléta sa
défaite. Le duc d'Aumale et Balagni, fuyant à
toute bride, rentrèrent dans Paris, où ils furent
accablés d'épigrammes, ce qui n'empêcha pas le
duc de nommer Balagni gouverneur de Paris ;
il contribua pour la Ligue à la levée du
siège de Paris et à celui de Bouen. Il avait
épousé en 1592 Benée de Clermont, fille de Jac-
ques de Clermont-d'Ambois?, seigneur de Bussi,
et de Catherine de Beauvau. Cette dame ne lui
avait accordé sa main qu'à la condition qu'il tue-
rait Montsoreau, meurtrier de son frère. Mais
quand Balagni vit décliner la fortune de la Ligue
et grandir celle de Henri IV, il résolut de s'atta-
cher au pouvoir nouveau. II envoya donc sa
femme en 1593 à Dieppe, près de Henri IV, où
elle négocia si bien pour son mari, que le roi
lui laissa Cambrai en souveraineté et le créa
11.
327
MONTLUC —
maréchal de France, en 1594. Elle fit mieux, elle
réussit à engager le roi à signer le -29 novembre
un traité par lequel il prenait sous sa protection
Jean de Montluc de Balagni, souverain de Cam-
brai, avec sa femme et ses enfants. Il s'enga-
geait à lui payer 70,000 écus par année pour
l'entretien de sa garnison et de sa citadelle, et
de plus 20,000 francs pour intérêts des som-
mes qu'il avait précédemment dépensées. Il ac-
cordait à Balagni et à tous ses serviteurs une
amnistie pour tous les actes de violence qu'ils
avaient commis en France. Il s'engageait à le
défendre contre Philippe II, à le comprendre
comme son allié dans tous les traités qu'il si-
gnerait, et à faire jouir en France les habi-
tants du Cambrésis de tous les privilèges des
Français. Ce traité, d'abord tenu secret, fut vé-
rifié en parlement le 14 janvier 1595. Henri
combla en outre Balagni de prévenances, mais
c'était une dangereuse alliance , car bientôt les
bourgeois de Cambrai ne voulurent plus sup-
porter la tyrannie de ce despote, ni les Fla-
mands son voisinage. Il était odieux aux pro-
testants, qu'il avait persécutés, et aux ligueurs,
qu'il avait trahis; mais il avait fortifié sa
ville avec beaucoup de soin , et Henri IV,
intéressé en sa faveur par Gabrielle d'Es-
trées , l'avait richement pourvu d'argent et
ée munitions. Cependant le comte de Fuentès,
qui commandait les Espagnols, avait résolu de
s'emparer de Cambrai en l'attaquant vivement.
Balagni reçut des renforts , mais ce qui lui man-
quait surtout , c'était la tête et le cœur ; il était
tellement troublé par les preuves de haine que
lui donnaient les bourgeois, qu'il laissa passer
dix jours sans rien faire pour arrêter les pre-
miers travaux des assiégeants. Pourtant, le
2 septembre Dominique de Vie, l'un- des meil-
leurs officiers de Henri IV, trompant la vigi-
lance des Espagnols, entra dans la place avec
quelques centaines de cavaliers ; alors seulement
Balagni , qui , en sa qualité de maréchal de
France, n'avait voulu écouter aucun conseil,
consentit à remettre le commandement à de Vie.
Mais les habitants, pour se délivrer du joug in-
supportable de Balagni et de sa femme, s'assem-
blèrent sur la grande place, firent des barricades
avec des chariots, se saisirent de la porte du
Saint-Sépulcre et envoyèrent au comte de Fuen-
tès des députés pour lui demander de traiter
avec eux. Balagni n'osa pas se présenter, mais
sa femme vint seule, harangua le peuple, qu'elle
chercha à gagner par quelques tardives largesses,
puis par des prières , enfin par des menaces :
mais tout fut repoussé et méprisé; la garnison
se retira dans la citadelle, et les habitants ou-
vrirent les portes aux Espagnols. Le 9 octobre la
citadelle fut obligée de se rendre; le comte de
Fuentès laissa la garnison se retirer avec ar-
mes et bagages; Balagni fut compris dans le
nombre de ceux qui étaient libres; on le re-
connut môme quitte de toutes les dettes qu'il
MONTLYARD 321
avait contractées envers les habitants de Cam
brai. Sa femme seule ne voulut pas quitter I
ville ; elle s'enferma dans son appartement, et
mourut peu de jours après, tuée, disent les uns
par la honte et le chagrin, étouffée, diaent le
autres, par le regret et la colère. Quant à Bala
gni, il supporta avec une patience indifférent
la perte de sa souveraineté et celle de sa femme
il revint à la cour de Henri IV , et six mois aprè
épousa Diane d'Estrées, sœur de Gabrielle. E
1599 Balagni ayant fait une tentative pour rt
prendre Cambrai, dont il regrettait tardivemei
la possession , fut repoussé par la garnison e:
pagnole et désapprouvé par Henri IV, qui vei
la fin de la même année, publia une ordonnai
pour interdire à tout soldat ou officier frança
d'aller servir contre les archiducs. A. Jadi:
Moréri.— Journal de l'Estoile, t. Il, p. 535. — DeTho
I. III, p. 635; 1. CXI, p. 503; CXIII, p. 596; t. IX, 1. CXH
p. 226; CXX1II, p. 31*. — IVAubigné, 1. XIII, p. 64.— D
vila, 1. X, p. 577 ; I. XIV, p. 937. — Choisnin, Mémoirt
t. Liv, p. 187, 197, 199. — Sismondi, Histoire des França
t. XIX, p. 212 à 215 ; t. XX, p. 45, 296, 484, 526 ; t. X)
p. 27, 81, 231, 304 à 307, 372 à 379, 382 ; t. XXII, p. 41.
MONTMJN {Guillaume ), canoniste frariçai
né vers 1270, mort à Toulouse, en 1346 ; depi
1310 il était abbé du couvent des Bénédicti
de cette ville. Il écrivit sur le droit canon pi
sieurs ouvrages ; un seul a été publié; Guilleli
de Monte Laudunœ Glossseïn très Extravaga
tes Johannls XII; Romae, 1475, in-fol. G.
Oudin, Scriptores ecclesiastici , t. III, p. 966. — il
bricius, Bibtiotheca Latina, t. III, p. 461.
aïONTLYARD ( Jean de ), littérateur fra |
çais, né vers 1530. Il était seigneur de Meller
en Beauce. Réfugié à Genève, il fut reçu bou
geois de cette ville , et exerça dans le cant
les fonctions de ministre depuis 1554. L'époq
de sa mort n'est pas connue. Il est auteur è i
ouvrages suivants : Harmonie des corps < { \
lestes et humains, faicte en XI dialogm
trad. d'Antoine Mizauld; Lyon, 1580, in-1 m
— Continuation de l'inventaire de l'histoi
de France par Jean de Serres ; Paris, 15!; ,
3 vol. in-8° : la 2e édit. la conduit jusqu'à
paix de Vervins (ibid., 1600, 3 vol. in-8° ) et ■ '
3e jusqu'en 1606 ( ibid., 1608, 4 vol. ia-SfM
— Mythologie , c'est-à-dire explication <[a
fables, extr. du latin de Noël Le Comt
Lyon, 1597, 2 vol. in-4°; réimpr. plusiei
fois, et en dernier lieu par J. Beaudouin ; Paij
1627 , in-fol.; — Traité parénétique , trad. \
Texeira; 1597, in-12, sous le pseudonyï I
anagrammatisé de /. D. Dralymont; —LesAl
tamorphoses ou l'Asne d'or d'Apulée ; Pai ;
1602, in-12; une nouvelle édition, revue etcor I
gée, a été donnée en 1648, in-8°; l'âge avail
dans lequel Montlyard a donné cette traduct;
a fait penser à quelques biographes qu'il n i
était pas l'auteur; peut-être serait-il plus ex
de l'attribuer à l'un de ses (ils; — L'Anti-Jésuil I
ou discours au roi contre les Jésuites sur
mort de Henri IV; Saumur, 1611, in-
réimpr. dans le t. VI des Mémoires de Con
;29 MONTLYARD
ous ce titre: Le Courrier breton; —Les Hié-
oglypkiqucs de Jean-Pierre Valerian, vul-
airement nommé Pierius, œuvre réduite en
,Ylll livres; Lyon, 1615, in-fol.; — Les
moins de Théagène et de Chariclée, trad.
a grec; Paris , 1620, 1623, 1626, in-8°, fig. K.
Prospcr Marchand, Dict. Hist. — Hofman, Hist. Lex.
? montmartin ( Antoinette de), femme de
•ttres franc-comtoise, née en 1524, morte le 12
uns 1553. D'une famille ancienne et riche, elle
:çul une éducation très-développéeet parlait, ai-
' iment les principales langues de l'Europe, le latin
I le grec. Elle avait épousé, en 1544, Jean de
■ oupet, gentilhomme franc-comtois attaché à
personne de l'empereur Charles Quint. Elle
iltivait aussi la musique et la poésie. Son hô-
■1 était le rendez-vous des poètes flamands, es-
Agnols et francs-comtois , qui déplorèrent sa
• lort. Ses poésies ont été recueillies par Gilbert
' ousin. E. D— s.
i Gilbert Cousin (Coanatus), Opera(Bâle, 1562, in-fol.).
:. ■ Dom Papillon, Bibliothèque des Auteurs de la Bour-
I ygne.
j montmartin (Jean du Mats de), capi-
. une français, né vers 1550, mort vers 1620.
; ;su d'nne maison illustre des confins de la
,; retagneet du Maine, il était cousin de Chris-
| >phe du Mats, qui combattit avec Montgomery
! t fut tué en 1574 à la prise de Domfront. Il avait
jmbrassé les sentiments de la réforme, et, pour
je soustraire aux persécutions, il se retira en
Allemagne. Député en 1581 par la Bretagne à
(assemblée politique de Montauban, il servit
fomme officier d'artillerie à l'armée du roi de
|Javarre, et les services qu'il lui rendit à la ba-
f aille d'Arqués ainsi qu'aux sièges de Rouen et
t e Paris lui valurent le gouvernement de Vitré
1589) et le grade de maréchal de camp (1591).
Ln Bretagne il guerroya contre le ducdeMercoeur,
j t le força de renoncer à ses ambitieux projets
fur cette province. En 1614 il siégea aux états gé-
néraux, et fut un de ceux qui s'opposèrent à la
t ublication du concile de Trente. On ne connaît
t as la date précise de sa mort. Il laissa de tous
:as événements auxquels il avait pris part une
leiation impartiale, qui fut insérée dans le t. II
île Y Histoire de Bretagne de Taillandier, sous
je titre de Mémoires de Jean du Mats, sei-
gneur de Montmartin, ou Relation des trou-
Vies arrivés en Bretagne depuis 1589 jus-
ht'en 1598. On lui attribue un autre ouvrage,
utitulé : État de la religion en France ( Paris,
J615, in-8°).
F Son petit-fils, Esaïe du Mats de Montmartin,
iégociaen 1621 la reddition de Saint- Jean-d'An-
liely, et fut chargé, comme député général des
|éformés,.de présenter en 1623 à Louis XIII les
iriefs des églises de sa communion. En 1625 il
Négocia avec son collègue Maniald le traité qui.
(ermina la guerre civile. Ses enfants passèrent
n Prusse après la révocation de redit de Nan-
tes. A cette famille se rattachent Frédéric-Sa- \
- MONTMAUR
330
muel, comte de Montmartin, qui joua dans le
dernier siècle un rôle considérable à la cour de
Wurtemberg, et Charles- Louis, qui devint gé-
néral au service de l'empereur d'Autriche. P. L.
Pinard, Chronologie militaire. — Poirson, Hist. de
Henrilf. — Haag frères, La France Protestante.
montmaur ( Pierre de ), célèbre parasite
et bel esprit français, né vers 1564, dans le Li-
mousin, selon Balzac, Bayle et Moréri, et selon
Vitrac, Baluze et Simon de Valhebert, né à Bé-
taille dans le Quercy , mort à Paris, le 7 sep-
tembre 1648. Il étudia les humanités chez les
Jésuites de Bordeaux, prit l'habit de cette so-
ciété, et fut envoyé à Rome, où il enseigna pen-
dant trois ans la grammaire latine. Ayant été
congédié pour manque de santé ou plutôt pour
avoir contrefait le seing du P. provincial , il
vint à Paris, fut précepteur du fils aîné du
marquis de Praslin, et cultiva l'anagramme, dans
l'espoir de participer aux présents dont Riche-
lieu gratifiait les bons poètes. En 1623 il suc-
céda à Jérôme Goulu dans la chaire de profes-
seur royal en langue grecque au Collège de
France, ce qui le fit surnommer Montmaur le
Grec. Si l'on en croit Nicolas Bourbon , cette
chaire ne fut cédée à Montmaur que sous la
promesse qu'il épouserait la fille de Jérôme
Goulu ; mais une fois en place, il s'excusa, di-
sant qu'il était in sacris. Sa vie de parasite
chez le chancelier Seguier, le président de Mes-
mes et autres grands personnages, où il payait
son écot par des sarcasmes contre les auteurs,
tant vivants que morts ( ses médisances contre
de Lingendes et de Cérisy lui firent pourtant
interdire la table du chancelier), son érudi-
tion pédantesque, qui le portait à citer à tout
propos les auteurs peu connus, afin de n'avoir
aucun contradicteur (1), ses jeux de mots sur
les noms propres, ses allusions tirées du grec
ou du latin, et qu'on appela des montmauris-
mes, blessèrent les beaux esprits de son temps
et portèrent Ménage à prêcher contre lui une
croisade et à écrire la vie de ce parasite, sous
le titre de Vita Gargilii Mamurrœ (1636).
L'épigramme suivante termine cette satire :
Quisquis legerit hsec, poeta fiât :
Et de cœnipeta (2) mihi jocosos
Scribat Gargilio repente versus.
Qui non scripserit, inter eruditos
lnsulsissimus ambulet patronos.
Balzac, Sarrazin, Sirmond, Adrien de Valois y
l'abbé Lamothe-Le Vayer, Dalibray, répondirent
(1) En expliquant un jour chez le chancelier Seguier,
en présence de plusieurs savants, un passage des épî-
tres de saint Paul, il s'étaya d'Hesychius, de Strabon et
de Pausanias. Nicolas Bourbon ayant voulu aller à ces
autorités , vit que Montmaur s'était joué d'eux, et se
proposa de le confondre, livres en main, en présence
même du chancelier, ce qui eut lieu. La citation d'He-
sychius nous rappelle que Montmaur annonça, au moyen
d'affiches, qu'il expliquerait cet écrivain au Collège de
France, tous les jours non- fériés-, à sept heures du ma-
tin, sûr moyen de n'avoir point d'auditeurs.
(2) Cœnipeta, mot forgé par Ménage et qui signifie pa-
rasite : cœnu et peter e.
331 MONTMAUR
à l'appel, et un déluge de satires tomba sur
Montmaur, qui prit assez bien la chose et ri-
posta par quelques bons mots, que des amis lui
conseillèrent vainement de livrer à l'impression.
On le représenta tout désespéré à cheval, et pi-
quant des deux en voyant un cadran d'horloge
dont l'aiguille était sur le midi.
33i
Scilicet esuriens duodenam utsuspicit horam,
Parccret heu ! tardo nunc parasitus equo.
Boileau disait de lui :
Pendant que Pelletier, crotté jusqu'à l'échiné.
S'en va chercher son pain de cuisine en cuisine,
Savant en ce métier, si cher aux beaux esprits,
Dont Montmaur autrefois fit leçon dans Paris.
Comme Montmaur était logé au collège de Bon-
court, dans le quartier le plus élevé de Paris,
on supposa qu'il avait choisi cette habitation
pour mieux découvrir la fumée des cuisines.
Ménage le métamorphosa en perroquet. « Bon!
dit Montmaur, je ne manquerai ni de vin pom-
me réjouir ni de bec pour me défendre. » Et
comme on louait en sa présence cette métamor-
phose, « ce n'est pas merveille, répondit-il,
qu'un grand parleur tel que Ménage ait fait un
bon perroquet ». On le métamorphosa encore
en épervier, en marmite, et l'entrain à le chari-
variser ne connut point de bornes. On l'accusa
d'être bâtard, faussaire, sodomite et meur-
trier.
Quoi que ce soit, le parasite
Est mieux traité qu'il ne mérite,
On ne peut lui faire d'ennui.
Métamorphoser sa personne
En loup, en porc, en une tonne,
C'est encortrop d'honneur pour lui.
Qu'il le soit en une marmite,
En tournebroche, er, lèchefrite.
En perroquet, en un corbeau,
C'est une grâce très-visible.
Le bien façonner n'est possible
Qu'aux pieds déticats d'un bourreau.
Le ridicule, pour ne pas dire plus, retombait
alors sur les agresseurs, et le Vadius de Molière,
personnage sous lequel Ménage est représenté,
devait un jour venger Montmaur de ces der-
nières attaques. « C'est une chose assez remar-
quable, dit Bayle, que les suppôts de la faculté
des arts de l'université de Paris n'accoururent
point au secours de leur confrère. C'eût été un
étrange tintamarre si ces régents eussent fait
une contre-ligue en sa faveur et se fussent mis
en devoir de faire servir toute leur grammaire
et toute leur rhétorique, en prose et en vers,
contre ses persécuteurs. » Quelques écrivains
ont plus tard défendu Montmaur : le P. Vavas-
seur, le président Cousin et Vigneul de Marville
(d'Argonne), qui le caractérise ainsi : « Le
professeur Montmaur n'était pas un homme
aussi méprisable que la plupart le croient. C'é-
tait, un fort bel esprit, qui avait de grands ta-
lents. Les langues grecque et latine lui étaient
comme naturelles. Il avait lu tous les bons au-
teurs de l'antiquité, et aidé d'une prodigieuse
mémoire, jointe à beaucoup de vivacité, il faisait
des applications très-heureuses de ce qu'il avait
vu de plus beau. Il est vrai que c'était presqut
toujours avec malignité, ce qui excita contre lu
la fureur de ceux qui étaient les objets de se:
plaisanteries. Avec ce génie, il s'introduisit faci
lement chez les personnes de qualité qui ai
maient les joies du Parnasse. L'avarice le gâtait
car il avait du bien dont il n'usait pas (5,000 li
vres de rente), et il recherchait la bonne chère
Il disait à ses amis : « Messieurs, fournissez le
viandes et le vin, et moi je fournirai le sel »
aussi le répandait-il à pleines mains aux bonne
tables où il se trouvait. Son humeur satiriqu
n'avait point de bornes, et il était Lucien par
tout. » Parmi ses meilleures reparties on cit
celle-ci : à un dîner du président de Mesmes, u:
avocat, fils d'huissier, convint avec ses amis d
ne pas lui laisser placer mot. Guerre! Guerre
cria l'avocat, en le voyant entrer. « Vous dé
générez bien , répondit Montmaur, car votr •
père ne sait que crier : Paix là ! Paix là ! « et c i
fut l'avocat, déconcerté, qai ne dit pas mot à tabl(
Montmaur a peu écrit. On ne connaît d
lui que des devises, des inscriptions en vei
grecs et latins, une prose contre Busbec et un
élégie sur la mort d'Éléonor d'Orléans, duc d
Fronsàc. Adrien de Valois fit réimprimer ce
deux derniers morceaux, en les chargeant d
notes ironiquement louangeuses : P. Mom
mauri, grsecarum litterarum professons Ri
gii, Opéra, in duos tomos divisa, iterumedit
et notis nunc primum ïllustrata a Quint
Januarïo Frontone; Paris, 1643, in-4°. SailJ
lengre a recueilli les satires écrites contre Mon
maur, -et les a publiées sous ce titre : Histoit
de Pierre de Montmaur ; La Haye, 1715
2 vol. in-8°. Le premier volume renferme h
pièces latines : Macrïni paras ttogrammt
tici, 'Hjxs'pa, ad Celsum de Car. feramus, av<
cat au parlement de Paris; Vita Gargil
Mamurree, par Ménage; Gargflii BJacronii
parasitosophistœ Metamorphosis, du mêrr
auteur ; les écrits déjà cités de Montmaui
Bellum parasiticum de Sarrasin, Moînmoi
parasilosycophanloposisthasApoxytrapothei
sis , etc. Le second volume renferme les pîè»
françaises :' Le Testament de Goulu, La R>\ i
quête %le Montmaur au Parlement, L'Ant
gomor par Dalibray, Le Barbon par Balzac, J
Le Parasite Mormon par Lamothe-Le-Vaye
L'épitaphe de Montmaur fut elle-même une ép
gramme :
Sous cette casaque noire
Repose bien doucement
Montmaur d'heureuse mémoire,
Attendant le jugement.
On a blâmé Ménage d'avoir eu si peu de * :
tenue envers Montmaur ; il donna, pour se ju
tifier, cette mauvaise raison « qu'il n'avait p;
voulu décrire la vie d'un parasite particulie
mais bien le caractère même du parasite ».- I
Martial Aunom (de Limoges),
vigneul de Marville ( d'Argonne ), Mélanges, p. f
— Bayle, Dict. — Balzac, Lib. Carrn., p. 113. — JNic
,133
MONTMAUR. — MONTMIRAIL
1.4 nom-bon, Epistola 5. — Furetiére, Nouvelle allé-
itiriqtie, p. 101. — L'abbé de Marelles, Mémoires. —
uiijt't, Mémoire sur le Collège Royal, t. I, p. bs:m>86.
. Morérl, Grand Dictionnaire historique. — Ménage,
irii/nies delà Langue Française, p. 810; et Vita Gar-
ilii Mamuriœ. — lloileau. Satire 1. — Vavasseur,
! )<• Epiorammate, cap. x, p. 98. - Sabaticr, Les trois Stè-
les (cet auteur l'a confondu avec le polite Hubert de
Montinort). — Journal des Savants, 11 août 1692. — Re-
i targues de l'abbé Joly sur le Vict. de Bayle. — Fale-
i ana.
i montméml ( Louis- André Lesage, dit),
I cteur français, né à Paris, vers 1702, mort à La
'Mette, le 8 septembre 1743. C'était le fils aîné
' ii célèbre auteur de Gil Blas et de Turcaret,;
j mporté par un penchant irrésistible pour le
u'atre, il débuta malgré l'opposition de son
[ère, le 8 mai 1726, parle rôle de Mascarille
i ans L'Étourdi; il obtint du succès, et cepen-
[ ant se résolut à aller s'exercer pendant deux
| ns dans la province. Il rendra au Théâtre -Fran-
1 lis le 18 mai 1728, dans le rôle d'Hector du
l oueur. Il Joua successivement Dave dans
! 'Andrienne, Labranche dans Crispin rival,
l it reçu et devint bientôt un des meilleurs ac-
;urs de la Comédie-Française. Il excella surtout
; ans L Avocat Patelin, dans Les Bourgeoises à
* t mode, dans Les trois Cousines et dans Le
histrait, dont il assura le succès. Son père, qui
" lisait des comédies et qui ne voulait pas que
| on fils les jouât, fut cependant entraîné par des
[ mis à la Comédie-Française un jour où Mont-
iiénil jouait Turcaret ; en voyant le principal
i Ole. si bien joué, il versa des larmes de ten-
dresse, embrassa son fils et lui pardonna.
A. J.
! Parfalct frères, Histoire du Théâtre français. — Le-
ïnaïurier, Galerie des Comédiens.
; montmignox (Jean- Baptiste ) , théolo-
t^ien français, né à Lucy, près Château-Thierry,
;;n 1737, mort à Paris, le 21 février 1824. Il
;întradans les ordres et devint secrétaire de l'é-
f!èc\\é de Soissons, ensuite chanoine, vice-gé-
i ant*de l'officialité, grand-vicaire et archidiacre.
pi 1786, l'abbé Montmignon succéda à l'abbé
i)inouart clans larédactiondu/ozanaZ ecclésias-
tique; mais en janvier 1788 il abandonna ce tra-
nfl à l'abbé Baruel. Il prit part aux écrits pu-
otiés par l'évêque de Soissons, au commence-
nent de la révolution ; on assure qu'il fut l'auteur
iFun mandement et ordonnance de ce prélat, daté
lie Bruxelles, 21 mai 1792. Cet écrit fut alors
remarqué parmi les nombreux actes de ce genre
jui signalèrent cette époque. Obligé de quitter
a France, en 1793, l'abbé Montmignon y rentra
ous le gouvernement du Directoire ; il fut
jiommé grand-vicaire de Poitiers, lors du con-
cordat, mais il resta peu dans ce diocèse; de
etour a Paris, il fut nommé en 1811 chanoine
'le la métropole et depuis grand-vicaire du dio-
cèse. En dernier lieu, l'archevêque de Paris Ta-
rait chargé de l'examen des livres pour lesquels
m sollicitait l'approbation de l'autorité ecclésias-
ique. Indépendamment des sciences théologi-
mes, il s'est occupé de celles qui concernent le
mécanisme des langues. On a de lui : Système
de Prononciation figurée, applicable à foules
les langues , et exécuté sur les langues
française et anglaise; Paris, 1785 et 1787,
in-8°; — Lettre à t éditeur des Œuvres de
Daguesseau (insérée dans le t. VIII de l'édi-
tion in-4° des Œuvres du chancelier); —
Crime d'apostasie. Lettre d'un religieux à
un de ses amis; 1790, in-8°; — Vie édifiante
de Benoît-Joseph Labre, mort à Home, en
odeur de sainteté, le 16 avril 1783, com-
posée par ordre du Saint-Siège , etc., par
M. M*** ( Marconi), lecteur du collège ro-
main, confesseur du serviteur de Dieu; tra-
duit de l'italien; Paris, 1784, in-12 (ano-
nyme); cette traduction a eu trois éditions la
même année; — Préservatif contre le fana-
tisme, ou les nouveaux millénaires rap-
pelés aux principes fondamentaux de la foi
catholique; Paris, 1806, in-8° (anonyme);
c'est une réponse à l'ouvrage du P. Lambert,
intitulé : Exposition des prédictions et des
promesses faites à l'Église, pour les derniers
temps de la gentilité; 1806, 2 vol. in-12; —
Choix de Lettres édifiantes, écrites des mis-
sions étrangères; etc.; 1808, 8 voi. in-8u;
seconde édit., augmentée, Paris, 1824 et 1826,
8 vol. in-8° : les discours préliminaires, ad-
ditions et notes de l'abbé Montmignon, for-
ment plus du tiers des huit volumes. La mort
l'empêcha de terminer lui-même la seconde
édition, dans laquelle on a supprimé celles des
additions de l'auteur qui ont paru trop étran-
gères à cette collection -, — De la Règle de vé-
rité et des Causes du fanatisme; 1808, in-8°;
— La Clef de toutes les Langues, ott moyen
prompt et facile d'établir un lien de corres-
pondance entre tous les peuples, et, de sim-
plifier extrêmement les méthodes d'enseigne-
ment par l'élude des langues; 1811, in-8° :
c'est une espèce de pasigraphie fondée sur le
numérotage des mots dans le dictionnaire de
chaque langue, comme Cambry l'avait exécuté en
petit dans ces Vocabulaires polyglottes. A. L.
Mahul, Annuaire nécrolog., 1824.
montmirail ( Charles - François - César
le Tellier, marquis de), officier supérieur fran-
çais, né en 1734, mort en 1764. Il fit de bonnes
études classiques ; Tacite et Polybe devinrent ses
auteurs favoris, et il avait remporté des prix de
physique et d'histoire naturelle. Entraîné par un
penchant irrésistible vers la carrière des armes,
il devint aide de camp du maréchal d'Estrées,
son grand oncle (1757). Chargé de missions
secrètes et délicates pendant cette campagne, il fit
preuve d'autant d'intelligence que de prudence.
Nommé colonel d'un régiment de carabiniers, U,
fit, à sa tête, la campagne de 1761. En 1762 il
obtint le grade de brigadier des armées du roi;
et quelque temps après il fut nommé capitaine-
colonel des Cent-Suisses , en remplacement Je
son père, le marquis de Courtenvaux. Admis à
335 MONTMIRAIL —
l'Académie des Sciences en 1761, il en fut prési- ■
dent en 1763. A. J— N.
Surgy, Éloge historique du marquis de Mnntmirail.
en tête du t. X des Mélanges intéressants et curieux, et
séparément à Paris, 1766, avec portrait.
montmorency (Barons et ducs de). La fa-
mille de ce nom le dispute en ancienneté et en
illustration aux plus anciennes et aux plus nobles
familles de l'Europe. On trouve en effet, dès
l'an 950, parmi les grands feudataires du du-
ché de France un Bouchard 1er, sire de Mont-
morency ; ce qui suppose déjà plusieurs géné-
rations de noblesse et d'importance politique.
En outre, jamais aucune maison non royale n'a
présenté une telle accumulation dedignités, d'em-
plois , de distinctions; on compte, depuis 1060
jusqu'à nos jours , parmi les seigneurs de Mont-
morency six connétables , douze maréchaux de
France, quatre amiraux, plusieurs cardinaux,
une foule de grands-officiers de la couronne, de
grands chambellans, de grands-maîtres et de
chevaliers des ordres du Saint-Esprit, de Saint-
Michel , de la Toison d'Or, de la Jarretière, etc.
Depuis huit siècles ils portent le titre de pre-
miers barons de France; ils se sont alliés à
plusieurs maisons royales, et Henri IV les a pro-
clamés la première maison de l'Europe après
celle de Bourbon.
Cette maison, à la prendre depuis Hugues Ca-
pet, compte, jusqu'à nos jours, vingt-six ou
vingt-sept générations. Sous Matthieu II, mort
en 1230, la maison de Montmorency se partage
en deux branches , la branche aînée ou des ba-
rons de Montmorency, et la branche cadette ou
de Montmorency-Laval. Cette dernière, dont
Guy de Montmorency, fils de Matthieu et d'Emme,
héritière de Laval , est le chef, a conservé les
armes de Montmorency et s'est perpétuée jus-
qu'à nos jours par de nombreux rameaux. La
branche aînée s'éteignit à la sixième génération,
par une fille qui porta le nom de Laval, et les
biens de cette maison passèrent à un Montfort.
Les descendants de celui-ci, entre autres alliances,
donnèrent des femmes à un Bourbon-Vendôme
et au roi René ; ils épousèrent des filles de Bre-
tagne, d'Alençon, enfin l'héritière titulaire de
Naples, et se fondent dans la maison de la Tré-
mouille. Dans les Laval-Montmorency conti-
nués par des rameaux cadets , on remarque un
maréchal de France sous Charles VII ; un autre,
du nom de Boisdauphin, sous Henri IV; enfin,
deux maréchaux de Laval, dont l'un fut fait duc
héréditaire en 1758.
En 1447, après la mort de Jean II, la branche
aînée des Montmorency se partage en trois
branches : 1° celle de Nivelle; 2° celle de Fos-
seux ; 3" celle dite ducs de Montmorency. Les
deux premières, issues de l'héritière de Nivelle
et Fosseux, première femme de Jean II, sont
déshéritées. La branche de Nivelle se fixe dans
les Pays-Bas, y est comblée d'honneurs et de
bi.ens , y acquiert le comté de Horn , et finit à la
MONTMORENCY 33
quatrième génération dans la personne du coml
de Horn et du baron de Montigny, son frère
décapités en 1568 et 1570, victimes de la cruel)
politique de Philippe II et du sanguinaire du
d'Albe. — Celle de Fosseux se fixe égalemer
dans les Pays-Bas , y donne naissance aux brar
ches de Wastines et de Boutteville , reviei
ensuite en France, où elle continue jusqu'à ne
jours et compte vingt-six générations. — Dar
la branche de Boutteville , on remarque Bou*
teville, décapité en 162", et son fils le célèbi
maréchal de Luxembourg, de qui descendent 1<
Montmorency du surnom de Luxembourg et d
Tingri. — La branche de Wastines, fixée aus,
dans les Pays-Bas , y acquiert de grands bier
par mariages , donne plusieurs chevaliers à ]
Toison d'Or, reçoit de Philippe IV le titre c
prince de Robecque et de Morbecque, revient t
France et s'éteint en 1813.
Outre les branches de Laval , de Nivelle et c
Fosseux , qui sont les plus considérables , la ti{
de Montmorency a encore produit les seigneu;
de Marly (1160-1356), les seigneurs de Bot
queval et Goussainville (1306-1461), les se
gneurs de Croisilles et de Courrières , dont
lignée s'éteignit en 1599 après avoir donné nais
sance à quatre rameaux également disparu
Voici la filiation de la branche aînée de cet
illustre famille :
Bouchabd I"r, ou Burchard, le plus ancie
propriétaire connu de la baronnie de Montm<
rency , mort vers 980. Loin d'être un homn
nouveau, il était chevalier (miles), fils d'Aubi
d'Orléans, qualifié de duc, et frère de Thibau
seigneur d'un lieu nommé en latin Cenlumlia.
sa mère était sœur d'Edred , roi d'Angletern
et sa femme Hildegarde, fille de Thibaut le Ti
cheur, comte de Blois (ce dernier point n'e
pas clairement prouvé). Ayant fait un voyaj
en Angleterre , il en rapporta les corps de saii
Paterne et de saint Pavace, et obtint, en 958, c
roi Lothaire, à la demande d'Hildeman, arch
vêque de Sens , la permission de construire i
monastère dans sa terre de Bray-sur-Seine, af
d'y placer ces reliques ainsi que plusieurs moint
du comté de Worcester qui l'avaient accompf
gné. Tous ces détails sont énoncés dans le d
plôme qui fut accordé au sujet de cette fondatioi
Bouchard vivait encore, à ce qu'on croit, lorsqt
l'empereur Othon II emporta d'assaut son ch;
teau de Montmorency dans l'irruption qu'il i
en France en 978. Outre la baronnie de Mon
morency, il possédait les terres de Marly, d'I
couen , de Feuillarde près Melun , et de Bra
Bouchakh H, dit le Barbu , fils aîné du pr
cèdent, mort vers 1020. Il ne figure dans l'hi
toire qu'à cause de ses démêlés avec Vivier
abbé de Saint - Denis , dont, il avait ravagé li
propriétés. Le roi Robert cita les oartîes à s<
conseil, et rendit, le 25 janvier 997, un jugemei
d'après lequel il fut permis à Bouchard de bât
une forteresse à Montmorency à la conditic
:37
MONTMORENCY
338
u'il démolirait le Château-Basset, d'où il moles-
lit les vassaux de l'abbaye.
Bouchard III, fils du précédent, se trouva
iôlé aux grands vassaux qui souscrivirent à
ois chartes du roi Robert, lesquelles datent de
)23, de 1028 et de 1031. — Son frère puîné,
I ubry ou Alberic, fut connétable sous Henri I«.
t Thibaut, fils du précédent, mort vers 1090,
t îccéda à son oncle Aubry dans la charge de
mnétable, et jouit d'un grand crédit à la cour de
t liilippe Ier. Il ne laissa point de postérité.
I HERVÉ , frère du précédent, mort vers 1094,
! t grand-bouteillier de France ; il est ainsi qua-
i ié dans un acte de 1075. Ses libéralités envers
| s église? furent considérables.
Bouchard IV, fils du précédent, mort vers
25, s'intitula sire de Montmorency par la
âce de Dieu. Bien qu'il eût fait don au mo-
stère de Saint-Martin des Champs , qu'il af-
i ctionnait particulièrement', des églises de
\ ontmartre et de Sainte-Opportune avec leurs
hpendances, il se montra pour l'abbaye de
> lint-Denis un voisin fort incommode. L'abbé
• lam se mit en devoir de réprimer lui-même ses
t prédations.. « Ils s'entredéfièrent , lit-on dans
5 Grandes Chroniques , et s'entrecoururent
s à armes et à bataille, et ardi li uns à l'autre
i terre. » Condamné par jugement du roi Phi-
ope le, Bouchard en appela à son épée, et s'en-
rœa dans son château de Montmorency, où
juis le Gros, assisté des comtes de Montfort et
; | «.Flandre, ne tarda pas à venir l'assiéger (1 101).
> ? près avoir vu dévaster ses terres et brûler ses
: I liages , après avoir soutenu vaillamment un
i I saut, il jugea prudent de se soumettre et jouit
[ j:puis d'un certain crédit à la cour. N'ayant pu
i' ssuader Louis d'envahir la Normandie, il l'ac-
f hmpagna pourtant à celte guerre et assista au
i j neste combat de Brenneville (20 août 1 1 19) ; en-
£ [iloppé par l'ennemi , il devint prisonnier du
" I i d'Angleterre Henri I1*, qui lui rendit la liberté,
i fnt en considération de son mérite que parce
fi'il était vassal de l'une et de l'autre couronne.
se maria deux fois, et eut six enfants.
» \ Matthieu Ier, fils du précédent , mort vers
i- \ 60. Il eut l'avantage de plaire à deux rois ri-
' f ux : l'un, Henri Ier d'Angleterre, lui donna en
:•' jariage, vers 1126, Alix ou Aline, une de ses
: Iles naturelles, et l'autre , Louis le Jeune , l'é-
na en 1138 à la dignité de connétable. Il ve-
llit d'épouser en secondes noces Adélaïde de
nivoie, mère de ce dernier prince et veuve de
ilf'Uis VI (1141), lorsqu'il fit partie de l'expédi-
f S n dirigée contre le comte de Toulouse. Il n'est
»s certain, comme Duchesne le prétend sans
- ! donner de preuves , qu'il ait partagé avec
< fbbe Suger l'administration du royaume pen-
'■nt la seconde croisade. L'abbaye de Saint-
ctor le regardait comme un de ses premiers
t rinfaiteurs. — Le cinquième de ses enfants,
|: 'tatthieu, fonda la branche de Montmorency-
■ [irly, éteinte dans le quatorzième siècle..
Bouchard V, fils du précédent, mort en 1189.
Par son mariage avec Laurence, fille de Bau-
douin IV, comte de Hainaut (1173), il devint
oncle de la reine Isabelle, femme de Philippe-
Auguste. 11 mourut au moment de partir pour
la Terre Sainte. L'une de ses deux filles, Alice,
épousa le fameux Simon de Montfort.
Matthieu II, dit le grand connétable , fila
du précédent, né vers 1174, mort le 24 novembre
1230. Après avoir été fait chevalier par Bau-
doin V, comte de Hainaut, il accompagna Phi-
lippe-Auguste en Normandie (1203) , et se distin-
gua devant Château-Gaillard, place très-forte,
située sur le bord de la Seine ; pendant six mois
environ il conduisit presque tous les travaux des
assiégeants et marcha un des premiers à l'assaut.
Ce fut à lui autant qu'à Simon de Montfort et à
Guillaume des Barres que l'on dut la rapide con-
quête de la province. Quoique l'histoire ne le
mentionne pas dans les campagnes suivantes
contre les Anglais , il n'y a guère lieu de douter
qu'il n'y ait eu part. A Bouvines il commanda, de
concert avec le duc de Bourgogne et le comte
de Beaumont, l'aile droite de l'armée française
(25 juillet 1214); il eut à supporter le premier
choc , de la part d'un adversaire , le comte de
Flandre, résolu à vaincre ou à périr. « Iltenoit
un faussart en sa main, dit l'ancienne chronique
de Flandre, et en detranchoit les presses, et
estoit sur un grand destrier ; et qui lors le veist
bien l'eust pu remembrer un gentil vassal. » On
prétend que dans cette journée il enleva de sa
main douze enseignes ou bannières impériales, et
qu'en mémoire de celte prouesse, il lui fut per-
mis d'ajouter à ses armes autant d'alérions, ce
qui en porta le nombre à seize. En 1215 il se
croisa contre les albigeois, et fut pourvu à son
retour de la charge de connétable , vacante par
la mort de Dreux de Mello (1218). II est le pre-
mier connétable qui ait commandé les armées ,
mais ce ne fut que par commission, et nullement
en vertu de sa dignité; car ce droit appartenait
au sénéchal de France, dont la charge resta en
vacance depuis 1191 jusqu'en 1262, où elle fut
supprimée. Ayant reçu de Louis VIII la conduite
de l'armée, Matthieu suivit ce prince dans sa
glorieuse campagne de Saintonge (1224). Après
avoir débuté par la prise du château de Niort,
défendu par Savary de Mauléon, qui passait pour
un des plus habiles capitaines de ce temps, il
s'empara de La Rochelle et soumit ensuite sans
effort toutes les provinces de la domination an-
glaise jusqu'à Bordeaux. En 1226 il prit une se-
conde fois la croix contre les albigeois , et ras-
sembla sous ses ordres plus de cent mille cavaliers
et un plus grand nombre de gens de pied ; le
seul fait de cette guerre, qui se termina par un
accommodement avec la noblesse du Languedoc,
fut la réduction d'Avignon après un siège aussi,
long que meurtrier. Luiis VIII mourut un mois
plus tard à Montpensier; sentant les approches
de la mort , il fit jurer au connétable, en pré-
359
sence des princes , des prélats et des barons ,
d'être le protecteur de son fils encore en bas
âge. Fidèle à sa promesse, Matthieu de Mont-
morency devint le plus ferme appui de la régente
Blanche de Castille ; par sa fermeté et son ex-
trême diligence , il contraignit les grands vas-
saux à rentrer l'un après l'autre dans l'obéis-
sance. Dans la même année, il battit les comtes
de Champagne et de la Marche (1227). Puis,
après avoir eu l'adresse de détacher d'une se-
conde ligue plus formidable les comtes de Dreux,
de Nevers et de Boulogne, il réunit en plein hiver
toutes ses forces conire le comte de Bretagne,
prit Bellesme (décembre 1229), et entra dans
l'Anjou. Il mourut au retour de cette expédi-
tion, et fut inhumé dans l'abbaye du Val. Par
ses alliances et celles de ses ancêtres, il se
trouvait grand-oncle , oncle , beau-frère, neveu,
petit-fils de deux empereurs et de six rois, et allié
à tous les souverains de l'Europe. On a fait
d'Anne de Montmorency le personnage le plus
illustre de sa race; mais en réalité sa gloire doit
s'effacer devant celle de Matthieu , qui posséda ,
et à un plus haut degré, toutes ses qualités, et
n'eut point ses défauts. Il avait épousé Gertrude,
fille du comte de Soissons, et Emme, fille et hé-
ritière de Gui VI, sieur de Laval; de cette der-
nière il eut un fils, Gui, qui fut le chef de la
branche de Montmorency-Laval (voy. Laval).
Bouchard VI, fils du précédent, mort le 1er jan-
vier 1243, se joignit à l'armée royale destinée
contre le comte de la Marche, et eut part à la
victoire de Taillebourg (1243).
Matthieu III, fils du précédent, mort en 1270,
devant Tunis, prit la croix en 1267, dans le parle-
ment qu'assembla saint Louis à Paris , et suivit
ce prince avec douze chevaliers sous trois ban-
nières. De Jeanne de Brienne, nièce d'Henri de
Lusignan,roi de Jérusalem, il eut sept enfants,
entre autres Érard, grand -échanson de France,
et Bouchard, chefs des branches de Montmo-
rency- Con flans et de Montmorency-Sain t-Leu,
éteintes l'une et l'autre au quinzième siècle.
Matthieu IV, dit le Grand, fils du précé-
dent, mort vers 1305. Après s'être distingué
dans les expéditions de la Pouille (1282) et de
l'Aragon (1285), il obtint de Philippe IV la
charge de grand-chambellan avec la terre de
Damville. En 1294, il contribua, sous les ordres
de Charles de Valois, à la conquêtede la Guienne.
L'année suivante il commanda, avec Jean d'Har-
court, la flotte qui alla incendier Douvres, et en
ravagea les environs. Une si belle armée, dit
Nangis, suffisait pour soumettre toute la monar-
chie anglaise; mais ses chefs, à peine débarqués,
furent aussitôt rappelé» par des lettres du roi.
Matthieu se trouva encore aux journées de
Furnes et. de Courtrai, et fut, à ce qu'on présume,
un des capitaines qui déployèrent le plus de va-
leur à celle de Mons-en-Puelle (1304).
Matthieu V, fils du précédent, mort en 1306,
ne laissa point d'enfants.
MONTMORENCY 34
Jean 1er, frère du précédent, mort en juin 132. >
assista à la bataille de Mons-en-Pueile. Un de si
fils, Matthieu, fut auteur de la branche d<
Montmorency-Boxiqueval, éteinte en 1461.
Charles, fils du précédent, mort le 11 se
tembre 1381. Pourvu en 1336 de la charge <
grand-panetier, il se porta, en 1339, à la défen
de Tournay, menacé par les Flamands, et fut f;
prisonnier. Nommé maréchal de France en 134
il envahit la Bretagne avec le seigneur de Saii
Venant, assiégea Nantes et força Jean de Moi
fort à se rendre. La guerre s'étant renouvel
en 1345 avec l'Angleterre, il se signala <\
Guienne et au siège de Calais ; à Crécy il coi
battit à côté du roi Philippe VI, et fut un d
cinq barons qui l'escortèrent dans sa fait
Chambellan en 1346, il se démit de la charg
alors amovible, de maréchal en faveur d'Édoua
de Beaujeu, son beau-frère, en recevant le til
de « capitaine général sur les frontières
Flandre et de la mer en toute la langue picard*
(1347). Il débuta dans ces nouvelles fonctio
par une victoire qu'il remporta près du Quesn
sur les Flamands (1348). A la suite de la désî
treuse journée de Poitiers, qui plongea le royaui
dans d'affreux désordres, un parti d'aventurii
brûla le château de Montmorency, qui n'a jam
été rebâti depuis (1357). Charles, qui s'était ren
auprès du dauphin pour l'aider de sa person
et de ses conseils, négocia en 1358 la récon
liation de ce prince avec le roi de Navarre, s
plus dangereux ennemi. En 1360, ilfutdu noml
des députés qui conclurent le fameux trailé
Bretigny, si funeste aux intérêts de la Fran
Le roi d'Angleterre ayant exigé quarante ota;
à son choix jusqu'à ce que les conditions de
paix eussent été remplies, Charles de Montn
rency se rendit à Londres , et peu de ten
après il s'engagea à payer le quart d'une som
de 200,000 écus d'or (près de 3 millions
francs) sur la rançon du roi Jean, qui mont
à 3 millions d'écus; les autres seigneurs r
ponsables avec lui étaient les ducs d'Orléai
d'Anjou et de Berry. Bien accueilli de Charles
qui l'admit dans son conseil , il fut choisi
1368, pour être le parrain du dauphin, depi
Charles VI. Il se maria trois fois, et laissa h
enfants.
Jacques , fils du précédent, né en 1 370, m
en 1414. A l'âge de dix ans il fut arméche'
lier par Charles VI (1380), le suivit en Flanc
et assista à la bataille de Bosbecque (138
Chambellan du roi, il vécut auprès de lui, et :
fusa de se joindre à aucun des ambitieux pai
qui déchiraient la France. Vers 1400 il prit
titre, conservé par ses descendants, de prem
baron de France, après avoir prouvé au pai
ment qu'il était en effet le plus ancien baron
domaine royal, l'Ile de France. Son fils pu*;
Philippe, conseiller et chambellan de Phili}
le Bon, duc de Bourgogne, fonda la branche i
Monlmorency-Croisilles, qui s'éteignit en 15!
11
MONTMORENCY
l e cette branche sortirent les quatre rameaux
ii Bours, d'Esquer.court, à'Acquestei de Neu-
[ lie- Wistace, aujourd'hui éteints.
I Jean 11, fils du précédent, né en 1402, mort
i G juillet 1477. 11 abandonna tous les biens de
I maison à la merci des Anglais et des Bour-
i ignons pour s'attacher au dauphin Charles,
l> ii avait été obligé, par suite du traité de Troyes,
M retirer enlouraine. Son dévouement futré-
; mpensé par la charge de chambellan de France ;
lis en 1429 il s'en vit puni par la confiscation
KM terres, situées dans l'Ile-de-France, en
i ie et en Normandie, au nom du roi d'Angle-
ïre, Henri VI, qui en fit présent à Jean de
i, ixembonrg , comte de Saint-Pol. Cette même
i née Jean H déploya tant de bravoure à l'at-
i ]ue infructueuse tentée contre Paris qu'il fut
| éé chevalier sur le champ de bataille. Il prit
| core part aux campagnes suivantes contre les
| iglais. Toujours fidèle à la cause royale, il vit
I ec la plus vive indignation ses deux fils aînés
fibrasser le parti du duc de Bourgogne, Charles
i Téméraire, et pour les en punir il les dé9hé-
f a. Ayant sommé l'aîné, Jean, sire de Nivelle,
| rentrer dans le devoir, le jeune homme, loin
i )béir, se retira à la cour de Gand. Alors son
\ re, irrité, le traita de chien, et c'est de là qu'est
(nu, dit-on, le proverbe : « Il ressemble au
lien de Jean de Nivelle, qui s'enfuit quand on
[ppelle. » Jean II institua son troisième fils,
iiiHaume, qu il avait eu d'un second lit, l'unique
|iritier de ses biens et de son nom. La substitu-
| m fut autorisée par Louis XI, le 28 octobre 1472.
( Les deux fils de Jean II figurèrent parmi les
■M riches seigneurs des Pays-Bas, où ils se
j.èrent; l'un et l'autre devint la tige d'une fa-
ille poissante. Jean fonda la branche des Mont-
[orency-Nivelle, qui finit à la quatrième géné-
jtion, clans la personne du comte de Horn et du
jiron de Montigny, son frère, décapités en 1568
I en 1570. Louis fut le chef de la branche des
|i ontmoren cy-Fosseux, qui donna naissance aux
jimeaux de Loupy , de Lauresse, de Château-
i un, de Wastines et de Boutleville ou Luxem-
\Mrg; cette branche est devenue l'aînée de toute
! maison. Elle subsiste aujourd'hui dans les deux
tanches des familles ducales de Montmorency
ji de Luxembourg , investies de ces titres la
iemièreen 1767 et la seconde en 1662.
j Guillaume, troisième fils du précédent, mort
24 mai 1531. Il suivit Charles VIII et Louis XII
ins leurs guerres d'Italie , devint gouverneur
• l'Orléanais ( 1 503), puis chevalier d'honnenr de
duchesse d'Angoulême, mère de François Ier,
fut, après la bataille de Pavie, l'un des si-
itataires du traité conclu entre la régente et
îenri VIII, roi d'Angleterre (1525). De sa femme
Inné Pot, il eut quatre tils et trois filles. P. L.
(André Ouchcsne, liist. généatog. de la Maison de
tontmorenci/ et de Laval ; Paris, 1B24, in-fol. — Desor-
i-au\, fjist. de ta Maison de Montmorency. — An-
iline, Crands-Oftlciers de la Couronne. — Art de v4-
lier hs claies (eciit. 181S), t. XII.
mostmoriîscv (Anne (1), premier duc
he), célèbre capitaine et homme d'État français,
fils du précédent, né le 15 mars 1492, mort le
12 novembre 1567, à Paris. Il fut élevé avec
François, comte d'Angoulême, qui, monté sur le
trône, lui garda pendant un grand nombre d'an-
nées la plus tendre amitié. Après avoir pris part
en 1515 à la bataille de Marignan, en qualité de
lieutenant de la compagnie de Robert, bâtard de
Savoie, dont il épousa plus tard la fille, il fut
nommé gouverneur du Novarars. En 1520 il as-
sista à la fameuse entrevue entre François 1er et
Henri VIII à Guines, et fut peu de temps après
chargé d'importantes négociations près de la
cour d'Angleterre. De retour en France, il fut fait
premier gentilhomme de la chambre. En 1521 il se
jeta avec Bayard dans Mézières, qu'il empêcha
de tomber au pouvoir des troupes impériales.
Envoyé l'année suivante en Suisse pour y lever
douze mille fantassins, il les mena rejoindre dans
le Milanais l'armée de Lautrec, et se signala par
son brillant courage au siège de Novare et à la
bataille de La Bicoque. Promu au grade de ma-
réchal, il fut chargé, en 1524, avec Chabannes,
de poursuivre l'armée du connétable dé Bourbon,
qui évacuait la Provence, tandis que le roi en-
vahissait la haute Italie ; il alla ensuite rejoindre
le roi devant Pavie. A la bataille donnée sous
les murs de cette ville , il commanda l'aile droite
de l'armée française ; la fuite des Suisses qui s'y
trouvaient l'empêcha de résister à l'attaque du
marquis de Guasto, et il fut fait prisonnier. Re-
lâché bientôt après , il fut un des principaux né-
gociateurs du traité de Madrid. Nommé en 1526
grand-maître de la maison du roi et gouverneur
du Languedoc, il fut chargé en 1530 d'aller re-
cevoir à la frontière d'Espagne les princes fran-
çais gardés jusque alors en otages par Charles
Quint. Dans les années suivantes il acquit un
ascendant marqué sur le roi, dont il allait de-
venir le principal ministre. Ce fut lui qui fit en
t536, lors du renouvellement de la guerre avec
l'empereur, adopter le pian de défense , consis-
tant à ne pas combattre les ennemis qui avaient
pénétré en Provence, mais à dévaster cette con-
trée de fond en comble, poar leur enlever les
moyens de subsistance. Chargé de la direction
suprême des opérations militaires , il veilla à
ce que tous les approvisionnements amassés
dans les villages , ou dans les villes, sauf Arles
et Marseille, fussent entièrement détruits, sans
égard aux souffrances des habitants, dont beau-
coup moururent de faim. Le but de ces mesures
barbares fut en effet atteint; l'armée impériale
éprouva bientôt des privations cruelles. Pendant
ce temps Montmorency concentra ses troupes
devant Avignon dans un camp fortifié avec soin.
N'ayant aucune confiance dans les légions fran-
çaises formées deux ans auparavant , il avait
fait lever treize mille Suisses et huit mille lans-
(0 Ce nom lui fut donné , dit-on , parce que la relue
Anne de Bretagne fut sa marraine.
343
quenets. Quoique à la tête de forces imposantes,
il persista à ne pas combattre et à laisser la fa-
mine détruire les soldats de l'empereur ; et même
lorsque ceux-ci, bien diminués et affaiblis par
les maladies, se furent mis en retraite , il se
refusa, malgré les instances du fils du roi, Henri,
à tomber sur les derrières de l'ennemi , auquel
il aurait pu faire le plus grand mal. Selon Beau-
caire, cet excès de prudence devrait être attribué
à ce que Montmorency, se défiant de ses talents
militaires , n'aurait pas voulu laisser remporter
par d'autres des succès qu'il se croyait incapable
d'obtenir; d'après Martin du Bellay, Montmo-
rency n'aurait pas poursuivi l'empereur pour se-
courir à la hâte Péronne, menacé d'être pris.
En 1 537 il accompagna en Picardie le roi Fran-
çois 1er ; après avoir enlevé quelques places, ce
prince licencia ses troupes dès le commence-
ment de mai, ce qui permit aux Impériaux, qui
survinrent alors, de faire des progrès alar-
mants. Montmorency rassembla à la hâte une
nouvelle armée de trente mille hommes en état
de combattre avec succès les vingt-deux mille
de l'ennemi ; mais il préféra entrer en négocia-
tion, et signa le 30 juillet une trêve avec la gou-
vernante des Pays-Bas. A la fin de septembre il
marcha avec l'avant-garde de l'armée française
au secours de Turin , força le pas de Suse, et
vint se camper le 31 octobre à Rivoli, en face
des Impériaux; mais au lieu de livrer bataille,
comme l'en pressait le dauphin, il appuya les
démarches faites par le pape en faveur de la
paix. Des pourparlers commencèrent; chargé
avec le cardinal de Lorraine de traiter avec les
envoyés de Charles Quint, Montmorency se
rendit en février 1538 à Moulins auprès du roi,
pour lui rendre compte de la marche des négo-
ciations; quelques jours après son arrivée il
reçut l'épée de connétable. Au mois de juillet de
la même année, il assista aux conférences tenues
à Aiguës-Mortes entre l'empereur et François rr,
qu'il encourageait de plus en plus à accepter la
proposition de Charles d'asservir en commun
l'Europe et d'extirper l'hérésie naissante. La
maladie du roi lui valut bientôt après la direc-
tion absolue de la politique étrangère aussi bien
que de l'administration intérieure. On peut se
rendre compte de l'influence suprême qu'il exerça
alors, lorsqu'on parcourt les deux volumes
in-folio des Mémoires de Ribier, où se trou-
vent de nombreuses lettres adressées au conné-
table par les ambassadeurs , les prélats, les gou-
verneurs de province, les parlements, etc., sur
toute espèce d'affaire de gouvernement. L'or-
gueil qu'il conçut de sa position le rendit hautain,
rude et tranchant même envers les plus grands
personnages de l'État (1). Il profita de son crédit
(1) « Certainement, dit Brantôme , il estoit grand ra-
broueur de personnes, cela n'estoit que bon à lui; car
il avoit tant veu, pratiqué et retenu, que quand il voyoit
faire des fautes ou qu'on bronchoit devant lui, il le sça-
voit bien relever avec belles raisons. Ah! comme il
vous repassoit ses capitaines, et grands et petits, quand
MONTMORENCY 3
tout-puissant pour augmenter sa fortune mêi
par des moyens peu délicats , témoin le marc \
qu'il conclut avec le comte de Chateaubriai |
qui, enJéguant au connétable dix de ses plJ
belles terres, obtint une quittance en règle
son administration en Bretagne, où il aviJ
commis de nombreux détournements. « Ma:
ditSismondi, si Montmorency manquait éga' [
ment et d'aménité dans le caractère et d'inll
grité et de talents militaires distingués, et d'1 1
bileté en politique , il avait du moins une a {
lonté ferme et inflexible, et une capacité \
travail et d'application qui jusque alors avait I
manqué aux conseils de François Ier. Ce qi |
avait une fois voulu , il le poursuivait avec coi i
tance; il rapportait toutes ses actions à un mêi I
plan, et il maintenait dans l'administration
ordre auquel on n'était point accoutumé. »
En conséquence du rapprochement qu'il av
aidé à opérer entre le roi et l'empereur, Moi
morency mitiinaux bons rapports qui existait]
entre la France et l'Angleterre, ainsi qu'avec
princes protestants de l'Allemagne et avec
Turcs. La plupart des agents diplomatiques frf
çais se montraient contraires à ce changent»
de politique, dont ils faisaient ressortir les àii
gers , en rappelant le-peu de bonne foi de Ch.
les. Mais Montmorency sut faire prévaloir !
idées, et il obtint du roi qu'il rejetât l'of
des Gantois, révoltés, de proclamer François
comme leur seigneur; Charles fut même inv.
à traverser la France pour pouvoir aller chat |
les rebelles. L'empereur accepta ; on rappo
qu'il courut le danger d'être retenu prisonh
à son passage en France , mais que Montre
rency mit obstacle « à ce vilain fait ». Il ne;
serait peut-être pas opposé s'il avait pu p:
voir ce qui arriva bientôt après. Charles, <
avait fait espérer au roi qu'il lui rendrait le î
ils fallloient à leurs charges et qu'ils vouloient faire
suffisans, et vouloient encore respondre. Asseurez-vi
qu'H leur faisoit boire de belles hontes, et non-seï
ment à eux, mais à toutes sortes d'estats , comme à
messieurs les présidents , conseillers et gens de justi
quand ils avoient fait quelque pas de clerc» La moin
qualité qu'il leur donnoit, c'estoit qu'il les appei
asnes, veaux, sots, et qu'ils vouloient faire les suffis;
et n'esloient que des fats; si bien que s'ils n'estoi
bien habiles , mais Je dis des plus subelins, asseurez-vi
qu'ils trembloient devant lui; et demeuroient quelqi
foi* si estonnés, qu'ils ne sçavoient que dire, et les n
voyoit ainsi qualifiés comme j'ai dit. »
« 11 ne jnanquoit jamais à ses dévotion» ny à
prières, dit encore Brantôme , car tous les matins il
failloit de dire et entretenir ses patenostres, fust qi
ne bougeast du logis, ou fust qu'il raontast a cheval
allast par les champs, aux armées : parmy lesquelles
disoit qu'il se fulloit garder des patenostres de M. '
connestable ; car en les disant et marmottant, lorsç
les occasions se présentaient , comme force desbort
ments et désordres y arrivent maintenant, il disol
« Allez-moy pendre un tel; attachez celuy-là à c
arbre ; faites passer cestuy-là par les piques à ce
heure;... brûlez moy ce village », et ainsi tels ou se
blables mots de justice et de police de guerre prof
roit-il selon les occurences, sans se débaucher nul
ment de ses pater, jusqu'à ce qu'il les eust pa(
chevés. » Ce portrait est bien caractéristique.
Ifi
MONTMORENCY
346
lais, refusa péremptoirement de se dessaisir
: ce pays; François Ier en conçut le plus vio-
nt dépit, et ht retomber son humeur sur le
nnétable, qui surtout avait prôné cette malen-
mtreuse alliance avec l'empereur. Dès le mi-
u de 1540, Montmorency put voir diminuer
aduellemcnt son inlluence, qui, minée depuis
îgtemps par la duchesse d'Étampes, cessa en-
rement lorsque le roi se fut aperçu des atten-
tas que le connétable avait pour le dauphin,
jmtmorency eut bien encore, en février 1541,
satisfaction d'entendre condamner l'amiral
îabot de Brion, jusque alors son rival dans la
reur du roi , et dont il avait préparé la perte
ec l'aide du chancelier Poyet, sa créature;
jis en rendant leur sentence les juges ne cher-
èrent pas à servir la haine du connétable ; ils
pensèrent qu'à plaire au roi, auquel ils adju-
rent toutes les richesses de l'amiral. Dès la
i de 1540, Montmorency cessa de diriger les af-
res ; il se retira à Écouen , où il vécut pendant
t ans dans une entière disgrâce , occupé uni-
lement à surveiller la construction du magrti-
|ue château qui existe encore aujourd'hui dans
lieu.
Aussitôt après la mort de François 1er ( mars
.47), il fut rappelé à la cour par le nouveau
i , Henri II , avec lequel il était resté dans
écrire son fameux Contr'un, ou de la servitude
volontaire. Pendant les années suivantes il conti-
nuade diriger les affaires presque en maître absolu;
bien qu'il n'eût que des capacités médiocres et au-
cune élévation dans l'esprit, il savait, par son ac-
tivité et sa ténacité, donner de l'impulsion et de la
régularité au gouvernement , qui sous un prince
aussi nonchalant et aussi nul que Henri aurait pu
être bien pire. Ce prince érigea pour lui la baron-
niede Montmorency en duché-pairie (I55t). En
1 552 le connétable conduisit l'armée qui prit pos-
session delaLorraine et des Trois Évêchés. L'an-
née suivante, il marcha avec plus de quarante mille
hommes sur la Flandre,pour réparer les échecs su-
bis de ce côté par sa négligence à pourvoir à la dé-
fense de Térouanne, qui fut pris par les Impériaux ;
mais avec des forces aussi considérables, et qui
causaientune dépense énorme, il n'entreprit rien,
« pareequ'ilne vouloit pas, dit Beaucaire, donner
au roi occasion déjuger de l'insuffisance de ses ta-
lents militaires ». Craignant que les talents qu'il
avait reconnus chez le duc de Guise ne fussent
mis en lumière par la continuation de la guerre,
il fit en 1556 conclure la trêve de Vauxelles pour
cinq ans; il prit encore une autre mesure de
précaution contre les Guise, dont l'ascendant
sur le roi l'inquiétait ; ce fut de faire épouser à
son fils François une fille naturelle de Diane de
i s meilleurs rapports, et qui lui confia tout j Poitiers. Cependant il ne put empêcher ses rivaux
gouvernement. Il commença par faire écarter
fjrtiix qui l'avaient supplanté auprès de Fran-
! lis 1er, tels que l'amiral d'Annebault et le cardinal
l ; Tournon. Les seules personnes qui gardèrent
f; l'influence à côté de lui furent les Guise , le
i aréchal de Saint- André et Diane de Poi-
pa (i). Chargé en 1548 de réprimer le soulè-
pment occasionné en Guienne par l'impôt sur le
f'I, Montmorency traita avec la dernière rigueur
|s Bordelais, qui s'étaient soumis dès son arri-
ve, leur enleva leurs privilèges et fit exécuter
lus de cent quarante d'entre eux. Ces mesures
arbares provoquèrent Etienne de La Boëtie à
■•(i) Les dilapidations honteuses, suites du règne de ces
ivorls, sont énergiquemeni dépeintes par Carlois, le ré-
jicteur des Mémoires de Viellleville. « Si on demande,
f. t.— Il, pourquoi le grand roi Henri nepouvoit avancer un
sue serviteur et de mérite, qu'il affectionnoit, selon la
Jlonté qu'il, en avoil, il est aisé de répondre que non,
iand ceux qui le possédoient étoient effrontés et par
iop convoiteux à l'envi de faire fleurir leurs maisons ;
ir il ne leur échappoit, non plus qu'aux hirondelles les
i muches, état, dignité, évêché, abbaye, office, ou quel-
i l'autre bon morceau, qui ne fût incontinent englouti.
jt avoient pour cet effet, en toutes parts du royaume,
|?ds apostés et serviteurs gagés, pour leur donner avis de
t>ut ce qui se mouroit, sans épargner les confiscations,
iDur les demander. Mais bien plus, ils avoient des méde-
}:.ns à Paris, où tous les grands de France abordoient, at-
tirés et comme pensionnaires, qui ne failloient de leur
fiander l'issue de leurs patients, quand ils étoient d'é-
jiffe; et bien souvent, sur le goût de mille écus, ou d'un
jinéfice de mille livres de rente, on les faisoit passer. De
,)rtc qu'il étoit quasi impossible à ce débonnaire prince
r étendre ailleurs sa libéralité ; car ils étoient quatre qui
I dévoroient comme un lion sa proie, jusqu'à lui ravir
fe qu'il avoit donné à ses domestiques; pour en pourvoir
s leurs. »
de décider le faible roi à recommencer la guerre
contre l'Espagne. Il ne voulut pas leur en laisser
la direction, et conduisit en 1557 l'armée en-
voyée au secours de son neveu Coligny, en-
fermé dans Saint-Quentin ; ses fausses mesures
amenèrent la destruction presque complète de
ses troupes; lui-même, le maréchal de Saint- An-
dré et une foule de seigneurs tombèrent entre
les mains de l'ennemi. Philippe II le relâcha
bientôt après sur parole, ne doutant pas qu'il ne
travaillât à faire signer la paix à tout prix, de
peur que les brillants succès remportés par le
duc de Guise, à Calais etàThionville, ne fussent
suivis d'autres encore plus éclatants. Bientôt après
en effet fut conclu le traité de Câteau-Cam-
brésis ; ce traité était honteux pour la France, qui
ne cacha pas son indignation contre le conné-
table et le maréchal de Saint-André, qui avaient
fait payer au pays leur rançon plus cher que
celle de François Ier.
Survint en 1559 la mort de Henri II; la reine
Catherine de Médicis, jusque alors entièrement
négligée, eut immédiatement une grande part d'in-
fluence. Elle avait à se plaindre de Montmorency,
qui n'avait eu pour elle aucuns égards et avait
même suscité sur sa fidélité comme épouse des
doutes auprès du roi. Peu vindicative, elle au-
rait consenti à un rapprochement avec le conné-
table, que celui-ci demandait alors instamment,
si elle n'avait pas prévu que les Guise, appuyés
par la jeune reine Marie Stuart allaient s'emparer
du pouvoir. Ils y parvinrent d'autant plus facile-
j ment que Montmorency, retenu par le devoir
347
MONTMORENCY
!
de sa charge auprès du corps du feu roi , fut
obligé de leur laisser le champ libre, et que le roi
de Navarre et le maréchal de Saint-André, sur
lesquels Montmorency croyait pouvoir compter,
se déclarèrent pour eux. Apprenant que le gou-
vernement passait en leurs mains, le connétable
accourut au Louvre; il futreçu très-froidement : le
roi lui annonça qu'il ne voulait plus laisser peser
les soins de l'administration sur un vieillard de
près de soixante-dix ans. Montmorency se retira à
Chantilly; il perdit bientôt après la charge de
grand-maître, qui fut donnée au duc de Guise.
Cette fois il ne se résigna pas à sa disgrâce, et
se concerta avec ses neveux, les trois Châtillon,
et avec les Bourbons, pour résister à la toute-puis-
sance des ministres.
Dès qu'il sut la mort de François II, il arriva
à la hâte à la cour, et reprit avec hauteur l'exer-
cice de sa charge. Catherine, que les Guiseavaient
blessée par leur insolence, le fit de nouveau
participer au gouvernement. Dans les premiers
temps il ne manifesta pas son ancienne aversion
contre les huguenots , que protégeaient ses ne-
veux; mais lorsqu'il vit, en 1561, le parti pro-
testant en crédit même à la cour, il se déclara
l'adversaire des sectaires , d'autant plus qu'ils
voulaient porter Antoine de Navarre à la ré-
gence et faire rendre gorge aux favoris des der-
niers règnes. Sollicité par Saint-André et Diane
de Poitiers, qui, plus que lui encore, redoutaient
l'avènement aux affaires des huguenots, il se
réconcilia (avril 1561) avec les Guise, pour s'op-
poser en commun avec eux aux progrès des hé-
rétiques. Il en résulta une association toute-
puissante entre Montmorency, le duc de Guise et
Saint-André, connue dans nos annales sous le
nom de triumvirat. Parvenus à gagner le roi
de Navarre, ils résolurent d'opposer la force aux
violences et aux brutalités renouvelées des hu-
guenots. Lorsqn'en 1562 éclata la guerre de reli-
gion, ils prirent définitivement en main la direc-
tion du gouvernement , dont ils écartèrent Ca-
therine , et se préparèrent à combattre le prince
de Condé. Dans les premiers jours d'avril, Mont-
morency fit brûler à Paris dans les deux temples
des huguenots les chaires et les bancs. Vers la
fin de l'année il marcha avec l'armée royale pour
couper à Condé la route du Havre. Le 19 dé-
cembre on se rencontra dans la plaine de Dreux.
Avec son imprévoyance ordinaire, il attaqua
seulement avec huit étendards de gendarmerie
l'armée ennemie, avant que ses autres troupes
ne fussent prêtes à le soutenir ; il ne put suppor-
ter le choc de la cavalerie de Condé, ses soldats
se débandèrent, lui-même fut fait prisonnier.
Cependant, grâce à l'habileté du duc de Guise, la
victoire revint aux catholiques; Condé tomba
entre leurs mains. Ce fut avec ce prince que le
connétable fut chargé deux mois après de négo-
cier la paix conclue le 19 mars 1563 et suivie de
l'éditd'Amboise, qui accordait aux huguenots la
liberté de conscience, et dans certaines limites
le libre exercice de leur culte. Trois mois ap
il prit le commandement de l'armée chai l
d'enlever Le Havre aux Anglais ; en huit joui \
s'empara de la place. Pendant les années ; \
vantes, il resta avec son fils Damville, fi.»
au parti catholique , tandis que François , jt
fils aîné, se rapprocha des huguenots. En li l
il se trouvait avec la cour à Meaux, lorsque t
derniers essayèrent de la faire prisonnii j
après avoir dirigé la retraite du roi sur Pari |
s'aboucha avec ses neveux les Châtillon jp
négocier un accommodement. Il "chercha em
à les gagner par des promesses de faveurs [
sonnelles, et' lorsqu'il eût déclaré que les é
de tolérance étaient révocables au gré de V.
royauté, les pourparlers furent rompus. Les U
guenots vinrent assiéger Paris ; Montmorency, u
y avait réuni une armée d'au moins dix mille 1 1
tassins, ne s'empressait pas d'attaquer les as ti
géants ; les cris du peuple l'obligèrent enfin (10 fej
vembre) à sortir des murs et à marcher co:i
Condé, qui, avec quinze cents cavaliers et à I
près autant de fantassins, campait dans la pi, s
Saint-Denis. Le combat s'engagea à trois he< |
de l'après-midi; les mauvaises dispositions!
connétable permirent aux huguenots, qui n 1
raient pu tenir un instant devant une atta f
bien dirigée, de mettre en déroute la genii
merie, au milieu de laquelle était Montmorei fi
Blessé et sommé de se rendre par Robert Stu u
il le frappe au visage du pommeau de sonéi ji
Stuart ou quelque autre Ecossais (on n'a janl
pu éclaircir le fait ) lui tire alors un coup p
pistolet dans les reins. François de Mont I
rency et Damville accoururent au secours!
leur père, et le dégagèrent. Se sentant attrl
mortellement , il voulait qu'on le laissât su G
champ de bataille, pour y expirer, coroml
l'avait toujours désiré. Il permit enfin qu'oip
transportât à Paris, où il mourut le surleni!
main. Son confesseur l'exhortant à faire pet
tence, il lui répondit : «Croyez-vous que
homme qui a su vivre près de quatre-vingts li
avec honneur, ne sache pas mourir un qui
d'heure? »
De Madeleine de Savoie le connétable eut c v
filset quatre filles, alliées aux familles de Lait
moille, de Turenne, de Ventadour et Candîi
O.
Brantôme, Hommes illustres. — Du Bellay, J/<ànoil
— Beaucaire, Commentaria. — Vieilteville, Mém. — i
Thon, historia — Tavannes, Mém. — Le Laboureur, f
ditions aux Mém. de Castelncm. — Boivin, Mém. | S
La Place, Mém de Condé, 1. 1 et II. — Davila. — D' [
bigné. — La Popelinière — Lesconvel, Anne de Mm
morency. — Pérard, Éloge historique d'Anne de M( t
morency. — D'Auvigny, Hommes illustres.
montmorency ( François, duc de ), rna|
chai de France, fils du précédent, né le 17 jui i
1530, mort le 15 mai 1579, à Écouen. Il eut p< r
parrain le roi François Ier. Pourvu en 1!
d'une compagnie de cent hommes d'armes,
la conduisit au siège de Lanz en Piémont et
1552 à la défense de Metz. Il se jeta en H
19
MONTMORENCY
350
;>ns Térouanne, prit le commandement de la
lace, après la mort du brave d'Essé, et pro-
kngea quelques jours encore la résistance;
blîgé de capituler, il oublia de stipuler une trêve
■nilaiit qu'on débattait les conditions, et fut
it prisonnier dans une irruption subite des Im-
I érianx. Sa captivité fut longue, mais il sut la
[ lettre à profit pour acquérir les connaissances
ttéraires dont il était totalement privé. Le roi
ifant payé sa rançon (1556), François obtint à
' >n retour le collier de l'ordre et le gouverne-
icnl de Paris et de l'Ile-de-France, vacant par
J. démission de Gaspard de Coligny. A cette
; toque il contracta un mariage secret avec MUe de
iennes, l'une des plus belles et des plus aima-
es personnes de la cour. Le connétable , son
ire, qui avait formé le dessein de lui faire
louser Diane, fille naturelle du roi, et veuve
! Horace Farnèse, duc de Castro, fit alors pu-
ier le fameux édit contre les unions clandes-
nes(l557), qu'il annulait par un effet rétroactif,
( ème lorsqu'elles avaient eu lieu entre personnes
i .ajoures ; puis il relégua Mlle de Piennes dans
, î couvent, et envoya son fils à Rome pour ob-
; nir l'assentiment du pape. François épousa
; iane le 3 mai 1557; cet honneur aurait porté
j j comble l'influence de sa famille dans les af-
. ires du gouvernement sans la mort inattendue
[Henri II. Après avoir combattu à la journée
U Saint-Quentin et à la prise de Calais , il eut la
[aarge de grand-maître de France en survivance
e son père, et contraint de la céder au duc de
luise , il fut en compensation créé maréchal de
l'rance ( 10 octobre 1559). Pendant les guerres
eligieuses on le regarda comme attaché au parti
[e.la tolérance; en effet il était lié d'une amitié
litime avec la plupart des chefs huguenots*et
I encbait vers leurs opinions ; mais la reine mère
l'avait -pas moins confiance en lui, le jugeant
jrop honnête homme pour la trahir et trop mo-
éré pour s'associer à aucune faction. Il assista
n 1503 au siège du Havre, et en 1567 à la ba-
aille de Saint-Denis, où il tailla en pièces la
avalerie du prince de Condé. Au mois, de mai
572, il conclut une ligue offensive et défensive
I vec la reine Elisabeth , qui lui donna l'ordre
Se la Jarretière. Il était absent de Paris à l'épo-
|.|ue du massacre de la Saint-Barthélémy. Guise,
[l'accord avec la cour et les prêtres, n'aurait pas
Jemandé mieux que de profiter de l'occasion
f>our se défaire des Montmorency, ses anciens en-
jiemis , et d'un autre côté Catherine de Médicis
..urait voulu sacrifier en un même jour Coligny,
fea Montmorency et les Guise. Soupçonné d'a-
foir trempé dans la conjuration formée à Saint-
^tennain-en-Laye pour enlever le duc d'Alençon,
te maréchal fut arrêté au moment où il venait
M justifier et conduit à la Bastille (4 mai 1574).
.1 comprit si bien que ses jours étaient en danger,
[|u'en se voyant réduit à une captivité des plus
(traites, il dit à ses geôliers : « Dites à la reine
jnère que je suis bien averti de ce qu'elle veut
faire de moi ; il ne faut pas tant de façons : qu'elle
m'envoie seulement l'apothicaire de M. le chan-
celier, je prendrai ce qu'il me baillera. » Re-
lâché le 7 avril 1575, à la sollicitation du duc
d'Alençon, il usa de son crédit sur ce prince
pour le ramener à la cour, d'où il s'était évadé. Il
mourut quelque temps après, d'apoplexie, sans
laisser de postérité de sa femme, Diane , qui lui
survécut jusqu'en 1619. P. L.
De Thou, Histona. — Mézeniy, llist. de France. —
Anselme, Grands- Officiers delà Couronne. — Duchesne,
Hist. de la Maison de Montmorency . — Discours sur
lu maladie et les derniers propos du maréchal Fran-
çois de M. ; Paris, 1379, in-8°. — Journal de l'Estoile.
— Sismondi, Hist. des Français, XVIII et XIX.
montmorency (Henfi Ier, comte de Dam-
ville, puis duc de), connétable de Fiance,
frère puîné du précédent, né le 15 juin 1534, à
Chantilly, mort le 2 avril 1614, à Agde. Filleul
du roi Henri II, il devint en peu de temps un
des seigneurs du royaume les plus accomplis
pour les qualités du corps et de l'esprit. Bran-
tôme dit, en parlant de lui et du duc de Nevers,
qu'ils étaient « les deux parangons pour lors de
toute la chevalerie ». Pourvu en 1551 dugouver-
nement de Caen, il fit ses premières armes à la
défense de Metz, passa en 1 555 en Piémont, y com-
manda la cavalerie légère, et mérita les éloges du
maréchal de Brissac. A la journée de Saint-
Quentin ( 1557), il tomba comme son père aux
mains des Espagnols. Entre les nombreux gen-
tilshommes qui accompagnèrent Marie Stuart
en Ecosse (1561 ), se distingua Damville, qui
paraissait animé par un sentiment plus tendre
que galant envers la belle et jeune reine. A son
retour il se remit en campagne, et assista à la
bataille de Dreux, où il fit Condé prisonnier
( 1562 ). Sur la démission de son père, il obtint
le gouvernement du Languedoc ( 12 mai 1563);
pendant plus de cinquante années il y fut à
peu près le maître absolu ; ni Charles IX et
Henri III, ni Catherine, leur mère, ne réus-
sirent à lui enlever cette province, d'où il ne
voulut plus sortir, et où il s'était fait une es-
pèce de souveraineté, disposant des troupes et
des finances à son gré, tour à tour adversaire
ou défenseur de l'État, persécuteur ou allié des
protestants, selon les exigences de son intérêt
personnel. Tout d'abord il parut dévoué aux
Guise et aux catholiques. Ne dissimulant point
sa haine contre les huguenots, il les força par
tous les moyens de rentrer dans l'obéissance :
il entrait en maître dans leurs villes, il en dé-
sarmait les habitants, il fermait les prêches ; il
fit pendre le ministre d'Uzès pour avoir parlé
trop librement en chaire. La cour récompensa
tant de zèle par le bâton de maréchal (10 fé-
vrier 1567 ) ; Damville n'avait pas encore trente-
trois ans. Après avoir eu part à la bataille de
Saint Denis, il rtntra dans son gouvernement,
qu'il ne quitta plus désormais. Il y déploya en
1569 la même ardeur de persécution que
Montluc en Guienne. On voulut les opposer en-
351
MONTMORENCY
36
semble aux protestants ; la jalousie les brouilla,
et ils ne se concertèrent jamais qu'avec répu-
gnance. Montluc l'accuse tout net dans ses
Commentaires d'avoir redouté moins le triom-
phe des protestants que celui des Guise. Leur
mésintelligence bien connue facilita à diverses
reprises les succès de Montgomery et de Co-
ïigny dans les deux provinces limitrophes. Après
la Saint-Barthélémy , il se crut obligé , pour
maintenir son crédit chancelant , de combattre
les huguenots ; mais, au lieu de s'attaquer aux
places importantes de Montauban, de Nîmes et
de Montpellier, il s'empara de Sommières, et
suspendit par des trêves toute hostilité entre les
deux partis. La reine mère, qui haïssait la
maison de Montmorency, saisit cette occasion
pour ôter son commandement à Damville
(juillet 1574); celui-ci résista, rejoignit Henri III
à Turin pour lui exposer sa conduite, et, n'en
ayant reçu qu'une réponse ambiguë, forma aus-
sitôt une ligue avec les protestants , réunis en
assemblée à Nîmes ( 10 février 1575). Il s'en-
gagea par serment à protéger la liberté religieuse,
à reconnaître l'autorité du prince de Condé et à
se conformer aux avis qui lui seraient donnés
par le conseil de la religion. Tout le parti des
catholiques tolérants , qui se nommaient eux-
mêmes politiques, le reconnut pour chef. Dès
qu'il se vit en état de tenir tête à la puissance
royale, le maréchal entra en campagne, et l'année
ne s'était pas écoulée qu'il avait soumis toute la
province, excepté Agde, Béziers et Pézenas, On
avait pourtant tenté de l'empoisonner, et il eut
quelque raison d'attribuer ce crime à Catherine ,
qui, on le savait, s'était reposée sur le colonel
Ornano et le capitaine Girardon du soin de la
débarrasser de lui. La fausse nouvelle de sa
mort se répandit même à la cour, et « le roi
ne s'en émut autrement, » dit Brantôme. Dam-
ville se tint de plus en plus sur ses gardes.
Lors de la paix dite de Monsieur ( 6 mai 1576 ) ,
il obtint deux places de sûreté et fut rétabli par
un édit particulier dans la jouissance de ses
charges, états et biens ; mais, loin de désarmer,
il s'entendit pour continuer la résistance, avec
le roi de Navarre et Condé. L'un et l'autre se
défiaient de lui. En effet pendant qu'il confir-
mait de nouveau l'union des huguenots avec les
politiques dans l'assemblée de Montpellier, il
reprit ses négociations avec la cour, et fit sa paix
moyennant des lettres d'investiture pour le mar-
quisat de Saluées, auquel il prétendait avoir des
droits (21 mai 1577).
Devenu duc de Montmorency par la mort de
son frère aîné ( 1579 ), le maréchal eut de nom-
breux démêlés avec Bellegarde, avec lès Joyeuse,
avec le roi surtout, qui ne réussit jamais à le
dépouiller de son gouvernement. On était allé
jusqu'à le dénoncer, au pape comme le plus
dangereux fauteur des huguenots; mais il
avait depuis longtemps exposé sa conduite à
Rome, et Grégoire XIII répondit qu'il le con-
naissait pour un loyal serviteur de Dieu. Malgi
les promesses et les menaces de la cour, il refus
de s'associer à la Ligue, et se mit de nouveau t j
état de révolte ouverte (1585). D'accord avec
roi de Navarre, il recommença la guerre. Pendai
près de dix ans il ne fut occupé qu'à combatti
Joyeuse. Le Languedoc était divisé entre o
deux gouverneurs, qui se conduisaient comme di
souverains indépendants. Montmorency sembla i
plutôt l'allié que le sujet de Henri IV, qu'il av£
reconnu pour roi ; il ne faisait rien pour lui et il i ;
lui demandait rien; il avait son parlement à B
ziers ou à Carcassonne, comme Joyeuse av<
le sien à Toulouse; chacun d'eux assemblait 1 i
états généraux de son parti et en obtenait d ,
subsides. Pour rétablir son autorité dans la pr
vince, Henri IV se proposa d'en éloigner Mor
morency ; il lui conféra la dignité de connétal (
(8 décembre 1593), et le chargea de pacifi
la Provence et le Dauphiné. Après avoir cho
pour lieutenant général le duc de Ventadoi j
son gendre, il joignit le roi en Bourgogne,
commanda plusieurs fois sous ses ordres jusqt i
la paix de Vervins. En 1602, il obtint la grâj
du comte d'Auvergne, depuis duc d'Angoulêno |
un des complices de Biron, et qui avait époi |
une de ses filles. Après la mort de Henri IV. |
se retira dans son gouvernement, où il moui I
bientôt, à l'âge de soixante-dix-neuf ans.
Marié trois fois, Henri de Montmorency <[
quatre fils, dont trois moururent jeunes, et quai
filles, entre autres Charlotte, duchesse d'jll
goulême, et Charlotte-Marguerite, princesse I
Condé ( voy. ci-après). — Ses trois frères cadfi
furent mêlés aux guerres civiles et religieuse J
Charles, duc de Damville, connu longtemps se 1
le nom de M. de Méru, combattit à Saint-Quel
tin, à Dreux, à Moutcontour et à Saint^Denis
fut créé amiral de France en 1593, et sa baron i
de Damville fut érigée en 1610 en duché-pair I
II mourut en 1612. Gabriel, -baron de Moi*
beron, fut tué en 1562, à la bataille de Drei
Guillaume, seigneur de Thoré, acquit le rem»
d'un vaillant capitaine1, et resta fidèle au parti1!
la cour; il mourut vers 1594. P. L. I
Duchesrce , Histoire de la Maison de Montmorei
— Anselme, Grands- Officiers de la Couronne.— CM
Vie cl d-om Vaisselle, Histoire du Languedoc. — Brji
tome, Capitaines illustres. — Sfsmondi, Histoire •
Français, XVIII àXXU — Poirson, Histoire deHenri,U
montmorency ( Henri II, duc de ), n|,|
réchal de France, fils du précédent, né à Chai
tilly, le 30 avril 1595, exécuté à Toulouse, H
30 octobre 1632. Il eut pour parrain Henri ! <
qui depuis ne l'appelait plus que « son fils
L'enfant avait si bonne mine que le prince dit
jour à MM. deVilleroy et Jeannin : « Voyez n I
fils Montmorency, comme il est bien fait;
jamais la maison de Bourbon venait a manqu
il n'y a pas de famille dans l'Europe qui méri •
si bien la couronne de France que la sieni
dont les grands hommes l'ont toujours soutei ■
et même augmentée au prix de leur sang
53
iiestiné en naissant aux plus hautes charges
ie l'État, élevé sous les regards indulgents de
I enri IV, aimable et courageux, Henri de Mont-
| lorency devint l'idole de la cour et de la ville (l) ;
> ouis XIII le créa amiral de France et de Bre-
hgne, en 1612. 11 obtint la même année la charge
> e vice-roi de la Nouvelle-France ( Canada ). En
; 31 3, sur la démission de son père, il prit le gou-
ternement du Languedoc. En 1614, il épousa
! (arie-Félice des Ursins, fille du duc de Brac-
ano, princesse accomplie, qui ne réussit pas
l 'pendant toujours à captiver le brillant et vo-
j ge jeune homme. Dans tes troubles civils que
f.arie dé Médlcis excita en 1619, le duc de
i ontihorehcy resta fidèle au roi , et sa conduite
\ta la conclusion du traité de paix entre la
Lère et le fils ( 30 avril 1619).
) Une nouvelle guerre civile, causée cette fois par
i s différences de religion, éclata en 1621. Mont-
r orency, après avoir enlevé plusieurs places aux
î -otestants , conduisit trois mille hommes à
' ouis XIII devant Montauban ; mais il tomba ma-
de, et fut forcé de quitter le camp. Tous ses sol-
i its désertèrent la même nuit, et le siège de Mon-
> uban fut abandonné. Dès que le ducdeMontmo-
i ;ncy fut rétabli, il trouva facilement des soldats ,
i ir il était adoré de ses troupes. La guerre con-
I nua, opiniâtrement soutenue du côté des pro-
■! istants par le duc de Bohan , brilfamment con-
i uite du côté des catholiques par Montmorency.
In 1622, celui-ci alla au secours du prince de
jlondé qui assiégeait Montpellier. Dans l'attaque
Ira 2 septembre , qui coûta la vie à une foule
\e gens de marque, il n'échappa à la mort que
>>arce que d'Argencourt, qui commandait les pro-
estants, le reconnut et le sauva en lui criant ;
» Retirez-vous par là ! » — « Il ne se le fit pas dire
I eux fois, raconte Bassompierre; et bien qu'il
te hâtât fort, il ne put éviter deux coups de
jique des ennemis. » La guerre religieuse, sus-
endue pendant deux ans, se ranima en 1625. Le
uc de Soubise, frère de Rohan, sortant à l'im-
roviste de La Rochelle, surprit et captura la
lotte royale. A cette nouvelle Montmorency
ffrit d'aller se mettre à la tète de quelques vais-
eaux auxiliaires que le cardinal de Richelieu
vait obtenus de la Hollande. Son offre, acceptée
vec empressement, n'était pas facile à tenir,
' (1) « Quoiqu'il eût les yeux de travers, dit Talleraant
es Beaux, M. de Montmorency étolt pourtant de fort
jionne mine : il avott le geste le plus agréable du monde,
ussi parlait-il plus des bras que de la langue.... Mmede
Rambouillet dit qu'une fois il voulut conter quelque
jtoose qu'il savait "fort bien; mais il s'embrouilla telle-
ient que le cardinal de La Valette, par pitié, fut contraint
e prendre la parole et d'achever le conte. Il commen-
[ oit souvent des compliments et demeurolt à my-cherain.
ne disolt pas de sottises, mais il avoit l'esprit court.
j o récompense, il étoit brave, riche, galant, libéral,
ansoit bien, étoit bien à cheval, et avoit toujours des
lens d'esprit à ses gages (Théophile, Malret ), qui fal-
alent des ver» pour lui, qui l'entretenoient d'un million
i e choses, et lui disolent quel Jugement il falloit faire
es choses qui couroient en ce temps là. Il donnoit
teaucoup aux pauvres, il étolt. aimé de tout le monde,
feials adoré en son quartier. »
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXXVI
MONTMORENCY 354
car les Hollandais, se souciant peu de combattre
contre leurs coreligionnaires, restaient au large.
Montmorency se jeta avec six gentilshommes
dans une barque de pêcheur, et après avoir erré
pendant quatre jours sur une mer orageuse il re-
joignit les Hollandais qui, entraînés par son as-
cendant, consentirent à combattre. Soubise fut
vaincu le 15 septembre, perdit une partie de sa
flotte, et se retira, laissant La Rochelle exposée à
l'attaque du vainqueur. Montmorency ,déjà maître
des îles de Rhé et d'Oleron, parlait de s'emparer
du dernier boulevard du protestantisme ; mais Ri-
chelieu se réservait cette gloire. Au mois de dé-
cembre 1626, il racheta à Montmorency la charge
d'amiral, et se l'appropria sous le titre de surin-
tendant de la navigation et du commerce. 11 était
évidemment jaloux de la popularité du jeune et
héroïque gouverneur du LanguedoG, et en 1627
il saisit une occasion démontrer que le grand nom
de Montmorency ne sauverait pas ceux qui le por-
taient s'ils désobéissaient aux lois. Le comte de
BoutteviUe, issu de là maison de Montmorency,
coupable d'avoir enfreint la toi sur les duels, eut
la tête tranchée, malgré les supplications de son pa-
rent. C'était un avertissement que le duc ne prit
pas pour lui, car sa conduite avait été jusque là un
modèle de fidélité. Il ne semble pas avoir eu de
grandes prétentions politiques. Le titre de con-
nétable, qui était comme héréditaire dans sa fa-
mille, eût suffi à son ambition, plus avide d'éclat
que de pouvoir. Richelieu ne voulut pas le sa-
tisfaire sur ce point , mais il ne put lui refuser
le commandement de la petite armée du Lan-
guedoc, à la tête de laquelle le duc batailla pen-
dant deux ans contre Rohan. Pour prix de ses
services, il n'obtint pas même que le cardinal
respectât les privilèges du Languedoc relatifs
aux tailles. Richelieu, comme s'il eût voulu mon-
trer aux Languedociens que le gouverneur qu'ils
aimaient tant ne pouvait rien pour eux, refusa
d'écouter leurs plaintes, que Montmorency eut la
faiblesse de ne pas soutenir assez énergique-
ment. La lutte contre les protestants n'était pas
encore terminée lorsque la guerre éclata en Italie,
en 1630. Le roi et le cardinal se rendirent au
pied des Alpes , et avant d'essayer de les fran-
chir, ils firent appel au duc de Montmorency,
qui accepta la tâche difficile de pénétrer en Pié-
mont pour dégager Casai, étroitement bloquée
par les Espagnols. Le 6 juillet Montmorency,
partit de Saint- Jean-de-Maurienne , battit les
Piémontais le 10 à Veillane (Avigliana ), et s'em-
para de Saluées le 20 ; mais la peste se mit dans
ses troupes et arrêta ses succès. Il fut bientôt
rappelé auprès de Louis XIII, qui était à Lyon,
malade à toute extrémité. Richelieu, qui savait
que son pouvoir ne tenait qu'à la vie du roi, était
dans une position très-embarrassante. On pré-
tend qu'il s'adressa au duc de Montmorency
pour demander sa protection ; il obtint du moins
que le roi mourant le recommandât au duc.
« Mon cousin, dit Louis à Montmorency, j'exige
12
355
de vous deu x choses : la première que vous ser-
viez l'État avec le même zèle que vous avez tou-
jours fait paraître; la seconde que vous aimiez
M. le cardinal, pour l'amour de moi. » Le duc,
qui étaitla générosité même, oublia tous les torts
du cardinal, et promit ce qu'on lui demandait.
Mais Louis XIII ne succomba pas", et Richelieu
resta premier ministre. Montmorency fut peu
après nommé maréchal de France (novembre
1630 ). On assure que le roi, en lui remettant
le bâton, lui dit : « Acceptez-le, vous l'hono-
rerez plus que vous n'en serez illustré. »
Le duc avaitespéré la charge de maréchal géné-
ral, et il en voulut sans doute au ministre, naguère
si obséquieux, d'avoir déçu son espoir. Dès lors,
lui qui s'était toujours tenu à l'écart des partis*
il semble avoir prêté l'oreille aux ennemis du mi-
nistre; mais» le moment n'était pas à la poli-
tique. Tout l'hiver fut marqué par des fêtes bril-
lantes. Il y eut à l'hôtel Montmorency force bals
et comédies et des divertissements auxquels as-
sistèrent le roi, la reine et toute la cour. Le duc
et la duchesse passèrent ensuite plusieurs mois
dans leur superbe terre de Chantilly. Montmo-
rency parlait même de s'y établir à demeure;
mais les affaires le rappelèrent dans son gou-
vernement. Quoiqu'il eût obtenu du cardinal le
rétablissement des états du Languedoc, il n'en
partit pas moins irrité contre Richelieu, et' il
trouva en arrivant les Languedociens très-mé-
contentsdu ministre ( novembre 1631). Sur ces
entrefaites il reçut un message de Gaston , duc
d'Orléans j frère du roi, qui était sorti récemment
de Franee et qui se proposait d y rentrer les
armes à lamain pour renverser Richelieu. Gaston,
au nom des intérêts de l'État* demandait l'appui
dU' gouverneur du Languedoc. Montmorency,
après beaucoup d'hésitations et de regrets*, entra
dans cette déplorable entreprise , et entraîna les
états de sa province; mais le parlement et plu-
sieurs villes restèrent fidèles au roi., Les prépa-
ratifs de Montmorency exigeaient du temps, et
ce fut avec surprise qu'il apprit: que Gaston
s'approchait de sa province, deux mois plus tôt
qu'il ne l'attendait , et avec dix-huit cents che-
vaux seulement. Il n'alla pas moins le recevoir
à Lunel, et mit à sa disposition les forces assez
nombreuses * mais peu disciplinées, qu'il avait
rassemblées, A cette nouvelle, Richelieu* par une
proclamation royale datée du- 23 août 1632, dé-
clara Henri de Montmorency criminel de lèse-
majesté, déchu de tous ses grades, honneurs et
dignités, et déférait son jugement au parlement
de Toulouse, nonobstant son privilège de pairie,
dont il s'était rendu indigne. Le roi partit ensuite
pour le midi avec Richelieu, mais avant qu'il
fût arrivé à Lyon* tout était terminé. Le l^r sep*
tembre l'armée royale, commandée par Schom-
berg, rencontra l'armée rebelle près de Casfel-
naudary. Montmorency, qui depuis qu'il connais-
sait mieux Gaston semblait désolé de s'être lié à
la cause d'un prince aussi lâche et aussi mépri-
MONTMORENCY 35
sable, engagea précipitamment le combat. :
s'élança fort en avant de ses troupes, avec quel
ques cavaliers, pénétra dans les lignes ennemies
et fit des prodiges de valeur. Mais cette lutte in
sensée d'un homme contre une armée se tei
I mina promptement. Criblé de blessures , il vouli
retourner vers les siens, et il l'aurait pu, car 1<
soldats qu'il venait de combattre ne demai
datent qu'à le laisser échapper; mais son chev
blessé s'abattit sur lui; les troupes de Gastc
ne firent aucun mouvement pour le secourir,
les vainqueurs le ramassèrent presque expira:
sur le champ de bataille. Il était percé de dix-se
blessures. Tandis qu'il recevait à Lectoure l
soins des médecins , Gaston signait, le 29 sei
tembre, un traité par lequel il abandonnait « ton
ceux qui s'étaient liés à lui » . Le roi se renc
en personne à Toulouse pour surveiller le jng
ment du duc de Montmorency. Les faits étaie
notoires. Montmorency, conduit devant ses juge
exprima son repentir avec une douceur plei
de dignité. La cour rendit un arrêt qui le coi
damnait à avoir la tête tranchée et confisqu
ses biens. Le procès du duc de Montmorenc
dont on prévoyait trop l'issue, émut la Fran
et l'Europe. Le roi d'Angleterre Charles 1er, le d
de Savoie, le pape, intercédèrent pour lui ; "S
nise supplia qu'on le lui donnât pour comma
dant de ses armées. Le cardinal de La Valette
exposer le saint sacrement dans toutes les églis
de son diocèse, ordonna des prières de q\i
rante heures et des processions publiques corni
dans les jours de deuil et de calamitési Les é1 1
ques du Languedoc et des provinces voisir
suivirent cet exemple. Le vieux duc d'Épern
accourut de son gouvernement pour se jeter a l
pieds du roi ; les plus grands seigneurs de
cour l'imitèrent. Le peuple , les- soldats se j
gnirent à ces supplications avec une touchai I
effusion. « Je ne serais pas roi* répondit duj
ment Louis XIII, si j'avais les sentiments |
peuple et des particuliers. » On a cru que
paroles avaient été soufflées par Richelieu* m
Louis Xll I n'avait pas besoin de conseils pcJ
être inflexible. L'arrêt reçut son exécution d;
la cour intérieure du Capitole. Montmoreij
marcha à la mort avec la plus calme assuran
Sa tête fut abattue d'un seul coup, et l'on
marqua que son sang jaillit sur la statue
Henri IV qui se trouvait dans, la cour. Avec
finit la branrhe qui avait recueilli au quinziè^
siècle l'ancien héritage de la maison de Mo j
morency ( voir ci-dessus). La pensée d'éteindr i
plusnoble famille française n'arrêta ni Louise '
ni Richelieu dans l'accomplissement d'un acte j
justice impitoyable; qui aurait été cruel même
avait été indispensable et qui' n'avait1 pas' mêj
l'excuse de la nécessité. De. tous les seigne
qui prirent les armes contre Richelieu', Montr \
rency était lemoinseoupable, et là postérité
eu pour lui que de la pitié mêlée à de l'adr
ration.
MONTMORENCY
m
La veuve du duc Henri de Montmorency lui
leva à Moulins un magnifique tombeau, que l'on
dmire encore dans la chapelle du lycée de cette
| ille. Cet édifice faisait partie autrefois du coll-
ant de la Visitalion, dont, après le supplice de
on mari, la duchesse était devenue supérieure,
l'est là que Marie-Félicie des Ursins avait voulu
, 0 retirer pour vivre et mourir auprès du tom-
«au de son mari. Elle finit ses jours le 5 juin
666. L. J.
nésormeaux , Histoire du maréchal de Luxembourg,
nlvl de VHist. delà Maison de Montmorency ; Paris,
'76V, G vol. in-12. — Déclaration du roi Louis XIII
mtre le duc Henry de Montmorency donnée à Losne,
m août, 1638. — Récit de la mort de Henri, dernier
ne de Montmorency, et de ce gui s'est passé lors à la
ntr; Paris, 1632, in-8°. — S. Ducros, MM. de Henri,
I ernier duc de Montmorency, pair et maréchal de
ronce; Paris, 1643, in-4°. — Dom Vaissette, Hist. du
anguedoc; 1. LXI.III. — Richelieu, Mémoires, t. VII.
- Bazin, Hist. de Louis XIII, t. III. — Sismondi ,
'ist. des Français, t. XXII et XXIII. - Tallemant des
jéaux, Historiettes , édit. Paris et Monmerqué. — Amé-
[ ie Henée , Mme de Montmorency, — Ch. Cotolendi,
if 'ie de Marie-Félicité Orsini, duchesse de Montmo-
!tncy ; Paris. 1684. — J.-C. Garreau, Fie de Mme la
uvhesse de Montmorency.
montmorency (Charlotte-Marguerite) (l),
rincesse de Condé, née en 1594, morte à
; hatillon-sur-Loing, le 2 décembre 1650. Fille
u duc Henri Ier de Montmorency-Damville,
i onnétable de France, et de Louise de Budos,sa
econde femme , elle avait à peine quinze ans
, Ksqu'en 1609 elle parut à la cour. Sa fortune
|]:t-surtout sa beauté remarquable lui attirèrent
, Ichombreux adorateurs ; Bassompierre fut un
les plus empressés. « Il est vray, écrit-il , que
ous le- ciel il n'y auoit lors rien de si beau que
Mademoiselle de Montmorency, ny de meilleure
Xâce, ny de, plus parfait. » Le connétable con-
entit volontiers à l'union de-sa fille avec Bas-
ompierre, et déjà tout était d'accord lorsque
îenri IV eut l'occasion de voir la jeune fiancée
< dans un ballet, rapporte Mézeray, où elle étoit
'etuë en Diane, et tenoit un dard à là main ; elle
uy inspira alors de tout autres sentiments que
;eux que cette chaste déesse devoit inspirer dans
es cœurs. » Le roi, oubliant son âge et la goutte
jnii le tourmentait sans cesse, fit appeler Bas-
iompierre, et après lui avoir proposé d'épouser
\ï"e d'Aumale et de le faire duc, lui tint cet
îtrange discours : « le suis deuenu non-seule-
nent amoureux, mais furieux et outré de ma-
lemoiselle de Montmorency. Si tu l'espouses et
ju'elle t'ayme, ie te haïray ; si elle m'aymoit ,
u me hayrois. Il vaut mieux que cela ne soit
)oint cause de rompre nostre bonne intelligence :
îar ie t'ayme d'affection et d'inclination. le suis
"ésolu de la marier à mon nepueu le prince de
Sondé et de la tenir près de ma famille. Ce sera
a consolation et l'entretien de la vieillesse , où
e vais désormais entrer. le donneray à mon nep-
ieu> qui est ieune, et aime mieux la chasse cent
nftilte fbis que les dames, cent mille livres par an,
i (1) Mézeray lai donne pour prénoms Henriette-Char-
otte.
pour passer son temps. » Bassompierre était trop
bon courtisan pour ne pas céder sa fiancée au
monarque épris. « Alors, continue-t-il , le roi
m'embrassa et pleura, m'assurant qu'il feroit
pour ma fortune comme si j'estois un de ses en-
fans naturels. » Il retira donc sa parole, sous
prétexte de ne point vouloir nuire à l'entrée de
Mlle de Montmorency dans la famille royale. Le
mariage du prince de Condé se fit selon le désir
du roi le 17 mai 1609, à Chantilly (1). Le conné-
table dota sa fille de 100,000 écus ; Diane du-
chesse d'Angoulême, tante de la mariée/comme
veuve du duc François de Mentmorency, y ajouta
50,000 écus. Le roi y contribua par de riches
présents, des pensions et des charges pour l'é-
poux, « jeune et pauvre ». Mais ce qu'il avait
espéré ne s'accomplit pas. Ses assiduités, ses
attentions galantes révélèrent bientôt à Condé le
sort que son oncle lui destinait. On disait hau-
tement à la cour « que le roi avait voulu ce ma-
riage pour abaisser le cœur du prince et lui
hausser la teste » (2). Ce fut durant les fêtes qui
célébrèrent les noces du duc de Vendôme avec
Françoise de Lorraine, fille du duc de Mercneur,
« que la flamme du roy éclata si fort par la pré-
sence de la princesse de Condé, qu'elle frappa
les yeux de son mary et lui causa un grand mal
de tête ». La reine Marie de Médicis, piquant le
jeune prince d'honneur et de jalousie il s'em-
porta en discours peu respectueux pour le roi,
qui l'en châtia « en lui retranchant ses moïens
de subsistance, sçavoir ses pensions et l'ar-
gent qu'il luy avoit promis pour son mariage. Ce
fâcheux traitement fit un efiet tout contraire à
ce que le roy désiroit; le prince, appréhendant
quelque violence d'une si forte passion, résolut
de se retirer du royaume. Aïant donc disposé
toutes choses pour son dessein, il enleva luy-
même sa femme le 29 d'aoust(1609,), la mit en
croupe derrière luy, et à quelques lieues de là la
jetta dans un carrosse à six chevaux et se rendit
à Bruxelles (3) ». A la nouvelle de cette évasion
imprévue, le roi, tout troublé de colère et d'a-
mour, ne put dissimuler son émotion" même
devant la reine, mais il tâcha de la couvrir de
raisons d'État; feignant de craindre que Condé
n'entrât dans les intérêts autrichiens , il somma
les archiducs « de luy rendre le premier prince
du sang ». Ils répondirent que la seule considé-
ration qu'ils avaient pour le sang de Bourbon les
avait engagés à lui donner asile, mais que
l'honneur ne leur permettait pas de le livrer. Le
roi insista : Condé crut prudent de se réfugier en
Milanais, laissant sa femme à Bruxelles ; quelques
courtisans de Henri IV essayèrent de l'enlever en
février 1610, mais ils furent fort mal traités par
(l) « Et sans cérémonie, suivant F/Es toi le. » Mézeray dit
au contraire, « au mois de murs avec solennité ».
(2> L'Estoile, Mémoires, t. II, p. 366. Ce propos est' at-
tribué a Henriette d'Gntragues, marquise de Verneull, qui
naturellement ne devait pas voir avec plaisir la nouvelle
passion de son royal amant.
(S) Mézeray, t. X, p. 370 37!.
12.
359
MONTMORENCY
36
la bourgeoisie bruxelloise, qui prit les armes pour
défendrelanoble réfugiée. Les deux époux ne ren-
trèrent en France qu'après la mort de Henri IV.
Le prince de Condé prit une part très-active aux
troubles de l'époque; enfermé k la Bastille en
1617, sa femme demanda à partager sa captivité,
et fut sa consolation pendant deux années que
dura sa captivité. En 1625, Condé fut exilé
de nouveau; il laissa à la cour dans Charlotte
de Montmorency un vaillant avocat. En 1632, la
princesse eut encore une douloureuse épreuve à
subir. Son frère bien-aimé, Henri II de Montmo-
rency, entraîné à la révolte par Gaston, frère du
du roi, fut pris les armes à la main au combat
de Castelnaudary, et condamné à mort par le par-
lement de Toulouse. Mme de Condé s'humilia
pour la première fois ; elle n'hésita pas à se jeter
aux genoux du cardinal de Richelieu pour ob-
tenir la grâce de son frère; elle lut impitoyable-
ment refusée. « On dit que le cardinal crut en
faire assez que de se jeter lui-même aux genoux
de la princesse. On rapporte aussi que s'étant
trouvée au service funèbre de ce ministre, en
1642, elle répéta, en se rappelant la triste fin de
son frère (30 octobre 1632 ), ce mot de Marie-
Magdeleine, sœur de Marthe et de Lazare : Do-
mine, si fuisses hic, Jraler meus nonjuisset
mortuus. Mme de Condé devint veuve eu 1646.
Elle fut la mère de Louis II de Bourbon, prince
de Condé, surnommé le Grand, du prince Ar-
mand de Conti et de la célèbre duchesse de
Longueville. Elle fit entrer dans la maison de
son mari les grands biens de la branche ducaie
des Montmorency, entre autres la terre de Chan-
tilly dont Louis XIII lui fit abandon après la
mort de son frère. A. d'E — p — c.
L'Esloile, Mémoires pour l'Histoire de France, t. II,
p. 260-267. — Mézeray, Abrégé chronologique de l'Hist.
de France, t. X, p. 309-372. — Bassompierre, lovrnal de
ma vie; Cologne, 1605, 3 vol. in-16, t. I, p. 202-225. —
AI.™* de Motteville, Mèm. — P. Lenet, Mérn. — Bazin,
Hist. de Louis Xlll.
montmorency -laval (Marie- Louise
de), fille du comte de Laval, maréchal de
France, née en 1723, guillotinée le 6 thermidor
an h (24 juillet 1794). Elle était abbesse du
couvent de Montmartre au commencement de la
révolution. Elle ne tarda pas à être accusée de
trahison, de complots contre la liberté et de
receler des armes et des munitions dans son
monastère. Le 21 juillet 1789, une foule de
gens, dont l'aspect et le maintien n'annonçaient
que le pillage et la destruction , se porta sur
Montmartre dans les intentions les plus hos-
tiles. L'abbesse, justement effrayée, fit remettre
au curé de Saint- Eustache un billet ainsi conçu :
« Je certifie que tout ce qu'on m'a imputé est
faux : je suis citoyenne zélée pour la conserva-
tion de mes compatriotes. » Le curé en fil avertir
aussitôt l'assemblée des électeurs qui siégeait en
permanence à l'hôtel de ville. Aussitôt Pélecleur
Deleutre, accompagné seulement de deux gardes
de ville, fut envoyé pour arrêter la multitude, qui
déjà assiégeait l'abbaye. Il parvint à se faire ei
tendre, et fit nommer deux délégués pour visiti
avec lui le monastère. Les recherches les pU
minutieuses n'amenèrent que la découverte d'i
mauvais fusil de jardinier. Sur le rapport de D
leutre, la foule se dissipa, et cette fois tout crin
fut évité. Mme de Montmorency-Laval ne fut pi
toujours aussi heureuse. Après avoir vu ses r
ligieuses dispersées, son ordre aboli, elle fi
incarcérée à^Saint- Lazare et citée le 6 thermid<
an n devant le tribunal révolutionnaire, qu
malgré son grand âge ( elle avait soixante et on:
ans), la condamna à mort, comme complice d'ui
conspiration ourdie dans sa prison-. Ce fut ui
des dernières victimes de la terreur; trois jou
plus tard Robespierre tombait, et probableme
elle eût échappé au supplice. H. L — e.
Dulaure, Esquisses historiques de la révolution fra
çaise (Paris, 2 vol. in-8°), t. ln, p. 200-202. — Biogruph
moderne (Paris, 1806).
MONTMORENCY- LAVAL ( Gui - Andfr
Pierre, duc de ), maréchal de France, desce
dant des sires de Laval par la branche de L
2ay, né le 21 septembre 1723, mort en 179
Connu d'abord sous le nom de marquis de L
val, il entra en 1741 aux mousquetaires, fit l
campagnes de Flandre et devint en 1742 ci
lonel d'un régiment d'infanterie. Maréchal <
camp en 1748, il se trouva à la conquête de M
norque et aux batailles d'Hastembeck, de Cr
veldt et de Minden. Lieutenant général en 175
il combattit à Corbach,et fut pourvu du gouve
nement de Compiègne. Il devint maréchal <
France le 13 juin 1783, sous le nom de mar
chai de Laval. H avait été créé duc eh 175
Il eut sept enfants, entre autres : Anm
Alexandre-Marie-Sulpice- Joseph, duc deLj
val, né le 22 janvier 1747, et mort le 31 ma
1817, lieutenant général et pair de France, pè
du duc Adrien, qui suit; et Matthieu- Pau
Louis, vicomte de Laval, puis comte de Mon
morency, né en 1748, et mort en 1809, colon
du régiment d'Auvergne et brigadier des armée
père du duc Matthieu, qui suit. P. L.
Art de vérifier les dates.
montmorency (Matthieu - Jean- Félicii
de Montmorency-Laval, vicomte, puis duc de
homme politique français, petit-fils du préc<
dent, né à Paris, le 10 juillet 1766, mort dans .
même ville, le 24 mars 1826. Il fit ses premièn
armes en Amérique, dans le régiment d'Auvergi
dont son père, le vicomte de Laval, était coI<
nel. Compagnon de ces brillants et jeunes gentil;
hommes, Lafayette, Lauzun, Ségur, que la guen
de l'indépendance des États-Unis entraîna vei
les idées libérales , il partagea leurs opinions,
fut nommé en 1789 membre des états générau
par le bailliage de Montfort-PAmaury, et y siég<
sous le nom de comte Matthieu de Montmt
rency. On vit avec étonnement le descendant à
la plus noble famille de France, se réunir, u
des premiers de son ordre, aux députés du tiei
WW
MONTMORENCY
362
tat, voter constamment avec la majorité de l'as-
i emblée et disputer à MM. d'Aiguillon et de Noail-
[es l'honneur de proposer, dans la nuit du 4 août
[ 789, l'abolition des droits féodaux, et le 19 juin
\ 790, celte de la noblesse. Les royalistes s'indi-
gnèrent de cette conduite, et les pamphlétaires du
1 arti de la cour n'épargnèrent pas le gentilhomme
Réformateur, Rivarol, dans son Petit Alma-
\ ach des Grands Hommes de la Révolution,
\ isait de lui : « Le plus jeune talent de l'assem-
j, lée, il bégaye encore son patriotisme , mais il le
frit déjà comprendre, et la république voit en
ii tout ce qu'elle veut y voir. Il fallait que
[tontmorency parût populaire pour que la ré-
( olution fût complète , et un enfant seul pouvait
jonner ce grand exemple. Le petit Montmorency
; est donc dévoué à l'estime du moment, et il a
pmbattu l'aristocratie sous la férule de l'abbé
f ieyès. » La ferveur patriotique du comte Mat-
îieu ne se démentit pas pendant toute la durée
2 l'Assemblée constituante ; le 12 juillet 1791, il
f t partie de la députation qui assista à la trans-
■ lion des restes de Voltaire, et le 27 août de la
r iême année il appuya la proposition de décer-
| er les honneurs du Panthéon à J.-J. Rousseau,
la fin de l'Assemblée constituante il fit partie
e l'état-major du maréchal Luckner; mais
ientôt les événements se précipitèrent avec une
die violence que les députés les plus libéraux
je la Constituante, dépassés par les girondins et
tes jacobins, ne se trouvèrent plus en sûreté sur le
f ol français. Quand la révolution du 10 août eut
enversé la monarchie constitutionnelle de 1791,
| lattliieu de Montmorency se retira à Coppet,en
j uisse, auprès de Mme de Staël. Les deux ter-
ribles années 1793 et 1794, qui coûtèrent la vie à
int de ses amis et à son jeune frère, l'abbé de
Uval, produisirent une profonde impression
ur son âme, plus ardente que forte, et dirigèrent
!es pensées vers la piété et la charité. 11 rentra
fn France en 1795. Dans l'instabilité des affaires,
f éclat de son nom l'exposa à de courtes persécu-
tions. Il fut arrêté le 26 décembre 1795, et in-
quiété de nouveau à l'époque du 18 fructidor
i 797. Ces désagréments achevèrent de l'éloigner
lie la politique , et il ne voulut plus s'occuper
!|ue d'oeuvres charitables. Sa liaison avec Mme de
•taël persista, malgré la différence des opinions,
lit il en forma une nouvelle avec M™e Récamier.
ues mémoires récemment publiés de Mme Réca-
[nier contiennent de beaux témoignages de l'a-
nitié tendre et grave du gentilhomme converti
>our la jeune et charmante dame. Sous le con-
sulat et l'empire, Matthieu de Montmorency se tint
ï l'écart du gouvernement, et sa réserve fut d'au-
ant plus remarquée qne les autres membres de
,a famille ne l'imitèrent pas. L'empereur lui fit
nterdire le séjour de Paris. Il se trouvait ce-
pendant dans cette ville, mais sous la surveillance
M la police, quand l'empire tomba. Il se hâta de
je rendre à Nancy auprès de Monsieur (depuis
,'harlesX), qui l'accueillit très-bien. 11 prit alors
le titre de vicomte de Montmorency. Successi-
vement aide de camp de Monsieur, maréchal de
camp en 1814, et chevalier d'honneur de ma-
dame laduchesse d'Angoulème en 1815, il suivit
la famille royale à Gand, et fut au retour nommé
pair de France. Dans la chambre haute il at-
taqua souvent les opinions qu'il défendait dans
sa jeunesse. Il disait, le 21 mars 1817, à l'occa-
sion d'une loi sur la vente des bois de l'État : « Il
y a vingt-sept ans qu'entraîné par les systèmes
qui avaient séduit ma jeunesse, j'ai pris part à ce
que j'ai reconnu depuis être une grande injustice;
j'ai voté pour une aliénation semblable, disons
mieux, pour d'immenses spoliations qui devaient
être si profitables, et qui ont si peu profité. »
Lorsque le parti royaliste exclusif arriva aux af-
faires avec M. de Villèle, le vicomte de Mont-
morency fut nommé ministre des affaires étran-
gères, le 24 décembre 1821. Durant la session
de 1822 il crut devoir faire amende honorable de
ce qu'il appelait ses anciennes erreurs. Cet aveu
sincère et assez gauche excita beaucoup de rail-
leries parmi les libéraux. Dans le parti royaliste
même on trouvait le vicomte de Montmorency un
esprit peu pratique, incapable de ménager les
susceptibilités de son temps et embarrassant
pour les ministres ses collègues. L'ardeur avec la-
quelle il poussait à une intervention en Espagne
déplut à M. de Villèle, partisan d'une politique
plus modérée. M. de Montmorency au congrès
de Vérone fit triompher la politique d'une inter-
vention immédiate. A son retour, le roi le nomma
duc, mais M. de Villèle obtint son renvoi du mi-
nistère (décembre 1822), et le remplaça par M. de
Chateaubriand, choix dont il n'eut pas à se louer.
Sorti des affaires avec les titres de ministre d'É-
tat et de membre du conseil privé, le duc Matthieu
deMontmorency fut admis à l'Académie Française,
au grand étonnement du public , qui se demanda
quels étaient les titres littéraires de ce pieux per-
sonnage. La place de gouverneur du duc de Bor-
deaux, qui lui fut donnée vers la même époque,
lui convenait mieux, sans doute, que le fauteuil
académique; mais il n'eut pas le temps d'ins-
truire son royal élève , car il mourut quelques
mois après , frappé d'une attaque d'apoplexie
pendant qu'il faisait ses dévotions à la paroisse
de Saint-Thomas d'Aquin. Les vertus, les actes
de bienfaisance du duc Matthieu de Montmorency
honoreront sa mémoire ; mais comme homme po-
litique il ne tient qu'une place très-secondaire, et,
sans lui reprocher une conversion sincère, on re-
grette que le constituant libéral de 1789 soit de-
venu le royaliste exclusif de 1822 et l'homme
de la congrégation. L. J.
De Gerando, Éloge de M. le duc Matt. de Montmo-
rency ; Paris, 1S26, in-8°. — Notes sur M. le duc Matt. de
Montmorency. — Vétillard, Notice sur la vie de M. le
duc Matt. de Montmorency ; Le Mans, 18S6, in-8°. — Gui*
raud, Discours de réception à V Académie , dans le Re-
cueil de VAcad. — Chateaubriand, Mémoires d'Outre-
Tombe. — Mémoires de Mm* Récamier.
montmorency {Anne-Pierre-Adrien duc
363
de Laval-), grand d'Espagne de 1" classe, diplo-
mate français, cousin du précédent, petit-fils de
Gui-André-Pierre, et fils du lieutenant général
Anne- Alexandre-Joseph , naquit ,à Paris, le
19 octobre 1767, et mourut le 16 juin 1837. Il fut
successivement ambassadeur en Espagne, à par-
tir de 1814, à Rome à partir de 1821, et à Vienne,
en 1828. En 1829 on lui offrit le ministère des
affaires étrangères, qu'il refusa. Le 4 septembre
de la même année, il fut nommé ambassadeur
à Londres. Après la révolution de 1830, il rentra
dans la vie privée. Il était pair de France. Z.
Art de vérifier les dates ledit, de 1818). — Mémoires
de M"" Bécumier.
montmorency ( Arme-Charles-François,,
duc de), pair de France, né le 12 juillet 1767,
.à Paris, où il est mort, le 26 mai 1846. Il était
fils aîné d'Anne-Léon II, qui,. en 1746, par son
mariage avec Anne-Charlotte de Montmorency-
Luxembourg, petit-fils du maréchal de ce nom,
fit entrer le duché de ce nom dans la branche des
marquis de Fosseux, de laquelle il descendait. A
dix-huit ans il entra dans les gardes du corps,
d'où il passa en qualité de cornette au colonel-
général dragons, et émigra en 1790, en Suisse,
puis en Belgique. Après avoir fait la campagne
de 1794 à l'armée des princes , il résida succes-
sivement à Bruxelles, à La Haye, à Hambourg
et à Munster, où il perdit son père, eu 1799.
Rentré en France l'année suivante , il s'établit
dans le pays Dunois, au château de Courtatain,
ancien domaine de sa famille, et y remplit plu-
sieurs fonctions municipales. Vers la fin de 1813
il reçut de Napoléon le titre de comte de l'em-
pire," et fut nommé le 8 janvier 1814 major géné-
ral de la garde nationale de Paris. Appelé le
4 juin suivant à la chambre des pairs, il prit peu
de part aux discussions publiques , et se rallia
sans effort au gouvernement de Juillet. 11 fut,
durant sa longue vie le patron de l'infortune ,
le protecteur de toutes les entreprises utiles et
l'ami éclairé des sciences et des arts; les Socié-
tés d'Agriculture , de Commerce et d'Industrie
n'eurent pas d'associé plus dévoué et plus in-
fluent que lui.
De ses deux frères, l'un Anne-Louis-Christian,
prince de Montmorency-Tancarville, grand
d'Espagne, né le 26 mai 1769, fit partie de la
chambre des députés de 1815 à 1827, fut créé
pair à cette dernière date, et mourut le 25 dé-
cembre 1844, à Madrid, où il s'était retiré après
1830; — l'autre, Anne-Joseph-Thibault, comte
de Montmorency, né le 15 mars 1773, prit du
service en Angleterre, devint en 1814 directeur
de la manufacture des glaces, fut colonel d'une
légion de la garde nationale deParis, et périt le
22 octobre 1818, à Montgeron,en sautant àbasde
sa voiture dont les chevaux s'étaient emportés.
Biographie universelle portative des Contemp.
* montmorkncy ( Anne- Louis- Victor •-
Raoul, duc de), fils du précédent, né le 14 dé-
cembre 1790, à Soleure, en Suisse. Simple vo-
MONTMORENCY 3
lontaire dans un régiment de hussards (1807)
devint en troisans sous-lieutenant, aide-de-cai
du maréchal Davout, et officier d'ordonnance
Napoléon. Une grave maladie l'ayant forcé
quitter l'armée avec le grade de chef d'escadw
il fut nommé chambellan du palais (25 noveml
1813) ; de 1815 à 1820 il fut attaché comme ai<
de-camp au duc d'Orléans. Depuis cette époç*
il a vécu à l'écart. Marié en 1821 avec laveuJ
du comte Thibault, son oncle, il n'en a eu H
deu\ filles. K. ;
Pascallet. Le Biographe universel, février 1842.— H
des Hommes vivants (1820). — Monit. univ., 1814-184*
montmorency (Nicolas de), auteur as*
tique belge, né vers 1556, mort le 16 mai 16 U
à Gand. Issu, par la branche de Wastines, jj
l'illustre familie dont il portait le nom , il I]
partie dans sa jeunesse de la maison de P j]
lippe II, roi d'Espagne; il succéda en 1583)1
comte d'Isenghien , son oncle , dans la charge
chef des finances des archiducs Albert et I |
belle , qui lui donnèrent accès au conseil d'ÉI
Il fut employé plusieurs fois en qualité de ce
missaire pour le renouvellement des lois I
Flandre. Il fut inhumé à Lille , dans l'abbaye i jj
Brigittines qu'il avait fondée. Ce seigneur pa jj|
toute sa vie dans les exercices dune piété <
lide et édifiante. On a de lui : Manuale prin |
pis; Douai, 1597, in-12; — Flos campi ; L<fj
vain , 1604, in-12 ; — Exercices quotidiens !
Méditations en l'honneur de saint Josem
1609, in-12; l'auteur avait établi des confréi
pour honorer ce saint à Gand, à Lille et ailleu
— L'Amour de Marie, divisé en trois partik
Bruxelles, 1614, in-12; — Manna abscond |1
seu spiritualis dulcedinis, II paries; L(
vain, 2 vol. in-12; Cologne, 1616, in-12; |
Diurnale pietatis ; Anvers, 1616, 2 vol. in-: il
— Solemne Convivium; Anvers, 161.7, in-l
On connaît encore de lui d'autres ouvrages i
cétiqueSj dont on n'a conservé que les titres.- i
Son neveu, Montmorency ( François de),
vers 1578, à Aire, mort le 5 février 1640,
successivement protonotaire apostolique, préj
de la collégiale de Saint-Pierre de Cassel , cil
noine de la cathédrale de Liège; il possédait }
très-grands biens, auxquels il renonça pour [
trer, en 1618, dans la compagnie de Jésus. Oi,
de lui : Poetica sacrorum Canticorum Ex\\
sitio; Douai, 1629, in-4°; plusieurs fois réi:|
primée; — Parta de Batavis ad Antverpit
Victoria Epinicion ; Anvers , 1638, in-4°;
Pietas victrix psalmis VII lyrice expresi
Anvers, 1639, in-12.
Diichesne, Hist. généalog. de la Maison de Mont),
rency, p. 310-341 ; Généalog. des Maisons de Guin
d'ordres, etc., p. 432, 435. — ,1'aquot, Mémoires, UJ.
montmorency (Jeanne- Marguerite), §
nommée laSolilairedes Ptjrénées,née\ers tfii
morte en .1700. On ignore son origine et sa I
Sa tombe et son berceau sont couverts d'on nuage.
On sait seulement qu'elle était d'une famille d
tinguée, et l'on a supposé qu'elle devait être ce
365
MONTMORENCY ~ MQNTMORIN-SvMNT-HEKEM
ilemoiselle de la maison des Montmorency qui ,
lu même âge, quitta tout à coup ses parents sous
des habits de mendiante et sans que l'on ail pu
l'une manière certaine retrouver ses traces.
L'aventurière dont nous parlons se voit sueeas-
ùvement au service d'une dame noble , d'un
iculpteur, d'un cordelier, le père De Bray, des-
;ervantde Château fort, près Chevreuse, avec le-
quel elle resta ou correspondit durant huit ans.
Vers l'âge d'environ quarante ans, elle se re-
ira dans une vallée des Pyrénées, la Solitude
\les Rochers, et y vécut cinq ans de fruits sau-
/ages. La singularité de sa vie lui ayant attiré
le nombreuses visites, elle choisit à trente lieues
le là une autre retraite, la Solitude des Ruis-
eaux, où elle demeura trois ans. Elle partit en-
mite pour Rome, au moment d'un jubilé; mais
m suppose qu'elle mourut en route, car on n'en
ntendit plus parler. Les uns l'ont traitée de sainte,
es autres de folle. A. L.
Hérault de Bercastcl, Histoire ecclésiastique.
MONTMORENCY. Yotf. BOUTTEVILLE, H0RN,
[Laval et Luxembourg.
! woxtmoret (Humbert de), en latinMons-
I noretanus, poète latin, né dans le comté de
bourgogne, mort vers 1525. D'une ancienne fa-
mille, il avait visité dans «a jeunesse les princi-
pales cours de l'Europe et s'était livré à une
Ne dissipée. Il finit par prendre l'habit de
Maint- Benoît à l'abbaye de Vendôme. On a de
toi: Belloruni Britannicorum a Carolo VU,
IFranaorum rege, in Henricum, Anglorum
\~egem, Jelici duçtu, auspicepuella Franco,
\)estorum; prima pars versions expressa;
['Paris, 1512, in-4»; ce poëme, divisé en sept
lïhants, comprend l'histoire de la guerre des
Anglais depuis le siège de Crevant jusqu'à la
(bataille de Patay; — Christiados Lib. X, com-
Dlectentcs Jesu nativitatem, prœclara dicta,
miracula, passionem, deseensum ad inféras
ac ascensionem; Ayon,. s. d., in-8° ; poëme de-
venu fort rare; ^#gri>ejs,jBoema.; Paris, s. d.,
lin— 4" : récit de la mort héroïque du capitaine
raervé , qui fit sauter le vaisseau La Cordelière
pplutôt que de se rendre aux Anglais; — Par-
\thenices Marinianx ; in-4°; — De Laudibus
\toiperioris Burgundias Sylvse , poème imprimé
m la suite de Description Comitatus Burgundiœ
i(Bâle, 1552) de Gilbert Cousin. .Ces, divers ou-
vrages se distinguent par de belles descriptions,
un style harmonieux, une latinité assez pure et
beaucoup de naïveté. K.
Crevenna, Catal., n° 4283. — Bauer, Catal,, V, 830. —
fewn. des Savants, déc. 1788.
montmorin ( François de ) , seigneur de
«Saint-Hérem (1), vicomte de Clamecy, sei-
I (D I.e nom de Saitit-Hérem fut ajouté à celui de Mont-
iooriri par suite du mariage de Jacques de Montmorin,
Quatrième fils de Geoffroy, seigneur de Montmorin. avec
H-ann" Georges, dite de Charpaigne, dame deSaint-Hé
!-e<», etc. le 28 mai 1421. C'est par erreur que Sismondi
VU Saint-Hêran, en parlant du, gouverneur de la haute
L=t basse Auvergne.
gneund'/l«20M, Chai, Spiral, Péchignat, Chas-
signoles, Lupial, etc., né vers 1522, mort en
1582. Il descendait d'une des plus anciennes fa-
milles de l'Auvergne : du Bouchet en fait re-
monter l'origine à Calbxte dk Montmorin, pre-
mier du nom, qui vivait sous le règne du roi
Lolhaire, et qui est mentionné, ainsi que son
fils Huques.Dv. Mowïmoiun, dans .une charte du
prieuré de Sancillage. Commetous les seigneurs
de cette époque, François de Montmorin em-
brassa de bonne heure Ja carrière militaire; on
a peu de détails sur les premières années de
son service, mais en 1557 il commandait la
compagnie d'ordonnance du connétable de Mont-
morency, et fut fait prisonnier à la bataille de
Saint-Quentin. Nommé plus tard gouverneur du
haut et bas pays d'Auvergne, il préserva, par
son humanité et son courage, les protestants de
ces contrées d'un massacre général. En 1572,
à l'époque de la Saint-Barthélémy, il écrivit la
lettre suivante au roi Charles IX : « Sire, j'ai
reçu un ordre de Votre Majesté de faire mourir
tous les protestants qui sont en ma province,
je respecte trop Votre Majesté pour ne pas croire
que ces lettres sont supposées ; et, si ce qu'à
Dieu ne plaise ! l'ordre est véritablement émané
d'elle, je la respecte trop pour lui obéir. » Ce
noble exemple fut suivi par quelques autres
gouverneurs de provinces. A. J.
Moréri , Grand Dict. Hist. — Voltaire , Essais sur les
Guerres civiles en France. — Le P. Anselme, Histoire
des Grands-Officiers. — Sismondi , Histoire des Fran-
çais, t. XIX, p.. 176.
montmorin-saint-hérem {Jean-Bap-
tiste-François, marquis de), général français, de
la famille du précédent né en 1 704, mort en 1 779.
Entré en 1724 au service, il obtint un avancement
rapide, mais mérité. Il se trouva aux batailles de
iParme et de Guastalla^et était brigadier des armées
du roi lorsqu'il força le premier les lignes de Weis-
sembourg (1744). Il fut-blessé dans cette affaire.
Nommé maréchal de camp, il lit les campagnes
de 1745 et 1746, sous le comte Maurice de Saxe,
et se distingua à la bataille deRaucoux (11 oc-
tobre 1746). Il commanda ensuite les troupes qui
prirent d'assaut Berg-op-Zoom, et contribua par-
ticulièrement à la prise de Maëstrichl (1748).
Parvenu au grade de lieutenant général , il fut
nommé gouverneur de Belle-Isie en 'Mer. Il avait
déjà le gouvernement du château de Fontaine-
bleau, qui demeura plus d'un siècle dans sa fa-
mille. Le marquis de Montmorin comptait cin-
quantercinq ans de service lorsqu'il mourut.
Deux de ses parents sont mentionnés dans
les écrits relatifs à la révolution de 1789. L'un,
Louis- Victor* H. -huce, marquis de Montmorin,
qulétait gouverneur de Fontainebleau , fut tra-
duit, après le 10 août, devant le tribunal criminel
extraordinaire, dit du 17 août, qui l'acquitta :
mais la populace, présente à l'audience, força
les juge aie faire reconduire à la Conciergerie,
et envoya une députation à l'Assemblée natio-
nale pour demander un nouveau jugement. Il
367
MONTMORIN
périt quelques jours après, dans les massacres de
septembre. L'autre Montmorin, que l'on croit
fils de celui-ci , était colonel du régiment de
Flandre en garnison à Versailles en 1789, et
donna au roi des marques de dévouement. Il
passe pour avoir également été massacré en sep-
tembre 1792. A. d'E— p— c.
Journal historique du règne de Louis Xf (Paris,
1766, in-12), 1™ partie, p. 140. — Le baron d'Espagnac,
Histoire de Maurice, comte de Saxe, etc. ( Paris, 1775,
^ vol. in-12). — Le Bas, Dictionnaire encyclopédique de
la France. — L'abbé Millot, Mémoires politiques et mi-
litaires du maréchal de Noailles, t. VI. s
MONTMOR1N-SAINT-HÉREM ( Armaild-
Marc, comte de), homme d'État français, parent
des précédents, né vers 1745, massacré à Paris,
le 2 septembre 1792. Après avoir été un des me-
nins du dauphin, depuis Louis XVI, il fut envoyé
à Madrid comme ambassadeur, dans les pre-
mières années du règne de ce prince, et fut décoré
de l'ordre du Saint-Esprit et de celui de la Toi-
son d'Or. Le roi le fit entrer ensuite à l'assemblée
des notables ouverte à Versailles le 22 février
1787. Appelé au ministère des affaires étran-
gères presque aussitôt, en remplacement du comte
de Vergennes, qui Tenait de mourir, il s'unit à
Lamoignon pour obtenir le rappel de Necker ;
mais, sous l'influence de la reine, le roi préféra
l'archevêque Loménie de Brienne. Il prit part
avec Necker, rentré aux affaires, aux mesures
prises pour la convocation des états généraux.
Renvoyé le 11 juillet 1789, il reprit presque aus-
sitôt son portefeuille (après le 14 juillet), et
entra dans la Société des Amis de la Constitu-
tion, qui devint plus tard le club des Jacobins;
( il en fut exclu comme aristocrate, en juin 1791).
Chargé, en juin 1790, de rallier le comte de
Mirabeau à la cour, il remplit cette mission avec
autant d'adresse que de succès (l),et demeura en
place en septembre 1790, lors du renvoi de ses
collègues. Il occupa même, par intérim , le mi-
nistère de l'intérieur, en janvier 1791. Le 13 avril
1791, il envoya aux puissances étrangères un
manifeste dans lequel il déclarait que Louis XVI
était parfaitement libre au milieu de son peuple
et acceptait avec sincérité la nouvelle constitu-
tion : il n'était pas dans le secret de la fuite de
Louis XVI ; mais lors de cet événement il fut
accusé d'avoir donné des passe-ports à la fa-
mille royale; il parvint à se justifier en prou-
vant que ces passe-ports avaient été pris sous
un nom supposé, celui de la baronne de Korff,
avec ses enfants et ses domestiques. Il conserva
ses fonctions pendant la suspension des pouvoirs
du roi et après l'acceptation de la constitution;
mais sa conduite parut tellement équivoque, que
l'Assemblée législative le manda à la barre
( 31 octobre 1791 ) et exigea son rapport (2) sur
(1) Weber, dans ses Mémoires, parle ainsi de cette né-
gociation : « Le comte de La Marck et le comte de
Moiitmorln consommèrent pour la cour l'acquisition de
ce héros populaire. »
(2) Ce rapport est pour l'histoire d'un intérêt majeur,
SAINT-HÉREM 3(
les réponses des différentes cours. Devenu l'o { 1
jet d'une suspicion générale, il donna sa demi
sion quelques semaines après, restant toutefo
l'un des conseillers intimes de Louis XVI. Att I
que avec acharnement par les ultra-monarchist
et par les démagogues, il se défendit avec ^ I
gueur, et publia plusieurs brochures d'une hau 1
portée politique. Avec Bertrand de Mollevilli I
Malouet et quelques autres, il forma, da'ns 1 1
appartements de la reine Marie-Antoinette, I
qu'on appelait alors le Comité autrichien, co I
seil secret dans lequel on discutait les mesur a
les plus propres à raffermir la monarchie et I
arrêter l'élan révolutionnaire. Dénoncé pour I
fait par le journaliste Carra, Montmorin tradai
le libelliste devant les tribunaux et gagna sil
procès. Mais le 10 août arriva; l'ex-ministre I
cacha chez une blanchisseuse du faubourg Sainl
Antoine. Trahi, il fut arrêlé le 21 août et condi n
devant l'Assemblée. Il expliqua sa conduite av 1
sang-froid : il n'en fut pas moins maintenu I
état d'arrestation, incarcéré à l'Abbaye et déert 1
d'accusation le 31 août suivant. Trois jours pi I
tard il tombait sous les coups des seplembr I
seurs. C'est à tort que Le Bas, ainsi que Bo I
cher, dans la première édition de la Biograph I
Michaux, ont écrit qu'il périt sur l'échafaud. Fe I
rières , Dulaure et d'autres historiens affirme r
qu'il fut massacré à l'Abbaye, et aujourd'hui I
n'est plus l'objet d'un doute. Ferrières prétei
« que le comte de Montmorin avait été arrf :
par erreur à la place du marquis. •» Dulau
raconte ainsi la fin du comte de Montmorin
« Lorsqu'il lui fallut comparaître devant le ju I
des égorgeurs, son désespoir éclata avec la de
nière violence. Dans sa fureur, il brisa une tal
à coups de poing. Il déclara qu'il ne reconnai
sait pas les nouveaux juges qu'on voulait II
donner, et demanda qu'on le renvoyât devant î
tribunal compétent. Un des juges dit alors m
Maillard ( voy. ce nom ) : Les crimes de M. i a
Montmorin |sont connus ; mais puisqu'il prétei
que son affaire ne nous regarde pas , je d<B
mande qu'il soit envoyé à La Force. — Oui
oui , à La Force ! — s'écrièrent tous les boa fi
reaux. L'infortuné se crut sauvé. Il ne sava.
pas que ces mots c La Force signifiaient — à P
mort. » — Suivant un autre historien, « ses assa
sins, après l'avoir frappé de plusieurs coup!
poussèrent la barbarie jusqu'à l'empaler encoi
vivant , et le portèrent ainsi en triomphe an]
portes de l'Assemblée nationale : ils vouloiei
même le lui présenter à la barre, et ce ne fut p;
sans peine qu'on parvint à les en empêcher » (1 !
« Les révolutionnaires et les royalistes, dit u II
historien moderne, ont également déclarr
contre M. de Montmorin. Sincèrement attaclj
au roi, il dut paroître nécessairement un tralti
en ce qu'il Indique de quel œil chaque souverain envis;
geait alors la révolution française.
(1) Biographie moderne ( Paris, 1806, 4 vol. in-8° ) < I
Galerie historique des Contemporains (Mons, 1827). '
MONTMORIN-SAINT-HÉREM — MONTMORT 370
où il est mort, le 7 octobre 1719. D'une famille
noble, il était destiné par son père à entrer dans
la magistrature; las d'étudier le droit, il se
sauva en Angleterre, d'où il passa dans les
Pays-Bas, puis en Allemagne , auprès d'un de
ses parents, qui était plénipotentiaire à la diète
de Ratisbonne. Ce fut là que la Recherche de la
Vérité lui tomba entre les mains ; « il en éprouva
les deux bons effets inséparables, dit Fontenelle:
il devint philosophe et véritable chrétien ». De
retour en France (1699), il hérita de son père un
bien assez considérable, et, à peine maître de ré-
gler sa vie, il se plongea entièrement dans les
mathématiques, d'après les conseils de Male-
branche, qu'il avait choisi pour guide et pour
intime ami. Il apprit de Carré et de Guisuée les
premiers éléments de géométrie et d'algèbre,
« et rien de plus » ; une grande pénétration d'es-
prit naturelle, jointe à l'ardeur d'une jeunesse
fort vive, lui fit faire un chemin prodigieux. Tl
s'associa pour compagnon de travail un jeune
homme qui promettait beaucoup, Nicole ; s'ins-
truisant et s'animant l'un l'autre , « ils pas-
sèrent trois ans dans l'ivresse du plaisir des
mathématiques ». Sur les instances de son frère
cadet, il lui succéda dans un canonicat de Notre-
Dame, et remplit ses devoirs avec une assiduité
exemplaire. Tandis qu'il employait une partie de
ses revenus à des œuvres de charité, il faisait
imprimer à ses frais des ouvrages scientifiques ,
tels que le Traité de V Application de V Algèbre
à la Géométrie de Guisnée, et la Quadrature
des Courbes de Newton. En 1706 il se défit de
sa prébende pour épouser la petite-nièce de la
duchesse d'Angoulême (veuve du fils naturel
de Charles IX). « Étant marié, il continua sa
vie simple et retirée, et d'autant plus que,
par un bonheur assez singulier, le mariage
lui rendit sa maison plus agréable. » S'étant
fixé sur la théorie de la probabilité, matière
toute neuve, à peine effleurée par Pascal et Huy-
gens, il publia en 1708 le fruit de ses recher-
ches, sous le titre d'Essai d'Analyse sur les
Jeux de hasard, ouvrage qui fut avidement
reçu des géomètres et dont il donna en 1714 une
édition augmentée. Peu de temps après , Nico-
las Bernoulli, qui s'occupait des mêmes études,
étant venu à Paris, Montmort l'emmena chez
lui à sa campagne, « où ils passèrent trois mois
dans un combat continuel de problèmes ». La
publication du livre de Moivre, De Mensura
Sortis, qui eut lieu en 1711, le piqua vivement :
mais ayant reconnu que ce savant avait adopté
une méthode différente de la sienne, il s'em-
pressa de le justifier du reproche de plagiat. En
1715 il fit un voyage à Londres pour observer
l'éclipsé de soleil qui devait y être totale. Il
mourut de la petite vérole, à l'âge de quarante et
un ans. Il était membre libre de l'Académie des
Sciences et de la Société royale de Londres. On
montmort ( Pierre Rémond de ), mathé- a encore de lui un Mémoire sur les suites in-
aticien français, né le 26 octobre 1678, à Paris, l finies, inséré en 1717 dans les Philosophical
>69
ix premiers, qu'il avoit d'abord flattés ; et con-
lit par l'envie de servir son maître, il dut éga-
ment déplaire aux seconds, qui le virent s'allier
|rec les destructeurs de cette monarchie qu'il an-
1 nnçoit vouloir défendre. »
Bertrand de Molleville fait l'éloge de Montmo-
| a, de sa sagesse, de sa facilité pour les affaires ;
blâme lescoryphées de l'émigration d'avoir sus-
«té le royalisme de ce ministre et observe qu'il
I avait plus de courage à rester attaché à la per-
I nne du roi qu'à aller à l'étranger servir problé-
IL atiquement la cause de la royauté. Il convient
lie la faiblesse du caractère de Monlmorin le
y it hors d'état de servir utilement Louis XVI
| ns des circonstances qui exigeaient une grande
n ergie ; mais il ajoute « que cette foiblesse mo-
| le dont sa foiblesse physique étoit le principe et
c cause, n'étoit point lâcheté, et qu'elle ne peut
If s plus lui être reprochée que sa petite taille et
[ n mauvais estomac. » — « C'était, dit le comte
i rrand, un esprit faible, mais pur et honnête;
! aimait le roi et en était aimé comme un vé-
ï able ami. Cette amitié fut même un malheur.
|. ompé par Necker, qui avait un grand ascendant
r lui, il était son soutien auprès du roi; par
| il fut, sans le savoir, un des grands véhicules
I la révolution , perdit le monarque et la mo-
! rchie, pour qui il aurait donné sa vie. »
, Sa femme, née à Chadieu (Auvergne) en 1742,
, t condamnée à mort par le tribunal révolu-
[innaire de Paris, lé 2 floréal an n (23 mars
f 94), pour avoir entretenu une correspondance
; ec l'ancien ministre de la Marine M. de La
i îzerne. Un de ses fils, né à Versailles en 1772,
:t guillotiné le même jour et pour le même
jotif. Il était sous-lieutenant de chasseurs.
Un autre fils, Calixte , né en 1786, mourut
[ Florence, d'une fièvre catarrhale, le 25 janvier
oo. Il était attaché à la légation française en
pscane.
Le comte de Montmorin avait eu aussi une
Je, Mme du Beaumon , femme aimable et spi-
[tuelle , morte à Rome, en 1803 , et qui réunis-
fit près d'elle une société où figuraient Chateau-
fiand et Joseph Joubert, qui lui furent fort
fectionnés. L'évêque de Langres , Gilbert de
jontmorin, commandant de l'ordre du Saint-
!*prit, mort en 1770, était oncle du ministre de
I nom. A. d'E— p— c.
Le comte Ferrand, Théorie des Révolutions. — Sou-
cie, Mémoires du Règne de Louis XVI, t. VI. — Sis-
iiondi. Histoire des Français, t. XXX, p, 347,348, 393.—
|/oi,. Histoire de Louis xn, t. /.— Lacretelle, His-
ire du dix-huitième siècle, t . VI. — Montyon, M %-
htres, etc.; p. 306-309. — Le Bas, Dict. Encycl.de la
•ance- — Thiers, Histoire de la Révolution fran-
cise, t. )«, p. 22i. _ Lamartine, Hist. des Girondins,
iin. V-V1II. — Dulaure, Esquisses historiques de là
•'.volution française, t. I, p. 20, 38, 94, 276, 426, 430 ;
S II, p. 12, 20, 52, 330, 331. - Ferrières, Mémoires,
.111, p. 221. — Bailly, Mém, t. II, p. 351, 378, etc. —
eber, Mém. — Louis Blanc, Hist. de la Révolution fran-
iie, t. II.
371
MONTMORT
Transactions. Il travaillait à une Histoire de la
Géométrie quand la mort le. surprit. P. L— x.
Fontenelle, Éloges, t. 11.
montolieu (Jeanne ■- Isabelle -Pauline
Poubr De Bottens, dameDE Crousaz, puis ba-
ronne de), femme auteur suisse, née le 7 mai
1751, à Lausanne, morte le:29 décembre 1S32, à
Venues, près Lausanne. Issue d'une famille noble
du Rouergue réfugiée dès le seizième siècle en
Suisse pour se soustraire aux persécutions exer-
cées contre les protestants, .elle était la fille aînée
du pasteur Antoine-Noé Polier (voy. ce nom),
mort en 1783. Mariée eu premières noces à
Benjamin- Adolphe de Crousaz (1769), elle épousa
vers 1780 Louis de Montolieu, qui était aussi
veuf de son côté. Ce fut sousce dernier nom
qu'elle se fit connaître dans le monde littéraire.
De bonne heure elle manifesta un goût très-vif
pour les lettres; elle ne débuta pourtant qu'à
l'âge de trente-cinq ans , et elle aurait pris place
parmi les bons écrivains de l'époque si elle avait
été habilement dirigée dans ses études et qu'elle
n'eût point passé sa vie entière à la campagne.
« Emportée par une ardente imagination, disent
MM. Haag, elle se mit à écrire sans connaître
suffisamment les règles du style; aussi dut-elle
avoir recours, pour retoucher, corriger, refondre
ses ouvrages, à divers littérateurs (1), en sorte
qu'à vrai dire le fonds seul lui en appartient. Du
reste ses écrits originaux sont en petit nombre.
Quant à ses traductions ou imitations de l'anglais
et de l'allemand , on a remarqué avec raison
que le charme répandu par elle sur tous ses
écrits fait pardonner l'infidélité de ses versions,
d'autant plus aisément qu'il ne s'agit pas d'ou-
vrages sérieux. » Le hasard l'ayant rapprochée
de Mme de Genlis pendant que celle-ci voyageait
en Suisse , elle se prit d'amitié pour elle , lui
confia ses essais littéraires et la rendit juge de
son premier roman, Caroline de Lichtfield (2),
le meilleur sans contredit de ceux qu'elle a com-
posés ou arrangés. Cinq années avant sa mort,
elle fut réduite au repos par des infirmités assez
graves. La collection des ouvrages de Mme de
Montolieu forme plus de cent volumes; la plu-
part d'entre .eux ont eu du succès et sont passés
par de fréquentes réimpressions. Nous citerons :
Caroline de Lichtfield, par Mme de *** ,• Lau-
sanne, 1786; la 3e édit. (Paris, 1813, 3 vol.
in-12), contient des corrections considérables et
porte le nom de l'auteur ;— Recueil de contes ;
Genève, 1803, 3 vol. in-12, fig.; ,— Douze Nou-
velles; Genève, 1812, 4 vol. in-12; — Suite
des Nouvelles; Paris, 1813, 3 vol. in-12; —
Le Châlel des Hautes-Alpes; Paris, 1813,
3 vol. in-12 ; — Dix Nouvelles; Genève, 1815,
(1) M. Quérard elle à ce propos les noms de MM. P.-J.
Charrin, René Perin, Edme Héreau et de Felctz.
(2) « J'ai été l'éditeur du premier de tous, dit MBe de
Genlis. » L'auteur lui envoya un manuscrit en lui doroan-
danl de n'y pas faire le plus léger changement, « recom-
mandation qui venait, non de son amour-propre, mais
de sa délicatesse ».
M03NTORFAKO 37:
3 vol. in-12; — Les Châteaux suisses, an
ciennes anecdotes et chroniques ; Paris, 18K
3 vol. in-12, fig; — Le Robinson suisse , 0
journal d'un père de famille naufragé an
ses enfants ; Paris, 1824, 3 vol. in-12, fig.,«oj
tinuation du Robinson suisse de Wyss. Xk
divers recueils ne sont pas entièrement orjgi
naux : ils renferment tous des imitations de lia
lemand et de l'anglais, langues qu'elle ne nos
sédait qu'imparfaitement. Cette dame a tradu
de l'allemand : Les Tableaux de Jamille (180.)
2 vol. in-12); Nouveaux Tableaux de ft
mille (1802, 5 vol.); Le Village de Lobw
stein (1802, 5vol.) ; Amour et Coquetterie (1 80!
3 vol.) ; Arisiomène (1804, 2 vol.) ;.Marie Mei
zicoff et Fédor DolgorouH (1804, 2 vob), si
romans d'Aug. La Fontaine ; —La Princessec
Wolfenbùttel (1807, 2 vol.), de Zschokke
~-Emmerich (1810, 6 vol.), rie J. -G. Muller;.
Le Nécromancien , ou le prince à Venise (181:
2 vol.) de Schiller, continué et achevé par
traducteur; — Agathoclès (1812, 4 vol.); Fa,
kenberg (1812, 2 vol.); Olivier (1823); et i
Siège de Vienne (1826), quatre romans i
Mme Pichler; — Le Robinson suisse (181!
2 vol.), de Wyss; — Charles et Hélène c
Mohldorf (1814, in-12), deMeissner;— Voyai
en Allemagne et en Italie (1818) , de Mme t
Recke; — La Rose de Jéricho (1819), t
D. Hess ; — Vingt et un Ans, ou le prisonnie
(1822), de Lamothe-Fouqué; — La Tante et l
Nièce (1825), de Mme Schoppenhauer. De l'ai
glais Mme de Montolieu a traduit, ou pluti
rendu librement, des romans de Ch. Smitt
J. Austen, Mmes Hofland, Hervey, O'Keeffe 1
Panache, etc.
Sa sœur cadette, M'fe Jeanne- Françoise 1
Bottens, née en 1761, à Lausanne , où elle e
morte, le 11 mars 1839, a écrit quelques ouvrag<
qui ne sont pas sans mérite, tels que : Lettn
d'Hortense de Valois à Eugénie de Saini
Firmin; Paris, 1788, 2 vol. in-12; — Mê
moires et Voyages d'une famille émigrée, pi
bliés par J.-N. Belin de Ballu; Paris, 189i
3vol. in-12;— Félicie et Florestine; Paru
1803, 3 vol. in-12 ; — Anastase et Nephtalk
Paris, 1815, 4 vol. in- 12. P. L.
Henrion, annuaire nécrolog., 1832. — Prudhomni-
Biogr. des Femmes célèbres. — Haag frères, La Frfffl»
Protest., VIII, 279-281. — Mme de Genlis, Mémoires. •
Quérard, La France Littér.
montorfano ( Giovanni-Donato), peinti
de l'école milanaise, vivait dans la second
moitié du quinzième siècle. Élève de Vincenai
Foppa, il fut loin de mériter l'oubli dans lequt
l'ont laissé la plupart des historiens de la pein
ture; il eut surtout un grand malheur, celui d'à
voir exécuté son chef-d'œuvre dans la même s£ll
qui renferme celui de Léonard de Vinci. Au rt
feetoire du couvent des Dominicains délie Giazi
de Milan , la foule se presse devant La Cène d
Léonard, et peu de personnes s'arrêtent devar
la vaste fresque qui couvre la muraille opposée
3 MONTORFANO
pourtant sans ce redoutable voisinages l'œuvre
Montorfano serait aussi en possession de
Imiration des connaisseurs. Cette immense
nposition, représentant Le Christ sur ta
nx entouré d'innombrables figures, est si-
se : IcDonatus Mon twf anus p. MCCCCXCV.
e conserve encore tout son éclat, quand deux
f ires qui avaient été ajoutées par le Vinci sont
i isque détruites ainsi que La Cène elle-même.
1 Le style du Montorfano est encore ancien et
{•pelle celui du Mantegna; mats s'il n'eut pas
•(science, le goût exquis, la beauté de formes
1 Vinci, on doit reconnaître qu'il sut donner
<. tètes et aux mouvements de ses person-
( i/ss une vérité, une beauté, une expression'que
jr î trouverait rarement chez ses contemporains.
j ivant l'usage des maîtres milanais du quin-
fme siècle, il mêle parfois la plastique à la
i nture, et quelques accessoires, tels que les
iiques, sont en relief. Cette fresque très-inté-
I santé pour l'étude des costumes du quinzième
J45le présente sur le premier plan plusieurs
Hits et saintes de l'ordre de Saint-Dominique,
| dans le fond la ville de Jérusalem, dont les
ïifioes prouvent qu'il entendait l'architecture et
i perspective ; aussi a-t-il été placé parmi les
f listes lombards du quinzième siècle qui pas-
I ît pour avoir découvert les premières règles
i cette dernière soience. E. B— n.
ï
l.anzi, Storia Pittorica. — Ticozzi, Dizionario. —
Mary, Voyages historiques et littéraires en Jtalie. —
ovano, Guida diMilano.
montoksolï ( Frà Giovanni - Angelo ) .,
tilpteur et architecte italien, né en 1 507 , à Mon-
rsoli, près de Florence, où il mourut, en 1563.
fut confié par son père à des seulpteurs qui tra-
maient aux carrières de Fiésole. Ce fut là qu'il
nnut Angelo Francesco Ferrucci, surnommé
'ancesco delTadda, qui l'aida de ses conseils et
recommanda à son maître Andréa da Fiesole.
:venu orphelin et maître de ses actions, Mon-
rsoli quitta Andréa, et partit pour Rome, où
Rencontra des artistes, ses compatriotes, qui,
[nployés aux travaux de Saint-Pierre, lui firent
kgner quelque argent à sculpter des rosaces da
f. corniche intérieure de la basilique. Il se ren-
jt ensuite à Pérouse auprès d'un sculpteur d'or-
ients qui, après s'être fait aider par lui pen-
mt une année, lui laissa la charge d'achever
lui tout ce qu'ils avaient commencé; mais
fiovanni-Angelo , s'apercevant que le temps
fi'U employait ainsi était perdu pour ses pro-
cès et pour sa renommée, quitta Pérouse pour
oltcrra, où il alla travailler au tombeau du fa-
eux littérateur Raffaello Maffei, dit le Volter-
no ; les sculptures qu'il exécuta pour ce rno-
îraent révélèrent le talent qu'il devait déployer
fus tard. De retour à Florence, il fut employé
fir Michel-Ange aux travaux de S.-Lorenzo.
['entreprise ayant été interrompue en 1527 par
[ peste et les troubles politiques, Montorsoli se
tira près d'un oncle ecclésiastique à Poggibonsi,
MONTORSOLI
374
où il demeura longtemps, étudiant et dessinant.
C'est pendant cette retraite qu'il conçut la pensée
d'entrer en religion, et dans ce but il se rendit
à l'ermitage des Camaldules; il y passa quelque
temps, sculptant des bâtons que ces religieux
avaient l'habitude de porter en voyage. Leur vie
austère ne lui convenant pas, il essaya de celle
des Franciscains de la Vernia, mais il s'en dé-
goûta également , ne trouvant pas dans leur
couvent le temps de se livrer à son goût pour
les arts. Il essaya de l'habit des Jésuates, pour
le quitter aussi quelques mois après, et enfin se
décida en 1530 à entrer chez les Servîtes de l'An-
nunziata de Florence; il y fit profession le 7 octobre
de l'année suivante. Son séjour dans le couvent
dut être profitable à ses progrès, en lui procurant
l'occasion d'étudier les merveilleuses fresques
dont ce monastère venait d'être enrichi par
Andréa del Sarto. Ses supérieurs le chargèrent
alors de refaire, ou de restaurer, les images en
cire de divers membres delà famille des Médicis
et de quelques autres personnages illustres, ima-
ges qui avaient souffert des injures du temps ou
avaient été maltraitées à l'époque de l'expulsion
des Médicis. Pendant qu'il s'occupait de ce tra-
vail, le pape Clément VII, d'après le conseil de
Michel -Ange, l'appela à Rome pour lui confier
la restauration de diverses antiques, telles que le
Laocoon, auquel il restitua le bras droit, etl',4-
pollon du Belvédère, dont il refit le bras gauche.
Ces travaux et un portrait qu'il fit d'après le
pape lui-même, lui concilièrent la faveur de
Clément VII, qui le releva de ses vœux et lui
permit de retourner à Florence avec Michel-Ange
pour terminer la décoration de la sacristie de
S. Lorenzo. Montorsoli aida alors son illustre
maître à achever les statues de Laurent et de
Julien de Médicis, et exécuta sur son modèle la
statue de Saint Cosme, qui fut justement ad-
mirée.
Sur le désir du cardinal de Tournon, Mon-
torsoli entreprit le voyage de Paris, où il fut
gracieusement accueilli par François Ie"-, qui le
chargea de l'exécution de quatre statues. Les
modèles étaient faits, lorsqu'en l'absence du roi,
Montorsoli, ayant éprouvé des difficultés à se
faire payer, renonça à l'entreprise, et repartit
pour l'Italie, visitant Gênes, Venise, Padoue,
Vérone et Mantoue, étudiant et dessinant tout
ce qui lui en paraissait digne. Rentré à Florence,
il fit en terre cuite un Moïse et un Saint Paul,
qu'il plaça dans deux niches de la salle du cha-
pitre de son ancien couvent. Appelé' à Arezzo,
il y avait commencé, dans l'église Saint-Pierre, le
mausoléedu général Angelo d' Arezzo, lorsqu'il
dut revenir à Florence pour prendre part aux
travaux ordonnés par le duc Alexandre de Mé-
dicis, à l'occasion du passage de Charles- Quint
revenant de son expédition de Tunis. Ayant
achevé ensuite le monument d'Arezzo, il partit
pour Naples,où il était appelé à travailler à celui
du poêle &annazar,ààns l'église de Santa-Maria-
375 MONTORSOLI
del-Parto. Ce mausolée , pour lequel il s'associa
son ancien ami Francesco del Tadda, ne fut pas
exécuté de suite. Montorsoli, effrayé par la
descente des Sarrasins dans la Pouille, revint à
Florence, où il mit la dernière main à la statue
de Saint Cosme, et fit le modèle d'un groupe
d'Hercule étouffant Aniée, destiné à sur-
monter une fontaine de la villa de Castello,
Pendant qu'il était à Carrare, choisissant le marbre
de ce groupe, il fut sollicité par André Doria de
se rendre à Gênes pour terminer sa statue, que
Bandinelli avait laissée inachevée. Il ne put alors
se rendreaux désirs de l'illustre amiral, et revint
à Florence, où il travailla au monument de San-
nazar, et commença son Hercule.] Ayant eu à
l'occasion de ce dernier groupe des désagréments
suscités par ses rivaux, il partit pour Gênes, où
il acheva la statue de Doria , et fit, peut-être
pour la cathédrale, une Statue de saint Jean qui
est attribuée par quelques-uns au Sansovino.
Pendant ce temps, Francesco del Tadda avait
achevé le monument de Sannazar, et Montorsoli
se rendit à Naples pour le mettre en place. Ce
mausolée, qui occupe l'abside de la petite église
qui le renferme, est surmonté du buste du poëte
et accompagné des statues d'Apollon et de Mi-
nerve, qu'on a assez singulièrement sanctifiées
en gravant sur leurs bases les noms de David et
de Judith. Malgré l'assertion formelle de Va-
sari, quelques auteurs napolitains font honneur
de ce beau monument à leur compatriote Gir.
Santa-Croce. Nous pensons que celui-ci a pu en
donner le dessin et en exécuter quelques par-
ties, mais nous persistons à croire, avec l'historien
d'Arezzo, que les principales sculptures sont
l'œuvre de Montorsoli et du Tadda.
Ce travail achevé, Montorsoli revint à Gênes,
où il avait promis à André Doria de lui préparer
une sépulture dans l'église de Saint-Matthieu.
Mettant de suite la main à l'œuvre , il décora
l'églisedes'statuesides Evangélistes, de la Vierge,
de Saint Jean-Baptiste, de Saint André, de
David et de Jérémiet et dans la chapelle souter-
raine,il disposa le Tombeau de Doria. Il fit encore
quelques autres travaux pour ce prince, dont il
agrandit le palais, et partit pour Rome, où pen-
dant un court séjour il apprit l'injure que, profi-
tant de son absence, Bandinelli lui avait faite en
brisant son groupe commencé d'Hercule et An-
tée pour en employer le marbre aux corniches
du tombeau de Jean de Médicis.
Appelé à Messine, en 1547, il commença sur
la place de la cathédrale une des plus magnifi-
ques fontaines qui aient été élevées dans les
temps anciens et modernes. Cette grande entre-
prise fut terminée dans l'espace de quatre ans
avec l'aide d'artistes siciliens et surtout de Mar-
tino de Messine. Sur la Marine de Messine- est
une autre fontaine, due également au ciseau de
Montorsoli; elle est composée d'un Neptune
eolossal domptant Charybde et Scylla, sous la
forme d'une néréide et d'un triton. La néréide;
— MONTOYA i
brisée dans les émeutes de 1848, a été ref;
récemment. Pour la cathédrale, Montor:
donna le dessin des douze autels élégants <
surmontent les statues des apôtres; il seul
lui-même celle de saint Pierre, l'un de ses m
leurs ouvrages, et le saint Paul fut exécuté
son modèle par Martino de Messine. Dans .
glise Saint-Dominique , il a élevé le riche mi
solée de la famille Cicala ; on lui attribue i
jolie/on taine de marbre avec la louve allaite
Remus et Romulus au couvent de S. Agostii
enfin, ce fut encore sous sa direction que fut co
truite la tour du phare qui éclaire le port.
Quittant la Sicile, Montorsoli alla sculpte
Bologne le maître autel de l'église des Servit j
qu'il accompagna des statues d'Adam et
Moïse, puis revint à Florence, où il distribu i
ses parents et aux pauvres le produit de j
nombreux travaux, décidé qu'il était à repren
l'habit monastique. Il n'en eut pas le temps
mort le frappa à l'âge de cinquante-six ans,
il fut déposé dans le tombeau que lui-mêj
avait préparé. Dès 1561, dans le grand clol
de l'Annunziata , il avait fait construire i
chapelle dédiée à saint Luc, destinée à réunir
membres de l'Académie des Beaux-Arts, donj
avait été un des fondateurs , et à leur servir
sépulture. Les honneurs funèbres y furent rem
à Montorsoli le premier par les académicie4
Le second fut Michel-Ange.
Ce sculpteur, aussi habile que fécond, for'
un grand nombre d'élèves, dont les plus coni \
sont Martino de Messine, et un autre frère s
vite frà Giovanni-Vincenzio Casali. E. Breti
Vasari, Vite.— Orlandl, Abbecedario. — Cicogn:
Storia délia Scultura. — Ticozzi, Dizionario. — C;
porl, GU Artisti negli Stati Eslensi. — Gnalandi,
Giorni in Bologna. — Guida per la città di Messina
PisLolesi, Descrizione di Roma. — Valéry, Voyages i
toriques et littéraires en Italie.
montoya ( Antonio- Ruis m), IexicograjJ
péruvien, né à Lima, où il mourut , le 1 1 avril 16 (i
11 entra dans l'institut des Jésuites en 1606, j
passa au Paraguay, où il étudia le guarani ,
convertit de nombreux Indiens. 11 finit ses joi-j
dans un âge avancé. L'un de ses ouvrages
imprimé dans les missions avec des caractèi
qui en rendent la lecture sinon difficile,
moins fatigante; c'est YArte, qui est dans
cas, le Tesoro ayant été imprimé à Madrj
avec des caractères évidemment fondus pd
cela avec des signes particuliers. Nous donne
ici les titres de ces deux ouvrages important
qu'on a songé plus d'une fois à réimprimei
Arte de la Lengua Guarani, por el P. Anli
nio Ruiz de Montoya, de la compania de J
sus, con los escolios, anotaciones y apendid
del P. Paulo Restivo, de la misma compani
sacados de los papeles del P. Simon Bandit
y de otros; pueblo de Santa-Maria-la-May(
1724, in-4°. Ce livre, imprimé comme no
l'avons dit, dans les missions avec des care
tères détestables, est rarissime ; la bibliothèq
r
MONTOYA —
p l'Institut de France le possède. Le diction-
lïre est plus ancien,"et beaucoup mieux im-
imé : Tesoro de la Lengua Guarani que se
a en el Peru, Paraguay y Rio de la Plata ;
ikdrid, Juan Sanchez, 1639, in-4°. — Mon-
,a a également publié, Calecismode la lingua
arani; 1640, in-8°. Nous pensons que le
\soro a fourni, en 1622, un abrégé qu'on a im-
f mé à Santa-Maria, in-4°. F. D.
1 'ida del /tnt. Ruiz de Montoya y del padre Joseph
■ualbino; Saragoça, 1622. — Ludwig, The Literature
I -imerican aboriginal Languages, 1838, in-8°.
MONTPENSIER ( LOUIS /«»" DE BOURBON ,
fnte de), dauphin d'Auvergne, mort en mai
f J6. Troisième fils de Jean Ier, duc de Bour-
L, et de Marie de Berri, il devint le chef de
f première branche des Bourbon-Montpensier
I t son premier mariage avec Jeanne , héritière
1 dauphiné d'Auvergne (1428), qui, étant
irte sans enfants en 1436, lui légua l'usufruit
l tous ses biens. La douceur de son gouver-
\ nent lui mérita le surnom de Bon. En 1484
' conduisit une ambassade à Borne. De Ga-
j elle de La Tour, sa seconde femme, il eut un
. et deux filles', dont l'aînée épousa Louis II
| La Trémoille.
! Silbert de Bourbon, comte de Montpensier,
f; atné du précédent, né vers 1443, mort le
octobre 1496, à Pouzzoles, dans le royaume de
iples. Comme son père, il resta fidèle à Louis XI
'ns ses luttes contre l'aristocratie, et prit part
1471 à l'invasion des États du duc de Bour-
se. Après avoir assisté au sacre de Char-
; VIII, il servit sous les ordres de Louis de La
émoille en Bretagne, se distingua à la ba-
ille de Saint-Aubin-du-Cormier (1488), et passa
| 1489 dans le Boussillon pour tenir tête, avec
jielques seigneurs du Languedoc et du Dau-
iuné, aux milices que Ferdinand le Catholique
jsemblait en Catalogne. En 1494 il lit partie de
expédition d'Italie, et commanda un des corps
!' l'année royale. Lors du départ de Charles VIII,
; demeura à Naples avec le titre de vice-roi (mai
i95) et une partie des troupes. On aurait pu
mettre ce commandement entre des mains
us habiles ; « Mgr de Montpensier, dit Com-
ines, était bon chevalier et hardi, mais
!u sage. » Quand on le vit ainsi isolé et dans
mpossibilité de recevoir aucun secours de la
!iance, les partisans de la maison d'Aragon,
éprenant courage, s'unirent aux Espagnols et
ix Siciliens pour mettre le feu par tout le
•yaume. La bataille de Seminara, gagnée par
Aubigny dans les Calabres, ne fit qu'affaiblir
s Français. Ferdinand II, quoique battu , osa
Marquer près de Naples; le peuple se révolta, lui
mit les portes de la ville, et Montpensier, qui
h était sorti pour combattre, n'eut que le temps
p se jeter avec six mille soldats dans les trois
râteaux. La disette de vivres et surtout de four-
jiges le força d'entrer en accommodement : il
îromit de se rendre s'il n'était pas secouru avant
MONTPENSIER
378
un mois. Le mois s'écoula, et, au lieu de tenir
sa parole, il s'échappa de nuit du Château-Neuf
(novembre 1495) et se prépara à soutenir une
autre campagne. A la tète d'une nouvelle armée
composée en grande partie d'aventuriers, de Gas-
cons et de Suisses, il ravagea la Capilanate;
mais, au moment de livrer bataille, il eut à
compter avec les Suisses , qui réclamaient leur
solde; ses troupes se débandèrent rapidement.
Enfermé dans Atella par Ferdinand II, il mit bas
les armes (20 juillet 1496), et s'engagea à rendre
toutes les places qui appartenaient aux Français.
Il allait s'embarquer lorsqu 'atteint ,des fièvres
pestilentielles qui avaient emporté presque tous
ses compagnons d'armes, il mourut, dans un âge
peu avancé, à Pouzzoles. Son corps fut transporté
dans la chapelle de Saint-Louis d'Aigucperse,
que son père avait fondée et dotée. De sa femme,
Claire de Gonzague , fille de Frédéric , marquis
de Mantoue, Gilbert eut trois fils, dont deux lui
succédèrent, et trois filles; la seconde, Renée,
épousa Antoine, duc de Lorraine, et l'aînée,
Louise, épousa le prince de La Boche-sur-Yon,.
de qui descendit la seconde branche de Bourbon-
Montpensier.
Louis II oe Bourbon, comte de Montpen-
sier, fils aîné du précédent, né en 1483, mort
le 14 ou 15 août 1501, à Naples. Il se signala au
siège de Capoue, et succomba à une fièvre ar-
dente sans avoir été marié.
Charles de Bourbon, comte de Montpen-
sier, frère puîné du précédent. Voy. Bourbon
(Connétable de). P. L.
Comines, Mémoires. — Moréri, Grand Dict. hist., II.
MONTPENSIER ( Louis II DE BOURBON ,
comte, puis duc de), capitaine français, né le
10 juin 1513, à Moulins, mort le 23 septembre
1582, à Champigny, en Tôuraine. Par son père
Louis Ier, prince de La-Boche-sur-Yon, il se
rattachait à la branche des Bourbon -Vendôme, et
par sa mère, Louise, il était neveu du connétable
de Bourbon et petit-fils de Gilbert de Montpen-
sier. Le roi lui restitua, en 1538, le comté de
Montpensier avec quelques seigneuries, à la con-
dition d'abandonner toutes prétentions au reste
des biens de la maison de Bourbon, qui avaient
fait retour à la couronne, et en 1539 il fut créé
duc et pair. Malgré ses belles qualités, il fut à
peu près laissé sans emploi sous les règnes de
François Ier et de Henri 11. 11 prit part comme
volontaire au siège de Boulogne ainsi qu'à la.
bataille de Saint-Quentin, où il demeura prison-
nier. Grâce au crédit que sa femme s'était acquis
sur l'esprit de Catherine de Médicis , il rentra
en possession, par provisions du 27 novembre
1560, du Beaujolais, du dauphiné d'Auvergne
et de la terre de Dombes; en 1561, il fut pourvu
du gouvernement général de la Tôuraine, de
l'Anjou et du Maine, dont il se démit presque
aussitôt en faveur de son fils. Après s'être montré
favorable à la réforme , il fit , dès la première
guerre, oublier sa modération passée par d'épou-
379
vantables rigueurs. « Quand il prenait les héré-
tiques par composition, dit Brantôme, il ne la
leur tenait nullement, disant qu'à un hérétique
on n'était point obligé de garder sa foi. » Il ré-
duisit successivement Blois, Tours, Angers,
Bourges et Saintes, mit garnison dans La Bo-
chelle et s'empara de l'île d'Oléron. En 1568, il
commanda l'armée de Guienne et du Poitou , dé-
fit à Messignac les capitaines de Mouvans et de
Gourdes, et joignit ensuite le duc d'Anjou. A Jar-
nac et à Montcontour, il commença l'attaque, et
déploya la plus grande valeur. A la fin de 1569,
il se démit du gouvernement du Dauphiné, qu'il
occupait depuis deux ans pour prendre posses-
sion de' celui de Bretagne. Mis par Charles IX
dans le .secret du massacre de la Saint-Barthé-
lemy, il se mêla aux tueurs avec le duc de Ne-
vers, son gendre, criant partout qu'il fallait
écraser les huguenots jusqu'au dernier. De 1574
à 1576 , il opéra encore dans le Poitou et la
Sâmtonge, assista à la première assemblée des
états de Blois, et contribua à la conclusion de la
paix donnée en 1577 à Poitiers. Il mourut à
l'âge de soixante-neuf ans, laissant la réputation
d'un des plus braves capitaines de son temps et
du plus riche seigneur du royaume après en avoir
été, dans sa jeunesse, le plus pauvre. Il se maria
deux fois, et eut de Jacqueline de Longwic, fer-
vente protestante, morte en 1 561 , un fils et
quatre filles, entre autres Charlotte, qui épousa
Guillaume, comte de INassau. Sa seconde femme,
Catherine de Lorraine (voy>. ci-après), ne lui
donna point de postérité. P. L.
De Thou, Hist. — Brantôme, Capitaines illustres. —
Moréri, •tGrand IHct. Hist., II. — Sismondi., Hist. des
Français, XVIII à XX.
montpensier ( François de Bourbon, duc
de ), capitaine français, fils aîné de Louis II et
de Jacqueline de Longwic, né en 1539, mort le
4 juin 1592, à Lisieux. Connu d'abord sous le
nom de prince dauphin, il prit à la mort de
son père ( 1 582 ) le titre et le nom de due dé
Montpensier. Après s'être signalé aux sièges
de Bouen et du Havre, il fut en 1565 pourvu
du gouvernement général de Touraine , qui
comprenait alors la Touraine,, l'Anjou, le Maine
et le Perche. Il suivit le duc d'Anjou dans la se-
conde guerre contre les protestants, et se trouva
aux batailles de Jarnac et de Montcontour. Du-
rant la troisième il obtint le commandement
d'une armée (1574) qu'il conduisit le long du
Rhône, reprit la plupart des places du Vivarais,
assiégea inutilement Privas, et guerroya dans le
Dauphiné contre le brave Montbrun. Créé che-
valier du Saint-Esprit (1579) il fut envoyé en
ambassade auprès de la reine Elisabeth pour ré-
clamer son concours contre la Ligue. En 1582, il
passa en Flandre avec le titre de lieutenant gé-
néral, assista à la déroute d'Anvers et contribua
à rallier l'armée ( 1583). Sur la démission du
duc d'Espernon, il reçut le gouvernement de
Normandie (1588), et y commanda jusqu'à sa
MONTPENSIER 3
mort. Après avoir battu le comte de Briss
qui s'avançait au secours de Falaise avec
mille soldats et un grand nombre de paysans
mes, il reconnut l'un des premiers les droits
Henri IV à la couronne, rejoignit ce princi
Dieppe et lui rendit de grands services a
journées d'Arqués et d'Ivry. Il soumit enc<
Avranches et prit part au siège de Rouen.
cite le duc de Montpensier comme un prie
généreux, humain, modeste et exact à remr.
ses promesses. Lorsqu'on lui rappelait
avantages qu'il avait eus à la guerre : « Oui,
sait-il, mais dans d'autres occasions j'ai corni
des fautes. » P. L.
Pinard, Chronologie militaire. — Anquetil, HisU
de France, V. — De Courcelles, Dict. hist. des Génère
français.
montpensier ( Henri de Bourbon, c
de), fils unique du précédent, né le 12 r
1573, à Mézières (Touraine), mort le 27 févr
1608. On l'appela jusqu'en 1592 le prince.
Bombes. Pourvu en 1588 du gouvernement
Dauphiné, il obtint en 1592 le gouvernement l
Normandie, auquel il joignit en 1593 celui
Bretagne, dont il se démit en 1598, en faveur
jeune duc de Vendôme. De 1589 à 1593, il opi
en Bretagne contre les ligueurs, et montra p.
de bravoure que de talents militaires ; il asa
geait Craon, de concert avec le prince de Coi"
lorsque, surpris par Mercoeur, il fut obligé
battre en retraite (24 mai 1592). L'année s'
vante il se rendit en Normandie , et fut attei-
au siège de Dreux, d'un coup de mousquet à
mâchoire inférieure. Il combattit les Espagn
à la défense de Calais ainsi qu'au siège d'
miens ( 1596), et suivit le roi dans la conqu
de la Bresse et de la Savoie ( 1600). D'un i
prit faible et borné, il s'était laissé séduire \
les seigneurs, qui avaient comploté de fa
ériger leurs gouvernements en fiefs héréditaire
il soumit cette proposition à Henri IV, qui, api|
l'avoir écouté patiemment, lui dit: «Mon cous
je crois que quelque esprit malin a charmé I
vôtre ou que vous n'êtes pas en votre bon sén
de me tenir des discours si indignes d'un bonso
et d'un prince démon sang. » A quelque temps I
là le duc de Montpensier se trouvait compron^
dans la conspiration de Biron. Il y avait de
ans qu'il ne vivait plus que de lait de fèmn
lorsqu'il mourut jeune encore. En lui s'éteig
la branche des Bourbons-Montpensier. Il av'
épousé Henriette-Catherine de Joyeuse. Le
fille unique, Marie, née le 15 octobre 16(
épousa, en 1626, Gaston, duc d'Orléans, frère
Louis XIII, et mourut en couches à Paris,
4 juin 1627. P. L.
Sully, Économies royales.'- Palma Cayet, Chronolog
montpensier ( Catherine-Marie de.Lo
raine, duchesse de), fille du duc de Guise;
sassiné devant Orléans, et sœur du duc
Guise assassiné à Blois, née le 18 juillet 15£
morte le 6 mai 1596. Elle fut mariée en févr
s.
»7o, à Louis de Bourbon, duc de Montpensier.
n ne peut douter qu'elle ne s'associât aux in-
igues de ses frères contre le roi de France et
enri de Navarre; mais elle ne commença à
uer un rôle important, dans la Ligue, que lorsq-
ue la rupture entre le duc de Guise et Henri III
if devenue complète vers la fin de 1587. En
îbsence duduc de GUise, qui poursuivait les
jbris des bandes allemandes', la duchesse en*
etint l'ardenr du parti catholique. Le parti
>yaliste se vengea par des plaisanteries sur la
flbrniité de la duchesse, qui était boiteuse, et
irRes mœurs, qui ne passaient pas pour irré-
rochables (1). Au mois de janvier 1588,
enri' 111 , irrité et effrayé' de ses menées séàU
Buses avec les prédicateurs les plus violents1,
bûcher, Eincestre , Aubeli , lui ordonna1 de
nitter Paris ; « dont toutefois elle ne fist rien,
èttestant* exemptée par ses menées et rases- or-
inaires ; aïânt esté si impudente et eshontée que
'avoir dit à trois jours de là, qu'elle' portoitià sa
ïittture Iesdzeaux quidonneroient'latroisiesme
Mironne à frère Henri dè.Valois-j «-Cette troi-
ème couronne que la1 sœur deGuiseréservait
celui qui avait porté la couronnede Pologne et
ul portait celle devance; c'érait» la tonsure de
lofne. La duchesse continuaidonc de pousser la
opulationde Paris à lai révolte et deréunir; dans
«maison1 les 'chefs de la Liguei La journée des
arrlcades, préparée par eliey acheva* d'anéantir
autorité royale dans; Paris. Henri IHy forcé, de
ultter la capitale, se vengeai «n faisants assas-
iner à Blols hVducdeGuise et son frère le oar-
taal' de Guise (décembre 1588). La duchesse,
e se laissant pas1 abattre par ce coup-terrible,
tHfr chercher en Bourgogne son; autre frèfle
layenne, qui Hésitait à' se mettre à la.'tête du
tiniivement ligueur, et l'amena à; Paris» Cette
Nllè» fut assiégée peu après- par les deux, rois
le France et' de Navarre ; elle allait succomber
orsque1 Henri III fut assassinépar Jacques* dé-
tient. En apprenant ce crime, dans la matinée
'In 2 août 1689;, la- duchesse de Montpensier
f 'écria-. •< Je ne snisi marrie que d'une chose,
[l'est qu'il n'ait pas su avant.de mourir que c'é-
!»itmoi qui l'avoit fait faire. » Elle prit la du -
•hessede Nemours, saimère, dans sa voiture, et
i>arcouranti le» rues de Paris, partout où elle
royait des bourgeois assemblés elle leur criait :
< Bonne nouvelle, mes amis, bonne nouvelle!
je tyran est mort» » Ces paroles ont fait sup-
poser que la duchesse avait été l'instigatrice du
|>H*e de Jacques-Clément; mais* ce point, pro-
ondément obscur pour les contemporains, n'a
'té éclairci depuis par aucune révélation' histo-
•iqne. Ce qui est certain, c'est que M**' de Mont-
>ensier poussa son frère Mayenne: à se faire
i (i) Benucoop dé' ces plaisanteries* ont été recueillies
i>ar L'Kstolle, qui a donné un. pamphlet, intitulé Biblio-
fhèqw de madame de Montpensier, mise en lumière
\>ar l'avis de Cornac, avec le consentement du sieur de
}1e*uHeu,tone$cuier.
MONTPENSIKR 382
proclamer roi. Mayennehésita et laissa échappei
une chance que sa sœur, plus audacieuse et
peut-être plus habile, le pressait de saisir. Après
une lutte, dont les principaux incidents ont été
racontés aux articles Henri IV et Mayenne, et
dans laquelle M1*8 de Montpensier joua un rôle
bruyant, quelquefois embarrassant pour son
frère, plus modéré, Henri IV entra dans Paris le
22 mars 1594, au grand désespoir de la duchesse.
Cependant, elle comprit que le seul parti qui lui
restât était de se réconcilier avec la cause vic-
torieuse et avec un prince qui n'abusait pas de
la victoire: « Ce jour (24 mars), dit L'Estoile,
le roi vint voir madame de Nemours, avec la-
quelle madame de Montpensier estoit. Il leur
demanda; entre autres propos,, si elles estoient
point bien estonnées de le voir à Paris, et en-
core plus de cequ'on n'y avoit volé ni pillé per-
sonne, ni fait tort à homme du monde.... Et se
tournant vers M™ de Montpensier, lui dit :
Qnedites-vous de celav ma cousine? — Sire,
lui répondit-elle; nous n'en: pouvons dire autre
chose, si non que vousestes un très-grand roy,
très;bening^ très clément et trèsfgénéreuxi » Le
roi eu souriant lui demanda» si elle ne voulait
pas faire sa paix avec Brissae(qui avait ou-
vert les portes- de' Paris à Henri IV). « Sire,
dit-elle, elle est toute faite, puisqu'il vous
plaist. Une chose' eusséje seulement désirée en
la réduction devostre ville de Paris- : c'est que
M. dfe: Màienne;. mou frère, vous eust abaissé le
pont pour y entrer. — Ventre-saint-gris , res-
pOnditUe roi; il mJeust fait, possible attendre
longtemps; je n'y fusse pas arrivé si matin. »
Ba bonté du roi' ne rassurait pas complètement
lâduchesseisur le* conséquences de 3a conduite
lors! de l'assassinat! d^HenrMMi; le parlement
menaçait de faire une enquête sur les auteurs de
ce crime et de remonterjusqu'auxpersonnes les
plu&éminentes-i Enfin, dans Jetraitéavec Mayenne
Henri IV inséra une clause qui mettait expres-
sément les princes et; princesses ide la maison de
Lorraine h l'abri des poursuites judiciaires. La
duchesse de- Montpensier ne' profita* pas long-
temps de cette- garantie ; elle mourut le 6 mai
suivant (1), laissant, une réputation douteuse,
que le parti triomphant noircit par la plume de
ses: écrivains les plus mordants et que: le parti
vaincu ne défendit pas» N.
L'Estoile, Journal.' — De Thtfu, Historia. sui tem-
poris, et les sources indiquées aux articles Henri de
Guise et Mayenne.
montpensier ( Aiine- Mûrie- Louise d'Or-
léans, duchesse de), connue souS le nom de
Mademoiselle et de la Grande Mademoiselle,
fille de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII et
(1) « Le lundi 6, dit L'Estoile, mourust, à une heure
après minuict, madame de Montpensier, en sa maison de
la rue des Bourdonnols, à Paris, d'un grand flux de
sang qui lui coulolt de tous les endroits de son corps,
qui estoit une mort' fort rapportante à sa vie, aussi bien
que le grand tonnerre et tempesle qui fist ceste nnict
aux tempestueuses humeurs de son esprit, malin, brouil-
lon1 et tempestueux. »
383
de Marie de Bourbon, héritière de la maison de
Montpensier, née à Paris, le 29 mai 1627, morte
à Paris, le 5 avril 1693. Elle fut tenue sur les
fonts baptismaux par la reine Anne d'Autriche
et par le cardinal de Richelieu. Cinq jours après
sa naissance, elle perdit sa mère, et resta une
riche héritière. Ce point mérite d'être signalé,
car il eut beaucoup d'influence sur ses idées.
Mlle de Montpensier fut en naissant le plus riche
parti de l'Europe, et eut dès l'enfance le rôle
de demoiselle à marier. Son père la des-
tinait au comte de Soissons, prince du sang
royal, qui fut tué à la bataille de La Marfée.
Mais la princesse, âgée de onze, ans, avait de
plus hautes prétentions; elle pensait au dauphin,
(depuis Louis XIV), qui venait de naître. « Je
l'alîois voir tous les jours, dit-elle, et je l'ap-
pelois mon petit mari ; le roi s'en divertissoit et
trouvoit bon tout ce que je faisois. Le cardinal
de Richelieu, qui ne vouloitpas que je m'y accou-
tumasse ni qu'on s'accoutumât à moi, me fit or-
donner de retourner à Paris. » Elle quitta donc
Saint-Germain, où résidait la cour, et alla s'établir
aux. Tuileries. La reine, pour la consoler, lui dit :
« Mon fils est trop petit, tu épouseras mon
frère. » Elle parlait du cardinal infant, gouver-
neur des Pays-Bas, lequel mourut en 1641, vers
le même temps à peu près que le comte de
Soissons. Quelques années plus tard , après la
mort de Richelieu et de Louis XIII, deux
grands princes, le roi d'Espagne Philippe IV
et l'empereur Ferdinand III, se trouvant veufs,
Mademoiselle pensa que l'un d'eux serait un
bon parti, et elle s'arrêta à l'idée d'épouser
Ferdinand. C'est elle qui raconte, dans ses
véridiques Mémoires, tous ces projets en l'air;
elle ajoute qu'ayant alors dans l'esprit de deve-
nir impératrice, elle prenait en pitié le prince
de Galles (fils de Charles Ier), qui recherchait
sa main. Le mariage avec l'empereur ne se fit
pas, et la princesse attribua l'insuccès de cette
négociation à l'abbé de La Rivière, confident
de son père, et surfout au cardinal de Ma-
zarin. Elle fut saisie de colère contre la cour,
et « c'étoit, dit-elle, un ressentiment qui me fai-
soit d'autant plus de peine que je n'avois pas
moyen d'en donner des effets ». La Fronde lui
fournit bientôt l'occasion de montrer son ressen-
timent; la jeune princesse ne la laissa pas échap-
per. Lorsque la reine et la cour quittèrent Paris
pour Saint-Germain, dans la nuit du 6 janvier
1649, elle les accompagna par convenance,
mais ses vœux étaient pour l'autre parti. « J'é-
tois toute troublée de joie, dit-elle, de voir qu'ils
alloient faire une faute, et d'être spectatrice
des misères qu'elle leur causeroit : cela me
vengeroit un peu des persécutions que j'avois
souffertes. <•
La première Fronde dura peu de temps, et
Mademoiselle, qui ne se trouvait pas assez vengée,
vit avec un plaisir qu'elle ne cache pas recom-
mencer les troubles. Cœur vaillant, tête roma-
MONTPENSIER 31
nesque et légère, elle eut son rôle brillant et pr
sager, et à la manière dont elle raconte ses ave
tures, on voit bien qu'elle ne se repentait point
sa conduite. Pour enlever à la cause royale
ville d Orléans, qui faisait partie de l'apanage
son père, elle eut la hardiesse d'aller en person ■
dans cette ville. Elle partit, presque seule, a\
Mme* de Fiesque et de Frontenac, que l'on apr.
lait ses maréchales de camp. Un de ses amis,
marquis de Vilaines, qui passait pour grand ;
trologue, lui prédit qu'elle ferait quelque chc
d'extraordinaire le 27 mars ( 1626); elle nota
prédiction sur son agenda, et marcha en avi
avec confiance. Dans les plaines de la Beaui
elle s'habilla en amazone, monta à cheval et
mit à la tête des troupes de la Fronde <
étaient dans les environs. Elle trouva les pon
d'Orléans fermées, mais ses partisans brisèn
une poterne qui donnait sur la Loire , et inti
duisirent la princesse au moyen de deux 1
teaux et d'une échelle assez haute. « Je ne nu
quai pas le nombre des échelons, dit-elle, je i
souviens seulement qu'il y en eut un rompu
qui m'incommoda à monter. Rien ne me coût
alors pour l'exécution d'une circonstance avs
tageuse à mon parti, et que je pensois l'éi
fort pour moi. » Elle pensait en effet se ren<
assez redoutable pour que son mariage avec
roi fût une des conditions de la paix. Com«
que naguère elle haïssait avec peu de motifs,
que maintenant elle admirait sans mesure, l'i
tretenait dans cette idée. En attendant, elle joi
sait avec délices de son importance et de
popularité. Son retour à Paris fut encore
triomphe, mais ce fut le dernier. Les affaires
la Fronde déclinaient. Le 2 juillet Condé, se>
de près par Turenne, livra bataille sous
murs de Paris , dans le faubourg Saint-Antoii
il allait être écrasé si Mademoiselle n'avait ;
raché aux magistrats de Paris l'ordre d'ouv»)
la porte Saint- Antoine à l'armée vaincue, !
n'eût fait tirer le canon de la Bastille ptj
protéger la retraite de Condé. Ce hardi coi
de tête prolongea de quelques mois l'existeii
de la ligue. Mazarin et plus tard Louis XIV i
l'oublièrent pas. Deux jours après cette affa,
du faubourg Saint- Antoine, elle donna une no j
velle preuve de courage et d'humanité. Com
pour décider les magistrats de Paris à sortir :
la neutralité, avait ameuté contre eux la pop
lace. Le 4 juillet au soir, des massacres, qi
Condé dirigeait sous main et que Gaston
chercha pas à empêcher, eurent lieu à l'hô4
de ville. Mademoiselle, accompagnée de qu
ques dames, eut le courage de se jeter au n !
lieu de l'émeute pour protéger les magistra
N'ayant pu d'abord s'avancer plus loin que
pont Notre-Dame, elle y retourna la nuit, j
nétra dans l'hôtel de ville , et parvint à sam
le prévôt des marchands, Lefèvre, royaliste i
dent. Ces convulsions sanglantes hâtèrent la
de la Fronde. Condé quitta Paris le 13octobi
85
Louis XIV y rentra le 21. Là veille Gaston
J.aii. reçu l'ordre fie ne pas rester, dans la ca-
tale. Quant à Mademoiselle, on lui signifia
mplcment de quitter les Tuileries ; mais ,
oyant sa liberté menacée, repoussée par son
;re, qui ne la voulait pas près de lui, elle s'en-
it «u hasard et avec une suite peu nombreuse.
iîs incidents du voyage ne l'ennuyèrent point,
ir en les racontant elle ne manque pas d'a-
juter : « Cette plaisanterie nous réjouit quel-
les jours;... cette aventure nous réjouit fort. »
ile se retira dans sa terre de Saint-Fargeau,
1 elle passa près de cinq ans, soupirant après
cour, s'appliquant à ses affaires, et écrivant ses
émoires, pour se distraire. Enfin, en 1657, elle
i )tint la permission de paraître à la cour qui se
jouvait alors à Sedan. Le cardinal se montra pour
le plein d-'égards et de bonhomie. Leur première
.itrcvue flit une excellente scène de comédie,
, l'il faut lire dans les Mémoires. La reine eut
, oins d'aménité. « Voici, dit-elle en présentant
princesse au roi, voici une demoiselle qui est
•en fâchée d'avoir été méchante, elle sera bien
âge à l'avenir. » Le roi fut convenable, et dit
l'il fallait tout oublier ; mais il n'oublia pas le
mon de la Bastille. A trente ans passés, Ma-
Lmoiselle, toujours très-considérée pour sa
ï I lissance et sa fortune, ne pouvait jouer qu'un
; iile un peu effacédans une cour où un jeune
ni recherchait la jeunesse. Elle s'amusait à
f :rire ; mais ce /n'était gpas assez pour l'oc-
iiper. Elle Songeait à tant de mariages projetés
; manques, et trouvait raisonnable de rester
| ! ans son état indépendant de grande princesse
ibreavec 500,000 livres de rente. Elle comp-
rit sans la passion imprévue qui la dominait pour
f. de Lauzun, capitaine des gardes du corps et
ivori du roi. On voit par les Mémoires de
fademoiselle qu'elle l'avait remarqué dès 1659,
liais ce fut dix ans plus tard et lorsqu'elle-
jnême en avait quarante-deux, qu'elle se mit à
uimer passionnément ; et comme elle ne sépa-
rait pas l'idée d'amour de l'idée de mariage, elle
îsolut, après une longue lutte contre elle-même,
[Ile résolut ;donc, elle « Mademoiselle, petite-fille
i e Henri IV, Mademoiselle d'Eu, Mademoiselle
e Dombes, Mademoiselle d'Orléans, Mademoi-
elle cousine germaine du roi, Mademoiselle
( estinée au trône, Mademoiselle, le seul parti de
rance qui fût digne de Monsieur », de de-
mander au roi la permission d'épouser un ca-
j et de Gascogne. Le roi, à la suite d'une dé-
marche collective de plusieurs nobles, amis de
.auzun , M. de Montausier en tête, accorda la
émission. Le mariage fut déclaré, le 15 dé-
embre 1670. Malgré les conseils pressants de
[i. de Montausier, Lauzun eut l'imprudence de
(émettre à quelques jours la célébration de ce
.nariage, et dans l'intervalle,' Louis XIV, sur les
nstances de Monsieur et de Condé , retira sa
'ermission, le 18 décembre. La duchesse de
'lonjpensier ressentit un désespoir qu'elle té-
NODV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXXVI.
MOJNTPENSIER ■ 380
moigna naïvement. « Suivant son humeur, dit
Mme de Sévigné, elle éclata en pleurs, en cris,
en douleurs violentes, en plaintes excessives, et
tout le jour elle a gardé son lit sans rien avaler
que des bouillons. » Mmc de Caylus raconte
« qu'elle se mit au lit, et reçut des visites comme
une veuve désolée, et j'ai ouï dire à madame
de Maintenon qu'elle s'écrioit dans son déses-
poir : Il serait là ! — Il serait là ! — C'est-à-dire, il
serait dans mon lit; — car elle montrait la place
vide. » Cette désolation s'accrut encore l'année
suivante quand Lauzun fut arrêté le 25 no-
vembre 1671, et conduit à la Bastille, puis à Pi-
gnerol. Elle n'eut qu'une idée, obtenir la liberté
de Lauzun; elle l'obtint en effet, au bout de
dix ans de sollicitations, mais elle la paya cher;
elle dut donner au duc du Maine, fils de
Louis XIV et de Mme de Montespan , le comté
d'Eu, le duché d'Aumale et la principauté de
Dombes. A ce prix Lauzun sortit de prison, mais
il ne fut pas permis à Mademoiselle de l'épouser
publiquement. Il paraît qu'il y eut entre eux un
mariage secret; il se peut aussi que le mariage
remontât à 1671. Tout est douteux à ce sujet;
ce qui est certain, c'est que Lauzun, déçu dans
son espoir d'une magnifique alliance, se jugeant
dépouillé par la donation de la princesse, et se
trouvant après dix ans de captivité en présence
d'une femme de cinquante-quatre ans, ne lui
témoigna ni tendresse ni égards. Après quelque
temps de relations de plus en plus orageuses, ils
se séparèrent pour toujours. Lauzun plus d'une
fois essaya de se rapprocher; mais Mademoi-
selle ne lui pardonna pas, et mourut sans avoir
consenti à le revoir. Ses obsèques, célébrées avec
magnificence, furent troublées par un singulier
accident. Ses entrailles, mal embaumées, fermen-
tèrent, et au milieu de la cérémonie firent
éclater l'urne qui les contenait avec un bruit
épouvantable. « A l'instant , dit Saint-Simon ,
voilà les dames les unes pâmées d'effroi, les
autres en fuite. Les hérauts d'armes, les Feuil-
lants qui psalmodiaient, s'étouffaient aux portes
avec la foule qui gagnoit au pied. La confusion
fut extrême. »
Mademoiselle aimait à faire des portraits ; elle
a fait le sien ; en voici quelques passages :
Je suis grande, ni grasse ni maigre , d'une taille
fort belle et fort aisée. J'ai bonne mine ; la gorge
assez bien faite ; les bras et les mains pas beaux ,
mais la peau belle ainsi que la gorge. J'ai la jambe
droite et le pied bien fait ; mes cheveux sont blonds
et d'un beau cendré ; mon visage est long , le tour
en est beau ; le nez grand et aquilin ; la bou-
che ni grande ni petite, mais façonnée et d'une
manière fort agréable; les lèvres vermeilles; les
dents point belles, mais pas horribles aussi; mes
yeux sont bleus, ni grands ni petits, mais bril-
lants, doux et fiers comme ma mine. Je parle
beaucoup, sans dire des sottises ni de mauvais
mots.... Je suis fort méchante ennemie, étant fort
colère et fort emportée ; et cela joint à ce que je
suis née peut bien faire trembler mes ennemis
i 13
387
mais aussi j'ai l'âme noble et bonne. Je suis in-
capable de toute action basse et noire ; ainsi je
suis plus propre à faire miséricorde que justice.
Je suis mélancolique ; j'aime à lire les livres bons
et solides; les bagatelles m'ennuient, hors les vers;
je les aime, de quelque nature qu'ils soient, et as-
surément je juge aussi bien de ces choses-là que si
j'étais savante. »
Mademoiselle laissa des Mémoires, admira-
bles de sincérité en ce qui la touche, pleins de
franchise, sans dénigrement à l'égard des autres.
Le style en est peu correct , quoiqu'il ait été
revu, du moins pour les premières parties, par
Segrais, secrétaire de la duchesse, mais la lec-
ture en est agréable et instructive. La Biblio-
thèque impériale possède trois manuscrits de
cet ouvrage ; le premier, qui est autographe ,
manque des quatre-vingt-deux premiers feuillets
et d'une partie de la relation du combat livré au
faubourg Saint- Antoine. Les deux autres manus-
crits présentent les mêmes lacunes ainsi que la
première édition; Amsterdam, 1729. La se-
conde édition, Amsterdam, 1735, faite sur un
manuscrit que Mademoiselle avait donné au
président de Harlay, est beaucoup plus com-
plète, et a servi de base aux autres éditions;
elle laisse à désirer pour la correction, et n'a
été que faiblement améliorée dans les éditions
d'Amsterdam, 1746, S vol. in-12; de Maestricht,
1776, 8 vol. in-12; de Petitot, XLe à XLIIIe
vol. de sa collection ; de Michaud-, dans sa nou-
velle Collection de Mémoires. M. Chéruel en a
donné une nouvelle édition, corrigée sur le ma-
nuscrit autographe; Paris, 1858, 4 vol. in-12.
On a encore de Mademoiselle : Divers Por-
traits, la Relation de l'isle Invisible, et
Y Histoire de la princesse de Paphlagonie,
imprimés en 1659. Ces Portraits et ces deux
nouvelles ont été réimprimés dans les différentes
éditions in-12 des Mémoires, avec la clef tirée
des mémoires inédits de Segrais. On a joint aux
mêmes éditions, Les Amours de Mademoi-
selle et de M. de Lauzun, roman indigne de
confiance. *»• A-
Le cardinal de Retz, Mémoires (1). - Mme de Sévi-
gné, Lettres — Mme de Caylus, Souvenirs. — Dangeau,
'journal. — Saint-Simon, Mémoires. — Voltaire, Siècle
de Louis Xlr. — Anquetil, Louis XIV et sa cour. —
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. III. — Monty, dans
la Revue Contemp., 30 avril 185S.
montpensieb (Antoine-Philippe d'Or-
léans, duc de), second fils de Louis-Philippe-
Joseph, duc d'Orléans, et de Louise-Marie- Adé-
laïde de Bourbon-Penthièvre , né le 3 juillet
1775 , mort le 18 mai 1807, à Twickenham ,
près Londres. Élevé, ainsi que ses frères et
sœurs, par Mme de Genlis, il manifesta de bonne
heure du goût pour les arts. A l'époque de la
révolution il entra, comme sous-lieutenant, au
14e de dragons , dont son frère aîné, le duc de
MONTPENSIEK 3f
Chartres, était colonel, accompagna ce demi
à l'armée du nord et lui fut attaché en 1792 1
qualité d'aide-de-camp. Sa conduite à Valmy I
valut une citation honorable dans le rapport (
général Kellermann (1). Devenu lieutenant-coloE
et adjudant-général , il se signala de nouveau à
bataille de Jemmapes. Dans le courant de l'hivf
il passa à l'armée d'Italie , qui se trouvait alo
sous les ordres de Biron. Par suite de la défc
tion du duc de Chartres, il se trouva bientôt e
veloppé dans le décret qui privait de leur libei
tous les membres de la famille des Bourbor
Arrêté le 8 avril 1793, à Nice , il prit la rot
de Paris, sous la garde d'un officier de g€
darmerie ; mais on le reconnut à Aix, et, fort
de rebrousser chemin, il fut amené à Marsei
et enfermé dans un des cachots du Palais. Trai
féré au bout de quinze jours au fort de Noti
Dame-de-la-Garde, puis au fort Saint- Jean ,
fut d'abord traité avec beaucoup de rigueur ;
surveillance se relâcha peu à peu : on lui p«
mit d'avoir des livres, des crayons, des fleui
une table assez bien approvisionnée; on
laissa son valet de chambre, Gamache. Il lis;
d'ordinaire toute la journée; le soir il jouait
piquet deux ou trois heures, puis il se coucha
et restait au lit aussi longtemps que possib
D'un caractère bouillant et fier, il s'accomni
dait mal des habitudes républicaines, et sw
portait avec impatience les vexations puériles
parfois cruelles auxquelles l'exposait la grc
sièreté de ses gardiens. Quoiqu'il fût peu r<
sure sur le sort qui l'attendait, il assure que
perspective de la mort ne troubla jamais s
repos. Après l'entrée du général Carteaux
Marseille, il obtint quelques adoucissements
sa captivité, celui entre autres de passer piusiet
heures par jour dans ^compagnie de son père
de son frère, le comte de Beaujolais, qui était
détenus dans le même fort, ainsi que la duchés
de Bourbon et le prince de Conti. Le 23 ootol
1793, il reçut les derniers adieux du duc d'(
léans, emmené à Paris pour y être traduit i
vant le tribunal révolutionnaire. Réuni depo
lors à son frère, il adressa aux autorités adn
nistraîives de nombreuses pétitions, qui fou
demeurèrent ,sans effet. Cependant sa condM
s'améliora; il obtint un logement plus coi
mode et plus sain, il communiqua avec plusiei
prisonniers, et, outre un domestiqué qu'il av
déjà, il prit à ses gages une servante. Le 6 j<
1795 le fort fut envahi par une bande de roi
listes forcenés, qui massacrèrent dans d'horrito
tortures plus de quatre-vingts prisonniers si
pects de jacobinisme. Bien connu de piusiet
d'entre eux, Montpensier n'eut rien à redo
(1) Sur le rôle de Mademoiselle pendant la Fronde ,
voy. divers pamphlets qui sont énumérés dans le Cata-
logue de l'Histoire de France, t. Il, chap. rrr.
(l) « Embarrassé du choix, écrivait Kellermann, je
citerai, parmi ceux qui ont montré un grand courn
que M. de Chanres et son aide de-eamp M. de Mo
pcnslcr. dont l'extrême Jeunrssc rend le sang-froid
1 un des feux les plus soutenus qu'on puisse voir,'
trèmeroent remarquable. » {Moniteur du 22 septeni
1792. )
t (1) « Dix ou douze jeunes gens assez bien habillés,
tmaieles manches retroussées et le sabre a la main, en-
l trèrent en portant l'adjoint qu'ils déposèrent sur mon
Mit. Ensuite, nous adressant la parole : « N'êtes-vous
i pas, nous dirent-ils, MM. d'Orléans? » Et sur notre ré-
i ponse affirmative, ils nous assurèrent que loin de vou-
loir attentera notre vie, ils la défendraient de tout leur
(pouvoir si elle était en danger; que l'acte de justice qu'ils
allBient exercer contribuerait autant à notre sûreté qu'à
i la leur et a celle de tous les honnêtes gens ; puis ils
dous demandèrent de l'eau-de-vie, dont assurément ils
tne paraissaient avoir aucun besoin. Nous n'en avions
t pas ; mais ils trouvèrent une bouteille d'anisette, c:ont
ils se versèrent dans des assiettes à soupe. Après' quoi
j ils sortirent... et laissèrent un d'eutre eux en sentinelle
à notre porte. » Mémoires du duc de montpensier.
'3M) MONTPENSIER
1 le leur part (1). Après avoir vu mettre en li-
lerté le prince de Conli et la duchesse de Bour-
loii, il perdit toute espérance de jamais sortir
Ile prison, et forma des projets de fuite, pour
esquels il trouva d'assez grandes facilités. Dans
i*a soirée du 18 novembre 1795, il venait de
' ranchir le pont-levis du fort lorsqu'il rencontra
i f e commandant ; reconduit dans sa chambre, il
naisit une corde qu'il s'était procurée, la noua
\ lutour d'une espèce de piton qui tenait à la fe-
■ lôtre et se laissa glisser. A peine était-il parvenu
lli la moitié de la hauteur, c'est-à-dire à trente
i lieds environ, que la corde se rompit : il tomba
i ;urle sable et se cassa le pied droit. Malgré cette
f facture et une violente douleur qu'il éprouvait
' iux reins, il gagna à la nage la chaîne du port
• 't s'y cramponna en attendant le passage de
: ruelques bateaux. Recueilli au bout de deux
1 îeures, et transporté chez un perruquier, nommé
ilangin, qui avait contribuée son évasion, il fut
I "econnu, dénoncé au commissaire du gouverne-
I nent, Fréron, et replacé sous les verroux. Beau-
I olais, qui était déjà libre, revint se constituer pri-
f ionnier aussitôt qu'il eut appris l'accident qui
I ui était arrivé. Cependant les deux frères en
( urent quittes à bon marché : on ne les sépara
'[ )oint, on ne leur infligea aucune aggravation de
f )eine, et personne ne fut inquiété à cause d'eux.
' ua duchesse d'Orléans avait allégé autant que
I lossible les souffrances de ses fils, et plusieurs
(fois elle avait sollicité leur élargissement. Ayant
fappris que le Directoire y consentirait enfin, à la
! condition que son fils aîné s'éloignerait de l'Eu-
Irope, elle se hâta de lui écrire dans ce sens.
! « Quand ma tendre mère recevra cette lettre, ré-
Ifpondit aussitôtle ducd'Orléans, ses ordres seront
\ exécutés et je serai parti pour l'Amérique. »
I Dès que la certitude fut acquise de son ar-
rivée à Philadelphie, Montpensier et Beaujo-
Mais furent mis en liberté, et s'embarquèrent
fie 5 novembre 1796 pour les États-Unis. Après
I une traversée d'environ trois mois , ils rejoi-
gnirent leur frère aîné. La destinée des trois
^princes devint alors commune. Ensemble ils
f parcoururent les États de l'intérieur, la Vir-
ginie, le Canada; ensemble ils résidèrent suc-
cessivement à Philadelphie, à New-York et à
| Boston ; puis, avec l'intention de rejoindre leur
'mère, qui Tenait d'être déportée en Espagne, ils
390
descendirent, au milieu des glaces, l'Ohio et le
Mississipi, jusqu'à La Nouvelle-Orléans, et firent
voile pour La Havane. Forcés par le gouverneur
espagnol de quitter l'île au plus vite , ils se
rembarquèrent pour New-York , d'où un bâti-
ment anglais les conduisit à Falmouth. Au com-
mencement de 1800, ils arrivèrent à Londres, et
fixèrent leur séjour habituel à Twickenham. Le
duc de Montpensier y mourut, d'une maladie de
poitrine, dont il souffrait depuis sa captivité (1).
Il fut enterré à Westminster. On a de lui une
relation intitulée : Ma Captivité de quarante-
trois mois (Paris, 1824, in-8° ), et réimprimée
dans le t. IX de la Bibliothèque des Mémoires
pendant le dix-huitième siècle, de M. Barrière.
P. L.
Ulcnoires du duc de Montpensier. — Ara. Boudin,
Hist. de Louis- Philippe.
* moktpensier {Antoine-Marie- Philippe-
Louis d'Orléans, duc de), prince français, né
à Neuilly (Seine), le 31 juillet 1824. Cin-
quième fils du roi Louis-Philippe et de la reine
Marie- Amélie, il fit, comme ses frères, ses étu-
des au collège Henri IV. Destiné à entrer
dans l'artillerie, il fut nommé, le 29 avril 1842,
sous-lieutenant dans le 3e régiment de cette
arme, et passa, le 17 décembre 1843, dans le
4e régiment en qualité de capitaine commandant
la 7e batterie. Lorsque le maréchal Bugeaud
prépara, en février 1844, l'expédition contre Bis-
kara, le duc de Montpensier voulut y prendre
part, et dès le 27 de ce mois il fut chargé de
reconnaître le défilé d'El-Kantara et d'y faire
exécuter divers travaux pour le passage de
l'artillerie de campagne. Le 15 mars suivant, il se
montra l'émule du ducd'Aumale, son frère, sous
les ordres duquel il se trouvait , et au combat
livré devant M'ehonnesh à trois mille Arabes des
tribus de l'Aurès, soutenus et guidés par deux
cents réguliers d'Abd-el-Kader, il dirigea toute
la journée le feu de l'artillerie contre un fort si-
tué au-dessus de la gorge de l'Oued-el-Abiad.
Le soir, son frère et lui se mirent à la tête d'une
petite colonne de réserve, et emportèrent vail-
lamment cette position difficile et escarpée. Le
duc de Montpensier, qui, ce jour-là, allait pour
la première fois au feu, reçut une légère blessure
près de l'œil gauche. Sa conduite lui valut, le
24 juin 1844,1a croix de chevalier de la Légion
d'Honneur, et le grade de chef d'escadron le
8 août suivant. De retour en France, il accom-
pagna son père dans son voyagé en Angleterre, au
mois d'octobre, et lieutenant-colonel le 22 mars
1845, il repartit pour l'Algérie, ou, le 14 mai sui-
vant, il se distingua dans un combat livré aux
Kabyles, sous l'Ouarensenis, cbez les Beni-Hin-
del. Il s'embarqua ensuite à Alger pour faire un
voyage d'instruction dans le Levant, et visita
successivement Tunis, Conslantinople, Alexan-
drie, le Caire, Memphis, Rhodes, Smyrne et
;i) Le comte de Beaujolais succomba un an plus tard,
à la même affection à Malte.
13.
391
MONTPENSIER — MONTPLAISIR
39
Athènes. A son retour, il reçut la grand-croix
de la Légion d'Honneur (9 novembre 1845 ) et
fut nommé ( 13 avril 1846) colonel du 5e régi-
ment d'artillerie, etenfin (11 septembre 1846) ma-
réchal de camp, commandant l'école d'artillerie
à Vincennes. Dans l'intervalle, le comte Bres-
son, ambassadeur de France à Madrid, négocia
le mariage du princeavec Marie-Louise-Fernande
de Bourbon, sœur de la reine Isabelle IL Cette
alliance, que Louis-Philippe considérait comme
un fait capital, à l'extérieur, de son règne, et pour
laquelle le pape Pie IX accorda, le 8 septembre,
des dispenses pour cause de parenté, fut célébré à
Madrid, le 10 octobre de cette même année, et
l'on se rappelle le vif désappointement qu'elle
suscita au sein du gouvernement anglais. Ce
même jour, le duc de Montpensier reçut des
mains de sa belle-sœur le collier de la Toison
d'Or. Les deux époux revinrent peu après en
France. Dans la journée du 24 février 1848 le duc
de Montpensier conseilla, dit-on, au roi Louis-
Philippe d'abdiquer. Il l'accompagna jusqu'à
Dreux, de là se rendit à Granville avec une par-
tie de la famille royale, et s'y embarqua pour
l'Angleterre, sur le paquebot de Jersey. La jeune
duchesse, à raison de son état de grossesse,
avait été conduite dans une maison voisine des
Tuileries, et fut emmenée à Boulogne, où elle
s'enbarqua par les soins du général Thierry,
aide de camp du prince. Elle arriva à Hertfort-
House, où elle fut reçue par le duc de Nemours
et le personnel de l'ambassade française. Les deux
époux passèrent ensuite en Hollande, et s'embar-
quèrent pour l'Espagne, où ils abordèrent le 2 avril.
Depuis cette époque, ils ont choisi Séville pour
résidence. Le 14 août 1848 , la reine Isabelle II
lui conféra le grand cordon de Charles III, et l'a
nommé, le 5 août 1858, capitaine général des ar-
mées d'Espagne, grade équivalant à celui de ma-
réchal de France. Le duc de Montpensier jouit en
outre à la cour de Madrid de tous les honneurs dus
aux infants d'Espagne, et il est commandeur
mayeur d'Aragon, dans l'ordre de Calatrava. De
son mariage, il a eu jusqu'à présent six filles, dont
l'aînée est née le 21 septembre 1848. H. F.
Dict. de la Convers. — Mollit, universel (année 1844-48).
montpetit ( Armand- Vincent de), pein-
tre français, né à Mâcon, le 13 décembre 1713,
mort à Paris, le 20 avril 1800. Doué d'un es-
prit ingénieux, il se distingua par diverses inven-
tions, telles que celles d'une charrue mécanique
fonctionnant seule, d'un poêle hydraulique où
la chaleur humide était combinée avec la cha-
leur sèche; quelques appareils utiles dans l'hor-
logerie , un système de pont de fer n'ayant
qu'une seule grande arche, enfin un genre de
peinture qu'il appelait éludonique, dans lequel
des peintures à l'huile, de la dimension des mi-
niatures, sont fixées sur une glace de manière
que celle-ci ne forme qu'un corps avec la pein-
ture; la glace fait alors l'effet du vernis, ce qui
est bien différent des glaces posées simplement
sur les peintures, sans adhérence ou contiguïtéc
surfaces. Ce procédé, décrit dans le Diction
naire des Arts et Métiers de Jaubert, donn
un résultat d'un effet charmant par la suaviti
le fondu, la force qu'obtiennent les couleurs
Aussi le succès en fut-if grand, et Montpetit fi
chargé dépeindre, d'après son système, plusieur
portraits du roi. Mais, outre que cette sorte d
peinture exige beaucoup de soin et d'adress
dans l'exécution, elle ne se conserve pas bier
et on l'emploie rarement aujourd'hui. Montpet
a publié sur cette invention un écrit intitulé
Note intéressante sur les moyens de conseï
ver les portraits peints à l'huile et de h
faire passer sans altération à la postérité
1776, in-8°. On a aussi de lui un Mémoire su
la théorie des ponts de fer d'une seule arch
de 3 à 500 pieds d'ouverture, inséré dans I
Journal de Physique, année, 1788. Il a cor;
couru à la rédaction du Dictionnaire des An
et Métiers de Jaubert. Le gouvernement lui dé
cerna, en 1793, une récompense de 8,000 fr. poi
ses diverses inventions. G. de F.
Lalande, Notice, dans le Magasin Encyclopédiqui
1800, t. I.
montpezat ( Antoine deLettes, maii
quis de), maréchal de France, mort en noveni
bre 1544. Écuyer tranchant de François I'
(1516), puis gentilhomme de la chambre (1520
il fit partie de l'expédition d'Italie, et fut fa
prisonnier à la bataille de Pavie (1525); le ro:J
à qui il s'était rendu utile, paya sa rançon et I
dépêcha à diverses reprises auprès de l'empereu
Charles Quint. Il obtint de ce prince , entr
autres faveurs, la maîtrise des eaux et forêts d
Poitou et la capitainerie de Montluçon. Apre |
avoir servi au siège de Naples (1528), il fut en
voyé en ambassade à la cour de Londres (1532] I
Son plus beau fait d'armes fut la glorieuse dé!
fensede Fossano, place du Piémont, que latra.'
hison du marquis de Saluées faillit livrer au
Espagnols : Montpezat y résista pendant trentt |
huit jours aux efforts d'Antoine de Leyva, et ei
sortit le 8 juillet 1536 , avec les honneurs de 1 !
guerre. Il prit aussi part à la défense de Mari
seille, au siège de Perpignan, et fut créé mare
chai de France le 13 mars 1544. P. L.
Anselme, Grands-Officiers de la Couronne. — Pinarc \
Chronologie milit., 11,242.
montplaisik ( René de Bruc, marqui
de), poète français, né à Paris, en 1610, mor
à Arras, le 12 juin 1682. Issu d'une familL
noble de Bretagne, il servait depuis longtemp,
dans le régiment de Poitou, lorsqu'il fut pourvi
de la lieutenance de Roi à Arras, après la pris*
de cette ville par Louis XIII , en 1640. Marécha
de camp en 1651, il commanda de 1654 à 165',
un régiment de cavalerie. Il passe pour avoir ei
quelque part aux ouvrages de la comtesse de Le
Suze, dont il fut un des plus fervents adorateurs '
On a de lui des Poésies, que Lefèvre-Saint |
Marc a réunies (Amsterdam, 1759, in-12), eif
393 MONTPLAISIR
larmi lesquelles son Temple de la Gloire tient le
premier rang. Il est adressé au duc d'Enghien
; depuis le grand Condé), sous lequel Montplaisir
Uvait servi avec distinction, et fut composé à l'oc-
casion de la bataille de Nordlingen, gagnée par
4e prince sur le général de Mercy. H. F.
l'innrd, Chronologie militaire.— De Courcelles ,'Hist.
èm'alorjiqve des Pairs de France.
> "MONTRÉAL. ( Simon- François Aixouveau
iB ), général et sénateur français, né à Bache-
! Mie ( Haute- Vienne), le 14 septembre 1790.
.lève à l'école militaire de Saint-Cyr, le 19 no-
embre 1809, il en sortit le 23 juin 1811 pour
', ntrer comme sous-lieutenant dans le 10e de li-
f i ne, qui faisait alors partie de l'armée de Na-
ît les. Il fit avec distinction les guerres d'Es-
| agne de 1812 et 1813, et fut nommé lieute-
I ant, puis capitaine les 20 janvier et 8 juillet de
tte dernière année. M. de Montréal fit avec le
9« léger les campagnes d'Allemagne et de
Il rance de 1813 à 1815. Appelé, le 5 juillet
833, au commandement du 3e bataillon d'in-
Ifinterie légère d'Afrique, il se signala en Al-
îrie depuis cette date jusqu'en 1837, époque à
quelle il obtint le grade de lieutenant-colonel
lu 47e (11 novembre). Nommé colonel du
¥ jP le 11 octobre 1840 et maréchal de camp le
B2juin 1848, il reçut le commandement d'une
R'igade de l'armée des Alpes. Général de divi-
sion le 10 mai 1852, il prit l'année suivante le
r (ommandementdu corps d'occupation de l'Italie,
'• i u'il conserva du 10 février 1853 au 10 novembre
' !856. Placé dans la deuxième section du cadre de
! 'Sserve, il a été, le 9juin 1857, créé sénateur.
S— D.
M archives de la Guerre et du Sénat.
■ MONTREDON ( Raimond de), qu'on appelle
. !usside Montrond, archevêque d'Arles, né dans
'il! diocèse de Nîmes, mort vers l'année 1155.
It l'archidiacre deBéziers il devint d'abord évêque
: l'Agde, en 1 1 30, puis archevêque d'Arles, en 1 142.
"] n trouve dans le Gallia Chrisliana Ja men-
l[on des actes auxquels il prit part comme évê-
,. fue et comme archevêque. Le plus important de
J[es actes est un décret en faveur des consuls
1 l'Arles, qui nous offre les plus intéressants dé-
ï lils sur la condition civile des personnes au dou-
jèrae siècle, dans le midi de la France. Quel-
les auteurs attribuent ce diplôme à Raimond de
iolène, archevêque d'Arles en 1163. B. H.
Galtia Cliristiana, t. I, col. 560. — Hist. Liltër. de la
Wftrance, t. XI 11, p. 236.
r*1, montrerais {Hugues de), cardinal fran-
sfriis, né à Montrelais, près d'Ancenis, vers 1315,
4|iort à Avignon, le 28 février 13S4. Il était cha-
A bine et chantre de Saint-Pierre de Nantes, ar-
î) fiidiacre de la Mée dans cette église, quand il
I fit élu en 1354 évêque de cette ville. Le pape
i! Hnocent VI le transféra l'année suivante au
j fége de Tréguier, et en 1358 à celui de Saint-
es! riïeuc. Dévoué à Charles de Blois, à qui il de-
: Ut sans doute sa promotion à la dignité épisco-
— MONTRÊSOR
394
pale, Hugues accompagna, en 1364, ce prince à
Poitiers, où devaient se tenir les conférences qui
avaient pour but de fixer définitivement les
droits des prétendants au duché de Bretagne.
Après la mort de Charles, il représenta Jeanne
de Penlhièvre, sa veuve, au traité de Guérande,
conclu le 12 avril 1365. Son attachement à cette
princesse ne le rendit point suspect à Jean IV,
duc de Bretagne, qui le fit son chancelier. Hugues
porta la parole au nom du duc le 13 décembre
1366, quand il fit hommage à Charles V, à Paris,
et sut dans cette occasion , maintenir l'indépen-
dance de la Bretagne. Les troubles qui en 1371
agitèrent de nouveau le duché de Bretagne dé-
terminèrent Hugues de Montrelais à se retirer à
Avignon, où le pape Grégoire XI le créa cardi-
nal (20 décembre 1375). Hugues fut depuis dé-
signé sous le nom de Cardinal de Bretagne,
et conserva le titre d'évêque de Saint-Brieuc
jusqu'à sa nomination à l'évêché de Préneste.
En 1377 il devint chanoine d'honneur de Cam-
brai, et cinq ans après chanoine de la cathédrale
d'Amiens. H. F.
Dom I.obineau, Vies des Saints de Bretagne. — Gallia
Christiana, III, col. 71. — H. Fisquel, France pontifi-
cale ( sous presse).
montrésor ( Claude de Bourdeille, comte
de), favori de Gaston, duc d'Orléans, né vers
1608, mort en juillet 1663. Dès sa jeunesse il
s'attacha au frère de Louis XIII; deux circons-
tances se réunirent pour rendre cette liaison plus
intime, la proximité où était la terre de Mon-
trésor de la ville de Blois, où demeurait Gaston,
et le mariage de ce prince avec Marie de Bour-
bon-Montpensier, qui était parente du favori.
On connaît la faiblesse de caractère de Gaston;
il eut toujours auprès de lui un ami qui le gou-
vernait; ce rôle fut rempli par le duc de Puylau-
rens jusqu'en 1635 ; à cette époque Montrésor
le remplaça auprès du prince, qui s'abandonna
aveuglément à ses conseils. Le premier soin du
nouveau favori fut d'éloigner de son maître toutes
les personnes suspectes d'attachement pour Ri-
chelieu ; il s'unit ensuite à Henri d'Escars, son
cousin, favori du comte de Soissons, et pressa
Gaston de se joindre à ce prince pour perdre le
premier ministre. Par l'intermédiaire de Mon-
trésor, plusieurs entrevues eurent lieu entre
Gaston et le comte de Soissons , et deux projets
furent arrêtés ; l'un consistait à faire assassiner
Richelieu , l'autre à organiser un parti assez puis-
sant pour le renverser. La timidité de Gaston
ayant fait échouer le premier moyen, on recourut
au second. Montrésor, sous prétexte d'aller voir
le marquis de Bourdeille son père , se rendit en
Guyenne pour entraîner d'Espernon dans la
conspiration. Mais pendant les pourparlers Ri-
chelieu découvrit le complot, le comte de Sois-
sons se sauva à Sedan, et Gaston à Blois, d'où
it se réconcilia avec le cardinal, sans rien stipu-
ler en faveur de Montrésor; celui-ci se retira
dans ses terres , où il passa six ans dans la soli»
395
tude. Il voyait pourtant en secret Gaston chaque
fois que ce prince venait à Blois, et il se trouva
ainsi mêlé à l'entreprise formée contre Riche-
lieu par ce prince, le duc de Bouillon et Cinq-
Mars. Ce complot n'eut pas plus de succès que
le précédent, Gaston fit encore la paix avec le
premier ministre, trahit ses complices, et dans
une déclaration expresse, signée le 7 juillet 1642,
désavoua tout ce que Montrésor avait fait par
ses ordres, ajoutant que c'était ce favori qui.
l'entraînait sans cesse dans de nouvelles intri-
gues. A la suile de cette trahison, Cinq-Mars et
deThou furent décapités, Montrésor se réfugia en
Angleterre et vit tous ses biens confisqués. Il ne
put revoir la France qu'à la mort du cardinal de
Richelieu ; mais un nouveau favori , l'abbé de
La Rivière, gouvernait alors Gaston ; Montrésor
vendit sa charge de premier veneur de ducd'Or-
léans,et s'éloigna de la cou r. Gaston, piqué, réussit
à le faire exiler Tannée suivante, comme affilié à la
cabale formée par le duc de Beau fort contre Ma-
zarin. Montrésor revint à la cour en avril 1644;
ennuyé de s'y trouver sans emploi, il partit pour
la Hollande, résolu à y prendre du service. Des
affaires de famille le rappelèrent presque aussi-
tôt à Paris; la duchesse de Chevreuse, alors
disgraciée et réfugiée en Angleterre, lui écrivit
pour le prier de lui faire passer ses pierreries
qu'elle avait été obligée de laisser en France.
L'abbé de La Rivière, connaissant l'amour de
Montrésor pour la duchesse, et ayant appris la
correspondance qui s'était établie entre eux,
dénonça le comte à Mazarin, et au moment
où il allait regagner la Hollande il fut arrêté et
conduit à la Bastille. Il y resta quatorze mois ;
Mazarin céda enfin aux sollicitations du duc de
Lorraine et de Mlle de Guise, il rendit la liberté
à Montrésor et lui offrit son amitié. Montrésor
revint à la cour, le cardinal le présenta à la
reine; puis, dans un entretien particulier, cher-
cha à obtenir de lui des révélations sur les pro-
jets de Henri d'Escars et de la duchesse de Che-
vreuse. Montrésor n'était pas homme à trahir
ainsi ses amis; le mépris qu'il conçut pour Ma-
zarin l'engagea à entrer presque aussitôt dans
le parti organisé par RHz et Beaufort. Il devint
ainsi un des chefs de la Fronde, et c'est lui qui
eut l'idée de simuler un assassinat contre le
conseiller Gui Joly, pour obliger le parlement à
s'assembler et profiter de l'occasion pour le mê-
ler au complot formé contre Mazarin. Cepen-
dant, en 1650, la Fronde s'étant fractionnée, H
suivit le parti de ceux qui se rapprochèrent de
la cour; c'est même chez lui que fut résolu, en
1651, l'arrestation du prince de Condé. Il fit
l'année suivante une maladie fort grave, et vé-
cut dès lors dans la solitude, beaucoup moins
occupé des intrigues politiques que de son amour
pour MUc de Guise. On a même prétendu qu'il y
avait eu entre elle et lui un « mariage de cons-
cience » ;troisenfantsnaquirentdecette union, un
fils, qui porta le nom de La Tour-Bourdeille, et
MONTRÉSOR. — MONÏREU1L 3fi<
deux filles, qui furent élevées à l'abbaye de Mont
martre. Le comte de Montrésor était le petit
neveu de Brantôme, l'auteur des Dames galantes
il a lui-même laissé des Mémoires, écrits ave.
une grande naïveté et une bonne foi évident
et publiés dans le Recueil de plusieurs Pièce
servant à Vhistoire moderne (Cologne, 1663
in-12), et réimprimés à Leyde en 1665, à Co
logne en 1723, et dans les collections de MM. Pc
titot et Buchon. A. Franklin.
Retz, Mémoires. — La Rochefoucauld, Mémoires. ■
Notice dans l'édition de Brantôme de Le Duchat, t. X\
p. 309. — Gui Joly , Mémoires.
MONTRWiL (Bernardin de), théologien frai
çais, né à Paris, en 1596, mort en la même villt
le 15 janvier 1646. Il fut, en 1624, agrégé à.l
Compagnie de Jésus, et professa successivemei
la philosophie et la théologie morale. Il se livi
ensuite à la prédication, et y obtint quelques sut
ces. On a de lui : Vie de Jésus- Christ, tin
des quatre Évangélistes; 1637, in-4°, et 163!
4 vol. in-12; cet ouvrage peut tenir lieu d'ui
bonne concordance des Évangiles; une troisièn
édition, revue et retouchée par le P. Brignon, par
à Paris, 1741, 3voJ. in-12; — La Vie glorieu
de Jésus -Christ et V établissement de se
Église par le ministère des Apôtres, où hl
Actes des Apôtres et V Histoire deV Eglise nai
santé; Paris, 1640 et 1700, 2 vol. in-12 ; — M
derniers Combats de l'Église, dans l'explici
tion de l'Apocalypse; Paris, 1645, in-4°
in-! 2. Ces trois ouvrages du P. de Montrei
ont été réunis en J650 (Paris, 6 vol. in-12). «
même jésuite a donné une édition des Méditi
tions sur les Mystères, par Louis du Pon
Paris, 1650, in-12. H. F.
Sotwel, Scriptores SocietatisJe.su.
MONTREUIL OU MONTEEEUL (MattllU
de) , poète français, né à Paris, en 1611, morii
Aix. le 21 août 1691 (1). Cet écrivain ne tar«
pas à se faire connaître par des poésies agrée
blés. Montreuil ayant dissipé la majeure part
de sa fortune dans les voyages et dans les pU>
sirs , s'attacha en qualité de secrétaire à Dam
de Cosnac, évêque de Valence, et le suivit i
1687 à Aix, lorsqu'il fut nommé archevêq
de cette ville. La protection de ce prélat I
fit obtenir, en 1690, le greffe de l'université,
avait de l'esprit, du naturel et de la gaieté; s
poésies lui donnèrent quelque réputation, m*
il affecta trop d'en fournir tous les recueils
son temps. Ce que Boileau lui reprocha dans
satire Vil :
On ne voit point nies vers à Venvi de Montreuil
Grossir impunément les feuilles d'un recueil.
D'après La Monnoye, ce n'est pas Montreuil q
se rendit coupable de ce ridicule; c'est plut
aux libraires Barbin et de Sercy qu'il faut s'
prendre. On a de cet écrivain plusieurs pièc
de poésies, qu'il recueillit lui-même (1666, in-lï
(1) Date vérifiée sur les registres de la paroisse de Saii
Sauveur d'Aix.
97 MONTREUIL —
-s Lettres, imprimées avec celles de Balzac et
e Voilure, ont été publiées par Carnpenon (1806,
vol. in-12). H. F.
Mnréri, Dict. Hislor. — De Ilalt/.c, Aix ancien et mo-
"rne, ms. — Roux-Alphéran , /.es Hues A' Aix. — Mi-
i.iiir. Mélanges historiques, I, 85-94- — Docuin. part.
\ MONTKEUIL OU MONTKRBJJL (Jean DE),
iplomate français, frère du précédent, né en 1613,
Paris, où il est mort, le 27 avril 1651. Fils d'un
vocat au parlement, il renonça à l'étude du droit
jur aller en Italie avec Pomponne de Bellièvre.
(TOme il montra du talent pour les négociations,
fut envoyé à Rome et à Londres en qualité de
'crétaire d'ambassade, et passa en Ecosse avec
titre de résident; il y donna avis du départ
î l'électeur palatin, qui fut arrêté à Brisach, et
ut agir dans l'intérêt du roi Charles 1er en de-
mndant qu'il fût remis entre les mains des
rossais. A son retour en France il prit posses-
on de la charge, qu'il avait obtenue aupara-
int, de secrétaire du prince de Conti, qui lui
jnna 10,000 livres de pension sur les bénéfices
.mt il disposait. Montreuil ne fut pas ingrat en-
afs son protecteur, et déploya beaucoup de zèle
lur le tirer de la prison de Vincennes. Il n'a
en écrit, et fut membre de l'Académie Française
>s sa fondation. P.
Moréri, Dict. Hist. — Pellisson, Hist. de l'Acad. Fr.
montreuil ( Eudes de). Voy. Eudes.
montreux (Nicolas de), littérateur fran-
u's, né dans le Maine, vers 1561; on est dé-
ourvu de renseignements sur sa vie; la dédi-
ice d'un de ses écrits montre qu'en 1601 il
vait été mis en prison à la suite des discordes
liviles. Il n'est connu aujourd'hui que par ses
■mages, qu'il publia tous sous le voile del'ana-
ramme et sous le nom d'Olenix du Mont-Sa-
ré. On distingue d'abord sept pièces de théâtre :
< Mette (Paris, 1585; Tours, 1592); Diane
|l 592) ; Arimène, ou le berger désespéré (1597),
[astorales; Isabelle (1594); Cléopâtre (1594) et
\ophonisbe (1601), tragédies. Parmi beaucoup
e lieux communs inspirés par le genre décla-
matoire à la mode, il est juste de reconnaître un
| tyle chaleureux et quelques beaux vers. La sep-
tième composition dramatique de Montreux fut
jr.e comédie, Joseph le Chaste, où l'histoire du
i \s de Jacob et sa résistance contre les préten-
dons d'Aliade, femme de Putiphar, sont accom-
pagnées d'épisodes singuliers. Un geôlier nommé
ilobillard y parle des Anglois , des Escossois et
es reistres : le pannetier de Pharaon, au mo-
ment où il est conduit à la potence, demande au
ourreau le temps de dire encore un pater.
I Montreux mit au jour un grand nombre de ro-
jnans, tombés dans l'oubli le plus complet;
1 1. Peignot lui attribue, mais sans donner des
Ireuves, Les Regrets, publiés en 1571. A peine
! gé de seize ans, il avait publié une suite au ro-
snan d'Amadis : Le seziesme livre d'Amadis
le Gaule traictant les prouesses et amours
'e Spheramond (Paris, 1577, in-16); et selon
In usage alors répandu, il avait donné comme
MONTRICHARD 398
une traduction cette composition originale. Les
Bergeries de Julliellc sont divisées en cinq
livres, dont le premier parut en 1585 et le der-
nier en 1598; c'est une longue et fastidieuse pro-
duction en prose et en vers, où se trouvent les
trois pastorales que nous avons indiquées et qui
furent imprimées à part. Les bibliographes citent
aussi de lui : Les chastes et délectables Jardins
d'amour (Paris, ( 594) ; L'Œuvre de la Chasteté,
gui se remarque par les diverses fortunes et
fidelles amours de Criniton et de Lydie
(trois parties, 1595, 1598, 1599); Les Amours
de Cléandre et Domiphille (1597); L'Espagne
conquise par Charles le Grand (f597, 2 vol. ).
Les Premières Œuvres poétiques de cet infa-
tigable écrivain (Paris, 1587), sont devenues
excessivement rares ; vingt ans après, il mettait
au jour un poème religieux : Jésus-Christ en
l'autel et en croix (Paris, 1607); il publia
en 1608 L'Histoire universelle des Guerres du
Turc depuis 1565 jusqu'en 1606 (c'était la con-
tinuation d'un ouvrage entrepris par Martin Fu-
mée); il avait, en 1599, dédié à Henri IV un
volume de 700 pages de philosophie théolo-
gique : L'Homme, ses dignitez, son franc et
libéral arbitre. Tout ce lourd bagage, un peu
mélangé, ne constitue pas l'œuvre entière de Mon-
treux ; il laissa de nombreux ouvrages manuscrits,
des tragédies, des comédies, des romans. G. B.
Niceron, Mémoires, t. XXXIX. — Bibliothèque du
Théâtre-Français, t. I, p. 260.— Paul Lacroix, Catalogue
de la bibliothèque dramatique de M. de Soleinne, t. I,
n» 828 à 833. — B. Hauréau, Histoire Littéraire du
Maine, t. II, p. 421.
MONTREVEL. Voy. BAUME (N.-A. DE La).
montrichard (Henri-René, comte de ),
administrateur français, né en 1756, mort au
château de Marceïigis ( Haute-Loire ), le 21 dé-
cembre 1822. Descendant d'une grande famille
du Blaisois, il fut d'abord page de la reine Ma-
rie-Antoinette, puis entra comme lieutenant dans
Royal-Étranger ( cavalerie ). Il déserta au com-
mencement de la révolution, prit du service dans
l'armée de Condé, et fit contre la France les
campagnes de 1792 et 1793. Il rentra dans sa
patrie en 1799, épousa la fille d'Imbert-Colomès,
dont il devint l'un des principaux agents. Il ne
fut pourtant pas compromis lors de l'arrestation
de son beau-père (juillet 1801) à Bayreuth
( Prusse ). Il se rallia , momentanément du
moins, à l'empire et devint, en 1806, maire de
Saint-Pierre-la-Noaille ( Loire ). Après la Res-
tauration il reçut la croix de Saint-Louis et fut
nommé sous préfet de Villefranche (Rhône). Il
fut destitué en 1817, pour avoir fait trop de
zèle, et mourut dans la retraite. On a de lui :
Un et Un font tin, ou M. Fabvieret M. Char-
rier-Sainneville ; Paris, 1818, in-8° ; brochure
dans laquelle il défend sa conduite politique lors
des troubles cle Lyon. H. L — t.
Moniteur universel, ann. 18081817. — Dictionnaire
Biographique (Paris, 1834).
montrichard ( Joseph- Élie- Désiré Per-
SS9
MONTRICHARD
ruq'uet), général fiançais, né le 24 janvier 1760,
à Thoirette (Franche-Comté ), mort le 5 avril 1 828.
Élève des écoles d'artillerie de Metz et de Besan-
çon , il fit en qualité de capitaine les premières
campagnes de la révolution, et devint général de
brigade le 5 thermidor an iv, pour avoir, dans
cette même journée, opéré le passage du Rhin
devant Kehl sous le canon de l'ennemi. Il rem-
plit aux armées de Mayence et d'Italie les fonc-
tions de chef d'état-major général et il aida
Joubert dans l'exécution du plan qui avait pour
but de s'assurer de l'entière possession du Pié-
mont. Promu au grade de général de division
(17 pluviôse an vu ), il commandait à Bologne,
lorsqu'après la défaite de Scherer il fut chargé
de couvrir la Toscane etla Ligurie, et main-
tint par sa fefmeté les Italiens dans la soumis-
sion. A la suite d'une altercation assez vive avec
Lahoz, qui commandait les troupes cisalpines,
il suspendit ce général de ses fonctions, mesure
trop rigoureuse, qui lui fit oublier ce qu'il devait
à la France et qui le jeta dans les rangs de l'en-
nemi. A la sanglante bataille de la Trebbia, qui
dura trois jours, Montrichard avaitsous ses ordres
l'aile droite de l'armée. Il prit- part ensuite aux
campagnes du Rhin et d'Helvétie, et commanda
en chef les troupes françaises au service de la
république batave. En 1806 il reçut du général
Gouvion-Saint-Cyr l'ordre de se rendre promp-
tement à Ancône et de mettre dans le plus bref
délai la place dans le meilleur état de défense.
Dans l'impossibilité d'obtenir aucune aide du
gouvernement romain, il frappa une contribu-
tion de 100,000 piastres sur les habitants. Ap-
pelé presque aussitôt à Paris pour rendre compte
de sa conduite, il se justifia dans un mémoire
qu'il adressa au comte Dejean, ministre direc-
teur de l'administration de la guerre. On eut
encore recours à ses services de 1808 à 1814,
dans les provinces illyriennes. Son nom est ins-
crit sur l'arc de triomphe de l'Étoile. K.
Fastes de la Légion d' Honneur, IH.
montrocher ( Gui de ), en latin Guido de
Monte-Rocher M, théologien espagnol, mort dans
la seconde moitié du quatorzième siècle. Le
lieu de sa naissance et les circonstances de sa
vie nous sont inconnus, mais l'épître dédica-
toire de son principal ouvrage nous fait présu-
mer qu'il était prieur-curé de Téruel, diocèse de
Valence, en Espagne. A la prière de Raymond-
Gaston, évêque de cette ville , il composa en
1333 le Manipulus Curatorum, qui fut, après
la découverte de l'imprimerie, l'un des pre-
miers livres mis sons presse ; il en fut fait plus
de cinquante éditions dans les trente dernières
années du quinzième siècle. La plus ancienne
édition de ce Manuel des Curés est intitulée :
Manipuli Curatorum, liber utilissimus, per
Christophorum Beyamum et Johannem
Glim, in-fol., goth. On la croit imprimée vers
1471, à Savigliano, et elle est à peu près in-
trouvable. Les autres éditions sont celles
— MONTROND 4(
d'Àugsbourg, 1471, in-fol., goth. ; de Paris, 147 jj
in-fol., goth.; de Saragosse, 1475, in-fol. ; d'A |
gers, 1477 , in-4° ; il en existe au moins d
sans date, mais qui paraissent antérieures à 147 \
Ce livre fut traduit en français : Manipuli •
curatorû Trâslate de lall en/râcoys ; Orléai
1490, in-4°, goth., la plus ancienne producti
des presses orléanaises que l'on connaisse. Cel ,
traduction fut mise à l'index. Georges Corelian
en a fait une traduction grecque, conservée i
manuscrit dans la bibliothèque du Vatican. G i
de Montrocher, que Du Cange cite dans la tal
des auteurs qui lui ont servi à composer sJ
Glossarium infimx Latïnitatis, tout en le ra i
géant à tort parmi les théologiens du onzièi
siècle, est encore auteur d'un Traité de la n I
nière de célébrer la messe, que l'on trouve
tête de l'édition crue de Savigliano et qui a <
imprimé séparément à Venise, 1590, in-4°. H.
EUies Du Pin, Biblioth. des Auteurs ecclés. du qu
torzièmé siècle. — Fabricius, Biblioth. Grœca, X, 786.
Brunet, Manuel du Libraire. — D'Aubigné, Confessi
catholique du sieur de Sancy. — Moréri, Dict. fiist.
Bibliotheca Hispana vêtus, tome 11, p. 155 et 156.
* montrond ( Clément -Melchior-Justi
Maxime Fourcheux de ), littérateur fiança
né à Bagnols-sur-Cèze ( Gard ), le 4 septemb
1805. Élève de l'École des Chartes le 3 janvi
1831, il reçut, le 2 février 1833, le diplôme d'{
chiviste-paléographe, et vers la même époq
devint auxiliaire de l'Académie des Jnscriptior
Chargé en 1839 d'unemission littéraire en Ital
il a été l'année suivante nommé corresponds
du ministère de l'instruction publique pour
travaux historiques. Il a écrit un grand nomt
d'ouvrages, qui se distinguent par une éruc
tion solide et variée et par un caractère profond
ment moral et religieux ; nous citerons de lu
Jeanne d'Arc; 1832, in-12; — Essais hisi
riques sur la ville d'Étampes ; 1836-183
2 vol. in-8°, avec planches, notes et pièc
justificatives; — Tableau historique de lai
cadence et de la Destruction du Pag<
nisme en Occident; 1838, in-12; — L
Guerres saintes d'outre-mer, ou tableau d
croisades ; 1841, 2 vol. in-12; — La Vierge
les Saints en Italie, études et récits d'un pi
lerin; 1842, in-8° ; — Histoire du brave Cr\
Ion ; 1845, in-12; — Les Français à Romf
1851, 2 vol. in -8° : histoire de l'expédition
1849 ; — Constantinople, suivi d'un Précis <
l'histoire de l'empire d'Orient; 1854, in-8°;
Jean Bart, 1855, in-12; — Fleurs monasi
ques, études, souvenirs et pèlerinages ; in-8
avec planches; — Mes Paillettes d'Or; M1
Souvenirs; 1858, 2 vol. in-8°. De 1847 à 185
il a publié une collection de 13 vol. in-8° , co
tenant des notices biographiques sur des persoi*
nages célèbres dans tous les genres, médecins, m.
gistrats, écrivains, guerriers, etc. Enfin cet écr
vain a collaboré à la Bibliographie catholiqi
et au Journal des bons exemples. H. F.
Journal de la Librairie. — Documents particuliers
)1
MONTROSE
402
, montrose ( James Graham, marquis de),
; plus célèbre chef des royalistes écossais, né en
Jl2, mis à moitié 21 mai 1650. Il était fils
ique de Jean, quatrième comte de Montrose,
i de Marguerite,fille de William Ruthven, comte
i Gowrie. Il tenait par son père et sa
jfîre aux premières familles de son pays. Son
^nd-père, le troisième comte de Montrose,
Sait été quelque temps lord -haut-chancelier
Kcosse et vice-roi d'Ecosse pour la vie ( su-
lemus regni Scotise procurator). James Gra-
»m succéda aux biens et titre de son père en
f 27, et se maria peu après. Il avait reçu la
•illeure éducation que l'on pût recevoir alors
rÉcosse. Le désir de la compléter par l'expé-
I nce du monde le conduisit en France. Là il
prit d'un goût passionné pour la profession mi-
dre et accepta le grade de capitaine dans la mai-
ti du roi Louis XIII. On a peu de détails sur
|*te première partie de sa vie. A une époque qui
|«st pas bien connue, probablement vers 1636, il
l rendit à la cour d'Angleterre, appelé, dit-on,
If le marquis d'Hamilton. On rapporte aussi
le le roi Charles lerraccueillit très-froidement,
Ique, dans le ressentiment que lui causa cette
f.eption, Montrose, rentré en Ecosse, se joignit
1 4 mécontents. Quoi qu'il en soit, le comte de
Bntrose se trouvait en Ecosse lorsque les
■ovations arbitraires, que Charles 1er s'effor-
Rt d'introduire dans les institutions religieuses
Rcepays, provoquèrent une résistance redou-
nle; il fut un des chefs les plus ardents de
fpposition. 11 figura sur la liste ou table des
J;mbres des comités chargés d'organiser la
ftte contre la politique royale, et il fut un des
H>8 zélés à jurer et à imposer aux autres le
i venant national. Mais cette ferveur patrio-
kue ne fut pas de longue durée. Mieux informé,
ll'on en croit ses apologistes, des desseins des
wenantaires , qui n'en voulaient pas seulement
(la politique arbitraire de Charles Ier, mais
Issi à l'existence de la royauté, ou plutôt trou-
Int que ses services n'étaient pas assez appré-
ps par les covenantaires, qui avaient pris pour
efs Argyle et Lesly, il résolut de se tourner
|i côté du roi, et entra secrètement en corres-
mdance avec Charles Ier. Le parti qu'il aban-
imnait, s'apercevant de sa défection, le fit mettre
l prison. Montrose s'y trouvait encore en 1641,
rsque Charles 1er arriva en Ecosse, et il fut
lis en liberté au commencement de 1642, à la
liite des concessions du roi. Au sortir de cap-
[itéil vécut tranquille dans sa maison de cam-
^gne jusqu'au printemps de 1643; mais quand
> reine Henriette revint de Hollande, il alla au-
tvant d'elle à Burlington , et l'accompagna à
iork. Il lui offrit de lever une armée en Ecosse.
i reine, qui avait d'abord été favorable à cette-
oposition, finit par la rejeter sur les conseils
i marquis Hamilton, qui pensait que Charles Ier
j: devait pas faire appel à la. force ouverte,
ontrose était au contraire pour les partis vio-
lents, et il détestait par-dessus tout les grands
seigneurs, qui tenaient à la fois pour la royauté
et le covenant. Clarendon raconte» qu'il proposa
au roi de le débarrasser d'Hamilton et d'Argyle,
el que le roi rejeta cette offre avec horreur ».
Enfin, les services de Montrose furent accueillis.
Charles rr, au mois d'avril 1644, le créa marquis
de Montrose, le nomma capitaine général et
commandant en chef de toutes les forces levées
en Ecosse pour le roi sous le prince Rupert.
Les armes royales furent d'abord malheureuses.
Rupert semble avoir peu compté sur l'habileté de
Montrose, qui était toujours pour les partis dé-
sespérés. Mais le hardi chef écossais justifia
bientôt la confiance du roi. Avec les renforts
qui lui arrivèrent des clans montagnards, il
gagna à Tippermuir, le 3 septembre 1644, une
victoire complète sur les covenantaires com-
mandés par lord Elcho. Ce fut le début d'une
seriedevictoires.il s'empara de Perth et de Dun-
dee, et tint la campagne tout l'hiver. Le parle-
ment écossais lança contre lui un décret de
forfaiture et d'excommunication. Montrose n'en
poursuivit la guerre qu'avec plus d'audace. Il dis-
persa complètement les forces du marquis d'Ar-
gyle près d'Inverness le 2 février 1645, et mar-
cha vers le sud dans le dessein de faire sa jonc-
tion avec le roi, qui après avoir adopté ce plan
eut le tort de l'abandonner. Le chef écossais
remonta alors vers le nord, battit Urry le 4 mai
1645, le colonel Baillie le 2 juillet, et couronna
cette suite de victoires par la destruction de
l'armée du covenant à Kilsyth, au mois d'août
1645. Ce succès fut la cause indirecte de sa
ruine. Ses highlanders se dispersèrent pour piller,
et rentrèrent dans les montagnes avec leur butin.
Montrose, maître d'Edimbourg, de Stirling, de
Linlithgow, de Glasgow, proclamé capitaine
général et gouverneur d'Ecosse, était à la veille
d'un désastre. Le 13 septembre 1645, il se laissa
surprendre par le général Lesly à Philiphaugh,
près de Selkirk, et fut complètement battu. Il
regagna les Highlands avec un petit nombre
d'hommes, mais il ne put pas réveiller la sym-
pathie des montagnards, ni pour sa personne ni
pour sa cause, et lorsque le roi se rendit aux
Écossais il capitula lui-même, et s'embarqua
pour Norway, le 3 septembre 1646. Il passa de
là en France, où on lui offrit le grade de lieute-
nant général ; il refusa, pour rester au service
d'un souverain malheureux et prisonnier. Après
la mort de Charles Ier, Montrose reçut du fils
de ce prince, Charles II, une commission pour
une nouvelle invasion de l'Ecosse. Choisissant
les îles d'Orkney pour rendez-vous, il y envoya
au mois de septembre 1649 une partie de ses
troupes j consistant surtout en mercenaires étran-
gers. Lui-même arriva à Orkney au mois de
mars 1650. Dès la première rencontre sur le
continent, ses troupes furent dispersées. Il s'en-
fuit sous le dégirisement d'un paysan hollandais,
et se réfugia dans la maison des Mac Leod
403
MONTROSE — MONTUCCl
41
d'Assint, qui le livrèrent au général Lesly.
Conduit à Dundee avec son habit de paysan, puis
à Edimbourg, condamné d'avance ( puisque l'as-
semblée l'avait, en janvier 1645, déclaré excom-
munié et traître), et exposé à beaucoup d'outrages,
il montra une rare fermeté. Il n'y eut pas de
jugement. Le parlement ordonna qu'il serait
pendu à un gibet haut de trente pieds et que
ses quatre membres seraient attachés aux por-
tes des principales villes du royaume. En en-
tendant cette sentence, il s'écria : « Loin d'être
fâché que mes bras et mes jambes soient en-
voyés aux quatre villes du royaume, je voudrais
avoir assez de membres pour que, dispersésdans
toutes les villes de la chrétienté, ils pussent
servir de témoignage à la cause pour laquelle
je souffre. » La sentence fut exécutée le 21 mai
1650. Montrose garda jusqu'au dernier moment
3e même héroïsme calme. Vaillant soldat, géné-
ral audacieux, généreux avec ses inférieurs,
plein de fierté avec ses supérieurs ou ses égaux,
terrible pour ses ennemis, le marquis de Mont-
rose laissa une grande réputation. Le parti
vainqueur n'insulta pas à sa mémoire, et le parti
royaliste le vénéra comme un de ses plus hé-
roïques martyrs. Montrose avait un esprit cul-
tivé, parlait éloquemment et écrivait avec élé-
gance. Il reste de lui quelques petites poésies,
entre autres des vers sur le supplice de Charles Ier,
dans lesquels il promettait « de chanter les ob-
sèques du roi avec le son des trompettes et d'é-
crire son épitaphe avec du sang et des blessu-
res ».
A la restauration le roi Charles II annula la
sentence de forfaiture rendue par le parlement.
Les restes dispersés du général royaliste furent
recueillis et ensevelis avec une grande solennité
dans la cathédrale de Saint-Gilles à Edimbourg.
Le marquis de Montrose épousa Madeleine,
sixième fille de David Carnegy, premier comte
de Southesk, de laquelle il eut deux fils. L'aîné,
dont le nom est inconnu, mourut en 1645, à l'âge
de seize ans. Le plus jeune, James, succéda aux
dignités de son père ; c^est de lui que descend
le duc actuel d'Hamilton. L. J.
Clarendon, Histnry of the Rébellion. — Relation of
the exécution of Jam. Graham, laie marquis of Mont-
rose at Edinburgh ; Londres, 1650, in-4°. -- Montrose
redivivus, or the portraiture of James late marquess of
Montruse; Londres, 1652, in-8». — Relation of the true
Funerals of the lord marquis 3. Graham de Montrose;
1661, in-4°. — M. Napier, Montrose and the Covenan-
ters : Londres. 183S, 2 vol. in-8°. — Lodge, Portraits,
t. IV, édit. de Bonn. — Grant, Life of J. mar. of Mont
rose, 1859, in-8°.
monts ( Pierre du Guast de ) , voyageur
français, né en Saintonge , vers 1560, mort
à Paris, en 1611. Quoique sa famille fût origi-
naire d'Italie et fort catholique, il était protes-
tant, et s'attacha à la fortune de Henri IV, qu'il
servit avec un grand dévouement et dont il de-
vint gentilhomme ordinaire de la chambre. Il
en reçut le gouvernement de Pons, dans le Lan-
guedoc. En 1603, le commandeur de Chaste,
directeur de la Compagnie française du Canac
étant mort, le roi donna cette place à de Mon
qui arma plusieurs bâtiments à Dieppe et
Havre. Il prit pour lieutenants : Samuel de Cha
plain, qui déjà avait fait un premier voyage
Canada; de Poutrincourt; de Biencourt et
Pont-Gravé. Ce dernier fut chargé d'établir c
relalions à Canceau (pointe nord-est de l'Acadi-
De Monts mit à la voile du Havre le 7 mars 16(
et relâcha le 6 avril à Port-Royal ; il y laissa
Poutrincourt comme gouverneur, et chercha v
nement pour fonder des colonies un climat moi
rigoureux que celui des rives du Saint-Laure
Il créa néanmoins pour le commerce des pelle
ries la station de Tadoussac, située au conflui
du Saguenay et du Saint-Laurent. Il revint i
suite en France (octobre 1604), et y vit son pri
lége attaqué par tous les armateurs qui faisaii
commerce avec l'Amérique du Nord. Plusiei
d'entre eux avaient des commanditaires fort b
en cour ; de Monts fut donc spolié, car on ne
accorda pour dédommagement que la modk
somme de 6,000 livres. Il ne perdit pas ci
rage, et, soutenu de ses associés , ïl expédif
Poutrincourt ( 13 mai 1606 ) un bâtiment co i
mandé par Marc Lescarbot ( voyez ce nom )
armé à La Rochelle. En 1607, Champlain
de Pont-Gravé conduisirent encore deux i
vires partis d'Honfleur pour Tadoussac, et'
mars 1608, ayant reconquis son privilège, m
à la condition expresse de former tin établis:
ment sérieux sur le Saint-Laurent, de Monts ]
envoyer quelques autres vaisseaux dans
grand Océan boréal. Sa compagnie gagna bei
coup par ces expéditions, qui exploitaient pr
cipalement le commerce des pelleteries. Ce
alors que Champlain fonda Québec(lfi08-i61
L'assassinat de Henri TV(l4 mai 1610) et
disgrâce dans laquelle tombèrent après lui
protestants ruinèrent de Monts. Sûr du suci
de son œuvre commencée, mais accablé |
le chagrin de ne pas la voir prospérer à s
gré, il mourut en la léguant' à Champla;
« De Monts, dit le P. Charlevoix, était un f
honnête homme, dont les vues étaient dr>
tes , qui avait du zèle pour l'État et toute
capacité nécessaire pour réussir dans l'entrepr
dont il était chargé ; mais il fut malheureux
presque toujours mal servi. » Son grand ti
fut d'être protestant à une époque où les inl
rets de sectes passaient avant ceux de l'hun
nité et de la patrie. A. de L.
Le P. Biard, Relation de la Nouvelle-France (Lv
1616, in-12).— Marc Lescarbot, Histoire de la Nv
velle-France. — Le P. Charlevoix, Hist. de la No-uvel
France ( Paris, 1744, 3 vol. in-4» ).
MONTSOREAU. Voy. JAMBES (DE).
montccci (Antonio) , sinologue et littératé
italien, né à Sienne, le 22 mai 1762, mort dans
même ville, en septembre 1829. Après avoir f
ses études à l'université de sa ville natale, il I
nommé en 1785 professeur d'anglais au collé
Tolomei. L'année suivante il se rendit à Floren
U MONTUCCI —
M faire l'éducation de deux Jeunes Anglais.
us celte ville il se lia avec un autre Anglais,
Josiah Wedgwood, qui l'emmena en Angle-
re. U y vivait en donnant des leçons d'italien,
imployait ses loisirs à étudier lecliinois dans
Mnge <ie Fonrmont, lorsque, à l'occasion de
nbassade de lord Macartney en Chine, il 3e
uva en rapport avec quelques Chinois que
nbassadeur avait fait venir de Naples. Ces
nois lui firent présent d'un exemplaire du
hmg - Tseu - Thoung, précieux vocabulaire
it il résolut de tirer parti pour composer un
ind dictionnaire chinois. Montucci trouva d*in-
sf montables difficultés pour réaliser ce projet,
» dépassait les forces d'un seul philologue.
» «l'impossibilité de suffire lui-même aux frais
tf npression, il s'adressa aux souverains de l'Eu-
le. Un seul répondit à son appel, ce fut le roi
«Prusse; mais à peine Montucci était-il arrivé
» Berlin, que cette ville fut occupée par les
1 nçais. Quoique déçu dans son espoir de pu-
|.r son dictionnaire, il continua d'y travailler,
i it même graver à ses frais un grand nombre
■i types de caractères chinois. Successivement
f fesseur d'italien à Berlin et à Dresde, il ne
lira dans sa patrie qu'en 1827, après plus de
iirante ans d'absence. Ses livres, ses manus-
i s et ses types chinois furent acquis par la
l'.r pontificale. Ses principaux ouvrages sont :
\esie finora inédite del magnifico Lorenzo
1 Medici, tratte da un codice délia Lau-
\\ziana; Liverpool, 1790, in-12; — The Ita-
II n pocket Dictionary; 1795, in-12; — De
\idiis Sinicis in imperiali Athenseo Pelro-
Witano recte instaurandis ; Berlin , 1808,
HP ; — Remarques philologiques sur les
'•\yages en Chine de M. de Guignes fils;
frlin, 1809, in-18; — Audi altérant partent,
Vf réponse à la lettre de M. de Guignes;
Ijirlin, 1810, in-8°; — Urh-chihtrze-tun, A
rallel drawn between the two intend-ed
inese dictionaries, by the Rev. Dr Morris-
\i and Dr Montucci; Londres (Berlin), 1817,
4». Z.
abbc, Biographie universelle des Contemporains.
wontucla {^Jean-Etienne), mathématicien
fnçais, né le 5 septembre 1725, à Lyon, mort le
décembre 1799, à Versailles. Fils d'un négo-
fnt, il était destiné à la carrière du commerce;
lis il montra au collège des Jésuites un goût
' f1 vif pour les sciences qu'on le laissa maître
' suivre sa vocation. Après avoir étudié le droit
• 'oulouse, il vint à Paris perfectionner sonédu-
: t ion dans la compagnie des savants et des gens
lettres. Admis aux réunions qui avaient lieu
; ;ez le libraire Jombert, il y connut D'Alembert,
fderot, Cochin, Blondel, Le Blond, et trouva
I eux d'utiles conseillers et des amis. Associé
Indant plusieurs années à ta rédaction de la
uzelte de France , il fut appelé en 1761 à
lenoble pour y remplir le poste de secrétaire
I l'intendance. Il venait de se marier lorsqu'il
MONTVALLON
406
accompagna en 1764 le chevalier Turgot à
Cayenne avec le double titre de premier secré-
taire et d'astronome de l'expédition. Au bout de
quinze mois il revint en France, et rapporta beau-
coup de plantes, entre autres le cacao et la va-
nille, qu'il offrit lui-même au roi, et une espèce
de haricot sucré, le gros perlé, que l'on a cul-
tivé depuis cette époque. Peu de temps après il
obtint, sur la recommandation de Cochin , l'em-
ploi de premier commis des bâtiments de la cou-
ronne, auquel il joignit celui de censeur royal.
Ayant perdu l'un et l'autre par suite de la révo-
lution, il se retira à Versailles, et fut, en 1795,
compris, à son insu, dans la liste des savants à
qui la Convention accorda des secours. Un bu-
reau de loterie qu'il obtint en 1797 fut la seule
ressource de sa famille. Montucla mourut, d'une
rétention d'urine,à l'âge de soixante-quatorze ans ;
quelques mois auparavant il avait reçu du mi-
nistre de l'intérieur, François ( de Neufchâteau),
comme membre associé une pension, de 2,400 fr.
Il appartenait à l'Institut dès la création et à
l'Académie de Berlin depuis 1755. C'était un
homme modeste, généreux, exact à remplir ses
devoirs ; il avait une instruction solide et une excel-
lente mémoire, à l'aide de laquelle il avait ap-
pris , sans maître, l'anglais, l'italien, l'allemand
et le hollandais. On a de lui : Recueil de piè-
ces concernant l'inoculation de la petite vé-
role, Irad. de l'anglais; Paris, 1752, 1756,
in-12, avec Morisot-Deslandes ; — Histoire des
Recherches sur la Quadrature du Cercle ; Pa-
ris, 1754, in-12; nouv. édit. , Paris, 1831,
in-8°, avec des notes de Lacroix ; — Récréations
Mathématiques d'Ozanam ; Paris, 1778, 4 vol.
in-12 ; Montucla en a fait un livre tout à fait
neuf par la multitude d'articles qu'il y a ajoutés;
— Voyage dans les parties intérieures de l'A-
mérique septentrionale en 1776-1778, trad.
de l'anglais de Carver ; Paris, 1784, in-8°. Le
principal ouvrage de Montucla est ['Histoire des
Mathématiques (Paris, 1758, 2 vol. in-4°), re-
fondue et augmentée dans une seconde édition ,
achevée par Lalande (Paris, 1799-1802, 4 vol.
in-4°, pi. ). S'il manque de profondeur et de nou-
veauté dans les idées, on doit rendre justice- à
l'extrême clarté et à la précision vraiment admi-
rable avec lesquelles il a su traiter des matières
qui en paraissaient le moins susceptibles. Il est
à regretter que les derniers volumes, bien infé-
rieurs aux précédents , ne contiennent le plus
souvent qu'une simple énumération des travaux
d'optique et d'astronomie physique. K.
Savinien Leblond, Notice dans le t. IV de VHist. des
Matkém.
MOiVTOREPX (de). Voy. BOTJRCIER.
MOXTVALtON {André Barrigde de), savant
magistrat français, né à Marseille, le 3 mars 1678,
mort à Aix, le 18 janvier 1779. Reçu en 1702
conseiller au parlement de Provence, il fut en
1725 député au nom de ce corps auprès du con-
j seil du roi à Paris , pour y défendre les inté-
407 MONTVALLON
rets du parlement contre les prétenlions de la
cour des aides d'Aix. Sa profonde connaissance
du droit lui valut d'être consulté par le chance-
lier d'Aguesseau sur la rédaction des ordonnan-
ces de 1731 et 1735 sur les donations et testa-
ments. Pendant toute sa vie il consacra ses loi-
sirs à l'étude des belles-lettres et des sciences
physiques et mathématiques ; il entretenait une
correspondance active avec Lamoignon, Lebret,
Cassini, Maraldi, et autres hommes distingués.
On a de lui : Dissertation sur la Peste et la
manière dont elle se communique ; 1720, in-4°;
écrite pour combattre les opinions de Chirac ;
— Quatre Lettres écrites d'Aix, 1733, in-fol.,
suivies de Lettres écrites d'Aix pendant le
procès; et attaquant une condamnation à mort
prononcée par le parlement d'Aix; — Nouveau
Système sur la transmission et les effets des
sons et sur le tempérament du clavecin et
la manière de V accorder ; Paris, 1747, et Avi-
gnon, 1756; — Précis des ordonnances et dé-
clarations , lettres patentes, etc., en usage
dans le ressort du parlement de Provence;
Aix, 1752, in-12; — Epitome Juris et legum
romanarum fréquentions usus juxta seriem
Digeslorum; Aix, 1756, in-12 ; — Des Obser-
vations dans les Mémoires de l'Académie des
Sciences, années 1730, 1731, etc.; —Disser-
tation, où l'on prouve que le mot insuperabili-
ier du passage Subventum gui est au traité De
Correptione et Gratia, ch. XII, n'est point de
saint Augustin, et que le mot inseparabiliter
en est la véritable leçon ; LaHaye, 1761, in-12;
suivi de deux autres éditions. — Montvallon a
laissé en manuscrit des Contes et des Fables en
vers provençaux et un Dictionnaire Proven-
çal-Français. O.
Achard, Dictionnaire de la Provence.
montyon ( Antoine-Jean-Baptiste-Robert
Auget, baron de), célèbre philanthrope français,
né à Paris, le 23 décembre 1733, mort à Paris, le
29 décembre 1820. Il était fils d'un maître des
comptes, qui jouissait d'une fortune considérable.
Après de brillants succès universitaires, il fut
nommé , à vingt-deux ans , avocat du roi au
Châtelet, où son inflexible équité le fit surnom-
mer le grenadier de la robe. Il entra bientôt
après comme conseiller au grand conseil , et il
était depuis 1760 maître des requêtes au conseil
d'État, lorsque seul, en 1766, il osa parler contre
la mise en accusation de La Chalotais. Nommé en
1767 à l'intendance d'Auvergne, il se distingua
dans son administration par une bienfaisance in-
telligente, prélevant jusqu'à 20,000 livres par an
sur ses revenus, pour donner du travail et dis-
tribuer des secours aux indigents* Sur le re-
fus qu'il fit, après la suppression des parle-
ments, d'installer les nouveaux magistrats dési-
gnés par Maupeou , il fut transféré à l'inten-
dance de Provence, puis à celle de de La Ro-
chelle. Quelques années après(1775), et par le
crédit du duc de Penthièvre, il obtint un avance-
— MONTYON
ment mérité, fut rappelé à Paris et nommé < I
seiller d'État. Au milieu des travaux de ses in M
dances, Montyon s'était livré à l'étude des lel $i
el de l'économie politique. Il obtint à l'Acad* g,;
Française un deuxième accessit pour un Élog gtj
Michel de L'Hôpital ; Paris, 1777, in-8°. L'ai gj
suivante il lit paraître des Recherches et C
sidérations sur la Population de la Fra) ^
Paris, in-8°.
Pour inspirer aux autres cette émulatior yi
bien, dont il était lui-même si vivement pént \\
il fonda, sous le voile de l'anonyme, une suil M
prix à décerner par l'Académie des Scien si
l'Académie Française et la Faculté de Méde< ■
Voici, dans l'ordre de leur date, la liste di à<i
belles fondations, dont un souverain eûtp pj
montrer jaloux:
1° En 1780, il fonda un prix annuel pour des y
périences utiles aux arts, sous la direction de 9
cadëmie des Scienoes, et il y consacra une t il
perpétuelle sur le clergé, au capital de 12,000 I m
2= .En 1782, un prix annuel en faveur de l'ouv I
de littérature dont il pourrait résulter un plus g M
bien pour la société , au jugement de l'Acad I
Française, rente sur la tète du roi, au capité m
12,000 fr.
3° Même année (1782), un prix en faveur H
mémoire ou d'une expérience qui rendrait les I
rations mécaniques moins malsaines pour les fl
tistes et pour les ouvriers, au jugement de l'Ac I
mie des Sciences; une rente viagère sur la têt i
roi et de Monseigneur le Dauphin, au capita ty
(2,000 fr.
4° En 1785, aux pauvres du Poitou et du Bt I
12,000 fr.
5° Même année (1785), 600 fr. de rente viagi I
un homme de lettres que le donateur ne conna! H
pas, et qui n'a pas su lui-même de qui il rec M
8,000 fr.
6° Même année, un prix en faveur d'un mém H
soutenu d'expériences, tendant à simplifier les U
cédés de quelques arts mécaniques , au jugemer H
l'Académie des Sciences ; une rente viagère si-fl
tête du roi et celle de Monseigneur le Dauphii ra
capital de 12,000 fr.
7° Un prix pour un acte de vertu d'un Frar p
pauvre; rente sur le clergé, au capital de 12,00 h
8o En 1787, un prix annuel sur une questioi H
médecine, au jugement de l'École de Médec El
une rente perpétuelle sur le clergé, au capita p;
12,000 fr.
En 1787, Montyon avait été proposé ppi
être garde des sceaux. Il était, depuis | L
attaché à la cour comme chancelier de la ma pi
du comte d'Artois. Cette charge lui avait fc
donnée en réparation des torts qu'avaient f(
envers lui quelques jeunes étourdis de la col
torts auxquels le prince n'avait pas été étran M
Montyon ne l'avait acceptée qu'à condition qu B
serait gratuite.
A la révolution, Montyon, qui avait rédig p
Mémoire présenté au roi, au nom de MM
comte d'Artois, le prince de Condé, le*
de Bourbon, 1788, in-8°, crut devoir su
la fortune de ceux auxquels i). s'était ainsi a
MONTYON — MONVEL
410
| Il émigra, et se trouvait à Genève en 1792,
lu'il obtint un prix de l'Académie Française
un mémoire sur cette question : Conse-
illées qui ont résulté pour /' Europe de la
ouverte de V Amérique, relativement à la
M'ique, à la inorale et au commerce. Mon-
tai n'avait pas signé. Il déclara, toujours sans
« >mmer, qu'il consacrait les 3,000 fr. qui for-
gol nt le montant du prix, à en fonder un nou-
fé pour récompenser l'écrivain qui indiquerait
^neilleurs moyens ou les meilleurs instru-
m ts pour économiser ou suppléer la main-
jft ivre des nègres. Ce fut là ce qui le fit re-
yj aître. A Londres , où il passa les dernières
ii es de son émigration, il consacra chaque an-
1*5,000 fr. aux réfugiés français sans fortune,
>! areille somme aux soldats de la république
>i inniers en Angleterre, outre 10,000 fr. qu'il
fiit parvenir en Auvergne, pour ceux de ses
Sins administrés qui étaient dans le besoin.
f| i réponse au Tableau de V Europe, où Ca-
0 ; établissait que la France avait été qua-
! siècles sans constitution, il publia en 1798
lémoire adressé à Louis XV III, dans Ie-
il soutenait qu'il y avait une constitution, mais
Ile avait été « constamment violée par les
de France ». En 1801, l'Académie de Stock-
i lui décerna le prix sur ce sujet : Progrès
tumières au dix-huitième siècle. La So-
royale de Gœttingue ayant mis au concours
i question : Quelle Influence ont les ai-
es espèces d'impôts sur la moralité, l'ac-
% é et l'industrie des peuples p Montyon y
À ndit par un travail qui n'eut pas le prix ,
rM e que , au lieu d'une brochure, il avait fait
jH vre. L'Éloge de Corneille, qu'il présenta à
ntituten 1808, fut, par des considérations
««n'étaient rien moins que littéraires, exclu du
'%ours. Enfin, il publia encore en 1811 l'État
Mstiqiie du Tunkin, et en 1812 des Parti-
fyrités et Observations sur les Contrôleurs
Uîraux des Finances, de 1660 à 1791.
t- f baron de Montyon revint en France , en
!(tf), avec la seconde Restauration , et ne s'oc-
*5(i plus dans sa patrie que des œuvres de cha-
1 fi' qui ont rendu son nom si populaire. Le prix
îlvertu , et le prix pour le meilleur ouvrage
ïj aurait paru dans l'année , au jugement de
; i'jadéraie Française, qu'il avait fondés, ayant été
; sibrimés par la Convention nationale, Montyon
Rétablit à son retour en France. Il fit, en outre,
[>-M divers bureaux de charité de la capitale, pour
$t de 35,000 fr. de dons. Homme d'un es-
;pi fin et d'un savoir varié, il avait la réputa-
-.tii d'un des plus agréables conteurs de son
jftiue. II mourut à Paris , à l'âge de quatre-
V!;t-sept ans. Son testament, où respiraient
jJtjientiments de la plus profonde piété, conte-
nu* les dispositions suivantes : « 10,000 fr.
li^mt mis en rente pour donner un prix à celui
,-fljdécouvrira les moyens de rendre quelque ari
;:*ijanique moins malsain, au jugement de l'A-
cadémie des Sciences. 10,000 fr. seront mis
en rente pour fonder un prix annuel en faveur
de celui qui aura trouvé dans l'année un moyen
de perfectionnement de la science médicale et
de l'art chirurgical , au jugement de la même
Académie. 10,000 fr. pour fonder un prix an-
nuel en faveur d'un Français pauvre qui aura
fait dans l'année l'action la plus vertueuse.
10,000 fr. pour fonder un prix annuel en fa-
veur du Français qui aura composé et fait paraître
le livre le plus utile aux mœurs : ces deux der-
niers prix laissés au jugement de l'Académie
Française. » Montyon légua , en outre', par le
même acte, 10,000 fr. à chacun des hospices
des divers arrondissements de Paris « pour être
distribués en gratifications ou secours aux pau-
vres qui sortiront de ces établissements. Ces
sommes devront être progressivement doublées,
triplées et même quadruplées, selon que la for-
tune du testateur l'aura permis, et sauf la ré-
serve du legs universel par lui déterminé. » Or,
sa fortune s'élevait à l'époque de son décès à la
somme de cinq millions. Sur la proposition de
M. de Lacretelle, l'Académie Française décida
que l'éloge de Montyon serait prononcé publique-
ment dans son sein, par l'un de ses membres,
et depuis lors cet éloge a été plusieurs fois mis
au concours. En 1838 , le corps de cet homme
de bien, d'abord déposé au cimetière du Mont-
Parnasse , a été transporté à l'hôtel - Dieu , où
l'autorité a décidé qu'un monument serait élevé
à sa mémoire sous le portique de cet hôpital.
[ Lebas, Dictionnaire historique de la France,
avec additions.]
B.-V. Franklin, Éloge historique de Montyon; Paris,
183V, in-8°. — Lacretelle, Discourt sur M. Montyon,
dans le Recueil de V Académie, 1820-1829. — Arnault,
Jouy, Biographie des Contemporains.
monvel, {Jacques-Marie, et non Marin,
Boutet, dit ) , célèbre comédien et auteur dra-
matique français, né à Lunéville, le 25 mars
1745 , mort à Paris, le 13 février 1812. Fils d'un
musicien de l'ordinaire du roi de Pologne, il fut
élevé aux frais de ce prince. Il débuta à la Co-
médie-Française, sous le nom de Monvel (le 28
avril 1770), dans les rôles d'Égysthe de Mérope
et d'OIinde, de Zénéide. Il fut reçu en 1772 pour
remplir les seconds rôles tragiques et de haut
comique. Il annonça de l'intelligence et de la
chaleur; malheureusement, la nature lui avait
refusé les avantages physiques : petit, grêle,
mesquin, maigre à faire pitié, il ressemblait,
selon l'expression pittoresque d'une tragédienne
célèbre, M1Ie Clairon, « à un amant à qui l'on
a toujours envie de donner à manger ■». Ce-
pendant il ne tarda pas à prendre une des pre-
mières places parmi les gens de talent qui
illustraient alors la scène française. Mole lui-
même trouva en Monvel un rival redoutable.
La tradition nous a transmis avec quelle perfec-
tion Mole établit le rôle de Charles Morinzer
dans L'Amant bourru. Eh bien, Monvel dans ce,
même rôle se montrait moins brillant, sans
411
MON V EL
doute, mais plus pénétré; il y était moins écla-
tant, mais d'une sensibilité plus exquise. En
somme , son succès ne le cédait point à celui de
son chef d'emploi. Rappelons incidemment que
ce fut à l'issue de la première représentation de
cette comédie, que Monvel et Mole, alors di-
visés, se réconcilièrent sous les yeux du public.
Ramené sur la scène par Mole pour y recevoir
cette espèce d'ovation , tant prodiguée depuis ,
mais dont les comédiens pouvaient à cette époque
se glorifier avec justice, Monvel, après avoir d'a-
bord salué l'assemblée, se précipita tout à coup
dans les bras de son camarade. Sincère ou non,
cette réconciliation bien jouée eut un grand suc-
cès auprès du public.
Monvel n'était pas moins remarquable dans la
tragédie que dans la comédie. Les feuilles du
temps mentionnent une représentation du Ma-
homet de Voltaire , où cet acteur jouait Séïde
entre Brizard et Lekain, jouant, celui-ci Maho-
met, et l'autre Zopire. Interprétée par de tels
acteurs , cette tragédie offrait le plus parfait en-
semble et produisait l'effet le plus extraordinaire.
On rapporte à cette occasion que Lekain , qui
dans le cours de la représentation l'avait attenti-
vement observé , dit : <i Voilà un petit homme
qui perdra la tragédie. » C'est qu'effectivement
Monvel avait trop souvent sacrifié les conve-
nances théâtrales et particulièrement la dignité
tragique au désir de produire de l'effet par toutes
sortes de petits moyens. Ce que Lekain lui re-
prochait surtout, c'était de trop détailler ses
rôles , de dépecer et de décolorer les plus belles
périodes poétiques pour en faire de la prose de
conversation , de multiplier ses gestes à l'infini,
et enfin de poser la main avec une excessive fa-
miliarité sur ses interlocuteurs. Lekain qui ne
voyait pas de tragédie là où il n'y avait pas de
majesté, appelait cela du pathétique bourgeois,
du naturel affecté. Cependant, Monvel possé-
dait autant d'âme, autant d'intelligence, de sen-
sibilité que cet acteur sublime; mais trahi par
ses moyens, il voulut se former une manière qui
leur fût proportionnée. A la mort de Lekain, irre-
vendiqua une part de sa succession tragique;
mais lorsqu'il tenta de disputer sur la scène cet
héritage à La Rive, il dut bientôt reconnaître
que l'intelligence la plus parfaite ne saurait tenir
lieu à un tragédien de force et de représentation.
Du reste, il le sentit si bien, que peu de temps
après la mort de Lekain, parlant de ce triste
événement en présence de quelques amis, il s'é-
cria : « Ah! si j'avais eu les moyens de cet
homme, j'ose croire que le public regretterait
moins un jour l'irréparable perte qu'il vient de
faire! »
A partir de ce moment , Monvel se renferma
dans un certain nombre de rôles, donnant la pré-
férence à ceux où la savante économie des dé-
tails , l'art d« faire valoir les mots devaient ra-
cheter la force qui lui manquait. Nous citerons
particulièrement celui d'Auguste, où la nature
elle-même semblait l'inspirer, où le sentin f
et le goût réglaient sa diction et ses moini -,
mouvements, etle rôle de Fénelon (l),où,por ;
au plus haut degré l'onction de la parole, i •
montrait inimitable. La Veuve du Malabar, t
à l'origine n'avait eu qu'une réussite très-< i
testée (2), remise à la scène en 1780 (29 av I
obtint un tel succès qu'on ne peut le comp; *
qu'à celui du Siège de Calais. On la représi
pendant trois mois avec la même affluence. L
teur, d'ailleurs , avait apporté à sa pièce d'1
reuses modifications; mais Monvel, qui rem j
çait Mole dans le rôle du jeune bramine , fut
d'être étranger à cette vogue.
En 1781, des tracasseries lui ayant été su J
tées par ses propres camarades , le forcèren
quitter clandestinement la Comédie - Francs J
On ne fut pas d'accord dans le public sur |
motifs de sa fuite. Ses amis l'attribuèrent au n |
vais état de ses affaires et aux dégoûts ( I
éprouvait de la part de sa société; mais la ni
gnité publique chercha à l'expliquer par d'au
causes, malheureusement plus réelles. Quoi<
en soit, Monvel se rendit à Stockholm, où il p,
plusieurs années, attaché à la personne du
comme lecteur. Peu de mois après sa disi |
tion , le bruit de sa mort s'étant répandu, il
la jouissance de lire, de son vivant, dans
journaux , son panégyrique et le jugement ;
cipé de la postérité.
Monvel revint en France quelques ant'
avant la révolution, en 1786, et il en embr
les principes avec ardeur. Ce fut lui qui
nonça dans l'église Saint-Roch un discoun
faveur de la Déesse de la Raison, qui fut e
imprimé et répandu à profusion. On dit
depuis il témoigna un sincère repentir de
erreurs et fit rechercher tous les exempla
de son discours, étrange monument de délh
d'impiété, afin de les anéantir. Il reparut!
le théâtre des Variétés amusantes (3), et
retrouva ses succès d'autrefois. Des infini
prématurées et la perte de sa mémoire ne
permirent plus de paraître sur la scène
des intervalles éloignés. Les jeunes acteur
perdirent un modèle précieux; mais il put'
core les servir utilement par ses conseils et
ses leçons, ayant été nommé professeur au (
servatoire dès la fondation de cet établissem
Il prit sa retraite définitive en 1806, lég'
(1) Tragédie de M. J. Chénier, représentée sur le thi e
de la République, le 9 février 1793.
(2) Jouée le 30 juillet 1770, sans succès, la sixièim I
présentation, entre autres, fut très-orageuse. Un pla jl
fit à cette occasion l'épigramme suivante :
J'ai vu cette veuve indécise;
Ami, que veux-tu que J'en dise?
Son sort est digne de nos pleurs.
Du bûcher elle est délivrée ;
Mais c'est pour être déchirée
Par le public et les acteurs.
(3) Dirigé alors par Gaillard et Dorfeuille, ce tht
devint en 1791 Théâtre de la République. C'est aujour
la Comédie-Française.
18 MONViiL —
la Comédie- Française M,le Mars cadette, sa
te et son élève (1). Ses obsèques eurent lieu à
linl-Laurent. Montvel faisait partie de l'Institut
puis le tfi décembre 1795. M. J. Le Breton, sé-
duire perpétuel de la quatrième classe, à 1a-
,ielle avait appartenu le défunt, et Lafon, socié-
ire, prononcèrent chacun un discours sur sa
mbe.
Monvel a composé beaucoup de pièces de théâ-
', jouées presque toutes avec succès, tant à la
imédie-Françuise qu'à la Comédie-Italienne,
mime auteur il a peu d'invention et n'a pas de
lie ; mais ses ouvrages sont adroitement faits
contiennent des détails heureux. On voit que
1 1 auteur a étudié le théâtre, et sent vivement
, it ce qui est propre à y faire de l'effet. On a
, lui : Rixblen , ou la main de fer, tragédie
j cinq actes en vers , 1794 ; non imprimée.
, fte pièce fut arrêtée par ordre au Théâtre de
j République, la veille de la première représen-
^ ion ; — A, E, I, 0, U.; pièce comique, jouée
i théâtre de la cour, à Choisy, en 1777 ; non
| primée ; — V Amant bourru , comédie en
; lis actes, en vers libres, 1777 ; — Le Chevalier
■■ niçais , 1783; non imprimée; — Le Cheva-
|T sans reproches, au les amours de
\iyard, 1783; réimprimée en 1808, avec les
! ux titres renversés ; — Les deux Mères ,
[ la confidente d'elle-même, 1787 ; non im-
îimée; — Le Deuil prématuré, 17 mai
W>3; — V heureuse Indiscrétion, 21 août
[90; — La Jeunesse du dite de Richelieu,
i le Lovelace français; 1798 : avec Al. Duval :
; liii-ci disait à qui voulait l'entendre que « Mon-
j 1 n'avait rien fait dans la pièce » ; — Le Potier
j terre, ou le lien bien payé; trois actes,
; 91 .- tombée; — Le Secret révélé, sans date :
tmédie posthume, arrangée par Decomberousse
jouée à l'Odéon, le 29 avril 1816; — Clémen-
ce et Désarmes , drame, 1780; — Mathilde,
lame en cinq actes, 1799; — Les Victimes
pîtrées, drame en cinq actes, 1791 ; — Tan-
iède et Méléziride, 1796; non représentée, non
'iprimée; — Agnès et Olivier, opéra comique
; trois actes, 1791; — Alexis et Justine,
'éra comique en deux actes, 1785; — Am-
oise, ou voilà ma journée, opéra comique
| un acte, 1793; — Biaise et Babet, ou la
ite des Trois Fermiers, 1783; — Le Chêne
itriotique, opéra comique en deux actes, 1790;
Le Général suédois , opéra-comique en
iux actes, 1799; — Jérôme et Fanchon-
tle, opéra comique en un acte, 1785; — Jé-
me, ou le porteur de chaises, opéra comique
,1) Aux termes d'un jugement rendu par le tribunal de
îtirtère Instance du département de la Seine, le l« dé-
nbre 1847, et transcrit le 22 du même mois sur les ré-
tros du 4e arrondissement, il a été ordonné que « l'acte
naissance de Mnne-FrançoiseHippolyte Boutet,
e Mars, soit modifié, en ce qu'il a été dit que Jeanne-
lirgtterite'SAiAÉTAT était l épouse de Jacques-Mari»
rUTET, dont le mariage, alors projeté, ne s'est jamais
' ilisé ».
MONVOISIN
414
en un acte, 1778; — Julie, en trois actes, 1772;
— Philippe et Georgette, opéra comique en un
acte, 1772 ; — Raoul de Créqui, opéra comique
en trois actes, 1789; — Roméo et Juliette , ou
tout pour r amour , opéra comique en trois
actes, 1792; non imprimé;.— Sargines, ou
l'élève de. l'amour, opéra comique en quatre
actes, 1783; — Le Stratagème découvert,
opéra comique en un acte, 1773; — Les Trois
Fermiers, opéra comique en deux actes, 1777;
— Urgande et Merlin, opéra comique en deux
actes, 1792; — L'Erreur d'un moment, ou
la suite de Julie, opéra comique en un acte,
1773; — Les deux Nièces, de Boissy, comé-
die en trois actes et en vers, 1787 ; — : Frédé-
gondeet Brunehaut ; Paris, 1775, in-8°: livre
déplorablement conçu et plus mal écrit encore ;
— Discours prononcé le jour de la fête de la
Raison, dans l'église Saint- Roch; Paris, 10 fri-
maire an h, in-8°. Quelques fragments de ce
discours se trouvent reproduits dans les Essais
sur la Révolution, par Beaujieu, p. 252, t. V ;
— on trouve dans le 1er vol. des Mémoires de
l'Institut, Classe de Littérature, 1798, deux
fables de Monvel, intitulées, l'une : Le Rossi-
gnol et le Coucou; l'autre, Le Chien de basse-
cour et la Levrette. E. de Manne.
Mercure de France, ann. 1770 et 1781. — Journal de
Paris, 1781. —La Harpe, Correspondance littéraire: —
Griimii, Correspondance littéraire. — Histoire du
Théâtre-Français, par Etienne et Martainville. — Mé-
moires de l'Institut, 1798. — Quérard, La France Litté-
raire. — Renseignements particuliers.
MONVEL (Noël- Barthélémy Boutet dit),
fils aîné du précédent, a été secrétaire particu-
lier de l'archi- chancelier Cambacérès. Il est au-
teur d'une tragédie de Junius Brutus, ou le
proscrit, en cinq actes et en vers, 1797; — de
La Visite des Mariés, comédie, 25 juin 1798. Il
est un des auteurs de Christophe Morin, vau-
deville qui obtint un grand succès en 1799, et
de M. de Bièvre, vaudeville, 1799.
Jacques-Marie-Julien , frère du précédent,
a écrit : Le Mort fiancé, opéra comique, 16 jan-
vier 1833 ; — Le Retour des Lys , ou Minerve
protectrice de la France, opéra comique, 1815;
— Le Savant, vaudeville, 1833.
Un petit-fils de Monvel, M. Boutet-Monvel,
est aujourd'hui professeur de physique au lycée
Charlemagne. U est auteur de plusieurs ou-
vrages estimés . E. D.
Quérard, La France Litt. — Journal de la Librairie.
mon ville (De). Voy. Boissel.
Jmonvoisin ( Raymand - Auguste Quin-
sac), peintre français, né à Bordeaux, en 1795.
Il étudia d'abord chez Lacour, peintre distingué
de Bordeaux, vint à Paris, et entra dans l'ate-
lier de Pierre Guérin. Quoiqu'il n'eût remporté
que le second grand prix au concours de 1831,
il obtint néanmoins, sur les réclamations de Gé-
rard, la faveur d'être envoyé en Italie. Deux
des tableaux qu'il avait exécutés à cette époque :
Télémaque et Eucharis, et un Berger napo-
\
4 î 5 MONVOISIN
litain, furent achetés par le duc d'Orléans. A |
cette même époque , il exécuta un Saint Gilles \
surpris dans sa retraite par le roi des Goths,
une Assomption de la Vierge, et, pour la ga- J
lerie de M. Schikler, Rosemonde et Henri II.
Il exposa au salon de 1819 La Guérison d'un j
pestiféré : au musée de Bordeaux ; — en 1822, |
Épisode du Fleuve Scamandre et Aristomène;
— en 1827, Scène de Naufragés ; — en 1830,
la Naissance de la Vierge : à l'église Notre-
Dame-de-Lorette; —en 1831, l'Exaltation de
Sixte-Quint : à la galerie du Luxembourg; — en
1833, Ali- Pacha et Vasiliki ; Blanche de Beau-
lieu, Louis XIV et Mtne de La Vallière ; — en
1834, Jeanne la Folle : au musée du Luxem-
bourg; — en 1835, Charles IX à ses derniers
moments: aumuséede Montpellier ; — en 1836,
La Bataille de Denain : au musée de Ver-
sailles; en 1837, La séance du 9 Thermidor; en
1838, Le Christ en croix; en 1839, Les der-
niers moments du poète Gilbert. En 1842,
M. Monvoisin se rendit à Valparaiso, où il resta
dix ans. Revenu à Paris, il exposa, en 1859:
Deux Epoux du Paraguay ; Caopolicano ,
cacique des Araucaniens , prisonnier des Es-
pagnols ; une Chilienne prisonnière des In-
diens de l'Araucanie. Cet artiste a été nommé
chevalier de la Légion d'Honneur en 1837.
G. de F.
annuaire des Artistes français, 1836. — Journal des
Beaux-Arts, 1842, 1" vol. — Livrets des Salons.
moojaert ou mooyaert ( Clas ), peintre
et igraveur hollandais , né à Amsterdam, vers
1590. Il fut élève et émule d'Adam Elzheimer,
et -se distingua dans le genre du paysage. Ses
toiles sont fort recherchées, ses gravures à l'eau-
forte sont aussi très- appréciées des amateurs :
on cite surtout de Moojaert six petites planches
représentant des animaux, Chameaux, Bœufs,
Boucs , Moutons . exécutées dans la manière de
Swanevelt; — Lot h et ses filles, imitation
d'Elzheimer ; — un paysage animé : on y voit
un taureau sur le premier plan, et dans le loin-
tain des vaches et des moutons. Moojaert fut
le maître de Clas Berghem, de Jacques van der
Does , de Jacques Koning , de Jan Wéeninx et
d'autres artistes qui contribuèrent à la gloire de
l'école hollandaise. A. de L.
Descamps, La fie des Peintres hollandais, t. II, p. 113.
moor( Antonis van), connu aussi sous le
nom espagnol d'Antonio Moro , célèbre peintre
hollandais, né àUtrecht, en 1512 (1), mort à
Anvers, en 1568. Il fut élève de Jan Schoo-
reel, et sous ce maître habile développa rapide-
ment les talents que la nature lui avait donnés.
Le cardinal Antoine Perrenot de Granvelle fut
son premier protecteur ; il le mit à même de faire
le voyage d'Italie. Moor s'arrêta surtout à Venise,
(1) Le Catalogue du Musée du Louvre le fait naître en
1525. On a des tableaux de van Moor dates de 1544. Leur
beauté est telle qu'on peut difficilement croire qu'ils sont
•ortis du pinceau d'un jeune homme de dix-neuf ans.
— MOOR A
et y forma son goût ; le cardinal le fit entrer
service de l'empereur Charles-Quint, qui le |
en affection et l'envoya à la cour de Portu
faire les portraits du roi Joào III, de la relm
femme, dona Calherina d'Autriche et de C
tille, sœur de l'empereur, et celui AeVinfa;
leur fille ( depuis première femme de Philippe I
Ces trois portraits valurent à l'artiste, outre
riches présents, 600 ducats (7,158 fr.). Il fit les j
traits d'un grand nombre de seigneurs à 1 00 duc
( 1, 1 93 fr.) chacun, etlorsqu'il quitta Lisbonne,
habitants de cette ville lui firent présent d'i
chaîne d'or de la valeur de 1,000 florins. A
retour, Charles-Quint lui confia plusieurs
vrages importants et le chargea d'aller à Lond
faire le portrait de la reine Mary Tudor (
puis seconde femme du roi d'Espagne Philippe
Il obtint de cette princesse 100 livres sterl
de pension et exécuta plusieurs copies de
portrait, qu'il vendit très cher aux nobles
glais ( 1 ) . Il fit présent de l'une d'elles à son pro
teur le cardinal Granvelle et d'une autre à 1
pereur, qui lui donna 1,000 florins. Antonio M
conserva auprès du sombre Philippe II la fav
qu'il avait eue près de Charles-Quint. Cette
veur, qui descendait parfois jusqu'à la familial
faillit devenir bien fatale à l'artiste. Un jou
souverain étant en gaieté , entra dans l'ateliei
peintre et le frappa sur l'épaule. Antonio rip<
d'un coup d'appuie-main. On sait qu'il est
fendu en Espagnede toucher à la personne roy
sous peine de mort. Grand fut donc le scand
le roi avait pris la chose en badinant , mais
courtisans ne pouvaient l'envisager de la so:
Antonio fut dénoncé à l'inquisition. Déjà les (
seillers du saint-office méditaient son arre
tion, lorsqu'un seigneur le prévint du dai
qu'il courait : celui d'être brûlé vif comme
crilége. Moro connaissait trop son maître p
avoir une grande confiance en son amitié; il î
donc , et lui demanda un congé pour des affa:
urgentes qui l'appelaient dans sa patrie. Le
se fit prier; puis consentit au départ de
peintre, sous la promesse formelle qu'il rev
drait au plus tôt. Arrivé dans les Pays-Bas, Ai
nis van Moor se fit un devoir d'oublier les
gagements d'Antonio Moro ; et lorsque peu a|
le roi d'Espagne lui écrivit lui-même, pour
rappeler ses conditions , le peintre fit naître
obstacles à son retour à proportion des instai
qu'on lui faisait de le hâter. Par une bien î
chance, il avait su se faire aimer de cet ai
homme terrible , Fernando Alvarez de Tolè
ducd'Albe, qui l'avait pris à son service, et ai
tait toutes ses réponses, dans la crainte d'i
obligé de le renvoyer de force à Madrid. I
logea dans son palais de Bruxelles , où il lu
U) On admirait en 1851 un de ces portraits à l'Eut
tion artistique de Manchester. La reine est assise de
quarts à gauche; elle a une cornette blanche, un liât
ment noir et des manches rouge». Cette œuvre se
tingue par un dessin large, une touche énergique et
sobre en même temps.
MOOR
418
indre plusieurs de ses maîtresses. Mooi: avait
ssé, en fuyant, sa famille en Espagne. Philippe II
prit soin, et gratifia les nombreux enfants de
rtiste, les unsde charges honorables, les autres
canonicats. Le duc d'Albe demanda un jour à
ior si ses enfants étaient pourvus convenable-
ut.: Moor répondit qu'Us l'étaient tous, ex-
>té un de ses gendres , qui pourtant était fort
oable d'exercer un emploi supérieur ; le duc
le fit ^présenter, et lui donna aussitôt la re-
:te générale de West-Flandre, une des plus
ïratives des Pays-Bas. On le voit, Moor avait
talent «d'apprivoiser les natures les plus fé-
ses. II mourut comblé d'honneurs et fort riche.
Le genre de Antonis van Moor ne tient à au-
q temps, à aucun pays. La Hollande, l'Italie,
spagne, le Portugal, l'Angleterre, la Belgique,
ont prêté les meilleures qualités de leurs
9les. Ses portraits sont des chefs-d'œuvre, ri-
ux des plus beaux Titien, mais peints avec
e individualité de sentiments d'exécution qui
ressemble à aucun maître. Si la tournure y est
i peu vénitienne, tout le reste est van Moor et
ait reconnaître l'auteur entre tous. Son pinceau,
turellement souple et «moelleux , est, quand il
| faut, ferme et vigoureux. Son dessin est correct,
■. n coloris admirable.Ses compositions présentent
[ la fois vérité et force. Ses œuvres sont rares,
r beaucoup ont été attribuées à d'autres maîtres :
1 était Le Nain de Charles Quint (n° 343 du
>uvre), qu'on a attribué très- longtemps à un
àve duGiorgione. On cite surtout de lui : Jésus-
\rist montant au ciel entre saint Pierre
saint Paul et une Circoncision dans la ca-
édrale d'Anvers. Le Louvre possède plusieurs
taux portraits de van Moor, entre autres celui
i Grotius. — En Angleterre, on voit le por-
ait d'Antonio Moro peint par lui-même. Il
est campé debout et de grandeur naturelle jus-
,1'aux genoux, de trois quarts à droite, en cos-
ime espagnol, avec la chaîne d'or au cou et l'é-
e au côté, la main droite appuyée sur la
anche , la gauche sur la tête d'un dogue espa-
îol. Ce fier portrait a de l'analogie avec ceux
eints par Sébastien del Piombo, le Titien et le
intoret, mais dans une pratique plus simple,
[lus particulière. Le caractère y est gravé comme
iir du bronze, et les procédés ne s'y laissent
[oint voir. On ne voit que l'artiste avec sa tête
?solue et indépendante, l'homme qui osa tou-
her le lion (1). Ce tableau faisait autrefois
artie de la galerie d'Orléans ; il appartient au-
mrd'hui à lord Spencer. Le même gentleman pos-
sède un portrait de Philippe II, peinture ordi-
aire;etunbeau portrait de sir Francis Drake,
igaéAntonius Mor, 1568. A. de L.
jCarl van Mander, Het leven der moderne oftdees-
itsche doorluchtighe Nederlandtsche, etc. (Amsterdam,
«317, in-4»). — Descamps, La Fie des peintres hotlan-
(1) C'est ainsi que s'exprime van Mander en faisant al-
ision à Philippe 11. M. W. Burger fait observer que ce
lot n'est pas juste : « Philippe II, dit-il, n'était pas un
on : c'était une bete de cimetière et de tombeaux. »
NOCY. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXXVI.
dais, etc., t. I, p. S8-S9. — De Piles, Abrégé de la vie
des Peintres, p. 372 373. — \V. Burger, Exhibition des
trésors de l'art à Manchester dans Le Siècle , mai 1857.
— Catalogue du musée du Louvre.
moor (Karel de), peintre hollandais, né à
Leyde, le 22 février 1650, mort à Warmout,
le 16 février 1738. Il était fils d'un marchand de
tableaux, qui le destina d'abord aux lettres;
mais Moor, entraîné par la vue des chefs-d'œuvre
qu'il avait constamment sous les yeux, préféra
la carrière des arts. Son père le plaça c^ez Gé-
rard Dow, où le jeune Moor fit de grands progrès ;
mais, porté pour une manière plus large que
celle de son maître , il alla à Amsterdam étudier
chez un excellent portraitiste, Abraham van [der
Tempel. Ce maître étant/mort en 1672, Charles
van Moor revint à Leyde, où il entra dans l'a-
telier de Franz Mieris le vieux. Il quitta cet il-
lustre artiste pour suivre les leçons de Godefroy
Schalken à Dort. Ces changements de maître,
loin de nuire au talent de Moor, le mirent à même
de prendre quelque bonne qualité de chacun
d'eux. Il débuta en public par plusieurs por-
traits, qui le placèrent de suite au premier rang
en ce genre. 11 se risqua alors dans l'histoire,
et son tableau de Pyrame et Thisbé obtint un
tel succès que. les États lui commandèrent une
œuvre pour décorer la salle du conseil. On lui
laissa le choix du sujet, pourvu qu'il eut rapporf
à la justice. Moor représenta Lucius Junius
Brutus .condamnant à mort ses deux fils
(508-509 avant J.-C), convaincus d'avoir cons-
piré pour le retour des Tarquins. Ce tableau ,
selon Descamps, est effrayant, tant les senti-
ments qui animent chaque personnage y sont
exprimés avec vérité. Vers la même époque,Moor
peignit un grand et beau tableau d'autel pour
l'église des Jacobins de Leyde. Il exécuta aussi
un grand nombre de portraits et de petits sujets
pris dans la vie privée , et qui ont le précieux
des plus grands maîtres de genre. On y retrouve,
outre un dessin supérieur, la touche exquise de
Gérard Dow, de Franz Mieris. La réputation de
van Moor devint telle que le grand-duc de Tos-
cane, Cœme III, qui rassemblait une galerie com-
posée des portraits des plus grands peintres, vou-
lutqueceluideMoor y figurât. L'artiste se peignit
lui-même, et envoya son image au duc en 1702.
Cosme in fit présent à l'artiste d'une médaille
d'or du poids de deux marcs (1) suspendue à une
chaîne du même métal. L'empereur d'Allemagne,
Joseph Ier, fit demander à Moor par son ambassa-
deur près des États, le comte de Zinzendorf, les
portraits du prince Eugène de Savoie et du
duc de Marlborough. Il les représenta tous deux
à cheval et côte à côte : il fit aussi le portrait
du comte de Zinzendorf. L'empereur fut si sa-
tisfait de ces tableaux qu'il créa leur auteur che-
valier du Saint-Empire. Le czar Pierre Ier, lors
(1) Le marc d'or en 1703 représentait 8 onces an-
ciennes, ou 64 gros, ou 192 deniers, ou 4,608 grains. Sa
valeur était de 47* livres, 10 sons, 10 deniers. ( Arrêts
des Conseils d'État.)
14
419
de son voyage en Hollande, voulut aussi avoir
son portrait du peintre à la mode : il affection-
nait tellement cette œuvre qu'il la mettait sous
clef et ne voulait qu'elle ne fût montrée qu'en
sa présence.
Karle de Moor, contrairement aux peintres de
son époque, mena toujours une vie très-réglée. Il
est vrai qu'il ne quitta pas sa patrie et ne fit pas
le voyage d'Italie, où la bande académique était
une école de débauche. Il aimait passionnément
son art, mais ne négligea jamais l'occasion d'en
tirer profit, surtout par ses portraits, qu'if fai-
sait payer très-cher. Ils sont, d'ailleurs, d'une
grande beauté : les uns ont la vigueur des Rem-
brandt, les autres le charme des van Dyck. La
couleur de Moor est belle et brillante ; son des-
sin pur, son exécution finie, ses compositions
bien disposées. C'est un des peintres qui ont tra-
vaillé le plus longtemps. Octogénaire et retiré
à sa campagne de Warmout, où il mourut, il
peignait encore avec talent ; néanmoins, ses der-
niers tableaux se reconnaissent par une touche
moins vigoureuse : on n'y retrouve plus la force
d'exécution qui le caractérisait particulièrement.
Outre les tableaux déjà cités , on remarque de
lui : à Leyde : les portraits de M. et Mme van
Aerssen ; ceux de M. et Mme Guillaume- Louis
van Wassenaer, grands comme nature et peints
jusqu'aux genoux, que quelques amateurs hol-
landais, trop amants de l'hyperbole ou entraînés
par un patriotisme exagéré, n'ont pas craint de
placer au-dessus de ceux du Titien. — A La
Haye, on admire dans la principale salle de l'hôtel
(de ville une vaste composition , regardée juste-
ment comme un des meilleurs morceaux de
Moor. Elle représente une Assemblée des no-
tables de La Haye en 1719 (1). Les personnages,
bien groupés, semblent respirer, voir, parler. Les
costumes, les étoffes, les dentelles, les détails
d'ornement, d'ameublement et d'architecture
sont rendus avec une exactitude surprenante;
Un Pêcheur et sa femme; — Une Femme qui
donne de la bouillie à son enfant; — Ver-
tumne et Pomone ; — Armide et Renaud en-
dormi; — Un Ermite; — Un jeune Homme
jouant avec un petit chien auprès d'une cor-
beille de fleurs ; — Un Berger qui joue de la
flûte près de deux bergères; — Une Famille de
villageois à table ( le Bénédicité ); on voit dans le
fond les vues de Leyde et de Warmout; —
Un jeune Garçon et une jeune Fille sautant;
— Un Vieillard faisant la cour aune jeune
Fille; — La Madeleine; — à Middelbourg :
Une jeune Femme jouant avec des plumes;
— à Harlem, maison Verhamme, sur le vieux
(1) C'est un assemblage de portraits en pied, demi-na-
ture, et d'une ressemblance extraordinaire suivant les
écrivains du temps. Les principaux personnages sont les
bourgmestres Ewont Brand, Gysberl van Kinschot ,- les
échevins Paul van Assendeft, Adriaan van Spierinx
IIock, JVillem Comans, Villem- Antoine Pietersen, Jan
ten Hove, Jan Stenis ,- les secrétaires Michel ten Hovfeél
Jan.Quarles ; le premier commis Nicolas Jtnerongèn, etc.
MOOR — MOORCROFT ) |
Fossé : La Décoration d'une salle à mam m
une balustrade règne autour de la pièce, il
grand nombre de personnages y sont appi j I
dans différentes positions et costumés dive m
ment. Des groupes sont échelonnés en pers »j|
tive; le paysage est très-varié : l'ensemble A
cette grande composition est aussi ingén H
qu'agréable. — à Paris : Des Joueurs d'éch m
Presque tous les tableaux de Charles van 3 m
ont été reproduits par la gravure. A. di II
Jakob Campo Weyerman, De Konst-Sehilders en h >
Schilderesseil, etc., t. IV. — Charles Blanc, Histoin M
Peintres; école hollandaise. — Pilkington, Hiator M
Painters. — Descamps, La Vie des Peintres'Jiollam I
t. 111, p. 710.
moorcrOft ( Guillaume ), voyageur ■
glais, né dans le Lancashire, mort à l-
hko ( royaume de Caboul ), le 27 août 1 ■
Pendant qu'il faisait ses études au collégi ■
chirurgie, à Liverpool , une épizootie formid I
éclata dans un des districts du comté et y ap I
la sérieuse attention dés hommes de l'art. C I
choisit pour aller, avec un fermier nommé 1 ■
son, observer la maladie dans les lieux même I
elle sévissait, et il accomplit sa mission ave< I
telligence. Deux riches gentilshommes qn I
voulaient du bien, et dont il respectait le j I
ment et le patriotisme, l'engagèrent, à son ret I
d'abandonner la chirurgie pour la médecine I
térinaire. Ils lui démontrèrent qu'en se dévoi I
à l'amélioration progressive d'une profes I
rabaissée , bien qu'intimement liée aux il I
rets de l'agriculture, il rendrait plus de servi
à son pays qu'en continuant une profes I
qu'illustraient déjà des hommes d'un talent < I
nent. Leurs arguments le convainquirent, il
son professeur, le docteur Lyon, insista pour< I
n'abandonnât point ses études chirurgicales. I
autre professeur, Jean Huhter, dont on dema I
l'opinion, déclara que s'il n'était point lui-m I
si âgé, il commencerait sans retard à étudie!
médecine vétérinaire. La déclaration d'uni
maître fut décisive, et par ses conseils, comn I
n'y avait point à cette époque une seule é I
vétérinaire en Angleterre1, Moorcroft vint 1 1
dier en France. A son retour, il s'associ M
Londres avec un de ses amis, appelé Field Si
pendant quelques années tous deux se créèi ti
une clientèle qui leur permit dé vivre dans iri
assez grande aisance. Moorcroft cependant I h
par se dégoûter d'une profession qui le mel I
trop souvent en contact avec des indivi •
d'une basse condition , et des spéculât* i i
manufacturières, dans lesquelles il se lança, \ I
tardèrent pas à lui enlever la plus graM
partie de sa fortune. Dans cette situation, |*
directeurs de la Compagnie des Indes oriiM
taies lui offrirent l'emploi d'inspecteur
leurs haras militaires au Bengale, et Moorci
fut trop heureux de l'accepter. Il dit adie
l'Angleterre en mai 1808. A cette époque,
Compagnie cherchait à améliorer la race indig(
des chevaux de l'Hindôustan pour les rern
M
opres au service de la cavalerie. Moorcroft
mprit tout de suite que la remonte" de la cava-
!ïe ne serait convenablement opérée que par
it roiiuction dans les haras du cheval turcoman
anglais, qu'il considérait comme préférable
cheval arabe. La Compagnie ne voulant point
rendre à ses représentations , il entreprit sans
ii autorisation, sans nul encouragement, et à
1 3 propres frais, son premier voyage au delà
s monts Himalaya. Accompagné de Guillaume
;arsay, capitaine d'infanterie, qui peu aupara-
nt était allé avec quelques autres de ses com-
triotes à la découverte des sources du Gange,
jorcroft, sous le costume d'un pèlerin hindou,
.dirigea vers le lac Manasoravara , situé au
>rd de l'Himalaya, et que les sectateurs de
ama regardent comme sacré. Vingt-cinq Hln-
us formaient sa suite, et tous ensemble se
unirent^ à Bareily, ville située dans la haule
aine, à l'est deDejlù, sur le Cosila, affluent du
ange, puis ils- s'enfoncèrent dans les montagnes,
atteignirent Djosimath, sur le Dauli, qui un
u plus bas, grossi des eaux d'une autre ri-
ère, devient -;l'Alacananda, branche orientale
i Gange. Le 26 mai 1812 nos voyageurs sor-
tent de Djosimath, suivirent la vallée pro-
tide du Dauli, après avoir triomphé d'im-
«nses difficultés , parvinrent au col de Niti , à
ne hauteur de 15,778 pieds, et découvrirent,
1er juillet, vers le nord-est, les Kaïlaça dont
s Hindous, saluèrent respectueusement la cime
ilminante, le Mahadeo Kalinga, complètement
eigeuse, et qu'ils considèrent comme le siège
3 la divinité. Trois jours après, ils entraient
uns la ville de Daba, dont les autorités, soup-
mneuses, ne les accueillirent que provisoirement
îndant neuf jours. Le 17 juillet , ils arrivèrent
' Ghertok, après avoir traversé le Satoudra, qui
bule au nord-ouest, et coupe l'Himalaya pour
énétrer dans l'Hindoustan. Moorcroft et son
pmpagnon , reconnus pour Européens par les
Ifficiers du gouvernement chinois, auquel le
?ays obéit, purent cependant acheter de la laine
f châles, des chèvres et des brebis tibétaines,
juittèrent le 23 juillet le campement de Gher-
!)k, et remontant le long d'une rivière qui
l'ouïe au nord-ouest arrivèrent près de sa source ,
t supposèrent avec raison, comme la suite l'a
prouvé, que c'était l'Indus. Les deux Anglais
tescendus de ce plateau, que parsemaient de pe-
tits lacs et que couvraient des neiges à demi
indues, traversèrent un des bras du Sapou-
ra à Maïsar, y achetèrent huit yaks ou bœufs
eTartarie, et enfin le 6 août campèrent sur
les bords du lac Manasarovara , but de leur
ioyage. Deux jours suffirent à Moorcroft pour
! es observations , et retournant vers l'ouest, il
ilécouvrit le lac du Ravanhrad, quatre fois plus
onsidérable encore. Une route plus sinueuse
(ue celle qu'il avait suivie l'amena dans le Bhou-
jan, et arrêté pendant quelque temps par la
ribu des Gorkbas, il n'obtint sa liberté qu'après
MOORCROFT 422
de longues réclamations et sur un. ordre du rad-
jah de Népal. Rentré à Calcutta au mois de no-
vembre, Moorcroft y reprit ses fonctions , mais
l'avortement de sa première tentative ne lui fit
pas abandonner son idée primitive, et il ne son-
gea qu'aux moyens de préparer une autre expé-
dilion, pour laquelle il lit partir un éclaireur,
Mir-Izzet-Oullah, jeune Hindoustani , qui après
avoir parcouru le Cachemyr, le Tibet, le Turkes-
tan chinois, alla jusqu'à Bokhara, et revint par
Balkh , Bamian et Caboul, dans les plaines de
l'Hindoustan.
Muni de quelques marchandises anglaises, aux-
quelles il espérait ouvrir un débouché dans
la haute Asie, Moorcroft partit à la fin d'oc-
tobre I819'de Bareily. Georges Trebeck était le
seul Européen qui l'accompagnât. Moorcroft vi-
sita successivement Almorah, Srinagar dans le
Gurhwal , Bilaspour, Mandi , et arriva à Lahor,
le 6 mai 1820. Quelques jours après, il reprit-,
par des routes qu'aucun Européen n'avait traver-
sées avant lui , le chemin des montagnes, fran-
chit le 1er août le col de Tirak, et se trouva
le 14 de ce mois à la source du Beyah ( Hypha-
sis), l'une des trois grandes rivières du Panjab.
Enfin, le 24 septembre, il entra dans Lé, capi-
tale du Ladakh qui fait partie du Tibet et passa
deux années entières à explorer cette ville et
les pays environnants. Malgré les efforts des mar-
chands deCashmir, qui le soupçonnaient de vou-
loir leur enlever un commerce très-lucratif,
il conclut en mai 1821 avec le gouvernement du
Ladakh, au nom des négociants de Calcutta, une
convention tendant à ouvrir à ces derniers, et
en conséquence aux manufactures de la Grande-
Bretagne, toute l'Asie centrale, depuis la Chine
à l'est jusqu'à lagrande Boukharie à l'ouest. Nous
ne le suivrons pas davantage dans ses excur-
sions nombreuses, à Cashmir, où il arriva le
3 novembre 1822, à Djelalabad (4 juin 1824), à
Caboul (20 juin), à Khulm, à Kunduz, à Balkhet
enfin à Bokhara (25 février 1825). Partout, au-
tant qu'il lui avait été possible , Moorcroft avait
acheté des chevaux pour la Compagnie des Indes,
et il se félicitait de la réussite de son voyage,
quand une fièvre maligne le saisit à Andhko et
l'enleva après quelques jours de maladie. Ses
compagnons ramenèrent son corps à Balkh, où il
fut inhumé. Ses papiers furent plusieurs années
après remis à la Société asiatique de Calcutta;
Alexandre Bûmes les apporta en Angleterre, et
les confia à Horace Hayman Wilson, qui en fit un
choix qu'il livra à l'impression. On a de Moor-
croft : A Journey to Lake Manasarovara in
Undes (Voyage au lac de Manasarovara, dans
l'Undes) , imprimé au tome XII des AsittUc
Researches, traduit en français par Eyriès, dans
les Nouvelles Annales des Voyages, tome Ier;
— Travels in the Himalayan Provinces of
Hindustan and the Panjab, in Ladakh , and
Kashmir, in Peshawar, Kabul, Kunduz and
Bokhara, from 1819 to 1825, London, 184)1,
14.
423 MOORCROFT — MOORE
2vol.in-8°, withamapand pictures. Tout ce qui
concerne leLadakh est entièrement neuf dans cet
ouvrage ; quant aux autres contrées, elles avaient
été déjà décrites; — On the Purik Sheep of La-
dakh, and some other animais , prineipally
of the Sheep and Goat Kind , with gênerai
observations on the Country of Ladakh.
Moorcroft, dans cette notice insérée dans le
t. Ier des Transactions of the royal Âsiatic
Society ofGreat-Britain and Ireland, recom-
mande le mouton Purik comme pouvant être
d'une grande utilité dans plusieurs contrées de
l'Europe. H. Fisquet.
Notice sur Moorcroft, servant de préface à ses voyages
dans les provinces hiraalayennes de l'Hindoustan. —
Asiatic Journal, tome XXI, p. 619 et 709, année 1826.
moore (Jonas), mathématicien anglais , né
le 8 février 1617, à White (Lancashire ), mort
le 27 août 1679, à Godalming. 11 donnait des
leçons de mathématiques lorsqu'il fut chargé
en 1647 de l'éducation scientifique du prince
Jacques, second fils de Charles Ier. Pendant
la révolution il reprit son premier métier, et
utilisa ses talents dans le dessèchement ou l'é-
coulement des marais. Selon Aubrey, il présenta
à Cromwell un modèle de citadelle pour main-
tenir Londres dans le devoir. Cependant il dut
à sa renommée de pur royaliste la place d'ins-
pecteur-général de l'artillerie et des lettres de
noblesse sous Charles II. Il usa de son crédit au-
près de son ancien élève , le duc d'York, pour
faire ériger la maison de Flamsteed en observa-
toire public (1675) et pour fonder à l'hôpital du
Christ, dont il était gouverneur, une école de
mathématiques à l'usage des marins. Il fut
membre de la Société royale de Londres. On a
de lui plusieurs traités élémentaires , un Traité
général d'Artillerie traduit de l'italien , et un
Cours complet de Mathématiques , publié en
1681 par Hanway et Potinger, ses gendres. K.
Birch, Hist. of the royal Society.— Hutton, Dict. of
MatJiematics.
moore (John), prélat anglais, né en 1662,
mort le 31 juillet 1714, à Londres. Il prit ses
degrés à Cambridge.'La protection de lord Not-
tingham le lit arriver aux plus hautes dignités
de l'Église; il occupa les sièges épiscopaux de
Norwich (1691) etd'Ely (1707). Il aimait et en-
courageait les lettres. Ses Sermons, publiés par
Samuel Clarke, son chapelain (1715; 2 vol.
in-8° ) , eurent beaucoup de succès. Sa biblio-
thèque, composée de 30,000 vol., fut acquise
par le roi Georges II, qui en fit présent à l'univer-
sité de Cambridge. K.
Chalmers, Général Biograph. Dict.
moore (Francis), voyageur anglais, né
vers 1695, mort en 1752. Il partit en 1730 comme
directeur du comptoir de Saint-James établi sur
les bords de la Gambie, et remonta ce fleuve
l'espace de 600 milles. Il explora durant cinq
années diverses contrées de la Sénégambie , le
Bambouck, le Kasson , le Kaarta , le Bondou, et
les pays des Bambaras et des Sarracolets. Il
4!
essaya de pénétrer dans le Ghiambour-Cayo.
mais la maladie et surtout le mauvais vouk
des indigènes le forcèrent à rebrousser chemi
De retour dans sa patrie , il publia de très-c
rieux renseignements sur cette partie de 1'.
frique occidentale dans un ouvrage intitulé : Tr i
vels in the interior of Africa, etc. ; Londre
1738, in-8°, et 1742, in-4°, avec fig. Les tiavai
de MM. Le Blanc (Voyage en Galamen 182C
du comte Ed. Bouet-Willaumez , de G. Molli
( Voyage dans l'intérieur de V Afrique ai
sources du Sénégal et de la Gambie en 1818),
surtout ceux de M. Anne Raffenel ( Voyage da
l'Afrique occidentale, etc.) ont ôté aujourd'h
beaucoup d'intérêt à la relation de Frani
Moore. A. de L. ]
Cuny, Tableau historique des Découvertes et des Ê>
blissements des Européens dans le nord et dans l'ou
de V Afrique jusqu'au commencement du dix-neuviè
siècle (1809, 2 vol. in-3°).— Walkenaër, Hist. générale t |
Voyages, t. V. — Ternaux-Compans, Nouvelles Anna i
des Voyages, t. XC1V. — W. Gray, Travels in JFestt
Africa from the river Gambia through Bondoo,Gala
Kasson, Kaarta, etc. ( Londres, 1825, in-8°) .
moore (Edward ), littérateur anglais,
le 22 août 1712, à Abingdon, mort le 28 févri
1757, à Londres. Fils d'un ministre dissidei
il reçut une instruction élémentaire, et fut ei j
ployé chez un marchand de toiles ; il se dégodj
du commerce, et se niità écrire, « plutôt, dit- !
par nécessité que par goût». Ses débuts furei
des plus heureux, et il ne rencontra guère mie
que le premier sujet qu'il traita, Fables for t
female sex ; il approche souvent deGay,sj
modèle, et réunit dans son style l'énergie à l'i J
sance et à la pureté. Ce recueil lui donna ac< I
dans le monde littéraire; les lords Lyttelton
Pelham le prirent sous leur patronage ; ma I
voyant qu'il en retirait plus d'honneur que I
profit, il écrivit pour la scène plusieurs piè(
de théâtre et des chansons pour les jardi
publics. En 1750 il épousa miss Hamilton , c I
obtint un emploi dans la maison de la reine. 1
1751 il devint le principal rédacteur d'un journ
The World, dont la première idée appartenail
lord Lyttelton et qui se propagea rapidemei
grâce à la collaboration secrète des comtes
Chesterfield, de Bath et de Corke, de Walpol
Jenyns, Cambridge, etc. Dans le dernier n
méro ce fut Moore qui se chargea d'annoncer . I
public que la publication en était forcément i
terrompue, par suite du décès de l'auteur. Qui
ques années plus tard, comme il surveillait
réimpression des articles qu'il y avait fait ins
rer, il mourut, au moment où l'on mettait so j
presse ce facétieux avis qui, par une bizar
coïncidence, se trouva exprimer la vérité. Moo
était un écrivain agréable, plein de naturel I
d'enjouement ; il avait des sentiments honnête
un cœur droit et une vie irréprochable. On a >\
lui : Fables for the female sex ; Londre
1774,in-8°; trad. en français ( Fables po\ <
les dames; Amsterdam, 1764, in-8°),etso!
vent réunies aux Fables de Gay dans les éc i
!5
MOORE
426
>ns de ce dernier; — The Foundlïng, co-
nfie; 1748; trad. en français par M">c Ricco-
ni;— Gil Blas, comédie; 1751; — The Games-
, tragédie; Londres, 1753, in-8°; trad. en
nçais ( Le Joueur; Paris, 1762, in- 12). Jouée
!ec un succès extraordinaire par Garrick, cette
!!ce fut suspendue, dit-on, sur les plaintes de
'elques riches habitués des réunions de jeu;
e s'est conservée assez longtemps au réper-
ire anglais; — The World; Londres, 1767;
\d. en français par G.-J. Monod {Le Monde;
yde, 1757, 2 vol. in-12), et par Saint-Sympho-
\\(Tableau critique des mœurs anglaises;
Haye, 1761, in-12). Moore a signé cette col-
Non d'articles du pseudonyme A' Adam Fitz-
!am. Ses œuvres poétiques et dramatiques ont
s réunies par lui en 1766 en 1 vol.in-4°. P.L — y.
ohnson et Chalmers, English Poets. — Etogr. Dra-
■tica. - Walpole, Letters.
moore (John), médecin et littérateur an-
us, né en 1729, à Stirling, mort le 28 février
1 02, à Londres. Il était fite unique d'un mi-
Ktre de l'Église écossaise. Élevé sous les yeux
sa mère, il étudia la médecine à Glasgow, où
teuivit les cours d'Hamilton et de Cullen, et ob-
Dt, en 1747, par la protection du ducd'Argyle,
faveur d'être employé à l'armée de Flandre
los les hôpitaux de Maestricht et de Flessingue.
»mmé ensuite aide-chirurgien dans un régi-
înt de gardes à pied, il garda cette place jus-
i'à la paix générale, reprit ses études sous le
: Hèbre Hunter, et passa denx ans à Paris avec le
re de médecin de l'ambassade anglaise. Après
oir assisté aux leçons de l'accoucheur Smellie
Londres , il s'établit à Glasgow, y prit le di-
ômede docteur ety pratiqua pendant plusieurs
inées avec beaucoup de succès. Il avait dé-
Usé la quarantaine lorsqu'un incident ou-
it une nouvelle carrière à son esprit naturelle-
ent actif et observateur. La duchesse d'Argyle,
luchée du dévouement avec lequel il avait soi-
[ lé le jeune duc d'Hamilton dans sa dernière
(aladie, lui en témoigna sa reconnaissance en
fi confiant son second fils , qui était aussi d'une
institution fort délicate. Moore accompagna son
ipille en France, en Italie, en Suisse et en Al-
j magne ; il resta cinq ans absent de son pays,
son retour (1778) , il se fixa à Londres avec
ï famille, chercha à s'y faire une clientèle, et
wime il ne put y réussir qu'à demi , il sacrifia
médecine à la littérature légère. Dès lors il
quitta réputation d'un homme aimable, rempli
esprit et de bonne humeur, qualités qui do-
inent dans ses ouvrages. Il avait des connais-
ses très-variées , sans avoir jamais rien ap-
fofondi. Ses récits de voyages eurent une
t'ande popularité dès leur apparition ; on y trouve
jainte scène piquante, de fines saillies, des
dentures plaisantes; mais il faut s'en défier
tuant à l'exactitude des renseignements. De ses
tamans le meilleur est Zeluco. On a de Moore:
| View qf society and manners in France,
Switzerland and Germany; Londres, 1778,
2 vol. in-8"; Paris, 1805, 2 vol. in-12; trad. en
français par M"" de Fontenay ( Voyage de John
Moore en France, etc.; Paris, 1806, 2 vol.
in-8°) ; — A View of society and manners in
Italy; Londres, 1781, 2 vol. in-8°; trad. en
français avec l'ouvrage précédent par H. Rieu
(Lettres d'un Voyageur anglais sur la
France, etc.; Genève et Lausanne, 1781-1782,
4 vol. in-8°); — Médical Sketches ; Londres,
1785, in-8°; — Zeluco; Londres, 1785, 4 vol.,
trad. en français (Paris, 1796, 4 vol. in-18) : ce
roman abonde en événements intéressants, tirés
des passions désordonnées d'un enfant gâté et
de l'aveuglement de sa mère ; — A Journal of
a résidence en France, during the révolu-
tion of 1" '92; Londres, 1795, 2 vol. in-8°, avec
une carte; l'auteur avait séjourné à Paris, d'août
à décembre 1792, avec le comte de Lauderdale;
— A View of the causes and progress of the
French révolution; Londres, 1795, 2 vol.
in-8° : cet ouvrage, dédié au duc de Devonshire ,
commence au règne de Henri IV et se ter-
mine à la mort de Louis XVI ; — Edward, va-
rions views of human nature taken from life
and manners, chiefly in Ëngland; Londres,
1796; roman de mœurs anglaises, trad. en fran-
çais par Cantwel (Paris, 1797, 3 vol. in-12); —
Mordaunt, or sketches of life, char acier s and
manners in various countries, including the
memoirs ofa french lady ofquality ; Londres,
1800, 2 vol. in-8°; série de lettres que l'auteur
suppose avoir été écrites par un Anglais, John
Mordaunt, sur les mœurs et coutumes de diffé-
rents peuples de l'Europe. John Moore a encore
été l'éditeur des œuvres médicales de Tobie Mal-
let (Londres, 1797, 8 vol. in-8°), et on lui at-
tribue des Œuvres morales qui ont paru en
extraits (Londres, 1803, 2 vol. in-8°). Il favo-
risa les débuts de son compatriote le poète
Burns, qui avait composé, à sa requête, un récit
de sa vie et de ses premiers travaux. P. L— y.
GentlemarCs Magazine, 1802.
moore ( Sir John) , général anglais, fils du
précédent, né à Glasgow, en 1761, tué à la
bataille de La Corogne le 16 janvier 1809. Il
accompagna sur le continent (1773) son père,
alors médecin et gouverneur du jeune duc d'Ha-
milton. La protection de ce seigneur valut à
John Moore , alors âgé de- quinze ans , une
commission d'enseigne dans l'armée. Les rela-
tions aristocratiques de sa famille facilitèrent
son avancement Avant d'avoir trouvé l'occasion
de se signaler, il était déjà lieutenant-colonel et
avait siégé dans le parlement pour le district de
Lanark. Il fut envoyé à Gibraltar en 1793, et de
là en Corse, où les troupes anglaises agissaient
de concert avec la population, soulevée par Paoli.
Moore servit sous les ordres du général Stewart.
Sa conduite au siège de Calvi et à l'assaut du
fort Morello le fit nommer adjudant-général.
Il rentra peu après en Angleterre , et fut envoyé
427
MOORE
aux îles occidentales au mois de février 1796,
avec le grade de brigadier général. Il arriva à
temps pour prendre part à l'attaque de Sainte-
Lucie, et, après l'occupation de cette île, il en
fut nommé gouverneur. Sa santé, compromise
par deux atteintes de fièvre jaune, l'obligea de
repasser en Angleterre au mois d'août 1797. Il
ne tarda pas à suivre dans l'Irlande révoltée le
général Abercromby, et se distingua particuliè-
rement au combat de New-Ross, où les insurgés
essuyèrent une défaite. L'année suivante il fit
partie de l'expédition de Hollande qui eut une
issue désastreuse pour les troupes anglaises. Au
milieu de ces revers, Moore reçut deux graves
blessures et acheva d'établir sa réputation d'ex-
cellent officier. Promu au grade de major gé-
néral, il eut le commandement de la réserve dans
l'armée anglaise qui combattait en Egypte contre
la France en 1801. Il fut blessé encore une fois,
et obtint en récompense de ses services le titre
de chevalier de l'ordre du Bain. A la reprise
des hostilités avec la France, après la courte paix
de 1802, Moore s'occupa particulièrement de
l'instruction des troupes. Il forma un corps d'in-
fanterie légère qui plus tard s'illustra enEspagne
sous lord Wellington. Rentré dans le service
actif, il reçut un commandement en Sicile. Au
mois de mai 1808, il fut envoyé en Suède, avec
dix mille hommes, pour assister le roi Gustave-
Adolphe IV dans sa lutte inégale contre Napoléon.
Il ne put pas s'entendre avec ce prince, dont
l'exaltation et la violence touchaient à la folie, et
eut même de la peine à retirer ses troupes de la
situation embarrassante où les avait placées
Gustave. Il les ramena en Angleterre au mo-
ment où son pays avait grand besoin de soldats
pour tenir tête aux Français qui occupaient
l'Espagne et le Portugal. Moore débarqua dans
cette dernière contrée au mois d'août 1808.
Après l'évacuation du Portugal par l'armée
française et le rappel des généraux anglais qui
avaient négocié la convention de Cintra , Moore
fut nommé commandant de l'armée anglaise.
Cette armée , forte de trente mille fantassins et
de cinq mille cavaliers, était destinée à coopérer,
avec les forces espagnoles , à la défense de la Pé-
ninsule contre les Français. Une partie de cette
armée devait arriver directement d'Angleterre. et
débarquer à La Corogne. Moore quitta Lisbonne
au mois d'octobre 1808; mais à peine était-il ar-
rivé sur la frontière d'Espagne , qu'il apprit que
toutes les armées espagnoles avaient été battues
et dispersées par l'empereur Napoléon , et que
lui-même allait bientôt avoir à soutenir le choc
du conquérant. Devant ce danger, Moore ne mon-
tra pas assez de décision et de promptitude. Il
ne concentra pas assez vite ses troupes , dont
une partie seulement se trouvait à Salamanque
sous ses ordres immédiats; une autre partie
était vers Badajoz ; et le reste venait de débar-
quer à La Corogne. Pendant que Moore hésitait
entre une retraite immédiate en Portugal et une
marche sur Madrid, il apprit que cette ville él »
prise par Napoléon. L'approche du corps d'i I
mée du maréchal Soult lui révéla plusclairerm .
le danger de sa position , et bientôt il apprit c I
toutes les troupes françaises disponibles convi j
geaient sur l'armée anglaise pour l'écraser,
que Napoléon lui-même dirigeait ce mouveme j
Renonçant alors à tout espoir de défendre j
Portugal, il se retira précipitamment sur I
Corogne. L'armée anglaise eut beaucoup à so I
frir dans cette retraite, et probablement < I
aurait été prise ou détruite si Napoléon n'>
abandonné la poursuite pour revenir en Fran j
Le soin de pousser les Anglais jusqu'à la mer
laissé au maréchal Soult, qui s'en acquitta j I
activement. Enfin, Moore atteignit La Coroj |
avec des troupes épuisées et désorganisées. ( I
pendant il résolut de livrer un dernier corot
plutôt pour relever l'honneur de l'armée angla j
que dans l'espoir de conserver une position
Espagne. Labataille, livrée le 16 janvier 1809,
extrêmement animée de part et d'autre, et <
deux côtés on s'attribua la victoire. Vers la
• lu combat, et lorsqu'il était déjà manifeste (
les Anglais ne seraient pas battus ,Moore fut ble
mortellement par un boulet. Il mourut au b»J
de quelques instants. Ses dernières paroles fur
qu'il avait toujours désiré mourir de cette r.
nière, et que le peuple anglais serait content
lui et lui rendrait justice. Ainsi périt un des
ficiers les plus vaillants et les plus habiles ( j
l'Angleterre ait possédés. On lui reproche jus
ment quelques fautes dans sa dernière campagi
mais il les racheta par la bataille de La Coroj i
et une mort héroïque. L. J
J.-C. Moore, Lifeof sir John Moore; Londres, 1 i
2 vol. in-8°, — Gleig, Lives of britislt military Cornait I
ders, t. III. — Southey, History ofthe l'eninsular W*\
vol. II. — Sir John Jones, Account ofthe IVar in Spn
and Portugal. — Napier, Uistury of thc IJ-'ar in.A
Peninsula , t. I. — Thiers , Histoire du Consulat et \
l'Empire, t. IX. — English Cyclopsedia ( Biography).
moore (Thomas), poëte anglais, né à El
blin, le 28 mai 1779, mort le 25 février 18^
Son père était un petit marchand , et appar
nait à la religion catholique, ainsi que sa mèii
Il fut mis à l'école chez un Samuel White, i
avait été le premier maître de Sheridan et av
quelque connaissance de la littérature. L'écoli'l
intelligent et vif, devint le favori du maître, et
associé par lui à des représentations dram
tiques. « En 1790, dit-il, je composai l'épilof
d'une pièce montée par mon maître chez la
Borrows, à Dublin. A treize ans, en 1793, je i
imprimé tout vif dans Y Anthologie de Dubt
(Anthologia Hibernica),où j'eus le bonheur d
tre qualifié de « très-honorablecorrespondant
L'année suivante, je fis insérer dans le mêi
recueil un sonnet à mon maître d'école.... I
circonstances politiques ne contribuèrent \
peu à me former; j'étais Irlandais, par cons
quent esclave, et j'avais mille obstacles à frc
chir dans la carrière du barreau, que ma m<
J ) MOORE
: r ait pour moi, tout en souriant, ainsi que mon
lie, à mes essais poétiques. La révolution
' § îçaise agitait l'Irlande opprimée; je me sou-
"11 ns d'un banquet donné, en 1792, en l'honneur
rlJ ce grand événement, où me conduisit mon
»i e et où j'étais assis sur les genoux du prési-
,}\t quand on porla ce toast : « Puisse la brise
i France faire verdoyer notre chêne d'Irlande ! »
\i révolution française eut pour effet indirect
i faire écarter par le gouvernement anglais les
i j frictions qui empêchaient les catholiques rô-
ti'lins d'étudier à l'université de Dublin. Le jeune
-i I omas, destiné au barreau, entra au collège de
w Trinité dans l'été de 1794. Il s'y montra assez
lin écolier, mais sans aucune disposition pour
§| vers latins, et apprit l'italien et le français
j eux que les langues anciennes. Il se mêlait
f f ssi beaucoup de politique, et était très-liéavec
w; principaux meneurs de l'opposition irlan-
) | ise, entre autres avec le noble et malheureux
1 Emmet. Mais comme il ne prit part à aucun
|tj te positif de rébellion, il en fut quitte pour
•le sévère admonestation du recteur de l'unir
■ rsité. Au sortir du collège de La Trinité, il alla
îdier le droit à Middle-Temple à Londres.
I mi fourni d'argent, il portait avec lui une tra^
fiction d'Anacréon, sur laquelle il comptait pour
'■mmencer sa fortune et sa réputation. Son es-
tir ne fut pas déçu. Lord Moira, Lady Done-
j il et d'autres personnes du monde fashionable
| tinrent bien prendre sous leur protection
i nacréon et son traducteur. L'année suivante,
,|&02, le jeune poète fit paraître les Œuvres
métiques de feu Thomas Utile, qui lui furent
! ayées 60 1. s. Ce Thomas TÀttle, c'est-à-dire
Vêtit, c'était Thomas Moore lui-même, fort petit
; e taille. Ses poésies, bien légères de ton et quel-
uefois peu morales, furent sévèrement blâmées
|t beaucoup lues. On reconnut que l'Angleterre
possédait un brillant, un spirituel poète de plus.
I Ces succès de salou n'enrichissaient pas Thomas
'tîoore, qui faisait son droit avec trop de négli-
gence pour pouvoir prétendre à la carrière lu-
crative du barreau. 11 accepta comme une bonne
fortune la place de greffier ( regïster ) de la
jxmr de l'amirauté de l'île Bermude, que lord
jtfoira lui fit obtenir, en 1803. Il arriva un peu
|:ard à son poste, en janvier 1804, et dès le mois
Je mars, dégoûté de ses fonctions, il mit à sa
fplace un suppléant, auquel il abandonna la moi-
tié de ses appointements, et alla voyager dans
Nés États-Unis et au Canada. Mécontent de la
'société américaine, comme il le témoigna depuis
'dans plusieurs de ses écrits satiriques, il revint
en Angleterre, à la grande joie de ses nombreux
amis. Lord Moira procura une bonne place au
père du poëte, et lui en fit espérer une à lui-
même. Eu attendant, Moore demanda des res-
sources à son talent. 11 publia des Odes etÉpîtres,
qui, étant un peu trop dans le genre léger de
Thomas Little, attirèrent sur l'auteur une critique
assez vive de Jeffrey dans la Revue d'Édim-
430.
bourg. Le porte', offensé, demanda raison au
journaliste. Une rencontre eut lieu, et se termina
sans effusion de sang, grâce à l'intervention de
la police ; et même, si l'on en croit les rajlleurs
qui s'exercèrent beaucoup sur cet incident, l'in-
tervention de la police était superflue, parce que
les pistolets n'étaient pas chargés à balle. Quoi
qu'il en soit, ce duel inoffensif devint pour les
deux adversaires le point de départ d'une ami-
tié durable. Thomas Moore n'avajt pas de ran-
cune, et ses succès dans le beau monde le dé-
dommageaient des sévérités de la critique. Il
était l'hôte favori de plusieurs grandes maisons
aristocratiques , Donington-park , résidence de
lord Moira, Lansdowne-house et Holland-house.
Dès 1797, son attention avait été attirée par la
collection de mélodies irlandaises de Bunting,
et de temps en temps il avait écrit des paroles
pour quelques-uns de ces airs qui le charmaient
et qu'il chantait à merveille. En 1807, il s'enten-
dit avec M. Power pour la publication d'un re-
cueil de Mélodies irlandaises. Il devait fournir
les paroles adaptées aux airs nationaux, tandis
que sir J. Stevenson se chargeait des accompa-
gnements. Ce recueil ne fut achevé qu'en 1834,
et il restera le titre le plus durable de Thomas
Moore. Traducteur gracieux et maniéré d'Ana-
créon, poëte erotique assez vif, mais sans profon-
deur dans le sentiment et avec trop peu de ré-
serve dans l'expression, satirique spirituel trop
occupé d'objets du moment, Thomas Moore
n'aurait laissé qu'une trace passagère dans la
littérature anglaise s'il n'avait trouvé ces char-
mantes chansons si bien adaptées à la musique
de l'Irlande. « On a souvent remarqué, dit-il,
que notre musique est le commentaire le plus
fidèle de notre histoire. Le ton de défiance au-
quel succède la langueur de l'abattement, un
éclair d'énergie qui brille et disparaît , les dou-
leurs d'un moment perdues dans la légèreté du
moment qui suit, tout ce mélange romanesque
de mélancolie et de gaieté, résultat des efforts
d'une nation vive, généreuse, pour secouer ou
pour ouhlier les maux qui l'oppriment, tels sont
les traits de notre histoire et de notre caractère,
si fortement, si fidèlement réfléchis dans notre
musique. » Thomas Moore a très-bien reproduit
dans ses Mélodies les traits caractéristiques de
la musique irlandaise. Ce qui fait le charme de
ces petites compositions, c'est leur originalité.
Elles n'ont ni la vigueur, ni le naturel, ni la sen-
sibilité profonde et passionnée des vers d'un
autre poëte national, Robert Burns , mais elles
n'en ont pas non plus la rudesse. Une élégance
soutenue, de la légèreté, de la tendresse, de l'es-
prit, une imagination brillante et prodigue d'or-
nements leur donnent un charme durable, bien
qu'un peu artificiel. Au même genre de poésies
appartiennent les Airs nationaux publiés en
1815, et les Chants sacrés; mais ces derniers
sont bien inférieurs aux précédents. En 1808,
Moore fit paraître sous le voile de l'anonyme
431
deux poèmes, Intolérance et Corruption, et en
1809 Le Sceptique. Ces œuvres, qui font hon-
neur à ses sentiments libéraux , augmentèrent
peu sa réputation. La muse légère de Moore
n'était pas faite pour la satire sérieuse.
En 1811, il épousa Miss Bessy Dyke, per-
sonne distinguée et excellente, qui fit le bonheur
de sa vie et l'éloigna un peu du monde des sa-
lons, sans l'en détacher* tout à fait. Dans l'au-
tomne de la même année , son opéra de M. P.
ou Le Bas bleu, obtint un succès d'estime.
L'auteur ne l'a pas compris dans le recueil
de ses oeuvres, mais il en a détaché quelques
jolies chansons. Décidé à ne plus chercher de
ressources que dans sa plume , Moore quitta
Londres, et alla résider avec sa famille à Mayfield
Cottage, près d'Ashbourne, dans le comté de
Derby. Il fit paraître en 1813 son Sac de la pe-
tite poste par Thomas Brown le jeune ( Two-
penny Post-Bag , by Thomas Brown the
younger), satire malicieuse, qui, dirigée contre
le prince régent et ses ministres, devint immé-
diatement populaire et eut quatorze éditions
en une année. Dès 1812 il songeait à écrire
un poème oriental. Le libraire Longman le lui
acheta d'avance 3,000 liv. sterl. Cet ouvrage, si
chèrement payé, ne parut qu'en 1817, et obtint
un succès qui s'est toujours maintenu depuis.
C'est la plus travaillée de toutes les composi-
tions de Thomas Moore ; l'art s'y montre même
un peu trop. Le sujet est ingénieusement in-
venté. Abdallah, roi de la petite Boukarie, ayant
abdiqué en faveur de son fils Aliris , se rend à
La Mekke, au tombeau du prophète. En passant
par Delhi , il demande à l'empereur Aurengzeb
la main de la belle Lalla-Rookh, sa fille, pour le
jeune prince de Boukarie. La demande est agréée,
et Lalla-Rookh part avec une suite nombreuse
pour aller rejoindre son époux. En route un ser-
viteur, Feramorz, envoyé par Aliris afin de dis-
traire la princesse, lui raconte en vers quatre his-
toires: Le Prophète voilé, Le Paradis et la
Péri, Les Adorateurs du feu, La Lumière du
Harem. Au terme du voyage il se trouve que Lalla-
Rookh est devenue amoureuse du narrateur, et
elle mourrait de chagrin si dans le prince Aliris
lui-même elle ne reconnaissait le beau chanteur.
Ce romanesque oriental est piquant , et les
quatre récits de Feramorz-Aliris ont de l'éclat
et une couleur orientale qui séduit ; mais il faut
reconnaître aussi que cette poésie est bien arti-
ficielle, qu'elle est parfois fade à force de dou-
ceur, et que la pensée et le sentiment disparais-
sent sous le luxe des images. Plus applaudie au
début que les Mélodies irlandaises, Lalla-
Roohk vivra moins. Aussitôt après lapublication
de son roman oriental, Moore fit un voyage à
Paris avec son ami le poète Rogers ; il y com-
posa La Famille Fudge à Paris, agréable sa-
tire sous forme de lettres , qui a le mérite et qui
obtint presque le succès du Posl-Bag. L'année
■où parut La Famille Fudge (1818), Moore fut
MOORE 43
frappé d'un malheur qui mit en relief sa fermel
et son honnêteté.Son suppléant à l'île Bermude
avait commis une grave infidélité , dont le titu
laire de la place fut déclaré responsable. 11 s'î
gissait d'un détournement de 6,000 livres
rembourser. Des offres de service lui vinrent d
toutes parts; il les refusa, ne voulant devoir s
libération qu'à sa plume. En attendant que I
justice eût prononcé sur l'indemnité que l'o
exigeait de lui, il partit pour le continent, e
1819. En France il fut le compagnon de voyag
du plus jeune et du plus dévoué de ses amis
lord John Russell; en Italie il visita Rome ave
le sculpteur Chantrey et le peintre Jackson. Se
souvenirs de voyage ont trouvé place dans se
Vers sur la route ( Rhymes on the road), qu'.
publia avec des Fables sur la Sainte-Alliance
en 1820, comme un « extrait du journal d'm
membre voyageur de la société Pococurante »
Comme son procès à Londres était encore pen
dant, il resta à Paris jusqu'en 1822, avec labonn
intention de beaucoup travailler; mais les dis
tractions d'une grande ville, les nombreuse
visites de ses compatriotes ;mirent quelque em
pêchementà sa résolution. Il n'écrivit même pas
« faute de documents, » dit-il,£a ViedeSheridan
qu'il avait promise à un libraire. Un poème, Le.
Amours des Anges, un roman, L'Epicurien
furent les seuls produits de son séjour en France
c'était peu pour un talent aussi facile. L'affain
de Bermudes fut enfin réglée. Les juges rédui
sirent l'indemnité à 750 liv. sterl. que le mar
quis de Lansdowne avança et que le poète rem
boursa sur le produit de ses Amours des Anges
Thomas Moore fit paraître les Mémoires di
capitaine Rock, en 1824; La Vie de Sheridan
en 1825; L'Epicurien en 1827 ; les Mémoires d<
lord Byron en 1830 : ce dernier ouvrage a donni
lieu à de longs débats, qu'il importe de préciser
Il faut d'abord dire un mot des premières rela
tions de Byron et de Moore. En 1809, Byron
dans sa Satire des Bardes anglais, fit un<
piquante allusion à ce fameux duel de Moore c
de Jeffrey qui avait tant égayé la société di
Londres. Moore écrivit à Byron pour lui deman
der satisfaction ; mais l'auteur des Bardes an-
glais venait de partir pour l'Orient, et la lettn
ne lui parvint pas ; il ne fut informé de la pro-
vocation qu'à son retour, deux ans plus tard,
Moore, qui, dans l'intervalle, s'était marié, ne se
souciait pas de hasarder sa vie pour une piqûre
littéraire; Byron, de son côté, ne refusa pas de
donner des explications, et cette fois encore les
deux adversaires devinrent amis. En 1821, les
deux poètes se rencontrèrent en Italie;' Byron
fit présent à Moore de son autobiographie ma-
nuscrite, à condition qu'il ne la publierait qu'a-
près sa mort. Moore, pressé d'argent, vendit le
manuscrit à Murray ( 2,000 liv. sterl.) (50,000 fr.),
et le déposa en avril 1824. Byron mourut dans
ce môme mois. Lady Byron et sa famille dési-
rèrent la destruction des Mémoires, et offrirent
33 MOORE — MOQUW-TANDON
e rembourser le libraire ; Moore résista long-
;mps, et enfin il résolut noblement de supporter
i perte qui résulta de la destruction des Mé-
wires. Il paya à Murray les 2,000 liv. sterl.,
vec les intérêts, brûla le manuscrit et s'enga-
ca,à écrire pour la même somme de 50,000 fr.
ne Viede Byron, qui, d'abord acquise par Long-
lan, fut finalement éditée par Murray, 1830,
vol. in-4°. On peut reprocher à Moore d'avoir
truit les Mémoires de son ami, maison voit
ie ce fut dans l'excellente intention de ménager
îs susceptibilités de famille, et au prix d'un
icrifice d'argent considérable. Il donna ensuite
a Vie de lord Edouard Fitz-Gerald, le noble
itriote irlandais , et une Histoire d'Irlande
i parut * dans la Cyclopxdia de Lardner. Ce
t son dernier ouvrage important. En 1835,
us le ministère de Lord Melbourne, il reçut une
\ nsion de 300 liv. sterl. La perte de ses deux
s,. dont l'un périt en Algérie au service de la
ance, et dont l'autre mourut de consomption ,
1 1842, attrista sa vieillesse; ses dernières ân-
es furent marquées par l'affaissement complet
[ ses facultés intellectuelles. Il mourut à sa
sidencede Sloperton, âgé de près de soixante-
uze ans, et 'fut enseveli dans le cimetière de
! omham, prèsDevizes. Après ce quenous avons
t des ouvrages et delà vie deThomas Moore, il
[ t inutile d'insister sur ses mérites comme écri-
hia et comme homme. Une facilité brillante, de
! sprit, de la grâce, tels sont les traits distinctifs
[ sa poésie, qui , si l'on excepte les charmantes
' élodïes irlandaises, a déjà beaucoup perdu
sa réputation. Sa prose vaut moins que ses
'rare; cependant;on trouve de belles pages dans
[fl Vie de Fitz-Gerald, et la Vie de lord Byron,
î jp sévèrement critiquée, ne manque pas d'in-
! rêt; enfin Y Histoire d'Irlande est un bon ou-
! âge, consciencieusement exécuté, quoique avec
;* 'sorte de partialité patriotique. Moore mon-
[ lit par là qu'il était resté fidèle aux opinions
i sa jeunesse. Aussi fidèle dans les rapports de
■ciétéque dans sa politique, il acquit de nom-
,eux amiset les garda jusqu'à la fin de sa vie. On
t i reproche un peu de vanité, mais tant d'excel-
[ îles qualités de l'homme privé font oublier ce
[ faut. Ses ouvrages ont eu de nombreuses édi-
l'ns, parmi lesquelles on remarque celle que
; poète donna lui-même à partir de 1841, l'é-
i ion de Baudry, The poetical Works; Paris,
41, 3 vol. in-8°, et enfin la grande édition de
Sndres, 1852-1853, 10 vol. in-8°. Les ouvrages
"tarés ont été généralement publiés en France
'mesure qu'ils paraissaient en Angleterre; ils
|t été aussi traduits en français-, nous indiqué-
es seulement la traduction des Chefs-d'œuvre
\étiques par Mme Louise Belloc; Paris, 1841,
PS0. Les Mémoires de Thomas Moore ( Me-
urs, Journal and Correspondent of Thomas
I hore) ont été publiés par lord John Russell;
ndres, 1852-1855, 8 vol. in-S°. L. J.
lemoirs of Thomas Moore. - The Edinburgh Re-
434
view, avril 1854. — A. Dudley, dans la Revue de» Deux
Mondes, du 1" Juin 1846. — Lomcnle, (julerie des Con-
temporains illustres. — l'Iiilaréte Chas les, dans le Jour-
nal des Débats, février 1864.
mopinot (Simon), érudit français, né à
Reims, en 1685, mort le 11 octobre 1724. Il fit
ses éludes au collège de l'université de sa ville
natale. Il se rendit, en 1700, chez les bénédic-
tins de Meaux, et y fit profession, en 1703. Il
revint ensuite à Reims, étudier, dans l'abbaye de
Saint-Nicaise, le grec et l'hébreu, puis alla pro-
fesser à Pont-le-Voi, maison de son ordre. En
1714, conjointement avec dom Martin Didier, il
travailla, à Saint-Denis, à une nouvelle traduc-
tion de Tertullien. Il se joignit ensuite à dom Cons-
tant, pour rédiger la Collection des Lettres des
Papes, dont le prospectus et l'épître dédicatoire
furent composés par lui. D. Constant étant mort,
Mopinot continua seul ce travail , mais une mort
prématurée l'empêcha de publier lui-même le se-
cond volume, qu'il laissa terminé. L. — z — e.
Revue historique et littéraire delà Champagne, n°ll,
du 1» novembre 1854, p. 75.
moqcihcix , roi des Tlatélolcos (peuple de
l'ancien Mexique), sacrifié à Tenochtitlan ( depuis
Mexico), en 1470. Tlatélolco était une petite
ville ou plutôt un grand faubourg attenant à la
puissante ville de Mexico , et gouverné depuis
cent dix ans par des membres de la famille im-
périale aztèque, dont ils étaient tributaires. Sous
le règne de Montézuma 1er IIhuicamina, Moqui-
huix, son cousin, alors chef des Tlatélolcos,
servit l'empereur avec zèle de sa personne et de
ses meilleurs soldats. Il contribua à plus d'une
de ses victoires. En récompense Montézuma lui
donna en mariage sa cousine , la sœur d'Axaja-
catl. Cette préférence n'attacha point Moquihuix
à la destinée de son beau-frère. Après la mort
de Montézuma et l'avènement de Axajacatl, il
rêva l'empire, et, trop faible pour agir seul, es-
saya de former une ligue de tous les caciques
mexicains. Il fut trahi par sa femme, qui, ayant
à se venger d'une de ces infidélités que les femmes
ne pardonnent jamais à ceux qu'elles n'aiment
plus, s'enfuit à Mexico, avec ses quatre enfants,
et révéla la coalition à son frère. La guerre ne fut
pas longue : Axajacatl en quelques jours prit
Tlatélolco et son roi, dont il ouvrit lui-même la
poitrine et arracha le cœur, sur l'autel du dieu
Mexitli. Quatre cent soixante des principaux Tla-
télolcos , faits prisonniers les armes à la main,
eurent le même'sort. Les caciques alliés de Mo-
quihuix , vaincus successivement, furent mis à
mort et leurs terres réunies à l'empire aztèque.
A. de L.
Clavigero, Storia antiea del Messico (Cesena, 1780-
1781, 4 vol. in-4° ). — La Renaudière, Mexique, dans l'U-
nivers pittoresque, p. 14, 17, 18.
* MOQUiN-TANDOiv ( Horace*Benedict- Al-
fred ), botaniste et médecin français, né à Mont-
pellier (Hérault), le 7 mai 1804. Il fit d'excel-
lentes études dans sa ville natale, fut reçu doc-
teur es sciences à l'âge de vingt-deux ans et
435
docteur en médecine en 1828. L'année suivante,
il fut nommé professeur de zoologie à l'Athénée
de Marseille, fonctions qu'il ne quitta que pour
aller en 1833 à Toulouse remplir celles de pro-
fesseur de botanique à la faculté des sciences.
Chargé en même temps de la direction du Jardin
des Plantes de cette ville, il fut pendant douze
ans secrétaire de la faculté, dont il occupa le dé-
canat l'espace de trois ans. Pendant son séjour à
Toulouse , M. Moquin-Tandon associa à ses re-
cherches scientifiques quelques travaux litté-
raires. Outre, plusieurs pièces de vers dans l'idiome
languedocien, qu'il fit insérer dans divers recueils
du midi , il composa un charmant badinage ,
contrefaçon aussi habile qu'exacte de la vieille
langue romape. Publié sous le titre de Carya
Magalonensis (Le Noyer de Maguelone), Tou-
louse, 1836, in-8°, comme un manuscrit du qua-
torzième siècle, ouvrage d'un ancien troubadour,
il trompa la clairvoyance des plus expérimentés ,
et Raynouard lui-même, dont les décisions sem-
blaient infaillibles, crut à l'authenticité daCarya,
et s'empressa d'écrire à l'éditeur pour le remercier
de cette utile publication et lui annoncer qu'il y
avait recueilli plusieurs mots pour son Lexique
roman (1).
Nommé chevalier de la Légion d'Honneur le
28 avril 1 843, il fut en 1850 chargé par le gouver-
nement d'une mission spéciale en Corse pour
terminer la Flore de la Corse, en collaboration
avec M. Montagne. Le 30 avril 1853, il fut choisi
par M. Fortoul pour remplir à la faculté de mé-
decine de Paris la chaire d'histoire naturelle médi-
cale, laissée vacante par la mort du professeur
Achille Richard. Il eut en même temps la direc-
tion du Jardin des Plantes de cette faculté, et le
20 février 1854 succéda à Auguste Saint-Hilaire
à l'Académie des Sciences.
Outre les travaux cités, on a de M. Moquin-
Tandon : Mémoires sur les œufs des oiseaux
et des reptiles, insérés dans les Annales lin-
néennes de Paris; — Essai sur les dédouble-
ments ou multiplications d'organes dans les
végétaux; Montpellier, 1826, in-4°,avec planches.
Ce travail précieux a été réimprimé en entier dans
^Bibliothèque universelle de Genève, etdeCan-
dolle en adopta les principales idées, qu'il renferma
dans le premier volume de son Organographie
végétale; — Monographie de la famille des
Hirudinées, 1826, in-4°, avec sept planches, et
Paris, 1846, in-8°, avec atlas de 14 planches ; trad.
en allemand par Ernest Baër; — Essai sur la
phthisie laryngée syphilitique; 1 828, in-4°, avec
(1) Cet ouvrage, tableau vif et fidèle de la société dans
la.seigneurie de Montpellier au quatorzième siècle, (ut
alors tiré a cinquante exemplaires lithographies, dorés
et coloriés de la main de l'auteur, avec un prétendu fac-
similé du manuscrit original. Dans une seconde édition,
où la traduction se trouve en regard du texte roman,
M. Moquin-Tandon souleva le voile derrière lequel il s'é-
tait caché. Elle fut publiée â Montpellier et à Toulouse,
184'», in-12. Le titre principal et les litres des chapitres en
sont enluminés, et elle est précédée c"un avertissement dû
à la plume de M. Fortoul, ami intime de M. Moquin.
MOQUIN-TANDON — MORA
des notes de Dunal et de Lallemand ; — Chen
podearum monographica Enumcratio ; Pai
1840, in-8c. Le nombre des espèces dont se co
pose ce genre de plantes n'était, avant les
cherches du savant professeur, que d'une tr<
taine, tandis qu'il s'élève à quarante-six d;
son intéressante monographie; — Éléments
Tératologie végétale, ou histoire des auon
lies de l'organisation dans les véyélau
Paris, 1841, in-8°, trad. en allemand en li
et présenté à l'Institut par Auguste Saint-i
laire, comme établissant pour la première I
un lien scientifique entre des phénomènes an
maux jusque là observés et décrits isolément:
Histoire naturelle des Mollusques terrest
et fluviatiles de la France , contenant
études générales sur leur anatomie et h
physiologie et la description particulière i
genres, des espèces et des variétés; Pa;
1855, 2 vol. in-8°, avec atlas de 54 pi. Il a j(
à son ouvrage un livre spécial sur les anomai
qui affectent les mollusques, un autre sur l'utit
de ces animaux, et un troisième sur leur recl
che, leur choix, leur préparation et leur c<
servation; — Les Polygalées brasiliens (fl
du Brésil), avec Auguste Saint-Hilaire; — Go*
pectus Polygalarum florse brasiliese merià
nalis (avec le même ) ; — Mémoires sur la I
mille des Polygalées (avec le même) ; — 1
moires sur la symétrie des Capparidées (a
le même); tous ces. travaux sont insérés d
les Mémoires du Muséum d'histoire nai
relie; — Recherches anatomieo-physit
giques sur Vancyle (ancylus fluviatilis); —
vers autres travaux de botanique, publiés
1832 à 1849, en collaboration avec M. Phili|
Barker-Webb. Kurt Sprengel a dédié à M. '3
quin-Tandon un genre de plantes appartenan
la famille des lobéliacées : ce genre renferme i
seule espèce originaire du cap de Bonne-Es
rance, moquinia rubra, et Auguste Saint-)
laire lui a également dédié une jolie espèce
polygala à fleurs groupées en spirale , polygt
moquiniana. H. F. ( de Moutpellh
Biographie des Contemporains. — H. Fisquet, l
graphie ( inédite ) de l'Hérault.
mora ( Diego de ), peintre et homme
guerre espagnol , né au commencement du s
zième siècle, mort après 1535. Il avait accom[
gné Pizarre à la conquête du Pérou, et nous p(
sons qu'il avait fait partie des premières ex|
ditions, ou qu'il avait une grande facilité pc
apprendre les langues, car il savait sj bien
quichua, que l'empereur Arahualpa, se défiî
de l'interprète indien Philipillo, voulut qu'il
présent à l'interrogatoire qu'on lui fit subir,
nom de Mora se trouve néanmoins te derrl
parmi ceux des prétendus juges qui coniramr.
rent le souverain péruvien a la mort. Comi
Diego de Mora dessinait passablement, il fit
portrait de l'infortuné monarque, par ordre
Fernand Pizarre, et le signa. L'effigie de l'inca I
tj (37 MORA. -
• • mservée durant plus de deux siècles à Caxa-
■ » arca, et ce fut là que Velasco la vit encore;
si ce portrait qui a été donné tour à tour dans
* ['listoria de Carlos Quinto par Sandoval et
h iins Les Grands hommes d'André Thevet, sans
- . mpter Paul Jove et les nombreuses gravures
ii en ont été faites depuis. Cette effigie néan-
. i oins ne nous inspire qu'une confiance médiocre,
l'influence de l'ornementation de la Renaissance
i lait sentir. F. D.
(. i, Masco, Historia de Quito. — And. Thevet, Dict. Biog.
t;| MORX(Jéràme), peintre espagnol de l'école ma-
s I; ilène, né vers 1540, mort en 1599. Il était élève
slii Alonso-Sanchez Coëllo. Son talent le fit appeler
s f acour d'Espagne pourdécorer les appartements
: , la reine, au Pardo. Plusieurs autres châteaux
i. | yaux, entre autres Madrid, Saintrlldefonse, l'Es-
,i I liai, le Panlar, etc., possèdent de ses œuvres.
h \ ncente Joanes étant mort le 21 décembre 1579,
i, | ssant esquissée seulement une Cène dans le cou-
4l' nt des Dominicains de Valence, Mora la ter-
ci' na, et ne resta point au-dessous du grand ar-
H te qu'il remplaçait. « C'est, dit Pierre Orfelin de
[ ultiers, l'éloge le plus flatteur que l'on puisse
jre de Mora. » A. de L.
j, 'alomino, El Museo de la Pintura. — Guevarra, Los
ï! menlurios de la Pintura. — Cean Bermudes, Diccio-
'<■■ | rioliistorico de las Bellas Artes en Espanu. — Quillier,
twpt des Peintres espagnols.
■ li» mora ( Jose-Joaquin de), littérateur es-
; (gnol, né en 1784, à Cadix. Fils d'un magistrat,
i tôt ses études à Grenade, et devint professeur
il | collège de San-Miguel, où il eut pour élève
ï Martinez de La Rosa, qui est demeuré son
-|oi. Lors de l'occupation française, il prit les
i imes, et assista à la bataille de Baylen; mais,
. ( ant eu le malheur de tomber bientôt après aux
ainsde l'ennemi, il fut envoyé à Autun, comme
isonnier de guerre, et s'y maria. En 1814, il
ntra dans son pays, exerça la profession d'a-
>cat à Madrid, et dirigea La Cronica cienti-
~a y literaria, feuille périodique, qui acquit
us d'importance sous le titre oVEl Constitu-
ional. Quoiqu'il jouît à la cour de quelque fa-
iur et qu'il eût été chargé par Ferdinand VJÏ
,une mission à Rome , il s'associa au mouve-
ent libéral de 1820, et se compromit à un tel
•int qu'il jugea prudent de ne pas attendre
I rrivée des Français et d'émigrer en Angleterre
S23). A la recommandation de Blanco White,
i obtint dit férents travaux du libraire Ackermann,
;ii venait de fonder dans les colonies espagno-
ls de l'Amérique plusieurs établissements des-
ités à la diffusion des littératures d'Europe. En
i- 27 il se rendit à Buenos- Ayres, et rédigea la
onica polilica sous la présidence de Riva-
, via. A la chute de ce dernier, il passa au Chili,
j- y fut pendant quelques années directeur d'un
iblissement d'éducation, nommé Chilian Ly-
: um. En même temps il collaborait au Mercu-
■o Chileno , prenait part aux affaires comme
jus-secrétaire d'État, envoyait au congrès un
: udèle de constitution, et usait de son influence
MORAES 438
pour faire adopter en 1830 les principes du libre
échange, auxquels le Chili est redevable de trente
ans de progrès et de prospérité. Un mouvement
politique amena J. de Mora au Pérou : il fit à
Lima des cours sur le droit et sur la philosophie
écossaise. Secrétaire particulier du général Santa-
Cruz, président de la Bolivie ( 1834), et consul
général de cette république à Londres ( 1838 ), il
revint en 1843 en Espagne, fut placé à la tête
du collège de San-Felipe à Cadix, et abandonna
encore cette position en 1856 pour se rendre en
qualité de consul à Londres, où il est encore. It
est membre de l'Académie royale de Madrid. On
a de lui : No meolvides; Londres, 1824-1827,
4 vol. in-8° fig. ; Annuaire littéraire à l'imitation
du Forget me nol anglais; — Cuadros de la
hisloria de los Arabes ; Londres, 1826, 2 vol. -y
— Meditaciones poeticas ; Londres, 1826, in-4°;
■%* Legendas Espanolas ; Londres, 1840, in-8°;
— un traité Sur les Synonymes espagnols. Il
a aussi traduit en espagnol ïvanhoe et Le Ta-
lisman de W. Scott, et il a édité les œuvres de
Louis de Grenade pour la collection des classi-
ques de Rivadeneyra. P. L — y.
Ferd. Wolff, Floresta de Rimas modernas Castel-
lanas.
morabin (Jacques), érudit français, né à La
Flèche, le 5 mars 1687, mort à Paris, le 9 septem-
bre 1762. Il était secrétaire du lieutenant de po-
lice de Paris. On ne connaît pas d'autre circons-
tance de sa vie. Ses ouvrages ne sont j>as saps quel-
que mérite. On lui doit : Traité des Loix, de Ci-
céron, traduit en français, avec des remarques;
Paris, 1719, in-12; — Des Orateurs : savoir si
les modernes sont inférieurs aux anciens?
traduction d'un dialogue attribué à Tacito; Pa-
ris, 1722, in-12; — Histoire de l'Exil de Cicé-
ron; Paris, 1725 et 1782, in-12; — Traité de
la Consolation, traduit de Cicéron, avec deux
Dissertations sur Sigonius et sur Alcyonius ;
Paris, 1753,etanm, in-12 ; — Nomenclator Ci-
ceronianus, index de tous les noms propres qui
se rencontrent dans les œuvres de Cicéron; Pa-
ris, 1757, in-12; — Histoire de Cicéron, avec
des Remarques historiques et critiques; Paris,
1745, 3 vol. in-4°; — La Botte du Jésuite,
sans date connue. On doit encore attribuer à Mo-
rabin V Avertissement qui précède le Dialogue
de la Musique des Anciens, par l'abbé de Cha-
teauneuf. B. H.
Quérard , La France Littéraire. — B. Hauréau, Hist.
Litt. du Maine, t. IV, p. 279. — Narc. Desportes, Bibliog.
du Maine.
moraes (Francisco de ), écrivain portugais,
né à Bragance, assassiné à Evora, en 1572. Il fit
des études excellentes , et entra dans la diplo-
matie, après avoir été trésorier de la maison du
roi Jean III. Il vint à Paris, au temps de Fran-
çois Ier, en qualité de secrétaire d'ambassade,
durant une mission confiée àD. Francisco de No-
ronha, deuxième comte de Linhares.Moraes quitta
la France sous le règne de D. Sébastien, et revint
en Portugal, mais ce retour lui fut fatal : il fut as-
439
MORAES
sassiné à la porte du Rocio à Evora, à l'époque où i opuscules imprimés chez Diego Ferrer, qu'il su
la cour faisait momentanément sa résidence dans
cette ville. Le Palmerin d'Angleterre, quia des
branches si nombreuses, est, selon nous, l'œuvre
capitale de Moraes, et nous partageons sous ce
rapport l'opinion de Robert Southey, de M. de
Monglave et du savant Odorico Mendes. Toute-
fois, cette origine ne peut plus être prouvée bi-
bliographiquement. La première édition de ce
livre est antérieure, disent les Portugais, à l'an-
née 1547; néanmoins, jusqu'à ce jour on n'a pu
la produire pour éclaircir la discussion. D'autre
part, il le faut bien dire, la traduction espagnole
est précisément de cette date; elle porte le titre
suivant : Libro del muy esforçado cauallero
Palmerin de Inglaterra, hijo del rey dô Duar-
dos : y de sus grandes proezas : y de Flo~
riano del desïerto, su hermano : con algunas
del principe Florendos, hijo dePrimaleon ; im-
pressoano MDXLVIII, et à la fin MDXLVII;
— Libro segundo, en cl quai se prosiguen y
han fin los muy dulces amores que tuuo con
la Ynfanta Polinarda, dando citna a mu-
chas auenturas, y ganando immortal fama
con sus grandes fechos. Y de Floriano del
desierto, su hermano, con algunas del prin-
cipe Florendos, hijo de Primaleon. Toledo, en
casa de Fernando de Santa- Cathalina, de-
Junto, que aya gloria... acabose a XVI del
mes de Julio de MDXLVIII, 2 vol. petit
în-fol., car. goth. Tous ceux qui ont lu D. Qui-
chotte se rappellent le magnifique éloge que Cer-
vantes a placé dans la bouche du curé, qui égale
Se Palmerin aux plus belles conceptions de la
poésie (1). Observateur de la tradition, l'immor-
tel romancier ne nie point que cette riche con-
ception ne soit due à une plume portugaise, mais
il en fait honneur à Jean II, qui n'était pas seu-
lement un grand roi, mais qu'on regardait comme
un poète exercé : Cervantes suivait ainsi l'opinion
de Faria y Souza. Nicolas Antonio, qui, pour la cri-
tique, offre uneautorité tout autrement imposante,
n'hésite pas à reconnaître Francisco de Moraes
comme auteur du Palmarin, et sur ce point on ne
doit pas s'attendre à ce que Barbosa Machado le
contredise. De notre temps la discussion a pris
un caractère tout différent; sur de vagues indi-
ces , un bibliographe espagnol d'une incontestable
habileté, Vincent Salve , avait cru pouvoir démen-
tir la tradition : c'était Ferrer, l'éditeur du Pal-
merin, qui en était l'auteur. Plus tard, le fils du
savant bibliographe, en examinant attentivement
l'édition de 1547, lut dans un acrostiche formé
par des stances imprimées en tête du volume,
Luis Hurtado, autor, al lector da salud, et,
se rappelant que Hurtado avait donné plusieurs
(1) « Déchirons ce Palmerin d'Olivre, brûlons-le et jc-
tons-en les cendres au vent; mais conservons ce Palme-
rin d'Angleterre, comme un livre précieux, et faisons /aire
pour l'enfermer une cassette pareille à celle qu'Alexandre
trouva dans les dépouilles de Darius et qu'il fit mettre à
part pour y garder les poèmes d'Homèrc.»[D. Quichotte,
llv. I, en. vi. |
posait être frère de l'éditeur du Palmerin, n'1
sita pas à regarder ce nouveau venu comme
véritable auteur de l'œuvre contestée. Sal
accueillit cette petite découverte avec un empr
sèment tout paternel; mais il est inutile de d
que l'opinion du savant bibliographe ne fut ni
lement partagée par les Portugais, et dans <
derniers temps, l'habile traducteur de Virgile
commandeur Odorico Mendes , a réuni avec v
critique pleine de sagacité , toutes les preui
qui restituent ce beau livre à la littérature pi
tugaise. Sans nul doute la question serait défi
tivement tranchée si, comme l'espérait le pi
fesseur Nunez de Carvalho, on pouvait repi
duire une édition contemporaine de l'ouvre
castillan.il le faut avouer, cette édition prince^
si elle existe, a échappé même aux investigatic
de M. Innocencio F. da Sylva, et il ne cite c
la suivante : Chronica de Palmeirin de Ing<
terra, primeira e secunda parte ; Evora, ]
André de Burgos, 1567, in-fol. goth. Ce bibl
graphe, peu favorable à Moraes, présente com
édition usuelle le livre suivant, qui a l'avanti
de réunir les autres ouvrages de l'auteu
Chronica de Palmeirin de Inglaterra, p
meira e secunda parte por Francisco de il
raes a que se ajuntam as mais obras
mesmo auctor; Lisbonne, 1786, 3 vol. inn
Cette réimpression a été dirigée par Costa
Macedo. Le Palmerin a été traduit dans tou
les langues. La version française a été donné
Lyon en 1553 par maistre Jacques -Vincent
Crest-Arnauld, en Dauphiné,'puis en italien |
Rosco. Ces versions ^primitives se trouvent à
bibliothèque de l'Arsenal. De nos jours M. Eugi
de Monglave a traduit ce roman célèbre, sous
titre : Palmerin d'Angleterre, chronique pi
tugaise, par Francisco Moraes; Paris, 18'
3 vol.in-12. La version anglaise de Robert Se
ihey jouit également d'une honorable renomai
On a encore de Moraes : Dialogos, com um t
sengano de amor sobre certos amores que ti
em Fiança comumadama/rancezadarain
D. Léon or; Evora, 1624, in-8°. Nous ne ten
nerons pas cet article sans rappeler que les part
3, 4, 5 et 6 du Palmerin n'ont jamais été ce
testées à la littérature portugaise; elles ontpc
auteurs Domingos Fernandez et Balfhazar Gc
çalvez Lobato. Ferdinand Denis.
Barbosa Machado, Bibliotkeca Lusitana. — Diccioi
rio bibliographico Portuguez, t. III. — Brunet, Man
du Libraire. — A- Catalogué of Spanish and Por
guese boots, par Vincent Salvâ; Londres, 1826, in-80.—
Bulletin du Bibliophile, pub. parTecbener. — Mémo;
da Academia das Sciencias.
moraes ( Christovam Alâo de) , poète pc
tugais, né le 13 mai 1632 (1), mort le 19 n
1693. Il alla se perfectionner dans ses études
Coïmbre en 1645, et il s'y livra surtout à la pi
losophie et aux mathématiques. Injustenu
(1) Et non le 2 mars 1630, comme le dit Barbosa h
chado.
41 MORAES — MORALES
npliqué dans une déplorable affaire où il ne
, 'agissait de rien moins que d'un assassinat, il
arvint à se justifier, et fut promu à quelques
I inées de là aux plus honorables fonctions de la
, lagistrature ; il résida dès lors à Porto. Il a beau-
i )up écrit, mais peu de ses livres ont été impri-
iés; le plus important, quoique inédit, est la Ge-
t°alogiadas Casas de Portugal, en 8 vol. in-fol.
i e vaste recueil a paru récemment dans une vente,
i n'a malheureusement pas été acheté. Les poé-
| es d'Alâo de Moraes, Grinalda d'Apollo; 0
liclope namorado; Fonte perenne do Par-
I ïsso, jouissent d'une grande renommée, mais
ont pas vu le jour. Quelques sonnets, quelques
k testes légères dont Moraes est l'auteur ont été
l îprimés à Porto, en 1671 et 1672. On conserve
[ i grand poëme de lui sous le titre d'As Quinas
l : Portugal; il n'a pas moins de quatorze chants,
[ est consacré aux gloires nationales. F. D.
[ Le Panorama, jornal literario, t. VIII. — Diccio-
f :rio Bibliografico Portuguez.
moraes si i,va ( Antonio de ), lexicographe
ésilien célèbre, né à Rio-de-Janeiro, vers 1756,
Drt à Pernambuco, en 1825. Il étudia à Coïmbre
suivit la carrière de la magistrature; il oc-
pa même un emploi important en cette qua-
1 é à Bahia. A la suite de discussions survenues
tre le chancelier et lui , il se retira à Pernam-
jco. Il acquit dans cette province d'importan-
1 5 propriétés, devint seigneur d'Engenho, et fut
immé colonel de la milicede Moribeca, lors de
i révolution de 1817. On voulut l'élire membre
j gouvernement provisoire, mais il refusa ces
intes fonctions, et vint alors, nous assure-t-on,
Mter la France. Il succomba à un ramollisse-
ent du cerveau. On a de lui un dictionnaire
j rtugais , qui jouit encore de la faveur la plus
éritée et qui a eu six éditions. La première a
\\m sous ce titre : Diccionario da Lingua
hrtugueza; Lisbonne, 1789, 2 vol. in-4°. La
•raière, considérablement enrichie par Agos-
iiho de Mendonça Falcâo, est de beaucoup
rpérieure aux autres. On a encore de Mo-
| es Silva : Historia de Portugal composta em
\glez por uma sociedade de litteratos,
'asladada em vulgar, com as addiçoes da
rsào franceza e notas do traductor por-
uguez; Lisbonne (publication de l'Académie des
'iences), 1788 et ann. suiv., 3 vol. in-8°; réimp.
fi i vol., 1802. Le tome 4e, consacré au règne
i Dna Maria F, a été composé par le P. Joze-
|?ostinho de Macedo; — Epitome da Gram-
atica da Lingua Portugueza;L\sboxine, 1806,
•8°; — Becreaçâo do homem sensivel, o
lleçâo de exemplos verdadeiros e pathe-
:os, etc.; trad. de M. Arnaud. F. D.
Revista ■ trimensal de Instituto historico do Brasil,
XV. — Percira da Sylva , faroes illustres do Brasil,
11. p. 310. — Innocencio Francisco da Sylva, Diccio-
jtTfo Biblioçraphico Portuguez; Lisbonne, 1858 et
in. suiv., 1. 1.
moralejo (Joseph ), littérateur espagnol ,
9 à Madrid, vers 1710. Il continua le recueil de
442
contes et de nouvelles qu'Antonio Sanchcz Tor-
toles avait publié en 1671, et qui avait été réim-
primé plusieurs fois sous le tifre : El Entrete-
nido. La segunda parte, mise au jour à Madrid
en 174 1 par Moralejo, contient un amalgame d'a-
necdotes, de morceaux poétiques , de calculs as-
tronomiques, d'ew tremeses; des amis passent
quatre jours ensemble et s'amusent à se raconter
mutuellement des histoires, à promener leur
attention de sujet en sujet. Malheureusement
il n'y a ni esprit ni intérêt dans leurs entretiens.
G. B.
Baena, Hijos de Madrid, t. III, p. 81. — Ticknor,
History of Spanish Literature, t. III, p. 250.
morales ( Luiz de ) , surnommé el Divino,
peintre espagnol, né à Badajoz, en 1509, mort
dans la même ville, en 1586. Il commença l'é-
tude de son art à Valladolid et se perfectionna
à Tolède , où il y avait à cette époque d'excel-
lents maîtres. Il revint ensuite à Badajoz , et
travailla pour presque toutes les églises ou cou-
vents de l'Espagne. Philippe II l'appela pour dé-
corer l'Escurial. Morales avait acquis de grands
biens, et aimait trop à s'en faire honneur. Il
parut à la cour avec un train princier. Ce faste
blessa plusieurs favoris du monarque, qui était
lui-même fort économe dans ses dépenses de
luxe; il prêta une oreille complaisante aux en-
vieux deMorales, et l'artiste reçut presque aussitôt
son arrivée une indemnité de route et l'ordre
de retourner dans sa province. La nouvelle de
cette éclatante disgrâce éloigna de lui sa nom-
breuse clientèle. Le peintre en défaveur n'était
plus le Divin. Il ne travailla bientôt plus que pour
vivre, et fut obligé de donner ses œuvres à des
prix humiliants. Ce fut alors qu'il fit son superbe
tableau de La Voie des Douleurs, que Philippe II
acheta pour les Hiéronymites de Madrid. Le
maître était dans une disposition d'esprit à bien
traiter un pareil sujet. Pour comble d'affliction,
avec l'âge sa vue s'affaiblit et sa main perdit
sa fermeté. Il était dans la plus profonde misère
lorsque, passant par Badajoz, en 1581, Philippe II,
revenant de prendre possession du Portugal, eut
lafantaisiede le voir. « Tu es bien vienx,Morales,
lui dit-il. — Et encore plus pauvre, sire, répliqua
el Divino. « Le roi fut touché de la misère de
cette gloire déchue , et assigna à Morales une
pension annuelle de 300 ducats (1,317 fr. )
Les qualités qui ont mérité à Luiz de Morales
son surnom consistent dans l'exactitude du plus
austère dessin; dans la connaissance profonde
des nus , la dégradation des teintes et surtout
dans l'art de peindre les passions. Morales est
par excellence le peintre du sentiment, de l'ex-
pression et du fini le plus parfait. « Il apportait,
dit Quilliet, une prolixité rare dans les barbes
et les cheveux, qui , à la loupe, sont d'un détail
surprenant, et de loin n'en sont pas moins d'un
effet admirable » ; aussi Morales, que l'on peut
justement surnommer le Bellin espagnol, met-
tait-il à ses travaux un temps très-long. Néan-
443
moins, malgré cette lenteur, il a laissé des ta
bfeaux dans presque toutes les églises d'Alcan-
. tara, Arroyo-del-Puerco, Avila, Badajoz, Bur-
gos, La Calzada , Grenade, La Higuera-de-Fre-
genal, Madrid, Miraflores, La Puebla , Séville,
Tolède, Valladolid, au palais du Pardo , dans
beaucoup de couvents , dans beaucoup de pa-
lais et de galeries d'amateurs. Rarement il a
peint des épisodes compliqués ; son chef-d'œuvre
en ce genre est La Voie des Douleurs : il se
bornait à des sujets simples, tels que des Christ,
des Vierge, des Saints, toujours sur bois.
Il a laissé un fils et quelques élèves, qui, outrant
son genre, n'ont fabriqué que des Ecce homo dé-
charnés , des Madones osseuses, des Chérubins
étiolés, des Bienheureux étiques. Ce sont ces
caricatures horribles que quelques prétendus
amateurs ont décorées du nom d'école de Mo-
rales el Divino. A. de L.
Palomino y Velasco, El Museo de la Pintura. —
Quilliet, Dictionnaire des Peintres espagnols. — Cean
Bermucks, Diccionario historieo de los mas illustres
Professores de las bellas artes in Espaîia: — Don-
José Mussoy-Valiente , Coleccion de Cvadros que se
conservan en reaies palacios; Madrid, 1826. — Viar-
dot, Étvdes sur l'histoire des beaux-arts en Espagne;
Paris , 1835.
morales ( AmbroiseDE), historien espagnol,
né àCordoue, en 1513, mort en 1591. Il était fils
d'Antoine Morales, médecin, philosophe, le pre-
mier professeur de philosophie péripatéticienne à
l'université d'Alcala , et neveu du savant Perez
d'Oliva, qui présida à son éducation. De Thou
raconte qu'il entra dans l'ordre de Saint-Domi-
nique et qu'il en fut exclu pour avoir, dans un
accès de folie religieuse, imité l'exemple d'Ori-
gène. Ticknor dit aussi que « Morales, dans sa
jeunesse, se mutila cruellement pour préserver
la pureté sacerdotale de sa vie ». Cet acte insensé
ne paraît pas bien attesté, et Nicolas Antonio l'a
révoqué en doute. Il est certain que Morales entra
dans les ordres, qu'il obtint de bonne heure
plusieurs bénéfices, et qu'il occupa une place
éminente parmi les professeurs de l'université
d'Alcala. Nommé en 1570 historiographe du roi
d'Espagne Philippe II . il se consacra à l'achè-
vement de l'histoire commencée sur une vaste
échelle par Ocampo; mais il se mit à sa tâche
trop tard. Il avait déjà soixante-sept ans, et quand
il mourut, onze ans plus tard , il n'avait conduit
son ouvrage que jusqu'à l'union des couronnes
de Castille et de Léon, en 1070. Sandoval le re-
prit à cette date, et le conduisit jusqu'à là mort
d'Alphonse VII, en 1097. « Si imparfaite, dit
Ticknor, que soit la portion que Morales com-
pila dans sa vieillesse, nous ne pouvons nous
empêcher de la regarder, non pas, it est vrai,
comme une composition historique aussi sage et
aussi bien pesée que celle de Zurita, mais
comme une œuvre qui atteste bien plus d'ha-
bileté et témoigne d'un esprit bien plus éclairé
que l'ouvrage d'Ocampo, dont elle est une con-
tinuation. Son style malheureusement manque
de correction , circonstance d'autant plus remar-
MORALES 4
quable que Morales avait la prétention de par ;
le bon castillan , comme fils d'un noble dé I
haute caste et neveu de Fernand de Oliva. r|
L'Histoire d'Ambrosio Morales ( Coronica ; h
neral de Espana, prosiguiendo adelante |
cinco libros que el maestro Florian Docam\ U
coronista del emparador D. Carlos V, de\
escritos ) fut publiée pour la première foi; j
Alcala, 1574-1577, 3 vol. in-fol. ; la meilleure é j
tion est celle de Madrid , 1791, 6 vol. pet. in- a
auxquels on ajoute ordinairement 2 volumes da {
de 1792 sur les Antiquités espagnoles, et 3 v|
de plus, datés de 1793 et contenant les Œuv:l
mêlées de Morales. Le tout est précédé de I'éI
toire d'Ocampo en 2 vol. et suivi de la coil
nuation de Sandoval en 1 vol. Les trois autei
Ocampo, Morales et Sandoval, pris ensembj
forment pour ainsi dire un seul ouvrage, qui po
le titre général de Coronica gênerai de Espai
Outre l' Histoire de Morales, on a de lui : De 1
Antigûedades de las Ciudades de Espanl
con un discurso gênerai , donde se ense I
como se deben hacer las averiguaçianes pc\
bien entender las antigûedades, imprimé a1!
V Histoire; — Viage por orden del rey PI
lipe a los regnos de Léon, y Galicia, y pri I
cipado de Asluria ; Madrid, 1765, in-fol. ; I
La Vida, el Martyrio, la Lnvencion, A
Grandezas y Translaciones de los glorio I
ninos martyres San Justo y P aster ; Alcal
1568, in-4° ; Morales publia les Œuvres de J
oncle Perez de Oliva, Cordoue, 1588, in-4°|
y ajouta quinze discours sur divers sujets I
philosophie , de morale et de littérature et il
traduction espagnole du Tableau de Cébès. I
style de ces opuscules vaut mieux que celùiil
Y Histoire, mais la doctrine en est peu profon
Z. I
N. Antonio, Bibliotheca Hispana nova. — Bouterwi
Hist. de la Littérature espagnole, t. I, p. 369. — T fi
nor, History of Spanish Literuture , t. III, p. 129.
morales ( Juan de ), poëte espagnol du I
zième siècle, né en Andalousie. On n'a point
détails sur sa vie et on ignore la date del
mort. On a de lui d'excellentes traductions
quelques odes d'Horace et une églogue qui t
un des chefs-d'œuvre de la littérature espagn»
en ce genre. Ses poésies ont été insérées di
les Flores de Poetas illustres de Pedro Es|
nosa. Z.
Sedano, Parnaso Espailol. — Ticknor, History of S
nish Literature, t. III, p. 13.
morales (Gaspar), médecin et natiij
liste espagnol, né à Saragosse, vivait dans}
seizième siècle. Après avoir fait ses études;
Alcala, il s'établit à Parenellos, où il exerça
professions de médecin et d'apothicaire. On a
lui un traité : De las Virtudes y Propriec\
des maravillosas de las Piedras preciosi]
Madrid, 1605, in-8". Ce petit ouvrage, préciet
à cause de sa rareté, contient,, à côté de beJ
coup de rêveries, des recherches curieuses, j
Nicolas Antonio, Biblioth. Hispana nova.
45 MORALES
morales (Jean-Baptiste), missionnaire es-
agnol, né vers 1597, à Ecija (Andalousie), mort
: 17 septembre 1664, à Fo-ning-tcheou (Chine).
ngngé de bonne heure dans l'ordre de Saint-
ominique, il fut envoyé à la mission des lies
liilippines (1618) ; pendant une relâche à Mexico,
y avait reçu les ordres. En 1629, il fit d'inu-
es efforts pour fonder un établissement reli-
eux dans le Mogol. Il se rendit en 1633 en Cbine,
prêcha l'Évangile dans la province de Fokien ;
sévérité lui attira de grandes persécutions de
part des mandarins , excités , dit-on , par les
suites, qui n'avaient pas vu sans jalousie les
jminicains s'établir à leur suite, dans une con-
te où ils avaient pénétré avec tant de peine,
•rcé de sortir de la Chine (1638), le P. Mo-
les fut délégué par ses confrères auprès de la
ur de Rome, afin de lui dénoncer les pratiques
dolâtrie permises par les jésuites aux néo-
ytes chinois. Après avoir couru de grands dan-
rs dans son voyage, il arriva à Rome en 1643,
présenta au pape Urbain VIII un mémoire
fltenant dix-sept propositions, et qui fut im-
, imé. Entre autres griefs, il reprochait aux jé-
Ittes de dispenser les chrétiens de suivre les
mmandements de l'Église; de permettre l'u-
<rb, de sacrifier aux idoles, pourvu qu'ils eussent
ttention de cacher une croix à laquelle ils rap-
[ rteraient leurs adorations ; d'autoriser le culte
Confucius et celui des ancêtres ; de ne point
)ritrer le crucifix aux catéchumènes et de ne
.». l'exposer dans leurs églises. Tous ces abus
eût condamnés par ifn décret d'Innocent X
8 septembre 1645), et Morales, qui se trou-
it alors à Madrid, s'empressa de repartir pour
•rient , accompagné de trente religieux de son
prèv parmi lesquels se trouvaient Navarrète
Prado. Malgré toute sa diligence, il ne parvint
i Chine qu'en 1649, et y rendit publique la dé-
iioi du saint-siége. Quelques années après, il
1 1 la douleur de la voir annuler dans toutes ses
positions par le pape Alexandre VII (1656);
conformant toujours à la saine doctrine , il
mbattit tant qu'il vécut les jésuites par sa
rôle et par ses écrits ; les accusa de nouveau
1661 devant la congrégation de la Propagande,
refusa constamment le baptême à ceux qui ne
flulurent point renoncer au rit chinois. On a
\ lui : Quéesita XV 1 1 proposita; Rome, 1645,
•4»; — Catechismus sinice scriptus, 1649;
et plusieurs écrits relatifs à sa querelle avec
Jésuites. P.
chardet Quétif, Seriptor. Ord. Prxdicatorum, tï ,
morales (Jean -Baptiste), moraliste et
I ducteur espagnol , né à Montella ( Anda-
jsie ), vivait dans la première partie du dix-
''•tième siècle. On a de lui : Jardin de suer-
morales y ciertas; Séville, 1616, in-16;
'j'ueil de sentences morales; — Jornada de
rica del roy don Sébastian de Portugal;
1 riHe, 1622, in-8° ; — Corte de Aldea y nv-
— MORAND
446
ckes de invierno ; Séville, in-8°, traduit d'un
roman portugais de Lobo. Z.
Nicolas Antonio. Bibllotheca hispana nova.
morali ( l'abbé Octave), philologue ita-
lien, né en 1763, à Bonate (province de Ber-
game), mort le 13 février 1826. Après avoir
fait ses éludes à Bergame, dans le collège des
jésuites, il fut précepteur dans plusieurs maisons
de Brescia et de Venise. Il voyagea ensuite en
France, et s'arrêta à Paris pour y compléter son
instruction dans la philologie grecque et latine.
De retour en Italie, il adopta avec modération
les idées nouvelles que la révolution française
avait fait pénétrer en Italie, et devint membre du
corps législatif de la république cisalpine. Au
sortir de ses fonctions politiques, il fut nommé
professeur de littérature grecque et bibliothé-
caire au collège de Brera, place qu'il garda jus-
qu'à la fin de sa vie. Avec du savoir et du goût,
il se contenta de faire des élèves distingués ,
écrivit très-peu et laissa une réputation inférieure
à son mérite. Il s'était beaucoup occupé d'un
dictionnaire grec, qu'il n'acheva pas. Il publia
une traduction en vers scïolti de Y Hymne à
Jupiter de Callimaque, avec le texte grec en
regard; Milan, 1807, in-8°. On lui doit une des
meilleures éditions de l'Arioste; Milan, 1818,
in-4°. Z.
Tipaldo. Bioqrafta deç/li Italiani illustri, t. I[.
MORAND (Saint), religieux de Cluni, né en
Allemagne, mort dans le onzième siècle. C'est
à l'école de Worms qu'il fit ses premières études.
Il se rendit ensuite en Bourgogne, à l'abbaye de
Cluni, que gouvernait alors le célèbre Hugues
de Semur, et y fit profession d'observer la règle
de Saint-Benoît. Sous la sévère discipline de
l'abbé Hugues, Cluni formait des restaurateurs
de l'ordre monastique. Morand fut un de ses
zélés missionnaires. On le vit en Auvergne, puis
en Suisse, dans le pays de Bâle, relevant des
monastères déchus , ou en créant de nouveaux.
L'éclat de ses vertus et de ses services le fit
placer au nombre des saints. L'auteur de sa vie
lui attribue même plusieurs miracles. B. H.
Vita S-, Morandi, tians la Bibliotheca Cluniacensis ,
col. 501.
morand (Sauveur-François), chirurgien
français, né le 2 avril 1697, à Paris, où il est
mort, le 21 juillet 1773. Fils d'un habile prati-
cien (1), il termina de fort bonne heure ses études
classiques au collège Mazarin, et fit de tels pro-
grès dans la chirurgie que dès 1712, à peine âgé
de quinze ans , il compta parmi les aides de
l'hôtel des Invalides, où il fut attaché en qua-
lité de chirurgien aussitôt qu'il eut reçu ce titre
(1724). Admis depuis 1722 à l'Académie des
Sciences, et bientôt après à la Société royale de
Londres, il devint en 1"25 démonstrateur des
(1) Morand (Jean), né en 1658, dans le Limousin, et
mort le 7 novembre 1726, à Parts, fit pendant vingt huit
ans les fonctions de chirurgien major à l'hotet des in-
valides. Il tenta le premien'amputalion du bras dans sou
articulation avec l'omoplate.
447
opérations de chirurgie dans sa compagnie, et
passa en Angleterre en 1729, pour apprendre du
fameux Cheselden la façon de tailler la pierre
par l'appareil latéral. Nommé en 1730 censeur
royal et chirurgien en chef de l'hôpital de La Cha-
rité , il remplit encore d'autres postes relatifs au
service militaire de santé , entre autres celui de
chirurgien major des gardes françaises. En 1751
il reçut le cordon de Saint-Michel. Morand avait
une figure ouverte et prévenante , un ton poli ,
un esprit aimable et gai ; il s'exprimait avec fa-
cilité, il était versé dans la connaissance des an-
tiquités , des médailles et des belles-lettres; dans
sa profession il avait acquis en peu de temps
le renom d'un savant anatomiste, et le nombre
des élèves qui accouraient à ses leçons était
quelquefois si grand que, ne pouvant les loger
tous chez lui , les maisons voisines de la sienne
en étaient remplies. Il appartenait à la plupart
des sociétés savantes de l'Europe, et entretenait
un commerce de lettres avec Morgagni , Chesel-
den, Sloane, Sharp, Haller, van Swieten, etc.;
il fut l'un des premiers protecteurs de Sabatier,
et lui donna sa fille en mariage. On a de lui :
Traité de la Taille au haut appareil ; Paris,
1728, in-8°; trad. en anglais par Douglas (Lon-
dres, 1729, in-8°); — Éloge historique de
M areschal, premier chirurgien duroi; Paris,
1737, in-4°; — Réfutation d'un passage du
Traité des Opérations de Sharp; Paris, 1739,
in-12 ; — Discours pour prouver qu'il est
nécessaire à un chirurgien d'être lettré;
Paris, 1743, in-4°; — (avec Bremond) Recueil
d'expériences et d'observations sur la pierre ;
Paris, 1743, 2 vol. in-12 ; — L'Art de faire des
Rapports en Chirurgie; Paris, 1743, in-12;
— Catalogue des pièces d'analomie , instru-
ments, machines qui composent l'arsenal de
chirurgie à Pétersbourg ; Paris, 1759, in-12;
cette collection fut faite par les soins de Mo-
rand , qui fit exécuter par M>'e Biheron , habile
modeleuse, toutes les pièces d'anatomie artifi-
cielle; — Opuscules de Chirurgie; Paris, 1768-
1772, 2 part. in-4°, trad. en 1776, en allemand ;
— de nombreux mémoires dans les recueils de
l'Académie des Sciences (1722-1770) et de l'A-
cadémie de Chirurgie. P. L.
Morand ( J.-F.-C), Éloge dé S<-F. Morand, à la tête du
Catalogue des livres de ce dernier. — Grandjean de
Fouchy, Éloge de S.-F. Morand, dans les Mém. de
VAcad. des Se., 1773. — Nécrol. des hommes célèbres,
177*. — Éloy, Dict. hist. de la Médecine.
morand (Jean-François-Clément), méde-
cin français, fils du précédent, né le 29 avril
1726, à Paris, où il est mort, le 13 août 1784.
Quoique élève de son père, il préféra la méde-
cine à la chirurgie, et fut reçu docteur en 1750;
mais il borna ses soins aux malheureux et à
quelques amis. En 1759 il entra dans l'Académie
des Sciences comme adjoint anatomiste, et plus
tard il y remplit l'emploi de bibliothécaire. Il fit
aussi partie des sociétés savantes de Stockholm,
de Londres , de Harlem , de Madrid , de Berne
MORAND , $
et autres. « Le goût naturel de Morand, dit C I
dorcet, le portait à cultiver les sciences, n
beaucoup moins à en approfondir une en pa
culier qu'à les effleurer toutes et à rasseml û
sur chacune les faits singuliers ou importants, h
observations neuves ou utiles qui s'offraiei k
sa curiosité , et qu'il cherchait avec une acti &
infatigable. » Nous citerons de lui : Histoin a
la maladie singulière et de l'examen du j*
davre d'une femme devenue en peu de te\ V
toute contrefaite par un ramollissement [$
néral des os; Paris, 1752, in-12 fig.; on 1
encore la pièce anatomique dans le cabinel tà
la faculté de médecine ; — Nouvelle Desc \4
tion des Grottes d'Arcy ; Lyon, 1752, in-12 h
Quœslio medica : an ex heroibus heroes P Pi U
1757,in-4°, et en français ; L'Héroïsme se tri H
met-il des pères aux enfants ? même ani 1 1
— Du Charbon de Terre et de ses mines ; P; y
1769, in:fol.; — Mémoire sur la nature, m
effets, propriétés et avantages du chaivk
de terre; Paris, 1770, in-12 fig.; — L\Û
d'exploiter les Mines de Charbon de Te, m
Paris, 1768-1779, 6 part, in-fdl. fig.; — 1
lettres ou des mémoires Sur la Construc tk
intérieure et l'usage du thymus; Sur les m
tiquités trouvées en 1755 à Luxeuil; Smm
Eaux thermales de Bains; Sur la Pop I
tion de Paris ; Sur les Vers des Truffes, m
dans le Recueil de l'Académie des Scie M
(1755-1784). P. iM
Condorcet, Éloge de J.-F.-C. Morand, dans les , ■
de l'Acàd. des Se, 1784. — Biogr. Méd.
morand ( Pierre de ) , auteur dramal M
français, né à Arles, le 3 février 1701, iH
à Paris , le 3 août 1757. Il fit paraître de m m
heure beaucoup de goût pour la poésie, et ».
recevoir avocat au parlement d'Aix. S'<H
brouillé avec sa belle-mère peu de temps akp
son mariage, Morand abandonna sa femm||
ses biens, et vint à Paris, où il se livra à la 18 .
aux plaisirs de l'esprit et à ceux de l'aroKl
On a de lui : Justification de la Musique f M
çaise; Paris, 1754, in-8°. Il a donné auThé-e?
Français, en 1735, Téglis, tragédie; en il
Childèric, tragédie; et en 1748, Mègare , I
gédie. Ce fut à la première représentatioi l&
Childèric qu'un plaisant, voyant arriver m I
teur chargé de remettre une lettre , cria : P m
au facteur ! On rit, et la pièce tomba. La t N
mère de Morand lui ayant intenté un pre >,n
et ayant publié contre lui un factum très *
famant, le poète s'en vengea par une cou
qu'il fit représenter en 1738 au Théâtre- Ita
sous le titre de V Esprit de Divorce , et
laquelle il tourna sa belle-mère en ridicule
le nom de madame Orgon. C'est une des t
leures pièces de Morand ; cependant croyai
la première représentation, avoir à se plai
du parterre, qui lui paraissait mal disposi
s'avança sur la scène, et jeta son chapea
criant : « Celui qui a quelque chose à di
1-
?e
9 MORAND —
iteur peut le lui rapporter. » Une voix s'é-
a : « Puisque l'auteur n'a plus de tête , il
pas besoin de chapeau. » Morand fit la même
iée représenter au même théâtre une autre
ze, intitulée : Les Muses. Ses œuvres ont été
nies en 175t, 3 vol. in-12. Outre les poé-
i qu'elles renferment , l'on y trouve quelques
ts en prose , entre autres un Discours ingé-
îx Sur le plaisir qu'il y a défaire du bien.
pièces de Morand ont de l'esprit, des idées,
sens , mais elles sont sans grâce et sans cha-
>. Ce poète fut pendant dix-huit mois cor-
>ondant littéraire du roi de Prusse. H. F.
mée littéraire , 1757, VI. — MorérI, Dict. Hist. —
<-es sur quelques écrits de ce temps, V, ï sept. 1751.
or and (Jean- Antoine), architecte fran-
, né vers 1727, à Briançon, guillotiné à Lyon,
' janvier 1794. Destiné à l'état ecclésiastique,
litta secrètement la maison paternelle et vint
ris, où il prit, dans l'école-de Servandoni, des
ns de perspective et de décoration ; il passa
iite sous la direction de Soufflot, qui resta son
Ce fut d'après les plans de ce dernier qu'il
uta à Lyon une salle de spectacle (1757). Le
.es de cette première entreprise le fit appeler à
-ne pour y élever un théâtre à machines à l'oc-
«ndesnocesderinfanteavecl'archiduc Joseph,
iis empereur (1760). Après avoir séjourné
(que temps à Rome , il retourna à Lyon , et
chargé d'y présider à la construction des édi-
du quai Saint-Clair. Il concourut, en 1762,
I l'agrandissement de la ville ; mais le plan
l'errache fut préféré au sien. Peu de temps
:a s il jeta sur le Rhône un pont en bois, qui
,|e son nom et qui repose sur dix-sept arches,
lltriiction où l'élégance s'unit à la précision et
tl| solidité. En 1775, Morand obtint le cordon
Éiaint-Michel. Pendant le siège de Lyon il
swnisa divers travaux de défense ; traduit de-
irrj le Tribunal révolutionnaire, il fut condamné
iàlirt.
simfils, Antoine Morand de Jouffrey, con-
iii;r à la cour royale de Lyon, est mort le
ÎWivrier 1838, à Chasselay (Rhône).
al Imdon et Delandlne, Dict. Hist. univ., avec addit.
iri (orand (Charles- Antoine-Louis- Alexis ,
at$te), général et pair de France, né le 4 juin
•M , à Pontarlier, mort le 2 septembre 1835, à
rPJs. Licencié en droit en 1791, il fut un des
ligués de son district à la fête de la Fédéra-
«ftw et entra en 1792 comme capitaine dans le
it7<!àtaillon des volontaires du Doubs. A la ba-
\0'. de Hondschoote, il s'élança le premier dans
JE le un drapeau à la main. Pendant les campa-
(l;gij de l'armée du Rhin, il fut cité à l'ordre du
(liJO! par Custine et Bernadotte. Après avoir fait
jglalemière guerre d'Italie sous Bonaparte, il le
iM t en Orient, devint chef de brigade à la ba-
, lifte; des Pyramides, battit en plusieurs rencon-
Mourad-bey et les mameloucks, et fut ré-
•ensé des services qu'il avait rendus dans la
Egypte par le grade de général de brigade
I NOUV. BIOCR. GÉMÉR. — T. XXXVI.
MORANDE
450
( 18 fructidor an vin). Sous l'empire il fit partie
de la grande armée, et déploya tant de bravoure à
Austerlitz qu'il fut nommé général de division
(24 décembre 1805). Son nom est cité honora-
blement dans toutes les affaires où il prit part,
surtout aux batailles d'Iéna, d'Eylau , de Fried-
land, d'EssIing et de Wagram ; après cette der-
nière, il reçut le titre de comte avec une dotation
de 25,600 fr. A la tête de la lre division du corps
d'observation de l'Elbe, il passa le premier le
Niémen en 1812, enleva avec une rare;intrépidité
les retranchements de Smolensk, et eut la mâ-
choire fracassée à la Moskowa. Il combattit à
Lutzen, et sauva l'armée à Dennewitz en neutra-
lisant , par sa résistance, l'échec que venait d'é-
prouver le corps de cavalerie du général Lorges.
Il s'enferma ensuite dans Mayence, et y soutint
jusqu'à la paix un siège opiniâtre. A son retour
de l'île d'Elbe, Napoléon le choisit pour aide de
camp, le chargea du commandement de quatre
divisions militaires et des chasseurs à pied de la
garde, et l'éleva à la dignité de pair. A Waterloo,
Morand quitta un des derniers le champ de ba-
taille. Le 29 août 1816, un conseil de guerre sié-
geant à La Rochelle, sous la présidence du géné-
ral Rey, le condamna à mort par contumace,
pour avoir publié une proclamation tendant à
allumer la guerre civile et à anéantir l'autorité
royale (1). En 1819, Morand, qui avait quitté la
France, revint purger sa contumace à Strasbourg,
et fut acquitté à l'unanimité. Relevé de la re-
traite en 1830, il fut nommé commandant de la
6e division militaire, et grand-croix de la Légion
d'Honneur, puis pair de France (11 octobre
1832). Son nom est gravé sur l'arc de triomphe
de l'Étoile. On a de lui : De l'Armée selon la
Charte et d'après l'expérience des dernières
guerres; Paris, 1829, in-8°.
Il a été souvent confondu avec Joseph Mo-
rand, né le 18 juillet 1757, à Mussidan (Péri-
gord), soldat en 1774, adjudant général le
26 mars 1793, général de division le 7 floréal
an vin, baron de l'empire en 1808, et tué d'un
boulet de canon le 2 avril 1813, devant Lune-
bourg. Ki
Biogr. nouv. des Contemp. — Fastes de la Légion
d'Honneur, III. — Moniteur univ., 5 sept 1835.
morande ( Charles Thévenot ou Théve-
nea.c de), pamphlétaire français, né en 1749, à
Arnay-le-Duc, où son père était procureur, mort
vers 1803, et non pendant les massacres de
septembre, comme lei disent plusieurs biogra-
(1) Cette proclamation datait pourtant du 31 mars 1815.
On y remarque les passages suivants : « Ne devraient-ils
pas être rassasiés , : ces. traitres infâmes qui depuis
quinze ans agitent parmi nous les brandons de la dis-
corde? N'ont-ils pas livré nos villes, vendu nos vaisseaux,
nos arsenaux ?... Nobles enfants de la victoire, vous avez
vu, et vous en avez frémi, vous avez vu des traîtres in-
fâmes, des assassins, des voleurs de grand chemin revêtir
les marques de l'autorité sur vous, pour humilier *les
peuples, pour les attacher au joug de quelques :nobles
avilis ! Des nobles ! Eh ! quoi, tous les Français libres et
victorieux ne le sont-ils pas également? »
16
451
phes. II commença ses études à Dijon, où il
donna presque aussitôt des preuves de l'esprit
déréglé qui devait plus tard le déshonorer. Son
père, apprenant les débauches auxquelles il se
livrait, cessa de lui envoyer de l'argent, et Thé-
venot dut s'enrôler dans un régiment de dra-
gons ; il ne tarda pas à implorer le secours de
son père , qui le racheta. Devenu libre, Morande,
au lieu de revenir à Arnay, comme il l'avait
promis, se rendit à Paris 5 il y reprit sa vie
d'intrigue, de dissipation et de désordres. La
police dut s'en mêler, et sur les prières de sa
famille , il fut enfermé d'abord au For-1'Évêque,
puis à Armentières. Élargi après quinze mois
d'emprisonnement, il passa en Angleterre, où,
se trouvant sans ressources, il eut recours, pour
vivre, à la publication de quelques libelles. Le
succès qu'obtinrent son Philosophe cynique et
ses Mélanges confus sur des matières fort
claires (1771, in-8° ), le déterminèrent à persé-
vérer dans cette voie. Il publia l'année suivante
un pamphlet qui a eu les honneurs de plusieurs
éditions , et qui était intitulé : Le Gazetier cui-
rassé,, ou anecdotes scandaleuses de la cour
de France, contenant des nouvelles poli-
tiques , apocryphes , secrètes , extraordi-
naires; nouvelles de V Opéra, vestales et
matrones de Paris , nouvelles ènigmatiques ,
transparentes , etc. C'est, comme ce titre l'in-
dique, un recueil d'anecdotes scandaleuses, dont
plusieurs sont très-exactes , et où l'on pourrait
puiser d'utiles renseignements pour un tableau
de la cour de Louis XV. L'auteur déclare d'ail-
leurs dans l'a\rant-propos que parmi les nou-
velles qu'il publie « il s'en trouve dont la faus-
seté est évidente; c'est, ajoute-t-il, aux yeux
du monde qu'il appartient de juger et de faire
un choix; plus il sera sévère, plus il sera sage ».
A la suite de l'édition de 1777, on a réimprimé
Le Philosophe cynique et des Remarques his-
toriques sur le château de la Bastille, et
l'inquisition de France, qui contiennent des
renseignements assez curieux, et alors nouveaux,
sur cette prison d'État. Tout cela, d'ailleurs, est
raconté sans verve ni esprit, et sous la forme
la moins voilée ; Morande fait grand usage des
points , mais il a bien soin de ne leur laisser rien
cacher. II trouva alors le moyen de rendre son
métier de pamphlétaire plus fructueux , en y
joignant les revenus du plus honteux chan-
tage. Spéculant sur l'effroi qu'il inspirait , il
entreprit le métier qui , au seizième siècle, avait
fait surnommer l'Arétin le Fléau des princes;
il envoyait d'Angleterre des sommations d'ar-
gent à ceux qui redoutaient ses attaques , et qui
le plus souvent consentaient à acheter son si-
lence ( Bachaumont ). 11 voulut rançonner Vol-
taire ; mais le philosophe de Ferney ne s'effrayait
pas pour si peu ; il rendit publique la lettre de
Morande , en l'accompagnant de commentaires
comme il savait les faire. Le comte deLauraguais,
depuis duc de Brancas, s'y prit mieux encore;
MORANDE 455
il roua Morande de coups de canne , et s'ei
fit donner une quittance en règle; puis il forç;
le pamphlétaire à avouer dans toutes les feuille
anglaises qu'il se reconnaissait poui un vil im
posteur. Morande, sans se décourager, prépa
rait alors sa plus fructueuse opération. Pou
un industriel de cette sorte, madame du Barr
était une mine d'or; il lui envoya donc le pros
pectus d'un ouvrage en quatre vçlumes qu'il alla;
publier sous ce titre : Mémoires secrets d'un
femme publique. Cette fois le sujet n'était poir
ingrat; aussi, dit Bachaumont, ce livre « éta
une compilation infernale ; Le Gazetier cuirasi
est à l'eau de rose en comparaison de ce noi
veau chef-d'œuvre ». Morande offrait de su|
primer cet ouvrage moyennant 500 louis comj
tant et 4,000 livres de pension , réversibles
sa mort sur la tête de sa femme et de sel
fils. Une autre que madame du Barry eût pu d .
daigner les insultes du pamphlétaire; mais I
favorite dut courber la tête, et Louis XV fl
forcé de prendre en mains les intérêts de cet .
femme. N'osant faire poursuivre judiciaireme :
Morande, comme le lui offrait le gouverneme :
anglais, il demanda l'extradition du pamphl
taire; la cour de Londres répondit qu'elle :l
pouvait agir dans une pareille affaire, mais qu'ell
ne s'opposerait pas à un enlèvement, s'il éfcl
accompli dans le plus grand secret , et de m \
nière à ne pas blesser les susceptibilités nati 1
nales. Une brigade d'agents de police fut au iï
sitôt envoyée en Angleterre ; Morande, prévenl
commença par leur emprunter à chacun ul
trentaine de louis ; puis , se donnant comme profl
crit politique, il ameuta contre eux la populac
qui se mit en devoir de les jeter dans la Tamis
ils n'eurent que le temps de se cacher et de il
partir au plus vite. Pendant ce temps tri S
mille exemplaires du nouvel ouvrage avai<B
été imprimés et allaient être répandus dans toi I
l'Europe. Louis XV, à bout de moyens, sonçifl
à Beaumarchais : on lui promit sa réhabilitati
s'il parvenait à s'entendre avec le pamplilétai
Beaumarchais partit en mars 1774; sous le n<U
de Bonac, anagramme de Caron ; en quelqi<p
jours il avait gagné la confiance de Morande,
il revenait à Versailles avec un exemplaire ( (
mémoires tant redoutés. Le marché fut bien
conclu , le gouvernement français donna au
belliste 20,000 livres comptant et 4,000 livj
de rente; il faut y ajouter 900 louis dépen;
par Beaumarchais pour mener à bonne fin ce
négociation : c'était, il faut l'avouer, estin|i
un peu cher l'honneur de la du Barry.
La Biographie universelle prétend à tort c j
ces 4,000 livres furent supprimées sous le rèn
suivant, et que Morande publia alors les Am
dotes sur la comtesse du Barry, qui parur ,
en 1776. D'abord, cet ouvrage n'est pas de>
rande : Barbier l'attribue à Mairobert; ensi
les 4,000 livres n'étaient pas une pension, (|
tait une rente viagère ; plus tard Louis XVI
',3
MORANDE — MORANDO
454
icta , moyennant 20,000 livres , la moitié de
tte rente. Quant aux trois mille exemplaires
> s Mémoires d'une femme publique, ils fu-
nt brûlés aux environs de Londres, dans un
EJjr à plâtre. Mis ainsi pour toujours à l'abri
' besoin , Morande eut à Londres un état de
lison fort agréable; sous l'influence des con-
Is de Beaumarchais , il entra dans une voie
Lj îilleure , et chercha à atténuer l'éclat déshono-
ît qu'avait eu son passé. Il rédigea pendant
1 1 isieurs années Le Courrier de V Europe ,
M ilie périodique qui n'est pas exempte de traits
[ . iriques , mais où l'on ne retrouve plus le style
h Gazetier cuirassé. C'est cependant alors
I i,pour se venger du mépris que lui avait té-
I igné iBrissot pendant soa séjour à Londres,
il ui fit attribuer une brochure intitulée : Le
■ ible dans un bénitier; Brissot fut mis à la
■«tille, d'où le crédit de madame de Genlis le
■ bailleurs bientôt sortir. La révolution permit
MIorande de rentrer en France. Il prit une
M.t>active à tous les événements qui signalè-
I I cette époque; de 1791 à 1792, il publia
■ s le titre de L'Argus patriotique un journal
M s lequel il défendit avec courage et talent le
M !i monarchique ; le respect dont jusqu'au
■joier~moment il entoura le nom du roi le
M placer sur la liste des suspects , et il fut
jM-i)risonné après le 10 août. Échappé par mi-
Jjpe- aux massacres de septembre, il se retira
i,M»i son pays natal, à Arnay-le-Duc , où il
cBrça pendant quelque temps , sous le Direc-
Ms«, les fonctions de juge de paix, et où il
.îjirut, laissant une bonne réputatiom
.Jloraode avait jusque ici été traité trop sévère-
9bt; le juste mépris qu'excitèrent ses premières
lées avait rejailli sur sa vie entière ; et son nom,
lenu celui d'un des libellistes les plus affichés
Bsplus décriés du dix-huitième siècle , n'avait
.encore rencontré un juge impartial ; tous les
leils biographiques imprimés au dix-neuvième
le le présentent sous le même aspect. C'est
. de Loménie que revient l'honneur d'avoir
remier fait ressortir toute l'influence que les
• et le contact de Beaumarchais exercèrent
fia seconde moitié de la vie du pamphlétaire.
Alfred Franklin.
'de Loménie, Beaumarchais et son temps; Paris,
S vol. irj-8°, t. Ier, p. 376 à 385. — Biographie mo-
'•i ou galerie historique des Français qui se sont
fus célèbres depuis le commencement de la révolu-
jusqu'à nos jours; Paris, 1816, 3 vol. in-8°. — Mé-
:Ci *! es secrets pour servir à l'histoire de la république
. lettres en France depuis 1762 jusqu'à nos jours;
' P* Tll 1774.
1 ;, orandi-maxzolini (Anna), femme
avomisto italienne, née en 1716, à Bologne,
ojelle est morte, en 1774. Mariée à vingt-
:; ^treans au médecin Giovanni Manzolini (1740),
e! apprit de lui l'anatomie et l'art de travailler
«cire. Elle parvint à imiter la nature avec
uï rare perfection , et surtout les organes de
«3 aération et le fœtus dans les diverses posi-
■■ h; qu'il occupe. Cette, invention, dont la
gloire lui appartient, facilita l'étude des accou-
chements et la manière d'opérer dans les cas
difficiles. Après la mort de son mari (1755),
elle fut agrégée à l'Institut de Bologne ainsi qu'à
plusieurs sociétés étrangères, et en 1758 elle
obtint une chaire d'anatomie. Sa réputation se
répandit dans toute l'Europe; on lui fit des of-
fres brillantes pour l'attirer à Londres, à Milan
et à Saint-Pétersbourg , mais elle refusa de
quitter sa patrie, et s'acquitta envers ces dif-
férentes villes en leur envoyant ses travaux en
cire. Elle reçut en 1769 la visite de l'empereur
Joseph II, lors de son passage à Bologne. Vers
la fin de sa vie, le comte Girolamo Ranuzzi lui
acheta la collection de ses préparations anato-
miques, ses instruments et sa bibliothèque, et
en forma une espèce de musée dans son palais,
où il lui accorda un appartement. Cette dame
n'eut d'égale dans l'art de modeler que la cé-
lèbre demoiselle Biheron ( voy. ce nom ), qui
vivait en France à la même époque. P.
Dizionario Istorico Bassanese.
morasdim ( Francesco), dit le Poppi,
peintre de l'école florentine, né à Poppi, dans le
Casentino, eu 1544, mort vers 1584. Doué d'une
imagination féconde et d'une grande habileté de
main, il fut l'un des bons élèves de Vasari, dont
il imita la manière en s'efforçant de mettre plus
de soin dans les détails et plus de gaieté dans
la composition. Les ouvrages de cet artiste sont
très-nombreux, et si l'on ne connaissait son im-
mense facilité, on pourrait s'en étonner en pen-
sant à la brièveté de sa vie. Nous trouvons de
lui : à Florence, à Saint-Nicolas, un Sposalizio,
et Le Christ ressuscitant le fils de la veuve
de Naïm; — à S.-Mïchele Visdomini, une
Résurrection et une Conception; — à Saint-
Marc, Le Christ guérissant un lépreux; — à
Sainte-Félicité, Le Père éternel avec saint Joa-
chim et sainte Elisabeth ; — à la Galerie publi-
que, une Fonderie de canons avec Cosme Ier
assis, peinte sur ardoise, et Alexandre le
Grand donnant Campaspe à Apelles ; — à l'A-
cadémie des Beaux-Arts, une Élévation en croix
provenant du couvent de la Crocetta; — à Saint-
Salvi près Florence, Le Christ sur la croix et
plusieurs Saints; — àPistoja, à Santa-Maria-
delle-Grazie, Le Christ, La Vierge, saint Jac-
ques et d'autres Saints ; -~ à Santa-Maria-dell'-
Umilità, une Assomption ; — à Saint-François,
une excellente Purification de la Vierge; enfin,
au Musée de Vienne, un Saint Pierre domini-
cain. E. B — n.
Borgliinl, Il Riposo. — Orlandi, Jbbecedario. — Ticozzi,
Dizionario. — Vim\,Sloria pittorica. — Fantozzi, Guida
di Firenze. — Catal. de l'Académie et de la Galerie de
Florence. — Tolomei, Guida di Pittoja. — Catal. du
Musée de Vienne.
mouaxdo ( Filippo-Rosa ) , poëte italien ,
né en 1732, à Vérone, où il est mort, le 11
août 1757. Issu d'une ancienne famille de Vé-
rone, il fut élevé chez les jésuites, et manifesta
un goût si vif pour les lettres qu'à peine âgé de
15.
455
MORANDO — MORATA
451
onze ans il mettait avec assez de bonheur en
octaves les quatre premiers chants de Vltalia
liberala du Trissin. L'étude des meilleurs au-
teurs de l'antiquité, la lecture assidue de Dante
et de Pétrarque, le mirent bientôt, en épurant
son goût, en état de publier quelques ouvrages,
où il développa beaucoup de talent. Il mourut
à vingt-cinq ans , d'une fièvre lente., On a de
lui : Osservazioni sopra il commento délia
Divina Comedia di Dante; Vérone, 1751,
in-8°; dans ces observations sur le commen-
taire du P. Venturi, il se livre à des hypothèses
qui souvent s'éloignent de la vraisemblance; —
II Medo, et Teonoe ; Vérone, 1755; Maffei a
parlé avec éloges de ces deux tragédies ; — So-
netti et Canzoni; Vérone, 1756, in-8"; il y a
dans ce recueil des poésies agréables. Morando
laissa en manuscrit La Conquisla delV Ame-
rica, poëme. P.
A. Zaccaria, Elogio di F.-R. Morando, dans les An-
nali letterari d'Italia, II. — Pindemonle (Hipp.), Elo-
gio, dans le l. VI de ses Elogi. — Da Lisca, Elogio ;
Vérone, in-8°. — Galleria dei Letterati ed Artisii. —
Tipaldo, Biogr. degli Italiani illustri, VII.
morange ( Bedien ), théologien français,
né à Paris, mort en 1703, à Lyon. Après avoir
été reçu docteur deSorbonne, il devint en 1660
chanoine de Lyon, puis vicaire général de ce
diocèse. On a de lui : Libri de prseadamitis
brevis Analysis; Lyon, 16,56, in-16 ;. — Pri-
matus Lugdunensis Âpologeticon ; Lyon,
1658, in-8° ; apologie contre l'église de Sens; —
Summa universœ Théologies Catechistee ;
Lyon, 1670, 3 tom. en 4 vol. in-8°. K.
Pernetti, Lyonnais dignes de mèmoire,.\\, 192. — Re-
vue du Lyonnais, V, 193t
mor&no ( Bonifacio ), historien italien, né
à Modène, mort en 1349. Il a laissé un Chro-
nicon Mutinense, qui s'étend de l'an 1306 à
l'année 1342, et que Muratori a inséré dans ses
Scriptores Rerum ltalicarum, XI, 89. G. B.
Tiraboschi, Storia Litteraria, t. XI, p. 148.
morant (Philip ), antiquaire anglais, né
le 6 octobre 1700, à Saint-Sauveur ( île de Jer-
sey ), mort le 25 novembre 1770, à Londres. Il
prit ses degrés à Oxford, et obtint par la pro-
tection de l'évêque de Londres, Edmund Gib-
son, plusieurs des bénéfices du comté d'Exeter.
En 1768 il fut chargé de continuer la collation
des registres du parlement. Il fit partie de la
Société d'Archéologie. On a de lui : Cruelties
and Persécutions of the Romish Church dis-
played ; Londres, 1728, in-8°; — Account of
the Spanish invasion in 1588; ibid., 1739,
in-fot. ; — Geographia antiqua et nova; ibid.,
1742, in-4°, tirée en partie de la Méthode ( de
Lenglet-Dufresnoy) pour étudier la Géographie ;
— A Summary of the History of England;
ibid., in-fol., et 3 vol. in-8° avec pi. ; — History
and Anliquities o/Colchester;ibui., 1748, 1768,
in-fol.; — History o/ EsSex ; ibid., 1760-1768,
1 vol. in-fol. Il a encore édité, annoté ou tra-
duit du français plusieurs ouvrages, et il a col
laboré à la Biographia Britannica. K.
Chalmers, General Biographical Dictionary.
morard de Galle (Justin- Bonaventure)
amiral français, né à Gonselin ( Dauphiné ), l
30 mars 1741, mort à Guéret, le 23 juillet 1809
Cadet de plusieurs frères tués au service, il en
tra fort jeune dans les gendarmes royaux ; mai
il abandonna bientôt l'armée de terre pour 1
marine. Dès son début dans cette nouvel!
carrière, il se fit remarquer par ses talents, s ;
valeur, et partit pour l'Inde. Nommé enseigne d ;
vaisseau en 1765, il fit diverses campagnes dan
l'Inde et en Amérique, fut promu, en 1777, al
grade de lieutenant , passa sur le vaisseau L
Ville de Paris, et assista au combat d'Ouessai
(27 juillet 1778). Il était sur La Couronne
dans la flotte du comte de Giiichen, lors des vu
toires que cet amiral remporta dans les Antillei
les 17 avril, 15 et 19 mai 1780, sur l'amiral ar
glaisRodney. L'année suivante, sous lesordnj
du bailli deSnffren,il fit la campagne de l'Indi,
Au combat de Praya, il vit Son capitaine enlei
dès les premiers coups. Il prit le commande
ment de son vaisseau, alors entouré de cinq n;
vires ennemis, désempara les assaillants , e jj
quoique couvert de blessures, ramena triompha: I
son bâtiment, qu'on croyait perdu. Il fut alo
nommé capitaine. Presque tous les officiers < k
la marine royale ayant émigré à l'époque de f >
révolution, Morard de Galle, resté en Franc
parvint rapidement au grade de contre-amiip
(1792), et l'année suivante il commanda une dh
sion de la flotte aux ordres de Le Large. Arrê
en 1794, il ne recouvra sa liberté qu'après \é
9 thermidor an u. Il reprit ses fonctions, et f M
élevé en novembre 1796 au grade de vice-amin !
Le 15 décembre suivant, il sortit de Brest à M
tête de là première escadre de la grande flol
destinée à tenter une descente en Angleten
Après avoir reçu plusieurs coups de vent,
rentra à Rochefort, le 13 janvier 1797. La non
réussite de cette expédition jeta sur lui qu I
que défaveur ; mais après le 1 8 brumaire an v fol
(9 novembre 1799) il fut porté au sénat, dof.j
il devint secrétaire en septembre 1803. L'ann
suivante il obtint la sénatorerie de Limoges et f§!
titre de grand-officier de la Légion d'Honnei
Peu d'hommes de mer ont fourni une carril.
aussi remplie que cet amiral : il avait fait trenl
sept campagnes , exercé onze commandemen
assisté à onze combats et reçu huit blessuiv
Un monument lui a été élevé à Guéret, aux ft'fl
de cette ville. A. de L. i
Archives de la Narine.'— Gérard, Fies et Campag
des plus célèbres Marin? français ( Paris, 182S, in-l 3
p. 273. — Le Bas, Dict. encyclopédique de la Frar<
morata ( Olympia-Fulvia), savante i ■
lienne, née à Ferrare, en 1526, morteàHeid
berg, le 26 octobre 1555. Son père, Fulvio 1
regrino Morato (né à Mantoue), professeur tri:
distingué et très-instruit , avait été précept< '■
457
MORATA
458
' des deux enfants d'Hercule II, duc de' Ferrare.
| Les dispositions précoces qu'il remarqua chez sa
! fille l'engagèrent à donner à son éducation des
j soins tout exceptionnels. Olympia fut admise à
s partager les leçons de la princesse Anne d'Esté,
i fille aînée de la duchesse de Ferrare; mais la
[ ieune patricienne fut bien vite dépassée ; au bout
k le quelques mois, Olympia parlait le grec et le
3 latin avec une égale facilité. Son nom ne tarda
jpas à franchir l'humble enceinte de la mai-
1 son paternelle ; elle avait à peine douze ans , et
léjà elle faisait l'admiration de la cour de Fer-
are, et attirait autour d'elle un cercle de sa-
ints auditeurs, parmi lesquels on remarquait
jilio Giraldi , Bartholomeo Riccio , les deux
rères Sinapi et Célio Calcagnini. Le séjour d'O-
! ! ympia à la cour de Ferrare avait eu sur elle une
îfluence décisive au point de vue religieux. L'es-
rit de rénovation qui travaillait alors tout le nord
e l'Europe avait franchi les Alpes. La duchesse
e Ferrare, Renée de France, avait embrassé
«idées nouvelles; elle fit bientôt d'Olympia une
depte convaincue , intelligente et dévouée.
Sur ces entrefaites, Morato, éloigné de la
vu- depuis quelques années, tomba dange-
.'usement malade ; sa fille abandonna tout
Mir aller soigner son père, qui mourut en
548. Dans l'intervalle , la princesse Anne avait
icusé François de Lorraine, depuis duc de
uise, et était partie pour la France ; Olympia se
ouva donc privée de sa protectrice, sans ap-
iii, sans fortune, forcée de soutenir une mère
.firme et de surveiller l'éducation de trois
[leurs et d'un frère. Elle se dévoua courageu-
i ment à ces nouveaux devoirs ; et les poésies
Velle écrivit à cette époque respirent une
'nuance absolue dans la bonté de Dieu, et
iressent des espérances qui ne devaient pas
réaliser. Deux ans après la mort de son
6re , Olympia épousa un jeune Allemand ,
immé André Grunthler, qui était venu à Fer-
re pour terminer ses études de médecine;
fldré avait adopté aussi les doctrines de Cal-
(n, et c'est dans l'église réformée de Ferrare
,ie le mariage eut lieu. Grunthler venait d'être
Jça docteur, et on lui faisait espérer une chaire
[.ns son pays natal. Olympia, accompagnée d'É-
ile, son frère, partit pour l'Allemagne avec
mari. Ils reçurent à Augsbourg l'accueil le
mpressé, et ce fut là que Morata connut
Curione, qui devait plus tard rassembler
useraient ses oeuvres. D'Augsbourg, les deux
>ux se rendirent à Schweinfurt, où une chaire
it offerte à Grunthler. Mais le margrave Albert
Brandebourg avait choisi cette ville pour son
rtier général, et bientôt les habitants se virent
aqués par les évêques de Wurtzbourg et de
berg et par l'électeur de Saxe. Après un siège
luatorze mois, Schweinfurt fut prise d'assaut,
rée au pillage et réduite en cendres. Après
)ir failli périr dans l'incendie du temple pro-
tant où ils s'étaient réfugiés, les deux époux
il '<
précipitaient leur fuite, quand ils furent arrêtés,
maltraités et dépouillés par une bande ennemie,
qui ne laissèrent à Olympia que sa chemise;
elle arriva à Hamelbourg vêtue d'une robe
d'emprunt, qu'elle devait à la pitié d'une pauvre
femme. Obligés presque aussitôt de quitter cette
ville, ils errèrent longtemps dans la Franconie,
sans pouvoir nulle part trouver un sûr asile.
Enfin, le comte d'Erbach, à qui le nom et le
mérite d'Olympia étaient connus, les reçut chez
lui, les combla de prévenances, et grâce à sa
protection Grunthler fut nommé professeur de
médecine à l'université de Heidclberg. Mais il
était trop tard pour Olympia; les fatigues
qu'elle avait supportées, les dangers qu'elle avait
courus, l'avaient brisée; elle languit une année,
et mourut, à peine âgée de vingt-neuf ans. Son
mari et son frère ne lui survécurent que deux
mois; ils furent inhumés dans le même tom-
beau, sur lequel on plaça une double épitaphe,
qui est rapportée par Niceron (t. XV, p. 111).
L'Académie de Heidelberg ordonna que la mai-
son qu'avaient habitée les deux époux serait re-
bâtie aux frais de la ville, et on y fit graver une
inscription qui se terminait ainsi :
VUis et exllis domus hsec quamvis, habitatrix
- Clara taraen claram reddidit el celebrem.
Une grande partie des ouvrages composés par
Olympia furent détruits dans l'incendie de
Schweinfurt ; on doit regretter surtout des 06-
servations critiques sur Homère, et des Dialo-
gues grecs et latins imités de Platon et de Ci-
céron. Ce qui restait des œuvres de cettefemme
célèbrefut publié à Bâle, en 1558, par les soins de
Curione, sous ce titre : Olympise Fulviœ Mo-
ratee, mulieris omnium eruditissimx, latina
et graeca, quœ habueri potuerunt , Monu-
menta, cum eruditorum judiciis et laudi-
bus ; petit in-8°. Cette édition fut épuisée en un
an; une seconde parut en 1562, et porte pour
titre : O.-F. Moratœ, feminee, doctissimae ac
plane divinae, Oraliones, Dialogi, Epistolès,
Carmina, tam latina quam greeca, cum eru-
ditorum testimoniis et laudibus, in-8°; elle
fut suivie de deux autres, qui sont aujourd'hui
fort rares, et qui furent publiées l'une en 1 570,
et l'autre en 1 580, toutes deux à Bâle, et qui
sont plus complètes que les premières ; on y a
ajouté sept lettres latines, deux lettres italien-
nes, et trois épitaphes. Voici en quoi consistent
les œuvres d'Olympia : Trois Discours sur les
paradoxes de Cicéron ; ils furent prononcés à
Ferrare, en présence d'Anne de Ferrare et d'une
assemblée choisie ; — L'Éloge de Mutius Sce-
vola, en grec et en latin; — Les deux pre-
mières Nouvelles de Boccace , traduites en la-
tin ; — Deux Dialogues ; — Deux livres de
Poésies grecques et latines ; — Deux livres
de Lettres ; elles sont au nombre de quarante-
huit, une en grec, deux en italien, le reste en
latin. Curione les a publiées pêle-mêle, sans en
rechercher les dates ; quelques-unes de ces let-
459 MORATA —
très ont été traduites en français par M. J. Bon-
net , qui en a retrouvé une nouvelle dans les
manuscrits de la bibliothèque de Modène.
Alfred Fbanklin.
Holten, Vita Olympix Moratse ; 1775, in-8°. — Knet-
schke, De Olympia Fulvia Morata ; 1808, in-4°. — Olym-
pia Morata, her life and ttmes, par Robert Turxibull,
Boston, 1846, in-12. — Olympiae Epistolœ. — C.-S. Cu-
rio , llpistolse. — M. Adam , F Use Germanorum Medi-
corum; 1705, in-fol-, t. Ier. — C.-S. Curio, O.-F. Mo-
ratse Fita, en tête des OEuvres. — Th . de Bèze, Icônes.
— De Thou, Mémoires sur sa vie; 1714, in-8°, t. II;
Historiarum ; Iib. XV et XVI. — Wildermuth, O. Mo-
rata, ein christliches Lebensbild ,- 1854, in-8°. — Ant.
Teissier, Les Éloges des Hommes savants, 1715, 4 vol.
în-12 ; t. 1er. — Ginguené, Hist. Littér. de Vital., 1811,
in-8° ; t. III. — Niceron , Mêm. pour servir à l'hist.
des hommes illustres, 1730, in-12!; t. XV. — J. Bonnet,
Fie d'Olympia Morata, 1856, in-8°. — J. Tiraboschi,
Storia délia Letter. Ital., 1787, in-4° ; t. VU.
moratin ( Nicolas- Fer nandez de ), poète
espagnol, né en 1737, mort en 1780. Il appar-
tenait à une ancienne famille de Biscaye. Dis-
ciple deLuzan, ami de Montiano, il essaya
comrffe eux. de réformer la littérature espa-
gnole en y introduisant les règles classiques in-
terprétées à la manière française. Il eut pour
protecteurs dans cette entreprise le duc de Me-
dina-Sidonia, le duc d'Ossuna, le ministre d'A-
randa, l'infant don Gabriel de Bourbon, traduc-
teur de Salluste. Il exerça son influence par son
enseignement au collège Impérial, où il remplaça
son ami Ayala , par ses conversations dans le
cercle de lettrés qui se réunissaient autour de lui
dans la fonda ( ou taverne ) de Saint-Sébastien,
et par ses ouvrages. Il débuta par La Peli-
vietra {La Coquette), la première comédie es-
pagnole formée sur les modèles français ; elle
fut publiée en 1762, avec une préface qui met-
tait en relief les défauts de l'école de Lope de
Vega et de Calderon, et ne faisait pas assez res-
sortir leurs mérites. Cependant le poète n'avait
pas osé rompre tout à fait avec cette école, et
sa pièce était un compromis ingénieux, mais
vain, entre deux manières qui s'excluent. Sa Lu-
crèce, où il essaya pour la tragédie ce qu'il ve-
nait de tenter pour la comédie, ne réussit pas
mieux. Aucune de ces deux pièces n'obtint les
honneurs de la représentation. Enfin Moratin
conquit un succès honorable par son Horme-
sinda, jouée en 1770 et applaudie à oause des
beaux vers, malgré l'invraisemblance du plan.
La dernière pièce de Moratin, Guzman le Brave,
écrite sur un sujet célèbre, parut inférieure pour
la vigueur aux vieilles chroniques et au drame
de Guevara , mais on y reconnut encore un
grand talent poétique. Dans l'intervalle de ces
pièces, Moratin publia en 1764 son Poeta, recueil
de courtes poésies , qui fut suivi, en 1763, de
Diana, poème didactique en six livres sur la
chasse, et en 1765 d'un poème narratif sur la
destruction des vaisseaux de Fernand Cortès. Si
l'on ajoute à ces productions un volume d'Obras
postmnas publié à Barcelone, 1821, in-4°, et
réimprimé à Londres, 1825, in-12, si l'on
n'oublie pas un pamphlet en trois parties pu-
MORATIN -, )
blié en 1762, sous le titre de Desenganc i
Teatro Espanol, et dans lequel l'auteur s'ef I
çait d'éclairer ses compatriotes sur les déf. b
de leur théâtre national et de les désabuser s-
beautés qu'ils admiraient depuis si longter j,
on aura tous les titres de Nicolas Moratir I
souvenir de la postérité. TicUnor a dit de 1 |:Ë
« Bien que la valeur de ses œuvres ne soit I
grande , certaines parties ne seront pas v (-$
semblablement oubliées de si tôt. Le Ch >.
épique, comme il l'appelle, sur l'audacieuse S«s
solution de Cortès brûlant ses vaisseaux, e: jeg
plus noble poème de ce genre que l'Espagn it?
produit au dix-huitième siècle , et se lit ■ m
plus de plaisir que la plupart des épopées \À
toriques qui l'avaient précédé en si grand r \Â
bre. Quelques-unes de;ses courtes pièces, coi la
ses ballades sur des sujets maures, une oi à
un vainqueur dans des combats de taure i,s
combats que Moratin fréquentait constami ni
et dont il publia une histoire agréable, m
pleins de vivacité. Tous ses écrits sont mar m
par une pureté, une exactitude de langeai
une harmonie de versification qui prouvent efl
quoiqu'il possédât à un degré extraordiaai la
talent d'improviser, il composait avec so m
finissait avec patience. » Z. ji
Notice sur Moratin, en tète des Obras posti u|
— Ticknor, History of Spanish Littérature, t. III , n
moratin ( Don Leandro-Fernandez)ià
lèbre poète dramatique espagnol, fils du pi
dent, né à Madrid, le 10 mars 1760, rm s
Paris, le 21 juin 1828. Élevé par son pènni
des premiers poètes de son temps, il file
bonne heure des vers ; mais sa famille dé: lit
qu'il embrassât une profession plus hier rat
que les lettres. Il pensa à la peinture, < m
voyage qu'il fit à Rome le confirma dan a-'
mour, des beaux-arts ; puis, sur le désir de »
père, il entra chez Miguel de Moratin, son o k>,
qui était joaillier. Il n'abandonna pas la p( I
En 1779, l'Académie proposa pour sujet defe
la Prise de Grenade. L'accessit fut ace
à une pièce signée Efren de Lardnoz y
rante, anagramme sous lequel s'était chS
Leandro Moratin. Nicolas Moratin fut encl M
de£ce début d'un fils dont il ne devait pas lir
les succès. En 1782, Leandro Moratin reni|jfa
encore un accessit pour une satire sur le î B-
vais goût qui s'était introduit dans la littér. Wi
espagnole (Leccion poetica), et en 1785 in-1
blia une édition des poésies de son père pft
une préface dans laquelle il défendait les : W
littéraires dont Nicolas Moratin avait été le r< £-;
sentant. Le fils voulait, comme le père, réfo pr:
le théâtre espagnol par l'introduction des è-
gles dramatiques françaises ; il avait déjà ifl
mencé une pièce lorsque Jovellanos lui o m
la place de secrétaire du comte de Cabaip,
qui se rendait à Paris avec une mission spé< e-
Moratin passa dans cette ville toute l'ape
1787. îl y vit les littérateurs célèbres et « jre
461
autres Goldoni, qui avait heureusement réalisé en
Italie ce que Moratin voulait tenter en Espagne.
De retour dans son pays, il fut d'abord négligé, à
cause de la disgrâce de ses deux protecteurs
Jovellanos et Cabamis ; mais le ministre Flo-
rida-Blanca le distingua et lui donna un béné-
fice de 300 ducats. Désormais à l'abri du be-
soin, il se livra à ses goûts littéraires, et, quoi-
que tonsuré, il s'occupa de tbéâtre. Il débuta par
une comédie El Viejo y la Nina, ( Le Vieillard
et la Jeune Fille), qui montre les inconvénients
d'une grande disparité d'âge dans le mariage.
C'est peut-être |a meilleure pièce de Moratin;
elle fut vivement attaquée par les défenseurs de
\ l'ancien théâtre, et le poëte se vengea de cette
i injuste censure par La Comédie nouvelle ou Le
1 Café, satire amusante des absurdités et du mau-
| vais goût du théâtre espagnol. Après ces deux
j succès Moratin désira voyager. Le ministre Go-
i loy, qui lui avait déjà conféré en bénéfices et
: în pensions un revenu de 15,000 francs en-
|i riron, lui en accorda la permission, et pourvut
I largement aux frais du voyage. Le poëte arriva
| ï ; Paris juste dans les premiers jours de sep-
| ïembre 1792, et un des premiers spectacles qui
| frappèrent ses yeux fut la tête de la princesse
le Lamballe portée au bout d'une pique. Use
I lâta de se dérober à ces scènes d'horreur, et
| jassa en Angleterre, où il observa avec atten-
' ion le caractère, les idées et les mœurs d'un
[ )euple si différent des Espagnols. Malheureuse-
ilment il ne publia rien sur ce sujet, et le seul
1 fruit du séjour d'un an qu'il fit à Londres fut
j une traduction de YHamlet de Shakspeare.
| En quittant l'Angleterre, il traversa la Flandre ,
^'Allemagne, la Suisse, çt se rendit en Italie, Il
(ie.-'.revint en Espagne qu'au mois de décembre
. [ 1796. il rentra au théâtre en 1803 par une pièce
i ntitulée : El Baron, ou V Imposteur , qui, sans
itre un de ses chefs-d'œuvre, eut du succès;
îlle fut suivie de la Mogigata, ou La jeune Hy-
pocrite, en 1804, et en 1806 du Si de las Ni-
las, une de ses meilleures comédies, qui eut
i }uatre éditions dans une année et fut traduite en
plusieurs langues. Encouragé par le succès, il
[iHait donner d'autres pièces quand il fut en-
jravé par Tinquisition. Ses trois dernières co-
médies n'avaient vu le jour que grâce à la pro-
motion du premier ministre Godoy, et cette
>rotection même fut impuissante à faire paraîlre
•ur le théâtre LEscuela de los Maridos , imi-
ation de L'École des Maris de Molière, admira-
>lement appropriée aux mœurs espagnoles.
>tte comédie ne fut jouée que le 17 mars 1812,
orsque l'inquisition avait disparu avec l'an-
ienne monarchie et lorsqu'un frère de Napo-
ion régnait à Madrid. Godoy était tombé du
ouvoir le 18 mars 1808, et sa chute avait été le
ignal de l'occupation française. Moratin, imbu
es-idées nouvelles, accepta assez facilement un
Rangement dynastique qui permettait de régé-
érer l'Espagne. Il s'attacha au roi Joseph, qui
MORATIN 462
le nomma son premier bibliothécaire. Celte
place eût convenu au célèbre poète, si l'instabi-
lité du nouveau gouvernement et les malheurs
de l'Espagne n'eussent attristé son existence.
Réduit à quitter deux fois Madrid avec la cour
fugitive «le Joseph, il essaya de rester en Es-
pagne quand le parti national l'emporta ; mais il
fut en butte aux plus rudes privations. Il vit
saisir ses propriétés, piller ses meubles , dé-
truire sa bibliothèque ; il eut même à craindre
pour sa vie. Ferdinand VII le rassura sur ce
point, et lui permit de résider tranquillement à
Barcelone. Vers la fin de l'année 18.14, il fit
jouer dans cette ville El Medico a palos, imi-
tation libre du Médecin malgré lui de Mo-
lière. La crainte; peut-être exagérée, des persé-
cutions du parti clérical le décida à quitter Bar-
celone en 1817 et à se rendre à Paris, où il vé-
cut avec son ancien ami Melon. Il revint à Barce-
lone après le rétablissement de la constitution des
Cortès en 1820 ; mais ce fut pour peu de temps.
La lièvre jaune le chassa de nouveau de cette
ville; il alla rejoindre à Bordeaux son ami Sil-
vela. Il s'y consacra presque entièrement à son
ouvrage sur les Origines du Théâtre espagnol :
un grand et consciencieux travail, qui atteste
autant d'érudition que de goût, mais qui ne va
que jusqu'à Lope de Vega et laisse de côté la
partie la plus intéressante et la plus féconde de
la littérature dramatique espagnole. La santédé-
clinante de Moratin ne lui permit pas d'achever
son œuvre. En 1827, il retourna à Paris avec
son ami Si l vêla, et y mourut l'année suivante.
Il fut enseveli au Père La Chaise, près du mo-
nument de Molière. Moratin ne fut pas seule-
ment un poëte dramatique ; comme son père ,
avec autant de talent et plus de goût, il cultiva
la poésie lyrique. Mais quoiqu'il ait perfectionné
le vers blanc, qui convient si bien à la langue es-
pagnole, et trouvé. quelques nouvelles combi-
naisons de mètres et de rimes, il ne se plaçait
pas lui-même au rang des poètes lyriques, et
regardait ses cinq comédies comme son véri-
table titre de gloire. Ces productions agréables
méritent cette préférence ; elles sont très-remar-
quables par la vivacité et l'élégance du dialogue,
la netteté de l'observation, le relief et la vérité
des caractères , le développement naturel de
l'intrigue. Le poëte n'a que le tort de se tenir
trop en garde contre son imagination, et de re-
froidir par une correction trop minutieuse des
œuvres qui auraient exigé plus de verve et une
manière plus large. Avec un talent distingué et
fin, avec une parfaite rectitude de jugement, il
manque de cette originalité- qui constitue les
poètes de premier ordre. Les éditions des Œu-
vres de Moratin sont nombreuses en France et
en Espagne ; la plus complète est celle qui fait
partie de la collection des auteurs espagnols de
Ribadaneyra; Madrid, 1848. Les Comédies de
Moratin ont été traduites en français par E.
Hollander ; Paris, 1855, in-8°.Les Originestàel
463 MORATIN -
Teatro Espanol, augmentées d'un appendice
par Ochoa, ont paru à Paris, 1838, gr. in-8°.
L. J.
Ochoa, Notice sur Moratin, en tête des Origines. —
Hollander, Notice sur Moratin, en tcte de sa traduction
des Comédies de Moratin. — James Kennedy, Modem
Poets and Poetry of Spain.
morato ou mobeto ( Fulvio-Pelle-
grino), érudit italien, né vers 1495, à Man-
toue, mort en 1547. Ses parents étaient pau-
vres. Il s'appliqua de bonne heure aux belles-
lettres, et les enseigna avec succès dans plusieurs
villes d'Italie. Il avait fondé une école florissante
à Ferrare ; mais , accusé d'être favorable aux
principes de la réforme, il fut obligé de s'éloi-
gner, et s'établit à Vicence, puis à Venise. En
153.8 il était de retour à Ferrare; il n'est pas
cependant certain qu'il y ait terminé ses jours.
Il fut le père de la célèbre Olympia Morata
( voy. ce nom ). On a de lui : II Rimario di
tutte le cadentie di Dante e Petrarca; Ve-
nise, 1528, 1529, 1533, 1550, 1565, in-8° : le
plus ancien dictionnaire de rimes que l'on con-
naisse ; celui de Jean Le Fèvre, en français, date
de 1572; — Carmina queedam latina; Ve-
nise, 1533, in-8°; — Del Significato de' Co-
lori e de1 Mazzoli ; Venise, 1535, 1543, in-8°,
introd. à la science du blason. Plusieurs des
ouvrages manuscrits de Morato sont conservés
à la bibliothèque d'Esté. P.
Tiraboschi, Storia délia Lett. Italiana, VII, 3e part.
mobavie (Jérôme de). Voy. Jérôme.
juorav ou mcrray (Sir Robert ), un de~s
fondateurs de la Société royale de Londres,
mort le 4 juillet 1673, à Londres. D'une an-
cienne famille d'Ecosse , il vint jeune en
France, y termina son éducation, et entra au
service de Louis XIII; il s'introduisit fort avant
dans les bonnes grâces du cardinal de Richelieu,
qui lui donna le grade de colonel. En 1646 il fit
adopter à Charles Ier un plan d'évasion adroi-
tement conçu ; mais, au moment de l'exécution,
le roi refusa de s'y prêter. En 1660 Moray fut
appelé au conseil privé. Bien qu'il fût presby-
térien, il ne cessa jamais d'être en crédit au-
près de Charles II. On le regarde comme le
créateur de la Société royale, établie en 1661 ;
il en fut le premier président et jusqu'à sa
mort il resta l'âme de cette compagnie, qui
dès ses premiers pas était appelée à jeter un si
grand éclat dans le monde savant. D'après l'or-
dre du roi , il fut inhumé à Westminster. K.
Birch, Hist. of the royal Society.
morazan. Voy. Murazan, président de Gua-
timela.
morazzone ( Giacomo), peintre de l'école
milanaise, vivait en 1441. C'est par erreur
que divers biographes l'ont appelé Mazzoni,
Marzoni, Morzone ou Marzone ; c'est par er-
reur aussi que plusieurs l'ont classé dans l'é-
cole vénitienne, parce qu'il travailla à Venise
en concurrence avec Jacobello del Fiore, auquel
il fut inférieur, ayant conservé la manière des
MORCELLI 46
plus anciens maîtres italiens. Son nom est celi ;
d'un lieu du Milanais, et d'ailleurs c'est en di<
lecte milanais qu'il a signé le tableau que l'c ,
voit encore près Venise, dans l'île Sainte-Hi
lène; il représente Y Assomption avec sain,'
Hélène et d'autres saints, et il est signé : Gi<
como Morazzone a laura questo lauorier A.
D. ni. MCCCCXXXXL E. B— n.
Vasari', Vile. — Orlandi, Aàbecedario. — Zanet
Délia Pittura Veneziana. — Lanzi, Storia Pittorica.
Ticozzi, Dizionario.
morazzone. Voy. Mazzochelli.
morcelli (Etienne-Antoine ), célèbre a
chéologue et épigraphiste italien, né à Chiari,
17 janvier 1737, mort dans cette ville, le Ier ja ,
vier 1821. Élevé au collège des jésuites à Bre
cia, il fut reçu comme novice dans cet ordi
après avoir terminé à Rome ses études ■ I
belles-lettres et de théologie. Chargé d'enseign
la rhétorique successivement à Arezzo, à El
guse et depuis 1765 à Fermo, il fit en 1771, s
Rome, ses vœux solennels, et fut peu de tem
après adjoint au P. Cunich, professeur de rhf
torique au Collège romain et nommé conserv
teur du Musée fondé par le P. Kircher. Il E
établit une académie d'archéologie, depuis loi I
temps sa science de prédilection. Après la su I
pression des Jésuites il se retira pendant quelq
temps à Chiari, pour y compléter les matériai
d'un ouvrage sur le style des inscriptions a të
tiques , commencé depuis plusieurs annéi
Lorsqu'en 1775 il fut de retour à Rome,l
cardinal Albani lui confia la garde de sa U
cieuse bibliothèque. Morcelli publia six ans apii
son grand travail sur l'épigraphie des anciei
qui lut valut les éloges mérités des antiquaii
les plus renommés de l'époque. Il s'adonna ( :
suite à des recherches sur divers points d h j$
toire ecclésiastique. Appelé en 1791 dans il
ville natale comme prévôt de la collégiale , S
accepta cette charge, après avoir pendant qu.
que temps hésité, parce que, décidé à en re] i
plir les devoirs nombreux dans toute leur é'faj
due, il ne pouvait plus avoir que peu de loisir
donner à ses études favorites. [La façon exe!'
plaire dont il s'acquitta de ses fonctions lui va li
d'être promu en 1799 à l'archevêché de Ragus
mais il refusa ce poste élevé, afin de continue ui
remplir avec soin sa charge de prévôt. Il réfon :
les écoles de sa ville natale, à laquelle il doc j
sa belle bibliothèque, et il y fonda un orpl
linat. On a de lui : De Stilo lnscriptioniu\
latinarum libri III; Rome, 1780, in-4°; Il
doue, 1819-1822, 3 vol. in-4° ; ouvrage cl;
sique sur la matière ; — Inscriptiones comme
tariis subjectis; Rome, 1783, et Padouj
1823, in-4° : dans ce recueil d'inscriptions co j
posées par lui-même, Morcelli, qui imitait ai ;
bonheur le tour tantôt énergique, tantôt gracie
de celles qui nous restent des anciens, a exp<|
les raisons du choix de ses expressions; — J
dicazione antiquaria per la villa delta co
465
MORCELLI
\ilbani; Rome, 1785 et 1803, in-8°; — Ka-
endarium Ecclesix Constantinopolitanx
OCCCC annorum velustate insigne, primi-
us editum , commentants illustratum ;
tome, 1788, 2 vol. in-4° ; ce document con-
sent beaucoup de faits importants pour l'his-
oire des premiers temps de l'Église; — S.
\ ïregorii II , pontifias Agrigentinorum li-
'<ri X Explanationis Ecclesiastx greece
'irimum et cum éalina interpretationc ac
i omnentariis vulgati ; Venise, 1791, in-fol. :
[ Hivrage*. d'une , grande valeur pour l'histoire
| les dogmes catholiques ; — Commente suit'
scrizion sepolcrale délia santa martire
; igape; Brescia, 1795, et Modène, 1824, in-8°;
— Electorum libri II; Brescia, 1814, et Pa-
oue, 1818, in-8°; — SulV Agone Capitolino ;
[ilan, 1816, in-8°; — Sulla Bolla d'oro de'
\ anciulli Romani; Milan, 1816, in-8° ; —
[fricaC/iristiana; Brescia, 1816-1817, 3 vol.
i-4° : ce livre, rempli d'érudition, combla une
icunej regrettable qui existait dans l'histoire
cclésiastique ; — nâpEpyov Inscriptionum no-
issimarum ; Padoue, 1818, in-4°; — Opuscoli
sçetici; Brescia, 1820, 3 vol. in-8° ; — Dello
fmvere degli antichi Romani ; Milan, 1822 ;
- Appendix Inscriptionum novissimarum ;
adoue, 1823, in-4°; — Belle Arti e délie
•eltere degli Italiani avanti la fondazione
iRoma; Modène, 1823, in-8°; — Dell' Apo-
mosi degli Imperatori Romani; Modène,
[824; publié et annoté par Lobus ; — Dei lit-
\ori dèi magistrati Romani; Modène, 1824,
m-8°; —? Metodo di studiare ; Chiari, 1826,
[i-8°;r- Belle tessere degli speUacoli ro-
lani; Milan, 1828, in-8° ; — Sullo Studio
telle antiche monete; Milan, 1829, in-8° ; —
)ell' Arte critica diplomatica, dans les Me-
wrie di religione, morale e letteratura de
lodène. — Les notes qui dans l'édition de 1 790
es Anlichità italiane de Muratori sont si-
nées M. sont de Morcelli. O.
| Baratdi, JVotizia di Morcelli ( Modène, 1825 ).' — Re-
lie encyclopédique (année 1822). — Tipaldo, Biogr. de-
\li Italiani, t. X, p. 102.
!' mordaunt (Charles), comte de Peter-
borough, général et homme politique anglais, fils
je Jean lord Mordaunt de Rçygate, vicomte
''Avalon, et h! 'Elisabeth, petite-fille de Robert,
iorate de Monmouth, né en 1658, mort le 25 oc-
jabre 1735 à Lisbonne. Dans sa jeunesse, il servit
vous les amiraux Torrington et Narboi ough, dans
expédition contre Alger. Il quitta ensuite lama-
! me pour l'armée , fut envoyé à Tanger, et prit
lartà la défense de cette ville contre les Maures.
endantle règne de Jacques II, il fit une oppo-
sition ardente à la politique de ce prince. Il
|assa en Hollande sous prétexte d'aller prendre
| commandement d'une escadre envoyée aux
odes occidentales, mais en réalité pour presser
I prince d'Orange de tenter une descente en An-
lete.rre et de renverser le gouvernement de Jac-
MORDAUNT 460
ques II. Il représentait cette entreprise comme
très-facile. Le prince d'Orange répondit froide-
ment qu'il aurait les yeux sur les affaires de l'An-
gleterre et qu'il ne laisserait pas porter atteinte à
la religion protestante. S'il ne se montra pas
plus explicite, « c'est qu'il savait, dit Burnet,
que lord Mordaunt avait la tête chaude, la pa-
role prompte, qu'il était brave et généreux, mais
manquait de jugement, que ses pensées n'étaient
pas méditées et que ses secrets étaient bientôt
connus. » Sans s'ouvrir à Mordaunt, le prince
d'Orange profita de ses avis, et plus tard il se
servit utilement de lui dans l'expédition en An-
gleterre. Après la révolution de 1688, Mordaunt,
comme un des principaux acteurs de ce drame
politique et comme whig véhément, fut mis à la
tête du banc de la trésorerie, place qui n'était
pas encore celle de premier ministre,' (1689), et
obtint le titre de comte de Monmouth. Cette
place qe convenait point à un militaire brillant ,
mobile , dissipé ; il se rendit bientôt désagréable
à ses collègues et au roi Guillaume, dont il con-
trariait la politique conciliante par son zèle whig
intempestif. En janvier 1690, il résigna son
siège de premier commissaire de la trésorerie ,
et commença contre les membres tories du
ministère une opposition vive et décousue.
Son caractère irréfléchi, après avoir rendu long-
temps ses talents inutiles, l'entraîna dans une
faute qui faillit pour toujours priver son pays de
ses services. Dans le procès de Fenwick, en 1697,
il fit proposer secrètement à l'accusé de faire des
révélations contre de hauts personnages tories •
Fenwick s'y refusa, et Monmouth, irrité, insista
pour sa condamnation. Cette conduite coupable
chez un juge ne tarda pas à être connue et excita
une réprobation générale. Les pairs envoyèrent
Monmouth à la Tour. Mais ce brillant personnage
était de ceux qui ne tombent que pour se relever.
Il quitta le nom de Monmouth , et succéda au
titre de son oncle Henri, comte de Peterborough,
en juin 1697. Ce ne fut qu'à l'ouverture de la
guerre de la succession d'Espagne qu'il trouva un
digne champ pour son activité. La reine Anne
l'appela dans son conseil privé, en mars 1705, et
le nomma dans la même année général et com-
mandant en chef des forces envoyées en Espagne
pour y soutenir la cause de Charles d'Autriche
contre Philippe de Bourbon. Lord Peterborough
arriva à Lisbonne au mois de juin 1705, avec
cinq mille soldats hollandais et anglais; il prit
sur sa flotte l'archiduc Charles, fit voile pour
Gibraltar, où il recueillit le prince de Hesse-
Darmstadt, et se dirigea ensuite sur Valence, qu'il
occupa sans coup férir. Cette conquête facile lui
inspira l'idée de terminer la guerre en marchant
droit sur Madrid. Le prince de Hesse-Darmstadt,
trouvant le projet trop périlleux, préféra une at-
taque sur Barcelone. Peterborough , placé sous
les ordres du prince, obéit à regret. Le siège
offrait en effet des difficultés insurmontables.
Après trois semaines passées devant la ville , les
467
MORDAUNT
3
alliés résolurent de lever le siège le 12 sep-
tembre. Peterborough approuva cette mesure,
mais avant de la prendre il déclara qu'il vou-
lait tenter un assaut nocturne contre la forte-
resse de Monjuich, qui commandait Barcelone.
L'audace inouïe du général anglais rencontrant
la négligence non moins inouïe des assiégés, ob-
tint un brillant et inattendu succès. La chute de
Monjuich entraîna celle de Barcelone. Peterbo-
rough eut la gloire de prendre avec une poignée
d'hommes une des plus grandes et des plus
fortes places de l'Europe, et la gloire, plus chère
peut-être à son caractère chevaleresque, d'arra-
cher à la brutalité des soldats la belle duchesse
de Popoli. Il profita habilement de la jalousie
des Catalans contre les Castillans, leur rendit
leurs anciens droits et libertés, et réussit ainsi à
les attacher à la cause autrichienne. Tarragone ,
Tortose, Girone, Lerida, San-Mateo, lui ou-
vrirent leurs portes. Avec douze ou quinze cents
hommes qui restaient sous ses ordres , il se jeta
dans les montagnes au cœur de l'hiver, chassa
devant lui le général espagnol comte de Las
Torres, et rentra triomphant dans Valence,
le 4 février 1706. Quelques jours après il dis-
persa un corps de troupes envoyé au secours de
Las Torres. Les cours de Madrid et de Versailles,
effrayées des rapides succès de Peterborough
tentèrent les plus grands efforts pour l'arrêter.
Une armée considérable sous le commandement
nominal de Philippe , mais sous les ordres réels
du maréchal de Tessé, entra en Catalogne et mit
le siège devant Barcelone avec l'aide d'une flotte
commandée par le comte de Toulouse. La ville,
attaquée par terre et par mer, était en péril lors-
que lord Peterborough accourut avec trois mille
hommes. Ne pouvant pas, avec une force si mi-
nime, attaquer une grande armée, il harassa les
ennemis par des escarmouches, leur coupa les
vivres, et introduisit des provisions dans la ville.
Se jetant ensuite dans une barque, il rejoignit la
flotte anglaise, qui restait inactive, en prit le
commandement, et se dirigea aussitôt vers la
flotte française, qui ne l'attendit pas. Le lende-
main, l'armée de terre leva le siège, et se retira
dans le Roussillon. Cet événement eut pour ré-
sultat, l'entrée de lord Galway dans Madrid, aban-
donné par Philippe. Peterborough voulait qu'on
profitât de cet avantage pour s'établir immédia-
tement et solidement dans la capitale. Il est très-
probable que si ses plans avaient été suivis l'ar-
chiduc se serait assis, du moins pour quelque
temps, sur le trône d'Espagne. Mais le général an-
glais n'avait pas dans le caractère le calme et la
sujte qui pouvaient rendre ses conseils accep-
tables. Ses services trop éclatants et sa présomp-
tion excitèrent l'envie et le mécontentement de
l'archiduc. Peterborough, mécontent de son côté,
demanda à quitter l'armée. L'archiduc lui en ac-
corda volontiers la permission, et le chargea d'al-
ler à Gênes contracter un emprunt. De ce mo-
ment la fortune changea. Les alliés, coupés de
la frontière du Portugaise retirèrent sur I
lence, en laissant dix mille prisonniers entre sa
mains de l'ennemi. En janvier 1707, Peteii-H
rough arriva à Valence comme simple volonte \,i
On lui demanda encore des conseils, que Foi g s
suivit pas , et le gouvernement anglais le rapj ,. :
De retour en Angleterre, il eut d'abord à jt I
fier sa conduite, ce qui ne fut pas difficile, i M
obtint de la chambre des pairs (janvier i" 9
non-seulement un bill d'indemnité, mais la -
connaissance solennelle de ses services. Dan il
lutte des partis pendant les derniers jours d M
reine Anne , entraîné par sa haine contre M Kfj
borough , il se prononça violemment pour m
tories, et fut nommé colonel du régiment n
horse-guar ds , lord - lieutenant du comté a
Northampton et chevalier de la Jarretière (i H
1713). En 1710 et 1711 il eut des mission!
Vienne, à Turin, et dans plusieurs États d'Itiil
Vers la fin de 1713, il fut envoyé comme ara m
sadeur auprès du roi de Sicile et nommé ■
après gouverneur de l'île Minorque. Sous le r< ■
de Georges Ier il devint général de toutes lesfo H
navales de l'Angleterre, poste qu'il garda jus< il
sa mort. Il termina ses jours à Lisbonne, o l
était allé chercher le rétablissement de sa sa .
« Lord Peterborough, dit Macaulay,fut, sino I
plus grand, du moins le plus extraordinaire jl
ractère de cette époque , sans en excepter le H
de Suède lui-même. En vérité, on pourrait ■
crire Peterborough comme un Charles XII, j 1
instruit, amoureux. Son courage avait t<l§
l'impétuosité française et toute la fermeté H
glaise. Sa fertilité et son activité d'esprit éta I
presque incroyables; elles se montrèrent c, i
tout ce qu'il fit , dans ses campagnes , dans ^1
négociations, dans sa correspondance familiifl
dans sa conversation la plus légère et la moins < jfl
diée. Il était un tendre ami, un généreux enneut
et dans sa conduite un véritable gentleman.ùM
ces splendidestalents et ses vertus furent renlj
presque inutiles à son pays, par sa légèreté, il
impatience du repos, son irritabilité, son §.
maladif pour la nouveauté et l'excitation. N ||
seutement sa faiblesse l'avait dans plus d'une I
casion plongé dans des troubles sérieux ; n i >
elle l'avait conduit à des actions entièrement I I
dignes de son humaine et noble nature. Le reil
lui était insupportable. Il aimaif à courir autf
de l'Europe plus vite qu'un courrier. Il était !
semaine à La Haye, et à Vienne la serait
suivante. Alors il lui prenait fantaisie de if»
Madrid , et à peine avait-il atteint Madrid q tj
demandait des chevaux et partait pour in
penhague. Le changement d'occupation lui é P
aussi nécessaire que le changement de place l
aimait à dicter six ou sept lettres à la fois. Cù
qui avaient à traiter des affaires avec lui se p ,
gnaient que quoiqu'il parlât avec une grai i
habileté sur chaque sujet, il ne pouvait jam
se fixer à aucun.... Peterborough fut en vérih
dernier des chevaliers errants , brave jusqu'à
1 69 MORDAUNT — MORE
mérité, libéral jusqu'à la profusion, courtois
ois ses rapports avec les ennemis, le protec-
nr des opprimés, l'adorateur des femmes. Ses
i -rtus et ses vices étaient ceux d'un ohevalier
; la Table Ronde. » Lord Peterborough aimait
vgens de lettres, surtout ceux qui pensaient
ec hardiesse. Lui-même était un libre penseur.
1 1 rapporte qu'ayant rendu une visite à Féne-
'i,iil fut si enchanté de la conversation du pré-
; qu'il dit au chevalier Ramsay : « Il faut que je
rte le plus tôt possible, car si je restais ici une
maine de plus , je deviendrais chrétien malgré
i )i. » Après avoir, dans sa jeunesse, protégé
■yden, il devint l'ami intime de Swift et de
ope, de Prior, d'Atterbury, de Berkeley. Il
rivit des bagatelles-, mais sa versatilité l'em-
cha de rien composer qui fût digne de son
i prit. Chalmers cite de lui : La Muse de Ca-
lier, w an apology for such gentlemen
1 m<ike poetry their diversion and not
r btisiness, dansxme lettre insérée au Public
ster de Dodsiey ; 1741 ; — A Copy of ver-
an the duchess of Marlborough , dans les
res de Swift; — Remarks on a pam-
t, respecling ihe création of-peers; 1719,
470
comte de Peterborough épousa , en pre-
noces, Carey, fille de sir Alexandre Fra-
laquelle il eut deux fils , Jean et Henri,
oururent avant lui, et une fille, Henriette,
intime d'Alexandre, second duc de Gordon. Sa
conde femme fut la célèbre chanteuse Anas-
Robinson, personne d'une conduite irré-
ochable. Il eut quelque peine à déclarer ce ma-
, ige, si peu conforme à;son rang ; mais enfin il s'y
fccida, et la seconde comtesse de Peterborough
ut admise dans le plus grand monde anglais.
■ m petit-fils , Charles Mordaunt, fils de Jean
frd Mordaunt, lui succéda dans le titre de comte
h Peterborough. L. J.
tBurnet, History of his own Urne. — Swift, Works,
i Vil de- l'édition de Nlchols. — Pope, Works and Cor-
spondence. — Friend, Account of the earl of Peterbo-
] ugh conduct. in Spain. — Carlton, Memoirt.— Horace
, ;ilpole, Catalogue of rpyal and noble authors. — Lord
nhoo, IV ar of the succession in Spain; History of
\igland. — Hacaulay, Essays; History of England.
Seward, Anecdotes and biographiana. — Chalmers,
■ nerut Biographical Dictionary. — Lodge, Portraits,
Vil. — Lïves of JBritish military Commanders.
'mordvinof (Simon- Ivanovitch) , amiral
isse, né le 26 janvier 1701, mort en mars
'77, fut au nombre des vingt jeunes gens que
erre 1er envoya, en 1717, à Brest prendre leurs
ades dans la marine royale. Il en revint, au
mt de cinq ans , lieutenant de vaisseau, et en
pporta un goût prononcé pour les sciences de
marine. On lui doit une traduction du français
un ouvrage Sur les Évolutions d'une flotte,
divers travaux en langue russe sur la Navi-
■ition et la Géométrie.' A. G — s.
Bercti, fie de l'amiral Mordvinof. — Mémoires de
jirochin. — Bantlch-Kamenski, Dictionnaire Hist.
more (Henry), en [&im Morus, philosophe
|iglais,néle 12 octobre 1614, à Grantham (comté
de Lincoln), mort le 1er septembre 1687, à Cam-
bridge. D'une famille de calvinistes rigides, il se
révolta de bonne heure contre le dogme de la
prédestination, et les menaces dont on usa envers
lui pour réprimer ses doutes ne servirent qu'à
les accroître. Envoyé au collège d'Eton pour ap-
prendre les langues anciennes , il s'appliqua en
outre aux questions les plus difficiles de la phi-
losophie et de la théologie, et poursuivit avec
ardeur cette étude à l'université de Cambridge.
Après avoir pris pour premiers guides Aristote
et les scolastiques, il s'en dégoûta et, entrant
dans une voie tout opposée, il leur préféra Pla-
ton et la plupart des mystiques; la lecture du
fameux traité de Jean Tauler, Theologia Ger-
manica, l'intéressa particulièrement, et quelques
années plus tard il crut remonter à la source de
toutes ces doctrines en portant ses recherches
sur la kabbale. Maître es- arts en 1639, il fut
admis au nombre des agrégés (fellows) du col-
lège du Christ; ce fut là que s'écoula sa vie en-
tière. En vain lui offrit-on les plus hautes dignités
de l'Église anglicane : la cure d'Ingoldsby et une
prébende à Gloucester furent résignées par lui
presque aussitôt qu'acceptées ; il refusa même
le principalat de son collège, auquel il avait été
porté en 1654, de préférence à Cudworth, son
ami. Parmi les jeunes gens dont il surveilla l'é-
ducation, il faut citer sir John Fiesch, dont la
sœur, lady Conway, s'éprit d'enthousiasme pour
ses idées; elle l'attira souvent à son château, où.
il vécut dans l'intimité de van Helmont, le célèbre
philosophe hermétique , et de Valentin Great-
reakes , le fameux thaumaturge. « Henri More ,
dit M. Franck, appartient, parle fond de ses idées,
et, si l'on peut parler ainsi, par la physionomie
générale de son esprit, à cette école platonicienne
d'Angleterre dont Cudworth est sans contredit
le plus illustre représentant.... Il cherche une
doctrine où puissent se rencontrer sur un même
fond spiritualiste la raison et le dogme chrétien,
la tradition et le libre examen. Mais , plus éru-
dit que philosophe, et d'une imagination très-
aventureuse, il a exagéré les différents principes
qu'il devait associer ensemble. » Bien qu'il ait
entretenu une correspondance amicale avec Des-
cartes, il était loin de l'accepter pour maître; il
le défendit contre ceux q ui l'accusa ient d 'athéisme,
mais il lui reprocha aussi de confondre la ma-
tière avec l'étendue, d'en faire la seule substance
de l'univers, de chasser Dieu de la nature et de
la raison de l'homme. Il combattit avec non moins
de passion le matérialisme de Hobbes, et dé-
nonça les dangers de la doctrine de Spinosa. Dans
sa métaphysique il croit à un Dieu personnel,
créateur et providence du monde, et il en dé-
montre l'existence par l'idée de perfection ; les
idées nécessaires et universelles émanent de la
raison divine. Au-dessous de Dieu il place,
dans une immense chaîne qui embrasse la na-
ture entière, les âmes angéliques, les âmes hu-
maines, les âmes des brutes et l'esprit du monde,
471
MORE
où sont renfermées les lois et les formes géné-
rales. Quant à l'âme humaine, il recherche ce
qu'elle a été avant de paraître ici-bas, et ce
ce qu'elle deviendra dans la suite. Excepté Dieu,
il n'admet pas de purs esprits. Comme avait
fait Origène , il ne conçoit les êtres qu'en rela-
tion avec la matière; à mesure que l'esprit s'é-
lève ou s'abaisse, la matière se subtilise ou s'é-
paissit de plus en plus ; l'atténuation progressive
des corps marque ainsi les innombrables étapes
que nous sommes appelés à parcourir avant d'ar-
river jusqu'à la béatitude éternelle. S'il est diffi-
cile d'attribuer un système à More et d'en faire un
penseur original, on ne peut lui refuser d'avoir
eu des idées d'une remarquable hardiesse ou
d'une véritable profondeur. Un grand nombre
de ses écrits philosophiques ont été réunis sous
ce titre : A Collection of several philosophïcal
Writings (Londres, 1662, in fol.; 4e édit, 1712).
Le recueil complet n'en existe qu'en latin, Opéra
omnia, tum quee latine, tum qux anglice
scripta sunt , nunc vero latinitate donata
(Londres, 1679, 2 vol. in-fol.). On y remarque
Dialogi divini , Enchiridium metaphysicum ,
Antidotus adversus atheismum, et Animae
Immortalitas.Un troisième volume a été consa-
cré à ses traités de théologie (Opéra theologica ;
Londres, 1700, in-fol.). Henry More est '( encore
l'auteur d'un recueil de poésies intitulé : Psy-
cho-Zoia, or the life ofthe soûl, and other
poems ( Londres, 1640, in-8°), et réimprimé en
1647. Il fut un des premiers membres de la So-
ciété royale de Londres. P. L — y.
Richard Ward, The Life of the learned and pious
Dr Henry More; Londres, 1710, in-8°. — Burnet, Oivn
Times. — Birch, Life of Tillotson. — Blair, Lectures. —
Enfleld, Hist. of Phitosophy, llv. VIII. — Censura litte-
raria, 111. — A. Franck, dans le Dict. des Sciences phi-
losophiques.
more ( Alexandre), en latin Morus, célè-
bre ministre protestant, né le 25 septembre
1616, à Castres, mort le 28 septembre 1670, à
Paris. Après avoir terminé son éducation au
collège de Castres, où son père, Écossais d'ori-
gine, occupait l'emploi de principal, il alla étu-
dier la théologie à Genève ; trois ans plus tard,
la chaire de grec étant devenue vacante, il se
mit sur les rangs, et l'emporta sur Etienne Le
Clerc et d'autres concurrents plus âgés que lui
(1639). En 1642 il succéda à Fréd. Spanheim,
comme ministre et professeur, et il introduisit
dans la prédication et dans l'enseignement de la
théologie des innovations qui le firent accuser
d'opinions hétérodoxes. Il fut promu en 1645
à la dignité de recteur. Ses railleries et la hau-
teur de ses manières, et ausi son mérite et son
influence, excitèrent la jalousie de quelques col-
lègues, qui accablèrent le conseil de plaintes ; de
guerre lasse il préféra de s'éloigner, et obtint, à
la recommandation de Saumaise, une chaire à
Middelbourg (1649). De là il se rendit à Ams-
terdam, où les curateurs de l'École illustre l'a-
vaientappelé pour professer l'histoire (1651), et
profita d'un congé pour faire un voyage er. Wi
lie; il y resta plus d'une année, et fut coffli:
d'honneurs par le grand-duc de Toscane jm
que par la seigneurie de Venise. La hain 0e
ses ennemis ne tarda pas à lui rendre le si M;
de la Hollande intolérable. Mensonges, im| mj
ingratitude, fol orgueil, vices infâmes, on le n|>
vrit de toutes ces accusations en le somma H»;
se justifier. Morus s'y refusa, et rentra en Fr njr
Le synode de Nimègue le frappa d'e'xcomn tin
cation; mais le synode de Loudun l'en rem
et l'invita seulement à être à l'avenir plus m
conspect et plus réservé. Nommé pasteu »
l'église de Charenton (1659), il attira une gr M
foule à ses prêches ; en même temps il excit; m
son intraitable caractère de nouvelles cal m
contre lui. Sa conduite ne prêtait que trop M
plus fâcheuses interprétations : ainsi il avait m
l'habitude de courir les rues la nuit , en coi pi
gnie d'aventuriers ou de gens mal famés, et d« m
vre les femmes jusque dans des lieux où sa jfl
sence ne pouvait être qu'un scandale. On l'ii M
dit pour un an (1661). Cette malheureuse af m
fut encore portée devant trois ou quatre s; M
des ; Morus promit de s'amender, et la v ■
lesse, accompagnée de la maladie, la forç; ■
tenir parole. Il mourut chez la duchesse de I
han, sa protectrice; sa mort fut des plus édill
tes. « Morus, dit Senebier, eut de l'esprit avo I
vices qui l'accompagnent quand la raison ne H
pas le régler; il fut léger, imprudent, orgueilkB
s'il excita l'envie par ses talents, il appela la h I
par sa hauteur ; son savoir était vaste, 1 1
superficiel; il croyait avoir tout fait quai!
avait montré de l'adresse ou tissu des phr.l
sonores. » On a de lui : De necessaria I
gratta disp. IV; Genève, 1644, in-4"; Midi
bourg, 1652; — Calvinus; ibid., 1648, in- ;
— Causa Dei, id est de Scriptura sa ;
exercitationes ; Middelbourg, 1653, in 4° I
Fides publica contra calumnias J. Miltm
scurree; La Haye, 1654, in-12, avec un Sw/1
(1655); il fournit dans ce livre les attestatil
les plus honorables sur ses mœurs et sur I
doctrine ; c'est une réponse au poète Milton, (1
dans sa Second Defence of the People of JR
gland, s'était vengé sur Morus des attaqU
d'un libelle anonyme dont il l'avait cru Y\L
teur ; — Eusebii Csesar. Chronicon, cum fli il
ejus continuatoribus, gr. lat. ; Amsterdali
1658, in-fol.; — Notse ad quaedam loca Ni
Fœderis ; Londres, 1661 , in-8°, plusieurs tv
réimpr.; — Soteria laus Christi nascent\
Epinicia super Venetorum de Turcis vic\
ria; Paris, 1663, in-4° ; le premier de ces p<
mes latins fut trad. en français (Paris, 16(j]
1669, in-4° ) et le second réimpr. à part ( ibi
1673, in-4°) ; — Poemata ; Paris, 1669, in-
— Derniers Discours ; Amsterdam, 1680, irt-1
— Sermons choisis ; Genève, 1694, in-8° ;
Sermons sur le catéchisme; Genève, 16Ï
2 vol. in-8°. P. L.
MORE — MORE AU
474
nebler, Hist. Htlér. de Genève. — Baylc, Dict. crit. —
nions, lAfe of Nilton. — Ilaag frères, l.a France
(«faute, Vil, 54S-BW.
IORE (fiannah) , femme auteur anglaise,
en 1745, àStappleton, près Bristol, morte le
'pterabre 1833, à Clifton. Fille d'un pauvre
ésiastique qui tenait une école de village,
puisa dans la lecture de Paméla de Ri-
•dson un vif désir de s'instruire. Ses pro-
rapides non moins que son intelligence ex-
rdinaire attirèrent l'attention de quelques
onnes riches; on l'aida non-seulement à
pléter son éducation , mais encore on lui
nit les moyens de former une maison d'é-
ition pour les jeunes filles, maison qu'elle
;ea avec ses sœurs, et qui resta pendant
temps un des meilleurs établissements de
enre dans l'ouest de l'Angleterre. De bonne
e elle composa des vers, mais elle ne se
da qu'assez tard à les mettre au jour. Son
lier essai fut un drame pastoral ; il eut
de; succès parmi ses amis qu'elle se laissa
orient persuader de sa vocation pour le genre
latique. Munie d'une lettre d'introduction
• Garrick , elle vint à Londres, y fit repré-
;r deux tragédies, et se lia intimement avec
«son, Burke, sir Joshua Reynolds, Beattie,
•riss Montague , etc. Au bout de quelques
ies, ayant acquis par ses travaux littéraires
position indépendante, elle se hâta de re-
cer à la fois au monde et au théâtre, qui l'un
lutre s'accordaient mal avec ses sentiments re-
ux. Elle s'opposa à ce qu'on jouât désormais
pièces, qu'elle traita de poèmes, et répara
fiai qu'elle croyait avoir fait par des ouvrages
aables en écrivant ses Drames sacrés, qui
rent d'une vogue singulière. En 1786 miss
nah More se retira avec ses sœurs dans le
lige de Mendip, puis dans celui de Barleyn-
d, non loin de Bristol; là, partageant son
os entre un travail opiniâtre et des prati-
i de dévotion ou de charité, elle consacra
f partie de sa modique fortune à répandre
r, truction parmi les classes ouvrières ; elle
Sribua à la fondation de plus de soixante
, es , non sans rencontrer de la part des
nhbres du clergé une vive opposition, d'où
Kit une polémique peu édifiante. En 1828
feî -«'établit à Clifton, et y mourut, à l'âge de
Wrre-vingt-huit ans. Ses quatre sœurs l'a-
»Jnt depuis longtemps précédée dans la
K'be. Elle légua par son testament une somme
A', '.50,000 fr. à divers établissements de bien-
fcmce. Miss More mérite d'être placée dans un
H; élevé parmi les écrivains de son temps;
W sentiments sont toujours nobles, ses pensées
i«!,îs, fines et naturelles , et son style brille
tëftt par l'harmonie, tantôt par l'exacte me-
i\ . La liste des ouvrages de cette dame est
ta fournie pour la citer tout entière ; nous
r;>ellerons les suivants : The Search a/ter
hpiness (1773), drame pastoral; — The in-
flexible Captive ( 1774) ; Percy (1778 ), et Fa-
tal Falsehood (1779), tragédies; — Sacred
drainas; Londres, 1782, in-8°; la 17e édit. est
de 1812; — Florio and the Blue-Stocking,
poems; ibid., 1786, in-8°; — The Slavcry,
poem; ibid., 1788, in-4°; — Thoughls on the
manners oj the great; ibid., 1788, in-13; —
The Shepherd of Salisbury plain ; ibid., 1791,
in-12>; — Estimate of the religion of the
fashionable world; ibid., 1791, in-12; —
Strictures on the modem System of female
éducation ; ibid., 1799, 2 vol. in-8°; — Hinls
towards forming the character of a younq
princess ; ibid., 1805, 2 vol. in-8°; après l'ap-
parition du traité précédent , il fut question de
lui confier l'éducation de la princesse Charlotte;
ce fut à l'occasion de ce projet , qui ne réussit
pas, qu'elle s'occupa des meilleurs moyens d'é-
lever une jeune princesse; — Cœlebs in
search of a wife; ibid., 1809, 2 vol. in-8o;
trad. en français (1817), 4 vol. in-12); c'est le
plus populaire des écrits de l'auteur, dans une
seule année on a publié dix éditions de ce ro-
man, essentiellement moral et religieux; —
Practical Piety ; ibid., 1811, 2 vol. in-8°;
8e édit, 1812; — Christian Morals ; ibid.,
1812, 2 vol. in-8"; — Essay on the character
and writings of saint Paul; ibid., 1815,
2 vol. in-8°. Les œuvres complètes de Han-
nah More ont été recueillies plusieurs fois ; ses
Memoirs and Correspondence ont paru en 1834
(4 vol. in-8°), par les soins de W. Roberts. K.
H. Thompson, Life of Hannah More, with notices of
hersisters; Londres, 1838, in-8°.
m ohe. Voy. Morus.
mo beau (Sébastien ), chroniqueur français,
né à Villefranche, vers la fin du quinzième siècle.
Son caractère probe et ses réelles qualités d'ad-
ministrateur le firent parvenir en peu de temps
aux plus hauts emplois. Il était référendaire gé-
néral du duché de Milan, lorsqu'on le choisit, en
1524, pour recueillir les deniers offerts au roi
François Ier, prisonnier, par le haut et libre
clergé du royaume. On n'eut qu'à se louer de la
manière délicate dont il remplit sa mission.
Chargé des sommes qu'il avait reçues, il se ren-
dit à Bayonne, où il fut témoin de tous les évé-
nements qui accompagnèrent la délivrance du
monarque. Il en rédigea un long procès-verbal
extrêmement précieux pour l'histoire de la cé-
lèbre captivité, et aussi véridique qu'il est pos-
sible de le désirer ; ce procès-verbal est intitulé :
La Prinse et Délivrance du roy, venue de la
royne,seur aisnée de l'empereur, et recouvre-
ment des enfants de France (1524-1530), et a
été publié, d'après le manuscrit conservé à la Bi-
bliothèque impériale (n° 9,902) dans les Archives
curieuses de V Histoire de France par MM. Cim-
ber et Danjou ( lre série, t. II, p. 250). Ces édi-
teurs n'ont pas jugé à propos de reproduire l'ex-
posé des moyens employés par François Ier pour
assembler les 1,200,000 écus qui furent payés
475
MOREAU
pour sa rançon. Ou le trouvera dans le manus-
crit que nous avons mentionné : qu'il suffise
pour l'instant de savoir que le pape accorda les
quatre dixièmes du revenu des biens ecclésias-
tiques en France pendant une année ; on exigea
en outre un don gratuit de la noblesse.
L. Lacour.
Cirober et Danjou, Archives curieuses de l'Hist. de
France, t. II.
ivioreau (Jean), théologien français, né à
Laval, mort vers 1584. Suivant du Boulay', il
était docteur en théologie à l'université de Pa-
ris, lorsque, le 14 janvier 1537, il fut nommé
procureur de la nation de France; mais, suivant
de Launoy, dont le témoignage est ordinairement
plus exact, c'est en 1540 que Jean Moreau fit
son cours de théologie, et c'est en 1547 qu'il
reçut les insignes du doctorat. Il fut ensuite cha-
noine à la cathédrale du Mans. Nous avons de
lui une histoire des évêques du Mans intitu-
lée : Nomenclature/,, seu Legenda aurea pon-
tificum Cenomanensium, ab anno Verbi in-
carnati 902 usque ad annum 1572. Cette his-
toire, qui ne manque pas d'intérêt et qui n'a pas
été inutile à Bôndonnet ainsi qu'à Le Corvaisier,
est encore inédite. La bibliothèque du Mans en
possède trois manuscrits. B. H.
B. Ilauréau, Hist. IAtt. du Maine,V III, p. 364. —
N. Desportes, Bibliographie du Maine.
MOREAU (René), médecin français, né en
1587, à Montreuil-Bellay ( Anjou), mort le 17 oc-
tobre 1656, à Paris. Fils de Matthieu Moreau,
médecin du duc d'Alençon, il fut reçu docteur
en 1619 à Paris, devint doyen de la faculté pour
1630 et 1631, et remplaça en 1632 Denis Bazin
dans la chaire de médecine et de chirurgie au
Collège royal. Il avait demeuré longtemps chez
Simon Piètre, fameux médecin du temps , qui
fut son protecteur et qui lui donna sa nièce en
mariage. Sa riche bibliothèque, Composée de
livres curieux et singuliers, fut dispersée après
sa mort. On estime beaucoup ses ouvrages, dont
les principaux sont : Renati Morelli antica*
lotta ; Paris, 1614, in-4° : il prétend, dans cette
pièce de vers, démontrer que la calotte est une
coiffure malsaine, contrairement à l'avis de Jean
Morel, qui l'avait célébrée en 1611 ; — De Mis-
sione sanguinis in pleur itide, cum vita Pétri
Brissoti; Paris, 1622, in-8°; — Schola Saler-
nitana, h. e. de Valetudine tuenda, cumani-
madversionibus ; Paris, 1625, in-8°; plusieurs
éditions;— Jacobi Sylvii (Dubois) Ambiant
Opéra medica, cum ejusdem vita et icône;
Genève, 1630, in-fol. ; — Gulielmi de Baillou
Vita, à la tête des Consilia medicinalia de cet
auteur ; Paris, 1635, in-4" ;— Défense de la fa-
culté de médecine de Paris contre son calom-
niateur (Théophraste Renaudot); Paris, 1641,
in-4o ; — Discours curieux du chocolaté (sic),
trad. de l'espagnol d'Antonin Colmenero] de
Ledesma, avec des annotations ; Paris, 1643,
in-40;— De Laryngotomia ; Paris, 1646,in-8°,
avec les Bxercilationes de angina puerorum
de Thomas Bartolin; — Centonis xaxoppa^jj
diffibulatioin qua pleraque diplomaia ac H
Monspeliensis falsi convincunlur ; Pail
1646, in-4°; — Tabulas methodi universi B
curqndorum morborum ; Paris, 1647, in- L
et in-4°. p. 1 1
Guill. Duval, Le Collège royal de France, p. 94 m
Biogr. méd. — Niceron, Mémoires, XXX IV.
moreau (Jean-Baptiste), compositeur fi ta
çais, né à Angers, en 1656 , mort à ParisJ
24 août 1733. Admis comme enfant de cbœu i.
la cathédrale d'Angers, il y fit ses études mus 1
les, et obtint ensuite une place de maître de c I
pelle à Langres. Puis, il alla remplir les mêiJ
fonctions à Dijon, et se décida peu de tei I
après à venir à Paris pour y chercher fortul
Arrivé dans cette ville, sans ressources et s I
recommandations , il se fit bientôt des relatiil
qui l'aidèrent à se tirer d'affaire. On rappuJ
qu'un jour étant parvenu à pénétrer jusqu'il
toilette delà dauphine, Victoire de Bavière I
eut la hardiesse de la tirer par la manche en 1
demandant la permission de chanter devant I
un air de sa composition. Loin de s'offensei-l
sa témérité, la princesse se mit à rire et ace 1
à sa demande. La chanson de Moreau fit 1 1
de plaisir à la dauphine qu'elle eh parla au I
qui voulut à son tour entendre le musicien) J
l'admit à son service. La nouvelle positiomJ
Moreau lui offrit l'occasion d'écrire pour la c I
la musique de plusieurs divertissements ; on I
entre autres le divertissement intitulé LesBerg I
de Marly. Moreau s'était déjà fait une certéj
réputation lorsqu'une circonstance yintluiiooJ
une nouvelle occasion de se mettre en évidei I
Peu de temps après la fondation de la Mai I
royale des demoiselles de Saint-Cyr,par Mn*l
Maintenon, en 1686, il avait été attaché à I
établissement en qualité de maître de musiqil
Depuis que Mme de Maintenon était en en 1
auprès de Louis XIV, elle avait essayé de U
tourner le roi des fêtes ruineuses qu'il donn
en lui procurant des amusements moins coûtell
« en même temps, disent les mémoires de. 1-1
poque, qu'elle lui faisait trouver plaisir en HÉ
bonnes choses ». Elle demanda à Racine s'il U
pourrait pas faire sur quelque sujet de piét* -.
du monde une espèce de poème où le chant 11
mêlé avec le récit, le tout lié' ar une action''!!
rendit la chose plus vive et moins capable à! m
nuyer; la pièce devait être uniquement put
Saint-Cyr, et le public ne devait en avoir auci li
connaissance. Racine se mit à l'œuvre et écr kl
la tragédie A'Esther;^ chargea Moreau de ce |<i
poser la musiquedes chœurs, et bientôt après \ê
commença les répétitions de la pièce. Racine, a- [4
l'aide de Boileau, avait chjçusi les demoiselles ■ fk
devaient remplir les différents rôles, les ai m
formées à la déclamation et était parvenu à \>t
amènera une perfection que personne n'es"
rait (1). De son côté, Moreau, secondé de Nive
(1) Voici les noms de ces demoiselles, qui sont resl
;aniste de la maison, qui tenait le clavecin, et
, symphonistes du roi, qu'on avait mis à sa
position, surveilla la partie musicale. Mme de
intenon fit faire pour les actrices des coutumes
à persane ornés de perles et de diamants, qui
ient jadis servi au roi dans les ballets ; tout
i lui coûta plus de 14,000 livres. On dressa,
son ordre, un théâtre dans le spacieux ves-
ile des dortoirs, qui se trouvait au deuxième
;e du grand escalier des demoiselles. Jean
ain,dessinateur du roi et décorateur des spec-
es de la cour, peignit les décorations. De
iniliques lustres de cristal, chargés de mille
jgies, éclairaient la salle. Enfin, le mercredi
janvier 1689, Louis XIV se rendit à deux
res de l'après-midi à Saint-Cyr, et assista à
remière représentation d'Esther. Le roi fut
i ment enchanté, qu'à son retour à Versailles,
e fit plus que parler de la pièce. Toute la
• voulut svoir celte merveille; il y consentit,
y eut ainsi plusieurs représentations suc-
ives iïEsther devant un auditoire composé
)ut ce qu'il y avait alors de plus illustre par
| aissance, de. plus élevé par les dignités, de
p distingué par l'esprit et le talent. Mme de
E itenon éprouva cependant des scrupules de
I cience en voyant l'extension de publicité
■ lée-à ces divertissements ; elle parla au roi
Îîs faire cesser : celui-ci s'y opposa, et pressa
«e d'achever sa tragédie d'Athalie, qu'il
; commencée. Moreau composa encore la
àque des chœurs de cette pièce, qui fut jouée
1691, mais sans pompe, sans théâtre-, sans
I rations et sans autre costume que celui de
Kc-Cyr. Il n'y eut de spectateurs que le roi,
JL'de Maintenon, et cinq ou six autres per-
3 es parmi lesquelles était Fénelon. Après cette
îsentation, Louis XIV céda aux prières de
de Maintenon, et résolut de ne plus troubler,
Btces sortes de divertissements, la régularité
di maison ainsi que la réforme que l'on com-
muait à y introduire, et qui, en interdisant l'en-
fide l'établissement à tout étranger, obligea
'te dames institutrices à prononcer des vœux
*t mels et à se soumettre à la règle austère de
i'j re de Saint-Augustin.
ficine, dans la préface d'Esther, attribue mo-
<K:ment une partie du succès de cette pièce à
lai usique de Moreau ; « tous les connoisseurs,
di , demeurent d'accord que depuis longtemps
flï'a entendu d'airs plus touchants ni plus
«oenables aux paroles. » Quoiqu'il y ait beau-
à rabattre des éloges donnés par le grand
au compositeur qui s'était associé à son
«I
1
<8«f ue toutes à Saint-Cyr comme dames de Saint-Louis,
;*t| idication des; rôles qui leur lurent confiés : Mlle de
1i w,Esther, M"e de Lastic, Assuérus, M"» de Mai-
*Wrt, Élise, M"e de Glapion, Mardochée, M»« d'A-
b% 'urt, Aman, M«« de Marsilly, Zarès, M«e de Mor-
2J Hydaspe. — Les principales coryphées étaient
*' de Champigny, de Beaulieu et de Lahaye. Enfin
«*! logue fut fait tout exprès pour Mme de Cay lus, fille
•jo, rquts deVillette, cousine de Mtte de Maintenon, qui
'a! lait sa nièce et l'aimait à ne pouvoir se passer d'elle.
MOREAU 478
travail, les partitions des chœurs d'Esther et
d'Athalie n'en sont pas moins de curieux monu-
ments de l'art musical français à cette époque.
La musique d'Esther fut publiée en 1689, chez
Deny Thierry, rue Saint -Jacques, à Paris, 1 vol.
in-4°, et ne fut probablement tirée qu'à un très-
petit nombre d'exemplaires, car elle est d'une in-
signe rareté. Quant à la musique d'Athalie, elle
ne fut point publiée par son auteur; mais il existe
à la bibliothèque de Versailles plusieurs exemplai-
res des chœurs de cette pièce, copiés par les de-
moiselles de Saint-Cyr, et corrigés par Moreau
lui-même. A la suite de ta nouvelle édition des œu-
vres complètes de J. Racine, publiée par Lefèvre ;
Pans, 1844, se trouve toute la musique d'Esther
et d'Athalie, ainsi que trois cantiques de Mo-
reau, que l'on chantait devant le roi. Moreau a
mis aussi en musique les chœurs de Jonathas,
tragédie de Duché, et plusieurs chansons et can-
tates du poëte Lainez, qui eurent beaucoup de
succès. Enfin, on connaît de lui, en manuscrit,
le psaume In exitu Israël et une messe de
Requiem. Il a laissé en outre un traité de mu-
sique intitulé VArt mélodique. Cet artiste avait
formé de bons élèves, parmi lesquels on remar-
que Clérambault et Dandrieu. Moreau mourut à
Paris, à l'âge de soixante-dix-sept ans.
Dieudonné Denne-Bahon.
Lettres de Mm* de Sévtgné, 81 décembre 1658. — Titon
du Tillet, Parnasse français. — De La Borde, Essai sur
la musique. — Fétls, Biographie universelle des Musi-
ciens. — Théophile Lavallée, Histoire de la Maison
royale de Saint-Cyr.
moreau de La Rochette (François-Tho-
mas ) , agronome et industriel français , né le
4 novembre 1720, à Rigny-le-Ferron (Champa-
gne), mort dans son château de La Rochette près
Melun, Ie20juilletl791.11étaitenl751 directeur
des fermes et bâtiments royaux à Melun. Il y
avait alors aux environs de cette ville un terrain
inculte dont le nom La Rochette exprime bien
la stérilité. « Une poule n'y aurait pas trouvé à
vivre au mois d'août », suivant un dicton mélo-
dunois.JMoreau l'acheta et résolut d'y créer une
propriété fructueuse (1760). Il se mit aussitôt à
défricher, et par un travail patient et intelligent,
sept ans plus tard, il possédait les plus riches
champs delà Brie. Vers cette époque il fut nommé
inspecteur général des pépinières royales, et avec
l'aide du gouvernement! il organisa sur ses
terrains de vastes pépinières qui , cultivées par
cent enfants trouvés, devinrent bientôt une école
spéciale, fournissant de nombreux agriculteurs
pratiques, expérimentés et ennemis de la routine,
cette plaie des campagnes. Pour donner une idée
de l'activité de Moreau et du succès de son en-
treprise, il suffira de dire qu'en treize années il
sortit de La Rochette- un million d'arbres de
tige, et trente et un millions d'arbres forestiers.
On luidut ainsi d'immenses reboisements et l'em-
bellissement et la richesse d'une multitude de
parcs, d'avenues, de vergers, etc. En 1769 il
reçut des lettres de noblesse et le cordon de
479
Saint-Michel. En 1771, il fit bâtir à La Rochette,
par le célèbre architecte Victor Louis, un châ-
teau aussi remarquable par la beautédeson style
que par son heureuse situation à mi-côte d'une
colline qui des bords de la Seine s'élève en large
amphithéâtre. De vastes fermes, des granges
spacieuses, des serres bien disposées s'élevèrent
au milieu de champs fertiles , d'abondants pota-
gers , de jardins dessinés avec goût . Le domaine
de La Rochette est resté un des plus cités du dé-
partement de Seine-et-Marne. En 1785 Moreau
fut chargé de la surveillance des bois servant à la
consommation de la capitale. Il eut alors l'oc-
casion d'améliorer ou de canaliser certains cours
d'eau qui rendent les arrivages plus faciles. Il
créa encore à Urcel, prèsLaon, une 'des pre-
mières manufactures de sulfate de fer (coupe-
rose) établies en France. Il a laissé de nombreux
projets, dont l'application serait d'une utilité in-
contestable, entre autres un plan de défriche-
ment des landes, etc. A. Desnues.
Dict. Biographique et pittoresque (1834). — Doc. part.
moreau de la. Rochette (Jean- Etienne),
agronome français , fils du précédent , né à Me-
lun, le 17 novembre 1750, mort à La Rochette, le
8 mai 1804. Il aida beaucoup son père dans ses
belles et utiles créations, et continua de les amé-
liorer avec une rare intelligence. On lui doit
l'acclimatation de plusieurs arbustes et plantes
d'utilité ou d'agrément. Il fut l'un des membres
fondateurs de la Société d'Agriculture de Seine-
et-Marne. A. D— s.
Doc. part.
moreau de la. Rochette (Armand-Ber-
nard, baron), fils du précédent, administra-
teur et littérateur français, né au château de La
Rochette, près Melun, le 12 avril 1787, mort à
Lons-le-Saulnier, le 8 août 1822. Hfutélevésous
les leçons de l'abbé Lecuy et de Luce de Lanci val .
Il suivit la carrière administrative, et devint suc-
cessivement auditeur au conseil d'État (19 jan-
vier 1810 ) ; commissaire spécial de police àCaen
(28 juillet 1811) ; sous-préfet à Provins (26 juil-
let 1814) ; membre de la Légion d'Honneur
(janvier 1815); préfet de la Vendée (1817);
préfet du Jura (1820). On a trouvé dans sa con-
duite politique de fâcheuses contradictions. On
a de lui : L'Amour crucifié, trad. d'Ausone;
1806, in-12 ; — Les Adieux d'Andromague et
d'Hector, trad. du grec en vers français, in-8°.
A. D— s.
Gairard, dans le Mercure de France, t. XXVllI, p. S6ï.
— Saint- A Hais, Nobiliaire, t. II, p. 88.— Mahul, annuaire
nécrologique pour 1822.
moreau ( Gabriel-François) , prélat fran-
çais, né à Paris, le 24 septembre 1721, mort à
Autun, le 8 septembre 1802. Issu d'une famille
de robe, il fut conseiller clerc au parlement de
Paris et pourvu en 1737 d'un canonicat dans
l'église métropolitaine. Évêque de Vence en
1759, il passa le 29 novembre 1763 au siège de
Mâcon. Il fut, après le concordat de 1801, ap-
MOREAU 48
pelé au siège d'Autun, et mourut quelques mo
après. Le premier consul, qui était plein d'e
time pour ce prélat, avait demandé pour lui q
pape le chapeau de cardinal. On a de Moreau
Oraison funèbre de Ferdinand VI et i\
Marie de Portugal , roi et reine d'Espagne
1760, in-4°. — Oraison funèbre de M. le di
de Bourgogne; 1761, in-4°. H. F.
Moniteur universel, 1802.
moreau (Jacob-Nicolas) , publiciste frai 1
çais, né le 20 décembre 1717, à Saint Florenti
mort le 29 juin 1804, à Chambourcy, près Saie
Germain-en-Laye (î). Reçu avocat a Aix, il d [
vint conseiller à la cour des aides de Provence, [
renonça peu de temps après à la magistratut I
pour suivre avec plus de liberté son goût pour 1
lettres. N'ayant réussi en poésie qu'à rimer qui
ques pièces médiocres , il donna carrière à l'î I
tivité et aux ressources de son esprit en éci
vant sur l'administration, sur le droit des ge
et sur les intérêts politiques. Adversaire décla
des philosophes et de la liberté , il se mon!
trop accessible à l'influence ministérielle, et
chercha qu'à favoriser l'accroissement du po
voir absolu, sans qu'on puisse l'accuser pot |
tant d'avoir trafiqué de ses opinions. La Harj
dans sa Correspondance , l'a jugé avec trop j
sévérité en le représentant comme « un homi
d'esprit, mais qui s'en est servi beaucoup pi
pour sa fortune que pour sa réputation, et q
avec quelque crédit à la cour, n'a jamais eu
considération dans le monde et encore moij
parmi les gens de lettres » . Il fut chargé par
cour de rédiger plusieurs ouvrages, entre auti
le préambule des édits du chancelier de M<
peou, et fut récompensé de son zèle par
charges de premier conseiller de Monsiel
(Louis XVIII), de bibliothécaire de la reine IV j
rie- Antoinette et d'historiographe de France. Sc-j
Louis XVI on lui confia la garde des chart I
des monuments historiques, des édits et des <
clarations qui avaient formé successivement
législation française depuis Charlemagne, et qui
ques difficultés s'élevèrent à ce sujet entre
et Bréquigny, qui continuait la publication (
ordonnances des rois de France. Moreau j
preuve, dans quelques-uns de ses écrits , de I
lent et d'érudition ; il n'était pas non plus c j
pourvu de finesse, de jugement et de pénétratic
mais le reproche fondé de favoriser le des] j
tisme l'empêcha d'être admis à l'Académie Fr; \
çaise. On a de lui : Ode sur la bataille de Fi\
tenoi; 1745, in-4°; — L'Observateur holla
dais ou Lettres sur les affaires présentes
l'Europe; La Haye (Paris), 1755-1759, 5 v
in-12; espèce de journal politique contre \'i\
gleterre, qui commença la réputation de More [
comme publiciste; — Lettres du chevaln
de***, ou réflexions sur l'arrêt du parleme
(1) C'est par erreur que La France Littéraire de 1768
Desessarls dans Les Siècles Littéraires le font périr I
l'échafaud, le 27 mars 1794.
il MORE AU
i 10 mars 1755; in-12, et dans le t. I" des
v'iélés de l'auteur; —-. L'Europe ridicule, ou
'flexions politiques sur la guerre présente;
jlogne, 1757, in-12 ; réimpression d'un vol. de
Observateur hollandais , d'après Barbier; —
émoires pour servir à l'histoire de noire
mps ; Francfort, 1757, 2 vol. in-12; — Non-
au Mémoire pour servir à l'histoire des Ca-
uacs ; Amsterdam, 1757, in-12. Dans cet écrit
, quant l'auteur attaque sans ménagement la secte
s philosophes. Il a été réimprimé en 1828-, avec
i supplément et diverses pièces satiriques, no-
mment le Catéchisme et Décision des Cas de
mscience à l'usage des Cacouacs, par l'abbé
ry de Saint-Cyr ; — Mémoire pour les doyens
ndics et compagnie des conseillers du roi
}nlre les prévôt et conseillers du Châtelet;
iris, 1758, in-4°; un second Mémoire parut
1768 sur le même sujet; — Mémoires pour
rvir à l'histoire de notre temps, par l'Ob-
rvateur hollandais , rédigés et augmentés
r D. V. (de Vattel); Francfort, 1758-1762,
vol. in- 8°; on y trouve plusieurs morceaux de
lévrier; — Examen des effets que doivent
oduire dans le commerce l'usage et la fa-
ication des toiles peintes ; Paris , 1759,
•12; — Le Moniteur français ; Paris, 1760,
, 12 : feuille qui n'a eu qu'une dizaine de numéros ;
I Entendons-nous, ou le radotage du vieux
Haire sur la richesse de l'État ( de Rous-
si de La Tour) ; Amsterdam, 1763, in-8° ; bro-
aure dirigée contre les économistes ; — Lettre
nr la paix ; Paris, 1763, in-8° ; — Lettres his-
triques surlecomlat Venaissin; Amsterdam
mis,), 1768, in-8°; — Bibliothèque de Mme ia
nuphine : Histoire ; Paris, 1770 , in-8°, fig. :
,oduction faible et peu exacte ; les autres par-
A& de la Bibliothèque restèrent en projet; —
eçons de Morale, de Politique et de Droit
iblic, puisées dans l'histoire de la monar-
ite; Versailles, 1773, in-8° : ce nouveau plan
études de l'histoire de France fut rédigé pour
•nstruction de Louis XVI et de ses frères; —
?s Devoirs du Prince, réduits à un seulprin-
fpe,ou discours sur la, justice; Versailles,
'75, in-8°; Paris, 1782, in-8°; trad. en hol-
ndais par Élie Luzac; — Principes de Mo-
lle, de Politique et de Droit public, ou dis-
mrs sur l'histoire de France, dédiés au
n; Paris, 1777-1789, 21 vol. in-8° : suite de
bleaux historiques depuis Clovis jusqu'à saint
juis, qui devait comprendre 40 vol. : « Je n'in-
que cet ouvrage, dit Camus, que pour avertir
:ux qui le liraient de se tenir en garde contre
s principes et les assertions de Moreau » ; —
echerches et Considérations sur la popula-
\on de la France; 1778, in-8°; — Le Pot-
mrri de Ville d'Avray ; Paris, 1781, in-12;
cueil de chansons et pièces fugitives ; — Plan
's travaux littéraires ordonnés par S. M.
jjttr la recherche, la collection et l'emploi
's monuments de l'histoire et du droit pu-
HOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXXVI.
482
blic de la monarchie Jrançaise; Paris, 1782,
in-8° ; — Variétés morales et philosophiques ;
Paris, 1785,2 vol. in-12;— Essai sur les
bornes des connaissances humaines , par
G. V. D. V. ; Paris, 1785, in-12 ; — Lettre d'un
Magistrattdans laquelle on examine ce que
la justice du roi doit aux protestants ; Avi-
gnon et Paris, 1787, in-8o; Moreau permet de
les marier, mais il prétend les exclure « des
emplois, des dignités et de toute espèce d'admi-
nistration publique » ; — Exposé historique
des administrations populaires aux plus an-
ciennes époques de notre monarchie ; Paris,
1789, 2 vol. in-8°; — Exposition et Défense
de notre constitution monarchique française,
précédées de l'histoire de toutes nos assem-
blées nationales ; Paris, 1789, 2 vol. in-8°; —
Maximes fondamentales du gouvernement
français; Paris, 1789, in-8°. La plupart de ces
ouvrages ont paru sans nom d'auteur. P. L.
Annales littér. et morales, I, 359-264. — La Harpe,
Corresp. — Camus, Lettres sur la profession d'avocat. —
Barbier, Dict. des ouvr. anonymes.
moreau de l'Yonne (***), homme politique
français, né près de Tonnerre, en 1750, mort en
février 1806. Il était président du tribunal cri-
minel de l'Yonne, lorsqu'en mars 1798, il fut élu
député au Conseil desAnciens.il s'y montra fran-
chement républicain, et fit une proposition au sujet
de la célébration de l'anniversaire de la prise de
la Bastille (14 juillet 1789), au sein du Conseil des
Anciens. 11 prononça ensuite l'éloge de l'armée
d'Orient à l'occasion de la prise de Malte (24 prai-
rial an vi, 12 juin 1798 ) ; fit déclarer qu'elle
avait bien mérité de la patrie, et félicita « la phi-
losophie de s'être emparée de ce dernier retran-
chement du fanatisme », Le 2 thermidor an vi
( 20 juillet 1798) , il fut nommé secrétaire ; dé-
fendit le 12 fructidor ( 29 août ) la résolution en
faveur des fêtes décadaires ; s'opposa le 28 bru-
maire an vu ( 18 novembre ) à toute discussion
sur la résolution qui assimulait aux émigrés
les individus qui s'étaient soustraits à la dépor-
tation, et demanda qu'elle fût votée par accla-
mations. Le 30 brumaire ( 22 novembre), il fut
élu président. Lors de la crise du 30 prairial
an yii ( 19 juin 1799), il se déclara contre le
Directoire, et le 6 messidor suivant (25 juin),
il s'éleva contre, les dilapidations commises en
Italie et en Suisse par les agents de cette auto-
rité. « On y remarque , s'écria-t-il, un Grugeon,
un Forfait, un Rapinat, dont les noms expri-
ment le caractère et la conduite! Il faut que
tous ces hommes soient livrés à l'exécration pu-
blique, que la justice nationale s'exerce sur eux,
et que nulle part ils ne puissent trouver de re-
traite. Je demande le renvoi à une commission
chargée d'examiner si ces dilapidateurs doivent
jouir en paix du fruit de leurs rapines , et de
calculer quelle impression pourront faire sur
eux deux heures d'exposition publique (1) ! »
(1) Ce discours répétait un dicton du temps, où l'on
16
483
MOREAU
Le 25 messidor ( 13 juillet 1799), il vota l'ap-
probation 'Je la mesure des otages. « Je regarde
cette mesure, dit-il, comme la vie des répu-
blicains et la mort des royalistes. »
Nommé régulateur de la Société des Jacobins du
Manège, il prononça un discours pour l'inaugura-
tion de la même société, aux Jacobins de la rue
du Bac; il défendit le 20 thermidor (9 août) l'em-
prunt forcé de 100 millions sur les riches. Mo-
reati fut un des députés qui ne furent point con-
voqués le matin du 18 brumaire an vm ( 9 no-
vembre 1799), pour l'assemblée extraordinaire
où fut décrétée la translation du Corps législatif
à Saint-Cloud et se trouva le lendemain l'un des
exclus du Corps législatif. Cependant il fut, en
1800, nommé membre du conseil des prises.
H. L— R.
Le moniteur universel, an vr, n°« 286, 288,306, 32?,
345; an vu, nM 35 à 361. — Biographie moderne (180G).
moreau de la Meuse (Jean), homme po-
litique français, né en 1753, à Bar-le-Duc , mort
en 1811. Il exerçait la profession d'avocat avec
succès, lorsque la révolution éclata ; il en adopta
les principes, et fut nommé pfiocureur-syndic
de la Meuse, puis député de ce département à
l'Assemblée législative. En juillet 1792, il ap-
plaudit aux sentiments exprimés dans la fameuse
adressedela section delà Croix-Rouge, qui dénon-
çait la conduite tortueuse de Louis XVI, et fit
décréter la formation d'une commission chargée
d'examiner les dangers de la patrie. Réélu pour
la Convention nationale, il y vota la détention
de Louis XVI et son bannissement à la paix.
Indigné des violences du parti montagnard, il
donna sa démission le 29 thermidor an n (16 août
1793, prétextant « que sa mission était terminée
par l'achèvement de la constitution et son ac-
ceptation par les assemblées populaires. » Cette
démissionne fut pas acceptée, et en octobre 1795
il fut un des conventionnels réélus au nouveau
corps législatif, où il siégea au Conseil des An-
ciens , mais il donna sa démission dès floréal
an îv (mai 1796 ), reprit sa profession, et ter-
mina ses jours loin des débats politiques.
H. L— r.
Le Moniteur universel, an 1792, n°s 125, 170; an Ier,
nc» 2, 229; an iv, n° 250. — Biographie moderne (1806).
— Petite Biographie conventionnelle ,• Paris, 1815.
moreau ( Jean^Victor ) , le plus célèhre,
après Bonaparte, de ces capitaines qu'enfanta
la grande lutte de la France républicaine contre
l'Europe coalisée, naquit à Morlaix, en Bretagne,
le 11 août 1763, et mourut à Laun, en Bohême,
Je 2 septembre 1813. A peine âgé de dix-sept
ans, il fut envoyé à Rennes pour s'y former à
la profession d'avocat, dans laquelle son père
avait proûté de ces deux noms malheureux, Grugeon et
Iiapinat, pour stigmatiser ceux qui les portaient et qui
étalent employés à l'armée d'Helvétle, pour leur faire
porter le poids de malversations trop réelles, mais aux-
quelles Rapinat en particulier était tout à fait étranger.
Quanta Forfail, qui a été ministre de la marin" et qui
n'était point en Suisse, son nom avait été ajouté pour
compléter le trio.
avait acquis quelque distinction ; mais ces élu
plaisaient peu au jeune Moreau, qu'une seci I
impulsion entraînait vers la carrière des arm
Il s'engagea comme soldat; bientôt cet engai
ment (ut rompu , et Moreau , de retour à Renn
se détermina enfin à étudier la jurisprudeni
Parvenu , parmi ses camarades , au grade
prévôt de l'école de droit, il se vit appelé à jo
un rôle au milieu des circonstances que susc
en juillet 1788, la lutte du parlement avec la coui
devint le chef des étudiants qui soutenaien
parti parlementaire, et fit preuve dans et
position de ce courage habile et prudent
dans la suite devait illustrer son nom sur un p
vaste théâtre. Quelque temps après, la magist
ture, tout à coup surprise de voir ouvert dev^
elle l'abîmeoù elle alla en effet bientôt s'englpu
changea d'attitude, et se prononça contre 1'
prit d'innovation que subissait le gouvernent
Alors Moreau changea aussi de rôle, et il ton
la force populaire , dont il disposait, contrt
parlement, qui ne tarda pas à succomber
disparut avec presque tout ce qui restait enc>
de la France ancienne. Démocrate ardent, n
pur, Moreau se voua dès lors à la défense
cette révolution qu'il avait accueillie avec
thousiasme. Quand les étrangers menacèren
territoire et que l'on créa dans les dépau
ments des corps de volontaires , Moreau fut <
le 10 septembre 1791, chef du 1er bataillon d'I
et-Vilaine. Il rejoignit l'armée du nord et
mandée par Dumouriez. Ses chefs ne tarder
pas à distinguer en lui une bravoure et des
lents qui à cette époque , où les hommes et
événements marchaient à pas précipités,
vaient élever rapidement sa fortune.
Pendant les jours marqués par tant de pr
criptions, Moreau, qui désavouait ces exe
continua de servir glorieusement, passant i
grade en grade jusqu'à celui de général de di
sion, qu'il obtint le 25 germinal 1794, à la
mande de Pichegru. Ce général lui ayant doi
le commandement d'un corps destiné à agir di
la Flandre maritime, Moreau s'empara successi
ment de Menin, d'Ypres de Bruges, d'Osten
de Nieuport, de l'île de Cadsand et du fort
L'Écluse, qui capitula le 9 fructidor. Par une tri
coïncidence, au moment où il faisait triompl
les armes de la république , son vieux père m<
tait sur l'échafaud comme coupable de fédé
lisme et de complicité avec les émigrés. Mali
cet affreux malheur de famille, il garda
commandement , et traça lui-même le plan <
fut suivi pour la défense et la conservation
pays conquis. En 1795, il succéda à Pichegr
la tête de l'armée du nord. Peu après, lorsqi
s'agit pour la république de prendre largemi
l'offensive contre la coalition , Moreau se trou
naturellement désigné au Directoire pour co'
mander l'une des deux grandes armées destint
à opérer dans le nord , d'après les plans
Carnot. Il prit, au printemps de 1796, en rei
185 MORE AU
ilacement de Pichegru, dont la fidélité (''lait déjà
uspecte an gouvernement, le commandement
c l'année de Rhin-et-Mosello, forle de soixante-
ix mille hommes, et alors s'ouvrit cette célèbre
unpagne qui plaça Moreau , dans l'estime de
Europe, parmi les premiers généraux de l'é-
>qoe. N devait agir de concert avec Jourdan,
qui était confiée l'armée de Sambre-et-Mense,
peu près de même force.
A ces deux armées était opposée une armée
îtrichienne , forte de cent quarante mille hom-
es, commandée par l'archiduc Charles, dont
talents militaires s'étaient déjà révélés. Des
cticiens habiles ont blâmé cette division de
is phalanges ainsi lancées en Allemagne, et
xpérience a démontré les vices de ce plan,
tquel Moreau crut néanmoins devoir rester
èle, et qui, selon toute apparence, l'empêcha
>btenir les. succès éclatants et décisifs promis
tes calculs stratégiques. Quoi qu'il en soit, il
«sa le Rhin avec hardiesse et bonheur, en
îssidor 1796, presque en vue de l'armée en-
lie, disséminée sur l'autre rive. Animé de
te résolution énergique et prompte qui illus-
t alors même de l'autre côté des Alpes son
ne émule, il eut, en se précipitant à coups
onblés sur les corps séparés de l'armée au-
«enne, bientôt mis en péril cette vieille mo-
e. Mais Moreau était un général apparte-
à l'école de Turenne, et que distinguait
ont ce sang-froid ferme et prudent qui veut
mt tout ne rien compromettre. Il ne songea
à réunir toute son armée et à s'avancer en
jflbinant ses mouvements de manière à rester
communication avec son collègue. Après avoir
jcé Wurmser à la retraite, culbuté les troupes
Cercles , défait l'armée du prince de Condé,
u l'archiduc Charles, le plus habile des gé-
aux autrichiens, à Rastadt, à Ettlingen, à
heim , à Stuttgard , à Canstadt, à Berg, à
, à Constance, il atteignit le Danube vers
de-thermidor. Une grande partie de l'Ai-
e se trouvait ainsi au pouvoir des armées
lises. Moreau , sur la ligne de ce fleuve où
e autrichienne s'était concenlrée, parvint
quelque temps en échec l'archiduc; la
de Neresheim, quoique meurtrière,
a point de résultat; mais alors , par un
ment hardi autant qu'habile, le prince
, laissant une portion de ses forces pour
r Moreau , se porta vivement avec le reste
rmée de Sambre-et-Meuse, qui opérait
ilement en Bavière, et la força de rétro-
ler à son tour. Moreau ne put encore se dé-
r à abandonner le plan du Directoire, et au
de suivre précipitamment l'archiduc et de
pprocher de Jourdan, il se contenta de
e,àFriedberg,Latour, qui lui avait été laissé
adversaire , et s'enfonça dans la Bavière,
n il apprit le mouvement rétrograde de Jour-
et, pressentant que l'archiduc allait se
sur le Necker pour lui fermer le retour
486
vers le Rhin, il comprit que sa position était
hasardée. Mais c'était surtout dans les situations
qui réclament une inébranlable fermeté d'Ame,
une présence d'esprit féconde en expédients, que
brillait cet homme éminent. Il prit le parti de
ramener son armée en France; elle était encore
forte de plus de soixante mille hommes et pleine
de confiance dans son chef. En se dirigeant vers
la Suisse , Moreau diminuait beaucoup le danger
du retour, mais il eût fallu violer le territoire
d'un peuple neutre : il se décida à remonter la
vallée du Danube pour regagner celle du Rhin
par la route des villes forestières ( septembre ).
Le 25 fructidor il commença cette belle retraite
qui est un des faits d'armes les plus remarqua-
bles de cette grande guerre. Dans l'espace de
quarante jours, Moreau , combattant sans cesse,
et toujours avec avantage, notamment à Biberach,
traversa cent lieues de pays ennemi, hérissé de
montagnes, couvert de forêts, coupé de défilés
et de rivières, ayant une armée en tête, et, bientôt
après, une seconde, celle de l'archiduc, sur ses
flancs. Enfin il arriva sur le Rhin , en deux co-
lonnes , aux environs d'Huningue, et après un
combat opiniâtre et balancé, il franchit librement
le fleuve, dans la nuit du 24 octobre, et se di-
rigea vers Strasbourg. Dans cette longue marche,
il n'avait pas été entamé une seule fois , et ra-
menait, au contraire, dix-huit pièces de canon,
deux drapeaux et près de sept mille prisonniers.
L'année suivante, Moreau, longtemps retenu
dans l'inaction par l'impossibilité où se trouvait
le Directoire de lui envoyer de l'argent, put enfin
rentrer en campagne au printemps. Le 20 avril,
son armée repassa le Rhin , en plein jour, sous
les yeux mêmes de l'ennemi, et s'empara im-
médiatement de Kehl et d'Offenbourg. D'impor-
tants succès semblaient lui être assurés, ainsi qu'à
Hoche, donné pour successeur à Jourdan dans
le commandement de l'armée de Sambre-et-
Meuse, quand la nouvelle de la signature des
préliminaires de Leoben vint arrêter sa marche.
Les hostilités cessèrent, et bientôt la conclusion
de la paix vint clore cette première partie de la
carrière militaire de Moreau.
Cependant le Directoire, obligé, pour se con-
server quelque temps encore, d'en venir au
coup d'État du 18 fructidor, avait rangé parmi
les proscrits Pichegru, dont les coupables intelli-
gences avec les ennemis de sa patrie s'étaient clai-
rement révélées. Moreau, qui avait été son disciple
et était devenu depuis son ami, fut considéré
comme suspect, et appelé à Paris pour rendre
compte de sa conduite, par un arrêté du Directoire
du 16 fructidor. Peu de temps avant , il avait
pris un fourgon, dans lequel se trouvait une
correspondance de l'émigré Klinglin avec le
prince de Condé, qui précisait tous les détails
de la trahison de Pichegru. Il avait tenu cette
circonstance secrète; mais le 19 fructidor, pres-
sentant sans doute le coup d'État ou informé par
le télégraphe qu'il avait eu lieu, il écrivit au di-
16.
487
MOREAU
recteur Barthélémy une lettre dans laquelle il
accusait Pichegru, en donnant avis de l'existence
de la correspondance qu'il avait surprise. Cette
démarche tardive, suivie d'une proclamation à
l'armée du Rhin rédigée dans le même sens , ne
dissipa point entièrement les soupçons conçus
par le Directoire , et hien que la position de Pi-
chegru n'en pût être aggravée, elle rabaissa dans
l'estime publique le nom glorieux de Moreau.
Toutefois, on a été jusqu'à en induire que ce
général avait lui-même trempé dans la trahison
de Pichegru , et que les désastres éprouvés par
Jourdan étaient la conséquence des mouvements
combinés par lui de concert avec l'étranger.
Cette accusation ne doit point peser sur la mé-
moire de Moreau. Tout démontre qu'à cette épo-
que il ne méconnut jamais son devoir comme
général de la république. S'il dissimula un mo-
ment les coupables manœuvres de Pichegru,
sou silence s'explique facilement par les rela-
tions qui avaient existé entre eux. Il ne faut
évidemment voir là qu'une condescendance blâ-
mable envers un ancien ami , c'est-à-dire une
faute, mais non un crime. Du reste, la correspon-
dance elle-même rendait témoignage de la fidé-
lité de Moreau, puisqu'on y lisait en plusieurs
endroits qu'il serait impossible d'avoir sa coo-
pération. Néanmoins , il resta en disgrâce, et ce
ne fut qu'un an après que le Directoire consentit
à l'employer. Le 29 fructidor an vi (septembre
1798, Moreau fut nommé inspecteur général d'in-
fanterie. Il était à Milan le 22 brumaire ( 12 no-
vembre), et il reçut des mains du général Jou-
bert, le 19 frimaire, le commandement provisoire
de l'armée d'Italie. Le Directoire, toujours mal
disposé pour lui, ne le confirma pas dans ce com-
mandement, qui fut confié à l'inhabile Scherer.
Moreau consentit à servir sous les ordres de
Scherer, et eut le commandement de trois divi-
sions, mais il ne put empêcher que les mauvaises
dispositions du général en chef n'amenassent des
désastres. Battu par les Autrichiens et les Russes
que commandait Souvarow, Scherer rétrograda
successivement sur le Mincio, sur l'Oglio, puis
sur l'Àdda, abandonnant ainsi les conquêtes de
l'immortelle campagne de 1796. Là, placé dans
la position la plus critique , avec une armée ré-
duite et découragée, en présence de l'ennemi,
qui venait de forcer le passage du fleuve, il of-
frit à Moreau de lui remettre le commandement
(floréal avril 1799). Moreau le prit sans balancer, et
chercha, avec un rare dévouement, à réparer les
fautes de celui qu'on lui avait donné pour chef,
et qui n'était même pas l'égal de ses lieutenants
de l'armée du Rhin. Mais il lui fut impossible
d'éviter un engagement qui eut lieu le lende-
main même, le 7 floréal, à Cassano, et dans le-
quel les Français furent battus par Souvarow.
Alors, Moreau, dont l'armée se trouvait réduite
à environ vingt mille hommes, qui avait devant
lui des forces quadruples, et eut bientôt après,
sur ses derrières, tout le Piémont révolté, com-
mença son mouvement de retraite dans la î i .
de se mettre en communication, d'un côté, a' 1 %
la France, de l'autre, avec l'armée de Napl , ;
qui s'avançait vers la Haute Italie, sous ,
ordres de Macdonald. Il parvint à son but ^
les plus savantes combinaisons, et, après a\\i
livré plusieurs combats heureux , atteignit la I
vière de Gênes, où il pouvait attendre avec H
curité Macdonald. « Jamais, dit M. Thiers, 1 [,j
reau ne déploya plus de talent, ne montra ] 5 :
de sang-froid, de présence d'esprit et de ft k J
d'âme, que dans la situation terrible où l'iir il
ritie de son prédécesseur avait jeté l'ara L|
Avec vingt mille hommes seulement co 1 1
quatre-vingt-dix mille, il ne se laissa pas-B
instant ébranler. Ce calme était bien autren II
méritoire que celui qu'il déploya lorsqu'il re U
d'Allemagne avec une armée de soixante r e
hommes victorieux, et pourtant il a été bi
coup moins célébré; tant les passions infl it
sur les jugements contemporains! »
Moreau espérait que la jonction avecl'armi lej
Naples lui permettrait de prendre l'offensive ; ■
ses calculs furent déçus par la perte de la (^
glante bataille de la Trebia, qui, livrée trop p rçi
pitamment par Macdonald, consomma la per la
l'Italie. Moreau recueillit les débris de ceth M
mée, qu'il réunit à la sienne, dont le gouverner ittf
par une injuste prévention, lui enleva enco wj
commandement pour le donner à Joubert. 1 ■
toujours animé de cet esprit d'abnégation (U
ne saurait trop admirer en lui, il ne refusé M
ses avis à son jeune collègue, qui les réclai M
et bientôt la mort de celui-ci, arrivée S'I
champ de bataille de Novi même, l'invest m
nouveau du commandement. La perte de m
bataille , d'où l'armée russe ne sortit que mu ta
ne saurait être attribuée- à Moreau, qui m
blâmé les mouvements précipités de l'info pi
Joubert, et dont les babiles manœuvres t W
cèrent du moins les hasards de la journée. - pfv
avoir rallié l'armée à quelques lieues de NtjBl
la ramena à Gênes. Le Directoire l'avait noi lèi
(messidor-juillet 1799), général en chef M
armée du Rhin qui n'était pas encore or
sée. Il fut remplacé aux Alpes par Champi >«t
et arriva à Paris le 17 vendémiaire an vin ifB
tobre).
Cependant Bonaparte, délaissant l'Én
venait de débarquer en France , et se reni jt »
Paris pour changer les destins de la républ e :
ce fut alors que les deux illustres généra se
virent pour la première fois. Moreau, mêl «x
intrigues politiques qui se dénouèrent p|lfl
18 brumaire, se trouvait dans une situation >ur
laquelle il n'était point fait. Il est avéré (Il
parti qui préparait un changement lui offri a-
bord la dictature; mais il se sentait, ainsi ni
l'a dit lui-même, appelé à commander d< ar-
mées et non à gouverner l'État : il refusa, j se
mit à la disposition de Bonaparte, dont le at-
J teries adroites l'avaient séduit; il n'en reçut !«■
80
MOREAU
490
i mt, dans la révolution qu'il effectua à son pro-
t, que la fonction infime de geôlier du Direc-
! >ire. Ce fut en effet Moreau qui , à la tête de
nq cents hommes, se chargea d'occuper le
I uxembourg et de garder à vue les directeurs
, icalcitrants , tandis qu'on renversait à Saint-
i loud leur gouvernement. Bonaparte, maître de
■ État , pour prix de ce service, le nomma le
i frimaire général en chef des armées réunies
ri Helvétie et du Rhin, fortes de cent mille hom-
es. Le premier consul et le général en chef
iront une discussion sur le plan de campagne
l adopter. Bonaparte en proposa un très-hardi,
I qui devait avoir les plus grands et les plus
/ ompts résultats. Moreau insista pour qu'on le
issât libre de diriger les opérations à sa vo-
nté. Le premier consul finit par y consentir.
! Le 25 avril 1 800, l'armée de Moreau franchit
if s nouveau le Rhin; il avait pour adversaire le
t' -néral Kray. Sa campagne fut une suite de
jfiomphes; Kray, battu à Engen, à Mœskirch, à
; berach, à Hochstaedt. fut rapidement refoulé
] irl'Jnn.dont il s'attacha à défendre le passage.
t. ir ces entrefaites, la bataille de Marengo amena
1 mtriche à faire des propositions de paix. Des
6 igociations s'ouvrirent, et trois armistices suc-
[ ssifs suspendirent les hostilités jusqu'au mois
; novembre. Dans l'intervalle Moreau fit un
f tyage à Paris, et fut parfaitement accueilli par
| général Bonaparte, qui lui fit présent d'une
j} agnifique paire de pistolets. Joséphine Bona-
I irte montrant les mêmes sentiments de bien-
i iillance, proposa au général d'épouser une jeune
; éole de ses amies, Mi'eHulot. Moreau accepta,
|j le mariage eut lieu le 18 brumaire. Dix jours
,■ )rès, le général partit pour rejoindre son armée.
i artout les avant-postes de l'armée autrichienne,
ors placée sous les ordres de l'archiduc Jean,
rent obligés de se replier devant l'attaque im-
j tueuse des Français; mais le 10 frimaire an ix
" décembre ), à la suite d'un faible échec
nrouvé par un des corps de l'armée, Moreau
donna un mouvement rétrograde sur toute sa
^ne; il avait conçu le dessein d'attirer l'ennemi
jins une espèce de défilé compris entre l'Isar et
(nn, et occupé par le village et le bois de Ho-
;nlinden, nom devenu depuis si célèbre. Là de-
Jiit, si son plan était bien exécuté, s'accomplir
I réaction décisive.
Toutes ses mesures ayant donc été prises dans
journée du 2 décembre, Moreau en attendit,
! 3 au point du jour, le résultat sur le champ
h bataille qu'il s'était préparé. Bientôt, selon
m attente, l'ennemi s'avança sur trois colonnes,
•oyant ne trouver que les arrière- gardes d'une
mée en retraite. Le centre marche directement
p Hohenlinden par un chemin couvert de
iîige; il rencontre un corps du centre de l'ar-
jiée française commandé par le général Grou-
|iy, et l'attaque avec ardeur ; mais il est refoulé
j ans le bois, où l'on se bat corps à corps. Dans
même moment, l'aile droite, accueillie par la
division du général Grenier, est également obli-
gée de reculer, non sans une perte considérable.
Cependant Moreau, qui s'était jusque là borné à
contenir l'ennemi à l'entrée de la plaine, comp-
tait les instants, attendant pour agir avec vi-
gueur l'arrivée du général Richepanse, qui, posté
en arrière à Ebersberg, devait venir prendre
l'armée en queue quand la bataille serait enga-
gée. Ce général s'était mis en route à sept heures
du matin; mais la neige tombait à flocons, et
ses guides avaient peine à reconnaître la route.
Attaqué et coupé par une colonne autrichienne,
il n'en marche pas moins en avant; enfin, arrivé
au village de Mattenpœtt, où il n'était plus qu'à
quelques portées de fusil des Autrichiens, il
range sa troupe forte d'environ cinq mille hom-
mes, et, fidèle à l'ordre qu'il avait reçu , sans
donner à l'ennemi le temps de reconnaître sa
faiblesse, il se précipite avec un admirable cou-
rage dans le défilé. Alors le général Ney charge
et enfonce par la tête les bataillons qui tiennent
encore à Hohenlinden , et bientôt on voit cette
masse, pressée de toutes parts, rompre ses
rangs et se jeter en désordre dans le bois. En ce
moment, au milieu de la fumée, les deux corps
de Richepanse et de Ney se rejoignent en jetant
des cris de triomphe. La victoire était en effet
décidée, bien que les ailes de l'armée autri-
chienne tinssent encore. Divers combats par-
tiels achevèrent la journée. A quatre heures du
soir, onze mille prisonniers, parmi lesquels trois
généraux, et cent pièces de canon étaient au
pouvoir des Français. L'ennemi avait laissé six
mille hommes sur le champ de bataille, et il
emmenait avec lui un égal nombre de blessés.
L'archiduc pour les transporter se vit obligé de
faire dételer plusieurs batteries ; mais Moreau,
voulant, par un noble sentiment de générosité,
s'associer aux soins dévoués du prince pour ses
soldats, lui renvoya cette artillerie. La perte de
son armée avait été à peu près de deux mille
cinq cents hommes tués ou blessés. Telle fut la
bataille de Hohenlinden, que Napoléon a présen-
tée à Sainte-Hélène comme due au hasard. Mo-
reau, se trouvant, après la bataille, au milieu
des chefs qui l'avaient si bien secondé, s'écria,
transporté de joie : « Mes amis, nous venons de
conquérir la paix ! » En effet, tandis que, pour-
suivant ses succès, après avoir franchi l'Inn et
la Salza, il se portait rapidement sur Vienne, et
concluait un armistice presque aux portes de
cette capitale, les négociations de Lunéville se
poursuivaient et aboutissaient à une paix glo-
rieuse.
Cette belle campagne, couronnée par une grande
victoire, donnait à Moreau une grande popularité
dans l'armée, et lui assurait dans l'opinion pu-
blique une place inférieure seulement à celle de
Bonaparte. Il était difficile que deux personnages
si importants marchassent longtemps d'accord»
Les causes de leur rupture vinrent de plusieurs
côtés. Moreau, lorsqu'il n'élait pas sur les champs
491 MOREAU
de bataille, avait un caractère faible et irrésolu.
Sa belle-mère et sa femme prirent sur lui un
ascendant regrettable, et excitèrent son ressen-
timent contre le premier consul , qui cependant
n'avait pas de torts particuliers à son égard.
D'anciens compagnons d'armes, parmi lesquels
il faut citer au premier rang Bernadotte, lui de-
mandaient de sauver la liberté lorsqu'il en était
encore temps. Moreau hésitait, attendait. Il vi-
vait retiré dans sa terre de Grosbois, et ne fai-
sait que de rares apparitions à Paris; mais
chaque fois qu'il y venait, il laissait éclater sa
mauvaise humeur, et blâmait sans ménagement
la marche du gouvernement et les actes du pre-
mier consul. Ces dispositions hostiles une fois
connues, il devint le point de ralliement de tous
ceux qui voulaient la chute du gouvernement
consulaire sur le point de devenir empire. Tan-
dis que Bernadotte, Lecourbe, Fournier-Sarlo-
vèse le poussaient à une tentative dans le sens
républicain, Matthieu de Montmorency lui faisait
faire dès ouvertures dans le sens royaliste. Mo-
reau n'avait pas assez de force de caractère pour
accepter ces propositions ou pour les rejeter ; il
donnait à tous de vaines espérances, et se com-
promettait sans avantage pour les autres. Enfin
les royalistes, perdant patience, pensèrent que le
meilleur moyen de décider Moreau, c'était de le
mettre en rapport avec son ancien ami Piche-
gru. Celui-ci se rendit à Paris (janvier 1804),
où Georges Cadoudal et plusieurs chefs royalistes
se trouvaient déjà. Des entrevues eurent lieu
entre les deux généraux, sans aucun résultat.
Moreau refusa formellement d'entrer dans la
conspiration royaliste, mais il promit d'ap-
puyer de son autorité sur l'armée et sur le sé-
nat les conspirateurs, s'ils parvenaient à renver-
ser le gouvernement. Moreau, cédant à sa haine
contre Bonaparte, et à un singulier mélange de
patriotisme et d'ambition personnelle, ne vou-
lait ni s'associer aux conspirateurs ni les décou-
rager. Cette situation équivoque ne pouvait se
prolonger. Il fut arrêté et mis au secret, le
24 pluviôse an xn ( 14 février 1804 ). Il nia,
dans ses premiers interrogatoires, qu'il eût même
vu Pichegru ; mais plus tard, dans une lettre
qu'il adressa à Bonaparte, il reconnut qu'il avait
pu se laisser aller à quelques démarches im-
prudentes, tout en affirmant hautement qu'il
n'avait rien à se reprocher quant au complot.
Du reste, sa lettre était pleine d'une noble
simplicité. Le procès s'ouvrit, le 8 prairial, de-
vant un tribunal qui, en vertu d'un sénatus-
consulte du 8 vendémiaire an xn ( 28 février
1804 ), jugeait sans adjonction de jurés (1).
Moreau se montra constamment , dans les
débats, digne de sa haute renommée. 11 ex-
citait un intérêt général. Dans une des au-
diences, quelques paroles qu'il prononça susci-
tèrent un mouvement d'enthousiasme tel qu'on
(1) Ce sénatus-consulte avait enlevé au jury pendant
deux ans la connaissance des crimes de trahison.
rapporte que Georges dit alors : « Si j'étais à t
place du général Moreau, j'irais coucher ce s I
aux Tuileries. » Quoi qu'il en soit, le pro<|
suivit son cours. Parmi les témoins, au noml l
de cent quarante, quatre ou cinq seuleiml
avaient fait des déclarations à charge qui se tr< I
vèrent considérablement atténuées à l'audien I
Un seul, Roland, entrepreneur des vivres
l'armée, qui avait reçu Pichegru chez lui, pi
duisit un témoignage qui présentait Mor<|
comme un complice réel des conspirateurs; ml
la sincérité de ce témoignage n'était pas à l'a I
de tout soupçon, et plusieurs des accusés
opposèrent une dénégation formelle. À la su
d'une éloquente plaidoirie de l'avocat Bonn
Moreau fut condamné à deux ans de détenti
et aux frais du procès. C'était une transacti<
La majorité des juges voulait l'absoudre comp
tement: les efforts du substitut Tburiot , orgs
du ministère public, pour obtenir une conda
nation toute politique l'emportèrent. On s
que c'est à l'occasion de l'engagement que p I
nait Thuriot, au nom du gouvernement, qJ
serait fait grâce à l'illustre accusé s'il était et i
damné à la peine capitale, qu'un des juges,
savant Clavier, s'écria : « Et qui nous la fera
nous! »
Quelques joues après , Moreau obtint que
peine fut commuée en exil, et il partit pour
États-Unis le 5 messidor. Le 17 messià
( 6 juillet ) Bonaparte, devenu empereur, rend
un décret qui rayait des cadres de l'armée fra
çaise le vainqueur de Hohenlinden. Moreau, so
la surveillance d'un colonel de gendarmerie,
rendit en Espagne. Il s'embarqua à Cadix pour i
États-Unis, et après avoir visité plusieurs pa
ties de cette contrée, il se fixa à Morisville pi
deTrenton, dans le New-Jersey. Là, dans u
maison de campagne située au pied de la chi
de la Delaware, il vécut huit ans, tranquille
apparence, mais au fond souffrant de l'inactior>
laquelle il était condamné, et suivant avec ui
sourde irritation les succès de son heureux rivi'
Resta -t-il en rapport avec les mécontents roy
listes ou républicains qui continuaient de nou
contre le gouvernement des trames inutiles? (
l'a dit, mais rien n'est plus douteux. Seuleme
les mécontents n'avaient pas cessé d'avoir I
yeux sur lui, et ils le plaçaient, sans mêmel'i
avertir, dans leurs combinaisons politique
comme le seul rival capable d'être opposé à N.
poléon. Ces projets, qui ne restèrent pas inco
nus à Moreau, entretinrent en lui l'illusion qu
pourrait déterminer un mouvement contre l'er
pereur par une subite apparition sur le sol fra
çais, et ne furent pas sans influence sur sa rés
lution de revenir en Europe. Le bruit du di
sastre de Napoléon en Russie, en portant au pli
haut point son exaspération contre celui qu
regardait comme l'auteur de tant de mauî
acheva de le déterminer. Sachant que l'emp
reur Alexandre avait plus de cent mille prisoi
93 MOREAU
ton fiançais, il imagina qu'il pourrait bien en
;ecider quarante ou cinquante mille à se ranger
>us ses ordres, les transporter en Picardie au
ioyen de la marine anglaise, marcher ensuite
ir Paris et renverser le gouvernement impé-
al. Les souverains alliés devaient au préalable
munir d'un traité par lequel la France, laissée
jre de se choisir un gouvernement, conserve-
lit ses limites naturelles, les Alpes et le Rhin,
ms aucune sympathie pour les Bourbons, Mo-
au admettait cependant qu'on les rétablit sur
troue moyennant de fortes garanties. Plein
ces projets, il s'embarqua le 21 juin 1813,
ec M. de Svinine, conseiller d'ambassade russe,
Hell-Gate , à bord du navire américain Anni-
it ; il débarqua le 26 juillet à Gothembourg en
lède, de là il se rendit à Stralsund, où il vit
Mnadottequi l'envoya au quartier général russe,
arriva à Prague le 17 août au moment où les
liés recommençaient la lutte contre Napoléon,
eut aussitôt une entrevue avec les empereurs
: Russie et d'Autriche et le roi de Prusse, qui
recueillirent de la manière la plus flatteuse,
empereur Alexandre surtout le combla d'é-
rds : « Repoussant comme impraticable, dit
. Thiers, le projet d'armer les prisonniers
jnçais , il avait, par une pente insensible, d'où
Etes les apparences coupables étaient soigneu-
»ent écartées, amené l'infortuné Moreau à la
dorable résolution, non pas de servir contre
! France, mais de rester auprès des souverains
pi la combattaient, différence qui pouvait lui
ire illusion, mais qui n'en était pas une, car il
ait impossible qu'il résidât auprès d'eux pen-
int cette cruelle guerre sans les éclairer au
oins de ses conseils... Moreau se trouvait ainsi
ins le camp des coalisés à titre d'ami privé de
Bmpereur Alexandre, vivant tantôt près de lui,
1 ntôt près de la grande-duchesse Catherine, qui
ait établie à Tœplitz ; n'aimant point à figurer
^ans ces conseils militaires où l'on parlait si lon-
jaement , où se manifestaient un bouillant
îtriotisme qui était pour lui un reproche, et
[es idées théoriques qui n'allaient pas à son génie
I inple et pratique ; se bornant à donner directe-
ient ses avis à Alexandre; réussissant rarement
' les faire prévaloir à travers le chaos des avis
bntraires, et déjà cruellement puni de sa faute par
'i position fausse, gênée, presque humiliante,
u'il avait au milieu des ennemis de sa patrie. »
! La grande armée alliée déboucha des mon-
[ignes de la Bohême le 23 août et s'avança sur
|i Tille de Dresde, occupée par les Français,
'attaque, commencée le 26 août, repoussée par
' apoléon accouru à la hâte, se renouvela le len-
iemain avec bien plus d'acharnement. Vers le
îilieu de la journée, Moreau se trouvait sur la
auteur de Roknitz avec l'empereur Alexandre
■is-à-vis d'une batterie de la garde que l 'empe-
reur Napoléon dirigeait lui-même. Inquiet du
anger que courait Alexandre, il lui conseilla de
p placer un peu plus loin; tandis qu'il le con-
491
duisait vers l'endroit qu'il croyait plus sûr, il
fut frappé d'un boulet qui lui fracassa le genou
de la jambe droite, et traversant son cheval lui
emporta le mollet de la gauche. « Il poussa d'a-
bord un long soupir, dit Schœll ; mais dès qu'il
fut revenu à lui et qu'on l'eut soulevé, il parla
avec le plus grand sang-froid, et se fit donner
un cigare ; on le porta sur des piques de cosaques
mises en travers, dans une chaumière voisine;
mais il y était tellement exposé au feu ennemi,
qu'après avoir été légèrement pansé, il fallut le
transporter plus loin au quartier général de l'em-
pereur, où on lui fit l'amputation d'une jambe
pendant qu'il continuait tranquillement de fumer.
Lorsque le chirurgien commença à parler de la
nécessité de faire aussi l'imputation de l'autre
jambe, Moreau répondit avec beaucoup de sang-
froid, que s'il avait su cela, il aurait préféré la
mort... Il fut porté dans une litière à Dippolds-
walde. Il y arriva mouillé jusqu'aux os. De
Dippoldswalde, on le transporta d'une manière
plus commode à Laun, où il se trouva assez bien
jusqu'à ce qu'une longue conférence avec trois ou
quatre généraux alliés l'épuisât totalement. Dès
lors il devint d'heure en heure plus faible, et il
expira le 2 septembre, à sept heures du matin. »
Ajoutons à ce récit quelques détails em-
pruntés à M. Thiers. « Le roi de Prusse, l'em-
pereur d'Autriche, l'empereur Alexandre, s'é-
taient rendus auprès de son lit de mort, et lui
avaient prodigué les marques d'estime et de
regret. Les plus grands personnages , M. de
Metternich, le prince de Schwarzemberg , les
généraux de la coalition, étaient venus le visiter
à leur tour; Alexandre l'avait tenu longtemps
serré dans ses bras, car il avait conçu pour lui
une amitié véritable. Plutôt embarrassé que fier
de ces témoiguages, Moreau, dont l'âme un mo-
ment égarée avait toujours été honnête , s'inter-
rogeant lui-même sur le mérite de sa conduite,
disait sans cesse : « Et pourtant je ne suis pas cou-
pable, je ne voulais que le bien de ma patrie !...
Je voulais l'arracher à un joug humiliant!... »
Ainsi tandis qu'on entourait son agonie de res-
pects, lui, tout occupé d'autre chose, s'examinait,
se jugeait au tribunal de sa conscience, et n'avait
de repos que lorsqu'il s'était trouvé des excuses
pour une conduite qui lui valait de si hauts té-
moignages. Un autre cri lui échappa plusieurs
fois ; ce fut celui-ci : « Ce Bonaparte est toujours
heureux !... » Il avait proféré ces mots aumoment
où le boulet l'avait frappé, et il les répéta sou-
vent avant d'expirer!.... Bonaparte heureux!...
Il l'avait été, il pouvait le paraître encore aux
yeux d'un rival expirant, mais la Providence al-
lait bientôt prononcer sur son sort, et lui infliger
une fin plus triste peut-être que celle de Moreau,
s'il y a une fin plus triste que de mourir dans les
rangs des ennemis de sa patrie ! »
Le corps de Moreau fut transféré à Saint-Péters-
bourg et inhumé dans l'église catholique de cette
ville. L'empereur Alexandre fit don à la veuve du
495
général de 500,000 roubles et d'une pension an-
nuelle de 30,000. Louis XVIII, à sa rentrée en
France, s'empressa de faire remettre à Mme Mo-
reau le bâton de maréchal destiaé à son mari,
en lui accordant tous les honneurs dont jouissent
les veuves des maréchaux ; il lui donna égale-
ment une pension de 1 2,000 francs. L'opinion
publique ne s'associa point en France à ces hon-
neurs rendus à un général qui avait eu le mal-
heur de mourir dans les rangs des étrangers.
Nous avons rapporté les circonstances qui expli-
quent et atténuent l'acte déplorable auquel le
général Moreau se laissa entraîner. Cet acte, si
promptement et si cruellement expié, ne saurait
faire oublier les immenses services qu'il a ren-
dus à la France, ses grands talents militaires ,
la simplicité de ses mœurs, son désintéresse-
ment, sa modestie et son humanité à la tête des
armées, et, malgré de regrettables erreurs, son
patriotisme sincère. [Dcfatj, dans YEnc. des G.
du M., avec des additions par Z. ]
Fauche-Borel , Notices sur Us généraux Pichegru et
Moreau,- Londres, 1807, in-8°. — Ouwaroff, Éloge fu-
nèbre du général Moreau; Saint-Pétersbourg, 1813,
in-8°. - Garât, Éloge de Moreau; Paris, 1814, in-8°. —
A. de Beauchamp , Fie politique, militaire et privée du
général Moreau; Paris, 1814, in-8°. — Svinine, Détails
sur le général Moreau et ses derniers moments, suivis
d'une courte notice biographique; Paris, 1814, in-8°. —
Lemaire, Fie impartiale du général Moreau; Paris,
1814, in-8°. — Hyde de Neuville, Éloge historique du
général Moreau; New-York, 1814, in-8°. — Cousin d'A*
vallon , Histoire du général Moreau; 1814, in 12. — Cha-
teauneuf, Histoire du général Moreau, surnommé le
grand Capitaine, avec les particularités les plus secrètes
de son procès, de son retour d'Amérique et de sa mort;
Paris, 1814, in-8°. — F. Schœll, Recueil do pièces offi-
cielles, t. III. — Procès de Moreau et de ses co-accusés;
dans le Répertoire général des Causes célèbres, 2e série,
t. V. — Gouvion-Saint Cyr, Mémoires. — Le prince
Charles, Principes de la stratégie expliqués par les opé-
rations de la campagne d'Allemagne, en 1796: Vienne,
1814, 3 vol. — Miot, Mémoires. — Thiers, Histoire de
la Révolution ; Histoire du Consulat et de l'Empire,
1. 1, n, iv, xvi.
moriîau ( Jean-Michel ), dit le jeune , des-
sinateur français, né en 1741, à Paris, où il est
mort, le 30 septembre 1814. 11 commença à des-
siner de très-bonne heure ; il avait à peine dix-
sept ans que son maître , le peintre Le Lorrain ,
ayant été appelé à la direction de l'Académie des
Beaux-Arts à Saint-Pétersbourg, l'emmena avec
lui, et se l'attacha en qualité d'adjoint; peu de
temps après son arrivée en Russie, Moreau fut
nommé premier professeur de l'Académie. Mais
à la mort de Le Lorrain (1760), il abandonna les
avantages qui lui étaient faits et la perspective
d'un sort brillant, pour revenir en France. Quel
que fût son mérite et son ardeur au travail , les
déboires, les chagrins de toutes sortes, la mi-
sère même,atteignirentbien vite à Paris un jeune
homme inconnu et réduit aux seules ressources
que pouvaient lui procurer ses pinceaux. Sans
se laisser abattre par l'adversité, Moreau aban-
donna la peinture pour se livrer au travail plus
productif de la gravure; il entra dans l'atelier
de Le Bas, devint bientôt le collaborateur de
cet artiste éminent, et à force d'énergie, de cons-
MOREAU 4
tance et d'efforts, parvint à se faire connai !
et estimeF autant par son talent que par g i
caractère et la distinction de son esprit. En 17* l
il fut nommé dessinateur des Menus-Plaisii
puis dessinateur du cabinet du roi, et reçu me
bre de l'Académie le 25 avril 1789. Son m
ceau de réception fut un dessin représent;
Tullie faisant passer son char sur le corps
son père. Ce dessin a été gravé par Simonet, E
1791. Outre les ouvrages qu'il a exécutés com g
dessinateur du cabinet du roi et desMenus-Pl
sirs, on doit à Moreau environ 2,400 pièo
soit qu'il les ait gravées sur ses dessins ou d'ap
des maîtres français, soit qu'elles aient été grav .
sous sa direction et d'après ses dessins par I
artistes de son temps les plus en renom, G. f
cher, Aug. de Saint-Aubin, de Longueil, I
Mire, Basan, Massard, Porporati , de Laun
les deux Gutenberg , etc. , etc. Son œu |
forme, au cabinet des estampes , 7 vol. in-l I
Moreau a presque toujours fait lui-même j
eaux-fortes des planches gravées sur ses dessi
Le plus grand nombre de ces estampes s|
bien connues du public, elles ornent les beJ
éditions des meilleurs auteurs français donn
de son temps. Tout le monde a vu les cbJ
mantes vignettes que Moreau le jeune a fai I
pour la belle édition de Voltaire, imprimé)
Kehl (1785-1789), aux frais de Beaumarcha
les deux suites pour Molière, édition de Bret J
(1773) et de Renouard, celles qu'il fit ptj
J.-J. Rousseau ( édition de 17*37, in-4° ), pol
le Nouveau Testament, Télémaque, les MéA
morphoses d'Ovide, les Œuvres de Marmont
Saint- Lambert, Raynal, Gesner, les 160 figu
pour V Histoire de France, publiée par Renou;
(1789).... Au nombre des productions les pi
agréables et les plus estimées de Moreau, il f.
citer les vignettes du premier volume <
Chansons de M. de La Barde (2) , celles q
fit pour Y Histoire et les Fastes de la maisl
de Bourbon (1771-1774); pour les Chansons
M. de Lan j ou; la Revue passée par fo'
dans la plaine des Sablons ; l'Assemblée ri
notables en 1790, Y Ouverture des États \
néraux , 1790. Les 23 pièces du Costal
phtjsique et moral du dix-huitième siàl
(1776-1783) furent gravées sur ses dessins {
(i) 35 pièces, y compris le portrait de Molière. Mon
a revêtu les personnages de Molière du costume delà
du seizième siècle. Dans la vignette pour la pièce |
Sicilien, il s'est représenté lui-même à son clieva
peignant Isidore, et dans Le Bourgeois gentilhotm j
il a mis Nicole et M. Jourdain sous les traits de Mme I
lecourt et de Préville, qui tenaient alors ces rôles. Ij
gravures de l'édition de Bret ont servi à trois autn
éditions de Molière , publiées en 1788, 1805, 1808, se :
la date de 1805.
(2) Un de ces recueils est recherché seulement pour !
estampes qu'ils renferment, Moreau devait dessineii
graver lui-même toutes les vignettes dont il est or .
Malheureusement, le premier volume à peine term. ,
une brouille s'éleva entre l'auteur et le dessinateur |
l'ouvrage lut terminé par d'autres artistes. Nétfrimc,
les Chansons de La Barde sont aujourd'hui fort recu|
chées ( 4 vol. gr. in-8°, 1773).
M
MOREAU
498
artini, Helman, Baquoi, Gutenberg , de Lan-
iy, etc. Ces estampes retracent les mœurs et
s costumes de la société élégante de l'époque,
ont à ce titre un grand intérêt ; elles accompa-
ent un texte écrit par Rétif de La Bretonne (1).
1 1778, Moreau fit une Vue du tombeau de
-J. Rousseau dans l'île d'Ermenonville : il s'é-
t imaginé de placer au premier plan de sa
mposition une bonne femme agenouillée dans
ttitude de la prière en face du tombeau du
ilosophe; la censure lui fit enlever cette figure,
'on ne trouve plus que sur un petit nombre
ipreuves très-recherchées aujourd'hui.
Le talent de Moreau se prêtait à tous les
ares avec une flexibilité remarquable : ses
mpositions se distinguent par l'élégance, l'heu-
îse entente du sujet et la variété expressive des
itudes. Moreau avait unemémoire prodigieuse,
e intelligence très-cultivée qui l'aidait à saisir
f à rendre l'esprit des sujets qu'il traitait. En
! ii sa réputation était bien établie, et il sem-
it que son talent était arrivé à son apogée,
squ'il eut l'idée d'aller visiter et étudier en
die les chefs-d'œuvre de l'art. Les biographes
Moreau ont célébré la révolution qui s'opéra
! lui pendant ce voyage : il le fit sans doute
| us l'influence des idées nouvelles qui agitaient
icole française de la fin du dix-huitième siècle,
il nous semble que cette influence fut fatale à
èreau.En voulant épurer et ennoblir son style
[devint roide et gauche ; il perdit cet esprit et
fttfrgràce un peu maniérée qui distinguent son
Ucle. Ses derniers ouvrages nous paraissent
[en inférieurs à ceux qu'il avait faits avant
■I aller en Italie.
Moreau poussait le désintéressement personnel
Uqu'à l'incurie. La révolution lui enleva, avec
| place, le peu de fortune qu'il avait amassé.
Il 1791, ses amis l'abbé Barthélémy et M. de
[ équigny le décidèrent à entrer dans la première
immission des monuments historiques, qui
nait d'être constituée. En 1 797 il fut nommé
liofesseur de dessin aux écoles centrales de
Uris. La première restauration lui rendit son
jiploi de dessinateur du cabinet du roi, mais il
' jouit pas longtemps de ce retour de fortune,
ppuis 1812 il souffrait d'un squirre cancéreux
i bras droit, qui nécessita plusieurs opérations
1 uloureuses et détermina sa mort. Son por-
; lit a été gravé par Augustin de Saint- Aubin,
j 1787, d'après un dessin de Cochin. H. H — n.
I.Votice sur Moreau , par Mme Carie Vemet née Mo-
im (2). — Eloge de Moreau le jeune, par M. Feuillet,
(•ns le Moniteur Universel de 1814, n° 355. — Éloge
[Moreau le jeune par M. Ponce, dans le Mercure du
[juin 1816.
MOREAU DE SA.INT-MÉRY ( Médéric-
[wis-Élie), administrateur français, né le
'1) Il y a eu une réduction in-12 de cet ouvrage.
!) La fille de Moreau avait épousé le peintre Carie
met; elle a laissé une biographie manuscrite de son
•e, en tète du reeuell de son œuvre qui se trouve au
Jinet des estampes de Paris. Cette notice a été in-
"éc dans les Archives de l'Art français.
13 janvier 1750, au Fort-Royal ( lie de La Mar-
tinique ), mort le 28 janvier 1819, à Paris. Issu
d'une bonne famille, originaire du Poitou, il était
en bas âge lorsqu'il perdit son père, et ne reçut
qu'une éducation fort incomplète. A dix-neuf ans
il vint à Paris, fut admis dans les gendarmes du
roi, et parvint, sans négliger son service, à se faire
recevoir avocat au parlement; trois années à
peine lui avaient suffi pour se familiariser avec
l'étude des lettres , des mathématiques et du
droit. De retour à La Martinique, il trouva sa
fortune bien diminuée, par suite de la mort de
sa mère, et ce fut pour la rétablir qu'il alla
exercer au Cap français la profession d'avocat.
Vers 1780 il entra au conseil supérieur de Saint-
Domingue. Profitant des loisirs que lui lais-
saient ses fonctions de magistrat, il s'occupa de
classer les nombreux matériaux qu'il avait re-
cueillis sur les lois , sur la description et sur
l'histoire des colonies françaises, explora les
greffes et les archives des Antilles, et découvrit,
pendant une de ses excursions, le tombeau de
Christophe Colomb, qui fut restauré à ses frais.
Appelé à Paris pour y mettre la dernière main
à ses travaux, il reçut un accueil empressé
parmi le monde savant, et s'associa à Pilastre
de Rozier pour fonder Le Musée de Paris,
dont la plupart des gens de lettres de cette épo-
que furent membres. Lorsque la révolution
éclata, il fut élu président des électeurs de
Paris, réunis à l'hôtel de Ville , harangua deux
fois Louis XVI, et décida, dit-on, ses collègues
à choisir La Fayette pour chef de la garde na-
tionale. On récompensa sa conduite noble et
ferme par une médaille, qui fut votée à l'unani-
mité. En 1790 il entra comme député de La Mar-
tinique à la Constituante , où il s'occupa plus
particulièrement des affaires des colonies, et en
1791 il fit partie du conseil judiciaire établi
près le ministère de la justice. Peu de jours
avant le 10 août, il fut attaqué par une troupe
de furieux et reçut une blessure dangereuse, qui
le força de se retirer dans la petite ville de
Forges, en Normandie ; arrêté avec le duc de
La Rochefaucauld, il échappa à l'échafaud grâce
au dévouement d'un de ses gardiens qu'il avait
jadis obligé. Il se rendit aux États-Unis avec sa
famille. Après avoir gagné péniblement sa vie
chez un marchand de New-York, il passa à Phi-
ladelphie, et y ouvrit un magasin de librairie,
auquel il joignit bientôt une imprimerie ; il fit
d'abord servir ses presses à la publication de
ses ouvrages. De retour ,en France avec une mo-
dique aisance (1799), il obtint de l'amiral
Bruix, son ami, l'emploi d'historiographe de la
marine et la mission de préparer un code pénal
maritime. Nommé çonseiUet ..d'État en 1800,
Moreau de Saint-Méry fut envoyé en 1801 en
qualité de résident près le duc de Parme, et à
la mort de ce prince (1802) il devint adminis^
trateur général des duchés de Parme, de Plai-
sance et de Guastalla. Il usa du pouvoir con-
V
>S
499
sidérable qui lui était délégué, avec sagesse et
modération, protégea les établissements utiles et
encouragea les lettres ; il manqua toutefois de
fermeté et oublia peut-être un peu trop qu'il
n'était pas le souverain des États confiés à sa
surveillance. En 1806 il fut rappelé, et tomba
dans une complète disgrâce. On en donna pour
cause la faiblesse avec laquelle il réprima la
mutinerie des compagnies de la milice de
Parme qui avaient refusé de se rendre au camp
de Bologne. L'empereur montra une vive irrita-
tion, et fît partir Junot avec des pouvoirs illimités ;
on fusilla les auteurs de la révolte, et on incendia
deux villages qui les avaient soutenus. Quant à
Moreau de Saint-Méry, il perdit sa place d'ad-
ministrateur, celle de conseiller d'État et jus-
qu'à une somme de 40,000 fr. d'arrérages qu'on
ne voulut pas lui rembourser. Napoléon l'ayant
même traité de vive voix avec une certaine du-
reté, il se permit de lui dire : « Sire, je ne vous
demande pas de récompenser ma probité, je
demande seulement qu'elle soit tolérée ; ne crai-
gnez rien, cette maladie n'est pas contagieuse. »
Jusqu'en 1812 il ne vécut que des bienfaits de
l'impératrice Joséphine, sa parente éloignée, et
à cette époque on lui accorda une pension,
qui suffisait à peine à ses besoins. En 1817,
Louis XY1II, informé de sa détresse, lui fit re-
mettre un secours de 15,000 fr. Moreau de
Saint-Méry mourut d'une rétention d'urine, à
l'âge de soixante-neuf ans. Il appartenait à plu-
sieurs sociétés savantes de Paris. On a de lui :
Lois et Constitutions des colonies françaises
de V Amérique sous le vent de 1550 à 1785;
Paris, 1784-1790, 6 vol. in-4°; un exemplaire de
cet ouvrage, devenu très- rare, a été déposé, par
ordre de Louis XVI, dans chaque bureau d'ad-
ministration et dans chaque greffe des colonies
d'Amérique; — Recueil de vues des lieux
principaux de Saint-Domingue; in-fol. fig. ;
— Description topographique et politique de
la partie espagnole de Vile de Saint-Domin-
gue ; Philadelphie, 1796, 2 vol. in-8° avec une
carte ; — Idée générale ou Abrégé des Scien-
ces et Arts; Philadelphie, 1797, in-12; la tra-
duction anglaise a été souvent réimprimée aux
États-Unis ; — Voyage de V ambassade de la
Compagnie des Indes hollandaises vers l'em-
pereur de la Chine ; Philadelphie, 1797, in-4°,
ou Paris, 1798, 2 vol. in-8° ; trad. du hollan-
dais de van Braam ; — Description de la partie
française de Vile de Saint-Domingue ; Phi-
ladelphie, 1797-1798, 2 vol. in-4°; — De la
Danse; Philadelphie, 1797, in-12; Parme,
1803, in-16 ; extrait d'un Répertoire ( ms. )
de notions coloniales ; — Essai sur l'histoire
naturelle des quadrupèdes du Paraguay;
Paris, 1801, 2 vol. in-8° , trad. de l'espagnol
d'Azara ; — divers mémoires insérés dans les
recueils de la Société d'Agriculture, du Musée de
Paris, etc. Il a laissé en outre un grand nombre
de manuscrits, tant historiques que littéraires,
MOREAU 5
dont les plus importants paraissent être \
Histoire générale des Antilles françaises
une Histoire des États de Parme, de Plaisai
et de Guastalla. P. L.
Fournier-Pescay, Éloge de Moreau de Saint- Mé.
Paris, 1819, in-12. — Biogr. nouvelle des Contemp.
moreau de Chélons (***), homme politk
français, né à Châlons-sur-Saône, en 1752, m
vers 1820. Il était ingénieur dans sa ville
taie, lorsque ses concitoyens* le députèreni
la Convention nationale où il vota la m
de Louis XVI. Le 16 décembre 1792, il appi
les motions de Buzot et de Louvet pour fc
bannir la famille d'Orléans. En prairial an
( mai 1795), il fut l'un des vingt et un comn
saires chargés d'examiner la conduite de Jost
Lebon, et fit partie de la minorité qui demi
dait la mise hors de cause de l'accusé. Après
13 vendémiaire an iv ( 5 octobre 1795), il i
puya la mise en liberté de Rossignol et de D
bigny. Il ne passa point aux conseils, et reni
dans la vie privée. H. L — r.
Le Moniteur universel . année 1792, n» 353 ; an I
n° 21; an m, n° 70; an iv, n° 42. — Biographie n
derne (1816). — Petite Biogr. conventionnelle (1815
moreau de la Sarthe (Jacques- Loui
médecin français, né le 28 janvier 1771, à Mot
fort, près Le Mans, mort le 13 juin 1826, à Pai
D'une famille de bourgeoisie, il fit ses études
collège des pères de l'Oratoire du Mans, et v
à Paris, où il s'appliqua à la médecine. Tjv
jeune, il obtint au concours une place d'offic
de santé à l'hôpital militaire de Nantes; s'éti
estropié un doigt de la main droite, il renoE
aux opérations chirurgicales, et revint en 17
à Paris pour y continuer ses études médical
Plein d'ardeur et de zèle , il se lia d'amitié a\
Bichat, Alibert, Duméril, Marc, Husson, £
puytren et autres praticiens distingués , qui f<
nièrent le noyau de la Société d'Émulatio
Nommé en 1808 bibliothécaire de la faculté
Médecine, en remplacement de Sue le jeune ,*
fut mis en possession de la chaire de bibliogr,
phie médicale créée en sa faveur par l'ordonnan
du 19 août 1815; le conseil royal de l'Instcui
tion publique réunit à ces fonctions l'enseign
ment de l'histoire de la médecine. Il entra à 1'.
cadémie en 1821, lors de la réorganisation de
corps; mais en 1823 il fut éloigné de la Facul
par la mesure qui atteignit en même temps
sieurs de ses collègues, tels que Chaussier, De
genettes, Pinel, Deyeux, etc., auxquels on i
laissa que le titre de professeur honoraire. C
acte d'injustice, qu'il ressentit vivement, i
contribua pas peu à abréger ses jours ; il moi
rut d'une maladie de poitrine, à l'âge de ci
quante-cinq ans. Par une clause de son test
ment, il légua sa bibliothèque à l'Académie (
Médecine , afin qu'elle fût décernée à l'élève qi
se serait le plus distingué par ses talents ; ce pri
fut gagné en 1829 par MM. Dezeimeris et R
sueno d'Amador. Les écrits qu'il a publiés sur 1
partie philosophique des sciences médicales dé
11
MOREAU
502
iieni un esprit ingénieux , des connaissances
■mines et une plume élégante et exercée. Nous
erons île lui : Essaisur la Gangrène humide
s hôpitaux; Paris, an v (179fi), in-8°, avec
irdin aine; — Esquisse d'un cours d'hygiène,
de médecine appliquée à l'art d'user de la
:et de conserver la santé; Paris, 1797, 1800,
8" ; — Éloge de Vicq d'Azyr, suivi d'un pré-
des travaux anatomiques et physiologi-
i es de ce célèbre médecin; Paris, an vi (1798),
8°; — Quelques Réflexions philosophiques
médicales sur i'Émile de J.-J. Rousseau;
ris, au vin (1800), in-8°; — Description des
tncipales Monstruosités dans l'homme et
ns les animaux, précédée d'un Discours
• la Physiologie et la classification des
WStres; Paris, 1800, in-fol., avec 42 fig. col.;
Traité historique et pratique de la Vac-
e; Paris, 1801, in-8°, trad. en plusieurs
gués; — Histoire naturelle de la Femme,
vie d'un Traité d'Hygiène appliquée à son
ime physique et moral aux différentes
iques de la Vie; Paris, 1803, 3 vol. in-8°,
, trad. en allemand en 1805 avec des notes,
urne éditeur, Moreau a publié les Œuvres
Vicq d'Azyr, avec des notes (Paris, 1805,
ol. in-8° et atlas in-fol.), et Y Art de connaître
hommes par la physionomie de Lavater
|iris, .1805-1808 et 1820-1821, 10 vol. in-8°
j), édition excellente, qu'il a enrichie d'une no-
• historique sur l'auteur et de recherches
velles sur les caractères des passions, les
péraments et les maladies. Il a encore fourni
J; articles à Y Encyclopédie méthodique , au
nrnal de Médecine (1796-1826), au Moni-
't universel, etc. K.
Moniteur universel, 17 juin 1826. — Mahul, Annuaire
rolog., 1826. — Desportes, Biblioyr. du Maine.
OREAC ( Charles - François-Jean - Bap-
e), auteur dramatique franç'ais, né en 1783, à
} où il mourut, le 1er juillet 1S32. Son père,
Moreau, professeur de mathématiques,
it acquis une certaine réputation comme
leur de romans anglais. Bien qu'il eût été
u avocat, il se livra exclusivement à la car-
icc dramatique, et fit représenter, à partir de
, date de sa première œuvre, une cinquan-
te de pièces, qu'il composait tantôt seul, tan-
ien société avec Dumolard, Lafortelle, Fran-
K, Desaugiers, Ourry, etc., ses collaborateurs
f .rituels. Il travailla aussi pour plusieurs jour-
M'ix, entre autres le Journal des Arts, L'A-
il 'targue, La Quotidienne ; et devenu plus
I d actionnaire du Journal Général, il fut"
jirgé, pendant plusieurs années, de rédiger les
<nptes rendus des théâtres. Après la révolu-
1i de 1830, il fut attaché à la rédaction poli-
tie du Courrier français , et nommé maître
*, requêtes en service extraordinaire. On trou-
|ja la liste de ses pièces dans La France
\ téraire de Quérard. E. C.
I enrion, Annuaire nécrologique.
moreau de Bioui {Jean -Michel- Ray-
mond-Guislain), littérateur belge, né à Na-
mur, le 10 décembre 1765, mort à Bioul, le
3 juillet 1835. Ses ancêtres, riches maîtres de
forges , avaient obtenu des lettres de noblesse.
Il reçut une éducation distinguée, étudia le droit
à Reims, et de 1790 à 1793 voyagea en France,
en Italie, en Suisse et en Allemagne; en 1812
il fut nommé sous-préfet à Dinant. Membre de
l'ordre équestre de la province de Namur et des
états provinciaux, il fut envoyé, en 1818, à la
seconde chambre des états généraux , où , en
1820, il vota pour un système d'impôt repoussé
par la majorité des Belges , ce qui lui attira les
attaques passionnées des journaux de l'opposi-
tion. En 1821 il fut appelé à siéger à la première
chambre. Après la révolution de septembre 1830,
il fut élu bourgmestre de Bioul. On a de lui :
L' Architecture de Vitruve, traduite en fran-
çais, avec des remargues ; Bruxelles, 1816,
in-4°, fig. Il a laissé plusieurs ouvrages manus-
crits , notamment un Traité des Machines de
guerre des anciens, et un Voyage en Italie,
que son fils se proposait de publier. E. R.
Archives hist. et litt. du nord de la France et du
midi de la Belgique, nouv. série, III, S32. — Brunet,
Manuel du Libraire.
moreau (Hégésippe), poète français, né le
9 avril 1810, à Paris, où il est mort, le 10 dé-
cembre 1838. Il fut amené en bas âge à Provins,
où son père obtint une place de régent au col-
lège, tandis que sa mère entrait en condition
chez madame F... « Tous deux, dit M. Mar-
cotte, l'un des biographes du poète, traçant
la route à leur fils , allèrent, à peu de distance
l'un de l'autre, mourir à l'hôpital. » Par les
soins de madame F..., le petit orphelin fut
placé gratuitement dans un séminaire, près de
Fontainebleau. Ayant terminé ses études à quinze
ans, Moreau entra en apprentissage chez un
imprimeur de Provins. C'est dans cette maison
que s'écoulèrent les quelques jours heureux de
sa vie. C'est là qu*il connut la femme qu'il a
aimée, une jeune fille au cœur naïf et tendre;
celle qu'il a appelée « sa sœur » dans ses lettres
et d.ans ses vers , et dont l'éternel souvenir fut
une douceur toujours mêlée à sa coupe d'amer-
tume. Bientôt, poussé par d'imprudents con-
seils, Moreau, qui n'avait encore rien publié,
mais dont les amis se passaient déjà quelques
vers gracieux ou spirituels, quitta sa province
et vint à Paris, où il entra en qualité de com-
positeur dans l'imprimerie de M. Firmin Didot.
C'était à la veille des journées de 1830. La ré-
volution éclate. Moreau y prend part avec l'ar-
deur de ses vingt ans ; puis il quitte assez étour-
diment son imprimerie et se fait maître d'étude.
Cette époque, de l'aveu même de son panégy-
riste, M. Marcotte , fut une mauvaise crise dans
la vie de Moreau. Il se lia avec quelques jeunes
gens libertins, qui, charmés de son esprit, l'en-
trainèreat dans leurs folles parties. L'image « de
503 MOREAU
la sœur » bien aimée s'éclipse : adieu la pureté,
la candeur, les illusions! Le poëte, pauvre et
mécontent de lui-même, s'aigrit contre les autres.
Il aime le plaisir, et il n'a pas toujours le pain.
A cette époque , et donnant cet exemple à l'in-
fortuné Gérard de Nerval , il errait souvent la
nuit dans les rues de Paris , sans feu ni lieu ,
couchant dans un bateau amarré sur la Seine
ou sous un arbre du bois de Boulogne; surpris
parfois par une ronde de nuit et conduit comme
un vagabond à la préfecture de police, il écrit à
son amie : «. Ah ! pourquoi vous ai-je quittée ?
Pourquoi m'avez- vous laissé partir? »
Le choléra de 1832 désole Paris. Moreau en
profite pour se faire admettre à l'hôpital. C'est
toujours un gîte, et le lit contagieux d'un cholé-
rique sourit à la sombre espérance du poëte
malheureux. 11 écrit son élégie : Un Souvenir
à l'hôpital :
J'ai bien maudit le jour qui m'a vu naître;
Mais la nature est brillante d'attraits,
Mais chaque soir le vent, à ma fenêtre,
Vient secouer un parfum des forêts.
Marcher à deux, sur les fleurs et la mousse,
Au fond des bois, rêver, s'asseoir, courir,
Oh! quel bonheur! oh! que la vie est douce'
Pauvre Gilbert , que tu devais souffrir !
Gilbert! ce nom se plaçait de lui-même sous
sa plume et y revient plus d'une fois. Après deux
ans de souffrances et de déceptions de toutes
sortes, Hégésippe Moreau s'en retourne un jour
à pied à Provins. Il y entreprend , avec le con-
cours de quelques bienveillants souscripteurs,
une publication périodique en vers à la façon de
la Némésis de Méry et Barthélémy, qu'il inti-
tule : Le Diogène. La verve et la vigueur ne
manquaient pas à ces satires politiques , satires
libérales et même républicaines.
Après juillet 1830, comme après la révolu-
tion de 1848, Charles X et Louis-Philippe sont
des tyrans pour les jeunes Spartiates qui sor-
tent des bancs, sans qu'on puisse en faire un
reproche à personne. Et si le monde n'a pas
souri au jeune homme, s'il est malheureux, s'é-
tonnera-t-on que la société lui semble mauvaise
et qu'il rêve l'âge d'or dans une république? Lui
envoudra-t«on de quelques injustices, de quelques
amertumes, de quelques déclamations plus ou
moins factices tombées de sa plume?
Des hostilités ou des rancunes de petite ville
forcèrent pourtant Moreau de renoncer bientôt à
son œuvre. Au bout d'un an il revient à Paris,
recommencer contre la destinée le combat où il
devait succomber. Il rentre dans une imprime-
rie; mais le poëte est distrait, son travail de
compositeur ne vaut rien ; on le remercie. Il es-
saye encore de ce cruel métier de maître d'étude
dans un collège, qu'on a eu l'utile pensée de
chercher à relever dans ces derniers temps. Mo-
reau trouve encore à compiler des journaux pour
une revue nouvelle. Mais ces divers expédrents
pour vivre lui échappent successivement. Le
dégoût, la lassitude, les lui font souvent résigner
50
de lui-même. Faible de caractère et de corn
plexion , il n'était pas fait pour les obstacles. ]
s'irritait contre eux, sans essayer ni de les frai
chir ni de les tourner, et cherchait , sans y réus
sir, à se prendre à la vie positive. Il essaye,
cette époque, du travail littératre propremei
dit. Il fait, hélas! un vaudeville avec circons
tances atténuantes ou aggravantes , comme o
voudra, de collaboration ; il écrit dans une revt
périodique quelques nouvelles, et d'une plurr
fine et charmante, qu'on dirait trempée dans l'i
critoire de Nodier. Mais le travail littéraire n
gulier, le métier, lui répugne bientôt. 11 ne i
sent bon qu'à faire des vers. Et des vers , qi
en veut? « A moins d'être signés Victor Hugo (
Lamartine , écrit-il à sa sœur, les vers ne ;
vendent pas. » C'est encore un peu comme ce
aujourd'hui. Cependant , et tandis qu'Hégésipi
Moreau mourait de faim, un poëte qui ne !
nommait ni Hugo,' ni Vigny, ni Musset, ni L
martine, ni Barbier, ni Béranger, faisait d<
vers qui s'achetaient bel et bien au poids de l'o
et qu'on se passait de main en main depuis
Chaussée-d'Antin jusqu'au noble faubourg; I
chansons de ce poëte étaient ineptes, mais l'a
teur les écrivait les mains teintes de sang : c
tait Lacenaire. Ce succès du poëte assassin in
pira au pauvre Moreau un cri de désespc
éloquent :
Ah ! sur tes échos sourds , la lyre est sans pouvoir!
Il faut de3 condamnés à mort pour l'émouvoir,
Paris ! Eh bien ! Écoute : Ici, comme à Venise,
Un peuple condamné, sous les Plombs agonise.
Le malheur, les prenant tombés du sein natal,
Marque ces giaaurs de son cachet fatal.
Chaque jour les condamne, et comme au roi qui pas
A chaque lendemain .ils demandent leur grâce.
L'Espérance, avocat à la magique voix,
Les traîne ainsi longtemps de pourvois en pourvois
Mais pareil au bourreau, qui vient et frappe à l'heu
Le suicide enfin les prend... et nul ne pleure;
Nul ne mène le deuil vers le champ du potier,
Et le poëte mort gît là , mort tout entier.. .
Enfin, pourtant, un de ses camarades lui ofl
d'éditer ses œuvres. Il touche 100 francs
quatre-vingts exemplaires ! Mais cette miserai
somme se dore d'un peu de gloire. Le volui
réussit. Le nom de Moreau retentit dans
journaux. Le National, parla plume de M. 1
lix Pyat, fait un véritable dithyrambe en s
honneur. Latonche va trouver Béranger, et
dit avec la brusquerie qui le caractérisait : « J
trouvé un garçon qui est plus poêle que vons
Un rayon de bonheur éclaire l'âme, si longtem
désolée, d'Hégésippe Moreau; mais il ne s'abt
pas outre mesure , et dans une lettre à celle
a cru en lui quand personne n'y croyait et <
pouvait maintenant se parer de son amour
de ses vers , il écrit : « Je ne me crois pas
grand poète, tant s'en faut, mais Dieu m'i
témoin que je suis un vrai poëte ; malheureui
ment je ne suis que cela. » Et il écrivait encor
« Ces gens-là me laisseront mourir de faim
de chagrin; après quoi ils diront : C'est doi
mage! et me feront une réputation pareille
95 MOREAU
tlle de Gilbert. » Les sinistres pressentiments
Hégésippe Moreau devaient bientôt se vérifier,
i santé allait décroissant. Il reprit le chemin
innu de l'hôpital (La Charité). Il voulait y pas-
r l'hiver : au bout d'un mois iï en sortit pour
re conduit au cimetière. Cette mort à l'hôpital
t, comme le poëte l'avait pressenti, son plus
•and bonheur littéraire. Elle lui suscita un tor-
nt de regrets, d'amitiés et de louanges post-
imes. Il ne laissait après lui qu'une petite
rbe de vers, qui méritait bien d'être recueillie;
ais elle a été trouvée plus charmante encore
plus amoureusement dorée par le soleil de la
ésie parce que le moissonneur lui-même avait
i fauché misérablement sur cette gerbe , sans
oir eu seulement le temps de la lier. Il avait
t un bouquet de myosotis; la pitié, une pitié
•dive, plutôt que l'admiration, lui a tressé
ec ce bouqïiet une couronne d'immortelles.
L'ap'titude poétique d'Hégésippe Moreau n'est
s susceptible de contestation ; mais il n'avait
s eu le temps d'arriver à la pleine possession
son talent ; je devrais dire plutôt au complet
veloppemenl à*e son âme. Il fait au hasard des
'ires , des chansons , des élégies ; les satires
opellent Barthélémy, les chansons imitent Bé-
nger. Il est plus personnel dans ses vers élé-
«ques que parfume un souvenir d'amour pur,
: où sa détresse éclate parfois en notes d'une
Àgnante amertume, comme dans L'Isolement,
Oiseau que j 'attends, et surtout la tendre
ravissante pièce de La Voulzie.ÏÏ a de l'esprit
de la grâce dans l'invention ; sa forme , sans
re toujours pure, est soignée avec un goût
artiste. Ce sentiment délicat et vraiment at-
ijue de l'art, il l'a déployé aussi dans les Contes
nia sœur. Parmi ces nouvelles en prose, il
est une qu'il est impossible de lire sans at-
adrissement : c'est Le Gui de Chêne.
Dans les époques mêmes les moins favorables
la poésie , il y a des moments qui le sont plus
i moins. Quelques poètes, bien dépassés par
js poètes plus récents, dont le talent reste ignoré,
vent encore sur la réputation qu'ils se sont
ite à la remorque des grands noms et à la suite
1 beau mouvement littéraire qui signala les
i irnières années de la restauration et les pre-
| ières du gouvernement de Juillet.
Hégésippe Moreau était arrivé au moment de
| dispersion, et il n'avait pas assez d'éclat pour
ionter tout seul et d'emblée à la renommée. Il
ait raison quand il disait : « Je ne me crois
ta un grand poëte, pourtant Dieu m'est témoin
ie je suis un poëte; par malheur, je ne suis
Je cela. » Mais cela, ce qu'il était réellement,
iiffit pour justifier la pitié posthume qui a fait
{ver une fleur de gloire de la paille de son gra-
»t , cela est assez pour que ce jeune homme
[fortuné n'ait pas écrit en vain entête de son
juvre inachevée : Myosotis, ne m'oubliez pas !
LOUiS BATISBONNB.
Sainte-Marie-Mascotte , Notice a la tête du Myosotis
506
U838). — Dessalles - Régis, Bévue des Deux Mondes,
1er fêvr. 1840. — Sainte-Beuve, Le Constitutionnel. 21 et
Sïavrll 1851. — Félix Pyat, Revue du Progrès. 15 janvier,
1889. — Vallery-Uadot, Bévue hebdomadaire, 1851. —
M"'e C. Angebert, dans La Feuille de Provins, 7 Juin 1851.
* moreau de Jonnès ( Alexandre) , statis-
ticien français, né en Bretagne, près de Rennes,
le 19 mars 1778. Il partit comme volontaire dans
le bataillon d'Ille-et-Vilaine en 1792, et l'année
suivante combattit, comme artilleur, dans le
port de Toulon, pour sauver de l'incendie un
de nos vaisseaux. En 1795, il était grenadier
dans les compagnies réunies par le général
Hoche pour l'assaut du fort Penthièvre, à Qui-
beron. Il s'embarqua ensuite comme officier,
dans un corps franc, sur la flottille de corsaires
qui enlevèrent de vive force une partie des An-
tilles anglaises. On le retrouve, en 1799, maître
canonnier sous le général Humbert, s "associant
aux insurgés d'Irlande dans l'entreprise de Kil-
lala. Officier d'artillerie dans l'expédition de
Saint-Domingue, en 1802, il devint successive-
ment capitaine-adjudant major, aide de camp de
divers généraux, commandant de place, chef
d'état-major. En 1809, il fut fait prisonnier par
les Anglais. Rentré en France en 1815, il fut
chargé d'une mission pour l'empereur, mais il
n'arriva qu'après la bataille de Waterloo. 11 rejoi-
gnit l'armée, et termina sa carrière militaire après
le licenciement.
Pendant son séjour de près de quatorze ans
à La Martinique, M. Moreau de Jonnès avait fait
de grandes études sur la géologie, la topogra-
phie, le climat et l'histoire naturelle de la con-
trée. La fièvre jaune, qui fit de grands ravages
dans l'armée, devint aussi l'objet de son atten-
tion, et quoiqu'il n'exerçât pas l'art de guérir,
il fit sur ce fléau des observations utiles. Ses tra-
vaux , objets d'intéressantes publications, à son
retour en France, furent accueillis avec empres-
sement par les sociétés savantes et par l'Institut.
Entré dans l'administration en 1817, il y introduisit
l'usage habituel de la statistique, dont les vérités
numériques, qui ne changent point au gré des
passions etdes partis, jettentune vive lumière sur
les questions d'économie sociale. M. Thiers, qui
avait autrefois rendu compte des ouvrages de
M. Moreau de Jonnès dans Le Constitutionnel,
le choisit, lorsqu'il fut au ministère du com-
merce, pour diriger les travaux de la statistique
générale de la Francej immense entreprise vai-
nement projetée sous Louis XIV et sous l'em-
pire. Il fut admis à la retraite au commence-
ment de l'année 1852. Il avait été nommé dès
1816 correspondant de l'Académie des Sciences
( section de géographie et de navigation ), et en
1847 membre libre de l'Académie des Sciences
morales et politiques. Il a été promu au grade
d'officier de la Légion d'Honneur le 7 février
1852.
Ses principaux ouvrages sont : Minéralogie
des volcans éteints de La Martinique...;
— Monographie du ■ trigonocéphale j ou
\
507 MOTŒATT
grande vipère fer-de-lance de La Martini-
que; Paris, 1816, in-8°; l'auteur a lu, en 1817,
l'Académie des Sciences un autre Mémoire ,
faisant suite à l'histoire de ce reptile ; il a pré-
senté aussi un Mémoire sur une énorme araignée
qui attaque et tue les petits oiseaux; —De ï Effet
du climat des Antilles sur le système ner-
veux ; Paris , 18t6, in-8° ; extrait du Bul-
letin de la Société de Médecine de Paris ; —
Essai sur l'hygiène militaire des Antilles;
Paris, 1816, in-8° : cet écrit a été inséré aussi
dans le 8e vol. des Mémoires de la Société mé-
dicale d' Émulation ; les ministres de la guerre
et de la marine l'ont fait distribuer dans les hô-
pitaux et aux chefs du service de santé des ar-
mées de terre et de mer ; — Carte physique,
minéralogique , statistique et militaire de
Vile de La Martinique; — Carte des volcans
éteints du piton du Carbet, à La Martinique,
pour servir à la connaissance de V habita-
tion des plantes de la flore de cette lie ; —
Précis historique sur l'irruption de la fièvre
jaune à La Martinique, en 1802; Paris, 1817,
in-8° ; et dans le Bulletin de la Société mé-
dicale d'Emulation, année 1816; — Obser-
vations pour servir à l'histoire de la fiè-
vre jaune; suivies de Tables nécrologiques
indiquant la proportion de la mortalité des
troupes françaises et anglaises dans les Indes
occidentales', etc. ; Paris, 1817, in-S°; et dans
le Bulletin de la Sec. méd. d'Émulation; —
Tableau du Climat des Antilles et des phé-
nomènes de son influence sur les plantes,
les animaux et l'espèce humaine, lu à l'A-
cadémie des Sciences; Paris, 1817, in-8°; _
Précis topographique et géologique sur Vile
de La Martinique; Paris, 1817, in-8° ; extrait
des Annales maritimes ; — Monographie his-
torique et médicale de la Fièvre jaune des
Antilles et Recherches physiologiques sur les
lois du développement et de la propagation
de cette maladie pestilentielle , lue à l'Aca-
démie des Sciences en 1820; Paris, 1820, in-8°;
— Monographie du Cocko Mobouia des An-
tilles ; 1821, in-80;— Histoire physique des
Antilles françaises («vec La Martinique et la
Guadeloupe), etc.; Paris, 1822, t. Ier, in-8°; seul
paru sur les quatre annoncés; — Notice sur les
enquêtes officielles constatant la contagion de
la fièvre jaune et de la peste, lue à l'Acadé-
mie des Sciences; Paris, 1825, in-8° ; et dans la
Revue encyclopédique; — Mémoire sur le
Déboisement des forêts ; Paris , 1825, in-4°;
l'Acad. royale de Bruxelles a décerné une mé-
daille d'or à l'auteur de ce travail qu'elle a in-
séré dans le 5e vol. de ses Mémoires ; — Le
Commerce au dix-neuvième siècle: causes
et effets de son agrandissement et de sa dé-
cadence, et moyen d'accroître et de conso-
lider la prospérité agricole, industrielle, co-
loniale et commerciale de la France; Paris,
1827, 2 vol. in-8° ; couronné par l'Académie de
Marseille ; — Observations sur un rappo
fait à l'Académie des Sciences pour décerm
le prix de statistique à de nouvelles tabl
de mortalité; Paris, 1830, in-8°; — Rappo
au Conseil supérieur de Santé sur le Cholêr
morbus pestilentiel, les caractères et phén
mènes pathologiques de cette maladie, l
moyens curatifs et hygiéniques qu'on l
oppose, sa mortalité, son mode de propagt
tion et ses irruptions dans l'indoslan , l'As
centrale, l'Amérique, l'Arabie, la Syrie
Perse , l'empire russe et la Pologne ; Pari
1831, in-8° , avec une carte; — Statistique <
l'Espagne : territoire , population , agricu
ture , industrie , commerce, navigation ,,c
lonies , finances ; Paris, 1834, in-8°, avec u;
carte ; ce livre, traduit en espagnol, a eu pi
sieurs éditions ; — Statistique de la Granè
Bretagne et de l'Irlande ;Paris, 1838, 2 n-
in-8° , avec carte ; couronnée par la Société
Statistique de Marseille ; — Recherches sfatisi
ques sur l'esclavage colonial etsurlesmoye,
de le supprimer ; Paris, 1841 , in-8° ; — El
ments de Statistique, comprenant les pri
cipes généraux de cette science et un aper\
historique de ses progrès; Paris, 1847, £
in-18; — Statistique de l'Agriculture i
France, contenant la statistique des cêréal
diverses, des pâturages, des bois et forêts
des animaux domestiques, avec leur produ
tion actuelle comparée à celle des temf
anciens et des principaux pays d'Furopi
Paris, 1848, in-8° : cet ouvrage contient le r
sumé des quatre grands volumes de la Statisl
que générale de la France, publiée par le n
nistre de l'Agriculture et du Commerce ; — St
tistique des peuples de l'antiquité : les Égy\
tiens, les Hébreux, les Grecs, les Romains
les Gaulois. Économie morale, civile et d
mes tique de ces peuples; histoire, popul
tion , origine, races, castes et classes, agr
culture, industrie, consommation, riches
publique, force militaire; Paris, 1851, 2 v(
in-8o-, — Aventures de Guerre du temps de
République et du Consulat; 1859, 2 vol. in-8
— Dans lès Documents statistiques sur .
France publiés par le ministre du commerci
de 1835 à 1837 , 3 vol. gr. in-4° , la partie impr
mée en italiques est de M. Moreau de Jonnès.
a travaillé aux Annales politiques, à la Revi
encyclopédique, aux Annales maritimes,
Journal du Commerce, au Journal des Éa
nomistes. Il a donné à l'Annuaire de VÉcon*
mie politique de 1845, une Étude statistiqi
sur les Jardins. Le Compte rendu rfi
Séances de l'Académie et le Bulletin des Trt
vaux de l'Académie des Sciences morales
politiques contiennent aussi des notes sur l<
communications faites à ces Académies pi
M. Moreau de Jonnès.
Son tils, Alexandre, né à La Martiniqm
en 1828 est chef de bureau au ministère di
)ll
MOREAU
510
lances, et a publié t La Presse'; son progrès
litique et social, suivi d'un Exposé éco-
mique et statistique des réformes opérées
puis 180C jusqu'à l'époque actuelle, par
1 eterict , trad. de l'allemand ; Paris , 1848,
8°. G. de F.
"oticc des Travaux d'À. Moreau de Jonnès, 1821 et
. j. _ sarrut, Biog. des hommes du jour, t. VI, 2e par-
E — Dlct. d'économie politique, — Journal des Éco-
ùstes, t. XVI et XXI. — Docum. partie.
MOREAU {François-Joseph), médecin
içais, né le 5 mars 1789, à Auxonne ( Côte-
ir). Après avoir terminé son éducation, il vint
1808 a Paris étudier la médecine et dut aux
s prix qu'il avait remportés dans les coucours
l'Ëcole pratique, la délivrance gratuite du di-
mede docteur (26 décembre 1814). S'étant
cialement livré à la pratique des accouche-
îts, il fit sur ce sujet, ainsi que sur les maladies
t tommes et des enfants, des cours publics et
uits. Membre de l'Académie de Médecine dès
réation ( 1821 ) , il fut chargé le 10 juillet
3 d'une chaire d'obstétrique qu'il occupe en-
lâla Faculté de Paris. De 1830 à 1856 il a
' attaché au service de la maison d'accouche-
its de La Maternité. Il est officier de la Lé-
d'Honneur. On a de lui : Essai sur la
Position de la membrane caduque; Paris,
t, in-4°; — Manuel des Sages- Femmes ;
il, 1838, in-12, fig. ; — Traité pratique des
mehements ; Paris, 1838-1841, 2 vol. in-8°
'tlas in-fol., trad. en espagnol, en 1845 ; —
rapports, des articles, trois volumes des
•ès-verbaux de l'Académie de Médecine, etc.
P. L— y.
«ér. française Contemp.
«ou eau ( César ), économiste français, né
I novembre 1791, à Marseille. Employé d'a-
en Westphalie, il fut admis en 1809 dans
flhndance de l'armée d'Espagne, et fit, dans
iprdes d'honneur, les campagnes de 1813 et
m 814. A la recommandation du prince Léo-
pi de Saxe-Cobourg, il fut attaché en 1816 au
«ïulat général de Londres. Ce fut là qu'il
sferoença sur la statistique une série de re-
lâches, qui le fit admettre dans la Société
SSfle de Londres et dans les Sociétés françaises
^antiquaires et de Géographie. Nommé vice-
#jul en 1825, il reçut la croix d'Honneur en
:w , et fut rappelé l'année suivante à Paris, où
iljdigea plusieurs rapports pour le ministère
Af affaires étrangères. M. César Moreau a été
Ici incipal fondateur de la Société française de
Stjstique universelle et de l'Académie de l'In-
<ty ie. Il a publié de nombreux tableaux syn-
wjues, parmi lesquels les plus intéressants
soj ceux qui concernent l'Angleterre : État du
C<^meree avec toutes les parties du Monde
fc'fà à 1824, année par année ( 1824) ; Ar-
di°s de la Compagnie de 1600 à 1827
<fr[7) ; Commerce des Soieries et des laines
0<|8 ); État de la Navigation marchande
i*\ïeure et extérieure (1828); Archives
chronologiques des Finances ( 1829); Indus-
trie britannique dans ses exportations pour
chaque pays (1830). Il est aussi l'autour de
semblables travaux sur la France : Examen
statistique du royaume en 1787 ( 1830 ) ; Ta-
bleau comparatif du Commerce, etc. On a en-
core de lui : Annuaire statistique pour 1838
de l'Europe, l'Asie, P Afrique, l'Amérique et
POcéanie ; Paris, 1838, 2 vol. in-18 ; — Echan-
ges internationaux de livres, d'objets d'art
et d'histoire naturelle; Paris, 1849, broch.
in- 8°. De 1835 à 1837, il a dirigé la publication
de l'Univers maçonnique. P. L — y.
Pnscallet, Le Biographe, et le Nécrologe, 1834. — G.
Sarrut et Saint-Edme, Biogr. des Hommes du Jour, I,
lre partie.
* moreau -Christophe (Louis - Mathu-
rin), économiste français, né en 1799, à
Sainte-Maure, près Tours. Reçu avocat à Paris,
il pratiqua le barreau dans la petite ville de
Loches , fournit quelques articles au Diction-
naire de Droit de Paillet et à la Jurispru-
dence du Notariat de Rolland de Villargue, et
publia divers travaux littéraires, entre autres
une traduction du Voyage sentimental de
Sterne (Paris , 1828, in-18). Le 25 octobre 1830
il fut nommé inspecteur général des prisons de la
Seine, et il prit part à la formation de la Société
pour le Patronage des jeunes Libérés de ce dépar-
tement. Envoyé à Nogent-le-Rotrou en qualité de
sous-préfet, il exerça ces fonctions de novembre
1833 à novembre 1837, et devint à cette dernière
date inspecteur général des prisons du royaume.
Diverses missions lui furent confiées par le mi-
nistre de l'intérieur : il parcourut l'Angleterre
et l'Ecosse ( 1887), la Hollande, la Belgique et
la Suisse (1838), afin d'y étudier le régime dis-
ciplinaire et les colonies agricoles , et il fut à
diverses reprises chargé de traduire ou de ré-
diger des documents sur les prisons pour être
distribués aux chambres. En 1842 il prit la di-
rection d'une feuille hebdomadaire, Le Travail,
destinée à neutraliser l'effet des doctrines de
L'Atelier. Vers la même époque il participa à
la fondation de la colonie agricole des jeunes
détenus deMettray. Le 5 mai 1 848 il fui des-
titué par M. Ledru-Rollin de ses fonctions d'ins-
pecteur général, et rentra dans la vie privée.
M. Moreau-Christophe est un des partisans dé-
clarés du système cellulaire, et l'on peut dire
qu'il en a hâté l'introduction par ses rapports
ou par ses écrits. On a de lui : De l'État ac-
tuel des Prisons en France; Paris, 1836,
in-8°; — De la Réforme des Prisons en
France , considérée dans ses rapports avec
le système de P emprisonnement individuel ;
Paris, 1838, in- 8° ; — Rapport sur les Prisons
de l'Angleterre, de P Ecosse, de la Hol-
lande, de la Belgique et de la Suisse ; Paris-,
1839,in-4° pi. ; — Delà Mortalité et de la Folie
dans le régime pénitentiaire, et spécialement
aux États-Unis et en Suisse ; dans les Mém.
511
MOREAU —
de VAcad. de Médecine ( 1 839 ) ; — Considé-
rations sur la Réclusion individuelle; Paris,
1843, in-S°, trad. du hollandais de W.-H.
Suringar ; — Défense du projet de loi sur les
prisons contre les attaques de ses adver-
saires ; Paris, 1848 , gr. in-8°; — Code des
Prisons, ou recueil complet des lois, ordon-
nances et instructions concernant les mai-
sons d'arrêt, etc., de 1670 à 1845, et de 1845
à 1856; Paris, 1845-1856, 2 vol. in-8°; —
Revue pénitentiaire et des institutions pré-
ventives; Paris, 1844-1847, 4 vol. in-8°, re-
cueil périodique trimestriel; — Discussion et
Projet de loi sur les Prisons ; Paris, 1845, gr.
in-8°; — Congrès pénitentiaires de Franc-
fort et de Bruxelles; Paris, 1846-1847, in-8<>;
— Du droit à l'oisiveté et de l'organisation
du travail servile dans les républiques grec-
ques et romaine; Paris, 1850, in-8° ; — Du
Problème de la Misère et de sa solution chez
les peuples anciens et modernes; Paris, 1851,
3 vol. in-8°; — Photographie signalétique,
ou application de la photographie au signa-
lement des libérés, mémoire adressé en 1853
à Napoléon TH; — Économie politique sa-
crée; Paris, 1856, in-8°. M. Moreau-Christophe
a collaboré en outre aux Français peints par
eux-mêmes ( articles Les Détenus et Les Pau-
vres ), et il a été couronné par l'Académie des
Sciences morales et politiques pour deux mé-
moires sur La Misère ( 1840) et sur Le Sys-
tème pénitentiaire dans ses rapports avec le
code pénal (1842). Il est depuis 1 833 chevalier
de la Légion d'Honneur. T. F.
Dict. d'Économie polit,, II.
* mokeau ( Louis - Ignace ) , littérateur
français (l),né à Paris, le 11 août 1807. Entré à
la bibliothèque de Sainte- Geneviève en 1838,
il fut, en 1850, nommé conservateur à la biblio-
thèque Mazarine, et s'est toujours occupé d'ou-
vrages philosophiques. On a de lui : Du Maté-
rialisme phrénologique ; Paris , 1843, 1546,
1860, in-12; — Considérations sur la vraie
doctrine; Paris, 1844 et 1860, in-12; — Le
Philosophe inconnu, ou réflexions sur les
idées de L.-Cl. de Saint-Martin, le théoso-
phe; Paris, 1850, in-12; — La Destinée de
V Homme , ou du mal, de l'épreuve et de la
stabilité future; Paris, 1857, in-12. M. Mo-
reau a traduit : Les Confessions de saint Au-
gustin (Paris, 1840, in-S°; 1848, in-12;
7eédit., 1860, in-12) ; et La Cité de Dieu (Paris,
1844, 1845, in-12; avec le textelatin, 1846, 1854,
3 vol. in-12) ; ces deux traductions, qui sont les
meilleures publiées jusqu'à ce jour, ont été cou-
ronnées par l'Académie Française. Il a égale-
ment traduit L'Imitation de Jésus-Christ (Pa-
ris, 1850, 1860, in-12), et il a donné une édi-
(1) La Littérature contemporaine et le Dictionnaire
universel des Contemporains ont confondu cet écrivain
avec un de ses homonymes, qui a publié, en 1850 et en
1852, une Bibliographie des Mazarinades.
MOREAUX 5
tion des Œuvres de Balzac, l'un des premit
académiciens (Paris, 1854, 2 vol. in-12). H.
Docum. part.
.MOREAU DE MAUTOUR, MOREAU DE MERS1 J
Voy. Majjtocr et Mersan.
moreaux {Jean-René), général françai
né le 14 mars 1758, à Rocroi, mort dans
nuit du 10 au 11 février 1795, à Thionville.
n'avait pas dix-huit ans lorsqu'il s'enrôla di |
le régiment d'Auxerrois ; il prit part à la gue
d'Amérique, se distingua par plusieurs actes j
courage, et eut la jambe droite fracassée d
coup de feu au combat de Sainte-Lucie. Con
dié en 1779, avec la récompense militaire, il |
vint dans son pays (1782), et y exerça jusqu'.
révolution le métier d'entrepreneur de bâlimeiJ
qui avait été celui de son père. Bien qu'à cette é
que il eût une femme, quatre enfants etun afel
de trente ouvriers, il n'hésita pas à tout aband
ner pour courir à la défense des frontières. k\\
avoir organisé à Rocroi la garde nationale , il I
élu commandant du 1er bataillon de volonta
ardennais, et se porta avec sa troupe au secc I
de Thionville, investi par les Prussiens (20 1 1
tembre 1791). Pendant le siège de cette plaît
dirigea de vigoureuses sorties, et s'empara de q I
ques bateaux ennemis chargés de blé. Le gén (
Félix Wimpfen, sous les ordres duquel il ( I
placé, le désigna au ministre de la guerre B a
chote comme un de ses meilleurs officiers. Enq I
ques mois Moreaux s'éleva, par son seul méi fi
aux grades supérieurs, et le 15 mai 1793 ill
nommé général de brigade. A la tête de l'av
garde du corps des Vosges, il chassa les Pil
siens des postes qu'ils occupaient en avaml
Deux-Ponts, prit Carlsberg, et battit à Leyi
le duc de Brunswick, qui y avait placé des fo
considérables (22 juillet 1793). Cette série de :
lants faits d'armes (1 ) lui valut le grade de gén
de division (30 juillet) ; en cette qualité il suce
à Pully dans le commandement du corps
Vosges, formé d'une division de 10,000 homi
A peine rétabli d'une blessure qu'il avait reç
la jambe droite, il attaqua l'ennemi dans le c
retranché de Pirmasenz; mais, trouvant la
sition trop forte, il se retira en bon ordre
surlendemain 14 septembre, il fut forcé, sur
jonction des représentants du peuple, derec
mencer l'attaque : malgré l'infériorité du nor.
et malgré un feu des plus meurtriers, il e
ladait déjà les redoutes lorsqu'un mouvei
inattendu et entièrement opposé aux prini
militaires, s'opéra dans la colonne du géii
Guillaume, et changea la victoire en dér
complète. Le patriotisme et les talents de
reaux étaient si bien connus que, loin d
rendre responsable de cet échec, on lui doi
quelques jours plus tard , le commandemen
chef de l'armée de la Moselle (24 septer
1793); par un sentiment de modestie exag
(1] Le général Joraini n'en a pas dit un mot dan
Histoire des Campagnes de la Révolution.
113
le refusa/et préféra de servir sous Hoche, son
ni, qui fut nommé à sa place. Dans la campagne
livante, une des plus décisives delà révolution,
1 eut J'aile gauche souâ ses ordres ; après avoir
I dé à la reprise des lignes de Wissembourg,
i s'empara de Kaiserslautern après trois jours
\ -, combats acharnés ( 2 janvier 1794) et y éta-
i it ses quartiers d'hiver.
( Au printemps de 1794, Moreaux seconda dans
if s manœuvres sur Arlon, Jourdan , son ancien
[ marade au régiment d'Auxerrois, qui lui confia
I ir intérim le 21 avril le commandement de toute
| irmée de la Moselle. Il n'en reçut toutefois la
( légation officielle que le 25 juin suivant. Tan-
1 s que l'armée de Sambre et- Meuse allait agir
I ms la Flandre , il combina ses opérations avec
I rmée du Rhin, commandée par Michaud , dans
1 but de forcer les alliés à repasser ce fleuve.
j la suite d'un premier mouvement, contrarié
| r un échec de Michaud, il prit d'assaut les formi-
| blés retranchements de TrippstadC (13 juillet),
1 .rès avoir vu ses troupes cinq fois repoussées.
[)ur continuer l'offensive, il attendit un ren-
! rt de quinze mille hommes détachés de la Ven-
Le. Au mois d'août il battit les Autrichiens à
I îllingen, et força Trêves, cerné de toutes parts,
i lui ouvrir ses portes (9 atout). La Convention
I i envoya comme un témoignage de la satisfaction
i l'elle éprouvait de cette rapide conquête un
l apeau avec cette inscription : « A l'armée de
L Moselle la patrie reconnaissante. »
| Pour terminer glorieusement la campagne , il
;: t arrêté, dans une conférence tenue à Bitche
litre les généraux Moreaux, Michaud et Desaix
| les représentants du peuple Bourbotte et Fe-
iiud, que l'armée de la Moselle poursuivrait
} ennemi jusqu'à ce qu'elle l'eût forcé à se jeter
[i delà du Rhin; les armées de Sambre et
lieuse et du Rhin devaient la seconder dans ses
itiouvements. Ce plan arrêté , Moreaux quitta le
Jirnp de Trêves (7 octobre 1794), se rendit
naître du cours de la Moselle jusqu'à Coblentz,
lassa l'ennemi de Creutznach et de Bingen, et le
i ontraignit à repasser le Rhin en désordre. Puis,
I étachant deux de ses divisions sur Coblentz, il
ntra dans cette ville le 24 octobre, après une
.aible résistance de la part des assiégés (i ). Le
! «demain ses divisions de droite investissaient
| (1) On a longtemps enlevé à Moreaux l'honneur de
,;tte conquête pour le reporter sur Marceau; tous les
ilsloricns ont suivi, sans la rectifier, la version erronée
fa Moniteur. Le corps qui s'empara de Coblentz était
jomposé de trois divisions, dont une seule appartenait à
I innée de Sambre et Meuse; Moreaux en eut le com-
j andement en chef, ayant sous ses ordres Marceau et
[:ux de ses propres généraux, Taponier, Vincent (voy.
es lettres de Moreaux au comité de salut public, en
jatc des 13 octobre et 3 novembre 1794). Deux raisons
Lnt contribué à accréditer cette erreur : Marceau signa
hirlla reddition de Coblentz, et la nouvelle en fut en-
voyée à Paris par le représentant du peuple Gillet, qui
le fit valoir que les services de Marceau. Ce dernier
rallia ssns mot dire de cette indigne supercherie. Mieux
[iformédece qui s'était passé, Carnot écrivit à Bour-
j olte : « Lorsque nous apprîmes la prise de Coblentz, ce
it par un courrier de l'armée de Sambre et Meuse, et
MOREAUX 514
Mayence. Peu de jours après il occupa la forteresse
deRheinfels, où l'on trouva trente-neuf bouches à
feu et des munitions de toutes espèces (2 nov.).
Ce fut à la suite de ces brillantes et rapides ma-
nœuvres que le commandement en chef des armée3
de la Moselle et du Rhin fut remis à Moreaux par
les représentants Bourbotte et Féraud ( décembre
1794); mais ce dernier, par un sentiment de défé-
rence pour Michaud, qui ne lui en témoigna aucune
gratitude, refusa de se charger de ce double pou-
voir, et se contenta de diriger les opérations.
Aussitôt après la prise deRheinfels, Moreaux,
tout en commençant le blocus de Luxembourg
et en aidant Michaud à détruire la tête du pont
de Manheim , emporta, le 4 décembre, les re-
doutes de Salzbach à la baïonnette. Le 22 no-
vembre il prit position devant Luxembourg.
Cette place, d'après sa situation, ses approches,
la nature du terrain qui l'environne, et ses for-
tifications multipliées, est une des plus fortes
de l'Europe; elle était défendue par le feld-ma-
réchal Bender, qui disposait d'une nombreuse
garnison éjt de plus de cinq cents bouches à feu.
L'armée française manquait à peu près de tout ;
au milieu d'un hiver des plus rigoureux, elle
avait également à souffrir du froid et de la faim;
les paysans, soudoyés par l'or autrichien, la har-
celaient sans cesse et interceptaient presque
tous ses convois. Malgré ces difficultés , qu'il ne
surmonta qu'à force d'énergie et de patience,
Moreaux parvint, dans les derniers jours de
janvier 1795, à empêcher toute espèce de com-
munication entre la place et l'extérieur. Les
travaux du siège avançaient avec une telle ra-
pidité que Moreaux espérait entrer sous peu
dans Luxembourg, lorsqu'une mort soudaine,
dont le mystère n'a point encore été expliqué,
vint le frapper, dans la nuit du 10 au 11 février
1795, à l'âge de trente-sept ans. Le général Ha-
try prit la direction du siège; il n'eut qu'à ache-
ver l'œuvre de Moreaux, et il en recueillit toute
la gloire. « Plusieurs d'entre vous ont combattu
avec lui, disait le représentant Barra dans un
rapport au Conseil des Cinq Cents ; ils ont été les
témoin» de ses exploits ; ils savent que Moreaux
fut toujours compté parmi ceux de nos géné-
raux dont on estimait le plus les talents et
le patriotisme; ils savent que si quelques-
uns se sont illustrés par des faits d'armes
plus éclatants , aucun ne l'a surpassé en vertu ,
et n'a eu à un degré plus éminent les qualités
qui constituent le brave militaire, l'honnête
homme. » La veuve de ce général obtint la pen-
nous ignorions la part qu'avait eue à l'expédition l'ar-
mée de la Moselle. Par le rapport d'aujourd'hui, nous
sommes revenus sur ce point, et la Convention nationale
a été instruite que les deux armées avaient concouru à
la conquête de Coblentz. » Carnot à Bourbotte, 8 no-
vembre 179*.) Mais le mal était fait. Dominant toute sug-
gestion d'amour- propre", Moreaux ne réclama point pu-
bliquement; il se contenta de rétablir les faits dans une'
lettre aussi digne que modeste adressée à son ami Jour-
dan ; elle a été publiée par M. Léon Moreaux , dans
l'excellente notice qu'il a consacrée à son aïeul.
NOUV. BIOGR. GÊNER.
T. XXXVI.
515 MOREAUX
sion a laquelle elle avait droit, et qui fut ré-
duite en 1801 à l,200fr. P. L— y.
Léon Moreaux, Notice hlst. sur J.-R. M or eaux ; Pa-
ris, 1352, in-8° (extrait du Spectateur militaire). —
Victoires et Conquêtes, *.. I et II. — Biogr. univ. et port.
<les Contenrp. |Suppl.).
moreelze ( Paul) , peintre hollandais, né
àUtreeht, en 1571, mort dans la même ville, en
1638. Né dans une famille riche, il se donna à
la peinture par un goût naturel. Michel Mirevelt
fut son maître, et lui apprit à peindre l'histoire,
qu'il quitta pour le portrait; et, s'il faut en
croire Carie van Mander, son talent était tel
que toutes les grandes dames voulaient se faire
peindre par Paul Moreelze. « Elles l'employaient
tant, qu'à peineil put y suffire. » — » Il était, dit
Descamps, bien pris et de belles manières, spi-
rituel, bon musicien et faisait agréablement les
vers. » Il n'en faut pas tant pour expliquer la
vogue dont il jouissait dans sa patrie. Il mourut
bourgmestre de sa ville natale. Parmi la quan-
tité de portraits peints par Moreelze, on cite ceux
du comte et de la comtesse de Kuylemberg, en
pied, grands comme nature ; celui deMme Cnot-
to-jfemmed'un conseiller d'Utrecht, etc., etc. Les
productions de Moreelze sont peu connues, parce
qu'elles sont restées dans les galeries de famille.
On voit cependant de lui à l'hôtel de ville d'Utrecht
un beau tableau allégorique représentant cette cité
avec les attributs qui lui conviennent. Moreelze
était aussi excellent architecte. Presque toutes ses
productions sont ornées de monuments en
perspective. C'est lui qui fit édifier la porte
Sainte-Catherine à Utrecht, et ce morceau est
d'une belle composition. A. de L.
Carie van Mander, Het leven (1er moderne oft clees-
tytsche doorluchtighe Ncderlandtsche, etc., Schilders
( Amsterdam, 1617, in-4° ). — Descamps, La Fie des Pein-
tres hollandais, etc., t. I, p. 163.
MOREL ( Guillaume ), savant imprimeur
français, né en 1505, à Tilleul, bourg dépen-
dant du comté de Mortain , dans la Normandie,
mort à Paris, le 19 février 1564. D'une famille
pauvre et obscure, il fit cependant de bonnes
études; et, son éducation terminée, il vint à
Paris , où il vécut du produit de quelques leçons.
Une de ses lettres nous apprend qu'en 1544 il
entra comme correcteur dans l'imprimerie de
Jean Loys, dit Tiletan; ce fut là qu'il publia son
premier ouvrage , des commentaires estimés sur
le traité De Finibus de Cicéron , qu'il dédia à
Guillaume Spitame, alors chancelier de l'univer-
sité. Quatre ans après, il donna avec Jacques
Bogard une bonne édition annotée des Institu-
tions oratoires de Quintilien. Admis l'année
suivante dans la corporation des imprimeurs de
Paris, il s'établit en face du collège de Reims, et
commença à travailler pour son propre compte.
Dès 1552 nous le voyons adopter une marque
typographique bien connue des bibliophiles;
elle se compose d'un O entouré de deux ser-
pents, avec un amour assis sur le trait qui est
au centre; il y joignit quelquefois cette légende,
— MOREL S
tirée de Martial : Victurus genium débet }
bere liber. Le soin qu'il apportait à la corr
tion de ses ouvrages le fit rechercher du sav
Tùrriébe , avec qui il publia quelques éditio ;
aussi quand, en 1555, Turnèbe fut nommé p i
fesseur royal de grec, il renonça en faveur \
G. Morel à sa place d'imprimeur du roi. Me
redoubla d'activité ; ses éditions, déjà remarq :
blés par la fidélité des textes, le nombre des
riantes, et le choix des notes, se distingué!
alors par une élégance typographique qui
fait placer sur la même ligne que Robert
tienne. A partir de cette époque on trouve s
vent sur ses livres une marque différente
celle que nous avons indiquée; elle représi
un thyrse entouré de lauriers, et autour duc
s'enroule un serpent, avec cette légende, Bac
t' àya66) xpaxEpw t' cày_\ir,rri ; c'était la mar
ordinaire des imprimeurs du roi. Les dernii
éditions publiées par Morel sont sous cert<
rapports inférieures aux premières qui sorti;
de ses presses. Henri Estieune, dans une éf
phe satirique composée pour Guillaume, prél
en trouver la cause dcflis l'inconstance religu
de Morel, qui, d'abord ^attaché à la réfor
abandonnâtes doctrines nouvelles, dans la cra
de perdre son emploi.
Sed quod non hujus respondent ultima primis,
Aïs bene fida prius, nec bene fida manet.
Ne mirare, fidem quod et ars sua fregerit ill i -
Namque tfatam Christo fregeratille udcm .
Il faut plutôt l'attribuer à la pauvreté qui a
gea la fin de ses jours. Quand il mourut, il s
cupait d'une édition des Œuvres complètes
Démosthène; elle fut terminée en 1570, par J
Bienné ( Bene-Natus ), qui épousa la veiivi
Morel, se mit à la tête de l'imprimerie, et <
serva même sur ses publications la marqu
son prédécesseur. Elle fut également empk
par Etienne Prévosleau, mari d'une des I
de Morel, et dont les livres portent souvent I
indication : E typographia Steph. Prsevos
hœredis Guill. tiorelli. On trouvedansMaittf
Historia Typogr. Parisiens., la liste de toute;
publications sorties des presses de Morel. P3
les ouvrages que nous a laissés ce savant iriT
meur, figure en première ligne son Thesan
Vocum omïiium Latinarum ordine alpha
ticodigestarum, etc., qui parut d'abord sou
titre : Commentarhis Verborum Latinor
cum grsecis gallicisque conjunctorum;Pi
1 558, in-4°,et souvent réimprimé. On lui doit
core: des Notes sur saint ,Cyprien,lbM, in-l
sur saint Ignace, 1558, in-8°, elsur saint Dt
l'Aréopagite, 1562, in-fol.; — Observations
liberos Ciceronis De Finibus bonorum et \
lorum, et in partitiones oralorias ; Il
in-4° ; — Tabula compendiosa de orig.
successione , œtate et doctrina veterum j
losophorum, ex Plutarcho, Lucretio, C
rone, etc., in-4°, réimprimée avec les supj
roents de J. Wolf , dans le Thésaurus Antiq
,17
MOREL
518
atum Grxcarum, t. X;— les Épîtves de saint
tenace traduites en latin et en français, 1562,
,.8<'; — Sententix Patrum de venerandis
maginibus , en grec-, e'n latin et en français ;
562, in-8° ; — Le Traité des Images de saint
ean Damascène traduit en français ; 1562, in- 8° ;
- Supplément à la Chronique de Carion, 1 550,
li-12; — De Grxcorum Verborum anomaliis
ommentarlus ; 1558, in-8°; et réimprimé par
la veuve en 1566. On lui attribueencore:2?nèye
écloralïon de l autorité des saintes Écritu-
"s et du saint sacrement de l'autel.
Alfred Franklin.
'Malttaire, Historia Typograpfiorwn aliquot Parisien-
um; Londres, J717, 2 vol. in-8°; t. I, p. 17 et 33; t. II,
42. —G. Mcermann, Origines Typographise, La Haye.
65, 2 vol. in-4° ; t. 1er, p. 9. — De Thou, Historia sui
'rtporis, in-fol. ; lib. XXXVI. — A. Teissier, Les Éloges
[s Hommes savans ; Leyde, 1715, 4 vol. in-12;t. II,
174. — Silvestre, Marques typographiques, 1860, in-8°,
88. — Lacaille , Histoire de l'Imprimerie et de la li-
airie, 1689, in-4°, p. 123. — A. Baillet, Jugemens des
I wans, elc, 1723, in-4° ; t. J, p. 368. — Ménage, Anti-
lillet; Paris, 2 vol. in-12 ; t. ), p. S4P, — De Fontenai,
ctionnaire des Artistes. 1776, 2 vol. in-12; t. H, p. 176.
I A.-F. Didot, dans r Encyclopédie moderne, t. XXXVI,
- 797.
morel (Jean), théologien français, frèrecadet
ii précèdent, né aux environs de Lisieux,en 1538,
ort le 20 février 1559. Arrivé à Paris sansres-
urces, Jean Morel trouva le moyen d'y faire
excellentes études ; il vécut pendant ce temps
ntôt en se plaçant au service d'autres écoliers ,
ntôt en travaillant dans une imprimerie. Il fit
isuite, on ne sait dans quel but, un voyage à
?nève, et il en revint plein d'enthousiasme
>ur les nouvelles doctrines religieuses. 11 en-
i alors, comme domestique et à la fois comme
crétaire, chez le ministre Antoine de Chan-
ou. Bientôt la police vint saisir chez son maî-
|a des ouvrages écrits en faveur de la religion
Kormée, et tous deux furent arrêtés. Chan-
u, réclamé par le roi de Navarre, fut mis en
lerté; mais Morel fut déposé dans un des plus
limbres cachots du Châtelet. Transféré au For-
Rvêque , il subit de nombreux interrogatoires,
il résista aux instances de ses juges et aux ob-
■Htens-de son frère Guillaume, qui cherchait à
Ri 'faire abjurer ses croyances. Enfin le 16 fé-
■iier 1559, il fut déclaré hérétique, retranché
. i l'Église et abandonné au bras séculier. Qua-
: (î jours après, on le trouva mort à la Concier-
I prie, et le bruit courut qu'il y avait été empoi-
) fnné. Comme tous les condamnés morts en pri-
Ip, il fut inhumé le lendemain; mais un arrêt
II: procureur général ordonna que son Corps
lirait déterré, rapporté à la Conciergerie , mené
lins un tombereau jusqu'au parvis Notre-Dame,
i[ là brûlé publiquement. Cette sentence fut
'I éditée le 27 février 1559. On a attribué à
»>an Morel un livre intitulé : L'Ame toujours
mipassible dans toutes les positions de la
I|?,/ors une seule, qui est la grande; Paris,
■ 158, in-12; et quelques autres ouvrages, qui
(^tpartiennent à Jean Morely. Le seul écrit sorti
de la plume de Morel est le compte rendu de
ses interrogatoires; on le trouve dans le Mar-
tyrologe de Crespin. A. F.
Malttaire, Histor Tiipogr. Paris, 1. 1, p. 45. — A. Teis-
sier, Éloges des Hommes savans, t. Il, p. 176. — La-
caille, Histoire de l'imprimerie, p. 124. — A. Baillet, Ju-
gemens des Savans, t. I, p. 368. — Th. de Bè/.e, Hist.
Ecvlés., t. I, p. 140. — Haag, La France Protestante,
t. VII, p. 501. — LTAubigné, Hist. universelle, t. Ier, p. 80.
— Pr. Marchand, Dictionnaire Historique, t. IV, p. 74.
MOREL (Fédéric ), dit l'ancien, imprimeur et
théologien français,nédans laChampagne,en 1523,
mort le 17 juillet 1583. Issu d'une famille noble,
Morel acquit à Paris une instruction littéraire
très-étendue. Dès 1552, il était à la tête de
l'imprimerie de Charlotte Guillard, veuve du
libraire Ch. Chevallon, et ce fut là qu'il publia
le Lexique grec de Jacques Toussaint (Tusanus
ou Tussanus), dont, ainsi que H. EslienneetTnr-
nèbe, il avait é(é l'élève. L'impression de ce livre
avait été commencée sous les yeux de l'auteur,
chez l'imprimeur Jacques Bogard, qui, comme
Toussaint, mourut presque aussitôt. La solide
érudition de Morel ne tarda pas à le faire dis-
tinguer, et en 1 557 le célèbre Vascosan lui ac-
corda sa fille. Fédéric s'établit rue Saint Jean-
de-Beauvais, et, suivant une coutume fort com-
mune alors parmi les imprimeurs, il prit par
allusion à son nom l'enseigne du Franc Meurier
( habitabat in vico Bellovaco , ad insigne
Mori, Maittaire, 89). Attaché à son beau-père
par les liens d'une étroite amitié, il publia dès
lors avec lui un grand nombre d'ouvrages , et le
4 mars 1571 il fut nommé imprimeur du roi;
mais, par excès de modestie, il prit rarement ce
titre, qui ne se trouve qu'à la fin de quelques-
uns de ses livres, et avec cette légende, Pietate
et Justilia. En 1578, il changea de demeure et
d'enseigne; son édition de La Batrachomijoma-
chie d'Homère porte pour souscription : Apud
Federicum Morellum, typographum regium ,
via Jacobea, ad insigne Fonfis. En récom-
pense de son mérite et de ses travaux , le roi
lui accorda, le 2 novembre 1581, le droit de
transmettre à son fils le titre d'imprimeur du
Roi. Il mourut sexagénaire deux années après.
Fédéric a employé, nous l'avons dit, deux
marques différentes; la première représentait
un mûrier autour duquel se trouvait cette lé-
gende, Ilâv ôévôpov àyaôôv -/apTtoù; y.a/.GÙç nouZ ; la
seconde figurait seulement une fontaine, marque
qui lui fut commune avec Vascosan. Fédéric Mo-
rel a imprimé un nombre considérable de volu-
mes ; on en trouvera la liste complète dans Mait-
taire ; les plus remarquables sont : Hymnes à
la louange du duc de Guise, par Jean Ame-
lin ;1558, in-4° ; — Quintiliani Déclamatio-
ns; l563,in-4° ; — et L'Architecture de Phili-
bert De L'Orme; 1568, in-fol. II est l'au-
teur des ouvrages suivants: Traie té de la guerre
continuelle et perpétuel combat des chres-
tiens, ou de la lutte chrestienne contre la
chair, le monde et le diable, nos plus grands
17.
519 MOREL
■et principaux ennemis ; 1564, in-8° ; — De la \ Libanius
Providence, de Dieu, de l'Ame, d'Humilité,
oraisons prinses de saint Jean Chrysoslome ;
1557, in- 16 ; — Les douze Règles de Pic de La
Mirandole ; 1571 ; — Traicté desaint Cyprian
des douze manières d'abus, avec moyen d'i-
ceux corriger ; 1571, in-8°. A. F.
A. Baillet, Jugemens des Savans, etc., t. II, p. 391. —
Ménage, Anti- Baillet, t. I, p. 247. — Malttaire, Hist.
Typogr. Parisiens., t. I, p. 81.— Silvestre, Marques typo-
graphiques, p. 83. — Lacaille, Hist. de l'Imprimerie,
p. 1/i2.— La r.roix du Maine et du Verdirr, Bibliothèques
françaises, édition Rlgoley de Juvigny, 1. 1, p. 195.
morel, (Fédéric), fils aîné du précédent,
savant helléniste et célèbre imprimeur français,
né à Paris, en 1558, mort le 27 juin 1630. 11
montra dès sa jeunesse la plus grande aptitude
pour l'étude des langues; à peine âgé de dix-
huit ans, il fit précéder d'une dissertation très-
remarquable l'édition des Psaumes dé David,
que son père imprimait aîors. Ayant ensuite
revu la traduction de Plutarque qu'avait publiée
Amyot, et y ayant relevé plusieurs erreurs, il
les communiqua à Amyot, qui, loin de prendre
en mauvaise part Ja hardiesse du jeune homme,
lui porta dès tors le plus vif intérêt; « car, dit
Morel lui-même, il me commanda de le visiter
souvent, encore qu'il eust desjà grand âge et de
grandes charges du royaume, qui ne l'empesehè-
rent pas de trouver quelques occasions de me
gratifier, en m'instruisant toujours de quelque
beau précepte.... et voulut que je lui tinsse
compagnie durant quelques voyages ; et lorsmê-
mement qu'il mettoit au net les corrections ,
conférences et variétez de leçons sur le texte
de Plutarque. » Le 2 novembre 1581 , Fédéric
Morel l'ancien, renonça, en faveur de son fils,
à sa charge d'imprimeur du roi ; mais comme
on ne pouvait l'exercer avant vingt-cinq ans,
celui ci ne prit ce titre sur ses livres qu'à partir de
1583. Il permit son père à cette époque, mais il
conserva sa demeure et sa marque, et continua
pieusement les traditions de la famille. Outre
leur mérite typographique, les nombreuses pu-
blications qui sortirent des presses de Fédéric
se recommandent par la pureté du texte, le
nombre des variantes et lé choix des commen-
taires, où l'on trouve à chaque pas la preuve
d'une érudition profonde, variée, et sûre d'elle-
même. Morel avait épousé Isabelle Duchesne,
iille de Léger Duchesne ( Leodegarius a
Quercu ), professeur d'éloquence au Collège de
France; forcé de prendre sa retraite, celui-ci fit.
accepter Morel pour son successeur (1586). Ces
nouvelles fonctions ne ralentirent ni ses tra-
vaux comme commentateur ni son activité
comme imprimeur; mais vers 1600 il s'adjoi-
gnit Claude, son frère, lui abandonna la surveil-
lance typograpbique de ses éditions, et se livra
dès lors tout entier à l'étude des textes; c'est
de cette époque que datent ses traductions lati-
nes de plusieurs fragments extraits des Œuvres
de Grégoire de Nysse, de Synésius, d'Origène, de
de Constantin Porphyrogénète U
d'Hippocrate ; ainsi que ses commentaires sur s t
Jérôme, saint Chrysostome, saint Clément f n
lexandrie et Sface. Colomiès nous a rapport il
fait qui prouve quelle application il apportai ]
travail; il terminait sa traduction de Liba g
quand on vint lui annoncer que sa femme, < B
gereusement malade, demandait à le voir : « Ll
core deux mots, répondit-il, et j'y vais. » il
l'intervalle sa femme mourut : «Hélas! dit- à
celui qui lui annonça cette nouvelle, j'en I
bien marry, car c'était vraiment une bc 9
femme » ; et il se remit à l'œuvre. Fédéric I
eut jusqu'en 1630; mais à partir de 1617 I
cune publication ne porte plus son nom cor 9
imprimeur; ses derniers ouvrages, entre ai aj
ses notes sur le Plutarque d'Amyot, paru t ,
chez son frère Claude. Fédéric Morel mo I
doyen des imprimeurs et des professeurs 9
roi. Il a fait usage, en tête de ses livres, 1 ■
grand nombre de marques ; il se servit d'à i
de celle de son père, qui représentait une I
taine ( voy. Silvestre, nos 228 et 313) ; pu*
employa tantôt les armes de France. et de I
varre, tantôt les armes de France seules ( I
vestre, n° 315); parfois la marque spéciale I
imprimeurs du roi; et souvent une figure I
pruntée au sujet du livre, avec cette légendi li
était celle des imprimeurs du roi : Bacrtî m
àyatiCp KpaTEotô x' cd%[Lrizrn Outre les ouvr SB
que nous avons cités déjà, on doit à Fé( js
Morel des notes sur Œcumenius, Strabon, I
tulle, Tibulle et Properce; des traduction B
Théodoret, saint Basile, saint Cyrille, Xénoj) I
Tltéophraste , Hiéroclès , -Homère , Héliodl
Hérodien, Galien , Libanius et Martial; -cl
ques-unes ont été faites sur des manuscrit I
partenant à la Bibliothèque du Roi, et mêr à
celle du Vatican. Il a traduit en français plusil
dissertations de Maxime de Tyr, 1607,inR
et divers discours des pères grecs, lil
in-8n; on lui doit encore : Alexander Sève m
tragœdia togata; 1600, in-8°.
Alfred Franklin. I
Advertissement de Féd. Morel, doyen des imprin 't
et professeurs du roi, en tête dé son édition duP/ifi*.
que d'Amyot. — Huet, De Inlzrpretatione Libri K
lib. Il, p 161. — P. Colomiès, Opuscula, p. 318. -mk
vestre. Marques typographiques, p. 83, nos 228, 2"; HJI
315. — A. Baillet, Juyemens des Savans, t. III, p. 1 m1-
Anii-Baillet, t. 1, p. 247. — Majttaire, Historia j|Ai
graph. Parisiens., t. I, p. 92 et p. 113. — La Cro lu.
Maine et du Verdier, Biblioth. Françaises, t. I, p. 1! M
Lacaille, Histoire de /'Imprimerie, p. 167. — A.-F. I Ht
dans V Encyclopédie moderne, t. XXXVI, p. S07. le
Fontenai, Dict. des Artistes, t II, p. 174.
morel (Nicolas), latiniste français, fils A :
du précédent, né en 1595. 11 s'occupa exc]W;.<
vernent de travaux littéraires, et obtint le wi
d'interprète du roi. On lui doit : Mena H\
et Philistionis Sententiee, senariis latinnf^
pressx; Paris, Féd. Morel, 1614, in-8°; — .f;
veris Encomium; Paris, Féd. Morel, 1 MfH
in-8" ; — des pièces de vers entête de' plusi <f
éditions publiées par son père; entre aip
1 MOREL
is Stace , Dion Chrysostome et Libanius. Il
, ainsi que toute sa famille, enterré sous les
irniers de Saint-Benoît; mais on ignore l'é-
]ue de sa mort. A. F.
irmllr. Histoire de l'Imprimerie et de la Librairie,
,68. — Maittalrej Historia Typographorum aliquot
isienslum, t. 1er, p. 141.
iorel ( Claude }, frère cadet de Fédéric, le
ne, né en 1574, moitié 16 novembre 1626. On
sait rien sur lui jusqu'au moment où ilfut ad-
,, en 1599, dans la corporation des impri-
irs de Paris. II s'associa Etienne Prévosteau
Marc Orry, et publia avec leur concours les
rages d'un grand nombre d'écrivains grecs et
as, auxquels il ajoutait des préfaces et des
es, qui prouvent une profonde connaissance
langues anciennes. Nous avons dit plus haut
dès l'année 1600 son frère lui confia la di-
ion de soft imprimerie , et qu'il la lui aban-
na complètement vers 1617. C'est sans doute
ette .circonstance qu'il faut attribuer le fait
mté par Lacaille : il a remarqué que Claude,
1 ne prit qu'en 1623 fe titre d'imprimeur du
s'était déjà longtemps auparavant, servi des
ictères de l'imprimerie royale, notamment
? ses éditions de Dion Chrysostome (1604), de
ivoire de Nazianze (1608), et de Jean Chrysos-
te(1609).. Claude Morel était établi rue Saint-
|ues, et la marque représente une fontaine,
ôt seule, tantôt accompagnée d'une légende
«qije. Outre les auteurs déjà cités, il a réim-
flé Philostrate, Libanius, Synésius, Ésope,
t Épiphane , saint Athanase , Pindare , Eu-
;, saint Justin , Martial , Juvénal, Perse et
iBoétie; ces éditions se recommandent au-
I; par leur beauté que par la correction du
le. Morel avait épousé Jeanne Henry ; elle
ilonna trois enfants: Charles, Claude et Gil-
l A. F.
[fillet, Jugemens des Saaans, t. I, p, 368. — Mait-
t» , Historia Typogrgr. Parisiens., t. I,' p. 143. — La-
Ce, Hist. de l'Imprimerie, p. 190.
é! iorel ( Charles ), imprimeur français, fils
Ipdu précédent, né le 6 janvier 1602, mort vers
KO. 11 fut reçu libraire le 29 juillet 1627, admis
Ksla corporation des imprimeurs le 19 juillet
■8, et nommé imprimeur du roi la même an-
fc. Il conserva la demeure et la marque de son
Kî, et, comme lui, publia des éditions très-soi-
g es sous tous les rapports. Il s'associa de bonne
m re son frère Gilles, à qui ii céda son établis-
kienten 1640, époque où il acheta une charge
K secrétaire du roi. Le premier ouvrage sorti
H es presses est l'Histoire des grands Chemins
K/: 'empire romain, par Bergier, 1628, in-4°.
Njlonna ensuite les Œuvres de Clément d'A-
Mjwdrie, 1629, in-fol.; celles de Grégoire de
Mf ianze , 1630 , 2 vol. in-fol. ; de saint Cyrille,
ft 1 , in-fol. ; de Synésius, 1631, in-fol.; de
*[it Chrysostome, 1636, 11 vol. in-fol. : et les
hcUia generalia et provincialia de Sev. Bi-
»«k 1636, 10 vol. in-fol. A. F.
I-F. Didot, dans l'Encyclopédie moderne, t. XXXVI,
522
p. 822. — Maittairc, Hist. Tiipograph. Parisiens., t. I,
p. 151. — Lacaille, Hist. de l'Imprimerie, p. 191 et 270.
morel ( Gilles), frère du précédent; on
ignore la date de sa naissance et celle de sa
mort. Le premier livre qu'il imprima porte la
date de 1637; c'est le texte des Métamorphoses
d'Ovide, avec les notes de Farnabe; sur le titre
se trouve une fontaine, marque ordinaire de la
famille Morel. Le 18 septembre 1639, il obtint,
en remplacement de Charles , son frère , la
charge d'imprimeur ordinaire du roi ; et le
19 avril 1640 il fut reçu imprimeur et libraire.
Sa dernière publication est de 1646; on croit
que c'est à cette époque qu'il se fit recevoir
conseiller au grand conseil , et qu'il céda son
établissement à Simon Piget, qui depuis quel-
que temps déjà était son associé. Son principal
titre comme imprimeur est son édition de la
grande Bibliothèque des Pères, en 17 vol..
in-fol. qu'il donna en 1643. On lui doit encore
les Œuvres de Grégoire de Nysse, 1638, in-fol.;
d'Aristote, 1639, in-fol.; les Lettres d'Isidore
de Péluse, 1638, in-fol.; et Catalogus libro-
rum qui reperiuntur in officina Simeonis
Piget, Mbliopolœ Parisiensis ; ex officina
Morelliana, sumptibus Simeonis Piget, 1646,
in-4°. Gilles Morel est le dernier représentant de
cette honorable et savante famille qui, dans l'es-
pace de près de cent années, se distingua sans
interruption dans l'étude des langues anciennes
et dans l'art typographique. A. F.
Lacaille, Hist. de l'Imprimerie, p. 191, 270 et 294. ~
Maittaire, Hist. Typograph. Parisiens., t. I, p. 157. —
A. -F. Didot, dans l'Encyclopédie moderne , t. XXXVI,
p. 824.
morel (Jean), poëte français, né le 3 mai
1539, au hameau (1) d'Avègre (Champagne),
mort le 22 juillet 1633, à Paris. Quoique fils
d'un laboureur, il n'en descendait pas moins de
la famille noble qui a produit les savants im-
primeurs du même nom. Ses études terminées à
l'université de Reims, il y enseigna la rhétorique
et fut chargé de la même chaire à Clermont-
Ferrand (1577), où un poëte obscur, Jean de
Boissières, publia contre lui une satire intitulée
L'Étrille. En 1583, il vint à Paris, et professa
successivement dans les collèges du cardinal Le
Moine, de Bourgogne et de Calvi. Il n'interrom-
pit pas ses leçons durant le siège de Paris, et
attira dans sa maison, située sur la rive droite
de la Seine, quelques élèves qui lui étaient restés
fidèles. Nommé en 1593 principal du collège de
Reims , il fit de cet établissement un des plus
florissants de l'université. La plupart des poètes
du temps ont chanté ses louanges, Pierre de
Berulle, Guillaume Colletet, Jacques LeVasseur,
du Tilloy, etc. Il était en effet fort connu; il se
distinguait par autant de bonté que de savoir, et
il poussait aussi loin que possible l'amour pour
l'étude et le progrès des lettres. Comme poëte,
il ne fut pas toujours heureux dans le choix de
(1) Aujourd'hui ce n'est plus qu'un moulin.
523
MOREL
52<
ses sujets; « ses pièces n'offrent souvent que
des futilités scolastiques, dit Boulliot; elles
fourmillent d'ailleurs d'hyperboles fastueuses et
de pointes ridicules ; on y trouve quelques étin-
celles et rarement le feu poétique ». On lui a fait
trop d'honneur en le comparant à Horace, qu'il
a mis en pièces dans ses écrits. On a de Jean
Morel -. Lyra plectri Horaliani semula ; Paris,
1608, in-8°; dix des pièces de ce recueil, qui
renferme 123 odes et 16 acrostiches, avaient
paru séparément; — H endecasyllabi sive Epi-
grammaUim Centurise II ; Paris, 1612-1613,
2 vol. in-8° ; — Calotta, salutare ad modum
capitis operimentum ; Paris, 1622, 1626, in-4°;
ce petit poëme, auquel le médecin René Moreau
répondit par l' Anti- Calotte (1613), fut d'abord
publié en 1611 ; mais cette édition est inférieure
aux deux dernières que nous indiquons ; —
Hijmni sacri, item pleraque alia poemala;
Paris, 1623, in-4°; — Pulvinar matutinum;
s. 1., 1625, in-40'; — Urbis Parisïorum Enco-
mium; Paris, 1627, in-4°; édition plus complète
que celle de 1612 1 — Hymnipro beatificatione
B. Joannis de Deo; Paris, 1631, io-4°, trad.
en vers français par l'auteur et par G. Colletet ;
— plusieurs écrits de circonstance, ou morceaux
poétiques insérés dans divers ouvrages. Jean
Morel avait laissé en manuscrit un recueil con-
tenant en 17 ou 18 vol. in-for., par titres et par
lieux communs, « toutes les belles matières,
dit Colletet, qui peuvent tomber dans la conver-
sation du monde et dans les conférences des sa-
vants » , véritable bibliothèque au moyen de
laquelle on pouvait aisément se passer de tous
les autres livres. Le célèbre président de Mes-
mes, qui l'avait examiné, l'appelait une des
merveilles du inonde. On ignore ce que ce
recueil est devenu. P. L.
Le Vasseur, Annales de l'église de JVoyon, II, 1059,
1873. — Guill. Colletet, Traité de la Poésie morale et
sentencieuse, 35. — Goiijet, Collège royal de France,
II, 222, 398,403; III, 136. — Boulliot, Iliogr. Jrden-
naise, II.
morel ( Claude), docteur enSorbonne, théo-
logien et prédicateur ordinaire du roi, né et
mort dans le dix-septième siècle. C'était un ad-
versaire passionné des jansénistes. 11 publia
contre eux : La Conduite de saint Augustin
contre les Pélagiens, 1658, in-12, et L'Oracle
de la Vérité, ou V Église de Dieu contre toutes
sortes cVhérésies; 1666, in-12. Les jansénistes
ne manquèrent pas de lui répondre. On possède
quatre pièces, une épitre latine en prose, deux
invectives en vers latins, et un sonnet à l'a-
dresse de Claude Morel. Voici les derniers vers
du sonnet :
Sa bouehe du tonnerre imite le fracas.
Elle abbat et foudroyé , et Samson ne fut pas,
Comme il est, la terreur du Philistin prophane.
Aussy met-on beaucoup de différence entr'eux.
Puisque l'vn ne porloit qu'vnc maschoire d'asne,
lit que, pour vaincre tout, Morel en porte deux !
Dans les premiers mois de l'année 1659, le con-
seil d'État rechercha les auteurs de ces libelles ,
et les condamna le 5 mai. Nous avons : Arres
du conseil d' Estât par lequel S. M. ordonna
qu'il sera informé contre les autâeurs, im-
primeurs et libraires d'une lettre latine Ai
Claudium Morel, et plusieurs feuilles ei
vers latins et français. Toutes les pièces qu
concernent cette affaire se trouvent réunies i
la Bibliothèque Impériale, dans le carton 58 di
résidu de Saint-Germain. B. H.
Bulletin des Comités historiques, 1849, p. 83.
MOKEL(Dom Robert), bénédictin français
né en 1653, à La Chaise-Dieu (Auvergne), mor
le 19 août 1731, à Saint-Denis près Paris. Il fi
profession dans l'abbaye de Saint-Faron di
Meaux (1671), fut envoyé pour terminer se
études à celle de Saint-Germain -des-Pr-és et ei
devint bibliothécaire (1680). Il fut ensuite prieu
à Meulan et à Saint-Crespin de Soissons, et secrt
taire du visiteur de France. La surdité dont i
était affecté l'obligea de renoncer à ces emplois
et il se retira en 1699, à Saint-Denis, où il par
tagea le reste de sa vie entre les exercices d
piété et la rédaction de plusieurs ouvrages ascé
tiques. Il mourut en odeur de sainteté. Don
R. Morel avait l'esprit clair, juste et fécond ; se
paroles ne respiraient que la charité et la droi
ture; une grande modestie jointe à la simplicit
de ses mœurs lui servaient à cacher ses talents
On a de lui : Effusions de cœur, ou entretien
spirituels et affectifs d'une âme avec Diei
sur chaque verset des psaumes et des can
tiques de l'église ; Paris, 1716, 4 vol. in-12 ; -
Méditations sur la règle de Saint-Benoît
Paris, .1717, in-8° ; — Entretiens spirituel
sur les Évangiles; Paris, 1720, 4 vol. in-12
— Entretiens spirituels pour servir de pré
paration à la mort; Paris, 1721, in-12; -
Imitation de Jésus-Christ , trad. nouv.aw
despièces; Paris, 1723, in-12 ; d'après Barbiei
il a beaucoup profité du travail de Lemaistre d
Sacy; — Méditations chrétiennes sur le
Évangiles; Paris, 1726,2 vol. in-12; — B\
Bonheur d'un simple Religieux et d'un
simple Religieuse qui aiment leur étal e
leurs devoirs ; Paris, 1727, in-12; — Retrait
sur les principaux devoirs de la vie reli
gieuse; Paris, 1728, in-12; — De l' Espérant
chrétienne; Paris, 1728, in-12; — Effusion d
cœur sur le Cantique des Cantiques ; Paris
1730, in-12. P.
Dom Tassin, Hist. littéraire de la Congrég. de Saint
Maur. — Moréri, Grand Dict. hist. ( édit. 1759). — Bar
bier, Dissertât, sur soixante trad. françaises, p. 67.
morel(*h), peintre belge, né à Anvers I'
vers 1689, mort fort âgé, à Bruxelles. 11 eut pou
maître son concitoyen Verendaal, bon peintn
de fleurs et de fruits. Il apprit à cultiver le mênii
genre, et à bien imiter la nature. Après avoi
acquis de la réputation à Anvers, il alla s'éta
blir à Bruxelles, où il travailla pour la cour
Employé de toutes parts, il gagna de grosse
sommes, mais son goût pour la magnilicenc>
MOREL
526
>it toujours à sa fortune. On ignore l'année
ci se de sa mort. Morel composait bien ses
eaux. Sa couleur est vraie et harmonieuse,
touche ferme, sa manière large et facUe, il
passait Verendaal pour le feuillage et les
ites. Quoique nombreuses et répandues dans
sque toutes les galeries de Flandre, ses toiles
t recherchées. On en voit de fort belles à
baye de Saint-Pierre de Gand. A. de L.
;i>b Caropo Weyerman , De Scliildcrlinnst der Neder-
ers, t. III, p. 237-239. — Descamps, La fie des
très flamands, etc., t. III, p. 89. — Pilkington, Die-
iry <\l Paintcrs.
j.oiti<x (Pierre), grammairien français, né
723, à Lyon, où il est mort, en 1819. 11 exer-
li's fonctions peu lucratives de procureur à
clion, tribunal spécial dans l'ancien régime,
lue la révolution vint lui faire perdre cette
leste ressource. Pendant la terreur, arrêté
méprise , au lieu d'un de ses frères, inten-
\ général des bâtiments du prince de Conti, il
t pas un mot qui put révéler l'erreur, et son
e dévouement faillit le conduire à l'écha-
. Rendu à la liberté, il vint à Paris. Frappé
éfaut de méthode dans l'enseignement gram-
cal, il composa un système où, entre autres
•es, il apprend à distinguer le temps de la
e de la voix d'avec la qualité du son qu'elle
tendre , et où il compare ingénieusement
i des voix aux tons principaux des gammes.
observations neuves et curieuses fixèrent
ntion de l'Institut, qui y donna des éloges
it l'auteur au nombre de ses membres as-
de la Classe des Lettres. Voici les titres de
nvrages : Traité de la concordance du
iHcipe présent; — Essai sur les voix de
ang ne française et recherches sur l'accent
modique des voyelles; — Traité ou Exa-
n analytique de la Période et dû ses par-
Constitutives; ces trois ouvrages ont été réu-
^ Paris, 1804, in-8°). Il a, en outre, donné
W ;rand nombre d'articles au Journal gram-
h(wal de Domergue. G. nE F.
'.vhives du ilhône, t. I, 1825.
. fonEL (Jean- Marie) , architecte français ,
IN: du précédent, né à Lyon, en 1728 mort le
KM 1810. Dès l'âge de seize ans il enseignait
Wiute géométrie aux élèves du corps des ponts
Stjiaussées. Un an et demi après, il fut nommé
6d inspecteur de la .province du Lyonnais.
Af:lé a Paris par ses chefs , il concourut pour
b! ace d'architecte du prince de Conti et l'em-
p(j» sur ses concurrents. Il s'adonna surtout à
l'^ îitecture des jardins, et s'y fit bientôt une
tft grande réputation. A cette époque ou avait
reincé aux jardins symétriques de Le Nôtre
m les terrasses, les larges rampes, les longues
W,5, les quinconces ; les plateaux semblaient
jjtjir autant de théâtres pour mettre en évi-
<Me les brillants cortèges de la cour ou des
S'ils seigneurs. On copiait les Anglais , peuple
geur qui associait confusément dans ses
is, les sites , les monuments , les végétaux ,
les animaux de toutes les parties du monde; on
faisait des jardins anglais et môme des jardins
chinois. Morel , auquel le prince de Conti lais-
sait toute liberté, et qui avait le goût de la belle
nature, se rapprocha davantage de sa simplicité,
coordonna ses ensembles, barmonia ses détails,
fit naître les accessoires des fonds eux-mêmes
en les faisant tendre à l'effet du dessin primor-
dial. Dans son poëmc des Jardins, Delitle lit
pour lui ces vers :
Digne de voir, d'aimer, de sentir la nature,
11 traite sa beauté comme une vierge pure,
Qui rougit d'être nue et craint les ornements.
Parmi les nombreux parcs et jardins exécutés
par Morel, on peut citer ceux de M. de Nicolaï,
a Bercy ; du maréchal de Trévise, à Saint-Ouen,
près Paris; de M. de Girardin, à Ermenonville;
de la reine Hortense, à Saint-Leu-Taverny; le
parc de Guiscard, au duc d'Aumont; celui de
Sceaux près Paris et celui de La Malmaison.
Morel a publié : La Théorie des Jardins, ou
l'art des jardins de la nature, 17.74^
in-8°; 2e édit., 1802, 2 vol. in-8° : dans cette
dernière édition, on a ajouté une Liste des
plantes ligneuses indigènes et exotiques ac-
climatées , avec la manière dont elles se
propagent, etc. G» de F.
Fortair, Discours sur la vie et les ouvrages de J.-M.
Morel.
MOREL de Chefdeville ( Etienne ), auteur
dramatique français, né le 11 janvier 1747 (1),
à Paris, mort le 13 juillet 1814, près de Ville-
neuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise). Fils d'un
intéressé dans les fermes de Bretagne, il fut at-
taché de bonne heure au service du comte d'Ar-
tois, et passa ensuite à celui de Monsieur en
qualité d'intendant des menus plaisirs et affaires
de la chambre. Sans cesser d'occuper celte der-
nière place, il devint l'un des administrateurs gé-
néraux des loteries jusqu'à leur suppression, en
1793. Sous le consulat il fut directeur de l'Opéra
pendant plusieurs mois (décembre 1802 à sep-
tembre 1803). Il se retira dans sa vieillesse aux
environs de Villencuve-Saint-Georges, où il pos-
sédait une jolie maison de campagne, et y mou-
rut, d'une maladie de la vessie. Enrichi par
d'heureuses spéculations, de mœurs douces et
faciles, il eût pu passer pour un homme d'esprit
s'il n'eût rien écrit. Les ouvrages qu'il adonnés
à l'Opéra, médiocres et d'un style négligé, ac-
cusent pourlant une certaine entente scénique,
fort prisée des musiciens. Après avoir débuté
avec Mereaux par Alexandre aux Indes (1783) ;
il écrivit pour Grétry La Caravane du Caire
(1783), Panurge dans Vile des Lanternes
(1785), et Aspasie (1789), pour Philidor Thé-
mistocle(nSh), pourWinter Tamerlan (1802),
pour Dalayrac Le Pavillon du Calife (1804),
et pour Fiocchi Sophocle (1810). II arrangea
aussi diverses pièces qu'il fit représenter sous
son nom, et composa les pastiches des Mystères
(i) On donne aussi la date du 10 octobre 1751.
527
MOREL
5;
d'Isis (1801), de Saûl (1803), et de La Prise de
Jéricho (1805), où il mit à contribution Mozart,
Haendel, Gossec, Haydn, Piccini et d'autres mu-
siciens. P. L.
Jay, Jouy et de Norvins. Biogr. nouv. des Contemp. —
Quérard, La France Littéraire.
morel (Jean- Alexandre), musicographe
français, né le 26 mars 1775, à Loisey (Meuse),
mort le 31 octobre 1825, à Paris. Admis en
1797 à l'École Polytechnique, il entra ensuite
dans l'artillerie, et fut attaché comme professeur
à l'école de cette arme dans la garde impériale.
Son service l'ayant appelé à Plaisance, il profita
du séjour prolongé qu'il fit dans cette ville
pour réunir une grande quantité de morceaux
rares et peu connus sur la musique italienne.
En 1817, il fut nommé sous-inspecteur à l'École
Polytechnique. On a de lui : Principe acous-
tique nouveau et universel de la théorie mu-
sicale; Paris, 1816, in-8°i — Système acous-
tique, eu musique expliquée ; Paris, 1824, in-8";
extrait du Dictionnaire des Découvertes : il éta-
blit son système d'après la structure de l'oreille,
où il crut trouver le principe du sentiment de
la tonalité; — Observations sur la théorie
musicale de M. de Momigny; Paris, 1822,
in-8° ; — pfusieurs articles dans Le Moniteur
universel. K.
Mahul , Annuaire nëcrol., 1826.
morel (Melchior- Hyacinthe), littérateur
français, né le 5 janvier 1756, à Avignon, où il
est mort, le 29 juillet 1829. Admis en 1776
parmi les clercs de la Doctrine, il enseigna les
belles-lettres au collège d'Aix, se rallia aux
principes de la révolution, et écrivit trois bro-
chures contre le célibat des prêtres. En 1809 il
fut appelé à la chaire de rhétorique du collège
d'Avignon, et la remplit jusqu'en 1821. Il était
membre des Académies de Vaucluse, de Lyon,
de Marseille et de Bruxelles. « Son aimable gaieté,
dit M. Barjavel, la vivacité de ses saillies, la
fraîcheur de son imagination et la bonté de son
caractère le faisaient aimer de tout le monde, »
Morel a laissé un grand nombre de pièces de vers ,
entre autres les Epilres à un jeune matéria-
liste (1785), à Zulime (1788) etàRollin (1818);
La Caverne, poème; Mes Distractions (Avi-
gnon, an vu, in 12); VArt épistolaire (ibid.,
1812, in-12), poème trad. du latin du P. Her-
vey de Montaigu ; des odes, des discours, etc.
Nous citerons à part : Lettres sur le Matéria-
lisme; Avignon, 1813, in-12; et Lou Galoubé
de Jacintou Morel; ibid., 1828, in-12: recueil
de poésies provençales, précédé d'un discours
préliminaire en français. En 1803 et 1804, il a
rédigé avec François Dupuy le Journal de Vau-
clwe. K.
L'indicateur d'Avignon, 5 déc. 1841. — Annuaire dti
Vaucluse, 18411842. — Barjavel, Biogr. du Vaucluse,
II, 192-195 et S10-512.
morel (Antoine- Alexandre), graveur fran-
çais, né en 1765, à Paris, où il est mort, en 1829.
Il fut élève, pour la gravure, de Massard père
et d'Ingouf, et, pour le dessin, de David, col
bora à la Galerie de Florence et au Mus
français, et obtint deux médailles en 1807
en 1827. Quelques planches de lui méritent d'êl
citées, telles que Le Jugement de Salomon
Poussin, Madeleine pénitente du Guide,
Concert du Dominiquin, Le Serment des E
races et Bélisaire de David.
Un artiste du même nom, François More
né vers 1768 , fut élève de Yolpato, et travai.
principalement en Italie. P.
Nagler, Neues Allgem. Kunstlerlexikon. — Ch.
Blanc, Manuel de V Amateur d'Estampes.
morel de Vindé ( Charles- Gilbert, \
comte), agronome et littérateur français, né
20 janvier 1759, à Paris, où il est mort, le 20 d
cembre 1842. Il était conseiller au parlement i
Paris depuis 1778, lorsque la révolution éclat
il en adopta avec modération les principes, et f
appelé, en 1790, à présider l'un des six trib
naux de la capitale, celui du quartier des Tuil
ries. L'année suivante, après la fuite du roi,
donna sa démission et se tint désormais éloig
de tout emploi public. Autant par goût que p
prudence, et pour écarter de lui les soupço
auxquels l'exposait la fortune considérable qm
avait héritée de son aïeul Paignon-Dijonval ,
s'adonna exclusivement aux travaux agricole
par suite de ses expériences réitérées, il mit <
jour de nombreux écrits, qui lui valurent 1
titres de correspondant de l'Institut (1808),
de membre des Société» d'Agriculture de Pari,
Versailles, Lille, Caen, Toulouse, etc. Il ne so
tit de la vie privée qu'au retour des Bourbon
Nommé chevalier de la Légion d'Honneur (6 d
cembre 1814), et pair de France ( 17 août 1815
il prit peu de part aux débats politiques d
Luxembourg, où il continua de siéger après
révolution de Juillet. En 1818, il entra au Coi
seil supérieur d'Agriculture, et en 1824 il fut él
membre de l'Académie des Sciences ( Section d'1
conomie rurale). On cite de lui : La Déclara
tion des Droits de l'homme et du citoyen
Paris, 1790, in-8° ; — Etrennes d'un Père
ses Enfants, ou collection de quatrains me
raux; Paris, 1790, in-16: ce petit livre a ei
sous le titre de Morale de l'Enfance, de fré
quentes réimpressions, soit à Paris, soit en pre
vince, et il a été traduit en vers latins pa
M. J.-V. Leclerc (De Officiis ad pueros tetrasti
cha; Paris, 1816, in-16); — Essai sur le
mœurs de la fin du dix-huitième siècle ; L
Haye (Paris), 1794, in-12; — Les Révolution
du Globe, conjecture formée d'après les dé
couvertes de Lavoisier sur la décomposition
et la recomposition de l'eau; Paris, 1797
in-8°; 3e édit. augmentée, 1811 ;— Primerose,
Paris, 1797, 2 vol. in-18, fig., et 1801, in-18
« la composition est faible, mais amusante, di !
Chénier, et le style n'est pas dépourvu du
grâces ■»; — Clémence de Lautrec, roman
Paris, 1798,2 vol. in-12; — Zelomir, roman;
9 MOREL — MORELL
j ris, 1800, in- 18, fig. ; — Essai sur les Cons-
. icttons rurales économiques ; Paris, 1824,
1 toi. , pi. H est aussi l'auteur de notices ou
>| moires sur les béliers mérinos (1807), sur la
\\<nte et sur l'agnelage (1813-1815); sur le
U'isier des Alpes (1822), stir la théorie des
èolements (1822-1823), sur te morceltement
i la propriété (1816}, efe. M. Morel de Vindé
I é un des collaborateurs du Journal des Con-
naissances utiles, il reçut de Louis XVIII les
H es de baron et de vicomte. P. L — y.
II 'Audlffret , Éloge, prononce à la Chambre des Pairs.
H iiogr. vniv. et portât, des Contemp.
ï mokel-fatio ( Antoine- Léon), peintre de
s rine français, né à Rouen ( Seine-Inférieure ),
I 1810. Il étudia la peinture sous différents
I stes, et se perfectionna par des voyages en
lie, en Orient ef dans d'autres contrées. En
H 2, il fut nommé conservateur des collections
|ritimes au Louvre. En 1854, il fit partie de
I pédition de la mer Noire, et publia à son re-
I r, avec M. Durand-Brager, des vues du lit—
il de cette mer. M. Morel-Fatio a exposé des
I leaux de marine à tous les salons, depuis celui
I 1833. Les principaux sont •. Vue de Vile de
ïgkt, 1833; — Sauvetage du brick Ontario,
l 5; — Coup de vent dans la rade d'Alger,
I — Combat d'Algesiras, 1836; — La
B mire , brick français , s'emparant, le 3 oc-
hre 1806, d'un brick anglais , 1837; — At-
\me d'Alger par l'amiral Duperré , id.; —
Virée du port du Havre, 1838 ; — Avant-
yt du Havre, id.; — Vue de Saint-Malo ,
■; — Le brick de la reine Amélie sur la
Me de Cherbourg, 1839; — Combat du
logeur, en 1794, salon de 1840; — Saint
wn d'Ulloa, 1841 ; — Victoire du cap Saint-
iicent, 1842; — Port d'Amsterdam en 1700,
I; — Bombardement de Tanger en 1844,
Ittn de 1845; — Louis- Philippe partant du
iéport, le 2 septembre 1844, pour se rendre
vtord du yacht royal oii se trouvaient la
\ne d' Angleterre et le prince Albert, 1846;
| Incendie de La-Gorgonne, id.; — Un Nau-
\ige, 1847; — Prise à l'abordage du trans-
it anglais Les Deux Jumeaux par L'Heureux
raton, dans la Baltique, en 1813, salon de
(48; — Jean B art montant La Palme, de
\ Canons, s'empare à l'abordage d'un vais-
fiu hollandais de 60 canons, même salon ;
L'île de La Tortue, rendez-vous desjïibus-
rs, 1849; — Le Prince président de la ré-
plique visitant à Cherbourg l'escadre de
Méditerranée, 1852; — Épisode du voyage
président de la république , pendant la
iversée de Marseille à Toulon, 1854; —
ie du port de Brest, 1855 ; — Attaque sur
t, id.; — Vue de Toulon, 1857; — Tempête
ns le port d'Alger, id.; — Napoléon III rê-
vant à bord du vaisseau La Bretagne la
me d'Angleterre, le 6 août 1858, dans le
\rt de Cherbourg , salon de 1859. M. Morel
530
a reçu une médaille de troisième classe en 1837,
une de première classe en I843,uneautre en 1848,
et la décoration de la Légion d'Honneur, le 15 juillet
1846. Il a rédigé une Notice des Collections ma-
ritimes du Louvre; 1854, in-8°; plusieurs cata-
logues d'objets d'arts , et une broebure intitulée
du Monopole des professions lucratives en
France et de leur suppression moyennant
indemnité, 1839. G. de F.
Annuaire des artistes français, 1836. — Livrets des
expositions.
morelet (Jean), historien français, né en-
1589, à Dijon, où il est mort, le 7 mai 1679. Il
était recteur d'un des hôpitaux de Dijon. On a
de lui : Bellum Sequanicum secundum; Di-
jon, 1668, in-8°; — Claudii Bartfl. Morisoti
Vilas Elogium;Md., 1675, in-4°. Il avait écrit
une histoire des guerres de 1672 à 1675, en quatre
livres, histoire restée inédite.
Un de ses parents, Laurent Morelet, né en
1636, à Dijon, fut aumônier du frère de Louis XIV,
prédicateur de la reine Marie-Thérèse et doyen
de l'église de Nuits. Il a laissé : La Galerie de
Saint-Cloud et ses peintures expliquées ; Pa-
ris, 1681, in-4o; réimpr. sous le titre de Traité
de Morale pour l'éducation des princes, tiré
des peintures; Paris, 1686, in-12; — De la
Génération éternelle du Verbe incarné; Nuits,
1720, in 8°. K.
Papillon , Auteurs de Bourgogne, II.
mokell ( Julienne ), savante espagnole, née
le 16 février 1594, à Barcelone, morte le 26 juin
1653, à Avignon. Son père , Jean- Antoine, était
un homme opulent, qui, obligé à la suite d'un
meurtre de quitter l'Espagne, se réfugia en 1606
à Lyon. Dès l'enfance elle avait montré un goût
si prononcé pour l'étude et une intelligence si
extraordinaire, qu'elle apprit, comme en se jouant,
quatorze langues, tant anciennes que modernes,
la philosophie, la théologie, la jurisprudence et
la musique. En 1607, à peine âgée de treize ans,
elle soutint à Lyon des thèses publiques en hé-
breu, en grec et en latin, qu'elle dédia à Margue-
rite d'Autriche, reine d'Espagne, et en 1608 elle
reçut le diplôme de docteur en philosophie à
l'université d'Avignon. Dégoûtée du monde el
des hommages qu'on lui rendait, elle entra dans
le couvent de Sainte-Praxède, et malgré l'oppo-
sition de son père elle y prononça ses vœux en
1610. Elle a composé des hymnes et des can-
tiques latins, et elle a traduit du latin en fran-
çais le Traité de la Vie spirituelle, de saint
Vincent Fer rier (Lyon, 1617, in- 8°), et la Règle
de Saint-Augustin, avec des notes (Avignon,
1680). P.
N. Antonio, Bibl. Hispana nova. — A. Schott, BibU
Hispana, 3i3. — Lope de Vega , In Lauro Apoll. — Hi-
larion de Coste, Éloges et Vies des Dames illustres. —
Barjavel. Bioqr. du Paucluse, II.
morell (André), savant numismate suisse,
né à Berne, le 9 juin 1646, mort à Arnstadt, le
26 avril 1703. Porté de bonne heure vers l'étude
des monnaies, il apprit le dessin, afin, de sup-
531
pléer aux lacunes de sa collection. Encouragé à
continuer ses recherches par Charles Patin, dont
il fit la connaissance, en 1673, à Bâle, il se ren-
dit sept ans après à Paris, pour y examiner en
détail le Cabinet des Médailles. Il y rencontra
Spanheim, qui l'engagea à entreprendre un grand
travail d'ensemble sur les médailles des anciens.
jl suivit ce conseil, se mit en rapport avec les
savants les plus experts en numismatique, et
prit part aux réunions tenues à l'hôtel d'Aumont,
où se traitaient des questions historiques se rat*
tachant aux monnaies des empereurs romains.
En 1683, il donna au public un essai de son
ouvrage, dont les planches, exécutées avec la
plus grande exactitude, avaient été gravées par
lui-même. Signalé à l'attention de Louis XIV, il
fut adjoint peu de temps après à Rainssanî, pour
mettre en ordre le Cabinet des Médailles, ce qui
lui fit refuser les offres avantageuses par les-
quelles on essaya de l'attirer à Berlin et à Co-
penhague. Son travail terminé, on tarda quelque
temps à lui en payer la rémunération promise;
la manière libre dont il s'exprima sur ce procédé
le fit mettre à la Bastille, sur l'ordre de Lou-
vois (I). Ses papiers et dessins furent saisis, et ne
lui furent pas même rendus lorsqu'après être resté
pendant trois ans en prison il fut, en novembre
1691, relâché, sur les réclamations du canton de
Berne; mais il avait heureusement envoyé aupa-
ravant en Suisse les matériaux les plus précieux
de son grand ouvrage. Louis XIV, qui n'avait eu
aucune part au traitement inique dont ce savant
avait été l'objet, chercha à le lui faire oublier
par les prévenances les plus gracieuses ; il lui fit
offrir la place de conservateur des médailles ,
à la condition qu'il embrasserait le catholicisme.
Morell refusa, et retourna dans sa ville natale en
août 1692. Appelé en 1694 à Arnsfadt, comme
conservateur du riche cabinet de médailles que
le comte de Schwartzbourg y avait rassemblé, il
rencontra à son passage à Halle son ami Span-
heim, qui par l'entremise de Danckelmann, mi-
nistre de l'élecieur de Brandebourg, lui fit obte-
nir de ce prince l'assurance de recevoir l'argent
nécessaire pour la publication de son ouvrage,
dont l'impression fut immédiatement commen-
cée. Mais cette promesse resta sans effet, par
suite de la disgrâce de Danckelmann, survenue
bientôt après. Découragé et atteint, en 1699,
d'une attaque de paralysie, Morell n'acheva
pas le travail auquel il avait consacré les plus
belles années de sa vie. Réputé avec raison l'un
des plus grands numismates de son époque,
il ne tira jamais la moindre vanité de ses con-
naissances. « Je me suis toujours gardé des illu-
sions de l'amour-propre , dit-il dans une de ses
lettres, ne cherchant, dans l'étude des médailles
qu'à m'occnper agréablement et qu'à apprendre
l'histoire. Les médailles ne sont que des iiionu-
(1) Dans sn Bibliothek der Srhwelzer-Cenchichtc, t. Il,
p. 238, Hallcr'soutient, contre l'opinion commune, que
Morell ne fut pas enferme à la ISastille.
MORELL 53: 1
ments de la vanité des anciens. Quand je le.
entendrais parfaitement, je n'en serais ni plu
grand ni plus honnête homme. Au lieu que si j |
m'enorgueillissais de la connaissance que j'en ai
je serais un sot et une bête. » — Une partie de o
qui élait terminé du travail de Morell fut publié»
par Havercamp, sous le titre de : Thesauru.
Morellianus, sive familiarum Romanarun
numismata omnia; Amsterdam, 1734, 2 vol i
in-fol., dont un vol. de planches gravées avec li
plus grand soin ; le texte n'est pas aussi recom-
mandable, parce que l'éditeur y a joint les re j
marques souvent contradictoires d'Orsini , d< :
Vaillant et d'autres numismates ; lemanuscritori
ginal de Morell appartenait en 1821 au baroi
Westreen de Tiellandt. — Une autre partie de;
recherches de Morell parut sous le titrje di
Thésaurus Morellianus , s'ive commentent
in XI [ priorum imperatorum romanovun
numismata; Amsterdam, 1752, 3 vol. in-fol.
dont un de planches; de même que dans l'ou-
vrage précédent, le texte de celui-ci, disposé pai I
Havercamp, Gori et Schlegel , et augmenté d<
leurs commentaires , pèche par l'absence de mé
thode et par un trop grand nombre d'hypothèses. I
en contradiction souvent les unes avec les autres
quant aux planches, elles sont irréprochables
On a encore de Morell : Spécimen un'wersa ■
Rei Nummarise aniiqux; Paris, 16S"3, et Leip-
zig, 1695, in-8°; — Epistola ad J. Perïzo-\
nium de numis consularibus ; 1701, in-4o;,
réimprimé dans les Electa Rei Numariee de
Woltereck ; — Lettre écrite au chevalier Fon-
taine, en réponse à une lettre que le Journal
de Paris dit avoir été écrite à Morell pat j
M. Galland; 1703, in-4° ; — Quelques Leltresl
à H. Haas, son grand-père, dans les Vermischtei
Beytràge de Ch.-Fr.-L. Haas. O.
Giulianelli, Vitn, Morclliï (en tête de la Columna
Trajana de Gori]. — .Altmann, Leben Hlorels ( dans :
l'Altes und. IV eues aus der Gelehrten Welt, année 1718). j
— Bibliothèque raisonnèe, t. XII. — Niceron, Mémoires,
t. XXXIV. — Hirschins, Histor. liter. Handbuch. —\
Fuessli, Ccschichte der Kûnstler in der Sclnveitz, t. U.
morell (Thomas), philologue anglais, né
à Eton, dans le comté de Buckingham, le
18 mars 1703, mort le 19 février 1784. 11 fut i
admis à l'école d'Eton lors de la fondation de cet
établissement, et alla achever ses études au col-
lège du Roi à Cambridge. Il fut agrégé à ce col-
lège, entra dans les ordres sacrés , devint rec-
teur de Buckland, dans le comté de Hertford , j
chapelain de la garnison de Portsmouth, curé
de Kew et de Twickenham. Tels sont les rares
et simples événements d'une vie toute consa- j
crée à l'étude. Il était un des bons hellénistes
de son temps. Ses principaux ouvrages sont :
Poems on divine subjects , original andtrans- !
lated from the latin of Marcus Hieronymus '
Vida, with large annotations, more parti- ,
cularly concerning the being and the attri-
butes of God ; Londres, 1832, in-8°; — The
Canterbury Taies of Chaucer, in the ori-
MORELL — MGRELLET
:>34
7/, from the viost authentic mss. and as
y are turned info moderne language by
most emlnertt hands ; Londres, 1737,
oj — Hope, a. poetical essay in blank
te, on that Christian grâce, in three
fer; 1745; — Euripidis Hecuba, Orestes et
nissse, cum scholiis- antiquis ; 1748,
il. in-8" ;, c'est une réimpression de l'édition
Cinjg, avec ÏAlceste, revue par lui-même;
Thésaurus Grxcx poeseos, sive Lexicon
co-prosodiacum, avec le portrait de l'auteur
Hogarth; Eton, 1762, in-4° : travail neuf et
èmement utile qui constitue un dictionnaire
ique et prosodique de la langue grecque, un
dus ad Parnassum grec ; l'auteur n'a eu
,e tort de ne pas indiquer la quantité métrique,
laisse à conjecturer d'après les exemples
.; cette lacune a été comblée par le docteur
by qui a donné une édition très-perfec-
léc du Thésaurus poeseos Grœcx. Morell
ia une édition corrigée du Lexicon grec de
erich et trois éditions du Dictionnaire latin
linsworth. Morell était bon musicien et il
rit les paroles des Oratorios de Haendel. Il
a deux ouvrages qui parurent après sa
1 : une traduction fidèle des Epîtres de Sé-
ae avec des notes; 1786, 2 vol. in-4°; —
es and Annotations on Locke On the Hu-
lf understanding, written by order qf the
im Caroline; 1794,in-8°. Z.
i rwood, Àlumni Etonenses. — Chalmers, General Bio-
li Meal Dictionary.
'ORELlet (André), littérateur et écono-
me français, né à Lyon, le 7 mars 1727, mort
Iwris, le 12 janvier 1819. Il fit ses premières
Sjles à Lyon, dans le collège des jésuites, et fut
ihyé à Paris à l'âge de quatorze ans. Placé
lj> le séminaire des Trente-trois, il s'y dis-
1,11a assez pour être admis dans la Sorbonne,
)fl passa cinq années. On sait que les études
Illogiques s'étaient bien relâchées dans cette
ijbre maison et que les idées du siècle y pé-
taient. L'abbé Morellet eut là pour cama-
les deux jeunes abbés plus tard célèbres, Lo-
tyiie de Brienne et Turgot, que la philosophie
^'économie politique disputaient à la théo-
<e. Il s'associa à leurs tendances, les dépassa
4ne, et mérita par sa liberté d'esprit l'amitié
1 Diderot et de D'Alembert. Pendant qu'il
pbarait sa licence à la Sorbonne, il fut chargé
î|l7f>2 de l'éducation du fils de M. de La Ga-
Ijière, chancelier du roi de Pologne. Il fit en-
le le voyage d'Italie avec son élève. A Rome il
Contra par hasard le Directorium inquisi-
jj'im, rédigé au qualorzième siècle par le car-
yl Eymeric, grand-inquisiteur d'Aragon, et
plié au seizième sous les auspices de Gré-
ie XIII. Il eut l'idée de donner une traduc-
I abrégée de ce curieux monument de l'in-
krance, pensant que le meilleur moyen de
îjibattre le fanatisme, c'était de le montrer à
i ivre. De retour à Paris, il devint l'hôte fami-
lier des cerclrs philosophiques et des dîners de
jyimc Gcoffrin. On y appréciait son instruction
étendue, sa facilité de plume, son talent de po-
lémique, et son esprit, assez piquant, quoique
sans légèreté; on se servait de lui en toute oc-
casion contre les ennemis des philosophes. « Em-
brassez pour moi l'abbé Mords-les, écrivait Vol-
taire à Thiriot, le 19 novembre 1760. Je ne
connais personne qui soit plus capable dé ren-
dre service à la raison. » Quand Palissot fit
jouer sa comédie des Philosophes, Morellet
vengea ses amis dans un pamphlet assez piquant
intitulé : La Vision de Charles Palissot. Quel-
ques mots qui lui échappèrent sur la princesse
de Robecq, protectrice de Palissot, furent puuis
par un emprisonnement de deux mois à la Bas-
tille. Cette captivité, peu rigoureuse, augmenta
beaucoup la considération du parti philosophique
pour Morellet. Malesherbes lui demanda de tra-
duire en le remaniant et en le coordonnant l'é-
loquent traité de Beccaria Sur les Délits et les
Peines. Beccaria, loin de se plaindre, avoua trop
modestement qu'il devait tout aux livres fran-
çais, et surtout à son traducteur. D'un autre
côté, Turgot, son ami, l'associait à ses travaux
d'économie politique. Dans cette science Mo-
rellet, sans être original, et en se contentant de
développer les idées de Turgot, rendit des ser-
vices à la cause de la liberté du commerce. II
ne craignit pas de réfuter sur ce point un autre
commensal des diners philosophiques, l'abbé Ga-
liani. Celui-ci fut piqué de la réfutation, et écri-
vit de Naples à Mme d'Épinay ( mai 1770 ) :
« J'ai reçu hier sa réponse, je> ne sais pas me ré-
soudre à croire qu'elle soit effectivement de
Morellet : elle ressemble aux badauds et aux
ribauds (économistes de l'école de Baudeau et
de Roubeaud ) comme deux gouttes d'eau ; et
enfin Panurge ( sobriquet de Morellet ) a dîné
dix ans entiers avec nous, et à moins qu'il n'eût
une toile cirée sur la tête, quelques gouttes de
bon sens et de philosophie auraient dû percer
à travers dans dix ans. » Cette boutade ne
prouve rien contre Morellet, qui n'était pas un
esprit fin, mais un esprit solide et judicieux,
sincèrement attaché aux idées de liberté et de
progrès modéré. 11 acquit l'estime et l'amitié
des hommes les plus divers, de Benjamin Fran-
klin, le représentant de l'Amérique insurgée, et de
lord Shelburne, le ministre anglais. Ces liaisons
lui permirent de rendre à son pays un service
signalé, que Lémontey raconte ainsi : « M. Mo-
rellet, lié par des rapports intimes avec lord
Shelburne, depuis marquis de Lansdowne, mis
récemment à la tête du ministère britannique,
avait passé à Londres et persuadé à son illustre
ami que l'intérêt des nations s'accommode
mieux d'une bienveillance mutuelle que des pe-
titesses de l'égoïsme. Au moment où il eut signé
la paix , le ministre anglais ne cacha point à
M. de Vergennes l'éloquent missionnaire auquel
il devait sa conversion. Ce fut en voyant la
585
MORELLET
lettre où le marquis de Lansdowne s'avouait si
généreusement vaincu par le philosophe fran-
çais, que le roi récompensa M. Morellet par une
pension de 4,000 francs. » En 1785, Morellet
entra à l'Académie Française. Cet honneur était
le prix mérité de nombreux travaux , mais il
n'en jouit pas longtemps. La révolution porta
le trouble dans l'Académie, et finit par la sup-
primer. Morellet défendit cette institution contre
les attaques de Chamfort, et quand elle fut défi-
nitivement condamnée, il eut le courage de
soustraire aux recherches des agents de la Con-
vention les .archives et les registres de l'Aca-
démie. Au péril de sa tête, il les cacha dans sa
demeure, en attendant des temps meilleurs. Les
terribles années de la terreur lui laissèrent la
vie; mais elles le privèrent de toute sa fortune
et le réduisirent à traduire, pour vivre, quelques
romans anglais; elles l'atteignirent surtout bien
cruellement dans ses amis : il vit pérîr le duc de
La Rochefoucauld , Bailly , Lavoisier, Malesherbes.
Quand l'orage se fut un peu calmé , après le
9 thermidor, Morellet fit le premier entendre la
voix en faveur des familles des condamnés dont
les biens avaient été confisqués. Ce pamphlet,
Le Crïdes familles, suivi de plusieurs brochures
dans le même sens, eut du retentissement, et
plaça Morellet au premier rang des écrivains qui,
tout en gardant avec ferveur les idées philoso-
phiques de leur temps, repoussaient le gouverne-
ment issu de la révolution et désiraient une
restauration ; cependant, protégé par son hon-
nêteté bien connue et par son grand âge, et d'ail-
leurs n'ayant jamais employé dans ses écrits l'in-
jure et la violence, il échappa au coup d'État de
fructidor, qui frappa plusieurs de ses amis ; mais
il n'échappa point aux sarcasmes des écrivains
du parti contraire. Cbénier, plaisantant sur ce
qu'il ne composait que des brochures, écrivait :
Morellet, dont l'esprit trop souvent se repose,
Enfant de soixante ans qui promet quelque chose.....
Le triomphe de la réaction , sous le consulat,
eut des résultats qui ne pouvaient plaire aux
fidèles survivants du dix-huitième siècle. Mo-
rellet fut un des plus sévères critiques du bril-
lant roman û'Atala, qui annonçait une renais-
sance religieuse, et il ne désavoua rien de son
passé. Rentré à l'Académie Française en 1803,
membre du corps législatif en 1807, bien rente
par l'État, il garda jusque dans une extrême
vieillesse sa gaieté et le libre exercice de sa
pensée. On remarque même que dans ses der-
nières années il composa beaucoup de vers.
Une chute qu'il fit en 1815 le condamna à
une réclusion absolue; il profita de ce repos
forcé pour faire un choix de ses écrits, qu'il pu-
blia en quatre volumes sous le titre de Mé-
langes de Littérature et de Philosophie du
dix-huitième siècle. Si on joint à ce recueil
deux volumes de Mémoires , qui vont jusqu'à la
fin du consulat, on aura tout ce qui mérite d'être
lu, ou du moins feuilleté, parmi les nombreuses
publications de cet écrivain, abondant sans ori
nalité, judicieux sans agrément, indépendants;
initiative de pensée, mais honnête, éclairé, fer
dans son attachement aux idées lihéralés et [
lanthropiques du dix-huitième siècle, et. croy
jusqu'à la fin aux- progrès de la raison humai
M. Campenon, qui le connaissait bien, a dit
lui dans quelques lignes flatteuses, qui ne s
pas inexactes : « Tout était d'accord en lui.
trouvait la simplicité dans ses goûts comme
naturel dans son langage, l'ordre dans ses
bitudes comme la méthode dans ses écrits,
sérénité dans son caractère comme le cal
dans son imagination; et, s'il était permise
tendre plus loin ce rapport entre l'homme et
ouvrages, j'oserais dire que ses conceptions,
idées, son style même, conservaient je ne s
quoi de robuste comme lui, et de fortem
prononcé comme ses traits. C'était le mé
homme encore qu'on retrouvait dans le moi
et dans la vie privée : toujours s'indignant
ce qui lui semblait absurde, toujours frappé
bon sens chez les .autres, comme d'un point
contact avec lui, recherchant peu ce qu'on
pelle esprit, mais accueillant le naturel, encou
géant la timidité, ménageant même l'ignorar
pourvu que la présomption ne s'y joignit {
et se livrant dans son intérieur, avec la plus
mable facilité de caractère , aux douces j<
d'une famille, qu'il eût été heureux de choi
si la nature ne la lui avait donnée. » Campei
ajoute : « Où retrouver maintenant l'autorité 1
si grand âge, les secours d'une si longue expérie
et la puissante impression de cette voix qui ,
tant parmi nous Fontenelle, Montesquieu, Volta
avait le droit de dire : J'ai vu, j'ai entendi;
Une liste même incomplète des écrits de I
rellet donnera une idée de son activité in
lectuelle et de la place importante qu'il occ
parmi les publicistes du dix- huitième sien
On a de lui : Réflexions sur les avanta
de la libre fabrication et de l'usage
toiles peintes en France, pour servir de ■
ponse aux divers mémoires des fabricants
Paris, Lyon, Tours, Rouen, etc., sur ci
matière; Genève, 1758^ in-12 ; — Préface
la comédie des Philosophes; 1760, in 8°;
Remarques critiques et littéraires sur
prière universelle de Pope; 1760, in-8°;
Les Si et les Pourquoi; 1760, in-12; — /
moire des fabricants de Lorraine; 17<
in-8° ; — Lettres sur la police des grai)
1764, in-8°; — Réflexions sur les préju
qui s'opposent aux progrès et à la perj
tion de V inoculation , trad. de l'italien
M. Galli ; 1764, in-4°; — Traité des Délits
des Peines , trad. de l'italien de Beccari
1766, in-12 ; — Mémoire sur la situation i
tuelle de la Compagnie des Indes; 17
in-4° ; — Examen de la réponse de M. N
ker au Mémoire; 1769, in-4° ; -r- Réfutat\
de l'ouvrage de Galiani qui a pour tili
57 MORELLET
j ialogues sur le Commerce des Blés; 1770,
1-8°; — Théorie du Paradoxe; 1775, in-12;
j - Réponse sérieuse à M. L. ( Linguet ) par
tuteur de la Théorie du Paradoxe; 1775,
.12; — De l'Académie Française, ou ré-
vise à Pécrlt de M. Chamfort qui a pour
• tre Des Académies; Paris, 1791, in-8°; —
cnsées libres sur la liberté de la presse à
i Kcasion d'un rapport du représentant Ché-
cr à la Convention nationale, du 12 flo-
al; 1795, in-8° ; — Le Cri des familles, ou
( scttssion d'une motion faite à la Convention
I ttionale par le représentant du peuple Le-
nntre , relativement à la révision des ju-
^ments des tribunaux révolutionnaires;
j iris, 1795, in-8°; — La Cause des Pères, ou
I scttssion d un projet de décret ( de P.-J.
i idoitin ) , relatif aux pères et mères ,
: ieuls et aïeules des émigrés; Paris, 1795,
, -8° : cette brochure fut suivie de sept autres
rits de Morellet, dans la même cause; —
I Nervations sur la loi des otages, ou Loi
; ntr la répression du brigandage et des
, sassinats dans l'intérieur; Paris, 1799,
j-8°; — Observations critiques sur le ro-
an intitulé Atala; Paris, 1801,in-8°; —
. élanges de Littérature et de Philosophie du
î x-huitième siècle; Paris, 1818, 4 vol. in-8° ;
i itre plusieurs des ouvrages déjà mentionnés;
i i trouve dans ces Mélanges l'Éloge de Mar-
\:ontel; un Tableau de la commune de
\aris en 1793 ; L'Avis de Franklin aux fai-
■urs de constitutions, etc., etc.; — Mé-
oircs sur le dix-huitième siècle et sur la
évolution , publiés avec une Préface et des
otes par J.-V. Leclerc; Paris, 1821, 2 vol.
;-8o; il en parut une seconde édition, consi-
dérablement augmentée; Paris, 1823, 2 vol.
t -8". Les additions faites à cette édition avaient
|.jja paru sous le titre de Lettres inédites sur
j histoire politique et littéraire des années
\}06 et 1807, pour faire suite à ses Mé-
moires; Paris, 1823, in-8°; — Éloges de
\lme Geoffrin par MM. Morellet, Thomas et
,1'Alembert, suivis d'un Essai sur la conver-
sion û'après Swift, par Morellet; Paris,
S12, in 8°. — Aux traductions déjà citées on peut
li joindre une dizaine d'autres, parmi lesquelles
n remarque le Legs d'un père à ses filles,
[aduit de Gregory ( 1774 ) ; — L'Italien , ou
iï confessionnal des pénitents noirs (1796),
rad. de Anne Radcliffe ; — Les Enfants de
t Abbaye ( 1797 ) ; — Clermont (1798); —
Ihèdora, ou la forêt deMinsky ( 1799), trad.
je miss Charlton. Morellet fut collaborateur
|e Y Encyclopédie, des Archives littéraires de
Europe, du Mercure. L. J.
[ Morellet , Mémoires. — Grimra, Correspondance. —
Smonley, Discours de réception à l'Académie. —
; impenon, Réponse à Lémontey. — Delort, Histoire de
, Détention des philosophes, t-, II.
| Ïmorellet {Alphonse), jurisconsulte fran-
:*'s, parent du précédent, est né à Bourg, le
- MORELLI 538
4 février 1809. Il étudia le droit à Paris, fut reçu
avocat en 1831, et plaida avec succès à Bourg, à
Lyon, à Saint-Étienne, à Roanne, dans de nom-
breux procès criminels, de presse et d'associations
ouvrières. A la révolution de 1848, il fit partie
de la commission municipale de Lyon, présida
le comité d'organisation du travail, établi par
M. Emmanuel Arago, et fut élu, en 1849, à l'As-
semblée nationale. Il y présenta un grand nombre
de projets de loi relatifs aux travaux publics
et à l'amélioration du système pénitencier. De-
puis le 2 décembre 1831, il s'est retiré de la
scène politique , et compte parmi les membres
les plus distingués du barreau de Paris.
Documents particuliers.
morelli ( Bartolommeo ), dit le Pianoro,
peintre de l'école bolonaise, né à Pianoro, vil-
lage situé sur la route de Bologne à Florence,
mort en 1703. Élève de l'Albane, il a laissé peu
de tableaux, mais il a beaucoup pratiqué la
fresque. Ses meilleurs ouvrages en ce genre en-
richissent la chapelle dédiée à Notre-Dame-de-
Lorette dans l'église San-Bartolommeo à Bo-
logne. On y trouve une grâce telle qu'ils
n'eussent pas été désavoués par l'Albane lui-
même. E. B— n.
Crespi, Felsina pittrice. — Malrasia, Pitture di Bo-
logne/,.
morelli ( Maria-Maddalena) , femme
poète italienne, née en 1740, à Pistoie, morte le
8 novembre 1800, à Florence. Dès l'enfance elle
se fit remarquer par des dons précoces ; elle
joignait l'esprit à la grâce et à la beauté, et im-
provisait avec une facilité singulière. Bien ac-
cueillie à la cour de Naples, elle y épousa un
gentilhomme espagnol, Ferdinando Fernande/.
De rapides et éclatants succès en poésie lui ou-
vrirent les portes de l'Académie des Arcades, où
elle prit le nom de Corilla Olimpica (1775).
Un triomphe solennel lui fut décerné au Capi-
tule, le 31 août 1776. On n'a conservé aucune
des nombreuses pièces de vers que cette impro-
visatrice a déclamées dans la plupart des villes
d'Italie. P.
Collezicme di Vite e ritratti di uomini e donne illtistri
degli ultimi tempi; Rome, 1821, t. II. — Atti délia
solenne coronazione falta in Campidoglio delta insi-
gne poetessa donna M.-V. Fernandez, impr. par Bo-
doni.
morelli ( Cosimo ), architecte italien, né
en 1732, à Imola, mort en 1812. Fils d'un ar-
chitecte, il fut élève de Domenico Trifogli, qui a
laissé quelques bons ouvrages à Imola. Il eut
la bonne fortune d'avoir pour premiers patrons
l'évêque de cette ville, Bandi et son neveu An-
tonio Braschi, élu pape en 1775, sous le nom de
Pie VI. Appelé auprès de ce dernier, Morelli fut
chargé de nombreux travaux dans les États de
l'Église : après avoir donné les dessins d'une sa-
cristie nouvelle pour Saint-Pierre de Rome, il
construisit la cathédrale d' Imola, l'église mé-
tropolitaine de Fermo, le dôme de Macerata,
plusieurs cbapelles , et restaura la basilique de
539 MORELLI
Ravenne. On lui doit aussi dans l'architecture latini
40
civile les théâtres d'Imola, de Ferino, de Jesi,
d'Osimo et de Fer rare, les palais Braschi à
Rome, Anguisola à Plaisance, Berio à Naples,
et Gappi à Rologne, et le palais épiscopal à
Imola. P.
Tipaldo, Biogr. degli Italiani illustri.
morelli (Jacques), célèbre bibliographe
et érudit italien, né à Venise, le 14 avril 1745,
mort le 5 mai 1819. Fils d'un artisan, il étudia
la théologie chez les dominicains, et se fit ordon-
ner prêtre. Ayant acquis à bas prix un recueil
manuscrit des lettres de Fr. Barbaro, il se mit
à le comparer avec les deux volumes de cette
correspondance publiés par le cardinal Quirini,
et s'aperçut qu'ils étaient bien moins complets
et moins corrects que son manuscrit. Cette dé-
couverte le mit en rapport avec le savant P. Ru-
béis , qui le prit en affection, et l'ayant décidé à
se consacrer à des travaux d'érudition, lui
procura tous les moyens d'acquérir les connais-
sances à cela nécessaires. Sous un tel guide,
Morelli, qui était doué d'une mémoire prodigieuse
et ' d'une grande vivacité d'intelligence, fit les
progrès les plus rapides. Il s'adonna surtout à
l'étude de l'histoire littéraire et de la bibliogra-
phie, ce qui l'amena à explorer avec le plus
grand soin les bibliothèques publiques et particu-
lières de sa ville natale. Son savoir en ces ma-
tières le signala à l'attention du bailli Th. Far-
setti, qui le chargea de dresser le catalogue de
sa riche collection de manuscrits et de livres im-
primés. Lorsque Farselti fut nommé gouver-
neur de Padoue, il emmena avec lui Morelli,
devenu son ami ; dans cette ville, riche en bi-
bliothèques précieuses, Morelli eut occasion
d'étendre encore ses connaissances en biblio-
graphie. En 1778 il fut nommé, en remplacement
de Zanetti, conservateur de la bibliothèque de
Saint-Marc à Venise , fonctions qu'il garda jus-
qu'à sa mort. Il ne cessa pendant toute sa vie
d'augmenter le riche dépôt confié à ses soins (l),
et il y fit incorporer par son testament !a collec-
tion de vingt mille opuscules rares, qu'il avait
réunis peu à peu de ses propres deniers. Sa
vaste érudition, à laquelle il joignait une mo-
destie rare et la plus grande complaisance pour
ceux qui avaient recours à ses lumières, lui va-
lut de grandes distinctions honorifiques de la
part d'un grand nombre de souverains; il était
membre associé de l'Institut de France et de la
plupart des académies de l'Europe. On a de
lui : Bibliolheca manuscritta del bali
T. G. Farsetti; Venise, 1771-1780, 2 vol.
in-12; — Dissertazione atorica inlorno alla
publica libreria di S. Marco ; Venise , 1774,
in-12; — Fr. Prendilaque, Diatogus de vita
Victorini Feltrensis, cum annotamentis ; Pa-
doue, 1774, in-8°; — Codices manuscripti
(1) II portait à cette bibliothèque une tendresse com-
parable à celle d'une mère pour son enfant; on rap-
porte à ce sujet plusieurs anecdotes touchantes.
J,7.
bibliothecee Naniame , relalï
opusculis ineditis ex iisdem deprom
Venise, 1776,in-4°; — / Godici manosi
volgari délia liberia Naniana, riferit,
alcume opérette inédite daessi traite ; V
1776, in-4° ; — Arislidis Oralio adversus
tinem, Libanii Declamatio pro Soçrate,
toxeni Rhytmicorum Elementorum
menta, nunc primum édita, cum anno
nibus; Venise, 1785, in-12; — Biblio\t&
Maphsci Pinelli descripta et annotàtio, un
illustrata; Venise, 1787, 6 vol. in-8° m«
vrage important pour la connaissance des in \%s
blés ; — Gatalogo di libri latini raccolt loft
bali Farsetti; Venise, 1788, in-12 : cet < «3
cule avait été précédé de trois autres , tr jn§
de diverses parties de la bibliothèque de iri
setti; — Vita di J. Sansovino da Vasari r*
retta e continuata; Venise, 1789, in-4°; - W
toria Viniziana di P. Bembo, da lui volg $»
zata, per la prima volta secondo Vorig ife
publicata; Venise, 1790, 2 vol. in-4° ri
Andreee Gritti, principis Venetiarum, 1 m
N. Barbadico autore ; Venise, 1752, in-41 14I
Componimenti poetici latini e volg ai m
varii autori de' passati tempi in Iode d $
nezia; Venise, 1792, in-4°; — Monument U|
principio della Stampa m Venezia , Ve fa
1793, in-4°; dans cet opuscule l'auteur co r|
l'opinion commune sur la date de l'impre »b|
du fameux : Décor Puellarum; — M*m
menti Veneziani di varia letteratura ; Vf te
1796, in-4°; — Délie Guerre dei Vene:)k
nelV Asia dalV anno 1470 nel 1474, Zi&?'tB
di Cor. Cippico, riprodotti con illustrazi ■
Venise, 1796, in-4° ; — Dionis Cassii H M
riarum Romanarum Fragmenta, nunc m,
mum édita ; Bassano, 1798, et Paris, 1800,ir I
— Le Rimedi Petrarca con illustrazioni M
dite di Lod. Beccadelli ; Vérone, 1799, 2 l.
in-16;— Notizia d'opere di disegno, r, a
prima meta del secolo XVI existenti in k
dova, Cremona, Milano, Pavia, Berga\r
Crema e Venezia scritla da un anonmas
quel tempo, con copiose annotazioni ; H
sano, 1800, in-8°; —Bibliolheca manuscrm
Grseca et Latina ; Bassano, 1802, in-8°; l'àu ut
a légué à la bibliothèque de Saint-Marc un e* h
plaire de cet ouvrage où se trouvent joiw
beaucoup de nouvelles recherches sur les ma h
crits de cette bibliothèque, sujet principal d a
livre; — Dissertazione intorno ad altii
vïaijgiatori eruditi Veneziani poco noti; I
nise, 1803, in-4°;— Aldi PU Manutii ScrM
tria longe rarissima, annotationibus il\A
trata : l'auteur, qui s'était beaucoup occupé»
Aide, fournit plusieurs renseignements préc fc
à Brandobre et à Renouard pour leurs ouvrages F
ces célèbres imprimeurs ; — Stanze del Scia p
sopra la Rabbia di Macone, testodi ling\j,
Bassano, 1806, in-8° ; excellente édition ;p
Stanze inédite di Ant. de Pazzi in bias.i
541 MORELLI -
délie donne e di T. Tasso in Iode di esse ;
Venise, 1810, in-8° ; — Lettera rarissima di
Cristqforo Colombo, scritta délia Giammaica
alli re e regina di Spagna inlorno li suoi
viaggi ; Bassano, 1810, in-8°; — Opuscoli di
(n. Liruti,vescovodi Verona,inediti; Vérone,
1810, in-8° ; — Epistolœ septem varias erudi-
ionis; Padoue, 1819, in-8" ; — plusieurs sa-
vants mémoires dans le recueil de l'Institut lom-
«rdo-vénitien, dans le Magasin encyclopédique,
fans le Saggio sopra la Tipogra/ia del Friuli
le Bartolini, dans le Mercurio Italiano de
tienne, etc. — La plus grande partie des opus-
ules de Morelli ont été réunis en trois volumes
i-8°, sous le titre d'Opérette, Venise, 1820; en
5te se trouve une biographie de l'auteur par
loschini, "ainsi qu'une centaine de lettres adres-
ses par Morelli à divers savants. E. G.
Zendrini, Efogio di Morelli (Milan, 1821, reproduit
;iis la Galleria dei Letterati ed artisti illustri délie pro-
mue Feneziane neî secolo Xf-'III; Venise, 1822-1824,
,_8°). _ Albrizzi, Hitratti. — Tipaldo, Biogrofla degli
al. illiist., t. II.
morelly, écrivain politique et socialiste, vi-
nt au dix-huitième siècle. Ses ouvrages ont ac-
iis une certaine notoriété, mais sa vie est restée
connue. La France Littéraire de 1769 le fait
litre à Vitry-le-François. Il était, dit-on, régent
i précepteur dans cette ville. On n'a point
autres détails sur son existence, qui s'écoula
s l'obscurité et la méditation. La France Lil-
raire de 1769 et la Biographie universelle
irès elle distinguent deux Morelly, le père et le
s. Barbier n'admet pas cette distinction, et, se
idant sur le témoignage de Mdrelly lui-même,
rapporte à un seul auteur les ouvrages que La
rance Littéraire et la Biographie universelle
irtagent entre le père et le fils. Ces ouvrages
uit : Essai sur l'esprit humain; Paris, 1745,
^12 ; — Essai sur le cteur humain ; Paris,
!45, in-12 ; — Physique de la beauté, ou pou-
tir naturel dé ses charmes ; Amsterdam ,
48, in-12 ; — Le Prince les délices du cœur,
i fraité des qualités d'un grand roi, et sys-
!wie d'un sage gouvernement; Amsterdam,
* '51, 2 vol. in-12. Dans cet ouvrage Morelly a
* mné une première esquisse de sa doctrine d'un
" lef*de nation réalisant le bonheur de ses su-
i'|l s au moyen d'institutions sociales qui se rap-
11 ochent beaucoup au communisme; il déve-
«' )pa cette doctrine dans une sorte de poëme en
li'! ose qu'il donna pour une traduction de l'indien,
I' as ce titre : Naufrage des îles flottantes, ou
!'!' ' Basiliade, poëme héroïque en XIV chants,
iduit de l'indien par MM*** ; Messine (Pa-
".), 1753, 3 vol. in-12; ces Iles flottantes ce
'it les préjugés qui s'opposent au bonbeur des
[trimes; cette Basiliade c'est le gouvernement
n roi philosophe qui ramène ses sujets aux
de la nature. Le poëme allégorique de Mo-
ly était littérairement fort médiocre, et il con-
ait des principes politiques et moraux de na-
e à soulever les plus graves objections. Ces
MORELLY
512
objections se produisirent en effet, et Morelly
y répondit par ;un traité en forme, où les fantai-
sies poétiques de la Basiliade sont transformées
en un corps de doctrines assez fortement en-
chaînées. Cet ouvrage est intitulé : Le Code de
la Nature, ou le véritable esprit de ses lois',
de tout temps négligé ou méconnu, avec cette
épigraphe : Queeque diu laluere canam
(Ovide). Partoutchezle vrai sage, 1755, in-12;
1760, in-12 : en voici le résumé, que nous em-
pruntons à un éditeur de Morelly, M. Villegar-
delle. « Maintenir l'unité indivisible du fonds et
de la demeure commune; établir l'usage com-
mun des instruments de travail et de production ;
rendre l'éducation également accessible à tous ;
distribuer les travaux selon les forces, lés pro-
duits selon les besoins; conserver autour de la
cité un terrain suffisant pour nourrir les familles
qui l'habitent ; réunir mille personnes au moins ,
afin que, chacun travaillant selon ses forces et
ses facultés, consommant selon ses besoins et
ses goûts, il s'établisse sur un nombre suffisant
d'individus une moyenne de consommation qui
ne dépasse pas les ressources communes, et une
résultante de travail qui les rende toujours assez
abondantes; n'accorder d'autre privilège au ta-
lent que celui de diriger les travaux dans l'intérêt
commun, et ne pas tenir compte, dans la répar-
tition, de la capacité, mais seulement des be-
soins qui préexistent à toute capacité et iui
survivent; ne pas admettre les récompenses pé-
cuniaires : 1° parce que le capital est un instru-
ment de travail qui doit rester entièrement dis-
ponible aux mains de l'administration ; 2° parce
que toute rétribution en argent est ou inutile ou
nuisible: inutile, dans le cas où le travail, libre-
ment choisi , rendrait la variété et l'abondance
des produits plus étendues que nos besoins;
nuisible, dans le cas où la vocation et le. goût
ne feraient pas remplir toutes les fonctions utiles;
car ce serait donner aux individus un moyen de
ne pas payer la dette de travail et de s'exempter
des devoirs de la société sans renoncer aux droits
qu'elle assure. » Il est remarquable que ces idées,
qui devançaient les doctrines les plus hardie*
du socialisme contemporain, se produisirent au
moment où l'économie politique établissait les
véritables lois de la richesse des nations. Morelly
a montré un certain talent d'exposition, et il fait
bien ressortir quelques éléments de la prospérité
publique; son système dans l'ensemble était sé-
duisant avant que l'expérience en eût démontré
les dangers; l'auteur lui-même n'en avait pas
aperçu toute la portée. Son Code de la Nature
est à la fois la dernière de ces pacifiques utopies
qui depuis la République de Platon jusqu'au
Télèphe de Pechmeja avaient proposé aux
hommes un idéal de bonheur, sans application
immédiate possible, et la première de ces uto-
pies, plus périlleuses, qui se sont produites dans
la révolution française avec la prétention de pas-
ser immédiatement de la théorie à la pratique*
543
MORELLY — MORÉLOS
Le Code de la Nature, ouvrage d'un rêveur
quelquefois sérieux et d'un réformateur souvent
très-hardi, fut attribué à Diderot et imprimé dans
l'édition de ses Œuvres; Amsterdam, 1773,
5 vol. in-8°. La Harpe a pris à ce sujet Diderot
à partie d'une manière violente dans une leçon
de son Lycée; sa longue réfutation s'est trompée
d'adresse; elle est d'ailleurs aussi superficielle
que verbeuse. Morelly fut l'éditeur des Lettres
4e Louis XIV aux princes de V Europe, à ses
généraux et ses ministres, de 1661 à 1678;
Paris et Francfort, 1755, 2 vol. in- 12. Une nou-
velle édition du Code de la Nature a été publiée
par F. Villegardelle, sous ce titre : Code de la
Nature, augmenté de fragments importants
de la Basiliade, avec l'analyse raisonnes du
système social de Morelly ; Paris, 1841,in-i2.
L. J.
France Littéraire de 1769. — Barbier, Dictionnaire
des Anonymes. — Villegardelle , Notice en tftte de l'édàt.,
du Code de la Nature.
morelos (Dom Jose-Maria ), prêtre et géné-
ral espagnol, l'un des premiers libérateurs du
Mexique,né en 1 780,à Apatzingan (province de Val-
ladolid.dansleNouveau.-Mexique), fusillé à Mexico,
le 22 décembre 1815. Fils d'un menuisier, il fut
d'abord destiné à l'état ecclésiastique; mais il pré-
féra la carrière militaire, et devint sergent d'artil-
lerie. On ne sait par quel motif, reprenant sa pre-
mière vocation, il se nt ordonner prêtre et ac-
cepta la cure d'Acapulco. Lorsque le célèbre curé
Miguel Hidalgo ( voy. ce nom ) leva ( 10 septem-
bre 1810 ) l'étendard de l'indépendance, le curé
Morelos fut un des premiers à s'y rallier, et,
après la mort tragique d'Hidalgo , échappé au
massacre d'Acatila de Bajan (21 mars 1811) avec
don Julian Villagran et l'avocat Ignacio Royon,
il resta l'un des principaux chefs des libéraux.
Ses compagnons et lui parcoururent les provin-
ces de Guanaxuota, de Valladolid , de Guada-
laxara, du Zacatécas, de la Puebla, de La Vera-
Cruz , de Mexico, de San Luiz-de-Potosi , et,
avec l'aide du prêtre Coss, du général don
Jose-Maria Liceaga, du colonel Lopez, de
O. Osourno, du curé Verdusco, et de don Gua-
dalupe Vittoria, ils constituèrent une junte à
Zitaquaro. Don Rayon en fut élu président. Mo-
relos reçut le commandement d'un corps de sept
mille hommes, destiné à propager l'insurrection
dans la Tierra caliente (Terre chaude), qui s'é-
tend sur le rivage de l'Océan pacifique, dans la par-
tie occidentale du Mexique. 11 s'empara de la ville
d'Oaxaca, où il fit un butin de trois millions de
gourdes de piastres (15,000,000 de fr.) et de celle
d'Acapulco, après un siège de quinze mois. L'an-
née suivante, Morelos, devenu principal chef mi-
litaire des indépendants, convoqua un congrès à
Apatzingan, pour aviser à la formation d'un gou-
vernement régulier. Ce congrès, composé de qua-
rante membres élus dans les diverses provinces
émancipées, reconnut, malgré l'opposition de
Morelos, Ferdinand VII comme souverain du
Mexique; il promulgua un programme de con k
tution et adressa un manifeste aux États élrarç j
pour expliquer les motifs qui avaient fait pr .
dre les armes aux Mexicains. Morelos battit t
plusieurs reprises , les troupes espagnoles ( L
tamment à Tixtla, le 19 août 1811, où l'an ■
royale, sous les ordres de Fuentès, complétén t
défaite, perdit son artillerie et ses bagages ; 1
prit ensuite les villes d'Izucar, de Huexa j
et de Real-de-Tasco. Après soixante-cinq j( I
de siège et une sortie malheureuse ( 27 al
1812 ), Morelos fut obligé d'évacuer .la prem I
de ces villes ( 2 mai ) ; quatre mille habitan ■
furent massacrés par les Espagnols. II ne I
tenir non plus dans Cuacitla; mais, par une I
nœuvre hardie, il s'empara successivement de I
lapa, de Téhuacanet d'Orizaba,où il fit unb 9
de 12,000,000 de dollars ( 65,040,000 fr. H
reprit aussi les villes importantes d'Antequei t
d'Acapulco. Le 6 novembre 1813, le con I
assemblé à Chilpantzinco, sous la protectio m
l'armée de Morelos, proclama de nouveau ■
dépendance du Mexique et publia une cous* m
tion républicaine, qui fut reconnue jusqu'au ( I
temala. Le 23 décembre 1813 Morelos attaqu; I
Espagnols qui s'étaient rendus maîtres de Vi I
dolid ; mais, quoique soutenu par ses habiles ! I
tenants Bravo et Matamoros, il fut repoussé I
une perte considérable, perdit toute sonartill i,
et dut se replier sur Puruaran. Poursuivi san I
lâche par le fameux Iturbide (depuis empen I
alors colonel au service de l'Espagne, Morelo it
encore défait de la manière la plus complète I
hacienda de Puruaran / nuit du 7 janvier 18 m
Ses troupes s'entre-fusillèrent dans l'obscuri ît
Matamoros tomba aux mains des royalisB
pour sauver son ami, Morelos mit tout en œi m
une importante rançon ayant été refusée, H
frit en échange cinq cents officiers ou solda' ;il
régiment des Asturies (des meilleurs d'Espa»
qu'il tenait prisonniers à Acapulco depu la
victoire de Palmar ( 18 octobre 1813). Le S.
roi Calleja ne voulut entendre à rien ; Mat >
ros fut fusillé ainsi que sept cents de ses coi ïm
gnons ; Morelos usa aussitôt de représaillei et
la guerre prit un caractère d'extermination W
exemple. Au mois d'octobre 1815, le gé. m
français Jean-Joseph-Amable Humbert( vo
nom ) et don J.-M.-A. Toledo débarquera
Texas avec quelques centaines de volontair
des munitions de tous genres; ils s'avanc'
jusqu'au Puente-del-Rey, situé entre Xalapa
Vera-Cruz. Morelos se mit en route pou
joindre; mais, attaqué à Acatama, il fut bat
se sauva avec un corps de cavalerie à Tepfpf
cuilco.où il fut pris par les royalistes,le 5 nove M
(8tr>. Envoyé à Mexico, il fut livré à l'inquisi K
qui le déclara hérétique, le dégrada des oi pS
sacrés, puis le remit aux autorités milite |s»
Son procès, dirigé par l'oïdor Bataller, ur
plus cruels membres de l'audience, se ter M
rapidement par une condamnation à morW
MORELOS — MORELY
546
g étal Concha fut chargé de faire exécuter le
îjonnier, qui communia et se rendit d'un pas
fj ie derrière l'hôpital San-Christoval, lieu du
s ilice : « Seigneur, s'écria-til, si j'ai bien fait,
tf • sais, et tu m'en récompenseras ; si j'ai mal
f, je recommande mon âme à ta miséricorde
ii lie. » Après cet appel au juge suprême, il se
1) la les yeux , et reçut la mort avec le calme
I n avait admiré chez lui tant de fois sur les
I nps de bataille. Alfred de Lacaze.
II ilnson, Memoirs, en. I. — Resumen historico de la
h Tecion de Nueva-Espafla,elc. (Mexico, 1821), p. 32.
■ on José Guerra, Historia de la Revoluclon de la
A a-Espaiia, etc. ( London, 1813, 2 vol. ln-8°). — Biis-
I Ole, Cuadro historico de la Revoluclon de Mexico.
I : Renaudlère, Mexique, dans l'Univers pittoresque,
1 3'172'
■ orelot (Simon), chimiste français, né
1751, à Beaune, mort le 18 novembre 1809,
rone (Espagne). Étant venu à Paris, il se
avec ardeur aux travaux pharmaceutiques
mimiques , et obtint au concours une chaire
cole de Pharmacie. Pendant la révolution il
inspecteur des officines centrales et spé-
\>$ du département de la Seine. Ayant passé
le service de santé, il prit part aux cam-
es du Rhin , atteignit rapidement le grade
pharmacien principal, et se fit recevoir 'en
docteur en médecine à Leipzig. Il était cor-
ondant de la Société médicale d'Émulation.
i de lui : Cours élémentaire d'histoire na-
lie pharmaceutique ; Paris, 1800, 2 vol.
K, pi. ; — Cours de Pharmacie chimique,
\anuel du pharmacien chimiste; Paris,
™ , 3 vol. in- 8°; 2e édit., augmentée par Mé-
181i , 3 vol. in-8° ; — Histoire naturelle
iiquée à la chimie, aux arts, aux dif/é-
'.s genres d'industrie et aux besoins per-
tels de la vie; Paris, 1809, 2 vol. in-8°. Il
Kïsi donné une édition du Dictionnaire gé-
l des Drogues simples et composées de
.émery (Paris, 1807, 2 vol. in -8°, fig.). K.
igraph. univ. et portât, des Conlemp.
orely ou morelly (Jean- Baptiste), en
Morelius, théologien protestant français, né
f 510, à Paris, mort probablement à Londres,
Ifin du seizième siècle. Il s'est rendu célèbre
fP| ses tentatives pour ramener l'Église à l'or-
Bsation démocratique qu'elle avait aux temps
ptoliques. Reprenant en sous-œuvre le livre
l^rième de l'Institution chrétienne de Cal-
•i il composa un ouvrage sur la discipline ec-
#1 astique,; dans lequel il voulait établir qu'il
Ift'ient d'accorder au peuple ce que le réfor-
fcîur genevois donnait au consistoire , c'est-à-
«\, la décision de toutes les questions impor-
ta îs concernant la doctrine, les mœurs, l'élec-
rtit des pasteurs, etc. Les preuves sur lesquelles
al; puie sa théorie sont d'abord des déclarations
Cesses de l'Écriture Sainte, et en second lieu
"' ge de la primitive Église. Morely soumit son
niuscrit à Calvin. Celui-ci, qui n'aimait pas la
Wradiction, le lui renvoya, en lui annonçant
*iOUV. BIOGR. CÉNÉR. — T. XXXVI.
qu'il n'avait pas le temps de lire un ouvrage
aussi considérable sur un sujet qui était d'ailleurs
décidé par la parole de Dieu. Morely le fit alors
imprimer sous ce titre : Traiclé de la Disci-
pline et police chrestienne; Lyon, 1561,in-4°.
La modération qui règne dans cet écrit, la force
des raisonnements , la clarté de l'exposition ne
purent lui faire trouver grâce devant les églises
calvinistes. En 1562, le synode national tenu à
Orléans condamna cet ouvrage, que Morely était
venu lui présenter. Cette condamnation parut
étrange à un grand nombre de réformés ; Sou-
bise, entre autres, s'en expliqua vivement avec
Théod. de Bèze, qui parvint à le calmer. Mo-
rely se retira alors à Tours, où il rencontra un
ardent adversaire dans le pasteur Saint-Germain,
et bientôt à Genève , où il arriva en novembre
1562. Peu de temps après , il fut cité à compa-
raître devant le consistoire pour avoir à se ré-
tracter. Il refusa d'obéir, mais il offrit de se
soumettre au jugement de Farel, de Viret et de
Calvin. Ce dernier ne voulut pas accepter le rôle
d'arbitre, en déclarant qu'il ne pouvait se mettre
au-dessus du synode qui avait condamné le
Traicté de la Discipline. Morely demanda alors
la permission de se défendre par écrit ; le con-
sistoire la lui refusa , et le traitant en hérétique
obstiné, il l'excommunia le 31 août 1563. Son
livre , déféré au conseil , fut condamné au feu ,
le 16 septembre, et défense fut faite «. à tous
libraires d'en tenir ni exposer en vente, à tous
citoyens, bourgeois et habitants de Genève d'en
acheter ni avoir, pour lire », avec ordre « à
tous ceux qui en auraient de les apporter et à
ceux qui sauraient où il y en a de le révéler dans
vingt-quatre heures , sous peine d'être rigou-
reusement punis ». Morely avait quitté Genève
en 1563; mais les passions cléricales ne ces-
sèrent pas de le poursuivre. En 1566 il était pré-
cepteur du fils de Jeanne d'Albret; le consis-
toire de Genève n'eut pas de repos qu'il ne l'eût
fait renvoyer de cette maison. Les synodes na-
tionaux de Paris (1565) et de Nîmes (1572) con-
damnèrent à leur tour son Traicté de la Disci-
pline ainsi que sa Réponse à une apologie de
la discipline calviniste attribuée à Chandieu par
A 4 Barbier et à Viret par M. Yauçher. D'un
autre côté, un grand nombre de personnages
considérables, plusieurs églises du Languedoc,
celle de Sens , celle de Meaux, etc. approuvaient
et partageaient ses opinions sur l'organisation de
l'Église et demandaient avec lui que le peuple
fût appelé à voter dans les élections des anciens,
des pasteurs, etc. Plus tard, Ramus reprit cette
thèse, et la soutint vivement. Rien ne put vaincre
la résistance des ministres. On perd toute trace
de Morely depuis 1572, à moins qu'on n'admette
avec Pr. Marchand et La France Protestante
qu'il passa en Angleterre. Dans ce cas, on pour-
rait, comme on le fait d'ordinaire, lui attribuer
De Ecclesiaab antichristo per ejus excidium
liberanda; Londres, 1589, in-8°, dédié à la-
18
1
54 7 MORELY —
reine Elisabeth , et trad. en allemand ; et Verbo-
rum latinorum cum grsecis anglicisque con-
junctorum locupletissimi Commentant ; 1583,
in-fol. 11 est toutefois difficile de croire qu'a-
près avoir fait dans son Traicté de la Discipline
une critique amère de l'organisation de l'Église
anglaise, un homme aussi entier dans ses opi-
nions se fût décidé à chercher un refuge en
Angleterre et à dédier un livre à la reine Elisa-
beth. On est arrêté par une autre difficulté. Est-il
probable que Morely, qui, dans la dédicace de
son Traicté en 1561, se plaint de ses infirmités,
ait été, trente- trois ans après, assez vigoureux
pour composer le De Ecclesia ab antichristo
liber anda.
Il n'est pas mutile d'ajouter que Niceron et
Teissier se sont trompés en le confondant avec
Jean Morel, qui, après avoir travaillé dans une
imprimerie, s'attacha à Chandieu, et en lui
donnant pour frère G. Morel, successeur de Tur-
nèbe à l'Imprimerie royale. Michel Nicolas.
Du Verdieret ta Croix du Maine, Bibl. — Bayle, Dict.—
Pr. Marchand, Dict. — Nicerou, Mémoires, t. XXXVI.
— J.-J. Rousseau, Lettres de la Montagne. — MM. Haag,
La France Protestante.
moeienâ (Ottone), historien italien, né à
Lodi , dans le douzième siècle. Docteur in utro-
que jure , il fut avocat et juge dans sa patrie ,
puis commissaire impérial sons Lothaire II et
Conrad III. Ses deux fils, Manjredo et Acerbo,
s'attachèrent à la fortune de l'empereur Frédé-
ric Barberousse, et continuèrent tous deux la
chronique locale qu'il avait commencée. Felïce
Osio la publia,- et l'éclaircit par des notes ( His-
toria Rerum Lodensium tempore Federici
Mnobarbi, cxsaris ; Venise, 1639, in-4°); elle
fut encore insérée dans le Thésaurus Ântiq.
Italiai de Gronovius et dans le recueil de la
Société palatine de Milan. P.
Tiraboschr, Storia delta Letter. Italiana.
morenas (François), publiciste français,
né en 1702, à Avignon, mort en 1774, à Mo-
naco. D'abord soldat, puis cordelier, il obtint la
dissolution de ses vœux, et fonda, en janvier
1733, dans sa ville natale, Le Courrier d'Avi-
gnon , journal à la fois historique, politique, lit-
téraire, gaiant et moral. Il cessa d'y travailler
en 1742, et choisit pour le rédiger l'abbé La-
baume, puis l'abbé Outhier; cette gazette, à
peine remarquée jusqu'alors, jouit d'une certaine
vogue grâce à ce dernier écrivain , qui avait, en
dépit d'un styie déclamatoire, de l'imagination et
quelquefois des saillies. Quant à Morenas , c'était
un littérateur médiocre, dépourvu d'esprit et d'a-
grément. Son journal ayant été supprimé lors de
l'occupation du comtat Venaissin par les troupes
françaises (1768), il s'établit à Monaco, où il
continua de le publier sous le titre de Courrier de
Monaco, depuis le 1er janvier 1771. Nous cite-
rons de lui : Entretiens historiques sur les
affaires présentes de V Europe; La Haye (Avi-
gnon et Arles). 1743-1748, 18 vol. in-8°, écrit
périodique, qui paraissait trois fois par an; —
MORENAS 5
Le Solitaire ; Arles, 1745, in-12; — Histoire
ce qui s'est passé en Provence depuis Ve
trée des Allemands jusqu'à leur retrait
Avignon, 1747, in-12; — Abrégé de l'Histo
Ecclésiastique de Fleary; ibid., 1750 et at
suiv., 10 vol- in-12 ; les derniers volumes neft
honneur ni à son exactitude ni à son impart
lité; — Dissertation sur le Commercé;
Haye (Paris), 1756, in-12, trad. de l'italien
Belloni ; — Abrégé du Dictionnaire des cas
conscience de Pontas; Avignon, 1758, 3v
in-8° ; travail assez estimé, qui fut contrefail
Lyon, et que Collet s'appropria ensuite ; — B
tionnaire de la Géographie ancienne et m
derne; Paris, 1759, in-8°; — Dictionna.
portatif contenant la Géographie , l'hlsto
universelle, la chronologie, etc.; Avignc
1760-1762, 8 vol. in-8°; — Précis du résuh
des conférences ecclésiastiques d'Angers ;roi<
1764, 4 vol. in-12; — Lettres sur la réuni
ducomté Venaissin; ibid., 1768-1769, in-8n.
Barjavel, Biogr. de Vaucluse, II.
morenas ( Joseph - Elzéar ) , orientali
français , né en mars 1778, à Saint-Cristol, p
Carpentras, mort le 26 septembre 1830/
Mouri (Mingrélie). Quoiqu'il eût montré
goût pour la botanique , on lui fit appren*
l'état d'orfèvre; mais en 1803 il vint à Paris,
consentit à suivre dans l'Inde le général 1
caen. Il y resta près de dix années ; à son
tour (1812), il était peut-être le seul Français
possédât à fond l'hindoustani. Aussi contrih
t-i! beaucoup à rectifier l'opinion de Langlès
sujet d'une langue alors peu connue. Attaché
qualité d'agriculteur botaniste à la commiss
d'exploration du Sénégal (181'8), Morenas neré
sit pas à introduire dans ce pays sablonneu>
embrasé les cultures elles méthodes d'Europe
revint au bout de quelques mois, dénonça 1
rageusement aux chambres le despotisme
colons et les progrès de la traite des nègres.
perdit aussitôt sa place. En 1820, il fit un voy
à Haïti, et y fut accueilli avec beaucoup d'aï
tié par le président Boyer. Après avoir fait
cepter au tzar Nicolas , par l'intermédiaire
général Jomini, un projet d'exploitation agrk
pour les provinces du Caucase, il quitta
France en 1829, parcourut la Mingrélie et la Gé
gie, et revenait de Tiflis lorsqu'il succombe
une lièvre endémique. En considération des s
vices qu'il avait rendus, une pension de 1,!
roubles fut accordée à sa sœur. On a de Mo
nas : Notice des ouvrages imprimés et man
crits de l'abbé Rive; Paris, 1817, in-8°; il et
par sa mère, neveu de ce bibliographe, qui
avait légué tous ses papiers ; — Des Castes i
l'Inde, ou lettres sur les Hindcnis; Paris, 18
in-8°; on y trouve des observations critiq
sur la traduction du Votjage de Tone de Lan?}
— Projet d'une exploitation agricole pour
traduire en France les végétaux étrange;*
Paris, 1822, in-8<>; il proposait de naturali
I) MORF.NAS
ns le midi de la France le mûrier en prairies,
illico, le calîer, le coton jaune de Siam, le pisla-
ierd'Alep, le chanvre du Bengale, l'arbre à
é, etc.; — Pétition contre, la traite des
irsquisefaitauSén égal; Paris, 1820, in-8°,
ivie des Observations ; même année ; — Pré-
historique de la Traite des Noirs et de
sclavage colonial; Paris, 1828, in-8°, avec
portraits de Dîssette, Fabien et Volny. Mo-
îas avait publié en 1826 un prospectus d'un
tionnaire hindoustani qui devait être précédé
me grammaire et d'un recueil d'étymologies
liennes; il en légua le manuscrit, en même
:ips que tous ses papiers, au gouvernement
186. K.
arjavel, Biogr. de Vaucluse, II.
HOREXCY (Suzanne Gikoux, dame Quillet,
>MmenE), femme auteur française, née vers
|'2, à Paris. D'une famille de riches négociants,
li tût élevée dans un couvent de religieuses
I ulines, et épousa, à peine âgée de seize ans,
[avocat de Soissons, nommé Quillet. En 1791
| le quitta pour suivre à Paris un autre avocat,
lidevint ministre, Nicolas Quinette, et qui alors
I ait d'être élu député à l'Assemblée législative.
I« adressa à la Convention une pétition ten-
I ta faire décréter le divorce. « Mille femmes
E la même sollicitation à vous faire, écrivait -
L, la timidité les arrête; moi je la brave par
IfiOgnito que je garde dans ce moment. » Cette
Ice curieuse , qui parut dans le journal de
< ra, était signée seulement : « Une amie zélée
[la liberté. » Abandonnée de Quinette, elle
I en Belgique , et y fut la maîtresse du géné-
î Oiion; elle y connut aussi Dumouriez.
E galanteries ne l'enrichissaient pas, quoi-
jUlle fût dans tout l'éclat de sa beauté. De re-
^rà Paris, elle prit le nom de Morency, et fut
\igée de travailler de ses mains pour vivre,
«âgée dans une liaison des plus tendres avec
Jault de Séchelles, elle fut arrêtée en même
([ips que lui et conduite à la prison des Att-
ises. « Son écrou,dit M. Monselet, portait
i l'on avait saisi chez elle une liste de conspi-
ijînrs de tous les ordres. Méprise singulière!
<j,.e liste n'était autre que celle de tous ses
îmts; un simple badinage allait coûter la vie
<j, 'être qu'elle aimait le mieux au monde. En
1 1, quelques jours après sa détention , mettant
1] isage à une petite lucarne qui donnait sur la
L elle entendit le crieur du journal du soiran-
is cer la mort de Fabre d'Églantine et d'Hérault de
Sdelles. Suzanne était seule et montée sur une
ijivaise table, elle tomba à la renverse et se
y-assa la tête. Trois mois s'écoulèrent sans
<j?He pût recouvrer la raison. » Bendue à la li-
tjté, elle entra dans un hôpital et y demeura
ijan. Les souffrances et la maladie avaient al-
V ses traits. « Il ne lui restait plus qu'un
P à prendre, c'était de se jeter dans la littéra-
le. «Le çenre facile des romans d'alors la sé-
' sit; avec ses souvenirs elle composa plusieurs
— MORENO
550
ouvrages «l'une physionomie baroque , écrits
dans un style sans nom, pétulant, obscur, sen-
timental, effronté. » Depuis 1806 elle disparut
tout à fait du monde littéraire. On a de Mmc de
Morency : Illyrine, ou l'écueil de l'inexpé-
rience.; Paris, an va (1799), 3 vol. in -8°, avec
le portr. de l'auteur; cet ouvrage est moins un
roman qu'une histoire scandaleuse écrite par
l'héroïne même qui en est l'objet; la plupart des
personnages qu'on y voit figurer sont très-connus
et leurs noms à peine déguisés; — Euphémie, ou .
les suites du siège de Lyon, roman historique;
Paris, an ix (1801), 4 vol. in- 12 fig.; — Rosa-
lina, ou les méprises de Vamour et de la na-
ture; Paris, an îx ( 1 801 ), 2 vol. in-12 fig.; — Usa,
ou leshermites du Mont-Blanc, faisant suite
à Illyrine et à Bosalina; Paris, an ix (1801),
in-12, fig.; — Orphana, oul'enfant du ha-
meau; Paris, an x (1802), 2 vol. in 12, fig.; —
Zéphira et Fidgella, ou les débutantes dans
le monde; Paris, 1806, 2 vol. in-12. P. L.
Pigorean, Petite Bibliogr. romancière. — Ch. Monse-
let, Les Oubliés et les Dédaignés, II.
moreno (José), peintre espagnol, né à Bur-
gos, en 1642, mort dans la même ville, en 1674.
Il se perfectionna dans la peinture à Madrid sous
les leçons de l'habile Francisco de Solis , qu'il
égala comme coloriste, qu'il surpassa comme
dessinateur. Son talent était tel que Charles II
crut devoir l'attacher à sa cour. D'un tempé-
rament maladif, Moreno mourut à trente-deux
ans, d'une affection de la poitrine. Sa courte vie
mi a cependant laissé le temps d'acquérir un
rang honorable dans la peinture. Il a mérité le
surnom de peintre de Vierges, parce qu'en ef-
fet ses œuvres représentent particulièrement de
belles madones, des Annonciations , des Con-
ceptions, des Assomptions, etc. Ses tableaux
sont gracieux, bien arrangés; le sujet principal
y est compris et exécuté avec sentiment. Le
musée de Madrid et les palais royaux de l'Es-
pagne les possèdent presque tous. A. de L.
Cean Bermudez, Diccionario historico de las Bellas
Artes en Espatla.— Don José Mussoy-Valiente, Coleccion
de Cuadros que se conservan en realex palacios ( Ma-
drid, 1626). — Mariano-Lopez Aguado, El real Museo
(Madrid, 1835).
moreno (Don Juan), amiral espagnol, né
à Cadix, en 1743-, mort en 1817. De grade en
grade il parvint, après s'être signalé dans maints
combats, à être nommé lieutenant général de
marine (1795), et fut choisi en 1800 pour com-
mander une flotte ibéro-française , destinée à
chasser les Anglais de la Méditerranée. Les contre-
amiraux Dumanoir et Linois devaient le rallier
avec un certain nombre de bâtiments français et
servir sous ses ordres. Les Anglais envoyèrent
aussitôt une escadre sous les ordres de sir James
Saumarez, afin d'empêcher cette jonction. Le
4 juillet, Linois attaqué sous Alge.siras par des
forces supérieures , battit complètement les An-
glais, auxquels il prit même le vaisseau Han-
nibal. Il attendit impatiemment, en se réparant,
18.
551
MORENO — MORÉRI
5,
l'arrivée de doo Juan Moreno, à qui la défaite
de sir Saurnarez avait ouvert' la mer. Ses re-
montrances arriéres et les sollicitations éner-
giques de Dumanoir déterminèrent enfin l'amiral
espagnol à rallier, avec cinq vaisseaux, trois
frégates et un brick, les divisions françaises d'Al-
gesiras. Mais Saurnarez avait mis le temps à
profit; sa flotte, réparée à Gibraltar et grossie de
plusieurs bâtiments appelés de Malte ou arrivés
d'Angleterre, ne tarda pas à présenter le combat
aux alliés, le 9 juillet. Juan Moreno l'accepta,
malgré les conseils de Linois. Saurnarez, repoussé
toute la journée devant le cap Caraero, ayant saisi
certains signaux, profita du vent et de la nuit pour
attaquer l'arrière-garde espagnole ; il lança le vais-
seau Superb, qui, passant entre El Real Carlos
et V Ermenigilda, lâcha ses bordées de tribord,
puis de bâbord, dès qu'il se trouva par le travers
de ces deux trois ponts, et continuant sa route
disparut dans la nuit. Les navires espagnols,
surpris par cette attaque subite , et n'ayant pu
reconnaître le passage rapide du vaisseau an-
glais, engagèrent entre eux une canonnade que
leur rapprochement rendait désastreuse. Pous-
sés l'un sur l'autre par un grain violent, il s'en
suivit un abordage, qui eût mis un ternie à cette
lutte fatale, si le feu ne s'était déclaré à bord du
Real Carlos avec une telle violence qu'il ne put
se dégager de V Ermenegilda, qui s'enflamma
aussitôt. Ils sautèrent tous deux, et trente-cinq
hommes sur deux mille quatre cents échappèrent
seulement à ce désastre. En même temps El
Saint- Antonio se rendait sous les volées du
Superb et du César. Tous les bâtiments espa-
gnols avaient souffert des canons ennemis et de
la tempête dans cette nuit désastreuse. Si don
Moreno s'était montré lent et inhabile dans ses
manœuvres, il se montra brave. Il rallia dès
le matin son escadre dispersée, et le vent d'est
lui apportant le bruit d'une violente canon-
nade, il fit route vers le feu. C'était le vaisseau
français Le Formidable , capitaine Troude, qui,
complètement démâté et avec un équipage insuf-
fisant (1), luttait contre trois vaisseaux et une
frégate anglaise. Troude avait déjà mis la plu-
part de ses adversaires hors de combat quand
l'approche de don Juan Moreno lui permit de
gagner Cadix. Don Juan Moreno fut rempïacé
dans son commandement par l'amiral Gravina.
Attaché quelque temps au ministère de la ma-
rine, il sollicita une retraite, justifiée par ses
longues années de service, et ne prit aucune part
aux troubles qui désolèrent sa patrie. Bour-
going le qualifie de « brave et respectable géné-
ral ». A. de L.
Van Tenae , Histoire générale de la Marine, t. IV,
p. 124-148. — Bourgoing, Tableau de V Espagne moderne
(Paris, 1807, 3 vol. in-8°), t. IV, p. 12t.
morÉri (Louis), éruditfrançais,né le 25mars
1643, à Bargemont (diocèse de Fréjus), mort
(11 Troude avait mi» ses cadres au complet avec des
marias choisis parmi les prisonniers anglais.
le 10 juillet 1680, à Paris. Son bisaïeul, José
Chatranet, natif de Dijon, s'était établi en Pi
vence sous Charles IX, et avait pris le nom
village de Moréri, dont sa femme lui avait a
porté en dot la seigneurie. Le jeune Louis étuc
les humanités à Draguignan, la rhétorique çh
les jésuites d'Aix , et la théologie à Lyon. Pe
dant son séjour dans celte dernière ville , il
paraître divers ouvrages, tombés dans l'oub
tels que Le Pays d'amour (1661); Les dot
Plaisirs de la Poésie, ou recueil de divers
pièces en vers (1666, in-12); Pratique de
Perfection chrétienne et religieuse (1667, 3 vi
in-8°), trad. de l'espagnol d'Alphonse Rodrigue
et Relations nouvelles du Levant, ou traiià
de lareligion, du gouvernement et des co
tûmes des Perses, des Arméniens et a
Gaures (1671, in-12), qui sont du P. Gabriel
Chinon. Après avoir reçu les ordres à Lyon ,
y prêcha pendant cinq ans avec beaucoup
succès. Ce fut alors qu'il conçut le dessein de coi
poser un dictionnaire historique, qui renfermât
qu'il y a de curieux dans l'histoire et dans
mythologie. Vers 1673 il devint aumônier
Gaillard de Longjumeau, évêque d'Apt, à qui
dédia la première édition de son grand trava
et le suivit en 1675 à Paris. Par l'intermédiai
de la sœur de ce prélat, il se fit connaître
M. de Pomponne, qui l'attira chez lui en 167
mais après la disgrâce de ce ministre il retour
complètement à ses études. L'excès du trav.
lui ayant causé une maladie de langueur, il
put recouvrer la santé, et mourut à l'âge de trenl
sept ans. Moréri avait de l'érudition , il connai
sait l'italien et l'espagnol , mais il manquait
goût et de jugement. Il a attaché son nom à i
ouvrage qui, après les modifications de touf
sortes qu'il a subies , ne peut plus être regar
comme sien. « C'est une ville nouvelle, bâl>
sur l'ancien plan, » disait Voltaire. Cet ouvrâr
même , il ne serait pas exact d'en faire le pr
mier de ce genre : on possédait celui de Juign
qui depuis 1644 avait été réimprimé une tre>
taine de fois. Bayle, qui s'était, comme on sa
proposé de suppléer aux lacunes de Moréri, j
geait ainsi son devancier. « J'entre dans lés se
timents d'Horace à l'égard de ceux qui noi
montrent le chemin. Les premiers auteurs d
dictionnaires ont bien fait des fautes ; mais i
ont mérité une gloire dont leurs successeurs i
doivent jamais les frustrer. Moréri a pris ui
grande peine, qui a servi de quelque chose à tout
monde et qui adonné des instructions suffisant
à beaucoup de gens. Elle a répandu la lumière dai
des lieux où d'autres livres ne l'auraient jama
portée, et qui n'ont pas besoin d'une connai
sance exacte des faits. » On a reproché à l'a
vrage de Moréri de contenir trop de généalogii
suspectes, d'articles insignifiants et de fautes <
langage, d'être défectueux dans la partie gé<
graphique et de mêler mat à propos la mythi
logie à l'histoire. Quoi qu'il en soit, il obtii
,3 MORÉRI
ndant un siècle une série d'éditions, sur les-
elles nous donnerons quelques détails. La lrc,
itulée Le grand Dictionnaire historique, ou
mélange curieux de L'histoire sacrée et
ofane, parut à Lyon, 1674, in-fol.; la 2« fut
^montée d'un volume par l'auteur ; la 6e(Ams-
dara, 169f, 4 tom. in-fol.) est du fameux Jean
Clerc, ministre protestant, et a servi de mo-
e aux quatre suivantes ; la IIe (Paris, 1704,
roi. in-fot. ) , a été donnée par Vaultier et
vie de Remarques critiques (Paris, 1706,
12); la 13" (Paris, 1712, 5 vol. in-fol. ),à la-
îlle Du Pin a eu une large part, a reparu
>c un supplément considérable de Bernard
îs la t4e ( Amsterdam, 1717, 6 vol. in-fol. ) ; la
(Paris, 1718, 5 vol. in-fol. ) a donné lieu à
nombreuses critiques; la 16e (Paris, 1724,
ol. in-fol.) a été soignée par La Barre et l'abbé
, Clerc. La meilleure édition de cet ouvrage
la 20e etdernière( Paris, 1759, 10 vol. in-fol.);
; réunit les 3 vol. de supplément de l'abbé
ujet. Le grand nombre d'éditions qu'on a
es du Dictionnaire de Morérî prouve l'utilité
•cet important ouvrage ; on l'a imité dans plu-
irs pays étrangers, et il a été traduit en alle-
nd, en anglais, en espagnol et en italien. P. L.
«frcrl, Grand Dict. hist. ( édit. 1759). — Niceron, Mè-
res, XXV II.
horestel (Pierre), littérateur français, né
1575, à Tournus ( Bourgogne), mort le 7 sép-
are 1658. Curé de Saint-Nicolas-de-la-Taille,
s le pays de Caux, il se démit en 1651 pour
ndre possession d'un canonîcat au diocèse
ivreux. Il surveilla l'éducation de Charles de
raine, duc d'Elbeuf , et se distingua par une
jnaissance assez approfondie des langues
l'cque et latine. Dans sa dernière maladie, il
jmposa pour lui-même cinq épitaphes en hé-
pu, en grec, en latin et en français. Quelques-
; de ses écrits ont été longtemps recherchés ;
lus citerons : Philomusus , sive de triplici
mo Romanorum , mensibus eorumque par-
us, deque die civili et diversitate dierum
L V; Lyon, 1605, in-4°; — Alypius, sive de
scorum , Romanorum Feriis ; Lyon , 1 605 ,
4° : ce traité, ainsi que le précédent, a été
.iroduit dans le t. VIII des Antiq. Roman, de
œvius; — Les Secrets de nature, ou la
[rre de touche des poètes , contenant pres-
se tous les préceptes de la philosophie na-
'■elle; Rouen, 1607, 1652, in-12 ; —La Phi-
\ophie occulte des devanciers de Platon,
iihstote, etc. ; Paris, 1607, in-12; — Pompa
[alis; Paris, 1621, in-8°; — Arlis Kabba-
t'idv, sive sapientix divinœ, Academia ;Pa-
f, 1621, in-8°, et dans YUranoscopium de Go-
jnius; — Methodusad acquirendas omnes
lenlias; Rouen', 1632, in-8°; — Le Guidon
.5 Prélats et bouclier des pasteurs; Paris,
M, in-8° : ce livre fit beaucoup de bruit, et
^pression en fut suspendue par un arrêt du
iiement de Rouen; — Encyclopédie, sive ar-
— MORET
554
tificiosa Ratio et Via circularis ad Arlem
magnam Lullii; 1646, 1648, in-8°; — Le Sé-
jour délicieux; Rouen, 1648, in-8°. K.
Jacob, De Scriptor. Cabilonensibus, p. 133. — Haller-
vodtus, ISibliotU. curiosa, p. 315. — Papillon, Bibl. des
auteurs de bourgogne, II.
aioret (Antoine m Bourbon, comte de),
fils naturel de Henri IV , né à Fontainebleau ,
en janvier 1607, tué, selon les uns, le in sep-
tembre 1632, au combat de Castelnaudari , ou
selon d'autres, mort le 24 décembre 1691 ,
à l'ermitage des Gardelles , près le Coudray-
Macouard ( Anjou ). Sa mère fut Jacqueline
de Bueil, fille de Claude de Bueil, seigneur de
Courcillon , et nièce de Jean, sire de Bueil,
comte de Sancerre, grand échanson.de France.
Henri IV, son père, lui donna en 1608 des
lettres de légitimation, et le fit élever au châ-
teau de Pau, où Scipion Dupleix, depuis his-
toriographe de France, fut son premier précep-
teur. Ce fut, dit-on, pour lui former l'esprit qu'il
composa en sa faveur son Cours de Philoso-
phie. En 1618 le jeune prince entra au collège
de Clerrnont , que les jésuites venaient d'ouvrir
à Paris , et Jean de Lingendes, plus tard évêque
de Màcon , lui fut l'année suivante donné pour
précepteur. Louis XIII, qui le destinait à la car-
rière ecclésiastique, le pourvut successivement
des abbayes de Savigny , diocèse d'Avranches,
de Saint- Victor de Marseille, de Saint-Étienne
de Caen, et de Signy, au diocèse de Reims. Ces
riches bénéfices ne l'empêchèrent pas de se
jeter dans les intrigues de la cour, et dans les
cabales suscitées par Gaston de France, duc
d'Orléans, frère du roi, contre le cardinal de Ri-
chelieu. Une déclaration de Louis XIII, datée de
Dijon le 30 mai 1631, et une autre du 12 août
suivant le signalent comme l'un des principaux
auteurs des dangereux conseils donnés à
Gaston , et comme l'ayant emmené hors du
royaume. Le roi le déclara « atteint et convaincu
du crime de lèse-majesté et perturbateur du
j repos public » ; il ordonna en conséquence la
| saisie et confiscation de ses biens et la réunion
j du comté de Moret au domaine de la couronne,
| ce qui eut lieu par arrêt publié le 15 octobre
j 1631. Antoine, qui avait suivi en Lorraine et à
Bruxelles Gaston, aidé dans sa révolte par la
| maison d'Autriche, l'accompagna à sa rentrée
j en France lorsqu'il traversa le royaume à la
tête d'un corps de cavalerie, fort seulement de
! dix-huit cents hommes, pour rejoindre le duc de
! Montmorency, qu'Alphonse dElbène, évêque
j d'Albi, avait gagné au parti de ce prince. Gaston,
j maître d'Albi , que Je prélat lui avait livré, laissa
! dans cette place en août 1632 le comte de Moret
I avec cinq cents Polonais. Mais lorsque les maré-
\ chaux de La Force et Schomberg furent, chacun à
! la tête d'une armée, entrés dans le Haut Langue-
doc , pour s'y opposer à l'insurrection qui de-
venait chaque jour plus menaçante , le comte
! s'empressa d'abandonner Albi , et vint amener
! 555 MOPt
ses troupes à Gaston, dans le Lauragais. L'ar-
mée royale et celle des seigneurs mécontents se
rencontrèrent à un quart de lieue de Castetnau-
dari, et se trouvèrent séparées par le Fresquel.
Le duc de Montmorency, après avoir passé cette
rivière, prit la droite à la tète de deux cents ren-
tres, le comte de Moret se mit à l'aile gauche
avec un semblable escadron ; Gaston avec trois-
mille fantassins et autant de chevaux, occupait
le centre. Pendant une demi-heure environ, l'in-
fanterie des deux armées escarmoucha d'abord,
chacune de son poste, avec une vigueur peu or-
dinaire, et celle du duc d'Orléans inquiéta beau-
coup deux compagnies de mousquetaires rangées
en peloton à l'aile droite de l'armée royale,
commandée par Schomberg. Après cette escar-
mouche, Montmorency et Moret, résolus d atta-
quer avec leur cavalerie celle du maréchal,
s'avancent ensemble, puis disputent un instant
à qui aurait l'honneur de la première attaque.
Cette question d'étiquette devint fatale au comte
de Moret, qui, se voyant céder le pas par le duc,
se jette dans la mêlée sans attendre aucun ordre
et impatient de faire son premier coup de feu.
A peine a-t-il, à la tête d'une compagnie de ca-
rabiniers, tiré un coup de pistolet, qu'il tombe
frappé d'une mousquetade au travers du corps.
Les Polonais qui s'étaient avancés pour le sou-
tenir s'arrêtent aussitôt, et refusent de com-
battre, sous le prétexte qu'ils n'étaient dans l'ar-
mée que pour garder la personne de Monsieur.
Montmorency s'élance à son tour à travers une
grêle de balles, reçoit dix-sept blessures, et, dé-
sarçonné , tombe au pouvoir de l'ennemi ; il est
conduit peu après à Toulouse, où il est décapité,
dans une des cours de l'hôtel de ville, aux pieds
de la statue de Henri IV, son parrain.
Ici les historiens varient sur le temps et les
circonstances de la mort du comte de Moret.
Quelques-uns le font expirer sur le champ de
bataille même, d'autres prétendent que Monsieur
le fit transporter dans son carrosse au monastère
de Pronille, situé à deux lieues de là, et qu'il
y mourut, quelques heures après; certains enGn
assurent que pansé secrètement de ses blessures,
le comte de Moret, une fois guéri, songea sé-
rieusement à se retirer du monde, et entra dans
la congrégation des ermites de Saint-Jean-Bap-
tiste, établie au diocèse de Langres. Jean-Jacques
fut d'abord son nom de religion, qu'il échangea
plus tard pour celui de Jean-Baptiste. Il se retira
dans l'ermitage de Saint-Baudile, au diocèse de
Vienne, y passa vingt ans dans la pratique des
vertus chrétiennes, et le 21 mars 1654 fut chargé
par Charles-Auguste de Sales, évêque de Ge-
nève, de remettre en vigueur dans ce diocèse
l'institut de Saint-Jean-Baptiste. Enfin, après di-
verses pérégrinations à Turin, à Rome, à Notre-
Dame de Lorette, à Venise et dans la Lorraine,
il s'arrêta à l'abbaye d'Asnières, en Anjou, et
obtint le 24 octobre 1676 de l'abbé et des reli-
gieux de ce monastère une portion de terre pour
ET 6
y bâtir un ermitage, où il mourut en odeu e
sainteté, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans» m
derniers historiens ajoutent que Louis XJV ...
formé en 1687 du bruit qui courait de tous ( »
dans l'Anjou que frère Jean -Baptiste éta je
comte de Moret, fit demander par le marquj e
Chateauneuf , secrétaire d'État , à l'abbé c ;.
nières ce qu'il pouvait y avoir de vrai à #
égard. Celui-ci montra la lettre du minis à
l'ermite, et le pressa de lui avouer si le sou »
qu'on avait qu'il fût fils de Henri IV était I
fondé, et qu'il devait sur ce point satisfai I
roi. Le solitaire ne lui répondit autre cl) l»
sinon : « Je ne le nie ni ne l'assure; qu'oi tep
laisse comme je suis. » Cette réponse et d'à isl
circonstances rapportées par J. Grandet, [$
La Vie d'un solitaire inconnu , Paris, ] ^i
in- 12, répandent sur ce point d'histoire une h ■
curité que les critiques n'ont pu encore dis jr;
entièrement. Après avoir examiné, dans 1< 'f.a
chapitre de son ouvrage, « s'il est vraisemt !e
que l'ermite ait été le comte de Moret », Gr; m
conclut d'une manière aussi sage que raisoni |&i
« qu'il y a au moins beaucoup de sujetdedout \f>
et c'est la seule conclusion qu'on puisse ad er
aujourd'hui pour ce problème historique. C bÏ6
est certain, c'est qu'aucun des historiens qu afc
cru à la mort du comte de Moret après le M
bat de Castelnaudari n'a fait connaître le il»
de sa sépulture ; car on a reconnu comme ine tel
l'indication qu'il avait été inhumé dans une a ra
chapelle ruinée près du champ de bataill lett
qui aurait été appelée la chapelle du coui le
Moret. Quant à l'anniversaire que, depuis m
les religieux de Saint-Êtienne de Caen fais ntj
pour leur ancien abbé, le comte de Moret, «k
cérémonie annuelle ne prouve pas mieux sa Jrfe
à cette époque que ce qu'en ont écrit des t u|
riens qui se sont copiés l'un après l'autre. I
H. FlSQUET (de Montpellier),
Vaisséte, HUt. yénér, de Languedoc, tome V, lit m
— Grandet, Fie d'un Solitaire inconnu. — Dupleix g*,
toire de Louis XIII. — Mercure français. 1632, tôt M
mémoires du comte de Brienne, tome II, page -
G allia Christiana , tomes I, IX et XI. — .T. Lecler 'w
du cardinal de Richelieu.
BiostET (José), historien espagnol, am
16)3, à Pampelune, où il est mort, vers 9
Après avoir prononcé ses vœux chez les Jési S,
il professa la philosophie, et la théologie, e m-
vint recteur du collège de Palencia. Les n
de Navarre l'ayant choisi plus tard pour 1 ]o*
riographe de ce royaume , il fut transfér au
collège de Pampelune; mais ses supérieu f l*i
dispensèrent des devoirs de sa charge, et le le le-
rent maître de consacrer tous ses loisirs à l'i p6
de l'histoire. On a de lui : Hïstoria Obsid lit
Fontarabix, anno 1638 frustra a Gallisfi'
tata; Lyon, 1656, in-24 : ouvrage extrême W
rare; — Investigaciones historicas déW
anliquedades del reyno de Navarra; 1P"
pelune, 1665, in-fol. : on peut y joindre UD«
vante réponse du P. Dominique La Riga, H
57 MORET —
ilée Defensa por la antiqtiedad ciel reyno da
■ibrarbe (Saragosse, 1675, in-fol.); — An-
ales del reyno de JSavarra; Pampelune,
.84-1709, et Viana, 1715, 5 vol. in-fol.; les
■ux derniers volumes sont dus au P. Fran-
sco de Aleson; cette histoire passe pour la
eilleure que l'on ait de la Navarre. P.
N. Antonio, Biblibtheca Hispana nova. — Sotwel,
M. Soc. Jesu p. 824.
moket (Pierre), sieur de La Fayolle,
i storien français, né vers 1630, à Poitiers. Avo-
ï it au présidial de cette ville, il est connu par
s ouvrages suivants : Histoire généalogique
; la maison de Rouci et de Roye; Paris,
:75, in- 12 ; — Histoire de la république ro-
aine ; Paris, 1676, 2 vol. in-12 ; — Le Para-
nt t de la France contre le vent du nord ,
i réflexions sur un livre anonyme intitulé :
! vrai Intérêt des Princes chrétiens ; Poitiers,
,92. K.
Dreux du Radier, Hist. littër. du Poitou.
MORETO (Augustin), célèbre écrivain dra-
que espagnol, né vers 1600, mort!e28 octobre
On sait peu de chose sur sa vie. En 1657
se retira dans une maison religieuse à Tolède,
acheva dans le sein de l'Église une carrière qui
'ait commencé sous d'autres auspices. Ses pro-
ions sont nombreuses; une partie d'entre
les forme 3 vol. ïn-4° (Madrid, 1654-1676-
>81 ). Diverses pièces imprimées séparément ne
•.trouvent pas dans ce recueil; là collection des
^omedias escogidas renferme quarante-six piè-
•s attribuées en partie ou en totalité à Moreto;
'autres sont demeurées inédites, et il est dou-
ux qu'il existe quelque part une réunion com-
e des comedias imprimées de cet écrivain
wiarquable. Ce n'est point précisément par la
■condité de l'imagination qu'il brille, mais par
régularité et la sagesse de ses compositions ;
;s plans sont arrangés, son action est conduite
eec une habileté vraie et avec plus de simpli-
if té qu'on n'en trouve d'ordinaire dans le théâtre
[spagnol. Comme Calderon, il s'essaya dans di-
vers genres ; toutefois, ses pièces religieuses sont
Ures ; la plus remarquable d'entre elles est celle
I ui a pour titre Los tiias dichosos Hermanos ,
1 qui retrace la légende des Sept Dormants
h Éphèse avec une fidélité dont les auteurs dra-
matiques n'avaient pas alors l'habitude. Le chef-
'œuvre de Moreto est peut-être El valiente
justicier o,om El Rico-Ffombre d'Alcala. Pierre
I i Cruel est mis en scène avec une vigueur frap-
iante, mais sans que la vérité historique soit
'itérée. La plupart des pièces de Moreto appar-
! ennent au genre de cape et d'épée. Il y montre
j ne force comique qu'on ne rencontre ni dans
■ope de Vega ni dans Calderon. Quelques pas de
■lus, et il arrivait à la comédie de mœurs. Il
; ebuta sous ce rapport par La Tante et la Nièce,
1 u'il écrivit en 1654, et qui offre des détails
'gréables; cette comédie est longtemps restée
|u théâtre, mais elle est bien au-dessous de
MORKTTI
558
celle qui a pour titre : El lindo Don Diego
(phrase restée proverbiale ); celle-ci retrace avec
esprit le personnage d'un fat qui se regarde
comme irrésistible, et qui par sa sottise et ses
prétentions amène la rupture d'un mariage
avantageux qu'il devait conclure et retourne dans
sa province mystifié et joué. C'est un rôle ex-
cellent, parfaitement soutenu, et d'un très-bon
comique. Trampa adelanle ( En avant la
Ruse!) est une comédie d'intrigue pleine de
gaieté, d'animation; Desden con el Desden,
imité par Molière dans La Princesse d'Elide, a
conservé un rang distingué.
Nous n'avons pas ici à" analyser, à indiquer
même les diverses pièces de Moreto, bien que
beaucoup d'entre elles fussent très-dignes d'un
examen spécial. Nous terminons en observant
que dans une foule de ses pièces Moreto a
emprunté à Lope de Vega surtout, et parfois à
Calderon ou à Tirso de Molina des idées et des
situations avec une hardiesse qu'on pou riait taxer
de plagiat; mais il est juste de reconnaître aussi
que presque toujours il est supérieur à son mo-
dèle. Doué d'un esprit plus sage et d'un goût plus
sûr que ses illustres contemporains, il possède
un sentiment du naturel et de la vérité qui
leur a parfois fait défaut. On peut dire qu'il a
créé en Espagne la véritable comédie, dont Lope
n'avait eu qu'une idée très-vague et que Calde-
ron ne semblait pas même soupçonner. Ce n'est
cependant que depuis un petit nombre d'années
que le nom de Moreto a commencé à être pro-
noncé au-delà des Pyrénées et à sortir de I l'in-
juste oubli où il était plongé. G. Brunet.
D. Puibusque, Histoire comparée des Littératures
française et espagnole. — Ochoa , 'featro Espanol
(Paris, 1838), IV, 248. — Martlnez de La Rosa, Obras
( 1827), II, 443. — Ticknor, History of Spunish Litera-
iure, II, 403-408. — A.-F. von Schack, Geschichte der
dramatischen Literatur in Spanien, III, 328-358» — Louis
de Vieil- Castel, Revue des Deux Mondes, 4e série,
t. XXI ( 1840), p. 749-778.
moretti ( Cristofa.no ) , peintre dé l'école
de Crémone, né dans cette ville, florissait en
1460. Il travailla au palais ducal de Milan en
compagnie de Bonifazio Bembo, et y peignit une
Passion qui lui a valu d'être compté par Lo-
mazzo au nombre des réformateurs de la pein-
ture en Lombardie, surtout sous le rapport du
dessin et de la perspective, et aussi parce qu'il
fut un des premiers à renoncer à l'emploi des
stucs en relief et des dorures. Il fit pour S.
Lorenzo une Madone entourée de saints , si-
gnée Xpistophorus de Moretis da Cremona.
Dans la cathédrale de Crémone on lui attribue
plusieurs sujets de la Passion. E. B— n.
Lomazzo, Trattato délia Pittura — Zaist, Notizie
storic/ie de' Pittori Cremonesi. — Orlandi, Abbecedario.
— Lanzi, Storia pittorica. — Ticozzi, Dizionario.
moretts ( Gaetano), astronome italien, né
à Bologne, où il est mort, le 23 février 1697.
Après avoir fait profession, en 1648, dans l'ordre
desThéatins, il s'appliqua à l'étude de l'astro-
nomie, et publia deux ouvrages estimés : Tavote
559
MORETTI — MORGAGNI
deir ore planetarie perpétue ; Bologne , 1681,
in-4° ; et Firmamentum novissime den udatum,
in quo supputantur omnia sidéra fixa usque
adhuc observata; Bologne, 1695, in-4°; la
2e part, de cet ouvrage fut réimpr. en 1703. P.
Lalande, Bibliograph. astronom.
moretto (Le). Voy. Buonyicino (Ales-
sandro).
moret (***), peintre espagnol, néàPalma
( île Majorque ) , en 1696, mort en 1750.
Après avoir appris son art à Valladolid, il re-
tourna dans sa patrie, dont il ne sortit plus et qu'il
enrichit de nombreux tableaux. On remarque de
lui, à Saint-Michel de Palma, plusieurs tableaux
mystiques d'une bonne couleur, mais roides de
dessin ; la perspective y est complètement né-
gligée. Quelques fresques de Morey présentent,
au contraire, une certaine facilité de brosse et
un grand jet dans l'exécution. Son chef-d'œuvre
(et le mot est mérité) est un tableau de cin-
quante-quatre palmes de large (13m 230ra) sur
cinquante de hauteur (12m 250m). Il représente
Le Christ au Sépulcre, entouré d'anges et des
attributs de la Passion. On le voit à Sainte-Eu-
lalie de Palma, où il est l'objet d'une certaine
vénération, sous lenom de Vélum templi. A. de L.
fiage artistico a varios pueblos de Espaîla, etc. { Ma-
drid, 1804 ). — Quilliet, Dict. des Peintres espagnols.
morfouack de Beaumont (Gilles), avocat
au parlement de Paris et ancien trésorier de
France, est auteur d'un écrit anonyme en vers,
intitulé Apologie des Bestes , où Von prouve
leurs connaissances et leur raisonnement par
différentes histoires; Paris, 1732, in-8°; dé-
dié au comte d'Argenson. Béimprimé la même
année à Neufchàtel , il eut une 3e édit., en 1 739, à
Paris. Bien qu'il soit inférieur à V Apologie des
Bêtes du P. Bougeant , on y trouve des détails
très-curieux et des vers agréables. P.
. Barbier, Dict. des Ouvrages anonymes.
morgagni (Jean-Baptiste), célèbre méde-
cin italien , né à Forli ( Romagne ) , le 25 février
1682, mort le 5 décembre 1771. Ses parents ap-
partenaient à la bonne bourgeoisie de Forli. Il
n'avait que sept ans lorsqu'il perdit son père,
mais il profita si bien de l'instruction soignée
que lui fit donner sa mère, que dès l'âge de qua-
torze ans on lui décernait dans sa ville natale
le précoce honneur d'un diplôme académique.
A seize ans il se rendait à Bologne pour y étudier
la médecine, et en 1701 il y prenait le grade de
docteur. C'est là qu'il eut pour maître préféré
Valsalva, qui , le distinguant sans peine entre
tous ses condisciples, sut lui imprimer le goût
de l'anatomie, s'en fit bientôt un collaborateur et
un ami, et se fit remplacer par lui dans sa chaire,
lorsqu'il s'absenta de Bologne. C'est à cette
époque de sa vie que Morgagni publia ses pre-
miers mémoires anatomiques, qui lui assignaient
un des premiers rangs- parmi les anatomisfes de
son temps , à l'âge où d'autres entrent à peine
dans la carrière. A quelque temps de- là, sentant
le besoin de se perfectionner dans les scien j
physiques et naturelles, il se rendit à Veni 1
puis à Padoue, où ces sciences étaient enseign i
avec quelque éclat. Lorsque arriva le moment i
se fixer, Morgagni songea d'abord à Forli,
l'attiraient des liens de famille et l'attrait
lieu natal ; mais, cédant bientôt aux conseils (
ses amis et de ses maîtres, qui désiraient le i
sur un théâtre plus digne de lui, il revint à ; j
doue, où il fut nommé en 1712 à la chaire j
médecine théorique, puis trois ans plus tar i
celle d'anatomie, mieux appropriée à ses travj I
et à ses goûts. Les études anatomiques absor
rent dès lors toute sa vie. Si parfois dans le co :
de sa longue et belle carrière l'illustre pi
fessenr eut occasion de montrer le savoir te p I
étendu et le plus profond , soit dans les cons
tations qu'on lui demandait fréquemment , ! i
dans ses recherches sur plusieurs points d'1
toire, d'archéologie et de linguistique, ce ne il
en quelque sorte, que comme délassement c
travaux plus austères de l'amphithéâtre et
professorat. Ces travaux furent les seuls évé:
ments de cette vie toute consacrée à la scien
et dont les âpres attaques d'adversafres p.
sionnés ne purent troubler l'éclat. Fière de
avoir donné naissance, la ville de Forli fit pla
le buste du célèbre anatomfste de son vivant d; i
la salle de son conseil. Morgagni avait près i
quatre-vingts ans lorsqu'il publia son immon
traité d'anatomie pathologique; et lorsque
mort vint terminer, au bout de soixante ans
professorat, une existence qu'elle semblait trc
cher à regret (5 décembre 1771), elle trou
l'illustre vieillard occupé à revoir ses ouvrag
dont il voulait donner une nouvelle édition,
avait alors près de quatre-vingt-dix ans. Il la
sait huit enfants de quinze que lui avait dont
sa femme, Paola Vergieri.
Morgagni était d'une haute stature, d'une pb
sionomie ouverte et gaie, et d'une constitutif
tellement robuste qu'il put travailler sans fatig
jusqu'à la fin de sa longue carrière. Ses biograph
s'accordent à vanter la politesse de son accu
et l'affabilité de ses manières, et l'on doit dire,
l'éloge de son caractère, qu'il eut non-seuleme
des admirateurs, mais de nombreux amis. Cèpe
dant telle était, s'il en faut croire Caldini, sa si
gulière susceptibilité à l'endroit de certaines pr
rogatives, qu'il tint rancune à un confrère poi
l'avoir cité sans faire précéder son nom du tit
d'illustrissime (Epist. ab eruditis viris a
Hallerium scriptis ). Au reste1, nous ne noi
portons pas garant de cette faiblesse,qui ne sera
pas cependant la seule qu'on pût signaler dans
vie de ce grand homme, témoin sa croyance dar
l'astrologie judiciaire. Au demeurant, d'une ni
meur douce et égale, Morgagni ne se plaisa
qu'aux discussions scientifiques; il évitait mêm
les relations sociales qui ne devaient pas toui
ner au profit de son instruction. C'était dans so
intérieur un excellent père de famille. Il ne cha
61
;a rien à sa manière de vivre, simple et frugale,
en qu'il fût devenu tres-riche, ce qui servit
ème de texte à une accusation d'avarice, qu'on
>it croire mal fondée chez un homme supérieur,
ii ne montra d'autre passion, que celle de 1»
ience.
Bien que l'on doive à Morgagni d'utiles et
lies recherches en anatomie proprement dite,
! il rectifia en quelques points tes travaux de
s devanciers, c'est surtout en anatomie patrio-
tique qu'il a conquis sa grande renommée. Ses
mbreuses dissections avaient attiré son atten-
1 n sur les lésions que l'on trouve sur les ca-
»vres apportés à l'amphithéâtre, et il jugea de
el immense intérêt devait être l'étude appro-
uve de ces lésions, dont la plupart étaient
;tées jusque là ou inconnues ou incompléte-
■nt décrites. L'anatomie pathologique n'avait
i en effet conquis jusque là le rang qui lui
jartient dans la science. Bien que les obser-
vions de Th. Bartholin, rteTulpius, de Wep-
, les recueils de Schenck, de Blancaerd eus-
it déjà jeté quelque lumière sur le siège et la
>ure d'un certain nombre de maladies, ces tra-
îx, dont on n'avait pas su déduire les consé-
ences relatives au diagnostic des maladies
à la pratique de .la médecine, étaient restés
ouis dans les bibliothèques, attendant qu'une
(i habile sût les rendre à la science, pour la-
,11e ils semblaient perdus. Bonet avait tenté
:e tâche, et si la vaste compilation qu'il pu-
i sous le nom de Sepulchretum brûle plus
I la patience dans les recherches que par le
;nt d'analyse, elle eut du moins J'honneur
voir servi de point de départ aux immortels
vaux du professeur de Padoue. Celui-ci pa-
issait en effet s'être proposé pour but, lorsqu'il
(fiçut la pensée de son grand ouvrage, de con-
vier, en la complétant et en la commentant,
juvre de son devancier. Il en avait même
*>pté l'ordre anatomiqne, qui, bien qu'il eût
Iconvénient de rapprocher des affections dispa-
ffis, d'en éloigner d'analogues , d'amener des
Pétitions continuelles, était le seul possible à
if. époque où la physiologie pathologique et
$iatomie des tissus étaient encore à naître.
iti observations relatées par Bonet, Morgagni
i ajoutait d'ailleurs un grand nombre emprun-
■ soit à Valsalva et à ses amis, soit à ses pro-
ies recherches. Mais ce qui donnait surtout une
fyortance toute nouvelle à ses investigations,
^ait l'étude, jusque là négligée, des rapports qui
Cachent les lésions organiques aux symptômes
$ lesquels elles se traduisent pendant la vie.
Itqui manquait à ce riche fonds d'observations
irises et fécondes en enseignements, ce fut,
#-e l'anatomie générale}qui n'était pas encore
,»., la physiologie expérimentale, qui n'était pas
'^)le. Imbu des idées humorales de son temps
*. >mmodées au mécanisme, en faveur depuis la
"îmverte d'Harvey, Morgagni ne put, malgré
t<| e sa circonspection à l'endroit de la théorie,
MORGAGNI 562
s'interdire les interprétations hypothétiques , les
digressions oiseuses. Sa phrase manque parfois
de netteté, et son style trahit souvent, par sa pro-
lixité, l'âge avancé de l'auteur. En revanche,
quelle discussion lumineuse des faits! Quelle
perspicacité dans l'étude des rapports ! Que d'é-
rudition et quelle sage critique ! Aussi, bien que
son auteur eûtsi peu songé à y jeter les bases d'une
science nouvelle, que le nom d'anatomie patholo-
gique n'y était même pas prononcé, le traité De
Sedibus et Causis Morborum fut-il l'une des
productions modernes qui exercèrent l'influence
la plus considérable sur la direction de la science.
La curiosité fut vivement excitée; de nombreux
émules marchèrent sur les traces de l'illustre ana-
tomiste ; les abstractions cédèrent aux faits, et le
dédain des vaines théories qui avaient eu cours
jusque-là ne tarda pas à s'en suivre. Une réac-
tion s'est opérée de nos jours contre l'anato-
mie pathologique , qui, après avoir été dans les
trente premières années de ce siècle la science
en faveur dans l'école de Paris, a vu baisser son
crédit lorsqu'aux exagérations de ses partisans a
succédé une plus saine appréciation de sa valeur
et des services qu'on en peut attendre. Il serait
à regretter que cette réaction allât trop loin. S'il
ne faut pas demander à l'autopsie les secrets
de la vie, si les lésions de tissus ne sont pour
l'ordinaire que la manifestation grossière d'un
phénomène dynamique plus caché, ou même
la conséquence ultime des faits de ce genre, il
est néanmoins impossible de n'en point tenir un
compte sérieux non-seulement dans le diagnostic
et le pronostic dont l'anatomie pathologique est la
base, mais même dans l'institution des moyens
thérapeutiques propres à combattre la maladie.
Quel que soit enfin le rang qu'on lui assigne dans
la science, le n.om de Morgagni y restera éternel-
lement gravé.
Les principaux ouvrages de Morgagni sont :
Adversaria Anatomica prima ; Bologne, 1706,
in~4°; réimprimé quatre fois; — Adversaria
Anatomica alterpk et tertia; Padoue, 1717,
in-4° ; réimprimés deux fois, avec les précédents;
^— Adversaria Anatomica quarta, quinta
et sexta; Padoue, 1719, in-4°; réimprimés
deux fois, avec les précédents , — Adversaria
omnia; Padoue, 1741, in-4°; deux éditions
à Leyde; une troisième à Venise, 1762, in-folio :
découvertes anatomiques importantes; recher-
ches neuves sur les muscles de la région pha-
ryngo-laryngée, sur la langue, l'épiglotte, la
vessie, l'utérus, les mamelles, les glandes sé-
bacées, etc. : critique savante des anatomistes ;
faits pathologiques variés. Ouvrage remarquable
par la variété des matières qui y sont traitées,
l'immense lecture qu'elles ont exigée, le ta-
lent de discussion qui y brille, et qui eût- suffi
à lui seul pour fonder la réputation de son au-
teur. La polémique de Morgagni', loin d'être sté-
rile, est une école de haut enseignement; il ne.
s'y départit jamais , malgré les attaques passion-
563
MORGAGNI
nées de ses adversaires, d'une modération par-
faite. Aux erreurs qu'il combat il substitue tou-
jours des observations plus exactes, soigneux de
restituer à leurs véritables auteurs la gloire de
leurs découvertes. Le Théâtre anatomique de
Manget, alors fort lu, y est l'objet d'une critique
étendue; — Nova Institutionum Medicarum
Idasa; Padoue, 1712, in-4°; deux éditions, l'une
avec les Adversaria , Padoue, 1741, in-4° : c'est
un traité de méthodologie médicale, composé à
l'époque où l'auteur professait la médecine à Pa-
doue, et où il donne des conseils sur la manière
déformer de bons médecins ; — Epis toise Anato-
mïcse dux, novas observationes et animadver-
siones complectentes, etc. ; Leyde, 1728, in-8° :
lettres critiques dans lesquelles Morgagni réfute
les opinions de Bianchi sur la structure du
foie, et traite de divers points d'anatomie des-
criptive et pathologique; — Epistolœ Anato-
micseXX, ad scripta pertinentes celeberrimi
A. M. Valsalvx; Venise, 1740, 2 vol. in-4°.
Ces lettres sont jointes aux œuvres posthumes
de Valsalva, dont Morgagni a donné une édition
et dont elles sont un commentaire. Elles contien-
nent des recherches étendues et des descrip-
tions exactes sur la structure de l'oreille, de
l'œil, du cœur et des vaisseaux sanguins ; des
observations d'anatomie comparée, des éclaircis-
sements sur des points en litige. C'est en quel-
que sorte une suite des Adversaria ; — De Sedi-
bus et Causis Morborum per anatomen inda-
gatis; Venise, 1762, 2 vol. in-fol. On en a sept
éditions ou réimpressions latines, dont l'une, qui
se distingue par son élégance, a eu pour annota-
teurs les professeurs Adelon et Chaussier, qui
ont reproduit l'excellente préface de Tissot;
Paris, 1820-1822, ri vol. in-8° ; ce traité a été
traduit en allemand, en anglais, en italien, et
en français par Désormeaux et Destouet ; Paris,
1820-1824, 10 vol. in-8°. Il est divisé, en 5 li-
vres: le 1er traite des maladies de la tête; le 2e des
maladies de la poitrine; le 3e des maladies du
ventre; le 4e des maladie&rtxtérieures ou chi-
rurgicales ; le 5P est un supplément aux précé-
dents. Ce bel ouvrage est écrit sous forme de
lettres. L'auteur avait voulu éviter par là la mo-
notonie et la sécheresse d'une suite de recherches
anatomiques. C'est le plus important des ou-
vrages de Morgagni et de tous ceux que possède
la littérature médicale sur cette branche d'é-
tudes;— Opuscula miscellanea , quorum non
pauca nitnc primum proderunl ; Venise, 1763,
in-fol. ; une 2e édit. in-4°. Cet ouvrage est divisé
en 3 parties : la W est consacrée à divers su-
jets de médecine- et d'anatomie; la 2e contient
différentes dissertations historiques et philolo-
giques qui' avaient paru séparément; la 3e com-
prend, sous le nom d'jEmilianœ, quatorze lettres
traitant de la 'géographie et des antiquités de la pro-
vince JEmilia. Morgagni a concouru avec Lancisi
( voij. ce nom) aune édition des tables d'Eustache
(voy. ce nom) Il a laissé aussi de nombreuses
- MORGAN 5
dissertations et des opuscules , la plupart ai
forniques, dans les ouvrages de différents auteu
dans les Éphémérides des Curieux de la A
twe, dans les Mémoires de VAcad. de Bo<\
gne, etc. — Les œuvres de ce grand obsen
teur ont été réunies et publiées par son disci'
A. Lerber sous ce titre : J.-B. Morgagni Ope
omnia; Venise, 1765, 5 vol. in-fol.
Dr Saccerotte.
La Fie de Morgagni a été écrite par Fabronl [Vita ,
lorum) ; — par Jos. Masseav Naples, 1768; — par Tis
en tête de l'excellente édit. qu'il a donnée du traité
Sedibus, etc. (Yverdun, 1779). — Éloge de M. par Foi
nelle, dans tliist. de VAcad. des Sciences, 1771.
iuokgan (Sir Henri-John), le plus célè
des flibustiers anglais, né dans le pays de Gall ;
vers 1637, mort à La Jamaïque, en 1690. 1 1
d'un riche fermier, il ne put se plier aux ooj
pations agricoles , s'enfuit de la maison pat
nelle, et s'embarqua , comme matelot , pour
Barbade. De cette île il passa à La Jamaïque,
il se lia avec des flibustiers, parmi lesquel
s'enrôla. Trois ou quatre courses heureuses ■
son gain au jeu le mirent rapidement à mi
d'acheter, avec l'aide de quelques autres cor; h
res anglais, ou français, un petit bâtiment d i
le commandement lui fut confié, « et lui fou
rent bientôt les moyens de devenir, par I
adresse , sa rare capacité et son intrépidité, l
des chefs les plus fameux, qu'aient jamais eu? .;
flibustiers (l). » — « Il tirait fort bien; ii c I
intrépide et déterminé; rien ne l'étonnoit, pé I
qu'il s'attendoit à tout; enfin, iL entreprenoif I
choses avec une assurance qui lui répondoit 1 1
jours du succès (2). » Morgan fit d'abord plusit ij
captures sur la côte de Campêche. Mais la j
mière occasion où il parut avec éclat fut ( t\
que lui offrit Manswelt (3) , vieux corsaire, U
le prit en amitié et le fit son vice-amiral. 1 1
semble ils complotèuent de piller Nata, vilh •
tuée sur la mer du Sud, à l'extrémité de Fistl I
de Panama. Afin de se procurer des guides, 5
s'emparèrent , malgré une vive canonnade,!;
l'île Sainte-Catherine (4), et s'avancèrent I
Carthagène, qu'ils étaient sur le point de -
prendre lorsque les divisions continuelles I
existaient entre les Anglais et les Français fi I
renoncera l'entreprise (5). On revint, a Sai j-
Catherine, où Manswelt mourut. Morgan ht m
de lui, et devint ainsi le premier et le plus' r '&<
des aventuriers. Il persuada alors a ses ca H
(1) Van 'Tenac, Corsaires, Pirates, etc., t. III, ch; t,
p. 49.
(2) OExmelln, La Fie de Morgan,, insigne aventu I
t. Il, chap. i, p a. L'auteur déclare avoir servi sou»
ordres, ou du moins avoir pris part à quelques-uni >e
ses expéditions, surtout à la dernière : celle de PaOJ ■
(3) Van Tenac écrit Mansjleld.
(4) Sur la cûte de Costa-Rica, par JJ» 30' de laU ! *•
(5) Suivant OExmelïn « Manswelt et Morgan trait $1
fort bien les François, parce qu'ils étoient les meil "«
soldats de leur troupe, tous gens expérimentés, et lt
un seul étoit plus brave que trois Anglois, étant n X
armés et plus adroits : la discorde ne venoit que des \ V> .
que les Anglois pilloient et retenoient sans en vX >r
donner aux autres. »
,65
ades de ne pas dissiper follement leur butin,
nais de le réserver pour de grandes entreprises.
Musieurs l'écoutërent, et en peu de temps il se
rouva à la tête de douze bâtiments, montés par
ept cents hommes déterminés, avec lesquels il
lit à contribution Les Cayes et tons les ports
îéridionaux de l'île de Cuba. Jl résolut d'enle-
er Puerto-del- Principe, ville riche et populeuse,
tuée à quelques lieues dans les terres, mais
n captif espagnol se jeta à la mer, gagna la côte
. prévint le gouverneur de Puerto, qui marcha
j-devant de Morgan avec huit cents hommes
int de pied qu'à cheval. Après un combat de
jatre heures, les trois quarts des Espagnols et
ur chef couvraient le champ de bataille. Les
mitants essayèrent en vain de se défendre :
enacés d'être incendiés, ils se rendirent. Beau-
»up s'étaient enfuis emportant leurs richesses;
issi Morgan ne .fil-il là qu'un butin de 130,000
us, malgré les tortures qu'il fit subir àbeau-
up de ses captifs. Quoiqu'une partie des
•ançais mécontents l'eût quitté , il se trouvait
tcore à la tête de neuf petits bâtiments et de
îatre cent soixante-dix marins d'élite. Ce fut
ec des forces si minimes qu'en 1668 il résolut
enlever la ville de Puerto-Bello, bien fortifiée
située sur la côte septentrionale de l'isthme
Panama. Trois châteaux en défendaient le
1 >irt et les approches. La garnison était de sept
huit cents soldats et la population d'environ
'ai mille âmes. Sou havre, grand et commode,
ait devenu le lieu où les galions du roi d'Es-
igne venaient chaque année charger les ma-
f :res précieuses extraites des mines du Pérou.
| s'y faisait un commerce important. Morgan
! gnorait aucun de ces détails; aussi l'espoir
; jn riche butin lui fit-il braver les dangers de
entreprise. Le moment n'était pourtant pas
rorabîe : les Espagnols venaient de conclure
i ecla Fiance la paix d'Aix-la-Chapelle; ils pou-
! ient enfin respirer ; ils n'avaient plus que les
iaustiers pour ennemis déclarés, ennemis, tou-
liois, qui étaient peut-être les plus dangereux,
rce qu'ils attaquaient les richesses de l'État à
îr source. Avant de pouvoir diriger des forces
■îposantes dans les Antilles, les Espagnols es-
yèrent, en arguant du traité de paix , d'obtenir
lie les Frères de la Côte suspendissent leurs
(doutables entreprises. « Ce traité, répondirent
dacieusement les flibustiers, ne nous regarde
s ; nous n'avons pas été appelés aux conféren-
s ; nous n'avons pas eu de représentants au
Ingres » ; et Morgan mit le cap sur Puerto-
-llo. Il débarque dans l'obscurité et arrive sans
e aperçu jusqu'au pied d'un premier fort,
int il somme la garnison de se rendre si elle
veut être taillée en pièces ; on lui répond par
i feu terrible. Il lance aussitôt ses gens à l'as-
|.it; le fort est enlevé malgré une courageuse
instance. Morgan, pour intimider ses ennemis,
!:omplit sa menace : il fait rassembler tous ses
î'Sonniers dans une même enceinte, et, mettant
MORGAN 566
le feu aux poudres, les lance dans l'espace, dé-
nonçant ainsi sa manière de faire la guerre. Aus-
sitôt il court, au second château: le gouverneur
s'y était renfermé; il faisait jour, la surprise était
impossible. Sans artillerie, il fallait tenter l'as-
saut à découvert. Il durait depuis plusieurs
heures , et déjà Morgan doutait du succès,
lorsqu'un moyen odieux lui donna la victoire.
Maître de la ville, il fait construire à la hâte
douze échelle? assez- larges pour que douze
hommes puissent y monter de front , et faisant
sortir tous les moines et les religieuses de leurs
couvents, les force à aller appliquer ces échelles
contre les remparts ; des vieillards, des femmes,
des enfants complétèrent cette muraille vivante,
derrière laquelle, marchaient les flibustiers.
Morgan avait présumé que le gouverneur n'o-
serait faire tirer sur ses compatriotes et sur-
tout sur des personnages que 1* superstition
devait lui rendre sacrés. Il n'en fut rien :
sourd aux supplications des uns comme aux
menaces des autres , il dirigea son feu sur les in-
nocentes victimes d'une ruse infernale, et la mi-
traille en abattit un grand nombre avant qu'ils
fussent parvenus à appliquer les échelles.. Les
flibustiers s'élancèrent alors le sabre au poing
sur leurs ennemis, et les tuèrent jusqu'au der-
nier. Restait à enlever le troisième fort; la dé-
fense y fut ia même, et son résultat aussi fatal aux
assiégés. La ville fut alors saccagée avec la plus
horrible barbarie-; tous les excès y furent com-
mis. Les tortures forcèrent les habitants à livrer
leur argent; enfin les flibustiers se livrèrent au
pillage et à la débauche avec tant d'emporte-
ment, qu'au bout de quinze jours une épidémie,
aidée par la putréfaction des cadavres non en-
terrés, se déclara parmi eux, eu même temps que
la disette moissonnait leurs malheureux captifs.
De plus, le président de Panama, don Juan Perez de
Guzman, s'avançait avec quinze cents soldats et
sommait Morgan d'évacuer la ville. L'audacieux
flibustier lui répondit qu'il ne la quitterait qu'in-
cendiée ou contre une rançon de 100,000 écus;
il ne craignit pas de marcher au-devant de Guz-
man, qui, arrêté pendant deux jours par cent
hommes embusqués dans un défilé, envoya les
100,000 écus et laissa les flibustiers s'embarquer
paisiblement.
Nous ne suivrons pas Morgan dans ses diverses
expéditions, qui mériteraient ie nom d'héroïques si
le but et plusieurs actes de cruauté n'en eussent
terni l'éclat. Néanmoins, s'il se montra aussi cu-
pide, aussi cruel que les Cortès, les Pizarre, les
Alvaradoetles autres conquistadores espagnols,
lui, du moins, n'attaquait pas des populations hos-
pitalières, inoffensives, désarmées en quelque
sorte, sur lesquelles chaque victoire ne peut s'ap-
peler qu'un massacre. Morgan, au contraire,
luttait contre un ennemi toujours très-supérieur
en nombre et bien armé. C'était des villes for-
tifiées qu'il prenait sans artillerie, villes défen-
dues par des Européens et suivant la tactique
567
MORGAN
56
européenne. Quant 'à la lutte entre les flibus-
tiers et les Espagnols, elle amena aussi de
grands effets. Les conquistadores avaient gagné
d'immenses royaumes à l'Espagne; ils en avaient
fait la première puissance du monde; les flibus-
tiers la ruinèrent et l'avilirent. Car après une
guerre de quatre vingts ans contre ces pirates ,
guerre soutenue sans gloire ni succès, les Espa-
gnols perdirent tout leur prestige. Les Indiens ne
virent plus dans leurs oppresseurs que des hom-
mes. Ce n'étaient plus pour eux les invincibles fils
de Quetzacoalt (1), c'étaient de simples mortels,
qu'une poignée de bandits déterminés tenait en
échec. Ils osèrent alors les regarder en face, leur
livrer combat sur combat, et souvent l'avantage
resta dès lors aux indigènes. Ce ne serait pas trop
dire que l'émancipation d'une partie du Nouveau
Monde est sortie des boucans de Saint-Domingue,
et que, chose providentielle, de cette île d'His-
paniola, qui fut leur première conquête, jaillit la
cause de leur ruine.
Le succès de Morgan à Porto-Bello lui ramena les
Français qui l'avaient quitté. Rallié par PierrelePi-
card, qui avait déjà pillé MaracaïboavecL'Olonais
en 1668, les deux chefs se décidèrent à rendre une
nouvelle visite à cette possession espagnole, qui
comptait cependant vingt-deux mille habitants.
Morgan n'avait que neuf cent soixante flibustiers ;
il enleva le fort, et la ville se rendit. Elle fut ran-
çonnée. Il marcha ensuite sur San- Antonio-de-Gi-
braltar, qu'il trouva abandonné ; il y séjourna trois
semaines, puis revint à Maracaïbo avec son bu-
tin ; mais il trouva ce port bloqué par trois fré-
gates espagnoles sous les ordres du contre-amiral
don Alonso del Campo de Espinosa. Morgan, pour
ébranler le moral de ses adversaires, fit som-
mer don Espinosa de lui payer 20,000 pias-
tres s'il ne voulait voir la ville brûlée et les pri-
sonniers massacrés. L'amiral espagnol répon-
dit « qu'il ne pouvait payer qu'en boulets la
rançon qu'on lui demandait ». Quoique sûr de
la victoire, il n'attaqua pourtant pas les flibus-
tiers. Morgan profita de son inaction ; il fit cons-
truire, avec un art infini, un brûlot représentant
un fort bâtiment de guerre sur lequel il arbora
son pavillon (2), et le 24 avril 1669 descendit
fièrement sur l'escadre espagnole : sa petite flot-
tille était précédée par le brûlot, dont l'amiral
espagnol accepta l'abordage , croyant avoir af-
faire à un ennemi sérieux. Sa frégate, la Ma-
clalena, de 50 canons, embrasée, sauta bientôt
et les équipages des deux autres bâtiments espa-
gnols, \eSan-Luiz, de 34, et la Marquera, de 22,
(1) C'était le génie de l'air des Mexicains et leur meil-
leure divinité. On ne lai fit jamais de sacrifices humains.
Ils le représentaient sous la forme d'un serpent couvert de
plumes vertes. Selon les prêtres aztèques, il avait quitté
le pays; Cortès lut d'abord accepté comme sa transfigu-
ration.
(2) La plupart des sabords étaient garnis par des canons
de bois; l'équipage se formait d'un petit nombre de ma-
rins dévoués, d'Indiens et de mannequins qui trompè-
rent le feu des Espagnols. Morgan ne perdit pas un seul
homme dans celle rencontre.
craignant un pareil sort, ne songèrent qu'à g;
gner la terre, incendiant ou sabordant leurs ni
vires. Morgan s'empara de la Marquera, et fi
partager son butin, qui s'élevait à 50,000 piastre;
à La Jamaïque.
Morgan avait acquis une grande fortune,
aurait voulu goûter enfin le repos. Mais s<
compagnons lui rappelèrent la promesse qu
avait faite au gouverneur de Panama. Il résoli
de la tenir, et fit un appel à tous les Frères t
la Côte, auxquels il donna rendez-vous au ce
Tiburon (Saint-Domingue) pour le 16 décembi
1670. Il en accourut de toutes parts, et le fl
bustier, lorsqu'il les passa en revue, put compt
trente-sept navires, grands et petits, et deux mil
deux cents hommes bien décidés, bien armé
C'était la flotte la plus considérable que les ilibu
tiers avaient jamais réunie; mais aussi leur entr
prise était-elle la plus dangereuse qu'ils eusse
encore conçue. Morgan avait choisi pour lieutena
un Français nommé Bradelet, qui battit plusie»
fois les Espagnols dans l'île de Saint-Domingu
et leur enleva des vivres et des munitions indispe
sables pour assurer le succès de l'expédition,
prit aussi d'assaut La Rancheria près Carth
gène, et en rapporta un butin considérable, su
tout en grains. Morgan mit alors à la voile,
s'empara de l'île de Santa-Catalina quoiqu'ei
fût défendue par des forts, qu'il détruisit; ils
procura de la poudre et des guides. Il détacl
aussitôt Bradelet avec quatre cents homme
pour s'emparer du fort Saint-Laurent, qui d I
mine la rivière de Chagre. Là les flibustier
sans artillerie , exposés à découvert au feu d |
batteries espagnoles, perdirent beaucoup d
leurs. Bradelet eut les deux jambes enlevées p
un boulet; ils songeaient à faire retraite quaij
un Français , qui venait d'être atteint d'u ,
flèche, l'arrache de sa plaie, l'entoure de cot
qu'il enflamme et la lance sur l'une des ni,|
sons du fort, toutes construites en .bois léger
couvertes de feuilles de palmier. Le feu s'y d j
clare aussitôt. Cet exemple est rapidement ira:
par les autres flibustiers ; l'incendie se propag ;
une poudrière saute , les palissades brûlent '
les aventuriers entrent dans le fort sur les c
davres de trois cent seize Espagnols. Eux-mêm
avaient cent dix tués et quatre-vingts bless*
Morgan y laissa sa flotte avec une garnison
six cent cinquante hommes et avec treize cer '
hommes d'élite sur quatre petites frégates A
gères et quelques canots, remonta le fleuve. 1
19 janvier 1671, il arriva à La Cruz-de Sa
Galliego; mais les eaux étaient si basses qu'il d
continuer sa route par terre avec des fatigu
inouïes, et harcelé de temps à autre par d
Indiens invisibles, qui du haut des rocs ou i
sein des forêts couvraient sa troupe de nuées
flèches. Les vivres épuisés, on dut se résigrn
à se nourrir d'herbes et de fruits sauvages ; enli
le 26 janvier, les aventuriers découvrirent P
nama. Cependant dans la plaine qui les séf
MORGAN
570
lit de la ville s'avançait le président en per- »
inné, suivi par quatre régiments de ligne,
>ux mille quatre cents miliciens, quatre cents
valiers, et deux mille taureaux sauvages con-
lits par plusieurs centaines d'Indiens et de né-
es. Une nombreuse artillerie protégeait les
! ncs et le centre de cette armée , estimée à
î lit mille combattants. Morgan, dont la troupe
: lit réduite à onze cents hommes épuisés, ne
I ulut engager le combat que le lendemain. Il
i ra deux heures seulement ; six cents Espagnols
| itèrent sur la place. Un nombre considérable
| blessés et de prisonniers restèrent au pou-
r des vainqueurs (1). Morgan marcha immé-
\ tement sur la ville, où il n'éprouva qu'une
île résistance et qu'il fit incendier sécrète-
nt, sans que ses compagnons même, dont quel-
l 's-uns ont été ses historiens, puissent donner
t plication de cette action barbare. Après un
lour de quatre semaines, employées à piller et
l*rlurer les habitants pour les forcer à donner
Ifs richesses, les flibustiers regagnèrent Cha-
s avec leur butin, évalué à 443,300 livres d'ar-
I I (2), sans compter l'or et les pierreries. On
I céda au partage de ces richesses. On raconte
■en cette circonstance Morgan se conduisit en-
là les siens comme un brigand éhonté : il se
j mit les plus odieuses spoliations, enleva à la
! i ;se commune une grande quantité de pierre-
1 , et, redoutant le juste ressentiment de ses
«îpagnons, indignés, s'embarqua secrètement ,
Hn par quatre navires dont les capitaines lui
(fient dévoués, et gagna La Jamaïque. Renon-
t dès lors à ses brigandages, il ne pensa plus
■j^à jouir de son immense fortune; il épousa la
i d'un des principaux officiers de l'île, fut créé
valier par Charles II, nommé commissaire de
Itairauté, et termina ses jours dans^ne vie pai-
ie et honorée. Alfred de Lacaze.
(■Kimelin, Hist. des aventuriers (Lyon, 3 vol. In 12),
t, , chap. i-xi, p. J-199. — VanTenac, Hist. générale
ni Marine, t. III, p. 48-74.
organ ( Georges-Cadogan ), physicien an-
i, né en 1754, dans le pays de Galles, mort
7 novembre 1798. En 1776 il devint ministre
ae église de dissidents à Norwich , occupa en
" le même emploi à Yarmouth, et se retira
786 à Hackney, où il professa la physique
s un établissement fondé par le célèbre doc-
Price, son oncle. On a de lui : Lectures
lectricity ; Londres, 2 vol. in-8°; — et des
ooires Sur la Lumière des corps en état de
bustion , Sur la Chimie et Sur la Météo-
bjie , insérés dans les Phïlosophîcal Trans-
'Imions et le Monthly Magazine. K.
' l se, New Biograph. Dietionary.
f i organ ( Miss Sidney Owenson, lady), cé-
' He femme de lettres anglaise, née à Dublin, en
; s»' r Cette victoire ne coûta aux flibustiers que deux
.,,: tyet deux blessés. « On prendra, dit OExmeltn, peut-
', «t ceci pour une fable. C'est pourtant un événement
11* &<< j'ai été témoin moi-même » ( t. II, chap. xr, p. 168).
|jj ! ■ A raison de 10 piastres la livre.
i
1783, morte en avril 1859. Son père était un
acteur très-estimé du Théâtre-Royal, et en outre
poète et compositeur distingué. La jeune Sidney
reçut une éducation toute littéraire, et montra de
bonne heure une vive intelligence. Les relations
de son père avec les écrivains et les auteurs
dramatiques de son époque en favorisèrent le
développement. A quatorze ans , elle publia un
volume de poésies, et peu après douze mélodies
irlandaises avec musique. On peut remarquer
que c'est là le germe de l'idée que le poète Moore
a développée plus tard avec tant d'éclat et d'i-
magination. Avant d'avoir atteint ses vingt ans
elle produisit son premier roman, Saint Clair,
or the Heiress of Desmond, et l'année sui-
vante, The Novice of S. Dominick. Ces deux
ouvrages sont depuis longtemps oubliés. Mais
en 1806 elle donna The wild lrish Girl, a na-
tional taie (La jeune Fille d'Irlande), qui obtint
un brillant succès , et fut réimprimé sept fois
en deux ans. Elle avait cherché à y retracer le
caractère primitif et national de l'Irlande, et elle
y montre ce vif patriotisme qui la distingua dans
le reste de sa carrière. Ce succès l'introduisit
dans les cercles les plus distingués d'Angleterre
et d'Irlande. Ces relations, flatteuses pour son
amour - propre , lui furent extrêmement utiles
pour étendre ses idées de la vie sociale, et
moissonner dans un champ plus vaste et plus
varié d'observations : c'est surtout le romancier
qui a besoin de bien étudier la société , afin de
peindre fidèlement et avec attrait les mœurs et
les passions. En 1811, se trouvant en visite chez
un noble irlandais, elle fit la connaissance de sir
Charles Morgan , médecin littérateur, et la con-
formité de leurs goûts amena leur mariage. Ses
travaux littéraires ne se ralentirent point, et
eurent surtout pour objet l'Irlande. Elle donna
successivement Patriotic Sketches, qui fut bren
reçu; Woman, or Ida of Athens, qui fut traité
sévèrement par la Quarterly Review; O'Donnel,
a national taie; FlorenceM' Carthy, a national
taie (1811 à 1816). Dans ces romans, elle sort
des sentiers battus du sentiment, et s'applique
à peindre les mœurs nationales. Quant au talent
qu'elle y déploie , Walter Scott dit quelque part
que 0' Donnel , quoique faible comme récit et
intrigue , renferme « plusieurs beaux morceaux,
frappants de situation et de peinture , et que la
partie comique est très-riche et très-amusante » .
On peut lui reprocher assez souvent un jargon
qui tombe dans le vulgaire, et des citations en
français et- en italien dont beaucoup de pages
sont comme émaillées. En 1816, elle voyagea en
France avec son mari , et résida assez longtemps
à Paris, où elle se lançadans lasociété libérale du
temps. Elle entreprit de peindre sur place la scène
mobile et bruyante d'esprit-, d'intrigue , de folie ,
de passions politiques et autres qu'offrait alors le
pays. De là son ouvrage La France (1817), qui
est surtout une description de Paris et des Pari-
siens, et remplie d'anecdotes de société. Ce
571
MORGAN
R
livre, dont la 3e édit. parut en (818, fit du bruit,
par l'esprit dont il étincelait, par l'audace de quel-
ques tableaux, et par les erreurs dont il fourmille.
Lady Morgan voyagea ensuite en Italie, et
le résultat fut l'ouvrage qui porte ce titre , et
qui a été rédigé d'après son journal de voyages
( 1821 ). C'est une peinture de la société et des
mœurs italiennes, tracée avec plus de viva-
cité et de recherche pour l'effet que de délica-
tesse; mais lord Byron rend témoignage de
la fidélité de ces esquisses. Les critiques fran-
çais trouvèrent que les défauts de sa manière y
étaient poussés jusqu'au dévergondage. En 1824
elle publia Life and Times of Salvator Rosa,
qni est une sorte de roman biographique. Mais
elle revint à sa chère Irlande, qu'elle avait à cœur
de relever dans l'opinion publique. Elle donna
successivement The Evïls of Absenteeism to
Ireland (1825), et les romans The O'Briens,
The O'Flahertys (1827)v The Princess , sujet
emprunté à l'histoire des Bays-Bas; elle y dé-
plaie un goût élevé, une imagination vive, et
surtout un profond sentiment national, qui lui a
suscité de fréquentes attaques de la part des
partis politiques. Sa plume ne se reposait que
pour devenir plus féconde. Était-ce par motif
d'argent, par motif de réputation? Probablement
par l'un et l'autre. I! faut vivre selon sa position ;
jl faut continuer à charmer ou à passionner, sous
peine d'oubli, ce public capricieux et inconstant
dont une fois on a saisi l'oreille. Elle produisit The
Book ofthe Boudoir (1829) ; Dramatic Scènes
from real life (IS33); The Missionarij, an
fndian laie (1835), qui ont été traduits, comme
la plupart de ses autres romans. L'âge mûr était
arrivé. Ses idées avaient pris un tour plus sé-
rieux et plus élevé. Frappée des maux qui ré-
sultent pour la femme de sa condition sociale à
toutes les époques , elle concentra ses pensées et
de nombreuses recherches dans l'ouvrage The
Woman and her Master (1840). C'estun tableau
historique et philosophique de la condition de la
femme chez les différents peuples; malheureu-
sement il s'arrête à la chute de l'Empire Romain.
'< L'auteur, dit un critique anglais, y approfondit
avec sagacité et jugement une des branches les
plus importantes de la science sociale; la position
que les femmes devraient occuper dans l'ordre et
le progrès de la société. Elle a cherché dans les
annales dupasse les moyens d'amélioration pour
l'avenir. Elle a soumis les pages de l'histoire à une
analyse morale rigoureuse , et en déduit des ap-
préciations et des résultats moraux. »
Une faiblesse d'yeux, et plus tard la perte de
la vue, obligea cette dame infatigable a aban-
donner complètement ses travaux littéraires.
Cependant elle publia, en société avec son mari,
deux volumes d'esquisses, intitulés The Book
without a name (1841), qui avaient paru en
partie dans les revues. Sous le ministère de lord
Grey, une pension de 300 livres sterling sur la
liste civile lui fut accordée pour les services
qu'elle avait rendus aux lettres. Elle pouvî
être aussi considérée comme un juste déJomm
gement des sacrifices qu'elle avait faits aux pri .
cipes libéraux, dont la défense constante il
avait attiré beaucoup d'injures et beaucoup d'e
nemis. En 1859, elle publia son dernier ouvra
Passages from my Autobiography , contena
ses souvenirs de la haute société à Londres ei
Paris. Elle mourut la même année.
Comme on le voit d'après cette esquisse, to I
Morgan a, pendant les quarante ou cinquantea
de sa carrière comme auteur, touché à plusiei
branches de littérature, la poésie, le drame, I j
romans, la biographie, la morale, la politique
les voyages. A-t-elle produit deux ou trois de ( I
ouvrages supérieurs qui méritent de vivre, ( I
resteront parmi les modèles d'une littératui
Cela est douteux. On trouve dans ses nombrew ■
productions un esprit original, de la verve, ( I
observations fines , des pages pleines d'imagii
tion et de fraîcheur, un style élégant et orné il
coule avec harmonie, mais aussi des déclan
tions fréquentes, peu de goût, un abandon 1 1
n'est pas toujours de la grâce, un ton tranch
qui décide les questions au lieu de les expos]
De son temps, tous ses ouvrages ont été il
recherchés, fort lus par la génération qui les I
naître. Presque tous peut-être la suivront pe
peu dans la tombe. J. Chanut
Chambers, Cyclopssdia of English Literature. — 1 1
ijlish Cyolopsedia ( Biography ). — Men of tlie Time
Athenœum, avril 1859.— Literary Gazette, etc.
*MOR<iAN {Auguste de), mathématicien 1 1
glais, né en 1806, à Madura dans les Indes ori« ,
taies. Il vint de bonne heure en Angleterre,
ses études au collège de La Trinité, à Cambrid
et passa à l'école de droit de Lincoln pour f
former au barreau. En 1328 il accepta la ché;
de mathématiques à l'université de Londr [
qu'on venait de fonder, et professa jusqu'en 18
Il reprit cette place en 1836, à la mort de 1
successeur. M. de Morgan est auteur de patie
travaux sur l'histoire etles principes desmathéi'
tiques, sur l'algèbre, la trigonométrie, la dot)
algèbre, les calculs •différentiels, la théorie 4
probabilités, la projection gnomonique, l'as
des globes, etc. II a fourni au Penny Cychu
dia des articles de mathématiques et d'astro
mie; on lui doit aussi les vies de Newton et
Halley dans te Brilish Worthies de Knight,
nombreuses biographies dans le Penny Cyc
pxdla, Galleryof Portraits,et dans le Dictii I
naire biographique (inachevé ) de la Soci'i
des Connaissances utiles. Il a publié plusie i
mémoires dans le Philosophical Magazine, m
le Cambridge and Dublin Journal, etc., .
depuis 1833 il travaille au Companion to ,
Almanac. Ou lui attribue plusieurs ouvra
anonymes, publiés par la Société des Conn;
sances utiles-, dont il est un des membres les p
actifs. It est aussi membre de la Société philo
phique de Cambridge et de la Société roj
«.
5 MORGAN -
dj ;tronomie, dont il a été secrétaire pendant
,1 huit ans. A. H— t.
« Uni» Cyclopœdia. — Men of the Time.
I \ OUGENSTERN (Jarqurs-Snlomon), géo-
» ne et bouffon allemand , né à Pegau , le 8
al 1706, mort à Potsdam, le 16 novembre
Ml >. Reçu maître es arts à Leipzig, il fit pen-
« quelque temps des cour» d'histoire et de
gi raphie à l'université de Halle. En 1735 il
p, :t pour la Russie; l'impératrice Anne venait
m ui faire remettre une centaine de roubles
p. la dédicace qu'il lui avait faite de son ou-
■ e sur le droit public de la Russie ; cela lui
|: donné l'espoir d'obtenir à Moscou une
de professeur. A son passage à Berlin, son
-ienr singulier et ses reparties vives et pleines
el frappèrent un officier de la garde , qui
de lui au roi Frédéric-Guillaume Ier. Ce
<e le fit venir en sa présence , fut enchanté
«s réponses, et l'obligea d'accepter l'emploi
cteur et traducteur des gazettes et«n même
•celui de conseiller bouffon dans la Société
'omeurs que présidait le roi. En 1737 Mor-
rn fut obligé, sur l'ordre exprès du roi,
idre publiquement une thèse sur la folie
tons les professeurs de l'université. A
ort de ce prince , Morgenstern , pour con-
«!T son traitement de 500 écus et son loge-
à Potsdam, demanda d'être chargé d'aider
nseiller Nussler dans la fixation des fron-
de la Silésie. Sa requête fut agréée et ses
intements lui furent maintenus. On a de
Neue politische Géographie ; léna, 1735,
;<iln'en a paru que le premier volume; l'au-
y a donné un des premiers des renseigne-
is statistiques bien coordonnés ; — Jus pu-
MRi/inperii Russorum; Halle, 1736, in-8°;
(ernûvftige Gedanken ûber die Narrheit
.'(tsées raisonnables sur la folie); Berlin,
1" , in-8°; dissertation curieuse, où les sa-
; sont assez maltraités ; — Ueber Frie-
Wilhem Ier, 1793, in-8°. E. G.
el, Lexikon.
hen ( Raphaël), graveur italien, né à
>.,. le 19 juin 1758, mort à Florence, le
1833. Il commença de très-bonne heure
es artistiques -sous la direction de son
graveur médiocre, d'origine allemande. A
de vingt ans il partit pour Rome, et entra
l'atelier de Jean Volpato. Cet artiste,
ré ses défauts, passait alors pour le premier
de l'Italie ; il appliquait à son art les
principes et les mêmes idées de réac-
joatre le faux goût du dix-huitième siècle
David et Canova firent triompher un mo-
. Aidé des conseils de Volpato , Raphaël
H4 hen se mit à étudier avec ardeur les grands
rot es de la renaissance, et ses premiers ou-
w. .s obtinrent un grand succès. Volpato s'as-
soi à sa gloire et a sa fortune comme à ses
ux en lui donnant la main de sa fille Do-
ra* ;a. Avec autant d'ardeur que de facilité,
MOKGIER M4
Morghen grava tour à tour les principaux ta-
bleaux du Guide, du Titien, du Corrége, de
Poussin et de Murillo. Sa réputation s'établit si
bien que le grand-duc Ferdinand III l'appela à
Florence, lui assura une pension de 400 écus
par an (environ 2,000 fr. ), un logement et la
liberté de travailler pour son propre compte, à
la seule condition d'ouvrir une école de gravure.
C'est à Florence qu'il exécuta ses ouvrages les
plus importants et les meilleurs, La Madonna
délia segglola et La Transfiguration de Ra-
phaël ; la Madeleine pénitente de Murillo; La
Charité du Corrége, la Madonna del Sacco
d'André del Sarto; la Vierge et l'enfant Jésus
endormi du Titien; la Cène de Léonard de
Vinci. Cette dernière estampe fut publiée en
1800 ; elle obtint un immense succès, que n'ar-
rêtèrent pas des critiques très- vives et justes pour
la plupart. La Transfiguration, commencée en
1795, ne fut terminée qu'en 1811, après seize an-
nées de travail. Les ouvrages de Morghen se dis-
tinguent par la souplesse, la douceur, la rare ha-
bileté et aussi la froideur du travail. Il a gravé un
assez grand nombre de vignettes et de portraits;
parmi ces derniers on remarque le portrait
du marquis de Moncade, d'après van Dyck.
Le catalogue complet de son œuvre, rédigé sous
ses yeux et d'après ses indications par son élève
Nicolo Palmerini (3e édit., Florence, 1824), porte
à 254 le nombre des gravures qu'il a produites:
Morghen cessa la pratique de son art longtemps
avant sa moTt; mais jusqu'à ses derniers jours il
ne cessa de diriger les travaux dé ses nombreux
élèves. H. H— n.
Tipaldo, Biogr. degli Iialiani Wustri. — Nagler, IVeurs
Allgem. Kûnstler-Lexicon. — Cabinet de l'Amateur.
morgier (François) , poëte français, né en
1688, à Villeneuve-lès-Avignon , mort en 1726, à
Avignon. Il venait d'être reçu avocat lorsqu'il
s'associa à l'abbé de Charnes pour rédiger la
gazette burlesque, fondée en 1703 par ce der-
nier, sous le titre de Nouvelles de l'ordre de la
Boisson. Très-jeune encore, il avait été admis
dans cette compagnie de joyeux gastronomes, qui
rappelait YOrdre des coteaux, dont Boileau a
parlé. La gazette avait pour soi-disant vendeur
« Museau-Cramoisi , au papier raisin » ; on ne
rappelait les noms propres que par des allégo-
ries, tels que Frère des Vignes, dom Barri-
quez, M. de Flaconville ; on annonçait ainsi des
livres imaginaires : Remarques sur les lan-
gues mortes, comme langues de bœuf, de co-
chon et autres; Recueil de diverses pièces de
four, par le frère Godiveau; L'Art de bien
boucher les bouteilles, impression de Liège. La
politique s'y trouvait parfois réduite en quatrains :
A la barbe des ennemis,
Vlllars s'est emparé des lignes;
S'il vient à s'emparer des vignes,
Voilà les Allemands soumis.
et la philosophie y faisait une profession de foi
aussi commode qu'agréable :
575
MORGIER — MORHOF
5'
Je donne à l'oubli le passé,
Le présent à l'indifférence,
Et, pour vivre débarrassé,
L'avenir à la Providence.
Grâce à ce badinage innocent, qui jouit d'une
grande vogue, Morgier acquit la réputation d'un
homme d'esprit ; même après que la gazette eut
cessé de paraître (1707), il fut recherché des gens
du monde et des gens de lettres. La princesse de
Conti, Louise-Elisabeth de Bourbon, l'admit chez
elle dans une sorte de familiarité, et l'aida, dit-on,
à composer ces plaisanteries dont beaucoup de
sociétés faisaient leur passe-temps favori. P.
Lalanne, Curiosités littéraires. — Barjavel, Biogr. du
Faucluse.
morbier ( Simon ), prévôt de Paris sous
les Anglais, né vers la fin du quatorzième siècle,
mort vers 1450 ou 1455. Il était seigneur de
Gilles en Ghartrain, près de Nogent-le-Roi, et
originaire de ce pays. Attaché au parti de Bour-
gogne, il suivit également celui des Anglais, et
fut fait prévôt de Paris par le duc de Bedford,
pour Henri VI, le 1er décembre 1422. Le pré-
vôt de Paris , comme on sait, était le premier
magistrat politique et judiciaire de la capitale.
Cette charge, importante et difficile à remplir
dans tous les temps, le fut particulièrement pen-
dant les quatorze années qu'elle eut S. Mor-
bier pour titulaire. Le prévôt de Paris dut cons-
tamment lutter, durant cette période, contre
les conspirations en faveur de Charles VII, qui
se fomentaient perpétuellement au dedans, et
contre les tentatives militaires du dehors. Simon
Morhier, apprécié par le gouvernement anglais,
comme homme de guerre, fut employé dans
plusieurs expéditions contre les troupes de
Charles VII. En 1427, il combattait à Montargis
sous les ordres des comtes de Warwick et de
Suffolk, et fut fait prisonnier par les Français
dans une rencontre. Rendu à la liberté, il ne
tarda pas à reprendre ses fonctions de prévôt.
Au mois de février 1429, le gouvernement an-
glais expédia de Paris un convoi destiné à ra-
vitailler les soldats qui faisaient le siège d'Or-
léans. En sa qualité de Beauceron , Morhier
connaissait parfaitement le pays où il s'agissait
de conduire ce convoi. Il fut préposé an com-
mandement de l'artillerie, et servit à la fois de
guide et d'auxiliaire au capitaine Falstalf, chef de
l'expédition. Simon Morhier prit ainsi part à la
célèbre journée des harengs.
En 1429, il défendit Paris contre la Pucelle.
En 1430 il était capitaine d'une nouvelle for-
teresse, que le gouvernement avait fait cons-
truire à Saint-Denis pour la sûreté de Paris.
Dans les premiers jours d'avril 1436, une lutte
décisive eut lieu entre les troupes de Charles VII
et la capitale. Simon Morhier soutint avec fer-
meté la cause des Anglais. Lorsque les Français
eurent franchi en vainqueurs les portes de la
ville, le prévôt de Paris et la garnison furent
refoulés dans la bastille. Bientôt S. Morhier se
vît assiégé dans ce refuge, et tomba comme pri-
sonnier au pouvoir de Denis de Chailly, chevali
français. Le piévôt de Paris vendit une partie
ses terres, et recouvra de nouveau la liberté.
Le 8 juillet 1437 il était gouverneur deDre
pour Henri VI, et suivit en Normandie les Angla
qu'il paraît avoir servis jusqu'à l'époque où le
domination cessa complètement dans le royaun
En 1438 et années suivantes nous retrouve
Simon Morhier conseiller du roi Henri VI, ai
mille livres de pension, trésorier de Frar
et de Normandie. Il prit part en cette quai
au ravitaillement de Creil, Meaux, et des *
verses places que les Anglais occupaient enc<
dans l'Ile-de-France. Il s'entremit notammen ;
la défense de Pontoise, qui fût prise par Ch
les VII,en 1441. Au mois de nîars 1449, peu I
temps avant la campagne de Normandie, qui î j
fin à la domination des Anglais, Simon Mort [
habitait à Rouen l'hôtel du Jardin, et vivait d, i
la familiarité du duede Somerset, régent deFra \
pour le roi d'Angleterre (1).
Sa sœur, Thiphaine Morhier, fut mariée àB
douin, seigneur deBrichanteau; écuyer. Le fils I
Baudouin, neveu du prévôt de Paris, fit lui
mage, envers son oncle, de la terre de Brich |
teau, fief dépendant de Villiers-le-Morhier. I
neveu; servit les Anglais avec le prévôt de Pa t
notamment à la journée des Harengs et à la A
fense de Saint-Denis. Il fut tué dans cette ( I
nière rencontre, en 1436. C'est de lui que cl
cendent les seigneurs de Brichanteau , mar< jk
de Nangis au dix-septième siècle.
A. V.— V.
Cabinet des titres. — archives de la Seine- Inférie H
— Sauvai, antiquités de Paris, t. III, p. 233, et' I
Journal de Paris (édition du Panthéon), p. 669, M
— Chroniques de Cousinot, J. Chartier ( édition Va II
Viriville). Thomas Basln aux tables. Le Feron, 1554,1
prévôts de Paris. — Félibien, histoire de Paris. — I
pinois, Histoire de Chartres. — Anselme, JJist. gène BJ
gique, au mot Morhier.
morhof {Daniel-Georges), célèbre érl
et bibliographe allemand, né à Wismar, le M
vrier 1639, mort à Lubeck, le 30 juillet lin
Élevé sous la direction de son père, greffiei (ta
tribunal de Wismar, il étudia à Rostock le di il
les mathématiques et l'histoire, et y apprit a r
les principaux idiomes de l'Europe moderne, ï.<
poème comique, qu'il composa en 1659 sur»
cigogne tuée par accident, lui valut l'offre c fri
chaire de poésie ; il l'accepta sous la condi ^t
de pouvoir, avant d'entrer en fonction, voy. f
pendant quelque temps. Après avoir visit f/
Hollande et l'Angleterre , il prit possessior p"
sa chaire à la fin de 1661. Nommé en 1665 1"1
fesseur d'éloquence et de poésie à Kiel, i fri
rendit en 1670 de nouveau en Hollande, o il
(i) L'époque de sa mort ne nous est point eiacte.jtr
connue. Mais elle doit avoir suivi d'assez près l'e:|-i
sion complète des Anglais ( 1453 ). Le 7 mars 1456 p>
Morhier, chevalier, fils de Simon et de Jeanne de L fc-
est qualifié, à son tour, seigneur de Fillicrs, tltr I
réditalreet patrimonial dans cette famille. 11 y a li<'e
croire par conséquent que Simon n'existait plus à Ie
dernière date.
11 MORHOF —
lia avec Grœvius, Gronovius, Gudius et
très savants distingués ; il passa ensuite en
igleterre, où il fut élu membre de la Société
yale des Sciences. De retour à Kiel, il reprit
ii enseignement, qu'il continua jusqu'à sa
>rt avec le plus grand succès; il reçut de
| is en 1673 la chaire d'histoire et Tut nommé
[ 1680 bibliothécaire de l'université. Pas-
| >nné pour l'étude, il avait acquis une immense
idition, qui ne Taisait aucun tort à son juge-
\ nt et à son esprit naturel ; il était d'un com-
< rce des plus agréables, et il se fit remarquer
• sa générosité envers les étudiants nécessi-
; x. On a de Morhof : Diatribe de morbis et
kum remedii» juridica; Rostock, 1658; —
issus in Ciconiam; carmen juvénile et lu-
l :rum ; Rostock, 1660 et 1667, in-4° ; — De
î re Silentii ; Franeker, 1661, in-4°; — De
{ thusiasmo et Furore poetico ; Rostock ,
[il, in-4°; — De Divirtitate Principum ;
S stock, 1662, in-4°; — Memoria H. Rahnii,
» isconsulti ; Rostock, 1662, in-4° ; — Que-
I a Halecis ad Neptuni tribunal ; carmen
ïulare ; Rostock, 1662, in-4°; — Diatribe
E lologica de novo anno ejusque ritibus ;
litock, 1663, in-4°; — Carmen de Ente Ra-
w/nis heroicum joculare; Rostock, 1663,
liu; — Princeps medicus ; Rostock, 1665,
I *° : cet >opuscule , qui soutient la réalité des
1 risons des écrouelles par les rois de France
I l'Angleterre, a été attaqué par Zentgrave ; —
Sole igneo; Kiel, 1672, in-4° : — De Scy-
\i vitreo per sonum humanœ vocis rupto ;
jj, 1672, 1683 et 1703, in-4° : écrit à propos
marchand devin d'Amsterdam, qui brisait
verres en élevant la voix d'une octave au-
sus du ton de ces verres mis en vibration ; —
intemperantia in studiis et eruditorum,
exea oriuntur, morbis ; Kiel, 1672, in-4°;
le Transmutatione Metallorum; Hambourg,
?3, in-8° ; écrit en faveur de l'al'chimie; —
Paradoxis sensuum ; Kiel, 167 6 et 1685,
— ZJnterrïcht von der deutschen
wche und Poésie, deren Ursprung, Fort-
%g und Lehrsatze ( Exposé de la Langue et
la Poésie allemandes, de leur origine, de leur
teloppement et de leurs principes ) ; Kiel ,
ta, 1700 et 1718, in-8°; la troisième édition
;itient les poésies allemandes de Morhof; —
lEloquentia in tacendo ; Kiel, 1684, in-4°;
\De Patavinitate Liviana, ubi de urbani-
et peregrinitate sermonis latini uni-
se agitur ; Kiel, 1685, in-4°; réimprimé
*s le tome VII de l'édition de Tite-Live de
«kenborch ; — Philocrysum , seu de laudi-
I'î auri orationes duse ; Lubeck, 1690,et Leip-
, 1690, in-4° : le premier de ces pamphlets
litre les prêtres catholique* est de Majoiagio
J>y. ce nom); le second de Morhof; — Po-
lyistor, sive de notitia auctorum et rerum
ni nmentarii; Lubeck, 1688-1692, 3 vol. in-4°;
^1., 1695, 2 vol. in-4°, avec des notes et une
NOUV. r.tOC.R. GÉNÉR. — T. XXXVI.
MORIALE 578
Vie de l'auteur par J. Moller ; une nouvelle et
meilleure édition fut donnée par Fahricius; Lu-
beck, 2 vol. in-4°; une quatrième parut dans
cette ville, 1747, 2 vol. in-4° : cet ouvrage, le
plus important de ceux publiés par Morhof, a
beaucoup contribué à faire connaître l'histoire
des sciences et des littératures ; mais aujoui
d'hui il n'a plus une grande valeur. L'auteur y
traite successivement de l'utilité de l'histoire lit-
téraire; de l'usage et du choix des livres ; des
bibliothèques ; des méthodes d'enseignement ;
des langues et des grammaires; de la rhéto-
rique, de la poésie et de la philosophie ; de la phy-
sique et des sciences occultes ; des mathémati-
ques; de la morale; et enfin de l'histoire et des
historiens ; — De Disciplina Argutiarum ;
1693, in-12, et 1705, in-8°;— Collegium epis-
tolicum ; Leipzig, 1693, in-12 ; Lubeck, 1694,
in-8° : une nouvelle édition de ce traité de la
manière d'écrire des lettres fut donnée en 1715
par J.-B. Majus ; — Opéra poetica; Lubeck,
1694, in-8° ; — Orationes et Programmata ;
Hambourg, 1698, in-8° ; — Disserlationes
academicx et epistolicœ ; Hambourg, 1699,
in-4°, précédéesd'une Fie de l'auteur, qui jus-
qu'à l'an 1671 est une autobiographie ; — Deli-
cix oratorise intimions , sive de dilatatione et
amplificatione oratorio; Lubeck, 1701, in-8°;
— Dépura Dictione lalina; Hanovre, 1725,
in-8° ; avec des notes de l'éditeur Mosheim ; —
De legendis, imitandis et excerpendis Auc-
toribus ; Hambourg, 1731,in-8°. O.
Buchardt, Laurus Cimbrica ( Lubeck, 1695, in-4°). —
Moller, Cimbria Litterata, t. I et II. — Nlceron, Mém ,
t. II. — Clarmundus, V Use, t. V. — Henricl, f Use eru-
ditissimorum Firorum, p. 28J. — Rolllus, Mem. Pfiiloso-
phorum, t. II, p. 283. — Sax, Onomasticon, t. V, p. 39.
1MOR1 DA ceno (Ascanio de), novelliere
italien, né à Mantoue, vivait dans la seconde
moitié du seizième siècle. Attaché au prince
Henri de Gonzague, il l'accompagna dans plu-
sieurs campagnes contre les Turcs en Hongrie.
Au retour il entra au service des Vénitiens. On
n'a point d'autres détails sur sa vie. On a de
lui : Giuoco piacevole; Mantoue, 1575, in-4°;
la seconde édition con la giunta d'alcune
rime e d'un ragionamento in Iode délie donne
parut à Mantoue, 1580, 3 part. in-4°; et la troi-
sième édition, piu corretla e migliorata, Man-
toue, 1589,. irr-40 ; — Prima parte délie No-
velle di Mori da Ceno; Mantoue, 1585, in-4°:
cette première partie, la seule qui ait paru, con-
tient quatorze nouvelles , toutes fondées sur des
faits contemporains plus ou moins déguisés; elle
a été réimprimée à Londres ( Novelle de Asca-
nio de' Mori da Ceno); 1794, in-8°; — Let-
tere; Mantoue, 1589, in-4°- Z.
Brunet, Man. du Libraire.
moriale (Fra), ou Montréal d'AIbarno,
célèbre condotiere provençal, né à Narbonne,
exécuté à Rome, le 29 août 1354. Entré d'abord
chez les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem,
il se mit, après avoir quitté cet ordre, au service
19
579
MORIALE — MORIBECA
58(
du roi Louis de Hongrie avec une troupe de mer-
cenaires ; il prit part aux guerres qui se livrèrent
dans le royaume de Naples, et s'y distingua par
son brillant courage. Quand déjà tous les autres
généraux de Louis avaient traité avec la reine
Jeanne, il se refusa de lui remettre Aversa, où
il avait établi le centre de ses opérations. Assiégé
par Malatesta, seigneur de Rimini, il fut enfin,
en 1352, forcé de capituler et d'abandonner le
riche butin qu'il avait amassé. It se rendit à
Rome, où il guerroya pendant quelque temps
pour le saint-siége contre le préfet de Vico. En
septembre 1353 il passa avec quatre cents ca-
valiers au service de ce même préfet ; il le quitta
deux mois après, ayant résolu de rassembler
en son propre nom une armée qui , sans dé-
pendre d'aucune puissance en particulier, fût ca-
pable de se faire craindre de toutes et de se pro-
curer par la force non-seulement l'entretien,
mais la richesse. Il réunit bientôt sous son dra^
peau, par de brillantes promesses, quinze cents
cavaliers et deux mille fantassins, avec lesquels
il entra.au mois de novembre 1353, sur les terres
du seigneur de Rimini , dont il voulait se venger.
En quelques mois il s'empara de plus de qua-
rante châteaux ; le bruit de ses succès attira au-
près de lui une foule d'autres soldats italiens,
allemands ou hongrois; il en fit un corps régu-
lièrement organisé, qui devint plus tard la fa-
meuse Grande Compagnie. Il institua quatre
capitaines de cavalerie, dont trois Allemands, et
quatre connétables d'infanterie, tous Italiens ;
ces huit chefs formaient le conseil supérieur et
secret, qui par l'adjonction d'un général de
finance et de quarante capitaines inférieurs se
constituait en grand conseil. Le butin était par-
tagé selon certaines règles fixes; il était vendu
à des marchands, qui étaient en compte courant
avec la compagnie; des juges maintenaient dans
le camp une discipline sévère, mais laissaient
aux soldats toute latitude dans leurs excès
contre les habitants des pays avec lesquels on
était en guerre. Accablé par cette armée, qui s'ac-
croissait de jour en jour, le seigneur de Rimini
fit la paix avec Moriale , en lui payant 40,000
florins. Sur ces entrefaites, les républiques de
Florence, de Sienne et de Pérouse s'étaient en-
tendues pour résister en commun à l'attaque pro-
chaine que Moriale méditait contre elles; mais
celui-ci sut habilement détacher Pérouse de cette
ligue, et, par une marche rapide sur Sienne,
força cette ville à lui payer 16,000 florins. En
juillet 1354 il se dirigea sur Florence, pillant et
dévastant tout sur son passage. Son armée se
composait alors de sept mille gendarmes , de
quinze cents hommes d'infanterie d'élite et d'une
troupe de goujats et de gens de sac et de corde,
qui au chiffre de près de vingt mille étaient très-
utiles aux soldats- en les fournissant de vivres.
Les Florentins, effrayés, se résignèrent à remettre
à la compagnie 25,000 florins; Moriale, après
en avoir obtenu 16,000 des Pisans, conduisit ses
troupes en Lombardîe et les mit, pour quatn
mois et contre la solde de 150,000 florins,1 ai
service de la ligue formée contre l'archevèqui
de Milan. Laissant ses soldats sous le comrnan
dément d'un seigneur allemand, le comte *
Landau, Moriale se rendit àRome, pour nouer de
intelligences dans le midi de l'Italie, où il pensai
mener l'année prochaine ses terribles bandes. I
avait aussi l'intention de recouvrer une partie d>
l'argent qui, confié par lui à ses frères Arim
baldo et Bretonne (1), avait été prêté par eu:
au célèbre tribun Coladi Rienzi. A peine arriv
à Rome, il fut arrêté par ordre du tribun ; seloi
quelques-uns , Rienzi avait appris d'une ancienn
maîtresse de Moriale que celui-ci avait annono
le projet de le tuer; selon d'autres, il aurai
soupçonné Moriale de s'être entendu contre lu
avec les Colonna. Mis en jugement comme voleu
public et comme ayant fait mettre à mort un
multitude d'hommes innocents, Moriale, devac
qui peu de jours auparavant toute l'Italie trere
blait, fut mis à la torture. Toute sa défense con
sistait à dire : « qu'il était chevalier, et qu'il ava
voulu obtenir de la gloire et de la considéra
tion ». Condamné à mort, il la subit avec le plu
grand courage. Une partie de ses richesses ft
séquestrée par le pape , qui fit remettre 60,00
florins d'or aux personnes qui avaient été pi
lées parla compagnie; quant aux sommes appai
tenant à Moriale, qui furent trouvées à Rome
elles passèrent en grande partie entre les main
de Gianni deCastello; Rienzi, qui avait espéi
les accaparer toutes , n'en reçut qu'une faibl t
part, et se repentit alors peut-être d'avoir pot
si peu commis une si basse action. O.
Matteo Villani. — V ita di Rienzo.— Raynaldi, Annale
— Sismondi, Histoire des Républiques italiennes, t. V
— Sade, Mémoires sur Pétrarque. — Papencordt, Rien.
et Rome à son époque.
moribeca (BelcMor Dias), mineur brésiliei
né à Saint-Paul, au dix-huitième siècle. Il fit, di-
on, la découverte de richesses immenses dansl
district de Jacobina ; la tradition veut surtout qu'
ait trouvé dans la Serra da Borracia un giseraer
de mine argentifère plus riche qu'aucun de ceu
rencontrés à cette époque. Ne voulant pas dé
voiler son secret, il fut incarcéré dans la priso
de Bahia, et y mourut ; on ajoute encore qu il n
subit cette peine qu'en raison de son silène
obstiné, et qu'il avait mis sa découverte à trol
haut pVix pour que le gouvernement pût y al I
teindre. Moribeca avait laissé, dit-on, des Rol
teiros ms., qu'on n'a jamais pu découvrir. Ol
est revenu récemment au Brésil sur cette tra
dition, qui défraye les amateurs de légendes mer
veilleuses, et que l'on peut placer à côté de cell
de Roberio Dias. Le pays de Jacobina fait parti
(1) Le premier était jurisconsulte, le second ohevalie
Exaltc's par les idées chimériques de Rienzi, ils s'attaeM
rent à sa fortune. Ils furent arrêtés en même temps qu ^
leur frère ; ils recouvrèrent plus tard leur liberté ; ma!
Rienzi garda leurs biens.
MORIBECA - MOR1ER
i la province de Bahia, déjà si riche, grâce à ses
ivelles mines de diamants. F. D.
I ccloll, Memorias historicas e politicas du Provincia
, iktliia, t. V et VI.
lnoRiCE debeaurois ( Dom Pierre-Hya-
<[ Ihe), érudit français , né le 25 octobre 1693,
^uimperlé ( Basse-Bretagne), mort le 14 oc-
Irre 1750, à Paris. Issu de parents nobles et
ïies, il fit ses études au collège de Rennes et
i nonça ses vœux dans cette ville, à l'abbaye
<f Saint-Melaine , de l'ordre des Bénédictins de
i it-Maur (1713); il y fut chargé de divers of-
fset aussi de l'instruction des novices. Appelé
«1731 à Paris pour travailler à la généalogie
« a maison de Rohan, il'y vint en compagnie
cjlom Duval (1), son ami, et demeura au mo-
tf ère de Notre-Dame-des-BIancs-Manteaux.
In Duval ayant été attaché à Saint-Germain-
4 Prés, Morice termina seul ['Histoire gé-
ologique de la maison de Rohan, qu'ils
aient commencée ensemble et qui, avec les
,f| ives, forma 2 vol. in- fol. ; cet ouvrage, resté
■à it, lui valut de la part du cardinal de Rohan,
v{ pension de 800 livres. A la prière des états
dî Jretagne , il entreprit une nouvelle histoire
d; ette province; mais la mort le surprit avant
, 11 ière publication de ce travail , qui fut revu
e| mplété par dom Taillandier. Les deux grands
oi âges de dom Morice sont : Mémoires pour
W4r de preuves à /'Histoire ecclésiastique
d( Jretagne (de dom Lobineau); Paris, 1742-
iw>». 3 vol. in-fol. ; Lobineau n'avait donné ces
p|;s que par extraits ; on y trouve, dans les
pfices, des éclaircissements curieux sur le droit
pi ic, la jurisprudence, les usages et les moeurs
d( Bretons sous les Romains , sur l'origine des
hfns et des fiefs, sur les états généraux d,e
Bj/agne, etc.; -r- Histoire ecclésiastique et
S'ede Bretagne ; Paris , 1750-1756,2 vol,
1. On regarde cet ouvrage comme supé-
Tiji' à celui de dom Lobineau, autant par les ad-
idios et les éclaircissements qu'il renferme que
Pf e ton du style et l'exactitude des détails. On
aune une nouvelle édition de ces deux ouvrages
^is(Guingamp, 1836-1837, 20 vol, in-8°, fig.);
mi elle laisse heaucoup à désirer. P. L.
iTassin, Hist. littér. de la Congrég. de Saint-Mavr.
—lorcec de Kerdanet, Écrivains dé la Bretagne, -m
M(ri, Grand Dict. hist. (édit. 1759).
Idrice ( Emile ), littérateur français , né
H» '97, à Rouen, mort le 2 novembre 1836. Fils
*'« commerçant, il entreprit, à l'issue de ses
étiîs, un long voyage d'agrément à travers
l'^agne, la Suisse, l'Allemagne et les Pays-
Ba Appelé à Paris par suite des malheurs qu'a-
▼a éprouvés sa famille , il coopéra à la rédac-
fone quelques journaux littéraires, entre au-
l Jacques-Etienne Dovai, né en 169S, à Rennes,
*j: bibliothécaire de l'abbaye de Saint-Germain-des-
W'jOù il mourut, le 23 avril 1742. Outre la part qu'il
li!î!!a's'0lre 'ras-' dc la mais<>n de Rohan, on n'a de
"J une lettre sur la position de quelques anciennes
™ des Gaules , insérée dans Le Mercure de sept.
5»a
très de L' Aristarque, feuille fondée par M. de La
Bourdonnaie, et devint depuis 1830 un des ré-
dacteurs ordinaires de La Quotidienne. Il
mourut d'une maladie de poitrine. On a de lui :
Révélations et Pamphlets; Paris, 1834, in-8°.
Il a édité avec M. Lenglé V Histoire du Jongleur
(1829), et a rédigé une partie des Mémoires de
Vidocq. k#
La Quotidienne, nov. 1886.
morichkau beauchamp ( René-Pierre ),
médecin français, né vers 1776, à Poitiers, où
il est mort, le 2 octobre 1832. Envoyé en 1797
à Paris, aux frais de son département, pour y
suivre les cours de l'École de Santé , il servit
comme aide major dans le 7e de hussards, et fît
la première campagne d'Italie. Après avoir été
reçu docteur à Montpellier, il vint s'établir à
Poitiers (1801), et enseigna la pathologie chi-
rurgicale à l'école secondaire (1807), dont il de-
vint directeur en 1821. Il était membre de plu-
sieurs sociétés savantes. On a de lui : De la
Nuit et de son influence sur les maladies ; Paris,
1808, in-8°, mémoire couronné en 1806 par la
Société de Médecine de Bruxelles. K.
Henrion, annuaire nécrologique, II.
morier (James ), romancier anglais, né en
1780, mort en 1849, à Brighton. Neveu de l'a-
miral William Waldegrave, baron Radstock , il
entra de bonne heure dans la carrière diploma-
tique. D'abord secrétaire particulier de lord El-
gin , ambassadeur à Constantinople , il suivit le
grand-vizir dans la campagne d'Egypte et avait
ordre de déterminer avec lui l'évacuation de ce
pays par l'armée française. Il fut fait prison-
nier, et, bien qu'on eût découvert le secret de
sa mission , on le rendit bientôt après à la li-
berté, non sans le menacer de le traiter comme
un espion s'il reparaissait en Egypte. Envoyé
en Perse en quatité de secrétaire d'ambassade,
il y fit un assez long séjour, et mit ses loisirs à
profit pour étudier de près les mœurs du pays.
On a de lui : Journey through Persia , Ar-
menia and Asia minor to Constantinople, in
the years 1808 and 1809 ; Londres, 1812, in-4°,
fig. ; trad. en français par M. Eyriès ( Paris',
1813, 3 vol in-8° et atlas); —A second Jour-
ney through Persia, etc., between the years
1810 and 1816, with a Journal of the voyage
by the Brazils and Bombay to the Persian
gulf; Londres, 1818, in-4», fig. ; trad. en fran-
çais (Paris, 1818, 2 vol. in-8°); — The Ad-
ventures of Hajji-Baba o/Jspahan; Londres,
1824-1828, 5 vol. La première partie a été tra-
duite en français par Defauconpret ( Paris, 1824,
4 vol. in-12); ce roman obtint un grand succès
en Angleterre , succès qu'il méritait par la va-
riété des tableaux , par l'exactitude des carac-
tères et par le charme des descriptions; —
Zohrab the hostage; Londres, 1832, 3 vol.,
trad. par M. Philarète Chasles (Paris, 1833,
2 vol. in-8° ) , roman historique rempli de pas-
sion et d'intérêt ; — Ayesha the maid of Kars;
19.
583 M0R1ER —
Londres, 1834, 3 vol., trad. par Defauconpret
(Paris, 1834, 2 vol. in-8°), roman d'imagina-
tion, inférieur aux précédents; — Abel Allnutt,
a novel; Londres, 1837, 3 vol.; — Mirza, a
novel; Londres, 1841, 3 vol. ; — The Boni-
shed, a swabian historicnl taie; Londres,
1848, 3 vol., trad. de l'allemand ; ces dernières
productions sont d'une extrême faiblesse..
Son frère, David- Robert Morier, s'était
aussi consacré à la diplomatie; en 1849 il fut
rappelé de Suisse, où il était accrédité comme
ministre plénipotentiaire. K.
Conversations- Lexïkon. - Chambers, Cyclop. of En-
glish lileruture.
morigia ( Bonincontro ), chroniqueur ita-
lien, né à Monza, était en 1329 un des douze
conseillers municipaux de cette ville, et en 1343
il lut chargé d'une mission auprès de l'archevê-
que de Milan. Il a laissé un Chronicon Modoe-
tinse, ubi potissimum agitur de gestis prio-
rum Vicecomitum, et qui s'étend jusqu'à l'année
1349. Cet ouvrage a été inséré dans la grande
collection de Muratori : Scriptores Rerumltali-
carum, t. XII, p. 1053. G. B.
Tiraboschi, Storia délia Letter. liai.
morigia ( Jacques-Antoine de ), fondateur
d'ordre religieux, né en novembre 1497, à Mi-
lan, où il mourut, le 14 avril 1546. Jusqu'à l'âge
de vingt-cinq ans il s'adonna à tous les plaisirs
du monde; mais à cette époque de sa vie il fut
touché de la grâce, et tout aussitôt s'enrôla dans
une confrérie de pénitents établie à Milan sous le
nom de Confrérie de l'Éternelle Sagesse. Admis
dans les ordres mineurs, il refusa la riche ab-
baye de Saint-Victor, et exerça son ministère de
charité pendant la peste qui, en 1525, désola
Milan. Quelques années après, il se joignit à An-
toine-Marie Zacharie de Crémone et à Barthé-
lerni Ferrari de Milan , gentilshommes comme
lui, et tous trois fondèrent la congrégation des
Clercs réguliers de Saint-Paul, ainsi appelée du
nom de leur première chapelle à Milan, et qui
plus tard prit celui de Barnabites, à cause de
l'église de Saint-Barnabe. Par un bref du 18 fé-
vrier 1533, Clément VII approuva cet institut,
dont Morigia, après avoir reçu la prêtrise, fut
nommé le premier prévôt, le 15 avril 1536. Ces
clercs réguliers, établis pour les missions et au-
tres fonctions sacerdotales, ne vivaient d'abord
que d'aumônes et, suivant leurs premières cons-
titutions, ne devaient posséder aucun revenu;
mais tout cela a changé depuis. Morigia entre-
prit des missions à Vicence , à Vérone et dans
quelques autres villes de l'Italie. Il se démit en
novembre 1542, après avoir sagement gouverné
sa congrégation ; mais ses confrères le réélurent
le 30 juin 1545, et ce fut le 21 octobre suivant
qu'il prit possession de Yéglise de Saint-Bar-
nabe. De nos jours l'institut des Barnabites a
-son supérieur général à Borne, est répandu
dans presque tous les pays catholiques, et pos-
sède une maison à Paris. H. F— t.
MORIGIA
Innocente Oubio, Vita dei venerabili padri Jlt
Ferrari e Ciac. A. Morigia; Mllano, 1858, In-iî.
Secchi, De Cleric. reg. S. Pauli Synopsis.
morigia (Paul), savant historien italii
de la même famille que les précédents, m
Milan, le 1er janvier 1525, mort en 1604. En
chez les Jésnates de Saint-Jérôme à l'âge de d
sept ans , il fut quatre fois général de son ord
dont il fit réformer les statuts. On a de h i.
Istoria et Origine délia famosa Fontana de
Madonna dï Caravaggio; Milan, 1545, in-'
Brescia, 1618, in-4°; — Istoria delV Orig,
di tutte le Religioni; Venise, 1569, 1581
1586, in-8°; — Paradiso de' Gesuati,
quale si racconta l'origine dell' ordine
Gesuati de1 di S. Girolamo e le vite
B. Giovanni Colombini, fondatore di esso
dine, e d'alcuni de' suoi discepoli; Veni
1582, in-4° ; — Istoria delV Antichità di
lano; Venise, 1592, in-4°; cet ouvrage, coir-
la plupart de ceux de Morigia, manque de i
tique; — Vita dell' infante Elisabetta d'A
tria, regina di Francia; Bergame, 1594,jn-
— Il Duomo diMïlano descritto; Milan, 1
et 1642, in-8°; — La Nobittà de i signori
del consiglio di Milano ; Milan, 1595, m-
et 1619, in-8°; — Faccolte di tutte le op>
di carità christiana che si fanno in Mila
ospedali, case pie, scuole, letture, etc.;
lan, 1599 et 1601, in-8° ; — Istoria de ' f
sonnaggi illustri che furono rellgiosi
suati; Bergame, 1599, in-4°; — Somme
délie cose mirabili délia città di Mila
Milan, 1602 et 1609; — Istoria de' pers
nagi illustri religiosi; Bergame, 1603, in-
_ Istoria délia nobiltà del Lago Maggk
nella quale si descrive il fiume licino,
la descrizione di tutte le terre e borghi
giacciono nelle sue rivière, con gli uort
degni di Iode che sono usciti da quel l
ghi; Milan, 1603, in-8° ; — quelques aua
écrits historiques et ascétiques; — un rec
de Lettres écrites par Morigia au cardinal :
déric Borromée se trouve en manuscrit à la
bliothèque Ambrosienne à Milan. O.
César Morigia , Vita di l'. Morigia (Milan, 1594, ir
— Ghilini, Teatro. — Picinelli, Athenxnm Med<
nense. — Argelati , Scriptores Mediolanenses.
morigia ( Jxicques- Antoine ), cardinal
lien, né à Milan, le 23 février 1632, moi
Pavie, le 8 octobre 1708. Entré chez les Ba
bites à l'âge de dix-sept ans , il professa la
losophie à Macerata et à Milan, et se fit entei r
avec succès dans les chaires des princip s
églises d'Italie. Cosme 111 de Médicis, grand' o
de Toscane, le choisit pour théologien et le d( [a
pour précepteur à Ferdinand, son fils aîné je
crédit d.i ce prince lui fit obtenir en 1681 -
vêché de San-Miniato, d'où il fut transfér le
11 janvier 1683, à l'archevêché de Florence i-
nocent XII le fit cardinal in petto dans la ; h
motion du 12 décembre 1695, mais ne le I
blia que dans le consistoire du 15 décer ;e
*5
MORIGIA. - MORILLON
S86
98, déclarant en même temps que Murigia
rait le pas sur tous les cardinaux créés en
96, parce qu'il l'avait réservé avec cette in-
îtion. Archiprêtre de la basilique Libérienne,
lut lui qui fut chargé, au jubilé de 1700, d'ou-
ir la porte sainte. Démissionnaire de l'arche-
,que de Florence en 1699, il refusa cette même
née l'archevêché de Milan après la mort de
jédéric Caccia, devint titulaire de deux ab-
lyes et enfin, en 1701, évêque de Pavie. On a
Liai : Orazione Junebre nelle esequie di
\lippo Visconte, vescovo di Catanzano;
34, in-4°; — Pietôsi tribu ti resi alla grand'
j ima di Filippo IV ; Milano, 1666, in-4° ; —
I Iquila volante, orazione funèbre, perla
[ ssa occazione ; Milano , 1666, in-4° ; —
{(1ère paslorali al popolo di Firenze,
fol. H. F— t.
l-ghelll,- Italia Sacra. — Rerum Italicarum Scrip-
hèt, tome IX. — Ph. Argellati, Bibliotheca Scriptorum
\4tiolanensium , tome II. — Dict. des Cardinaux.
[morillo (Don Pablo), général espagnol,
{en 1777, à Fuentes de Malsa, province de
lo, mort à Rochefort, le 27 juillet 1838. Après
I ir été, dit-on, pâtre dans sa jeunesse, il s'en-
Lea dans la marine de l'État; à Trafalgar, il
L t sergent d'artillerie, et sauva du milieu des
s son pavillon, qu'un boulet venait d'empor-
Il passa dans l'armée de terre lors de la
>rre de l'indépendance, et commanda dans la
Ircie un corps de guérillas ; la prise de Vigo
valut en 1809 la confirmation du grade de
pnel, qu'il s'était adjugé lui-même. En 1815
;çut le commandement d'une armée de dix
e hommes, chargée de soumettre les colonies
l'Amérique du Sud ; il devait acquérir dans
fte guerre une réputation brillante , malheu-
isement ternie par des actes de cruauté. Après
iir perdu quinze cents hommes dans l'île de La
rguerite, il débarqua à Corrolitos dans le Ve-
uela et marcha sur la ville de Carthagène ; la
Irnison, qui n'avait que quarante-deux jours de
res, résista pendant trois mois ; cinq mille Vé-
«uéliens étaient morts de faim lorsqu'on ouvrit
portes à Morillo. 11 entra ensuite dans la
Mvelle-Grenade, et s'empara de Santa-Fé de
5ota; les massacres ordonnés dans cette ville
levèrent tout le pays ; les indépendants, bat-
à Pueute (février 1816), malgré les efforts
rismendi, forent vainqueurs à Ocanno. Boli-
', de son côté, battit une flottille espagnole ,
inapara deLa Marguerite et força les royalistes
^vacuer Santa-Fé ; mais il fut vaincu à Cachiri,
tMorillo entra de nouveau dans la capitale de
jWouvelle-Grenade. Bolivar put cependant éta-
jr un gouvernement provisoire à Barcelonne.
1 mai 1817, une affaire décisive eut lieu sur
h bords de l'Orénoqne entre les troupes de
irillo et celles d'Arismendi; les indépendants
^portèrent une complète victoire. Cependant
ji'illo, que l'on croyait abattu, débarque tout à
fip dans l'Ile de La Marguerite; il prend d'as-
saut Porlamar, passa au fil de l'épée tous ceux
qui s'étaient défendus; puis, désespérant de
vaincre, malgré la victoire remportée par sa
flotte sur l'amiral Brion, il repasse sur le conti-
nent, et bat Marino près de la rivière de Cariaca.
Dans la campagne suivante (1818), il fut griève-
ment blessé à la bataille de Coro; enfin, déses-
pérant de terminer cette guerre, il demanda son
rappel en Espagne; Ferdinand VII le nomma à
son retour comte de Carthagène, puis marquis de
Fuentes. Lors de la révolution de 1820, Morillo
prit d'abord parti pour la royauté absolue , fut
chargé du commandement de Madrid, et dissipa
(août 1821) les bandes d'insurgés qui s'étaient
formées à la Granja. Mais comme il cherchait
avant tout à pousser sa fortune, il passa aux
constitutionnels, qu'il jugeait les plus forts;
malgré le peu de confiance qu'il leur inspirait, il
obtint de leurs chefs le commandement du qua-
trième corps de l'armée destinée à repousser
l'agression française; il résista faiblement, et
quand les cortès eurent prononcé la déchéance
de Ferdinand VII, il refusa de reconnaître cet
acte et signa un armistice avec le général fran-
çais Bourcke. Il espérait ainsi rentrer dans les
bonnes grâces de Ferdinand VII ; mais lorsque
ce prince eut été rétabli dans son autorité , Mo-
rillo fut forcé de s'exiler, et vint mourir obscuré-
ment en France. Il était plutôt un excellent chef
de partisans qu'un général d'armée; la guerre
d'Amérique était faite pour son génie : on admire
avec quelle habileté il sut se maintenir pendant
cinq années au cœur d'un pays ennemi, à la tête
d'un petit nombre d'hommes , séparé de l'Es-
pagne par de vastes mers et ne recevant que de
rares secours; mais les représailles qu'il or-
donna ou qu'il permit entachèrent sa gloire et
furent plus nuisibles qu'utiles à la cause qu'il
défendait. Il a laissé des Mémoires relatifs aux
principaux événements de ses campagnes en
Amérique, traduits en français par M. Ernest
de Blosseville (Paris, 1826, in-s°). A. H— t.
Galerie espagnole (Paris, in-8», 1853).— Pablo Morillo,
dans les Médailles biographiques (Paris, 1823).— AT-'
nauit, Jay, etc., Biographie des Contemp. (1823).
morillon (Jules-Gatien de), poète fran-
çais, né à Tours, en 1631, mort dans l'abbaye
de Saint-Mélaine de Rennes, le 14 janvier 1694.
Il était entré dans la congrégation des Bénédic-
tins de Saint-Maur, et pendant un quart de
siècle il y remplit des fonctions administratives
importantes. Il était doué d'une grande facilité
pour la poésie ; mais il est juste d'observer que
ses vers ne sont guère que de la prose rimée.
Il publia des paraphrases sur le Livre de Job
(Paris, 1668), sur le Livre de l'Bcclésiaste
(Paris, 1670), sur le Livre de Tobie ( Orléans,
1674 ); le texte biblique y est délayé d'une façon
assez prolixe. Un autre ouvrage de ce reli-
gieux a la bonne fortune d'être recherché des
bibliophiles; il a pour titre Joseph, ou Vesclave
fidèle. On en connaît trois éditions; deux, sous
587 MORILLON
îa rubrique de Turin, 1679, ont été imprimées
■à Tours; la troisième est datée de Breda, 1705.
Ce livre est devenu fort rare, parce (que les ctm-
frères de l'auteur en supprimèrent, dhVon, au-
tant qu'il dépendit d'eux, tous lesexemplaires ;
ils furent choqués du tableau de la passion d'O-
sirie, femme de Putiphar; mais toutefois, même
dans la scène si connue et délicate entre l'ardente
Égyptienne et le fidèle esclave, il n'y a rien dont
la morale la plus susceptible puisse se regarder
comme offensée. Il est donc vraisemblable que
si la docte congrégation s'attachait vraiment à
faire disparaître le poëme de Joseph, c'est
qu'elle reconnut que sa renommée- littéraire
était compromise par l'apparition d'un ouvrage
aussi faible, aussi défectueux à lous égards ; il
serait resté dans l'oubli le plus complet, si les
efforts tentés pour l'anéantir n'avaient eu pré-
cisément le résultat de lui donner une certaine
renommée bibliographique et de le doter aux
yeux des amateurs d'un prix qu'il ne pouvait
devoir qu'à un motif accidentel tout à fait indé-
pendant de son mérite. G. Brunet.
Dom Tassin , Histoire littéraire de la Congrégation
de Saint-Maur, p. 150. — Du Roure, Analecta Biblio.,
t. II, p. 328. — Bulletin du Bibliophile, 1845, p. 17 et 77.
<"- Violet-Leduc, Bibliothèque Poétique, I. \, p. 556."
morin (Martin), imprimeur français, né à
Rouen, vers 1430; la date de sa mort est in-
connue. Ce fut lui qui, vers la fin du quinzième
siècle, introduisit à Rouen l'art typographique;
le premier ouvrage qui porte son nom est daté
de 1484. Morin est qualifié d'homme loyal et in-
ventif dans une délibération des notables de la
ville de Rouen (1494). Les volumes sortis de
ses presses sohïd'une exécution soignée et d'une
correction remarquable; ils se rapportent pres-
que tous à la théologie; le Missel de 1499, à
l'usage de l'église de 'Rouen , doit être regardé
comme son chef-d'œuvre. G. B.
Ed. Frère, De V Imprimerie et de la Librairie à Rouen,
dans les quinzième et seizième siècles ; Rouen, 1843, in-8°.
morin (Guy de), littérateur français, né
dans le Maine , tué devant la ville de Turin , en
1336. Fils de Jean Morin, nommé chevalier à la
sanglante bataille de Saint-Aubin- du-Cormier, il
entra dans un cloître, et François Lagon, son
biographe, nous le représente faisant, jusqu'à
dix-huit ans, de rapides progrès dans l'élude des
lettres sacrées. Mais son frère aîné, Jean, étant
mort sous les murs de Beyruth, en combattant
Ferrhat-Bassa, Guy déserta le cloître et revêtit
l'uniforme du soldat. Il fit ses premières armes
sous Jacques Daillon, baron du Lude, pendant
les années 1522 et 1523; il prit ensuite part à
la défense de Fohtarabie, menacée par les Espa-
gnols. Après avoir été délivré par La Palice, il
partit avec le comte de Saint-Pol au secours de
Lautrec, qui était sous les murs de Naples à la
tête d'une armée décimée par la peste. Mais
n'ayant pu joindre Lautrec, Saint-Pol repassa
les Alpes, et Guy de Morin se retira dans sa
terre de Loudon, où il reprit avec ardeur ses
— MORIN
études littéraires. Cependant il les interroi
de nouveau quelques années après, en li
pour aller guerroyer en Savoie. Il fut tué c
une escarmouche aux portes de Turin. On;
lui une traduction d'un traité d'Érasme, qi
été publiée plusieurs fois, suivant La Croix
Maine et Du Verdier ; son ami François Sa
en a donné une édition sous ce titre : Prépi
tif à la mort, livre très-utile et nécessair
chascun chrétien; Paris, 1537, in-16. B.
Franc. Sagon , Discours de la vie et mort de Guy
rin, en tête du Préparatif à la mort.— La Cror
Maine et Du Verdier, Biblioth. Franc. — B. Haur
Hist, Lilt. du Maine, t. Il, p. 345.
morin (Pierre), érudit français, né à P,
en décembre 1531, mort à Rome, en 1608
fit de bonnes études, et se rendit habile c
les langues , les belles-lettres et l'antiquité
clésiastique. Il passa en Italie, et s'arrêt
Venise, où Paulo Manuce l'attacha à son ira
merie. Il professa ensuite le grec et la cost
graphie à Vicence et à Ferrare, Recomma
par saint Charles Borromée, il parfit pour Ru
(1575), où les papes Grégoire XIII et Sixt
l'employèrent aux éditions des Septante; 1SI
— de la Vulgate; 1590, in- fol. ; — de la B
en latin, trad. des Septante ; Rome, 1591 , 3
in-fol.; — des Décrétâtes jusqu'à Grégoire I
Rome, 1591, 3 vol. in-fol.; — et à la Col
tion des Conciles généraux; Rome, H
4 vol. Il mourut avant d'avoir terminé ce (
nier travail. Outre ces ouvrages, on a de Pii
Morin : Traité du bon Usage des Sciences
blié par le P. Quétif, en 1675, avec quélq
autres écrits du même auteur. 11 a aussi ti
en latin les Discours de saint Basile sur
quarante martyrs, et douze Sermons cho
de saint Jean-Chrysostome. Morin a laissf
réputation d'un savant pieux, modeste et ce
ciencieux. A. L.
Du Pin, Bibliothèque des Auteurs ecclésiastiq
dix-septième siècle, part. I, p. 34. - Richard et Gir.
Bibliothèque Sacrée.
MORIN (Guillaume), historien français, i
Boiscommun ( Gàtinais), mort à Ferrières ( G
nais), dans les premiers mois de 1630. Entré d
l'ordre de Saint-Benoît, il devint grand-prieui
l'abbaye royale de Ferrières ( diocèse de Sei
On a de lui : Discours des Miracles faits
la chapelle de Notre-Dame de Bethléhem,
l'abbaye de Ferrière en Gastinois, avec
antiquitez de cette abbaye; Paris, 1605, in-
1647, in-4°; — Histoire de l'Abbaye de F
rières; Paris, 1613, in-12; un abrégé
cette histoire se trouve dans l'ouvrage sniv
(livre VI, pages 737 à 784); — Histoire gé
raie des pays de Gastinois, Senonois et l
repois, contenant la description des antiq
te-, des villes, bourgs, chasteaux, abbay
églises et maisons nobles desdits pays, a
les généalogies des seigneurs et familles
en despendent; Paris, 1630, in-4°. Dom Mo
mourut lorsque l'on commençait l'impression
MORIN
.VJO
•t ouvrage, que surveillèrent les religieux de
errières. Cette histoire, la seule que l'on ait
ubliée jusqu'à ce jour sur cette partie de la
rance, est estimée et peut être consultée avec
uit pour l'histoire ecclésiastique. H. F.
[ Biblioth. historique de la France. — Recherches par -
Y culières. — Debure , Bibliographie instructive.
I MORIN (Jean-Baptiste) , astrologue fran-
lis , né le 23 février 1583/à Villefranche (Beau-
I lais ), mort le 6 novembre 1656, à Paris. Après
j oir abandonné ses études, on ne sait pour
îelle cause, il en reprit le cours sur les con-
\ ils du président Du Vair, et s'appliqua, en 1609,
la philosophie. Deux ans plus tard il se rendit
Aix à Avignon, et y fut reçu docteur en mé-
:- »cine (1613). Désireux de s'instruire, il vint
issitôt à Paris, et entra chez Claude Dormi ,
| êque de Boulogne, qui l'envoya en Allemagne
1 en Hongrie pour faire des recherches sur les
' étaux. A son retour il s'appliqua entièrement à
* istrologie judiciaire;, à peine en connaissait-il
> s éléments, qu'il prédit à ce même prélat qu'il
| lit menacé de mort ou de prison. L'événement
i )nna raison à Morin , qui en tira grande vanité.
! i 1621, il se.mit au service du duc de Luxem-
[urg, puis, quittant ce seigneur, dont il pré-
: idalt avoir eu à se plaindre, il s'attacha en 1629
j maréchal d'Effiat. En 1630 il succéda à Sain-
lirdans la chaire de mathématiques au Collège
)yal. Les horoscopes qu'il ne cessait de tracer
' i donnèrent accès chez les plus grands per-
I nnages. Le cardinal de Richelieu le consulta,
It-on, quelquefois, et le cardinal de Mazarin
! i accorda en 1645 une pension de 2,000 livres,
ni lui fut exactement payée. On prétend que
' plupart de ses prédictions se rencontrèrent
fstes, entre autres celles <qu'il fit de la mort
if! Gustave-Adolphe, de Richelieu et de Cinq-
Jars; en d'autres circonstances il commit d'é-
anges bévues, dont ses adversaires ont fait
pinte moquerie. Morinpeut être regardé comme
I dernier des astrologues. Il ne manquait pas
I instruction et de sagacité , et il aurait rendu à
science de véritables services s'il ne se fût
| abli comme le champion déclaré de Tastrologie ;
n aveuglement l'empêcha de rendre justice
ix découvertes de Kopernic, et il soutint, avec
fie sorte de rage, contre Gassendi et Bernier,
mmobilité de la terre. La tentative qu'il fit
four déterminer les longitudes lui attira une
ve querelle, où ses adversaires montrèrent
Hitant d'injustice que d'animosité. Sa méthode
i >nsistait à observer en même temps, ou dans
p moments très- rapprochés, la hauteur de la
me, celle d'une étoile dont la position était
iffisamment connue, ainsi que la distance de
me à l'autre. «Au moyen de ces éléments,
t Montucla, il montrait comment, à une heure
îelconque en mer, on pouvait déterminer la
Inclinaison et l'ascension droite delà Lune, con-
quemment sa latitude et longitude et son lieu
iHis le ciel. Il fallait calculer ensuite, d'après
j les meilleures tables, celles de Kepler par
exemple, l'heure à laquelle la Lune avait cette
même position dans le ciel, pour le lieu auquel
| ces tables étaient destinées et dont la longitude
était connue. La différence des temps convertie
en degrés devait donner la longitude du vaisseau
pour le moment de l'observation. » Présentée
en 1634 à Richelieu, cette méthode, quoique
incomplète, fut trop favorablement accueillie
par les commissaires qu'il avait nommés; mais
ceux ci , dans un nouvel arrêté , changèrent su-
bitement d'opinion et traitèrent Morin avec une
regrettable dureté. Grandjean de Fouchy est le
premier qui ait cherché à réhabiliter la mémoire
de Morin. « Il avait donné, dit-il , dans les rê-
veries de l'astrologie judiciaire , ce qui a sûre-
ment mis quelque obstacle à sa réputation ; mais
il s'en fallait de beaucoup que, comme astro-
nome, il fût sans mérite. Il possédait tout ce
qui faisait alors la plus grande partie du mérite
d'un astronome. Il aie premier complété et dé-
montré ce qui avait été dit avant lui sur la
science des longitudes , et par là jeté pour ainsi
dire le fondement de tout ce qui a depuis été
fait sur cette matière ; et malgré les torts très-
graves qu'eurent à son égard plusieurs des
commissaires , ils eurent raison de décider qu'il
n'avait pas complètement résolu le problème;
ce qui n'empêche pas sa Science des Longitudes
d'être un très-bon livre. N'eût-il donné que cet
ouvrage et les inventions dont nous venons de
parler, il aurait toujours mérité d'être mis au
nombre de ceux qui par leurs travaux ont con-
tribué à l'avancement des sciences. ■»
On a de Morin : Nova Mundi sublunaris
Anatomia; Paris, 1619, in-8° ; il prétend
prouver que les entrailles de la Terre sont divi-
sées en trois régions, de même que l'air ; — As-
tronomicarnm domorum Gabala détecta;
Paris, 1623 ; — Famosi problematis de Tel-
luris Motu vel quiète hactenus optata Solu-
tio; Paris, 1631, im4° ; cet écrit, dirigé contre
le système de Kopernik, suscita des réclama-
tions de tous côtés. Morin répliqua par Res-
ponsio pro Telluris Motu (1634), et par Ticho-
Brahcus in Philolaum pro Telluris Quiète
( 1642 ). Gassendi entra en lice à son tour, suivi
de près par ses amis:Bernier et Laurent de Mes-
mes ( Michel de Nenré); la discussion s'enve-
nima à tel point qu'aucun des disputants ne
garda des mesures d'honnêteté. Poussé à bout,
Morin écrivit contre Gassendi Ala Telluris
fracta (1643); De Atomis et Vacuo (1650);
Panurgi Epistola de tribus Impostoribus
( 1654 ) , etc. ; — Trigonometrix canonicse
lib. III ; Paris, 1633, in-4».: cet ouvrage a été
aussi publié en français ; — Longitudinum
t erres trhim et cœlestium nova et hactenus
optata Scientia ; Paris, 1634-1639, 9 part.
in-4° ; Morin fit des additions à cet ouvrage, et
le 'produisit en 1640 sous le titre : Astronomia
jam a fundamentis intègre restituta, com-
591
MORIN
plectens IX partes hactenus optatx scien-
tix longiludinum cœlestium. 11 l'avait com-
posé pour gagner le prix de cent raille livres que
les états de Hollande avaient promis à celui qui
découvrirait le meilleur moyen de déterminer
les longitudes ; il en retira quelques fruits, mal-
gré l'arrêt prononcé contre lui, puisqu'il obtint
en 1645 une pension de deux mille livres sur
l'abbaye de Royaumont. Au P. du Liris, ré-
collet, qui se vantait d'avoir un meilleur secret
que le sien, Morin répondit avec sa vivacité accou-
tumée dans La Science des longitudes réduite
en une exacte et facile pratique (Paris, 1647,
in-4°). Prenant à partie deux autres adversaires,
Longornontan et Frommius, il avait déjà réfuté
les prétentions de l'un à la découverte, dans Co-
ronis Astronomie jam a fundamentis resti-
tutse ( Paris, 1641, in-4°) et les arguments de
l'autre dans Defensio astronomiœ (Paris,
1644 , in-4°). Cette querelle, que Morin pro-
longea jusqu'à la fin de sa vie, donna encore lieu
à d'autres pamphlets de sa part, entre autres
à celui-ci : Lettres écrites au sieur Morin ap-
prouvant son invention des longitudes (Paris,
1635, in-4° ). Nous citerons encore du même
savant : Quod sit Deus ; cette démonstration
prétendue géométrique de l'existence de Dieu
parut en 1635 et fut réimprimée avec additions
sous un nouveau titre : De vera Cognitione Dei
ex solo naturx lumine per theoremata ad-
versus atheos mathematico more demons-
trata; Paris, 1655, in-12. Morin a été accusé
d'avoir reproduit sans le citer le discours de Ri-
chard de Saint-Victor sur le même sujet ; —
Refutatio compendiosa erronei ac detestandi
libri De Praeadamitis ; Paris, 1657, in-12; —
Astrologia gallica; La Haye, 1661, in-fol. Cet
ouvrage, auquel il travailla pendant trente ans,
fut publié par les soins de Louise-Marie de Gon-
zague, reine de Pologne, qui fit les frais de l'im-
pression. P. L.
Pie de J.-B. Morin (en latin), à la tête de VAstro-
logia galliea, et en français; Paris, 1660. in-12. — Iîayle,
DÏct. critique. — Niceron, Mémoires, III. — Grandjean
de Fouchy, Mémoire dans le Recueil de VAcad. des
Sciences, 1787. — Delambre, Histoire de V Astronomie
moderne, II, 235-274. — Montucla, distoire des Mathé-
matiques, IV. - Lalande, Bibliogr. Aslronom.
morin (Jean), théologien français, né à
Blois, en 1591, mort à Paris, le 28 février 1659.
Ses parents appartenaient au culte réformé ; mais
à Leyde, où il avait été envoyé pour étudier la
philosophie et la théologie, le spectacle, peu édi-
fiant, des discussions violentes des calvinistes et
des arminiens le détacha du protestantisme. Il
se rendit à Paris dans ces sentiments, acheva de
se laisser convaincre par le cardinal Du Perron ,
et, après avoir abjuré, il entra dans la maison
de ce prélat. Quelque temps après, il s'attacha
à Zamet, évêque de Langres. Le désir de se li-
vrer en paix à l'étude le porta, en 1618, à entrer
dans la congrégation de l'Oratoire, fondée depuis
peu. Envoyé ensuite à Angers comme supérieur
du collège, il se rendit très-utile à Charles
ron, évêque de cette ville, qu'il aida dans
composilion de plusieurs écrits relatifs au pro
que ce prélat soutenait contre le chapitre de
cathédrale. En 1625, il fut un des douze prêt
de l'Oratoire qui suivirent la reine Henriette
Angleterre ; il revint bientôt en France avec
autres collègues, dont l'imprudence avait rei
la position fort difficile au milieu d'un peu
protestant. En 1640, il fut appelé à Rome
Urbain VIII, qui s'occupait alors du projet
réunir l'Église grecque avec l'Église latine. Di
la discussion qui eut lieu sur la valeur de l'or
nation dans l'Église orientale, il déploya
connaissances étendues. Les membres de la ci
grégation étaient disposés à condamner cette
dination , dans laquelle ils ne trouvaient pas
cérémonies regardées commeindispensables di
l'Église d'occident; Morin leur prouva que l'i
position des mains est la seule forme nécessa
et que tout le reste est d'un usage moderne
était à Rome depuis neuf mois, quand le cardi:
de Richelieu le rappela en France, soit, comi
le prétendent les uns, qu'il voulût s'aider de s
érudition dans le projet qu'il méditait, dit-<
de se faire déclarer patriarche, -soit, comme
veulent d'autres, qu'il fût mécontent de la n
nière peu flatteuse dont l'oratorien parlait de
personne à Rome. Cette dernière opinion
d'autant plus probable, que Richelieu ne don
aucun emploi au P. Morin et qu'on l'enten
dire à plusieurs reprises que l'oratorien n'ét
bon qu'à vivre dans son cabinet, avec des livrt
c'était aussi un peu l'opinion du P. Morin li
même, qui n'avait d'autre désir que de pouvoir
livrer tout entier à l'étude et qui passa le reste
sa vie entièrement occupé de travaux d'histo
et de critiquesacr.ee. Il mourut d'apoplexie. Oi
o"e lui : De Patriarcharum et Primatum 0\
gine; Paris, 1626, in-4°. Dédié à Urbain VIII, i
ouvrage renferme quelques détails intéressanl
mais il est écrit sans critique et d'un style diffi
On assure que Morin reconnut plus tard qt
n'avait pas assez étudié son sujet; — Histoi
de la Délivrance de V Église chrétienne p
V empereur Constantin, et de la grandeur
souveraineté temporelle donnée à VEgli
romaine par les rois de France ; Paris, 163
in-fol. : composé probablement pour corriger
mauvais effet produit par le traité précédei
dans lequel on avait vu avec étonnement c
principes ultramontains très-décidés; cet o
vrage fut mal reçu. Le cardinal Barberini cha
gea J.-M. Suarez de relever tous les passag
hostiles à la cour de Rome; la liste en fut ei
suite communiquée à Morin, qui promit de 1
corriger dans une nouvelle édition; mais cet
édition n'a jamais été faite; — Exercitation
ecclesiasticee in utrumque Samaritanoru
Pentateuchum ; Paris, 1631, in-4". Le b
de Morin est de prouver que la récension sam
ritaine du Pentateuque a éprouvé moins d'ail
!'3
MORIN
Ô94
i ions que la récension hébraïque, et qu'elle
it par conséquent lui être préférée; — Exer-
ationes Biblicm de hebraici grsecique textus
iceritate, de germana LXX interpretum
mslatione dignoscenda ; Paris, 1633, in-4°;
j. édit., Paris, 1669, in-fol., augmentée d'une
| :onde partie, inédite, et publiée après la mort
l'auteur, par les soins du P. Front, qui y
i, ssa un nombre intini de fautes typographiques,
ns cet ouvrage, qui est comme une suite du
icédent, Morin continue de soutenir la supé-
i rite du texte samaritain et même de la version
| s LXX sur le texte hébreu. Cet écrit et le pré-
lent ont été réunis sous ce titre : Exercita-
ïnes ecclesiasticac et Biblicee (Paris, 1686,
j ol. in-fol . ). L'opinion soutenue dans les deux
i rrages trouva de nombreux contradicteurs,
I -rai lesquels il faut citer J.-H. Hottinger et Si-
n de Muis. Le premier l'attaqua dans Exer-
l ationes antimorianse (Zurich, 1644, in-4°),
[le second dans Assertlo veritatis hebraicse
karis, 1631, in-8°), et Assertio altéra verita-
i hebraicx (Paris, 1634, in-8°); — Diatribe
Inthica de sinceritate hebrœi grsecique
Ictus dignoscenda; Paris, 1639, in-8°; ré-
Lse peu mesurée à Taylor, Boot, Hottinger,
[lis et tous les autres qui avaient refuté ses
ix ouvrages précédents. Muis ne se tint pas
[tir battu, et répliqua dans Castigatio ani-
ïidversionum Morini (Paris, 1639, in-8°);
fOpuscula Hebrœo-Samaritica ; Paris, 1657,
1 12 ; on y remarque une grammaire samari-
uue et un lexique de cette langue; — Commen-
pius historicus de disciplina in adminis-
itione sacramentipQenltenti.se XIII primis
vculis in Ecclesia occidentali et hucusajue
ï orientait observata; Paris, 1651, in-fol. ;
kvers, 1682, in-fol., et Bruxelles, 1687, in-fol.
il ouvrage, auquel Morin travailla pendant
Lnte ans, eut peu de succès et blessa égale-
bnt les partisans de la théologie de Port-Royal,
ril attaqua dans la préface, et les membres de
[ Société de Jésus, dont il blâme les doctrines
Lâchées en fait de pénitence; — Commenta-
Us historico-dogmaticus de sacris Ecclesim
liinationibus secundum antiquos et recen-
tres latinos, grœcos, syros, et babylonicos,
quo demonstralur orientalium ordina-
ires conciliis generalibus et summis pon-
uîcibus ab initio schismatis in hune usque
fin fuisse probatas; Paris, 1655, in-fol. Dans
[> ouvrage, qui est un de ses meilleurs, Morin
j^xposé sur l'ordination l'opinion qu'il avait
jatenue à Rome au sein delà commission réunie
fur s'occuper du projet de réunion de l'Église
jïcque avec l'Église latine ; — un mémoire de
vis de 200 pages, fort rare, et imprimé sous le
/e de Déclaration, non contre la congréga-
>n de l'Oratoire, comme on l'a dit souvent,
iiis contre les prétentions du P. Bourgoing ,
-aérai de cette société; — Opéra posthuma
calechumenorum expiatione, de sacra-
mento confirmationis, decontritione et atlri-
tione; Paris, 1703, in-4°; — Antiquitates Ec-
clesix orientalis; Londres, 1C82, in-12. Ce
volume, publié par les soins de Rich. Simon,
renferme la correspondance deMorin avec divers
savants sur différents points d'antiquités ecclé-
siastiques. — Le premier tome des Mémoires de
Littérature du P. Desmolets contient septleltres
latines de Morin à Allatius sur les basiliques des
Grecs. — On lui doit encore une traduction fort
imparfaite du Pentateuque samaritain dans la
Polyglotte de Le Jay. — Il dirigea l'édition de la
traduction des Septante qui parut en 1628, avec
une version latine elles notes de Nobilius, en
3 vol. in-fol. Dans l'épître au lecteur qui est en
tête de cette publication, Morin soutint , pour la
première fois, que la version des Septante est pré-
férable au texte hébreu, qu'il prétendait altéré par
les Juifs, opinion qu'il développa quelques années
après dans ses Exercitationes ecclesiasticx ,
et dans ses Exercitationes Biblicx. — Plusieurs
de ses ouvrages sont restés inédits. On cite,
comme les plus remarquables, un grand traité
De Sacramento Matrimonii, dont Rich. Simon
attribue la perte aux scrupules de quelques
membres de l'Oratoire, qui le firent disparaître ;
— De Basilicis christianorum et De Paschate
et de vetustissimis christianorum paschalis
Ritibus. Michel Nicolas.
Colomiès, Gallia Orientalis. — Perrault, Hommes il-
lustres. — P. Liron , Biblioth. Chartraine. — Du Pin,
Biblioth. des Auteurs ecclésiastiq. — Niceron, Mémoires
t. IX. — Sciagraphia vitx Morini, par Rich. Simon, eu
tête des Antiquitates Ecclesiœ orientalis et des Exerci-
tationes Biblicx, édit. de 1669.
morin ( Simon ), visionnaire français, né à
Richemont, près d'Aumale, en Normandie, brûlé
vif à Paris, le 14 mars 1663. Pauvre et illettré,
il vint chercher fortune à Paris. Grâce à sa belle
écriture, il trouva une place de commis chez
le trésorier de l'extraordinaire des guerres; mais
comme il avait déjà l'esprit troublé par des vi-
sions, il fut bientôt congédié, et se fit écrivain
copiste. Il connut vers cette époque les doctrines
d'une certaine secte d'illuminés, et fut incar-
céré dans les prisons de l'officialité, avec plu-
sieurs de ces fanatiques; mais comme on vit
que c'était un esprit faible, à qui il ne manquait
que de la tranquillité pour se rétablir, on le mit
en liberté. Il alla se loger chez une fruitière, dont
il séduisit la fille, appelée Jeanne Honatiers; il
l'épousa quelque temps après leur liaison. Ce-
pendant son exaltation allait en augmentant;
comme il avait fait quelques prosélytes parmi les
buveurs qui fréquentaient la boutique de sa belle-
mère , il les assemblait tous les soirs dans sa
maison, et s'efforçait de leur expliquer sa doc-
trine. Ces réunions firent du bruit; le 28 juillet
1644 il fut arrêté une seconde fois, et subit à la
Bastille une détention de vingt et un mois. Lors-
qu'il en sortit il fit imprimer secrètement un
livre qu'il avait composé, disait-il, à la prière
d'un curé de Paris et qu'il intitulait : Pensées de
595
MORIN
Morin, dédiées au roy (1647, in-8°). Ce livre,
bizarre assemblage de rêveries et de paradoxe*,
contenait quelques-unes des erreurs qui furent
depuis condamnées dans les quiétistes ; mais il
paraissait laisser aux passions humaines une
grande liberté : « Il enseigne formellement , dit
Niceron, que les plus grands péchés ne font pas
perdre la grâce et qu'ils servent au contraire à
abattre l'orgueil humain. 11 dit qu'en toute secte
et nation Dieu a des élus, vrais membres de l'É-
glise; qu'un directeur, pour dépouiller son péni-
tent de toute présomption, peut lui défendre ce
qui est commandé et commander ce qui est dé-
fendu. » Au reste il ne faut pas chercher dans
ce livre une doctrine raisonnée ; les idées qu'on
y expose, évidemment sorties de la cervelle d'un
homme exalté , sont peu liées entre elles et se
contredisent souvent. Chez le curé de Saint-
Germain l'Auxerrois, auquel il porta son livre,
Morin prétendit que le temps marqué pour le
second avènement du Christ était arrivé, que
le Christ s'était incorporé en lui pour le salut
de tous les hommes ; et comme le curé lui ré-
présentait les dangers que lui ferait courir cette
assertion, il répondit qu'il ne dirait jamais :
transeat a me calix iste. Craignant ensuite
d'être arrêté, il quitta sa maison, et vint demeurer
dans l'île Notre-Dame. Un hasard singulier fit
découvrir sa retraite; il fut encore une fois in-
carcéré à la Bastille, et signa, pour en sortir,
une abjuration qu'il rétracta par un écrit dont
on ignore la date. Cependant il resta quelque
temps tranquille, et s'occupa sans doute à revoir
les écrits du poète François Davenne, son dis-
ciple , car on retrouve dans ces écrits les idées
de Morin et son style entremêlé de prose et de
vers. Il recommença bientôt ses prédications, et
fut arrêté par ordre du parlement, qui cette fois
l'envoya aux Petites-Maisons. Il y resta jusqu'au
26 mars 1656, et fit alors une nouvelle abjura-
tion, aussi peu sincère que la première. Dès qu'il
fut sorti, il la désavoua et retomba dans ses rê-
veries. En 1661 il fit imprimer un écrit intitulé :
Témoignage du second avènement du Fils de
Vhomme, qu'il présenta lui-même au roi dans
son carrosse. Ce fut vers cette époque que le poète
Desmarest de Saint-Sorlin noua des relations
avec Morin. Cet autre visionnairepensait que le
grand prophète Eliacin Michael s'était incorporé
en lui; et comme il se croyait aussi destiné à
réformer le monde , il forma, par jalousie de
métier, le projet de perdre Morin. Il feignit d'a-
bord de donner dans toutes ses idées, et signa
même un écrit dans lequel il s'engageait à lui
obéir partout et toujours; mais il eut soin d'a-
jouter de la part de Dieu et selon Dieu. Plus
tard il alla jusqu'à lui donner une déclaration
par laquelle il le reconnaissait pour Fils de
Vhomme et fils de Dieu. Morin, charmé de son
disciple,qu'il appela le nouveau Précurseur, ri' zut
pas de secrets pour lui. Il lui révéla que le corps
de l'Église romaine, qui n'était autre que l'An-
téchrist , allait subir une complète réformati
que tous les peuples allaient se convertir à
vraie foi.que Dieu et le Diable avaient fait allia • j
pour sauver le monde, et mille autres rêvei |ll
semblables. Malgré ces étroites relations, : •
grâce aux instances de sa femme, qui se p
tendait conseillée par un diable , il rom
avec son disciple. Desmarest conserva po
tant des relations avec deux femmes visi ?
naires, qui s'étaient faites disciples de Mor
on les appelait La Malherbe et La Chape,
Elles lui apprirent un jour que leur maître a1 ôii
décrété que le grand changement devait
faire sous le règne suivant, et que par c
séquent le jeune roi devait périr bientôt. Desi
rest, qui ne demandait qu'un prétexte, fit a
sitôt sa dénonciation, et Morin fut incarcéré
Châtelet, avec sa famille et quelques-uns de
disciples, comme coupable de conspiration
d'hérésie. Le tribunal du Châtelet le condan
à être brûlé vif, et quelques-uns de ses compli
furent envoyés aux galères. Le parlement , r
sidé par Lamoignon , ne craignit pas deconfin
celte sentence. Ce malheureux mourut a
assez de courage après avoir abjuré ses erreo'
il prétendit pourtant qu'il ressusciterait, conr
Jésus-Christ, trois jours après sa mort ; qi
ques^uns de ses disciples allèrent, dit-on, g'
surer du fait. Outre les ouvrages cités, on a
Morin : Requête au Boy et à la Royne rége:
(1643, 8 pages) ; — ses deux Rétractations, et
Discours au Roy, commençant par ces mo
« Le Fils de l'homme au Roy de France », q
composait lorsqu'il fut arrêté. A. H— t
Niceron, Mémoires, t. XXVII. — Nicole, Lettres
sionrtaires. — Bayle, Dict. hist. — \Mariani , Il
curioso e memorabile délia Francia (Venise, 1
In -4°).
morin (Jean), peintre et graveur français,
vers 1609, àParis, mort vers 1666. On est pi>
de renseignements sur cet artiste , dont Preu i
est pourtant considérable. Il fréquenta l'ate
du peintre Philippe de Champaigne, et grav
l'eauforle des sujets de sainteté , des paysa
et des portraits d'une touche si fine et si expi
sive qu'ils ont été fort recherchés par les an
teurs des deux derniers siècles. Les principe
sont une Sainte Vierge, de Raphaël; plusiei
sïtes agrestes de Fouquières et de Pœlemboui
et les portraits de Saint Jérôme, Saint Frc
çois de Sales, Christophe et Augusdn
Tfiou , et de Marie de Médicis. Morin a
produit une quarantaine de tableaux de P
lippe de Champaigne, entre autres les cardina
de Richelieuetde Maz,arin,Michelde Marili
et AntoineVitré. Morin eut pour élève son i
veu Nicolas de Platte-Montagne, fils de M.
thieu Plattenberg. P.
Basan , Dir.t. des Graveurs; II, 50. — Robert Dum
nil , Le Peintre graveur, II, 32.
morin (Etienne), théologien protestant
savant orientaliste, né à Caen, le 1er janv
1625, mort à Amsterdam, le 5 mai 1700. Ile
1)7
MORIN
Ï98
lit remplacer, dans son comptoir, son père, qu'il
■rdrt en 1628; mais son goût prononcé pour
■ s lettres l'appelait à une autre carrière,
il finit par obtenir de sa mère la permission
> suivre son penchant. Envoyé à l'Académie
• Sedan, et ensuite à celle de Leyde, il se
t era particulièrement à l'étude des langues orien-
[les. De retour dans sa patrie, il fut consacré
sihwfltre du saint Évangile et nommé, en 1649,
; isteni'de Saint-Pierre-surDive, dans les envi-
l>ns de Lisieux. 11 desservit cette église pendant
nmze ans, refusant diverses vocations qui lui
mit adressées pendant ce laps de temps. Ne
mvant résister aux. sollicitations des réformés
. • Caen , qui désiraient l'avoir pour pasteur,
i. accepta en 1664 cette cliarge,qui avait été oc-
j ipée autrefois par son grand-père et par son
i saïeul. Admis dans l'académie qui venait de se
Inder dans cette ville, il se montra digne d'y
f éger àcfttédes Huet, des Segrais , desDu Bosc,
s llochûrt. La révocation de l'édit de Nantes
>t >força de chercher un refuge en Hollande.
tores un séjour de cinq mois à Leyde, il fut
Lpdlé à Amsterdam pour enseigner les langues
I ientales. Il remplit ces fonctions jusqu'à la fin
|:*es jours. 11 est probable que la demoiselle
bovin Du'Mesni!, née vers 1730, qui, après avoir
|t é . Tenfermée aux nouvelles catholiques de
i aen , abjura le protestantisme et épousa le cé-
Mbre avocat Élie de Beauraont, descendait d'E-
jjienne Morin.
. On a de lui : Dissertationes octo, in quibus
\swlta sacrae et profanas antiquitates monu-
nenta explicantur; Genève, 1683, in-B°;
ijjuv. édit. corrig. et augm. , Dordrecht, 1700,
i[i-8°; — Oraiio inauguralis de linguaritm
rientalium ad intelligentiam Scripturas
acrse utilitate, habita die 27 febr. 1686;
Leçde, 1686, in-8° ; — Exsrcitationes de Lin-
ua primseva ejusque appendicibus , in qui-
uis milita Scripturse Sacras loca exponun-
ftr; Utrecht, 1694, in-4°. Dans cet écrit, ainsi
ue dans une Lettre sur l'origine de la langue
ébraïque, imprimée dans le tom. Ier des Dis-
stations recueillies par Tilladet, Paris,
v712, in-12, Morin soutient que la langue ■ hé-
braïque a été inspirée à Adam par Dieu lui-
Inême; — Explanationes sacrai et philolo-
ïcsë in aliquot Veteris et Novi Testamenti
ocos ; Leyde, 1698, in-8°. On trouve à la fin de
e volume , ainsi qu'à la suite de son Oratio
wuguralis, une Dissert, de Horis salvificas
'assionis D. N. J. C; — Vita Jacobi Pal-
lerii Grentismenilii, en tête de la Grgecisean-
iquas Descriptio de Panlmier; Leyde, 1678,
i-4°, et dans les Vitae selectae de Gryphius;
- Vita Sam. Bocharti, en tête des Opéra Bo-
harti; Leyde,; 1692, in-fol. Ce Tolume con-
ient aussi une dissertation de Morin, De Para-
\'iso terrestri; — Epistolœ H de Pentateu-
\ho samaritano, dans le De Origine idola-
n«de van Dale; Amsterd., 1696, in-4°. M. N.
Nlccron, Mémoires, tom. XII. — M)l. Haag, La
France protestante.
morin ( Henri ), fils aîné du précédent, né
en 1655, à Saint-Pierre-sur-Dive, mort à Caen, le
16 juillet 1728. Il fit de grands progrès daus les
lettres sous la direction de son père. Retenu à
Caen, à la révocation de l'édit de Nantes , il
passa au catholicisme. Il se rendit ensuite à
Paris et fut accueilli par l'abbé de Caumartin ,
plus tard évêque de Blois, qui se l'attacha
comme secrétaire et facilita son admission à
l'Académie des Inscriptions. Morin fut un des
membres les plus actifs de cette société sa-
vante. En 1725, par suite de ses infirmités,
il donna sa démission et se retira à Caen, où il
termina ses jours. On a de lui, dans les cinq
premiers volumes de l'Histoire et des Mé-
moires de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres , quatorze Mémoires sur diffé-
rents sujets d'érudition. M. N.
Niceron; Mémoires, tom. XII.
morin ( Louis), surnommé de Saint-Victor,
médecin français, né au Mans, le 1 1 juillet 1636,
mort à Paris, le 1er mars 1715. Son père était
contrôleur au grenier à sel du Mans. Louis Morin
étudia la médecine à Paris , et devint médecin
de l'hôtel-Dieu. Fontenelle nous apprend que
le jour même où son traitement lui était compté,
il le versait tout entier dans le tronc de l'hos-
pice: «Ce qui, dit ingénieusement Fontenelle,
n'était pas servir gratuitement les pauvres , mais
payer pour les avoir servis. « Et pourtant il
était pauvre, mais il ne mangeait que du pain
et ne buvait que de l'eau. Sa réputation l'ayant
désigné comme médecin particulier à M'ie de
Guise, il fallut lui faire violence pour l'ar-
racher à ses pauvres , et le conduire dans un
palais. Après la mort de cette dame, il se re-
tira dans l'abbaye de Saint- Victor ; ce qui l'a
fait surnommer, pour le distinguer de Morin de
Toulon, Morin de Saint Victor. Éïa associé bo-
taniste de l'Académie des Sciences en 1699, il
devint pensionnaire de cette Académie en 1707,
après la mort de Dodart, son ami. Lorsque Tour-
nefort entreprit, en 1700, son voyage dans le Le-
vant, il chargea Louis Morin de le suppléer
dans son cours de démonstration des plantes ,
au Jardin Royal. Il ne pouvait faire un meilleur
choix.
Les Mémoires de l'Académie des Sciences
nous offrent une dissertation de Louis Morin :
Projet d'un système touchant les passages de
la boisson et des urines, 1701, p. 198. L'His-
toire de la même académie mentionne diverses
autres lectures du même savant : Observations
sur la guérison faite à l'hôtel-Dieu de plu-
sieurs scorbutiques, 1708, p. 52; — Examen
des eaux de Forges, 1708, p. 57. On trouva,
en outre , dans ses papiers un Index d'Hippo-
crate, grec et latin, ainsi qu'un journal des va-
riations du baromètre et du thermomètre pendant
plus de quarante ans. B. H.
J99
MORIN
Litt. du
G
Fontenelle, Éloges. — B. Hauréau, Hist.
Maine, t. I, p. 31.
moki.v ( Jean ), physicien français , né à
Meung sur-Loire, en 1705, mort subitement, à
Chartres, le 28 mars 1764. Sa famille, composée
d'ouvriers pauvres, le confia au curé de Meung,
qui le fit admettre gratuitement dans le collège de
cette petite ville. Après y avoir fait ses humanités,
Morin entra au séminaire d'Orléans, où il devint
professeur de philosophie et reçut les ordres de
la prêtrise. Il étudiait la physique avec opiniâtreté,
et dès 1726 il avait signalé dans le Journal de
Verdun la découverte d'un nouveau phosphore
liquide. En 1732 il fut nommé chanoine de la
collégiale de Saint- André de Chartres et profes-
seur au collège de la même ville. Selon Pétion,
« Morin parlait avec une grande facilité et se
rendait intelligible dans l'explication de ses
cahiers aux sujets les plus bornés ». En 1735
il publia le Mécanisme universel , où il rap-
porte plusieurs expériences de son invention,
lesquelles ne sont pas indignes d'être mises à
côté de celles de Boyle et de Pascal...» Il n'a point
encore paru de livres sur la connaissance de la
nature qui contienne plus de choses et moins
de mots (1). » En récompense de ses travaux,
Morin fut, le 13 juin 1736, nommé membre de
l'Académie des Sciences de Paris , et peu après
l'Académie de Rouen lui conféra le même hon-
neur. Il fut pourvu, le 1er juillet 1750, d'un cà-
nonicat dans la cathédrale de Chartres et de la
fonction d'official général du chapitre. Après la
mort de ce savant professeur, on trouva dans
son grenier et dans son cabinet une grande
quantité de machines et d'instruments de phy-
sique ; M. de Fleury, évêque de Chartres , les
acheta, et en fit don au collège de cette ville. On
a de Morin : Le Mécanisme universel, ou dis-
cours et questions physiques ; Chartres, 1735,
in-12; — Nouvelle Dissertation sur l'élec-
tricité des corps, dans laquelle on développe
le vrai mécanisme des plus surprenons
phénomènes qui ont paru jusqu'à présent ,
et d'une infinité d'expériences nouvelles, de
l'invention de l'auteur; Chartres, 1748,
in-12; — Réponse à l'abbé Nolletsur l'électri-
cité; Chartres, 1749, in-12, avec fig. ; — Abrégé
des mécaniques, qui renferme les principes
de cette science, la construction facile et
exacte des plus belles machines qui ont paru
jusqu'à présent , et un grand nombre d'au-
tres de l'invention de l'auteur, ouvrage resté
mss., qui ne se retrouve pas à la bibliothèque
de la ville de Chartres. Roullier (de Chartres).
Documents particuliers.
morin ( Benoit ), érudit français, né à Paris,
en 1 746, mort dans la même ville, le 26 août 1817.
Il exerçait la profession d'imprimeur-libraire à
Paris. Sa vie n'offre pas d'incidents historiques ;
elle se passa dans les nécessités de son com-
merce et de sa vie privée. On a de lui : Diction-
(1) Journal des Savants, janvier 1736, pag. 44 à 57.
nuire universel des Synonymes de la long
française, etc. ; Paris, 2e édit.,1802, 3 vol.in-1
— Ésope trad. en trois langues, ou conec
dance de ses Fables avec celles de Phèdi
Faerne, Desbillons , La Fontaine et auti
fabulistes, etc.; Paris, 1803, in-12 ; — Tra\
des Particules latines, etc., etc. ; Paris, 181
in-12 ; — Table du Cours de Littérature de ,
Harpe; — Tables du Théâtre d'Agricultt
( d'Olivier de Serres ). L— z— e.
Quérard . La France Littéraire. — Debray, Tablet
biographiques des Écrivains français. — Beuchot, D
tionnaire des Anonymes.
* morin (Arthur-Jules ), général et matl
maticien français, né à Paris, le 17 octobre 175
Admis en 1813 à l'École Polytechnique, ilpassa
1817 à l'École d'Application de Metz et fut nomi
le 1er octobre de cette année lieutenant au ï
taillon de pontonniers. Capitaine depuis le
janvier 1829, il faisait à Metz un cours de mé«'
nique appliquée aux machines lorsqu'il fut appti
à Paris, le 26 septembre 1839, comme professe
de mécanique industrielle au Conservatoire d
Arts et Métiers. C'est en occupant ces fonctio
qu'il devint successivement chef d'escadron,
3 août 1841 , lieutenant-colonel ( 25 janvi'
1846 ) et colonel (2 octobre 1848). Déjà corn
par un grand nombre d'importants travaux
mécanique expérimentale, M. Morin est, avi
les généraux Poncelet et Piobert, un des
vants qui ont en ces derniers temps le pi
contribué aux rapides progrès de cette scienc
L'Académie des Sciences ( section de méa
nique ) l'admit dans son sein en décembre 184
comme successeur de Coriolis. Membre de
commission chargée en 1850 de l'organisatii
définitive de l'Institut agronomique, et l'ann
suivante, de la commission française de l'Exp<
sition universelle de Londres, il succéda en 18!
à M. Pouillet, comme directeur du Conservatoi
des Arts et Métiers, poste qu'il remplit enco:
avec distinction. Il obtint le grade de général i
brigade le 26 mars 1852, commanda l'artiller
du camp du nord, et fut nommé général de A
vision le 7 avril 1855. Cette même année
présida la commission impériale de l'Expositio
universelle de Paris. Enfin, depuis le 25 sej
tembre 1854 M. Morin est commandeur de
Légion d'Honneur. On a de ce savant général
Nouvelles Expériences sur le frottemen
faites à Metz de 1831 à 1833, par ordre du m
nistre de la guerre; Paris, 1833-1835, 3 vo
in-4° avec 22 planches ; — Expériences sur k
roues hydrauliques à augels ; Metz et Pari
1837, in-4°,avec3 planches; —Nouvelles Ex
périences sur l'adhérence des pierres et de
briques posées en bain de mortier ou scellée
en plâtre; sur le frottement des axes de ro
tation, la variation de tension des courroie
ou cordes sans fin employées à la transmis
sion du mouvement et sur le frottement de
courroies à la surface des tambours, faites
1 MORIN —
( lz en 1834, et publiées par ordre de l'Aca-
: [nie des Sciences; Metz et Paris, 1838, in-4°,
i hc planches; — Expériences sur les roues
Idrauliques à axe vertical, appelées tur-
) fies; Metz et Paris, 1838, in-4°; — Notice
I fr divers appareils dynamométriques pro-
ies à mesurer le travail ou V effort dé-
i oppé par les moteurs animés ou inani-
V\ s, ou consommés par les machines de ro-
I ion ainsi que la tension de la vapeur
tins le cylindre des machines à vapeur à
\\tles les positions du piston; Paris, 1836
1 1 1841, io-8°, avec cinq planches; cette notice
■ inten 1837 le prixMontyon; — Expérien-
\\ sur le tirage des voitures et sur les effets
\ i tructeurs qu'elles exercent sur les routes,
■ îcutées en 1837 et 1838 par ordre du mi-
litre de la guerre, et en 1839 et 1841, par ordre
m ministre des travaux publics ; Paris, 1840,
m 4°, avec deux pi.; 2e édit., revue et augmentée,
■ >2, in-4°,avec tableaux et pi. ; — Aide-Mémoire
m Mécanique pratique à Vusage des officiers
murtillerie et des ingénieurs civils et mili-
m res, contenant les principales règles et formules
■ tiques relatives au jaugeage et au mouvement
i gaz, à la force des cours d'eau, à l'effet
Me et à l'établissement des roues hydrauliques
■ *des machines à vapeur, aux volants , aux
■mmunications du mouvement, à la détermi-
Mion des dimensions à donner aux principales
■«es des machines, à la poussée des voûtes, à
«stabilité des murs de revêtement et les ré-
Bttats de l'expérience sur l'effet utile des mo-
Itrs et des machines employées aux épuise-
l'nts, etc. ; Paris, 1 838, 1 843, et plusieurs autres
lit., in-8° ; — Mémoire sur les lois de la
mistance de l'air ; Paris, 1842, in-8°; — Mé-
moire sur la pénétration des projectiles et
wr -la rupture des corps solides par le choc
l*ec M. Piobert) ; Paris, 1838 , in-8.°; — Le-
mns de Mécanique pratique , comprenant :
Mtons géométriques sur les mouvements et
murs transformations, ou cinématique,
ledit. ; Paris, 1861, in-8°; — Notions fon-
■ imentales de Mécanique et données d'expé-
■inces, 2e édit.; Paris, 1855,in-8°; — Hydrau-
,me, 2e édit., 1858, in-8°; — Résistance des
\atériaux, 1853 et 1857, in-8°, avec pi. ; —
I machines à vapeur (sous -presse) ;in-8°; —
htalogue des Collections du Conservatoire
•i's Arts et Métiers, 1852 et 1855 ; in-12 : cet
>"vrageest précédé d'une Notice historique
rie Conservatoire des Arts et Métiers, et sur
ïmcien prieuré de Saint-Martin-des-Champs
! fmée P. Huguet. Enfin M. Morin est l'inventeur
i plusieurs instruments, tels que la manivelle
vnamométrique, et l'appareil à indications
ntinues , servant' à démontrer les lois du
purement des corps pesants. H. F.
annuaire militaire, de 1817 à 185C, — Journal de la
\'>rairie. — Docum. part.
.morin (Pierre-Achille), jurisconsulte
MORINIÈRE 602
français, né à Rouen, le 27 octobre 1803. D'a-
bord employé à la préfecture de son départe-
ment, il vint étudier le droit à Paris, où il ob-
tint le grade de docteur. Avocat à la cour royale
en 1833, il est depuis 1836 avocat au conseil
d'État et à la cour de cassation. Il s'est particu-
lièrement occupé de législation pénale. On a de
lui : Dictionnaire de Droit criminel; Paris,
1842, gr. in-8°; — De la Discipline des Cours
et Tribunaux, du Barreau et des corpora-
tions d'officiers publics ; Paris, 1846, 2 vol.
in-8°; 2e édit., Paris, 1847, 2 vol. in-8° ; — Ré-
pertoire universel et raisonné du Droit crû
minel; Paris, 1850-1851, 2 vol. gr. in-8°. Il ré-
dige depuis 1838 le Journal du droit criminel,
recueil périodique fondé en 1829 par MM. Adol-
phe Chauveau et Faustin Hélie. E. R.
Documents particuliers.
* morin ( André -Saturnin ) , littérateur
français, né à Chartres, le 28 novembre 1807.
D'abord notaire et avocat à Nogent-le-Rotrou ,
il devint sous-préfet de cette ville après la ré-
volution de 1848, reprit en 1850 ses fonctions
d'avocat, et alla se fixer à Paris. On a de
lui : Plaidoyer : Affaire de la Vipère noire;
Nogent-le-Rotrou , 1844, in-8°; — Procès de la
Somnambule, audiences des 13, 14, 15 et 17
février 1851 du tribunal de Nogent-le-Rotrou ;
in-8°; — Du Magnétisme et des Sciences oc-
cultes; Paris, 1860, in-8° ; — de nombreux
articles dans divers journaux. R — r.
Docum. partie.
Jf morin ( Frédéric ), philosophe français, né
le 18 juin 1823, à Lyon. Après ses premières
études, il entra à l'École Normale, en 1844. Reçu
agrégé de philosophie en 1848, il fit le cours de
philosophie au Lycée de Mâcon, puis à celui de
Nancy et enfin au Lycée Bonaparte. Après le
coup d'État de 1852, ayant refusé le serment, il
fut considéré comme démissionnaire. II se con-
sacra alors à l'enseignement libre, et publia des
ouvrages de philosophie religieuse, dans lesquels
il cherche à accorder les principes démocrati-
ques avec les croyances du christianisme. On a
de lui : Saint François d' Assises et les Fran-
ciscains; 1853, in-12; — De la Genèse et des
Principes métaphysiques de la société mo-
derne; 1856, in-8o; — Dictionnaire de Phi-
losophie et de Théologie scolastique ; 1857-
1858, 2 vol. gr. in-8° : il fait partie des pu-
blications de M. l'abbé Migne. M. Morin a
donné des articles au journal L'Avenir, au
Correspondant ( lre période ) , à la Revue de
Paris , à la Revue de l'Instruction publique,
à la Biographie Générale , etc. G. de F.
Documents particuliers. — Journal de la Librairie.
morinière (Adrien- Claude Lefort de
la ) , littérateur français , né le 23 décembre
1698, à Paris, mort le 12 avril 1768. D'une fa-
mille noble, il se retira chez les génovéfains de
Senlis, et y vécut pendant deux ans, occupé à
préparer ou à éditer les collections qu'il avait
603
MORIMÈRE
formées, telles que Choix de Poésies morales
et chrétiennes ( 1739, 3 part. in-8° ), augmenté
en 1 740 de 3 autres volumes ; — Œuvres choisies
de J.-B. Rousseau (1741, in-12), souvent réim-
primées ; — Bibliothèque Poétique (1745,4 vol.
in-4° et 4 vol. in-12); — Passe-temps poéti-
ques, historiques et critiques ( 1757, 2 vol.
in-12). On a de lui une Histoire abrégée du
Règne de l'empereur Constance (Paris, 1756,
in-12); et deux comédies en vers (1753), Les
Vapeurs et Le Temple de la Paresse, qui n'ont
pas été représentées. P.
Chaudon et Delandine, Dict. univ.
morison ( Robert ), botaniste anglais, né en
1620, à Aberdeen, mort !e 9 novembre 1683,
à Londres. Ses parents le destinaient à l'Église;
il s'appliqua pendant quelque temps à la théo-
logie, et fit des progrès considérables dans la
langue hébraïque, dont il avait dressé une gram-
maire à son usage* Il s'abandonna bientôt tout
entier à l'étude de la botanique, pour laquelle il
se sentait une inclination particulière. La guerre
civile l'arracha à ses paisibles travaux. Se joi-
gnant aux Écossais fidèles, il prit les armes
pour la cause, presque ruinée, du roi Char-
les Ier, et reçut à la première affaire un coup
de feu à la tête. Blessé et proscrit, il vint, avec
la plupart de ses compatriotes, chercher asile à
Paris ; sans cesser d'étudier la médecine ej; la
botanique, il se chargea de l'éducation des fils
d'un conseiller au parlement. En 1648 il fut reçu
docteur à Angers. A la recommandation du pro-
fesseur Robin, il entra en 1650 au service de
Gaston, duc d'Orléans, et devint botaniste du
jardin que possédait ce prince dans ses domai-
nes de Blois. Ce fut là qu'il jeta les fondements
de son système, au sujet duquel il eut avec son
noble maître de fréquentes et amicales discus-
sions ; à diverses reprises il reçut de lui l'ordre
de parcourir les provinces de la France, afin d'y
recueillir des plantes rares ou peu connues.
Sous la direction de Morison, Robert commença
cette belle suite de peintures de plantes sur vé-
lin qui est aujourd'hui conservée à la bibliothèque
du Jardin des Plantes et dont Louis XIV fit faire
plus tard de grandes gravures. Ce fut là aussi
qu'il connut les deux fils de Charles Ier, et cette
circonstance ne nuisit point à sa fortune. Après
la mort de Gaston ( 1660 ), il se rendit à la cour
de Charles II, qui le choisit à la fois pour son
médecin et pour son botaniste, et qui lui donna
l'inspection de tous ses jardins, avec un hôtel
et une bonne pension. A la fin de 1669, il fut
chargé de faire à Oxford un cours de botanique
en qualité de garde du jardin médicinal, la chaire
proprement dite n'ayant été créée qu'en 1728 pour
Dillenius. Il traversait une des rues de Londres,
lorsque le timon d'une voiture le frappa si
violemment dans l'estomac qu'on fut obligé de
le porter chez lui, où il mourut le lendemain.
Morison avait imaginé pour la classification des
plantes un système qu'il croyait être nouveau
— MORISOT 6
et dont on retrouve l'idée dans les ouvrages \i
Césalpin et de Conrad Gesner ; il est oublié i
puis longtemps. « Son principal mérite, par r, j
port à la phytologie, dit M. Jourdan, est d'av [
signalé l'importance des affinités naturelles < \
parties autres que le fruit, auquel seul on s |
tait attaché jusque alors, et d'avoir insisté d'i
manière spéciale sur la nécessité de fixer < j
caractères génériques. Il a donc contribué rt
lement à avancer la science. » Plumier a doi j
le nom de morisonia à un genre de plantes
la famille des capparidées. On a de Mortso
Hortus regius Blesiensis, cum nolulis dm
tionis et characterismis plantarum, tam c
ditarum quam non scriptarum ; Londrt
1669, in-8°; cette nouvelle édition de l'ouvr;
d'Abel Brunger a été considérablement ai
mentée par Morison, qui y a joint, entre aut
morceaux, un tableau des erreurs de Bauhin, (
Haller appelle invidiosum opus ; méconna
sant en effet les grands services que ces bt
nistes ont rendus, il leur reproche de n'avoir |
suivi des règles qui n'étaient pas inventées !
temps où ils écrivirent; — Plantarum umb j
liferarum Distributio nova; Oxford, 16' \
in-fol. : c'est la première monographie vraimi
digne de ce nom ; on y trouve les figures
150 semences différentes; — Plantarum R\
toria univer -salis Oxonïensis; Oxford, 16;
in-fol. ; cette histoire, que Dodart a terminée
1699, est accompagnée de 124 planches, co.J
posées d'environ 1,200 figures, dont le. p
grand nombre est original ; la méthode de 1';
teur est fondée sur le fruit, la fleur, les feuill
les habitudes des plantes, leurs qualités, et
ses divisions, plus naturelles que celles de :
prédécesseurs, sont loin d'être exemptes de (
fauts. Morison a publié les figures et descriptk ,
des plantes rares recueillies en Sicile, à Mal
en France et en Italie par Paul Boccone (OJ
ford, 1674,in-4°). P. L— y.
Wood, Athenœ Oxon., II. — Rees, Cyclopsedia. i
Haller, Biblioth. Botanica. — Niceron, Mémoires, XV
— Jourdan, Biogr. Médicaie. — Cuvier, Hist. des Scii |
ces naturelles, II.
morisot ( Jean), érudit français, né àDô j
vers 1510. Il étudia la médecine, fut reçu de
teur, et acquit dans les lettres des connaissam |
étendues ; mais le vif désir qu'il avait d'au j
menter son savoir lui fut plus nuisible qu'eu
puisqu'il servit de prétexte à ses ennemis po
l'exclure de la chaire de médecine à l'univers (
de Dôle et même pour l'entraver dans l'exerci j
de son état. Il dut se contenter de donner i j
collège de sa ville natale des leçons de grec
de latin. Bien qu'il soit honorablement cité p j
quelques-uns de ses contemporains, on n'a poi ,
d'autres renseignements sur sa vie, qui s'éti
gnit dans l'obscurité. Il a publié : Cicerç»*
Paradoxa, cum greecainterpretatione ; Bâl (
1547, in-8°; en 1551 il donna une édition I
tine du même ouvrage; — Hrppocratis Aph.
risrnorum genuina Lectio, cum interpret
15
MORISOÏ — MORISSON
me; Bàle, 1547, in-8°; — Colloquiontm
}. IV; Bâle ( 1550 ), in-8°; on trouve à la
ite de cet ouvrage un petit traité De Pare-
emate contra Ciceronis calumnialores, où
>risot s'efforce de prouver que Cicéron était
5si bon poëte que bon orateur. Il est encore au-
ir des Horse succesivas, recueil qui paratt
>ir été imprimé, et de quarante-cinq ouvrages
nuscrits, en prose et eni vers, dont laliste a été
érée dans la Bibliothèque de Gesner. P. L.
allut, Mémoires du Comté de Bourgogne, liv. A —
iert Cousin , Descriptio Comitatus Burgundiss. —
1er, Biblioth.
iiorisot ( Claude- Barthélémy) , érudit
içaisj né le 12 avril 1592, à Dijon, où> il est
rt, le 22 octobre 1661. Fils d'un conseiller
t chambre des comptes de Dôle, il était pré-
sentent de la même famille que le précé-
t. Son éducation fut très-soignée : il eut
i maîtres Marsile, Criton, Cospean et Car-
, et entretint des relations d'amitié avec les
<ants les plus connus de son temps. Par com-
sance pour son père, il s'était fait admettre
Barreau de Dijon ; mais, n'ayant aucun goût
r la profession d'avocat , il s'adonna à l'é-
e des lettres et de l'antiquité. Il était sei-
«r de Chaudenay et de Vernat. On a de lui :
iricus magnus ; Leyde (Dijon), 1624, in-8°;
*ève, 1627; c'est moins une histoire qu'un
«égyrique ; — Alitophili veritatis Lacrymse,
I Euphormionis Lusinini Continuatio;
*ève, 1624, in- 12 : satire violente contre les
aites, condamnée par un arrêt du parlement de
»n et plusieurs fois réimprimée ; — Ponticus
"dicxa, ad illustriss. cardin. Richelium;
tis, 1628, in-4°, épître en vers; — Panegy-
us Ludovico Justo scriptus ; Dijon, 1629,
4»; — Or bis maritimus, sive de rerum in
*ri et littoribus gestarum generalis his-
to»; Dijon, 1643, ut-fol1., fig. ; cet ouvrage,
isé en deux livres, est un des premiers dont
stoire navale ait été l'objet, et contient beau-
}p de particularités intéressantes ; — Peru-
ma; Dijon, 1644, in-4o ; roman historique,
'S lequel l'auteur raconte, sous des noms pé-
»ï«bs, les démêlés du cardinal de Richelieu
!« Marie de Médicis et Gaston d'Orléans ; on
bint d'ordinaire nue liste imprimée des noms
près et- une pièce intitulée Concluais totius
m(ibid., 1646);— P. Ovidii Fastorum
fi XI f, qitorum VI posteriores a Morisoto
'slïtutï sunt ; Dijon, 1649, in-4°; — Caro-
I, Britannorum rex, a securi et calamo
toni vindicatus ; Dijon, 1652, in-12'; —
istolarum Centurise II ; Dijon, 1656, in-4a;
Président Bouhier en possédait deux autres
turies manuscrites; il n'est pas bien certain
' ces lettres aient jamais été envoyées à ceux
it elles portent les noms. Morisota aussi écrit
edes Relations véritables de Madagascar
Cauche ( Paris, 1651, in-4°). P. L.
I an Morelet, Claudii-Barth. Morisoti vitx Elogium;
606
Papillon, Biblioth. des Auteurs de
Dijon, 1675, in-4°.
Bourgogne, 11.
morisot (Joseph-Madelaine-Rose), ar-
chitecte français, né à Champeaux ( Brie ), le
23 août 1767, mort à Versailles, le 1er octobre
1821. Il lit ses premiers essais en architecture
sous la direction de Delagrange, vérificateur eu
chef des bâtiments du comte de Provence ( de-
puis Louis XVIII). Sous l'empire il fut nommé
architecte vérificateur des bâtiments de la cou-
ronne ; sous la restauration, il fut confirmé dans
sa position , et chargé de l'entretien du château
de Versailles. Il mourut dans cette résidence.
On a de lui : Essai sur un nouveau mode de
mesurer les ouvrages de bâtiment, en sup-
primant les usages; Paris, F. Didot, 1802,
in-8°; — Tableaux détaillés des prix de
tous les ouvrages de bâtiment, divisés sui-
vant les différentes espèces de travaux, et
suivis d'un Traité particulier pour chaque es-
pèce sur la manière de mesurer et toiser les
ouvrages, avec pi.; Paris, 1804, 7 vol. in-8°. Ce
manuel se corn pose d'une Introduction contenant
une bibliographie critique des auteurs qui ont
écrit sur l'architecture et la construction des bâ-
timents. Il est terminé par un Vocabulaire de
termes techniques. A. D.
Matml,Annuaire nécrolog. ,.1821.— Quérard, La France
Littér.
morisson ( Charles - François-Gabriel) ,
homme politique français, né en Bretagne, vers
1740, mort à Bourges, en 1816. Il exerçait la
profession d'avocat avant la révolution , dont il
accepta les principes. Il devint en 1790 admi-
nistrateur de la Vendée , et fut élu , par ce dé-
partement, député à l'Assemblée législative, puis
à la Convention nationale. Il siégea toujours sur
les bancs de la minorité. Lors du procès de
Louis XVI, il soutint, d'abord le 13 novembre, que
ce monarque ne pouvait être mis en jugement;
cependant il conclut à son exil. Le 29 décembre
suivant, il parla dans le même sens : il invoqua
la Constitution, qui ne reconnaissait de peine ap-
plicable au roi que la destitution. Il reprocha aux
jacobins ,« de traiter de scélérats tous ceux qui
n'avaient pas la même opinion , le même cœur
et le même esprit qu'eux. Vous citez toujours
Brutus, leur dit-il; mais si César eût été sans
armes et sans puissance , ce Brutus fût devenu
peut-être sondéfenseur! » Il demanda de nouveau
le bannissement de Louis XVI et de sa famille ,
avec une pension de 500,000 livres, sous condi-
tiondepeinedemort pour lui ou ceux des siens qui
rentreraient , sans autorisation , sur le sol fran-
çais. Aux trois appels nominaux pour la mise
en accusation du roi, l'appel au peuple et l'ap-
plication de la peine, il refusa de voter, déclarant
chaque fois qu'il ne regardait pas ce prince
comme justiciable de la Convention. Le 12 août
1793 il demanda des secours pour le départe-
ment de la Vendée : à cette occasion il fut ac-
cusé par Garnier (de Saintes) d'entretenir des
607
MORISSON
relations avec les royalistes ; mais cette dénon-
ciation, presque toujours mortelle à cette époque,
n'eut pas de suites, et Morisson traversa sans
être inquiété l'époque sanglante de la terreur.
11 Ait en décembre 1794 l'un des commissaires
envoyés dans l'ouest de la France pour y proclamer
l'amnistie et amener la pacification de ces mal-
heureuses contrées. Devenu membre du Conseil
des Cinq Cents , fidèle à son système de modéra- j
tion,il proposa et fit adopter une nouvelle amnis-
tie pour les chouans. 11 sortit des Cinq Cents le
20 mai 1797. Napoléon lui accorda une place de
conseiller à la cour impériale de Poitiers, d'où
il le fit passer à celle de Bourges. Morisson oc-
cupa cette place jusqu'à sa mort. H. L — r.
Le Moniteur universel , an 1792, n°« 3, 159. 174, 319,
366; an 1er, n°» 55, 22&; an n (1793), n° 164; an iv,
pages 48-258. — Biographie moderne (Paris, 1806;. —
Petite Biographie Conventionnelle (Paris, 1815). — Galerie
historique des Contemporains (Mons, 1827).
moritz (Charles- Philippe), littérateur et
grammairien allemand, né à Hameln, le 15 sep-
tembre 1757, mort le 26 juin 1793. Né de pa-
rents pauvres, il apprit pendant quelque temps
îe métier de chapelier. Ce ne fut qu'à l'âge de
quatorze ans qu'il commença à acquérir quelque
instruction, grâce à la généreuse protection du
commandant de Hanovre. Entraîné par son ca-
ractère fantasque et bizarre dans une vie aven-
tureuse, il obtint enfin en 1780 une place de
co-recteur à l'école du Couvent gris à Berlin.
Après avoir en 1782 parcouru à pied une grande
partie de l'Angleterre, il fut nommé en 1784
professeur au gymnase de Berlin. En 1786 il
partit pour l'Italie, dans le but d'y recueillir des
matériaux pour un ouvrage sur les antiquités de
ce pays. De retour en Allemagne en 1788, il passa
quelque temps à Weimar, chez Goethe. L'année
suivante il fut nommé professeur d'archéologie et
d'esthétique à l'Académie des Beaux-Arts de Ber-
lin ; peu de temps après il fut élu membre de
l'Académie des Sciences de cette ville. Quoique
d'une très-faible santé, il sut, par un travail opi-
niâtre, acquérir des connaissances variées ; mais
«lies étaient un peu superficielles. On a de lui : Un-
terhaltungen mit meinen Schillern (Entretiens
avec mesélèves; Berlin,1780,in-8°;— Blunt,oder
der Gast( Blunt, ou le Convive); Berlin, 1781,
in-8°; comédie; — Beitràge zur Philosophie
des menschlichen Lebens ( Fragments d'une
Philosophie de la vie humaine); Berlin, 1781,
in-8° ; — Kleine Schriften die deutsche Spra-
che belreffend (Opuscules concernant la langue
allemande); Berlin, 1781, in-8°; — Deutsche
Sprachlehre fur Damen (Grammaire allemande
pour les dames); Berlin, 1782, in-8»; — an-
leitung zum Briefschreiben ( Manuel de Cor-
respondances); Berlin, 1783 et 1795, in-8° ; —
Beisen eines Deutschen in England im Jahre
1782 (Voyages d'un Allemand en Angleterre en
1782); Berlin, 1783, in-8°; traduit en anglais;
Londres, 1795, in-8°; — Von der deutschen
Rechlschreibung (De l'Orthographe allemande) ;
— MORLA 60
Berlin, 1784, in-8°; — Anton Reiser, psych
logischer Roman ( Antoine Beiser, roman ps
chologique); Berlin, 178E-1790, 4 vol. in-8
suivi d'un cinquième volume, écrit pariKIischin
et qui donne des éclaircissements sur ce roma
qui n'est que la biographie un peu idéalisée i
l'auteur ; — Versuch einer deutschen Prosoo
(Essai d'une Prosodie allemande); Berlin, 178
in-8* ; premier travail écrit sur ce sujet ; ,
Fragmente aus dem Tagebuche eines Geistt
sehers (Fragments du Journal d'un Visionnaire
Berlin, 1787, in-8<>; _ Gôlterlehre der Alt i
(Mythologie des Anciens); Berlin, 1791 et 18c '
in-8°, avec planches; — 'Av8ou<ra, oder Roil
Alterthûmer (Anthousa, ou les Antiquités |
Borne); Berlin, 1791 et 1797, in-8°, avec phi
ches; — Grundlinien zu meinen Vorlesung
iiber den Slyl ( Principes de mon Cours sur
Style); Berlin, 1791, in-8° ; — Reisen en\
Deutschen. in Italien in den Jahren 171 i
1788 (Voyages d'un Allemand en Italie de 17 D
à 1788); Berlin, 1792-1793, trois parties in-lJ
— Vorlesungen iiber den Styl ( Cours sur jj
Style); Berlin, 1793-1794, 2 parties in-8°; I
Brunswick, 1808, in-8°; — Allgemeiner dei\
scher Briefsteller (Correspondant allema
complet); Berlin, 1793 et 1802, in-8"; — LclM
nen und Phantasien ( Caprices et Fantaisies
Berlin, 1796, in-8°; — plusieurs livres à l'usiJ
des enfants, de nombreux articles dans divl
recueils qu'il dirigeait, tels que le Maga.
psychologique (Berlin, 1783-1792, 10 v|
in-8"), la Monatschrift der Akademie
Kùnste und Wissenschaften (Berlin, 17.1
1790, 2 vol. in-4°), Italien and DeutschlaA
(Berlin, 1789-1792, 2 vol. in-8°), la DeutsA
Monatschrift, etc. oj
Schlichtegroll, Nekrolog* t. H. — Meuset, Lexïka,
J6rden9, Lexikon, t. VI.
morla ( Don Thomas), général espagnol,!
en 1752, mort en 1820. Il embrassa très-je'ifi
l'état militaire, parcourut rapidement les gra<j
inférieurs, et fit la guerre contre les Fram
dans le Boussillon (1792-1793). Il sedistinH
par son courage et son activité, mais fut ace
plus tard, par Napoléon lui - même ( décen
1808), d'avoir encouragé le pillage par ses trou
et d'avoir procédé lui-même au partage ei
ses soldats d'un certain nombre de malheurei
femmes enlevées aux villages qu'il venait d
cuper (1). Quoi qu'il en soit de ce fait, sur lec
les documents contemporains se taisent, les
vices de don Morla le firent parvenir au ranj
capitaine général de l'Andalousie et biente
celui d'inspecteur général de l'artillerie. Il
ensuite appelé au conseil de Castille,où il moi
de grandes connaissances administratives. L
(1) On ne comprend pas qu'après une pareille ace
lion, exprimée face à face, Napoléon ait confié, si elle
fondée, un emploi supérieur à don Morla, ou commer
c'était une calomnie., ce général a pu se rallier au |
vernement impérial.
509
MORLA — MORLACCHI
610
jue l'abdication forcée et l'internement en
France du roi Charles IV et de son fils, le prince
les Asturies( depuis Ferdinand VII), vinrent ré-
véler les desseins de Napoléon sur l'Espagne (oc-
[obre 1807-avril 1808), Morla se prononça hau-
ement pour l'insurrection contre le» Français,
i :t contraignit, par le feu des batteries de Cadix,
es débris de la flotte française échappés au
lésastre de Trafalgar et bloqués par les escadres
nglaises, à amener leurs pavillons (1). Appelé
Madrid comme membre de la junte nationale
militaire espagnole , il concourut à la défense de
ette capitale , puis fut chargé avec un de ses
ollègues de se rendre auprès de l'empereur
our traiter d'une capitulation (décembre 1808).
le fut alors que Napoléon lui reprocha énergi-
uemeot sa conduite passée. Morla se réfugia à
adix, et y présida la junte suprême d'État, qui
'avait presque plus que cette ville sous sa do-
linalion. En février 1809, le bruit se répandit
ne la junte suprême avait saisi une correspon-
ance entretenue par le général Morla avec les
;ents de Joseph Napoléon. Une sédition s'éleva
Mitre lui, et ce ne fut pas sans péril qu'il put
i échapperde Cadix. Il se rangea aussitôt sous les
i -apeaux de Joseph, qui le nomma membre de
!m conseil d'État (8 mars 1809 ) «t le décora
>îu après» du grand-cordon de l'ordre royal d'Es-
(idgne. Ses protestations de fidélité et de dévoue-
j> ent lui valurent la présidence des sections de
i guerre et de la marine. Disgracié à la restau-
ktion de Ferdinand VII, et plus heureux que plu-
i-eiirs autres afrancesados, il mourut tranquil-
!'ment dans ses terres. A. de L.
^Biographie étrangère (Paris, 1819). — Galerie histo-
ique des Contemporains (Mons, 1827). — Van Tenac,
listoire générale de la Marine, t. IV, p. 169.
I morlacchi ( Francesco ) , compositeur ita-
;n , né à Pérouse, le 14 juin 1784, mort à Ins-
iuck, le 29 octobre 1841. Il reçut les pre-
Hières leçons de musique de son père, Antonio,
botaniste de quelque réputation, qui lui enseigna
lissi son instrument; il apprit ensuite le piano
| l'orgue, et commença sous Louis Carruso
is études de composition, qu'il, continua sous
Aingarelli et sous le P. Mattei. Le premier ou-
«[■'age de Morlacchi fut un oratorio intitulé : Gli
\ngeli al sepolcro (1802). Cette production at-
<i:a tous les regards sur l'auteur, qui bientôt fut
îlfiargé de mettre en musique une cantate à l'oc-
pion du couronnement de Napoléon en qualité
u roi d'Italie : elle fut exécutée au théâtre de
blogne, en 1805. Deux ans plus tard, Mor-
jcchi donna, dans la même ville, son premier
Ittéra, II Ritratto (1807), qui fut promptement
ijiivi d'un second, Il Poeta in campagna
807), tous deux du genre bouffe; sept autres
l[l) Cette flotte, commandée par le vice-amiral Rosily,
jmptuit encore les vaisseaux Le Héros, Le Neptune,
vMgesiras, L'Argonaute, Le Pluton et quelques bâti-
;nts d'un rang inférieur; mais, prise à limpro viste entre
ux feux , elle dut céder rapidement sous les mortiers
j Morla.
NOtT. BIOGR. GÉNÉR, — T. XXXVI.
ouvrages parurent sur les théâtres de Parme, de
Rome et de Milan, pendant les trois années
suivantes. Le dernier, intitulé Le Danaide (1810)
obtint un tel succès que le roi de Saxe choisit
l'auteur, qui n'avait alors que vingt-six ans, pour
son maître de chapelle, chargé de la direction
du théâtre italien de Dresde. Ses occupations
en cette qualité ne l'empêchèrent pas d'écrire,
en Italie, un grand nombre d'opéras, qui presque
tous furent bien accueillis ; celui de Tebaldo ed
Isolina (1820) fut un des plus remarqués, et est
représenté encore aujourd'hui. Tous les ouvrages
de Morlacchi sont du même style que ceux de
Paër et de Simon Mayer, c'est-à-dire que l'on
y trouve une harmonie plus forte, des morceaux
d'ensemble plus étoffés et une instrumentation
plus ornée et plus robuste que dans les ouvrages
de Cimarosa et de Païsiello. Composée pour la
chapelle royale de Dresde, sa musique d'église
se ressent du séjour de l'Allemagne : elle est
pleine d'énergie, et d'heureuses combinaisons
vocales et instrumentales s'y rencontrent à chaque
instant. Le séjour de Morlacchi à la cour de
Saxe ne fut traversé que par une seule contra-
riété. Le roi était resté l'un des derniers alliés
de la France : la Russie voulut s'en venger, en
1813, alors qu'elle était chargée de l'adminis-
tration de la Saxe. La chapelle royale fut d'abord
supprimée; mais Morlacchi courut à Francfort,
où se trouvait Alexandre, et obtint qu'elle fût
conservée. Ce fut dans cette circonstance qu'il
composa une messe du rite grec pour les voix
seules, et dont les paroles étaient en vieux slavon
(1814). Peu de temps auparavant, il avait écrit
en quelques jours une cantate pour l'anniver-
saire de la naissance du tsar. Lorsque les Russes
se furent retirés de la Saxe, il se trouva confirmé
dans sa place, et vécut entouré de l'affection de
tous les musiciens delà chapelle, qui lui avaient
du la conservation de leur emploi. Il resta tou-
jours dans la plus parfaite intelligence avec We-
ber, qui remplissait des fonctions analogues aux
siennes. La suppression de l'Opéra italien à
Dresde, en 1832, lui causa quelque chagrin, et
il fut plus tard sur le point d'accepter la place
de maître de chapelle du Vatican, vacante par la
démission de Fioravanti ; mais on sut le retenir,
non-seulement par les avantages d'une position
convenable, mais plus encore par de vives mar-
ques de considération et d'attachement. Mor-
lacchi est mort à Inspruck , au moment où il se
préparait à aller passer l'hiver dans sa patrie.
Son œuvre se compose, en musique sacrée,
de six messes solennelles et d'une messe de re-
quiem, de vêpreî, motets et antiennes de di-
vers genres ; en musique de théâtre , de vingt-
cinq opéras et douze cantates ; enfin, en mu-
sique de chambre, d'ariettes , solos, etc., sur pa-
roles italiennes, et de quelques pièces instru-
mentales. Quoique Morlacchi écrivît avec une fa-
cilité extraordinaire, sa musique est en général
toujours sage et correcte. Il conservera une place
20
611
MORLACCHI
fort honorable parmi les compositeurs qui ont
précédé et préparé la révolution dramatico- mu-
sicale que le génie de Rossini devait accomplir.
[J.-A. de Lafage, dans VEnc. des ,G. dit M.]
Tipaldo, Biogr. degli Italiani illustri, X. — Fétis,
Biographie univ. des Musiciens.
aïCRLÀND (Sir Samuel), ingénieuranglais, né
vers 1625, mort le 30 décembre 1695, à Ham-
mersmith. Il fit ses études à , l'université de
Cambridge. Après avoir fait partie de l'ambas-
sade envoyée, en 1653, près de Christine de
Suède, ildevint secrétaire deThurloe,et fut chargé
par Cromwell d'adresser des représentations au
duc de Savoie afin de faire cesser la persécution
dirigée contre les Vaudois. Bien que le protec-
teur l'eût traité avec bienveillance, il entretenait
des intelligences secrètes avec le parti du pré-
tendant, et prévint même, dit-on, ce dernier du
guet-apens où Thurloe, Willis et d'autres avaient
essayé de l'attirer en 1659- A peine la restaura-
tion fut-elle consommée qu'il obtint de Charles II
le titre de baronet et la place de mécanicien
royal (master of mechanics); plus tard il fut
nommé gentilhomme de la chambre et, en 1679,
il eut une pension de 400 liv. st. pour réparer le
désordre de sa fortune, compromise par un im-
prudent mariage. Cependant il se plaignit de la
parcimonie avec laquelle on l'avait récompensé,
et, dégoûté du service des grands , il se livra
avec ardeur à l'étude de la mécanique et de
l'hydraulique. Vers la fin de sa vie il devint
aveugle, et tomba dans la misère. Morland a
laissé la réputation d'un ingénieur des plus ha-
bjles. Il fit à ses frais de nombreux essais
d'hydrostatique, entre autres celui d'élever les
eaux de la Tamise jusqu'à la plus haute corniche
du château de Windsor; il se rendit môme, d'a-
près l'ordre du roi , à la cour de France, où il
exposa plusieurs plans à Louis XIV. Il inventa
le porte-voix dans le même temps où le P. Kir-
cher s'en occupait en Italie ; on appelait alors
cet instrument la trompette parlante. Dans
ses Principes de la nouvelle force du feu ,
il s'exprime en ces termes sur l'emploi de la va-
peur : « L'eau étant réduite en vapeur par la force
du feu, ces vapeurs exigent incontinent un plus
grand espace (environ 200 fois) que l'eau n'oc-
cupait auparavant, et plutôt que d'être cons-
tamment emprisonnées elles feraient éclater une
pièce de canon. Mais étant bien gouvernées, se-
lon les règles de la statique et par science réduites
à la mesure, au poids et à la balance, alors elles
portent paisiblement leur fardeau (comme de bons
chevaux), et deviennent ainsid'un grand usageau
genre humain surtout pour Télé vationdes eaux. »
La mention des pompes à feu et de l'usage de la
vapeur se trouva ainsi clairement indiquée : Mor-
land en serait l'inventeur, si Salomon de Caus
( voy. ce nom) ne lui était pas antérieur. II eut en-
core dans son temps une certaine réputation pour
la construction desinstruments de physique; ses
baromètres étaient, selon l'opinion deMusschen-
'
- MORLAND (
brœk, les plus exacts qu'on eût jamais vus. 0
de lui : History of the evangelical Churcha
Piedmont ; Londres, 1658, in-fol. ; — The 1
criplion and Use of two Arithmetic Inst,
ments; Londres, I662,1673,in-8°,avecpl.,tr;
excessivement rare ; — Description of the Tx
stentor ophonica, or speaking trumpet; L
dres, 1671, in-fol.; — The Count of Paga
Melhod of delineating ail manner of foi
fications from the exterior polygon ; Londi
1672; — A new and most usefxd Instrum
for addition and subslraction, with a j.
petual almanack; Londres, 1672, in-8°;
The Doctrine of interest, boih simple c
compound, explained; Londres, 1679, in-
— Élévation des eaux par toutes sortes
machines réduite à la mesure, au poidt
la balance, par le moyen d'un nouveau pis
et corps de pompe et d'un nouveau mou
ment cyclo-elliptique, en rejetant l'usage
toxites sortes de manivelles ordinaires; Pa
1685, in-4° ; une copie manuscrite de cet ouvr
curieux fut offerte à Louis XIV et se trouy
la Bibliothèque impériale. On en connaît un ai
manuscrit moins étendu, Elévation des et
par toutes sortes de machines (Paris, 16$
terminé pat' les Principes de la nouvelle Ft
dît Feu, et réfondu dans le traité précédent;
Hydrostatica, or instructions concerning\
ter-works ; Londres, 1697, in-12. K.
Urim of conscience , autobiogr. ms. remise parJ
Morland à l'arcliev. Tenison et remise à la bibllott
Lambelh avec beaucoup d'autres papiers de lui. — Lysi
Environs, I et II. — Clarendon, History. — Rees, C\
pasdia. — Welwood, Memoirs. — Arago, Notice se
tiflqiie, t. II, p. 22.
3ÎOKLAS» (Qeorges), peintre anglais, n
26 janvier 1763, à Londres, où il est mort
29 octobre 1804. Fils d'un médiocre peintre
portraits, il reçut de lui les premiers élém<
du dessin, et ne tarda pas à le surpasser,
talents précoces ne servirent qu'à le jeter-
bonne heure dans un train de vie abjecte et f
sérable, d'où il ne sortit jamais. En effet à pi
eut-il laissé voir avec quelle puissance il ob:
vait et il rendait la nature que son père, hon<
avide et corrompu, le fit travailler sans relâ
pour les marchands ou pour les ventes à H
chère, et qu'il le laissa dans un état com
d'ignorance et de grossièreté. Plus tard on t<
vainement de l'en arracher. Devenu maître
lui-même, recherché et encouragé par les ai
teurs, exploité par les marchands de tableai
ayant un nom célèbre, il ne s'amenda pas da\
tage. Tout le temps qu'il n'avait pas les ]
ceaux à la main, il le passait à boire et à coi
les rues, en compagnie de gens suspects ou
bas étage. L'ivrognerie et la débauche altérèi M
sa constitution; son talent même en resseP
de funestes atteintes. Il tomba dans le mé|
général. Mis en prison pour dettes, il but un
grande quantité de spiritueux qu'il devint ir
pable de rien penser et de rien comprendre
MORLAND
nourut à peu près idiot, à l'âge de quarante ans.
ia femme ne lui survécut qu'un jour ou deux.
lorland est un des rares artistes de génie de l'é-
ole anglaise ; il ne dut ses qualités qu'à lui-même
[ t à la nature, qu'il étudiait sans cesse et qu'il
lavait interpréter avec intelligence. Il excellait à
I eindre des animaux ou des scènes familières; il
vait le coup d'oeil sûr et l'exécution rapide. Bien
! u'il manquât d'imagination, il disposait habilc-
! lent un sujet et en tirait, grâce à une extrême
l icilité de main, des effets piquants et inattendus.
P. L.
• Gentleman's Magazine, 1804. — Edwards, Supplément
5 fl'alpole. — l'ilkington, Dict. of Pointers.
| morland (François-Louis), colonel fran-
çais, né le 11 août 1771, à Souilly (Meuse),
Ijéie 2 décembre 1805, à Austerlitz. Enrôlé
olontaire en 1791, il se distingua bientôt par
[éclat de ses services, et devint en 1800 chef
l 'escadron des chasseurs de la garde consulaire.
| e20 prairial an xm, il fut promu dans ce corps
f a grade de colonel en second. Il fut tué d'un
| jup de canon à la bataille d'Austerlitz, où il
| enait de faire preuve du plus brillant courage.
J on corps fut transporté à Paris et donné, en
I S14, à l'école de médecine; on le vit exposé
f ans le cabinet d'anatomie sous la désignation
[e momie jusqu'en 1818, époque où, par suite
es réclamations de la famille, il reçut enfin au
[filage de Souilly les honneurs de la sépulture.
ar décret de février 1806, un des quais alors
|*n construction à Paris reçut le nom de quai
Horland. P.
j Biogr. nouv. des Coniemp. — Moniteur univ., 1818.
\ MORLET (Thomas), compositeur anglais,
port en 1604, à Londres. D'après Anthony
[Vood , le seul écrivain qui parle de lui, il avait
ru William Bird pour maître, et lui succéda, en
[592, dans l'emploi de maître de chapelle. En
[588, il avait pris à Oxford le degré de bache-
lier en musiqae. Morley est regardé comme un
es coryphées de l'ancienne école anglaise; il a
pmposé un grand nombre de morceaux, qui
iont encore bien connus, tels que des chansons
f'deux voix, des madrigaux et un Fxineral Ser-
vice, publié dans la collection de Boyce. On lui
Floit aussi les deux recueils, Consort Lessons,
\nade by divers exquisite authors for six
Instruments (2e édit, 1611 ), et The Triumph,
Vf Orïana (1601, in-4°). Mais l'ouvrage qui a
fitabli sa réputation est la Plain and easy In-
troduction to practical Music (Londres, 1597,
'n-fol., et 1771, in-4°), traduit en allemand par
Mi. Trost, et qui pendant plus d'un siècle a;
|iervi à l'enseignement classique de la musique.
h Ce livre, dit Fétis, renferme une multitude de
Choses relatives à l'ancienne notation, à la me-
sure et à la tonalité, qu'on ne trouve point dans
les autres traités de musique du même temps. »
IWorley avait obtenu en 1598 de la reine Éliza-
:>eth un privilège exclusif pour l'Impression de
'outes les productions musicales. P.
— MORLOT
614
A. Wnnd, Athenx Oxonienses. — Rumcy, History of
Music, 111. — Fétis, Biogr. univ. des Musiciens.
morley (Georges), prélat anglais, né le
27 février 1597, à Londres, mort le 29 octobre
1684, à Farnham-Castle. D'abord chapelain de
lord Carnarvon, il devint, en 1641, chanoine
d'Oxford et offrit la première année de son re-
venu au roi Charles Ier, qui venait d'engager la
lutte avec ses sujets. Ayant refusé plus tard de
se soumettre aux exigences des parlementaires,
il fut l'un des premiers privé de ses emplois ;
il lui fut permis, en 1648, de porter ses consola-
tions au roi prisonnier, et en 1649 il rejoignit le
prétendant à La Haye. Lors de la restauration il
fut chargé de s'entendre avec les chefs du parti
presbytérien , et il réussit à les gagner en les
assurant que Charles II n'avait jamais professé
le papisme, assertion plus hardie qu'exacte.
Après avoir été promu à un décanat d'Oxford, il
fut nommé évêque de Worcester (1660), puis de
Winchester (1662). Il travaillait beaucoup, se
levait de grand matin, prenait cinq ou six heures
de sommeil et ne mangeait qu'une fois par jour;
durant le cours de sa longue vie il ne fut que
deux fois malade. Il fit de grandes libéralités au
clergé et aux écoles. On a de lui plusieurs lettres
ou mémoires, en latin et en anglais, recueillis en
1684, in-4o. K.
A. Wood, Athense Oxon. — Milner, ffist. of Win-
chester.
morlière (La). Voy. La Morlière.
* morlot (François-Nicolas-Madeleine),
cardinal français , né à Langres (Haute-Marne ),
le 2S décembre 1795. D'une honnête famille d'ar-
tisans, il suivit comme externe les classes du
collège de cette ville, et fit son cours de théologie
au grand séminaire de Dijon. Ayant terminé ses
études avant l'âge requis par les canons pour la
prêtrise, il entra comme précepteur dans la fa-
mille de M. de Saint-Seine, et s'y concilia toutes
les sympathies. Vicaire de la cathédrale de Dijon,
il devint en 1825 chanoine honoraire de ce dio-
cèse, vicaire général en 1830, et chanoine titu-
laire en 1833. A cette époque, l'abbé Rey avait
été nommé, par Louis-Philippe, à l'évêché de
Dijon : sa nomination provoqua dans le dio-
cèse une scission malheureuse. L'abbé Morlot se
rangea du côté de l'opposition, et, abandonnant
l'administration diocésaine, critiqua les actes de
ce prélat, qui, en 1838, se vit obligé de donner
sa démission. M. Rivet, son successeur, ne voulut
pas se priver des lumières de l'abbé Morlot, et
lui rendit le titre de vicaire général. Une ordon-
nance royale du 10 mars 1839 l'appela à l'é-
vêché d'Orléans, et il fut sacré à Paris, le 1 8 août
suivant. En 1841, il fit imprimer un supplément
au bréviaire , et nomma deux commissions ,
l'une pour rédiger un nouveau catéchisme,
l'autre pour revoir les livres d'office à l'usage
des fidèles. Une ordonnance du 28 juin 1842 le
transféra à l'archevêché de Tours, pour lequel il
reçut le pallium, le 26 février 1843, des mains
li
615
MORLOÏ —
de M. Affre, archevêque de Paris. Là, comme
à Orléans, il sut se concilier les suffrages de son
clergé et de ses diocésains , présida à Rennes,
du 10 au 28 novembre 1849, un concile provin-
cial et en tint un autre à Tours en septembre
1852. Les actes de ces deux assemblées ont été
imprimés. Créé cardinal-prêtre du titre des saints
Nérée et Achillée, dans le consistoire du 7 mars
1853, il reçut le chapeau des mains du saint-père,
le 27 juin suivant. Après l'assassinat de monsei-
gneur Sibour, une dépêche télégraphique vint
offrir l'archevêché de Paris au cardinal Mor-
lot , qui était alors à Rome, chargé par le gou-
vernement d'une mission particulière auprès
du saint siège. Le cardinal opposa de vives ré-
sistances, et il fallut un désir formellement ex-
primé par Pie IX pour vaincre une répugnance
dont il présenta encore les motifs au moment
de son retour à Paris. Nommé par décret im-
périal du 24 janvier 1857, il fut institué le
19 mars, et prit possession de sa nouvelle église
le 25 avril. Le cardinal Morlot fut nommé succes-
sivement grand-aumônier de l'empire, membre
du conseil privé, etprimicierdu chapitre de Saint-
Denis. Outre des Mandements et des Lettres
pastorales, on a du cardinal Morlot des éditions
d'ouvrages d'instruction et de piété. Il a revu la
seconde édition de Y Explication de la Doc-
trine chrétienne, en forme de lectures tirées du
Catéchisme dogmatique et moral, 2 vol. in- 12.
C'est le catéchisme de Couturier, sous une forme
nouvelle, et dont on a fait disparaître les de-
mandes et les réponses. Il a donné ensuite une
édition du Catéchisme du diocèse de Dijon ,
in-18, expliqué par des sous-demandes et des
récapitulations , forme souvent imitée pour les
catéchismes des autres diocèses, et coopéra à la
publication des Heures choisies, de la mar-
quise d'AndeJarre, 1825, in-12, livre souventréim-
primé. Le cardinal Morlot, chevalier de la Légion
d'Honneur le 30 avril 1841, fut promu officier
de l'ordre le 11 décembre 1849, et en est com-
mandeur depuis te 11 août 1855. H. Fisquet.
Almanacàs du Clergé. — Biographie du Clergé con-
temporain. — Dictionnaire des Cardinaux. — France
Pontificale ( sous presse ).
mormaxdo ( Giovanni- Francesco ) , archi-
tecte, né à Florence, vers 1455, mort à Naples,
vers 1522. II abandonna le commerce pour étu-
dier l'architecture sous Leo-Bâttista Alberti,
après la mort duquel il alla à Rome se perfec-
tionner par l'étude des monuments antiques. De
là il passa à Naples, où il devint l'ami et l'é-
mule de Novello da San-Lucano et de Gabriello
d'Agnolo. En 1490 it commença la belle église
de S'an-Severino-, l'un des rares édifices de bon
goût qui- se trouvent à Naples. Pendant sa cons-
truction, il dut céder aux sollicitations du roi
Ferdinand leCathohque et partir pour l'Espagne,
où, dit on, il donna, les dessins d'un palais et
d'une église. Ce qui est plus certain, c'est que
le roi l'occupa principalement à chanter en s'ac-
MORNAKD 61
compagnant sur le luth, et qu'il le nomma à
fois son premier architecte et son premier mi
sicien. Le double traitement qu'il recevait à «
double titre ne paraît pas avoir suffi pour
retenir à la cour d'Espagne ; en 1506, il revint
Naples. Il donna aussi les dessins des pala
Vestri, Filomariniet Canlalupo. Dans les de
nières années de sa vie, il construisit, orna
dota à ses frais la petite église de Sanla-Marii
della-Stella. E. B— n.
Dominici, Vite de' Pittori, Scullori ed ArcMUtti JV
poletani. — G. Piacenza, Giunta al Baldinucci.
Ticoz/.i, Dizionario. — L. Galanti, Napoli e contori
MORNAC ( Antoine), jurisconsulte françai
né en 1554, dans les environs de Palluau (To
raine), mort à Paris, en 1619. Fils et pet
fils d'avocat, il étudia le droit à Poitiers, f
admis en 1579 au barreau du parlement de Pari
et acquit une haute réputation de talent et <
probité. En 1591 il se retira à Tours, où
parlement avait été transféré, puis il revint
Paris quand cette cour souveraine y fut rétabli
On a de lui : Defalsa regni Yvetoti Narration
ex majoribus commentariis fragmenturA
Paris, 1615, in-8° de 24 p. ; — Ferix Forense\
et Elogia illustrium Togatorum Gallix, ,\
anno 1500; Paris, 1619, in-8° : ouvrage c
renferme non-seulement des éloges de mag
trais, mais encore ceux d'avocats, de savants I
de poètes ; il avait été composé pendant les v j
cances, de là le titre de l'ouvrage; — Observ I
tiones in XXIV priores libros Digestorum I
in IV priores libros Codicis, ad usum fori gc I
lici; Paris, 1616, 1631, in-fol. : commentai
est imé, que l'auteur se proposait de contint
sui les autres livres du Digeste et du Coi
Fr. Pinsson rassembla les notes laissées {
Mornac, et publia de nouvelles Observation,
qui sont inférieures aux premières. On a don
une édition annotée des ouvrages de droit
Mornac; Paris, 1721, 4 vol. in-fol. : le dern
vol. contient un Recueil d'Arrêts du parlemt
de Paris, depuis 1 588 jusqu'en 1620. Cejur
consulte a laissé manuscrit un poëme intitulé
Bello civili, seu de scelerum miseriarumq
porlentis Gallix. E. R.
Préface en tête du Recueil d'Arrêt* du parlement
Paris, etc. — Terrasson, Histoire de la Jurisp. rom
Lelong, Biblioth. Mit. de la France, édit. de Fevrel
Fontelte. — Chalmel, Histoire de Touraine, t. IV,
*mornand (Félix), littérateur frança
né à Mâcon, le 12 juillet 1815. Il fit ses étui
à Lyon-. En 1833, il fut attaché comme sec
taire à la commission d'enquête de l'Algérie,
entra au ministère de la guerre en 1834. Ap
y être resté dix ans , il donna sa démission,
l'époque de la révolution de février 1848,
fut nommé commissaire dans le département
l'Isère. Lors de l'invasion à Chambéry des
races et des ouvriers lyonnais , il fut cha
d'aller rétablir l'ordre et de sévir contre les ci
pables. Ayant quitté les fonctions publiques
s'ailonna exclusivement à la littérature. Il rédi
'
17 MORNAND
chronique littéraire de V Illustration depuis
création de ce recueil jusqu'en 1857, et devintà
tte époque rédacteur en chef du Courrier de
iris, et fournitde nombreux articles à la partie
craire de ce journal. On a de lui : La Belgi-
'• e; Paris, 1853, in-t6; — Tableau historique,
lilique et pittoresque de la Turquie et de
I Russie ( en collaboration avec M. Joubert ) ;
B ris, 1854, in-4°; — La Vie de Paris, 1855,
1 t6; — Un peu partout; Paris, 1856, in-16.
| Mornand a collaboré au Journal du Com-
firr/\à la Revue de Paris, au Siècle, kL'Opi-
tj in nationale, etc. G. de F.
II ocum. partie.
m tiORXAY ( Pierre de ) , chancelier de France,
1 dans la seconde moitié du treizième siècle ,
■«hâteau de Mornay ( auj. canton de Nérondes
lioer ), mort au château de Régennes, le 29 mai
1^6, était issu d'une des plus anciennes et
fcstres familles du Berri. Ayant embrassé la
■ rière ecclésiastique , il fut d'abord archidiacre
«Sologne, en 1281. On croit aussi qu'il a été
A nônier de saint Louis ; mais ce qui est cer-
I . c'est qu'en 1286 on le trouve clerc de Phi-
1 e le Bel et doyen de Saint-Germain l'Auxerrois.
I 1288 il fut élu évêque d'Orléans, d'où une
le de BonifaceVIIIdu 4 février 12961e trans-
i au siège d'Auxerre. Il fut choisi en 1291 par
omtesse de Rlois, femme de Pierre de France,
jhte d'Alençon , fils de saint Louis , pour être
exécuteur testamentaire. Il fut, en raison
l«on mérite, employé à des négociations im-
plantes : en 1295, Charles d'Anjou s'en servit
fr traiter de la paix avec le roi d'Aragon. En
1-8 Philippe le Bel l'envoya à Tournay avec
tehevêque de Nai bonne et l'évêque d'Amiens
jdure une trêve avec l'Angleterre ; majs ce fut
j.s la querelle qui s'éleva entre le trône et
liaint-Siége que Mornay joua un grand rôle,
^sista à la consultation faite au Louvre le
(janvier 1296, et y souscrivit comme évêque
puxerre. Il fit ensuite le voyage de Rome pour
enir de Boniface l'éloignement du concile gé-
ifll. Sa démarche n'eut pas le résultat qu'on
(espérait. A son retour le pape lui adressa un
'i plein de reproches hautains, où il se plai-
tit du peu d'effet de ses promesses. Dans l'as-
TOblée qui se tint en 1303 à Château-Thierry,
■rnay appela au futur concile des menaces
«•oontife. Il fut récompensé du zèle qu'il avait
•loyé dans ces diverses circonstances par l'of-
Wde chancelier de France, qu'il reçut en 1304.
|»fut à ce titre qu'il concourut avec Gilles de
<ie à encourager le roi dans la fondation du
ement. Il mourut deux ans après, au châ-
i de Régennes, où il s'était retiré. H. Boyer.
i Anselme, Hist. des Grands Officiers. — Moréri,
s Qionnaire Historique. — La Thaumassiére , Histoire
i m'erry. — Lemaire, Hist. et Antiquités d'Orléans. —
l bé Lebeuf, Mémoires sur l'histoire d' Auxcrre. —
i' fï et, Hist. des Démêlés de Boniface VI II avec Phi-
r *\ '■ le Bel.
■:■ Uoekay ( Philippe de), plus connu sous le
— MORNAY
618
nom de Du Plessis-Mornay , baron de La Forêt-
sur-Sèvre, seigneur du Plessis-Marly, de la fa-
mille du précédent, homme politique et contro-
versiste français, un des membres les plus émi-
nenls du parti protestant à la fin du seizième
siècle, naquit à Buhy, dans le Vexin Français,
le 5 novembre 1549, et mourut à La Forêt-sur-
Sèvre, le 11 novembre t623. Son père, Jacques
de Mornay, était catholique zélé; mais sa mère,
qui inclinait vers la réforme, choisit pour le pre-
mier précepteur de Philippe un partisan des
doctrines protestantes. Jacques de Mornay, re-
doutant pour l'enfant l'influence d'un tel maître,
envoya Philippe au collège de Lisieux dès l'âge
de huit ans, et le confia à un gouverneur catho-
lique; mais il mourut en 1559. Philippe, rappelé
auprès de sa mère, qui depuis la mort de Jac-
ques de Mornay faisait ouvertement profession
de protestantisme, oublia bien vite les leçons de
son maître catholique, renonça aux dignités ec-
clésiastiques que sa naissance noble lui faisait
espérer, et embrassa la réforme avec une réso-
lution qui ne se démentit jamais. Après avoir
achevé ses études au bruit des guerres civiles ,
il visita les pays étrangers pour compléter son
éducation. Ces voyages en Italie et eu Allemagne,
commencés en 1565, durèrent jusqu'en 1572. A
peine de retour, au mois de juillet, Philippe de
Mornay présenta à l'amiral Coligny un mémoire
sur la situation des Pays-Bas , et sur la conve-
nance d'une expédition française dans cette con-
j trée. Coligny, frappé de ce mémoire, voulait
charger l'auteur d'une mission auprès du prince
d'Orange ; mais la Saint-Barthélémy eut lieu au
mois d'août 1572, et Coligny fut assassiné.
Mornay, sauvé du massacre par son hôte ca-
tholique, gagna Dieppe, et passa en Angleterre,
où sa naissante réputation lé fit bien accueillir.
II revint en France l'année suivante , et prit une
part active aux tentatives que firent les protes-
tants pour relever leur cause en l'associant à
celle du duc d'Alençon. Réfugié dans Sedan eu
1575, il y connut une jeune veuve, Charlotte-
Arbaleste de Feuquières, « femme accomplie
en toutes sortes de vertus », qu'il épousa, le
3 janvier 1576. Peu après il s'attacha au roi de
Navarre, qui le fit entrer immédiatement dans
son conseil. Il devint dès lors le grand publiciste
de la cause du Béarnais, identifiée avec celle de
la réforme, et son principal agent à l'étranger.
Des missions en Angleterre et en Flandre le re-
tinrent hors de France jusqu'en 1582. A son re-
tour il assista au synode national de Vitré, et
proposa une union générale des églises protes-
tantes dans toute l'Europe. Ce projet n'était pas
réalisable ; mais il n'en fit pas moins d'honneur
à Mornay, et augmenta son autorité sur ses co-
religionnaires. « A dater de cette époque, di-
sent MM. Haag, et jusqu'à l'avènement de son
maître au trône de France , Mornay fut l'âme
de ses conseils; il lui rendit d'inappréciables
i services comme guerrier habile, administrateur
619 M ORNA Y
économe, politique profond, écrivain infatigable.
S'agissait-il d'implorer le secours des puissances
protestantes ou d'excuser auprès des princes
étrangers la conduite, quelquefois douteuse, de
Henri, c'est lui qui était chargé de dresser les
instructions des ambassadeurs , quand il n'était
pas envoyé lui-même en ambassade. Fallait-il
combattre les prétentions de la maison de
Lorraine et dessiller les esprits des Guise, ou
bien répondre aux accusations de la cour et
aux anathèmes de Rome, c'est toujours lui
qui était le premier sur la brèche. Les églises
avaient-elles à se plaindre de l'inexécution des
édits, c'est lui qui était choisi pour rédiger le
cahier des remontrances , et souvent pour aller
le présenter au roi. Quelque entreprise mili-
taire était-elle projetée, c'est à Mornay que l'on
avait recours pour en assurer la réussite et la
justifier, après l'exécution, si ie cas le requérait.
En un mot, négociations publiques ou secrètes,
questions politiques ou religieuses , affaires de
finances , de guerre , d'administration , tout lui
passait par les mains, rien ne se faisait que par
lui. » Un de ses actes les plus importants fut la
part qu'il prit à la réconciliation de Henri III
et du roi de Navarre, en 1589. Les deux rois le
récompensèrent de ce service en lui donnant le
gouvernement de Saumur. Peu après, Henri III
fut assassiné. A cette nouvelle Mornay se fit
livrer au prix de 22,000 écus le cardinal de
Bourbon , le faible compétiteur que la Ligue op-
posait à Henri IV. Il alla ensuite rejoindre le
nouveau roi à Tours, et combattit vaillamment
à Ivry* Henri le nomma conseiller d'État; mais
i! l'admit dans ses conseils moins intimement
que par le passé. Prévoyant déjà qu'il serait
amené à abjurer, il se trouvait embarrassé par
l'attachement invincible de Mornay à la cause
protestante ; il se servit de lui comme de l'in-
termédiaire le plus puissant auprès des hugue-
nots et des princes étrangers. Mornay fit un
nouveau voyage en Angleterre, et obtint, par son
influence, que la reine Elisabeth ne retirât pas ses
troupes deFrance. Vers le même temps Henri IV
annonça l'intention de se faire instruire dans la re-
ligion catholique. Mornay crut' que l'occasion
était venue de travailler à son projet d'union
des églises protestantes et de les concilier même
avec les catholiques au moyen de concessions
mutuelles discutées et acceptées dans une sorte
de grand concile. Henri IV eut l'air d'adopter
cette idée , et invita même Mornay à réunir les
plus savants ministres protestants , et à se pré-
parer avec eux à la discussion. Mais tandis que
le zélé réformateur envoyait jusqu'en Angleterre
chercher des auxiliaires théologiques, Chiverny,
chancelier de Henri IV, écrivait à l'évêque de
Chartres « qu'il vînt hardiment sans se mettre
en peine de théologie ». Mornay comprit, un peu
tard, qu'il avait été pris ponrdupe, etque l'abjura-
tion aurait lieu sans débat préalable. Cependant
il ne refusa pas de servir d'intermédiaire entre le
621
monarque et les députés des églises; mais il ir
sïsta pour obtenir redit de Mantes ( 1593 ), qi
donnait des garanties aux protestants et qui pré
parait l'édit de Nantes.
Mornay, de moins en moins consulté par Heur
ne prit aucune part à la rédaction de ce demie
acte; il en surveilla seulemenf l'exécution ave
une activité incessante, qui faisait de lui le prc ]
tecteur ou, comme on le disait, le pape des hv '
guenots. Henri supportait avec peine dans u
sujet un pareil rôle. Il fut aussi très-fâché d
voir Mornay, par son fameux traité de 17hsN
tation de V Eucharistie, publié en 1598, ni
veiller des passions qui commençaient à s'f
paiser. Cet ouvrage, dirigé contre la messe et e j
général contre le culte catholique, contena !
près de cinq mille passages tirés des Pères c [
l'Église ou d'autres théologiens. En amassai)
ou en faisant amasser, toute cette éruditioi
Mornay n'en avait pas vérifié assez exactemei
la provenance , et il avait cité souvent à fat»
Du Perron, évêque d'Évreux, signala et ex;
géra ces inexactitudes. Mornay, ne voulant p,
rester sous le coup d'une inculpation de mei
songe, porta à Du Perron le défi de soutenir se
accusation, dans une conférence publique et d
vanl des arbitres choisis dans les deux camp
Les commissaires furent pour les catholiques
chancelier Bellièvre , de Thou et Pithou ; po
les protestants, Du Fresne-Canaye et Casaubo
La conférence eut lieu à Fontainebleau, le 4 ni
1600. Mornay, qui n'avait pas eu le temps
vérifier ses citations, fut convaincu d'inexact
tude sur une dizaine de points, dont quelques-u
étaient peu importants. Les conférences i
continuèrent pas, et le roi proclama haut
ment, et avec une joie blâmable, le triomphe I
l'évêque d'Évreux. Mornay, irrité, retourna
Saumur, et publia un récit de la conférence
Fontainebleau; Cette brochure porta au comfc
la colère de Henri IV qui lui retira la surintei
dance générale des mines, supprima ses pensio
et le menaça de lui faire un procès. Mornay, <lai
son gouvernement indépendant de Saumur et e
touré de la vénération universelledes protestan
était à l'abri du mauvais vouloir d'un prince q
n'entendait pas pousser les choses à l'extrên
Mornay perdit en 1605 son fils unique, qui serv.
dans l'armée de Maurice en Hollande, et en 16
sa femme, qui en expirant lui fit promettre «
ne poinct se rendre moins utile à l'Eglise par
tristesse qu'il recevroitde sa mort ».
Bien que Mornay eût eu souvent à se plaH
dre d'Henri IV, il s'affligea sincèrement de
mort. Il prévit que le parti protestant, n'éfc
plus protégé et contenu par la main ferme
roi, aurait recours aux armes pour se défend
et achèverait sa ruine par cet appel désespi
à la guerre civile. 11 employa toute son inllueni
malheureusement combattue par les violents
les ambitieux du parti, à empêcher les prot
tants d'arriver à cette extrémité. Il rendit ai:
?:
"
on moins prudent ami que philosophe austère,
lornây sait l'art discret de reprendre et de plaire,
m exemple instruisait bien mieux que ses discours.
:s solides vertus furent ses seuls amours.
! vidé de travaux, insensible aux délices,
marchait d'un pas'férmeaubord des précipices.
imais l'air de la cour et son' souffle infecté
'altéra de son cœur l'austère pureté.
Ule Aréthuse, ainsi ton onde fortunée
ouïe au sein furieux d'Amphitrite, étonnée,
In cristal toujours pur et des flots toujours clairs,
né jamais ne corrompt l'amertume des mers .
ta" bien connaître Du Plessis-Mornày, sa fer-
p religieuse, sa rectitude politique, ses qua-
is privées, il faut lire les Mémoires de Mme de
krnay sur la vie de son mari, austère et tou-
jmt ouvrage dont M. Guizot a dit : « Pas la
indre teinte romanesque dans ses sentiments
Jans ses désirs, pas la moindre complaisance
miteuse quand elle parle soit d'elle-même, soit
ce qui la touche; loin de rien amplifier, de
il étaler, elle montre toujours moins qu'elle
}sent; les événements les plus considérables
jmd elle les raconte, les sentiments les plus
lissants quand elle les exprime, se présentent
pis, une forme contenue, exempts de tout
« andissement , de tout ornement factice ou
I médité. C'est la vérité pure, réduite à son
pression la plus simple, et racontée en pas-
!l MORNÂY
a paix publique de grands services, que la
ne régente reconnut en lui restituant les pen-
dis dont Henri IV l'avait dépouillé. Lors du
md soulèvement de 1620, Mornay se porta
■ore une fois pour conciliateur. Au point où
étaient venues les passions de part et d'au-
ce rôle était plus honorable qu'utile,
issemblée de La Rochelle n'écouta pas ses
iseils, et le pouvoir royal lui retira, par une
iigne trahison, le gouvernement de Saumur.
rnay quitta, avec un désespoir adouci seule-
nt par sa foi religieuse, une ville qui avait
iucoup prospéré sous son administration
■ne et paternelle. Il se retira dans son cha-
ude La Forêt-sur-Sèvre, où il mourut, à l'âge
soixante-quatorze ans, laissant dans son
ti un vide irréparable, et dans toute l'Europe
i immense réputation. Du Plessis-Mornay est
; des plus pures et des plus grandes figures
son temps. 11 ne possédait pas sans doute
génie de premier ordre; mais homme poli-
ic et controversiste, ambassadeur et homme
guerre, il montra un rare ensemble de qua-
■ Sa grandeur fut surtout morale. Dans une
que de violence et de perfidie , il représenta
altérable loyauté de la conscience. Au mi-
de la défaveur générale qui atteignit les
testants pendant le cours du dix-septième
fcte, Mornay resta et garda un rang élevé dans
Mnion publique. Voltaire au dix-huitième
tte, en le choisissant pour un des personnages
La Henriade, lui donna une popularité qui
lt maintenue jusqu'à nos jours. On se rap-
e les beaux vers où le poète peint le noble et
Ugre conseiller de Henri IV :
G22
sant, dans la mesure delà stricte nécessité, pour
l'information ou l'édification du fils à qui elle
adresse son récit. » Outre son fils Philippe, tué
en Hollande , Du Plessis-Mornay laissa de sa
femme plusieurs filles. Son nom s'est perpétué
dans d'autres branches de sa famille. On a de
lui : Discours de la Vie et de la Mort ; Lau-
sanne, 1576, in-8° ; — Rem'onstrance aux
Estais de Blois pour la paix ; Lyon, 1576,
in-12; — Traité de l'Église, où Von traite
des principales questions qui ont été mues
sur ce point en nostre temps ; Londres, 1578,
in-8° ; — Traité de la vérité de la religion
chrétienne, contre les athées, épicuriens,
payens, juifs, mahumédistes et autres infi-
dèles ; Anvers, 1581, in-4°, plusieurs fois réim-
primé jusqu'en 1617; — Advertissement sur
la réception et publication du concile de
Trente; Paris, 1583; — Discours du droit
prétendu pour ceux de la maison de Guise
à la couronne de France; 1583, in-8°; —
Réponse aux déclarations et protestations de
MMi. de Guise, f aides sous le nom de M. le
cardinal de Bourbon; 1585, in-8°; — Dé-
claration du roi de Navarre sur les calom-
nies publiées contre lui ; Orthez, 1585, in-8°;
— Lettre d'un gentilhomme catholique fran-
çais, contenant brève response aux calom-
nies d'un certain prétendu anglois ; 1586,
in-80; — Fidelle Exposition sur la déclara-
tion du duc de Mayène, contenant les ex-
ploicts de guerre qu'il afaicts en Guyenne;
1587, in-8°; — Déclaration du roi de Na-
varre au passage de la Loire ; 1589, in-8°;
— De l'Institution , Usage et Doctrine du
sainct sacrement de V Eucharistie en VÉ-
glise ancienne, comment, quand, et par
quels degrez la messe s'est introduite en sa
place, en IV livres; La Rochelle, 1598, in-4°;
— Response à l'examen du docteur Bulen-
ger, par laquelle sont justifiées les alléga-
tions par luy prétendues fausses et vérifiées
les calomnies contre la préface du livre De
la saincte Eucharistie; La Rochelle, 1599,
în-4°; — Vérification des lieux impugnez de
faux, tant en la- préface qu'aux livres De
l'Institution de, «la saincte Eucharistie par le
sieur Dupuy ; La Rochelle, 1600, in-8°; —
Sommation du sieur Duplessis- Mornay à
M. Vêvesque d'Évreux, sur la sommation à
lui faicte privément ; 1600, in-80; — Dis-
cours véritable de la conférence tenue à Fon-
tainebleau ; 1600, in-8°; — Response au livre
publié par le sieur ètesgue d'Évreux, sur
la conférence tenue à Fontainebleau, le
4 may 1600, où sont traitées les principales
matières controversées ; Saumur, 1612, in-4°;
— Discours et Méditations chrestiennes;
Saumur, 1619, 2 vol. in-12; suivis d'un troi-
sième volume ; 1624, in-8"; — Le Mystère d'i-
niquité , c'est-à-dire l'Histoire de la pa-
pauté, par quelz progrès elle est montée à
623
MORNAY — MORNY
6:
ce comble, et quelles oppositions les gens de
bien lui ont fait de temps en temps. Où
aussi sont défendus les droicts des empe-
reurs, rois et princes chrestiens, contre les
assertions des cardinaux Bellarmin et Baro-
nius ; Saumur, 1611, in-fol.; — Testament, Co-
dicile et dernières Heures de P. de Mornay,
auxquelles a été joint son Traité de la Vie
et de la Mort, ses larmes sur la mort de son
fils unique et le Discours de la mort de
dame Charlotte Arbaleste,son épouse; La Fo-
rest, 1624, in-8°; La Haye, 1656, in-8°; — Mé-
moires de messire Philippes de Mornay ,
seigneur du Plessis-Marli, contenant divers
discours, instructions, lettres et dépesches
pur lui dressées, ou escrites aux rois, rei-
nes, princes, princesses, seigneurs et plu-
sieurs grands personnages de la chres-
tienté depuis Van 1572 jusqu'à Van 1589,
ensemble quelques lettres des dessus dits
au dit sieur du Plessis,l" et IIe vol. ; La Fo-
rest, 1624, 1625, in-4° ; IIIe et IVe; Amster-
dam, 1652, in-4°. Ces Mémoires ont été réim-
primés avec quelques additions, mais sans
beaucoup de soin sous ce titre: Mémoires, Cor-
respondances et Vie de Duplessis ■ Mornay ,
pour servir à V histoire de la réjormation
et des guerres civiles et religieuses en France
depuis Van 1571 jusqu'en 1623, édition en-
richie de notices historiques et de notices
biographiques par MM. de La Fontenelle
de Vaudoré et Auguis; Paris, 1624-1625,
12 vol. in-8°, Z.
Mémoires de Plessis-Mornay. — Liques, Histoire
de la vie de messire PMI. de Mornay, seigneur du
Plessis-Marly; Leyde,1647, in-4°. — Mornay de La Ville-
tertre, Vies de plusieurs anciens seigneurs de la mai-
son de Mornay; 1689, in-4°. - Crusius, Singularia Ples-
sica , seu memorabilia de vita, meritis, fatis, contro-
versiis et morte Phil. Mornsei de Plessis, ex ipsis Mor-
nsei scriptis et aliis collecta, avec une préface de Hein-
rich Muhlius: Hambourg, 1724, in-8°. — L'Estoile ,
Journal. — Sully, Mémoires. — De Thou , Historia
sui temporis. — Mézeray, Histoire. — Sisraondi, His-
toire des Français, t. XIX-XXII. — Henri Martin,
Histoire de France, t. IX et X. — H. Duval, Éloge de
V hil. Duplessis- Mornay ; Paris, 1809, in-8°. — J. Im-
bert, Duplessis- M or nay ; Paris, 1847, in-8°. — Garri-
son, dans la Revue des Deux Mondes, 15 février 1848. —
MM. Haag frères, La France protest. — Eugène Poitou,
dans la Revue de X Anjou 11855). .
* morny (Charles -Auguste-Louis- Joseph,
comte de), homme politique français, né à Paris,
le 23 octobre 1811. 11 fut élevé par la comtesse
de Flânant (connue dans le monde littéraire
sous le nom de Mme de Souza ), et suivit comme
externe de l'institution Muron les cours du col-
lège Bourbon, où, sous la direction spéciale de
Casimir Bonjour, il fit d'assez fortes études.
Entré à l'École d'État-major, il obtint, le 19 dé-
cembre 1 830 , le grade de sous-lieutenant, et
servit en cette qualité au 1er régiment de lan-
ciers ( Nemours) en garnison à Fontainebleau.
11 passa quelque temps après en Afrique, et y
fit preuve de cette décision calme et intrépide
que l'on retrouvera plus tard dans l'homme
public. M. de Morny fit sous les ordres
M. Changarnier la campagne de Mascara, et p
part à la première expédition de Constantit !
où il sauva la vie au général Trézel. Lieutena i
le 31 juillet 1836, décoré de la Légion d'Ho i
neur, cité plusieurs fois à l'ordre du jour
l'armée, M. de Morny, qui pouvait espérer u
haule position militaire, rentra en France
1838, et donna sa démission pour se livrer a i
soins d'une fortune assez considérable : il s'( i
cupa d'agriculture, et créa aux environs
Clermont ( Puy de-Dôme ) une grande usi j
pour la fabrication du sucre indigène. Bien \
les représentants de cette industrie s'étant r< i
nis en congrès à Paris , au nombre de qua i
cents, ils le choisirent pour président de leur <
mité. Ce fut alors qu'il publia sur la Questi j
des Sucres ( 1838, in-8°) une brochure qui
moigne d'une profonde connaissance de la qui |
tion. Appelé en octobre 1841 au conseil gêné'
de l'agriculture et du commerce, il fut élu <
puté en juillet 1842 par les électeurs du p
mier collège de Clermont. Dès son entrée à
chambre il comprit que le gouvernement pn
dominer l'opposition n'avait d'autre moyen c
de la devancer dans ce qui était .utile et jus
et cette conviction devint la base de sa c(
duite. Il se fit principalement remarquer lors
ces discussions sur les sucres ( mai 1 84ô
sur la police de la chasse ( février 1844) ( dî
laquelle il introduisit un amendement adopta
une forte majorité), sur le recrutement de 1'
mée (mars 1844 ), sur la conversion de la re
5 0/0 ( 22 avril 1845) et sur la perception
l'impôt du sucre indigène ( 25 avril ). L
mendement qu'il proposa sur la motion
M. Muret de Bord concernant la convers
de la rente, devint la base du système ado
par la chambre. Réélu en juillet 1846, M.
Morny prit part aux débats sur les coupures i
billets de la Banque ( 15 avril 1847), sur la I
forme postale (28 avril) et sur l'impôt du J
( 16 juin ). A cette époque, il était à la tête j
ce groupe d'hommes nouveaux qui, bien qu|
soutinssent le cabinet Guizot par les votes I
moins populaires, croyaient la monarchie co I
promise par cette résistance aveugle à tous I
projets de réformes ; mais ils ne furent ] I
écoutés. Aussi, en janvier 1848, M. de MoiJ
inséra dans la Revue des Deux Mondes, s< j
le titre de Quelques réflexions sur la po\
tique actuelle, un travail remarquable, oui
question sociale était clairement posée, avec l
vif sentiment des dangers qu'elle contenait. I
mois après, la révolution éclata.
Retiré de la scène politique, M. de Morny ref p
avec le concours du comptoir d'escompte quef'
république venait de créer, quelques opératk K
industrielles et financières qui consolidèrent ï>
fortune, un instant compromise par les évéi r
ments ; mais dès le mois de mai 1849, soutt
par le comité électoral de la rue de Poitiers I
MORNY — MORO
62G
itra dans la vie publique comme député du
y-de-Dôme à l'Assemblée législative. Il parla
us la discussion du projet de loi sur la presse
lillet 1849), et vota avec la majorité monar»
ique jusqu'au moment où une scission bien
nchée se déclara entre la droite parlementaire
la politique présidentielle. Honoré de l'intimité
j prince Louis-Napoléon, M. de Morny fut à
| is les titres désigné comme l'un des principaux
| icuteurs du coup d'État qui se préparait à l'Ély-
| . La grave responsabilité qu'il acceptait n'avait
tiré en rien la sérénité de son caractère, l'af-
i ilité de ses manières. On a retenu de lui un
j t jeté avec une spirituelle insouciance, dans
[ j causerie de l'Opéra-Comique où il assistait,
[oirdu 1er décembre 1851, à la première re-
Isentation du Château de la Barbe-bleue.
I mot mérite d'être cité. Une femme élégante,
| était dans une loge voisine de la sienne, se
I cha vers lui, en disant : « On assure qu'on
| balayer la chambre : que ferez-vous , rnon-
i ir de Morny ? » — « Madame, s'il y a un coup
I balai, je tâcherai de me mettre du côté du
liche. »
|Kommé le 2 décembre ministre de l'intérieur,
de Morny fut ce jour-là le seul ministre qui
(résigna les premières proclamations et tous
actes ou décrets qui furent promulgués. Au
i eu des grandes agitations auxquelles Paris
t en proie, quand chacun hésitait entre la
jnte d'une dictature et l'horreur de l'anar-
;, il déplqyait une fermeté qui répondait au
ne et à l'énergie du prince président. Ce
lui qui prit sous sa responsabilité l'ordre de
œrser ou d'arrêter plus de deux cents repré-
tants, réunis, sous la présidence de M. Be*
jfet d'Azy, à la mairie du dixième arrondisse-
nt, pour protester contre le coup d'État et
aniser la résistance légale. Le 3 décembre
We Morny fut nommé membre de la commis-
li consultative. Parmi ses circulaires, on re-
rque celle du 4 décembre, enjoignant aux
jfets d'exiger de tous les fonctionnaires publics
ihésion par écrit à la grande mesure que le
ivernement venait d'accomplir; puis la circu-
le du 13, aux commissaires extraordinaires,
f annonçant que leur mission était terminée ;
tn le manifeste du 19 janvier 1852, dans lequel
lisait connaître la ligne de conduite que le
fverneinent nouveau entendait suivre dans les
tions. N'approuvant point le décret sur les
lis de la maison d'Orléans, M. de Morny sa-
»a son portefeuille à sa conviction, et fut rem-
ié, le 22 janvier 1852, par M. de Persigny.
collègues, MM. Fould , Rouhcr et Magne
•tèrent son exemple ; mais tous trois ne tar-
dent pas à revenir aux affaires. Quant à M. de
ïny, en quittant le ministère, il ne se sépara
P du gouvernement qu'il avait contribué à
Her. Élu député au corps législatif par les deux
Conscriptionsd'Ambert et de Clermont, il opta,
li 6 avril 1852, pour cette dernière , devint, le
7 août , président du conseil général du Puy-de-
Dôme, et fut, le 2 décembre suivant, élevé au
grade de grand-croix de la Légion d'Honneur.
Nommé, le 12 novembre 1854, président du corps
législatif, il continue annuellement de prononcer
à l'ouverture des sessions des discours qui ont
souvent eu une grande portée politique. Le 7
septembre 1856, M. d<! Morny représenta la
France comme ambassadeur extraordinaire au
sacre d'Alexandre H, empereur de Russie : le
rétablissement de' rapports intimes entre les deux
gouvernements et un traité de commerce avan-
tageux furent les résultats de sa mission. Avant
de revenir en France, il épousa, le 19 janvier
1857, à Saint-Pétersbourg, M"e Sophie Trou-
betzkoï, fille du prince Serge Troubetzkoï, mort
le 30 avril 1859, et de Catherine Pouchkine.
H. Fisquet.
De La Guéronnlère , Études et Portraits politiques
contemporains. — Moniteur de 1842 à 1860, pussim. —
Vapereau, Dict. des Contemp. — Borel d'Hauterive ,
annuaire de la Pairie et de la Noblesse.
moro (Christophe), soixante-dix-huitième
doge de Venise, mort le 9 novembre 1471. Sa
famille était de Candie. Suivant Marino Sanuto,
saint Bernardin de Sienne (mort en 1444) avait
prophétisé à Moro qu'il parviendrait au dogat;
pourtant rien dans ses qualités ni dans son ca-
ractère ne semblait lui mériter un tel honneur.
Ses grandes richesses furent son seul titre. Il
était procurateur de Saint-Marc lorsque, le
12 mai 1462, il fut élu en remplacement de Pas-
cuale Malipiero. Les conquêtes rapides du sul-
tan Mahomet II en Grèce, en Hongrie et dans
l'Archipel alarmaient là seigneurie ,qui résolut de
lui faire la guerre. Une partie delaMorée apparte-
nait encore aux Vénitiens ; l'autre moitié obéis-
sait au sultan. Ce fut dans cette contrée que le
doge résolut de commencer la guerre. Une cause
bien minime* vint au surplus précipiter les
hostilités. Un esclave du pacha d'Athènes s'en-
fuit en volant cent milte aspres (8,000 fr. ), et se
réfugia dans la maison de Geronimo Valaresso,
conseiller de la régence de Coron. Le pacha de
Morée réclama le voleur. Les Vénitiens en refu-
sèrent l'extradition sous le prétexte qu'il s'était
fait chrétien. Le pacha se vengea de ce refus en
s'emparant d'Argos. Le doge arma aussitôt une
flotte de cinquante-quatre bâtiments montés par
quinze mille hommes, et qui, sous les ordres de
Luigi Loredano, mit à la voile le 25 janvier 1463.
Ils reprirent Argos, mais échouèrent devant Co-
rinthe. Ils se replièrent sur Napoli de Romanie,sous
les murs de laquelle ils gagnèrent une victoire
signalée contre la grande armée ottomane. Cet
avantage n'empêcha pas le doge de s'adresser à-
tous les princes chrétiens pour obtenir des. se-
cours. Le pape Pie II prêcha une croisade avec
une ardeur toute juvénile; il voulut, malgré son
âge avancé et ses infirmités, faire lui-même
partie de l'expédition; mais il exigeait que
Christophe Moro prît aussi sa part des dan-
gers, et par son bref du 8 novembre 1463 il
627
MORO — MOROGUES
i'invifa à venir le joindre à Ancône, lieu de
rendez-vous des croisés. La volonté du souve-
rain pontife alarma vivement le doge, qui était
loin de partager l'enthousiasme guerrier de
Pie II. Moro était un vieillard sans énergie, qui
n'avait d'autre passion que l'avarice et qu'un
moine gouvernait. Quand il entendit lire le
bref dans le conseil, il se récria avec force
sur son grand âge, sur l'inutilité de sa pré-
sence à la guerre; mais le conseil, qui voulait
donner de l'éclat à cette expédition, n'en décida
pas moins que le doge en ferait partie. « Séré-
nissime prince, lui dit Vettore Capello, l'un des
conseillers , si Votre Sérénité refuse de partir de
bonne grâce, nous saurons l'y contraindre, parce
que le bien et l'honneur de la patrie nous sont
plus chers que votre personne. » Il n'y avait
guère à répliquer, et le 30 juillet 1464, après
avoir consulté les astrologues sur le succès de
l'expédition, Moro se mit en mer, à son vif regret.
Aussi, grande fut sa satisfaction, en arrivant
à Ancône, d'apprendre que Pie II venait d'ex-
pirer et que la pieuse campagne ne pouvait plus
avoir lieu. Il s'empressa de regagner. Venise, et
la flotte des croisés, destinée contre les musul-
mans, servit contre les chevaliers de Saint-Jean-
de-Jérusalem, qui retenaient deux bâtiments vé-
nitiens % qu'ils furent contraints de rendre en
voyant les environs de Rhodes incendiés. La
seigneurie attaqua ensuite Trieste, dont les habi-
tants cédèrent trois communes à la république ,
s'engagèrent de payer un cens à l'église Saint-
Marc et au doge, s'interdirent de vendre du sel
et d'en transporter sur leurs vaisseaux sous peine
de la vie, enfin promirent de rendre à l'avenir
les esclaves transfuges appartenant aux Vénitiens
(traité du 17 décembre 1463).
Cependant la guerre se continuait en Morée
avec des chances diverses. En 1466 les Véni-
tiens surprirent Athènes (Setine), qu'ils sacca-
gèrent. Les Turcs s'en vengèrent sur un prové-
diteur, qu'ils firent empaler ; ensuite ils reprirent
la ville après avoir tué onze cents hommes aux
Vénitiens. En juin 1470, Mahomet II résolut de
frapper un grand coup. Il fit voile pour Négre-
pont avec une flotte de trois cent huit navires ,
portant soixante-dix mille hommes sans comp-
ter les matelots. Il réunit l'île au continent par
un pont de bateaux, et commença le siège de la
ville le 25 juin. Paolo Erizzo y commandait une
garnison de six mille soldats; jusqu'au 12 juillet
il repoussa cinq assauts, qui coûtèrent soixante-
dix-sept mille hommes aux assiégeants. Quoi-
que souvent renforcé ,. Mahomet se vit obligé
de faire débarquer ses marins pour continuer ses
attaques. Si dans ce moment l'amiral vénitien
Nicolà Canale, qui commandait trente-cinq ga-
lères et qui assistait paisiblement à la lutte, eût
rompu le pont de l'Euripe, il aurait pu détruire
la flotte turque à moitié désarmée et dans l'im-
possibilité demanœ.uvrer.Mahomet II se trouvait
alors bloqué dans l'île sans vivres et sans moyens
d'en sortir. Le lâche Canale résista aux instan
de ses capitaines et aux signaux continuels
le brave Erizzo ne cessait de faire pour ftgf
rer du secours. Enfin, la ville fut enlevée
12 juillet. Erizzo, avec lesdébris de sa garnis
se retira dans le château, où il se défendit enc
quelques -jours. Enfin, obligé de capituler, Ma
met promit de lui sauver la tête, ainsi qu'à
soldats; mais par une odieuse subtilité, voul
satisfaire sa vengeance sans violer son serrd(
il fit scier Erizzo par le milieu du corps (1)
Vénitiens firent d'inutiles efforts pour rec
quérir Négrepont. Ils provoquèrent alors
ligue contre les Turcs, à laquelle accédèrent
pape Paul II, le roi de Naples Ferdinand
d'Aragon, le duc de Milan Galeas Maria Sfo)
le duc de Modène Hercule 1er d'Esté, les ré I
bliques de Lucqnes, de Sienne et de Florer
Par des subsides, des cessions commerciales
territoriales, ils armèrent aussi contre les Ttf
le fameux Scanderberg, prince d'Albanie,
chefs arméniens et caramaniens , Asoraf s
dan d'Egypte, Mathias roi de Hongrie, et nié
le schah Ussum-Casan. Christophe Moro ne
pas les résultats de cette formidable alliance
mourut peu après sa conclusion, et laissa i
mémoire peu regrettée de ses sujets. Nice
Tronolui succéda. A. de E
Muratori, Annali d'Italta, 1462 al 1471. — A -A.
bellico , Historia Venetx. — And. Navigiero, SU
Veneziana. — Dérnétrius Canlemlr, Hist. de V Agram
sèment et de la Décadence de l'Empire Othoman (I
du latin par .loncquières, 1743, 4 vol. in-12). — Leun
rius, Annales Turcici.— Sismondi, Hist. des RcpublU
italiennes, t. XVI, p. 281. — Morosini, Hist. Vene\
Coriolano Cippico, Délie Guerre de' Venetiani i
Asia dalV 1470 al 1474, publié en 1796; par Mbf
bibliothécaire de Saint-Marc. Cippico reiate des J
auxquels il a pris part ou qui se sont accomplis de
temps.— Lunig, Codex Italiœ diplomalicus, t. Il, par
sectlo vi, p. 24. — Historia di Venezia, dall' anno
ftno ail' anno 1500 ; manuscrit de la Bibliothèque im
riale, n° 9960.— Daru, Hist. de Venise, t. IV, livre XX
p. 414-436. — L'abbé Laugier, Hist. de Venise, liv. XX
— Marino Sanuto, Vite de' Duchidi Venëiiàna • C.Mb
— ' Sandi, Storia civile di Venezia, liv. VIII, cap. IX.
moro ( Battista del). Voy. Battista di
GNOLO.
morogïtës (Sébastien- François Bigot
(i)« Cette barbarie* dit P. Daru, est encore un de ces f
dont il est permis de douter. Plusieurs traits de la
de Mahomet II démentent une pareille atrocité, et l'i
torienleplus exact de ce temps-là, Morin Sanuto, fi
fait pas mention-, il se borne à dire que Paul Erizzo p
dit la -vie. Cependant Sandi l'affirme. » (Voir pour plu;
détails sur le siège mémorable de Négrepont nos artii
IVicold Canai.e, Paolo Ebizzo et Pietro Mocewigo)
(2) La famille des Bigot était noble et ancienne, d'i
glne anglaise; elle -vint, vers le onzième ou te douztt
siècle, s'établir en France, et particulièrement dans
Eerri, où elle acquit la seigneurie de Morogiies,
branche aînée de Cette maison passa en Hollande 1
de la révocation de l'édit de Nantes, et se fixa d'une i
nière brillante â la cour du- stathouder. Le plus coi
des membres de cette branche est Jacques-Adrien-Jst
Bigot de Morogtjes, né le 16 mal 1709, à Utrecht,
mort en 1775, à La Haye ; il fut général de cavalerie
grand maître de la maison du prince d'Orange. On
doit un Essai de Tactique de ? Infanterie ( Amst., l'i
2 vol. ln-4°).
vi. rite de
MOROGUES
630
marin français, né le 5 avril 1705,
<st, mort en 1781, à Ville- Payer, près Or-
li-;i . Il était fils de Bigot de La Motte, com-
m lire de la marine à Brest. Entré en 1723
ooj ne officier dans le régiment royal-artillerie,
J»'ssa en 1736 au service de mer, servit sur
K'ourbon, qui périt en 1741, sur les côtes de
ii artinique, et devint en 1746 capitaine de
va eau. En 1759 il commandait Le Magnifique,
M ant l'arrière-garde de l'escadre du maréchal
■janflans ; dans la fatale journée du 20 no-
jepre, il soutint seul, pendant plus d'une
Bî, le cWoc de trois vaisseaux anglais , et
réi it pourtant à regagner l'île d'Aix. Les solides
■ lissancesdont il avait fait preuve, tant dans
I leric que dans la marine, le firent nommer
M '64 chef d'escadre, en 1767 inspecteur gé-
I d'artillerie et en 1771 lieutenant général
M irmées navales. On l'avait plusieurs fois dé-
fi pour le ministère de la marine, lorsqu'une
le lille intrigues auxquelles la cour était livrée
:rsa tout à coup ces projets. On oublia ses
ces : il fut exilé dans ses terres, et n'en sortit
jusqu'à sa mort. A son retour d'une cam-
î d'évolutions sur les côtes d'Espagne et
ortugal (1749), il exécuta, de concert avec
eurs autres officiers de marine, le projet de
une académie destinée spécialement à I'é-
>et aux progrès des sciences nautiques. En-
tagée par le ministre Rouillé , cette société
pendant trois ans ses séances hebdomadaires
;st; elle reçut une constitution définitive le
Sillet 1752, sous le nom d'Académie de Ma-
, et Morogues en fut le premier directeur. On
ilui : Essai sur l'application de la théorie
forces centrales aux effets de la poudre
mon; Paris, 1737, in-8°; dédié à M. de
repas ettrad. en allemand en 1766; — Tac-
\e navale, ou traité des évolutions et des
laux; Paris, 1763, in-4°, fig. ; trad. en an-
en 1767 : excellent ouvrage, que l'on con-
! encore avec fruit après celui de Bourde de
iihuet et celui de Chopart. Ce savant officier
t insérer dans le Recueil da V Académie des
«ces (savants étrangers ) deux mémoires Sur
"orruption de l'Air dans les Vaisseaux
l&, t. 1er). et Sur un Animal aquatique de
ne singulière (1753, t. II). La bibliothèque
tort de Brest possède de lui , outre une col-
Ion de modèles relatifs à l'artillerie et aux
[.tructions navales, un Traité de Construc-
pratique , huit mémoires et près de 200 ar-
s, écrits pour le Dictionnaire de l'Académie
Marine. P.
»Levot, Biogr. Bretonne.
orogces (Pierre- Marie- Sébastien Bigot,
i>n de), agronome français, petit-filsdu pré-
fent, né le 5 avril 1776, à Orléans, où il est
t, le 15 juin 1840. Fils d'un major de la ma-
, mort en 1788, il était destiné à suivre la
ne carrière. Après avoir passé quelque temps
picole militaire de Vannes, qui fut supprimée
en 1791, il entra en 1794 à l'École des Mines,
étudia la chimie avec Vauquelin, et parcourut la
Suisse et la Savoie, puis le Poitou, la Bretagne
et le Jura. Devenu, par son mariage avec
M11* Montaudouin.maîtredu château deLa Source,
un des plus vastes domaines de la Sologne, il
quitta la minéralogie pour se faire agronome, et
joignit la pratique à la théorie de l'agriculture
dans toutes ses branches sur cette propriété, qu'il
a dirigée pendant près de quarante ans. Appli-
quant ses connaissances variées à l'amélioration
fi l'une contrée frappée de stérilité, il multiplia lés
conseils et les écrits pour vaincre l'apathie et la
routine des paysans. De l'économie rurale il se
trouva conduit à l'étude de l'économie sociale,
et comme il n'avait d'autre passion que celle
d'être utile, ce fut à l'amélioration des classes
pauvres qu'il consacra ses nouvelles recherches.
« Tout en voyant, dit M. Wyslouch, dans le
bien-être matériel du peuple une cause d'ordre
et de stabilité , il était loin d'y placer, comme
quelques-uns , la seule garantie de la tranquillité
et de la conservation publiques; il y demandait
une base première plus étendue , plus noble et
plus assurée : cette base , il la trouvait dans la
morale et dans l'union de celle-ci avec les prin-
cipes ;religieux. » La Politique religieuse et
philosophique et la Politique basée sur la
Morale sont le développement de cette idée.
Dans plusieurs écrits il signala avec force comme
l'une des plus funestes conséquences de notre
civilisation la tendance à concentrer entre les
mains du petit nombre les richesses qui devraient
être le domaine de tous. Quoique partisan de la
monarchie, M. Bigot de Morogues ne sollicita ja-
mais aucune faveur de l'empire ou de la res-
tauration. Il n'était encore que maire de sa com-
mune lorsqu'après la révolution de Juillet il fut
élu membre du conseil général du Loiret. En
1834 il reçut la croix d'Honneur, et le 11 sep-
tembre 1835 il entra à la chambre des pairs, où
il prit, dans les rangs de l'opposition dynastique,
une part active aux débats. Les honneurs acadé-
miques ne lui ont pas manqué : choisi pour cor-
respondant par deiix classes de l'Institut , il fut
membre ou associé d'un grand nombre de so-
ciétés savantes ou agricoles de France et de l'é-
tranger. Parmi ses ouvrages, nous citerons :
Essai sur la Constitution minéralogique et
géologique du Sol dés environs d'Orléans;
Orléans, 1810, in-8°; —Observations sur les
principales Substances des départements du
Morbihan, duFinistère et des Côtes-'dU'Nord;
Paris, 1810, in-8°; —Sur V Appropriation des
Bois aux divers terrains de la Sologne; Or-
léans , 1811, in-8°; — Mémoire historique et
physique sur les chutes des pierres tombées
.nir la surface de la terre à diverses épo-
ques ; Paris, 1812, in-8o; on y trouve joint le
Catalogue des chutes de pierres : extr. du
Journal des Mines de 1812 ; — Essai sur les
moyens d'améliorer l'Agriculture en France,
631 MOROGUES
particulièrement dans toutes les provinces
les moins riches ; Orléans, 1822, 2 vol. in-8°;
la publication de cet ouvrage , qui est un traité
méthodique d'agriculture, ne fut pas sans in-
fluence sur l'amélioration et la valeur vénale des
terres en Sologne; — Influence des Sociétés
littéraires sur la Prospérité publique; Orléans,
1823, in-8°; — Mémoire sur l'Utilité d'un
corps permanent d'Ingénieurs agricoles et
manufacturiers ; Paris, 1823, in-S*-; — No-
tions géologiques sur l'antiquité des couches
les plus superficielles de la terre; Orléans,
1824, in-8°; — La Noblesse constitutionnelle ;
Paris, 1825, in-8° : il ne peut, d'après l'auteur,
y avoir d'autre noblesse, avouée par l'opinion,
que celle qui est fondée sur le mérite et la vertu ;
— Recherches de la meilleure méthode pour
faire fermenter économiquement le vin, le
cidre et les liqueurs du même genre ; Paris,
1825, in-8°; — Politique religieuse et philo-
sophique, ou constitution morale du gouver-
nement; Paris, 1827, 4 vol. in-8° ; — De la
Production nationale considérée comme base
du commerce; Orléans, 1829, in-8°; — De la
Misère des ouvriers et de la Marche à suivre
pour y remédier; Paris, 1832, in-8°; la con-
clusion est la nécessité du luxe pour élever le
taux des salaires ; — Recherches des Causes
de la Richesse et de la Misère des peuples
civilisés; Paris, 1834, in-4°; cet écrit autogra-
phié n'a été tiré qu'à 100 ex.; — Bu Pau-
périsme, de la Mendicité et des Moyens d'en
prévenir les funestes effets; Paris, 1834, in-8° ;
parmi ces moyens il met en avant l'établisse-
ment de colonies agricoles; — La Politique
basée sur la Morale et mise en rapport avec
les progrès de la société; Paris, 1834, in-8° ;
— Comment la Chambre des Pairs et la
Chambre des Députés pourraient être consti-
tuées en France; Orléans, 1840, in-8°. En
outre, M. Bigot de Morogues a écrit les princi-
paux articles du Cours complet d'Agriculture
(1834 et ann. suiv.), tels que Blé, Douanes,
Économie politique et rurale, Impôts, Ma-
chines, Misère, etc.; il a collaboré à la Revue
encyclopédique , au Journal des Mines , aux
Annales de l'Agriculture, au Cultivateur, aux
Annales de la Société d'Orléans et à plusieurs
journaux politiques.Entre autres ouvrages inédits,
il a laissé 3 volumes Sur les Causes et les Pro-
grès de l'Industrie agricole, manufacturière
et commerciale. K.
G. Sarrut et Saint-Edme, Biogr. des Hommes du Jour.
— Slméon (Comte), Éloge prononcé à la chambre des
pairs. — J. Wyslouch, Notice biogr. et hist. sur le baron
Bigot de Morogues,- Paris, 1841, in-S°. — Quérard, Littèr.
française contemp., 1, 480-495.
MOKOM.M ( Marco • Valerio ) , peintre de
l'école bolonaise, né à Forli, vivait dans les
premières années du seizième siècle. Cet artiste,
qui probablement fut élève du Melozzo, a laissé
quelques bons tableaux dans sa ville natale ; le
principal est une Madone sur un trône entre
- MORONE
saint Barthélémy et saint Antoine de
doue; il est daté de 1503. E. B—
G. Casali, Guida per la Citta di Forli.
morone ou moroni (Domenico), pei
de l'école vénitienne, né à Vérone, en 1430, i
vers 1500. On croit qu'il eut pour maître
élève de Stefano da Verona; mais il paraît s
formé surtout par l'étude des ouvrages du
sanello et de Jacopo Bellini. Vasari cite coi
son chef-d'œuvre un Christ conduit au .
plice, tableau qui n'existe plus; mais on
sède encore à Vérone plusieurs fresques dt
assez bien conservées. E. B— u
Vasari, Vite. — Ridolfi, Vite degli illustri />(
Veneti .— Baldinucci, Notizie. — Lanzi, Storia j
rica. — Ticozzi, Dizionario. — Bennassuti, Gui
compendio storico Délia Cittd di Verona.
morone ou moroni (Giovanni • Fi
cesco), fils du précédent, né à Vérone, en 1
mort en 1529. Élève de son père, il amélioi
manière en donnant plus de grâce aux figu
plus de pureté au dessin, plus d'élégance au
loris. Ses ouvrages sont très-nombreux à
rone; nous citerons Le Père éternel et le Sa
Esprit dans les nues, un Christ sur la a
avec la Vierge et saint Jean (1498) et
très-belle série à fresque des portraits des
gieux olivetains qui devinrent papes, et
quelques empereurs qui se firent olivetains
musée de Milan possède de ce maître une .
doue avec saint Nicolas-de-Barï et st
Zenon , et celui de Berlin, une Madone d
un paysage. Morone eut pour élève Paolo
randa dit le Cavazzola. E. B— i
Vasari, Vite. — Orlandl, Abbecedario. — Lanzi, St
pittorica. — Ticozzi, Dizionario. — Benassuli, G
délia Citlà di Verona.
morone ( Jérôme ), célèbre diplomate ital
né vers 1450, dans le Milanais, mort en li
Entré de bonne heure au service des ducs de
lân , il fut chargé par Louis le More de dive
négociation s t où il montra un talent consoni
pour l'intrigue. Nommé en 1512 vice^chanct
du duc Maximimilien Sforze, nouvellement
tabli , il obtint bientôt sous ce prince faible 1
tière direction de l'administration de son p;|
Lorsqu'en 1515 Maximilien eut été déposs
de ses États par les Français, Morone se rer
à Trente auprès de François Sforze , second
de Louis le More. De sa retraite il noua avec
adresse habituelle des intelligences avec les ne
breux mécontents de la domination française
Lombardie , et il reçut d'eux la promesse d(
soulever à un moment donné; ce qui décid;
pape Léon X et Charles Quint à former cor
François Ier la ligue qui eut pour résultat
réintégration de François de Sforze dans le Mi
nais. Morone, placé de nouveau à la tête
gouvernement de ce duché , continua pendant
années suivantes à coopérer avec toute son a<
vité.à la lutte contre la France, ce qui n'empêf
pas l'empereur de faire commettre par ses trou|
les plus effroyables exactions dans le Milana
J
MORONE — MOROS1
634
t il refusait même, sous divers prétextes, de
lettre l'investiture à François de Sforze. Mo-
e alors devint un des plus ardents fauteurs
la ligue qui se forma en 1525 entre les Ita- j
s et François Ie', pour chasser d'Italie les
ées de Charles Quint. Un instant; il crut
ir .gagné à cette cause le marquis de Pes-
e, général de l'empereur, auquel il avait
rt la couronne de Naples ; mais, après avoir
té quelque temps, Pescaire résolut de rester
le à Charles Quint; il parvint à attirer dans
piège Morone, le plus cauteleux et le plus
des Italiens, et il le fit arrêter, le 14 octobre
. Rendu à la liberté en 1526 par le conné-
! de Bourbon, auquel il avait remis vingt
i ducats, il obtint bientôt par la souplesse de
esprit la plus grande influence sur le con-
ble, dont il devint le principal conseiller.
1527, il accompagna Bourbon dans l'expé-
>n contre Rome; après la mort du conné-
s, il devint secrétaire de Philibert d'O-
ie, le nouveau commandant de l'armée impé-
; et il fut un des principaux négociateurs du
ié de paix entre l'empereur et le pape. Créé,
i528 duc deBovino,il mourut subitement
ége de Florence. O.
Chardin. — Paul-Jove , Historia et V ita Piscarii.
leaz/.o Capella , Historia Mediolanensis ( Capella
iété longtemps secrétaire de Morone). — Belcarius,
Mes. — Varchl , Storia Finrentina. — Nardi, Storia
venze. — 3. Ripamontll, Historia Mediolanensis.
orone (Jean), cardinal italien, né à Mi-
le 25 janvier 1509, mort à Rome, le 1er dé-
bre 1580. Fils de Jérôme Morone, chance-
des derniers ducs de Milan, Jean fit ses
}«s à l'université de Padoue, et reçut, le
»ï) 1529, Pévêché de Modène de Clément VII,
»X de récompenser en sa personne le traité
1 octobre 1527, qui l'avait rendu à la liberté
ont son père avait été l'un des principaux
pateurs. Par suite de {'opposition d'Alfonse,
de Ferrare, qui avait ambitionné ce siège
son fils, Hippolyte d'Est, déjà arche-
le de Milan, il ne put en prendre posses-
qu'en 1 533, api es s'être engagé à servir à
îrnier une rente annuelle de 400 écus d'or.
536, Paul III le fit son nonce en Allemagne,
|orone s'acquitta si bien de sa mission que
iinand, roi des Romains , depuis empereur
Charles Quint, son frère, et les autres
fie,s, tant ecclésiastiques que séculiers, pré-
*s à la diète de Spire en 1540, souscrivirent
convocation d'un concile général. De retour
S son diocèse en mai 1542, il reçut, le 2 juin
•stte année, le chapeau de cardinal et le titre
maint- Vital, qu'il échangea successivement
fi ceux de Saint-Étienne in Cœlio monte, de
■pLaurent in Lucina et de Sainte-Marie au
«du Tibre. Bien qu'il ne fût alors âgé que
'W ente-trois ans, il fut désigné pour présider
«ttncile général indiqué à Trente; mais divers
Otjicles en ayant empêché la convocation, il
Ajinvoyé par le pape à la diète de Spire, en
1544, et nommé peu après à la légation de Bo-
logne, qu'il garda jusqu'en 1548. Nous ne savons
pour quel motif Morone ne présida point le con-
cile général de Trente, dont l'ouverlure eut lieu
le 13 décembre 1545; mais on peut le deviner
facilement. Morone avait été rendu suspect à la
cour pontificale, et accusé de favoriser les princes
protestants. En 1550, il se démit de l'évêché de
Modène, où il faisait le plus grand bien, et reçut
trois ans après le riche évêché de Novare.
Paul IV le fit arrêter en 1557, et conduire au
château Saint-Ange; mais Pie IV, élu le 25 dé-
cembre 1559, lui rendit une éclatante justice,
et le fit même son légat pour présider le concile
de Trente que Morone clôtura, le 4 décembre
1563. Démissionnaire de l'évêché de Novare en
1560, Jean Morone devint en 1564 administrateur
apostolique de son ancien évêché de Modène, qu'il
garda jusqu'en 1571, et occupa ensuite succes-
sivement les sièges suburbicaires de Palestrine,
de Frascati, de Porto, et d'Ostie. Après la mort
de Pie IV, arrivée en 1565, saint Charles Borro-
mée donna sa voix au cardinal Morone, qu'il
jugeait digne de la tiare et qui avait eu déjà
vingt-huit voix dans un conclave précédent.
Enfin, Grégoire XIII l'envoya en qualité de légat
à Gênes et en Allemagne. On a du cardinal Mo-
rone diverses Lettres, relatives aux importantes
négociations dont il fut chargé, un Discours
prononcé au concile de Trente, imprimé en tête
des éditions diverses de ce concile, et à Milan,
1563 et 1576, in-4°; et les Statuts synodaux
du diocèse de Modène,. 1565, in-4°. 11 donna
également ses soins à une édition des Œuvres
d'Érasme. H. Fisqdet.
Bibliotheca Scriptorum Mediolanenslum. — Tirabos-
chi, Histoire de la Littérature italienne, tome VII,
lre partie. — Jacobelli , évêqiie de Foligno , Vie du car-
dinal Morone. — Bibliothèque de Modène, tome III. —
Aubery, Histoire des Cardinaux:
morone ou mokosi (Giovanni-Battista),
peintre de l'école vénitienne, né à Albino, dans
le territoire de Bergame, en 1510, mort en 1578.
Élève d'Alessandro Buonvicini, dit le Moretto,
il montra dans ses tableaux d'histoire peu d'in-
vention, un dessin incorrect et beaucoup de sé-
cheresse. En revanche aucun maître de l'école
vénitienne, à l'exception du Titien, n'a peint le
portrait avec un égal talent, et donné à ses têtes
autant d'âme et de vie. Ses portraits sont pour
ainsi dire innombrables. On en trouve dans
presque toutes.les galeries de l'Europe, excepté
au Louvre. E. B— n.
A. Muzzio , Teatro Btrgamasco. — Tassi , Le Vite de~
Pittori, Scultori e Architelti Bergamaschi. — Ridolfl ,
Vite degli illustri l'ittori Veneti e dello Stato.
morosi (Joseph), mécanicien italien, né le
26 juin 1772, à Ripafratta, village de Toscane,
mort à Cocombola, le 27 septembre 1840. Son
caractère doux et facile le lit destiner à l'état
ecclésiastique; mais lorsqu'il eut achevé ses
éludes à l'université de Pise, il aima mieux
suivre le penchant naturel qu'il se sentait pour
635 MOROSI —
les sciences exactes. Grâce à de patients efforts, |
il acquit la réputation d'un habile mécanicien.
Il construisit le premier la machine par laquelle
on démontre physiquement la parabole qui ré-
sulte du mouvement horizontal combiné avec le
mouvement vertical ; puis, voulant rivaliser avec
Kempelen, il fit un automate joueur d'échecs, qui
fut, dit-on, préféré à celui qu'avait construit
son rival. Il fit encore un métier avec lequel on
pouvait tisser deux bas de soie à la fois. Morosi
était professeur suppléant de physique expé-
rimentale à l'université de Pise, lorsque la Tos-
cane fut conquise par les Français; en 1801, il
accepta la chaire de mécanique à l'université de
Milan, et fut chargé en 1807 d'une mission en
France, en Allemagne et en Hollande. Il fit quel-
que temps après un second voyage en France ,
d'où il rapporta plusieurs machines qui devinrent
fort utiles à l'industrie italienne. Le gouverne-
ment autrichien lui conserva tous ses emplois ,
et lorsqu'il demanda sa retraite en 1832, l'em-
pereur François Ier ne diminua pas son traite-
ment. Morosi était membre de l'Institut italien
et chevalier de plusieurs ordres. A. H— t.
Annali deW Instituto Lombardo.
morosini (l), nom d'une famille vénitienne
dont l'origine se confond avec celle de sa ville na-
tale, et qui lui a donné quatre doges et beaucoup
d'hommes d'État ou de généraux illustres. Après
un Morosi qui, en 697, fut un des douze élec-
teurs qui choisirent le premier doge vénitien,
Paoio-Lucà Anafesta, d'Héraclée, les principaux
membres de la famille des Morosini sont, par
ordre chronologique :
morosini {Domenico), trente-huitième doge
de Venise, né en 1080, mort en 1150. Encore
fort jeune, il s'embarqua sur la flotte de cent
voiles que le doge Ordelafo Faliero dirigea vers
la Terre Sainte, et assista activement aux prises
de Ptolémaïs, de Sidon et de Bérythe. Il com-
manda ensuite contre les Padouans (1(110) qui
revendiquaient une partie des lagunes, surtout le
Rialto, qui avait été leur port. Domenico les bat-
tit et les réduisit à implorer la médiation de l'em-
pereur Henri V (2). En 1115, il suivit Faliero à
Zara, dans la guerre contre Etienne n le Foudre,
roi de Hongrie, guerre qui, après des succès
partagés , n'aboutit qu'à une trêve de cinq ans
(1117-1122). Ordelafo Faliero avait été tué dans
une dernière bataille et Domenico Michieli élu
doge à sa place. Morosini, quoiqu'il eût obtenu
un grand nombre de voix pour le dogat, met-
tant de côté toute ambition, n'en continua pas
moins à bien servir sa patrie. Sous ce nouveau
chef, en 1122, il décida delà victoire maritime
de Jaffa, qui rendit la Palestine aux chrétiens.
(1) Le nom primitif de cette famille était Morosi; on
le trouve ainsi écrit dans La Cronica délia magniflca
Città di fentzia, etc. ( Mss de la bibliothèque Ricoardi,
D° 1835). Morosini n'est qu'un diminutif, que prit une
brandie cadette. .Les Morozzi de Toscane ne sont pas de
la même famille.
(2) Lunig, Codex Italix diplomaticus.
MOROSINI
L'enthousiasme de ce premier succès inspir-d
chrétiens l'idéedequelqu'entreprisfi considéra
mais les avis se trouvèrent partagés quant
but. « Par une suite de l'esprit dont tous
pieux croisés, dit Daru, étaient animés, on
cida de s'en remettre à la Providence, ne i
tant pas qu'elle ne daignât tracer elle-mêi
ses guerriers la ronte qu'ils devaient tenir,
noms de plusieurs villes furent écrits sur
billets qui furent jetés dans une urne : <
urne fut placée sur l'autel ; on célébra les si
mystères, et ensuite un enfant tira le billet
devait désigner la place .que l'armée irait a
ger. Cette place fut la ville de Tvr ; il n'en
pas de plus importante, ni de plus diffic
prendre. Elle appartenait en commun aux
dans d'Egypte et de Damas; elle avait dix>
milles de circuit et une forte citadelle. Envi
née de la mer presqu 'entièrement, elle ne t
à la terre que par cette digue fameuse, ou>
d'Alexandre le Grand. » Morosini fut cbarç
mener le siège par mer tandis que les a
croisés presseraient la ville par terre. De ce
presqu'inexpugnable était seul le danger; aus
bout de trois mois d'inutiles efforts les cr
commencèrent à murmurer de ce queles Véni
s'étaient choisi le meilleur rôle , étant à i
des sorties, et sûrs d'une retraite, en cas (
défaite devenue imminente. Morosini, inforn
ces plaintes, prit pour les faire cesser un m
héroïque; il ordonna à tous ses capitaines d
de leurs bâtiments les rames, les voiles, les
vernails et, faisant charger ces agrès su)
épaules de ses matelots, se rendit au cam|
chrétiens. « Vous voulez, dit-il, que les \
soient communs, eh bien ! voici ce qui vou
pond de notre fidélité; nous n'avons plu
moyensdenous éloigner de la place, et le moi
vent nous fera courir des dangers plus gi
que ceux que vous affrontez en combatta
Cette imprudence chevaleresque et cent
ducats donnés aux alliés, pour payer 1
troupes, les frappèrent d'admiration; le
fut continué encore deux mois avec vigi
Cependant on désespérait du succès quand:
rosini, qui avait remarqué que les assiégés
respondaient au dehors par le moyen de pigf
parvint à faire saisir un de ces messagers a
il venait de Damas et portait sous son ail
billet qui annonçait aux Tyriens un très-pro B
secours. Ce billet fut retenu : on en subsl
un autre par lequel on faisait dire par le I
dan qu'attaqué d'un autre côté, il était I
d'abandonner Tyr à ses seules forces. Le I
tagème de Morosini eut un plein succès ■
Tyriens, découragea, capitulèrent. MorosinH
ensuite Ascalon. Sur ces entrefaites, l'empB
grec Alexis Comnène, inquiet des succès de; 9
nitiens, ordonna à ses vaisseaux d'attaquer 9g
tout le pavillon de Saint-Marc; le doge DM
nico Michieli chargea aussitôt Morosini de W
ger la république de cette trahison. Cet a m
i
MOROSINI
6S8
îduisit sa flotte devant Rhodes, qu'il fit rav;.-
[•; il parcourut l'Archipel, mit à feu et à sang
[ o, Samos, Mitylène, Paros, Andros, Lesbos,
[toutes les Cyclades, où il enleva les enfants
[> deux sexes pour les vendre comme escla-
[;. Côtoyant la Morée, il y fit plusieurs des-
Iites et s'empara de Modon, où il laissa garni-
[i. Remontant dans l'Adriatique, il punit de
[ même manière quelques villes de Dalmatie
lit la fidélité avait chancelé. Sebengo, Trau,
ilato furent livrées au pillage. L'ancienne Zara
elgrado) fut détruite et cessa d'être habitée,
fiérita ainsi le surnom de Terror Greocorum.
nouvel empereur Manuel Comqène, attaqué
Roger, roi de Sicile, qui venait de s'emparer
Dorfou , se hâta de conclure la paix avec les
dtiens. Il leur céda le commerce libre dans ses
ts, et parvint à les faire entrer dans son al-
ce. Morosini combattit ensuite les Pisans,
tquels il fit éprouver de graves échecs. En
8, Pietro Polani étant mort, Domenico Moro-
fut élu au dogat, Jl réunit sa flotte à celle
Grecs et reprit Corfou (1149). L'année sui-
te il ravagea les côtes de Sicile, et força Roger
inclure une paix fort avantageuse aux Véni-
B En même temps Morosini envoyait son
Domenico et Marino Gradenigo avec une
le de cinquante galères reprendre plusieurs
I d'Istrie dont les corsaires s'étaient etnpa-
(Gette expédition fut heureuse ; on reprit Pola
ilusieurs cités importantes; puis la flotte vé-
irane alla réduire Parenzo, Rovigo, Viraago
«nonia (aujourd'hui Citla-nuova) qui avaient
mêle joug de la seigneurie. En 1152, Moro-
'conclut une alliance défensive avec Guil-
|»e I?r, roi de Sicile, fils et successeur de Ro-
Le commerce vénitien acquit ainsi de nou-
fix débouchés. Quatre ans plus tard, Morosini
irut, chargé d'années, mais couvert de gloire,
concitoyens l'honorent comme un de leurs
(grands hommes. Vitale Micheli 11 lui succéda.
orosixi ( Marino), quarante-huitième doge
Denise, mort en 1S52. Nommé duc de Candie
1243, il eut à combattre une insurrection
irale des Candiotes, qui , sous les ordres des
>c frères Georges et Théodore Cortazzi et
out du brave et prudent Alexis Calerge, dura
huit années avec des succès divers et épuisa
forces de Venise. Le doge Jacopo Thiepolo
»t abdiqué en 1249, Marino Morosini fut élu
place. Il ne régna que trois ans. Son gou-
vernent n'offre rien de mémorable. II. embellit
lace Saint-Marc et jeta les fondements da
; du Rialto. Les historiens du temps lui re-
ihenl d'avoir refusé à saint Louis, qui exé-
fit alors sa première croisade, de lui fournir
vaisseaux à un prix raisonnable (1). Renier
> lui succéda.
« (Et li messages ne porent en nule manière fléchir
M'éniciens, que ils votisissent mettre resnable pris en
■Uaissiaux.) « Guillaume de Nangis, Annales du règne
m^int Louis.
morosini ( Leonardo}, chef de conspira-
tien. En l'année 1370, sous le dogat d'Andréa
Contarini , la république vénitienne échappa à
un des plus grands dangers qui aient menacé
son existence; un certain nombre de ses princi-
paux citoyens méditèrent de la faire passer'
sous le joug de son ennemi le plus acharné,
Francesco de Carrare, seigneur de Padoue. Ve-
nise venait à peine de soumettre Candie et
Trieste, de repousser le duc d'Autriche et le roi
de Hongrie lorsque cette trame fut découverte.
On est étonné d'y trouver, jouant le premier rôle,
Leonardo Morosini,dont la fortune et les services
passés devaient garantir la fidélité. Après avoir
occupé les principales charges de l'État, il était
alors président du tribunal des Quarante. Arrêté
avec un de ses collègues, Marino Barbarigo, l'a-
vogador Luigi Molino et Pietro Bemardo, conseil-
ler du doge, leur trahison fut constatée. Les con-
jurés plébéiens furent écartelés ou pendus; Mo-
rosini et les autres nobles, rayés du Livre d'or et
condamnés à une prison perpétuelle, moururent
dans les fers.
morosini (Niccolà), diplomate et admi-
nistrateur; Distingué par son savoir et son élo-
quence j il fut successivement chargé de missions
à Rome, à Florence, en Allemagne, bayle à Cons-
tantinople, et, dans sa patrie, sénateur, membre
de la Quarantie, gonfalonier de Saint-Marc et
l'un des Dix. Lors de la fameuse guerre dite de
Chiozza (1379), quand les Génois etlesPadouans
étaient maîtres des lagunes de Venise, il fut en-
voyé faire des propositions de paix à Francesco
de Carrare, le priant de dicter lui-même les con-
ditions de la paix. Le seigneur de Padoue ré-
pondit « qu'il n'entendrait à rien qu'après
avoir bridé les chevaux <3e bronze de Saint-
Marc (1). » Morosini s'adressa ensuite à Pietro
Doria, l'amiral génois, lui offrant quelques pri-
sonniers de marque afin de faire accepter ses
conditions. Doria lui répondit de remener ces
captifs, « qu'il n'avait que faire d'accepter quand
tout le peuple vénitien était déjà entre ses mains. »
Morosini voulut au moins détacher un ennemi de
la ligue qui accablait sa patrie. Il se rendit auprès
du prince Charles de Hongrie , qui commandait
alors dans leTrévisan l'armée du roi Louis Ier, dit
le Grand, son oncle, et lui offrit un tribut annuel
de cent mille ducats. Le Hongrois déclara qu'il fal-
lait que Venise payât les frais de la guerre, évalués
à cinq cent mille ducats; qu'elle livrât pour sû-
reté de cette contribution les pierreries du trésor
de Saint-Marc et la couronne du doge, qui dé-
sormais serait confirmée par le roi de Hongrie,
dont le drapeau serait arboré sur la place Saint-
Marc dans toutes les solennités; il réduisit au
surplus l'impôt annuel à cinquante mille du-
cats. «■ Eh bien vous n'aurez rien ! » fut la réponse
laconique que Morosini fit à chacun des trois
(1) Allusion 311 quadrige qui fait l'ornement du palais
des doges, et dout une Imitation figure sur l'arc de
triomphe du Carrousel, à Paris.
MOROSINI
chefs ennemis, et, rentrant dans Venise, il indi- i
gna le peuple en lui redisant éloquemment les j
conditions humiliantes auxquelles il pouvait ob-
tenir la paix. Secondant ensuite les héroïques ef-
forts des illustres amiraux Vittore Pisani et Carlo
Zeno, du vieux doge Andréa Contarini, il eut le
bonheur devoir sa patrie, rendue invincible par le
désespoir, écraser les Génois, forcer les Padouans
à une paix désastreuse et repousser les Hon-
grois. Il mourut peu après. On crut honorer sa
mémoire en accordant le dogat après la mort de
Contarini à son frère Michèle.
morosini (Michèle), frère du précédent et
soixante-deuxième doge de Venise, mort le 16 oc-
tobre 1382. Habile homme de guerre, il parvint
rapidement aux grades supérieurs : il s'était em-
paré de l'île de Ténédos (1377) et de plusieurs
placesdans l'archipel, où il combattit souvent avec
avantage les Génois et les Grecs; mais il déshonora
ses lauriers par sa cupidité. Lors de la guerre de
Chiozza, quand Venise, réduite à la dernière ex-
trémité, voyait tous ses habitants, depuis le doge,
le vieil Andréa Contarini, jusqu'aux plus humbles
citoyens, dévouer leur vie ou leur fortune pour la
défense de la patrie, Michèle Morosini n'eut pas
honte de spéculer sur la misère générale. « Il dé-
cupla sa fortune, rapporte Daru, en achetant
des propriétés à vil prix, alléguant que si l'É-
tat venait à périr, il ne voulait pas être enveloppé
dans sa ruine. » Cet indigne citoyen n'en fut pas
moins élu doge après la mort de Contarini et
proclamé, le 10 juin 1382; mais il ne jouit pas
longtemps d'un honneur si peu mérité. La peste,
suite iné vitable,surtout à cette époque, des longues
guerres et des communications fréquentes avec
les peuples de l'Orient, se déclara à Venise; dix-
neuf mille personnes y .succombèrent en trois
mois ; le doge Michèle Morosini en fut une des
premières victimes : Antonio Renieri lui succéda.
morosini ( Vettore). Il était avogador en
1387, lorsqu'il découvrit une nouvelle conspira-
tion, tramée par des personnages les plus consi-
dérables de la république vénitienne en faveur
de Francesco de Carrare, appuyé cette fois par
Galeas Visconti, duc de Milan. Quoique plusieurs
membres de sa famille et quelques-uns de ses
•amis fussent du nombre des conjurés, Vettore
Morosini n'hésita pas à révéler aux Dix le com-
plot qui avait pour chef son collègue Pietro
Giustiniani et Stephano Manolesso, membre de
la Quarantie. Ces deux magistrats, soumis à la
torture, dénoncèrent leurs complices,assez nom-
breux : tous furent condamnés au dernier sup-
plice, qu'ils subirent d'une manière plus ou
moins terrible. Vettore Morosini mourut la même
année. On aitribua sa mort à l'effet d'une ven-
geance, et son nom fut inscrit parmi ceux des
sauveurs de la patrie.
Son frère, Morosini [Luizi), se distingua dans
la guerre contre les Padouans. Lorsque Fran-
cesco Carrare et ses deux fils se furent enfin sou-
mis (19 novembre 1405), malgré une capitulation
régulièreet leur réception solennelle parled<
au nombre des patriciens de Venise , ces prin>
furent, au mépris de la foi jurée, tout à ce
arrêtés et secrètement condamnés par un tribu
occulte, dont Luizi avait accepté la présidence
Le lendemain, 16 janvier 1406, le duc de i
doue et ses fils furent étranglés en leur pris
L'autorité vénitienne prit le soin, fort inutile,
publier que les trois prisonniers étaient roc
d'une maladie subite (2). Ce crime est
tache pour la mémoire de Luizi Morosini, i
même dans sa patrie, mourut peu estimé.
morosini (Paolo), diplomate et sav;
né à Venise, en 1406, mort en 1483. Il appri
plupart des langues orientales et européen!
anciennes et modernes, ainsi que les scienct
les arts. En 1471, il fut envoyé en ambasi
près de l'empereur Frédéric III pour régler q
ques différends survenus entre sa patrie et 1']
pire à propos de l'Istrie. 11 fut plus tard cl
pour complimenter ce monarque lorsqu'il
visiter Venise. Chargé ensuite de plusieurs
sions importantes, il laissa une grande répute
d'habileté et de savoir. On a de lui : De JE,
nitate, temporalique Christi génération*
judaïese improbationem perfidix christi
religionis gloriam divinis enuntiation
comprobata; in-4°; — Apologia Reipub
Venitianae; — quelques ouvrages restés
nuscrits. A. de L.
morosini ( Andréa ), historien, né à Ve:
le 13 février 1558, mort le 29 juin 1618. A
avoir étudié à Padoue les belles-lettres, la
losophie et le droit, il remplit depuis 158î
vers emplois publics; entré au sénat en 1
il fut élu cinq ans après sage-grand ; pa
suite il fut nommé à trois reprises membr
conseil des Dix; il était depuis 1598 hist
graphe de la république. On a de lui : Hist
Veneta, ab anno 1521 ad annum 1615 ; Vei
1623, in-fol. ; la seconde édition de cet ouvr>
justement estimé, Venise, 1719, in-4°, corn
une Vie de l'auteur par N. Crasso; — 0
culorum et Epistolarum Pars prima ; Ve
1625, in-8° : ce livre contient entre autres
B. Thorme Aquinatis Vita et Scriptis;
ditationes ; De Zoophagia et Anthr
phagia; les Éloges de trois hommes d'Éta
nitiens , etc. ; — Leonardi Donati, Venetia
principis, Vita; Venise, 1628, in-4°; —
prese et Espeditione di Terra Santa e
qiiisto fatto deW Imperio di Constantim
dalla Republica di Venetia; Venise, 1
in -4°. C
P.- A. Zeno, Memoria de' Scrittori Venetï pm
— Al. Lollin , V ita A. Morosini ( dans les Fitx si
de Chr. Gryphlus). — Niceron, Mémoires, t. XII.
(1) Les autres membres de ce tribunal excepti MB
furent l'illustre Carlo Zeno, dont on volt le nom fl N|
avec regret dans cette affaire, Luigl Loredano, Ro W
Qucrlni, et Giovanni Barbo.
(2) « E lu detto esser morto di catarro »( Marin Hj
nuto, Vite de' Ducki; M. Seteno.)
MOROSINI
642
(orosini ( Francesco), surnommé le Pélo-
t ésiaqite, cent-neuvième doge, et l'un des
l Haines les plus célèbres du dix-septième
|i le, né à Venise, en 1618, mort à Napoli de
I nanie, le 6 janvier 1694. Il était capitaine
j ie galère dès l'âge de vingt ans, et remporta
jjiombreux avantages sur les Turcs. En 1651
l'nort du généralissime Moncenigo fit tomber
(ammandement supérieur entre les mains de
jncesco Morosini, dont le nom, dès longtemps
j itre, devait être immortalisé dans cette
j re. Il ravagea les côtes de l'Archipel, détruisit
I x flottes turques devant le détroit même des
j daneltes et s'empara des îles de Ténédos, de
l 'imène, de Samothrace et de Naxos ; de Standia,
l'ifilet, et de plusieurs autres villes en Asie et
l'ée. Mais il échoua devant Malvoisie et Négrc-
I ' :,et quoique secouru par quatre mille Français,
1 1 repoussé devant La Canée et battu complé-
snt sous Candie (25 août- 1 5 septembre 1 660),
t il ne put faire lever le siège. Pour comble
nalheur, la peste ravagea son armée et l'ha-
i grand-vizir Méhémed Kiuperli reprit Téné-
Stalimène et Samothrace. Ces désastres
nt si sensibles à Morosini qu'il s'en prit au
'éditeur de l'armée, Antonio Barbaro, et le
iiarona à perdre la tête. Barbaro en appela à
l«se. Il y fut acquitté, et Francesco Morosini
•emplacé par son frère Georgio Morosini. En
1666 Francesco fut rappelé au commande-
nt et chargé de défendre Candie. La défense
y fit est restée célèbre (1). Malgré les se-
trs qu'il reçut de Malte, de la France et de
ques princes d'Italie , il dut capituler no-
blement, le 27 septembre 1669. Il obtint que
Malheureux habitants de Candie, réduits à
Ire mille et dont aucune maison n'était res-
Ihabitable, le suivraient. La place n'était plus
in monceau de ruines, arrosées du sang de
^te mille chrétiens et de cent dix mille Otto-
its! Ce fut là le résultat de soixante-neuf
'iuts, de quatre-vingts sorties, de mille
cent soixante-quatre explosions de mines.
Pagination s'effraye quand on considère ce
ce siège coûta à la république et à l'huma-
; cependant, quoique Morosini ait capituté
> l'autorisation du doge et du grand conseil,
\xn était souvent un cas mortel, il n'en fut pas
ns bien accueilli dans sa patrie, et nommé
curateur de Saint-Marc. Néanmoins, accusé
concussion et de lâcheté par un patricien du
W conseille héros de Candie dut se consti-
prisonnier, et la populace demanda sa tête à
Le marquis de Montbr.un, qui y lut blessé griève-
jt, écrit dans ses Mémoires « que ce fut une guerre
éants. » Philibert de Jarry, qui n'évacua la place
q près sa reddition , dit à ce sujet : « Aussi était-ce
■ chose surprenante que de nous voir embarqués dans
Rat que nous estions. Le régiment dcNégron, que je
I rendais, ëtoit. au commencement du siège de deux
n ; cinq cents hommes; il avait reçu quatre cents
r nés : il ne sortit de U place que septante hommes,
c pris officiers et soldais, dont les quarante étaient
* iplés ». [Hist. du siège de Candie.)
NOUV. B10GR. GÉNÉR. — T, XXXVI.
grands cris. Il fut honorablement acquitté, et ne
garda aucune rancune de cette injustice outra-
geante. La guerre s'étant renouvelée, on eut en-
core recours au grand citoyen qu'un peuple in-
grat avait été si près de sacrifier à la calomnie.
En 1684, pour la troisième fois, il fut élu généra-
lissime. Il reprit l'Archipel , battit la flotte otto-
mane près des Dardanelles, s'empara de Co-
rinthe, de Mistra, d'Athènes et de presque toute
laMorée. Il était devant Égine lorsqu'il reçut la
nouvelle (1er juin 1688) qu'il avait été élevé au
dogataprès la mort de Marcantonio Giustiniani ; il
n'en conserva pas moins le commandement supé-
rieur, et entreprit le siège de Négrepont de concert
avec le comte de Kœnigsmark. La mort du comte,
la défection des alliés et une maladie grave
l'obligèrent à regagner Venise (1689). En 1693
il reprit le commandement de l'armée , et défit
plusieurs fois les flottes ottomanes ; mais, épuisé
par l'âge et les fatigues , il succomba à Napoli
de Romanie, au milieu du théâtre de ses longs
exploits. Le sénat lui fit élever un superbe monu-
ment, avec cette inscription : Francesco Mauro-
ceno, Peloponesiaco (1). Morisini méritait cette
distinction pour son patriotisme, ses grandes
qualités militaires et ses vertus privées. Philibert
de Jarry, qui ne dissimule pas sa haine pour les
Vénitiens, dit de ce grand citoyen : « Il restera
à jamais glorieux de mille belles choses qu'il a
faites, tant sur terre que sur mer, et pour l'af-
faire de Candie, apparemment il ne pouvoit faire
autre chose que ce qu'il fit. Il faut que ses en-
nemis même avouent que c'est un des plus braves
hommes qui se verra jamais, qui a infiniment
d'esprit, un homme intrépide; et il a fallu en
lui toutes ces belles qualités et une bonne tête
pour entendre à tant d'affaires qu'il y avoit dans
cette place, et savoir ménager tant de sortes
d'esprits et de différentes nations , où la plupart
ne sont guère raisonnables et blâment très-
souvent un général sans savoir pourquoi. Il ne
s'ébranloit jamais pour quoi que ce fût; il avoit
toujours un visage riant et égal , qui témoi-
gnoit néanmoins beaucoup d'assurance et de
fierté. Pour conclusion , ce qui se peut dire de
lui avec vérité est que c'étoit un galant homme,
et que la république n'en a jamais eu ni n'en
aura peut-être de sa force. » Cette prédiction
s'est vérifiée. « François Morosini, dit Daru, a
été le dernier des Vénitiens. » A. de L.
Pour tous les Morosini ; Marino Sanuto, Vite de'
Duchi di Venezia, etc. ; passiro. — SaDellicus, Hist. Ven.,
dec. I, lib. V|. — Michel Foscarini, Hist. (Padoue, 17Î3),
p. î26-228. — Piero Justiniani , Rerum Venetarum Histo-
ria, lib. Il, — Andréa Navagiero, Storia Venezianu. —
Mnratori, Antiquitates Italiese medii sévi, diss. XXX,
p. 919. — Le comte Filiasl, Ricerche siorico-critiche sulla
Marina di Venezia, etc. — Daru, Hist. de Venise,
(1) Dès 1687 ses concitoyens, contre leur usage, lui
avaient fait dresser une statue avec cette inscription :
Francisco- Mauroceno, Peloponesiaco, adliuc viventi.
Vers la même époque, le pape Alexandre 111 l'honora
d'une épée et d'un casaue magnifiques, qu'il reçut des
mains du nonce, dans l'église Saint-Marc. .
21
G43
M0ROS1NI — MORRELL
(
t. Ie", liv. II et V; t. II, liv. IX, X, XI; t. V, liv. XXXIII
et XXXIV. — Adrien Guibert, Chronologie dss Rois dss
Deux-Siciles, dans Le Monde, p. 2, 3. — Andréa Gallaro,
Storiadi Padova ; dans la collectiori de Muratori.L XVII.
— Danitllo Chinazzo, Cronaca délia Guerra di Chiozza.
— Vettor Sandi, Storiu civile feneziana, lib. XII. — De
La Haye, Relation de Penise. — diovanni Graztani ,
V ita Francisci Mavroceni, etc. ( Padoue, 1698, tn-4° ).
— Van Tenac, Hist. générale de la Marine, t. III.
morosini. Voy. Antonio Morosini.
morozzo ( Carlo-Giuseppe ), en latin Mo-
rotius, érudit italien , né le 5 février 1645, à
Mondovi , mort le 14 mars 1729, à Saluées. Sa
famille était noble et ancienne. Il entra dans la
congrégation réformée de Saint- Bernard, y rem-
plit différents emplois, et devint abbé de la Con-
sola à Turin. Appelé en 1693 au siège épiscopal
de Bobbio, il fut transféré, en 1698, à celui de
Saluées ; dans ce dernier diocèse, il fonda un sé-
minaire pour les jeunes clercs et décora la ca-
thédrale à ses frais. On a de lui : Cursus vitee
spiritualis ; Rome, 1674, in-8° ; trad. en ita-
lien en 1683 par Octave de Sainte-Croix; —
Theatrum chronologicum Carhisiensis or-
dinis ; Turin, 1681, in-fol.Ce recueil, plus com-
plet que la Bibliotheca Carïusiana de Petreius,
contient les quarante-neuf prieurs de la grande
Chartreuse, la notice de deux cent soixante et onze
écrivains et l'histoire abrégée des cent soixante
et onze maisons de cet ordre; — Vita e Virlu
del B. Amadeo, III duea di Savoia; Turin,
1686, in- fol. ; rtt Cistercii xeflorescentis , se«
congregalionum cistercio - monasticarum
B. Mariée Fuliensis in Gallia et reformata-
rumS. Bernardi in Italia , chronologica his-
toria; Turin, 1690, in-fol. P.
MOROZZO ( Carlo-Luigi, comte), physicien
italien, né en 1744, à Turin, où il est mort, le
2 juillet 1804. De la même famille ,q«e le pré-
cédent , il entra à seize ans dans l'artillerie en
qualité de cadet , étudia les mathématiques sous
Lagrange, et devint en 1792 colonel du régi-
ment provincial de Turin. Admis à l'Académie
des Sciences de cette ville ,dès sa création, il
s n fut exclu après la bataille de Marengo, à cause
des preuves de dévouement qu'il avait données
à la famille royale. Il a publié dans le recueil
de cette société un grand nombre de mémoires
rédigés en français, et dont les principaux sont
relatifs à des expériences sur la Couleur des
Fleurs (t. V); ..Sur la Rosée; Sur l'Air vicié
par la respiration animale (VI); Sur les In-
flammations spontanées (VlIIi; Sur la Tem-
pérature de Veau des tacs et rivières à diffé-
rentes profondeurs (IX); Sur la Variolite du
Piémont (X), etc. On ,a aussi de lui une Lettre
à M. Macquer sur la décomposition du gaz
méphitique et du gaz nitreux; Turin, 1783,
in-4°. P.
MOROZZO (Giuseppe), prélat italien, frère
du précédent, né le 12 mars 1758, à Turin, mort
le 22 mars 1842, à Novare. Élevé par l'abbé d'A-
ligre , qui fut plus tard évêque de Pavie, il fut
en 1777 reçu docteur en théologie et acheva ses
études à Rome, dans l'Académie ecclésiastiq
où il eut pour collègues Litta, Caraccioli, Pu
et Emmanuele di Gregori. Le pape Pie V].
nomma successivement pronotaire apostoliq
vice-légat de Bologne, gouverneur de Pérc
et de Civita-Vecchia. Après avoir concoun
l'élection de Pie VII, il fut envoyé en ami
sade près du roi d'Étrurie, reçut le titre d
chevêquede Thèbes in parlibus (1802), et
vint secrétaire de la congrégation des évêqi
En 1808 il vint à Paris avec la difficile miss
d'apaiser les différends survenus entre le p
et l'empereur; voyant l'inutilité de ses effort
se retira à Turin. Créé cardinal en 1816, il
appelé en 1817 à l'évêché de Novare. On
lui : Statistique du patrimoine de Sait
Pierre; Rome, 1797; — Eloge historique
cardinal Bobba; Turin, 1799, in-4\ P
Dizionario istorico Bussanese. — Elogio funebrt
card. G Morozzo ; Turin , 18*2, ln-4°.
morrëll ( Benjamin ) , navigateur am
cain, né le 5 juillet 1795, à Rye (comté"
Worcester ), mort à Mosàmbique , le 28 jan>
1839. Il était l'aîné d'une nombreuse famille, c
le chef, constructeur de bâtiments, vint bat
Stonington, petit port du Connecticut. A peine'
de dix -sept ans, il sollicita de ses parenth
permission de s'embarquer, et sur leur r
formel , il s'enfuit de la maison paternelle ( n
1812). Il coiirut à New- York, et s'engagea, con
novice, sur un navire de commerce qui se ren
à Lisbonne, puis à Cadix, que les Français b
bardaient et où il courut de grands dang^
Morreli retournait dans sa patrie lorsque
navire fut capturé par une corvette angk
D'abord conduit à Halifax, où il resta huit r
sur les pontons, accablé par d'affreux traiteme
il fut ensuite rapatrié à Boston, d'où il regà
Stonington en mendiant. Son père le reçut î
joie, et, ne voulant plus contrarier le pend
de son fils, exigea seulement de lui qu'an
de reprendre la mer il se rendît capable)
faire un bon marin et complétât son éducati
Le jeune homme accepta cette condition si
sonnable, et la remplit avec tant de zèle .qn
bout de quinze mois il obtint le grade
contre maître sur un corsaire. Cette crois
fut sans résultat : Morreli passa sur un, naï
marchand destiné pour France ( 28 mai 18] Il
Ce navire tomba dan9 une escadre enneW
(4 juillet 1813), et Morell revit à PlymoutlB
pontons pour la seconde fois. Compromis c [f
une émeute des prisonniers, surexcités par . I
digne conduite des Anglais à leur égard, Moi 1
vit tomber morts huit de ses compagnons a fi
fortune; lui-même, grièvement blessé, fut tel
porté dans un fort de la côte. En mai 18J£ H
paix le rendit à la liberté. A peine de retour c H
sa patrie, il reprit la mér pour le comme: ■
et durant cinq années il visita la France, les m
des, Batavia, la Nouvelle-Hollande. Après a B
gagné quelque fortune dans ces diverses e> fi
ÏS
MORRELL
fond
646
fions, il employa une partie de ses tonds à
irmement d'une goélette, The Wasp, et partit
nsi de New -York (25 juin 1821 ) pour la poche
B la baleine. Emporté dans son canot, par un
-os temps , sur les côtes de l'île des États, il
it péri infailliblement sans l'adresse et le dé-
mement d'un de ses frères. Pendant leur sé-
ur dans le New-Shetland, les navigateurs eu-
nt beaucoup à souffrir du froid, des tempêtes
des glaces. Le 2 novembre Morrell découvrit,
ir 60° 30' lat. australe , une ile demeurée in-
nnue et que les tourmentes l'empêchèrent de
connaître. The Wasp, après une longue et dan-
reuse campagne, rentra à New -York ( 26 avril
22 ). Morrell, étant devenu capitaine de ce na-
e, repartit, le 1er juillet suivant, pour un voyage
ixploration. Ce navigateur donne des détails
«ez précis sur les lieux qu'il a visités; mais
«ame ces détails n'ont pas l'intérêt de la nou-
auté , nous nous bornerons à donner son iti-
raire, abrégeant les récits d'aventures corn-
ânes à tous les marins. 11 toucha successive-
;nt à Rio-de-Janeiro , à La Vera-Cruz, longea
; Patagonie, relâcha aux îles Malouines, chercha
linement les îles Aurora , et mouilla dans un
i vre de la Géorgie méridionale, qu'il nomma
| asp-Harbour. Il reconnut ensuite les îles Bou-
;, de Marion , du prince Edward , de Crozet,
lâcha quelques jours sur la terre de Kergue-
y, releva celle de Sandwich, qui lui parut un
,)upe de rochers déserts et volcaniques ( 28 fé-
(ier 1823). Il s'avança sans obstacle jusqu'à 70°
de lat. australe ; mais le manque d'eau et
bois ainsi que des banquises infranchissables
forcèrent à redescendre vers le nord. Il entra
ns le grand Océan austral par les détroits de
'Maire et de Magellan, et longeant lentement
côte occidentale de l'Amérique méridionale,
oucha à Talcahuano , Valparaiso ( province
la Plata ), aux petites îles San-Ambrogio et
p-Felice, à Tumbez ( Pérou ), dans l'archipel
Gallapagos , situé sous l'équateur, et, rêve-
nt sur sa route, fit aiguade aux îles Juan-Fer-
ndez ; puis, franchissant de nouveau le détroit
Magellan , rentra dans l'océan Atlantique et
scendit à New- York, le 18 mai Î823. Cette
mpagne laborieuse fut sans résultat sérieux,
tme pour la géographie , car Morrell avait né-
Bî de se munir d'instruments de précision,
es le 19 juillet suivant Morrell mettait à la
le sur la goélette Tarlar. Reprenant sa pre-
ère navigation au sud par l'océan Atlantique,
releva l'île de Fernando-Noronha , San-Sal-
^or, l'ile Santa - Catalina , Monte -Video,
«nos- Ayres, franchit le détroit de Magellan,
doublant l'Amérique, mouilla à San-Carlos de
poé, à Valdivia, à Valparaiso, au Callao, à
liyaquil, sur l'île des Cocos, sur celle de Marl-
irough ( archipel des Gallapagos ) , où il fut
lioin d'une terrible éruption volcanique ( 10 fé-
l<r 1825), suivie d'une tempête qui faillit
4 lier son navire. Le 11 avril il jeta l'ancre à
San-Diégo ( Californie ) , d'où , s'étant avancé
dans l'intérieur de la contrée, il faillit perdre
la vie dans une rencontre avec les Indiens. Il
relâcha ensuite à San-Francisco de Monterey,
puis au c;ip Blanc, aux îles Havaii, revint aux
Gallapagos, repassa le détroit de Magellan et dé-
barqua à New-York, le 28 mai 1826. Dans ces
deux voyages Morrell se borna presqu'à côtoyer
l'Amérique, à visiter ses principaux ports et
quelques-unes de ses îles, étudiant les besoins
des populations et leurs moyens d'échange. La
science ni les découvertes n'entraient pour rien
dans ses plans.
Le 25 juin 1827 il repartit, sur la goélette An-
tarctic. Cette fois il se dirigea vers l'est et s'é-
tait armé pour la pêche. Il ne visita encore que
des parages connus et décrits par d'autres na-
vigateurs. Le 22 juillet il est dans l'Archipel du
Cap-Vert; le 4 septembre au cap de Bonne-Espé-
rance, croise jusqu'en juin 1829 sur les côtes de
là Guinée méridionale depuis la baie de la Table
jusqu'au cap Lopez-Gonzalvo, relâche à la colonie
américaine de Libéria, sur la côte de Sierra-Leone,
puis, s'élançant à travers l'océan Atlantique, at-
teint L'Ascension, d'où il regagne New- York avec
un chargement productif.
Le nouveau voyage que l'infatigable Morrell
entreprit le 2 septembre 1829 est le seul qui
offre un intérêt géographique. Il montait encore
YA?itarticret sa femme l'accompagnait. La pêche
était encore son but principal. Dès le 5 octobre
il fit du sel à Buena-Vista (archipel du Cap-
Vert ). Pris par un calme sous l'équateur, la
fièvre se déclara à son bord, et lui enleva plu-
sieurs hommes ; le 14 novembre il put enfin
atterrir à Tristan d'Acunha (1). Il décrit le pic
majestueux de cette île, qui s'élève à 2,400m.
Là Morrell prit de l'eau et des vivres frais. Aus-
sitôt que son équipage fut rétabli il mit le cap au
sud-est,etle28 mouillaà Carnley (îles Auckland);
il resta quelques jours dans ces parages ; passa
le détroit de Cook, qui coupe en deux la Nou-
velle-Irlande, et débarqua le 17 janvier 1830 au
port Molineux, dans la partie septentrionale de
cette grande île (Tavaï-Pounamou). Le 2 février
il releva l'archipel du Saint-Esprit ( îles Hébrides)
et commença à S'avancer dans des régions moins
connues. « Je pensais, dit-il, qu'à côté de l'é-
quateur se présentait , entre 140° et 160° de long,
est, un vaste champ à de nouvelles découvertes
dans le voisinage du tropique. Voilà pourquoi
je poussai si avant vers le nord avant de me di-
riger sur les Philippines. » Le 23 février il dé-
couvrit trois îles, qu'il nomma Weslervelt (2),
et peu de jours après il faillit se perdre sur un
groupe de récifs qui reçut le nom de Bergh ,
près d'une grande île qu'il appela Livingston (3).
(1) Principale île d'an archipel qui porte son nom et est
situé par 13° *' long, ouest et 37° V lat. sud. Lus Anglais
y ont formé un établissement depuis 1816.
(2) C'est le groupe d'Urville.
(3) On a reconnu que ces prétendues découvertes n'é-
21.
647 MORRELL
Le 10 mars Morrell doublait l'île de Luçon
et descendait à Manille. Il résolut de terminer
son chargement aux îles Fidji. Les 6 et 7 mai
il découvrit deux îles désertes , qu'il nomma
Faralis ( peut-être l'île déjà connue sous le
nom de Faroïlep) et Ifelouk; ensuite un grand
banc de corail,, qu'il désigna sous le nom de
Skiddy. Il était alors, sans le savoir, dans l'archi-
pel des Carolines. Le 10 il jeta l'ancre sur l'une
des îles de Los Martyres (1), et le 13 revoyait
les îles de Bergh (ou d'Ur ville). Il y ht quelque
trafic avec les naturels, et donna à un groupe d'îles
voisin le nom à'îles Skiddy (2). Il eut à dé-
jouer les embûches que lui tendirent les insu-
laires des îles Young-William ; mais il se retira
de ce mauvais pas sans coup férir. Il courut
le même danger dans les les Monte-Verde (3), et
l'évita avec un égal bonheur. Il ne fut pas aussi
heureux sur une île d'un groupe entourant un
lagon. Ce groupe est situé à peu de distance de
la ligne (4).
Morrell y débarqua le 24 mai, et, entraîné par
le bon accueil que lui fit Hennine, chef de ces
îles, résolut d'y construire les bâtiments néces-
saires à la préparation de la pêche qu'il comptait
faire des avicules perlières, des holothuries,
des nacres, et des tortues à écaille qui abondent
dans ces parages. En deux jours de vastes han-
gars furent élevés; une forge fut organisée et
les terrains environnants furent défrichés et ense-
mencés. Les naturels concoururent avec zèle aux
travaux. Tout promettait un avenir calme et
prospère, lorsque de nombreux vols, commis par
les insulaires, vinrent occasionner plusieurs rixes
sanglantes entre les Américains et leurs perfides
hôtes. Morrell essaya d'abord d'arrêter ces dé-
sordres par la douceur; mais il ne tarda pas à
se convaincre que les chefs de l'île, et particu-
lièrement Hennine, protégeaient les larrons
et même partageaient avec eux les produits du
vol. Il résolut alors de frapper un coup d'éclat,
et avec six hommes seulement osa enlever et
conduire à son bord, Hennine et cinq autres
chefs, en présence de quatre cents sauvages ar-
més. Les captifs promirent tout ce qu'on voulut;
Morrell, croyant à une réconciliation sincère,
les rendit à la liberté en les comblant de pré-
sents. En même temps il envoyait un détache-
ment de vingt et un hommes pour achever les
constructions. La plupart se dispersèrent dans
les bois; les autres travaillaient sur la plage,
aidés des naturels, lorsque l'affreux cri de guerre
talent autres que le groupe Hogoleu, près de l'ile
Ohoun .
(1) Ce nom ne figure que sur les caries espagnoles et
portugaises. Ces Hes se nomment Ollap, Fanadifc et Ta-
matai».
(î) C'est le groupe de Namoulouk, au centre des Caro-
lines.
(3) Ce sont les lies Nougour qui forment l'extrémité
de l'archipel des Carolines.
(4) Il est probable que ce sont 1rs îles Carteret au
nombre de neuf, entre la Nouvelle-Irlande et l'archipel
Sblomon.
des sauvages vint frapper les oreilles du car
taine. Il donna aussitôt le signal de ralliement, i
même temps que, avec dix matelots, il voir
au secours de ses compagnons. Il n'en put r
cueillir que sept plus ou moins blessés. Tr
faible pour engager une lutte, il regagna son ï
timent à force de rames, poursuivi par de noi
breuses pirogues. Une décharge générale
l'artillerie de la goélette porta facilement la m<
et l'effroi parmi les assaillants, qui s'enfuire
vers la terre. Morrell, qui n'avait plus que or
hommes en état de manœuvrer, se hâta de u
trer à Manille. Il y séjourna du 26 juin au
juillet, et après avoir engagé soixante-dix E
ropéens, Lascars ou Manillais , brûlant de
venger de la trahison d'Hennine, il fit voilevers
îles du Massacre; c'est ainsi qu'il avait nomi
l'archipel, où quatorze de ses compatrio
avaient si misérablement péri. En repass;
dans les groupes de Bergh et de Monte-Verde
dut employer le canon pour écarter les can>
des insulaires, et lorsqu'il se présenta, le 14 si
tembre, devant l'île du Massacre, il fut assa
par de nombreuses pirogues , qu'il écrasa par
mitraille et la mousqueterie. Les villages de
côte furent ensuite canonnés et détruits. Un vif
matelot américain, Dick Brown, seul échappé
massacre du 28 mai, vint de la part de Henn
faire des propositions d'accommodement, et X
térêt, l'emportant sur le désir de vengeance,
cida Morrell à cesser le feu. Il fut convenu que j
Américains, moyennant un léger tribut, res
raient en possession de l'île sur laquelle ilsavai j
commencé leurs constructions et que Hennine ;
ses chefs les y laisseraient travailler paisibleme
L ite cédée fut appelé Wallace, du nom duseci l
de VAntarctic, tué et mangé par les sauvai
le 28 mai. La bonne harmonie dura peu. Api
quelques déprédations partielles , les Américo »
eurent à repousser une attaque générale. ?
châtièrent vigoureusement leurs ennemis : fl I
nine et un de ses frères périrent dans le a •
bat ; mais Morrell , désespérant de poui I
soutenir des hostilités aussi fréquentes qi-
charnées, rembarqua son matériel, brilla i
établissement et mit le cap au sud-ouest. i
traversant les îles Salomon, il eut encore à r
pousser les agressions des naturels de Bon •
Il embouqua le détroit de Saint-Georges, qui I
pare la Nouvelle-Irlande de la Nouvelle-Bretaf,
et atterrit à l'extrémité nord-est de la Nouve I
Guinée, dans une baie qu'il désigne sous le ri i
de Dekaybay (1) et celui de Livingslon-ca i
un promontoire voisin.
Morell navigua ensuite au nord-est, état»
quelques jours de navigation, « dans une ai J
direction, que je ne veux pas, dit-il, indiquei
(1) C'est celle que Dumont d'UrvIlle a nommée bai
V Astrolabe. Quelques géographes ont cm y reconnatti i
baie Humboldt, située sur la côte, mais beaucoup plu; ji
sud. Le cap Livingston n'est autre que la pointe ùl I
ville, qui forme l'extrémité septentrionale de la Nouv* •
Guinée.
10
MORRELL — MORREN
atteignit un groupes d'îles, «que, ajoute-t-il,
> ne nommerai pas maintenant. Elles ne sont
mrquces sur aucune carte ni mentionnées sur
; journal d'aucun navigateur. Ce groupe con-
nut une vingtaine d'îles, la plupart très-peu-
lées, toutes très basses, et complètement en-
mrées d'un récif de corail d'une circonférence
e soixante milles; toute la surface en est com-
létemcnt revêtue d'holothuries. Ces îles offrent
icore d'autres richesses, qu'il est inutile d'énu-
lérer ici. Je dirai simplement qu'elles sontom-
ragées par d'épaisses forêts de cocotiers et d'ar-
res à pain. »
On voit combien Morrell préférait son intérêt
'irticulier à l'intérêt général. Il espérait exploiter
îuI sa découverte ; mais il essaya vainement d'y
itéresser les négociants de Manille, et il mourut
. «portant son secret, si secret il y a ; car, suivant
S umont d'Urville, l'Eden, soi-disant découvert
f ir Morrell, n'est qu'une portion d'un des groupes
^ s l'Échiquier, des Ermites ou même de l'A-
hirauté. Quoiqu'ilen soit, Morrell ne fut pas plus
[ ;ureux là que dans ses autres descentes; il dut
i )ur se faire accepter employer la force et em-
1|ena prisonnier l'un des principaux insulaires.
e retour à Manille presque sur lest, il chargea
,our l'Europe ( 13 janvier 1831 ). Il relâcha en
fiute à Singapour, dans la baie de Saldanha,
j m nord du cap de Bonne-Espérance), à Sainte-
jélène, à Terceire et débarqua à Bordeaux; il
! prit un chargement pour New-York, où il ar-
!va le 27 août 1831. Cette longue campagne
Hait eu de si minces résultats qu'il ne trouva
[as d'armateurs disposés à seconder ses des-
kins de découvertes. Après plusieurs années de
[tisir forcé, il s'adressa à quelques négociants
i e La Havane, qui lui confièrent le commande-
ment du brick Christina, sur lequel il partit
rour la côte orientale d'Afrique, en septembre
j'S38; mais il fit naufrage dans le canal Mo-
jimbique, et mourut de la fièvre dans la ville de
h nom.
! Possédé au plus haut degré par le génie mer-
fïntile de sa nation, Morrell parut peu soucieux
iela gloire qui s'attache au nom de découvreur.
ien de neuf, de hardi dans ses expéditions;
■les ne sont pour ainsi dire qu'un cabotage
bntinuel. Barement il perd la terre de vue, et
ifil le fait, c'est en quelque sorte pour suivre
s ornières maritimes. De ce qu'il appelle ses
découvertes la plus grande partie était connue
vant lui, et il n'a fait que leur donner un nou-
eau baptême. Le peu qui lui en reste ne con-
ste qu'en quelques groupes de l'innombrable
Quantité d'îles et d'îlots qui, sous les noms gé-
îrauxdeMicronésie et de Polynésie, couvrent la
|irtie de l'océan Pacifique compriseentre les tro-
!ques et les 140 à 180° de long, ouest et de 180
; 130° long. est. Il y aura toujours quelques îlots
signaler dans cette portion de l'Océanie. Soit
norance des connaissances nautiques, soit plu-
't défaut d'instruments précis, les estimes de
650
Morrell sont souvent erronées et ses relèvements
peu exacts. 11 est facile aussi de voir qu'il a na-
vigué d'après de vieux documents, d'anciennes
cartes, probablement espagnoles; car il paraît
être peu au courant des découvertes des naviga-
teurs modernes. Bref, Morell ne fut qu'un habile
et courageux marin, un excellent capitaine de la
marine marchande; ce ne fut jamais un naviga-
teur instruit et dévoué à la science.
On a de lui : Relations de quatre voyages
autour du monde et faits de 1822 à 1831;
New-York, 1832, in-8°, avec une Introduction
autobiographique et le portrait de l'auteur. Nous
ne comprenons pas comment Morrell a pu dé-
corer ses expéditions du titre de voyages autour
du monde. Dans les deux premières surtout, il
s'est borné à côtoyer l'Amérique méridionale; il
n'a jamais dépassé au nord le 40e deg. de lat.
Al. de Lacaze.
Bulletins de la Société Géographique de Paris, ann.
1833-1836. — Albert de Montémont, dans la Bibliothèque
universelle des Voyages, t. XX.
morren (Charles-François-Antoine ) (1),
naturaliste belge, né à Gand, le 3 mars 1807,
mort à Liège, le 17 décembre 1858. Il reçut la
première instruction à l'athénée de Bruxelles,
et se rendit en 1825 à l'université de Gand, où
il commença l'étude des sciences, de la philo-
sophie et de la médecine. Dès l'année suivante
il obtint le prix du concours ouvert par la Fa-
culté des Sciences pour un mémoire publié plus
tard sous ce titre : De lumbrici terrestris
hisloria nalurali neenon anatomia Tracta-
tus, etc. ; Bruxelles, 1829, in-4" , rare ; travail
qui le signala dès lors comme un naturaliste dis-
tingué. En 1827 il fut de nouveau couronné
par l'université de Gand pour son Orchidis la-
tifolix Descriptio botanica et anatomica;
Gand, 1827, in-4D. Enfin, en 1828, l'université
de Groningue décerna le premier prix à son
mémoire intitulé : Descriptio Polypariorum
fossilium in regno Belgio reperlorum ; Gro-
ningue , 1829, in-4°. Beçu en 1829 docteur en
philosophie naturelle et en sciences mathémati-
ques, Morren vint habiter Paris, où il suivit les
cours du Muséum d'Histoire naturelle, puis Gœt-
tingue et Berlin. Il publiait en même temps beau-
coup de notices et d'observations sur la zoologie,
la botanique, et surtout sur la paléontologie. Pro-
fesseur de physique à l'École Industrielle deGand
en 1831, il obtint deux ans après la même chaire
à l'université de cette ville. Enfin, il devint en
1835 professeur extraordinaire, en 1837 profes-
seur ordinaire de botanique à l'université de
Liège, et dans cette dernière année membre de
l'Académie royale de Belgique. 11 était aussi di-
recteur du Jardin botanique et agronomique de
Liège, et faisait partie du conseil supérieur d'a-
griculture du royaume. Un jugement sûr, des
(1) Voir sur la famille Morren, originaire d'Irlande, où
elle existe encore , l'ouvrage du baron de Herkenrode
Intitule .* Collection des tombes, épitaphes et blasons du
Limbourg , p. 751.
651 MORREN
connaissances étendues et variées , une élocu-
tion correcte et souvent éloquente, caractéri-
saient ce savant belge. On lui doit la découverte
de la fécondation artificielle du vanillier. Outre
les travaux, ci-dessus mentionnés, nous citerons
de lui ( en société avec M. Auguste Morren ) :
Recherches sur la rubéfaction des eaux et
leur oxygénation par les animalcules et les
algues; Bruxelles, 1841, in-4° ; — Eludes,
Prémices et Loisirs a"Anatomie et de Phy-
siologie végétales, ou collection d'opuscules
sur ces sciences ; Bruxelles, 1841, 3 voi. in-8° ;
— Dodoneca, ou Recueil d'observations de bo-
tanique; Bruxelles, 1841, in-8° ; — Fuchsia,
ou Recueil d'observations de botanique, d'a-
griculture, d' horticulture et de zoologie;
Bruxelles, 1849, in-8°; — Lobelia , ou Recueil
d'observations de botanique, spécialement
de tératologie végétale ; Bruxelles, 1851, in-8°;
— Palmes et Couronna de V Horticulture de
Belgique ; Bruxelles, 1851, in- 12 : réunion d'ar-
ticles insérés dans la presse quotidienne. Morren
a été le principal rédacteur des recueils pério-
diques suivants: L'Horticulteur belge : journal
des jardiniers et amateurs ; 1833-1S36, 3 vol.
in-8°; — Annales de la Société royale d'A-
griculture et de Botanique de Gand -.journal
d'horticulture et des sciences accessoires;
1845-1849, 5 vol. in-8°; — Journal d'Agri-
culture pratique, d'économie forestière et
d'éducation des animaux domestiques ; 1848-
1855, 7 vol. in-8°; — La Belgique horticole ;
journal des jardins , des serres et des ver-
gers ; 1851-1855, 5 vol. in-8°. Il a donné des tra-
vaux aux Mémoires, aux Bulletins et aux An-
nuaires de l'Académie royale de Belgique. Enfin,
il a pris part à un grand nombre de publications,
telles que le Bydragen tôt de Natuurkendige
Wetenschappen des Pays-Bas, l'Encyclopédie
belge, la Revue de Bruxelles, le Messager des
Sciences et des Arts de Gand, les Annals and
Magazine of natural History de Londres, le
Bulletin général des Sciences du baron de
Férussac, les Annales des Sciences naturelles
de Paris, L'Institut, L'Echo du Monde sa-
vant, L'Indépendance belge, Le bon Génie,
La Sentinelle des Campagnes, Le Cultiva-
teur, etc. E. Regnard.
Éd. Morren, Notice sur Ch. Morren ; Bruxelles,'1860,
in-12.
morres ( Harvey - Redmond ), vicomte
Mountmorres, publiciste anglais, mort le 18 août
1797. 11 appartenait à une branche protestante
de la famille française des Montmorency et avait i
rang de pair en Irlande. Partisan déclaré de la
prérogative royale, il prit part aux orageuses dis-
cussions qui eurent lieu dans le parlement de
Dublin sur la question de la régence. Les divers
écrits qu'il publia à cette occasion firent beau-
coup de sensation; nous citerons; Histoire des
principaux Actes du parlement irlandais de
1634 à 1666, précédée d'un Discours prélimi-
- MORRIS (
naire sur les anciens parlements de
royaume (1792, 2 vol. in-8° ); — La Crise, c
lection d'essais écrits en 1792 et en 1793 i
la tolérance, le crédit public, la libe
des élections , l'émancipation des calho
ques, etc. (1794,in-8°) ; — Lettres de Thém
tocle (1795, in-8°), et Réflexions impartia
sur la crise actuelle (1796, in-8°). Morres
tua d'un coup depistolet, dans un âge peu avan
K.
ColHns , Peerage of Ireland.
Morris (Robert), le principal financier
la révolution américaine, né en Angleterre,
1734, mort en mai 1806. Il avait treize ans lo
que son père vint s'établir en Amérique. Il en
chez un banquier de Philadelphie, et, par
capacité et sa probité, gagna toute la confiai
de son chef. Il devint l'associé du fils , et ce
société dura de 1754 à 1793. Au commen
ment de la révolution , il était engagé dans
grandes affaires commerciales; cependant,
n'hésita point à se prononcer contre l'Acte
timbre et autres mesures. En 1775 il fut nome
par la législature de Pensylvanie , un des dé
gués au second congrès général. Il fit partie \
tous les comités qui s'occupèrent de la marii
des affaires maritimes et des finances , et y ren
beaucoup de services par son jugement et s
expérience des affaires. Washington, auquel il
envoyé en 1777, conçut une haute idée des
lents et du patriotisme de Morris, et lui en doi i
des preuves plus tard. En 1780, Morris établit |
souscription une banqueoù ilavait pris des actif i
pour 50,000 dollars, et dont le but était d'assu j
l'approvisionnement de l'armée. Elle contii
jusqu'à l'année suivante, où fut fondée la banc j
de l'Amérique du Nord. En février 1781, le ci |
grès le nomma surintendant des finances, a1 1
des pouvoirs étendus. Les devoirs de ce po I
étaient difficiles. Il les remplit avec une r |
énergie, jusqu'à la fin de la guerre. Il fit décla
que les billets de la banque de l'Amérique
Nord seraient reçus comme espèces pour
payement des droits et taxes dans tous
États, et peu à peu le crédit public et le cri
particulier se relevèrent. A cette époque Moi I
avait une grande fortune , et plus d'une foi;
s'engagea personnellement pour de fortes so >
mes quand les ressources du trésor étaient j
suffisantes. Ce fut surtout par son crédit c
furent assurés les moyens qui permirent!
Washington d'entreprendre son expédition àé
sive contre Cornwallis. En janvier 1783, Mor
annonça au congrès son intention de se i
mettre de ses fonctions. Le danger passé, il «
sirait se reposer des travaux excessifs et de I
responsabilité qui avaient pesé sur lui; les il
tances qui lui furent faites le décidèrent à
continuer jusqu'en novembre 1784. D'après a
conseil, une commission fut nommée pour
remplacer. En 1786, il fut élu membre de la c<
vention chargée de rédiger la constitution féi
,53 MORRIS
aie. Personne n'avait senti plus fortement que
li Je besoin d'un gouvernement efficace, et.il fit
révaloir des vues sages. Quand le gouvernement
^(iéral eut été organisé , Washington lui offrit
1 1 place de ministre des finances; mais il refusa,
t, pressé d'indiquer un homme capable, il dé-
igoa le général Hamilton ( voir ce nom ), choix
eûreux, mais auquel on ne s'attendait pas.
près la paix, il donna plus d'extension à ses re-
lions commerciales avec l'Inde et la Chine,
| , aidé par les conseils de son ami Gouverneur
orris, il expédia, le 20 juin 1787, un navire,
, Œiance, qui arriva à Canton le 22 décembre
n'vant, traversée qui causa dans le temps une
; isez grande surprise par sa promptitude. Au-
I urd'iiui les progrès de la navigation ont abrégé
i voyage de moitié. Dans sa vieillesse, Morris
I ■■ lança dans de vastes spéculations de terres ,
li eurent pour sa fortune des résultats dé-
i streux. L'homme aux talents financiers de
, ii les Américains avaient dû autant qu'aux
igociations- de Franklin, et même aux armes
j ; Washington , passa les dernières années de
[ vie en prison par suite de ses dettes. Le
| agrin hâta la fia de ses jours. Morris était
[une constitution vigoureuse, d'une taille élevée
t d'un extérieur plein de franchise et d'affabilité,
t ;ndant les années de sa fortune, plus de quarante
Us, sa maison était ouverte à tous les étrangers
| ; distinction qui visitaient Philadephie. Il était
jinéreux pour seconder les entreprises publiques
I I privées qui avaient un but utile.
J.. Chatct.
654
\i Encyclopaedia Americana. — Biography of the Si-
'l-iers of the déclaration of Independence. — Corres-
ll >ndence of Robert Morris;
i morsus ( Gouverneur*) , homme d'État
iii'i'icain, né à Morrrsania, près de New-York,
|| 31 janvier 1752, mort le 6 novembre 1816.
incore fort jeune, il fut placé dans la famille
; un professeur français à New-Rochelle, et y
|:quit une connaissance familière de la langue.
j.e fut pour lui une, ressource précieuse, quand,
[ans son âge mûr, il fut nommé ministre des
1 tats-Unis en France. Après avoir terminé ses
j.udes classiques à dix-sept ans, il fit son droit,
If; à vingt ans était reçu avocat. En 1775 il
lit élu membre du premier congrès provincial.
! prit une part active aux discussions et aux
-esures principales de cette assemblée jus-
|j'en 1777, où il devint membre du congrès qui
rigea la révolution. L'hiver suivant, il fut un
pi commissaires chargés d'examiner, de con-
■rt avec le général Washington, l'état et les res-
nirces de l'armée. 11 eut plus tard une corres-
pndance régulière avec le général, et au sein
|i congrès il employa ses talents et son in-
lence à activer les mesures de nature à
hcroître les forces nationales. S'étant prononcé
l 'titre les prétentions de l'État de New-York
ir une question de territoire dans le New-
ampshire, il ne fut pas réélu au congrès par
la législature de l'État, et continua à résider à
Philadelphie pour exercer sa profession ( 1780).
Dans l'été de cette année, il fit une chute de voiture
très-grave à la suite de laquelle il subit l'amputa-
tion d'une jambe. Il se résigna à ce malheur avec
courage, et ne perdit rien de sa vivacité d'esprit.
Il porta toujours depuis lors une jambe de bois.
Se trouvant plus tard à Paris comme ministre, il
essaya d'y substituer une jambe de liège; mais,
après quelques expériences, il revint à la simple
jambe de bois. Un jour, au milieu des émeutes
de ce temps , il en tira parti en homme d'es-
prit. Rentrant chez lui en voiture, dans l'été de
1792, il fut tout à coup assailli par les huées de
la populace révolutionnaire, criant : « A l'aristo-
crate! » Mettant aussitôt sa jambe en dehors :
« Un aristocrate ? s'écria-t-il ; oui vraiment, qui
a perdu sa jambe dans la guerre de l'indépen-
dance américaine ! » Le peuple fut désarmé et
applaudit. En 1781, Robert Morris (voir l'ar-
ticle précédent), qui avait le même nom sans
être son parent, ayant été chargé du ministère
des finances, choisit Gouverneur pour sous-se-
crétaire du trésor ; il trouva en lui, pendant trois
ans et demi, un auxiliaire actif et habile, et
conserva avec lui des relations pour des intérêts
de commerce. A la mort de sa mère ( 1786),
Gouverneur Morris acheta d'un de ses frères,
général au service de l'Angleterre, le domaine
de Morrisania, qui était considérable, et qui,
bien administré, devint pour lui la source d'une
belle fortune. 11 fut député à la convention for-
mée pour rédiger la nouvelle constitution ( 1787).
On n'a trouvé dans ses papiers aucun mémoire
ou discours qui se rapporte à ses travaux;
mais le président Madison, dans une lettre ren-
due publique, fait l'éloge de son jugement, de
ses efforts conciliants pour amener l'harmonie,
et dit que le projet rédigé de la constitution
fut mis entre ses mains pour recevoir sa forme
définitive. Nous avons vu qu'il était intéressé
dans le commerce de Robert Morris. Des mar-
chés importants avaient, été conclus avec les
fermiers généraux de la France pour des fourni-
nitures de tabac; et comme la Virginie était le
théâtre de cette exploitation, il était nécessaire
qu'il y eût sur les lieux un agent qui connût
l'affaire et fût capable de remédier au désordre
et aux retards qui inquiétaient beaucoup les né-
gociants d'Europe. Il fut ensuite proposé à
G. Morris de se rendre en France. Sa mission
avait plutôt un objet financier que politique;
mais ce dernier devint bientôt le plus impor-
tant. Il s'embarqua pour le Havre, le 18 dé-
cembre 17S8, et arriva à Paris, le 3 février de
1789. Les états généraux étaient sur le point de
s'ouvrir. Il arrivait donc pour être témoin des
premières scènes et des phases importantes de
cette révolution, qui, à la fois sociale et poli-
tique , devait changer entièrement la face de
l'Europe et réagir par contre-coup sur le Nou-
veau Monde. G. Morris avait près de quarante
655
MORRIS
6:
ans. C'était un homme d'un esprit droit et
cultivé, d'un jugement pénétrant et de haute
portée, de mœurs élégantes, et, bien que répu-
blicain en Amérique, de goûts aristocratiques.
Mais il était aussi un homme tout de pratique
à idées positives, inaccessible aux séductions
des théories. C'est à ce moment qu'il com-
mença à tenir un journal détaillé dont M. Sparks
a reproduit, dans son ouvrage, de nombreux ex-
traits. Ce journal et ses voyages en Europe pos-
sèdent le plus haut intérêt et une grande valeur
historique. Dès son arrivée à Paris G. Morris se
trouva en relations avec les personnages politi-
ques qui jouaient alors un grand rôle, avec La
Fayette, qu'il avait connu en Amérique, avec l'é-
vêque d'Autun (Talteyrand) et des orateurs dis-
tingués de l'Assemblée constituante; il était aussi
en liaison intime avec des familles nobles, telles
que les de Ségur, de Chastellux, de Castries, de
La Luzerne, etc. Il fut donc bien placé pour con-
naître les opinions et pour juger avec désintéres-
sement et indépendance. On lui a reproché d'avoir
été trop favorable à l'ancien régime, qui s'écrou-
lait sous les coups des idées nouvelles, et peu
sympathique aux réformes qui s'accomplis-
saient avec tant d'impétuosité. Au fond, il était
avec ceux qui voulaient la réforme du vieux sys-
tème, mais une réforme modérée, et qui blâ-
maient les principes et les projets des ultra-ré-
volutionnaires. Nous citerons, comme échan-
tillon, quelques passages de son journal. A la
date du 6 juin, il dit : « L'évêque d'Autun passe
la soirée avec nous ( chez madame de Flahaut ).
C'est son ami intime. Cet homme me parait
fin, froid, rusé, ambitieux et méchant. Je ne
sais pourquoi mon esprit tire de ce personnage
des conclusions aussi désavantageuses; mais
c'est comme cela, et je ne saurais qu'y faire. »
— 26 septembre. Chez madame de Tessé, qui
avait dit à M™e de Staël que je suis un homme
d'esprit. « Mme de Staël me prend en particulier
et nous causons. Elle me demande si je n'ai pas
écrit un ouvrage sur la constitution américaine.
— Non, madame ; j'ai fait mon devoir en parti-
cipant à la formation de cette constitution. —
Mais, monsieur, votre conversation doit être
très-intéressante, car je vous entends citer de
toutes parts. —Ah! madame, je ne suis pas
digne de cet éloge. — Comment avez-vous perdu
votre jambe? — Ce ne fut pas malheureuse-
ment au service militaire de mon pays. —
Monsieur, vous avez l'air très-imposant ! — Ces
paroles sont accompagnées d'un regard qui, sans
être précisément ce que John Falstaff appelle
une œillade engageante, lui ressemble beau-
coup. » — « 2fi novembre 1790. La Fayette
m'ayant dit qu'il voudrait qu'il y eût deux
chambres comme en Amérique, je réplique
qu'une constitution américaine ne convient pas
à ce pays, et que deux chambres semblables
n'iraient pas à une nation où il y a un pouvoir
exécutif héréditaire ; que chaque pays doit avoir
une constitution appropriée à sa condition ,
que le caractère de la France exige un gouve
nement plus relevé ( leigher toned ) que cel
de l'Angleterre. » — « 25 janvier 1791. Je vé
dîner chez madame de Staël. Elle n'est pas e
core rentrée. J'y trouve l'abbé Sieyès. Il di
serte avec beaucoup de suffisance sur la scien
du gouvernement, méprisant tout ce qui a é
dit sur ce sujet avant lui. Madame de Staël (
que les écrits et les opinions de l'abbé formero
une nouvelle ère en politique comme ceux <
Newton en physique. »
En janvier 1791, G. Morris fut nommé p
Washington agent particulier des États-Unis poi
traiter avec le ministère anglais quelques affair
importantes qui se rattachaient au dernier trai
de paix. Après plusieurs mois, il reconnut qi
le gouvernement anglais n'était pas disposé à s
conder des avances pour de nouveaux arrang
ments. Il quitta donc l'Angleterre, et voyagea i
Allemagne. Il était de retour à Paris après unea
sence de six mois. En janvier 1792 il fut nomn
ministre en France, à la place de Jefferson. Wa
hington, dans une lettre particulière, ne lui cacl
pas qu'au sénat il y avait eu de l'opposition co
tre lui au sujet de sa nomination, parce qu'on 1
considérait comme un partisan de l'aristocrài
et comme un ennemi de la révolution, et il 1
recommandait beaucoup de circonspection. I
tâche en effet était délicate et difficile au milii
des partis déchaînés l'un coptre l'autre. Malg
l'indépendance de son caractère et Ses pej
chants politiques , il montra beaucoup de ta
et de prudence. Sa correspondance officiel
comme ministre en France était adressée à Je
ferson, alors secrétaire d'État pour les affajri
étrangères, et quelquefois à Alexandre Hamiltoi
ministre des finances. Mais il écrivait constan
ment à Washington comme à un ami partiel
lier, et il entrait avec lui dans beaucoup pli
de détails sur les affaires que n'en contenais
ses dépêches officielles. Ses lettres privées
autres présentent des esquisses fidèles des évi
nements, dans un style vif et plein de hardiesse
Il montre une grande sagacité, un jugement st
pour apprécier les hommes et les choses. Il e
sincère dans ce qu'il dit ; mais comme ces ph
losophes de l'antiquité que les abus et l'agiti
tion turbulente de la démocratie faisaient pei
cher vers la monarchie, il se laisse parfois ei
traîner par son aversion pour les principe
révolutionnaires, et tombe à son tour dans d(
appréciations injustes. Son journal reprend a
15 mai 1792, à la veille de la journée du 20 juit
où la royauté fut si gravement insultée, d
10 août où elle fut renversée. G. Morris fut 1
seul membre du corps diplomatique qui ne quitl
pas Paris ni ses fonctions après la chute d
Louis XVI. Seulement, pour se soustraire au:
désordres sanglants de Paris, il acheta nn
maison de campagne à Seine-Port, à dix lieues d
la capitale, et y résida tout le reste de sa mis
57 MORRIS -
! on, en se bornant à quelques voyages à Paris,
fù était fixé le secrétaire de la légation. Le
buvernement américain ayant demandé le
t ippel de Genêt, ministre fort exalté de la ré-
iblique française, le gouvernement français, en
■toiir, sollicita le rappel du ministre américain,
Washington ne put, par réciprocité, se refuser
■ cette demande. Aucune plainte cependant ne
irait avoir été faite. G. Morris était préparé à
t événement. Il savait que les hommes puis-
Dts de l'époque ne l'aimaient pas, et il eut
|pu de regrets de quitter un poste qui n'avait
| é pour lui qu'une source de contrariétés et
irfois de relations très-aigres. En août 1794,
H onroe arriva à Paris pour le remplacer. G.
terris avait d'abord eu le projet de retourner
loi États-Unis. Il y renonça pour voyager dans
iusieurs parties de l'Europe. 11 avait de nom-
leux amis dans la haute société, et sa consi-
I ration personnelle lui assura un accueil dis-
ligué dans les principales cours qu'il visita. Sa
■krespondance de cette époque, surtout avec
I d Grenville , prouve avec quelle attention il
laminait l'état politique des pays qu'il traver-
I I ainsi que le caractère et la conduite des
llncipaux personnages. Ses théories sont quel-
1 efois des illusions ; ses prophéties , comme
I it d'autres , ne se réalisent pas toujours ; ce-
lidant ses jugements sur les réalités, sa per-
■cacité sur la nature des événements et son ap-
Kciation des motifs qui font agir les hommes
Itjt rarement erronés. Il passa assez longtemps
Itambourg et à Altona, centredes nouvelles poli-
nues, au milieu d'un cercle d'amis étrangers
■français auxquels il était devenu cher (jus-
mk juin 1798 ). En octobre de cette année,
■"es avoir réglé ses nombreuses affaires, il
fcabarqua à Hambourg pour les États-Unis.
■ voyage, retardé par divers accidents, dura
■fetre- vingts jours. L'année suivante il fut
1 au sénat des États-Unis , et y siégea parmi
m fédéralistes. Il se montra alors opposé à l'a-
Rition des taxes directes, et favorable à l'ac-
■sition de la Louisiane. Ses fonctions ex-
■pent le 4 mars 1803, et n'ayant pas été re-
Hnamé, il rentra entièrement dans la vie privée,
■passa le reste de ses jours à Morrisania, re-
Bte qu'il s'était préparée et qu'il se plut à em-
Wlir. Une grande fortune, de nombreux amis,
■teharme du foyer domestique furent les élé-
wnts de son bonheur. Tous les ans il faisait de
Rits voyages de trois ou quatre mois pour af-
■*es ou plaisir. Le jour de Noël Î809 (c'est un
'■' j r de très-grande fête en Amérique ), il épousa
■Ms Anne Carey Randolph, d'une des plus an-
I «mes et des plus distinguées familles de la
•ginie, et accomplit ce mariage en vrai diplo-
■We. Il n'en avait soufflé mot à aucun de ses
lents, et les réunit en apparence pour la fête
c jour. Un splendide dîner avait été préparé;
''société était réunie au salon et attendait
mAe. Morris en belle toilette se présente, don-
MORRISON
658
nant la main à une jeune femme. Le ministre
protestant avait été averti, et le mariage s'accom-
plit de suite, au milieu de la surprise et même
du dépit mal déguisés de la plupart des assis-
tants. Morris parle souvent dans ses lettres de
cette union comme lui ayant donné un bonheur
et une satisfaction constants. Malgré les charmes
de sa retraite, il ne cessa de prendre intérêt aux
événements du jour et de payer de son talent
en public, quand l'occasion le demandait. Il pro-
nonça l'éloge funèbre de Washington et ceux
de Hamilton et du gouverneur Georges Clinton.
En juin 1814, il fit un grand discours sur la
Délivrance de l'Europe du joug militaire ,
et, nommé président de la Société Historique de
New-York, il inaugura ces fonctions par un dis-
cours plein de tact et d'intérêt. Pendant les dix
dernières années de sa vie, il s'occupa avec
beaucoup de zèle du projet de canal du lac Érié
à l'Hudson. II en avait jugé avec sagacité l'ex-
trême importance pour mettre l'ouest et les
Grands Lacs en rapport intime et direct avec le
port de New-York. II fit faire des études et des
travaux préparatoires ; mais ce beau projet ne
fut exécuté que vingt ans après lui. Sa santé
avait conservé sa vigueur ordinaire, malgré les
attaques de son ancienne et tenace maladie, la
goutte. Mais à la fin d'octobre il fut saisi d'une
indisposition subite, qui en peu de jours fut re-
connue mortelle. Il laissa un très-jeune enfant.
G. Morris, comme tous les hommes pleins d'é-
nergie, avait l'habitude d'exprimer ses opinions
avec une franchise qui lui suscita parfois des
embarras. Il aimait le sarcasme et les reparties
piquantes, ce qui lui attira quelques ennemis.
Mais on rendait justice à sa droiture et à sa sin-
cérité de caractère , et ses excellentes qualités
lui avaient fait beaucoup d'amis. Une dame
française, la comtesse de Damas, née Langeron,
qui l'avait connu intimement pendant sa rési-
dence en France, et qui avait trouvé un refuge dans
sa maison à Seine-port pendant les journées de la
terreur, a tracé en plusieurs pages son carac-
tère dans les traits les plus flatteurs (mai 1795),
un an après le départ de Morris de France. Le
portrait est vrai, bien qu'on y voie la main
d'une amie; mais cette amie est franche et ne l'é-
pargne pas sur certains défauts auxquels nous
avons fait allusion. A l'extérieur, Morris ressem-
blait tellement à Washington, qu'à Paris il posa
comme modèle au sculpteur Houdon. J. Cbandt.
The Life 0/ Gouverneur Morris icith sélections from
kis correspondenre, by Jured Sparks. 8 vol.; Boston,
1832 ; traduit de l'anglais par Augustin Gandais, sous le
titre de Mémorial de G. Morris, homme d'État améri-
cain, 2 vol. in-8° ; Paris, 1842. — Encyclopxdia Ameri-
cana. — Cyclopsedia 0/ American Literature.
morrisok {Robert), orientaliste anglais,
né le 5 janvier 1782, à Morpeth (comté de Nor-
thumberland ) , mort le 1er août 1834-, à Canton.
Ses parents étaient d'humbles commerçants écos-
sais, qui ne lui donnèrent qu'une instruction élé-
mentaire. Sous la direction d'un ministre de
659 MORRISON
Newcastle, qui s'intéressa à lui, il apprit le latin,
l'hébreu et la théologie, et, après avoir passé
une année à l'académie non-conformiste de Hox-
ton, il fut admis dans la société des missions
(1805). Il opta pour la Chine, et se familiarisa
par des études sérieuses avec la langue de ce
pays. Dès qu'il eut reçu les ordres , il s'embar-
qua pour Canton (1807), devint en 1808 secré-
taire interprète près des subrécargues de la Com-
pagnie des Indes, et faillit en 1815 perdre cette
place , que lui seul au reste avait jusque là di-
gnement remplie , par suite de son zèle à ré-
pandre les livres sacrés. Il suggéra l'idée de fon-
der à Malacca un collège anglo-cbinois , dont la
présidence fut accordée à son collègue, le savant
Milne. Sa vie n'offre que de rares incidents, tels
que sa visite à Singapour (1822), son voyage et
son séjour en Angleterre (1824-1826), et son
second mariage; il faut y comprendre aussi la
part malheureuse qu'il prit à la mission de lord
Napier, et qui causa la fièvre pernicieuse dont
il mourut, à l'âge de cinquante-deux ans. On a
de lui : Horee Sinicse ; Londres, 1812, in-8°;
— A Grammar of the Chinese Language ; Se-
rampour, ?18i5, in-4° : cette grammaire était
prête depuis plusieurs années lorsqu'elle fut im-
primée par la presse des missions, aux frais de
la Compagnie des Indes ; — A Dictionary oj
the Chinese Language; Macao, 1815-1823,
3 vol. en 5 tora., gr. in-4°. D'après le plan pri-
mitif, abandonné par l'auteur, ce recueil devait
comprendre tous les caractères qui se trouvent
dans le grand Dictionnaire Chinois publié en
1716 en 32 vol. par ordre de Kang-hi, empereur
de la Chine, ainsi qu'un essai sur les caractères
majuscules et sur ceux de l'écriture courante, et
des exemples de leur emploi dans les phrases
les plus usitées. Rémusat a reproché à Morrison
de n'avoir pas suivi ce plan, de travailler à la
hâte et de trop restreindre son œuvre. Klaproth
lui a aussi fait les mêmes objections dans son
Dernier Mot (Paris, 1830, in-8°); — Dialo-
gues and detached Sentences in the Chinese
Language; Macao, 1816, gr. in 8°; — A View
of China, for philological purpose, contai-
ning a sketch of Chinese chronology, geo-
graphy, government, religion and cusloms;
Macao, 1817, in- 4°;— Paralleldrawn between
the two intended Chinese dictionaries, by
R. Morrison and A. Montucci , iogether
vyith Morrison's Hôrœ Sinicœ; Londres, 1817,
in-4°: l'éditeur de ce volume est Montucci lui-
même, auteur du parallèle; — Chinese Miscel-
lany, wilh translations and philological re-
marks ; Londres, 1825, gr. in-4"; — Vocabu-
lary of the Canton Dialect; Macao, 1828,
in-8°. Le principal ouvrage de Morrison fut sa
version chinoise de la Bible, qui parut depuis
1810 jusqu'en 1818, en parties détachées; elle
forme environ 30 vol. in-12, et a été fidèlement
exécutée d'après la version anglaise. Plusieurs
des livres de l'Ancien Testament ont été traduits
— MORSE c
par le docteur Milne. Morrison connaissait mie
que personne les imperfections de son ouvra^
et il travaillait à en donner une édition co;
plétement nouvelle lorsque la mort le surp
Son fils, John- Robert Morrison, né en 18 i
à Macao , lui succéda dans la place d'interpr
de la factorerie anglaise de Canton. En 184( j
accompagna l'armée à Shangaï et à Nankin, i
devint ensuite secrétaire colonial et membre
l'assemblée législative de Hong-Kong; il mou
dans cette île, en 1843. Il a publié un manuel! j
utile aux commerçants, sous le titre The Chin i
commercial Guide (Canton, 1834). K.
Memoirs of the Life and Correspoitdençe of R. ifc |
rison , compiled by Jiis ividow; Londres, 1839,2 i
in-8°. — A. de Rémusat, Journ. des Savants, août 1
— Convers.Lexikon.
morse (Jedidiah), géographe américain, i
en 1761, à Woodstock (Connecticut), mort M
juin 1826, à New^Haven. Attaché en 1789 com
ministre à l'une des paroisses de Charlestov i
il cessa ses fonctions en 1821, pour se retire!
New-Haven. Outre des livres de théologie el
piété , il a publié un abrégé de l'Histoire de
Nouvelle-Angleterre; un General GazetteX
un Report ofa Touramong the Indians (182
et un bon manuel, Geography of the Unitti
States, dont la première édition dafe de 17.
il a été traduit par Pictet, sous le titre de :
bleau de la situation actuelle des Étal
Unis d'Amérique; Paris, 1795, 2 vol. in-8°.
Allen, American Bioyraptiy.
* morse (Samuel-Finley Breeze), invl
teur du télégraphe électriqueet peintre américs
fils du précédent, naquit le 27 avril 1791-1
Charlestown (Massachusetts). Il fit ses éttM
à Yale, sous la direction du docteur DwiJ
Entraîné de bonne heure par un goût irréil
tible pour la peinture, il fit un voyage en 1
rope, en 1811, en compagnie de W. AllsM
artiste célèbre. A Londres il se lia d'amitié ai
C.-R. Leslie, travailla dans les ateliers de Wi«
et fit des progrès si rapides qu'il exposa j
1813, aux applaudissements des connaisseuj
Hercule mourant et l'année suivante Le ,}
gement de Jupiter, à l'Académie royale, i
1815 il retourna aux États-Unis, et s'établit ri
bord à Boston, puis à New-Hampshire, oui
gagnait sa vie à faire des portraits, qui étaij
faiblement rétribués. En 1820 il alla se fixe I
Washington, où il conçut et exécuta le pnl
de peindre l'intérieur de la chambre des repj
sentants et de l'orner des portraits de ses nttl
bres. Mais il ne retira aucun profit de cetravp
qui lui avait pris beaucoup de temps et causé H
des dépenses. Pour améliorer sa fortune, il vi y
en 1822, chercher de l'occupation à New-Yop
Ce fut là que pendant la visite de La Fayette ;f
États-Unis il fit le portrait de l'illustre ami f
Washington , et contribua à la fondation f
l'Athénseum. Pour se perfectionner dans son i
il entreprit, en 1829 , un nouveau voyage en 1
rope, visita particulièrement l'Angleterre,
361
MORSE
662
"rance, l'Italie, et s'arrêta quelque temps à Pa-
is et à Londres. Ce fut pendant son retour en
Amérique, en 1822, que lui vint l'idée du télé-
;raphe électrique. Sur le paquebot, un passager
e mit à parler des expériences qui venaient
'être faites avec Paris , sur l'électro-magné-
isme, dont Oersted et Ampère avaient ré-
élé la puissance mystérieuse; une discussion
'éleva an sujet de l'intervalle de temps que le
uide électrique emploie pour traverser un fil de
* de cent pieds de long. Sur la remarque d'un
es interlocuteurs , que la transmission est ins-
mtanée , Morse se demanda si l'on ne pourrait
as se servir de l'électricité comme d'un moyen
e transmettre la pensée à une distance quel-
Hique. Ce fut là pour lui un trait de lumière,
mnnenousTavonsentendu raconter à lui-même.
Quoi qu'il en soit, les plus grandes inventions
î découvertes dont le genre humain puisse se
orilier, ne sont jamais dues à un seul individu;
ueieurs hommes, appartenant des générations
à des pays différents, y ont en général plus ou
oins contribué. Tel est aussi le cas de la télé-
aphie électrique, la plus grande conquête que
génie de l'homme ait pu faire sur l'espace et le
Hïips, résultat de la plus belle application qu'on
:pu faire de la science. Après avoir observé que
lectricité parcourt les corps avec une rapidité
irême (plus de 70,000 lieues par seconde),
lanklin songea le premier à l'employer à la
fcnsmission des dépêches. Cette idée fut re-
lise par Le Sage à Genève, en 1774, près
h vingt ans avant l'invention de la télégraphie
Jrienne. Ce savant, dans le but d'employer
électricité statique à la transmission de la pen-
tje-, avait construit un appareil composé de
ogt-quatre fils conducteurs, séparés les uns
ts autres et plongés dans une matière iso-
ate. Chaque fil correspondait à un électro-
Ètre particulier. En faisant passer la décharge
une machine électrique ordinaire à travers tel
B tel de ces fils , on produisait à l'autre extré-
pté, où était suspendue une balle de sureau,
f mouvement représentatil de telle ou telle
Itre de l'alphabet. De 1780 à 1800, des essais
nnblables furent tentés en Allemagne par Rei-
|f, en Espagne par Salva et Bethancourt. Une
le nouvelle s'ouvrit pour ce genre d?expériences
lir la découverte de l'électricité à courant con-
Mk (voy. Volta). En 1811, Scemmering ima-
►» un appareil composé de trente-cinq filsiso-
15, qui aboutissaient à trente-cinq pointes d'or
Beéçs au fond d'une cuve pleine d'eau ; En re-
Ird de ces pointes se. trouvaient écrits les dix
lemiers nombres et les lettres de l'alphabet. Au
ornent où l'on mettait l'un de ces fils en con-
ît avec le pôle positif et un autre avec le pôle
> [gatif de la pile voltaïque, deux bulles de gaz,
lin d'oxygène et l'autre d'hydrogène, qui se
(gageaient aux deux pointes d'or correspon-
dîtes, indiquaient des signaux. Vers la même
loque, l'Américain Coxe proposa de substituer
au télégraphe aérien un système fondé sur la
décomposition des substances chimiques sous
l'action du courant de la pile de Volta. En 1819,
le célèbre physicien danois Œrsled signala l'ac-
tion exercée par les courants électriques sur
l'aiguille aimantée, et cette importante découverte
de l'électro-magnétisme fut bientôt suivie des
travaux si remarquables d'Ampère. Dès 1820 le
grand physicien français imagina un appareil
analogue à celui de Sœrnmering, et où le déga-
gement des bulles de gaz était remplacé par le
mouvement de petites aiguilles aimantées. Mais
tous ces systèmes avaient l'inconvénient d'être
trop compliqués; aussi tombèrent-ils bientôt
dans l'oubli.
Tel était l'état de la question , lorsqu'elle fut
reprise plus sérieusement par M. Morse. Après
plusieurs essais infructueux, il léussit à cons-
truire un appareil (recording eleclric tele-
grapli) qu'il fit fonctionner en 1835 dans l'édifice
de l'université à New- York. Deux ans après
Weatstone en Angleterre, etSteinheil en Bavière,
inventèrent, chacun de son côté, un appareil en-
tièrement différent de celui de Morse. Dès ce
moment le nombre de ceux qui suivaient avec
curiosité le développement de la télégraphie élec-
trique commença a grossir. Eu 1838, M. Morse
se rendit en Angleterre pouryprendre un brevet;
mais on le lui refusa, sous prétexte que l'inven-
tion avait déjà été publiée partiellement dans
le Journal du Commerce de New-York. Dans
la même année, il vint à Paris, et déposa un mo-
dèle de son instrument à l'Académie des Sciences.
Cependant, ce n'est qu'en 1 844 ( le 27 mai ) que
Je premier télégraphe électrique fut établi aux
États-Unis , entre Baltimore et Washington : la
première dépêche transmise fut l'annonce de l'é-
lection de James Polk à la présidence. L'année sui-
vante,^ gouvernement français,jalouxde concoa-
rir à la mise au jour d'une aussi grande invention,
demanda aux chambres une allocation de 240,000
francs. Plusieurs points restaient encore à éclair-
cir. La commission nommée par le ministre de
l'inférieur, et dont Arago faisait partie , s'était
d'abord posé la question que voici : « Peut-on
transmettre le courant électrique avec assez peu
d'affaiblissement pour que des communications
régulières s'établissent d'un seul trait, sans sta-
tion intermédiaire, par exemple entre Paris et le
Havre? » Pour répondre à cette question, la com-
mission fit passer le courant électrique par un fil
de cuivre, établi, le long du chemin de fer de
Rouen, sur des poteaux de bois placés de
50 mètres en 50 mètres , et fit revenir ce cou-
rant par un autre lil semblable, placé immédia-
tement au-dessous; son intensité était mesurée
, par la déviation que le courant imprimait à une
aiguille de boussole. On trouva ainsi que le
courant produit à Paris et transmis à Mantes,
le long du premier fil, revenait par la terre beau-
coup mieux que par le second fil : la terre fai-
sait donc, dans cette expérience, un conducteur
663
MORSE — MORTCZINNI
66
beaucoup plus utile que le second fil métallique.
On se demanda ensuite : Comment est-il pos-
sible avec un seul courant d'effectuer des signes
différents ? En d'autres termes , comment peut-
on produire cette intermittence de mouvement
si nécessaire dans toute application d'une force
quelconque? — On sait qu'en faisant circuler un
courant électrique le long d'un fil roulé en hélice
autour d'une tige de fer doux on aimante cette
tige momentanément, mais non pas d'une manière
permanente, comme on le ferait si au lieu de
fer doux en employait de l'acier. Le fer doux
ainsi aimanté peut, tout comme l'aimant per-
manent, attirer une pièce de fer neutre. Mais
avec le premier il suffit d'interrompre le courant
pour arrêter le mouvement, tandis qu'une telle
intermittence ne pourrait s'obtenir avec l'aimant
permanent. Là est tout le secret du procédé : c'est
en faisant naître et disparaître alternativement la
force attractive dans une masse de fer qu'on peut
transmettre à une seconde station tous les signaux
partis d'une première. De ce principe si simple
découlent les divers systèmes télégraphiques ima-
ginés depuis. D'après ce qui précède, il sera facile
de comprendre lesystèmequi fut d'abord inventé
par M. Morse. A la station où doit arriver la dé-
pêche, ayons une longue bande de papier
qui puisse se mouvoir entre deux rouleaux au
moyen d'un mécanisme quelconque. Au-dessus
•de la bande de papier se place la pièce de fer,
destinée à être alternativement aimantée et non
aimantée : son mouvement de bascule entraîne
un pinceau. Au moment où le courant passe, la
pièce est attirée par une masse de ferstation-
naire; elle bascule, et pousse le pinceau jusqu'au
papier. C'est de la durée de ce courant que dé-
pendra la variété des signaux. S'il ne dure qu'un
instant, le pinceau ne tracera qu'un point; s'il a
duré un peu plus , le pinceau ne se relèvera
qu'après avoir imprimé sur le papier un trait
d'une longueur sensible. On peut ainsi faire suc-
céder un point à un point, un point à un trait,
intercaler un point entre deux traits, un trait
entre deux points, etc., produire, en un mot,
tous les signaux nécessaires à la correspondance
la plus variée. Avec le procédé de M. Morse,
qui reçut bientôt en France d'importantes mo-
difications, on parvint dès 1845 à noter jus-
qu'à 84 signaux dans une minute. Ce procédé
fut en 1831 adopté en Allemagne, et en 1856
les différents gouvernements, représentés au
congrès de Paris, allouèrent à l'illustre inventeur
une somme de 400,000 fr., à titre de récompense.
M. Morse, passionné pour tout ce qui est vrai,
utile et beau , n'a pas renoncé à son art favori ;
heureux au sein de sa famille, il continue de cul-
tiver la peinture avec succès dans sa résidence de
Locust-Grove, deux milles au sud de Ponghkeep-
sie , sur les bords de l'Hudsoo. F. Hoefer.
Shaffner, Telenraph Companion , vol. I et II (New-
York ) ; 185*. — Ttie Guide (Journal Américain ), p. 61. —
Moniteur du 29- avril 1845 [Discours- de M. Arago à la
chambre des députés.— Documents particuliers.
mouso (Salvatore), érudit italien, né le
février 1766, à Palerme, où il est mort, le 14 f
vrier 1828. Après avoir été reçu docteur (
philosophie , il embrassa l'état ecclésiastique,
trouva dans l'archevêque Airoldi un bienveilla
protecteur de ses travaux. Il s'adonna princip;
lement à l'étude des langues orientales , puis
celle des antiquités de la Sicile. En 1814 il ,
partie de la chambre des communes et en 18!
il devint recteur de l'université de Palerme, (
pendant plusieurs années il avait occupé la chai ■
d'arabe. On a de lui : Locmanni sapientis F
bulse arabicas, cum interprétations latina
notis Thomas Erpenii; accedunt notae, lex\
con arabico-latinum et primorum gramrn
tices elcmentorum tabulée; Palerme, 179
in-8° ; — Spiegazione di due lapidi esister<
nella chiesa di San-Michele Arcangelo; ibk
1813, in-4°; — Sistema di tachigrafia itë
liana; ibid., 1813, in-8°; — Desciizione I
Palermo antico ; ib\à., 1827, in-8"; cetouvrag
le meilleur de l'auteur, avait déjà paru dans
Giornale letterario di Sicilia (tomes VIII
XIII ). P.
Mortillaro, Elogio di S. Morso, dans le t. Ier de 1 1
Opère (Palerme, 1835).
mortagne (Gautier de). Voy. GautieI
mortagon, roi des Bulgares, tué en 82
En 815, peu de temps après son avènement,
conclut la paix avec l'empereur grec Léon, do ;
les troupes venaient de traiter le pays bulga '
avec la plus grande cruauté. En 823, apprena
le danger que courait l'empereur Michel le Bègi
assiégé dans Constantinople par l'usurpate
Thomas , il annonça à Michel qu'il marchail
son secours ; l'empereur, très-avare et craigna
d'avoir à payer chèrement l'aide des Bulgare
manda à Mortagon qu'il saurait bien se défend
tout seul contre Thomas. Mais le roi, avide ji
butin , prétendit être obligé par son traité avj]
Léon de secourir l'empire; il vint avec une al
mée considérable camper devant Constantinop
à quelque distance des rebelles. Attaqué parTh
mas , il remporta une éclatante victoire , q la
consolida le trône de Michel. En 826 Mortagi
fut tué, tandis que ses ambassadeurs étaient
la cour de Louis le Débonnaire pour traiter d
limites de leur pays. 0.
Cedrenus. — Zonaras. — Eglnhard, annales.
mortczisxi (Frédéric-Joseph, baron de ! i
sectaire allemand , né àBautzen, vers le ni N
lieu du dix-septième siècle, mort après 179
Il s'appelait en réalité Jean-Théophile He>i
mann. En 1779 il se fit inscrire sous le fai j
nom de Morlczinni parmi les étudiants en" thé 1
logie à l'université de Wittemberg, prétenda
avoir subi en Moravie de cruelles perséci
tions à cause de sa religion. Pendant les anné
suivantes, il parcourut une grande partie < "
l'Allemagne du nord et plusieurs villes de Pu |
logne, prêchant, élevant des controverses rel
gieuses, et faisant de nombreux disciples, qu
365 MORTCZINNI —
ntéressait à son sort par des récits merveilleux. |
in 1786 il s'établit à Copenhague, et voulut y
onder une loge de francs-maçons en concur-
ence avec celle qui existait déjà ; son entreprise
\ choua. Les nombreux ennemis qu'il s'était faits
[ar son humeur agressive et violente décou-
| rirent qu'il était (ils d'un marchand d'écureuils,
' u'il n'avait jamais fait d'études , que , placé
', ar son père chez un avoué, il setait sauvé
' ientôt après de sa ville natale, où il avait laissé
i l réputation d'un mauvais sujet Ces décou-
ertes n'empêchèrent pas plusieurs personnes
;e lui confier l'instruction religieuse de leurs
ifants ; cependant en se vantant publiquement
l1 pouvoir enseigner selon le désir de ses
i\ èves les dogmes des trois confessions chré-
innes, il donnait la mesure de sa valeur. On
|[î sait pas ce qu'il est devenu à partir de 1790.
I a publié plusieurs opuscules théologiques et
cétiques. O.
l-i Roterniund , Suppl. à JOclier. — Meuscl , lex.
■ mortellari (Michèle), compositeur ita-
l«n, né en 1750, à Païenne, mort vers 1810.
■nvoyé à Naples, où il reçut des leçons de Pic-
Bai , il n'avait que vingt ans lorsqu'il écrivit à
■tome son premier opéra, intitulé : Troja dis-
muita. Il parcourut ensuite les principales villes
Italie, et se fit connaître par plusieurs ouvrages,
l'on trouve des morceaux d'une facture
iréahle et facile. Vers la fin de 1785 il se rendit
■ondres, et y publia plusieurs recueils de chan-
ts et d'ariettes, remarquables par une certaine
iveté. Des douze opéras qu'il a fait représen-
nous citerons Didone abbandonata (1771),
Astuzie amorose (1775), Êzio (1777), Ar-
'a (1778), Alessandro nelV Itidie (1779), et
ramide (1785). P.
Is, liiogr. univ. des Musiciens.
ORTEMAKT, ancienne famille française des
inches de la famille de Rocheçhouart; elle a
mr tige Guillaume, second fils d'Aimery VIII,
imte de Rocheçhouart, mort en 1272.
mi ses descendants, les plus connus sont :
àmery Ie?, sénéchal de Toulouse et d'Albi-
en 1351, et capitaine pour le roi en Poitou,
iusin et Saintonge.
rean 1er, mort vers 1444, chambellan de
iiarles VII, qui lui donna en 1426 le gouverne-
lent de La Rochelle.
\enè, baron de Mortemart, né en 1528, mort
1587. Dès l'âge de quinze ans il suivit son
e François au siège de Perpignan ; ensuite il
trouva au siège d'Épernay, à la défense de
itz (1552), à Hesdin, où il fut pFis les armes à
main , aux prises de Poitiers et de Rouen, et
batailles de Saint-Denis , de Jarnac et de
•nteontour. Il fit de grandes dépenses pour
•venir aux frais de la guerre contre les hugue-
ts, et commanda une compagnie d'ordonnance,
| e l'on citait comme l'une des mieux entrete-
es de l'armée royale. Henri III lui donna en
10 le collier du Saint-Esprit. De son mariage.
MORTEMART 666
avec une fille du maréchal de Tavannes, il eut
dix enfants, dont deux, René et Aimé, devinrent
chefs des branches deMonlpipeauetde Tonnay-
Cliarente.
Gabriel, marquis, puis duc de Mortemart,
né en 1600, mort le 26 décembre 1675, à Paris.
Il fut chevalier des ordres, premier gentilhomme
de la chambre et gouverneur de Paris. 11 se fit
remarquer à la cour par son esprit , son amabi-
lité et son instruction. Il obtint en 1650 l'érec-
tion du marquisat de Mortemart en duché-pairie;
mais les lettres patentes ne furent enregistrées au
parlement que le 15 décembre 1663. Il est moins
célèbre par lui-même que par ses enfants, le duc
de Vivonne, Mmes de Montespan et de Thianges
etl'abbesse de Fontevrault [voy. ces noms). P. L.
MORTEMART ( LoUÎS DE ROCHECHOUA.RT, duc
de), général français, né le 3 octobre 1681,
mort le 30 juillet 1746, à Soisy-sous-Étiolles.
Arrière-petit- fils du précédent, il porta d'abord
le nom de prince de Tonnay- Charente, et prit
celui de duc de Mortemart à la mort de son père
<3 avril 1688). Entré aux mousquetaires en 1699,
il eut une compagnie de cavalerie (1700), avec
laquelle il fit une campagne en Italie, et devint
colonel du régiment de son nom (30 mars 1702).
Après avoir servi en Allemagne et en Flandre, il
contribua, en 1707, sous les ordres de Villars, à
la soumission du Palatinat , combattit à Oude-
narde et à Malplaquet, et se distingua par plu-
sieurs actions d'éclat à la défense de Douai.
Créé maréchal de camp (1710), il continua de
servir en Flandre, passa en 1714 en Catalogne,
et assista au siège et à la prise de Rarcelone. Le
30 mars 1720, il fut nommé lieutenant général.
En 1710 il avait remplacé le duc de Beauvilliers,
son beau-père, dans la charge de premier gentil-
homme de la chambre. P. L.
Moréri, Grand Dict. Hist. — Le Mercure, juillet 1746.
mortemart (Victurnien-Jean -Baptiste-
Marie de Rocheçhouart, duc de), général fran-
çais, né à Éverly (Seine-et-Marne), le 8 février
1752, mort à Paris, le 4 juillet 1812. Élève de
l'école d'artillerie de Strasbourg en octobre 1768,
il fut nommé le 20 mars 1774 colonel du régi-
ment de Lorraine , brigadier d'infanterie le
Ier janvier 1784, et maréchal de camp le 9 mars
1788. La noblesse des bailliages de Guéret et de
Sens le députa aux états généraux ; mais il se
démit de ces fonctions en 1789, et émigra. Il fit
à l'armée des princes la campagne de 1792, et
passa ensuite en Angleterre, où le roi Georges III,
qui l'accueillit avec bienveillance, lui permit de
lever un corps de Français émigrés, que paya le
gouvernement britannique, et dont il prit le
commandement. Il revint sur le continent en
octobre 1794, fit partie des troupes qui en 1795
débarquèrent à Guernesey, et passa l'année sui-
vante au service du Portugal, où il demeura jus-
qu'en 1802, époque où le régiment qu'il com-
mandait fut licencié. De retour en France , H
devint, le 26 mars 1812, membre du conseil gé-
66T MORTEMART
néral de là Seine, mais ne remplit que fort peu .
de temps ces fonctions. Il cultivait les lettres, et a
laissé inédits un poëme biblique, intitulé : Joseph
en Egypte, une traduction du Paradis perdu de
Milton et diverses poésies légères. H. F.
De Courcelles, Dict. des Pairs de Franee, VIII.
mortemart ( Victurnien - Bonaventure-
Victor de Rochechouart, marquis de), général
français, frère du précédent né à Éverly ( Seine-
et-Marne), le 28 octobre 1753, mort à Paris, te
16 janvier 1823. Entré en octobre 1768 à l'école
d'artillerie de Strasbourg, il fut nommé capitaine
dans le régiment de Navarre, et passa ensuite dans
celui de Lorraine, dont son frère aîné était colonel.
Devenu, en 1778, colonel en second du régiment
de Brie, il reçut en mai 1784 le brevet de colonel
commandant de celui de Navarre, et fut nommé
maréchal de camp, le 1er mai 179L Député à
l'Assemblée constituante par la noblesse du bail-
liage de Rouen , il y manifesta son attachement
aux principes monarchiques, et se montra, mais
en vain, un des défenseurs du trône. En 1791
il suivit les princes dans leur émigration et après
avoir fait sous leurs ordres la campagne de 1792,
il prit un commandement dans un corps de Fran-
çais émigrés à la solde anglaise, levé par le duc,
son frère, et y servit comme lieutenant-colonel.
Il accompagna ce dernier sur le continent en oc-
tobre 1794, puis à Guernesey en 1795, et passa
l'année suivante en Portugal , d'où la paix d'A-
miens lui permit de rentrer en France, en 1802.
M. de Mortemart fut nommé en 1809 membre du
conseil général de la Seine-Inférieure, et ce furent
les seules fonctions qu'il remplit sous l'empire. A
son retour, Louis XVIII le fit lieutenant général,
le 3 mars 1815, et l'éleva à la pairie, le 17 août
suivant. H. F.
Éloge du marquis de Mortemart, prononcé par le duc
de Crillon à la chambre des pairs, séance du 12 février
mortemart (Victor-Louis-Victumien de
Rochechouart, comte, puis marquis DE),°pair de
France, fils du précédent, né à Colmesnil (Seine-
Inférieure), le 12 août 1780, mort à Paris, le 29
janvier 1834. Il émigra avec sa famille en 1791,
et après avoir terminé son éducation en Alle-
magne, comme il ne pouvait tomber sous le
coup des lois portées contre les émigrés, il ren-
tra en France au mois d'avril 1799, et trois ans
après il épousa-Anne-Éléonore Pulchérie de
Montmorency, qui le 10 février 1806 fut nommée
dame du palais de l'impératrice. Le comte de Mor-
temart fut lui-même pourvu en 1808 du gouverne-
ment du château de Rambouillet et devint l'année
suivante membre de la Légion d'Honneur. Après
la restauration, il fut en 1819 et 1820 président
de l'une des sections du collège électoral de la
Seine -Inférieure, et succéda comme pair de
France à son père, dans la séance du 10 avril
1823. Le roi le nomma l'année suivante prési-
dent du conseil général de son département, et
Charles X le fit commandeur, puis grand-officier
de la Légion d'Honneur (22 mai 1825 et 29 oc-
tobre 1826). Ces faveurs royales n'empêchèrt
point le marquis de Mortemart de prêter s
appui au gouvernement de Juillet. II a laissé
assez grand nombre de poésies manuscrit!
notamment une imitation d'Obéron, de Wielai
H. F,
De Courcelles. Dict. des Pairs de France, Vin. _ j
niteur univ., 1834, p. 212.
* mortemart (Casimir-Louis-Victurm '■
de Rochechouart, duc de), diplomate et géi
rai français, né à Paris, le 20 mars 1787. Fils '
V.-J.-B.-M., duc de Mortemart et d'Adélaïd
Pauline-Rosalie de Cossé-Brissac, il émigra
1791 avec sa famille, qui le fit élever en /|
gleterre , et ne revint en France qu'en 18< j
Entré au service, dans les gendarmes d'J
donnance, en septembre 1803, il obtint i
sous-lieutenance au 1er régiment de dragc
(10 février 1806), et fit les campagnes
Prusse et de Pologne. Il assista aux comb
de Pultusk et de Golymin, où il fut blessé,
la fermeté avec laquelle il soutint à FriedU
les attaques des Russes lui mérita la croix
la Légion d'Honneur (1er octobre 1807). Lii
tenant au 25e régiment de dragons et aide-i
camp du général Nansouty (2 et 10 mars 18C<
il devint capitaine au même corps (26 jui
suivant), et se distingua aux journées de Rai
bonne, d'Essling et de Wagram. Napoléon
le nomma (12 février 1811) l'un de ses offici
d'ordonnance et le chargea de plusieurs missii
importantes, entre autres de l'inspection gé
raie des côtes de Hollande et de Danema
M. de Mortemart rejoignit 4a grande armé
Posen et fit en 1812 la campagne de Russie, p
dant laquelle il reçut le titre de baron de 1!<
pire. Échappé aux désastres de la retraite
Moscou, il rentra en France avec une santé
lement délabrée qu'il ne put prendre part qu'i
derniers événements de la campagne dé 18
Il combattit néanmoins à Leipsick et à Han:>
et sa conduite dans cette dernière bataille
valut d'être promu officier de la Légion d'H<
neur (30 novembre 1813). Dans la campagne
1814, il fut chargé de présenter à Marie-Lot;
les drapeaux pris sur les alliés à Champ-Aubi
à Nangis et à Montereau, et se trouvait à 1
ris au 31 mars. Un des premiers, il adhi
à la déchéance de Napoléon ; Lonis XVIII
nomma pair de France (4 juin 1814), et ca
taine-colonel des Cent-Suisses de sa garde, pi
occupée avant la révolution par le duc de Bi
sac, son aïeul maternel. Créé chevalier de Sai
Louis (25 août), il escorta les princes au 20 m
1815 jusqu'à Béthune, où la maison militaire
roi fut licenciée, rejoignit peu après Louis XV
à Gand, et rentra avec lui au mois dejuilleti
vant. Grâce à ses connaissances militaires ,
réorganisa sur de nouvelles bases sa compng
des gardes à pied ordinaires du roi, et en fit
véritable corps d'élite. Ses services et sa fidé
furent successivement récompensés parles tit
9 MORTEMART
major général de la garde nationale de Paris
» octobre 1815), de maréchal de camp (22 no-
nbre), de chevalier des ordres du roi (30 mai
>5), d'ambassadeur en Russie (mars 1828),
enlin de lieutenant général (23 octobre sui-
it). De relour de Saint-Pétersbourg, en 1830,
e ren lait aux eaux lorsque, passant à Ver-
les, il apprit les événements qui se dérou-
■ntà Paris,, et accourut aussitôt à Saint-Cloud,
il supplia le roi de prendre de promptes me-
ts. Charles X, après avoir longtemps résisté,
l faire à la révolution une concession suffi-
le en autorisant ( 29 juillet ) M. de Morte-
rt à former un nouveau cabinet, dont il le
nma président. Le duc refusa d'abord, pré-
lant qu'un tel fardeau était au-dessus de ses
:es; vaincu cependant par l'insistance du roi,
descendit jusqu'à la prière, il accepta, et
int du monarque le rapport des ordon-
ees, le rétablissement de la garde natio-
; et la convocation presque immédiate des
rabres. Malheureusement son retard, en-
ragé par l'entêtement de Charles X, à se
tenter en personne à la réunion des députés
sidée par Laffitte, et à l'hôtel de ville, où il
oya le comte de Sussy, contribua à la dé-
once de la branche aînée , et ce fut à lui que
ard, député de Seine-et-Oise, répondit le mot
eou célèbre : « II est trop tard ! » S'installant
omoins au Luxembourg, M. de Mortemart pré-
i quelques projets de loi destinés à conjurer
situation, eut une entrevue avec le duc d'Or-
ts, qui l'assura de son inaltérable dévouement
ichef de sa race; mais le 31 juillet, après
»r vu son autorité méconnue dans les bureaux
'■Moniteur, repoussée par la chambre des
otés et insultée à l'hôtel de ville, le dernier
istre de Charles X reconnut son impuissance
«prit le chemin de Saint-Cloud.
''ne fois la révolution consommée, M. de Mor-
lart, qui déjà dans la chambre des pairs s'é-
signalé par quelques votes favorables à la
se libérale, prêta son concours à la nouvelle
astic, qui le 5 janvier 1831 le nomma am-
sadeur extraordinaire en Russie, le chargea
ae mission spéciale auprès de l'empereur Ni-
ts et le promut (8 janvier 1831 ) grand'. croix
a Légion d'Honneur. En octobre de cette an-
, il succéda définitivement au maréchal duc
Trévise comme ambassadeur à Saint- Pé-
bourg, et conserva ce poste jusqu'en 1833.
moment écarté de la scène politique , par la
olution de février, il fut le 31 août 1849 ré-
i dans le cadre de l'état-major général , et
ant rall.ié au parti napoléonien, il reçut plus
1 le commandement de la 19e division mili-
e (Bourges). Un décret impérial du 27 mars
2 l'appela à siéger au sénat. H. Fisqbet.
Blanc, Histoire de Dix Ans, tome I, chap v et vi.
)e Vaulabclle, Histoire des deux Restaurations ,
'. VIII, ch. v et vi. — A. Mazas, Mission de M. de
•temart. — S Bérard, Souvenirs historiques. — Châ-
briand , Mémoires.
MORTIER
670
5 mohtemakt-eoisse ( François- Jérôme-
Léonard, baron de), littérateur et agronome fran-
çais, né le 12janvierl785,àVersailles. 11 descend
d'une ancienne famille originaire de la Marche(l).
Admis fort jeune au service, il se distingua au
siège de Stralsund (1807), au combat de Nen-
mark et à la bataille d'Essling (1809), où il ob-
tint la croix d'Honneur. Les blessures qu'il avait
reçues pendant cette journée le forcèrent à
prendre sa retraite comme adjudant - major.
Nommé en 1813 sous-préfet de Remiremont, il
organisa contre les Russes la levée en masse de
l'arrondissement. Après le 20 mars 1815, il
exerça les mêmes fonctions au Havre et fut ap-
pelé dans le mois de juin à la préfecture d'Eure-
et-Loir ; mais il donna presque aussitôt sa dé-
mission. Depuis cette époque il s'est occupé de
travaux littéraires et agricoles. Il est membre
d'un grand nombre d'ordres étrangers et de so-
ciétés savantes. On a de lui : Recherches sur
les différentes Races de Bêtes à laine de la
Grande-Bretagne ; Paris, 1824, in-8°; — Con-
sidérations sur Vindustrie anglaise; Paris,
1826, in-8% — Des Races ovines de l'Angle-
terre, ou guide de l'éleveur de moutons à
longue laine; Boulogne-sur-Mer, 1827, in-8°;
— Le Touriste, histoire, voyages et scènes
intimes; Paris, 1834, in-8°; — Voyage pitto-
resque dans le grand-duché de Bade; Paris,
1836, in-4°, fig. ; — Nécessité de modifier l'é-
tat actuel de la législation sur les biens com-
munaux; Paris, 1839, in-8°; — Voyage dans
les landes de Gascogne; Paris, 1840, in- 8°;
l'auteur y rend compte des progrès qu'a réalisés
la colonie agricole d'Arcachon ; — La Vie élé-
gante à Paris ; Paris, 1857, 1858, in- 18.
M.de Mortemart-Boisse a été l'un des fondateurs
de la Revue des Deux Mondes, où il a publié
divers articles historiques et littéraires. 11 a col-
laboré au Cultivateur, à La Maison rustique,
à L'Europe littéraire et au Cent et un sous le
nom de lord Wigmore; aux Heures du soir
sous celui de lady Mortimer ; au Livre rose
sous celui de la comtesse de Marle-Mortemart,
son aïeule; au Panorama littéraire, au Plu-
tarque français, au Livre des Conteurs, etc.
P. L-Y.
Les Tablettes militaires. — Ae Biographe et le Nécro-
loge. — Daniel de Saint- Anthoine, Biogr. de Seine-et-
Oise, II. — Quérard,ia France littér.
mortier {Jérôme du), latiniste flamand,
né à Lille, en 1520, mort dans la même ville, en
1580. Il pratiqua quelque temps le barreau de
Louvain ; mais s'étant marié, en 1547, avec une
riche demoiselle de Bruges, de la famille La Ca-
pelle, et dont il eut quinze enfants eu quinze
ans (2), il s'adonna exclusivement aux belles-
(1) Son père, Marc-Marie, né le 6 juin 17S6, à Paris,
était ûls d'un consul général qui sauva,, en 1747, étant à
Malaga, l'esradre française sous les ordres du chevalier
d* Plosia. 11 se retira sous l'empire avec le grade de lieu-
tenant-colonel
(2) Cette dame mourut en 15C2, âgée de trente-cinq
671
MORTIER
lettres et au bonheur intérieur. 11 mourut de la
maladie pestilentielle qui dévasta les provinces
du nord de la France en 1580. Le devise de Du
Mortier était : Mors omnia solvit,fœdera, ami-
citias et connubialia jura. On ade lui un recueil
( posthume ) de poésies, en vers élégiaques, divisé
en cinq livres : De studiis auctoris ; De Rébus
Bello gestis ; De Bacchanalibus ; De Funeri-
bus; De Amore et Odio; Arras, 1620, in-8°.
L — z — e .
Paquot , Mém. pour servir à l'hist. Utt. des Pays-Bas,
t. II, p. 21-23.
mortier {Nicolas du), helléniste belge, né
à Tournai, en 1639, mort à Rome vers 1710. Il
fit ses études au collège du Lys à Louvain, et en
1658 se rendit en Italie, où il fit profession chez
les Clercs réguliers. Il enseigna longtemps la
théologie à Rome, et devint général de sa congré-
gation vers 1700. On a de lui : Etymologix sa-
crée Grœco- Latinse, seu e Grœcis fontibus de-
promptae, in quibus omnia pêne vocabula ab
Hellade oriunda, ad theologiam positivam ,
scholasticam etmoralem spectantia in didac-
ticis , polemicis et hieroistoricis magis obvia
explicantur, enucleanlur, variis eruditio-
nibus ïllustrantur, etc. ; Rome, 1703, in-fol.
Cet ouvrage peut servir à peine aux personnes
qui, ne sachant pas le grec, veulent apprendre la
signification des mots latins empruntés à cette
langue. L'auteur s'y est attaché particulièrement
à développer les étymologies ; mais il y donne
souvent des définitions arbitraires. C'est ainsi
qu'au mot prjpvXXiov (beryllus) (1) il répète que
cette pierre arrête les catarrhes et guérit les
maux d'yeux. « C'est pourquoi, ajoute-t-il, on en
fait une application à saint Thomas, lorsque cet
apôtre toucha les plaies du Sauveur ressuscité.
Par la même raison, et pour quelques autres ef-
fets du béryl, cette pierre est le symbole du
dernier jugement, dont le souvenir guérit de tous
maux, etc. » Cette citation peut faire apprécier
les tendances de l'auteur. Il manque d'ailleurs
dans son livre un grand nombre de mots (f un
usage fréquent. L — z — e.
Archives de Louvain. — Hélyot, Histoire désordres
religieux, 1. IV, p. 263-274.
mortier ( Edouard- Adolphe-Casimir- Jo-
seph), duc de Trévise, maréchal de France, né
au Cateau-Cambrésis, le 13 février 1768, mort
à Paris, le 28 juillet 1835. Fils d'Antoine- Charles-
Joseph Mortier, député aux états généraux, il fit
de bonnes études au collège des Irlandais, à
Douai, et fut destiné par sa famille à la carrière
commerciale. Les goûts du jeune homme le por-
taient vers l'état militaire, et en 1791 il obtint
une sous-lieutenance dans un régiment de cara-
biniers. Cette même année, ses compatriotes le
nommèrent capitaine d'une compagnie dans le
1er bataillon du département du Nord,, et il fit
ans. Du Mortier se remaria avec une demoiselle de I.an-
noy, de Lille; mais cette fols il n'eut pas d'enfants
(l) Nom que les anciens donnaient à une sorte d'éme-
raudc qui tirait sur le jaune.
ses premières armes à l'affaire de Quiévrain, i
il eut un cheval tué sous lui (28 avril 17î .
Les champs de bataille de Jemmapes, de D -
winde, de Sellemberg, près Louvain, furent: Le
cessivement témoins de sa valeur, et sa cond e
à la journée d'Hondschoote lui valut le gi e
d'adjudant général (16 octobre 1793). Blé
d'un coup de mitraille au moment où il se ) » fa
dait maître du village de Dourlers, au débl< 3
de Maubeuge, il se signala de nouveau à M< J|
à Bruxelles, à Louvain, à Fleurus, fut emp é
sous Kleberau siège de Maëstricht, ety futch. é
par le général Poncet d'attaquer le fort Sô j-h
Pierre, qu'il força de capituler. Il se trouva m
suite sous les ordres de Marceau au passag a
Rhin, à Neuwied. En 1796, commandants
avant-postes de l'armée de Sambre et Me ,
Mortier, qui le 31 mai avait culbuté les Ai il
chiens au delà de l'Acher, tourna le lendem ,
dans les plaines d'Ems, la gauche du princ e
Wurtemberg, que le général Lefebvre attac it
de front, et par ce mouvement le contraignit 1-
bandonner (4 juin) la position d'AltenkircI ,
avec une perte de six mille hommes et de < e
pièces de canon. A la bataille de Friedber il
passa de vive force la Nidda, fit à l'ennemi < H
mille prisonniers à Wildendorff (4 juillet), s 9
para successivement de Giessen , de Gemun. 1,
de Schweinfurt, et obligea le général Wartei \-
ben, qui avait capitulé à Francfort , de qn ib
Wurtzbourg et de se replier sur Bambers m
8 août, au combat d'Hirscheid, il remplaça l'a If
dant général Richepanse, blessé, dans le comt te
ment de la cavalerie, et dans son rapport ra
ce combat et sur le passage de la Rednitz, Kl H
fait le plus grand éloge de la conduite, du ilm
froid, de la bravoure et de la présence d'eB
de Mortier. Après avoir négocié avec l'élec |î
l'occupation de Mayence par les Français (3( f*
cembre), et après la paix de Campo-Fol(H
( 17 octobre 1797 ), il ne crut pas devoir acc<ffl
le grade de général de brigade, qui lui fut 0! 1.
et demanda le commandement du 23e régi) sj
de cavalerie, qu'on lui accorda; mais touteft |ib
fut de nouveau nommé, en 1799, général dew
gade, et envoyé à l'armée du Danube, où il irai
manda les avant-postes de l'avant -gardffli
obtint encore de nombreux succès, se trn
(25 mars 1799) à la prise de Lieptingen lij
tous les combats qui eurent lieu en avant ( m
fembourg. Promu général de division (25 M
tembre suivant), il fut appelé au commandeme M
la quatrième division del'arméed'Helvétie,ei W
aux Russes le village de Vellishoffen, match M
Schwitz avec Masséua pour attaquer Souw "
dans le Muthenthal, et concourut puissamm<
l'expulsion du feld-maréchal russe du terri
helvétique. Il était allé prendre le commandeijat
de la deuxième division de l'armée du Dan je,
lorsqu'un arrêté du gouvernement consu
(29 mai 1800) l'appela au commandement ■<
1 6* division militaire, dont le chef- lieu était JP
373 MORTIER
après la rupture du traité d'Amiens et à la re-
irise des hostilités contre l'Angleterre, Mortier
•eçut l'ordre de s'emparer de l'électorat de Ha-
lovre. Il partit à cet effet de Nimègue ( 15 avril
803), et par ses lionnes dispositions contraignit
e feld -maréchal Walmoden à repasser l'Elbe et
: conclure (2 juin) une capitulation qui fut
ignée vis-à-vis de Sublingen, dans un bateau,
I ii milieu du fleuve. Cette convention déclarait
; armée hanovrienne prisonnière, et rendait la
France maîtresse de tout l'électorat, et particu-
\ èrement des embouchures de l'Elbe et du We-
mst. Pendant son séjour en Hanovre, Mortier
legularisa l'administration de ce pays, réprima
(es dilapidations et des abus, et s'attacha sur-
i)iit à prévenir les envahissements d'autorité et
i soutenir le faible et le fort. A son retour à
jaris, il fut nommé l'un des quatre généraux de
(Vision commandant la garde des consuls , et
légalement l'arme de l'artillerie.
i Napoléon Bonaparte, devenu empereur, conti-
nt Mortier dans la première promotion de ma-
i chaux qu'il fit, le 19 mai 1804,1e nomma
I juin) chef de la 2e cohorte, grand-officier de
I Légion d'Honneur, et lui donna le grand-cor-
in de cet ordre, le 2 février 1805. Appelé, en
Iptembre suivant, au commandement d'un des
irps de la grande armée d'Allemagne , le mâ-
chai Mortier se dirigea en octobre sur la rive
nuche du Danube , coupa les communications
\ l'armée russe avec la Moravie, et, à la tête
lune colonne composée seulement de quatre
Mlle six cents combattants, il rencontra (Il no-
fembre) au village de Leoben l'armée entière
Ij général Kutusoff, forte de trente mille hommes,
» combattit avec courage malgré l'infériorité du
tonbre, et fut heureusement secouru au
ornent où il allait succomber. Ce combat, l'un
îs plus mémorables de la campagne, en fut
issi l'un des plus meurtriers, et les deux partis
attribuèrent la victoire. La ville natale du ma-
tehal voulut éterniser ce brillant fait d'armes
r un monument ; Mortier refusa cet honneur.
i 1806,1'empereur l'ayantchargé d'occuper tou-
B les places de l'électorat deHesse-Cassel, il en-
à Cassel leler octobre, et soumit sans combattre
lit le pays. De laHesse, Mortier marcha sur le
inovre, et arriva le 19 novembre à Hambourg,
, à la prière de Bourriennê", qui y était ministre
énipotentiaire, il se borna à confisquer les pro-
jetés anglaises et à mettre en arrestation les
ais, au lieu de saisir, comme le portaient ,
i-on, ses instructions, une somme de 80 mil-
is de marcs banco déposée à la banque de
te ville. Le maréchal, s'avançant ensuite par le
Bys de Mecklembourg, envahit la Poméranie", et
Ijita le siège de Stralsund , où toutes les troupes
Ëédoises s'étaient retirées. Le petit nombre de
dats qu'il avait à sa disposition ne lui permit
ftint cependant de poursuivre activement ce !
ge, et au commencement d'avril 1807 il porta I
ii quartier général à Grimmen. Le 16 de ce !
NOUV. BJOGR. GÉNÉR. T. XXXVI.
674
mois il battit les Suédois à Ancklam, et le sur-
lendemain il conclut à Scklaskow, avec le gé-
néral d'Essen , une suspension d'armes , aux
termes de laquelle les Iles d'Usedom et de Wol-
gast reçurent une garnison française. Au
mois de juin suivant, il prit une part brillante, à
la bataille de Friedland , où il commandait la
gauche de l'armée. A la paix de Tilsitt (21 juin),
il fut nommé gouverneur général de la Silésie, et
peu après il reçut le titre de duc de Trévise
avec une dotation de 100,000 francs de rentes
sur les domaines de l'ancien électoratde Hanovre.
Passé en Espagne en 1808 comme comman-
dant du cinquième corps , le maréchal Mortier
concourut au siège de Saragosse (février 1809),
et se dirigea vers la Castille après la prise
de cette place. Le 18 novembre, il gagna la
bataille d'Ocana, où soixante mille Espagnols
furent dispersés et anéantis par trente mille Fran-
çais, seconda ensuite le maréchal Soult dans ses
opérations contre Badajoz, fut chargé du siège de
Cadix, et l'habile manœuvre qu'il exécuta après
avoir passé la Gebora amena le gain de la ba-
taille de ce nom (19 février 1811). Mortier, lors
de la campagne de Bussie, reçut le commande-
ment de la jeune garde, et ce fut lui qui, en sa
qualité de gouverneur du Kremlin, fut chargé
de la terrible mission de faire sauter ce vieux
palais des tzars , après le départ de l'empereur
de Moscou. Cet ordre fut exécuté le 23 octobre
1812, et la veille de son départ il fit prisonnier
le général Winzingerode, qui venait l'attaquer
avec un corps de troupes de Twer, passa la
Bérésina pour soutenir et appuyer sur la route
de Borisow le maréchal Oudinot, engagé avec
les divisions russes , et dans cette fatale retraite
il fit tout ce que l'on pouvait attendre d'un bon
capitaine et tout ce que permettaient les circons-
tances, pour sauver les troupes qu'il comman-
dait. Chargé de la conduite de l'arrière-garde
après la bataille de Krasnoë (18 novembre), il
s'occupa sans relâche de la conservation de
ses soldats , et son cœur fut pénétré de douleur
à la vue des maux qu'il ne pouvait empêcher ni
prévenir:
Après avoir réorganisé la jeune garde à
Francfort-sur-Ie-Mein , il combattit à la tête de
ce corps à Lutzen (2 mai 1813), à Bautzen, à
Dresde, à Wachau, à Leipsick et àHanau, se di-
rigea sur Spire en décembre, et arriva à Langres
le 11 janvier 1814. Pendant la campagne de
France le maréchal Mortier déploya ses talents
militaires accoutumés, et ce fut lui qui dans la
défense de Paris fut chargé de soutenir le choc
de l'armée alliée dans lés plaines de Saint-De-
nis, et quand lé comte Orloff, aide de camp dé
l'empereur Alexandre, vint le sommer démettre
bas les armes, « les alliés, répondit noblement
le maréchal, pour être au pied de la butte Mont-
martre, ne sont pas pour cela maîtres de Paris.
L'armée s'ensevelirait sous ses ruines plutôt que
de souscrire à une capitulation honteuse; et
$75 MORTIER *
d'ailleurs, quand elle ne pourra plus le dé-
fendre, elle sait comment et par où effectuer sa
retraite devant et malgré l'ennemi. »
Cependant, après la suspension d'armes conclue
par le duc de Raguse, le maréchal quitta ses po-
sitions, eteoncentra son corps d'armée au Plessis-
Chenet,prèsde Çorbeil, d'où il envoya, le 8 avril,
son adhésion à la déchéance de Napoléon et aux ac-
tes du gouvernement provisoire. Nommé presque
aussitôt commisaire extraordinaire du roi dans là
seizième division militaire à Lille, dont il devint
ensuite gouverneur, Mortier fut nommé chevalier
de Saint-Louis le 2 juin 1814 et pair de France le
h du même mois. A l'époque du 20 mars 1815
le gouvernement lui destinait le commandement
d'une armée de réserve que l'on voulait former à
Péronne; mais les circonstances s'opposèrent à
l'exécution de ce projet. Arrivé à Lille un peu
avant Louis XVIII, le duc de Trévise se hâta de
prévenir M. de Blacas qu'à la seule nouvelle
du passage du roi les troupes de cette garnison
étaient prêtes à se soulever. Il supplia ce prince
de sortir de la place, s'offrant de l'escorter lui-
même hors des portes, afin d'imposer aux sol-
dats par sa présence. Effectivement, il accom-
pagna Louis XVIII jusqu'au bas du glacis et se
rendit aussitôt à Paris, où Napoléon le créa
membre de la chambre des pairs et le chargea
de l'inspection des places frontières de l'est et du
nord. Au retour du roi, il perdit son titre de
pair, et en novembre 1815 il fut l'un des membres
du conseil de guerre chargé de juger le maré-
chal Ney, et qui bien maladroitement, quoique
avec de bonnes intentions, se déclara incompé-
tent. Le lOjanvier lS16,il fut nommé gouverneur
de la quinzième division militaire, à Rouen , et
la même année élu député pour le département du
Nord. Une ordonnance du 5 mars 1819 le réta-
blit dans les honneurs de la pairie, puis il devint
commandeur de Saint-Louis le 24 août 1 820 et che-
valier des ordres du roi, le 30 mai 1825. Le maré-
chal fut en décembre 1830 nommé ambassadeur en
Russie, et occupa ce poste jusqu'au 11 septembre
1831, où il devint grand-chancelier de la Légion
d'Honneur. Pour terminer une longue crise mi-
nistérielle, il consentit, le 18 novembre 1834, à
accepter le portefeuille de la guerre; à ses yeux,
c'était un immease sacrifice, et en présence
de l'opposition marquée de la presse il pré-
tendait que c'était là une dernière campagne,
où il allait jouer plus que sa vie. Il résigna ces
fonctions le 12 mars 1835. La veille de l'an-
niversaire des journées de Juillet, la famille du
maréchal, alarmée des bruits d'attentats qui
circulaient sourdement, et craignant pour lui la
fatigue, voulut le détourner d'assister à la
revue royale du 28; mais il persista dans la
résolution qu'il avait prise d'y paraître, et ac-
compagna le roi. Au moment où le cortège par-
vint sur le boulevard du Temple, il se plaignit
de la chaleur, et quelques instances qu'on lui fît
pour l'engager à se retirer, il n'y voulut jamais
MORT1MER
67
consentir. A peine avait-il exprimé son refii
qu'eut lieu l'explosion de la machine infernal
dirigée par Fieschi , et il tomba comme foudroj
par l'éclat de la mitraille. Il respirait encoi
quand on le transporta dans une salle de billar
du Jardin Turc; il chercha à s'appuyer conti
une table; puis, tout à coup saisi par les dei
nières convulsions, il porta le corps en arrièn
poussa un grand cri , et expira. Peu d'homm<
ont parcouru une carrière militaire aussi brillanl
que le maréchal Mortier, qui^à un courage
toute épreuve et au talent du général joigna
une grande franchise et une rare modestie. J
mort, s'il l'eût reçue sur un champ de batailli
eût été digne d'un vieux guerrier; mais par
malheur des temps elle se trouve liée dans l'hi
toire au souvenir de nos discordes civiles et c
nos catastrophes politiques. Le 16 septembi
1838 on inaugura au Câteau la statue colossa
en bronze du maréchal. H.Fisquet.
Moniteur. Éloge du maréchal Mortier, prononcé à
chambre des patrs, le 23 mai 1836, par le comte de Ca
farelli. — H. Bis, Notice sur le maréchal Mortier. ■
Fastes de la Légion d'Honneur, t. Ier.
mortimer (Roger, comte de), seigneur ai
glais, favori de la reine Isabelle, né vers 128'
mis à mort le 29 novembre 1330. Après la mo
de son père, tué à la bataille de Buelt contre l<
Gallois, Roger Mortimer fut placé sous la tl
telle de Gaveston; mais lorsque celui-ci devint
favori d'Edouard il , Mortimer ne s'attacha p<
à sa fortune. Comme les autres seigneurs de se '
temps , il chercha dans des guerres particulier!
contre ses voisins et dans des révoltes conti
l'autorité royale les moyens d'accroître ses r
chesses et sa puissance. Le gouvernement c j
l'Irlande lui fut confié , et quoiqu'il ne l'exerç,
qu'une seule année, il assura la suprématie di j
Anglais sur ce pays. En 1320 il s'unit aux con ,
tés de Lancaster et d'Hereford et à d'autres ba :
rons pour demander à Edouard II le renvoi et ; |
punition des deux Despenser ( Spencer). Le n
refusa, et les Spencer l'emportant, Mortimer fi
arrêté et mis à la Tour. Deux fois condamné
mort et deux fois gracié par le roi, il n'espéra |
pas une troisième grâce; il gagna un des officiel j
de la Tour, s'échappa , et se réfugia en Franc
auprès de Charles le Bel , en 1323. A la cour c
France, il se rencontra avec Isabelle ( voy. (
nom), reine d'Angleterre, qui était venue do
mander à son frère Charles le Bel , secoui ;
contre les Spenser. Une liaison adultère, cil
mentée par une haine commune contre les h
voris d'Edouard unit le seigneur fugitif et la rein
émigrée. Edouard, instruit des complots tranrt ;
contre lui,réclamaauprês de Charles le Bel, qu I
ne voulant pas violer ouvertement la paix, éloi I
gna Isabelle. Cette princesse se retira avec Moi \
timer dans le Hainaut, y rassembla un millie
d'hommes d'armes français et brabançons, <|
descendit en Angleterre en 1326. Sa présencl
détermina une insurrection qui eut pour résultai
la chute des Spencer et la déposition d'Edouard ij
577 MORTI MER
•n 1327. La liaison désormais publique d'Isa-
belle et de Mortimer excitant l'indignation des
Anglais, les deux amants craignirent que les sei-
gneurs ne replaçassent Edouard sur le trône, et
ils tirent assassiner le malheureux prince, le
t 1 mars 1327. Edouard H eut pour successeur son
'une fils Edouard III, qui régna sous la tutelle
t e sa mère. Le comte de Lancastre fut nommé
.ardien du royaume et protecteur de la personne
lu roi; mais l'autorité réelle passa entre les
lains de Mortimer, qui accumula bientôt sur sa
\s[e autant de .haine que Gaveston et, Spencer.
j ffrayéde cette haine croissante, Mortimer évi-
lit avec soin les chances d'une guerre étrangère.
, ontrairement à la volonté d'Edouard III, il
iaita avec Robert Bruce, roi d'Ecosse, et re-
i mnut l'indépendance de ce royaume, en 1328.
i 3ite transaction augmenta le mécontentement
> a barons. Une première prise d'armes contre
favori n'eut aucun succès, et Mortimer se ven-
a en faisant couper la tête au comte de Kent ,
icle du roi , et en faisant emprisonner le comte
I Lancastre. Mortimer avait dès lors atteint le
is haut point de puissance , et il se croyait
en assuré dans sa position; mais un terrible
I nger le menaçait du côté où il s'y attendait le
1 lins. Le jeune roi Edouard, âgé de moins de dix-
luf ans, trama avec une dissimulation profonde
■perte du favori. Un parlement avait été con-
nue à Nottingham ; la reine et Mortimer s'é-
■ent logés dans le château ; Edouard y pénétra
îirun souterrain, le 19 octobre 1330, et arrêta
lortimeï malgré la résistance de la reine. Le
Irlementlui fit son procès, et le condamna à être
Indu. La sentence, immédiatement exécutée,
Mit juste sans doute; mais le jugement n'avait
is été régulier, et vingt ans plus tard il fut
Imulé comme illégal. Z.
1 lymer, Acta. — Th. Walslngharo, Annals. — Knygh-
Bjr, De Bvent. Angl. — Froissart, Chroniques. — Hume,
\story of England.
■Mortimer (John-ffamilton), peintre an-
t'iis, né en 1741, à Eastbourne, port de Sussex,
Mie 4 février 1779, à Londres. Son père était
I lecteur de douanes , et son oncle , mé-
«re peintre de portraits , lui enseigna les pre-
ers éléments du dessin. A dix-huit ou dix-
\i( ans, il vint à Londres, et fréquenta l'ate-
r de Hudson , qui avait été le maître de Rey-
nld. 11 reçut aussi des conseils de Cipriani.
» ,iis il dut surtout ses remarquables progrès à
; 1» talent d'observation et à l'étude assidue de
I ('-belle galerie que le duc de Richmond avait li-
' i'alement ouverte aux jeunes artistes. En 1779
lut nommé par le roi membre de l'Académie
y Beaux*-Arts. Ses principaux ouvrages sont :
«'M Paul convertissant les Bretons, Le Roi
un accordant la grande charte aux barons,
J Bataille d' Azincoiirt,vortkjern et Rowena,
i> Progrès du vice, Le Serpent d'airain, etc.
Irtimer n'était pas coloriste; mais il dessinait
'icautant de largeur que dé sûreté. Il recher-
— MORTON
678
chait dans ses compositions l'étrange, le fan-
tastique et l'horrible, et savait en tirer des ef-
fets et des contrastes saisissants. Les tableaux
de chevalet, où il a retracé des scènes de ban-
dits ou de contrebandiers , sont fort recherchés.
K.
Pilkington, Dict. of Pointers.
mortimer (Thomas), littérateur anglais,
né en 1730,à Londres, où il est mort,en décembre
1809. Il était petit-fils de John Mortimer, mort
en 1736, et qui a laissé sur l'agriculture un traité
fort estimé, traduit en français sur la 6e édit.
(Paris, 1765, 4 vol. in-12). Ayant perdu l'em-
ploi de vice-consul dans les Pays-Bas, il s'a-
donna à la littérature. Presque octogénaire, il
travaillait encore pour le compte des libraires, et
se plaignait, rapporte d'Israeli, de la préférence
accordée à de jeunes aventuriers. Il est auteur
d'un grand nombre d'ouvrages utiles , parmi les-
quels on remarque : The Bristish Plutarch;
Londres, 1762, 6 vol. in-8°, trad. en français
par Mœe de Vasse (Paris, 1785-1786, 12 vol.
in-8°); — Dictionary of Trade and Commerce ;
ibid., 1766, 2 vol. in-fol.; — The Eléments of
Commerce, politics and finances; ibid., 1772,
in-4°, trad. en allemand (Leipzig, 1781); —
History of England; ibid., 3 vol. in-fol.; —
The Student's pocket Dictionary, or compen-
dium of history, chronology and biography ;
ibid., 1777, in-12; — Every man his own
broker; ibid., 1782, in'-8°; — A gênerai Dic-
tionary of Commerce, trade and manufactu-
res; ibid., 1809, in-8°. Il a aussi traduit deNec-
ker De l'Administration des Finances de la
France (1786, 3 vol.). P.
European Magazine, XXXV, S19.
mortimer ( Pierre ), musicien allemand,
né en 1750, à Hermhut ( Saxe), mort vers 1830.
Il est auteur d'un livre excellent : Der Choral-
Gesang zur Zeit der Reformation ( Le Chant
choral au temps de la Réforme ) ; Berlin, 1821,
in-4° : où il examine les avantages des anciens
modes grecs sur la tonalité moderne. D'après le
jugement de M. Fétis, c'est un travail digne du
plus vif intérêt et qui renferme des vues aussi
nouvelles que lumineuses. Mortimer vécut dans
une si grande obscurité qu'à Dresde même, où
il s'était retiré, il était à peu près inconnu. Il ap-
partenait à la secte des frères Moraves. Ce fut
Zelter qui fit imprimer son ouvrage. K.
Zelter, Corresp. avec Goethe. — Fétis, Biogr. univ.
des Musiciens.
mortimer. Voy. Cade( Jean).
morto da feltro. Voy. Feltro (Morto
da).
mortos ( John ), prélat et ministre anglais,
né en 1410, à Bere, bourg du comté de Dorset,
mort le 15 septembre 1500(1). De l'abbaye de
Cerne, où il fut élevé, il passa au collège Baliol
à Oxford ; attaché au corps enseignant de cette
(lr Selon les registres de i'évêché d'Ely.L'obltuaire de
Canterbury donne Ta date du 16 des calendes d'octobre.
22.
679 MORTON
université, il y remplit les emplois de modéra-
teur de l'école de droit et de principal de Peck-
water-Inn. Son double talent de légiste et d'avo-
cat près de la court of arches lui fit une
grande réputation ; il y gagna en outre des pro-
tecteurs et de nombreux bénéfices ecclésiasti-
ques. Parmi les dignités dont il fut pourvu, il
suffit de citer celle d'arcbidiacre, qu'il occupa à
Winchester, à Huntingdon et à Leicester. Le
plus puissant de ses patrons, et celui qui con-
tribua le plus à sa fortune, fut l'archevêque de
Canterbury, Thomas Bourchier ; présenté par
lui à la cour d'Henry VI, il prit une part active
à la querelle des deux roses et entra au conseil
privé. Sous Edward IV, il n'eut pas moins d'in-
fluence; nommé garde des archives (1473), il
fut envoyé en ambassade près de l'empereur
d'Allemagne (1474), et conclut avec Louis XI le
traité de paix de 1475. Le roi l'éleva à l'évêché
d'Ely (1478) et le désigna pour l'un de ses exé-
cuteurs testamentaires. Le jour même où Ri-
chard III usurpa la couronne, il fit arrêter Mor-
ton et trois de ses collègues dans la salle du con-
seil, et, après l'avoir laissé quelque temps en
prison, il le remit à la garde du duc de Buc-
kingham (1483). Mais Morton employa si ha-
bilement son temps et ses paroles, qu'il réussit
bientôt à détacher ce seigneur du parti de
Richard et qu'il le poussa même dans une
révolte dont il devait être la première vic-
time. Aussitôt que la mort des fils d'Edward
fut connue, il proposa d'offrir la couronne a
Henri, comte de Richmond, qui, du chef de sa
mère, représentait la maison de Lancastre ; mais
à la condition qu'il épouserait la princesse Éliza-
beth, à qui les droits de la maison d'York
étaient alors dévolus. Ce mariage, comme il le
faisait observer, devait unir les partisans des
deux familles dans la défense d'une même cause,
leur donner la possibilité de triompher de Ri-
chard III et mettre fin aux dissensions qui dé-
chiraient depuis si longtemps le pays. Ce plan
fut accepté avec empressement par le comte de
Richmond et tous ses amis (septembre 1483).
L'insurrection avortée du duc de Buckingham
en ajourna l'exécution. Morton se sauva sous
un déguisement dans l'île d'Ely et de là sur les
côtes de Flandre; il ne reparut à la cour qu'a-
près le couronnement d'Henry VII (1485). Ac-
cueilli avec la plus haute distinction, il succéda
àBourchier dans l'archevêché de Canterbury
(i486), et fut nommé grand-chancelier d'Angleterre
(1487). En 1493 le pape Alexandre VI lui envoya
le chapeau de cardinal. Morton était un homme
sage et avisé, de beaucoup d'instruction et de
probité. Ses contemporains, et surtout Thomas
Morus, son élève, lui ont décerné de grands élo-
ges. On lui reprochait un excès de hauteur et de
sévérité ; le peuple Fe détestait à cause de cer-
taines taxes odieuses qu'il rétablit à la volonté
expresse de l'avare Henry VII, entre autres
l'impôt gratuit (benevolence), qui atteignait à la
680
fois riches et pauvres. 11 avait amassé de gran-
des richesses , dont il fit constamment le plus
noble usage. On a souvent attribué à ce prélat
la Vie de Richard III, qui parut sous le nom
de Thomas Morus. P. L— y.
John Budden, Life of John Morton ; 1607. in-8°. — Col-
lier, Ecclesiastical History. — Chalroers, General Biogr
Dict. — Bentham, History of Ely.
morton ( Thomas ), savant prélat anglais
né le 20 mars 1564, à York, mort le 22 septem-
bre 1659, à Easton-Mauduit (comté de Northamp
ton ). De la même famille que le précédent, i
prit ses degrés à Cambridge et y professa 1; ,
logique pendant plusieurs années. En 1603 i
accompagna en qualité de chapelain lord Eure ei
Allemagne. Après avoir été doyen de Glouceste
et de Winchester, il occupa successivement le 1
sièges de Chester (1615), de Coventry (1618) «
de Durham (1632). Durant les troubles il £u|j
emprisonné à la Tour, et un peu avant la moi
de Charles Ier on le força de quitter son palai
épiscopal. Lors de la suppression des évêchés
le parlement lui accorda une pension de 800 1. s'
Ce prélat, aussi instruit que pieux et charitabli
entretenait une active correspondance avec V. I
savants de son temps; il était particulièremer
versé dans les matières de controverse. Para
ses nombreux écrits nous citerons : Apologi
catholica; Londres, 1605-1606 , 2 part. in-4° I
— An exact discovery of Romîsh doctrine i
thc case oj conspiracy and rébellion ; ibid j
1605, in-4e, refatif au complot des poudres; -I
A catholike appeale for protestants out (
the confessions of the Romane doctori]
ibid., 1610, in-fol.; — Causa regia ; ibid., 162
in-4°, réfutation du traité De officio princip
christiani du cardinal Bellarmin; — Of ti\
institution of the sacrement by some callt.
themass; ibid., 1631, 1635, in-fol.; — CoA
fessions and proofs of protestant divine.l
Oxford, 1644, in-4°; — Ezekiel's Wheel
Londres, 1653, in-8°. Morton a laissé une qua
tité considérable d'ouvrages manuscrits.
John Barwick, Life of Thomas, bishop of Durha)
1G60, in-4°. - Baddily et Naylor, Life of Th. ATorfoi
1669, ln-8°.
mobton ( Richard ), médecin anglais,
vers 1635, dans le comté de Suffolk, mort
30 août 1698, dans le Surrey. Après avoir te
miné ses humanités à Oxford, il embrassa l'él
ecclésiastique et devint chapelain d'une fami.
noble du Worcestershire; mais ses sentimen
non -conformistes l'obligèrent à résigner sa plac
Il étudia alors la médecine, et fut reçu docte
en 1670. Il acquit bientôt le renom d'un pral
cien très-habile surtout dans le traitement d
maladies chroniques de la poitrine. Après ayc
été l'un des premiers à se servir du quinquin
avec une extrême réserve toutefois, il finit p
en faire abus, ainsi que de l'eau de chaux. Il I
le rival plutôt que l'émule de Sydenham,
afin de ne pas se rencontrer avec lui il se <]
, clara l'ennemi outré de la méthode antiphlo?'
681
MOUTON
682
tique, et s'efforça en toute occasion d'y substi-
tuer la méthode échauffante, la seule propre se-
lon lui à détruire les virus à la présence des-
quels il attribuait les affections aiguës. On a de
lui : Phlhisiologia , seu exercitationes de
phthisi; Londres, 1689, in-8°; trad. en anglais
ï(1694) et en allemand (1780); on y trouve beau-
j coup de faits intéressants noyés dans une théorie
'des plus confuses ; — Pyretologia, seu exerci-
[tationes de morbis universalibus acutis;
î Londres, 1692, 1693, in-8° ; — De Febribus in-
iflammatoriis ; Londres, 1694, in-8°. Ses œu-
vres ont été recueillies plusieurs fois ( Opéra
Umnia; Amst., 1696, 2 vol.in-8°; Leyde, 1697;
[Genève, 1727 ; Lyon, 1737, in-4°, etc. ). K.
[ Rees, Cyclopsedia of Medicine.
! mouton ( James Douglas, comte de ), pair
| l'Angleterre, né en 1707, à Edimbourg, mort en
1768. En sortant de Cambridge, il voyagea dans
foute l'Europe; à son retour il fonda, par les
jîonseils du célèbre Maclaurin, une académie
lui ne tarda pas à rivaliser avec celle de Lon-
dres. Plein d'un zèle ardent pour le progrès des
[ .ciences, il eut en 1761 beaucoup'de part à l'ob-
servation du passage de Vénus sur le Soleil, et
f lirigea avec intelligence le Muséum britannique.
1 /ers la fin de sa vie, il avait entrepris de former
! in cabinet des archives d'Ecosse. Lord Morton
f ut membre de la Société royale de Londres
11733) et associé de l'Académie des Sciences de
[?aris. Il siégea à la chambre haute comme pair
Représentatif d'Ecosse. P.
1 Burke, Peerage of Ençland. — Grandjean de Fouchy,
Mans les Mém. de VAcad. des Sciences, 1770.
f morton (Thomas), auteur dramatique an-
glais, né en 1764, dans le comté deDurham, mort
F e 28 mars 1838. Il commença l'étude du droit;
mais, avant d'avoir été reçu avocat, il l'abandonna
fet se mit à écrire pour le théâtre. Pendant plus
Me vingt ans il fut l'auteur à la mode; on ne cite
fouère d'écrivain moderne qui ait été aussi heu-
freux que lui. Presque toutes ses pièces obtin-
rent du succès. Telle était la confiance qu'il ins-
pirait aux directeurs que l'un d'eux , Harris, lui
paya 1,000. liv.sterl. le manuscrit de Town and
["ountry, comédie dont il ne connaissait pas
(même le sujet. On cite de lui : Columbus (1792),
iChildren in the Wood(\79Z), Zorinski (1795),
\Way\to get married (1796), Cure for the heart
fiche (l791),Speed the plough (1798), Secrets
tfuorth knowing (1798), The blind Girl (1801);
fichool of reform (1805), Town and Country
U807), Roland for an Oliver (18(9), School
ror grown Children (1826), Invincibles
j 1828), etc. De toutes ces pièces il y en a cinq
pu six qui sont restées au répertoire. Morton ne
j)ril!ait par aucune qualité originale ; mais il avait
|ine grande habitude de la scène, du savoir-faire,
iin style mesuré, et il excellait à faire ressortir
je talent des acteurs. P..
1 Baker, Biogr. Dramatica.
! morton (Samuel-Georges), célèbre natu-
raliste américain, né le 26 janvier 1799, à Phila-
delphie, où il est mort, le 15 mai 1851. Son père,
émigré irlandais, établi depuis longtemps à Phi-
ladelphie, mourut quand le jeune Samuel était
encore au berceau. Sa mère, chargée de trois
enfants, et n'ayant que de minces ressources, vint
demeureraux Werst-Farms,à quelques milles de
New- York, établissement qui était alors princi-
palement occupé par une population d'Amis ou
Quakers. Il étudia douze ans sous leur direction ,
et si ses progrès ne furent pas rapides, il sentit
du moins se développer en lui un goût prononcé
pour les lettres et les sciences. Il passa de là
dans l'école de Burlington, et y travailla sous les
auspices du quaker Gummere; puis il revint
en 1814 à Philadelphie se placer dans un comp-
toir de commerce. En 1817 il perdit sa mère, et
la même année un exemplaire de la 16e leçon du
docteur Rush, tombé entre ses mains et qu'il lut
avec délices, vint encore changer ses projets
d'avenir ; il résolut de se faire médecin. Il entra
donc chez le docteur Parrish, dont la maison fut
pour l'Amérique une pépinière d'hommes distin-
gués; il suivit les cours de l'université dePensyl-
vanie, et fut reçu docteur en 1820. La même année
l'Académie des sciences naturelles de Philadel-
phie l'admettait au nombre de ses membres. Il
vint alors en Irlande visiter le « vénérable on-
cle » auquel il devait plus tard dédier son grand
ouvrage des Crania Americana. Celui-ci, peu
édifié sur le compte des universités américaines ,
insista près de son neveu pour qu'il se fit re-
cevoir à Edimbourg. Morton vint donc y suivre
l'enseignement médical au milieu du mouvement
philosophique dont la capitale de l'Ecosse était
à cette époque le théâtre. Une longue et dange-
reuse maladie interrompit là ses études, et ce
n'est qu'après un tour en Italie et en Suisse,
après avoir visité Paris et Londres, qu'il vint
présenter à Edimbourg une. thèse intitulée De
Corporis Doiore, 1823, dans laquelle les qualités
de la forme le disputaient à celles du fond ; car
Morton, qui était poète lui-même, avait étudié
avec passion les langues et les littératures an-
ciennes et modernes. En 1826 Morton revint à
Philadelphie s'établir, et nous le retrouvons là
occupé à ranger et à classer le muséum de l'A-
cadémie qui venait de changer de siège. Il fit
même à celte occasion un discours où il retra-
çait l'histoire de l'Académie depuis sa fondation,
et dont trois éditions furent bientôt épuisées.
Le premier essai scientifique que publia Mor-
ton fut un article On Cornine , a new alka-
loid, imprimé dans le Med. and Phys. Journal,
1825-1826. En 1827 il présente sa première com-
munication à l'Académie, intitulée : Ânalysis of
Tabular Spar, from Bucks county, Penn.,
with a notice of various minerais found at
the same local'Uy. Ce dernier travail, qui n'est
pas sans mérite, fut bientôt suivi dans le recueil
de l'Académie d'une foule d'articles et de mé-
moires, quelques-uns très-importants, dont nous
683
MORTON
68
donnons plus loin la liste. La découverte de nom-
breux bancs de marne avec fossiles dans l'état
de New-Jersey, les travaux du canal de Chesa-
peake, alors en cours d'exécution, fournirent en-
core un nouvel attrait et un nouvel aliment à ses
recherches sur la géologie et la paléontologie,
qui l'occupaient alors presque exclusivement. Il
donna aussi de nombreux articles au journal de
Silliman, et dès 1834 les résultats auxquels il
était arrivé furent consignés dans un volume in-
titulé : Synopsis of the organic Remains of the
cretaceous group of the United-Stales ; Phi-
ladelphie, 1834.
Au milieu de ces travaux,Morton trouva encore
le temps de se livrer à l'exercice de la médecine
avec succès. Il fut des premiers à introduire en
Amérique les moyens physiques de diagnostic dans
les affections thoraciques, et écrivit même un ou-
vrage sur les lésions anatomiques de la phtnisie
{Illustrations of Pulmonary Consumption,
Us anatomïcal characters , causes, symptoms,
and treatment; Philadelphia, 1834), qu'il avait
étudiée à l'hôpital d'Alms-house, où il fut mé-
decin. Enfin, il professa l'anatomie au collège de
médecine de Pensylvanie de 1839 à 1843. Depuis
longtemps Morton avait commencé sa célèbre
collection de crânes humains, et sa tendance vers
l'étude de l'histoire naturelle de l'homme s'était
révélée dans toute sa puissance. Lui-même en
raconte ainsi l'origine. « Ayant eu occasion dans
l'été de 1830 de faire la leçon d'ouverture d'un
cours d'anatomie, je choisis pour sujet : Les
différentes formes du crâne dans lés cinq
races d'hommes. Chose incroyable, je ne pus
trouver ni à acheter ni même à emprunter un
crâne de chacune de ces races, et je finis ma le-
çon sans avoir montré ni crâne de Malais ni
crâne de Mongol. Profondément frappé d'une
pareille pénurie dans une branche aussi impor-
tante de la science , je résolus de faire une col-
lection pour moi-même. » Alors rien ne l'arrêta
plus ; il se créa des relations de tous côtés, qui
devinrent bientôt des amitiés solides; chacun
l'aida et aujourd'hui la collection Morton est. la
plus vaste du monde. Elle comprenait à sa mort
quatre-vingt-huit têtes osseuses de reptiles et de
poissons, deux cent soixante et onze d'oiseaux,
deux cent soixante -dix -huit de mammifères,
et enfin neuf cent dix -huit crânes humains,
auxquels il faut encore en ajouter cinquante et
un, qui à cette époque étaient en route sur toutes
les mers. Cette collection fut payée quatre mille
dollars et placée dans le musée de l'Académie.
En même temps que Morton était devenu le
premier craniologiste du monde , il avait fait de
profondes études en ethnologie et révisé tout ce
qui avait été écrit jusque alors sur cette science
presqu'au herceau. Le premier but qu'il se pro-
posa fut d'examiner et de comparer les crânes
des tribus indiennes des deux Amériques. 11 dé-
termina la capacité moyenne et la forme de ces
crânes comparés entre eux et aux autres races
d'hommes , ainsi que les distinctions ethniqui
qu'on en pouvait tuer. Le résultat de ces tr,
vaux fut les Crama Americana, or a compi
ralive view of the shulls of various aborïg
nal nations ofNorth and South America : i
which isprefixed an Essay on tfie varietie.» i
thehuman species, in-foli; Philadelphia, 1&3
Ce grand ouvrage mit le sceau à la réputation <
Morton comme anthropologiste. Le style en e i
grave , plein de ferveur modeste , et simji
comme l'auteurlui-même, « dénué, dit Humbolc
de ces rêveries poétiques qui peuvent être r
gardées comme les mythes de la physiolog
moderne ». L'auteur y considère l'espèce humai
comme « composée de vingt-deux familles i
groupes de nations se ressemblant à un plus (
moins haut degré, par les caractères physiqu
et moraux et par le langage. » Au-dessus de c
familles , il admet la division en cinq races <
son prédécesseur Blumembach. Il arrive à cet
conclusion que « les nations de l'Amérique
l'exception des tribus polaires, sont d'une seu
espèce, mais divisées en deux grandes famill
qui se ressemblent par leurs caractères physique
et diffèrent par leurs caractères intellectuels.
Le succès des Crania Americana déte
mina la carrière scientifique de l'auteur,
entra à cette époque en relations avec G.-R. Gli
don, consul des États-Unis au Caire, qui lui adresi
bientôt une nombreuse et remarquable collectk
de crânes recueillis dans la vallée du Nil, et doi
la provenance avait été scrupuleusement déte
minée. Gliddon arriva lui-même en 1842, et I(
deux amis poursuivirent de concert leurs étude
arrêtées seulement par le défaut de livres, qu'i
ne pouvaient trouver à consulter en Amériqii'
entre autres le grand ouvrage de Rosellini. t
citoyen de New-York, R.-K. Haight, l'acqui'
dans le seul but de favoriser les études égy|
tiennes. Dès lors rien n'arrêta plus Morton, et
fit paraître, dans les Transactions de \'An<
Philos. Society, d'importantes communication:
bientôt réunies sous le titre de Crania Mgyi
tiaca, or observations on egyptian ethnc
graphy, derived from history and the mt
numents ; Philadelphie et Londres, 1844. Moi
ton y étudie successivement la question de
plus anciennes populations de la vallée du Nil
dès races qui se sont succédé sur les trône
des Pharaons , de l'état social des nègres dan
l'antique Egypte, des rapports ethniques de
Coptes, des Fellahs, des Nubiens, etc L
conclusion dernière de l'ouvrage est que « lescf
ractères physiques et organiques qui distinguer
les différentes races d'hommes sont aussi ancien
que les plus anciens souvenirs, de notre espèce *
Déjà dans les Crania Americana Morto
avait exprimé son doute sur l'origine uni
que du genre humain. 11 s'était demandé s
dès le principe chaque race n'avait pas été cou
formée pour les conditions locales spéciales a
milieu desquelles elle se trouvait. Morton réveil
685
MORTON — MORUS
68G
(lait ainsi une vieille idée qu'on n'avait jamais
; guère osé mettre en avant, et devint le chef
i l'une nouvelle école en anthropologie", l'école
[polygénique, qui compte aujourd'hui de nom-
breux et chauds partisans. Il revint sur ce sujet
1 lans VAm. Journ. Se. and Art : So77ie Ob-
servations on the E/hnography and Archaio-
\'ogy of the American Aborigènes, 1846 ; bientôt
;uivi d'un Essay on Hybridity in animais and
\olants, çonsidered in référence to the ques-
tion of the. unityofthe human species, 1847.
Iconcluten ces termes: « Si des individus d'espè-
hes différentes sont capables de donner ensemble
i m produit hybride prolifique, l'hybridité cesse
l'être un caractère spécifique. Donc le simple fait
[ue les différentes races donnent ensemble des
Produits plus ou moins prolifiques ne constitue
\ as par lui-même une preuve de l'unité de l'es-
èce humaine. » Il dit dans an autre passage
•« ue « il faut regarder comme espèces véritables
/rue species) les races qui soût prouvées pos-
•jtider certaines distinctions primordiales,' qui ont
i té transmises intactes ». Ces doctrines, défen-
i ues pour la première fois avec des armes véri-
nblement scientifiques, soulevèrent contre le
jiardi novateur une tempête d'attaques et d'op-
i] ositions étayées la plupart sur l'incertitude scien-
ujfique du terme espèce que Morton définissait
» a primordial organic form ».
l En 1848, une grave maladie mit la vie de Mor-
ft >n en danger; il n'en guérit jamais complètement.
■ voulut reprendre ses travaux et toutes les
I ttigues de la profession de médecin qu'il n'avait
limais abandonnée, jusqu'au jour où il succomba
; our ne plus se relever. Outre les travaux que
fous avons cités, on a de Morton : Biographi-
ï)il Notice of, the late G. McClellan, M. D.
iead before the Philad. Coll. of Physicians
'349; — une édition annotée de Mackintosh 's
H'raclice of Physic; — An illustrated system
r human Anatomy, spécial, gênerai, and.
ncroscopic ; Philadelphia, in-8°, 1849; — un
■rand nombre de notes et de mémoires publiés
ans le Med. and Phys. Journal of Philadel-
ilïia, 1825-1826; dans le Journ. of the Aca-
'emy, 1827 à 1848; et dans VAm. Journ.
)cien. and Art, 1832 à 1847. Ces travaux mon-
tent que Morton cultivait avec une ardeur
esque égale toutes les branches des sciences
i laturelles. Voici la liste complète de ses mé-
■loires relatifs à l'anthropologie publiés dans
Journ. of the Academy ; elles ont pour
r »tre : Some Remarks on the ancient Pe-
■tvians, 1841 ; — Remarks on a mode ofas-
•rtaining the internai capacity of the hu-
ancranium, 1841 ; — Observations oneight
"mils from Mexico; 1841; — Remarks on
te sutures of the- Cranium as connected
ith the growth of the corresponding bones,
ii4i; — On the. so-called Pigmy race of
\iople. who are asserted to hâve former ly
\habited a part ofthe valleyof the Missis-
sippi, 1841; — Resuit of measurement of
45 adull negro crania, i)i or (1er to ascerlain
the internai capacity of the skull in the
African race, 1841 ; — On an adult skelelon
from Ticul, Yutacan, 1842 . — Iirief Remarks
on the diversilies of the human species and
on some kindred subjects, 1842;— Inquiry
into the distinclive characterisiies of the
aboriginal race of America, 1844; — Re-
marks on the skull of a Hotlentot; — On a
second séries of ancient Egyptian crania,
1844; — Measurements of skulls of native
African, 1844; — Remarks on the skulls
of a Mexican , a Lenape , and a Congo ne-
gro, i 845 ; — Jtemarks on the crania of two
ancient Peritvians , two mound skulls from
Missouri, a Hotlentot, a Mozambique negro,
and four mummied Egyptian heads, 1845;
— Remarks on an aboriginal cranium from
Chilicothe, Ohio, 1847; — Remarks on an
Indian cranium from Richmond, on the De-
laware, 1847 ; — Remarks on a Bushman Boy
ai Philadelphia, 1848; — Remarks on an
ancient Peruvian cranium from Pisco , 1848;
— Remarks on four skulls of Shoshonecs,
1848; — Observations in the size of the brain
in various rares and families of man, 1848.
Morton a laissé quelques poésies empreintes
d'un esprit religieux et d'une douceur admira-
ble qu'il avait puisé dans sa jeunesse au milieu
des quakers. On a aussi de lui des manuscrits
sur les questions qui l'avaient occupé. Il pro-
jetait pour l'avenir un ouvrage intitulé Élé-
ments d'Ethnologie, qui devait être comme le
couronnement de sa carrière scientifique. Des
extraits de ses manuscrits ont déjà été publiés
par MM. Nott et Gliddon, qui ont embrassé et
défendu après Morton les mêmes doctrines :
Excerpta from Morton inedited manuscripts
dans Types of Mankind ; par Nott et Glid-
don; Philadelphie, 1854.
Georges Pouchet.
Meigs, A Memoir of Morton. — Wood, A Uograjphi-
cal Memoir of Morton. — Grant, Sketch of the Life
and character of Morton. — Patterson, Memoir of the
life and scientific lab-ors of Morton.
morton (James, comte de). Voy. Douglas.
morcs (Thomas)', célèbre homme d'État et
écrivain anglais, né à Londres, en 1480 (1), dé-
capité le 6 juillet 1535. Placé de bonne heure au
collège Saint-Antoine de Londres par son père
John More, chevalier et juge du banc du roi, il
y fit de rapides progrès. Le cardinal Morton en-
tendit parler du savoir précoce du jeune écolier,
et le fit venir devant lui ; charmé des reparties
vives et spirituelles de Morus, il l'admit au
nombre de ses pages. Dans les représentations
dramatiques, qui se donnaient aux grandes fêtes
dans le palais du cardinal , Morus venait sou-
vent se joindre aux acteurs, et improvisait un
(1) C'est la date généralement admise; quelques histo-
riens donnent 1479, d'autres 1484.
687
MORUS
(
rôle nouveau, qu'il jouait avec unegaîté pleine
d'entrain. Vers 1497 il fut envoyé à Oxford par le
cardinal pour y terminer ses études. Son père,
homme à mœurs rigides, ne mettait à sa dispo-
sition que peu d'argent à la fois, de peur qu'il
ne se laissât distraire par les plaisirs ; il en ré-
sulta que Morus mit amplement à profit les le-
çons de ses maîtres, Grocyn et Linacre, deux
savants humanistes. Sa principale distraction était
de s'entretenir avec ses deux amis intimes, Lilly
et Tonstal. Ses compositions en vers, soit latins,
soit anglais, surtout ses épigrammes empreintes
d'une douce ironie, furent bientôt remarquées
dans toute l'Europe. « Thomas More, écrivait
alors Beatus Rhenanus, compose, avec un goût
inimaginable; il traduit avec un grand bonheur
d'expression. Plaisant sans causticité , il badine
et ne blesse point; il rit sans jamais offenser
personne. » C'est à cette époque aussi que re-
montent deux petits poèmes comiques de Morus,
dont l'un a servi de modèle au conte de John
Gilpin de Cowper. Bientôt cependant les idées
de Morus s'assombrirent ; il souffrait des efforts
que lui coûtait sa chasteté exemplaire; pour
dompter la chair, il prit un cilice qu'il ne quitta
plus, et s'imposa des privations sévères , qu'il
cachait avec soin aux yeux de tous. 11 avait pen-
dant quelque temps formé le projet d'entrer
dans un couvent de franciscains ; mais il y re-
nonça sur les conseils de son directeur, le doyen
Colet. Pour complaire à son père, il se livra à
l'étude du droit (1), qu'il continua à Londres,
où il était retourné en 1499. Après s'être initié à
New-Inn et à Lincolns-Inn à la pratique des af-
faires, il fut nommé lecteur dans une des cours
de la chancellerie. Bientôt après il attira l'at-
tention générale par les conférences qu'il fit à
l'église Saint-Laurent de Londres sur la Cité de
Dieu de Saint-Augustin au point de vue philo-
sophique et historioue. La lecture de ce livre re-
nouvela en lui l'idée de quitter le monde; il alla
habiter un couvent de chartreux ; partageant les
exercices spirituels des moines et leurs travaux
manuels, il consacrait le temps qui lui restait
à la lecture des classiques grecs et latins, à l'é-
tude de la langue française et à la musique, qu'il
aimait aussi beaucoup. Après avoir ainsi passé
plusieurs années dans la retraite, il en sortit et
se maria. Maluit maritus esse castus quam
sacerdos impurus, dit Érasme, qui était dès
lors son confident le plus intime (2). Reçu chez
un gentilhomme du nom de John Coite, il était
devenu amoureux de la seconde de ses filles, la
plus belle de la maison ; il se rendait auprès du
père pour la demander en mariage, lorsqu'il ré-
(1) Qui meapte natura vehementer a litibus abhor-
reo, etiam cum lucrum adhibent, dit-il lui-même.
(2) Dès qu'ils se connurent, Érasme et Morus s'aimèrent
comme deux frères. Le premier saisit toutes les occasions
pour citer le nom de son ami ; il trouve moyen de parler
de lui Jusque dans ses grammaires; « In IHoromihi videor
exstinctus, adeo p.îa tyvyri juxta Pythaqoram duobus
erat. »
fléchit, dans sa candeur, que Jeanne, l'aînée, sei
chagrinée de cette préférence; aussitôt il ch,
gea de résolution, et épousa Jeanne, qui le réco
pensa par l'affection la plus dévouée.
Morus se mit à exercer la profession d'avoc
ses talents lui valurent bientôt un grand nom]
de clients. Loin d'en profiter pour s'enrichir
faisait constamment tous ses efforts pour ne ]
avoir à plaider et pour amener par. une trans
tion la fin des différends. Jamais, quels que fuss
les honoraires qu'on lui offrait, il n'acceptait
défendre une cause qui lui semblait injuste. Ap
être resté deux ans au barreau, il fut élu ]
les habitants de Londres un des sous-sheriff
la cité, emploi qui consistait alors à juger
causes civiles. Il y montra le même esprit
probité et de désintéressement ; il remettait a
plaideurs nécessiteux les frais de procédure (
formaient ses émoluments. Grâce à l'influer
qu'il acquit sur la population par cette nol
conduite, il apaisa une violente émeute des o j
vriers de Londres. Nommé en 1503 membre
parlement , il parla avec énergie contre les ex.
tions croissantes du roi Henri VU ; pour seveng
ce prince fit, sous un misérable prétexte, inten
un procès au père de Morus, et le força à paj
une centaine de livres. Ne voulant pas plier so
l'arbitraire du roi et ayant alors tout à craindi
Morus se retira en France. A la mort de Hei
il revint à Londres , et reprit la profession d
vocat. Henri VIII, présent à une audience,
Morus défendit avec succès les intérêts du par
remarq ua l'éloquence du jeune légiste, dont il av
déjà admiré les vers sur son couronnement, et
chargea le cardinal Wolsey de l'amener à la coi
Après une longue résistance, Morus , qui aim.
l'indépendance, ne se décida qu'après beauco
d'hésitation à servir le roi.Nômmé d'abord mail
des requêtes, il entra bientôt après au cons
privé, et tut créé chevalier. Plusieurs missio
diplomatiques en France et en Flandre lui fure
confiées. Il ne se départit pas dans ses nouvell
fonctions de l'intégrité sévère qui l'avait emp
ché de faire fortune. Cependant, bien qu'il e
gardé pour sa propre personne les goûts les pi
simples, il avait à entretenir sa famille suri
pied convenable. Il résidait alors à Chelsea, vi
lage à deux milles de Londres, où il s'était fi
construire une maison de campagne. Après
mort de sa première femme (1514), dont il 1
restait trois filles et un fils, il avait épousé Alii
Middleton, veuve, ni belle ni riche, d'une lu
meur inégale, mais bon cœur au fond. Elle a
mait la représentation, et se moquait parfois di
scrupules de son mari : celui-ci resta insensible
ces railleries.
Au retour d'une deses ambassades, Morusr
fusa l'offre d'une pension considérable, à caus
delà chargede sous-sheriff, qu'il continuait à exe
cer : « S'il arrivait, écrivit-il à Érasme, qu'ut j
question de privilège s'engageât entre mes cor |
citoyens et le roi, ils me croiraient moins sincèi j
389 MORUS
■t moins dévoué à leurs intérêts , en me voyant
ié par les récompenses du prince. » Si le soin
le sa fortune lui causait peu de soucis, en
evanche il regrettait que le nombre de ses oc-
upations l'empêchât de cultiver les" lettres,
jorsqu'il rentrait chez lui, il surveillait réduct-
ion, extrêmement soignée, qu'il faisait donner à
es enfants , corrigeait lui-même leurs devoirs,
t ne cessait de leur enseigner là pratfque
es préceptes [évangéliques ; il consacrait le
eu de loisirs qui lui restaient à- étudier les
ioeurs des animaux, dont il avait formé une
lénagerie, et à recueillir une collection de eu-
osités de tous genres. Cependant, sur les ins-
mees de ses amis, il résolut de composer un
jvrage dignédes espérances qu'on avait conçues
g lui dans sa jeunesse. Abrégeant ses repas,
àjà si courts, gagnant quelques heures sur son
mimeil, il travailla pendant plusieurs mois à la
•ddctiondesà fameuse Ulopie.W en communiqua
manuscrit à quelques . savants de ses intimes,
ai le comblèrent de félicitations. Budé mit en
te une préface; Érasme surveilla Ini-même
j mpression du livré, qui, publié en 1518, excita
issitôt un concert d'admiration. Le poëte fran-
is Germain Brice , contre lequel Morus avait
ncé peu d'années auparavant quelques épi-
| animes (1), conçut la plus vive jalousie de ce
i iccès ; il fit paraître, sous le titre d'Anti-Morus,
^ pamphlet, où il critiquait amèrement les épi-
; 'animes de son adversaire. Celui-ci écrivit une
've réponse, qui venait d'être imprimée lors-
iie Érasme, qui était lié avec Brice, le pria de
f pas donner suite à cette affaire; Morus, avec
lie grandeur d'âme rare chez les lettrés de cette
[ioque et même de tous les temps, racheta
ute l'édition.
i Pendant que son nom se répandait en Europe,
torus gagnait tous les jours dans la faveur du
Li : ce u'élait pas tant son activité , son ap-
[ude aux affaires et sa probité qui le faisaient
len venir du prince; mais Henri aimait à cau-
jr sur les lettres ou les sciences avec Morus,
mt l'enjouement et les saillies l'amusaient,
aussi Morus fut-il en peu d'années appelé suc-
ssivement aux emplois de trésorier de la cou-
nne, et de chancelier de Lancastre. Cependant
(regrettait vivement la sujétion où le tenait l'a-
itié que lui témoignait Henri; mandé à tout
ornent au palais, soit pour discuter quelque
ave question de théologie ou de philosophie,
it pour égayer le roi par ses bons mots, il était
rcé de résider à Londres, et ne pouvait visiter
famille que de k>in en loin. Il se mit alors à
ecter à plusieurs reprisesla plus grandegravilé,
rsque le roi s'attendait à entendre sortir de
bouche des plaisanteries ; il parvint ainsi à
-froidir un peu le goût que le roi montrait pour
personne, et à recouvrer quelque liberté.
690
i) Brice avait excité l'animosité de Morus en célébrant
vers pompeux la destruction du magnifique vaisseau
Jijlate le Régent, brûlé par les Français.
En 1523, Morus fut élu contre son gré speaker
du parlement; la cour le porta à cet office, parce
qu'elle comptait sur son influence pour, décider;
l'assemblée à voter les énormes impôts devenus
nécessaires par l'administration de Wolsey.
Après avoir obtenu la promesse qu'aucun
membre du parlement ne serait inquiété pour
l'expression de ses opinions, Morus accepta de
défendre la demande de crédits, qui ne furent
cependant votés que par suite des menaces du
roi contre les membres récalcitrants. Wolsey,
qui dès la première séance avait cherché à in-
timider l'opposition, se vit forcé d'abandonner
cette voie par les réclamations énergiques de
Morus en faveur des franchises des communes.
Il lui en fit publiquement des reproches quel-
que temps après ; loin de s'excuser auprès du
tout-puissant ministre, Morus répondit à cette
sortie par des plaisanteries. Le cardinal, irrité, es-
saya de se débarrasser de lui en le faisant envoyer
comme ambassadeur en Espagne ; mais Morus
représenta au roi que sa sanlé délicate ne résis-
terait pas à un voyage lointain, et il obtint de
rester à Londres. >
Quelque temps après, il écrivit contre Luther
un long traité, où il relevait dans un langage
qui nous paraît grossier les injures lancées contre
Henri VIII par le moine saxon. L'amertume de
cet écrit s'explique par le retour de Morus aux
idées austères de sa jeunesse. « A mesure qu'il
s'élevait dans les honneurs, dit M. Nisard,
son humilité augmentait de jour en jour,
comme un correctif croissant de la fortune. La
prospérité lui faisait peur ; les faveurs l'épouvan-
taient comme autant de tentations et de pièges,
et il n'engageait dans les affaires que ses talenls,
réservant sa conscience, à Dieu.... Sa maison
avait pris peu à peu l'air d'un couvent. La reli-
gion se mêlait à tous les travaux, à tous les
plaisirs. Après le souper, pendant lequel on li-
sait quelque livre édifiant et avant qu'on fît
de la musique, ce qui était l'amusement de la
veillée, il parlait aux siens des choses de la
piété et leur recommandait le soin de leur âme.
Dans la journée chacun était occupé de quelque
chose d'utile. Jamais on ne jouait, contre la cou-
tume de l'époque. Pour les maîtres comme pour
les domestiques , séparation des hommes et des
femmes. On ne se mêlait qu'aux heures des re-
pas, pour la prière, pour la lecture de piété. » La
vivacité avec laquelle Morus avait attaqué Luther
lui valut, contre son désir, de devenir de nouveau
le favori du roi. Henri allait le trouver dans sa
maison, partageait son modeste repas et s'entre-
tenait avec lui longuement et avec abandon. Un
jour le roi venait de le quitter, lorsque Morus
s'entendit féliciter par son gendre Roper de l'af-
fection que lui témoignait le roi; il répondit avec
tristesse : « Si ma tête pouvait lui faire gagner
un seul château en France, il n'hésiterait pas à
la faire tomber. »
Quoique plein de pressentiments funestes, il
€91 MORUS
n'osa pas refuser la dignité de grand chancelier vigilant
qui lui fut offerte, lorsque Anne deBoIeyn fut par-
Venue à faire renvoyer Wolsey( 1529). Le roi l'a-
vait désigné, pourprofiter de l'ascendant que Mo-
rus ayait sur le. parlement, alors très-mécontent ;
de plus il espérait que, pour garder la haute posi-
tion qui lui était accordée, Morus ferait taire
ses scrupules au sujet du divorce, qui se pour-
suivait alors entre Henri et Catherine d'Aragon ;
et il pensait que toute opposition contre son ma-
riage avec Anne cesserait en Angleterre quand
un homme aussi respecté que Morus y aurait
6<
donné son adhésion. Mais Morus avait pris la
ferme résolution de ne participer en rien aux
mesures qui allaient être prises pour faire pro-
noncer ce divorce.
C'était la première fois que les sceaux étaient
confiés à un homme qui n'était ni prélat ni de
haute noblesse. Aussi le duc de Norfolk, en ins-
tallant solennellement Morus dans sa nouvelle
charge, fit-il un pompeux éloge de ses qualités,
qui le plaçaient au-dessus des hommes .les plus
illustres par leur naissance. Morus répondit avec
une humilité sincère et un courage plein de mo-
destie, ces paroles, trop remarquables pour ne
pas être citées :
« Quand je regarde ce siège et que je considère
quels grands personnages s'y sont assis avant moi,
quand surtout je me rappelle l'homme qui l'a oc-
cupé 1e dernier, son étonnante sagacité, son expé-
rience consommée, quelle fut sa haute fortune
pendant quelques années, et comment il finit par
une chute si triste , mourant sans honneur et sans
gloire, j'ai quelque raison de regarder les dignités-
humaines comme choses depeu de durée et la place
de chancelier comme beaucoup moins désirable que
ne le pensent ceux qui m'en voient honoré. C'est
pour cela, que j'y vais monter comme à umposte
plein de travail et de dangers , dépourvu de tout
honneur véritable.et solide, et d'où il faut d'autant
plus craindre de tomber, qu'on tombe de plus
haut.-.. Qu'on juge maintenant combien doivent
me plaire et la dignité de chancelier et lés éloges
du noble duc. »
Lorsque peu de temps après le roi essaya de
déterminer Morus à se prononcer sur la légalité
du divorce, le chancelier se jeta à genoux et
rappela au roi qu'avant d'entrer à son service, il
avait juré de penser d'abord à Dieu et après
Dieu au roi, ce qu'il ferait toujours. Henri cacha
son dépit, et lui promit de ne plus le tourmenter
sur ce point. Pour éviter de participer à l'affaire
du divorce, Morus se renferma strictement dans
les attributions judiciaires de sa charge; il ap-
porta toute son activité à faire de nouveau ré-
gner la justice, fort négligée sous l'administration
de Wolsey. « Le nouveau chancelier, ajoute
M. Nisard , mit à flot toutes les affaires laissées
en suspens,, et donna une impulsion forte et
utile à tous les corps de la judicature, lesquels
s'étaient relâchés, faute d'un contrôle supérieur.
Comme magistrat, nul ne porta plus loin que lui
les vertus de sa profession, probité, intégrité,
Dans des temps réguliers, où
promptitude et la sûreté des jugements auraie
été comptées comme un des plus grands bie
dans un vaste État, l'administration de Mor
eût été assez utile et assez glorieuse pour qu'<
lui reconnût le droit de s'abstenir de toute aut
affaire. Mais dans l'état des esprits et de la ch
lisation d'alors, son application aux devoirs
sa place ne fut pas appréciée, et nul ne lui
tint compte, si ce n'est peut-être quelqu
clients , qui languissaient après une décision
qu'il retira des mains de la justice subaltera
.... Dans les cas où la loi et le bon sens étaie
d'accord, Morus montrait la seule qualité qu'i
exige du magistrat, la promptitude. Dans cei
où le bon sens était otfensé par la loi , il tes
pérait l'une par l'autre. Dans les cas imprévu
il avait une sorte d'équité ingénieuse, à la m
nière de Salomon, plus piquante qu'élevée,
marquée, si cela peut se dire-, d'un peu de ru
ticité. On en citait des traits qui reportent l'e
prit aux temps antiques. »
Dans ses moments de loisir, de plus en pli
rares, Morus écrivait des ouvrages de-pôK
mique religieuse, et il y apportait une arden
croissante contre les nouvelles opinions. Recoi
naissant de son zèle, les évêques d'Angleterre
cotisèrent pour lui offrir en présent la somme i
8,000 livres. Morus, qui occupait la place la ph
lucrative du pays à raison des émoluments détou
nés qu'elle procurait, était cependant resté pauv
parce qu'il n'avait jamais voulu faillir à la yi||
méticuleuse honnêteté : il refusa la récompen.
qu'on lui destinait pour le temps qu'il dérobait
son sommeil afin de repousser les attaques d<
hérétiques contre la religion catholique. Ceux-
se vengèrent par des calomnies ; ils accusèrei
le chancelier d'à voir pendant son ministère trai
avec la dernière cruauté tous ceux qui s'écartaiei
de l'Église romaine. Leurs incriminations, répété*
depuis par la plupart des historiens, étaient di
nuées du fondement. M. Nisard l'a prouvé le pr
mier, avec une complète évidence. En théorii
Morus regardait, il est vrai, l'hérésie comme
plus grand des crimes, et il admettait comn
justes les lois de répression cruelles alors «
vigueur dans tous les pays catholiques et prote
tants contre ceux qui ne suivaient pas la rel
gion de l'État; mais sa bonté naturelle le i
reculer devant la mise en pratique de ces prh
cipes. Voici comment il s'exprime dans se
Apologie ( ch. xxxvi ) sur les reproches qi
ses ennemis lui faisaient d'avoir fait torturer
fouetter des hérétiques : « Je n'ai jamais fa
subir aucun traitement de ce genre à aucro
d'eux dans toute ma vie , excepté de les ten
bien enfermés; » et plus loin : « De tous ceu
qui sont jamais tombés dans mes mains poi
crime d'hérésie, j'en prends Dieu à témoin, pi
un n'a reçu d'autre mal que d'être enfermé dar
un endroit sûr; sauf cela, je n'ai donnéàaucu
ni coup ni heurt quelconque, pas même ur
)3
liqueuaude sur le front. >- ( V-oy. sou Apo-
gie , cli. xlix ). Dans leur réponse à YApo-
gie de Morus, ses ennemis n'osèrent plus re-
oduire leurs imputations, dont la fausseté est
core prouvée par ce passage -d'une lettre d'É-
sme : « Ce fut pourtant une assez grande
[euve d'une clémence singulière , que sous sa
[ ancellerie personne ne perdit la vie pour les
(uvelles croyances, quoiqu'il y eût dans les
lux Germanies et en France de nombreux
temples de gens punis pour ce fait du dernier
[oplice. »
\ Cependant la position de Morus devenait de
Jts en plus fausse dans un ministère dont le
jîf Véritable était Anne de Boleyn. Le 16 mai
S? il remit les sceaux entre les mains du roi,
D le congédia avec beaucoup de remerctments
2ir tous ses bons services. « 11 se trouva si
J ilagé et si libre d'esprit qu'il reprit tout à
ip sa gaieté et cette humeui particulière qui
il des sujets de plaisanterie des choses les
û s sérieuses. » On le vit dans la manière plai-
i te dont il annonça sa démission à sa femme.
u es avoir placé sa maison au niveau du re-
u de. cent livres par an, qui lui restait, il
i tinua à l'habiter avec ses enfants et ses pc-
! -enfants; mais quelque temps après la pau-
■ télés força d'abandonner cette vie commune.
1 ?é de la société des siens ,'Morus devint som-
H ; ayant naturellement la plus grande appré-
1, sion de la douleur physique , il frémissait à
Rée qui s'enracinait de plus en plus en son es-
i que le roi ne cherchait qu'une occasion pour
l .lerdre. En elfet Henri ne pouvait pardonner
1 miliation constante pour lui d'être désap-
iuvé, quoique sans bruit, par l'homme le
j ; honnête de son royaume. Cependant, sou-
Hi par sa vive piété , Morus, qui, il l'avouait,
Bit peur d'une chiquenaude , en vint à ne plus
miter la mort et à s'y préparer avec courage.
(enri, après avoir essayé sans succès de faire
àmluire Morus en justice sous divers prétextes
l' ies , notamment pour crime de non-révéla-
t dans l'affaire de la nonne de Kent , le fit
;>«imer (avril 1534) de prêter le double ser-
fnt d'allégeance aux descendants de la nou-
v e reine Anne et de suprématie spirituelle du
afc Morus s'y refusa avec constance, quoiqu'il
#avec Fisher, évêque de Rochester, le seul
•i osant. Condamné à la prison perpétuelle et
if confiscation, il fut enfermé à la Tour. Il y
pi sa un an, résistant à toutes les obsessions
•A» pour ébranler sa résolution. Sa fille Mar-
* £ rite même, son enfant favori et dont les vi-
ls étaient pour lui une consolation souve-
l(e, essaya en vain de le faire quelque peu
3;r. Henri, exaspéré de voir un seul homme
Js tout son royaume s'opposer à sa tyrannie,
ïj'lut d'en finir. Cité le 7 mai t535 à la barre
dibanc du roi pour crime de haute trahison ,
fljus, dont l'attitude dans toute cette procédure
«lue, fut admirable, se vit condamné à mort,
MORUS 604
le 1er juin (I . Six jours après il Put exécuté (2).
Sa tête, exposée plusieurs jours surle pontde Lon-
dres,fut rachetée pars» li'le Marguerite. Sa veuve,
chassée de la maison de Chelsea, reçut une pen-
sion de vingt livres.
« Il nVsi pas dans l'histoire , dit Mackintoscli ,
de caractère qui ait plus approché de la perfec-
tion que celui de Morus. Ne disons pas de lui :
Il était simple , naturel ; c'est un éloge qu'on
peut décernera tous ceux qui ont mérité le nom
de grand. Il semble que toutes ces qualités aient
(1) Voici quelques-uns des traits à jamais remarquables
qui signalèrent la lutte de Morus contre le roi, contre sa
propre famille, contre tout son pays.
Sa femme étant venue le voir en prison lui reprocha
avec emportement sa résolution de ne pas prêter le
nouveau serment imposé 'par la décision des chambres.
« Qu'est-ce donc, dit-elle, que ce prétendu sage qui se
résigne à vivre enfermé dans la compagnie des rats,
quand il pourrait recouvrer sa liberté et revoir sa Jolie
maison, sa bibliothèque, sa galerie, son jardin, son verger,
sa femme et ses enfants, pour peu qu'il voulût faire ce
que tous les hommes Instruits de l'Angleterre avaient
fait?» — Dites-moi, dame Alice, répondit-il, dites-moi
une seule chose. —Quoi? dit-elle. — Cette maison-ci n'est-
eUe pas aussi près du ciel que ma jolie maison de Chelsea.
— « Chansons ! Chansons ! reprit-elle avec humeur. —
Je ne sais, répliqua Morus, pourquoi je tiecdrals tant à
ma maison et tout ce qui s'y trouve ; car si après avoir
été MX ans sous terre, je sortais de ma tombe et reve-
nais à Chelsea, je ne manquerais pas d'y trouver des
gens qui me mettraient à la porte et qui me diraient que
ma maison nest pas à moi. Pourquoi donc, encore une
fois, ajmerais-je tant une maison qui oublierait sitôt
son maitre? Voyons, dame Alice, combien d'années me
donnez-vous à vivre et à jouir encore de Chelsea? —
Vingt ans, dit-elle.— En vérité, reprit-il, si c'était mille,
il y aurait à y regarder. Et encore serait-ce un mauvais
marché que de perdre l'éternité pour mille années; mais
combien pire serait-ce, s'il est vrai que nous ne sommes
pas sûrs d'un jour ! »
Tout en se refusant à prêter le serment qu'on vou-
lait lui extorquer, il fut longtemps avant de s'exprimer
catégoriquement sur la légalité du statut qui ordonnait
ce serinent. Un de ses juges en prit occasion pour lui
dire : « Si vous avez un si grand désir de quitter le
monde, que ne vous prononcez-vous nettement contre
la légalité du statut? Votre silence ferait croire que vous
seriez moins coulent de mourir que vous le dites. » Mo-
rus fit cette sublime réponse .- « Je n'ai pas été un homme
d'une vie si sainte que je puisse oser m'offrir de moi-
même à la mort. Je craindrais que Dieu ne me punit de
ma présomption en m'abandonnant. Aussi au heu de me
jeter en avant, j'ai cru devoir plutôt me retenir et re-
culer. »
(2) Sauf Luther et quelques autres protestants fanati-
ques, tels que Crépin, l'auteur du Martyrologe, le meur-
tre juridique de Morus ne trouva que peu d'approba-
teurs, même à cette époque de haiues féroces. « Le sup-
plice de Morus, dit Érasme dans son récit anonyme sur
la mort du chancelier, fut un sujet d'universels regrets
pour ceux même qui avaient été en opposition avec l'an-
cien ministre ; tant ce grand homme était aux yeux de
tous doué de candeur et de sagesse ; tant il y avait en
lui de bienveillance et de bonté 1 Grand chancelier du
royaume, il ne congédia jamais personne sans que le
solliciteur s'en retournât content et reconnaissant des
conseils ou des bienfaits du ministre. Beaucoup d'hom-
mes d'Etat de nos jours n'ont de faveurs et de grâces à
accorder qu'à leurs amis ou à leurs créatures. Les Fran-
çais ne prolétentque des Français, les Allemands que des
Allemands, les Écossais que des Écossais; Morus dans sa
bienveillance, embrassait tout le monde. Cette vertu
lui concilia l'affection universelle. En le perdant cha-
cun pleurait un ami, un frère. J'ai vu couler les
larmes de bien des gens qui n'en avaient jamais reçu ni
faveurs ni services. »
695
MORUS
été le produit spontané de sa nature. Il est en- l
joué sans ostentation, il monte à l'écliafaud n'ayant |
pour auréole que sa bonté sans faste. C'est à
Çhelsea, au sein de sa famille, qu'il a appris à
contempler sans émotion la hache du bourreau.
On pourrait regretter que tant de qualités supé-
rieures aient été comme enchaînées au service
d'un prince qui n'eut presque pas de rival en
perversité. Et cependant Henri VIII servit à re-
hausser le courage , la magnanimité, la douceur
de sir Thomas More. » Érasme, dans une lettre
à Hutten, nous a laissé de son ami un portrait
défailleront nous allons reproduire les principaux
traits. Sa taille était au-dessus de la moyenne,
ses membres bien proportionnés, son allure noble.
Il avait le visage blanc et légèrement coloré , les
cheveux de couleur châtain foncé, les yeux
bleus et tachetés. Ses mains étaient rudes et né-
gligées, sa toilette n'était jamais soignée. Il avait
une voix douce et pénétrante; ses manières
étaient aimables, attirantes, libres de toute cette
étiquette particulière à son pays et à son épo-
que. Il aimait passionnément le repos et la li-
berté ; mais quand le devoir le voulait, il se mon-
trait un modèle de zèle et de patience. Il sem-
blait né pour l'amitié; peu exigeant pour lui-
même , il sacrifiait ses propres affaires à ses
amis. Il aimait la plaisanterie jusqu'à la trouver
bonne même contre lut, et pourvu qu'on y mît
de l'esprit on lui plaisait plus à le railler qu'à
le louer. Il s'amusait de toutes sortes de discours,
de ceux des sots comme de ceux des doctes;
il prenait même plaisir aux propos du peuple
qu'il allait écouter dans les marchés. Il recevait
souvent à sa table les paysans du voisinage, les
accueillant avec gaieté et familiarité. Quant aux
grands et aux riches , il ne les fréquentait qu'avec
réserve et ne les admettait que rarement dans
son intimité. D'une charité inépuisable, il recher-
chait les pauvres honteux pour les assister; il
avait loué à Chelsea uns maison . où il entrete-
nait un certain nombre de vieillards infirmes.
Enfin Morus fut en Angleterre un des protec-
teurs les plus actifs et les plus éclairés des let-
tres et des arts ; c'est lui qui accueillit Holbein à
son arrivée en Angleterre et qui lui procura les
bonnes grâces de Henri VIII.
Les œuvres latines de Morus ont été réunies
en un volume in-fol., Bâle , 1563, Louvain, 1566,
et Francfort, 1 589 ; ce recueil contient : Histo-
ria Richardi III, régis Anglias; Responsio ad
convicia M. Lulheri; Expositio Passtonis
Christi; Quodprofide mors fugienda non sit;
Precatio ex Psalmis collecta; Poemata;
Epialolse; enfin Utopia, sive de oplimo rei-
publicœ statu. « Ce livre, dit M. Audin, qui
lors de son apparition excita parmi les huma-
nistes une si profonde sensation, dont tout le
monde connaît le litre, que quelques philosophes
ont eu seuls la patience de lire et dont l'érudit
le plus courageux a parcouru quelques pages à
peine, n'est point une œuvre capitale, mais sim-
plement un jeu d'esprit, comme les savants ; ■
proposaient à cette époque; une fantaisie de [ai
tré , un caprice d'écrivain qui a besoin d> \È
distraire et d'amuser ses lecteurs... L'UtiH
forme deux livres, ou plutôt un livre et un chc ; r.
le livre, où l'historien trace le tableau criti H
de la forme sociale telle qu'il l'a trouvée en ïi
gleterre ; le chant, où le poëte construit le | jjl J
d'une organisation dont il a trouvé la fo M
dans la république de Platon. Dans ces d I
fragments, Morus se pose en réformateur. L •
teur trouve la législation anglaise trop cru» -s
il voudrait adoucir le code pénal de sa nat ■
«Je pense, dit-il, qu'il y a de l'injustice à tue I
homme parce qu'il a pris de l'argent. » Il va D
loin, et il s'élève de la manière la plus forn H
contre la peine de mort. Ailleurs, pressé pai M
arguments du cardinal Morton (1), il finit ■
dire sans réticence que le seul moyen de c ■
tituer le bonheur du genre humain, c'est d'al r
la propriété ; car sans la communauté des bi M
le peuple ne saurait avoir en partage que dis ■
et tourment. » La seconde partie de l'Utopie t
le poème destiné à nous révéler les merve m
de ce monde imaginaire, l'Ile Utopie, oui
d'une vie sociale toute nouvelle le petit pe i l
dont l'organisation est offerte comme mod^ à
toutes les nations du continent. Le but des B
titillions sociales en Utopie est de fournir I
bord aux besoins de la consommation publ e
et individuelle , puis de laisser à chacan le I
de temps possible pour s'affranchir de la I
vitude du corps, cultiver librement l'esprit. -
velopper ses facultés intellectuelles pour f é ■
des sciences et des lettres. C'est dans ce d I
loppement complet que les Utopiens font '■
sister le vrai bonheur. Dans l'île d'Utopie t
vient du peuple, tout remonte au peuple; le I
gistrat est élu par le peuple au scrutin seel
tout comme le prêtre. L'organisation ciil
fondée sur la famille,, est entièrement ni
blicaine; toutes les fonctions sont annuel!
sauf celle du chef de la nation, qui est noi "
à vie. Tout appartient à tous, sauf les femi I
Outre l'agriculture, chacun est tenu de m
voir un métier; il n'y a que ceux qui mont H
des dispositions bien constatées pour les se 9
ces qui soient dispensés des travaux I
nuels, qui occupent six heures dans la jou m
de chaque Utopien. On mange en comil
dans des salles où se trouvent réunis tous M
moyens de charmer les sens , musique , , m
fums,etc. En se livrant à leur penchant i H
tous les plaisirs permis , les Utopiens crew
suivre la volonté de Dieu. Le mariage, quinM
contracte que lorsque les fiancés se sont vus H
à face et sans voile, peut être dissous par <rj
sentement mutuel; mais l'adultère est le M
crime qui soit puni de mort. Toutes les >■
gions sont tolérées en Utopie. Notons encore M
(1) Le premier livre de VUtopie est en forme de p
logue ; le cardinal Morton est un des interlocuteurs.
MORUS — MORVAN
698
is ce pays, où la propriété* n'est pas reconnue,
/ a <les esclaves j une preuve de plus que Ma-
, ne se donnait pas la peine de faire regarder
ome sérieuses les idées qu'il émettait dans
niable jeu d'esprit auquel les communistes de
1 jours ont voulu donner une tout autre por-
i L'Utopie a été traduite dans toutes les lan-
I s de l'Europe , notamment en français ; Pâ-
li 1550, in-8°(par J. Le Blond), et Paris, 1842,
i t°, par Frouvenel , avec introduction et notes.
H jes écrits de Morus, rédigés en anglais, ont été
i leillis en un volume, in-fol.; Londres, 1557,
k y trouve surtout des écrits de controverse
■ pieuse, tels que : A Dialogue, The suppli-
tion of Soûls, The Con/utation of Tyndale's
\wer to his Dialogue, The debellacyon of
g em and Byzance, des prières, des lettres à
fille Marguerite et YApology de Morus écrite
S > 533, en réponse à un pamphlet dirigé contre
i croyances et son administration. Dans, les
gte Paper s, publiés par M. Ellis, se trouvent
«ieurs lettrés de Morus adressées à Wolsey.
E. GrÉcoiRE.
x, fila Mori (Oxford, 1716, traduit en anglais ;
res, I73î). — Stapleton, Très Thomse (Douai, t588;
lit en français et annoté par Audin , Paris, 1849 ). —
e More, The Life of Th. More (Londres, 16J7 et
l'auteur était arrière-petit-fils de Morus). — Hod-
on, The Life of Th. More, — Walter, Thomas Mo-
t son époque, traduit librement de l'anglais par
gner (Tours, 18*7, ln-8°). — Rudhart, Thomas Mo-
ins den Quellen bearbeitet (Nuremberg, 18:9, in-8°).
ommes, Tho. Morus (Augsbourg, 1847, in 8°). —
on, Mémoires, t. XXV. — A Cayley, Memoirs of
Th. More. — Campbell, Lives of the lord chief-jus-
( la partie de cet ouvrage concernant Morus a
é traduite par Mme Roland dans la Revue Indépenr
Wte, n°« des 10 août et 20 septembre 1846). — D. ISlsard,
Hcs sur la Renaissance. — Enfin, une des sources les
I importantes à consulter sur Morus, c'est le recueil
Lettres d'Érasme.
IORîs ( Samuel-Frédéric-Nathanael ),
Eianiste et théologien allemand, né le 30 no-
bre 1736, à Lauben ( Haute-Lusace ), mort
eipzig, le 11 novembre 1792. Distingué de
jne heure par son application à l'étude et
la solidité de son jugement, il professa la
Îosophie à Leipzig (1768), puis les langues
:que et latine ( 1771 ). Après la mort d'Er-
ti, dont il avait été le disciple et sur les traces
|uel il s'efforça de marcher, il fut nommé
jfesseur de théologie ( 1782 ). Savant modeste
laborieux , ayant plus de bon sens que de
lie, il sut faire des concessions aux tendances
Illogiques modernes, avec tact et discerne-
Int, suivant, sans jamais le hâter, le mouve-
lit qui depuis le milieu du siècle dernier
Bssa la science dans un sens nouveau et ap-
liua aux diverses branches de la théologie
H résultats les plus certains des recherches
Boriques et philologiques. Outre des éditions
ftmées de Xénophon, d'Isocrate , de Plutar-
1, de l'empereur Antonin, de Longin et de
Rîs César, et on grand nombre de commen-
5 es sur la plupart des livres d'i Nouveau
tament, publiés après sa mort par quelques-
uns de ses disciples, on a de lui : Vita J.-J.
lieiskii ; Leipzig, 1776, in-8°; — Epitome
Theoloqix Christian x ; Leipzig, 1789, in-8u;
trad. en allem. par Schneider ( 1795 ); ce ma-
nuel de théologie a eu plusieurs éditions et a
servi pendant assez longtemps de texte aux
cours de dogmatique dans plusieurs universités
de l'Allemagne; — Commentarius exegetico-
hïstoricus in Mori Epitomen ; Halle, 1797-
1798, 2 vol. in-8° : cet ouvrage, publié après sa
mort par C.-A. Hempel, contient le développe-
ment qu'il donnait dans ses leçons à sou Épitomé
de Théologie; — Akademische Vorlesungen
uber die theologische Moral ( Leçons académi-
ques sur la morale théologique ); Leipzig, 1794-
1795,3 vol. in-8°, publiées par les soins de F.-T.
Voigt; — Dissert, theologicx et philologicx ;
Leipzig, 1787-1794, 2 vol. in-8°; trad. en allem.
par Rûchel ( Leipzig, 1793- 1 794 ) ; — Super her-
meneutica Novi Testamenti Acroases acade-
micx; Leipzig, 1797-1802, 2 vol. in-8°; publié
par H.-K.-Abr. Eichstaedt. M. N.
Conversations -Lexlkon.
morcs. Voy. More.
imorvan ou morman, roi de la Bretagne
armoricaine, tué en 818. Descendant des pre-
miers comtes de Léon, il fut, à l'avènement de
Louis le Débonnaire, élu chef de la nation bre-
tonne, décidée à secouer la domination franque.
Sur son refus de payer le tribut imposé aux
Bretons par Charlemagne , Louis appelle à sa
cour, pour le consulter, le comte Lambert, qui
était chargé de maintenir ce peuple dans la
soumission. Au rapport d'Ermold Nigellus ,
chroniqueur contemporain , Lambert se serait
exprimé sur les Bretons dans ces termes, dictés
par la haine : « C'est une race orgueilleuse et
perfide, pleine de malice et de mensonge ; elle
est chrétienne , mais c'est seulement de nom ,
car elle n'a ni la foi ni les œuvres ; elle habite
les bois comme les bêtes fauves, et vit comme
elles, de rapines. Son chef s'appelle Morman, si
tant est qu'il mérite le nom de chef, lui qui
régit si mal son peuple » Louis envoya auprès
de Morvan Witeher, abbé de la marche de Bre-
tagne, qui se présenta devant la demeure du
roi, située au milieu d'un bois épais, et entourée
de haies et de fossés. Admis auprès de Morvan,
l'abbé était sur le point de décider le roi à re-
connaître la suzeraineté de l'empereur, lorsque
entra tout à coup l'épouse du prince. « Cette
femme altière et insidieuse, dit Ermold, venait
de quitter son lit et apportait le premier baiser-
à son mari. L'ayant embrassé, elle lui parla
longtemps à voix basse; puis, jetant un regard
de mépris sur l'envoyé, et s'adressant tout haut
à Morvan : « Roi des Bretons, dit-elle, honneur
de notre nation , quel est cet étranger et d'où
vient-il ? Que nous apporte-t-il ? Est ce la guerre,
est-ce la paix ?» — « C'est lé messager des
Francs, répond en souriant Morvan. Qu'il ap-
porte la paix ou la guerre, ces choses regar-
699
MORVAN —
dent les hommes'; femme, va en repos à tes
affaires. » — Cependant le roi remet sa réponse
au jour suivant; lorsque le lendemain matin
Witeher se présente pour la recevoir, le roi lui
dit d'une voix altérée : « Va dire à ton césar que
Morvan n'habite point sa terre, et qu'il ne veut
point de ses lois. Je refuse le tribut et je défie les
Francs. » En vain l'abbé le menace de la colère
de Louis, qui fera marcher contre les Bretons
des milliers de soldats ; Morvan répond : « Eh
bien! moi aussi j'ai des chariots, pleins de ja-
velines; j'ai des boucliers coloriés, si vous en
avez de blancs. » Witeher va rapporter ces
paroles à l'empereur, qui assemble une armée
considérable, et l'envoie en Bretagne. Les
Francs dévastent tout le pays; aucun ennemi
ne les aborde de front en plaine; les Bretons
se cachent parmi les rochers et les buissons, ou
se retranchent derrière leurs enclos et font une
guerre de surprises. Morvan, avec un petit nom-
bre de guerriers, s'apprête à cerner un parti de
Francs , qui escorte les bagages ; avant de
quitter sa demeure, il vide, selon la coutume du
pays, une énorme coupe, et promet à sa femme
de lui rapporter ses javelots teints du sang en-
nemi. Jl joint bientôt le corps de Francs qu'il
guettait, l'attaque de tous côtés, s'éloigne et re-
vient à la charge selon la coutume de sa nation.
Il se précipite enfin sur Hossel, le chef en-
nemi, et lui lance son javelot ; le Franc pare le
coup avec son bouclier, et frappe le roi de sa
lance pesante; atteint à la tempe, Morvan tombe
mort; quelques instants après Hossel est tué
par un Breton. La tête du roi fut portée à l'em-
pereur ; les Bretons se soumirent, et payèrent le
tribut pendant quelques années. Tel est le récit
dramatique du moine qui, comme le remarque
Aug. Thierry (LettressurVhistoirede France),
aurait pu faire naître des inspirations poétiques
pleines d'intérêt.- O.
Ermoldus Nigellus', De Rébus gestis Ludovici PU. —
Courson, Histoire des peuples Bretons'.
morvan (Olivier-Jean), littérateur fran-
çais, né le 15 mai 1754, à Pont-Croix (Bre-
tagne), guillotiné le 22 mai 1794. Avocat à
Quimper, il fut nommé en 1790 membre du di-
rectoire de son département ; arrêté comme fé-
déraliste avec tous ses collègues, il périt sur lfé-
chafaud. Il a laissé quelques pièces de vers re-
marquables, telles que une Êpître aux Mu-
ses , insérée dans le Mercure (1786), une
Ode contre le jeu, dédiée à Dusaulx; et une
Ode sur le triomphe de l'humanité dans le
dévouement héroïque du prince Léopold de
Brunswick ( 1789, in-8° ). K.
Miorcec de Kerdane t, Écrivains de la Bretagne.
mortelle {Charles-Jean-Baptiste Fleu-
re au, comte de), diplomate français, né le 30 oc-
tobre 1686, à Paris, mort le 2 février 1732, à
Versailles. Il était fils de Fleuriau d'Armenon-
ville, garde des sceaux (l). Destiné à la magis-
(1) Son père, Josepft-Jean-Baptiste Fleuriau d'Ar-
MORVILLIER 7
trature, il fut en 1706 avocat du roi au Châtelt
puis conseiller au parlement de Paris et pro< '<i
reur général au grand conseil. En 1717 il vén I
cette dernière-charge à l'avocat Héraut, qui pi I
tard devint lieutenant de police, et remplaça I
mois de janvier 17 18 M. de Châteaurteuf djli
l'ambassade de Hollande; il sut tellement
concilier l'estime et la confiance des états géi
raux de ce pays, qu'il les détermina à consenl fi
le 8 mars suivant, à la quadruple alliance. I
1720 il fut désigné avec Saint-Contest pour i I
sister au congrès de Cambrai. Toutes les pu ï
sances de l'Europe y envoyèrent des représc I
tants ; mais, suivant l'expression de Saint-Sirn< \
les cuisiniers y eurent plus d'affaires que lei |
maîtres. Le 9 avril 1722 Morville succéda à s I
père dans le ministère de la marine, et après |
mort du cardinal Dubois ( 10 août 1723 ) il pas j
au département des affaires étrangères, où ilre: I
jusqu'au 19 août 1727. On ignore si sa retra J
fut causée par la disgrâce de son père ou r.
l'influence de la reine d'Espagne, qui ne pouv (
lui pardonner de s'être associé au renvoi
l'infante. II était entré dans l'Académie França j
Ie23 juin 1723, en remplacement de l'abbédeDîj
geau. L'Académie de Bordeaux l'avait chc ;
* pour protecteur. « Élevé aux plus grandes
gnités de l'État , dit D'Alembert, il ne manqu [
au comte de Morville que de les perdre poj
prouver combien il en était digne.... Les letti
et les beaux-arts, qu'il aimait, firent non pas
ressource, mais la douceur de sa retraite. »
Saint-Sfmoii, Mémoires. — D'Alembert, Éloges.
mOrvillier (Jean de ), prélat et minisl
français, né à Blois,le 1er décembre 1506, mon
Tours, le 23 octobre 1577. 11 était fils d 'Etienne >|
Morvillier, seigneur de Nézement, de Saint-LulJ
et de La Sourdière, procureur du roi Louis 3
au comté de Blois. Sa mère se nommait Maftï
Gaillard. Jean de Morvillier fut d'abord doy
de Bourges et d'Évreux, abbé de Saint-Pier]
de Melun et de Bourg-Moyen, puis désigné p
le roi Henri II évêque d'Orléans et confirmé pj
le pape en la possession de cet évêché, le 27 avi
1552. Ce n'est pas la liste complète de ses b
néfices : il en posséda beaucoup d'autres;
cependant il les fit tous gérer par des vicaires I
menotîville, appartenait à une famille de marchai)
établie à Tours; il vint à Paris en 1684, s'intéressa da
les fermes, et acheta une charge de secrétaire du roi. F j
l'intermédiaire du contrôleur général Le Pelletier, s I
beau-frère, il obtint une place d'intendant des finan&l
qu'il échangea en 1701 contre celle de directeur génér I
« Celait, dit Saint Simon, un homme léger, gracleil
respectueux quoique familier, toujours ouvert, tnujoi
accessible, aimant le monde, la dépense et surtout \
bonne compagnie, qui était nombreuse chez lui. »Rédil
en 1708 à la simple fonction de conseiller d'État, il su
céda en 1716 au marquis de Torcy comme ministre de !
marine; dans l'année même où il céda ce portefeollle I
son fils, il avait été nommé garde des sceaux (28 fcvrl I
1722). Disgracié en 1727, il se retira au château de M
drid, que Louis X IV lui avail donné, et y mourut, le 27 n I
vembre 1728. Un de ses frètes, Thomas Charles Flei!
riau, était jésuite et a lafssé quelques ouvrages | vo\
ce nom). '
H
s procureurs. Tout entier au service (lu roi, il
;rut rarement même dans son évêché. Il eut
ietix fait peut- être de n'y paraître jamais,
lisque sa présence à Orléans fut l'occasion
in scandale et d'un long procès. Voici le récit
régé de cet événement. Suivant la mode de la
nr, Jean- de Morvillier, plus gentilhomme qu'é-
qoe, portait une longue barbe. A la vue de
te barbe les chanoines d'Orléans se débour-
rent indignés, et, réunis en chapitre, le 3 no-
mbre 1552, ils décrétèrent que le seigneur
Sqtie serait sommé de supprimer au plus tôt
ornement peu canonique. Celui-ci reçut la
nmation, mais n'y fit pas droit. De là nou-
les plaintes, refus d'obéissance, débats judi-
ires, textes allégués, et dans toute l'église
»rléans grand tumulte. Cette grave et ora-
ise controverse dura près de quatre ans.
fa, Jean de Morvillier, estimant que la cause
sa barbe était perdue, fit intervenir le roi
is cette affaire. En l'année 1 556, le roi écrivit
chanoines d'Orléans qu'il avait dessein d'en-
*er Jean de Morvillier en des pays étrangers
sa barbe lui serait nécessaire, in quibus
essarta erat barba. Ainsi la contestation fut
.oinée. Jean de Morvillier reçut à Orléans,
I560, François II et sa femme, Marie Stuart.
1561 il assistait au colloque de Poissy;en
3, an concile de Trente. Enfin, en 1564, il se
it de l'évêcbé d'Orléans en faveur deMathurin
>a Saussaye , son neveu. Nous Ip voyons, en
}, nommé garde des sceaux de France ; mais il
«qua cette charge en 1570. Il revenait d'un
âge à Poitiers, quand il fut surpris à Tours par
•aladie qui l'emporta. Il avait pendant trente-
; ans,' suivant le témoignage de Scévole de
Ite-Marthe, joui d'un grand crédit à la cour
rance, ou la modération de son caractère ne
vait pas acquis moins de partisans que son
leté dans le règlement des affaires diploma-
:s. On prédit un échec à sa bonne renommée
id il fut chargé de la garde des sceaux,
& la disgrâce de Michel de L'Hôpital. Le
celier de L'Hôpital devait être regretté ; il
it : cependant la bonne grâce de Morvillier
la grande douceur en ces temps difficiles
lu oncilièrent, suivant de Thou, l'approbation
gcrale. B. H.
JB>\tHa Christiaha, t. VIII, col.' 1*85.
MORY d'elyange ( François -Dominique),
n^ismate français, né à Nancy, en 1738, déca-
pi le 14 mai 1794. II servit quelque temps
«ine lieutenant dans l'armée du roi Stanislas,
alj. duc de Bar et de Lorraine. Après la mort
.■dfie ; monarque, il quitta le service. Ses goûts
wkifiques l'entraînèrent vers l'étude des anti-
Bis et surtout de la numismatique de son
l>4. Ses opinions royalistes bien connues cau-
sé it sa perte. Quatre de ses lils émigrèrent.
Tï;; furent tués en combattant contre leur pays.
Bfy d'Elvange fut sous la terreur accusé d'a-
TQ favorisé l'évasion de plusieurs émigrés
MORVILLIER — MORYSON
702
et d'entretenir des correspondances coupables h
l'étranger. Traduit sous cette double accusation
devant le tribunal révolutionnaire, il fut con-
damné et exécuté avec son plus jeune fils, qui
était rentré clandestinement de l'émigration. On
a de lui : Inscriptions qui se lisent sur les
tombeaux des princes et princesses de l'au-
guste Maison de Lorraine, dans le caveau
ducal , sous la chapelle ronde, avec notes, et
plan, Nancy, 1774, in-8° ; — Recueil pour ser-
vir à l'histoire métallique des maisons et du-
chés de Lorraine et de Bar, avec les em-
preintes des monnaies et médailles; Nancy,
1780 : couronné par l'Académie de cette ville;
réimprimé sous ce litre : Notice d'un ouvrage
intitulé: Becueil pour servir à l'histoire métal-
lique des maisons et duchés de Lorraine et de
Bar, et des villes de Metz, Toul et Verdun;
Nancy, 1782, in-8°. Il contient environ 1,500 mé-
dailles : M. deSauley a relevé plusieurs des er-
reurs commises par Mory d'Elvange, dans un ou-
Trage intitulé Recherches sur les monnaies des
ducs héréditaires de Lorraine ( Metz, 1841,
in-4°, avec fig. ) ; — Essai historique sur les pro-
grès de la gravure en médailles, chez les ar-
tistes Lorrains, etc.; Nancy, 1783, in-8°; —
Notice d'une collection métallique donnée
par le roi Stanislas II à la Bibliothèque de
Nancy ; 1787 , gr. in-8° ; — Essai sur l'utilité
et l'agrément que l'on doit tirer de l'étude des
médailles ; Nancy, 1787, in-8° ; -— États, Droits
et Usages en Lorraine, etc.; Nancy, 1788,
in-8°; — Fragments historiques sur les états
généraux en Lorraine , la forme de leur
convocation, la manière d' y délibérer ; Metz,
1788, in 8°; — Vérités qu'il ne faut pas ou-
blier ; projets qui peuvent en faire naître
de plus utiles; 1788, in-80; — De la Noblesse
et de ses droits : des sacrifices qu'elle a faits
et qu'elle doit faire; Nancy, 1789, in-8°; —
Serments, Pouvoirs, Instructions; Nancy,
7 mars 1789, in-80;— Observations historiques
sur les Avoués et Voués; leur origine, leurs
fondions, leurs droits; Nancy, 1790, in-8°.
La bibliothèque de Nancy possède en manuscrit
de Mory d'Elvange : Nécrologe de l'auguste
Maison de Lorraine, depuis l'an 1 50% jusqu'en
1773, etc. ; — Notice sur quelques manuscrits
rares, utiles à l'histoire de Lorraine, etc.; —
Mémoires généalogiques de la Maison de Lenon-
court; 1786,in-f° ; — Abrégé historique et chro-
nologique des Traités de paix, d'alliance, etc.,
dans les temps modernes , 7 volumes in-fol. de
pièces originales ou manuscrites concernant la
Lorraine et les pays limitrophes, etc. L — z — e.
La Moniteur universel, ann. 17B4.' — Quérard, La
France Littér. — DM. Hist.
moryson ou morison ( Fynes), voya-
geur anglais, né en 1566, dans le comté de Lin-
coln, mort vers- 1614. En 1580 il entra à l'uni-
versité de Cambridge et étudia les humanités et
le droit. Après y avoir pris le degré de maître
703 MORYSON — MOSCA
es arts ( 1587), il s'embarqua pour le continent",
70<
et commença le cours de ses longs voyages, qui
durèrent dix ans et dont il fit une grande partie
à pied. Il parcourut l'Allemagne, la Bohême, la
Suisse, les Pays-Bas, le Danemark,: la Pologne,
l'Italie, la Turquie, la France, et ne s'arrêta qu'à
Dublin après avoir visité les Iles Britanniques.
Par l'intermédiaire de son frère, sir Richard
Moryson, qui était vice-président de Munster, il
devint en 1598 secrétaire du lord- député lord
Mountjoy. Ce ne fut qu'après sa mort que parut
la relation de ses voyages : Itinerary contai-
ning his ten years1 travel ; Londres , 1617,
in-fol. en 3 parties ; il l'écrivit d'abord en la-
tin, puis en anglais. On y rencontre beaucoup
de particularités intéressantes sur l'état et les
mœurs de l'Europe à la fin du seizième siècle.
On a réimprimé la seconde partie de ce volu-
mineux ouvrage, sous le titre : A History of Ire-
landfrom the year 1599 lo 1603, to which is
added a description of Ireland; Dublin, 1735,
2 vol. in-8\ K.
Harris, Ireland (édit. de Ware).- TheEnglish Cyclop.
( Biogr.).
Monzii.i.o (Sébastien-Fox), éppAil espagnol,
né vers 1523, à Séville, mort en 1560. Placé par
Baillet parmi les enfants célèbres, sans doute parce
qu'il publia à dix-neuf ans un traité de philoso-
phie, il termina ses études à l'université de Louvaio
et étudia avec soin l'histoire des querelles des
platoniciens et des péripatéticiens. Philippe II le
nomma précepteur de son fils don Carlos, et ce fut
après avoir quitté les Pays-Bas pour se rendre
auprès du jeune prince qu'il périt, dans un
naufrage. Les auteurs contemporains ont donné
à Morzillo beaucoup de louanges ; Vossius l'ap-
pelle philosophum prœstantissimum et doc-
tissimum. On a de lui : In topica Ciceronis
Paraphrasis et scholia ; Anvers, 1550, in-8°;
— De Imitatione, sive de informandi styli
ratione; ibid., 1554, in-8°; — In Platonis
Timaeum commentarius ; Bâle, 1554, in-fol.;
— Compendium ethices philosophise ex
Platone, Aristotele aliisque autoribus col*
lectum; Bàle, 1554, in-8°; — De naturse Phi-
losophia, seu de Platonis et Aristotelis con-
sensione, lib. V; Louvain, 1554, in-8°; Paris,
1560, 1589, in-8°; Lyon, 1622, in-8°; d'après
Boivin, « c'est peut-être ce qu'il y a de plus
solide et de mieux écrit sur cette matière » ;
maiscecritiqueajoute que le sujet n'a pas été traité
avec assez d'étendue ; — De Usu et Exercita-
tione Dialecticee ; De Demonstratione ; De Ju-
ventute; De Honore; Bâle, 1556, in-8° ; cha-
cun de ces traités avait paru isolément ; — De
Regno et régis Institutione lib. III; Anverr.,
1556, in-8° ; — In Phœdonem ; Bàle, 1556; --
In Platonis Xlibros deRepublica; Bâle, 1556,
in-fol. ; — De Historiée Institutione; Anvers,,
1557, 1564, in-8°. P.
N. Antonio, Biblioth. Hispana nova, II.
fants célèbres.
Baillet, En-
mosali. Voy. Camamusali.
mosaxus. Voy. Maesen (Van der).
mosbourg ( Jean- Antoine- Michel. Agar
comte de), homme politique français, né I
19 décembre 1771, à Merçais, près Cahôrs, rnor
le 10 novembre 1844, à Paris. Au sortir du col
lége, il rejoignit ses parents à Saint-Domingue, €
y fut témoin des troubles qui privèrent la Franc
de cette colonie. Tombé aux mains des Anglai
en 1794, il passa aux États-Unis, et ne revin
dans son pays qu'à la fin de 1795. Après avoi
pris part à la rédaetion de plusieurs journau
modérés , il alla exercer à Cahors la professio
d'avocat (1797), et y obtint au concours la chair
de belles-lettres (1799). Peu de temps après
s'attacha à la fortune de Murât , son compatrioti
qui lui fit donner le titre de commissaire pri
le gouvernement provisoire de Toscane ; la cons
titution du royaume d'Étrurie mit fin à cetl
mission (1801). Nommé président du conseil <i
son département (1802), Agar entra en 1804 a
Corps législatif, et fut fait officier de la Légio
d'Honneur. En 1806, Murât ayant été créé gram
duc de Berg et de Clèves , il l'accompagna, d<
vint son ministre des finances, et fut, en so
absence, chargé de tous les soins de l'adminii
tration. L'année suivante , il négocia la cessio
de la principauté de Munster à Murât, épous
une de ses nièces, et obtint la terre de Mosbourg
à laquelle était attaché le titre dé comte. A
mois d'août 1808, il remit le grand-duché î
comte Beugnot , et vint à Paris, où l'on procéc
à la vérification de ses comptes par l'internu
diaire du duc de Gaète; Napoléon se monli
fort satisfait de sa conduite, et se déclara, pi
un acte du 12 octobre de la même année, r
devable de 600,000 fr. envers le roi de Naple
Ce fut au commencement de 1809 que l'adm
nistration des finances de Naples fut confiée ;
comte de Mosbourg. Il trouvâtes caisses de l'Ét
vides , ainsi que celles de la banque. Afin de I
médier à ce fâcheux effet des vicissitudes antii
Heures, il présenta au conseil d'État un nouveii
mode de perception parfaitement adapté ai
richesses territoriales du pays, et réduisit le lai
des douanes. Lorsqu'en 1815 il quitta Napl
avec la reine, il laissa les finances dans l'ét|
le plus prospère. Après avoir obtenu du roi i
Prusse sa réintégration dans la propriété de
seigneurie de Mosbourg, il rentra en Fran
(1817), et ne se mêla à la vie publique que p
les mémoires qu'il écrivit contre les mesur
financières de la restauration. Élu député du Lj
en 1830, il vota quelque temps avec l'oppositi<j
de gauche, et fut nommé pair de France le 3 0|
tobre 1837. K.
Biogr. w>iv. et portât, des Contemp. — Galerie 1
Contemp. (1822). — Orloff, Mém. Iiist. sur Naples , \ f
mosca (Simone), sculpteur et arcliite((
italien, né à Settignano près Florence, en I4£|
mort en 1554. Élève d'Antonio da San-Gallo,|
excella à sculpter les chapiteaux, corniches, tri
5 MOSCA — MOSGHELES
ées, mascarons, arabesques, etc. Après avoir
vaille quelque temps à Rome avec son maître,
I retourna à Florence , et bientôt la nécessité
] soutenir sa famille le força d'accepter les
tvaux les moins dignes de son talent. San-
jllo l'emmena à Orvieto, où il fut chargé de
iilécoration de la partie extérieure du fameux
îts de San-Patrizio. Cette ville lui assigna une
fusion annuelle de 200 écus d'or. Il s'y établit
M' passa presque tout le reste de sa vie, tra-
niant à la cathédrale, et donnant aussi les
lésins de plusieurs palais. E. B— n.
li «sari, Fite. — Cicognara , Storia délia Scultura. —
Iff ndi, Abbecedario. — Ticozzi , Dizionario, — Délia
R e, Storia del Duomo d' Orvieto. — O. Brizzl , Guida
Ewtzo.
mosca ( Francesco ), dit le Moschino , fils
[précédent , habile sculpteur et architecte Ha-
ll, né à Settignano, vers 1520, vivait encore
H 1572. Élève de son père, il l'aida dans
B travaux à la cathédrale d'Orvieto. Plus tard
m: des Victoires, un Père éternel, deux sta-
■ ; représentant Y Annonciation , et celles de
mit Pierre et Saint Paul placées dans la
«de nef. A la mort de son père, il refusa de
fcuccéder comme directeur des travaux de
■cathédrale, et céda la place à Raffaello da
■ telupo. Il se rendit alors à Rome, où il fit
Kk grandes figures de Mars et Vénus, et
s' pta presque en ronde bosse un relief repré-
si ant Diane surprise par Actéon , dont il fit
h' mage au grand -duc Cosrhe 1er, qui- le prit
Kn service. Il exécuta pour la cathédrale de
P les statues d'Adam et Eve , de La Vierge,
À\VAnge de V Annonciation , et plusieurs
Hres sculptures. Il compta parmi ses élèves
si fils Simone Mosca et Lorenzo de Carrare.
E. B— n.
Hbari, Vite. — Cicognara, Storia delta Scultura. —
Oildi, Abbecedario. — Ticozzi, Dizionario. — Oella
iB , Storia del Duomo d'Orvieto. — Morrona, Pisa
ili'rata.
Hoscati (Pietro, comte ), médecin italien,
Ha 1740, à Milan, où il est mort, le 19 jan-
iïî! 1824. Fils d'un chirurgien , il étudia la mé-
dlne à Pavie , y fut reçu docteur, et fréquenta
eiuite les universités de Padoue, de Pise et de
Bygne, afin de. compléter son éducation. De'
réur à Milan, il devint chirurgien en chef de
nj'iital Sainte-Catherine, d'où il passa au grand
«tal, et signala son passage dans ces deux
étlissements en instituant dans le premier
m école d'accouchement, dans le second une
clique chirurgicale. Il occupait une chaire à
fi e , où il s'était lié avec Volta , lorsque les
Fiçais se montrèrent en Italie. Moscati, grand
Pâsan des principes proclamés par la révolu-
tk, arriva promptement aux affaires .- après
avi' fait partie du conseil des Quarante et du
cc,rès national, il entra en 1798 dans le direc-
te, de la république cisalpine, et le présida peu
<^',mps après; mais, soupçonné d'avoir voulu
aflnchir son pays de la suprématie française,
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXXVI.
706
il fut forcé de résigner ses fonctions entre les
mains du général Brune. La victoire rendit la
Lombardie auv Autrichiens , et Moscati, enfermé
dans, la forteresse de Cattaro , ne dut les égards-
dont on l'entoura qu'à l'estime particulière que
l'archiduc Ferdinand faisait de ses talents. Il
fut même, à la prière de ce prince, appelé à
Vienne par l'archiduc Charles, qu'il guérit d'une
maladie dangereuse. Après la bataille de Ma-
rengo, il fut mis en liberté, et en 1802 il siégea
à Lyon dans l'assemblée qui transforma le gou-
vernement cisalpin. Napoléon , pour lequel il
professa dans la suite un attachement qui tenait
de la vénération , le nomma comte , sénateur,
préteur du Sénat, et grand dignitaire de l'ordre
de la couronne de Fer. Jusqu'en 1807 il dirigea
sous le prince Eugène l'instruction publique;
lors des événements de 1814, il s'efforça de le
faire nommer roi d'Italie. Depuis cette époque,
il se livra tout entier à l'étude de la physique
et de la chimie. Il légua en mourant sa biblio-
thèque, ses collections et son laboratoire à
l'institut de Milan, dont il avait été plu-
sieurs fois président. On a de lui quelques dis-
cours et mémoires, entre autres : Dell* Uso dei
sistemi nella pratica medica (Pavie, 1799),
traduit en français en 1800; et Osserva-
zioni sulla medicina dei Morlacchi ( Bologne,
1806). P.
Biogr. univ. et portât, des Contemporains. — Mahul,
Annuaire néçrolog., 1825.
*moscheles (Ignace ), célèbre pianiste et
compositeur allemand, né à Prague, le 30 mai
1794. Fils d'un négociant israélite, il étudia le-
piano au conservatoire de sa ville natale, sous
l'habile direction de Denis Weber. Il se rendit
ensuite à Vienne, où il suivit les leçons de con-
trepoint d'Alhrechtsberger ; il reçut aussi de
Salieri d'excellents conseils pour la composition.
Après s'être produit avec beaucoup de succès,
dans les concerte de Vienne, ir se fit entendre
dans les principales villes d'Allemagne et de la
Hollande. En 1820 il arriva à Paris; plusieurs
concerts donnés par lui à « l'opéra, dit M. Fé-
tis, attirèrent une affluence extraordinaire d'a-
mateurs ; les applaudissements furent- prodigués
à l'artiste et les jeunes pianistes s'empressèrent
d'imiter les qualités les plus remarquables de
son talent. Ce n'était pas seulement par sa bril-
lante exécution que Moscheles* prenait dès lor&
une position élevée; son mérite comme compo-
siteur le classait aussi parmi les maîtres les plus
distingués qui ont écrit pour le piano. Si sa mu-
sique, trop sérieuse pour des amateurs de notre
époque, n'a point obtenu de succès populaires,
elle est considérée par les connaisseurs comme
des pièces où l'excellence dé la facture égale
l'élégance et la nouveauté des idées ». En 1821
il alla s'établir à Londres, où il fut nommé pro-
fesseur à l'Académie. Pendant les années sui-
vantes, il parcouruf l'Angleterre et l'Allemagne,
et il y obtint les plus brillants succès. En 1846
23
767
MOSCHELES
il devint professeur de piano au conservatoire
de Leipzig, emploi qu'il occupe encore aujour-
d'hui. « H se distingue de beaucoup des virtuoses
de notre temps, dit encore M. Fétis, par des
connaissances étendues dans son art; il est du
petit nombre des pianistes, qu'on peut appeler
grands musiciens , et sa mémoire est meublée
des œuvres des maîtres les plus célèbres des
époques antérieures. Personne ne connaît peut-
être aussi bien que lui le style d'exécution qui
convient à la musique de chacun de ses maîtres,
même des plus anciens, et ne sait aussi bien
varier sa manière à propos Peu d'artistes ont
porté plus loin que lui le talent d'improvisa--
tion. ■» Disons encore qu'il est le plus brillant et
le dernier représentant de l'école de Clementi.
Parmi ses nombreuses compositions, nous cite-
rons comme les plus belles : Concertos en sol
mineur, en mi, le concerto pathétique; le grand
sextuor (op. 35); un grand trio (op. 27); La
marche d'Alexandre variée; Souvenirs d'Ir-
lande; Souvenirs du Danemark; six sonates;
des rondeaux , des fantaisies ; deux livres d'É-
tudes, etc. O.
Conversations-Lexllcon. — Fétis, Biographie des Mu-
siciens.
moschesi ( Costanza ) , femme poète ita-
lienne, née le 22 mai 1786, à Lucques, morte
le 27 novembre 1831, à "Viareggio , près de Luc-
ques. Fille d'un médecin, elle apprit de bonne
heure le français et l'anglais , l'histoire sacrée
et profane, la mythologie et la poésie; à quinze
ans elle traduisit en octaves Gonzalve de Cor-
doue de Florian, et à dix-huit ans elle s'exerça
sur un sujet original , dont le célèbre Castruccio
Castracani était le héros. Ce poème en six
chants remporta le premier prix au concours
de l'Académie de Lucques (3 janvier 1811); une
semblable distinction lui fut accordée en 1813
pour la tragédie de Pirro. En 1822 elle accepta
une place d'instilutrice au collège de Saint-Phi-
lippe à Milan,, et revint en 1825 à Lucques après
la mort de sa mère. Pendant les dernières an-
nées de sa vie, elle fut affligée d'une maladie
d'yeux et d'une inflammation rhumatismale. Elle
était membre des Académies des Arcades , de
Turin , de Lucques , de Pistoie , etc. On a en-
core de cette dame : la traduction de V Histoire
grecque de Robertson ; Lucques, 1815, 2 vol.
in-18; et les quatre premiers chants d'un vaste
poème intitulé L'Étruriade. P.
Tipaldo, Bio'ir. deijli Italiani illustri, V.
moschinï ( Giannantonio ), littérateur ita-
lien, né le 28 juin 1773, à Venise, où il est mort,
le 8 juillet 1840. Il entra dans la congrégation
des Somasques , et avant d'être ordonné prêtre
il enseigna la grammaire. Chargé ensuite des
humanités au séminaire de Murano , qui fut en
1817 transféré à Venise , il y occupa tour à tour
la chaire de philosophie et celle de théologie, et
en devint enfin directeur. Sous l'empire, il fut
pourvu d'un canonicat à Saint-Marc , et après
MOSCHEROSCH 7
1815, il devint membrede l'Institut lombardo-i i
nitien. D'un esprit aimable, d'une humeur doi
et indulgente , il gagna aisément l'estime et 1'; \\
fection de ses compatriotes. Jaloux à l'excès a
la gloire de Venise , il consacra toute sa vie •
en rehausser l'éclat autant par ses travaux q
par le soin religieux qu'il mit à restaurer
anciens monuments ou à sauver de la destructi
les livres, tableaux, objets d'art, antiquités
toutes sortes qui se rapportaient à sa patrie, i
a de lui : Storia délia Letteratura Italian
Venise, 1801, 4 vol. ; trad. du français, ai
noies; — La Storia délia Letteratura 1 1
neziana del secolo XVI II; ibid., 1807-181 1
4 vol. in-4° : excellent recueil, dont l'exagérati
est peut-être l'unique défaut ; — Guida 1 1
l'isola di Murano; ibid., 1807, 1808, in-12; ;
Guida di Venezia; ibid., 1815, 2 vol. ; les d I
nières éditions ( 1828, 1834 et 1840 ) ont rc
des additions nombreuses de l'auteur ; — Gui I
di Padova; ibid., 1817 ; ces trois ouvrages s< ►
fort estimés des artistes et des voyageurs; •
Storia di Russia ; ibid., 1820, 8 vol., trad.
Karamsin, et inachevée; — Le Belle Arti
Venezia; ibid., 1825-1827, 3 vol. in-12; — G
vanni Bellino e i PUtori contemporanii
ibid., 1834 ; — des notices biographiques dans [
Journal littéraire de Padoue. P.
Tipaldo, Biogr. dcnli Italiani illuStri, VIll.
moscherosch (i) {Jean-Michel), littérati I
allemand, né le 5 mars 1600, à Wildstadt, sui
Rhin , mort à Worms, le 4 avril 1669. Reçn i
1624 maître es arts à Strasbourg, il visita dil
les deux années suivantes une grande partie j
la France. Après avoir, depuis 1626, dirigé 11
ducation du prince de Linange-Dachsbourg.j
accepta en 1628 l'emploi de bailli dans les pi I
sessions du comte de Krichingen. En 163€
entra en cette même qualité au service du dl
de Croï de Vinstingen. Les événements d.e I
guerre de Trente Ans lui firent chercher un j
fuge à Strasbourg. Il y fut nommé secrétaire [
la ville et fiscal; quelque temps auparavant
avait reçu la charge de conseiller de guerre [
la couronne de Suède. En 1656 il devint et
seiller de la cour à Hanau ; il y obtint plus t; |
les emplois de président de la chancellerie, ;
la chambre des finances et du consistoire. Me <
bre depuis 1645 de la fameuse société littéra ;
des Fructifiants , Moscherosch a écrit une si
de tableaux satiriques où il dépeint avecesprili,
énergie les singularités, les travers et les û\
de la société allemande de son temps. Ce Ii'
le place au rang des meilleurs prosateurs al
mands du dix-septième siècle ; il porte p<
titre : Wunderliche und wahrhaftc Gesicil
Philanclers von Sittenwald in welchen al
Welù Wesen, aller Menschen Handel ri
(1) Son véritable nom était Kalbskopf, qui signifie i
rie veau; Il adopta le no m hybride de Mosclterosch, ci
posé de Moschos, qui signifie, en grec veau, et de ros
qui veut dire en hébreu téU.
709 MOSCIIEROSCH
ikren nattirlichen Farben der Eitelkeit ,
\Gewalt, ileuchelei und Thorheit behleidet ,
bfjentin.h auf die Schau gefuhrt werden
K Singulières et véritables Visions de Philander
jde Sittenwald, où la manière d'être de tout le
■ monde et toutes les affaires humaines sont
(exposées publiquement, recouvertes de leurs
couleurs naturelles, qui sont la vanité, la vio-
lence, l'hypocrisie et la sottise); Strasbourg,
1644 et 1650, 2 vol. in-8° ; une partie en a été
(réimprimée à Berlin 1830, in-8°, par les soins
I le Ditmar ; ce livre, écrit sur le modèle des Yi-
j tions de Quevedo, a encore été publié à Leyde,
H646-1647, 6 parties, in-12 ; mais cette édition
i ontient , outre les quatorze morceaux dont se
ompose l'ouvrage de Moscherosch , une dizaine
«le satires qui ne sont pas de lui ; en 1648 un
tuteur anonyme a fait paraître sous le titre de
tDhilander infernalis vivo redivivus apparens
, Francfort, in-8°), une suite à l'ouvrage de Mos-
uerosch. Ce dernier a encore publié : Centu-
|«S«e VI Epigrammatum ; Strasbourg, 1643 et
y 650, in-12; Francfort, 1665, in-12; — Techno-
logie allemande et française ; Strasbourg, 1656,
l|'U-S ° ; — des éditions augmentées et annotées
u Catalogus episcoporum Argent inensium
e Wimpheling (Strasbourg, 1651, in-4°), et
Elu Gymnasma de exerciciis academicorum
lie Gumpelzhaimer ; ibid., 1652, in-12. O.
I,. Wittcn , Mémorise philosophorum. — Strieder, Hes-
Hfac/.c Gelehrtengcschichte. — Flogel, Geschichte der
Wpmscften Literatur. t. III.— Jordens, Lerikon. —
■Kervious, Gesc?i. der deutschen National - Lit.
H moschiox (Moa/iwv), poète tragique et
fcomique athénien, vivait dans le cinquième siècle
levant J.-C. Il est mentionné par Clément d'A-
Bexandrie ( Strom., VI, p. 623 ), et par Stobée
■ £cZ. Phys., 1,38), quia conservé les titres
■ne trois pièces de ce poëte, Thémistocle , Télè-
mfhe, les Phéréens (<ï>£oarïoi). On ne connaît le
Mitre d'aucune de ses comédies. Il reste de ses
Htièces un petit nombre de vers qui ont été re-
Hpeillis et traduits en latin par Hertet, dans ses
Wètustissimorum Comic. Sentent iœ, et par Gro-
,i fias, dans ses Excerpta ex tragœdiis. M. Wagner
■fia a donnés plus complètement dans les Frag-
i, tenta trag. grœcorum. Y.
r Wasner, De Moschionis poetx trag. vtta ac fabula-
I um reliqviis; Breslau, 184.6, in-8°.
I moschiox , écrivain médical grec , vivait
robablement dans le second siècle après J.-C.
l>nne sait rien de son histoire personnelle sinon
u'il était postérieur à Soranus, dont il fait men-
) ion. On a de lui un traité des Maladies des
emmes (Hspï tùv Ywac.xîicijv îm&ûv). C'est une
r orte de manuel d'accouchement par demandes
t par réponses; la seconde partie du traité, ré-
igée dans la même forme, renferme des détails
ssez étendus et généralement exacts sur les
jaladies des femmes. On suppose que cet ou-
:rage fut originairement écrit en latin, pour les
•agcs-femmes qui n'entendaient pas le grec; et
n'ilfut ensuite traduit dans cette dernière langue.
— MOSCHOPULUS
7Î0
i
Il ne reste aujourd'hui que ce texte grec, qui fut
publii' pour la première fois p:irGas. NVolf, dan»
ses Gyn.rciorum Commentarii ; Bàle, 1566,
id-4°, et dans les deux autres éditions de cet
ouvrage. Wolf a donné à la fin du traité onze
chapitres, que l'on regarde comme supposés, et
il a omis la préface de l'auteur. La meilleure édi-
tion est celle de F.-O. Dewez avec une traduc-
tion latine; Vjenue, 1593, in-8". On cite encore
deux médecins du nom de Moschion vivant à peu
près à la même époque que l'auteur du traité
des Maladies des femmes. Y.
Kabricius , Bibliotheca Grseca , vol. XII. p. "0!. —
Choiil.nt, Handbuch der Bùtherkunde fur die aeltere
Medicin.
moschopclus (Manuel ou É manuel),
tWtmaitf(k ou'E(x.avour,>. Moffyôi:ouAb;), grammai-
rien byzantin, vivait dans le treizième siècle après
J.-C. Ses ouvrages eurent à l'époque de la re-
naissance une grande réputation ; mais la vie de
l'auteur est inconnue. Suivant l'opinion la plus
commune , il y a deux Moschopulus , portant
tous deux le nom de Manuel, oncle et neveu.
L'oncle, né en Crète, vivait du temps de l'empe-
reur Androuic Paléologue l'Ancien, vers 1392 ; le
neyeu, natif de Constantinople, s'enfuit en Italie
lors de la prise de cette ville par les Turcs, en
1453: on ignore ce qu'il devint dans ce pays et
à quelle époque il mourut. Hody, par une conjec-
ture plus hardie que solide , voudrait ideutifier
ce second Moschopulus avec Émanuel Adramyt-
tenus, Cretois, précepteur du célèbre Jean Pic de
La Mirandole et mentionné avec les plus grands
éloges dans les lettres d'Aide Manuce et d'Ange
Politien. Ces faits , même en laissant de côté la
conjecture de Hody, sont en partie incertains ou
inexacts. Un éru dit moderne, Titze, les a rectifiés
et complétés, mais sans pouvoir lui-même jeter
beaucoup de jour sur les deux Moschopulus. De
ses recherches il résulte que ces deux gram-
mairiens vivaient dans le treizième siècle, et
qu'il est impossible par conséquent de compter
aucun des deux au nombre des philologues qui,
vers le milieu du quinzième siècle, propagèrent
en Italie les lettres anciennes. Les ouvrages at-
tribués aux Moschopulus sont nombreux, et
traitent presque tous de sujets grammaticaux.
On a essayé de déterminer ceux qui appartien-
nent à l'oncle, et ceux qui viennent du neveu ;
mais devant les témoignages incertains ou con-
tradictoires des manuscrits la distinction serait
illusoire, et nous donnerons ici une liste des ou-
vrages imprimés des Moschopulus sans les as-
signer à l'oncle ou au neveu ; ces ouvrages sont :
Scholia ad Homeri lliados librum I et II,
publiés par Jo. Scherpezeel; Harderwyk, 1702,
in-8° ; Ctrecht , 17 19 ; — Sapientissimi doctis-
simique Manuelis Moschopuli Cretensis Pa-
truelis interpretatio Operum et Dierum Hé-
siode Ces Scholies sont comprises, en tout ou
eu partie, dans les éditions d'Hésiode ; Venise,
i 1537, in-4o; Bàle, 1544, et dans l'édition de
23.
711
MOSCHOPULUS — MOSCOSO
71
Heinsius; Leyde, 1603, in-4°; — Scholia in
Euripidis tragœdias, dont Arsenius, arche-
vêque de Monembasie, a fait usage pour ses
Scholies sur sept tragédies d'Euripide; Ve-
nise, 1534, in-8° ; — Grammatical artis grascx
Methodus, contenant trois parties, savoir : Ero-
temala seu Quxstiones ; Canones; Declina-
tiones seu Declinationis Paradigmata. Cet
ouvrage fut publié pour la première fois avec
les Erotemata de Démétrius Chalcondylas ,
in-4° , sans date, ni indication de lieu, vers 1493 ;
dans cette première édition, l'ouvrage de Mos-
chopulus ne porte pas de titre; celui que l'on
donne ici est emprunté à l'édition de Walder ;
Bàle, 1540, in-8°; — Tûv ovojjuxtcûv 'Attixwv
SuWvoyY). Ce Recueil de mots attiques, emprun-
tés aux Images de Philostrate et à divers poètes,
parut d'abord à la fin du Dictionnaire grec de
Aide, Venise, 1524, in-fol., et a été réimprimé
avec les Lexiques de Thomas Magister et de
Phrynichus ; — deux traités Sur la Construc-
tion des mots et Sur les Accents, compris dans
un volume de traités grammaticaux publiés par
Aide; Venise, 1525; le traité Sur les Accents
( I7epi Ilpoawô'.côv ) avec le traité de Varenius sur
le même sujet; Paris, 1544, 1559, in-12; —
Ilepi Ypafj.[j.(ruxrj<; ru[Avauto(ç. (De l'Enseignement
de la Grammaire ) ; ce traité, quelquefois imprimé
dans les œuvres de saint Basile, mais que Cru-
sius a revendiqué pour Moschopulus, offre beau-
coup d'analogie avec un traité JJepl âyéàiùv (Sur
l'Analyse du Discours ), que les manuscrits attri-
buent à Moschopulus et qui a été publié par
Robert Estienne; Paris, 1545, in-4°; — De
Yocum Passionibus, publié par G.-IL Schaeffer
comme appendice à son édition de Grégoire de
Corinthe, De Dialectis ; Leipzig, 1811, in-8°;
— 'Etuto[j./) véa Ypa^^aTix^; (Nouvel Abrégé de
Grammaire), dont Titze a publié le premier
livre; Leipzig et Prague, 1822, in-8°. Un des
Moschopulus est l'auteur d'un petit traité sur les
Carrés magiques, ou sur la manière d'arranger
des nombres de telle sorte qu'en les addition-
nant horizontalement, verticalement, ou diago-
nalement, on obtienne la même somme. Le ma-
thématicien français La Hire traduisit ce petit
traité en latin et le lut à l'Académie des Sciences
en 1691. Y.
Fabricius, Ilibliotheca Crieca , vol. I, p. 401, 407; H,
p. 67, 259; vol. VI, p. 190, 298, 319, 322, 324; VIII, p 41; IX,
p. 416. — Walder, Prœf. ad Moschopuli Grammat. Ar-
tis Methodus. — Burton, Ling. Crœc. Historia. — Scher-
pezcel, Prœf. ad Moschopuli Scholia ad Iliad. —Saxe,
Onomasticon, vol. II, p. 387,445, 591. — Montucla, Hist.
des Mathématiques, vol. I, p. 333, éd. de Paris, 1759. —
Bandini, Calai, codd. Crœc. l.axir. Medic. , vol. Il, p. 553,
— Harles, lntrod. in Htstor. Ling. Crœc, vol. Il, p. 544
— Hody, DeCrœcis illustribus, p. 314. — Titze, Diatribe
de Moschopulis, en tète de son édition des Opiiscula de
Moschopulus.
moschus (Jean), surnommé Encrâtes (Eù-
■/.pax&ç,), hagiographe grec , vivait vers la fin du
sixième siècle de l'ère chrétienne. D'abord
moine dans le monastère de Saint-Théodose à
Jérusalem , il alla ensuite vivre parmi les ana-
chorètes du désert sur les bords du JourdaiD, i
devint canonarque ou chef des chantn
dans le couvent de Saint-Saba. Bollandus pla<
vers 620 la date de sa mort. Moschus, à ur !
époque inconnue, avait visité les monastères c
la Syrie, de l'Egypte et de l'Occident. Avec 1<
documents recueillis dans cette excursion, il con
posa une histoire des moines de son temps jus
qu'au règne d'Héraclius. Cet ouvrage, qu'il déd
à Sophronius(depuispatriarchede Jérusalem), se
ami, son disciple et son compagnon de voyagi
est intitulé Aetfiwv ou AetjJ-wvàpiov (La Prairie
ou Néo; 7rapàSstao; ( Le nouveau Paradis ). E
l'écrivant Moschus ne se contenta pas de racoi
ter ce qu'il avait vu ou entendu, il recueillit ei
core dans les autres hagiographes une foule t
traditions plus ou moins authentiques et beat
coup de récils merveilleux. Photius prétend qi
le style de Moschus est très-négligé , et ajou
que son ouvrage était divisé en trois cent quati
chapitres (ôiriyri\La.-za), ou même en un plus grar
nombre dans d'autres manuscrits. La divisic
actuelle est en deux cent dix-neuf chapitres. I
Aeiy-wv parut d'abord dans une traduction it
lienne dont l'auteur est inconnu, et sous cet
forme il a été inséré dans plusieurs vies di
saints. Ambroise le Camaldule en donna une tri
duction latine, qui a été imprimée dans le t. V
des Vilœ Sanctorum de Lippomani, et dans li
Vitse Patrum de Bosweyde, I. X. Fronton c
Duc publia le texte grec dans son Auctariu. \
Bib. Patrum, Paris, 1624, d'où ce texte pas;
dans la Bibl. Patrum de Paris. Cotelier publ
quelques additions à l'édition de Fronion,d'apn
un manuscrit plus complet, dans les Monument
Eccl. Grxc, t. II. Arnauld d'Andilly a tradti
en français l'ouvrage de Moschus. Y.
Photius, Cod., 199. —Fabricius, Bibliot. Grœca, vol. :
p. 124. — Vossius, De Historicis Grœcis, édit. Weste
mann, p. 334.
MOSCHUS. VotJ. BlON.
MOSCOSO DE ALVARADO (Don Ll'IZ DE
l'un des conquistadores de la Floride, né à B
dajoz, en 1505, mort au Pérou vers 1561. llfft
part comme capitaine des Pizarre à la conque
du Pérou. Lorsque don Pedro de Alvaradoei
été nommé en 1534 adelantarlo et gouvernei
de la partie du Pérou qu'il pourrait découvri
Moscoso, qui était son parent, le suivit. Ils firei
ensemble la conquête de la province de Xipixap
de celle del Oro (de l'Or), et celle de Las golo;
drinas (des Hirondelles), et personnellemei
Moscoso s'empara des villes de Vacain et de Chi<
nana. Rejoignant Alvarado, ils s'avançaient si
Cuzco, lorsqu'ils apprirent que Pizarre et Almagi
s'étaient emparés de celte ville et marchaient co
treeux. Ils préférèrent traiter : Alvarado consent
à rentrer dans son gouvernement de Guatema
moyennant 100,000 pièces d'or. Moscoso eut ui
belle part dans cette somme, et de retour dai
sa patrie y avait déjà dissipé la plus grande part
du butin qu'il avait rapporté du Nouveau Mondi
13 MOSCOSO
irsque don Hernando de Soto, l'un des douze d'Ocali
lincipaux lieutenants des Pizarre, vint solliciter
• Charles V la permission de soumettre la Flo-
de{l). Les circonstances n'étaient pas favorables ;
iais Soto s'imaginait que Ja Monde était un
ître Pérou, aussi riche, aussi facile à conquérir ;
jmpereur approuva donc son projet, le nomma
.arquis des terres qu'il pourrait conquérir et
inventeur général de Cuba. Moscoso s'attacha
la fortune de son ancien capitaine. L'expédi-
)n partit de San-Lucar-de-Barrameda, le 6 avril
•33. Elle se composait de dix bâtiments montés
ir neuf cents hommes d'élite. Après avoir relâ-
»éauxCanaries,elleatterritle 26 mai à Santiago,
li était alors la capitale de Cuba, et repartit de
i Havane (12 mai 1539) après s'être augmentée
i trois cents cavaliers. Le 30 mai les Espa-
ivols débarquèrent sur la partie ouest de la Flo-
ide, vers le 29° 1/2 de lat. nord, dans une baie
l'.'ils nommèrent de SpiritU-Sahto. Après un
nos de neuf jours , ils occupèrent Hirrihiagua,
vitale de ce district, dont le cacique s'était enfui
«•c tous les guerriers valides, déclarant une
jierre d'extermination aux nouveaux venus. En
l'et, leurs compatriotes avaient coupé le nez de
, malheureux chef et avaient fait déchirer sa
(ère par des chiens. Plusieurs combats sanglants
jançaient peu la marche des conquérants lors-
i'ils furent rejoints par un ancien officier de Nar-
rez, Juan Ortizde Séville, qui depuis dix années
t prisonnier du cacique de Mucoço ; avec son
714
Ue ils firent alliance avec ce chef. Ils occupèrent
isuite les provinces d'Urribariacuxo, d'Acuera,
H) Vaste contrée de l'Amérique septentrionale qui s'é-
Ldail du 25° 6' au 39° 38' de lat. sept. Resserrée entre
llcéan Atlantique et lts monts Alleghany, sa largeur
Hit fort irrégullère. Suivant quelques écrivains anglais,
(doc, prince galluis, fut jeté, en 1171, sur la côte de la
Bride, et y établit le premier une colonie européenne.
■ Sébastien Cabot {ton. ce nom), envoyé en 1496 par
Inri VU, roi d'Angleterre, u la recherche d'un passage
I; le nord-ouest pour se rendre à la Chine et aux Indes,
(couvrit la partie de la Floride qui borde le golfe du
■xique. « Après avoir fait route depuis le J8» jusqu'au 40°
Il lat. nord, .faisant voile, dit-il, en longeant la cote,
■lile voir si je trouverais quelque golfe qui la coupât,
[vis que la terre se prolongeait toujours jusqu'au 46°
[lat., et m'apercevant qu'à cet endroit la cote faisait un
'ide vers l'orient, désespérant de trouver le passage,
■revins sur mes pas, fis vpile vu côtoyant rette terre,
[cinglant vers l'équateur, j'arrivai a la partie du con-
nut qu'on nomme aujourd'hui Ftoride, où , venant à
inquer de vivres, je mis à la voile, et retournai en An-
lierre. » Ce passage ne laisse aucun doute sur l'époque
! la découverte. Elle est bien antérieure à .la première
^édition de don Juan de Ponce de Léon T 2 avril 15121.
|: adetantado essaya la conquête de la Floride en 1521.
j fut battu etblessé mortellement. — Francisco Hernan-
I: de Cordova avait eu le même sort, en 1517. — L'oïdor
cas.Vasquez de Ayllon ne fut pas plus heureux, en 1520.
[En 1524 Giovanni Vcrrazano, au service de François Ier,
|:oya toute la Floride jusqu'au 36°, et lui donna- (e nom
[Nouvelle- France; mais il ne laissa pas de traces de
h passage.— En 1526 la cour d'Espagne envoya une nou-
ï le expédition sous la conduite de don I'anfilo de Nar-
'f:z; ce capitaine se noya, et ceux de. ses quatre cents
jnpag!ions qui échappèrent aux coups des Indiens se
jugèrent entre eux : quinze seulement revirent le
jxique (1S28-1536). Ce fut après des tentatives si ilécou-
■ eantes que Soto et Moscoso ne craignirent pas d'essayer
1 conquérir la Floride.
de Vitacucho et d'Osachilé. Moscoso
demeura en garnison à Ocali, dont le cacique, en
fuyant, prolestait « qu'il n'entretiendrait jamais
ni paix ni commerce avec une nation aussi fourbe
et aussi cruelle que les Espagnols ». Il ordonna
à ses sujets de lui apporter chaque semaine deux
têtes de chrétiens. Cet ordre ne fut exécuté que
trop fidèlement; car, durant les vingt jours que
Moscoso demeura dans la province , il lui man-
qua dix-huit hommes. Les Espagnols n'avaient
jamais rencontré, excepté peut-être en Aracaunie,
une haine aussi invétérée , aussi générale que
dans la Floride ; on doit croire que les premiers
envahisseurs , don Juan Ponce de Léon , Her-
nandez de Cordova, Vasquez de Ayllon et Pan-
filo de Narvaez y avaient répété toutes les atro-
cités commises à Hispaniola, au Mexique, au
Pérou, etc.
La marche des conquérants n'était qu'une
longue lutte; aussi Soto, voulant pénétrer dans
la fertile province d'Apaliché, se vit forcé d'ap-
peler Moscoso à son aide. Le cacique Capafi
avait rejeté toute proposition de la part « des
fils du diable , qui enlevaient les femmes et dé-
robaient le bien d'autrui ». Tel était au surplus
le courage des Floridiens que quatre cents
d'entre eux osèrent livrer combat aux Espa-
gnols près de Napetuca (17 novembre 1539) et
les tinrent longtemps en échec. Dispersés enfin
par la cavalerie, la plupart préférèrent se noyer à
se rendre. Capafi fut vaincu, et fait prisonnier
dans une seconde rencontre. Sa capitale, Apa-
lache, tomba aux mains des vainqueurs, qui s'y
retranchèrent et y passèrent l'hiver dans l'abon-
dance. Ils reçurent des renforts de Cuba qui
portèrent leur nombre à quinze cents fantassins
et trois cent cinquante cavaliers. Us se mirent
en campagne le 27 mars 1540, et occupèrent
successivement les provinces d'Altapaha, d'Acha-
laqui , de Cola , de Cofachi , de Cofachiqui , de
Chalaque , de Guaxale , d'Ychiahà, d'Acoste et
de Coça , quelquefois en amis , le plus souvent
par la force. Le cacique de Mavila, Tascaluça,
leçut d'abord les Espagnols dans sa capitale, qui
ne comptait guère que quatre-vingts maisons ;
mais il est vrai que les plus petites de ces habi-
tations contenaient six cents personnes et quel-
ques-unes jusqu'à quinze cents. On ne sait quel
motif amena un conflit terrible : les Espagnols
incendièrent la ville, et massacrèrent ou brûlèrent
dix-neuf mille Indiens; ils ne perdirent que
quatre-vingts deux hommes. Us achevèrent la
conquête del'Achusi et marchèrent sur Chicoça.
Quinze cents Indiens les tinrent pendant douze
jours en échec au passage d'une rivière. Us la
franchirent enfin, et entrèrent à Chicoça le 1er
décembre 1540; ils y hivernèrent paisiblement
jusqu'au 29 janvier 1541, où les Floridiens
vinrent les assaillir, mirent le feu à la ville,
leur tuèrent une quarantaine d'hommes et eur
firent autant de prisonniers. Ce qui les affligea
surtout, ce fut la perte de leurs munitions, de.
7!5
MOSCOSO
71
leurs équipements et de quatre-vingt-quinze che-
vaux, qui formaient leur principale force. Déses-
pérant de pouvoir soumettre un peuple si belli-
queux, les Espagnols s'avancèrent au nord, et ar-
rivèrent à Chi-sca, grande ville sur le Rio-Grande
ou Chucagua ( le Mississipi ) ; ils y furent bien re-
çus ainsi qu'àCasquin, dont le cacique se servit
des aventuriers pour vaincre son ennemi, le sou-
verain de Capaha. Cependant les Espagnols souf-
fraient beaucoup d'une fièvre maligne : leurs en-
trailles s'enflammaient et ils répandaient une odeur
si infecte qu'on en était incommodé à la distance
de cinquante pas; plus de soixante périrent delà
sorte en peu de temps. L'emploi d'un certain sel
qu'ils trouvèrent dans les montagnes de Capaha
mit fin à leurs maux. Prenant alors leur route à
l'ouest, ils entrèrent dans la province de Quiguate,
où ils se reposèrent onze jours : ils firent éga-
lement séjour à Colima, puis sur les bords d'une
rivière qu'ils nommèrent Lo Sal, parce que le
sol environnant offrait de nombreuses mines de
sel. Ils prirent Tula après un rude combat contre
les naturels, qui n'étaient cependant armés que
de bâtons. Les captifs se jetèrent h terre, refu-
sant de suivre leurs vainqueurs et faisant signe
qu'on les laissât ou qu'on leur ôtât la vie. On
tua les hommes, et on emmena les femmes et les
enfants. Après un repos de vingt jours, les Es-
pagnols entrèrent dans la contrée de Vitangue,
où ils arrivèrent le 15 octobre 1541. Ils y pas-
sèrent l'hiver assez agréablement, malgré un froid
rigoureux. Us se remirent en marche le 2 avril
1542, et après des combats quotidiens entrèrent
à Naguatex; vingt jours plus tard ils étaient à
Guacane. Après avoir franchi cent vingt lieues, ils
traversèrent les provinces d'Anilco, de Guacha-
coya, et se retrouvèrent sur les rives du Chaca-
gua. Soto étant mort à Guachoia (20 juin 1542),
don Luiz de Moscoso fut élu général à l'una-
mité. Il résolut, du consentement de ses offi-
ciers, d'abandonner le pays. Il partit de Gua-
choia le 4 juillet, en prenant la direction de
l'ouest, dans l'intention de se rendre directement
au Mexique. Après un trajet de plus de cent
lieues , il arriva à Auche, capitale de la province
de ce nom. Le cacique qui y régnait conçut le pro-
jet de faire périr les Espagnols de faim et de fatigue ;
il leur donna un guidequi les fit errer durant sept
jours dans des déserts où ils durent se nourrir
d'herbes et de racines. Moscoso, soupçonnant enfin
la trahison de son conducteur, le fit attacher à
un arbre, et s'apprêtait à le faire déchirer par
ses chiens, lorsque l'Indien dévoila le projet de
son maître. Moscoso abandonna le guide à son
malheureux sort, et, se fiant à la Providence,
continua sa route vers l'ouest. Après six jours
de souffrances, il atteignit, au sommet d'une pe-
tite montagne, quelques cabanes, où il trouva de
la chair de bison, qu'it prit pour celle de vache,
ce qui lui fit donner au pays environnant le nom
de provincia de los Vaqueros. Les Espagnols
s' avancèrent encore l'espace de trente lieues à
l'ouest ; mais ne trouvant qu'un pays stérile
des habitants belliqueux et hostiles , ils repr i
rent le chemin du Chicagua , sur les bords di
quel ils arrivèrent le 30 novembre 1542, apn
avoir parcouru encore, plus de trois cent cii
quante lieues. La fatigue, la faim, le froid et l'ii
somnie avaient fait périr plus de cent cinquan
des leurs, de sorte que lorsque Myscoso passa
revue de sa troupe, il ne compta plus que tic
cent fantassins et soixante-dix cavaliers. Il s'er
para de deux bourgs des Indiens Aminoya, et ] ;
fit fortifier pour y passer l'hiver. Au mois i
février 1543, il lit construire sept grandes ba
ques et plusieurs autres plus petites. Les voil
étaient tissées d'une herbe appelée enequen, q
a de petits filaments comme le lin. L'écor
dumûrier servait à faire les cordages. Tout et
prêt lorsqu'un débordement du fleuve (10 nie
1543), qui descendit à plus de vingt lieues da
les terres, vint retarder le départ et faillit no>
les aventuriers et briser leur flottille. Les ea |
séjournèrent quarante jours. Durant ce temij
Quingualtaugui, cacique de Guachacoya, réso I
d'exterminer les Espagnols, et forma à cet ef I
une ligue avec d'autres chefs ; mais le cacique d'
nilco avertit Moscoso des desseins tramés conJ
lui, et lorsque las conjurés , pour mieux ( I
dormir ses soupçons, se présentèrent dans s I
camp avec des présents , il les fit arrêter I
nombre de trente, et sur leurs aveux leur I
couper la main droite. Ils n'en persistèrent ||
moins dans leur dessein. Les Espagnols s'embil
quèrent au nombre de trois cent cinquante ai I
trente chevaux, restes de l'expédition. Trente '. I
diens des deux sexes suivaient ces débris. I
chair séchée de leurs chevaux et quelques s. I
de maïs avarié étaient leurs seules provisiol
Dès le second jour, ils furent attaqués par I
flotte des caciques, forte de plus de mille cancJ
Us durent combattre dix jours et autant |
nuits , pendant l'espace de quatre cents lieuJ
Privés de poudre depuis l'incendie de Mavila,!
n'avaient que des arbalètes pour riposter cl
flèches de leurs ennemis; aussi furent-ils til
atteints malgré leurs boucliers et leurs armui I
Huit chevaux échappèrent seuls à ce désastol
Après une navigation de dix-sept jours, Moso fil
déboucha dans le golfe du Mexique (19 juilk
et arriva, le 10 septembre, à la rivière de Paml
(Nouvelle-Espagne), après une traversée de (I
quante-trois jours. De là il s'achemina par te 11
jusqu'à Mexico, où il arriva le 22 décembre 15 1
avec trois cent onze de ses compagnons. If y H
accueilli avec la plus grande distinction par le v '
roidonAntoniodeMendoza, quiledécidaàsefiH
près de lui et qu'il suivit en 1551 au Pérou, o H
mourut. Quoique l'expédition accomplie parSlj
et Moscoso n'ait pas eu de résultats imtnédï la
elle prépara la conquête de la Floride et II
connaître l'intérieur de cette immense contrji
ses ressources et ses dangers. La route te: M
par les Espagnols a été tracée sur la carte •'
[7 MOSCOSO
i i jmann ; Amplissimx regionis Mississipi, seu
movincix Ludovicianx à R. P. Ludovico
I Unnepin, Francise, miss, in America septen-
f uonali, anno 1687, âetectœ, mine Gallorum
'omis et aclionum negotiis toto orbe cele-
rrinuv nova Tabula, édita par Jean-Bap-
t fteHomann; Nuremberg, 1712. A. de Lacake.
H,. Lira te, Hist. de la Découverte et de la conquête du
Xyou (Parl<% 1706, 2 vol. in-12). [ferrera, Description
■il las Indias occidentales ( Madrid, 1725-172(1,4 vol. in-
■ ),déc. VI, lib. VII, cap. 11, 12 ; déc. Vif, lib. f°, cap.
■5; lib. Il, cap. 6; lib. vu, cap. 1-12. — Garcilasso
BtaVefça, La Ftoridadel Ynca, iib.JI, part. Il, cap. 1-7,
I 38; lib. III ; lib. IV, cap. 1, 2, S, 8-16; lib. V, part, i)
■ 1. 1-8; part. Il, cap. 1-22; lib. Vf, cap. 1-22. — Ha-
m jyt, Virginia, cap. 13-20, 29-44. — Gomara, Hist. gën.,
H II, chap. 45. — Ensayo cronoloqico para la Histo-
Wdela Florida (Madrid, 1723).
i j uoseley ( Benjamin ) , médecin anglais, né
bis le comté d'Essex, mort le 15 juin 1819.
Brès avoir terminé ses études médicales à Pa-
■<età Londres, il partit pour La Jamaïque, et
■ à Kingston les doubles fonctions de chirur-
■ 1 et d'apothicaire. I! eut pendant la guerre de
■(dépendance de nombreuses occasions d'obser-
I de près les maladies épidémiques, qui déci-
ment les troupes anglaises; un traité qu'il pu-
I en 1783 à ce sujet commença sa réputation
■ïntiûque. Après la paix , il visita l'Amérique
ipord et une partie de l'Europe, alla prendre
l*eyde le diplôme de docteur, et s'établit tout
■ fit à Londres, en 1785. Par la protection de
II Mulgrave, il obtint la place de médecin mi-
Kre de l'hôpital de Chelsea. Moseley s'éleva
Kc une sorte de rage contre la vaccine ; il la
Ignit comme une innovation des plus funestes ;
Haccusa même d'être un véritable empoison-
Ipent et d'avoir produit un grand nombre de
■adies inconnues auparavant, qu'il nomme
Mies bovilla., scabies bovilla, tinea bo-
rna, etc. En 1805 il engagea seul contre tout
Ipollége des Médecins de Londres une lutte,
Ils laquelle il montra autant d'esprit que d'a-
Brnement et d'àcreté. On a de lui : Observa-
ms on the dysentery of the West Indies ;
■gston, 1783, in-8°; plusieurs éditions; —
ftafùe concerning the properties and ef-
Ksof Coffee; Londres, 1785, in-8°, trad. en
16 eh français et en. allemand ; — Treatise
mtopical Diseases, on military opérations
m on the climale of the West Indies ; Lon-
ft.:i787, 1793,1803, 1806, in-8°; trad. en
ajmand; — Treatise on Sugar, with mis-
cïaneous médical observations; Londres,
i\è, in-8°; trad. en allemand; — Médical
mets ; Londres, 1803, in 8°; — Commentaries
(khe Lues bovilla ; Londres, 1804, 1805, in-8°;
mreatise on the Lues bovilla or cow-pox;
Iidres, 1806, in-8°; trad. en 1807 en français;
'Treatise on the FJydrophobia; Londres-,
18, in-8°. On cite parmi les écrits dirigés
cjtre Moseley celui qui a pour titre Épîtres
lioïques de la Mort à B. Moseley sur la
Mine (1810). K. -
se, New biog. Dict.
— AIOSER
718
■iosi i.i.wrs voy. Sciudë (Pierre).
* mosen ( Julius ) , poète allemand , né à
Marieney, en Saxe, le 8 juillet 1803. Il fréquenta
d'abord le gymnase de l'Iauen, ensuite l'univer-
sité de léna, où il étudia le droit. Il devint en
1844 conseiller aulique et dramaturge du grand
théâtre à Oldembourg. On a de Mosen : Lied vom
Hitler Wasa (Le Chant du chevalier Wasa);
Leipzig, 1831 (il y dépeint la mort du monde
hellénique et l'aspiration vers les promesses du
christianisme); — Ahasver; Dresde et Leipzig,
1 838 ( c'est un poëme épique qui forme con-
traste avec le précédent); — Gedichte (Poé-
sies); Leipzig, 1836 et 1843 : parmi ces poé-
sies, Andréas Hofer et Les dix derniers du
4e Régiment, sont devenues populaires; — Con-
gress von Verona ; Leipzig, 1842, 2 vol. : c'est un
tableau parfait de la vie des peuples modernes;
— Die blaue Blume et Das Heimwch ( La
Fleur bleue et Le Mal du pays ), deux nouvelles
publiées par YUrania en 1840 et 1844; — Bil-
der im Moose (Images dans la mousse); Leip-
zig, 1846, 2 vol. — Depuis 1836, Mosen a écrit
les tragédies suivantes : Cola Rienzi ; Les Fiancés
de Florence; VEmpeteur Otton III; Wendelin
et Helena, qui ont toutes été imprimées dans
son Thealer; Stuttgardt, 1842. H. W.
Conv.-Lex.
mosengeil (Frédéric), conteur allemand,
très-populaire, né à Schoenau, non loin d'Eise-
nach, le 26 mars 1773, mort à Meiningen, le
2 juin 1839. 11 étudia la théologie à l'université
de léna, et devint professenr à l'école forestière
fondée à Zillbach par Cotta. En 1805, la du-
chesse douairière de Saxe-Meiningen le chargea
de l'éducation de son fils unique, le duc Bernard-
Erich-Freund, qu'il accompagna, dans la suite, à
l'université de Téna et à celle de Heidelberg,
ainsi que dans ses voyages en Suisse, en Italie,
en Belgique, en Hollande et en France. En 1821,
lors de la majorité du duc,Mosengeil devint pré-
sident du consistoire de Meiningen. On a de lui
des Contes qui eurent beaucoup de succès , et
qu'il réunit plus tard dans les recueils intitulés
Liebenstein und die neuen Arcadier (Leiben-
stein et les nouveaux Arcadiens); Francfort,
1826, 2e édit; — Reisegefaehrten (Compa-
gnons de voyage); ibid., 1825 à 1828,3 vol.;
— Drei Freunde auf Reisen (Trois Amis en
voyage); Leipzig,. 1828, 3 vol.; — Somme-
rabend Stunden (Soirées d'été); Hildburg-
hausen, 183 1, 2 vol. Ce fut lui qui le premier,
parmi les Allemands, s'occupa de sténographie;
lors de son séjour à Zillbach, il publia un petit
traité (3e édit., léna, 1819) sur cet art. H. Yv\
Coiw.-I.ex.
3IOSER ( Georges- Michel) , peintre en émail
et orfèvre suisse, né en 1707, à Schaffhouse.mort
à Londres, en 1783. Fils d'un chaudronnier habile
dans la ciselure, il apprit d'abord le métier de
son père, et ensuite Porfévrevrie, art qu'il alla en
1726 exercer en Angleterre. Il y obtint le plus
719
grand succès; ses médaillons, ses montres et
tabatières, qu'il décorait de merveilleuses pein-
tures en émail , excitaient surtout l'admiration
par le fini et l'élégance de leur exécution. Il eut
encore le mérite de contribuer plus que tout
autre à la fondation de l'Académie de Peinture;
lorsqu'elle fut enfin établie définitivement, en
1768, malgré les entraves apportées par plusieurs
artistes, notamment par Hogarth, il en fut nommé
vice-président avec cent livres de pension; il fut
anobli quelque temps après.
Sa fille Marie, née en 1744, avait un talent des
plus exercés pour la peinture des fleurs; elle
décora aussi avec un grand goût plusieurs appar-
tements du palais de Windsor. O.
Nagler, Ifeues Allg. Kilnstler-Lexicon.
AiosER (Jean- Jacques) , célèbre publiciste
allemand, né à Stuttgard, le 18 janvier 1701,
mort dans cette ville, le 30 septembre 1785. Reçu
en 1720 licencié en droit à Tubingue, il y fut, en
cette même année, nommé professeur extraor-
dinairede droit; mais n'ayant presque pas d'audi-
teurs, il se rendit en 1721 à Vienne, où, bien
accueilli par l'empereur et le vice-chancelier,
comte de Schœnborn, il aurait pu obtenir un
emploi considérable s'il se fût décidé à abjurer
le luthéranisme. De retour dans son pays, il se
vit soupçonné d'avoir fourni à la cour impériale
des renseignements sur des affaires que le duc
de Wurtemberg désirait tenir secrètes. En 1724
il repartit pour Vienne, afin d'y faire agréer un
projet sur l'entretien de la chambre impériale ;
il n'y réussit pas, il est vrai, mais le comte de
Schœnborn le reçut encore mieux que la pre-
mière fois, lui fit une pension et le chargea de
divers travaux de jurisprudence. Rappelé en
1726 à Stuttgard , Moser y fut nommé conseiller
ds régence ; l'année suivante il fut chargé d'une
chaire de droit au collège ducal de Tubingue ;
des tracasseries, que plusieurs de ses collègues
lui suscitèrent par jalousie , lui firent résigner
ses emplois en 1732. L'année suivante, à l'a-
vénement du duc Charles -Alexandre, il re-
prit ses fonctions de conseiller de régence. Sa
profonde connaissance du droit public et son
habileté dans la conduite des affaires commen-
çaient à être connues dans tonte l'Allemagne, En
1736 le roi de Prusse le nomma conseiller in-
time et lui confia une chaire de droit à l'uni-
versité deFrancfort-sur-POder.;Trois ans après,
ayant eu quelques difficultés avec ses collègues,
Moser donna sa démission, et alla vivre en
simple particulier dans la petite ville d'Ébers-
dorf, dans le Voigtland ; pendant les huit ans
qu'il y habita, il fut employé par divers princes
de l'Empire dans des négociations importantes ;
notamment en 1741, où il prit part au nom de l'é-
lecteur de Trêves aux longues discussions qui
précédèrent l'élection de l'empereur Charles VIL
En 1747, n'ayant pas voulu reconnaître les inno-
vations religieuses introduites à Ebersdorf par le
comte de Zinzendorf, il accepta la place de di-
MOSER 72
recteur de la chancellerie à la cour de Hess<
Hombourg, sous la condition qu'il pourrait y a|
pliquer ses principes libéraux en matière degoi
vernement et d'économie politique ; cette faculi
lui ayant été retirée peu de temps après, il quiti
son emploi, et s'établit à Hanair, ou il fonda, t
1749, un institut pour préparer les jeunes gens
la carrière de l'administration. En 1751 le dés
d'être plus utile à son pays lui fit abandonner cet
entreprise, qui avait eu le plus grand succès;
accepta d'être avocat consultant des états i
Wurtemberg. Quelques années plus tard,legoi
vernement despotique du duc provoqua les éta
à des représentations énergiques ; Moser, regan
comme le rédacteur desécrits publiés contre!
mesures illégales du premier ministre, le cora
de Montmartin, fut arrêté, le 12 juillet 1759,
conduit au fort de Hohentwiel. Il y resta cil
ans , sans qu'il lui intentât de procès ; presqi
constamment au secret , il ne put obtenir ni
vres ni moyens d'écrire. Une décision du consi
anlique mit fin, en septembre 1764, à cette d
tention arbitraire. R.établi dans ses fonction
Moser les résigna six ans après, et vécut depr
lors dans la retraite. Il eut sur tous ceux qui s'
taient en Allemagne occupés avant lui de drc
public l'avantage précieux d'avoir été de boni
heure initié à la pratique des affaires , ce qui i
préserva d'émettre, comme eux , des théori
inapplicables. Parmi ses quatre cents et qui |
ques livres et opuscules nous citerons : Mer !
wiirdige Reichshofraths - Conclusa (Renia
quables conclusa du conseil aulique ); Francfoi
1726, 8 vol. in-8°; — Bibliotheca Juris pi
blici; Stuttgard, 1729-1734, 3 vol. in-8->; ■
Miscellanea juridico ■ historica ; Francforl !
1729-1730, 2 vol. in-8°; — Grundrissder he \
tigen Staatsverfassung von Teutschlar <
(Principes de la Constitution actuelle de l'Ail
magne ); Tubingue, 1731, in-8°; édition sui vie i
six autres; — Einleitung in den Reichshq,
raths-process (Introduction à la Procédure <
usage au Conseil aulique); Francfort, 1733-173
4 vol. in-8° ; — Syntagma dissertatiohu S
Jus publicum germanicum illustrantiùM
Tubingue, 1735, in-4°; — Corpus Juris eiiall
gelicorum ecclesiasticum ; Zullichau , 173 1
1738, 2 vol. in-4°; — Altes deutsches Staat
recht (L'ancien Droit public de l'Allemagne X
Nuremberg, 1737-1754, 53 parties in-4° : pi I
vrage qui a été longtemps le meilleur sur cet
matière ; — Alte und neue Reic/ishofrat)
Conclusa in causis illuslribus (Anciens I
nouveaux Conclusa in causis illuslribus ém;
nant du Conseil aulique) ; Francfort, 1743-174(1
3 parties, in-8° ; — Opuscula academica sa
lecta Juris capita explicantia ; Francfor
1745, in-4°; — Deutsches Staats archiv (A'
chives politiques de l'Allemagne); Francfor
1751-1757, 13 parties in-4°; — Bibliothtl
von Œkonomte-Fblisey - Handlungs- Mam
faklur-und Bergwerkgesetzen,Schriften un
m
MOSER
722
ibhandlttngen darùber (Bibliothèque des
crits concernant les lois édictées en matière d'é-
onomie politique , de police , de commerce , de
nanufactures et de mines) ; Ulm, 1758, in-8°;
- Nettes detttsches Slaatsrecht (Nouveau
)roit public de l'Allemagne); Stuttgart), 1766-
772, 20 vol. in-4°, avec 3 vol. de Suppléments ;
rancfort, 1781-1782, 3 vol. in-4°, et un volume
e Tables, qui, publié en 1775, contient aussi
n index pour tous les autres ouvrages de Mo-
■r parus jusque alors ; — Vermischte Nachri-
iten von reichsritterscha/tlichen Sachen
[Mélanges concernant la Noblesse de l'Empire ) ;
uremberg, 1772, 6 parties in-8°, suivies des
eitràge zu reichsi'itterschaftlichen Sachen;
Im, 1775, 4 parties, in-8°; — Von dem reichs-
andischen Schuldenwesen (Sur les Dettes
[nntractées par les États de l'Empire); Tubin-
te, 1774-1775, 2 vol. in-4°; — Abhandlun-
n iïber verschiedene Reichsmaterien (Dis-
rtations sur diverses matières concernant l'or-
fmisation de l'Empire); Ulm, 1772-1778, 5 vol.
[i<-8°; — Reichsstàdtisches Magazin (Maga-
|i de documents concernant les villes de l'Em-
ile); Ulm, 1774-1775, 2 vol. in-8°; — Neueste
I •schichte der unmittelbaren Reichsritter'-
{ iaft (Histoire moderne de la Noblesse immédiate
[l'Empire); Ulm, 1775-1776, 2 vol. in-8°; —
ylàuterung des Westphàlischen Friedens
implication du Traité de paix de Westphalie);
Dlangen, 1775-1776, 2 parties, in-4° ; — Vcr-
tch des neuesten europàischen Vôlkerrechts
| Friedens und'Kriegszeiten (Essai sur le
niveau Droit des gens en usage en Europe en
Inps de paix et^de guerre); Francfort, 1777-
IBO, 10 vol. in-8°; — Betrachtungen iïber
I; Wahlcapitulation Josephs II ( Considéra-
nts sur la capitulation jurée par l'empereur Jo-
ph II lors de son élection); Francfort, 1778,
|rol. in-4° ; — Beitràge zu dem neuesten
wropàischen Vôlkerrechte (Documents pour
Irvir à la connaissance du Droit des Gens mo-
irnc de l'Europe); Tubingue, 1787, 5 parties
i8°. Moser a encore publié, entres autres, des
tités sur la constitution politique des électo-
f s de Mayence, de Bavière. de.Trèves, du Pa-
tinât, de Brunswick , etc. O.
I lebensgeschichte fllosers ( autobiographie; Francfort,
B7-VI83 , 4 parties, in-8° ). — Wetdlich, Nachrichten
U jetztlebenden Rechtsgelehrten , t. II. — Hlrsching,
lit. liter. Handbuch.
Imoser (Frédéric-Charles de), publiciste
Itsmand, fils du précédent, né à Stuttgard, le
■ décembre 1723, mort à Ludwigsbourg , en
ÏJ8. Après avoir rempli les fonctions de
"Imbre du conseil aulique de Vienne, il fut en
■'O placé à la tête de l'administration de la
Incipauté de Hesse-Darmstadt. Son peu de
«idescendance pour les volontés despotiques
>i souverain de ce pays lui valut d'être en
JiO destitué de tous ses emplois ; ses biens
^ent séquestrés ; il en obtint la restitution après
vives réclamations devant Je conseil de
Vienne. Il vécut depuis en simple particulier; le
landgrave de Hesse-Darmstadt, reconnaissant
l'injustice qui lui avait été faite, lui assigna une
pension de 5,000 florins. On a tle Moser : Sam-
mlung des heiligen rômischen Reichs. sâm-
mtlicher Kreisabschiede ( Recueil de tous les
Recès des cercles du Saint-Empire); Ébersdorf,
1747-1748, 3 parties, in-4°; — Pragmalische
Geschichte der Kaiserlichen Reichshofraths-
ordnung ( Histoire pragmatique de la Procé-
dure suivie devant le Conseil aulique impérial);
Francfort, 1751, in-8°; — Kleine Schriften
zur Erlâuterung des Staals-und Vôlker-
rechts ( Opuscules pour servir à l'explication du
Droit public et des gens ) ; Francfort, 1751-1765,
12 parties, in-8°; — Commentarius de titulo
Domini ; Leipzig, 1751, in-4°; — Sammlung
der neuesten und wichtigsten Deductionen
in deulschen Staats-und Rechtssachen (Re-
cueils des plus importants mémoires récemment
émis en matière de Droit public et privé en Alle-
magne); Ebersdorf, 1752-1756, 9 vol. in-4°;—
Sammlung von Reichshofrathsgutachten (Re-
cueil d'Avis du Conseil aulique); Francfort,
1752-1769, 6 parties, in-8°; — Des Franki-
schen Kreises Abschiede von 1600-1748 (Les
Recès du cercle de Franconie de 1600 à 1748 ) ;
Nuremberg, 1752, 2 vol. in-4°; — Sammlung
der Abschiede des Ober-Sàchsischen Kreises
(Recueil des Recès du cercle de la Haute-Saxe ) ;
Hanau, 1752, in-4°; — Diplomalische und his-
torische Belustigungen (Amusements diploma-
tiques et historiques); Francfort, 1753-1764,
7 vol. in-8"; — Patriotische Gedankenvon der
Staatsfreigeisterei ( Pensées patriotiques sur la
manière de penser librement en matière politique) ;
1755; — Der Herrund der Diener (Le Maî-
tre et le Serviteur) ; 1759 : ce livre sur les de-
voirs d'un souverain et de son ministre a été
traduit en français; Hambourg, 1761 ; — Dettt-
sches Ho/recht (Le Droit des terres censives en
Allemagne); Francfort, 1760, 2 parties, in-4° ;
— Der Ho f, Fabeln (La Cour, fables); Leipzig,
1761 ; en 1789 l'auteur publia un nouveau volume
de fables; — Kleine moralische und politi-
sche Schriften (Opuscules moraux et politiques) ;
Francfort, 1763-1764, 2 vol.; — Beitràge zu
dem Staats-und Vôlkerrechte (Documents
pour servir à la connaissance du Droit public et
des gens) ; Francfort, 17641772, 4 parties, in-8?.;
— Patriotisches Archiv (Archives patrioti-
ques ); Francfort, 1784-1790, 12 vol. in-8°, sui-
vie du Nettes patriotisches Archiv; Mann-
heim, 1792-1794, 2 vol. in-8°; — Politische
Wahrheiten (Vérités politiques); Zurich, 1796,
2 vol. ;— Vermischte Schriften (Mélanges) ; Zu-
rich, 1796, 2 vol.;— Geschichte der Walden-
ser (Histoire des Vaudois); Zurich, 1798. O.
Strider, Hessische Gclehrten- Geschichte. — Meusel,
Lexikon.
moser (Guillaume-Godefroi), agronome al-
lemand , né à Tubingue , en 1729, mort en 1793 •
723
MOSER —
Fils de Pliilippe-Ulric Moser, ministre protestant
et auteur d'un Lexicon manuale Hebraïcum et
Chaldaïcum, il occupa plusieurs emplois dans
l'administration du royaume de Wurtemberg, et
devint ensuite conseiller intime à la cour de
Dannstadt; en 1786 il entra au service du prince
de Thurn et Taxis, et fut enfin nommé député
de cercle à Ulm. On a de lui : Grundsàtze der
Forstœconomie (Principes de l'Économie fo-
restière); Francfort, 1757, 2 vol. in-8°; —
Kennzeichen der deutschen und nordameri-
kanischen Holzarten (Caractères des espèces
d'arbres de l'Allemagne et de l'Amérique du
Nord); Leipzig, 1794, in-8°; — Forsl-Archive
(Archives forestières); Ulm, 1788-1793, 17 vol.
in-8°. O.
Haug, Schwâbisches Magazin (année 1793). — Meusel,
Lexihon.
moshkim (Jean-Laurent de), célèbre his-
torien allemand, né àLubeck, le 9 octobre 1694,
et mort à Gœttingue, le 9 septembre 1755.
Presque au sortir de l'université, il s'annonça
pour un esprit distingué. Le talent avec lequel il
remplaça Alb. de Felde, premier prédicateur et
professeur à Kiel, et quelques écrits d'histoire
et de théologie donnèrent de lui une haute opi-
nion. On lui offrit de divers côtés à la fois des
positions honorables. Il accepta la chaire de
théologie à l'université d'Helmstaedt. Il remplit
ces fonctions depuis 1723 jusqu'en 1747, avec
autant d'éclat que d'utilité réelle pour ses audi-
teurs. En 1747 il fut appelé à une chaire de
théologie à Gœttingue, avec le titre de chance-
lier à l'université. Il n'est aucune branche des
sciences théologiques qui n'ait reçu de cet
homme éminent quelque amélioration. Il peut
être surtout regardé comme le réformateur de
l'histoire ecclésiastique, à laquelle une connais-
sance plus étendue des sources, une critique
fine et ingénieuse , un coup d'œil pénétrant ,
une rare impartialité lui permirent d'imprimer
une direction nouvelle. Tandis qu'avant lui les
historiens de l'Église n'avaient vu dans les
hérétiques que des esprits corrompus et per-
vers, poussés à l'erreur par la seule impulsion
de leurs mauvaises passions, il chercha le pre-
mier à remonter aux causes réelles qui avaient
produit les divers schismes et à apprécier, sans
haine et sans parti pris, des hommes qui avaient
pu se tromper, mais qui le plus souvent n'a-
vaient cru obéir qu'à la force de la vérité. Le
premier encore il attira l'attention sur les mo-
difications successives que les dogmes avaient
éprouvées dans le cours des âges. Il exerça une
heureuse influence sur la prédication. Avant lui,
le pédantisme, une recherche de mauvais goût,
une insupportable prolixité, un singulier mé-
lange de termes empruntés à toutes les lan-
gues, une absence complète de dignité étaient
les caractères communs de tons les prédicateurs
allemands. Mosheim donna l'exemple, dans ses
sermons, du goût, de l'ordre des convenances
MOSHEIM 724
oratoires, de la pureté et de l'élégance de l'ex-
pression.
Mosheim a écrit cent soixante et un ouvrages.
En 1731 il publia lui-même le catalogue de ceirx
qu'il avait mis au jour jusqu'à cette époque;
ceux qui sont ses véritables titres de gloire ap-
partiennent presque tous à une date postérieure.
Il suffit d'indiquer ici les principaux : Predigten
( Sermons) ; Hambourg, 1725-1739, 6 vol. in-8°:
plusieurs de ces sermons, contenus dans les trois
premiers volumes, ont été traduits dans presque
toutes les langues de l'Europe; — Anweisunger-
baulich zu predigten (Instruction sur l'art d<
prêcher d'une manière édifiante );Erlangen, 1760
in-8°, publié par de Windheim; 3e édit., ave<
des additions par Marck, Butzow, 1773, in-8°.
— Elementa Theologise dogmatiese ; Nurem
berg, 1758, in-8° ; 3e édit, 1781, 2 vol. in-8°
— Polemische Théologie; Bretzow, 1763 e
1764, 3vol. in-4°; — Al/gemeines Kirchenrech
der Protestanten (Droit ecclésiastique généra
des Protestants); 1760, in-8° : publié avec de:
notes par de Windheim ; remanié et augment»
par Gunther, Leipzig, 1800, in-8°; — Mora
der heïligen Schrift ( Morale de l'Écritun
Sainte); 9 vol. in-4°. Les quatre derniers son
de J.-P. Miller, son disciple et son successeir
à Gœttingue. On a deux abrégés de cet ou
vrage, l'un de J.-P. Miller, Leipzig, 1777, in-8"
et l'autre de Sommeran , Quedlinbourg , 1771
2 vol. in-8° ; — Vindiciee antiquse christia
norum disciplinée, adversus Tolandi Nazare
num; Kiel, 1720, in-4°, et Hambourg, 1722
in-8°; — Commentationes et, orationes vari
argumenti; Hambourg, 1751, in-8° : publié pa
J.-P. Miller; — Jnstitutionum Historiée <?c
clesiaslicx ahtiquioris et recentioris libri IV
Francfort et Leipzig, 1726, in-8°. Cette premier
édition, remaniée ensuite par Mosheim, devintui
ouvrage plus étendu, Helmstœdt, 1737-1741
2 vol. in-8° ; plusieurs autres éditions, dont 1:
dernière, due à J. P. Miller, 1764, contient un<
notice sur les écrits de l'auteur : trad. en angl. pa
Maclaine, Londres, 1765, 2 vol. in 4°, ou 5 vol
in-8°, avec un supplément, 1768, in-8°; la meil
leure édition de cette traduction est celle de Lon
dres, 1806, 6 vol. in-8°; seconde traduction an
glaise, par G. Gleig, Londres, 1826, 6 vol. in-8°
troisième traduction anglaise, par J. Murdock
avec des addit. de H . Soamer, Londres, 1 84 1 , 4 vol
in-8o; trad. française faite sur la trad. anglaise di
Maclaine, par F. de Félice, Yverdun, 1776, 6 vol
in-8°; autre trad. française, faite sur l'origina
latin, par A. Eidous, Maestricht, 1776, 6 vol
in-8° ; trad. italienne, par Roselli ,Naples, 1769
10 vol in-4° ; trad. libre allemande, avec les ob
servations de Maclaine et des additions par voi
Einem , Leipzig, 1769-1778, et 1782-1783, 9 vol
in-8°; autre trad. allemande avec des add., pa
J.-G. Schlegel, Heilbronn, 1770 et suiv. 6 vol!
in-8°; plusieurs autres éditions; abrégé en latii
par J.-P. Miller, Leipzig, 1751,Jn-S° : plusieur
-25 MOSHEIM —
dit. Ces détails bibliographiques montrent suffi-
' .animent la valeur de cet ouvrage, qui a joui
ongtemps d'une grande autorité et qui est en-
core aujourd'hui suivi, comme manuel d'histoire
(cltsiastique, dans plusieurs écoles de théo-
rie en Angleterre jet aux États-Unis. Cette
■listoire est de beaucoup supérieure à tout ce
• u'on avait. eu jusque alors en ce genre; mais il
st aussi étonnant que regrettable que Mosheim
ait suivi la division encore adoptée, mais peu
igique, par siècles; — Institut iones Hisiorix
'ccU'siœ majores sseculi primi; Helmstaedt,
1 739, in-4°. L'ouvrage n'est pas terminé ; mais
le qu'on a est fort ..remarquable; — De Rébus
iiristianorttm anle Constantinum magnum
■'ommentarii ; Helmstaedt, 1753, in-4°; trad.
: nglaise, par Mardock. Ce volume et le précédent
! nt été compris dans la traduction allemande par
! m Einem de V Histoire ecclésiastique deMos-
ifeim; — Historia Mich. Serveti; flelmsfsedt,
|?27, in-4°; 2e édit., Brunswick, 1735, in-4°;
|l- Versuch einer imparteischen und grûndli-
' ien Ketzergeschichte ( Essai d'une Histoire
•j îpartiale et approfondie des Hérétiques) ; Leip-
llg, 1746, 1750, 2 vol. in-4° ; le 2e vol. contient
fî nouvelles recherches sur Mich. Servet; —
t Bcghardis et Beguinibus ; Leipzig, 1790,
M-8C : publié par G. -H. Martini; — Disserta-
Sones ad historiam eccles. pertinentes ; Al-
igna, 1733, 2 voi. in-8°; plusieurs édit. Dans
s(; recueil se trouve la dissertation De turbata
[ter recentiores platonicos Ecclesia, qui a été
iissi imprimée à la ftn de la traduction latine
ir Mosheim du Système intellectuel de Cud-
k'orth; Leyde, 1773, 2vol. in-4°. Michel Nicolas.
I Notice sur les écrits de Mosheim, par .F. -P. Miller,
trtns l'édit. de 1764 de ses Instituliones Historiœ eccle-
asticee. — F. Lucke, Pjarratio de J.-L. jlloshemio ; Goet-
llngue, 1837, in-4°.
' MOSNKRONrDELAUNAY (l) ( Jean-Bap-
\ste, baron ), ' homme politique et littérateur
jançais, né à Nantes, le 28 août 1738, mort à
laint-Gaudens, en 1830. Il appartenait à une
-che famille d'armateurs; mais, le goût des
fjyages l'emporta, chez lui sur celui du cona-
Iierce, et après avoir voyagé une année eu An-
«terre et en Hollande , il s'embarqua comme
lificier sur un bâtiment armé par son père en
iestination de Saint-Domingue. Il arriva heu- i
'eusement dans les Antilles; mais à son retour •
i faillit périr sur les côtes d'Espagne. Il revînt j
jégoûté de la marine, et résolut de faire son, I
roit ; mais sa légèreté l'emportant encore , il |
iiiitta les études sérieuses pour la littérature. Il !
jrésenta deux tragédies au Théâtre-Français : I
les furent refusées. Il fit alors une traduction '
il prose du Paradis perdu de Milton, puis re-
>urna à Nantes, où il rentra dans la maison pa- !
nielle, dont il suivit les opérations avec une
Ile intelligence que ses concitoyens l'élurent
fH 11 avait pris ce second nom pour se distinguer de ses '
ères. I
MOSQUERA 726
plusieurs fois membre de leur tribunal et de
leur chambre de commerce. II fut aussi délégué
successivement par la ville de Nantes près des
états do Bretagne, siégeant à Rennes; près du
ministre de la marine, M. de La Luzerne; et en
1789, fit partie d'une députation chargée de
soumettre divers griefs à l'Assemblée consti-
tuante. En août 1791, il fut élu députée l'As-
semblée législative pour le déparlement de la
Loire-Inférieure. Le 21 octobre 1791, il s'op-
posa « à ce que l'on confondit les prêtres non
sermentés avec les perturbateurs reconnus ». En
novembre il offrit à la patrie, au nom de son frère
Mosneron-Dupin, un bâtiment pour porter des
secours à Saint-Domingue. Il vota constam-
ment avec la droite, et fut incarcéré quelque
temps à Nantes, durant la terreur, sous la pré-
vention de royalisme. En décembre 1799, il fut
nommé membre du corps législatif, dont il
sortit en 1803. Des raisons de santé le for-
cèrent à se retirer à Bagnères-de-Luchon , où il
vécut dans une retraite absolue jusqu'à la res-
tauration. En 1815 il reçut la croix d'Honneur,
et obtint pour sa femme d'abord l'entrepôt de
tabac de Pau, puis la recette centrale de Saint-
Gaudens. Ce fut là qu'il termina ses jours, à
quatre-vingt-douze ans. Il avait été créé baron
le 8 janvier 1823. On a de lui : Le Paradis
perdu, trad. de l'anglais de Milton, avec notes
et texte en regard; Paris, 1786, 3 vol. in-16;
ibid., 1788 et 1799, 2 vol. in-s°; ibid., 1805,
2 vol.in-12 ; ibid., 1810, 3 vol, in-8°; ces deuw.
dernières éditions sont précédées d'une Vie de
Milton, que l'auteur avait publiée séparément;;
Paris, 1804, in-8°; — De quelques Réformes
et Améliorations à faire en Bretagne;
1789, in- 8° ; — Vie du Législateur des chré-
tiens, sans lacunes et sans miracles ; Paris,
1803, in-8° Cet ouvrage, signé des initiales
J. M. et publié chez le libraire Dabin, est devenu
très-rare. Il fut désavoué par Mosneron sous la
restauration;. mais Barbier affirme que sous le
consulat et l'empire même Mosneron s'était
vanté, à plusieurs personnes dignes de foi, d'en
être l'auteur; on comprend que les sentiments
anti-religieux qui dominent dans ce livre aient
pu portes; leur auteur à renier son œuvre y —
Memnon,ou le jeune Israélite; 1806, in-S°;
— Le Vallon aérien', ou relation du voyage
d'un aéronaute dans un pays inconnu jus-
qu'à présent, roman moral; 1809, in-12. Mos-
neron a laissé inédites plusieurs pièces de
théâtre,, des poésies, et une traduction en vers
àeYEssai sur l'Homme de Pope qu'il aurait"
terminé à l'âge de quatre-vingt-cinq ans.
H. L— r.
Le Moniteur universel, an 1791, n° 310.— Biographie
moderne (1806). — Rabbe, Vielh de Boisjolin, etc., biogt\
portât. des'Contemp. — Guinoar, Aimâtes Nantaises. —
Biogr. des vivants ( 818 ). - Tablettes des Écrivains
français. — Barbier, Dictionnaire des .Jnonymes.-
iMOSQUERA. (Don Ruv Gargia), navigateur
espagnol", l'un des fondateurs de Buenos-Ayres,
727 MOSQUERA. —
né en 1501, mort à Buenos- Ayres, vers 1555.
Lorsque Sébastian Gaboto (plus connu sous le
nom de Cabot), se voyant négligé par le gou-
vernement français , passa en Espagne, où l'em-
pereur Charles Quint le prit à son service
comme pilote major après la mort d'Améric Ves-
puce, une expédition composée de trois navires
fut résolue pour faire de nouvelles découvertes
le long des côtes de l'Amérique méridionale in-
férieure. Mosquera sollicita et obtint de partager
les dangers et les avantages de cette entreprise.
L'expédition mit à la voile de Cadix, le 1er avril
1526. Elle relâcha dans les Canaries, mouilla
sur l'île de Patos (des Oies), par 27° lat. s., où
le manque de vivres occasionna une mutinerie.
Cabot déposa sur une île déserte deux de ses
principaux officiers, le capitaine Francisco de
Rojas et don Miguel de Rodas. Mosquera fut ap-
pelé à remplacer le premier comme comman-
dant de la caravelle La Trinidad. Les Espagnols
mouillèrent ensuite dans la baie de Solis (ou de
La Plata) ; ils remontèrent le fleuve de ce nom
l'espace de trente lieues jusqu'à une île qu'ils
nommèrent San-Gabriel. Sept lieues plus haut
ils élevèrent le fort San-Salvador, à l'entrée
d'une rivière profonde. Trente lieues plus loin,
au confluent de la Zarcarana ( Carcaranal en
indien), le fort Santo -Espiritu (aussi appelé la
Fortaleza de Gaboto), fut construit par 32°
25' lat. Remontant encore la Plata, ils trouvèrent
à deux cents lieues de là son grand affluent le
Paraguay, qu'ils reconnurent l'espace de trente-
quatre lieues ; là une peuplade indienne les força
à s'arrêter après une perte de vingt-huit hommes.
Un traité de paix suivit ces premières hostilités.
Mosquera en profita pour visiter les nations voi-
sines : les Charmas, les Quirondis, les Lim-
bues, les Curundas, Tes Camïs, les Quilbasas,
les Mécoirtas, les Mépènes, et vingt-sept autres
peuplades de noms, de langages et de costumes
différents. Il rapporta beaucoup d'argent de ses
excursions, et contribua ainsi à faire changer le
nom du fleuve Solis en celui de Rio de la Plata
(Rivière de l'Argent). Quoiqu'il fût le premier
Européen qui parut dans ces contrées, son voyage
fut pacifique. Malheureusement les Espagnols
ne tardèrent pas à mécontenter les naturels, qui",
en octobre 1527, détruisirent Tes stations forti-
fiées de San-Salvador et de Sanfo-Espiritu . Ne
recevant aucun secours, Cabot repartit pour l'Es-
pagne (1530), laissant Nuno de Lara et Mosquera
avec cent vingt hommes pour garder la colo-
nie en son absence, Nuno fit alliance avec Man-
gora, cacique de Timbuez,. qui devint éperdue-
ment amoureux d une dame espagnole Lucia
Miranda, énouse de l'officier Sébastian Hurfado.
Pour obtenir Lucia, le. cacique égorgea toute la
garnison dans un festin j mais il périt dans ce
massacre de fa main du. trop confiant Nïiiîo.
Mosquera et un petit nombre d'Espagnols échap-
pèrent à la mort, se jetèrent dans quelques
chaloupes, et, descendant la Plata jusqu'à la mer,
MOSSAILAMAH 72
bâtirent un fort sur le cap Santa-Maria ( 32° d
lat. ). Le capitaine général du Brésil lui infini
l'ordre de prêter serment au roi de Portugal. Su
ces entrefaites un navire français vint mouille
sur l'Ile de Canané, vis-à-vis du fort Santa-Ma
n'a. Mosquera, aidé de deux cents Indiens, s'e
empara par surprise, et s'étant procuré ainsi dt
canons et des munitions, battit les Portugais
pilla leur établissement de San-Vincente et tram
porta sa petite colonie sur l'île de Santa-Catalinî
Il l'habitait paisiblement, lorsqu'en 1535 Vadt
lantado don Pedro de Mendoza (voy. ce nom
et ses frèrent vinrent jeter sur le cap Blanc
les fondements d'une ville, qu'ils nommèrent,
cause de la salubrité de son climat, Nuestra Si
nora de Buenos-Ayres (Notre-Dame de Boi
Air); mais bientôt les guerres avec les Indier
Quirondis, Bartenes, Zechuruas et Timbu<
ainsi que la famine enlevèrent la plupart des ci
Ions. Déjà Mendoza préparait une évacuatio
ruineuse lorsque Mosquera arriva avec deux n;
vires chargés de vivres, ses colons de Santi
Catalina et plusieurs familles brésiliennes. Soi
ses auspices la nouvelle ville changea d'aspee
l'œuvre des Mendoza devint réellement celle c
Mosquera, qui au surplus reçut ainsi que li
siens une belle portion de territoire. On ignoi
l'époque exacte de la mort de Mosquera, dont
famille a conservé une grande influence dans li
province de Colombie et de la Bande orier
taie (1). A. de L.
Sébastien Gavato, Memoiïs, etc. — Azara, Voyage àa\
l'Amérique méridionale, t. II, p. 119. — Le P. Chàrl'l
voix, Hist. d?« Paraguay, liv. Ier. — Herrera, Histor
gênerai de los Hechos de los Castellanos, déc. 111, lib. I! I
cap. ni et lib. x, cap. 2; déc. IV, lib. 1, cap. 1; I
lib. III, cap. 1; déc. Vf, lib. VI, cap. ix. — I'. I.ozan
Descripcion geographica del gran Chaco, Qualamba, el I
(Cordoue, 1733, in-4°). — Southey , History of BrazX
— Techo, Historia l'araquarix, lib. I, cap. ni-v.
mossaïlamah , sectaire arabe, né à Hil
naïfah, dans la province de Yémâmah, vers 6(1
de notre ère, mort près de Médine, en 63 1
Après avoir embrassé l'islamisme en 630, I
conçut l'idée de s'ériger en prophète lui-mêm
et publia des révélations par écrit dans le goi
de celles du Eoran. Il proposa ensuite à Mah
met de faire entre eux un partage égal de l
terre. Mais le fondateur de l'islam ayant dij
cliné la proposition de Mossaïlamah, celui-
forma un parti considérable, avec lequel il a|
bora l'étendard de la révolte. S'étant marié avi
une femme de la tribu de Tamim , dans
Bahréin, Sedja, fille du prince Hareth, qui (1
son côté s'était érigée en prophétesse, Mossa
(1) Plusieurs des descendants de don Ruy Garcia Mo»
quera ont joué un rôle important dans l'émancipation di
la Colombie; tels sont : Joaquln Mosquera, memb '
du sénat colombien qui a conclu à Santiago, le 21 octob p
1821, le traité d'union, d'alliance et de conlédératiu
perpétuelle entre la Colombie et le Chili; et un semblât
traité avec le Pérou, à Bogota, le 12 juillet 1813, et Jos
Rafaël Mosquera, qui présidait la chambre des repr
sentants de la Colombie en juie 1824. Voy. fris de Vemj
zuela du 17 octobre 1823; Gaceta de Colombia ( Bogot;,
4 juillet 1824; ElColombiano du 8 octobre 1823).
i M0SSA1LAMAH — MOSTAERT
imah agissait dans le nord de l'Arabie, tandis | tyrannie, Mostacfy appela à
730
uc sa femme soulevait l'est et le sud de la p<?
insuie. Mahomet étant mortsur ces entrefaites,
khalife Aboubekr envoya contre le sectaire
général Khaled. Victorieux d'abord, Mossaï-
mah, succomba avec son lieutenant devant la
îleur de Khaled, soutenu par une nombreuse ar-
iée de quarante mille hommes, Malgré sa mort
[; celle de dix mille de ses sectateurs, le parti
; Mossaïlamah, appelé le Menteur, se soutint
Jicore pendant trente ansdans le Bahréin, jusqu'à
n extermination par le khalife Moavyah et
a rentrée de Sedjah dans le sein de l'islamisme,
jiBassorah, en 662. Ch. R.
tbouHéda, Annales Moslemici. — M. Des Vergers, L' A-
ïïbie {Univers pittoresque).
hnossÉ ( J.-M. ), littérateur français, né vers
118O, à Carpentras, mort le 21 février 1825, à
"ris. Il était de famille juive; son véritable
m paraît avoir été Mosès. Enlevé à ses pâ-
lots vers l'âge de sept ans par le greffier de la
îtorerie de Carpentras, il ne leur fut Jrendu
l'a l'époque de la révolution. Après avoir été
«ployé dans les bureaux de la préfecture de
Rude, il vint à Paris, rima quelques pièces de
1rs sur les événements de l'empire et donna
I ; articles au Mercure. Il a publié un grand
■robre d'ouvrages, la plupart d'une insigne mé-
Iwité; il les vendait lui-même et joignait,
|j-on, à ce commerce le trafic des meubles. Il
■lit depuis longtemps atteint d'une maladie in-
Ihable lorsqu'il s'asphyxia par la vapeur du
luÈon en même temps qu'une dame anglaise
|i vivait avec lui. Nous citerons de Mossé :
KChronique de Paris, ou le Spectateur mo-
Irae; Paris, 1819, 2 vol. in-8°; — Archives
mLettres, Sciences et Arts, ou bibliographie
nérale et raisonnée ; Paris, 1819-1821, in-4°;
1 paru de ce journal soixante-deux numéros ;
lies Travers des Salons et des lieux pû-
mes : caractères, portraits, anecdotes, par
Moyeux de Saint- Acre ; Paris, 1822, in-12,
1; — V Art de conserver et d'augmenter la
muté; Paris, 1822, in-18; la 2e édit. (1824),
m vol ; — L'Art de gagner sa vie ; Paris,
1)3, in-8°; — Essai sur l'intolérance en
ijWère de philosophie et de religion, où l'on
lamine les t. III et IV de Z'Essai sur l'In-
gérence de M. de La Mennais; Paris, 1823,
■3° ; — Eucharis, ott les sensations de l'a-
fur; Paris, 1824, 3 vol. in-12. P. L.
.ahul, Annuaire nêcrolog., 1825. — Barjavel , Dic-
mnaire historique du Faucluse, II, — Quérard, la,
Mfiee Litter.
Iiostacfy-billah ( Aboul-Cacem-Ab-
<àlah IV, al), khalife abbasside de Bagdad,
ijdans cette ville, en 908, mort en 949. Fils
d'Moktafy 1er, il monta sur le trône en 944,
a-s la déposition de son cousin Mottaky. Il
e pour émir-al-omrah d'abord le turc Ton-
iju, auquel il devait le trône, puis, après la
Pi de celui-ci, un autre chef de la même na-
*, Zairak ibn-Chirzad, en 745. Fatigué de sa
son secours le
Bouïdc Ahmea, auquel il conféra le titre honori-
fique de Moczzeddaulah. Voyant qu'il n'avait fait
que changer de maître, le khalife entra dans un
complot, ourdi par sa favorite Alam contre
Moëzzeddaulah. Ce dernier en ayant prévenu
les conjurés, Alam eut la langue coupée, tandis
que Mostacfy lui-même, après un règne de
seize mois, fut déposé par l'audacieux ministre,
le 29 janvier 946, puis privé de la vue et ré-
légué dans une prison, où il mourut au bout de
quatre ans. Ch. R.
Aboulféda, Annales Moslemici. — Weil, Geschichto
des Khalifats. — Mirkhond, Histoire des Bouldes.
MosTAhiii.it -ni 1,1 au ( Aboul-Abbas Ah-
med IV, al ), khalife abbasside de Bagdad, né
dans cette ville, en 1078, mort en août 1118.
Fils de Moktady, il succéda à son père, en 1094,
sous la tutelle de Barkiarok, émir-al-omrah et
sultan seldjoukide. Prince généreux , protecteur
éclairé des lettres et poète lui-même, il était
cependant incapable d'exercer l'autorité souve-
raine. S'occupant d'astrologie , il resta inactif,
après même que les croisés eurent, en 1099, pris
Jérusalem, et répandu une telle terreur jusqu'à
Bagdad, qu'on y oublia les prières et les jeûnes
obligatoires de la fêle du Ramadhan. Le khalife
se contenta d'entourer cette ville d'un nouveau
fossé et d'un second rempart. Il passa ensuite
tranquillement de la tutelle de Barkiarok sous
celle des successeurs de ce sultan, qui dispo-
sèrent en souverains incontestés de toutes les
possessions du khalifat. Ch. B.
Mirkhond, Histoire des Seldjoukides. — Hamdallah
Mestoufi, La Crème des Histoires, etc. — Weil, His-
toire du Khalifat ( en allemand). — Les Historiens des
Croisades.
MOSTADY 1JIAMR-A1XAH ( AboU-Moham-
med Haçan II, al), khalife abbasside de Bag-
dad, né en 1141, dans cette ville, mort en mars
1180. Fils de Mostandjed, il succéda à son père
en 1170. En 1174 il tua le perfide Kaïmaz,
commandant des émirs et meurtrier de son père.
Ayant su gagner le célèbre capitaine Saladin, Mos-
tady vit par son aide, après la déposition des kha-
lifes fatimites, l'Egypte replacée sous l'influence
religieuse de Bagdad. Il reçut également les hom-
mages d'un autre guerrier remarquable, Nou.-
reddin5 fondateur des Atabeks, pour la Syrie et
la Mésopotamie que celui-ci avait enlevées aux
diverses branches seldjoukides , tandis que le
khalife Tui-même fut délivré de la longue tutelle
sons laquelle avaient gémi ses prédécesseurs,
par la destruction de la principale Branche des
Seldjoukides, qui succomba sous les coups des
Kharismiens: Ch. R.
Mirkhond, Histoire des atabeks. — Id., Histoire des
Kharismiens. — Weil, Geschichte des Khalifats.
mostaert (l) (Jan), peintre hollandais, né
(1) Ce mot signifie moutarde en hollandais. Voici ce
que la chronique rapporte sur l'origine du nom de Mos-
taert. Un des membres de cette famille suivit en 1189
l'empereur Frédéric Ier, dit Barbe- Rousse, et Floris III,.
comte de Hollande, en Terfe Sainte. A la prise de Da-
731 MOSTAERT — MOST AIN-BILL A H
à Harlem, en 1499, mort dans la même ville, en
1555. Descendant d'une illustre famille, il reçut
■une bonne éducation, et dès sa première jeunesse
apprit la peinture, dans l'atelier de Jacques de
Harlem. Doué de beaucoup d'esprit et d'une figure
aimable, il plut à l'archiduchesse Marguerite
d'Autriche, sœur de Philippe Ier, roi d'Espagne, et
tante de Charles Quint ; cette princesse le nomma
son premier peintre, puis son gentilhomme d'hon-
neur, et durant huit années elle le tint attaché à sa
personne. Dans cet intervalle Mostaert exécuta
plusieurs grands ouvrages et une quantité de
portraits. Il quitta la cour comblé de richesses
et d'honneurs, et se retira à Harlem, où sa maison
devint le rendez -vous des principaux seigneurs
des Pays-Bas et de l'Espagne. Les personnages
de ses. tableaux sont pleins d'animation et de
noblesse, groupés avec goût ; les détails y sont
abondants, mais sans profusion ; les costumes,
l'architecture, l'ameublement, ne présentent pas
ces anachronismes choquants si fréquents dans
les productions des quinzième et seizième siè-
cles. Une grande partie des ouvrages de Jan
Mostaert, tous les objets d'art dont il avait
formé une belle collection , ses nombreux des-
sins, ses ébauches, périrent dans l'incendie qui
dévasta Harlem. Néanmoins on cite encore de
Mostaert à Harlem, aux. Jacobins : La Nais-
sance du Christ, morceau capital, et dans les
galeries publiques ou particulières de cette ville
un Ecce homo! — La Discorde jetant sa
pomme dans le festin des dieux : ce tableau
est d'un grand mérite ; les figures sont remplies
d'expression ; — Le bon et le mauvais ange
plaidant leur cause devant le Seigneur; —
Les portraits du comte et de la comtesse de
Borsèle : les mains sont admirablement traitées ;
— Le portrait du peintre par lui-même : le fond
reproduit un beau paysage; — plusieurs pay-
sages ; — quelques vues des Indes; une
d'entre elles, sur le premier plan duquel se des-
sinent plusieurs groupes de sauvages nus, est
lestée inachevée. Dans ces vues, la nature du
sol, ses productions, les animaux, les insectes et
jusqu'aux teintes du ciel des régions où l'ar-
tiste a placé ses sujets sont bien observés ; —
à Amsterdam, Sainte Anne et sa famille ; — à
La Haye, Abraham et Sarah; — Agar et Is-
mael; — Saint Christophe : très-grande toile;
— Saint Hubert.- A. de L.
Hcmskerck van Véen. — Descamps, La Fie des Pein-
tres hollandais, etc., t. i, p. 40-48. — Pilkiugton , Dic-
Uonary of Painlers.
mostaert ( François et Gilles), peintres
belges, fils du précédent, nés à Hulst, en 1525.
François mourut à Anvers, en 1556, et Gilles dans
mfette, il fit des prodiges de valeur et rompit trois sa-
brés en combattant les infidèles. L'empereur, pour ré-
compenser son courage, lui accorda pour armes trois
sabres d'or sur ch;imp de gueules. Un plaisant s'écria
que ce chevalier s'était montré fort comme moutarde.
Depuis lors ce vaillant reçut, dit on, le nom de Moitaert,
qui devint celui de sa famille.
la même ville, en 1601. Ils étaient jumeaux, i
d'une si exacte ressemblance qu'il n'était ] I
possible de les distinguer l'un de l'antre. Leur p |
lui-même s'y trompait (1). Il leur donna les p i
mières notions de son art , puis les ernmeni i
Anvers, où il plaça François chez Henri de I ;
et Gilles dans l'atelier de Jean Mandyn. Tj
deux devinrent fort habiles : François danst
paysage ; Gilles dans l'histoire et le genre. Ils i
rent reçus ensemble, en 1 555, à l'Académie d' S
vers ; mais François mourut à la fleur de l'âg ï
dans toute la vigueur de son talent. Il laissa j
sieur bons élèves , entre autres , Hans Soi s
Gilles, au contraire, mourut fort âgé ; ses $
bleaux pourtant sont peu nombreux et fort k
cherchés. La disposition en est surtout reri r,
quable. On cite de cet artiste : à Middelbourg 1
grand tableau représentant : Le comte van Se I
sen faisant son entrée comme seigneur i
lieu à Hoboke : les paysans sont sous les arn l
leurs poses grotesques sont aussi variées M
naturelles; — Le Christ portant sa croix M
Saint Pierre dans sa prison, délivré par ■
ange; — une fort belle Madone, qui donna I
à un procès assez singulier, s'il faut en ci 1
Descamps. Ce tableau fut commandé à G (j
Mostaert par un seigneur espagnol , très-a ■
et très-insolent. En bon Flamand, Gilles ai ■
peu l'Espagne et ses habitants ; il n'osa pouil
refuser, mais il représenta une vierge fort à\ I-
letée. L'Espagnol se récria, refusa de prend ■
tableau, et courut dénoncer le peintre coilfl
impie et licencieux. Les magistrats se trans li
tèrent aussitôt chez Mostaert, et ne furent II
médiocrement étonnés de se trouver en prés II
d'une Vierge admirablement peinte, plein H
candeur et de modestie. Mostaert, pour se j I
de l'Espagnol* n'avait peint qu'en détnlfl
cette gorge un peu trop nue; il lui avait I
suffi de passer dessus une éponge mouillée
l'effacer. L'Espagnol, confondu, fut forcé de
des excuses à l'artiste et de lui payer sa Mal
au prix qu'il demanda. A. de L.
Descamps, La Vie des Peintres flamands, 1. 1, p.
mostaÏiX-billah (Aboul-Abbas Ahm
al), khalife abbasside de Bagdad, né en
dans cette ville, mort à Vaseth, en 866.
fils du khalife Motasem, il succéda à son ci
Monthaser, le 10 juin 862. Des troubles à.É
s'étant terminés par le sac de cette ville,
taïn envoya son général victorieux Mousa c
le Soffaride Yakoub ibn-Leïth, qui avait ei
le Khoraçan; mais le khalife ne put rie
(1| Ocscamps raconte à ce sujet l'anecdote suit
« 11 arriva un jour que leur père étant sorti, après
laissé sa palette sur une chaise, François entra pou
miner l'ouvrage de son père, et s'assit sur la palett
in- voyait point; le pèFe, de retour, fâché de voir le
| leurs de sa palette gâtées, appela ses entants. Gilles
le premier, il fut trouvé innocent; il le renvoya, et
de faire monter François. Celui-ci, n'osant monter,
son bonnet à Gilles, qui parut une seconde fois i
son père, qui s'y trompa lui-même, et ayant int<
Gilles pour François, 11 ne le trouva pas plus coup:
il
Z
i'33
MOSTAÏN-BILLAH — MOSTANSER-BILLAH
734
Contre cet adversaire, ni contre l'Alide Haçan,
||ui venait de fonder une dynastie indépendante
(■ans le Djordjan et le Tabaristan. Un autre
[dide, Yatn'ah, qui s'était érigé en khalife à
Uoufa, fut tué; mais les Grecs avancèrent jusqu'à
* arso, où ils remportèrent une victoire signalée,
ffostaïn ne fut pas plus heureux contre les enne-
mis de l'intérieur. A peine eut-il apaisé une con-
dition des troupes contre son confident, le vizir
i ire Atamescb, et tué de sa propre main Bagher,
Indes trois assassins de Motawakkel, qu'il fut
■«siégé dans son palais de Sermenraï, alors rési-
ence des khalifes, et forte de se réfugier à
agdad. Poursuivi jusqu'à cette ville par les deux
îefs rebelles turcs , Wassif et Bougha , il fut
>rcé, le 24 janvier 866, par son cousin Mowaf-
k, de résigner le khalifat en faveur du frère de
i dernier, Motaz. Amené à Vaseth, il y expira
■us les verges , punition que le parjure Motaz
i avait fait infliger.
■mostaas-bi'L'lau (AbouLFadhl el Abbas),
lalife abbasside et sultan d'Egypte, né au Caire,
rs 1 370, mort en 1430, à Alexandrie. Fils de Mo-
wakkel I, il succéda à son père sur le trône du
wlifat, en 1406. Pendant les* longues luttes des
jnces mamlouks, Mostaïn fut, en avril 1412,
1res la déposition de Faradj, décoré du titre de
ltan d'Egypte par le chéik Mahmoudy, qui
va fit. un marchepied , pour s'emparer, après
k-sepf mois, du pouvoir lui-même, en 1414. Dé-
ruillé aussi du khalifat, en février 1445, par
iïhmoudy, le malheureux Mostaïn fut rélégué
(Alexandrie, où il mourut, de la peste. Ch. R.
tVeil, Histoire des khalifes abbassides de Bagdad ( en
«mand \. — Id. suite : Histoire des khalifes abbas-
to d'Egypte.
'MOSTALY OU MOSTALA-BILLAH (AbOîll-
ïcem Ahmed al), khalife fatimite de l'É-
ïpte, né au Caire, en 1074, mort le 12 décembre
Tâi, dans la même ville. Fils de Mostanser-
llah, il succéda à son père en décembre 1094,
ec l'aide du vizir El Afdhal, fils de Bedr al
w&aly. Son frère aîné Nezar, que son père
ait désigné au trône, s'étant révolté deux fois
titre Mostaly, celui-ci le condamna à mourir
ifaim. Sans génie et sans caractère, Mostaly
I prit du reste aucune part aux événements
i se passèrent sous son règne, et laissa toute
Worité à son ministre Afdhal. Ce dernier prit,
iaoût 1798, sur les Ortokides, la ville de Jéru-
«m, qu'il perdit en juillet 1 199, où elle fut
teupée par les croisés. Mostaly mourut au plus
t de la lutte, laissant son fils mineur, Amar,
i de cinq ans, sous la tutelle d'Afdhaï, qui
ma d'administrer l'Egypte. Ch. R.
(llmacin, Historia Saracenica. — Aboulféda, Annales
ietnici. — Marai, Histoire d'Egypte. — Les Histo-
■is des Croisades.
«Ostandjed billah (Aboul-Modhaffer
i««om/al), khalife abbasside de Bagdad, né
1114, dans cette Tille, mort le 21 décembre
'0. Fils de Moktafy II, il succéda à son père
(tl59. Aboul-Aly, un de ses frères, avant
ourdi une conspiration contre lui, Moslandjed ,
après la répression de cette révolte, où il avait
payé de sa personne, pardonna à son frère el à
la mère de celui-ci. Il extermina ensuite une
partie des Açadites, tribu arabe, qui possédaient
Hillah, à la place de l'ancienne Babylone, d'où
ils dévastaient les deux Iraks. Mostandjed mou-
rut, au milieu des préparatifs pour de nouvelles
guerres, victime de la perfidie de son médecin,
qui, gagné parKaïmaz, chef des émirs, fit prépa-
rer au khalife un bain chauffé outre mesure,
dans lequel on traîna le malheureux prince, lors-
que, soupçonnant l'intention des auteurs, il re-
fusa d'y entrer. Ch. R.
Aboulféda , Annales Moslemici. — Weil, Geschichle
des Khalifats (en allemand).
JMOSTANSER-BILLAH OU MONTASER-BII.-
lah (Aboul-Haçan Hakem H, al) , khalife
ommaïade de l'Espagne, né en 910, à Cordoue,
mort dans cette ville, le 30 septembre 976. Fils
d'Abderrahman III , il succéda à son père, le
14 octobre 961. Après avoir fait la guerre de
965 à 968, aux rois chrétiens de Léon et de Cas-
tille, avec des chances variées, mais sans résul-
tat décisif, il transporta, en 972, les aigles mu-
sulmanes dans l'Afrique occidentale, où il mit fin
à la dynastie des Édrisides. Il refoula ensuite les
Zéirides, en 974, et incorpora à ses États les terri-
toires de Fez, de Maroc et d'une partie de l'Algé-
rie. Mais le principal titre de gloire de Mostanser
est la protection efficace accordée aux sciences.
Il fonda un grand nombre de collèges, et insti-
tua l'académie de Cordoue. 11 fit en outre re-
cueillir, par tous les gouverneurs et intendants
des provinces, des documents archéologiques,
historiques, physiques et généalogiques sur les
différentes parties de sa monarchie, et il fonda
la première bibliothèque de l'Espagne, forte de
600,000 volumes, ainsi que les premières ar-
chives, dont il soit fait mention. II régla, en
outre, l'administration du pays d'après des prin-
cipes plus équitables qu'auparavant, et fit le
premier grand dénombrement général des habi-
tants de l'Espagne. On raconte plusieurs anec-
doles de Mostanser qui rappellent l'histoire du
meunier de Sans-souci. Ainsi, parmi les mesures
un peu singulières de ce prince figure le décret en
vertu duquel il fit arracher, dans toute l'Espagne,
les deux tiers des vignes, pour ramener les mu-
sulmans à la simplicité primitive. Dans cet ana-
thème fulminé contre les vignes étaient compris
aussi les dattiers, dont les fruits servaient à la
fabrication d'une espèce de vin , très-aimée en
Afrique et en Espagne. En revanche il encoura-
gea la culture de la soie et dn mûrier. Mostanser
mourut subitement, d'un coup d'apoplexie. Le
second il avait pris les titres de khalife et d'é-
mir-al-moumenyn, quand il se fit couronner à sa
résidence de Zahra. Ch. R.
Romey, Histoire d'Espagne. — Makkari, History of
the Mohammedan Empire in ipain. — Aschbach, Ces-
chichte der Ommayaden in Spanien. — Schaefer, Ce-
735 MOSTANSER-BILLAH —
schichte vonSpanien.— Middeldorpff , De Academiis
Arabum in Hispania.
mostanser-billah (Abon-Teniin Maad
al), khalife fatimite d'Egypte, né au Caire, en
1029, mort le 21 décembre 1094, dans la même
ville. Fils de Dhaher, il succéda à son père en
1036, sous la tutelle de sa mère, qui, autrefois
esclave noire de Nubie, fît venir à la cour son
ancien maître, un marchand juif, pour lui confier
l'administration de l'empire. Devenu majeur en
1048, Mostanser soumit la Syrie à son sceptre,
et en 1052 il obtint aussi la soumission de
l'Yémen. Moëzz ben Badis, prince zéiride des
États Barbaresques, ayant, en 1050, rompu les
liens de vasselage envers les Fatimites, Mos-
tanser déchaîna sur l'Afrique septentrionale les
tribus arabes et berbères du désert, et devint
ainsi', malgré lui , pour le Maghreb l'auteur des
nombreux soulèvements et changements de
dynasties qui n'ont cessé qu'avec l'apparition
des Ottomans. Le khalife de Bagdad, Caïm,
ayant contesté la parenté des Fatimites avec
Mahomet, Mostanser conclut un traité avec le chef
turc Bessassiry, qui prit Bagdad pour lui, en
1057, et le déclara khalife, mais qui, mal sou-
tenu par les Fatimites, dut bientôt après laisser
Caïm reprendre sa capitale. Changeant conti-
nuellement de vizir, Mostanser, sans appui sé-
rieux à l'intérieur, dut assister en spectateur
oisif aux luttes des Nègres et des Turcs, qui
se partagèrent le pouvoir, et dont les rapines
s'exercèrent jusque sur les biens particuliers
du khalife. On cite notamment le fait , que de
la bibliothèque de Mostanser, consistant en
1,600,000 volumes, la moitié fut brûlée par ces
hordes sauvages, tandis que l'autre, répandue
dans le désert, fut ensevelie sous les sables.
Une disette ayant eu lieu peu après, le khalife ne
dut la vie qu'aux aumônes d'une femme chari-
table. Fatigué enfin de la tyrannie du chef turc
Nasered Daulah, Mostanser appela auprès de lui
Bedr al Djémaly, qui délivra l'Egypte des hordes
turques, nègres et arabes, et qui, second Bru-
tus, fit exécuter son propre fils, coupable de ré-
volte contre le khalife à Alexandrie. Soutenu par
ce vizir, Mostanser, par une sage administration
des vingt dernières années , rendit à l'Egypte
l'ordre et la prospérité , et ramena sous son
sceptre la Syrie, envahie par l'émir turcoman
Atsis. Bedr al Djémaly étant mort au commence-
ment de l'an 1094, le khalife ne lui survécut
que cinq mois. Cn- B.
Aboulféda, Annales Moslemici. -Ibn Khaldoun, IJis»
toire généalogique des berbères d'Afrique. — Quatre-
mère, Mémoires sur les Fatimites.
MOSTANSEB-billah ( Abou-Djajar al
Mansour II, al ) , khalife abbasside de Bag-
dad, né en 1191, dans cette ville, mort en 1242.
Fils de Dhaher, il succéda à son père en 1226. Mos-
tanser se concilia l'affection de ses sujets, en dis-
tribuant les trésors inutilement entassés par
son grand-père. 11 fonda ensuite une grande aca-
démie à Bagdad pour les quatre sectes orthodoxes,
MOSTARCHED-BILLAH 7 S
appelée d'après luiMostanseriah : il ladotasplei
didement; elle est aujourd'hui changée en cl
ravansérail. Il ramena dans le giron du khalif
l'Espagne musulmane et une partie de l'Afriqi
septentrionale, qui abandonnèrent les Almoh
des. Sous son règne le khalifat eut la demie I
lueur de gloire. Ses généraux ayant battu, pr I
de Sermenraï, une armée moghole, en 1238, J
khalife lui-même repoussa ces hardis conqu
rants , qui osaient déjà s'avancer jusque so I
les murs de Bagdad, en 1240. Mostanser, cl
encouragea les lettres et les sciences , était k I
même poëte. Ch. R. I
Aboulféda, Annales Moslemici. — Raschid ed Din. H I
toire des Moghols. — Weil, Geschichte des Khalifùl
— Hammer, Histoire de la Littérature arabe.
mostanseb-billah (Aboul-Cacem il
med, al ), premier khalife abbasside d'Égyptl
né à Bagdad, vers 1200, mort en 1250, près
la même ville. Frère ou neveu de Mostansij
Billah, avant-dernier khalife de Bagdad, Ahm
échappa aux massacres qui suivirent la prise
cette ville par les Moghols. Ayant envahi l'
gypte en 1260, il y fit valoir ses droits à la il
gnité de successeur de Mahomet, et fut recon
comme fils de Dhaher et d'une négresse ]\
le sultan mamlouk Bibars Ier, qui lui don
même des troupes pour reconquérir la capit
des khalifes. Après avoir pris le nom honorifiq
de Mostanser-Billah, à la façon de ses ancêt
abbassides, Ahmed eut d'abord la chance
prendre les villes d'Anah et de Hadit. Mais bi
tôt après, ayant été enveloppé par les Tarta
près de Bagdad, il périt avec la plupart des sie
Mostanser avait été surnommé Al Zerabil
ou Al Schérafiny par le peuple d'Egypte,
cause de la dépense d'un million de schéraj
( 100,000 francs), qu'il avait causée à son p
tecteur Bibars Ier. Ch. R.
Aboulféda, Annales Moslemici. — Makrizi, HtsUl
des Mamlouks.
MOSTABCHED- BILLAH ( Aboit-Mansci
al Fadhl II, al ) , khalife abbasside de Bagd,
né en 1091, dans cette ville, mort le 19 a.
1135, à Méragha. Fils de Mostadher, il succij
à son père en 1118. Après avoir réprimé
l'aide de Dobaïs, la révolte de son frère Abo
Haçan , qui avait pris Vaseth et Hillah, il ba
à son tour, en 1121, son allié rebelle, Doba
émir des Açadites de Hillah. Prince guerri
Mostarched essaya de s'affranchir de la tyran
des princes seldjoulrides, émirs-al-omrahdu k
lifat. Mais, vaincu par Mahmoud TT, et assiégé
lui dans Bagdad même, le khalife dut, en 11
subir la loi du sultan seldjoukide , qui le secou
à son tour, en 1129, contre le remuant éi
Dobaïs. En 1132 xMostarched essaya de nouvi
de secouer le joug des Seldjoukides. Après av
défait leurs généraux Dobaïs et Zenghi, et s
primé le nom de Masoud 1er dans la kbothb;
il fut, le 14 juin 1135, battu et fait prisonm
entre Hamadan et Bagdad, par ce dernier I
même. Relâché sous la condition de Ircem
MOSTARCHED-BILLAFI — MOTARD
nte son armée, il se disposait à rentrer à Bag-
|1, lorsqu'il l'ut assassiné, près île Méragha, par
(; troupe d'Ismaéliens ou Baténiens. Mostar-
»•<! était aussi un poëte remarquable. Ch. R.
j irkhond. Histoire des Seldjoukides. — Hamdallan
J.touQ, Crème des Histoires. — llammer. Histoire de
i ,itti rature arabe,
iostasem-bii.lah ( Abou- Ahmed Abdal-
|i VU, al), dernier khalife abbasside de
ijdad, né dans cette ville, en 1221, mort le
jj1 février 1258. Fils de Mostanser, il succéda à
I: père en 1242. Aussi faible qu'orgueilleux,
■ prince joignait un faste excessif à une ava-
i sordide. Ne possédant presque plus rien
■ dehors [de sa capitale, il soumit tous les fi-
l«, y compris même les princes feudataires ,
l humiliante nécessité de baiser, en entrant,
ïeuil de son palais , ainsi qu'une 'pièce de ve-
trs noir, suspendue au-dessus de sa porte.
Is en revanche, après avoir dû, en 1247, en-
fer une ambassade à la cour de Gouyouk,
ul-khan des Moghols, il essuya lui-même
miliation de voir ses députés à peine admis
présence de ce prince. Une querelle religieuse
tnt élevée, en 1252, à Bagdad, entre les snn-
s et les chiites, Mostasem fit piller, par
général Aboul-Abbas Ahmed, dans le fau-
x% de Karkh, les propriétés de ces derniers,
i protégeait son vizir Mouwaï ed DinMoham-
t al Kàmy. Celui-ci, résolu de se venger,
Suada à son maître de réduire le nombre
Itroupes dans Bagdad de cent mille à vingt
e hommes. Il éloigna ensuite les meilleurs
Mers; puis, de concert avec le mathémati-
Nasred Din, de la même secte, il informa
jlagou, frère du nouveau grand-khan mogol
jgou, que Bagdad n'était pas en état de ré-
îr à une attaque. S'arrachant enfin à sa so-
ie de femmes, de courtisans, de joueurs de
elets et de musiciens, Mostasem appela au-
<\ de lui un vaillant guerrier, l'Ayoubite Mélik
fesser Daoud, ancien roi de Damas, qu'il avait
lieurs fois honteusement chassé de sa cour,
tai retenant son dépôt de plusieurs millions
francs. Mais Nasser Daoud étant mort en
te, et Houlagou ayant eu facilement raison
!i corps de dix mille hommes , que Mosta-
lui avait opposé, ce dernier dut capituler
Ss un siège de trois semaines, le 5 février
8. Au milieu du massacre et du piilage, il se
ïït au camp de Houlagou avec toutes ses
mes, ses courtisans et avec ses deux fils sur-
rats. Condamné à mort avec ces derniers
le farouche vainqueur, Mostasem fut, selon
Tadition la plus accréditée, cousu dans un
de cuir, et foulé aux pieds des chevaux dans
tues de son ancienne résidence. Il était le
te-septième prince de la première dynastie des
«ssides, qui s'éteignit en lui, après avoir ré-
à Bagdad pendant cinq cent dix ans. Ch. R.
Mired Dyn Razy, Histoire des derniers Abbassides.
fell, Geschichte des Khalifats der Abbassiderr. —
bid ed Dln , Histoire des Moghols.
NOUY. B10GR, GÉNBR. — T. XXXVI.
738-
mu i adhed r.ii.i.ui ( Aboul-Abbas Ah-
med III, ai.), khalife abbasside de Bagdad,
né à Sermenraï, en 854, mort le 5 mars 902, à
Bagdad. Fils de Mowaffek, qui avait été le vé-
ritable maître du khalii.it sous le règne de son
frère indolent Motamed , Motadhed succéda à
ce dernier en 892. Il vainquit Hamdan, dont
il rasa tous les châteaux en Mésopotamie, tout
en faisant grâce de la vie aux fils de ce rebelle, qui
à la suite fondèrent une dynastie indépendante
en Syrie et à Mossoul. Motadhed commit la
même faute à l'égard de Khomarouïah , prince
toulounide d'Egypte, dont il épousa même la
fille. Les Camatlies se montrant alors pour la
première fois, le khalife fortifia Bassorah et les
autres villes de l'Irak, ce qui n'empêcha pas la
défaite complète d'une de ses armées. Il fut plus
heureux contre le prince de Perse, Amrou le
Soffaride, qu'il fit prisonnier. Motadhed était non-
seulement un grand homme de guerre, qui réta-
blit la discipline militaire, mais aussi un protecteur
éclairé des lettres.
Aboulféda , Annales Moslemici. — Arabie ( dans
l'Univers pitt. ).
MOTAMED-BILLAH0UALAALLAH(.4fowZ-
Abbas Ahmed II ), khalife abbasside de Bag-
dad, né à Sermenraï, en 841, mort en octobre
892, à Bagdad. Quatrième fils du khalife Mota-
wakkel , qui l'avait exclu des droits au trône,
il était en prison quand , en 870, il fut ap-
pelé à succéder à son cousin Mohtady. Unique-
ment adonné aux plaisirs , Motamed associa au
trône son frère Mowaffek , grand guerrier, qui
abattit tous les ennemis du khalifat (voy. l'art.
Mowaffek). Devenu jaloux de ce frère valeu-
reux, il alla se réfugier auprès du prince toulou-
nide Ahmed d'Egypte; mais, arrêté par le gou-
verneur de Mossoul, il dut retourner dans sa
capitale. Mowaffek étant mort sur ces entrefaites,
Motamed fut contraint de déshériter son propre
fils Djâfar, en faveur de son neveu Motadhed. Il
mourut à la suite d'une débauche.
Weil, Geschichte des Khalifats. — Arabie de M. KoËl
Des vergers | dans l'Univers Pittoresque ).
motard (François-Paul-Pierre), marin
français, né le 29 juin 1733, à Honfleur, où il est
mort, le 23 juillet 1793. Fils d'un capitaine de
la marine marchande, il embrassa, en 1748, la
profession de son père, et ne tarda pas à s'y dis-
tinguer par les luttes courageuses qu'il entreprit
contre des navires anglais beaucoup mieux armés
que le sien. Commandant d'un petit bàiiment
de Honfleur, il soutint en 1764 un combat d'a-
bordage contre un corsaire de Salé qui lui avait
donné la chasse à quinze lieues des Açores , et
quoique grièvement blessé de cinq coups de sabre,
il ne se rendit qu'après avoir perdu quinze hom-
mes sur dix-huit dont se composait son équipage.
Conduit à Salé , il y subit trois années d'un dur
esclavage, et eut le bonheur d'être racheté. Il
reprit aussitôt la mer, et fit éprouver au com-
merce anglais des pertes immenses. Une action
24
739
MOTARD
d'éclat, qu'il accomplit sur les côtes de France,
attira sur lui l'attention du gouvernement. C'é-
tait le 15 juin 1780. Motard commandait Le Sta-
nislas du Havre, bâtiment de vingt-quatre ca-
nons de douze, monté par cent quatre-vingt-
trois hommes résolus. Il rencontra en vue de
Dunkerque trois frégates anglaises et un ketch.
Vivement attaqué par l'une d'elles, la frégate
Apollon, armée de trente-six canons et de
deux cent cinquante hommes d'équipage, et
dont un des commandants était sir Edward
Pelew, depuis lord Exmouth , le capitaine fran-
çais ne refuse pas le combat , parvient à démâter
l'a frégate que son feu met hors de service, et la
contraint de s'éloigner. Cherchant ensuite à ga-
gner Ostende avec son bâtiment, fort avarié, il y
est poursuivi jusque dans la rade par les deux
autres frégates et par le ketch ; mais comme le
port d'Ostende avait été déclaré neutre, les au-
torités civiles et maritimes intervinrent, et for-
cèrent les Anglais de prendre le large. Cette af-
faire, dans laquelle Motard fut encore blessé, eut
un grand retentissement. La ville de Honfleur ho-
nora ce brave marin en l'exemptant des charges
delà capitation, du guet et de la garde, ainsi
que du logement des gens de guerre. M. de Sar-
tines, ministre de la marine, en ayant rendu
compte au roi', Louis XVI ordonna que Motard
fût attaché à la marine militaire, lui fit expédier
le brevet de capitaine de frégate el en même
temps lui fit remettre une épée sur laquelle était
gravée cette inscription : Prix de la valeur
maritime. Créé en 1 781 chevalier de Saint-Louis,
Motard fut l'année suivante chargé d'escorter,
avec une flottille de quatre canonnières, les con-
vois de bâtiments qui se rendaient du Havre à
Cherbourg, à Saint-Malo ou autres ports des côtes
de Normandie ou de Bretagne. 11 réussit pleine-
ment dans cettemission:non-seulementaucun des
deux cents navires environ qu'il escorta successi-
vement ne tomba au pouvoir de l'ennemi , mais
encore il s'empara de deux petits corsaires an-
glais. Promu en 1792 capitaine de vaisseau, il
reçut le commandement du Brillant, en station
sur la rade de Cherbourg; mais sa santé l'obligea
de quitter le service en mai 1793, et il se retira
à Honfleur. H. F.
Kerguelen , Histoire de la Guerre maritime de 1778.
— Mercure de France, 1780. — Thomas , Histoire de la
ville de Honfleur, 1840, in-8°. — Boisard, Notices biogr.
sur les hommes célèbres du Calvados.
motard {Léonard-Bernard, baron), ma-
rin français, fils du précédent, né le 27 juillet
1771, à Honfleur, où il est mort, le 25 mai 1852.
Il entra au service à l'âg'e de quinze ans, et lors-
que une grande partie des officiers de la marine
royale abandonna, en 1792, les vaisseaux de
l'État pour suivre les princes dans l'émigration,
il fut en 1793 l'un des officiers nommés pour
les remplacer. Après avoir fait toutes les guerres
de l'armée navale dans la Méditerranée, il par-
vint de grade en grade à celui d'adjudant en
chef de l'escadre aux ordres de l'amiral Brueys
qui ramena à Toulon tous les vaisseaux et toi Lj
les frégates delà marine vénitienne, ainsi qu'i M
immense artillerie. Cette campagne lui valu U
brevet de capitaine de frégate ( 14 floréal an •» Il
Nommé chef d'état-major général de l'armée ï.i
vale qui, le 19 mai 1798, mit à la voile p a
l'expédition d'Egypte, il dirigea le débarquen t j
des troupes à Malte et à Alexandrie, et reçut d I
ces deux circonstances les félicitations de B( I
parte et de Brueys. Blessé grièvement à Abou fl
Motard qui était à bord du vaisseau V Orient I
jeta à la mer un instant avant que ce vaisstH
sautât, et fut fait prisonnier par les Anglais, I
le conduisirent à Naples et lui permirent su Q
parole de se rendre en France pour y pressée
guérison de ses blessures. Il y resta jusqu' I
fin de 1799, fut échangé peu après et non
adjudant en chef de l'escadre aux ordres ■
contre-amiral Gantheaume avec qui il fit 9
campagnes de la Méditerranée et de Saint- 1
mingue. A son retour, il fut fait capitaine
vaisseau. Une division armait à Brest sou,' I
ordres du contre-amiral Durand-Linois I
aller reprendre possession des établissen?iB
français dans l'Inde. Motard reçut alors le < jfl
mandement de la frégate La Sémillante, e I
à la voile avec l'escadre en mars 1803. On I
vait à peine dans l'Inde quand on apprit qi I
guerre recommençait entre l'Angleterre 1 1
France. La Sémillante, qui au nombre d I
officiers d'état-major comptait MM. RoussH
Ch. Baudin , tous deux devenus plus tard I
raux, fut bientôt chargée avec la corvethB
Berceau d'aller à Pulo-Bay prendre ou bi m
sous le feu des batteries ennemies , sept m
ments anglais qui se trouvaient à ce mouil I
et incendier les magasins de la compagnie . %
labar. Motard captura les bâtiments an$
d'une valeur de quatre millions, et reçut er ilf
l'ordre d'aller aux îles Philippines donner
de la déclaration de guerre de l'Angletei
l'Espagne. Il arriva assez à temps pour pré
toute surprise de la part des Anglais ; mais co
les galions qui apportaient régulièrement l'a
d'Acapulco aux Philippines avaient depuis
ans cessé leurs voyages, et comme pour ce
le capitaine général espagnol se trouvait pi
! dépourvu des fonds nécessaires à la mise e
; fense de ces îles , Motard n'hésita pas d'e
prendre le voyage du Mexique dans l'intf
i d'en rapporter les fonds indispensables au
taine général. Attaquée par des forces ang
plus que doubles, La Sémillante, aprj
combat de trois heures, parvint à forcer
nemi de l'abandonner ; mais, très-maltraitéi
: fut contrainte de renoncer au voyage du !■
! que. Luttant pendant trois mois contrW
vents et les courants, lorsque la moussiM
j sud-ouest était dans toute sa force, elle soi |
! la mer des Célèbes par le délroitd'Aloo, où c
Dampierre aucun navigateur n'avait pass
i arriva enfin à l'île de France. Nous ne po pi
Il
MOTARD
train' tous les événements de celte campagne
i six années, pendant laquelle Motard lit preuve
urà lourde science nautique, d'habileté dans les
anouvres, de valeur dans les combats, de jus-
;sede prévision dans les divers incidents qui se
ultipliaient chaque jour. « Le capitaine Motard,
Le Moniteur du 26 février 1809, avait par-
uru un espace de trente-deux mille lieues dans
mers de l'Inde, avait soutenu avec succès
q combats contre les forces supérieures des
glais et avait fait éprouver à leur commerce
e perte d'environ 28 millions de francs. » Au
our de cette campagne , Motard reçut le titre
baron avec dotation , et de commandant de
Légion d'Honneur ( 7 décembre 1809). Après
repos exigé par ses fatigues et par ses bles-
es, il fut, le 4 janvier 1311, nommé comman-
ît de l'École spéciale de la Marine à Toulon ,
s colonel-major des marins de la garde im-
iale. Il se rendit alors en Allemagne; mais sa
té ne lui permit pas d'achever la campagne
Russie, il rentra en France, et fut mis en 1814
i retraite avec le grade de contre-amiral ho-
teire. H. F.
ibbe Vieilh de Bolsjolin, etc., Biogr. portât, des Con-
p. — Thomas, Histoire de Honfleur. — Boisard ,
lices biogr. sur les hommes célèbres du Calvados. —
Uteur. 26 février 1809.
IOTASEM-IÎ1LLAH ( AboU-lsflClk Mohaill-
tt III, al), khalife abbasside de Bagdad,
I à Zapétra, près de Samosate, le 8 mai 794,
rt le 5 janvier 842, à Sermenraï. Quatrième
de Harou.n al Raschid, il succéda, en 833,
»>on second frère Mamoun , au préjudice du
Jisième , Cacem al Motaman , ainsi que de son
ieu Abbas, qui du reste se soumirent tous
x à son autorité. Continuant les innovations
gieuses de son prédécesseur, il poursuivit
ceux qui niaient la création du Koran, et
jusqu'à faire lacérer ou écorcher vifs les
mas et les imams les plus respectés, entre
res le célèbre Ahmed ibn-Hanbal. Assez heu-
s tant contre les ennemis de l'intérieur que
tre ceux du dehors , il signala toutes ses
lûîres par des cruautés barbares : il supplicia
rebelle dans le Tabaristan , ainsi qu'en 837
edoutable Babek el Korremi , précurseur de
ecte des Druses, qui pendant vingt ans avait
!e,vé la Perse et l'Arménie. Peu après il tua
ainqueur de Babek, le vizir turc Afchin, qui
it tenté le rétablissement du magisme en
se. Il fit ensuite mourir de soif son neveu
?as, dont il craignit les prétentions au trône;
r se venger du sac de son lieu de naissance,
étra , par l'empereur grec Théophile, le kha-
toûla une trentaine de villes en Gilatie, entre
!'es Amorium , patrie de ce prince. Le règne
lotasem fait époque dans l'histoire du kha-
par la création de la milice turque , au
ren des nombreux captifs du Turkestan. Pour
|;ner de Bagdad ces satellites, le khalife
la, en 935, à douze lieues de cette capitale,
illede Samarah ou Samirraï, appelée com-
MOÏAWAKKEL-BILLAH 742
munément Sermenraï, où il transféra lui-même;
sa résidence. Motasem l'ut le premier khalife
qui ajouta à son nom primitif un surnom (devenu
son nom ordinaire), dans lequel entre le nom de
Dieu (BUla/i) : habitude suivie dès lors par tous
ses successeurs. Les historiens arabes remarquent
que Motasem avait régné huit ans et huit mois ,
qu'il était le huitième prince de la famille des
Abbassides, qu'il se trouva dans huit batailles ,
qu'il laissa huit fils et huit filles, huit mille es-
claves, huit millions de dinars d'or, et huit fois
dix millions de drachmes d'argent : cette circons-
tance lui a mérité un surnom équivalent à celui
de huitainier. Ch. R.
Aboulfëda, annales Moslemici. — Chahristani, tes
sectes de l'Orient, éd. Cureton. — Dœllinger, Die. Re-
ligion Mohameds vnd ihreùecten. ~ Well , Histoire du
Khalifat (en allemand).
MOTAWAKKEL- BILLAH ( AbOUl ■ Fadlll
Djafar l*r, al), khalife abbasside de Bagdad,
ne en 821, dans cette ville, mort à Sermenraï,
le 12 décembre 861. Fils de Motasem-Billah ,
il succéda, en août 847, à son frère Wathek.
Attaché à l'orthodoxie , Mtitawakkel abjura la
croyance hétérodoxe de son père et de son oncle,
touchant la création du Koran. Mais aussi fana-
tique qu'eux , il anathématisa la mémoire d'Aly
et de Houcéin, et démolit leurs tombeaux. Il per-
sécuta de même les chrétiens et les juifs , leur
interdisant l'usage des ëtriers et celui des che-
vaux, et les forçant dépeindre sur leurs maisons
des images de pourceaux et de singes. Quant
aux rebelles, il s'ingénia à trouver des genres
de mort atroces , pour les punir. Un imposteur,
Mahmoud ibn-Faradj, fut condamné à être tué
à force de soufflets et de coups de poing. Quant à
son vizir félon, Mohammed ibn-Hammoud, Mota-
wakkel le fit enfermer dans un fourneau en fer,
hérissé en dedans de pointes aiguës, rougies par
le feu. Heureux contre les ennemis du dehors,
il lit, de 851 à 855, par le Turc Bougha, sou-
mettre de nouveau toute l'Arménie el la Géor-
gie, dont il contraignit les princes captifs à
embrasser l'islamisme. Les Grecs ayant brûlé
Misr et Damiette , en 852 , Motawakkel fit de
cette dernière ville une forteresse de premier
ordre. En 857 ses troupes vainquirent et prirent
l'empereur grec Michel III dans une bataille san-
glante. En 859 elles prirent Antioche, et avan-
cèrent ensuite jusqu'à Éphèse, où un de leurs
généraux périt dans la mêlée. Le khalife, qui en
857 avait établi le siège de l'empire, à Damas,
d'où il revint cependant, en 858, à Sermenraï,
bâtit dans cette dernière ville, en 860', un ma-
gnifique palais, appelé Djafàriah. Affable envers
le peuple et protecteur des lettres et des arts,
Motawakkel cependant donnait un cours libre à
ses fantaisies cruelles envers ses confidents et
ses fils, au milieu desquels il se plaisait de là-
cher des serpents, des scorpions, des lions. Son
fils" aîné Monthas^er, qui avait été de préférence
le jouet de ses atroces plaisanteries, s'étant mis
à la tête d'un complot contre la vie de son père,
24.
743 MOÏAWAKKEL-BILLAH
Motawakkel, défendu par Fathah ibn-Khâçan
seul , fut tué de la main du chef des gardes tur-
ques. Le temps de son règne est signalé par les
écrivains arabes comme une époque de fléaux
et de prodiges : des fleuves teints en rouge , des
pluies de sang, des écroulements de montagnes,
des sources taries, etc. Ch. R.
Vf e\\, Histoire du K halifat ( en allemand).— Mirza-
kasem Beg, Histoire primitive des 'lurcs. — M. Noël
Des Vergers, {'Arabie [Univers Pittor.).
aiOTAWAKREl, III A LA ALLAH ( Abou-Djci-
far Mohammed XII, al), dernier khalife abbas-
side d'Egypte, né au Caire, vers 1485, mort en
1538, dans la même ville. Fils "de Mostanser Ya-
koub, il succéda à son père en 1512. Alllié du
sultan mamlouk Kansou el Ghoury, Motawakkel
fut, avec lui, battu, en 1516, par l'empereur otto-
man Sélim 1er. Ayant été fait prisonnier, il dut re-
connaître pour chef suprême de la religion musul-
mane son vainqueur, le sultan ottoman, en faveur
duquel le chérif de La Mecque, vers cette époque,
fit la même renonciation. Retenu captif à Cons-
tantinople jusqu'en 1519 , il retourna en Egypte,
où il fut de nouveau reconnu khalife, en 1524 ,
par le pacha révolté du Caire, Ahmed, qui à
son tour se fit déclarer sultan par Motawakkel.
Cette révolte étant apaisée , il reçut une pension
du gouvernement ottoman jusqu'à sa mort. Ses
deux fils s'éteignirent dans l'obscurité.
Hammer, Histoire des Ottomans, — Quatremère, Mé-
moires sur les MamlouJcs. - L Egypte moderne (dans
l'Univers Pittoresque ).
motaz-billah (Abou- Abdallah Moham-
med V, al) , khalife abbasside de Bagdad, né
à Sermenraï, en 847, mort en 869, dans la même
ville. Second fils de Motawakkel, et désigné
par lui comme son successeur, il ne monta
sur le trône qu'en janvier 866, après la dépo-
sition de son cousin Mostaïn par les milices
turques. Après s'être défait de son frère Mou-
waïed, il en exila un autre, Mowaffek, qui cepen-
dant avait, contribué à son élévation. Voulant
refréner l'insolence des milices turques , Motaz
fit exécuter leurs deux commandants Wassif et
Bougha; mais les successeurs de ceux-ci, Saleh
et Mohammed, ayant assailli le palais du kha-
life, Motaz, sur son refus de leur payer 500,000
francs, fut pris, maltraite et forcé d'abdiquer.
Renfermé dans une prison, il y mourut, de poi-
son, peu après. Sous Motaz l'Egypte s'était déta-
chée du khalifat, en même temps qu'une partie
de la Syrie, dominées dès lors toutes deux par
les Toulounides.
Aboulfeda , Annales Moslemici. — Weil, CescMckte
des Khalifats.
MOTÉNABBY OU MOTANEBBY ( Aboul-
Taïb- Ahmed, al), célèbre poète arabe, né
• en 915 , dans le faubourg de Koufa nommé
Kinda, mort à Noumanith, près de Bagdad,
en 965. Fils d'un porteur d'eau , il étudia
d'abord à Damas. Il voulut, ensuite s'ériger en
prophète , ce qui lui valut son surnom de Mo-
ténabby. Il se fit même quelques partisans parmi
MOTHARREZ
les Kilabites de Palmyre; mais il fut pris et
prisonné, au nom des princes ykchidides,
Loulou, gouverneur d'Émèse. Rendu à laljbt
il fut appelé , en 949, à la cour du prince h
danide d'Alep, Séif ed Daulah, dont il chant;
exploits. En 958 il se rendit auprès de Kaf
prince d'Egypte, qu'il attaqua bientôt dans
satires mordantes. Puis il trouva, .en 962.
nouveau protecteur dans le prince, bo
de Chyraz, Adhad ed Daulah/qui le combl;
bienfaits. Voulant retourner, en 965, à Ko
avec son fils , il fut attaqué en route pai
Açadites , peut-être à l'instigation d'Adhac
Daulah, qui avait également à se plaindre d(
humeur inconstante. Motanebby mourut e
défendant contre ces brigands du désert.
On a de lui un Divan ou Recueil de Poé
très-estimé en Orient, et dont la Biblioth
impériale de Paris possède plusieurs manus(
On y trouve aussi trois exemplaires du Comi
taire d' Abou Zakariah Yahiahal Tabriz
le Divan de Motanebby. Le texte arah
Divan n'a jamais été publié en entier. Reisl
a donné, en arabe et en allemand, des extr
sous le titre : Proben der arabischen D
kunst in verliebten und traurigen Gedic
aus dem Motanebbi, nebst Anmerkun
Leipzig , 1765, in-4°. Le même a inséré la
cription de la fièvre, par Motanebby,
ses Opuscala medica ex monumentis Arc
et Hebrseorum; Halle, 1776. D'autres
ceaux se trouvent dans Gunther Wahl :
arabische Anthologie; Leipzig, 1791;
le tom. III de la Chrstomathie arah
M. Silvestre de Sacy, avec une traduction
çaise ; et dans le Recueil de Poésies arah
M. Grangeret de Lagrange, également ave
traduction française; Paris, 1821, in-8°. i
Horst a ensuite publié un poème à la loi.
d'un petit prince d'Haleb sous le titre : i
nebbi carmen, quo laudat Hoseinum
Ishak Altanuchitam , nunc primum
scholiis edidit, latine vertit, etc.; Bo
1823, in-4°. M. Hammer enfin a donné h
mière traduction complète de Motanebby i
lemand, sous le titre : Motanebbi, der gn
arabische Dichter, zum erstenmal ùbers
Vienne, 1823, in-8°. Ch. R
Ibn Khalllkan , Biographical Dictionary. —
Haddon llindley, Biographie de Motanebbi, dar
seley. Oriental Collections- — Hammer, Histoire
Littérature arabe.
mothaiîrez (Abou- Omar Moham
al), écrivain arabe, né près de Koufa, en
mort dans cette ville, en 956. Son surnom
tharrez indique sa profession; car il viv;
salaire de son métier, qui était celui de
cant de garnitures d'babit. Il passa une g
partie de sa vie auprès de Taleb al Schei
commentateur du Koran à l'école de Kouf.
divers ouvrages, qui sont conservés en m
crit dans la bibliothèque de l'Escurial, i
Akhbar el Arab, ou Histoire des Arabe
7 . MOTHARREZ — MOT1N
M les expressions peu connues dans les tra-
c ons; — Kitab-es-Saad , ou Sur les Clep-
\di'es; — Sur les tribus arabes; — Sur le
j, • et la nuit, traité astronomique, etc. Ch. R.
h iiri, liibliotheca Jrabico-Hispana. — HadJI Khnlfa,
/ con bibliographicnm et encyclopoedicum, ed. Flu-
Ej-Hammer, Histoire de la Littérature arabe (en
a land),
otharrk/.y (Aboul-Fath Nasser ibn-
I el Saïd, al) , écrivain arabe, né à Khiva ,
■ 144, mort en 1213 (ou selon d'autres en
■ ' ) , dans la même ville. Il avait été fabri-
I de garnitures d'habit, comme le précé-
K . Savant encyclopédiste , il passa dans sa
■ e pour le digne successeur de Samakh-
Ii. Ayant été attaqué, lors d'un pèlerinage,
p de Bagdad en 1204, il changea de secte, et
d anéfite orthodoxe il devint un motazalite
h odoxe. Ses principaux ouvrages sont : Di-
Morceaux de Poésie; — Dictionnaire
ie, destiné à expliquer les tenues deju-
-udence, intitulé : Al Mogreb filloghat; —
\h, ou Commentaire sur les Makkames
tarir i; — Misbah ou le Flambeau, traité
irammaire; — Islah al Mantheka, ou
igé du traité de logique de Yakoub ibn-
\k ibn al Sekyt. Aucun de ses écrits n'a
re été imprimé, quoique plusieurs d'entre
aient été mis à profit par Pococke et Syl-
re de Sacy. Ch. R.
locke, Spécimen Historise Arabum. — Alexandre
! Kasem Beg, Biographie des Savants arabes de
'. orientale et centrale.
Dthe (La). Voy. La Mothe.
DTHYLILLAH OU BILLAH (Aboul-Cacem
fil ou Mofaddal, al), khalife abbasside de
lad, né en 911, dans cette ville, mort en 974.
Bu khalife Mpktader, il sortit de prison, pour
pder à son cousin Mostakfy, en 946, Entiè-
rat soumis à son émir-al-omrah , le Bouïde
sz ed Daulah, il dut l'accompagner dans toutes
lampagnes, sans jamais être admis par ce
1er à la gestion des affaires. Réduit à une
e pension, Mothy-Lillah dut encore vendre
kneubles, au prix de 30,000 francs, pour
lir à Azz ed Daulah, fils deMoëzz ed Daulah,
ais d'une expédition contre les Grecs. Pour
tocurer de l'argent, il rendait vénales toutes
harges publiques et celles de la magistra-
Sous son règne l'Egypte et la Syrie tom-
Ht entre les mains des Fatimites. Mais en
>iehe une partie de l'Arabie rentra d'elle-
e sous la domination des khalifes. Mothy-
i mourut deux mois après avoir abdiqué en
;ir de son fils. Ch. R— n.
Il, Oeschichte der Khalifen. — Quatremère, Les
isides.
ms (Pierre), poète français, né à Bourges^,
[ étudia le droit dans la deuxième moitié
îizième siècle , fut l'élève en poésie et l'ami
«gnier, qui lui adressa sa IVe satire, et qui
de lui ce singulier éloge qu'il « était poète
être fou ». Motin en effet paraît avoir mis
746
dans sa vie plus de réserve et de tenue que n'y
en apportaient d'ordinaire les poètes de son
temps. 11 est à regretter que cette réserve ne se
retrouve pas toujours dans ses vers, dont les li-
cences sont trop fortes. Au témoignage qui pré-
cède, ceux qui ont parlé de Motin ont ajouté
« qu'il avait trop de flegme et trop peu de feu »,
et Boileau, s'emparant avec empressement de
cette idée, en fit le distique qu'on sait , où il dé-
clare préférer
Bergerac et sa burlesque audace
A ces vers où Motin se morfond et nous glace.
Libre au célèbre critique d'avoir cette opinion.
Mais on n'est pas tenu de le partager; l'on peut
croire que l'amitié de Motin pour Régnier, que Boi-
leau n'aimait pas, entra pour beaucoup dans ce
jugement. Ce qu'il serait plus juste de dire à
ce sujet, c'est que Motin avait su, à une épo-
que entichée à la fois de l'afféterie italienne et
de l'emphase espagnole, s'abstenir de tomber
dans ces écarts littéraires, et c'est un mérite qui
doit être reconnu. Ce qui est certain encore, c'est
qu'on trouve dans ses poésies amoureuses, et le
plus grand nombre ont ce caractère , une grâce
et une délicatesse de sentiment qui manquent
trop souvent chez les contemporains. Malheu-
reusement, .pour être apprécié, un auteur veut
être lu ; or il est difficile de lire Motin, dont les
poésies n'ont jamais été réunies à part. Il semble
qu'à cet endroit il ait apporté une modestie d'in-
différence bien rare chez ses pareils. On trouve
toutes ses épigrammes dansle Cabinet satyrique.
L'abbé Lenglet-Dufresnoy a réuni d'autres piè-
ces de lui à la suite des oeuvres de Régnier qu'il
a éditées à Londres, in-4°, 1733. Il y en a de
fort libres. L'éditeur avoue cependant qu'il
n'a pas osé imprimer tout ce qu'il en a recueilli.
En tête de toutes les éditions de Régnier se
trouve une ode de Motin. Une autre pièce en
stances de lui précède le volume des Privilèges
et Antiquités de la ville de Bourges par Chenu,
qui était son ami. Balzac, dans une lettre du 15
février 1641 à Chapelain (lettre 5e du 22e livre),
nous apprend que Motin, sur l'ordre de Henri IV,
traduisit en vers français deux poèmes .du père
Théron, jésuite, sur la naissance du dauphin.
Ces poèmes, intitulés Les Couronnes et Les Dau-
phins, furent imprimés à Paris , lat. fr. Balzac
ne dit pas en quelle année. Le reste des poésies
de Motin se retrouve dans diverses collections,
où il se trouve en compagnie de Malherbe, Ra-
can, Maynard , etc. ; tels sont le Fiecueil des
plus belles Pièces des Poètes français parBar-
bin. (1692). et les Délices de la poésie fran-
çaise de Rosset, imprimées en 1615. Dans ce der-
nier recueil un neveu de Motin , du nom de
Bonnet, fit insérer des stances qui prouvent que
son- oncle était déjà mort. Jl n'a donc guère sur-
vécu à son ami Régnier, mort en 1613, si tou-.
tefois il lui a survécu. Le Berrichon Chenu, dans
le livre ci-dessus indiqué, a parlé d'un Jean- Jac-
ques Motin, qui, dit-il, « eust été un des rneiï-
747
MOTIN — MOTTA
leurs poètes français de son temps , si la mort I
ne l'eust ravy en la fleur de sonàge, 1610 ». Il ne \
faut pas le confondre avec le Motin qui fait l'objet j
de cet article, bien qu'ils aient été incontestable-
ment parents. H. BoYER (de Bourges).
Colletet, Vie des Poètes français. — Titon du Tillet,
Le Parnasse francois. - Baillet et La Monnoie, Jugements
des Savants. - Goujet. Bibliotti. françoise. - Brossette,
Comment, de Régnier et de Boileau.
MOTis ( Giovanni ), poète latin , né à Napïes,
dans le quinzième siècle. On n'a sur lui aucun
renseignement, si ce n'est qu'il remplissait la
charge de secrétaire apostolique. Il est auteur
d'un petit pôëme en vers élégiaques intitulé In-
vectiva cœtus fœminei contra mares; la plus
ancienne édition paraît être sortie des presses
de Félix Riessinger, imprimeur à Naples de 1471
à 1479. On en connaît une édition , dont quel-
ques bibliographes ont fait un nouveau livre,
sous le titre ô'Apologia mulierum contra viros
probrosos (Bâle, 1511, pet. in-4° goth)- p-
Freytag, Analecta litter. 161".
* motley ( John-Lothrop ), littérateur amé-
ricain, né à Boston, en 1811. Il y a quelques an-
nées, le nom de M. Motley était inconnu en
Europe et peu connu aux États-Unis. Un seul
ouvrage ( V Histoire de la république de Hol-
lande ) l'a placé de suite parmi les historiens
distingués qu'a produits le Nouveau Monde.
Après d'excellentes études à l'université d'Ha-
ward, M. Motley consacra quelques années
aux chroniques de l'histoire coloniale de son
pays, et il en tira deux romans, dont le pre-
mier Morton's Hope, or the Memoirs of a pro-
vincial, parut en 1839, et le second Merry
Mount, deux ans après. Les sujets en sont pu-
rement américains; l'auteur y a semé des des-
criptions brillantes, et les scènes de mœurs
sont retracées avec vivacité. Mais il quitta bien-
tôt cette voie pour des études plus élevées. Le
talent et le succès de Prescott l'avaient animé
d'une noble ambition , celle de produire un ou-
vrage d'histoire digne d'être cité. Il vint en Eu-
rope, et, après un assez long séjour en Hollande,
il passa en Allemagne pour compléter ses re-
cherches. Il se fixa à Dresde, et c'est là qu'il
écrivit Y Histoire de la fondation de ta répu-
blique de Hollande ( The Rise of the Dutch Re-
public, aHistory ) ; 3 vol., London, 1856. Cet ou-
vrage est remarquable par le savoir et souvent
le talent du récit; mais les fortes et ardentes con-
victions de l'auteur comme protestant, républi-
cain, et honnête homme , défenseur constant de
la liberté religieuse et de la liberté civile, s'y ré-
fléchissent avec une certaine passion , et l'en-
traînent parfois dans des jugements ou des ap-
préciations que la haute impartialité de l'histoire
ne saurait admettre. Malgré ces imperfections,
que peut effacer une révision sévère, l'ouvrage
est d'un grand intérêt, rempli de recherches
profondes,, de principes sains et de nobles sen-
timents. Il a été traduit récemment en français.
L'auteur, après avoir séjourné quelque temps
S
en Amérique , est revenu en Europe pour ach t
la suite qui doit compléter le sujet. J. Cha jJ
Cyclopaedia of American LUeratare , par Duyc |M
2 vol. in-8°, 1856. — Revue Britannique , février 9
article de M. (luizotsur ï'Histoire de M. Motley. —1 I
des Deux Mondes , 1859.
3IOTSCHMANN ( Juste - Chrétien ) , U
graphe allemand , né à Erfurt , le 24 septei i
1690, mort le 8 mars 1738. Il enseigna d<
1729 la philosopbie à l'université de sa e
natale. On a de lui : De Legum sumtuaria I
Natura et Necessitate;Et{art, 1724;— I
fordia literata ; ibid., 1732-1737, 2 vol. in ■
deux volumes supplémentaires furent domu 1
1748 et en 1753 par Sinnhold et Osana. j I
Golten, Gelehrtes Europa, t. II.
motta ( Baffaello ) dit Raf/aellino 1
Reggio , peintre de l'école de Modène, j I
Reggio, en 1550, mort à Rome, en 1578. Élèi I
Lelio Orsi de Novellara et de Federico I
cari, il sut se former un style original, qui
plus tard de nombreux partisans. Les sujet I
['Histoire d'Hercule, et les deux sujets!
pruntés au Nouveau Testament, qu'il exécuii
Vatican pour la salle ducale et l'une des 1<I
furent admirés pour leur composition bien!
tendue, le relief, la grâce et la douceur des I
tours. Le cardinal Farnèse l'appela à peindre I
sa villa de Gaprarola en concurrence ave!
Zuccari et Giovanni de' Vecchj. « Les lu
qu'il y fit, dit Baglione, paraissent aninl
tandis que les autres laissent voir qu'elles I
peintes. » Aussi, Giovanni de' Vecchj, jalou I
succès de son jeune rival, parvint à forci
calomnies à le faire congédier brusquement I
que le cardinal lui permît même de se jus I
d'accusations qu'il ignorait. Le chagrin dl
traitement immérité, la fatigue d'un voyagfl
compli sous un soleil ardent furent causes I
son arrivée à Rome Raffaello fut atteint <l
fièvre maligne qui le conduisit au tombe!
l'âge de vingt-huit ans. « On le pleurai
Lanzi, presque comme un autre Raphaël. »l
ouvrages furent étudiés par de nombreux arll
qui cherchèrent à saisir sa manière; celui <|
réussit le mieux fut Paris Nogari.
E. B— K.
Tiraboschl , Notizie degli Artefici Mode.nesi. -
glione, Vite de' Piltori, elc.,dcl 1373 al 1S42. — Or
Abbecedario. - Lanzl, Storia pittorica. — Tïcozz
zionario.
MOTTA FEO E TORRES ( Don LlliZ t
amiral portugais, né à Lisbonne, le 16 )
1769, mort dans la même capitale, le 26
1823. Il fit ses études à l'académie royale
gardes marines, où il remporta le premier
en 1785. L'année suivante il entra au seiB
comme lieutenant de vaisseau, et devint cap H
teniente ( capitaine de corvette ) , en 1792; ■
qu'à cette époque il croisa continuellement H
la Méditerranée. En 1793, nommé capitain I
frégate commandant La Reinha de Porta. >
, il fit partie de l'escadre du contre-amiral "" I»
149 MOTTA — MOTTE
lui se joignit à la flotte anglaise de lord Richard
lowe, et prit part au blocus de Brest. Ses ser-
dces furent récompensés en 1790 par le grade
ecapitan de mar e guerra ( capitaine de vais-
eau); il reçut alors la mission d'aller renou-
eler le traité de paix qui existait entre la cour
e Portugal et l'empereur de Maroc, Muley-Soli-
îan. 11 fut fort bien accueilli par ce monarque,
îais n'en obtint pas ce qu'il désirait : une rup-
ire avec la France. A son retour Motta fut
ommé chef de la division chargée de la défense
e l'embouchure du Tage. En 1799, il reprit la
ier, et le 19 mars 1800 escorta un convoi de 114
oiles en destination de Rio-de-Janeiro. A la tête
une escadre de sept bâtiments de guerre, il in-
uiéta fort la marine et les possessions espa-
îoles de l'Amérique du Sud. En 1802 il fut
opelé au gouvernement de la province de Pa-
liïba ( Brésil septentrional). En 1805, Motta
t chargé d'obtenir satisfaction du dey d'Alger
du bey de Tunis dont les corsaires avaient pris
usieurs navires portugais ; mais il ne put rien
♦tenir, et dut user de représailles; sa vigueur
irvint à rendre quelque sûreté au pavillon de
■mmerce lusitanien. Lors de l'entrée des Fran-
is en Portugal (novembre 1807.), Motta
va et organisa à ses frais trois légions, dont il
it le commandement; il contribua à la victoire
mportée par Wellington à Vimeiro ( 21 août
408 )', victoire qui, suivie de la convention de
«ntra, décida l'évacuation du Portugal par l'ar-
me française (30 août). Motta continua à guer-
»yer dans la Péninsule jusqu'en 18U, où il passa
i Brésil. Le roi Joâo VI le créa successivement
»ef d'escadre, vice-amiral, commandeur de
>rdre de Saint-Benoît d'Aviz, capitaine général
ouverneur d'Angola (1816), conseiller de guerre
marine (1819) ; il remplit cette dernièrefonction
squ'à sa mort.
Son fils Feo Cardozo de Castello-Branco e
bRRÈs ( J.-C.), né vers 1795, devint officier
périeur dans l'armée portugaise. Il a publié
Mémoires contenant la biographie du vice-
niral Louis da Motta Feo e Torrès ; — l'Hts-
\ire des gouverneurs et capitaines généraux
Angola, depuis 1575, jusqu'en 1825, et la
escrïption géographique et politique des
tyaumes d'Angola et de Benguela ( en por-
tais) ; Paris, 1825, in-8°: L'auteur a rédigé ces
ivrages sur les notes laissées par son père.
A. de L.
I.-C. Feo Cardozo e Torrès, Memorias, etc. — Bar-
aa Machado , Bibl. Lusitana.
mottaky - billah (Abou-Ishak Ibra-
m If, al) , khalife abbasside de Bagdad , né
ns cette ville, vers 910, mort en 965. Fils de
oktader, il succéda en 940 à son frère Rahdy-
llah. Établi sur le trône par le Turc Yahcam ,
ûir-al-omrah, Mottaky dut, après l'assassinat
, celui-ci, en 941, confirmer dans la même
arge le prince de Bassora, Obéidallah al
iridy, qui avait pris Bagdad. En 942 il appela
750
le prince hamdanide Haçan, qu'il investit de
l'émirat, et auquel il conféra la souveraineté de
Mossoul et d'Alep avec le nom de Nasir ed Dau-
lah ( vainqueur du trône ); titre honorifique,
qui, de môme que quelques autres du même
genre, était alors fréquemment conféré par lès
khalifes à leurs fendataires. Le turc Tau y ou n
s'élant emparé de l'émirat, en 943, Mottaky va
en personne implorer à Mossoul le secours
d'Haçan ; puis , mal reçu par lui , il accepte l'in-
vitation d'Ykchid , prince d'Egypte. Mais se
fiant aux assurances pacifiques de Touzoun, le
khalife rentra à Bagdad, où il eut les yeux crevés
au milieu de sa tente, en octobre 944. Réduit à
ses fonctions sacerdotales, Mottaky survit vingt-
un ans à son malheur. Ce fut lui qui céda à l'em-
pereur grec Romain Lécapène le fameux mou-
choir, conservé à Édesse, lequel, suivant la
tradition, avait servi à essuyer la face de Jésus-
Christ. Ch.R.
Aboulféda , Annales Moslemici.
motte ( Emmanuel-Auguste tje Cahideuc,
comte du Bois de La ), amiral français , né en
1683, à Rennes, mort dans la même ville, le
23 octobre 1764. Destiné dès son enfance à la
marine, en 1698, il fît sa première campagne,
et gagna ses grades dans la pratique de son mé-
tier. Sous Duguay-Trouin il se distingua au
combat du cap Lézard et à la prise de Rio-de-
Janeiro ( juin 1711 ). 11 eut part ensuite à toutes
les grandes actions de la marine française et était
capitaine du vaisseau Le Magnanime voguant
de conserve avec la frégate L'Étoile lorsque,
escortant un convoi en destination du Fort-
Royal ( Martinique ), il fut, le 28 novembre 1747,
attaqué par quatre vaisseaux anglais. Par une
série de manœuvres, aussi habiles que coura-
geuses,il sut, durant vingt-deux heures, combattre
et maltraiter séparément chacun de ses adver-
saires et gagna Fort-Royal sans avoir laissé en-
tamer son convoi. En avril suivant, chassé par
toute une division anglaise, il déploya le même
talent avec le même succès. Un peu plus tard,
sur les côtes de France, il eut encore à défendre
un convoi contre neuf vaisseaux, et gagna la
terre sans perdre un seul bâtiment. Ses services
lui méritèrent le grade de chef d'escadre , et le
1er juin 1751 il fut nommé gouverneur des îles
françaises Sous le Vent , en remplacement du
comte de Conflàns. Sa résidence était Port-au-
Prince. Il acheva la construction de la ville de
Jérémie (1) (île Saint-Domingue), fit améliorer
et construire des routes , des bâtiments d'utilité
publique, régularisa les registres de l'état civil
qui , abandonnés aux prêtres, étaient fort mal
tenus, et se montra aussi bon administrateur
qu'il s'était montré habile marin. Aussi fut-il uni-
versellement regretté des colons lorsque, le 31 mai
1753, le marquis de Araudreuil lui succéda. En
1755 le comte de La Motte prit le commande-
(î) Située par 18» 39' 57" lat. et 74° 47' 26" long, ouest.
Cette ville comptait 20,000 habitants dès 1789;
751 MOTTE
ment d'une flotte de quatorze vaisseaux et deux
frégates destinée à ravitailler le Canada et l'île
Royale, menacés par les Anglais. Il accomplit
sa mission, et revint en France sans accident. Il
repartit de Brest, le 3 mai 1757, pour la même
destination, et arriva devant Louisbourg avec
seize vaisseaux et six frégates. Il se trouva bientôt
en présence d'une flotte anglaise composée de
vingt-trois vaisseaux, neuf frégates et deux brû-
lots. La Motte, quoique si inférieur en forces, n'hé-
sita pas à accepter le combat; mais un ouragan
terrible sépara les deux armées et les maltraita
tellement qu'elles durent renoncer à toute action
décisive. La Motte, pendant son retour en France,
eut à essuyer une série de tempêtes qui désempa-
rèrent la plupart de ses navires. Pour comble de
malheur, ses équipages étaient décimés par le ty-
phus. Ils communiquèrent cette affreuse épidémie
aux habitants de Brest dont la population , en
quatre mois, fut réduite des deux tiers. L'année sui-
vante les Anglais opérèrent une descente à Saint-
Gast : le comte de La Motte, quoiqu'âgéde soixante-
quinze ans, courut les combattre comme simple
volontaire, et se fit encore remarquer par son
énergie. Il se retira ensuite dans sa terre des Mottes
près Rennes, où il termina sa longue et glorieuse
carrière. Il était vice-amiral depuis 1762, com-
mandeur de l'ordre de Saint-Louis et comptait
cinquante-neuf années de services effectifs.
Motte laissa un fils, qui mourut chef d'escadre.
A. de L.
Archives de la Marine. — P. Levot , Biographie Bre-
tonne. — Moreau de Saint-Méry, Description de Saint-
Domingue, t. u.
motte (La). Voy. La Motte.
motteux {Pierre- Antoine), littérateur an-
glais, né le 19 février 1660, à Rouen, mort le 19
février 1718, à Londres. On pense qu'il était fils
d'un marchand protestant, qui lui fit donner
une bonne éducation à Rouen. A l'époque de la
révocation de l'édit de Nantes, il se réfugia à
Londres , fut employé quelque temps à la direc-
tion des postes, et gagna dans le commerce des
produits de l'Inde une fortune considérable.-
Quoique marié et père de vingt-deux enfants , il
mena une vie crapuleuse et fut assassiné, dit-
on, dans un lieu de débauche. Bien qu'il eût plus
de vingt-cinq ans lorsqu'il passa en Angleterre,
il se rendit si familière la langue de ce pays qu'il
prit en peu de temps un rang distingué parmi
les écrivains anglais. On regarde comme des
œuvres très - remarquables les traductions de
Cervantes et de Rabelais, auxquelles il a eu ia
principale part. Ses poésies sont écrites avec agré-
ment, et quelques-unes de ses nombreuses pièces
de théâtre ont été bien accueillies-. On a de- Mot-
teux ; The présent State of Marocco ; Londres,
1695, in-8°, trad. du français; — Don Quixote;
ibid., 1706, 4 vol. in-8°, trad. de l'espagnol; —
The ivhole Works of Babelais done out of
french by Thomas Urchard, Peter Motteux
and olhers ; ibid., 1708, 2 vol. in-s°; — On
MOTTEVILLE 75
Tea, a poem; ibid., 1722, in-8\ Ses meilleur»
pièces sont : The Loves of Mars and Vent
(1697) \Beauty_in distress (1698); The Temp
ofLove (1706); etThe Amorous miser (il '05). I
Baker, Biogr. Dramatica. - Cibber, Lives of Poets.
British. Essagysts, VI
motteville (Françoise Bertaut de
dame de la reine Anne d'Autriche, connue pi
ses Mémoires, née vers 1621 (1), morte le ;
décembre 1689. Elle était nièce de l'évêque Be
taut, poète élégant, que Boileau a loué. Son pèi
Pierre Bertaut était gentilhomme, ordinaire c
la chambre du roi ; sa mère tenait à l'anciem
famille de Saldagne en Espagne. Françoise Be
taut reçut une éducation très-soignée, et di
l'âge de sept ans elle fut attachée à la reii
Anne d'Autriche, auprès de laquelle sa mère |
trouvait déjà. Richelieu , qui s'inquiétait de c
entourage espagnol de la reine, exigea en 16:
le renvoi de la mère et de la fille. Mme Bertai
emmena la jeune Françoise en Normandie, et 1
maria en 1639 à M. Langlois de Motteville, pr
mier président de la chambre des comptes i
Normandie , et deux fois veuf. M. de Mottevil
avait quatre-vingts ans ; sa femme, qui en avf
dix-huit, accepta volontiers une union aussi di
proportionnée, et on ne lui reproche pas d
avoir jamais été infidèle. « Ayant épousé M. <
Motteville , dit-elle , qui n'avait point d'enfan
et avait beaucoup de biens, j'y trouvai de
douceur avec une abondance de toutes chose:
et si j'avais voulu profiter de l'amitié qu'il avi
pour moi, et recevoir tous les avantages qu
pouvait et voulait me faire, je me serais trouvi
riche après sa mort; » Restée veuve à l'âge <
vingt ans, Mme de Motteville fut rappelée en 16'
auprès d'Anne d'Autriche , devenue régente ,
fut dès lors attachée à cette princesse avec
simple titre de femme de chambre, mais av
un degré d'intimité et de confiance bien supériei
à ce titre. On sait combien la régence d'Ann
d'Autriche, calme dans les premiers temps, d
vint orageuse. Au milieu des intrigues des gran<
seigneurs et des grandes dames de la cou
Mme de Motteville resta impartiale et réservé*
curieuse de tout voir et ne prenant une part ai
tive à rien. Son immuable dévouement à la reii
ne la rendit pas trop sévère pour le parti di
importants et des frondeurs où elle comptait di
amis; et son peu degontpour Mazarin ne la rei
dit pas injuste à l'égard de l'habile, ministre,
n'y a point d'événements dans sa vie. Elle quitl
bien rarement Anne d'Autriche et assista à s<
derniers instants. Après la mort de la reine, el
s'éloigna de la cour, et vécut dans une dero
retraite, occupée de la rédaction de ses Mi
moires et d'exercices de piété. Elle mourut
l'âge de soixante-huit ans, laissant des Mémoiri
qui font le plus grand honneur à son bon se»
(1) Niceron la fait naître par conjecture en 1615. M. c
Monmcrqué, par uneaulre conjecture, fondée sur un met
leur texte des Mémoires, reporte sa naissance en 1C2:
'53 MOTTEVILLE
t à son honnêteté. Elle les composa dans le des-
ein de bien faire connaître la reine Anne d'Au-
riche. « Je me suis occupée d'ailleurs, ajoute-
-elle , à dresser ces Mémoires dans l'espérance
u'ils serviraient un jour à me rappeler mille
articulantes qui me feraient plaisir, et qui me
Mineraient, pour ainsi dire, une seconde vie.
n effet, j'y ai remarqué non-seulement ce qui s'est
issé de plus considérable depuis mon retour
îprès de la reine, mais aussi ce qui était arrivé
irant mon exjl, qui m'avait éloignée de sa per-
nne presque dès mon enfance. Lorsque je n'ai
i savoir les choses par moi-même, je les ai ap-
ises des vieux seigneurs de la cour, et de la
ine même, qui a eu la bonté de m'en instruire,
répondre à mes questions , et de me confier
elques-uns de ses secrets. Tout cela m'a servi
remplir les vides de mon absence. J'ai donné
cette occupation les heures que les dames ont
:outumé d'employer au jeu et aux prome-
ttes. Je ne sais si j'ai mieux fait que les autres ;
lis il me semble qu'on ne saurait plus mal em-
fyer son temps que de le passer à ne rien
*e. » Entrepris ainsi sans aucune prétention
léraire, avec beaucoup de sympathie pour la
ne et l'honnête intention de ne pas dissimu-
la vérité, ces Mémoires peignent avec naï-
ié et finesse une période importante de l'his-
re de France ; il ne faut pas leur demander
vues étendues, mais une suite d'observations
|tes , de détails bien racontés, de portraits es-
'ssés avec délicatesse. Les Mémoires de Mme de
Itteville parurent pour la première fois en
llande, sans nom d'auteur, sous ce titre : Mé-
\ires pour servir à l'histoire d'Anne d'Au-
:he, épouse de Louis XIII, depuis 1615
\qu'en 1666; Amsterdam, 1723, 5 vol. in-12.
:n parut deux autres éditions; Amsterdam
iris), 1739, 6 vol. in-12; nouvelle édition,
kwe , corrigée et augmentée de notes, Ams-
liam, 1750, 6 vol. in-12. On cite encore l'édi-
» de Paris, 1822-1823, 11 vol. in-18; celle
'Petitotdans la Collection des Mémoires re-
ïfs à l'histoire de France, celle de MM. Mi-
|ud et Poujoulat dans leur collection, de
Moires. La bibliothèque de l'Arsenal possède
manuscrit de ces Mémoires, copié par Con-
,, et qui, s'arrêtant à l'année 1644, ne forme
re que le. huitième de l'ouvrage complet. Ce
ttuscrit offre une rédaction moins achevée,
i8 souvent plus franche et plus hardie que le
ce imprimé. Qn trouve dans le Recueil de
lies nouvelles et galantes, Cologne, 1667,
ix lettres de Mnie de Motteville adressées à
I' de Montpensier, en réponse à deux lettres
(celle-ci. Cette princesse romanesque, qui
it plus de caractère que d'esprit et plus
iprit que de bon sens , avait conçu l'idée, ou
lot le rêve, d'établir dans quelque endroit
mipêtre et charmant, sur les bords de la Loire
tur ceux de la Seine, une colonie de per-
des des deux sexes fatiguées de la cour. La
— MOTTLEY
754
condition de rigueur était le célibat. Des conver-
sations polies, réglées par la plus scrupuleuse
décence, tenaient lieu de l'amour. Comme plaisirs
on avait la lecture, la musique, le jardinage, le
soin des troupeaux , et des visites à un couvent
de carmélites et à un asile d'enfants. Mme de
Motteville entrant dans les idées de la princesse
lui répond avec esprit et bon sens. « C'est avec
raison que vous avez banni la galanterie du com-
merce de* vos sujets , pour y établir seulement
le plaisir de la conversation, qui assurément est
le seul estimable parmi les honnêtes gens ; mais
j'ai grande peur, ma princesse , que cette loi si
sage, si nécessaire, ne fût mal observée; et
comme en cela vous seriez contrainte d'y apporter
du remède , je pense qu'enfin vous vous trou-
veriez obligée de permettre cette erreur si com-
mune qu'une vieille coutume a rendue légitime
et qui s'appelle mariage. « L. J.
Nlceron, Mémoires pour servir à l'histoire, t. VII. —
Journal des savants (janvier 172«). — Notice en tête de
l'édition de MM. Mlchaud et Poujoulat. — Sainte-Beuve,
Causeries du lundi, t. VU.
^mottez (Victor- Louis), peintre français,
né à Lille, le 13 février 1809. Après avoir étudié
la peinture chez MM. Ingres et Picot, il alla
passer quelque temps en Belgique, d'où il en-
voya des portraits à l'exposition du Louvre, en
1835. A son retour à Paris, il s'adonna princi-
palement à des compositions de sujets religieux,
et concourut à la décoration des églises de Saint-
Germain-l'Auxerrois et de Saint-Sé vérin. Il ex-
posa successivement: au salon de 1838, où ilreçut
une médaille de troisième classe : Le Martyre
de saint Etienne et Le Christ mort; au salon
de 1839, la Fuite en Egypte; à celui de 1840,
Marie-Madeleine ; en 1842, Marthe et Marie;
des portraits qu'il mit au salon de 1845 lui va-
lurent une médaille de deuxième classe. De Lon-
dres, où il était depuis 1851, il envoya au salon
de 1853 un tableau de Judith et le portrait de
M. Guizot. De retour à Paris , il prit part à
l'exposition de 1857 par un tableau de Mélilus,
accusateur de Socrate, et à celle de 1859 par
deux sujets : Hypéride découvrant le sein de
Phryné devant ses juges, et Zeuxïs choisissant
les plus belles filles pour composer sa Junon.
G. deF.
Documents particuliers. — Livrets des Expositions.
mottley (John), littérateur anglais, né
en 1692, mort ie 30 octobre 1750. Fils d'un co-
lonel au service de France, il obtint à l'âge de
seize ans un modique emploi dans l'administration
des douanes; après l'avoir perdu en 1720, et
n'ayant pu en avoir d'autre malgré les promesses
de lord Halifax et de Robert Walpole , ses pro-
tecteurs , il se fit auteur par nécessité. On a de
lui : Life of the great czar Peter; Londres,
1739, 3 vol. in-8°; — The Hislory of the Life
and Reign oftheempress Catherine of Rus-
sia; Londres, 1744,2 vol. in-8°; . — cinq tragé-
dies ou comédies , dont quelques-unes ont eu
755
MOTTLEY — MOUCHET
du succès. On pense qu'il est1 l'auteur des notices |
insérées à la fin du Scanderberg de Wliincop,
et qui sont relatives a des écrivains dramati-
ques ; celle qui le concerne renferme des détails
personnels que lui seul devait connaître. K.
Baker, BioQr. Dramatien.
MOTTRAYE (La). Voy. LA MOTÎRAYE.
motz (Frédéric-Chrétien-Adolphe), homme
d'État allemand, né à Cassel, le 18 novembre
1775, mort à Berlin, le 30 juin 1830. Fils du pré-
sident de la cour d'appel de Cassel, il occupa,
après avoir étudié le droit à Marbourg, divers
emplois dans l'administration prussienne. Il de-
vint ensuite directeur des contributions pour le
département du Harz et membre de la diète du
royaume de Westphalie. Entré en 1815 au ser-
vice de la Prusse, il fut nommé en 1818 pré-
sident de la régence d'Erfurt, et en 1824 prési-
dent supérieur de la province de Saxe. L'année
suivante il fut appelé à Berlin comme ministre
des finances. Sans nouveaux impôts et sans éco-
nomies gênantes , il parvint, en peu de temps,
non-seulement à combler le déficit qui existait
avant lui , mais encore à obtenir un notable ex-
cédant des recettes. Il réforma l'exploitation des
domaines, simplifia et améliora beaucoup l'ad-
ministration entière de son ministère. Par le
traité de commerce, conclu en 1828, avec le
grand-duché de Hesse, et par plusieurs autres
mesures excellentes, telles que l'abaissement des
impôts indirects , il releva le commerce et l'in-
dustrie. 0.
Conversations-Lexikon.
moucheron (Frédéric), peintre hollan-
dais, d'origine française, né à Embden, en 1633,
mort à Amsterdam, en 1686. 11 appartenait à une
famille protestante qui avait émigré pendant les
guerres de religion. Dès son adolescence il mar-
qua la plus vive inclination pour la peinture, et
sa famille, favorisant son goût, le plaça dans
l'atelier de Jean Asselyn, dont il devint l'un des
meilleurs élèves. Il visita alors la France, et y
fut fort occupé, surtout pour ses charmants
paysages, dont Théodore Helmbreeker consen-
tait à faire les figures. Lorsqu'il retourna dans sa
patrie , Moucheron se fixa à Amsterdam et s'as-
socia Adrian van den Velde pour l'animation de
ses toiles. Les ouvrages de Moucheron sont nom-
breux : ils représentent des vues, des fabriques,
des ruines , etc. La couleur en est bonne : les
arbres, dessinés avec liberté, sont agréablement
groupés; le feuille en est naturel, ombreux sans
opacité ; ses ciels et ses lointains sont vaporeux
et très-variés : un cours d'eau divise générale-
ment ses divers sites et lui a permis de multi-
plier d'ingénieux effets de lumière. Il donnait
beaucoup de force à son premier plan ; il obtint
de la sorte en dégradation des fonds clairs qui
ne fatiguent pas l'œil. Les toiles de cet artiste
distingué se voient dans tous les musées de l'Eu-
rope. C'est néanmoins dans sa patrie qu'il faut
chercher les meilleures. A. de L.
Descamps, [.a fi? des Peintres Iirttltindah. t. I
p. 192. — J. Campo Weyerman, De Schilderkonst d \t
A'ederlanders, t. II.
moucheron (Isaac) , peintre hollandai
fils du précédent, néà Amsterdam, en 1670, me
dans la même ville, le 20 juillet 1744. Il avait
peine seize ans lorsqu'il perdit son père, dont |
était l'élève; mais déjà possédant un certain 1 \\
lent comme paysagiste, il réussit à complél
son éducation artistique par une étude assidue J
la nature. En 1694, il se rendit à Rome et endessi I
tous les environs. Méthodique dans sa condui
dans l'emploi de ses heures, dans son mode I
travailler, il mérita dans la bande académique I
surnom A"1 Ordonnance. 11 revint dans sa pat J
chargé de vues et d'autres études qui lui fur I
d'une grande utilité pour la composition de I
tableaux. Il débuta par de grands paysages, q I
enrichissait d'animaux, de fabriques, de ruinl
mais dont les personnages ont presque tous I
exécutés par ses amis Nicolas Verkolie et J I
ques de Wit. La ville d'Utrecht et d'autres c I
voisines lui commandèrent plusieurs suites!
tableaux de ce genre. Bientôt il n'y eut pas I
château, de maison de plaisance, dont les sa (J
ne fussent ornées des productions d'Isaac I\l I
cheron; aussi mourut-il riche et considéré 1
peignait mieux que son père; sachant à foml
perspective et l'architecture, il variait davant I
ses compositions : son feuille est touché al
une grande facilité. Sa couleur, toujours nature I
est pleine de fraîcheur et d'harmonie. Les I
vrages de ce peintre, encore fort estimés, -il
conservés la plupart en Hollande. A. de 1 1
Pilfcington, Dictionarti of Painters. — Descamps, I
Vie des Peintres hollandais, etc., t. 111, p. 139-lM I
Charles Blanc, Histoire des Peintres, etc., livr; B
n° 130, École hollandaise, n° 52.
mocchet [François-Nicolas), peintre f I
çais, né en 1750, à Gray, où il est mort I
février 1814. Fils d'un avocat du roi au bailli
de Gray, il préféra l'étude des arts à cellelB
droit, et vint à Paris, où H' reçut des leçonB
Greuze. En 1776 il remporta le premier pri:B
concours de l'Académie royale de Peinture. ■
soin de sa fortune l'obligea de s'adonner au ■
trait en miniature, genre dans lequel il olft
du succès ; mais il reprit la composition h m
rique et exécuta deux grandes allégories qui £
rent remarquées à l'exposition du Louvre
avaient pour sujet L'Origine de la Peintui
Le Triomphe de la Peinture. Quelques-uns
petits tableaux de chevalet qu'il a exécutés,
que Le Larcin d'amour, L'Illusion, LeCouc.
ont été reproduits par la gravure. La révolu
compta cet artiste au nombre de ses parti
zélés : il devint membre de la municipalité,
juge de paix de l'une des sections de Paris
1792 il fut envoyé en Belgique pour désigne
objets d'art qui devaient, par suite de la
quête de ce pays , enrichir les collections f
çaises. Sous la terreur, il fut enfermé cot
suspecté Rendu à la liberté par le coup d'Éta
757 MOUCHET
y thermidor, il retourna dans sa ville natale, et
y fonda une école de dessin. P.
Biog. nouv. tics Contemp.
MOUCHET (Georges-Jean ), érudit français,
né à Darnetal, en 1737, mort à Paris, en lévrier
1807. Élève de Foncemagne, il justifia bientôt
les espérances de son maître. Aussi modesteque
savant, son mérite seul et son amour pour le
travail le firent nommer premier employé au dé-
partement des manuscrits de la bibliothèque du
Roi. MM. doBréquignyet deSainte-Palaye en fai-
saient si grand cas qu'ils le jugèrent seul capable
de remplir le plan qn'ils avaient conçu d'un
jlossaire de l'ancienne langue française de-
miisson origine jusqu'au siècle de Louis XIV.
La révolution empêcha malheureusement cette
atile et savante entreprise d'être continuée. De
3réquigny s'adjoignit encore Mouchet pour les
•echerches immenses qu'exigeait la Table chro-
wlogique des diplômes, chartes, titres et
«des imprimés, concernant V histoire de
France, Imp. roy., 1783, 3 vol. in foi. Quoique
prouvé lui-même par la révolution, de JBré-
■uigny n'abandonna pas son collaborateur Mou-
het, réduit au dénuement par la perte d'une
ension de deux mille livres que Louis XVI lui
aisait sur sa cassette. Il poussa même la géné-
osité jusqu'à l'obliger d'accepter sa bibliothèque,
nii était aussi nombreuse que hien composée.
A. J.
(Barbier, Particularités sur feu Mouchet. — Guilbcrt,
Mémoires biogr. de la Seine- Inférieure.
mouchon (Pierre), littérateur suisse, né en
733, à Genève, où il est mort, en 1797. Reçu
ninistre en 1758, il fut pourvu la même année
fune chaire d'humanités au collège de Genève,
asservit depuis 1766 l'église française de Bâle,
revint en 1778 dans sa patrie pour s'y consa-
fer tout entier au ministère évangélique. Ce fut
endant son séjour à Bâle qu'il entreprit et
eheva, pour le compte des libraires, la Table
analytique et raisonnéedes matières conte-
ues dans ^'Encyclopédie (Paris, 1780, 2 vol.
fol. ). Ce travail, suivi sans relâche pendant
«q années , est un véritable chef-d'œuvre de
i»urage, de patience et d'exactitude; il contri-
aa beaucoup à étendre les connaissances, déjà
lès-variées, de Mouchon, et l'on a dit avec rai-
n qu'il était probablement le seul homme qui
t lu l'Encyclopédie d'un bout à l'autre. II
ignit à des talents élevés un noble caractère
d'aimables vertus ; il eut des relations ami-
fles avec quelques-uns de ses célèbres com-
.triotes, entre autres Necker, J.-J. Rousseau
Bonnet. On a encore de lui un recueil de
rtnons (Genève, 1798, 4 vol. in-8°), remar-
lables par l'alliance d'un esprit philosophique
iec un cœur profondément religieux. P. L.
ilmanach des Protestants, 1S09. — Picot, Éloge hist.
! Mouchon, à la tète des Sermons de ce dernier.
MOCchy (Antoine de), théologien français,
— MOUCHY ; S
en latin Demochares (l), né à Ressons-sur-
Matz (diocèse de Beauvaisj, en 1494, mort à Pa-
ris en 1574. Ayant terminé ses études à Paris,
il était dès 1532 professeur de philosophie au
collège de Bourgogne , et fut élu recteur de l'u-
niversité le 10 octobre 1539. L'année suivante,
il reçut le grade de docteur en théologie, et ne
tarda point d'être nommé professeur en Sor-
bonne. Jean de Hangest, évêque deNoyon, le (it
ensuite chanoine et pénitencier de sa cathédrale;
enfin, Antoine prit le titre d'inquisiteur de la foi
en France. C'est en cette qualitéqu'il s'est rendu
célèbre par son zèle ardent et même outré con-
tre les partisans des nouvelles réformes religieu-
ses. Ce zèle, tout naturellement, produisit peu de
conversions : il lui attira de violentes invectives
de la part des protestants, et beaucoup d'éloges
du côté des catholiques. Sans doute il avait
de la piété et du savoir ; mais la charité chré-
tienne lui faisait souvent défaut , et ses connais-
sances en théologie passaient même pour fort
bornées. Cependant, comme il ne manquait pas
d'éloquence, le cardinal de Lorraine, archevêque
de Reims, l'emmena avec quelques autres doc-
teurs, en 1562, au concile de Trente. Le 14 fé-
vrier de cette année, il se trouva à la conférence
de Saint-Germain-en-Laye, sur le culte des ima-
ges, comme, en septembre précédent , il avait
paru au fameux colloque de Poissy. Syndic de la
Sorbonne, il cita, le 18 juillet, les clients de l'u-
niversité à comparaître devant lui pour faire
entre ses mains leur profession de foi catholique;
ces clients étaient les libraires, les parcheminiers,
les relieurs , les enlumineurs , les écrivains et
les messagers ; et comme quelques-uns ne cru-
rent pas devoir obéir à la citation, Antoine, par.
un décret du 1" août, les déclara privés de
leurs offices. L'un des commissaires que Henri II
avait nommés pour instruire le procès d'Anne
du Bourg, il fut en 1567 chargé de la visite de
tous les collèges de Paris , pour s'assurer de
l'orthodoxie des élèves et des maîtres, et priver
ceux-ci de leur chaire si leur foi était quelque
peu suspecte. En 1564, il assista au concile de
Reims, et mourut doyen de la faculté de théo-
logie, et sénieur de Sorbonne.
Outre un grand nombre d'ouvrages aujour-
d'hui complètement oubliés et dépourvus de
toute critique, on a de Mouchy : la Harangue
(1) C'est à tort que Mézeray et quelques autres écri-
vains ont prétendu que du nom de Mouchy l'on a fait
celui de mouchard, ou espion. L'étyraologie de ce dernier
mot est , ce nous semble, musca ou mieux, emungère
qui en latin signifie moucher, et a été pris dans le sens d'é-
pier. On trouve en effet dans Vépltre écrite des Champs-
Elysées, sous le nom de Pierre Faifeu, mystère de la Pas-
sion représenté vers le milieu du quinzième siècle, une
servante qui, en parlant à des sergents du guet, leur
dit :
Vous êtes bien à de loisir
D'aller à cette heure moucher.
Il est temps de s'aller coucher...
D'un autre côté-, Plutarque comparaît déjà les espions
aux mouches qui s'insinuent partout.
759
MOUCRY
760
qu'il prononça au concile de Trente (1 562, in-4° ),
et un traité en latin : De Sacrificio Missx (in-8°),
d'une vigueur dogmatique remarquable, mais sur-
chargé de digressions inutiles. H. Fisqtjet.
Duboulay, Hist. de l'Université, t. VI. - La Croix du
Maine et du Verdier, liiblioth.françoises, avec les addit.
de La Monnoye, t. 1er.- Moréri, Dict. Historique.
mouchy (Philippe de Noailles , duc DE),
maréchal de France, né le 7 décembre 1715, à
Paris, où il a été guillotiné , le 27 juin 1794. 11
appartenait à la famille de Noailles ; son père ,
Adrien-Maurice, et son frère aîné, Louis, avaient
été l'un et l'autre maréchaux de France et ducs
de Noailles ( voy. ce nom). Lui-même était jus-
qu'en 1776 connu sous le nom de comte de
Nouailles. Il n'avait pas cinq ans lorsqu'il fut
nommé gouverneur et capitaine des chasses de
Versailles, Marly et dépendances, et intendant
de ces domaines ; à quatorze ans il entra aux
mousquetaires, et à seize il était capitaine. Il
fit ses premières armes au siège de Kehl
(1733). L'année suivante il prit, en qualité de
colonel, le commandement du régiment d'in-
fanterie de son nom, et servit, sous les ordres
de son père, en Allemagne et en Italie. En
1742, il rejoignit en Bavière le duc d'Harcourt,
et lors de la déroute d'Hilkesberg il sauva l'ar-
mée par le sang-froid et la fermeté qu'il déploya
contre les attaques réitérées de l'ennemi. Il prit
part à la retraite de Bohême, et fut chargé par
le comte de Saxe de soutenir toutes les arrière-
gardes de la réserve. Employé en 1743 à l'armée
du Rhin, il eut deux chevaux tués sous lui à la ba-
taille de Dettingen. Après avoir été nommé maré-
chal de camp (2 mai 1744 ), il servit en Flandre
et en Alsace, assista à la prise de Fribourg et
se trouva à Fontenoy, où , avec une brigade de
cavalerie, il enfonça la colonne d'infanterie des
Angtais. Adjoint à son père, qui partait en am-
bassade pour Madrid (1746), le comte de Noailles
y reçut le diplôme de grand d'Espagne (1) sous
la dénomination de Mouchy, ainsi que le collier
delà Toison d'Or. Il combattit ensuiteà Rocoux,
à Berg-op-Zoom et à Maestricht , et parvint, le
10 mai 1748, au grade de lieutenant général. En
1755 il s'acquitta d'une mission particulière au-
près du roi de Sardaigne et du duc de Parme.
De retour à l'armée, il concourut à la conquête
de l'électorat de Hanovre, et commanda l'arrière-
«arde à Creveldtetl'avant-garde àMinden(1759).
Ce fut sa dernière campagne. Le 24 mars 1775
il fut nommé maréchal de France en même temps
que son frère, et prit alors le nom de maréchal
duc de Mouchy. Investi du commandement
de la Guienne, en l'absence du maréchal de Ri-
chelieu, gouverneur de cette province, il gagna
par ses manières affables et conciliantes l'estime
générale. En 1785, il se démit de ces fonctions,
et vint habiter Paris. Il fut membre de l'assem-
blée des notables; mais depuis cette époque son
(1) Il avait obtenu ce titre, sur la cession de son père,
par brevet du 20 janvier l<f41.
âge avancé l'empêcha de prendre part aux évé-
nements politiques. Dans la journée du 20 juin
1792, on vit le maréchal de Mouchy accourir aux
Tuileries et repousser, à plusieurs reprises, des
tentatives dont la violence pouvait faire craindre
pour la vie du roi. Au 10 août, il ne put arriver,
malgré son empressement, jusqu'à Louis XVI.
L'année suivante, accusé de donner asile à des
prêtres réfractaires, il fut arrêté avec sa femme,
Anne-Claude-Laurence d'Arpajon, et enfermé à
la prison de La Force, d'où on les transféra au
Luxembourg. Traduits l'un et l'autre devant le
tribunal révolutionnaire, ils furent condamnés à
mort et montèrent le même jour sur l'échafaud.
La maréchale de Mouchy, alors comtesse de
Nouailles, avait été dame d'honneur des deux
reines, femmes de Louis XV et de Louis XVI.
C'est elleque Marie-Antoinette appelait Madame
l'étiquette. (Voy. Marie-Antoinette). P. L.
Courcelles, Dict. hist. des Généraux français. — Wa-
roquier, Tableau Mit. de la Noblesse de France.
mouchy (Charles- Philippe- Henri de
Noailles, prince de Poix, duc de), sénateur fran-
çais, arrière-petit-fils du maréchal de ce nom, né
le 9 septembre 1808, à Paris, où il mourut, le
25 novembre 1854. Sorti le deuxième de l'École
militaire de Saint-Cyr, il fit presque aussitôt la
campagne d'Alger, se trouva au siège d'Anvers;
mais, éloigné de la vie publique par les consé-
quences de la révolution de Juillet, il quitta le
service en 1839 après son mariage avec sa cou-
sine Anne-Marie-Cécile de Noailles , et se retira
dans ses terres du département de l'Oise. Le
goût et l'aptitude des affaires le portèrent à s'oc-
cuper d'entreprises industrielles : les créations de
cheminsdefer, les grands établissements de cré-
dit et d'industrie le virent à leur tête. En 1849,
le duc de Mouchy fut élu membre de l'Assemblée
législative par le département de l'Oise, où le soin
qu'il prenait depuis longtemps des intérêts publics,
soit comme membre du conseil général, soit
comme soutien et protecteur d'une foule d'éta-
blissements utiles , lui avait acquis une grande
popularité. Dans cette assemblée, il fut plusieurs
fois l'objet de vives attaques personnelles; il
était toutefois à regretter qu'il ne fût pas davan-
tage en dehors des entreprises dont il était le défen-
seur à la chambre , et dans lesquelles il avait
placé des capitaux considérables. Lors du coup
d'État du 2 décembre 1851, il fut nommé mem-
bre de la Commission consultative, et enfin sé-
nateur le 31 décembre 1852. H. F.
Moniteur universel, 29 novembre 1854. - Borcl
d'Hautcrive, Annuaire de la Noblesse, 1855.
mouchy ( Louis-Philippe ), sculpteur fran-
çais, né en 1734, à Paris, où il est mort, en 1801.
11 fut élève de Pigalle, et résida quelque temps
en Italie. Admis en 1768 dans l'Académie royale,
il fit présent, comme morceau de réception,
d'une statuette de marbre, Un jeune Berger,
qui se trouve au musée du Luxembourg, hn
1776 il devint un des professeurs de cette so-
761 MOUCHY
1 ciété. On cite, encore de lui les statues d'Ifar-
pocrate, de Sully et du duc de Montausier. P.
Najjicr, Pieues Allgem. KUnstler- Lexicon.
MOUETTE (Germain ), voyageur français,
; né à Bonnelles, près Dourdan (Beauce), en 1652,
mort dans le même village, vers 1G91. Il partit
avec un de ses parents pour faire fortune aux
' Antilles; ils s'embarquèrent à Dieppe, le 16 sep-
tembre 1670. Le 16 octobre suivant, le bâtiment
, qui les transportait fut pris par des pirates al-
I gériens. Mouette et ses compagnons d'infortune
; furent menés à Salé (2 octobre ), où ils furent
i vendus à l'encan, ie 1er novembre suivant.
[Mouette fut acheté moyennant la somme de
360 écus (2,160 fr. ), par trois associés, qu'il
I devait servir tour à tour. Le premier de ses
patrons fut un fermier des poids et mesures de
r Salé. Employé aux travaux intérieurs par ce
>publicain, il en fut fort bien traité. Au bout d'une
': année, il passa entre les mains d'un autre associé
' exploitant des propriétés rurales, et dont il n'au-
i rait pas eu se plaindre si la femme de cet agri-
culteur n'avait voulu faire broyer ses grains
[*ar ses esclaves. Mouette tomba bientôt malade :
!■ a maîtresse le chargea alors de promener son
:: eune enfant : le captif s'acquitta si bien de ce soin
que la mère reconnaissante obtint qu'il fût dé-
r ivré de toutes entraves, ainsi que de l'obliga-
f ion de coucher chaque nuit au dépôt des esclaves
(matamora). A l'expiration du terme, Mouette fut
'ivré au troisième associé, gouverneur au château
■fie Salé , auquel il demeura en touiepropriété. Ce
ut là le plus dur temps de sa captivité. Pour le
jorcer adonner une rançon, son maître, ou plutôt
: on bourreau , le fit charger d'une chaîne de
/ingt-cinq livres, l'attacha au service de son
Hcurie, et lui donna pour logement un bouge
mfecl. Sa nourriture était celle des animaux ;de
fcl»asse-cour et les brutalités qu'il avait à subir
l-Htaient telles qu'il resta plusieurs jours presque
r. (aourant d'un coup que son maître lui avait ap-
Bliqué sur la tête. A peine convalescent, il fut
, înaployé à servir les maçons à Salé et à Fez.
>ans cette dernière ville, il obtint un soulage-
ment passager : un taleb (docteur mahométan),
fommé Bougiman, qui peignait et sculptait assez
• ien, l'occupa à broyer des couleurs. Mouette
: ivait quelques notions artistiques; il remplit sa
jiche avec intelligence. Une certaine intimité
établit entre le maître et l'esclave, qui en prê-
ta pour s'instruire sur beaucoup de points de la
n musulmane, sur l'histoire du Maroc, sur les
ineurs et usages des habitants, sur les produc-
onsdu pays, etc. Mouette se perfectionna aussi
ans la languearabe. Malheureusement, au bout de
ois ans, il fut transféré à Méquinez, où il reprit
métier de maçon, puis à Alaçar(15 juin 1680),
'ù, n'ayant pu payer une forte somme qu'exigeait
ins motifs le gouverneur, il fut remis à la chaîne
occupé au curage des égoûts. L'empereur Mu-
y-Ismael ayant appris les exactions du gouver-
îur d'Alaçar, frappa ce fonctionnaire d'une forte
- MOUFET 762
amende et fit revenir les esclaves à Méquinez, où
leur sort fut adouci. Enfin, le 25 lévrier 1681,
Mouette et quarante-neuf de ses compagnons de
captivité furent rachetés par les religieux de la
Merci. Ils s'embarquèrent à Tétouan, le 13 mai,
relâchèrent à Malaga et débarquèrent le 26 à Mar-
seille. Ils suivirent leurs rédempteurs àLaCiotat,
à Toulon, à Aix, à Lyon, à Mâcon, à Paris (19 juil-
let), où ils figurèrent dans des processions solen-
nelles. Ils furent même présentés à Versailles au
roi Louis XIV. Enfin, après douze ans d'absence,
Mouette revit sa famille dont il ne se sépara plus.
Il a laissé : Histoire des Conquêtes de Mouley-
Archy, connu sous le nom de roi de Ta filet,
et de Mouley-Ismael ou Seméin, son frère et
son successeur, à présent régnant, tous deux
rois de Fez, de Maroc, de Tufilet, de Sus, etc.,
contenant une description de ces royaumes,
des lois , des coutumes et des mœurs des ha-
bitants, avec une Carte du pays, à laquelle
on a joint les Plans des principales vil/es ou
forteresses du royaume de Fez, dessinés sur
les lieux ; Paris, 1683, in-t2. L'auteur, contem-
porain de la plupart des faits qu'il rapporte, ou
ayant puisé lui-même aux sources originales, a
écrit un ouvrage fort intéressant, que l'on peut
consulter encore aujourd'hui avec fruit. Les car-
tes et plans dressés par le taleb Bougiman sont
d'une grande exactitude. Le livre de Louis Des-
may,intitulé : Relation nouvelle et particulière
du Voyage des RR. PP. de la Mercy, aux
royaumes de Fezet de Maroc, pour la rédemp-
tion des captifs; Paris, 1682, in-12, n'est que
le produit d'un abus de confiance de Desmay (1)
et des PP. de la Rédemption, auxquels Mouette
avait confié ses manuscrits. Cette relation est au
surplus fort incomplète. Mouette a fourni aussi les
matériaux de l'ouvrage intitulé : Relation de la
Captivité du sieur Mouette dans les royaumes
de Fez et de Maroc, où il a demeuré pendant
onze ans, etc., avec un Traité de commerce et
de la manière que les négociants doivent s'y
comporter, ensemble les Termes principaux
de la langue qui est le plus en usage dans
le pays; Paris, 1685, in-12; trad. en hollandais
dans le Naau Keunge Versameling, etc. (Re-
cueil curieux des voyages les plus remarquables) ;
Leyde, 1707, in-S°; en anglais, dans la New
Collection of Voyages and of Pérégrinations ;
Londres, 1708-1710, 2 vol. in-4°. A. de L.
Préface ie [a Relation de la Captivité du sieur Mouette
et cet ouvrage lui-même. — F. Hoefer,J/arocdansl'£/ni-
vers pittoresque de F. Didot. — Adelung, Supplément
à Jôcher, Allg. Celehrten Lexicon, à l'article Desmat.
mocfet ou mcffett ( Thomas ) , natu-
raliste anglais, né vers 1550, à Londres, mort
vers 1600, à Bulbridge (Wiltshire). Après avoir
fait ses études à. Cambridge, et non à Oxford,
comme le prétend Wood, il parcourut une bonne
partie de l'Europe, fit de grands progrès dans la
(1) Ce Louis Desmay était parent du P. Monel, supérieur
du couvent de la Merci, situé rue du Cuaume à Pari».
I
763
MOUFET
médecine et dans la chimie, et prit en 1582
le grade de docteur. De retour à Londres, il y
pratiqua sa profession avec beaucoup de succès.
Il eut pour patron iord Willoughby, qu'il accom-
pagna dans son ambassade en Danemark ; on le
vit aussi au camp du comte d'Essex en Norman-
die, probablement en 1591. Sur la fin de sa vie,
il se retira à Bulbridge, près de Wilton, avec
une pension que lui servait la famille de Pem-
broke, à laquelle il était attaché. Ses ouvrages
sur la médecine sont imbus des idées de Pa-
racelse : tel est son De Jure et Prœstanlia
chymicorum medicamentorum ( Francfort ,
1584; in-8°; réimpr. dans le Theatrum chy-
micum, 1602 ) ; cependant il ne s'est pas, en
publiant le recueil suivant, associé au mépris que
la secte chimique professait pour Hippocrate :
Nosomantica Hippocralica, sive Hippocratis
prognostica cuncta ex munibus ipsius scrip-
tis methodice digesta lib. IX ( Francfort, 158S,
in -8° ). On a encore de Moufet : Health' s impro-
vement, or rides comprising and discovering
the nature, method and manner of preparing
ail sorts offood used in this nation; Londres,
T édit., 1655, in-8°. Moufet a rendu un grand
service k la science en terminant un ouvrage
commencé par Edward Wootton, Conrad Ges-
ner et Thomas Penn : Insectorum sive mini-
morum animalium Theatrum; mais il mourut
avant que de le mettre au jour. Ce fut Théodore
de Mayerne qui prit ce soin et qui y ajouta une
préface (Londres, 1634, in-fol.; trad. en 1658
en anglais). « Moufet, dit Cuvier, est pour les
insectes ce que Gessner est pour les quadru-
pèdes, et Rondelet pour les poissons; son livre
est le premier traité un peu complet, fait expro-
fesso , qui ait élé publié sur cette branche de la
zoologie. La division des insectes y est, à la vé-
rité, encore assez imparfaite ; néanmoins ils sont
déjà rapprochés par genres, par familles, à peu
près au même degré que Rondelet avait rappro-
ché les poissons. » Cet ouvrage est aussi remar-
quable par le nombre des espèces qui y sont re-
présentées : on y compte 500 fig. en bois, toutes
dessinées d'après nature et la plupart assez
exactes. P. L — y.
Wood, Athenae Oxon., I. — Manget, Biblioth. Script,
medic, lib. 12. — Niceron, Mémoires, XXIV. _ Aikin,
Memoirs of medicine. — Rees, Cyclopxdia. — Cuvier,
Hist. des Sciences naturelles, II, 103-104.
mocffle d'angerville ( ....), littérateur
français, mort vers 1794. Il exerça sous le règne
de Louis XVI la profession d'avocat. Bien qu'il
se fût déclaré l'adversaire delà révolution, il
n'est pas certain, comme on l'a avancé, qu'il en
ait élé la victime. Il a publié sous le voile de
l'anonyme : Journal historique de la Révo-
lution opérée dans la constitution de la mo-
narchie française par le chancelier de Mau-
peou ; Londres ( Amsterdam ), 1774-1776, 7 vol.
in-12, en collaboration avec Pidansat de Mairo-
bert ; — Mémoires pour servir à Vhistoire;
in-12 : avec Rochon ; — Vie privée de Louis XV,
— MOUHY 76
ou principaux événements, particularités e
anecdotes de son règne; Londres, 1781, 4 vol
in-12; réimpr. sous le titre de Siècle d
Louis XV ( Paris, 1796, 2 voi. in-8°), par Me
ton de La Varenne, qui ne rougit pas de l'attri
buer à Arnoux Laffrey, tandis qu'il était de no
toriété publique que l'ouvrage était de Mouffl
d'Angerville; — Adresse aux princes françai
et aux émigrants de cette malheureuse na
tion au sujet de la guerre et de leur retour
Paris, mai 1792, in-8°. K.
Quérard, La France Littéraire. — Barbier, Dict. d
Ouvrages anonymes.
mougin ( Pierre-Antoine) , astronome frai
çais, né le 22 novembre 1735, à Charquemoni
près Baume-les-Dames, mort le 22 août 1816,
La Grand-Combe-des-Bois (Doubs). 11 fit s>\
études au séminaire de Besançon , fut ordom
prêtre, et devint vers 1760 curé de La Grani
Combe-des-Bois , paroisse située sur les revej
du Lomont. Passionné pour l'astronomie,
adressa en 1766 à Lalande des observations
des calculs qui lui valurent, de la part de i
savant, un grand télescope et divers instrumen j
nécessaires à l'exactitude de ses expérience
Mougin fut aussi correspondant de l'Académie d
Sciences. Il s'occupait d'un travail sur les o |
mètes lorsque, vers la fin de 1793, il fut obli
d'abandonner sa cure et de se cacher dans
creux d'un vallon, d'où « il ne voyait plus le ciel
selon son expression. En 1799 il fut réinstail
dans sa paroisse sur les instances des membr
de l'Observatoire de Paris, et en 1801 il envo
à Lalande une grande Table de Précession \
c'est-à-dire une table des changements annui
des étoiles en ascension droite. « Il y a treil
ans, faisait à ce propos remarquer Lalande, q
nous recevons de ce digne pasteur des marquJ
de zèle, d'application, de curiosité et de couraj
qui sont bien rares surtout dans les déserts.
On a de Mougin des Calculs dans la Conna
sance des Temps de 1775 à 1803; les Tabi
du JSonagésime (ibid., 1775); les Calculs
l'Éclipsé de Soleil, observée à La Grai
Combe, le 19 janvier 1787, dans le Journal c
Savants, etc. p.
Irlande, Bibliogr. .éstronom., p. S07 et 835.
mocht (Charles de Fieux, chevalier dé
romancier français, né le 9 mai 1701, à Me
mort le 29 février 1784, à Paris. Il était d'o
famille de Bourgogne et neveu du baron
Longepierre, qui a laissé quelques tragédies.
vint de bonne heure à Paris ; n'ayant d'auto
ressources que sa plume, il se mit à écrire <
romans, oubliés aujourd'hui, mais devenus fi
rares. On dit qu'il se fit le complaisant du mai
chai de Belle-Isle et qu'il lui rendit des servie
peu avouables, qui lui furent bien payes. D;
un jour de profonde détresse, il demanda
l'argent à Voltaire, qui lui donna deux ce;
livres par an pour suivre ses procès, soute
ses pièces au théâtre et lui envoyer « des tu
765 MOUHY
elles très-courtes , des faits sans réflexion et
lutôt rien que des faits hasardés (I). » Rivarol
est égayé aux dépens de Mouhy dans le Petit
\\.lmanach des grands hommes; Palissot l'a
i.iltraité fort rudement dans ses Mémoires lit-
'mires et dans son poëme de La Dunciade,
i il !c dénonce comme le plus fécond, mais le
■lus ennuyeux des romanciers. Il était fort lié
,-ec le chevalier de La Morlière, avec qui il
nftne d'ailleurs des traits de ressemblance mo-
lle. « Mouhy, dit M. Monselet, ouvre la série
|r»s romanciers bourbeux du dix-huitième siècle,
ans la somme énorme de ses ouvrages oubliés,
'i distingue un bon, un joyeux, un vivace ro-
ll», La Mouche... Ses autres livres n'ont pas,
beaucoup près, la même valeur : ce sont,
mr la plupart, des imitations ou des contre-
irties des ouvrages en vogue... Il était pauvre
[faire pitié et laid à faire peur. La Chronique
andaleuse de 1785 le dépeint comme un boi-
uk et un bossu, et l'on a peine à croire qu'il
t servi en qualité d'officier de cavalerie; c'est
mrtant le titre- qu'il prend daris ses livres et
icostume qu'il a adopté pour son portrait gravé,
û l'a représenté comme un importun de café,
'ant toujours les poches bourrées de ses ou-
ages, les colportant, les vendant lui-même;
(autres fois se donnant à loyer pour faire ap-
ftudir ou siffler les pièces nouvelles. Pénible mé-
!r pour un homme qui a eu du talent une fois
ns sa vie !» On a du chevalier de Mouhy : Le
Répertoire, ouvrage périodique ; Paris, 1735,
12; — La Paysanne parvenue ; Paris, 1735,
| part . in-12; réimpr. en 1756, en 1757 et en
122 ; c'est une imitation du Paysan parvenu
\ Marivaux ; — Mémoires posthumes du
Wite de *** avant son retour à Dieu ; Paris,
T35, 2 vol. in-12 ; — Paris, ou le Mentor à
mode; Paris, 1735, 3 part, in-12, non ter-
me'; — Mémoires du marquis de Fieux ;
aris, 1735-1736, 4 vol. in-12; — Lamekis,
les voyages extraordinaires d'un Égyp-
en dans la Terre Intérieure, avec la décou-
irte de l'île des Silphydes ; Paris, 1735-
'37, 2 vol. in-12; — Le Mérite vengé, ou
mversations littéraires et variées sur divers
rits modernes ; Amsterdam (Paris), 1736,
12; —La Mouche, ou les aventures et es-
'■gleries Jacétieuses de Bigand; Paris, 1736 ;
[98, 4 vol. in-12 ; trad. sous le titre de L'Es-
on en allemand ; — Nouveaux Motifs de
inversion à l'usage des gens du monde ;
iris, 1738, in-12 ;. — Vie de Chimènede Spi-
tlli; Paris, 1738, 2 vol. in-12; — Mémoires
Anne-Marie de Moras, comtesse de Gour-
»n, écrits par elle-même ; La Haye, 1739 ,
part, in-12; — L'Art de la toilette ; s. d.,
-32; — Contes de cour ; La Haye. 1740 ,
vol; in-12; réimpr. en 1783, sous le titre : Les
ille et une Faveurs, 5 vol. in-12; — Le
(1) Cette correspondance singulière ne dura que
idques années; elle avait commencé en 1736.
— MOULAC 7G6
Papillon, ou lettres parisiennes ; Paris, 1746,
4 vol. in-12; — Mémoires d'une fille de qua-
lité qui ne s'est pas retirée du monde; Paris,
1747, 4 vof. in-12 : ce titre est la parodie du
titre d'un roman de l'abbé Prévost ; — Lettre
d'un Génois à son correspondant à Amster-
dam, avec des remarques; Gênes ( Paris),
1747, in-12; — Le Masque de Fer, ou les
aventures admirables du père et du fils;
La Haye, 1747, 1750, 1752, 3 vol. in-12;
6eédit., Avignon, 1830, 3 vol. in- 24 ; — Mémoires
de la marquise de Villenemours ; La Haye,
1747, 2 vol. in-12;— Opuscules d'un célèbre
auteur égyptien; Londres (Paris), 1752,
in-12 ; — Tablettes dramatiques, contenant
l'abrégé de l'histoire du Théâtre-Français,
l'établissement des théâtres à Paris, un Dic-
tionnaire des pièces et l'Abrégé de l'histoire
des auteurs et des acteurs; Paris, 1752,
in-8° : ces tablettes sont incomplètes et fautives;
elles ont été réimprimées avec des additions
considérables, sous le .titre à' Abrégé de l'his-
toire du Théâtre-Français depuis son ori-
gine jusqu'au i^ juin 1780 (Paris, 1780, 3 vol.
in-8°) ; — Les Délices du sentiment; Paris,
1753, 6 part, in-12 ; — Lettres du comman-
deur de... avec Mlle de..., avec les réponses ;
Paris, 1753, 2 vol. in-12; — Mémoires du
marquis de Benavidez ; Paris, 1754, 4 part.
in-12; — L' Amante anonyme ; 1755, 12 part,
en 4 vol. in-12 ; — Le Financier ; Paris, 1755,
5 part, in-12; — Les Dangers des Spectacles,
ou mémoires du duc de Champigny ; Paris,
i780, 4 vol. in-12. La plupart de ces écrits ont
paru sous le voile de l'anonyme. P. L.
Sabatier, Les trois Siècles littër. — Palissot, Mé-
moires, — La Harpe, Cours de l.ittèrr, VIII. — Bégin,
Biographie de la Moselle. — Ch. Monselet, Les Oubliés et
les Dédaignés, 11.
I MOCiLLEKON {Adolphe), dessinateur li-
thographe français, né à Paris, le 13 décembre
1820. Cet artiste, l'un deceuxqu1' manient avec le
plus d'adresse et de talent le crayon lithogra-
phique, a débuté en, 1841 et a obtenu des mé-
dailles en 1846 et en 1849, et la croix d'Hon-
neur en 1852. Nous citerons de lui : L'Auto-
dafé (1846), André Vesale ( 1849), L'École
juive (1850), Un Coin de jardin (1852);
ces planches ont été exécutées d'après des
maîtres contemporains ; les deux dernières ont
valu à M. Mouilleron un rappel de médaille de
première classe à l'Exposition universelle de
1855. La Ronde de nuit, d'après Rembrandt, a
paru en 1859. G. de F.
Documents particuliers. — Livrets des Expositions.
moclac ( Vincent-Marie ), officier de ma-
rine français, né à Lorient, le 22 mars 1780,
mort au Callao de Lima ( Pérou ) , le 6 avril
1836. Entré au service en 1790 comme volon-
taire pilotin, il fit de nombreuses campagnes sur
La Bellone, Le Trajan, Le Morgan et L'Agile,
i fut quelque temps prisonnier des Anglais, et lit
767
partie, en 1802 , comme enseigne de vaisseau
provisoire, de l'expédition de Saint-Domingue.
Il prit, au retour, du service dans la marine mar-
chande, puis sur le corsaire Les Frères-unis,
qui fut capturé par les Anglais. Mis une seconde
fois en liberté, il fit de nouvelles courses sur le
corsaire La Caroline et sur Le Revenant, com-
mandé par le célèbre Surcouf. Il rentra en 1 808
dans la marine militaire, quand Le Revenant
eut été déclaré vaisseau de l'État, croisa dans
les mers de l'Inde et fut encore fait prisonnier
par les Anglais , qui le retinrent quatorze
mois à Chandernagor, puis le reconduisirent
à l'Ile de France. En juillet 1810 il servit
sur La Minerve, de l'escadre de l'amiral Du-
perré , et participa à la prise de trois grands
vaisseaux de la Compagnie des Indes. Il reçut
le commandement du Ceylan, un de ces vais-
seaux, et prit une part glorieuse au combat qui
livra à l'amiral Duperré les quatre frégates an-
glaises qui défendaient la passe du Grand-Port
à l'île de France. Nommé en 1812 lieutenant de
vaisseau, il s'embarqua sur La Clorinde; cette
frégate fut prise après un long combat contre
trois frégates anglaises, etMoulac subit une nou-
velle captivité, qui dura deux ans. De retour à
Brest en 1814, il fit deux expéditions sur les
côtes d'Afrique. Nommé, le 17 août 1822, capi-
taine de frégate, il commanda successivement
La Durance, La Nymphe, La Diligente et
L'Armide et remplit différentes missions en Es-
pagne et dans les mers du Levant. Le 31 dé-
cembre 1828 il fut nommé capitaine de vaisseau,
et fit partie de l'escadre qui força l'entrée du
Tage ; il fut nommé à la suite de ce fait d'armes
commandeur de la Légion d'Honneur. En 1832
il reçut le commandement de la station de la
mer du Sud. Malgré sa mauvaise santé, il
s'embarqua sur La Flore ; il prit terre à Cal-
lao près de Lima et trouva le Pérou en pleine
révolution. Il défendit avec courage les intérêts
de ses nationaux, et fit preuve d'humanité en re-
cueillant à son bord cent cinquante femmes ou
enfants que l'ennemi allait massacrer. Malade
depuis longtemps, il ne put résister à ces fa-
tigues ; les Péruviens transportèrent son corps
au Panthéon de Lima. A. H — t.
Notice sur M. Moulac; Paris, 1840, in-8°. — annales
maritimes et coloniales de 1836, t. II. — Moniteur du
16 sept. 1836.
moulin ( Antoine du ), littérateur français,
né vers 1520, à Mâcon; Il étudia la médecine à
Toulouse, et fut attaché en qualité de valet de
chambre à la reine Marguerite de Navarre, sœur
de François 1er. Après la mort de cette prin-
cesse, il retourna en Bourgogne, et fut jeté en
prison comme suspect de partager l'hérésie pro-
testante. Ce sont les seuls renseignements exacts
que l'on possède sur ce savant estimable, qui
vécut dans l'intimité de Bonaventure Des-
perriers , de Clément Marot et d'autres poètes
du temps. Pithou, dans ses Adversaria, le
MOULAC — MOULIN 7e
nomme vir doctus et diligens. Il possédait 1
langues anciennes et la poésie ; sa devise étai-
« Rien sans peine ». On a lieu de croire qu
passa la plus grande partie de sa vie à Lyoi
c'est de cette ville du moins que sont datées 1
épîtres placées à la tête de nombreux ouvrag
dont il a été l'éditeur ou le correcteur. On co
naît de lui : Panegyric des damoyselles •
Paris sur les neuf Muses ; Lyon, 1545, in-ï
avec trois autres pièces de vers ; — Lib
de diversa hominum natura cognoscendt
Lyon, 1548, in-8° ; trad. en français par k
même : Du Naturel divers des hommes; jbic
1549, in-8° ; — La Déploration de Vénus si
le bel Adonis, gui est un recueil de cha
sons, tant musicales que rurales, avec pi
sieurs autres compositions; Lyon, 154
1551, in-8e; Gand, 1554, pet. in-8° : ce recui
a été réimprimé, sous le titre : Le Livre de pi
sieurs pièces ; Lyon, }549, in-8°; on en a e
trait et inséré quelques, morceaux dans ,
Poètes .français avant Malherbe (Paris, 18:
6 vol.); — La Couronne margaritique
plusieurs autres œuvres, dans les Illuslr
tions des Gaules de J.' Lemaire. Ou attrit
d'ordinaire à Antoine du Moulin la Contint
tion des Erreurs amoureuses, qui est de Pc
tus de Thiard, ainsi que les Contes du mon I
adventureux, où sont récitées plusieurs h
toires pour réjouir la compagnie, par À. g
s. d. (Paris, 1555, in-8°), livre de facéties se
vent réimprimé. Il a traduit e.n français
nuel d'Épictète, auquel sont ajoutées les si
tences des philosophes de Grèce; Lyo
1544, in-16; Anvers, 1548; — Traité de Pli
tarque de ne prendre à usune ; Lyon, 154
— Le Livre des Augures et divinations d'A
gustin Niphus ; Lyon, 1546, in-8° ; Paris, 15(
— La Chiromancie et Physionomie nature
par le regard des membres de l'homme, \
J. de Indagine; Lyon, 1549, 1576, in-12;
Les Souverainetés contre toutes les ma,
dies, trad. de Marcellus, auteur anck
Lyon, 1550; — La Vertu et Propriété de
quintessence, faite en latin par J. de 1
pescissa ou de Roquetaillade ; Lyon, 15
1581, in- S0. Comme éditeur, Antoine du Me
lin a publié les Œuvres de Bonaventure D
perriers (1544); les Poésies de Per nette
Guillet (1545); la trad. des Commentaires
César, par de Laigne et Gaguin (1545);
Œuvres de Clément Marot (1546); la Fi
taine des amoureux de science, de Jean
La Fontaine ( 1547 ) ; les Fables d'Ési
(1549 ), version poétique de Gilles Corrozet,
touchée et augmentée d'une Vie d'Ésope ;
Illustrations des Gaules, par Lemaire
Belges ( 1549 ), De Medicina, poème de Se
nus Salmonicus, à la suite de Celse (154!
le Livre doré de .Marc^Aurèle, par R. -B.
La Grise ( 1550); l'Astronomicon de Manil
(1556) ; et les Contes et Nouvelles de Bonavi
■:ij
769
MOULIN
770
turc Desperriers (1558). Ces éditions sont au-
jourd'hui rares et recherchées. P. L.
La Croix du Maine, Biblioth. française. — Brunct,
M (ni. dit Lit/raire. — Papillon, Biblioth. des Auteurs
\ie Bourgogne. — Monfalcort,fliWiopr. de Lyon.
1 moulin {Pierre du), célèbre théologien
protestant français, né le 18 octobre 1568, au
jîhâteau de Buhy, mort à Sedan, le 10 mars
[1658. Il était de la même famille que le célèbre
i urisconsulte Charles du Moulin. Après avoir
Étudié les belles-lettres et la théologie à Paris,
i Cambridge et à Leyde, il fut nommé, en 1592,
Professeur de philosophie à l'université de cette
lernière ville. Appelé sept ans après comme
tninistre à Charenton, il prit part aux conféren-
ces tenues au sujet de la conversion de la prin-
cesse Catherine; son grand savoir et son habi-
|t été dans la polémique le firent dès lors recon-
n aître comme un des plus éminents théologiens
rf éformés de France. L'influence qu'il acquit peu
| peu sur l'esprit de ses coreligionnaires lui
alut d'être, en 1615, appelé auprès de Jac-
L ues Ier d'Angleterre, qui le chargea de rédiger
line Confession capable d'amener l'union de tou-
tes les sectes protestantes. Du Moulin s'acquitta
E e cette tâche ; mais trois ans après il se signala
■ ar son acharnement contre les arminiens,
I u'il fit condamner au synode national d'Alais.
. n 1620 il quitta précipitamment Paris, craignant
être arrêté par ordre du roi Louis XIII , qui
wait eu connaissance d'une lettre où du Mou-
n assurait au roi d'Angleterre que les églises
rotestantes avaient les yeux tournés vers ce
rince. Il se retira à Sedan , et il y fut nommé
rofesseur de théologie. En 1623 il fut denou-
eau invité à se rendre auprès de Jacques 1er,
ai lui donna une pension pour qu'il pût à loisir
rire contre le cardinal du Perron. Il quitta
(Angleterre à la mort de Jacques, et alla passer
eux ans à Paris ; il retourna ensuite à Sedan ,
i il demeura jusqu'à la fin de sa vie. Au juge-
lent dé Bâtes, l'auteur des Vilss seleclorum
irorum, les principales qualités de du Moulin
aient : Mirum ingénu acumen , serenum
tdicium, nonnumquam ira aut impatientia
bturbatum ; sed omnium ejus artium emi-
enîissima fuit disputandi peritia, miilto
su confirmata. « Athlète intrépide et infati-
ible du calvinisme pur, disent les auteurs de
a France Protestante , il soutint d'ardentes
ontroverses non-seulement contre maints doc-
turs catholiques , comme Cayet , du Perron ,
aMilletière, mais aussi contre plusieurs de ses
>-religionnaires , tels que Tilenus , Amyraut ,
fcstard, Grotius, qui s'éloignaient sur quelques
jints des doctrines proclamées par la Confes-
on de foi. Dans toutes ces disputes il déploya
î grand zèle pour les intérêts de son église
une activité sans égale ; mais on doit re-
etter qu'il ne se soit pas toujours tenu dans
sbornes de « l'honnesteté et de la courtoisie»,
que souvent, au contraire, il se soit laissé
NOUV. BIOGR. CIÏNÉR. — T. XXXVI.
emporter beaucoup trop loin par l'impétuosité
de son caractère. Quelquefois même son esprit,
naturellement satirique et malin, descendit à des
attaques peu dignes d'un ministre de l'Évan-
gile. » Parmi ses quatre-vingts et quelques ou-
vrages , nous citerons : Elementa Logices ;
Leyde, 1596, in-8° : ce livre, réimprimé treize fois
en peu d'années, fut traduit en français et en an-
glais ; — Défense de la foi catholique contenue
au livre du roij Jacques Ier contre la réponse
de Coëffeteau ; La Rochelle, 1604, in-8° ; Paris,
1612, in-8*>; Genève, 1624, in-8° ; trad.en latin,
Londres, 1614, in-8° ; — Apologie pour la
saincte Cène, contre la présence corporelle
et la transsubstantiation ; La Rochelle, 1607
et 1609, in-8°; — Théophile, ou traité de l'a-
mour divin ; La Rochelle, 1609, in-12; — He-
raclite, ou de la Vanité et Misère de la vie
humaine; 1609, in-12 : réimprimé souvent à
Genève; — De Monarchia lemporali ponti-
ficis romani liber ; Londres, 1614 ; Genève,
1614, et Francfort, 1716, in-8°; — Anatome
Arminiasmi ; Leyde, 1619, in-4°; traduit en
anglais, Londres, 1620, in-4° : livre des plus
violents et des plus injurieux contre les armi-
niens ; — De notis verse Ecclesias; Sedan,
1622, in-4°; — Elementa Philosophix mora-
lis , traduit en français par l'auteur ; Sedan ,
1624, in-12; Paris, 1631, in-24;— De Cogni-
tione Dei ; Leyde, 1625, in-24 ; — Nouveauté
du Papisme opposée à l'antiquité du vray
christianisme ; Sedan , 1627, in-fol.; Genève,
1627, 2 vol. in-4°, et 1633, in-4° : écrit contre
du Perron ; — Enodatio gravissimarum
qussstionum de providentia Dei, peccato ori~
ginali, libero arbitrio et prœdestinalione ;
Leyde, 1632, in-8°; — Lettre à M. de Bal-
zac; Genève, 1633, in-12; — Réponse à la
lettre de M. de Balzac, 1633, in-8°; — Ico-
nomachus, seu de Imaginibus et earum
cultu; Sedan, 1635, in-8°; — Anatomie de la
Messe; Genève, 1636, 2 vol. in-8°; et 1638,
in-8°; traduit en latin, Leyde, 1637, in-8°;
suivi d'une Deuxième partie, Sedan, 1639,
in-12 : les deux parties ont été publiées en-
semble, Genève, 1655, in-8°; — Opposition de
la parole de Dieu avec la doctrine de l'É-
glise romaine; Genève, 1637, in-8° ; — Fates,
seu de Prsecognitione futurorum ; Leyde ,
1640, in-8°; — Strigile adversus Grotii
comment aticnem ad loca quasdam Novi Tes-
tamenti de Antichristo ; Amsterdam, 1640,
in-8°: sous le pseudonyme â'Hippolyte Fronton
Caracotta; — Le Capucin; Sedan, 1641, et Ge-
nève, 1641 , in-8° : cette satire, qui fut brûlée
par la main du bourreau, est devenue rare ; —
Elementa Logicas, physicorum et ethicorum ;
Amsterdam, 1645, in-8°; — des Sermons , des
opuscules ascétiques , des écrits de contro-
verse, etc. Au British Muséum se trouvent
plusieurs lettres de Du Moulin, mss. Burney,
vol. 369 et 371. O.
25
;
771 MOULIN -
M'éursius, Athenœ Batavse. — Bâtes, Pitié, p. 697-718.
— Sax, Onomasticon, t. IV, p. 179. — Haag, La France
Protestante.
moulin (Pierre nu), fils du précédent, né en
1600, mort le 20 octobre 1684, à Canterbury.il fit
ses études à Sedan et à Leyde, dirigea en Angle-
terre l'éducation de Richard Boyieet de son frère,
et fit un court séjour en Irlande. Appelé à Oxford
comme prédicateur, il reçut le titre de docteur de
cette université et de celle de Cambridge en ré-
compense des services qu'il leur rendit. En 1660
Charles II le choisit pour chapelain de la cour, et
lenomma prébendairedeCanterbury. On a de lui:
Défense de la Religion réformée et de la mo-
narchie et Église anglicane ; 1650, in-8°; —
Clamor Sanguinis regii ad cœlum;Là Haye,
1632, in- 12 : cet ouvrage, qui causa beaucoup de
bruit, fut édité par le docteur Alexandre More ; —
Treatise of Pace and contentment of Mind ;
Londres, 1657,in-8°: la version française, sous le
titre de Traité de la Paix de l'Ame et du conten-
tement de l'esprit (Sedan, 1660,in-8°),aeu plu-
sieurs éditions, et l'ouvrage, qu'on a mal à propos
attribué à Du Moulin père, a été traduit en hollan-
dais et en allemand ; — Week ofsoliloquies and
prayers; Londres, 1657, 1677, in-8° ; — Vindi-
cation ofthe sincerity ofthe protestant reli-
gion in the point of obédience to sovereigns ;
Londres, 1663, 1679, in-4°; — Poematum la-
tinorum Libri III; Cambrai, 1669, in-8°; —
Réflexions sur la Politique de France (de
Hay de Chastelet) ; Cologne, 1671, in^l2 : on
en a donné une suite en 1677, sous le nom de
l'Ormegigny ; — The papal tyranny as it
was exercited over England ; Londres, 1674,
in-8°; — Traité de la Politique de France,
augmenté d'une seconde partie, avec quelques
réflexions ; Cologne, 1677, 1680, in-12; — Ten
Sermons , 1684, in-8°.
Un de ses petit-fils fut Pierre-Louis Du Mou-
lin, mort en 1756, et qui compta au nombre
des meilleurs généraux du roi de Prusse Fré-
déric II; il commanda en 1745 l'aile gauche à la
bataille de Friedberg, et devint intendant de la
Yieille-Marche et gouverneur de Gross-Glogau.
Son nom est inscrit au-dessous de la statue
érigée à Berlin à Frédéric, à côté de ceux de
Bonin, Forcade, La Mothe-Fouqué et d'autres gé-
néraux d'origine française. K.
Haag frères, La France Protestante, IV, 430.
mocliiv ( Louis du ), frère du précédent, né
en 1606, mort le 20 octobre 1683, à Westmins-
ter. Il prit à Leyde le diplôme de docteur en
médecine et remplit à Oxford la chaire d'his-
toire pendant le protectorat de Cromwell ; il fut
destitué lors de la restauration. Il s'était jeté
avec ardeur dans le parti presbytérien; aussi ne
cessa-t-il d'attaquer dans ses écrits la constitu-
tion de l'Église anglicane et de disputer avec
ceux qui en soutenaient les privilèges, tels que
Durell, Patrick et Stillingfieet. On dit qu'il se
rétracta au moment de mourir. Nous citerons
de lui : Analomia Missœ; Leyde, 1637, in-8°,
MOULINES 772
trad. d'un des plus fameux- ouvrages de son
père ; — Rerum nuper in regno Scotisc ges-
tarum historia; Londres, 1641, in-8°, sous le
pseudonyme d'Irénée Philalèthes Éleuthère; —
Of the Right ofChurches and of the magis-
trales power over them; Londres, 1658,
in-12; — Papa Ultrajectinus ; Londres, 1668,
in-4°; — Jugulum caussse seu Ratio per
quam papa, ejus imperium totusque missse,
religionis et Ecclesiasromanee apparatus una
ruina concidere debent ; Londres, 1671, 2 vol.
in-4°; — Patronus bonx fidei in causa puri-
tanorum; Londres, 1672, in-80; — Fasciculus
epistolarum ; Londres, 1673, in-12; — Pen-
sées sur le nombre des élus, 1680, in-4°.
P.
Wood, Mhense Oxon. — Haag frères, La France Pro-
test., IV.
moulin ( Gabriel du ), historien français,
né à Bernay, en Normandie, mort vers 1660. Il
était curé de Manneval. On a de lui deux bons
ouvrages relatifs à sa province natale : Histoin
générale de Normandie, contenant les choseï
mémorables advenues depuis les première!
courses des Normands païens jusqu'à la réu
nion de celte province à la couronne; Rouen
1631, in-fol.; — Les Conquêtes et les trophée;
des Normands françois aux royaumes é
Naples et de Sicile, aux duchés de Calabre
d'Antioche, de Galilée et autres principautés
d'Italie et d'Orient; Rouen, 1658, in-fol
P.
MoFéri, Grand Dict.Hist.
moulines ( Guillaume de), littérateur fran
çais, né le 30 avril 1728, à Berlin, où il est morl
le 14 mars 1802. D'une famille de protestant
réfugiés originaires du Languedoc, il fit ses étude
au collège français de Berlin, embrassa lets
ecclésiastique pour satisfaire aux vœux de s.
mère, et desservit, depuis 1752, l'église de Bei
nau. Appelé, en 1759, comme vicaire de la Do
rotlieestadt, il résigna cette place en 1783 pou
celle de résident du duc de Brunswick-Lunt
bourg à la cour de Prusse. En 1788, il devir
membre du directoire supérieur français. Frédi
rie II, qui l'avait encouragé dans ses travaux,,
chargea de donner des leçons de logique a
prince royal. En 1785, il reçut des lettres de ni
blesse. L'âge affaiblit les facultés de Mouline!
qui mourut dans un état complet d'imbécilliti
Selon MM. Haag. Moulines « laissa la réputatio
d'un homme fort obligeant et d'un savant qi
joignait à beaucoup d'érudition beaucoup de goi
et de finesse. Quoique plus spécialement voi
aux belles-lettres, il s'occupa avec succès d''
tudes sur la physique et inventa quelques in
truments très ingénieux ». Le 31 août 1775,
avait été admis dans l'Académie des Sciences <
Berlin. On a de lui : Réflexions sur les déc
sions immédiates des souverains et sur l'ordi
de la procédure ; .Berlin, 1765, in-8° ; La Hay
1777, in-8°; traduction abrégée de l'ouvragée
k
73 MOULINES
iirisconsulte Steck; — Lettre, d'un habitant
'e Berlin à son ami à La Haye; Berlin, 1773,
1-8° : dirigée contre l'abbé Baynal, qui, dans la
econde édition de l'Histoire philosophique,
vaît attaqué vivement les actes de Frédéric 11;
- Ammien Marcellin, trad. en français;
erlin, 1775, 3 vol. in-12; Lyon, 1778; version
dèle et élégante; — Les Écrivains de l'His-
>ire Auguste, trad. en français; Berlin, 1783,
; vol. in-8°; Paris, 1806, 3 vol. in-12. Mou-
, îes a inséré dans le recueil de l'Académie de
îrlin quelques mémoires ; mais il n'a pas ter-
[ iné la traduction de Dion Cassius, à laquelle il
ait longtemps travaillé. P. L.
) îarbter, Notice sur G. Moulines, à la tête de la 2" édit.
1 l" Histoire Auguste. — Haag frères, Lu France Pro-
\ tante.
moulinet ( Claude du ), abbé des Thuile-
ks, érudit français, né en 1661, à Séez, en
I rmandie, mort le 15 mai 1728, à Paris. D'une
Jnille noble, il commença ses études à Valo-
1 3S et les termina à Paris ; il savait fort bien
grec, l'hébreu et les mathématiques; mais au
ide s'appliquer à la critique sacrée, comme
lui avait conseillé Richard Simon, il prit du
ht pour l'histoire de France et en fit son étude
lorite. Il visita presque toutes les archives de
Normandie , de l'Anjou et de la Bretagne, et
ecueillit un grand nombre de matériaux his-
iques. 11 mourut d'une hydropisie de poitrine,
|age de soixante-sept ans passés, et fut enterré
ise de Saint-Étienne-du-Mont. On a de lui :
itres écrites à un ami sur les disputes du
tsénisme et autres matières théologiques
temps; Paris, 1710, in-12 : il y dit le pour
e contre, et ne s'attache à aucune opinion;
issertations sur la mouvance de Bre-
ne par rapport au droit que les ducs de
mandie prétendaient, et sur quelques
res sujets historiques ; Paris, 1711, in-12 ;
Défense des Dissertations; Paris, 1713,
!2; c'est une réplique à la Réponse au traité
la mouvance de Bretagne (Nantes, 1712,
écrit anonyme de dom Lobineau. Cette
stion de la mouvance de Bretagne suscita
e ce dernier et l'abbé des Thuileries, soutenu
Vertot, une querelle qui ne dura pas moins
luinze années. Le même savant a fait insérer
les Mémoires de Trévoux,: Défense d'un
qui fait foi qu'un moine de Saint-Mé-
de Soissons nommé Guernon fabriqua
x privilèges au nom du saint-siége en
de plusieurs églises dans le commen-
entdu douzième siècle (mars 17 16); réimpr.
■l'Histoire du Comté d'Évreux de Pierre
rasseur (Paris, 1722, in-4°); — Mémoire
H est prouvé que le livre des miracles de
tt Martin, attribué à Herbert, archevêque
Tours, est d'un imposteur (juin 1716);
ction contre Z'Essai historique sur l'anti-
i ducomtéd'Eu, de Capperon (sept. 1716);
:t dans le Mercure : Défense de Vétymo-
MOULINS
7 74
logie que M. Httet a donnée du nom de la
ville d'Eu (juin 1722); Remarques touchant
l'origine de la maison de France (déc. 1720
et février 1723); Description du mont Saint-
Michel (nov. 1727). Nous citerons encore de
Moulinet : Nouvel éclaircissement sur l'élection
de nos rois de la première et de la deuxième
race dans les Mémoires de Littérature du
P. Desmolets (IV, 320-416), et le Dictionnaire
universel de la France ancienne et moderne
(Paris, 1726, 3 vol. in-fol.), ouvrage du libraire
Saugrain pour le fond ; mais il en a donné le plan,
l'introduction et l'article sur le diocèse de Séez.
Entre autres manuscrits, il a laissé une Histoire
du Diocèse de Séez. P. L.
Le Long- , Bïbl. kist. de la France. — Le Mercure ,
juin 1731. — Moréri, Grand Dict. hist., VII (édit. 1759).
moulinié {Charles - Etienne - François ),
littérateur suisse, né le 23 juillet 1757, à Ge-
nève, où il est mort, vers 1836. 11 exerça les
fonctions de pasteur dans sa ville natale, et se
fit connaître par la publication de nombreux
écrits de piété, remarquables par un grand esprit
de tolérance et de modération. Nous citerons :
Le lait de la parole contenu dans un caté-
chisme; Genève, t789, in-12; — Lettres à une
mère chrétienne; ibid., 1809, 1821, in-80; —
Promenades philosophiques et religieuses
aux environs du mont Blanc; Paris, 1817,
in-12; Genève, 1820, in-12; — La Chaîne des
vérités évangéliques ; Genève, 1 81 8, 1 826, in-8° ;
— Leçons de la parole de Dieu sur les points
les plus importants de la foi chrétienne;
ibid., 1821-1826, 5 vol. in-8°; — Homélies et
Sermons; ibid., 1830, 2 vol. in-8°; — Exposi-
tion dogmatique et morale de l'épître de
saint Paul aux Romains; ibid., 1833, 2 vol.
in-8°; —L'Homme selon la Bible; ibid., 1835,
in-8°. K.
Biogr. nouv. des Contemp.
moulins ( Guyard des), érudit français, né
vers 1251. Chanoine de la collégiale de Saint-
Pierre à Aire en Artois, il fut élu en 1297 doyen
de son chapitre et mourut peu de temps après.
En 1291, à l'âge de quarante ans, il commença
la traduction de la Scholastica Historia de
Pierre Comestor, et ajouta à cette paraphrase des
livres historiques de la Bible la version des Pa-
ralipomènes, du second et du troisième livre
d'Esdras, des psaumes, des livres de Salomon,
des grands et petits Prophètes, des épîtres cano-
niques et de l'Apocalypse. Il employa trois an-
nées à ce travail. Bien que la traduction de
Guyart des Moulins ne fût pas alors la plus an-
cienne, on l'adopta généralement,, et elle fut suc-
cessivement retouchée par Jean.de Sy, Raoul de-
Presle, etc. La première édition imprimée pa-
raît" être celle qu'a donnée Jean de Rely, évêque
d'Angers, sous le titre de : Les Livres histo-
riaidx de la Bible translatés du latin en
français; Paris, s. d. (1495), 2 vol. in-fol.;
elle fut faite par ordre du roi Charles VIII, qui
25.
775
MOULINS
77(
en accepta la dédicace. L'original manuscrit de
cet ouvrage se trouve dans plusieurs biblio-
thèques publiques. K.
Lebeuf , Dissertât, sur lus premiers traducteurs fran-
çais, dans le Recueil de l'Acad. des Inscript., t. XVII.
— Rive, Chasse aux bibliographes. — Brunet, Manuel
du Libraire.
jmgulijn's {Jean-François-Auguste), général
français et membre du Directoire, né à Caen, le
14 mars 1752, mort à Pierretitte (Seine),le 1 2 mars
1810. Il fit de bonnes études au collège des Jé-
suites de sa ville natale et se destina aux ponts
et chaussées. Après avoir été employé dans les
généralités de Normandie et de Picardie, il de-
vint ingénieur à l'intendance de Paris; mais le
sort lui réservait une autre carrière. Son emploi
ayant été supprimé dès les premiers jours de la
révolution, Moulins prit le parti des armes, et
s'enrôla, en juillet 1791, dans l'un des trois ba-
taillons de volontaires de Paris, où ses capacités
le firent aussitôt nommer officier d'état-major.
Adjudant général en 1792, il fut envoyé dans les
départements de l'ouest , et seconda les efforts
des généraux Dehoux et Menou pour repousser
les attaques de l'armée vendéenne contre Sau-
mur ( 10 juin 1793). Après la prise de cette ville
par les troupes royales , il assura la retraite des
bagages, et à la tête d'une quarantaine d'hommes
seulement, arrêta pendant près de six heures les
Vendéens qui poursuivaient l'armée républicaine
fuyant dans le plus grand désordre. Le 18 juillet
suivant, il ne se distingua pas moins à Vihiers, j
où les Vendéens eurentl'avantage;mais,le5août,
il prit une brillante vevancheau combat de Doué,
livré par Rossignol, et fit éprouver aux royalistes
des pertes considérables. Ce succès lui fit obte-
nir le grade de général de brigade et le comman-
dement des Ponts-de-Cé, d'où il passa peu après à
celui de Saumur que menaçaient encore les Ven-
déens. Il fit alors élever à Saint-Florent sur-Loire
des fortifications dont il traça lui-même Jes plans
et devint général de division (a ventôse, an iv) ;
mais si les récompenses suivaient de près les ser-
vices à cette époque de gloire et de tyrannie, il n'y
avait qu'un pas du Capitole à la roche Tarpéienne.
Moulins avait eu le courage d'épargner douze
cents Vendéens que le sort des armes avait mis
entre ses mains ; il n'en fallait pas tant pour pro-
voquer le courroux du proconsul de Nantes.
Carrier le fit arrêter au milieu de son camp et
conduire dans les prisons de cette ville. Le gé-
néral ne dut sa mise en liberté qu'aux réclama-
tions de son corps d'armée et à l'intervention
des représentants Bourbotte et Francastel. Le
comité de salut public le nomma peu après gé-
néral en chef de l'armée des côtes de Brest, puis,
le 8 octobre 1794, de l'armée des Alpes. Après
avoir hiverné dans ces montagnes, il battit les
troupes piémontaises au Col du Mont, au mont
Genèvre et au village de Malchaussée, au pied
du mont Cenis; mais une maladie le contraignit
de revenir à Paris. Il en repartit bientôt- pour
prendre le commandement de la 5e division mi-
'!
litaire, à Strasbourg. Les Autrichiens menaçaien \\
les places de l'Alsace ; Moulins les garantit di
leurs attaques, se porte, le 18 septembre, sur Ken I
contre le général Petrarsch, et parvient à res r
saisir quelques postes, déjà enlevés par l'ennemi 4
Le Directoire le rappela à Paris, et lui confia, 1 j
9 octobre 1797, le commandement en chef de
troupes françaises en Hollande; mais, avant so
départ pour ce pays, il fut nommé commandai) 8
de la 17e division militaire, dont la capitale éta .
alors le chef-lieu. Ce poste était pénible, sous u -i
gouvernement qui, dépourvu d'ascendant pouj
dominer les partis, y suppléait par des coup a
d'État et des mesures de réaction. Le 8 octobi i
1798, il succéda comme général en chef de l'a H
mée d'Angleterre à Kilmaine. Tous ces service I
plus utiles qu'éclatants, et qui le laissaient coi I
fondu dans la foule des illustrations du secorH
ordre, dont on ne redoutait pas l'ambition, 1 9
ouvrirent les portes du Luxembourg après I
journée du 30 prairial, qui exclut du Directoi
Treilhard , Merlin de Douai et La Révellièr |
Lépaux. Le 20 juin 1799, il fut nommé directe:
en remplacement de ce dernier. Peu propre
ces fonctions, étranger à l'esprit de coterie, d
daigné par Sieyès, négligé par Barras, le généi
républicain suivit la ligne de conduite de S'
collègue Gohier. Lorsque Bonaparte revint d'.
gypte, Moulins l'engagea à aller reprendre
commandement de l'armée d'Italie pour en fai
peut-être l'instrument militairedu gouvernemei
mais déjà celui-ci avait confié à Sieyès les pi
jets de la révolution qu'il voulait opérer, et Siej
était entré dans ses vues. Le 18 brumaire (9 r
vembre) Moulins et Gohier, privés de tout moy
d'exécution, tombèrent isolés devant là défecti
et la force. Tous deux réclamèrent avec chah
contre les mesures qui avaient été prises,
contestèrent pas au Conseil des Anciens le dr
d'ordonner la translation du corps législatif
Saint-Cloud ; mais ils démontrèrent que son
cret violait la constitution dans ses dteposiuï
relatives à la force publique. Vainement Boi
parte les engagea à se joindre à lui et à dom
leurdémission ; Gohier et Moulins refusèrentéo
giquement. Ce dernier, qui avait proposé
s'emparer de Bonaparte et de le faire fusill
rentré au palais directorial, rédige une adre
aux deux conseils , réclame le concert, invoi
le courage des représentants pour le maintien ije.
la constitution jurée, et promet de se rendre
lendemain à Saint-Cloud. Mais dans l'interv
Bonaparte le plaça avec Gohier sous une s
veillance plus active que celle qu'il avait c
prescrite. Moreau lui-même annonça à Mon
l'ordre qu'il avait reçu de le garder à vue d
ses appartements. « Et c'est vous, général,
répondit-il, qui faites les fonctions d'un g
darme. » En même temps, il lui fit signe de |
ser dans son antichambre. Moulins parvint
pendant le surlendemain à se soustraire <
surveillance de Moreau. Ce fut le dernier ad
K
[777 MOULINS -
fsa vie politique. Elevé par l'intrigue à son insu
■ à la première magistrature de son pays, Moulins,
(dans ses entretiens intimes, parlait souvent de la
I haute position qu'il avait occupée, et ne la re-
grettait que comme une occasion perdue de sau-
ver la république; mais pour une pareille œuvre
f I eût fallu des mains plus fortes et surtout plus
| îabilcs que les siennes. Après avoir vécu quel-
que temps à la campagne, -il reprit du service
, hous l'empire, devint, en 1807, commandant de
I a place d'Elbing et, peu après, passa au même
litre à Anvers; mais sa santé l'obligea de revenir
1 n France vers la fin t!e 1809. H. Fisquet.
\\ Bûchez et Roux , Histoire parlementaire de la Révo-
|><tio.'i, tome 38. — De Baranle, Histoire du Directoire.
I - Boisard , Notices biographiques sur les hommes cé-
I! '.bres du Calvados. — Moniteur univ., brumaire, an vnr.
I MOVLWS(Jean-Baptiste-Franç ois), général,
H ère du précédent, né en 1754, à Caen,-mort en
livrier 1794, à Chollet. Il commença son éduca-
I on chez les Jésuites, s'engagea fort jeune dans
régiment de Saintonge, et passa au bout de six
■as dans les ponts et chaussées. En 1793 il fut
ivoyé en Vendée, et servit d'aide de camp à son
ère. Nommé adjudant général après le combat
i Doué (août 1793), et général de brigade
aelques mois plus tard, il se trouvait à Chollet
■rsque les Vendéens s'en rendirent maîtres à
suite d'un combat acharné. Grièvement blessé
entouré de toutes paris, Moulins saisit un
stolet et se brûla la cervelle. La Convention
ûtionale décréta, afin d'honorer sa mémoire,
^j'on lui élèverait un monument sur lequel sé-
vit gravée cette inscription : « Républicain , il
donna la mort pour ne pas tomber vivant au
»uvoir des brigands royalistes ». Ce décret ne
çut jamais d'exécution. K.
Moniteur univ., an II.
moulins (Des). Voy. Desmoulins.
MOULLAH FIROUZ BEN-KAWOUS, poète
Isrsan moderne, né à Bombay, en 1759, mort
H 1831 , dans la même ville. Ayant accompagné,
Mis sa jeunesse, son père en Perse, et fait con-
Hssance avec la riche littérature poétique de ce
liys, il conçut la pensée de composer un poëme
pique dans le genre du Chah-Nameh de Fer-
«icy , mais en prenant pour thème un sujet
bderne. Moullah Firouz mourut grand- prêtre
(S Parsis, dans sa ville natale, avant l'achève-
ent de son œuvre. Ce nouveau poëme fut le
'.orge-SSameh, et traite de la conquête des
Ides par les Anglais sous Georges III, qui en
Kvint ainsi le héros. Comprenant cent dix mille
rs, le George-Nameh devait aller jusqu'à la.
ttaillede Pounah, en 1816. Son neveu, Monl-
1 Roustem ben-Kaïkobad, a publié, en 1837,
Bombay, in-4°, une partie du 1er volume,
ec un prospectus de l'ouvrage entier. Depuis,
ouvrage complet a paru ; Calcutta, 1839, 3 vol.
t-4»; — Moullah Firouz a encore publié une
lition du Desatir, ou Histoire des sectes et
oyances persanes, sous le titre : Desatir, or
med wrïtings ojf the ancien t persi an pro-
MOUNIER
778
phets, in the original langue, etc., to ivhich
is added an english translation of the Desa-
tir and commer.lary by M. Erskinc; Iiornbay,
1818, 2 vol. in-8°. Il a ensuite publié deux écrits
en réponse à Hachern Ispahani, pour prouver
que l'ère intercalaire persane ne date pas de
Zoroastre, mais qu'elle est plus moderne. Ces
deux écrits sont intitulés : Renalsa houd-
doumma baddalsalt Karigeh bir hadam
djaraza Kabbesa, ar a work cxhibUing the
strongest évidence of the non existence ofthe
Kabbesa in the doctrines of Zoroaster, etc. ;
Bombay, 1828, 1 vol. in-fol. Puis Kalib Vafakh
ol Hazal, ou Réfutation du nouvel ouvrage
de Hachem, etc.; Bombay, 1832, in-4°. Moul-
lah Firouz a légué tous ses livres, ainsi que
ses manuscrits, à la grande bibliothèque des
Parsis. Ch. R.
Mountstuart Elphinstone, Histoire de l'Inde anglaise.
— Histoire et Annales du collège du Fort Ceorges. —
Journal asiatique de 1832 et 1836.— Le Desatir, par Shea
et Troyer, Introduction.
mouivdar ( Aboul Hakem ibn-Yahiahibn-
Houce'in, Al), premier roi maure de Saragosse,
de la dynastie des Todjibites, né vers 980, mort
le 2 septembre 1039. Gouverneur de Saragosse
sous le khalife ommaïade Souléiman , il s'y
rendit indépendant, et prit le titre de roi en 1014.
Il soumit toutes les villes de l'Aragon, Huesca,
Tudèle, etc., mais fut repoussé de la Navarre
par Sanche le Grand, en 1015. Voulant étendre
alors ses conquêtes en Catalogne, il fut encore
battu en 1018, sous les murs de Barcelone, par
Richard II de Normandie, gendre de la comtesse
Ermesinde, régente du pays, et forcé de re-
connaître la suzeraineté des comtes de Barcelone.
Al Moundar est compté au nombre des poètes
arabes. Ses talents militaires lui avaient valu le
surnom de al Mansour (le Victorieux). Il fut as-
sassiné par son parent Abdallah ibn al Hakem,
général de ses troupes. Ch. R.
Schaefer, Geschichte von Spanien. — Bosseuw Saint-
Hilaire, Hist. d'Espagne. — Aschbach, Hist. des Om-
maïades d'Espagne (en allemand).
mounier ( Jean-Joseph ), célèbre homme
politique français, né à Grenoble (Isère), le 12
novembre 1758, mort à Paris, le 26 janvier 1806.
Mounier est considéré à juste titre comme un des
membres le plus distingués des états généraux de
1789; il eut à la fois les talents de l'homme
politique et la droiture inflexible de l'homme de
bien. Son caractère et les opinions qu'il soutint
s'expliquent en- partie par les impressions qu'il
reçut dans les années de son adolescence et de
sa jeunesse. Son père était négociant, mais d'une
fortune modeste, et fort estimé de ses conci-
toyens. Fort jeune , Mounier fut envoyé chez un
curé, son oncle materner, qui lui apprit les
éléments de la langue latine. La sévérité outrée
qu'il éprouva pendant ces études jeta dans son
âme les premiers germes de la haine qu'ir ne
cessa de porter toute sa vie à l'oppression sous
toutes ses formes. Il entra ensuite au collège de
779
MOUNIER.
7!
Grenoble, que dirigeait une association libre ! s'exiler sur leurs terres. Une insurrection p
d'ecclésiastiques depuis l'expulsion des Jésuites.
Soit dégoût des formes scolastiques , soit man-
que de tact de la part des maîtres, ses progrès
furent lents et pénibles, et ce ne fut qu'en rhé-
torique qu'il annonça de la facilité et des ta-
lents. Ses études terminées, il voulut d'abord
entrer dans la carrière militaire. Il était plé-
béien, et il y trouva toutes sortes de difficultés
et. enfin l'exclusion. 11 essaya du commerce,
mais la nature ne l'avait pas fait pour être
marchand ; il y renonça après une courte expé-
rience. 11 embrassa alors la carrière du barreau,
quiétaitsa vraie vocation. Après quelques études
de droit, il se fit recevoir bachelier à l'univer-
sité d'Orange, et passa ensuite trois ans à les
perfectionner par un travail opiniâtre sous la
direction des jurisconsultes les plus éclairés du
parlement de Grenoble. Reçu avocat en 1779, il
voulut d'abord se livrer à la plaidoirie ; mais la
faiblesse de son organe, après l'expérience de
quelques causes, le décida à se borner aux tra-
vaux du cabinet. Bien que fort jeune encore, son
esprit avait pourtant la maturité nécessaire au
jurisconsulte: il avait surtout l'ardeur et la per-
sévérance dans le travail. Il se maria à vingt-
trois ans, et à trente acheta la charge de juge
royal (1783). Les lumières et l'équité qu'il ap-
porta dans l'exercice de ces fonctions pendant
six années furent telles, qu'un seul des juge-
ments qu'il prononça fut l'objet d'un appel, et
dans cette magistrature secondaire il s'acquit
la plus grande considération. Dans ses intervalles
de. repos, il s'occupait surtout de politique et
de droit public, et comme les Anglais étaient
plus avancés que nous sur ce point, il étudia
avec soin leur langue , et finit par se familia-
riser avec leurs plus célèbres publicistes. Black-
stone et Delolme devinrent ses livres habituels
de méditation, et c'est dans ces études qu'il
puisa ces idées de pondération en gouvernement
et ce vif amour de leurs institutions que plus
tard il défendit avec tant d'énergie dans sa vie
publique. Les troubles civils vinrent l'enlever à
ces paisibles fonctions et agrandir son rôle. La
convocation des notables en 1787 avait fait écla-
ter les ardents désirs de réforme qui préoccu-
paient tous les esprits. Les- ministres du temps
n'y répondirent que par des mesures fausses ou
incomplètes. Le paiement de Paris se mit à la
tête de l'opposition, et déclara la taxe du timbre
désastreuse , la subvention territoriale impos-
sible, et demanda la convocation immédiate des
états généraux. Plusieurs parlements, et en
particulier celui de Grenoble, répondirent, avec
ardeur à ce signal, et déclarèrent traître au
roi et à la nation tout magistrat qui ferait
partie de la cour plénière qui venait d'être ins-
tituée pour dominer toute la France. Le pre-
mier ministre de Brienne se crutasse/. fort pour
vaincre cette insubordination, et ordonna aux
magistrats de ces parlements de se séparer et de
pulaire éclata à Grenoble pour défendre les m
gistrats ; mais ceux-ci, craignant d'aggraver
lutte, avaient fini par sortir secrètement et obé
La ville de Grenoble , pour protéger ses libt
tés, demanda une assemblée de ses notabk
Mounier, juge royal, y fut appelé. Les fonctio
dont il était revêtu, son caractère personnel
ses connaissances politiques le rendirent à
fois le conseil et le modérateur de cette asse) i
blée. « Sur sa proposition, adoptée à l'unanimi
il fut arrêté que le roi serait supplié de retii |
les nouveaux édits, de rendre à la province s
parlement, de convo'quer ses états particuliers, |
enfin de réunir les états généraux du royaum
On demanda en même temps que le nombre i
députés du tiers état fût égal à celui des deJ
autres ordres ensemble, et que le principe
vote par tête fût reconnu, ce qui établissait
nécessité de la délibération en commun» Ces piJ
positions fondamentales offraient aux yeux
Mounier le gage de la fusion des intérêts (
trois ordres (l). » Cependant les gentilshomn
de la province, bien qu'ils eussent en grarJ
partie coopéré aux résolutions de la preml
assemblée, voulurent en former une secoij
pour adresser particulièrement leurs réclan
tions au roi et lui exposer avec plus d'enerJ
l'état critique des choses. Ils s'adressèren
Mounier pour la rédaction de deux Mémoi 1
qu'ils envoyèrent à Versailles, par dix gent J
hommes, s'intitulant députés de la noblesse I
Dauphiné. Le premier ministre leur conte]
le droit de stipuler pour la noblesse daupbinoil
et, par une espèce de compromis , leur prop I
non pas les anciens états du Dauphiné, où « il
minaient, disait-il, ces institutions féodal
qui ne tenaient aucun compte du peuple, » ml
des états formés sur le type de ceux de PM
vence. Les députés y consentirent. Cepend I
des troupes s'avançaient vers le Dauphiné si
les ordres d'un maréchal qui avait ordre d'el
pêcher la réunion des états de la province don I
jour approchait. Mais l'opinion publique s'éJ
prononcée avec tant d'unanimité qu'il jugea s I
de ne pas s'y opposer. Le 21 juillet 1788 eut 1 1
la célèbre assemblée de Vizille, où devaient dl
bérer ensemble deux cent cinquante dépul
des deux premiers ordres, et deux cent cl
quante de toutes les municipalités. Peu aval
sous la direction de Mounier, les membres I
plus influents et les plus éclairés s'entendir I
sur la nature des résolutions à prendre afincBJ
bréger la durée de la séance solennelle et pl
venir les violences auxquelles l'autorité pour: I
recourir. La séance dura depuis neuf heures b
matin jusqu'à minuit. Mounier fut unanimem|
désigné comme secrétaire. On y arrêta de < q
mander au roi la convocation des étals gé fi
raux, le retour des cours de justice, et le rit*
(l) Encyclopédie des Gens du Monde, article M|
NIER.
781
MOUIVIER
782
blissement des états de la province ; mais à l'é-
gard de ceux-ci, il était remarqué qu'ils ne de-
vaient plus être regardés que comme provisoi-
res, et que les états généraux décideraient d'une
manière souveraine de l'organisation à donner
à tout le royaume. Après avoir consacré ces
grands principes, qui étaient tonte la révolution,
l'assemblée s'ajourna pour le 1er septembre sui-
j vant, dans la ville de Grenoble. L'archevêque de
I Sens, premier ministre, n'osant lutter de front
I contre ces déclarations hardies, prit d'hypocrites
i demi-mesures. 11 annonça les états généraux pour
f| le mois de mai prochain; mais il refusa le rap-
I pel des cours de justice. Jl accorda les anciens
|t états de la province, mais sans avoir égard à la
Û forme demandée, et les convoqua pour le 27 août,
k{ à Romans, tandis qu'ils auraient du. se réunir
ï 1er septembre à Grenoble. Les trois ordres s'en-
Jé tendirent pour protester, et Mounier rédigea les
y mémoires. Le ministre envoya l'ordre de l'arrêter
| ainsi que six gentilshommes. Mais les lettres
1 le cachet étaient à peine expédiées, qu'on reçut
lia nouvelle que le premier ministre avait été ré-
lluit à donner sa démission. La scène changea,
fît dans l'assemblée de Romans, Mounier fut re-
• jorté avec enthousiasme à ses fonctions de se-
f ;rétaire. Il rédigea la belle lettre écrite au roi
»iar les trois ordres réunis, le 14 septembre, et
»:elle qu'ils adressèrent en même temps à son
Aoremier ministre Necker. Il présenta un projet
«l'organisation des états de la province , d'après
iequel vingt-quatre membres du clergé, qua-
rante-huit de la noblesse, et soixante-douze du
tiers état devaient composer les états, y délibérer
len commun, et voter par tête. L'assemblée l'a-
■lopta, et après avoir achevé ses travaux en
ïjuatre semaines, se sépara en nommant une
eonraission de douze membres, séant à Gre-
noble, pour correspondre avec les ministres sur
accomplissement des vœux qui avaient été
formulés. L'exemple du Dauphiné donna un
iîhoc électrique à toute la France. La plupart
Ses proviuces réclamèrent , les unes leurs an-
biem états, les autres la formation de leurs as-
semblées provinciales sur le modèle qui venait
i'êtn établi. Partout, l'opinion publique se pro-
Mmçiit avec force et avec éclat. Le 1er décem-
ttre suivant, les états du Dauphiné s'ouvrirent,
rt déîlarèrent, r comme règle générale, que les
nrdres et les provinces devaient délibérer en-
embe, les suffrages être comptés par tête, et le
tiers état avoir le double des représentants des
leux autres ordres. Le 2 janvier 1789, les états,
t>t à l'impatience de la province, procédè-
rent à l'élection des députés aux états généraux,
■t Mounier fut nommé par des suffrages una-
UMes. Sur trois cents votants, il ne lui manqua
|oe teus. voix, la sienne et. celle de son père,
^unois de mars, il accompagna à Versailles
'archevêque de Vienne (Lefrauc de Pomp:gnan),
*ui arait présidé les états ; et le roi ayant dit au
•rélat qu'il le remerciait « d'avoir sauvé le Dau-
phiné, «celui-ci s"empressade répondre avecone
noble modestie: « Sire, ce n'est pasmoi, c'est ne-
tre secrétaire général, u
Mounier parut aux étals généraux avec la répu-
tation et l'influence qui appartenaient au premier
orateur des états du Dauphiné. il prit une part
activeauxcomféronces qui précédèrent la réunion
des ordres; il y iporlacetledroilurectcelfe justice
qui étaient la base de son caraotère. Il déclara
franchement aux commissaires du clergé et de la
« noblesse qu'il s'agissait d'assurer par une cons-
titution la liberté publique; que la réunion de tous
les députés était nécessaire pour un si grand objet ;
qu'elle était exigée par le vœu de la nation ;
qu'on ne pouvait y résister, non-seulement sans
une extrême injustice, mais sans une extrême
imprudence ». Les ordres privilégiés ayant per-
sisté dans leur refus de délibérer en assemblée
générale, les communes résolurent de se consti-
tuer activement en leur absence, et débattirent
quel nom elles prendraient. Plusieurs furent pro-
posés, celui de représentants du peuple fran-
çais par Mirabeau, celui de la majorité déli-
rant en Vabsence de la minorité par Mounier,
opposé aux partis extrêmes, et celui Rassem-
blée nationale par un député obscur, qui réu-
nit les suffrages, sous l'impulsion de Mirabeau
et de Sieyès. Le lendemain, 17 juin, les commu-
nes, à la majorité de 491 voix contre 90, se
constituèrent en Assemblée nationale, et com-
mencèrent le travail de la constitution. Peu de
jours après, une séance royale, tardivement ré-
solue, fut annoncée avec maladresse, et déna-
turée au moment de l'exécution. La cour fit
fermer la salle des états , sous prétexte des pré-
paratifs à faire. Les députés étant arrivés en
foule, sans avoir été prévenus, se virent ré-
poussés. Blessés dans leur dignité* agités de
craintes, se croyant menacés de dissolution,
même d'emprisonnement arbitraire, ils s'exaltent,
prennent la résolution de résister, et se réfugient
dans la salle du Jeu de paume ; et c'est là
que, sur la proposition de Mounier? tous les dé-
putés, moins un seul* s'engagent par serment à
ne pas se séparer avant l'établissement d'une
constitution que demandait la France entière.
Mallet-Dupan, qui plus tard reçut à Berne les
confidences de Mounier au sujet de cette pro-
position, s'exprime ainsi : « On a ignoré que,
rendus au Jeu de Paume, toutes les têtes étant
parties, l'abbé Sieyès voulut profiter de cet
échauffemenf eh proposant de se transférer sur-
le-champ à Paris, de s'y constituer et de décré-
ter au nom de la nation. Cette idée prenait fa-
veur : l'abbé Sieyès entouré des siens allait en
faire là motion, lorsque Mounier, pour détour-
ner ce coup, proposa le serment de rester unis
jusqu'à la constitution faite. Ce fut donc une
mesure forcée de sa part et indispensable dans
la circonstance. » Mounier lui-même ceufirme
ces motifs dans une note de son ouvrage inti-
tulé : Recherches sur les causes qui ont
783
MOUNIER!
78
empêché les Français de devenir libres ( pu-
blié en 1792, 2 vol. in-8°). Il y insiste particu-
lièrement sur la résolution qu'allait prendre l'as-
semblée d'aller chercher un asile à Paris, comme
chassée du lieu de ses séances, et sur les suites in-
calculables d'une telle démarche. Après la séance
royale du 23 juin, où le roi, instrument de pas-
sions qui n'étaient pas les siennes, avait parlé et
agi d'une manière si inconsidérée, Mounier s'éleva
avec énergie contre toutes les formes et contre
plusieurs dispositions des ordonnances qui
avaient été proclamées. Il imprima, en 1790 et
en 1792, que «la séance du 23 juin était cer-
tainement une des causes qui avaient préparé
l'anarchie qui déchirait la France ». Regardant
une constitution fixe comme le remède à la
violence des passions contraires, il pressa l'as-
semblée de s'en occuper, et obtint enfin, le
6 juillet, la formation d'un comité central, chargé
de préparer les travaux constitutionnels. Mem-
bre et rapporteur de ce comité, il appuya forte-
ment, en cette qualité, la proposition d'une
adresse au roi, présentée par Mirabeau, pour
demander l'éloignement des troupes qui mena-
çaient l'indépendance de l'assemblée; mais en
même temps il fit, au nom du comité central,
le rapport le plus favorable au pouvoir royal,
et il fut aisé de pressentir dès lors qu'il ne sui-
vrait pas le mouvement révolutionnaire jusqu'au
bout. A la nouvelte de l'exil de Necker, dont il
était partisan zélé, il dénonça avec force les
intrigues qui lui semblaient avoir suscité pour le
roi et la monarchie les plus graves dangers, et
proposa une adresse pour demander le rappel
des ministres disgraciés ( 13 juillet). L'insur-
rection éclata à Paris le 14, et le peuple s'em-
para de la Bastille. Les chefs du côté gauche
renouvelèrent avec plus de force la motion pour
le rappel des anciens ministres et le renvoi des
nouveaux, et en exigeant cette mesure comme
un droit de l'assemblée. Mounier combattit cette
prétention, et rappela les principes établis par
lui « que le roi était maître absolu- du choix de
ses ministres ; que des circonstances extraordi-
naires pouvaient seules autoriser l'assemblée à
former un vœu à cet égard ; que ce vœu dans
tous les temps ne pouvait se manifester que
par la voie d'une prière humble et soumise, et
que peut-être même devrait-on se l'interdire
aujourd'hui, si le roi n'avait fait hier un appel au
zèle des représentants de la nation, et ne leur
avait demandé leurs conseils sur les moyens de
ramener l'ordre et la paix dans l'État. » Malgré
les efforts de Mirabeau, la motion fut rédigée
dans le sens que voulaient Mounier et ses amis.
Dans la mémorable nuit du 4 août, il défendit
avec une grande énergie les droits de propriété.
A la lin de ce mois eut lieu le rapport du comité
de constitution.
Mounier proposa un projet tracé sur le mo-
dèle de la constitution anglaise. Il insista sur la
division du corps législatif en deux chambres, la
sanction royale dans toute sa plénitude, le droi jî
royal de convoquer, proroger, dissoudre l'assem
blée nationale. La discussion sur ces grande
questions fut acharnée et orageuse. Sur mil! | i
soixante votants, quatre-vingt-neuf seulement s i
déclarèrent pour les deux chambres; cent ving 1
deux dirent n'avoir pas entendu la question; 1 1
huit cent quarante-neuf, appartenant,à..la~jdi 1
mocratie et à l'aristoratie extrême, se pronoi
cèrent pour une chambre unique et pertni -
nente. On vota ensuite sur la sanction royali
désignée sous le nom impopulaire de vélo. Moi I
nier et ses amis le voulaient absolu ; mais I
veto suspensif l'emporta à la majorité de six ce: I
quatre-vingt-quatre voix contre trois cent vin^ -
cinq. Dès le lendemain il se retira du comité ( I
constitution avec Clermont-Tonnerre ( Stanislas
Bergasse et Lally-Tollendal (septembre).
Cependant , malgré l'échec du parti qui I
regardait comme son chef , Mounier fut élel
à la présidence de l'assemblée (28 septembre
Il n'accepta que parce qu'il y avait du dange
et bientôt les attentats des 5 el 6 octobre vi: I
rent mettre à l'épreuve la droiture et l'éne
gie de son caractère-. La plus terrible ferment i
tion régnait à Paris , et une multitude immens r
où il y avait beaucoup de femmes , s'était dirig I
sur Versailles. Mounier occupait le fauteu I
lorsque Mirabeau s'approche de lui et l'engagi I
lever la séance , quarante mille hommes arrivj I
de Paris ; il insistait fortement: « Eh bien, dit I
président,c'estuneraisondeplus pour que l'asseiB
blée reste à son poste. » — « Mais , monsieui I
président,on vous tuera : » — « Tant mieux : si 1' H
nous tue tous , tous sans exception , la chose p ■
blique en ira mieux. » — « Le mot est joli, me H
sieur le président ; mais si la famille royale est 1 I
duite à fuir, je ne réponds plus des conséquences ■
Cependant de nombreux individus , hommes I
femmes, avaient pénétré dans la salle-, et denuB
daient du pain avec une audace menaçante,» I
seul moyen d'obtenir du pain., leur dit-il avec coH
rage, estde rentrer dans l'ordre : plus vousn'M
nacerez, moins il y aura de pain. » A la têted'uM
députationjl se rend auprès du roi, et, luiexrB
sant avec franchise le danger, l'engage à sari
tionner les décrets de l'assemblée sur la tonnH
tution , mais à repousser la force par la for< ■
si l'issue du combat était contraire, il propos H
d'accompagner le roi , soit à Rouen , soit cans H
ville où les députés constitutionnels se réuniraiiB
autour de lui. Le roi approuva ce plan ; mais ( ■
heures précieuses furent perdues sans résultat ■
délibérations du conseil. Enfin l'acceptatioi pi H
et simple ayant été donnée, Mounier revinl ri; H
l'assemblée, qu'il trouva livrée au plus affreB
désordre et envahie par la populace. Il pirvfH
à rétablir un peu d'ordre, et invita les diSpuM
à se rendre auprès du roi, afin que leur pi&seï H
lui servît de sauve-garde. Mirabeau objectintcij
cette démarche compromettrait la dignité
l'assemblée : « Notre dignité , répondit lî pi I
MOU JN 1ER
786
idt'iit , est dans notre devoir ! » Mais la peur
vail glacé les courages. En vain il conjura les
épatés dévoués à l'accompagner. Il se rendit
resque seul auprès du roi, et ne s'en sépara
u'après s'être assuré que le général La Fayette
vait mis le château à l'abri de toute surprise.
I était trois heures du matin. Mounier était sur
ied sans avoir mangé depuis neuf heures du
latin, et crachait le sang. A son réveil, il ap-
rit les scènes terribles de la nuit, et, pénétré de
juleuret d'indignation , il envoya, le_8octobrer
i démission. 11 crut que le premier devoir des dé-
ités fidèles à leurs mandats était de se rendre
ins leurs provinces, pour éclairer leurs commet-
nts et proposer les moyens de réunir une nou-
ille assemblée. Arrivé à Grenoble, il agitdans ce
ns. Le mouvement qu'il détermina était de na-
re à se reproduire ailleurs. Un décret de l'As-
îinblée nationale interdit toute réunion des états
imme illégale, et les efforts de Mounier se
ouvèrent ainsi paralysés. Mallet-Dupan affirme
îe Mounier échappa à grand' peine aux assas-
18 , qui le cherchaient dans l'insurrection du 5
du 6 , et il déplore la position de cet homme
distingué , qui avait exposé sa vie en Dau-
liné pour la défense du peuple et de la liberté,
duit à chercher un asile au sein de la retraite,
publia un mémoire justificatif intitulé : Ex-
>sé de la conduite de Mounier dans l'Assem-
!ée nationale et des motifs de son retour en
miphiné; mais bientôt des lettres de Paris le
gnalèrent comme déserteur de la cause de la
Ivolution , comme traître ; et , les haines poli-
ijues s'exaltant avec les passions et la violence
js événements , ses parents et ses amis le déci-
ferent à quitter le Dauphiné. Il passa en Suisse
tac sa famille (mai 1790), et y resta jusqu'à la
» de 1792. Mounier publia à Genève sa brochure
ppel au tribunal de l'opinion publique sur
décret rendu par f Assemblée nationale, le
octobre 1790, et deux ans après son ouvrage
titulé Recherches sur les causes qui ont em-
îehé les Français de devenir libres, 2 vol.
, ouvrage très-remarquable par la portée
t& vues. Cependant sa position était devenue
fej-critique. Personne ne pouvait sans danger
ire passer des fonds à un émigré. Il avait refusé
S qui lui était offert par divers gouvernements,
' son travail seul pouvait créer les ressources
Êcessaires à sa famille. « Sa conduite à l'étfan-
W, dit M. Berriat- Saint -Prix, prouva que la-
^cessité seule l'avait décidé, à l'exil , et qu'il
tait, malgré son éloignement, conservé l'atta-
iement le plus sincère pour son pays. Non-seu-
ment il ne prêta ni son bras ni sa plume aux
inemis de la France , mais il prit encore la
irme résolution de ne point habiter dans leurs
tats, malgré la médiocrité de ses ressources et
difficulté de recevoir des secours de ses pa-
vots. »
Mounier se décida enfin à se charger de l'éduca-
on d'un jeune lord, petit-fils de l'amiral Hawke,
et cette tâche accomplie, il se fixa dans le duché
de Saxe-Weimar(l7;>5), Genève lui étant fermée
par suite de la révolution que la république
française y avait faite. Ce fut à Weimar qu'il
fit une perte doublement cruelle dans sa po-
sition. Sa femme, qui était aussi distinguée
par l'esprit que par les qualités, lui fut enlevée
par une maladie aiguë. Le duc, désirant le fixer
dans ses États, lui proposa de former un établis-
sement d'éducation pour les jeunes gens qui se
destinaient aux fonctions publiques, et lui aban-
donna la jouissance d'un de ses châteaux, appelé
le Belvédère (1797). Cette maison compta bien-
tôt parmi ses élèves les héritiers des premiers
noms d'Angleterre et d'autres pays étrangers.
Outre la direction générale , Mounier y fit lui-
même des cours de philosophie, de droit public
et d'histoire. Il mettait ses soins à exercer sur
les esprits une noble influence morale. Ce fut
pendant son séjour à Weimar qu'il publia son
ouvrage : De l'Influence attribuée aux philo-
sophes, aux francs-maçons et aux illuminés,
sur la révolution de France ; Tubingue, 1801 ;
Paris, 1821, avec des notes par Alph. Mahul.
C'est une réfutation des Mémoires pour servir
à l'histoire du Jacobinisme, par l'abbé Bar-
ruel. La première partie est un résumé rapide
de ses idées sur les causes de la révolution fran-
çaise. Les deux autres sont développées avec un
jugement impartial et d'après les meilleures
sources. Le 18 brumaire vint lui rouvrir les portes
de la France. Mounier demandait à rentier dans
cette patrie objet de sa constante affection. Ses
amis obtinrent, au commencement de 1801, sa
radiation de la liste des émigrés, et après avoir
confié son établissement à un digne successeur,
il revint à Grenoble en octobre. Il n'avait pas
l'intention de rentrer dans la vie publique, il
songeait même à former à Lyon une maison sem-
blable à l'école du Belvédère; mais ses anciens
collègues l'engagèrent à venir à Paris et à ser-
vir encore le pays d'une manière active. Le pre-
mier consul le nomma, au printemps de 1802,
préfet d'Ille-et-Vilaine. C'était un de ces dé-
partements où la guerre civile et la terreur
avaient causé le plus d'excès; il demandait un
magistrat qui réunît la plus grande justice à la
fermeté et au discernement. Ses lumières et son
intégrité y firent beaucoup de bien , et les Bre-
tons le présentèrent comme candidat pour le sé-
nat conservateur. Napoléon, qui connaissait sa
capacité, l'appela au conseil d'État. Mounier sut
avec tact et dignité y maintenir ses principes et son
indépendance. « Oh ï pour celui-là , disait de lui
Napoléon, c'est un honnête homme; je sais ce
qu'il pense. » (1804). Fixé à Paris, entouré de
ses enfanfs et de ses nombreux amis, il employa
ses loisirs à revoir ses cours du Belvédère, qu'il
se proposait de publier. Mais sa santé s'altéra
de plus en plus : une affection au foie, dont il
souffrait depuis longtemps, prit une grande inten-
sité, et il expira, à quarante-huit ans, des suites
737 MOUNIER
d'une hydropisie de poitrine , le 26 janvier 1806.
Regnauld de Saint-Jean-d'Angely , son ancien collè-
gue, prononça son éloge funèbre, devant le cer-
cueil et en présence d'un grand nombre de séna-
teurs, de législateurs et de tribuns. 11 peignit le
caractère de Mounier en un seul trait : Cet homme
avait soif de la justice. C'était en effet un ex-
cellent citoyen, qui n'eut pour guide que la droi-
ture et la vertu. Son nom plus tard fut honoré
de la pairie dans la personne de son fils ( voir
l'article suivant). Outre les brochures et écrits
cités j on a encore de Mounier les ouvrages sui-
vants : Considérations sur les gouvernements,
et principalement sur celui qui convient à la
France j 1789, in-8°. — Adolphe, ou principes
élémentaires de politique et résîillats de la
plus cruelle des expériences; Londres (Ge-
nève), 1795, in-8°. J. Chanut.
Thiers, Histoire de la Révolution. — Mignet, id. —
Droz, Histoire de Louis Xf^I. — Revue des Deux Men-
ues, 15 juin 1842, Les Monarchiens de l'assemblée co)is-
tituante. — Mallel-Dupan, Mémoire et Correspondance,
2 vol., 1851. — Album du Dauphiné. — Berrlat Saint-
Trix, Èloye historique de Mounier ; Grenoble, 1806. —
Rabbe, etc., Biographie universelle des Contemporains.
— Encyclopédie des Gens du Monde.
mounier ( Claude-Édouard-Philippe , ba-
ron), homme politique français, fils du précé-
dent, né à Grenoble, le 2 décembre 17S4, mort
le 11 mai 1843, à Passy, près Paris. Sorti de
France à l'âge de six ans avec son père, il y
rentra en même temps que lui, à la fin de 1801.
Nommé en février 1806 auditeur au conseil d'É-
tat, il suivit dans la campagne de Prusse l'em-
pereur, qui lui donna l'intendance du duché de
Saxe-Weimar, d'où il passa, en la même qualité
(de 1807 à la fin de 1808), dans la province de
B.asse-Silésie. De retour à Paris, après l'entrevue
d'Érfurt, au mois de février 1809, il remplaça,
comme secrétaire du cabinet, le général Clarke ,
qui était devenu ministre de la guerre, et accompa-
gna l'empereur dans les campagnes de 1809, 1812
et 1813. A vingt-cinq ans, il en avait reçu, avec
la croix de la Légion d'Honneur, le titre de ba-
ron et une dotation de 10,000 fr. de rente sur
les domaines de Poméranie. Maître des requêtes
en 1812, il fut en 1813 promu aux fonctions
d'intendant des bâtiments, l'une des places les
plus importantes de l'administration de la mai-
son impériale. En 1814, Louis XVIII confirma
Mounier dans l'exercice de cette place , réduite
toutefois à de moindres proportions, et il la con-
serva jusqu'en 1830. Pendant les Cent-Jours, Mou-
nier se retira à Weimar, et rentra en France avec
;e roi. Conseiller d'État au mois d'août 1815, ^t
attaché au comité de législation, il fut en janvier
1817 nommé membre de la commission mixte
chargée de liquider les créances que les souve-
rains étrangers faisaient valoir contre la France.
Président des commissaires français , Mounier
ne tarda pas à reconnaître que la nation ne pou-
vait sans d'énormes sacrifices acquitter cette
masse de dettes, et que le débat des intérêts res-
pectifs, si opposés entre eux, devenait la source
d'une irritation croissante qui traversait l'esp
conçu par le roi d'obtenir la libération du ter
toire. Il proposa donc une transaction qui
surait à chacun des États participant aux trai
une somme fixe au moyen de laquelle il devai
charger de désintéresser ses propres sujets.
plan ayant été adopté, les conventions du 25 a
1818 furent conclues par le duc de Richelieu
duc de Wellington et les ambassadeurs des p
sances signataires des traités de 1815. En
partissant entre les trente-six États réclama
une somme totale de 16 millions de rente, e
mirent fin à toutes les discussions , et l'évac
tion définitive du territoire français fut stipi
au congrès d'Aix-la-Chapelle, où Mounier
compagna le duc de Richelieu.
Compris dans la promotion de pairs qui
lieu le 5 mars 1819, Mounier refusa en 182(
portefeuille de l'intérieur, que le roi voulait
confier ; il ne se croyait pas assez d'expérie
et surtout d'habitude de la tribune. Néanmo<
cédant aux instances du duc de Richelieu, i
chargea, avec le titre de directeur général del
ministration départementale et de la police, d
partie la plus importante du ministère de l'i
rieur. Il quitta ces fonctions lorsque le duc de'
chelieu sortit du ministère (décembre 1821),
mis en service extraordinaire au conseil d'i
sous l'administration de M. de Villèle, et ne rei
dans le service actif qu'en 1828. Depuis c
époque il fut rapporteur des commissions char;
de présenter le projet de loi sur l'organisatioi
l'administration départementale et municipal
de résoudre tes questions difficiles élevées au
jet de l'enseignement dans les écoles ecclés
tiques. A la révolution de 1830, Mounier qu
le conseil d'État ; mais il continua dé siéger
chambre des pairs, aux travaux de laquell
prit la part la plus active. Nous devons une n
tion particulière aux rapports suivants : pu
de loi sur l'indemnité due aux colons de S»
Domingue (1826, 1839) ; sur la répressiond
traite des noirs (1831); la police du mu»
(1833, 1838, 1842); l'administration munici)
(1835, 1837); les attributions des conseils g<
raux (1837, 1838) ; l'état-major de l'armée (18;
les fortifications de Paris (1841). Dans céder
rapport , il défendit avec force l'amendement
la commission qui avait pour objet de supprii
l'enceinte continue. Enfin, en 1842, il fit lei
port du budget des dépenses pour l'exercice
1843.
Toutes les grandes questions dont Mouniei
fut pas chargé de préparer la solution , con
rapporteur, il les discuta avec non moins
succès comme orateur. Nous citerons, entre
très, les discours prononcés par lui en 18
contre l'abolition de l'hérédité dans la cham
des pairs et le projet de loi sur l'état de sié
en faveur des colons de Saint-Domingue et
pensionnaires de l'ancienne liste civile , sm
travail des enfants dans les manufactures, p
J9 MOUNIER
imnistie appliquée à tous les actes ; il combattit
ntroduclion «lu scrutin secret pour constater
décision des jurés, et il réfuta avec chaleur la
•feuse de l'esclavage dans les colonies présentée
r M. de Montlosier. Il demanda à plusieurs
prises qu'en Algérie la guerre fût ramenée,
tant que possible, aux règles ohservées ,par
l peuples civilisés. Mounier profita du droit
initiative dans deux circonstances importantes.
1 1836, il demanda qu'une commission fût
argée de rédiger un projet de loi qui fixateom-
étement la compétence et le mode de procéder
la cour des pairs. Nommé rapporteur, il pré-
nla à la chambre un projet en cent quarante-
ux articles, que dans la session suivante le
uvernement convertit en projet de loi, en y
angeant une seule disposition. Différentes cir-
ostances en devaient depuis écarter la mise en
libération. En 1839, il proposa et fitadopter par
chambre un projet de loi tendant! à faire res-
andre le nombre des promotions dans l'ordre
la Légion d'Honneur. A la fin de 1840, lors-
e M. Guizot quitta l'ambassade de Londres,
junior accepta une mission temporaire dans cette
le, et y passa quelques semaines. «■ L'année
mparavant, dit M. de Barante, on lui avait
•èrt de faire partie d'un cabinet qui se for-
ait; il fut étonné et point tenté de la prqposi-
jn. Sa vie publique était aussi honorable et
Ime; une vie privée, régulière, morale, se-
'»use, ajoutait à la considération qui T'entourait,
" Jbien être dont il jouissait. Le travail de l'é-
le n'était pas une fatigue pour lui. Il n'éprou-
it pas le besoin du repos ni de la distraction,
firié.en 1810 à M^e Lightone, qu'il avait eon-
ie en Allemagne , et qui non plus que lui n!a-
lit point de fortune, il avait goûté tout le
nheur intérieur qu'il s'était promis. Ses trois
les étaient mariées à des fils de ses amis ; son
J3 achevait son éducation. » Après de longues
icruelles souffrances, Mounier fut transporté
rs la fin de sa vie à Passy, où il mourut, à
ige de cinquante-neuf ans. La chambre des
kirs décréta à l'unanimité que son buste serait
lacé dans une des salles du Luxembourg,
i Mounier n'a fait imprimer aucun ouvrage. .11
[prononcé à la chambre des pairs les éloges de
iIly-Tolendal (1830) , de Fabre de l'Aude
833), de Laine (1836), de Sémonville (1840) et
! Pelet de la Lozère (1842). Il a écrit l'article
i duc de Richelieu pour la Biographie uni-
rselle des frères Michaud. [P. -A. Vieillajid,
nsVEncycl. des Gens du A/., avec addit.].
Biogr. nouv. des Centemp. — De Barante, Notice sur
minier, dans Le Moniteur du 20 février 1844.
imounslow (Lord). Voy. Littleton.
IMOCNTAGCE. Voy. Montagu.
mountfort ( William ) , acteur et auteur
iglais, né en 1659, dans le Staffovdshire, mort en
•92 , à Londres. Il débuta de bonne heure sur
théâtre, et acquit rapidement la réputation d'un
xellent mime. Dans une fête où il fut appelé en
— MOURA 790
lf>8.r> par le chancelier Jeffries, il imita successive-
ment tous les grands avocats de ce temps, et ren-
dit leurs gestes, leur ton de voix, leurs altitudes
avec tant de vérité qu'il était impossible de ne
pas les reconnaître. Il joignait à une (aille avan-
tageuse et à une belle ligure une grande décence
dans les rôles les plus opposés. Il termina de
lionne heure une carrière qu'il aurait rendue très-
brillante : il fut assassiné dans l'hiver de 1692,
en pleine rue, par le capitaine Hill, espèce d'a-
venturier aux gages de lord Mohun. Ce dernier,
accusé de complicité dans le meurtre, fut tra-
duit devant la chamhre des pairs et acquitté;
mais son innocence n'en resta pas moins fort
douteuse.
On a de Mounlfort six pièces, qui jouirent de
quelque succès : Injured Lovers (1688). Suc-
cessfytl Strangers (1690), Edward the third
(1691), Zelmane (1705), tragédies; Greenwich
Park (1691), comédies ; Life and Death o/doc-
tor.Faustus (1697), farce. K.
Baker, Biogr. Dramutica.
MOUQUÉ ( Jean ), poète dramatique français.
Il était de Boulogne et vivait au commencement
du dix-septième siècle. En 1612, il fit imprimer
à Paris une pastorale chrétienne intitulée : L'A-
mour desplumé, ou la victoirede l'amour di-
vin. Cette production bizarre, où figurent des
satyres, des nymphes qui sont métamorphosées
en rochers, des êtres allégoriques, est plus mo-
rale dans l'intention que dans le fait. Elle se ter-
mine en annonçant que
L'Amour est captif en prison ;
Il est plumé comme un oyson. G. B.
Bibliothèque du Théâtre français, 1768, t. 1, p. 448-
446. — P. Lacroix, Catalogue de la Bibliothèque drama-
tique de M. de Soleinne, t. I, p. 198, n» 950.
moura (Christoval, marquis de), homme d'É-
tat espagnol, né vers 1536, mort le 26 décembre
1613. Attaché à la personne de Philippe II, il lui
rendit des services signalés lors de la conquête du
Portugal. Dès l'année 1581, il avait épousé à
Lisbonne une Cortereal, et cette nouvelle alliance
contribua à le maintenir dans une position excel-
lente. Nommé conseiller intime à Madrid pour
les affaires relatives à la guerre, il devint après
la mort de Philippe l'un des quatre personnages
tout puissants , qui formaient la junte suprême
dirigeant le gouvernement. Il avait été chargé
d'ailleurs par le roi de faire exécuter ses der-
nières dispositions, et c'était lui qui se vil dépo-
sitaire des clefs sous lesquelles se trouvaient
renfermés les secrets les plus importants de l'É-
tat. Philippe III maintint ses bonnes grâces à
Christoval de Moura : il lui accorda la grandesse
et le créa duc; mais l'ancien favori refusa ce
dernier litre et n'accepta que celui de marquis.
En 1600 il fut envoyé à Lisbonne comme vice-
roi ; il remplit même à deux reprises diffé-
rentes ces hautes fonctions. On a publié récem-
ment sa correspondance avec Philippe II , dans
la vaste collection intitulée : Documentas ine-
ditos para la historia de Espana ; Madrid,
791
MOURA
impr.roy. Ces lettres jettent une vive lumière sur
les événements contemporains de Moura. F. D.
Papiers relatifs à la couronne de Portugal ;F.'Saint-
HUalre, Bibl. Imp. de Paris). — Art. biographique en lête
des lettres.
MOURA (Miguel de), homme d'État portu-
gais, né à Lisbonne, le 4 novembre 1538, mort
dans cette ville, le 3 décembre 1600. Il acquit
heureusement les bonnes grâces de Jean III, et
après la mort de ce roi il devint le secrétaire
de la reine régente dona Catharina. De là il
passa au service du cardinal infant don Henrique,
et la faveur dont il jouit sous ce prince, qui avait
été grand inquisiteur avant d'être roi , fut la
cause première de sa fortune. Toutes les affaires
de l'État lui avaient passé par les mains. Dès le
règne de donSébastien, et lorsque, après la jour-
née d'Alcaçar-Kebir, le cardinal fut monté sur
le trône, Moura fut en réalité l'administrateur du
royaume. Après la conquête du Portugal par
l'Espagne , Moura continua à régir les affaires.
Philippe II avait parfaitement deviné quelles
étaient les qualités administratives de cet esprit
froid , que les plus grands maux du pays trou-
vaient impassible et qui se vantait avant tout
d'avoir servi avec la même fidélité cinq rois ,
qu'ils appartinssent à son pays, ou bien qu'ils
fussent étrangers. Philippe le manda en Espagne,
et ce fut à Badajoz qu'il l'investit de tous ses
pouvoirs; il ne résida jamais plus de deux mois à
Madrid, et cela à diverses reDrises;mais ce temps
suffit au nouveau dominateur pour s'assurer
qu'il n'avait rien à craindre d'un homme étran-
ger à tout sentiment de nationalité. Ministre de
Philippe II à Lisbonne, Miguel de Moura admi-
nistra sans exactions criantes et surtout sans
exercer de cruautés ; c'est aujourd'hui à peu près
le seul mérite que l'histoire lui accorde. F. D.
Mémoires inédits, conservés à la Bibliothèque impé-
riale de Puris. — Barbusa Machado, Bibliotfieca Luti-
tana.
moura (Bento de), physicien portugais,
né à Moimenta-da-Beira, le 21 mars 1702, mort
le 27 janvier 1776. Il fit ses études à Coïmbre,
et voyagea durant huit ans. Accusé de trahison
en 1760, ou suspect aux yeux de Pombal,
dont il ne partageait pas les idées, il fut jeté
dans le fort de La Junquiera, et il y demeura
jusqu'à sa mort (1). Le terrible ministre au-
quel Moura avait déplu appréciait plus que
tout autre sa science , vraiment extraordinaire,
et son génie inventif; mais, par une cruelle
ironie, il prétendait que le bruit du monde eût
empêché ce savant de faire certaines décou-
vertes en physique et en mécanique que lui ré-
vélait naturellement la solitude de sa captivité.
(1) Moura eut d'abord un compagnon de captivité :
mais cette consolation lui (ut bientôt retirée, et il lui
arriva ce qui est advenu à tant de victimes du régime
cellulaire : sa tête s'égara , il eut des hallucinations. Rien
n'est touchant comme les paroles qu'il adressa à quelques
membres de la famille royale, dans l'Intimité desquelles
il avait vécu, lorsqu'il sentit que sa dernière heure était
venue.
Ses contemporains l'ont surnommé le Newt
portugais. Le P. Théodore Almeida adonné , de
le t. VI de ses Récréations philosophiques, \
ingénieuse explication de la tliéorie des mare
La plupart des manuscrits de Moura ont
perdus. On a imprimé un opuscule de lui i
fitulé : Invenlos e varios pianos de mell
ramentos para este reino, escriptos
prisées do Junquiera; Coïmbre, 1821, in-
C'est tout ce qui nous reste de cet esprit i
ventif. Le nombre primitif de ses manuscr
montait à vingt-huit cahiers. F. D.
J. da C. Neves Carvalho, O Panorama, j ornai lite
rio, ann. 1848. — Theodoro d'Almeida, Becreaçdo pli
sophica.
mopra (Jozé de Santo- Antonio), orien'
liste portugais , né à Almodovar, dans la secot
moitié du dix-huitième siècle, mort vers 1S-»
II parlait l'arabe avec une grande facilité, et lo
qu'en 1798 la reine de Portugal dona Maria
résolut d'envoyer J.-Pedro Colaço en ambm
sade auprès de Muley Solyman, empereur
Maroc , ce fut lui qu'on choisit pour être S
terprèle de cette mi'sskm diplomatique. Uprol
de son séjour à Fez pour se procurer des dot*
ments précieux'; il en rapporta entre autres
manuscrit des voyages d'Ibn-Batuta. De retci
en Portugal, Moura fut revêtu de plusieurs ch
ges dans l'ordre de la Merci, dont il devint
néral. Il n'occupait plus néanmoins cette digni
lorsqu'il publia le livre historique, si connu (
Arabes, qu'on désigne sous le nom d'Alcarti
Cet ouvrage fut traduit par lui en portugais se
le titre suivant : ffisloriados Soberanos mah
metanos das prïmeiras quatro dynastias e
parte da quinta que reinarâo na Mauritan
escriplaem arabe por Abu- Mohammed Assal
filho de Abdel ffalim, natural de Granad
Lisbonne, 1828, in-4°. Le Roudh-el-Kan
embrasse une période de plus de cinq sièclt
et son utilité historique est incontestable ; e
parut telle même en France dès le siècle
Louis XTV, puisque Petis de La Croix en eni|
prit alors une traduction, demeurée manuscri:
qui fut terminée Je 28 novembre 1693. De'
autres orientalistes, Tornberg et F. Dombay, s
occupèrent. Conde en fit usage pour ses trava
sur l'histoire d'Espagne; enfin un orientali:
habile , M. A. Beaumier, vient pour la premft
fois d'en donner une traduction, qui ne lais
rien à désirer. Elle a été publiée sous le til
de: Histoire des Souverains du Maghreb (I
pagne et Maroc), et Annales de la ville
Fez ; Paris, Imp. impér., 1860, in-8°. Il n'y
peut-être pas de traité historique provenu
de la littérature arabe qui mette plus claii
ment dans leur jour véritable les sentimei
politiques des musulmans à l'égard des chi
tiens et surtout la persistance de leurs préjugé
Aussi l'orientaliste portugais et M. A. Bea
mier ont-ils rendu un service incontestable
donnant chacun de leur côté une version t
3 MOURA —
irtas. Il est cependant hors de doute que le
rnier traducteur, éclairé par la comparaison
s textes, par son Ions séjour dans le Maroc et
r les discussions critiques de ses prédéces-
irs, laisse bien loin derrière lui son devancier,
i an avant sa publication, Moura avait donné
Irnme éclaircissement à son texte : Memoria
bre as dynaslias que tem reinado na Mau-
ania, com a Série chronoloyica dos Sobe-
nos de cada uma délias (voy. t. X, part. lre
} Mémoires de V Académie des Sciences de
«bonne). Bien des années après, il fit l'mpri-
•r le t. Ier seulement d'un important voyage,
i a trouvé également en France un excel-
it traducteur : Viagens extensas e dila-
Has do célèbre Arabe Abu- Abdallah, mais
ihecido pelo nome de Ben-Batula; Lis-
►me, imp. de l'Académie des Sciences, 1840.
sait.qTi'Ibn-Batuta, né à Tanger, en 1325, a
ursuivi ses voyages durant l'espace de vingt-
atre ans. Moura s'était procuré à Fez le texte
i a servi à cette traduction, et il a eu soin de
avenir que ce manuscrit avait été copié par un
i d'Ibn-Batuta lui-même. F. Denis.
fevue bibliographique de Miller et Aubenas. — Mémo-
s (la Academia dus Sciencias. — César de Figanière,
Miotheca Historica.
moura ( Caetano Lopes de), médecin et
érateur brésilien, né à Bahia, vers 1780, mort
>aris, le 22 décembre 1860. Il appartenait à la
sse des hommes de couleur; il commença
i études à Bahia , et vint les finir à Paris. En
|08 il était au service de l'armée française ,
aime chirurgien, et eut occasion de parler plus
■me fois à Napoléon Ier, dont il devait plus
d écrire une histoire abrégée pour la jeu-
sse (i). De retour à Paris, il se voua presque
clusivement à la culture des lettres. 11 tradui-
en portugais Chateaubriand , Walter Scott,
jtoper, etc. Il coopéra aussi à la collection pu-
ée par le vicomte de Santarem, et intitulée
fiadro elementar das relaçoes polilicas, etc.,
hrol. in-8°. 11 prit part à la rédaction portu-
jîsed'un utile ouvrage géographique, publié à
iiris sous ce titre : Diccionario Geographico ,
\storico e descriptivo do imperio do Brasil,
ra collegida e composta por Milliet de
tint- Adolphe, e trasladada em portuguez
} mesmo manuscripto inédite frances, com
tmerosas observaçôes addiçôes; Paris, 1845,
f6\. in 8°. Comme médecin Moura avait pu-
iléActe de se curar a si mesmo nas doenças
inereas; Paris, 1839, in-12. 11 collabora aussi
Cancioneiro del rey D. Diniz pela pri-
ira vez impresso sobre o manuscripto da
xticana, com algumas notas illustrativas et
ia prefaçao historico literaria; Paris, 1847,
8°- F. D.
1) fJistoria de Napoleâo Bonaparte, desde o seu nas-
nento ate a sua morte, seouida du descripçào das
\~emonias que tiveram loqur na trasladacào do seu
'po da ilha de Sancta-Helena para Paris; Paris,
S, 2 vol. in-12 , fig
MOUREAU
794
Diccionario nibUonrnpInio Pnrlwnies, e$tudos de S.
/■' da Sylva; l.lsh., lsso. — Renfelgn. partie.
MOURA». Voy. Muiui) et Amurat.
mouradja d'ohsso.v Voy. Oiisson.
mouravikf (Michel-Nikilitch), écrivain
russe, né àSmolensk, le 25 octobre 1757, mort
à Saint-Pétersbourg, le 29 juillet 1807. 11 fit ses
éludes à l'université de Moscou. A l'Age de dix-
sept ans, il entra dans la garde à Saint-Péters-
bourg, et n'y perdit pas, chose rare, le gont de
l'étude. A l'âge de vingt-huit ans, Catherine II le
choisit pour être le précepteur de ses petits-fils,
les grands ducs Alexandre et Constantin. Mou-
ravief composa pour ses augustes élèves diffé-
rentes pièces morales, qui ne furent tirées qu'à
dix exemplaires et qui sont devenues très-rares.
Après avoir achevé leur éducalion , il fut suc-
cessivement nommé sénateur, secrétaire d'État,
adjoint du ministre de l'instruction publique et
curateur de l'université de Moscou, où il a
laissé les meilleurs souvenirs : toutes ces diffé-
rentes charges ne l'empêchèrent jamais de cul-
tiver les lettres ; il avait surtout les classiques
grecs en prédilection. Ses œuvres, rassem-
blées en 3 vol. (Saint-Pétersbourg, 1820), sont
vraiment remarquables, autant par une grande
pureté de style que par une singulière et in-
croyable dextérité d'esprit. Pce a. Gn.
Gretch, Essai sur l'histoire de la littér. russe.
MOUREAU (Agricol), homme politique fran-
çais, né à Avignon, en 1766, mort le 23 novembre
1842. Après avoir terminé ses études, il entradans
la congrégation des frères de la Doctrine chré-
tienne, et professa les humanités aucollége d'Aix,
puis la rhétorique à celui de Beaucaire. Il em-
brassa avec enthousiasme la cause de la liberté,
et rédigea pendant quelque temps (avec Tour-
nai Le Courrier d'Avignon , feuille remar-
quable par une critique hardie, que ne se permet-
taient pasencore les autres journanx français. Élu
procureur de la commune d'Avignon en décembre
1792, puis membre du directoire du départe-
ment de Vaucluse, il acquit une grande popula-
rité, et fut chargé de plusieurs missions par di-
vers commissaires de la Convention. Jaloux de
son influence, ou plutôt blessés par la manière
indiscrète dont il en faisait montre , les repré-
sentants du peuple Poultier-Delmotf & et Bovère,
alors en mission dans le comtat, le firent arrêter
et transférera Paris, où il fut enfermé au Luxem-
bourg. Ses amis réclamèrent sa mise en liberté
à la société des Jacobins, et le présentèrent
comme une victime de son patriotisme. Il fut
réclamé également par les clubs de Beaucaire et
d'Avignon. La société des Jacobins prit sa cause
en considération, et lui nomma des défenseurs
officieux.. Moureau fut relaxé; il dut particu-
lièrement son élargissement à Bobespierre et à
Payan, agent national de 13 commune de Pa-
ris , avec lesquels il avait ouvert une active cor-
respondance (i). Il alla, le 25 avril 1794, remer-
(11 Ce fut Moureau qui fournit à Robespierre les dtf-
795
MOUREAU — MOURGUE
cicr la société des Jacobins de lui avoir fait ren-
dre justice , et y obtint une sorte d'ovation. Ap-
pelé comme témoin dans l'affaire de Matthieu
Jouve, dit Jourdan Coupe-Tête,, son ennemi
personnel, il le dénonça comme « royaliste,
contre-révolutionnaire et fédéraliste » ; ce fut
sur ces trois accusations banales , dont la der-
nière était tout à fait contradictoire avec les deux
autres, que Jourdan Coupe-Tête fut condamné à
mort par le tribunal révolutionnaire de Paris.
Moureau eût pu lui reprocher bien d'autres
crimes, malheureusement mieux prouvés. De
retour dans les départements méridionaux, Mou-
reau y fut reçu comme un personnage de haute
importance. Président de la Société populaire
d'Avignon, affilié aux autres clubs de la Provence,
agent actif des comités de Paris, il devint la
terreur des modérés de son pays. Quoique
sa correspondance avec Robespierre, Payan,
Maignel, etc., eût été saisie après le 9 ther-
midor an h , il ne fut pas inquiété immédia-
tement;; mais en 1797, à l'époque desélections,
il fut destitué et arrêté comme l'un des auteurs
des troubles qui à cette époque ensanglantè-
rent de nouveau Avignon. Après treize mois de
détention, il fut acquitté par le tribunal de Gre-
noble. En floréal an vu, élu député au Conseil
des Cinq Cents par l'assemblée scissionnaire du
Vaucluse, il donna presque aussitôt sa démission,
et refusa toute place sous le Directoire , le con-
sulat et l'empire , vivant modestement de la pro-
fession d'avocat. Ce ne fut que durant les Cent
Jours qu'il accepta les fonctions de procureur
impérial près la cour d'assises du Vaucluse.
Atteint, à la seconde restauration, par la loi du
29 octobre 1815, et mis en surveillance à Rouen,
il revint à Paris en 1817, fut- nommé le 20 fé-
vrier 1832 juge de paix du 3e arrondissement
de Paris, se démit de ces fonctions en avril 1838,
et termina ses jours dans l'étude et la retraite. On
a de Moureau : Réflexions sur les protestations
dupape Pie VII, relatives à Avignon; —
Essai sur l'esprit des lois françaises relatives
à l'adoption des enfants naturels; 1818, in-8°;
— quelques brochures sur l'organisation du
jury et les listes électorales. H. L. — r.
Le Moniteur universel, an il (179*) n° 115 292; an v,
n° 162; an vu, n° 233. — Biographie moderne (Pa-
ris, 1806). — Galerie historique des Contemporains (Mons,
1827).
mouret {Jean-Joseph),, compositeur fran-
çais, né en 1682, à Avignon, mort le 22 décem-
bre 1738, à Charenton, près Paris. Fils d'un
marchand de soie, il reçut une bonne éducation
et se fit connaître dès l'âge de vingt ans par des
morceaux de musique pleins de grâce et de fa-
cilité, il vint en 1707 à Paris, et fut bientôt re-
cherché de la meilleure compagnie pour les agré-
ments de. son esprit et de sa voix. La duchesse
tails de la mort d'Agricole Viala {voy: ce nom ), son ne-
veu, qui fut, avec le Jeune Barra, admis aux honneurs
du Panthéon, et dont la fête devait, dit-on, servir à l'exé-
cution des projets de Robespierre contre la Convention.
du Maine le chargea d'écrire la musique de <
fêtes brillantes que l'on nommait les nuits
Sceaux; il composa dans l'une de ces occasic
Les Amours de Ragonde et Colin, ou la soiA
de village , comédie burlesque due à la plui
de Destouches, et qui obtint encore du suce
lorsqu'elle reparut en 1742 sur la scène de 1'
cadémie royale. Il donna en outre à ce théâtre
musique de sept opéras ou ballets : Les Féi
de Thalie (1714), joué quatre-vingts fois de suii
Ariane et Thésée (1717) ; Pirithoiis (172c
Les Amours des Lieux (1727) ; Le Ballet c \
Sens (1732) ; Les Grâces" (1735) ; et Le Tem\
de Gnide (1741). A l'exception de ce demi
ces divers ouvrages furent accueillis avec fave i
et repris plusieurs fois; ils ont tous été gravrl
On a encore de Mouret des Cantates et Ca |
tatilles, trois livres d'Airs sérieux et à boit
des Sonates pour flûtes ou violons, des Fa
[ares, et six recueils de Divertissements pe-
la Comédie-Italienne. Ce musicien plaît suite
par l'heureux choix de ses motifs et par la gaii
de ses airs, dont beaucoup ont été chantés pe
dant longtemps et se sont en quelque Sorte pi
pétués jusque dans les vaudevilles modérai
Les œuvres légères de Panard , de Favart, e ■
n'ont dû en grande partie leur succès qu'en ei
pruntant à Mouret ses mélodies vives et nat
relies. En 1736 il essuya une triple infortune, c
dérangea son esprit et abrégea ses jours : il pi
dit environ 5,000 livres de pension que lui ra
portaient l'intendance de la musique de la d
chesse du Maine, la direction du concert spiriti
et la place de compositeur de la Comédie-It
lienne. On fut obligé de l'enfermer chez les Pèr
de la Charité à Charenfon , où il mourut. P.
Achard, Dict . de la Provence. — Félis, Biogr. un
des Musiciens. — De Léris, Dict. des Théâtres.
MOURGUE (Jacques- Augustin), économis
et philanthrope français , né à Montpellier,
2 juin 1734, mort à Paris, en janvier 1818. Nomr
directeur des travaux du port de Cherbourg,
s'y lia avec Dumouriez , alors commandant i
cette place, qui le présentaplus tard à Louis X1
comme apte à succéder à Rolland dans l
fonctions de ministre de l'intérieur. Ce posti
alors si difficile à remplir,lui fut confié le 1 3 ju
1792, et cinq jours après Mourgue donna sa d<
mission. Vivant depuis lors loin des affaires pol
tiques, il ne s'occupa plus que de bonnes œi
vres et de travaux philanthropiques. L'un di
administrateurs du mont de piété de Paris >
membre du conseil général des hospices civil;
il se distingua par son zèle et son activité dar
les améliorations nombreuses que su bi rent les b
pitaux et les hospices. Il proposa l'ëtablissemèi
d'une caisse de prévoyance, qui recevrait les plu
faibles économies de l'ouvrier et du domestique
en donnant un intérêt que le temps augmente
rait assez pour pouvoir fournir une ressourc
suffisante, dans les mauvais jours, à la viei
lesse. Mourgue était membre des sociétés d
MOURGUE — MOURGUES
798
mtpellier et de Bordeaux. Louis XVHI lui
I iléra la croix d'Honneur le 5 août 1814. On a
| Mourgue : Vues d'un citoyen sur la com-
Isition des États Généraux; 1788, in-8°;
I De la France relativement à l'Angle-
\re et à la maison d'Autriche; Paris,
1)7, in-8°. — Convient-il à la France d'à-
wrun Acte de navigation général et indé-
|i?'Paris, 1798, in-8° ; — Plan d'une caisse
I prévoyance et de secours présenté à V Ad-
ministration des Hospices et Secours à domi-
1»; Paris, 1809, in-8°. On trouve de Mourgue
lis les Mémoires de la Société des Sciences de
intpellier : Plan d'observations sur la cause
I variations de l'atmosphère (1772); — Ex-
I iences sur l'utilité qu'on peut retirer du
I vineux (1781), etc. — Essai de statis-
\ie; Paris, 1800, in-12. Cet ouvrage fut publié
I s le consentement de l'auteur. Halle et La-
ie, chargés de l'examiner, en firent à l'Insti-
un compte rendu favorable. Ce sont des ob-
rations sur les naissances, les mariages et
décès qu'il y a eu parmi les habitants de
ntpellier de 1772 à 1792, et sur les calculs qui
résultent pour les probabilités de la vie. On
joint le résultat des tables météorologiques
';s par Mourgue à Montpellier pendant l'es-
'î de quatorze années, de' 1772 à 1785.
H. F. (de Montpellier).
toniteur universel, 1792, 1798, 1818. — Mémoires de
oc. des Sciences de Montpellier, t. 2 et 3. — liiogra-
( inédite ) de l'Hérault.
Iovrgces ou MORGUES ( Matthieu m?),
|r de Saint-Germain, littérateur français, né
1 1582, dans le Velay, mort le 29 décembre
0, à Paris. Il prit d'abord l'habit de jésuite
égenta quelques classes à Avignon ; mais ayant
fté la société, il se rendit à Paris, et y prêcha
p un tel succès que la reine Marguerite de
ois le choisit, en 1613, pour prédicateur. Ce
lui fut aussi accordé dans la même année
le roi sur la présentation du cardinal Du-
on, et en 1620 il devint aumônier de Marie
Médicis. Dévoué à cette époque à Richelieu,
lorivit sous l'inspiration de ce prélat l'en-
eux pamphlet intitulé : Les Vérités chrê-
mes (1620), connu sous le nom de Mani-
\e d'Angers , et dirigé contre ceux qui avaient
à la reine mère l'éducation de ses enfants.
1626 il publia avec les notes du cardinal les
\i d'un Théologien sans passion, en réponse
attaques de quelques écrivains étrangers,
«que Richelieu se brouilla avec la reine mère,
I réussit pas à détacher d'elle l'abbé de Saint-
main ; voulant le punir de son dévouement,
empêcha d'obtenir à Rome les bulles pour l'é-
né de Toulon, auquel le roi l'avait désigné.
-si l'abbé fût-il obligé de renoncer à cette no-
tation et de se contenter d'une pension sur
èché. Après l'arrestation de Marie de Médicis
Dmpiègne, il se cacha quelque temps dans
«mille, et, averti des poursuites que le car-
dinal avait ordonnées contre lui, il alla rejoindre
sa maîtresse à Bruxelles (1631), et la suivit en
Hollande, en Angleterre et à Cologne. La mort
du cardinal lui permit de rentrer à Paris ; il se
retira dans la maison des Incurables , où chaque
année il prêcha le panégyrique de saint Joseph.
Parmi les nombreux écrits de Saint- Germain,
dont la plupart ont paru à l'étranger et sans nom
d'auteur, nous citerons : Diverses pièces pour
la défense de la reine mère et de Louis XI II;
Anvers, 1637-1643, 2 vol. in-fol. : ce recueil
peut être consulté avec fruit, en mettant de côté
les injures, les récriminations, les imputations
suspectes dont il est rempli ; — La seconde Sa-
voisienne, où se voit comme les ducs de Savoie
ont usurpé plusieurs États appartenant au
roi de France; Grenoble, 1630, in 8°; on attri-
bue aussi cet écrit à François de Rechignevoisin,
seigneur deTSuron; l'auteur de la première Savoi-
sienne était Antoine Arnauld ; — Discours sur le
prince (de Balzac); Paris, 1631, in-8° ; — Abrégé
de la vie du cardinal de Richelieu; Paris,
1643, in-4°; — Sermons; Paris, 1665, in-8°.
Il avait laissé manuscrite une Histoire de
Louis XIII et de tout son règne, qu'il ne vou-
lut jamais mettre au jour de son vivant; on
ignore ce qu'elle est devenue. P. L.
Bayle, Dict. Hist. et crit. — Lelong , Biblioth. Hist. de
la France.
mocrgues (Michel), érudit français, né
vers 1642, en Auvergne, mort en 1713, à Toulouse.
Il est probable que sa famille était originaire de
Saint-Flour. Admis dans la Compagnie de Jésus,
il s'y distingua par sa droiture, son érudition
et sa piété. Il professa pendant longtemps la rhé-
torique et les mathématiques au collège de Tou-
louse, et mourut dans celte ville, d'une maladie
épidémique. Ses principaux ouvrages sont : Nou-
veaux Éléments de Géométrie par des mé-
thodes particulières en moins de cinquante
propositions; Toulouse, 1680, in-12; réimpr.
dans différentes villes ; — Traité de la Poésie
françoise; ibid, 1685, in-12; Paris, 1724, 1729,
1754, in-12, avec des additions du P. Brumoy.
« L'auteur, dit Sabatier, a joint à ses préceptes
quelques exemples de sa façon, et entre autres
un du chant royal et de la ballade, dont il paraît
avoir bien saisi l'esprit » ; — Recueil d'apoph-
theqmes ou bons mots anciens et modernes mis
en vers français ; Toulouse, 1694, in-12 ; — Pa-
rallèle de la Morale chrétienne avec celle des
anciens philosophes ; ibid., 1701, in-12; Paris,
1701; Bouillon, 1762, in-12 : Feller, qui est
vraisemblablement l'éditeur de la dernière édi-
tion, place cet ouvrage au-dessus de tous les au-
tres ; on y trouve à la suite une paraphrase chré-
tienne du Manuel d'Èpictète, composée par
un solitaire de l'Orient en langue grecque et de-
meurée inconnue jusqu'au dernier siècle ; —
Plan théologique du pythagorisme et des
autres sectes savantes de la Grèce, pour ser-
vir d'éclaircissements aux ouvrages polémi-
MOURGUES — MOUSIN
81
gués des Pères contre les païens, avec la tra-
duction de la Thérapeutique de Théodorat,
où Von voit V abrégé de ces fameuses contro-
verses; ibid., 1712, 2 vol. in-8° : ouvrage rempli
d'érudition. Quelques auteurs ont donné mal à
propos à ce jésuite le nom de Morgues. P. L.
Moréri, Grand Dic.t. Hist. — Feller, Dict. Hist. — Sa-
batier, Trots Siècles littér.
mouriez {Jean- Joseph), auteur drama-
tique français, né en 1794, à Paris, où il est
mort, le 16 octobre 1857. Fils d'un commer-
çant, il vendit lui-même des rubans; vers 1827
il fut forcé de déposer son bilan. Ce fut alors
qu'il se mit à écrire pour les scènes de genre. En
1832 il obtint la direction du théâtre des Folies-
Dramatiques, et sut, par son activité et son in-
telligence, en faire un des plus prospères de
Paris. Sous le nom de Valory, il a fait jouer un
grand nombre de pièces dont la plupart ont été
écrites en collaboration. E. C— r. ,
Gazette des Théâtres, oct. 1857.
mourre [Joseph- Louis-Henri-Grégoire, ba-
ron), magistrat français, né à Lorgues (Provence),
le 12 mars 1762, mort à Paris, le 7 septembre
1832. Après avoir fait ses études chez les Doctri-
naires, il professa dans cette corporation les hu-
manités et la philosophie; puis il étudia le droit
à Aix , et fut avocat au parlement de cette ville.
En 1790 il vint à Paris, entra au ministère de
ia justice, et y était chef de la division civile,
lorsque les électeurs le désignèrent pour une
place de juge au tribunal de la Seine. Sous le
consulat, il devint commissaire du gouvernement
près le tribunal d'appel de Paris, et sous l'em-
pire procureur général près la cour impériale.
Il exerça ces fonctions jusqu'au 8 février
ïSli, époque où il fut nommé président de la
chambre civile de la cour de cassation. Il rem-
plaça Merlin (de Douai) dans le poste de pro-
cureur général ( 13 février 1815); mais il refusa
lors du retour de Napoléon de prêter un nou-
veau serment. Il reprit sa place en juillet 1815,
et l'occupa jusqu'à la révolution de Juillet. En
1810 il avait été nommé baron de l'empire.
On a de lui : Œuvres judiciaires, ou recueil
contenant les plaidoyers du procureur gé-
néral près la cour d'appel de Paris, dans
les causes célèbres, suivis des arrêts, dis-
cours et Réquisitoires ; Paris, 1812, in-4°. R.
Docum. partie.
: MOCSA. Voy. MUSA.
mouschegh ï, prince et connétable armé-
nien, de la famille des Mamigonians, né vers
330, à Daron, mort dans la même ville, en 381.
Son père Vasag , prince de Daron , ayant été
emmené prisonnier en Perse, en 370, avec le roi
d'Arménie, par le roi Schahpour H, Mouschegh
hérita des domaines et dignités paternelles. En-
voyé à Constantinople , auprès de l'empereur
Valens, parle patriarche Nersès I, il revint en
Arménie avec une armée romaine sous les or-
dres de Terentianus, qui l'aida à délivrer le ,
jeune prince Bab, enfermé par les Persans da
la forteresse de Pharandsem. Bab ayant été ï
tabli sur le trône de l'Arménie, en 371, Moi:
chegh agrandit la monarchie, en occupant 1'.
tropatène/et en battant plusieurs fois Mérouja
prince de la 'tribu arménienne des Ardzrouniei
prince qui, trahissant sa patrie, servait comme $
néral des Persans. Bab, après six ans de ma
vais gouvernement, ayant été assassiné,
377, par Trajan, général romain, Mouschegh ;
ministra le royaume jusqu'à la nomination d'
nouveau roi, Varaztad , paT l'empereur romaJ
Le prince de Daron , qui, encore en 380 , av
repoussé deux fois Méroujan et les Persans, .
assassiné l'année suivante par ordre du nouve
roi , qui ne se conduisait pas mieux que ses pi
décesseurs. Ch. R — n.
Moïse de Khorène, Histoire de l'Arménie. — Mie
Tchamtchitch, Histoire de V Arménie.
mocschegh il, prince et connétable ;
méninn , de la même famille que le précédei
né à Daron, vers 530, mort en 604, dans la mêi
ville. Fils aîné de Vart, il succéda à son père dé
la principauté de Daron. Nommé duc del'Armé
romaine, par l'empereur Maurice, en 570, il va
quit plusieurs fois les généraux d'Hormouz,
de Perse. Ce dernier ayant été assassiné,
590, Mouschegh II soutint l'héritier légitin
Khcsrou Parviz, ainsi que ses oncles, Berdouï
et Kettehm, contre l'usurpateur Bahram Tch<
bin. Khosrou, après avoir été rétabli sur le tre
de Perse avec l'aide des Byzantins Mousche
( auquel le nouveau roi avait promis le marzban.
ou gouvernement de l'Arménie), se voyant si
planté par un autre, se retira dans saprincipau
En 603, Khosrou,ayant demandé auprincedel
ron des troupes auxiliaires contre les Byzanti
celui-ci s'y refusa, et battit même les troupes pi
sanes. Mouschegh mourut l'année suivante, 1)
sant la principauté de Daron à son neveu Valu
Ch. R.
Jean VI le Katholikos, Histoire de l'Arménie. —
Saint-Martin, Mém. hist. et litt. sur l'Arménie.
mocsin (Jeah), savant médecin français,
le 19 janvier 1573, à Nancy, mort en 1645, p
de cette ville. Il fit à Cologne ses études clai
ques, prit à Paris les premiers degrés en mé
cine, visita les principales universités de Fran
d'Espagne, d'Allemagne et d'Italie , et fut r
docteur à Padoue. De retour dans sa patrie
devint médecin ordinaire de Charles III, duc
Lorraine, et occupa la même charge auprès
duc Henri, qui lui accorda en 1608 des letl
de noblesse. L'étude fut la passion domina
de Mousin : il s'appliqua successivement
mathématiques, aux antiquités et aux scien
naturelles. Ennemi juré de toute charlatai
rie, « il parvint, ditÉloy, à purger la Loraï
de ces fripons célèbres qui, avec peu de b»
roots et de mauvais remèdes, empoisonn
le public crédule. » Sa courageuse c
dnite ne pouvait manquer de lui susciter
:i
«
01 MOUSIN — MOUSSAUD
nnemis; « ils lui firent mille tracasseries-, et
802
u causèrent des désagréments si souvent répé-
s ((lie cet homme qui sut écrire contre les sots
'eut pas assez de philosophie pour les mépri-
•r. » Il se fit bâtir une maison sur une colline
jisine de Nancy, et vécut plus dé trente ans
ins cette agréable retraite. On a de lui : Dis-
>urs de l'ivresse et ivrognerie , auquel lés
mses , nature et effets de l'ivresse sont am-
'ement déduits, avec la guérison et préser-
ïtion d'icelle, ensemble la manière de ca-
nisser et les combats bachiques des anciens
rognes; Toul, 1612, in-12 ; trad. en latin sous
titre de Pandora Bacchica furens medicis
mis oppugnata (Toul, 1614, in-12); par Ca-
et; — Hortus iatrophysicus, in quo im-
ensam exolicorum florum sylvam cuivis
•cerpere licet; Nancy, 1632, in-4°; l'auteur
aminé, dans une suite de dialogues, diverses
lestions d'hygiène. D'après Haller, c'est un ou-
i«ge rempli de paradoxes. P. L.
iloy, Dict. hist. de la Médecine. — Calmet, Biblioth.
Lorraine. — Haller, BMioth. Botanica, II, 443.
(mouskes ( Philippe ) , prélat et historien
|ge, né à Gand, vers 1215, mort à Tournai, le
décembre 1283 (1). Meyer, Sander et Gra-
»ye,dans leurs écrits sur l'histoire du Brabant,
; donnent le nom de Philippe Mus, et Paquot
ppelle Philippe Mussche, bien que, dès le pre-
jeïversdesa chronique, toute difficulté soit le-
le à ce sujet :
Phelippes Mouskes s'entremet
EnsI que point de faus n'i met, etc.
wenu au plus tard, en 1242, chanoine, puis
ancelier de la cathédrale de Tournai, il fut
|i, en 1274, évêque de cette ville, et semon-
fort jaloux des privilèges de son église. Il
auteur d'une chronique métrique contenant
31,286 vers toute l'histoire de France et de
kndre, depuis l'enlèvement d'Hélène par Paris,
immencement obligé de toutes les chroniques,
«m'en 1242. il est apparent qu'il la termina
Jnt d'être élevé au siège épiscopal ; mais rien
mpêche qu'il ne l'ait retouchée depuis. On n'en
pnaît qu'un seul manuscrit, conservé aujour-
lui à la Bibliothèque impériale de Paris, sous
numéro 9634. Il forme un petit in-folio «n
rchemin, sur deux colonnes. C'est de ce ma-
scrit unique que Du Cange a tiré les nombreu-
; citations dont il a semé son Glossaire de la
Unité du moyen âge ainsi que les notes et les
isertations dont il a enrichi l'Histoire du roi
int Louis, écrite par le sire de Joinville. C'est
ssi de là qu'il a extrait pour le joindre à son
pion de Villehardouin, publié en 1657, le mor-
ju relatif aux empereurs français de Constan-
pple, qui commence au folio 134 du manus-
jt et n'en est qu'une très-faible partie. Cet ex-
) Et non le 24 février 1882, comme l'assurent les au-
ts de la Calliâ Christiana et quelques autres histo-
ns; car on a de lui un acte en faveur de son église
i du mois de mai 1283.
NOOV. BIOCR. GÉNÉfi. — T. XXXVI.
trait, saut quelques vers, a été réimprimé par
Buchon dans sa Collection des Chroniques na-
tionales françaises, tome Ilf. On a porté bien
des jugements divers sur cette chronique ; mais
c'est encore Du Cange qui l'a le plus sainement
jugée. «Elle est, dit cet érudit, remplie de re-
marques intéressantes et curieuses, bien que
son auteur n'ait eu garde d'oublier les fables de
l'archevêque Turpirt, et d'y en joindre de nou-
velles, v 11 est sans doute inutile de demandera
Philippe Mouskes, comme poète, de l'invention,
des mouvements variés, de l'harmonie, de l'é-
légance, des images riantes, gracieuses ou ter-
ribles. Toutefois, son ouvrage n'en est pas
moins le monument Je plus vaste, le plus entiei
de la langue romane en Belgique. Historien, il
mérite l'éloge qu'en fait le grave et judicieux Du
Cange. La moitié de cette chronique appartient
à l'âge héroïque et est envahie par des fables :
mais ces fables ; elles-mêmes sont l'histoire df.'
l'esprit humain, et elles aident à trouver ia fi-
liation des croyances merveilleuses qui sem-
blent traduites dans toutes les œuvres du moyen
âge. Au surplus, l'histoire proprement dite ne
perd point ses droits dans le reste de cette chro-
nique ; elle y révèle beaucoup de faits que l'on
chercherait vainement ailleurs, ou les présente
sous une face imprévue. La Chronique de Phi-
lippe Mouskes a été publiée à Bruxelles, 1836-
1838, 2 vol. in-4°, par les soins du baron de
Reiffenberg, qui a enrichi cette édition d'une in-
troduction, d'un commentaire et d'appendices
d'une grande érudition. H. Fisquet..
Gallia Christiana, t. III. — Jean Cousin, Histoire de
Tournai. — Hist. littéraire de la France, t. XVI, p. 132-
133. — Foppens, Bibliotheca Belgica. — Du Cange, His-
toire de Constantinople sous les empereurs français.
moussard ( P.), littérateur français, mort
vers 1835. Au commencement de ce siècle, il
exerça à Paris, la profession de libraire. Sous
l'empire il résida à Copenhague et à Saint-Pé-
tersbourg, et revint en France en 1814. Il a pu-
blié divers ouvrages, entre autres : La Liber-
téide, ou les phases de la révolution fran-
çaise, tableaux héroï -lyriques ; Paris, 1802,
in-8°, avec portrait; — Les Diversités lilté-
ra 1res; Saint-Pétersbourg, 1812, in- 8°: recueil
de poésies fugitives; — La Grandeur et les
Bienfaits de l'Éternel dans le christianisme,
poème religieux; Paris, 1818, in-8° , reproduit
en 1819, sous le titre : Les Prêtres tels qu'ils
devraient être. En 1831 il a édité Le véritable
Mayeux, évangéliste populaire, feuille qui a
paru jusqu'à l'année suivante. P. L — y.
Quérard , La France Littéraire.
MorssAru ( Jean-Marie ), littérateur fran-
çais, né en 1743, à Courçon ( Saintonge ), mort
le 11 janvier 1823, à La Rochelle. Il embrassa
l'état ecclésiastique et se dévoua à l'enseigne-
ment; ayant refusé de prêter serment à la
constitution civile du clergé, il fut forcé de s'ex-
patrier. Sous l'empire il devint chanoine de la ca-
thédrale de La Rochelle. Depuis 1778 il était
26
803 MOUSSAUD
membre de l'académie de cette ville. On a de
lui : Enconiium Rupellec, ou Éloge de La Ro-
chelle , latin-français; La Rochelle, 1771,
in-8°; — Principes de VArt oratoire; Paris,
1788, in-8°; la 2e édit. porte le titre de Nouveau
Plan de Rhétorique ( Paris, 1804, in- 12 ); —
L 'Alphabet raisonné, ou explication de la
figure des lettres; Paris, 1808,2 vol. in-8°; —
Roman d'optique, ou probabilités sur l'exis-
tence des différentes espèces de vues, d'après
lesquelles on examine si l'homme voit la na-
ture sous son plus bel aspect ; Paris, 1810,
in-12 ; 2e édit., corrigée, 1820, in-8°; — Dis-
cours et Dissertations littéraires sur diffé-
rents sujets; Paris, 1812, in-8°; — Plaidoyer
sur quatre espèces de fleurs ; Paris , 1817,
in-8° ; ces fleurs sont le lis, la rose, l'œillet et
l'immortelle, emblèmes de la noblesse, de la
beauté, de l'estime et de la durée; — Des mer-
veilleux Effets de la vis d'Archimède rappro-
chés des mystères de la religion ; La Rochelle,
1821, in-8° fig: P. L.
Lesson, Fastes historiques, I, 20. — Gautier, Statist.
de la Charente- Infér. — Rairiguet, Biographie Sain-
tongeaise.
mocssayé ( La). Voy. La. Moussave.
moustapha. Voy. Mustapha.
mocstier (De), famille originaire de la
Franche- Comté, dont on sait la filiation à partir
de Renaud de Moustier, qui accompagna Phi-
lippe-Auguste à la troisième croisade et qui
petit en 1 190, au siège de Saint-Jean d'Acre.
Rogez, Le Noblesse de France aux croisades. — La
Chesnaye des Bois, Dict. de la Noblesse. — Guillaume,
Hist. des Sires de Salins (Besançon, 1758), I, 231.
mocstier ( Éléonore - François - Élie,
comte, puis marquis de ), général et diplomate
français, né le 15 mars 1751, à Paris, mort le
28 janvier 1817, à Bailli, près Versailles (1).
Après avoir passé quelque temps au collège des
Jésuites de Heid'elberg, il fit à Besançon l'ap-
prentissage des armes, et passa en 1767 comme
sous-lieutenant dans le régiment de Royal Na-
varre, auquel le régiment de Moustier venait
d'être réuni. Attaché en 1769 à l'ambassade du
marquis de Clermont d'Amboise, son beau-frère,
il resta deux ans à Lisbonne, et le suivit encore
en 1775àNaples. En 1778 il fut nommé àlafois
mestre de camp d'un régiment de dragons , et
ministre du roi près l'électeur de Trêves. Il se
rendit à Londres en 1783, après la signature de
la paix, et fut chargé d'y régler certaines diffi-
cultés relatives à l'Espagne. Il avait remplacé
(1) Son père, Louis-Philippe - Xavier , né le S novembre
1707, au château de Nans, servit avec distinction en Alle-
magne, en Italie et en Flandre, devint maréchal de camp
en 1761, et mourut en avril 1776, à l'aris, laissant la répu-
tation d'un des meilleurs officiers de cavalerie de l'armée.
— Son frère aîné, Charles, né en 1739 et mort le 17 oc-
tobre 1801, à Paris, prit part à la guerre de Sept Ans, et
fut créé en 1780 maréchal rie camp. Élu en 1788 député
(le la noblesse de Franche- Comté aux états généraux,
il (|uilla celte assemblée au moment de la fusion des trois
ordres. Arrêté en 1793, il fut mis en liberté après le
9 thermidor.
- MOUSTIER c
depuis i787 M. de La Luzerne aux États-T. I
lorsque la révolution éclata ; le désir de sui I
de plus près le mouvement des esprits l'enga I
à solliciter un congé, et il revint à Paris à la I
de 1789. Pendant son séjour, on l'envoya I
ambassade à Berlin (1790). Au mois de il
tembre 1791 il fut rappelé par une lettre ail
graphe de Louis XVI, qui lui proposait pou I
seconde fois le ministère des affaires étrai I
res (1). Mais à son arrivée l'autorité ro; I
était déjà débordée ; dans de telles circonstail
son caractère ferme et ses principes monarchie I
bien connus ne pouvaient que compromettr I
roi; celui-ci le comprit, agréa son refus, etl
donna l'ambassade de Constaûtinople (2). I
comte de Moustier renonça bientôt à ce pc I
et se rendit auprès des princes, qui lui confié: ;
des pouvoirs illimités pour traiter avec les s I
verains alliés des intérêts de la rïioharcbie fi I
çaise. 11 venait d'obtenir du roi de Prusst I
reconnaître le comte de Provence comme ré| I
du royaume pendant la captivité de Louis 3l
lorsque la retraite de l'armée prussienne dcl
un autre cours aux événements; sa corresr.il
dance secrète fut saisie, et un jdéenet d'accil
tion fut voté contre lui, le 22 octobre 1792, I
demande de Hérault de Séchelles. Il résida |
à tour en Angleterre et en Prusse, et la cons
ration que pendant ses missions il s'était
qu.ise dans ces deux cours le mit plus d
fois à même de se rendre utile aux princes
lés (3). A la fin de 1795, après le désaslr
Quiberon, et quand le cabinet de Londres j
mettait de nouveaux secours aux royaliste
fut nommé commissaire général de Louis X'
dans les départements insurgés; la pacillca
de la Vendée en 1796 le força de pourvoi
nouveau à sa sûreté. Devenu marquis pi
mort de son frère aîné (1801), M. de Moui
résida à Berlin en qualité d'envoyé secret
comte de Provence jusqu'en 1806, où, par s
de l'occupation de la Prusse, il passa en
une fois en Angleterre. Il ne rentra en Fr<
qu'en 1814, et accompagna le roi à Gand. En J
il se retira dans une maison de campagne <
possédait près de Versailles, et y mourut d
attaque d'apoplexie. Il avait été nommé m
chai de camp, le 30 décembre 1814, pour prêt
rang du 1er janvier 1794, et lieutenant gène
(1; Mirabeau avait envoyé dès lé 20 octobre 1790 la
Suivante à la cour : « Il faut avant tout avoir quelq
au conseil avec qui S'on puisse causer à cœur ouve
faut y faire entrer M. de Moustier... » [Corresp. de
rabeau avec le comte de La Marclc, II, 274, el
286, 289).
(2> Tous les détails de cetle affaire se trouvent da;
Correspondance de Mirabeau (III, 247 219, 254, 2.
259), dms les Mémoires d'un homme d'État (I, &
dans les Mémoires de Bertrand de Mollevillc (éd.
I, 200). « Sa réputation méritée de talent, d instrui
et d"énergie, dit ce dernier, le fit regarder coinnu
homme dangereux p^iur la révolution et anima ce
lui tous les partis qui la soutenaient. »
(3) Voy. les Lettres de Louis XVlll au comt
Saint- fr lest, p. '«5.
)5 MOUSTIER
2 octobre 1816. On a de lui : De V Intérêt de
: France à une constitution monarchique ;
Mlin-, juillet, 1791, in-8°; — De V Intérêt de
Europe dans la révolution française ; Lon-
es, 1793,in-8°; — Observations sur les dé-
grafions du prince de Cobourg aux Fran-
isparun royaliste français ; Londres, 1795,
-8°; — De V Intérêt de la monarchie prus-
mne dans les conjonctures actuelles; en
lemagne , févr. 1796, in-8°. La plus grande
rtie des ouvragés sortis de sa plume est res-
! inédite.
.ourcelles (De), Dict. fiist. des Généraux français. —
cùments particuliers.
movstier (Clément- Edouard, marquis
), diplomate français , fils unique du précé-
<it, né le 2 janvier 1779, à Coblentz, mort le
anvier 1830, à Paris. Il avait treize ans quand
il père, décrété d'accusation par la Convention,
«relia un asile à l'étranger. Tout fils d'émigré,
as peine d'être réputé émigré lui-même, de-
: t être rentré en France avant quatorze ans ;
Duard de Moustier allait atteindre cet âge ; i!
1 tta l'Académie de Stuttgard, où il étudiait, et
int à Paris avec son précepteur dans les der-
rs jours de 1792. Tour à tour incarcéré, puis
ssociant avec ardeur aux efforts tentés contre
touvoir révolutionnaire, il s'expatria à la suite
«mouvement du 13 vendémiaire, où il avait été
|ssé, et alla en Angleterre retrouver son
e. Au mois de mars 1796, il alla se joindre,
is la basse Normandie, au détachement du
Ute de Frotté, près duquel il combattit en qua-
d'aide de camp jusqu'à la pacification. Il re-
It à Paris à l'époque où fut tenté le mouve-
ot royaliste que comprima le coup d'État du
fructidor. Attaché le 1er mai 1800, comme
Ve diplomatique, au ministère des affaires
ères, il remplit, de 1800 à 1812, diffé-
Ites missions en Allemagne, et fut successive-
nt secrétaire de légation , chargé d'affaires à
ksde, ministre plénipotentiaire près du grand-
; de Bade et du roi de Wurtemberg; il quitta
Hernier poste au commencement de 1813 pour
Itrer dans la vie privée. Il ne reprit du ser-
e qu'à la (in de 1820, et alla à Hanovre et de
\ Berne en qualité d'envoyé extraordinaire et
Ïiinistre plénipotentiaire. Sa mission en Suisse
marquée par plusieurs négociations impor-
tes. Élu député du Doubs en 1824, il suivait
f*aris les travaux de la session lorsque Châ-
ubriand quitta le ministère des affaires étran-
ges; l'intérim lui en fut confié, avec le titre de
ecteur des affaires politiques, et ce fut en
klité d'ambassadeur qu'ensuite il retourna en
jsse. Il passa en 1825 à l'ambassade d'Espagne,
(graves difficultés l'y attendaient. A la mort
| Jean IV, la guerre civile avait éclaté en Por-
tai. Les grandes puissances continentales, re-
I tant une intervention anglaise, insistaient près
lia cour de Madrid pour qu'elle ne donnât
■ une marque de la faveur qu'elle semblait por-
— MOUTON . 80C
ter à la cause de don Miguel. Bien que cette con-
duite fût en opposition avec les idées person-
nelles de M. de Moustier et qu'il ne le cachât pas
à son gouvernement, il agit énergiquement dans
le sens qui lui était indiqué ; mais malgré les
protestations du gouvernement espagnol, ses pré-
férences se trahirent par des actes patents, et
dès lors le cabinet des Tuileries dut rappeler son
ambassadeur. 11 avait épousé ;en 1808 la fille
unique du comte de La Forest.
Son fils aîné, Léonel, a été envoyé en 1849
à l'Assemblée législative par le département du
Doubs; il est depuis 1853 envoyé extraordinaire
et ministre plénipotentiaire à Berlin.
Documents particuliers.
mouton (Jean), compositeur français (1)
du seizième siècle, et qui occupa une des places
les plus distinguées parmi les maîtres de cette
époque. Élève du fameux Josquin Desprez, Jean
Mouton jouissait déjà , sous (ë règne de
Louis XII, d'une grande réputation , qu'il s'était
faite par ses compositions; on cite, entre autres,
le motet qu'il écrivit, en 1509, pour la nais-
sance de la seconde fille de ce prince, et celui
qu'il composa, en 1514, sur la mort d'Anne de
Bretagne. FicfT^is 1er l'attacha à son service.
Ce mQr 'vue, protecteur des arts et des artis-
tes, avait aivisé sa chapelle en deux corps, dont
l'un, appelé Chapelle de musique, était com-
posé de chanteurs et de quelques instrumentis-
tes ; l'autre, nommé Chapelle de plain-chant,
comprenait les chantres et les ecclésiastiques des-
tinés à chanter les hautes messes et les heures ca-
noniales. Dans certaines solennités, ces deux corps
se réunissaient, et on leur donnait alors le nom
de Grande chapelle. Un seul chef était à leur
tête, avec lé titre de maître de la chapelle-mu-
sique; deux sous-maîtres pour la musique, un
pour le plain-chant, l'aidaient dans l'exercice
de ses fonctions (2). Cette place de maître de
chapelle fut donnée à Jean Mouton. Glaréari, qui
vécut à Paris depuis 1521 jusqu'en 1524, dit que
cet artiste était en grande faveur auprès de
François Ier, et nous apprend qu'il dédia des
messes de sa composition au pape Léon X, qui
lui en témoigna sa satisfaction. On ignore la
date de sa mort. On trouve à la Bibiothèque im-
périale de Paris, sous le numéro 1506 du supr
plément des manuscrits français, un compte
de la chapelle de François Ier, dressé en 1532
par maître Benigne-Sevré, conseiller du roi.
Jean Mouton ne figure à aucun titre dans ce
compte, ce qui doit faire supposer qu'alors il
avait cessé de vivre.
(1) Glaréan, qui le vit à Paris en 1521 et qui s'entretint
avec lui au moyen d'un interprète, dit qu'il était né.en
France. Cependant Guicciardini en tait un Belge. Le. té-
moignage de Glaréan paraît plus certain.
. (Sj Jusqu'en 1543 les virtuoses de la chapelle chantaient
aux fêtes et divertissements de la conr. Mais à celle
époque François 1er établit un corps de musiciens indé-
pendant du service divin, et l'attacha spécialement à sa
chambre. Des joueurs d'epinette s'y font remarquer. Le
fameux luthiste Albert en faisait les délices.
26.
807
MOUTON
Les messes de Jean Mouton étaient très-esti-
mées. Ce compositeur possédait à fond la
science musicale. Son chant était facile et natu-
rel. Ce qui r.este de ses ouvrages prouve qu'il
était en effet très-habile. Octave Petrucci, de
Fossombrone, a publié, en 1508, un livre con-
tenant cinq messes de Jean Mouton, et qui sont
intitulées, la première, sine nomine , n° 1, la
seconde, Alléluia, la troisième, Aima Redemp-
toris, la quatrième, sine nomine, n° 2, et la
cinquième, Regina mater. Plusieurs messes du
même compositeur sont conservées en manuscrit
dans les archives de la chapelle pontificale, à
Rome ; on y trouve, entre autres, la messe sur
la chanson française Dites-moi toutes vos pen-
sées. On sait qu'à cette époque les composi-
teurs prenaient souvent pour thème obligé , dans
la musique d'église, les airs qui avaient le plus
de popularité, et qu'ils décoraient de toutes les
subtilités de l'art. La bibliothèque de Munich
renferme aussi des messes manuscrites de Jean
Mouton. On trouve des motets, à 4 et 5 voix,
du même musicien dans les premier, second,
troisième et quatrième livres de la collection
des motets de la couronne, publias par Octave
Petrucci, et dans les autres ' rëL'U'eils du temps.
Les histoires de la musique de Eairé^ns, de
Burney et de Forkel offrent aussi, comme ren-
seignements, des motets de Jean Mouton. Ses
madrigaux étaient fort goûtés; on trouve à la
Bibliothèque du Conservatoire de Paris, dans
le premier volume de la collection Eler, le ma-
drigal à 6 voix, Vrai Dieu d'amour, composé
par ce musicien. D. Denne-Raron.
Guillaume du Peyrat, Hist. ecclésiastique de la Cour,
ou les antiquités et recherches de la chapelle ou ora-
toire du roy de France. — Glaréan, Dodécachordon. —
Burney, A générât History of Music. — Forkel, Allge-
meine Geschichte des Musik. - Castit-Blaze, Chapelle-
Musique des Rois de France. — Fétis, Biographie uni-
verselle des Musiciens. — Patria, Hist. de l'Art musical
en France.
moktoî* (Gabriel), astronome français, né
en 1618, à Lyon, où il est mort, le 28 septembre
1694. Attaché dès l'âge de quatre ans comme
enfant de chœur à l'église de Saint-Paul, il en
devint vicaire perpétuel en 1654. H était docteur
en théologie. Tous ses loisirs étaient consacrés
aux mathématiques ; ses études l'avaient même
rendu si distrait qu'en célébrant la messe il lui
arrivait sou vent de demandera celui qui la servait
où il en était. Son principal ouvrage a pour titre :
Observationes diametrorum Solis et Lunse
apparentium ( Lyon, 1670, in-4° ); il contient
aussi des mémoires intéressants sur les inter-
polations et sur le projet d'une mesure univer-
verselle tirée du pendule. Dès 1661 il avait dé-
terminé le diamètre du Soleil dans son apogée,
et malgré le peu de secours qu'il avait pour
une expérience si délicate, on a trouvé, par la
suite, peu de chose à y changer. On a encore de
lui dans les Tables deGardiner (Avignon, 1770,
in-fol. ) des logarithmes calculés à sept déci-
males. P- L-
Pernetti, Lyonnais dignes de mémoire, II. — Lalai; I
Bibl. Astronom.
mouton ( Jean- Baptiste-Sylvain ) , éc I
vain ecclésiastique, né en 1740, à La Chari I
sur-Loire, mort le 13 juin 1803, à Utrecht I
émigra en 1792, et se retira en Hollande, où il
paraître, de 1793 à 1803, la continuation des Ai
velles ecclésiastiques, qui avaient cessé d'ê I
imprimées à Paris. Ce recueil ne fut pas contii
après la mort de l'abbé Mouton. A. L.
Dict, Hist.. — Quérard, La France Littéraire.
mouton ( Georges ), comte de Lobau, f
et maréchal de France, né à Phalsbourg (Me
the), le 21 février 1770, mort à Paris
27 novembre 1838. Issu d'une famille de coJ
merçants, il avait reçu une éducation fort
complète, quand la révolution vint lui oum
une carrière à laquelle il n'aurait sans do
pas songé. Il s'enrôla comme soldat, le 1er ai
1792, dans le 9e bataillon des volontaires de
département, devint lieutenant ( 16 août),
pitaine ( 5 novembre), fit avec ce corps les [
mières campagnes aux armées du nord , et
choisi pour aide de camp par le général Mi
nier ( 13 octobre 1793). Passé à l'armée d'il
il devint chef de bataillon ( 30 octobre 17!
et aide de camp du général Joubert (21 novi»
bre 1798), qui fut tué à ses côtés à lai
taille de Novi. Moreau l'avait nommé (14 ju«
1799) chef de la 3e demi-brigade d'infantei
mais Mouton ne fut confirmé dans ce grade
le 21 octobre 1800. Peu auparavant, il avait p
dant quelques mois commandé à Rome le c
teau Saint-Ange. Renfermé dans Gênes avec
régiment, après avoir lutté dans les montag
contre un ennemi qui lui était supérieur
forces et surtout contre la misère, il prit
part brillante au siège que Massena sou.
dans cette ville, et dans une sortie, à l'atta
du fort Quezzi, il fut atteint d'une balle qui:
traversa le corps. Laissé pour mort suri
champ de bataille, il ne dut la vie qu'au dév(
ment d'un ami. Peu après la capitulation.
Gênes ( 2 juin 1800), Mouton rentra en Fra
et fut ensuite appelé au camp de Boulogne,
Bonaparte le nomma membre de la Léf'
d'Honneur (11 décembre 1803), puis officiel
l'ordre ( 14 juin 1804). Devenu empereur
s'attacha Mouton, qu'il fit général de brig
(1er février 1805) et son aide de camp (7 iï
suivant). Depuis ce moment, Mouton, que Na
léon appréciait de plus en plus, malgré to
sa franchise et sa brusquerie, prit part à ton
les campagnes de l'empire, fut promu c(
mandant de la Légion d'Honneur (30 mai 18(
se distingua à léna , à Pultusk, à Friedland,
obtint le grade de général de division ( 6
tobre suivant). Employé en Espagne sous
ordres du maréchal Bessières, il commanda
14 juillet 1808, de sa personne, une charge <
baïonnette, enleva la ville de Médina, ass
ainsi le succès de la journée de Médina del I
MOUTON — MOUTON-DUVERNET
810
cco, et, le 10 novembre suivant, il contribua à
prise de Burgos et à la déroute de l'armée
lislramadure, qui avait égorgé en son chemin
comte de Tories, son général, et qui perdit
us cette journée plus de six mille hommes,
uze drapeaux et vingt-cinq pièces de canon,
ipelé ensuite à la grande armée, il exécuta, le
avril 1809, sur le pont embrasé de Landshut,
mouvement dont l'audace et le succès frap-
rent d'admiration l'empereur lui-même, qui
ivait pas cru pouvoir l'ordonner. Ce mouve-
jnt, qui empêcha la jonction du général au-
chien Hiller avec l'armée du prince Charles,
lut aux Français des avantages immenses. Le
mai suivant, Mouton se couvrit de gloire à la
e des fusiliers de la garde impériale, et s'em-
ra définitivement du village d'EssIing, que les
trichiens avaient pris quatre fois dans la
irnée. Sa conduite dans cette bataille et les
•vices qu'il rendit à l'armée pendant son sé-
»r dans l'île de Lobau lui valurent le titre
■comte du nom de l'île où il s'était illustré.
■Promu grand officier de la Légion d'Hon-
jir (30 juin 1811), Mouton accompagna Na-
léon en Russie, partagea la gloire et les
ugers de cette campagne, et revint en France
BC l'empereur, quand ce dernier remit à Mu-
i , roi de Naples, le commandement de Tar-
ie. L'année suivante, il combattit en Saxe
i contribua aux succès de Giesshubel et de
cknitz. Le 29 juillet 1813, il avait été nommé
le de camp major de la garde impériale,
meure à Dresde après la bataille de Leip-
I il fut, au mépris d'une capitulation , traité
prisonnier de guerre et conduit en Hon-
re, où il fut retenu jusqu'à l'abdication de Na-
iéon. La première restauration le fit chevalier
Saint-Louis, le 8 juillet 1814, et le 30 dé-
rabre suivant inspecteur général d'infanterie,
son retour de l'île d'Elbe, Napoléon, dès le
[mars 1815, le nomma commandant de la
l' division militaire et pair de France, le 2 juin
Uvant. A cette époque, il prit le commande-
nt du 5e corps de l'armée du nord , et le
idece mois, à la bataille de Waterloo, il avait
trieusement résisté avec six mille hommes
itrente mille commandés par le général Bu-
w, lorsque, surpris par les Prussiens au mo-
ent où il ralliait les débris de l'armée, il
t fait prisonnier et conduit en Angleterre.
Mïipris dans l'article 2 de l'ordonnance du
i juillet suivant, il ne put rentrer en France
hrès le second retour du roi, habita la Bel-
ipje, et n'obtint qu'en 1818 l'autorisation de
voir sa patrie. Il fut mis en non -activité le
""janvier 1819 et compris, le 9 juin suivant,
tmme disponible au cadre d'état-major. On
mblait avoir oublié son nom et ses services
l'squ'en avril 1828 les électeurs du déparre-
ent de la Meurthe l'envoyèrent à la chambre
s députés, où il vota constamment avec l'op-
►sition libérale. Pendant les journées de Juillet
1830, il fit partie de la commission municipale
qui remit le pouvoir aux mains du duc d'Or-
léans, et ce prince, devenu roi, le nomma
grand-croix de la Légion d'Honneur ( 19 août)
et commandant général de la garde nationale de
Paris (2ft décembre ) après la démission de
La Fayette. Compris dans le cadre d'activité de
l'état-major général (7 février 1831), il eut à
combattre une sorte d'émeute qui, du 5 au 10
mai suivant, se renouvelait chaque soir sur la
place Vendôme. Pour éviter la violence des
charges de cavalerie , et surtout l'effusion du
sang, il imagina, de concert avec Gabriel Deles-
sert (depuis préfet de police) de faire venir des
pompes à incendie, et de lancer sur les groupes
compacts de curieux et d'émeutiers des co-
lonnes d'eau, qui les dispersèrent en un instant.
Des caricatures sans nombre semèrent à cette
occasion mille plaisanteries sur le général
Lobau; mais assurément on ne put que louer
son humanité et sa modération. Le 30 juillet
suivant, il reçut le bâton de maréchal des mains
du roi, qui, le 27 juin 1833, le nomma pair de
France. Ce fut au sein de ces dignités qu'il ter-
mina sa carrière. Son éloge fut prononcé à la
chambre des pairs par M. le comte Philippe de
Ségur, dans la séance du 17 juin 1839; la ville
de Paris donna son nom à une nouvelle rue, et
plaça son buste à l'hôtel de ville. Enfin, une
statue en bron/.e lui a été érigée sur une des
places de Phalsbourg. H. Fisqcet.
Rouv.nl (A.-A. ), Vie du maréchal comte de Lobau;
1838, in-8°. — Ph. de Ségur, Éloge historique; 1839,
in-8°. — anecdotes de la vie militaire et politique du
maréchal comte de Lobau; 1839, in-8°. — Nouvelle No-
tice historique sur la vie et la mort du comte de Lobau
et sur toutes les campagnes de cet illustre guerrier
sous l'empereur Napoléon; 1838, in-12. — Moniteur uni-
versel; 1839, pages 1004 et 1005.
MOCTON-duvernet ( Régis-Barthélemi,
baron), général français, né le 3 mars 1769,
au Puy-en-Velay, fusillé, le 27 juillet 1816, à
Lyon. A dix sept ans il s'engagea dans le régi-
ment de la Guadeloupe, fit quelques campagnes
maritimes, passa en 1793 à l'armée des Alpes
et servit au siège de Toulon comme capitaine-
adjudant major. Envoyé en Italie, il fut blessé
grièvement à l'attaque du pont d'ArcoIe ( 1796).
Après avoir pris part aux guerres de Prusse
et de Pologne, il devint colonel du 63e régiment
de ligne ( 1 807 ), se rendit en Espagne, et entra
de vive force dans la ville d'Uclès ( 12 janvier
1809 ), défendue par une garnison de huit mille
hommes ; ce fait d'armes lui valut le titre de
baron de l'empire. Promu au grade de général
de brigade le 21 juillet 1811 et à celui de gé-
néral de division le 4 août 1813 , il concourut
avec distinction à la campagne de Saxe. Lors
de la première restauration Mouton-Duvernet
fut nommé chevalier de Saint-Louis et com-
mandant de Valence. Au retour de Napoléon il
fut un des premiers à se joindre à lui. Élu dé-
puté de la Haute-Loire, il engagea la chambre
des représentants à proclamer, après le désastre
811 MOUTON-DUVERNET -
de Waterloo, Napoléon II empereur. « A ce
nom, dit-il, il n'y aura pas un Français qui ne
s'avance pour défendre l'indépendance nationale,
c'est-à-dire le souverain pour lequel on a déjà
versé tant de sang et fait tant de sacrifices.
L'armée de la nation se rappelle que sous
Louis XVIII elle a déjà été profondément hu-
miliée; elle se rappelle qu'on a traité de brigan-
dages les services qu'elle a rendus à la patrie
depuis vingt-cinq ans. Voulez-vous lui rendre
tout son courage et l'opposer avec succès à l'en-
nemi, proclamez Napoléon II. » Dans les pre-
miers jours de juillet 1815, il fut envoyé à Lyon
avec le titre de gouverneur par le gouvernement
provisoire, et, bien qu'il eût mis de l'empresse-
ment à protester de son dévouement au roi, il fut
compris dans l'ordonnance du 24 juillet, et déféré
avec dix-huit officiers généraux à la juridiction
militaire comme coupable « d'avoir trahi le roi et
attaqué la France et le gouvernement à main ar-
mée avant le 23 mars». Réfugié dans la demeure
d'un royaliste, M. de Meanx, maire de Montbrison,
il échappa pendant près d'une année aux pour-
suites. Las de cette existence incertaine, il se
constitua volontairement prisonnier, et comparut
à Lyon, le 15 juillet 1816, devant un conseil de
guerre présidé par le général Darmagnac. Après
d'assez longs débats, il fut condamné à mort.
Il en appela en vain au conseil de révision. Sa
femme, qui se trouvait à Paris, présenta un
recours en grâce au comte d'Artois et au duc
de Berri ; ni l'un ni l'autre ne voulut l'écouter;
elle se jeta aux pieds de Loujs XVIII, qui lui ré-
pondit froidement : « Je ne peux vous accorder
votre demande. » Le 27 juillet l'infortuné général
fut passé par les armes sur le chemin des
Étroits, après avoir reçu les secours de la reli-
gion. Le lendemain , selon M. de Vaulabelle,
quelques-unes des dames royalistes les plus
qualifiées de la ville se transportèrent au lieu du
supplice, et y firent éclater leur joie à l'aide de
danses impies exécutées sur la partie même du
sol où Mouton-Duvemet était tombé (1). P. L.
Bioçr. univ. et portât, des Contemp. — Vaulabelle,
Hisl. des deux Restaurations, IV. — Bouchet, Notice
sur la vie et le procès du général Mouton- Ducemet ;
Le Puy, 1844, in-8°.
MOUÏON-FONTEIS1LLE DE LA CLOTTE
(Marie-Jacques-Philippe), naturaliste fran-
çais, né à Montpellier (Hérault), le 8 septembre
1769, mort à Lyon, le 22 août 1837. Après de
bonnes études à l'université de sa ville natale, il
devint professeur d'histoire naturelle à l'Acadé-
mie et au lycée de Lyon, membrede l'Athénée, de
la Société de Médecine, et des autres sociétés sa-
vantes de cette ville. Mouton-Fontenille fut plus
tard nommé conservateur du cabinet d'histoire
(1) « Un banquet eut lieu (peu de jours après l'exé-
cution) ; des toasts célébrèrent la mort du général, et,
pour compléter cette odieuse parodie, les convives exi-
gèrent qu'on leur servît un foie de mouton, qui fut aus-
sitôt percé de cent coups de couteau. » ( Bouchet, Notice
sur Mouton-Duvemet.)
MOUTON-FONTENILLE
naturelle fondé à Lyon, et exerça ces fonctions ji
qu'au 4 avril 1831, époque où il prit sa retrait
On a de lui : Tableaux des systèmes de b
tanique généraux et particuliers, contenu,
1° le plan de chaque système ; 2° les prii
cipes sur lesquels ils sont fondés; 3° leu
avantages et leurs désavantages ; 4° spécU
lement le développement du système sexu
de. Linné; suivis de deux Mémoires, dont le pi
miera pour objet une suite d'observations etd'e
périences sur la dessiccation des plantes et le
conservation dans des herbiers ; le deuxième re
ferme des Observations sur les différentes espèc
de végétaux des montagnes calcaires et grani tiqu
des environs de Grenoble; Lyon, 1798 et 1
in-8°; — Observations et expériences si
l'art d'empailler et de conserver les oiseau,
1801, in-8° (avec Hénon ); 2e édition, sous
titre : L'Art d'empailler les oiseaux, contena
des principes nouveaux et sûrs pour leur co
server leurs formes et leurs altitudes naturell
avec la méthode de les classer d'après le sy
tème de Linné ; Lyon, 1802, in-8°, avec ci
planches ; — Dictionnaire des termes techr,
ques de botanique à l'usage des élèves
des amateurs ; Lyon et Paris, 1803, in-8°;
Système des plantes contenant les classe
ordres, genres et espèces, les caractères n
turels et essentiels des genres, les phras
caractéristiques des espèces, la citation d
meilleures figures, le climat et le lieu nat<
des plantes, l'époque de leur floraison, leu
propriétés et leurs usages dans les art
dans l'économie rurale et dans la médecin
extrait et traduit des ouvrages de Linné; Ly<
et Paris, 1805, 5 vol. in-8°, avec le portrait i
Linné, d'après Rollin; — Observations sur ,
Marmotte; Paris, 1808, in-8°,avec une planchi
— Catalogue raisonné des livres qui comp
sent la bibliothèque d'un amateur de i
science de la botanique; Paris, 1809, in-8
— Coup d'oeil sur la Botanique ; 1810
in-8°; — Traité élémentaire d'Ornithologi
contenant : 1° les principes et les généralïU
de cette science; T l'analyse du système t
Linné sur les oiseaux; 3° la synonymie t
Bu/fon ; 4° les caractères des genres ; 5° l
description et l'histoire des espèces eun
péennes ; suivi de l'Art d'empailler lès e;
seaux; Lyon et Paris, 1811, 3 vol. in-8° ayt
10 planch. gravées entaille-douce; — Réponi
à M. Aimé Martin sur la critique du Trail
élémentaire d'Ornithologie; Lyon et Paris
1813, in-8° ; — Éloge de Joseph Dombey, nu
decin, botaniste et naturaliste ; Bourg, 181c
in-8°; — Tableau de concordance des genre
d'un pinax des plantes européennes ; Paris e
Lyon, 1815, in 8°; — La France en conviù
sion pendant la seconde usurpation de Buo
naparte ; Paris et Lyon, 1815, in-8°; — h
France en délire pendant les deux usurpa
lions de Buonaparte ; Paris et Lyon, 1815
13
M0UT0N-F0NTEN1LLE - MOUVANS
814
i-8° : brochures politiques qui sont loin d'avoir
i nurite des autres écrits de Mouton-l<onte-
j||(.; _ enfin, un grand nombre de Mémoires
ans les divers recueils scientifiques publiés à
yon, H. F.
Qgéraed, La francs Littéraire. — Documents parr
culiers. — biographie (inédite ) de r Hérault.
moutonnet-cLaiufons ( Julien -Joe*
ues), écrivain français, ué au Mans, le 11 avril
740, mort à Paris, le 2 juin 1813. Son premier
laitre l'ut son oncle, curé près du Mans : il
•lima ses études au grand collège de sa ville na-
ile, chez les Oratoriens. A l'âge de dix-huit ans
loutonnet se rendit à Paris. Il faisait ce voyage
pied, car il était pauvre, quand, dévoré parla
>if, il rencontra une source vive, où il lui fut
punis de se désaltérer. C'est en souvenir de cette
tenture qu'il prit, dit-on, le surnom de Clair-
ons. Ses études avaient été bonnes ; il était ha-
lle helléniste : à Paris, il trouva des élèves, et
|écut du produit de ses leçons. 11 fut plus tard
nployé dans les postes ; nous le voyons attaché
cette administration dès l'année 1783; il en fai-
«t encore partie en i 813, quand il mourut, après
/oir subi l'opération de la taille. Un biographe
jus parle de l'aménité de sa femme : elle s'ap-
îlait Marie Berrier. "On a de Moutonnet- Clair-
ans : Les Baisers de J. Second, en vers et en
rose; Paris, 1771, in-lS; — Les Lies Fortu-
nes, ou les aventures de Bat hy lie et de Cléo-
Ule; Canaric (Paris), 1771, in-8°, et 1778,
i-18, ouvrage, réimprimé dans le tome X des
•oyages imaginaires , recueillis par Garnier,
787, in-8°; — La bonne Mère; La Fille bien
ée; V Hirondelle et ses petits, dans le même
olume que Les Iles Fortunées; — Lettre à
1. Clément, sur son ÉpUre de Boileau à Vol-
aire; Genève (Paris), 1772, in-8g; — Ana-
réon, Sapho, Pion et Moschus, etc., etc.,tra-
kiits en prose; Paris, 1773^ in-4" ; 1779, in-12 ;
,t 1780, in-8° : il y eut de nombreuses contre-
ajçons de la première édition : une note manus-
crite de Moutonnet en désigne quatre ; — Héro
t Léandre, poëme de Musée, traduit en fran-
ais ; Paris, 1774, in-49 ; 1775, in-8° ; — L'Enfer,
,e Dante Alighieri; Florence (Paris), 1776,
|i-8°; — Lettre à M. l'abbé Groshier, insérée
jans Y Année littéraire de 1776, p. 102; —
Manuel épislolaire , ou choix de lettres pui-
ëes dans les meilleurs auteurs latins et
iHinçais; Paris, 1785, in-12; — L'Influence
e Boileau sur la Littératître française;
'aris, 1786, in-8e; — Le vérit'abCe Philan--
Kkrope, ou Vile de la. Philanthropie, apolngie
8 J.-J. Rousseau; Philadelphie (Paris), 1790,
o-8° ; — La Galéide, ou le chat de la' na-
ure, poëme, suivi dénotes, d'un précis et d'un
iigement sur le Mantouan ; Galéopolis (Paris),
798, in-8°, pièce tirée à cent et un exemplaires;
- Panurge, ballet par Fr. Parfait, et M.
MoreL) dénoncé, au public- comme le plus
<rand plagiaire; Paris, 1803, in-8°; — Ré-
flexions sur les siècles d' Alexandre^, d'Au-
guste, de Léon X, elc. ; Paris, 1806, in-8°; —
Discours sur les Diulogues des Morts; Paris
( 1808 ), in-8°, pièce tirée à cent exemplaires.
Moutonnet a en outre fourni un grand nombre
d'articles au Journal des Arts, des Sciences
et de la Littérature, Il a laissé manuscrite une
traducliun du Parùdis de Dante. Il était membre
des Académies de la Crusca, des Arcades, de
Lyon, de Rouen, etc., etc. B. H.
Narcisse Uesportes, biblioy. du Marne. — biographie
Universelle des Contemp., par RaUbc, Vieilli , etc.
MOUVANS OU R1AUVANS ( Paill RlCHIEU,
sieur de), capitaine français, né à Draguignan,
tué à Messignac, près de Périgueux, le 25 oc-
tobre 1568. Après avoir fait plusieurs campa-
gnes dans les aimées du roi, il s'était retiré à
Castellane avec son frère Antoine. Ces deux
gentilshommes ayant embrassé la réforme, le
prêche se tenait dans leur maison. Les catho-
liques du pays les assaillirent, et le parlement de
Provence les décréta de prise de corps. An-
toine s'étant rendu à Draguignan pour calmer
cette affaire, y fut massacré par la populace
(octobre 1559). Son frère jura de tirer ven-
geance de cet assassinat, demeuré impuni. Aussi
dès l'année suivante il faisait partie de la cons-
piration d'Amboise et devait conduire à Blois le
contingent des réformés de spn pays ; il leva
le premier en Provence l'étendard de la révolte.
A !a tête d'une troupe de cinq cents hommes, il
essaya vainement de surprendre les villes d'Aix,
d'Arles et de Sisteron. Poursuivi par le comte
de Tende, il se jeta dans le monastère de Saint-
André près de Trevans, y soutint un siège, et
après une capitulation honorable, se retira à
Genève, d'où l'on assure que le duc de Guise lui
adressa des propositions avantageuses, qu'il re-
poussa avec mépris. Rentré en France, à la fa-
veur de J'édit de janvier 1562, il chassa d'Aix
Flassans, de concert avec les comtes de Tende
et de Crussol , s'empara d'Orange et de Sis-
teron, et contribua à la belle défense que cette
dernière place opposa au comte de Siommerive.
Lorsque la résistance devint impossible, il sortit
pendant la nuit, emmenant la population pro-
testante. Cette froupe de quatre mille personnes,
composée en grande partie de femmes, de vieil-
lards et d'enfants, parvint, à travers toute es-
pèce de dangers et d'incroyables fatigues, par
les rudes sentiers des Alpes jusqu'à Grenoble, où
elle fut accueillie paiTMontbrun et dirigée de là
sur Lyon. Mouvans déjoua, avec Montbrun, les
projets du baron des Adrets qui voulait livrer
Valence et Romans au duc de Nemours. On le
voit ensuite ravager le Comtat jusqu'à Avignon.
Le 4 octobre 1567 il se présenta devant Vienne,
qui lui ouvrit 9es portes et qu'il saccagea pen-
dant quarante jours, surpassant les excès com-
mis p;ir des Adrets en 1562; il avait mis le feu
à la cathédrale de Saint-Maurice, et commençait
à la démolir lorsque l'arrivée de Gordes et
819 MOYREA/U
Bns.in, Dict. des preneurs, H. — Brainne, Biographie i
de l'Orléanais. — Ch, Le Blanc, Manuel de CAnxat.
d'Estampes.
moyria ( Gabriel. , vicomte dp ) , littérateur
français, né eu 1771, à Bourg en Bresse, mort
le 22 janvier 1839, dans la même ville. 11 était
de la même famille que le missionnaire Moyria de
Maillât ( voy. ce dernier nom), qui a laissé une
traduction de Vlfistoire générale de la Chine.
Après avoir fait des études assez superficielles
au collège de l'Oratoire à Lyon, il obtint une
sous-lieutenance au régiment de Mestre-de-rcamp
cavalerie (1787); il quitta le service en 1790, à
la suite de la révolte des Suisses de Château-
vieux à Nancy. Spus la terreur il fu,t incarcéré
avec toute sa famille, et ne recouvra la liberté
qu'après le 9 thermidor. Afin d'échapper à la
réquisition, il profita, de l'ex,ernptio.!i accordée par
un décret de la Convention aux ouvriers typogra.-
plies, et se mjt au service d'un imprimeur de
Nantua, chez lequel il resta plusieurs mois. De
retour dans sa famille, il refit lui-même toute son
éducation; constamment éloigné de la vie pu-
blique , il ne s'occupa jusqu'à sa mort que de
poésie, de musique et de dessin. Il appartenait
à l'Institut historique et à l'Académie de Lyon.
Moyria a laissé : Contes et Nouvel/les eu vers;
Paris, 1808, in-8"; — Rosemonde, poème;
Bourg, 1S.., in-8°; — Compte-rendu des
travaux de la Société d'Émulation et d'A-r
griculture de l'Ain ; Bourg, 18,14, in-8°; i— Le
Siècle des lumières , épître; Lyon, 1816, in-8° ;
— L'Église de Brou, poème; Lyon, 1824,
in-8°; réimpr. en 1835 avec une introduction
de M. Edgar Quinet et des stances de MM. Bruys
et Marinier; — Le Malheur, poème; Lyon,
1824, in-8°; — Odiliet ou l'ange du bocage;
Lyon, 1827, in-8°; — Marinella, poème été-
giaqae; Lyon, 1829, in-8°; — Notice des tra-
vaux de la Société d'Émulation de l'Ain;
Bourg, 1831, in-8°; — Notice sur l'abbé Gui-
chelet; Bourg, 1834, in-8°; — Voyage à la
Chartreuse, mélanges de prose et de vers;
— Esquisses poétiques du déparlement de
l'Ain; Bourg, 1841, in-8° ouvr. posth., ayee
portrait. On doit au même auteur un grand
nombre d'articles insérés dans les journaux de
Paris et de Lyon ainsi que plusieurs pièces de
vers dans YAlmanach des Muses. K.
Ad. Pommier-Lacombe, Notice, à la lete des Es-
quisses.
MOYRIA DE BIAILEAT. Voy. MAILLAT.
moysant ( François), littérateur français,
né le 5 mars 1735, à Andrieu , village près de
Caen, mort le 3 août 1813, à Caen. Après avoir
fait de bonnes études chez les Jésuites, il entra
dans la congrégation des Eudistes, et fut chargé
par eux de professer la grammaire, puis la rhé-
torique à Lisieux. La faiblesse de sa santé l'ayant
forcé de quitter l'enseignement, il vint à Paris
étudier la médecine, et reçut à Caen le diplôme
dedocteur,en 1764. Maïs il renonça à la pratique
d'un état où sa sensibilité avait trop à souffrir, et
— MOYSE g
'1 obtint dans sa ville natale une chaire de ri
torique. Lors de la suppression des ordres r i
gieux , il passa en Angleterre; de retour à G j
(1802), il ne tarda pas à être nommé bib)
thécaire. Moysant était secrétaire perpétuel
l'Académie de cette ville et membre de la
ciété des Antiquaires de Londres. On a de II
In felices nuptias Ludovici Augusti, Gall I
rum delphini; Caen, 1770, m-4°; — RectJ
ches historiques sur la fondation du coll
des écoliers du diocèse de Bayeux, fondé dt <
l'université de Paris par Gervais Chréth
chanoine; 1780, 1783, in-4°; — Abrégé
Dictionnaire anglais et français de Cho
baud; Londres, 1796, in- 12. II a publié, de c
cert avec Le Vacher et La Macellerie , le U
tionnaire d'anatomie et de chirurgie ( Pat
1767, 2 vol. in-8° ), et avec Levizac, la Bib
thèque portative des écrivains franc1
(Londres, 1800, 4 vol. in-8°); il a aussi foi<
des articles au Grand Vocabulaire fiant <
( Paris, 1767, 30 vol. in-4p) ; des renseignent
à Barbier pour son Dictionnaire des ouvra
anonymes; et plus d'un volume d'additions
Dictionnaire historique de Chaudon, qui s' '
primait à Caen sous sa direction. P. L.
Hébert, Notice kist. sur Fr. Moysant; Caen, j
in-8°.
.ho Y se, en hébreu Mosché (tiré de l'eau)
législateur des Hébreux, vivait au seizième si I
avant J.-C. D'après le récit du Pentateuqut
était fils d'Amrâm, de la tribu de Lévi, el
Jochabed. Le roi d'Egypte (sur le vrai nom
quel onn'estpas d'accord) ayant ordonné dei
périr tous les enfants mâles des Hébreux
mère cacha son enfant dans une boîte de ptJ
rus et l'exposa aux bords du Nil. La fille de I
raon , que Josèphe appelle Thermouthis , l'y
couvrit, et l'adopta comme son fils, après
avoir donné, à son insu, pour nourrice la pr<
mère de l'enfant. Mais la Bible, qui nous de
ces détails sur l'enfance de Moyse , se tait
s,a jeunesse et son éducation. Cette lacune a
remplie par la tradition (2), qui nous appr
que Thermouthis fit instruire l'enfant n
toutes les sciences des Égyptiens, et qu'ell
protégea contre l'influence des prêtres qui ava
prédit au roi ce qu'il aurait un jour à redo
de cet enfant. Manéthon fait de Moyse un pr
d'Héliopolis, nommé Osarsiphus. Au rapjj
de Josèphe , Moyse, parvenu à l'âge adulte,
poussa les Éthiopiens, qui avaient tenté d'envi
l'Egypte. II combattit l'ennemi et le poursi j
jusqu'à la ville de Meroé (Saba), devant laqtj
il mit le siège. Elle lui fut livrée par Thor j
fille du roi d'Ethiopie. Moyse épousa c'ette pi
cesse, et ramena les Égyptiens victorieux dans |
(1) En latin Moses, nom adopté par les Allemands \
grec Moysès (MeoÛffrjr,), nom adopté par ks Kran. \
qui devraient eonséquemraent toujours l'écrire Moyi I
non pas Moïse.
(s) Josèphe, Antiquités juives, II, 9 et 10.
21
îys. Aucune [trace de ce récit ne se rencontre
ins l'Exode , qui nous montre le (ils adoptif
î la fille de Pharaon tout à coup au milieu de
•8 frères opprimés. Moyse, indigné des mauvais
aitements infligés à ses compatriotes, tua un
ur un Égyptien en querelle avec un Hébreu,
voyant son meurtre découvert, il s'enfuit en
iabie. Là, il reçut l'hospitalité de Jéthro,
n'.l de la tribu des Madianites, dont il avait
fendu les filles contre les agressions des ber-
rs , près d'un puits dans les environs du mont
naï. Jéthro lui donna pour femme sa lille Sé-
lora. Moyse passa un grand nombre d'années
près de son beau-père, dont il gardait les
)upeau\. C'est dans la solitude qu'il médita
iuuvre de la délivrance des Hébreux, qui confi-
aient à être maltraités par le roi d'Egypte.
r l'avertissement qui lui fut donné par la voix
riant du buisson enflammé du mqnt Horeb , il
i joiut de retourner en Ègy pte , se jnjt en route
se sa femme et ses deux, fils., Gerson et Elié-
; mais il les renvoya bientôt à son beau-père,
Mes lui ramena plus tard. H rencontra près
niont Hor.eb son frère Aaron, qui devait être
i interprète auprès des Hébreux et du roi
igyptë. A leur arrivée en Egypte , les deux
res réunirent les chefs des tribus israélites, et
■ut une première démarche auprès de Pha-
iu pour lui demander de permettre aux Mé-
i4u* de.se retirer dans le désert «.une distance
itjcois journées, afin d'offrir des sacrifices à
iuovah leur Dieu. Le roi, loin d'aqcorder leur
mande, imposa aux Hébreu*, un joug plus
Ils se présentèrent de nouveau devant le
, qui refusa encore, « parce que, dit la Bible,
eu avait endurci le cœur de Pharaon., afin de
taaler sa puissance par un grand nombre de
idiges (l) ». C'est alors que furent accomplies
dix plaies d'Egypte , par suite d'une espèce
joute entre les magiciens d'Egypte et les deux
ires israélites. Aaron jeta d'abord sa verge par
re, et elle fut aussitôt changée en serpeut. Les
giciens d'Egypte en firent chacun autant :
«n'était là que le prélude. Voici l'ordre des mi-
lles ou plaies qui suivirent : 1° les eaux du
lurent changées en satig par la verge d'Aa-
i : les magiciens du roi firent le mêrc^e pro-
e; 2° Aaron fit sortir des eaux d'innpmbrar
s grenouilles, qui couvrirent toute la terre
Egypte : les magiciens opérèrent le même mi-
fle; 3° la poussière futchangéeen mouclierons,
couvrirent les hommes et les bestiaux : cette
> l'ait des magiciens fut impuissant; mais le
(ur de Pharaon demeurait endurci ; 4° des
«êtes très-nuisibles (2) infestèrent la maison
roi et la terre d'Egypte ; 5° une maladie pes-
intielle fit périr les bestiaux; 6° des ulcères et
MOYSE 822
des tumeurs se produisirent sur les hommes et les
animaux par la cendre que Moyse avait « jetée
au ciel <• ; 7° une grêle détruisit les récoltes;
8° des sauterelles dévorèrent tout ce que la
grêle avait épargné ; 9" des ténèbres cou-
vriront toute l'Egypte; 10" la mort de tous les
premiers-nés. Dans la prévision que cette der-
nière plaie serait décisive, Moyse avait averti
les Hébreux de se tenir prêts pour le départ. Il
leur avait ordonné de tuer un agneau par fa-
mille, le quatrième jour de la lune du printemps,
et d'en manger la chair rôtie avec des herbes
amères. Ils devaient faire ce repas la nuit, en
costume de voyage et le bâton à la main; les
portes de leurs maisons devaient être teintes du
sang de l'agneau, afin que le démon passât sans-
frapper les premiers-nés. C'est là l'origine de la
fête de Pâques ( de l'hébreu paçach, passer de-
vant, sauter). La mort [des premiers-nés dé-
cida Pharaon à permettre aux Hébreux de sortir
d'Egypte. Ils mirent tant d'empressement à
partir qu'ils oublièrent de faire lever la pâte
qu'ils avaient préparée pour le lendemain (1) :
ils empruntèrent aussi aux Égyptiens toutes es
pèces de vases et de vêtements précieux, qu'ils
ne devaient jamais leur rendre. C'est ainsi que
les Hébreux quittèrent, au bout de quatre cent
trente ans (2), la terre de Gosen, que leur avait
concédée le roi d'Egypte : ils étaient au nombre
de six cent mille hommes adultes, sans compter
les femmes et les enfants. Cette sortie de l'Egypte
eut lieu vers l'an 1500 avant l'ère chrétienne.
La première étape des Hébreux, après avoir
quitté Gosen ( pays de Raamsès), fut Succoth (3).
De là ils tournèrent au midi, vers la plaine de
Bezatin, puis à l'est, pour traverser la vallée de
l'Égarement (4). De Succoth ils passèrent à
Étham, « situé à l'extrén)ité du désert (5) », d'où
ils se rendirent à PhahiroUi. Leur marche était
guidée par une colonne.de fumée pendant le jour,
et par une colonne de feu pendant la nuit. Ce
fut à la troisième étape que les atteignit Pharaon,
fâché d'avoir laissé partir toute cette population.
Les Hébreux passèrent la mer Rouge, probable-
ment près du mont Attaka, là où elle a à peine
six lieues de largeur (G). Ce passage miraculeux
I Exode, vu, 3.
I Le mol hébreu arob, ici employé, désigne; une espèce
iticulicre d'insecte, que les Septante rendent par
JO(i.ia. Suivant quelques théologiens naturalistes , ce
it une espèce de blatte, blatta orieidaLis, qui est en-
aujourd'hni une des plates de l'Egypte.
(i) Delà l'usage qhez les Israélites de manger pendant
la fête ç)e Pâques des gâ.tea,u;c sans levain (pains azymes).
(2) Ce nombre, donne par l'Exode (XII, 10) est en con-
tradiction avec les chiffres d'une table généalogique des
Lévites, conservée d.ans le même livre (Exo le, VI, 16-25) ;
cette table ne permet pas de faire prolonger le séjour
des israélites en Egypte au delà de 210 ans.
tï) Mot qui signifie tentes. C'était, suivant Josèphe
( Antiquit., Il, 15), Latopqlis, endroit où s'éleva plus
tard Babylone (aujourd'hui le vieux Caire).
(4) Niebiihr fait suivre aux Hébreux la route des cara-
vanes, par la chaîne de montagnes qui va aboutira Attaka.
(5) Exode, Xlll, 20. Le P. Siea,rd / pistert. sur le pas-
sage de la mer Iloarje, etc.) place Étham à huit lieues
de la mer Rnuge, dans la plaine de Ramlieh. Ue là un dé-
filé étroit conduit dans la plaine de lîcdéa, où se trouvait
la troisième étape, Phahiroth, au midi du mont Attaka.
(6) C'est là que la tradition place le passage des Hér
breux. Qn y trouve les sources d'Ayoun-Mousa (sources
de Moyse).
823
fut célébré par Moyse dans un hymne, conservé
dans l'Exode, (ch. XV )■. Après avoir franchi Ma-
rah (puits Kowara de Burckhardt), Élirn, lieu
riche en palmiers (Wadi Gharandel), le désert
de Sin (Wadi Mocaleb), où ils recueillirent pour
la première fois la manne qui devait les nourrir
pendant quarante ans , ils se dirigèrent vers le
mont Sinaï. Là ils firent une longue station, et
reçurent leurs lois de Jéhovah par l'organe de
Moyse. Pendant trente-neuf ans les Hébreux, al-
lant d'abord du nord au midi jusqu'à Asionga-
ber, dans le golfe Glanitique, puis du midi au
nord, parcoururent en nomades le désert que les
Arabes appellent Tyh Eeni-Israel (Égarement
des enfants d'Israël). Ce long espace de temps
se passa sans incidents remarquables, à l'excep-
tion des combats avec les Amalécites et de plu-
sieurs tentatives de révoltes (1). Au premier
mois de la quarantième année depuis la sortie
d'Egypte , ils se trouvèrent à Kadesch, dans le
désert de Pharan, où mourut Miriam, sœur de
Moyse. De Kadesch ils se rendirent au mont Hor,
où mourut Aaron. Enfin, après des rencontres
sanglantes avec les Amorites , les Moabites et
les Madianites, ils atteignirent les rives du Jour-
dain. Moyse fixa les limites de la contrée que
l'on devait conquérir, rappela les points princi-
paux de sa législation, exhorta son peuple à la
piété, désigna Josué comme son successeur, et se.
retira sur le mont Nébo,où il mourut, à l'âge de
cent vingt ans (2).
Les Juifs donnent le nom de Thorah (loi)
à ce que les traducteurs grecs ont appelé le Peu-
tateuque (nevraxeuxo;), c'est-à-dire les Cinq
livres , attribués à Moïse , qui sont : la Genèse ,
l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéro-
nome. On y trouve l'histoire du peuple hébreu
depuis son origine jusqu'à son établissement
dans le pays de Canaan. La législation de Moyse
y est en même temps exposée dans l'ordre des
communications qu'il reçut de Jéhovah. La Ge-
nèse, premier livre de la Bible, commence par
la création du monde, donne l'histoire d'Adam
et d'Eve, trace le tableau du déluge, énumère
les peuples qui descendirent des trois fils de
Noé, montre, à la dixième génération, Abraham,
souche du peuple Israélite, nous fait connaître
le Dieu d'Isaac et de Jacob, et finit par la mort
de Joseph. V Exode raconte la sortie d'Egypte,
«ontient la plupart des institutions civiles et re-
ligieuses, et se termine par la construction du
tabernacle. Le Lévitique est consacré aux règle-
ments du culte et aux lois concernant le sacer-
doce et les lévites. Le livre des Nombres, ainsi
nommé parce qu'il renferme plusieurs recense-
ments du peuple hébreu, continue le récit histo-
rique jusqu'à l'arrivée des Israélites dans les
plaines de Jéricho. Il renferme aussi quelques
lois concernant le droit public el le complément
(1) V oy. Sur la révolte de Korah; Nombres, XVI, 10.
•(2) Personne, ajoute la Bible, n'a connu le lieu de sa
sépulture.
MOYSE 82
de celles de l'Exode et du Lévitique. Le Deut.6 j
ronome est la récapitulation dçs lois, à laquell
sejoint le récit des derniers actes de Moyse.
Ces livres avaient toujours été considéra .
commel'œuvre du grand législateur, lorsque, il
a environ cent ans, il s'éleva quelque doute su i
leur authenticité et leur antiquité. En effet, dt
exégètes allemands et anglais y ont signalé, outi
le défaut d'un plan général, des répétitions im
tiles, des contradictions flagrantes et des anj
chronismes manifestes (1). Dès le début de la Gi J
nèse, on remarque deux relations différentes de i
création : dans l'une, Dieu est appelé Elohh
( c'est-à-dire/es Dieux), et dans l'autre, Jehov
ou Jehova Elohim{1).h\x chapitre II du livre d<
Nombres, il est parlé de villes bâties par les tribi I
de Gad et de Ruben. Or, comment Moyse a-t-il j
être témoin de la construction de ces villes, pui
qu'il est mort presque aussitôt après la conquêted
pays qu'il donna à ces deux tribus?— L'Exode i
le Deutéronome donnent deux rédactions du D<
calogue, qui présente des variantes notables. -
Le style du Pentateuque n'est pas le même pai
tout : celui duDeutéronomeabeaucoupd'analog
avec le style de Jérémie. Nous passons sous s
Ience beaucoup d'autres difficultés mises en aval
par les critiques depuis Richard Simon jusqu i
de Wetle et Bohlen. Il paraît résulter de touti
ces recherches que le Pentateuque n'est pas toi
entier l'œuvre de Moyse : il y a des documen
dont l'origine est évidemment postérieure à lei |
auteur présumé. Mais si l'ouvrage manque d'i j
nité dans le plan, il y a du moins unité dans
conception. Ainsi, la croyance au monothéisme ■
la guerre à l'idolâtrie y sont prêchées avec in
égale ferveur.
LePeutateuqueestlecode desJuifsetnon celi
des chrétiens ; voilà ce que les théologiens, cath<
liqueset protestants, n'auraient jamais dû oublie
Le Dieu de Moyse n'a rien de commun avec le Dit
de l'Évangile : l'un est même sous beaucoup t
rapports le contraire de l'autre. Pour s'en coi
vaincre, on n'a qu'à comparer la Thora avec
Loi du Christ. Ainsi, le Pentateuque nous a]
prend que le Seigneur, qui inspira Moyse, état
le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Israël et
Dieu de Jacob. Les premières paroles de l'(
raison dominicale nous font connaître le Dieu d
Nouveau Testament : Dieu c'est Notre Père. I
Dieu de l'Ancien Testament ne voit, n'aime i
ne protège que les Juifs (3). II ordonne imp
toyablement d'exterminer les Amorrhéens, l(
Cananéens, etc., dans le seul but de donner 1(
(1) Voy. T. Hartmann, Recherches historico-critiqw
sur la formation , l'âge et le plan des cinq livres i
Moysejen allemand) ; 1831, ln-8°.
(îj F~oy. Astruc, Conjectures sur les mémoires orig
naux dont il paraît que Moyse s'est servi pour compi
ser le livre de la Genèse ; Bruxelles, 1753.
(31 Cependant cette protection toute spéciale n'a guèr
il faut l'avouer, profité à ce peuple : depuis les Ass;
riens jusqu'aux Romains, la Palestine est devenue la pro
de tous les conquérants ; et depuis longtemps sur toul
la surface du globe it n'a plus une terre à lui.
325 MOYSE
erres des vaincus à ses protégés. « Quant au\
tilles qui vous seront données, vous ne laisserez
a vie à aucun de leurs habitants : vous les ferez
ous passer au fil de l'épée, comme le Seigneur
• otre Dieu vous l'a commandé. » ( Dmter. XX,
!6et suiv.). Quel contraste avec les paroles évan-
jéliques du Dieu de miséricorde ! Le Dieu de
iloysc a tous les autres peuples en abomination.
1 les exclut de toutes les alliances qu'il (ait avec
on peuple favori : il l'entoure comme d'une es-
ièce de cordon sanitaire pour le garantir contre
i contact impur de l'étranger. Combien ce Dieu-
lest différent de celui qui veut que tous les peu-
les soient frères, et qu'il n'y ait qu'un seul pas-
eur et un seul troupeau ! Le Dieu de Moyse n'est
as même une fraction de l'Unité représentée par
; Dieu du Christ; puis l'un et l'autre ne sont pas
e même nature; carie premier est un Dieu ven-
eur, un Dieu de colère, qui frappe et extermine
3S ennemis, un Dieu cruel, orgueilleux et injuste,
ui « pour faire éclater sa puissance » endurcit
i cœur de Pharaon et inflige des maux affreux
d'innocents Égyptiens. Le Dieu du Christ est
»ut l'opposé : l'aimer, c'est aimer son prochain ;
veut qu'on pardonne à ses ennemis, et se pro-
ose lui-même comme un modèle à suivre en fai-
ant luire le soleil et pleuvoir sur les bons comme
ur les méchants. Son culte à lui est dans la
ureté du cœur et dans la pratique de la vertu. Ce
'est pas ainsi que le Dieu de Moyse entend être
idoré. Écoutez-le : « Ordonnez aux enfants d'Is-
ael de mettre à part les prémices qu'ils m'of-
iront : de l'or, de l'argent, de l'airain, de l'hya-
nthe, de la pourpre, etc.; ils me dresseront un
«ictuaire, selon la forme très exacte du tabernacle
oe je vous montrerai, » — (Suit une description
tinutieuse de toutes les parties du tabernacle,
ixode,chap. XXV et XXVI). — « Vous ferez aussi
oautel de boisde sitim, qui aura cinq coudées de
>ng et autant de large, et aura trois coudées de
jaut, etc. ; — vous ferez aussi une grille d'airain
i forme de retz, qui aura quatre anneaux d'ai-
»in aux quatre coins; — vous ferez aussi le
irvis du tabernacle : au côté du midi vous dres-
sez des rideaux de fin lin ; chaque côté aura
snt coudées de long, etc. ; — pour faire les
abits pontificaux (lerational, l'éphod, le des-
ous de l'éphod, la tunique, la mitre et la cein-
ire), vous emploierez l'or, l'hyacinthe, la pour-
fe, l'écarlate et le lin fin ; vous y emploierez l'art
u sculpteur (t), du lapidaire, et vous graverez,
s noms des enfants d'Israël ; vous ferez aussi
bs boucles d'or, et deux petites chaînes d'un
très-pur, dont les anneaux soient enlacés les
ns dans les autres, que vous ferez entrer dans
Ïs boucles, etc. »
Citons encore quelques exemples de ce dog-
latisme symbolique , formaliste , inquiet , qui
pntraste d'une manière si étrange avec la pu-
pté calme des doctrines de Jésus- Christ. Ainsi ,
820
le Dieu de Moyse veut qu'on lui élève un autel
pour y sacrifier des brebis et des bœufs; mais
cet autel ne doit point être bâti en pierres tail-
lées ; « car il sera souillé, si vous y employez le
ciseau ». Il défendit aussi aux Israélites d'y
monter par degrés, « de peur, leur disait-il ,
que vous ne découvriez votre nudité (1) ». Que
de cérémonies pour la manière d'arranger la tête,
les membres, la graisse, etc. des victimes im-
molées sur l'autel (2) ! Pour expier les péchés
d'ignorance, le grand prêtre devait « immoler
un veau sans tache, tremper son doigt dans le
sang et en faire l'aspersion sept fois en présence
du Seigneur, devant le voile du sanctuaire » (3).
Celui qui avait touché à une chose impure , à
une bête rampante, devait également offrir des
sacrifices expiatoires. Le bouc émissaire était
sacrifié, à la fête d'expiation, après avoir été
chargé par le grand-prêtre « de toutes les ini-
quités d'Israël (4) » . Rien de plus curieux que
la distinction des animaux en purs et en impurs,
bien qu'ils soient tous sortis de la main du Dieu
Créateur. « Pourront, dit le législateur, être
mangées toutes les bêtes à quatre pieds, dont la
corne du pied est fendue et qui ruminent». Le
lapin et le lièvre étaient réputés impurs parce
qu'ils n'ont pas le sabot fendu. Étaient encore
impurs : le pourceau, tout ce qui vit dans l'eau
sans avoir ni écailles ni nageoires, les oiseaux
rapaces, tous les reptiles. « Prenez garde, dit le
Seigneur à la fin de ses ordonnances transmises
à Moyse , prenez garde de ne pas souiller vos
âmes, et ne touchez à aucune de ces choses, de
peur que vous ne deveniez impurs; car je suis
le Seigneur votre Dieu, » etc. (5).
Que de prescriptions méticuleuses pour l'insti-
tution de la fête de Pâques ! l'agneau pascal devait
être sans tache (le bœuf Apis avait une tache),
et n'avoir qu'un an. Voici comment il étaitordonné
aux Hébreux de le manger : « Vous vous ceindrez
les reins; vous aurez des souliers aux pieds, et
un bâton à la main, etc.; vous mangerez des
pains sans levain pendant sept jours : quiconque
mangera du pain avec du levain depuis le pre-
mier jour jusqu'au septième périra du milieu
d'Israël. (6). »
La satisfaction des besoins instinctifs, inhé-
rents à la propagation de l'espèce et à la conser-
vation de l'individu, besoins que l'homme par-
tage avec tous les animaux , tenait aussi fort à
cœur au Dieu de Moyse. Le Christ n'a jamais
dit aux hommes : « Croissez et multipliez-vous » ;
et il défendait à ses disciples de s'occuper de
ce qu'ils auraient à manger. Mais le Dieu des
(1) Exode, XXVII et XXVIII, passim.
(1) Exode, XX, 25 et 26.
(2) Irvitique, I-III.
(3)(bid, IV, 6.
(4) Ibld., XVI. 20-22.
(5) Ibid., XI. — n La femme qui accouche d'un enfant
mâle est impure pendant sept jours et pendant deux
semaines, si elle accouche d'une fille (ibid, XII, *).,>
Voy. les impuretés légales, au chap. XV du Léviltque.
(6) Exode, XII, il et suiv.
827
MOYSE
Israélites était très-sensible aux murmures de
sort peuple affamé dans le désert. « Je vous en-
tends, leur disait-il; calmez-vous : le soir vous
mangerez de la chair (cailles), et le matin vous
serez rassasiés de pain (manne), et vous saurez
ainsi que je suis le Seigneur votre Dieu (1). »
Défense absolue de ramasser fa manne le jour du
sabbat, qui devait être rigoureusement sanctifié.
« Vous travaillerez, est-il dit , durant six jours ;
«t le septième jour vous ne travaillerez point,
afin que votre bœuf et votre âne se reposent,
et que le fils de votre servante et l'étranger aient
quelque relâche (2). » L'observance du sabbat
était tellement sévère (comme le dimanche chez
les Anglicans) que les Juifs traitèrent Jésus de
blasphémateur et sacrilège pour avoir guéri ce
joui-là des malades et permis à ses disciples
de cueillir des épis. Moyse décréta la peine de
mort contre un homme qui avait ramassé du
bois le jour du sabbat (3). La loi contre la vio-
lation du dimanche est , quoi qu'en-disent les
chrétiens, une loi essentiellement juive.
Chaque fois que le Seigneur voulait parler à
Moyse , il lui apparaissait dans une nuée
sombre. Le peuple devait alors se soumettre à
un cérémonial particulier : trois jours avant
l'apparition du Seigneur sur le mont Sinaï, tous
les Hébreux devaient laver leurs vêtements et
s'abstenir de tout contact avec leurs femmes ;
il leur était interdit, sous peine d'être lapidés,
d'approcher de la montagne; les bêtes mêmes
étaient comprises dans cette interdiction. « Le
troisième jour étant arrivé, on commençait à en-
tendre des tonnerres et à voir briller des éclairs ;
une nuée très-épaisse couvrit la montagne ; la
trompette sonna avec grand bruit, etc. (4), ».
Après cette représentation théâtrale, qui con-
traste si étrangement avec la simplicité de l'É-
vangile, Moyse descendit du mont Sinaï et com-
muniqua au peuple la volonté du Seigneur.
Le Décalogue est la quintessence de la législa-
tion de Moyse. Nous y voyons d'abord que le
même Dieu qui, pour faire éclater sa puissance,
avait frappé les Égyptiens de maux affreux,
« le Seigneur, fort et jaloux (5) , » prononce des
peines terribles contre quiconque transgresse
ses préceptes et promet des récompenses toutes
terrestres, fortune et puissance, à ceux qui les
suivent. Ce sont ces préceptes, dont se com-
pose le Décalogue, que l'Église catholique ap-
pelle, par un empruntfait aux Israélites, les com-
mandements de Dieu. E'st-ce-Ià aussi la doctrine
du Christ? Écoutez-le : « Vous savez qu'il a été
dit aux anciens : Tu ne tueras pas, etc. Mais,
moi je vous dis : Quiconque en veut à son frère
mérite déjà d'être condamné (6). Vous sa-
vez qu'il a été dit aux anciens : Tu ne corn-
ai) Exode, XVI, 12.
(2i Ibid., XXIII. 12.
(S) Nombre), X V, 32-36.
(4)lbld., XIX, 16.
(B) Exode, XX, 5.
{fi) Saint Matthieu, V, 21, 22, 27, 28, 33, 37, 43, 44.
mettras pas d'adultère. Mais, moi je vo
dis : Quiconque convoite la femme du prochi '
a déjà commis un adultère dans son coei
Vous savez encore qu'il a été dit aux anciens |
Tu ne te parjureras point, etc. Mais, n|
je vous dis : Que vot re discours soit : oui, 01
non, non : le surplus est de trop. Vous ai
aussi entendu dire : Aime ton prochain
haïs ton ennemi- Mais, moi je vous dis : A
mez vos ennemis ; faites du bien à ceux qui vc
haïssent, priez pour ceux qui vous persécuti
ou vous calomnient. » — On le voit , la loi
Moyse atteint l'acte; la loi du Christ purifie
pensée. La première est un code pénal, la dJ
nière, la vraie religion ; car c'est en redressi-
nos penchants , en rectifiant les mauvaii
pensées qu'on prévient les mauvaises actioi j
La loi du Christ est l'idéal vers lequel nous
vons tendre; la loi de Moyse est l'épée suspn
due sur la tête du coupable.
Les questions si importantes de l'immortal
de l'âme et d'une autre vie sont à peine in
quées dans les livres de Moyse. Nulle part
législateur hébreu ne parle des récompenses
des châtiments que l'homme peut recevoir
delà du tombeau. Il garde de même un siler
absolu sur ce que devient après la mort cet
pritvivifiant (nephesch khaïah ), que Jéhov I
Etohim souffla dans la poussière de terre (aph'
adamah) avec laquelle il forma le prem:
homme (t). L'œuvre capitale de Moyse, c'i
d'avoir nettement formulé la doctrine
l'unité de ;Dieu,- « créateur du ciel et de ;i
terre, » de l'avoir imposée comme loi aux ï I
breux, qui dans puis d'une circonstance
montraient encore enclins au polythéisn
Mais tous les hommes , tous les peuples n
taient pas égaux devant ce Dieu unique; ;
loux de l'adoration de son peuple favori , il
songeait aux autres que pour les traiter en «
nemis. Et chez ce peuple de Dieu tous n'étaiei
pas égaux devant leur propre espèce; car il;
avait des esclaves comme chez les Grecs et
Romains, et ces esclaves étaient soumis à de dum
lois (2). En somme, l'immortalité de l'âme, Yé{
(1) Genèse; II, 7. II est à remarquer que le mot il
phesch, partout où il se rencontre dans le l'entateuq
( Genèse, 1,20, 24, 30; IX, 4, S; XII, 13; XXXV, i
Exode, XXI, 23 ; Lévitique, XI, 10 ), signifie seuleme
la force qui anime toute chair (Nombres, XVI, S
la force vi'.ale, ou ce que certains spiritualistes a
pellent âme, qui ne serait alors que l'enveloppe ou
corps de l'esprit, comme le corps proprement dit i
l'enveloppe de l'âme , commune aussi aux animaux.
Le mot Scheol , que les traducteurs ont rendu f
Orcus , Hades , In f erum , Enfer, etc., veut dire to
simplement cavité, intérieur de la terre; il n'iropliq
aucune idée d'un lieu réservé aux amrs , à en )ug
par les passages du Pentateuque où ce mot se trou
(Genèse, XXXVII, 35; Nombres, XVI, 30; Deutéf
nome, XXXII, 22).
(21 Exode, XXI. Au verset 12, il est dit : « Si qï»i
qu'un frappe un homme avec dessein de le tuer, qn
soit puni de mort. » Mais cette loi n'était applicat '
qu'aux hommes libres. Car le législateur ajoute pi J
loin ( versets 20 et 21 ) : « Si un homme frappe son e i >
|!9
é de tous les hommes devant Dieu , leur égalité
mme frères devant leur propre espèce, ces trois
aiids dogmes de l'humanité, qui forment l'es-
nce môme du christianisme, sont étrangers au
waïsme. C'est encore dan3 la législation de
>yse, si formaliste et si exclusive, que les parti-
isde la peine de mort (l) et dej'esclavagetroa-
ot des textes à citer : l'Évangile ne se prête point
eurs doctrines (2).
Pour résumer ce parallèle, qu'il nous serait
■ile d'étendre, nous dirons que l'Ancien
Istament , et particulièrement le Pentateuque,
l'arsenal où les pasteurs des chrétiens sont
luits à cheréher leurs armes quand ils s'achar-
i it à défendre une de ces causes qui sèment
discorde et ne se tranchent que par le glaive.
pis alors pourquoi ne se font-ils pas Israélites ?
n'ont rien de commun avec les vrais disciples
Christ, ceux qui font appel aux mauvais ins-
ets de l'homme. Enfin, l'adjonction, si malen-
jitreuse, de l'Ancien Testament au Nouveau
, seule pu autoriser toutes les guerres de re-
on ; c'est dans le Pbntateuque , et non à la
iree de l'Évangile, que les incrédules ont tou-
frs puisé leurs arguments les plus redoutables,
rtlà ce que ceux qui ont charge de Veiller aiu
lut de l'Eglise devraient toujours avoir présent
leurs souvenirs. F. Hoefer.
e PentateiKfiie. — Les commentateurs de l'Ancien
jtament. — Les monographies sur Moyse, citées par
OEttinger dans sa Bio-Éiblioyraphie.
môyse Ier, patriarche d* Arménie, né i Ma-
«gerd, vers 400, mort en 465, à tôvïn. Pïdmu
patriarcat, en 457, il se signala par une ex-
mne complaisance envers le roi de Perse
tàuz, qui rétablit dans toute l'Arménie le
fte d'Ormouzd, et emmena captifs un gr'âud
[mbre d 'évoques, de prêtres et de diacres chré-
jttÔYSÈ iï ÉèiïiVAfttEf si, patriarche d'Ar-
Inie, né à Eghivart ou Elivart, dans le canton
Wkadzodn, en 510, mort eh 594, à Tovin.
bvé dans le palais dés patriarches , Jl monta
Jf le trône de saint Grégoire eh 55 1 . Moyse a
Sache son nom à la réforme du calendrier ar-
friien. Le cycle de deux cents ans, établi en
%• par un prélre, André , sur les ordres de
rcipereur Constance II, cycle d'après lequel
ive ou sa servante et qu'ils survivent à ces coups un
B'delix jours, il r/cn sert point puni, parte qu'ils les
liiftetës de son argent. » Ainsi l'argent donnait le
l'it de frapper un malheureux mortellement, pourvu
i! la mort n'arrivât que le surlendemain. Du reste,
^ animaux mêmes qui tuaient un homme étaient pu-
ll comme des meurtriers ( verset 28 ).
I) L'atroce loi du talion est formellement repoussée par
Jas-Christ en ces termes : « Vous savez qu il a été dit :
■ Il contre œil, dent contre dent; etc. i Ex., XXI, 24-95 ).
«fis. moi, » je vous dis de ne pas rendre lé mal pour le
I, etc. ( Saint Matthieu, V, 28 etsuiv.).
IÔ Dans le conflit déplorable qui vient d'éclater dans
hion américaine, les défenseurs de l'esclavage ont
ftglné, entre autres, de s'appuyer sur la Bible. Mais
j* n'est pas l'Évangile qu'ils citent; c'est la loi de
U se qu'ils invoquent. Quelle dérision ! IN devraient se
cireoncire, au lieu de s'appeler chrétiens.
MOYSE 830
l'année devait commencer le 4 avril, en même
temps que le cycle pascal , avait été introduit
en Arménie. Mais en 553, année de l'écoulement
de cette période de deux cents ans, les syzygies
ne se trouvant plus en harmonie avec le com-
put , il fallut, après le 25 mars , placer immé-
diatement le 13 avril. Alors le patriarche Moyse
convoqua les savants de son pays, sous la prési-
dence de saint Athanase, archimandrite du cou-
vent de Saint-Baptiste à Klag , et y fit adopter,
en 553, une nouvelle période de cinq cents ans.
Ce nouveau calendrier, au bout de neuf ans, s'é-
taht trouvé encore défectueux, Moyse appela un
nouveau concile à Tovin, pour faire une nouvelle
réforme. Il y réunit, en 562, les hommes les
plus savants de son époque : Addé de Cappa-
doce, Gigasde Syrie, Eulogius, évêque arménien
de l'Asie Mineure, Phinée de Judée, Noël d'E-
thiopie, Jean d'Arabie et Serge de Macédoine.
Le patriarche y fit adopter pour la détermina-
tion des pleines lunes un cycle de cinq cent
trente-deux ans, qui est encore aujourd'hui usité
chez les Arméniens. Comme ce cycle n'avait pas
été adopté par les Grecs, qui conservèrent celui
d'André, corrigé peu après par saint Cyrille d'A-
lexandrie, les Arméniens se trouvèrent, déjà en
l'an 1000,1e 4 avril de sept jours en avance sur les
Grecs, qui ne comptaient alors que le 28 mars.
Moyse II s'est encore distingué par sa constante
opposition à l'introduction en Arméniedes décrets
du concile de Chalcédoine. Il eut à ce sujet de
violentes altercations avec Kiouriouen ou Cyrille,
archevêque d'Ibérie et de Colchiiie, qu'il poussa
si loin que Cyrille, plutôt que de céder, préféra
s'empoisonner. On attribue enfin à Moyse la con-
version du roi de Perse, Khosrou Nouchirvan, au
christianisme, et on ajoute qu'il secondait les
amours de ce roi avec la princesse chrétienne
Schirin ( altération du nom d'Irène ) pour l'a-
mènera cet acte. Les auteurs perses et turcs ont
fait de cet amour le sujet deleurs épopées. En s8t
Moyse prit pour coadjuteur Verthanès évêque de
Tovin. En 582 il fonda sur un territoire cédé par
Khosrou un nouvel évêché du côté du lac Aral,
où le prince Sempad avait ramené du fond du
Turkhestan un certain nombre de prisonniers
arméniens.
moïse «i dathey atsi, patriarche d'Ar-
ménie, né à Khodaran, dans le pays de Siou-
nie, vers 1580, mort en 1633, à Etchmiadzin.
Il était religieux du couvent de Dathev, en Siou-
nie, lorsqu'il monta sur le trône patriarcal, en
1629. C'est sous lui qu'eurent lieu de nom-
breuses émigrations des Arméniens en Perse, où
ils fondèrent une académie particulière à Djoulfa,
faubourg d'ispahan, académie placée sous la juri-
diction du patriarche. Ch. R.
Jean vi Catholicos , Histoire d'Arménie. — Saint-
Martin, Mémoires historiques sur l'Arménie. — M. Ed.
Dulaurier, La Chronologie arménienne.
moyse {Hyacinthe), général des insurgés
haïtiens-, neveu du fameux Toussaint-Louverture,
né à Héricourt ( île Saint-Domingue ), en 1769,
S31 MOYSE -
et exécuté au Port-au-Prince, en décembre 1801.
Il avait à peine vingt ans lorsque l'insurrection
des hommes de couleur, exaspérés par les
cruautés et les outrages des blancs, vint à éclater
dans la colonie. Né de parents nègres, sa bonne
mine, son intelligence, son courage, le firent
distinguer par un certain nombre de noirs, qui
le prirent pour chef. Le 6 avril 1791, il attaqua
à La Croix-des-Bouquets l'armée des blancs
(sortie le 22 du Port-au-Prince), sous les or-
dres de Breton de La Villandrie, chef de flibus-
tiers, et la força à se replier sur Le Port-au-
Prince (1). Le succès de Moyse, quoique chè-
rement acheté, fut suivi du soulèvement général
des esclaves dans le sud et l'ouest de l'île. Peu
de temps après, le général Blanchelande, afin
d'engager les nègres insurgés à revenir sur les
habitations, accorda l'affranchissement à deux
cent quarante-quatre de leurs chefs, à con-
dition qu'ils serviraient comme gens d'armes
pendant cinq années , et qu'ils se chargeraient
eux-mêmes de retenir les esclaves dans leurs
devoirs. Mais Moyse refusa d'accepter les con-
ditions de cette espèce d'amnistie. Il joignit sa
bande à celles du chef suprême de l'insurrec-
tion , Jean-François , qui lui donna le comman-
dement supérieur du quartier du Dondon, déjà
révolté par son curé, l'abbé de La Haye. Moyse
prit une part peu active aux scènes sanglantes
qui désolèrent Saint-Domingue. Anglais, Espa-
gnols et colons insurgés y combattaient contre
les Français et les esclaves affranchis. L'hôte de
la veille était l'ennemi du lendemain. Ce n'était
que massacres, supplices, incendies. Dans ce
désordre Moyse sentit cependant la nécessité de
se donner un vernis d'éducation pour mériter la
considération des Européens. Il apprit à lire et à
écrire au milieu des camps et tint un Journal de
tout ce qui'Iui arrivait. En 1794, il adopta pour
chef son oncle Toussaint-Louverture ( voy. ce
nom ) , alors reconnu comme général de brigade
français, et le servit utilement dans ses opéra-
tions contre les Anglais , surtout dans les grands
bois de l'ouest et à l'attaque des hauteurs de Val-
lières.
Après l'évacuation des Anglais ( décembre
1798), Toussaint renouvela son projet de prise
de possession de la partie espagnole de l'île
Saint-Domingue. Après avoir fait ses préparatifs,
il écrivit, le 7 pluviôse an x ( 27 janvier 1801 ),
au capitaine général espagnol Joachim Garruba
de lui remettre Santo-Domingo. Sur le refus de
ce gouverneur, l'armée coloniale s'avança forte
de dix mille hommes, dont l'aile droite , dite
l'armée du nord, était sous les ordres de Moyse.
Celui-ci battit les Espagnols au passage du Nissa,
(l) Dans cette affaire les blancs étaient huit cents; ils
perdirent environ cent hommes, presque tous Indiens.
Ils avaient deux pièces d'artillerie. Les nègres étaient
cieux mille , mais très-mal armés et sans munitions.
Leur courage, poussé jusqu'à la frénésie , leur donna
seulement l'avantage; Us perdirent plus de la moitié des
leurs.
MOZART
et, le 26, entra le premier dans Santo-Domin
Après cette expédition, Moyse fut nom)
inspecteur général de la culture du nord d'Ha j
mais, trop doux, il ne réussit pas dans sa \
tion, et mécontenta son oncle (1). D'un ai
côté, le despotisme et les usurpations de Te j
sainiwlui déplaisaient; il s'en expliqua avec
de ménagement ; ses rivaux devinrent ses d |
teurs. Toussaint, instruit d'ailleurs que Mo)
avait des conférences secrètes avec des Frani j
qui repassaient en Europe , et auxquels il pas
pour avoir confié sa résolution de seconder
forces qu'on devait envoyer de France à Sa i
Domingue, le considéra comme l'un des inst i
teurs de la révolte des noirs du nord (21
cembre 1801 ), qui massacrèrent plus de t ;
cents blancs et pillèrent les faubourg du Cap
le fit arrêter avec plusieurs de ses préten
affidés , et condamner sommairement . par
commission militaire instituée ad hoc au P>
au-Prince. Moyse fut attaché à la bouche c
canon chargé et mis en pièces par son explosi
ses compagnons furent fusillés au nombre
vingt-trois. A. de L.
Le général Lacroix, Mémoires pour servir à l'hisi
de ta révolution de Saint-Domingue ( Paris, 181 I
1820, 2 vol. in-8° ), chap. ix. — Le colonel Malenf l
Hist. des Colonies , etc., p. 3-74. — Dalmas, Révolu
de Saint-Domingue , t. I, p. 55.
mozart (Jean-Chrysoslome- Wolfgang-A i
dée ) , célèbre compositeur allemand , né à S !
bourg, le 27 janvier 1756, etmort à Vienne, le 5
cembre 1791. Il n'est pas d'exemple, à quel]
époque que ce soit , d'une organisation musii
plus heureuse que la sienne , et qui se soit :
nifestée avec plus de précocité et par des sid
plus certains. Mais avant de tracer l'histori
des jeunes années de Mozart , il est nécess
de faire connaître la famille au milieu de laqu
il vit le jour, famille toute chrétienne, résigi
où régnaient l'ordre et le goût des belles chosj
digne et radieux berceau où le génie naissant
grand artiste se développa sous l'aile paterni
Son père , Léopold Mozart, né à Augsboi
en 1719, était fils d'un relieur de livres. A]*
avoir fait ses études , particulièrement un ce
de jurisprudence,* Salzbourg, il s'était vainen
efforcé de se créer une position. Comme il jo
très- bien du violon , le comte de Thun le pi
son service en qualité de valet musicien ,
nomination qui indique quelle était alors en A
magne la condition des artistes. A partir di
moment, Léopold Mozart se livra tout ent«
l'étude de la musique, et obtint, en 1743, j
place de premier violoniste de la chapelle
prince-archevêque de Salzbourg. Deux ans I
tard, il épousa AnnaBertlina, femme aussi pi«
qu'elle était belle. Léopold Mozart ne tarda [
par son talent comme violoniste et comme c<
positeur, à se faire une réputation qui lui v;
(1) Une compagnie anglaise offrit alors à Touss
20,000 piastres (760,200 fr. ) par mois pour l'exploita
des fermes administrées, par son neveu.
MOZART
834
l'être élevé au rang de second maître de chapelle
le la cour de Salzbourg (1). Mais son plus beau
itreàla reconnaissance de la postérité est d'avoir
;u deviner et diriger le génie de son fils. Rien
le plus intéressant en effet que les soins qu'il
lonne à l'éducation de son enfant; rien de plus
idmirable que cette tendresse paternelle, cette
ibnégation personnelle , se confondant avec la
bi du chrétien et l'enthousiasme de l'artiste.
Des sept enfants que Léopold Mozart avait
us de son mariage avec Anna Bertlina, il ne lui
estait plus qu'une fille , Marie-Anne, qu'on ap-
.elait familièrement Naennerle, diminutif
'Anna, née en 1751 (2), et le petit Wolfgang,
ui était venu au monde quatre ans plus tard.
Celui-ci avait à peine trois ans lorsque son père
ommença à donner des leçons de clavecin à
faennerle. Dès ce moment toute l'attention de
Volfgang se concentra sur cet instrument; il
osait ses mains sur le clavier, y cherchait des
accessions de tierces , et s'il venait à rencon-
er quelque nouvelle combinaison, ses yeux
ryonnaient de joie. C'est ainsi qu'il apprit,
resque en jouant , les éléments de la musique
, les principes du doigter. A quatre ans il exé-
atait avec un goût et une expression remar-
quables de petites pièces , qui ne lui coûtaient
u'une demi-heure d'étude , et il composait déjà
uelques petits morceaux que son père écrivait
Dus sa dictée. A mesure que son talent se dé-
jeloppait , le jeune Wolfgang perdait peu à peu
h goût des jeux bruyants de son âge. Doué d'une
ifltquise sensibilité, il recherchait l'affection de
lûtes les personnes qui fréquentaient la maison
laternelle. « M'aimez-vous bien? » leur de-
mandait-il souvent avec une naïveté charmante;
si l'on tardait à lui répondre, ses yeux se
emplissaient aussitôt de larmes. Il avait pour
Ion père un profond amour et un grand respect.
! Après Dieu , disait-il , c'est tout de suite papa. «
a piété en effet s'était manifestée de très-bonne
ieure; jamais il ne se couchait sans avoir chanté
(ne espèce de cantique dont il avait lui-même
[imposé la musique et que son père chantait
ivec lui. Puis , après avoir embrassé sa famille,
(i) Léopold Mozart a laissé en manuscrit beaucoup de
usique d'église, composée pour la chapelle de Salz-
>nrg On connaît de lui douze oratorios. Il a écrit pour
théâtre Sémiranis, La Jardinière supposée (en alle-
mand ), un intermède italien, à. deux personnages, in-
tulé La Cantatrice ed il Poeta , et un divertissement
»ant pour titre Musikahsche Sc/itittenfarht ( l'rome-
Inde musicale |. Ses œuvres de musique instrumentale
■.insistent en six trios pour deux violons et liasse, douze
ïièces de clavecin ; des pièces d'orgue; trente grandes
| rénades pour plusieurs Instruments; des concertos
mur divers instruments à vent, et beaucoup de sym-
phonies pour orchestre. Il a donné une méthode de vio-
I n, qui pendant phis de cinquante ans a été considérée
l'nime le meilleur ouvrage en ce genre. Léopold Mo-
; ri mourut à Salzbourg, le 28 mai 1787.
M<(î) Marie-Anne Mozart posséda un talent remarquable
iw le piano ; mais elle fut bientôt éclipsée par la rc-
mmméede son frère Wolfgang. Elle se maria en 1784, au
|pnseiller Berthold , baron de Sonnenbourg, et mourut
Salzbourg, en 1S30, à l'âge de quatre-vingts ans.
KOUT. BIOGR. GENER. — T. XXXVI.
l'enfant s'endormait, paisible et souriant, dou-
cement bercé dans ses rêves par la voix des
anges dont les concerts préludaient à sa des-
tinée.
Le petit Wolfgang à peine âgé de six ans
possédait déjà un merveilleux talent d'exécution
sur le. clavecin. Son génie précoce, rayonnant
de toutes parts, n'attendait plus que le moment
favorable pour prendre son essor. Son père, qui
depuis quelijue temps avait cessé de donner des
leçons pour se vouer tout entier à l'éducation
musicale de ses enfants, se décida alors à les
faire entendre en public, et entreprit cette longue
série de voyages aventureux dans lesquels on
voit toute une famille d'artistes allant chercher
fortune à travers i'Europe. Au mois de janvier
1762, Léopold Mozart et ses deux enfants firent
un premier voyage à Munich, et revinrent ensuite
tout joyeux à Salzbourg, après avoir fait pen-
dant trois semaines l'admiration de la cour de
l'électeur de Bavière. Dans l'automne de la même
année, toute la famille se rendit à Vienne.
Ce second voyage fut nn véritable triomphe
pour le petit Wolfgang. L'évêque de Lintz le
retient pendant quatre jours chez lui. A son pas-
sage à Ips , il touche de l'orgue dans un couvent
de franciscains, et laisse les révérends pères
émerveillés de ce qu'ils viennent d'entendre. Aux
portes de Vienne, il adoucit la rigueur des doua-
niers en exécutant un menuet devant le receveur,
auquel il fait ses invitations pour l'avenir. Dès
l'arrivée de la famille Mozart dans la capitale de
l'Autriche, les deux enfants, particulièrement
Wolfgang , fixèrent sur eux l'attention générale.
Recherchés et fêtés avec empressement par les
plus hauts personnages, c'était à qui serait assez
heureux pour pouvoir les posséder à sa table.
L'empereur François Ier les fit appeler à sa ré-
sidence de Schoenbrunn ; la veille il avait envoyé
à Naennerle une magnifique robe de taffetas
blanc broché, ornée de toutes sortes de garni-
tures, et à Wolfgang un habit lilas , du drap le
plus fin, et une veste en moire de couleur,
réhaussés d'une double bordure en or. Lorsqu'ils
se présentèrent, il alla au-devant d'eux, et les
conduisit avec bonté dans le salon où se tenait
Marie-Thérèse, entourée de sa belle et nombreuse
famille. Le petit Wolfgang, que rien n'intimide,
se laisse asseoir sur les genoux de l'impératrice,
qui le comble de caresses. Peu d'instants après,
il glisse et tombe sur le parquet. La jeune archi-
duchesse Marie- Antoinette , future et infortunée
reine de France, s'empresse de venir à son secours
en lui adressant quelques douces paroles. « Je
vous remercie, lui dit l'enfant , je veux me ma-
rier avec vous. » — « Vraiment ? Et pourquoi avec
elle plutôt qu'avec une de mes autres filles , lui
demanda Marie-Thérèse, qui l'avait entendu. » —
« Par reconnaissance, répondit aussitôt Wolfang :
elle a été bien bonne pour moi , tandis que ses
sœurs me regardaient sans bouger. » Un clra'r-
mant sourire accompagné d'un baiser sur le
27
835
front de l'enfant fut la réponse de la gracieuse
princesse à laquelle le compliment s'adressait.
Le virtuose de six ans exécuta plusieurs mor-
ceaux, et laissa l'assemblée dans le ravissement
d'un talent aussi extraordinaire. Mais sa bonne
nature devait le préserver de l'orgueir et de la
suffisance que les louanges et les distinctions
des grands auraient pu lui inspirer. Ainsi , il ne
jouait qu'à contre-cœur devant les personnes
qu'il savait ignorantes en fait de musique. Le
sentiment intime de l'art prévalait déjà en lui ,
et ce n'était que lorsqu'il se savait écouté par
les connaisseurs qu'il jouait avec ardeur et
avec passion. Un soir qu'il était à la cour et
qu'il allait se mettre au clavecin, ne voyant
autour de lui que des courtisans, il s'adressa
tout 'à coup à l'empereur : « Est-ce que M. Wa-
gensel, votre maître de chapelle, n'est pas là?
Faites-le donc venir. » Et lorsque celui-ci fut
arrivé : « Monsieur, lui dit-il, je joue un de vos
concertos, ayez la bonté de me tourner les feuil-
lets. ■» Cette assurance en lui-même est un des
traits du caractère de Mozart en toutes les cir-
constances de sa vie d'artiste.
Dans les premiers jours du mois de janvier
1763, la famille Mozart retourna à Salzbourg,
chargée de lauriers , mais presque aussi pauvre
qu'auparavant. Chacun reprit ses travaux ordi-
naires. Le jeune Wolfgang avait rapporté de
Vienne un petit violon dont on lui avait fait ca-
deau, et sur lequel il s'exerçait tout seul en s'a-
musant. Un jour, Wengl, habile violoniste de la
chapelle du prince , étant venu avec un autre mu-
sicien, nommé Schaohtner, chez Léopold Mo-
zart pour y essayer l'effet de quelques nouveaux
trios qu'il venait d'écrire pour deux violons et
basse, Wolgang voulut aussi faire sa partie. Son
père s'y opposa, prétendant que n'ayant pas étu-
dié le violon par principes , il ne pourrait les
suivre. L'enfant se mit à pleurer. « Eh bien!
voyons, lui dit son père, mets-toi à côté de
M. Schachtneretdouble la ceconde partie aveclui,
mais joue tout doucement, car si on t'entend, je
te renvoie. » A peine eut-on joué quelques mesures
que les trois artistes se regardèrent avec éton-
nement en entendant l'enfant exécuter sa partie
avec une remarquable précision. Schachtner
cessa de jouer, et le jeune Mozart continua jus-
qu'au bout sans la moindre hésitation. Ce fut
avec la même facilité qu'il s'initia au mécanisme
des autres instruments el qu'il devina les secrets
de l'harmonie. Au mois de juin 1763, Léopold
Mozart, sa femme et ses deux enfants, entre-
prirent un long voyage à l'étranger. Ils traver-
sèrent toute l'Allemagne et visitèrent successi-
vement Augsbourg, Mannheim, Mayence, Franc-
fort, Coblentz, Cologne, Aix-la-Chapelle. Par-
tout le jeune Wolfgang, dont lé talent grandis-
sait chaque jour, excita l'admiration' générale
par l'habileté de son exécution et par la fécon-
dité de ses inspirations, en improvisant tour à
tour sur le clavecin, sur le violon et sur l'orgue,
MOZART
dont il faisait mouvoir les pédales avec une
lité surprenante. Après avoir donné à Brux<
un concert auquel assistait le prince Charles
famille Mozart se dirigea sur Paris , où elle ar
le 18 novembre, avec des lettres derecommai
tion pour le baron de Grimm. Celui-ci, commi
le voit dans sa Correspondance littéraire,
vina le génie de Wolfgang, et usa de son ci
pour le mettre en évidence. Léopold Mozai
ses enfants fuient présentés au baron d'Holb;
au comte de Tessé, au duc de Chartres,
comtesse de Clermont, et reçurent une in\
tion pour se rendre à la cour de Versailles.
Wolgang se fit entendre devant la famille ro
et recueillit de vifs applaudissements. Adm
l'honneur d'assister au grand couvert du rc
est placé à côté de la reine Leczinska, et lui r.
avec une familiarité charmante. Il fut a
présenté à la marquise de Pompadour ; mais 1
gueilleuse favorite eut le mauvais goût de st
fuser à ses gracieuses caresses : « Qui es
donc que celle-là qui ne veut pas m'embras;
s'écria l'enfant, l'impératrice Marie-Thérèse
bien embrassé. » Pendant le séjour de queli
mois qu'il fit, à Paris, le jeune virtuose pi
deux œuvres de sonates pour le clavecin ;
accompagnement de violon , qu'il dédia, le
mier à la princesse Victoire, seconde fille
roi , l'autre à la comtesse de Tessé. Ces c
mantes productions d'un enfant de sept I
qui auraient fait honneur aux artistes les
renommés de cette époque, font partie d
collection de ses œuvres. Le 10 avril 176
famille Mozart quitta la France pour allei
Angleterre. Wolfgang ne produisit pas moin
sensation à Londres qu'à Paris. 11 touche
l'orgue devant le roi, qu'il étonne par la fac
prodigieuse avec laquelle il exécute à prerr
vue la musique de Haendel et de Bach. 11
six sonates de clavecin, qu'il dédie à la reine, c
pose une symphonie à grand orchestre etdt
des concerts où le public se rend en foule. A
être restés environ quinze mois à Lond
Léopold Mozart et sa famille s'éloignèren
cette ville, suivis d'une renommée qu'attes
les journaux de l'époque. Ils débarquèrei)
1er août 1765 à Calais, et se rendirent en I
lande en traversant le nord de la France et (
Belgique. Parlout Wolfgang joue de l'orgue*
les cathédrales et dans les collégiales qu'il i
contre sur son passage. Arrivés à La Haye
deux enfants se font entendre devant le pr
d'Orange; mais peu de jours après ils tomi
dangereusement malades. Rien n'est plus
chant que les lettres que, dans son désesp
le bon Léopold Mozart écrivit alors à son.'
Hagenauer, propriétaire de la maison qu'il
bitait à Salzbourg, en lui recommandant
faire dire des messes, à presque tous les saint
paradis pour que Dieu rende la santé à ses cl
enfants. Ses vœux furent exaucés-. Après a
donné deux concerts à La Haye, et dédié
!7 MOZART
uvelles sonates de clavecin à la princesse
Nassau - Weilbourg , Wolfgang avec sa fa-
ille se rendit à Amsterdam, où il composa des
mphonies et d'autres morceaux pour les fêtes
nstallation du stathouder, et reprit ensuite le
emin de l'Allemagne en passant par Paris ,
jon, Lyon et la Suisse. A la fin de novembre
66, après trois années d'absence, ils étaient de
four à Salzbourg. Wolgang y reprit paisible-
"nt ses études de composition sous la direc-
n de son père. Prenant pour modèles clas-
|ues les ouvrages de Haendel et d'Emmanuel
ch, il méditait en même temps les œuvres de
«rlatti, de Léo, de Durante et des autres
dtres de l'école italienne. C'est ainsi qu'en pé-
trant les mystères de la science et en s'appli-
ant à faire chanter les parties d'une manière
,ile, élégante et naturelle, il se préparait à de-
air le suprême conciliateur entre le génie pro-
idémenl. harmonique de l'Allemagne et le gé-
; plein de charme mélodique de l'Italie.
Les études du jeune Wolfgang furent inter-
mpues par une nouvelle tournée artistique que
topold Mozart entreprit au mois de septembre
■67. Toute la famille partit pour Vienne. L'em-
ceur François 1er était mort depuis deux ans ;
n fils Joseph II lui avait succédé. Wolfgang fut
mis à se faire entendre devant ce prince, qui,
»niié de la perfection de son jeu et du mérite
ses improvisations , chargea le virtuose de
uze ans de composer la musique d'un petit
ëra bouffe intitulé : Lafinta Semplice. Wolf-
bg eut bientôt terminé la partition de cette
èce ; mais il avait compté sans la jalousie que
rénommée déjà européenne et le prodigieux
iveloppement de son talent avaient excitée
irmi ses rivaux, et, bien que son œuvre eût
Srité l'approbation de Hasse et de Métastase,
I finta Semplice ne fut pas représentée. Il
imposa aussi à la même époque un petit opéra
mique, traduit du français en allemand ,
istien et Bastienne, qui fut joué à la maison
campagne du fameux docteur Mesmer, ami
•son père, ainsi qu'une messe à quatre voix
orchestre, dont il dirigea fui -même l'exécu-
ta. Après une excursion à Olmùtz, où il échappa
une grave matadie, qui le priva de la vue pen-
tat neuf jours , Wolfgang revint à Vienne et y
journa jusqu'au mois de décembre 1768, oc-
Ipé à écrire de la musique d'église et de piano
là terminer un opéra. De retour à Salzbourg, il
'passa l'année suivante à se familiariser avec
langue italienne, et dans les derniers jours
1769 il partit pour l'Italie, accompagné seu-
rnent de son père. Mozart trouva dans ce
yage une compensation aux déboires qu'il
ait eu à supporter en dernier lieu à Vienne. Il
isse par Vérone , par Mantoue , et arrive à
'ilan,. dont la population l'accueille avec enthou-
»sme. Il visite les autres principales villes de
(péninsule, et partout son talent d'exécution
sa science excitent les mêmes transports d'ad-
838
miralion. A Pologne, le savant P. Martini de-
meure stupéfait en le voyant donner la riposta
in rigore modi h chaque sujet de fugue qu'il lui
propose, et exécuter immédiatement après la
fugue elle-même. A Rome, pendant la semaine
sainte, il entend exécuter à la chapelle Sixtine
le célèbre Miserere d'Allegri, et deux auditions
lui suffisent pour écrire de mémoire ce morceau
compliqueront il était défendu de communi-
quer des copies. Peu de jours après, il fait en-
tendre cette œuvre dans une assemblée. Le pape
Clément XIV a connaissance du fait. Loin d'en
vouloir au jeune artiste , il veut même qu'on le lui
présente, et lui fait remettre ensuite la croix et
le brevet de chevalier de l'Éperon d'or (1). A
Naples, en jouant une sonate au conservatoire
delta Pietà devant Jomelli et une foule im-
mense , il est obligé d'ôter une bague qu'il por-
tait à l'un de ses doigts., et à laquelle le public
superstitieux attribuait, comme à un talisman,
une exécution merveilleuse. De retour à Milan,
vers la fin d'octobre 1770, il y compose son
premier opéra, MitrUlate, re di Ponte, qui
est représenté le 26 décembre suivant, avec un
succès décidé, et obtient vingt-deux représenta-
tions consécutives. Mozart n'avait pas encore
quinze ans. Quelque temps auparavant l'Acadé-
mie philharmoniquede Bologne l'avait admis au
nombre de ses membres sur une antienne à
quatre parties qu'il avait écrite comme pièce de
concours et qui était digne des beaux jours de
Palestrina. Après ces triomphes , Mozart et son
père reprirent le chemin de leur patrie. L'année
suivante, ils retournèrent en Italie, où Wolfgang
fit représenter, à Milan, une grande scène dra-
matique, Ascanio in Alba, qu'il avait été
chargé d'écrire pour le mariage de l'archiduc
Ferdinand. En entendant cet ouvrage, le vieux
compositeur Hasse, que les Italiens avaient sur-
nommé le divin Saxon , ne put se contenir, et
s'écria : « Cet enfant nous fera tous oublier. »
Revenu à Salzbourg pour y écrire une sérénade
dramatique, Il Sognodi Scipione, à l'occasion
de l'installation du nouvel archevêque, Mozart
retourna à Milan au mois d'octobre 1772, et y
composa un opéra sérieux, Lucio Scilla, qui fut
accueilli du public avec la même faveur que ses
précédents ouvrages. Avant de quitter définiti-
vement l'Italie, Léopold Mozart et son fils al-
lèrent passer le carnaval de 1773 à Venise, qu'ils
avaient déjà visitée. De retour en Allemagne,
ils firent encore deux excursions, l'une à Vienne,
l'autre à Munich, où Wolfgang composa Lafinta
Giardiniera, opéra bouffe, qui fut représenté au
mois de janvier 1775 sur le théâtre de cette ville,
et y obtint un succès éclatant. Au mois de mars
suivant, toute la famille Mozart se trouvait de
nouveau réunie à Salzbourg.
Mozart avait alors dix-neuf ans. En revenant
(l) Moz irt ne porta cette croix que dans sa jeunesse,
dans les villes impériales et dans son voyage à Paris, d'a-
près les ordres formels de son père.
27.
839
à Salzbourg précédé d'une renommée qui égalait
déjà celle des meilleurs compositeurs, il avait
espéré que le nouvel archevêque récompenserait
ses brillants succès en lui accordant la place de
maître de sa chapelle. 11 attendit vainement cette
place pendant trois années, qu'il employa à de
fécondes études, s'essayant dans tous les genres,
en composant des messes, des symphonies, des
sonates, et des cantates, parmi lesquelles on re-
marquesurtoutcellequia pourtitre/J Repastore,
jqu'il écrivit en 1775, pour l'archiduc Maximilien.
Ses voyages lui avaient rapporté plus de gloire
que d'argent , et les économies qu'il avait pu
faire avaient été promptement absorbées par les
besoins d'une famille composée du père, de la
mère, de deux enfants et d'une vieille granJ'-
mère. Léopold Mozart ne recevait du prince-
archevêque qu'un traitement mensuel de 25 flo-
rins (53 fr. 50 c, soit 642 francs par an), et avait
été obligé de recommencer à donner des leçons.
Pressé parla nécessité, Wolfgang se décida à
entreprendre un second voyage en France, comp-
tant sur la faveur qui "l'y avait accueilli qua-
torze ans auparavant, et le 23 septembre 1777
il quitta Salzbourg, accompagné celle fois seule-
ment de sa mère. Rien de plus touchant que les
adieux de ce père ouvrant sa fenêtre, après la sé-
paration , pour suivre encore au loin des yeux
sa femme bien aimée, qu'il ne devait plus revoir,
et donnant sa bénédiction à son enfant, qu'il
abandonnait aux soins de la Providence. Les
deux voyageurs se rendent d'abord à Munich..
Mozart est présenté à l'électeur; il lui demande
d'entrer à son service, offrant de composer
quatre opéras par an et déjouer tous les jours
dans les concerts de la cour, moyennant un mo-
dique traitement de 500 florins (1,050 francs
environ ). Le prince répond à ceux qui s'inté-
ressent à l'artiste : « Je n'ai rien à lui refuser ;
mais il est encore trop jeune, nous verrons plus
tard ». A Augsbourg, Mozart est obligé de donner
un concert pour snbveniraux frais deson voyage.
11 s'arrête pendant quelque temps à Mannheim.
L'électeur palatin l'accueille avec distinction,
mais ne peut lui donner aucun emploi : il n'y
avait pas de place vacante à sa cour; Canne-
bich et l'abbé Vogler les occupaient. Mozart se
dirigea alors sur Paris, où il arriva le 23 mars
1778. Son premier soin est d'aller voir le ba-
ron de Grimm ; il est présenté à Mme d'Épinay,
à Legros, directeur du Concert spirituel, à
Noverre, maître des ballets de l'Académie royale
de Musique. Il espère dans les promesses qui
lui sont faites; mais bientôt il rencontre par-
tout les obstacles qu'on oppose parmi nous à
une gloire nouvelle. Il attend vainement pen-
dant six mois le livret d'un opéra qu'on devait
lui fournir. Le directeur du Concert spirituel
ne daigne pas même faire copier les parties d'une
symphonie concertante que Mozart avait, com-
posée pour les plus célèbres instrumentistes, et
ne remploie qu'à arranger la partie vocale du
MOZART
Miserere d'Holzbauer. Sa mère enfin se fii
tait qu'il eût trouvé une élève qui lui p
trois louis pour douze leçons. Du fond de s; I
traite , Leopold Mozart entretenait une ai
correspondance avec son fils, qu'il suivait p )
pas dans ses actions en le guidant de ses s
conseils. Les lettres d u fils , pleines de res
et de tendresse , révèlent la noble fierté de
caractère et la conscience qu'il avait déji
sou génie. « Je suis compositeur et fils de m;
de chapelle, écrivait le futur auteur de
Juan, et je ne consentirai certainement p,
enfouir dans l'enseignement le talent que ]
m'a si libéralement départi pour la composil
soit dit sans orgueil, car je le sens en moi
que jamais. » Et dans une autre lettre daté
Paris : « Ah! s'écriait-il, si au moins il y ;
ici quelqu'un qui eût des oreilles pour enta
et un cœur pour sentir. » Toute l'attention
blique se concentrait à cette époque sur les
relies des gluckistes et des piccinistes. .
tout on agitait la question de savoir si la
sique devait ou non être l'élément prédt
nant du drame lyrique. Les écrivains pren;
fait et cause pour ou contre dans des discuss
bruyantes ou confuses, dont le plus grand r
bre ne comprenaient pas la portée, et persi
ne se doutait qu'heureusement pour l'aveni
l'art il y avait alors dans un coin de Pari
jeune hommede vingt-deux ans dont lesœn
impérissables allaient bientôt trancher la q
tion en réconciliant les deux principes excli;
Mais l'àme profondément sensible de Me
avait besoin, pour s'épanouir, d'un champ
vaste que celui où la peinture des passion
trouvait circonscrite dans le cercle de la réc
Musicien de l'idéal, le grand artiste ne com
riait pas que les créations de son génie fram
saient tout à coup un trop grand espace
être appréciées d'une nation à peine sortie
voies du mauvais goût et encore indécise su
révolution opérée par Gluck dans la mus
dramatique. L'Allemagne elle-même, quoi
plus avancée, n'était pas mûre pour tanl
nouveautés.
Au milieu des obstacles qu'il rencontrai
toutes paris, Mozart eut le malheur de perdr
mère, qui expira dans ses bras, le 3 juillet 1
après quelques jours de maladie. Le séjou
Paris lui devint dès lors insupportable, c
26 septembre de la même année il quitta <
ville après avoir refusé la place d'organiste <
chapelle de Versailles. Il passa par Lané\
s'arrêta quelques jours à Strasbourg, où onl
un accueil plus honorable que fructueux , v
de nouveau Mannheim et Munich, et, vers le
lieu du mois de. janvier 1779, il était de reto
Salzbourg. Fatigué d'efforts infructueux,
vit contraint d'accepter la place d'organistt
la cour, que le prince-archevêque consenti! i
offrir avec 500 florins d'appointements, et I
née suivante celle d'organiste de la cathédi
MOZART
842
circonstance vint heureusement ranimer le
•âge abattu du jeune compositeur et témoi-
que la renommée européenne dontil jouis-
déjà n'était encore que le prélude de sa
•e future. Au commencement du mois de no-
bre 1780, Mozart reçut de l'électeur de Ba-
>, Charles Théodore, l'invitation de se remire
midi pour y écrire la musique d'un grand opéra
iné au théâtre italien de la cour. Il partit aussi-
ipour cette ville. Après s'être entendu avec
>é Varesco, auteur du poëme, et avoir pris
missance du personnel dramatique dont il
'ait disposer, Mozart se mit immédiatement
euvre, et le 29 janvier suivant, jour anni-
aire de la naissance de l'électeur, Idomeneo,
i Creta, opéra sérieux en trois actes, fut re-
enté pour la première fois. Cet ouvrage n'était
moins qu'une transformation complète de
Le caractère mélodique ne rappelait, comme
t observer M. Fétis dans le jugement éclairé
a porté sur cet opéra, ni la musique pu-
-rnt italienne, ni la musique allemande, for-
sous l'influence de celle-ci par Graun ,
*e et Benda, ni le style français, ni la mo-
alion de ce style par Gluck. Mozart tirait
'de son propre fonds, et créait une musique
nouvelle par l'expression et le développe-
: de l'idée mélodique que par la forme des
mpagnements et la richesse des combinai-
i harmoniques et instrumentales. L'ouver-
I l'air Padre gerniani, celui à' Electre, au
siier acte, celui A' Ma, accompagné de
re instruments obligés, le chœur Placido è
ir, andiamo, ceux de Picta, Numi ! et Cor-
w, fuggiamo , tout révélait un génie puis-
qui prend possession de sa personnalité,
ioarition de V Idomeneo fut le véritable avéne-
1 de Mozart sur la scène dramatique. Le suc-
lie cet opéra fut immense. Le jour de la pre-
représentation, un vieillard, caché au fond
loge obscure, pleurait à chaudes larmes :
lit Léopold Mozart arrivé la veille de Salz-
ig, avec sa fille, et assistant enfin à la glo-
ition de son fils chéri, qui avait été son dis-
et qu'une assemblée transportée d'enthou-
îe saluait de ses applaudissements. Mozart
lit d'atteindre sa vingt-cinquième année,
rès l'éclatant succès de V Idomeneo, le
fce-archevêque de Salzbourg, homme gros-
et avare, qui jusque là avait méconnu l'ar-
extraordinaire qu'il avait l'honneur de pos-
r à sa cour, se trouva flatté d'avoir à son
ce le jeu ne compositeur dont s'entretenait une
ie de l'Allemagne, et s'en fit suivre dans un
ge qu'il fit à Vienne au mois de mars 1781.
'logea dans son hôtel, mais voulut le con-
dre à manger à l'office avec la basse domes-
■ de sa maison. Mozart, à qui le sentiment
('éi dignité d'artiste n'avait jamais failli , sup-
Wi d'abord avec patience la tyrannie du prélat,
Wie lui permettait pas même de se faire en-
terre sans son autorisation dans les concerts où
il était souvent invité. La crainte de faire du tort
à son père et de lui faire perdre la place qu'il
occupait à Salzbourg le retenait dans cette si-
tuation. Mais un beau jour, ne pouvant plus ré-
sister aux humiliations dont il était abreuvé, il
rompit le joug et quitta pour toujours le service
de l'archevêque.
Nous voici arrivés à cette période de la vie de
Mozart où son génie tendre et passionné, fé-
condé par l'amour, qui en fait la force, et triom-
phant des luttes de Ja misère et de l'envie, va
s'élever au plus haut degré du sublime. Après
s'être séparé de l'archevêque , Mozart, libre dé-
sormais de ses actions , ne chercha pas de place,
et vécut près d'une année du faible produit de
son travail et des leçons qu'il donnait. L'empe-
reur Joseph II n'aimait que l'opéra bouffe ita-
lien; la musique de Mozart était trop forte pour
ses oreilles. Cependant il chargea le composi-
teur d'écrire pour le théâtre de sa cour la par-
tition d'un opéra allemand intitulé : Die Ent-
fûhrung aus dem Sérail (L'Enlèvement au sé-
rail). Ce charmant ouvrage en deux actes, dont
le livret était du poëte Stephani , fut représenté
le 12 juillet 1782, et obtint bientôt un succès
populaire. L'empereur, en adressant au musi-
cien des éloges sur son œuvre , ne put s'empê-
cher d'y mettre une certaine réticence : « Bravo,
mon cher Mozart, lui-dit-il; mais il y a peut-
être dans tout cela un peu trop de notes. » —
« Juste autant qu'il en faut, Sire, » répondit
l'artiste. Mozart ne reçut de Joseph II que cin-
quante ducats pour la composition de cet
opéra.
Les circonstances dans lesquelles Mozart, se
trouvait lorsqu'il écrivit son opéra de L'Enlè-
vement au sérail, ne furent pas étrangères sans
doute à l'ardeur des sentiments et à l'entrain
étonnant qui régnent dans toute cette pièce. De-
puis longtemps il aimait une jeune pianiste.
Constance Weber (I), dont il désirait faire la
compagne de sa vie. « Je vous supplie par tout
ce qu'il y a de saint au monde, écrivait-il à son
père, de donner votre consentement à mon ma-
riage Vous ne pouvez rien avoir, et vous
n'avez rien en effet à me reprocher, ce que me
prouvent vos lettres; car Constance est une brave
et honnête fille, née de bons parents, et je suis en
état de lui procurer du pain. Nous nous aimons;
nous désirons être unis. Que reste- t-il à objecter ? »
Léopold Mozart aurait bien eu des objections à
faire; mais c'était un homme d'autrefois. Il pen-
sait que s'il n'est pas sage de marier, comme on
dit, la soif avec la faim, il n'est pas chrétien de
vouloir être trop prévoyant, et qu'un artiste
jeune , de talent et d'avenir, a raison d'épouser,
même sans dot, la jeune fille qu'il aime, en se
fiant à son travail et à la Providenee. Malheu-
reusement la mère de Constance s'opposait à
(1) Sœur cadette àc la cantatrice Aloïse Weber, qui se
fît entendre plus tard à Paris sous le nuin de M11' Lange.
843
MOZART
cette union. Mozart enleva sa fiancée, et la con-
duisit chez la baronne de Waldstetten, où, lors-
que toutes les difficultés eurent été levées, la
noce eut lieu, le 4 août 1782. Trois jours après
la cérémonie, Mozart écrivait à son père : « Ma
chère Constance, désormais, grâce à Dieu, ma
véritable femme , savait l'état de mes affaires et
tout ce que j'ai à attendre de vous; je lui en
avais parlé depuis longtemps. Mais son amitié et
son amour pour moi étaient tels qu'elle n'hésita
pas un instant à sacrifier tout son avenir à ma
destinée. Je vous remercie , avec la plus vive
tendresse qu'un fils ait jamais éprouvée pour
son père, de votre bienveillant consentement et
de votre paternelle bénédiction Lorsque
notre union fut prononcée, ma femme et moi,
nous nous mîmes à fondre en larmes; tous,
même le prêtre, partagèrent l'émotion de nos
cœurs. La fête de la noce consista en un
souper princier, que nous donna la baronne de
Waldstetten, et pendant lequel on me fit la sur-
prise d'une musique de ma composition pour
seize instruments à vent. — Maintenant plus que
jamais, ma chère Constance se réjouit de partir
pour Salzbourg , et je parie que vous serez heu-
reux de mon bonheur quand vous la connaîtrez,
si d'ailleurs à vos yeux comme aux miens c'est
un bonheur pour un homme d'avoir une femme
sensée, honnête, vertueuse et agréable. »
Dans sa nouvelle situation, Mozart redoubla
d'énergie. Occupé dans -la matinée à donner des
leçons , presque toutes ses soirées étaient prises
par les concerts. Dévoré par une prodigieuse ac-
tivité d'esprit , il trouvait encore le temps de
composer toute sorte de musique, et jusqu'à des
contredanses et des valses pour les bals publics.
C'est à partir de cette époque qu'il écrivit ses
plus belles œuvres instrumentales, entre autres
les six quatuors pour deux violons, alto et basse,
qu'il dédia ensuite à Haydn, précédés d'une
épître remplie d'admiration et de respect filial
pour le père de la symphonie. 31 travaillait au
second de ces quatuors lorsque sa femme était en
couches de son premier enfant. 11 restait dans
la chambre de la jeune mère, et chaque foisqu'elle
se plaignait il courait à son chevet pour la con-
soler et l'égayer, et regagnait sa table dès qu'il
la voyait tranquille. L'heureux caractère de Mo-
zart, sa confiance en lui-même lui faisaient sur-
monter toutes les difficultés. Cependant, le pro-
duit de son travail était loin de suffire aux be-
soins de son ménage. 11 désirait ardemment
pouvoir conduire sa femme à Salzbourg pour la
présenter à son vieux père, mais il avait été
obligé, faute d'argent, de reculer ce voyage. Enfin,
dans les derniers jours du mois d'août 1783, il
se décida. Au moment de monter en voiture, il
fut arrêté par un créancier, qui exigea impérieu-
sement le payement de trente florins ( 60 francs
environ) que l'artiste lui devait. Après un séjour
de près de trois mois à Salzbourg, Mozart revint
à Vienne. Ces trois mois n'avaient pas été per-
dus pour l'ait, puisque pendant ce temps ilavi
produit son Davidde pénitente, oratorio q
renferme des beautés du premier ordre, et dei
duos pour violon et alto , qu'il composa sous
nom de Michel Haydn , frère du grand Hayd
Michel Haydn étant malade et ne pouvant rer
plir un engagement pris envers l'archevêque ■
Salzbourg, au service duquel il était attaché,
trouvait menacé d'être privé de son traitemer
Mozart vint à son secours , et sa bonne œuv
fut un chef-d'œuvre.
Plein de courage et de foi dans l'avenir, Mozf
reprit le cours de ses travaux. Les applaudiss
ments qu'il recueillait dans les concerts et su
tout l'approbation des maîtres de l'art devaie
le consoler des intrigues de ses rivaux, qui che
chaient à amoindrir sa gloire. « Sur mon ho\
neur et devant Dieu, répondait Haydn à Lé
pold Mozart, qui, étant venu à Vienne en 178
demandait à ce grand musicien de lui dire av
sincérité ce qu'il pensait du mérite de son fil
Je liens votre fils pour le premier descomp
siteurs de nos jours. » L'empereur Joseph ]
qui aimait la personne de Mozart autant qu'ils
timait son talent, chargea le compositeur d'écri ■
la musique d'un petit opéra comique en un ad
intitulé : Der Schauspieldireclor (Le Directe1
de spectacle) , qui fut joué, au mois de févri
1786, au palais de Schœnbrunn. Bientôt apr
avoir donné cette bluette , Mozart reparut sur
scène lyrique avec Le Xozze- dï Figaro , opé
bouffe en quatre actes. Rien de ce qu'un av<
entendu jusque alors ne pouvait donner l'idée
cette partition colossale par l'abondance des aii
des duos, et par la grandeur et le développemt
des morceaux d'ensemble de caractères difl
rents. Le charme et la nouveauté des mélodie
la richesse et la variété des accompagnement
tout concourait à la perfection de l'œuvre c
allait faire époque dans la vie de l'artiste comr
dans l'histoire de la musique dramatique. U
cabale formidable, montée par les compositet'
et les virtuoses italiens, faillit arrêter les rép
titions de l'ouvrage, et il ne fallut rien moi
qu'un ordre de l'empereur pour qu'au mois
mai 1786 Le Nozze di Figaro fussent représe
tées sur le théâtre italien de la cour, où, malg
l'opposition de ses adversaires, Mozart obtint i
nouveau triomphe. Le succès de cette admirai
partition fut général en Allemagne dès son app
rition. Au mois de février 1787, Mozart se rem
à Prague, et y jouit en personne de l'entho
siasme qu'excitait son dernier ouvrage, interprt
sur le théâtre de cette ville par une excellai
troupe de virtuoses italiens, dirigée par un nomr
Bondini. A son entrée dans la salle de spectac
le célèbre artiste fut salué par de bruyantes a
clamations, qui se renouvelèrent chaque fois qu
assista à une représentation. Ému d'un pareil a
cueil et voulant témoigner sa reconnaissance ai
habitants de Prague en composant un opéra to
exprès pour eux, il promit à Bondini de rêver
"»
MOZART
846
upe.
V son retour à Vienne, Mozart, préoccupé de
igagement qu'il venait de contracter, en parla
poêle italien Lorenzo da Ponte. Celui-ci avait
à jr»t«* sur le papier le plan d'un libretto,
ml (tour sujet Don Juan , dont il avait puisé
cléments dans Tirso de Molina et dans Mq-
!«; il le montra à Mozart, qui l'accepta. Lo-
zo da Ponte se mit aussitôt à l'ouvrage et à
sure qu'il terminait une scène , il la commu-
aait au compositeur dont il recevait les con-
|| s avec beaucoup de déférence. Au moment où
/.art se disposait à écrire la musique de Don
lin , il eut le malheur de perdre son père,
ppé dans la plus chère de ses affections, il se
tit défaillir. Il avait alors trente et un ans ,
I léjè le pressentiment de sa fin prochaine en-
issait son âme. Une voix semblait lui dire :
âte-toi d'accomplir ton œuvre, il est temps. »
« La mort , quand on y réfléchit , écrivait-il
is une de ses lettres , paraît être le véritable
de la vie. Je me suis tellement familiarisé
c cette idée, qu'elle n'a rien d'effrayant pour
i, et je ne me couche pas sans penser que le
demain je puis ne pas me réveiller. »Mais une
ice tristesse voilait le regard de l'artiste' et
onçait le regret de quitter la vie dans la force
l'âge et du talent. Ce fut dans ces disposi-
is d'esprit que Mozart, accompagné de sa
«ne, partit pour Prague, emportant le libretto
«on opéra, dont il avait seulement esquissé
lques morceaux. Dès son arrivée dans cette
le-, son ami Dùsseck s'empressa de lui offrir
llogement dans sa maison. C'est là que Mozart,
feant ses plus heureuses inspirations au milieu
heures paisibles de la nuit, composa la
fsique de ce drame terrible, où tous les senti-
jnts du cœur humain se trouvent exprimés
I* une variété incessante qui fait succéder l'i-
|ge la plus riante au tableau le plus sombre;
chose inouïe, le mois d'octobre 1787 lui suffit
écrire cette immense partition , création
finale du genre de musique que depuis lors
a appelé romantique. On commença aussitôt
répétitions de l'ouvrage, qui fut représenté
lis la même année sous le titre de II disso-
\opunito, ossia don Giovanni. La rapidité
te laquelle l'ouverture fut écrite témoigne de
prodigieuse facilité du compositeur. La veille
lia première représentation, cette admirable
(face de son œuvre n'était encore, dit-on, que
us son imagination; rien n'exislait sur le pa-
Après avoir passé gaiement la soirée avec
elques amis, Mozart se mit au travail à deux
ires du matin, ayant à ses côtés sa femme,
lui avait préparé un grand verre de punch.
'. copistes avaient été prévenus, et le lende-
in à sept heures du soir, un peu avant le lever
rideau, les feuilles encore humides étaient
cées sur les pupitres de l'orchestre. Quoiqu'on
jt pas eu le temps de répéter ce morceau, les
ver suivant et d'écrire une partition pour sa . musiciens, dirigés parStrolibnch.lourhabile chef,
l'exécutèrent avec tant de chaleur et de préci-
sion , que l'auditoire put à peine contenir jusqu'à
la fin les transports de son enthousiasme. Don
Juan eut un immense succès à Prague.
A son retour à Vienne , au commencement de
1788, Mozart y fit représenter son dernier opéra.
Mais, à l'exception de quelques connaisseurs, le
public viennois resta presque indifférent devant
ce chef-d'œuvre de l'art, auquel il préférait alors
l'opéra de Tarare, de Salieri. Trop de beautés
d'un genre nouveau étaient accumulées dans la
partition de Mozart pour que cette œuvre im-
mortelle pût encore être appréciée à sa juste va-
leur. L'illustre auteur de Don Juan , qui eut
toujours la conscience de son génie, se consolait
en disant : « Don Juan a été composé pour les
habitants de la ville de Prague, pour quelques
amis, et surtout pour moi. » Rien ne pouvait
abattre son courage. L'empereur Joseph II lui
avait accordé le titre de compositeur de la cour
avec une modique pension annuelle de 800 flo-
rins. Toutes les ressources pécuniaires de Mozart
consistaient dans ce revenu et dans le faible
produit de ses travaux. Comme son talent de
pianiste était universellement goûté, il faisait
quelques excursions artistiques en Allemagne et
donnait des concerts. Cependant, -malgré sa ré-
putation, il lui arriva de jouer, à Leipsick, de-
vant les banquettes à moitié vides. A Vienne, il
se trouvait souvent réduit à un état de gêne
extrême. Pendant un voyage que Mozart fit à
Berlin, où son élève, le prince Lichnowski, l'a-
vait conduit, le roi de Prusse, Frédéric-Guil-
laume, s'efforça de le retenir à sa cour en lui
offrant un traitement de 3,000 écus (11,250
francs). A cette proposition inattendue, Mozart
devint tout pensif : « Mais, sire , répondit-il, il
me faudrait alors quitter mon empereur. » — « Ré-
fléchissez, répliqua le roi, non sans une certaine
émotion , car if connaissait sa position précaire,
réfléchissez , je vous donne un an pour vous
décider. » Mozart revint à Vienne tout préoccupé
de cette offre. Ses amis lui conseillèrent de l'ac-
cepter, et finirent par le déterminer à aller de-
mander sa liberté à Joseph II. « Comment, mon
cher Mozart, lui dit l'empereur, vous voudriez
m'abandonner! » Mozart demeura interdit, et,
regardant l'empereur avec attendrissement :
« Majesté, répondit-il, je reste à votre service. »
Un pareil acte de dévouement et de désintéres-
sement méritait d'être récompensé; cependant
aucune amélioration ne fut apportée dans le sort
de l'artiste.
Mozart commençait à ressentir les premières
atteintes d'une maladie de poitrine compliquée
d'une affection nerveuse qui le jetait souvent
dans des accès de sombre mélancolie. Le travail
seul parvenait à le distraire de ses tristes cen-
sées. Parmi les nombreuses œuvres de musique
instrumentale et vocale qu'il produisit pendant
les années 1788 et 1789, se trouvent ses trois
817
dernières grandes symphonies. On remarque
aussi la nouvelle instrumentation du Messie,
de Hsenrîel ; le soin qu'il apporta dans cet arran-
gement et dans celui de quelques autres ouvrages
du même maître témoigne de l'admiration qu'il
avait pour son talent.
Chaque jour le mal qui consumait Mozart
prenait un caractère plus alarmant. On voyait
à l'énergie fébrile que l'artiste déployait qu'il
sentait approcher sa dernière heure. La rapidité
avec laquelle il écrivait était telle qu'il semblait
plutôt improviser que composer, et néanmoins
c'était toujours la même perfection de style, la
même richesse d'invention. Souvent il arrivait
à un état d'épuisement qui l'obligeait de se jeter
sur un ,lit de repos ; mais bientôt il reprenait
son travail. Le grand musicien ne croyait pas
avoir encore assez fait pour sa gloire. C'est en
cet état qu'il écrivit, au mois de janvier 1790,
son charmant opéra en deux actes, intitulé Cosi
fan tut le, qui eut à Vienne un brillant succès.
L'année suivante, à la demande de Schikaneder,
directeur du théâtre de cette ville, il entreprit
la composition d'un autre opéra en deux actes,
Die Zauberjlôle (La Flûte enchantée), qui fut
terminé au mois de juillet. Cet ouvrage, remar-
quable par la grâce et la fraîcheur des idées , et
d'un genre complètement différent de ceux que
Mozart avait écrits jusque alors, fut joué au mois
d'août , et son apparition excita un tel enthou-
siasme que cent vingt représentations successives
purent à peine fatiguer l'attention du public.
Partout on chantait les motifs de cet opéra. Ja-
mais à Vienne on n'avait eu d'exemple d'un
pareil succès. Exténué par l'excès de travail,
Mozart ne put assister qu'aux dix premières re-
présentations, et fut obligé de garder la chambre.
Là, au moment où le spectacle devait commen-
cer, il posait sa montre sur sa table , et fixant
tristement les yeux sur le cadran, il suivait le
mouvement des aiguilles pour savoir les mor-
ceaux qu'on exécutait. Un soir qu'il était plongé
dans les lugubres pensées qui l'assaillaient, une
voiture s'arrêta à la porte de sa maison. Un per-
sonnage inconnu se présente et demande à parler
à l'artiste. On l'introduit auprès de Mozart.
« Monsieur, dit-il au compositeur, une personne
de distinction m'envoie vers vous.... — Quel
est son nom ? interrompit Mozart. — Elle désire
rester inconnue. — Et que veut-elle de moi ? —
Cette personne a perdu un de ses plus chers amis
et elle voudrait rendre hommage à sa mémoire
en faisant célébrer un service annuel pour lequel
elle vous prie de vouloir bien composer un Re-
quiem. » Au milieu des sombres idées qui le
dominaient, Mozart se sentait porté à traiter un
semblable sujet; il consentit sur-le-champ à la
demande qui lui était faite. « Dans combien de
temps croyez-vous pouvoir livrer votre travail ?
reprit l'inconnu. — Dans un mois. — Et quelle
somme fixez-vous pour vos honoraires?. — Cent
ducats. — Les voici. » Et l'étranger disparut.
MOZART 8
Malgré les sollicitations de sa femme , Mozart
mit aussitôt à l'œuvre avec une ardeur qui aur.
bientôt épuisé le reste de ses forces si u
circonstance ne fût venue le distraire de ce ti
vail. Dans les premiers jours du mois d'août I7<
le compositeur fut chargé, par l'administrati
du théâtre de Prague , d'écrire pour les fêtes i
couronnement de l'empereur Léopold II, comi
roi de Bohême , la musique de l'opéra de M
tastase , intitulé La Clemenza di Tito. Moz;
accepta, et partit pour Prague. Le délai qui I
avait été fixé était tellement court qu'il fut obli
de réduire l'ouvrage en deux actes, de n'écri
que les principaux morceaux , et de confier à i
de ses élèves le soin de faire les récitatifs. Di
huit jours lui suffirent pour terminer son trava
et le 15 septembre suivant La Clemenza
Tito fut représentée. — Malgré l'incroyable i
pidité avec laquelle cette partition fut écrite,
plupart des morceaux qu'elle renferme, ent
autres le finale du premier acte et le trio du s
cond n'en sont pas moins encore des modèl
de grâce et de perfection de style.
Le voyage de Mozart à Prague avait fait dive
sion à ses idées habituelles , et lorsque l'artis
revint à Vienne l'état de sa santé semblait s'èt
amélioré. Il reprit son Requiem; mais à peii
s'était-il remis à ce travail, que le mystériei
personnage qui le lui avait demandé se présen
de nouveau : « Il m'a été impossible, lui à
Mozart, d'accomplir ma promesse. — Je le sais
répartit l'inconnu. Mais combien de temps voi
faut-il encore pour terminer votre œuvre? -
Un mois. — Eh bien, voici cent autres ducat
Adieu, dans un mois. » La visite de l'étrang
messager laissa Mozart dans la persuasion qtr
venait de recevoir du ciel l'avertissement de s
fin prochaine. « Non, disait-il à sa femme,,
ne le sens que trop , je n'ai plus longtemps
vivre. C'est à mon hymne funèbre que je ta
vaille. » Ces paroles brisaient le cœur de s
femme, qui ne pouvait parvenir à le distraire d
cette sombre pensée. — Persuadée que l'attec
tion continue de son mari pour la composition d
son Requiem était la principale cause de so
exaltation maladive, la pauvre Constance h
confisqua sa partition. Il y eut en effet un pe
de mieux dans l'état de l'artiste dès qu'il inter
rompit l'œuvre qui absorbait tout son être. Le 1
novembre il écrivit, pour un cercle d'amis, un
petite cantate ayant pour titre : La louange d
l'amitié. Les applaudissements prodigués à cett
composition donnèrent un nouvel élan à son es
prit. Il réclama à plusieurs reprises la partilioi
de son Requiem pour la continuer et l'achever
Sa femme fut obligée de céder à ses instances
mais peu de jours après Mozart retomba dan!
son abattement précédent. Ses forces étaient corn
plétement épuisées, et il fut contraint de prendn
le lit, dont il ne devait plus se relever. Le 5 dé-
cembre 1791, quelques instants avant sa mort,
il se lit donner sa partition, qu'il examina. C'é-
<49
MOZART
850
ait le dernier et douloureux regard d'adieu qu'il
dressait à l'art qu'il avait tant aimé. Puis ser-
ant convulsivement la main de sa femme, ses
eux humides se tournèrent vers le ciel : il avait
essé d'exister. Mozart n'avait pas encore at-
aint sa trente-sixième année. Ainsi s'éteignit,
ntre les bras de sa femme (1) et de. ses deux
nfants (2), le grand artiste dont la belle âme se
i diète tout entière dans ses œuvres. Partout en
i ffet dans ses ouvrages on retrouve cette ardente
sensibilité qui fit de Mozart un fils pieux et
imdre, un frère plein de dévouement, et qui lui
ispira l'amour passionné pour celle dont il fit
: compagne de son existence. Sous l'humble toit
i e la famille, sa confiance inaltérable en la Pro-
idence, son noble et courageux désintéresse-
lent lui font rêver le bonheur suprême, non
ms la fortune et les honneurs , mais dans une
e de travail et d'affection toute dévouée à l'art
couronnée par la gloire. Tous ses sentiments
mt autant de rayons divins qui lui font battre
cœur, fécondent sa pensée, et forment un
isemble merveilleux de sublimité et de grâce ,
; simplicité et de magnificence, de gaieté douce
de mélancolie, d'exquise distinction et de na-
rel charmant. Dans Mozart on aime et on es-
ne l'homme autant qu'on admire l'artiste, et
dans les derniers temps de sa vie il tomba ,
ir désespoir, dans quelques écarts passagers,
i ne saurait se montrer plus sévère que Cons-
mce,qui les lui pardonna et l'aima toujours avec
indresse, parce qu'elle savait que, malgré ces
*arts , elle était elle-même tendrement aimée.
Mozart occupe une place unique dans l'histoire
i la musique par l'universalité de son génie,
infant, il étonne par les prodiges de son exé-
|ition. Homme mûr, il surpasse tout ce qu'a-
Mt promis sa jeunesse. Il excelle dans tous les
tores, et les produits de sa radieuse imagina-
un font progresser l'art dans toutes ses parties,
i Comme pianiste, Mozart fut le plus grand
irtuose de son temps en Allemagne. Une lutte
Rengagea entre lui et Clementi lors du premier
Wage que celui-ci fit à Vienne, en 1781. Dans
jtte lutte, ni l'un ni l'autre des deux artistes
il/aux ne fut vaincu, parce que tous deux bril-
lent par des qualités différentes. Si Clementi
I distinguait par l'excellence de son doigté , par
précision, le goût et le fini de son exécution ,
ij I) La veuve de Mozart se remaria, en 1809, à Georges-
icolas de Nissen, conseiller d'État du roi de Danemark.
' rès la mort de son second mari , arrivée en 1826, elle
Mia, en 1828, un gros volume sur la vie et les ouvrages
B/Mozart. Ce livre renferme toute la correspondance de
itfamille de 1 artiste, des articles de journaux , des por-
■Vits, de s morceaux de musique etc., et forme un recueil
p documents authentiques confusément entassés par
• i de Nissen.
£12) Des six enfants que Mozart avait eus de sa femme,
Riu seuls survécurent. L'aîné, Charles Mozart, naquit
'ienne, en 1784. Le second, Wolfram-Amédée Mozart,
-.(tau monde dans la même ville, le 26 juillet 1791,
(itre mois et quelques jour* avant la mort de son père,
jus deux ont embrassé la profession d'artiste, et se sont
I remarquer par un talent distingué sur le piano.
Mozart se faisait remarquer par la perfection de
son jeu , l'élégance et l'expression de son style.
Sa manière, plus colorée, plus énergique, donna
naissance à l'école de piano désignée sous le
nom d'école de Vienne, et qui fut continuée par
Beethoven et Hummel. Lorsqu'il improvisait sur
le piano ou sur l'orgue, la profondeur de ses
idées, l'art avec lequel il les développait, la ri-
chesse de son harmonie, tout aurait pu faire sup-
poser qu'il exécutait un morceau soigneusement
préparé d'avance.
Comme compositeur de musique instrumen-
tale, son génie créateur se révèle jusque dans
ses moindres productions. Ses concertos de
piano firent bientôt oublier tout ce qu'on avait
écrit précédemment pour cet instrument. Ses
quatuors des œuvres 10 et 18, ses quintettes en
ut mineur, en ré, en mi bémol et en sol mi-
neur, sont des chefs-d'œuvre du genre. Dans
ses symphonies, Mozart ne change rien aux pro-
portions tracées par Haydn, son illustre prédé-
cesseur. Mais si l'œuvre de Haydn présente la
savante et admirable peinture d'une réalité pai-
sible et bien ordonnée, Mozart donne à la sienne
un charme plus pénétran*. Il domine par sa
passion entraînante, et sa symphonie en sol
mineur ouvre une voie nouvelle dans laquelle
Beethoven devait ensuite s'élancer avec toute la
fougue et l'énergie de sa rêveuse imagination.
Dans la musique dramatique, Mozart n'eut
point de. rival. Il prenait une très-grande part à
l'ordonnance générale des libretti sur lesquels
il travaillait. Selon son opinion, dans un opéra,
la poésie devait être la fille obéissante de la mu-
sique. Son esprit éclairé, son exquise sensibilité
lui faisaient saisir avec autant de tact que de
sagacité les nuances et les vraies conditions du
drame lyrique. « Les passions violentes, dit-il,
dans une de ses lettres à son père , ne doivent
jamais être exprimées jusqu'à provoquer le dé-
goût. Même dans les situations les plus horri-
bles, la musique ne doit jamais blesser et cesser
d'être delà musique. » Mozart avait étudié avec
ferveur les œuvres des grands maîtres et s'était
familiarisé avec toutes les écoles sans avoir de
prédilection exclusive pour aucune. Son génie
conciliateur féconde la science harmonique par
le charme de la mélodie. Si Gluck, qui voulait
que la musique fût la traduction littérale de la
parole, lui apprit le langage élevé des passions
et lui inspira le goût des grandes péripéties tra-
duites par des masses chorales, Mozart lui est
supérieur par la variété des idées, par la sou-
plesse du style, par le développement des mor-
ceaux d'ensemble , par la richesse de l'instru-
mentation. Il crée un art nouveau ou plutôt il
transforme complètement l'art qui l'avait pré-
cédé. Dans cette transformation qui commence
à Yldoménée, Mozart se montre aussi grand
poëte que grand musicien. Ses opéras de YEn?
lèvement au sérail, des Noces de Figaro, de
Don Juan, de La Flûte enchantée, de La Clé-
851
MOZART
mence de Titus sont autant de chefs-d'œuvre
de genres différents, qui semblent n'appartenir
au même auteur que par la perfection qu'on y
trouve, et sur lesquels sont venus se modeler
tous les compositeurs qui ont succédé à l'illustre
maître.
De tous les compositeurs allemands de son
temps, Mozart est peut-être celui qui a le mieux
compris le but de la musique d'église et qui a
donné à ses œuvres le véritable caractère reli-
gieux. Si Haydn se fait de la bonté divine une
idée qui le porte par dessus tout à la confiance
et lui inspire une piété tendre et gracieuse, Mo-
zart se sent plus profondément ému de la puis-
sance de Dieu. Son grand Kyrie, en ré, ses mes-
ses nos 2, 4 et 5, son Misericordias Domini,
à quatre voix, son Ave verum corpus, à quatre
voix, 'ses hymnes et ses cantates d'église sont des
productions qui, par la pureté du style et par
l'élévation de la pensée, rappellent la plus belle
époque de l'école italienne. Son Requiem (1)
exprime en de sublimes accents la terreur du
chrétien qui va paraître devant le juge su-
prême.
Exploité par les marchands dé musique et par
les directeurs de théâtre, qui abusèrent étrange-
ment de son insouciance pour ce qui était de sa
fortune, Mozart ne laissa pas même de quoi
mettre une pierre sur sa tombe. Le jour de son
enterrement les fossoyeurs s'étaient pressés, car
il faisait un temps affreux, et il ne s'agissait d'ail-
leurs que d'une inhumation pour laquelle on n'a-
vait pu faire que les dépenses strictement né-
cessaires. Les traces de sa sépulture disparurent
bientôt. Les reclierches que l'on fit plus tard
pour les découvrir n'amenèrent aucun résultat
certain. Cependant l'Allemagne, dans sa tardive
reconnaissance pour l'artiste qui avait fait la
gloire de son pays et charmé le monde par la
• grandeur et la fécondité de son incomparable
génie, voulut réparer cet outrage du temps , et
en 1859, c'est-à-dire soixante-huit ans après la
mort de Mozart, un monument, consistant en un
socle surmonté de la statue de La Musique , fut
érigé à Vienne, dans le cimetière et à la place où
il y a lieu de supposer que reposent les restes
mortels de l'illustre auteur de Don Juan.
La fécondité de Mozart tient du prodige. On
ne peut se faire d'idée de tout ce qu'il a écrit
depuis l'âge de sept ans jusqu'à sa mort. Il a
laissé, tracé de sa main , le catalogue de ses
compositions depuis le 9 février 1784 jusqu'au
15 novembre 1791- ; le détait en est presque fa-
(1) Mozart avait laissé inachevé son Requiem, qui fut
terminé par Siissmayer, son élève- et depuis maître de
chapelle à Vienne. Une vive polémique s'engagea plus
tard sur la question de savoir quelle élait la part que ce
dernieF avait prise à l'ouvrage. Parmi ceux qui intervin-
rent dans celte discussion, l'abbé Stadler, maître d"e cha-
pelle à Vienne, est celui qui paraît avoir jeté le plus de
lumière sur la question. D'après les renseignements qu'il
a fournis, le travail de Mozart finirait avec Te versel
Hoslias, et le reste-, y compris la plus grande partie du
Lacrymosa, serait l'œuvre de Siissmaycr.
buleux. Cependant, malgré tout ce que l'on con
naît de lui , on retrouve encore de temps ei
temps de nouveaux manuscrits. Nous nous bor
nerons à donner ici l'indication sommaire de
ouvrages de Mozart d'après les renseignemen
que fournit le supplément de la biographie de a
musicien publiée par sa famille , et d'après les
divers autres catalogues qui ont été faits de se
productions. Mdsique d'église : trente-six cor
positions religieuses, renfermant des messes, Tt
Deum, litanies, offertoires, motets et cantates
d'église. Un Stabat mater et le fameux Re-
quiem terminé- par Sùssmayer. — Oratorios
trois oratorios ; deux datent de la jeunesse di
compositeur ; le troisième, intitulé Davidde pé-
nitente, pour trois voix et orchestre, fut écrii
à Salzbourg, en 1783; cette œuvre, remarquable
par l'expression mélancolique , est plutôt uni
cantate développée qu'un véritable oratorio. —
Opéras : musique pour une comédie latine inti
tulée : Apollon et Hyacinthe, composée en 1767
à l'âge de onze ans, pour l'université de Salz
bourg; — Bastienel Bastienne, opéra allemand
Vienne (176S); — La fin la Simplice, opér;
bouffe composé, à Vienne, pour l'empereur Jo-
iephll(1768). — Milridate, opéra sérieux ita-
lien, entrais actes, représenté à Milan (1770) ; •
Ascanio in Alba, cantate dramatique, en àem
parties, à Milan. (1771); — Il Sogno di Sci-
pione, sérénadeécrite pour l'installation de l'ar-
chevêque de- Salzbourg ( 1772 ); — Lucio Si lia,
opéra sérieux, à Milan (1773); — Zaïde, opéra
vraisemblablement écrit, dans la même année,
pour Venise; — La finta Giardiniera , opéra
bouffe, à Munich ( 1774) — Il Re pastore, pas-
torale en deux actes, à Salzbourg ( 1775) ; —
chœurs et entractes pour un drame intitule
Thamos d'Egypte, pour quatre voix et orches-
tre ; — ïdomeneo, re di Creta, opéra sérieux,
en trois actes, à Munich (1780 ) ; — • Dte Ent/u-
hurung aus dem Sérail (L'Enlèvement au sé-
rail), opéra comique, en deux actes , à Viennei
( 1782 ) ; — trio et quatuor pour La Villunella
rapita, à Vienne (1785) ; — Der Schauspiel-
direetor (Le Directeur de spectacle), opéra
comique,. en un acte, à Vienne (1786); — Le
Nozze di Figaro (Les Noces de Figaro), opéra
bouffe, en quatre actes, à Vienne (1786 ). Cet
admirable chef-d'œuvre, ridiculement traduit
en français, fut représenté sans succès à Paris,
sur le théâtre de la Nation (l'Opéra) en 1793;
— // Dissoluto punito, ossia Don Giovanni,
drame lyrique, en deux actes, à Prague ( 1787).
Ce ne fut qu'en 1811 que l'opéra de Don Juan
fit son apparition sur le Théâtre-Italien de Paris;
il ne pénétra en Italie que vers 1814; — Cosi
fan tulle, opéra bouffe, en deux actes-, à Vienne
(1790); — Die Zauber fiole (La Flûte enchan-
tée), opéra romantique, en deux actes, à Vienne
(1791). Quelques années plus tard, en 1801,
cet ouvrage, indignement mutilé par un arran-
geur, fut représenté à l'Opéra de Paris , sous le
(53 MOZART
iCre de Mystères d'Isis f — La Clemenza di
ilo ( La Clémence de Titus ) ; opéra sérieux, en
I eux actes, à Prague ( 1791 ) ; — quatre ballets
lt pantomimes. — Musique de chant : quatre
Uiceurs, à quatre voix et orchestre; — neuf
antates do francs-mâçons, avec orchestre;. —
[uarante-trois airs, duos et trios italiens, avec
> u sans récitatifs, et avec orchestre ; — seize
I anons, à trois et quatre voix ; — trente-quatre
[dansons allemandes ; — quelques solfèges pour
exercices de chant. Musique instrumentale,
Iymphonies, quintettes, quatuors, etc. : trente-
ois symphonies pour l'orchestre : on n'en con-
: ait qu"e dix-sept, mais on trouve les thèmes de
■ uelques autres dans le catalogue thématique de
ueitkopf ; — quinze ouvertures à grand or-
l. hestre ; — quatorze divertissements pour plu-
I ieurs instruments, parmi lesquels on trouve plu-
teurs suites d'harmonie ; — Plaisanterie musi-
, île pour deux violons, alto, deux cors et basse;
li- huit quintettes pour deux violons,deux violes
N basse; — quintette pour harmonica, flûte,
il autbois.altoet violoncelle ; — vingt-six quatuors
;our deux violons, alto et basse; — un quatuor
. our hautbois, violon, atlo et basse, et un quatuor
ourflûte; —neuf trios pour deux violons et basse,
[i t un trio pour violon , alto et violoncelle. Ce,
dernier seul a été publié; — cinq concertos pour
[} ; violon ; un seul a été gravé ; — six concertos
[jour le cor; on n'en a publié qu'un seul; — un
Ijoncerto pour le basson ; — un concerto pour la
trompette; — un concerto pour la clarinette; —
i lus de cent danses, menuets et valses pour
fe orchestre; — marches pour musique militaire.
|- Musique de piano : vingt-trois concertos
i. our le piano: on en a publié vingt et un; —
ringt-trois trios pour piano , violon et violon-
celle ; — un quintette pour piano, hautbois,
|| larinette, cor et basson ; — trente et une sonates
l-iour piano ; — quatre sonates pour piano à
|[uatre mains ; — Fantaisie, idem ; — Sonate et
lugue pour deux pianos ; — Fantaisie pour deux
pianos ; — quatre rondos pour piano seul ; — une
dnultitude de thèmes variés pour le piano à deux
$it à quatre mains ; — un concerto pour trois
irianos et orchestre , composé en 1777. Mo-
zart a fait une nouvelle instrumentation des
Quatre ouvrages suivants de Haendel , Acis et
iGalalhée, Le Messie, La Fêle d'Alexandre, et
.\La Sainte-Cécile. On a de lui une Méthode
'abrégée de basse générale, ou fondements de
)asse générale, dont l'authenticité n'est pas
ilouteuse, quoiqu'il ne l'ait pas composée pour
ja rendre publique. Outre les ouvrages que nous
menons de citer, Mozart a jeté sur le papier une
quantité prodigieuse d'idées dans des morceaux
|}u'il n'a point achevés. La plupart de ces frag-
ments, dont on trouve l'indication détaillée dans
i.e supplément de la biographie de Mozart par le
Conseiller de Nissen, ont été possédés par l'abbé
litadler, maître de chapelle à Vienne. Parmi ces
fragments, on» remarque les commencements
MOZIN
854
d'une symphonie concertante pour piano et violon
avec orchestre ; de trois rondos pour piano et
orchestre; d'un quintette pour piano, hautbois,
clarinette, cor anglais et basson ; de différents
morceaux avec ou sans accompagnements , so-
nates, fugues, préludes, fantaisies, etc. ; de plu-
sieurs symphonies, ouvertures, quintettes, qua-
tuors, trios pour divers instruments à cordes
et à vent; de sept Kyrie, pour quatre voix et
orchestre; d'un Gloria; du psaume Mémento
Domine David, à quatre voix; d'une cantate
allemande Die Seele des Weltalls, 6 Sonne
( Ame du monde , ô Soleil ! ) , pour deux ténors
et basse , avec chœur et orchestre ; et entin de
deux petits opéras , l'un italien , et l'autre alle-
mand: Dieudonné Denne-Baiion.
Correspondance littéraire de Crimm et de Diderot. —
Mozart's Leben (Vie de Mozart) par de Niemtschek ;
Prague,1798.— Anecdotes sur Mozart, traduilesde Rrccli-
litz p;ir Cramer; Paris, 1801. — Mozart'i Geist ( Esprit
de 'Mozart); Erfurt, 1803. — Godefroi Weber, Ergebnisse
der bisherir/en Forschungen iXber die Echtlieit des
Mozartsclien Bequiem ( Résultat des recherches faites
jusqu'à ce jour sur l'authenticité du Requiem de Mozart );
Mayetice, 1826. — Stadler; Vertkeidiavnq der Eehtheit
des Mozartschen Requiem, etc. (Défense de V Authenticité
du Requiem de Mozart, etc.) ; Vienne, 1826. — Stadler,
Nachtrag dur Vertheidiqung der Eehtheit des Mozarts-
chen Requiem (Supplément à la Défense de V Authenticité
du' Requiem de Mozart); Vienne, 1827. — Biographie
W. A. Mozart's, von Ceorg Nikoïaus von Nissen;
Leipsick, 1828. — Anhang zu IVolfgang Amedeus Mo-
zart's Biographie, Supplément de l'ouvrage précédent;
Leipzig, 1828. — Fétis, Biographie universelle des Mu-
siciens. — Mozart et son Don Juan, dans le recueil in-
titulé Critique et littérature musicales, par P. Scudo;
Paris, 1850 — Mozart, vie d'un artiste chrétien au
dix-huitième siècle, extraite de sa correspondance au-
thentique, traduite de l'allemand par l'abbé Goschler;
Paris, 1857. — if.-A, Mozart, par le docteur Henri
Doering, traduit de l'allemand par C. Viel ; Paris, 1860.
mozetto. * Yoy. Moccetto { Girolamo).
mozin (***), grammairien français, né à
Paris, en 1771 , mort à Stuttgard, le 2 mai
1840. Entré dans les ordres , il quitta la
France pendant la terreur, et s'établit à Stutt-
gard, où il donna des leçons de français; il en-
seigna ensuite pendant quelques années cette
langue à l'école de commerce; vers la fin de sa
vie il tomba dans l'indigence. Il a publié un
grand nombre d'ouvrages destinés à faciliter aux
Allemands la connaissance du français et aux
Français celle de l'allemand; nous citerons :
Anecdotes françaises-allemandes ; Stuttgard,
1827, quatrième édition : — Nouvelle Gram-
maire allemande; cinquième édition ; Stuttgard,
1836, — Franzôsische Sprachlehre (Gram-
maire française); Stuttgard, 1840, in-8°; on-
zième édition; — Dictionnaire complet des
Langues Française et Allemande ; Stuttgard ,
18tl-18i2 et 1827, 2 vol. in-4° ; une nouvelle
édition de cet excellent ouvrage, revue et aug-
mentée par Peschier, parut à Stuttgard, 1840-
1844, et 1856, 4 vol. r., in-8°; — Diction-
naire de poche Allemand -Français et Fran-
çais-Allemand; Stnligârd, 1817, in-16 ; SOU'
vent réimprimé. O.
Conversations- LexiKon.
855 MOZIN —
* MOZIN ( Charles-Louis), peintre français,
né à Paris, en 1806. Élève de Xavier Leprince,
il s'adonna surtout à la peinture de genre et de
marine. Il débuta au salon de 1827, et obtint en
1837 une médaille de lre classe. Ses principaux
tableaux sont : La Prise de l'Hôtel de Ville,
en 1830 (1831 ) , exécuté avec M. Beaume, et
acheté par le roi Louis-Philippe ; — La Cava-
lerie française prenant la flotte batave gelée
dans le Texel ( 1836), au Musée de Versailles; —
Prise de Vile de Bommel par Vannée fran-
çaise,en 1794(1837), à Versailles; — Com-
bat d'Aldenhoven, en 1796 (1838), à Ver-
sailles;— Combat de Moucron,en\79b (1849),
à Versailles; — Le Port de Honfleur (1853); —
(Port de Rouen (1855) ; — Vue de Trouvtlle
1857). G. de F.
Annuaire des Artistes français. — Livrets des expo-
sitions.
MOZZI ( Marc-Antoine), savant littérateur
italien, né à Florence, le 17 janvier 1678, mort
à Venise, le 4 avril 1736. 11 étudia dans sa ville
natale la théologie et le droit, tout en s'adonnant
à la poésie et à la musique , qu'il aimait avec
passion. Son habileté sur la mandoline lui valut
d'être souvent attiré à la cour. En 1700, il reçut
un canonicat dans sa ville natale, et il y fut
chargé deux ans après de la chaire de littéra-
ture toscane. Élu membre de l'Académie de la
Crusca, il en devint archi -consul. Prédicateur
renommé, il prononça en 1701 devant la cour
l'oraison funèbre de Charles II, roi d'Espagne,
et en 1703 devant le chapitre métropolitain celle
de l'archevêque Léon Strozzi. On a de lui :
Sonetti sopra i nomi dati ad alcune dame
Florentine dalla principessa Violanta ; Flo-
rence, 1 705 ; — Istoria di S. Cresci e de'
sanli martijri suoi compagni, corne pure
délia chiesa del medesimo sunto posta in
Volcava di Mugello ; Florence, 1710, in-fol.,
avec fig. ; — Discorsi sacri ; Florence, 1717 ;
— Vita di Lorenzo Bellini, dans les Vite de-
gli Arcadi ; — Orazione funerale del abate
A. M. Salvini, dans les Prose toscane de Sal-
vini. O.
Degli Vomini illustri Toscani, t. IV.
mozzi (Luigi), savant ecclésiastique italien,
né le 26 mai 1746, à Bergame, mort le 24 juin
1813, près de Milan. De famille patricienne, il fut
admis en 1763 chez les Jésuites ; il professait
au collège des Nobles à Milan lorsque la société
dont il faisait partie fut dissoute par Clément XIV
( 1773). Rentré à Bergame, il y fut chargé
d'examiner les candidats pour le sacerdoce, et
devint chanoine et archiprêtre. Sa piété vive et
le zèle qu'il déploya dans les controverses sou-
levées en Italie par les jansénistes lui firent une
grande réputation ; appelé à Rome, il fut nommé
missionnaire apostolique, et membre de l'Aca-
démie des Arcades. En 1804 il rejoignit ses con-
frères dans le royaume de Naples; mais ils ne
tardèrent pas à être de nouveau dispersés, et
MUCIANUS 856
Mozzi se retira dans une villa située aux envi-
rons de Milan, et qui appartenait au marquis
Scotti. Parmi les nombreux écrits qu'il a laissés,
nous citerons : Le Jansénisme dans son beau
jour, ou idée du jansénisme; Venise, 1781,
2 vol. in-8°; — Histoire abrégée du Schisme
de la nouvelle Église d'Vtrecht; Ferrare,
1785, in-8°; Gand, 1329, in-8° ; — Les cin-
quante Raisons pour préférer l'Église catho-
lique; Bassano, 1789, in 8o, trad. de l'anglais
du duc de Brunswick ; — Les Projets des
incrédules pour la ruine de la religion, dé-
voilés dans les œuvres de Frédéric, roi de
Prusse; 3e édit.; Assise, 1791, in-8° ; — Abrégé
historique et chronologique des plus impor-
tants jugements du saint-siége sur te baïa-
nisme , le jansénisme et le quesnellisme ;
Foligno, 1792, 2 vol. in-8°. P.
Dizionario istorico Bassanese.
mozzolino. Voy. Mazolini.
muciamjs (P. Licinius Crassus Dives),
grand pontife et jurisconsulte romain, fils de
P. Mucius Sceevola, consul en 175 avant J.-C,
frère de P. Mucius Scsevola, consul en 133,
mort en 130 avant J.-C. Il fut adopté par P. Li-
cinius Crassus, et prit à cette occasion le nom
de Crassus avec l'addition de Mucianus, qui in-
diquait s*» première gens. Il succéda à Scipion
Nasica dans la dignité de souverain pontife, et
fut élu consul en 131. Il quitta Rome cette année
même pour diriger la guerre contre Aristonicus,
qui se maintenait dans la possession du royaume
de Pergame, légué aux Romains par Attale III. II
ne lut pas heureux dans cette guerre. Défait
par Aristonicus au siège de Leucé, il se vit en-
veloppé entre Élée et Smyrne par la garde thrace
d'Aristonicus. Pour éviter d'être fait prisonnier;,
il excita un de ces Thraces à le tuer. Sa tête M.
portée à Aristonicus. L'historien Sempronias
Asellio, cité par Aulu-Gelle, dit que Crassus pos-
sédait cinq choses qui sont les meilleures parmi
les bonnes; il était très-riche, noble, éloquent, .
très-versé dans le droit et souverain pontife. Il
eut deux tilles , mariées l'une à C. Sulpicius
Galba, l'autre à C. Sempronius Gracchus. Mu-
cianus était orateur et jurisconsulte, éminent à
ces deux titres, mais cependant inférieur comme
orateur à P. Sulpicius Galba. Y.
Tlte-Live, Epitome, 69. — Ciccron (voy. VOnomasticon
Tullianum il'Orelli). — Drumann, Geschichte Moins, à
l'art. Licinii Crassi, n° 21.
mitciancs Licinius, ou mccien, général
romain, trois fois consul en 52, 70 et 75 après
J.-C, vivait dans le premier siècle de l'ère chré-
tienne. Tacite a résumé en quelques lignesexpres-
sives son caractère, et sa carrière. « Homme éga-
lement fameux par ses disgrâces et par sa fa-
veur, dit-il : jeune, il avait cultivé ambitieuse-
ment les grandes liaisons; depuis, ayant dissipé
toute sa fortune, sa situation devint critique, et,
menacé de la colère de Claude, il resta oublié
dans un coin de l'Asie, tout aussi près de l'exil
857
MUCIANUS
que depuis il le fut de l'empire ; associant les
qualités bonnes et mauvaises, la mollesse et l'ac-
tivité, la politesse et l'arrogance, trop d'abandon
aux voluptés dans les loisirs, et de grandes ver-
tus quand il le fallait. Sa vie publique était louée,
on blâmait sa vie privée. Puissant par ses sé-
ductions sur ses inférieurs, ses amis, ses collè-
| gués, il aima mieux donner l'empire que l'ob-
i tenir. » On regrette de ne pas avoir plus de dé-
t tails sur ce personnage éminent. Dans sa jeu-
uesse il courtisa assidûment la faveur des grands,
| et réussit à obtenir le consulat sous le règne de
I Claude, en 52 après J.-C. Ayant dissipé sapro-
1 priété et devenu un objet de soupçons pour
f Claude, il se retira en Asie, et il y vécut presque
j dans la condition d'un exilé, quoiqu'il portât le
| titre de légat . Le lieu de sa retraite était la
I Lycie. Sous le règne de Néron, il rentra en fa-
veur à la cour impériale. A la mort de ce prince,
i en 68, il avait le commandement de la province
de Syrie avec quatre légions, tandis que Vespa-
sien était dans la contrée voisine, en Judée à la
tête de trois légions. Jusque-là Mucien et Ves-
l pasien n'avaient pas été en bonne intelligence ,
mais ils se rapprochèrent dans la prévision de
Lgraves événements politiques. Le principal in-
termédiaire de cette réconciliation fut Titus, que
Afucren aimait "beaucoup. Les deux généraux
prêtèrent serment à Othon ; mais quand une nou-
velle révolution militaire eut donné la pourpre
«impériale à Vitellius, Mucien pressa Vespasien de
revendiquer le trône pour lui-même. Après de
Wongues hésitations, Vespasien y consentit. Mu-
pien fit aussitôt prêter serment par ses soldats
au nouvel empereur, et faisant ses préparatifs
de campagne avec une grande rapidité, il mar-
pha sur l'Italie. Malgré sa promptitude, il fut de-
vancé par Antonius Primus. Cet aventureux gé-
néral marcha audacieusement sur Rome, où il
pntra après avoir dispersé les forces de Vitellius,
handis que Mucien repoussait dans la vallée du
Danube une invasion des Daces. Le premier acte
officiel de Mucien fut une lettre au sénat. Il ar-
riva à Rome peu de jours après, et prit en main
'autorité souveraine, quoique Domitien fût no-
minalement à Ja tête des affaires. 11 vivait en
kéritable souverain; cependant il ne varia point
dans son dévouement à Vespasien. Lorsque ce
irince débarqua en Italie, Mucien , accompagné
[les principaux nobles romains, se rendit au-de-
cant de lui jusqu'à Brindes. Les services qu'il
livait rendus à Vespasien étaient si grands et il
| es faisait valoir avec tant d'indiscrétion que
l'empereur en fut plus d'une fois impatienté;
jnais, parpoliliqueou par reconnaissance, il con-
inua de le traiter avec faveur. On ignore l'é-
)oque de sa mort; mais comme il n'est pas qùes-
ion de lui sous Titus et Domitien, on suppose qu'il
nourut sous le règne de Vespasien.
Mucien était non-seulement un général et un
tomme d'État, mais un orateur et un historien".
les pouvoirs oratoires sont loués par Tacite, qui
- MUDÉE 858
prétend qu'il s'exprimait éloquemment même en
grec. Il fit une collection de discours prononcés
sous la période républicaine, et les divisa en
deux recueils, l'un en onze livres, intitulé Acta,
l'autre en trois livres, sous le titre de EpisLolœ.
Il composa une histoire dont on ne connaît pas
le sujet, mais qui traitait principalement de
l'Orient. y.
Tacite, Ilist., 1, 10,76; II, 4, 5,76-34; 111,8,46, 53 78-
IV, 4, h, 39, 80, 85. — Suclonc, fespasianus,' 6, 13* —
Dion Cassins, LXV, 8, 9, 22; I.XV|, 2, g, 13. _ j„sèphe
Bel. Jud.,\\, 10. 11. — Pline, Ilist. Nat., XII, 1; XXV||||
î; XXXIV, 7. — MerWale, The llomans under the em-
pire, t. VI. — Vossius, De Hisloricis Latinis. — Wester-
mann , Gesch. d. Mmischcn Beredtiomkeit.
vu ci A\rs ou mutianus, surnommé le
Scholastique ( Se holasticus), traducteur latin,
vivait dans le milieu du sixième siècle de noire
ère. Il traduisit en latin, à la demande de Cas-
siodore, les trente-quatre homélies de saint
Chrysostome sur VÉpi tre aux Hébreux. Il avait
aussi fait précédemment une traduction latine
du traité de Gaudentius Sur la Musique. Cas-
siodore l'appelle un homme très-savant, vir di-
sertissimus. La traduction des Homélies de
saint Chrysostome , citée plus haut, existe en-
core, et les divers éditeurs de ce père en ont
fait un grand éloge; elle fut publiée pour la pre-
mière fois à Cologne, 1530, in 8°, et elle a été in-
sérée dans les éditions latines des Œuvres de saint
Chrysostome. Dans les éditions gréco-latines, on a
généralement préféré la traduction d'Hervet. Y.
Fabiïcius, Bibliotheca Grasca, vol, VIII, p. 558, 559.
* mucke (Henri-Charles-Antoine), peintre
allemand, né à Breslau, en 1 806. Élève de son père
pour le dessin, il entra dans l'atelier de Konig,
et s'adonna à la peinture d'animaux, qu'il aban-
donna pour la peinture d'histoire. Devenu, en
1825, élève deSchadow, il le suivit àDusseldorf,
où cet artiste avait été appelé à diriger l'Académie
de Peinture. En 1833, Mùcke alla faire un séjour
de deux ans en Italie. Ses tableaux, remarquables
par la pureté du dessin, la beauté du coloris, et
le grand style de leur composition, lui acquirent
bientôt une brillante réputation ; les principaux
sont : Ulysse et Leucothée pendant la tem-
pête ; Eginard et Emma; Bethsabé; Sainte
Catherine; Saint Ambroise arrêtant Théodose
à la porte de. la cathédrale de Milan; V Empe-
reur Frédéric Barbe-Rousse et sa fiancée Gela;
les portraits de Thorwaldsen et des princes
Alexandre et Georges de Prusse. Mucke a dé-
coré le château de Heltorf près de Dusseldorf de
peintures à fresque représentant les principaux
événements de la vie de l'empereur Frédéric
Barbe-Rousse. A l'exposition universelle de 1855,
il a fourni : L'Ange montrant Babylone à
saint Jean. o.
Raczynski, Geschichte der neueren deuischen Kunst.
— l'iïthmann, Die Dusseldorfer .Vcftu/e. — Nagler, Kiinst-.
ter-Lexikon.
mudée (Gabriel tan der Mcyden, connu
sous le nom de), jurisconsulte belge, né àHrecht,
près d'Anvers, en 1500, mort à Louvain, le
859 MUDLE -
21 avril 1560. Envoyé fort jeune dans cette der-
nière ville, an collège du Lys, il vécut dans l'in-
timité d'Érasme, qui y logeait lorsqu'il venait à
Louvain. Mudée obtint le grade de licencié en
droit, et devint précepteur des enfants de Laurent
de Blioul, membre du conseil privé, et greffier de
l'ordre de la Toison d'Or. Il se rendit avec ses
élèves en France, où il suivit les cours de plu-
sieurs universités, et il eut alors l'occasion de
plaider avec succès devant le parlement de Pa-
ris. De retour à Louvain, il fut nommé profes-
seur des Institutes. En 1539, il fut reçu docteur
en même temps que l'un de ses élèves, Jérôme
de Blioul, et il obtint en 1547 la chaire primaire
de droit, qu'il occupa avec un si grand éclat que
Mathieu Wesembeck , son élève, affirme avoir
vu de son temps, à Louvain , plus de deux mille
étudiants en droit que le savoir et le nom de
Mudée y attiraient. Cet habile professeur ne
tarda pas à faire partie du conseil d'État. Ce
fut lui qui introduisit en Belgique la nouvelle
méthode d'enseignement que la France devait à
Alciat, et que Cujas, Mudée et leurs élèves dé-
veloppèrent ensuite, préparant de loin l'école
historique des Allemands; aussi Haubold nomme-
t-il Mudée solidioris jurisprudentiœ per Bel-
gium instauratorem. Les ouvrages de ce sa-
vant belge ne furent publiés qu'après sa mort,
quelques-uns par les soins de l'un de sesgendres,
Jacques Boelants d'Anvers. Ils ont pour titres :
In titulos alïquot Dïgestorum Commentarii,
qaibus XVII, XV 111, XIX et XX Ubri Pan-
dectarum, et secundo, pars Ubri guarti Co-
dicis Justïnvani magna ex parte explican-
tur; Louvain, 1563, in-fol. ; Paris, 1574, in-fol. ;
Francfort, 1586, in-fol.- — De Restitutionibus
in integrum; Francfort, 1586, in-fol.; — De
Téstamentis ; Spire, 1604, in 4°. La bibliothèque
royale de Belgique conserve quelques lettres
manuscrites de Mudée à Viglius, qui contiennent
des renseignements curieux sur l'histoire fioli-
tique et littéraire-du seizième siècle. Elle possède
aussi une consultation manuscrite, rédigée par
Mudée et trois autres jurisconsultes, sur l'inter-
prétation de la Bulle d'or Brabanline, accor-
dée, en 1349, par l'empereur Charles IV au duc
de Brabant. E. Rf.gnard.
Valère André, Fastiacademici studii I.ovanicnsis. —
Paquot, Mémoires. — Haubold, Inslitutiones Juris Ro-
mani litterarix (Leipzig, 1809, in 8°), p. 94. - P. Kré-
her, Theatrum P'irorum erurt itione clurorum. — J. Britz,
Code de l'ancien Droit betgique. — Spinnael, Gabriel
Mudée et son école, 2' édit. ; Bruxelles, 1844, in-8°.
mudge ( Thomas ), mécanicien anglais, né
en septembre 1715, à Exeter, mort le 14 no-
vembre 1794, dans le Surrey. Il était le fils
puîné d'un pasteur protestant (1), qui surveilla
(1) Ce pasteur, nommé Zachary Mudge, fut chanoine
d'Exeter et desservit une paroisse de Plymouth ; it est
connu par d'esceilents Sermons (1727, in-8°)et par un
Essayfor a new version of the l'salms. Il fut honoré de
l'amitié de Johnson, et mourut en 1769, laissant quatre
fils : Zachary, chirurgien de marine, mort en 1753, dans
la rivière de Canton; Thomas, l'objet de cette notice;
MUDGE
8i
son éducation. Comme il montrait pour la rr 1
canique des dispositions extraordinaires , il I a
placé dès l'âge de quatorze ans en apprenl u
sage chez Georges Graham, le plus fameux Ik h
loger du temps. Il acquit en peu de temps u I
telle habileté qu'il fut chargé des travaux
plus difficiles et les plus délicats dans son ai I
ce fut ainsi qu'il exécuta pour le compte I
l'horloger Ellicot une montre à équation destir
au roi d'Espagne , Ferdinand VI, qui était gra
amateur des ouvrages de mécanique. Ayant 1 I
pris que Mudge était le véritable auteur de • I
ingénieux travail, ce prince le décida à travail il
pour lui et le laissa entièrement maître de faïi I
quel que fût le prix, tout ce qu'il jugerait diu
d'attention. Parmi les pièces exécutées pour]
cour d'Espagne, on remarque une montre à éqi
tion qui marquait le temps vrai et le ten
moyen , et qui sonnait et répétait l'un et l'aut
ce qu'on n'avait pas encore vu ; en outre, < \
répétait les heures, quarts et minutes. Le ro
fit monter sous verre dans la pomme d'iJ
canne; il ne manquait jamais de l'emportera1
lui, et de temps à autre il s'arrêtait à la proi
nade pour en observer le mécanisme. Ce m I
veilleux bijou ne lui coûta que 480 guinées; ;
cette somme l'artiste ne préleva qu'un modir
bénéfice, ne voyant aucun motif, prétendait-i
ce qu'un souverain payât plus cher qu'un sim
particulier. En 1750, Mudge s'associa avec ^
liam Dutton, autre élève de Graham, et ouii
dans Fleet-Street un atelier d'horlogerie. U
rivée du comte de Brûhl à Londres fut pour
une bonne fortune ( 1 760) ; le comte, qui à be
coup de qualités estimables joignait une crmnf
sance approfondie des arts mécaniques, dev>
son protecteur c-t lui rendit de grands servie
Vers la même époque Mudge tourna ses vi
vers la construction des montres marines;
1765 il publia sur ce sujet : Thoughts on
means ofijnproving watches and particvla
those for the use of the sea. En 177 1 il quitta
commerce, et se retira à Plymouth, afin de se
vrer à des éludes complètes. Au bout de qi|
ques années, il avait achevé un chronomètre q
confia successivement, pour que l'épreuve
décisive, à l'astronome Maskelyne , au baron
Zach et à l'amiral Campbell , qui en fit usi
dans deux voyages à Terre-Neuve. Le bun
des longitudes lui accorda un prix de 500
sterl., et l'invita à faire une seconde mont'
Mudge en fabriqua deux, et des expérien
nouvelles recommencèrent. D'après Maskely;
le résultat ne fut pas favorable. Une polémic
s'engagea entre Mudge et son contradictei
elle dura jusqu'en 1793, époque où le parlerm
cassa le jugement des astronomes et vota en
Richard, qui eut un talent remarquable sur la harpe
John, médecin distingué, mort en 1792. Ce dernier
auteur d'un bon Tnatise on the catarrhovs Coiu
en 1777, il obtint de la Société royale de Londres
grande médaille d'nrde Copley pour les perfectionneme
qi.'il avait apportés au télescope à réflexlou.
861
imiDGE
venrde Mudge une somme dc2, 500 liv. (62, 500 fr.)
à titre de récompense 'nationale. Outre l'amélio-
ration considérable qu'il a apportée dans les
montres marines, cet artiste a inventé un échap-
pement pour les montres ordinaires auquel son
nom est resté. Le roi Georges l'avait en 1777
choisi pour horloger; plusieurs fois il s'entretint
avec lui, et il faisait le plus grand cas de sa pro-
bité et de ses talents. P. L.
Universal Mugazine, 1793. — Chalraers, Général Bio-
irupli. Pictionary . — Thomas Mudge fils, A Description
■>/ the timekeeper invented by Th. iludiju ; Londres,
1799, in-i", pi.
mvogv. (William), ingénieur anglais, neveu du
)récédent, né en 1762, à Plymoulh, mort le 1 7 avril
821 , à Londres. Fils du docteur JohnMudge,il fut
nvoyé comme cadet à l'Institut militaire de Wol-
ivich,et fit quelques campagnes dans le corps royal
l'artillerie. De retourdans son pays, il fut, à la re-
ommandation deHutton, attaché à la commission
hargée de lever le plan trigonométrique de la su-
erficiedelaGrande-Bretagne,eten 1797ileneut
a direction exclusive. On doit à ses 'travaux les
artes, aussi belles que correctes, de plusieurs
omtés de Galles et d'Ecosse, réduites à l'échelle
'un pouce par mille anglais. Les grades de co-
)nel et de major général récompensèrent sa la-
borieuse activité. Membre de la Société royale
e Londres, depuis 1798, il fut appelé successi-
ement à faire partie du bureau des longitudes,
es Sociétés de Géologie et des Antiquaires, et
es Académies des Sciences àe Paris et de Co-
enhague comme correspondant. L'université
'Edimbourg lui conféra le diplôme honorifique
e docteur es lois. 11 fut daus les derniers temps
le sa vie lieutenant gouverneur de l'institut de
Voohvich , auquel il donna une organisation
ouvelle, qui fut étendue plus tard au collège mi-
taire d'Addiscombe. En 1819 Mudge fit, avec
L Biot, le voyage des îles Orcades, à l'effet de
éterminer certaines questions de longitude. On
de lui : An Account ofthe measurement of
n arc of the meridian , extending from
jïunnose, in théiste of Wight, to Clifton, in
'orkshïre, dans les Philosophical Trans.,
J803 ; — Account of the Survey from the
tmmencement in 1784 to the end oftheyear
«09; Londres, 1799-1811, 3 vol. in-4° pi.; le
Il seul est de Mudge, qui a eu dans lesautres
(alby et Colby pour collaborateurs.
Un de ses fils, Richard- Zachary Mudge,
jatra en 1807 au service, et parvint au grade de
Bntenant-colonel ; il travailla aussi au plan trigo-
(ométrique, et mourut le 24 septembre 1854, à
eignmouth. P. L.
Cyclnpoedia of English Literature (Biogr.).
mudie (Robert), littérateur anglais, né en
777, dans le comté de Forfer, mort en mai
342. Né de parents pauvres, il fit son éducation
li-même. En 1802 il enseigna le gaélique et le
îssin au collège d'inverness; dans la suite il
:mplit d'autres emplois du même genre. Il dé-
bita, vers IS1.0, dans la littérature par un roman
MUELNAERE 862
inlitulé Glenfurgus (3 vol. in-8°). S'étant éta-
bli à Londres, il fournit des articles à la presse
quotidienne et traita les sujets les plus variés
avec une facilité remarquable. Parmi ses nom-
breux ouvrages, nous rappellerons : Modem
Athens, description d'Edimbourg; — Babylon
the.great, 4 vol., description de Londres; — The
British naturalist, 2 vol. ; — The featheredtri-
bes ofthe British islands, 2 vol. ; — Conversa-
tions in moral philosophy, 2 vol. ; — The Elé-
ments : the heavens, the earth, the air, the
sea, bxol.; — Popularmathematics; — Man
in his physical structure, intellectual facul-
ties, etc., 4 vol. ; — The Seasons, 4 vol. ; — His-
tory of Hampshire and the Channel islands,
3 vol. ; — Domesticated animais ; — ■ Gleanings
of nature; — China and its resources. Tant
d'assiduité au travail ne sauva pas Mudie du sort
misérable dans lequel tombent beaucoup de gens
de lettres; presque tous ses livres eurent du
succès, et cependant il mourut dans le dénûment
à l'âge de soixante-quatre ans. K.
Maunder, Biographical Treasury, 6" édit.
I muelnaere (Félix - Amand, comte (1)
de), homme politique belge, né à Pitthem
(Flandre occidentale), le 9 février 1793. Procu-
reur du roi à Bruges, il fut élu, en 1824, membre
de la seconde chambre des états généraux , où
il fit preuve de talent et d'indépendance; mais
le ministère parvint en 1829 à empêcher sa
réélection. Après les journées de septembre 1830,
il fut nommé gouverneur de la Flandre occiden-
dale. Membre du congrès national, M. de Muel-
naere vota pour l'élection du duc de Nemours ,
puis pour celle du prince Léopold, et fit partie
delà députation chargée de porter à Londres, au
roi des Belges , le décret d'adoption du traité des
dix-huit articles. Il fut presque aussitôt appelé
au ministère des affaires étrangères, qu'il quitta
en septembre 1832, après avoir reçu, le 12
novembre 1831, le titre de ministre d'État. A
la dissolution du ministère Lebeau, il fut de
nouveau ministre des affaires étrangères, de
1834 à 1837, et il le fut encore du 13 avril
1841 au 5 août 1843; il eut alors pour succes-
seur le général Goblet d'Alviella, mais demeura
pendant plusieurs années membre du conseil
des ministres, sans portefeuille. En 1849* par
suite de la loi relative aux incompatibilités , il
se démit de ses fonctions de gouverneur,- et
l'année suivante les électeurs du district de
Thielt l'envoyèrent à la chambre des représen-
tants, dont il avait fait partie de 1831 à 1848,
et où il siège dans les rangs de l'opposition ca-
tholique. M. de Muelnaere a attaché son nom
aux principales mesures qui ont consolidé la
nouvelle monarchie, et il a contribué à la con-
vention faite avec la France, le 16 juillet 1846.
E. Begnard.
Le Livre d'or de l'Ordre de Léopold et de la Croix de
(1) Ce titre lui a été conféré par le pape, en 1837.
863
MUELNAERE
Fer, I, 242. — M. Aug. Scheler, Statistique, personnelle
des ministères et des corps léuislalifs constitués en Bel-
gigue depuis 1830, p 90 et 176.
MUEVIN (Jacques), historien belge, né à
Tournay, mort le 4 juillet 1367, dans cette ville,
où depuis 1355 il était abbé du couvent de Saint-
Martin. Il composa une chronique qui s'étend
de l'an 1296 à celui 1339, et qui a été insérée
dans le Corpus Chronicorum Flandrix, édité
par M. de Smetz, t. 1T, p. 455-471. G. B.
De Srnc-tz, Corpus, t. Il, p. 451-454.
MUFFETT. Voy. MOUFET.
mufflixg (Frédéric- Ferdinand- Charles,
baron de), général, homme d'État et écrivain
militaire allemand, né à Halle, le 12 juillet 1775,
mort en 1851. Entré de bonne heure dans
l'armée prussienne, il fit la campagne de 1806
en qualité de chef d'état - major du duc de Saxe-
Weimar, qui lui donna trois ans après un em-
ploi dans l'administration civile de son pays.
ïl devint, en 1813, général quartier-mestre de
l'armée de Silésie, qu'il accompagna jusqu'à Pa-
ris, dont il fut nommé gouverneur. Placé en-
suite comme chef d'état-major auprès de l'armée
du Rhin, il fut nommé, en 1815, plénipotentiaire
prussien au quartier général deWellington. Trois
ans après il assista au congrès d'Aix-la-Chapelle.
Devenu^ en 1820, chef d'état-major de l'armée
prussienne, il fit, sous sa direction, mesurer plu-
sieurs degrés du méridien. Après avoir, en 1829,
contribué à la conclusion de la paix entre la Rus-
sie et la Turquie, il fut nommé, en 1832, comman-
dant du septième corps d'armée; en 1837 gouver-
neur de Berlin , et en 1841 président du conseil
d'État. On a de lui : Operationen der preussisch-
sàchsischen Armée im Jahre 1806 (Opérations
de l'armée prusso-saxonne en 1806); Weimar,
1806; — Marginalien zu den Grundsàlzen
der liôhren Kriegskunsl (Remarques sur les
principes de l'art supérieur de la guerre) ; Wei-
mar, 1808 et 1810; — Die preussische und
russische Campagne vom Jahr 1813 (La Cam-
pagne des Prussiens et des Russes en 1813);
Breslau, 18 13, et Leipzig, 1815; — Geschichte
•des Feldzuges der englisch- hannôverisch-
niederlûndischen Armée und der preussis-
chen im Jahre 1815 (Histoire de la campagne
faite en 1815 par l'armée anglo-hanovrienne-
néerlandaise, et par celle des Prussiens); Stutt-
gard, 1815; — Beitràge zur Kriegsgeschichte
der Jahre 1813 und 1814 (Documents pour
servir à l'histoire des guerres de 1813 et de
1814); Berlin, 1824, 2 vol.,trad.en anglais; —
Betrachtungen ùberdie grossen Operationen
und Schlachten ( Considérations sur les grandes
Opérations militaires et sur les Batailles); Ber-
lin, 1825; — Napoléons Stratégie im Jahre
1813 (La Stratégie de Napoléon en 1813); Berlin,
1827; — Aus meimem Leben (Mémoires de ma
vie); Berlin, 1851 et 1858, 2 vol. in-8°: O.
Conversations Lexikon.
*mugue (Théodore), littérateur allemand,
né à Berlin , le 8 novembre 1806. Entré de bonne
1
- MUGGLETON 86
heure dans le commerce , il embrassa ensui
l'état militaire; il le quitta pour étudier à Be:
lin l'histoire et la philosophie, dans le but f
se consacrer à l'enseignement supérieur. Ma
les ouvrages empreints d'idées libérales qu
publia en 1832 sur la France et l'Angleter
excitèrent la colère du gouvernement de s<
pays, et il dut renoncer à l'espoir d'obtenir ui
chaire de professeur. Il s'adonna alors à la 1
térature;il écrivit aussi dans divers journal
politiques, et devint, en raison de ses opinior
l'objet de plusieurs poursuites judiciaires. S
romans sont presque tous pleins d'intérêt;
style en est facile et agréable. On a de Mùggi
Bilder aus dem Leben ( Scènes de la vie) ; B<
lin, 1829; — Frankreïch und die letzttn Box
bonen (La France et les derniers Bourbons
Berlin, 1831; — England und die Rfot
(L'Angleterre et la réforme parlementaire) ; Le
zig, 1831; — Der Chevalier; Leipzig, M
3 vol. ; — Novellen und Erzàhlungen (Ne
velles et Récits ); Brunswick, 1836, 3 vol. ;
Die Vendeerin (La Vendéenne); Berlin, 18;'
3 vol. ; — Tànzerinn und Grafinn (Danset
et Comtesse); Leipzig, 1839, 2 vol.; — (
sammelte Novellen (Nouvelles recueillies
Leipzig, 1842-1843, 6 vol., suivies des Ne
Novellen; Hanovre, 1845-1847, 6 vol.;
Skizzen ans dem Norden (Esquisses despî
du Nord); Hanovre, 1844, 2 vol.; — /
Censurverhàllnisse in Preussen ( La Censi
en Prusse); Leipzig, 1845; — Streifziige
Schleswig-Holstein ( Promenades dans le SI
wig-Holstein) ; Francfort, 1847, 3 vol. ; — To
saint; Sfuttgard, 1850, 4 vol.; — Der Foi
von Sylt (Le bailli de Sylt); Berlin, 1851
1858, 2 vol.; — Der Weihnachts attend (
Veillée de Noël); Berlin, 1853; — Der Ma
ratsherr (Le Seigneur du majorât); Berl
1853 ; — Die Erbinn (L'Héritière) ; Berlin, 18
2 vol.; — Nordisches Belderbuch (Livre
Nord ); Francfort, 1857;— Romane; Ber
1857-1858, 8 vol. contenant entre autres : Chi
les Ier et Cromwell; Pris et délivré;
Points de vue de la société; Adam et, M
— A/raja dans la Deutsche Bibliolhek (Fra
fort, 1854 ) : ce rcman a été traduit en fiança
Paris, 1858. Depuis 1850 M. Mùgge publie t
les ans le keepsake Vielliebchen. 0.
Conversations- l.exikon.
muogleton (Ludowicke), sectaire anglt
né en 1609, mort le 14 mars 1697. C'était
simple ouvrier tailleur. Il fut, avec John Ree
un de ses campagnons, le fondateur d'une se
de chrétiens connus sous le nom de muggle
nians, et qui prit naissance vers 1651 en i
gleterre. Il prétendit que lui et son assc
'aient reçu de Dieu une mission particulièi
qu'ils étaient les derniers et les plus grai
n'ophètes du Christ, que saint Jean les ai
clairement désignés dans Y Apocalypse et qu
pouvaient sauver ou damner tous ceux qu'il l« i^i
«Ht
Si
p
it
\
tu
5 MUGGLETON
irait. Ils mirent ensemble au jour un grand
nbre de livres, un, entre autres, intitulé : Di-
e lookingglass of the third Testament of
• Lord Jésus Christ, et ils gagnèrent beau-
ip de disciples. Les quakers surtout, et parmi
i Georges Fox et William Penn, les combat-
•nt avec ardeur. En 1676 Muggleton fut tra-
t en justice et convaincu de blaspbème. Il
impossible de donner une idée complète des
■ mges doctrines de cette secte; en voici les
ots principaux : Dieu a un corps comme
imme; la Trinité n'est qu'une variété de ses
ns; il est venu lui-même sur la terre et y
fubi la mort. A ces bizarreries empruntées
. sectes des premiers siècles de l'Église, Mug-
:on avait ajouté une théorie non moins sin-
ière sur la destinée future, sur les âmes, sur
rapports avec les esprits, etc. Les œuvres
IMuggleton ont été recueillies en 1756; mais
modernes disciples en ont publié une édition
5 complète en 1832 (Londres, 3 vol. in-4°). K.
le Englisfi Cyclopsedia ( Biogr.).
iugnaino. Voy. Marinelli (Giuseppe-An-
\io).
kuguet DE Nanthou ( François-Félix-
icinthe), homme politique français, né à
ançon, en 1760, mort en 1808, à Soingprès
jsy (Haute- Saône). Il fut d'abord avocat du
jjpui s lieutenant général du bailliage de Gray.
Itelligente énergie qu'il montra en 1788 pour
|ner les troubles causés par la famine lui
it l'estime de ses concitoyens , qui le dépu-
int aux états généraux, ouverts le 5 mai 1789,
»me représentant du tiers état par le grand
|iiage d'Amont. Il se rangea parmi les députés
voulaient des réformes radicales, telles que
plition des privilèges , la juste répartition des
ges publiques, l'inviolabilité de la liberté
onnelle, etc. Il se fit remarquer par son
ulion facile et soutenue. Le 5 octobre, mécon-
de ce que Louis XVI différait de sanction-
quelques décrets , il proposa de n'accorder
m impôt avant cette sanction. Il fit, le l,r juil-
790, un rapport contre la cour des aides, et
ftt l'annulation de la procédure concernant
tendie des barrières en juillet 1789. Le 21 oc-
ie,il fut nommé membre du comité des re-
fches. Il fut aussi le rapporteur de presque
es les affaires relatives aux troubles des pro-
Le 28 février 1791, il pressa vivement
iemblée de porter une loi contre l'émigration.
[16 juin il présenta un rapport sur les troubles
|iastia et accusa de Rossi , commandant mi-
|'e, d'avoir provoqué ces troubles qui ensuite
Bnt été dirigés contre lui. A l'époque de la
de Louis XVI et de sa famille (nuit du 20
|1 juin), il était l'un des commissaires char-
Bde veiller au maintien de l'ordre dans Paris;
■tanduite dans cette circonstance difficile lui
•ta l'éloge de tous les bons citoyens. Le 24 du
♦jie mois, il fit décerner des récompenses à
fcj ceux qui avaient contribué à arrêter le roi
NOUT. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXXVI.
— MUHAUT
8(56
à Varenftes, et le 1 3 juillet il fit, au nom de tous les
comités réunis , un rapport sur les mêmes évé-
nements. Il présentait l'intervention du marquis
de Bouille et des autres chefs militaires dans
cette affaire comme une conspiration contre la
patrie et la liberté, et demandait leur mise en ac-
cusation devant la haute cour nationale provi-
soire, séant à Orléans. Quant à Louis XVI, at-
tendu son inviolabilité, attendu aussi que son
évasion n'était pas un délit prévu par la consti-
tution, il concluait à ce qu'il ne fût pas mis en
cause. L'assemblée adopta ces conclusions. <Le
18 août Muguet réclama l'exécution du décret
qu'il avait fait rendre en faveur de ceux qui
avaient coopéré à empêcher la fuite du roi. Après
la session, il se retira dans une de ses propriétés,
située à Soing, et s'y occupa d'importantes amé-
liorations agricoles. En 1792 il fut élu com-
mandant de la garde nationale de l'arrondisse-
ment de Gray. Arrêté deux fois en 1793, il dut
être remis en liberté, sa conduite ne laissant au-
cune prise aux accusations dont il était l'objet.
En 1798 il fut député au Conseil des Cinq Cents ;
mais il donna presque aussitôt sa démission. 11
mourut maire de Soing, laissant la réputation
d'un homme honorable. H. L — r.
Le Moniteur universel, ann. 1789-1798. — Biographie
moderne (Paris, 1806 ).
mit h a ut (Etienne), industriel français, né
à Thizy, en Beaujolais, en 1732, mort à Prisse,
près Mâcon, en 17 95. Dans ce pajs, depuis long-
temps le centre d'une fabrication de toiles de fil et
coton , il fut le premier à substituer le coton au
fil , et il créa pour ainsi dire pour cette contrée
une source de prospérité et de richesse. Ces
toiles, toutes de coton, connues sous le nom de
garats, servirent d'abord d'aliment à la fabrique
d'Oberkampf,de Jouy, qui le premier en France
essaya l'impression sur étoffe. Muhaut fut
nommé, en 1772, receveur du grenier à sel de
Thizy, emploi qu'il occupa jusqu'à la suppres-
sion de celui-ci. Antoine Muhaut, le père d'É-
tienne, avait acquis la maison de La Platière, de
la mère du ministre Roland. Etienne Muhaut
en céda la jouissance au président de Lamoignon,
durant son exil à Thizy, où il fut relégué, en 1771,
par le ministre Maupeou. J. B. M.
"muhaut (Etienne), naturaliste, petit-fils dn
précédent, naquit le 2 mars 1797, dans la maison
de La Platière, située dans la partie basse de la
ville de Thizy (Rhône). Au sortir de ses études,
commencées en 1806, a Belley, sous les Pères de
la Foi et terminées à Tournon, en 1814, il écrivit
ses Lettres à Julie, ouvrage destiné d'abord à
rester inédit , mais qui vit le jour en 1 830. En
1816, il épousa Anne Julie de Ronchinal. Maire de
Saint Jean-la-Bussière en 1818, il exerça ces
fonctions jusqu'en 1828, puis celles de juge de
paix jusqu'au moment où il vint se fixer à Lyon,
en 1833. En 1839 il fut attaché à la Bibliothè-
que publique de cette ville et nommé professeur
d'histoire naturelle au collège, en 1843. Ses prin-
28
86;
MU HAUT — MUïS
cipaux ouvrages sont : Lettres à Julie sur V En-
tomologie; Paris, 1830, 2 vol. in-8° ; — Cours
d'Entomologie réduit en tableaux synopti-
ques; Lyon, 1833, in-8°; — Cours de M anima-
logie réduit en tableaux synoptiques ; Lyon,
1835, in-8°; — Histoire naturelle des Coléop-
tères de France; Paris, 1839 et suivants, com-
prenant les monographies des longicornes, lamel-
licornes, palpicornes, sulcicollcs, sécu ri palpes,
latigènes , barbipalpes, longipèdes, latipennes,
pectinipèdes, vésicants, angustipennes, rostri-
fères; — Species des coccinellides ; Paris, 1851,
un vol. grand in-8° ; — Opuscules eniomologi-
ques, contenant des mémoires, des monographies,
des notices nécrologiques; Paris, 1832 et sniv.,
11 cahiers jusqu'à ce jour; — Cours élémen-
taire d'Histoire naturelle; Paris, 1856 et
suiv. (ne comprenant encore que la zoologie et
la physiologie ). J.-B. Monfalcon.
Docum. partie.
muhlesbruch (Chrétien-Frédéric) , sa-
vant jurisconsulte allemand , né à Rostock, le
3 octobre 1785, mort à Gœttingue, le 17 juillet
1843. Il enseigna le droit depuis 1810 succes-
sivement à Rostock, à Greifswalde, à Kœnigsberg,
à Halle, et enfin depuis 1833 à Gœttingue. Lors
du contlit qui s'éleva en 1837 entre les princi-
paux professeurs de l'université de cette ville
et le gouvernement de Hanovre , il se sépara de
ses collègues et en fut récompensé par une place
de conseiller d'État. Ses ouvrages se distinguent
par une extrême clarté, une grande force de rai-
sonnement et une connaissance approfondie des
matières juridiques qui y sont discutées. On a
de lui : De Origine et vi Stipulationum ;
Mannheim, 1805, in-4°; — De veterum Roma-
norum Gentibus et Familiis; Rostock, 1807,
in-4°; — Lehrbuch der Encyclopàdie und
Méthodologie des positiven in Deulschland
geltenden Rechts ( Manuel de l'encyclopédie et
de la méthodologie du Droit positif en usage en
Allemagne) ; Rostock , 1807, in-8° ; — De Jure
ejus cui actionibus cessit creditor ; Rostock,
1813, in-4° ; — Die Lehre von der Cession der
Forderungsrechte ( La Doctrine de la Cession
des Obligations); Greifswald, 1817, in-8"; une
troisième édition, très-augmentée, parut en 1836;
— Doclrina Pandectarum ; Halle, 1823-1824,
3 vol. in-8°; ibid., 1838 et 1840; — Entwurf
der gemeinrecht lichen und preussischen Pro-
cesses (Esquisse de la Procédure du Droit com-
mun et de celle suivie en Prusse) ; Halle, 1827
et 1840, in-8°; — Lehrbuch des Pandeklen-
Rechts ( Manuel des Pandeotes); Halle, 1835-
1836, 1837-1838, 1839-1840 et 1844, 3 vol,
in-8°; — Lehrbuch der Institutionen des
rômischen Rechts (Manuel des instilutes du
droit romain); Halle, 1842 et 1847, in 8°.
Muhlenbruch a aussi publié, de 1835 à 1843,
neuf volumes faisant suite à V Explication des
Pandectes commencée par Gluck; on lui doit
encore une très-bonne édition des Anliquitales
. romanse d'Heineccius; Francfort, 1841; al
I que de nombreux articles dans VArchiv fûi\
! vilistische Praxis et dans ÏAllgemeine 1 1
I raturzeitung de Halle. O
Conversations- Lexikon.
biuîs (Siméon Marotte de), hébraï I
français, né en 1587, à Orléans, mort en 1 I
à Paris. On ignore la plupart des particula I
de sa vie; on sait seulement qu'il fut than 1
et archidiacre de Soissons. Quatre ans apri I
mort de Cayet, il fut pourvu de la chaire d I
breu au Collège royal (22 juillet 1614), et la ■ I
serva jusqu'à sa mort. D'après Niceron , il I
gnait à sa connaissance de la langue saint 1
jugement solide et un grand discernement I
style pur, net et facile, et une science fort i I
due de l'histoire sainte et du fond de la relij I
Il eut de son temps la réputation d'un des I
savants interprètes de l'Ecriture. On a de I
R. Davidis Kimhi Commentarius in m\
chiam, hebr. et lut.; Paris, 1618, in-4°; -
psalmum XIX trium rabbinorum Comr.
tarai hebraici Qiim lat. interpr. ; Paris, 1
in-8° : cette traduction n'a pas été insérée
la collection des œuvres de Muis; — Annok
nés in psalmum XXXIV, impr. dans les
titut. Hebraicx de Bellarmin (1622, ih-S°]
Commentarius litleralis et historicus in
nés psalmos et selecta V. T. cantica,
versione nova ex hebrxo; Paris, 1630 , 1
in-fol. ; Louvain, 1770, 2 vol. in-4° : lescinqi
premiers psaumes avaient déjà paru en \&'i
titre d'essai. On regarde ce commentaire co
un des meilleurs qui existent. « Parmi le
tholiques, écrivait Bossuet à l'oratorien I
duit, Muis emporte le prix, à mon gré, sans
paraison. » Presque tous les interprètes
Bible, Godeau, Gassendi, Voisin et d'autres
dits se sont associés à ce jugement favor
Richard Simon y apporta quelque restrici
après l?avoir loué de s'être attaché à la leftn
la grammaire, il ajoute : « On pourrait retrar
de ce commentaire plusieurs choses qui les
dent languissant; en un mot il n'est pas <
châtié » ; — Assertio Veritalis hebraicee
versus Joannis Morini exercitationei
utrumque Samaritanorum Pentaleuch
Paris, 1631, in-8°. Muis prend ici la défend
texte hébreu contre le P. Morin, qui le re,
en plusieurs choses. Morin ayant soutenu ce
avait avancé dans ses Exercitaliones bib
(Paris, 1633, in-4°),de Muis revint à lach;
et publia une nouvelle défense intitulée Assi
Veritatis hebraicae aliéna, Paris, 1634, ii
et accompagnée d'un Spécimen variorun
crorum, que l'on a réimpr. dans les Critk
cri, t. VII ; ce spécimen est un recueil de ce
les rabbins ont dit de meilleur sur les end
les plus difficiles du Pentateuque, du livr
Josué et des premiers chapitres du livre
Juges; — Casligatio Animadversionum
rini in censurant Exercitationum ad Pe.
î)
MUIS —
\ichiim; Paris, 1639, in-8°; cette réponse, qui
i fort vive, termina la querelle entre les deux
j iraïsants. La plupart des écrits de Muis ont
1 réunis après sa mort et publiés par Claude
juvergne (Paris, 1650, in-fol.). P. L.
lolomlè.t, Gallia Oricntatis. — Dupin, Bibl. des Au-
Irs ecclésiast. — Richard Simon, Hisl. du fieux Tes-
\ient. — Le Collège royal de France; Paris, 164*,
Ko, _ Niceron, Mémoires. XXXII.
urisis (Gilles li), ou en latin JEgidius Mu-
Vus, historien belge, né en 1275, à Rongy,
[a Saint-Amand, mort vers 1352. 11 entra en
t<9 chez les bénédictins de Tournay; en 1327
[levint prieur, et en 1331 abbé de son couvent.
[a laissé divers ouvrages, qui ont attiré dans
I derniers temps l'attention des érudits. Des
I raits d'une petite chroniqne dans laquelle il
rorasse les événements survenus de 1347 à
1*2 ont été insérés par M. de Gerlache dans les
[ uveaux Mémoires de l'Académie de Bruxel-
[, t. X; une autre chronique relative à la
rre du roi de France avec le comte Guy
Dampierre et le roi d'Angleterre jusqu'à
*8 a été analysée par Buchon dans son édition
"Froissart; un long fragment en avait été pu-
• par Gœthale Vercruysse dans le Specta-
I 6efye;Cambray, 1806. Un travail plus im-
ïtant intitulé : Tractatus, Registraliones ,
tiinaliones et quaedam incidentia, a été pu-
s par M. de Smet dans le Corpus Chronico-
m Flandrise, 1837, in-4°, t. Il, p. 111-293;
travail est à remarquer en ce que le texte latin
entrecoupé de longs morceaux en vers fran-
is; commençant à 1296, il s'étend jusqu'à
17. Semblable particularité se retrouve dans
tChronicon alterum, qui va de 1298 à 1352
où le latin domine encore davantage; on y
Wve la narration des événements survenus de
98 à 1352; ce texte a également paru dans le
\rpus que nous venons d'indiquer, t. II, p. 305-
8. G. B.
fallia Christiana, t. III, p. 278. — Foppens, Biblio-
>ea Belgica, t. I, p. 31. — De Smet, Corpus Chro-
orum, t. Il, p. 95-109. — Reirfenberg, dans son édi-
i de la Chronique de Ph. Mou-kes, t. Il, p. cccvur.
ittl'LCASTER (Richard), humaniste anglais,
(vers 1 535, à Carlisle, mort le 1 5 avril 1 61 f , à
fimford (Essex). Il fut étudiant des universités
Cambridge et d'Oxford, et s'appliqua avec
ccès aux langues orientales. Il y avait à peine
iix ans qu'il pratiquait l'enseignement lorsque
i mérite le fit choisir, en 1561, pour diriger
sole des marchands tailleurs de Londres (Mer-
pnt Taylors' School),qui venaitd'être fondée;
'organisa, y introduisit une discipline sévère,
jne la quitta qu'en 1596, après l'avoir rendue
s plus florissantes. Dans la même année, il
m vint principal de l'école de Saint-Paul , à- la
je de laquelle il resta douze ans. En 1608, il
retira à Stamford, riche bénéfice qu'il tenait
s libéralités de la reine Elisabeth. On a de lui :
mlwns, wherein those primitive circum-
mces be examined which are necessarie for
MULDRAC 870
the training up of children , eilher for skill
in their bonkorliealUi in their bodie ; Londres,
1581, 1587, in-4°; — The firsl part of the
Elementarie, which entrceteth chefely ofthe
right wriling of the English lung ; Londres,
1582, in-4°; la seconde partie n'a jamais paru;
on y trouve une judicieuse critique de la langue
anglaise; — Calechismus Paulinus, in usum
scholse Paulinœ conscriptus ; Londres, 1601,
in-8°, en vers anglais. K.
Wllson, Hist. of Mer chant Taylors' School. — Fuller.
IPorlhies of Enyland. — Gentleman'! Magazine, t. LXX.
nuri.DER (Gérard-André), chimiste hollan-
dais, né en 1802, àUtrecht, mort en 1847. Après
avoir exercé, depuis 1825, la médecine à Ams-
terdam, où il enseigna de 1827 à 1830 la bota-
nique et la chimie à l'école de médecine, il obtint
en 1841 la chaire de chimie à l'université de sa
ville natale. On a de lui : Proeve eener allge-
meenen physiologische Scheidkunde (Essai
de Chimie physiologique générale), 1844-1846,
2 vol.; traduit en allemand par Moleschott et
par Kolbe; — De voeding in Nederland in
verband tôt den volksgeest (L'Alimentation
dans les Pays-Bas par rapport à l'esprit public) ;
Rotterdam, 1847 ; traduit en allemand par Mo-
lescbott; — De voeding van den Neger in
Suriname ( L'Alimentation des nègres de Suri-
nam) ; Rotterdam, 1847; — Recherches chi-
miques, 1847; traduit en allemand par Vôlker.
Mulder a encore publié: Bydragen tôt denatuur-
kundigewefenschappen (Documents pour les
sciences naturelles); 1826-1832 : en commun
avec Hall et Vrolik ; — Natur-en scheidkundig
Archief (Archives des Sciences naturelles et de
Chimie), 1833-1838;— Sckeidkundige onder-
zoegingen gedaan in het laboratorium der
Utrechtesche Hoogeschoel ( Expériences de
chimie faites dans le laboratoire de l'université
d'Utrecht) ; 1842-1847 ;— Bulletin des Sciences
physiques et naturelles en Néerlande : en col-
laboration avec Wenckebach et Miguel. O.
Pierer, Ergànzungen.
muldrac (François- Antoine), historien
français, né à Compiègne, le 23 septembre 1605,
mort à Longpont en 1667. Lui-même nous ap-
prend que son père se nommait Jean Muldrac,
sa mère Suzanne Caron, et qu'il naquit sur la
paroisse de Saint-Antoine. A seize ans, il fut ad-
mis à l'abbaye de Longpont, de l'ordre de Cî-
teaux, près de Soissons ; en 1621, il y prononça
ses vœux. Chargé, dans cette communauté, des
cours de philosophie et de théologie, il s'ac-
quitta de cette mission avec autant de zèle que
de capacité. Nommé, en 1636, sous-prieur de
l'abbaye, on l'éleva, en 1652, à la dignité de
prieur. Mais il ne garda pas longtemps cette
charge, dont il se démit volontairement , pour
vivre dans la retraite et se consacrer tout en-
tier aux travaux littéraires. Voici les titres de
ses ouvrages: Compendiosiim Abbatiœ Longi-
Pontis Suessionensis Chronicon; Paris, 1652,
28.
871
MULDHA.C — MULEY MAHOMET
in-12. Cette chronique est un recueil de chartes,
concernant l'abbaye de Longpont de 1131 à
1648; — Le Valois royal amplifié et enrichi
de plusieurs pièces curieuses extraites des
cartulaires et archives des abbayes, églises
et greffes du Valois et de graves auteurs ,
1662, in-12. C'est l'ouvrage de Bergeron (voy. ce
nom) refondu et augmenté; — Compendio-
sum Diœcesis Suessionensis Spéculum, in
duas partes distinctum, Ms., en 2 vol. in-fol.,
qui , suivant Carlier, était conservé dans la bi-
bliothèque de l'abbaye de Longpont. C'est une
histoire abrégée et chronologique du diocèse de
Soissons depuis l'an 304 de J.-C. jusqu'en
1661. La mort de Muldrac en empêcha l'impres-
sion. On conservait aussi de lui un autre ma-
nuscrit, contenant un choix des plus beaux pas-
sages des saints Pères sur divers sujets.
Maurice Champion.
Carlier, Hist. du Duché de Falots, 1764, t. III, p. 92.
muley el oatas, roi de Fez, régna en
1535, et mourut en 1550. Il succéda à son père,
Muley Mohamed, et passa son règne à combattre
les envahissements progressifs des fils du chérif
Mahomed ben - Achmed. Battu souvent par
Muley Mahomet, et deux fois prisonnier de son
rival, il racheta sa liberté par l'abandon d'une
grande partie de ses provinces. Assiégé enfin
dans Fez, sa capitale, après une résistance de
vingt et un mois , Muley el Oatas tomba entre
les mains du chérif, qui le déposa (1545), épousa
sa fille, et le retint en captivité jusqu'en 1550,
époque à laquelle il le fit mourir ainsi que son
filsZidan. En lui s'éteignit la dynastie des Merinis.
muley mahomet, roi de Fez et de Maroc,
assassiné en 1557. Il était le troisième fils du
chérif Mohamed ben-Achmet; l'aîné de ses
frères, Abd el Quibir, fut tué dans une rencontre
avec les Portugais, et l'histoire du second , Muley
Achmet, se trouve liée à celle de Muley Mahomet.
Au retour d'un pèlerinage à La Mecque, les deux
frères se rendirent à la cour de Mohamed el Oatas,
roi de Fez, qui confia à Muley Mahomet l'édu-
cation de ses enfants. Les deux chérifs gagnè-
rent la confiance de Mohamed el Oafas, qui leur
confia des commandements importants; ils en
profitèrent pour se rendre indépendants et se
faire proclamer rois (1536), Achmet à Maroc et
Mahomet à Taroudant sous la suzeraineté de
son frère. Muley el Oatas, successeur et fils de
Mohamed el Oatas, entrepritde les chasser; mais
les deux frères dispersèrent son armée près de
Maroc. Rappelé dans ses Élats par la révolte de
son frère Muley Achmet, Muley el Oatas , après
l'avoir calmée, revint l'année suivante avec des
forces plus considérables ; mais il fut de nouveau
entièrement défait par les chérifs.
. La bonne harmonie qui régnait entre les deux
chérifs cessa dès qu'ils furent délivrés de leur
ennemi; Muley Mahomet, qui sous le rapport
de l'intelligence se sentait supérieur à son frère,
voulut se soustraire à sa suzeraineté. Muley
Achmet marcha contre lui, et remporta d'ab |
quelques avanlages; mais, dans une action gé I
rale.il fut battu, et tomba au pouvoir de son fr<
ainsi que son second fils, Boïza. Muley Zid |
son fils aîné, se réfugia à Maroc, d'où il env I
son épouse à son oncle , dont elle était la fi
Cette princesse ménagea un accommodeme
à la suite duquel Muley Achmet recouvra j
liberté; mais celui-ci, désavouant bientôt
traité qui lui avait été imposé, reprit les arm
la fortune favorisa encore Mahomet, qui
Maroc, et relégua Mouley Achmet et sa faim
dans Tafilet.
Muley Mahomet, maître du sud de l'empi
voulant punir lé roi de Fez de l'accueil q
avait fait aux princes de Maroc , réclama de
la province du Tell, comme dépendance du l
roc; il fit en même temps assiéger le châtiii
deFixtelapar son fils Abdallah. Muley el Oa*
rencontra son ennemi sur les rives du Séb(
Mahomet l'attaqua avec une telle impétuos
que les Fezzans furent mis dans une déro
complète presque sans coup férir. Muley
Oatas, renversé de cheval, tomba entre les maJ
du vainqueur ainsi que son lils Muley Buis
Muley Mahomet ne relâcha ses prisonniers <
sur la remise de Méquinez et la promesse
lui livrer Fez dès qu'il l'exigerait. Deux m
étaient à peine écoulés que Muley Mahor
paraissait devant Fez et sommait Muley
Oatas de lui ouvrir sa capitale. Muley el Oa<
s'excusa sur ce que les habitants, se souven;
de leurs concitoyens égorgés par les ordres
roi de Maroc, refusaient de le recevoir ai.
leurs murs. Sur ces entrefaites, Zidau, fils a;
de Muley Achmet, accourut au secours du
de Fez ; il livra à son oncle une bataille ach;
née, qui demeura indécise; mais l'argent rm
quant au jeune prince, ses troupes sedébandère
Muley Mahomet fit alors investir Fez qui
se rendit qu'après deux ans de résistance. W
homet cette fois détrôna Oatas, et, pourlégitirm
en quelque sorte son usurpation, épousa u
des filles du monarque fezzan. Telle fut la
de la dynastie des Merinis après une dotnin
tion de trois cent trente-sept ans. fcn 1545 Ml
ley Mahomet envoya trois de ses fils, Hara
Abd el Kader et Abderhaman s'emparer
Tlemcen et de quelques autres provinces
nord, restées fidèles aux Merinis ; Haran essa>
même de surprendre Oran : il échoua dans
tentative et mourut au retour de cette expéc
tion. Les Algériens accoururent pour reprend
Tlemcen; Abd el Kader et Abderhaman ma
chèrent à leur rencontre; mais un différa
s'étant élevé entre eux, Abderhaman resti-
avec ses troupes, témoin impassible de la di
faite et de la mort de son frère. Les enfan
d'Abd el Kader vinrent se jeter aux pieds <
leur aieul, accusant Abderhaman de la mo
de leur père. Mahomet les vengea en faisai
empoisonner Abderhaman. La perte de se3 tro
|'3 MULEY MAHOMET
irrita le caractère de Mahomet, qui fit étran-
^r dans leur prison le roi de Fez et son fils
Jan.
ialah Réis, dey d'Alger, inquiet des progrès
« Muley Mahomet, et sollicité par Buhaçon, le
tilleur et le plus influent des généraux fezzans,
i pli s'était réfugié près de lui, envahit le
H roc avec une puissante armée. Muley Maho-
|t essaya vainement de lui disputer le passage
BSéibou. Salah Réis prit Fez, et s'avança sur
l'or.. Muley Achmet profita de la défaite de
I frère pour rentrer à Tafilet et former une
I ince avec Buhaçon que Salah Réis venait de
le proclamer roi de Fez. Mahomet attendit
I Salah, qui s'était séparé en mauvaise
llligence d'avec Buhaçon, fût retourné à Al-
I; il rassembla alors deux armées, donna l'une
In fils Abdallah pour reprendre Fez, tandis que
Interne assiégeait Tafilet. Muley Achmet fit
lioumission. Son frère le fit emprisonner, et
lut auprès de lui ses deux neveux , qu'il fit
Itrir qnelque temps après. Mahomet se porta
kitôl contre Buhaçon , qu'il défit et tua de-
|tFez. Il entra ensuite dans cette ville, et,
1 se venger de l'inconstance de ses habi--
■s, il mit à mort les principaux d'entre eux,
fisqua leurs biens et frappa sur les autres
contribution de trois millions de livres. Il
Isa à Fez son fils Abdallah en qualité de vice-
, et retourna à Maroc. Il périt dans une ex-
Stion entreprise contre les tribus berbères
11' Atlas, assassiné par un émissaire du dey
llger Hassan. Muley Achmet, son frère, fut aus-
t étranglé dans sa prison , par les ordres du
iverneur de Maroc , qui craignait que le
e ne le proclamât à la place du fils aîné
(Mahomet, Muley Abdallah.
cley ardallah , empereur de Maroc,
't en 1574. Il succéda, en 1557, à son père Mu-
Mohammed. Ce prince commença par régner
sagesse et modération ; mais bientôt-, pre-
jt ombrage de l'affection que ses sujets té-
gnaient à ses deux frères à qui il avait confié
gouvernements, il les manda auprès de lui,
it trancher la tête à celui qui se rendit à son
el ainsi qu'à ses deux neveux. Son autre
te Abd el Moumen, qui commandait à Fez,
Jfuit auprès du dey d'Alger Hassan, fils du
bre Barbe-Rousse, qui lui donna sa fille en
■iage et lui confia le gouvernement de Tlem-
. Quelque temps après, ce prince tomba
s les coups d'un assassin envoyé par son
e. En 1562 Muley Abdallah attaqua sans
bès Mazagran ; il mourut laissant pour suc-
jseur Muley Mahomet, son fils aîné. Muley
Sflallah, d'un caractère cruel et efféminé, n'é-
w pas entièrement dépourvu de bonnes quali-
té; on lui doit la construction de palais et d'é-
Ices utiles ; il ajouta des collèges aux mos-
|es, et fit construire le château d'Agadir, pour
l'ndre la ville de Sainte-Croix contre lesat-
ifaes des Portugais.
— MULEY ACHMET
874
muley mohamed, surnommé le Nègre (1),
sultan de Maroc, fils du précédent, mort le
4 août 1578. A peine fut-il sur le trône, qu'il fit
périr deux de ses frères et enfermer le troisième.
Cette cruauté le rendit odieux à ses sujets.
Muley Abd el Melek ou Moluk, l'un de ses on-
cles, profita de cette disposition des esprits pour
le détrôner. Muley Mohamed se réfugia à Lis-
bonne, auprès de don Sébastien, qui se préparait
à passer en Afrique. Il engagea ce prince à exé-
cuter son projet , l'assurant qu'à peine arrivé,
un parti considérable se joindrait à son armée.
Don Sébastien partit de Lisbonne, le 25 juin
1578, fit relâche à Lagos , puis à Cadix, dé-
barqua à Tanger, d'où il s'avança vers Arzille.
Les alliés promis ne se présentant pas , Mu-
ley Mohamed conseilla au roi de Portugal ,
dont l'armée n'était que de quinze mille hom-
mes, de s'emparer d'EI-Araiche ( Larrache ) et
de s'y retrancher en attendant des renforts.
Don Sébastien rejeta ce conseil, et osa attaquer
les quarante mille cavaliers et les dix mille fan-
tassins d'Abd el Melek dans la plaine de Tamista
(deux lieues d'Arzille), le 4 août 1578. Les Portu-
gais, bientôt enveloppés par des forces quadru-
ples, ne durent plus songer qu'à vendre chère-
ment leur vie. Don Sébastien fut tué, et avec
lui périt presque toute la noblesse portugaise;
Muley Mohamed, qui combattait dans les rangs
lusitaniens, se noya au passage d'une rivière, et
le petit nombre des vaincus échappés au massa-
cre fut réduit en esclavage ; ce fut un des plus
grands désastres qui affligèrent le Portugal. Abd
el Melek ne jouit pas de sa victoire ; malade
avant la bataille, il se faisait porter en litière
pendant l'action, et mourut avant la fin du
combat; c'est ce qui fit donner à cette jour-
née le nom de bataille des Trois Rois, en rai-
son des trois souverains qui y perdirent la
vie (2).
muley achmet, sultan de Maroc, frère du
précédent, mort en 1603. Il avait le plus con-
tribué à la grande victoire de Tamista; aussi fut-
il proclamé sultan sur le champ de bataille. Il
régnait fort paisiblement lorsqu'en 1594 l'un de
ses parents, Muley Naur, soudoyé par le roi d'Es-
pagne Philippe II, vint lui disputer le trône;
Achmet envoya contre ce prétendant son fils
Muley Chek , qui le battit et dispersa son parti.
Naur, blessé dans l'action, dut renoncer à
son entreprise. Le règne de Muley Achmet est
regardé comme un des plus heureux pour le
Maroc. Ce souverain pacifique ayant construit
plusieurs monuments d'utilité publique, réparé les
routes et les ports, réprima certains abus dans
ce qu'on appelle la magistrature musulmane, etc.
Quelque temps avant sa mort, et pour assurer à
son fils Chek la succession au trône , il exigea
(1) Ce surnom lui fut donné parce que sa mère était
une esclave de couleur noire.
(2) C'est la même que les Portugais désignent sous le
nom <!• 4lcussi
875
MULEY ACHMET — MULEY ARCHID
que ses frères et ses autres filslui prêtassent ser-
ment Je fidélité.
mcley sibas (Zéidan), sultan de Maroc,
mort dans cette ville, en 1630. Il était le plus
jeune des filsdeMuley Achmet, et, se trouvante
Maroc lors de la mort de son père (1603), il dut
à cette circonstance d'être choisi pour lui suc-
céder, au détriment de ses deux, frères aînés,
Muley Abdallah et Muley Chek ( Sech ), qui pro-
testèrent contre cette élection et prirent les
armes pour le détrôner. Malgré les subsides
fournis à Chek par Philippe III , qui re-
çut en retour la ville d'El-Arache , Sidan resta
maître de l'empire. Les dernières années de son
règne furent troublées par les excursions des Ber-
bères, qu'il soumit enfin. En 1620, il reçut un
ambassadeur de Hollande, accompagné du pro-
fesseur de langue arabe Golius. Sidan se montra
fort étonné de voir que Golius écrivait très-
bien l'arabe, mais qu'il ne savait pas le parler.
Sidan eut pour successeur son fils aîné Muley
Ab el Mélek.
muley abd EL Mélek, premier empereur
du Maroc, fils aîné du précédent, assassiné en
1635. Il monta sur le trône en 1630, et fut le \
premier qui dans ses relations avec les gouver-
nements étrangers prit le titre iYempereur.
Les commencements du règne de ce prince, qui
affecta des sentiments religieux, furent assez
tranquilles; mais bientôt son caractère cruel et
débauché le rendit si odieux à ses sujets, qu'un
soulèvement général éclata, et les habitants de
Fez appelèrent au trône son frère Muley Ach-
met. Celui-ci, ayant manifesté les mêmes pen-
chants que son frère, fut bientôt déposé. Muley
Sinan et Muley el Valid se mirent alors sur les
rangs ; mais Muley Abd el Mélek les vainquit et
Iesfitenfermer. Il fut assassiné dans sa tente par un
esclave mécontent qui, le voyant plongé dans l'i-
vresse, lui tira un coup de pistolet. Son frère
Muley lui succéda.
muley EL valid, empereur de Maroc,
frère du précédent, mort en 1647. Il était en
prison lorsque Abd el Melek futassassiné (1635) ,
etfuttiré des fers pour monter surle trône. Le
règne de ce prince ne fut troublé que par la ré-
volte de son frère Muley Sinan, qui, aidé par un
kaid influent, tenta de lui enlever la couronne.
Les deux rebelles tombèrent au pouvoir de l'em-
pereur, qui leur fit trancher la tête. Ce fut sous le
règne de Muley el Valid que Sanson , ambas-
sadeur de France, parvint à traiter de la rançon
de plusieurs Français en captivitédans le Maroc.
muley achmet chek , troisième empe-
reur du Maroc, dernier frèredes précédents, mis
à mort, vers 1650. Il abandonna pour se livrer aux
plaisirs et à ladébauchele gouvernement de ses
États à des minisires incapables et avides- Ses
sujets se soulevèrent ; ceux des montagnes vinrent
assiéger Maroc, qu'ils mirent à sac. M uley Achmet
Chek fut tué. Les insurgés proclamèrent à sa place
Crom el Hadji, un de leurs chefs, qui mit fin à la
dynastie des chérifs en faisant massacrer k
ce qui restait de cette famille.
muley ali, empereur de Maroc, fondât*
de la branche des Faletti, famille actuellemi
régnante. 11 était né à Jambo, près de Médii
vers 1610, et descendait du prophète. I
Maures en pèlerinage à La Mecque, frappés,
ses éminenles qualités, le déterminèrent à sefe
dans leur patrie. Selon la tradition, depuis p'
sieurs années une cruelle disette désolait i
pays. Aussitôt après l'arrivée d'Ali les saisi <
reprirent leur cours , et les récoltes devinn
si abondantes que le peuple attribua partout
changement à l'influence du pieux chérif. D'u
voix unanime on le proclama roi de Tafiletst
le nom de Muley Chérif (1). Il fut recon
successivement parles autres provinces, à lUi
ception de Maroc et de ses environs qui setre
vaient alors au pouvoir de l'usurpateur Crom
Hadji et des meurtriers du précédent empere1-
Muley Achmet Chek, et de sa famille, les d>
niers des Mérinis. Souscç prince, l'empire, épu
par la disette, les divisions et les guerres civil
goûta enfin la paix et l'abondance; aussi fui*
très-regretté de ses sujets.
muley mahomet, empereur de Maroc,
du précédent, mort en 1664. Digne héritier c
vertus de son père, il eût maintenu une pu
profonde dans ses États , sans la rébellion
son frère Archid. Muley Mahomet marc
contre lui, le défit et le fit prisonnier; ni
Archid parvint à s'évader, leva de nouvel
troupes , et revint attaquer Mahomet. Les s
dats de ce dernier, séduits par les largesses d'i
chid, abandonnèrent leur souverain, qui, assi<
dans Tafilet, y mourut quelque temps après.
muley archid, frère du précédent, e
pereur du Maroc, né en 1631, mort à Fez-,,
27 mars 1672. Jaloux de la puissance de i
frère Muley Mahomet, auquel il demandait i
part dans l'empire, il se retira du côté d'El Drji
et y rassembla des forces considérables. Mal1
met marcha contre lui, dispersa ses partisan
et le fit emprisonner. Archid parvint à s'évai
à l'aide d'un esclave nègre qui le servait. Ren
à la liberté, sa première action fut de poignan
son libérateur, craignant d'être trahi par lui.
se réfugia ensuite auprès d'Ali Soliman, qui co
mandait dans les montagnes du Rif; il gagna
confiance de ce chéik, qui lui confia l'administi
tion de ses domaines. Archid en profita pc
corrompre les soldats d Ali Soliman et les entraîi
à la révolte. La lutte ne fut pas longue : l'impi
dent Ali, abandonné de la plus grande partie <
siens, tomba entre les mains de son perfide M
qui le fit mettre à mort. Archid marcha ensu
contre Mahomet, son frère, qu'il battit dans de
rencontres successives et qu'il obligea de se n
fermer dans sa capitale, où il mourut peu de tetr
après. Muley Archid, resté sans compétiteur :
(l) Chérir est le litre de noblesse que portent les d
cendants du propbète.
JJ77 MULEY ARCHID
lieux, ne tarda pas à agrandir ses possessions.
j kprès avoir soumis les montagnards du Rif, il prit
: uceessivement Traza(7'esa))Fez(lG65), Arzilla,
j.alé. D'autres villes et tribus, effrayées, se sou-
inirent sans combattre. Le chéik Ben-lîouker
issaya.de résister; mais, trahi et livré àArchid^
! fut décapité. En 16C7 Archid marcha avec
tiuarante mille hommes sur Maroc, qu'occupait
Muley Chek, fils de l'usurpateur Crom el Hadji.
fJhek, livré par les siens, fut traîné à la queue
'une mule dans les rues de Maroc. Le corps
le Crom el Hadji n'échappa même pas aux
Ureurs du vainqueur : il fut déterré et brûlé.
.es tribus des Chabanets, de Sous, du cap
| l'Agadir furent ensuite réduites, décimées et
frappées d'énormes contributions. Quelques ré-
j oltes partielles furent étouffées dans le sang.Mu-
Kf Archid étendit ainsi son empire jusqu'au dé-
troit de Gibraltar, et devint le souverain le plus
puissant de l'Afrique. Son règne ne fut plus
[rouble que par la révolte de ses neveux, les.
t Is de Muley Mahomet, qui se termina par le
[upplice des conspirateurs. Muley Méhéres,
ouverneur du Maroc, et aussi neveu d'Archid,
fssaya également de se soustraire à l'autorité
é son oncle, qui se contenta de lui ôter son gou-
i ernement.
i Muley Archid mourut dans sa quarante-
deuxième année; il se cassa la tête contre un
rbre dans un divertissement à cheval. Ce
itrince fut un des plus cruels qui aient affligé
►e Maroc. Parmi ses nombreux traits de
uarbarie, nous citerons les suivants, rapportés
>ar Chénier : « Pour forcer des femmes, dont il
livait fait périr les maris, à payer des contribu-
jions exagérées, il fit placer leurs mamelles entre
es bords de l'ouverture d'un coffre et les com-
prima de son propre poids. Une autre fois, un
le ses kaïds voulant lui vanter la sûreté qui ré-
gnait sur les routes de l'empire lui dit avoir
•encontre un sac de noix que personne n'avait
ramassé. — «Et comment sais-tu qu'il y avait des
lioix dans le sac? » lui dit l'empereur. — « Je l'ai
«ouchéavec le pied », répliqua le kaïd. — « Eh,
bien, qu'on lui coupe le pied, repartit le prince,
oour punir sa curiosité. »
mulet ismael, empereur du Maroc, frère
du précédent, né en 1646, mort le 22 mars 1727.
!I1 fut élu empereur à Fez en même temps que
ison frère Muley Haran se faisait proclamer à Ta-
Ifilet et son neveu Muley Achmetà Maroc. Muley
Ismael marcha d'abord contre son neveu (1673),
Iqui, battu et blessé à la cuisse, se réfugia auprès
de son oncle Haran. Ismael attaqua ensuite
[Gaïland, l'ancien kaïd d'Arzilia, qui venait, avec
le secours des Algériens, de reprendre son an-
cien gouvernement, dont il avait été dépossédé par
fMuley Archid. Le kaïd perdit la bataille et la vie.
Ismael réprima ensuite les révoltes qui venaient
d'éclater à Fez, à Teza, à Alcassar, dans la pro-
vince de Héa et dans les tribus des Chabanets
et des Chavoias (1674); ces expéditions furent
— MULEY ISMAEL 878
| suivies d'exactions et d'atrocités révoltantes
exercées sur les vaincus. L'année suivante (1675),
! Muley Aclimet parvint à s'emparer de Maroc.
L'empereur était en route pour Salé lorsqu'il ap-
j prit cet événement; il envoya aussitôt le kaïd
! Messaout Gerari pour reprendre la ville; mais,
. attiré dans une embuscade, il fut complètement
i battu. Ismael lui-même ne fut pas plus heu-
' reux. Il dut traiter avec son neveu, et lui céda
la souveraineté du Drah. Malgré l'amnistie géné-
rale proclamée lors de cette réconciliation , Is-
mael saccagea Maroc,, et infligea aux habitants
les plus indignes traitements. Il fit aussi traîtreu-
sement mettre à mort Sidi Semag, chéik du
Tell, et ravagea cette contrée. A peine rentré
dans sa capitale, Ismael reçut avis de la ré-
volte du kaïd Mahomet El Hadji ben Abdal-
lah, un des fils de Ben-Buker, qui, soutenu
par la Turquie, s'avançait à la tête d'une armée de
soixante mille hommes, et avait déjà soulevé les
provinces, de Chavoia et de Méquinez. Muley
lsmaël le joignit, mit son armée en déroute, et
envoya dix mille têtes à Fez et à Maroc pour an-
noncer sa victoire et terrifier ses ennemis.
En 1678, l'empire fut désolé par la peste, qui
enleva plus d'un million d'habitants; ce qui dé-
termina l'empereur à quitter Méquinez pour
établir son séjour dans l'Atlas; il fit de-
mander des contributions aux tribus berbères
qui l'habitent. Celles dont le territoire of-
frait un facile accès aux troupes marocaines
s'exécutèrent ; mais celles qui étaient proté-
gées par la nature du terrain refusèrent l'im-
pôt. Ismael envahit leur pays. Cette expédition
fut désastreuse : engagé au milieu des neiges et
des rochers inaccessibles, il perdit une partie de
son armée, et fut forcé de fuir, abandonnant son
camp et ses rapines. De retour à Méquinez, il se
vengea de son échec sur son premier ministre
Abder-Rhaman Filili, qu'il accusa de prévarica-
tion; il lui cassa le bras d'un coup de pistolet,
et le fit traîner par le camp cousu dans une peau
de bœuf; tous les officiers sous ses ordres furent
également massacrés. C'est à Muley Ismael que
le Maroc doit la création de la milice des noirs ;
il procéda en 1678 à la consécration sous le pa-
tronage de Sidi Boccari (1) de cette garde préto-
rienne qui lui fut toujours dévouée ; mais avec le
temps, son pouvoir et son arrogance s'étant ac-
crus, elle devint redoutable à ses successeurs, et
leur créa bien des embarras.
N'ayant plus d'ennemis à combattre, Muley
Ismael chercha des distractions dans la cons-
truction de palais et de fortifications, autant par
goût que pour occuper son entourage. « Quand
j'ai des rats dans un panier, disait-il, je l'agite
constamment, sans quoi ils le perceraient pour
s'enfuir. » En 1680 il s'empara du fort Char-
les, dépendant de Tanger; les Anglais, com-
prenant l'inutilité de la possession de cette place,
(1) Un des commentateurs du Coran.
879
MULEY ISMAEL
88(
l'abandonnèrent après en avoir fait sauter les
fortifications (1684). L'année suivante l'empe-
reur enleva aux Espagnols le fort de la Mamore.
El-Arraïche se rendit en 1689.
Ce fut à cette époque que le chevalier de
Château-Renaud, qui au mois d'avril 1680 était
venu mouiller avec dix vaisseaux devant Salé ,
se présenta de nouveau devant ce port avec une
escadre de quatre vaisseaux pour traiter avec
Muley Ismael du rachat des esclaves; l'empe-
reur, pour traîner les choses en longueur, fit invi-
ter Louis XIV à lui envoyer une personne de
confiance pour conclure l'affaire, tandis qu'il fai-
sait partir deux ambassadeurs sur les vaisseaux
du chevalier de Château-Renaud. Louis XIV en-
voya Sainl-Olon à Méquinez ; cette mission n'a-
boutit à rien. D'après Saint-Olon, ce fut sur les
éloges qne ses ambassadeurs lui firent du mé-
rite et de la beauté de la princesse de Conti ,
fille naturelle de Louis XIV, que Muley Ismael
se décida à la faire demander en mariage. Ce
fait, passé sous silence parChénier, est traité de
fable par l'auteur de Y Histoire des Chéri/s
en Afrique (1).
En 1694, Ismael vintassiéger Ceutaà la têtede
quarante mille hommes ; ayant échoué dans sa
tentative d'assaut, il chargea le kaïd Hamar-
Hadou, vice- roi de Garbe, de l'investir par terre ;
ce blocus dura jusqu'en 1720, époque à laquelle
Philippe V envoya le marquis de Lède, qui réus-
sit à détruire les retranchements des Maures et
à les refouler dans les montagnes.
Au printemps de 1697, Ismael, à la tête de
soixante mille hommes,attaqua les Algériens; mais
ceux-ci, dont les forces n'atteignaient pas quinze
mille combattants, lui firent essuyer une défaite
complète. Au retour de cette expédition, Ismael
apprit la rébellion de son fils aîné Muley Ma-
homet; ce prince, ayant attiré dans une embus-
cade le gouverneur de Maroc, s'empara de la
ville; mais il dut fuir devant son frère Muley
Zidan, qui le saisit à Taroudant et l'envoya à leur
père. Arrivé en sa présence, Muley Mahomet
se jeta à genoux , implorant son pardon ;
mais l'empereur, sourd à ses supplications, or-
donnaà un boucher de lui couper le poignet droit;
(1) Cependant le duc de Nevers Dt à cette occasion une
pièce de vers qui a été insérée dans le Nouveau Siècle
de Louis XI? { Paris, 1793). t. IV, p. 153. J.-B. Rousseau
composa sur le même sujet les vers suivants :
Votre beauté, grande princesse,
Porte les tr;iits dont elle blesse,
Jusques aux plus sauvages lieux;
L'Afrique avec vous capitule,
Et les conquêtes de vos yeux
Vont plus loin que cilles d'Hercule. '
Périgny a également composé un couplet épigramma-
tlque pour cette circonstance :
Pourquoi refusez-vous l'hommage glorieux
D'un roi qui vous ai tend, et qui vous croira belle?
Puisque l'Hymen à Maroc vous appelle,
Partez; c'est peut être en ces lieux,
Qu'il vous garde un aiiiant fidèle.
On doit donc supposer que le bruit qui courut de cette
union eut quelque fondement.
celui-ci ayant refusé, « ne voulant pas, disait-il
tremper ses mains dans le sang d'un chérifV, Is
maël trancha lui-même la tête au boucher et et
appela un autre qui coupa la main et le pied droits
à son fils. « Eh bien, malheureux ! dit alors Is-
mael, à présent connais-tu ton père? » Il prit er
même temps un fusil et tua le boucher qui avait
mutilé son fils. Celui-ci, malgré ses souffrances,
ne put s'empêcher de faire observer l'inconsé-
quence atroce d'un souverain qui tue celui qui
exécute ses ordres comme celui qui refuse dt
lui obéir. On mit dans du goudron les membres
mutilés de l'infortuné prince qui fut conduit à
Méquinez , où il mourut au bout de quatorze
jours. Son père lui fit élever un superbe tom
beau, qui conserve à la postérité le souvenir de
cet acte barbare. Muley Zidan s'empara de Ta
roudant , où il commit des excès atroces. Se
voyant débarrassé du frère son rival, et chargé du
commandement de l'armée, il songea à se>
rendre indépendant. L'empereur chercha à le1
rappeler auprès de lui; mais Zidan s'y refusa.
Ismael gagna alors quelques-unes des femmes
de son fils , qui pendant son sommeil l'étouf-
fèrent entre deux matelas (1721). La négresse
Léla-Zidana, mère de Zidan, vengea la mort de
ce prince en faisant étrangler les sept femmes qui
avaient pris part au meurtre de son fils, et en
forçant trois d'entre elles à manger, avant de mou-
rir, leurs mamelles qu'elle leur avait fait couper.
Après la mort de Zidan, le gouvernement des
provinces du sud échut à Abd el Mélek, autre fils
d'Ismael. Il ne tarda pas à imiter ses frères et à
méconnaître l'autorité de l'empereur. Muley Is-
mael, à qui la vieillesse ne permettait plus d'en-
trer en campagne pour contraindre son fils à la
soumission, lui écrivit des lettres fort tendres,
où il s'efforçait de lui insinuer que son grand
âge ne lui permettant plus de conserver le pou-
voir, il était tout disposé à le lui cédeT; ces
promesses ne purent séduire Abd el Mélek, qui,
connaissant bien son père, répondit dans les
termes les plus respectueux, mais se garda bien
de quitter son gouvernement. Ismael désigna
alors pour son successeur son second fils Mu-
ley Achmet Déby, et mourut âgé de quatre-
vingt et un ans , après un règne de cinquante-
quatre ans. Ce prince, habile politique, actif,
entreprenant, a terni l'éclat de son règne par son
avarice, sa mauvaise foi et une foule de cruautés,
dont le détail serait effrayant. Il eut un nombre
prodigieux de femmes, et sa postérité a été si nom-
breuse qu'on doute qu'il sût lui-même le nombre
de ses enfants; s'il faut en croire l'opinion géné-
rale , les mâles dépassaient huit cents , et l'on
voit encore dans le Tafilet toute une population
de chérifs qui sont les descendants de Muley
Ismael. Chénier raconte que le dernier enfant
de ce souverain étant né dix-huit mois après la
mort de son père, les talebs décidèrent que la
douleur de la mère avait retardé cette fois l'or-
dre de la nature.
1
81 MULEY- ACHMKT DEBY
Mi'iiiY ACHMET DÉBY, empereur du Maroc,
s du précédent, mort err mars 1729. Choisi par
<n père, au préjudice de ses frères Abd cl Mélek
Abdallah, ses atnés, les principaux officiers de
impire et les chefs des alboccaris (milice nè-
e) lui prêtèrent serment de fidélité; il lit dis-
buer 200,000 ducats aux troupes, et soumit
i provinces qui avaient refusé de reconnaître
In élection. Se voyant paisible possesseur de
mpire et du trésor qu'Ismael avait laissé (plus
cent millions), il négligea le gouvernement de
s États pour se livrer à son goût pour la bois-.
; Cette infraction aux préceptes de Mahomet
aliéna l'affection de ses sujets. Vainement
réduisit tous les impôts à la perception du
ième des revenus , les kaïds, se prévalant de
faiblesse de l'empereur, continuèrent leurs ex-
igions. Un soulèvement général éclata. Fez, Té-
, n et les provinces du sud se déclarèrent pour
i el Mélek , rigide observateur des lois du Ko-
. Achmet Déby marcha contre les révoltés, et
ceau courage de sa milice noire les défit com-
tement.Abd el Mélek fut blessé trois fois dans
Hion. Cette victoire amena la soumission de Fez
es autres villes du nord. Mais Déby continua
excès d'intempérance, et le scandale devint
H-,rand que l'armée se joignit au peuple pour
lamer Abd el Mélek. Ce prince lit son entrée
équinezle 10 avril 1728, et se contenta d'exi-
on frère à Tafilet. Le nouvel empereur, par sa
teuretsa dureté, indisposa bientôt contre lui
entourage et surtout les noirs. Achmet Déby
rappelé; Abd el Mélek, livré au vainqueur,
étranglé à Méquinez quelques mois plus tard,
eu de jours après cette exécution , Muley
met Déby mourut lui-même, d'une hydropisie.
Uley aboallah, frère du précédent, em-
sur du Maroc, né en 1694, mort à Fez, le
ovembre 1757. Il dut son élévation au trône à
uence que samèreLélaContta, négresse elle-
me, sut acquérir sur les alboccaris, cette milice
Issante et avidequi disposait alors de l'empire,
un caractère cruel et bizarre, Abdallah, cinq fois
Bossédéet six fois réélu, fut, pendant les douze
■ nières années de son règne, le jouet de l'incons-
t< e de son peuple et de l'indiscipline de ses
Bats. Son neveu Muley Bouffer, fils de Muley
■ met, au préjudice duquel il avait été élu,
la, aidé d'un marabout vénéré, de lui disputer
■ îouronne; Abdallah le vainquit, et lui fit
■ e; mais, bravant les préjugés populaires, il fit
■ cher la têle au marabout, comme à un im-
B>eur;« car, disait-il, s'il est véritablement
Mi, le sabre n'aura aucun pouvoir sur lui ».
•1 ensuite raser les fortifications de Fez, dont
teuabitants avaient pris parti pour Bouffer.
»îs Berbères du Tell s'étant révoltés (1730),
ftfdtrcha contre eux ; mais, ayant été défait , il
ffletira à Méquinez, et se vengea de son échec
Mises propres sujets, dont il fit périr un grand
W bre, présidant et aidant lui-même aux exé-
<S|>ns. Aux reproches que sa mère lui adres-
— MULEY ABDALLAH
882
sait sur sa cruauté, il répondit : « Mes sujets
n'ont d'autre droit à la vie que celui que je leur
laisse, et je n'ai pas de plus grand plaisir que
celui de les tuer moi-même.» L'année suivante,
il dirigea contre les tribus révoltées du Dahra
un corps de troupes commandé par un de ses
lieutenants ; ce général, accablé par un ennemi
supérieur en nombre, fut complètement battu ;
quoiqu'il se fût conduit bravement, Muley Abdal-
lah le fit égorger ainsi que tous les officiers et
soldats qu'il avait ramenés, leur reprochant
d'avoir manqué de courage et remplissant en-
core à cette occasion l'office de bourreau. A la
suite d'une expédition malheureuse dans le sud,
et à cause de l'impuissance où il se trouva de
satisfaire aux exigences de sa milice nègre, il
fut dépossédé par les alboccaris, et remplacé par
son frère Muley Ali (29 septembre 1734). Ce
prince était pauvre; il ne put payer la milice
cupide qui l'avait proclamé La mère d'Abdallah
Léla Conéta, malgré sa couleur, était fort vénérée
des Maures ( elle avait fait le voyage de La Mec-
que ) ; elle saisit cette occasion pour rétablir son
fils sur le trône : elle promit trente ducats à cha-
que soldat qui l'aiderait dans ses projets, et
Muley Abdallah fut rappelé, en mai 1736. Il ne
voulut accepter le pouvoir qu'à la condition que
les noirs lui livreraient Sélim Douquelli, leur gé-
néral, offrant d'en payer la tête 100,000 ducats.
Quelque avides que fussent ces prétoriens, ils
refusèrent un pareil marché et élurent empereur
un autre frère d'Abdallah, Muley Mahomet
Ouleh Ariba. Cependant, le parti d'Abdallah
ayant prévalu, il fut proclamé une troisième fois.
Sélim Douquelli s'était réfugié dans un asile
sacré ; il parut couvert du drap du sanctuaire où
il s'était retiré, et se prosterna devant l'empereur;
ce prince baisa respectueusement le drap du
sanctuaire, puis, l'arrachant brusquement, il
plongea sa lance dans le cœur de l'infortuné gé-
néral. L'indignation que souleva ce forfait et le
manque de finances obligèrent Muley Abdallah
de fuir de nouveau, dans les montagnes (1736);
il fut remplacé sur le trône d'abord par Muley
Mahomed Ouled Ariba et ensuite par son frère
Muley Zin Lahabdise, qui ne conserva le pou-
voir que quelques jours ( 1738 ). Abdallah fut
proclamé une quatrième fois. En 1740 il dut aban-
donner encore le trône, qui fut donné à Muley
Mustadi ; les soldats, voyant que ce prince
cherchait à se soustraire à leur influence, le dépo-
sèrent et rappelèrent pour la cinquième fois Ab-
dallah. Après une lutte samdante, Mustadi se re-
tira à Telda. Muley Abdallah, instruit par l'expé-
rience, résolutdedétruire la puissance turbulente
et intéressée dont il avait si souvent éprouvé
l'inconstance ; à cet effet, il envoya ses noirs dans
le Tell sous prétexte de lever des contributions
sur les Berbères, tandis que, d'accord avec ces
montagnards, il envoyait des troupes composées
de Maures qui, plaçant les alboccaris entre deux
feux , en détruisirent le plus grand nombre.
883 MULEY ABDALLAH
Affranchi du joug de cette milice, Abdallah
régna paisiblement jusqu'à sa mort; il passa les
dernières années de sa vie au château d'Arbiba,
qu'il avait fait construire près du nouveau Fez.
Malgré son caractère cruel, et quoiqu'il traitât
fort inhumainement les esclaves chrétiens , il
en facilita les rachats ; aussi y en eut-il beaucoup
sousson règne. II affectait, au milieu deses cruau-
tés, d'observer une certaine justice. Un kaïd
condamné à mort offrait de lui donner tout
son bien, qui était très-considérable, s'il voulait
lui accorder la vie. « Ton bien, lui répondit l'em-
pereur, est à tes enfants, qui ne sont point cou-
pables ; mais comme tu l'es, il est juste que tu
périsses. »
MCLEY YÉZID, empereur de Maroc, petit-
fils du précédent, né en 1750, mort le 15 fé-
vrier 1792. Il était fils de Sidi Mohamet. En
1779, il avait été appelé au trône par la milice
noire et proclamé à Fez ; mais presque aussitôt sa
révolte fut comprimée. Son père se contenta de
l'envoyer faire le pèlerinage de La Mecque.
A la nouvelle de la mort de son père ( 1 1 avril
1790 ), Muley Yézid quitta l'asile qu'il occu-
pait près de Tétouan depuis son retour de La
Mecque, et se fit proclamer à rabat ; il se rendit
ensuite à Tétouan, où il manda auprès de lui
tous les consuls européens; il ieur déclara l'in-
tention où il était de ne conserver de relations
qu'avec l'Angleterre et la république de Raguse ;
il donna quatre mois aux résidents des autres na-
tions pour quitter ses États. Cependant deux jours
après il revint sur cette décision, qui n'était qu'un
moyen d'extorquer des présents des négociants
intéressés à la continuation de la paix. Se mode-
lant sur son grand-père, Muley Abdallah , Yézid
gouverna ses sujets avec une grande barbarie.
Les juifs principalement ressentirent les effets
de sa haine et de sa cupidité ; il livra au pillage
de sa garde noire ceux de Tétouan, Larache et
Alcassar; ceux des autres villes n'échappèrent
à un pareil sort qu'au moyen d'une énorme
contribution. Au mois de septembre 1791, il dé-
clara la guerre à l'Espagne , et fit investir les
places que cette puissance possède sur les côtes
du Maroc. Le voyant engagé dans cette entre-
prise, ses deux frères Muley Abderhaman et
Muley Hischem s'emparèrent de Maroc. Yézid
battit les rebelles. Mais, ayant été blessé dans la
bataille.il expira quelques jours après. Ses quatre
frères Muley Selamé, Muley Soliman, Muley
Hischem et Muley Abderrhaman se parta-
gèrent l'empire après sa mort.
mdlev soliman , empereur de Maroc, frère
du précédent, mort le 28 novembre 1822. Il rési-
dait à Fez, et se préparait à remplir les fonctions
de grand -prêtre, lorsque son frère Muley Yézid
mourut; aidé par les Schelloks et les Berbères,
il marcha sur Méquinez, dont son frère Muley
Taïbi s'était emparé ; il pardonna à ce dernier,
qui le servit depuis avec fidélité. Il s'avança
ensuite contre Muley Hischem, et le fit prisonnier
— MULEY-SOLIMAN
dans Maroc. Tétouan, où commandaient ses deu
autres frères, ne résista pas davantage; l'un
réfugia en Egypte ; il exila l'autre dans le Taf
let. Paisible possesseur du trône, Soliman s'oi
cupa de l'administration de ses États , et il
apporta tant de sagesse et d'habileté que pendai
un quart de siècle il fit jouir ses sujets d'ur
tranquillité peu ordinaire dans un semblable pay
Il vécut constamment en paix avec les natioi
amies de son père , et continua cette politiqi
pendant le règne de. Napoléon , qu'il envoj
complimenter lors de son avènement au trôi
des Français. Il conclut en outre des traités, <
1795 avec les États-Unis, en 1802 avec Han
bourg et en 1820 avec la Sardaigne.
En 1801, Muley Soliman eut à réprimer
rébellion de son neveu Muley Ibrahim, fils <
Muiey Yézid; il le défit, et lui pardonna, L
dernières années du règne de Soliman fure
malheureuses. Déjà, vers la fui de l'année 180
la peste avait envahi le Maroc; en 1818, apr
une année d'affreuse disette,elle fit une nouvel
apparition , et pendant une année elle exer
ses ravages dans toute l'étendue de l'empir
les Schelloks, les Berbères et autres monl
gnards du Tell refusèrent l'impôt, et commire
quelques pillages. Ibrahim, fils de Solima
fut battu par les rebelles. Soliman marcha aie
contreeux. Sa présence aurait suffi pour rétab
l'ordre, si Ibrahim par un acte d'insigne bi
barie n'eût provoqué les plus sanglantes repi
sailles. Des envoyés des tribus voisines étaie
venus solliciter leur pardon , accompagnés
vieillards, de femmes et d'enfants. Bien accueil
par Soliman, ils se rendirent ensuite auprès d
brahim , qui, croyant venger sa défaite, fit fusil
tousces malheureux. Quatre enfants seulemei
quoique blessés, échappèrent au massacre, et i
pandirent cette affreuse nouvelle. Chaque ch<
réunit aussitôt les plus braves de sa tribu;
vinrent au nombre de cinq cents vers le campi
l'empereur, qui, les voyant s'avancer les artr
baissées,crut qu'ils venaient faire leur soumissio
mais dès que la nuit fut arrivée les montagnai
attaquèrent les soldats impériaux, dispersésou
vrés à leur premier sommeil. Ibrahim, le prot
cateur de cette vengeance, périt un des premie1
Muley Soliman lui-même, surpris presque
par un Schellôk dans sa tente embrasée, nef
la vie qu'au sentiment d'humanité ou. d'inté
qu'éprouva ce montagnard ; le Schellock , l'<
veloppant dans son haïk, dit à ses compagne
qu'il emportait un frère blessé et le transpo
dans sa tente, d'où il lui procura les moyens
gagner le sanctuaire de Bou-Nasser et de là iV
quinez.
La rébellion s'étendit à beaucoup d'autres p
vinces, et les révoltés, guidés par un santon véni
et par le chéik Sidi el M'hause, chef des Amas
gués, vinrent en grand nombre devant Méquin
et y assiégèrent Soliman pendant treize mois. I
se souleva aussi : là vivait retiré Muley Ibrali
:u
m MULEY-SOLIMAN
i a fils de l'empereur Tézid. Les Schelloks lui
i)lfrirtviit la couronne; ce prince rejeta d'a-
jjonl leurs propositions, alléguant le serment
Sju'il avait fait à son oncle de ne jamais conspirer
contre lui. Les rebelles proposèrent alors à So-
, iman divers projets de transaction; mais celui-
f,i, résolu à venger son fils, fit jeter en prison
fine partie des députés et mettre à mort tous tes
Uutres. Cependant la position de l'empereur
fleveuait chaque jour plus critique; les six
ttu sept mille hommes de milice noire qui
; omposaient toute son armée lui dictaient des
! ois, et osèrent massacrer sous ses yeux Muley
;iaï, son ministre favori, homme d'une rare in-
f elligence. Ce fut alors que Muley Ibrahim se
iissa entraîner à se faire proclamer sultan , et
| int occuper avec une nombreuse armée Alcas-
(ar, Larache, Tanger' et Tétouan ; il mourut peu
[ près son arrivée dans cette dernière ville ( fé-
l rier 1821), désignant pour son successeur son
\ -ère Muley Zied. La fortune ne favorisa pas
[e prince; attaqué par son oncle, il perdit en
[eu de temps toutes ses provinces, et fut relégué
[ Tafilet. Ce fut dans ces circonstances que
f. Sourdeau, consul général de France ù Tanger,
rit frappé par un santon fanatique qui lui asséna
n violent coup de massue. En réparation de
et outrage, le sullan écrivit à M. Sourdeau
ne lettre curieuse, où il se posa en appréciateur
rthodoxe des doctrines chrétiennes. L'affaire
l'eut pas de suite. Soliman était alors si peu
naître dans son empire que pour donner au-
ience à l'ambassadeur suédois qu'il devait
iencontrer à Tanger il fut obligé de le faire ve-
nir par mer jusqu'à Mogador, où, après trois
nois d'attente, il lui fut impossible d'aller le re-
oindre. Muley Soliman mourut sans avoir vu
i fin de ces troubles. Religieux, sobre et juste,
e prince fut un des meilleurs souverains de
— MULGRAVfc
N.sf)
A dynastie des Chérifs; l'acte le plus loua-
île de son règne fut sans contredit l'abolition
le l'esclavage dans ses États; il défendit aussi
ï course et la piraterie. Enlin, dans ses rap-
iorts extérieurs, il s'attira l'estime des con-
fuls européens. Muley Soliman avait régné au
«réjudice de son frère Muley Hischem, réputé
ocapable de gouverner, mais en conservant la
ouveraineté à la descendance màlede ce dernier;
« fut en conséquence de cette stipulation qu'il
lésigna pour son successeur Abderhaman.
A. Crillon.
Pour tous les Muley : l'abbé Boulet, Hist. de l'Empire
tes Chérifs en Afrique. — Cardonne, Histoire de l'Afri-
que et de l Espagne, t II, p. 372. — Historia dos Sobe-
{■anos mn/iometanos que reinardo na Muuritaniu, trad.
|ie l'arabe par J de Snuza i Lisbonne, 1828). — Le P. D.
ilnsnol. Hist. du Reçue de Muley-lsmael. — Saint-Olon,
l'oumal manuscrit — John Bnffa. lie l'Empire du Ma-
roc, trad. de l'anglais par Servois \ Cambrai. 1826, in-8°),
[i. 28. — Leniprièrc, A Tour f mm Gibraltar, to Tan-
\<ier, Sallee, Mngrrgor, elc. (Londres, 1791, in-8°). —
'^hénler, llecherches historiques sur les Maures, elc,
|. 111, p. 668 et sniv. — Saugnicr, f ouages àlacàte d'.l-
['rique, etc. (Paris, 1792), p. 112. — Grabcrg de Hemso,
ipecc/ii» di Maroccû. — Thoiuassy, Relations de la
France avec le Maroc, p. )!i3-42i, — Charles Cochelet,
Itelation du naiifrugcrle l-a Sophie, t. Il, p. 216. — Le
Moniteur universel , an vin, p. 61. K. Hoefer, Maroc,
dans VUnivcrs pittoresque. |>.;i72-V77.
Miixi!,vvi; (Conslanline - John Phipps,
comte de), marin anglais, né le 30 mai 1744,
mort le 10 octobre 1794, à Liège. D'une ancienne
famille d'Irlande, il entra fort jeune au service
de mer, et acquit rapidement la réputation d'un
bon marin. Il était capitaine de (régale depuis
1765, lorsqu'en 1768, aux élections générales,
il accepta le mandat du comté de Lincoln. Libé-
ral éclairé, il défendit avec autant de zèle que
de conscience les droits du peuple. En 1773, la
Société royale de Londres ayant de nouveau y
sur la proposition de Daines Bai rington , agité
la question de la possibilité de découvrir un pas-
sage à travers les mers polaires, Phipps offrit
immédiatement ses services à l'amirauté, qui
les agréa. 11 mit à la voile le 10 juin 1773, ayant
sous ses ordres deux bombardes, 7 fie Carcass
et The Racehorse, et s'avança , sans rencontrer
de glaces, jusqu'à la latitude méridionale du
Spitzberg. Parvenu au 79° 34 le 5 juillet, il fut
arrêté par d'énormes glaciers ; toutes ses tenta-
tives pour les traverser demeurèrent infruc-
tueuses : il n'alla pas plus loin que le 80°. Le
30 juillet, près des Sept Iles, il fut complète-
ment cerné par les glaces, qui s'élevèrent jusqu'à
la hauteur des grandes vergues. Il abandonna
alors les bâtiments, et chercha à se frayer un
chemin à coups de hache à travers des blocs
qui n'avaient pas moins de quatre ou cinq mè-
tres d'épaisseur; il se disposait à faire traîner
par l'équipage les chaloupes et les canots jusqu'à
la mer libre, lorsqu'un vent favorable dispersa
les glaces et permit aux bâtiments de se déga-
ger. Le capitaine Phipps alla mouiller au Spitz-
berg, en repartit le 26 août pour l'Angleterre, et
reparut le 25 septembre 1775 à l'embouchure
de la Tamise. Cette expédition malheureuse ser-
vit à démontrer l'impossibilité de franchir les
glaces du pôle. Après avoir repris en 1775 son
siège à la chambre des communes, Phipps devint
en 1777 membre de l'amirauté, et commanda un
vaisseau de ligne durant la guerre d'Amérique.
En 1784 il obtint la pairie avec le titre de comte.
Le mauvais état de sa santé le força de renon-
cer en 1791 aux affaires politiques et de se dé-
mettre de ses divers emplois. Aussi bon mathé-
maticien que navigateur, lord Mulgrave con-
tribua beaucoup à perfectionner les constructions
navales ; il appartenait à la Société royale de
Londres. 11 a publié les détails de son expédi-
tion sous le titre de Journal of a Voyage to-
wards the north pôle (Londres, 1774, in-4°),
ouvrage traduit en français et en allemand.
Son frère puîné, Henry-Philipp Pbipps, né
en 1755, mort en 1831, se consacra aussi à la
marine, fit les campagnps de l'Amérique, et sié-
gea après la paix de 1783 à la chambre des com-
munes. Créé baron et pair en 1792, il figura
dans le second ministère de Pitt ( 1804-1806)
887 MULGRAVE
d'abord comme ministre des affaires étrangères,
puis comme premier lord de l'amirauté. Il reprit
ce dernier poste en t807, quand les tories revin-
rent au pouvoir. En 1809 il organisa l'expédition
contre l'île de Walcheren, dont l'issue lui attira
les attaques les plus vives de la part de l'oppo-
sition. En 1812 il échangea ses fonctions contre
celles de grand-maître de l'artillerie, et fut en
même temps créé comte de Normanby et vi-
comte Mulgrave. Bien que quelques années
après il eût eu pour successeur dans la charge de
grand maître d'artillerie le duc de Wellington,
il continua de siéger dans le cabinet. Son fils
unique est le comte de Normanby (voy. ce nom).
P. L.
British. naval Biography.
muliers (Nicolas des), en latin Mulie-
rius, astronome flamand, né en 1 564, à Bruges,
mort en 1660, à Groningue. 11 était fils de Pierre
des Milliers, ministre protestant, que le fanatisme
du duc d'Albe expulsa de ses foyers; sa mère,
n'ayant pu se soustraire à temps aux persécu-
tions de l'inquisition espagnole, périt en 1568, à
Ypres, martyre de ses opinions religieuses. Ou-
tre les langues savantes, il étudia à l'académie
de Leyde la théologie , la médecine et les
sciences exactes, particulièrement les mathé-
matiques et l'astronomie, et fut reçu en 1589
docteur en médecine; il pratiqua successivement
à Harlingue et à Amsterdam, et professa la mé-
decine et les mathématiques à Leeuwarden, puis
à l'université de Groningue, dont il fut aussi le
bibliothécaire. On a de lui : Introduction à
l'usage de l'astrolabe ( en hollandais ) ; Har-
lingue, 1595; — Tabulas Frisicœ l'unx solares
quadruplices ex fontibus Plolemœi, Alphonsi ,
Copernici et Brahei ; Alkmaer, 1611, in-4°;
Juste Scaliger et Ubbo Ersenius l'avaient engagé
à faire ce travail ; — 1 nstitulionum astrono-
micarum lib. II, quibus continentur géo-
graphie principia et qasedam ad artem na-
vigandi facientia; Groningue, 1616, in-4° ;
2eédit.,ibid.,1649,in-8°; — Copernici Astrono-
mia instaurata, cum notis; Amsterdam, 1617,
in-4°; c'est la troisième édit. de Copernic,
augmentée de quelques notes ; — Judseorum
annus luni-solaris et Turc-Arabum annus
mère lunaris, uterque cum anno Romanocon-
nexus; Groningue, 1630, infol.; — des Tables
desinus, et un Trailésur ta comète de 1618,
en hollandais. II a aussi publié des Éphémé-
rides depuis 1609 jusqu'en 1656, continuées à
cette dernière date par son fils, Pierre des Mu-
liers, qui professa la botanique à Groningue et
mourut en 1647. K.
Vita f'rofess. Groning., p. 61-69 et 113-114. — Frcher,
Theatrum. — Biog. des hommes remarquables de la
Flandre occid., II.
MULINARI. Voy. MOLINARI.
Miller (Laurent), historien allemand, né
dans le comté de la Marck, au commencement
du seizième siècle, mort en Livonie, en 1598. Il
est connu pour avoir été chargé, en 1581, par
— MÙLLER «88
le roi de Pologne de décider la Suède et le Da-
nemark à se coaliser avec lui contre la Russie,
et pour avoir laissé une Histoire de son temps,
qui a été imprimée à Francfort, 1595, 1596,
in-4"; à Amb'erg, 1595, in-4° ; à Leipzig, 1606,
infol.; elle a été traduite en suédois par Schro-
der (Stockholm, 1629, in-8°). L'histoire de
Mùller ne manque pas d'intérêt ; l'auteur y traite
des mœurs des nations qu'il a lui-même visitées.
Pce A. G— N.
Adelung, Uebersicht der Reisenden in Russland bit
1700. - Recke et Napiersky, Lexikon der Provinzen
Livland, Esthlund vnd Kurland, III, 833.
Mùller ( Hermann ), graveur hollandais,
né à Amsterdam, travaillait dans cette ville dans
la seconde moitié du seizième siècle. Il était
aussi éditeur. II a laissé une centaine d'estam-
pes gravées au burin, dans la manière de Golt-
zius et signées de divers monogrammes assez :
compliqués ; nous citerons celles qu'il a dessi-
nées lui-même, enlre autres La Création (7 pi.) ;
La Chute et la Rédemption, les Vierges sages \
et les Vierges folles, Les Évangélistes (4 pi. ),
Le Jugement dernier, et les portraits de Mau-
rice de Nassau et d'Alexandre Farnèse. On
a encore de sa main, d'après Martin van Heems-
kerke, de nombreux sujets tirés de l'histoire
sainte, l'Histoire de Josué ( 12 pi, ), Les Béa-
titudes ( 8 pi. ) , Les dix Commandements j
( 10 pi. ), etc. p.
Huber et Rosi, V, 221. — Brulliot, Dict. des Mono-
grammes. — Nagler, IX, 564.
mùller (Jean), graveur hollandais, né
vers 1570, à Amsterdam. De la même famille !
que le précédent, il fut disciple et imitateur de
Goltzius, et travailla de 1589 à 1625 dans sa
ville natale. Il gravait vigoureusement au burin, J
et avec une grande facilité; « mais sa manière i
est outrée, ajoute Basan, ce qui n'empêche pas
que ses estampes ne soient recherchées des ama-
teurs. » Les principales sont : Le Festin de
Balthasar, V Adoration des Rois, Le Baptême
de Jésus, L'Homme de douleur, le portrait <de
Spranger. D'après ce dernier peintre, il a exé-
cuté : Loth et ses filles, Minerve armant Per-
sée, un Satyre ôlant l'épine du pied d'un
Faune, Vénus servie par les Grâces, L'Apo-
théose des arts; — d'après Rubens, L'archiduc
Albert et l'infante Isabelle; — d'après Cor-
neille de Harlem, La Fortune distribuant ses
dons; — d'après Mirreveldt, Maurice de Nas-
sau, Ambroise Spinola et Jean Neyen; —
quelques morceaux d'après Adrien de Vries,
Pierre Isaac, etc. K.
Basan, Dict. des Graveurs, II. — Huber et Rost, V,
22b. - Bartsch, III, 261.— Brulliot, I et II. — Ch. I.e BIcUlc,
Munitel de l'amateur d'Estampes.
mùller ( André), orientaliste allemand, né
en 1630, à Greiffenhagen, en Poméranie, mort à
Stettin, le 26 novemDre 1694. Dès l'âge de seize i
ans il écrivait facilement des vers en grec, en
latin et même en hébreu; après avoir fait
ses études à Rostock, à Griefswalde et à Wil-
889 MUT.
temberg, il fut nommé pasteur à Kœnigsberg sur
la Warta et plus tard à Treptow. Il se rendit
j ensuite à Londres, où il passa dix ans, occupé
I surtout à aider Walton et Castell pour leur édi-
tion polyglotte de la Bible. Il y commença aussi,
! sur les conseils de Wilkins, à s'adonner à l'étude
îde la langue cbinoise. De retour en Allemagne,
il Tut pendant quelque temps pasteur à Berno-w,
et devint en 1667 prévôt de l'église de Berlin,
.office qu'il résigna en 1685 pour se retirer à
, Slettin. 11 s'y consacra pendant le reste de sa
'»ie à approfondir les idiomes de l'Orient. Il ré-
digea entre autres une clef qui selon lui devait
| jpprendre en peu de temps aux personnes les
. noins lettrées à lire les caractères chinois ; n'ayant
[bu trouver personne qui voulût lui avancer les
t^leux mille écus nécessaires pour l'impression
pie cet ouvrage* il en conçut contre le genre
liiumain une profonde aversion; dans un de ses
t :ccès d'humeur, il jeta au feu tous ses manus-
p! rits, consistant en deux cent cinquante cabiers,
I ù il avait consigné depuis de longues années
[(aur par jour ce qu'il avait appfls sur l'objet de
i . es recherches. Adonné entièrement à l'étude,
1 détestait la société; son caractère bizarre et
I. apricieUX ne s'accommodait guère que de la so-
I tude ; son unique délassement était le jeu de
luilles. Ses travaux, notamment ceux sur la
I ingue chinoise, ne sont plus à la hauteur de la
ïeience; mais ils ont beaucoup contribué à
Bure avancer en Europe la connaissance des lan-
li ues orientales. On a de lui : Excerpta manus-
Knpti cujusdam turcici quod de cognitione
l^ei et hominis a quodam Azizi vesephseo
ll'ar/aro scriptum est, cumversione latina;
Bologne en Brandebourg, 1665, in-4°; — Sym-
molsi syriacx, sive epistolx duse, una Mosis
mjardeni, altéra Andréa; Masii-, cwn versione
miitinaet notis , ac dissertationes duas de
m'pbus syriacis ; Berlin, 1673, in-4°; — Oratio
mpminica sinice ; Berlin, 1676 et 1680, jn-4°;
Bitte version du Pater y est comparée avec des
■jaductions en cent autres langues ; — Unter-
W\cht von der chinesischen Schrift (Instaic-
Hon sur l'écriture chinoise) ; Wittemberg, 1681 ,
B-S° ; — Catalog der chinesischen Bûcher
■ i der churjùrstlichen Brandenburgischen
Y \ibltothek ( Catalogue des livres chinois de la
d bliothèque de l'électeur de Brandebourg);
v. |ologne, 1683, in-fol. ; traduit en latin ( 1684
1685, in-fol.) par l'auteur, qui y a joint la
;te des manuscrits orientaux qu'il possédait et
i prospectus de sa Clavis sinica ; — Glossa-
iim sacrum, hoc est vocum peregrinarum,
mUx in Vetere Testamento occurrunt expo-
tio; Francfort, 1690, in-8°; — Opuscula non-
ulla orientalia ; Francfort, 1695, in-4°; re-
feil de sept opuscules, dont plusieurs avaient
jà paru séparément, et dont voici les titres :
I Abdallas Beidawaei Historia sinensis,
rsice et latine, cum notis (Berlin, 1677,
jf4°); sur le véritable auteur de ce livre voy.
LEB 890
les Recherches tartares d'Abel de Rémusat;
2° Monumenti sinici historia : c'est un com-
mentaire sur la fameuse inscription trouvée en
1625 à Si'an-Fou ; 3" f/ebdomas observatio-
num sinicarum (Berlin, 1674, in-4°) ; 4° Com-
ment alio alphabctica de Sinarum magme-
que Tarlarix rébus ; 6° Geographicus imperii
Sinensis nomenclalor ; 6° lïasilicon sinense;
tableau des dynasties cbinoises; 7° Spécimen
analyticx litterarix: exposé des règles pro-
posées par Muller pour déchiffrer et traduire tout
morceau écrit en n'importe quelle langue; —
Speciminum sinicorum decimse de decimis;
1685, in-fol. : ce recueil, devenu rare, contient
entre autres : Spécimen lexici mandarinici;
De eclipsi passionali Testimonia veterum;
— Alphabeta diversaricm linguarum, pêne
septuaginta tum et versiones Orationis do-
minical prope centum; Berlin, 1703, in-4°; ce
n'est à proprement dire qu'une nouvelle édition
de l'Oralio dominica sinice; l'éditeur Stark
a mis en tête une Vie de Muller. O.
Buddaens, Lexikon, t. III. — OElrichs, Beitrâge zur
Geschichte der Gelehrtheit in Pommern. — Duhnert,
Pommersche Bibliothek, t. II. — l.ôscher. Mérita, Theo-
loaorum, — Sincerus, JVeue Nachrichten von' neuen
Bùchern.
muller (Jean-Sébastien ), historien alle-
mand, né en 1634, mort en 1708. Il fut archi-
viste de la maison de Saxe- Weimar. On a de
lui : Annalen der Ernest inischen und Alber-
tinischen Linie des Hauses Sachsen, von
1400 bis 1700 (Annales des lignes Ernestine et
Albertine de la maison de Saxe, de 1400 à 1700;
Weimar, 1700, in-fol. O.
Jôcher, Mlgem. Gelefirten-Lexikon.
muller (Jean-Joachim) , publiciste alle-
mand, né à Weimar, en 1665, mort en 1731.
Très-versé dans le droit public de l'Empire, il oc-
cupa divers emplois à la cbancellerie de Wei-
mar, et succéda à son père Jean-Sébastien (voy.
l'article préc.) dans la place de directeur des ar-
chives. On a de lui : Der Reichstagsslaat unter
MaximilianF,von iàOQ'1508(hdi Diète del'Empire
sous Maximilien Ier, de 1500 à 1508) ; Iéna, 1709^
in-4° ; — Des Duc de Marlborough Leben (Vie
du duc de Marlborough ) ; Leipzig, 1710, in-8°;
— Reichstags theatrum unter Friedrich I von
1440 bis 1493 (Tableau de la Diète de l'Empire
sous Frédéric V, de 1440 jusqu'à 1493); Iéna,
1713, 3 vol. in-fol.; — Reichstags theatrum
unter Maximilian 1, von 1486-1500 (Tableau
de la Diète germanique sous Maximilien I", de
i486 jusqu'à 1500); Iéna, 17181719, 2 vol.
in-fol. Il a aussi continué divers recueils de
droit public, qui avaient été commencés par
Leuchf, Lundorp et Ludolf (voy. ces noms). O.
Jôclier, Allgem. Gel.-I.exikon.
muller (Jean-Henri), physicien et astro-
nome allemand, né à Wehrda, faubourg de Nu-
remberg, le 15 janvier 1671, mort le 5 mars
1731. Après avoir étudié à Tubingue et à Gies-
seu, il fut nommé en 1705 professeur à l'JEgi-
89i MULLER
dianum de Nuremberg et en même temps di-
recteur de l'Observatoire, dont le fondateur, Eim-
mart, lui avait donné sa fille en mariage et lé-
gué ses manuscrits. En 1709 il obtint la chaire
de physique et de mathématiques à Altdorf ; il y
dirigea un peu plus tard la construction d'un
observatoire. On a de lui : De sperandis ma-
theseos incrementis ; Altdorf, 1710; — An
luna cingatur atmosphsera? ibid., 1710; —
De extispiciis veterum, in quantum ad indo-
lem et (emperiem regionis dignoscendam va-
leant; ibid., 1711 ; — De exhalatione tam-
quam proxima meteorum materia; ibid.,
1712; — De Tuba stcntorea; ibid. , 1713; —
De Speculis uranicis celebrioribus ; ibid.,
1713; — De Eclipsibus Solis annularibus ;
ibid., 1716 ; — De Vorticibus Cartesianis ante
Cartesium ; ibid., 1717; — Deusuet ratione
experimentorum in perficienda historia na-
turali ; ibid., 1718; — Paradoxorum geo-
graphicorum Semicenturia ; ibid., 1718; —
De Aqua rerum principio ex mente Thaletis,
ibid., 1718 ; — De Brutorum Actionibus me-
chanice inexplicabilibus ;ibid., 1719; — Col-
legium expérimentale; Nuremberg, 1721,
in-4° ; — De Comelis sublunaribus , seu œreis
non prorsum negandis; Altdorf, 1722; —
Observationes astronomie^ Altdorfise , ab
anno 1711 usque ad 1723 habitas ; ibid., 1723,
2 parties, in-4°; — De hydrometro; ibid.,
1723; — De insequali claritate lucis diurnae
in terra et planetis; ibid., 1729: — De scien-
tiee cometicec fatiset progressu ; ibid., 1730.
Il a laissé en manuscrit un recueil d'obser-
vations astronomiques, qui passa au dépôt des
cartes de la marine à Paris.
Sa femme, Marie-Claire Miller, née en 1676,
morte en 1707, avait reçu l'éducation la plus
soignée. Eimmart, son père, lui avait fait ap-
prendre le latin, le français, les mathématiques
et l'astronomie; elle maniait également bien le
pinceau et le burin. Elle aida son père et son
mari dans leurs observations astronomiques , et
grava à la manière noire deux cent trente-cinq
phases de la lune observées de 1693 à 1698.
Elle a aussi peint des fleurs et des portraits. O.
Will, Nurnbergisches Glehrten-Lexikon.
MÛLi.Eit (Gérard- Frédéric }, savant voya-
geur et historien russe, d'origine allemande, né à
Hervorden(Westphalie),le 18 octobre 1705, mort
à Moscou, le 4 octobre 1783. II vint s'établir en
Russie en 1725, et consacra toute sa vie à l'étude
de la géographie et de l'histoire de cet empire. 11
fit partie en 1733, avec Gmelin et Delisle de La
Croyère, de la première exploration scientifique
qui ait été faite en Sibérie. Membre très-actif de
l'académie naissante de Saint-Pétersbourg, il
fut successivement nommé hisloiiographe offi-
ciel, conservateur des archives du dépaitement
des aflaires étrangères, inspecteur de la maison
des enfants trouvés de Moscou et conseiller
d'État. Peu d'érudits ont été plus féconds et plus
89!
utiles à sa patrie adoptive que Mûller; on peu
en juger par la liste suivante de ses principau:
ouvrages : Sammlung Russischer Geschicht
( Recueil pour l'histoire de Russie); Saint-Pé
tersbourg, 17321764, 9 vol. in-8° ; il en a et
fait à Offenbach une édition incomplète, 1777
1780, 5 vol. in-8°; — De scriptis tongulici
in Siberia repertïs; Saint-Pétersbourg, 1747
in-4° ; — Origines genlis et nominis Russo
rum; ibid., 1749; — une Histoire de Sibérie
ibid., 1750; il n'en a paru que la première partie
— Histoire des Voyages et découvertes de
Russes ; Amsterdam, 1766, 2 vol. in-8°. Mùlle
a, en oulre, édité et annoté : Le Soudebnik, o
Code de lois d'Ivan IV; Moscou, 1768; -
V Histoire de Tatichtef; ibid., 1768-1774; -
celle du prince Khilkof; ibid., 1771; — 1
Dictionnaire géographique de Polounin ; ibid
1773; — les Lettres de Pierre le Grand a
comte Boris Pétrovitch Chérémetef; ibid
1774; — et le Livre des Degrés ; ibid., 1771
1774. Il a fondé, en 1755, le premier journ:
russe littéraire, a rédigé, de 1728 à 1730, la Gt
zette allemande de Saint-Pétersbourg, et
inséré un grand nombre d'articles dans différen
recueils scientifiques : ceux qui se trouvent dai
le Magasin des Amis des Sciences utiles
Hambourg, 1760-1761 ; Sur l'histoire c
Pierre le Grand par Voltaire, méritent spi
cialement d'être mentionnés. pce A. (
Le Fils de la Patrie ( revue russe), 1821, t. XXIII.
Gretch , lissai svr l'histoire de la littérature russ
— N. Gerebtzof , Essai sur l'histoire de la civilisatit
en Russie.
muller ( Jean-Sébastien ), peintre et grc
veur allemand, né vers 1720, à Nuremberg, mo
vers 1780. Après avoir fréquenté les ateliers r_
Weigel et Tyroff, il alla en 1744 s'établir
Londres. Ses gravures acquirent bientôt l'aj
probation méritée des connaisseurs. Il avait
talent d'imiter parfaitement la manière des pli
grands peintres , et il vendit à des collectioi
neurs experts de ses propres toiles comme ex<
cutées par Murillo et autres artistes éminentu
Parmi ses planches , dont beaucoup sont signet
Miller, nous citerons : La Sainte Famille, d'i
près Baroni; La Continence de Scipion, d'apri
van Dyck; Néron aux funérailles de lin
tan icu s, d'après Le Sueur; V École flamand\
la Réjouissance des Flamands, et le Pass*
temps des Flamands, d'après Teniers; Pai
sage, d'après Cl. Lorrain; Paysage au ctai
de lune, d'après van der Neer; les portraii
de. John Wilkes, de Pin fan te Isabelle (d'apri
Rubens ); divers monuments de Rome, d'apri
Panini; La Sainte Famille au repos, d'apri
un de ses tableaux, qu'il fit passer comme i"
Murillo; 12 planches d'après les Illustration
de Haymann pour Le Paradis de Milton ; d'au
très planches, dans les Marmara Arundt
liana; dans les Ruins of Psestum; dans
Traité de la méthode antique de graver e
pitrre fine de Nattier, etc. ; enfin, Millier
:
893
MULLER
894
glttvé les magnifiques planches de Vllluslratio
systemalis sexuatis Linnxi; Londres, 1777,
in-fol. O.
Nacler. KHnstler-Lexikon. — Nirschlng, Ilandbuch.
— Will, N ilmbertilsrlies fsxikon. — Murr, dans le
Journal znr Kunstgescliiclite , t. XI.
MÙLLER ( Jean-Martin ), savant allemand ,
né en 1722, à Werningerode , mort en 1781. Il
fut successivement recteur des écoles d'Aitem-
bourg, d'Otterndorf et du Johanneum de Ham-
bourg. On a de lui : Das getehrle Hadeln,
Otterndorf und Hamburg ( Les Savants du
)ays de Hadeln , d'Otterndori' et de Hambourg ) ;
Hambourg, 1754, in-8°; — De Mercatura ve-
'erum liomanorum ; ibid., 1761; — De ve-
'erum liomanorum Studio rem scholasticam
tugendiornandique ;ibià„ 1773;— DeJErario
Mercatorum apud veteres Romanos. O.
Nûlling, nia Mulleri; Hambourg, 1TS1, in-fol. —
lirti'iiiiuni], Supplément à Jftcher.
MULLER ( Frédéric-Adam ), numismate da-
tois , né en 1725, mort en 1795. Il exerça di-
ers emplois dans l'administration de son pays,
t fut nomrrîé en 1784 conseiller de conférences.
1 avait réuni une belle collection de médailles
lanoises, achetée après sa mort pour la biblio-
i-hèque de Copenhague ; le catalogue en a été
publié par son fils, sous le titre de Pïnacotheca
no-Norvegica aère incisa; Copenhague,
796, in-4°. MuHer a pris part à la rédaction
l'ouvrage sur les graveurs et médailleurs da-
nois, publié à Copenhague, 1791, in-fol. O.
I Niernp, Litteratur-lexikon.
muller ( Ot lion-Frédéric ) , naturaliste da-
nois, né à Copenhague , le 11 mars 1730, mort
e36 décembre 1784. Fils d'un pauvre trompette,
l reçut de la veuve du pasteur Alstrup les
noyens de faire ses études de collège à Ribe.
!ion talent musical lui procura ensuite les res-
.ources nécessaires pour suivre à l'université
Ile sa ville natale des cours de théologie et plus
iard d'histoire naturelle; placé en 1753 comme
Précepteur auprès du comte de Schulin, il fut
kncouragé à continuer l'étude des êtres de la
Nature par la mère de son élève, qui le mit géné-
reusement à même de se livrer avec succès à ce
jenre d'occupation. Après avoir pendant quatre
ms parcouru avec le jeune comte l'Allemagne ,
a Suisse, l'Italie, la France et les Pays-Bas, il
le fixa en 1767 à Copenhague , où il fut nommé
*n 1769 conseiller de la chancellerie et deux ans
■.près archiviste de la chambre des finances de
Norvège. Son mariage avec la riche veuve d'un
négociant lui permit de résigner ses fonctions
[uelque temps après et de s'adonner entière-
oent à ses recherches patientes sur les plantes
t sur les animaux inférieurs. L'organisation de
es êtres extrêmement curieux était déjà en
•artie connue par les travaux de Spallanzani ;
'• mais , dit M. Magdelaine de Saint-Agy, Mùller
<st le premier qui les ait distribués en genres et
m espèces, qui les ait soumis à une méthode ana-
ogue à celle dont on^'est servi pour classer les l
plantes et les grands animaux. Ce fut un travail
considérable, mais très-intéressant; car il impor-
tait beaucoup de savoir quelle était l'origine de cor,
êtres; s'ils étaient des produits de la putréfaction
ou d'autres phénomènes semblables. IMuller n -
connut que, depuis la plus simple jusqu'à la plus
composée, chaque espèce était aussi fixe dans sa
forme et dans son développement que les es-
pèces d'animaux les plus complets. » Les au-
tres travaux de Mûller, qui tons nous font re-
connaître en lui un observateur très-délicat , très-
assidu, qui emploie avec art et avec patience
le microscope, ont beaucoup contribué aux pro-
grès des sciences naturelles. On a de Miiller :
De Micliaele archangelo probabilius creato
quant increato; Copenhague, 1751; — De
prophelis Novi Testamenli; ibid., 1753; —
Efterretning og Erfaring om Swampe i saër
om Rorswampes velsmagende Pilse ( Obser-
vationssur les champignons) ; ibid., 1763, in-4° ;
— Fauna insectorum Friderichsdalina ; ibid.,
1764, in-8° : contenant la description d'une cen-
taine d'espèces jusque alors inconnues; — Flora
Friderichsdalina ; Strasbourg, 1767, in-8° ; im-
primé dans les Nova Acta Academix Naturx
CuriosorumA. IV; — Von Wùrmern ries sùssen
und salzigen Wassers (Des Vers d'eau douce
et salée); Copenhague, 1771, avec planches; —
Pile Larven med dobbelt Haie ogdens Phalxne
(Sur la chenille à queue fourchue ); ibid.,
1772; trad. en allemand, Leipzig, 1775; —
Vermium terrestriumet fluvialium, sive ani-
malium infusorium, helminthorum et tes-
taceorumnon marinorum succinct a Historïa;
Copenhague, 1773-1774, 2 vol. in-4°; — Zoo-
logias Danicx Prodromus ; ibid., 1776, in-8°;
— Zoologia danica; ibid., 1779-1784, 2 vol.
in-8°, avec deux volumes de planches; cet ex-
cellent ouvrage fut réimprimé in-fol., 1781-1788;
deux autres fascicules furent ajoutés par Abild-
gaardt et Ràthké; — Reise lit Christiansand
(Voyagea Christiansand); ibid., 1788, in-8° ;
— Hydrachnx in aquis Danix palustribus
détecta;; Leipzig, 1781, in-4°; — Kleine
Schriflen aus der Naturgeschichte ( Opus-
cules d'histoire naturelle ) ; Dessau , 1782, in-8° ;
— Enlomostraca, seu insecta testacea qux
in aquis Danix et Norvegix reperiuntur ;
Copenhague, 1785, in-4° ; — Animalcula in-
fusoria Jluvialilia et marina; ibid., 1786,
in-4°. Mùller a aussi publié les deux derniers
volumes de la magnifique Flora Danica, com-
mencée par Oeder ; il a inséré un grand nombre
de Mémoires, dans les Kjobenhavenske Vi-
denskabersselskabs Skri/lnr, dans les Stoc-
kholmske Velenscaps-Academi Handlinger,
dans les Beschàf/igungen der Bertiner Ge-
sellschaft natur/orschender Freunde , dans
le Naturforscher, dans le Magazin fur die
Botanik, dans les Noua Acta Academix na-
turx Curiosorum, etc. O.
Hansen, Taie til Erindring af O. Fr. Miiller; Go-
895
penhague, 1787, in-8°. — Hirsi
i up, JÀtteratur-Lexikon.
mùller {Jean- Auguste) , savant allemand,
né en 1731, à Nossen, mort en 1804. Il étudia les
belles-lettres et la théologie, occupa divers em-
plois dans l'enseignement, et devint en dernier
lieu lecteur de l'école de Meissen. On a de lui :
De Rerum maie a Smalcaldicis gestarum
Causls; Meissen, 1 760, in-4° ; — Versuch einer
voLlstàndigen Geschichte der chursachsischen
Fùrsten-und Landschule zu Meissen ( Essai
d'une histoire complète du collège de Meissen,
fondé par les électeurs de Saxe ); Leipzig, 1787-
1789, 2 vol. in-8° ; — Animadversiones in Pom-
ponium Mêlant; Meissen, 1789-1803, 18 par-
ties in-4°; — Recensus virorum pace belloque
illuslrium, qui olim Afrana disciplina usi
sunt; Dresde, 1793-1796, 7 parties in-4°.
Millier a aussi donné une édition de Y Iliade,
avec des extraits du commentaire d'Eustathe ;
Meissen, 1788-1804. O.
Rotermund, Suppl. à Jôcher.
mùller ( Philippe - J acques) , philosophe
français, né en mars 1732, à Strasbourg, où il
est mort, en 1795. Il fut professeur de philoso-
phie à l'université de cette ville ( 1782), chanoine
de Saint-Thomas et président de l'assemblée des
pasteurs (1787). Il connaissait le grec, l'hébreu,
les antiquités, les sciences exactes; les voyages
qu'il avait faits en France et en Suisse avaient
étendu ses connaissances; mais il s'appliqua plus
particulièrement à la métaphysique et à la morale.
Ses écrits les plus intéressants ont pour objet
De pluralitate mundorum (1750, in-4°), De
commercio animi et corporis (1741), Adpsy-
chologiam Pylhagoricam (1773), De Legibus
naturee ( 1775), etc. K.
Meusel, Lexikon, X.
muller ( Christophe- Henri), savant litté-
rateur suisse, néà Zurich, en 1740, mort le 22 fé-
vrier 1807. Après avoir enseigné pendant vingt
et un ans la philosophie et l'histoire au collège
Joachim à Berlin , il se retira en 1788 dans sa
ville natale avec une pension du roi de Prusse.
11 a eu le mérite de faire connaître un des pre-
miers les monuments de la littérature allemande
du moyen âge. On lui doit les éditions des Niè-
belungen; Berlin, 1782, in-4°; — de V Enéide
d'Henri de Yeldeke; Berlin, 1783, in-4°; —du
Parcival de Wolfram d'Eschenbach ; — du
Dieu Amour, poème du quinzième siècle ; Ber-
lin, 1784, in-4°. Mùller a aussi réuni un Recueil
de poèmes allemands du douzième, treizième
el quatorzième siècle ; Berlin, 1784-1785,2 vol.
in-4°. Enfin il a écrit : Dialogen und kleine
Aufsatze ( Dialogues et articles ); Zurich, 1792,
2 vol. in-8°. O.
Der Bior/raph, l. VII. — La Prusse littéraire, t. II. -
Meusel, Gelehrtes Oeutschland.
muller (Louis- Chrétien), ingénieur alle-
mand, né en 1744, dans la marche de Pregnilz,
mort le 12 juin 1804. Fils d'un ministre proies
tant, il entra de bonne heure dans l'armée prus-
MULLER
Handbuch. - Nie- sienne. Placé dans le corps du
8
nie un p
avant la guerre de Sept Ans , il assista à pr
que toutes les batailles decetteguerre ;il fut f
prisonnier à Haxen, et fut conduit à Inspru
où il resta trois ans , occupé à compléter i
connaissances, déjà étendues, en mathématiqi
et à étudier la géognosie des Alpes tyrolienn
Il prit part en 1778 aux campagnes de II
hême. En 1786, il fut nommé capitaine ii
trucleur du corps du génie et professeur
mathématiques et de dessin géométrique à 1'
cadémie des Ingénieurs à Potsdam; en 179'
il fut promu au grade de major. On a de lu
Versuch ûber die Verschanzungskunst o
Winlerpostirungen (Essai sur l'art des Retra
chements dans les cantonnemenl s d'hiver); Po
dam, 1782; Vienne, 1786 et Gotha, 1795, in-!
avec planches; — Vorschriften zu milita,
schen Plan-und Kartenzeichnungen (Instri
tion au dessin des plans et des cartes militaire!
Potsdam, 1783, in-4°; — Anweisung voie m
die Breite und Tiefe der Flùsse aus gemein
Landcharten erforschen kônne ' ( Instructi
sur la manière de reconnaître sur des cartes i
dinaires la largeur et la profondeur des rivières
Berlin, 1784; reproduit dans le Calendrier g
néalogique de Berlin , année" 1785; — Abr.
der drei schlesischen Kriege ( Précis des tri
campagnes de Silésie) ; Berlin, 1785, ih-4° : <
ouvrage parut dans la même année en franc
sous le titre de : Tableau des Guerres de F
déric le Grand; deux nouvelles éditions c\
textes allemand et français réunis furent |
btiées à Berlin en 1786 et en 1788 ; la traducti
française fut réimprimée séparément ; Potsdai
1787; le Tableau de la vie de Frédéric
Grand du comte de Grimoard n'est guère aul
chose qu'une reproduction du livre de Mùlle |
— N achgelassenemrUtàrische Schriflen (Œ
vrés militaires posthumes); Berlin, 1807,2 vJ
in-4° ; recueil rempli d'excellents préceptes s
les campements, l'art de profiter des terrain
et la tactique en général. O. !
Der Biooraph (Halle, 1802-1810, t. IV). — Celehr !
Berlin, t. II.
mùller ( Jean-Gotlvjerth ) , romancier ,
lemand, né à Hambourg, le 17 mai 1744, m<
à Itzehoe, dans le Holstein, le 23 juin 1828. (
l'appelait communément Mùller d'Itzehoe, où
était libraire. En 1772, il renonça à la librairi
pour vivre en simple savant et jouir paisibl
ment d'une pension que lui avait accordée
roi de Danemark. C'est un des romanciers ail
mands qui, dans les dernières années du dix-liu
tième siècle, ont eu le plus de lecteurs. Parr
ses romans, extrêmement nombreux, lès pli
considérables sont : Siegfried von Lindenbei
(Sigefroi de Lindemberg); Hambourg, 1779 j
dernière édition, Leipzig, 1829, 3 vol. ; — &\
mische Romane aus den Papieren des brai
nen Mannes (Romans comiques tirés des pi
piersde l'homme brun); Gœttingue, 1784-1791
897 MULLER
8 vol. La plupart des romans de Mùller sont
composés sur le modèle de Smollet et de Fiel-
ding; les relations ordinaires de la vie y sont
néanmoins décrites avec beaucoup d'esprit et de
vérité, quoique avec un peu de rudesse. Par-
fois Mùller fatigue par de Irop longues et trop
monotones digressions morales, surtout dans
ses dernfers ouvrages , qui le firent, même avant
sa mort, tomber dans l'oubli. H. W.
Conv.-Lex.
muller ( Jean-Godard de ), graveur alle-
mand, né à Bernhausen près Stuttgard, le 14 mai
( 1747, mort le 14 mars 1830, à Sluttgard. Il fut
! destiné par son père à l'étude de la théologie ;
tout en faisant ses humanités à Stuttgard , il sui-
» vit les cours de l'académie des beaux-arts. Il y
Ifit de si rapides progrès dans le dessin , que
lorsqu'il fut sur le point de se rendre à l'univer-
sité , le duc de Wurtemberg, qui avait vu de ses
œuvres, le fit engager à se vouer entièrement à
l'art, et lui accorda dans ce but une pension.
Itfuller, après avoir fréquenté pendant quelque
temps l'atelier du peintre Guibal, se consacra à
ia gravure, sur l'avis de cet artiste. En 1770 il
<e rendit à Paris ; il eut le bonheur d'y faire la
:onnaissance du célèbre "Wille, qui lui donna de
orécieux conseils. Reçu en 1776 membre de
''Académie de Peinture de Paris, il fut en
iette année rappelé à Stuttgard pour y fonder
>ine école de gravure, qu'il dirigea pendant tout
ie reste de sa vie, et qui a formé d'excellents
«rtistes. Mùller jouit bientôt d'une réputation
'européenne; ce fut lui qui fut chargé, en 1735,
Je graver le portrait en pied de Louis XVI. Il
levint membre des académies de Berlin et de
Munich. Encore aujourd'hui son œuvre est des
)lus estimés. Parmi les trente-trois planches
>fu'il a gravées, nous citerons : Bacchus, d'après
Solzius; La Nymphe Êrigone, d'après Jollain;
'a Joueuse de cistre, d'après Wille fils; Saint
férôme; Alexandre vainqueur de soi-même,
'l'après Flinck ; Loth avec ses filles , d'après
'îonthorst; La tendre Mère, d'après Tischbein;
a Bataille de Bunker's Hill, d'après Trum-
|)ull; la Vierge à la chaise, d'après Raphaël,
tour le Musée français, ainsi que la Sainte
lécile, d'après le Dominiquin ; Sainte Cathe-
rine, d'après Léonard de Vinci ; la Vierge avec
'enfant Jésus, d'après Spada; les Portraits
ie Louis Leramberg, de L,. Galloche, de Wille,
}'e Louise VigéeLe Brun, de Moses Mendels-
ohn, d'Aug. Spangenberg, de L-ouis XIV, de
chiller, de Graff, de l'archevêque Dalberg,
t'u comte Fr. Léop. Stolberg. Mùller a aussi
Ithographié le portrait de la reine Catherine
e Wurtemberg. O.
\ Kunstblatt ( année 1880 ). — Nagler, Kùnstler-Lexikon.
MULLER (Chrétien-Frédéric de), fils du
•recèdent, graveur allemand, ne* à Stuttgard, en
i783, mort le 3 mai 1816, à Pirna, près Dresde.
I initié à l'art de la gravure par son père, il ap-
Irit aussi la peinture. En 1802 il se rendit à
NOUV. BIOCR. OENF.R. — T. XXXVI.
898
Paris, où il passa plusieurs années ; nommé en
1814 professeur de gravure à l'académie de
Dresde, il fut chargé de reproduire par le burin
la Madone Sixline de Raphaël, qui se trouve
dans la galerie de cette ville. Il s'adonna à ce
travail avec une ardeur qui détruisit sa santé,
déjà très-délicate. Parmi ses gravures les plus
estimées nous citerons : Job sur le fumier ( à
l'eau-forte ) ; Les quatre Saisons, d'après Jor-
Haens; la Vénus d'Arles, dans le Musée royal;
La Jeunesse, d'après une statue de Lemasson ;
Saint Jean commençant l'Apocalypse, d'après
le Dominiquin; Adam et Eve, d'après une
fresque de Raphaël; la Madone Sixtinc : les
premières épreuves de cette œuvre parfaite se
vendent au delà de six cents francs; les Por-
traits du roi Jérôme de f^estphalie, d'après
Kinson (rare), du prince héréditaire de Wur-
temberg, d'après une peinture de Mùller lui-
même, de Schiller d'après le buste de Dannec-
ker, de Hufeland d'après Tischbein, etc..
Mùller a aussi laissé beaucoup de dessins et d'é-
tudes. O.
Goethe, Kunstund Alterthum.— Kunstblatt (passim).
— Nagler, Kunstler-Lexihon.
mùller (Jacques-Léonard, baron), géné-
ral français, né le 11 décembre 1749, à Thion-
ville, mort le lsr octobre 1824. A peine âgé de
onze ans, il fut admis dans le régiment de Cour-
ten (1760) ; il était lieutenant lorsqu'il sut par
son énergie réprimer une émeute qui avait éclaté
à Dijon. En 1791 il devint chevalier de Saint-
Louis et capitaine. Élu lieutenant-colonel d'un
bataillon de volontaires qu'il avait formé (1792),
il servit à l'armée du nord, fut promu colonel
du 77e régiment, le 14 janvier 1793, et passa
dans les bureaux du ministère de la guerre pour
y diriger l'artillerie et le génie. Le 5 mai 1793 il
fut nommé général de brigade et envoyé à l'ar-
mée des Pyrénées occidentales en qualité de
chef d'état-major. Général de division le 2 oc-
tobre 1793, il reçut en même temps des repré-
sentants du peuple le grade de général en chef,
dans lequel il fut confirmé au printemps suivant.
Mùller eut la gloire de former une armée qui
n'existait en quelque sorte que de nom. Après
avoir vaincu des obstacles presque insurmon-
tables, il occupa, en avant de Bayonne, une posi-
tion très-forte, qu'on appela depuis le camp des
sans-culottes, et força les Espagnols à repasser
la Bidassoa. Le 14 thermidor an n (1er août 1794),
il prit d'assaut et à la baïonnette les redoutes de
Saint-Martial et d'Irun; plus de deux mille pri-
sonniers, deux cents pièces de canon, vingt mille
fusils, des magasins bien approvisionnés tom-
bèrent en son pouvoir. Cette victoire amena la
reddition de Fontarabie et de Saint-Sébastien, et
contribua à faire poser les armes à l'Espagne.
La Convention nationale décréta que l'armée des
Pyrénées occidentales avait bien mérité de la
patrie. Quant à Mùller, il passa dans la même
année à l'armée des Alpes. Sous le Directoire ,
29
899 MULLER
il exerça les fonctions d'inspecteur général de
l'infanterie. Chargé de rassembler et d'organiser
un corps de troupes sur le Rhia (1799), il en eut
le commandement provisoire, et entra dans le
Palatinat afin d'attirer sur lui une partie des
forces autrichiennes qui menaçaient la Suisse.
Mais le prince Charles s'étant avancé contre lui
avec quarante-cinq mille hommes, Millier, qui
n'avait pas les moyens de résister, fut forcé
d'abandonner le siège de Philipsbourg et de re-
passer le Rhin. Sous le consulat il commanda la
division militaire de Nantes, et réprima un sou-
lèvement de la Corse. L'empereur le créa baron
en 1808, et l'employa à l'intérieur. A la fin de
1814, il fut mis à la retraite. Son nom est ins-
crit sur l'arc de triomphe de l'Étoile. P. L.
Bioyr. nouv. des Contemp. — Victoires et Conquêtes.
mùller (Frédéric ), poète, peintre et gra-
veur allemand, né à Kreuznach, en 1750, mort
à Rome, en 1825. Après avoir fréquenté quelques
ateliers de peintre, il se rendit en 1770 à Mann-
heim , où, tout en continuant à se perfectionner
dans son art, il s'adonna aussi à la poésie. En
1778, il alla s'établir à Rome, et il y passa le
reste de sa vie. Il abandonna la peinture de pay-
sage et de genre pour la peinture d'histoire.
Doué d'une imagination féconde et vive, sai-
sissant aussi bien le sublime que les choses
délicates de l'esprit et du cœur, il aurait pu de-
venir un artiste des plus distingués, s'il ne s'é-
tait pas attaché à imiter exclusivement la ma-
nière de Michel- Ange. Il a cependant laissé plu-
sieurs toiles remarquables, telles que : V Amour
sous les roses, Jason , Ulysse devant Vombre
d'Ajax, et surtout V Enfer. Il a aussi gravé à
l'eau-forte un assez grand nombre de planches
estimées, presque toutes d'après des sujets de
sa composition , paysages , groupes d'animaux ,
scènes champêtres, etc. Mais il est surtout connu
comme auteur d'un grand nombre de ravissantes
idylles, qui , bien différentes de celles de Gess-
ner, son contemporain, sont des tableaux ache-
vés de la nature la plus franche, prise sur le
fait. Ses drames Niobé, Faust et Geneviève
sont d'un grand effet au théâtre. Les Œuvres
complètes de Millier parurent à Heidelberg,
1811, et à Quedlimbourg, 1825, 3 vol. in-8°. O.
Nagler, Kûnstler-Lexikon.
mùller (Jean de), célèbre historien alle-
mand , né à Schaffhouse, en Suisse, le 3 janvier
1752, mort le 29 mai 1809. Son père, pasteur
d'une église succursale, était en même temps
professeur d'hébreu à l'école latine de sa ville.
Il eut soin d'initier son fils de bonne heure aux
études classiques, tandis que son aïeul maternel,
Jean Schoop, prépara l'enfant aux grandes idées
que ce dernier a plus tard développées dans
ses travaux historiques. L'aïeul profitait de ses
moments de loisir pour fouiller les vieilles chro-
niques de sa patrie ; il en faisait faire des extraits
à son jeune élève, pour le familiariser avec les
traits principaux de l'histoire de sa ville natale,
90(
et il réussit ainsi à lui inspirer l'amour précoc<
de ce genre d'études. Jean Mùller, après avoi;
quitté l'école municipale, entra dans le Colle
gium humanitatfs de Schaffhouse, espèce d'é
cole préparatoire pour l'université, et se montr;
toujours réfractaire à la routine que ses maître
voulaient lui imposer. 11 n'avait encore que neu
ans lorsqu'il composa un précis de l'histoire d
Schaffhouse, et à onze ans il avait acquis, pa
la lecture de X Histoire universelle de Huebnei
une connaissance, peu commune à son âge
des faits et des dates historiques. C'est à la mêm
époque qu'il fit son premier essai de critiqu
historique, une comparaison et discussion soi
gncuse des systèmes de chronologie de Pétau
de Calvisius et d'Usher. A la fin de ses étude
classiques, il fut destiné à la carrière ecclésias
tique, et envoyé à l'université de Gœttingue ,
alors le foyer des sciences historiques en Aile
magne, illustré par les Schlœzer, Miller, Heyne j
"Walch. Vi étudia sous Schlœzer l'histoire de
peuples du Nord et de l'Orient, ainsi que les an
tiquités romano-germaniques. Il renonça bientt
à la théologie, en publiant la dissertation : Christ
rege nihil esse ecclesix metuendum ( Gœt j
tingue, 1771,'in-4° ); puis il revint à Schaffhouse i
Après qu'il eut terminé son tableau de la guerr !
des Cimbres (Bellum Cimbricum ; Zurich, 1775 j
in-8°; traduit en allemand par Dippold, 1810) ;
il se mit à rechercher avec ardeur les sources )
les chroniques et les documents relatifs à l'his
toire de la Suisse. Vers la même époque, et dan
sa vingtième année, il fut nommé professeur d I
langue grecque au collège de Schaffhouse, où .
avait reçu sa première instruction. Ses travau
attirèrent bientôt sur lui l'attention des célébrité j
de la Suisse, des Hal.ler, Bodmer, Breitingei
Fuessli, Schinz , et lui procurèrent l'amitié d
Victor de Bonstetten. La liaison intime qu' i
forma avec ce dernier fit naître une célèbr [
correspondance , publiée sous le titre de Letm
très dhin jeune Savant à son Ami (Tubinguti
1802), en. allemand, et traduite en françaij
en 1810 (Zurich); elle est ainsi appréciée pal
M. Guizot : « Mùller y développe, dit-il, toute
ses opinions sur l'histoire, son but, ses moyens j
et sur l'application qu'il se propose d'en faire l,
les historiens anciens sont jugés, distingués, api
préciés avec une profondeur, un finesse, unevél
rite dignes de celui qui en se faisant leur élèvjj
se disposait à devenir leur rival ;mais ce que nou I
devons y remarquer le plus aujourd'hui, c'est lu
tableau des dispositions que le jeune Mùller ap
portait dans ses études sur l'histoire de sa na I
(ion. » En 1774, Mùller quitta Schaffhouse pour s
charger à Genève de l'éducation des deux fin!
du conseiller d'État Jacques Tronchin. Les tra
vaux d'histoire, et surtout la lecture de Plu
tarque et de Macchiavelli y remplissaient se j
loisirs. A Genève il se lia avec Bonnet, Franci I
Kinloch ( de la Caroline du Sud ),'Fitzhevbert. 1
y fit aussi la connaissance de Voltaire. Ce cercl
.01
l'.'iniis,
MULLER
après avoir duré près de deux ans
1775 et 1776), fut dissous par suite de la ré-
solution américaine. Mùller resta à Genève avec
(onnet, et trouva un nouveau prolecteur dans
a personne de l'ancien procureur général Ro-
icrt Tronclùn, frère aîné de Jacques Tronchin.
fie cours public qu'il fit dans cette ville parut
ous le titre de Vingt-quatre livres d'histoire
universelle (Tubingue, 1811, 3 vol.)- Il passa
été de 1779 avec son ami Bonstetten, l'hiver
liez Tronchin, et acheva le premier volume de
on histoire de la Suisse, qui parut en, 1780, à
lome, avec la fausse indication de Boston ( His-
oire des Suisses, par Jean Mùller. Livre
rentier; Boston, 1780, in-8°). Cet ouvrage
ut un grand succès, et mit son auteur au pre-
u'er rang des historiens. A cette époque Gleim
li inspirale vif désir de voir de près le grand
rédéric. La rivalité entre les maisons de Habs-
ourg et de Hohenzollern était alors à son apo-
ée. Frédéric de Prusse opposait aux empiéte-
lents téméraires de Joseph II une résistance
nergique et calculée; Jean Mùller ne pouvait
outer du parti qu'il lui convenait de prendre.
se transporta à Berlin, où parurent, en 1781,
îs Essais historiques ; l'enthousiasme qu'il y
lontra pour le roi de Prusse lui procura un
îfretien particulier avec ce dernier. Cependant,
)n espoir d'avoir une place en Prusse ne fut
oint réalisé. Dans son voyage il fit la connais-
lince du général ministre d'État de Schlieffen,
ui lui fit offrir la chaire de statistique au Col-
'gium Carolinum de Cassel. C'est là que Mùl-
,r s'éleva à la hauteur d'écrivain politique, en
ubliant les Voyages des Papes ( Reisen der
vsepste, 1782, sans lieu d'impression, in-8°;
ouvelle édition par Kloth, 1831, Aix-la-Cha-
pelle). Cet écrit remarquable est une polémique
dirigée contre les réformes de Joseph II; on y
oit un auteur protestant proclamer la puissance
ecclésiastique comme protectrice des peuples
lontre la tyrannie de leurs princes. A Rome et
ans la partie catholique de l'Allemagne ce livre
eçut des louanges sans bornes , tandis que les
rolestants allemands «n blâmaient l'auteur.
Mùller quitta la ville de Cassel, malgré les
très de conseiller et de sous - bibliothécaire
u'on lui avait conférés; il retourna, en- 1783,
nez Robert Tronchin, qui vivait dans sa terre
e Délices près Genève, pour être plus à même
'achever l'histoire de la Suisse. Mais bientôt, las
'être le lecteur et le compagnon d'un vieillard
apiïcieux et souffrant, il vint s'installer chez
onstetten, dans la terre de Valeires, où il se mit
refondre le premier livre de son grand ou-
902
[rage; ensuite il se rendit à Schaffhouse et à
jteme, où il faisait des cours publics. Recom'
|iandé par le célèbre philologue Heyne et par
'anatomiste Sœmmering, il obtint, en 1786, de
[électeur de Mayence Frédéric-Charles- Joseph
aron d'Erthal la place de conseiller aulique et
i e bibliothécaire à l'université de Mayence ,
et l'année suivante, après un voyagea Rome,
il devint conseiller intime. Bientôt après, en
1786, il fit paraître la seconde édition du Ier vo-
lume de son grand ouvrage : Die Geschichle
der Schweizerischen Eidgenossen. Erstes
Buch : Von dem Anbau des Landes (His-
toire de la Confédération Suisse. Livre pre-
mier : Culture du pays); Leipzig, 1780, in-8°,
et le deuxième : Anderes Buch; Von dem
Aufbluchen der ewigen Blinde (De la Nais-
sance des Fédérations éternelles) ; Leipzig, 1786,
in-8°. Puis on vit se succéder dès lors rapide-
ment : Darstellung des Fuerstenbundes (Ta-
bleau de la Ligue des Princes), justification théo-
rique de l'ouvrage si connu du grand Frédé-
ric; Leipzig, 1787, in-86; 2e éd., 1788, in-8°;
en français par le comte de Callemberg, sous ce
titre : Tableau de la Confédération Germa-
nique ; Berlin, 1789, in-8°; — Briefe ziveier
Domherren (Lettres de deux Chanoines ) ; Franc-
fort et Leipzig, 1787; — Die Erwarlungen
Deustchlands vom Fuerslenbunde ( Ce que
l'Allemagne peut attendre de la ligue des princes) ;
Leipzig, 1 788 ; — Uber das kaiser liche Empfeh-
lungs und Ausschliessungsrecht bey den Bis-
chofswahlen ( Sur le Z)roit des Empereurs de
présenter aux électeurs et de refuser les évêques
élus), faisant suite aux Lettres de deux Cha-
noines ; Francfort et Leipzig, 1789, in-S°. Au mi-
lieu de ces travaux, il trouva encore assez de loisir
pour publier, en 1788, la première partie du 3e livre
de son histoire de la Suisse; la seconde partie
parut en 1795. A la suite d'une querelle qu'fl eut
avec son supérieur, le baron d'Albini, il offrit sa
démission, qui ne fut pas acceptée, et l'électeur
le nomma directeur des archives. Bien qu'il eût
attaqué le système de réformes de Joseph II, il
accepta cependant à Vienne de Léopold II la place
de conseiller aulique, et reçut les titres de no-
blesse. A partir de cette époque il modifia ses
opinions, et publia Anmerkungen ùber die
Preussische Erklarung in Betreffdes Baseler
Friedens (Remarques sur la Déclaration de la
Prusse à l'égard de la paix de Bâle) et Beleu-
chtung des Basler Friedens ( Commentaire
de la paix de Bâle); en 1796, Die Gefahren der
Zeit (Les Dangers du temps), Mantoue; Aus-
beule von Borgoforle ( Extraits de B.). Sa posi-
tion à Vienne ne fut bientôt plus tenable; dans
les rapports officiels, il était sans influence, et
l'on exigeait sa conversion à l'Église catholique;
on alla jusqu'à défendre l'introduction en Au-
triche et l'impression à l'étranger de son histoire
de Suisse, dont le troisième livre , terminé en
1795, traitait des défaites des Autrichiens par la
confédération suisse. Il quitta donc le service
autrichien , et accepta la place de conseiller
intime du roi de Prusse , qui le nomma membre
de l'Académie de Berlin et historiographe de la
maison de Brandebourg. A Berlin , sa sphère
d'activité était purement scientifique. En 1805,
il mit au jour le quatrième volume de l'histoire
29.
903
MULLER
î)0
de la Suisse, et en 1806 il fit paraître une nouvelle
édition des trois premiers volumes. Il inaugura sa
charge d'historiographe par un discours lu à l'A-
cadémie, le 24 janvier 1805, Sur V histoire de
Frédéric le Grand. Millier avait conçu le projet
d'écrire la biographie de ce prince; mais à peine
eut-il obtenu , avec grande difficulté, la permis-
sion de consulter les archives de l'État, que les
événements politiques qui accablèrent la Prusse,
en 1806, à la suite de la bataille d'iéna, le firent
renoncer à son entreprise. Parmi les travaux
qu'il fit paraître à cette époque, nous citerons :
Uber den Untergang der Freiheit der alten
Vôlker (Sur la chute de la liberté chez les peu-
ples anciens ) ; Versuch uber die Zeitrechnung
der Vorwelt ( Essai sur la Chronologie de l'an-
tiquité), et la publication des œuvres de Herder,
pour laquelle il composa une histoire du Cid.
Le 20 novembre 1806, Napoléon fit savoir à
l'illustre historien qu'il désirait avoir un entre-
tien particulier avec lui. C'est de ce jour que
date une seconde métamorphose de l'écrivain po-
litique. Le prestige de la personne de l'empereur,
qui savait si bien charmer l'esprit de ceux qui
l'approchaient de près , la nouveauté et la pro-
fondeur des idées qu'il étalait, subjuguèrent le
zèle patriotique de l'historien suisse. Le discours
qu'il lut à l'Académie de Berlin, le 29 janvier
1807, De la gloire de Frédéric, rendit sa
conversion publique. Le séjour de Berlin lui de-
vint dès lors impossible. Après avoir été l'ob-
jet d'attaques et de critiques très-violentes, il
quitta son poste, et le roi de Wurtemberg, l'un
des princes de la confédération Rhénane, lui
offrit une chaire à Tubingue. Mùller était en route
pour entrer dans cette nouvelle charge lorsqu'il
fut appelé à Fontainebleau par un courrier fran-
çais. Napoléon lui destinait le portefeuille de
ministre secrétaire d'État du nouveau royaume
de Westphalie, et Millier, après avoir pris pour
ces fonctions élevées les instructions de Maret,
duc de Bassano , partit pour Cassel. Mais il ne
justifia point l'opinion qu'on avait eue de lui;
en janvier 1808, le roi Jérôme le révoqua de
son poste, en le nommant conseiller d'État et
directeur de l'instruction publique. Des fatigues
qui ruinèrent sa santé , le chagrin que lui cau-
saient des espérances déçues , aussi bien que
l'état délabré de sa fortune, amenèrent sa mort,
le 29 mai 1809. Son testament, où il n'oublie
aucun de ses créanciers ni son serviteur fidèle,
est d'une simplicité touchante ; nous en citons
un passage qui résume l'homme entier : « Mes
jours, dit-il, ont été pleins de fatigue, et le tra-
vail a fait tout mon plaisir. J'ai rempli mes
charges avec désintéressement; j'ai fait du bien
à plusieurs personnes. Puissent les hommes ne
pas rejeter ma dernière prière ! »
Jean de Mùller ne s'est jamais marié. Parmi
ses amis intimes , nous avons cité les plus re-
marquables ; nous y ajoutons son digne frère,
leprofesseur Jean-Georges Mùller, qui s'est aussi
distingué comme écrivain. Nous citerons encor
parmi les personnes qui lui ont porté de l'amiti
l'archiduc Jean, le prince Louis de Prusse, qi
fut tué à Saalfeld, et le roi Louis de Bavièn
qui, en 1835, lui fit ériger un monument si
la place où il a été enterré à Cassel. Parmi se <
ouvrages, {Histoire de la Suisse, allant jusqu
la fin du quinzième siècle, est un monument irr
périssable. La forme et le fond en sont remai |
quables. L'auteur dit lui-même dans une letti
adressée à Bonstètten : « Je mettrai dans mo
style beaucoup de gravité et de simplicité. » Ci
mots caractérisent parfaitement sa manièi
d'écrire. Puissance , richesse et concision soi
les qualités dominantes de cet écrivain. On 1
à tort accusé d'imitation ; il s'en défend lu |
même, en expliquant les singularités de se
style par l'habitude qu'il avait de résumer en pc
de mots les longues divagations des vieilli
chroniques. Il serait dangereux de l'imiter; ch(<
nul autre lès perfections de la forme ne sauraiei i
autant que chez Mùller effacer les taches c
langage. A une immense érudition Mùller joii i
un talent particulier d'accorder les matériaux
son plan.
Les continuateurs de Y Histoire de la Suis.
de Millier ne sont point arrivés à la hauteur (
leur modèle. La deuxième partie du cinquièn
volume est de GIutz-Blozheim (Zurich, 1816), li
volumes sixième et septième de J.-J. Hottingi
(Zurich, 1825-1829); ces additions complète
l'histoire du seizième siècle. Une traductk
française de l'édition de 1786 a été faite par L;
baume (Lausanne, 1795 et années suiv., 12 vc
in-8°), avec continuation jusqu'à nos jours p;
Monnard et Vuilîemin; Paris, 1840-1846, 16 vc
in-8°. Son Histoire universelle posthume
été traduite en français parHess, 1814-1817, 4 vc
in-8°; 2e édit., 1826; 3e édit., Bruxelles, 184 j
Les œuvres complètes de Mùller, en 27 volumi
(Stuttgard, 1810-1819 ;nouv. édit., en 40 vol]
1831-1835 ) ont été publiées par son frère Jeai
Georges, et les Briefe an meinen aeltestel
Freund in der Schweiz ( Lettres à mon ph
vieil Ami en Suisse; Zurich, 1812), furent m
au jour par Fuessli. J. M.
Hildnisse und Selbstbiographien Berliner Gelehrtet
publié par Lo\re; Berlin, 1806. — Histoire de la Jeunes ï
de Jean Millier, écrite par lui-même, en*Iatin, dans i
Correspondance de Gleim, Heinse et Mùller, vol. II. I
Rumine! , liede zitr Gedâchtnissjeier Joh. v. Mulleil
am 14 juin 1809; Marburg, 1809, in-8°. — Wachle
Joh. v. Mùller, Gedâchtnissrede; Marburg, 1809, in-8
et dans Ks Biographische Juffâtze, Leipzig, 1835. I
Heercn, Joh. v. Millier, der Historiker ; Leipzig, 180
in-8". — Schiitz, Mcmoria Joan. Mulleri ; Hall., 180 I
ln-4°. — Magasin encyclopédique , octobre 1809. — Gui
zot , Mercure de France, 17 févr. 1810, p. 417. — Wol
mann, Joh. v. Millier; Berlin, 1810, 10-8°. — Heyne, M
moria.loan. de Millier ; Gœtting., 1810, in-4°.— Windiscl
mann, If as Joh. v. Mùller wesentlich war und m
ferner sein musse; Winterth., 1811, ln-8". — Rfttl I
Lobscnrift au f Joh. v. Millier ; Salzb., 181^, in-8°; •
Sichr-lis. Joh. v. Mùller; Mitster fur studirende Juin,
linge; B.int/.en, 1813, in-4°. — Dœrlng, Leben Joh. <r
Mùllers; Zeitz, 1835, in-12. — Moerikhofer, Sohweizil
rische Liteteraturgeschich ; Basel, 1861.
305
! MUL.LEK (Jectn-Valentin), médecin alle-
iiwnd, né le 8 avril 1756, à Franfort-sur-le-
klein. Il fut reçu docteur à léna en 1779, et
pratiqua sa profession à Francfort. 11 est auteur
: l'un grand nombre d'ouvrages , parmi lesquels
'îous citerons : Praktisches Handbuch der
' nedicinischen Galanteriekrti'hkheiten (Ma-
'iuel des Affections syphilitiques); Francfort",
788, 1802, in-8°; — Handbuch der Frauen-
jmnierkrankheiten (Manuel des Maladies des
■emmes); ibid., 1788-1795, 4 vol. in-8°; —
Physiologie ; ibid., 1799, gr. in-8° ; — Entwurf
','er gerichtlichen Arzneiwissenschaft (Essai
[ie médecine légale); ibid., 1796-1801, 4 vol.
| r. in-8°; — Orthodoxie und Hétérodoxie,
aid., 1798, 2 vol. in-8° ; — Medicinisches Re-
hertorium; ibid., 1798, 4 vol. in-8°. Il a dirigé
ivec G.-F. Hoffmann un journal de médecine
i Frankfurter Annalen), qui a paru de 1789 à
[796. K.
Callisen , Medicin. Schriftstellerlex.
muller (Frédéric-Auguste),^oèlea\\emanâ,
|é à Vienne, en 176", mort en 1807. Il fit pen-
ant plusieurs années des cours de belles-
>ttres à Erlangen, et se retira ensuite dans sa
Ile natale. Il a écrit trois poèmes épiques, qui,
Igré quelques longueurs, sont regardés en Alle-
agne comme les meilleures imitations de Wie-
nd. Ce sont : Alfonso ; Gœttingue, 1790,
•8"; — Richard Lowenherz (Richard Cœur
Lion); Berlin, 1790 et 1819, in 8°; — Adal-
krt der Wilde (Adalbert le Sauvage) ; Leipzig,
793, 2 vol. in-8°. O.
Der Biograph, t. VU. — OEstreichische national En-
ï/clopxdie.
\ muller (Pierre-Érasme), théologien et
rudit danois, né à Copenhague, le 29 mai 1776,
kiort le 16 septembre 1834. Fils du conseiller
le conférence Frédéric- Adam Mûller, connu par
les recherches sur les graveurs danois, il étudia
&s belles-lettres et la théologie dans diverses
diversités de l'Allemagne ; après avoir visité la
?rance et l'Angleterre , il obtint, en 1801, une
iliaire de théologie à Copenhague; en 1830, il
lit appelé à l'évêché de Seeland. On a de lui :
ie Genio, moribus et luxu xvi Theodosiani;
'openhague, 2 parties; — De hierarchia et
iudio vitx asceticse in sacris et mysteriis
ïrsecorum et Romanorum latentibus; ibid.,
803; — Antiquarisk Undersœgelse over de
*ed Gallehusfundne Guldhorn (Recherches
[rchéologiques sur les cornes en or trouvées
Gallehus); ibid., 1806, in-4°; ces cornes à
oire, découvertes au dix-septième siècle, sont
|u musée,de Copenhague; — Kristeligt Apo-
ogelik (Apologie chrétienne); ibid., 1810; —
>m de islandske Sprogs Vigtighed ( Sur l'Im-
ortance de la Langue Islandaise); ibid., 1813;
- Veber den Vrsprung. und- Verfall der is-
àndischen Historiographie ( Sur l'Origine- et
i Décadence de l'Historiographie islandaise);
Md. , 1813 ; — Sagabibliothek ;\bià., 1816-1820,
MIJLLER 906
3 vol. in-8° ; un volume de remarques fut ajouté
en 1829, par Espolin; la première partie de ce
précieux recueil; qui contient les traditions poé-
tiques et historiques des pays Scandinaves, a,été
traduite en allemand par Lachmann ; Berlin,
1816; — Krilisk Undersogelse af Danmarks
ag Norges Sagnhistorie (Recherches critiques
sur les sagas historiques du Danemark et des
autres' contrées du Nord); Copenhague, 1823-
1830, 2 vol". ; — Krilisk Undersogelse af Saxos
Historié ( Recherches critiques sur l'histoire de
Saxo Grammaticus); — Dansk synonymisk ;
ibid-., 1829, 2 vol. — beaucoup d'articles et de
mémoires dans la Minerva, les Scandinaviske
Litteralurselskabs Skrifter, le Journal Jor
udenlansk Lilleratur, les Laerde Efterret-
ninger et dans la Dansk Litteraturtïdende ,
dont il fut depuis 1805 un des principaux rédac-
teurs ; un de ces mémoires, qui a pour titre :
Om Authentien af Snorres Edda og om Asa-
lœrens Aegthed ( Sur l'Authenticité de l'Edda de
Snorro et la doctrine des Ases), a été traduit en
allemand par Sander ; Copenhague, 1811. Au mo-
ment de sa mort, Mùller avait presque terminé
une édition critique de Saxo Grammaticus qui
parut en 1839. O.
Nyerup, Allmindeligt Litteratur Lexikon. — Conter-
sations-Lexikon.
mùller (Adam-Henri), publiciste alle-
mand, né à Berlin, le 30 juin 1779, mort à
Vienne, le 17 janvier 1829. Après avoir étudié
la jurisprudence, il voyagea pendant plusieurs
années en Suède , en Danemark et en Pologne.
Il se rendit en 1805 à Vienne pour y revoir Fré-
déric Gentz, dont il avait fait la connaissance
-à l'université, et qui le décida à se convertir au
catholicisme. Pendant les années suivantes, il lit
à Dresde, à Berlin et à Vienne, des cours sur des
sujets philosophiques, politiques et littéraires.
Envoyé en 1813 en Tyrol comme commissaire
du gouvernement, il vint deux ans après à Paris
avec l'armée alliée. En 1816 il fut nommé consul
général d'Autriche en Saxe; après avoir assisté
aux conférences de Carlsbad et de Vienne, i}
se fixa dans cette dernière ville en 1827, année
où il fut nommé conseiller aulique. Parmi les
écrivains qui ont combattu la révolution fran-
çaise, Millier est un de ceux qui ont montré le
plus d'esprit et d'éloquence ; il a défendu avec
un grand talent le moyen âge contre les attaques
des philosophes du dix-huitième siècle. Mais ses
théories sur la politique à suivre de nos jours
sont trop contraires à l'esprit de notre temps
pour être applicables ; il est vrai que cela ne
prouve rien contre leur justesse-. On a de Mùl-
ler : Die Lehre vont Gegensatze ( La Doc-
trine de l'opposition ); Berlin, 1804 ; écrit em-
preint des. idées de Fichte; — Vorlesungen
ùber die deutsche Wissenschaft und Lite-
ratur (Cours sur la Science et la Littérature al-
lemande); Dresde, 1806-1807; — Von der
Idée des Staates und ihren Verhàltnissen
907 NULLE II
sw den populàren Staatstheorien ( De l'idée
de l'État et de ses rapports avec les théories po-
litiques populaires); Dresde, 1809; — Die
Elemente der Staatskunst (Éléments de Po-
litique); Berlin, 1809, 3 vol.; — Uber Kônig
Friedrich It ( Sur lé roi Frédéric II ) ; Berlin,
1810; — Die Théorie der Staatshaushal-
tung ( ta Théorie de l'Économie politique ) ;
Vienne, 1812, 2 vol.; — Versuch einer neuen
Théorie des Geldes ( Essai d'une nouvelle
Théorie de l'Argent ) ; Leipzig, 1816; — Zwôlf
Reden uber die Beredtsamkeit and dercn
Verfall in Deutschland ( Douze Discours sur
l'Éloquence et sa décadence en Alfemagne ) ;
Leipzig, 1817; — Von der Nothwendigkeil
einer theologischen Grundl'age der gesamm-
ten Staatswissenschaften und der Slaals-
wirthschaft insbesondere ( De la nécessité
d'une base théologique pour toutes les sciences
politiques et l'économie politique en particulier ) ;-
Leipzig, 1819. Millier a aussi publié deux
recueils périodiques : Staatsanzeigen ( Indi-
cateur politique); Leipzig, 1816-1818, et le
Unparteiischer Literatur-und Kirchen-cor-
respondent ( Correspondant impartial, littéraire
et ecclésiastique ). O.
Conversations-Lexikon.
mùller (François- Hubert), peintre et ar-
chéologue allemand, né à Bonn, en 1784, mort en
1835. Né sans fortune, il aima mieux néanmoins
se consacrer à la peinture, si peu encouragée
alors, qu'embrasser une profession lucrative.
Après avoir supporté beaucoup de privations, il
trouva enfin à la cour du roi Jérôme de West-
phalie de nombreuses commandes de portraits.
Appelé, en 1817, à Darmstadt comme directeur
de la galerie grand-ducale, dont il publia un
excellent catalogue, il fonda dans cette ville une
école de dessin, bientôt très- fréquentée. Dans
ses dernières années, il s'occupa beaucoup de
l'art du moyen âge. Ses principales toiles sont
une Trinité, dans l'église d'Ahrweiler; Saint
Paul et une Vierge, dans l'é'glise catholique
d'Offenbach. Les vitraux du chœur de la cathé-
drale de Mayenee ont été exécutés d'après ses
cartons. Il a publié : Erster Unterricht im
Zeichnen ( Premier Enseignement de Dessin); ,
Darmstadt, 1830 ; — Dasfreie Zeichnen nach
natiirlichen Gcgmstànden (L'Art d'esquisser
d'après les objets de la nature) ; ibid., 1832; —
Die St-Catharinen Kirche zu Oppenheim
( L'église Sainte-Catherine d'Oppenheim), in-fol.;
ouvrage de luxe , contenant quarante planches
avec texte, qui font connaître dans fous ses dé-
tails ce magnifique monument de l'art gothique ;
— Beitràge zur deutschen Kunst-und Ges-
chichtskunde durcn Kunstdenkmale (Docu-
ments pour servir à la connaissance de l'art en
Allemagne et de l'histoire de ce pays au moyen
des monuments); 1832-1835, 2 vol. O.
nnéc 1833). — Na-
Neuer IVekroinrj /ler Deutschen
gler, lin natter- Lcxi/con.
mùlleîi (Guillaume), poète lyrique al
mand, né à Des>au, le 7 octobre 1794, nvJ
dans la même ville, le 1er octobre 1827. il
d'un artisan opulent, il reçut une éducation tr>
soignée, mais affranchie de toute contrainte
laquelle il dut probablement la liberté d'espril
dépensée qui le caractérise. En 1812, il étu> éj
à Berlin, sous le célèbre Wolf, la philologie
l'histoire. En 1813, il s'enrôla comme vokl
taire prussien, assista aux batailles de Lutzi ;
de Bautzen, de Hainau et de Culm. Il suivit 1' |.
mée prussienne dans les Pays-Bas. En 1817,'|
fit un voyage en Italie , et devint conservât» j.
de la bibliothèque ducale à Dessan. Pour ré {
blir sa santé, il fit, en 1827, un voyage sur
bonis du Rhin ; mais il mourut subitemi
quelques jours après son retour. On a de li
Rom, Roemer und Roemerinnen (Rome,
Romains et les Romaines) ; Berlin, 1820, 2 vo \
— Gcdîchte aus de.n hinterlassenen Papw
ren eines reisenden Waldhornisten (Poésl
tirées des papiers laissés par un sonneur de < j
ambulant); ibid., 1821-1824; 2e édit., 1826;
Lieder der Griechèn (Chants des Grecs); Dij
sau et Leipzig, 1821-1824, 2 vol. Dernière é
tion, 1844; il y célèbre avec enthousiasme !
réveil d'un peuple opprimé, ses luttes et i
victoires; — une traduction des Chants \\
palaires de la Grèce moderne, dans le Reçu
de Fauriel; Leipzig, 1825, 2 vol.; — Xj/mc
Spaziergaenge (Promenades lyriques) ; Leipz
1827. Dans le domaine de la critique et de l'h I
toire littéraire, outre un grand nombre d'artic j
fournis à diverses revues et encyclopédies, en I
autres à l'Encyclopédie d'Ersch et de Grubl
dont il fut un des rédacteurs en 1826, Mùller pi
duisit : Homerische Vorschule (École pré[
ratoire homérique); Leipzig, 1824; 2e édit.
Baumgarten-Crusius, 1836; — Bibliofhek dei\
scher Dichter des il Jahrhunderts ( Bibl
thèque des Poètes allemands du dix-septièij
siècle); Leipzig, 1822-1827, 10 vol. Cet ouvra
a été continué par Fœrster. Gustave Schwj
a publié de Mùller : Vermischte SchriftA
( Œuvres mêlées) ; Leipzig, 1830, 5 vol. ; et G J
dichte (Poésies posthumes); Leipzig, 183
2 vol. ; nouv. édit., 1850. H. W.
Conv.-Lex.
wiiixER (Karl-Oltfried) , célèbre arche'
logue et philologue allemand, né le 28 août 179
à Brieg, dans la Silésie prussienne, mort à Castri
en Grèce, le 1er août 1840. Fils d'un rninist!
protestant qui fut quelque temps prédicate'
d'une division de l'armée prussienne, Mùller i
çut sa première éducation au gymnase de Brie
et entra ensuite à l'université de Bresiau, où
se consacra à l'étude de la philologie. De 1815
1817 il étudia à Berlin. Là il eut pour professe! |
le célèbre Bœckh, qui dans son admirable éd
tion de Pindare avait montré comment la phih
logie, l'histoire et les beaux-arts s'unissent
se fécondent mutuellement. Le petit livre Si\
9 9
MULLER
910
/' // V d' Hgine. {JEginelicorum Liber), que Multer-,
publia .1 l'âge <ie vingt ans, prouva qu'il1 avait
profité fies leçons de ce maître habile. L'étendue
et la précision des recherches', la finesse et la
hardiesse des vues caractérisent ce premier tra-
vail, oui se ressent d'ailleurs de la jeunesse de
l'auteur, et qui contient bien des hypothèses ha-
sardées. Après avoir publié cette thèse qui pro-
mettait beaucoup, Ott. Millier fut nommé pro-
fesseur de langues anciennes au gymnase de
Breslau appelé le Magdalenum. Il consacra tous
les loisirs que lui laissait son enseignement à
des recherches mythologiques. Son but était de
décomposer la religion des âges historiques, d'en
dégager par une patiente analyse les divers élé-
ments et de remonter aux plus anciens et aux
plus simples ; il pensait que ces premiers élé-
ments lui fourniraient des données précieuses
sur les périodes primitives que l'histoire, réduite
à ses propres forces, ne peut pas atteindre. Le
grand ouvrage qui contient les résultats de ses
profondes études est une Histoire des Tribus et
«tes États grecs, dont le premier volume parut
à Breslau, 1820, sous le titre de Orchomène et
les Minyens. L'année précédente Mùller, sur la
recommandation de Bœckh, avait été appelé à l'u-
niversité de Gœttingue pour y faire des cours
sur l'archéologie et l'art grec. De son enseigne-
ment combiné avec celui de Dissen, autre élève
«le Bœckh, date uneère nouvelle dans l'université
de Gœttingue ou plutôt dans l'étude de l'antiquité
«n Allemagne. L'influence du jeune professeur
«'étendit même sur toute l'Europe, grâce à des
ouvrages, également remarquables par la nou-
veauté des vues et par l'habileté de l'exposition.
Pour acquérir une connaissance plus familière
•ides chefs-d'œuvre de l'art antique, Muller visita
4e musée de Dresde en 1819, les musées de
■France et d'Angleterre en 1822. Il n'oublia ja-
mais que l'art ancien n'est qu'un des côtés de
■activité intellectuelle des Grecs , un côté qui
sert à expliquer les autres et qui lui-même a
^besoin d'être expliqué par la mythologie et l'his-
-toire. Il comprenait parfaitement que tout se tient
-dans l'étude de l'antiquité. Pour montrer par un
grand exemple les rapports intimes de la religion,
des mœurs et de la politique chez les anciens, il
■écrivit son livre des Doriens, qui forme les second
et troisième volumes de l'Histoire des Tribus
grecques. Une idée systématique , vraie au fond,
«nais un peu outrée, domine dans cet ouvrage;
«'est qu'un peuple dans ses développements his-
toriques reste sous l'influence de ses origines;
ou, en d'autres termes, que toute race a des traits
caractéristiques qui reparaissent à toutes les
•périodes de son histoire et qui en déterminent
la physionomie définitive. Cette théorie sur l'in-
fluence des races est depuis devenue populaire,
et a été fort exagérée par les imitateurs. Mùller
lui-même l'a poussée trop loin, et quelques-unes
de ses vues ont été combattues ou rectifiées par
M. Grote. Pour fortifier sa théorie par un nouvel
exemple, if voulait ajouter à ses Doriens une
histoire de \'At tique; mais d'autres travaux le
détournèrent de cet ouvrage. Il publia en 1825
ses Prolégomènes sur un système scientifique
de. Mythologie, dans lesquels il montra l'in-
fluence des diverses races ou tribus grecques sur
la formation successive de la mythologie grecque,
et une dissertation Stir l'histoire primitive de.
la Macédoine. Ces productions furent suivies
d'un grand ouvrage sur les Étrusques, où il lit
le plus heureux usage de là philologie comparée
pour interpréler les mystérieux débris de la
langue étrusque; d'un Manuel d'Archéologie,
à la fois original et élémentaire, aussi remar-
quable par la richesse des détails que par le sen-
timent exquis de la beauté dans l'art; d'une His-
toire de la Littérature grecque, malheureuse-
ment inachevée , qui mérite les mêmes éloges ,
et qui renferme sous une forme abrégée les ré-
sultats neufs et féconds d'un savoir immense
guidé par un goût hardi et délicat. A côté de ces
œuvres de premier ordre, il faut placer trois
éditions exécutées avec cet amour de la perfec-
tion que Muller mettait à tout. Les Ev.menid.es
d'Eschyle avec une traduction allemande et un
commentaire parurent en 1833. Le représentant
le plus illustre de l'école purement philologique,
Hermann, attaqua amèrement cette édition, et s'il
pronva que Mùllerne possédait pasàundegré su-
périeur le talent de la critique verbale, il ne par-
vint pas à détruire la hante valeur littéraire et ar-
tistique de l'édition des Euménides; la lacune
qu'il est permis de remarquer dans le talent cri-
tique de Muller était bien compensée par son sa-
voir, son goût et surtout son sentiment incompa-
rable de la poésie et de l'art chez les Grecs. Après
ies Euménides vintuneéditionde Festus, dans la-
quelle Mùller débrouilla lechaosqueles précédents
éditeurs avaient introduit ou laissé subsisterdans
ce grammairien. L'édition du traité De Lingua
Latina de Varron, qui avait précédé le Festus
de quelques années, n'est pas moins estimée.
Depuis longtemps O. Mùller désirait visiter
la contrée dont l'histoire, la littérature et les
productions artistiques lui étaient si familières;
il partit pour la Grèce en 1839. Dès son arrivée
il se livra avec ardeur aux explorations archéo-
logiques. Ce noble zèle lui devint funeste.
Pendant les plus fortes chaleurs de juillet 1840,
il dirigeait des fouilles sur le territoire malsain
de l'ancienne Delphes, lorsqu'il fut atteint de la
fièvre. Il expira à Castri, en Livadie. Son corps,
rapporté à Athènes, fut enseveli dans l'ancienne
Académie. Mùller, dans sa trop courte carrière,
s'est placé au premier rang des philologues et
des archéologues de son temps. Ses ouvrages ne
sont pas exempts de fautes; on y désirerait
quelquefois plus de maturité, et l'on y regrette
une tendance à généraliser des faits particuliers
et à fonder des théories sur des bases insuffisantes;
mais, malgré ces défauts, on y admire une va-
riété de connaissances, une finesse de jugement,
911
MULLER
91
une hardiesse et une pureté de goût , un talent
d'exposition que l'on n'avait peut-être jamais
trouvés réunis au même degré chez aucun des
érudits qui se sont occupés de l'antiquité.
On a d'Ottfried Mûller : Mgineticorum Liber;
Berlin, 1817, in-8°; — Geschichte hellenischer
Staminé und Stàdte. Bd. I. Orchomenos und
die Minyer (Histoire des Tribus et des États
helléniques ; T. I : Orchomène et les Minyens);
Breslau, 1820, in-8° ; 2e édit., Breslau, 1844, avec
une carte; — Minervx Poliadis sacra et eedem
in arce Athenarum illustravit M.; Gœttingue,
1820, in-4°, avec 3 plane; — Gesch. hel. St.
u. St. Bd. Il et III, Die Dorier (histoire
des Trib., etc., t. Il et III : Les Doriens); Bres-
lau, 1824, 2 vol. in-8°; avec une carte de l'an-
cien Péloponnèse ; 2e édit., publiée par Schnei-
dewin, le plus distingué des disciples de Mùller;
Breslau, 1844, 2 vol. in-8° : ce grand ouvrage,
le chef-d'œuvre de Millier, a été traduit en anglais
par MM. Tuffnell et Lewis; Oxford, 1830,
2 vol. in-8° ; — Prolegomena zu einer wis-
senchaftlichen Mythologie ( Prolégomènes sur
un Système scientifique de Mythologie); Gœt-
tingue, 1825, in-8°; traduit en anglais par Leitch;
Londres, 1844, in-8°; — Ueber die Wohn-
sitze , die Abstammung und die altère Ges-
chichte des Makedonischen Volkes (Sur la
Contrée, l'origine et l'histoire ancienne des Ma-
cédoniens); Berlin, 1825, in-8°; — De Phi-
dias Vita et Operibus Comment. III; Gœt-
tingue, 1827, in-4°; — Handbuch der Ar-
chéologie der Kunst (Manuel d'Archéologie);
Breslau, 1830, in-8°; 3e édition, avec des ad-
ditions par M. Welcker , Breslau, 1848, in-8°;
— Carte de V ancienne Hellade, avec texte;
Breslau, 1831, in-fol.; — Commentatio qua
Myrinee Amazonis quod in Museo Vaticano
servalur signum phidiacum explicatur;
Gœttingue, 1832, in-8°; — Eumenides ,
griech. und deutsch, mit erlaûl. Abandl.
ùber die aussere Darstellung und ùber den
Inhalt und die Composition dieser Tragédie
( Les Eumenides , grec et allemand , avec une
dissertation explicative sur la mise en scène,
le sujet et la composition de cette tragé-
die); Gœttingue, 1833, in-4°, avec 2 supplé-
ments; Gœttingue, 1834 et 1835, in-4°; —
Grœcorum de Lynceis Fabulx ; Gœttingue,
1837, in-fol.; — Quant curant respublica apud
Grœcos et Romanos litleris, doctrinisque
colendis et promovendis impenderit, queeri-
tur ; Gœttingue, 1837, in-4°; — Antiquitates
Anliochenx ; Gœttingue, 1839, in-4°; — Var-
ronis De Lingua Latina qux supersunt emen-
data et annotata; Leipzig, 1833, in-8°; —
Fesli De Verborum significatione qux super-
sunt, cum Pauli Epitome, emendata et an-
notata; Leipzig, 1839, in-4° ; — History of
the Lilerature of ancient Gra?ce ; Londres,
1840. Cet ouvrage avait été demandé par la So-
ciété pour la diffusion des connaissances utiles
à Millier, qui le rédigea en allemand , mais n'eu i i
pas le temps de l'achever; la partie terminée fu
traduite en anglais par MM. C.Lewis et Donald
son, et parut à Londres, 1340, in-8°; elle a et Ù
continuée par M. Donaldson depuis le siècl
d'Alexandre jusqu'à la prise de Constantinople
Londres, 1 859. L'original allemand parut aprè
la mort de l'auteur, par les sdms de soft fier
Ed. Mùller, sous ce titre : Geschichte de
griech. Literalur bis aufdas Zeitalter Alexan
ders (Histoire de la Littérature grecque jusqu'ai
siècle d'Alexandre ) ; Breslau, 1841, 2 vol. in-8°
2e édit., 1857. Outre ces ouvrages, O. Mùlle
avait écrit un grand nombre d'articles pour de
recueils périodiques; ces précieux travaux on
été rassemblés sous le titre de Kleine deutsch
Schriften iiber Religion, Kunst, Sprache uni
Literatur, Leben und Geschichte des Alter
thums. ( Opuscules allemands sur la religion
l'art, le langage et la littérature, la biographi
et l'histoire des anciens); Breslau, 1847-1848:
2 vol. in-8°. L. J.
Gazette d'Jugsbourg, août et septembre 1840. — Mille
et Aubenas, Revue de bibliographie analytique, sep I
tembre 1840. — Neuer IVekrolog der Deutschen pou i
1841. — F. Luette, Erinnerungen an Karl Ottfried Mûi
1er ; Geettingue, 1841, in-8°.
aiùller {Jean ) , célèbre physiologiste aile i
mand, né le 14 juillet 1801, à Coblentz, mort 1(
28 avril 1858, à Berlin. Fils d'un pauvre cordon I
nier, il allait être placé en apprentissage chez ui j
sellier, lorsque ses dispositions naturelles attiré '
rent l'attention du directeur de l'école secondain
de sa ville natale, Jean Schultze, qui dans Ici
suite eut, à plusieurs reprises, occasion de lu
rendre d'importants services. Entré en 1810 l
l'école secondaire , il se fit remarquer par sor
assiduité au Iravail et aussi par une certain*
ferveur de catholicisme qui imprimait à sa pen-
sée un tour mystique. Il avait perdu son père
de bonne heure , et il se destinait à la prêtrise
afin de venir en aide à sa mère. On ignore pai-i
quels motifs il se décida à quitter la théologie
pour la science. Après avoir servi pendant un an
dans une compagnie de pionniers pour satis*
faire à la loi de recrutement, il se rendit à l'uni-
versité de Bonn (1819), et s'y livra avec ardeur
à l'étude de la médecine et des sciences qui s'y
rattachent. Ses progrès furent rapides. Il n'était
pas resté étranger à l'histoire naturelle ; dès
le collège il en avait fait son délassement favori;
d'ailleurs il avait lu Goethe, et ce fut dans les
écrits du grand poète qu'il trouva plus tard le
germe de plusieurs de ses travaux scientifiques.
Millier prit part en 1820 au concours de l'uni-
versité de Bonn, et remporta le prix ; dans son
mémoire publié en 1823 (De respiratione fœ-
tus ; Bonn, in-4°), il se montra expérimentateur
aussi sagace qu'habile, et s'il ne résolut point
un des problèmes les plus ardus de la physio-
logie , il indiqua la marche à suivre pour ar-
river à la solution complète. A la fin de 1822 il
fut reçu docteur; le sujet qu'il traita à cette ot«
913
MULLER
914
casion fut la locomotion animale (De Phorono-
mia anima Hum; Bonn, in-4"). Dans cet écrit,
comme <lans le précédent , on retrouve l'adepte
delà philosophie de la nature, le disciple fervent
des doctrines de Schelling et d'Oken, qu'il ne
tarda pas à répudier de la manière la plus for-
melle. Dans aucun de ses ouvrages postérieurs
il n'a cité sa thèse de doctorat, qui en réalité
n'était qu'un jeu de l'esprit.
Appelé à Berlin pour y subir ses épreuves pro-
fessionnelles, Millier y séjourna pendant une année
et demie, et tout en suivant avec assiduité les
leçons philsophiques de Hegel, il s'adonnait à
! l'étude de l'anatomie comparée sous les auspices
! deRudolphi, qui mit à la disposition du jeune doc-
teur tous les moyens dont il pouvait disposer. A
cette époque se rattache l'insertion dans les Nova
Acta Natures Curiosorum (t. Xll) d'un travail
| incomplet sur le développement de certains in-
| sectes dans l'œuf. Lorsque Mùller revint à Bonn
L't824), il y ouvrit en qualité de prlval-docent
\ un cours d'anatomie et de physiologie. Traçant,
Jdans son discours d'ouverture, le portrait du
physiologiste tel qu'il le concevait, il le montra
i la fois physicien , chimiste , zoologiste , méde-
cin, érudit, et, tout en s'appuyant sur la base
ie l'observation et de l'expérience, s'élevant aux
iplus hautes spéculations métaphysiques. Il est
impossible de ne pas reconnaître que personne
n'a mieux que lui réalisé l'idéal qu'il se propo-
sait au début de sa carrière. Professeur extraor-
dinaire en 1826, il devint en 1830 professeur or-
idinaire et fut chargé d'enseigner l'encyclopédie
^médicale, l'anatomie comparée, la physiologie et
lia pathologie générale. Dans l'automne de 1832
à\ obtint la chaire d'anatomie de Berlin, vacante
)ar la mort de Rudolphi. Nommé recteur de
'université en 1847, il fut obligé de jouer le rôle
le modérateur dans les événements politiques
[le l'année suivante et de servir d'intermédiaire
pntre le pouvoir et les étudiants, dont il était
loin de partager les opinions. Sa santé, déjà
lébranlée par un labeur excessif, s'altéra sensi-
blement. En 1855 il faillit périr à bord d'un ba-
teau à vapeur qui coula à fond dans la mer Bal-
tique. Cet événement porta le dernier coup à sa
nature si vive et si impressionnable. Pour la
première fois, le travail lui devint pénible ; son
état s'aggrava, et le 28 avril 1858, au matin,
on le trouva mort dans sa chambre. La veille
il avait passé une partie de la journée au musée
eoologique à étudier les animaux infusoires.
Comme professeur, Mùller exerça une influence
incontestable en Allemagne ; parmi les savants
4ui tiennent à honneur d'avoir été ses élèves ,
aous rappellerons MM. Bischoff, Henle, Nasse,
schwann, Kœlliker, Dubois-Raymond , Reichert
et Virchow.
Aux travaux, de Mùller que nous avons déjà
"apportés nous ajouterons les- suivants, dont
luelques-uns, par la nouveauté des aperçus ou
•par l'importance des résultats, tiendront une
place considérable dans l'histoire de la science.
Citons d'abord les deux traités Sur les Halluci-
nation de la Vue (Uebcr die phantastischen
Gesichtserscheinungen) et Sur la Physiologie
comparée du sens de la Vue (Zur vergleichen-
den Physiologie der Gesichtssinnes), imprimés
l'un et l'autre en 1826, à Bonn. Mùller, qui avait
été, comme Gœthe, très-sujet dans son enfance
aux hallucinations de la vue, fut conduit par
une observation attentive à se convaincre qne
ces phénomènes ne sont pas des illusions des
sens excités par un état morbide, mais qu'il y a
réellement là des sensations. « Ce qui se passe
alors, dit-il, est l'inverse de ce qui a lieu pour
des phénomènes de vision ayant trait à des ob-
jets extérieurs : ici les parcelles de la rétine
sont conçues les unes à côté des autres dans an
état actif; là au contraire c'est une idée conçue
qui détermine les états de ces parcelles du nerf
optique. L'action que l'organe matériel de la vi-
sion, qui a de l'étendue dans l'espace, exerce sur
l'àme , et d'où résulte l'idée d'un objet ayant
lui-même de l'étendue, n'est pas moins surpre-
nante que l'idée d'un objet étendu sur l'organe,
de sorte que les hallucinations de la vue ne sont
pas plus en droit que la vision ordinaire de nous
causer de l'étonnement. »
L'étude de ce phénomène conduisit Mùller à
une théorie générale de la vision, théorie reposant
sur cette idée que la lumière et que les images co-
lorées sont produites par l'organe de la vue, aussi
bien dans la vision objective que dans la vision sub-
jective. Elle est nettement indiquée dans la Phy-
siologie du sens de la Vue, ouvrage qui étonne
par le nombre et la variété de connaissances de
toutes natures qu'il suppose chez son auteur. Après
avoir étudié en mathématicien lés conditions de
la vue simple avec deux yeux, il décrit, par une
série de dissections fort bien faites, les diverses
parties des yeux composés des insectes, dans les-
quels il trouve les éléments d'un appareil op-
tique construit d'après de tout autres principes
que celui de l'homme; puis il s'efforce de com-
battre l'idée généralement accréditée de l'achro-
matisme absolu de l'œil, expose les variétés du
strabisme et recherche les conditions anatomiques
et physiologiques du regard et de ses diffé-
rentes expressions. Cette étude l'amena à for-
muler plus tard une théorie générale des- sen-
sations," fondée sur l'activité des organes des
sens. Chaque organe» et chacun des nerfs sen-
soriels qui est affecté à son service , possède,
selon lui, la propriété, lorsqu'il entre en jeu, de
déterminer en nous une sensation spéciale. II
n'existe aucune analogie, comme on l'a cru long-
temps, entre la sensation et la cause qui la dé-
termine. Dans la sensation on ne connaît direc-
tement qu'une seule chose, c'est l'état parti-
culier du système nerveux lorsqu'une cause
quelconque vient le mettre en action. Par con-
quent le son, la lumière, la chaleur, du moins
lorsqu'on emploie ces mots dans leur acception
915 MULLER
vulgaire, ne sont en réalité que des phénomènes idées nouvelles
9
physiologiques, que les créations mêmes des
nerfs. « Sans l'oreille vivante, dit Muller, il n'y
a point de son au monde, mais seulement des
vibrations. Sans l'œil vivant, il n'y a au monde
ni clarté, ni couleurs, ni obscurité, mais seule-
ment les oscillations d'une matière impondé-
rable, la lumière ou l'absence de celle-ci. » La
principale difficulté que présente cette théorie
originale, c'est de savoir comment, en réduisant
la sensation à n'être plus qu'une réaction du
système nerveux contre toute influence externe,
on arrive à la connaissance des phénomènes qui
se produisent en dehors de nous. C'est ce que
Muller n'explique pas d'une manière satisfai-
sante. Il est vrai que la difficulté appartient
moins à sa théorie qu'au sujet lui-même, qui
restera peut-être inexplicable.
Dans une série de mémoires importants, Mill-
ier compléta, par de nouvelles recherches, ses
études anatomiques et physiologiques sur les
organes de la vue et de l'ouïe dans les animaux
inférieurs, les crustacés, les mollusques, les
scorpions et les insectes, sur le système ner-
veux chez ces derniers ( Ueber die Métamor-
phose des Nervensystems in der Thierwelt,
dans les Archives de Meckel, 1829), sur les or-
ganes delà digestion (ibid., 1830), sur la forma-
tion des organes de la génération ( Dnsseldorf ,
1830, in-4°), sur les glandes ( De Glandularum
secernentium Structura penitiori earumque
prima formatione in homme atque anima-
libus; Leipzig, 1830, in- fol.). On regarde ce der-
nier travail comme l'un des ouvrages anatomi-
ques les plus remarquables dont aucune partie
de l'anatomie comparée ait été l'objet : il abonde
en découvertes de détail concernant la structure
de chaque glande en particulier dans chaque
classe du règne animal, structure qui était en-
core presque entièrement ignorée; ce qu'il y a
de plus neuf, c'est la recherche du type anato-
rnique d'après lequel les glandes ont été cons-
truites. La différence d'action des deux racines
des nerfs rachidiens fut pour Muller le sujet
d'observations intéressantes. Ses belles expé-
riences sur la composition du sang (Annales
de Poggendorff, 1833) et sur la lymphe ( Phi-
losophical Transactions, 1833, et Mêm. de
l'Acad. de Berlin, 1839 ) tranchèrent des ques-
tions discutées depuis longtemps..
L'un des principaux titreside ce savant à la ré-
putation que ses travaux lui ont donnée est son
Manuel de Physiologie (Handbnchder Physio-
logie des Menschen; Coblentz, 1833; 4ine édit.,
1841-1844, 2 vol. in- 8"; trad. en français par
M.Jourdan). C'est le premier ouvrage dans lequel
il soit question de physiologie comparée Ce qui en
constitue surtout le mérite", c'est la hardiesse et la
sûreté avec lesquelles l'auteur embrassedans une
vue d'ensemble tous les phénomènes de la vie; il
est peu de questions spéciales qu'il n'ait éclairées
par des observations nombreuses ou par des
Pour lui comme pour Stab
l'âme pensante n'est qu'une manifestation <
principe vital : il la considère comme une for
simple, et cependant divisible, qui existe à l'él
latent dans tout l'organisme , possédant chacu
des propriétés du principe vital et en différa
seulement en ce qu'elle ne peut se manifest
que dans le cerveau.
Les travaux de Muller sur l'anatomie comp
réeet la zoologie sont fort nombreux . Après C
vier et Meckel, il est peut-être le savant à qJ
l'on doit le plus de découvertes anatomique
Nous citerons, parmi ses mémoires, ceux quio
pour objet l'organisation des cécilies (Journ
de Tiedemann, 1830), celle des myxinoide
qui l'occupa huit années ( Mém. de l'Acad. <
Berlin, 1835 à 1843), celle des poissons (ibic i
1846), les organes extérieurs de la reproductif
dans les vertébrés (Archives de Muller, 183j|
Mém. de VAcad. de Berlin, 1836, 1838), la f \
mille des plagiostomes ( Systemalische B !
schreibung der Plaqiostomen ; Berlin, 183! !
1841,avecM. Henle), la structure microscopiqi
des tumeurs (Berlin, 1838; ouvr. inachevé),!
encrines et les astéries (Mém. de l'Acad-
1842, 1845), les larves et les métamorphosa
des ophiures et des oursins de mer (Berlii
1848, in-8°), le développement des échinoderiw
(Mém. de l'Acad., 1846, 1853), la synapW
grande espèce d'holothurie (ibid., 1852), certaii j
animauxfossi!es,lessew<7Zodo??.s(ibid., 1849), et
Dans les dernières années de sa vie, Muller o
oserva principalement les infusoires de la me
Enfin, il a fourni des articles à plusieurs recuei
scientifiques , et il a dirigé , après la mort (
Meckel, de 1834 à 1840, les Archives d'An at\
mie et de Physiologie, connues sous le noi ;
d'Archives de Muller.
Rodolphe Virchow, Johannes Millier; Berlin, 1858. ■
Camille Dareste, Jean Millier, ses travaux et ses doi
trines physiologiques ; dans lalievue germanique, fevrie |
avril et juin 1839 (excellent travail, dont la notice .qJ
précède est en grande partie extraite).
muller ( William-John) , peintre anglais
né en 1812, à Bristol, où il est mort, le 8 sep
tembre 1845. Il était fils d'un artiste allemand
conservateur du musée de Bristol. Après avoi
fréquenté l'atelier de J.-B. Pyne, il parcouru
l'Allemagne, la Suisse et l'Italie, et rapporta d
ce voyage d'admirables esquisses d'après na
ture. Le premier tableau qu'il exposa, un
Scène des bords du Rhin ( 1 836 J, attira pei
l'attention. En 1838 il visita la Grèce, passa ei
Egypte et remonta jusqu'au delà des cataracte.'
du Nil; en 1843 il se joignit à l'expédition di
sir Charles Fellows en Lycie. De cette époqui
datent ses meilleures compositions, telles que les
vues d'Athènes et de Memnon (1840); m
Cimetière à Smyrne, un Groupe de zingaris
musiciens, Rhodes, et des Marchands turcs
( 1845); elles sont remarquables par le ton poé-
tique, la fraîcheur du coloris et la vérité de l'ex-
pression. Muller était d'un caractère mélanco-
'■ 917
lique et sensible; il ressentit si vivement l'in-
différence de l'accueil qa'on lit à ses derniers
travaux qu'il en tomba malade; il mourut dans
■ toute la force de son talent, ayant trente-trois
ans à peine. On cite encore de lui un Marché
aux esclaves et La Haie de Naples ( 1841 ) ;
■ des Arabes cherchant un trésor et La Prière
au désert (1843). Jl est aussi l'autour d'un
i album intitulé Pwturesque sketches of the
âge of Francis /(Londres, 1841in-4°). Pou de
temps après sa mort, la vente de ses esquisses et
■ de quelques-unes de ses toiles a. produit la somme
i| considérable de 4,360 liv. (109,000 fl\): K.
The Enritish Ctjclopxdia \Biography\.
«mïjllew (Charles-Louis ), peintre fran-
'. çais, né à Parisr, le 27 décembre 1815. Fils d'un
j peintre en miniature, il étudia la peinture d'a-
j bord chez Gro3, ensuite chez M. Léon Cogniet.
• 11 n'avait que vingt-deux ans lorsqu'il exposa,
[ au Louvre, son premier tableau ayant pour
sujet Le Lendemain de Noël. Depuis lors il
a exécuté des tableaux d'histoire et des por-
traits qui ont paru aux divers salons. Habile à
; composer de grandes pages, à dessiner ses
\ figures , mais peu coloriste, il a reçu de nom-
breuses récompenses. De 1850 à 1853, il fut
chargé de la direction artistique de la manufac-
ture des Gobelins. Voici la liste de ses princi-
paux tableaux : Martyre de saint Barthé-
lémy, exposé au salon de 1838; — Jean-Sans-
Terre assassinant Arthur, comte de Bretagne,
salon de 1839; — Jésus transporté sur la
montagne par le démon, 1840; — Épisode du
massacre des Innocents, id.; — Combat des
Centaures et des Lapythes, 1843 ; — Entrée de
Jésus-Christ à Jérusalem : ce tableau, de très-
grande;, dimension, exposé au salon de 1844,
avait été commandé par le roi Louis-Philippe;
— Fanny, salon de 1845; — Le Sylphe en-
dormi, id. ; La Ronde de nuit, 1847 ; — Lady
'Macbeth, 1849 •• ce tableau est au Luxem-
bourg ; — Appel des dernières victimes de
la terreur ; ces victimes sont groupées autour
d'André Chénier; exposé au salon de 1850, en-
suite placé au musée du Luxembourg, ce tableau
fit aussi partie de l'exposition universelle de 1855 ;
— Vive l'empereur ( 30 mars 1814 )! Dans
cette composition, objet de nombreuses critiques,
le peintre s'est inspiré des vers de Méry pour
montrer :
« Tout un .fleuve vivant de glorieux blessés. »
— La reine Marie-Antoinette à la Concier-
gerie , salon de 1857 ; — Arrivée de la reine
d'Angleterre aupalais de Saint-Cloud, même
salon; — Proscription des jeunes Irlandaises
catholiques, salon de 1859. M. Muller a ré-
cemment exécuté dans la salle des États du
Louvre les figures du Travail, de La Religion,
de La Constitution,^ La Guerre, de La Paix,
de (harlemagne et de Napoléon 1er. i\ a ref,u
successivement les récompenses suivantes :
MULLER 918
| médaille de 3e classe en 1838, de 2e crasse en
I 184G, de ire classe eu 1848 et 1855; la croix
de la Lésion d'Honneur en 1849, et celle d'offi-
cier de l'ordre en 1859. G. de F.
Livrets des Expositions. — Documents particuliers
l Min. i.iji ( Wot/gang), médecin et poëlo
allemand, né à Kmnigswinter, le 5 mars 1816.
Muller joignit à son nom celui de Kœnigs-
winter pour se distinguer de ses nombreux
homonymes. Il étudia la médecine à Bonn,
Berlin et Paris, et exerça son art à Dusseldorf
et à Cologne. En 1848 il fit partie du parlement
de Francfort. Il commença à faire de petites poé-
sies dès ses premières années de gymnase, où il
eut pour protecteur l'illustre philosophe Fichte.
Il n'était encore que simple élève de rhétorique,
quand VAlmanach des Muses de Chamisso pu-
blia de ses articles. Plus tard , il fit paraître suc-
cessivement : — Junge Lieder ( Jeunes Chants);
Dusseldorf, 1841 ; — Balladen und Romanzen
(Ballades et Romances); ibid., 1842; — Die
Rheinfahrt ( Le Voyage sur le Rhin ) ; Franc-
fort, 1846; — Gedichte (Poésies), 1847; —
Germania , ein Satirisches Maerchen (Ger-
mania, conte satirique ); Francfort , 1848; —
Lorelei; Cologne, 1851 ; c'est une collection
des plus belles légendes du Rhin sous forme de
ballades; — Die Maikoeniginn ( La Reine de
Mai ), gracieuse et charmante histoire de village;
Stuttgard , 1852; — Prinz Minotewie, ein
Mitte sommerabendmaerchen ( Le Prince
Minnewie, conte de soirées d'été). Muller écrivit
aussi des historiettes en prose et en vers , ainsi
qne des articles de critique littéraire et artis-
tique dans différents journaux, entre autres dans
ta Chronique du Rhin, dans YAlbum des Ar-
tistes de Dusseldorf, dans le Musée Allemand,
dams la Gazette universelle , dans la Gazette
de Cologne , etc. En 1853 il s'occupait de deux
ouvrages, l'un, intitulé Dusseldorfer Kuen-
stler aus de» letzen fuenfundzwanzig Jah-
ren ( Artistes de Dusseldorf des vingt-cinq der-
nières années), et l'autre, lllustrirtes Rheih-
Imch ( Livre du Rhin illustré ). Il a encore pu-
blié, sous le titre de Bruederschaflslieder
( Chants de la fraternité), un recueil très-sym-
pathique à la France, et qui renferme quelques
traductions bien réussies de Béranger, entre au-
tres celles du Vieux Vagabond et de la Sainte
Alliance des Peuples. H. VVilmes.
Conv.-Lex. — Augsburger Allg. Zeitung du 2 mai
1857. — M. Nicolas, dans la Revue française du 10 fé-
vrier 1859.
* muller ( Frédéric-Max ) , orientaliste al-
lemand, né le 6 décembre 1823, à Dessau. Fils
du poète Guillaume Muller ( voy. ce nom ), il
étudia le sanscrit à Leipzig, à Berlin et à Paris.
En 1846 il se reniit en Angleterre pour y con-
sulter les manuscrits du Rigveda ; un an après
il fût chargé par la Compagnie des Indes de pu-
blier cet ancien monument de la littérature in-
dienne. Depuis 1848 il habite Oxford; membre
9*9
MULLER
honoraire de l'université de cette ville, il y fait des
cours d'histoire littéraire et de grammaire com-
parée. On a de lui : The Languages of the seat
ofwar in the East ; Londres, 1855, in-8° ; —
Rigveda ; Oxford, 1849-1853, 2 vol., et Leipzig,
1853, avec traduction allemande et notes; —
une traduction de V Hitopadesa (Leipzig, 1844 ),
et du Megha-dûta de Kalidasa ( Kœnigsberg,
1847 ); — History of the Sanscrit Littérature ;
Oxford, 1858, traduit en allemand, Berlin, 1859
et 1860. Son mémoire inédit : On the compa-
rative Philology of the Indo-European Lan-
guages in its bearing on the earty civilisa-
tion of mankind, a obtenu en 1849 le prix
Volney. O.
Conversations- Lexihon.
JMiijLLËR ( Jean ) , Voy. Cadovius.
mullner ( Amédée - Godfroi - Adolphe ) ,
poëte allemand, né le 18 octobre 1774, à Lan-
gendorf, près Weissenfels , mort en ce dernier
lieu, le 11 juin 1829. Neveu du poëte Burger, il
fréquenta Y École des Princes , de Pforta , étudia
le droit à Leipzig , et embrassa la carrière d'a-
vocat à Weissenfels. Ce fut là qu'il publia le ro-
man anonyme, Vin ces te ( Greitz, 1799, 2 vol.).
Quelques années après, il se fit connaître par
des travaux de jurisprudence, entre autres par
Modestin's Sechzig Gedanken ( Les soixante
Pensées de Modestin ); Greiz, 1804. Il écrivit
pour le théâtre de Weissenfels des comédies
imitées du français. Il a aussi écrit les drames :
DieSchuld (Le Forfait) ; Leipzig, 1816; — Kœ-
nig Yngurd ( Le roi Yngurd ) ; ibid., 1817 ; —
Die Albaneserin ( L'Albanaise ) ; Stutlgard ,
1820; — Der Neunundzwanzigste Februar
( Le Vingt- neuf Février); Leipzig, 1812. On re-
marque dans les pièces de Mullner une grande
connaissance des hommes , mais peu de chaleur
de sentiment. De 1820 à 1825, il rédigea la
partie littéraire du Morgenblatt. En 1823, il
publia Hécate , et depuis 1825 Mitternachts-
blatt { Feuille de Minuit ). Mullner était un cri-
tique sévère , et se laissa très-souvent entraîner
à des personnalités, qui sont loin de pouvoir
être justifiées. Il fut impliqué dans une foule de
procès, qu'il sut du reste, pour la plupart, faire
tourner à son avantage. Il fit un recueil de ses
Œuvres mêlées ( Vermischte Schriften ) ; Stutt-
gard, 1824-1826; et de ses Œuvres drama-
tiques; Brunswick, 1828, 7 vol. Dans son der-
nier écrit, intitulé Meine Laemmer und ihre
Hirten ( Mes Agneaux et leurs Pasteurs ) , il
éclata en vifs reproches contre ses éditeurs ( Wol-
fenbuttel, 1829). H. W.
Conv.- Lexihon.
mullot ou mulot ( François-Valenlin ),
député et littérateur français , né le 29 octobre
1749, à Paris, où il est mort, le 9 juin 1804. A
seize ans il entra dans la congrégation des Cha-
noines réguliers de Saint-Victor, et y remplit
entre autres emplois ceux de bibliothécaire, de
professeur en théologie et de prieur. 11 fut im-
MULLOT 9
pliqué dans la fameuse affaire du collier; ni
on n'eut toutefois à lui reprocher autre chose q
d'avoir accordé, un peu à la légère, sa confianc
des intrigants de bas étage. Il embrassa avec j<
la cause de la révolution. En 1789 il fit par
de la commune provisoire de Paris, la prési
trois fois et fut maintenu dans l'organisati
définitive de cette assemblée en 1790, et fut al
nommé vice-précédentduconseil général. Il por
deux fois la parole au nom de la municipalité po
demander à la Constituante la qualité de citoye:
en faveur des juifs de Paris et pour présent
un travail sur les maisons de jeu. Son esprit <
conciliation le fit choisir par le roi pour rempli ;
avec Verninhac-Saint-Maur et Lescène des Ma '■
sons, les fonctions de médiateur entre les h;
bitants d'Avignon et ceux du comtat ( 1er ju
1791). Grâce aux efforts des commissaires, v.
traité de pacification intervint entre les partit
belligérantes. Après le départ de ses collègue
Mullot se retira à Courthezon, afin de surveillt
les menées des agitateurs , et fit quelques e>
cursions dans le comtat pour apaiser des troi
blés à L'Isle , à Cavaillon et à Sorgues ; il si
journa même quelque temps dans cette dernièi
localité avec un fort détachement de troupes
Lorsque éclata larévoltedu 16 octobre dans Av
gnon, il fut réduit à en être l'impuissant témoir
Le général Ferrier, qu'il requit de marcher su
la ville , s'y refusa , et la municipalité , pressé
vivement de faire cesser le carnage , lui répondi
que tout était tranquille. S'il ne put préveni
ni empêcher les massacres de la Glacière, i
apporta heaucoup d'empressement à recueilli
et à consoler les parents et amis des victimes
et transmit leurs réclamations au ministère
Bientôt rappelé sur sa demande, il vint prendrr
place à l'Assemblée législative, où il avait ét<
envoyé par la capitale. Il n'y joua qu'un rôk
effacé. Ainsi, après s'être justifié pleinement des
accusations qui lui étaient imputées et avoir si
gnalé comme un des fauteurs des troubles d'A-
vignon Rovère, son dénonciateur, il renouvela
sa motion contre les maisons de jeu et demanda
la suppression du costume ecclésiastique. In-
carcéré sous la terreur, il fit ensuite partie de
la commission des monuments, devint commis-
saire du directoire à Mayence et y enseigna les
belles-lettres. Il mourut subitement dans le jardin
des Tuileries, à l'âge de cinquante-cinq ans.
Pendant la révolution il s'était marié avec une
femme qui, dit-on, était depuis longtemps sa
maîtresse. Il appartenait à la société des théo-
philanthropes, et à plusieurs reprises il y prononça
des sermons pleins de vues honnêtes, mais écrits
d'un style lâche et incorrect. On a de lui : Es-
sais de sermons prêches à V hôtel- Dieu par
M*** , docteur en théologie ; Paris, 1781, in-12 ;
— Requête d'un vieil amateur de la biblio-
thèque de Saint-Victor à l'évéqiie d'Autun,
en vers; Paris, 17., in-8°; — Le Muséum de
Florence, gravé par David, avec des expli-
921 MULLOT -
cations françaises ; Paris , 1788-1795,6 vol.
fa-8°; — Rêve d'un pauvre moine; Paris,
1789; — Discours sur le serment civique;
1790, in-8° ; — Compte-rendu à l'Assemblée
nationale comme commissaire du roi à Avi-
gnon , avec supplément et correspondance
officielle; Paris, 1791, in-8°; — L'Almanach
ies Sons-Culottes ; Paris, 1794, in-18; ouvrage
lestiné, dit l'auteur, à rappeler ceux qui pre-
naient alors ce nom aux véritables principes de
a société ; — Réflexions sur l'état actuel de
'instruction publique; Paris, 179., in-8°; —
La Sagesse humaine, ou Arlequin Memnon,
tomédie mêlée de chants, en prose; Paris,
796, in-8°; — Joseph, ou la fin tragique
te marne Angot, bagatelle morale; Paris,
.. d., in-8°, en société avec Favart fils; — Mé-
moire sur l'étal actuel de nos bibliothèques ;
Jaris, 1797, in-8°; — Essai de Poésies légères;
'«îayence, 1798, in-8°; — Discours sur cette
uestion : Quelles sont les cérémonies à faire
mir les funérailles et le règlement à adopter
tour le lieu des sépulture? Paris , 1800,in-8° :
e discours a partagé le prix proposé par l'Ins-
itut. On doit encore à l'abbé Mullot la traduc-
ion des Odes d'Anacréon, des Amours de
Daphnis et Chloé de Lougus (1782), des Fa-
rtes de Lockman (1785), des notices biogra-
ihiques dans le Nouvel Almanach des Muses
t. II et III) , des hymnes et des discours pour
es fêtes républicaines , etc. P. L.
Bîogr. univ. et portât, des Contemp. — Rovère et Du-
rrat, Dénonciation d'un complot de l'abbé Mulot contre
e$ patriotes d'Avignon; Paris, 1791, ln-4°. — Barjavel,
tict. hist. du Pattclute.
*muloch ( Dinah-Maria ), femme de let-
res anglaise, née en 1826, à Stoke-sur-Trent ,
ans le comté de Stafford. A l'âge de vingt-trois
tas, elle publia, sous le voile de l'anonyme, un
soman, The Ogilvies (Londres, 1849, 3 vol.
tt-8° ) , qui produisit quelque sensation. Sans se
sommer davantage, elle donna depuis Olive
1850), The Head qf family (1851), Alice
-ïearmont (1851), The Agatka's Husband
1853), AviWion and other taies, Rhoda's
essons, Cola Monti , Bread upon the wa-
"ers, etc. K.
Sien and Women of the Time.
MiTi.READT ( William ), peintre anglais, né
in 1786, à Ennis, en Irlande. A quinze ans, il
réquenta les cours de l'académie des beaux-
rts, et renonça de bonne heure à la peinture
'histoire pour étudîer les maîtres flamands. Ses
iremiers travaux furent peuremarqués^l'excep-
ion toutefois de trois petites toiles, ayant pour
"jets Les Petits pécheurs (1813), Les Petits
agabonds (1815), et La Pêche interrompue
1816). A cette dernière date, il fut admis à l'A-
adémie , et depuis sa popularité n'a cessé de
;randir. Il serait difficile de donner une liste
omplète des productions de cet artiste, qui oc-
upe une place à part dans l'école anglaise, où.
n pourrait le ranger à côté de Wilkie; qu'il
MUMM1US
922
suffise de rappeler La Dernière auberge, Un
Beau temps, Le Passage du gué, qui se
trouvent à la Galerie nationale de Londres , La
Robe de noces, Le Sonnet, Ouvrez la bouche
et fermez les yeux, Le Billet intercepté, Le
Bout de l'oreille, Une Scène du Monde, etc.
JTJen of the Time.
I mulsant (Martial-Etienne ) , naturaliste
français, né le 2 mars 1797, àMarnard (Rhône).
Professeur d'histoire naturelle au lycée de Lyon,
il a écrit depuis 1830 plusieurs ouvrages rela-
tifs à cette science, tels que : Lettres à Julie
sur l'entomologie ( en prose et envers ), sui-
vies d'une description méthodique de la plus
grande partie des insectes de France; Lyon ,
1830-1831, 2 vol. in-8* , fig. ; on annonçait deux
autres volumes, qui n'ont pas paru; — Coins
d'Entomologie réduit en tableaux synopti-
ques ; Lyon, 1833, in-8°; — Histoire natu-
relle des Coléoptères de France; Paris, 1839-
1846, 4 livr. in-8°; — Species des Coléoptères ;
Paris, 1850-1851, gr. in-80; — Opuscules en-
tomologiques ; Paris, 1852-1855,in-8°; —Cours
élémentaire d'Histoire naturelle; Paris, 1856,
in-8°. M. Mulsant est employé à la bibliothèque
publique de Lyon, et il a fait insérer différents
mémoires dans le recueil de l'Académie des
Sciences de cette ville. P.
Llttér. françaite contemp.
MULTISCIU8 ( Arim), chroniqueur islandais,
né en 1067, mort en 1148. Il entra dans les
ordres, et exerça le saint ministère dans divers
lieux de l'Islande. Il a laissé une précieuse Chro-
nique de ce pays, de 870 jusqu'en 1134, impri-
mée à Skalholt, 1688 et 1716, in-8"; et à Co-
penhague, 1733, in-4°. O.
Werlanff , De Ario Multiscio . antlquitlimo Islando-
rum historico; Copenhague, 1808, ln-8°.
mummius (Lucius ), YAchaïque (Achaicus),
général romain, vivait vers le milieu du second
siècle avant J.-C. Fils d'un tribun, homme nou-
veau, il devint préteur en 154. Il eut pour pro-
vince l'Espagne ultérieure , où il éprouva d'a-
bord des revers ; il rétablit sa réputation par ses
victoires sur les Lusitaniens et les Blasto-Phé-
niciens, et triompha l'année suivante des Lusi-
taniens. Il fut élu consul en 146, et obtint la gloire
peu enviable de porter le dernier coup à la liberté
de la Grèce. La ligue achéenne, sous la conduite
de deux chefs violents et inhabiles, les préteurs
Critolaùset Diaeus, avait adopté une politique hos-
tile qui devait précipiter sa ruine. Q. Caecilius
Metellus Macedonicus , préteur en 148, avait
remporté plusieurs victoires sur les Achéens ;
mais par humanité et par respect pour le grand
nom de la Grèce , il n'avait pas poussé ses avan-
tages jusqu'au bout. Sa politique modérée trompa
les chefs achéens, qui se crurent capables de
tenir tête aux Romains et rassemblèrent une
armée sur l'isthme de Corinthe. Cette tentative
insensée n'eut pas même un commencement de
succès. Le consul Mummius arriva, renvoya son
S3ËI
MUMMIUS — MUMMOLIIS
924
prédécesseur Metellus, dispersa les troupes de
la ligue, levées à la hâte , incapables de tenir tête
aux légionnaires romains, et entra sans résistance
dans Corinthe, abandonnée par la garnison grec-
que et les principaux habitants. Mummius, con-
formément aux ordres du sénat, fit de cette ville
un terrible exemple. Corinthe, livrée au pillage
et à l'incendie, fut détruite de fond en comble et
les habitants vendus comme esclaves. Les tré-
sors de l'art et du luxe, qui depuis des siècles
s'accumulaient dans cette ville, devinrent la proie
de conquérants barbares, incapables d'en appré-
cier la valeur. L'historien Polybe, à la nouvelle
de la chute de Corinthe étant accouru d'Afrique,
pour adoucir s'il était possible le sort de ses
compatriotes, et qui fut le témoin impuissant de
leurs malheurs, rapporte avoir vu des soldats
romains jouer aux dés sur le célèbre tableau de
Bacckus par Aristide. Mummius vendit au roi
de Pergame les plus rares ouvrages de peinture,
sculpture et ciselure, recueillis dans le pillage,
et avertit les patrons des vaisseaux chargés de
les transporter à destination qu'ils seraient tenus
de remplacer par des équivalents les objets d'art
perdus ou dégradés en route. Il croyait naïve-
ment que l'on refaisait de pareils chefs-d'œuvre
à volonté. Ce trait d'ignorance est resté célèbre.
Mummius montra d'ailleurs plus de scrupules
que beaucoup d'autres généraux romains dans
des circonstances analogues ; il respecta tous les
objets consacrés à des usages religieux. Il ne
faudrait point juger de son administration par
l'acte terrible auquel son nom est resté attaché.
Chargé d'organiser sa conquête d'abord comme
consul', puis comme proconsul (146-145), il
gagna l'estime et la confiance des provinciaux
par son intégrité et sa justice. A son retour en
Italie, il obtint les honneurs du triomphe en 145.
Cette cérémonie forme une époque dans l'his-
toire des arts et de la culture littéraire à Rome.
En voyant étalés devant eux les chefs-d'œuvre
de la Grèce, les Romains commencèrent à com-
prendre et à imiter cette élégante civilisation,
et avec la culture extérieure ils prirent quelque
chose de l'esprit hellénique. Le vainqueur ne
garda rien des dépouilles de Corinthe, etconserva
dans sa demeure la sévère simplicité des temps
anciens. Mummius fut élu censeur en 142. Lui
et son collègue le second Scipion l'Africain s'en-
tendirent mal"; tandis que l'aimable et élégant
Scipion se montrait rigide à l'excès, le rustique
plébéien Mummius faisait voir une mollesse
singulière. Aussi Scipion, en sortant de charge,
déclara t-il qu'il aurait bien rempli ses fonctions
s'il avait eu un autre collègue , ou s'il n'en avait
pas eu du tout. Comme orateur Mummius ne
manquait pas de talent, quoique son langage se
ressentît de la rudesse de ses mœurs. Il mourut
pauvre, et ses filles furent dotées aux- frais de
l'État.
Spurius Mummius, frère du précédent, fut son
légat pendant la guerre de Corinthe (146-145).
Il était l'ami intime du second Scipion l'Africain,
En politique il avait des opinions contraires à
celles de son frère, et défendait le parti aristocra-
tique. Il fut un de ceux qui s'opposèrent à l'é- 1
tablissement des écoles de rhétorique à Rome.
Il composa des épîlres morales et satiriques, qui
existaient encore du temps de Cicéron. Y.
Polybe, III, 32; XL, 7, 8. 11. — Tile I.ive, Epit., 52. - I
Appicn, Pun., 135. — Dion Cassius, 81. — Florus, 11,
16. - Eutrope, IV, 14. — Valère Maxime, VI, 4; VII, 5.-1
Cicéron ( voy. Orelli, Onomasticon Tullianum). — Pline,
Hist. nat., XXXIV, 2; XXXV, 4, 10. — Uiodore, XXXI, ;
5. — Orose, V, 3. — Velleius, 1,12, 13; II, 128. — Tacite,
Ann-., XIV. 21. — Pausanias, VII, 12. — Strauon, VIII. - I
Athénée, IV, 1. — Zonaras, IX, 20-23.
MUMMOLïls(£,)mms),Gallo-Romain de nais-
sance, patrice du royaume de Bourgogne, tué j
en 585. Après la mort du patrice Amatus, tué |
dans une bataille contre les Lombards, Gontran,
roi des Bourguignons, éleva Mummolus au pa-
triciat. Le nouveau patrice, rassemblant en 572 ;
l'armée des Bourguignons, surprit dans une
forêt près d'Embrun les Lombards, qui étaient
rentrés dans les Gaules ; il en tua un grand
nombre et en envoya plusieurs autres prison-
niers à Gontran. En 576 il remporta une vic-
toire éclatante sur Didier, comte de Toulouse.
Mais ses succès ne le mirent pas à l'abri des
persécutions. Pour un motif inconnu, il fut
forcé de s'enfuir avec sa femme et ses enfants ,
et se réfugia dans Avignon, dont les Austrasiens
lui accordèrent le gouvernement, en 581. Les
nobles d'Austrasie croyaient trouver dans cet
énergique général un utile instrument. En effet
E. Mummolus, d'accord avec Gontran-Bozon,
trama un complot qui mettait en danger les
trônes de tous les princes mérovingiens. On'
trouvera des détails sur cette intrigue aux ar-
ticles Gontran, Gontran-Bozon, Gondovald;
nous ne rapporterons ici que ce qui est particu-
lier à Mummolus. Celui-ci en 584, de concert avec
Didier, comte de Toulouse et l'évêque Sagittaire,
fit venir près de lui à Avignon Gondovald, que
Gontran-Bozon avait rappelé de Constantinople
depuis 582. Gondovald, comme fils de Clotaire,
réclamait sa part de l'héritage paternel. 11 fut
proclamé roi d'Aquitaine à Brives en Limousin
( décembre 584 ) , et avec un corps de troupes
conduit par Mummolus il s'avança rapidement
jusqu'à la Charente. Presque toutes les villes
situées entre cette rivière et les Pyrénées lui
ouvrirent leurs portes. Mais la réconciliation de
Childebert avec le roi de Bourgogne Gontran, et
la défection deDidier, comte de Toulouse, mirent
fin au succès du prétendant. Mummolus et
Gondovald, reculant de la Charente sur la Dor-
dogne, de la Dordogne sur la Garonne, s'en-
fermèrent dans la cité de Comminges (cité des
Comènes ). Les généraux de Gontran en firent
le siège ; voyant qu'ils ne réussissaient pas par
la force, ils envoyèrent des messagers à Mummolus
et lui offrirent son pardon et cel'ui de ses adhérents
pourvu qu'il abandonnât Gondovald .Muûimolus,
dont la femme et les" enfants étaient tombés
m
MUMMOLUS — MUiNCH
926
m pouvoir de Gontran et qui craignait pour leur
rie, ne résista pas aux promesses de pardoir. Il'
ivra aux Bourguignons Gondovald, qui périt de
a main môme de Gontran-Bozon. Mummolus
•eçut peu après la peine de sa perfidie; il fut
. ué par l'ordre du roi Gontran. « Telle fut, dit
il. Henri Martin, la misérable fin d'un homme
[|ui avait sauvé la Bourgogne, et qui, dans un
s iècle moins ténébreux., eût compté peut-être
ntre les grands: noms de l'histoire. Mais il est
es temps où les dons du génie avortent obscu-
ément dans le chaos universel. Les prodigieuses
ichesses que Mummolus avait entassées dans
>s murs d'Avignon furent partagées entre les
ois Gontran et Childébert. Gontran donna pres-
; ue tout son lot aux pauvres et aux églises. On
I vait trouvé dans Avignon 250 talents d'argent
It plus de 30 talents d'or. On racontait que
: lummolus avait découvert un trésor enfoui
i ans des temps inconnus. »
| Grégoire de Tours, 1. III- VU. — Fauriel , Histoire de
I Gaule méridionale. — Sismondi, Histoire des bran-
lais, t. I. — Henri Martin , Histoire de France , t. II.
MON {Thomas), économiste anglais, vivait
ans la première moitié du dix-septième siècle,
'était un marchand de Londres, qui acquit de
•andes richesses en faisant le commerce avec
s peuples du Levant. Son habileté ou sa pro-
«té était bien connue, puisque Ferdinand Ier,
?and-duc de Toscane, lui prêta un jour 40,000
ouronnes sans intérêt pour l'aider dans une en-
eprise avec les Turcs. IJ est auteur d'un ou-
rage fort estimé , qui a pour titre England's.
'reasure by/oreign trade, or the Balance of
irforeign trade is the rnle of our treasure
Londres, 1664, in-8°). Ce traité fut édité par
on fils et réimprimé en 1669, 1698, 1700, 1713,
755 et 1856. On a quelque raison de lui attri-
uier A discourse of trade from England io
ke East Indies (Londres, 1621, in-4°), signé
is initiales T. M. D'après Mun, le moyen le plus
ir d'enrichir l'État , c'est de vendre plus que-
l'acheter à l'étranger. K.
Ilttacpherson, Annals of Commerce. — Mac-Culloch,
rinciples of political Economy.
mu. n a ri uegli aretusi ( Pellegrino)
it Pellegrino de Modène , peintre de l'école
e Modène , assassiné en 1523. Nous ignorons
époque de sa naissance, que Vasari et d'autres
xent à l'an 1509. Lanzi, au contraire, dit
u'en 1509, n'ayant encore reçu que les leçons
e son père Giovanni, Pellegrino peignit à Mo-
ène un tableau qui attestait un. véritable talent,
e fut peu de temps après, sans doute, qu'il se
«dit à Borne, où il prit place parmi les élèves
e Baphael, qui l'employa aux peintures des
ges du Vatican. En 1520 il retourna dans sa
litrie, où il ouvrit une académie et où , tant par
hi-même que par son élève Giulio Taraschi, il
it une grande influence sur l'école. Il peignit
ors pour les églises de Modène plusieurs ta-
eaux vantés par Vasari et Lanzi, mais qui ont
' sparu pour la plupart. De tous les élèves de
Baphael , il fut peut-être celui qui approcha le
plus de lui pour ses airs de tête, et par la grâce
des poses et du mouvement des ligures. Cet ar-
tiste eut une fin des plus malheureuses. Un de
ses fils ayant tué un de ses camarades dans une
querelle, Pellegrino à cette nouvelle accourt
pour le secourir et l'empêcher de tomber dans
les mains de la justice; il est rencontré par les
parents de la victime, qui, à défaut du meurtrier
qu'ils n'ont pu atteindre, tournent leur fureur
contre lui, et le massacrent. C'est à tort que Ti-
raboschi donne pour fils à Pellegrino Cesare
Munari , qui , d'après la date de sa mort , ne put
être que son petit-fils. E. B — n.
Vasari, Vite. — Lancilotto, Cronaca Modenese. —
Vedrlani, nie de' Piltori Modenesi. — Tiraboschi, No-
tizie deyli Artefici Modenesi. — Lanzi, Storia pittorica.
— Orlandi, Abbeccdarïo. — Pistolcsi, Descrizione di
lioma. — Sossaj, Modena descritta.
mcnari degli aretcsi (Cesare), dit
Cesare Aretusi , petit-fils du précédent, peintre
de l'école de Modène, né dans cette ville, mort
en 1612, à Bologne, où il avait obtenu le droit de
bourgeoisie. Habile coloriste et heureux imitateur
du Corrége, il manquait d'imagination; aussi
s'associa-t-il G.-B. Fîorini , chargé de composer
les tableaux et les fresques qu'il exécutait. Il re-
produisait avec une rare perfection les tableaux
des grands maîtres, et il se rendit célèbre par une
excellente copie des peintures du Corrége à Saint-
Jean de Parme. Il peignait j-le portrait avec un
rare talent, et le musée de Florence possède de
lui une belle tête de vieillard à barbe blanche.
E. B— n.
Tiraboschi,. Notizie degli Artefici Modenesi. — Lanzi,
Storia pittorica. — Gualandi, Tre Giorni in Bologna.
MUNATItrS PLANCUS. Voy. PLANCUS.
mûkch (Ernest- Hermann -Joseph de),
historien suisse, né à Bheinfelden, le 25 octobre
1798, mort dans cette ville, le 9 juin 1841. Après
avoir été greffier du tribunal de Rheinfelden, il
occupa pendant deux ans une place de profes-
seur à l'école cantonale d'Aarau , et fut chargé
en 1824 d'enseigner à Fribourg eu Brisgau les
sciences auxiliaires de l'histoire. Nommé en
1828 professeur d'histoire ecclésiastique et de
droit canon à Liège , il fut peu de temps après
appelé à La Haye comme bibliothécaire , emploi
qu'il remplit depuis 1831 à Stuttgard. D'abord
partisan de l'opinion libérale, il défendit plus tard
la politique absolutiste; en matière de religion,
il resta pendant toute sa vie fidèle aux idées de
Joseph II.. Ses ouvrages sont d'une lecture
agréable; mais ils manquent de critique. On a
de Miincn : Die Heerzûge des christtichen Eù-
ropas wider die Osmanen und die Versuche
der Griechen zur Freiheit (Les Expéditions
des Chrétiens contre les Osmanlis et les Tenta-
tives des Grecs pour conquérir leur liberté);
Bâle, 1822-1826, 5 vol.; — Die Schichsale der
alten und neuen Cortes in Spanien ( Histoire
des Cortès espagnoles anciennes et modernes);
Stuttgard, 1824-1827, 2 vol.; — Charitas Pir-
927
MUNCH — MUNCH-BELLINGHAUSEN
92S
kheimerfihre Sehwestern und Nïchten (Cha-
rité Piirkheimer, ses sœurs et ses nièces ) ; Nu-
remberg, 1826; — Grunclzilge der Geschichte.
des Repràsentativ- Systems in Portugal (Prin-
cipaux traits de l'histoire du système représen-
tatif en Portugal); Leipzig, 1827; — Kônig
Enzio (Le roi Enzio); Ludwigsbourg, 1827;
— Franz von Sïckingen's Thuten ( Les hauts
faits de François de Sickingen ) ; Stuttgard, 1 827-
1829, 3 vol.; — Vermischte historiche Schrif-
ten (Écrits historiques mêlés); Ludwigsbourg,
1828 ; — Geschichte des Hauses und Landes
Fùrstenberg (Histoire de la maison et du pays
de Furstenaberg ) ; Aix-la-Chapelle, 1829-1832,
3 vol.; — Geschichte des Hauses Nassau-
Oranien ( Histoire de la maison de Nassau-
Orange); Aix-la-Chapelle, 1831-1833, 3 vol.;
— Das Grossherzogthum Luxemburg in sei-
nen geschichtlichen und staatsrechtlichen
Beziehungen ( Le grand-duché de Luxembourg
étudié au point de vue de l'histoire et du droit
public); La Haye, 1831; — Erinnerungen
an ausgezeichnete Frauen Italiens (Souvenirs
de femmes distinguées de l'Italie); Aix-la-Cha-
pelle, 1831 ; — Volltstàndige Sammlung alté-
rer und neuerer Concordale ( Recueil complet
des Concordats anciens et modernes ) ; Leipzig,
1831-1833, 2 vol.; — Die Furstinnen des
Hauses Burgund-Œstreich in den Nieder-
landen ( Les princesses de la maison de Bour-
gogne-Autriche qui ont habité les Pays-Bas);
Leipzig, 1832, 2 vol.;— Allgemeine Geschichte
der neuesten Zeit (Histoire générale des temps
modernes); Leipzig, 1833-1835, 6 vol.; — His-
torisch-biographische Studien ( Études histo-
riques et biographiques ); Stuttgard, 1836,
2 vol.; — Erinnerungen und Studien eines
deutschen Gelehrten ( Souvenirs et Études d'un
Savant allemand ) ; Karlsruhe, 1836-1838,
3 vol.; autobiographie de l'auteur ; — Rômische
Zuslànde und katholische Kirchen/ragen
( État de Rome et Questions au sujet de l'Église
catholique); Stuttgard, 1838; — Paolo Sarpi
und sein Kamp/mit dent Curialismus und
Jesuilismus (Paolo Sarpi et sa lutte avec la
cour de Rome et le jésuitisme); Stuttgard,
1839; — Denkwûrdigkeiten zur politischen
Kirchen-und SUtengeschichte der drei letz-
ten Jahrhunderte (Choses mémorables de l'his-
toire politique, ecclésiastique et morale des trois
derniers siècles); Stuttgard, 1839; — Denk-
wûrdigkeiten zur Geschichte des Hauses Este
und Lothringen im 16 und 17 Jahrhundert
( Choses mémorables de l'histoire de la maison
d'Esté et de Lorraine aux seizième et dix-sep-
tième siècles ) ; Stuttgard, 1840; — Erinne-
rungen , Reisebilder und Phantasiegemàlde
( Souvenirs, Tableaux de Voyages et Fantaisies) ;
Stuttgard, 1841-1842, 2 vol. Munch a aussi
publié une édition des Œuvres de Ulric de Hut-
ten; Berlin, 1821-1825, 5 vol.; il a traduit en
allemand un Choix des écrits de ce célèbre pam-
phlétaire; Leipzig, 1822-1824, 3 vol. ; on lui
doit encore une édition des Epistolœ obscuro-
rum Virorum; Leipzig, 1827. O.
Conversations - Lexikon. — Neuer Nekrolog. der
Deutschen, t. XIX.
* munch ( Pierre-André) , historien et phi-
lologue norvégien , né à Christiania, le 15 dé-
cembre 1810. Fils du prévôt de la cathédrale de
Christiania, Edouard Munch, il s'appliqua, après
avoir terminé ses études de droit , à des re-
cherches, fécondes en résultats, sur les antiquités
des pays du Nord. En 1841 il fut nommé pro-
fesseur d'histoire à l'université de sa ville natale.
On a de lui : ISordmaendenes Gtidelsere (My-
thologie du Nord) ; Christiania, 1847 ; — Gram-
maire de l'ancien norvégien; ibid., 1847 et
1849; — Grammaire du Langage des Runes;
ibid., 1848; — Grammaire de la Langue Go-
thique ; ibid., 1848; — Historisk geographisk
Beskrivelse o'ver Kongerig et Norge i Midde-
lalderen (Description historique et géographique
des royaumes du Nord au moyen âge); ibid.,
1849; — Symboles ad historiam antiquiorem
rerum norvegicarum ; ibid., 1850; — Det
Norske-Folks Historié ( Histoire des Peuples
du Nord); ibid., 1853-1859, 3 vol. : les quatre
premiers chapitres de cet excellent ouvrage ont
été traduits en allemand par Claussen; Lubeck,
1853; — beaucoup de Mémoires importants
dans des recueils danois et norvégiens. Munch
a aussi édité le Codex diplomaticus monas-
terii Sancti-Michaelis ; Christiana, 1845; —
L'Ancienne Edda; Christiana, 1847; et, en
commun avec Keyser, le Norges gande Love ;
ibid., 1846-1849, 3 vol.
Son cousin germain, André Munch, né en 181 1,
s'est fait connaître par ses poésies lyriques, pu-
bliées en deux recueils ; Christiania, 1848 et
1850, et dont le fond comme la forme sont des
plus remarquables. On a encore de lui : Sorg
og Trust (Peine et Consolation); ibid., 1852; et
deux tragédies , qui ont été traduites en alle-
mand, Salomon de Caus et lord William
Russel. O.
Conversations-Lexikon.
*MÛXCH-BELLINGHACSEN(Z?d07iard-/oa-
chim, comte de ), homme d'État autrichien , né
à Vienne, en 1786. Entré de bonne heure dans
> l'administration autrichienne , il devint maire
de Prague; plus tard il fut un des principaux
négociateurs du traité sur la libre navigation sur
l'Elbe. Il sut peu à peu gagner la confiance du
prince de Metternich, qui l'envoya, en 1823, à
Francfort pour y représenter l'Autriche auprès
de la Diète germanique. Dans cette position il
exerça sur la vie politique de l'Allemagne une
influence aussi grande que funeste, par un gfand
nombre de mesures rétrogrades qu'il proposa ou
qu'il fit adopter par la diète. Nommé en 1841 mi-
nistre d'État, il se retira dans la vie privée en
1848.
Conversations-Lexikon.
0.
929
MUNCH-BELL1NGIIAUSEN — MUNCHHAUSEN
930
* MUNCII-BELLINCHACSEN (Éloi-Fran-
çois-Joseph, baron i>e), nev^u du précédent,
! poète dramatique allemand, né le 2 avril 1806,
ta Cracovie. Après avoir terminé ses études de
i droit , il entra dans l'administration autri-
chienne. Sur les conseils de son ancien précep-
teur Enk von der Burg, il commença en 1834 à
; écrire pour le théâtre. Ses pièces, qui parurent
d'abord sous le pseudonyme de Frédéric de
I Halm, eurent en Allemagne, pour la plupart, un
• grand retentissement. Nommé en 1 840 conseil-
: 1er de régence, il abandonna, cinq ans après, la
carrière politique, où le crédit de son oncle lui
; assurait un avancement rapide , pour accepter
l'emploi de conservateur de la bibliothèque de
if Vienne; depuis 1852 il est membre de l'Académie
! de cette ville. Voici la liste de ses pièces , qui
; sont presque toutes des tragédies : Griseldis,
i 1835 ; — Der Adept, 1836 ; — Camoëns, 1837 ;
' — lmelda Lambertazzi, 1838 ; — Ein mildes
I Urtheil (Un Jugement doux), 1840; — Kônig
l Wamba ( Le roi Wamba ) ; — Die Pfleyetochter
I (La Fille adoptive); — Kônig undBauer( Roi et
[Paysan), 1841: imité de LopedeVéga; — Der
[ Sohn der Wildniss ( Le Fils du Désert ), 1842 ;
[— Sampiero, 1844; — Verbot und Befehl
\ (Défense et Ordre), comédie ; — Maria de Mo-
\ lina, 1847; — Eïne Kôniginn (Une Reine);
; — Der Fechter von Ravenna (Le Gladiateur
'deRavenne), 1857; une traduction française
en a paru dans la Revue germanique (année
1858) : cette pièce excita en Allemagne un en-
thousiasme général, comme exprimant les aspi-
rations patriotiques de la nation. M. Mùnch-
Bellinghausen a aussi publié : Gedichte (Poésies);
Stuttgard, 1850; et Vienne, 1857. Plusieurs de
ces pièces sont très-belles; dans toutes la
forme ne laisse rien à désirer. Les Œuvres
littéraires de M. Mùnch-Bellinghausen ont été
réunies en 6 vol. in-8°; Vienne, 1856. On a
encore de lui : Veber die àlteren Sammlungen
spanischer Dramen ( Sur les plus anciens re-
cueils de drames espagnols); Vienne, 1852.
Jiilian Schmldt , Geschichte der deutschen Literatur
des neitnzehnten Jahrhunderts. — Saint-René Taillan-
dier, Histoire de la Jeune Allemagne.
mûnchhausen (1),( Gerlach- Adolphe, ba-
ron de ), homme d'État allemand, né le 14 oc-
tobre 1688, mort le 26 novembre 1770. Après
avoir été pendant plusieurs années conseiller à
la cour d'appel de Celle et avoir ensuite rempli
plusieurs missions importantes, il fut en 1728
nommé membre du conseil de régence de l'élec-
torat de Hanovre. En 1732, peu de temps après
la fondation de l'université de Gœttingue , il en
fut nommé curateur, emploi qu'il garda jusqu'à
sa mort et dans lequel il se montra le protecteur
le plus éclairé des lettres. Sous sa direction in-
telligente , cet établissement acquit bientôt une
très-haute réputation. Il fut encore chargé de
(t) Il était d'une très-ancienne famille, dont l'histoire
a été écrite par Trêve»-.
NOLV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XXXYI.
plusieurs négociations diplomatiques; en 1765
il fut nommé premier ministre; pendant son
administration le pays jouit d'une constante
prospérité. 0.
Piitter. Geschichte der Vniversitât Gôttinaen. — BOh-
raer, Parentale in memoriam Munchhusii (dans les
Opuscula academica de lleyne, t. 1 f. — lleyne. Orutio
in honorera Munchhusii (dans le t. 11 des Opuscula).—
Hirschlng, Handbuch.
mûnchhausen (Otton, baron de), agro-
nome allemand, de la même famille, que le pré-
cédent, né en 17 16, mort en 1774. Il est auteur
d'un recueil intitulé le Hausvater ( Le Père de
famille), Hanovre, 1765-1773, 6 vol. in-8°, et
qui a eu une grande influence sur les progrès de
I l'agriculture en Allemagne. O.
Hirsching, Handbuch.
mûnchhausen ( Jérôme -Charles - Frédé-
ric, baron de), fameux hâbleur allemand , de la
même famille que les précédents, né en 1720, à
Bodenwerderdans le Hanovre, mort en 1797. De
1737 à 1739,ilpritpart comme officier de cavalerie
aux campagnes des Russes contre les Turcs. De
retour dans son pays , il passa le reste de sa vie
à raconter ses aventures de guerre, en exagé-
rant d'année en année l'importance de son rôle
et ses hauts faits. Ces fanfaronnades furent re-
cueillies par L. Raspe, savant littérateur alle-
mand; il les publia à Londres, en 1735, sous le
titre de : Baron Munchhausen's Narrative of
his marvellous Travels and Campaigns in
Russia , en y joignant plusieurs aventures in-
croyables, extraites de divers ouvrages, tels que
les Facetix de Bebel, les Beliciee academicas de
Lange, etc. Ce livre eut le plus grand succès, et
fut réimprimé cinq fois en deux ans; Burger en
donna en 1786' une traduction allemande, dont
la seconde édition contient de notables addi-
tions , dues en partie à Lichtenberg. Une Suite
aux aventures de Mûnchhausen fut publiée par
Schnorr; Stendal, 1794-1800, 3 vol. Tels sont les
divers éléments d'où s'est formé le livre amu-
sant et populaire des Aventures du baron de
Mûnchhausen. O.
Elissen, Nachrichtûberden Preiherrn von Mûnchhau-
sen ( en tête de l'édition des Aventures, donnée à Berlin,
1849 ).
* mûnchhausen (Alexandre, baron de),
homme d'État allemand, parent du précédent, né
en 1813. Entré en 1836 dans l'administration
hanovrienne, il fut élu en 1841 membre de la pre-
mière chambre; en 1847 il devint conseiller de
cabinet. En octobre 1850 il fut mis à la têle
du ministère; il assista aux conférences de
Dresde , où il essayait de modérer les tendan-
ces ultra-réactionnaires des gouvernements alle-
mands. Peu de temps après, il défendit avec
énergie l'indépendance de son pays vis-à-vis de
la diète germanique , qui voulait faire révoquer
une loi sur les états provinciaux votée par les
chambres. A la fin de 1851, à l'avènement du
roi Georges V, il donna sa démission, et rentra
dans la vie privée. O.
Conversations - Lexikon.
30
931 MUNCZ —
Meniez (Jean), mathématicien allemand , né
à Blaubeuern, en Bavière, et mort en 1503, à
Vienne, où il était chanoine de la cathédrale de
Saint-Étienne. Il se livra à l'étude de l'astrono-
mie et de l'astroïogie (sciences à peu près syno-
nymes à la fin du quinzième siècle ), et il publia
quelques ouvrages qui paraissent avoir été alors
bien accueillis, mais qui sont aujourd'hui dans
l'oubli le plus complet. En voici les titres . Ta-
bula minutiorum super meridiano Budensi
Kalendarium astronomicum cum solitis in-
dicationibus (Vienne, s. d., in-fol.); — As-
trologica Operatio (Vienne, s. d., in-4°). G. B.
Denis , Histoire ( en allemand ) de l'Imprimerie à
Vienne, p. 111, 296, 301.
mundanella ( Luigi ), médecin italien, né à
Brescia, mort vers 1570. Il fut en grande répu-
tation en Italie vers 1540. Directeur du jardin
des plantes de Padoue, il se distingua par se»
connaissances en botanique; rien ne lui fit plus
d'honneur, selon Eloi, que d'avoir senti un des
premiers la préférence qu'on devait donner aux
ouvrages des médecins grecs sur ceux des
Arabes. On a de lui : Epistolœ médicinales
variarum qusestionum et locorum Galeni
difficiliorum expositionem continentes; liâle,
1538, 1543, 1556, in-4°; réimpr. à Venise et à
Lyon; —Dialogi médicinales X; Zurich, 1551,
in-4"; — Theatrum Galeni ;Bàle, 1551, 1568,
in-fol.; Cologne, 1587, in-fol.; c'est l'ouvrage le
plus estimé de l'auteur ; — Epistola ad José-
phum Valdanium; Padoue, 1567, in-8°. P.
Éloy, Dict. hist. de la Médecine.
munday (Anthonij ), littérateur anglais, né
en 1553, mort le 10 août 1633, à Londres. Il
passa une partie de sa vie à l'étranger ; il fit ses
études dans un des collèges de Rome, et fut un de
ceux qui dénoncèrent en 1582 un complot papiste
contre la reine Elisabeth. Dès 1579 il avait débuté
dans la carrière des lettres par un petit ouvrage
d'imagination intitulé : The Mlrror of Muta-
bilité, qui fut suivi d'un grand nombre de mor-
ceaux en vers ou en prose et de quelques traduc-
tions. Ces écrits n'offrent plus d'intérêt aujour-
d'hui. Il n'en est pas de même des pièces de
théâtre qu'il adonnées, au nombre d'une quin-
zaine; tout irrégulières qu'elles sont, elles of-
frent des scènes grotesques, des personnages
bizarres et des peintures pleines de vigueur et
d'entrain. Les suivantes ont été imprimées : The
Lownfalof Robert, earl of Huntingdon; et
The Death of Robert, earl of Huntingdon
(1601), The. Vidow's charm (1607), et The
finsts part of the Life ofsir John Oldcastle
(1600); cette dernière en collaboration avec
Drayton , Wilson et Hathwaye. P. L— y.
Collier, Hist. of English drumatic Poetry.
* mundt (Théodore), littérateur allemand,
néà Potsdam, le 19 septembre 1808. Après avoir
étudié à Berlin les belles-lettres, il vécut pen-
dant quelques années à Leipzig; il y écrivit des
nouvelles et des- articles de critique littéraire ,
;
MUNDT 93 I
dont la tendance se rattachait aux doctrines d
la Jeune Allemagne. Il parcourut ensuite un
grande partie de l'Europe; en 1839, il s'établ
à Berlin, et fut nommé plusieurs années plu
tard professeur à l'université de cette ville. Aj
pelé en 1 848 à la chaire de littérature général
à Bresiau, il devint en 1850 conservateu
de la bibliothèque de l'université de Berlii
« M. Th. Mundt, dit M. Saint-René Taillandiei
occupe une place considérable dans le mouvt
ment de la Jeune Allemagne; il est peut-être ave
M. Wienbarg le plus convaincu de tous ces écr
vains. Armé d'une sincérité véhémente qu
M. Gutzkow n'a jamais connue, porté vers un
direction sérieuse qui est interdite à M. Laube,
a représenté plus d'une fois avec éclat les ambi
tions de la jeunesse. Il a cru, comme M. Wieni
barg, à la régénération de l'Allemagne; comm>
lui, il a cherché ce qui manquait surtout à so
école, des principes nettement conçus, des idée
à défendre et qui les protégeraient eux-mêmes
Toutefois il y a eu plus d'ardeur que d'originalit
dans son esprit, et les idées, auxquelles il d<
mandait une action forte sur la société , n'étaienl
il faut le dire, ni très-neuves ni très--fécondes. C
que M. Mundt voulait surtout, «'était de réha
biliter, comme on dit, la matière, de justifier I,
chair et ses désirs. Voilà un nouveau reflet de
utopies qui tâchaient de se constituer en Franc
vers la même époque, et il est remarquable qu
les doctrines saint-simoniennes soient encore c
qu'il y a eu de plus clair dans ces théories de 1
Jeune Allemagne, dans ces systèmes si bruyam
ment annoncés et dont personne n'a jamais pi
découvrir le premier mot L'idée à la
quelle M. Mundt est le plus attaché, et qu'oi
retrouve dans tous ses écrits , n'est pas autr
chose que ce panthéisme à la fois mystique e
sensuel vers lequel les imaginations allemande
se laissent si aisément entraîner. » Les premier;
romans dé M. Mundt ne sont plus lisibles aui
jourd'hui ; ceux qu'il a écrits plus tard ne son
intéressants que partiellement. Mais il exceh
dans les portraits de personnages célèbi'es con
temporains et surfout dans les récits de voyage
« Quand il parcourt la France, l'Italie, la Suisse
dit encore M. Taillandier, quand il jette, à l'oc
casion des villes qu'il rencontre, des réflexion
vives, brillantes, hardies, on est entraîné pai
l'avidité curieuse de son intelligence. Ses opi
nions ne sont pas toujours irréprochables ; je ne
souscrirais pas à tous les jugements qu'il porte
je ne lui accorderais pas le coup d'reil d'un pu
bliciste; mais son ardeur est intéressante, et ii
y a là ce qui manque tant à M. Gutzkow et à
M. Laube, un cœur qui bat, une àme qui
cherche. » On a de Mundt : Madelon; Leipzig;
1832; — Das Duett (Le Duo); Berlin , 1832;
— Der Basilisk ; Leipzig, 1833-; — Moderne
Lebenswirren (Tourbillons de la vie moderne);
Leipzig, 1834; — Mndonna; Leipzig, 1835; —
Kunst der deutschen Prosa ( L'Art de la prose
►33
MUNDT — MUNK
934
.llemande); Berlin, 1837 et 1843 ; — Charakleren
\tnd Silualionen ; Leipzig, 1837,2 vol.; — Spa-
l;iert/ànge und Welt/ahrlen ( Promenades et
oyages); Altona, 1838-1840, 3 vol.; — Vôl-
'terschau auf Reiscn (Tableaux de Voyages);
,tuttgard, 1840; — Thomas M ùnzer ; Altona,
841 et ,1843, 3 vol.; — Geschichte der Lilera-
ur der Gegenivart ( Histoire de la Littérature
ontemporaine ) ; Berlin, 1842 et 1853; — Ge-
chichle der Gesellschaft (Histoire de la so-
ciété); Berlin, 1844, et Leipzig, 1856; — Car-
nota; Hanovre, 1844; — JEsthetik; Berlin,
i845 ; — Allgemeine Lileraturgeschichte
Histoire générale de la Littérature); Berlin,
i846, 3 vol.; — Die Gbtterwelt der alten
'olker (La Mythologie des anciens Peuples);
ierlin, 1846 et 1554; — Dramaturgie; Berlin,
1847 ; — Gesammtlte Schriften (Becueil d'ar-
icles); Leipzig, 1847, 2 vol.; — Mendoza,
ierlin, 1847, 2 vol.; — Staatsberedtsamkeit
er neueren Vôlker (L'Éloquence politique des
euples modernes); Berlin, 1848; — Die Ma-
adore ; Leipzig, 1850,2 vol.; — Macchiavelli ,
leipzig, 1851 et 1853; — Ein deutscher Herzog
Un Doc allemand); Leipzig, 1853; — Ge-
vhichte der deutschen Stànde (Histoire des
lasses de la société allemande); Berlin, 1854;
h- Der Kampf um du schwazze Meer (La
jUtte au sujet de la possession de la mer Noire) ;
Bfunswick, 1855; — Krim Girai; Berlin, 1855 ;
[- Pariser Kaiserskizzen (Esquisses du Paris
.impérial); Berlin, 1857, 2 vol.; — Grqf Mira-
veau; Berlin, 1858, 4 vol.; — Paris und Louis
Napoléon (Paris et Louis-Napoléon); Berlin,
858, 2 vol.; — Italiànische Zustànde (État
le l'Italie); Berlin, 1859. Mundt a aussi di-
igé plusieurs recueils périodiques , tels que
«s Dioskuren (Berlin, 1836-1837); Der Frei-
ïafen (Le Port franc); Altona, 1838; Del-
ohin; Altona, 1837-1838. Enfin il a publié di-
vers écrits politiques. O.
Convers.-Lexih.
* mundt ( Claire), connue aussi sous le nom
le Louise Muhlbach, romancière allemande,
femme du précédent, née à Neubrandebourg, le
l janvier 1814. Fille du conseiller aulique Mùl-
ier, elle épousa en 1839 le littérateur Mundt.
Douée d'une imagination féconde mais déréglée,
îlle a écrit un grand nombre de romans, rem-
plis, pour la plupart, de tableaux assez libres ; de
plus, ils abondent en digressions politiques, dic-
Itées par le radicalisme le plus outré. Mmc Mundt
là publié : Gluck und. Geld (Bonheur et Argent) ;
Altona, 1842, 2 vol. ; — Justin ; Lepzig, 1843;
[— Gisela; Altona, 184*;.— Eva; Berlin, 1844,
j.2 vol. ; — Nach der Hoehzeit (Après la noce) ;
(Leipzig, 1844, 2 vol.; — Novellen; Leipzig,
1845; — Ein Roman in Berlin (UnBoman à
, Berlin ) ; Berlin, 1846, 3 vol. ; — Hofgeschichten
[(Histoires de Cour); Berlin 184?,. 3 vol.; —
[Die Tochter einer Kaiserln (La Fille d'une [m-
jpératrice) ; Berlin, 1848, 2 vol. , — Aphra Besn ;
Berlin, 1849, 3 vol.; — Johann Gotzkowsky ;
Berlin, 1850, 3 vol. ; — Friedrich der Grosse
und sein Hof, Berlin, 1853, 1857 et 1858,
3 vol.; — Welt und Biihr,e (Le Monde et le
Théâtre); Berlin, 1854, 2 vol.; — Berlin und
Sanssouci; Berlin, 1854, 4 vol.; — Hislori-
sches Bilderbuch (Album historique); Berlin,
1855, 2 vol. ; — Kôniginn Hortense (La reine
Hortense) ; Berlin, 1856 et 1857, 2 vol.; — His-
torische Charakterbilder (Caractères histo-
riques); Berlin, 1857, 2 vol.; — Kaiser Jo-
seph Il und sein Hof (L'empereur Joseph II
et sa cour); Berlin, 1857, 12 vol.; — Kônig
Heinrich VIII und sein Hof (Le roi Henri VIII
et sa Cour) ; Berlin, 1858, 2 vol.; — Napoléon
in Deutschland (Napoléon en Allemagne) ; Ber-
lin, 1858, 12 vol. O.
Conversations- Lexilton.
Mungo paiïr. Voy. Park.
munier (Etienne), ingénieur français, né
le 7 décembre 1732, à Vesoul, mort le 17 sep-
tembre 1820, à Angoulême. Après avoir passé
trois ans à l'école des ponts et chaussées sous la
direction de Perronet, il fut envoyé comme in-
génieur à Angoulême, où il resta jusqu'en 1786.
Nommé à cette date ingénieur en chef, il en
exerça les fonctions à Paris, puis à Angoulême.
En 1809, il prit sa retraite. On a de lui : Essai
d'une Méthode générale propre à étendre les
connaissances des voyageurs; Paris, 1779,
2 vol. in-8°; c'est un recueil d'observations re-
latives à l'histoire, à la répartition des impôts,
au commerce, aux sciences, aux arts et à la
culture des terres; — Nouvelle Géographie,
contenant un précis historique de V origine
des divers peuples ; Paris, an XI (18Q3), 2 vol.
m-8° ; — Observations sur les dix-neuj ar-
ticles proposés à V examen des cultivateurs
par la Société impériale d' Agriculture de la
Seine; Angoulême, 1813, in-4° : mémoire auquel
cette société avait en 1812 décerné une médaille
d'or. P. L.
Mahul, Annuaire nécrologique, 1822.
MUNK (Han), navigateur danois, né vers
1589, mort sur l'océan Glacial arctique, le 3 juin
1628.11 possédait la réputation d'un habile ma-
rin, lorsque après une expédition sans succès de
Bobert Fotherby, il fut chargé en 1619, par le
roi de Danemark, Christian IV, de faire des dé-
couvertes dans le nord et surtout d'y chercher
un passage au nord-ouest pour arriver aux
Indes. Il devait essayer de rejoindre le Groen-
land oriental, en faisant le tour du pôle arc-
tique. Munk partit avec deux bâtiments montés
par soixante quatre hommes d'équipage II re-
monta le détroit de Davis, et pénétra dans la
baie d'Hudson. Cédant à une manie commune
à beaucoup de navigateurs , il changea tous les
noms de cette partie du globe. C'est ainsi qu'il
appela la baie de Baffin et les autres eaux qui
baignent le Groenland mare Christianeum et
débaptisa toutes les îles reconnues par ses de-
30.
935
MUNK. —
vanciers. Il hiverna dans le Chesterfield-Inlet(l),
qu'il nomma Havre d'hiver de Munk, et recon-
nut les terres environnantes, auxquelles il im-
posa la dénomination de Nouveau Danemark.
Il avait fait construire des cabanes pour lui et
ses hommes, et, le gibier abondant, il passa plu-
sieurs semaines à l'abri de la famine. Mais tout
à coup le froid prit une intensité rare, même dans
ces parages. La bière, le vin, l'eau-de-vie ge-
lèrent dans les tonneaux,qu'ils firent éclater. Les
animaux disparurent, le biscuit et les autres
provisions s'épuisèrent, et pour comble de mal-
heur, le scorbut atteignit presque tous les com-
pagnons de Munk. Lorsqu'au printemps les oi-
seaux revinrent, les navigateurs se trouvaient si
affaiblis qu'aucun d'eux ne put profiter des res-
sources que leur offraient d'innombrables troupes
de canards et de perdrix qui voltigeaient autour
d'eux. Soumis au supplice de Tantale, ceux que
la famine et la maladie avaient épargnés mirent
eux-mêmes un terme à leurs souffrances. Munk,
testé seul dans sa hutte, et torturé par la faim,
tenta un dernier effort; il se traîna jusqu'à une
cabane voisine, où il trouva deux de ses marins
qui luttaient encore contre la mort. Ils s'encou-
ragèrent mutuellement, et, écartant la neige , ils
trouvèrent des racines, qu'ils mangèrent. Ranimés
par ces débris de végétaux, au bout de quelques
jours, ils purent prendre des oiseaux et des
poissons. Ils parvinrent à réparer leur plus petit
bâtiment, mirent à la voile, repassèrent le dé-
troit d'Hudson, et après une traversée toute
providentielle, atterrirent en Norvège, le 25 sep-
tembre 1620. Des soixante-quatre hommes que
Munk avait emmenés avec lui, il n'en ramena
que deux (2).
Il sollicita aussitôt le commandement d'une
nouvelle expédition. Ses aventures avaient excité
un vif intérêt. Sa demande fut accueillie avec
empressement; une souscription fut ouverte et
dépassa bientôt te chiffre des dépenses néces-
saires pour l'entreprise. Dans une dernière au-
dience, Christian IV lui recommanda plus de
prudence que dans son précédent voyage et pa-
rut l'accuser de la mort de ses compagnons.
Munk répliqua avec une telle vivacité que le rot,
oubliant toute dignité , le frappa de sa canne.
Cet outrage fut morter pour le marin, qui s'em-
barqua le cœur brisé par la honte et la colère. Il
mourut en mer peu de temps après, sani avoir
fait de nouvelles découvertes. Il a laissé la re-
lation de son premier voyage ; Copenhague ,
1623, in-4°. Dans ses deux expéditions Munk
(1) Grand golfe de la mer d'nudson.qui s'avance à qua-
rante kit. dans les terres septentrionales de la Nouvelle-
Galles, du Nord ( New If aies ou TV est-Main).
(2) On a accusé Munk et ses deux compagnons de s'être
nourris des cadavres de leurs camarades plus faibles, du-
rant la traversée qu Ils avalent à faire pour regagner leur
pairie, traversée qut paraît Impossible, à trois hommes
épuisés, sur une mer aussi orageuse, aussi difficile que l'o-
céan Arctique. Rien n'a prouvé pourtant cette d'antropo-
phagie, rendu au surplus presqu'excus:ible parla détresse
Inouïe où se trouvaient ces malheureux.
MLLNNICH 93
ne parait pas avoir dépassé le 69° de lat. non
A. de L.
Frédéric Lacroix, Régions circompolaires dans L'Cn
vers Pittoresque.
*mcnk (Salomon), savant orientaliste allt
mand, né en 1802, à Glogau. D'origine juiv*
il étudia à -Berlin et à Bonn la .philosophie
les langues orientales, auxquelles il s'initia pk
amplement à Paris, sous des maîtres tels qt
Sacy et Chézy. Nommé, en 1840, un des conse
vateurs des manuscrits orientaux à la Biblic
thèque impériale de Paris, il fit en cette ann< I
un voyage en Egypte, d'où il rapporta plusieui
précieux manuscrits arabes. *La faiblesse crois
santé de sa vue l'obligea, en 1852, de résigner !
place à la Bibliothèque. M. Munk a été élu en 186
membre de l'Académie des Inscriptions en rem
placement de Le Bas. On a de lui : Réflexions su \
le Culte des anciens Hébreux dans ses rap
ports avec les autres cultes de V antiquité
Paris, 1833; — Notice sur Eabbi Saadi
Gaon; Paris, 1838 : reproduit dans le lome I
âe\a Bible deCahen; — Commentaire de Rabl
Tan' houm de Jérusalem sur le livre de Hc
bakkouk, publié en arabe, avec traduction
française et notes; Paris, 1843, in8°; — Pa>
lestine; Pans, 1848, dans la collection de VUm
vers pittoresque, publiée j>ar MM. Fiimin D:
dot ; — La Philosophie chez les Juifs ; Paris
1848, in-8° ; — Notice sur Aboul- Walid-Mei
wan; Paris, 1851 ; — Mélanges de Philosvphi
juive et arabe, renfermant des extraits de L
Source de vie d'Ibn-Gebirol, traduits en fran
çais, avec un mémoire sur la vie et les écrit
d'ibn- Gebirol et des notices sur les principau:.
philosophes arabes; Paris, 1857-1859, 2 par
ties,in-8°. Dans le Journal Asiatique, M. Muni
a publié entre autres : Notice sur Joseph ben
Jehouda, disciple de Maïmonide; — Mé
moire sur une inscription phénicienne dé
couverte à Marseille; — Notice sur le gram'
mairien Juda ben-Djannah, connu sous h
nom d'Abouwalid, et sur d'autres grammairiens
juifs antérieurs au dixième siècle. M. Munk
aussi inséré beaucoup d'articles dans le Diction-
naire des sciences philosophiques et dam
le Dictionnaire,, de la Conversation. Enfin, i
a fait paraître- une édition de la première partie
du More néboruhim de Maïmonide, avec une
traduction française et des notes; Paris, 1856.
in-8°. O.
Conversations- Lexikon.
MÏiixiCH ( Burcavd-Christophe, comte de),
célèbre général et homme d'État russe, d'origine
allemande, né le 20 mai 1683, à Neuhundorf près
d'Oldembourg, mort à Saint- Pétersbourg,le 16 oc-
tobre 1767. If était fils d'Antoine Gunther de
Mùnnich, gentilhomme qui, après avoir quitté k
servies danois avec lé grade de lieutenant-co-
lonel, avait été nommé inspecteur général des
digues des comtés d'Oldembourg et de Delmen-
horst. Sous la direction de son père, il étudia lé
i)37
MUNNICH
938
alin, le français, le» .mathématiques et l'art
les travaux hydrauliques. A l'âge de seize ans-,
\ l se rendit en France, où il obtint une place
i| l'ingénieur dans l'armée d'Alsace; mais peu de
eii)|is après, à la nouvelle qu'il aurait à corn-
us «ttreses compatriotes, il donna sa démission,
. '-, ^retourna dans son pays. Nommé en 1701 ca-
îjiitaine dans l'armée de Hesse Darmstadt, il as-
[i ista l'année suivante au siège de Landau. 11
i illa ensuite trouver son père, qui, devenu dans
k 'intervalle conseiller intime du prince d'Ostfrise,
il) ui fit donner l'emploi d'ingénieur en chef de ce
if iays. En 1706, entraîné par son gont pour la
Inierre, il reprit du service,dans l'armée du land-
! jrave de Hesse , qui allait rejoindre en Italie le
»>rince Eugène. Il reçut le grade de major de
J a garde à pied ; après avoir pris part à la ba-
il aille de Castiglione et à la prise de plusieurs for-
1 eresses, il passa en Flandre, assista à la bataille
I l'Oudenarde , et se trouva au siège des princi-
aies villes de ce pays. Il se distingua à Malplaquet
lit fut nommé lieutenant-colonel. En 1712 il fut
i )lessé à Denain et fait, prisonnier ; pendant sa
taptivité il fit la connaissance de Fénelon; il se
i)lut;. toujours à rappeler l'accueil que lui avait
,«éît fiflustre prélat. Rendu à la liberté en 1713,
Il reçut le grade de colonel. Pendant les années
suivantes, il dirigea la construction des écluses de
Darlshaven et du canal de Grabenstein. En 1716,
après la paix d'Utrecht, il entra dans l'armée d'Au-
guste II, électeur de Saxe et roi de Pologne,
iqui distingua bientôt ses talents et le nomma
général major et inspecteur général de l'armée
olonaise, et un peu plus tard commandant de
la garde, La confiance que lui accordait le roi
lui valut de la part du comte de Fleming une
^suite de tracasseries, qui le firent renoncer au
^service de Pologne. Pierre le Grand , auquel il
avait présenté un nouveau système de fortifica-
<tion§ , imaginé par lui, lui avait proposé la place
id'ingénieur général avec le grade de lieute-
nant général. Sur cette promesse, Miinnich se
rrendit, en février 1721, à Saint-Pétersbourg; son
f extérieur jeune et ses manières polies ne satis-
firent pas le czar, qur aimait à trouver dans un
militaire un air rébarbatif. Voulant éprouver les
connaissances de Mùnnich, Pierre le chargea de'
'dresser des plans pour les fortifications de Crons-
(tadt et de Riga; bien qu'il fût content du tra-
vail de Mûnnich, il hésitait encore, dans lacrainte
de froisser d'anciens généraux, à lui donner
: l'emploi qu'il lui avait fait offrir, lorsqu'un in-
cident secondaire l'y décida. Pierre désirait beau-
coup avoir le plan du beau clocher de l'église
Saint-Pierre de Riga , qui venait d'être consumé
i par le feu ; or il se trouva qu'il n'en existait
| qu'un seul , dessiné par Miinnich quelques jours
| avant l'incendie. Pierre le lui demanda et en ré-
compense lui fit accorder la patente si longtemps
attendue de lieutenant général.
En 1723 Miinnich reçut la mission de conti-
nuer les travaux commencés par Pisarew, le pro-
tégé de Mentzikoff, pour unir, par le grand canal
de Ladoga,1a Wolchowa à la Newa; sous sa di-
rection énergique et intelligente, cette œuvre,
où Pisarew avait apporté la plus grande négli-
gence, avança rapidement, à la grande satisfac-
tion du czar, qui dit à ce propos : « Je n'ai pas
encore eu à mon service un étranger qui, comme
Mùnnich, se soit entendu à concevoir de grandes
entreprises et à les exécuter ». Après la mort
de Pierre, Mùnnich sut se maintenir en crédit
malgré la haine que lui avait vouée Mentzikoff,
et avec l'aide des vingt-cinq mille travailleurs
mis à sa disposition , il poussa avec tant d'ar-
deur la confection du canal, que, le 12 juin 1728,
la navigation put y être ouverte. En récompense
de ce service, il fut créé comte, et reçut de
Pierre II les gouvernements de l'Ingrie, de la
Carélie et de la Finlande.
En 1730 à l'avènement d'Anna Iwanowna, Mùn-
nich entra tout à fait en faveur ; lui, Ostermann et
Biren se partageaient la confiance de la czarine,
qui le plaça à la tête de l'administration de la
guerre et le nomma général feld -maréchal de ses
armées. Il apporta dans l'organisation militaire
des changements importants et qui reçurent
l'approbation du prince Eugène ; entre autres, il
fonda une académie pour former de jeunes offi-
ciers. En 1732 il termina entièrement le canal
dé Ladoga; foute la cour assista à la pompeuse
inauguration de cette œuvre grandiose. L'in-
fluence croissante que Mùnnich exerçait sur les
affaires donna de l'ombrage à Ostermann , qui
sut habilement le rendre suspecta Biren, comme
un homme qui voulait capter pour lui seul la
faveur de la czarine. En réunissant leurs efforts,
ces deux ministres parvinrent à faire éloigner
leur rival; en 1734 Mùnnich fut chargé d'aller
presser le siège de Dantzig, ville qui s'était dé-
clarée pour Stanislas Leczinski, que la Russie
cherchait à exclure du trône de Pologne, même
par les armes. Ses mesures énergiques obtinrent
en peu de temps la reddition de la place; il pa-
cifia ensuite loute la Pologne, et lui fit recou->
naître pour roi le candidat russe , l'électeur de
Saxe.
En l'automne 1735, Mùnnich fut envoyé en
Ukraine pour prendre le commandement de l'ar-
mée qui devait combattre le khan tartare Kaplan
Gheraï. Après avoir fait, avec son activité accou-
tumée, tous ses préparatifs pour un vaste plan de
campagne , il investit, en mars 1736, la forteresse
d'Azof, et se mit ensuite en route avec l'armée
principale, forte de cinquante-quatre mille hom-
mes, pour conquérir la Crimée. L'entreprise
était des plus difficiles; il fallait traverser de
longues steppes arides, et cela au milieu des
attaques incessantes des Tartares, qui ne man-
quaient pas de profiter des embarras causés par
les quatre-vingt mille chariots, qui transpor-
taient les provisions calculées pour deux mois.
On arriva cependant sans trop d'encombre de-
vant l'isthme qui joint la presqu'île de Crimée
939
MUNNICH
0^
au continent. Là les Russes se trouvèrent arrêtés
par un profond fossé, protégé par six tours
garnies d'artillerie et par la forteresse de Pé-
récop. Mais par une fausse attaque, habilement
concertée, Mùnnich emporta facilement le fossé,
mit en déroute les Tartares consternés en
voyant tomber si vite les lignes qu'ils croyaient
imprenables, et deux jours après (30 mai), il
obtint la capitulation de Pérécop. Contrairement
à l'avis de ses généraux, qui, sous le prétexte
qu'on n'avait plus de vivres que pour huit jours,
demandaient qu'on s'établît dans un camp re-
tranché et qu'on fit ravager le pays par des
partisans, Miinnich résolut de s'avancer avec le
gros de l'armée, qui se mit en marche le 5 juin.
Les Tartares profitèrent des nombreux avan-
tages que leur offrait le terrain pour harceler
continuellement les Russes. Mùnnich chargea
alors le général Hein d'aller avec un fort dé-
tachement surprendre les ennemis dans leur
camp ; par suite de sa négligence , Hein échoua
dans sa mission. Miinnich , d'une sévérité in-
flexible sur ce qui tenait à la discipline, le lit
dégrader et le condamna à servir, sa vie durant,
comme simple dragon dans la milice. Cet acte
exaspéra les autres ^généraux déjà indisposés
contre les opérations de leur chef ; ils entretinrent
avec soin le mécontentement des soldats qui
commençaient à éprouver de grandes privations.
Mùnnich n'en persévéra pas moins dans son
projet, et après dix jours de fatigues, il arriva
à Koslow, principale place de commerce du
pays. Elle avait été abandonnée par les Tar-
tares; les Russes y firent un butin considérable,
et se virent de nouveau approvisionnés pour
longtemps. Ils continuèrent de marcher en
avant, et le 27 juin ils atteignirent le dangereux
défilé, situé devant Baktschï-Saraï, la belle ré-
sidence des Idians. Le soir, Miinnich, à la tète de
l'élitedeses soldats, pénétra sans avoir étéaperçu
jusqu'au camp des Tartares et les mit bientôt en
pleine déroute. La ville fut pillée et ensuite en-
tièrement brûlée ainsi que Ak-Metschet, aujour-
d'hui Simphéropol. Malgté ces brillants succès,
les troupes murmuraient de nouveau contre
leur chef, qui s'apprêtait à marcher sur Kaffa ;
les chaleurs excessives avaient causé de graves
maladies, dont le tiers de l'armée était atteint.
Le prince de Hesse-Hombourg r un des géné-
raux les plus hostiles à Miinnich, envoya se-
crètement à Bhen une lettre où il rendait le
feldmaréchal responsable des souffrances des
soldats, qu'il dépeignait sous les plus sombres
couleurs. La cour ne donna aucune suite à cette
dénonciation ; mais Mùnnich recula de lui-même
devant la sourde colère de l'armée, et reprit le
chemin de la Russie , après avoir détruit les li-
gnes de Pérécop. La campagne avait coûté trente
mille hommes ; mais elle avait été des plus glo-
rieuses. Mùnnich , dont les lieutenants avaient
pris A/of et, Kinburn , fut récompensé par un
don de terres considérable, et fut chargé de
tout préparer pour continuer la guerre à outranc
Ne voulant pas affaiblir son armée , il fit rejet
la demande de l'Autriche, qui, étant aussi entre
en lutte avec les Turcs, désirait qu'un eor|
auxiliaire russe fût envoyé en Hongrie. I
6 mai 1737, il passa le Dnieper aTec soixanfc
dix mille hommes, et le 10 juillet, après avo
longtemps trompé l'ennemi sur le but de
marche , il atteignit la forte place d'Oczakov
défendue par vingt mille hommes et cent bouchi
à feu. Par la négligence du prince Trnbetzko
les Russes manquaient de plusieurs parties e
sentielles du maiériel de siège, que Mûnnic
avait ordonné d'amener par le Dnieper. Dar
cette position critique, Mùnnich ne désespéi
pas; après avoir vigoureusement repoussé un
sortie de la garnison, il cerna la ville, et la f
bombarder sans relâche; ,1e lendemain déjà
tenta l'assaut. Quoique dépourvus d'échelles
les Russes, animés par leur intrépide chef, es
sayèrent pendant deux heures, mais en vain, d
pénétrer dans le chemin couvert; à la fin ils s
retirèrent précipitamment dans les redoute
qu'ils avaient occupées la veille. Si à ce momen
les Turcs avaient profité du désordre de leur
ennemis, ils auraient pu leur faire éprouver un
cruelle défaite; mais ils étaient préoccupés de
; progrès de l'incendie allumé par les bombes. Ai
moment où Mùnnich, ayant rallié ses troupes
les ramenait devant le fossé , un terrible fracai
se fit entendre; le grand magasin de poudre ve-
nait de sauter : plus de six mille hommes fu-
rent ensevelis sous les décombres ; une grandf
partie de la ville était détruite. Sans cet inci-
dent, qui amena immédiatement la reddition d(
Ta place, l'empressement du Mùnnich à com-
mencer le siège , avec de trop faibles moyens,
aurait pu compromettre toute la campagne; c'est
au moins l'avis du général Manstein , qui, dans
ses Mémoires, donne sur la prise d'Oezakow de
curieux détails, qu'il tenait de la bouche du
maréchal Lœwéndal, présent à cette affaire
D'un autre côté, il faut dire qu'en ordonnant
cet assaut, d'une témérité presque folle et auquel
les Turcs ne pouvaient s'attendre , Mùnnich se
mit à l'abri du jeu des mines, dont l'ennemi
avait remis l'achèvement au lendemain. Mùn-
nich fit immédiatement réparer et agrandir
les fortifications de la ville ; il y laissa une forte
garnison sous le commandement de Stal'feln, et
revint en Ukraine, où il fut rejoint par Lascy,
qui, d'après ses ordres, avait de nouveau dévasté
la Crimée.
Bien que sa mésintelligence avec la cour de
Vienne fût très-grande, il refusa d'appuyer les
propositions avantageuses du divan pour une
paix séparée. En 1738 il s'avança avec cinquante-
cinq mille hommes au delà du Bog, et arriva au
commencementd'août, après unemarche pénible;
aux bords du Dniester. Mais il trouva en face de
lui l'armée turque forlement retranchée sur la
rive opposée du fleuve; malgré toute 3a bravoure,
|941
il n'osa pas tenter le passage, d'autant moins que
son armée avait été très-fatiguée par les attaques
incessantes des Tartares. Cependant, à l'instiga-
tion de l'Autriche, la czarine lui lit intimer
l'ordre de traverser le Dniester, et de s'emparer
de Bemïer ou de Choczim. Mais sur l'avis una-
nime de son conseil de guerre, que môme en
sacrifiant la moitié de l'armée on ne pouvait es-
pérer un succès, il rentra en Ukraine; il y trouva
i la garnison laissée par lui à Oczakow, qui, après
avoir repoussé victorieusement une attaque for-
\ midable des Turcs, avait été obligée par la peste
d'évacuer cette place. Ce ne fut que par suite
des excellentes dispositions de Mùnnich que l'é-
j pidémie, qui avait suivi les Russes, fut promp-
tement arrêtée.
Décidé à réparer cette suite d'échecs, Mùnnich
reprit l'offensive l'année suivante ; il traversa
avec soixante-cinq mille hommes une grande
partie de la Pologne, sans s'inquiéter de la neu-
tralité de ce pays; le 29 juillet il arriva sur les
bords du Dniester, avec vingt mille hommes,
qui, débarassés de tout bagage, avaient pris l'a-
vance sur le reste de l'armée. Il s'établit immé-
diatement sur l'autre rive, où il fut rejoint, le 10
août, par ses autres troupes. Il s'avança alors sur
la Moldavie, résolu de venger l'affront que vingt-
huit ans auparavant les armes russes y avaient
subi. Le séraskier Vely-Pacba, envoyé à sa
rencontre avec quatre-vingt mille hommes , le
laissa pénétrer à travers les dangereux défilés de
Tzernanza, sans essayer même de l'arrêter ; son
plan était d'attirer les Russes le plus avant pos-
sible pour les détruire par la disette et des escar-
mouches continuelles. Cependant, cédantau désir
de ses troupes, il s'arrêta près du village deSta-
wutschane, prêt à accepter une bataille générale.
Retranché fortement sur une hauteur, il prittoutes
ses dispositions pour envelopper de toutes parts
l'armée ennemie. Mùnnich n'hésita pas à venir
l'attaquer malgré sa formidable position; cepen-
dant il ne se dissimulait pas qu'une défaite ren-
drait pleinement courage aux Suédois et aux Po-
lonais, qui ne demandaient qu'une occasion pour
se venger de l'oppression moscovite, et qu'il
tenait en ses rnains le sort de l'empire russe.
Aussi observa-t-il avec toute la perspicacité de
son coup d'oeil perçant, qui lui avait valu le sur-
nom de Faucon, les avantages qu'il pouvait tirer
du terrain ; il remarqua que le côté gauche du
camp turc n'avait pas été muni d'ouvrages, comme
étant défendu naturellement par le cours de la
Schulanetz et par des marais réputés impratica-
bles; c'est par là qu'il s'apprêta à aborder l'ennemi.
Le 28 août il commença, pour le tromper, une
fausse attaque sur la droite; mais vers midi il
se porta à la hâte avec toute son armée vers les
marais , qu'il fit combler à l'instant avec des ga-
bions, et des madriers; plus de vingt ponts furent
jetés sur- la Schulanetz; et les Russes attei-
gnirent le côlé non fortifié du camp, avant que
les Turcs, déconcertés, eussent songé à s'y oppo-
MUNNICH 942
ser. Gagnant de plus en plus du terrain, il re-
poussa, avec l'aide de son artillerie supérieure,
une attaque désespérée de vingt mille janissaires
accourus de l'aile droite. Ce succès détermina la
déroute des Turcs, qui abandonnèrent aux vain-
queurs un immense butin. Le lendemain Mùnnich
marcha sur Choczim, qui se rendit à la première
sommation. Il passa le Prutli, et fut Iwentôt maître
de toute la Moldavie. Tout à coup il se vit arrêté
au milieu de ses brillants succès par la paix hon-
teuse conclue par l'Autriche avec la Porte. Biren,
jaloux des glorieux exploits de Mùnnich, persuada
à la czarine que la Russie n'était pas en état de
porter seule le poids de la guerre ; et il fit ac-
cepter les conditions d'accommodement, très-dé-
savantageuses , offertes par le Divan. Les Russes
rendirent presque toutes leurs conquêtes et s'en-
gagèrent à ne pas tenir de vaisseaux sur la mer
Noire ni sur celle d'Azof. Si le fruit des victoires
éclatantes de Mùnnich, dont la gloire était de-
venue européenne , dut paraître minime, elles
n'en eurent pas moins le résultat immense d'a-
voir appris pour la première fois aux Russes à
mépriser la puissance ottomane, qu'ils avaient
jusqu'alors tant redoutée.
De retour à Saint-Pétersbourg, Mùnnich reçut,
entre autres marques de la reconnaissance d'Anne,
le commandement du régiment Préobraschenskoï,
fameux par le rôle qu'il a joué dans les révolu-
tions de palais. Lorsque, peu de temps après, il
fut consulté par la czarine mourante sur la ques-
tion de la régence pendant la minorité d'Ivan,
Mùnnich fut un de ceux qui opinèrent pour Biren ;
il espérait que le favori, n'ayant pas des goûts
militaires, le laisserait maître de l'armée; de
plus, il sentait que devant l'irritation croissante
du parti national russe, les étrangers, pour se
maintenir au pouvoir, devaient pour le moment
oublier leurs anciens ressentiments. Biren ne fut
pas aussi clairvoyant ; une fois investi de la ré-
gence, il laissa entrevoir qu'il ne cherchait qu'un
prétexte pour écarter Mùnnich de toute partici-
pation aux affaires. Mùnnich se rapprocha alors
de la princesse Anne, mère du jeune Ivan; il
se borna d'abord à aigrir son inimitié contre Bi-
ren, qui l'abreuvait elle et son mari , le duc de
Brunswick, de toutes sortes d'humiliations. Le 20
novembre (1740) au soir, il lui annonça subite-
ment qu'il était prêt à la débarrasser de la ty-
rannie du régent. D'abord stupéfaite d'une réso-
lution aussi soudaine, elle l'autorisa à agir en son
nom comme il l'entendrait. Il alla passer la soirée
chez Biren, et rentra se coucher à dix heures; à
deux heures du matin il se releva , manda son
aide-de-camp Manstein, et s'entendit avec lui
sur les mesures à prendre pour se saisir du ré-
gent. Il se rendit ensuite auprès de la prin-
cesse. Après qu'elle eut, à sa demande, donné
aux officiers de la garde l'ordre d'arrêter Biren,
il chargea Manstein de s'assurer de la personne
du régent, ce qui eut lieu sans difficulté, parce
que le régiment Préobraschenskoï, dont Mùnnich
943 MUNNICH
avait le commandement, était de garde ce jour-
là. Immédiatement Anne fut proclamée grande-
duchesse de Russie; le gouvernement fut remis
entre ses mains. « Mùnnich, dit l'auteur de La
Cour de, Russie il y a cent ans (Paris, 1858),
avait seul conçu et exécuté ce coup de main. Il
n'avait point eu de confident dans cette audacieuse
entreprise, où il risquait sa tête ; tout l'honneur
lui en revenait. Il ne tarda pas à s'apercevoir qu'il
n'avait travaillé que pour des ingrats. Le duc
de Brunswick, poussé par Ostermann, qui était
jaloux de la toute-puissance de Mùnnich et ne
pouvait s'accoutumer à l'idée d'avoir un supé-
rieur, dont les talents l'effaçaient , se plaignait
amèrement de n'avoir que le vain titre de gé-
néralissime, d'être peu consulté et considéré,
tandis que Mùnnich faisait tout et était en réa-
lité le véritable et l'unique chef de l'armée.
Finch, l'ambassadeur anglais, écrivait le 10 fé-
vrier 1741 : « Leprinceadit qu'il avait de grandes
obligations au feld-maréchal , mais qu'il ne s'en
suivait pas qu'il dût jouer le rôle de grand-vizir;
et, s'il continuait à n'écouter que son ambition
désordonnée et la violence naturelle de son ca-
ractère, il pourrait bien se perdre par sa propre
folie. » Quelques semaines après, moins de trois
mois après cette révolution , dont il avait été
l'unique artisan, Mùnnich était dépouillé de sa
place de premier ministre et de toutes ses
charges militaires : il tombait dans le néant, lui
qui depuis tant d'années avait été si puissant. »
Sa famille cependant ne fut pas enveloppée dans
sa disgrâce, et on le laissa même tranquillement
à Saint-Pétersbourg. Si la régente pouvait se
croire dispensée de reconnaissance envers lui ,
parce qu'il avait renversé Biren plutôt par am-
bition que par attachement pour elle, elle com-
mit néanmoins une faute en l'écartant des af-
faires ; avec sa vigilance prévoyante , il aurait
assurément empêché la princesse Elisabeth de
s'emparer du pouvoir, comme cela eut lieu peu
de temps après. Cette nouvelle révolution, qui
était le réveil de l'esprit national si longtemps
comprimé, mit fin au règne des étrangers, qui
avaient apporté en Russie la civilisation ; objet
de la haine populaire, ils furent les uns expulsés,
les autres jetés en prison. Mùnnich fut de ces
derniers; après une procédure inique, il fut con-
damné à être écartelé. Lorsqu'on le conduisit
au lieu du supplice , il montra , au rapport de
Finch, la contenance la plus ferme et la plus
insouciante , comme s'il eût été à la tête d'une
armée. Depuis le commencement du procès on
ne l'avait jamais vu témoigner la moindre
crainte ou inquiétude. Lorsqu'il fut arrivé de-
vant l'échafaud , on lui annonça qu'Elisabeth
commuait sa peine en un exil perpétuel. Il fut
transporté à Pélim en Sibérie, et il reçut pour
prison la maison qui avait été élevée sur ses
plans , dit-on , pour Biren. Ce dernier venait
d'être autorisé à quitter Pélim et à aller résider
à Jaroslaw. Les traîneaux des deux disgraciés
94i
se rencontrèrent dans un des faubourgs de Ka
san. Ils furent obligés de rester quelque temp
en présence au passage d'un pont. Biren etMùn
nich se reconnurent , et se saluèrent ; ils se se
parèrent sans s'être dit un mot. Mais que de
réflexions dut faire naître chez l'un et che:
l'autre cette courte entrevue. Mùnnich reste
pendant vingt ans en Sibérie, au milieu des plui
grandes privations, augmentées par l'avidité de
l'officier chargé de veiller à son entretien, et qui
gardait pour lui une partie de la somme, déjà
minime, destinée à cet effet. Il avait été accom
pagné par sa femme , son chapelain Martens el
quelques domestiques allemands. Sa distraction
était de cultiver un petit jardin; il s'occupait
aussi à rédiger plusieurs projets, potir améliorer
l'administration de l'empire ; il les envoya au
sénat. Les vaïwodes des provinces voisines, qui
en furent informés, commencèrent à le redouter,
comme s'il eût été gouverneur de Sibérie; il
mit à profit cette terreur salutaire, et en mena-
çant ces employés de les dénoncer à la cour, il
parvint à prévenir plus d'un abus. En 1762, à
l'événement de Pierre III, il fut rappelé de l'exil;
le czar lui fit l'accueil le plus bienveillant et lui
rendit son grade de général feld-maréchal.
Mùnnich,reconnaissant, fittous ses efforts pour
sauver ce malheureux prince, lors de la révolte
générale qui éclata contre lui peu de terrips après ;
mais ses sages conseils ne furent pas suivis. Ce
ne fut qne lorsque tout fut perdu que Mùnnich
alla se présenter devant la nouvelle souveraine
Catherine IL « Vous avez voulu combattre
contre moi », lui dit-elle. — « Oui, madame, ré-
pondit-il sans se troubler; pouvais-je moins
faire pour celui qui m'a délivré de ma capti-
vité. » Catherine eut assez de grandeur d'àme
pour ne pas lui faire un crime de sa fidélité à
son devoir; et elle lui témoigna constamment
la plus grande faveur. Elle aimait à le consulter
sur les grandes affaires; et il sut lui faire par-
tager son projet favori d'enlever à la Turquie ses
possessions en Europe. II dirigea aussi avec une
ardeur toute juvénile la construction d'un grand
port près de Revel ; mais il n'eut pas la joie d'a-
chever cette entreprise, qui fut- abandonnée peu
de temps après sa mort. Cet événement eut lieu
avant qu'il eût obtenu de Catherine l'autorisa-
tion de se retirer dans son pays natal , pour le-
quel il avait gardé une grande affection. Il y
possédait des terres considérables; dans sa
correspondance avec la personne chargée de les
administrer, il s'informait dur jardin où il avait
cultivé des roses et cueilli des groseilles, et if
rappelait avec plaisir les premières années de
sa jeunesse. « Mùnnich , a dit Frédéric le
Grand, avait les vertus et les vices des grands
capitaines; habile, entreprenant, heureux, mais
fier, superbe, ambitieux et quelquefois trop des-
potique, et sacrifiant la vie de ses soldats à sa
réputation. Lascy, Keith, Lœwendah! et d'autres
habiles généraux se formèrent à son école*. » 11
945
MUNNICH — MUNOZ
946
I rachetait en partie ses défauts par sa bienfai-
| sance, et par le soin qu'il prenait pour faire avan-
cer la culture des sciences et des lettres. « Si
Miinnich n'est pas un des enfants de l'empire de
Russie , dit Catherine II, il en est un des pères. »
Il a écrit une Ébauche pour donner une idée
de la forme du gouvernement de la Russie;
Copenhague, 1774, in-8°. E. Grégoire.
HaJem, Leben Mùnnichs ( dans Geschichte und l'oli-
jtiltie. Woltmann ; traduit en français; Paris, 1807 ). —
| Hempel, Leben Mùnnichs (Brème, 1742). — Rusching,
i Ueber Munnich (dans son Magazin, t. III et XVI). —
DOring, Russland Helden. — Rulbière, Anecdotes. —
Manstcin, Mémoires. — llaimncr, Histoire de l'Empire
Ottoman.
munniks (Jean), anatomiste hollandais, né
le 16 octobre 1652, à Utrecht, où il est mort, le
10 juin 1711. Fils d'un apothicaire, il s'adonna
à l'étude de la médecine, fut reçu docteur à
Utrecht, et professa dans l'université de cette
ville l'anatomie, la médecine et la botanique.
On a de lui : Tractahis de Urinis earumdem-
que inspectione ; Utrecht, 1674, 1683, in-12;
on a reproché à ce médecin, dans un libelle in-
titulé Uromanticus castratus, d'avoir tiré la
matière de cette dissertation d'un livre écrit en
français; — Chirurgia ad praxin 'hodiernam
adornala; Utrecht, 1689,in-4°; Francfort, 1691,
in-8°; Amst., 1715, in-4°; trad. en hollandais
■par Corneille Havardt (Utrecht, 1693, in-4°):
le but de l'auteur a été de réduire la chirurgie
en un meilleur ordre qu'on n'avait fait avant lui;
— De Re A nalomica liber ; \Jtrecht,l697 , in-12;
il y représente toute la structure du corps hu-
main, tant d'après ses propres observations que
d'après celles des meilleurs anatomistes. Mun-
iniks a encore publié des discours De prasstantia
rei herborise (1678), De utiliiate anatomix
(1680), De morte (1710), et il a eu part au
grand ouvrage d'Henri van Rheede, intitulé Hor-
tus Malabaricus (1683-1685, in-fol.). K.
Drakenborch , Séries Pro/essorum Trajectinorum. —
Paquot , Mémoires, XVI.
munniks ( Winold ), médecin hollandais, né
à Joure, en Frise, le 4 décembre 1744, mort le
8 septembre 1806. Après avoir appris les sciences
naturelles chez un pharmacien, il étudia la mé-
! decine à Groningue, où il suivit les cours de
Camper et de van Doeveren, et à Leyde, où il
profita de l'enseignement de van Royen et d'Al-
binus. Il fit ensuite un voyage en France pour
s'instruire auprès des savants de ce pays. Reçu
docteur en 1769, il fut deux ans après nommé
lecteur d'anatomie à Leyde, et fut appelé en 1773
à occuper la chaire devenue vacante par la démis-
sion de Camper, aux travaux duquel il prit une
part notable. Il était depuis 1780 correspondant
delà Société de Médecine de Paris, qui couronna
son Mémoire sur les abus à réformer dans
Véducation physique en France. On à encore
de lui : De Lue Venerea ejusque prxcipuis
auxdiis; Leyde, 1769, in-4°. O.
.T. Munniks, Biographie de IF". Munniks (Groningue,
1812, in-8° ).
munoz (Gilles-Sancho ni:), antipape, né à
Péruel, mort le 26 décembre 1446. Il était cha-
noine de Barcelone, quelques-uns disent de
Valence, lorsqu'il fut élu, en 1424, à la papauté
par les cardinaux de l'antipape Benoît XIII.
Reconnu seulement en Aragon, il se démit en
1429 de la tiare, lorsque Alfonse V, souve-
rain de ce pays, se fut réconcilié avec le, pape
Martin V. Promu par ce dernier à l'évêché
de Majorque, il passa le reste de sa vie dans
celte île. o.
Raynaldl. Annales.
munoz de Collantes (Juan-Miguel Lopez),
conquistador espagnol, né à Burgos, en 1499,
mort dans la Nouvelle-Grenade, en 1542. Il ac-
compagna en Amérique don Garcia de Lerma ,
lorsque ce familier de Charles-Quint fut nommé
gouverneur de la province de Santa-Marta ( Nou-
velle-Grenade) et des contrées environnantes,
encore à conquérir, habitées, pour la plupart,
par la population belliqueuse des Tayronas.
Munoz aida son chef à soumettre Bonda, déjà
visité par don Rodrigo Alvarez Palomino. Us
explorèrent ensuite la vallée de Buritica, où ils
ramassèrent beaucoup d'or natif. Franchissant
les montagnes, ils prirent Bezinqua et Agua-
ringua, deux grandes villes, puis s'avancèrent
à travers les vallées de Coto et de la Ramada,
fertiles en métaux précieux, jusqu'à Posigueyca,
capitale des Tayronas ; mais là ils furent atta-
qués par les indigènes avec tant de furie qu'ils
durent fuir, abandonnant leurs bagages. Don de
Lerma et Munoz furent au nombre des blessés.
La même année Munoz tenta une reconnais-
sance dans la vallée de Mongay ; il y fut très-
maltraité. Une nouvelle attaque sur Posigueyca
n'eut pas plus de succès que la première, et,
pour comble- de désastres, les esclaves internés
àSanta-Maria se soulevèrent, incendièrent la ville
et laissèrent les colons presque sans ressources.
Des secours leur arrivèrent fort à propos d'Eu-
rope; ils rebâtirent leurs. habitations, etMuûoz
fut une troisième fois envoyé contre Posigueyca ;
celte fois il prit la ville, mais il ne put s'y main-
tenir. Il dut Tévacuer et la brûler. Sa retraite
fut difficile; blessé grièvement, il regagna Santa-
Marta avec grande peine. Les Espagnols éprou-
vèrent l'année suivante une nouvelle défaite dans
la vallée de Coto; ce qui n'empêcha pourtant
pas don Garcia de Lerma de partager le pays
environnant entre ses principaux officiers. Mu-
noz eut pour son lot le district d'Upar ou Eu-
pari ; il s'y procura environ 60,000 castellanos
d'or, mais n'y trouvant pas les avantages qu'il
espérait, il résolut de tenter quelque nouvelle
entreprise, et s'avançant vers le sud-ouest dans
le pays des Gorrones, il fonda sur les rives de
la Cauca la ville de Santiago de Cali (1). Mu-
(1) Elle est située par 3° 3V de lat. nord- et à 89 l„ de
Popayan. Elle fut érigée en cité royale (real ciudad)
le 2» juillet 1559. Les anciens historiens espagnols l'ont
souvent confondue avec Santiago de Arma, [on liée éga-
947 MUNOZ
no7. suivit don Pasqnal de Andagoya dans l'expé-
dition que (it ce capitaine royal aux environs du
rio de San -Juan et sur les bords de la mer du
Sud. Il prit la ville de Santa-Anna-de-los Cabal-
îeros, et battit plusieurs fois le capitaine révolté,
Jorge Robledo ; mais Andagoya ayant été, à son
tour, déclaré rebelle à la couronne, Munoz se
rallia à Padelantado don Sébastian de lielalcazar,
pour lequel il conquit la province de Arma.
Toujours avide de découvertes, le 1er septembre
1541 il se mit en route, comme capitaine de
cavalerie sous les ordres de don Hernan Perez
de Quesada pour découvrir le fameux El Do-
rado, soi-disant situé à l'ouest des montagnes
du nouveau royaume de Grenade. On trouvera
les détails de cette intéressante expédition à l'ar-
ticle Quesada; qu'il nous suffise de dire ici
qu'après avoir fait trois cents lieues dans des
pays déserts ou hostiles, au bout, de seize mois
de fatigues inouïes, les aventuriers durent renon-
cer à leur entreprise. Munoz s'y survécut pas.
A. DE L.
Don Lucas Piedrahita , Historia gênerai de las Con-
quistas del nvevo reyno de Granuda ( Amberes, 1638,
in-fol ), la part., !ib. III, cap. I et n; lib. VIII, cap. n;
3ib. IX, cap. ni. — Don .luan Fierez de Ocariz, Cenea-
loçiias del nuevo rcyno de Cranada ( Madrid, 1674-1676,
2 vol. in-fol. ), LIV, p. 121. — Antonio Herrera, Historia
général de los hechos de los Castéllanos en las islas y
tierra -firme, del mar Oceano (Madrid, . 1730, 4 vol.
in-4"), dec. IV à VU.
munoz, nom de plusieurs peintres espagnols,
dont les plus connus sont, par ordre chronolo-
gique .r
mcnoz ( Don Jérôme ) , portraitiste, qui
brillait à Madrid en 1630. Il était chevalier de
Santiago. Palomino et Pacheco font un grand
éloge des portraits qu'il peignit : il eut pour mo-
dèles Philippe IV et sa famille. Toute la cour
castillane suivit, naturellement, l'exempfe de son
souverain, et Munoz travailla beaucoup. Ses
portraits sont recommandabfes par la nature des
chairs, la vivacité des yeux, la ressemblance des
traits. On doit pourtant reprocher à cet artiste
une grande sécheresse de contours, des fonds
noirs, cherchés comme repoussoirs , et une igno-
rance complète de la disposition des accessoires.
Ses toiles , rares dans les musées , se trouvent
encore dans les galeries des grandes familles
espagnoles.
munoz (Sebastiano), fresquiste et peintre
d'histoire, né en 1654, à Naval Carnero, en 1634,
mort accidentellement à Madrid , le lundi saint
de 1690. Il fut un des élèves les plus distingués
de Claude Coello. Il se distingua surtout dans
la fresque et le décor. Il fut chargé de l'ordon-
nance des fêtes qui eurent lieu à Madrid lors du
mariage de Louise d'Orléans avec Charles II
(1679). Il (it ensuite le voyage de Rome, et entra
dans l'atelier de Carlo Maratto. Malheureuse-
ment, à cette époque le bon goût n'existait déjà
lement par Miguel Munoz,en 1539, et dont on volt encore
les ruines à cinquante lieues nord-est de l'opayan, par
3° 33' de lat. nord.
94
plus en Italie : l'on y préférait la fraîcheur d
coloris et le drame dans le sujet à l'exactitaé»
du dessin, au grandiose et à la noblesse des pei<
sonnages. Munoz dut donc sacrifier au penchai
général, et son talent y perdit. De retour en Ei
pagne, il aida Coello à peindre les fresques d
Collège de la Manteria, et décora seul la cha
pelle de Saint- Thomas de Villa-Nova. Ces ou
vrages le mirent en réputation, et il reçut de nom
breuses demandes. 11 peignit au Palais-Royal 1
cabinet de la reine, où il représenta les Aven
tunes d'Angélique et de Mèdor._l\ travail!
ensuite à la décoration de Ja galerie des Cerfs
Ce fut à cette époque qu'il exécuta le portrai
de la reine Louise et ceux des principaux per
sonnages de la cour. En 1688, il fut nomm
peintre du rôi. L'année suivante les Carme
chaussés le chargèrent de représenter les funé
railles de la reine (morte le 12 février 1689). Il fi
une superbe composition ; mais les religieux refu
sèrent de la recevoir, sous le prétexte que la reini
n'était pas ressemblante. Il était difficile en ef
Têt que la ressemblance fût exacte, puisque l;
princesse était vue morte et en raccourci. Munoz
ne voulant pas perdre son œuvre, imagina di
peindre dans les airs un groupe d'anges portan
un admirable portrait de la reine vivante. Les
Carmes furent alors forcés de le payer. Munos
continua pour Marie-Anne deNeubourg, second*
femme du roi, les fresques tracées par Coello. I
était au comble de la faveur générale et dans
la plénitude de son talent lorsque, chargé d(
restaurer, dans l'église de Notre-Dame d'Atocha,
la belle voûte peinte par Francisco Herrera h
jeune, îl tomba de son échafaudage et se tua
sur place. Charles II lui fit faire des funérailles
magnifiques et accorda à sa veuve une pension
d<e 25 doublons (environ 2,134 fr.).Quoique mort
jeune encore (il n'avait que trente-six ans),
Munoz a beaucoup travaillé; outre les ouvrages
cités, on remarque de cet excellent artiste : à
Madrid, dans l'église Saint- Salvador, huit épi-
sodes de la Vie de saint Éloi; — au Musée
royal, un beau tableau de Psyché et Cupidon
et le Martyre de saint Sébastien, chef-d'œuvre
de l'auteur ; — dans l'église de Cascaubios , le
Martyre de saint André, terminé par Fran-
cisco-Tgnazio Ruiz de la Iglesia. La ville de Tara-
gone possède aussi de très-bons morceaux, exé-
cutés par Munoz.
munoz (Êvarisle), peintre d'histoire, né à
Valence, en 1671, mort dans la même ville, en
1737. Élève de son compatriote Juan Conchillos
Falco, il montra fort jeune beaucoup de dispo-
sition pour la peinture; mais sa vive imagina-
tion et son amour des plaisirs l'empêchèrent
d'en tirer tout le parti possible. Il excellait dans
tous les exercices du corps et d'agrément; la
danse, l'escrime, l'équitation lui étaient fami-
lières; bon musicien et chanteur agréable, il
faisait de plus passablement les vers: c'en était
assez pour avoir la réputation d'un cavalier ac-
949
icompli; aussi ses aventures galantes furent-elles
(nombreuses. Ses biographes en rapportent, entre
autres, deux assez piquantes En 1709, revenant
tde Mayorque, où il avait été décorer la chapelle
de la communion des Franciscains de l'aima, il
fit connaissance d'une dame dont le mari passait
pour mort prisonnier à Alger. La veuve était
jolie et vertueuse; Munoz l'épousa. Tout allait
bien , lorsque le prétendu défunt annonça qu'il
allait revenir prendre possession de sa femme.
Munoz se hâta d'abandonner la place a son
prédécesseur,qu'il rencontra dans la suiteetdont,
quoique se piquant d'être spadassin, il ne se fit
pas connaître. La seconde anecdote est à peu près
la copie de la précédente. « S'étant marié en
secondes noces, dit Quilliet, avec une femme
qui se prétendait veuve d'un soldat français
nommé Callot, tué à Messine, le mort, peu de
I temps après le mariage de Munoz, reparut sain
et sauf. On ne sait comment il sortit de cette
seconde affaire. » Il est vraisemblable que ce fut
comme de la première; car, redoutant peu de
tels précédents, il contracta une troisième union,
que cette l'ois aucun mari légitime ne vint
troubler. Entre ses deux premiers mariages, et
probablement pour échapper à la vengeance d'un
époux blessé de s'être vu trop tôt et trop publi-
quement remplacé, Evariste Munoz s'était fait
soldat, mais à la condition « que ses chefs le
laisseraient exercer et cultiver ses penchants
pour la peinture ». On n'eut garde de le contre-
dire, et c'est durant ce temps qu'il fit ses meil-
leurs tableaux. Après son troisième hymen, il
vint se fixer à Valence, et y ouvrit un cours d'où
sortirent d'excellents élèves. Ses principaux ou-
vrages, outre ceux exécutés dans l'île de Mayor-
que, sont : La Vie dé saint Pierre de Nalasco,
en huit tableaux, qui ornent le couvent de La
Merci à Lorca (Murcie). Il fut aidé dans ce tra-
vail par Pedro Camacho. Ces tableaux sont
mieux peints que dessinés ; — une grande partie
des tableaux de la Vie de saint François pour
le couvent des Franciscains de Carthagène; —
à Lorca, Baptême de saint François et Les
Stigmates imprimés au même saint. Ces der-
niers tableaux sont signés : Mufioz en Lorca,
1696 ; mais c'est seulement dans les églises de
Valence qu'il faut juger du talent d'Evariste
Munoz. Malgré la grande réputation dont il jouit
dans sa patrie, réputation due d'abord à sa vie
aventureuse , ensuite à sa grande facilité d'exé-
cution , il faut le dire, jamais Munoz ne parvint
à être correct dans son dessin ni à donner à
ses personnages la dignité que réclame la pein-
ture historique. A. de L.
P^checo, El Arte de la Pintura ISévIlle, 1649). — Pa-
loinino Velasco, El Museo de la Pintura. — Felippe de
Gue\arra. Los Comentarios de la Pintura (IMadrid,
178S). — Raphaël Mengs, Obras (Madrid, 1780). — Antonio
Pons, Viaue en Espafla. — Cean Herraudes, Diccionario
historico de las Del las Artesen Espafta. —Quilliet, DM.
des Peintres espagnols. — Mariano Lopez Aguado, El
real Museo ( Madrid, 1835 ).
munoz {Jean-Baptiste), historien espagnol,
MUNOZ 950
né à Museros, près de Valence, en 1745, mort en
1799. Il fit ses études a l'université de Valence,
et s'occupa particulièrement de philosophie. Un
des premiers il tenta d'introduire au sein du
péripatétisme théologique qui régnait encore en
Espagne des idées philosophiques empruntées à
la France. Ses dissertations De recto Philoso-
phiie recentis in theotogia Usa ; Valence, 1767 ;
— De Scriptorum genlilhim Leclione et pro-
fanarum disciplinai um studiis ad christianse
pietatis normam exigendis ; Valence, 1768, et
ses liistitutiones Philosophiez ; Valence, 1768;
les préfaces dont il accompagna son édition des
Œuvres latines de Louis de Grenade sont
remarquables, par l'alliance de cet esprit philo-
sophique nouveau avec la théologie obligatoire
dans un pays où l'inquisition existait encore.
Sous le gouvernement éclairé de Charles III, ses
livres lui valurent la place de cosmographe en
chef des Indes et celle d'official de la secrétaire-
rie d'État des Indes. En 1779, Charles III lui fit
demander une histoire complète des découvertes
et des conquêtes des Espagnols en Amérique.
Malgré le désir du roi, Munoz rencontra dans
l'exécution de ce projet de nombreuses diflicul-
tés. Les membres de l'Académie d'Histoire, mal
disposés pour une entreprise qui semblait leur
revenir de droit, obtinrent que l'ouvrage serait
soumis à leur examen, et en critiquèrent la
première partie avec tant de rigueur, qu'elle fut
sur le point de ne pas être imprimée. Il fallut
que le roi Charles IV en ordonnât l'impression:
le premier volume, conduisant l'histoire d'Amé-
rique jusqu'en 1500, fut publié sous le titre de
Historia del Nuevo Mundo ; Madrid, 1793,
pet. in-fol. L'auteur n'acheva pas son œuvre, qui
n'a pas été continuée après lui ; elle embrasse
un espace de temps trop restreint pour avoir une-
grande importance, mais elle se recommande
par la philosophie des idées et la sévère simpli-
cité du style. On a encore de Munoz un Eloge
de Lebrixa, dans les Mémoires de V Académie
d'Histoire , t. III. Z.
Fiister, Bibliotheca Palenciana, t. H. — Ticknor, His-
tory of the Spanish Literatire, t. III.
MUNOZ (Thomas), lieutenant général de la
marine espagnole, né vers 1745, mort à Madrid,
le 28 novembre 1823. « Cet officier, aussi dis-
tingué par ses talents que par ses services, mé-
rite, dit Bourgoing, d'être compté parmi les
hommes de génie et les bienfaiteurs de sa patrie. >«
Il fut d'abord employé dans les possessions amé-
ricaines. En 1786 il était ingénieur de la marine,
et s'acquit beaucoup de réputation , par les tra-
vaux qu'il fit exécuter pour arrêter les efforts
de la mer qui menaçaient de détruire l'île sur
laquelle est bâtie la ville de Cadix. La violence
des coups de mer dans cette baie faisait con-
sidérer comme impossible d'arrêter l'impétuosité
des vagues. Grâce aux applications que Munoz
sut tirer des sciences mathématiques et physi-
ques , Cadix se trouva en trois années conso-
951
MUNOZ — MUNSTER
95
lidé au milieu de l'Océan (1). Il exécuta* encore
à l'arsenal de La Carraca, dans le même port,
des travaux d'une grande solidité. Munoz fut
chargé de la construction des bâtiments que le
gouvernement espagnol fit préparer pour une
expédition de circumnavigation, sous les ordres
de Malaspina. Il leur donna une distribution
intérieure propre à conserver la santé des équi-
pages pendant une si longue traversée. Au re-
tour de l'expédition , après avoir atteint com-
plètement le but qu'elle s'était proposé, Malas-
pina rendit le compte le plus satisfaisant de la
santé des marins placés sous ses ordres, et il
attribua cet heureux résultat, du moins en
grande partie, à la prévoyance et aux bonnes
constructions de Munoz. Cet ingénieur général,
ayant embrassé le parti de Joseph Bonaparte, vé-
cut longtemps exilé à Paris, et dans une honorable
pauvreté. C'est là qu'il composa un Traité de la
Fortification, ouvrage estimé. La révolution de
1820 lui ayant rouvert les portes de sa patrie,
il rentra en Espagne, où il termina ses jours, à
l'âge de quatre-vingts ans. A. de L.
Mahul, Annuaire nécrologique, année 1824. — Boiir-
going , Tableau de l'Espagne moderne ( l'aris , 1807,
S vol. in-8°, avec atlas), t. Il, p. 224; t. III, p. 169, 174,
386.
"munoz (Augustin-F erdinand) , duc de
Ria.nsa.res, général espagnol, né le 4 mai 1808,
à Tarancon (province de Cuença). Issu d'une
famille plébéienne jouissant d'une certaine ai-
sance , il s'engagea , jeune encore , et fut incor-
poré dans les gardes-du-corps du roi Ferdi-
nand VIL Rien n'annonçait pour lui une amé-
lioration de fortune, lorsqu'un incident inattendu
le conduisit , comme par enchantement, au faîte
des grandeurs. C'était en 1833 : Ferdinand VII
venait de mourir. Un jour que Munoz faisait
partie de l'escorte qui accompagnait de Buen-
Retiro à Madrid la jeune veuve de ce prince, il
ramassa un mouchoir brodé, qu'elle avait par
mégarde laissé tomber sur la roule. La vivacité
avec laquelle il accomplit cette actionj pourtant
si simple, sa taille élégante, ses manières dis-
tinguées et sa physionomie aimable et douce
captivèrent aussitôt Marie-Christine de Bourbon,
qui lui ordonna de se tenir à la portière, et s'en-
tretint quelque temps avec lui. Telle est du
moins la version la plus accréditée. Ce qui est
plus certain, c'est que le 28 décembre de la même
année , trois mois après la mort du roi Ferdi-
nand , sa veuve épousait secrètement le beau
garde du corps. L'élévation presque subite de
Munoz. à la dignité de chambellan de la reine
régente d'Espagne ne laissa bientôt plus de doute
sur la main toute-puissante qui se chargeait du
soin de sa fortune. Le mystère est difficile à
garder, surtout à la cour ; cependant le peuple
espagnol ignora la conduite de Marie-Christine
jusqu'au moment où, dans le but de lui faire en-
lever la tutelle de la reine Isabelle, sa fille,
(1) Cet ouvrage coûta 44,000,000 de piastres.
Espartero la dévoila aux cortès. Le scanda
fut grand en Espagne ; mais après la chute d'Ei
partero et la proclamation de la majorité d'Is
belle, celle-ci, par un décret royal du 11 o(
tobre 1844, communiqué aux cortès, le 8 avt
1845, autorisa le mariage de sa mère avec do
Munoz, qui fut créé duc de Riansarès et gran
d'Espagne de première classe. En ver lu de c
décret, la bénédiction nuptiale avait été donné
publiquementauxdeux époux ,1e 13 octobre 1844
Si Mufioz avait été ambitieux , l'Espagne aurai
pu avoir un autre Godoy ; mais le duc de Rian
sarès a eu le bon esprit de toujours s'effacer, €
n'a jamais cherché à devenir un .personnage po
li tique. II ne tenta même aucune démarche lors
qu'en 1846, au moment de la fameuse expédi
tion du général Florès à l'Equateur, on agita 1;
question de reconstituer en monarchie cette an
cienne colonie espagnole et de l'en déclarer roi
Grand-croix de l'ordre de Charles III depuis le 11
-r novembre 1844, ilaétécréé chevalier delà Toisor
-d'Or le 21 septembre 1846. Des lettres patentes
'-du roi Louis-Philippe, entérinées par la coui
-royale de Paris, le 12 avril 1847, sans prestation
de serment, lui ont conféré le titre héréditaire de
duc de Montmorot , assis presque féodalement
sur les salines voisines de ce bourg, situé près
de Lons-le-Saulnier, et qui sont aujourd'hui une
des propriétés de la reine douairière Marie-Chris-
tine. Il reçut aussi à cette époque le grand cordon
de la Légion d'Honneur. Par décret royal rendu
le 23 juillet 1848, Isabelle II lui a conféré le
grade de maréchal de camp. Plusieurs enfants
sont issus de son mariage. H. F.
Guia de Forasteros. — Documents particuliers.
munster (Sébastien), hébraïsant et mathé-
maticien allemand, né en 1489, à Ingelheim,
mort de la peste, à Bâle, le 23 mai 1 552. Après
avoir terminé ses premières études, il se rendit,
à l'âge de seize ans, à Tubingue, où il suivit
les leçons de Stapfer et de Reuchlin. Dans le
but de se consacrer tout entier à l'étude, il en-
tra dans l'ordre des Cordeliers; mais la lecture
de quelques ouvrages de Luther le gagna à la
cause de la réforme; il quitta bientôt son cou-
vent. En 1529 il fut appelé à Bâle, où il ensei-
gna successivement l'hébreu et la théologie.
Munster joignait une modestie excessive à des
talents réels. On fut obligé d'user d'une espèce
de violence pour le déterminer à se charger des
fonctions de recteur. Ses connaissances lui firent
une grande réputation et lui acquirent l'estime
des érudits de son temps , quoi qu'en dise J.-j!
Scaliger. Pour rappeler qu'il fut à la fois un
profond mathématicien et un savant hébraïsant,
on grava sur sa tombe ces mots : Germanorum
Esdras hic Straboque conditur. On a de lui
quarante ouvrages différents, dont on peut voir
le catalogue complet dans la notice qui lui a été
consacrée dans le Geogr. liûcherxaal de Heger.
Nous ne ferons mention ici que des principaux :
Biblia hebraica, cum latina planeque nova
953
MUNSTER — MUNTER
954
translatione , adjeelis insuper e rabbinorum
commentants annotationibus ; Bâle, 1534 et
1 1535, 2 vol. in-fol. ; deux autres éditions, une de
' 1538, 2 vol. in-4°, et une de 1546, 2 vol. in-fol.
\ La version n'est pas mauvaise et les notes sont
bonnes au point de vue grammatical ; — Fuies
\ Christianorum sancta, recta et perfecta at-
que indubitata ; Bâle, 1537, in-fol. On trouve
! à la fin de ce volume une traduction hébraïque ,
'fort médiocre, de l'Évangile de saint Matthieu ;
Cinqarbres fit réimprimer cette traduction à Pa-
[rîs, 1550, in-8°, avec quelques changements ; Du
'Tillet en donna une meilleure édition en 1555;
1 — Calendarium biblicum hebraicum, ex he-
br xorum penetralibus editum; Bàle, 1527,
iin-4°; — Sphmra mundi et arilhmeticœ, hebr.
lat.; Bâle, 1546, in-4°. Les notes seules sont
de Munster ; la traduction latine est de Schree-
ikenfuchs ; — Colloquium cum Judxo de Messia,
hebr. lat.; Bâle, 1539, in-8°; — Higgaïon,
logica R. Simeonis, latine versa et punctis
lwocalibus illustrata ; Bâle, 1523, in-8°. Cette
logique, attribuée par Munster à B. Siméon, est
•de Maimonide , comme l'a prouvé Bich. Simon ,
dans les Lettres choisies, tom. IV, pag. 40 et
•suiv.; — Institutiones Grammaticxin hebrœam
ilinguam; Bâle, 1524, in- 12; — Aruch, dictio-
marium chaldaicum, non tam ad chatdaicos
interprètes quam rabbinorum intelligenda
commentaria necessarium; Bâle, 1527,in-4°;
let 1548, in-8°; — Grammatica Ebrsca; Bàle,
1525, 1544 et i549, in-8°; — Institutio élé-
ment. Grammatica Hebrsese;B&\e, 1532, 1537,
1543, in-8" ; — Hebraicœ Institutiones, id est
Capitula Cantici Etire Levitse; Bâle, 1527,
in-8°; — Isagoge in Linguam Ebrseam; Bàle,
1535, in 8°; — Opus Grammat. Ebr.; Bâle,
1542, 1556 et 1570, in-8û ; — Grammatica
Chaldaica; Bâle, 1527, in-4°. Munster se glorifie
dans sa préface, à juste titre, d'avoir le premier
réduit la langue chaldaïqueen principes ; — Lexi-
con Hebrxo-Chaldaic. ;Bâle, 1508, in-8°; plus,
autres édit. ; — Dictionarium trilingue, in
quo latinis vocabulis, in ordinem alphab. di-
gestis, respondent grxca et hebrgea,unacum
appendice de hebraicis quibusdam vocali-
bus, tropis et modis loquendi, qui rabbinis
sunt familiares; Bâle, 1530, 1535, 1553 et
1562, in-fol.; — Horologiographia ; Bâle, 1531
et 1535, in-4°: traité de gnomonique plus com-
plet que ceux qui avaient été publiés aupara-
vant; — Organum Uranicum, theorice om-
nium planelarum motus, canones, etc. ; Bàle,
1536, iu-fol., publié aussi en allem. Il y a eu
plusieurs éditions de la version latine aussi bien
que de l'allemande; trad. en français, Bâle, 1555,
in-fol.; en italien x Bâle, 1558, in-fol.; en an-
glais, par Bich. Eden, Londres, in-fol.; en bohé-
mien, par J. de Puchon, Prague, 1554, in-fol.
11 a servi de base à Belleforest pour sa cosmo-
graphie. Les cartes qui accompagnent le texte
it l'ouvrage de Munster sont gravées sur bois
et sont un monument remarquable de cette
partie de l'art. Celle de la Suisse, qui est en deux
feuilles , est la première carte de ce pays qui
ait été publiée; — Rudimenta Mathematica,
in duos libros digesla; Bâle, 1551, in-fol.
Michel Nicolas.
Athcnse Rauricx. pag. K. — Hnger, Ceograph. Bû-
chersaal, tora. l,r, pag. 79-1*0. —Bolsaard, Bibliotà., avec
un portrait de Munster, gravé sur cuivre. On a un autre
portrait de ce savant, grave sur bols, en tête de son
Orf/an. Uranicum.
munter (Balthasar) , prédicateur et poète
allemand, né à Lubeck, le 24 mars 1735, mort
à Copenhague, le 5 octobre 1793. En 1760, il
fut nommé prédicateur à Gotha, et en 1763 sur-
intendant à Tonna. Dans la suite , il fut appelé
comme premier prédicateur de la commune al-
lemande de Saint-Pierre, à Copenhague. Parmi
les nombreux recueils de sermons qu'il publia,
on distingue surtout ses Conférences sur les
discours de Jésus d'après les quatre Évan-
gélistes. Ses Cantiques spirituels , deux re-
cueils publiés en 1773 et 1774 se ressentent un
peu de l'école de Gellert et de Cramer. En
1772, il fut chargé d'accompagner l'infortuné
comte de Struensée jusqu'à l'échafaud et de l'y
préparer à la mort. Dans la même année, il
publia à Copenhague VHisloire de la Conver-
sion de ce comte , qui a été traduite dans pres-
que toutes les langues de l'Europe, et qui le
rendit plus célèbre que tous ses autres écrits.
Il eut pour fille Frédérique-Sophie-Christiane
Brun , bien connue par ses écrits. H. W.
Conversations- Lexik on.
munter ( Frédéric) , orientaliste et archéo-
logue allemand , fils du précédent , né à Gotha,
le 14 octobre 1761, mort à Seeland, le 9 avril
1830. Il séjourna trois ans en Italie. Entourage
par le cardinal Borgia, il y fit imprimer, en
1786, la traduction, en langue copte, du livre de
Daniel , et découvrit dans la bibliothèque Cor-
sini le livre contenant les statuts des templiers,
qu'il publia à Berlin, en 1794. Il fit une relation
de son voyage dans l'ouvrage danois intitulé :
E/lerretninger om begge Sicilierne, samlede-
paa en Beise i disse Lande; Copenhague,
1788 à 1790, 2 vol., et qui, en 1790, fut traduit
en allemand et dans plusieurs autres langues.
Professeur ordinaire de théologie à l'université
de Copenhague depuis 1790, il devint évêque de
Seeland en 1808. Parmi le grand nombre de ses
ouvrages , nous citerons : Handbuch der Dog-
mengeschich te (Manuel de l'histoire des dogmes) ,
Copenhague, 1801, 2 vol.; en allemand, par
Evers, Goettingue, 1802; — Geschichte der
daenischen Reformation (Histoire de la Bé-
forme danoise) ; Copenhague, 1802, 2 vol. ; — Die
Religion der Karthager ( La Beligion des Car-
thaginois); Copenhague, 1816 et 1821; —
Geschichte der Einfuehrung des Christen-
thums in Daenemarck und Norwegen (His-
toire de l'introduction du christianisme dans le
Danemark et la Norvège); Leipzig, 1823-1832,
955
MONTER — MUNZER
956
3 vol.; — enfin, le plus important de tous, Die
Sinnbilder und Kunstvorstellungen der al-
ten Christen (Les Symboles et les Œuvres d'art
des anciens chrétiens); Altona, 1825. Munter
a pris une part très- active à la révision de la tra-
duction ecclésiastique ordonnée parle roi Frédé-
ric VI. H. W.
Conv.-Lex.
munting {Henri), médecin et botaniste
hollandais, né à Groningue,, en 1605, mort dans
la même ville, en 1658. Il fit ses études dans sa
ville natale, où il se fit recevoir docteur en mé-
decine. Épris du goût de la botanique , durant
huit années, il parcourut l'Angleterre, la France,
l'Italie, l'Allemagne, recherchant partout la con-
naissance des plus célèbres naturalistes. Revenu
dans sa patrie, il y créa un vaste jardin, qu'il
ornade plantes exotiques. Ce jardin attira bien-
tôt à Groningue des amateurs et des savants
de toutes les contrées de l'Europe. Les états
récompensèrent les efforts scientifiques de Mun-
ting en lui accordant (1642) une pension consi-
dérable et en lui confiant la chaire de botanique
et de chimie (1654) de Groningue. On a de lui :
Hortus botanicus Groningœet Omlandiae pro-
vinciales et universee materix medicse gazo-
phylacium ; Groningue, 1646, in-8°. Munting
avait eu d'Esther Rennemans , fille du trésorier
des états, quatorze enfants, dont un seul fils lui
survécut.
munting {Abraham), botaniste hollandais,
fils du précédent, né à Groningue, le 19 juin 1626,
mort dans la même ville, le 31 janvier 1683. 11
fit, sous la direction de son père, ses études à
Groningue et les perfectionna dans les acadé-
mies de Franeker, d'Utrecht, de Leyde. En
1649 il passa en France, et se fit recevoir doc-
teur en médecine à Angers. En 1651 , il rentra
dans sa patrie, et succéda à son père dans la
chaire de botanique (1658). Il mourut à cinquante-
six ans, d'un catarrhe suffocant. On a de Mun-
ting : Waare oeffening der planten, waar in
derechte dart; nature, en verborgene eigens
ckappen der boomen, heesteren, kruiden, en
bloemen door een veeljaarige onderzoekinge,
zelfsgeronden, als meede op wal manière zy,
in onze Neder-en-Hoog-duitsche landen ge-
zaait geplant, bewaart, ende doorhet geheele
jaar geregeerl moeten zyn, kenbaar gemakat
Worden,etc. (La véritable Culture des Plantes,
où, d'après des recherches de plusieurs années
et des expériences particulières, l'on fait con-
naître la nature et les propriétés cachées des ar-
bres, arbuscules, herbes et fleurs. On y en-
seigne aussi la manière de les semer, planter,
gouverner et conserver, tant par rapport au cli-
mat des Pays-Bas que pour celui de l'Allema-
gne, etc.); Amsterdam, 1672; et Leuvarde,
1682, in-4° : l'auteur en a publié un abrégé
sous le titre de : Groninger Hof-Almanach,
getrokken uyt de Oeffening der Planten, etc.
(Almanach du Jardinage) ; Groningue, 1687,
in-12, avec quarante gravures représentant les
plantesles plus rares; — Aloedarium,sive Aloes
mucronato folio Americanœ majoris (1), alia-
rumque ejusdem speciei Historia; Amster-
dam, 1680, in-4°, avec fig. ; — De vero, anti-
quorum Herba britannica (2), ejusdemque
efficacia contra stomacaeen, seu Sceletyrben,
Frisiis et Batavis de Scheurbuyck, etc. ; Ams-
terdam, 1681 et 1698, in-4°; suivant Munting
l'Herbe britannique servait autrefois aux Fri
sons et aux peuples voisins pour combattre avec
succès le scorbut, fort commun alors dans leur
pays marécageux. Les Romains l'employèrent
aussi heureusement. Munting le retrouve dans
les anciens auteurs sous le nom de lapas sau
vage à longues feuilles noires, ou é'Hydrolapas
niger; — Nauwkeurige beschryving der
Aardgewassen, etc. ( Description curieuse des
plantes, etc.) ; Leyde, 1696, in-fol. avec fig,, trad.
en latin par François Kiggelaer, sous le titre de :
Phytographia curiosa, exhibens arborum, fru-
ticum, herbarum, et florum icônes, ducentis
et quadragintaquinque tabulis ad vivum de-
lineatis ; varias earum denominationes lati-
nas, gallicas , italicas, germanicas, belgi-
cas, etc. L'auteur donne le nom de chaque plante
dans les diverses langues les plus répandues :il en
fait une description assez détaillée et indique leur
usage industriel ou médicinal. Il a joint à son
livre beaucoup d'observations et d'anecdotes cu-
rieuses, mais dont l'exactitude peut être mise
en doute. C'est ainsi qu'il prétend que l'on peut
guérir toutes les plantes malades en versant des-
sus du lait mêlé d'une quantité égale d'eau de
pluie. Il parle d'un livre écrit sur des feuilles de
tilleul et acheté 8,000 florins par l'empereur Jo-
seph Ie' (3), et d'oignons de la tulipe Scmper Au-
gustus payés en 1647 30,000 florins. L— z— e.
J. Minsing., Orat . funeb. in olttum Abrah. Muntlngïû
dans J.-J. Mangel, Bibliot/ieca Scriptor. Medicor., t. II,
pars. ia, p. 376-382.
munzer {.T/wmas), père de la secte des
anabaptistes, né vers la fin du quinzième siè-
cle, à Stolberg, dans le Harz, mis^à mort vers
la fin de 1525. 11, étudia probablement à Wit-
temberg, où il fut reçu maître es arts. Il fut en-
suite directeur de llécole d'Aschersleben. Plus
tard on le voit chapelain dans un couvent de
femmes à Halle. En 1520 il fut appelé à Zwic-
kau, en qualité de premier prédicateur. L'année
suivante, il alla à Prague, pour nou-er des re-
lations avec les hussites et pour les gagner aux
idées qu'il méditait déjà depuis quelque temps.
La lecture d'ouvrages mystiques avait exalté
son imagination; il se croyait, avec tous les
(ti C'est l'agave Jmericana.
(2) Le rumex hydrolapathum (oseille ou patience
aquatique).
(3) Ce livre contenait les traités de Cicéron ne ordi-
nanda republica, et De inveniendis orationum exordiis.
Le (ait que Munting cite ici n'a rien d'extraordinaire;
nous possédons tes OEuvres du marquis de fillette
(Londres, 1786, in-18), imprimées sur papier d'êcorcede
tilleul.
967
MUNZER — MURAD-KHAN
958
vrais chrétiens, éclairé par une lumière intér-
rieure. La réforme, dont la théologie lui sem-
blait animée d'un esprit étroit et livrée à un.
nintelligent littéralisme , n'était à ses yeux
qu'une demi-mesure. II fallait une réforme ra-
licale dans l'Église et dans l'État. Exagérant
es principes de la liberté chrétienne , et con-
bndant l'idéal celigieux avec les réalités de la
m pratique, il prétendait que les chrétiens
l'avaient que faire de la menace de la loi ci-
pile pour accomplir le bien, et il concluait de
à à l'inutilité d'un gouvernement politique et
l'une autorité civile dans la société chrétienne.
ses déclamations contre le baptême des enfants,
ju'il condamnait par cette raison que le bap-
ôme ne doit être conféré qu'à des personnes
nstruites dans les vérités chrétiennes et vou-
ant en faire profession avec connaissance de
;ause, n'auraient pas probablement soulevé
es masses populaires aussi facilement que ses
tttaques contre les institutions sociales de son
emps.
Sur la demande de Frédéric de Saxe et de
eande Weimar, Mûnzer fut obligé, en 1524, de
luttter Allstœdt. Il se rendit alors à Nuremberg,
mis à Schaffhausen , et enfin à Mulhausen
lans la Thuringe. Les habitants de cette ville
se déclarèrent pour lui , déposèrent le conseil
communal , pillèrent les couvents et les mai-
ions des riches, et proclamèrent la communauté
3es biens. En ce moment, un autre fanatique,
nommé Pféifer, vint avec ses partisans se
^oindre à Mùnzer. Cet événement et le bruic
que quarante mille paysans venaient de prendre
les armes dans la Franconie engagèrent celui-
ci à faire un appel aux montagnards et aux
paysans de la Thuringe , leur promettant les
dépouilles des seigneurs. Après avoir laissé
Pfeifer comme gouverneur à Mulhausen , il mar-
cha sur Frankenhausen. Il rompit les négocia-
lions entamées par les habitants de cette ville
avec le comte de Mansfeld , et il se prépara à
soutenir le choc des troupes qu'on envoyait
contre lui. L'électeur Jean le Constant, le duc
Georges de Saxe, le landgrave Philippe de Hesse
«t le duc Henri de Brunswick s'étaient unis et
avaient envoyé contre les révoltés quinze cents
cavaliers et quelques compagnies d'infanterie.
•Mùnzer avait sous ses ordres environ huit mille
hommes. On en vint aux mains, le 15 mai 1525.
Les révoltés furent complètement battus. Cinq
mille hommes , selon les uns, sept mille; selon
d'autres, restèrent sur le terrain. Frankenhausen
fut pris et mis au pillage. Mlinzer, découragé, se
cacha dans un lit, contrefaisant le malade. Il
aurait peut-être échappé, sî un soldat n'avait
pas trouvé dans son sac de voyage, une lettre
du comte de Mansfeld. Mis à la question, il fit
connaître ses complices. Il fut ramené ensuite à
'Mulhausen, où l'on avait conduit Pfeifer,qui avait
inutilement essayé de se sauver; il fut décapité
avec celui-ci et vingt-quatre autres révoltés. On
dit que son courage l'abandonna à la vue de la
mort. Son supplice n'arrêta pas les progrès des
anabaptistes. M. N.
.Slrobcl Leben, Schriften und Lehrcn Thom. MUnzer'i „•
Nuremberg, 1785, in-8°. — Scldcmaon, Th. MUnzer ;
Dresde et Leipzig, 1842, ln-8».
mura ( Francesco de ), dit Franceschiello
ou Franceschelto , peintre de l'école napoli-
taine, né à Naples, vivait dans la première
moitié du dix-huitième siècle. Sous la direction
de Solimène, dont il devint l'élève le plus dis-
tingué, il s'adonna fort jeune à l'étude de l'art,
et dès l'âge de dix-sept ans il peignit quelques
tableaux, qui lui valurent des commandes poul-
ies églises et les palais de Naples. Vers 1730, il
fut appelé à Turin par le roi de Sardaigne pour
décorer son palais en concurrence avec Claude
Beaumont. Les fresques les plus estimées qu'il
y exécuta aux plafonds ont pour sujets les Jeux
Olympiques et les Exploits d'Achille. Comblé
des faveurs du roi, Mura revint dans sa patrie,
où il peignait encore en 1743. Naples lui doit,
entre autres travaux importants, la voûte de l'é-
glise de la Nunziatella, et à Sainte-Claire la
Sainte mettant les Sarrasins en fuite, fresque
de la voûte, et le Saint-Sacrement, tableau du
maître autel. E. B — n.
Dominici, File de' Pittori Napoletani. — Orlandi, Ab-
becedario — Lanzi, Storia pittorica. — Ticozzi , Di-
zionario. — Galantl, Napoli e suoi contorni. — Ste&ni,
Torino e suoi intorni.
murÂd-khan ( Ali ), roi de Perse, de la
dynastie des Zends, né à Ispahan, vers 1746,
mort en février 1785, à Mourtecha-Koureh.
Neveu de Kérym-Khan, fondateur de cette dy-
nastie, il fut nommé, en 1775, gouverneur de
la Perse septentrionale par son oncle Zéky-
Khan. qui avait usurpé le trône sur Aboulfé-
thah-Khan, fils de Kérym. Après l'assassinat de
Zéky-Khan, Murâd livra les villes de Téhéran et
d'Ispahan à Aboulféthah, qui avait été proclamé
wékil ( régent } par l'armée. Ce dernier ayant
été écarté par un nouvel usurpateur, en 1780,
Sadek-Khan, autre oncle de Murâd, se déclara
contre le nouveau roi. Après avoir abattu di-
vers rivaux, il s'empara de Casvine, d'Ispahan
et de Chyraz, en février 1781. Devenu maître
de la Perse méridionale , il alla soumettre en-
core la Perse septentrionale, où Aga Moham-
med l'ennuque s'était créé une souveraineté
indépendante. Après avoir transféré sa rési-
dence à Ispahan, et envoyé contre son rival le
jeune chéick Wéis-Khan, son fils aîné, qui
remporta quelques victoires signalées, en 1783
et en 1784, Murâd-Khan entra lui-même en
campagne, en juillet 1784. Mais Djafar-Khan,
qui s'était révolté contre lui, menaçant Ispahan,
le prince Zend dut revenir sur ses pas, pour
défendre sa capitale. Brisé par les fatigues et les
rigueurs de l'hiver, il succomba en route, à
dix-huit lieues d'Ispahan, laissant la Perse en
pleine conflagration* qui ne cessa qu'avec le
meurtre des prétendants de toutes les dynasties,
959 MURAD-KHAN
à l'exception de ceux de la dynastie Kadjare,
actuellement régnante. Ch. R.
Tarikhi-i Zendi ou Histoire des Zendis ( en manus-
crit)- — John Malcolm, History of Persia. — La Perse
(dans l'Univers pittoresque ).
murad-bey, chef des mameluks en Egypte,
né en Circassie, vers 1750, mort à Soanagny,
près Talsta, le 22 avril 1801. Sa naissance est
inconnue : il fut probablement enlevé dans quel-
que razzia dirigée par les Arabes contre sa
tribu, et amené en Egypte, y fut vendu à Aly-
bey el Kébir, alors selahdar - agâ (1) du
chéick el beled (2) Ibrahim-Khahyâ, et de-
puis chéick el beled lui-même en 1177 de
l'hégire ( 1763-1764 de l'ère chrétienne). Muràd
montra dès sa jeunesse beaucoup de courage et
des talents militaires peu ordinaires parmi ses
égaux ; aussi Aly-Bey lui conféra-t-il le beylickdès
l'année 1767. Il resta d'abord fidèle à son pro-
tecteur durant les longues guerres qu'Aly eut
à soutenir contre son beau-frère, le traître et in-
grat Mohammed- Bey abou-Dahah ; mais il se
laissa gagner par Mohammed, et le 20 mo-
harrem 1187 de l'hégire ( 13 avril 1773), lors-
que les deux armées de Mohammed et d'Aly
étaient aux prises et que le succès se déclarait
pour le dernier, il passa à l'ennemi, entraînant
son collègue lbrahim-Bey et environ Irois mille
cinq cents Moghrébins (Arabes de la Barbarie)
mercenaires. Muràd avait mis pour prix de sa
perfidie le harem et les biens de son maître,
ainsi que la possession de sa femme chérie, la
belle et spirituelle Géorgienne Sitteh-Néfisseh.
On a expliqué par l'amour la trahison de Muràd;
quoi qu'il en soit, l'ambition n'y fut pas étran-
gère. Son maître mort, il devint bientôt le premier
lieutenant de Mohammed-Bey, et l'aida à s'em-
parer de Khân-Younes, Ghazzah, Ramleh, Yaffà,
Acre et de plusieurs autres villes de la Palestine;
et lorsqu'une mort mystérieuse vint frapper Mo-
hammed-Bey el Khâijn dans son camp, sous sa
tente, et au milieu de ses triomphes ( 1775 ), ce
fut Murâd qui ramena au Kaire l'armée égyp-
tienne. Liant plus étroitement ses intérêts à ceux
de l'adroit lbrahim-Bey, il disputa le souverain
pouvoir à Ismaïl-Bey, que le divan du Kaire et
les principaux officiers des odjâqs (janissaires)
avaient élu chéick el beled en remplacement de
Mohammed ; mais Ismaïl le prévint, le chassa
du Kaire, et le força de se réfugier dans le
Saïd ; Murâd et Ibrahim s'y créèrent de nou-
velles ressources ; ils en descendirent avec une
nombreuse armée. Ismaïl fut vaincu, et dut
chercher un asile à Constanlinople. lbrahim-
Bey se fit alors reconnaître chéick el beled et
Murâd créa pour lui-même la dignité d'émir
el hag (prince du pèlerinage). Leur conduite
administrative fut, comme celle de la plupart
de leurs prédécesseurs , signalée par des usur-
(1) Officier chargé d'avoir soin des armes et de porter
le sabre de son maître.
&(*) Chef des beys d'Egypte.
- MURAD-BEY 96o
pationsetdes rapines. Leur quiétude fut un ins-
tant troublée par une attaque subite d'Ismaïl-Bey •
mais ils le battirent à Hélouân,dans la province
d'Alieh, exterminèrent les débris de ses par-
tisans et le poursuivirent jusque dans les ro-
ches de Gennadel, au-dessus de l'avant-der-
nière cataracte du Nil ( Chellâl el Nyl ).
Murâd conduisit alors au milieu des plus
grands dangers la caravane sacrée de La Mekke.
Attaqué plusieurs fois par des nuées d'Arabes
du désert , il les repoussa et ramena ses pè-
lerins sains et saufs. Cette campagne augmenta
son renom et lui donna beaucoup de partisans •
lbrahim-Bey prit souci de la popularité de son
ami, et quittant brusquement Le Kaire, se retira
à Minieh (haute Egypte). Murâd-Bey s'inquiéta
fort de la fuite de son collègue, et réussit à le
faire rentrer au Kaire ; mais leur bonne intelli-
gence dura peu, et bientôt ce fut le tour de Mu-
râd de s'exiler à Minieh ; il reprochait à Ibra-
him les faveurs dont il comblait cinq de ses
ennemis personnels, les beys Othmàn et Cher-
qaouy, Aïoub el Soghéir, Souléiman, Ibrahim
el Soghéir et Moustafà el Soghéir. lbrahim-Bey
essaya vainement de ramener la concorde-,
Murâd vint prendre position à Gyzeh sur la
rive gauche du Nil; le chéick el beled s'éta-
blit sur la rive droite, et après avoir échangé
durant dix - huit jours une canonnade qui
ne tua qu'un homme et un cheval, Murâd-
Bey remonta à Minieh. Dix mois plus tard il
fit la paix avec Ibrahim, mais à la condition
expresse que les cinq beys ses ennemis lui se-
raient livrés. Ceux-ci, avertis à temps par Ibra-
him , se jetèrent en armes dans la province de
Kélioub. Murâd courut les attaquer à Râs-el-
Khalyg ( La Tête du Canal) ; mais il fut blessé
et repoussé. Plus heureux dans une embuscade
qu'il tendit à ses adversaires, il les fit tous les
cinq prisonniers à Gesr el Assouad ( La Digue
noire), près des Pyramides. Avec une généro-
sité assez rare en Orient, et surtout parmi les
mameluks, il se contenta d'exiler les beys à
Mansourah, à Fareskour et à Damiette. En 1783
ils se soulevèrent de nouveau et furent encore
vaincus. Non-seulement Murâd leur fit encore
grâce, mais il les réintégra dans leur rang et
leurs privilèges. Il partagea alors paisiblement
avec Ibrahim le gouvernement et les revenus
( khazneh ) de l'Egypte. Le sultan Abd el Ha-
mid s'émut enfin de cet état de choses, et envoya
pour le réprimer le capitan-pacha Hassan à la
tête d'une nombreuse armée, qui débarqua
à Alexandrie le 23 juin 1786. Murâd ayant
échoué dans la voie des accommodements vint
présenter la bataille aux Ottomans à Rahmâ-
nieh. Dépourvu d'infanterie et d'artillerie, U fut
mis en pleine déroute, et se réfugia dans le Saïd,
puis jusqu'au delà des cataractes. Hassan réta-
blit Ismaïl dans ses anciennes fonctions ' de
chéick el beled. Ce chef étant mort de la peste,
Murâd et Ibrahim profitèrent de cette calamité
31 MURAD-BEY
îbliquepour rentrer au Kaire (7 aoûti79l). Leur
tour fut suivi d'une horrible famine, qu'on les
cusa d'avoir suscitée afin de se défaire à meil-
ur prix des grains accaparés par eux dans la haute
■yptc. Une révolte s'en suivit, mais elle fut apai-
e. Après avoir épuisé les ressources des popula-
>ns égyptiennes, les bey s attaquèrent les juifs et
s commerçants étrangers. Leur pillage organisé
: connaissait plus de bornes quand le 1er juillet
98 une armée française parut tout à coup de-
nt Alexandrie. Murâd-Bey habitait, sur la rive
cidentale du Nil, son magnifique palais de Gy-
h, où il s'était retiré pour vivre à l'abri des
et-apens de son collègue Ibrahim, lorsqu'il reçut
tte terrible nouvelle. Sûr du dévoumentde tous
> mameluks, dontson intrépidité lui avait acquis
ffection, il n'hésita pas à engager la lutte (1).
ssemblantà la hâte ses forces, il harcela quel-
es jours l'armée française avec un millier de
paliers, et le 25 messidoran vi(t3 juillet 1798),
ittendit les Français retranché dans le village
Chébréiss, qu'appuyait sur le Nil une flottille
dix à douze djermes ( grandes barques ar-
*es ). D'abord vainqueur sur le fleuve, il fut
ooussé et perdit trois de ses bâtiments ; sur
■re il ne fut pas plus heureux. Bonaparte,
inquant de cavalerie, forma son armée en cinq
rrés se flanquant les uns les autres ; l'artillerie
ut aux angles. Murâd-Bey lança sur ces cita-
Iles, vivantes mille à douze cents cavaliers intré-
les qui, se précipitant à grands cris et de tout
«galop de leurs chevaux, vinrent se heurter sur
front des carrés, trouvant partout des baïon-
ttes et un feu nourri ; ils tombaient devant les
ogs français ou flottaient indécis autour d'eux,
uràd, après avoir perdu trois cents de ses
is braves mameluks , gagna le haut du Delta,
se replia sur Le Kaire. Là il s'établit sur la rive
kiche du Nil, sa droite fortement appuyée par
village fortifié d'Embabeh, que défendaient
ènte-sept bouches à feu et vingt-quatre mille
ilahs ou janissaires, tandis que dix mille mame-
îs et trois mille cavaliers arabes s'étendaient
ns une vaste plaine située entre le fleuve et les
ramides de Gizeh, les plus hautes de l'Egypte,
ktte bataille, demeurée célèbre, eut lieu le 3 ther-
sdor an vi (21 juillet 1798) : les dispositions de
tnaparte furent les mêmes qu'à Chébréiss (2).
<s mameluks déployèrent dans leurs attaques
même valeur indisciplinée; les résultats
cent les mêmes. Rampon, malgré une opiniâtre
sjstance, emporta Embabeh, et Murâd, blessé
visage , prit la fuite vers la haute Egypte, où
esaix le poursuivit. Le bey avait perdu dans
9G2'
11) Cette dernière période de la vie de Murâd-Bey se
|nfondant avec la conquête de l'Egypte par Napoléon,
mis nous bornerons à en relater ici les principaux faits.
h détail!) se trouveront dans l'article consacré au grand
Spitaine.
fo) Les divisions Desaix etReygnier formaient la droite
Ses le désert ; la division Dugua formait le centre ;
divisions Menou et Bon formaient la gauche, le long
'Nil.
NODV. BIOCR. CÉNÉR. — T. XXXVI.
cette journée plus de trois mille (1) mameluks,
six mille Arabes ou fellahs, quarante pièces
d'artillerie , mille chevaux superbes , quatre
cents chameaux chargés de vivres et son camp,
où le butin fut très-considérable. La consé-
quence de cette victoire fut la reddition du
Kaire, où les Fiançais entrèrent le surlendemain.
Harcelé chaque jour par l'infatigable Desaix,
Murâd lui opposa la plus vive résistance. Tou-
jours battu, toujours repoussé, il ne cessait de
rassembler de nouvelles forces avec lesquelles
souvent il reprenait l'offensive. Délogé de Beh-
neseb, puis de Bankich, le 16 vendémiaire an vir
(7 octobre 17Û8), le bey osa attendre Desaix à
Sédiman, et lui livra une bataille acharnée. Au-
cun des combats des Français en Egypte ne fut
aussi sanglant. Desaix ne comptait que trois
mille hommes, qu'il divisa en quatre carrés.
Huitmille fellahs défendaient Sédiman, tandis que
quatre mille mameluks chargèrent l'infanterie
française avec furie pendant plusieurs heures
de suite. Pour la première fois, un des carrés
français fut rompu et trois cents soldats furent
sabrés; mais les autres tinrent ferme et les
Égyptiens durent fuir laissant un nombre con-
sidérable de morts. De part et d'autre on ne
fit pas de prisonniers. Desaix continua sa
marche pendant tout l'hiver, et après une série
de combats quotidiens se rendit maître de la
haute Egypte jusqu'aux cataractes. Ces défaites
réitérées ne découragèrent pas Murâd ; au com-
mencement de janvier 1799 il ne comptait pa&
moins de cinquante mille mameluks, fellans,
Nubiens, Maugrabins, Arabes de toutes les tri-
bus. Il évita néanmoins tout engagement sé-
rieux et recula devant Desaix l'espace de cent
lieues en dix jours. Le 22 janvier il fit tout à coup-
volte-face à Samnhoud. La bataille qui s'engagea
fut l'exacte répétition des précédentes; la conquête
du Saïd en fut la conséquence. Murâd recom-
mença sa guerre de partisans ; Desaix traversa
le désert à sa suite, et le chassa de Sionl, de
Kené, de Tintyra ( l'ancienne Thèbes aux cent
portes ), d'Esneh, de Syène ( dernière ville de
l'Egypte méridionale ) ; le 3 février il l'atteignit
et le culbuta à Louqsor. Mais Murâd surprit la
flottille française qui remontait le Nil et la
brûla. Desaix prit une revanche à Bénout, et le
bey, abandonné du plus grand nombre de ses par-
tisans, se réfugia chez les Barabras, peuplades de
la basse Nubie. Desaix prit les meilleures me-
sures pour lui fermer tout retour en Egypte. Son
infatigable adversaire déjoua ses précautions; et
dès le commencement de mai Murâd filait par la
rive gauche du Nil, ralliait les beys Elfi et Os-
man , soulevait les Arabes du désert de Bahi-
red, et s'avançait jusqu'aux Pyramides avec
huit cents mameluks et quatre mille fantassins.
(11 M. Thiers dit six cents mameluks tués et mille-
noyés ; il estime la perte des Français à une centaine de
morts ou blessés. (Hist. de la Révolution française,
cliap. XL.)
31
963
MURAD-BEY — MUR AIRE
90
Battu par Davout, il se dirigea par la vallée du
Barh-el-Belama ( Fleuve-sans-eau ), vers le
golfe Arabique, et campa près des lacs Nalrons.
Il y fut attaqué, le 1 1 juillet, par les généraux
Destaing et Murât. Le bey Osman et environ
le quart de l'armée égyptienne périt dans le
combat. Le reste s'enfuit en désordre dans le
désert. Poussé par la famine, Muràd recom-
mença vers le milieu d'octobre ses excursions
dans la vallée du Nil. Battu successivement à
El-Gunaïm et à Samnoud, il perdit ses bagages
et de nombreux guerriers. Desaix, qui tout en
le combattant sans relâche, admirait le courage
héroïque et l'indomptable persévérance du chef
des mameluks, tenta auprès de lui les voies de
la négociation, lui offrant un sort indépendant
s'il voulait poser les armes. Murâd rejeta ces
propositions, et continua à guerroyer. Oubliant
sa haine pour les Ottomans, il rallia ses débris à
l'armée du grand vizir Mustapha ( 16 janvier
1800 ). Mais, blessé par l'accueil qu'il reçut de
ce haut fonctionnaire, il fit prévenir Kleber qu'il
avait l'intention de garder la neutralité. En effet
il resta paisible spectateur de l'importante ba-
taille d'Héliopolis ( 20 mars 1800), qui rendit
l'Egypte aux Fiançais. Le 29 mars il eut une
entrevue solennelle à Gizeh avec Kleber, et dé-
clara formellement se soumettre à la France.
Kleber lui prodigua les marques d'une estime
sincère, le reconnut sultan français , et lui céda
leSaidà titre de feudataire, moyennant un tribut
annuel. Muràd promit, et tint fidèlement sa pro-
messe, que lui et ses mameluks combattraient
avec l'armée française. Kleber s'engageait de son
côté à lui faciliter l'occupation de l'Egypte dans
le cas d'évacuation. Le bey expulsa aussitôt les
Turcs qui s'étaient jetés dans le Saïd, et y fit ré-
gner l'ordre le plus parfait. Après l'assassinat
de Kleber ( 14 juin 1800), Muràd fit connaître
à Menou le plan de campagne des Anglo-Turcs
et lui offrit ses secours. L'impolitique Menou
reçut fort mat ses avis, et refusa ses offres.
Néanmoins lorsque l'armée anglaise eut débar-
qué, le général Beiliartf, forcé d'évacuer la haute
Egypte, invita Muràd à y descendre avec ses
mameluks ; le bey y consentit; mais une peste
effroyable qui désolait cette province l'em-
pêcha d'agir énergiquementr. Les revers des
Français l'affectèrent vivement. Sa santé s'altéra;
il fut attaqué par la contagion, et mourut après
trois jours de maladie. On prétendit, mais sans
preuves, qu il fut empoisonné avec une tasse
de café que lui aurait donnée une de ses maî-
tresses, gagnée par le grand vizir. Les beys et
les mameluks le regrettèrent sincèrement et
l'inhumèrent solennellement à Soanagny près
Talsta. Us brisèrent ses armes sur sa tombe,
déclarant qu'aucun autre n'était digne de les
porter. Ils reconnurent ensuite pour leur chef
Osman-bey Tambourgi que Muràd avait désigné
en mourant. «Muràd, dit M. J.-J. Marcel, igno-
rait complètement l'art de la guerre; mais outre
un courage à toute épreuve, la nature l'ava
doué de l'esprit le plus prompt, du coup d'œil
plus pénétrant. 11 ne demandait rien à la rus>
mais tout à la force. Taillé en vigueur, musci
leux, doué de nerfs d'acier, il tranchait en g;,j
lopant la -tête d'un bœuf d'unseu! coup de sabr
Sa physionomie martiale participait de celle c
lion. 11 n'avait pas d'égal sur le champ de b;
taille, et dans ses colères faisait trembler jusqu
son astucieux collègue Ibrahim-bey lorsqu
soupçonnait de lui quelque perfidie; Murâd n'i
tait point un homme ordinaire. Il avait l'instin i
du gouvernement sans en connaître les ressort i
Du reste, ne connaissant pas plus la dissimul.
tion que la haine rancuneuse, souvent générer
et pardonnant facilement; sachant apprécier
valeur et le mérite dans ses ennemis mêmes
dévoué à ses amis, fidèle à sa parole, tantôt ci
pide et intéressé, tantôt libéral et prodigue
mais orgueilleux, altier, irascible, et dans
premier feu de son irritation sacrifiant tou
même ses intérêts, à une vengeance immédiat»
si Ibrahim était le prudent Ulysse ou le fourl
Sinon de l'Egypte, MuràdBey en était le bouilla
Achille ou plutôt l'Ajax fougueux et indoro|
table. » A. ne Lacaze.
J.-J. Marcel, Egypte moderne , dans l'Univers pitt
resque{ Paris, Firmin Didot. 1848 ; Afrique, t. VI. p. 22
250. — Le général Gourgaud, Mémoires de Napoléi
(1823). — Le général Bertrand, Campagnes d'Égyi
et de Syrie ( 1847, 2 vol. ). — BerLhier; R> talion a
Campagnes du général Bonaparte en Egypte et en Syi
( 1801 ). — Les ducs de Rovigo et de Raguse, les généra
Reynier et Belliard, Mémoires. — Victoires et Co
quêtes des Français. — Thiers, Histoire de la Ilévol
tion française, t. VIII, p. 222-248. — Le même, Hi.
du Consulat, etc. — Damus-Hinurd , Napoléon, i
opinions et jugements sur les hommes et les choi
(1842).— Le Bas. Dict. Encyclop. delà France, ai
Egypte, Pyramides, etc. — Ainédée Ryme, Egypte m
derne : Période de la domination française, dans l'i
nivers pittoresque (. l'arls, Firmin Didot, 1848 ).
MtTRAiRE ( Le comte Honoré), homme pi
litique et magistrat français, né à Draguigna
le 5 novembre 1750, mort à Paris, le 22 n.
vembre 1837. 11 était un des meilleurs avoca
de la Provence lorsqu'en 1791 il fut nomn
président du district de sa ville natale, qui i
môme année le députa à l'Assemblée législ;
tive. Quoiqu'il prit place au côté droit,
montra un remarquable esprit d'équité, et li
15 février et 28 juin 1792 il insista pour qt
l'état civil fût enlevé au clergé. Il fil ensui
décréter que les jeunes gens âgés de vingt et u
ans pourraient se marier sans le consentemei
de leurs parents, et le 20 juin fit adopter '
divorce (1). Le 13 juillet il proposa la suspen
sion de Pétion, maire de Paris, et celle à
Manuel, procureur de là commune, coi nni
ayant sinon provoqué du moins toléré le mou
vement du 20 juin. Muraire fut nommé rap
porteur de la commission chargée de faire un
enquête sur la conduite de La Fayette ; il dé j
(1) Le divorce ne devint loi d'État que le
vant.
i août su
HC MURAIRE
•lara que le commandant en chef de la garde
lationale était resté dans la limite des lois et
t'avait point outre- passé ses pouvoirs. Muraire
1e fut point réélu à la Convention. En sep-
embre 1795, le département de la Seine le
lioisit pour l'un de ses représentants au Conseil
les Anciens. 11 se dessina parmi les réaction-
laires, et devint l'un des principaux orateurs du
lub de Clichy. Il parla en faveur des émigrés,
t attaqua souvent le Directoire ; aussi fut-il
ompi'is dans les listes de proscription des
18-19 fructidor an v (4-5 septembre 1797) et
ransporté à l'île d'Oléron. Amnistié en 1S00, le
i remier consul Bonaparte le nomma commissaire
Tes le tribunal d'appel , puis juge au tribunal
e cassation. Ce fui Muraire qui au nom de ses
ollègues, félicita, le 4 nivôse, Bonaparte d'avoir
ichappé à l'explosion de la macbine infernale de
i rue Saint-Nicaise. Protégé particulièrement par
oseph Bonaparte, Muraire devint successivement
llief du tribunal de cassation (1801) conseiller
'État (5 mai 1803), comte de l'empire, et
rand-oflicierdela Légion d'Honneur, avec le titre
e président, puis de premier président ( 1804).
I se livra vers 4 812 à quelques opérations
nancières qui faillirent amener sa disgrâce;
îais son gendre, M. Decazes, obtint de l'em-
ereur, alors à Dresde, qu'il ne serait donné au-
une suite aux accusations soulevées contre le
magistrat agioteur. Muraire abandonna facile-
îent le gouvernement impérial, et le 20 avril
814, complimenta Monsieur, comte d'Artois
depuis Charles X), sur son entrée en Fiance
omme lieutenant général du royaume. Cepen-
ant, en février 1815, il tuf remplacé par de
*è/.e. Napoléon le réintégra aussitôt après son re-
gnr ( 20 mars ) ; mais à la seconde rentrée des
•ourbons, Muraire fut définitivement rendu à
* vie privée. Il était un des membres les plus
Hevés de Tordre maçonnique du rit écossais, et
laissé en cette qualité de nombreux travaux.
»n a aussi de lui V Éloge de Target, in-8°, et
lelui du lieutenant général baron Maransin ;
l'aris, 26 juin 1828, in -8°. H. L— r.
Le Moniteur universel, an 1792, n°» 47, 178. 190, 199,
r*S, 254 ; an IV, n°s 89, 201, 336 ; an V, n°8 1, 126, 244,
58, 350. — Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biogr. nou-
velle.
MURALT (Jean de), médecin et naturaliste
luisse, né à Zurich, en 1045, mort en 1733.
!)'une famille noble deLocarno qui, étant passée
u protestantisme, avait émigré à Zurich, il étu-
ia la médecine dans diverses universités d'Al-
emagne, de France et d'Angleterre. De retour à
wirich, il y fut nommé médecin de la ville; en
'691 il obtint la chaire de physique et de mathé-
matiques. On a de lui : Schola mutorum et sur-
'orum ; Zurich, 1665 ; — Exercitaliones ana-
ornicx ; Montpellier, 1670; — Expérimenta
matomica de humoribus in noslro corpore
Hrcumfluentibus ; Zurich, 1675; — Chirur-
iscJi.' sdtrif /en (Œuvres de chirurgie;; Bâte
691 et 17 1 1 , in-S° ; — Hippocrates Helveticus';
- MUR A NO 96C
BaJe, 1092, in-4°; et 1710, in-8°; — Syslema
Physicx experimentaUs ; Zurich, 5 vol. in-4°;
ce livre contient un Catalogue des Plantes de
la Suisse, qui parut traduit en allemand par l'au-
teur; Zurich, 1717; — Gesundheilschatz vnder
die ansteckenden Seucben (Trésor de santé
contre les épidémies) ;Zurich, 1714;— Zoologia,
seu animalium contemplatio physica; Zu-
rich, 1709, in-s°; — plusieurs dissertations, des
observations anatomiques, dans les Ephemeri-
des nalurxcuriosorum. o.
Journal hist. delà République des lettres,\. XVIII. —
Eloy, Dict. de Médecine.
M un alt (Béat-Louis de), littérateur suisse,
né à Berne, au commencement du dix-huitième
siècle. Il appartenait à la même famille que le
précédent. Il parcourut la plupart des contrées
de l'Europe, et écrivit en français des ouvrages
assez superficiels , mais qui réussirent beau-
coup, à cause de leur singularité. Nous citerons
les suivants : Lettres sur les Anglais et les
Français et sur les voyages; Zurich , 1725,
in-8°; 1726, 2 vol. in-12; les éditions subsé-
quentes (Cologne, 1727, 1728, et Zurich,
1755, 3 vol. in-8°) contiennent de plus, sous le
titre d'Apologie, des observations critiques de
l'abbé Desfontaines et du P. Brumoy ; — L'Ins-
tinct divin recommandé aux hommes ; 1727
in-12; Zurich, 1753, in-8°; Paris, 1790, in-12;
— Le Système des anciens et des modernes
concilié par l'exposition des sentiments diffé-
rents de quelques théologiens sur l'état des
âmes séparées du corps; Amsterdam, 1733,
in-12 : cette édition est augmentée d'une réponse
au livre intitulé : Examen de l'Origénisme ; —
Lettres fanatiques; Londres, 1739, 2 vol.
in-12; — Fables; Berlin, 1753, in-8"; —His-
toire de Frédéric le Grand, roi de Prusse;
1757, 2 vol. in-12. II passe pour être l'auteur
des Lettres sur la religion essentielle à
V homme, distinguée de ce qrii n'en est que
l'accessoire (6 vol. in-s°), recueil dont on a
publié plusieurs réfutations. K.
Ersch, France Littéraire de 1769.
mcrano ( Quirico n\ ), peintre de l'école
vénitienne, né à Murano, florissait vers 1400.
Un Christ avec Une dévote, tableau qui faisait
partie de la galerie Sasso à Venise, est signé
Qniricius da Murnno. Le musée de Venise pos-
sèdedelui une Madone avecl'enfant endormi,
et un Christ descendu de la croix. E. B — n.
L.mzi, Stnria pittorica — Ticozzi, Diiionario. — Ac-
cademia délie Belle-Arti di fenezia.
jhurano (Andréa t>\ ), peintre de l'école
vénitienne, né à Murano, florissait dans les pre-
mières années du quinzième siècle. Bien qu'il
conservât encore l'ancienne sécheresse et ne
composât pas mieux que ses contemporains, il
sut dessiner plus correctement les visages et
les extrémités, et il posa ses figures mieux d'a-
plomb sur leur plan. Il avait peint pour l'église
de Santo-Pietro-martire de Murano deux ta-
bleaux aujourd'hui à l'Académie des Beaux-Arts
31.
967
MURANO — MURAT
9C8
de Venise, un Saint Pierre martyr et un Saint
Sébastien. Les nus de cette dernière figure sont
si bien dessinés, que Zanetti la suppose copiée
d'après quelque statue antique. Ce fut Andréa
qui introduisit l'art dans la famille des Vivarini,
qui jouèrent un rôle si important dans l'école de
Murano. E. B — n.
Zanetti, Delta Pittura Veneziana. — Verci, Notizie
intomo alla vita de' Pittori, etc., diBassuno. — Lanzi,
Storia pittorica. — Ticozzi, Dizionario. — Accade-
mia délie Belle-Arti di Venezia.
murant ( Emmanuel ) , peintre hollandais,
né à Amsterdam, le 22 décembre 1622, mort à
Leeuvarden, en 1700. 11 apprit son art du célèbre
Philippe Wouwermans, et se consacra au pay-
sage animé. Il voyagea beaucoup, et parcourut la
plus grande partie de l'Europe. Issu d'une famille
française, il s'arrêta longtemps à Paris, où il a
laissé quelques œuvres ; quelques œuvres seu-
lement, disons-nous, car les tableaux de Murant
sont d'un tel fini que le nombre en est fort rare.
Ils représentent tous des bourgs, des villages,
des ruines ; « mais ce qui y surprend , dit Des-
camps, c'est qu'imitateur de van der Heyden, on
peut avec la loupe y compter les briques et les
pierres. Ce fini n'est point aux dépens de l'ac-
cord des couleurs; les teintes différentes, grises
et rougeâtres , placées avec art , donnent à ses
tableaux des tons chauds et pétillants. Le temps
qu'il mettait à faire un tableau en rend le nombre
petit; on n'en voit que chez les princes et les ri-
ches. « A. de L.
Descamps, La Fie des Peintres hollandais, t. Il, p. 107.
mùrat ( Henriette - Julie de Castelnau ,
comtesse de), femme auteur française, née en
1670, à Brest, morte le 24 septembre 1716, au
château de La Buzardière (Maine). Elle était pe-
tite-fille des maréchaux de Castelnau et de Do-
gnon, et fille de Michel de Castelnau, meslre de
camp de. cavalerie et gouverneur de Brest, qui
mourut en 1672, à Utrecht, d'une blessure qu'il
avait reçue à l'attaque d'Ameydon. Dès l'âge de
seize ans elle épousa Nicolas , comte de Murât,
brigadier des armées du roi; on raconte qu'elle
parut alors dans le costume des villageoises bre-
tonnes à la cour, où son esprit et sa beauté lui
méritèrent les hommages des poètes. Née avec
beaucoup d'imagination et de vivacité, mais avec
trop de. penchant pour le plaisir, elle donna
quelquefois dans des égarements que sa nais-
sance ne servit qu'à rendre plus - scandaleux.
Ses intrigues la firent exiler à Loches. Après la
mort du roi elle fut rappelée à Paris, sur la de-
mande de la marquise de Parabère , son amie.
Elle a laissé des vers pleins de grâce et de faci-
lité, et des romans qui l'ont placée au rang des
femmes célèbres du grand siècle. Nous citerons :
Mémoires de M'ne la comtesse de M*** avant
sa retraite, pour servir de réponse aux Mé-
moires de Saint-Évremond; Paris, 1697 , Amst,
1698, 1711, 2 vol. in-12 ; ces mémoires sont
présentés comme étant ceux de l'auteur, mais
c'est moins une histoire qu'un roman ; — Nou- !
veaux Contes des fées ; Paris, 1698, 2 vol. in-12,
et dans le Cabinet des fées; ces contes sonl
écrits avec infiniment d'esprit ; — Voyage de
campagne , par la comtesse de M*** ; Paris,
1699, La Haye, 1700, 2 vol. in-12. « Ce roman,
dit Lenglet-Dufresnoy, qui a été faussement at- j
tribué à Mme Durand, est écrit avec beaucouf
d'esprit et de goût. Il y a dans le second volume
des scènes, ou sortes de comédies proverbes, qu
sont d'une autre dame; » — Histoires sublimei
et allégoriques de Vannée 1699, par la com-
tesse D***; Paris, 1699, 2 vol. in-12: attribuées
quelquefois à Mme d'Aulnoy ; — Histoire ga-\
lante des habitants de Loches : l'idée est em-
pruntée au Diable boiteux, qui venait de pa-
raître; — Les Lutins du château de Kernosy.
nouvelle historique; Leyde (Paris), 1710,
1717, 2 vol. in-12: Gn cite ce roman comme ui
des meilleurs de Mme de Murât; — des chanson;
et des pièces fugitives répandues dans les re-
cueils du temps. On lui a faussement attribut
un roman de Lesconvel, intitulé La Comtesse d(
Chdleaubriant (1695, in-12). P. L.
Prudhomme. liiog. des Femmes célèbres, — Lenglet-
Dufresnoy, Biblioth. des Romans.
murât (Joachim), général français, roi d<
Napîes sous le nom de Joachim- Napoléon, m
le 25 mars 1771, à La Bastide-Fortunière (Lot)
fusillé le 13 octobre 1815, au Pizzo. Issu de pa
rents obscurs, car son père était aubergiste, i I
eut une enfance vulgaire comme son berceau:
mais sa physionomie sociale se dessina tout d'a-
bord par l'impétuosité brillante de son carac |
tère, par la fierté de ses traits, tout guerriers,
et par la mâle vigueur d'une constitution athlé-
tique. Sa famille s'imposa pour lui les soins gé-
néreux d"une éducation libérale, et c'est au col- 1
lége de Cahors, où la protection d'une famill(|
puissante lui avait fait obtenir une bourse, qu'i •
fournit la carrière des études littéraires. Quel-
ques velléités d'entrer dans le sanctuaire, échauf-'i
fées sans doute par des inspirations domestiques)
le portèrent à prendre l'habit ecclésiastique , ei
dans le dessein de s'initier au droit canon, il se i
rendit à Toulouse. Mais le jeune abbé Mural
n'était pas fait pour un ministère de paix, son
élément devait être la guerre, et l'étole ou la
mitre eussent été pour lui de trop pâles orne-
ments. La froide étude des sciences théologiques
ne put longtemps le captiver, et l'amour des :
plaisirs et le bruyant "métier des armes vinrent
l'enlever bientôt aux débats trop paisibles de
Scott et de saint Thomas. Un régiment de cava- j
lerie, le 12e de chasseurs (régiment des Arden-
nes) passait à Toulouse; Murât s'y enrôla vo-
lontairement, et moins de deux ans après il était
devenu maréchal des logis. Renvoyé de ce corps
pour avoir pris part à un acte d'insubordination,
il fut obligé de revenir à la Bastide, où son père,
qui lui pardonnait difficilement d'avoir jeté le
froc aux orties, se montra envers lui si sévère,
909
• si inexorable que Joacliim necherclia plus que l'oc-
casion de se soustraire aux reproches incessants
lont sa conduite était l'objet. Lors de la formation
ie la garde constitutionnelle de Louis XVI, corps
qui devait se composer d'un certain nombre de fils
de citoyens actifs de chaque département, Mural
sollicita l'honneur d'y entrer, et fut d'abord re-
ooussé. Heureusement pour lui, J.-B. Cavai-
mac, député du Lot, intervint en sa faveur, et,
choisi par son département, il fut envoyé à Pa-
ris avec le jeune Bessières , depuis maréchal
l'empire et duc d'Istrie. Avant le licenciement
le celte garde, il passa dans le 21e régiment
Je chasseurs à cheval, où ses connaissances spé-
ciales lui firent obtenir le grade de sous-lieute-
nant, le 30 mai 1791. Partisan enthousiaste de
a révolution, Murât présida un de ces comités
^puratoires chargés de soumettre dans tous les
corps la conduite des chefs à un examen sévère,
i ;t fut dénoncé après le 9 thermidor an n ( 27 juil-
let 1794) pour avoir, dit-on, demandé à la so-
ciété des Jacobins de Paris l'autorisation de
i changer la seconde lettre de son nom , et de
prendre celui de Marat, lorsque ce féroce tribun
Hait tombé sous le poignard de Charlotte Cor-
3ay. La protection du conventionnel Cavaignac
iétourna l'orage ; aussi Murât sut-il plus tard se
nontrer reconnaissant envers le compatriote qui
vait fait rayer son nom des registres du comité
(le salut public. A cette époque, il avait déjà fait
«on chemin , et la bravoure et les talents qu'il
avait déployés à l'armée des Pyrénées occiden-
itales lui avaient valu un avancement rapide. 11
avait été nommé successivement aide de camp
jdu général d'Hurre, chef d'escadron et enfin
;Colonel de son régiment. Toutefois il eut à com-
battre pendant quelque temps les préventions et
la défiance du Directoire, qui , se rappelant sa
iconduite avant thermidor, se refusa de le recon-
naître dans ce dernier grade que lui avaient
conl'éré les représentants du peuple en mission
eux armées et avait même prononcé déjà sa des-
titution. Après être demeuré quelque temps à
(Paris sans emploi, il fut définitivement réintégré
à l'époque du 13 vendémiaire an iv ( 5 octobre
fl795), où Bonaparte, qui avait deviné en lui
jl'homme de résolution, l'avait expédié , dès six
[heures du matin, avec trois cents cavaliers, pour
Tramener de la plaine des Sablons dans le jardin
[des Tuileries, un parc de quarante bouches à feu.
[.Murât réussit complètement dans cette mis-
[sion. Tels furent les premiers rapports de ces
[deux hommes , réservés à de si hautes desti-
tuées. Bonaparte ayant été nommé, le 26 fé-
Ivrier 1796, commandant en chef de l'armée d'I-
Ualie, s'attacha Murât, devenu chef de brigade, et
[fit de lui presque aussitôt son aide de camp. Dès ce
[moment Murât conquit cette popularité militaire
[.qui ne l'abandonna jamais, et son intrépidité sur
l'Ies champs de bataille de Dego , de Ceva et de
'Mondovi eut un caractère qui semblait un reflet
de l'ancienne chevalerie. Mais ce ne furent pas
MURAT 970
ses seuls titres à la confiance du général en chef.
Bonaparte, appréciant son intelligence, l'envoya
à Turin préparer avec Salicctti les négociations
du traité de paix qui, remettant à la France
toutes les places fortes occupées par ses armées,
réunissait aussi la Savoie, Nice et Tende au ter-
ritoire de la république. En mai 1796, il le
chargea d'apporter au Directoire les drapeaux
enlevés aux Austro-Sardes. De retour à l'armée
avec le grade de général de brigade , qu'il
obtint au mois de pluviôse an v , Murât se
couvrit de gloire dans presque toutes les affaires
qui signalèrent la suite de cette campagne, no-
tamment au siège de Mantoue , aux combats de
Roveredo et de Saint-Georges (4 et 15 septembre),
où il reçut plusieurs blessures, et ce fut lui qui,
le 13 mars 1797, exécuta avec sa cavalerie le
fameux passage du Tagliamento, fait d'armes
qui déconcerta tous les plans de l'archiduc Char-
les et força l'Autriche à signer les prélimi-
naires d'un traité de paix.
Choisi pour faire partie de l'expédition d'E-
gypte , Murât s'embarqua avec Bonaparte, le
19 mai 1798, déploya la plus grande valeur à la
prise d'Alexandrie et à la bataille des Pyramides
(2 et 23 juillet), et en février 1799 reçut le
commandement du corps de cavalerie qui se
dirigea vers la Syrie. Au siège de Saint-Jean
d'Acre, il sollicita le périlleux honneur de monter
le premier à l'assaut, et mit tant d'insistance
dans sa demande que Bonaparte dut finir par la
lui accorder. Dans cet assaut meurtrier, qui ne
put décider cependant la prise de la ville, Murât,
que le panache flottant au-dessus de sa tête dé-
signait aux coups de l'ennemi , reçut dans le
collet de son habit une balle qui traversa sa cra-
vate et lui effleura le cou. Une autre balle abat-
tit son panache qui resta au pouvoir des assiégés
et que le pacha réclama comme un glorieux
trophée. Après s'être emparé du poste de Zafet,
il pénétra par la plaine d'iacoub jusqu'au lac de
Génésareth ; puis apprenant que les troupes qu'il
avait laissées à Zafet avaient été, contre son at-
tente, attaquées par des forces supérieures, il
revint sur ses pas, débloqua le poste, chassa les
Turcs du pont d'iacoub, et prépara par ce succès
la victoire du Mont-Thabor, que Bonaparte rem-
porta le lendemain (16 avril). Le jour suivant,
il s'empara des magasins deTabarieh, où l'armée
trouva d'immenses approvisionnements , puis
alla dissiper quelques rassemblements d'Arabes
vers le lac Natron. Bonaparte, qu'il rejoignit aux
Pyramides de Gizeh, lui donna ensuite l'ordre
d'occuper Romanieh avec sa cavalerie. A la ba-
taille d'AbouUir, il eut le commandement de l'a-
vant-garde, et par un mouvement aussi habile
qu'audacieux, coupa toute retraite à Mustapha-
Pacha, jusqu'à la tente duquel il pénétra après
s'être emparé de son camp. Celui-ci en se défen-
dant lui tira presque à bout portant un coup de
pistolet, dont la balle le blessa au-dessous de la
mâchoire inférieure; mais Murât abat d'un coup
971 MURAT
de sabre deux doigts de la main droite de son
adversaire, le fait prisonnier et l'envoie au quar-
tier général. « Le gain de la bataille d'Aboukir est
dû principalement au général Murât, dit Bona-
parte dans sa dépêche du 28 juillet au Directoire;
je vous demande pour lui le grade de géné-
ral de division ; sa brigade de cavalerie a fait
l'impossible. » Ce grade lui fut en effet accordé
(octobre 1799). Du reste, sa réputation devint
si grande en Egypte que le célèbre Murad Bey
s'enorgueillissait de porter à peu près le même
nom que lui.
Dépositaire des projets ambitieux, de Bona-
parte, qui le jugeait nécessaire à leur exécution,
Murât revint d'Egypte avec lui , et le seconda
énergiquement dans la journée du 18 brumaire.
A la tête de soixante grenadiers , il entra dans la
salle du Conseil des Cinq Cents, somma l'Assem-
blée de se séparer, et sur son refus commanda
une charge qui opéra la dispersion des représen-
tants. Pour reconnaître ce service, Bonaparte lui
donna la main d'Annonciade- Caroline, la plus
jeune de ses sœurs (20 janvier 1800), et en
même temps le fit commandant de la garde des
consuls. La guerre ayant éclaté de nouveau entre
la France et l'Autriche, Murât prit le comman-
dement de l'avant-garde de l'armée, qui allait
disputer aux Impériaux le théâtre de ses premiers
exploits, pénétra de vive force dans Verceil
(27 mai), passa la Sesia, s'empara le surlende-
main de Novare, franchit le Tessin, et après un
combat sanglant, livré sur ses bords, entra le
2 juin dans Milan. Poursuivant sa marche vic-
torieuse, il occupa Plaisance le 9 du même mois,
et commanda la cavalerie à la bataille de Ma-
rengo, après laquelle Bonaparte lui décerna un
sabre d'honneur pour rendre hommage aux ta-
lents qu'il avait déployés dans cette journée, où
la cavalerie donna la victoire à l'armée française.
Après l'armistice conclu le 16 janvier 1801 à
Trévise , entre le général Brune et le général
Bellegarde, Murât fut investi du commandement
de l'armée d'observation destinée à replacer le
pape sur le trône pontifical, chassa les Napolitains
des États de l'Église, et le 6 février 1801 conclut
à Foligno, avec le chevalier Micheroux, un ar-
mistice qui fut suivi d'un traité signé à Florence,
le 28 mars suivant, entre la France et. le roi des
Deux-Siciles. Ce traité cédait l'île d'Elbe à la
France; Murât eut ordre d'aller prendre posses-
sion de cette île, alors occupée par les Anglais;
mais la signature des préliminaires de paix avec
l'Angleterre l'empêcha de continuer le siège de
Porto-Ferrajo qu'il avait entrepris.
A son retour à Paris , Murât fut nommé par
le premier consul, son beau frère, président du
collège électoral du Lot (octobre 1803), et ses
compatriotes, fiers de sa gloire, le choisirent
pour député au corps législatif. Il ne joua au-
cun rôle dans cette assemblée; mais les élec-
teurs du Lot n'eurent pas à se plaindre , sous
un autre rapport, de leur choix ; car le crédit de
972
Murât et sa haute influence furent très-utiles à
ce département. Le 15 janvier 1804, il reçut le
titre de gouverneur de Paris, et en cette qualité,
par arrêté du 20 mars suivant, il créa la commis.
sion militaire qui condamna le duc d'Enghien
à être fusillé. Cependant il sentait et peut-être
plus vivement que Bonaparte lui-même com-
bien il était nécessaire de signaler par des actes
de clémence l'aurore du règne impérial ; car il
avait une certaine grandeur d'âme et était sus-
ceptible des plus nobles inspirations. Il sollicita
la grâce de Georges Cadoudal avec de si vives
instances que le nouvel empereur lui en témoi-
gna son mécontentement. Créé maréchal de
l'empire ( 19 mai 1804), Murât devint successi-
vement prince, grand -amiral (1er février 1805),
grand -aigle delà Légion d'Honneur (2 février)
et chef de la 12e cohorte. En mai suivant, il re-
çut l'Aigle noir de Prusse, lui qui quatre an-
nées auparavant avait refusé les décorations
que lui offrait le roi dé Naples. Mais les temps
étaient changés !
A la reprise des hostilités contre l'Autriche en
1805, il dirige les opérations de la cavalerie, et
porte les premiers coups à l'ennemi qui, le 8 oc-
tobre, laisse entre ses mains son artillerie, ses
drapeaux et quatre mille prisonniers. Peu de
jours après, il force le général Werneck à capi-
tuler dans Langenau, bat encore les Autrichiens
à Neresheim et à Lambach, et fait son entrée à
Vienne, le 1 1 novembre. Enfin il sort de cette
capitale le 20 du même mois pour sabrer à Hol-
labrunn l'arrière-garde russe, remporte une nou-
velle victoire à Guntersdorf et concourt puis-
samment au succès de la bataille d'Austerlifz
( 2 décembre).
Nommé par Napoléon grand-croix de l'ordre
de la Couronne de Fer ( 20 février 1800 ), Murât
reçut un trône de son beau-frère, devenu maître
d'un vaste territoire. Le 15 mars suivant, il fut
créé grand-duc de Berg et de Clèves, et à peine
eut-il pris possession de sa souveraineté, qu'il
sut se concilier l'affection de ses sujets par une
administration douce et paternelle et par le res-
pect qu'il montra pour les mœurs et pour les
usages des Allemands. Forcé d'opérer des change-
ments dans le système administratif de ce pays,ii
ne lesadmit qu'avec une sage réserve, n'augmenta
pas les impôts, n'introduisit dans son duché ni
l'enregistrement, ni les droits réunis, ni le mo-
nopole du sel et du tabac , et ne soumit qu'à un
droit très-léger et uniforme les marchandises
qui entraient dans le pays ou qui devaient le
traverser. Mais ce qu'on ignore généralement,
c'est que le grand-duc de Berg eut souvent à
lutter contre l'influence des conseils qui s'effor-
çaient de montrer à Napoléon un danger dans
l'exemple d'une administration paternelle. L'em-
pereur voulut faire des remontrances, parler
en maître à son beau-frère ; Murât demeura in-
flexible, et un jour même, à la suite d'une dis-
cussion fort vive, menaça de sa démission. De-
972 MUR
puis , on le laissa gouverner à sa guise et selon
les inspirations de son cœur.
Le ««octobre 1806,1a Prusse, l'Angleterre, la
Russie et la Suède se coalisent contre la France.
C'est la première de ces puissances qui com-
mence les hostilités, et Murât, toujours à l'a-
vant-garde de la grande armée avec la cavalerie,
poursuit les Prussiens jusqu'aux portes de Leip-
zig, contribue à la victoire d'Iéna, force Er-
furth de capituler, fait prisonnière une brigade
commandée par le .prince de Holienlohe , et at-
taque dans Lubeck le général Bliicher, qui se
rend à lui avec ses troupes et un immense ma-
tériel. Cependant la Russie venait au secours de
la Prusse aux abois ; Murât marche au-devant
des troupes russes , et entre dans Varsovie le
28 novembre. Rien ne résistait à la redoutable
cavalerie qu'il commandait , et avec laquelle il
fit à Eylau de nouveaux prodiges de valeur. Ce
fut à lui qu'après. bataille de Friedland le. prince
Bagration et le général Beningsen s'adressèrent
pour solliciter un armistice, et quand Napoléon
l'eut accordé , Murat fut le seul général français
qui accompagna l'empereur dans son entrevue
avec Alexandre sur le Niémen ( 21 juin 1807).
Après la paix de Tilsitt, il se disposait à se
rendre dans son grand-duché, lorsque Napoléon
lui confia le commandement d'une armée qu'il
destinait secrètement à la conquête de l'Espagne,
mais sur les opérations de laquelle- il ne lui
donna que des instructions fort incomplètes.
Murat, qui , s'il faut s'en rapporter à.des mé-
moires contemporains , se sentait déjà à l'étroit
dans sa souveraineté et convoitait un royaume
qui lui permettrait de marcher l'égal des rois de
l'Europe, s'empara de Madrid, le 25 mars 1808.
Napoléon, devinant ses velléités ambitieuses,n'a p-
prouva point cette précipitation, mais lui montra
en perspective l'héritage de la maison de Bra-
gance.. Ce qu'il avait prévu ne tarda point d'ar-
river. Une insurrection terrible éclata à Madrid,
et l'existence de tous les Français se trouvant
menacée , Murat , à bout des moyens de conci-
liation pour arrêter l'effusion du sang, se vit
obligé de recourir à la force. La journée du 2 mai
fut fatale à un grand nombre d'Espagnols. Le
vieux roi Charles IV l'investit alors de toute
l'autorité royale, qu'il conserva jusqu'au mo-
ment où Joseph Napoléon , déjà roi de Naples ,
fut appelé au trône d'Espagne (6. juin 1808 ).
Dans l'intervalle , il avait décidé tous les mem-
bres de la famille royale à se rendre à Bayonne
où Napoléon les attendait, et l'on sait qu'une fois
sur le territoire français ils n'en sortirent plus.
Déçu dans ses espérances sur la Péninsule,
Murat, à son retour en France, eut avec son
heau - frère des explications très-vives, et Napo-
léon, pour mettre fin aux sollicitations de sa sœur,
consentit à lui donner la couronne de Naples
(15 juillet 1808). Proclamé le 1er août sous le
nom de Joacliim-Napoléon, il alla le mois sui-
vant prendre possession de ses nouveaux États,
AT 974
et vit malheureusement des démonstrations sé-
rieuses de dévouement dans les hommages qui
lui furent rendus, sans songer que la faveur po-
pulaire est changeante et que naguère encore on
les prodiguait à l'ancienne dynastie. Un de ses
premiers soins fut de s'emparer de l'Ile de
Capri, que les Anglais avaient fortifiée avec tant
d'art qu'ils la surnommaient le Petil-Gibraltar.
Sir Hudson-Lowe , qui depuis fut le geôlier de
Napoléon à Sainte-Hélène, ne put défendre ce
rocher et se vit contraint de capituler. Ce succès
obtenu en quelques jours donna au nouveau roi
une popularité qu'augmentèrent les actes de son
administration. Il interdit toute arrestation ar-
bitraire , affermit les institutions françaises , et
tout en établissant la conscription militaire, en
adoucit la rigueur par de sages modifications.
Le roi Joseph n'avait laissé qu'une armée d'en-
viron seize mille hommes, sans discipline,
aussi mal vêtus que mal commandés. Dans l'es-
pace de six ans Murat la porta à soixante mille
hommes de belles troupes. La cavalerie, l'ar-
tillerie, le génie attirèrent surtout son attention
et de grandes améliorations furent apportées
dans la marine, qui vit sortir deux vaissvaux et
plusieurs frégates des chantiers de Cellamare.
Enfin, il opéra les mêmes changements dans l'ad-
ministration civile , encouragea les savants et
les gens de lettres, favorisa les établissements
utiles aux sciences . Sans doute , l'on a reproché
à Murat son goût pour la parure et ta repré-
sentation, son plaisir à paraître enpublic avec
l'appareil d'un roi de théâtre, coiffé d'une toque
noire ornée d'une longue plume blanche ; mais
qu'importent ces puérilités? Heureux les peu-
ples s'ils n'avaient que des travers de ce genre
à reprocher à tant de rois d'extraction légitime.
Malheureusement, Murat joignait à d'éminentes
qualités une faiblesse de caractère qui le met-
tait sous la dépendance presque absolue de sa
femme. C'était elle qui l'avait poussé à ambi-
tionner un trône ; ce fut elle qui ,. dès qu'il fut
monté sur celui de Naples, l'excita à secouer
la tutelle de Napoléon. Une circonstance amena
en effet une rupture entre les deux beaux-frères.
Au mois de juin 1809, une flotte anglo-sici-
lienne s'empara des îles d'Ischia et de Procida,
et après avoir été contrainte de s'en retirer,
tenta d'opérer des soulèvements à Naples et de
reprendre Capri. Pour se venger, Joachim ré-
solut d'attaquer les Anglais en Sicile, et sous le
feu <te la flotte ennemie, réussit à réunir une
flottille assez nombreuse pour y transporter ses"
troupes. Le passage fut ordonné ; mais une seule
division,, celle du général Cavaignac, débarqua
de l'autre côté du Phare, et l'on peut être fondé
à croire que les motifs, encore ignorés, qui em-
pêchèrent les autres divisions de la suivre ap-
partiennent à une politique d'un ordre supérieur.
Quoi qu'il en soit, Joachim dut renoncer à son
expédition, et en attribua l'insuccès au mauvais
vouloir de la cour des Tuileries, à laquelle il ne
975 MURAT
dissimula pas son mécontentement, augmenté dès
lors par le ton de hauteur de Napoléon. Croyant
pouvoir se passer de l'appui de la France, il
demanda l'éloignement des troupes françaises ,
essuya un refus, et pour montrer qu'il ne vou-
lait point jouer le rôle de simple vassal de l'em-
pereur des Français, rendit un décret aux termes
duquel tous les étrangers employés dans son
royaume devaient se faire naturaliser Napoli-
tains ou renoncer à leurs fonctions. Par un
décret de 18 il , Napoléon rappela à Joachim
son origine : « Considérant, dit ce décret,
que !e royaume de Naples fait partie du grand
empire, que le prince qui règne dans ce pays
est sorti des rangs de l'armée française , qu'il a
été élevé sur le trône par les efforts et le sang
des Français, Napoléon déclare que les ci-
toyens français sont de droit citoyens du royaume
des Deux-Siciles. » Ce décret fut un coup de
foudre pour Joachim, qui, croyant se venger
de Napoléon par de puériles représailles, af-
fecta de ne plus porter la croix de la Légion
d'Honneur, voulut différer la célébration de la
fête du roi de Rome et fit même sentir sa mau-
vaise humeur à la reine Caroline. Dans son dé-
pit, il se retira dans son palais de Capo-di-Monte,
et y tomba malade.
H Cependant, la guerre qui éclata en avril 1812
entre la France et la Russie mit un terme à ces
querelles de famille. Napoléon crut ne pouvoir
se passer de Murât , et joachim de son côté ne
put résister à l'invitation de l'empereur, qui ,
n'ayant point perdu son ascendant sur son es-
prit , l'appelait de nouveau au commandement
de la cavalerie de la grande armée. Au combat
d'Ostrowno ( 25 juillet), il attaque, disperse
l'ennemi et lui fait perdre une partie de son ar-
tillerie. A Smolensk ( 17 août ) , il prend posi-
tion sur le plateau à droite de la ville> et y fait
établir une batterie de soixante pièces qui porte
la confusion et la mort dans les rangs des Russes.
Lui et le maréchal Ney auraient voulu que l'armée
s'arrêtât là et ne franchît point le Borysthène;
mais Napoléon avait décidé qu'on irait à Moscou
et peut-être plus loin encore. Il fallut marcher.
A ta bataille de la Moskowa ( 7 septembre ) , ce
fut lui qui , avec la division Morand , enleva
à neuf heures du matin la grande redoute russe,
et qui , par un changement de front qu'il fit
opérer à l'armée, vers quatre heures de l'a-
près-midi , procura le brillant succès qui mit fin
au carnage, en décidant la retraite des Russes-
Mais le 18 octobre, le général Kutusow lui fit es-
suyer à Winkowo une sanglante déroute. Joa-
chim fut chargé du commandement de l'escadron
sacré qui formai C la garde de Napoléon pendant
ia désastreuse retraite , et à Smorgoni , douze
lieues est de Willika, l'empereur lui remit en
partant pour la France le commandement en
chef des débris de la grande armée (5 décembre).
A peine Napoléon se lut-il éloigné que le décou-
ragement s'empara de Murât comme de tous les
976
braves qui venaient d affronter des souffrances
plus redoutables que la mort, et il commit la
faute inexcusable d'ahandonner, par sa fuite pré-
cipitée, aux Russes en butte aux mêmes besoins
que les Français , les immenses magasins ras-
semblés à Wilna. Le 8 janvier 1813, il remit le
commandement en chef de ce qui avait été la
grande armée au prince Eugène Beauharnais,
et le 17 du même mois quitta brusquement
Posen pour retourner à Naples.
Les causes de ce départ précipité ont été di-
versement interprétées. Si les uns ont pensé que
la conduite de Murât dans cette conjoncture lui
fut dictée par la crainte de perdre un trône qui
semblait devoir s'écrouler avec le colosse de
l'empire français, d'autres ont été jusqu'à dire
que Murât, qui aimait sa femme avec passion ,
avait senti sa jalousie éveillée par quelques
propos imprudents sur la reine. Ce qui est cer-
tain, c'est que dès son retour à Naples. il y
eut de mystérieuses négociations entamées entre
le gouvernement napolitain, l'Autriche, et l'An-
gleterre , maîtresse de la Sicile. Des paroles in-
discrètes, qui devaient inspirer de justes défiances
sur son compte, lui étaient même échappées , et
il semblait n'attendre qu'une occasion plausible
pour se déclarer contre l'empereur. Il eut sans
doute le tort de ne point lier sa fortune à celle
de Napoléon , de ne pas faire alors cause com-
mune avec lui et de s'isoler de la France; mais
son cœur fut toujours français et toujours inac-
cessible aux pensées de trahison. A l'ouverture
de la campagne de 1813, rien n'annonçait qu'il
voulût y prendre part ; néanmoins, les premiers
événements ayant été favorables à l'empereur,
il rejoignit l'armée après les batailles de Lutzen
et de Bautzen, et Napoléon lui confia le com-
mandement de l'aile droite , à celle de Dresde.
Il se conduisit avec sa bravoure accoutumée;
mais quatre jours après la perte de la bataille
de Leipzig , il quitta de nouveau l'empereur,
sous le prétexte d'aller lever des troupes auxi-
liaires en Italie , mais en réalité pour préparer
sa défection et se réunir aux ennemis de son
beau-frère, dont l'étoile s'éclipsait chaque jour
davantage. Cédant aux conseils de Fouché, alors
relégué en Italie, et surtout aux instances de la
reine Caroline, il renoua ses négociations avec
l'Autriche et signa, les 6 et 11 janvier 1814, avec
cette puissance et avec l'Angleterre deux traités
par lesquels il s'engageait à joindre aux armées
alliées trente mille hommes de ses troupes. On
lui garantissait la possession du royaume de
Naples et une augmentation de territoire lui fut
promise par la cession de deux provinces des
États pontificaux". Sur la foi de ces traités, il
s'empara de Bologne, de Reggio et arriva sous
les murs de Plaisance. De la première de ces
villes, il avait, le 30 janvier 1814, publié une
proclamation commençant par ce paragraphe
qui ne laisse aucun doute sur ses intentions :
« Soldats! aussi longtemps que j'ai pu croire
977
MURAT
978
que l'empereur Napoléon combattait pour la
gloire et la paix de la France, j'ai combattu à
ses côtés; mais aujourd'hui il ne m'est plus
possible de conserver aucune illusion : l'empe-
reur ne veut que la guerre. Je trahirais les in-
térêts de mon ancienne patrie , ceux de mes
États et les vôtres, si je ne séparais pas sur-le-
champ mes armes des siennes pour les joindre à
celles des puissances alliées , dont les intentions
magnanimes sont de rétablir la dignité des trônes
et l'indépendance des nations. » Le mouvement
de Joachim força le prince Eugène de se replier
avec son armée sur l'Adige , pour ne plus agir
que sur la défensive. Ce qui prouve du reste
combien il en coûtait à son cœur de combattre
les Français, c'est qu'alors même il ne cessa,
par son inactivité , puis par des manœuvres ha-
bilement combinées, de contrarier les projets
des alliés dans des circonstances décisives. Les
succès inattendus de Napoléon dans les plaines
de la Champagne ne l 'étonnèrent pas, comme
on a voulu le faire croire ; mais l'empereur lui
tint rancune, et dans une lettre à la reine sa
sœur s'exprima ainsi au sujet de Murât : « Votre
mari est très-brave sur le champ de bataille;
mais il est plus faible qu'une femme ou qu'un
moine , quand il ne voit pas l'ennemi. Il n'a aucun
courage moral... Il a eu peur, et il n'a pas hésité
de perdre en un instant ce qu'il ne peut tenir
que par moi et .avec moi.... »
Le 2 avril 1814, le sénat prononça la dé-
chéance de Napoléon, nomma un gouvernement
proyisoire et ne tarda pas à relever le trône
des Bourbons. La chute du trône impérial plaça
le roi Joachim dans une position fort équivoque.
Toutes les branches de la maison de Bourbon
se prononcèrent contre sa reconnaissance ; un
soldat parvenu pouvait-il conserver la couronne,
lorsque le congrès des rois de l'Europe procla-
mait le principe de la légitimité ? Talleyrand ,
ambassadeur de Louis XVIII à Vienne , deman-
dait, dit-on, au nom de son maître, à l'Autriche le
passage de quatre-vingt mille hommes pour aller
combattre l'usurpateur de Naples, et par repré-
sailles Joachim sollicitait la même autorisation
pour quatre-vingt mille Napolitains qu'il desti-
nait à marcher c.ontre Louis XVIII. Ces démons-
trations , il faut bien le dire , n'avaient rien de
sérieux , et le congrès n'eut pas laissé remettre
en question la paix de l'Europe. Seulement la
mésintelligence entre les deux cours était patente
et se manifestait jusque dans les plus petites
choses. L'almanach royal de France offrait , au
tableau des souverains étrangers, à l'article Na-
ples, un renvoi à celui de Sicile , tandis que le
roi Joachim, usant de réciprocité, faisait im-
primer à l'article France , voyez Ile d'Elbe.
Le roi de Naples apprit le 5 mars 1815 le dé-
part de l'empereur de l'île d'Elbe et' son débar-
quement en France. Dès qu'il eut connaissance
de son entrée à Grenoble et à Lyon, il lui ex-
pédia le comte de Bauffremont, l'un de ses aides
de camp , pour l'assurer de sa coopération effi-
cace , et fit en même temps déclarer à la cour
de Rome « qu'il regardait la cause de Napoléon
comme la sienne et que bientôt il prouverait
qu'il ne lui avait jamais été étranger ». Malgré
le refus du souverain pontife de laisser passer
deux divisions de son armée à travers les États
de l'Église, le roi se mit en marche, le 16 mar3, et
arriva le 19 à Ancône. Avant de quitter Naples,
il avait ordonné la création des gardes natio-
nales , nommé la reine régente et diminué les
impôts d'un tiers. Ce fut alors que le cabinet
autrichien, calculant de quel poids le roi de Na-
ples allait être dans la balance de la politique,
parut se rappeler les promesses de 1814. Il reçut
aussi l'avis des dispositions favorables du ca-
binet de Londres, qui avait envoyé à ses repré-
sentants au congrès de Vienne l'ordre de con-
clure un traité définitif avec lui. Mais déjà il
n'était plus temps ; son armée avait franchi les
frontières du royaume de Naples. Le 30 mars,
il commença les hostilités contre les Autrichiens,
publia le lendemain, à son quartier général de
Rimini , une proclamation qui appelait les peu-
ples d'Italie à l'indépendance. A la tête de cin-
quante mille hommes environ, il se dirigea à la
fois sur Bologne, Modène, Reggio, enleva les
positions autrichiennes devant Modène, où il
fit son entrée pendant que Florence était occupée
par une autre de ses divisions. Un grand en-
thousiasme se manifesta dans toute l'Italie , au
bruit de. ces avantages , remportés au nom de
la liberté , et les monarques alliés s'en effrayè-
rent. Un de leurs plénipotentiaires joignit Joa-
chim à Parme, el l'assura de sa conservation sur
le trône, s'il voulait s'unir à la confédération
européenne contre Napoléon : « Il est trop tard,
répondit-il ; l'Italie veut être libre; elle le sera. »
Il entra ensuite à Bologne; mais là les repré-
sentations du commissaire britannique, William
Bentinck, l'arrêtèrent dans sa marche victo-
rieuse. Cet envoyédemanda que les troupes napo-
litaines respectassent le territoire du roi de Sar-
daigne, allié, de l'Angleterre; Joachim y con-
sentit, et cette condescendance fut une des causes
qui précipitèrent sa chute. Forcé de tenter le
passage du Pô à Occhio-Bello , il fut repoussé
par des forces considérables , et apprit bientôt
que le général Nugent avait mis en déroute entre
Florence et Pistoie deux de ses divisions com-
mandées par les généraux Livron et Pignatelli.
Alors William Bentinck, qui avait joué le rôle
de médiateur, leva le masque, s'annonça comme
ennemi du roi de Naples et joignit ses forces à
celles des généraux autrichiens. Murât dut songer
à la retraite, et l'évacuation de Florence ou-
vrit à l'ennemi la route de Rome. Les popula-
tions, ou indifférentes , ou lassées des guerres
dont l'Italie était depuis vingt ans> le théâtre,
n'avaient point répondu à l'appel qu'il leur avait
adressé au nom de leur indépendance ; et l'armée
napolitaine, découragée, s'affaiblissait chaque jour
979
MURAT
980
ipar la désertion. Le roi n'eut bientôt autour de
lui que quelques Français restés fidèles à sa for-
tune ; grâce à eux, il ne perdit rien de son énergie,
et leur exemple et le sien empêchèrent les débris
de l'armée de se débander. Le 15 avril, il évacua
Bologne, et, se repliant par la Marche d'Ancôn?,
défendit pendant trois jours le passage du Ronco,
dont il fit brûler le pont. Poursuivi par les
troupes austro-anglaises, il fut atteint le 2mai près
de Tolentino par le général Bianchi , accepta la
bataille, qui dura jusqu'au lendemain, et essuya
une déroute complète, malgré les prodiges de
valeur qu'il fit et ses habiles dispositions pour
réparer les fautes de ses lieutenants et suppléer
à la faiblesse de ses troupes. Quelques autres
combats consommèrent sa ruine. Un armistice,
qu'il demanda le 18, lui fut refusé, et le soir de
ce jour il entra dans Naples, à cheval, au galop
et escorté de quatre lanciers seulement. Toute-
fois, à le voir traverser sa capitale avec ce cos-
tume théâtral qu'il affectionnait, on aurait cru
difficilement qu'il était vaincu , et qu'il n'avait
plus d'armée. Une vive effervescence régnait
dans la ville; Joachim, s'inspirant d'un expé-
dient trop souvent mis en œuvre par les rois
en pareille circonstance, et qui leur réussit ra-
rement, fit le lendemain annoncer officiellement
et même afficher dans les rues un projet de
constitution : c'était une ressource beaucoup trop
tardive. Dans la. soirée, il se décida à sortir
de sa capitale pour gagner Gaète, où la reine
avait envoyé ses enfants et où il espérait pou-
voir se défendre encore; mais un bâtiment an-
glais croisait à l'entrée de ce port, et il dut
aborder dans l'île dlschia. Le jour même, une
flotte anglaise se présenta devant Naples, dont les
Autrichiens prenaient possession au nom du roi
Ferdinand IV, en vertu d'une capitulation signée
à Casa-Lanza, et qui ne contenait aucun article
en faveur du roi déchu. Dans la matinée du
21 mai, Murât envoya reconnaître un bâtiment
venant de Naples et sur lequel se trouvait, avec
sa famille, le général Manhès, l'un de ses aides
de camp. Il fut reçu sur ce navire qui faisait
voile pour la France avec son neveu , le colonel
Bonafous, son secrétaire et un valet de chambre.
Le 25 il débarqua à Cannes , et expédia aus-
sitôt un courrier à Napoléon pour lui annoncer
son arrivée et attendre ses ordres. L'empereur
ne lui répondit pas, et lui fit même, par l'inter-
médiaire de Fouché, interdire l'accès de Paris.
C'était là une politique maladroite et méticuleuse.
Quels que fussent les torts de Joachim envers
la Fiance et envers lui , Napoléon devait quel-
ques égards à son beau frère , à un prince malheu-
reux. Joachim, tombé du trône, proscrit, éloigné
de sa femme et de ses enfants retenus prison-
niers à Trieste par la politique anglaise, au mé-
pris d'une capitulation, devait avoir à ses yeux
les droits sacrés du malheur, et Napoléon, qui
un mois plus tard, dans une pareille inforlune,
devait chercher un asile sous le pavillon britan-
nique, oublia trop que le roi de Naples, époux
de sa sœur, avait rendu à la France d'éclatants
services dans sa carrière militaire et pouvait
alors lui en rendre encore. Le temps modifia
l'opinion de Napoléon, qui sur le rocher de Sainte-
Hélène regretta de n'avoir point eu à ses côtés
à Waterloo le plus déterminé, le plus brave
des généraux de cavalerie qu'avait la France.
« Sa présence, disait-il , nous eût valu peut-être
la victoire; car que nous fallut-il dans certains
•moments de la journée? Enfoncer trois ou quatre
carrés anglais; or, Murât était admirable pour-
une pareille besogne; il était précisément
l'homme de la chose. »
Le roi de Naples s'était mis en route pour al-
ler habiter une maison de campagne aux envi-
rons de Lyon , quand il apprit à Aubagne le dé-
sastre de "Waterloo et le soulèvement de la
populace de Marseille contre la garnison. Il
tourna bride, et revint près de Toulon, dans la
maison où il avait séjourné quelques jours et où
sa vie ne fut bientôt plus en sûreté. Là, pour
son malheur, il reçut la visite de certains intri-
gants qui, en flattant son esprit aventureux et
confiant par la perspective d'une révolution po-
pulaire en sa faveur à Naples, ne le disposèrent
que trop à céder aux illusions de son amour-
propre , et peut-être même , alors , s'il eût
trouvé un bâtiment prêt à le recevoir, eût-il
tenté cette folle entreprise que ses serviteurs les
plus dévoués lui faisaient considérer comme un
rêve. Le traitement que Napoléon , déchu comme
lui, recevait à bord du Bellérophon , lui ayant
fait comprendre la mesure de la générosité du
gouvernement anglais, il se décida à accepter
l'hospitalité que lui offrit l'empereur d'Autriche,
à la seule condition d'abdiquer purement et sim-
plement, et de ne porter à l'avenir que lé titre
de comte de Lipona. C'était Fouché qui avait
joué le principal rôle dans cette négociation..
Deux jours après , les autorités militaires de
Marseille lui donnèrent avis qu'une bande d'as-
sassins devait l'enlever ou le tuer dans la nuit
du 17 au 18 juillet. Cédant aux conseils de ses
officiers, il se retira secrètement dans une pe-
tite maison, sur la route d'Antibes, à une lieue
et demie de Toulon, tandis qu'eux-mêmes se
rendirent à Toulon où Murât les rejoignit peu
de jours après. Un bâtiment marchand allait
mettre à la voile pour le Havre , et son capi-
taine consentit à recevoir le roi proscrit à bord,
mais à condition de ne le prendre qu'en mer. Le
10 août, à quatre heures du matin, le navire
sortit du port, et donnant le signal convenu,
attendit Joachim jusqu'à une heure de l'après-
midi. Joachim ne vint pas, et un commissaire
de police, parti de Toulon, ordonna au bâti-
ment de prendre le large. Abandonné par un
valet de chambre, qui sous le prétexte d'aller
chercher du linge s'éloigna en emportant tout
son argent et ne reparut plus , le roi fut obligé de
se rendre seul au rivage. Il voulut se faire con-
981 MURAT
duire au navire qui l'attendait sous voiles au
large; mais les vents et la violence des Ilots ra-
menèrent deux fois au boni la frêle embarcation
dans laquelle il s'était jeté. Il fut réduit à passer
la nuit sans nourriture, et mouillé par une grosse
pluie qui n'avait cessé de tomber toute la jour-
née. Le lendemain, le vent se calma, mais le bâ-
timent avait disparu. Ne voulant pas exposer
plus longtemps les trois marins qui s'étaient dé-
voués pour le sauver, il les força d'accepter
neuf pièces de vingt francs , et n'en réservant
pour lui qu'une seule, il alla demander l'hospita-
lité dans la cabane d'une pauvre vieille femme,
où il ne trouva pour apaiser sa faim qu'un
morceau de pain noir, qu'il voulut payer de sa
dernière pièce d'or. S'étant rapproché de Tou-
lon , il fut rejoint par le colonel Bonafous, son
neveu, qui lui apporta un peu d'argent, mais lui
apprit que sa tête était mise à prix. Le roi se
réfugia de nouveau dans la montagne, où , en
proie à toutes les souffrances physiques et mo-
rales, il reçut Pbospilalité d'une autre pauvre
femme, qui partagea généreusement son pain
avec lui. Enfin, après huit jours passés dans ce
misérable asile , il monta pour gagner la Corse
sur une barque non pontée que des amis dé-
voués lui procurèrent. Une tempête violente l'as<-
saillit en pleine mer, et vingt fois il avait failli
être submergé, quand il fut reçu à bord de La
Balancelle, sloop messager de Toufon à Bastia.
A peine était-il sur ce navire avec les trois servi-
teurs qui l'accompagnaient, que la barque qu'ils
avaient quittée s'engloutit sous leurs yeux. Enfin
après être, dans la nuit du 25 août, débarqué à
Bastia sans avoir été reconnu, il se dirigea aussi-
tôt vers le bourg de Vescovato, où l'un de ses
anciens officiers, le général Franceschetti, le reçut
avec cordialité.
Murât était sauvé ; déjà l'espoir d'être bientôt
réuni à sa femme et à ses enfants adoucissait
ses peines; après une vie si agitée, il entrevoyait
une paisible existence de père de famille. Mal-
heureusement les plus sages, les plus prudents
de ses amis n'étaient point à Vescovato. La réac-
tion loyaliste avaitamené en Corse environ deux
cents officiers français , au milieu desquels se
glissèrent, soudoyés par la cour de Naples, qui
épiait toutes les démarches de l'ancien roi,
quelques-uns de ces mêmes intrigants qui en
Provence avaient déjà fait miroiter à ses yeux
le rêve d'une restauration. A les en croire, Mu-
rat n'avait qu'à paraître, et la Calabre tout entière
proclamerait de nouveau son autorité. Séduit par
ces chimères , il réunit toutes les ressources
qui lui restaient, et eut bientôt préparé une ex-
pédition à Ajaccio. Elle était prête à mettre à la
voile, quand le comte Macirone, son aide de
camp, arriva de Paris, lui apportant les passe-
ports en vertu desquels il était autorisé à se
i rendre et à vivre dans les États autrichiens. « Il
>est trop tard, s'écria Joachim, le sort en est jeté;
dans un mois je serai à Naples. » Et le même
9S2
/ jour, 28 septembre, il partit avec six barques de
transport, contenant deux cent cinquante
hommes des plus braves et des plus résolus.
Un marin obscur, appelé Rarbara, qui devait à
Murât son grade de capitaine de frégate, fut
chargé du commandement de cette petite es-
cadre. Bien que quelques avis fussent parvenus
à Joachim sur le compte de cet homme, dont on
l'engageait à se défier, il croyait à son dévoue-
ment et à son courage. Les vents dispersèrent
cette flottille, et le 6 octobre au matin , quand on
se trouva en vue des côtes de la Calabre, il ne
restait plus qu'une seule barque contenant qua-
rante soldats , avec le bâtiment monté par le
roi. Pendant la nuit cette barque disparut aussi,
et Joachim, sentant la nécessité d'une prompte
retraite, fit jeter à la mer les proclamations
qu'il avait fait imprimer en Corse , et ordonna à
Barbara de mettre le cap sur Trieste. Prétex-
tant alors de fortes avaries , le capitaine, qui
avait promis à la cour de Naples cette illustre
victime et se voyait sur le point de perdre le
prix du sang, la récompense de sou infâme trahi-
sou, proposa à Murât d'entrer dans le port du
Pizzo, où quinze cents hommes, disait-il, la
plupart ses amis, se prononceraient en faveur du
roi. Après quelque hésitation, Murât, qui sem-
blait courir lui -même à sa perte , sur les ins-
tances de Barbara et malgré l'avis de ses princi-
paux officiers, donna l'ordre d'aborder au Pizzo ;
mais avant de descendre sur le rivage, il pres-
crivit à Barbara de se tenir prêt à le recevoir,
s'il était obligé, avec sa suite, de se rembarquer.
Trente hommes environ l'accompagnèrent sur la
plage où quelques marins le reconnurent et l'ac-
cueillirent par les cris de : « Vive Joachim ! Vu
sergent, qui commandait un poste de dix à douze
canonniers garde-côtes, se déclara prêt à le
suivre avec ses hommes; mais à peine la petite
troupe avait-elle pris la route de Monteleone,
qu'un capitaine de gendarmerie, appelé Capellani,
fit feu sur elle, avec une bande de paysans qu'il
avait réunis. La résistance était impossible et
Murât avec ses compagnons dut revenir au ri-
vage pour se rembarquer. Mais aux premiers
coups de fusil , Barbara avait pris le large avec
la felouque qui devait attendre le roi. Il ne res-
tait aucun moyen de retraite, et la populace du
Pizzo, réunie aux paysans et aux gendarmes,
se jeta sur eux, tua un des compagnons du
prince et en blessa sept autres. Lui-même
avec le reste de sa troupe fut fait prison-
nier et conduit au fort. Une proclamation im-
prudemment conservée fut saisie sur lui par
Capellani, qui eut la lâcheté de le fouiller et
de lui enlever ses papiers et vingt-deux diamants.
Le général Nunziante, commandant supérieur de
la province, arriva de Monteleone dans la nuit
du 8 au 9, et après avoir blâmé vivement la con-
duite de Capellani, ordonna que Joachim fût
traité avec tous les égards dus à son rang et à
son infortune. Quatre jours après, Nunziante
983
lui annonça qu'il avait ordre de réunir une com-
mission militaire pour prononcer sur le sort du pri-
sonnier. Ellesecomposadehuit officiers, qui pour
la plupart tenaient du roi Joachim leurs grades
et leurs décorations , et fut présidée par Joseph
Fassulo, adjudant général. Murât était condamné
devance, et son arrêt, prononcé dans la matinée
du 13, lui fut signifié à trois heures de l'après-
midi. Résigné à son sort, il ne descendit point
jusqu'à solliciter la faveur d'un recours au mo-
narque qui régnait à Naples, et avant de mourir
demanda seulement à voir les généraux Fran-
ceschetti et Natale et son valet de chambre, Ar-
mand, qui lui avait donnné des preuves de la
plus incorruptible fidélité. On eut la cruauté de
lui refuser cette faveur ; à peine put-il obtenir la
permission d'écrire à la reine sa femme. Voici
sa lettre : « Ma chère Caroline, ma dernière
heure est sonnée; encore quelques instants,
f aurai cessé de vivre : tu n'auras plus d'époux
et mes enfants n'auront plus de père. Pense à
moi ; ne maudis pas ma mémoire : Je meurs
innocent; ma vie n'a été souillée par aucune in-
justice. Adieu, mon Achille, adieu, ma Laetitia,
adieu, mon Lucien, adieu, ma Louise; montrez-
vous toujours dignes de moi. Je vous laisse
sans biens, sans royaume, au milieu de mes
nombreux ennemis : restez toujours unis ; mon-
trez-vous supérieurs à l'adversité, et songez plus
à ce que vous êtes qu'à ce que vous avez été. Que
Dieu vous bénisse ! Souvenez-vous que la plus
vive douleur que j'éprouve dans mes der-
niers moments est de mourir loin de mes en-
fants. Recevez ma bénédiction paternelle, mes
larmes et mes tendres embrassements. N'ou-
bliez pas votre malheureux père. » Il coupa
une mèche de ses cheveux et les renferma
dans la lettre qu'il chargea le lieutenant Fran-
çois Frojo , qui avait rempli les fonctions de
rapporteur, de faire parvenir à la reine. Cette
lettre, dont M. Bonafous avait gardé une copie, ne
fut jamais remise à la reine, pas plus que les
autres objets ayant appartenu au roi. Vingt
gendarmes se trouvaient réunis dans une des
cours intérieures du fort; Murât y descendit, et
en passant devant eux il leur adressa un salut
militaire. Un bandeau et une chaise lui furent
offerts; mais il les refusa. << J'ai trop souvent
bravé la mort pour la craindre », répondit-il sans
jactance à l'officier chargé du soin de faire exécu-
ter la sentence. Le portrait de ,1a reine était em-
preint sur le cachet de sa montre; il le pressa
sur son cœur, recommanda ses compagnons
d'infortune, et entendit sans pâlir l'ordre qui un
instant après retendit sans vie aux pieds des
hommes dont il avait été sept ans le souverain ,
et qui presque tous lui devaient leurs épau-
lettês. Son corps fut inhumé sans pompe dans le
cimetière du Pizzo, où aucun signe funéraire ne
marque aujourd'hui la place où il repose.
En 1798, Gérard peignit le portrait de Murât
représenté en colonel de cavalerie de l'armée
MURAT 9S4
d'Egypte. Ce tableau , d'un grand intérêt histo-
rique et considéré comme une des œuvres les
plus remarquable» de Gérard , a été acheté en
janvier 1851 par le prince- président de la ré-
publique (1). H. FlSQUET (de Montpellier).
P. Colletta, Histoire des six derniers mois de la vie de
Joach.-Murat , traduit de l'italien par Léon. Gallois;
Paris, 1821, in-80. Histoire du royaume de Naples; Paris,
* vol. ln-8°. — F. Macirone, Faits intéressants rela-
tifs à la chute et à la mort de Joach. Murât; Londres,
1816; Gand, 1817, In- 8°. — Franceschettl ( Dom-Ces. ),
Mémoires pour les événements qui ont précédé la mort
de Joachim ltr , roi des Deux-Siciles , suivis de la Cor-
respondance privée de ce général avec la reine, com-
tesse de Lipona ; Paris, 1826, Supplément, 1829, in-8». —
Galvani, Mémoires sur les événements gui ont précédé
la mort de Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles. —
Mémorie su/la condotta politîca e militart tenuta di
Cioach. Murât (Firenze), 1815, in-8°. — Léon. Gallois,
Histoire de Joachim Murât; Paris, 1828, in-8°. — A. Se-
rieys, Vie publique et privée de Joachim Murât; Pa-
ris, 1816, ln-8°. — A. de Beauchamp, Catastrophe de
Murât, 1813, in-8°. — A. Bruggemans , Leven en lot-
gevallen van Joachim Murât; Dordrecht, 1816, in-8°. —
Thlers, Histoire de la Révolution. — Histoire du Con-
sulat et de l'Empire — A. Rabbe et Vieilh de Roisjolin,
Biogr. univ. et port, des Contemporains. — Fastes de
la Légion d' Honneur, 1. — Moniteur universel, an vin,
1803, 1813 et 1815. — Docum. particuliers.
muraï {Napoléon- Achille, prince), fils aine
du roi Joachim, né à Paris, le 2 1 janvier 1 80 1 , mort
le 15 avril 1847, à Jefferson-County (Floride). Sa
mère, presque au terme de sa grossesse, se trou-
vait dans la voiture de Joséphine, lors de l'explo-
sion de la machine infernale , rue Saint-Nicaise,
et fut frappée d'une telle frayeur qu'on fut obligé
de la ramener aux Tuileries, pendant que le
(1) Murât [André), frère aine du roi Joachim, né le 29
Juillet 1760, à La Bastide,où il mourut, le 15Juin 1841. Exempt
d'ambition, pendant que son frère gouvernait le royaume
de Naples, il se borna à accepter le titre de comte, que
lui donna l'empereur, en 1810, le grand-cordon de l'or-
dre des Deux-Siciles ( 9 mai 1813 ) et les modestes fonc-
tions de maire de son village , qu'il remplit jusqu'au mo-
ment de sa mort, avec autant de zèle que de probité.
Son fils ( Pierre-Gaétan ), né le 7 août 1798, à La Bas-
tide, où il mourut, le 25 décembre 1847, terminait ses
études quand les événements de la guerre enlevèrent
à son oncle cette couronne qu'il tenta vainement de re-
conquérir. En octobre 1830, les électeurs du Lot le choi-
sirent pour les représenter, et le premier il aborda la
tribune pour demander î'abrogation de la loi du 12 jan-
vier 1816, qui bannissait la famille de Napoléon; mais
alors sa proposition fut repoussée Une autre révolution
élait nécessaire pour briser cette loi d'ostracisme qui
rendait la France complice de la haine des rois de l'Eu-
rope. Son mandat de député lui fut plusieurs fois conti-
nué.
Murât ( Joachim Joseph- A ndré , comte), fils de
Gaétan, né le 12 décembre 1828, a été élevé à Paris,
fut en 1849 nommé premier attaché à la mission de
M- Walewski à Florence, et de janvier à juillet 1852 de-
meura chargé d'affaires par intérim. En 1853 il passa
avec le même titre à Stockholm, et est entré le 4 février
1854 au corps législatif comme député du Lot. Il accom-
pagna en 1856 M. de Momy dans son ambassade en
Russie. Outre quelques proverbes, dont un intitulé, A
qui perd gagne, fut joué à Saint-Pétersbourg en pré-
sence de la cour impériale, Il a donné (in-8° ) la rela-
tion de la cérémonie du couronnement de l'empereur
Alexandre H. Chevalier de la Légion d'Honneur, Il est
décoré des ordres de Russie, de Toscane et de Suède.
Un troisième frère du roi Murât, Etienne, né à La Ras-
tide, le 15 avril 1750, tué à Trafalgar, le 21 octobre 1805,
fut père d'Antoinette, devenue princesse de Hohenzol-
lern-Sigmaringen, en 1808.
I e roi Murât eut aussi plusieurs sœurs. H. F.
985
premier consul et sa suite continuaient leur
marche vers l'Opéra. La constitution de l'en-
fant que madame Murât portait dans son sein se
ressentit naturellement de cette catastrophe; aussi
fut-il de bonne heure sujet à des spasmes dont
tout l'art des médecins ne parvint pas à triompher.
Il grandit à l'ombre d'un trône, porta pendant
le règne de Joachim le titre de prince royal des
Deux-Siciles, et n'avait pas encore quinze ans
quand il vit tomber du front de son père la cou-
ronne qui lui était destinée. Ce fut au château
de Frohsdorf, dans la haute Autriche, où sa
mère , obligée de fuir avec sa .famille , l'avait
conduit en 1815, qu'il apprit le dénoûment du
drame qui avait terminé la vie aventureuse, mais
pleine de gloire, du roi son père. A sa majorité,
le prince s'empressa de quitter l'Europe, où la for-
tune lui avait déjà fait connaître ses vicissitudes,
et résolut d'aller s'établir en Amérique. Ce fut
inspiré par l'amour de la liberté plus encore que
par le regret du brillant avenir qu'il avait perdu,
qu'il vint dans les États-Unis. Il se fixa dans les
Florides , où il acquit des terres et habita Was-
ceissa, près de Tallahassée. Là il ne dédaigna
pas d'accepter du gouvernement de l'Union le
modeste emploi de directeur des postes, et ce ne
fut pas une médiocre surprise de voir le fils
d'un roi contribuer de sa fortune et de ses tra-
vaux à la civilisation d'un peuple libre. Lors-
qn'en 1825 le général La Fayette visita les
Etats-Unis, théâtre de ses premiers succès,
Achille Murât fit un long voyage pour aller le
voir, et passa plusieurs jours auprès de lui. Par
son intermédiaire, il épousa, le 30 juillet 1826,
Catherine Dudley, petite nièce de Washington ,
dont il n'a pas laissé d'enfants. Son héritier et
légataire universel fut le comte actuel J.- J.-A.-
Murat, à qui il légua, entre autres choses, une ma-
gnifique épée ayant appartenu au roi son père. On
a de lui : Lettres d'un citoyen des États-Unis
à un de ses amis d'Europe; Paris, 1830, in-18.
Les premières lettres de cette correspondance
avaient été publiées en 1828, dans la Revue tri-
mestrielle, et contiennent les détails les plus cu-
rieux et les plus intéressants sur les partis qui
divisent la république et sur les nouveaux États
de l'Union; — Esquisse morale et politique
des États-Unis; Paris, 1832, in-18; — Expo-
sition des principes du gouvernement répu-
blicain , tel qu'il a été perfectionné en Amé-
rique; Paris, 1833, in-8°; et quelques autres
brochures. H. F.
Vieilh de Boisjolin, Bioyr. univ. et port, des Contemp.
— Quérard, La France Littéraire.
* murât (Napoléon- Lucien- Charles, prince),
sénateur français, né à Milan, le 16 mai 1803.
Deuxième fils de Joachim , il passa sa jeunesse à
Naples , et après la catastrophe du Pizzo , en
1815, suivit la reine sa mère en Autriche, où il
demeura jusqu'en 1822. 11 résida ensuite à Ve-
nise; mais inquiété dans cette ville par une. po-
lice soupçonneuse, if prit le parti d'aller re-
MURAT 986
joindre aux États-Unis son oncle Joseph Bona-
parte, ex-roi d'Espagne, et son frère Achille. Le
navire qu'il montait ayant fait naufrage sur les
côtes d'Espagne en 1825, il y fut retenu prison-
nier et éprouva de grandes difficultés pour obte-
nir sa liberté. En 1827, il épousa l'héritière d'un
des plus honorables noms d'Amérique, miss
Carolina-Georgina Fraser; 'mais bientôt des re-
vers de fortune vinrent assaillir le jeune ménage,
qui, par suite de diverses faillites commerciales,
fut réduit à une situation si précaire qu'il n'eut
pendant plusieurs années d'autres ressources
pour subsister que le produit d'un pensionnat de
jeunes filles, fondé et dirigé par madame Murât.
Impatient de retourner en France, il y vint en
1839; mais, traqué par la police, il ne put y sé-
journer que peu de temps, et force lui fut de
quitter le territoire français. Un nouveau voyage
dans la mère-patrie fut, en 1844, suivi des mêmes
déceptions; mais la révolution de 1848 lui en
ouvrit définitivement les portes, au moment où
il venait d'hériter des litres de son frère aîné. Il
se présenta, huit jours seulement avant les élec-
tions, aux suffrages du département du Lot , et
son nom sortit le premier sur sept de l'urne du
scrutin. Au 15 mai de cette année , ;1 montra de-
vant l'émeute qu'il n'avait point oublié les tradi-
tions du courage paternel , et affronta no-
blement les cris et les menaces des envahis-
seurs de la Constituante. La ressemblance qu'il
offrait sous le rapport physique avec M. Caus-
sidière faillit ce jour-là lui devenir fatale. Il l'a
fait remarquer lui-même en racontant une visite
qu'il avait cru devoir faire à la préfecture de
police. « Ma funeste ressemblance avec M. Caus-
sidière, dit-il, dans la séance du 15 mai, a fait
qu'on s'est précipité sur moi , et ce n'est que
quand j'ai eu dit mon nom , que les cris de fu-
reur se sont changés en ceux de : Vive le citoyen
Murât. » Membre du comité des affaires étran-
gères, il vota généralement avec la droite,
excepté sur la question des deux chambres.
Après l'élection du 10 décembre, il servit de
tout son pouvoir la politique du prince-président.
En mars 1849, la 3e légion de la garde natio-
nale de Paris ( banlieue) le choisit pour colonel,
et, peu après, les départements du Lot et de la
Seine le réélurent à l'Assemblée législative. Il
opta pour le premier. Le3 octobre, il fut nommé
ministre plénipotentiaire de France à Turin, et
le 8 décembre suivant, chevalier de la Légion
d'Honneur. La croix d'officier lui fut remise
le 17 décembre 1850. Membre de la commission
consultative après le coup d'État du 2 décembre
1851, il devint sénateur le 26 janvier 1852, et
membre de la famille civile de l'empereur;
il obtint, le 21 juin 1853, le titre de prince,
titre qui lui donne droit aux qualifications d'Al-
tesse et de Monseigneur. Dans ces derniers
temps, en présence des graves événements qui
se passent en Italie, l'on a parlé beaucoup des
prétentions du prince Murât à la couronne des
987 MURAT —
Deux-Siciles, où sa famille compte encore un
certain nombre de pariisans; mais aucun fait
particulier n'est venu donner à ces bruits quel-
que autorité, et dès 1855, dans une lettre adressée
à son neveu, le marquis Pepoli, à Bologne, le
prince a décliné toute initiative, voulant laisser
aux Italiens toute liberté d'action, recommandant
la prudence, et rappelant toutefois un proverbe
qui, pour être vieux n'en est pas moins vrai : No-
blesse oblige. De son côté, le gouvernement
français n'a rien fait pour encourager de telles
prétentions. — Le prince Murât à été promu
grand -croix de la Légion d'Honneur le 16 juin
1856. H. Fisquet.
Vapereau, Dictionn. des Contemporains. — Itfen of
Time; London, 1856. in-12. — Album, de la semaine, lé-
vrler et mars 1855. — Dictionn. de la Conversation.
* murât (Jean ), peintre français, né en
août 1 807, à Felletin (Creuse). Élève de Regnault,
de Blondel et d'Hersent, il suivit les cours de
l'École des Beaux-Arts et obtint le premier grand
prix de peinture en 1837, sur le sujet de Noé
faisant tin sacrifice à Dieu au sortir de V ar-
che. Il s'était déjà fait connaître, aux salons de
1831 à 1835, par les tableaux suivants : Une
Veuve au tombeau de son mari mort pour la
liberté; — Circé; Eucharis; — Charles Vil et
Agnès Sorel. Après son séjour à Rome, il exposa
Agar dans le désert (salon de 1842, et expo-
sition universelle de 1855); — Jérémie (1814) ;
— Numa écrivant ses lois sous l'inspiration
d'Egérie (1846); — Abraham recevant les
trois anges ( 1849); — Le Christ préchant
la charité (1853). Cet artiste a exécuté dans
l'église de Saint-Séverin, à Paris, Marthe et
Marie aux pieds de Jésus-Christ.
G. DE F.
Livrets des Salons. — Renseignements particuliers.
MURAT DE S1STRIÈRES. Voy. DESISTRIÈ-
RES.
MlTRATORI-MONETAouMSTLATORI-SCAîf-
narecchi ( Teresa), musicienne et peintre
italienne, née à Bologne, en 1662, morte en
1708. Fille d'un médecin nommé Roberto, elle
reçut une éducation soignée, et se livra avec un
égal succès à la composition musicale et à la
peinture. Bonne coloriste, elle se forma une ma-
nière pleine de grâce et d'effet, et dans les églises
de Bologne ses tableaux peuvent soutenir la
comparaison avec la plupart de ceux de ses
contemporains. Avec l'aide de G -G. del Sole,
elle peignit pour l'église Saint-Etienne un Saint
Dominique ressuscitant un enfant. Parmi les
tableaux qu'elle peignit seule, un des mieux
réussis est La Vierge apparaissant à saint
Pierre martyr, qu'elle fit pour l'église Saint-
Dominique, qu'on venait d'élever à Ferrare.
E B— n.
Crcspi, Felsina pittrice. — Orlandi, Abbecedario. —
Fanzl, Storia pittorica. — Gualandi, Trc Giorni in Bo-
iogna.
muratori ( Lodovico- Antonio ) , célèbre
archéologue et historien italien, né à Vignola,
MURATORI 988
près de Modène, le 21 octobre 1672 , mort à Mo-
dène, le 21 janvier 1750. Appartenant à une fa-
mille peu fortunée, il ne reçut qu'une première
éducation fort incomplète. On remarque comme
contraste avec sa carrière d'érudit que les romans
de mademoiselle de Scudéry furent la principale
lecture de son enfance. En 1685 il fut mis au col-
lège des jésuites, et répara le temps perdu jusque
là. En 1688 il prit l'habit ecclésiastique, et en 1692
il soutint avec éclat ses thèses pour le doctorat.
Ses succès universitaires le signalèrent à l'atten-
tion de quelques hommes instruits, tels que Jo-
seph Orsi et Félix Marsigli. Sur leur recom-
mandation le comte Charles Borromée nomma
en 1695 le jeune Muralori un des conservateurs
(dottori ) de la bibliothèque Ambrosiennè à Mi-
Jan. Nulle place ne convenait mieux àunérudit de
vingt-deux ans, plein d'ardeur et infatigable au
travail. A peine entré dans la bibliothèque, il se
mit à déchiffrer des manuscrits depuis longtemps
négligés, et il en tira matière pour plusieurs vo-
lumes d'Anecdota latines que suivirent à quel-
ques années de distance des Anecdota grec-
ques. Cette publication le mit en rapport avec
quelques-uns des érudits et des paléographes les
plus distingués de son temps, Noris, Ciampini,
Manillon, Bernard de Montfaucon, Papebroche,
Salvini. Tout en s'appliquant à ces arides labeurs!
il ne laissait pas de fréquenter les académies,
et d'y lire ses compositions littéraires. Il se
trouvait heureux de sa situation, lorsque 'e
duc de Modène, Rinaldo Ier, le rappela pour
le mettre à la tête des archives du duché en
1700. Muratori hésitait; mais il céda lorsque le
duc ajouta au titre d'archiviste celui de biblio-
thécaire. L'occupation de Modène par les Fran-
çais troubla à peine la paisible existence de Mu-
ratori, que les conquérants traitèrent avec beau-
coup d'égards. Au retour du duc, l'archiviste
bibliothécaire reprit toutes ses habitudes de tra-
vailleur érndit, et fit paraître une foule de tra-
vaux très-recommandables, bien qu'ils se ressen-
tent de la hâte avec laquelle ils ont élé rédigés.
Nous ne raconterons pas en détail celte vie mo-
notone et occupée, qui n'offre guère d'autres évé-
nements que des publications érudites et des
honneurs académiques; nous n'en rapporterons
que l'épisode le plus notable. Les ennemis de
Muratori l'accusèrent d'hérésie et même d'a-
théisme ; ils répandirent le bruit que le pape
Benoît XIV avait relevé dans ses écrits divers
endroits dignes de censure et qu'il les avait si-
gnalés dans un bref à l'inquisiteur d'Espagne.
Muratori, qui, avec certains sentiments d'indé-
pendance, était bon catholique, et qui aimait
surtout son repos, se hâta d'en référer au pape
dans une lettre pleine de soumission et de respect.
Benoît XIV le rassura, et lui déclara noblement
qu'il n'avait jajnais songé à troubler un savant
respectable pour quelques erreurs sur le pou-
voir temporel des papes, lesquelles erreurs, ne
touchant ni au dogme ni à la discipline, ne.sau-
989
iMURATORI
raient être l'objet de censures ecclésiastiques.
Cette lettre mit en repos l'estimable antiquaire.
Des infirmités tourmentèrent ses derniers an-
nées, et un peu avant sa mort il lut atteint d'une
cécité complète. Il mourut à l'âge de soixante-
treize ans, laissant de nombreux ouvrages, qui
sont, aujourd'hui en partie oubliés, mais dont
quelques-uns sont des monuments durables, qui
placent Muratori à côté des savants bénédictins
français Mabillon, Montl'aucon, dom Bouquet ;
on en trouvera la liste complète dans Tiraboschi,
Fabroni,Tïpaldo ; nous neciterons ici que les plus
importants, savoir: Anecdota qua? ex Ambro-
sianai bibliothecae codicibus nunc primum
eruit , notis et disquisitionibus auxit L. An.
Muraiorius ; Milan, 1697, 1098, 2 vol. in-4°.
Ce recueil contient les quatre poèmes de saint
Paulin, évêque de Nola, avec des notes sur la
vie de ce saint, sur celle de ses amis, et sur
plusieurs points de discipline ecclésiastique ; la
profession de foi de Bacchiarius, auteur de la
fin du quatrième siècle ; une histoire de Milan ;
quelques autres pièces inédites; avec deux
dissertations, l'une sur le jeûne des quatre-
temps, l'autre sur la couronne defer qui servait
à couronner les rois d'Italie; — Anecdota
grxca, quee ex manuscriptis codicibus nunc
primum eruit, latio donat, notis et disquisi-
tionibus auge t L. A. M.; Padoue , 1709, 1710,
1713, 3vol.in-4°; ces volumes, où lvon désirerait
plus de critique, contiennent beaucoup d'épi*
grammes inédites de saint Grégoire de Na-
zianze, des Lettres de Firmin, évêque de Césa-
rée, de Julien l'Apostat, et quatre dissertations
del'éditeur ; — Anecdota lalina; Padoue, vol. III
et IV, \n-b°; — Antichila Estensi; Modène,
1717 , infol. ; — Rerum Italicarum Scriplo-
res ab anno œrx christianas quingentesimo
ad millesimumquingentesimum ; Milan, 1723-
38, 27 vol. in-fol.; cette immense compila-
tion, sur laquelle repose en grande partie la ré-
putation de Muratori, n'est pas exempte des dé-
fauts reprochés à ses autres ouvrages ; mais
quoiqu'elle manque un peu d'ordre et de cri-
tique, elle reste la source la plus précieuse pour
l'histoire de l'Italie au moyen âge; — Anliqui-
tates Italicee medii sévi, sive disserlationes
de moribus italici populi, ab inclinatione ro-
mani imperii usque ad annum 1500; Milan,
1738-1742, 6 vol. in-fol. ; ce recueil de chartes,
de diplômes pour toute la période italienne du
moyen âge, est une sorte de complément de
l'ouvrage précédent , mais il est moins estimé ;
— Novus Thésaurus veterum fnscriptionum,
in prxcipuis earumdem colleclionibus hac-
tenus praetermissarum; Milan, 1739-1742,
6 toI. in-fol. ; collection plus complète que les
précédentes, et qui offrait tant de difficultés que
l'on doit savoir gré à Muratori de l'avoir exé-
cutée quoiqu'il ait commis beaucoup d'erreurs;
— Annali d'italia, del principio detV era
volgare fino alV anno 1500 ; Venise , 1744-
- MURAZAJS 990
1749, 12 vol. în-4o ; Lucques, 1762-1/70, 14 vol.
gr. iiir-4"; — Litiugia roinana vêtus; tria
sacrante» tarin complecte.us , Leonianum sci~
lia'',Gc,lasianumel anliquum grcgorianum;
Venise, 17'»8, 2 vol. infol. Les Œuvres ita-
liennes et latines de Muratori furent publiées
à Arezzo, 1767-1780, 36 t. in-4°. Un volume de
Lcltere inédite ed elogj parut par les soins de
l'abbé Lazzari; Venise, 1783, 2 vol. in-8°. L. J.
G.-F. Muralori, Vila del célèbre l.udon.-Jiit. Mura-
tori; Venise. 1J86, ln-4°. — Schedonl, Etogio di Ludov.
sint. Muratori; Modène, 1818, in-»°. — ISrann, Ehren-
rertung Ludw 'Ant. Muratori' s dure h lienedict XI f , etc.,
z.ur Recfttfertlgung geueti die rerdâciitigwigen des
Ltittic fier Journal historique, et littéraire; Trêves, 1838,
in-8». — Tlraboschl, liiblioleca Modenese, vol. III et VI.
— Pabroni. fitx Italorum, t. X. — Tlpaldo, biogr. degli
ltaliani illustri, t. VU.
mitkatowicz ( Sefer ), voyageur polonais
du dix-septième siècle. Chargé en 1602 par le
roi de Pologne Sigismond III d'une mission en
Perse, Muratowiz en a laissé une Relation, qui
a été imprimée en 1777 et en 1807 à Varsovie
et insérée par Tourguenief dans ses Historica
Russise Monimenta , II, 50. Pce A. G. — n.
Adelung, Uebersicht der Reisenden in Russland bis
1700.
MDOAZ4IV (Juan), président de la répu-
blique de Guatemala, né à San-Salvador, en 1796,
mort au Chili, en 1852 Ses parents étaient de
riches propriétaires fonciers : il avait été destiné
au barreau; mais il se jeta dans la carrière po-
litique, et après avoir contribué à l'affranchisse-
ment de sa patrie devint l'un des plus fermes
champions du parti libéral, dont la province de
San-Salvador était le foyer. Il fut, quoique bien
jeune, élu député au congrès, et y soutint avec
éclat la politique du vice président Florès. Il com-
battait les centralistes ou servîtes, faction
composée de familles puissantes qui , gratifiées
sous la domination espagnole de privilèges et de
monopoles exorbitants, prétendait conserveries
usages ou plutôt les abus du système colonial., et,
parce qu'elle trouvait un appui intéressé dans
les prêtres et dans le fanatisme des masses, s'op-
posait à toule innovation. Murazan, impru-
dent apôtre d'une brusque rénovation, oublia
que l'exercice de la liberté doit toujours être
mis en harmonie avec l'intelligence d'une nalion.
Il se heurta contre les préjugés, les traditions,
et dès la troisième session , à la tête de son parti,
il se retirait du congrès en protesiant contre une
majorité stationnaire, selon lui réactionnaire.
Les moines et les femmes de Quezaltenango
ayant massacré Florès dans leur église même,
Murazan se mit à la tête des libéraux, et le
6 mars 1827 parut devant Guatemala. Il fut
battu par des bandes formidables, et les démo-
crates furent écrasés dans tout l'État de Gua-
temala. Murazan soutint pendant deux ans une
guerre de guerrilleros, souvent heureuse. En
1829 il entrait triomphalement dans Guatema'a.
En 1831 il fut nommé président et réélu à l'ex-
piration de ses fonctions. Durant huit années sa
991
MURAZAN — MURCHISON
patrie jouit d'une certaine prospérité, malgré les
intrigues du clergé et des centralistes , qui lui
suscitèrent comme rival le fameux, et féroce mu-
lâtre Carrera. L'expulsion des moines , l'éta-
blissement du mariage civil , la confiscation
des biens du clergé et des impôts, qui, pour être
nécessaires, n'en paraissaient pas moins onéreux,
excitaient un vif mécontentement dans le pays.
Le choiera se déclara en 1837. Murazan s'était
souvent aidé du conseil de quelques Européens ;
les prêtres persuadèrent aux Indiens que ces
étrangers avaient empoisonné l'eau des sources
et des rivières : des scènes terribles s'en sui-
virent, et le parti clérical triompha sur beaucoup
de points. Galvez avait succédé à Murazan,
qui vivait dans la retraite, mais bientôt il fut
appelé au pouvoir (février 1838), et après quel-
ques pourparlers avec Carrera et son complice
Barundia, il commença la guerre, et fut reçu dans
Guatemala aux acclamations générales. II se con-
duisit avec une droiture et un respect de la léga-
lité qui lui concilièrent l'estime générale. Mura-
zan fut nommé dictateur. Cependant il paraissait
dégoûté du gouvernement, et s'éloignait souvent
pour jouir du repos à San-Sâlvador. Durant une
de ces absences Carrera se présenta devant Gua-
temala, qui lui ouvrit ses portes. Le 18 mars Mu-
razan y rentra; un combat terrible se livra dans
les rues; les deux chefs se rencontrèrent dans
la mêlée, et échangèrent plusieurs coups. Les
libéraux furent vaincus et leurs chefs, presque
tous blessés et tombés au pouvoir du sangui-
nainaire vainqueur, furent achevés (Arias, Perez,
Marescal, Padilla, José Viera, etc.). Marazan ce-
pendant s'échappa. Ralliant quelques forces, il
battit encore le général Figors, et reprit San Sal-
vador ; mais mal secondé, il s'embarqua à Zon-
zanate pour le Chili, où il termina ses jours,
dans la vie privée. « Hostile au clergé, on a re-
proché à Murazan d'avoir rançonné les classes
opulentes de son pays ; il ne le fit que pour
obéir aux nécessités de la guerre ; ses détrac-
teurs mêmes, écrit M. de La Renaudière, recon-
naissent qu'il était doux, humain et irréprochable
dans sa vie privée. » C'était l'homme le plus ca-
pable de tirer l'Amérique centrale de l'ornière
sanglante dans laquelle eHe se débat encore au-
jourd'hui. A. de Lacaze.
La Renaudière et Frédéric Lacroix, Guatemala , dans
l'Univers pittoresque; Firmin Didot, 1849, p. 297-308.
* mcrchison (Sir Roderick-Impey), géo-
logue anglais, ne le 19 février 1792, à Taradale
( comté de Ross ), en Ecosse. Il fit ses huma-
nités à Durham, et passa deux ans au collège
militaire de Marlow. Quoique pourvu dès 1807
d'un brevet d'officier d'Infanterie, il acheva son
éducation à l'université d'Edimbourg, et ne re-
joignit son régiment que dans l'hiver de ) 808.
Bientôt après, il s'embarqua pour la péninsule
sous les ordres de Wellington, et assista aux
batailles de Vimiera et de La Corogne; il fut en-
suite attaché à l'état-major du général Macken-
5
995
zie, son oncle maternel, prit part au siège dt
Cadix et rentra dans son pays avec le grade de
capitaine de dragons. En 1815, il quitta te ser-
vice, et se maria. Ce fut par les conseils de sir
Humphrey Davy qu'il entreprit de cultiver les
sciences naturelles. Entre 1822 et 1824, il fré-
quenta les cours de l'Institution royale, et apprit
la chimie sous la direction de Richard Philips. Il
l'appliqua de préférence à la géologie, et son
premier travail ( Geological Sketch of the
north-western extremity of Sus s ex) parut en
1825 dans le recueil de la Société Géologique.
En 1826, il entra dans la Société royale de
Londres. Après avoir parcouru une partie de
l'Ecosse avec Sedgwick (1827) , il visita , en
compagnie de Charles Lyell , l'Auvergne , la
Provence et le Piémont (1828) ; ce voyage donna
lieu, de la part des deux savants, à trois mé-
moires, qu'ils rédigèrent ensemble sur les roches
volcaniques et les excavations de la France cen-
trale, sur les couches tertiaires du Canlal et sur
celles des environs d'Aix. Puis Murchison tra-
versa seul la chaîne orientale des Alpes, et il
continua en 1829 et en 1830 cette exploration,
dont il publia les résultats avec Sedgwick. Ayant
reporté son attention sur la géologie de l'Angle-
terre , il explora, selon le conseil que lui en
donna le célèbre Buckland, les bancs de la
Wye, entre Hay et Bailth. Jusque alors l'en-
semble des couches d'aspect si tourmenté dans
le nord du pays de Galles ne présentait qu'un
chaos scientifique ; on les considérait comme un
labyrinthe de ruines dont le fil d'induction était
perdu. Ce fut Murchison qui porta l'ordre au
milieu de cette confusion des éléments : il éta-
blit que cette masse de roches sédimentaires ,
déchirées çà et là par des couches d'origine
ignée, formait un système unique auquel il
donna le nom de silurien (Silurian System),
parce que les roches qui en déterminent le type
se développent surtout dans larégion occupée du
temps des Romains parla peuplade des Silures.
11 divisa ces roches en deux groupes, les unes
ne contenant aucune trace de vie, les autres
renfermant les plus anciens vestiges d'êtres or-
ganisés que l'œil humain ait pu découvrir. Mur-
chison annonça dès 1831 le résultat de ses re-
cherches, à la première assemblée de la Société
britannique pour l'Avancement des Sciences, et il
les publia de 1832 à 1835 dans les colonnes des
Proceedings of the Geological Society et du
Philosophical Magazine. Puis, reprenant l'en-
semble de ses vues et de ses travaux sur la pa-
léontologie du pays de Galles, il les exposa dans
uneformeplus complète sous le titre : The Silu-
rian System, founded on geological resear-
ches in the counties ofSalop, Hereford, Rad-
nor, etc., wilh description of the coal-fields
and overlying formations; Londres, 1839,
gr. in 8°. Mettant à profit les études extérieures
d'Austen et les indications de Henry de La
Bêche, il établit, de corfcert avec Sedgwick,
lire.
is. il
Jt en
)3
MURCHISON — MURENA
994
ie les roches stratifiées des comtés de Devon
de Cornouailles devaient être assimilées au
eux. grès rouge d'Ecosse, et il leur imposa le
)m de Système devonien.
Ce savant venait de visiter les Provinces Rhé-
ines, la Belgique et l'a Flandre, lorsqu'il reçut
5 l'empereur Nicolas l'invitation d'entreprendre
îe exploration semblable en Russie (1840). Ac-
impagné de son ami Sedgwick et d'un géo-
gue français, M. de Verneuil, il parcourut les
irds des fleuves Wolkoff et Siass, du lac
«îega, s'avança jusqu'à Archangel, et remonta
Dwina jusque dans le gouvernement de Yo-
gda; après avoir franchi le Volga, il se rendit
,r Moscou à Saint-Pétersbourg, en examinant
3 monts Valdaï, le lac ilmen et lès bancs des rr-
ères qu'il rencontrait. Rappelé au printemps
s-1841, il conduisit à bonne (in cette difficile
ilreprise par l'exploration des monts Ourals,
;s provinces méridionales de l'empire et des
tuillières situées entre le Dnieper et le Don;
eut dans ce second voyage MM. de Verneuil,
comte Keyserling et le lieutenant Kotsharof
>ur compagnons. En 1842, Murchison parcou-
rt;- seul une grande partie de l'Allemagne, la Po-
<gne et la chaîne des Carpathes, et, afin de
îndre plus complètes ses études sur la géo-
fgie de l'Europe orientale, il poussa, dans
été de 1844, jusque dans les pays Scandinaves.
te long voyage terminé, il en consigna les im-
ortants résultats, en société avec MM. de Ver-
«uil et de Keyserling, dans un magnifique ou-
rage, intitulé : Geology of Russia and the
rral mountains (Londres, 1845, 2 vol. in-4°,
vec planches et cartes), traduit en russe par
s colonel Osersky(Pétersbourg, 1849), et réim-
rimé à Londres en 1853. A cette publication se
attache un volumineux mémoire qui avait paru
n 1841 sur la structure géologique des régions
u nord et du centre de la Russie. Cette mission
cientifique valut à Murchison les récompenses
es plus flatteuses : outre un beau vase d'aven-
urine monté sur un socle de porphyre, il reçut
iu tsar Nicolas les insignes des ordres de Saint-
itanislas et de Sainte- Anne ainsi que son admis-
tion à l'Académie des Sciences de Pétersbourg;
e gouvernement anglais lui accorda des lettres
le noblesse (février 1846), et la Société royale
le Londres lui décerna en 18.49 la grande médaille
leCopley. M. Murchison a présidé plusieurs fois
a Société Géologique et la Société Géographique
le Londres , et il appartient à presque toutes les
compagnies savantes du continent, y compris
'Académie des Sciences de Paris. Depuis 1855 il
t succédé à Henry de La Bêche dans les fonctions
le directeur du muséum de géologie pratique.
Outre les travaux déjà mentionnés de ce sa-
vant, nous citerons encore : On the geological
Structure of the Alps, Apennines and Carpa-
thians, dans les Mém. de la Soc. Géol., t. V,
trad. en italien par Savi et Meneghini ; — Silu-
ria : the histor% of the oldest knovm rocks
NOTJT. BIOGR. CÉNÉR. — T. XXXVI.
containing organic remains, tvith a brie/
sketch of the distribution of gold over the
earth; Londres, 1854, gr. in-8°; il y expose
avec beaucoup de clarté et dans les plus grands
détails ses vues particulières sur les roches pri-
mitives, sur leur altération et sur les débris or-
ganiques qu'on y a retrouvés en abondance, et il
ilémontre, en opposition sur ce point avec sir
Ch. Lyell , que le système silurien s'est formé
partout des mêmes éléments, et qu'il a été dé-
couvert identique à lui-même en Ecosse, en
Russie, en Bretagne, dans l'Himalaya, au Cap
de Bonne-Espérance, au Chili, sur quelques
points de l'Océanie, etc.; — Geological Atlas
of Europe; Edimbourg, 1856, in-4°, dressé avec
la collaboration de Nicol et de Johnston. La liste
complète des mémoires scientifiques de Murchi-
son est rapportée dans la Bibliographie d'A-
gassiz et de Strickland. p. L— y.
Cyclop. nf Enqlish Literature, ( biogr. ). — Men ofthe
Time.
mure ( William), philologue anglais, né à
Caldwcll ( Ecosse ), en 1799, mort en avril 1860.
Il commença ses études à l'école de Westmins-
ter, les continua à l'université d'Edimbourg et
les acheva à l'université de Bonn. Il représenta
le comté de Renfrew à la chambre des com-
munes de 1846 à 1855. Il fut élu lord recteur
de l'université de Glasgow en 1855. Par sa con-
naissance précise et variée de l'antiquité grecque,
Mure égalait presque les meilleurs philologues
de l'Allemagne, et si l'on excepte Ot. Millier, il
les surpassait par le talent d'exposition. Son prin-
cipal ouvrage, intitulé : Critical Account ofthe
Language and Literature of ancient Greece
Londres, 1850-1857, 5 vol. in-8°, est un monu-
ment auquel il n'a manqué que d'être achevé
pour prendre place parmi les grandes œuvres de
notre époque. Cette Histoire critique de la
Langue et de la Littérature de l'ancienne
Grèce comprend l'épopée homérique , les poètes
lyriques et les historiens de la période attique.
On a reproché à l'auteur d'avoir montré trop de
défiance pour les vues nouvelles de l'école alle-
mande et de s'être renfermé trop strictement
dans les limites de la critique traditionnelle;
mais on ne lui a contesté ni un savoir solide ni
un sentiment élevé de la poésie grecque. Outre
Y Histoire de la Li'lérature grecque, on a de
William Mure : Journal of a Tour in Greece;
Londres, 1838, in-8°. L. J.
Edinburgh Review (1880). — The Critic, avril 186Û.
mitrena , nom d'une famille ou branche de la
gens Licinia, originaire de Lanuvium (cività
Lavigna), vieille ville latine près de la voie Ap-
pienne. Le surnom de Murena fut, dit-on, donné
au. chef de cette famifle parce qu'il aimait beau-
coup les lamproies {murena) et qu'il bâtissait
des viviers pour ces poissons (Pline, ffist. Nat.,
IX, 54 ; Macrobe, Saturn., II, il). On compte
dans l'histoire romaine sept membres de cette
famille. Les principaux sont :
32
«*95
MURENA
9
murena (Litchis Ldcinius), un des lieute-
nants de Sylla, mort vers 80 avant J.-C. A la
bataille de Chéronée, dans laquelle Sylla défît
Archelaûs, un des généraux de Mithridate, en 86,
il commanda l'aile droite, opposée à Taxile. 11
accompagna son général en Troade, et après la
conclusion de la paix avec Mithridate, en 84, il
resta en Asie en qualité de propréteur avec les
deux légions qui avaient abandonné Fimbria pour
Sylla. Désirant obtenir 1 honneur du triomphe, il
chercha querelle à Mithridate, prit Comana dans
la Cappadoce et pilla le riche temple de cette
ville. A Mithridate, qui se plaignait de cette in-
fraction au traité , il répondit qu'il n'avait pas
vu de traité, et en effet il n'existait pas de con-
vention écrite entre Sylla et le roi du Pont. 11
traversa ensuite l'Halys, ravagea le royaume de
Mithridate, et s'en retourna chargé de butin dans
la Galatie et la Phrygie. En vain Calidius lui
ordonna de la part du sénat de suspendre les
hostilités, Murena s'y refusa sous prétexte que
Calidius n'avait pas d'instructions écrites, et re-
commença ses ravages. Mithridate prit alors le
parti de résister. Son général Gordius remporta
une victoire sur Murena, qui rentra en Phrygie.
Là, il reçut de Sylla, en 81, l'ordre formel de
cesser la guerre ; il retourna à Rome, et obtint
un triomphe qu'il n'avait pas mérité. On croit
qu'il mourut peu après. L. J.
Appien, Mithrid., 64, 6S. — Plntarque, Sulla. — Cicé-
ron, Pro Murena, 41.
murena ( Lucius LiciNius ) , général et
homme d'État, fils du précédent, mort vers 60
avant J.-C. Il fit ses premières armes sous les
ordres de son père, dans la guerre contre Mi-
thridate, en 83 avant J.-C. Il servit encore dans
la troisième guerre du Pont, et fut chargé par
Lucullus du siège d'Amisus. A la prise de cette
ville, en 71, il se fit remettre le grammairien
Tyrannion, prisonnier de guerre, le retint comme
esclave près de lui, et ne lui rendit la liberté
que beaucoup plus tard. Plutarque blâme Mu-
rena d'une conduite si peu conforme aux senti-
ments généreux que Luculhis montrait en toute
occasion. Murena poursuivit Tigrane dans sa
retraite à travers l'Arménie, et resta pour main-
tenir le blocus de Tigranocerte, tandis que Lu-
cullus marchait contre Tigrane. Il retourna à
Rome avant la fin de la guerre, et fut un des dix
commissaires envoyés de Rome pour l'organisa-
tion du pays conquis. A son retour il passa par
les degrés ordinaires des hautes magistratures,
fut questeur, préteur, propréteur dans la Gaule
Cisalpine, et se porta candidat pour le consulat
en 63 avant J.-C. Il réussit dans sa candida-
ture: mais Servins Sulpicius, son compétiteur
malheureux, lui intenta un procès pour coirup'
tion électorale. Marais Porcius Caton, Cneius
Postumius et Servius Sulpicius le jeune sou-
tinrent l'accusation, à laquelle répondirent Q. Hor-
tensius, Cicéron, alors consul, et M. Licinius
Crassus. Le discours de Cicéron prononcé en
novembre 63 existe encore. Si l'orateur ne i
pond pas suffisamment à la charge élevée conv
Murena, il démontre que dans les circonstant
difficiles où se trouvait la république, menac.
par Catilina et ses complices, le moment ser.
mal choisi pour se priver des services d'un co
sul aussi vigoureux que Murena. Les juges a
mirent cette raison, et l'accusé fut acquitté. Mi
rena et son collègue Silanus eurent dans l'ext
cice de leur magistrature à calmer l'agitatii
excitée par Q-. Metellus Nepos, qui demandait,
rappel de Pompée. On ne sait si Murena obti
une province au sortir de charge, et il n'est pi
question de lui à partir de cette époque. Y
Cicéron, Pro Murena, 20, ad AtUC. (voy VOnomb
ticon Tultianiim d'Orelli) . — Plutarque, Lucullus, Ce
Minor. — Druraann, Geschicnle lioms, vol. IV.
MURENA (A. Terentius Varro), probabU
ment fils du précédent, mis à mort en 22 ava
J.-C. Il fut adopté par A. Terentius Varron, do
il prit le nom, suivant l'habitude usitée en pan
cas. Comme il avait perdu sa fortune dans
guerre civile, C. Proculeius, chevalier romain,!
donna une part de la sienne. Ce Proculeius, si l'<
prend à la lettre les paroles d'Horace ( Ode
1. II,. od. 2), était le frère de Murena ; mais <
ignore si la parenté était naturelle ou fondée si
l'adoption. Murena fut chargé par Auguste d'atti
quer les Salassiens dans les Alpes en 25 avan
J.-C. Il réduisit le peuple à l'obéissance, vend
la population mâle comme esclave, et distribi
la plus grande pirtie du territoire entre les so
dats prétoriens, qui fondèrent la ville d'August:
maintenant Aoste. Murena fut nommé consi
substitué (suffëctus) pour l'année 23. L'annt
suivante, étant entré dans la conspiration de Fai
nius , il fut condamné à mort et exécuté malgi
l'intervention de Terentia, sa sœur, et de Pn
culeius. La IIe ode du IIe livre d'Horace e:
adressée à Murena sous son nom de famille L\
cinius. Le poète, en lui donnant des conseils d
modération, le mettait indirectement en gar*
contre l'ambition qui le perdit. Y
Dion Cassius, LUI, 25; LV, 3. — Drumann, Geschichl
Roms, vol. IV, p. 183.
murena (Carlo), architecte italien, né ei
1713, mort en 1764. Dégoûté de l'étude de
lettres, de la philosophie et du droit, à laquell
il s'était d'abord adonné, se destinant à la car-
rière du barreau, il se livra à celle de l'archi
tecture, sous la direction de Niccolô Salvi. L>
cardinal Barberini , qui s'était déclaré son pro
lecteur et s'intéressait à ses progrès, l'envoyï
se perfectionner près de VanvitelH, qui en ci
moment construisait le lazaret d'Ancône. L(
jeune homme profita si bien des enseignements
du célèbre architecte napolitain, que celui-ci, rap
pelé à Naples pour la construction du palais Ai
Caserte, le laissa chargé de la direction des tra-
vaux d'Ancône Cette entreprise étant terminée.
Murena, en 1739, se rendit à Pérouse, où, sur les
plans de Vanvitelli, il construisit l'église de l'U-
niversité, et donna lui-même ceux du maître au-
997 MURENA
tel <le la cathédrale do S.-Lorcn/o- et du mo-
îastère des Olivétains de Monte-Morcino. A
rerni, il dessina pour la cathédrale un riche et
ïlégant tabernacle ; à Folii;no, il bâtit l'église des
•eligieuses de la Sainte-Trinité. De retour à
ironie, il lit pour l'église Saint-Antoine des Por-
ugais la chapelle de la famille Sampayo, com-
position baroque, justement critiquée parMilizia.
Jes reproches ne peuvent être adressés à la res-
auration de i'églisede Saint Augustin.qu'il dirigea
in 1750, à la vérité sur les indications de Vanvi-
'elli; cet édifice est sage, bien entendu et d'un
K>n effet; on peut seulement blâmer la hauteur
•xagérée des piédestaux des pilastres corin-
ihiens. Parmi les autres ouvrages de Murena à
iome , nous citerons encore le couvent des
Chartreux près S.-Lucia-della-Chiavica, la cha-
melle Bagni à Saint- Alexis, et le maître au-
el de Saint-PantaJéon. Malheureusement pour
a réputation et la fortune de Murena, il mou-
ut à l'âge de cinquante ans, lorsqu'il était par-
fenu à l'apogée de son talent, et qu'il eût pu
mcore accroître une renommée justifiée par la
ichesse de son imagination, son ardeur au tra-
'ail, et la résistance qu'en général il sut oppo-
ser au mauvais goût de son époque. E. B — n.
Ticozzi, Dizionario. — Milizia, Memorie ûegli Archi-
etti anlichi e modérai. — Fontenay, Dict. des Artistes.
mures (Alonzo) le Vieux, peintre espagnol,
r*é en 1695, mort en 1761, à Badajoz. Il n'est
;onnu que par ses beaux ouvrages qui ornent à
Badajoz, où il semble né et n'en être point sorti,
es couvents de Saint-Augustin, de Saint-Fran-
•jois, des Carmélites et des Observants. Ce der-
îier cloître possède surtout un Saint François
ie Paule, resté célèbre dans la peinture espa-
gnole. Doué d'une imagination féconde, Mures
composait avec feu, sans pourtant que son dès-
an en souffrît. Il donnait à ses têtes de femmes
|un charme infini; toutes avaient de l'expression.
\\\ possédait en outre à un haut degré l'entente
Bu clair-obscur. Il laissa des fils, qui peignirent
pussi, mais n'acquirent jamais le talent ni la ré-
putation de leur père. A. de L.
Qiiilliel , Dictionnaire des Peintres espagnols.
Mi'RET (Marc- Antoine), humaniste français,
laé à Muret, bourg du Limousin, le 12 avril 1526,
taortà Rome, le 4 juin 1585. On a dit que pour
former son éducation il n'eut point de maîtres,
ce qui a donné lieu à l'anagramme : «■ Marc-An-
toine Muret, nature d roi et m'a men. » Quoi qu'il
|en soit, il était professeur à l'âge de dix-huit
lans. Il vint alors à Agen pour voir Jules Scali-
ger, ainsi que nous l'apprend Joseph Scaliger.
De là il se rendit à Anchf où il commença à
expliquer Cicéron et Térence, dans le collège de
l'Archevêque. Il en sortit peu après pour aller à
'Villeneuve, où il se chargea de l'éducation des
fils d'un marchand fort riche, nommé de Brévant,
•et à la même époque il interprétait les auteurs
latins dans l'école publique de cetle ville Agé de
vingt ans, il entreprit un second voyage à Agen
— MURET
998
pour revoir Scaliger, qui eut la consolation de le
revoir, mais pendant un ou deux jours seulement.
Scaliger le recommanda aux magistrats de Bor-
deaux,en sorte que Muret quittant Villeneuve fut
chargé, vers -l'an 1547, de professer les belles-
lettres à Bordeaux, au collège de, (iuienne. Là,
parmi ses élèves, on remarquait le jeune Michel
Montaigne, qui se glorifia plus tard d'avoir joué
les premiers rôles dans les tragédies latines de
son professeur. De Bordeaux Mulet se rendit à
Paris, et parut s'y fi\er. 11 régenta la troisième
au collège du cardinal Lemoine jusqu'en 1552, et
ses cours furent si brillants qu'Henri II et Ca-
therine de Médicis ne dédaignèrent pas d'y as-
sister. En 1552, il se montrait à la fois théolo-
gien, jurisconsulte, philosophe et poète. 11 pro-
nonçait dans l'église des Bernardins une oraison
intitulée : De dignitate ac prœstantia studii
theologici. Il publiait ses Juvenilia (t) et don-
nait sur la philosophie et les généralités du droit
civil des leçons qui attirèrent une affluence pro-
digieuse d'auditeurs. Ses succès réveillèrent
l'envie. On l'accusa d'un vice qui révolte la na-
ture, et il fut incarcéré au Chàtelet, où il résolut
de se laisser mourir de faim ; « mais Dieu, raconte
Vauprivas, eut pitié de son âme, » Des amis s'em-
ployèrent, et obtinrent son élargissement. Ne
pouvant désormais rester avec honneur à Paris,
il se retira à Toulouse, et comme la persécution
l'avait réduit à un état voisin de la pauvreté, il
fut obligé pour vivre de donner des répétitions
de droit. On l'accusa de nouveau d'entretenir
des liaisons honteuses avec un jeune homme
nommé L. Memmius Frémiot, et, sur l'avis d'un
conseiller au parlement, il prit la fuite. Les ca-
pitouls le condamnèrent à mort par contumace.
« Cette année 1554, porte le 2° volume des
registres journaux de Toulouse, Marc-Antoine
Muret, Limosin, qui a laissé ses doctes livres à
la postérité et du depuis à Rome orateur du
pape, fut brûlé en effigie avec un Memmius Fré-
miot, de Dijon, pour être huguenot et sodomite,
en la place Saint-Georges : par sentence des ca-
pitaux, confirmée par arrêt (2). » Pendant que
cette sentence était rendue, Muret franchissait
les Alpes, à l'aide d'un déguisement. Arrivé dans
une ville de Lombardie, il tomba majade. Les
médecins qui furent appelés pour le soigner, le
prenant pour un vagabond, étranger à la langue
latine, dirent en sa présence : Faciamus expe-
rimenlum in anima vili. Muret, selon plu-
sieurs auteurs, aurait répondu à l'un d'eux : Vi-
(1) Ces poésies sont dédiées au conseiller Brinon. Elles
sont licencieuses, et valurent des regrets à leur auteur:
Juvenilia, sœpe rnihi in sermone dicebat. sibi non adeo
placere, ut ea tunqunm sua, non modo non proburet.
sed ne ugnosceret uuidem et cupiebat Imjusce tolitnta-
tis exstar êtes timonium. Renc\. Orat.f m. M. -t. Muret,
(2) Il n'y a point d'apparence que cette sentence des
capltouls ait été confirmée par arrêt du parlement, car
avant été rendue par contumace et ordonnant le plus
sévère des supplices, il ne peut y avoir eu appel a mi-
ninia de la part du procureur du roi. (Ménage, l'Anti-
Baillet.)
32.
999 MURET
lem animant appelas pro qua Christus non \ Lambin dédia
dedignatus est mort. Selon d'autres, il se serait
esquivé sans répondre. Venise le reçut, et il y fut
accueilli parles savants. En France, au contraire,
sa mémoire était persécutée et poursuivie d'in-
cessantes railleries.
Qui rigirite flamraas evaserat ante Tolosae
Muretds fumos vendidit ille mini,
écrivait Joseph Scaliger, afin de rappeler le bû-
cher de Toulouse et de se venger d'une plaisan-
terie assez innocente (1). «Pour un penchant
contre nature, disait encore Théodore de Bèze,
Muret a été chassé de France et de Venise, et
pour le même penchant il a été fait citoyen ro-
main ». Suivant d'autres, il avait été aussi chassé
de Padoue. « M'aimes-tu, demandait à Muret
Denis Lambin, professeur royal en langue grecque,
tâche de m'instruire promptement de toutes ces
rumeurs. Si elles sont fondées, nous y remédie-
rons; si elles ne le sont pas, je l'espère et je le
désire, nous serons délivrés d'inquiétude et de
crainte. Nous nous réjouirons. » Muret le ras-
sura; mais ce langage plein de bonté allait prendre
un caractère violent à la publication des diverses
leçons de Muret. Lambin prétendit que cet ou-
vrage était paré de ses remarques manuscrites
sur Horace. De là des lettres acerbes, une que-
relle dont retentit le monde savant. Ils se trai-
tèrent de plagiaires, d'ingrats, d'imposteurs, et
l'insulte suivit de près l'ironie. On lit, an ch. xxie,
liv. VIII des Variée Lectiones, que les femmes
savantes sont ordinairement lubriques. Lambin
s'empara de ce passage pour railler son adver-
saire, -i Vous paraissez, lui dit-il, ignorer com-
bien les femmes savantes sont irascibles. La fin
déplorable d'Orphée aurait dû vous l'apprendre
et vous ôter à jamais l'envie d'irriter un sexe
vindicatif. » Muret, blessé au vif, désavoua ses
propres lettres, et ne voulut plus avoir aucun
commerce avec Lambin. Il entrait dans sa trente-
quatrième année, lorsqu'à la recommandation
du cardinal de Tournon, Hippolyte d'Esté, cardi-
nal et prince de Ferrare, l'appela à Rome pour
y grossir sa petite cour littéraire.
Muret allait trouver bonheur et richesse au
palais des princes de Ferrare, là où le Tasse
allait bientôt abreuver sa vie d'amertumes.
Muret en effet eut tout à souhait, plusieurs
bibliothèques à sa disposition, les précieux ma-
nuscrits du Vatican et la villa de son protec-
teur. En 1661, Hippolyte d'Esté, l'emmena en
France au colloque de Poissy, et. s'il faut en
croire Muret, Lambin aurait fait alors à Paris
amende honorable, en présence de Turnèbe et
de Dorât; il serait venu, les larmes aux yeux,
demander pardon, avouer que ses actions mé-
ritaient la potence. Ce qui est certain, c est que
(1) Muret ayant composé des vers les avait fait passer
à Scaliger comme étant ceux de deux anciens poêles co-
miques, Mtius et Trabeas. Scaliger, avant de connaître
leur véritable auteur, avait Inséré ceux qui portaient le
nom de '.'rabe/is dans son commentaire sur Varron De
lie liustica, i573,édillon de Her.ri Estienne, p. 212.
10CG
son ancien ami le IVe livre de
ses commentaires sur Lucrèce. En 1563, Mure!
étant de retour à Piome, ouvrit un cours d'élo-
quence et de philosophie. Il choisit pour texte
de ses leçons publiques la morale d' Anatole, qu'il
enseigna jusqu'en -1567, et la jeunesse romains
« crut entendre la voix Wun autre Cicéron ».
En 1567, il enseigna le droit civil, et l'appliqua
des premiers à l'histoire et à la philosophie. Le
pape Grégoire XIII, jurisconsulte lui-même, en
fut tellement satisfait qu'il lui décerna le titre de
citoyen romain et l'appela le flambeau et la
colonne de l'école romaine. Etienne Battori,
roi de Pologne, ayant voulu s'attirer Muret en lui
offrant un traitement de 1,500 écus d'or et un
bénéfice qui en rapportait 500, Grégoire XIII
doubla les 500 écus d'or (1573). Cette immense
libéralité tint sans doute aussi à ce que Muret
était entré depuis deux ans dans les ordres re-
ligieux, où sa conduite fut des plus édifiantes. Il
avait alors veillé à l'éducation de l'un de ses
neveux (1), perdu son Mécène, célébré la bataille
de Lépante; il ne lui restait plus, à la mort de
Grégoire XIII, qu'à exhorter les cardinaux à
élire un pontife qui eût la piété de Pie V jointe
à la prudence de Grégoire XIH. Ce fut son der-
nier conseil. Il mourut épuisé par les veilles.
Ses ouvrages ont été recueillis et imprimés à
Vérone, 1727-1730, 5 vol. in-8°; à Leyde, avec
corrections et augmentations, 1789, 4 vol. in-8°.
« On y trouve, dit Falconet, beaucoup de science,
de goût, de critique, une connaissance parfaite
de la langue latine, mais peu de ce. génie et de
cet enthousiasme qui font le poète, et' l'orateur.
Ils se composent des diverses leçons , d'hymnes
sacrées, des Juvenlia, des discussions sur le
1er liv. des Pandectes, sur l'origine du droit, sur
les constitutions des princes, sur les devoirs du
juge, de commentaires sur Térence; Horacej Ca-
tulle, Tibulle, Properce, Tacite* Aristôte, Cicé-
ron, Xénophon, Salluste, d'épîtres et d'oraisons
où se trouve l'apologie de la Saint-Barthélemi.
L'éloge de l'horrible massacre du 24 août 1572
est une tache ineffaçable dans la mémoire de
Muret. M. Acdoin (de Limoges).
Benci, Orat. fnn. Mureti. — Erythraeus, Pinac., lj
imag. ilhist.. c. 5. — Menagiana, t. I, p. 302.— Ménage
L' 'Ânti-BàUlct. — Montaigne, lissais, liv. I, Oh. 25. —
Seévole de Sainte-Marthe, Éloges. — Niceron, Mémoires.
t. 27. — Juste Lipsc, De Rect. Pron. ling. Lit., t. I,
p. 393. — Et. Pasquier, t. I, Epig., liv. 5 — Ou Verdler,
Prosopographie, liv. 8. — La Croix du Maine, Bibl. —
Baillet, Jugements des Sav. — Naudseana, p. 41 et ad-
dit., p. 169. — Vogt, Apologia pro Mureto. — Gou-
Jet, Bibl., t. 7. — I.eyser, aménités littéraires, p. 93.
— Verville, Palais des Curieux, p. 502. — Rèze , Hist.
Eccl., liv. IV, p. 554. - J.-A. de Thou, t. XI, liv. I, p. 25.
— Vitrao, Éloge de Muret.
muret (Pierre), littérateur français, né à
Cannes, mort vers 1690. Il entra fort jeune dans
la congrégation de l'Oratoire, et vint étudier la
théologie à Paris, où il reçut la prêtrise. L'ar»
chevêque d'Embrun, Georges de La Feuillade,
(1) Il composa pour ce neveu l'Institutio puerilis.
François de Neufcliatean en a été l'imitateur.
1001 MURET —
l'admit dans tous ses secrets, et lui donna le pre-
mier emploi dans les deux ambassades, dont il
fut' chargé à Venise et à Madrid. Il s'attacha en-
suite au maréchal de Vivonne, qui le nomma son
aumônier. On a de lui : Cérémonies funèbres
de toutes les nations; Paris, 1675, in- 12 ; —
Explication morale de Vépitre de saint Paul
aux Romains; Paris, 1677, in-80;— Traité
des Festins; Paris, 1682, in- 12; — Oraison fu-
nèbre du maréchal de Vivonne; Marseille,
1688, in-4°. P. L.
Achard, Dict. de la Provence.
muret ( Jean-Louis ), économiste suisse, né
ià Morges, en 1715, mort en 1796. 11 exerça le
ministère du saint Évangile successivement à
Orbes, Granson etCorsier, etdevint enfin premier
pasteur de Vevey. Il improvisait" avec tant de fa-
cilité , qu'il continua un jour un sermon, com-
mencé par un de ses confrères pris subitement
d'une indisposition, et cela en suivant fidèlement
le texte et le plan de celui dont il venait de
prendre la place. Toute sa vie fut consacrée à
éclairer ses concitoyens et à les instruire des
meilleurs moyens d'augmenter leur prospérité.
Il a inséré plusieurs Mémoires dans le recueil
de la Société Économique de Berne, tels que :
Lettre sur le perfectionnement de V agricul-
ture; Mémoire sur la population du pays
de Vaud , etc. 11 avait aussi rédigé des tables
pour un mode de constitution de rentes viagères,
imaginé par lui ; elles lui valurent toute l'appro-
bation de Buffon. Il avait recueilli un glossaire
du patois vaudois, qu'il envoya à Court de Gé-
belin. O.
Bridel, Conservateur suisse, t. VI.
* muret ( Théodore- César), littérateur fran-
çais, né le 24 janvier 1803, à Rouen, où son père
était négociant. D'une famille protestante que
la révocation de l'édit de Nantes força de cher-
cher un refuge en Suisse, dans le canton de
Vaud, il alla faire ses humanités à Genève, après
avoir achevé sa rhétorique dans sa ville natale.
Reçu avocat à Paris, en 1829, il abandonna
aussitôt la carrière du barreau pour celle des
lettres ; il y débuta par une comédie en deux
actes et en vers, Corneille à Rouen, représentée
cette année même sur le théâtre des Arts de cette
ville à l'occasion de la fête du grand poëte. Après
la révolution de Juillet, il se lança dans le jour-
nalisme, et prit une part active à la rédaction des
feuilles et revues royalistes. Gérant de La Mode
de 1831 à 1832, il subit en cette qualité une
condamnation à la prison et une autre en 1845,
pour YAlmanachdu bon Messager. De 1833 à
1848, il publia un grand nombre de feuilletons
dansia Quotidienne et V Union, puis collabora,
pour la partie politique, à L'Opinion publique,
fondée par M. Nettement, après la révolution de
Février. En 1851 , il fut chargé de la critique
dramatique au journal L'Union. On a de lui :
Histoire de Paris ; Paris, 1837, 1851, in-12;
— Les grands Hommes de la France; Paris,
MURGER
1002
2 vol. in-8°, 1838; — Souvenirs- de l'Ouest;
Paris, 1839, in-18; — Histoire de l'Armée de
Coudé; Paris, 1844,2 vol. in-8" ; — Histoire des
guerres de l'Ouest; Paris, 1848, 5 vol. in-8°; —
des romans : Jacques le Chouan ( 1833,in-8°);
— Le Chevalier de Saint-Pons ( 183'», 2 vol.
in-8°); — Georgest ou un entremille (1835,
in-S°) ; — Barcelone ( 1836, in-8°) ; —Mademoi-
selle de Montpensier (1836, 2 vol. in-8°); —
plusieurs pièces de théâtre,entre autres : Les Droits
de la femme corn, en vers (Théâtre-Français),
1837; — L'Élève de Presbour g (Opéra-Comique),
1840, avec Vial; — Le Docteur de Sainl-Brice
(Porte Saint-Martin), drame, 1840 : avec MM. Coi-
gnard; — 1841 et 1941, ou aujourd'hui et
dans cent ans, revue (Porte-Saint-Martin),
1841 : avec MM. Coignard; — Les Philanthro-
pes, comédie en trois actes et en vers (Odéon) ,
1842 : avec M. de Courcy; — Michel, Cervantes,
drame, quatre actes, en vers (Odéon) , 1856; —
des brochures politiques, telles que Vie populaire
de Henri de France (1840, 1846, 1849, in-18 ) ;
— Vies de Bonchamps, de Cathelineau, de La
Rochej acquelein , de Charelle, de Cadoudal
(1845 ) ; — La Vérité aux ouvriers, aux pay-
sans, aux soldats, tirée à près de 600,000 exem-
plaires lors des élections de 1849; — Les Rava-
geurs ; — La Démocratie blanche; — His-
toire de Henri Arnaud, pasteur et chej mi-
litairedes Vaudois du Piémont ; 1853, in-18; —
Les Galériens protestants ; 1854, in-18; — Pa-
roles d'un Protestant; 1855, in-18 ;— A tra-
vers champs; Paris, 1858, 2vol. in-12; — un
grand nombre d'articles dans différents recueils,
entreautres dans\a Biographie générale. Ch. M.
Documents partie.
£ murger (Henry), littérateur français, né
à Paris, en février 1822, mort le 28 janvier 1861.
Fils d'un tailleur concierge, il reçut une éduca-
tion modeste. A l'âge de quinze ans , il fut placé
comme petit clerc chez un notaire. En 1838,
M. de Jouy, se ressouvenant du fils de son
tailleur-concierge, le plaça chez M. le comte de
Tolstoy, secrétaire de l'ambassade de Russie à
Paris. C'est là que lui vint le goût des lettres : il
s'essaya d'abord dans la satire. En 1843, il publia,
dans un journal , une quarantaine de vers d'un
poème intitulé Via Dolorosa. Ces vers sont em-
preints d'une certaine tristesse, d'une vive amer-
tume à la vue des souffrances sociales. C'est là
que commence la Vie de Bohême, qu'Henry
Murger a immortalisée dans des tableaux d'un
réalisme saisissant. Les premières Scènes de la
Vie de Bohême parurent en 1848, dans Le Cor-
saire, qui publia du même écrivain Orbasson le
Confiseur. Il collabora ensuite à V Événement,
où il donna Les Amours d'Ollivier, récit auto-
biographique; puis, au Dix Décembre, où il pu-
blia le Souper des funérailles. En 1851, il fit
représenter aux Variétés, La Vie de Bohême,
en collaboration de M. Théodore Barrière, pièce
qui est restée au répertoire. En 1852, le Théâtre»
1003
MURGER — MURILLO
100<
Français donna de Murger Le Bonhomme
Jadis, comédie en un acte, qui eut du succès.
La réputation littéraire de Murger s'est surtout
établie depuis sa collaboration assidue à la Revue
des Deux Mondes, où il publia successivement,
en 1851 : Claude et Marianne; en 1852, Le
Dernier rendez-vous et Le Pays latin; en
1853, Adeline Protat ; en 1854, Les Bu-
veurs d'eau. Murger quitta alors la Revue
des Deux Mondes. Nous citerons encore de lui :
Scènes de la Vie de jeunesse ; Le Dessous du
Panier ; Ballades et Fantaisies (recueil com-
posé de ses diverses pièces de L'Artiste ) ; Pro-
pos de ville et Propos de théâtre]; Le Ro-
man de toutes les femmes ; Scènes de la vie
de campagne; Les Nuits d'hiver (poésies).
Pendant son séjour à Marlotte, près Fontaine-
bleau, village qu'il habita durant trois ans, il
composa, en 1859, Le Sabot rouge, qui parut
en feuilletons dans Le Moniteur. Le 1er janvier
1860, Murger reçut la croix de la Légion d'Hon-
neur. Une réimpression des œuvres complètes
du romancier fantaisiste paraît chez Michel Levy,
en volumes in-18. A. Lebailli.
Jacques Reynaud, Portraits contemporains. — M. de
Pont-Martin, Causeries du Samedi — Gustave Planche,
articks de critique littéraire, année 1853, dans la Revue
des Deux Mondes.
murhard (Frédéric-Auguste) , publiciste
allemand, né à Cassel, le 7 décembre 1778, mort
le 29 novembre 1853. Il étudia à Gœttingue, et fit
de 1799 à 1801 un voyage en Orient. Sous le règne
du roi Jérôme Bonaparte, il fut chargé de la ré-
daction du Moniteur Westphalien,dev'mt biblio-
thécaire au musée de Cassel et conseiller de pré-
fecture du département de Fulda. Après la res-
tauration de l'électeur Guillaume Ier, il vint rési-
der à Francfort-sur-le-Mein. Ce fut vers ce
temps qu'il commença à s'occuper de sciences po-
litiques. On lui attribue notamment les brochures
parues, sous le nom du docteur Schreiber, dans
l'affaire des acheteurs des domaines de West-
phalie. En 1817, il se chargea à Berne de la ré-
daction d'un journal libéral, intitulé Journal
Européen, mais qui fut bientôt supprimé. De-
puis 1821, il continua, sous le titre d'Annales
politiques universelles , les Annales Euro-
péennes, commencées parPosselt. Murhard était
alors un des coryphées du parti libéral, et
désigné comme l'un des membres actifs de l'as-
sociation dite des Anciens. 11 fut impliqué dans
la fameuse histoire des lettres comminatoires,
adressées, en 1823, au prince électeur. Arrêté
à Hanau, au mois de février 1 824, il fut enfermé
à la citadelle de Cassel, et peu de temps après
remis en liberté. Murhard fit ensuite, avec son
frère, un grand nombrede voyages en Allemagne,
en Suisse, en Italie, dans les Pays-Bas, en
France, en Danemark et en Suède. 11 publia entre
autres : Bibliotheca mathemalica, oder Li-
teralurder mathemalischen Wissenschaften ;
Leipzig, 1797-1805, 5 vol. ; — Gemaelde von
Konstantinopel (Tableaux de Constantinople) ;
Penig, 1804 ; 2e édit., Leipzig, 1824, 3 vol. ; -
Constantinople et Saint-Pétersbourg, 1805
1806 ; en commun avec le conseiller d'État russ<
Reimers; — Tableaux de l'Archipel Grec.,
Berlin, 1807, 2 vol. ; — Grundlage des je.lzi-
gen Staatsrechts des Kurfuerstenthums Hes
sen ( Principes du Droit public actuel de la Hesst
électorale); Cassel, 1834-1835, 2 vol. Murharo
a continué le Recueil des Traités de Martens.
Son frère, Charles Murhard, né à Cassel ,
le 23 février 1781, a publié : La Westphalit
sous Jérôme Napoléon ; — Ideen ueber wich-
tige Gegenstaende aus dem Gebiele dér
Nalionalcekonomie und Staatswirthschaft
( Idées sur des sujets importants d'économie na-
tionale et d'économie politique); Gœttingue,
1808; — Ueber Geldund Muenze ( Sur l'Argent
et la Monnaie de billon) ; Cassel et Marbourg,
1809; — Théorie des Geldes und der Muenze
(Théorie de l'Argent et de la Monnaie) ; Leipzig,
1817, — Théorie und Politik des Handels
(Théorie et Politique du Commerce); Gœttin-
gue, 1831. 2 vol. H. W.
Cov.-Lex.
murillo (Bartolomé-Esteban (i), l'un des
plus célèbres peintres espagnols, baptisé à Sé-
ville le lei janvier 1618 (2), mort dans la même
ville le 3 avril 1682: Dès l'enfance le jeune Mu-
rillo révéla son penchant pour la peinture. Son
premier maître fut Juan del Castillo ( voy. ce
nom), son oncle qui, élevé dans les traditions
florentines, avait un coloris sec et dur, mais un
dessin châtié, sévère et de nature à former de
bons élèves. Murillo avait alors Alonso Cano
et Pedro de Moya pour condisciples; il ap-
prit sans peine ce que Castillo lui enseigna, jus-
qu'au moment où ce maître alla s'établir à Cadix
( vers 1634 ). Murillo se trouva alors sans guide
et incertain de sa voie ; il ne se découragea pour-
tant pas, et peignit une pacotille de bannières
et d'autres enluminures sur tissus (una par-
tida de pinturas), qu'il vendit assez avanta-
geusement pour l'exportation en Amérique. Il
devint bientôt le fabricant préféré par les né-
gociants des foires de Séville et de Cadix, qui
faisaient alors un grand commerce de ces sortes
(1> « Les parents de Barthélémy, dit Quilllet, furent Gas-
pard Esteban Murillo et Marie Perez. Comme tous ses an-
cêtres se sont appelés Esteban, on en conclut que c'est le
nom de famille ». En effet, Quilllet , dans son Diction-
naire des Peintres espagnols, a classé Murillo à Esteban.
L'opinion de. Quilliet n'est qu une présomption fort con-
testable. Elle n'a été, au surplus, admise par aucun écri-
vain artistique. 11 arrive fort souvent qu'un nom de
baptême se perpétue dans une famille sans devenir pour
cela nom de famille. Par exemple, les aînés des Mont-
morency, s'appelaient presque toujours Anne ou Mat-
thieu ; leur nom de famille n'en fut pas modifié.
(2) l'alomino, suivi par plusieurs biographes, fait naître
Murillo à Pilas en 1643. Cette erreur a été relevée par
Cean Bermudez, qui s'est procuré à SéVille l'extrait de
baptême de Murillo {Bartolome- Esteban) ; mats un ex-
trait de baptême n'indique pas toujours la date de nais-
sance. Quilliet pense que « l'erreur de Palomino peut pro-
venir de ce que la femme de Murillo père était de Pilas,
et qu'elle y avait un peu de bien. »
1005
de pastiches à la détrempe avec les nouvelles
colonies espagnoles. 11 acquit ainsi une grande
facilité d'exécution ; mais les nécessités de ee
genre étaient peu propres à modilier son coloris.
Jl serait probablement resté un confectionneur -
d'images plus éclatantes les unes que les autres
si, en K)4l, son ami Pedro de Moya nefùt revenu
à Séville. Moya arrivait de Londres, où il avait
étudié sous van Dyck, et dont il avait su prendre
la toucbe savante, ferme et fondue tout en-
semble. Pour la première fois le clair-obscur, les
demi-tons apparaissaient en Espagne. On com-
mençait à y entrevoir les mystères de la palette :
ce fut «ne véritable révolution artistique. La
douceur du style de Moya fut surtout pour Mu-
rillo une révélation : il sentit sur-le-champ
combien était dure à l'œil et contraire à la na-
ture l'importance exagérée du contour; il com-
prit que l'air, en enveloppant les lignes, les es-
tompe, les dégrade, les laisse tourner et fuir. Il
résolut d'accomplir de pareils miracles et d'aller
les surprendre à leur source en Italie. Il fallait se
créer des ressources pour un voyage aussi long
que dispendieux : Murillo achète plusieurs pièces
de toile, les divise en un grand nombre de mor-
ceaux, qu'il imprime lui-même *et sur lesquels il
exécute prestement, et suivant sa fantaisie, des
madones , des fleurs , des sujets mystiques , des
paysages, ici des moines, là des natures mortes ;
puis il vend sa cargaison à un armateur pour les
Indes. Muni de son mince produit, il part sans
prendre congé de personne, et entre à Madrid
en 1643 à peine âgé de vingt-cinq ans. Son com-
patriote le célèbre peintre don Diego Velasquez
de Silva (voy. ce nom), était alors en grande
faveur à la cour du roi Philippe IV : l'un des
privados ( familiers ) de ce monarque, fourrier
du palais et huissier de la chambre, il pouvait
beaucoup pour la fortune d'un jeune artiste;
Murillo courut le visiter, et lui découvrit
ses projets. Velasquez lui fit l'accueil le plus
gracieux, et lui fournit tous les moyens pour
étudier sans quitter leur patrie. A sa voix les
portes du palais de Madrid, celles de i'Escu-
rial , de toutes les résidences royales , des ga-
leries privées, des musées, des monastères s'ou-
vrirent pour Murillo, qui, entouré de tous les
chefs-d'œuvre des grands maîtres, renonça bien-
tôt à un voyage devenu presque sans objet. Du-
rant trois années il étudia surtout le Titien et
l'école vénitienne, Rubens et la haute école fla-
mande, tandis que Velasquez l'initiait à sa
prestigieuse manière, à l'amour du rendu, au
goût de la vérité et aux illusions de la perspec-
tive aérienne.
Pendant son séjour à Madrid, Murillo avait
vécu des libéralités de son généreux compa-
triote, qui n'avait rien négligé pour lui créer une
réputation. Présenté à la cour, Murillo y avait
été fort bien reçu ; mais il n'y avait point place
à Madrid pour deux Velasquez. D'ailleurs Mu-
rillo, doux et modeste, n'ambitionnait que du
MURILLO «006
travail et la considération de ses concitoyens :
il retourna donc à Séville (1). Son arrivée n'y
fit aucune sensation; car à peine s'étalt-on
aperçu de son brusque départ. 11 trouva difficile-
ment de l'occupation; enfin les Franciscains vou-
lurent bien lui confier la décoration du petit
cloître de leur couvent (1646). Les tableaux qu'il
y exécuta étonnèrent tous les artistes ; nul fie
pouvait deviner qui lui avait appris un genre
qui décelait un grand maître sans appartenir
pourtant à aucun des maîtres connus.
Cette seconde manière de Murillo n'était
plus seulement le style de van Dyck , tel que
Moya l'avait importé à Séville trois ans aupa-
ravant; « c'était, dit M. Charles Blanc, un mé-
lange imprévu de toutes les manières que Mu-
rillo avait si profondément étudiées quand, à Ma-
drid, à l'Escnrial , au Cierzo, il avait successi-
vement copié des Rubens, des Titien, des van
Dyck, des Ribera, des Velasquez. Aucune origina-
lité n'était encore sarsissable dans cette fusion
singulière, où la gravité du Titien tempérait le
fougueux éclat de Rubens, où l'élégante sou-
plesse de van Dyck rnitigeait la sauvage accen-
tuation de PEspagnolet. Çà et là , malgré le mé-
lange, le pinceau de l'imitateur trahissait ce-
pendant chacun des maîtres qu'il avait tour
à tour admirés. Ainsi des anges apparaissant à
Saint François en extase rappelaient les fortes
oppositions de Ribera; le superbe tableau de
Sainte Claire mourante (2) semblait être un
ressouvenir de van Dyck, tant il y avait de res-
semblance pour les airs de tête , de fraîcheur
dans les carnations et d'adresse dans le dessin
des extrémités. Enfin le Saint Jacques avec
les pauvres accusait l'influence directe de Ve-
lasquez. Au moment de rencontrer son génie
propre , d'avoir conscience de lui-même, Murillo
ne présentait qu'un éclectisme heureux, et ce-
pendant à travers les apparencesde l'assimilation
la grandeur du maître commençait a se faire
jour. « C'es-t à cette seconde phase du talent de
Murillo que se rapportent L'Extatique à la
cuisine ( galerie Soult ) ; une Scène de brigands
(même galerie), où se détache, sur un fond de
paysage vigoureux , le groupe d'un moine arrêté
par un brigand demi-nu , dont le torse est exé-
cuté à la façon de l'Espagnolet , révèle chez l'au-
teur de véritables connaissances en anatomie et
une grande entente du clair obscur. De la même
époque date La Fuite en Égyple (galerie Soult),
qui représente Jésus gracieusement enveloppé
(1) 11 n'en sortit plus que deux fois. La première pour
faire une courte apparition à Madrid, lors du mariage
d'une de ses sœurs avec don José de Vettia , ministre
des affaires étrangères; la- seconde pour aller peindre à
Cadix le tableau qui lui coula la vie. C'est donc bien a
tort que Sundrart et quelques écrivains italiens ont avancé
! que Murillo élait allé daus sa jeunesse en Amérique et
I quà. son retour il avait visite l'Italie. Ces faits appar-
| tienni-nt à la vie de son fils Gaspard- Eslcbaa Murillo,
mort aux Indes.
(2) Ce tableau fait aujourd'hui partie de la galerie
I Aguado, à Faris.
1007
MURILLO
1008
dans les bras de sa mère montée sur un âne;
saint Joseph, tirant par la bride sa modeste
mouture, se hâte de gagner un gîte à travers les
premières ombres du crépuscule.
L'immense talent et l'abondance des produc-
tions de Murillo établirent rapidement sa répu-
tation. Il acquit en peu de temps assez de for-
tune pour marier l'une de ses sœurs à don Vettia,
membre du grand conseil d'Espagne, et lui-
même épousa, en 1648, à Pilas, una persona de
conveniencïas , dona Beatrix de Cabrera y Soto-
mayor. C'est qu'il possédait au plus haut degré
cette variété de genres qui devait faire de lui le
peintre le plus populaire de l'Espagne. A la dif-
férence de Velasquez, qui reproduisait volon-
tiers le côté noble des hommes et des choses,
Murillo en saisissait le côté vulgaire avec tous
les contrastes qu'il présentait chez une nation à
la fois fière et pauvre, dissolue et religieuse. Il
savait peindre la béate ferveur du dévot aussi
bien que les haillons d'un gueux superbe se
roulant sur son fumier ou la belle courtisane
qui soulève sa jalousie pour faire appel aux dé-
sirs des passants. Quoique sincèrement reli-
gieux, Murillo, dans son catholicisme, se montre
à la fois pieux et mondain. En vrai chrétien , il
aime également toutes les créatures humaines,
qu'elles soient élégantes ou contrefaites, enlai-
dies par la misère ou rehaussées par le luxe,
sales jusqu'à la vermine ou parées comme des
reines et brillantes comme des séraphins. Il a
été également supérieur dans les deux éléments
qui se disputent la vie humaine , l'idéalisme et
la réalité. C'est ainsi qu'entrouvrant la voûte
azurée, s'élevant, par la contemplation, jusqu'aux
lumineuses demeures où le croyant espère une
félicité sans égale et sans fin, il crée une reine
des deux ou quelque bienheureux qu'on dirait
vêtus de lumière. Des groupes d'enfants radieux
tourbillonnent autour d'eux; puis tout à coup,
descendant dans- la vie réelle la plus triviale,
il peint ce chef-d'œuvre d'observation , de na-
turel et de clair obscur El Piojoso (Le Pouil-
leux), qu'on admire au musée du Louvre sous
le titre, moins précis, de Un jeune Mendiant.
C'est un gamin à tête rase qui s'est retiré dans
un misérable réduit pour se livrer à un soin
qu'il eut été audacieux pour un pinceau vul-
gaire de reproduire avec tant de franchise. Le
pauvre enfant, pusqu'il faut le dire , s'occupe
tranquillement à tuer ses poux au soleil. Son corps
hâlé et rude est presqu'à nu- sous des haillons
disjoints. Quelques fruits s'échappant d'un vieux
eabas , une cruche d'eau , des crevettes à demi
rongées, éparses sur la terre, sont les restes ou
les préparatifs de son frugal repas : un jeu d'os-
selets gît à côté. Eh bien t ces détails, repous-
sants dans toute autre condition, rendent ce ta-
bleau vraiment curieux et même agréable à voir.
Car ce triste bouize est singulièrement égayé par
un rayon de lumière qui, vif, piquant, chaud, fran-
chit sans obstacle. la baie de la masure, dore les
guenilles du mendiant, met sa tête en relief et
fait ressorlir sur sa figure penchée, sinon la
santé , du moins une apparence de force et une
parfaite insouciance. Les chairs sont modelées
avec soin. Le teint basané du vagabond , ses
jambes terreuses , la plante de ses pieds calleux,
dénoncent assez ses habitudes buissonnières ,
son horreur de la propreté, tandis que le jeu,
disposé près de Jui, indique suffisamment à quel
emploi il consacre le temps qu'il refuse au moindre
labeur. Murillo, dans cet enfant sans gêne et
sans souci, sobre mais joueur et paresseux, a
voulu, nous n'en doutons pas, personnifier le
peuple espagnol , dont le moine aux joues ver-
meilles, à la panse arrondie ou l'hidalgo au corps
sec, à la longue rapière, au pourpoint usé ne
présentaientplus déjà que de rares types.
Vers 1650 s'accomplit la troisième transfor-
mation du génie de Murillo. Son talent, mûri par
l'expérience, se dégageant des appropriations faites
à ses modèles, sur leurs traces oubliées, disparues
s'éleva un artiste nouveau , maître à son tour,
qui ayant son cachet propre , exempt désormais
de tâtonnements, de mélanges d'emprunts, pou-
vait dire : « Je suis Esteban Murillo, je suis
moi!.... »Son style se fixa: latouchedevintplus
moelleuse. Le clair obscur tranché qu'il avait
emprunté de Ribera s'adoucit sensiblement dans
ses œuvres, qui gagnèrent en transparence ce
qu'elles perdirent en trop de force. Il conserva
seulement de Velasquez l'art de dégrader les
nuances, « de peindre l'air ». Ce fut alors qu'il
mérita le titre de prince des coloristes espa-
gnols.
Malgré la jalousie de Juan de Valdes Leal et
celle de Francisco Herrera le jeune, Murillo vit
arriver de toutes parts des commandes de tra-
vaux : il y employa ses jours et ses nuits. Il
trouva encore le temps de fonder une école (de-
venue plus tard l' Académie de Séville ), où il
se plut à enseigner gratuitement l'art qu'il possé-
dait si bien. Il ne laissa pourtant que des élèves
assez médiocres, si l'on en excepte son ami
don Pedro Nunez de Villavicencio, dans les bras
duquel il mourut; Alonso-Miguel de Tobar, qnii
le copiait à s'y méprendre ; Francisco Antilonez
de Sarabia ; et Francisco Meneses Osorio, qui le
mieux approcha de sa couleur.
C'est à partir de 1650 que Murillo produisit
ses meilleurs morceaux : en 1655 il peignit
le Saint Léandre et le Saint Isidore (1),
vêtus de leurs habits pontificaux, qu'on admire
dans la sacristie de la cathédrale de Séville; —
en 1656 pour le baptistère de la même église, le
célèbre Saint Antoine de Padoue, « ce chef-
d'œuvre sans imitateur possible comme sans mo-
dèle ». Dans une cellule sombre, l'enfant Jésus
apparaît tout à coup à saint Antoine au milieu
(1) Suivant Quilliet San Leantlro est le portrait du li-
cencié Alonzo de Herrera et Santo lsidoro celui du li-
cencié Juan Lopez de Talavan, renommés alors dans
Séville pour leur beauté.
1009
d'une gloire éblouissante, et le pieux solitaire à
genoux, éclairé par cette seule apparition , lève
les bras avec un indescriptible transport d'a-
mour vers le Dieu resplendissant de lumière et
de beauté qu'il veut serrer contre sa poitrine ».
La tète du saint pourrait être plus noble, mais
l'attitude ne saurait être plus vraie. « Jamais
la force d'une expression passionnée n'alla
plus loin cbez aucun peintre ; jamais non plus
on ne rendit avec des couleurs et un pin-
ceau des nuages plus transparents , des ligures
d'une suavité plus séraphique. On se demande
comment avec des ombres tempérées le peintre
a pu obtenir un effet si lumineux et par quelle
infinie dégradation de nuances il a pu passer
de l'intensité d'un rayon de soleil à la paisible
obscurité de la cellule (1). » Eu 1665, il fit pour
l'église Saiute-Marie-la-Blanche de Séville quatre
tableaux qui ont paré le musée du Louvre sous
l'empire et que la Restauration arestitués.Troisau-
tresdes meilleures toiles d.e Murillo eurent le même
sort : ce sont Sainte Elisabeth de Hongrie, et
en deux parties, L' Emplacement de Sainte-
Marie*Majeure désigné au patrice Jean par
un espace couvert de neige. Lors de l'occu-
pation française, Séville en avait fait don au ma-
réchal Soult, qui en 1814 les offrit à Louis XVIII ;
mais en 1815 les alliés les réclamèrent, et ils ont
été reportés en Espagne.
En 1667 et 1668, Murillô dirigea les travaux de
la salle capitulairedela basilique de Séville. 11 y re-
toucha ces hiéroglyphes qu'avait composés Paulo
de Cespedes et l'embellit de neuf tableaux etd'une
coupole superbe, représentant La Conception.
De 1670 à 1674 il acheva, toujours pour sa ville
bien aimée, les grands tableaux de l'hospice de
La Charité, parmi lesquels se trouvent Sainte Eli-
sabeth distribuant des dons aux pauvres et
L'Enfant prodigue, chefs-d'œuvre restés clas-
siques dans l'histoire de l'art (2). Pour l'hos-
pice des Vénérables, il fit quatre morceaux de
la plus grande beauté : une Conception (3);
Saint Pierre; L'Enfant Jésus donnant du
pain aux pauvres et le portrait de don de Neve,
ami du peintre et directeur de l'hospice des
Vénérables (4). De 1674 à 1680 ce maître infa-
tigable termina pour le couvent des capucins de
Séville les vingt-trois tableaux qui faisaient de
leur église l'un des plus beaux sanctuaires du
monde. « Ces pieux catéchumènes, dit Quilliet, ont
emporté aux Amériques ces morceaux brillants,
dont on ignore maintenant la destinée ». Murillo
fit encore beaucoup d'autres tableaux à Séville
pour le couvent des Augustins. Bien vieux,
(1) M. Charles Blanc. Hist. des Peintres.,
(21 11 reçut 78,115 réaux pour ces tableaux ( environ
80,000 f r. ) .
(3) « Cette Conception , dit Quilliet, est le témoignage
le plus anthentique de son goût délicat et de son intel-
ligence , tant pour les contrastes que pour l'effet. Peut-
être aussi trouverait-on peu de produits de l'école lom-
barde qui approchassent du mérite de cet ouvrage. »
(4) L'archi-chancelier Lebrun offrit 20,000 fr. de ce
portrait, sans pouvoir l'obtenir.
MURILLO 1010
il alla peindre à Cadix une magnifique Sainte
Famille pour les ducs d'El Pedroso, un ad-
mirable Ecce homo pour le couvent des Capu-
cins de cette ville et les célèbres Fiançailles de
sainte Catherine pour le grand autel du même
cloître. II laissa cette dernière œuvre inache-
vée, par suite d'une chute de son échafaudage.
Rapporté grièvement blessé à Séville, il y mou-
rut, entre les bras de sa famille et de ses élèves.
Sa ville natale lui fit des obsèques dignes de
son mérite. Son cercueil fut porté dans l'é-
glise de. Santa-Cruz par deux marquis et quatre
chevaliers de différents ordres. Il avait été fort
honoré par la noblesse pendant sa vie. Charles II
lui avait offert le titre de son premier peintre ;
mais il le refusa, préférant vivre loin de la cour,
dans une médiocre aisance. Quoique très-simple
dans ses goûts, sa générosité l'empêcha d'amasser
des richesses; cependant un ministre des af-
faires étrangères, don José de Vettia, avait épousé
une de ses sœurs et ses enfants avaient obtenu
des canonicats et des bénéfices. Son fils aîné,
Gaspard-Esteban Murillo, peignait aussi avec
talent. Entraîné par la passion des voyages , il
visita une partie de l'Europe et de l'Amérique,
et mourut, aux Indes, le 2 mai 1709.
Durant sa longue existence Murillo fut tou-
jours laborieux et d'une conduite exemplaire.
Il a mis son âme tout entière dans ses tableaux.
En les regardant on comprend sa réponse à ce
prieur qui lui demandait pourquoi il ne conti-
nuait pas un de ses ouvrages commencés : « J'at-
tends, répondit le peintre, inspiré, que ce Christ
vienne me parler. » Jamais Murillo n'entreprit
une de ces grandes pages de la Bible ou de l'É-
vangile sans s'être identifié par la prière ou par la
communion avec ce Dieu qu'il allait peindre. Ce-
pendant, de l'aveu de tous les critiques, l'enthou-
siaste, le chaste et dévot Murillo, qui n'a jamais,
croyons-nous, peint une femme nue dans ses
tableaux, n'a su peindre une tète de Vierge
sans en faire une femme gracieuse et tendre,
il est vrai, mais point divine. Il s'en faut bien
que ses madones aient le caractère de virginité
que veut la foi. Leur belle chevelure , leurs yeux
noirs et humides inspirent d'autres idées que des
transports divins. Ce ne sont souvent que des
jeunes mères aux mains potelées chez qui le
passage de la vie a laissé des méplats dans les
carnations. En revancheMurillo imprime toujours
au fils de Marie un caractère surhumain ! A-t-il
voulu par la figure mondaine de la mère faire
ressortir l'origine céleste de l'enfant? Ce serait
s'écarter du dogme de l'immaculée conception ;
toujours est-il que l'on doit dire avec M. Thoré :
« Chez Raphaël la Vierge est plus Vierge : chez
Murillo l'enfant Dieu- est plus Dieu. »
L'œuvre de Murillo est considérable. Il n'est
guère de musée européen qui n'en possède plu-
sieurs tableaux. Mais ses principaux ouvrages
sont restés en Espagne. C'est à Séville que l'on
peut seulement l'apprécier. Là sont ses chefs-
1011 MUR1LLO
d'œuvre; la cathédrale de cette ville en possède
au moins quarante. A Madrid se trouvent le Saint
Jean-Baptiste et Le bon Pasteur, payés en-
semble 40,650 livres (1). A Paris, dans la galerie
espagnole du musée du Louvre, le livret attribue
trente-huit morceaux au grand coloriste sévillan.
Outre que son nom peut être contesté pour quel-
ques-uns , il ne faudrait pas mesurer son génie
sur ces œuvres. Néanmoins, comme hors ligne ,
avec Le jeune Mendiant, dont nous avons parlé,
il faut citer : Le Mystère de la Conception de la
Vierge; La Vierge au chapelet; Le Père
éternel et FEsprit-Saint contemplant l'En-
fant Jésus ; Jésus sur la Montagne des
Oliviers; Le Christ à la colonne; un Saint
en extase et une belle guirlande de fleurs.
On voit dans cette galerie deux portraits de ce
peintre, l'un exécuté par lui-même, et où sont
très-bien exprimées la puissance et la douceur
de son génie; l'autre, qui le représente dans un
âge avancé , lui donne une physionomie plus sé-
vère qu'on ne se le figure ordinairement.
Alfred de Lacaze.
Francisco Pacheco, El Arte de la Pintura ( Madrid,
1633). — Don Antonio Palomino de Velasco, Et Museo
pictorico (Cordova), 1718, liv. VI; El Mprovechado ,
cap. il, p. 62. — Don J.-.A. Cean Bernmdes , Biccionario
historiés de Ins mas ilustres Profesores de las Bellas
Anes en Espaila ( Madrid, 1800). — Le même. Descrip-
tion artistica de la catedral de Sevïlla (Séville, 1804-,
extrêmement rare, même en Espagne), p. 70. —
J.-l-'.Bourgoing, Tableau del'Espagne moderne (4e édit.;
Paris, 1807, 3 vol. in-8°), t. Ier, p. 238; t. III, p. 143,
2i4. — Quilliet, Dictionnaire des Peintres espagnols
\ Paris, 1816), art. Esteban. — Thoré, Études sur la Pein-
ture espagnole ; dans la Revue de Paris, ann. 1835. —
RosseeuwSaint-Hilaire, La Cathédrale de Séville; même
lievue, t. XL1X, janvier 1838. - Charles Blanc, His-
toire des Peintres , liv. 102-103, école espagnole, n° 4.
x MimiLLO-BRAVO (Juan Bravo-Murillo
ou ), homme politique espagnol , né en juin 1803,
à Fréjoual de la Sierra (province de Badajoz).
Comme ses parents étaient pauvres, il fut des-
tiné à l'Église, et il étudia la théologie à Séville
et à Salamanque ; dès qu'il fut en âge de raison ,
il s'appliqua à la jurisprudence, et fut admis en
1825 à faire partie du collège des avocats de Sé-
ville. Quelques procès politiques, entre autres
celui du colonel Bernardo Marquez (1831), mirent
en évidence ses talents oratoires. Après la mort
de Ferdinand VII, il accepta du ministre Ga-
relly le poste de fiscal àCaceresen Estrémadure.
Dévoué au parti constitutionnel, il protesta
contre l'arrivée des progressistes au pouvoir en
donnant sa démission (1835), et vint s'établir à
Madrid, où, de concert avec son ami Pacheco,
il fonda le Boletin de Jitrisprudencia (1836),
la première gazette judiciaire qui ait paru en
Espagne. Dans cette même année, il occupa pen-
dant trois mois le secrétariat du ministère de la
(11 Antonio del Castillo y Saaveclra, peintre cordouan
en grande répulation, et qui en était venu à se persuader
qu'il était le premier peintre de l'Espagne, ayant vu ces
clicfs-u œuvre en 1667, s'écria : « Il me" faut mourir, je
n'ai que trop vécu. » En effet, il mourut peu après, de
cuagrin et de jalousie.
— MURIS
ioiî
justice. Rejeté dans l'opposition à la suite de lu
révolution de la Granja, il créa un journal poli-
tique, El Porvenir, et s'y montra, avec Donos< i I
Cortès, Gonzales Llano et Dionisio Galiano. ui
des plus violents adversaires du parti radical
Après avoir siégé en 1 837 aux cortès comme dé-
puté de la province de Séville, il s'associa à Do-
noso Cortès et à Alcala Galiano pour rédiger Et
Pilolo, nouvel organe des monarchistes consti-
tutionnels. Ces derniers ayant obtenu le dessui
dans les élections de 1840, Murillo-Bravo ren-
tra à Ja chambre et s'y distingua par ses con-
naissances en législation et en matières de gou-
vernement. Après la révolution de septembre
1841, il fut décrété d'arrestation comme un des
principaux chefs du parti modéré ; mais, étant
parvenu à s'échapper, il gagna Bayonne et resta
en France jusqu'à la chute d'Espartero ( juillet
1843). De retour à Madrid, il se livra entière-
ment aux travaux de sa profession. En 18^7, il
fit partie du ministère provisoire du duc de So-
tomayor. Depuis cette époque iî se rapprocha de
Narvaez qui lui confia successivement le porte-
feuile du commerce et de l'instruction publique
(novembre 1847) et celui des finances (1849).
« Vers la fin de 1850, dit le Dictionnaire des
Contemporains, la division éclata de nouveau
dans le parti modéré : Narvaez donna sa démis-
sion, et Murillo-Bravo resta à la tête du gou-
vernement. La nouvelle administration menaça
toutes les libertés conquises au prix de tant de
sang par la nation espagnole, supprima le droit
de réunion, comprima la presse et voulut révi-
ser, dans le sens absolutiste, la constitution mo-
narchique de 1845. Mais au moment où Murillo-
Bravo semblait aller tout droit à la dictature, il
perdit l'appui de la reine et céda la place au
général Larsundi (1852). «Forcé de s'expatrier
par suite de la révolution de 1864, il y fut rap-
pelé par celle de 1 856. P.
Men of tke time. — Convers.-Lexikon. — Vapereau,
Dict. des Contemp.
mûris (Jean de) , désigné aussi par quel-
ques auteurs sous le nom de Jean de Murs ou
de Meurs, docteur de Sorbonne et chanoine de
l'église de Paris , fut l'un des plus savants écri-
vains du quatorzième siècle sur la musique. Les
biographes ne sont d'accord ni sur le pays où il
vit le jour, ni sur la date de sa naissance, ni sur
celle de sa mort Quelques historiens, entre
autres Hawkins, prétendent qu'il était né en An-
gleterre. Jean de Beldomandis, commentateur de
Jean de Mûris, dit qu'il était de Paris ; mais on
trouve la preu ve qu'il était originaire de Normandie
dans son traité des fractions dont le manuscrit,
portant la date de 1321, est conservé à Oxford,
dans ie fonds de Digby de la bibliothèque Borî-
leyenne. Cet ouvrage a pour titre : Tractatus
Canonum minutiarum philosophicarum et
vulgarium , quem composuit mag. Johannes
de Mûris, Normannus A. MCCCXXl. Jean de
Mûris , dans le prologue de ce traité, fait con-
1013
naître que ce fut dans la même année qu'il écrivit
sur l'art de la musique chantée et écrite ou figu-
rée, tant mesurée que plane, et sur toutes les
manières possibles de faire le contrepoint ou
dédiant, non-seulement par notes réelles, mais
aussi avec toutes les notes de passage et d'or-
nement. La date de 1321 que nous venons de
citer indique en outre que ce célèbre théoricien,
qui était alors dans toute la maturité du savoir,
devait être né non pas au commencement du
quatorzième siècle , comme quelques-uns l'ont
avancé, mais dans les dernières années du siècle
précédent. Une lettre qu'il écrivait au pape Clé-
ment VI, qui de 1342 à 1352 occupa le siège pon-
tifical, nous apprend que dans sa jeunesse Jean de
Mûris avait été intimement lié avec ce chef de l'É-
glise, qui avait été archevêque de Rouen. Dans
le Catalogue de la Bibliothèque impériale de
Paris, on lui adonné la qualité de chanoine de
cette ville, probablement d'après l'autorité du
P. Mersenne, qui, dans son Harmonie univer-
selle , l'appelle canonicus et decanus ecclesise
Parisiensis ; s'il peut exister quelque doute à cet
égard, plusieurs manuscrits desouvrages de Jean
de Mûris fournissent la preuve qu'il était docteur
et professeur de Sorbonne dans Paris. Quant à l'é-
poque de sa mort, elle est inconnue; mais il est
certain qu'il vivait encore en 1345, puisque ce
fut dans cette année qu'il écrivit son ouvrage
intitulé Prognosticatio super conjunctione Sa-
turni , Jovis et Martis, dont il existe des ma-
nuscrits à la Bibliothèque impériale de Paris et
à celle d'Oxford.
Pendant longtemps Jean de Mûris a été con-
sidéré comme l'inventeur des signes qui servent
à déterminer, sous le rapport de la mesure, la
valeur des notes de la musique. Nicolas Vin-
centino, vers 1"»55, répandit cette erreur dans
son Antica Musica ridotta alla moderna pra-
tica ; vinrent ensuite Zarlino, Berardi, Gassendi,
dom Jumilhac , Brossard % et. plusieurs autres
écrivains. Le P. Mersenne paraît être le premier
qui , dans une lettre à Doni , restée longtemps
inconnue et que M. Fëtis a publiée dans le
douzième volume de la Revue musicale , ait
élevé des doutes sur les inventions attribuées à
Jean de Mûris. J.-J. Rousseau , dans son Dic-
tionnaire de Musique , a émis à ce sujet les
mêmes doutes que Mersenne. L'incertitude de
ces deux auteurs se serait changée en conviction
s'ils avaient remarqué les passages du Spécu-
lum Musicx de Jean de Mûris , dans lesquels
il est dit d'une manière expresse que Gui d'A-
rezzo inventa de nouvelles notes et figures pour
le plain chant, et que beaucoup d'autres auteurs,
parmi lesquels figurent un nommé Aristote (1)
et Francon de Cologne, ont traité de la musique
mesurée. Il est donc évident que Jean de Mûris
ne fit que réunir et développer dans un ordre
(1) Il ne s'agit pas ici du célèbre fondateur de la philo-
sophie péripatéticienne, mais d'un écrivain de la fin du
douzième siècle ou du commencement du treizième.
MURIS 1014
méthodique les procédés employés par les mu-
siciens de son temps.
De lous les ouvrages de Jean de Mûris , le
plus considérable est celui qui est intitulé Spé-
culum Musicx , et dont il existe detix manus-
crits à la Bibliothèque impériale de Paris, i-ous
les n"5 7027 et 7207. Le premier de ces manus-
crits, le seul qui soit complet, forme un ma-
gnifique volume in-fol., de plus de 600 pages :
c'est une sorte d'encyclopédie de la science mu-
sicale au moyen âge. Il est divisé en sept livres ;
le premier traite de la musique en général, de
l'invention de ses diverses parties et de sa di-
vision en soixante-seize chapitres ; le second ,
des intervalles, en cent vingt-trois chapitres; le
troisième, des proportions et du rapport numé-
rique des intervalles, en cinquante-six chapitres;
le quatrième, des consonnances et des disson-
nances, en cinquante et un chapitres; le cin-
quième , des tétracordes de la musique des an-
ciens, de la division du monocorde et de la
doctrine de Boëce, en cinquante-deux chapitres ;
le sixième , des modes, de la tonalité antique,
du système des hexacordes , et des nuances ,
en cent treize chapitres ; le septième, de la mu-
sique figurée, du déchant, et du système de
mesure, en quarante-sept chapitres. Ce dernier
livre, que l'auteur termine par une comparaison
de la musique antique avec celle de son temps,
est remarquable par la précision et la clarté
avec laquelle la théorie de l'harmonie et de la
musique mesurée des douzième et treizième
siècles s'y trouve expliquée. Il est à présumer que,
comme le fait observer M. Fétis , le Spéculum
Musicae, où l'on retrouve dans toutes ses par-
ties la doctrine exposée dans les autres ouvrages
relatifs à la musique qui portent le nom de Jean
de Mûris , est la réunion de ces ouvrages revus
et corrigés par l'auteur. Dans sa collection
des écrivains du moyen âge sur la musique,
l'abbé Gerbert a publié un abrégé du Spéculum.
Musicae , sous le titre de Summa Musicx ma-
gislri Joannis de Mûris, d'après des manus-
crits de l'abbaye de Saint-Biaise , de la Biblio-
thèque impériale de Paris et de la bibliothèque
de l'université de Gand; il est à croire jque cet
abrégé, mêlé de prose et de vers techniques, n'est
pas l'oeuvre de Jean de Mûris , mais un résumé
de sa doctrine par quelque écrivain postérieur.
Quant au traité en deux livres intitulé De Mu-
sica pratica, au traité de musique spéculative,
et au traité De Discantu , on ne saurait con-
tester l'authenticité de ces ouvrages, qui paraissent
avoir été écrits avant le Spéculum Musicse. Le
traité de musique pratique a été composé en
1321 ; il en existe des manuscrits dans les bi-
bliothèques de Vienne, du Vatican, de Paris, et au
Musée britannique. Le Traitêde la Musiquespé'
culative est de l'année 1323; c'est un excellent
résumé du grand traité de musique de Boëce;
on le trouve en manuscrit à la Bibliothèque im-
périale de Paris et à celle de Vienne ; Gerbert
1015
MURIS — MURNER
101G
Ta publié d'après un manuscrit de Berne; Con- :
rad Noricus, maître es arts de l'Académie de
Leipzig, au commencement du seizième siècle ,
a refait cet ouvrage et l'a mis dans un nouvel
ordre. Le traité de contrepoint, ou dédiant, dont
il existe des manuscrits dans la plupart des bi-
bliothèques, est ce qu'on a écrit de plus complet
sur celte matière jusqu'au quatorzième siècle.
On trouve beaucoup d'autres ouvrages manus-
crits sous le nom de Jean de Mûris ; mais ce ne
sont que des extraits de ceux que nous venons
de citer. De ce nombre sont,: Joannis de Mûris
Tractatus de Musica , in epilomen contrac-
tas (Bibliot. imp. de Paris, manus. n° 7369) ;
— Liber Proportionum musicalium : au-
thore magïstro Joanne de Mûris (même bi-
bliothèque, manus. nc 7295) ; — De Numéris
qui musica; retinent consonantias, secundum
Ptolemseum de Parisiis , publié par Gerbert;
De proportionibus ( idem ) ; — Quœstiones
super partes musica: ( idem ) ; — Ars Discan-
tus (idem) , etc., etc. Outre les ouvrages que
Jean de Mûris a écrits sur la musique , on a de
ce savant homme : Arithmetica communis,
ex Boethiï Arithmetica excerpta; — le canon
des Tables Alphonsines , dont le manuscrit se
trouve à la bibliothèque Bodleyenne, à Oxford ;
— Arithmeticas spéculative Libri duo;
Mayence, 1538; — Quadri partit uni numero-
rum ( Biblioth. imp. de Paris, nos 7190, 7191 );
— Epistola de numerorum Fractionibus
(idem, n° 7190); — Tractatus de mensu-
randi ratione (idem, n°s 7380, 7381 ) ; — Pro-
gnosticatio super conjunctione Saturni,
Jouis et Martis (idem, n° 7378); — Epistola
ad Clementem VI De generalï passagio ultra
mare (idem, n° 7443). Dieudonné Denne-Baron.
Le P, Mersenne, Harmonie universelle. — Dom JumH-
hac, La Science et la Pratique du Plain-Chant. — Bros-
sard, Dictionnaire de Musique.— Gesner, bibliothèque
universelle. — Tanner, Biblioth. Britannico-Nibern.
— Gerbert, .Scriptores ecclesiastici de Musica. — Haw-
kins, History of the Science and Pratica of Music. —
Choron et Fayolle, Dictionnaire historique des Musi-
ciens. — Fétis, Biographie universelle des Musiciens.
— De Coussemaker, Histoire de l'Harmonie au moyen âge.
murmellius (Jean), poète et humaniste
flamand-, né à Ruremonde, mort le 2 octobre
1517, à Deventer, dans un âge peu avancé. Dès
sa première jeunesse, il prit le parti des armes;
l'ayant abandonné pour se donner à l'étude , il
apprit le grec et le latin sous Alexandre Hegius,
et alla se faire recevoir maître es arts à Cologne.
Il se procura les moyens de subsister en instrui-
sant les autres. De 1500 à 1511 il aida Timann
dans les fonctions de recteur d'une école de
Munster, récemment fondée et qui devint floris-
sante ; la qualité de co-recteur qui lui a été don-
née à ce sujet a fait croire à Valère André que
pendant tout ce temps il avait été correcteur
d'imprimerie. S'étant brouillé avec Timann, à
propos d'un ouvrage de ce dernier, Compen-
dium Grammatices, qu'il avait qualifié de Dis-
pendium, Murmellius se chargea, dans la môme
ville, de la conduite de l'école de Saint-Ludger.
Trois ans plus tard, il fonda à Alkroaer un nou-
vel établissement (1514), qui devint la proie des
flammes. Appelé en 1516 à Deventer pour y pro-
fesser les belles-lettres, il y mourut, d'une péri-
pneumonie dans l'année suivante. Un de ses
élèves, Callidius (Corneille Loos), dit qu'il avait
un esprit né pour la poésie , dont il faisait tous
ses délices ; il y a toutefois réussi médiocrement.
On a de Murmellius : Versificatorise artis Ru-
dimenla; Munster, s. d., in-4°;ce traité a été
réimprimé plusieurs fois et sous des titres diffé-
rents ; il en existe un abrégé daté de Lyon, 1542 ;
— Florea D. Virginis serta , variis versuum
generibus composita ; Amsterdam, 1481, in-4° ;
— Didascalici Lib. Il ; Deventer, s. d., in-4° ;
— Epistolarum et carminum liber; s. 1. n. d.,
in-4° ; — De Discipulorum Offrais; s. 1. n. d.,
in-4°; — Opuscula II, unum de verborum
compositis, alterum de verbis communibus
ac deponentibus ; Cologne, 1504, in-8° ; ces
opuscules sont en vers, avec des explications
en prose; — Elegiarum moralium Lib. IV;
Munster, 1508, in-4°; — Caroleia, ad Caro-
lum archiducem Austrise ; Anvers, 1516; —
Sententise seu Versus sententiosi ex elegïis
Tibulli Catulli, Propertii et Ovidii decerptx;
Wittemberg, 1533, in-8°; — Pappa Puerorum,
seu adagia ac sententiœ latino-germaniese ,
sub cerlis capitibus digestx; Cologne, 1548,
1560, in-8° ; Anvers, 1551, 1571, in-4° et in-12 :
c'est une espèce de petit dictionnaire latin-fla-
mand; — Enchiridion Nominariorum ; Ni-
mègue, 1553, in-8°. On connaît peu exactement
les titres des ouvrages de Murmellius et encore
moins les dates de leur publication. 11 a encore
donné ses soins à des éditions d'anciens auteurs,
qu'il a accompagnées de notes et de commen-
taires, souvent étendus; entre autres Antonii
Mancinelli Versilogus optime artern versifi-
candi tradens (vers 1488, in-4°) ; — Prudentii
Carmen In Romanûm Martyrem (Cologne,
1507, in-4°); — Prudentii Carmen De Mar-
tyrio D. Cassiani (Cologne, 1508, in-80 ) ; —
Severini Boethiï De Consolatione Philosophix
(Cologne, 1516, in-4°); — Persïi Salyrse (Co-
logne, 1522, in-12); — Baptistx Mantuani
Bucolica (Anvers, 1540, in-8°), etc. K.
Valère André, Hibl. Belgica, 542-543. — Sweert,
Athenee Belgicm ,454. *-M. Adam, Vitx German. Philo-
soph — Le Mire. Elngia. — i. Revins, Daventria illus-
trata, 138. — C. Loos, Hlustrium Germanise Script. Ca-
talogus. — rçiceron, Mémoires, XXXIV. — l'aquot, Mé-
moires, XII.
MURNER (Thomas), célèbre auteur satirique
allemand, né à Strasbourg, le 24 décembre 1475,
mort vers 1536, probablement à Heidelberg.
Entré de bonne heure dans l'ordre des Francis-
cains , il fréquenta , après s'être fait recevoir
maître es arts à Paris , les universités de Fri-
bourg , de Col'ogne, de Bostock , de Prague, de
Vienne et de Cracovie ; dans cette dernière il
obtint le grade de bachelier en théologie ; il y fit
1017
MURNER
1018
des cours sur une nouvelle méthode, inventée
par lui, d'enseigner la logique au moyen de jeux
de cartes. De retour à Strasbourg, il attaqua, en
1502, dans un pamphlet violent, le projet émis
par Wimpfeling de fonder un établissement d'ins-
truction indépendant de celui qui était alors di-
rigé par les Franciscains. Il s'attira bientôt des
contrariétés qui lui firent quitter sa ville natale.
Il passa d'abord à Francfort, où ses sermons,
remplis, selon le goût de l'époque, d'expressions
grotesques ou d'une crudité excessive, eurent
assez de succès. En 1506 l'empereur Maximi-
lien le couronna à Worms du laurier poétique.
Dans les années suivantes, Murner mena une vie
errante, prêchant ou donnant des leçons publiques
à Fribourg, à Berne, à Trêves et autres lieux;
son humeur sarcastique, à laquelle il donnait
libre cours dans ses sermons, lui créait de nom-
breux ennemis, ce qui l'obligeait à changer si
souvent de résidence. Il se rendit aussi en Italie,
et visita, entre autres, Bologne et Venise ; il se
fixa ensuite pour quelques années à Bâle , où il
fit des cours de droit. C'est à cette époque qu'il
publia ses plus célèbres satires contre les mœurs
de son temps. Dans l'intervalle il avait obtenu
le titre dé docteur en théologie. En 1519 il re-
tourna à Strasbourg et reprit son enseignement
à l'école de son couvent. L'année suivante il
commença contre Luther et les disciples du ré-
formateuruneguerre acharnée ; l'ironie mordante
de ses pamphlets , où il stigmatisait les prédi-
cations de l'hérésiarque, lui valut de la part
des sectaires une haine qui devait partout le
poursuivre (1). En 1523 il passa quelque temps
à la cour d'Angleterre, où il avait élé appelé par
Henri VIII; de retour à Strasbourg, il voulut
continuer sa lutte contre les luthériens; mais
les imprimeurs refusèrent de publier ses écrits ,
poussés qu'ils étaient par les magistrats favo-
rables à la réforme. Il établit alors une presse
dans sa propre maison; mais peu de temps après
les sectaires excitèrent une émeute contre les
moines , et pillèrent entièrement le domicile de
Murner, qui fut obligé de prendre la fuite pour
échapper aux plus mauvais traitements. Il se re-
tira à Lucerne, où il obtint une cure et une
chaire de professeur. Défenseur infatigable de la
foi catholique, il assista en 1526 au colloque de
Bade en Argovie, et fustigea avec sa verdeur
habituelle l'introduction de la réforme dans les
cantons de Berne et de Zurich; en 1529 les au-
torités de ces deux cantons exigèrent qu'il fût
expulsé de Lucerne , et elles firent de cela une
des conditions de la paix qu'elles conclurent
bientôt après avec leurs confédérés catholiques ;
elles poussèrent le ressentiment contre lui jusqu'à
lui faire retirer, en 1530, la pension de cinquante-
vi) Parmi les nombreux pamphlets lancés contre lui
par les adhérents de Luther, et contre lesquels il pu-
blia une Defensinn und Déclaration ( Strasbourg, 1521 !,
nous citerons : Karsthans, attribué a Hutten; Murnarus
Leviathan ; Murnarus qui et Sclwenliemelein Oder
Schmutzholl, etc.
deux florins, qu'il recevait de son ancien cou-
vent. On ne connaît rien de positif sur les der-
nières années de sa vie agitée. Habile à saisir
les ridicules des hommes de tous les états et à
les stigmatiser avec une verve inépuisable, Mur-
ner n'a pas su éviter le mauvais goût de soi»
époque; il ne connaît ni mesure ni convenance;
mai3 la plupart du temps il emporte la pièce.
« Celui qui veut connaître les mœurs de ce
temps, dit Lessing, celui qui désire étudier la
langue allemande dans toute son étendue, qu'il
lise avec attention les écrits de Murner. Nulle part
ailleurs il ne trouvera aussi bien réunies toutes
les qualités de cet idiome ; énergie , rudesse ,
grossièreté , et tout ce qui le rend propre à la
raillerie et à l'invective. « On a de Murner :
Tractatus de phitonico Conlractu; Fribourg
en Brisgau, 1499, in-4° ; reproduit dans le t. H
du Malleus Maleficorum : dans cet opuscule
l'auteur raconte comment dans sa jeunesse il de-
vint paralytique, et recouvra ensuite l'usage de
ses membres, tout cela par le fait d'une sorcière;
— Invectiva contra astrologos régi Maximi-
liano, contra Fœderatos, quosvulgo Suitenses
nuncupamus , interitum prxdicentes ; Stras-
bourg, 1499, in-40;— Nova Germania; ibid.,
1502 : écrit contre la Germania de Wimpfeling;
— Logica memorativa, chartiludium logices,
sive totius dialecticas memoria ; Strasbourg,
1509, in-4»; Bruxelles, 1509, in-4° : ces deux
éditions, très-rares, ont été suivies d'une troisième,
Paris, 1629, in-8°; le premier, Murner eut l'idée
ingénieuse de faire servir les jeux de cartes à
l'enseignement des sciences; il l'appliqua la pre-
mière fois lorsqu'il enseignait à Cracovie; la ra-
pidité avec laquelle ses élèves étaient mis au
courant des plus subtils détours de la logique
scolastique lui valut d'abord d'être soupçonné de
magie; il exposa alors publiquement sa manière
de procéder. Voy. Merdegen, Schediasma de
Th. Murneri Logica memorativa (Nuremberg,
1739) et Oberlin, Programma (Strasbourg,
1792); —De Augustiniana Hyeronymiana-
que Reformationepoetarum ; Strasbourg, 1509,
in-4°; — Arma patientias contra omnes seculi
adversarios ; 1511 ; — Ludus studentum Fri-
burgensium; Francfort, 1511; méthode pour
apprendre la prosodie latine au moyen d'une
espèce de jeu d'échecs ; — Von eelichs stands
nutz und beschwerden ( Des Avantages et des
Peines de l'état deMariage), in-4°, sans indication
de lieu ni de date , mais très-probablement à
Strasbourg, 1512; — Narren-beschwerung
(Exorcisme des fous); Strasbourg, 1512, 1518
et 1 524, in-4° , avec gravures sur bois ; G. Wick-
ram en a donné une édition en langage plus mo-
derne , Strasbourg, 1556 et 1558, in-4°; elle a
été réimprimée à Francfort, 1 565, et à Strasbourg,
1618; cet ouvrage, conçu sur le modèle de la
Nef des Fous de Séb. Brandt , a servi de texte
à Murner pour les sermons qu'il prêcha à Franc-
fort; — Die Schclmenzunft, Anzeigung ailes
Î0I9
weitlauficien mutioills, Schalhheiten und Rù-
bereyen in dieser Zeit (La Corporation des Fri-
pons, ou dénonciation de la malice générale,
des ruses et des fourberies de ce temps), 1512,
in-4°, sans indicalion de lieu , avec gravures sur
bois; Augsbourg, 1513 et 1514, in-4° ; Stras-
bourg, 1516 et 1558, in-4°; Francfort, 1518,
1567 et 1618, in 8°; une nouvelle édition, avec
notes et glossaire ', a été publiée par Waldau ,
Halle, 1788, in-8°; une traduction latine de cette
satire mordante des vices de l'époque , résumé
de sermons prêches par Murner à Francfort, a
été donnée par Flitner, sous le titre de Nebulo
Nebulonum, Francfort, 1620, 1634, 1644 et
1663, in-8°; une traduction en vers hollandais
a paru en 1645, in-12; — Eine andàchtig-
geistlïche Badenfahrt (Voyage dévot aux
Bains); Strasbourg, 15l4,in-4° : suite d'allégo-
ries du plus mauvais goût , où tous les faits et
gestes d'une personne qui se baigne deviennent
autant d'actes de sanctification; — Die Milite
von Schwûndelsheim (Le Moulin de Foliecourt) ;
Strasbourg, 1515, in-4°, avec gravures sur bois :
autre satire des travers de l'époque; — Char-
tiludium Institutionum Juris; Strasbourg,
1518, in-4°; Paris, 1629, in-8° : essai de faire
apprendre les Institutes au moyen de jeux de
cartes ; ce livre rare et curieux a été décrit par
Riederer dans ses Abhandlungen ; voy. aussi
Freytag, Analecta, p. 621 ; — Die Gàuchmalt
(Le Pré des Fous) ;Bâle, 1519, in-4°, etFrancfort,
1615, avec gravures sur bois : satire contre
la galanterie; — Ein christliche und britder-
liche Ermanung an den hochgelerten doc-
tor Luter ( Exhortation chrétienne et fraternelle
adressée au savant docteur Luther); 1520, in-4°;
— Von doctor Lûters Leren und Prediqen
( Des Doctrines et des Prédications du docteur
Luther); 1520, in-4° ; — Von dem Babsten-
thum das ist von der hôchsten Oberkeyt
christlichs Glaubens wider doc/or Luther
( De la Papauté ou de l'Autorité suprême en ma-
tière de foi chrétienne, contre le docteur Lu-
ther); Strasbourg, 1520, in-4°; — An den Adel
tûtscher Nation das sye den christ lichen
Glauben beschirmen wyder Martinum Lu-
ther (Adresse à la Noblesse allemande, pour
qu'elle défende la foi chrétienne contre Martin
Luther); Strasbourg, 1520, in-4°; — Ob der
Kiinïg uss Engelland ein Liigner sey oder der
Luther ( Lequel des deux est un menteur, ou
le roi d'Angleterre ou Luther); ibid., 1522,
în-4° ; — Von dem grossen Lutherïschen Nar-
ren (Ce grand fou de Luther); 1522, in-4°;
Zurich, 1848 : satire des plus spirituelles, mais
où abonde le gros sel ; — Ain vew Lied von
dem Untergang des christlichen Glaubens
(Nouveau Cbant sur la décadence de la foi chré-
tienne); in-4°, sans lieu ni date : pamphlet
contre Stieffel , qui avait pris fait et cause pour
Luther; — Dispntacion von den XI L Orfen
der Eidgenossenschaft von wegen der Einig-
MURNER — MURPHY 1020
lieit in christlichen Glauben zu Baden 1526
gehalten ( Dispute sur l'unité en la foi chié-
lienne tenue en 1526 à Baie, par les "douze can-
tons de la Confédération ) ; Lucerne, 1527, in-4°;
— Der lutherïschen Kirchendieb und Ketzer
Kalender (Almanach des Hérétiques luthériens,
pilleurs d'églises); 1527, in-fol.; avec gravures
sur bois: ingénieuse pièce satirique, reproduite,
1804, in-8°, par les soins de Waldau; —Das
unchristlich Frevel der Herrschaft von Bern
wider die Heiligeschrifften ( Attentat anti-
chrétien des autorités de Berne contre les saintes
Écritures); Lucerne, 1528, in 4° ; — DieJGotts-
heilige Mess (La sainte Messe divine) ; Lucerne,
1528. Murner a traduit le premier en alle-
mand Y Enéide de Virgile; Strasbourg, 1515,
in-fol., avec gravures sur bois; Worms, 1545;
léna, 1606, etc. 11 a aussi donné le premier une
version en cette langue des Instituas de Jus-
tinien; Bâle, 1519 et 1520, in-4°. E. G.
Waldau, Nachrichten von Murners Leben (Nurem-
berg, 1775, in-S°). — Deutsches Muséum (années 1779 et
1780). — Flôgel, Geschichte der Komischen I.iteratur,
t. l'IfT. — Panzer, Annulen der àtteren deutschen Lite-
ratur. — Jôrdens, Lexikan. — Strobel, Heitràoe zur
deutschen Literatur. — Jung, Beitràge zur Geschichte
der Reformation (Strasbourg, 1830). — Scheible, Das
Kloster. — Gervinus, Geschichte der deutschen Naaonal-
Literatur.
mitrphy (Arthur), littérateur anglais, né
le 27 décembre 1727, à Clooniquin (Irlande),
mort le 18 juin 1805, à Knightsbridge. n'était
fils d'un armateur de Dublin, qui périt en 1729 dans
un naufrage. Après avoir fait, de bonnes études au
collège anglais de Saint-Omer, il fut placé chez
un de ses oncles qui avait une maison de ban-
que à Cork (1741). En 1751 il suivit sa mère à
Londres. Bientôt il abandonna la carrière com-
merciale, pour laquelle il avait une répugnance
naturelle, et se fit auteur ou plutôt journaliste ;
car il débuta par la fondation d'une feuille heb-
domadaire, intitulée The Gray's Inn Journal et
rédigée sur le plan du Spectator. Cette revue
critique, bien que superficielle, lui procura des
amis et quelque réputation ; il la fit paraître
pendant deux ans (21 octobre 1752, 12 octobre
1754). Lorsqu'il fut obligé d'en suspendre ia pu-
blication, il se trouvait à bout de ressources et
de plus fort endetté. Un fameux acteur du
temps, Foote, lui ayant conseillé de monter sur
les planches, Murphy parut à Covent-Ganlen,
dans le rôle d'Othello, et joua ensuite à Drury
Lane; quoiqu'il n'eût obtenu qu'un succès mé-
diocre, il se retira au bout de l'année avec une
assez bonne somme, qui lui permit de reprendre
le cours de ses travaux littéraires. En même
temps qu'il étudiait le droit à Liucoln's lnn, il
rédigea un journal politique, The Test (1757),
pour appuyer l'administration de Fox, depuis
lord Holland. Reçu avocat en 1762., il com-
mença de plaider ; mais il est probable qu'il écri-
vit [tins de pièces de théâtre que de mémoires.
Un journal The Audi tor, qu'à la même époque
il entreprit en faveur de lord Bute, n'eut qu'une
1021 MURPHY
existence éphémère. En 1763 il alla grossir le
nombre des hommes de loi du circuit de Nor-
folk, et vendit sa charge en 1788. Par l'intermé-
diaire de lord Loughborough, il obtint une place
de commissaire des faillites, puis une pension
de 200 livres, qu'il dut peut-être moins à ses ta-
lents qu'à sa haine contre la révolution fran-
çaise. Ses principaux ouvrages sont : Tke liées,
poëme en quatre chants, imité du livre XIV du
■Prxdtum rusticum du P. Vanière; — Beli-
■sarhw ; Londres, 1791 , in-8«; trad. de Mar-
montel; — une traduction de Tacite; Londres,
1793, 4 vol. in-4°, avec un supplément histo-
rique et des notes; c'est tin travail peu estimé ;
— Life qf Garrick; Londres, 1801, 2 vol.
in-8°; trad. en français. Il a écrit aussi une
vingtaine de pièces, dans lesquelles il a mis à
contribution les écrivains français, Voltaire, Cré-
billon, De Belloy, La Chaussée, etc.; quelques-
unes se sont soutenues au tbéàtre, par exemple
The Watj to Keep him, Ail in the wrong,
Know yoiir own mind, Three weeks after
marriage, Désert island, comédies. Murphy a
donné une édition des Œuvres de Fielding et de
Johnson, et il a lui-même publié les siennes en
1786 ( 7 vol. in-8° ). P. L— t.
.Icsse Foot, l.ife of A. Murphy ; Londres, Î812, tn-8".
- ■ Baker, Bioaraphia Dramatica.
mitrphy '(James-Cavanah), antiquaire an-
glais, né en Irlande, mort en 1816. Les rensei-
gnements font défaut sur la première partie de
"sa vie. Il est à présumer qu'il avait fait une
élude approfondie de l'architecture et des anti-
quités. En 1788 il résidait à Dublin, où il. s'était
lié d'amitié avec William Conyngbam, qui en
1783 avait fait une excursion en Portugal-. Il
s'embarqua pour ce dernier pays à la fin de cette
même année, et à peine arrivé à Oporto, il se
rendit au monastère de Batalha, dont l'église est
un des plus beaux monuments du style gothi-
que. Puis il visita Lisbonne et les provinces
méridionales, et revint à Londres en 1790. Le
résultat de ce voyage se trouve dans les trois
ouvrages suivants: Plans, Elévations, Sections
and Views of the Church of Batalha, with the
history and description by Luis de Sousa,
with remarks , to which is prefixed an in-
troductory discourse on the principles of
gothic architecture /Londres, 1792-1795, in-fol.
avec 27 pi. : cet ouvrage, qui coûta 1,000 liv.,
fut entrepris aux frais de Conyngham; — Tra-
vels in Portugal through the provinces of
Entre-Douro-e- Minho, Beira, Estremadura
■and Alemlejo, con^isting on the manners,
customs, trade, public buildings, antiqui-
ties of that kïngdom ; Londres, 1795,in-4°,
pi. ; trad. en français par Lallemant ( Paris,
1797, in-4° ou 2 vol. in-8-) ), et en allemand par
Sprengel. Malgré les erreurs et les négligences
qu'y a relevées Ranque, dans ses Lettres sur le
Portugal, cet ouvrage est précieux en ce qu'il
fait connaître d'une manière agréable et souvent
— MURR
\0T2
instructive un pays que l'on avait jusque là re-
présenté comme peu digne d'attirer l'attention
des artistes et des voy9geurs ; — A gênerai
Wiew of the State of Portugal, conlaining a
topographical description thereof, together
with observations on the animal, vegelable
and minerai productions of its colonies, the
whole compiled from the best Porluguese
writers; Londres, 1797 ou 1798, in-4°, pi. Au
printemps de 1 802 Murphy arriva en Espagne,
et y demeura pendant sept ans , résidant prin-
cipalement à Sévilleou à Cordoue. De retour en
Angleterre, il consacra le reste de sa vie à ras-
sembler ses matériaux et à en surveiller l'im-
pression. Les ouvrages qui se rapportent à celte
période sont : The Arabian Antiquities of
Spain; Londres, 1813-1815, gr. in-fol., avec
97 pi., gravées par Le Keux et autres habiles
artistes; — The History of the Mahometan
Empire in Spain, conlaining a gênerai his-
tory of the A rabs to their expulsion ; Londres,
1816, in-4° : ouvrage plus soigné et plus exact
que les précédents. Nous devons ajouter que
Murphy a signé du seul prénom de James ce qui
a trait à son voyage de Portugal, et du double
prénom James-Cavanah ses derniers ouvrages.
P. L_Y.
Cyclop. of English Literature ( Biogr. ).
murphy ( Robert ), mathématicien anglais,
né en 1806, à Mallow (Irlande), mort le
12 mars 1843, à Londres. Fils d'un pauvre cor-
donnier, il manifesta dès l'âge de treize ans des
dispositions extraordinaires pour les mathéma-
tiques; un instituteur de Mallow se chargea
gratuitement de faire son éducation, et en 1825
il obtint une bourse à l'université de Cambridge.
A cette époque il avait déjà publié différents ar-
ticles dans les journaux , résolu de nombreux
problèmes qu'on lui proposait et publié la réfu-
tation d'une prétendue méthode de faire un cube
double d'un cube, simple. En 1829 il devint
agrégé (felloiv) du collège de Caïus. Bientôt
après il contracta des habitudes de dissipation-,
et donna par sa mauvaise conduite un tel scan-
dale qu'il fut obligé de quitter l'université (dé-
cembre 1832). Après avoir passé quelques an-
nées dans son pays, il vint à Londres ( 1836), et
fut en 1838 nommé examinateur des sciences à
l'université de Londres. Malgré sa bonne volonté,
il ne put venir à bout de satisfaire ses créan-
ciers, et il mourut dans la gêne, à l'âge de trente-
sept ans. On a de lui : Elementary Princi-
ples of the Theory of Electricity ; Cambridge,
1833, in-8°; — A Treatise on the Theory of
algebraical Equations ; Londres, 1839, in-8»;
— des mémoires dans les Philosophical Trans-
actions deCambridgeet de Londres. P. L — y.
Cyclop. of English Literature ( Biogr.).
mcrr (Christophe-Théophile) , érudit alle-
mand, né à Nuremberg, le 6 août 1733, mort dans
cette ville, le 8 avril 1811.11 étudia à Alldorf les
belles lettres et les sciences, et visita la Hollande,
1023 MURR
l'Angleterre et le Nord de l'Italie. Les biblio-
thèques et les archives de ces divers pays attirèrent
surtout son attention. De retour à Nuremberg en
1 763, il'y fut nommé directeur des douanes. Fami-
lier avec la plupart des langues de l'Europe, il
entretenait une vaste correspondance avec les sa-
vants les plus distingués de son temps. En 1807,
il fut nommé correspondant de l'Institut de
France. Ses principaux ouvrages sont : Corn-
mentatio de Re Diplomatica Frederici Ilim-
peratoris'; ibid., 1756, in-4*; — Disquisitio
diplomatica de Comitiis Friderici II impe-
ratoris Norimbergx celebratis ; Nuremberg,
1760, in-4°; — Essai sur l'histoire des tra-
giques grecs ; ibid., 1760, in-8°; — Nachrich-
ten von verschiedenen noch lebenden gelehr-
ten in England und Italien ( Notices sur di-
vers savants actuellement vivants en Angleterre
et en Italie ); Nuremberg, 1770, in-8"; — Bi-
bliothèque portative de Peinture, de Sculp-
ture et de Gravure; Francfort, 1770, 2 vol.
in-8° ;. catalogue raisonné de tous les ouvrages
concernant les arts du dessin ; — Journal zur
Kunstgeschicht e und zur allgemeinen Litte-
ralur ( Journal pour l'histoire de l'Art et pour
la Littérature); Nuremberg, 1775-1789, 17 par-
ties, in-8° ; suivi d'un Neues Journal, Leipzig,
1798-1800, 3 parties, in-8o-, — Abbildungen
der Gemalde und Aller thùmer von Hercula-
nuin (Monuments et Antiquités d'Herculanum ) ;
Augsbourg, 1777-1782, 6 vol. in-fol., avec plan-
ches ; un septième volume parut à Nuremberg,
1793 , in-fol.; — Diplomatische Geschichle
des Ritters Behaim ( Histoire diplomatique du
chevalier Behaim ); Nuremberg, 1778, in-8° ;
Paris, 1801 et 1802, in-8° ; une traduction fran-
çaise en a été donnée dans le Recueil de pièces
intéressantes ( Paris, 1787) ; — Memorabïlia
bibliothecarum Norimbergensium et univer-
sitatis Altorfinx;Md., 1786-1791, 3voI.in 8°;
— Geschichte der Jesuiten in Portugal unter
der Verwaltung des Marquis von Pombal (His-
toire des Jésuites en Portugal sous l'administration
du marquis de Pombal ) ; Nuremberg, 1787-1789,
2 vol. in-8° ; — Beytràge zur Geschichte des
dreissigjâhrigen Krieges nebst Urkunden zur
Geschichte Wallensteins (Documents pour ser-
vir à l'histoire de la guerre de Trente Ans et de
Wallenstein) ; ibid., 1790, in-8° ; — Notifia libri
rarissimi geographise Fr. Berlinghieri Floren-
tini ; ibid., 1790, in-8»; — Specimina antiquis-
simas Scripturx grxcx cursivx ante Vespa-
1024
siani tempora; ibid., 1792, in-ol.; suhi d'une
Collectio amplissima Scrip/orum de Klinodiis
S. R. Imperii Germanici, de coronatione lm-
peratoris, atque de rege Romanorum et etec-
toribus; ibid., 1793, in-8°; — Catalogus Epis-
tolarum autographarum personarum cele-
brium; ibid., 1797 et 1804, in-8°, suivi de j
Chirographa personarum celebrium; Wet
mar, 1804, 5 parties, in-fol., avec planches;
— Vber den wahren Ursprung der Rosen
kreuzer und des Freymaurordens ( Sur lé
véritable -Origine des Rose-Croix et des Francs
Maçons); Sulzbach, 1803, in-8° ; — Beytragt
zur arabischen Litteratur (Documents sur 1«
Littérature arabe); Erlangen, 1803, in-4°; -1
De papyris seu voluminibus grxcis Hercu
lanensibus Commentatio ; Strasbourg, 1804
in-8° ; — Beytràge zur Geschichte der al
testen Kupferstiche ( Documents pour servir
l'Histoire des plus anciennes Gravures ) ; Augs
bourg, 1804, in-4°; — Bibliothèque glyptc
graphique ; Dresde, 1804, in-8° ; — Adnota
tiones ad bibliothecas Hallerianas botani
cam, anatomicam, chirurgicam et medicam
cum variis ad scripta M. Serveti pertinent;
bus ; Erlangen, 1805, in-4°; — Nachricht iibe
Giordano Bruno und seine Schriften ( No S
tice sur Giordano Bruno et ses écrits ); 180J
in-8°; — Literarische Nachrichten ûbe
die sogenannten Goldmacher ( Notices litK
raires sur les prétendus faiseurs d'or ) ; Leipzi
1805, in-8°; — Vber die Ermordung Wa
tens teins (Sur l'Assassinat de Wallenstein); Hall<
1806, in-8°; — Fersuch einer Geschichte de
Juden in Sina ( Essai d'une histoire des Juil
en Chine ); Halle, 1807, in-8°. Murr a encoi
écrit presque tout le texte de YHorlus nitidi
simus de Trew et donné un grand nombre è
traductions annotées de divers ouvrages angla
et espagnols. Parmi les ouvrages qu'il a Iaiss<
en manuscrit et dont il publia lui-même la lisl
en 1805, nous citerons : Anecdota Leibnïtziam
Analecta Spinoziana; Notitix typographie
una cum chartulariorum, ab anno 1319 a
1500. Le catalogue de sa belle bibliothèque
qu'il légua au docteur Colmar, mais dont celu
ci vendit une grande partie, pour acquitter 1<
dettes de Murr, qui s'était ruiné dans son zè
pour l'instruction de ses semblables, a été p
blié par J.-Ferd. Roth. O.
Will, Nûrnbergisches Gelehrten-Lexikon, t. II, et
Supplément de Nopitsch, t. II et IV. — Meuse!, Gelelirt
Deutschland.
FIN DU TRENTE-SIXIEME VOLUME.
2..