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Full text of "Nouvelle biographie universelle depuis les temps les plus reculés jusqu'a nos jours, avec les renseignements bibliographiques et l'indication des sources a consulter;"

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NOUVELLE 
BIOGRAPHIE   GÉNÉRALE 

DEPUIS 

LES  TEMPS  LES  PLUS  RECULÉS 

JUSQU'A  NOS  JOURS. 


TOME  TRENTE-SIXIEME. 


Monniotte.   —  Murr. 


TYPOGRAPHIE   CE   H.    FIRMIN   DIDOT.    —  MESNIL   (EURE). 


NOUVELLE 

BIOGRAPHIE   GENERALE 


r  r 


DEPUIS 


LES  TEMPS  LES  PLUS  RECULÉS 

JUSQU'A  NOS  JOURS, 

AVEC    LES  RENSEIGNEMENTS  BIBLIOGRAPHIQUES 

ET    L'INDICATION    DE»  SOURCES   A   CONSULTER; 

PUBLIÉE    PAR 

MM.  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES, 

SOUS    LA     DIRECTION 


DE  M.  LE  Dr  HOEFER. 


lame  3rrntr=£itrtrmf. 


V 


PARIS, 


FÏRMIN  DIDOT  FRÈRES,  FILS  ET  O",  EDITEURS, 

IMPRIMEURS-LIBRAIRES  DE  L'iNSTITUT  DE   FRANCE, 

BUE   JACOB,   B6 

M  DCCC  LXL 

Les  éditeurs  se  réservent  le  droit  de  traduction  et  de  reproduction  à  l'étranger. 


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NOUVELLE 

BIOGRAPHIE 

GÉNÉRALE 

DEPUIS  LES  TEMPS  LES  PIDS  BECDIÉS  JUSQU'A  NOS  JOURS. 


M 


monxiotte  (Jean- François),  bénédictin 
français,  né  à  Besançon,  en  1723,  mort  à  Tigery, 
près  de  Corbeil,  le  29  avril  1797.  Entré  de  bonne 
heure  dans  la  congrégation  de  Saint-Maur,  il 
enseigna  à  l'abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés 
la  philosophie  et  les  mathématiques.  Après  la 
suppression  de  son  ordre,  il  se  retira  dans  le 
village  où  il  mourut.  Il  fut  l'éditeur  des  Insti- 
tutiones   Philosophiae    de    François    Rivard 
(Paris,  1778  et  1780,  4  vol.  in-12).  C'est  à  tort 
que  Courbier  et  d'autres  bibliographes  ont  avancé 
que  dom  Monniotle  devait  être  considéré  comme 
le  véritable  auteur  de  Y  Art  du  Facteur  d'Or- 
gues, publié  sous  le  nom  de  dom  Bedos  de  Celles, 
dans  la  Description  des  Arts  et  Métiers;  1769, 
in-folio.  Cette  assertion    n'est  nullement  fon- 
dée. H.  F. 
Feller,  Dict.  biogr.  -r  Fétis ,  Dict.  des  Musiciens. 
Jioxxix  (***),  peintre  hollandais,  né  à  Bois- 
le-Duc,en  1606,  mortdans  la  même  ville,  en  1686. 
Il  eut  pour  professeur  Marc  Gherards,  et  se 
plut,  comme  lui,  à  représenter  des  intérieurs. 
Monnix  mit  moins  de  licence  que  son  maître  dans 
le  choix  de  ses  sujets,  puisque,  étant  allé  fort 
jeune  en  Italie,  le  pape  Urbain  VIII  le  garda  à  sa 
cour  durant  treize  années.  Revenu  riche  dans  sa 
patrie,  Monnix  y  peignit  peu.  Sa  manière  est  soi- 
gnée, son  dessin  bon,  son  coloris  sobre.  Ses  des- 
sins, excellents ,  font  regretter  la  rareté  de  ses 
toiles ,  presque  toutes  dispersées  dans  les  gale- 
ries italiennes.                                A.  de  L. 
nescamps ,  La  Fie  des  Peintres  hollandais,  t.  l,p.  309. 
mosxot  (Pierre- Etienne),  sculpteur  fran- 
çais, né  à  Besançon,  en  1660,  mort  à  Rome,  en 
1730.  Il  montra  de  bonne  heure  un  goût  décidé 
pour  la  sculpture.  Il  alla  en  Italie,  et  lit  de  si 
rapides  progrès  qu'on  lui  confia,  en  1690,  l'exé- 
cution du  tombeau  du  pape  Innocent  XI,  érigé 
dans  la  basilique  de  Saint-Pierre.  Le  succès  qu'il 
obtint  dans  ce  grand  travail  le  mit  en  réputation, 
et  lui  valut  plusieurs  commandes  importantes, 

NOUV.    BIOGK.    CÉNÉR.    —    T.    XXXVf. 


entre  autres  celle  des  statues  de  Saint  Pierre  et 
de  Saint  Paul  pour  l'église  de  Saint-Jean  de 
Latran.  Il  était  un  des  directeurs  de- l'Académie 
de  Saint-Luc,  à  Rome.  G.  de  F. 

annuaire  du  Doubs,  1854. 

monnot  (Antoine),  chirurgien  français,  né 
en  1765,  à  Besançon,  où  il  est  mort,  le  4  juillet 
1820.  Admis  en  1788  au  Collège  de  Chirurgie  de 
sa  ville  natale,  il  devint  en  1789  démonstrateur 
d'anatomie  à  l'université.  La  suppression  de  cet 
établissement  l'ayant  laissé  sans  emploi ,  il  fut 
attaché  par  le  général  Wimpffen  au  service  de 
l'hôpital  Saint-Jacques,  puis  à  celui  de  l'hôpital 
de  Louhans.  Rappelé  à  Besançon,  il  y  professa 
l'art  des  accouchements (1794),  et  fit  partie  depuis 
1807  de  l'École  secondaire  de  Médecine.  D'un 
caractère  généreux  et  bienfaisant,  il  soignait  de 
préférence  les  malades  pauvres.  «  Ceux,  disait-il, 
qui  peuvent  payer  les  soins  qu'on  leur  donne 
n'en  manqueront  jamais.  »  Ses  écrits  sont  ins- 
tructifs, mais  d'un  style  incorrect;  nous  citerons  : 
Description  d'une  nouvelle  Machine  pour 
obtenir  l'extension  continuée  dans  les  frac- 
tures des  extrémités  inférieures;  Besançon, 
1791,  in-8°;  —  Réflexions  servant  d'intro- 
duction à  l'étude  de  V Anatomie  ;  ibid.,  1791, 
in-8°;  —  Précis  d' Anatomie  à  l'usage  des 
élèves  de  l'école  de  dessin  de  l'École  cen- 
trale; ibid.,  1799,  in-8";  —  Observations  sur 
V Hydrophobie; ibid.,  1799,  in-8°.  K. 

Biogr.  Méd.  —  Mahul,  Annuaire  nécrolog.,  1820. 

monnoye  (La).  Voy.  La  Monnoye. 
mon noyer  (  Jean- Baptiste),  célèbre  pein- 
tre de  fleurs  et  de  fruits,  né  à  Lille,  en  1635, 
mort  à  Londres,  le  16  février  1699.11  vint  jeune 
à  Paris,  et  s'y  fit  bientôt  une  très-grande  répu- 
tation; il  fut  chargé  de  nombreux  tableaux  pour 
la  décoration  de  Versailles  et  Trianon.  Lord 
Montagu  l'emmena  en  Angleterre  avec  La  Fosse 
et  Rousseau,  peintre  de  perspective,  pour  orner  le 
palais  magnifique  qu'il  se  faisait  construire.  Lord 

1 


MONNOYER  —  MONOD 


Carlisle,  lord  Burlington  et  d'autres  personna- 
ges anglais  le  chargèrent  de  nombreux  travaux. 
La  reine  Marie  avait  Monnoyer  en  grande  estime, 
et  venait  souvent,  dans  son  atelier  pour  le  voir 
travailler.  On  peut  encore  aujourd'hui  répéter  le 
jugement  de  Mariette  sur  Monnoyer  :  «  C'est, 
dit  le  célèbre  amateur,  c'est  de  tous  les  peintres 
de  fleurs  celui  qui  les  a  su  le  mieux  grouper 
et  qui  les  a  peintes  avec  plus  de  goût.  Il  n'y  a 
pas  mis  le  même  fini  que  ceux  d'entre  les  Fla- 
mands qui  les  ont  traitées,  mais  il  les  a  rendues 
avec  une  légèreté  et  une  finesse  qui  n'ont  été 
connues  que  de  lui  seul.  »  Malheureusement 
beaucoup  de  ses  tableaux  ont  poussé  au  noir, 
ce  qui  nuit  à  l'effet  combiné  par  le  peintre. 

Poilly,  Vauquier,  Smith  ont  gravé  environ  cin- 
quante pièces  d'après  Monnoyer,  et  il  a  gravé 
lui-même  d'après  ses  dessins  «  d'une  pointe  aima- 
ble et  spirituelle  ».  Ses  estampes  sont  fort  ap- 
préciées des  amateurs  et  recherchées  des  dessi- 
nateurs de  fabrique.  Le  musée  du  Louvre  pos- 
sède onze  tableaux  attribués  à  Monnoyer  ;  huit 
de  ces  tablea'ix  sont  indubitablement  du  maître. 
Monnoyer  fut  reçu  provisoirement  membre  de 
l'Académie  en  1663  et  définitivement  le  3  octo- 
bre 1665.  Il  eut  deux  fils;  l'un,  Antoine,  peignit 
aussi  les  fleurs,  mais  à  un  degré  bien  inférieur  à 
son  père  ;  il  fut  néanmoins  reçu  de  l'Académie 
le  25  octobre  1704;  l'autre,  nommé  Baptiste, 
se  retira  en  Italie  ,  où  il  se  rit  religieux  domini- 
cain. Il  peignait  également  e>t  décora  les  écoles 
de  son  couvent  de  tableaux  représentant  la  vie 
de  saint  Dominique  ;  il  avait  étudié  sous  la  di- 
rection de  J.-B.  Corneille  le  jeune.       H.  H — n. 

Hulier  et  Rost,  Manuel  des  Curieux.  —  Robert  Du- 
mesnil,  Le  Peintre  nraveur  français  — M  ariette,  Abece- 
dario,  dans  la  Archives  de  l'Art  français.  —  F.  Vjllot, 
Notice  des  Tableaux  du  Louvre. 

moxod  (  Pierre  ),  savant  jésuite  savoyard, 
né  à  Bonneville,  en  1586,  mort  le  31  mars  1644, 
à  Miolans.  Fils  d'un  membre  du  sénat  de  Cham- 
béry,  il  entra  chez  les  Jésuites  en  1603,  ensei- 
gna les  belles-lettres  et  la  philosophie  dans  di- 
vers collèges  de  son  ordre,  et  devint  enfin  recteur 
de  celui  de  Turin.  Choisi  pour  confesseur  de  la 
duchesse  Christine ,  sœur  du  roi  de  France 
LouisXUI,  il  exerça  bientôt  beaucoup  d'influence 
sur  cette  princesse,  et  obtint  une  grande  part 
dans  la  direction  des  affaires  politiques.  Envoyé 
à  Paris  en  1636  pour  réclamer  en  faveur  de  la 
maison  de  Savoie  les  honneurs  de  la  royauté, 
il  ne  put  s'entendre  avec  Richelieu;  irrité  de 
voir  ses  demandes  éludées,  il  se  lia  avec  les  en- 
nemis du  ministre,  notamment  avec  le  P.  Catis- 
sin,  confesreur  de  Louis  XIII ,  pour  renverser 
le  cardinal.  Celui-ci,  devinant  une  partie  de  ces 
intrigues,  renvoya  à  Turin  le  P.  Monod,  qui 
chercha  dès  lors  à  détourner  Christine  de 
l'alliance  française.  Richelieu  essaya  de  le  des- 
servir auprès  de  la  duchesse;  mais  Monod  sut 
conserver  sur  elle  toute  son  autorité,  même  après 
que  linirigue  qu'il  avait  ourdie  avec  le  P.  Caus- 
sin  eut  échoué.  En  1640  le  cardinal  de  La  Va- 


lette, sur  l'ordre  de  Richelieu,  le  fit  enlever  sur 
la  route  d'Ivrée  à  Villeneuve.  Enfermé  d'abord 
à  Pignerol  et  ensuite  à  Cunéo,  Monod  tfmiva 
moyen  de  s'échapper;  mais  il  fut  repris  et  trans- 
féré à  Miolans,  où  il  resta  jusqu'à  sa  mort,  mal- 
gré l'entremise  du  pape  :  Christine,  croyant  que 
l'appui  de  Richelieu  lui  était  indispensable  pour 
la  préserver  des  entreprises  de  ses  beaux-frè- 
res, n'osa  pas  demander  la  mise  en  liberté  de 
son  confesseur.  On  a  de  Monod  :  Recherches 
historiques  sur  les  alliances  de  France  eu 
de  Savoie;  Lyon,  1621,  in-4°;  — Amedeus 
paciftcus,  seu  de  Eugenii  IV  et  Amedei  Sa- 
baudiee  ducis,  in  sua  obedientia  Felicis  V 
nuncupati,  controversiis  ;  Turin,  1624,  in-4°  ; 
Paris,  1626,  in-8°;  reproduit  dans  le  tome  XVQ 
des  Annales  de  Baronius  ;  —  Apologie  pour 
la  Maison  de  Savoie  contre  les  scandaleuses 
invectives  de  la  Première  et  Seconde  Savoy- 
sienne  ;  Chambéry,  1631,  in-4°;  suivie  d'une 
Seconde  Apologie,  qui,  traduite  en  italien  par 
l'auteur,  parut  à  Turin,  1632,  in-4°;  — Tratiato 
del  titolo  regio  dovuto  alla  casa  di  Savoya, 
con  un  ristretto  délie  revoluzioni  del  Reame 
di  Cipri  e  ragioni  délia  cnsa  di  Savoya  so- 
pra  di  esso  ;  Turin,  1633,  infol.;  cet  ouvrage, 
publié  en  même  temps  en  latin,  fut  cause  de  la 
brouille  entre  la  Savoie  et  Venise;  il  fut  attaqué 
avec  violence  par  Graswinckel;  —  Il  Capri- 
corno  ossia  l'Oroscopo  d'Auguste  Cesare  ;  Tu- 
rin, 1633,  in  8°;  pseudonyme;  —  Extirpation 
de  l'Hérésie,  ou  déclaration  des  motifs  que  le 
roi  de  France  a  d'abandonner  la  protection 
de  Genève  ;  la  seconde  partie  est  restée  inédite, 
ainsi  que  les  ouvrages  suivants,  conservés  en 
manuscrit  à  la  bibliothèque  de  l'université  de 
Turin:  Annales  ecclesiaslici  et  civiles  Sabau- 
diae ;—  Vita  B.MargaritxSabaudee,marchio- 
nissae  Montisferrati  ;  etc.  O. 

Rosotti,  Scriptores  Pedemontii,  p.  470.  —  Richelieu, 
Mémoires,  t.  X  —  Le  Vassor,  Hist.  de  Louis  XIII.  — 
Botta,  Hist.  d'Italie. 

monod  (  Henri),  publicisle  et  homme  d'État 
suisse,  né  en  janvier  1753,  à  Morges,  dans  le  can- 
ton de  Vaud,  mort  le  13  septembre  1833.  Pen- 
dant qu'il  étudiait  le  droit  à  Tubingue,  il  se  lia 
intimement  avec  son  compatriote  Fr.-César  de 
Laharpe  (  voy.  ce  nom  ).  Après  avoir  depuis 
1775  rempli  divers  emplois  dans  l'administra- 
tion publique,  il  contribua  beaucoup  en  1798  à 
affranchir  son  pays  de  la  domination  tyrannique 
de  Berne.  Nommé  en  1802  préfet  du  canton  de 
Vaud,  i!  fit  partie  de  la  députation  helvétique 
envoyée  à  Paris  pour  négocier  avec  le  premier 
consul  l'acte  de  médiation,  qui  régla  pendant 
onze  ans  la  constitution  de  la  Suisse.  En  1803 
il  se  démit  de  ses  fonctions,  et  vécut  pendant 
plusieurs  années  au  milieu  de  sa  famille.  Les 
événements  de  la  fin  de  l'empire  l'engagèrent  à 
prendre  de  nouveau  part  aux  affaires  publiques; 
sa  capacité  et  son  expérience  furent  d'une  grande 
utilité  à  ses  compatriotes.  Après  avoir  fait  par- 


,,  MONOD  —  MONPOU 

tiède  la  diète  réunie  en  1814  à  Zurich,  il  fut 
élu  landamman  de  son  canton.  On  a  de  lui: 
Coup  d'œil  sur  les  principales  bases  à  suivre 
dans  la  législation  de  l'Helvétie  d'après  r,on 
système  social  ;  Lausanne,  1799,  in-8°  ;  —  Cor- 
respondance entre  le  colonel  Desporles  et  le 
citoyen  H.  Monod;  Berne,  1805,  in-8°;  suivie 
d'Observations;  —  Mémoires  ;  Francfort  et 
Paris,  1805,2  vol.  in-8°;  — Le  Censeur,  ou 
Lettres  d'un  patriote  vaudois  à  ses  conci- 
toyens; Lausanne,  1808,  in-8°  ;  anonyme;  — 
La  Folie  du  jour,  ou  conversation  entre  quel- 
ques membres  du  cercle  des  Gobe- Mouches; 
anonyme  ;  —  Lettres  écrites  de  Lausanne  à 
M.  le  comte  d'A...  ;  1814,  in-8°.  O. 

Archives  Hist.  —  Biog.  moderne  des  Contemvorains. 

monod  (  Gaspard- Joël),  littérateur  suisse, 
né  en  1717,  à  Genève,  où  il  est  mort,  en  1783.  Il 
appartenait  à  l'église  réformée.  En  1759  il  fut 
envoyé  à  la  Guadeloupe  comme  chapelain  du 
gouverneur,  et  rentra  dans  son  pays  lorsqu'à  la 
suite  du  traité  de  Paris  les  Anglais  cessèrent 
d'occuper  cette  colonie.  On  a  de  lui  des  traduc- 
tions d'ouvrages  anglais,  notamment  Le  Monde, 
ou  suite  du  Spectateur,  par  Edw.  Moore 
(Leyde,  1757,  2  vol.  in-12);  Henriette  Cour- 
tenay  ;  de  miss  Lennox  (Amst.,  1758,  2  vol. 
in-12);  Lettres,  mémoires  et  négociations  de 
Durlley  Carleton,  ambassadeur  de  Jac- 
ques 1er  (La  Haye,  1759,  3  vol.  in-12);  et 
Histoire  de  Grandisson  (Leyde,  1759,  7  vol. 
in-12).  Ces  traductions  sont  plus  exactes  qu'é- 
légantes, P. 

mono»  (  Jean  ),  littérateur,  fils  du  précé- 
dent, né  en  1765,  à  Genève,  mort  le  23  avril 
1836,  à  Paris.  D'abord  pasteur  à  Copenhague, 
il  vint  à  Paris  en  1808,  y  exerça  les  mêmes 
fonctions  et  reçut  en  1820  la  croix  d'Honneur. 
Après  1830,  il  fut  nommé  président  du  consis- 
toire de  l'église  réformée.  On  lui  doit  une  tra- 
duction des  Lettres  de  F.-  V.  Reinhard  sur 
ses  études  et  sa  carrière  de  prédicateur 
(  Paris,  1816,  in-8),  des  Sermons  et  les  articles 
qui  concernent  la  Suisse  dans  la  Biographie 
universelle. 

Son  fils,  Frédéric- Joël- Jean-Gérard  Monod, 
né  le  17  mai  1794,  àMonnaz  (canton  deVaud), 
a  été  pasteur  à  Paris  depuis  1819  jusqu'en  1849. 
En  1824  il  a  pris  la  direction  des  Archives  du 
Christianisme,  recueil  religieux  estimé.      P. 

Senebier,  Hist.  Littér.  de  Genève,  III. 

monperlier  (  Jean- Antoine- Marie) ,  au- 
teur dramatique  français,  né  à  Lyon,  le  31  juin 
1788,  mort  le  23  mars  1819,  à  Paris.  Après  avoir 
étudié  l'art  du  dessin,  il  fit  paraître,  en  1810, 
un  premier  recueil  de  pièces  fugitives,  et  la 
même  année  il  fit  recevoir  et  représenter  sa  pre- 
mière pièce  au  théâtre  de  Lyon.  Le  succès 
qu'elle  obtint  le  fit  persévérer  dans  cette  nou- 
velle voie.  Au  commencement  de  la  restaura- 
tion, il  vint  à  Paris,  et  travailla  pour  les  théâ- 
tres de  la   Gaîté  et  de  la  Porte  Saint-Martin: 


G 


mais  la  faiblesse  de  sa  complexion ,  et  le  la- 
beur opiniâtre  auquel  il  était  obligé  de  se  livrer 
pour  soutenir  une  nombreuse  famille ,  abré- 
gèrent ses  jours,  et  il  mourut  à  peine  âgé  de 
trente  et  un  ans.  On  a  de  lui  s  Le  Cimetière, 
suivi  de  La  mort  d'Oscar,  d'un  Voyage  au 
mont  Cindre,  poèmes;  Lyon,  1811,  iu-18 ;  — 
Poèmes  et  Poésies  fugitives;  Lyon,  1812, 
in-18;  et  une  vingtaine  de  mélodrames  et  de 
vaudevilles  dont  on  trouvera  la  liste  dans  La 
France  Littéraire.  E.  C. 

Journal  de  Lyon,  30  mars  1819. 
monpou  (Hippolyle),  compositeur  français, 
né  à  Paris,  le  12  juin  1804,  mort  à  Orléans,  le 
9  août  1841.  Il  entra  d'abord,  comme  enfant  de 
chœur,  à  l'église  Saint-Germain-l'Auverrois,  et 
suivit  en  même  temps  les  cours  de  la  maîtrise 
de  Notre  Dame,  sous  la  direction  de  Desvignes. 
11  alla  ensuite  continuer  ses  éludes  musicales 
à  l'Ecole  royale  et  spéciale  de  Chant,  que  Cho- 
ron venait  de  fonder,  et  fut  nommé  à  l'âge  de 
seize  ans  organiste  de  la  cathédrale  de  Tours,  où 
il  resta  pendant  deux  ans.  Choron  le  rappela 
alors  à  Paris  pour  lui  confier  les  fonctions  de 
professeur  d'accompagnement  dans  son  institu- 
tion. Successivement  organiste  de  Saint-Thomas- 
d'Aquin ,  de  Saint-Nicolas-des-Champs  ,  de  la 
Sorbonne,  le  jeune  Hippolyte  Monpou  fit  exé- 
cuter dans  ces  églises  plusieurs  messes  de  sa 
composition.  Il  n'étudiait  guère  à  cette  époque 
que  les  maîtres  de  musique  sacrée,  Palestrina, 
Clari,  Carissimi,  Haendel,  et  travaillait  conscien- 
cieusement à  se  mettre  au  niveau  d'une  tâche 
pleine  de  grandeur  et  de  sévérité.  Tout  à  coup 
la  révolution  de  1830  éclata.  L'église,  qui  avait 
adopté  le  jeune  artiste  et  qui  paraissait  aussi  se 
charger  de  le  faire  vivre,  ne  lui  offrait  plus  de 
ressources.  L'École  de  Choron ,  qui ,  en  1 824, 
avait  été  transformée  en  Institution  royale  de 
Musique  classique  et  religieuse,  avait  été 
fermée,  et  plusieurs  artistes  formés  dans  cette 
école,  entre  autres  MM.  Duprez,  Dietsch,  Adrien 
de  La  Faye  ,  Nicon-Choron ,  Scudo  ,  VVartel , 
Mme  Stolz,  avaient  pris  leur  essor  vers  les  di- 
verses branches  de  l'art  où  ils  allaient  bientôt 
se  faire  une  réputation.  Monpou  se  décida  bra- 
vement à  abandonner  la  musique  religieuse  pour 
la  musique  profane.  Désespérant  de  la  messe 
et  du  psaume,  il  se  jeta  dans  la  romance, 
et  entreprit  de  se  distinguer  dans  ce  genre  fri- 
vole par  un  style  sérieux  et  tendre,  par  une 
coupe  aventureuse,  par  des  rhylhmes  pi- 
quants ,  heurtés  et  nouveaux.  C'est  ainsi  qu'il 
écrivit  VAndalouse,Gastibelza,  Les  deux  Ar- 
chers, Les  Résurrectionnistes ,  Le  Voile 
blanc,  etc.  Mais  il  fallait  que  ses  romances  fus- 
sent chantées.  Il  trouva  dans  le  monde  des  pa- 
trons et  des  patronesses  qui  lui  prêtèrent  com- 
plaisamment  le  secours  de  leur  voix,  et  ne  s'en 
tint  pas  là.  Quoiqu'il  n'eût  point  de  voix,  il 
chanta  lui-même  ses  productions  avec  une  verve 
qui  ajouta  encore  à  leur  originalité.  Il  alla  plus 

1. 


MONPOU  —  MONRO 


S 


loin  :  il  chanta  sur  le  théâtre  de  l'Odéon  dans 
un  ambigu  musical  qui  terminait  une  représenta- 
tion à  bénéfice  ;  il  chanta  dans  la  salle  Laffitte, 
où  il  donna  un  concert  entièrement  composé  de 
ses  œuvres,  et  qui  offrait  le  plus  étrange  as- 
semblage de  morceaux  délicieux  et  de  morceaux 
bizarres.  II  puisait  ses  inspirations  dans  les  poé- 
sies d'Alfred  de  Musset,  de  Victor  Hugo,  de  Fré- 
déric Soulié,  auxquelles  sa  musique  prêtait  un 
nouveau  charme.  Il  avait  mis  en  musique  jus- 
qu'à un  chapitre  des  Paroles  d'un  Croyant  de 
l'abbé  de  La  Mennais,  jusqu'à  la  dernière  scène 
d' Othello  de  Shakspeare,  littéralement  traduite 
par  Alfred  de  Vigny.  Plein  de  volonté  et  de  per- 
sévérance, Monpou  voulait  prouver  qu'il  était 
capable  d'écrire  autre  chose  que  des  romances, 
et  forcer  les  barrières  de  la  scène  lyrique- 

Le  théâtre  du  Palais-Royal,  nouvellement  ou- 
vert sous  la  direction  de  M.  Dormeuil ,  offrait 
aux  jeunes  compositeurs  les  moyens  de  se  faire 
connaître.  Adolphe  Adam,  Flotow,  Pilatti  et 
quelques  autres  travaillaient  pour  ce  théâtre , 
où  l'auteur  de  cet  article  retrouva  Monpou  en 
1833.  Monpou  fut  chargé  par  les  spirituels  au- 
teurs de  la  pièce  de  Vert-Vert,  MM.  Deforges  et 
de  Leuven,  d'écrire  pour  une  autre  pièce  inti- 
tulée La  Salamandre ,  plusieurs  morceaux  de 
musique  qui  furent  chaleureusement  applaudis. 
Peu  de  temps  après,  Frédéric  Souliélui  confia  le 
livret  des  Deux  Reines,  opéra  comique  en  un 
acte,  qui  fut  représenté  en  1835.  Ce  coup  d'essai 
du  compositeur  sur  là  scène  de  l'Opéra-Comique 
fut  un  coup  de  maître  ;  l'air  :  Adieu  mon  beau 
navire ,  devint  bientôt  populaire.  Aux  Deux 
Reines  succédèrent  Le  Luthier  de  Vienne,  en 
un  acte,  et  Piquillo,  en  trois  actes,  paroles 
d'Alexandre  Dumas,  représenté  en  1837.  Vin- 
rent ensuite  Perugina,  en  un  acte,  Le  Planteur, 
en  deux  actes,  et  La  chaste  Suzanne,  en  trois 
actes,  au  théâtre  de  la  Renaissance.  Mais  quoi- 
que Monpou  eût  répandu  dans  toutes  ces  pro- 
ductions une  foule  d'idées  heureuses  et  qu'il  y 
ait  fait  preuve  d'un  talent  réel,  il  ne  retrouva 
pas  un  succès  égal  à  celui  qu'avait  obtenu  son 
premier  opéra  des  Deux  Reines.  Il  était  en  train 
d'écrire  la  partition  d'un  nouvel  ouvrage  en  trois 
actes,  La  Reine  Jeanne,  lorsqu'il  tomba  grave- 
ment malade,  d'une  inflammation  de  l'estomac 
et  des  intestins.  On  dit  que  la  crainte  de  n'avoir 
pas  terminé  son  travail  dans  le  délai  fixé  entre 
lui  et  le  directeur  de  l'Opéi  a-Comique  contri- 
bua beaucoup  à  aggraver  cette  affection  ,  dont  il 
était  atteint  depuis  longtemps.  Il  partit  pour  la 
Touraine,  comptant  sur  la  salutaire  influence 
de  ce  doux  climat.  Arrivé  à  Orléans,  il  se  sentit 
hors  d'état  de  continuer  sa  route,  et  se  fit  trans- 
porter dans  une  maison  de  campagne  des  en- 
virons, chez  son  ami  Vanderburch.  Bientôt 
après  il  dut  revenir  à  Orléans  pour  être  plus  à 
portée  des  secoure  de  la  médecine  ;  mais  tous 
les  efforts  de  la  science  fun-nt  impuissants,  et  il 
succomba  dans  cette  ville,  à  l'âge  de  trente-sept 


ans.  Sa  femme,  qui  l'accompagnait,  fit  transporter 
ses  restes  à  Paris.  Ses  obsèques  eurent  lieu  à 
Saint-Roch,  le  14  août  1841  ;  on  y  exécuta  une 
messe  dans  laquelle  M.  Dietsch  avait  eu  l'heu- 
reuse idée  de  faire  entrer  un  motet  composé  sur 
des  motifs  des  Deux  Reines  et  de  La  chaste 
Suzanne,  et  qui  fut  chanté  par  Duprez.  La  dé- 
pouille mortelle  d'Hippolyte  Monpou  fut  déposée 
au  cimetière  du  Père  Lachaise.  Cet  artiste,  en- 
levé trop  tôt  à  son  art,  n'avait  écrit  qu'un  acte  de 
son  opéra  de  La  Reine  Jeanne  ;  il  laissa  aussi 
en  manuscrit  plusieurs  morceaux  d'un  autre 
opéra  en  trois  actes,  Lambert  Simnel.  Ces  deux 
ouvrages,  terminés  par  Adolphe  Adam,  ont  plus 
lard  été  représentés.  D.   Denne-Baron. 

Revue  et  Gazette  musicales  de  Paris.  —  Dict.  de  la 
Conv.  —  Documents  part. 

monro  (  Alexander),  anatomiste  anglais,  né 
en  septembre  1697,  à  Londres,  mort  le  10  juillet 
1767,  à  Edimbourg.  Ses  parents  étaient  origi- 
naires du  nord  de  l'Ecosse.  Fils  d'un  chirurgien 
militaire  qui  en  quittant  le  service  s'était  fixé 
à  Edimbourg,  il  reçut  dans  cette  ville  une  ins- 
truction solide,  suivit  à  Londres  le  cours  d'ana- 
tomie  de  Cheselden,  et  compléta  ses  études  mé- 
dicales à  Paris,  puis  à  Leyde,  où  son  habileté  et 
ses  talents  précoces  le  recommandèrent  à  l'at- 
tention de  Boerhaave.  De  retour  à  Edimbourg, 
il  fut  nommé  démonstrateur  d'anatomie  aux 
écoles  de  chirurgie  (1719).  Bientôt  il  ouvrit  des 
cours  publics  ;  Alston  imita  son  exemple,  ainsi 
que  Sinclair,  Rutherford ,  Innés  et  Plummer,  et 
en  peu  de  temps  l'université  put  offrir  un  com- 
plet enseignement  médical  aux  nombreux  élèves 
qui  la  fréquentaient.  Ce  plan  d'éducation  est  dû 
tout  entier,  dit-on,  au  père  d'Alexandre  Monro, 
qui  s'y  associa  avec  enthousiasme.  Ce  fut  sur- 
tout par  les  efforts  de  ce  dernier  que  s'éleva,  au 
moyen  d'une  souscription  publique,  l'hôpital 
anneNé  à  l'école,  et  où  il  ne  cessa  jusqu'à  sa 
mort  de  donner  des  leçons.  Il  fut  aussi  le  créa- 
teur d'une  société  savante,  d'abord  composée 
de  médecins  (1),  et  qui  le  chargea  de  publier  ses 
mémoires,  puis  organisée  sur  des  bases  plus 
larges  par  le  mathématicien  Maclaurin.  En  1759, 
il  résigna  sa  chaire  d'anatomie  à  son  fils,  et  mou- 
rut d'un  ulcère  fongueux  à  la  vessie  et  au  rec- 
tum, après  cinq  années  de  souffrances.  Monro 
eut  la  réputation  méritée  d'un  des  meilleurs 
anatomistes  de  son  temps  ;  il  ne  se  distingua  pas 
moins  dans  la  pratique  de  la  chirurgie.  Le  pre- 
mier il  essaya  la  méthode  de  guérir  l'hydrocèle 
par  des  injections  de  vin  et  d'alcool,  et  il  se 
montra  l'un  des  plus  grands  antagonistes  de  l'o- 
pération du  cancer  au  sein.  Il  menait  une  vie 
fort  occupée  :  outre  ses  fonctions  scientifiques, 
il  en  remplissait  d'autres,  d'un  genre  bien  diffé- 
rent, telles  que  celles  de  directeur  de  la  banque 
d'Ecosse.,  de  juge  de  paix,  de  commissaire  des 
grandes  routes,  etc.  Il  était  membre  de  la  Société 

(1|  Quelques  auteurs  l'ont  maladroitement  confondue 
avec  la  société  royale  d'Edimbourg. 


g 


MONRO 


10 


royale  de  Londres  et  membre  honoraire  de  l'A- 
cadémie de  Chirurgie  de  Paris.  On  a  de  lui  : 
Osteology,  or  trealise  on  the  anatomy  of  the 
bones  ;  Edimbourg,  1726,  in-8°  ;  huit  éditions  en 
ont  été  faites  pendant  la  vie  de  l'auteur,  qui  a 
augmenté  les  dernières  ;  trad.  en  allemand  (Leip- 
zig, 1761,  in-8°)  et  en  français  par  Sue,  ou 
plutôt  par  Mme  d'Arconville  (Paris,  1759,  2  vol. 
in-fol.  fig.).  Cette  traduction  ne  comprend  que 
l'ostëologie.  La  portion  qui  traite  du  système 
nerveux  a  aussi  paru  en  latin,  avec  des  notes  par 
Coopmans  (  Franeker,  1751,  1754,  in-8°),  et  en 
français  par  Lebègue  de  Presle  (Paris,  1767, 
2  vol.  in-12,  avec  le  traité  des  Maladies  ner-. 
veuses  deWhytt);  —  JEssay  on  comparative 
Anatomy  ;  Londres,  1744,  1775,  in-8°  ;  trad.  en 
allemand  (1790)  et  en  français  (1786,  in-12)  ;  — 
Expostulalory  Epistle  to  Dr  Hunier;  Edim- 
bourg, 1762,  in-8°  -,  —  An  Account  of  the  Ino- 
culation of  small-poxin  Scotland /Edimbourg, 
1765,  in-8°;  trad.  en  1766  en  français  et  en  al- 
lemand :  c'estwne  réponse  aux  questions  que  la 
Faculté  de  Paris  lui  avait  adressées;  il  s'y  montre 
partisan  déclaré  de  l'inoculation.  On  lui  doit  en- 
core plusieurs  dissertations  dans  les  Médical 
Essays  and  Observations  by  a  Society  atEdin- 
burgh  f  Édimb.,  1732  et  ann.  suiv.,  6  vol.  in-8°), 
recueil  édité  par  ses  soins,  et  dans  les  Essays 
physical  and  lilerary  (2  vol.),  qui  en  sont  la 
suite;  quelques-unes  ont  été  traduites.  Les 
œuvres  de  ce  médecin  ont  été  réunies  par  son  fils 
Alexandre  (Londres,  1721,  in-4°).    P.  L — y. 

Donald  Monro,  Vie  d'Alex.  Monro,  à  la  tête  de  ses 
OEuvres.  —  A.  Duncnn,  Account  of  the  Life  and  JVri- 
tings  of  A.  Monro;  Édimb.,  1781. 

monro  (  Alexander),  dit  le  jeune,  fils  du  pré- 
cédent, né  en  1732,  à  Edimbourg,  où  il  est  mort, 
en  1817.  Il  succéda  à  son  père  dans  la  chaire 
d'anatomie  et  de  chirurgie,  et  l'occupa  de  1759  à 
1801.  On  a  de  lui  :  De  Hydrope;  Edimbourg, 
1753,  in-4°;  —  De  Testibus  et  de  Semine  in 
variis  animalibus ;  ibid.,  1755,  in-8<>;  _  An 
Essay  on  the  Dropsy  and  Us  différent  species  ; 
Londres,  1756,  1765,  in-12;  trad.  en  français 
par  Savary  (1760,  in-8°),  et  en  allemand  (1762, 
1777,  in-8Q  )  ;  —  De  Venis  lymphaticis  valvu- 
losis;  Berlin,  1757,  in-8°;  —  Analomical  and 
physiological  Observations,  wherein  Huntefs 
daim  to  some  discoveries  is  examined; 
Édimb.,  1758,  in-8°:  une  apologie  de  cet  ouvrage 
a  paru  dans  la  même  année;  —  Miscroscopical 
lnquiries  into  the  rierves  and  brain;  ibid., 
1780,  in-fol.  ;  —  Observations  on  the  Structure 
and  Fonctions  of  the  JServoxis  System;  ibid., 
17S3,  gr.  in-fol.  fig.;  —  Structure  and  Physio- 
logy  ofFishes,  explained  and  comparée  wiih 
those  ofman  and  other  animais  ;  ibid.,  1785, 
gr.  in-fol.  fig.  ;  —  Description  of  ail  the  Bursee 
mucosœ  of  the  human  body;  Londres,  1788, 
gr.  in-fol.  pi.;  trad.  en  allemand  par  Rosen- 
mùller  (1799,  in-fol.);  —  Experiments  on  the 
Nervous  System  ivith opium  andmetallic  sub- 


stances; Édimb.,  1793,  in-4";  —  Trealiscs  on 
the  Brain,  the  eye  and  the  ear ;  ibid.,  1797 
in-4°;  —  Observations  on  crural  Hernia; 
ibid.,  1803,  in-8°.  Ce  médecin  a  beaucoup  con- 
tribué à  la  connaissance  du  système  nerveux  cé- 
rébro-spinal., p.  l. 

Rose ,  New  Biograph.  Dictionary. 

MONRO  (Donald),  médecin,  frère  du  pré- 
cédent, né  en  1729,  mort  le  9  juin  1802,  à  Edim- 
bourg. Il  alla  s'établir  à  Londres,  et  devint  en- 
suite chirurgien  des  armées.  On  a  de  lui  :  An 
account  of  the  Diseases  whîch  were  mosl  fré- 
quent in  the  British  mililary  hospitals  in 
Germany  from  1761  to  1763;  Londres,  1764, 
in-8°,  trad.  en  allemand  ;  —  TrcatÀse  on  Mine- 
rai Waters;  Londres,  1770,  2  vol.  in-8°;  —  Ob- 
servations on  the  means  of  preserving  the 
health  ofsoldiers  ;  Londres,  1762,  2  vol.  in-8°; 
trad.  en  français  :  La  Médecine  d'Armée  (Pa- 
ris, 1769,  in-8°);  —Treatise  on  Materia  Me- 
dica;  Londres,  1788,  4  vol.  in-8°.      P.  L. 

Chalmers,  General  biogr.  Dictionary . 

monro  (Alexander),  médecin  anglais,  fils 
d'Alexandre  Monro  le  jeune,  né  vers  1775,  à 
Edimbourg.  Reçu  docteur  en  1797,  il  enseigna 
à  Edimbourg  l'anatomie  et  la  chirurgie,  et  devint, 
en  1827,  président  du  Collège  des  Médecins. 
Nous  citerons  de  lui  :  The  morbid  Anatomy  of 
the  human  gullet,  stomach  and  intestines; 
Edimbourg,  1811,  1830,  in-8°  pi. ,  —  Outlines 
of  the  Anatomy  of  the  human  body  in  Us 
sound  and  diseased  state;  ibid.,  1813,  1816, 
1825,  4  vol.  in-8°pl.  ;  —  Observations  on  the 
Thoracic  Duct  ;  ibid.,  18 14,in-4°,  avec  un  atlas  de 
pi.;  — On  the  différent  Kinds  of  Small-Pox ; 
ibid.,  1818,  in-8°;  —  Hydrocephalus ;  ibid., 
1827,  in-8°  pi.;  —  Anatomy  of  the  Brain, 
ivith  some  observations  on  ils  functions; 
ibid.,  1831,  1832,in-8°.  11  a  publié  un  ouvrage 
posthume  de  son  père,  intitulé  Essays  and 
heads  of  lectures  on  Anatomy,  physiology, 
pathology  and  practice;  ibid.,  1840,  in-8°,pl., 
et  qu'il  a  fait  précéder  d'une  notice  biogra- 
phique. K. 

Callisen ,  Medicin.  SchriftstellerlexOcon. 

monro  (Alexander),  théologien  anglais,  né 
en  1648,  dans  le  comté  de  Ross,  mort  en  1713, 
à  Edimbourg.  Après  avoir  professé  la  philosophie 
à  l'université  d'Aberdeen,  il  fut  principal  de  celle 
d'Edimbourg  (1686);  et  venait  d'être  nommé 
évêque  des  Orcades  (1688)  lorsque  son  refus  de 
serment  au  roi  Guillaume  III  lui  fit  perdre  cette 
dignité.  Devenu  prédicateur  d'une  congrégation 
épiscopale,  il  écrivit  quelques  pamphlets,  no- 
tamment des  Recherches  sur  les  nouvelles  Opi- 
nions. K. 

monro  (John),  médecin  anglais,  petit-fils 
du  précédent,  né  le  16  novembre  1715,  à  Green- 
wich,  mort  le  27  décembre  1791,  au  village  de 
Hadley.  Fils  d'un  médecin,  il  embrassa  la  même 
carrière,  étudia  son  art  à  Edimbourg  et  à  Leyde, 
et   parcourut  ensuite   l'Allemagne   et  l'Italie. 


11  MONRO  —  MONfiOK 

Nommé  docteur  par  l'université  d'Oxford,  il  fut, 
en  1751,  adjoint  à  sou  père  pour  les  hôpitaux 
de  Bridewell  et  de  Bethlem,etendevint,en  1752, 
le  médecin  titulaire.  Depuis  cette  époque  il  s'oc- 
cupa exclusivement  des  maladies  mentales.  On 
n'a  de  lui  que  des  Remarks  on  Beattie's  Trea- 
tise  on  Madness  (Londres,  1758,  in-8°),  où 
l'on  trouve  des  vues  judicieuses.  Horace  et  Shaks- 
peare  étaient  ses  auteurs  favoris;  il  avait  même 
écrit  sur  ce  dernier  un  grand  nombre  de  notes 
dont  Steevens  a  tiré  parti.  K. 

Chaluiers,  General  Biograph.  Dictionary. 

MQNJtoCQ  (Michel- Charles- François),  au- 
teur religieux  français,  né  le  15  septembre  1763, 
à  Trelly,  prè%  Coutances,  mort  le  17  septembre 
1834,  à  Paris.  Après  avoir  été  curé  en  province, 
il  fut  attaché  à  l'hôpital  militaire  du  Val-de-Gràce, 
dont  il  devint  aumônier  en  chef.  Il  est  auteur 
d'une  Bibliothèque  des  Pasteurs  (  Paris,  1812, 
4  vol.  in-8°  )  :  recueil  de  prônes ,  d'homélies  et 
de  discours  sur  les  vérités  fondamentales  de  la 
religion  et  sur  la  morale.  On  lui  doit  encore  : 
Le  Soldat  chrétien;  Paris,  1823,  1824,  in-24; 
—  Instructions  sur  la  Confession  auricu- 
laire; Paris,  1827,  in-18.  K. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

monroe  (James  ),  homme  d'État  américain, 
cinquième  président  des  États-Unis,  né  dans  le 
comté  de  Westmoreland  (Virginie),  le  2  avril 
1759,  mort  à  New-York,  le  4  juillet  1831.  Il  ap- 
partenait à  une  ancienne  et  honorable  famille, 
mais  on  sait  peu  de  chose  sur  les  premières  an- 
nées de  sa  jeunesse.  Poussé  par  un  ardent  pa- 
triotisme, il  quitta  à  dix-sept  ans  le  collège  de 
William-et-Mary,  où  il  poursuivait  ses  études , 
pour  s'enrôler  dans  l'armée.  La  déclaration  d'in- 
dépendance venait  d'être  proclamée,  et  c'était 
au  moment  critique  où  Washington  se  préparait 
à  défendre  New-York  contre  les  forces  supé- 
rieures des  Anglais.  Il  partagea  les  souffrances 
et  les  revers  de  l'armée  américaine,  se  trouva 
aux  combats  désastreux  de  Harlem  Heights 
et  de  White  Plains;  et  àTrenton,  il  reçut  une 
blessure  dont  il  porta  toujours  la  marque.  Après 
son  rétablissement,  il  fut  promu  au  rang  de  ca- 
pitaine, et  en  1777  et  1778,  lit  un  service  actif 
comme  aide  de  camp  de  lord  Stirling.  Il  se  dis- 
tingua aux  combats  de  Brandy  wine,  de  German- 
town  et  de  Monmoulh.  Peu  avant  la  lin  de  la 
guerre,  il  fut  nommé  colonel,  sur  la  recomman- 
dation de  Washington,  et  rentra  en  Virginie  pour 
étudier  le  droit  et  se  préparer  à  la  vie  politique. 

En  1782,  Monroe  fut  élu  membre  du  conseil  lé- 
gislatif, et  y  montra  assez  de  tact  pour  se  faire 
envoyer  l'année  suivante  un  des  délégués  pour 
représenter  l'État  au  congrès  continental.  Il  y 
resta  jusqu'en  1786.  La  loi  interdisant  une  se- 
conde élection,  il  se  fixa  à  Fredericksburg  pour 
exercer  comme  avocat.  Mais  bientôt  il  fut  élu  à 
la  législature,  et  en  1788  choisi  comme  délégué 
à  la  Convention  d'État  qui  devait  se  prononcer 
sur  l'adoption  de  la  constitution  fédérale.  Avant 


12 

cette  consécration  solennelle ,  il  aurait  voulu  y 
introduire  quelques  amendements.  Les  hommes 
politiques  les  plus  distingués  étaient  fort  divisés 
sur  cette  grave  question.  Monroe  était  dans  l'op- 
position avec  Patrick  Henry,  G.  Masonet  autres. 
La  constitution  fut  enfin  adoptée  par  un  vote  de 
quatre-vingt-neuf  voix  contre  soixante-dix-neuf. 
Dès  qu'elle  fut  en  opération,  il  se  présenta 
comme  candidat  pour  la  chambre  des  représen- 
tants, en  opposition  à  Madison,  et  échoua.  Mais 
peu  après,  il  fut  nommé  sénateur  au  congrès  par 
l'État  de  Virginie,  et  vint  y  siéger  en  1790.  Il 
continua  ces  fonctions  jusqu'en  1794,  et  il  est  à 
remarquer  qu'il  agissait  avec  le  parti  anti-fédé- 
raliste ,  en  opposition  à  l'administration  de  Wa- 
shington. Le  gouvernement  de  la  république  fran- 
çaise ayant  demandé  le  rappel  de  Gouverneur- 
Morris ,  ministre  en  France,  qui  était  accusé  de 
penchants  aristocratiques  parce  qu'il  avait  au- 
tant de  sagesse  que  de  sagacité ,  Washington 
nomma,  par  déférence  pour  le  parti  démocratique, 
Monroe,  son  successeur.  Il  pensait  qu'un  ami 
bien  connu  de  la  révolution  française  serait  plus 
capable  qu'un  autre  de  rétablir  entre  les  deux 
pays  la  confiance  et  les  bons  rapports  qui  avaient 
été  altérés  par  les  événements  et  les  préférences 
supposées  d'Hamilton  pour  l'Angleterre.  Monroe 
fut  reçu  en  France  avec  beaucoup  de  faveur  par 
le  gouvernement  et  le  peuple.  Mais,  ayant  suivi 
une  politique  trop  conciliante,  il  fut  accusé  aux 
États-Unis  de  sacrifier  les  droits  et  les  intérêts 
de  son  propre  pays,  de  ne  pas  se  conformer  aux 
vues  de  neutralité  maintenues  par  le  président, 
et  en  1796  il  fut  rappelé.  Le  parti  démocratique 
le  considéra  comme  ayant  été  sacrifié  pour  son 
attachement  aux  principes  d'une  politique  libé- 
rale. Monroe  lui-même  publia  un  volume  pour 
justifier  ses  vues  et  sa  conduite  pendant  sa  mis- 
sion en  France,  non  sans  quelque  censure  de 
l'administration  fédérale.  Mais  il  n'avait  aucun 
sentiment  d'hostilité  contre  Washington.  Il 
resta  en  bons  termes  avec  lui,  et  plus  tard  s'as- 
socia à  ses  concitoyens  pour  rendre  hommage 
au  mérite  et  à  la  parfaite  droiture  de  ce  grand 
homme.  Peu  après,  il  fut  élu  à  la  législature,  et 
en  1799  nommé  par  cette  assemblée  gouver- 
neur de  l'État  de  Virginie.  Il  occupa  ces  fonctions 
trois  ans,  terme  fixé  par  la  constitution.  Sous  la 
présidence  de  Jefferson,  il  fut  envoyé  comme 
ministre  extraordinaire  en  France,  pour  agir  de 
concert  avec  R.  R.  Livingston,  qui  était  déjà  à 
Paris,  au  sujet  de  l'achat  de  La  Nouvelle-Orléans, 
ou  d'un  droit  de  dépôt  sur  le  Mississipi  pour 
les  États-Unis.  Il  réussit  à  accomplir  l'achat  et 
la  cession  de  la  Louisiane  entière.  De  là  il  passa 
à  Londres,  où  il  était  chargé  de  remplacer  R.King, 
qui  avait  donné  sa  démission.  Mais  bientôt  il 
fut  appelé  en  Espagne  pour  seconder  le  minisire 
Ch.  Pinckney  au  sujet  de  négociations  impor- 
tantes. Dans  le  transfert  de  la  Louisiane  par 
l'Espagne  à  la  France,  et  par  la  France  aux 
États-Unis,  les  limites  de  la  province  n'avaient 


13 


MONKOK 


14 


pas  été  définies  avec  précision.  L'Espagne  se 
prononçait  énergiquement  pour  en  réduire  l'é- 
tendue et  rétablir  ses  droits  sur  une  portion  du 
territoire.  Les  efforts  de  Monroe,  joints  à  ceux 
de  Pinckney,  restèrent  sans  résultat.  La  contro- 
verse pour  les  droits  réciproques  resta  ouverte. 
11  retourna  à  Londres  pour  défendre  les  droits 
des  États-Unis,  comme  neutres,  contre  le  système 
d'usurpation  de  la  Grande-Bretagne.  Il  y  fut 
joint  par  William  Pinckney,  envoyé  récemment, 
comme  ministre,  en  Angleterre.  Le  ministère  d'a- 
lors avait,  des  tendances  whig.  Monroe,  de  con- 
cert avec  Pinckney,  parvint  à  négocier,  en  1807, 
un  traité  qui,  bien  qu'il  ne  fût  pas  aussi  favo- 
rable qu'ils  l'auraient  désiré,  leur  paraissait,  au 
fond,  très-avantageux  pour  les  États-Unis.  Le 
président  Jefferson,  soit  antipathie  contre  l'An- 
gleterre ,  soit  crainte  de  la  portée  de  certaines 
conditions  que  renfermait  ce  traité,  ne  le  soumit 
point  au  sénat,  et  le  renvoya  à  Londres  pour  ré- 
vision. Le  cabinet  britannique  venait  d'être 
changé,  et  Canning,  ministre  des  affaires  étran- 
gères, refusa  de  reprendre  la  négociation.  La 
mission  de  Monroe  était  terminée  ;  il  revint  en 
Amérique.  Pendant  assez  longtemps,  il  conserva 
un  vif  mécontentement  contre  Jefferson ,  pour 
avoir  rejeté  le  traité  sans  consulter  le  sénat,  et 
pour  avoir  différé  son  relour  à  l'effet  d'empêcher 
sa  concurrence  avec  Madison  pour  la  présidence. 
Jefferson,  dans  sa  correspondance  avec  Monroe, 
expliqua  ses  motifs  pour  le  rejet  du  traité,  et 
déclara  son  intention  de  rester  parfaitement 
neutre  entre  les  deux  amis  qu'on  désignait  pour 
lui  succéder.  La  législature  de  Virginie  décida 
des  prétentions  respectives  des  deux  candidats, 
en  se  prononçant  en  faveur  de  Madison.  Monroe 
et  ses  amis  se  soumirent  à  cette  décision.  En 
181.1,  il  fut  élu  de  nouveau  gouverneur  de  la 
"Virginie,  mais  n'exerça  que  peu  de  temps;  car 
il  fut  choisi  comme  secrétaire  d'État  (affaires 
étrangères)  par  le  président  Madison.  Il  occupa 
ce  poste  jusqu'au  terme  de  la  présidence. 

La  guerre  qui  menaçait  depuis  longtemps  avec 
l'Angleterre  éclata  enfin.  Après  la  prise  de  Wa- 
shington et  la  démission  du  général  Armstrong, 
Monroe  fut  nommé  an  département  vacant  de  la 
guerre ,  tout  en  conservant  ses  fonctions  de  se- 
crétaire d'État.  Il  montra  comme  ministre  de  la 
guerre  une  remarquable  énergie  et  hardiesse  de 
caractère.  Il  trouva  le  trésor  épuisé,  le  crédit 
public  presque  anéanti,  tandis  que  l'ennemi, 
délivré  de  la  guerre  contre  la  France,  se  dispo- 
sait à  tourner  contre  les  États-Unis  ses  forces 
enorgueillies  par  leurs  récents  triomphes.  Son 
premier  devoir  était  de  se  préparer  pour  la  nou- 
velle campagne.  Le  congrès  avait  autorisé  une 
armée  de  soixante  mille  hommes.  Monroe  pro- 
posa d'j  ajouter  une  force  régulière  de  quarante 
mille  hommes  pour  défendre  les  frontières  et  les 
côtes  de  la  mer,  et  de  les  tirer  de  la  masse  de 
la  population  par  la  voie  de  la  conscription. 
Cette  mesure  hardie,  imitée  du  système  de  Na- 


poléon ,  et  fort  opposée  au  génie  de  la  nation , 
était  de  nature  à  compromettre  gravement  sa 
popularité  et  ses  espérances  à  la  prochaine  pré- 
sidence; mais  il  n'hésita  point,  et  s'ouvrit  à 
quelques  amis  de  son  intention  de  retirer  sa  can- 
didature. Heureusement  la  conclusion  de  la  paix 
rendit  inutile  cette  augmentation  de  l'armée. 
Vers  la  fin  de  1814,  La  Nouvelle-Orléans  était 
sérieusement  menacée  par  les  Anglais  avec  une 
flotte  et  une  armée.  Le  crédit  du  gouvernement 
était  au  plus  bas  pour  se  procurer  l'argent  néces- 
saire à  la  défense.  Monroe  engagea  son  crédit 
personnel  comme  auxiliaire  de  celui  du  gouver- 
nement, et  parvint  à  trouver  les  ressources  dont 
le  besoin  était  urgent.  La  Nouvelle-Orléans  fut 
défendue  avec  succès,  et  l'entière  délaite  des 
Anglais  sous  le  général  Packenham  termina  la 
guerre  d'une  manière  honorable  pour  les  armes 
américaines  (janvier  1815).  A  la  conclusion  de 
la  paix,  il  eut  à  renouveler  les  relations  étran- 
gères qui  avaient  été  en  partie  suspendues ,  et 
à  modifier  la  politique  intérieure  du  pays  pour 
l'adapter  aux  grands  changements  qu'avait  pro- 
duits la  pacification  générale  de  l'Europe.  Il  fut 
aidé  dans  ces  devoirs  laborieux  par  l'opinion 
publique,  et  prêta  un  concours  plein  de  zèle  à 
Madison  pour  établir  le  système  de  politique 
intérieure  qui  fut  adopté  après  la  guerre,  et  qui 
fut  développé  et  agrandi  après  son  élection  à  la 
présidence.  Depuis  plusieurs  années  le  parti  dé- 
mocratique l'avait  désigné  comme  successeur  de 
Madison.  Au  printemps  de  1816,  les  représen- 
tants de  ce  parti  au  congrès  le  nommèrent  par 
un  vote  de  soixante-cinq  voix.  Les  électeurs 
spéciaux  se  bornèrent  à  sanctionner  ce  choix. 
Monroe  fut  inauguré  président  le  4  mars  1817. 
On  raconte  que  peu  auparavant  le  général  Jack- 
son (  depuis  lui-même  président)  lui  recom- 
manda de  s'élever  au-dessus  des  divisions  de 
parti  et  d'admettre  dans  son  cabinet  et  la  haute 
administration  les  plus  distingués  des  fédéra- 
listes. Monroe  n'osa  pas  suivre  ce  sage  conseil. 
Non-seulement  les  places  du  cabinet,  mais  toutes 
celles  qui  dépendaient  de  son  pouvoir  conti- 
nuèrent, comme  sous  ses  prédécesseurs  Jeffer- 
son et  Madison,  à  être  données,  presque  unique- 
ment, à  ceux  qui  professaient  ses  opinions  poli- 
tiques. Sous  d'autres  rapports,  la  politique  de 
Monroe  fut  libérale  et  conciliante  pour  tous  les 
partis.  Seulement  il  se  montra  constamment  op- 
posé, d'après  la  lettre  de  la  constitution  telle 
qu'il  l'entendait,  aux  vues  de  ceux  qui  voulaient 
appliquer  1  argent  du  trésor  fédéral  aux  amélio- 
rations intérieures.  11  ne  céda  qu'en  1824  sur 
ce  point,  lorsqu'il  sanctionna  un  bill  voté  par 
le  congrès  pour  appliquer  30,000  dollars  aux 
études  préparatoires  de  canaux  et  de  routes, 
qui  seraient  désignés  par  le  président.  Sous  son 
administration  eut  lieu  la  négociation  du  traité 
qui  assura  la  Floride  aux  États-Unis,  cession 
d'une  grande  importance.  Ainsi,  comme  ministre 
et  puis  comme  président,  il  avait  pris  une  part 


15  MONROE 

active  aux  deux  acquisitions  les  plus  considé- 
rables du  Sud,  la  Louisiane  et  la  Floride  (  1803, 
1821).  Il  fut  réélu  à  la  présidence  avec  plus 
d'unanimité  qu'aucun  président  depuis  Washing- 
ton :  il  obtint  tous  les  votes  des  électeurs  excepté 
un  seul.  Sa  seconde  administration  fut  encore 
plus  calme  que  la  première.  Il  s'était  fait  un 
apaisement  dans  la  violence  des  passions  poli- 
tiques. Le  pays  s'occupait,  avec  une  ardente  ac- 
tivité, de  développer  ses  ressources  intérieures  et 
le  commerce  à  l'étranger.  Monroe  finit  sa  car- 
rière au  service  du  gouvernement  fédéral,  le 
3  mars  1825.  Il  se  retira  alors  dans  le  comté 
de  London  en  Virginie,  et  y  accepta  l'office  de 
juge  de  paix.  Il  fut  aussi  nommé  visiteur  de 
l'université  de  Virginie.  Dans  le  cours  de  1830, 
il  vint  s'établir  à  New -York  pour  vivre  avec  son 
gendre.  Il  y  acheva  sa  vie,  entouré  de  soins  et 
de  sollicitude.  On  a  remarqué  que,  comme  deux 
autres  présidents,  il  mourut  le  4  juillet,  jour  an- 
niversaire de  la  déclaration  d'indépendance. 

Monroe  n'avait  point  une  intelligence  et  des  ta- 
lents supérieurs  ;  mais  il  avait,  à  un  haut  degré, 
la  prudence,  la  fermeté,  un  jugement  sain,  quoi- 
que lent,  et  une  persévérance  infatigable.  Il  fut 
un  exemple  remarquable  de  ce  que  peut  accomplir 
le  travail,  une  application  constante  pour  un  but 
donné.  Sa  physionomie  était  commune,  ses  ma- 
nières douces  et  agréables,  mais  il  y  manquait , 
ainsi  qu'à  son  langage,  la  distinction.  Williams 
dit  «  que  bien  qu'il  eût  reçu  du  trésor  public,  dans 
lecours  de  sa  vie,  360,000  dollars  (1,800,000  fr.), 
il  se  retira  des  fonctions  publiques  avec  beau- 
coup de  dettes.  »  Soit  imprudence ,  soit  insuffi- 
sance de  traitement,  Monroe  était  toujours  à  court 
d'argent.  Il  sortit  enfin  de  ces  embarras  au  moyen 
d'allocations  votées  par  le  congrès,  motivées  par 
les  avances  qu'il  avait  faites  durant  la  guerre.  Un 
héritage,  provenant  d'un  oncle,  ajouta  à  ce  fonds, 
et  il  laissa  à  ses  deux  filles  une  fortune  conve- 
nable quoique  modeste.  Il  avait  été  enterré  à 
New-York.  En  1859,  d'après  une  décision  delà 
législature  de  Virginie,  ses  restes  mortels  ont  été 
transportés  avec  une  certaine  pompe  à  Richmond, 
la  principale  ville  de  l'État.  J.  Chanut. 

Edwin  Williams,  Statesman's  Manual,  with  the  Mes- 
sages and  Lives  of  Présidents,  l.  I.  —  National  Ameri- 
can Portraits,  IIIe  vol.,  1836.  —  Hildreth,  History  of  the 
United- S  laies,  3  vol.  in-8°.  —  Lieber,  Encyclopxdia  Ame- 
ricana.  —  Q.  Adaras,  Eulogy.  —  English  Cyclopasdict 
(  Blography  ). 

monrose  (  Claude-Louis-Séraphin  Bar- 
rizain,  dit  ),  comédien  français,  né  à  Besançon, 
le  6  décembre  1783,  mort  le  20  avril  1843,  à 
Montmartre,  près  Paris.  Entraîné  vers  le  théâtre 
par  un  penchant  irrésistible,  il  quitta  fort  jeune 
sa  ville  natale,  vint  à  Paris ,  et  fut  engagé  au 
théâtre  des  Jeunes-Artistes  de  la  rue  de  Bondy, 
où  il  débuta  le  12  ventôse  an  vu  (  2  mars  1799  ) 
par  le  rôle  de  Montmort,  dans  V Enfant  de  l'A- 
mour. Il  s'y  montra  un  des  plus  intelligents  in- 
terprètes de  cette  troupe,  à  laquelle  on  doit  encore 
les  frères  Lepeintre,  Mue  Déjazet,  Firmin,  etc.  En 


—  MONS 


16 


1803  il  se  mita  parcourir  la  province,  où  il  recueillit 
de  nombreux  témoignages  de  sympathie.  De  retour 
à  Paris,  dans  les  premiers  mois  de  1815,  il  fit 
ses  débuts  à  la  Comédie-Française  parle  rôle  de 
Mascarille,  dans  L'Etourdi  (11  mai  1815).  L'ac- 
cueil flatteur  qu'il  reçut  du  public  le  fit  admettre 
au  nombre  des  sociétaires,  au  commencement  de 
1816.  Obligé,  par  les  exigences  des  gentilshommes 
de  la  chambre,  de  se  soumettre  à  de  nouveaux 
débuts,  il  fut  définitivement  reçu  sociétaire  en 
avril  1817.  Des  arrangements  furent  pris  qui 
laissèrent  au  nouvel  élu  une  part,  à  peu  près 
équitable,  dans  la  distribution  des  rôles.  Il  se 
montra  alors  avec  avantage  dans  l'ancien  réper- 
toire, et  joua  successivement  les  rôles  de  Crispin 
des  Folies  Amoureuses;  de  Scapin  dans  Les 
Fourberies  ;  de  Mascarille  dans  L'Etourdi;  de 
Sganarelle  dans  Le  Festin  de  pierre,  etc.  Mais 
ce  fut  surtout  dans  le  rôle  de  Figaro  du  Barbier 
de  Séville  qu'il  obtint  un  éclatant  triomphe.  II 
était  impossible  de  déployer  plus  de  finesse ,  de 
verve  et  de  gaieté;  aussi  ces  brillants  résultats 
lui  valurent-ils  d'heureuses  créations,  parmi  les- 
quelles nous  devons  citer  les  rôles  de  Trigoviile, 
dans  Orgueil  et  Vanité;  de  Germain,  dans 
L'heureuse  Rencontre  ;  de  Floridor,  dans  Les 
Plaideurs  sans  procès;  de  Valentin,  dans  L'É- 
cole des  Vieillards  ;  de  Després,  dans  Les  trois 
Quartiers;  de  Charançon,  dans  Les  quatre 
Ages  ;  de  Dominique  dans  Le  Possédé  ;  de 
Therme,  dans  Une  Aventure  du  chevalier  de 
Grammont.  Vers  la  fin  de  sa  vie,  sa  mémoire  se 
perdit,  ses  facultés  se  dérangèrent,  et  il  mourut 
dans  la  maison  de  santé  du  docteur  Blanche. 

Monrose  était  petit  et  maigre  ;  ses  traits,  quoi- 
que peu  avantageux  ,  ne  manquaient  pas  cepen- 
dant d'expression  et  de  vivacité;  son  geste  était 
hardi  et  rapide  ;  enfin  il  possédait  toutes  les  qualités 
nécessaires  à  son  emploi ,  c'est-à-dire  la  ruse,  la 
souplesse,  l'audace  et  un  sang-froid  impertur- 
bable ;  le  seul  reproche  que  l'on  puisse  peut-être 
lui  adresser,  c'était  de  mettre  un  peu  d'exagéra- 
tion dans  son  jeu,  et  de  se  laisser  parfois  trop 
entraîner  par  la  verve  et  l'inspiration.  Par  un  de 
ces  contrastes  assez  fréquents  chez  les  comédiens 
et  les  auteurs  dramatiques ,  Monrose,  qui  sur  la 
scène  déployait  un  entrain  et  une  gaieté  commu- 
nicative,  se  montrait  dans  la  vie  privée  d'un  ca- 
ractère triste  et  mélancolique.  On  doit  du  reste 
attribuer  cet  état  à  une  maladie  de  foie  dont  il  était 
atteint,  et  qui  l'eût  probablement  enlevé  plus  tôt 
aux  nombreux  admirateurs  de  son  talent  sans  les 
soins  de  son  ami  le  docteur  Louyer-Villermet. 

E.  Cleder. 

Documents  particuliers. 

mons  {Jean-Baptiste  van),  chimiste  belge, 
né  à  Bruxelles,  le  11  novembre  1765,  mort  à 
Louvain,  le  6  septembre  1842.'  Fils  du  receveur 
du  grand  béguinage  de  sa  ville  natale,  il  fit  ses 
premières  études  dans  un  collège  de  la  Campine, 
puis  entra  comme  élève  dans  une  officine  de 
pharmacien.  A  l'âge  de  vingt  ans,  il  publia  un 


17 


Mom 


18 


Essai  sur  les  principes  de  la  Chimie  anti- 
phlogislique  ;  Bruxelles,  1785,  in-8°,  et  deux 
ans  plus  tard  il  subit  avec  distinction  les  épreu- 
ves de  la  maîtrise  en  pharmacie.  Dès  le  com- 
mencement de  l'insurrection  brabançonne,  il  se 
plaça  dans  les  rangs  du  parti  voncKiste,  et  peu 
die  temps  après  l'arrestation  du  général  van  der 
Mersch,  il  fut  lui-même  emprisonnée  Bruxelles, 
sous  l'inculpation  de  lèse-majesté  ;  mais  il  échappa 
heureusement  à  ce  premier  danger.  Les  armées 
françaises  ayant,  après  la  bataille  de  Jemmappe, 
occupé  la  Belgique ,  van  Mons  fut  élu  représen- 
tant du  peuple  ;  mais,  bien  qu'âgé  de  vingt-sept 
ans  seulement,  il  resta  pur  des  excès  de  cette 
époque.  En  janvier  1795,  il  fut  chargé  par  Bo- 
berjot,  envoyé  du  gouvernement  français,  de 
faire  des  recherches  sur  les  mines  de  la  Belgi- 
que ;  l'année  suivante,  il  devint  associé  de  l'Ins- 
titut national,  et  en  1797  professeur  de  chimie 
et  de  physique  expérimentale  à  l'École  centrale 
de  Bruxelles.  Il  concourut  à  la  même  époque  à  la 
rédaction  des  Annales  de  Chimie,  publiées  à 
Paris,  et  leur  fournit  la  traduction  de  nombreux 
mémoires  extraits  des  journaux  anglais,  italiens 
et  hollandais.  En  1801,  il  commença  à  faire  pa- 
raître à  Bruxelles  son  Journal  de  Chimie  et  de 
Physique,  recueil  périodique  qui  n'eut  que  deux 
ans  d'existence.  Pour  se  livrer  plus  entièrement 
à  ses  études  de  prédilection,  van  Mons  avait 
renoncé  à  l'exercice  de  la  pharmacie,  et  s'était 
fait  recevoir,  en  1807,  docteur  en  médecine  delà 
faculté  de  Paris.  Après  la  création  du  royaume 
des  Pays-Bas,  il  fut  nommé  membre  de  l'Aca- 
démie royale  de  Bruxelles,  et  en  1817  appelé  à 
la  chaire  de  chimie  et  d'agronomie  à  l'université 
de  Louvain.  Depuis  son  enfance  il  s'occupait 
avec  ardeur  de  la  culture  des  arbres  fruitiers  : 
ses  procédés  pour  leur  propagation  se  sont  ré- 
pandus jusqu'en  Amérique ,  et  la  Belgique  lui 
doit  les  magnifiques  pépinières  qu'elle  possède 
aujourd'hui.  L'université  de  Louvain  ayant  été 
supprimée  après  la  révolution  de  1830,  van  Mons 
fut  nommé  professeur  à  l'université  de  Gand  ; 
mais  il  n'accepta  pas  ce  nouvel  emploi,  et  fut 
admis  à  la  retraite  avec  le  titre  de  professeur 
émérite.  Nous  citerons  de  lui  :  Ceniura  Com- 
mentarii  a  Wicglebo  nuper  editi  de  Vaporis 
in  Aerem  Conversione  ;  Bruxelles,  an  ix,  in-4°; 
—  Théorie  de  la  Combustion  ;  Bruxelles,  an  x 
(1802),  in-8°; —  Principes  d'Électricité  ou 
confirmation  de  la  théorie  électrique  de  Fran- 
klin; Bruxelles,  an  xi  (1803),  in-8°;  —  Lettre 
à  Bucholz  ,  sur  la  formation  des  métaux  en 
général,  et  en  particulier  de  ceux  de  Davy, 
ou  essai  de  réforme  générale  de  la  théorie 
chimique;  Bruxelles,  1810,  in-8°;  —  Principes 
élémentaires  de  Chimie  philosophique,  avec 
des  applications  générales  de  la  doctrine  des 
proportions  déterminées;  Bruxelles,  1818, 
in- 1 2  ; —  (  avec  Bory  de  Saint- Vincent  et  Drapiez  ), 
Annales  générales  des  Sciences  physiques; 
Bruxelles,  1819-1821,  8  vol.  in-8°;  —  Pharma- 


copée usuelle,  théorique  et  pratique;  Lou- 
vain, 1821-1822,  2  vol.  in-8";  —  Conspectus 
Mixtionumchemicarum  ;  Louvain,  1827,  in-12; 

—  Materiei  medico-pharmaceuticx  Compen- 
dium  ;  Louvain,  1829,  in-8°  ;  —  Abrégé  de 
Chimie  à  Vusage  des  leçons;  Louvain,  1831- 
1835,  5  vol.  in-12;  —  Arbres  fruitiers,  leur 
culture  en  Belgique,  et  leur  propagation  par 
la  graine,  ou pomologie  belge,  expérimentale 
et  raisonnée;  Louvain,  1835-1836,  2  vol.  in-12. 
Il  a  traduit  et  annoté  les  Eléments  de  Philoso- 
phie chimique  de  Davy;  Paris,  1813-1816, 
2  vol.  in-8°.  Il  a  publié  comme  éditeur  :  Phar- 
macopœa  medici  praclici  universalis,  etc.,  de 
Swediaur,  avec  notes  et  additions;  Bruxelles, 
1817,  3  vol.  in-18.  Enfin,  on  trouve  des  tra- 
vaux de  van  Mons  dans  les  Mémoires  de  l'Ins- 
titut national  :  sciences  mathématiques  et 
physiques,  tom.  1er;  dans  le  Magasin  encyclo- 
pédique, et  dans  les  Mémoires  et  les  Bulletins 
de  l'Académie  royale  de  Belgique.  La  biblio- 
thèque de  ce  corps  savant  possède  de  Mons  plu- 
sieurs manuscrits  inédits.  E.  Regnard. 

Quetelet,  Notice  historique  sur  Jeun-Baptiste  van 
Mons,  dans  l'annuaire  de  i  Acad.  roy.  de  Bruxelles, 
1843,  p.  177.  —  A.  Poileau,  Notice  nécrologique  et  histo- 
rique sur  M.  van  Mons,  dans  les  annales  de  la  Société 
d' Horticulture  de  Paris,  XXI,  282.  —  Le  Livre  d'Or  de 
l'Ordre  de  Léopold,  II,  356.  —  L'Horticulteur  belge,   II, 

201. 

mons  {Louis- Augustin-Ferdinand  van  ), 
général  belge,  fils  du  précédent,  né  à  Bruxelles, 
le  23  février  1796,  mort  à  Liège,  le  31  mars  1847. 
Élève  de  l'école  militaire  de  Saint-Cyr  en  1812, 
il  entra  en  1814  dans  l'armée  des  Pays-Bas 
comme  sous-lieutenant  d'artillerie,  et  parvint  de 
grade  en  grade  à  celui  de  général  major  auquel 
il  fut  promu  en  1845.  Il  a  publié  :  Cours  élé- 
mentaire d'artillerie,  à  l'usage  des  jeunes 
officiers,  aspirants  et  sous-officiers  du  corps 
d'artillerie  belge;  Bruxelles,  1833,  in-12;  — 
Mémorial  à  l'usage  de  l'armée  belge,  ou  pré- 
cis sur  les  différentes  branches  de  l'art  mi- 
litaire; Bruxelles,    1835-1836,  2  vol.  gr.  in-8°  ; 

—  Manuel  d'armement  à  l'usage  des  troupes 
belges;  Bruxelles,  1836,  in-8°  :  adoptés  pour 
l'instruction  des  cadres  de  l'armée,  ces  ouvrages 
ont  eu  plusieurs  éditions.  E.  R. 

Dictionnaire  des  Hommes  de  Lettres  de  la  Belgique.  — 
Le  Livre  d'or  de  l'Ordre  de  Léopold,  il,  221. 

*  mons  (  Théodore  van  ),  jurisconsulte  belge, 
frère  du  précédent,  né  à  Bruxelles,  le  31  mars 
1801.  Entré  en  1830  dans  la  magistrature,  il  est 
depuis  1836  conseiller  à  la  cour  d'appel  de  sa 
ville  natale,  et  depuis  1 853  président  de  la  cour 
militaire.  Nous  citerons  de  lui  :  Pasicrisio,  ou 
collection  générale  de  la  jurisprudence  fran- 
çaise et  belge  depuis  1791,  classée  par  ordre 
chronologique  ;  ouvrage  formant  trois  séries,  la 
première  de  1 1  vol.  in-8°  et  la  seconde  de  30  vol. 
in-8°  ;  la  troisième  série  est  en  cours  de  publi- 
cation ;  —  Table  générale  alphabétique  de  la 
Jurisprudence  belge,  de  1814  à  1833;  Bruxel- 
les, 1835,  in-8°.  11  a  concouru  à  la  rédaction  de 


19 


MONS  —  MONSIGNORI 


20 


La  Jurisprudence  du  dix-neuvième  siècle, 

journal  fondé  à  Bruxelles  en  1827.  E.  R. 

Biographie  générale  des  Belges.   —  Le  Livre  d'or  de 

l'Ordre  de  Léopold,  I,  465.  —  Bibliogr.  de  la.  Belgique. 

monsalto  (José  Finestres  y),  juriscon- 
sulte espagnol,  né  le  11  avril  1688,  à  Barcelone, 
mort  le  17  novembre  1770,  à  Montfalca  de  Mo- 
senmeca,  village  de  Catalogne.  Après  avoir  été 
reçu  docteur  à  l'université  de  Cervera,  il  y  en- 
seigna le  droit  pendant  plusieurs  années.  Son 
profond  savoir  lui  fit  donner  le  surnom  de  Co- 
varruvias  catalan.  Il  s'occupa  surtout  d'éduca- 
tion publique,  visita  les  collèges  et  écoles  de  la 
province,  et  y  laissa  de  sages  règlements  qui 
furent  suivis  pendant  longtemps.  Il  ne  se  con- 
tenta pas  d'introduire  à  Barcelone  les  caractères 
grecs;  mais  il  contribua  aux  frais  nécessaires 
pour  en  doter  les  imprimeries.  On  a  de  lui  : 
Exercilationes  academicee  XII;  Cervera, 
1745,  in-4°;  —  In  Hermogeniani  juriscon- 
sulti  juris  epitomarum  libres  VI  commen- 
tarius  ;  ibid.,  1757,  2  vol.  in-4°:  ouvrage  estimé 
et  qui  contient  un  abrégé  historique  des  meil- 
leurs juristes  de  Catalogne;  —  Sylloge  Inscrip- 
tionum  Romanarum  quse  in  principatu  Ca- 
talaunise  vel  exstant  vel  aliquando  exstite- 
runt,  cum  «o#i5;  ibid.,  1760,  in-4°.  P. 

Camus,  Biblioth.  de  Droit. 

*  moxsklet  (  Charles  ),  littérateur  français, 
né  à  Nantes,  le  30  mars  1825.  Il  fit  ses  études 
dans  sa  ville  natale  et  à  Bordeaux.  Après  avoir 
écrit  des  articles  dans  Le  Courrier  de  la  Gironde, 
il  vint  à  Paris  en  1846,  et  fit  paraître  l'année 
suivante,  dans  V Époque  et  dans  La  Patrie,  deux 
romans.  Il  donna  des  articles  au  Pays,  au  Na- 
tional, à  YAthœneum,  à  la  Revue  de  Paris,  au 
Monde  illustré,  au  Constitutionnel,  etc. 
On  a  encore  de  M.  Monselet  :  Marie  et  Ferdi- 
nand, poème  ;  Bordeaux,  1842,  in-8°  ; —  Histoire 
du  Tribunal  révolutionnaire  ;  1850,  in-18;  — 
Statues  et  Statuettes;  1851,  in-18;  —  Rétif  de 
La  Bretonne;  1853,  in-12  :  il  a  essayé,  dans  ce 
livre,  de  réhabiliter  cet  auteur  qui,  comme  on  l'a 
dit,  «  écrivait  dans  la  boue  »  ;  —  Figurines  pari- 
siennes ;  1854,  in-16;  —  Les  Vignes  du  Sei- 
gneur (poésies);  1855,  in-16;  —  La  Franc- 
maçonnerie  des  Femmes,  roman  qui  a  paru  dans 
La  Presse,  en  1856,  6  vol.  in-8°;  —  La  Lor- 
gnette littéraire,  1857,  in-12  :  c'est  une  revue 
assez  piquante  des  écrivains  vivants  ;  —  Les 
Oubliés  et  les  Délaissés;  1857,  2  vol.  in-12; 
portraits  d'hummes  du  siècle  dernier  qui  ont 
d'abord  paru  dans  Le  Constitutionnel.  G.  i>e  F. 
Documents  particuliers.  —  Prarond,  De  quelques  Écri- 
vains nouveaux;  1852. 

moxsiau  (Nicolas-André),  peintre  fran- 
çais, né  en  1754,  à  Paris,  où  il  est  mort,  en  juillet 
1837.  Il  étudia  la  peinture  chez  Peyron,  et  fut 
reçu  comme  agrégé  à  l'Académie  royale  de  Pein- 
ture, en  1787,  après  avoir  exposé  au  salon  de 
cette  année  trois  tableaux  :  Alexandre  domp- 
tant (e  cheval  Encéphale;  la  Mort  de  Phocion; 


la  Mort  de  Caton  dytique.  Ce  peintre  fécond 
produisit  un  grand  nombre  de  scènes  histori- 
ques, dont  nous  ne  citerons  que  les  principales  : 
Mort  d'Agis,  salon  de  1789;  —  Zeuxis  cher- 
chant des  modèles,  1198;  —  Socraleet  Alci- 
biade  chez  Aspasie,  même  salon;  —  Adonis 
partant  pour  la  chasse,  1800;  —  Trait  su- 
blime d'amour  maternel  (le  lion  de  Florence), 
1801  ;  gravé  par  Cazeneuve;  —  Molière  lisant 
son  Tartufe  chez  Ninon,  1802;  gravé  par  An- 
selme; —  Mort  de  Raphaël  ;  —  L'Éducation 
de  V Amour  ;  —  Eponine  et  Sabinus  :  ces  trois 
tableaux  furent  exposés  en  1804  ;  un  prix  d'en- 
couragement fut  donné  pour  le  dernier  ;  —  As- 
pasie s' instruisant  avec  les  hommes  les  plus 
célèbres  d'Athènes,  1806; —  Poussin  recon- 
duisant le  cardinal  de  Massini,  même  salon!; 

—  Les  Comices  de  Lyon,  1808;  — Philoclèle 
dansJ'ile  de  Lemnos  ;  —  Trait  de  la  valeur 
d' Alexandre  (à  l'assaut  de  la  ville  des  Oxydra- 
ques);  —  L'Extase  de  sainte  Thérèse  :  ces 
trois  tableaux  furent  exposés  au  salon  de  1810; 

—  Prédication  de  saint  Denis;  1814,  est  dans 
l'église  de  Saint-Denis;  —  Couronnement  de 
Marie  de  Médicis  ;  1814  :  se  trouve  dans  la 
sacristie  de  1'égl1  se  de  Saint-Denis;  —  Alexandre 
et  Diogène,  1819  ;  est  au  château  de  Versailles  ; 

—  Dévouement  de  Belzunce,  évêque  de  Mar- 
seille, pendant  la  peste  de  cette  ville  ;  fait 
partiedu  musée  duLouvre;  —  Sainte  Cécile  en- 
tourée de  chrétiens,  1819;  —  Fulvie  décou- 
vrant à  Cicéron  la  conjuration  de  Caiïlina 
1822;  —  Aria  et  Pœtus,  1824;  —  Etablis- 
sement de  l'Ordre  de  Saint-Bruno,  à  Paris, 
1824;  —  Ajax  et  Ulysse  se  disputant  les 
armes  d' Achille,  1827;  — L' Éducation  du  duc 
de  Bourgogne,  même  salon;  —  Le  Chagrin 
monte  en  croupe  et  galoppe  avec  lui,  1833;  — 
Le  bon  Pasteur,  même  salon  ;  —  des  por- 
traits ,  des  dessins  pour  divers  ouvrages  de  li- 
brairie, entre  autres  pour  les  Œuvres  de  Delille. 
Cetartiste,  qui  peignait  avec  une  extrême  facilité, 
avait  pris  la  couleur  peu  agréable  de  son  maître , 
Peyron;  son  dessin  n'avait  pas,  non  plus,  la 
correction  désirable  ;  mais  ses  compositions  of- 
fraient du  mouvement  et  de  la  chaleur.  G.  de  F. 

Annuaire  des  Artistes  français,  1836.  —  Livrets  des 
salons. 

monsignori  dit  Bonsignori  (Francesco), 
peintre  de  l'école  de  Mantoue,  né  en  1455,  à 
Vérone,  mort  en  1519.  11  enlra  jeune  dans  râte- 
lier d'Andréa  Mantegna  à  Mantoue,  où  il  passa 
une  grande  partie  de  sa  vie,  protégé  et  comblé 
de  bienfaits  par  le  marquis  François  II  de  Gon- 
zague.  Il  n'égala  pas  son  maître  pour  la  pureté 
du  dessin  et  la  beauté  des  formes,  mais  il  ap- 
procha davantage  du  goût  moderne,  ayant  des 
contours  plus  pleins,  des  draperies  plus  larges, 
et  une  plus  grande  douceur  de  touche.  Il  avait 
peint  sur  toile  pour  l'église  des  Franciscains  Saint 
Louis  et  saint  Bernardin  soutenant  le  nom 
de  Jésus  entouré  d'une  auréole;  ce  tableau, 


21 


MONSIGNORI  —  MONSIGNY 


22 


fini  comme  une  miniature,  est  aujourd'hui  à 
Milan,  dans  le  musée  de  Brera.  Dans  la  fameuse 
église  de  la  Miidona  délie  Grazie,  à  cinq  milles 
de  Mantoue,  est  un  Saint  Sébastien,  qui  passe 
pour  le  chef-d'œuvre  de  ce  maître  (1).  Il  exécuta 
dans  le  palais  des  Gonzague  diverses  peintures; 
mais  bien  qu'il  en  ait  été  plusieurs  fois  prié  par 
son  protecteur,  il  se  refusa  toujours  à  traiter 
aucun  sujet  lascif.  On  voit  plusieurs  de  ses  ou- 
vrages à  Vérone,  tels  qu'une  Madone  à  fresque 
sur  la  façade  de  la  maison  Tafelli,  et  à  Sainl-Na- 
zaire-et-Saint-Celse,  un  tableau  très-estimé,  La 
Madone  entre  saint  Biaise  et  saint  Sébastien. 
Il  paraît  que ,  par  humilité  peut-être,  il  avait 
changé  lui-même  son  nom  de  Monsignori  en  celui 
de  Bonsignori,  car  à  Saint-Bernardin  de  Vérone, 
nous  trouvons  une  Madone  entourée  de  saints, 
tableau  signé  :  Francisais  Bonsignarius  ver. 
p.  mcccclxxxviu  ,  et  à  Saint-Fermo-Maggiore 
une  autre  Vierge,  avec  saint  Christophe  et 
saint  Jérôme,  signée  de  même,  mais  datée  de 
1484. 

Cet  artiste  excellait  dans  les  portraits,  et  il  fit 
ceux  de  tous  les  membres  de  la  famille  de  Gonza- 
gue,  et  d'un  grand  nombre  d'autres  personnages 
illustres  de  son  temps.  Il  n'excella  pas  moins  à 
peindre  les  animaux,  et  l'on  raconte  que  plu- 
sieurs fois  d'autres  animaux  y  furent  trompés. 
Atteint  de  la  maladie  de  la  pierre,  il  était  allé 
chercher  sa  guérison  aux  eaux  de  Caldero;il 
n'y  trouva  que  la  mort.  Le  marquis  de  Mantoue 
fit  rapporter  son  corps  à  Mantoue,  où  il  fut  en- 
seveli honorablement  par  la  confrérie  de  Saint- 
François.  C'est  à  tort  qu'Orlandi  fait  Monsignori 
frère  du  célèbre  architecte  frà  Giocondo;  Fran- 
cesco  n'eut  d'autres  frères  que  les  deux  religieux 
peintres  Chèrubino  et  Girolamo.    E.  B— n. 

Vasari,  f-'ite.  —  Orlandi,  Abbeecdario.  —  Baldinucci, 
NotUie.  —  Lanzi,  Storia  pittorica.  —  Ticozzi,  Diziona- 

(1)  Rien  n'est  d'une  vérité  plus  saisissante  que  l'ex- 
pression de  cette  ligure;  en  la  contemplant,  on  serait 
porté  à  croire  à  la  vérité  de  l'anecdote  rapportée  à  ce 
sujet  par  Vasari.  «  Le  marquis  de  Mantoue  étant  allé, 
selon  sa  coutume,  regarder  Monsignori  travaillant  à  ce 
tableau,  lui  dit  :  «  Francesco,  il  faut  prendre  un  beau 
modèle  pour  ce  saint.  —  J'ai,  répondit  Francesco,  un 
superbe  portefaix  que  je  lie  avec  des  cordes  afin  d'obtenir 
u.ne  pose  naturelle.  —  Cependant,  répliqua  le  marquis, 
ta,  figure  manque  de  vérité  et  de  mouvement.  Tous  les 
membres  de  ton  saint  devraient  exprimer  la  douleur  et 
l'effroi  qu'éprouve  nécessairement  un  homme  garrotté  et 
servant  de  but  à  des  flèches  ;  mais  si  tu  veux,  je  te  mon- 
trerai comment  tu  dois  opérer.  —  J'accepte  avec  em- 
pressemeBt,  dit  Francesco.  —  Eh  bien  ,  quand  tu  auras 
solidement  attaché  ton  modèle ,  avertis-mol ,  et  je  te 
donnerai  une  leçon.  ».  Le  lendemain,  Francesco  n'eut 
pas  plus  tôt  serré  les  liens  de  son  portefaix,  qu'il  fit 
appeler  secrètement  le  marquis,  dont  il  ignorait  enrore 
les  intentions.  Le  marquis  arriva  bientôt  ;  il  se  précipita 
avec  fracas  dans  l'atelier,  les  yeux  flamboyants  de  fureur, 
et  la  main  armée  d'une  arbalète  qu'il  dirigea  en  lui 
criant  à  tue-léte  :  «  Ah  !  traître,  tu  es  mort,  je  te  tiens 
donc  enfin!»  Epouvanté  par  ces  terribles  paroles,  le 
malheureux  patient  se  livra  aux  efforts  les  plus  déses- 
pérés pour  rompre  les  cordes  qui  le  retenaient.  La  con- 
traction de  son  visage  et  de  tous  ses  membres  exprimait 
avec  une  vérité  effrayante  l'horreur  de  la  mort.  Alors 
le  marquis  dit  tranquillement  a  Francesco  :  «  Le  voilà 
posé  convenablement,   le  reste  est  ton  affaire.  » 


rin.  —  G.  Snslnl.  Nuovo  Prospttlo  di  Maidova.  —  Ben- 
nassutl,  Guida  di  fero/ia.  —  Catalogua  du  musée  àe 
Brera. 

monsignori  (  Frà  Girolamo  ) ,  peintre  ita- 
lien, frère  du  précédent,  né  à  Vérone,  en  1458, 
mort  en  1518.  Comme  son  frère,  frà  Chèru- 
bino, il  eut  pour  maître  son  père  Alberto,  et  de- 
vint un  peintre  de  talent.  Il  appartenait  à  l'ordre 
des  Dominicains,  mais  par  humilité  il  ne  voulut 
jamais  être  que  frère  convers.  Très  simple  de 
mœurs,  et  tout  à  fait  étranger  aux  choses  de  ce 
monde,  «  il  habitait,  dit  Vasari,  une  ferme  de 
son  couvent,  située  au  milieu  de  la  campagne, 
loin  du  bruit  et  du  mouvement.  Il  employait  l'ar- 
gent qu'on  lui  envoyait  à  acheter  des  couleurs  et 
des  objets  de  première  nécessité,  et  mettait  le 
reste  dans  une  boîte  sans  couvercle  suspendue 
au  plafond  de  sa  chambre,  de  sorte  que  chacun 
pouvait  y  puiser.  Afin  d'éviter  l'ennui  de  songer 
chaque  jour  à  sa  nourriture,  il  faisait  cuire  le 
lundi  une  chaudronnée  de  haricots  pour  toute  la 
semaine.  »  Étant  allé  à  Milan  vers  1498,  il  y  fit  de 
La  Cène  de  Léonard  de  Vinci  une  excellente 
copie,  la  plus  parfaite,  au  dire  de  Lanzi,  qui  ait  été 
exécutée  d'après  ce  chef-d'œuvre;  elle  était  pla- 
cée dans  la  grande  bibliothèque  des  bénédictins 
de  Polirone  à  Mantoue.  Lors  de  la  suppression 
des  couvents  à  la  fin  du  siècle  dernier,  elle  fut 
vendue  un  louis  à  un  Français  et  transportée  à 
Paris,  où  on  en  a  perdu  la  trace.  Frà  Girolamo 
a  peint  le  même  sujet  à  une  abbaye  de  bénédic- 
tins dans  le  Mantouan,  et  à  Mantoue  au  cou- 
vent de  S.  Domenico,  pour  lequel  il  avait  com- 
mencé une  Passion  que  la  mort  ne  lui  per- 
mit pas  d'achever.  A  Mantoue ,  on  voit  de  lui 
dans  la  galerie  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  un 
Spasimo  très-pathétique;  et  à  Saint-Barnabe 
une  Madone  à  fresque,  composition  gracieuse , 
dans  laquelle  l'enfant  Jésus  est  vraiment  ra- 
phaélesque.  A  Sainte-Anastasie  de  Vérone,  on 
lui  attribue  quelques  fresques  accompagnant  le 
mausolée  de  Cortesia  Sarego.  Une  épidémie  ayant 
éclaté  à  Mantoue,  frà  Girolamo  ne  cessa  de  soi- 
gner ses  frères  avec  un  dévouement,  dont  il  fut 
victime  ;  atteint  par  la  contagion ,  il  mourut  à 
soixante  ans.  E.  B — «. 

Vasari,  Vite.  —  Orlandi,  Abbecedario.  —  Lanzi,  Storia 
pittorica.  —  Ticozzi,  Dizionario.  —  G.  Snsani,  Nuovo 
Prm.pet.to  di  Mantova.  —  Dennassuti,  Guida  délia  Città 
di  Verona. 

monsigny  (  Pierre-Alexandre  de),  compo- 
siteur lyrique  français,  né  le  17  octobre  1729, 
à  Fauquemberg,  bourg  de  Picardie,  près  Saint- 
Omer,  et  mort  à  Paris,  le  14  janvier  1817. 
Il  était  issu  d'une  ancienne  famille  noble  et  ori- 
ginaire de  Sardaigne.  Ses  ancêtres  étaient  venus 
s'établir,  au  commencement  du  seizième  siècle, 
dans  les  Pays-Bas,  où  ils  possédèrent  pendant 
longtemps  des  domaines  considérables;  mais 
leur  fortune,  après  s'être  peu  à  peu  amoindrie, 
se  trouvait  presque  entièrement  dissipée  lors 
de  la  naissance  de  Monsigny.  Son  père,  qui  oc- 
cupait un  emploi  à  Saint-Omer,  lui  fit  faire  ses 


23 


MONSIGNY 


24 


humanités  au  collège  des  jésuites  de  cette  ville. 
Un  des  pères  jésuites  ayant  remarqué  le  goût 
passionné  de  l'enfant  pour  la  musique ,  lui  en- 
seigna à  jouer  un  peu  du  violon.  On  dit  aussi 
que  le  jeune  Monsigny,  après  sa  sortie  du  collège, 
continua  l'étude  de  cet  instrument  sous  la  direc- 
tion du  carillonneur  de  l'abbaye  de  Saint-Bertin. 
Quelque  faibles  que  fussent  les  notions  musicales 
qu'il  avait  reçues,  elles  suffirent  pour  faire 
naître  chez  lui  le  sentiment  de  l'art  dont  il  de- 
vint une  des  gloires. 

A  l'âge  de  dix-huit  ans,  Monsigny  perdit  son 
père,  qui  en  mourant  lui  avait  fait  promettre 
d'être  l'appui  et  le  soutien  de  sa  mère,  de  sa 
sœur  et  de  ses  quatre  frères.  Il  dut  renoncer  à 
la  carrière  militaire,  qu'il  avait  eu  l'intention 
d'embrasser;  et  comme  la  province  ne  lui  offrait 
aucune  ressource,  il  vint  courageusement  à  Paris, 
où  il  obtint  un  emploi  dans  la  comptabilité  du 
clergé.  Monsigny  avait  alors  dix-neuf  ans.  Son 
nom,  son  amabilité,  ses  manières  distinguées , 
le  firent  accueillir  avec  bienveillance  dans  les 
sociétés  les  plus  brillantes  de  la  capitale.  Il  eut 
bientôt  de  nombreux  et  puissants  amis,  qui  l'ai- 
dèrent à  placer  ses  frères  (1),  et  son  modeste 
revenu  fut  alors  presque  entièrement  consacré 
à  assurer  une  position  convenable  à  sa  mère  et 
à  sa  sœur. 

Au  milieu  des  occupations  qu'exigeait  son  état, 
Monsigny  se  sentait  entraîné  par  un  penchant 
irrésistible  vers  la  musique.  Dès  son  arrivée  à 
Paris,  il  s'était  empressé  de  se  rendre  à  l'Opéra, 
où  Rameau  brillait  alors  de  tout  l'éclat  de  sa 
renommée.  Mais  les  grands  ouvrages  qu'on  y  re- 
présentait firent  sur  Monsigny  une  impression 
bien  différente  de  celle  qu'il  en  attendait;  il  n'y 
trouva  que  des  effets  étrangers  à  l'art  plein  de 
charme  qu'il  rêvait.  A  quelque  temps  de  là,  en 
1752,  une  troupe  d'opéra  bouffe,  composée  de 
quelques  chanteurs  italiens ,  fut  admise  à  faire 
entendre  sur  la  scène  de  l'Académie  royale 
de  Musique  la  Serva  Padvona,  de  Pergolèse, 
et  d'autres  partitions  d'intermède,  dont  les  mé- 
lodies gracieuses,  élégantes,  spirituelles,  sou- 
tenues par  une  instrumentation  bien  appropriée, 
excitèrent  l'admiration  des  gens  de  goût.  Mon- 
signy crut  entrevoir  la  réalisation  de  ses  rêves. 
Il  lui  venait  des  idées  musicales  qu'il  jetait"  sur 
le  papier;  mais  les  leçons  du  jésuite  et  du  ca- 
rillonneur de  Saint-Bertin  n'avaient  pas  été  suf- 
fisantes pour  le  mettre  en  position  d'accomplir 
le  vague  dessein  qui  semblait  germer  en  lui.  11 
prit  pour  maître  de  composition  un  contrebas- 
siste de  l'Opéra,  nommé  Gianotti ,  qui  lui  ensei- 
gna les  éléments  de  l'harmonie  d'après  les  prin- 
cipes de  la  basse  fondamentale.  Au  bout  de  cinq 
à  six  mois  d'étude,  Monsigny  se  trouva  en  état 
d'écrire  les  accompagnements  d'un  air,  et  ne  re- 
cula pas  devant  l'idée  de  composer  un  petit 

(1)  Son  frère  cadet  mourut  capitaine  au  régiment  de 
Beauce,  et  chevalier  de  Saint-Louis.  Ses  trois1  autres 
frères  occupèrent  diverses  places  dans  les  colcnies. 


opéra.  Secondé  dans  sa  résolution  par  le  plus 
heureux  instinct  et  par  le  goût  que  la  nature  lui 
avait  départi ,  il  écrivit  la  partition  des  Aveux 
indiscrets,  pièce  en  un  acte,  dont  il  fit  en- 
tendre les  principaux  morceaux  à  ses  amis; 
ceux-ci  le  pressèrent  de  donner  cet  ouvrage  à  la 
scène,  et  en  1759  Les  Aveux  indiscrets  furent 
représentés  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  de  la 
foire  Saint- Laurent  (1).  Malgré  l'immense  suc- 
cès qu'obtint  cet  essai ,  Monsigny  crut  devoir  à 
sa  position  de  ne  point  se  nommer.  L'année  sui- 
vante, il  donna  au  même  théâtre  Le  Maître  en 
Droit  et  Le  Cadi  dupé.  La  verve  comique  qui 
brille  dans  ce  dernier  ouvrage  fit  dire  au  poëte 
Sedaine,  après  avoir  entendu  le  duo  entre  le 
cadi  et  le  teinturier:  «  Voilà  mon  homme  1  »  et 
bientôt  il  se  lia  de  la  plus  vive  amitié  avec  Mon- 
signy, dont  il  devint  le  collaborateur.  Le  premier 
résultat  de  leur  association  fut  :  On  ne  s'avise 
jamais  de  tout.  Cette  pièce,  représentée  le 
17  septembre  1761,  eut  un  tel  succès  que  la 
Comédie-Italienne,  qui  déjà  s'alarmait  de  la 
vogue  obtenue  par  l'Opéra-Comique,  et  dont  les 
pièces  italiennes  commençaient  a  attirer  moins 
de  spectateurs,  sollicita  la  clôture  du  théâtre 
forain,  et  la  réunion  de  son  répertoire  au  sien; 
elle  l'obtint  en  1763,  mais  elle  eut  soin  d'incor- 
porer dans  sa  troupe  les  meilleurs  acteurs  de  l'an- 
cien Opéra-Comique ,  parmi  lesquels  on  remar- 
quait Clairval  et  Laructte.  Ce  fut  pour  ces  deux 
théâtres  réunis  en  un  seul  que  Sedaine  et  Mon- 
signy écrivirent  Le  Roi  et  le  Fermier,  opéra 
comique  en  trois  actes,  qui  fut  représenté  en 
1762.  Ce  fut  aussi  dans  cet  ouvrage,  où  la  ma- 
nière du  compositeur  s'agrandit,  que  le  talent  de 
Monsigny  se  révéla  au  public  et  peut-être  à  lui- 
même,  avec  cette  sensibilité  exquise,  cette 
expression  vraie  des  passions,  ce  pathétique  du 
cœur,  que  l'on  retrouve  plus  tard  à  un  degré  si 
éminent  dans  ses  autres  productions.  Les  deux 
collaborateurs  donnèrent  ensuite,  en  1764,  Rose 
et  Colas,  vrai  chef-d'œuvre  de  grâce  naïve. 
Après  les  deux  grands  succès  de  Le  Roi  et  le 
Fermier  et  de  Rose  et  Colas,  Monsigny  écrivit 
Aline,  reine  de  Golconde,  en  trois  actes,  qui 


(1)  A  cette  époque,  il  n'existait  à  Paris  que  trois  théâ- 
tres régulièrement  établis  :  l'Académie  royale  de  Mu- 
sique, la  Comédie-Française  et  la  Comédie- Italienne,  où 
l'on  représentait  des  pièces  en  italien,  d'autres  en  fran- 
çais et  quelques  pièces  en  vaudevilles.  Mais  à  côté  de 
ces  trois  théâtres  permanents  et  reconnus,  il  en  existait 
un  d'un  rang  inférieur,  qui  donnait  passagèrement  des 
représentations  aux  Foires  Saint-Germain  et  Saint-Lau- 
rent, et  qui,  sans  cesse  persécuté  par  les  grands  théâtres, 
auxquels  ils  payait  une  redevance,  étendit  peu  â  peu  son 
genre,  qui  ne  consistait  d'abord  qu'en  parades  et  en  vau- 
devilles. L'attrait  de  la  musique  avait  fait  intercaler  dans 
les  pièces  des  airs  nouveaux  ,  mais  en  trop  petit  nombre 
pour  constituer  la  comédie  lyrique.  Ce  ne  fut  qu'en  1753 
qu'on  y  représenta  la  comédie  à  arietles  intitulée  Les 
Truqueurs ,  paroles  de  Vailé,  musique  de  Dauvergne,  qui 
peut  être  considérée  comme  le  premier  opéra-comique 
français.  Duni  vint  ensuite,  et  enrichit  cette  scène  de  nou- 
velles et  charmantes  productions.  Philidor  débuta  la 
même  année  que  Monsigny,  et  également  sur  ce  théâ- 
tres, qui  /ut  le  berceau  du  genre. 


25 


MONSIGNY 


•26 


fut  représentée,  en  17GB,  à  l'Académie  royale 
de  Musique.  Ce  grand  ouvrage  y  fut  chaleureu- 
sement applaudi ,  mais  on  voit  que  le  composi- 
teur est  moins  à  son  aise  sur  cette  vaste  scène. 
Ce  n'est  plus  le  Monsigny  de  la  Comédie-Ita- 
lienne; là,  il  s'était  montré  réellement  créateur  : 
à  l'Opéra ,  malgré  le  charme  de  ses  mélodies ,  il 
n'est  plus  que  le  continuateur  d'une  école  qui 
n'avait  pas  ses  sympathies  et  à  laquelle  il  ne 
croyait  môme  pas. 

Jusque  alors  Monsigny  avait  gardé  l'anonyme. 
Cependant,  son  nom  qu'on  italianisait  en  l'appe- 
lant Moncini,  était  à  peu  près  connu  du  public. 
On  avait  fini  par  savoir  que  le  compositeur  était 
français.  Monsigny,  voyant  le  succès  de  ses  ou- 
vrages, chercha  à  s'affranchir  d'occupations  qui 
ne  lui  permettaient  pas  de  se  livrer  autant  qu'il  le 
désirait  à  l'art  qu'il  idolâtrait.  Il  quitta  en  1768 
la  place  qu'il  occupait  dans  le  bureau  des  comptes 
du  clergé  de  France,  et  acheta  la  charge  de 
maître  d'hôtel  du  duc  d'Orléans.  Les  fonctions 
de  cette  charge  étaient  sous  beaucoup  de  rap- 
ports assimilées  à  celles  des  gentilshommes  de 
la  maison  du  prince.  Leduc  d'Orléans  aimait  les 
arts  et  protégeait  ceux  qui  les  cultivaient.  Mon- 
signy, qu'il  avait  su  distinguer,  gagna  sa  con- 
fiance et  trouva  le  moyen,  dans  des  fonctions  qui 
lui  laissaient  le  plus  honorable  loisir,  de  rendre 
d'importants  services ,  en  obtenant  beaucoup  de 
grâces  pour  les  autres ,  et  en  ne  demandant  ja- 
mais rien  pour  lui.  Déjà  et  avant  son  admission 
chez  le  duc  d'Orléans,  Monsigny,  pour  lui  com- 
plaire, avait  composé  la  musique  d'une  pièce  en 
trois  actes1,  de.  Collé,  intitulée  L'Ile  sonnante, 
qui  fut  représentée  sur  le  petit  théâtre  de  so- 
ciété de  Villers-Cotterets.  Cet  ouvrage  ne  put 
réussir,  même  devant  un  auditoire  disposé  à  l'in- 
dulgence. Le  poëme  était  mauvais  ;  Sedaine  eut 
beau  le  remanier,  la  pièce  n'en  eut  pas  un  meil- 
leur sort  à  la  Comédie-Italienne,  où  elle  fut 
jouée  le  4  janvier  1768.  Mais  l'année  suivante 
Monsigny  prit  une  éclatante  revanche ,  en  don- 
nant sur  ce  théâtre  Le  Déserteur,  drame  en 
trois  actes,  où  le  talent  du  musicien  atteignit 
sa  plus  haute  portée.  Un  immense  progrès  s'é- 
tait accompli  dans  la  manière  du  compositeur 
depuis  ses  premiers  ouvrages.  Le  sentiment  pa- 
thétique, si  remarquable  dans  Le  Déserteur,  n'y 
exclut  pas  la  forme  musicale;  on  peut  dire  même 
que  sous  ce  dernier  rapport  plusieurs  mor- 
ceaux de  cet  opéra  ne  seraient  pas  mieux  com- 
binés si  la  musique  en  était  écrite  par  nos  maîtres 
les  plus  célèbres;  chez  Monsigny  l'instinct  et  le 
sentiment  avaient  suppléé  sans  désavantage  à  la 
science  acquise.  Il  donna  ensuite  Le  Faucon  , 
en  un  acte  (1771);  La  belle  Arsène,  en  trois 
actes  (1773),  Le  Rendez-vous  bien  employé, 
en  un  acte  (1776)  ;  et  Félix  ou  l'Enfant  de  la 
Forêt,  drame  en  trois  actes,  qui  fut  repré- 
senté pour  la  première  fois  le  24  novembre 
1777,  et  dans  lequel  se  trouvent  le  délicieux 
quintette  :  Finissez  donc,  monsieur  le  mili- 


taire; l'air  charmant  :  Qu'on  se  batte,  qu'on 
se  déchire;  et.  un  admirable  trio,  véritable  mo- 
dèle de  sentiment.  Félix  fut  le  dernier  ouvrage 
de  Monsigny.  Cependant  le  compositeur  était 
dans  toute  la  force  du  talent  et  de  l'âge,  puis- 
qu'il n'avait  pas  alors  plus  de  quarante-huit  ans; 
mais  un  de  ses  yeux  était  à  peu  près  perdu  par 
une  cataracte;  l'autre  était  très-faible  et  ne  pou- 
vait être  conservé  que  par  un  repos  absolu. 
Monsigny  dut  se  résigner.  Une  fois,  pourtant, 
il  fut  sur  le  point  de  succomber  à  la  tenta- 
tion :  Sedaine  lui  ayant  lu  le  poëme^de  Richard 
Cœur  de  Lion  ,  quïl  venait  de  terminer,  Mon- 
signy ne  put  résister  au  désir  de  traiter  un  sujet 
qui  lui  paraissait  si  favorable  à  la  musique  ;  mais 
les  médecins  lui  interdirent  de  nouveau  tout 
travail  sous  peine  de  perdre  complètement 
la  vue,  et  il  rendit  le  manuscrit  à  Sedaine  en 
l'engageant  à  le  confier  à  Grétry  ;  le  conseil  était 
bon.  Peu  à  peu  l'état  de  sa  vue  s'améliora; 
mais,  soit  qu'il  craignît  de  la  compromettre, 
soit  qu'il  eût  perdu  l'habitude  du  travail ,  soit 
enfin  que,  comme  il  le  disait  plus  tard  à  M.  Fé- 
tis,  il  ne  lui  fût  plus  venu  d'idées  musicales  de- 
puis son  dernier  opéra  de  Félix,  Monsigny  re- 
nonça, non  sans  regret,  à  la  carrière  qu'il  avait 
naguère  parcourue  avec  tant  d'éclat. 

Monsigny  n'avait  songé  à  se  marier  qu'à  près 
de  cinquante  ans  ;  il  avait  épousé  MIle  de  Ville- 
magne,  qui  était  plus  jeune  que  lui  de  vingt  ans, 
et  à  la  famille  de  laquelle  il  était  déjà  étroite- 
ment uni  par  les  liens  de  l'amitié  (1).  Il  vivait 
heureux  au  milieu  de  cette  famille  lorsque  la 
révolution  éclata.  Il  perdit  tout  ce  qu'il  possé- 
dait, ainsi  que  sa  place  dans  la  maison  d'Or- 
léans et  une  pension  de  2,000  francs  qu'il  tenait 
de  Louis  XV  et  que  Louis  XVI  lui  avait  con- 
tinuée. Il  se  retira  alors  dans  une  petite  maison 
du  faubourg  Saint-Martin  qu'il  quittait  quel- 
quefois pour  aller  à  la  Comédie-Ilalienne.  Il 
allait  s'asseoir  d'habitude  au  foyer,  où  il  ren- 
contrait d'anciens  amis;  bien  rarement  il  en- 
trait dans  la  salle,  et  semblait  être  devenu  in- 
différent à  l'art  qu'il  avait  tant  aimé.  Un  soir 
qu'il  était  à  sa  place  accoutumée,  une  loge 
étant  restée  entr'ouverte ,  quelques  sons  par- 
vinrent à  son  oreille  :  «  Mais  c'est  très-joli  ce 
que  j'entends  là ,  «  s'écria-t  il  en  s'adressant  à 
une  personne  qui  se  trouvait  à  ses  côtés.  »  —  «  Je 
le  crois  bien,  répliqua  son  interlocuteur,  on  joue 
en  ce  moment  Rose  et  Colas.  »  Monsigny,  dont  on 
ne  donnait  plus  que  très-rarement  les  ouvrages, 
qui  étaient  passés  de  mode,  avait  même  oublié 
sa  musique.  Les  comédiens  sociétaires  de  l'O- 
péra-Comique, connaissant,  son  état  de  gêne, 
prirent  une  généreuse  initiative,  et  lui  firent,  en 
1798,  une  pension  viagère  de  2,400  francs 
qu'ils  lui  offrirent  délicatement  en  éehange  de  la 
cession  de  ses  droits  d'auteur  sur  ses  ouvrages. 

(1)  Il  eut  de  ce  mariage  quatre  enfants  :  un  fils  et  une 
fille,  qui  étaient  les  aînés,  ont  seuls  survécu;  les  deux 
plus  jeunes  moururent  en  bas  âge. 


27 


MONSIGNY  —  MONSTIER 


28 


Peu  de  temps  après,  le  gouvernement  lui  ren- 
dit la  pension  de  2,000  francs  que  la  révolu- 
tion lui  avait  enlevée.  Puis,   en  1800,  Sarrette 

le  fit  nommer  à  l'une  des  places  d'inspecteur 
des  études  du  Conservatoire,  devenue  vacante 
par  la  mort  de  Piccini.  Monsigny  donna  dans 
cette  circonstance  une  preuve  de  sa  modestie 
et  de  son  désintéressement.  Il  s'agissait  à  cette 
époque  de  former  un  corps  de  doctrines  par  la 
publication  de  méthodes  destinées  à  l'enseigne- 
ment des  diverses  parties  de  l'art.  Les  inspec- 
teurs se  réunissaient  souvent  pour  discuter 
entre  eux  les  questions  théoriques.  Après  quel- 
ques séances,  Monsigny  alla  trouver  Sarrette  : 
«  Mais,  mon  ami,  lui  dit-il,  pourquoi  m'avez-vous 
donc  mis  là?  Il  faut  être  plus'  savant  que  je  ne 
le  suis  pour  un  pareil  emploi  qui  serait  bien  mieux 
occupé  par  un  autre.  »  Et  malgré  les  instances 
de  Sarrette,  il  se  démit  de  ses  fonctions,  aux- 
quelles était  attaché  un  traitement  de  6,000 
francs.  Quelques  années  plus  tard ,  Napoléon, 
assistant  à  une  représentation  du  Déserteur 
que  l'on  avait  remis  au  théâtre,  parut  enchanté 
de  cette  musique,  qu'il  entendait  pour  la  pre- 
mière fois.  Le  comte  Daru,  qui  se  trouvait  à 
son  côté  dans  la  loge  impériale,  s'intéressait 
beaucoup  à  Monsigny,  et  profita  de  l'occasion 
pour  parler  de  lui  :  «  Sire,  dit-il  à  l'empereur, 
l'auteur  serait  bien  heureux  s'il  savait  le  plaisir 
que  sa  musique  a  fait  à  Votre  Majesté.  —  Com- 
ment, est-ce  que  Monsigny  existe  encore  ?  — 
Oui  certainement ,  Sire.  —  Il  doit  être  bien 
âgé;  quelle  est  sa  position? —  Il  a  été  complète- 
ment ruiné  par  la  révolution ,  mais  Votre  Ma- 
jesté a  déjà  daigné  lui  faire  rendre  une  pension 
de  2,000  francs  qui  lui  avait  été  accordée  par 
Louis  XV.  —  Ce  n'est  pas  assez,  répliqua  l'em- 
pereur, vous  l'informerez  demain  que  sa  pen- 
sion est  portée  à  6,000  francs.  »  A  la  mort  de 
Grétry,  en  1813,  Monsigny  (ut  appelé  à  lui  suc- 
céder à  l'Institut.  Lors  de  la  Restauration,  il 
perdit  sa  pension  de  6,000  francs  ;  mais  le  duc 
d'Orléans  lui  en  fit  bientôt  obtenir  une  de  3,000 
francs,  et  en  1816  il  fut  décoré  de  la  Légion 
d'Honneur.  Parvenu  à  une  extrême  vieillesse, 
il  ne  jouit  pas  longtemps  de  ses  honneurs,  et  s'é- 
tfignit  doucement  le  14  janvier  1817,  à  l'âge 
de  quatre-vingt-huit  ans.  Ses  obsèques  furent 
célébrées  à  l'église  Saint  Laurent ,  a  quelques 
pas  du  lieu  même  où  l'on  voyait  encore  les  ves- 
tiges du  modeste  théâtre  forain  sur  lequel  Mon- 
signy, plus  de  cinquante  ans  auparavant,  avait 
préludé  à  ses  succès.  Outre  les  opéras  que  nous 
avons  cités,  Monsigny  en  a  laissé  deux  en  manus- 
crit; ces  deux  ouvrages,  en  un  acte,  ont  pour 
titre  :  Pagamin  de  Monègue  et  Philémon  et 
Baucis;  ils  avaient  été  composés  vers  1770. 
Dieudonné  Denne-Bàron. 

Choron  et  Fayolle,  Dicl.  hist.  des  musiciens,  —  Quatre- 
mère  de  (^uincy,  Notice  sur  Monsigny ,  lue  à  l'institut' 
—  Kétis,  Biographie  univ.  des  Musiciens  —  Notice 
hist.  sur  Monsigny,  par  Ad.  Adam,  dans  la  Renne  con- 
temporaine. —  P.  Hédouin,  Mosaïque;  Paris,  18S6. 


monson  (sir  William),  marin  anglais,  né 
en  1569,  mort  en  février  1642,  à  Kinnersley 
(comté  de  Surrey  ).  Il  interrompit  ses  études  à 
Oxford  pour  s'embarquer,  à  l'rnsu  de  ses  pa- 
rents ;  à  dix-huit  ans  il  commandait  un  bâti- 
ment de  la  marine  royale,  et  à  vingt  il  prenait 
part,  avec  le  titre  de  vice-amiral,  à  l'expédition 
des  Açores  dirigée  par  le  comte  de  Cumberland. 
En  1591,  à  la  suite  d'un  sanglant  combat,  il 
tomba  au  pouvoir  des  Espagnols,  et  fut  conduit 
en  Portugal,  où  il  resta  deux  ans  prisonnier.  Il 
reprit  néanmoins  du  service,  seconda  puissam- 
ment le  comte  d'Essex  lors  de  la  prise  de  Ca- 
dix (  1594),  et  fut  créé  chevalier.  Sous  le  règne 
de  Jacques  Ier,  il  ne  remplit  d'autre  charge  que 
celle  d'amiral  de  la  Marche  (  narrow  seas  ) 
et,  de  1604  à  1616,  il  eut  plus  d'une  fois  l'occa- 
sion de  réprimer  les  agressions  des  Hollandais. 
Malgré  ses  loyaux  services,  il  subit  un  court 
emprisonnement  à  la  Tour,  disgrâce  que  lui 
attirèrent  ses  plaintes  sur  le  mauvais  état  de  la 
marine  et  l'incurie  des  ministres.  Après  s'être 
prononcé  contre  les  expéditions  d'Alger,  de  Ca- 
dix et  de  l'île  de  Rhé,  dont  l'issue  'fut  égale- 
ment malheureuse,  il  commanda  en  16.35  la 
Hotte  destinée  à  combattre  les  Français  et  les 
Hollandais.  Ce  fut  dans  sa  retraite  de  Kinnersley 
qu'il  rédigea  les  Naval  tracts,  que  Churchill  a 
publiés  dans  sa  Collection  qf  voyages.      K. 

Campbell.  Lives  of  the  liritish.  Admirais. 
MONSTIER  (Artur  dv),  hagiographe  fran- 
çais, né  à  Rouen,  en  1607,  mort  en  1662.  Il  entra 
chez  les  Récollets  de  la  province  de  Saint-Denis. 
Sa  vie  fut  tout  entière  consacrée  aux  études  his- 
toriques. Son  style  est  diffus,  mais  les  renseigne- 
ments qu'il  donne  sont  exacts.  On  a  de  lui  :  plu- 
sieurs Vies  de  saints  et  de  bienheureux,  insérées 
dans  les  Flores  Sancîorum  de  Ribadeneira;  — 
La  Piété  Jrançoise  envers  la  sainte  Vierge 
Notre-Dame  de  Liasse  ;  Paris ,  1637,  in-8°; 
réimprimée  sous  le  titre  de  De  la  Dévotion  des 
François  envers  la  Vierge,  avec  la  Vie  de 
sainte  Lucrèce,  vierge  et  martyre;  ibid.;  — 
De  la  Sainteté  de  la  monarchie  .française, 
des  rois  très-chrétiens  et  des  enfants  de 
France  ;  Paris,  1638,  9  livres,  in-fol.  et  in-8°; 
—  Martyrologium  franciscanum  ;  Paris , 
1638  et  1653,  in-fol.;  —  Sacrum  Gynseceum, 
seu  Martyrologium  amplissimum ;  Paris, 
1657,  in-fol.  ;  — Neustria  Pia,  seu  De.  omni- 
bus et  singulis  Abbatiis  et  Prioratibus  tolius 
Normannix,  etc.  ;  Rouen,  1663-1665,  3  vol. 
in-fol  Cet  ouvrage  est  devenu  fort  rare.  Il  de- 
vait former  cinq  volumes;  l'auteur  mourut  lors- 
que le  troisième  paraissait.  Les  deux  premiers 
tomes  :  Neustria  Christiana ,  Irailent  des  pré- 
lats normands;  le  troisième,  Neustria  Sancta, 
des  sainls  de  la  Neustrie  ;  les  deux  derniers  vo- 
lumes sont  restes  manuscrits  dais  la  bibliothèque 
des  Récollds  de  Rouen.  A.  L. 

Le  1*.  I.elonp: ,  Bibliothèque  des  Histoires  de  France, 
t.  11.  —  W'dddlng,  De  Script,  écries.  —  Le  l'.Jean  de  Saint- 
Antoine,  Bibtioth.  univ.   Francise.,  t.  1,  p.  143  et  ssq. 


29 


MONSTRELEÏ 


30 


monstrelet  ( Enguerrand  de),  chroni- 
queur français  du  quinzième  siècle,  né  vers  1390, 
moitié  20  juillet  145:5.  On  possède  peude  détails 
sur  sa  vie.  Le  nom  de  Monstrelet  est  celui  d'un 
village  de  Picardie,  aujourd'hui  Montrelet,  situé 
près  de  Doullens.  Selon  Carpentier,  historien  du 
Cambrésis,  cette  terreauraiteu  pour  seigneur,  dès 
1125,  un  Enguerrand  de  Monstrelet;  d'où  serait 
descendu  le  chroniqueur.  M.  Quicherat ,  d'a- 
près une  autorité  qu'il  ne  désigne  pas,  le  donne 
comme  «  un  bâtard  de  bonne  maison,  natif  du 
comté  de  Boulogne  ».  Monstrelet  se  déclare 
lui-même  issu  de  noble  génération.  M.  Ravenel  a 
découvert  et  publié  de  nos  jours  des  lettres  de 
rémission  accordées  en  1424 ,  par  Henri  VI , 
roi  de  France,  et  d'Angleterre,  en  faveur  d'un 
écuyer  nommé  Enguerrand  de  Monstrelet,  ac- 
cusé d'avoir  détroussé,  sur  la  grande  route,  des 
marchands  dans  les  environs  d'Abbeville.  Le 
coupable ,  désigné  dans  ces  lettres  ,  était  capi- 
taine de  Frencq  et  servait  sous  les  ordres  de 
Jean  de  Luxembourg,  comte  de  Saint-Paul.  Ces 
divers  traits  paraissent  convenir  parfaitement  à 
notre  chroniqueur.  En  1430,  Monstrelet,  tou- 
jours attaché  à  Jean  de  Luxembourg,  se  trou- 
vait à  Compiègne,  et  remplissait  vraisembla- 
blement quelque  office,  comme  celui  de  bailli, 
demi-civil  et  demi-militaire.  Revêtu  de  cette 
qualité,  il  vit  la  Pucelle  à  Compiègne,  lorsque 
cette  héroïne  fut  prise  par  les  Bourguignons.  En 
racontant  cet  épisode ,  il  atteste  qu'il  fut  per- 
sonnellement témoin  de  l'entrevue  du  duc  de 
Bourgogne  avec  l'illustre  prisonnière.  De  1436 
à  1440,  Monstrelet  fut  lieutenant  du  gavenier 
de  Cambray  -ou  percepteur  de  la  gave,  sorte 
de  redevance,  que  les  églises  de  Flandre  payaient 
au  comte,  pour  sa  protection.  Il  exerça  ensuite 
la  charge  de  prévôt  de  Cambray  et  prêta  ser- 
ment, comme  tel,  le  9  mars  1444.  Le  12  mars 
de  l'année  suivante,  il  réunit  à  cet  emploi  celui 
de  bailli  de  Walincourt.  Il  mourut  à  l'âge  de 
soixante-trois  ans,  et  fut  inhumé  aux  Cordeliers 
de  Cambray.  De  son  mariage  avec  Jeanne  de 
Valbuon,  il  laissa  une  rille,  Bonne  de  Monstrelet, 
qui  épousa  Martin  de  Beaulaincourt,  écuyer  (1). 

Dans  son  état  le  plus  étendu,  la  Chronique  de 
Monstrelet  ne  se  compose  que  de  deux  livres.  Le 
premier  s'étend  de  l'an  1400,  ou  environ  (terme 
où  s'arrête  Froissart) ,  à  l'an  1422.  Le  second 
commence  à  cette  dernière  date,  avec  le  règne 

(1)  Le  portrait  de  Monstrelet  a  été  gravé  par  M.  de 
Larmessin ,  d'après  un  original  inconnu,  mais  qui  parait 
digne  de  conliance.  On  trouvera  celte  curieuse  effigie 
dans  l'ouvrage  Intitulé  :  Académie  des  Sciences  et  des 
Arts,  contenant  les  vies  et  les  Élnues  historiques  des 
hommes  illustres  qui  ont  excelle  en  ces  professions  de- 
puis environ  quatre  siècles,...  avec  leurs  pourlraits 
tirez  sur  des  orlyinanx  au  naturel,  etc.,  par  Isaac 
Bullarl;  Bruxelles,  168*.  î  vol.  pet.  In-fol.;  t.  I.  p.  188.  Il 
existe  uue  réduction,  plus  récente,  de  celle  gravure.  I.e 
manuscrit  8299,6,  f°  1,  contient  aussi  uue  repré^enlalion  d. 
Monslielet.  Cette  figure  a  été  recueillie  connue  portrait 
par  Gaignières  ;  Rois  et  Reines,  1461  1515  feuillets,  52  el 
5»  bis  ).  Mais  l'original  (  exécuté  vers  1600  )  ne  saurait 
offrir  aucune  valeur  iconographique. 


de  Charles  Vil,  et  se  continue  jusqu'en  1444. 
Ces  deux  livres  seuls  sont  l'œuvre  authentique 
de  Monstrelet.  Le  troisième  livre ,  que  présen- 
tent beaucoup  d'éditions,  tant  manuscrites  qu'im- 
primées, constitue  une  suite  ou  appendice,  plus 
ou  moins  développé,  ajouté  à  l'auteur  principal 
parles  libraires.  Ce  troisième  livre  (de  1444  à 
1467)  appartient  à  Mathieu  de  Coucy  ou  d'Es- 
couchy,  l'un  des  nombreux  élèves  ou  continua- 
teurs de  Monstrelet. 

Les  principaux  manuscrits  de  cet  ouvrage 
sont  les  suivants,  qui  tous  se  conservent  à  la  bi- 
bliothèque impériale  de  Paris  :  l°Ms.  8347,  5,  5, 
Olim  Colbert  3186;  celui-ci  est  le  plus  ancien, 
et  paraît  remonter  à  la  première  moitié  du 
quinzième  siècle.  2°  Ms.  suppl.  franc.,  n°  93; 
écrit  en  1459;  chacun  de  ces  deux  textes  ne 
contient  que  le  premier  livre.  3°  S345,  4°  8346, 
qui  renferment  les  deux  livres.  Les  suivants 
présentent  les  trois  livres  savoir  :  5°  Ms.  8299, 
5,  Colbert  19;  écrit  vers  1500.  6°  Ms.  8299,  6, 
Colbert  20;  7°  La  Vallière  32.  Ce  dernier  fut 
exécuté,  en  1510,  à  Gènes,  pour  François  de 
Rochechouart ,  gouverneur  de  cette  place  au 
nom  de  Louis  XII.  Il  est  orné  de  nombreuses 
miniatures  d'une  grande  beauté,  mais  qui,  par 
leur  date  tardive,  forment  avec  le  texte,  autant 
d'anachronismes  (1).  Indépendamment  de  ces 
exemplaires,  tous  insuffisants  et  seuls  connus  en 
France,  nous  en  signalerons  deux  autres  :  1°  Ms. 
de  la  bibliothèque  de  Leyde,  provenant  d'Isaac 
Vossius;  ce  volume  est  orné  de  peintures  sur 
vélin  des  plus  remarquables,  exécutées  dans  les 
Pays-Bas  sous  le  règne  de  Philippe  le  Bon  ;  2°  Ms. 
du  BritishMuseum(iwy.  Willem  ain,  Monuments 
français  inédits,  1839,  in-fol.,  t.  III,  page  10). 

La  première  édition  impiimée  de  Monstrelet 
est  celle  qu'a  donnée  sans  date,  en  deux  tirages, 
Vérard,  vers  la  fin  du  quinzième  siècle.  L'un  et 
l'autre  tirage  comprend  les  trois  livres,  de 
1400  à  1467,  en  trois  volumes  in-folio,  gothi- 
que. On  trouve  au  département  des  impri- 
més de  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris 
ua  exemplaire  sur  vélin  du  deuxième  tirage, 
enrichi  de  385  miniatures.  Viennent  ensuite  : 
l'édition  de  Jean  Petit  et  Michel  Lenoir,  sans 
date,  3  tomes  petit  in-folio  golhique;  l'ouvrage 
est  ici  continué  jusqu'en  1498,  et  celle  de  Re- 
gnault,  3  vol.  in-fol.,  15 1 8,  continué  jusqu'en 
1516.  Une  mention  spéciale  est  due  à  celle  de 
Denis  Sauvage;  Paris,  1572,  3  vol.  in-fol.;  re- 
produite par  Métayer,  1595,  3  vol.  in-fol.  M.  Da- 
cier,  avaut  la  révolution  française,  avait  pré- 
paré une  nouvelle  édition  de  Monstrelet.  Mais 
cette  œuvre  est  de  celles  que  cet  académicien 
laissa  inachevées.  De  nos  jours,  M.  Buchon  a 
mis  à  contribution  ces  divers  matériaux.  On  lui 
doit  plusieurs  éditions  récentes  de  ce  chroni- 
queur. La  dernière  est  celle  du  Panthéon  lit- 

(1)  Un  spécimen  de  ces  peintures  se  trouve  au  tom.  III 
(  seizième  siècle  ),  dans  la  Paleograp/ae  universelle  de 
MM.  Sylvestre  et  Champollion  Mgeac. 


31  MONSTRELET  —  MONTAGNA. 

téraire,  1837  et  années  suivantes,  1  vol.  grand 
in-8°.  Monstrelet  a  été  également  traduit  et  im- 
primé en  Angleterre  par  Jolines,  éditeur  de  Frois- 
sarl.  Toutes  ces  impressions  et  notamment  la  der- 
nière édition  française,  sans  notes,  sans  table, 
pleine  d'erreurs  et  de  lapsus,  pour  les  noms 
d'hommes,  de  lieux,  etc.,  sont  indignes  de  l'é- 
tat actuel  de  la  science  et  des  justes  exigences 
de  la  critique.  Guidée  par  ces  motifs,  la  Société 
de  l'Histoire  de  France  a  récemment  confié  à 
M.  Douët  d'Arcq  le  soin  de  donner  un  nouveau 
texte  de  Monstrelet.  Cet  ouvrage,  en  cours  de 
publication  depuis  1857,  comprendra  seulement 
les  deux  livres  authentiques,  et  formera  sept  vo- 
lumes in-8°. 

On  reproche  à  la  Chronique  de  Monstrelet 
d'être  un  panégyrique  de  son  seigneurie  comte 
de  Saint-Paul.  L'indépendance  du  caractère,  dif- 
ficile dans  tous  les  temps,  se  rencontre  rare- 
ment parmi  les  chroniqueurs  du  quinzième  siè- 
cle ,  attachés  presque  tous  à  la  personne  d'un 
patron  et  d'un  maître.  En  dehors  de  ce  qui 
touche  à  Jean  de  Luxembourg,  Monstrelet  ma- 
nifeste, en  général,  une  équité  de  jugement  qu'il 
serait  injuste  de  méconnaître,  il  supplée  d'ail- 
leurs à  la  justice  de  ses  appréciations  par  une 
abondance  de  notions  et  de  témoignages,  qui  lui 
tiennent  lieu  d'impartialité.  Monstrelet  succède 
immédiatement ,  et  sans  faire  trop  pauvre 
figure,  à  Froissait.  Il  est  le  père  véritable  et  di- 
rect de  toute  une  école  de  chroniqueurs  bour- 
guignons du  quinzième  siècle.  G.  Chastelain, 
Wavrin,  Fenin,  Saint-Remi,  P.  Cochon,  Coucy 
et  beaucoup  d'autres  recueils,  anonymes,  ont  été 
imités,  continués  d'après  Monstrelet,  ou  formés 
de  sa  substance.  A.V. — V. 

La  Chronique  d'Enguerrand  de  Monstrelet  en  deux 
livres  avec  pièces  justificatives,  1400-1444,  publiée  pour 
la  Société  de  l/Jistoire  de  France  par  L.  Douët  d'Arcq, 
tome  !•',  préface.  —  Qutcherat,  Procès  de  la  l'uceUe, 
t.  IV,  p.  860.  —  J.  Ch.  Rrunet,  Manuel  du  Libraire,  etc. 

montauioli  (  Cassiodoro ),  érudit  italien, 
né  le  5  février  1698,  à  Modène,  où  il  est  mort, 
en  mai  1783.  Il  prit  en  1717  l'habit  de  Saint- 
Benoît  dans  la  congrégation  du  Mont-Cassin,  et 
quitta  en  1756  le  couvent  de  Polirone  pour  aller 
habiter  une  maison  de  son  ordre  à  Modène.  11 
professa  la  philosophie  pendant  plusieurs  an- 
nées et  fut  appelé  à  diverses  fonctions  monasti- 
ques. Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Eserctzi 
di  celesti  ajfetti,  trattidal  libre  de'  Salmi; 
Home,  174'2  ;  —  Truttato  pralico  delta  earità 
cristiana  in  quanto  è  amor  verso  Dio;  Bo- 
logne, 1751,  et  Venise,  1761;—  Enchiridio 
evangelico;  Modène,  1755;  —  Maniera  facile 
ai  meditare  cou  frutto  le  massime  cris- 
ttane;  Bologne,  1759,2  vol.  in-12; — Santo 
Mauro,  abbate  ;  Bologne,  1766;  —  Detti, 
Pratiche  e  Hkordi  diS.  Andréa  Arellino;  Ve- 
nise, 1771  ;  —  Parabole  del  figliuol  d)  Dio; 
Plaisance,  1772;  —  Il  dïvino  sermone  nel 
monte;  Rome,   1779.  P. 

Ditionario  Hassttnese. 


32 


montauna  (Benedetlo),  peintre  de  l'école 
vénitienne,  né  à  Vicence,  mort  vers  1435.  Bien 
qu'imitateur  des  Bellini,  il  paraît  avoir  été  élève 
d'Andréa  Mantegna.  Il  peignit  l'histoire  et  le  por- 
trait avec  un  égal  succès,  et  travailla  surtout  pour 
sa  ville  natale.  A  la  Madonna-delMonte-Berico, 
près  Vicence,  dans  le  réfectoire  du  couvent,  était 
le  chef-d'œuvre  de  ce  maître,  une  Adoration  des 
Mages  signée  Benedictus  Montagna  pinxit  a  ' 
di  primo  giuglio  MCCCCXXV111.  Ce  chef- 
d'œuvre  a  été  mis  en  pièces  en  1848  par  les 
Autrichiens, qui,  à  Vicence,  comme  dans  tout 
l'état  Lombard-Vénilien,  ont  traité  les  objets 
d'art  avec  une  barbarie  qu'on  ne  saurait  assez 
flétrir.  Le  musée  de  Brera  à  Milan  possède  une 
Madone  avec  saint  Pierre,  saint  Paul, 
saint  François  et  saint  Antoine  de  Padoue, 
tableau  qui  porte  la  même  date  que  le  précé- 
dent. E.  B— n. 

iUdolfl,  rite  degli  illustri  Pittorl  Veneti  e  délia  Stato. 
—  Morelll,  Notizia.  —  G.-B.  Ilerti.  Nuova  Guida  per  k'i- 
cenza.  —  Catalogue  du  Musée  de  Brera. 

montagna  (  Bartolommeo),  peintre  de  l'é- 
cole vénitienne,  lils  du  précédent,  né  à  Vicence, 
existait  encore  en  1507. 11  eutpourmaître  Andréa 
Mautegna.  Si  dans  ses  ouvrages  on  peut  être  cho- 
qué de  l'emploi  des  dorures,  dans  tout  le  reste  il 
se  montre  l'égal  des  bons  peintres  de  son  temps. 
Son  dessin  a  de  la  correction  ;  ses  nus  sont  vrais 
et  bien  rendus;  son  coloris  est  riant,  et  ses 
figures  d'anges  sont  remplies  de  grâce.  11  en- 
tendait bien  l'architecture  et  la  perspective, 
comme  en  fait  foi  un  tableau  aujourd'hui  au 
musée  de  Milan  :  La  Madone  sur  un  trône , 
avec  saint  André,  sainte  Monique,  saint  Si- 
gismond,  sainte  Ursule  et  trois  anges  jouant 
des  instruments.  Ce  tableau  est  signent  daté  de 
1499.  Lanzi  lui  donne  de  grands  éloges,  ainsi 
qu'à  un  autre  représentant  La  Madone  et  deux 
saints,  qui  est  à  l'Académie  des  Beaux- Arts  de 
Venise.  Les  ouvrages  de  ce  maître  étaient  très- 
nombreux  dans  l'Etat  de  Venise,  et  bien  que 
plusieurs  aient  disparu  à  la  fin  du  siècle  dernier, 
on  peut  encore  en  citer  une  assez  grande  quan- 
tité. Ainsi,  à  Vicence,  nous  trouvons  La  Vierge 
avec  sainte  Monique  et  la  Madeleine  proster- 
nées devant  l'enfant  Jésus  ;  —  la  Présentation 
de  Jésus-Christ  au  temple  ;  —  Saint  Joseph 
et  d'autres  saints  adorant  Jésus,  fresque  pres- 
que détruite;  —  Madeleine,  saint  Jérôme, 
sainte  Monique  et  saint  Martin,  composition 
pleine  de  noblesse  ;  —  La  Vierge  avec  saim 
Barthélémy,  saint  Augustin  et  saint  Sé- 
bastien. Près  de  Vicence,  à  la  Madonuawji- 
Monte -Berico,  une  Piété  est  signée  :  Opiu 
Bart/iolommei  Montagna  M  CCCCC  V  avrile 
A  Vérone,  il  a  peint  à  fresque  dans  une  cha 
pelle  de  l'église  Saint  Nazaire-et-Saint-Celse 
quatre  sujets,  fort  ruinés  aujourd'hui,  tiré 
de  la  vie  de  saint  Biaise.  Padoue  possède  i 
l'église  du  séminaire  un  des  meilleurs  ou 
vrages  de  Montagna,  La  Vierge  sur  un  Iran 


33 


MONTAGNA  — 


avtc  saint  Pierre,  saint  Paul,  saint  Jean- 
Baptiste,  sainte  Catherine  et  deux  anges.  A 
la  Chartreuse  «le  Pavie  est  un  tableau  plein  de 
grâce,  La  Vierge  et  deux  saints.  Enfin  au 
Bnusée  de  Berlin,  une  antre  Madone  <lo  Mon- 
hgna  porte  la  daté  <ie  1500.  E.  B— n. 

VtMrii  I  tt*  —  RlitolU,  )  tte  tleali  illtistrt  l'ittori 
teiwti.  —  i.aml.  —  Ttooixi.  —  P.  Paoolo,  Xuora  cuida 
ilt  Podor.i.  iiennassuti,  Gvtdu  di  f'erona.  —  G.-B. 
IUtII,  (.Miilil  |vr  >  IMMI, 

hom'au.w  (  Benedetto),  graveur  italien, 
parent  des  précédents,  ne  vers  1  -ï >"> S ,  àVicence, 
mort  en  1530,  à  Vérone.  Il  fut  sinon  relève,  du 
moins  l'imitateur  de  Giovanni  Bellini,  et  tra- 
vailla presque  toujours  à  Venise,  où  il  se  tit 
surtout  remarquer  par  le  tableau  qu'il  tit  pour 
l'église  île  Sainte-Marie  d'Artona.  11  avait  atteint 
l'âge  tnûr  lorsqu'il  entreprit  de  graver  ses  prin- 
cipales compositions;  quoique  ses  travaux  eu 
M  genre  soient  un  peu  durs,  empâtés  et  rappel- 
lent le  style  gothique,  ils  ont  acquis  un  certain 
prix  aux  yeux  des  amateurs.  La  plupart  portent 
ses  initiales  ou  môme  sa  signature  entière,  />Y- 
nedetto  Montagna.  Nous  citerons  Le  Sacrifiée 
d'Abraham;  une  Sainte  Famille;  L'Homme 
assis  près  d'un  palmier  ;  V Enlèvement  d'Eu- 
rope ;  Apollon  et  Midas  ;  Les  deux  Musiciens, 
La  Vierge  dans  un  paysage,  etc.  Cet  artiste  a 
aussi  gravé  beaucoup  d'estampes  pour  différents 
ouvrages  de  son  temps.  P. 

Ttcoizl,  Dizionafio.  —  Huber  et  Rosi,  Manuel  des 
Curieux,  III,  49.  —  Bartseh,  L»  Peintre  gravtur,  Mil. 
—  Hrulllot.  Met.  des  Monogrammes,  II,  u°  S6S.  —  Re- 
nouvler,  Tvpts  des  MaUres  graveurs. 

montagnac  (  Lucien- François-Joseph  , 
baron  de  ) ,  officiel1  supérieur  français ,  né  le 
17  mai  1803,  à  Pouru-aux-Bois,  près  Sedan,  tué 
le  22  septembre  1845,  à  SidiBrahim  (Algérie). 
Issu  d'une  ancienne  famille  militaire  (  vou.  Gain 
se  Montaio.nac  ) ,  il  entra  en  1815  à  l'Ecole  de 
Saint-Cyr,  fut  nommé  sous- lieutenant  d'infan- 
terie en  1821,  et  prit  part  a  la  campagne  de 
1823  en  Espagne.  Sa  courageuse  conduite  pen- 
dant l'insurrection  qui  les  5  et  6  juin  1839  en- 
sanglanta Paris,  l'avait  désigné  pour  la  croix 
d'Honneur;  mais,  au  moment  où  il  fut  appelé 
pour  la  recevoir  des  mains  du  roi,  il  la  refusa, 
en  disant  «  qu'il  n'avait  pas  encore,  assez  fait 
pour  la  mériter  ».  Plus  tard  il  donna  une  nou- 
velle preuve  de  l'élévation  de  son  caractère. 
Cité,  dans  un  ordre  du  jour,  pour  un  acte  de 
courage  qui  appartenait  à  l'un  de  ses  camara- 
des, il  protesta  publiquement  et  reporta  l'hon- 
neur du  fait  sur  celui  à  qui  il  était  dû.  Nommé 
capitaine  en  1836,  il  passa  en  Algérie,  et  se 
distingua  dans  les  expéditions  de  Teniah,  d'O- 
ran,  de  Medeah,  deMilianahet  de  Constantine; 
en  1840  il  reçut  la  croix  d'Honneur,  et  en  1842 
il  fut  signalé  quatre  fois  dans  les  ordres  du 
jour  de  l'armée.  Élevé  au  grade  de  chef  de 
bataillon  (18  juillet  1841),  il  fit,  dans  le  combat 
du  17  juin  1843,  une  chute  malheureuse  qui  lui 
brisa  le  bras  près  du  poignet,  et  lui  ôta  pour  tou- 
jours l'usage  de  la  main  droite.  Après  avoir  été 

M0UV.   BIOCK.   CÉNITR.    —  T.   XXXV). 


MONTAGNANA  34 

nomme  lieutenant-colonel  (  10  mars  184»  ),  il  fut 
investi  du  commandement  supérieur  du  camp 
de  Djemma-Ga/.aoual,  petit  port  de  la  frontière 
du  Maroc.  Appelé  par  de  perfides  indications  à 
protéger,  contre  une  prétendue  irruption  d'Abd- 
el-Kader,  une  tribu  voisine,  il  quitta  le  camp, 
pour  n'y  plus  rentrer,  dans  la  nuit  du  2t  sep- 
tembre 1845,  emmenant  avec  lui  trois  cent  cin- 
quante-cinq chasseurs  à  pied  du  8'*  bataillon, 
soixante-cinq  cavaliers  du  "'hussards,  deux,  sol- 
dats du  train  et  un  interprète.  Engagea  dans  un 
piège,  écrases  par  des  forces  supérieures,  qu'ani- 
mait la  présence  d'Abdel- Kader.  plus  de  quatre 
cents  hommes  succombèrent  api  es  des  prodiges  de 
valeur.  Le  colonel  de  Monlagnac,  qui  marchait 
à  la  tète  de  l'avant-garde,  tomba  l'un  des  pre- 
miers. «  Je  pleure  cet  officier,  disait  de  lui  le 
duc  de  Nemours;  il  n'en  était  pas  de  plus  brave 
et  de  plus  intelligent  (1).  »  K. 

/  r-  Moniteur  universel,  septembre  1845.  —  Moniteur 
de  l'armée,  1845.  —  L'.Jrdennais,  16  octobre  1845. 

MONTAUNAC.   Voy.  GAIN  DE  MoNTAIGNAC. 

MON'i'AGNANA,  famille  de  médecins  italiens, 
dont  les  plus  connus  sont  : 

Barlolommeo,  ué  vers  1400,  à  Montagnana, 
petite  ville  dont  il  prit  le  nom,  professa  la  mé- 
decine à  Bologne  et  à  Padoue  ;  il  ne  parait  pas 
avoir  vécu  au  delà  de  1460.  Il  a  écrit  :  Concilia 
Medica,  édita  Padiuv  anno  1436  ;  s.  I.  n.  d. 
(  Mantoue  ou  Padoue,  vers  1475),  in-fol.  go- 
thique à  2  col.  ;  une  réimpression  non  moins 
rare  date  de  1476  ,  on  en  connaît  d'autres  édi- 
tions, faites  à  Venise  (1497),  à  Lyon  (1525),  à 
Francfort  (1604)  et  à  Nuremberg  (1652);  — 
De  Bal  nets  Patavinis  ;de  Composition  et  Dosi 
Medicinarum  ;  Padoue,  1556. 

Pietro ,  frère  du  précédent,  est  auteur  d'un 
traité  De  Urinarum  Judiciis;  Padoue,  1487, 
in-4°. 

Bartolommeo ,  fils  ou  neveu  du  chef  de  la 
famille,  mort  le  1 1  mai  1525,  à  Venise ,  s'établit 
en  1508  dans  celte  ville,  après  avoir  pendant 
longtemps  occupé  une  chaire  à  l'université  de 
Padoue.  On  a  de  lui  :  Besponsa  reparanilx 
conservandieque  sanitatis ;  De  Pestilentia,  et 
plusieurs  autres  opuscules. 


(1)  Des  traits  d'un  courage  héroïque  ont  signalé  le  dé- 
sastre de  Sun- Ki-.iiiiiu  (  c'est  le  nom  du  marabout  où  les 
Français  s'étalent  retranchés!.  Après  que  les  hommes 
des  deux  compagnies  formant  le  centre  eurent  été  tous 
tués,  les  quatre-vingts  carabiniers  survivants  résistèrent 
pendant  deux  jours,  sans  eau,  s;ms  vivres,  à  toutes 
les  attaques  des  Arabes.  Ces  malhenreni  n'avalent  entre 
eux  qu'une  bouteille  d'absinthe  ;  Ils  furent  forcés  de  boire 
leur  urine  pour  apaiser  leur  soif  ;  privés  de  munitions  ils 
coupèrent  en  quatre  leurs  dernières  balles.  Abd-el-Ka- 
der,  qui  dirigeait  lui-même  cette  attaque,  adressa  plu- 
sieurs lettres,  écrites  en  français,  à  ces  braves  pour  leur 
promettre  la  vie  sauve  s'ils  consentaient  à  se  rendre  ; 
ils  refusèrent.  Vers  le  soir  du  second  Jmir,  le  capitaine 
(ïéraux,  seul  oflicler  qui  n'eût  pas  élé  tué,  sortit  avec 
ses  soldats  du  marabout  pour  se  diriger  sur  Djemma- 
Gazaouat.  Parvenue,  après  des  efforts  prodigieux,  à  une 
lieue  environ  du  camp,  cette  petite  troupe  enta  traverser 
un  ravin  rempli  de  Kabyles,  te  fut.  un  nouveau  massacre 
auquel  dix  hommes  seulement  échappèrent. 


35  MONTAGNANA 

Barlolommeo,  fils  du  précédent,  auteur  d'un 
traité  De  Morbo  Gallico,  inséré  par  Luvigini 
dans  le  recueil  De  Morbis  Venereis. 

Marco-Antonio ,  fils  du  précédent,  mort -en 
1572,  professa  de  1545  à  1570  la  chirurgie  et 
l'anatomie  à  Padoue,  et  publia  De  Herpete, 
Phagedscna,  Gangrena,  Sphacelo  et  cancro ; 
Venise,  1559.  in-4°. 

Pietro,  frère  du  précédent,  mort  trois  mois 
après  lui,  en  1572,  lui  succéda  en  1570  dans  la 
chaire  de  chirurgie.  Outre  des  Tables  anatomi- 
ques  en  couleur,  on  cite  de  lui  un  opuscule  :  De  j 
Vulneribus  et  Ulceribus. 

Angelo,  mort  le  24  octobre  1678,  enseigna 
depuis  1637  la  médecine  à  Padoue.  C'est  le  der- 
nier représentant  de  cette  famille.  P. 

Papadopoli,  Historia  Gymnasii  Patav.,  I.  —  Manget, 
Biblioth.  Scriptor.  Medicormn.  —  Tirabosclii,  Storia 
délia  Letter.  Ital. 

montagne  (  Jacques  de  ),  magistrat  fran- 
çais, né  vers  1530,  au  Puy,  mort  à  Montpellier. 
Nommé  en  1555  avocat  général  en  la  cour  des 
aides  de  Montpellier,  il  adopta  les  principes  de 
la  réforme,  et  prit  une  part  active  aux  troubles 
qui  en  1561  éclatèrent  dans  cette  ville.  En  1575 
il  devint  président  de  la  même  cour,  et  en  1576 
il  reçut  des  lettres  de  noblesse.  On  a  de  lui  : 
Histoire  delà  Religion  et  de  l'État  de  France 
depuis  la  mort  de  Henri  II  jusqu'au  com- 
mencement des  troubles  de  1560  ;  s.  1.  (Genève), 
1 565,  in-8°  ;  c'est  un  fragment  d'une  volumineuse 
Histoire  (ras.)  del 'Europe depuis  Ibtâjusqu'en 
1587,  dont  il  ne  reste  plus  qu'un  livre,  le  XIVe, 
conservé  à  la  Bibliothèque  impériale.       P.  L. 

Haas;  frères,  La  France  Protestante. 

*  montagne  (  Jean-François-Camille  ) , 
botaniste  français,  né  le  15  février  1784,  à  Vau- 
doy  (  Seine-et-Marne  ).  Fils  d'un  chirurgien,  qui 
lelaissa  orphelin  dès  l'enfance,  il  parvint  presque 
sans  maîtres,  faute  de  moyens  pour  les  payer,  à 
corriger  tant  bien  que  mal  le  défaut  d'éducation 
résultat  des  événements.  A  quatorze  ans  il 
s'engagea  dans  la  marine  ;  admis  comme  novice 
timonier  et  dirigé  sur  Toulon,  il  fit  partie  de 
l'expédition  d'Egypte,  et  passa  dans  les  bureaux 
de  l'administration.  En  1802  il  revint  en  France 
avec  l'armée  qui  avait  capitulé  à  Alexandrie,  et 
se  livra  avec  ardeur  à  l'étude  de  la  médecine. 
Nommé  chirurgien  (1804),  puis  attaché  à  l'hôpi- 
tal militaire  de  Boulogne-sur-Mer,  il  fut  envoyé 
en  1806  à  l'armée  de  Naples,  et  obtint  en  1808  le 
grade  de  chirurgien  major  dans  un  régiment  de  la 
garde  royale.  Chargé  en  1814  du  service  chirur- 
gical de  la  garde  royale  de  Murât,  il  fut  désigné 
en  1815  pour  prendre,  avec  le  titre  de  chirurgien 
en  chef,  la  direction  du  service  de  santé  de  l'armée 
de  ce  roi.  A  la  suite  d'une  campagne  désastreuse, 
les  Français,  malgré  l'engagement  pris  par  les 
Autrichiens  de  respecter  leur  liberté,  furent  tous 
faits  prisonniers  de  guerre  et  emmenés  au  fond 
de  la  Hongrie,  dans  la  forteresse  d'Arad.  En  1816 
il  leur  fut  permis  de  rentrer  dans  leur  patrie.  Après 


-  MONTAGNE  3g 

avoir  exercé  la  médecine  à  Paris,  M.  Montagne  fut 
rappelé  au  service  en  qualité  de  chirurgien  ma- 
jor (1819);  il  prit  part  à  la  campagne  d'Espagne, 
et  sa  conduite  pendant  le  siège  de  Pampelune 
lui  valut  la  croix  d'Honneur.  En  1830  il  fut  mis 
à  la  tête  de  l'hôpital  militaire  de  Sedan.  Deux 
ans  plus  tard,  il  obtint  sa  retraite,  et.  s'établit  à 
Paris.  Depuis  longtemps  son  goût  le  portait 
vers  l'étude  des  plantes.  Pendant  qu'il  était  au 
service,  il  visita  successivement  la  Lorraine,  les 
Vosges,  l'Espagne,  la  Bretagne,  les  îles  d'Hyères, 
les  environs  de  Lyon,  les  Pyrénées  et  les  Ardennes, 
et  y  put  moissonner  d'amples  récoltes  de  plantes 
nouvelles  ou  rares.  Mais  de  retour  a  Paris ,  il 
trouva  les  éludes  cryptogamiques,  auxquelles  il 
s'était  particulièrement  adonné,  presque  aban- 
données en  France,  ou  du  moins  négligées  à  ce 
point  que  les  voyageurs  naturalistes  étaient  obli- 
gés, pour  faire  dénommer  et  décrire  les  nom- 
breuses espèces  de  végétaux  cellulaires  qu'ils  rap- 
portaient des  pays  lointains,  de  les  adresser  à 
des  savants  de  Suède,  d'Allemagne  ou  d'An- 
gleterre. C'est  ce  qui  était  arrivé  à  MM.  Gaudi- 
chaud  et  Auguste  de  Saint-Hilaire,  tous  deux 
membres  de  l'Académie  des  Sciences.  Soutenu 
par  l'ambition  d'être  utile,  M.  Montagne  se  dé- 
voua à  cette  branche  de  la  botanique,  et  lui  con- 
sacra dix  heures  par  jour  pendant  vingt  années  ; 
il  introduisit,  décrivit  et  figura  en  grande  partie 
près  de  deux  mille  espèces,  et  pour  arrivera  ce 
résultat  il  entretint  une  correspondance  des  plus 
actives  avec  les  principaux  botanistes  de  l'Eu- 
rope et  de  l'Amérique.  Ce  travail  opiniâtre  trouva 
enfin  sa  récompense  :  après  avoir  eu  sept  voix  en 
1837  comme  candidat  à  l'Académie  des  Sciences, 
il  fut  élu  en  1852  à  la  presque  unanimité,  en 
remplacement  d'Achille  Richard.  Le  8  avril  1858 
il  reçut  la  croix  d'officier  de  la  Légion  d'Honneur. 
On  a  de  M.  Montagne  :  Notice  sur  les  Plantes 
cryptogames  récemment  découvertes  en 
France,  insérée,de  1832 à  1837,  dans  \esArc/ii- 
ves  de  Botanique  (  Iet  II  )  et  les  Annales  des 
Sciences  naturelles  (  2S  série,  I,  V  et  VI  )  ;  — 
Détermination  des  Champignons,  dans  le  Voyage 
aux  Indes  Orientales  de  Bélanger,  en  1825- 
1829;  —  Prodromus  Florse  Fernandcsiame, 
sistens  enumerationem  plantarum  cel/ula- 
riumquasin  insulaJuan  Fernandez  a  Bertero 
collectas  describit,  dans  les  Ann.  des  Se.  nat. 
(  2e  série,  lit  et  I V  )  ;  —  Observations  sur  un 
champignon  entomochtone,  ou  histoire  botani- 
que de  la  muscardine,  dans  le  Recueil  des  Sa- 
vants étrangers  ;  —  Huit  Centuries  de  plantes 
cellulaires  exotiques  nouvelles,  dans  les  Ann. 
des  Se.  nat.  (1837-1858,  t.  VIII  à  XX,  et  3e  sé- 
rie, t.  IV  et  sniv.,  avec  pi.);  —  Des  organes 
mâles  du  Targionia,  même  recueil  1838,  IX); 

—  Cryptogames  Brasilienses  ab  Augusto  Sainû- 
Hilaire  collectse,  même  recueil  (1839.  XI);  — 
Recherches  sur  la  structure  du  nucleus  du 
genre  Sphœrophorus  de  la  famille  des  lichens, 
même  recueil  (  1840,  XV);  —  Phyceae  novœ 


87 

au/  minus  notx,  dans  les  Otia  Hispanica  de 
15.  Webb(1839);  —  Plantx  cellulnres  ,  dans 
la  Phytographia  Canariensis  de  Webb  et  de 
Berthelot;  1840,  în-40,  avec  10  pi.  col.;  —  Cryp- 
togamx  Nilgherienses,  dans  les  Ann.  des  Se. 
nal.  (  1842,  XVII  et  XVIII);  —  Cryploga- 
wie,  dans  VHistoriafisica  de  la  isla  de  Cuba 
tleRamondeLaSagra;  Paris,  1838-1842,  in-8°, 
avec  atlas  in-fol.;  —  Décades  offungi,  dans  le 
London  Journal  of  Bolany  (.1844,  III);  — 
Mémoire  sur  le  phénomène,  de  la  coloration 
des  eaux  de  la  mer  Rouge,  dans  les  Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  Se.  (1844)  ;  — Plantes 
cellulaires,  dans  le  Voyage  au  pôle  sud  de 
Dumont  d'Urville(1842-lS45,  in-8°,  avec  atlas); 

—  Cryptogames  cellulaires,  dans  le  Voyage 
de  La  Bonite  (1844-1846,  in-8°);  —  De  Capno- 
dio,  novo  génère,  dans  les  Annales  (1849,  XI); 

—  Crypîogamia  Guyanensis,  même  recueil 
(1850,  XIV);—  Criptogamia,  tomes  VII  et  VIII 
de  l'Historia  fisica  de  Chile  de  Cl.  Gay,  in-8°, 
avec  atlas  (1850)  ;  —  Algues,  dans  X Explora- 
tion scientifique  de  l'Algérie  (1850);  —  Ser- 
tum  Patagonicum  et  Florula  Boliviensis, 
dans  le  Voyage  dans  l'Amérique  méridionale 
d'Alcide  d'Orbigny  ;  —  Sylloge  generum  spe- 
cierumque  Cryptogamarum  ;  Paris,  1853,in-4°, 
avec  planches.  M.  Montagne  a,  en  outre,  fourni 
de  nombreux  mémoires  à  divers  recueils  scienti- 
fiques et  les  articles  généraux  Cryptogames, 
Hépatiques,  Lichens,  Mousses  et  Algues  au 
Dictionnaire  d'Histoire  naturelle  de  Ch.  d'Or- 
bigny. —  M.  Montagne  est  un  de  ces  hommes  d'é- 
lite qui  ont  conservé  jusqu'à  l'extrême  vieillesse 
toute  la  vigueur  de  l'esprit  et  qui,  par  l'intelli- 
gence et  le  cœur,  honorent  le  plus  Phumanité. 

Docum.  partie. 
MONTAGNE.  Voy.  PlATTENBERG. 

montag.mni  (  Carlo-Ignazio  ),  comte  de 
Miiubeilo,  diplomate  piémontais ,  né  à  Trino 
(  Montferrat),  le  12  mai  1730,  mort  à  Turin,  le 
19  août  1790.  Fils  d'un  notaire,  il  fit  ses  études 
et  son  droit  à  Turin,  où  il  fut  reçu  docteur,  en 
1752.  En  1753  le  comte  Martini  de  Cigala  l'en- 
voya à  Vienne  (  Autriche  )  liquider  la  succession 
du  général  Baloria.  En  1773  le  roi  de  Sardaigne, 
Victor-Amédée  III,  l'ennoblit  avec  le  titrede  comte 
de  Mirabello.  En  1775  il  était  ministre  plénipo- 
tentiaire à  la  diète  de  Ratisbonne,  et  en  1778  à 
La  Haye,  auprès  du  stathouder  Guillaume  V.  De 
retour  dans  sa  patrie  (1790)  il  fut  nommé  vice- 
président  des  archives  et  chevalier  de  Saint- 
Maurice.'Il  mourut  quelques  mois  plus  tard.  On  a 
de  lui  :  Pro  Monarchia  ;  Vienne,  1755  :  l'auteur 
y  soutient  que  l'état  monarchique  est  le  seul  qui 
puisse  assurer  le  bonheur  des  peuples;  —  Es- 
sai sur  l'Avantage  de  connaître  le  caractère 
des  peuples  et  leurs  goûts,  pour  le  gouver- 
nement d'un  État  ;  1756;  —  Lettre  sur  l'ex- 
pédition du  roi  de  Prusse  (  Frédéric  II  )  en 
Moravie  ;  Vienne,  11  juillet  1758;  —Essai 
pour  servir  à  l'étude  du  droit  de  la  nature 


MONTAGNE  —  MONTAGU  38 

et  des  gens  ;  1759  ;  —  Sur  le  Moyen  de  régler 
ses  études  avec  profil;  1761  (en  italien)  ;  — 
Sur  la  Politique  en  général  ;  Vienne,  1762  ;  — 
Refutatio  de  Juribus  Vicariorum  /mperii; 
Vienne,  1763,  in-4°;  —  Réflexions  sur  les 
Voyages  politiques  d'un  prince;  Vienne,  1765; 
—  De  la  Souveraineté  prétendue  des  Génois 
sur  toute  la  Ligurie  ;  1766;—  Réflexions  sur 
les  affaires  de  Pologne;  Vienne,  1767  ;  —  Sur 
J'exequatur  des  bulles  des  papes;  sur  son 
origine  et  ses  limites  dans  les  États  catho- 
liques ;  1769  :  écrit  plein  de  recherches  et  de 
sens; —  Sur  les  Lois  adoptées  par  les  prin- 
ces catholiques  contre  les  corporations  reli- 
gieuses ;  1770;  —  Esprit  de  Cicéron  sur  les 
gouvernements;  ili à;  —Sur  le  Code  primi- 
tif et  conventionnel  des  nations  en  fait  de 
commerce  et  de  marine  ;  1780;  —  Sur  la  Tac- 
tique moderne  ;  1782;  —  un  grand  nombre 
d'écrits  inédits,  conservés  à  la  bibliothèque  royale 
de  Turin.  A.  d'E  — p — c. 

mojvtaGiVCOli  (  Giovanni  -  Domenico  ) , 
théologien  italien,  né  à  Batignano  (  territoire  de 
Sienne  ),  vivait  dans  la  première  moitié  du  dix- 
septième  siècle.  Moine  dominicain  ,  il  se  distin- 
gua par  une  piété  austère  ainsi  que  par  son  at- 
tachement à  la  doctrine  de  saint  Thomas.  On  a 
de  lui  :  Defensiones  philosophicx  angelicx 
ThomisticRS  ;  Venise,  1609,  in-fol.;  cet  ouvrage 
revu  et  augmenté  parut  sous  le  même  titre  en 
1610àNaples.  P. 

Échard  et  Quétif,  Script.  Ord.  Prssdicat.,  II,  337. 

*  moxtagnt  (Etienne),  sculpteur  français, 
né  à  Saint-Étienne  (Loire  ).,  le  17  juin  1816. 
Élève  de  Rude  et  de  David  d'Angers,  il  ne  se  fit 
connaître  qu'au  salon  de  1849,  où  une  statue  en 
plâtre  de  Saint  Louis  de  Gonzague  lui  valut 
une  médaille  de  troisième  classe  ;  cette  statue  fît 
aussi  partie  de  l'exposition  universelle  de  1855. 
On  vit  ensuite  de  cet  artiste  :  au  salon  de  1850, 
une  statue  de  la  Vierge,  plâtre;  à  celui  de  1853, 
L'Enfant  prodigue,  statue  en  marbre  pour  la- 
quelle il  reçut  une  médaille  de  deuxième  classe 
et  qui  fit  partie  aussi  de  l'exposition  universelle 
de  1855;  à  cette  dernière  exposition,  La  Roule 
du  ciel,  stalue  en  plâtre  :  une  nouvelle  médaille 
de  troisième  classe  fut  donnée  à  M.  Montagny  à 
cette  exposition  ;  au  salon  de  1857,  Saint  Louis 
roi  de  France,  statue  en  marbre,  pour  laquelle 
il  reçut  une  médaille  de  première  classe  ;  au 
salon  de  1859,  La  Vierge  et  l'Enfant,  slatue  en 
plâtre  pour  la  grande  église  de  Saint-Étienne 
(Loire).  Ilaexécuté  aussi,  en  1859,  une  statue  en 
pierre  de  La  Vierge  et  l'Enfant  Jésus,  pour 
Msr  Devoucoux,  évêque  d'Évreux,  dont  la  ré- 
duction au  tiers  parut  au  salon  de  la  même  an- 
née, etXe  Génie  de  la  Fort  une,  groupe  en  pierre 
pour  le  palais  du  Louvre,  place  Napoléon. 
M.  Montagny  a  fait,  en  outre,  un  assez  grand 
nombre  de  portraits  en  bustes  et  en  médail- 
lons. G.  de  F. 

Documents  partie. 

2. 


39 


MOJNTAGU  —  MONTAGUE 


40 


MONTAGU  (Basile) ,  jurisconsulte  anglais,  né 
le  24  avril  1770, à  Londres,  mortl.e  27  novembre 
1851,  à  Boulogne-sur-mer  (Fiance).  Fils  naturel 
du  quatrième  comte  de  Sandwich ,  il  fut  élevé 
'  par  ses  soins,  et  fréquenta  l'école  de  Charter- 
nouse,  puis  l'université  de  Cambridge.  Ayant 
perdu  son  père  en  1792,  et  dépouillé  par  un  pro- 
cès de  la  fortune  qu'il  lui  avait  laissée,  il  s'ap- 
pliqua à  l'étude  du  droit,  et  fut  admis  en  1798  au 
barreau.  En  1806  il  obtint  de  lord  Ersliine  une 
place  de  commissaire  aux  faillites  (commission- 
ner  of  bankrupts)et  laconserva  une  dizaine  d'an- 
nées. Montagu  passait  pour  un  médiocre  avocat, 
mais  pour  un  praticien  instruit  et  fort  expert;  ses 
ouvrages  sont  fort  nombreux;  nous  n'en  cite- 
rons que  les  principaux  :  Dig  est  ofthe  Ban  krupt 
Laws,  wïtha  collection  of  the  statutes  and  of 
the  cases  upon  that  subject;  Londres,  1805, 
4  vol.  in-8°  :  ce  manuel,  devenu  classique,  a  eu 
un  grand  nombre  d'éditions  ;  —  Sélections  from 
the  works  of  Taylor,  Hooker,  Hall  and  lord 
Bacon,  ivith  an  analysis  ofthe  advancement 
of  learnïng;  Londres,  1805,  in-12;  —  The 
Opinions  of  différent  au t hors  on  the  punish- 
ment  of  death;  Londres,  1809-1813,  3  vol. 
in-8°.  La  publication  de  cet  ouvrage  donna  lieu 
à  l'auteur  de  former  une  société  pour  1  aboli- 
tion progressive  de  la  peine  de  mort  ;  de  concert 
avec  Samuel  Romilly,  Wilberforce  et  d'autres 
philanthropes,  il  demanda  que  cette  peine  ne  fût 
plus  applicable  aux  crimes  commis  sans  vio- 
lence, et  ses  efforts  furent  couronnés  de  succès  ; 

—  Inquiries  into  the  effects  of  fermented 
liquors,  by  a  water-drinker  ;  Londres,  1814, 
in-8°;  —  Law  and  practice  in  Bankrvptcy  ; 
Londres,  3  vol.  in-8°  ;  —  The  works  of  Fran- 
cis Bacon;  Londres,  1825-1834,  16  vol.  in-8"  : 
le  t.  XVI,  qui  est  en  deux  parties,  contient  la 
Vie  de  Bacon,  travail  utile ,  sinon  bien  écrit; 

—  Essays  and,  sélections;  Londres,  1837, 
in-12  ;  —  The  Law  and  practice  of  parliamen- 
tary  Elections;  Londres,  1839,in-8°,  avec  John- 
son Neale.  Montagu  a  laissé ,  dit-on,  une  cen- 
taine de  volumes  en  manuscrit.  P.  L. 

The  English  Cyclopxdia  (  Biogr.  ) 

montague  (  Sir  Edward),  magistrat  anglais, 
né  à  Bridgstock  (comté  de  Northampton),  mort 
le  10  février  1556,  dans  le  même  comté.  Il  était 
de  la  même  famille  que  les  comtes  d'Halifax  et 
de  Manchester.  Après  avoir  exercé  la  profession 
d'avocat,  il  entra  à  la  chambre  des  communes,  et 
ne  tarda  pas  à  y  acquérir  une  grande  influence 
sur  l'esprit  de  ses  collègues.  S'il  faut  s'en  rap- 
porter à  Collins,  contredit  sur  ce  point  par  Hume 
et  d'autres  historiens ,  il  aurait  présidé  la  cham- 
bre lorsqu'en  1523  fut  proposée  et  rejetée  presque 
aussitôt  une  demande  de  subsides  faite  par 
Henri  VIII.  Le  roi,  qui  avait  un  pressant  be- 
soin d'argent,  manda  sir  Edward ,  et  lui  dit  d'un 
ton  irrité  :  «  Eh  quoi,  l'ami!  ils  ne  veulent  pas 
admettre  mon  bill?  S'il  n'est  pas  passé  demain, 
ajouta-t-il  en  mettant  la  main  sur  la  tête  du  , 


président ,  cette  tête  ne  restera  pas  sur  vos 
épaules.  »  Montague  agit  avec  tant  d'adresse  et 
de  promptitude  qu'à  l'heure  indiquée  la  chambre 
était  revenue  sur  sa  décision.  Docteur  en  droit 
en  1532,  chevalier  en  1533,  il  obtint  en  1534 
la  concession  de  plusieurs  terres  qui  avaient  ap- 
partenu à  des  abbayes.  D'avocat  du  roi  il  devint 
ensuite  grand  juge  de  la  cour  du  banc  du  roi,  et 
résigna  cet  office  en  1545  pour  présider  la  cour 
des  plaids  communs,  «  abaissement  en  honneur, 
dit  Fuller,  mais  élévation  en  profit  ».  11  fit 
aussi  partie  du  conseil  privé.  Désigné  par  le  tes- 
tament d'Henri  VHI  comme  l'un  des  seize  con- 
seillers qui  devaient  administrer  les  affaires  pen- 
dant la  minorité  d'Edward  VI  ;  il  contribua  au 
renversement  du  duc  de  Somerset  (1549),  et 
ne  fit  pas  moins  d'opposition  aux  visées  ambi- 
tieuses du  duc  de  Northumberland.  De  concert 
avec  les  autres  chefs  de  la  magistrature,  il  re- 
fusa d'abord  d'accéder  au  changement  que  pro- 
posait le  duc,  en  faveur  de  sa  belle-fille  Jane  Grey, 
dans  l'ordre  de  la  succession  à  la  couronne,  dé- 
clarant qu'un  pareil  acte  était  une  violation  du 
testament  du  feu  roi  et  qu'il  exposait  à  la  peine  de 
trahison  ceux  qui  l'auraient  dressé  comme  ceux 
qui  l'auraient  conseillé  (  14  juin  1553  ).  Le  duc 
s'emporta,  les  menaça  et  les  appela  traîtres.  Ap- 
pelé le  lendemain  devant  le  roi,  Montague  ajouta 
qu'il  ne  connaissait  d'autre  moyen  légitime  que 
la  présentation  d'Un  bill  spécial  au  parlement. 
Sur  l'ordre  du  roi  de  se  soumettre  sur-le-champ 
à  sa  volonté,  il  commença  à  se  troubler  et  se 
déclara  prêt  à  obéir  pourvu  qu'on  lui  délivrât, 
sous  le  grand  sceau,  une  commission  qui  l'auto- 
riserait à  dresser  l'acte  de  changement,  puis  un 
pardon  complet  pour  ceux  qui  l'auraient  rédigé. 
Quoique  encore  entachée  d'illégalité,  cette  me- 
sure fut  adoptée  dans  le  conseil.  Toutefois  le 
triomphe  de  Novthumberland  fut  de  courte  durée; 
au  bout  de  quelques  jours  Edward  VI  mourut  : 
l'aristocratie  se  révolta,  et  Marie  monta  sur  le 
trône.  Quant  à  Montague,  il  paya  de  ses  emplois 
et  de  sa  liberté  la  complaisance  dont  il  s'était 
rendu  coupable;  après  avoir  passé  quelque  temps 
à  la  tour  de  Londres ,  il  se  retira  dans  une  de 
ses  propriétés. 

Son  fils,  James  Montague,  mort  en  1618,  fut 
évêque  de  Bath,d'où  il  fut  transféré  à  Winches- 
ter ;  il  jouit  d'une  grande  faveur  auprès  du  roi 
Jacques  Ier,  dont  il  traduisit  les  œuvres  en  latin* 
—  Son  petit-fils  est  connu  sous  le  nom  de  comte 
de  Manchester  (voy.  ce  nom).  P.  L— y. 

Fuller, Church history,  llv.  VIII;  WortMesof '  England 
(édit.  18/>0),  II,  811.  —  Collins,  History  of  English  Peerage. 

montague  ou  montagu  (  Richard),  éru- 
dit  anglais,  né  en  1578,  à  Dorney  (comté  de  Buc- 
kingham  ),  mort  le  13  avril  1641,  à  Norwich.  Fils 
d'un  ministre  anglican ,  il  fit  ses  études  à  Elon 
et  à  Cambridge,  où  il  prit  ses  degrés,  et  devint 
successivement  pasteur  de  diverses  paroisses, 
prébendier  de  Wells,  chapelain  du  roi  Jac- 
ques 1er,  doyen  et  archidiacre  d'Hereford.  On- 


41 


MONTAGUE 


42 


tre  sa  place  au  collège  d'Eton ,  il  jouissait,  en 
vertu  d'une  dispense,  d'un  canonicat  de  Wind- 
sor, et  pendant  huit  années  consécutives  il 
fit  les  leçons  de  théologie  dans  la  chapelle  de 
cette  ville.  Promu  en  1628  à  l'évêché  de  Chi- 
chester,  il  fut  transféré  en  1638  au  siège  de 
Norwich.  Ses  sentiments  se  rapprochaient  de 
ceux  des  catholiques  sur  la  plus  grande  partie 
des  points  controversés.  Le  livre  qu'il  dirigea 
contre  les  jésuites  missionnaires,  intitulé  Appel 
à  César,  le  fit  accuser  d'arminianisme.  Cité  en 
1625  devant  la  chambre  des  communes  et  obligé 
de  fournir  une  caution  de  2,000  liv.  sterl.,  Mon- 
tague,  malgré  l'appui  du  roi  et  de  plusieurs  pré- 
lats ,  fut  convaincu  d'avoir  troublé  la  paix  de 
l'Église,  d'inspirer  l'indifférence  aux  fidèles  et  de 
les  porter,  autant  qu'il  était  en  lui,  à  se  récon- 
cilier avec  le  papisme.  Comme  on  n'a  pu  décou- 
vrir qu'il  ait  été  admis  à  se  défendre,  ni  qu'il  ait 
fait  aucune  réponse  aux  articles  produits  contre 
lui,  il  est  probable  que  la  chambre  des  commu- 
nes abandonna  la  poursuite  de  cette  affaire.  Cet 
évêque  était  versé  dans  les  langues  anciennes  et 
possédait  bien  les  pères  et  l'antiquité  ecclésias- 
tique. D'après  Fuller,  «  ses  talents  étaient  accom- 
pagnés d'une  grande  aigreur  dans  ses  écrits,  et 
sa  plume  élait  trempée  dans  le  fiel  quand  il  écri- 
vait contre  ceux  qui  pensaient  autrement  que 
lui  ».  Il  fit  de  grandes  dépenses  pour  entretenir  des 
gens  de  lettres  dans  les  pays  étrangers  et  pour 
se  procurer  des  manuscrits  dont  il  faisait  usage 
dans  ses  attaques  contre  l'Église  romaine.  On  a 
de  lui  :  The  two  Invectives  of  Gregory  Nazian- 
zen  againts  Julian  ;  Eton,  1610,  in-4°;  traduc- 
tion d'autant  plus  recherchée  qu'elle  ne  se  trouve 
pas  dans  les  éditions  de  saint  Grégoire;  —  On 
the  Invocation  of  Saints  ;  1621  ;  —  Diatribse 
upon  the  first  part  of  Selden's  History  ot 
Tithes;  Londres,  1621,  in-4°.  Il  accuse  Selden 
d'avoir  beaucoup  pris  des  autres  pour  composer 
son  Histoire  des  Dîmes.  «Je  puis  vous  assurer, 
lui  dit-il,  que  vous  êtes  violemment  soupçonné 
de  voler  ce  qui  est  aux  autres  et  de  vous  en  faire 
honneur  dans  le  public.  »  Le  reste  de  l'intro- 
duction est  sur  le  même  ton  de  grossièreté.  Cet 
ouvrage  plut  beaucoup  à  Jacques  Ier,  qui  or- 
donna à  l'auteur  d'examiner  et  de  purger  l'his- 
toire ecclésiastique,  qu'on  regardait  alors  comme 
ayant  été  fort  corrompue  par  quantité  de  fables  ; 
— Analecta  exercitationum  ecclesiasticarum ; 
Londres,  1622,  in-fol.;  Casaubon  a  reproché  à 
Montague  de  lui  avoir  pris  l'idée  et  le  plan  d'un  de 
ses  ouvrages,  mais  on  n'a  reconnu  aucun  rapport 
entre  le  travail  de  ces  deux  écrivains  ;  — An  ans- 
wer  to  thelate  gagger  of  the  protestants  ;  Lon- 
dres, 1624,  in-4°;  — Appello  Csesarem;  Londres, 
1625,  in-4°  :  brochure  dédiée  à  Charles  Ier,  et 
qui  lui  suscita  de  fâcheux  embarras;  elle  donna 
lieu  à  une  querelle  des  plus  animées  parmi  les 
théologiens  anglicans  ;  —  Antidiatribx  adprio- 
rem  partent  diatribarum  J.-C.  Bulengeri 
contra  Is.  Casaubomim  ;  Londres,  1625,  in- 


fol.  ;  —  Eusebii  Pamphili  lib.  X  de  demons- 
tratione  evangelica,  gr.  et  lat.,  cum  notis; 
Paris,  1628,  in-fol.;  —  Apparatus  ad  origines 
ecclesiasticas  ;  Oxford,  1635,  in-fol.  ; —  Origi- 
nes ecclesiasticx ;  Londres,  1636-1642,  2  vol. 
in-fol;  il  y  a  beaucoup  d'érudition  dans  cet  ou- 
vrage, oublié  aujourd'hui,  et  dont  le  second  vo- 
lume est  dédié  à  Jésus-Christ  ;  —  Versio  et 
notée  in  Photii  Epistolas  ;  Londres,  1651,  in- 
fol.  On  conjecture  avec  beaucoup  de  vraisem- 
blance qu'il  a  aidé  Henri  Savile  dans  l'édition 
grecque  des  Œuvres  de  saint  Jean  Chrysostome 
(Eton,  1612,  8  vol.  in-fol.  ).  P.  L— v. 

Fuller,  Church  History,  liv.  il.  —  Heylln,  Life  of  arch- 
bishop  Laud,  liv.  2.  —  Rushworth  ,  Collections,  I.  — 
Collier,  Ecclesiastical  History,  liv.  8  et  9.  —  Wood , 
Mhense  Oxon.  —  Chalrners,  General  Biogr.  Dict.  — 
Chaiifepié,  Dict.  hist. 

montague  (Edward  ),  1er  comte  de  Sand- 
wich ,  célèbre  marin  anglais,  né  le  27  juillet  1625, 
mort  le  28  mai  1672,  au  combat  naval  de  Sole- 
bay.  Son  père ,  sir  Sidney,  le  plus  jeune  des 
frères  de  lord  Edward  Montague  de  Boughton, 
avait  passé  sa  vie  au  service  des  rois  Jacques  et 
Charles  ;  quoiqu'il  eût,  au  début  des  troubles , 
épousé  la  cause  des  mécontents,  il  se  sépara 
d'eux  dans  la  suite  et  se  vit  exclu  du  long  par- 
lement pour  avoir  refusé  de  s'associer  à  l'une 
des  mesures  de  la  majorité.  Le  jeune  Edward, 
nourri  dans  les  principes  des  cavaliers,  se  maria 
en  1642  avec  une  fille  de  lord  Crewe,  et  l'amour 
qu'il  ressentait  pour  sa  femme  lui  fit  adopter  les 
opinions  libérales  de  son  beau-père.  L'année  sui- 
vanteil  reçut  du  parlement  la  commission  de  lever 
un  régiment  (1643),  à  la  tête  duquel  il  se  signala 
par  un  bouillant  courage  à  la  prise  de  Lincoln, 
au  siège  d'York ,  et  aux  batailles  de  Marston- 
Moor  et  de  Naseby  ;  en  septembre  1645  il  con- 
duisit quatre  régiments  au  secours  de  l'armée, 
qui  assiégeait  Bristol.  Avant  d'avoir  atteint  sa 
vingt-et-unième  année,  il  était  entré  à  la  chambre 
des  communes  pour  le  comté  d'Huntingdon. 
Quelques  auteurs  ont  prétendu  qu'il  s'abstint  d'y 
siéger  lorsque  cette  assemblée  tomba,  en  1 647, 
sous  la  domination  militaire;  s'il  le  fit,  il  est 
probable  que  ce  fut  plutôt  par  insouciance  que 
par  politique,  et  qu'en  cela  il  était  d'accord  avec 
Cromwell,  qui  ne  cessa  de  lui  donner  des  preu- 
ves de  sa  bienveillance.  La  paix  ayant  été  faite 
avec  la  Hollande ,  il  quitta  l'armée  pour  le  ser- 
vice de  mer,  étudia  la  lactique  navale ,  et  fut  as- 
socié en  A 656  à  l'amiral  Blake  dans  l'expédition 
de  la  Méditerranée.  A  la  mort  de  Blake,  il  com- 
manda en  qualité  d'amiral  la  flotte  destinée  en 
apparence  à  réconcilier  la  Suède  et  le  Danemark, 
et  en  réalité  à  empêcher  les  Hollandais  d'agir 
contre  la  Suède  de  concert  avec  les  Danois  et  à 
faciliter  la  prise  de  Dunkerque  par  les  Français. 
II  s'acquitta  de  cette  mission  avec  autant  de  cou- 
rage que  de  prudence ,  battit  les  Espagnols  près 
des  Dunes  et  conféra  avec  le  maréchal  de  Turenne 
.  sur  les  moyens  de  continuer  la  guerre.  Après  la 
mort  de  Cromwell,  il  accepta  de  Richard ,  son 


43 


MONTAGUE 


44 


61s,  un  commandement  plus  important  dans  la 
Baltique,  conclut  entre  les  États  du  Nord  une  mé- 
diation armée,  à  la  suite  de  laquelle  le  roi  de 
Suède  fut  obligé  de  lever  le  siège  de  Copenha- 
gue. Cependant  un  grand  dégoût  contre  ceux  qui 
l'employaient,  l'irritation  de  voir  chacun  de  ses 
actes  subordonné  au  contrôle  d'Algernon  Sid- 
ney  et  de  deux  autres  commissaires,  peut-être 
aussi,  suivant  Clarendon,  «  un  reste  d'amour 
pour  la  monarchie»,  lui  firent  prendre  la  brus- 
que détermination  d'abandonner  son  poste  et  de 
revenir  en  Angleterre  sous  levain  prétexte  d'in- 
suffisance dans  les  approvisionnements.  Son  re- 
tour lui  attira  les  justes  reproches  du  parlement  ; 
forcé  de  donner  sa  démission,  il  se  retira  tran- 
quillement à  la  campagne, et  y  demeura  jusqu'à 
la  chute  de  cette  assemblée.  Pendant  que  Monk 
s'avançait  sur  Londres,  Montague  reçut  de  ce  gé- 
néral l'invitation  de  reprendre  sa  place  à  la  tête 
non-seulement  de  la  flotte  de  la  Baltique,  mais 
de  la  marine  entière.  Confirmé  dans  ces  nouvelles 
fonctions  par  le  roi  lui-même,  il  fit  voile  pour 
les  côtes  de  Hollande,  s'empressa  de  remettre  le 
commandement  au  duc  d'Yorl<;qui  fut  nommé 
grand  amiral ,  reçut  Charles  II  à  bord  de  son 
propre  navire  et  le  ramena  triomphalement  à 
Douvres  (  26  mai  1 660  ).  En  récompense  de  sa 
conduite,  il  reçut  du  roi  l'ordre  de  la  Jarretière, 
la  pairie  avec  les  titres  de  baron  Montague  de 
Saint-Neots ,  de  vicomte  Hinchinbroke  et  de 
comte  de  Sandwich,  une  place  au  conseil  privé, 
la  maîtrise  de  la  garde-robe,  et  la  charge  de 
vice-amiral  d'Angleterre.  Enfin,  dans  la  cérémo- 
nie du  couronnement,  il  eut  l'honneur  de  porter 
le  sceptre  de  saint  Edouard,  distinction  qui  ne 
s'accordait  qu'aux  princes  du  sang.  La  guerre 
lui  permit  de  prouver  d'une  manière  plus  écla- 
tante son  attachement  à  la  nouvelle  royauté. 
Après  avoir  dirigé  sans  succès  une  attaque  con- 
tre Alger  (  1661  ),  il  s'empara  de  Tanger  et  ra- 
mena de  Lisbonne  la  princesse  Catherine,  de 
Bragance,  qui  devait  épouser  le  roi.  Lorsque 
les  hostilités  furent  reprises  contre  la  Hollande 
(  1664  ),  il  contribua  à  la  capture  d'un  grand 
nombre  de  bâtiments  et  décida  le  gain  de  la  ba- 
taille navale  du  3  juin  1665  en  coupant  en  deux 
la  ligne  de  l'amiral  Opdam ,  manœuvre  har- 
die, qui  fut,  dit-on,  employée  pour  la  première 
fois.  Il  retira  de  cette  courte  campagne  autant 
d'honneur  que  de  profit;  car  au  lieu  de  ramener 
intact,  suivant  la  loi,  chaque  vaisseau  capturé  à 
l'ennemi,  il  s'en  appropria  les  riches  cargaisons, 
et  en  distribua  une  partie  à  ses  officiers.  Cet  acte 
de  folie  (  il  ne  méritait  pas  d'autre  nom  )  ne  fut 
pas  plus  totconnu  qu'il  donna  un  motif  aux  enne- 
mis de  l'amiral  de  se  déchaîner  contre  lui.  Monk, 
qui  était  à  la  tête  île  l'amirauté,  ne  se  montra  pas 
un  des  moins  ardents  :  non-seulement  il  prit 
des  mesures  rigoureuses  pour  la  restitution  des 
parts  de  prise,  mais  d'accord  avec  Coventry,  son 
confident,  il  persuada  au  roi  de  faire  un  exem- 
ple en  dépouillant  lord  Sandwich  de  son  com- 


mandement. Le  roi,  qui  avait  donné  carte  blan- 
che à  l'amiral,  n'osa  le  destituer,  et  le  choisit 
pour  l'ambassade  d'Espagne  (  166S).  C'était  un 
honorable  exil.  Le  comte  de  Sandwich  déploya 
en  cette  occasion  tous  les  talents  d'un  habile  né- 
gociateur ;  il  parvint  à  réconcilier  l'Espagne  et  le 
Portugal,  et  conclut  avec  la  première  de  ces 
puissances  un  traité  de  commerce  fort  avanta- 
geux. Lorsqu'il  reparut  à  la  cour  (1668),  on  ne 
lui  épargna  pas  les  louanges  pour  l'adresse  dont 
il  avait  fait  preuve,  et  il  regagna  sans  peine  les 
bonnes  grâces  du  roi.  Nommé  bientôt  après  pré- 
sident du  bureau  de  commerce ,  il  s'éleva  en 
plein  conseil,  et  avec  beaucoup  de  chaleur,  con- 
tre la  vente  de  Dunkerque,  et  ne  cessa  de  préco- 
niser une  étroite  alliance  avec  l'Espagne  pour 
contre-balancer  l'ambition  de  Louis  XIV.  A  la 
reprise  de  la  guerre  contre  les  Hollandais  (1672),. 
il  fut  chargé  de  commander  l'escadre  sous  les- 
ordres  du  duc  d'York.  Les  flottes  combinées  de 
France  et  d'Angleterre  étaient  mouillées  à  Solebay, 
où  elles  s'apprêtaient  à  célébrer  l'anniversaire 
de  la  restauration,  lorsque  le  28  mai  1672,  au 
point  du  jour,  Ruyter  vint  les  attaquer.  Au  milieu 
de  la  confusion  générale,  le  comte  de  Sandwich, 
dont  les  prudents  avis  sur  le  danger  d'une  telle 
position  n'avaient  pas  été  suivis,  se  hâta  avec 
les  vaisseaux  de  l'avant-garde  de  sortir  de  la 
baie ,  mouvement  qui  permit  au  duc  d'York  et 
au  comte  d'Estrées  de  manœuvrer  avec  plus 
d'ordre  et  de  sécurité;  puis  il  se  précipita  au 
milieu  des  assaillants,  attira,  sur  lui  tous  leurs 
efforts,  et  tua  de  sa  main  l'amiral  hollandais 
van  Ghent.  Le  Royal  James,  qu'il  montait, 
devenu  le  point  de  mire  de  l'ennemi,  perdit  les 
deux  tiers  de  son  équipage;  un  brûlot,  masqué 
par  la  fumée,  s'approcha  et  finit  par  l'incendier. 
Le  brave  Sandwich,  averti  de  l'imminence  du 
danger,  refusa  de  se  sauver  et  périt  au  milieu  des 
flammes  avec  tous  ses  officiers.  Quinze  jours  après 
les  habitants  de  Harwich  virent  flotter  sur  le 
rivage  son  cadavre>qu'ils  reconnurent  à  l'ordre 
de  la  Jarretière  dont  il  était  décoré.  D'après  les 
ordres  du  roi  il  fut  embaumé  et  enterré  avec  la 
plus  grande  pompe  dans  l'église  de  Westminster. 
On  a  du  comte  de  Sandwich  diverses  lettres 
insérées  dans  le  t.  Ier  des  State  Papers  de 
Thurloe ,  dans  les  Letters  d'Arlingfon  et  dans 
les  Original  Letters  and  Negotiations  of  sir 
R.  Fanshaw,  the  earl  of  Sandwich,  etc.;  et 
une  traduction  d'après  l'espagnol  :  The  Art  of 
Metals,  in  which  is  declared  the  manner  of 
their  génération  and  the  concomitants  of 
them,  by  Albaro  Alonzo  Barba,  curate  of  Po- 
tosi,  in  Per u  (Londres,  1674,  in-8°).  P.  L — y. 

Campbell,  Lires  of  the  admira/s.  —  Collins,  Peerage. 

—  Lord  Orford,  Catalogue  of  royal  and  noble  Milhors. 

—  Clarendon ,  Memoirs.  —  Lodge ,  Portraits  of  illus- 
trions Per  sonages  (éd.  1849),  V. 

montague   (Charles,  comte  d'Halifax), 

homme  d'État  anglais,  né  à  Horion,  dans  le  comté 
deNorthampton,le  16  avril  1661.  mort  le  19  mai 
1715.  Il  était  le  quatrième  fils  de  Georges  Monta- 


45 


gue.cinqiiièmefilsdeHenri, premier  comte  de  Man- 
chester. Lorsqu'il  lut  devenu  premier  ministre,  on 
lui  reprocha  souvent  d'être  un  parvenu  ;  «  accusa- 
tion qui  parait  étrange,  dit  Macaulay,  car  il  descen- 
dait d'une  famille  aussi  ancienne  que  la  conquête; 
il  avait  des  droits  héréditaires  éventuels  à  un 
titre  de  comte,  et  il  était  du  côté  paternel  cou- 
sin de  trois  comtes;  mais  il  était  le  plus  jeune 
fils  d'un  cadet  de  famille,  et-  par  cette  phrase  on 
désignait  proverbialement  une  personne  assez 
pauvre  pour  s'abaisser  à  la  plus  abjecte  servitude 
ou  pour  se  lancer  dans  les  aventures  les  plus  dé- 
sespérées. »  Destiné  à  l'Église,  Charles  Montague 
fit  ses  études  à  l'école  de  Westminster,  où  il  se 
distingua  par  son  talent  pour  la  poésie  latine,  et 
fut  ensuite  envoyé  au  collège  de  La  Trinité  à  Cam- 
bridge. Dans  cette  université  la  philosophie  de 
Descartes  était  encore  à  la  mode.  Montague  fut 
du  petit  nombre  des  étudiants  qui  délaissèrent 


MONTAGUE  46 

pondérant  dans  l'État,  et  Montague  montra  bien- 
tôt que  nul  n'était  aussi  capable  que  lui  de  ma- 
nœuvrer habilement  dans  une  assemblée.  Sa  vie 
pendant  quelques  années  lut  une  suite  de  triom- 
phes. L'adresse  extraordinaire  qu'il  déploya  au 
commencement  de  1 09?.  dans  la  conférence  avec 
les  lords  au  sujet  des  jugements  dans  le  cas  de 
trahison,  le  plaça  au  piemier  rang  des  orateurs 
parlementaires.  Le  21  mars  de  la  même  année, 
il  devint  un  des  lords  de  la  trésorerie ,  et  Godol- 
phin,  le  financier  le  plus  expérimenté,  reconnut 
qu'il  avait  un  maître.  En  1695,  quand  les  whigs 
occupèrent  décidément  le  pouvoir,  Montague,  un 
des  principaux  du  parti,  entra  dans  le  ministère 
comme  chancelier  de  l'échiquier.  Ses  mesures 
financières,  aussi  intelligentes  que  hardies,  fon- 
dèrent ou  du  moins  développèrent  largement  le 
crédit  public  en  Angleterre  ;  les  plus  connues  sont 
la  refonte  de  la  monnaie  et  l'émission  des  bills 


les  doctrines  du  philosophe  français  pour  suivre      «*e  l'échiquier.  Le  1er  mai  1697  il  joignit  au  titre 


les  leçons  d'un  des  professeurs  de  l'université , 
de  Newton.  Sous  un  pareir  maître,  le  jeune  Mon- 
tague fit  de  grands  progrès  dans  les  sciences 
exactes  ;  mais  la  poésie  était  son  occupation  fa- 
vorite. En  1685  il  fit  sur  la  mort  de  Charles  II 
des  vers  qui  commençaient  ainsi  :  «  Salut,  grand 
Charles,  monarque  à  la  mémoire  bénie.  Le  meil- 
leur homme  qui  ait  jamais  occupé  un  trône  », 
et  qui  se  terminait  par  ces  deux  vers  :  «  Dans 
Charles  roi  et  homme  si  bon,  nous  voyons  une 
double  image  delà  Divinité.  »  Cette  composition 
plut  tellement  au  comte  Dorset,  le  magnifique 
patron  des  gens  de  lettres,  qu'il  fit  venir  le  jeune 
étudiant  à  Londres  et  le  présenta  aux  écrivains 
les  plus  en  renom.  Montagne  prit  bientôt  place  à 
côté  des  plus  spirituels  en  parodiant  avec  Prior 
(1687)  La  Biche  et  la  Panthère  (  The  Hind 
and  the  Panther),  poème  allégorique  et  théo- 
logiqiie  de  Dryden.  Cette  parodie  intitulée  :  The 
Hind  and  the  Panther  transversed  ta  the 
story  of  the  country  mouse  and  city  mouse, 
est  en  grande  partie  écrite  en  prose,  sous  forme 
de  dialogue,  et  paraît  imitée  du  Rehearsal  de 
Buckingham.  Montague  était  déjà,  à  ce  qu'il 
semble,  un  homme  politique.  Johnson  dit  sim- 
plement «  qu'il  signa  l'invitation  au  prince  d'O* 
range  et  siégea  à  la  Convention  »  ;  mais  pour 
être  admis  à  signer  l'invitation  qui  décida  le 
prince  d'Orange  à  passer  en  Angleterre,  il  fal- 
lait avoir  déjà  quelque  influence  politique,  et  l'on 
suppose  que  le  futur  premier  ministre  est  le 
Charles  Montague  qui  siégea  comme  membre 
pour  la  ville  de  Durham  dans  le  parlement  de 
Jacques  en  1685.  A  la  Convention  il  représenta 
le  bourg  de  Malden.  Le  même  bourg  l'envoya 
au  parlement  qui  se  rassembla  en  mars  1690. 
Vers  le  temps  de  la  révolution  il  épousa  la  com- 
tesse douairière  de  Manchester.  Il  songeait  alors 
à  entrer  dans  l'Église ,  mais  ses  succès  au  parle- 
ment le  décidèrent  à  poursuivre  la  carrière  po- 
litique. La  chambre  des  communes,  par  suite  de 
la  révolution,  tendait  à  devenir  le  pouvoir  pré- 


de  chancelier  de  l'échiquier  celui  de  premier 
lord  de  la  trésorerie.  Premier  ministre  avec  la 
majorité  assurée  dans  le  parlement,  il  ne  sut 
pas  garder  le  pouvoir  qu'il  avait  conquis  si  ra- 
pidement. Malgré  son  esprit,  il  montra  les  dé- 
fauts d'un  parvenu  :  l'arrogance,  la  vanité,  la 
froideur  à  l'égard  de  ses  anciens  amis;  l'ostenta- 
tion dans  l'étalage  de  sa  fortune  nouvellement 
acquise.  Il  se  fit  ainsi  beaucoup  d'ennemis.  En 
même  temps  un  remarquable  mouvement  s'o- 
pérait dans  l'opinion  publique  qui  penchait 
maintenant  vers  le  torysme;  les  élections  de  1699 
envoyèrent  à  la  chambre  des  communes  beau- 
coup de  tories;  il  fallut  remanier  le  ministère. 
Montague  céda  ses  places  de  premier  lord  et  de 
chancelier  à  lord  Tankerville  et  à  John  Smith, 
et  devint  auditeur  de  l'échiquier  (  novembre 
1699).  L'année  suivante,  quand  les  tories  eurent 
pris  un  ascendant  plus  marqué,  ils  se  débarras- 
sèrent de  Montague  en  l'envoyant  siéger  à  la 
chambre  des  lords  avec  le  titre  de  baron  Hali- 
fax. Cet  exil  honorifique  ne  suffit  pas  pour  sa- 
tisfaire les  rancunes  du  parti.  En  avril  1701  la 
nouvelle  chambre  des  communes  le  décréta  d'ac- 
cusation avec  lord  Somers  et  les  comtes  de  Port- 
land  et  Oxford  ;  l'accusation  fut  rejetée  par  les 
lords  le  24  juin.  Les  charges  élevées  contre 
Halifax  et  dirigées  particulièrement  contre  ses  opé- 
rations financières,  n'étaient  pas  très-graves.  Au 
point  de  vue  politique,  od  lui  reprochait  d'avoir 
conseillé  les  deux  traités  avec  la  France  pour  le 
partage  de  la  monarchie  espagnole.  L'avènement 
de  la  reine  Anne  en  1702  donna  encore  plus  de 
force  aux  tories,  qui  revinrent  à  la  charge  contre 
Halifax  et  le  mirent  une  seconde  fois  en  accusa- 
tion (1703).  Un  vote  des  lords  le  sauva  encore, 
mais  pendant  tout  le  règne  d'Anne  il  ne  rem- 
plit pas  de  fonctions  officielles.  Il  défendit  dans 
la  chambre  des  lords  le  parti  whig,  qui,  après 
un  retour  incomplet  de  faveur,  avait  été  exclu 
de  nouveau  du  pouvoir.  Son  attachement  bien 
connu  à  la  cause  de  la  succession  hanovrienne 


47 


MONTAGUE 


48 


le  fit  choisir  pour  membre  de  la  régence  qui 
gouverna  l'Angleterre  après  la  mort  d'Anne  jus- 
qu'à l'arrivée  du  roi  Georges.  Dans  le  premier 
ministère  du  nouveau  roi  il  occupa  la  place  de 
premier  lord  de  la  trésorerie,  et  le  14  octobre 
1714  il  fut  élevé  à  la  dignité  de  comte  Halifax 
et  vicomte  Sunbury.  Il  mourut  l'année  suivante, 
sans  laisser  d'enfants.  Son  titre  de  baron  passa 
à  son  neveu  Georges  Montàgue,  qui  fut  créé  peu 
après  comte  d'Halifax  et  vicomte  Sunbury.  Le 
fils  du  second  comte  d'Halifax  mourut  sans  pos- 
térité, en  1772,  et  le  titre  s'éteignit.  Le  comte 
d'Halifax  fut  un  des  membres  les  plus  éminents 
du  grand  parti  whig,  auquel  l'Angleterre  doit  la 
révolution  de  1C88,  la  succession  hanovrienne, 
l'union  avec  l'Ecosse.  C'était  un  homme  poli- 
tique hardi,  fertile  en  expédients ,  sincèrement 
libéral  et  fidèle  à  ses  opinions.  Malheureusement 
sa  vanité  excessive  et  sa  remuante  ambition  lui 
donnèrent  souvent  les  apparences  d'un  aven- 
turier sans  scrupule  et  sans  foi.  Le  duc  de  Marl- 
borough,  dans  une  lettre  à  la  duchesse,  écri- 
vait :  «  Je  suis  d'accord  avec  vous  que  lord 
Halifax  n'a  pas  d'autre  principe  que  son  ambi- 
tion, et  qu'il  bouleverserait  tout  plutôt  que  de  ne 
pas  arriver  à  ses  fins.  »  Il  est  fâcheux  pour  un 
homme  d'État  de  donner  de  soi  une  pareille  idée  ; 
mais  il  est  juste  d'ajouter  que  Montàgue  valait 
mieux  que  sa  réputation.  Comme  poète  s'il  ne 
s'éleva  pas  au-dessus  du  médiocre,  il  eut  le  mé- 
rite de  reconnaître  et  de  protéger  le  talent  chez 
les  autres;  on  lui  reproche  cependant  de  n'avoir 
pas  assez  apporté  de  discernement  dans  son  pa- 
tronage et  d'avoir  récompensé  trop  souvent  l'a- 
dulation. L.  J. 

Burnet,  History  of  his  own  Urnes.  —  Johnson,  Lives 
of  the  Poets.  —  Parliamentary  History.  —  Howell. State 
Trials,  t.  VI.  —  Walpole,  Royal  andjiobles  Authors.  — 
Macaulay,  History  of  England. 

montàgue  (Lady  Mary  Wortley)  ,  femme 
anglaise ,  célèbre  par  son  esprit  et  ses  Lettres, 
née  à  Thoresby,  comté  de  Nottingham,  en  1690, 
morte  le  21  août  1762.  Lady  Mary  Pierrepont 
était  la  fille  aînée  du  duc  Kingston  et  de  lady 
Mary  Fielding,  fille  du  comte  de  Denbigh.  Son 
père,  étant  devenu  veuf  en  1694,  concentra  toute 
son  affection  sur  cette  enfant ,  qui  annonçait  au- 
tant d'esprit  que  de  beauté.  De  bonne  heure,  il 
l'introduisit  dans  la  société,  et  à  peine  sortie  de 
l'enfance  la  fit  présider  à  sa  table.  Des  biogra- 
phes disent  qu'elle  suivit  les  études  classiques 
dont  son  frère  était  occupé  sous  un  précepteur, 
fait  qui  est  contesté  par  d'autres.  Ce  qui  paraît 
positif,  c'est  qu'elle  parvint  à  apprendre  le  latin, 
le  français,  et  même  le  grec,  car  nous  avons 
d'elle  une  traduction  del' Enchiridion  d'Épictète, 
qui  fut  revue  par  le  célèbre  évêque  de  Salisbury, 
le  docteur  Burnet.  Il  est  vrai  que  des  critiques 
charitables  prétendent  que  cette  traduction  fut 
faite,  non  pas  sur  le  texte  grec,  mais  d'après  une 
version  latine.  Vivant  d'habitude  à  la  campa- 
gne, ayant  beaucoup  de  loisirs,  «lie  lut  beau- 
coup,   un  peu  au  hasard,  et  suivant  son  goût, 


«  ce  qui  produisit,  dit-elle ,  la  plus  mauvaise 
éducation  du  monde.  »  Mais  il  y  avait  chez  elle 
un  fonds  d'esprit  et  de  bon  sens,  une  habi- 
tude de  réflexion  qui  tira  un  excellent  parti  de 
ces  lectures  décousues.  Jeune  fille,  elle  eut  pour 
amie  Mrs.  Anne  Wortley,  femme  s.ensée  et  d'un 
caractère  élevé.  Cette  dame  avait  un  fils  froid, 
judicieux,  beau,  instruit,  nommé  Edward  Wor- 
lley-Montague.  Ce  jeune  homme  et  lady  Mary 
eurent  occasion  un  jour  de  causer  longuement. 
Il  fut  ravi  de  trouver  une  jeune  fille  qui  pouvait 
parler  des  auteurs  classiques,  et  qui  montrait 
autant  de  jugement  que  de  connaissances.  De 
son  côté,  lady  Mary  fut  charmée  d'un  jeune 
homme  qui  inaugurait  sa  cour  (  a  Jlirtation  ) 
par  une  discussion  sur  les  héros  romains,  qui 
avait  été  élevé  à  Cambridge,  et  de  plus  qui  avait 
beaucoup  voyagé  sur  le  continent.  Une  cour  ré- 
gulière commença  et  fut  suivie  d'une  correspon- 
dance entre  eux  qui  dura  deux  ans.  Il  l'aima 
autant  qu'il  le  pouvait,  c'est-à-dire  à  un  degré 
fort  tempéré,  et  elle  l'aima  de  tout  son  cœur, 
mais  avec  les  formes  de  réserve  qu'imposaient 
les  convenances.  Edward  Wortley  continua  la 
cour  à  sa  manière ,  froid ,  mesuré ,  et  hésitant 
devant  une  conclusion  ;  et  elle,  comme  un  oi- 
seau fasciné,  mais  qui  a  peur,  voltigeait  autour 
de  lui,  remplissant  ses  lettres  de  réflexions 
sensées  sur  l'amour  et  l'amitié.  La  crainte  dfe  la 
perdre  finit  enfin  par  toucher  ce  cœur  qui  ne 
voulait  écouter  que  la  raison.  Le  duc  de  Kings- 
ton ordonna  à  sa  fille  de  se  préparer  à  un  ma- 
riage qui  était  de  son  choix  à  lui.  Alors  Edward 
Wortley  se  décida ,  mais  le  mariage  se  fit  sans 
le  consentement  du  duc,  aux  vues  duquel  le 
futur  gendre  n'avait  pas  voulu  accéder  au  sujet 
d'un  établissement  de  douaire  (1712).  Les  lettres 
que  lui  écrivit  lady  Mary  avant  le  mariage,  et 
publiées  entières  pour  la  première  fois  dans  l'é- 
dition de  ses  ouvrages  par  lord  Wharncliffe, 
montrent  qu'elle  avait  déjà,  à  un  degré  marqué, 
cette  pénétration  de  style  et  de  pensée  qui  dis- 
tingue ses  écrits,  aussi  bien  qu'une  maturité  de 
jugement  au-dessus  de  son  âge.  Pendant  trois 
ans,  le  jeune  ménage  vécut  à  la  campagne  et 
sans  faste.  Mais  peu  après  l'avènement  de  Geor- 
ges Ier,  Wortley-Montagu,  qui  était  membre  du 
parlement  depuis  plusieurs  années ,  fut  nommé 
un  des  commissaires  du  trésor,  grâce  à  la  pro- 
tection de  son  cousin,  Charles  Montagu,  de- 
puis comte  de  Halifax,  qui  avait  été  fait  pre 
mier  lord  de  la  trésorerie  (1714)".  Lady  Mary  vint 
résider  à  Londres ,  «t  fut  admise  dans  la  haute 
société.  Son  esprit  et  sa  beauté  lui  acquirent  de 
"suite  une  brillante  réputation.  Rien  n'égalait 
le  charme  et  la  variété  de  ses  entretiens.  Elle  fit 
connaissance  avec  les  auteurs  les  plus  distin- 
gués de  ce  temps,  Addison,  Pope,  Congrève  et 
autres,  et  là  elle  brillait  autant  que  dans  les 
cercles  du  grand  monde.  En  1716,  son  mari  fut 
nommé  ambassadeur  à  Constantinople.  Elle  par- 
tit" avec  lui  au  mois  d'août,  et  après  avoir  tra- 


49 


MONTAGUE 


50 


versé  l'Allemagne,  la  Hongrie  et  les  provinces  du 
nord  di>  la  Turquie,  elle  arriva  à  Andrinople,  où 
le  sultan  était  alors  établi.  Ce  long  voyage  eut 
lieu  sans  accident,  bien  que  la  guerre  fût  alors 
déchaînée  entre  les  Impériaux  et  les  Turcs.  Ce 
fut  pendant  cette  mission  que  lady  Mary  adressa  à 
quelques  amies,  la  comtesse  deMar,  sa  sœur  ;  lady 
Rich.  Pope  ;  Mrs.  Thistlethwaite,  etc.,  ces  leltres 
célèbres  qui  peignent  les  mœurs  et  les  scènes  de 
la  vie  orientale  avec  autant  d'exactitude  que  de 
vivacité  et  d'élégance  de  style.  En  observant 
l'usage  répandu  en  Turquie  d'inoculer  la  petite 
vérole ,  elle  se  convainquit  de  son  efficacité , 
et  employa  le  procédé  pour  son  propre  fils, 
qui  avait  trois  ans.  L'expérience  réussit  pleine- 
ment. Plus  tard,  elle  prit  beaucoup  de  peines 
pour  introduire  l'inoculation  en  Angleterre,  et 
c'est  à  ses  efforts  assidus  que  son  pays  et  l'hu- 
manité entière  doivent  ce  bienfait.  Son  mari 
ayant  été  rappelé  au  bout  de  deux  ans,  le 
voyage  du  retour  s'accomplit  par  l'Archipel  et  la 
Méditerranée.  Ils  visitèrent  Tunis  et  les  ruines 
deCarthage,  se  rendirent  à  Gênes,  de  là  à  Turin, 
et  traversant  la  France,  arrivèrent  en  Angleterre 
en  octobre  47 18.  Peu  après,  suivant  les  conseils 
et  les  instances  de  Pope,  elle  se  fixa  dans  le  cé- 
lèbre vilUige  de  Twickenham,  près  de  Londres. 
Là  elle  régna  vingt  ans  comme  reine  de  la  so- 
ciété. Naturellement  elle  eut  des  ennemis.  Les 
femmes  ne  pouvaient  lui  pardonner  sa  beauté, 
ni  lui  pardonner  son  esprit,  qu'elles  ne  compre- 
naient pas  ou  qui  était  si  au-dessus  du  leur,  ni 
ses  libres  manières  et  ses  excentricités  de  toi- 
lette-et  de  langage,  qui  avaient  toujours  de  l'attrait. 
Les  hommes  ne  pouvaient  lui  pardonner,  parce 
qu'elle  les  égalait  ou  les  surpassait  en  talents, 
tandis  que  son  esprit  indomptable  blessait  leur 
amour-propre.  Jamais  elle  ne  compromit  sa  ré- 
putation par  faiblesse  pour  aucun  d'entre  eux. 
Elle  n'aima  jamais  que  son  mari,  et  l'aima  avec 
constance,  tout  en  gardant  ses  manières  bril- 
lantes et  un  peu  étourdies.  C'est  à  Twickenham 
que  le  peintre  Kneller  fit  ce  célèbre  portrait  où 
elle  est  représentée  dans  tout  l'éclat  de  sa  beauté 
et  avec  un  riche  costume  oriental.  C'est  là  aussi 
qu'après  des  années  d'étroite  amitié  éclata  la 
querelle  avec  Pope,  qui  amena  de  part  et  d'au- 
tre des  récriminations  et  des  satires.  Les  vraies 
causes  n'en  ont  pas  été  exposées  avec  précision. 
On  a  attribué  la  rupture  à  des  rivalités  littérai- 
res. Elles  ont  pu  y  contribuer,  mais  ce  n'est  pas 
la  vraie  raison.  Elle  nous  est  donnée  par  l'exposé 
de  lady  Mary,  lequel  est  corroboré  d'ailleurs  par 
d'autres  témoignages.  Il  paraît  que  le  poëte  ne 
comprit  jamais  cette  brillante  femme,  qui  n'ai- 
mait que  son  mari.  Peu  satisfait  de  son  amitié, 
il  rechercha  davantage.  Il  lui  écrivait  des  let- 
tres où  l'amour  était  gazé  par  l'admiration; 
elle  avait  l'air  de  ne  pas  comprendre  le  premier 
sentiment,  et  lui  répondait  avec  son  style  spiri- 
tuel et  animé.  Un  certain  jour,  et  à  un  moment 
très-mal  choisi,  le  poëte  s'avisa  de  lui  faire  une 


déclaration  en  forme.  Pope,  que  ses  ennemis  ap- 
pelaient un  point  d'interrogation,  n'était  pas 
beau,  partant  il  était  peu  dangereux ,  malgré 
tout  le  prestige  de  son  esprit.  Il  parait  que  la 
déclaration  avait  été  très-romanesque.  Lady  Mary 
aurait  dû  la  recevoir  avec  dignité  et  froideur  : 
c'était  le  procédé  le  plus  prudent,  et  qui  sauvait 
une  explication  et  une  querelle.  Au  lieu  de  cela, 
elle  ne  put  garder  son  sérieux,  et  éclata  de  rire. 
Dès  ce  moment  le  poëte,  blessé,  devint  son  impla- 
cable ennemi,  et  ne  cessa,  chose  honteuse  pour 
sa  mémoire,  de  la  poursuivre  de  sarcasmes  et  de 
satires  à  peine  déguisés.  C'est  pendant  cette  épo- 
que qu'elle  écrivit  quantité  de  pièces  de  vers 
qui  circulaient  dans  sa  société,  et  dont  quel- 
ques-unes furent  alors  imprimées  sous  le  voile 
de  l'anonyme.  Mais  on  ne  peut  la  considérer 
comme  poëte.  Elle  manquait  du  feu  poétique. 
Ses  vers  ont  de  la  facilité,  de  l'élégance  et  une 
certaine  vivacité  :  ce  n'est  pas  assez  pour  vivre. 
Le  plus  remarquable  de  ses  essais  est  intitulé 
Town  Eclogues,  au  nombre  de  six,  composées 
comme  une  espèce  de  parodie  des  églogues  pas- 
torales, et  avec  l'intention  de  satire  pour  le 
beau  monde.  Dans  l'année  1739,  sa  santé  dé- 
clina, et  elle  résolut  de  passer  le  reste  de  ses 
jours  sur  le  continent.  Elle  quitta  donc  sa  fa- 
mille, ses  amis,  son  mari,  avec  lequel  elle  paraît 
avoir  été  en  bons  termes,  bien  qu'ils  ne  se  soient 
jamais  revus.  Elle  se  dirigea  vers  l'Italie.  Ve- 
nise, Avignon,  Chambéry  furent  à  différents 
temps  sa  résidence,  et  elle  passait  ordinairement 
ses  étés  à  Louvere  sur  le  lac  Iseo  (  territoire  de 
Venise  ),  lieu  très-agréable  et  célèbre  par  ses 
eaux  minérales.  Là  elle  occupait  un  vieux  palais, 
qu'elle  répara  et  embellit,  et  s'amusait  avec  son 
jardin,  la  culture  de  ses  vers  à  soie  et  la  petite 
société  du  lieu,  qui  avait  pour  elle  une  grande 
considération.  En  1758,  elle  se  fatigua  de  la  so- 
litude, et  s'établit  à  poste  fixe  à  Venise.  A  la 
mort  de  son  mari  (  1761),  lady  Mary  céda  aux 
instances  de  la  comtesse  de  Bute ,  sa  fille,  qui 
la  pressait  de  revenir  en  Angleterre.  Elle  ne 
survécut  que  quelques  mois  à  son  retour ,  et 
mourut  d'un  cancer  au  sein  qu'elle  avait  caché 
longtemps.  Dans  la  cathédrale  de  Litchfield  on 
voit  un  monument  en  marbre  consacré  à  sa  mé- 
moire :  «  une  femme  représentant  la  Beauté  y 
verse  des  larmes  sur  la  tombe  de  celle  qui,  par 
l'inoculation  qu'elle  introduisit  en  Europe,  en- 
leva à  la  mort  et  à  la  laideur  une  foule  d'enfants 
destinés  à  devenir  leurs  victimes.  Ce  cénotaphe, 
où  sont  gravées  les  initiales  M.  W.  M.  (Mary 
Wortley-Montague  ),  est  dû  aux  soins  généreux 
de  Henriette  Inge,  fille  de  sir  John  Wrottesley, 
baronnet,  et  porte  la  date  de  1789. 

Les  Lettres  de  lady  Montague,  bien  qu'elles 
n'aient  pas  paru  de  son  vivant,  avaient  été  évi- 
demment écrites  dans  la  vue  d'une  publication, 
future.  Elle  avait  conservé  des  copies  de  toutes, 
et  peu  de  temps  avant  sa  mort  elle  donna  un 
exemplaire  manuscrit  de  sa  main  à  M.  Sowden, 


51  MONTAGUE 

mmisb'e  protestant  à  Roterdam,  avec  quelques 
lignes  l'autorisant  à  en  faire  l'usage  qu'il  voudrait, 
et  un  second  exemplaire  d'une  main  différente  à 
M.  Mblesworth.  Après  sa  mort,  la  comtesse  de 
Bute,  sa  fille,  prit  des  mesures  pour  obtenir  ces 
deux  copies,  et  paya  la  première  500  liv.  sterling. 
Mais  il  paraît  qu'un  double  avait  été  pris  en  secret 
par  deux  voyageurs  anglais  qui  avaient  emprunté 
le  manuscrit  au  ministre  protestant,  et  c'est  d'a- 
près ce  double  que  les  lettres  furent  publiées  en 
1763,  3  volumes  in  12.  L'éditeur  était  un  capi- 
taine mal  famé  nommé  Cleland.  Un  quatrième 
volume  parut  en  1767,  composé  de  lettres  dont 
il  n'y  a  pas  de  manuscrit  connu,  mais  sur  l'au- 
thenticité desquelles  la  famille  n'a  jamaisélevé  de 
doutes.  Ces  lettres,  telles  qu'elles  parurent, 
étaient  précédées  d'une  préface  datée  de  1724  et 
signé  M.  A.,  qui,  on  l'a  su  plus  tard,  était  Mary 
AstelU  amie  particulière  de  lady  Montagu,  et 
femme  d'une  grande  réputation  littéraire  à  cette 
époque,  et  qui,  après  avoir  lu  les  lettres  en  ma- 
nuscrit, avait  écrit  cette  préface.  L'authenticité 
complète  des  lettres  ne  fut  considérée  comme 
établie  que  par  la  publication  qui  eut  lieu  en 
1803,5  vol.  in-12,  d'après  les  manuscrits  ori- 
ginaux, par  un  M.  Dallaway,  qui  mit  en  tête 
une  notice  de  lady  Montagu  de  très-peu  de  mé- 
rite sous  tous  les  rapports.  Une  seconde  édition 
parut  en  1817  avec  de  nouvelles  lettres.  Mais 
une  édition  nouvelle  et  complète  des  Œuvres  de 
lady  Montagu  fut  publiée  en  1836  et  en  1837  par 
lord  Wharncliffe,  son  arrière-petit-fils,  3  volumes 
in-8°.  Elle  renferme  de  nouvelles  lettres  et  d'au- 
tres pièces  qui  n'avaient  pas  encore  vu  le  jour. 
Mais  le  principal  attrait  et  mérite  de  cette  pu- 
blication vient  d'une  nouvelle  notice  de  lady 
Montagu,  modestement  intitulée  «  Anecdotes  de 
biographie  »,  due  à  la  plume  de  sa  petite-fille 
lady  Louisa  Stuart,  et  qui  est  écrite  avec  le 
talent  et  la  vivacité  ingénieuse  qui  distinguaient 
son  aïeule.  Plusieurs  éditions  et  traductions 
des  Lettres  de  Constantinople  et  de  France  ont 
été  publiées  en  France  par  divers  libraires  ou 
auteurs.  —  L'esprit  et  le  talent  de  lady  Montagu 
brillent  dans  toute  sa  correspondance,  mais  il 
y  manque  souvent  la  douceur  et  la  délicatesse 
d'une  femme.  Le  goût  plus  épuré  de  notre  épo- 
que rejetterait  bien  des  passages  ou  détails  qui 
nous  paraissent  un  peu  grossiers  ou  inconve- 
nants. On  y  trouve  aussi  des  traces  de  pédante- 
rie. Cette  critique  faite,  les  lettres  de  lady 
Montague,  surtout  celles  sur  la  Turquie,  méri- 
tent un  haut  rang  dans  la  littérature  anglaise. 
Elles  sont  le  principal  titre  de  sa  réputation.Tous 
les  touristes,  qui  depuis  un  siècle  ont  visité  la 
Turquie  sont  d'accord  pour  reconnaître  que  cette 
peinture  des  mœurs  orientales  est  exacte,  et 
animée  d'un  style  vif  et  pittoresque.  Ces  lettres 
abondent  non-seulement  en  esprit  et  en  humour, 
mais  présentent  souvent  beaucoup  de  sagacité 
et  de  profondeur.  Ce  sont  réellement  des  lettres, 
et  non    des  essais    critiques  ou    didactiques, 


52 
où  l'auteur  s'efforce  de  briller  par  beaucoup 
d'esprit  et  de  savoir.  J.  Chanut. 

Chalmers,  Bïographical  Dictionary.  —  Rase,  Gênerai 
Biography.  —  Ghambers,  Cyclonœdla  o/  English  Litera- 
ture.  —  Biographical  anecdotes,  d.ins  l'édition  publiée 
par  lord  Wharncliffe  des  Letters  and  n  orksoflady  Mon- 
tagv  ;  1837.  —  The  Queens  of  Society  ;  Lomion,  1860. 

montague  (  Edward  Wortleï  ) ,  fils  de  la 
précédente,  né  en  octobre  17 13,  à  Londres,  mort 
le  2  mai  1776,  à  Padoue.  Objet  de  la  plus  vive 
affection  de  sa  mère,  qui  l'emmena  avec  elle  à 
Constantinople,  il  commença  de  bonne  heure  à 
faire  du  bruit  dans  le  monde  comme  ayant  été 
le  premier  Anglais  sur  lequel  on  eût  essayé  l'in- 
oculation. A  son  retour  en  Angleterre  (1719), 
il  fut  placé  à  l'école  de  Westminster  ;  mais 
bientôt  il  disparut,  et  ce  ne  fut  qu'au  bout  d'une 
année  qu'un  ami  de  la  famille,  le  révérend 
Forster,  le  retrouva  sur  le  port,  une  corbeille 
sur  la  tête  et  dans  l'accoutrement  des  reven- 
deurs de  poisson.  Ramené  au  collège,  il  s'échappa 
encore  une  fois,  s'engagea  à  bord  d'un  bâtiment 
prêt  à  mettre  à  la  voile  pour  le  Portugal  et,  dé- 
barqué à  Oporto,  il  gagna  la  campagne,  où  il  vé- 
cut deux  ou  trois  ans  chez  les  paysans.  Reconnu 
un  jour  par  son  ancien  maître  de  navire,  il  fut 
reconduit  malgré  lui  auprès  de  ses  parents,  qui 
le  comblèrent  de  caresses.  Ii  paya  d'ingratitude 
cet  oubli  de  ses  fautes,  et  déserta  la  maison  pa- 
ternelle pour  s'assujettir  à  la  pénible  vie  de  ma- 
telot sur  un  vaisseau  marchand.  On  l'envoya 
alors  aux  colonies  sous  la  conduite  du  rév. 
Forster  qui  fut  chargé  d'achever,  tant  bien  que 
mal,  son  éducation  en  courant  le  monde.  Lors- 
qu'il revint  à  Londres ,  il  avait  plus  de  trente 
ans;  ii  était  permis  de  le  csoire  guéri  de  sa  folie. 
Pourvu  d'un  emploi  dans  le  comté  d'Huntingdon 
(1747),  il  se  fit  remarquer  par  de  nouvelles  sin- 
gularités, s'adonna  au  jeu,  fit  des  dettes,  et  ne 
trouva  finalement  d'autre  moyen  que  la  fuite 
pour  se  tirer  d'affaire.  11  alla  jusqu'à  Paris  (1751). 
A  peine  arrivé,  il  se  trouva  mêlé  dans  un  hon  eux 
procès  qui  l'amena  devant  le  grand  Chàtelet .  On 
usa  d'indulgence  à  son  égard ,  et  il  retourna 
dans  son  pays ,  où  pendant  quelques  années  il 
demeura  tranquille.  En  1754  il  entra  à  la  cham- 
bre des  communes  ;  il  y  fit  sans  doute  une  assez 
pauvre  figure,  et  il  ne  songea  guère  à  racheter  le 
passé  par  une  plus  sage  conduite,  puisque  ni  son 
père  ni  sa  mère  ne  consent  rent  à  le  revoir;  en 
mourant  l'un  lui  laissa  un  revenu  de  1,000  livres 
sterling  sur  son  immense  fortune  (1761),  et 
l'autre,  une  guinée  (  1762  ).  Montague  n'avait  pas 
du  reste  attendu  la  mort  de  sa  mère  pour  re- 
prendre le  cours  de  ses  aventures.  Apres  avoir 
résidé  en  Italie,  il  parcourut  la  Terre  Sainte  , 
l'Egypte ,  l'Arménie  ;  il  avait  laissé  croître  sa 
barbe  et  revêtu  le  costume  asiatique;  de  pro- 
testant il  s'était  fait  catholique,  puis  musul- 
man ;  il  parlait  avec  facilité  l'arabe,  l'hébreu,  le 
persan,  le  chaldéen  et  l'italien.  On  lui  a  connu 
deux  femmes  et  trois  enfants  naturels,  mais  il 
n'est  pas  certain  qu'il  n'en  ait  pas  eu  davantage. 


53 


Toua  les  moyens  lui  semblaient  bons  pour  satis- 
faire ses  goûts  ou  ses  désirs,  et,  comme  il  l'a 
écrit  lui-môme  au  P.  Lami ,  ii  jouait  volontiers 
toutes  sortes  de  personnages,  m  Chez  les  nobles 
d'Allemagne,  j'ai  fait  l'écuyer  ;  j'ai  été  laboureur 
dans  les  champs  de  la  Suisse  et  de  la  Hollande; 
je  n'y  ai  pas  même  dédaigné  l'humble  métier  de 
postillon.  A  Paris  ,  je  me  suis  donné  les  airs 
d'un  petit-maître  ;  j'ai  été  abbé  à  Rome;  à  Ham- 
bourg j'ai  pris  la  grave  contenance  d'un  minis- 
tre luthérien  et  j'ai  raisonné  théologie  de  manière 
à  rendre  le  clergé  jaloux.  Bref,  j'ai  joué  tous  les 
rôles  que  Fielding  donne  à  son  Julien,  et  j'ai  eu 
le  sort  d'une  guinée ,  qui  est  tantôt  entre  les 
mains  d'une  reine,  tantôt  dans  le  sac  d'un  sale 
Israélite.  »  lin  dînant  avec  le  peintre  Romney,  il 
eut  le  gosier  embarrassé  d'un  os  de  perdrix,  et 
tomba  malade.  Un  prêtre,  que  ses  domestiques 
avaient  appelé,  lui  ayant  demandé  dans  quelle  foi 
il  voulait  quitter  le  monde  :  «  J'espère,  dit-il , 
que  ce  sera  dans  celle  d'un  bon  musulman.  »  Il 
n'en  fut  pas  moins  inhumé  dans  un  cloître  de 
Padoue. 

Montague  n'était  pas  dépourv.u  de  connais- 
sances :  il  avait  le  goût  des  antiquités,  et  de 
temps  à  autre  il  aimait  à  écrire.  On  a  de  lui  :  Ré- 
élections on  Ihe  rise  and  fall  of  the  ancient 
republics,  adapted  to  the  présent  state  of 
Great^Britain  ;  Londres,  1759,  in-8°;  traduit  en 
français  par  M"e  Legeai  d'Ourxigné  (Paris,  1769, 
in-12)  et  par  Cantwell  (Paris,  1793,  in-8°),  cet 
ouvrage  a  été  attribué  au  rév.  Forster,  qui  n'a 
élevé  de  réclamation  qu'après  la  mort  de  son 
élève;  — quelques  mémoires  d'archéologie  adres- 
sés à  la  Société  royale  de  Londres  et  imprimés 
dans  les  Philosophical  Transactions.  P.  L — t. 

Nichols,  History  of  Leicesters hire,  et  Lilerary  Anec- 
dotes, IV. 

moxtague  (John),  comte  de  Sandwich,, 
homme  politique  anglais,  né  le  3  novembre  1718, 
à  Londres,  où  il  est  mort,  le  30  avril  1792.  Fils 
du  vicomte  Hinchinbroke,  il  fit  de  bonnes  études 
à  Eton  et  à  Cambridge.  En  quittant  l'université, 
il  entreprit,  en  compagnie  de  lord  Bessborougb, 
de  MM.  Netthorpe  et  Mackye,  et  du  peintre  Lio- 
tard,  un  voyage  d'agrément  autour  de  la  Médi- 
terranée ;  il  en  rapporta  deux  momies  „  huit  ibis 
embaumés,  une  grande  quantité  d'anciens  papy- 
rus ,  quinze  cornées ,  cinq  cents  médailles ,  un 
vase  grec,  et  une  table  de  marbre,,  dont  l'ins- 
cription, longtemps  indéchiffrable,  ne  fut  expliquée 
qu'en  1743,  par  le  savant  Taylor.  Quand  il  eut 
l'âge  requis,  il  prit  à  la  chambre  des  lords  le 
siège  qu'il  avait  hérité  en  1729  de  son  grand - 
père  avec  le  titre  de  comte  de  Sandwich.  Il  se 
joignit  au  parti  qui  était  en  opposition  avec  Robert 
Walpole.  Nommé  second  lord  de  l'amirauté  à  la 
fin  de  1744,  il  contribua  activement  à  éteindre  la 
rébellion  jacobitede  1 745  et  il  assista,  en  qualité  de 
plénipotentiaire,  aux  délibérations  qui  précé- 
dèrent le  traité  d'Aix-la-Chapelle  (1748).  A  son 
retour  il  entra  an  conseil  privé,  et  devint  premier 


MONTAGUE  54 

lord  de  l'amirauté.  Cette  charge,  dans  l'exercice 
de  laquelle  il  fit  preuve  de  beaucoup  d'activité, 
lui  fut  retirée  en  1751  ;  mais  il  la  remplit  encore 
deux  fois,  la  première  de  1763  à  1765,  et  la  se- 
conde de  1771  à  1782,  pendant  toute  la  durée 
du  ministère  de  lord  North.  Sa  conduite  à  la  tête 
d'une  administration  dont  la  guerre  d'Améri- 
que rendit  la  direction  fort  pénible  lui  fit  infini- 
ment d'honneur.  11  réforma  de  nombreux  abus, 
surlout  dans  les  arsenaux,  qu'il  visitait  chaque 
année;  il  augmenta  l'établissement  des  soldats 
de  marine,  il  encouragea  les  voyages  d'explora- 
tion, notamment  ceux  de  Cook.  Orateur  plus  so- 
lide que  brillant,  il  apportait  dans  les  débats  parle- 
mentaires du  bon  sens  et  de  la  modération  ;  on  le 
vit  plus  d'une  fois,  durant  la  guerre  d'Amérique, 
réfuter  avec  calme  les  attaques  passionnées  de 
ses  adversaires.  Parmi  ces  derniers  il  compta 
lord  Chatham;  mais,  sans  se  laisser  éblouir  par 
la  rare  éloquence  de  cet  orateur,  il  n'hésita  ja- 
mais à  lui  répondre,  et  il  le  fit  de  manière  à  lui 
prouver  que  sa  réponse  était  nécessaire  et  con- 
venable. Comme  homme  privé  ,  il  était  affable, 
généreux,  prompt  à  rendre  service,  fort  adonné 
au  plaisir,  et  amateur  enthousiaste  de  musique. 
On  a  de  lui  :  A  Voyage  performed  by  the 
earl  of  Sandwich  round  the  MedUerranean  in 
the  years  1738  and  1739  ;  Londres,  1799,  in-8°, 
publié  par  les  soins  de  son  chapelain  JohnCooke, 
qui  y  a  ajouté  une  notice  biographique.  P.  L — y. 

J.  Cooke,  Memoir  of  the  earl  ot  Sandwich.  —  Collins, 
Peerage.  —  Monthly  Review,  XXXIII  (nouv.  série).  — 
Chaliners.  General  Biographical  Dict.,  XXII. 

montague  (Georges),  naturaliste  anglais, 
mort  en  1815,  à  Knowle  (  comté  de  Devon 


II 

appartenait  à  une  ancienne  famille  du  pays  de 
Galles.  Ses  connaissances  étendues  en  histoire 
naturelle  le  firent  compter  parmi  les  premiers 
membres  de  la  Société  Linnéenne  de  Londres. 
Il  est  l'auteur  de  deux  ouvrages  très-estimés  : 
Ornithological  Dictionary  of  Alphabetical 
Synopsis  of  British  Birds  (Londres,  1802, 
2  vol.  in-8°  fig.  ),  et  T <  stacea  Britannica,  or 
natural  history  of  British  shells,  marine, 
land  and  fresh-water,  including  the  most 
mimite  (Londres,  1803,  in-4°  fig. ,  avec  un 
suppl.,  1809,  in-4°  ).  Le  recueil  de  la  Société  Lin- 
néenne contient  encore  de  lui  beaucoup  de  dis- 
sertations et  de  mémoires  sur  les  oiseaux  et  les 
coquilles  du  sud  de  l'Angleterre.  K. 

The  English.  Cyclopxdia  (  Biogr.). 
montague  (Éiizabeth  Robinson,  mistress), 
femme  auteur  anglaise,  née  le  2  octobre  1720,  à 
York,  morte  le  25  août  1800,  à  Londres.  Élevée 
à  Cambridge,  où  résidait  sa  famille,  elle  fut  con- 
fiée aux  soins  du  second  mari  de  sa  grand 'mère, 
le  fameux  théologien  Conyers  Middleton,  qui 
l'habitua  à  résumer  chaque  soir  les  savantes 
conversations  auxquelles  elle  était  présente.  Sa 
sensibilité  rare,  l'éclat  de  sa  beauté  enfantine, 
la  précocité  de  son  intelligence  en  firent  la  mer- 
veille de  l'université.  Introduite  de  bonne  heure- 


55 


MONTAGUE  —  MONTAIGNE 


56 


dans  la  meilleure  société,  elle  en  conserva 
le  goût  pendant  le  reste  de  sa  vie.  A  l'âge  de 
vingt-deux  ans,  elle  épousa  un  des  petits-fils  du 
premier  comte  de  Sandwich,  Edward  Montague, 
qui  siégea  dans  plusieurs  parlements  pour  le 
bourg  d'Huntingdon.  11  mourut  en  1775,  la  lais- 
sant maîtresse  d'une  fortune  considérable,  dont 
elle  sut  faire  le  plus  noble  usage.  On  a  de  cette 
dame  :  Three  Dialogîies  qf  the  Dead,  publiés 
avec  ceux  de  lord  Lyttelton  (  1760  )  ;  —  Essay 
on  the  genius  and  writings  of  Shakespeare  ; 
Londres,  1769,  in-8°.  Elle  entreprit  surtout  cet 
ouvrage  pour  venger  le  grand  poëte  anglais  des 
sarcasmes  que  Voltaire  lui  avait  prodigués. 
Après  l'avoir  lu,  Cowper  en  porta  le  jugement 
suivant  :  «  Je  ne  m'étonne  plus  si  mistress 
Montague  tient  une  si  grande  place  dans  ce  qu'on 
appelle  le  monde  savant,  et  si  chaque  critique 
incline  son  bonnet  devant  elle.  L'érudition ,  le 
bon  sens,  le  profond  jugement  et  l'esprit  qu'elle 
y  a  déployés  justifient  pleinement  non-seule- 
ment mes  éloges ,  mais  tous  les  éloges  que  l'on 
a  décernés  à  ses  talents  ou  qu'on  lui  décernera 
dans  l'avenir.  »  Voltaire  ne  pardonna  pointa  une 
femme  de  l'avoir  battu  sur  le  terrain  de  la  criti- 
que ;  il  lui  répliqua  vivement,  quoique  d'une  fa- 
çon détournée,  dans  sa  Lettre  à  l'Académie 
Française  du  25  août  1776.  Mistress  Montague 
prit  aussitôt  la  plume,  et  écrivit  l'apologie  de 
Shakespeare,  qui  fut  traduite  en  français  l'année 
suivante  (Paris,  1777,in-8°).  Après  sa  mort, 
son  neveu  fit  paraître  sa  Correspondance  lit- 
téraire (  4  vol.  in-8°  ),  qui  prouve  que  l'on  n'a 
rien  dit  de  trop  sur  le  charme  de  sa  conversa- 
tion et  l'étendue  de  ses  connaissances;  les  noms 
les  plus  illustres  de  cette  époque,  Pope,  Johnson, 
Goldsmith,  Beattie,  Burke  ,  les  lords  Bath  et 
Littelton,  figurent  parmi  ceux  qu'elle  entrete- 
nait le  plus  souvent.  Elle  avait  fondé  dans  son 
hôtel  une  sorte  de  réunion  littéraire,  qui  fut  pen- 
dant plusieurs  années  connue  sous  le  nom  de  Blue 
Btockings  Club  (Club des  Bas-bleus).  P. L— y. 

Forbes,  Life  of  Beattie.  —  Censura  Utteraria,  t.  II  et 
III.  —  Gentleman's  Magazine,  LXX.  —  Hayley,  Life  of 
Cowper.  —  Chalmers,  General  Biograph.  Dict. 

Montaigne  {Michel  Eyquem  de),  célèbre 
moraliste  français,  né  au  château  de  Montaigne, 
en  Périgord,  le  vendredi  28  février  1533,  mort 
le  13  septembre  1592.  Il  était  le  troisième  fils  de 
Pierre  Eyquem  écuy  er,  seigneur  de  Montaigne  (1), 
dont  la  famille  faisait  remonter  ses  titres  de  no- 
blesse au  commencement  du  quinzième  siècle, 

(1)  «  Après  la  mort  de  son  père  et  de  ses  deux  frères 
aînés,  Michel  devint  le  chef  de  la  .famille;  il  succéda  aux 
titres  comme  aux  biens  :  de  Thou  lui  donne  le  titre 
à'écuyer  dans  la  notice  nécrologique  qu'il  lui  consacre, 
Montanut  eques.  Jusque  alors  il  signait  Michel  Montai- 
gne ;  c'est  encore  la  signature  mise  au  bas  des  lettres 
ou  dédicaces  de  1870,  insérées  dans  les  œuvres  de 
La  Boëtie.  Plus  tard  il  signa  Montaigne.  Quelques-uns  de 
ses  cachets  portent  avec  ses  armes  :  Michel  seigneur  de 
Montaigne.  »  (Griin).  Montaigne  avait  des  armes  qu'il 
décrit  ainsi  :  «  Je  porte  d'azur  semé  de  trèfles  d'or,  à  une 
patte  de  lyon  de  mesme,  armée  de  gueule»,  mise  en 
fasce.  »  Essais,  l.  1,  ch.  xvi. 


et  s'était  alliée  à  des  Anglais  de  Guyenne  (1). 
Pierre  Eyquem,  après  avoir  fait  plusieurs  cam- 
pagnes en  Italie,  se  maria  en  1528,  à  l'âge  de 
trente -trois  ans.  Établi  au  château  de  Montaigne, 
où  il  s'occupait  de  l'éducation  de  ses  enfants,  il 
ne  le  quitta  guère  que  pour  aller  remplir  des 
fonctions  publiques  à  Bordeaux.  Il  fut  élu  jurât 
decette  ville  en  juillet  1530,  sous-maire  en  1536, 
jurât  de  nouveau  en  1540,  enfin  maire  le  1er  août 
1554.  En  cette  dernière  qualité  il  fit  un  voyage 
à  la  cour  (2).  Il  destina  ses  deux,  premiers  fils 
à  suivre  la  carrière  des  armes,  et  réserva  le 
troisième,  Michel,  pour  la  magistrature.  L'édu- 
cation de  celui-ci  fut  singulière  pour  un  fils  de 
gentilhomme  et  bien  propre  à  développer  ces 
idées  d'égalité  naturelle  et  d'indépendance  qui 
caractérisèrent  sa  philosophie.  «  Le  bon  père 
que  Dieu  me  donna,  dit-il,  m'envoya  dez  le  ber- 
ceau, nourrir  à  un  pauvre  village  des  siens,  et 
m'y  teint  autant  que  je  feus  en  nourrice,  et  en- 
cores  au  delà  ;  me  dressant  à  la  plus  basse  et 
commune  façon  de  vivre...  Son  humeur  visoit 
encores  à  une  aultre  fin,  de  me  rallier  avecques 
le  peuple  et  cette  condition  d'hommes  qui  a  be- 
soing  de  notre  ayde;  et  estimoit  que  je  feusse 
tenu  de  regarder  plustost  vers  celuy  qui  rne  tend 
les  bras,  que  vers  celuy  qui  me  tourne  le  dos  ; 
et  feut  cette  rayson  pourquoy  aussi  il  me  donna 
à  tenir  sur  les  fonts  à  des  personnes  de  la  plus 
abjecte  fortune,  pour  m'y  obliger  et  m'y  atta- 
cher, v  En  même  temps  qu'il  donnait  à  son  fils, 
dès  le  berceau,  cette  Jeçon  -d'égalité,  Pierre 
Eyquem  ne  négligeait  pas  de  lui  assurer  une  bonne 
instruction.  Il  s'y  prit  d'une  façon  assez  singu- 
lière. Montaigne,  dans  son  style  vif  et  coloré,  a 
raconté  comment  on  lui  enseigna  le  latin.  Quoi- 
qu'il soit  dangereux  avec  lui  de  s'abandonner  au 
charme  des  citations,  quinous  entraîneraient  trop 
loin,  nous  rappellerons  tout  au  long  des  détails 
qui  nous  aideront  à  comprendre  le  talent  de 
l'auteur  des  Essais  en  montrant  dans  quelles 
circonstances  et  de  quels  éléments  ce  talent  com- 
mença à  se  former.  «  Feu  mon  père,  dit  Mon- 
taigne, ayant  faict  toutes  les  recherches  qu'homme 
peult  faire  parmy  les  gents  sçavants  et  d'enten- 
dement, d'une  forme  d'institution  exquise,  feut 
ad  visé  de  cet  inconvénient  qui  estoit  en  usage; 
et  luy  disoit  on  que  cette  longueur  que  nous 
mettions  à  apprendre  les  langues  qui  ne  leur 
coustoient  rien,  est  la  seule  cause  pourquoy 
nous  ne  pouvons  arriver  à  la  grandeur  d'ame  et 
de  cognoissance  des  anciens  Grecs  et  Romains. 
Je  ne  croy  pas  que  c'en  soit  la  seule  cause. 
Tant  y  a  que  l'expédient  que  mon  père  y  trouva, 

(1)  Montaigne  a  eu  soin  de  mentionner  cette  alliance. 
«  C'est  une  nation ,  dit-il,  à  laquelle  ceux  de  mon  quar- 
tier ont  eu  aultre  fois  une  si  privée  accointance  qu'il 
reste  encores  en  ma  maison  aulcunes  traces  de  notre 
ancien  cousinage.  »  L.  11,  c.  xh. 

(2)  Un  chroniqueur  bordelais,  Jean  Darnal,  dit  à  cette 
occasion  :  «  Monsieur  le  maire  allant  en  cour  pour  les 
affaires  de  la  ville,  lui  furent  envoyez  vingt  tonneaux  de 
vin  pour  faire  des  présens  aux  seigneurs  favorables  à  la 
dicte  ville.  •> 


67 


MONTAIGNE 


58 


ce  feut  qu'en  nourrice,  et  avant  le  premier  des- 
nouement  de  ma  langue,  il  me  donna  en  charge 
à  un  Allemand,  qui  depuis  est  mort  fameux 
médecin  en  France,  du  tout  ignorant  de  nostre 
langue,  et  très-bien  versé  en  la  latine.  Cetluy-cy, 
qu'il  avoit  faict  venir  expiez,  et  qui  estoit  bien 
chèrement  gagé,  m'avoit  continuellement  entre 
les  bras.  lien  eut  aussi  avecques  lui  deux  aultres 
moindres  en  scavoir  pour  me  suyvre  et  soula- 
ger le  premier  :  ceulx-cy  ne  m'entretenoient 
d'aultre  langue  que  latine.  Quant  au  reste  de 
sa  maison,  c'estoit  une  reigle  inviolable  que  ny 
lui-même,  ny  ma  mère,  ny  valet,  ny  chambrière, 
ne  parloient  en  ma  compaignie  qu'autant  de 
mots  de  latin  que  chacun  avoit  apprins  pour 
jargonner  avec  moy.  C'est  merveille  du  fruict 
que  chacun  y  feit.  Mon  père  et  ma  mère  y  ap- 
prindrent  assez  de  latin  pour  l'entendre,  et  en 
acquirent  à  suffisance  pour  s'en  servir  à  la  né- 
cessité, comme  feirent  aussi  les  aultres  domes- 
tiques qui  estoient  plus  attachez  à  mon  service. 
Somme,  nous  nous  latinizasmes  tant,  qu'il  en 
regorgea  jusques  à  nos  villages  tout  autour,  où 
il  y  a  encores  et  ont  prins  pied  par  l'usage  plu- 
sieurs appellations  latines  d'artisan6  et  d'utils. 
Quant  à  moy,  j'avoy  plus  de  six  ans  avant  que 
j'entendisse  non  plus  de  françois  ou  de  perigor- 
din  que  d'arabesque;  et  sans  art,  sans  livre, 
sans  grammaire  ou  précepte,  sans  fouet  et  sans 
larmes  j'avois  apprins  du  latin  tout  aussi  pur 

que  mon  maître  d'école  le  sçavoit Quant  au 

grec,  duquel  je  n'ay  quasi  du  tout  point  d'intel- 
ligence, mon  pèredesseigna  mêle  faire  apprendre 
par  art,  mais  d'une  voye  nouvelle,  par  l'orme 
d'esbat  et  d'exercice  :  nous  pelotions  nos  décli- 
naisons, à  la  manière  de  ceulx  qui,  par  certains 
jeux  de  tablier  (damier)  apprennent  l'arithmé- 
tique et  la  géométrie.  Car  entre  aultres  choses, 
il  avoit  esté  conseillé  de  me  faire  gouster  la 
science  et  le  debvoir  par  une  volonté  non  forcée, 
et  de  mon  propre  désir,  et  d'eslever  mon  ame 
en  toute  doulceur  et  liberté,  sans  rigueur  et  con- 
traincte  :  je  dis  jusques  à  telle  superstition,  que 
parce  qu'aulcuns  tiennent  que  cela  trouble  la 
cervelle  tendre  des  enfants  de  les  esveiller  le 
matin  en  sursault,  et  de  les  arracher  du  sommeil 
(auquel  ils  sont  plongez  beaucoup  plus  que  nous 
ne  sommes)  tout  à  coup  et  par  violence;  il  me 
faisoit  esveiller  par  le  son  de  quelque  instrument, 
et  ne  feus  jamais  sans  homme  qui  m'en  servist.  » 
Montaigne  prétend  que  cette  «  si  exquise  cul- 
ture »  manqua  son  effet  pour  deux  raisons,  d'a- 
bord parce  que  avec  une  santé  ferme  et  entière, 
un  naturel  doux  et  traitable,  il  était  «  si  poisant, 
mol  et  endormi  qu'on  ne  le  pouvoit  arracher  de 
l'oisiveté  même  pour  le  faire  jouer  (1).  »  Ensuite 
parce  que  son  père,  au  lieu  de  lui  laisser  achever 

!  (1)  «  Ce  que  Je  veoyoy,  ajoute-t-il,  je  le  veoyoy  bien  ; 
et  soubs  celte  complexion  lourde,  nourrissdy  des  imagi- 
nations hardies  et  des  opinions  au-dessus  de  mon  aage. 
L'esprit  Je  l'avoy  lent,  et  qui  n'alloit  qu'autant  qu'on  le 
menoit;  l'appréhension  tardifve,  l'invention  lasche;  et 
aprez  tout  un  incroyable  default  de  mémoire.  » 


son  éducation  à  la  maison,  l'envoya,  vers  L'âge  de 
six  ans,  au  collège  de  Guyenne.  Michel  en  sortit 
à  treize  ans,  après  avoir  terminé  ses  études;  c'est- 
à-dire,  si  on  l'en  croit,  après  avoir  oublié  pres- 
que tout  son  latin  et  sans  avoir  rien  appris  qui 
en  valût  la  peine.  En  quittant  le  collège  de 
Guyenne  il  fit  son  cours  de  droit  ;  on  ne  sait 
dans  quelle  ville.  M.  Griin  suppose  avec  vraisem- 
blance que  ce  fut  à  Toulouse,  où  les  leçons  de 
Cujas,  alors  à  ses  débuts,  mais  déjà  c  élèbre,  atti- 
raient des  étudiants  de  toutes  les  parties  de  la 
France.  C'est  là  sans  doute  que  Michel  Mon- 
taigne se  lia  avec  quelques-uns  de  ses  condis- 
ciples, depuis  magistrats  célèbres,  Etienne  Pas- 
quier,  Henri  de  Mesmes,  Antoine  Loisel,  Pierre 
Pithou.  Il  est  probable  aussi  qu'il  ne  fit  pas 
tout  son  cours  de  droit  dans  la  même  ville ,  et 
qu'il  fut  étudiant  à  Bordeaux  et  à  Paris.  Son 
premier  séjour  dans  cette  grande  ville  remonte 
à  sa  jeunesse  et  presque  à  son  enfance .  A  la  fin 
de  ses  études  il  entra  dans  la  magistrature.  Dans 
le  courant  de  1555  ou  de  1556,  Pierre  Eyquem 
de  Montaigne,  membre  de  la  cour  des  aides  de 
Périgueux  depuis  l'institution  de  cette  cour,  le 
16  décembre  1554,  céda  sa  place  à  son  fils  Mi- 
chel. La  cour  des  aides  de  Périgueux  n'eut  pas 
une  longue  durée  :  elle  fut  transférée  à  Bordeaux 
au  mois  de  mai  1557.  Michel  Montaigne  suivit 
sa  compagnie,  qui  n'obtint  pas  d'être  immédiate- 
ment incorporée  dans  le  parlement  de  Bordeaux. 
L'incorporation  n'eut  lieu  que  le  14  novembre 
1561,  et  c'est  de  cette  époque  seulement  que 
date  l'entrée  définitive  de  Montaigne  en  la  cour 
souveraine  de  Bordeaux.  Dans  l'intervalle  il  fit 
plusieurs  voyages  à  Paris,  et  suivit  assidûment 
la  cour  (1).  De  temps  en  temps  il  revenait  à  Bor- 
deaux, où  le  rappelaient  ses  fonctions  de  membre 
de  la  cour  des  aides  transférée  et  ses  rapports 
d'amitié  avec  plusieurs  conseillers  du  parlement. 
Il  s'était  lié  avec  l'un  d'eux ,  l'aimable  et  noble 
La  Boëtie  d'une  amitié  qu'il  a  immortalisée  dans 
quelques-unes  des  plus  belles  pages  de-  ses  Es- 
sais (voy.  La  Boetie).  Cette  liaison,  rompue  par 
la  mort  prématurée  de  La  Boëtie,  au  mois  d'août 
1563,  fut  le  plus  mémorable  épisode  de  la  vie 
parlementaire  de  Montaigne,  qui  n'était  point  fait 
pour  cette  carrière.  «  Il  n'y  avoit  homme  moins 
chicaneur  et  moins  praticien  que  lui,»  dit  Etienne 
Pasquier.  Il  n'avait  pas  pris  goût  à  la  jurispru- 
dence, quoique  son  père  l'y  eût  «  plongé  tout  en- 
fant jusqu'aux  oreilles  »  ;  il  la  trouvait  compli- 
quée dans  ses  formes,  violente  dans  ses  prescrip- 
tions, barbare  dans  son  langage,  pleine  de 
contradictions  et  de  ténèbres.  11  se  demandait 
pourquoi  le  langage  commun  «si  aysé  à  toutaultre 
usage  devient  obscur  et  non  intelligible  en  con- 
tractet  testament;  et  il  pensait  que  les  hommes 


(1)  En  1558  il  assista,  comme  militaire  ou  comme  sim- 
ple curieux,  an  siège  de  Thlonville  ;  il  est  probable  qu'en 
1560,  l'année  de  la  conjuration  d'Amboise,  il  se  trouvait 
à  la  cour  de  François  II  ;  et  11  est  à  peu  près  certain  qu'il 
était  avec  Charles  IX  à  Rouen  en  octobre  1562. 


59 


MONTAIGNE 


(iO 


de  loi  ont  tout  embrouillé  pour  se  rendre  néces- 
saires (1).  Il  s'étonnait  que  la  France  eût  plus 
de  lois  que  tout  le  reste  du  monde,  et  que  de 
ces  lois  et  usances  il  y  en  eût  «  plusieurs  bar- 
bares et  monstrueuses  »  Il  s'indignait  de  l'atro- 
cité des  supplices  et  de  l'usage  de  la  torture. 
«  Tout  ce  qui  est  au  delà  de  la  mort  simple,  di- 
sait-il, me  semble  pure  cruauté.  »  «Celuy  que  le 
juge  a  gebenné  pour  ne  le  faire  mourir  innocent, 
il  le  fait  mourir   innocent  et  géhenne.  ■»    • 

Avec  de  pareilles  opinions  Michel  Montaigne 
devait  avoir  hâte  de  quitter  le  parlement.  Après  la 
mort  de  son  père,  en  1568,  et  de  ses  deux  frères 
aînés,  il  résigna  sa  place  de  conseiller  en  faveur 
deFlorimond  de  Raymond  le  24  juillet  1570.  On 
a  pensé  que  la  politique  n'avait  pas  été  étrangère 
à  cette  résolution;  que  voyant  avec  dégoût  et 
inquiétude  le  gouvernement  de  Charles  IX,  il 
abandonna  des  fonctions  qui  pouvaient  le  rendre 
complice  des  actes  de  ce  gouvernement.  Ce  sont 
là  des  suppositions  bien  hasardées.  Montaigne 
était  humain  et  éclairé  ;  mais  il  ne  partageait  ni 
les  haines  ni  les  espérances  des  partis  qui  agi- 
taient alors  la  France.  «  Une  police,  disait-il, 
c'est  comme  un  bâtiment  de  diverses  pièces 
jointes  ensemble  d'une  telle  liaison  qu'il  est  im- 
possible d'en  esbranler  une  que  tout  le  corps  ne 
s'en  sente....  Je  suis  desgouté  de  la  nouvelleté, 
quelque  visage  quelle  porte,  et  ay  raison  car  j'en 
ay  vu  des  effets  très-dommageables...  »  Un  peu 
après  sa  démission  de  conseiller,  et  avant  la 
Saint-Barthélémy,  il  écrivait  le  10  septembre 
1570  :  «  La  nouvelleté  couste  si  cher  jusqu'à 
cette  heure  à  ce  pauvre  État,  et  ne  sçais  si  nous 
en  sommes  à  la  dernière  enchère,  qu'en  tout  et 
partout  j'en  quitte  le  parti.  »  Celui  qui  s'expri- 
mait ainsi  n'était  pas  un  homme  d'opposition.  'Il 
avoue  de  plus  qu'il  aimait  la  cour  et  qu'il  y  a 
passé  une  partie  de  sa  vie.  Il  aimait  aussi  beau- 
coup Paris,  dont  il  a  fait  au  IIIe  livre  de  ses 
Essais  un  éloge  magnifique  et  plein  d'émotion. 
On  ne  sait  rien  sur  les  premiers  séjours  qu'il  fit 
dans  cette  ville,  mais  il  est  certain  qu'il  parut  à 
la  cour  et  qu'il  y  fut  remarqué,  plus  encore  par 

(1)  Voir  dans  le  I.  III,  en.  xni,  plusieurs  pages  admi- 
rables de  verve  et  de  bon  sens,  sur  ces  complications  de 
la  jurisprudence;  nous  en  citons  quelques  lignes  .  «  Les 
princes  de  cet  art  d'appliquants  d'une  péeullere  attention 
à  trier  des  mots  solennes  et  former  des  clauses  artistes, 
ont  tant  poisé  chaque  syllabe,  cspeluché  si  primement 
chasque  espèce  de  cousture,  que  les  voylà  enfrasquez  et 
embrouillez  en  l'infinité  des  figures,  et  si  menues  parti- 
tions, qu'elles  ne  peuvent  .pins  tumber  soubs  aulcun  rè- 
glement et  prescription,  ny  aulenne  certaine  intelligence. 
Nous  doutions  sur  Ulpiao,  et  redoublons  encore  sur  Bar- 
tolus  et  Balrins...  Qui  ne  diroit  que  les  gloses  augmen- 
tent les  doubtes  et  l'ignorance,  puisqu'il  ne  se  veoid 
autcun  livre,  soit  humain,  soit  divin,  sur  qui  le  monde 
s'embesongne,  duquel  l'interprétation  face  tarir  la  diffi- 
culté? Le  centlesuie  commenlaire  le  renvoyé  à  son  suy- 
vani,  plus  espineux  et  scabreux  que  le  premier  ne  l'avoit 
trouvé.  .  Cela  se  veoid  mieulx  en  la  chicane;  on  donne 
autorité  des  lois  à  infinis  docteurs,  Infinis  arrests,  et  a 
autant  d'interprétations...  Il  y  ajilus  à  faire  à  interpréter 
les  interprétations  qu'a  interpréter  les  choses;  et  plus 
de  livres  sur  les  livres  que  sur  dultre  subject  :  nous  ne 
faisons  que  nous  entrcgloser.  » 


sa  rare  distinction  d'esprit  que  par  sa  position 
dans  la  magistrature.  Charles  IX  le  créa ,  au 
mois  d'octobre  1571,  chevalier  de  l'ordre  de 
Saint-Michel  ;  cette  faveur  était  alors  si  prodi- 
guée que  Michel  Montaigne,  qui  l'avait  beaucoup 
désirée,  fut  peu  flatté  de  la  recevoir.  Vers  le 
même  temps  il  éprouva  pour  les  agitations  de 
la  cour  un  dégoût  passager,  et  il  résolut  de  se 
retirer  dans  son  château  du  Périgord,  et  d'y  cul- 
tiver en  paix  les  lettres  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie. 
Les  circonstances  publiques  justifiaient  cetie  ré- 
solution, à  laquelle  cependant  il  ne  fut  pas  fidèle, 
car  il  accepta,  vers  1576,  la  charge  de  gentil- 
homme ordinaire  de  la  chambre  du  roi,  et  plus 
tard  celle  de  gentilhomme  de  la  chambre  du 
roi  de  Navarre.  La  vie  de  Montaigne  depuis  sa 
sortie  du  parlement  jusqu'à  son  voyage  en  Italie 
fut  principalement  remplie  par  la  composition 
des  deux  premiers  livres  de  ses  Essais.  Les  af- 
faires publiques  y  tinrent  aussi  une  place  assez 
importante,  mais  qu'il  est  impossible  de  préciser. 
M.  Grûn  a  rassemblé  et  discuté  tous  les  ren- 
seignements à  ce  sujet.  Nous  renvoyons  à  son 
savant  ouvrage  pour  les  détails  de  cette  période, 
dont  un  autre  biographe,  M.  Clément,  a  ainsi 
résumé  l'ensemble.  «  Quelques  négociations  où 
Montaigne  servit  successivement  d'intermédiaire 
entre  Charles  IX,  Henri  III,  le  duc  de  Guise  et 
le  roi  de  Navarre,  marquèrent  dans  la  vie  pu- 
blique de  l'illustre  auteur  des  Essais,  pendant 
les  années  qui  suivirent  sa  retraite  du  parlement 
de  Bordeaux  ;  mais  les  détails  sur  le  rôle  que 
le  négociateur  joua  dans  ces  affaires,  d'une  im- 
portance aujourd'hui  secondaire,  font  défaut. 
Ami  en  tout  temps  de  l'autorité  royale  et  légi- 
time, malgré  les  violences  du  gouvernement  de 
Charles  IX,  les  faiblesses  de  Henri  III  et  les 
séductions  irrésistibles  du  roi  de  Navarre,  Mon- 
taigne n'intervint  entre  eux  que  dans  le  but  de 
raffermir  la  royauté  contre  la  ligne  incessante 
des  partis.  Par  intervalles,  la  guerre  civile  de- 
venant plus  envenimée  et  plus  générale  dans  sa 
province,  le  négociateur  suspendait  ses  démar- 
ches, l'écrivain  philosophe  abandonnait  la  plume 
pour  l'épée,  le  gentilhomme  ordinaire  de  la 
chambre  du  roi  se  transformait  en  soldat.  Mais 
le  noble  et  dur  métier  des  armes  ne  convenait 
guère  sans  doute  à  cette  nature  contemplative, 
amie  du  bien-être,  et,  il  faut  bien  le  dire  aussi, 
passablement  égoïste...  Entraîné,  poussé  malgré 
lui,  dans  les  guerres  civiles  qui  désolaient  plus 
particulièrement  sa  province,  il  ne  pouvait  que 
les  maudire  et  en  souhaiter  la  fin.  Quand  l'o- 
rage était  un  peu  calmé,  il  revenait  à  sa  li- 
brairie et  ajoutait  quelques  chapitres  à  ses  Es- 
sais. »  La  première  édition  de  cet  ouvrage  pa- 
rut en  1580.  Nous  apprécierons  plus  loin  les 
Essais  ;  disons  ici  seulement  dans  quelles  cir- 
constances ils  furent  composés.  Montaigne  était 
un  esprit  paresseux,  qui  pour  penser  active- 
ment avait  besoin  d'une  excitation  étrangère. 
L'agitation  d'une  grande  ville,  les  conversations 


61 

avec  des  amis,  la  vue  de  pays  nouveaux  et  sur- 
tout la  lecture  des  anciens  étaient  pour  -lui  des 
stimulants  utiles  et  même  nécessaires.  Avec  ce 
tempérament  intellectuel,  il  ne  songea  point  d'a- 
bord à  écrire;  il  lui  suffisait  de  laisser  sa  pensée 
s'exercer  sur  les  innombrables  sujets  que  lui  of- 
fraient son  expérience  et  ses  lectures  ;  niaiscomme 
il  était  distrait  et  avait  la  mémoire  courte,  il  s'a- 
perçut vite  qu'il  laissait  perdre  une  foule  de 
pensées  ingénieuses ,  et  il  se  plut  à  les  noter.  Il 
prit  goût  à  cet  amusement,  qui  convenait  par- 
faitement à  son  imagination,  riche  et  indisciplinée, 
et  à  son  talent  inné  de  style.  Ce  fut  ainsi  qu'il 
rassembla  sans  suite  et  sans  intention  de  les 
publier  un  trésor  de  pensées  et  d'expressions. 
Mais  sa  traduction  de  la  Théologie  naturelle 
de  Raymond  Sebonde,  publiée  en  1569,  et  son 
édition  des  Œuvres  inédites  de  La  Boëtie,  l'en- 
couragèrent à  devenirauteur  lui-aanêrae.  Pour  cela 
il  n'eut  qu'à  ranger  sous  divers  titres,  à  déve- 
lopper, à  lier  légèrement  par  des  pensées  nou- 
velles les  pensées  qu'il  avait  déjà  recueillies. 
Cette  élaboration  longue ,  soignée  mais  non  pé- 
nible, et  qui  fut  plutôt  pour  lui  un  nouvel  amu- 
sement, amena  les  Essais  au  point  de  pouvoir 
être  présentés  en  1580  au  public,  qui  les  ac- 
cueillit bien.  Ce  n'était  pourtant  qu'une  ébauche 
de  l'ouvrage  que  nous  connaissons  aujourd'hui. 
La  même  année  Montaigne  partit  pour  un  long 
voyage,  dans  l'espoir  de  rétablir  sa  6an*té,  ru- 
dement éprouvée  depuis  deux  ans  par  une  né- 
phrétique. 11  quitta  le  château  de  Montaigne  le 
22  juin  1580,  rendit  visite  au  maréchal  de  Ma- 
tignon ,  qui  faisait  le  siège  de  La  Fère  ;  puis  il 
se  dirigea  sur  la  Lorraine ,  et  s'arrêta  aux  bains 
de  Plombières.  De  là  il  se  rendit  en  Allemagne , 
puis  en  Suisse,  et  enfin  en  Italie,  en  passant  par 
le  Tyrol.  On  a  le  journal  de  son  voyage .;  <il  le 
tenait  pour  lui-même,  et  s'y  laisse  voir  tout  à 
fait  en  négligé  (1).  Le  langage  en  est  sec,  dé- 
cousu, incorrect  même  .pour  le  temps  ;  vers  la 
fin  l'auteur  laisse  son  mauvais  français  pour  un 
italien  qui  ne  vaut  pas  mieux;  mais  toutce  fatras 
est  très-utile  et  parfois  amusant  à  consulter  Mon- 
taigne s'y  révèle  naïvement  dans  son  égoïsme  de 
valétudinaire,  et  dans  sa  vanité  gasconne  il  s'y 
montre  aussi  un  observateur  calme ,  impartial , 
éclairé,  dégagé  de  préjugés  nationaux,  lll  n'oublie 
aucun  détail  sur  les  variations  de  sa  santé  et 
sur  les  effets  des  eaux  minérales.;  il  «ate  avec 
un  soin  égal  les  honneurs  qui  lui  ont  été  rendus. 
Un  de  ses  frères  et  quelques  gentilshommes  de 
ses  amis  l'accompagnaient.  Les  nobles  voyageurs 
étaient  reçus  avec  les  plus  grands  égards  dans 
toutes  les  villes  où  ils  passaient.  Montaigne ,  de 
son  côté,  faisait  peindre  ses  armoiries  sur  un 
écusson  qu'il  laissait  à  Plombières etàAugsbourg, 
comme  souvenir  de  l'hospitalité  reçue.  Cîétait  à 
ce  qu'il  semble  la  coutume  eu  Lorraine,  et  en 

(t)  Ce  journal  fut  d'abord  tenu  par  un  serviteur  de 
Montaigne,  qm  lui  servait  de  secrétaire,  puis  à  partir  du 
séjour  à  Rome  par  Montaigne  lui-même. 


MQWTAJGNK  62 

Allemagne,;  mais  en  Italie,  où  on  ne  la  connais- 
sait pas,  il  tint  à  coeur  de  l'introduire  et  laissa 
ses  armoiries  dans  les  hôtelleries  de  Prse  et  de 
Lucques,  en  ncommanrlant  qu'on  se  gardât  bien 
de  les  enlever.  A  Lorette  il  obtint  de  placer  dans 
la  chapelle  un  ex-voto  d'argent  ciselé,  avec  la 
figure  de  la  Vierge,  la  sienne,  celle  de  sa  femme 
et  celle  de  sa  fille.  A  Rome  il  n'oublia  pas  de  se 
faire  décerner  un  brevet  de  citoyen  romain.  Dans 
les  Essais  il  prétend  qu'il  lui  fut  offert;  la  vérité 
est  qu'il  le  sollicita.  Il  dit  dans  son  journal  :  «  Je 
cherchai  et  emploïai  tous  mes  cinq  sens  de  na- 
ture pour  obtenir  le  titre  de  citoyen  romain,  ne 
fût  ce  que  pour  l'anoien  honneur  et  religieuse 
mémoire  de  son  autorité....  J'y  trouvai  de  la 
difficulté;  toutefois,  je  la  surmontai....  L'auto- 
rité du  pape  y  fut  emploïée  par  le  moyen  de 
Philippe  Masoti ,  son  maggiodormo,  qui  m'avoit 
pris  en  singulière  amitié,  et  s'y  peina  fort.... 
C'est  un  titre  vain,  tant  y  a  que  j'ay  reçu  beau- 
coup de  plaisir  de  l'avoir  obtenu.  »  Après  un 
séjour  de  cinq  mois  à  Rome ,  il  revint  (  août 
1581  )  aux  bains  délia  villa  près  de  Lucques. 
Là  il  reçut  le  7  septembre  une  lettre  qui  lui 
annonçait  que  le  2  août  il  avait  été  élu  à  l'u- 
nanimité maire  de  Bordeaux.  Il  repartit  pour 
Rome  le  12  septembre,  et  en  y  arrivant  (  1er  oc- 
tobre )  il  trouva  une  lettre  des  jurats  de  Bor- 
deaux qui  lui  annonçaient  officiellement  sa  no- 
mination,  et  le  priaient  d'accepter.  Il  s'excusa 
d'abord  ,  mais  les  Bordelais  s'adressèrent  au  roi 
Henri  III,  qui  ordonna  à  Montaigne  d'accepter. 
Le  philosophe  n'attendant  pas  la  lettre  royale 
(  datée  du  25  novembre  )  partit  de  Rome  le 
16  octobre,  et  arriva  dans  son  château  le  30  no- 
vembre, après  une  absence  de  dix-sept  mois  huit 
jours.  Il  succédait  dans  la  place  de  maire  au 
maréchal  de  Biron.  Il  semble  que  le  philosophe, 
quoi  qu'en  ait  dit  Balzac ,  occupa  avec  honneur 
cette  -magistrature,  particulièrement  difficile  à 
remplir  dans  un  temps  de  troubles.  Mais  son 
administration  est  peu  connue.  Les  registres  de 
la  ville  de  Bordeaux  qui  se  rapportent  à  cette 
époque  offrent  beaucoup  de  lacunes.  Montaigne 
prétend  que  ses  concitoyens  lui  reprochèrent  de 
s'adonner  ans.  affaires  trop  lâchement  et  de  n'y 
porter  .qu'une  affection  languissante ,  et  il  ajoute 
que  ces  reproches  «  n'-éf oient  pas 'du  tout  éloi- 
gnés d'apparence  ».  En  entrant  en  charge  il  avait 
prévenu  les  Bondelais  de  ne  pas  trop  compter 
sur  lui  :  «  Je  me  déchiffrai  fidèlement  et  cons- 
ciencieusement,  dit  il ,  tout  tel  que  je  me  sens 
être;  sans  mémoire,  sans  vigilance,  sans  expé- 
rience et  sans  vigueur,  sans  haine  aussi ,  sans 
ambition,  sans  avarice  et  sans  violence.  »  Il  est 
certain  que  le  maire  de  Bordeaux  tint  au  delà 
de  ce  qu'il  avait  promis,  et  qu'il  se  montra 
constamment  honnête,  impartial,  modéré.  Au 
mois  d'août  1582,  il  se  rendit  à  Paris  pour  sou- 
tenir auprès  du  roi  les  intérêts  de  Bordeaux,  et 
obtint  gain  de  cause.  Ce  succès  contribua  à  sa 
réélection  pour  .deux  autres  années  (  1er  août 


63 


MONTAIGNE 


64 


1583).  Quelques  citoyens  protestèrent  contre 
cette  élection,  comme  contraire  à  l'ordonnance 
de  1550;  mais  Henri  III  la  maintint.  L'année 
suivante,  1584,  la  situation  politique  s'aggrava 
encore.  Les  protestants,  avec  le  roi  de  Navarre  à 
leur  tête,  les  catholiques  conduits  par  Guise  al- 
laient en  venir  aux  mains,  et  le  roi  Henri  111, 
également  menacé  par  les  deux  partis,  cédait 
aux  catholiques,  mais  commençait  à  incliner  vers 
le  roi  de  Navarre.  Ce  fut  aussi  la  politique  de 
Montaigne,  royaliste  dévoué,  et  catholique  d'o- 
pinion avec  une  assez  vive  sympathie  pour  le 
roi  de  Navarre.  Le  maréchal  de  Matignon,  gou- 
verneur de  la  Guyenne,  avait  les  mêmes  senti- 
ments. L'accord  du  gouverneur  et  du  maire 
contint  les  tendances  contraires  du  parlement, 
et  prévint  un  soulèvement  des  catholiques  li- 
gueurs. Au  mois  de  mai  1585,  Montaigne  eut 
seul  la  charge  du  gouvernement  de  Bordeaux, 
en  l'absence  de  M.  de  Matignon,  et  il  s'en  acquitta 
avec  une  énergie  dont  témoigne  une  lettre  de 
lui  au  maréchal.  Malheureusement  quelques 
jours  plus  tard  il  montra  moins  de  fermeté  de- 
vant un  fléau  plus  redoutable  que  la  guerre  ci- 
vile. Au  mois  de  juin  la  peste  fit  de  terribles 
ravages  à  Bordeaux.  Montaigne,  qui  n'avait  plus 
qu'un  mois  à  rester  en  charge,  et  que  l'obliga- 
tion de  veiller  sur  sa  famille  avait  rappelé  à  son 
château,  ne  jugea  pas  à  propos  de  revenir  à  Bor- 
deaux. Au  mois  de  juillet  les  jurats  exprimè- 
rent le  désir  que  le  maire  vînt  présider  aux  élec- 
tions de  son  successeur.  Montaigne  leur  répondit 
de  Libourne  le  30  juillet  qu'il  «  n'épargneroit  pas 
sa  vie  pour  leur  service,  mais  qu'il  ne  pouvoit 
pas  se  hazarder  d'aller  en  la  ville ,  vu  le  mau- 
vais état  où  elle  estoit,  notamment  pour  Iuy, 
qui  venoitd'un  si  bon  air  ».  11  offrait  de  se  rendre 
jusqu'au  village  de  Feuillas,  «  si  le  mal  n'y  estoit 
arrivé»,  pour  conférer  avec  les  jurats,  et  il  leur 
souhaitait  une  vie  longue  et  heureuse  (1).  Ainsi  se 
termina  par  une  lettre  peu  héroïque  une  admi- 
nistration d'ailleurs  honorable. 

Montaigne,  redevenu  simple  particulier,  remit 
de  l'ordre  dans  ses  affaires,  qui  avaient  beaucoup 
souffert  de  la  guerre  et  de  la  peste  dans  la  ter- 
rible année  1585  (2),  revit  ses  Essais  et  en  pré- 
para une  nouvelle  édition.  Use  trouvait  à  Paris, 
pour  l'impression  de  ses  Essais,  en  1588  après 
la  journée  des  barricades,  et  lorsque  le  roi  en 
avait  été  chassé.  11  fut  arrêté  comme  royaliste 
et  mis  à  la  Bastille  ;  mais  la  reine  mère  inter- 
vint près  du  duc  de  Guise,qui  ordonna  le  jour 
même  son  élargissement  (10  juillet).  Il  se  ren- 
dit la  même  année  aux  états  de  Blois ,  sans  titre 

(1)  On  a  un  peu  amplifié  cet  incident,  que  les  contem- 
porains ne  remarquèrent  pas.  Il  s'agissait  d'une  simple 
formalité,  dont  Montaigne,  vu  les  circonstances,  crut 
pouvoir  se  dispenser;  il  n'y  a  rien  à  en  conclure  contre 
son  courage. 

(2)  Voir  dans  les  Essais,  I.  III,  c.  xir^  une  vive  peinture 
de  cette  triste  époque,  où  «  mille  diverses  sortes  de 
maux  accoururent  a  lui  à  la  file  :  Je  les  eusse  plus  gail- 
lardement soufferts  à  la  foule  »,  ajoule-t-11. 


officiel,  car  il  n'était  pas  député  de  sa  province. 
On  a  supposé  que  Montaigne,  qui  avait  eu  en 
Guyenne  de  fréquents  rapports  avec  le  roi  de 
Navarre ,  qui  l'avait  reçu  dans  son  château  en 
1584  (19  décembre)  et  en  1587  (24  octobre),  venait 
aux  états  avec  une  mission  secrète  auprès  du  duc 
de  Guise  ou  de  Henri  III,  peut-être  auprès  de 
ces  deux  puissants  rivaux  que  Henri  de  Navarre 
avait  également  intérêt  à  ménager.  Ce  n'est 
qu'une  conjecture.  Après  le  meurtre  du  duc  de 
Guise  (décembre  1588),  Montaigne  revint  dans 
la  Guyenne,  et  passa  une  partie  de  l'année  1589 
à  Bordeaux,  dans  la  société  de  Charron,  prédi- 
cateur théologien  qui  avait  le  goût  de  la  philo- 
sophie morale.  Il  s'occupa  aussi  des  affaires  pu- 
bliques ,  et  par  ses  conseils  et  son  influence  il 
aida  son  successeur  à  la  mairie ,  le  maréchal  de 
Matignon,  à  maintenir  Bordeaux  dans  le  parti  du 
roi.  Après  la  mort  de  Henri  III,  le  roi  de  Navarre, 
devenu  roi  de  France,  aurait  voulu  attirer  Mon- 
taigne près  de  lui  ;  il  lui  exprima  plusieurs  fois 
le  désir  de  le  voir.  Le  philosophe,  qui  après  les 
agitations  des  dernières  années  était  rentré  dans 
son  château  de  Montaigne,  ne  se  souciait  pas 
d'en  sortir.  Il  résista,  et  comme  Henri  IV,  dans 
une  dernière  lettre,  lui  proposait  sans  doute  de 
le  défrayer  de  son  voyage ,  il  répondit  noblement 
le  2  septembre  1590  :  «  Sire,  Vostre  Majesté  me 
fera,  s'il  lui  plaist,  ceste  grâce  de  croire  que  je 
ne  plaindray  pas  ma  bourse  aux  occasions  aux- 
quelles je  ne  voudrois  espargner  ma  vie.  Je  n'ay 
jamais  receu  bien  quelconque  de  la  libéralité  des 
roysnon  plus  que  demandé  ny  mérité,  et  n'ay 
receu  nul  payement  des  pas  que  j'ay  employés  à 
leur  service ,  desquels  Vostre  Majesté  â  eu  en 
partie  connoissance.  Ce  que  j'ay  faict  pour  ses 
prédécesseurs ,  je  le  feray  encore  beaucoup  plus 
volontiers  pour  elle.  Je  suis,  Sire,  aussy  riche 
que  je  me  souhaite.  Quand  j'auray  espuisé  ma 
bourse  auprès  de  Vostre  Majesté,  à  Paris,  je 
prendray  la  hardiesse  de  le  luy  dire,  et  lors,  sy 
elle  m'estime  digne  de  me  tenir  plus  longtemps 
à  sa  suite ,  elle  en  aura  meilleur  marché  que  du 
moindre  de  ses  officiers.  »  Montaigne  n'eut  pas 
le  plaisir  vivement  souhaité  de  voir  Henri  IV 
paisiblement  établi  sur  le  trône  de  France.  Sa 
santé  s'était  prématurément  affaiblie;  il  avait 
acquis  «  la  colique  (  néphrétique  )  par  la  libéra- 
lité des  ans  »,  et  il  sentait  la  mort  «  le  pincer 
continuellement  à  la  gorge  ou  aux  reins  ».  Quand 
elle  se  présenta  il  l'accueillit  en  homme  qui  était 
depuis  longtemps  préparé  à  la  recevoir.  «  Une 
esquinancie  lui  étant  tombée  sur  la  langue,  dit 
Estienne  Pasquier,  il  demeura  trois  jours  entiers 
plein  d'entendement  sans  pouvoir  parler.  Au 
moyen  de  quoy  il  étoit  obligé  d'avoir  recours  à 
la  plume  pour  faire  entendre  ses  volontés.  Et 
comme  il  sentit  sa  fin  approcher,  il  pria ,  par 
un  petit  bulletin ,  sa  femme  de  semondre  quel- 
ques gentilshommes  siens  voisins  afin  de  prendre 
congé  d'eux.  Arrivés  qu'ils  furent,  il  fit"  dire  la 
,  messe  dans  sa  chambre  ;  et  comme  le  prebstre 


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étoit  sur  l'élévation  du  corpus  Domini,  ce  pauvre 
gentilhomme  s'eslança ,  au  moins  mal  qu'il  put, 
comme  à  corps  perdu  sur  son  lit,  les  mains 
jointes,  et  en  ce  dernier  acte  rendit  son  esprit 
à  Dieu  ,  qui  fut  un  -beau  miroir  de  l'intérieur  de 
son  âme.  »  Montaigne  nous  apprend  dans  ses 
Essais  que  quand  il  se  sentait  malade  il  faisait 
aussitôt  appeler  un  prêtre.  On  voit  qu'il  ne  se 
démentit  pas  à  ses  derniers  moments.  II  a  dit 
encore  dans  ses  Essais  qu'en  payant  on  trouve 
partout  «  qui  vous  tienne  la  tête  et  qui  vous  frotte 
les  pieds  ».  Ces  paroles  irrévérencieuses  ont  fait 
penser  à  quelques  personnes  qu'en  terminant  sa 
vie  d'une  manière  si  catholique,  Montaigne 
obéissait  moins  à  la  foi  intérieure,  qui  est  peu 
manifeste  dans  ses  écrits,  qu'aux  convenances 
religieuses ,  qu'il  respecta  toujours. 

Montaigne  épousa  en  1 565  Mi'e  Françoise  de 
La  Chassaigne,  fille  d'un  des  conseillers  du  par- 
lement de  Bordeaux  «  par  convenance,  dit-il,  et 
pour  se  conformer  à  l'usage,  plutôt  que  par  incli- 
nation naturelle  »  ;  il  eut  d'elle  six  filles,  dont  cinq 
ne  vécurent  que  quelques  jours.  La  deuxième , 
Léonor,  née  le  9  septembre  1571,  vécut  et  eut 
des  enfants.  Mlle  de  Gournay,  personne  de  sa- 
voir et  grande  admiralrice  des  Essais,  voulut  être 
la  fille  d'alliance  de  Montaigne  (  voy.  Gournay  ). 
Le  philosophe  gentilhomme  permit  à  Charron, 
un  autre  de  ses  admirateurs,  son  disciple  et  son 
ami,  de  porter  ses  armes. 

Montaigne  était  d'une  taille  au-dessous  de  la 
moyenne;  il  s'en  plaint  comme  d'un  inconvénient 
pour  ceux  qui  remplissent  des  charges  ;  il  n'était 
point  d'ailleurs  mécontent  de  sa  mine,  car  c'est 
à  lui  qu'il  pense  lorsqu'il  parle  de  «  ce  petit 
homme  aux  yeux  pleins  de  douceur,  au  front 
large ,  au  nez  bien  faict ,  à  la  barbe  brune  (  à 
escorce  de  châtaigne  ),  égale,  époisse,  à  la  tête 
justement  ronde ,  à  l'oreille ,  à  la  bouche  petites, 
au  teint  frais,  au  visage  agréable  ,  aux  membres 
"proportionnés ,  qui  n'en  est  pas  plus  laid  parce 
qu'il  n'a  pas  six  pieds.  »  Après  cette  agréable 
esquisse  physique ,  nous  empruntons  aux  Essais 
quelques  détails  sur  les  sentiments  de  l'auteur. 
«  Je  suis,  dit-il,  peu  en  prinse  des  violentes  pas- 
sions ;  j'ai  la  compréhension  naturellement  dure, 
et  l'encrouste  et  l'espessis  tous  les  jours  d'avan- 
tage. »  Il  avoue  qu'il  a  été  sensible  à  l'amour  ; 
«  mais,  ajoute-t-il,  je  n'ai  point  trouvé  Vénus 
si  impérieuse  déesse.  »  Son  amitié  pour  son  père 
et  pour  La  Boëtie  sont  bien  connues  ;  H  a  trouvé 
pour  peindre  ces  deux  affections  des  mots  char- 
mants, admirables  ;  nous  en  citerons  deux,  bien 
souvent  cités ,  et  qui  peignent  son  âme.  «  Après 
la  mort  de  mon  père ,  dit-il,  je  ne  montois  jamais 
à  cheval  sans  porter  un  manteau  qui  lui  avoit 
appartenu ,  non  par  commodité  ou  par  délices  , 
mais  parce  qu'il  me  sembloit  m'envelopper  de 
lui.»  —  «  Si  on  me  presse  de  dire  pourquoi  je  l'ay- 
mois  (La  Boëtie),  je  sens  que  cela  ne  peult  s'ex- 
primer qu'en  répondant  :  Parce  que  c'étoit  lui, 
parce  que  c'étoit  moi.  »  A  ces  accents,  à  mille 

NOUV.     BIOGR.    CÉNÉR.    —  T.    XXXVI. 


MONTAIGNE  66 

autres,  ou  plutôt  à  toutes  les  pages  des  Essais, 
on  reconnaît  une  nature  bien  douée,  non  pas 
héroïque  peut-être,  mais  généreuse,  d'une  sen- 
sibilité exquise,  ne  visant  pas  au  sublime  et  se 
contentant  d'être  honnête,  capable  de  dévoue- 
ment et  incapable  d'une  action  basse,  enfin  le 
modèle  de  ce  que  l'on  pourrait  appeler  la  vertu 
moyenne.  Le  livre  où  cet  aimable  caractère  se 
raconte,  avec  des  détails  infinis,  qui  ne  parais- 
sent pas  trop  longs ,  est  resté  une  des  lectures 
favorites  des  esprits  honnêtes  et  délicats  ;  il  est 
encore  ce  qu'on  le  proclamait  au  seizième  siècle, 
«  le  bréviaire  des  honnêtes  gens.  »  Au  dix-sep- 
tième siècle  il  se  fit  contre  les  Essais  une  réac- 
tion qui  partit  surtout  de  Port-Royal,  et  à  la- 
quelle Malebranche  s'associa.  C'était  l'esprit 
chrétien  qui  protestait  contre  le  scepticisme  de 
Montaigne.  Ce  scepticisme  au  contraire  fut  pour 
lui  un  titre  de  faveur  auprès  des  écrivains  du  dix- 
huitième  siècle ,  qui  firent  du  livre  des  Essais 
une  arme  de  guerre.  Le  dix-neuvième  siècle,  plus 
impartial ,  n'a  cherché  et  trouvé  dans  les  Essais 
que  ce  que  l'auteur  avait  voulu  y  mettre,  le  doute 
en  beaucoup  de  choses ,  la  tolérance  dans  toutes. 
Littérairement  les  avis  ont  été  moins  partagés, 
et  les  critiques  les  plus  sévères  ont  rarement 
résisté  au  charme  de  ce  style  incisif,  original, 
coloré.  L'Académie  Française  proposa  l'Éloge  de 
Montaigne  pour  sujet  du  prix  d'éloquence  en 
1812.  Ce  concours  est  resté  célèbre  par  le  nom- 
bre et  le  mérite  des  discours  soumis  au  juge- 
ment de  l'Académie.  Le  prix  fut  remporté  par 
M.  Villemain,  dont  le  charmant  Éloge  est  encore 
ce  que  l'on  a  écrit  de  plus  ingénieux  et  de  plus 
agréable  sur  Montaigne  écrivain  ;  la  philosophie 
de  l'auteur  des  Essais  fut  appréciée  avec  plus 
d'étendue  dans  les  discours  d'autres  concur- 
rents, Droz,  Jay,  Victorin  Fabre,  Leclerc,  Biot. 
Depuis  cette  époque,  Montaigne  s'est  souvent 
présenté  à  la  critique  contemporaine,  qui  l'a  tou- 
jours accueilli  avec  sympathie  et  qui  s'est  ef- 
forcée de  le  comprendre  et  de  le  célébrer  digne- 
ment. Sa  vie  et  ses  ouvrages  ont  en  même  temps 
attiré  l'attention  de  quelques  érudits  distingués, 
au  premier  rang  desquels  il  faut  placer  le  doc- 
teur Payen,  qui  a  déjà  tant  fait  pour  Montai- 
gne, et  de  qui  l'on  attend  deux  choses  qui  nous 
manquent  encore,  une  biographie  complète  de 
Montaigne  et  une  édition  définitive  des  Essais. 
Après  cet  excellent  et  infatigable  Montaigno- 
logue,  comme  l'appelle  M.  Gustave  Brunet,  il  est 
juste  de  citer  M.  G.  Brunet  lui-même,  MM.d'Et- 
chevery,  Macé,  Jubinal,  Horace  de  Vieil -Castel, 
Delpit,  Bigorie  de  Laschamps,  et  particulière- 
ment MM.  Grùn  et  Bayle  Saint-John.  Il  serait 
difficile  de  dire  quelque  chose  de  neuf  sur  le 
génie  d'un  auteur  qui  a  eu  tant  d'admirateurs 
et  tant  de  dévots,  quelquefois  superstitieux  :• 
pour  une  appréciation  détaillée  nous  renvoyons 
aux  discours  cités  plus  haut,  et  nous  nous  bor- 
nons à  quelques  remarques  qui  peuvent  faciliter 
l'intelligence  d'un  livre  qui  n'offre  en  apparence 


67 


MONTAIGNE 


68 


ni  suite  ni  cohésion.  Nous  avons  dit  comment 
les  Essais  avaient  été  commencés,  sans  dessein, 
ou  du  moins  sans  autre  dessein  pour  l'auteur  que 
de  noter  ses  pensées  et  de  s'en  rendre  compte. 
Aussi,  comme  l'a  fort  bien  dit  Montesquieu,  «  dans 
la  plupart  des  auteurs  on  voit  l'homme  qui 
écrit,  dans  Montaigne  on  voit  l'homme  qui 
pense  ;  »  et  il  est  juste  d'ajouter  l'homme  qui 
pense  par  lui-même.  L'auteur  des  Essais  est 
certainement  l'esprit  le  plus  indépendant  qui  ait 
jamais  existé  ;  indépendant  sans  être  révolté,  et 
détaché  des  systèmes  des  autres  sans  en  avoir 
un  qui  lui  soit  propre.  Mais  si  Montaigne  n'a 
pas  de  parti  pris,  il  a  des  idées  qu'il  n'em- 
prunte à  personne,  ou  qu'il  n'emprunte  que  dans 
la  mesure  qui  lui  convient,  et  qu'il  regarde 
comme  légitimes  (non  pas  comme  vraies ,  car  il 
ne  va  pas  jusque  là),  par  cela  seul  qu'elles  lui 
appartiennent.  Sa  philosophie  n'est  ni  celle 
d'Épicure,  ni  celle  de  Zenon,  ni  celle  de  Platon, 
ni  celle  d'Aristote;  c'est  la  philosophie  de  Mon- 
taigne; sa  morale  n'est  ni  la  morale  païenne  ni 
la  morale  chrétienne;  c'est  la  morale  de  Mon- 
taigne. Cette  prétention  d'un  esprit  qui  prend 
uniquement  sa  conscience  pour  mesure  et  règle 
de  ses  actes,  cette  revendication  des  droits  des 
opinions  individuelles ,  et  ce  que  l'on  pourrait 
appeler  l'épanouissement  d'une  individualité 
dans  tout  un  livre,  ne  choquent  pas, parce  que 
l'auteur,  outre  les  grâces  du  style,  a  une  incon- 
testable sincérité  et  un  dessein  philosophique. 
Que  Montaigne  soit  sincère,  et  que  les  Essais 
soient  un  livre  de  bonne  foi,  qui  en  douterait,? 
L'auteur  a  pu  dire  en  toute  vérité  :  «  Je  veulx 
qu'on  m'y  veoye  en  ma  façon  simple,  naturelle 
et  ordinaire,  sans  estude  et  artifice,  car  c'est 
moy  que  je  peinds.  Mes  défaults  s'y  liront  au 
vif,  mes  imperfections  et  ma  forme  naifve,  au- 
tant que  la  révérence  publique  me  l'a  permis. 
Que  si  j'eusse  esté  parmy  ces  nations  qu'on  dict 
vivre  encores  soubs  la  doulce  liberté  des  pre- 
mières loix.  de  nature,  je  t'asseure  que  je  m'y 
feusse  très-volontiers  peinct  tout  entier  et  tout 
nud.  » 

Mais  sous  cette  représentation  fidèle  d'un 
homme,  il  y  a  un  dessein  à  la  fois  philosophique 
et  social,  que  Montaigne  n'avait  pas' en  commen- 
çant, et  qu'il  avait  en  publiant  son  livre,  le 
dessein  d'enseigner  aux  hommes  la  tolérance  en 
religion  et  en  politique.  Cœur  honnête  et  géné- 
reux, esprit  délicat  et  modéré,  Montaigne  fut 
condamné  à  vivre  dans  un  siècle  tragique,  où  l'in- 
tolérance mutuelle  des  sectes  et  des  partis  était 
portée  au  dernier  degré  de  férocité.  Il  eut  horreur 
de  ces  excès  motivés  sur  des  croyances  qui  n'a- 
vaient même  pas  toujours  l'excuse  de  la  sincérité, 
et  entreprit  de  montrer,  non  par  des  raisonne- 
ments en  forme,  mais  par  des  observations  fines, 
et  par  des  exemples  recueillis  comme  au  hasard 
et  sans  intention,  que  toutes  les  opinions  hu- 
maines sont  tellement  incertaines  qu'il  est  im- 
possible de  décider  quelles  sont  les  plus  fondées  ; 


que  chacun  a  le  droit  de  garder  ses  opinions  parce 
qu'il  n'est  pas  sûr  que  les  opinions  des  autres 
valent  mieux ,  et  que  c'est  cruauté  et  déraison 
d'imposer  par  force  aux  autres  des  doctrines 
que  nous  croyons  vraies  et  qui  sont  peut-être 
fausses,  car  que  savons-nous  (1)  ?  Tout  est  incer- 
tain ,  excepté  le  christianisme,  que  Montaigne 
réserve  sous  la  forme  catholique,  à  laquelle  il 
adhère  expressément.  Cette  exception,  si  elle 
était  sérieuse,  détruirait  toute  sa  théorie,  car  le 
christianisme  étant  le  régulateur  moral  suprême, 
il  servirait  peu  d'exclure  le  dogmatisme  de  la 
spéculation  s'il  devait  régner  sur  la  vie.  Mon- 
taigne sentait  bien  cette  difficulté,  qu'il  n'a- 
vouait pas,  et  c'est  contre  elle  que  son  livre  est 
indirectement  dirigé.  Il  admet  le  christianisme 
comme  croyance,  mais  il  l'écarté  comme  morale  ; 
il  règle  la  vie  sur  des  considérations  et  des  con- 
venances parement  humaines;  dans  la  mort 
même  il  ne  fait  intervenir  ni  les  terreurs  ni  les 
consolations  que  la  religion  a  rassemblées  sur 
les  derniers  moments  de  l'homme.  Il  veut  que 
l'homme  ne  redoute  pas  la  mort,  parce  qu'elle 
est  une,  pièce  de  l'ordre  universel,  parce  qu'elle 
ressemble  à  des  choses  qui  nous  sont  très-fami-~ 
Iières,  au  sommeil,  aux  défaillances,  n'étant  elle- 
même  qu'un  sommeil  plus  profond  et  une  dé- 
faillance plus  complète  ;  nulle  part  il  ne  laisse 
entrevoir  les  peines  et  les  récompenses  que  la 
religion  a  placées  au  delà  de  ce  sommeil  et  de 
cette  défaillance.  Ainsi  le  christianisme  admis 
par  un  restede  croyance,  par  habitude, par  pru- 
dence, se  trouve  de  fait  exclu  de  la  vie  et  de  la 
mort.  On  peut  dire  que  Montaigne,  après  avoir 
chassé  sans  cérémonie  les  autres  opinions,  écon- 
duit  le  christianisme  avec  beaucoup  d'égards- 
Voilà  la  pensée  fondamentale  des  Essais  ;  elle 
prend  des  formes  si  diverses  et  se  dérobe  sous 
tant  de  divagations  qu'il  est  facile  de  s'y  trom- 
per (2).  Il  vaut  mieux  d'ailleurs  ne  pas  prendre  les 
Essais  par  ce  côté  de  la  controverse  et  les  con- 
sidérer simplement  comme  le  plus  attrayant  des 
manuels  de  morale ,    un   trésor  d'observations 

(1)  Que  savons-nous  ?  ou  plutôt,  que  sais-je  ?  c'est  la 
devise  de  Montaigne.  Il  ne  dit  pas  je  doute,  il  ne  dit 
pas,  je  ne  sais  pas  :  ce  seraient  des  affirmations;  il  dit 
que  sais-je?  «  Il  met  toutes  choses  dans  un  doute  uni- 
versel et  si  général  que  ce  doute  s'emporte  soi-même,  et 
que  l'homme  doutant  même  s'il  doute,  son  incertitude 
roule  sur  elle-même  dans  un  cercle  perpétuel  et  sans 
repos,  s'opposant  également  à  ceux  qui  disent  que  tout 
est  incertain  et  à  ceux  qui  disent  que  tout  ne  l'est  pas, 
parce  qu'il  ne  veut  rien  assurer.  C'est  dans  ce  doute  qui 
doute  de  soi  et  dans  cette  ignorance  qui  s'ignore  qu'est 
l'essence  de  son  opinion,  qu'il  n'a  pu  exprimer  par  au- 
cun terme  positif.  .«(Pascal,  Entretien  avec  M.  de  Saci, 
à  la  suite  des  Pensées.  ) 

(2)  l'ar  exemple,  l'attaque  contre  les  miracles  se  trouve 
dans  le  chapitre  sur  les  boiteux.  On  a  fait  un  Montaigne 
chrétien,  on  ferait  un  Montaigne  païen,  un  Montaigne 
épicurien;  stoïcien,  etc.,  etc.  Ce  n'est  pas  l'homme  d'une 
croyance  ou  d'une  secte  qui  se  peint  dans  les  Essais; 
c'est  l'homme  ondoyant  et  divers  qui  s'y  reflète  dans 
toutes  ses  diversités  et  ses  contradictions;  mais  une 
lecture  attentive  du  chapitre  intitulé  Apologie  de  Ray- 
mond Sebonde  laisse  peu  de  doute  sur  le  fond  de  la  pen- 
sée de  l'aulcur. 


r,9 


MONTAIGNE 


70 


et  de  pensées  merveilleusement  exprimées.  Ces 
pensées  ne  sont  pas  toujours  tirées  de  son  tonds, 
il  les  prend  souvent  dans  les  auteurs  anciens, 
qu'il  lisait  sans  cesse,  et  surtout  dans  ses  deux 
auteurs  favoris,  Sénèque  et  Plutarque;  mais  il 
se  les  approprie  par  la  vivacité  d'un  style  qui 
n'est  qu'à  lui  :  «  Montaigne,  dit  M.  Villemain, 
décrit  la  pensée  comme  il  décrit  les  objets,  par 
des  détails  animés,  qui  la  rendent  sensible  aux 
yeux.  Son  style  est  une  allégorie  toujours  vraie, 
où  toutes  les  abstractions  de  l'esprit  revêtent 
une  forme  matérielle,  prennent  un  corps,  un  vi- 
sage, et  se  laissent,  en  quelque  sorte,  toucher  et 
manier.  S'il  veut  nous  donner  une  idée  de  la 
vertu,  il  la  placera  dans  une  plaine  fertile  et 
fleurissante ,  où  qui  en  sait  l'adresse  peut 
arriver  par  des  roules  galonnées,  ombra- 
geuses et  doux  fleurantes.  Il  prolongera  cette 
peinture  avec  la  plus  étonnante  facilité  d'ex- 
pression; et  quand  il  l'aura  terminée,  pour  en 
augmenter  l'effet  par  le  contraste,  il  nous  mon- 
trera dans  le  lointain  la  chimérique  vertu  des 
philosophes  sur  un  rocher  à  l'écart,  parmi 
des  ronces,  fantôme  à  effrayer  les  gens... 
Montaigne  abuse  beaucoup  de  son  lecteur.  Ces 
chapitres  qui  parlent  de  tout,  excepté  de  ce  que 
promettait  le  titre ,  ces  digressions  qui  s'em- 
barrassent l'une  dans  l'autre ,  ces  longues  pa- 
renthèses qui  donnent  le  temps  d'oublier  l'idée 
principale ,  ces  exemples  qui  viennent  à  la  suite 
de  ces  raisonnements  et  ne  s'y  rapportent  pas... 
pourraient  fatiguer,  et  l'on  serait  quelquefois 
tenté  de  ne  plus  suivre  un  écrivain  qui  ne  veut 
jamais  avoir  de  marche  assurée,  si  un  trait 
inattendu  ne  nous  ramenait,  si  une  pensée  naïve 
et  forte,  un  mot  original  ne  venait  nous  piquer, 
nous  réveiller.  Le  sujet  nous  a  souvent  échappé  : 
mais  nous  retrouvons  toujours  l'auteur  ;  et  c'est 
lui  que  nous  aimons.  w 

Bibliographie.  Théologie  naturelle  de  Raymond 
Sebonde  {voy.  Sebonde);  —  Opuscules  de  La 
Boêlie  {voy.  Boetie);  —  Les  Essais  de  messire 
Michel,  seigneur  de  Montaigne.. .  livre  premier 
cl  second.  Bourdeaus,  par  S.  M  illanges ,  impri- 
meur du  roi '•;  4580, 2  part,  pet.  in-8°.  Cette  édition 
originale  des  Essais  contient  le  même  nombre  de 
chapitres  que  les  suivantes,  mais  ils  sont  plus  courts 
et  offrent  peu  de  citations;  la  seconde  édition,  revue 
et  augmentée  par  l'auteur,  fut  imprimée  par  S.  Mil- 
langes,  1582,  un  seul  vol.  pet.  in-8°;  une  troi- 
sième édition  parut  à  Paris  (Jean  Ricber,  13S7, 
in-12)  ;  il  en  parut  une  quatrième, qui  a  jusque  ici 
échappé  aux  bibliographes;  la  cinquième  édition, 
la  dernière  publiée  du  vivant  de  l'auteur,  parut  aug- 
mentée d'un  troisième  livre  et  de  six  cents  addi- 
tions aux  deux  premiers;  Paris,  Abel  L'Angelier  ; 
1588,  in-4°;  d'après  cette  édition  fut  faite  celle  de 
Lyon,  15^5,  in  8°,  sous  le  titre  de  Livre  des  Essais-, 
il  en  parut  dans  la  même  ville,  1393,  pet.  in-8°,  une 
édition,  que  M.  Paym  regarde  comme  la  plus  mau- 
vaise que  l'on  ait  jamais  publiée.  Montaigne  avait 
laissé  en  mourant  deux  exemplaires  de  l'édition  de 
«588  chargés  de  corrections  et  d'additions  de  sa 
main,  mais  différents  l'un  de  l'autre.  Ce  fut  sur  un  de 


ces  exemplaires  que  M1*»  de  Gournay  donna  l'édition 
de  Paris,  Abel  L'AngHicr  (Michel  Sonnius),  (593, 
in- fol.,  «  revue  et  augmentée  d'un  tiers  plus  qu'aux 
précédentes  impressions  ».  Cette  édition,  qui  fait  au- 
torité pour  le  texte  des  Essais,  contient  une  préface 
apologétique  de  l'éditeur.  M  "e  de  Gournay  donna 
une  seconde  édition;  Paris  (L'Angelier),1598,grand 
in-8°  (réimprimée  en  1600  et  IG02),avec  une  courte 
préface  en  remplacement  de  celle  »  que  l'aveugle- 
ment de  son  âge  et  d'une  violente  lièvre  d'âme  lui 
laissa  naguère  échapper  ».  La  troisième  édition  de 
M"e  de  Gournay  ;  Paris,  1617,  in-4° ,  reproduit  la 
grande  préface  de  1595,  mais  modifiée  et  améliorée 
et  donne  la  traduction  française  de  presque  toutes 
les  citations  grecques  et  latines  ;  cette  édition  est 
incorrecte,  mais  moins  que  celle  de  Paris,  1027, 
in-4°.  La  dernière  édition  de  M"e  de  Gournay  {éd. 
exactement  corrigée  selon  le  vrai  exemplaire,  en- 
richie à  la  marge  des  noms  des  auteurs  cités  et  de 
la  version  de  leurs  passages...  avec  la  vie  de  l'au- 
teur, plus  deux  tables....:  Paris,  1635,  in-fol.), 
dédiée  au  cardinal  de  Richelieu,  est  utile, à  cause 
des  pièces  qu'elle  contient,  mais  elle  vaut  moins  que 
celle  de  1393  pour  le  texte, que  l'éditeur  a  légèrement 
altéré  afin  de  le  rendre  plus  correct  et  plus  intelli- 
gible ;  la  préface  de  1595  est  augmentée  et  améliorée. 
Nous  avons  cité  toutes  les  éditions  des  Essais  pu- 
bliées par  Montaigne  et  par  M'le  de  Gournay  ;  parmi 
les  éditions  qui  ont  paru  depuis  1635  les  principales 
sont  :  celles  de  Bruxelles  et  d'Amsterdam,  1639, 

3  vol.  in-12;  cette  édition,  peu  correcte,  n'est  re- 
marquable que  parce  qu'elle  passe  pour  avoir  été 
imprimée  par  les  Elzevier  de  Leyde;  mais  M.  Bru- 
net  pense  qu'elle  est  de  Foppens.  L'édition  de 
Coste ,  Londres ,  1724,  3  vol.  gr.  in-4°,  améliorée 
dans  celle  de  Paris,  1725,  3  vol.  in-4*,  dans  celle  de 
La  Haye,  1727,  5  vol.  in-12,  dans  celle  de  Lon- 
dres, 1739,  6  voL  in-12,  et  surtout  dans  celle 
de  Londres,  1743,  7  vol.  in-12,  la  dernière  et  ia 
meilleure  donnée  par  Coste,  qui  a  eu  le  tort  de  ra- 
jeunir l'orthographe  des  Essais,  mais  qui  a  joint 
au  texte  des  notes  souvent  utiles  et  curieuses.  On 
trouve  dans  les  éditions  de  1739  et  1745  neuf  lettres 
de  Montaigne  ,  le  discours  d'Etienne  de  La  Boëtie 
Sur  la  servitude  volontaire  ; —  Les  Essais  revus  et 
collationnés  sur  un  exemplaire  corrigé  de  la  main 
de  l'auteur  {par  Naigeon  )  ;  Paris,  1802,  4  vol. 
in-8°  ;  cet  exemplaire,  différent  de  celui  qui  avait 
servi  à  l'édition  de  1595,  offre  de  bonnes  variantes, 
mais  en  somme  il  ne  vaut  pas  celui  dont  MU*  de 
Gournay  avait  fait  usage.  Citons  encore  les  éditions 
données parMM.  Éloi  Johanneau,  Paris,  1818, 5vol. 
in-8°  ;  de  L'Aulnay ,  1818,  gr.  in-8°  ;  Amaury  Duval, 
1820-1825,  6  vol.  in-8°  ;  Lefèvre,  1823,  5  vol.  in-8°  ; 
Jos.-Vict.  Leclerc,  1826-1828,  3  vol.  in-S°  ;  le  Pan- 
théon littéraire,  1836,  gr.  in-8°;  M.  Louandre,  (  834, 

4  vol.  in-12: — Journal  du  Foyagede  Michel  de  Mon- 
taigne en-  Italie,  avec  des  notes  par  Meunier  de 
@Me>'/0»;Rome,l774,in-4c  (1  ).  Des  extraits  des  Essais 
ont  été  publiés  sous  les  titres  suivants  :  Pensées  de 
Montaigne,  propres  à  former  l'esprit  et  tes  mœurs 
(recueillies  par  Artaud);  Paris,  1700,  in-12;  — 
L'Esprit  de  Montaigne,  ou  les  maximes,  pensées, 
jugements  et  réflexions  de  cet  auteur  rédigées  par 
ordre  de  matières  par  Pesselier;  Berlin  (  Paris)  , 
1753,2  vol.  in  12;  —  Christianisme  de  Montaigne, 
ou  pensées  de  ce  grand  homme  sur  la  religion 

(l)Un  exemplaire  des  Commentaires  de  Cé-;ar  qni  avait 
appartenu  à  Montaigne  et  portait  toute  une  page  de  sa 
main  a  été  acquis  par  te  duc  d'Aumale,  au  prix  de  1550  fr. 

3. 


71 


MONTAIGNE  —  MONTAIGU 


72 


par  M.  l'abbé  L**  (Labouderie  )  ;  Paris,  1819,  in-S°. 
JH.  Payen,  dans  une  suite  de  brochures,  a  donné 
plusieurs  lettres  inédites  de  Montaigne,  et  de  pré- 
cieuses notes  autobiographiques  écrites  par  l'auteur 
des  Essais  sur  un  volume  des  Éphémérides  de 
Beutucr.  11  serait  à  désirer  qu'une  édition  complète 
et  soignée  réunît  enfin  tout  ce  qui  est  sorti  de  la 
plume  de  Montaigne  et  relevât  avec  exactitude  les 
variantes  des  différentes  éditions  des  Essais  depuis 
celle  de  tSSO  jusqu'à  celle  de  1633  (I) .  Il  existe  en  an- 
glais deux  traductions  de  Montaigne,l'une  par  Florio, 
Fautre  par  Cotton.  La  traduction  de  Florio  était 
une  des  lectures  favorites  de  Shakspeare.  Un  des 
derniers  et  des  plus  savants  biographes  de  Montaigne, 
M.  Bayle  Saint-John,  prétend  qu'aucun  écrivain 
français,  à  l'exception  peut-être  de  Rabelais,  n'a 
exercé  autant  d'influence  sur  la  littérature  anglaise 
que  l'auteur  des  Essais.  L.  Jodbert. 

DeThou,   Historia  sui  temporis.  —  Ltienne  P.isquier, 
Lettres.  —  La  Croix  du  Maine,  Bibliothèque  française. 

-  3.  Bouhier,  Mémoires  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 
Michel  de  Montaiqne ,  avec  une  comparaison  d'Épic- 
tête  et  de  Montaigne  {  par  B.  Pascal  ).  -  Talbcrt,  Eloge 
de  Mich.  de  Montaigne,  couronné  par  l'Académie  de 
Bordeaux;  Paris,  1775,  in-12.  —  Dom  Devienne,  El.  his- 
torique de  Mich.de  Montaigne  ;  Paris,  1775,  in-12.  —  La 
Dixmerie,  El.  analytique  et  historique  de  M.  de  Montai- 
gne ;  Paris,  1781,  in-8°  ;  —  Mme  de  Bourdic-Viot.fi/.  de  Mon- 
taigne; Paris,  1800,in-8«.  —  Villemain,  Eloge  de  M.  Mon- 
taigne ;  —  Journal  des  savants,  juillet  et   octobre   1855. 

—  Jay,  El.  de  Montaigne  ,1312,  in  8".  —  Droz,  El.  de 
Mich.  Montaigne  ;  1312,  in-8°.  —  Biot,  Montaigne,  dis- 
cours ;  1812,  in-8°.  —  Du  Iloure,  El.  de  Mich.  Mon- 
taigne; 1812,  in-8°.  —  Victorin  Fabre,  El.  de  Mich. 
Montaiqne;  1813.  in-8».  —  Dutens,  El.  de  Mich.  Mon- 
taigne; 1818,  in-8°.  —  Vict.  Leclerc,  Eloge  de  Mon- 
taigne; 1812,  in  8°.  —  Payen,  Notice  bibliographique 
sur  Montaigne  ;  Paris,  1837,  in-8°;  -  Documents  iné- 
dits ou  peu  connus  sur  Montaigne  ;  1847,  in-8°.  —  Nou- 
veaux Documents  ;  1850,  in-8°.  —  Documents  inédits; 
185S,  in-8°.—  Recherches  sur  Montaigne;  1856,  ln-80.— 
A.  Jubinal,  Une  Lettre  inédite  de  Montaigne  ;  Paris,  1850, 
in-8°.  _  Griin,  La  Vie  publique  de  Michel  Montaigne  ,■ 
Paris,  1855,  in-8°.  —  Al.  de  Gourgues,  Réflexions  suitya  vie 
et  le  caractère  de  Montaigne  ;  Bordeaux ,  1856,  in-3°.  — 
Bayle  Saint-John,  Montaigne  the  Essayist ;  Londres, 
1838,  in-8°.  —  Vinet,  Essais  de  Philosophie  morale.  — 
Emerson,  The  représentative  Mm.  —  Sainte-Beuve, 
Port-Royal;  Causeries  du  lundi,  t.  IV.  —  P.  Clément, 
dans  la  Revue  contemporaine,  31  août  1855.  Bigorie  de 
L.ischamps,  Michel  de  Montaigne,  deuxième  édlt.  ; 
Paris,  1860,  in-12. 

MONTAIGU  (  Pierre  Guérin  Ier  de  ) ,  trei- 
zième grand-maître  de  l'Ordre  des  Hospitaliers 
de  Saint-Jean-de-Jérusalem,  né  en  Auvergne,  à 
Montaigu-en-Combraille,  près  Riom,  vers  1168, 
mort  en  Palestine,  en  1230.  Il  fut  élu  en  1208 
grand-maître  de  son  ordre,  dont  il  avait  occupé 
les  principaux  grades ,  après  la  mort  de  Geoffroy 
le  P.ath.  Sa  valeur,  sa  dévotion  l'avaient  surtout 
fait  distinguer.  La  grande-maîtrise  des  Hospita- 
liers siégeait  alors  à  Ptolémaïs.  Guérin  de  Mon- 
taigu  lutta  avec  succès  contre  les  musulmans.  Il 
défit  le  soudan  d'Egypte,  Malek  el  Moubeckr 
Nasser,  te  calife  de  Syrie,  et  conduisit  un  secours 
important  à  Livon  Ier,  roi  d'Arménie,  attaqué 
par  le  sultan  SeJjioucided'Iconium,Azz  ed  Dinler. 

(1)  Il  faudrait  bien  se  gardrr  d'omettre  le  Journal  du 
Voyage,  sous  prétexle  qu'il  «  n'a  aucun  intérêt  ».  Ce 
Journal  est  au  contraire  d'un  grand  intérêt  pour  qui 
veut  bien  connaître  Montaigne;  M.  Bayle  Saint-John  en 
a  signalé  toute  l'importance. 


Le  courage  du  grand-maître  décida  de  la  victoire. 
De  retour  en  Palestine,  il  se  signala  à  la  prise 
de  Damiette  (1219Î,  et  devint  l'ami  de  tous  les 
princes  croisés.  Il  chercha,  mais  en  vain,  à 
rapprocher  son  ordre  de  celui  des  Templiers,avec 
lequel  il  était  en  guerre  ouverte.  En  1228,  il  en- 
gagea le  pape  Grégoire  IX  à  prêcher  une  nou- 
velle croisade,  puis  il  refusa  d'y  prendre  part, 
parce  que  l'armée  chrétienne  était  commandée 
par  l'empereur  d'Allemagne  Frédéric  II,  qui  avait 
encouru  l'excommunication  majeure.  Guérin  de 
Montaigu  mourut  peu  après,  et  Bertrand  de 
Texis  lui  succéda.  A.  n'E — p— c. 

Bosio  et  Baudouin ,  Biit.  de  l'Ordre  de  Jérusalem.  — 
Naberat,  Privilèges  de  l'Ordre  de  Jérusalem. 

montaigu  (  Guillaume  de  ),  abbé  de  Cî- 
teaux,  mort,  suivant  M.  Petit-Radel,  le  19  mai 
1246.  Il  fut  d'abord  prieur  de  Clairvaux,  en- 
suite abbé  de  La  Ferté,  puis  de  Cîteaux.  C'était 
un  homme  qui  jouissait  d'une  grande  autorité. 
Grégoire  IX  l'employa  dans  une  négociation  très- 
importante.  11  s'agissait,  en  1229,  d'arrêter  les 
rois  de  France  et  d'Angleterre,  qui  étaient  sur 
le  point  d'en  venir  aux  mains,  Guillaume  alla 
d'abord  trouver  le  roi  de  France,  en  calma  les  res- 
sentiments, et  fit  ensuite  avec  le  même  succès 
la  même  démarche  auprès  du  roi  d'Angleterre. 
La  gaerre  n'eut  pas  lieu.  Diverses  lettres  de  Gré- 
goire IX,  publiées  dans  les  Annales  de  Cîteaux, 
nous  apprennent  que  la  cour  de  Rome  remit  à  la  sa*  < 
gacitéde  Guillaume  le  règlement  de  plusieurs  au- 
tres affaires  d'un  intérêt  moins  général.  En  1239, 
comme  il  se  rendait  au  concile  de  Rome,  il 
tomba  dans  les  mains  de  Frédéric  II,  fut  emmené 
captif  et  chargé  de  chaînes.  Vers  la  fin  de  sa  vie 
Guillaume  abdiqua  le  gouvernement  de  Cîteaux, 
et  se  retira  dans  le  monastère  de  Clairvaux ,  où 
il  mourut,  sous  l'habit  d'un  simple  moine.  B.  H. 

annales  Cisterienses ,  t.  IV,  passim.  —  Hist.  Littér. 
de  la  France,  t.  XVIII,  p.  338.  —  Gallia  Christiana, 
t.  IV,  col.  995. 

montaigu  (Jean  de  ),  surintendant  des  fi- 
nances, né  vers  1350,  décapité  le  17  octobre 
1409.  Lepèrede  Jean  se  nommait  Gérard  deMon- 
taigu  ;  i!  fut  notaire  et  secrétaire  du  roi ,  anobli 
en  1363,  garde  du  trésor  des  chartes,  etc.  Sai 
mère,  Biette  de  Cassinelle,  originaire  de  Lucques, 
en  Italie,  était  une  femme  non  moins  remarquable 
par  sa  beauté  que  par  le  profit  qu'elle  en  sut  tirer. 
La  faveur  dont  elle  jouit  à  la  cour  permit  aux 
ennemis  du  surintendant  d'ajouter  à  leurs  ca- 
lomnies cette  médisance ,  que  Jean  de  Montaigu 
avait  dans  les  veines  du  sang  royal ,  mais  illégi- 
time. Jean  fut  élevé  à  la  cour  sous  les  yeux  de 
son  protecteur  Charles  V,  et  y  servit  d'abord 
comme  secrétaire  du  roi.  La  vivacité  de  son  es- 
prit, fertile  en  expédients  d'affaires,  sa  complai- 
sance, son  zèle  et  la  souplesse  de  son  caractère, 
lui  acquirent  les  bonnes  grâces  de  Charles  VI, 
qu'il  vit  naître.  Le  dauphin,  devenu  roi,  lui 
continua  et  augmenta  ces  faveurs.  Peu  à  peu  Jean, 
s'enrichit  des  libéralités  royales,  et  fonda  pro- 
I  gressivement  son  opulence,  tout  en  asseyant  son 


73 


MONTA  1GU 


74 


crédit.  Charles  VI,  en  1388,  sortit  pour  ainsi 
dire  de  tutelle  et  commença  de  régner,  si  ce  n'est 
par  lui-môme,  du  moins  par  des  ministres  ou 
favoris  de  son  choix.  Au  nombre  de  ces  der- 
niers, il  accorda  l'un  des  premiers  rangs  à  Jean 
deMontaigu,  qui  dès  lois,  par  l'habitude  que  le 
jeune  roi  avait  de  ses  rapports,  lui  devint  en 
quelque  sorle  indispensable. 

Assez  brave  pour  mettre  l'épéeà  la  main  dans 
une  circonstance  opportune,  Jean  avait  combattu 
sous  les  yeux  du  prince  (1382)  à  la  bataille  de 
Rosbecque.  Seul  parmi  les  secrétaires  du  roi ,  il 
donna  cet  exemple ,  qui  lui  valut  les  éperons  de 
chevalier.  Louis,  duc  d'Orléans,  devenu  adulte, 
prit  pied  de  plus  en  plus,  auprès  de  Charles  VI, 
son  frère ,  dans  la  confiance  du  roi  et  dans  le 
gouvernement  de  l'État.  Montaigu  se  rapprocha 
de  Louis,  etse  rangea  parmi  ses  partisans,  contre 
Philippe  le  Hardi ,  duc  de  Bourgogne.  En  1401, 
il  obtint  l'une  des  hautes  charges  de  la  cou- 
ronne ,  celle  de  grand  maître  de  l'hôtel  du  roi.  Il 
était  déjà  vidame  de  Laon ,  capitaine  de  la  Bas- 
tille ,  préposé  au  gouvernement  de  l'hôtel  du  roi 
et  de  la  reine.  Il  était  le  véritable  chef  du  conseil, 
et  pour  tout  dire,  il  avait  le  maniement  souve- 
rain des  finances. 

Montaigu  fit  alors  construire  le  château  de 
Marcoussis  (1),  ainsi  qu'un  prieuré  de  Célestins. 
Cette  résidence  fut  une  merveille  de  l'architec- 
ture et  de  l'art  au  quinzième  siècle.  La  lutte  po- 
litique ,  ouverte  entre  les  ducs  d'Orléans  et  de 
Bourgogne,  survécut  à  Philippe  le  Hardi,  mort 
en  1404.  Elle  se  ranima,  plus  violente  que  par 
le  passé ,  entre  Louis ,  duc  d'Orléans,  et  Jean 
sans  Peur.  Le  duc  de  Bourgogne ,  en  1405,  ra- 
mena d'autorité  le  dauphin,  de  Juvisy  à  Paris. 
Le  jeune  prince  en  ce  moment  s'éloignait  de 
la  capitale  par  ordre  de  la  reine  et  du  duc  Louis, 
qui  virent  dans  l'acte  du  Bourguignon  un  af- 
front sanglant  fait  à  leur  autorité.  Jean  de 
Montaigu,  en  cette i  rencontre,  osa  tenir  tête 
à  Jean  sans  Peur.  Ce  dernier  conçut  dès  lors, 
contre  le  surintendant ,  un  ressentiment  mortel. 
En  1407,  Jean  Gt  assassiner  Louis,  et  Mon- 
taigu put  voir,  dans  un  crime  aussi  hardi,  un 
avertissement  pour  lui  -  même.  La  force  des 
choses  et  ses  antécédents  contraignaient  le  sur- 
intendant ou  à  combattre  le  duc  de  Bourgogne, 
ou  à  descendre  (  autrement  peut-être  que  sain 
et  sauf)  du  faîte  de  la  puissance  et  des  gran- 
deurs. Afin  de  se  sauvegarder  dans  cette  po- 
sition difficile,  le  premier  ministre  comptait  sur 
son  art  à  flatter  les  hommes  et  à  les  manier, 
sur  l'étendue  et  les  racines  de  sa  position,  ou  de 
son  crédit,  sur  l'amitié  du  duc  de  Berry,  de  la 
reine,  du  roi  de  France.  Jean  de  Montaigu  avait 
fait  un  de  ses  frères  évêque  de  Chartres ,  puis 
archevêque  de  Sens  et  chancelier  de  France. 
Gérard  ,  son  autre  frère ,  était  évêque  de  Paris. 
Marié  à  Jacqueline  de  La  Grange,  nièce  du  car- 

(1)  Seine-et-Oise. 


dînai  d'Amiens ,  il  en  eut  quatre  filles  et  un 
fils,  qu'il  avait  tous  établis  dans  de  hauts  em- 
plois. Charles,  son  fils,  fut  marié  dès  l'âge  de 
onze  ans  à  Catherine  d'Albret.  Ses  quatre  filles 
s'allièrent  les  unes  à  des  princes  du  sang  royal, 
et  les  autres  à  des  officiers  de  Jean  sans  Peur. 
Le  surintendant  comptait  spécialement  sur  cette 
dernière  garantie  pour  le  préserver  contre  son 
redoutable  adversaire. 

Jean  de  Montaigu  fut  le  principal  auteur  de 
la  Paix  de  Chartres ,  célébrée  dans  cette  ville 
au  mois  de  mars  1409.  Ce  traité  humilia  les  deux 
partis  par  une  justice  incomplète.  Il  ne  satisfit 
point  la  famille  d'Orléans,  en  laissant  debout  et 
impuni  le  grief  sanglant  dont  elle  poursuivait  la 
réparation.  Jean  sans  Peur  s'irrita  des  semblants 
d'excuse  qui  furent  exigés  de  lui.  Sa  haine  s'accrut 
d'autanf,et  parvint  au  comble.Monf  aigu ,  se  voyant 
sous  le  coup  de  ce  péril ,  avait  d'abord  songé  à 
fuir.  Jean,  duc  de  Berry,  possédait  en  Auvergne 
un  château  fort  presque  inaccessible,  appelé 
Monet  ou  Nonette.  Le  grand -maître  conçut  le 
dessein  d'échanger  avec  le  duc  ce  castel,  contre 
le  manoir  de  Marcoussis,  et  de  s'y  retirer  avec 
ses  richesses.  En  même  temps,  il  s'efforça  de 
désarmer  le  duc  de  Bourgogne  à  force  de  caresses 
et  de  flatteries.  Mais  Jean  sans  Peur  conservait 
sa  haine  et  savait  dissimuler.  Il  endormit  le  mi- 
nistre dans  une  sécurité  trompeuse. 

A  peu  de  temps  de  là,  Jean  de  Montaigu 
fournit  de  lui-même  un  prétexte  à  son  ennemi. 
Le  22  septembre  1409,  le  ministre  célébra,  chez 
lui,  la  fête  du  sacre  ou  joyeux  avènement  de 
son  frère,  Gérard,  récemment  pourvu  de  l'é- 
vêché  de  Paris.  Cette  fête,  qui  réunifie  duc  de 
Bourgogne  et  la  cour,  surpassa  en  pompe,  en 
éclat,  en  opulence ,  tout  ce  que  l'on  avait  vu  de 
comparable  dans  le  passé ,  même  au  palais  des 
rois  de  France.  Ce  déployemeut  de  luxe  offrait 
un  argument  spécieux  pour  soulever  contre  le  sur- 
intendant la  haine  populaire.  Des  dénonciateurs 
apostés  créèrent  à  point  nommé  un  concert  de 
récriminations.  Chacun  signalait  à  l'envi  et  dé- 
nombrait avec  animosité  les  bienfaits,  les  libéra- 
lités que  le  financier  avait  su  s'attirer  de  la  part 
d'un  roi  insensé ,  pour  s'enrichir  lui  et  les  siens. 
On  comparait  à  cette  immense  fortune  le  peu 
de  services  sérieux  rendus  à  l'État  par  le  mi- 
nistre. On  rappelait  ses  complaisances  sans  bornes 
aux  caprices  des  princes,  en  matière  d'impôts,  qui 
écrasaient  le  peuple,  son  initiative  ou  sa  parti- 
cipation dans  des  concussions  avérées.  Ces  griefs, 
même  légitimes,  servaient  à  la  fois  de  voile  et 
d'instrument  à  la  passion  violente  et  personnelle 
dont  le  duc  était  animé.  Le  7  octobre  1409,  Jean 
de  Montaigu  fut  arrêté  près  la  porte  Saint- Victor, 
en  plein  jour,  par  le  prévôt  de  Paris,  créature 
du  duc  de  Bourgogne.  Le  parlement  était  alors 
en  vacances.  Des  commissaires  furent  nommés 
pour  juger  un  prévenu  condamné  d'avance. 
Montaigu,  homme  frêle  et  chétif,  était  âgé  d'en- 
viron cinquante-neuf  ans.  Soumis  à  la  torture 


MONTAIGU  -  MONTAIGUT 


76 


des  cordes  et  du  brodequin ,  il  avoua  tous  les 
crimes  qu'on  lui  imputait.  Il  invoqua  vainement 
sa  qualité  de  clerc  et  la  juridiction  du  parle- 
ment. Vainement  il  en  appela  de  la  sentence  qui 
le  frappait,  à  la  justice  de  cette  cour,  seule  ré- 
gulière et  souveraine.  Jean  de  Montaigu  fut  dé- 
capité au  pilori  des  halles  (1).       A.  V.— V. 

Lucien  Merlet,  Biographie  de  Jean  de  Montaigu; 
Paris,  Didot,  1852. in-8".  —  La  fie  de  Jean  de  Montaigu 
avec  {'Histoire  de  Marcoussis,  par  Simon  de  La  Motle  , 
célestin.  Ms.  de  l'an  1674,  appartenant  a  M.  Jérôme  Pi- 
chon.  —  Direction  générale  des  Archives  :  L  1540,  xx 
10,093,  1°  187.  —  Anselme,  Généalogie  des  Montaigu.  — 
Godefroy,  Charles  FI,  p.  148,  etc.  —  Chronique  de 
Cousinot,  etc.,  etc. 

montaigu  (  Anne-Charles  Basset  de  ),  gé- 
néral français,  né  le  10  juin  1751,  à  Versailles. 
Entré  en  1768  dans  la  gendarmerie,  il  y  servit 
jusqu'à  la  réforme  de  ce  corps  (1788),  et  fut 
nommé,  en  1792,  chef  de  brigade.  Lors  de  la  dé- 
fection de  Dumouriez,  il  se  porta  sut  Valen- 
ciennes  avec  trois  bataillons  et  deux  détache- 
ments de  cavalerie  et  d'artillerie  légère ,  et  pendant 
vingt  jours  il  réussit  à  contenir  les  Autrichiens 
des  deux  camps  de  Rceux  et  des  Loups.  L'armée 
française  ayant  été  obligée  de  se  replier,  il  sou- 
tint la  retraite  avec  beaucoup  de  sang-froid  et 
de  fermeté;  après  avoir  arrêté  l'ennemi  à  Es- 
cœuvres,  village  qu'il  avait  fortifié,  il  employa 
les  manœuvres  les  plus  adroites  pour  dissimuler 
son  entrée  à  Cambrai  ;  cette  action  fut  l'objet 
d'une  mention  honorable  dans  les  procès-ver- 
baux de  la  Convention.  Montaigu  reprit  bientôt 
l'offensive,  et  marcha  à  la  tête  de  quatorze  ba- 
taillons au  secours  de  Dunkerque,  dont  les  An- 
glais commençaient  le  blocus.  Son  attaque  fut 
si  prompte  qu'il  força  ces  derniers  à  regagner 
leurs  vaisseaux ,  en  abandonnant  trente  pièces 
de  canon  ainsi  que  leurs  magasins  de  fourrages 
et  de  munitions.  Nommé  général  de  brigade 
(  1er  novembre  1793  )  ,  Montaigu  obtint  des 
succès  contre  Beaulieu,  et  fut  blessé  àMarvelles 
dans  une  affaire  glorieuse  pour  lui.  Promu  au 
grade  de  général  de  division  (21  mai  1794),  il 
fut  battu  le  même  jour,  mais  il  maintint  l'ordre 
parmi  ses  troupes  et  protégea  la  retraite.  Au 
combat  de  Charïeroi,  il  ne  fut  pas  plus  heureux; 
il  se  trouva  à  la  bataille  de  Fleurus,  et  prépara, 
en  occupant  le  mont  Palissel,  la  prise  de  Mons. 
Il  venait  de  s'emparer  de  Hassell  lorsqu'on  le 
destitua;  réintégré  un  mois  plus  tard  dans  son 
grade,  il  servit  à  l'armée  de  Sambre  et  Meuse, 
puis  à  celle  du  Rhin ,  mit  Manheim  en  état  de 
défense,  et  en  prit  le  commandement  lorsque  les 
lignes  de  Mayence  eurent  été  rompues  (  octobre 
1795).  Enfermé  dans  une  ville  dénuée  de  res- 

(1)  Jean  de  Montaigu,  au  rapport  du  greffier  du  par- 
lement, était  «  un  homme  de  basse  corpulence,  maigre  , 
à  peu  de  barbe,  légier  et  apert ,  hâtif  en  langage,  qulns  , 
(prompt  |,  subtil  et  diligent,  etc.  »  Il  avait  été  représenté 
en  pierre  de  relief  colorée  sur  un  pilier  de  la  porte  de 
la  chapelle,  au  château  de  Marcoussis.  Cette  effigie  a 
été  gravée  dans  les  Monuments  de  la  Monarchie  fran- 
çaise, tome  III,  planche  36,  figure  3.  f'oy.  Hennin,  Mo- 
numents de  la  France  ,  1858,  in-S°,  t.  V,  p,  403,  404. 


sources,  il  obligea  l'ennemi  à  diviser  ses  forces, 
et  ne  consentit  à  capituler,  après  onze  jours  de 
tranchée  ouverte ,  qu'après  avoir  été  forcé  dans 
ses  derniers  retranchements.  A  son  retour  en 
France,  il  demanda  que  sa  conduite  fût  jugée 
par  un  conseil  de  guerre;  déchargé  de  tout  blâme 
et  renvoyé  à  ses  fonctions  (  25  octobre  1797),  il 
fut  admis,  en  1799,  au  traitement  de  réforme.  Ç)n 
ignore  l'époque  de  sa  mort.  K. 

De  Courcelles,  Dict.   hist.  des   Généraux  français, 
I»,  366. 

MONTAitHTT  (1)  (  Gilles- Aycelin  de  ),  prélat 
français,  né  vers  1252,  à  Glaine-Montaigut,  près 
Billom  (Auvergne),  mort  à  Paris,  le  23  juin 
1318.  Prévôt  de  la  cathédrale  de  Clermont  en 
1285,  et  peu  après  chanoine  de  Narbonne,  il 
fut  élu  archevêque  de  cette  ville  par  une  partie 
du  chapitre,  en  1287. Ordonné  prêtre,  le  17  mars 
1291,  par  Simon  de  Beaulieu,  archevêque  de 
Bourges,  il  partit  ensuite  pour  Rome,  et  le  car- 
dinal Gérard  Bianchi,  évêque  de  Sabine,  le  sacra 
à  Viterbe,au  mois  de  mai  suivant.  On  le  trouve 
au  nombre  des  conseillers  d'État  présents  au 
Louvre  en  1296,  lorsque  le  chancelier  Pierre 
Flotte  donna  lecture  des  lettres  par  lesquelles 
Gui,  comte  de  Flandre,  révoquait  les  pouvoirs  de 
ses  ambassadeurs ,  chargés  de  traiter  de  la  paix, 
avec  Philippe  le  Bel.  Gilles,  au  nom  de  ce  der- 
nier prince,  signa,  en  juin  1299,  la  trêve  conclue 
à  Montreuil  avec  le  roi  d'Angleterre.  Le  24  oc- 
tobre 1301,  il  se  trouvait  à  l'assemblée  convoquée 
à-Senlis  pour  juger  Bernard  Saisset,  évêque  de 
Pamiers,  légat  du  pape,  et  l'un  de  ses  suffragants. 
Appelé  à  Rome  à  ce  sujet,  Gilles  reçut  du  roi 
l'ordre  de  ne  point  s'y  rendre,  et  il  obéit.Il  fut  un 
des  cinq  prélats  présents  à  l'assemblée  du  Louvre 
le  12  mars  1303,  tenue  contre  Boniface  VIII,  et 
travailla  à  l'élection  de  Bertrand  de  Goth  (  Clé- 
ment V),dont  il  était  ami  ;  aussi  fut-il  le  premier 
des  évêques  français  chargés  d'informer  contre 
les  Templiers.  Le  27  février  1309,  il  fut  nommé 
garde  des  sceaux,  et  après  avoir  présidé  un  syn- 
ode diocésain  à  Narbonne,  et  en  1310  un  con- 
cile à  Béziers ,  il  permuta  son  archevêché ,  le  5 
mai  1311,  contre  celui  de  Rouen,  dont  il  prit  pos- 
session en  personne,  le  29  août  suivant.  Présent  | 
au  concile  général  de  Vienne ,  il  y  fut  d'avis 
qu'il  était  inutile  d'entendre  les  Templiers  en 
leurs  défenses.  De  retour  à  Rouen,  il  y  présida 
en  octobre  1313  un  concile  provincial,  et  en  tint 
deux  autres  en  1315  à  Rouen,  et  le  17  novembre 
1317  à  Pontoise.  Par  son  testament,  lu  13  dé- 
cembre 1314,  il  institua  pour  héritier  Albert- 
Aycelin  de  Montaigut,  évoque  de  Clermont,  son  ! 
neveu,  à  la  condition  d'entretenir  dans  des  mai- 
sons  qui  lui  appartenaient,  rue  des  Sept-Voies , 
à  Paris,  autant  de  pauvres  écoliers,  qu'autant 
de  lois  la  somme  de  dix  livres  se  trouverait  dans 

(1)  C'est   à  tort  que  la  plupart  des  historiens  ont  écrit 
Montaigu;  le  village  dont  cette  famille  est  originaire  a 
toujours  été   mentionné  dans  les  actes  officiels  sous   le  j 
nom  de  Montaigut. 


77  MONTA  1GUÏ 

celle  du  revenu  annuel  de  ces  maisons.  Telle  fut 
l'origine  du  collège  de  Montaigut,  sur  l'empla- 
cement duquel  s'élèvent  aujourd'hui  les  bâti- 
ments de  la  bibliothèque  de  Sainte-Geneviève. 

H.    FlSQUET. 

C.aUia  Christiana,  tomes  VI  et  XII.  —  Du  f.hesnr, 
Histoire  des  Chanceliers  de  France.  —  France  Pontifi- 
cale. 

moktal  (  Charles  de  Montsa.ulnin,  comte 
du  ),  général  français,  né  en  1616,  mort  en  1696, 
à  Dunkerque.  Issu  de  l'ancienne  maison  de  Mont- 
saulnin  établie  dans  le  Nivernais  depuis  le  quin- 
zième siècle ,  il  s'attacha  dès  sa  jeunesse  au  grand 
Condé,  qui  lui  donna  une  compagnie  dans  le  ré- 
giment d'Enghien,  et  défendit  en  1653  jusqu'à 
la  dernière  extrémité  la  ville  de  Sainie-Menehould 
contre  Louis  XIV  en  personne.  Nommé  gouver- 
neur de  Charleroi  en  1672,  il  força  le  prince 
d'Orange  à  lever  le  siège  de  cette  place  et  lui 
fit  perdre  beaucoup  de  monde.  Ce  fut  à  cette  oc- 
casion que  le  roi  s'écria  :  «  Je  voudrais  bien 
voir  Vauban  attaquer  une  place  et  Montai  la 
défendre!  Mais  non,  ajouta-t-il  après  un  moment 
de  réflexion,  j'en  serais  bien  fâché,  car  ils  y  péri- 
raient tous  les  deux.  »>  Créé  lieutenant  général 
en  1673,  Montai  continua  de  servir  en  Flandre,  et 
déploya,  surtout  dans  l'attaque  des  places,  toute 
l'expérience  et  la  valeur  qu'on  peut  attendre 
d'un  capitaine  consommé.  Le  gain  de  la  bataille 
de  Steinkerke  fut  dû  en  partie  à  sa  vigilance  et 
à  la  confiance  que  les  troupes  avaient  en  lui.  Lors 
de  la  promotion  des  maréchaux  en  1693,  il  n'y 
fut  pas  compris,  et  fut  extrêmement  sensible  à 
cet  oubli.  «  Montai,  rapporte  Saint-Simon,  étoit 
un  grand  vieillard  de  quatre-vingts  ans,  qui  avoit 
perdu  un  œil  à  la  guerre,  où  il  avoit  été  couvert 
de  coups.  11  s'y  étoit  infiniment  distingué,  et  sou- 
vent en  des  commandements  en  chef  considé- 
rables. Tout  cria  pour  lui ,  hors  lui-même.  Sa 
modestie  et  sa  sagesse  le  firent  admirer.  Le  roi 
en  fut  touché,  et  lui  promit  de  réparer  le  tort 
qu'il  lui  avait  fait.  Il  s'en  alla  quelque  peu  chez 
lui ,  puis  revint,  et  servit  par  les  espérances  qui 
lui  avaient  été  données  et  qui  furent  trompeuses 
jusqu'à  sa  mort.  » 

Son  petit-fils,  Charles-Louis ,  mort  le  22  août 
1758,  en  Bourgogne,  à  l'âge  de  soixante-dix-sept 
ans,  fut  colonel  du  régiment  de  Poitou,  maré- 
chal de  camp  (1719)  et  lieutenant  général  (1734). 
Il  n'eut  que  deux  filles,  et  son  nom  s'éteignit  avec 
lui.  K. 

Moréri,  Grand  Dict.  Hist.  (  éd.  1759  ).  -  Saint-Simon, 
Mémoires ,  1. 

*  monta l  ( Claude) ,  inventeur  et  facteur  de 
pianos  français,  né  "à  La  Palisse  (Allier),  le  28 
juillet  1800.  Fils  d'un  honnête  artisan,  sa  pre- 
mière enfance  s'écoula  libre  et  joyeuse  ;  mais  vers 
sa  sixième  année,  à  la  suite  d'une  grave  maladie, 
il  fut  frappé  d'une  cécité  complète.  Cet  accident, 
qui  eût  été  si  fatal  pour  tout  autre,  ne  lui  fit  rien 
perdre  des  heureuses  dispositions  dont  la  nature 
l'avait  doué,  et  bientôt,  au  contraire,  se  développa 
en  lui,  d'une  manière  très-marquée,  cette  force 


—  l'.lO.NTAL  78 

de  volonté,  cette  énergie  persévérante  qu'il  a 
montrées  dans  tout  le  cours  de  sa  carrière.  Il  ap- 
prit à  lire  au  moyen  de  lettres  en  relief  tracées 
sur  des  cartes  au  moyen  de  piqûres  d'épingles. 
On  l'envoya  à  l'école  de  l'endroit,  et  là  son  in- 
telligence s'appropria  promptement  les  éléments 
auxquels  l'enfance  est  si  difficilement  initiée.  Un 
instinct  musical  s'était  déjà  manifesté  en  lui.  Il 
avait  eu  occasion  d'entendre  et  de  toucher  des 
violons  ;  n'en  ayant  pas  à  sa  disposition ,  il  se  mit 
dans  l'esprit  d'en  faire  un.  Quoique  grossière- 
ment construit,  rien  ne  manquait  à  cet  instru- 
ment, sur  lequel  il  parvint  à  jouer  quelques  airs. 
L'histoire  de  M.  Montai  est  tout  entière  dans  ce 
trait  remarquable.  Grâce  à  la  protection  de  la 
duchesse  d'Angoulême ,  à  laquelle  il  fut  présenté 
lors  du  voyage  que  cette  princesse  fit  à  Vichy, 
en  1817,  il  fut  admis  à  l'Institution  des  jeunes 
aveugles  de  .Paris.  Il  y  apprit  et  y  professa 
bientôt  les  mathématiques  ;  c'est  à  lui  qu'on 
doit  l'invention  des  cartes  géométriques  en  re- 
lief, qui  furent  d'un  puissant  secours  pour  cette 
branche  d'instruction  dans  l'établissement.  Il 
acquérait  en  même  temps  une  certaine  force  sur 
plusieurs  instruments,  notamment  sur  le  violon 
et  sur  le  piano,  et  fut  chargé  de  donner  à  son 
tour  des  leçons  aux  jeunes  élèves.  Puis  enfin , 
sous  l'impulsion  d'un  goût  prononcé  pour  les 
arts  mécaniques  et  d'une  aptitude  manuelle  qui, 
comme  on  l'a  vu ,  s'étaient  manifestées  dès  l'en- 
fance ,  il  fut  amené  à  une  ingénieuse  tentative 
qui  devait  lui  faire  une  destinée  nouvelle.  Il  en- 
treprit un  jour  d'accorder  les  pianos  de  l'insti- 
tution ;  mais  pour  prouver  qu'il  était  capable 
de  ce  travail,  il  se  mit,  avec  l'aide  d'un  de  ses 
condisciples,  aveugle  comme  lui ,  à  démonter  un 
vieux  piano  dont  on  ne  se  servait  plus ,  et,  après 
avoir  étudié  chaque  pièce ,  il  le  reconstruisit  et 
le  présenta  au  directeur,  parfaitement  réparé  et 
accordé.  Peu  de  temps  après  on  le  chargea  de  la 
réparation  de  l'orgue  de  l'établissement.  M.  Mon- 
tai rêvait  une  position  qu'il  ne  pouvait  point  se 
faire  en  restant  à  l'Institution  des  jeunes  aveu- 
gles. Plein  de  confiance  dans  la  Providence  ,  il 
quitta  cette  maison,  en  1830,  et  pourvut  à  son 
existence  en  se  livrant  d'abord  à  l'accord  et  à 
l'entretien  des  pianos.  Il  ouvrit  ensuite  un  cours 
public  d'accord  de  ces  instruments,  à  l'usage 
des  gens  du  monde,  et  en  retira  l'avantage  d'aug- 
menter sa  clientèle.  Il  publia,  en  1834,  un  Abrégé 
de  l'art  d'accorder  soi-même  son  piano ,  in-8u, 
planches  et  figures,  suivi,  deux  ans  après,  d'un 
Traité  complet  de  l'Accord  du  Piano.  L'an- 
née suivante,  1835,  il  commençait  un  établisse- 
ment qui  envoyait  quelques  pianos  à  l'exposition 
de  1839.  Depuis  lors  cet  établissement  s'est  dé- 
veloppé sur  une  grande  échelle,  et  son  chef,  dont 
l'habileté  emprunte  à  sa  position  exceptionnelle 
quelque  chose  de  merveilleux,  a  obtenu  succes- 
sivement toutes  les  récompenses  et  distinctions 
que  peuvent  décerner  les  jurys  des  expositions, 
les  sociétés  et  les  athénées;  en  1851,  M.  Montai 


79 


a  été  décoré  de  la  Légion  d'Honneur.  Parmi  les 
inventions  et  les  perfectionnements  qu'il  a  in- 
troduits dans  l'art  de  construire  les  pianos ,  il 
fautciter  particulièrement  son  Système  de  trans- 
position, son  Sijstème  de  contre-tirage,  son 
Perfectionnement  dans  les  chevalets,  sa  Table 
d'harmonie ,  et  sa  nouvelle  Pédale  d'expres- 
sion. Dieudonné  Denne-Baron. 

Fétis ,  Biographie  universelle  des  Musiciens.  — 
Claude  Montai,  sa  vie  et  ses  travaux,  notice  par 
M.  P.-A.  Dufau,  Paris,  1857.  —  Vapereau,  Dict.  univ.  des 
Corttemp.  ;  Paris,  1858. 

montalbani  (Jean-Baptiste,  comte),  sa- 
vant italien,  né  à  Bologne,  en  1596,  mort  à  Suda, 
dans  l'île  de  Candie,  en  1646.  D'une  ancienne 
famille  patricienne,  originaire  de  Milan,  et  qui 
porta  d'abord  le  nom  A'Alicorni ,  il  parcourut, 
après  s'être  fait  recevoir  docteur  en  droit  et  en 
philosophie,  la  France,  l'Allemagne  et  la  Po- 
logne ,  séjourna  un  an  à  Constantinople ,  visita 
ensuite  la  Perse  et  la  plus  grande  partie  de  la 
haute  Asie.  De  retour  en  Europe ,  il  entra  dans 
l'armée  du  duc  de  Savoie  avec  le  grade  de  ser- 
gent major  général  de  bataille.  Fait  prisonnier 
par  les  Espagnols,  il  fut  traité  avec  beaucoup 
de  dureté;  après  avoir  obtenu  sa  liberté,  il  se 
rendit  à  Venise  ;  le  sénat  de  cette  ville  lui  confia 
un  commandement  supérieur  dans  l'île  de  Candie. 
Il  parlait  avec  facilité  jusqu'à  treize  langues  de 
l'Orient.  On  a  de  lui  :  De  moribus  Turcarum 
Commentarii ;  Rome,  1625  et  1636;  Leyde, 
1643,  in- 12  ;  —  Il  a  laissé  en  manuscrit  :  An- 
nales ab  anno  MDC  Suppellectilis  Taciti, 
seu  Senientise  Tacili  cum  applicatione  exem- 
plorum  nostri  aevi;  —  Grammatica  turcica ; 
—  Proposiliones,  Lemmata  et  Problemata  de 
inclinatione  et  tactione  linearum,  etc.      O. 

Orlandi,  Scrittori  Bolognesi.  —  Fantcuzi,  Scrittori 
Bolognesi. 

montalbani  (  Marco-Antonio ,  marquis), 
minéralogiste  italien  ,  fils  du  précédent ,  né  en 
1630,  à  Bologne,  où  il  est  mort,  en  1695.  Il  fit 
de  la  minéralogie  une  étude  particulière  et  par- 
courut, afin  d'étendre  ses  connaissances ,  l'Alle- 
magne ,  la  Hongrie  et  la  Pologne ,  où  il  reçut  du 
roi  Jean-Casimir  le  titre  de  marquis.  Il  visita 
encore  d'autres  pays,  notamment  les  côtes  de 
l'Adriatique.  On  a  de  lui  :  Cafascopia  miné- 
rale, ovvero  esplanazione  e  modo  difar  saggio 
d'ogni  miniera  metallica;  Bologne,  1676, 
in-4°;  — Pratica  minérale;  ibid.,  1678,  in-4°; 

Relazione  delV  acque  minérale  del  regno 

d'Ungaria  ;  Venise ,  1687,  in-4°.  On  lui  attribue 
encore  une  Vie  de  l'empereur  Ferdinand ,  en 
italien.  P. 

montalbani  (  Castore ,  marquis  ),  littéra- 
teur, fils  du  précédent,  né  en  1670,  à  Bologne , 
où  il  est  mort,  en  1732.11  embrassa  le  métier  des 
armes ,  devint  capitaine  des  gardes  à  cheval  du 
cardinal  de  Gonzague,  et  passa  au  service  de  la 
république  de  Venise ,  qui  lui  confia  le  gouver- 
nement de  Carrare.  Rappelé  en  1723  à  Bologne , 
il  y  remplit  jusqu'à  sa  mort  la  chaire  d'architec- 


MONTAL  —  MONTALBANI  80 

ture  militaire.  En  lui  s'éteignit  la  famille  des 
Montalbani  de  Bologne.  Comme  son  grand-oncle 
Ovidio,  il  s'occupa  de  toutes  les  sciences  et  se 
mêla  de  tirer  des  horoscopes.  On  a  de  lui  des 
discours ,  des  poèmes  et  des  dissertations,  et  de 
1707  à  1714  il  publia  sous  le  nom  anagramma- 
tisé  de  Brancaleone  Masotti  des  Almanachs 
astrologiques.  P. 

Orlandi,  Notizie  degli  Scrittori  Bolognesi. 
montalbani  (  Ovidio  ) ,  botaniste  italien , 
frère  puîné  de  Giambattista,  né  vers  1602,  à  Bo- 
logne, où  il  est  mort,  le  20  septembre  1671.  Après 
avoir  terminé  ses  études ,  il  se  tourna  du  côté 
de  la  médecine ,  et  reçut  à  Bologne  le  diplôme 
de  docteur  en  cette  faculté ,  aussi  bien  qu'en 
philosophie  et  en  droit  (1622).  Toutefois  il  ne 
commença  à  professer  que  douze  ans  plus  tard , 
en  1634,  et  il  enseigna  successivement  dans  l'u- 
niversité de  sa  ville  natale  la  logique,  la  phy- 
sique, les  mathématiques,  la  morale  et  la  méde- 
cine. En  1637  il  fut  nommé  en  même  temps 
conservateur  du  cabinet  d'histoire  naturelle  et 
astronome  du  sénat.  Plusieurs  académies  d'Italie 
s'empressèrent  de  l'inscrire  parmi  leurs  mem- 
bres. Il  fut  un  des  fondateurs  de  celle  des  Ves- 
pert ini ,  établie  en  1624  à  Bologne,  et  qui  tint 
chez  lui  ses  premières  assemblées.  Montalbani 
s'était  attaché  de  bonne  heure  à  acquérir  des  con- 
naissances variées  ;  mais  son  savoir  était  moins 
le  fruit  delà  réflexion  que  de  la  mémoire  et  d'une 
merveilleuse  facilité.  Si  à  une  érudition  si  abon- 
dante il  eût  réuni  la  critique  et  l'exactitude, il  mé- 
riterait d'être  placé  au  rang  des  plus  estimables 
écrivains  de  son  temps.  Thunberg  lui  a  con- 
sacré dans  sa  flore  du  Japon  un  genre  de  plantes 
qu'il  a  nommé  bumaldia,  d'après  le  pseudonyme 
favori  de  Montalbani.  Parmi  ses  nombreux  ou- 
vrages nous  citerons  :  Index  omnium  plan- 
tarum  exsiccatarum  et  cartis  agglutinata- 
rum  quse  in  proprio  musseo  conspiciuntur  ; 
Bologne,  1624,  in-4°  ;  catalogue  de  l'herbier 
qu'il  avait  formé  lui-même  en  4  vol.  in-fol.  ;  — 
Spéculum    Euclidianum  ;  ibid.,  1628,  in-4°; 

—  Spheerographia ;  ibid.,  1633,  in-fol.;  — 
Discorsi  aslrologici,  con  "warii  trattati  an- 
nessi;  ibid.,  1633-1671,  30  vol.  in-4°:  ce  recueil 
se  compose  d'une  suite  de  volumes  détachés, 
ayant  chacun  leur  titre  particulier  et  traitant  en 
général  des  diverses  manières  de  tirer  un  ho- 
roscope ,  comme  la  Geoscopia  céréale  ,  la  Ki- 
poscopia,  la  Stibologia,  V Entrapeliologia,  etc.  ; 

—  De  illuminabili  lapide  Bononiensi  Epis- 
tola;  ibid.,  1634,  in -4°;  il  s'agit  d'une  pierre  qui 
acquiert  par  la  calcination  la  propriété  du  phos- 
phore; —  Clarorum  aliquot  Doctorum  Bo- 
noniensium elogialia  Cenotaphia ;  ibid.,  1640, 
in-4°;  —  Minervalia  JBonon.  Civium  Anade- 
mata,  seu  bibliotheca  Bononiensis ;  ibid., 
1641,  in-24  :  publié  sous  le  nom  de  G.  A.  Bu- 
makli ,  ce  petit  ouvrage ,  plein  de  recherches , 
a  été   refondu  par  Orlandi  dans  ses  Scrittori 


Bolognesi;  —  Le  Antichità  piii  antiche  di 


81 


MONTALBANI  —  MONTALDO 


82 


Bologna  rislrette  in  U  libri  intitolati  il  Co- 
losso  e  gli  Historici  spiriti  ;  ibid.,  1651,  in-4°  : 
cet  ouvrage  ,  dont  les  deux  parties  avaient  déjà 
paru  isolément,  a  été  réuni  à  la  Cronoproslasi 
Felsinea,  sous  le  titre  Le  Glorie  poldiche  di 
Bologna;  ibid.,  1653,  in-4°;  —  Formulario 
econonico,  cibario  e  médicinale  di  materie, 
piùjadli  e  di  ininor  coslo,  etc.;  ibid.,  1654, 
in-4°;  Montalbani  s'est  encore  déguisé  ici,  comme 
dans  daulres  écrits ,  sous  l'anagramme  de  Gio- 
van-Aitonio  Rumaldi;  —  Bibliotheca  Bota- 
nica,sm  herboristarum  scriptorum  promota 
synoda;  ibid.,  1654,  in-24:  opuscule  où  l'on 
trouve  un  premier  essai  de  la  synonymie  des 
graminées  et  que  Seguier  a  réimprimé  à  la  suite 
àesàBblioth.  Botanica  (LaHaye,17l4,  in-4°); 
—  Vocibolista  Bolognese  ;  ibid.,  1660,  in-12; 

Nœa   anteprseludialis  dendranatomes , 

arborée  scilicet  resolutionis  adumbratio; 
ibid.,  1)60,  in-4°  ;  —  Horticus  botanographicus; 
ibid.,  £60,  in-8°;  il  y  a  à  la  suite  un  traité  des 
monstnosités végétales;  —  Ulyssis  Aldrovandi 
Dendnlogia  ;  ibid.,  1 668,  in-fol.;  Francfort,167 1, 
in-fol.  ;  quoiqu'elle  porte  le  nom  d'Aldrovande, 
cette  hitoire  naturelle  des  arbres  est  presque  en- 
tièremeit  l'œuvre  de  Montalbani.  P. 

Alldos.  Dottori  Bolognesi,  p.  153.  —  Orlandi,  Notizie 
degli  Scittori  Bolognesi ,  p.  222.  —  Argelati ,  Biblioth. 
Mediolaiensis ,  t.  il.  —  Ghilini,  Theatro  d'Huomini 
ietteratiw  partie.  —  Niceron,  Mémoires,  XXXVII. 

moxtaldo  (Leonardo),  doge  de  Gênes, 
né  ver.  1325,  mort  en  1384.  D'une  riche  fa- 
mille pébéienne  et  habile  jurisconsulte,  il  fut 
dès  1S3  l'un  des  chefs  les  plus  importants  du 
parti  ;ibelin,  et  combattit  avec  succès  l'in- 
fluence des  Fregose.  Plusieurs  fois  il  se  porta 
commi  candidat  au  dogat,  mais  les  brigues  des 
patriefens  le  firent  échouer.  Guarco  régnait  et 
luttait  contre  Antoniotto  Adorno,  lorsque,  un 
nouveni  droit  sur  la  boucherie  ayant  été  décrété 
(6  avril  1383),  le  peuple  s'insurgea,  assaillit  le 
palais  ducal,  et  remit  le  souverain  pouvoir  entre 
ies  mains  de  huit  dictateurs.  Cet  office  de  la 
provision  (c'était  le  nom  du  nouveau  gouver- 
nement) devait  se  composer  de  quatre  mar- 
chands et  de  quatre  artisans.  Montaldo,  quoique 
jurisconsulte,  mais  qui  depuis  longtemps  flattait 
les  passions  populaires,  eut  l'habileté  de  se 
faire  élire  membre  de  cet  office  comme  arti- 
san. Le  notariat  comptait  alors  à  Gênes  parmi 
les  métiers,  et  quoiqu'il  n'en  exerçât  pas  la  pro- 
fession, Montaldo  se  fit  agréger  au  collège  des 
notaires.  Tous  les  nobles  furent  à  l'instant  rem- 
placés par  des  plébéiens.  Guarco  fut  obligé  de  se 
réfugier  à  Final.  Frédéric  de  Pagano  fut  nommé 
à  sa  place,  mais  il  ne  l'accepta  pas.  La  populace 
acclama  alors  Antoniotto  Adorno,  tandis  que  la 
bourgeoisie  choisissait  Montaldo.  Un  conflit  al- 
lait s'élever  lorsque  PietroFrégose  et  la  noblesse 
se  rallièrent  à  Montaldo,  qui  fut  reconnu  doge  sans 
coup  férir.  Il  débuta  par  donner  une  amnistie  gé- 
nérale et  par  dégrever  les  impôts.  Il  avait  déclaré 
n'accepter  le  pouvoir  que  pour  six  mois  ;  mais  ce 


temps  écoulé,  il  oublia  sa  promesse,  et  continua  de 
gouverner,  à  la  satisfaction  générale.  Jacques  de 
Lusignan,  oncle  de  Pierre  II  {Pétrin),  roi  de 
Chypre,  était  alors  prisonnier  à  Gênes  depuis  huit 
ans.  Son  neveu  étant  mort  sans  postérité,  Jacques 
hérita  de  sa  couronne.  Montaldo  traita  bien  vite 
avec  son  captif,  et  lui  fournit  une  flotte  de  dix  ga- 
lères pour  le  mettre  à  même  de  prendre  posses- 
sion de  son  royaume ,  mais  à  la  condition  qu'il 
céderait  Famagouste  aux  Génois.  Ce  traité  s'ac- 
complit sans  obstacle;  Montaldo  continuait  à  faire 
prospérer  sa  patrie  lorsqu'une  maladie  épidé- 
mique  se  déclara  à  Gênes  et  l'enleva.  Antoniotto 
Adorno  lui  succéda.  A.  de  L. 

Serra,  La  Storia  dclV  antica  Liguria,  etc.;  ITorino, 
1834,  4  vol.  —  Emile  Vincens  ,  Hist.  de  la  république  de 
Gênes,  t.  II,  p.  55. 

montaldo  (Antonio),  doge  de  Gênes ,  fils 
du  précédent,  né  en  1369,  mort  en  1398.  11  par- 
vint au  pouvoir  par  la  violence,  qui  au  surplus 
était  devenue  le  seul  moyen  de  gouverner  à  Gênes. 
Il  rassembla  une  troupe  de  soldats ,  et  vint  une 
nuit  de  décembre  1391  assaillir  une  des  portes 
de  la  ville.  A  ce  bruit  seul ,  le  doge  Antoniotto 
Adorno,  qui  écrivait,  jeta  sa  plume ,  et  s'enfuit 
rapidement.  Montaldo  fut  donc  élu  à  sa  place  : 
il  avait  à  peine  vingt-trois  ans.  Il  se  montrait 
digne  de  sa  fortune  par  un  bouillant  courage  et 
quelques  sentiments  généreux  :  les  fils  des 
doges  précédents,  Boccanegra  et  Guarca,  s'u- 
nirent à  Adorno  pour  renverser  l'intrus  ;  mais  il 
vainquit  leurs  partis,  et  dans  une  rencontre  Boc- 
canegra fut  pris  les  armes  à  la  main,  puis  traduit 
devant  le  podestat  et  condamné  à  mort.  L'exé- 
cution devait  se  faire  devant  le  palais  ducal;  le 
patient  aperçut  le  doge,  et  lui  tendit  des  mains 
suppliantes;  Montaldo  en  fut  ému  :  il  envoya 
son  frère  pour  faire  surseoir  à  l'exécution.  Le  po- 
destat feignit  de  méconnaître  le  messager,  et  pressa 
le  supplice  :  mais  Montaldo,  s'élançant  sur  i'écha- 
faud,  vint  lui-même  arrêter  le  bras  du  bourreau, 
et  sans  tenir  compte  de  la  colère  du  juge,  sauva 
la  vie  de  son  ennemi.  Après  s'être  maintenu  à 
peine  une  année  au  pouvoir,  Montaldo,  lassé, 
déposa  le  pouvoir,  et  laissant  le  champ  libre  aux 
autres  concurrents,  il  vécut  dansla  retraite  ;  pour- 
tant quand  il  vit  Antoniotto  Adovno  revenir  s'em- 
parer du  dogat  à  la  tête  de  bandes  mercenaires, 
il  rallia  ses  partisans,et  fut  le  combattre  au  premier 
rang.  La  mêlée  fut  sanglante,  le  meilleur  sang  gé- 
nois y  coula;  mais  Adorno  fut  repoussé.  Montaldo 
rentra  modestement  dans  ses  foyers;  mais  dès  le 
lendemain  le  peuple  lui  décernait  une  seconde 
fois  le  titre  de  doge  (1394).  Il  le  garda  peu  :  lassé 
des  intrigues  des  gibelins ,  des  tumultes  de 
chaque  jour,  il  abdiqua  de  nouveau.  Les  guelfes 
lui  nommèrent  un  successeur  ;  mais  Adorno  re- 
parut à  la  tête  des  gibelins.  Au  moment  où  le 
sang  allait  couler,  Montaldo  vint  se  poser  entre 
les  deux  partis;  il  déclara  que  son  intention  n'é- 
tait pas  de  revendiquer  la  dignité  qu'il  avait  sé- 
rieusement abandonnée,   mais  qu'il  s'opposait  à 


83 


MONTALDO  — 


ce  qu'Adorno  l'usurpât  une  fois  de  plus.  Sur  cette 
protestation  les  deux  chefs  convinrent  qu'aucun 
d'eux  ne  serait  doge,  et  qu'une  élection  nou- 
velle aurait  lieu  le  lendemain.  Ils  se  présentèrent 
à  l'assemblée  populaire  en  se  tenant  par  la  main. 
Mais  Adorno,  changeant  de  rôle,  par  un  discours 
adroit,  enleva  les  suffrages,  et  Montaldo,  indigné 
d'êlre  joué,  se  retira  à  Gavi,  où  il  se  fortifia. De  là 
il  fit  des  courses  répétées  jusqu'aux  portes  de 
Gênes,  et  soutenu  par  Giovanni  Galeas  Visconti, 
duc  de  Milan,  réduisit  bientôt  Adorno  à  placer 
Gênes  sous  la  seigneurie  du  roi  de  France,  Char- 
les VI.  Valerande  Luxembourg,  comte  de  Saint- 
Paul,  vint  en  prendre  possession  (1396).  Il  mar- 
cha contre  Montaldo,  qui,  après  quelque  défense, 
capitula,  et  remit  Gavi  aux  Français.  On  ne  voit 
point  qu'il  ait  joué  un  rôle  important  dans  les 
troubles  qui  affligèrent  sa  patrie  durant  les  an- 
nées suivantes.  «  Il  semble,  dit  M.  Vincens, 
n'avoir  plus  joué  que  le  rôle  douteux  et  subal- 
terne d'un  intrigant  aux  ordres  du  tyran  mila- 
nais. »  Montaldo  fut  enlevé  à  vingt-neuf  ans  par 
la  maladie  épidémique  qui,  apportée  par  un  na- 
vire venant  d'Orient,  désola  pendant  plusieurs 
années  le  Ponant.  A.  de  L. 

Manusc.  de  la  Bibliothèque  impériale  :  collection  Du- 
puy,  vol.  139.  —  Sisiuondi ,  Hist.  des  Républiques  ita- 
liennes, t.  xri.  —  Emile  Vincens,  Hist.  de  la  Répu- 
blique de  Gènes,  t.  Il,    p.  73-102. 

montalembert,  nom  d'une  ancienne  fa- 
mille française  qui  paraît  remonter  au  douzième 
siècle.  Originaire  du  Poitou  et  divisée  en  plu- 
sieurs branches  établies  en  Bretagne,  en  Agenois 
et  en  Périgord,  cette  famille  a  produit  plusieurs 
personnages  remarquables ,  parmi  lesquels  nous 
citerons  : 

monta  lembert  {André  de  ),  seigneur 
d'Essé  et  de  Panvilliers  ,  capitaine  français  ,  né 
en  1483,  en  Poitou,  tué  le  12  juin  1553,  à  Té- 
rouanne.  Son  père,  ayant  peu  de  bien  et  une 
nombreuse  famille ,  le  plaça  comme  page  chez 
le  sénéchal  de  Poitou,  André  de  Vivonne,  qui 
l'emmena  avec  lui  à  l'expédition  de  Naples  (1495). 
Il  assista  à  la  bataille  de  Fornoue,  et  entra  bientôt 
après  dans  la  maison  du  comte  d'Angoulême, 
depuis  François  Ier;  il  fit  avec  ce  prince  tous 
ses  exercices,  et  la  grâce  avec  laquelle  il  s'en  ac- 
quittait le  mit  en  faveur.  Il  combattit  avec  va- 
leur à  ses  côtés  dans  les  guerres  de  Louis  XII 
en  Italie,  et  se  distingua  aussi  par  son  adresse 
dans  les  fêtes  militaires  qu'on  donnait  à  la  cour. 
Il  devint  un  si  brave  chevalier  que  François  Ier 
le  choisit  en  1520  avec  deux  autres  gentils- 
hommes pour  soutenir,  avec  lui,  dans  le  tournoi 
qui  eut  lieu  au  camp  du  Drap  d'or,  l'effort  des 
quatre  plus  fortes  lances  qui  se  présenteraient. 
«  Nous  sommes,  disait-il  souvent,  quatre  gen- 
tilshommes de  la  Guienne,  qui  combattons  en 
lice  et  courons  la  bague  contre  tous  allans  et 
venans  de  la  France  :  moi,  Sansac,  d'Essé  et 
Chastaigneraye.  »  La  campagne  de  Piémont,  en 
1535,  fournit  à  d'Essé  des  occasions  de  montrer 


MONTALEMBERT  84 

i  ses  talents  militaires.  A  la  tête  de  mille  clievau- 
[  légers ,  il  envahit  la  Savoie  avec  l'amiral  Chabot, 
se  jeta  dans  Turin,  que  menaçait  l'empereur,  et 
n'en  sortit  qu'à  la  paix  (1537),  après  avoir  em- 
porté le  château  de  Ciria  par  escalade.  Il  fut 
nommé  lieutenant  de  la  compagnie  de  cinquante 
hommes  d'armes  du  duc  de  Montpensier.  En 
1543  il  se  rendit  à  Landrecies,  place  dont  le  roi 
venait  de  s'emparer,  et  eut  ordre  de  la  mettre 
au  plus  tôt  en  état  de  défense.  Les  traviux  n'é- 
taient pas  terminés  lorsque  Charles  Qfint  en 
personne  s'avança  avec  une  armée  de  cinquante 
mille  hommes  pour  en  faire  le  siège.  La  laiblesse 
de  la  place,  le  peu  de  troupes  qui  la  défendaient, 
une  large  brèche  aux  murailles ,  la  privation  de 
vivres,  rien  ne  fit  fléchir  la  fermeté  d<  d'Essé. 
Inspirant  à  ses  soldats  l'indomptable  courage 
qui  l'animait,  il  tenta  de  fréquentes  sortes,  dans 
lesquelles  il  remporta  toujours  l'avantage;  un 
jour  il  s'avança  jusqu'à  une  batterie  eniemie  et 
enleva  une  pièce  qu'il  lit  rouler  dans  >e  fossé. 
Une  telle  résistance  déconcerta  l'empenur,  qui, 
craignant  d'exposer  ses  troupes  aux  dangers  d'un 
assaut,  ne  pensa  plus  qu'à  affamer  la  pla<e.  Après 
trois  mois  et  demi  de  siège,  François  Ie1,  instruit 
de  l'extrémité  où  se  trouvait  la  garnisoi,  vint  à 
son  secours  ;  lorsqu'il  vit  entrer  dans  on  camp 
d'Essé  et  ses  compagnons,  hâves,  affamis,  estro- 
piés, il  courut  au-devant  d'eux  ,[et  doma  à  l'un 
la  charge  de  gentilhomme  de  sa  chambe  et  aux 
autres  tous  les  privilèges  de  h  noblesse.Au  mois 
de  septembre  1545,  ce  brave  capitaiie  com- 
manda le  fort  d'Outreau ,  bâti  près  de  B>ulogne- 
sur-mer,  pour  incommoder  les  Anglais  qui  s'é- 
taient rendus  maîtres  de  cette  ville.  Il  onserva 
ce  poste  pendant  plus  de  deux  ans  milgré  les 
efforts  de  l'ennemi  et  malgré  les  ravage,  que  la 
peste  fit  parmi  ses  troupes.  Le  28  avril  1548,  il 
fut  mis  avec  le  titre  de  lieutenant  généial  à  la 
tête  de  la  petite  armée  que  Henri  11  envoya  au 
secours  de  l'Ecosse.  A  peine  arrivé  dans  ce  pays 
(  16  juin),  il  fit  passer  en  France  la  jeune  reine 
Marie,  destinée  à  épouser  le  dauphin,  et  entre- 
prit, de  concert  avec  le  duc  d'Hamilton,  le 
siège  de  Haddington;  sous  les  murs  de  cette 
place  il  failla  en  pièces  les  Anglais,  et  leur  prit 
deux  mille  hommes  et  le  général  de  la  cavalerie. 
Le  26  décembre  il  s'empara  de  l'importante  for- 
teresse de  Hurrie,  dont  la  garnison  fut  passée  au 
fil  de  l'épée,  et  en  moins  d'une  année  il  enleva 
aux  Anglais  tout  ce  qu'ils  tenaient  dans  le  midi 
de  l'Ecosse.  Son  dernier  fait  d'armes  fut  la  con- 
quête de  l'île  des  Chevaux,  dans  le  golfe  d'E- 
dimbourg. Rappelé  en  France ,  il  céda  le  com- 
mandement à  Thermes,  et  reçut  du  roi  le  collier 
de  l'ordre  et  le  gouvernement  d'Ambleteuse 
(1549).  Il  s'était  retiré  depuis  1550  dans  sa  terre 
de  Panvilliers,  où  il  souffrait  d'une  jaunisse  qu'il 
avait  rapportée  d'Ecosse ,  lorsqu'il  fut  appelé  à 
défendre  Térouanne  contre  l'armée  impériale 
(1553).  Cet  ordre  lui  causa  une  grande  joie  :  car 
il  ne  craignait  vien  tant  que  de  mourir  dans  son 


85 


MONTALEMBERT 


86 


lit.  En  prenant  congé  du  roi  il  le  pria  de  croire 
«  que  si  Térouanne  était  prise,  il  serait  mort  et 
par  conséquent  guéri  de  la  jaunisse  ».  Il  tint  pa- 
role. La  place  fut  attaquée  avec  une  incroyable 
furie,  et  bientôt  cinquante  mille  coups  de  canon 
y  ouvrirent  une  brèche  de  soixante  pas.  Pen- 
dant dix  heures  d'Essé  soutint  trois  assauts; 
mais  au  dernier  il  fut  tué,  d'une  arquebusade,  par 
un  soldat  espagnol,  à  l'âge  de  soixante-dix  ans. 
Sa  mort  entraîna  la  perte  de  la  ville.      P.  L. 

Mèicray,  Hist.  de  France  sous  François  l'r  et 
Henri  II.  —  rirantliùme,  Capitaines  illustres.  —  Du 
Bouchet,  annales  d'Aquitaine.  —Du  Bellay,  Mémoires. 
—  D'Auvipny,  fies  des  Hommes  illustres  de  la  France, 
XIII.  —  De  Courcelles ,  Dict.  hist.  des  Généraux  fran- 
çais. Vil. 

Mo.vrAH.KMBERT  ( M arc -  René,  marquis 
de),  général  et  tacticien  français,  né  le  16  juil- 
let 1 7 1  i ,  à  Angoulême,mort  le  29  mars  1800,  à 
Paris.  Quoiqu'il  fût  par  sa  naissance  destiné  à 
la  carrière  des  armes,  il  reçut  une  éducation 
fort  soignée,  et  fit  des  progrès  rapides  dans  la 
littérature  et  dans  les  sciences  exactes.  Entré 
au  service  en  1732,  avec  le  grade  d'enseigne,  il 
assista  aux  sièges  de  Kehl  (1733)  et  de  Philips- 
bourg  (1734),  et  obtint,  après  la  guerre  de  Bo- 
hême, la  compagnie  des  gardes  du  prince  de 
Conti.  Il  n'avait  encore  rien  produit  lorsqu'il  fut 
jugé  digne  d'entrer  à  l'Académie  des  Sciences 
en  qualité  d'associé  (1747).  La  lecture  du  Traité 
de  l'Attaque  des  Places  de  Vauban  lui  inspira 
l'idée  de  suppléer  aux  lacunes  qu'il  crut  remar- 
quer dans  cet  ouvrage,  et  dès  lors  il  se  livra 
entièrement  à  l'étude  des  fortifications.  Ce  fut 
vers  la  même  époque  (1750)  qu'il  fit  construire 
dans  ses  propriétés  de  l'Angoumois  et  du  Péri- 
gord  des  forges  considérables,  qu'il  mit  bientôt 
en  état  de  fournir  à  la  marine,  qui  en  manquait, 
des  canons  et  des  projectiles.  Attaché,  pendant 
la  guerre  de  Sept  Ans,  à  l'état-major  des  armées 
de  Suède  et  de  Russie,  ii  prit  part  aux  plans 
de  campagne  concertés  par  les  généraux  étran- 
gers en  même  temps  qu'il  tenait  le  ministère 
français  au  courant  des  opérations  militaires. 
On  l'employa  ensuite  en  Bretagne  et  à  l'île  d'O- 
leron,  qu'il  fortifia  suivant  le  système  perpendi- 
culaire, dont  il  avait,  dès  1761,  fait  paraître  un 
aperçu.  Ce  fut  surtout  aux  sièges  d'Hanovre  et 
de  Brunswick  qu'il  s'en  servit  avec  succès.  Chargé 
en  1779  de  protéger  l'île  d'Aix  contre  les  attaques 
des  Anglais ,  il  y  éleva ,  en  moins  de  deux  aas , 
un  fort  en  bois,  qui  ne  coûta  que  800,000  fr. 
(  chiffre  de  beaucoup  inférieur  à  celui  des  ingé- 
nieurs); cette  construction  était  d'une  solidité 
telle  qu'elle  ne  souffrit  aucunement  de  la  détona- 
tion simultanée  de  toutes  les  batteries ,  quoique, 
de  l'avis  de  fous  les  officiers ,  elle  ne  dût  pas 
résister  à  la  commotion  produite  par  une  sem- 
blable secousse-  Partisan  des  principes  de  la 
révolution,  il  refusa d'émigrer  et  fit,  à  l'exemple 
d'un  vieux  soldat  de  Touraine ,  l'abandon  d'une 
pension  qui  lui  avait  été  accordée  pour  la  perte 
d'un  œil.  En  1790,  il  réclama  auprès  de  l'As- 


semblée nationale  le  payement  des  six  millions  qui 
lui  étaient  dus  pour  les  établissements  du  Péri- 
gord,  qu'il  avait  cédés  à  l'adminjstration  de  la 
marine  ;  mais  il  ne  put  les  obtenir.  Effrayé  des 
progrès  de  la  révolution,  il  passa  en  Angleterre 
avec  sa  femme,  M»e  de  Comarieu;  bientôt 
après  il  revint  seul  à  Paris ,  subit  une  courte  dé- 
tention, et  demanda  le  divorce  de  son  premier 
mariage,  pour  épouser,  dans  un  âge  déjà  bien 
avancé,  la  sœur  de  Cadet  de  Vaux,  le  célèbre 
chimiste.  On  a  prétendu  qu'il  dut  à  cette  al- 
liance la  mainlevée  du  séquestre  de  ses  biens. 
Aimant  le  faste  et  la  dépense,  endetté  d'ailleurs 
par  l'impression  de  ses  ouvrages,  Montalemberî 
fut  obligé  de  vendre  sa  belle  terre  de  Maumont, 
en  Angoumois  ;  mais  il  reçut  en  payement  des 
assignats  dépréciés,  et  il  fut  réduit  à  un  état 
fâcheux,  qui  ne  l'empêcha  pas  néanmoins  d'en- 
tretenir un  dessinateur  et  un  mécanicien  pour 
exécuter  ses  modèles  de  fortification  en  relief. 
Il  offrit  cette  collection  précieuse  au  comité  de 
salut  public,  et  fut  plusieurs  fois  appelé,  avec 
Darçon  et  Marescot,  à  partager  ses  délibérations. 
La  Convention,  à  laquelle  il  avait  fait  hommage 
de  ses  ouvrages ,  chargea  le  comité  d'instruction 
publique  de  lui  accorder  des  encouragemen  ts,  et  en 
1796  le  Conseil  des  Cinq  Cents  les  accueillit  avec 
une  grande  faveur  La  place  de  Montalembert  était 
marquée  à  l'Institut  dans  la  section  de  mécanique, 
où  il  y  avait  une  vacance  (1797),  mais  il  se  retira 
devant  Bonaparte,  qui  était  son  concurrent.  Son 
buste  a  été  exécuté,  après  sa  mort ,  par  le  scuip- 
teurBonvallet.  Le  principal  ouvrage  de  ce  savant 
général  est  :  La  Fortification  perpendiculaire, 
ou  essai  sur  plusieurs  manières  de  fortifier  la 
ligne  droite,  le  triangle,  le  carré  et  tous  les 
polygones,  de  quelque  étendue  qu'en  soient  les 
côtés,  endonnant  à  leur  défense  une  direction 
perpendiculaire  ;  Paris,  1776  1786,  11  vol.  gr. 
in-4°,  avec  164  pi. ;  reproduit  en  1793,  sous  le  titre: 
L'Art  défensif  supérieur  à  Vojfensif.  Ce  recueil 
considérable,  dont  l'apparition  excita  contre  l'au- 
teur le  corps  entier  du  génie,  offre  des  détails  sur 
toutes  les  parties  de  l'art  militaire  et  beaucoup 
de  mémoires.  Montalembert  prétendait  rendre  les 
États  impénétrables  en  les  ceignant  de  doubles 
lignes,  soutenues,  à  la  portée  du  canon ,  par  des 
forts  ou  des  places,  qui  devenaient  inaccessibles  en 
abritant  sous  des  casemates  et  en  croisant,  selon 
des  directions  toujours  perpendiculaires  l'une  à 
l'autre,  assez  de  canons  pour  que  l'assiégeant 
ne  pût  même  établir  ses  premières  batteries. 
Parmi  les  nombreux  modèles  que  lui  offraient  les 
anciennes  casemates,  il  choisit,  comme  avait  fait 
le  roi  Auguste  II,  le^  casemates  à  plusieurs  éta- 
ges ,  voûtées  sur  piles  d'équerre  au  mur  d'es- 
carpe et  ouvertes  du  côté  de  la  place.  Ces  faus- 
ses casemates,  il  les  disposait  en  un  vaste  am- 
phithéâtre dont  plusieurs  enceintes  concentriques 
formaient  les  degrés.  Fourcroy  réfuta  Montalem- 
bert en  1786,  et  tomba  dans  des  exagérationsd'un 
autre  genre.  On  a  encore  du  marquis  de  Monta- 


87 


MONTALEMBERT 


S8 


lembert  :  Essai  sur  l'intérêt  des  nations  en 
général  ;  Paris,  1748,  in-8";  —  Mémoire  histo- 
rique sur  la  fonte  de  canons  de  fer  ;  1758, 
in-4°; —  Cheminée-poêle  ou  Poêle  français  ; 
1766,  iu-4°; —  Correspondance  pendant  la 
guerre  de  1757-1760  pour  servir  à  l'histoire 
de  la  dernière  guerre;  Londres  (Neufchâtel  ), 
1777,  3  vol.  in-8°:  cette  correspondance  est  in- 
téressante pour  l'histoire  de  la  guerre  de  Sept 
Ans;  —  Supplément  au  tome  F  de  la  Fortifi- 
cation perpendiculaire ,  contenant  de  nouvelles 
preuves,  etc.;  Paris,  1786,  in-8°,  pi.;  réimpr. 
en  format  in-4°  pour  servir  de  tome  VI  au  grand 
ouvrage  de  l'auteur  ;  —  Réponse  au  mémoire 
par  plusieurs  officiers  du  corps  du  génie; 
Paris,  1787,  in-8°,  pi.;  réimpr.  dans  l'Art  dé- 
fensif  (t.  VII);  —  L'Ami  de  l'Art  défen- 
sif,  ou  observations  sur  le  journal  polytech- 
nique de  l'École  centrale  des  Travaux  pu- 
blics, Paris,  1796-1798,  6  n"s  in-4°  ;  réimpr. 
dans  l'Art  défensif  (t.  XI);  —  Relation  du 
siège  de  Saint-Jean-d' Acre  ;  1798,  in- 8°.  Il  a 
fourni  au  recueil  de  l'Académie  des  Sciences 
divers  mémoires  Sur  les  salines  (1748) ,  Sur 
la  rotation  des  boulets  dans  les  pièces  de  ca- 
non (1755),  Sur  la  qualité  de  fonte  la  plus 
convenable  à  l'artillerie  (1759),  etc.  Monta- 
lembert  aimait  beaucoup  les  lettres,  et  il  y  con- 
sacrait ses  moments  de  loisir.  Il  avait  composé 
un  grand  nombre  de  contes  en  vers  et  de  chan- 
sons ,  où  l'on  trouvait  de  la  grâce  et  de  l'élé- 
gance, mais  qui  n'ont  pas  vu  le  jour;  on  a  aussi 
de  lui  trois  comédies ,  La  Bergère  de  qualité, 
La  Bohémienne  supposée  et  La  Statue,  qu'il 
fit  représenter  chez  lui,  et  qui  ont  été  imprimées 
à  petit  nombre.  P.  L. 

Lalande,  Notice  dans  le  Magasin  encyclop.  —  Delisle 
de  Sales ,  et  Laplatrière,  Éloge  hist.  du  général  3Ion- 
talembert;  Paris,  1801,  in-4°,  avec  portr. 

montalembert  (Marie-Joséphine  deComa- 
rieu,  marquise  de),  femme  auteur  française,  née 
à  Bordeaux,  morte  le  3  juillet  1832,  dans  un  âge 
avancé.  C'était  la  première  femme  du  général  de 
Montalembert,  qu'il  avait  épousée  en  1770  ;  aban- 
donnée en  1792,  à  Londres,  elle  rentra  en  France 
après  la  mort  de  son  mari.  Elle  avait  l'esprit 
orné  et  délicat;  on  a  d'elle  deux,  romans,  qui  se 
distinguent  par  un  style  harmonieux  et  des  si- 
tuations touchantes  :  Élise  Duménil;  Londres, 
1798; Paris,  1801,  6  vol.  in-12  fig.;  et  Horace, 
ou  le  Château  des  Ombres;  Paris,  1822,  4  vol. 
in-12.  P.  L. 

Prudhomme,  Biogr.  des  Femmes  célèbres. 
montalembert  (  Louis-François-Joseph- 
Bonaventure  de  Tryon,  comte  de),  député 
français,  né  le  18  octobre  1758,  mort  en  1831.  Il 
embrassa  de  bonne  heure  la  carrière  militaire,  et 
donna  en  1789  sa  démission  de  chef  d'escadron 
au  régiment  de  Gévaudan.  Sous  l'empire  il  siégea 
au  corps  législatif  (  1809),  fut  élu  candidat  à  la 
présidence,  en  remplacement  de  M.  de  Fontanes 
(15  février  1 810),  devintquesteur  de  cette  assem- 


blée, et  chambellan  de  Napoléon,  qui  lui  donna 
le  titre  de  comte.  Lors  de  la  rentrée  des  Bour- 
bons, il  fit  pendant  quelques  années  partie  de  la 
chambre  des  députés.  K. 

Biogr.  nouv.  des  Contemp.  (1824). 

montalembert  (  Athénaïs  -  Bernard- 
Louis- Claude  de  Tryon,  vicomte  de),  officier 
français,  frère  du  précédent,  né  le  29  décembre 
1768,  à  Paris,  mort  le  8  octobre  1842,  à  Aix. 
D'abord  page  de  la  petite  écurie  du  roi  (1784), 
il  obtint  en  1787  une  sous-lieutenance  au  régi- 
ment de  Gévaudan,  rejoignit  en  1791  la  légion 
de  Condé,  et  fut  blessé  dans  les  deux  campagnes 
suivantes.  Après  avoir  servi  en  Hollande  et  dans 
les  Cercles,  il  rentra  avec  le  régiment  de  Hohen- 
lohe  à  l'armée  de  Condé,  et  y  demeura  jusqu'au 
licenciement.  En  1801  il  revint  en  France,  et  se 
maria  avec  la  comtesse  de  Turpin  de  Jouhé. 
Le  31  mars  1814  il  fut  à.Paris  un  des  premiers 
à  arborer  la  cocarde  blanche,  et  pendant  les 
Cent  Jours  il  parcourut  l'ouest  et  le  midi  pour  y 
fomenter  une  insurrection.  Nommé  colonel  (1815), 
il  organisa  la  légion  du  Puy-de-Dôme  et  com- 
manda en  second  l'école  militaire  de  Saint-Cyr. 
Après  la  révolution  de  Juillet  1830,  il  donna  sa 
démission,  et  se  retira  en  Provence.  K. 

Biogr.  des  Hommes  vivants. 

montalembert  (  Marc-René-Anne-Ma- 
rie, comte  de),  diplomate  français,  né  le  10  juil- 
let 1777,  à  Paris,  où  il  est  mort,  le  20  juin  1831. 
Neveu  du  marquis  René,  il  était  fils  du  baron 
Jean-Charles  de  Montalembert,  qui  servit  d'a- 
bord la  cause  royale  à  Saint-Domingue ,  s'y  joi- 
gnit aux  Anglais  confre  Toussaint  Louverture, 
fut  fait  en  1797  maréchal  de  camp  par  le  comte 
d'Artois,  et  mourut  le  20  février  1810,  dans  l'île 
de  La  Trinité.  Après  avoir  été  capitaine  dans  la 
légion  d'émigrés  qui  portait  le  nom  de  sa  famille, 
il  passa  en  1799  dans  l'armée  anglaise,  où  les  con- 
naissances militaires  qu'il  avait  acquises  sous  le 
général  Jarry  le  firent  promptement  distinguer. 
Envoyé  en  Egypte,  puis  dans  les  Indes  (  1804- 
1808  ),  il  fut  employé  en  Portugal  et  en  Espagne 
dans  l'état-major  du  duc  de  Wellington,  prit  part 
à  l'expédition  de  Walcheren,  et  devint  en  1811 
lieutenant-colonel.  En  1814,  il  fut  chargé  par  le 
prince  régent  d'annoncer  à  Louis  XVIII  son  avè- 
nement au  trône,  et  accompagna  en  France  ce 
prince,  qui  lui  accorda  le  grade  de  colonel,  les 
croix  de  Saint-Louis  et  de  la  Légion  d'Honneur,  et 
le  poste  de  secrétaire  d'ambassade  à  Londres. 
Nommé  ministre  plénipotentiaire  à  Stuttgard 
(juillet  1816),  puis  à  Copenhague  (1819),  il  fut 
créé  pair  de  France  le  5  mars  1819.  Son  attitude 
politique  lui  fit  perdre  ses  fonctions  diploma- 
tiques sous  le  ministère  Richelieu,  en  1820. 
On  remarqua  les  discours  qu'il  prononça  sur  les 
questions  de  la  guerre  d'Espagne,  de  la  septen- 
nalité,  de  l'indemnité  des  émigrés  et  des  sub- 
stitutions. Envoyé  comme  ambassadeur  à  Stock- 
holm à  la  fin  de  1826,  il  revint  en  France  après 
la  mort  de  sa  fille  (octobre  1829).  Révoqué  une 


«9 


seconde  fois  de  ses  fonctions  diplomatiques  au 
mois  d'août  1830,  il  prêta  néanmoins  serment 
au  nouveau  chef  de  l'État.  Pendant  cette  der- 
nière partie  de  sa  vie ,  il  participa  de  la  façon 
la  plus  active  aux  discussions  politiques  de  la 
chambre  des  pairs.  K. 

Hcnrion.  annuaire  biographique,  II.  —  De  Courcelles, 
Généalogie  de  la  maison  de  Montalembert ;  Paris,  1833. 

*  montalembert  (  Charles  Forbes,  comte 
de  ),  homme  politique  français,  né  à  Londres, 
le  29  mai  1810.  Fils  du  précédent  et  d'Élise  Ro- 
sée Forbes,  d'une  ancienne  famille  d'Ecosse,  il 
commença  ses  études  au  collège  des  Écossais  à 
Paris,  et  les  acheva  en  1829,  à  l'institution  Sainte- 
Barbe  (aujourd'hui  collégeRollin).  Acceptantavec 
haj-diesse  l'alliance  de  la  religion  catholique  avec 
la  démocratie,  dont  l'abbé  F.  de  La  Mennais  se 
constituait  l'apôtre,  il  prit  part  à  la  fondation  de 
L'Avenir  (  18  octobre  1830),  journal  qui  avait 
choisi  pour  double  épigraphe:  Dieu  et  Liberté, 
le  Pape  et  le  Peuple.  L'abbé  Lacordaire  en  était 
aussi  collaborateur,  et  leur  amitié  date  de  cette 
époque.  Élu  membre  du  conseil  de  l'agence  gé- 
nérale pour  la  défense  de  la  liberté  religieuse,  il 
fut  chargé  de  parcourir  quelques  départements 
afin  de  ranimer  le  courage  des  catholiques,  d'ex- 
citer leur  compassion  au  récit  des  misères  de  leurs 
frères  d'Irlande,  et  de  populariser  le  nom  du 
grand  agitateur  O'Connell.  De  cette  époque  date 
la  publication  de  ses  premières  brochures  sur  la 
situation  de  l'Irlande.  Rédacteur  très-actif  de  L'A- 
venir, M.  de  Montalembert,  en  même  temps  qu'il 
y  publiait  de  vigoureux  articles  pour  la  défense 
de  la  nationalité  polonaise,  commença  contre  l'u- 
niversité une  sorte  de  croisade,  en  réclamant,  au 
nom  de  la  Charte ,  cette  entière  liberté  d'ensei- 
gnement qu'il  ne  cessa  de  revendiquer  depuis. 
Une  pétition  sur  cet  objet  est  adressée  par  M.  de 
Montalembert  et  ses  collaborateurs  de  L'Avenir  à 
la  chambre  des  pairs,  qui ,  après  un  assez  long 
débat,  en  prononce  le  renvoi  au  ministre.  Décidés 
à  attaquer  de  front  le  privilège ,  et  pour  mieux 
constater  le  droit ,  MM.  de  Montalembert,  Lacor- 
daire et  de  Coux  ouvrirent,  .sans  autorisation  de 
l'université,  une  école  gratuite  d'externes ,  dans 
un  vaste  local ,  rue  des  Beaux-Arts ,  n°  3.  C'était 
le  9  mai  1831  ;  deux  jours  après  un  commissaire 
de  police  prononça,  au  nom  de  la  loi,  la  fermeture 
de  cet  établissement.  Les  trois  maîtres  d'école , 
comme  s'intitulaient  les  audacieux  adversaires 
de  Y  État  enseignant ,  furent  traduits,  non  de- 
vant la  cour  d'assises,  qui  aurait  dû  être  saisie 
de  ce  procès,  mais  en  police  correctionnelle.  Une 
consultation,  signée  par  les  principaux  membres 
de  l'Ordre  et  approuvée  par  la  majorité  des  bar- 
reaux de  France,  déclina  la  compétence  de-  cette 
juridiction  et  réclama  celle  du  jury  ;  mais  la  cour 
d'appel  retint  l'affaire  et  rendit  un  arrêt  qui  ren- 
voyait au  28  du  mois  de  juin,  pour  plaider  au 
fond.  La  mort  du  père  de  M.  de  Montalembert, 
survenue  dans  l'intervalle,  investit  tout  à  coup 
1«  jeune  homme  des  prérogatives  de  la  pairie ,  et 


MONTALEMBERT  90 

le  procès  fut  évoqué  devant  la  haute  cour.  De- 
venu pair  de  France  presque  à  la  veille  de  l'a- 
bolition de  l'hérédité  de  la  pairie,  M.  de  Monta- 
lembert fit  ses  débuts  d'orateur  à  la  barre  de  la 
noble  chambre,  le  19  septembre  1831,  comme 
accusé  d'un  délit  prévu  par  l'article  56  du  dé- 
cret du  15  novembre  1811.  Dès  les  premiers 
mots  de  sa  défense,  il  fit  preuve  d'un  talent  ora- 
toire aussi  élégant  qu'incisif.  Ses  co-accusés 
prirent  la  parole  après  lui,  et,  comme  la  cour  d'ap- 
pel, qui  le  28  juin  précédent  les  avait  jugés  pat- 
défaut,  la  haute  cour  les  condamna  tous  trois  à 
cent  francs  d'amende,  et  solidairement  aux  frais 
du  procès. 

A  cette  même  époque,  lejournal  L'Avenir,  par 
un  zèle  peut-être  intempestif,  attaquait  et  flagel- 
lait à  la  fois  tous  les  abus  sociaux.  En  présence 
de  l'opposition  violente  que  ses  doctrines  sou- 
levèrent au  sein  de  l'épiscopat  français,  la  publi- 
cation de  cette  feuille  fut,  de  l'avis  unanime  de  ses 
rédacteurs,  suspendue  le  15  novembre  de  cette 
année,  et  peu  de  jours  après  M.  de  Montalembert 
partit  pour  Rome  avec  MM.  de  La  Mennais  et  La- 
cordaire. Les  trois  pèlerins  obtinrent  une  au- 
dience du  souverain  pontife,  et  tout  en  recon- 
naissant qu'ils  ne  voulaient  d 'autres  guides  que  l'É- 
glise et  ses  pasteurs  ils  quittèrent  la  ville  éternelle, 
à  la  fois  pleins  de  tristesse  et  de  résignation.  A 
leur  retour  en  France,  ils  trouvèrent  une  lettre 
encyclique  du  t5  août  1832,  par  laquelle  Gré- 
goire XVI,  sans  prononcer  leur  nom,  condamnait 
les  doctrines  hardies  de  L'Avenir.  Ce  journal 
cessa  dès  lors  de  paraître,  et  l'agence  générale 
pour  la  défense  de  la  liberté  religieuse  fut  déclarée 
dissoute. 

Ramené  ainsi  à  la  plus  sévère  orthodoxie , 
M.  de  Montalembert  passa  près  de  deux  années 
en  Allemagne ,  et  s'y  livra  sur  le  moyen  âge  à 
des  études  dont  l'influence  a  été  pour  lui  déci- 
sive. C'est  à  ce  voyage  qu'on  doit  une  touchante 
et  poétique  légende,  l'Histoire  de  sainte  Elisa- 
beth de  Hongrie.  Le  14  mai  1835  il  reparut 
dans  la  chambre  des  pairs  pour  y  siéger  avec 
voix  délibérative ,  prêta  serment ,  et  «  dès  lors 
il  eut,  dit  M.  Sainte-Beuve,  le  droit  de  tout  dire , 
de  tout  oser,  moyennant  cette  élégance  de  parole- 
et  de  débit  qui  ne  l'abandonne  jamais.  Il  put  y 
faire  entendre  en  toute  franchise  les  accents  les 
plus  passionnés  pour  cette  liberté  dont  l'amour 
fut  le  seul  excès  de  sa  jeunesse  ;  il  put  y  déve- 
lopper ses  théories  absolues,  qui  eussent  fait  fré- 
mir dans  une  autre  bouche,  mais  qui  plaisaient 
presque  dans  la  sienne.  Il  put  même  y  donner 
libre  cours  à  ses  qualités  incisives,  mordantes , 
acérées,  et  se  montrer  personnel  envers  les  po- 
tentats et  les  ministres  impunément....  Jusqu'à 
lui  en  France,  tout  homme  qui  ne  disait  pas  :  Je 
ne  stiis  point  catholique,  était  censé  l'être.  Il 
s'attacha  à  montrer  que  la  plupart  de  ces  gens- 
là  n'étaient  point  des  alliés  pour  lui ,  mais  plutôt 
pour  l'ennemi:  Il  tendit  d'une  manière  tranchée 
à  instituer  le  duel  entre  ce  qu'il  appelait  les  fils 


91 


MONTALEMBERT 


92 


des  croisés  et  les  fils  de  Voltaire.  En  répé-  J 
tant  sans  cesse  :  Nous  autres  catholiques,  au 
lien  de  dire  :  Nous  tous  catholiques,  comme 
on  faisait  auparavant,  en  se  représentant,  lui  et 
les  siens,  comme  dans  un  état  d'oppression  criante 
et  d'isolement ,  il  donna  à  penser  que  le  catho- 
licisme en  France  pourrait  n'être  bientôt  plus 
qu'un  grand  parti,  une  grande  secte.  » 

La  discussion  des  lois  de  septembre  offrit  au 
comtedeMontalembertl'occasionderemporterun 
premier  triomphe  de  tribune.  On  le  vit  alors  con- 
jurer le  gouvernement  de  ne  point  déclarer  aux  in- 
telligences une  guerre  aveugle  et  fatale.  Plus  tard, 
à  l'occasion  de  la  loi  sur  le  travail  des  enfants, 
il  flétrit  les  résultats  de  l'industrie  casernée,  de 
cette  industrie  des  filatures  et  des  usines,  qui 
arrache  le  pauvre,  sa  femme  et  ses  enfants  aux 
habitudes  de  la  famille,  aux  bienfaits  de  la  vie 
des  champs,  pour  les  parquer  dans  des  réduits 
malsains ,  dans  d'obscurs  ateliers ,  où  tous  les 
âges,  tous  les  sexes  sont  condamnés  à  une  dégra- 
dation systématique  et  progressive.  Champion 
des  lettres  et  des  arts,  il  les  défendit  contre  ce 
qu'il  appelle  le  vandalisme  moderne,  et  grâce  à 
son  initiative,  au  sein  de  la  chambre  ou  des  con- 
grès archéologiques,  il  conserva  à  la  France  plu- 
sieurs de  ses  merveilles  du  style  ogival.  Il  fit  un 
rapport  pour  la  restauration  de  Notre-Dame  de 
Paris,  et  signala  peu  de  temps  après  la  ruine  de 
la  façade  de  l'antique  abbatiale  de  Saint-Denis. 
En  1837,  il  s'éleva  avec  force  contre  le  projet 
de  loi  relatif  à  la  cession  à  la  ville  de  Paris  des 
terrains  occupés  par  l'archevêché. 

Après  un  voyagea  Londres  (1839),  où  il  pro- 
nonça un  discours  dans  la  réunion  des  Amis  de  la 
Pologne,  M.  de  Montalembert  partit  l'année  sui- 
vante pour  l'Orient.  Il  avait,  dès  le  16  août  1836, 
épousé  à  Bruxelles  M"e  Marie- Anne-Henriette  de 
Mérode,  fille  du  ministre  belge.  A  la  nouvelle  du 
projet  de  loi  sur  l'instruction  secondaire,  il  lança 
de  Madère,  où  il  était  allé  en  1843  chercher  un 
climat  propice  à  la  santé  de  sa  jeune  femme,  une 
brochure  pour  tracer  aux  catholiques  leurs  de- 
voirs et  la  ligne  de  conduite  à  suivre  dans  cette 
conjoncture.  11  revint  tout  exprès  à  Paris  pour 
soutenir  le  poids  de  la  discussion,  et  retourna  en- 
suite à  Madère  pour  veiller  à  ses  affections  domes- 
tiques. Ce  fut  à  cette  époque  qu'il  prit  à  la  cham- 
bre des  pairs  la  position  élevée  qu'il  a  gardée 
depuis  et  qu'il  se  posa  décidément  comme  le 
chef  du  parti  catholique,  en  fondant  le  comité 
électoral  de  la  liberté  religieuse,  dont  M.  de 
Vatimesnil,  ancien  ministre  de  l'instruction  pu- 
blique, fut  vice-président.  A  partir  decette  session 
de  1844,  son  talent  n'eut  plus  qu'à  se  déployer. 
Le  discours  qu'il  prononça  le  21  janvier  1847  sur 
l'incorporation  de  Cracovie  restera  comme  un 
des  plus  mémorables.  Flétrissant  l'ancien  par- 
tage de  la  Pologne ,  et  établissant  en  principe 
que  tôt  ou  tard  l'injustice  amène  après  elle  le 
châtiment,  il  montra  «  la  nation  opprimée  qui 
s'attache  aux  flancs  de  la  puissance  opprimante 


comme  une  plaie  vengeresse,  immortelle.  »  Et 
plus  loin,  comparant  le  peuple  écrasé  à  l'antique 
géant  étouffé  sous  l'Etna  :  «  On  a  cru,  s'écriait-il, 
anéantir  un  peuple ,  on  a  créé  un  volcan.  » 

A  l'occasion  de  la  guerre  du  Sonderbund ,  dans 
la  séanee  du  14  janvier  1848,  il  monta  à  la  tribune 
pour  prendre  part  à  la  discussion  des  affaires 
de  Suisse;  tout  son  discours  ne  fut  qu'une  évo- 
cation directe ,  prophétique.  «  C'est  un  vaincu , 
dit-il  en  commençant,  qui  vient  parlera  des  vain- 
cus, c'est-à-dire  aux  représentants  de  l'ordre 
social,  de  l'ordre  régulier,  de  l'ordre  libéral  qui 
vient  d'être  vaincu  en  Suisse,  et  qui  est  menacé 
dans  toute  l'Europe  par  une  nouvelle  invasion 
de  barbares.  »  Cependant,  tout  en  dénonçant  les 
excès  du  radicalisme  en  France,  il  ne  voulait  pas 
qu'on  eût  recours  à  des  mesures  extra-légales.  Il 
sonnait  bien  la  trompette  d'alarme,  mais  il  ajou- 
tait en  même  temps  :  «  Gardez-vous  de  courir 
aux  armes  !  »  Contradiction  flagrante,  que  la  ré- 
volution du  24  février  devait  mettre  en  lumière  ! 

Apès  la  révolution  de  1848,  envoyé  à  la  Cons- 
tituante par  le  département  du  Doubs,  il  y  vint 
siégera  l'extrême  droite.  Membre  du  comité  élec- 
toral de  la  rue  de  Poitiers,  il  vota  généralement 
avec  le  parti  modéré;  mais  toutefois,  par  une 
autre  conséquence  de  ses  principes  libéraux,  il 
se  prononça  avec  la  gauche  contre  le  rétablisse- 
ment du  cautionnement  des  journaux  et  contre 
le  maintien  de  l'état  de  siège  pendant  la  discus- 
sion de  la  Constitution ,  dont  il  refusa  d'approu- 
ver l'ensemble.  Le  12  janvier  1849,  parlant  sur 
la  proposition  Râteau,  il  convia  ironiquement 
l'Assemblée  nationale  à  se  dissoudre  elle-même. 
Le  10  février,  il  fit  substituer  la  division  des  can- 
tons en  quatre  sections  au  vote  cantonal  qui  avait 
produit  l'Assemblée  constituante.  Le  21  avril,  il 
fit  adopter  un  amendement  qui  sauva  l'inamo- 
vibilité de  la  magistrature  d'alors.  Le  départe- 
ment du  Doubs  le  réélut  à  l'Assemblée  législative, 
et  les  électeurs  des  Côtes-du-Nord  lui  donnèrent 
en  même  temps  leurs  suffrages.  Dans  la  discus- 
sion du  projet  de  loi  restrictif  de  la  presse,  pré- 
senté par  M.  Dufaure  (21  juillet  1849),  il  trouva 
l'occasion  de  proclamer  de  hautes  vérités.  Son 
discours  sur  les  affaires  de  Rome  (19  octobre 
1849)  lui  fit  reconnaître  avec  amertume  que  le 
résultat  le  plus  net  de  l'anarchie  n'était  pas  de 
détrôner  quelques  rois,  mais  bien  de  détrôner 
la  liberté.  Pie  IX,  après  avoir  lu  ce  discours, 
adressa  un  bref  de  remerciaient  à  M.  de  Monta- 
lembert, qui  pendant  les  vacances  de  l'Assemblée 
fit  un  voyage  à  Rome,  où  il  reçut  de  la  munici- 
palité de  Rome  le  titre  de  citoyen  romain. 

En  1850,  il  prit  une  part  active  à  la  préparation 
et  à  la  discussion  de  la  loi  dite  du  31  mal,  des- 
tinée à  restreindre  le  suffrage  universel.  Au  com- 
mencement de  1851  ,  à  l'époque  des  premières 
récriminations  de  cette  assemblée  contre  le  pré- 
sident de  la  république,  M.  de  Montaiembeit 
se  sépara  quelquefois  de  son  parti  pour  prendre 
la  défense  du  prince,  en  déclarant  qu'il  n'était 


98 


MONTALEMBERT  —  MONTAX1VET 


94 


ni  son  conseiller  ni  son  confident,  mais  son  té- 
moin, et  en  protestant  «  contre  une  des  ingrati- 
tudes les  plus  aveugles  et  les  moins  justifiées 
de  ce  temps.ci.  »  Il  se  fit  alors  charger  du 
rapport  de  la  loi  sur  l'observation  du  dimanche, 
qui  ne  fut  pas  votée.  Après  le  coup  d'État  du 
2  décembre  1851,  il  fut  nommé  membre  de  la 
commission  consultative  ;  mais  dès  le  mois  de 
janvier  1852  il  se  démit  de  ses  fonctions.  Élu 
membre  de  l'Académie  Française  pour  succéder 
à  Droz ,  il  fut  reçu  solennellement  le  5  fé- 
vrier 1852.  Peu  de  temps  après,  le  comte  de 
Montalembert,  fut  envoyé  par  le  département 
du  Doubs  au  corps  législatif ,  .  où  il  repré- 
sentait presque  seul  l'opposition.  Au  mois  de 
mars  1854,  à  l'occasion  d'une  lettre  confiden- 
tielle écrite  par  lui  à  M.  Dupin,  publiée  contre 
sa  volonté  dans  les  journaux  belges  et  colpor- 
tée à  Paris ,  l'assemblée  autorisa  contre  lui  des 
poursuites,  qui  aboutirent  à  une  ordonnance 
de  non-lieu.  Vaincu  aux  élections  de  1857  par 
le  candidat  du  gouvernement ,  le  comte  de 
Montalembert,  après  vingt-deux  ans  de  luttes 
et  de  triomphes  oratoires,  se  retira  de  la  vie  po- 
litique, et  reprit  la  plume  de  publiciste.  Un  ar- 
ticle qu'il  avait  inséré  dans  Le  Correspondant 
du  25  octobre  1858,  sous  le  titre  :  Un  débat  sur 
l'Inde  au  parlement  anglais,  le  fit,  le  24  no- 
vembre, traduire  devant  le  tribunal  correction- 
nel de  la  Seine,  comme  prévenu  «  d'excitation  à  la 
haine  et  au  mépris:  du  gouvernement,  d'attaque 
contre  le  principe  du  suffrage  universel  et  les 
droits  et  l'autorité  que  le  chef  de  l'État  tient  de 
la  Constitution,  enfin  d'attaque  contre  le  respect 
dû  aux  lois  et  l'inviolabilité  des  droits  qu'elles  ont 
consacrés  ».  Le  prévenu  fut  condamné  à  six  mois 
d'emprisonnement  et  à  3,000  francs  d'amende. 
Pendant  qu'il  interjetait  appel  de  cette  condamna- 
tion, un  décret  impérial  lui  fit  remise  pleine  et  en- 
tière de  la  peine.  M.  de  Montalembert  crut  devoir 
refuser  cette  grâce,  et  le  21  décembre  la  cour 
d'appel  écarta  le  chef  d'accusation  le  plus  grave, 
qui  eût  soumis  le  condamné  à  la  transportation 
éventuelle,  et  réduisit  à  trois  mois  l'emprisonne- 
ment prononcé  contre  lui,  tout  en  maintenant  l'a- 
mende dont  les  premiers  juges  l'avaient  frappé. 
Le  gouvernement  tint  à  honneur  de  ne  donner 
aucune  suite  à  cette  condamnation. 

On  a  de  M.  de  Montalembert  :  Histoire  de 
sainte  Elisabeth  de  Hongrie,  duchesse  de 
Thuringe  (1207-1231)  ;  Paris,  1836,  in-8°,et 
plusieurs  autres  éditions ,  dont  une  abrégée, 
Paris,  1841,  in-18;  —  Monuments  de  V His- 
toire de  sainte  Elisabeth  de  Hongrie;  Paris, 
1838-1840,  in-folio.  Cette  collection,  publiée  en 
quatorze  livraisons,  se  compose  de  trente  gra- 
vures contenant  diverses  œuvres  de  peinture  et 
de  sculpture,  avec  des  dessins  d'Overbeck,  de 
Muller,  de  Fiatzeet  d'Ott.  Hauser.  Elle  est  pré- 
cédée d'une  introduction  sur  l'état  de  l'art  re- 
ligieux en  France  ;  —  Du  Vandalisme  et  du  Ca- 
tholicisme dans  l'art, fragments ,■  Paris,  1839, 


in-8",  avec  fig.  Ce  recueil  contient  une  Lettre 
sur  le  Vandalisme  en  France,  publiée  dans 
la  Revue  des  Deux  Mondes;  un  Aperçu  de 
r Histoire  de  la  Peinture  catholique  en  Ita- 
lie et  des  Réflexions  sur  l'état  actuel  de  l'art 
religieux  en  France;  —  Du  Devoir  des  Ca- 
tholiques dans  la  question  de  la  liberté  d'en- 
seignement ;  Paris,  1843,  in-8°,  et  1844,  in-32; 
—  Trois  Discours  sur  la  liberté  de  l'Église, 
la  liberté  d'enseignement  et  la  liberté  des 
ordres  monastiques,  prononcés  à  la  chambre 
des  pairs;  Paris,  1844,  in  18  ;  —  Saint  An- 
selme :  fragment  de  /'Introduction  à  f His- 
toire de  saint  Bernard;  Paris,  1844,  in-8°;  — 
Défense  de  l'École  libre  devant  la  Cour  des 
Pairs  (septembre  1831),  etc.;  Paris,  1844, 
in-18  ;  —  Quelques  Conseils  aux  Catholiques 
sur  la  direction  à  donner  à  la  polémique  ac- 
tuelle et  sur  quelques  dangers  à  éviter'; 
Paris,  1849,  in-8°;  —  Des  Intérêts  catholi- 
ques au  dix-neuvième  siècle;  Paris,  1852, 
in-8°;  —  L'Avenir  politique  de  l'Angleterre; 
Paris,  1855,  in-8°  ;  —  Pie  IX  et  lord  Pal- 
merston;  Paris,  1856,  in-8°;  —  Les  Moines 
d' Occident  depuis  saint  Benoît  jusqu'à  saint 
Bernard  ;  Paris,  1860, 2  vol.  in-8°  ;  —  un  grand 
nombre  de  Discours  à  la  chambre  des  pairs, 
à  la  Constituante,  à  la  Législative  et  au  Corps 
législatif; —  Livre. des  Pèlerins  polonais,  tra- 
duit d'Adam  Miçkiewïtz,  suivi  d'un  Hymne  à 
laPologne,  parF.  de  LaMennais;  1833, in-18. Ce 
livre,  qui  fut  mis  à  l'index  à  Rome,  est  introuvable 
aujourd'hui;  —  divers  articles  dans  la  Revue 
des  Deux  Mondes  et  dans  Le  Correspondant. 
MM.  Lecoffre  et  compagnie  publient  en  ce  mo- 
ment (1860-1861)  les  Œuvres  de  M.  de  Monta- 
lembert. Cette  édition,  qui  formera  8  vol.  in-8", 
doit  comprendre  :  Discours,  3  vol.;  Œuvres 
polémiques  et  diverses,  2  vol.  ;  Art  at  Littéra- 
ture, 1  vol.;  Histoire  de  sainte  Elisabeth  de 
Hongrie,  2  vol.      H.  Fisqdet  (de  Montpellier). 

Sainte-Beuve,  Causeries  du  lundi,  tome  I.  —  E.  de 
Mirecourt,  Les  Contemporains.  —  Vapereau,  Diction- 
naire universel  des  Contemporains.  —  A.  Nettement, 
Histoire  de  la  Littérature  française. 

iwontalivet  (Jean-Pierre  Bachasson, 
comte  de),  homme  d'État  français,  né  le  5  juillet 
1766,  à  Neukirch(l),  près  Sarreguemines,  mort 
le  22  janvier  1823,  dans  sa  terre  de  La  Grange, 
près  Pouilly  (Nièvre).  Sa  famille,  noble  et  an- 
cienne, était  originaire  du  Dauphiné.  Fils  d'un 
maréchal  de  camp  qui  commandait  en  Lorraine, 
et  naturellement  destiné  à  la  carrière  des  armes, 
il  entra  dès  l' âge  de  treize  ans  dans  le  régiment 
des  hussards  de  Nassau  (1779),  et  bientôt  après 
il  passa,  en  qualité  de  sous- lieutenant,  dans  les 
dragons  de  La  Rochefoucauld  Cédant  à  de  nou- 
velles vues  adoptées  par  ses  parents,  il  s'appliqua 
avec  ardeur  à  feti.de  des  lois,  se  fit  recevoir 
avocat  au  parlement  de  Grenoble,  et  y  devint 
conseiller  à  dix-neuf  ans,  en  vertu  d'une  dis- 

(1)  Et  non  à  Sarrpguemines. 


95 


pense  d'âge  (1785).  Par  son  application  au  tra- 
vail, par  son  intégrité  et  par  la  rectitude  précoce  de 
son  jugement,  il  devint  en  peu  de  temps  un  des 
membres  les  plus  recommandables  de  sa  compa- 
gnie. Exilé  avec  ses  collègues,  sous  le  ministère 
de  M.  de  Brienne  (1788),  et  privé  de  sa  charge 
par  suite  des  décrets  de  l'Assemblée  nationale 
(septembre  1790),  il  se  montra  chaleureux  par- 
tisan des  principes  de  liberté  que  la  révolution 
avait  fait  éclore.  En  1789,  il  avait  connu  à  Valence, 
dans  le  salon  de  sa  mère,  un  jeune  officier  d'ar- 
tillerie qui  devait  ceindre  un  jour  la  couronne 
impériale.  Mais  cette  liaison  dura  peu  :  la  diffé- 
rence des  opinions  politiques  la  rompit.  Bona- 
parte était  alors  républicain  exalté,  et  le  jeune 
conseiller  possédait  déjà  cet  esprit  de  modéra- 
tion dont  plus  tard  dans  la  plus  haute  fortune 
il  ne  se  départit  jamais.  En  cessant  de  se  voir  les 
deux  jeunes  gens  n'en  conservèrent  pas  moins 
l'un  pour  l'autre  une  estime  réelle  qui  devait  un 
jour  les  rapprocher.  Telle  fut  l'origine  de  la  for- 
tune de  M.  de  Montalivet.  Bien  qu'il  vît  avec 
chagrin  la  révolution  rejeter  les  doctrines  cons- 
titutionnelles qu'il  avait  embrassées,"  il  lutta, 
autant  qu'il  put,  contre  les  dangers  d'une 
époque  si  orageuse  :  ce  fut  ainsi  qu'il  essaya 
d'arracher,  au  plus  fort  de  la  terreur,  un  de  ses 
oncles  à  l'échafaud,  et  qu'il  dénonça  la  munici- 
palité de  Paris  à  la  tribune  des  Jacobins.  Pour 
échapper  aux  conséquences  de  son  audace,  il 
s'enrôla  sous  le  drapeau  national  comme  simple 
volontaire,  et  alla  se  battre  en  Italie.  Il  ne  rentra 
en  France  qu'à  la  fin  de  1794,  après  la  dissolu- 
tion des  bataillons  dauphinois;  on  lui  avait  donné 
le  grade  de  caporal  (1).  Nommé  en  l'an  m  maire 
de  Valence,  il  rendit  de  signalés  services  en 
conjurant  le  fléau  de  la  famine  et  en  apaisant 
Firritation  des  esprits  à  force  de  fermeté ,  de 
prudence  et  d'impartialité.  Devenu  premier  con- 
sul, Napoléon  se  souvint  de  M.  de  Montalivet,  et 
lui  fit  offrir,  par  le  ministre  Chaptal,  la  préfecture 
delà  Manche;  comme  ce  dernier  hésitait  à  quit- 
ter une  ville  dont  les  habitants  lui  étaient  dé- 
voués, Napoléon  passa  outre,  et  M.  de  Montalivet 
apprit  sa  nomination  par  Le  Moniteur  (17  avril 
1801).  Sa  sage  et  habile  administration  dans  un 
département  livré  à  la  guerre  civile  (2)  le  fit 
élever  à  la  préfecture  de  Seine-et-Oise  (31  mars 
1804).  Bientôt  après  il  fut  successivement  appelé 
au  conseil  d'État  (1805)  et  à  la  direction  générale 
des  ponts  et  chaussées  (3  mai  1806).  La  haute  capa- 
cité et  l'activité  que  déploya  dans  ce  poste  M.  de 


MONTALIVET  96 

Montalivet  redoublèrent  la  confiance  que  Napo- 
léon avait  déjà  en  lui  et  le  déterminèrent  à  lui 
confier,  le  1er  octobre  1809,  le  ministère  de  l'inté- 
rieur, en  remplacement  du  comte  Crétet.  Dans 
cette  situation  élevée ,  il  prouva  à  la  fois  l'éten- 
due de  son  esprit  et  la  variété  de  ses  connais- 
sances. Embrassant  d'un  coup  d'œil  toutes  les 
branches  de  sa  vaste  administration ,  il  exerçait 
sur  toutes  l'influence  d'une  étonnante  aptitude 
au  travail  et  d'un  esprit  judicieux,  pénétrant 
et  plein  de  ressources.  Il  s'appliqua  surtout 
à  favoriser  les  progrès  de  l'industrie  nationale. 
«  Il  n'est  probablement  aucun  ministre,  dans 
les  temps  modernes  (1),  qui  ait  eu  le  bonheur  de 
laisseraprès  lui  autant  de  monuments  que  M.  de 
Montalivet.  Si  on  additionnait  avec  les  sommes 
dont  il  a  dirigé  l'emploi,  pendant  les  trois  ans 
qu'il  s'est  trouvé  à  la  tête  des  travaux  publics , 
les  ouvrages  qui  ont  été  exécutés  dans  la  ville 
de  Paris  pendant  son  ministère,  on  arrive  à  une 
dépense  de  110  millions,  qui  n'est  que  le  tiers 
de  ce  qu'a  coûté  l'achèvement  de  ces  grands  ou- 
vrages. Il  eut  l'honneur  de  poser  la  première 
pierre  des  bassins  d'Anvers  ;  il  fit  améliorer  le 
port  d'Ostende,  et  suivre  avec  activité  la  cons- 
truction de  ces  belles  routes  qui  ont  aplani  les 
Alpes.  Paris  seul  a  vu  quarante  millions  consa- 
crés à  prolonger  les  quais ,  à  jeter  des  ponts ,  à 
multiplier  les  fontaines  ;  et  tandis  que  la  Bourse 
et  les  arcs  de  triomphe  s'élevaient,  les  abattoirs 
étaient  construits ,  les  marchés,  les  greniers,  les 
entrepôts  étaient  mis  à  la  disposition  du  com- 
merce... De  tels  résultats  font  assez  connaître 
l'importance  de  l'administration  et  le  zèle  de 
l'administrateur.  »  L'empereur  allait  partir  pour 
la  Russie  lorsqu'il  fut  arrêté  tout  à  coup  par  des 
avis  certains  sur  l'imminence  d'une  disette,  moitié 
réelle  et  moitié  factice,  qui  pouvait  troubler  sé- 
rieusement le  pays.  Après  avoir  pris  dans  le  plus 
grand  secret  des  mesures  propres  à  éloigner  ce 
fléau ,  il  en  confia  l'exécution  à  M.  de  Monta- 
livet sur  qui  reposa  en  partie  le  succès  d'une 
opération  si  difficile  (2).  Lors  des  désastres  de 
1814,  la  fidélité  de  ce  ministre  ne  se  démentit 
|  pas  un  seul  instant;  il  fut  du  petit  nombre  de 
I  ceux  qui  voulaient  qu'on  défendît  Paris  ;  l'avis 
J  contraire  ayant  prévalu ,  il  suivit  à  Blois  l'impé- 
I  ratrice  Marie-Louise,  accepta  le  titre  de  secré- 
j  taire  de  la  régence ,  et  essaya  de  réveiller  par 
j  des  proclamations  le  courage  des  partisans  de 


(1)  M.  de  Montalivet  parlait  souvent  de  cette  époque  de 
sa  vie  avec  un  sentiment  de  bonheur.  Quelques  années 
avjnc  sa  mort,  il  montrait  avec  une  sorte  d'orgueil  à  ses 
fils  son  sac  de  caporal,  qu'il  avait  enveloppé  dans  son 
écharpe  de  ministre. 

(2)  Le  chevalier  de  Hrulard,  son  ancien  camarade,  était 
venupourrallumerdansla  Manche  les  restes  delà  chouan- 
nerie. L'ordre  de  l'arrêter  fut  envoyé  au  préfet,  qui,  au 
lieu  de  l'exécuter,  donna  vingt-quatre  heures  au  cou- 
pable pour  prendre  la  fuite.  Puis,  sans  perdre  de  temps,  il 
accourut  à  Paris  rendre  compte  de  sa  conduite  au  pre- 
mier consul,  qui  l'approuva. 


(1)  M.  Daru  prononçait  ces  paroles  en  1823. 

(2)«  On  a  fait  à  M.  de  Montalivet,  dit  M.  Tissot,  le  re- 
proche d'un  dévouement  poussé  jusqu'à  l'esclavage  de  la 
pensée.  Que  le  ministre  ait  subi,  comme  tout  le  monde, 
l'irrésistible  ascendant  du  génie  armé  de  toute  la  puis- 
sance, qu'il  ait  montré  pour  l'empereur  un  dévouement 
absolu,  nous  l'avouons  sans  détour;  quant  à  l'esclavage 
de  la  pensée,  H  ne  se  serait  pas  soumis  à  cet  abaissement 
de  son  caractère.  On  jour  même,  blessé  de  la  vivacité 
des  paroles  de  Napoléon  qu'il  avait  contredit  ouverte- 
ment sur  la  question  de  la  possibilité  du  retour  des  Bour- 
bons, Il  ne  rentra  chez  lui  que  pour  donner  sa  démission. 
Elle  ne  fut  point  acceptée  par  l'empereur,  qui  mit  une 
grâce  Infinie  à  retenir  un  ministre  dont  il  estimait  la 
franchise.  » 


97 


MONTALIVET 


98 


l'empire.  Au  retour  de  l'ilc  d'Elbe ,  il  fut  appelé, 
le  21  mars  1815,  à  l'intendance  générale  de  la 
couronne,  et  le  2  juin  il  devint  pair  de  France. 
Après  la  deuxième  abdication  de  Napoléon ,  il  se 
retira  dans  ses  terres,  où  il  vécut  tout  à  fait 
étranger  aux  affaires  politiques  jusqu'au  jour  où 
M.  Decazes  lui  fit  donner  un  siège  à  la  chambre 
des  pairs  (5  mars  1819).  Il  y  prit  rang  dans  le 
parti  constitutionnel,  et  se  montra  le  constant  dé- 
fenseur des  droits  garantis  par  la  charte.  La  mort 
de.  Napoléon ,  l'idole  de  son  cœur,  avait  porté 
une  profonde  atteinte  à  sa  santé ,  qui  s'affaiblit 
de  jour  en  jour.  Au  moment  de  mourir  il  adressa 
ces  paroles  à  sa  famille  rassemblée  autour  de 
lui  :  «  Me«  enfants,  vous  voyez  comment  on 
meurt  quand  on  a  vécu  en  honnête  homme.  » 
Il  avait  été  créé  comte  en  1809  et  baron  en 
1821. 

Daru,  Éloge  du  comte  de  Montalivet ,  dans  le  Moni- 
teur, 18Î3.  —  Biogr.  nouv.  des  Çontemp.  —  Biogr.  des 
Hommes  vivants.  —  Bégln,  Biogr.  de  la  Moselle.  —  Ma- 
hul,  annuaire  nécrologique,  1823.  —  Tlssot,  Encycl. 
des  G.  du  M.  —  Le  Bas,  Dict.  nitt.  de  ta  France. 

I  montalivet  (  Marthe-  Camille  Bachas- 
son,  comte  de  ) ,  homme  d'État  français ,  fils  du 
précédent,  né  le  25  avril  1801 ,  à  Valence  (Drôme). 
11  annonça  de  bonne  heure  d'heureuses  disposi- 
tions, qui  furent  cultivées  par  son  père.  Après 
avoir  terminé  ses  études  au  collège  de  Henri  IV, 
il  entra  à  l'École  Polytechnique,  d'où  il  sortit 
l'un  des  premiers  de  la  promotion  de  1822.  De- 
venu élève  de  l'école  des  ponts  et  chaussées,  il 
se  fit  remarquer  par  le  célèbre  Prony,  qui  le  ci- 
tait comme  un  sujet  de  grande  espérance.  Il  se 
destinait  à  suivre  la  carrière  des  ponts  et  chaus- 
sées lorsque  la  mort  inattendue  de  son  frère 
aîné,  Simon ,  lui  ouvrit  les  portes  de  la  chambre 
des  pairs  ;  mais  il  ne  commença  à  siéger  qu'en 
1826,  époque  où  il  atteignit  l'âge  fixé  par  la  loi. 
Dès  la  première  année  de  son  admission,  ses 
opinions,  franchement  énoncées,  le  placèrent  au 
rang  des  amis  de  la  liberté.  En  1829,  on  le  vit 
s'élever  avec  courage  contre  le  ministère  Poli- 
gnac,  et  il  s'associa  sans  hésiter  au  mouvement 
électoral  qui  envoya  à  la  chambre  des  députés 
les  fameux  deux  cent  vingt  et  un.  Le  30  juillet 
1830,  il  coUfut  à  la  chambre  des  pairs,  où  plu- 
sieurs de  ses  collègues,  d'accord  avec  lui,  s'asso- 
cièrent liautement  à  la  résistance  populaire  en 
faveur  de  la  Charte  violée  par  les  ordonnances. 
On  le  vil  bientôt,  au  Palais-Royal ,  se  présenter 
devant  le  duc  d'Orléans,  dont  il  était  inconnu. 
Louis-Philippe,  devenu  roi,  ne  tarda  point  à  re- 
connaître dans  le  jeune  pair  un  caractère  sain  , 
un  esprit  solide  et  positif,  qui  ne  manquait  pas 
d'une  certaine  dextérité  naturelle,  que  le  temps 
développerait,  un  homme  enfin  propre  à  exercer 
de  hautes  fonctions  dans  un  gouvernement  cons- 
titutionnel; aussi,  après  avoir  confié  à  M.  de 
Montalivet  l'intendance  provisoire  de  la  dotation 
de  la  couronne  (16  octobre  1830),  il  se  trouva 
disposé  à  lui  donner,  sur  la  proposition  de 
M.  Laffitte,  le  portefeuille  de  ministre  de  l'inté- 

NOUV.   BIOGR.    GÊNER.  —    T.   XXXVI. 


rieur,  en  remplacement  de  M.  Guizot  (2  novem- 
bre 1830).  On  se  rappelle  combien  les  circons- 
tances étaient  alors  difficiles.  La  révolution 
fermentait  encore  dans  tous  les  cœurs.  Le  procès 
des  ministres  de  Charles  X  ajoutait  chaque  jour 
de  nouveaux  levains  à  la  fermentation  générale. 
M.  Laffitte  et  ses  collègues  déployaient  toute  leur 
influence  pour  prévenir  une  scène  sanglante, 
dont  la  seule  pensée  faisait  horreur  au  roi. 
M.  de  Montalivet  se  chargea  de  conjurer  ce  mal- 
heur. Après  avoir  pris  toutes  les  précautions 
pour  la  sûreté  des  juges  et  pour  celle  des  accu- 
sés, il  résolut  d'enlever  ces  derniers  avant  le  pro- 
noncé du  jugement  ;  avec  une  escorte  de  gardes 
nationaux  et  de  chasseurs,  il  conduisit  jusqu'au 
château  de  Vincennes  les  victimes  désignées, 
qui  rendirent  des  actions  de  grâces  à  leur  libé- 
rateur. M.  de  Montalivet  voulait  alors  que  l'on 
tendît  la  main  aux  hommes  les  plus  ardents  du 
parti  libéral,  et  croyait  à  la  possibilité  de  les  atti- 
rer et  de  les  attacher  au  gouvernement  par  les 
preuvesdunehonorableconfiance.il  se  vit  bientôt 
dépassé  par  des  exigences  qu'il  ne  pouvait  satis- 
faire, ou  retenu  par  les  imprudences  même  du 
parti  qu'il  aurait  voulu  sorvir.  Sur  ces  entrefaites, 
le  ministère  Laffitte  fut  ébranlé  par  la  retraite  de 
M.  Dupont  de  l'Eure  et  par  la  démission  de  La 
Fayette.  M.  de  Montalivet  fut  chargé  par  le  roi 
de  presser  ce  dernier  de  garder  le  commande- 
ment des  gardes  nationales;  mais  le  général  per- 
sista dans  son  refus.  Un  nouveau  ministère  se 
forma,  en  partie  par  les  soins  de  M.  de  Monta- 
livet ;  dans  cette  administration ,  il  accepta  le 
portefeuille  de  l'instruction  publique  et  des  cul- 
tes (  13  mars  1831  ).  Plein  de  déférence  pour  le 
clergé,  mais  ferme  à  en  prévenir  les  usurpations, 
défenseur  courageux  des  droits  de  l'université  , 
il  marqua  surtout  son  passage  dans  le  ministère 
par  les  plus  heureux  et  les  plus  constants  efforts 
pour  favoriser  l'instruction  populaire.  Casimir 
Périer,  devenu  président  du  conseil,  regardait 
M.  de  Montalivet  comme  son  bras  droit  ;  mou- 
rant du  choléra,  il  le  désigna  pour  son  succes- 
seur au  ministère  de  l'intérieur  (27  avril  1832). 
Après  avoir  mis  les  départements  de  l'ouest  en 
état  de  siège  et  tout  disposé  pour  l'arrestation 
de  la  duchesse  de  Berri,  M.  de  Montalivet  pré- 
sida à  l'exécution  des  mesures  adoptées  pour 
réprimer  l'insurrection  républicaine  des  5  et 
6  juin.  A  cette  époque,  il  accompagna  le  roi  au 
milieu  des  quartiers  de  l'insurrection.  La  vic- 
toire obtenue,  il  fut  un  des  plus  ardents  à  empê- 
cher l'effusion  du  sang  des  vaincus,  condamnés 
à  mort  par  la  cour  d'assises.  Ayant  refusé  de 
s'associer  à  MM.  Thiers  et  Guizot,  que  le  minis- 
tère appelait  dans  son  sein ,  il  donna  sa  démis- 
sion (10  octobre  1832),  redevint  intendant  gé- 
néral de  la  liste  civile  et  fut  chargé  à  la  chambre 
des  pairs  de  remplir  les  fonctions  de  juge  d'ins- 
truction dans  le  procès  d'avril  1834.  Rentré  au 
ministère  de  l'intérieur  (22  février  1836),  il  en 
sortit  au  bout  de  quelques  mois,  quand  M.  Gui- 

4 


99 


MONTALIVET  —  MONTALVAN 


100 


zot  ressaisit  le  pouvoir  (6  septembre);  mais 
le  15  avril  1837  il  accepta  du  comte  Mole  le 
même  portefeuille.  Il  eut  au  sujet  des  élections 
de  vifs  débats  à  soutenir  :  d'un  côté  la  gaucbe 
l'accusait  de  manœuvres  immorales  et  d'influences 
illégitimes  ;  de  l'autre  M.  Jaubert  lui  reprochait 
de  s'être  contenté  de  lever  les  mains  au  ciel 
pendant  le  combat.  Ces  difficultés  n'empêchèrent 
pas  M.  de  Montalivet  de.  se  signaler  par  la  pré- 
sentation de  plusieurs  lois  d'une  grande  utilité, 
sur  les  aliénés  et  sur  les  attributions  des  con- 
seils généraux  de  département.  On  lui  dut 
aussi  la  proposition  d'une  loi  relative  à  l'achè- 
vement de  plusieurs  monuments  publics,  tels 
que  la  maison  royale  de  Charenton,  les  Archives 
du  royaume,  qui  périssaient ,  l'Institution  des 
Jeunes  Aveugles  et  l'École  vétérinaire  d'Alfort. 
La  réforme  des  prisons  et  du  système  péniten- 
tiaire attira  aussi  son  attention  :  il  envoya  même 
une  commission  aux  États-Unis  pour  y  étudier 
ce  système.  C'est  alors  que  commençait  à  se 
former  cette  fameuse  coalition  qui  devint  si 
redoutable  an  ministère.  M.  de  Montalivet,  en 
s'appuyant  sur  l'admirable  talent  déployé  par  le 
comte  Mole  dans  cette  session ,  fit  tête  à  l'orage 
avec  beaucoup  de  fermeté ,  resta  fidèle  à  ses 
collègues,  et  fut  regardé  comme  le  lien  du  cabi- 
net. Les  hostilités  continuant  toujours,  le  mi- 
nistère eut  recours  à  la  mesure  extrême  d'une 
nouvelle  dissolution.  M.  de  Montalivet  fut  encore 
chargé  de  présider  aux  élections  ;  leur  résultat 
parut  défavorable  :  le  ministère  se  retira 
(31  mars  1839  ).  En  aucun  temps  de  sa  car- 
rière politique,  M.  de  Montalivet  ne  fut  aussi 
violemment  accusé  qu'à  cette  époque;  suivant 
ses  adversaires,  il  n'avait  jamais  montré  tant  de 
docilité  à  l'influence  personnelle  du  roi.  Il  laissa 
passer  l'orage,  et  attendit  l'un  de  ces  retours  fa- 
vorables qui  ne  manquent  rarement  aux  hommes 
politiques. 

M.  de  Montalivet  occupa  jusqu'au  24  février 
1848  l'intendance  de  la  liste  civile.  C'est  dans 
ce  poste  érainent  qu'il  a  contribué,  avec  autant 
de  zèle  qae  de  succès,  à  la  création  du  Musée 
de  Versailles,  l'une  des  grandes  pensées  du  roi. 
Lors  de  la  chute  du  gouvernement  de  Juillet,  il 
rentra  dans  la  vie  privée,  mais  en  gardant  une 
noble  fidélité  aux  convictions  politiques  de  toute 
sa  vie  ainsi  qu'à  la  famille  d'Orléans.  Ce  fut  lui 
qui,  à  la  tête  d'un  détachement  de  garde  na- 
tionale à  cheval  accompagna  le  roi  à  sa  sortie  de 
Paris.  En  1851  il  défendit  la  mémoire  de  Louis- 
Philippe  dans  une  brochure  qu'il  publia  sur  La 
Liste  civile.  Il  fait  partie  depuis  1840  de  l'A- 
cadémie des  Beaux-Arts  à  titre  de  membre  libre. 

Encycl.  des  Gens  du  Monde.  —  V.  de  Novlon,  Ilist. 
du  Gouvernement  de  Louis- Philippe.  —  Dict.  de  la 
Convers. 

mosvtal,to  ou  montàlti  (  Giovanni- 
Slefano  Danedi,  dit  le),  peintre  de  l'école 
milanaise,  né  à  Treviglio,  en  1608,  mort  en  1689, 
Élève  de  P. -F.  Mazzuchelli ,  dit  le  Morazzone* 


il  adoucit  sa  manière  et  peignit  avee  plus  de  soin 
et  de  délicatesse  qu'on  ne  le  faisait  généralement 
de  son  temps  Son  imagination  était  riche,  et 
son  ordonnance  grandiose;  seulement  on  re- 
proche à  ce  maître  un  peu  de  froideur,  bien 
qu'il  ait  su  parfois  éviter  ce  défaut,  comme  le 
prouve  son  Martyre  de  sainte  Justine  à  Santa- 
Maria-Pedone  de  Milan.  Les  peintures  du  Mon- 
talto  sont  nombreuses  dans  cette  ville  ;  nous  ci- 
terons :  à  la  Madonna  delle-Grazie ,  Sainte  Rose 
de  Lima  prosternée  devant  la  Vierge;  à  Santa- 
Maria-del- Carminé,  Sainte  Marie-Madeleine 
Pazzi;  à  Saint-Joseph,  un  Saint  Jean-Bap- 
tiste. Les  fresques  qu'il  a  laissées  sont  en  géné- 
ral inférieures  à  ses  tableaux.  On  en  trouve  à 
Sainte-Marthe,  à  Santa-Maria-Incoronata ,  au 
palais'  Poldi-Pezzoli,  à  la  cathédrale  de  Monza 
et  à  la  chartreuse  de  Pavie.  E.  B— n. 

Lanzi,  Storia.  —  Pirovano,  Guida  di  Milano 
MONTALTO  OU  MONTALTI    (Giuseppe  Da- 

nedi,  dit  le),  frère  du  précédent,  né  à  Trevi- 
glio,en  1619,  mort  en  1689.  Après  avoir  reçu 
les  leçons  du  Morazzone,  il  alla  à  Bologne  étu- 
dier sous  le  Guide,  dont  il  saisit  assez  bien  le 
style ,  ainsi  que  le  montrent  ses  deux  tableaux 
de  l'église  Saint-Sébastien  de  Milan,  Y  Annoncia- 
tion et  le  Massacre  des  Innocents,  que  l'on  a 
quelquefois  attribués  à  son  frère.  Le  musée  de 
Dresde  possède  de  lui  un  bon  tableau ,  Saint 
Antoine  caressant  Venfant  Jésus.     E.  B— n. 

Orlandi,  Abbecedario.  —  Lanzi,  Storia. 

moxtalvan  (Juan-Perez  de),  littérateur 
espagnol,  né  à  Madrid,  en  1602,  mort  en  1638. 
H  était  fils  d'un  libraire,  et  dès  sa  jeunesse  il 
eut  le  bonheur  de  jouir  de  l'amitié  de  Lope  de 
Vega,  qui  le  recevait  dans  sa  maison  et  le  traitait 
comme  son  fils.  A  dix-sept  ans  il  commença  à 
écrire  pour  le  théâtre;  ses  essais  furent  bien 
accueillis,  et  de  1619  à  1638  il  composa  une 
centaine  de  comedias.  Il  était  entré  dans  les 
ordres  à  vingt-trois  ans,  et  il  obtint  bientôt  l'em- 
ploi, alors  important,  de  notaire  apostolique  de  la 
sainte  inquisition.  Il  écrivit  aussi  des  nouvelles. 
De  nombreuses  éditions  attestent  que  ses  ou- 
vrages jouissaient  d'une  vogue  incontestable  ;  il 
fut  toutefois  exposé  à  des  critiques  acerbes;  il 
compta  parmi  ses  détracteurs  plusieurs  écrivains 
en  renom  à  cette  époque;  le  célèbre  Francisco 
de  Quevedo  fut  un  des  plus  acharnés.  Une  anec- 
dote a  été  conservée  à  cet  égard.  Les  deux  écri- 
vains se  trouvaient  un  jour  au  palais;  on  venait 
d'exposer  un  tabteau  de  Velasquez  représen- 
tant saint  Jérôme  flagellé  par  des  anges  en  pu- 
nition de  ce  qu'il  avait  lu  des  livres  profanes- 
Montalvan,  provoqué  par  le  roi,  se  mit  à  impro- 
viser ces  vers  assez  médiocres  : 

Los  angeles  a  porih 
Al  santo  azotes  le  dan 
Porque  a  Ciceron  leya... 

Quevedo,  l'interrompant,  ajouta  aussitôt  : 

Cuerpe  de  Dios!  que  séria 
leyera:  à  Monlulvan. 


101 


MONTALVAN 


102 


Le  satirique  ne  se  borna  pas  à  ces  épigrammes; 
il  écrivit  un  opuscule  dans  lequel  Montalvan  est 
traité  de  plagiaire,  d'être  dépourvu  de  style  et 
d'imagination.  Six  mois  avant  sa  fin  prématurée, 
Montalvan  avait  perdu  la  raison ,  malheur  qui 
fut  attribué  à  l'excès  du  travail.  Il  excita  des 
regrets  unanimes,  et  un  grand  nombre  de  poètes 
le  célébrèrent  longtemps  encore  après  sa  mort. 
Les  principales  œuvres  de  Montalvan  sont  deux 
volumesde  ses  comedias,  imprimés,  l'un  à  Alcala, 
en  1628,  l'autre  à  Madrid,  en  1639;  ils  renferment 
vingt-quatre  pièces,  qui  ont  reparu  à  Valence,  en 
1652  ;  d'autres  sont  disséminées  dans  des  recueils 
ou  ont  été  imprimées  séparément;  beaucoup  sont 
restées  inédites.  Elles  conservent  encore  quel- 
que réputation  en  Espagne  ;  elles  n'offrent  cepen- 
dant rien  qui  leur  assigne  un  rang  bien  distin- 
gué. Leur  auteur  n'avait  pas  d'originalité,  de 
physionomie  spéciale;  il  imitait,  parfois  avec 
bonheur;  l'influence  de  Lope  de  Vega  se  fait  re- 
marquer chez  lui  en  maint  endroit,  mais  il  est 
bien  loin  de  son  modèle.  Dans  la  précipitation 
de  son  travail ,  il  entasse  les  incidents  sans  se 
préoccuper  de  suivre  un  plan,  de  former  un  en- 
semble harmonieux.  Dépoorvu  de  goût,  il  met 
parfois,  à  côté  de  tirades  héroïques  des  traits 
remplis  de  trivialité;  sa  diction  est  souvent 
plate,  emphatique  et  boursouflée.  Malgré  ces 
défauts ,  il  faut  reconnaître  chez  Montalvan  une 
grande  facilité  et  parfois  des  scènes  bien  con- 
duites, un  intérêt  véritable,  de  l'esprit  dans  le 
dialogue.  Quelques-unes  de  ses  pièces  sont  fort 
au-dessus  des  autres;  Los  Amantes  de  Ternel 
retracent  un  épisode  qui  avait  réellement  eu 
lieu  en  Aragon  à  l'époque  de  Charles  Quint  et 
qui  a  été  mis  sur  le  théâtre  par  divers  écrivains 
espagnols  ;  la  pièce  de  Montalvan  est  seule  restée 
en  possession  de  la  scène.  La  Doncella  de  la- 
bor  est  une  pièce  d'intrigue  assez  bien  ourdie. 
On  place  parmi  les  chefs-d'œuvre  de  Montalvan 
la  comédie  intitulée  :  No  hay  vida  como  la 
honra;  il  la  composa  sous  la  vive  inspiration 
d'un  accès  de  colère  et  de  dépit  ;  il  l'entreprit 
le  lendemain  du  jour  où  une  de-  ses  pièces  avait 
été  outrageusement  sifflée,  et  il  eut  la  satisfac- 
tion de  jouir  d'une  revanche  éclatante  ;  l'œuvre 
nouvelle  eut  de  nombreuses  représentations  sur1 
les  deux  théâtres  de  Madrid  et  fut  très-chaude- 
ment applaudie.  On  accueillit  avec  enthousiasme 
la  scène  où  un  proscrit,  Don  Carlos,  dont  la 
tête  a  été  miseàiprix,  se  livre  lui-même  à  ses 
ennemis  et  réclame  la  somme  promise,  dans  le' 
but  de  sauver  ainsi  de  la  pauvreté  une  épouse 
bien  aimée.  11  y  a  des  situations  piquantes  dans 
La  Toquera  Vizcaina;  malheureusement  elles 
sont  mêlées  de  trop  d'invraisemblances  et  d'im- 
possibilités pour  que  le  spectateur  y  trouve  un 
plaisir  sincère.  Après  ces  quatre  pièces,  qui  sont 
ce  que  Montalvan  a  fait  de  mieux,  on  peut  citer 
aussi  celles  qui  ont  pour  titre  :  Cumplir  con 
sa  obligation;  Ser  prudente  y  ser  su/rido ; 
Como  a  padre  y  como  a  rey,  et  La  Mas  cons- 


!  tante  Muger.  Il  y  a  une  énergie  brutale  dans 
De  un  Castigo  dos  venganzas;  épisode  plein 
de  sang,  fait  réel  qui  avait  eu  lieu  à  Lisbonne 
I  l'année  même  où  Montalvan  le  présenta  au  par- 
j  terre  de  Madrid.  La  Puerto  Macarena  retrace, 
mais  sans  mérite,  l'histoire  tragique  de  Blanche 
de  Bourbon.  Il  n'y  a  rien  de  remarquable  dans 
El  secundo  Seneca  de  Espaha ,  nom  sous  le- 
quel il  faut  entendre  Philippe  II,  œuvre  dont 
le  sort  mystérieux  de  don  Carlos  a  fourni  le  su- 
jet. Les  autres  ouvrages  de  Montalvan,  El  Poli- 
femo;  Eldivino  Nazareno ;  Sanson  ;  Palmeria 
de  Oliva,  ne  méritent  pas  qu'on  s'y  arrête. 
Montalvan  se  plaça  aussi  an  nombre  des  con- 
teurs; il  prodigua  dans  ses  nouvelles  tous  les 
faux  brillants  de  la  prose  poétique;  il  obtint 
parmi  ses  contemporains  un  succès  de  vogue,  qui 
ne  s'est  pas  soutenu.  Son  début  en  ce  genre  fut 
le  volume  intitulé  Sucessos  y  Prodigios  de 
amor,  en  octo  novelas  exemplares  ;  Madrid, 
1624  :  on  vit  se  succéder  une  douzaine  d'éditions 
dans  l'espace  d'un  siècle;  deRampalle  en  donna 
une  traduction  française  (Paris,  1644),  fort  ou- 
bliée aujourd'hui;  B.  Cialdini  en  avait  fait  pa- 
raître une  en  italien  (Venise,  1628).  De  nos 
jours  ces  novelas  ont  été  reproduites  dans  le 
tome  II  du  Tesoro  de-  Novelistas  espanoles 
(Paris,.  1847,  in- 8°).  Encouragé  par  ses  suc- 
cès ,  Montalvan  livra  au  public  son  Para  to- 
dos,  Exemples  morales  humanos  y  divinos, 
recueil  où  se  pressent,  en  grand  nombre,  des  ré- 
cits qui  paraissent  aujourd'hui  assez  insipides. 
La  première  édition  parut  en  1633  ;  celle  da- 
tée de  1671  est  la  neuvième;  il  en  existe  aussi 
de>  1691  et  1736.  Vanel  en  tira  huit  nouvelles, 
qu'il  publia  en  1684,  2  vol.  in-12  (  La  Semaine 
de  Montalvan,  ou  les  Mariages  mal  assortis)  ; 
une  réimpression  eut  lieu  en  Hollande  en  1686. 
Après  la  mort  de  Lope  de  Vega ,  Montalvan  fit 
paraître,  en  1636,  sous  le  titre  de  Fama  pos- 
thuma, un  in-4°  rempli  de  vers  élogieux,  es- 
critos  por  los  mas  esclarecidos  ingenios ,  et 
dans  lequel  il  mit  largement  du  sien.  Douze  ans 
plus  tôt  un  ouvrage  de  Lope,  l'Orfeo,  avait  paru 
sous  le  nom  de  Montai  van,  qui,  s'essayant  dans 
un  autre  genre ,  fort  goûté  alors  en  Espagne , 
écrivit  la  Vida  y  purgatorio  de  san  Patritio 
(Madrid,  1627, 1656;  Séville,  1696,  etc.).  Cette 
légende,  fondée  sur  de  vieilles  et  curieuses  tra- 
ditions, fut  deux  fois  traduite  en  français  (1638 
et  1640).  Deux  des  comédies  de  Montalvan  se 
trouvent  dans  le  tome  IV  du  Tesoro  del  Teatro 
espanol,  publié  à  Paris  par  Baudry  ;  le  Journal 
étranger,  mai  1765,  a  donné  des  extraits  de 
cet  auteur  peu  connu  en  France. 

G.  Brdnet. 

P.  Grande  de  Tenu ,  Lagrimas  panegiricas  à  la  lem- 
pruna  tnuerte  del  doctor  Don  /.  ferez  de  Montalvan. 

—  J.-A.  Alvarez  de  Balna .  Hijos  de  Madrid,  t.  III, 
p.  271.  —  Ticknor,  History  of  Spanisti  Literature,  t.  II. 

—  A.-F.  von  Schack,  Ceschichte der  dramatischen  litera- 
tur  in  Spanien,  t.  II,  p.  540.  —  De  Puibusque,  Histoire 
comparée  des  Littératures  espagnole  et  française,  t.  I. 


103 


MONTALVO  —  MONTAN 


104 


montalvo  {Luis  Galvez  de),  poëte  espa- 
gnol, né  ennovembre  1549,  à  Guadalaxara,  mort 
en  1610,  à  Palerme.  Il  fut  reçu  docteur  en  droit 
et  en  théologie  à  l'université  d'Alcala,  et  ce  fut 
peut-être  dans  cette  ville  qu'il  connut  Cervantes; 
dans  la  suite  il  se  forma  entre  eux  une  assez  vive 
amitié,  et  ils  ne  négligèrent  pas  l'occasion  de  se 
décerner  l'un  à  l'autre  des  louanges.  Montalvo 
s'attacha  à  la  puissante  maison  de  l'Infantado,  et 
passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  dans  les 
châteaux  ou  à  la  cour.  Mais  n'en  ayant  pu  ob- 
tenir la  moindre  faveur,  il  entra  dans  l'ordre  de 
Saint- Jérôme,  et  passa  en  Sicile,  où  il  mourut,  à 
l'âge  de  soixante-et-un  ans.  Pendant  un  premier 
voyage  en  Italie  qu'il  avait  fait  en  1675,  il  avait 
commencé  à  Naples  le  Pastor  de  Filida,  roman 
pastoral ,  mêlé  de  prose  et  de  vers.  La  richesse 
d'imagination,  la  délicatesse  de  sentiments  et  la 
pureté  du  style  qui  sont  les  principales  qualités 
de  ce  livre  le  rendirent  promptement  populaire; 
publié  pour  la  première  fois  à  Madrid,  en  1582, 
il  eut  plusieurs  éditions,  dont  la  meilleure  est  celle 
qu'a  donnée  Mayans  y  Siscar  (Madrid,  1792, 
in-8°).  Le  second  ouvrage  de  Montalvo  est  un 
poème  en  huit  chants,  traduit  de  l'italien  de 
Tansillo  et  intitulé  :  La  Lagrimas  de  san  Pedro 
(Madrid,  1587,  in-8°).  Il  avait  aussi  traduit  en 
octaves  espagnoles  La  Jérusalem  délivrée,  et 
l'on  assure  que  cet  ouvrage  posthume  a  été  im- 
primé à  Naples.  P. 

N.  Antonio ,  Biblioth.  nova  Hispana.  —  Mayans  y  Sis- 
car,  Notice  à  la  tôte  de  la  6e  édit.  de  la  Filida.  —  Na- 
varretc,  fida  de  Cervantes,  p.  66, -278,  407.  —  Tlcknor, 
History  of  Spanish  Literature,  11,43. 

montamy  (Didier- François  d'Arclais  de), 
savant  français,  né  en  1702,  à  Montamy,  près 
de  Vire  (Basse-Normandie),  mort  le  8  février 
1765,  à  Paris.  Issu  d'une  ancienne  et  noble  fa- 
mille, il  occupa  dans  la  maison  du  duc  d'Orléans 
la  charge  de  premier  maître  d'hôtel.  Amateur 
éclairé,  il  cultivait  les  arts  et  a  laissé  quelques 
ouvrages  estimés  :  La  Lithogéognosie,  ou  exa- 
men des  pierres  et  des  terres;  Paris,  1753, 
2  vol.  in-12,  trad.  de  l'allemand  de  J. -H.  Pott; 
—  Traité  pratique  des  différentes  manières 
dépeindre,  inséré  par  dom  Pernetydans  le  Dic- 
tionnaire portatif  de  Peinture  (Paris,  1757, 
in-8°  )  ; — Traité  des  Couleurs  pour  la  peinture 
en  émail  et  sur  la  porcelaine,  précédé  de  l'Art 
de  peindre  sur  l'émail;  Paris,  1765,  in-12. 
Cet  ouvrage  posthume  a  été  édité  par  Diderot 
avec  des  additions  ;  on. le  retrouve  dans  l'édition 
de  ses  Œuvres  (1821,  t.  VIII).  P.  L. 

Chaudon  et  Delandine,  Dict.  universel  (1810). 
montais,  hérésiarque,  né  à  Ardaban,  dans 
la  Mysie,  mort  vers  212.  L'ambition  fut  le  mo- 
bile qui  entraîna  Montan  dans  l'hérésie.  11  em- 
brassa d'abord  le  christianisme,  dans  l'espérance 
d'arriver  aux  plus  hautes  dignités  de  l'Église; 
mais,  trompé  dans  son  attente,  il  résolut  de  se 
faire  chef  de  secte.  Ayant  réussi  à  s'adjoindre 
deux  femmes  fort  riches  ,  Priscilie  et  Maximille, 
qui  s'abandonnèrent  aveuglément  à  lui,  il  com- 


mença vers  171  à  prêcher  ses  étranges  théories. 
Il  prétendait  que  Dieu  avait  voulu  d'abord  sauver 
le  monde  par  Moïse  et  les  prophètes;  qu'ayant 
échoué,  il  s'était  lui-même  incarné  sans  obtenir 
un  meilleur  résultat;  qu'enfin, consentant  à  faire 
une  nouvelle  expérience,  il  était  descendu  en  son 
serviteur  Montan ,  lui  avait  accordé  le  don  de 
prophétie,  et  l'avait  choisi  pour  révéler  aux 
hommes  les  hautes  vérités  qu'ils  n'étaient  pas  en 
état  de  comprendre  du  temps  des  apôtres.  Doué 
d'une  vive  imagination  et  d'une  éloquence  très-  , 
communicative,  Montan  eut  bientôt  rassemblé 
quelques  disciples;  il  n'oublia  rien  d'ailleurs  de 
ce  qui  pouvait  le  faire  regarder  comme  inspiré;  , 
il  avait  pris  le  nom  de  Paraclet,  et  quand  il  an- 
nonçait sa  doctrine,  il  paraissait,  comme  la 
sibylle  antique,  agité  de  mouvements  convulsifs, 
et  sa  figure  se  contractait  sous  l'influence  des 
forces  intérieures  qui  semblaient  le  dominer.  La 
sévérité  de  sa  morale,  l'austérité  de  ses  mœurs 
prévenaient  en  sa  faveur;  il  condamnait  les  se- 
condes noces ,  comme  adultères ,  refusait  le  par- 
don aux  pécheurs  longtemps  endurcis,  et  défen- 
dait  de  fuir  la  persécution  et  le  martyr  ;  il  avait 
enfin  établi  jusqu'à  trois  carêmes  très-rigoureux, 
et  ordonné  de  nouveaux  jeûnes.  Le  pape  Victor 
jugea  d'abord  les  montanistes  sur  l'apparence, 
et  il  leur  donna  des  lettres  d'approbation  ;  mais 
il  les  retira  dès  qu'on  lui  eut  fait  comprendre 
qu'il  avait  été  trompé.  La  doctrine  de  Montan 
fut  alors  examinée  dans  une  réunion  d'évêques, 
qui  la  déclara  profane  et  hérétique  ;  c'est  dans 
ce  concile  qu'on  établit  le  principe  «  que  le  Ssint- 
Esprit  perfectionne  ceux  à  qui  il  se  communique, 
au  lieu  de  les  dégrader  ;  et  qu'en  faisant  parler 
les  prophètes,  il  ne  leur  ôte  pas  le  libre  usage  de 
la  raison  et  des  sens  ».  Montan  ne  se  soumit 
point;  ses  disciples  ne  tardèrent  pas  à  remplir 
toute  la  Phrygie  ;  ils  envahirent  la  Galatie,  Cons- 
tantinople  et  même  l'Afrique,  où  ils  parvinrent 
à  séduire  Tertullien,  qui  plus  tard  sa  sépara 
d'eux,  mais  sans  condamner  leur  doctrine.  Les 
montanistes  s'accordaient  du  reste  à  reconnaître 
l'inspiration  qu'avaient  reçue  les  apôtres  ;  mais  ils 
distinguaient  le  Saint-Esprit  du  Paraclet.  Le  Pa- 
raclet, suivant  eux,  avait  inspiré  Montan  et  avait 
révélé  par  sa  bouche  des  vérités  bien  supérieures 
à  celles  qu'avait  enseignées  Jésus-Christ,  ils  - 
finirent  par  se  diviser  en  un  grand  nombre  de 
sectes;  les  uns  suivirent  les  opinions  de  Proclus; 
les  autres  adoptèrent  les  doctrines  du  sabellia- 
nisme,  qui  leur  furent  prêchées  par  Échines  ;  et 
peu  à  peu  les  montanistes  disparurent,  fraction- 
nés sous  les  noms  de  passalorinchites,  arto- 
tyrites,  tascordurgites  et  ascadurpites.  Montan 
vécut,  dit-on,  jusqu'à  l'année  212,  et  quelques 
écrivains  prétendent  qu'il  mit  fin  à  ses  jours  en 
se  pendant. 

Apollinaire  d'HiérapIes  écrivit  contre  Montan 
et  le  montanismeun  ouvrage  aujourd'hui  perdu, 
mais  qui  existait  encore  au  temps  de  Phocius; 
c'est  à  tort  que  Ruffin  et  Nicéphore  ont  regardé 


105 


MONTAN  —  MONTANCLOS 


106 


comme  un  fragment  de  cet  ouvrage  les  pages 
que  reproduit  Eusèbe,  livre  V,  chapitre  xvi,  car 
Apollinaire  s'adressait  à  la  secte  naissante,  et  le 
fragment  cité  est  évidemment  postérieur  à  la 
mort  de  Montan.  Trois  autres  polémistes  :  Mil- 
tiade  et  deux  Apollonius,  l'un  grec  et  l'autre 
romain,  ont  également  écrit  contre  Montan.  Il 
ne  nous  reste  rien  du  premier;  Eusèbe,  livre  V, 
chapitre  xxvm,  rapporte  un  extrait  de  l'ouvrage 
du  second.  Tertullieu  a  soutenu  les  doctrines  de 
cette  secte  dans  le  livre  de  la  monogamie  et  de 
l'exhortation  à  la  chasteté ,  et  dans  son  traité 
sur  les  jeûnes.  Montan  avait  écrit  un  livre  de 
prophéties,  qui  ne  nous  est  point  parvenu  ;  Pris- 
cille  et  Maximille  en  avaient,  dit-on,  publié  aussi 
quelques  sentences.  Alfred  Franklin. 

Eusèbe,  Hist.  ecclesiast.  —  Straucb,  De- Montano  hx- 
resiarcha  celebri;  1680,  in-4°.  —  Pluquet,  Dict.  des  Hé- 
résies. —  Conrad  Kirchner,  De  Montanislis  ;  de  eorum 
oriuine,  etc.;  183»,  in-i8°. 

montanari  (Geminiano),  astronome  ita- 
lien, né  en  1632,  à  Modène,  mort  le  13  octobre 
1687,  à  Padoue.  Placé  de  bonne  heure  sous  la 
tutelle  de  sa  mère,  qui  veilla  avec  soin  sur  son 
éducation,  il  s'adonna  d'abord  à  la  jurispru- 
dence, qu'il  étudia,  ainsi  que  la  philosophie,  à 
Florence,  et  fut  appelé  comme  professeur  à 
Vienne,  après  avoir  été  reçu  docteur  à  l'univer- 
sité difsalzbourg.  Dans  la  capitale  de  l'Autriche 
il  rencontra  le  florentin  Paul  de  Bono,  directeur 
delà  monnaie  impériale,  et  l'accepta  pour  guide 
dans  l'étude  de  la  physique  et  des  mathématiques 
pour  laquelle  il  avait  dès  l'enfance  manifesté 
une  véritable  prédilection.  En  1657  ils  parcou- 
rurent ensemble  la  Bohême,  et  Montanari  revint 
seul  à  Modène,  où  l'attachèrent  pendant  quelque 
temps  les  offres  brillantes  du  duc  Alphonse  IV. 
A  la-  mort  de  ce  prince,  il  vint  habiter  Florence, 
abandonna  tout  à  fait  le  droit,  et  continua,  sous 
la  protection  du  cardinal  LéopolddeMédicis,  ses 
expériences  de  physique.  Il  se  retira  ensuite  dans 
les  environs  de  Moflène,  à  Pansano,  et  travailla  aux 
éphémérides  célestes  de  CornelioMalvasia.  Ce  fut 
par .  l'intermédiaire  de  ce  savant  qu'il  obtint  en 
1664  la  chaice  de.  mathématiques  à  l'université 
de  Bologne;  il  y  accomplit  ses  principaux,  tra- 
vaux, et  s'y  lia  avec  Grassini,  Mezzavacca,  Sam- 
pieri,  Manfredi,  etc.  En  1678  il  vint  occuper  à 
Padoue  la  chaire  d'astronomie  que  la  république 
de  Venise  avait  créée  pour  lui.  Montanari  s'était 
formé  une  théorie  empruntée  en  grande  partie  à 
Aristote  et  à.  Descartes.  Il  se  servait  pour  ses 
observations  d'un  micromètre  qui  offre  la  plus 
grande  ressemblance  avec  celui  d'Auzout.  Il  y 
a  plus  d'érudition  que  d'originalité  dans  ses  ou- 
vrages. Ce  qui  pourra  faire  vivre  son  nom ,  ce 
sont  d'une  part  les  changements  qu'un  des  pre- 
miers il  a  remarqués,  dans  plus  de  cent  étoiles,  et 
de  l'autre  les  lettres  que  lui  a  adressées  Dominique 
Cassini  au  sujet  des  réfractions.  On  a  de  lui  : 
Comètes  Bononise  abservatus-  ann.  1664  et 
1665;  Bologne,  1665,  in-4°;  —  JSphemeris 
Lambergiana  ad  a.  1666;  ibid.,  1665,  in-4°; 


—  Pensieri  fisico-matemalici  sopra  alcune 
esperienze  intorno  diversi  effetti  diliquori; 
ibid.,  IG67,  in-4°  ;  —  Speculazioni  fisiche  sopra 
gli  effetti  di  que'  velri  temprati,  che  rotti  in 
una  parte  si  risolvono  tutti  in  polvere;  ibid., 
1671,  in-4°  ;  l'une  des  deux  lettres  de  cet  opus- 
cule est  adressée  au  grand-duc  Ferdinand  II  ;  — 
Discorso  sopra  la  sparizione  di  alcune  stelle 
ed  altre  novilà  scoperle  nel  cielo;  ibid.,  1672, 
in-4°;  —  La  Livella  diottrica;  ibid.,  1674, 
in-4°;  —  Fiamma  volante,  meteora  ;  ibid., 
1676,in-4°;  —  Manualetto  de'  bombisti,  ovvero 
ristretto  délia  avvertenze  piu  necessarie  per 
ben  maneggiare  i  mortari ;  2e  édit.,  Vérone, 
1684,  in-24  ; .—  L'Aslrologia convinta  di  falso ; 
Venise,  1685,  in-4°;  on  y  trouve  une  notice  des 
principaux  événements  de  la  vie  de  l'auteur  ;  — 
Miscellanea  italica  physico-mathematica; 
Bologne,  1692,  in-4°,  choix  de  quatre  disserta- 
tions qui  avaient  paru  isolément  ;  —  Le  Forze 
di  Eolo,  discorse  sopra  gli  effetti  del  vortice 
detto  neglistati  Venetila  Bisciabuova  ;  Parme, 
1694,  in-12;  —  Discorso  sopra  la  tromba  par- 
lante, aggiuntovi  un  trattato  posturno  del 
mare  Adriatico  e  sua  corrente  esaminata; 
Venise,  1715,  réimpr.  dans  la  collection  des 
Scrittori  dell'acque.  Montanari  a  laissé  beaucoup 
d'ouvrages  inédits,  entre  autres  L'ingegnero 
civile,  militare  e  d'acque,  des  traités  sur  la 
dioptrique,  la  mécanique,  la  trigonométrie,  la 
fortification,  etc.  P. 

Tiraboschi,  Biblioteca  Modenese.  —  Fabroni,  F'itse 
Italorum,  III. 

montanari  (Francesco),  peintre  italien, 
né  en  1750,  à  Lugo,  où  il  est  mort,  en  1786.  Il 
fréquenta  les  ateliers  de  Gandolfi  et  de  Cignaroli, 
parcourut  les  principales  villes  d'Italie,  et  se  re- 
tira dans  sa  ville  natale,  où  se  trouvent  la  plu- 
part de  ses  œuvres,  telles  que  La  Mort  de  Ra- 
cket, L'Enfant  prodigue,  une  Descente  de 
croix,  La  Confiance  d'Alexandre,  les  portraits 
de  Cignaroli  et  de  Raphaël  Mengs.  Un  de  ses 
meilleurs  tableaux  est  Le  Martyre  de  saint  Cré- 
pin  et  de  saint  Crépinien.  E.  B. 

Tipaldo,  Biogr.  degli  Italiani  illustri,  I. 
MONTANCLOS  (Marier Emilie  Mayon  de), 
femme  auteur  française,  née  en  1736,  à  Aix, 
morte  le  29  août  1812,  à  Paris.  Elle  appartenait 
à  une  famille  originaire  de  l'île  de ,  Sardaigne. 
Veuve  du  baron  de  Princen,  elle  épousa  en  se- 
condes noces  Charlemagne  Cuvelier-Grandin  de 
Montanclos,  qui  adonné  en  1786  une  traduction 
en  vers  de  La  Jérusalem  délivrée.  De  bonne 
heure  elle  cultiva  les  lettres,  qui  devinrent  pour 
elle,  quand  elle  eut  perdu  sa  fortune,  un  moyen 
d'existence  assez  précaire.  Depuis  1804  elle  n'eut 
d'autres  ressources  qu'une  petite  pension  sur  la 
cassette  impériale.  On  a  de  cette,  dame  :  Le 
Choix  des  fées  par  l'Amour  et  l'Hymen  ;  Paris, 
1782,  in-8°,  comédie  en  l'honneur  de  la  naissance 
du  dauphin;  —  Œuvres  diverses  (en.  vers  et 
en  prose);  Grenoble  et  Paris,  1791,  2  vol.  in-12; 


107  MOINTANCLOS 

—  Robert  le  bossu,  ou  les  trois  sœurs,  vau-  i 
deviile;  Paris,  1799,  in-8°;   —  Le  Fauteuil,  i 
comédie;  Paris,  1799,  in-8°;  —  La  bonne  Mai- 
tresse,  comédie;  Paris,  1803,  in-8°;  —  Alison  \ 
et   Silvain,   opéra   (en  prose);    Paris,    1803,  i 
in  8o.  Mme  de  Montanclos  a  dirigé  depuis  1774  i 
le  Journal  des  Dames,  qu'elle  céda  vers  1785  à 
Mercier;  on  trouve  d'elle  beaucoup  de  pièces 
fugitives  dans  ÏAlmanach  des  Muses.       K. 

Pi'udhomme,  Biogr.  des  Femmes  célèbres,  III. 

*  montanelli  (Joseph),  poète  italien,  né  en 

1813,  dans  une  petite  bourgade  de  la  Toscane, 
est  fils  d'un  organiste  de  village.  Tout  jeune,  il 
voulait  suivre  l'humble  carrière  de  son  père, 
mais  à  la  suite  d'études  sérieuses  il  résolut  de 
se  livrer  à  l'enseignement.  Ce  fut  après  la  révo- 
lution italienne  de  1839  qu'il  occupa  à  l'uni- 
versité de  Pise  la  place  de  professeur  de  droit 
commercial.  Dans  ses  mémoires  sur  l'Italie, 
M.  Montauelli  raconte  qu'entraîné  par  la  lec- 
ture des  œuvres  de  Volney  et  du  baron  d'Hol- 
bach,il  était  devenu  athée,  mais  qu'arrivé  à  l'âge 
de  trente-et-un  ans  ses  idées  s'étaient  modifiées, 
et  qu'il  s'était  proclamé  partisan  fougueux  du 
néo-catholicisme.  M.  Montanelli  fit  ses  premiers 
essais  littéraires  dans  un  petit  journal  ayant  pour 
titre  V 'Indicatore  P'tsano,  et  qui  avait  pour  spé- 
cialité d'indiquer  le  cours  des  halles.  Plus  tard  il 
publiait  dans  un  recueil  de  quelque  valeur  11  Su- 
balpino,  des  fragments  d'un  poème  dramatique 
qui  furent  le  sujet  de  La  Teniazione,  publié  :à 
Paris,  et  dont  Mœe  George  Sand  a  fait  un 
compte  rendu  détaillé  dansZa  Presse.  A  la  même 
époque  se  rattache  la  publication  d'un  recueil  de 
poésies  intitulé  Liriche.  Pendant  la  révolution 
italienne  de  1848  il  fonda  un  journal,  Vltalia, 
qui  ne  vécut  que  deux  mois.  M.  Montanelli,  en 
dévoué  patriote  ,  prit  une  part  active  aux  com- 
bats qui  se  livrèrent  à  cette  époque,  et  fut  même 
laissé  pour  mort  sur  le  champ  de  bataille  de  Cur- 
tatone.  Quelque  temps  après,  ne  renonçant  pas 
à  son  goût  pour  la  poésie,  il  vint  à  Paris,  où  il 
traduisit  une  tragédie  de  M.  Ernest  Legouvé, 
Médée,  qui  avait  été  refusée  par  mademoiselle 
Rachel  au  Théâtre-Français.  Mme  Ristori  obtint 
dans  cette  pièce  au  Théâtre- Italien  de  Paris  un 
,  de  ses  plus  grands  triomphes.  Entraîné  par  ce 
succès,  et  plein  de  reconnaissance  envers' Mme  Ris- 
tori ,  M.  Montanelli  écrivit  pour  cette  tragé- 
dienne une  nouvelle  pièce  intitulée  Camma.  On 
lui  fait  le  reproche,  peut-être  à  tort,  d'avoir  copié 
plusieurs  scènes  de  cette  dernière  tragédie  sur 
un  manuscrit  qui  lui  avait  été  confié  à  Venise. 
Quoiqu'il  en  soit,  Camma  eut  très-peu  de  succès. 
Lorsqu'éclata  la  guerre  d'Italie  de  1859,  M.  Mon- 
tanelli se  hâta  de  reprendre  dans  l'armée  de  l'in- 
dépendance la  place  qu'il  avait  si  courageusement 
remplie  en  1848,  et  il  s'engagea  comme  simple 
volontaire.  A.  Rabier. 

Rabelais,  Journal  bioaraphigue.    —    Al.  Dumas   [Le 
Monte  ChrUto). 

montani  (  Giuseppe  ),  peintre  de  l'école  bc- 


—  MONTANO  108 

lonaise,  né  à  Pesaro,  en  1641,  vivait  encore  en 
1678.  11  habita  longtemps  Venise,  où  il  se  fit  con- 
naître comme  habile  paysagiste.  De  retour  dans 
sa  patrie,  il  écrivit  une  histoire  des  peintres  de 
Pesaro  et  d'Urbin,  citée  par  Malvasia,  mais  dont 
le  manuscrit  est  perdu.  E.  B— n. 

Malvasia,  Felsina  pittrice. 

montani  (  Giovanni  Giuseppe),  théologien 
italien,  né  vers  16S5,  à  Pesaro,  mort  en  1760,  à 
Rome.  Issu  d'une  noble  famille,  il  fit  profession 
à  Rome  dans  la  Société  de  Jésus,  et  enseigna  la. 
théologie  morale  avec  tant  de  succès  que  l'on 
venait  le  consulter  de  toutes  parts.  Il  retoucha,  et 
corrigea  un  ouvrage  du  P.  Pelizzari,  y  fit  beau- 
coup d'additions,  qu'il  tira  en  grande  partie  des 
décrets  de  la  congrégation  sacrée  et  des  bulles 
de  Benoît  XIV,  et  le  publia  sous  le  titre  :  Trac- 
talus  de  Monialibus  (Rome,  1755,  in-4«- 
2«édit.,  Venise,  1761). 

Un  auteur  de  la  même  famille,  Montani 
(Francesco),  mort  en  1754,  fut  gentilhomme 
de  la  chambre  du  grand-duc  Cosme  111,  qu 
l'employa  dans  plusieurs  .affaires  importantes. 
On  a  de  lui  divers  écrits  pjeius  d'érudition,  mais 
qui  manquent  de  critique.  p. 

Richard  et  Giraud,  Bibliothèque  Sacrée. 

montani  (  G.-B.  ).  Voy.  Lombardelu. 

montanini  (Pietro),  peintre  de  l'école 
romaine,  né  àPérouse,  en  1626,  mort  en  1689. 
Élève  de  CiroFerri  et  deSalvator  Rosa,  il  imita 
les  paysages  de  ce  dernier  avec  assez  de  succès 
pour  qu'ils  fussent  fort  recherchés  en  France, 
surtout  lorsqu'il  n'y  avait  point  introduit  de 
figures.  Quant  à  ses  tableaux  d'histoire,  ils  sont 
au-dessous  du  médiocre.  Pérouse  possède  plu- 
sieurs de  ses  ouvrages,  tels  que  la  Fuite  en 
Egypte  et  la  Prédication  de  saint  Jean-Bap- 
tiste, conservés  au  palais1  Braceeschi.E.  B — n. 
Ticozzi,  Dizionario.  — ■  R.  Garabini,  Guida  di  Perugia, 

montano  (Jean-Baptiste) ,  célèbre  mé- 
decin italien,  né  à  Vérone,  en  1488,  mort  en 
1551,  à  Terrazo,  dans  les  environs  de  cette  ville. 
Après  avoir  suivi  à  Padoue  les  cours  de  Musurus 
et  de  Pomponace,  et  ensuite  étudié  la  médecine, 
il  enseigna  la  littérature  grecque  à  Naples,  et  fut 
nommé  en  1 539  professeur  de  médecine  à  Pa- 
doue, emploi  qu'il  exerça  pendant  onze  ans.  Il 
était  réputé  un  des  plus  habiles  médecins  de  son 
temps  ;  Charles  Quint  et  François  Ier  essayè- 
rent en  vain  de  l'attirer  à  leur  cour.  Il  avait 
pour  amis  le  cardinal  Hippolyte  de  Médicis,  Pon- 
tanus,  Sannazar  et  autres  hommes  distingués. 
On  a  de  lui  :  .Etii  Amideni  Libri  XVI  inter- 
prétai!;  Venise,  1534,  et  Bâle,  1538,  in-fol.;  on 
y  trouve  aussi  des  commentaires  de  Cornarius; 

—  De  Differentiis  Medicamentorum  ;  Wittem- 
berg,  1551,  in -8°;  —  In  nonum  Librum  Razis, 
ad  Almansorem  Ëxpositio  ;  Venise,  1554-,  et 
Bâle,  1562,  hi-8°;  — Lectiones  inprimum  Ca- 
nonem  Avicennas;  Venise,  1554-1556,  2  vol. 
in-8°;  —  De  Fecibus  et  Urinis;  Padoue,  15*4, 
et  Paris,  1555;  —  Explanationes  in   Galène 


I0i)  MONTANO  — 

artem  curandi;  Venise,  1554,  in-8°;  —  De\ 
Medicamentis  simplicibus  ;  Veniso,  1555, in-8"; 
—  ûpitscula  varki,  in  quibus  tota  ferc  medi- 
cina  cxplicatur;  Dâle,  1558  et  1565,  hv8°;  — I 
Comllia  Medica;  Nuremberg,  1559  et  1583, 
in-fol.;  —  Medicina  universn,  ex  lectiouihia 
scriptisque  Montant  collecta  a  M.  Weindri- 
chio;  Francfort',  1587,  in-fol.  ;  —  In  Libros 
Galcrri  De  Elementis,  natura  hamana,  alra 
bile,  temperamentis  et  facullalibus  natara- 
libns  periochx;  Hanovre,  1595,  in-8»;  —  De 
1  Morbo  Gallico;  Lyon,  1728,  in  fol.  O. 

Ghllini,  Theatro.  —  Papndopoli,  Gymnasium  Patavi- 
ntnn,  t^  I.  —  Maffel,  Ferons,  iltmtrata,  t.  II  ;  et  ZJe 
P'irh  illustribus  Feronensibns.—  Facciolati,  Fasti  Gym- 
nasii  Palavini,  pars  III.  —  Tiraboschl,  Storia  délia  let- 
ter.  ital. 

MOTTANO  (Leandro),  théologien  espagnol , 
né  à  Murcie,  vivait  dans  le  dix-septième  siècle. 
Il  est  aussi  connu  sous  le  nom  de  Léandre  de 
Murcie.  Moine  capucin,  il  fut  provincial  de  Cas- 
tille,  qualificateur  de  l'inquisition  et  prédicateur 
du  roi.  Nous  citerons  parmi  ses  nombreux  ou- 
vrages :  Quxstiones  regulares  y  régla  de  los 
menores; Madrid,  1045,  in-4°;  —  Quxstiones  se- 
lectx  morales;  ihid.,  1646,  in-fol.  ;  —  Commen- 
taria  in  Esther  ;ibu\.,  1647, in-fol.;  —  Expli- 
caciondeiasbulas  de  Innocencio  X;ibid.,  1650, 
in-4°;  —  Disquïsitiones  morales  in  primant 
S.  Thomx;  ibid.,  1663-1670, 2  vol.  in-fol.    P. 

N.  Antonio,  Bibl.  nova  Hispana.  —  Le  P.  Jean  de 
Saint-Antoine,  Bibl.  unit:  franciscana,  \l; 279. 

montansier  (Marguerite  Brunet,  dite 
M1!e  ),  directrice  et  fondatrice  de  théâtres,  née  à 
Bayonne,  en  1730,  morte  à  Paris,  le  13  juillet 
1820.  Née  d'une  familledé  marins.élle  fut  élevée 
aux' Ursulines de  Bordeaux;  mais  elle  partit  fort 
jeune  encore  avec  une  troupe  de  comédiens  qui 
allait  jouer  dans  les  colonies  ;  elle  y  resta  quel- 
ques années.  A  son  retour  en  France-,  elle  parut 
sur  tes  théâtres  de  province ,  et  débuta  aux 
Français  ;  mais  son  accent  méridional  l'empê- 
cha d'y  rester.  En  1775,  ayant  obtenu  par  la  pro- 
tection delà  retrre'le  privilège  exclusif  de  donner 
des  spectacles  et  des  bals  dans  Versailles, 
Jfflle  Montansier  fit  bâtir  la  salle  de  la  rue  des 
Réservoirs,  dontl'ouvertureeutlieuen  1777.  C'est 
de  ce  théàtrc-école  que  sortirent  un  grand  nombre 
d'acteurs  qui  ont  illustré  la  scène  française. 
Vers  cette  époque  mourut  M.  de  Saint-Conty, 
qui  avait  procuré  à'MHc  Montansier  la  direc- 
tion de  plusieurs  théâtres  pendant  la  résidence 
de  la  cour,  à  Fontainebleau,  à  Compiègne,  au 
Havre,  où  elle  fit  bâtir  une  salle  ;  à  Rouen,  Caen, 
Orléans,  Tours,  Angers,  où  elle  envoyait  ■  ses 
meilleurs  acteurs  de  Versailles.  Lorsqu'au  mois 
d'octobre  17891a  cour  quitta  Versailles.'Ml'e  Mon- 
tansier loua  au  Palais-Royal  la  salle  des  Templiers, 
dite  de  Beaujolais,  qu'elle  fit  agrandir  et  embeMir. 
En  1792 ,  craignant  pour  sa  vie,  elle  équipa,  à  ses 
frais,  une  compagnie  franche  de  quatre-vingts 
hommes  presque  tous  acteurs  et  commandés  >  par 
Neuvîlle;cettecompagnie,qu'oncrut  d'abord  n'être 


MONTANSIER  110 

qu'une  troupe  destinée  à  jouer  la  comédie  à  l'ar- 
mée de  Dumouriez,  resta  six  semaines  au  camp  de 
la  Lune,  et  ne  revint  que  quand  l'ennemi  eut  évacué 
le  territoire.  Elle  lit  bâtir  rue  de  la  Loi  (  aujour- 
d'hui Louvois),  en  l'ace  la  Bibliothèque  Ricbelieu, 
une  salle  magnifique  dont  l'ouverture  eut  lieu  le 
15août  1793 sous  letitre  de  Théâtre  national,  et 
prit  plus  tard  le  nom  de  Théâtre  des  Arts-  le  succès 
fut  très  grand  et  lui  attira  en  même  tempsheaucoup 
d'ennemis.  Déjà  au  mois  de  mars,  Duliern  avait 
présenté  à  la  Convention,  une  médaille  portant 
l'effigie  de  Louis  XVI  avec  cette  exergue  :  Mar- 
tyrisé le  21  janvier  1793.  Un  billet  lui  avait  dé- 
noncé Mlle  Montansier  comme  distributrice  de 
cet  emblème  royaliste.  Plus  tard,  le  24  brumaire 
an  n,  Chaumelte  dit  à  la  séance  du  conseil  gé- 
néral de  la  commune  :  «.Je  dénonce  la  citoyenne 
Moutansier  comme  ayant  fait  bâtir  la  salle  de 
spectacle,  rue  de  la  Loi,  pour  mettre  le  feu  à  la 
Bibliothèque  nationale;  l'argent  de  l'Angleterre 
a  beaucoup  contribué  à  la  construction  de  cet 
édifice,  et  la  ci-devant  reine  a  fourni  50,000  écus. 
Je  demande  donc  que  ce  spectacle  soit  fermé,  à 
cause  des  dangers  qui  pourraient  enrésulter  si  le 
feu  y  prenait.  »  Cette  proposition  fut  adoptée. 
Hébert  ajouta  :  «  Je  dénonce  personnellement 
la  demoiselle  Montansier;  j'ai  des  renseignements 
contre  elle,  et  il  m'a  été  offert  une  loge  à  son 
nouveau  théâtre  pour  m'engager  à  me  taire.  Je 
requiers  que  la  Montansier  soit  mise  en  état  d'ar- 
restation comme  suspecte.  «  (Adopté).  Chaumette, 
persistant,  dit  de  nouveau  :  «  Je  demande  en 
outre  que  les  acteurs,  actrices  et  directeurs  de 
tous  les. théâtres  de  Paris  passent  à  la  censure 
du  conseil.  -»  Ce  qui  fut  encore  adopté.  Aussi  le 
théâtre;  fut-il  immédiatement  fermé,  et  le  lende-: 
main  Mlle  Montansier  arrêtée,  bien  qu'elle  lût  en 
société  avec  Fabre  d'Églantine.  Elle  fut  enfermée 
à  la  petite  Force,  où  elle  resta  jusqu'à  la  chute  de 
Robespierre.  Pendant  sa  captivité  les  représenta- 
tions continuaient  au  théâtre  Beaujolais,  qui  prit  le 
titre  de  Théâtre  du  péristyle  dupalais  Égalité, 
et,  quelque  temps  après,  celui  de  Théâtre  de  la 
Montagne.  Quant  au  Théâtre  national,  il  rou- 
vrit peu  de  jours  après  sa  clôture,  mais  sous  une 
administration  nommée  par  la  Commune  et  qui 
ne  subsista  que  pendant  quelque  temps.  On  y 
transféra  en  1794  le  grand  opéra,  qui  y  resta  jus- 
qu'à la  mort  du  du  c  de  Berry.  Du  collège  du  Pies- 
sis  où  elle  fut  enfermée  en  sortant  de  la  petite 
Force,  M1|e  Montansier  adressa  à  la  Convention 
un  mémoire  qui»  fut  discuté  dans  les  séances  des 
24  et  25  frimaire  an  ni.  Elle  demandait  sept  mil- 
lions d'indemnité  pour  cette  expropriation.  Sur 
quoi  Bourdon  de  l'Oise  s'écria  :  «  Sept  millions 
pour  un  théâtre  !  on  aurait  à  ce  prix  une  escadre 
de  sept  vaisseaux.  »Ramel,  rapporteur,  réduisit, 
au  nom  du  comitédes'  finances,  les  prétentions  de 
la  postulante  à  200,000  fr.  Après  de  longs  ajour- 
nements, vint  en  1812  un  décret  daté  de  Moscou- 
qui  accordait  à'Mlle"  Montansier  une  indemnité 
de  300,000  fr.  A  l'époque  de  la  restauration  elle 


111 


M0NTANS1ER  —  MONTARROYO 


112 


renouvela  ses  réclamations,  fit  retentir  les  con- 
seils et  les  tribunaux  de  ses  plaintes.  En  1814, 
elle  adressa  à  la  chambre  des  députés  une  de- 
mande qui  fut  repoussée  par  l'ordre  du  jour. 
Sa  fortune  se  rétablit  un  peu  lorsqu'elle  s'associa 
au  théâtre  des  Variétés,  dont  la  salle  du  Palais- 
Royal  fut  le  berceau  et  qui  obtint  un  si  grand 
succès.  A.  Jadin. 

Armand  Rageneau  et  Audiffré,  annuaire  dramatique, 
XVIiectXVlue  année,  p.  38S-397.  —  Mahul,  Annuaire 
nécrologique,  1820. 

moktanus.  Voy.  Arias  Montanos,  et  Ber- 
ghe  {Robert  van  den). 

*  monta ran  (  Marie-Constance- Albertine 
de  Moisson  de  Vaux,  baronne  de  ),  femme  au- 
teur française,  née  à  Rouen,  vers  1795,  est  fille 
du  baron  de  Vaux  ,  ancien  colonel  d'état-major 
et  écuyer  de  la  reine  Hortense,  et  de  MUe  du  Per- 
rier-Dumouriez,  dame  du  palais  de  l'impératrice 
Joséphine.  Le  baron  de  Montaran,  son  mari, 
grand  bibliophile ,  qui  appartenait  à  une  des 
plus  anciennes  familles  de  France,  avait  été,  pen- 
dant dix  ans,  écuyer  de  l'empereur  Napoléon  1er. 
Mme  de  Montaran  a  passé  une  partie  de  son  en- 
fance auprès  de  l'impératrice  Joséphine  et  de  la 
reine  Hortense.  Le  goût  des  arts  se  développa 
chez  elle  de  très-bonne  heure,  et  elle  a  cultivé  avec 
un  succès  égal  la  peinture.la  musique  et  les  lettres. 
C'est  dans  un  voyage  que  fit  madame  de  Mon- 
taran en  Italie,  au  moment  où  elle  venait  de  perdre 
sa  mère,  que  sou  aptitude  pour  la  composition 
se  développa.  Elle  revint  d'Italie  rapportant  la 
description  des  lieux  qu'elle  avait  visités  et  les 
dessins  dans  lesquels  elle  en  avait  consigné  le 
souvenir.  Charles  Nodier  l'engagea  à  publier  ce 
voyage,  qui  parut  en  1837,  sous  le  titre  de  :  Na- 
ples  et-Venise  (  Paris,  in-8°  ),  avec  des  dessins 
de  Gudin  et  d'Isabey.  Elle  a  publié  depuis  : 
Moitié  et  Florence;  Paris,  1838,  in-s°;  —  Les 
Bords  du  Rhin;  Paris,  1838,  in-8°;  trad.  en 
anglais  et  en  allemand;  — Anselme,  nouvelles; 
Paris,  1840,  in-8°  ;  —  La  Marquise  de  Vi- 
uotttte;Paris,1842,3  vol. in-8°;  —  Mes Loisirs; 
Paris,  1846,  2  vol.  in-8°  ;•  _  La  Clef  des 
Champs ;in-8°;  —  Poésies;  Paris,  1855,  in-8°. 
Madame  de  Montaran  vient  d'assurer  au  musée 
de  Caen  la  possession  d'une  galerie  composée 
de  tableaux  dus  aux  pinceaux  de  maîtres  an- 
ciens et  modernes.  C.  H— u. 
Documents  particuliers. 

'  montargon  (  Robert- François  de)  ,  eu 
religion  le  P.  Hyacinthe  de  l'Assomption, 
prédicateur  et  théologien  français,  né  à  Paris, 
le  27  mai  1705,  noyé  à  Plombières,  dans  la  nuit 
du  24  au  25  juillet  1770.  Il  fit  ses  vœux  chez 
les  Augustins  de  la  rue  Notre-Dame  des  Vic- 
toires à  Paris  (  les  Petits  Pères  J,  et  se  fit  bientôt 
remarquer  par  son  talent  oratoire.  Il  devint 
prédicateur  de  Louis  XV  et  reçut  le  titre  d'aumô- 
nier de  Stanislas  Ier  (ex-roi  de  Pologne),  duc 
de  Lorraine  et  de  Bar.  Sa  vie  fut  consacrée  à 
son  ministère.  Atteint  de  paralysie,  il  alla,  en 
1770,   chercher  un  soulagement  aux  eaux  de 


Plombières,  ville  que  Stanislas  venait  d'em- 
bellir, ou  mieux,  de  rendre  habitable;  un  dé- 
bordement de  l'Angronne  ravagea  la  cité  re- 
naissante et  le  P.  de  Montargon  trouva  la  mort 
là  où  il  cherchait  la  guérison.  On  a  de  lui  : 
Dictionnaire  apostolique  à  l'usage  de  mes- 
sieurs les  curés  de  la  ville  et  de  la  campa- 
gne qui  se  destinent  à  la  chaire;  Paris,  1752- 
1758;  Paris,  13  vol.  in-8°  :  cet  ouvrage  est 
resté  le  vade  mecum  des  ecclésiastiques.  Il  a 
été  réimprimé  souvent  et  traduit  dans  diverses 
langues.  Les  6  premiers  volumes  traitent  de  la 
morale  ;  les  7e  et  8e  des  mystères  de  Jésus- 
Christ  ;  le  9e  de  la  Vierge  ;  le  1 0e  des  saints  ;  le  1  Ie 
des  homélies  du  carême;  le  12e  de  sujets  divers; 
le  13e  est  une  Table  générale  et  raisonnée  des 
sujets  traités  dans  les  douze  autres  volumes  ; 
—  Recueils  d'Éloquence  sainte;  in-12  ;  —  His- 
toire de  l'institution  de  la  fête  du  Saint-Sa- 
crement ;  1753,  in-12.  A.  L. 

Dictionnaire  portatif  des  prédicateurs.  —  Les  PP.  Ri- 
chard et  Giraud,  Biblioth.  Sacrée. 

montargue  (Pierre  de),  ingénieur  mili- 
taire prussien,  d'origine  française,  né  à  Uzès, 
en  1660,  mort  àMaëslricht,  en  1733.  Ses  parents 
étaient  protestants,  et  durent  fuir  leur  patrie 
après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes.  Ils  cher- 
chèrent un  refuge  en  Prusse.  Pierre  de  Mon- 
targue y  prit  du  service,  et  à  l'aide  -de  ses  con- 
naissances dans  le  dessin  et  la  topographie ,  il 
obtint  un  avancement  rapide.  Il  devint  major 
général  et  ingénieur  en  chef  des  armées  prus- 
siennes. Il  dirigea  plusieurs  expéditions  impor- 
tantes, entre  autres  le  siège  de  Stralsund.  On 
lui  doit  de  nombreux  plans  de  villes  fortifiées 
et  le  relevé  complet  de  la  Baltique  et  des  pays 
qui  l'encadrent.  A.  L. 

Dict.  Hist.  (  1822,). 

montarroïo  (  Jozé  Freire  de  ),  littéra- 
teur portugais,  né  en  1670,  à  Lisbonne,  où  il  est 
mort  en  1730.  Il  appartenait  à  la  famille  noble 
de  Mascarenhas.  Après  avoir  voyagé  dans  pres- 
que toute  l'Europe,  il  servit  en  qualité  de  capi- 
taine depuis  1704  jusqu'en  1710,  et  quitta  à 
cette  époque  le  métier  de  la  guerre  pour  se  li- 
vrer à  l'étude.  Ce  fut,  lui  qui,  dit-on,  introduisit 
le  premier  en  Portugal  l'usage  des  gazettes.  Il 
était  membre  de  plusieurs  académies  de  son 
pays.  Il  a  laissé  un  grand  nombre  d'ouvrages, 
parmi  lesquels  nous  citerons  :  Négociations  de 
la  paix  de  Riswyck  ;  La  Haye,  1677,  2  vol. 
in-8°  :  cet  ouvrage  parut  l'année  suivante  à 
La  Haye, en  portugais;  —  Auréola  dos  In- 
dios  ;  Lisbonne,  1702,  in-fol.  ;  —  Historia  an- 
nual  do  mundo  das  gazetas  de  Lisboa;  ibid., 
1714-1758,  recueil  annuel  ;  —  Relaçao  dos  pro- 
gressas das  armas  portuguezas  na  India  ; 
ibid.,  1715-i716,  3  vol.  in-4°;—  Relaçaô  da 
morte  de  Luiz  XIV;  ibid.,  1715,  in-4°;  —  Os 
Orizes  conquislados;  ibid.,  1716,  in-4°;  — 
Appariçoes  e  successos  espantozos;  ibid., 
171-6,  in-4c  ; —  0  novo  Nabuco;  ibid.,  1717, 


113  MONTARROYO 

in-4°;  —   Oran    conquistado   e  defendido; 
ibid.,  1733,  in-4°.  Il  a  laissé  de  nombreux  ma- 
nuscrits, notamment  Genealogias  das  familias 
\ie  Portugal  (  24  vol.  in-fol.  ),  Quinla  essen- 
j :ia  da  historia  da  Europa(8  vol.  in-4°), etc. P. 
I     Summario  da  biblioth.  Lusitana,  II. 

montauban  (Jean,  sire  de),  amiral  de 
[France,  né  vers  1412,  mort  en  mai  1466,  àTours. 
[il  descendait  d'une  noble  famille  de  Bretagne, 
| connue  depuis  le  douzième  siècle;  son  père, 
1  Guillaume,  avait  été  chancelier  de  la  reine  Isa- 
pelle  de  Bavière.  .Chambellan  et  conseiller  du 
I  roi  Charles  VII,  il  était  maréchal  de  Bretagne 

I  l'époque  du  procès  intenté  par  le  duc  Pierre  II 
»  son  frère  Gilles,  et  fut  chargé  de  la  garde  de  ce 
lernier,  qu'il  traita  avec  beaucoup  de  douceur. 

II  aida  le  roi  à  reprendre  la  Normandie  aux  An- 
glais et  se  trouva  à  la  prise  de  Caen  et  de  Cher- 
bourg. Nommé  bailli  du  Cotentin  en  récompense 
le  ses  services  (1450),  il  conduisit  en  1453  une 
irmée  bretonne  en  Guienne,  fit  des  prodiges  de 
valeur  au  combat  de  Castillon,  où  Talbot  et  son 
fils  furent  tués,  et  soumit  toute  la  province  à 

[  l'autorité  royale.  Dès  son  avènement  au  trône 
I  Louis  XI  créa  le  sire  de  Montauban  grand  maître 
des  eaux  et  forêts  (1461),  puis  amiral  de  France 
i  à  la  place  du  comte  de  Sancerre.  En  1464  il 
assista  à  la  ratification  du  traité  de  paix  conclu 
à  .Milan  entre  le  duc  et  le  roi.  La  descendance 
directe  de  sa  famille  s'éteignit  avec  lui. 

Son  frère  Artus,  bailli  du  Cotentin,  contribua 
beaucoup  à  la  mort  violente  du  prince  Gilles 
de  Bretagne,  se  fit  moine  célestin  en  1450,  fut 
élu  archevêque  de  Bordeaux  et  mourut  en 
1468.  K. 

Moréri,  Grand  Dict.  Hist.  —  Anselme,  Grands-Officiers 
de  la  Couronne. 

montauban  (  Philippe  de  ),  chancelier  de 
Bretagne,  mort  en  1518.  D'une  autre  branche 
que  4e  précédent,  il  fut  capitaine  de  Rennes,  et 
succéda  en  1485  a  La  Villéon  dans  la  charge  de 
chancelier  de  Bretagne.  Après  la  mort  du  duc 
François  II  (1488),  il  fit  partie  du  conseil  de 
régence,  et  exerça  un  grand  empire  sur  l'esprit 
de;la  jeune  duchesse  Anne;  non-seulement  il 
ruina  les  projets  du  maréchal  de  Rieux,  qui  vou- 
lait lui  faire  épouser  d'Albret,  mais  il  contribua 
de  tous  ses  efforts  à  la  conclusion  de  son  ma- 
riage avec  Charles  VIII.  A  peine  ce  grand  acte 
politique  eut-il  été  consommé  (1491)  qu'un  des 
premiers  il  en  ressentit  les  effets  :  loin  d'obte- 
nir la  dignité  de  chancelier  de  France  ainsi  qu'il 
en  avait  la  promesse  du  roi,  il  perdit  la  chancel- 
lerie de  Bretagne,  abolie  par  lettres  patentes  de 
1494,  et  fut  obligé  de  se  contenter  de  l'emploi 
de  chef  d'une  chambre  de  justice  .formée  de 
quatre  maîtres  des  requêtes.  On  lui  laissa  pour- 
tant jusqu'à  sa  mort  le  titre  et  les  gages  de  la 
charge  qu'il  avait  si  fidèlement  remplie.    K. 

Dom  Lobineau,  Hist.  de  Bretagne. 

montauban  (Jacques  Pousset  de),  poëte 
français,  né  vers  1620,  mort  le  16  janvier  1685, 


—  MONTAUBAN 


114 


à  Paris.  D'abord  avocat  au  parlement  de  Paris, 
il  s'acquit  de  la  réputation  au  barreau,  et  fut 
nommé  échevin  en  1673.  Né  avec  de  l'esprit 
et  du  goût,  il  fréquenta  les  beaux  esprits  du 
temps;  son  commerce  avec  Racine,  Despréaux, 
Chapelle,  etc.,  le  mit  de  part  dans  la  comédie  des 
Plaideurs,  qui  fut  composée  par  cette  société. 
Il  écrivit  seul  avec  plus  de  constance  que  de  bon- 
heur plusieurs  tragédies,  où  le  talent  fait  abso- 
lument défaut.  Selon  les  frères  Parfaict,  «  sa  versi- 
fication est  assez  correcte,  mais  vide  de  pen- 
sées, et  ses  ouvrages  réguliers,  en  ce  qui  regarde 
l'unité  du  jour  et  du  lieu,  ne  pourraient  être  mis 
qu'au-dessous  de  ceux  de  Rotrou,  de  Scudery, 
de  Du  Ryer  et  autres  poètes  qui  l'ont  précédé.  » 
Quant  à  ses  plans  et  à  ses  personnages,  ils  sont 
tous  manques  et  la  plupart  rendus  d'une  façon 
ridicule.  Voici  les  titres  de  ses  pièces  :  Zénobie, 
reine  d' Arménie  (jouée  en  1650);  Paris,  1653, 
in-12;  —  Les  Charmes  de  Félicie,  pastorale 
(1651);  Paris,  1654,  in-12  :  tirée  de  la  Diana  de 
Montemayor;  —  Seleucus  (1652)  ;  Paris,  1654, 
in-12;  —  Le  Comte  d'Hollande  (1653);  Paris, 
1654,  in-12;  —  Indegonde  (1653);  Paris,  1654, 
in-12. 11  est  encore  l'auteur  d'une  comédie,  Pa- 
nurge,  jouée  en  1674  et  non  imprimée,  et  de 
plaidoyers  insérés  dans  le  Cabinet  des  Curieux. 

P.  L. 
Le  Mercure  français,  1683.  —  Parfaict,  Hist.  du  Théâtre 
français,  VU.  ' 

montauban  (***),  fameux  capitaine  des 
flibustiers  ;  le  lieu  et  la  date  exacts  de  sa  nais- 
sance sont  inconnus,  mais  tout  porte  à  croire 
que ,  comme  la  plupart  de  ses  confrères ,  il  avait 
pris  pour  nom  celui  de  sa  ville  natale.  Il  semble 
né  vers  1650,  et  mourut  à  Bordeaux  en  1700. 
Les  événements  qui  le  décidèrent  à  se  joindre 
aux  Frères  de  la  Côte  (1),  restent  ignorés.  On 
le  voit  apparaître  déjà  comme  chef  en  1680,  et 
durant  vingt  années  il  fut  la  terreur  des  Espa- 
gnols en  Afrique  et  en  Amérique.  Il  courut  sur- 
tout ,  rapporte  A.-O.  Œmelin ,  les  côtes  de  la 
Nouvelle-Espagne,  de  Carthagène,  du  Mexique, 
de  la  Floride,  delà  Nouvelle- York,  de  la  Guinée, 
les  îles  Canaries  et  celles  du  cap  Verd.  Habile 
marin,  brave  jusqu'à  la  témérité  et  assez  ins- 
truit, on  comprend  qu'il  ait  exercé  facilement 
une  grande  influence  sur  ses  terribles  compa- 
gnons. Si  ses  hauts  faits  n'effacent  pas  ceux  de 
Montbars,  de  Grammont,  de  Morgan,  et  autres 
chefs  d'aventuriers,'  ils  les  égalent.  Sa  haine 
pour  les  Espagnols  était  la  même,  et,  de  plus, 
Montauban  détestait  les  Anglais  ;  aussi  ses  équi- 
pages étaient  exclusivement  composés  de  Fran- 
çais. Nous  ne  citerons  que  les  principaux  faits 
de  ses  croisières.  La  campagne  qu'il  fit  en  1691 
fut  mémorable  par  le  ravage  des  côtes  de  Guinée  : 
avec  moins  de  cent-vingt  hommes  et  un  navire 
du  plus  bas  tonnage,  il  osa  entrer  dans  le  Rio  de 
Sierra-Leone,  mit  à  contribution  cette  ville  por- 

(i)  Nom  que  se  donnaient  les  flibustiers  et  les  bouca- 
niers des  Antilles. 


t!5 


MONTAUBAN  —  MONTAUSIER 


lii 


tugaise  après  en  avoir  pris  et  fait  sauter  !a  for- 
teresse, défendue  par  vingt-quatre  canons.  En 
1694,  à  la  hauteur  des  Befmufies,  il  enleva  l'es- 
corte et  deux  bâtiments  marchands  d'un  convoi 
qui  des  Bermudes  se  rendait  en  Angleterre.  Comme 
il  ramenait  ses  prises  en  France,  il  prit  eu  route 
un  navire  anglais  de  seize  canons,  qu'il  vendit  à 
La  Rochelle  (3septembre  1694).  En  février  1695, 
il  reprit  la  mer  sur  Le  Loup,  corvette  de  trente- 
quatre  canons,  et  s'empara  dans  les  îles  du 
cap  Vert  de  quatre  bâtiments  anglais,  qu'il  se 
borna  à  rançonner.  Il  rencontra  ensuite,  par 
le  travers  du  cap  des  Trois-Pointes  sur  la  Côte-d'Or 
(  Guinée  septentrionale  ),  trois  navires  de  guerre 
hollandais,  dont  une  frégate  de  trente-quatre; 
il  les  combattit  tout  le  jour,  et  les  força  de  cher- 
cher un  refuge  sous  les  batteries  du  comptoir  de 
Bassam.  Au  cap  S.  Juan,  sur  la  côte  du  Poivre, 
il  prit  un  bâtiment  négrier  anglais  armé  de  vingt 
pièces,  et  chargé  de  dents  d'éléphants,  de  cire  et 
de  trois  cent  cinquante  nègres.  Pendant  le  combat 
le  capitaine  anglais  eut  la  cruauté  de  faire  égorger 
une  partie  de  sa  cargaison  humaine,  afin  qu'elle 
ne  tombât  pas  aux  mains  des  Français  ;  Montauban 
rendit  la  liberté  aux  nègres  survivants  ,  et  crut 
faire  un  acte  de  justice  en  faisant  pendre  à  une 
vergue  le  capitaine  anglais  et  quatre  hommes  de 
son  équipage.  Il  envoya  sa  prise  à  Saint-Do- 
mingue, mais  elle  fut  enlevée  au  Petit  Goave,  et 
les  quelquesmatelots  qui  la  conduisaient  subirent 
i  le  dernier  supplice,  en  représailles  de  la  pendaison 
du  négrier  anglais.  Montauban  jura  de  venger 
leur  mort.  En  attendant,  en  vue  de  l'île  des 
Princes  (  golfe  de  Biatra  ),. il  prit  un  câpre  bran- 
debourgeois  qui  faisait  la  course  sur  tous  les 
petits  navires  sans  distinction  de  pavillon.  On 
voit  que  Montauban  faisait  une  espèce  de  poliee 
maritime.  Il  alla  ensuite  croiser  sur  les  côtes 
d'Angola.  Le  22  septembre  1695,  il  découvrit 
un  pavillon  anglais  portant  cinquante-deux  pièces 
en  batterie.  Loin  d'éviter  un  si  redoutable  ad- 
versaire, il  fit  masquer  ses  sabords,  et  comme  son 
ennemi  avait  le  vent,  il  le  laissa  arriver,.suppor- 
tant  sa  canonnade  sans  riposter;  le  combat  s'ouvrit 
.  seulement  lorsque  l'arrière  de  l'anglais,  dont  les 
grappins  avaient  été  habilement  évités,  vint  s'a- 
battre sous  le  beaupré  de  Montauban.  Les  flibus- 
tiers s'élancèrent  alors  sur  son  feuillard  la  hacheà 
la  main  et  firent  un  tel  carnage  que  le  capitaine  an- 
glais, s'apercevant  que  déjà  ses  gens  demandaient 
quartier,  mit  le  feu  à  ses. poudres  et  que  les  deux 
navires  sautèrent,  ensemble.  Mautau ban  était  sur 
son  pont  où  il  donnait  des  ordres,  au  moment  de 
l'explosion  et  fut  lancé,  s'il  faut  l'en  croire,  à 
plus  de  deux  cents  toises.  Quoique  fort,  étourdi, 
l'instinct  de  la  conservation  lui  fit  saisir  une 
épave  ;  il  surnagea.  Parmi  des  corps  mutilés,  des 
membres  flottants,  une  mer  sanglante  .et  en- 
tlammée,  il  reconnut  quelques-uns  des  siens  qui 
nageaient  encore.  11  les  encouragea,  ranima  leur 
courage,  et  au  nombre  de  quinze  ou  seize,  ils 
gagnèrent  une  chaloupe  et  ^n  canot  qui  flottaient 


au  hasard.  Ils  en  réparèrent  les  avaries  ave< 
leurs  vêtements  et  se  fièrent  au  vent.  Monîaubai 
avait  tout  un  côté  de  la  tête  brûlé  vt  était  corn 
plétement  sourd.  Après  trois  jours  de  douleurs 
et  non  sans  avoir  jeté  à  la  mer  plusieurs  de  leur 
camarades  morts,  les  naufragés  atterrirent  au  ca|i 
Corse.  Ils  y  furent  recueillis  par  des  nègres  chré 
tiens,  auxquels  précisément  Montauban  avai 
rendu  la  liberté.  Il  implora  leur  .protection  ;  mai 
ses  brûlures  le  faisaient  méconnaissable,  et  déj; 
le  prince  Thomé  parlait  de  le  faire  décapite: 
comme  imposteur,  lorsqu'il  put  se  faire  recon 
naître  à  une  blessure  reçue  à  la  cuisse  dans  l 
combat  contre  le  capitaine  négrier  anglais  qu'i 
avait  fait  pendre.  Montauban  fut  alors  le  bienveni 
et  tint  même  sur  les  fonts  baptismaux  un  des  fil: 
du  prince  nègre  :  il  lui  donna  le  nom  de  Louv. 
le  Grand.  Il  s'embarqua  ensuite,  avec  ses  gens,ai 
cap  Lopez  sur  un  bâtiment  portugais  qui  les  dé 
posa  à San-Thomé,  «d'où ils  s'embarquèrent  pou 
la  Barbade  sur  un  vaisseau  anglais  dont  le  ca 
pitaine  lui  parut  si  sincère,  que  Montauban  cru 
qu'il  étoit  de  son  honneur  d'accepter  les  offre: 
qu'il  lui  faisoit;  mais  à  son  arrivée  l'amiral  Russe 
retint  tous  les  flibustiers  prisonniers  »  ;  cepen- 
dant dans  la  suite  il  rendit  la  liberté  à  Montaubai 
et  à  deux  de  ses  compagnons.  Montauban  s'étai  > 
assuré  quelque  fortune  :  il  mourut  dans  l'ai 
sance.  On  a  publié  une  partie  de  ses  mémoire! 
sons  le  titre  de  Relation  du  voyage  du  sïeui 
de  MontaubaÛd,  capitaine  des  flibustiers 
en  Guinée  en  1695.  Rien  ne  prouve  que  cett< 
relation ,  qui  se  trouve  aussi  à  la  suite  de  la  tra- 
duction de  Las  Casas,  Tyrannies  et  Cruautéi 
des  Espagnols,  Amsterdam,  1698,  in- 12,  soi! 
authentique.  A.  de  Lacaze. 

OEmelin ,  Histoire  des  aventuriers  flibustiers  (  Lyon 
177*,  3  vol.  in-12  ),  ch.  xr,  p.  245 -260. 

montausieb  (  Charles  be  Sainte-Maure, 
marquis,, puis  duc  de  ),  gouverneur  du  grand 
dauphin,  né  le  6  octobre  1610,  mort  le  17  mai 
1690,  à  Paris.  D'une  très-ancienne  famille  de 
Touraine,  il  porta  jusqu'à  la  mort  de  son  frère 
aîné  le  titre  et  le  nom  de  marquis  de  Salles.  Sa 
mère,  Marguerite  de  Chateaubriand,  restée  veuve 
à  vingt- cinq  ans,  se  retira  dans  l'Angoumois 
et  veilla  avec  sollicitude  sur  son  éducation.  Les 
deux  enfants,  unis  par  une  amitié  tendre  et 
profonde,  formaient  entre  eux  un  frappant  con- 
traste :  tandis  que  l'aîné  se  montrait  docile, 
affable  et  studieux,  le  cadet  était  d'un  caractère 
entier,  rude  et  sauvage;  aucun  maître  ne  put 
rien  tirer  de  lui ,  et  sa  mère  seule  put  lui  ap- 
prendre à  lire.  On  le  vit  de  bonne  heure  se  I 
rompre  à  la  fatigue,  braver  les  intempéries  de 
l'air,  se  contenter  d'une  nourriture  grossière,  et 
pratiquer  avec  adresse  les  exercices  violents.  A 
l'Académie  protestante  de  Sedan,  où  il  passa 
quelques  années,  il  fit  peu  de  progrès  dans  les 
lettres ,  mais  il  se  signala  par  une  gravité  pré- 
coce, par  une  attention  scrupuleuse  à  remplir 
ses  devoirs,  et  surtout  par  une  sincérité  qui  seir- 


V7 


MONTAUSIER 


118 


filait  innée  chez  lui.  Très-attaché  à  la  foi  protes- 
tait', dans  laquelle  il  avait  été  élevé,  son  zèle  ne 
it  que  s'accroître  sous  l'influence  des  leçons  de 
»ierre  du  Moulin  ;  «  dans  un  âge,  dit  Fléchier, 
ù  l'on  ne  sait  pas  encore  sa  religion ,  il  défen- 
dait déjà  la  sienne.  »  Il  vint  ensuite  à  Paris. 
Livré  à  lui-même,  il  prit  le  goût  des  historiens 
jt  des  poètes,  consacra  à  lire  et  à  rimer  tout  le 
3mps  qu'il  ne  donnait  pas  aux  armes,  et  fré- 
uentaavec  quelques  auteurs ,  tels  que  Scudery, 
'lonrartet  Chapelain; ce  dernier  resta  son  ami. 
l  vingt  ans,  il  rejoignit  en  Italie  son  frère  Hector 
l630),et  participa  à  l'héroïque  défense  de  Casai. 
le  fût  dans  l'hiver  de  1631  qu'il  parut  pour  la 
l|  Manière  l'ois  à  llhôtel  de  Rambouillet  (  voy.  l'ar- 
ide suivant);  il  y  retourna  d'abord  rarement, 
t  l'admiration  que  lui  inspira  Vin  comparable 
ulie  le  laissa  tout  à  fait  libre  de  former  à  la 
our  de  Nancy  plusieurs  liaisons  galantes.  En 
635  le  marquis  de  Salles  était  passé  en  Lor- 
iue,  où  son  oncle,  M.  de  Brassac,  avait  un 
mmandement  ;  il  y  gagna  le  brevet  de  capi- 
ine.  Bientôt  las  de  la  guerre  civile,  il  alla  en 
634  se  ranger  sous  les  drapeaux  du  duc  de 
Veimar,  et  assista  à  la  bataille  de.Nordlingen. 
Devenu  pai  la  mortde  son  frère  (1)  marquis  de 
Jontausier ,  il  fit  en  qualité  de  colonel  les  cam- 
>agnes  suivantes  sur  le  Rhin  ;  pendant  le  siège 
Le  Brisach,  qui  dura  huit  mois,  il  rendit  de  grands 
ervices,  et  repoussa  avec  tant  d'impétuosité 
es  troupes  de  Lamboy  au  delà  du  fleuve  qu'il 
lécida ,  par  ce  dernier  combat,  de  la  capitula- 
ion  de  la  ville.  Sur  la  demande  du  duc  Bernard, 
i>n  le  nomma  maréchal  de  camp  (décembre 
<  638),  et  on  ajouta  à  cette  faveur  le  gouverne- 
nent  de  la  haute  Alsace,  pays  récemment  con- 
|uis  et  qu'il  sut  maintenir  en  paix.  En  1640,  il 
éprit  les  armes,  et  devint  en  Allemagne  le  lieu- 
euant  du  comte  de  Guébriant,  qui  avait  conçu 
;x>ur  lui  beaucoup  d'estime;  à, peine  ce  dernier 
ttait-il  mort,  que  surpris  à  Duttïingeh  par  les  Im- 
périaux, Montausier  fut  fait  prisonnier  avec- 
Àanlzau  et  la  majeure  partie  de  l'armée  (24  no- 
vembre 1643)  et  emmené  à  Schweinfurt.  Au 
jout  de  dix  mois  d'une  captivité  assez  dure,  il 
jaya  sa  rançon,  fixée  à  dix  mille  écus,  et  ra- 
;iieta  en  même  temps  la  liberté  de  plusieurs  of- 
icieis  pauvres.  Rentré  en  France,  il  fut  accueilli 
ivec  distinction  à  la  cour  et  élevé  peu  de  temps 
iprès  au  grade  .de  lieutenant  général  (1645).  Re- 
venant alors  à  la  grande  affaire  de  sa  vie,  son 
nariage  avec  Mlle  d'Angennes,  et  désirant 
uplanir  le  dernier  obstacle  qui  en  retardait  Ja 
conclusion,  il  abjura.. le.  calvinisme  (2).  Dans 

(1)  Né  en  1607,  Hector  fut  frappé  (Tune  pierre  à  la  tète  lors 
le  la  prise  de  Borroio,  et  mourut  quinze  jours  après,  le 
iOjuillet  1635,  Il  avait  été  fait  colonel  à  cause  du  brillant 
îourage  qu'il  avait  montré  à  Casai.  Avant  de  partir  avec 
e  duc  de  Rouan  pour  la  Valteline,  il  dit.  à  M11»  de  Ram- 
bouillet qu'il  y  s.rait  tué  et  que  son  frèretl  plus  lieureux 
lue  lui,  l'épouserait.  Son  nom  se  retrouve  fréquemment 
lans  les  écrits  de  Chapelain  et  de  Voiture. 

(î|  D'après  Talleœajat,  zélé  huguenot,  il  le  ût  d'une  fa- 


cette même  année  il  traita  pour  deux  cent  mille 
livres  des  gouvernements  de  Saintonge  et  d'An- 
goumois,  et  obtint  enfin  la  main  de  Julie. 

Après  avoir  fait  en  volontaire  sous  les  ordres 
de  Condé  lacampagne  de  1646,  pendant  laquelle 
il  assista  aux  sièges  si  meurtriers  de  Mardick  et 
de  Dunkerque,  Montausier  se  rendit  à  Angou- 
lême,  où  sa  présence  était  devenue  nécessaire  à 
cause  des  troubles  qui  venaient  d'éclater.  La 
plupart  de  ses  amis  avaient  pris  parti  pour 
la  Fronde;  lui-même  avait  de  trop  justes 
griefs  contre  le  cardinal  de  Mazarin ,  qui  s'était 
habitué  à  ne  plus  compter  qu'avec  les  gens  qui 
savaient  se  faire  craindre  :  deux  fois  il  avait 
éprouvé  la  justice  du  ministre  et  s'était  vu  ôter, 
en  faveur  de  d'Harcourt  et  deTurenne,le  gouver- 
nement de  l'Alsace  et  le  commandement  d'un 
corps  de  troupes.  N'écoutant  que  la  voix  du  de- 
voir, il  resta  fidèle  au  roi,  et  trouva  le  prix 
de  sa  fidélité  dans  sa  fidélité  même.  Il  maintint 
d'abord  dans  l'obéissance  les  provinces  qui  lui 
avaient  été  confiées;  la  guerre  civile  s'étant 
rallumée  dans  le  midi  (1652),  il  agit  de  concert 
avec  d'Harcourt,  dégagea  Cognac  et  entra  dans 
La'Rochelle.  Seul,  il  reprit  Saintes  (1)  et  Taille- 
bourg,  encore  occupés  par  les  rebelles,  força  les 
Espagnols  à  évacuer  Talmont,  et  au  combat  de 
Montançais(17  juin  1652),  reçut  des  blessures  si 
graves  qu'elles  donnèrent  des  craintes  pour  sa 
vie.  Lorsqu'en  1653  la  paix  lui  permit  de  revenir 
à  Paris,  il  se  dédommagea  de  l'oubli  du  cardi- 
nal (2)  dans  la  commerce  des  beaux-esprits  (3). 
Après  le  mariage  de  Louis  XIV,  Montausier, 
qui  avait  reçu  de  ce  prince  un  accueil  des  plus 
affables  lors  de  son  passage  à  Angoulême,  se 
montra  fort  assidu  à  la  cour  .  (4).   Admis  au 

çon  qui  sentait  bien  l'intérêt.  Pourtant  il  ne  se  rendit  pas 
avant  d'avoir  combattu,  et  le  cordelier  Kaure,  prédica- 
teur de  la  reine  et  un  des  fameux  théologiens  du  temps, 
ne  le  convertit  pas  sans  quelque  peine.  Puis  l'amour  aida 
un  peu  à  la  grâce,  a  Le  cœur,  a  dit  Pascal,  a  ses  raisons 
que  la  raison  ne  connaît  pas.  »  Sa  mère  persévéra  da-ns 
la  communion  réformée. 

(1)  U  préserva  cette  ville  du  pillage  en  faisant  aux  sol- 
dats d'énormes  sacrifices  pécuniaires,  «  exemple  magna- 
nime, dit  M.  Roux,  qui  ne  fut  imité  de  personne  dans 
cette  triste  guerre  ». 

(2)  «  Pour  peu  qu'il  eût.  voulu  donner  de  soupçons  au 
cardinal  quand  M.  le  Prince  était  en  Xaintonge,le  cardinal 
l'eût  fait  tout  ce  qu'il  eût  voulu  être;  mais  il  ne  voulut 
point  escroquer  le  bâton  de  maréchal  de  France  ;  aussi 
ne  l'a-t-il  pu  avoir  quand  il  l'a  demandé.  >>  (Tallemjnt). 

{StM  prisait  Balzac  et  admettait  Ménage  à  sa  table; 
Jamais  il  n'avait  pu  soufIiirVoiture.il  allait  fort  sou-- 
vent  aux  samedis  de  Mue  de  Scudèry,  et  il  prenait  parf  „ 
.chez  Mm"  de  Grignan  ,  sa  belle-sœur,  aux  discussions  des 
^précieuses,  .qui  lui  avalent  donné  le  nom  de  Menalidiis'. 
Celait  Chapelain  qu'il  préférait:  A  son  goût,  assez  mé- 
chant du  reste,  La  PuceÙe  était  un  chef-d'œuvre,  et  La 
Mesnardière, , qui  l'avait  critiquée,  méritait  la  bastonnade. 
Il  le  lui  avait  dit  à. lui-même.  On  voit  dans  la  correspon- 
dance de  Balzac  que,  non  content  d'assister  les  poètes,  il 
travaillait  alors  jour  et  nuit  à  différents  ouvrages,  entre 
autres  à  une  traduction  de  Perse  en  vers  français-  C'est 
aussi  à  cette  époque  de  sa  vie  que  se  rapportent  ses 
amours  avec  Pelloquln,  jolie  suivante  de  sa  femme,, 
qui  n'osait  la  chasser  de  chez  elle. 

(4)  Il  y  parut-  austère,  simple,  franc  jusqu'à  la  ru- 
desse ;  mais  ce  libre  langage  devait  être  un  attrait  de 


119  MONTAUSIER  12 

nombre  des  chevaliers  du  Saint-Esprit  (1662),  il  t  bliait  jusqu'à  le  corriger  à  coups  de  poing  (1 


fut  pourvu  du  gouvernement  de  Normandie  à  la 
mort  du  duc  de  Longueviile  (  mai  1663).  En  1664 
il  alla  à  la  rencontre  des  cardinaux, Chigi  et  Impe- 
riali,  légats  du  pape,  chargés  de  réparer  l'injure 
faite  à  l'ambassadeur  de  France  à  Rome,  et  les 
amena  à  Fontainebleau.  Quelques  jours  après  le 
roi  lui  accorda  des  lettres  de  duc  et  pair  (juillet 
1664).  Il  venait,  malgré  son  âge,  de  prendre 
part  à  la  première  conquête  de  la  Franche- 
Comté,  lorsque  apprenant  que  la  peste  faisait  à 
Rouen  d'affreux  ravages,  il  se  rendit  dans  celte 
ville,  établit  le  bon  ordre,  rassura  les  esprits  et 
distribua  de  larges  aumônes;  les  exemples  de 
courage  et  de  charité  qu'il  donnait  publique- 
ment produisirent  les  plus  salutaires  effets 
(1668).  Cet  acte  de  dévouement  mit  le  comble 
à  l'estime  que  le  roi  avait  conçue  pour  lui  :  de 
son  propre  mouvement  il  le  choisit  pour  gou- 
verneur du  dauphin. 

Le  choix  du  roi  obtint  l'approbation  géné- 
rale. Montausier  ne  s'y  soumit  pas  sans  une  ap- 
préhension extrême.  Prenant  au  sérieux  les  de- 
voirs de  sa  charge,  «  il  fut  inséparable  du  dau- 
phin et  le  suivait  en  tous  ses  mouvements  pour 
étudier  son  caractère  et  connaître  ses  inclina- 
tions ;  il  couchait  dans  la  chambre  du  prince,  et 
c'est  un  devoir  dont  il  ne  se  dispensa  jamais 
que  pour  les  raisons  les  plus  fortes  ;  il  assis- 
tait à  son  lever  et  à  ses  prières ,  il  le  suivait 
à  la  messe  ;  pendant  l'étude  il  redevenait  éco- 
lier avec  son  disciple;  il  ne  le  quittait  pas  plus 
dans  les  temps  destinés  au  divertissement  et  au 
jeu ,  parce  qu'il  n'ignorait  pas  que  c'est  alors 
que  les  enfants  moins  retenus  montrent  ordinai- 
rement ce  qu'ils  sont.  »  (Petit).  Par  trop  d'exac- 
titude et  de  zèle  Montausier  dépassa  le  but  qu'il 
désirait  atteindre;  cette  discipline  rigoureuse 
rebuta  complètement  un  enfant  né  doux,  pares- 
seux et  opiniâtre.  «  La  manière  rude  avec  la- 
quelle on  le  forçait  d'étudier,  dit  Mme  de  Cajiusr, 
lui  donna  un  si  grand  dégoût  pour  les  livres 
qu'il  prit  la  résolution  de  n'en  jamais  ouvrir 
quand  il  serait  son  maître,  et  il  a  tenu  parole.» 
Ses  illustres  précepteurs,  BossuetetHuet  (1),  dé- 
pensèrent en  pure  perte  leur  savoir  et  leur  pa- 
tience. Mais  c'était"  surtout  le  duc  qui  avait  inspiré 
au  dauphin  une  sorte  d'horreur,  le  due  qui  ne  lui 
épargnait  ni  le  fouet  ni  les  férules  et  qui  s'ou- 

plus  pour  le  souverain  au  milieu  des  fades  adulations 
des  courtisans.  Chez  lui,  s'il  faut  en  croire  Tallemant, 
il  ne  se  contenait  guère  ,  it  C'est  un  bomme  tout  d'une 
pièce  ;.  Mme  de  Rambouillet  dit  qu'il  est  fou  à  force 
d'élre  sage.  Jamais  H  n'y  en  eut  un  qui  eût  plus  de  be- 
soin de  sacrifier  aux  grâces.  Il  crie  ,  Il  est  rude  ,  il  rompt 
en  visière,  et  s'il  gronde  quelqu'un,  il  lui  remet  devant 
les  yeux  toutes  les  iniquités  passées.  Jamais  homme 
n'a  tant  servi  à  me  guérir  de  l'humeur  de  dispuler.» 
Au  milieu  du  relâchement  de  !a  cour,  sa  piété  ne  fit  que 
redoubler;  il  assistait  tous  les  jours  à  la  messe,  obser- 
vait rigoureusement  les  jeûnes  et  se  nourrissait  de  pieuses 
lectures;  Il  relut  lesÊvangiles  jusqu'à  cent  treize  fois. 

(l)  Ils  furent  désignés  par  le  roi  et  non,  comme  on  l'a 
dit,  par  Montausier,  qui  avait  présenté  le  président  de 
Pergny  et  Ménage. 


Rien  ne  se  faisait  sans  l'assentiment  de  Montât 
sier,  qui  s'occupait  de  l'éducation  de  son  élèv 
comme  si  le  roi  n'en  eût  chargé  que  lui.  Le  pr« 
mier  il  eut  l'idée  des  belles  éditions  d'auteui 
classiques  ad  usum  Delphini,  et  en  fit  part 
Huet  (voy.  ce  nom),  qui  surveilla  lui-même  U 
détails  de  cette  vaste  entreprise.  Il  rédigea  rj 
son  côté  et  présenta  au  dauphin  la  première  pa: 
tie  d'un  recueil  qui ,  sous  forme  de  maximi 
morales  et  politiques,  contenait  en  quelque  sor 
le  résumé  de  ses  instructions  journalières.  Si 
ennemis,  excités  par  le  dauphin  et  soutenus  p; 
la  reine;dont  on  avait  alarmé  la  tendresse  m. 
ternelle ,  profitèrent  de  cette  circonstance  pot 
le  desservir  auprès  de  Louis  XIV  et  critiquer 
plan  d'éducation  qu'il  avait  suivi  avec  plus  d\ 
piniâtreté  que  de  convenance  peut-être.  Montai 
sier  avait  prévu  cette  attaque  :  «  Tous  les  ei 
nemis  de  l'ordre  et  de  la  solide  piété,  avait- 
écrit,  se  déclareront  contre  moi ,  parce  qu'i 
trouveront  leur  condamnation  dans  ces  maximes 
Dans  une  Apologie  habile  et  vigoureuse,  il  r 
futa  toutes  les  calomnies  auxquelles  il  était  < 
butte  depuis  dix  ans,  et  exposa  dans  les  pli 
grands  détails  ses  principes  et  la  directit 
qu'il  avait  embrassée. 

Cette  éducation  si  laborieuse  prit  fin  le  30  d 
cembre  1679,  jour  où  furent  arrêtés  les  articl 
du  mariage  entre  le  dauphin  et  Marie-Christii 
de  Bavière.  Toutefois  Montausier  garda  les  h 
noraires  de  gouverneur,  ainsi  que  les  charges  i 
premier  gentilhomme  de  la  chambre  et  de  grai 
maître  de  la  garde-robe  dans  la  maison  du  jeui 
prince.  En  lui   rendant  la  liberté,  il  pronon 
ces  paroles  :  «  Monseigneur,  si  vous  êtes  hoi 
nête  homme,  vous  m'aimerez  ;  si  vous  ne  l'êt 
pas ,  vous  me  haïrez,  et  je  m'en  consolerai.  » 
présida  à  la  formation  de  la  maison  du  dauphi 
qu'il  s'efforça  de  composer  d'hommes  honorabl 
au  nombre  desquels  il  eut  le  tort  de  faire  entr- 
M.  de  Crussol,  son  gendre,  et  entretint  avec  1  '. 
des  rapports  de  respect  et  d'amitié  ;  Mme  de  Si 
vigne  nous  a  conservé  une  des  lettres  qu'il  1 
adressa  en  1689  :  «  Monseigneur,  écrivait-il, 
ne  vous  fais  point  de  compliment  sur  la  prise  > 
Philisbourg;  vous  aviez  une  bonne  armée,  d! 
bombes,  du  canon  et  Vauban.  Je  ne  vous  > 
fais  point  aussi  sur  ce  que  vous  êtes  brave,  c'e1 
une  vertu  héréditaire  dans  votre  maison  ;  nu 
je  me  réjouis  avec  vous  de  ce  que  vous  êtes  I 
béral,  généreux,  humain,  et  faisant  valoir  les  se 
yicesdeceux  qui  font  bien.  Voilà  sur  quoi  jevo 
fais  mon  compliment.  »  Le  tour  quasi  épigrar 
matique  et  grondeur  de  cette  missive  fait  ajout 
à  la  spirituelle  marquise  que  «  ce  style  est  dig 
de  M.  de  Montausier  et  d'un  gouverneur  »  (2,  j 

(i)  Voy.  les  Mémoires  de  Dubois. 

|2)  Quelque  dure  qu'eût  été  son  éducation ,  le  daupt 
conserva  un  vrai  respect  pour  la  mémoire  de  Monta 
sier.  Parmi  les  nombreuses  anecdotes  auxquelles  ell<! 
donné  lieu,  nous  citerons  les  deii'x  suivantes.  En  tira 
au  blanc,  le  prince  s'était  de  beaucoup  écarté  du  but; 


121 


La  vieillesse  de  Montausier  s'écoula  à  la  cour, 
et  il  y  vécut  entouré  d'honneurs  et  de  considé- 
ration. Le  roi  l'appela  plus  d'une  fois  dans  ses 
conseils,  et  ne  lui  refusa  jamais  aucune  des  grâces, 
assez  nombreuses,  qu'il  ne  se  fit  pas  faute  de  sol- 
liciter pour  ses  parents  ou  ses  amis.  C'est  par 
cette  intervention  officieuse  qu'il  participa  en- 
core à  la  vie  publique.  La  mort  de  sa  femme, 
celle  de  ses  vieux  amis  Chapelain ,  Godeau , 
Conrart,  ses  démêlés  avec  le  duc  d'Uzès ,  la  ré- 
vocation de  l'édit  de  Nantes  affligèrent  ses  der- 
nières années  et  contribuèrent  à  rendre  son  hu- 
meur plus  irritable  et  plus  morose.  Peu  favorable 
\  la  nouvelle  génération  littéraire,  il  applaudit 
pourtant  aux  débuts  de  Molière  et  de  Racine. 
On  avait  cherché  à  l'exciter  contre  le  premier  en 
ni  faisant  entendre  qu'il  avait  été  pris  pour 
Modèle  d'Alceste  dans  Le  Misanthrope.  Montau- 
sier alla  voir  la  pièce.  «  Je  n'ai  garde  de  vouloir 
lu  mal  à  Molière,  dit-il  ;  il  faut  que  l'original 
soit  bon,  puisque  la  copie  est  si  belle.  Le  seul 
•eproche  que  j'aie  à  lui  faire,  c'est  qu'il  n'a 
ws  imité  parfaitement  son  modèle;  je  voudrais 
jien  être  comme  son  misanthrope,  c'est  un  hon- 
îête  homme.  ><  Quant  à  Boileau ,  il  ne  lui  par- 
lonna  de  longtemps  ses  attaques  contre  Cha- 
jelain ,  et  il  s'était  exprimé  même  assez  durè- 
rent sur  le  compte  du  satirique  en  apprenant 
qu'il  avait  reçu  du  roi  une  pension.  Boileau 
réussit  à  ramener  le  duc  sur  son  compte  par  ce 
passage  de  l'Épltre  à  Racine  : 

Et  qu'importe  à  mes  vers  que  Perrin  les  admire, 
Pourvu  qu'ils  puissent  plaire  au  plus  puissant  des  rois; 
Qu'à  Chantilly  Condé  les  souffre  quelquefois, 
Et  plut  au  ciel  encor,  pour  couronner  l'ouvrage, 
Que  Montausier  voulût  leur  donner  son  suffrage  ! 

Cette  adroite  flatterie  désarma  Montausier;  il 
sentit  à  ce  trait  fondre  ses  anciennes  préven- 
tions, et  rencontrant  à  quelque  temps  de  là 
Boileau  dans  la  galerie  de  Versailles,  il  lui  mar- 
qua le  regret  qu'il  avait  éprouvé  de  la  mort 
ide  son  frsre,  M.  de  Puymorin  Le  poète  parut 
fort  touché ,  et  ajouta  :  «  Mon  frère  m'a  tou- 
jours dit  que  les  grâces  dont  le  roi  m'a  com- 
blé et  les  bons  traitements  que  je  reçois  ici  ne 
peuvent  réparer  le  malheur  que  j'ai  eu  de  ne 
pouvoir  mériter  jusqu'à  présent  les  bonnes  grâces 
du  plus  vertueux  et  du  plus  respectable  seigneur 
|qui  soit  à  la  cour.  » 

\  Souffrant  d'un  asthme  depuis  quelques  années, 
(Montausier  termina,  le  17  mai  1690,  à  l'âge  de 
quatre-vingts  ans,  une  longue  carrière  illustrée 
[par  les  plus  hautes  vertus.  Partout  on  regretta  un 
[homme  «  vaillant  dans  la  guerre,  dit  Fléchier, 
savant  dans  la  paix,  respecté  parce  qu'il  était 
juste ,  aimé  parce  qu'il  était  bienfaisant,  et  quel- 
jeune  marquis  de  Créqui  tira  à  son  tour  et  plus  mal  encore, 
(quoique  fort  adroit.  «.Ah  1  petit  corrompu,  s'écria  le  duc, 
jil  faudrait  vous  étrangler  !»  Un  autre  Jour.au  milieu 
[d'une  discussion,  le  dauphin,  s'imaginant  avoir  été  frappé 
par  son  gouverneur,  demanda  aussitôt  ses  pistolets. 
«  Apportez  les  à  Monseigneur,  >  reprit  Montausier,  et  les 
présentant  lui-même  à  son  élève  Interdit,  il  ajouta  froi- 
dement :  «  Voyez  ce  que  vous  en  voulez  faire.  » 


MONTAUSIER  122 

quefois  craint  parce  qu'il"  était  sincère  et  irré- 
prochable ».  De  quatre  enfants  qu'il  eut  de  sa 
femme,  deux  moururent  en  bas  Ûge ;  ses  deux 
filles  épousèrent,  l'une  le  marquis  de  Grignan,  et 
l'autre  le  duc  d'Uzès.  P.  L — y. 


Oraison  funèbre  du  duc  de  Montausier,  par  Fléchier 
(1690),  l'abbé  Anselme (1718),  le  P.  Courand,  et  l'abbé  Du 
Jarry  (1690).  —  Nicolas  Petit,  Fie  du  duc  de  montau- 
sier; Paris,  1729,  2  vol.  in-lï.  —  Puget  de  Saint-Pierre, 
Histoire  du  duc  de  Montausier  ;  Paris,  178*,  1783,  lu— 8°. 
—  Éloge  de  Montausier,  par  Garât ,  Lacrelellc  aîné 
Leroy  et  Percheron  de  La  Galezièrc-,  celui  de  Garât  a 
été  couronné  par  l'Acad.  Fr.  en  1781.  —  Ma.ssillon,  Orai- 
son funèbre  du  dauphin.  —  Mémoires  du  temps.  — 
Tallemant,  Historiettes.  —  v.  Cousin,  Jeunesse  de  Mn"  de 
Longueville.  —  Llvet,  Précieux  et  précieuses  ;  Paris, 
1859,  ln-8°.  —  Amédée  Roux,  Montausier,  sa  vie  et  son 
temps;  Paris,  1860,  in-8°. 

montausier  (  Julie  -  Lutine  d'Angennes, 
duchesse  de),  femme  duprécédent,  née  en  1607, 
à  Paris,  où  elle  est  morte,  le  15  novembre  1671. 
Elle  était  l'aînée  des  sept  enfants  de  la  célèbre 
marquise  de  Rambouillet  (voy.  ce  nom).  «  Après 
Hélène,  écrivain  dit  Tallemant  des  Réaux  vers 
1654,  il  n'y  a  guère  eu  de  personne  dont  la 
beauté  ait  été  plus  généralement  chantée;  ce- 
pendant, ce  n'a  jamais  été  une  beauté.  A  la 
vérité  elle  a  toujours  la  taille  fort  avantageuse. 
On  dit  qu'en  sa  jeunesse  elle  n'était  point 
trop  maigre  et  qu'elle  avait  le  teint  beau.  Je 
veux  croire,  cela  étant  ainsi ,  que  dansant 
admirablement  comme  elle  faisait,  avec  l'es- 
prit et  la  grâce  qu'elle  a  toujours  eus ,  c'était 
une  fort  aimable  personne.  «  A  une  beauté 
majestueuse  elle  joignait  les  qualités  du  cœur  et 
les  dons  de  l'esprit.  Quand  son  plus  jeune  frère 
fut  attaqué  de  la  peste,  elle  s'enferma  pendant 
neuf  jours  avec  lui, et  lui  prodigua  inutilement 
les  soins  les  plus  touchants  (  1631  )  ;  elle  se  dé- 
voua avec  le  même  empressement  pour  soigner 
Mme  de  Longueville,  atteinte  de  la.  petite  vérole 
(  1642  ).  Élevée  sous  les  yeux  de  sa  mère,  au  mi- 
lieu de  la  plus  brillante  compagnie  de  beaux  es- 
prits et  de  gentilshommes,  elle  se  forma  de 
bonne  heure  dans  ces  entretiens  qui  exercèrent 
tant  d'influence  sur  le  goût  public.  Tout  enfant 
qu'elle  était,  elle  se  fit  admirer,  selon  Fléchier, 
de  ceux  qui  étaient  eux-mêmes  l'ornement  et 
l'admiration  de  leur  siècle.  Trois  de  ses  sœurs 
ayant  pris  le  voile,  elle  devint  en  quelque  sorte  la 
compagne  de  sa  mère,  s'associa  plus  intimement 
qu'aucune  autre  à  sa  vie,  et  partagea  ses  senti- 
ments élevés,  ses  amitiés  et  ses  douleurs.  Pour 
les  familiers  de  l'hôtel  Rambouillet,  elle  était  la 
princesse  Julée,  comme  sa  mère  la  Sage  Ar- 
thenice  ;  dans  le  roman  de  Cyrus,  l'une  était  ca- 
chée sous  le  nom  de  Philonide,  l'autre  sous  celui 
de  Cléomire.  Elle  se  mêlait  volontiers  aux  di- 
vertissements de  l'hôtel  ainsi  qu'aux  discussions 
littéraires;  en  1629  elle  joua  la  Sophonisbe  de 
Mairet.  Pendant  la-guerre  de  trente  ans,  elle  s'in- 
téressa si  fort  aux  succès  de  Gustave-Adolphe 
qu'on  la  disait  partout  amoureuse  de  ce  héros. 
Mais  elle  avait  le  cœur  fier  et  n'entendait  point 
que  la  galanterie  sortît  des  bornes  du  badinage. 


123 


MONTA  USIER 


124 


Voitnre  s'étant  un  jour  émancipé  jusqu'à  lui  bai- 
ser le  bras,  elle  lui  ôta  en  quelques  mots  l'envie 
de  jamais  reprendre  une  telle  liberté.  Le  dcsir 
de  connaître  une  personne  si  accomplie  attira 
M.  de  Montausier  à  l'hôtel  de  Rambouillet.  L'ad- 
miration d'abord ,  puis  l'amour  l'y  fit  revenir. 
Quand  il  s'y  présenta  pour  la  première  fois  en 
1631,  il  fut  amené  par  son  frère  aîné,qui  jouait 
là  le  personnage  d'un  amant  passionné  de  Julie 
pour  mieux  dissimuler  sa  liaison  galante  avec 
une  dame  Aubry.  Après  la  mort  de  son  frère, 
Montausier  put  prétendre  ouvertement  à  la  main 
de  Julie.  Bien  des  obstacles  retardèrent  cette 
alliance  :  la  différence  d'âge  et  de  fortune ,  la 
religion,  une  hésitation  mutuelle;  l'ua  attendit 
d'être  maréchal  de  camp  et  gouverneur  de  l'Al- 
sace avant  de  se  déclarer;  il  voulut  faire  ses  preu- 
ves et  ajouter  l'éclat  de  la  gloire  au  mérite  de  la 
constance  ;  l'autre  répugnait  à  l'idée  du  mariage  ; 
elle  avait  fait  vœu  de  ne  s'y  point  engager,  et 
l'affection  pour  le  marquis  ne  lui  vint  que  tar- 
divement. Quatorze  ans  se  passèrent,  pendant 
lesquels  Montausier  entretint  avec  Chapelain  et 
Voiture  une  active  correspondance  et  composa 
en  l'honneur  de  Julie  la  plupart  de  ces  poésies, 
dont  les  meilleures  sont  tout  au  plus  médiocres. 
Tout  l'hôtel  s'associait  du  reste  à  ses  fatigues, 
à  ses  dangers  ou  à  ses  succès,  et  il  en  résultait, 
selon  l'expression  de  Chapelain,  «  plus  de  lettres 
en  prose  et  en  vers  qu'il  n'en  faudrait  pour  faire 
une  Arcadie  de  Sannazar  ». 

De  retour  à  Paris  après  une  assez  longue  cap- 
tivité en  Allemagne,  Montausier  renouvela  plus 
vivement  ses  instances  auprès  de  Julie-  Pressée 
par  M"e  Paulet,  par  M-me  de  Sabré,  par  la  du- 
chesse d'Aiguillon,  parle  cardinal  de  Mazarin,par 
la  reine  elle-même,  pressée  soutouf  par  sa  mère, 
qui  lui  reprocha  sa  dureté,  Julie-  ne  put  résister 
davantage;  elle  surmonta  enfinses  scrupules  et, 
après  avoir  pris  pour  la  forme  les  ordres  de  ses 
parents-,  elle  consentit  à  mettre  un  terme  au 
long  martyre  de  son  amant.  Les  noces  se  firent: 
à' Ruel,  le  15  juillet  1645,  dans  la  maison  de 
Mme  d'Aiguillon,  s'il  en  faut  croire  Tallemant, 
le  caractère  de  Julie  subit  en  quelques  années 
une  transformation  qui  était  peu  à  son  avantage. 
«  Depuis  son1  mariage,  dit-il,  elle  est  devenue  un 
peu  cabaleuse;  Elle. veut  avoir  cour,  elle  a  des 
secrets  avec  tout  le  monde,  elle  est  de  tout  et 
ne  fait  pas  toute  la  distinction  nécessaire.  Je 
tiens  que  Mlle  déi  Rambouillet  valait  mieux  que 
Mme  de  Montausier.  Elle  est  pourtant  bonne  et 
civile,  mais  il  s'en  faut  bien  que  ce  soit  sa  mère.  » 
Les  manières  conciliantes  de  la  marquise^  servi* 
rent  d'autant  plus  la  fortune  de  son  mari  que  cer 
dernier,  «  homme  tout  d'une  pièce,  »  était  inca- 
pable de  se  modérer  et  de  rien  tenter  pour  gagner 
les  bonnes  grâces  de  la  cour.  En  1661  elle  fut 
choisie  pour  être  gouvernante  du  grand  dauphin, 
et  exerça  jusqu'en  1664  les  fonctions  de  cette 
charge.  Quelques  jours  après  l'élévation  de  son 
mari  à  la  dignité  de  duc  et  pair,  elle  remplaça,  le 


1er  août  1664,comme  dame  d'honneur  de  la  reine 
une  de  ses  proches  parentes,  Mme  de  Navailles. 
qui  venait  de  se  démettre  avec  beaucoup  d( 
dignité.  Sa  conduite  en  cette  grave  circonstance 
fut  appréciée  défavorablement  par  ses  contem 
porains,  ainsi  qu'en  témoigne  ce  passage  des 
Mémoires  de  Mme  de  Motteville  :  «  Cette  danu 
ne  haïssait  pas  la  cour.  Elle  désirait  l'approba- 
tion générale,  et  plus  ardemment  encore  de  ceux 
qui  avaient  du  crédit,  car  naturellement  elle  avail 
de  l'âpreté  pour  tout  ce  qui  s'appelle  la  faveur.., 
Il  est  aisé  de  juger  qu'elle  devait  être  agréabk 
au  roi ,  non-seulement  parce  qu'elle  avait  dt< 
belles  qualités ,  mais  à  cause  que  le  mérite  qui 
était  en  elle  était  entièrement  tourné  à  la  mode 
du  monde.  »  En  faisant  même  une  large  part  h< 
la  prévention,  on  est  forcé  de  reconnaître  qu<< 
Mme  de  Montausier  montra  beaucoup  trop  de 
faiblesse  dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  el 
qu'elle  apporta  de  singulières  facilités  aux  amours 
encore  secrètes  de  Louis  XIV  et  de  Mlle  de  Lai 
Vallière.  Plus  tard,  quand  le  roi  jeta  les  yeux! 
sur  Mme  de  Montespan,  il  ne  trouva  pas  la  dame 
d'honneur  moins  faible  et  moins  complaisante. 
M''e  de  Montpensier  et  Saini-Simon  sont  fort' 
explicites  à  cet  égard.  «  Ce  qui  surprit,  dit  ce 
dernier,  ce  fut  la  protection  que  Mme  de  Montes- 
pan  trouva  auprès  de  Mme  de  Montausier.  »  Le 
roi  lui-même  lui  donna  asile  chez  la  duchesse 
contre  son  mari.  «  Il  y  pénétra  pourtant  un  jour, 
et,  voulant  arracher  sa  femme  d'entre  les  bras 
de  Mme  de  Montausier,  qui  cria  au  secours  de 
ses  domestiques)  il  lui  dit  deschoses  horribles,  et 
mêla  ses  reproches  des  injures  les  plus  atroces.  ^> 
Ce  fut  pour  réparer  cet  outrage  scandaleux  au- 
tant que  pour  imposer  silence  aux  propos  de  la 
cour,  que  le  roi  accorda  peu  de  temps  après  à 
Montausier  la  charge  de  gouverneur  du  dauphin. 
Mais  Julie,  cruellement  humiliée  des  insultes  de 
M.  de  Montespan,  tomba  malade  ;  depuis  cette 
époque  sa  santé  s'affaiblit  et  son  intelligence,  na- 
guère si  ferme,  fut  obscurcie  par  des  visions  fu- 
nestes. Vers  la  fin  de  1669  elle  se  vit  contrainte 
de  quitter  la  cour.  Après  plus  de  deux  années 
de  langueur  et  de  défaillances  presque  conti- 
nuelles, elle  s'éteignit,  le  15  novembre  1671,  à 
l'âge  de  soixante-quatre  ans. . 

Sept  ans  avant  son  mariage,  en  1638,  M.  de 
Montausier  avait  mis  à  profit  ses  relations  avec 
les  familiers  de  l'hôtel  de  Rambouillet  pour  exé- 
cuter un  dessein  des  plus  galants  ;  les  associant 
tous,  excepté  Voiture,  qu'il  ne  pouvait  souffrir,  à 
son  enthousiaste  admiration  pour  M"e  d'Angen- 
nes,  il  composa  avec  eux  cette  fameuse  Guir- 
lande de  Julie,  écrite  par  le  célèbre  calligraphe 
Jarry,  reliée  par  Le  Gascon  et  peinte  par  Ro- 
bert. Jamais  peut-être  offrande  poétique  n'a  donné 
lieu  à  de  si  médiocres  vers  (1).  Des  trois  exem-. 

(î)'On  n'a  retenu  avec  plaisir  que  le  quatrain  de  Des- 
marets  sur  la  violette  : 

Franche  d'ambition,  je  me  cache  sous  l'herbe, 
Modeste  en  ma  couleur,  modeste  en  mon  séjour; 


125  MONTAUSIER 

plairesqui  en  ont  été  faits,  le  plus  beau,  celui  qui 
a  été  offert  à  Julie,  est  dans  la  possession  du 
duc  d'Uzès.  On  en  a  imprimé  diverses  copies, 
,  notamment  en  1784,  in-8°,  en  1818  et  en  1824, 
in-1 8  avec  figures  coloriées.  P.  L — y. 

FICehier,  Oraison  funèbre  de  Mmo  de  Montausier.  — 
'NI  Petit,  fie  du  duc  de  Montausier.  —  Rœderer,  Mé- 
moire pour  servir  a  l'histoire  de  la  société  polie;  Paris, 
!183S,  in-8°.  —  V.  Cousin,  La  Jeunesse  de  Mtm  de  Longue- 
[ville,  et  !>tnu  de  Sablé.  —  Mémoires  du  temps.  — 
'A.  Roux,  montausier  et  son  temps.  —  Cb.  Livet,  Pré- 
cieux et  précieuses. 

'.  montaut  (  Louis  de  Maribon  de  ),  conven- 
tionnel français,  néen  1754,  au  château  de  Mon- 
taut ,  commune  de  Montréal  (  Gers  ) ,  mort  au 
même  lieu,  le  12  juillet  1842.  Mousquetaire  du 
roi,  et  ensuite  officier  dans  l'armée,  il  s'em- 
ipressa  de  quitter  le  service  dès  les  premiers 
'jours  de  la  révolution,  dont  il  embrassa  là  cause 
avec  enthousiasme,  quoique  sa  famille  tout 
entière  eût  pris  la  défense  de  la  monarchie.  Aussi 
fut-il  successivement  nommé  :  en  1790  admi- 
nistrateur du  district  de  Condom ,  lieutenant- 
■colonel  de  la  garde  nationale  de  cette  ville ,  et 
enfin  membre  de  l'Assemblée  législative  pour  re- 
présenter le  département  du  Gers.  On  lui  re- 
proche d'avoir,  le  18.  avril  1792,  défendu  dans 
cette  assemblée  les  auteurs  des  massacres  d'A- 
vignon, et  peu  après  d'avoir  dénoncé  à  la  fureur 
populaire  les  royalistes  que  l'on  désignait  alors 
sous  le  nom  de  chevaliers  du  poignard.  Membre 
de  la  Convention  nationale,  il  vota  pour  la  mort 
du  roi,  contre  l'appel  au  peuple  et  contre  le  sursis, 
et  -concourut  avec  les  montagnards  à  la  pros- 
cription des  girondins.  L'un  des  fauteurs  du 
mouvement  du  12  germinal  an  m  (  1er  avril  1795) 
Montaut,  quoiqu'il  eût  eu  l'adresse  de  ne  point  se 
compromettre ,  n'en  fut  pas  moins  décrété  d'ac- 
cusation, le  18  de  ce  même  mois.  Il  se  défendit 
habilement,  sans  toutefois  détruire  entièrement 
les  griefs  dont  il  était  l'objet,  et  fut  amnistié 
l'année  suivante.  La  loi  du  12  janvier  1816  l'ayant 
contraint  de  quitter  la  France ,  il  se  réfugia  en 
Suisse,  où  ih  demeura  jusqu'à  la  révolution  de 
Juillet.  A  cette  époque ,  Montaut  revint  au  châ- 
teau de  Montaut,  qui  après  sa  mort  a  été  détruit 
presque  entièrement.  H.  F. 

Biogr.  portât,  des  Contemp. 

montauto:  (Antonio),  sculpteur  et  ar- 
chitecte florentin,  vivait  à  la  fin  du  dix-sep- 
tième siècle.  Il  s'était  fait  à  Florence  une  telle 
réputation  qu'il  fut  appelé  à  Rome  comme  ar- 
chitecte de  Saint-Pierre.  Il  sculpta  pour  l'ab- 

Mais  si  sur  votre  front  je  me  puis  voir  on  Jour, 
La  plus  humble  des  fleurs  sera  la  plus  superbe. 
Outre  Montausier,  qui  composa  seize  madrigaux,  on  y 
retrouve  Arnauld  d'Andilly,  père  et  fils,  Arnauld  de  Cor- 
bevtllc,  Arnauld  de  Briotte,  Chapelain,  Colletet,  Cor- 
neille, Desraarets,  Godeau,  Gombauld,  les.  trois  Habert, 
Maleville,  Pinchesne,  Scudéry,  Tallemant  des  Réaux  et 
le  marquis  de  Rambouillet.  Le  nombre  des  pièces  est  de 
6»,  avec  la  dédicace.  11  est  probable  que  la  Guirlande 
exécutée  par  Jarryen  1641,  fut  offerte  à  Julie  le  l«rjan 
vier  1642.  (  Voy.  la  Notice  insérée  dans  le  suppl.  à  la 
première  partie  du  Catalogue  du  duc  de  La  Fallière.  ) 


—  MONTAZET 


126 


side  de  cette  basilique  une  statue  de  saint 
François,  et  pour  le  souterrain  de  la  chapelle 
Corsini  à  Saint-Jean  de-Latran,  un  groupe  re- 
présentant une  Piété.  Au  nom  de  Montauto,  se 
rattache  le  souvenir  d'une  des  plus  grandes 
pertes  que  les  arts  aient  jamais  faites.  Lorsqu'il 
se  fut  définitivement  fixé  à  Rome,  il  chargea  «in 
de  ses  élèves  de  lui  apporter  de  Florence  ce 
qu'il  possédait  de  plus  précieux.  Dans  une  des 
caisses  était  un  trésor  inappréciable,  un  exeiu- 
plaire  in-fol.  de  Dante ,  avec  commentaire  de 
Landino,  ayant  ses  larges  marges  couvertes  de 
dessins  originaux  de  Michel-Ange.  Le  navire 
ayant  failnaufrage  entre Livourne et  Civita-Vec- 
chia,  ce  livre  fut  englouti  par  les  flots.  E.  B — n. 

Bottari,  Note  aile  vite  di  Vasari.  —  Cicognara,  Storia 
délia  Scultura. 

mmnxtazet  (Antoine  de  Malvin  de),  pré- 
lat français,  né  le  17  août  1713,  au  château  de 
Quissac,  près  Agen,  mort  le  2  mai  1788,  à  Paris. 
D'une  bonne  famille  de  l'Agenais,  il  embrassa il'é* 
tat  ecclésiastique,  et  obtint  entre  autres  bénéfices 
les  abbayes  de  Saint- Victor  de  Paris  et  de  Monstier 
enArgonne.  A  la  fin  de  1742,  il  devint  aumônier 
du  roi,  et  fut  nommé  en  1748  évêque  d'Autun; 
Le  31  mars  1759  il  fut  élevé  à  l'archevêché  de 
Lyon  en  remplacement  du  cardinal  de  Tenciiï, 
mort  l'année  précédente.  «  Zélé  contre  les  philo- 
sophes, dit  Feller,  ardent  défenseur  des  préroga- 
tives de  son  siège,  qu'il  prétendait  s'étendre  jusqu'à 
réformer  i les  jugements  des  métropolitains,  ad- 
versaire fortuné  des  usages  et  privilèges  de  son 
chapitre,  qu'il  parvint  à  faire  supprimer  par  l'au- 
torité civile,  ce- prélat  tient  une  place  distin- 
guée dans  l'histoire  de  l'Église  gallicane  de  ce 
siècle.  Comblé  d'éloges^  les  plus  emphatiques, 
égalé  aux  Irénée  et  aux  Augustin  par  les  gens 
de  la  petite  Église  (de  Jansenius),  il  se  dé- 
clara dans  plusieurs  occasions  en  faveur  de  ce 
parti,  dont  il  ne  connaissait  pas  assez  l'esprit  ni 
le  but.  »  Il  eut  avec  M.  de  Beaumont,  arche- 
vêque de  Paris,  de  nombreux  démêlés  à  propos 
des  querelles  religieuses  du  temps.  Lafin  de  sa 
vie  fut  troublée  par  des  chagrins  domestiques 
et  par  les  éclats  soandaleux  de  quelques  con- 
vulsionnâmes. Quoiqu'il  n'ait  point  été  du  nom 
bre  des  appelants  et  qu'il  ait  évuV',  ainsi   que 
M.  de  Fitz-James,  évêque   de  Soissons,   son 
premier   protecteur, .  toute   démarche   d'oppo- 
sition formelle  à  la  bulle  Vnigenitus,  il  a  été 
regardé  par  les  orthodoxes  comme  un  ennemi 
plus    dangereux     qu'un,    adversaire    déclaré'. 
Montazet  avait   une  mémoire    heureuse,   une 
imagination  brillante,  un  esprit  actif;  son   élo- 
quence  était  élevée ,  énergique  et  bien  nour- 
rie. 11  avait  été  admis  en  1757  dans  l'Académie 
Française.  Ses  principaux  écrits  sont  :  Lettre 
à  V Archevêque  de  Paris;  Lyon,  1760,  in-4°; 
il  y  prend  le  titre  de  primat   de   France; 
—  Mandement  contre  ^Histoire  du  peuple  de 
Dieu  de  Berruijer;  Lyon,  1762,  in-12;  —  Ins- 
truction pastorale  sur  les  sources  de  Vincre- 


127 


MONTAZET  —  MONTBAREY 


128 


dulité  et  les  fondements  de  la  religion; 
Paris,  1776,  in-4°;  elle  fut  fort  applaudie  jus- 
qu'au moment  où  elle  fut  réimprimée  sous  le 
titre  de  Plagiats  de  M.  Varchevêque  et  avec 
les  passages  en  regard  tirés  des  Principes  de 
la  foi  chrétienne  de  Duguet  ;  on  a  lieu  de 
croire  que  la  composition  de  Y  Instruction  pas- 
torale est  du  P.  Lambert;  —  Catéchisme; 
Lyon,  1768;  —  Rituel  du  diocèse  de  Lyon; 
Lyon,  1788,  3  vol.  in-12.  Ce  fut  sous  ses  aus- 
pices que  parurent  les  Inslitutiones  Théologien 
(Lyon,  1782,  1784,  6  vol.  in-12),  et  les  1ns- 
titutiones  Philosophiez:  (  Lyon,  1784,  5  vol. 
in-12)  :  ce  système  de  théologie,  proscrit  en 
France,  fut  introduit  en  Italie  et  en  Espagne,  où 
il  jouit  d'un  moment  de  vogue.  P.  L. 

VAmi  de  la  Religion,  XXII,  161-172.  —  Bachaumont, 
Mémoires  secrets,  passim.  —  Mlgne,  Dict.  des  Jansé- 
nistes. —  Feller,  Vict.  Hist. 

montbarey  (  Alexandre- Marie- Léonor 
de  Saint-Maukis,  comte,  puis  prince  de),  mi- 
nistre français,  né  le  20  avril  1732,  à  Besançon, 
mort  le  5  mai  1796,  à  Constance.  Issu  d'une 
famille  ancienne  originaire  de  la  ville  de  Saint- 
Mauris,  dans  le  Valais,  il  était  fils  unique  d'un 
lieutenant  général,  mort  en  1749;  sa  mère,  pe- 
tite-fille du  maréchal  du  Bourg,  fut  empoisonnée 
en  couclœs  par  une  garde  malade,  pressée  de 
s'approprier  ses  dépouilles.  Placé  au  collège 
des  Jésuites  à  Paris,  il  en  sortit  à  douze  ans 
«  sachant  un  peu  lire  et  écrire  »  ;  plus  tard  le 
goût  de  la  lecture,  secondé  par  une  mémoire 
prodigieuse,  suppléa  largement  à  ce  défaut  d'é- 
ducation première.  Nommé  enseigne  au  régi- 
ment de  Lorraine  (1744),  puis  capitaine  (1745), 
il  fit  les  campagnes  d'Allemagne  et  de  Flandre, 
et  reçut  de  légères  blessures  au  siège  de  Fri- 
bourg  et  à  la  bataille  de  Laufeld.  La  mort  de 
son  père  le  laissa  maître  à  dix-sept  ans  d'une 
fortune  considérable.  11  se  livra  dès  lors  sans 
mesure  à  la  passion  du  jeu  et  des  femmes,  et 
continua  de  mener  cette  vie  de  plaisir  long- 
temps encore  après  son  mariage  avec  une  de- 
moiselle de  la  maison  de  Mailly  (1753),  sans 
s'écarter  néanmoins  des  règles  de  la  décence 
extérieure.  «  Ma  santé,  dit  il,  aurait  peut-être 
souffert  si  je  m'étais  conduit  autrement.  Je  dois 
ajouter  que  mes  écarts  n'eurent  d'autres  suites 
fâcheuses  pour  moi  que  la  naissance  de-  quel- 
ques enfants  illégitimes.  »  Après  avoir  servi  de- 
puis 1749  aux  grenadiers  de  France,  il  obtint 
en  1758  le  titre  de  colonel  et  commanda  en  cette 
qualité  le  régiment  de  la  Couronne,  à  la  tête  du- 
quel il  se  distingua  à  la  bataille  de  Creveldt.  Son 
crédit  à  la  cour  et  aussi  sa  bravoure  le  firent 
comprendre,  malgré  sa  jeunesse,  au  nombre 
des  maréchaux  de  camp  dans  la  promotion  du 
20  février  1761.  Il  continua  de  servir  en  Alle- 
magne, dans  l'armée  du  maréchal  de  Broglie, 
jusqu'en  1762.  Dans,  cette  dernière  campagne, 
il  enleva  au  prince  Ferdinand  de  Brunswick  six 
pièces  de  canon,  dont  le  roi  lui  fit  présent  et  qui 


ornèrent  l'avenue  de  son  château  de  Ruffey,  en 
Franche-Comté.    Chargé    d'exécuter    dans    le 
nord  l'ordonnance  provisoire  de  1764,  relative  à 
une  nouvelle  formation  des  troupes,  il  s'acquitta 
avec  tant  de  promptitude  et  d'habileté  de  celle 
difficile  mission,  que  le  duc  de  Choiseul,  alors 
ministre,  «  s'engoua  de  lui  et  le  prôna  mille  fois 
plus  qu'il  ne  le   méritait  ».   Homme  de  cour 
avant  tout,  de  formes  agréables,  d'une  physio- 
nomie heureuse  et   d'un  commerce  sûr,  M.  de 
Montbarey  se  tint  à  l'écart  des  coteries  et  des 
cabales  et  ne  fréquenta  que  les  gens  assez  haut 
placés  pour  servir  son  ambition  ;  les  princes, 
le  duc  d'Orléans,  MM.  de  Choiseul  et  de  Mau- 
repas  devinrent  ses  protecteurs.  Sa   «  bonne 
étoile  »,  sur  laquelle  il  comptait  beaucoup,  fit  le 
reste.  Employé  presque  tous  les  ans  à  inspecter 
l'infanterie,  il  eut  la  charge  de  capitaine-colonel 
des  Suisses  du  comte  de  Provence  lorsqu'en  1771 
on  forma  la  maison  militaire  de  ce  prince.  En  1774 
il  obtint  de  la  cour  de  Vienne  le  titre  de  prince  du 
Saint-Empire,  titre  qui  lui  coûta  100,000  francs,  et 
en  1780 celui  de  grand  d'Espagne  delà  cour  de 
Madrid.  Du  roi  Louis  XVI  il  reçut  le  collier  des 
ordres  (  1er  janvier  1778  ),  un  hôtel  à  l'Arsenal, 
le  grade  de  lieutenant  général  (  1er  mars  1780), 
200,000  francs  pour  doter  sa  fille,  et  la  grande 
préfecture   d'Haguenau    (1788).    Fort  peu   de 
temps  après  avoir  été  appelé  au  départemenl 
de  la  guerre,  le  comte  de  Saint-Germain,  qui 
sentait  son  isolement  au  milieu  de  la  cour,  le 
choisit  comme  adjoint;  la  place  de  directeur  de 
la  guerre  fut  créée  pour  M. de  Montbarey  (1776). 
qui,  au  mois  d'avril  1777,  eut  l'adresse  de  \i 
faire  convertir  en  celle  de  secrétaire  d'État  ad 
joint  avec  l'entrée  au  conseil  des  dépêches.  1 1 
ne  tarda  pas  à  prendre  lui-même  le  portefeuille 
de  la  guerre  (27  septembre  1777)  et,  soutent 
par  le  crédit  de  M.  de  Maurepas,  il  se  maintin  j 
au  pouvoir  malgré  l'hostilité  déclarée  du  part 
qui  s'agitait  autour  de  la  reine.  Bien  qu'il  eût  ém 
contraire  à  la  réforme  de  la  maison  militaire  di 
roi,  il  ne  désapprouvait  pas  entièrement  les  pro 
jets  du  comte  de  Saint-Germain  ;  il  se  content;  | 
de  les  modifier;  mais  sa  prudence  passa  poui 
de  l'irrésolution  et  sa  douceur  pour  de  la  fai 
blesse.  Il  s'opposa  à  la  déclaration  de  guerre  i 
l'Angleterre,  et  fit  ressortir  avec  justesse  le  dan 
ger  pour  une  monarchie  absolue  d'encouragé: 
l'insurrection   des   colonies  d'Amérique.   Con- 
trarié dans  ses  vues  par  Necker,  de  Vergennes 
le  maréchal  de  Broglie  et  surtout  par  l'entouragi 
de  la  reine,  il  ne  fit  à  peu  près  rien  au  minis 
tère,  et  donna  sa  démission  le  17   décembn 
1780.  Parmi  les  nombreux  mémoires  qu'il  remi 
au  roi  à  celte  époque,  il  y  en  avait  un,  où  il  in 
diquait   un  moyen  de  combler   le  déficit  de 
finances  p.ar  la  suppression  successive  de  beau 
coup  d'emplois  inutiles;  le  roi  l'abandonna  su: 
cette  question,  et  ce  fut  le  motif  de  sa  retraite 
II  habitait  l'Arsenal  lors  de  la  prise  de  la  Bas 
tille  parle  peuple  (14  juillet  1789).  Sur  ui> 


129 


MONTBAREY  —  MONTBABS 


130 


faux  avis  qu'on  allait  mettre  le  feu  aux  poudres 
qui  se  trouvaient  dans  cette  forteresse,  il  s'ern- 
pressa  de  quitter  son  hôtel,  fut  arrêté  en  route 
par  des  insurgés,  qui  le  prenaient  pour  le  gou- 
verneur de  la  Bastille,  et  aurait  été  massacré 
sans  l'intervention  courageuse  du  commandant 
de  La  Salle.  Le  19  août  suivant  il  se  retira 
avec  sa  femme  au  château  de  Ruffey,  et  de  là  à 
Besançon.  Au  mois  de  juin  1791  il  s'enfuit  à 
Neufchâtel  ;  chassé  de  ce  canton  avec  tous  les 
Français  émigrés  par  l'arrêté  du  25  janvier  1795, 
il  alla  s'établir  à  Constance,  où  il  mourut,  dans 
un  état  voisin  de  la  gêne.  On  a  de  lui  des  Mé- 
moires (Paris,  1826-1827,  3  vol.  in-8°  ),  rédigés 
en  1792,  et  qui  contiennent,  au  milieu  de  redites 
fatigantes  ,  d'inexactitudes  et  de  détails  oiseux, 
des  renseignements  intéressants  sur  les  intri- 
gues et  les  personnages  de  la  cour  de  Louis  XV 
et  de  Louis  XVI. 

Son  fils,  Saint-Mauris  (  Louis-Marie-Fran- 
çois, prince  de),  né  le  10  septembre  1756, 
guillotiné  le  17  avril  1794,  à  Paris,  lui  succéda 
en  1777  comme  capitaine  des  Suisses  de  Mon- 
sieur. En  1788,  aux  états  de  Franche-Comté,  il 
fut  du  nombre  des  gentilshommes  qui  se  pro- 
noncèrent pour  la  suppression  des  privilèges  de 
la  noblesse.  Quelque  temps  après  il  alla  offrir 
ses  services  aux  princes  émigrés  à  Coblentz; 
mais  il  en  reçut  un  si  mauvais  accueil  qu'il  se 
détermina  à  rentrer  en  France.  Sa  retraite  ayant 
été  découverte  à  Paris,  il  fut  impliqué  dans  un 
procès  de  conspiration  politique,  et  périt  sur  l'é- 
chafaud  avec  la  famille  Sainte-Amaranthe.  Sa 
veuve,  MIle  de  Langeron,  se  remaria  avec  le 
prince  Louis  de  La  Trémoille. 

La  fille  de  M.  de  Montbarey,  née  en  1761, 
épousa,  en  1779,  le  prince  de  Nassau-Saarbruck. 
Détenue  en  1793  comme  otagedu  ministre  Beur- 
nonville,  elle  fut  mise  en  liberté  après  le  9  ther- 
midor. P.  L — y. 

Mémoires  du  prince  de  Montbarey. 

montbars  (***),  surnommé  l'Extermina- 
teur, célèbre  chef  français  d'aventuriers,  né  en 
Languedoc,  vers  1645;  Il  était  de  famille  no- 
ble et  riche,  reçut  une  excellente  éducation,  et 
suivit  tous  les  exercices  qui  peuvent  former  un 
parfait  gentilhomme.  D'un  naturel  ardent,  d'un 
caractère  chevaleresque,  il  s'enflamma  dès  sa 
jeunesse  au  récit  des  cruautés  exercées  par  les 
Espagnols  contreles habitants  du  Nouveau  Monde 
et  conçut  une  haine  implacable  pour  les  oppres- 
seurs de  l'Amérique.  Il  résolut  de  joindre  les  ef- 
fets à  l'intention,  et  lorsqu'il  eut  atteint  un  cer- 
tain âge,  apprenant  qu'un  de  ses  oncles  (1),  ca- 
pitaine de  vaisseau  dans  la  marine  royale,  allait 
partir  en  croisière  contre  les  Espagnols ,  avec 
lesquels  la  France  était  en  guerre,  il  s'enfuit  de 
la  maison  paternelle,  et  courut  au  Havre  rejoindre 
son  oncle  (1663).  Montbars  lui  exprima  ses 
désirs  avec  tant  de  fermeté,  que  le  capitaine  le 

1  (t)  OEmelin  ne  nous  a  pas  transmis  le  nom  de  cet  offi- 
cier, «  grand  homme,  dit-il,  de  mer  et  de  guerre  ». 

NOUV.    BIOGR.    GÉNÉR.    —   T.    XXXVI. 


voyant  d'ailleurs  fait  pour  les  armes ,  sollicita 
et  obtint  de  sa  famille  l'autorisation  de  le  recevoir 
à  son  bord  ,  et  quelques  jours  plus  tard  tous 
deux  faisaient  route  pour  les  Antilles. Dans  les  eanx 
de  Saint-Domingue  ils  rencontrèrent  un  fort  vais- 
seau espagnol  qui,  loin  de  prendre  chasse,  com- 
mença une  canonnade  nourrie.  L'oncle,  crai- 
gnant que  le  jeune  Montbars  ne  fit  quelque  im- 
prudence, le  fit  enfermer,  et  risqua  un  abordage, 
qui  fut  vaillamment  accepté.  Quel  ne  fut  pas  son 
étonnement  quand  au  milieu  du  combat  il  re- 
trouva son  neveu  sur  le  pont  de  l'ennemi,  frap- 
pant d'estoc  et  de  taille,  renversant  tout  sur 
son  passage.  Il  s'était  jeté  à  l'eau  par  la  fe- 
nêtre de  sa  cabine,  et  le  sabre  aux  dents,  s'ac- 
crochant  aux  amarres  de  l'espagnol,  il  était 
tombé  comme  la  foudre  au  milieu  des  Castil- 
lans surpris  ,  et  décida  ainsi  de  leur  défaite. 
Leur  vaisseau  était  richement  chargé  ;  mais  tan- 
dis que  ses  camarades  évaluaient  le  butin,  Mont- 
bars ne  s'occupait  qu'à  compter  les  morts  espa- 
gnols. Ce  carnage  était  enfin  la  réalisation  de  ses 
rêves.  L'oncle  jugea  convenable  de  relâcher  au 
Port  Margot  pour  s'y  ravitailler  et  attendre  deux 
autres  galions  espagnols  qui  y  étaient  annoncés. 
Leur  navire  fut  accosté  par  des  canots  de  bou- 
caniers qui  racontèrent  comment  les  Espagnols 
les  massacraient  à  chaque  heure,  traîtreusement, 
et  avaient  organisé  de  véritables  chasses  à 
l'homme  (1).  «  Comment  souffrez-vous  cela  »  ? 
s'écria  Montbars.  — Nous  sommes  résolus  à  pren- 
dre une  revanche,  répondirent  les  chasseurs.  » 
Montbars  aussitôt  sollicita  de  son  oncle  la  per- 
mission de  s'adjoindre  aux  boucaniers  :  il  des- 
cendit accompagné  de  quelques  matelots  déter- 
minés, et  le  lendemain  un  corps  de  deux  mille 
Espagnols  ou  Indiens  fuyait  devant  une  centaine 
de  Français,  et  laissait  cinq  cents  hommes  sur  la 
place,  ainsi  que  son  général  van  Delmof.  Tel  fut 
le  courage  de  Montbars  dans  cette  action,  que 
les  Indiens  le  prirent  pour  un  Dieu  et  que  les 
boucaniers  l'acclamèrent  leur  chef.  Il  embarqua 
les  uns  et  les  autres  sur  la  prise  espagnole  faite 
par  son  oncle,  et  dont  le  commandement  lui  fut 
confié.  Huit  jours  plus  tard,  les  deux  navires 
français  furent  attaqués  par  quatre  grands  vais- 
seaux espagnols.  L'oncle  de  Montbars,  après  un 
combat  acharné  de  plus  de  trois  heures  contre 
des  ennemis  supérieurs,  tenta  un  dernier  effort 
et  le  fit  avec  tant  de  furie  qu'il  coula  ses  deux 
adversaires  ;  mais  son  navire,  tout  sabordé,  les 


(1)  Ils  avaient  formé  à  cet  effet  des  compagnies  de 
colons  et  de  soldats,  dites  cinquantaines,  qui  allaient 
chaque  semaine  faire  une  battue,  ravageant  les  boucans 
et  massacrant  sans  pitié  les  boucaniers  Isolés,  sans  dé- 
fiance, et  dont  l'industrie  était  d'ailleurs  fortlnoffensivc. 
Elle  consistait  à  chasser  les  bœufs  sauvages,  alors  en 
grand  nombre  dans  les  savanes  de  Saint-Domingue,  à 
en  fumer  la  chair  et  à  en  préparer  les  peaux  qu'ils 
échangeaient  contre  de  la  poudre,  des  vivres.de  l'eau-de- 
vle,  etc.  Ce  furent  ces  cruautés  Inutiles  qui  forcèrent  les 
boucaniers  à  changer  de  vie.  Ils  devinrent  alors  les  ter- 
ribles Frères  de  la  Côte,  qui  ruinèrent  le  commerce  es- 
pagnol dans  l'Amérique  centrale  (1660-1663). 


131  MONTBARS  —  MOîsïBEL 

suivit  de  près.  Durant  ce  temps  Montbars  ayant 
coulé  un  de  ses  adversaires,  aborda  le  dernier, 
et  grâce  à  ses  Indiens,  qui,  se  jetant  à  la  nage, 
surprirent  les  Espagnols  par  derrière,  la  victoire 
fut  bientôt  décidée.  Il  courut  alors  sur  le  lieu 
du  sinistre  de  son  oncle,  dont  il  recueillit  une 
partie  des  marins  ;  mais  le  vieux,  capitaine,  gout- 
teux et  grièvement  blessé,  hors  d'état  de  nager, 
avait  payé  son  triomphe  de  sa  vie.  Cette  mort, 
quoique  glorieuse ,  redoubla  la  haine  de  Mont- 
bars  contre  les  Espagnols,  et  se  voyant  à  la 
tête  de  deux  excellents  vaisseaux ,  montés  par 
des  hommes  déterminés,  il  résolut  de  tenir  la 
mer  pour  son  propre  compte.  Le  reste  de  son 
histoire  ne  présente  plus  qu'une  suite  d'actions 
incroyables,  des  traits  de  bravoure  qui  tiendraient 
du  roman  si  les  historiens  ennemis  ne  les  rap- 
portaient eux-mêmes.  Bientôt  aucun  bâtiment 
espagnol  n'osa  se  montrer  dans  la  baie  de  Hon- 
duras et  sur  les  côtes  du  Yucatan  :  Montbars 
ne  redoutait  ni  le  nombre  ni  la  force,  et  son  au- 
dace ou  son  adresse  le  rendaient  toujours  vain- 
queur. N'ayant  plus  d'ennemis  sur  mer,  il  ra- 
vagea les  côtes  ;  sans  artillerie  il  enleva  des  for- 
teresses, détruisît  des  villes  défendues  par  de 
nombreuses  garnisons,  mit  en  déroute  des  corps 
d'armée.  Uni  à  L'Olonais  et  à  Michel  le  Basque, 
il  attaqua,  et  mit  à  rançon  ou  incendia  Puerto- 
Cabello,  San- Pedro,  Gibraltar,  Maracaïbo  et 
d'autres  colonies  aussi  importantes.  Ce  fut  alors 
que  les  Espagnols  lui  donnèrent  le  surnom 
d'Exterminateur  et  mirent  sa  tête  à  un  prix 
énorme.  Quelle  fut  sa  fin?  Périt-il  dans  un 
naufrage?  Fut-il  tué  dans  un  de  ses  combats  quo- 
tidiens ?  Mourut-il  obscurément  enlevé  par  le  ter- 
rible climat  sous  lequel  il  naviguait?  Rassasié 
de  vengeance ,  revint-il  dans  sa  patrie  jouir  de 
ses  richesses  comme  Montauban,  ou  se  fixa-t-il 
dans  le  Nouveau  Monde  comme  Morgan,  son 
émule3  On  l'ignore  :  cependant  le  dernier  cas 
est  le  plus  probable,  car  il  dut  se  lasser  vite  des 
vices  de  ses  compagnons.  Il  n'était  ni  avide  ni 
cruel  :  on  lui  rend  cette  justice  qu'il  ne  tua  ja- 
mais un  nomme  désarmé.  Montbars  est  le  héros 
d'un  roman  de  J.-B.  Picquenard  :  Monbars 
V Exterminateur ,  ou  le  dernier  des  Flibus- 
tins  :  anecdotes  du  Nouveau  Monde;  Paris, 
1807,  3  vol.  in-12  avec  fig.  Son,  nom  est  aussi 
le  titre  de  plusieurs  drames  (1).  A.  de  L. 

(1)  OEmelin,  qui  fut  lui-même  flibustier  durant  plu- 
sieurs années,  en  fait  le  portrait  suivant  :  «  Je  me  sou- 
viens de  l'avoir  vu  en  passant  ;iux  Honduras.  Il  étoit  vif, 
alerte,  et  plein  de  feu  comme  soat  tous  les  Gascons,  il 
avoit  la  taille  haute,  droite  et  ferme,  l'air  grand,  noble  et 
martial,  le  teint  basané.  Pour  ses  yeux,  on  n'en  sauroit 
dire  ni  la  forme  ni  la  couleur;  ses  sourcils  noirs  et  épais 
se  joignoient  on  arcade  au-dessus,  et  les  couvroient 
presque  entièrement  ;  en  sorte  qu'ils  paraissent  cachés 
comme  sous  une  voûte  obscure.  On  voit  bien  qu'un 
homme  fait  de  cette  sorte  ne  petit  être  que  terrible.  Aussi 
dit-on  que  dans  le  combat  il  cnmrnençolt  à  vaincre  par 
la  terreur  de  ses  regards,  et  qu'il  achcvolt  par  la  (orce 
de  son  bras.  Pendant  que  les  autres  consldéroient  avec 
plaisir  les  richesses  qui  leur  tomholent  entre  les  mains, 
Monbars  se  réjouissoit  à  la  vue  du  grand  nombre  d'Es- 


132 

A.-O.  OEmelin  ,  Histoire  des  Aventuriers  ou  Flibus- 
tiers, etc.  (Lyon,  1774,  3  vol.  in-12),  t.  il,  chap.  vi 
p.  246-269. 

>;  ont  bas  (Jean  Barton  de)  ,  prélat  fran-j 
çais,  abbé  du  Dorât  en  1446,  évêque  de  Limoges, 
le  1er  avril  1457,  et  conseiller  au  parlement,  né 
aux  environs  de  Guéret,  de  Jean  Barton,  vicomte 
de  Montbas,  chancelier  de  la  Marche  limousine, 
mort  au  château  d'Isle,  le  4  mars  1497,  avec  le 
titre  honorifique  d'archevêque  de  Nazareth.  Ces! 
à  lui  qu'on  doit  la  construction  de  la  nef  magni- 
fique de  le  cathédrale  de  Limoges  et  l'impression 
du  Missale  ad  usum  Lemovicensis  Ecclesias,  Pa- 
risiis,  per  Joannemde  Prato,  1483,  in-4°.  Le  > 
1er  juillet  1463,  il  reçut  dans  sa  cathédrale 
Louis  XI  revenant  de  Bayonne.  Deux  ans  après, 
il  résigna  ses  fonctions  en  faveur  de  son  neveu, 
Jean  Barton  de  Mointbas  II,  qui  fit  imprimer 
le  Breviarium  Lemovicense  (Paris,  1500,  in-8°), 
et  le  Brev iarium  diœcesis  Lemovicensis  (1504). 
M.  A.  (de  Limoges). 
Manuscrit  de  1638,  à  la  bibliothèque  de  Limoges.  — 
Callia  Christiania  nova,  t.  II,  col.  536,  551.  —  Bonaven- 
ture,  t.  III,  p.  166,  713,  729,  731. 

MGNTBEILLARD  (de).  Voy.  GuÉNEAU. 

montbel    (  Guillaume  -  Isidore  Baron  , 
comte   de  )  ,  homme  politique  français ,  né  h  • 
4  juillet  1787,  à  Toulouse,  mort  le  3  février  1861. 
à  Frohsdorff,  en  Autriche.  Il  se  fit  remarquer  er 
1815  par  l'ardeur  de  son  zèle  monarchique,  et  fui  ! 
placé  sous  la  surveillance  de  la  police  impériale. 
Il  faisait  partie  du  conseil  municipal  de  Toulouse 
lorsqu'il  remplaça,  comme  maire  de  cette  ville, 
son  ami  particulier,  M.  de  Villèle.  Élu  député  de 
la  Haute-Garonne  en    1827,  il  fut  en  quelque  i 
sorte  dans  la  chambre  nouvelle  le  représentant 
de  l'administration   déchue.  Actif,  doué  d'une 
élocution  facile,  dévoué  au  roi,  il  mit  autant  de 
chaleur  à  combattre  le  parti  libéral  qu'à  soutenu 
ou  à  développer  les  idées  de  M.  de  Villèle;  sans 
se  laisser  décourager  par  le  peu  de  succès  de  ses ; 
propositions  ou  de  ses  amendements,  il  occupai! 
presque  chaque  jour  la  tribune  et  savait  même 
se  faire   écouter;  c'était  du  reste  un  honnête 
homme,  de  convictions  profondes ,  faible  de  ca-  i 
ractère  et  ennemi  des  moyens  violents.  En  1828,1 
au  début  de  la  session,  il  prit  à  plusieurs  reprises} 
la  défense  de  M.  de  Villèle  et  réclama  sur  les  torts 
qu'on  lui  reprochait  un  religieux  silence.  Membre 
de  la  commission  chargée  d'examiner  le  projet  : 
de  loi  sur  la  presse  périodique,  il  s'éleva  contre' 
la  licence  de  la  presse,  à  laquelle  il  attribuait  le] 
meurtre  du  duc  de  Berri,  se   prononça  pour  la 
censure  facultative  et  demanda  qu'aucun  Journal 
ne  pût  paraître  sans  autorisation,  afin  d'éteindre 
la  concurrence,  mal  funeste  qui,  disait-il ,  obli- 
geait le  producteur  à  fabriquer  au  meilleur  mar- 
ché  (3  juin).  En  1829  il  fut  porté  par  l'extrême 
droite  à  la  vice-présidence  de  la  chambre  et 

pagnols  qu'il  voyoit  sans  vie;  car  il  ne  ressemblolt  pas  à  ; 
ceux  qui   ne  combattent  que  pour  le  butin,  Il  ne  hasar-  | 
doit  sa  vie  que  pour  la  gloire  et  pour  punir  les  Espa- 
gnols de  leur  cruauté.  »  (Cbap.  VI,  p.  255.) 


133 

n'obtint  que  les  voix  de  son  parti.  Le  19  février 
il  s'opposa  à  l'ajournement  de  la  proposition  de 
M.  Labbey  de  Pompièrcs  relative  à  la  mise  en 
accusation  des  derniers  ministres,  et  sur  laquelle 
on  n'avait  rien  décidé  dans  la  session  précédente. 
«On  vousdemande, dit-il, d'accuser  des  hommes, 
des  citoyens,  des  pairs  de  France,  d'anciens  mi- 
nistres du  roi  :  vous  ne  pouvez  laisser  plus  long- 
temps leur  position  indécise.  La  chambre  ferait 
injure  à  la  France  si  ces  hommes  sont  coupables 
et  à  eux-mêmes  s'ils  sont  innocents  :  elle  ne 
saurait  se  faire  un  jeu  de  laisser  suspendre  sur 
leur  tête  une  accusation  capitale.  »  Cette  sortie, 
de  la  part  de  l'ami  intime  de  M.  de  Villèle  fut 
un  des  motifs  qui  engagèrent  la  majorité  à  ac- 
cepter la  discussion.  Le  7  avril  il  critiqua  l'in- 
tervention en  faveur  des  Grecs,  et  se  plaignit  de 
voir  augmenter  les  charges  des  contribuables, 
o  par  l'étalage  de  sentiments  classiques  pour  la 
patrie  de  Miltiade  et  de  Léonidas,  ou  par  l'idée 
romanesque  d'une  croisade  dans  le  goût  du  dou- 
zième siècle  ».  Lors  de  la  formation  du  ministère 
Polignac  (8  août  1829),  M.  de  Montbel  y  figura 
d'abord  avec  le  portefeuille  des  affaires  ecclésias- 
tiques et  de  l'instruction  publique.  Pendant  les 
trois  mois  qu'il  le  conserva,  il  ne  détruisit  rien 
de  ce  que  M.  de  Vatimesnil,  son  prédécesseur, 
avait  fait  de  bien  ;  il  refusa  même  de  se  prêter  à 
une  mesure  ardemment  souhaitée  par  la  congré- 
gation, c'est-à-dire  la  suspension  des  cours  de 
MM.  Cousin,  Guizot  et  Villemain.  «  Si  le  gou- 
vernement voulait  employer  la  force,  dit-il  à  ce 
sujet,  ce  n'est  pas  par  l'université  qu'il  faudrait 
commencer.  »  Le  18  novembre  suivant,  il  passa 
au  département  de  l'intérieur,  laissé  vacant  par 
la  démission  de  M.  de  La  Bourdonnaie.  Bien  qu'il 
se  déclarât  lui-même  au-dessous  d'un  pareil  far- 
deau, il  dut  obéir  à  la  volonté  expresse  de 
Charles  X.  Ses  premiers  actes,  tels  que  la  no- 
mination de  M.  Sirieys  de  Marinhac  à  la  direc- 
tion de  la  police  générale,  indisposèrent  contre 
lui  l'opinion  publique,  qui  s'obstinait  d'ailleurs  à 
ne  voir  en  lui  que  la  doublure  ou  le  confident  de 
M.  de  Villèle.  Après  s'être  efforcé  de  pallier  l'effet 
des  menaçantes  paroles  du  discours  de  la  cou- 
ronne, il  s'éleva  dans  la  discussion  de  l'adresse 
(5  mars  1830  )  contre  «  la  haine  qui  alarme,  qui 
place  les  honnêtes  citoyens  sous  les  coups  de  la 
diffamation  et  de  la  calomnie,  et  qui  empêche  les 
magistrats  de  faire  tout  le  bien  qu'ils  désirent  «. 
Il  accusa  «  le  temps  d'avoir  le  mal  de  la  peur  ». 
Les  élections  furent  sa  principale  affaire.  Non- 
seulement  il  soutint  à  la  tribune  qu'il  était  juste, 
indispensable  même,  que  le  gouvernement  exer- 
çât en  pareille  matière  toute  son  influence,  mais 
il  adressa  le  13  avril  une  circulaire  aux  préfets  (1) 
où  se  trouvait  ce  passage  relatif  aux  fonction- 
naires :  «  Vous  me  donnerez  sur  leur  conduite 

(il  0an<;  le  procès  des  ministres  le  procureur  général, 
M.  Persil,  attribua  cette  circulaire  à  M.  de  Pevronnel. 
Elle  a  été  réimprimée  en  1830,  à  la  suite  de  la  Protesta- 
tion de  M.  de  Montbel.  . 


MONTBEL  134 

des  renseignements  confidentiels;  je  ne  les  ferai 
connaître  qu'A  leurs  ministres  respectifs,  qui  pren- 
dront à  leur  égard  les  mesures  que  leur  dictera 
la  prudence.  »  Enfin  le  19  mai  1830  il  succéda 
à  M.  de  Chabrol  comme  ministre  des  finances, 
et  ce  fut  en  cette  qualité  que  sa  signature  figura 
au  bas  des  ordonnances  de  Juillet.  Pendant  la 
lutte  qui  en  résulta,  il  ne  faiblit  pas  un  seul  mo- 
ment, et  repoussa,  comme  indigne  de  la  royauté, 
tout  projet  de  transaction  avec  les  insurgés.  Le 
28  il  s'établit  avec  M.  de  Polignac  aux  Tuileries, 
concourut  à  plusieurs  ordres  d'arrestation ,  et 
signa  sur  le  trésor  un  mandat  de  421,000  francs 
destinés  à  procurer  sans  retard  aux  troupes  les 
approvisionnements  dont  elles  manquaient.  Après 
s'être  montré  contraire  le  29  à  la  démarche  con- 
ciliante que  MM.  de  Sémonville  et  d'Argout  ten- 
tèrent auprès  du  duc  de  Raguse,  il  suivit  ses  col- 
lègues à  Saint-Cloud  ;  puis,  seul  avec  M.  Capelle, 
il  accompagna  le  roi  a  Rambouillet,  où  le  1er  août 
il  fit  une  expédition  de  l'ordonnance  qui  nommait 
le  duc  d'Orléans  lieutenant  général  du  royaume. 
Jugeant  dès  lors  ses  services  inutiles,  il  s'éloigna 
dans  la  nuit,  et  rentra  à  Paris;  deux  jours  après 
il  monta  dans  une  voiture  publique,  et  se  rendit 
à  Vienne,  en  Autriche ,  où  il  resta  pendant  plu- 
sieurs années.  M.  de  Montbel  fut  compris  comme 
contumace  dans  l'arrêt  de  la  cour  des  pairs  qui 
condamna  tous  les  anciens  ministres  de  Charles  X 
à  la  mort  civile  et  à  la  prison  perpétuelle.  Acte 
fut  en  même  temps  donné ,  pour  ce  qui  le  con- 
cernait personnellement,  aux  commissaires  de 
la  chambre  des  députés  de  leurs  réserves  pour 
le  recouvrement  sur  ses  biens  des  sommes  qu'il 
avait  illégalement  ordonnancées  dans  les  journées 
des  28  et  29  juillet.  Amnistié  ainsi  que  ses  collè- 
gues sous  le  ministère  Mole,  il  rentra  en  France, 
et  vécut  dans  la  retraite  jusqu'à  l'époque  de  sa 
mort.  On  a  de  M.  de  Montbel  :  Protestation 
de  M.  de  Montbel  contre  la  procédure  ins- 
truite et  suivie  contre  lui  devant  les  pairs  et 
exposé  de  sa  conduite  pendant  et  avant  les 
événements  de  juillet  1830;  Paris,  1831,  in-8°; 

—  Lettre  sur  le  Choléra  de  Vienne;  Paris, 
1852,in-8o,  extr.  de  la  Revue  des  Deux  Mondes  ; 

—  Le  duc  de  Relchstadt,  notice  sur  la  vie 
et  la  mort  de  ce  prince,  rédigée  à  Vienne  sur 
des  documents  authentiques;  Paris,  1832, 
1833, 1835,  in-8°  ;  —  Dernière  époque  de  l'his- 
toire de  Charles  X,  ses  derniers  voyages,  sa 
maladie,  sa  mort ,  son  caractère;  Paris,  183&, 
1837,  in-8°  ;  —  Le  comte  de  Marnes,  fils  aîné 
du  roi  de  France  Charles  X;  Paris,  1844, 
in-8°;  la  4e  édit.  (1845,  in-18)  porte  le  titre  : 
Le  dxie  d'Angouléme. 

Il  ne  faut  pas  confondre  M.  de  Montbel  avec 
le  comte  nE  Montbel,  d'une  famille  du  Berri, 
et  qui  a  siégé  à  la  chambre  des  députés  en  1815, 
en  1822  et  en  1824,  et  qui  est  mort  en  1860.  P.  L. 

Biogr.  uni?,  et  portât,  des  Contemp.  —  Polignac  (De), 
Etudes  kist.  et  polit.  —  Boullée,  fJist.  de  la  dernière 
année  de  lu  Restauration.  —  Vaubbelle,  Hist.  des  deux 
Restaurations,  VII  et  Vin. 

5. 


135  MONTBELIARD 

MONTBÉLIARD,  famille  comtale ,  citée  dès 
le  dixième  siècle  comme  une  des  pins  puissantes 
du  royaume  de  Bourgogne  et  comme  descen- 
dant des  rois  des  Francs.  Le  premier  comte  de 
Montbéliard  dont  il  soit  fait  mention  est  Louis 
de  Dasborch  (966).  Un  de  ses  descendants,  Louis, 
épousa  Sophie,  héritière  de  Frédéric  II ,  comte 
de  Bar,  mort  en  1034.  Gautier  de  Montbéliard, 
devenu  connétable  de  Jérusalem,  fut  chargé  en 
1205,  après  la  mort  d'Amaury  de  Lusignan, 
son  beau -père,  de  la  régence  du  royaume  de 
Chypre  pendant  la  minorité  de  Hugues  Ier.  Son 
cousin  Jean  de  Brienne,  petit-fils  du  comte  de 
Montbéliard  Thierry  II,  s'assit  sur  le  trône  de 
Jérusalem.  Ce  Thierry  II  étant  mort  sans  des- 
cendants mâles,  son  comté  passa  entre  les  mains 
de  René,  comte  de  Bourgogne;  la  fille  unique  de 
ce  dernier  épousa  Guillaume  de  Montfaucon, 
dont  l'arrière-petite-fille,  Henriette,  héritière  du 
comté  de  Montbéliard,  fut  mariée  en  1397,  à 
Éberhard  le  jeune,  fils  du  duc  de  Wurtemberg. 
En  1617  le  comté  fut  accordé  en  apanage  à 
Louis-Frédéric,  frère  cadet  du  duc  de  Wurtem- 
berg Jean-Frédéric.  Léopold-Frédéric,  fils  de 
Louis-Frédéric,  élevé  à  la  cour  de  Louis  XIII, 
plaça  pendant  la  guerre  de  Trent  Ans  ses  États 
sous  la  protection  de  la  France  ;  en  1654  il  ob- 
tint que  son  pays  fût  érigé  en  principauté.  Son 
frère  et  successeur  Georges  fut  en  1676  expulse 
de  son  pays  par  les  Français  ;  il  le  recouvra  à  la 
paix  de  Riswyck. 

Léopold- Éberhard,  prince  de  Montbéliard, 
fils  de  Georges,  né  en  1670,  mort  le  29  mars 
1723.  Arrêté  à  l'âge  de  onze  ans  par  son  parent 
le  duc  de  Wurtemberg,  il  fut  relâché  sur  la  de- 
mande catégorique  de  l'empereur,  qui  menaça  le 
duc  de  la  mise  au  ban  de  l'Empire.  Léopold- 
Éberhard,  entré  au  service  de  l'Autriche ,  prit 
part  aux  guerres  de  Hongrie,  et  défendit  avec 
succès  contre  les  Turcs  la  forteresse  de  Tokay. 
Ayant  succédé  en  1699  à  son  père  dans  la  prin- 
cipauté de  Montbéliard,  il  fut  mis  eh  même  temps 
en  possession  de  neuf  seigneuries  situées  en 
France  et  qu'il  tenait  de  sa  mère,  fille  du  maré- 
chal de  Châtillon,-  Coligni.  IL  s'abandonna  dès 
lors  sans  retenue  à  ses  goûts  licencieux  ;  à  force 
d'instances  il  obtint  de  l'empereur  que  la  plus 
ancienne  de  ses  concubines,  Anne-Sabine  Hed- 
wiger,  fille  d'un  confiseur,  fût  créée  comtesse  de 
Sponeck  ;  les  deux  autres,  Henriette-Hedwige 
et  Elisabeth-Charlotte  de  l'Espérance,  filles  d'un 
tailleur,  reçurent  le  titre  de  baronnes.  Après  avoir, 
dans  un  traité  conclu  en  1716  avec  le  duc  de 
Wurtemberg,  déclaré  inhabiles  à  lui  succéder  les 
treize  enfants  qu'il  avait  de  ces  trois  femmes,  il 
les  fit  légitimer  en  1718  par  le  régent  de  France, 
Philippe  d'Orléans.  En  réponse  à  cet  acte,  le  con- 
seil aulique  proclama  leur  état  de  bâtards.  Léo-, 
pold-Éberbard  ne  se  préoccupa  pas  de  cette  dé- 
cision. «  Ce  ne  fut  pas  tout,  dit  Saint-Simon.  Il 
jnaria  un  de  ses  fils  à  une  de  ses  filles,  sous  pré- 
texte que  la  mère  de  cette  fille  l'avoit  eue  d'un 


—  MONTBOISS1ER 


136 


mari  à  qui  il  l'avoit  enlevée  puis  épousée,  et 
longtemps  après  il  fut  vérifié  que  cette  fille  étoit 
de  lui,  quoiqu'ils  ne  l'aient  pas  avoué,  et  que  le 
mariage  ait  subsisté.  »  Alamort  de  Léopold-Éber- 
hard,  le  comte  Georges  de  Sponeck,  l'aîné  de  ses 
bâtards,  prit  possession  de  la  principauté  de 
Montbéliard  ;  mais  il  en  fut  expulsé  par  le  duc 
de  Wurtemberg,  qui  obtint  en  sa  faveur  un  ar- 
rêt du  conseil  aulique.  Quant  aux  domaines  pos- 
sédés en  France  par  Léopold -Éberhard ,  le  dif- 
férend fut  porté  devant  le  parlement  de  Paris. 
Par  le  crédit  de  Mme  de  Mézières  et  de  la  prin- 
cesse de  Carignan ,  auxquelles  le  comte  de 
Sponeck,  celui  qui  avait  épousé  sa  propre  sœur, 
remit  une  forte  somme  d'argent,  il  gagna  bientôt 
à  sa  cause  beaucoup  de  partisans  à  la  cour  de 
France,  surtout  lorsqu'il  eut  abjuré  le  luthéra- 
nisme. Après  que  l'affaire  eut  longtemps  traîné 
en  longueur,  «  le  procès,  dit  encore  Saint-Simon, 
fut  repris  au  parlement  ;  mais  les  choses  étoienl 
trop  changées  pour  les  faux  Montbéliard.  CetW 
affaire  si  singulière  avoit  fait  trop  de  bruit  el 
avoit  trop  duré;  elle  avoit  à  la  fin  été  éclairci* 
de  tous  les  artifices  dont  elle  avoit  été  voilée.. 
Le  monde  s'indigna  qu'une  prétention  si  mons 
trueuse  fût  soufferte;  les  dévots  eurent  hont* 
à  leur  tour  de  l'avoir  tant  protégée;  tellemen 
qu'il  intervint  enfin  un  arrêt  contradictoire  ei 
la  grand'chambre,  qui  replongea  cette  canailli 
infâme  dans  le  néant,  d'où  elle  n'auroit  jamais 
dû  sortir....  Le  rare  est  que  malgré  cet  arrêt 
cette  race  bâtarde  a  eu  l'impudence  de  conser 
ver  à  Paris  son  prétendu  nom ,  titre,  armes  e 
livrées,  qu'elle  va  traînant  où  elle  peut,  sans  êtn 
presque  plus  reçue  par  personne.  »  Enfin,  ceuî 
des  bâtards  qui  vivaient  encore  reçurent  le  titn 
de  comtes  d?  Hornebour  g,  et  le  revenu  des  seij 
gneuries  situées  en  France  leur  fut  abandonné.  O 

Gollut,  Mémoires  de  la  République  Séquanaise.  - 
Duvernay,  Éphémërides  du  comté  de  Montbéliard. 

montboissiër  {Pierre  de ),  vulgairemen 
appelé  Pierre  le  Vénérable,  fils  de  Maurice 
abbé  de  Cluni,  naquit  en  Auvergne,  et,  suivan 
toutes  les  vraisemblances,  au  château  de  Mont 
boissier,  vers  1092,  et  mourut  à  Cluni,  le  25  dé 
cembre  1 156.  Pierre  de  Poitiers  le  désigne  ainsi  ' 

Hune  Arverni  populi  progenuere  duces. 

Il  était  donc  d'une  illustre  naissance.  Mauria 
de  Montboissier  et  Raingarde,  sa  femme,  desti  i 
nèrent  presque  tous  leurs  enfants  à  l'état  ecclé 
siastique.  Ainsi  parmi  les  frères  de  Pierre,  1 
Gallia  Christiana  nomme  Héraclius,  qui  fn 
archevêque  de  Lyon  ;  Pons,  abbé  de  Vezelay 
Jourdain,  abbé  de  la  Chaise-Dieu;  Armand,  abh 
de  Manlieu.  Septième  rejeton  mâle  de  cetfc I 
union  si  féconde,  Pierre  entra  d'abord  au  prieur 
de  Soucilange,  où  il  fit  ses  premières  éludes 
puisa  Cluni,  où,  vers  l'année  1109,  il  fut  reçi 
moine.  Nous  le  voyons  ensuite  prieur  de  Vezelay 
de  Domné.  Enfin,  le  22  août  1122,  il  est  élu  abb 
de  Cluni.  En  ces  temps  pleins  de  troubles,  que 


137 

pouvoir,  quel  titre  n'est  pas  contesté?  Pierre 
vient  de  prendre  possession  de  sa  charge,  quand 
un  ancien  abbé  de  Cluni,  qui,  après  avoir  abdi- 
qué le  gouvernement  de  cette  maison,  avait  fait 
un  long  pèlerinage  à  Jérusalem ,  reparait  tout  à 
coup,  pénètre  dans  l'abbaye  les  armes  à  la  main, 
s'établit  en  vainqueur  dans  le  logis  abbatial,  et 
prétend  régner  par  la  terreur  sur  les  moines  atta- 
chés au-parti  de  Pierre.  A  la  suite  de  cette  inva- 
sion commencent,  on  l'a  prévu,  des  débats  judi- 
ciaires. Les  deux  rivaux,  assignés  devant  la  cour 
de  Rome,  s'y  présentent  et  s'efforcent  de  faire 
prévaloir  ce  qu'ils  appellent  leurs  droits.  Mais, 
sur  ces  entrefaites,  une  maladie  épidémique  en- 
lève l'ennemi  de  Pierre,  et  celui-ci,  confirmé 
dans  sa  charge  par  le  souverain  pontife,  revient 
triomphant  à  Cluni.  Deux  factions  divisaient  l'ab- 
baye. Pierre  rétablit  l'ordre  longtemps  troublé. 
Mais  voici  une  autre  et  plus  grave  cause  d'agi- 
tation. A  la  mort  d'Honorius  II,  deux  papes  sont 
élus  à  la  fois.  Entre  Anaclet  et  Innocent  II  il 
faut  choisir,  et  un  pareil  choix  n'est  pas  facile. 
Comme  saint  Bernard,  Pierre  se  prononce  pour 
Innocent,  et  travaille  de  toutes  ses  forces  à  en- 
traîner la  France  dans  son  parti.  On  s'accorde  à 
dire  que  Pierre  agit  efficacement  en  faveur  du 
pontife  par  lui  préféré.  Cette  affaire  lui  donna 
de  grands  embarras;  mais  il  eut  du  moins 
la  satisfaction  de  voir  enfin  Innocent  II  reconnu 
par  la  France.  En*1132,  un  chapitre  général  de 
l'ordre  est  assemblé  dans  l'abbaye  de  Cluni. 
Deux  ..cents  prieurs,  douze  cents  religieux  y  as- 
sistent, et  Pierre  les  préside.  Toute  puissance 
civile,  même  la  puissance  royale,  devait  redouter 
et  ménager  le  chef  d'une  <si  nombreuse  milice. 
Que  s'il  relevait  encore  l'éclat  de  son  titre  par 
des  qualités  personnelles,  comme  la  gravité  des 
mœurs,  l'éloquence,  le  savoir,  l'esprit  d'entre- 
prise-joint à  la  prudence  et  à  la  vigueur,  le  su- 
périeur d'une  telle  congrégation  était  un  des 
personnages  les  plus  considérables  et  de  l'Église 
et  de  l'État.  Le  chapitre  général  de  l'année  1132 
dicta  de  sévères  règlements.  Orderic  Vital  ne 
se  contente  pas  de  raconter  le  fait  ;  il  s'associe 
aux  remontrances  des  moines,  qui  blâmèrent  cet 
excès  de  rigueur.  Cependant  il  ajoute  que  la 
douceur  de  Pierre  tempéra,  dans  la  pratique,  la 
dureté  des  ordonnances.  En  1134,  Pierre  siège 
au  concile  de  Pise.  Il  revenait  dé  cette  ville, 
allant  de  compagnie  avec  un  nombre  considé- 
rable d'archevêques,  d'évêques,  d'abbés,  quand 
une  troupe  armée  les  surprend,  les  attaque  en 
pleine  campagne,  en  blesse  quelques-uns ,  met 
en  fuite  les  autres ,  et  s'empare  de  tous  leurs 
équipages.  Pierre,  qui  était  sur  sa  mule,  ayant 
à  ses  côtés  Alberic,  abbé  de  Vezelay,  se  dirige 
vers  les  assaillants,  disposé,  comme  il  semble, 
à  leur  opposer  quelque  résistance  ;  mais,  au  pre- 
mier choc,  il  est  renversé  de  sa  mule  que  trans- 
perce un  coup  de  lance;  et  réduit  lui-même  à 
prendre  la  fuite,  il  va  se  cacher  dans  la  plus 
prochaine  métairie.  C'est  une  «  lamentable  his- 


MONTBOISS1ER  138 

toire,  »  lamentabilem  historiam,  que  Pierre  ra- 
conte lui-même  au  souverain  pontife,  en  lui  de- 
mandant une  juste  vengeance  (  EpisL,  lib.  I, 
epist.  27  ).  Nous  le  retrouvons  au  concile  de 
Latran  en  1138.  Il  est  de  retour  en  Italie  en  1141, 
où  il  s'emploie  vainement  à  réconcilier  les  Luc- 
quois  et  les  Pisans.  Ensuite  il  se  rend  en  Espa- 
gne, où  il  va  visiter  les  maisons  de  son  ordre. 
En  Espagne  il  est  étonné  de  voir  mêlés  aux 
chrétiens  les  sectateurs  de  Mahomet,  formant 
un  grand  peuple,  fier  de  sa  richesse,  de  sa  puis- 
sance. Ils  ont  des  temples,  ils  ont  un  Dieu,  qui, 
disent-ils,  est  le  Dieu  de  Moïse.  Ils  ont  des  écoles 
religieuses,  et  des  théologiens  qui  interprètent  un 
livre  sacré.  Quel  est  ce  livre  ?  En  France,  en 
Italie,  on  ne  le  connaît  que  de  nom.  Pierre,  cu- 
rieux de  savoir  ce  qu'il  renferme,  charge  trois 
chrétiens,  Pierre  de  Tolède,  Robert  Kennet, 
voyageur  anglais  résidant  alors  en  Espagne,  et 
le  dalmate  Hermann,  de  faire  en  commun  une 
traduction  du  Coran.  Cette  circonstance  est 
intéressante  dans  la  vie  de  notre  abbé.  M.  Jour- 
dain, dans  ses  Recherches  critiques  sur  les 
traductions  d'Aristote,  n'a  pas  manqué  de  la 
signaler. En  1144, en  1145, Pierre  esta  Rome. En 
1146,  il  est  à  Cluni,  où  il  forme  une  seule  col- 
lection de  tous  les  statuts,  au  nombre  de  soixante- 
seize,  qu'il  avait  jusqu'alors  publiés  pour  le  main- 
tien de  la  discipline.  On  le  revoit  à  Rome  en  1150, 
réclamant  l'appui  du  saint-siége  contre  quelques 
religieux  insoumis.  Quelle  existence  fut  plus  active 
que  la  sienne?  Il  aimait,  assure-t-on,  les  voyages, 
et  on  lui  en  fait  reproche.  On  dit  qu'un  abbé 
de  Cluni  se  devait  tout  entier  à  sa  congrégation. 
De  tous  les  abbés  de  Cluni,  Pierre  est  un 
de  ceux  qui  se  sont  le  plus  occupés  de  la  plus 
importante  de  toutes  les  affaires  domestiques, 
la  discipline.  A-t-il  négligé  davantage  l'admi- 
nistration temporelle  de  ses  vastes  possessions? 
Il  est  probable  qu'il  en  remit  le  soin  pendant 
ses  voyages  à  d'habiles  vicaires,  puisqu'on 
n'apprend  pas  que  de  son  temps  la  riche,  et 
^déjà  trop  riche,abbaye  ait  éprouvé  quelque  no- 
table dommage.  Les  hommes  supérieurs  ne  peu- 
vent à  leur  volonté  s'affranchir  des  obligations 
que  leur  impose  leur  grande  renommée.  Quand 
saint  Bernard  et  Suger,  une  série  de  papes,  les 
rois  de  France,  d'Espagne,  de  Sicile ,  de  Jéru- 
salem et  l'empereur  de  Constantinople  lui-même 
s'adressaient  à  l'abbé  de  Cluni  pour  lui  demander 
des  conseils  ou  des  services,  se  serait-il  con- 
venablement dispensé  d'étudier,  de  traiter  leurs 
affaires,  sous  le  prétexte  que  la  visite  d'un 
prieuré,  la  poursuite  d'un  procès,  ou  l'exacte 
supputation  des  revenus  de  ses  granges  devaient 
occuper  tous  les  instants  d'un  abbé  vigilant  et 
scrupuleux?  M.  Daunon  termine  la  biographie, 
de  Pierre  par  ces  mots,  :  «  Il  n'a  point  été  ca- 
nonisé dans  les  formes,  mais  l'Église  a  toujours 
honoré  sa  mémoire;  et  ce  titre  de  Vénérable, 
qui  complète  son  nom,  et  par  lequel  l'histoire 
le  désigne,  ce  titre,  assurément  bien  inférieur  à- 


139 


MONTBOISSIER 


celui  de  saint ,  est  en  revanche  une  distinction 
beaucoup  moins  commune.  » 

Il  n'existe  aucune  édition  complète  des  nom- 
breux écrits  de  Pierre  le  Vénérable,  ce  qui  nous 
oblige  à  les  désigner  tous  par  leurs  titres  particu- 
liers. Ses  Lettres,  au  nombre  desoixante-et-onze, 
se  lisent,  pour  la  plus  grande  partie,  dans  la  Bi- 
bliotheca  Cluniacensis.  Quelques-unes  de  ces 
lettres  sont  de  véritables  traités  sur  des  questions 
dogmatiques.  On  aurait  donc  pu  leur  attribuer  des 
titres  distincts,  comme  aux  traités  suivants  :  Epis- 
tola  ad  Pelrum  de  S.  Joanne  contra  eos  qui 
dicunt  Christian  nunquam  se  in  EvangeUis 
aperte  Deumdixisse;  Biblioth.  Cluniac.,c&\. 
966;  —  Tractatus  adversus  Judœorwn  inve- 
teratam  durit iêm;  ibid.,  col.  985;  —  Trac- 
tatus adversus  Petrobrusianos  hsereticos; 
ibid.,  col.  1117;  —  De  Miraculis  libri  duo; 
ibid.,  col.  1247.  Nous  avons  parlé  de  la  traduc- 
tion du  Coran,  faite  par  les  ordres  de  Pierre  le 
Vénérable.  La  Bibliothèque  de  Cluni  nous 
offre  une  lettre  de  Pierre  à  saint  Bernard  relative 
à  eette  traduction,  une  préface  d'un  des  traduc- 
■  teurs,  Robert  de  Rétines,  et  un  abrégé  des  erreurs 
contenues  dans  le  Coran,  abrégé  que  domMarrier 
attribue  sans  difficulté  à  Pierre  le  Vénérable, 
sous  ce  titre  :  Summula  qusedam  brevis  contra 
Hsereses  et  sectam  diabolicse  fraudis  Sarace- 
norum.  Notre  docteur  a,  en  outre,  composé  une 
réfutation  du  Coran,  en  quatre  livres,  dont  les 
deux  derniers  paraissent  perdus  ;  les  deux  pre- 
miers ont  été  publiés  par  Martène,  dans  le  tome  IX 
de  \'Amplissima  Collectio.  Nous  admettrons  vo- 
lontiers que  Pierre  le  Vénérable  a  prononcé  beau- 
coup de  Sermons:  Cependant  on  n'en  possède, 
ou  du  moins  on  n'en  désigne  que  quatre ,  un 
seul  imprimé  dans  la  Bibliothèque  de  Cluni, 
col.  1231,  et  trois  dans  les  Anecdota  de  Mar- 
tène, t.  V,  col.  1419-1450.  Ses  Poésies,  au 
nombre  de  quatorze  pièces,  sont  dans  la  Biblio- 
thèque de  Cluni.  M.  Daunou  en  a  fait,  à  bon 
droit,  peu  de  cas.  Il  faut,  en  outre,  inscrire  au 
catalogue  des  œuvres  de  Pierre  le  Vénérable  le 
recueii  de  ses  Statuts,  dans  la  Bibliothèque  de 
Cluni;  et  un  écrit  intitulé  Dispositio  rei  fami- 
liaris,  publié  par  Baluze  (Miscellanea,  t.  V). 
M.  Daunou  mentionne  enfin  quelques  morceaux 
inédits,  qui  n'ont  aucune  importance,  et  présente 
la  liste  des  ouvrages  attribués  à  tort  par  divers 
critiques  à  Pierre  le  Vénérable.     B.  Bauréau. 

Gallia  Christiana,  t.  IV,  col.  1137.  —  Bibliotkcea  Clu- 
niacensis.  —  Histoire  Liltér.  de  la  France,  t.  XIII, 
p.  241.  —  Pétri  Venerabilis  Pita,  a  Rodelfo,  dans  VAm- 
plissima  Collectif),  t.  VI.  —  Ceillier,  Hist.  des  auteurs 
ecclésiastiques,  t.  XXIII.  —  Baillet,  Pie  de  Pierre  le 
Vénérable,  au  25  décembre. 

montbray  (  Geffroi  de ) ,  prélat  français, 
né  à  Montbray,  près  de  Saint-LÔ,  mort  le  2  fé- 
vrier 1094,  à  Coutances.  Issu  d*une  des  plus 
illustres  familles  de  Normandie,  il  fut  promu  dès 
sa  jeunesse  à  l'épiscopat  et  sacré  le  10  avril  1049 
évoque  de  Cou  lances.  Il  se  trouva  à  l'assemblée 
tenue  en  1060  par  Guillaume,  duc  de  Normandie, 


—  MONTBRON  140 

à  Lillebonne,  et  dans  laquelle  fut  résolue  l'in- 
vasion de  l'Angleterre.  L'un  des  principaux  pro- 
moteurs de  cette  guerre,  il  suivit  à  la  conquête  le 
duc  son  ami,  et  se  conduisit  en  homme  de  cœur 
à  la  bataille  d'Hastings.  Il  accompagna  Guillaume 
à  Londres,  et  dans  la  cérémonie  de  son  couron- 
nement à  Westminster,  il  remplit  les  fonctions  de 
chambellan  pour  les  états  de  Normandie .  Lors- 
que le  conquérant  fut  rappelé  dans  son  duché, 
il  laissa  Geffroi  de  Montbray  a  la  tête  de  ses 
milices  et  s'en  trouva  bien.  En  1067,  lorsqu'il  eut 
battu  les  deux  princes  anglo-saxons,  Edmond  et 
Godwin,  Geffroi  entra  dans  le  Dorset  et  le  Som- 
merset,  et  y  fit  mutiler  «  tous  les  hommes  ar- 
més ou  suspects  d'avoir  pris  les  armes  »  dont  il 
put  s'emparer.  Quelques  années  après,  les  comtes 
de  Nortbumberland,  de  Norfolk,  de  Hereford 
s'étant  révoltés  contre  le  conquérant,  Geffroi 
contribua  puissamment  à  la  victoire  de  Fagadon, 
remportée  sur  eux  en  1074,  les  força  de  s'en- 
fermer ensuite  dans  Norwich,  où  il  les  assiégea, 
et  les  prit  par  capitulation  :  en  récompense  deses 
belles  et  nombreuses  actions,  Guillaume  lui  con- 
céda en  fief  280  terres  seigneuriales.  Après  la 
mort  de  ce  prince  (1087),  il  éprouva  tant  de  dis- 
grâces, qu'il  se  vit  obligé  de  revenir  en  Normandie, 
s'estimant  heureux  de  pouvoir  échapper  par  la 
fuite.  H.  F. 

Orderic  Vital,  Histoire  ecclésiastique.  —  Gallia  Chris- 
tiana, XI.  —  Aug.  Thierry,  Hist.  de  la  Conquête  de 
l'Angleterre  par  les  Normands.  —  Lecanu,    Hist.  des 
Évêques  de  Coutances.  —  Fisquet,  France  pontificale. 
MONTBRET.  Voy.  COQUEBERT* 

montbron  (Joseph  Chérade,  comte  de), 
littérateur  français,  né  en  1766,  au  château 
d'Horte,  près  de  Montbron  (Angoumois),  mort 
en  1852,  au  château  de  Montagrier  (Limousin). 
Officier  à  l'âge  où  l'on  n'est  encore  qu'écolier, 
il  suivit  les  princes  dans  l'émigration,  et  prit 
part  à  l'expédition  de  Quiberon;  fait  prisonnier 
el  condamné  à  mort ,  il  réussit  à  s'évader,  et 
gagna  la  Hollande.  A  l'aide  d'un  déguisement  il 
se  cacha  pendant  quelque  temps  à  Bordeaux,,  où 
il1  donna  des  leçons  de  dessin.  Rayé  à  prix  d'or 
de  la  liste  des  émigrés,  il  rentra  dans  une  partie 
de  ses  biens,  et  s'occupa  de  littérature.  En  1822 
et  en  1827,  il  représenta  la  Haute- Vienne  à  la 
chambre  des  députés,  et  vota  constamment  avec 
le  ministère  ;  entre  autres  mesures  qu'il  pro- 
posa, on  n'est  pas  peu  étonné  de  trouver  celle 
de  l'impôt  progressif.  Après  1830,  il  revint  à  sou 
cliàteau  de  Montagrier,  dont  il  fit  une  des  plus 
belles  propriétés  du  Limousin;  il  est  le  premier 
qui  ait  introduit  l'alpaga  en  France.  On  a  de  lui  : 
Les  Scandinaves,  poème  traduit  dû  suéo-go- 
thique,  suivi  d1  Observations  sur  les  mœurs 
et  la  religion  des  anciens  peuples  de  l'Eu- 
rope barbare;  Paris,  1801,  2  vol.  in-8°;  —  Six 
Nouvelles;  Paris,-  1815,  3  vol.  in-12;  —  Récit 
de  l'évasion  d'un  ojficier  pris  à  Quiberon; 
Paris,  1815,  in-12;  la  2e  édit.  (1825,  in-18)  est 
augmentée  d'une  élégie  et  de  notes  explicatives;; 

—  Essais  sur  la  Littérature  des  Hébreux. 


141 


MONTBRON  —  MONTBRUN 


142 


Rachel,  le  Meurtrier,  les  Noces  funèbres,  Né- 
ISémie,  narrations  imitées  de  l'hébreu,  pré- 
cédées d'une  introduction  et  du  Voyage  de 
Benjamin  de  Tudèle  à  l'oasis  lointaine,  sui- 
vies de  notes  et  de  dissertations  qui  peuvent 
servir  à  l'intelligence  de  la  Bible;  Paris,  1819, 
4  vol.  in-12;  —  Quelques  nouvelles  dans  la 
Bibliothèque  des  Romans.  P.  L— y. 

Son  frère  aine,  Etienne- Pierre  CnÉRADE, 
comte  de  Montbron,  né  en  1763,  mort  le  24  jan- 
vier 1841,  acheta  d'abord  une  charge  de  con- 
seiller au  parlement  de  Paris  ;  il  l'échangea  contre 
un  brevet  de  sous-lieutenant.  Quand  vint  la  ré- 
volution il  ne  suivit  point  ses  parents  en  émigra- 
tion, et  se  livra,  dans  son  domaine  de  Scorbé- 
Clervault  en  Poitou,  à  de  grands  travaux  d'ar- 
boriculture. Sa  belle  plantation  de  chênes-liége 
fixa  l'attention  de  la  Société  centrale  d'Agriculture, 
qui  lui  accorda  un  de  ses  prix.  On  lui  doit  la 
découverte  de  la  variété  de  noyer  tardif  à  qui 
son  nom  a  été  donné.  Sous  la  Restauration  il  re- 
prit du  service,  reçut  le  commandement  en  se- 
cond des  gardes  du  corps  à  pied  et  fut  nommé 
maréchal  de  camp.  P.  L — y. 

Texler  (Abbé),  Notice  sur  le  comte  de  Montbron,  dans 
le  Bulletin  de  la  Soc.  archèol.  du  Limousin,  1852.  —  Ar- 
bellot ,  Revue  de  la  Haute-Sienne. 

montbrcn  (  Charles  du  Puy),  capitaine 
français,  né  vers  1530,  au  château  deMontbrun 
(diocèse  de  Gap),  exécuté  le  12  août  1575,  à 
Grenoble.  Issu  d'une  des  plus  anciennes  familles 
du  Dauphiné,  il  fit  en  Italie  ses  premières  armes, 
et  continua  de  servir  avec  distinction  dans  les 
guerres  de  Flandre  et  de  Lorraine.  Chorier  ra- 
conte qu'a  son  retour  dans  sa  famille ,  instruit 
qu'une  de  ses  sœurs  avait  embrassé  la  réforme 
et  s'était  retirée  à  Genève,  il  se  mit  à  sa  pour- 
suite, en  jurant  de  la  ramener  catholique  ou  de 
lui  arracher  la  vie;  mais  l'éloquence  de  Théo- 
dore de  Bèze  opéra,  dit-on,  un  si  brusque  chan- 
gement dans  les  convictions  du  frère  que,  devenu 
fougueux  protestant,  Montbrun  établit  une  église 
dans  son  château,  y  appela  un  pasteur  et  poussa 
la  ferveur  religieuse  jusqu'à  employer  la  violence 
vis-à-vis  de  ses  vassaux  pour  en  faire  des  pro- 
sélytes. Le  parlement  de  Grenoble  lui  ordonna 
en  1560  de  venir  lui  rendre  compte  de  sa  con- 
duite, et,  sur  son  refus  de  comparaître ,  chargea 
le  prévôt  des  maréchaux  de  l'amener  mort  ou 
vif.  Montbrun  se  saisit  du  prévôt,  et  le  jeta  dans 
les  prisons  de  son  manoir.  Puis,  donnant  la  main 
aux  réformés  du  Comtat,  il  s'empara  de  Malau- 
cène,  qu'il  livra  au  pillage ,  et  ne  consentit  à  la 
retraite  que  sur  la  promesse  d'une  amnistie 
pleine  et  entière  à  tous  les  insurgés.  Cette  con- 
dition ayant  été  violée,  il  reprit  les  armes,  et  tira 
des  catholiques  de  sanglantes  représailles.  A  la 
tête  de  deux  cents  hommes,  il  tendit  une  embus- 
cade à  la  troupe  de  La  Motte-Gondrin,  lieutenant 
du  roi  en  Dauphiné ,  et  la  tailla  en  pièces  ;  pro- 
fitant aussitôt  de  l'effroi  de  ses  ennemis,  il  se 
hâta  de  gagner  Genève  avec  sa  femme  pendant 


que  Gondrin  faisait  raser  son  château.  Lorsque 
éclata  la  première  guerre  civile  (1562),  Mont- 
brun  accourut  se  mettre  aux  ordres  du  baron 
des  Adrets,  qui  lui  donna  cinq  cents  arquebusiers 
pour  occuper  Châlons- sur- Saône;  menacé  par 
Tavannes,  qui'  rassemblait  contre  lui  les  milices 
de  la  Bourgogne,  il  évacua  la  ville  ;  ceux  des 
protestants  qui  ne  voulurent  pas  le  suivre  furent 
tons  massacrés.  Après"  avoir  emporté  Mornas 
d'assaut,  il  essuya  une  défaite  sous  les  murs  de 
Sisteron,  et  tenta  vainement  d'entrer  dans  Orange. 
Le  10  janvier  1563,  il  arrêta,  avec  Mouvans  et 
Cléry,  le  baron  des  Adrets,  dont  la  défection 
était  devenue  publique.  Dans  la  seconde  guerre 
civile,  il  aida  d'Acier  à  repousser  les  attaques  de 
Joyeuse  contre  Montpellier  (1567),  combattit 
vaillamment  à  Jarnac  et  à  Moncontour,  défit  au 
passage  du  Rhône  les  catholiques  commandés 
pardeGordes  (27  mars  1570),  et  se  rendit  maître 
de  Loriol.  Après  le  massacre  de  la  Saint-Barthé- 
lémy, il  fut  un  des  premiers  à  lever  l'étendard 
de  l'insurrection.  S'étant  concerté  avec  quelques 
chefs  déterminés ,  dont  Lesdiguières  faisait  par- 
tie, il  soumit  presque  toutes  les  villes  du  Dau- 
phiné. Sa  défiance  de  la  cour  était  telle  qu'il  re- 
fusa d'accepter  la  paix  qui  venait  d'être  signée  sous 
les  murs  de  La  Rochelle.  En  1574,  il  mit  en  dé- 
route près  du  pont  de  Royan  un  fort  détachement 
de  l'armée  du  dauphin  d'Auvergne  François,  et  il 
força  le  roi  Henri  III,  dont  il  avait  pillé  les  ba- 
gages, à  lever  le  siège  de  Livron.  Le  roi  lui 
ayant  ordonné  de  poser  les  armes,  Montbrun 
s'écria  :  «  Comment  !  le  roi  m'escrit  comme  roi 
et  comme  si  le  devois  reconnoistre  !  Je  veux  qu'il 
sçache  que  cela  seroit  bon  en  temps  de  paix,  et 
qu'alors  je  le  reconnoistrai  pour  tel  ;  mais  en 
temps  de  guerre,  qu'on  a  le  bras  armé  et  le  cul 
sur  la  selle,  tout  le  monde  est  compagnon.  »  En 
1575,  assailli  par  Gordes,  qui  réunit  pour  le  ré- 
duire jusqu'à  plus  de  douze  mille  hommes,  il 
soutint  bravement  le  combat  ;  après  des  prodiges 
de  valeur,  il  fut  écrasé  sous  le  nombre,  et  s'é- 
tant cassé  la  cuisse  en  franchissant  un  canal,  il 
fut  fait  prisonnier  et  envoyé  à  Grenoble.  «  H  en 
mourra,  dit  le  roi  à  cette  nouvelle,  et  il  verra 
à*  cette  heure  s'il  est  mon  compagnon.  »  Ni 
les  prières  de  Condé,  ni  l'intercession  active  du 
maréchal  Damville  et  du  duc  de  Guise  ne 
purent  le  fléchir.  «  Il  manda  à  la  cour  de  Gre- 
noble, rapporte  Brantôme,  de  luy  faire  son 
procès  et  trancher  la  teste,  quoiqu'on  luy  re- 
monstrast  que  cela  tireroit  à  conséquence  et  que 
les  ennemis  en  pourroient  autant  faire  à  ses  ser- 
viteurs. »  Il  fallut,  à  cause  de  sa  blessure,  porter 
Montbrun  assis  dans  une  chaise  sur  l'échafaud, 
où ,  avant  d'être  exécuté ,  il  rappela  au  peuple 
que  son  seul  crime  était  d'avoir  porté  les  armes 
pour  la  religion  et  pour  la  liberté  du  royaume. 
Il  avait  mérité  des  deux  partis  le  surnom  de 
brave.  Sa  mémoire  fut  réhabilitée  par  un  ar-. 
ticle  spécial  du  traité  de  1576,  en  même  temps 
que  celle  de  Montgomery.  P.  L. 


143 

Gui  Allard,  Fie  du  brave  Montbrun;  Grenoble,  1675, 
in-12.  —  J.-Cl.  Martin ,  Hist.  de  Charles  Dupuy,  sur- 
nommé le  Brave,  sei/jneurde  Montbrun  ;  2e  édit.  ;  Paris, 
1816,  in-8°.  —  Cborier,  Hist.  du  Dauphiné.  —  Brantôme, 
Vies  des  Capitaines  illustre*. 

montbrun  (Jean  du  Puy,  marquis  de), 
fils  du  précédent,  né  vers  1568,  mortaprès  1637. 
Capitaine  de  cent  hommes  d'armes,  il  reçut  en 
1612  le  titre  de  conseiller  d'État,  et  assista  aux 
états  généraux  de  1614.  Bien  que,  pour  le  ga- 
gner au  parti  de  la  cour,  on  eût  érigé  sa  terre 
en  marquisat  (1620),  il  leva  des  troupes  et  se 
mit  en  devoir  de  soumettre  la  Provence,  dont 
l'assemblée  de  La  Rochelle  lui  avait  donné  le  gou- 
vernement. Le  retour  de  Lesdiguières  en  Dau- 
phiné arrêta  ses  progrès.  En  1622,  il  commanda 
la  cavalerie  de  l'armée  de  Rohan.        P.  L. 

montbrun  (Alexandre  du  Puy),  marquis 
de  Saint-André,  fils  du  précédent,  né  en  1600,  à 
Montbrun,mort  en  août  1 673,à  LaNocle.il  avait  été 
enfant  d'honneur  du  Dauphin  (depuis  Louis  XIII), 
et  abandonna  la  cour  pour  rejoindre  Lesdiguières 
en  Piémont.  En  1621  il  offrit  ses  services  à  Rohan, 
qui  l'envoya  à  Montauban  avec  le  titre  de  gouver- 
neur et  des  troupes;  non-seulement  il  sut  tenir 
à  distance  de  la  ville  le  maréchal  de  Thémines, 
mais  il  s'empara  de  plusieurs  châteaux  et  places 
des  environs.  Il  obtint  aussi,  en  1625,  des  avan- 
tages signalés  sur  le  duc  d'Épernon,  sans  pou- 
voir toutefois  l'empêcher  de  ruiner  toute  la  cam- 
pagne. Dans  la  dernière  guerre  de  religion,  il 
reçut  le  grade  de  maréchal  de  camp,  se  porta 
avec  quinze  cents  hommes  au  secours  du  Viva- 
rais  (1628),  et  se  jeta  dans  Privas.  Louis  XIII, 
avant  de  commencer  le  siège  de  cette  place,  lui 
fit  proposer  100,000  écus  s'il  la  remettait 
entre  ses  mains  ;  il  répondit  qu'il  était  homme 
d'honneur,  et  qu'il  se  défendrait  jusqu'à  la  morl. 
Le  20  mai  Richelieu,  qui  revenait  du  Piémont, 
amena  des  renforts  au  roi,  et  l'armée  fut  portée 
à  vingt  mille  hommes.  Sommés  plusieurs  fois 
de  se  rendre  à  discrétion,  les  assiégés  conti- 
nuèrent de  se  battre  avec  acharnement.  Dans 
l'espoir  d'obtenir  pour  eux  des  conditions  favo- 
rables, Montbrun  se  rendit  au  camp  avec  quel- 
ques-uns de  ses  compagnons,  et  y  fut  retenu 
prisonnier  par  le  cardinal,  sous  prétexte  qu'il 
n'avait  pas  de  sauf-conduit.  Quant  à  la  ville  re- 
belle, on  la  traita  avec  la  dernière  rigueur  :  les 
maisons  furent  pillées  et  livrées  aux  flammes, 
et  les  soldats,  massacrés,  pendus  ou  envoyés 
aux  galères;  une  ordonnance  royale  déclara 
confisqués  tous  les  biens  des  habitants  et  inter- 
dit à  qui  que  ce  fût  de  s'y  établir  sans  permis- 
sion expresse.  L'intervention  du  comte  de  Sois- 
sons  sauva  Montbrun  de  la  mort.  Conduit  à  Va- 
lence, puis  dans  la  tour  de  Crest,  il  s'échappa 
au  bout  de  quelques  mois  et,  à  l'exemple  de  Ro- 
han, il  alla  offrir  soii  épée  à  la  république  de 
Venise.  En  1631,  il  passa  sous  les  drapeaux  de 
Gustave-Adolphe,  qui  le  nomma  colonel,  con- 
tribua à  la  prise  de  Francfort  et  battit  les  Impé- 
riaux près  d'Ingermuude  ;  ce  dernier  fait  d'armes 


MONTBRUN  144 

lui  valut  le  gouvernement  de  la  Poméranie.  Il 
reçut  au  combat  de  Nuremberg  une  blessure 
qui  l'empêcha  d'assister  à  la  bataille  de  Lutzen. 
Après  la  mort  du  roi  de  Suède,  il  s'attacha  au  duc 
de  Saxe-Weimar,  tomba  aux  mains  de  Wallen- 
stein,  et  resta  trois  ans  détenu  dans  la  forteresse 
de  Lindan.  Rentré  en  France  en  1636,  il  fut  bien 
accueilli  à  la  cour,  et  obtint  en  1638  un  régiment 
à  la  tête  duquel  il  fit  la  campagne  du  Piémont; 
au  siège  de  Turinil  fut  fait  prisonnier,  et  ne  re- 
couvra sa  liberté  qu'en  1642.  Pendant  sa  capti- 
vité on  l'éleva  au  grade  de  maréchal  de  camp. 
Il  continua  ensuite  de  servir  en  Italie,  fut  pourvu 
en  1649  du  gouvernement  du  Nivernais,  et  créé 
en  1650  lieutenant  général,  et  prit,  jusqu'en  1659, 
la  plus  grande  part  à  toutes  les  opérations  mili- 
taires. Le  cardinal  Mazarin  lui  offrit  le  bâton  de 
maréchal  à  la  condition  d'abjurer  la  religion  ré- 
formée; mais  il  refusa  de  l'acheter  à  ce  prix,  et 
comme  il  avait  à  se  plaindre  de  la  cour,  il  se 
retira  chez  lui.  La  vieillesse  n'abattit  pas  son 
ardeur  guerrière.  En  1668,  à  la  prière  du  sénat 
de  Venise,  il  consentit  à  défendre  Candie,qu'un 
siège  meurtrier  avait  réduit  à  toute  extrémité; 
mais  Morosini  ayant  capitulé  à  son  insu,  il  re- 
vint à  Venise,  et  y  fut  confirmé  pour  la  vie  dans 
la  charge  de  capitaine  général  des  armées  de 
terre.  Après  avoir  encore  pris  part  à  l'expédition 
du  comte  de  Saint-Paul  en  Pologne  (1670),  il  se 
reposa  de  ses  longues  fatigues  dans  sa  terre  de 
La  Nocle,  où  il  mourut,  à  l'âge  de  soixante- treize 
ans.  Il  ne  laissa  point  d'enfants  mâles.  —  Une 
branche  de  cette  famille  passa  en  Hollande  à  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes.  P.  L. 

Fié  de  Saint- André- Montbrun;  Paris,  1698.  —  Haag 
frères ,  La  France  Protestante. 

montbrun  de  Sous-Carrière  ,  inventeur 
des  chaises  à  porteur,  fils  naturel  du  duc  de 
Bellegarde,  né  dans  la  première  moitié  du  dix- 
septième  siècle.  Avant  lui  l'on  n'usait  que  de 
fauteuils  portés  sur  brancards  ;  il  fit  faire  les 
espèces  de  boîtes  dont  on  s'est  servi  depuis. 
Son  invention  ne  fut  pas  adoptée  de  suite  :  il 
usa  de  ruse  pour  la  faire  prendre  ;  Tallemant 
dit  :  «  On  ne  rencontroit  que  lui  par  les  rues 
afin  qu'on  vît  que  cette  voiture  étoit  commode.  >» 
Ces  chaises  devinrent  ensuite  fort  à  la  mode 
sous  le  nom  de  Chaises  de  Cous-  Carrière,  et 
l'entreprise  rapporta  de  l'argent.         L.  L. 

Sauvai,  Antiquités  de  Paris,  t.  I,  p.  192.  —  Tallem  ant 
(les  Réaux,  1"  édit.,  t.  III,  p.  253 ;  t.  IV,  p.  188,  191.  — 
Furetière,  Le  Roman  bourgeois,  édit.  Fournier,  p.  66. 
—  Les  Lotx  de  la  Galanterie,  éd.  (Paris,  1855),  note. 

montbrun  (  Louis-Pierre,  comte  ),  géné- 
ral français,  né  à  Florensac (Hérault),  le  1er  mars 
1770,  tué  à  la  bataille  de  la  Moskowa,  le  7  sep- 
tembre 1812.  Il  s'engagea  le  1er  mai  1789  dana 
le  1er  régiment  de  chasseurs  à  cheval,  qu'il  ne 
quitta  qu'après  en  avoir  été  le  colonel ,  devint 
lieutenant  (  27  juillet  1796)  sur  le  champ  de. 
bataille  d'Altendorff,  où  il  sauva  la  vie  au  gé-, 
néral  Richepanse,  dont  il  était  l'aide  de  camp,i 
capitaine  (31  mars     1797  ),  chef  d'escadron. 


145 


MONTBRUN  —  MONïCALM 


146 


1  (  6  octobre  1799),  chef  de  brigade  (15  juin  1800), 
;  et  général  de  brigade  (  24  décembre  1805).  Déjà 
considéré  comme  l'un  des  meilleurs  officiers  de 
;  l'armée,  Montbrun  avait  conquis  ce  dernier  grade 
par  sa  conduite  au  combat  de  Ried  (29  octobre), 
dont  en  grande  partie  il   avait  assuré  le  succès 
par  sa  participation  aux  brillants  faits  d'armes 
de  la  journée  d'Austerlitz.  Toujours  employé 
à  la  grande  armée,  il  était  en  1806  dans  la  Si- 
lésie,  avec  le  corps  des  troupes  alliées  qui,  sous 
les  ordres   du  prince  Jérôme,   assiégeait  les 
;  places  fortes  de  cette  province.  Le  29  et  le  30  no- 
i  vembre,  il  mit  en  déroute  un  corps  de  dix  mille 
-,  hommescommandés  parle princed'Anhalt-Pleiss, 
lui  fit  près  de  dix-huit  cents  prisonniers  et  luien- 
j  leva  sept  pièces  de  canon.  Ses  habiles  dispositions 
I  contribuèrent  avec  celles  du  général  Claparède 
i  à  repousser, le  11  juin  1807,  au  combat  du  pont 
[  de  Drewkenow,  sur  l'Omulew,  les  Russes  qui 
avaient  attaqué  sur  le  Bug  et  la  Narew  l'ex- 
I  trême  droite  de  l'armée  française,  commandée 
par  Massena.  Le  30  novembre  1808,  son  audace 
i  décida  la  victoire   remportée  par   le   maréchal 
•  Victor,  au  pied  du  Spmo-Sierra  en  Espagne ,  où 
[  à  la  tête  des  chevau-légers  polonais  de  la  garde , 
il  força  ce  dangereux  passage  défendu  par  une 
division  de  treize  mille   hommes  et  par  treize 
pièces  d'artillerie.    Quelques  jours  après,  aux 
portes  de  Madrid,  il  n'échappa  aux  fureurs  de  la 
populace  qu'en  se  faisant,  avec  le  plus  grand 
sang-froid,  un  passage  à  coups  de  sabre.  Promu 
le  9  mars  1809  au  grade  de  général  de  division, 
il  combattit  le  22  avril  suivant  à  Eckmùhl,  et 
contribua  par  ses  attaques  opiniâtres ,  de  flanc 
et  de  front,  sur  l'aile  droite  de    l'ennemi,  au 
succès  de  cette  journée.  Le  talent  et  le  courage 
qu'il  déploya  le  14  juin,  à  la  bataille  de  Raab, 
furent  mis  à  l'ordre  du  jour  de  l'armée.  Après 
la  pacification  de  l'Allemagne,  Montbrun  reçut, 
le  10  avril  1810,  le  commandement  de  la  cava- 
lerie de  l'armée  de  Massena  en  Portugal ,  et  se 
plaça  dans  l'opinion  des  gens  de  guerre  au  rang 
des  Murât,  des  Lasalle,  des  Milhaud  et  des  Col- 
bert  ;  il  se  distingua  surtout  le  27  septembre  à 
la  bataille  de  Bussaco,  et  le  5  mai    1811    à 
celle  de  Fuentes-de-Onoro.  A  la  fin  de  cette  an- 
née, il  fut  moins  heureux  lorsque,rentré   en  Es- 
pagne, il  entreprit  de  s'emparer  d'Alicante;  mais 
si  dans  cette  circonstance  il  commit  une  faute, 
il  la  répara  noblement  dans  les  plaines  de  Russie. 
Chargé,  en  juin  1812,  du    commandement  du 
deuxième  corps  de  réserve  de  la  cavalerie ,  aux 
ordres  du  roi  Murât,  il  fut  frappé  par  un  boulet 
dans  la  plaine  de  Mojaïkz ,  tandis   qu'à  la  tête 
de  sa  division  il  donnait  des  marques  de  la  plus 
brillante  valeur.  Depuis  le  30  juin  1811  il  avait 
été  nommé  grand- j(  licier  de  la  Légion  d'Honneur. 
Son  nom  est  gravé  sur  l'arc  de  triomphe  de  l'É- 
toile, côté  sud. 

montbritn  (Alexandre,  baron),  frère  du 
précédent,  né  à  Florensac,  le  ier  février  1775, 
mort  à  Paris,  le  29.  septembre  1821.  Colonel  du' 


7e  régiment  de  chasseurs  à  cheval  (1809), 
il  fut  nommé,  le  18  octobre  1812,  général  de  bri- 
gage.  En  1813,  il  enleva  Lunebourg  aux  Rus- 
ses, et  fut  suspendu  de  ses  fonctions  par  l'em- 
pereur pour  s'être  replié  sans  combattre  à  Fon- 
tainebleau pendant  la  campagne  de  France  ;  il  fut 
réintégré  dans  son  grade  après  la  Restauration. 
H.  FlSQDET   (  de  Montpellier  ). 

Fastes  de  la  Légion  d'Honneur.  —Moniteur  universel, 
1792  à  1818,  passim.  —  De  Courcelles,  Dict.  des  Cénër. 
français.  — Mog.  (inédite)  de  l'Hérault. 

MOSÏCiLM    DE    SàINT-VÉRAN     (    LoUÎS-Jo- 

seph,  marquis  de),  général  français,  né  le  28  fé- 
vrier 1712,  au  château  de  Candiàc,  près  Nîmes, 
mort  le  14  septembre  1759,  à  Québec.  Il  descen- 
dait d'une  ancienne  famille  du  Rouergue.  Son 
éducation  fut  confiée,  ainsi  que  celle  de  son 
frère  aîné  (  voy.  Canduc  ),  aux  soins  de  Dumas, 
l'inventeur  du  bureau  typographique;  il  fit  de 
grands  progrès  sous  la  direction  de  cet  habile 
maître,  et  continua,  même  au  milieu  des  camps,  à 
étendre  ses  connaissances.  Destiné  à  la  carrière 
des  armes,  il  entra  dès  l'âge  de  neuf  ans  au  ser- 
vice comme  enseigne  du  régiment  de  Hainaut 
(1721),  devint  capitaine  en  1729,  commanda  en 
1743  le  régiment  d'Auxerrois ,  et  se  distingua  de 
la  façon  la  plus  brillante  à  la  bataille  de  Plaisance 
et  au  combat  d'Exilés.  Lorsqu'il  devint  briga- 
dier, il  passa  dans  la  cavalerie,  et  fut  mis  à  la 
tête  d'un  régiment  qui  portait  le  nom  de  sa  fa- 
mille. Nommé  maréchal-de-camp  en  1756,  il  fut 
aussitôt  envoyé  dans  le  Canada,  placé  alors  sous 
le  gouvernement  du  marquis  de  Vaudreuil.  Sans 
perdre  de  temps  il  entra  en  campagne  et  investit 
le  fort  Oswego,  qu'il  força  à  se  rendre.  En  1757 
il  s'empara  du  fort  Georges,  dont  la  garnison,  au 
nombre  de  deux  mille  hommes ,  fut  tout  entière 
massacrée  par  les  tribus  sauvages  alliées.  L'an- 
née suivante  les  Anglais  reprirent  l'offensive 
avec  une  telle  supériorité  de  forces,  qu'il  fallut 
abandonner  l'espoir  d'arrêter  leurs  progrès.  A  une 
armée  de  soixante  mille  hommes  et  à  de  nombreux 
vaisseaux,  on  ne  pouvait  opposer  que  quelques 
bàtiments,trois  mille  soldats,  autant  de  miliciens  et 
quinze  à  dix-huit  cents  Indiens  indisciplinés.  La 
culture  de  la  terre,  déjà  si  restreinte,  fut  sur 
plusieurs  points  abandonnée  entièrement';  la 
disette  se  joignit  à  la  guerre  pourdésoler  le  pays. 
On  se  trouva  dans  une  telle  pénurie  de  provi- 
sions, que  les  habitants  des  villes  furent  mis  à  la 
ration  de  quatre  onces  de  pain  par  jour.  Pour 
complément  de  misère,  le  gouvernement  de  la 
métropole,  qui  avait  résolu  l'abandon  du  Canada, 
ne  répondait  à  toutes  les  sollicitations  de  se- 
cours que  par  un  refus  formel,  quelquefois  par 
d'amères.  récriminations  (1).  Le  gouverneur  et 

(1)  Dans  un  des  derniers  moments  de  crise,  le  minis- 
tère adressa  au  gouverneur  de  Québec  la  lettre  sui- 
vante :  «  Je  suis  bien  fâché  d'avoir  a  vous  mander  que 
vous  ne  devez  point  espérer  de  recevoir  des  troupes  de 
renfort;  outre  qu'elles  augmenteraient  la  disette  des;. vi- 
vres, que  vous  n'avez  que  trop  éprouvée  Jusqu'à  présent, 
11  serait  fort  à  craindre  qu'elles  ne  fussent  interceptées 


147 


MONTCALM  —  MONTCHAL 


I4C 


Je  commissaire  des  guerres  demandèrent  en 
vain  des  moyens  de  résister.  Bougainville  par- 
tit pour  la  France,  afin  de  représenter  de  vive 
voix  au  ministre  l'état  désespéré  de  la  colonie. 
De  son  côté  Montcalm  écrivit  qu'à  moins  d'un 
bonheur  inattendu,  les  Anglais  s'empareraient 
du  Canada  dans  la  campagne  de  1759.  Il  dis- 
posa néanmoins  son  plan  de  défense  en  capi- 
taine habile;  mais  la  victoire  sanglante  qu'il 
remporta  sur  lord  Abercromby  sous  les  murs 
du  fort  de  Carillon  (  18  juillet  175»  )  n'empêcha 
pas  ce  général  de  prendre  successivement  pos- 
session des  forts  de  Frontenac,  Duquesne,  de 
Niagara,  de  La  Couronne  et  de  La  Présentation. 
L'année  suivante  l'invasion  du  Canada  eut  lieu 
sur  trois  points  à  la  fois;  du  côté  de  Québec 
s'avança  le  général  Wolfe,  à  la  tête  de  trente 
mille  hommes  et  appuyé  par  une  flotte  de  plus 
de  cinquante  bâtiments,  sous  les  ordres  de  l'a- 
miral Saunders.  En  réunissant  les  habitants  des 
campagnes  à  ceux  de  la  ville,  Montcalm  parvint 
à  composer  une  armée  de  treize  mille  hommes, 
dont  six  bataillons  de  troupes  régulières.  C'était 
encore  plus  qu'il  n'avait  espéré.  «  On  n'avait  eu 
intention  d'assembler,  rapporte  un  témoin  ocu- 
laire, que  les  hommes  en  état  de  soutenir  les 
fatigues  de  la  guerre;  mais  il  régnait  une  telle 
émulation  dans  le  peuple  que  l'on  vit  arriver  au 
camp  des  vieillards  de  quatre-vingts  ans  et  des 
enfants  de  douze  à  treize  ans,  qui  ne  voulurent 
jamais  profiter  de  l'exemption  accordée  à  leur 
âge.  »  Le  siège  commença  le  27  juin.  Pendant 
plus  de  deux  mois  Wolfe  n'obtint  d'autre  résul- 
tat que  celui  d'incendier  la  basse  ville  et  de 
ravager  les  campagnes  ;  il  doutait  même  de  la 
véductionde  la  place,  une  des  pius  fortes  du  Nou- 
veau Monde,  et  dans  la  douleur  qu'il  en  éprouva 
il  tomba  dangereusement  malade.  A  la  suite 
d'un  conseil  de  guerre,  où  il  fit  adopter  un  plan 
des  plus  hardis,  il  fit  franchir,  pendant  la  nuit 
du  13  septembre,  une  montagne  escarpée  à  son 
armée,  et  la  rangea  en  bataille  sur  les  hauteurs  qui 
dominent  Québec,  dans  les  plaines  d'Abraham. 
Montcalm  n'avait  pointsongé  à  surveiller  ce  pas- 
sage, d'un  accès  des  plus  difficiles;  aussi  sa 
surprise  à  la  vue  de  l'ennemi  ne  connut  point 
de  bornes,  et  sa  prudence  habituelle  l'abandonna. 
Au  lieu  de  continuer  la  résistance  à  l'abri  de 
remparts  inexpugnables,  il  les  quitta  précipitam- 
ment, se  mit  à  la  tête  dune  dizaine  de  milliers 
d'hommes  et  courut  offrir  le  combat  aux  An- 
glais, qui  l'attendaient  de  pied  ferme.  Les  deux 
armées  luttèrent  avec  un  acharnement  inouï. 
Quoique  blessé ,  Montcalm  combattit  comme  le 
dernier  des  soldats  ;  rapporté  sanglant  à  Québec,  il 
ordonna  les  mesures  qu'il  croyait  propres  à  re- 
pas les  Anglais  dans  le  passage;  et,  comroeleroi  ne 
pourrait  Jamais  vous  envoyer  des  secours  proportionnas 
aux  forces  que  les  Anglais  sont  en  état  de  vous  opposer, 
les  efforts  que  l'on  ferait  Ici  pour  s'en  procurer  n'auraient 
d'autre  effet  que  d'exciter  le  ministère  de  Londres  à  en 
faire  de  plus  considérables,  pour  conserver  la  supériorité 
qu'il  s'est  acquise  dans  cette  partie  du  continent.  » 


parer  cette  désastreuse  journée,  et  mourut  le 
lendemain  soir.  Ses  restes  furent  déposés  dans 
un  trou  creusé  par  une  bombe,  dans  l'églist 
du  couvent  des  Ursulines,  où  ils  se  trouvenl 
encore.  Quatre  jours  après  la  ville  capitulai! 
(18  septembre  1759).  On  sait  que  le  généra 
anglais  Wolfe  (  voy.  ce  nom  )  tomba  mortelle- 
ment frappé  dans  la  même  bataille.  En  1827  le 
comte  de  Dalhousie,  l'un  des  gouverneurs  anglais 
du  Canada,  confondant  lés  noms  des  deux  ad- 
versaires  dans  le  même  souvenir,  leur  fit  éle- 
ver un  obélisque  de  marbre  avec  une  inscriptioi 
qui  débute  ainsi  :  Mortem  virtus  Gomnmmm 
famcm  historia,  monumentum  posterilat 
dédit.  Montcalm  avait  épousé  en*  1738.  une  fille 
du  marquis  de  Boulay,  de  laquelle  il  eut  plu- 
sieurs enfants.  Le  général  Montcalm  est  un  des 
personnages  du  Dernier  des.  Mohtcans,,  roman 
de  Cooper.  P.  L— y. 

Garneau,  Hist.  du  Canada,  I.  —  Montgomery-Martin, 
History  of  the  British  Colonies.  —  Mémoires  sur  le  Ca- 
nada, depuis  1749  jusqu'à  1760  ;  Québec,  1830. 

MOISTCAL.M  (Paul-François-Joseph,  marquis 
de),  marin  français,  fils  du  précédent,  né  en  1756, 
dans  leRouergue,  mort  en  1812,  en  Piémont.  9 
parvint  rapidement  au  grade  de  capitaine  de 
vaisseau,  servit  sous  d'Estaing  et  Suffren,  et  se 
distingua  au  combat  de  l'île  de  La  Grenade  ainsi 
qu'au  siège  de  Gibraltar.  Nommé  en  1789  dé- 
puté de  la  noblesse  aux  états  généraux,  il  si-  i 
gna  la  protestation  contre  la  double  représenta- 
tion-du  tiers,  et  s'étant  ensuite  rallié  au  parti 
constitutionnel,  il  proposa  de  supprimer  les 
pensions,  motion  à  laquelle  l'assemblée  fit,  en 
l'adoptant,  une  exception  pour  les  familles  de 
Montcalm  et  de  d'Assas.  A  Ja  fin  de  1790  il 
émigra  en  Espagne,  puis  en  Piémont.  Il  mourut 
des  suites  d'une  chute.  P.  L. 

Biogr  nom.  des  Contemp. 

MONTCHAL  (  Char  les  de  %  prélat  français, 
né  enl589i  à  Annonay  (Vivarais-)  ,  mort  à  Car- 
cassonne,  le  22  août  1651.  Sa  mère  se  nom- 
mait Anne  de  Guillon.  D'abord  abbé  de  Saint- 
Amand-de-Boisse ,  au  diocèse  d'Angoulême ,  et 
de  Saint-Sauveur-le- Vicomte,  au  diocèse  de 
Coutances,  il  devint  archevêque  de  Toulouse 
en  1627,  par  la  cession  de  Louis  de  Nogaret, 
cardinal  de  La  Valette.  Il  est  à  remarquer  que  le 
cardinal  de  La  Vallette  n'avait  pas  reçu  les  ordres 
sacrés  et  n'était  pas  même  simple  clerc.  Quant  à 
Montchal,  il  n'était  pas  seulement  ordonné  :  ce 
qui  était  plus  rare  alors  chez  les  ecclésiastiques 
de  qualité ,  il  était  théologien ,  et  même  théolo- 
gien érudit.  Il  fut  consacré  à  Paris  le  9  janvier 
1628,  et  se  rendit  ensuite  dans  sa  ville  métropo- 
litaine. Toulouse  eut  ak>FS  un  prélat  qui ,  re- 
vêtu de  l'habit  sacerdotal ,  officiait  et  prêchait. 
C'était  une  grande  nouveauté.  Charles  de  Mont- 
chal revint  à  Paris  en  1635,  assister  à  l'assemblée 
du  clergé,  dont  il  fut  un  des  principaux  ora- 
teurs. Eu  1641  nous  le  trouvons  à  l'assemblée 
de  Mantes,  dont  il  a  écrit  l'histoire.  En'  1645  il 
siège  de  nouveau  dans  l'assemblée  de  Paris,  où 


14»  MONTCHAL  —  MONTCHRESTIEN 

1  plaide  avec  énergie  la   cause  des  franchises 

•cctésiastiques.  Le  8  septembre  1643,  il   con- 

,acre  l'église  de  Sorèze.  Sous  son  administration 

'église  de  Toulouse  prit  des  accroissements  con- 
i  idérables,  et  s'enrichit  d'un  grand,  nombre  de 
»  I  nonastères  et  de  couvents.  Le  zèle  de  Charles 
k  |  le  Montchal  pour  les  affaires  de  la  religion  était 

I  iin  zèle  éclairé.  Il  entendait  que  l'Église  fût  puis- 
t  hante,  mais  il  ne  cherchait  pas  les  éléments  de  celte 
»  -  tnissance  ailleurs  que  dans  l'exemple  des  bonnes 
t  |  no?urs ,  le  progrès  des  études  ecclésiastiques,  et 
a  |  es  nobles  triomphes  de  l'éloquence.  Autant 
Ml    aimait  la  science,   autant  H  détestait    l'in- 

I I  rigue.  Il  fut  le  patron  d'une  foule  de  lettrés, 
i  lui  lui  dédièrent  leurs  ouvrages ,  entre  lesquels 
i  i  I  suffit  de  citer  Etienne  Molinier,  François  Com»- 
s  I  )éfis ,  Innocent  Cironius ,  Casanova ,  Ravel ,  etc. 
j 1 3n  a  de  lui  :   Mémoires;  Rotterdam,    17*8, 

h  vol.  in-12;  dans  ces  Mémoires  se  trouve  le 
i  Tournai  de  l'Assemblée  de  Mantes.     S.  H. 

Callia  Christ.,  t  XIII,  col.  SI.  —   Du   Mêge,  Hist  des 
'nslitut.  de  la  ville  de  Toulouse,  III,  126-127.. 

montcbal  (De).  Voy.  Bahentin. 

I     montchevreuil,  (Gaston-Jean-Baptiste 

:  {  se  Mornay,  comte  de),  général  français ,  tué  à 

I  *eerwinde,  le  29  juillet  1693.  Il  appartenait  à 

1  une  des  branches  de  l'illustre  famille  -Je  Mornay. 

j  Entré  d'abord  dans  le  régiment  du  Roi-infonterie, 

!  il  obtint  dans  ce  corps  un  rapide  avancement  et 

!  s'éleva  jusqu'au  grade   de  lieutenant  général. 

j  Après  la  bataille  de  Senef,  Condé  écrivit  au  roi  : 

I  «  Montchevreuil  a  fait  des  .merveilles  ;  il  aspire 
aux  grandes  choses.  »  Il  mérita  les  éloges  du 
roi  lui-même  au  siège  de  Valenciennes.  En  1690 

;  il  passa  sous  les  ordres  du  duc  de  Luxembourg, 

\  se  signala  encore  à  Fleurus  et  eut  la  principale 

i  part  dans  la  prise  de  Mons.  Chargé  à  la  bataille 
de  Neerwinde  de  s'emparer  du  village  de  ce 

i  nom,  il  fit  une  attaque  si  furieuse  qu'il  s'y  éta- 
blit d'emblée;  mais  il  fut  tué  un  moment  après. 

j  II  était  alors  gouverneur  d'Arras  et  lieutenant 
général  de  l'Artois. 

Son  frère  aîné,  Henri,  marquis  de  Montche- 
vreuil,  fut  gouverneur  du  duc  du  Maine;  «  fort 
honnête  homme,  dit  Saint-Simon,  modeste, 
brave,  mais  des  plus  épais  et  gueux  comme  un 
rat  d'église.  »  Il  avait  épousé,  en  1653,  Margue- 
rite Boucher  d'Orsay,  qui  jouit  d'un  grand  crédit 
auprès  de  M™e  de  Maintenon.  Cette  dernière 
voulut  Montchevreuil  pour  un  des  trois  témoins 
de  son  mariage  avec  le  roi  ;  elle  lui  procura  le 
gouvernement  de  Saint- Germain-en-Laye,  l'at- 
tacha à  M.  du  Maine,  le  fit  chevalier  de  l'ordre, 
et  mit  M»e  de  Blois  sous  la  conduite  de  Mme  de 
Montchevreuil,  qui  déjà  avait  rempli  par  pau- 
vreté l'emploi  de  gouvernante  des  filles  d'hon- 
neur de  la  Dauphine.  «  Sans  aucun  esprit,  elle 
avait  tellement  captivé  M™e  de  Maintenon  qu'elle 
ne  voyait  que  par  ses  yeux;  elle  était  la  sur- 
veillante de  toutes  les  femmes  de  la  cour.  Tout, 
jusqu'aux  ministres,  jusqu'aux  filles  du  roi, 
tremblait  devant  elle;  on  ne  l'approchait  que 


150 

difficilement.  »  Le  marquis  mourut  le  2  juin  1 706, 
à  quatre-vingt-quatre  ans ,  et  sa  femme  le  26  oc- 
tobre 1699,  P.  L. 

Moi-cri,  c.rimd  THct.  hist.  -  Saint-Simon,  Mémoires 
(edit.,  Ghénuel),  I  et  M. 

momchrestiex  (Antoine  de),  poète  et 
économiste  français,  né  vers  1570,  à  Falaise,  tué 
le  7  octobre  1621,  au  village  des  Tourailles, 
près  Dornrront.  C'était  un  aventurier,  fris  d'un 
apothicaire  de  Falaise,  qui  s'appelait  Mauchres- 
tien;  il  modifia  son  nom,  dont  la  signification  ne 
lui  plaisait  pas,  y  ajouta  la  particule  nobiliaire, 
et  prit  ensuite  le  titre  de  seigneur  de  Vastevilleou 
Vateville.  Telle  est  du  moins  la  version  Au  Mer- 
cure  français  sut  cet  écrivain,  servilement  re- 
produite par  tous  les  auteurs  qui  ont  parlé  de  lui. 
Malherbe,  en  rappelant  ces  détails  dans  une  lettre 
à  Peiresc,  ne  lui  refuse  pas  quelque  estime;  car 
il  ajoute:  «  Il  estoit  homme  d'esprit  et  de  courage, 
dont  il  avoit  fait  preuve  en  d'autres  occasions  qu'en 
celle-ci.  »  Orphelin  de  bonne  heure,  Montchrestien 
fut  placé  sous  la  tutelle  d'un  gentilhomme  protes- 
tant qui ,  au  lieu  de  le  faire  instruire ,  le  donna 
corawne  domestique  à  deux  jeunes  gens.  11  les 
suivit  au  collège,  et  s'il  profita  des  leçons ,  ce 
fut  en  écoutant  aux  portes ,  à  l'exemple  de  Ra- 
mus  et  d'Amyot.  Quand  il  fut  en  âge,  il  pour- 
suivit son  tuteur  en  règlement  de  compte,  et 
plaida  si  habilement  qu'il  obtint  gain  de  cause  et 
rentra  dans  son  patrimoine.  Peu  de  temps  après 
il  épousa  une  veuve,  et  prit  d'une  terre  qu'elle 
possédait  le  nom  de  Vateville.  Il  est  probable 
qu'à  cette  époque  il  vint  résider  à  Paris,  où 
quelques-unes  de  ses  pièces  furent  représentées. 
Son  caraotène  turbulent  le  porta  plus  d'une  fois 
à  braver  la  rigueur  des  ordonnances  sur  le  duel  ; 
malgré  sa  réputation  d'adresse  et  de  témérité ,  il 
ae  fut  pas  toujours  heureux  dans  ses  rencontres  : 
criblé  de  blessures  par  un  baron  de  Gourville, 
qu'il  fit  condamner  à  12,000  livres  de  dommages- 
intérêts ,  il  eut  un  jour  le  malheur  de  tuer  son 
adversaire  et  fut  forcé,  pour  sauver  sa  tête,  de 
passer  en  Angleterre.  Le  roi  Jacques  Ier,  à  qui  il 
dédia  une  tragédie  sur  la  mort  de  Marie- Stuart , 
s'intéressa  à  son  sort,  et  lui  fit  obtenir  des  lettres 
d'abolition.  De  retour  en  France,  Montchrestien 
se  retira  dans  les  environs  de  Châtillon-sur- 
Loire,  où  il  établit  une  fabrique  d'acier,  ce  qui 
le  fit  soupçonner  de  faux  monnayage.  En  1621  il 
y  renonça  pour  embrasser  le  parti  de  la  révolte  à 
la  suite  du  duc  de  Rohan.  Doué  d'une  énergie 
peu  commune,  il  se  mit  à  la  tête  des  calvinistes 
de  l'Orléanais,  et  se  jeta  dans  Sancerre  ;  mais 
aussitôt  que  Condé  parut  sous  les  murs  de  la 
ville ,  l'échevin,  secondé  par  la  majorité  des  ha- 
bitants, le  mit  dans  l'impossibilité  de  résister 
en  le  retenant  prisonnier  jusque  après  la  signature, 
de  la  capitulation.  De  là  il  se  rendit  à  l'assem- 
blée de  La  Rochelle,  où  on  lui  donna  commission' 
de  lever  des  troupes  dans  !-s  Maine  et  la  basse 
Normandie.  11  avait  déjà  réuni  cinq  à  six  mille 
hommes  lorsque,  attaqué  à  J'improviste  par  une 


151 


MONTCHRESTIEN  —  MONTE 


15 


vingtaine  decatholiques  au  hameau  des  Tourailles, 
il  fut  tué  d'un  coup  de  pistolet ,  non  sans  avoir 
vendu  chèrement  sa  vie.  Quelques  jours  après, 
son  cadavre  fut  portéàDomfront,  traîné  sur  la 
claie ,  rompu  et  brûlé.  Il  est  à  regretter  qu'une 
existence  aussi  aventureuse  ait  empêché  Mont- 
chrestien de  se  livrer  exclusivement  aux  lettres, 
car  il  n'était  pas  dépourvu  de  puissance  et  d'o- 
riginalité; l'un  des  derniers  et  des  plus  remar- 
quables disciples  de  Garnier,  il  intéresse  encore 
aujourd'hui  par  une  certaine  élégance  de  style 
qui  lui  est  particulière.  «  Aussi  mauvais  tragique 
pour  le  moins  que  Jodelle  et  Garnier,  dit 
M.  Sainte-Beuve ,  il  se  distingue  d'eux  par  plus 
de  douceur  et  de  politesse;  il  y  a  du  Desportes 
et  du  Bertaut  dans  sa  poésie.  Ainsi ,  après  avoir, 
en  son  Escossoise,  représenté  Marie  Stuart  énu- 
mérant  tous  les  malheurs  qui  l'assaillirent  au 
berceau,  il  lui  fait  ajouter  ces  deux  vers  char- 
mants : 

Comme  si  dès  ce  temps  la  fortune  inhumaine 
Eût  voulu  m'allaiter  de  tristesse  et  de  peine . 

Moins  connu  que  Hardy,  il  lui  est  en  plus  d'un 
endroit  supérieur;  il  met  peu  d'intrigue  dans 
ses  œuvres ,  ne  sait  pas  développer  une  situa- 
tion, et  tombe  dans  les  trivialités  communes  à 
ses  contemporains  ;  chez  lui  le  dialogue,  parfois 
vivement  coupé,  est  trop  souvent  noyé  dans 
d'interminables  récits.  « 

On  a  de  Montchrestien  :  Les  Tragédies  d'An- 
thoine  de  Montchrestien,  sieur  de  Vasteville, 
édition  nouvelle,  augmentée  par  Vautheur; 
Rouen,  1627,  in-8°.  Ce  recueil,  qui  parut  pour  la 
première  fois  en  1600  ou  1601,àRouen,  in-8°,et 
réimprimé  dans  la  même  ville  en  1604,  in-12, 
et  à  Niort,  en  t606,  in-12,  est  dédié  au  prince  de 
Condé  et  renferme  cinq  tragédies  en  cinq  actes 
avec  chœurs  :  Les  Carthaginoises  ou  la  Li- 
berté, représentée  sous  le  titre  de  Sophonisbe 
en  1596,  Les  Lacènes,  ou  la  Constance  (1599), 
David  ou  l'Adultère  (1600),  Aman,  ou  la  Va- 
nité (  1601  ) ,  L' Escossoise,  ou  le  désastre, 
(1605);  un  poème  historique,  Susanne  ou  la 
Chasteté,  en  quatre  chants;  une  Bergerie, 
moitié  prose  et  moitié  vers,  le  meilleur  peut- 
être  de  ces  divers  ouvrages,  et  qui  a  été  tra- 
duite en  allemand  (Dresde,  1644,  in-8°);  des 
stances,  etc.;  —  Traictéde  l '(Economie  poli- 
tique, dédié  au  roy  et  à  la  règne  mère  du  roy  ; 
Rouen,  1615,  in-4°.  D'après  Blanqui,  c'est  la  pre- 
mière fois  qu'on  trouve  employé  le  mot  à' éco- 
nomie politique.  «  Ce  livre,  disent  MM.  Hâag, 
est  moins  un  traité  qu'une  suite  de  discours  un 
peu  diffus  sur  des  questions  d'économie  sociale; 
l'auteur,  zélé  protectionniste ,  réclame  pour  l'in- 
dustrie nationale  la  prohibition  des  marchan- 
dises étrangères  ;  il  croit  à  la  nécessité  des  lois 
sornptuaires,  mais  il  expose  souvent  de  fort 
bonnes  idées,  dans  un-  style  toujours  clair  et 
correct.  Quelquefois,  pour  combattre  la  séche- 
resse de  son  discours,  il  appelle  la  poésie  à  son 
aide.  »  On  attribue  en  outra  à  Montchrestien 


une  version  des  Psaumes  de  David  et  une  IJi& 
toire  de  Normandie,  manuscrite.  P.  L — y. 
Biblioth.  du  Théâtre  français,  1, 302.  —  GoujeL,  IHaliQtl, 
française.  —  Catalogue  de  M.  de  Soleinne,  I,  178.  —  l£  ! 
Mercure  français,  1621.  —  Sainte-Beuve,  Tablea; 
de  la  Poésie  française  au  seizième  siècle.—  Dict.  d'Eco 
nomie  polit.,  II.  —  Haag  frères ,  La  France  Protestant' 

—  Boisard,  Biog.  du  Calvados  ;  Caen,  1848,  in-12. 

montoorgr  (  Antoine  Gautier  de),  littf 
rateur  français,  né  le  17  janvier  1701,  à  Lyon 
mort  le  24  octobre  1768,  à  Paris.  Il  occup; 
la  charge  de  maître  de  la  chambre  aux  de. 
niers  du  roi  et  fut  membre  de  l'Académie  d 
cette  ville.  Sa  grande  fortune  lui  permit  de  cul 
tiver  les  lettres  en  amateur  et  d'encourager  le 
artistes.  On  a  de  lui  :  L'Ile  de  Paphos  ;  Paris 
1727,  in-12;  —  Les  Fêtes  d'Hébé,  ou  les  ta 
lents  lyriques;  Paris,  1739,  ïn-4°;  cet  opéra 
ballet  en  trois  entrées,  joué  le  21  mai  1739  e 
repris  en  1747  et  en  1756,  eut  un  grand  succès 
dont  Rameau ,  l'auteur  de  la  musique ,  put  re 
vendiquer  une  bonne  part  ;  on  en  fit  trois  paro 
dies;  —  Réflexions  d'un  Peintre  sur  l'opéra 
Paris,  1741,  in-12;  —  Art  d'imprimer  les  ta- 
bleaux en  trois  couleurs;  Paris  ,  1756,  in-8° 

—  L'Opéra  de  société,  en  un  acte,  joué  en  1762 

—  Quelques  lettres  écrites  en  1743  et   174^.1 
par  une  jeune  veuve  au  chevalier  de  Lu 
zeincour;  Paris,    1761,   1769,  pet.   in-8°;  1;; 
moitié  de  ces  lettres  avait  paru  en  1759  dans 
le  Mercure.  K. 

Nécrologe  des  Hommes  célèbres,  1770. 

monte  (Piero  dal),  célèbre  canoniste  ita- 
lien ,  né  à  Venise,  dans  les  premières  années  di 
quinzième  siècle,  mort  a  Rome,  le  12  janvier 
1457.  Après  avoir  étudié  les  lettres  grecques  el 
latines  sous  la  direction  de  Guarino,  et  s'êtr<{ 
fait  recevoir  maître  es  arts  à  Paris ,  il  obtint  c  j 
Padoue  le  grade  de  docteur  en  droit.  Nomm* 
en  1433  protonotalre  apostolique,  il  fut  envoyé! 
en  1434,  par  le  pape  Eugène  IV,  au  concile  dt 
Bâle.  Peu  de  temps  après  il  partit  pour  Rome,! 
chargé  de  demander,  au  nom  du  concile,  aux  habi- ; 
tants  de  cette  ville,  la  mise  en  liberté  du  cardinal) 
Condolmieri,  neveu  du  pape.  Arrêté  en  route  j 
par  les  bandes  du  condotieri  Fortebraccio,  il  fut 
élargi  sur  les  instances  de  son  ami  François! 
Barbaro ,  podestat  de  Vérone.  Monte  se  rendit  j 
alors  à  Florence  auprès  du  pape,  qui,  vers  la  fin 
de  l'an  1434  le  nomma  collecteur  des  redevances  ' 
à  lever  dans  le  royaume  d'Angleterre  au  profit 
de  la  cour  pontificale.  Après  un  séjour  de  cinq 
ans  dans  ce  pays ,  pendant  lequel  il  se  concilia 
la  faveur  du  duc  de  Glocester,  oncle  du  roi, 
Monti  retourna  en  Italie;  appelé  en  1442  à  l'é- 
vêché  de  Brescia,  il  n'en  prit   possession  que, 
deux  ans  après.  A  peine  venait-il  d'apaiser,  avec 
l'aide  du  frère  Albert  de  Sarziano,  les  discordes  \ 
civiles  de  cette  ville,  qu'il  fut  envoyé  en  France 
comme  légat  du  saint-srége.  En  1447,  à  l'avé- 
nement  du  pape  Nicolas  V,  il  alla  à  Rome  rendre  J 
compte  de  sa  missfon,  et  retourna  ensuite  à 
Brescia,  où  il  fonda  plusieurs  églises  et  quelques 


153 

établissements  pieux.  Appelé  en  1451  au  gou- 
vernement de  Pérouse ,  il  remplit  pendant  trois 
ans  cette  charge  à  la  plus  grande  satisfaction  de 
la  cour  de  Rome,  auprès  de  laquelle  il  passa  les 
trois  dernières  années  de  sa  vie.  Lié  avec  les 
principaux  humanistes  de  l'Italie,  notamment 
avec  Poggio,  Monte  laissa  la  réputation  d'un 
homme  savant  et  vertueux.  On  a  de  lui  :  Re- 
pertorium  Juris  utriusque;  Bologne,  1465, 
3  vol.  in-fol.;  Nuremberg,  1477,  2  vol.  in-fol.; 
;  Padoue,  1480,  2  vol.  in-fol.;  —  Monarchia , 
\  in  qua  generalium  conciliorum  materia ,  de 
i  patestate  et  prseslantia  Romani  Pontificis  et 
j  Imperatoris  discutitur;  Rome,   1496,  in-4°, 
|  1537,  in-16;  Lyon,  1512,  in-8°;  reproduit  dans 
I  let.  XTII du  Tractatus  Tractatuum  Juris  etdans 
[  la  Collection  Conciliorum  du  P.  Labbe; —  Une 
}  traduction  latine  du  Miraculum  Eucharistiœ 
j  de  saint  Épiphane;  Rome,  1523,  in-8°;  —  Des 
Discours  et  des  Lettres,  conservés  en  manus- 
i  crit  en  grande  partie  au  Vatican  ;  des  fragments 
!  en  ont  été  publiés  par  le  cardinal  Quirini  dans 
f  ses  Fr.  Barbari  Epistolx,   t.  II  ;   et  dans  ses 
|  Epistolx  ad  Benedictum   III.  (  Pby.  Frey- 
f  tag,  Apparatus  Litterarius,  t.  III).         O. 
;     Agostini,  Scrittori  y eneziani,  t. 1.  —   Ughelll,  Italia 
r  Sacra,  t.  IV.  —  Papadapoli,  Gymnasium  Patavinmti. 
i       MONTE  (J.-L.  DEL).   Voy.   JULES  III. 

|     monte  (Hersilie  bel).  Voy.  Cortese. 
montealbano  (Nepos  de),  jurisconsulte 

français  du  treizième  siècle  ;  il  fut  connu  en  Italie 
f  sous  un  nom  qu'il  dut  à  sa  ville  natale,  et  on 

sait  aujourd'hui  qu'il  avait  vu  le  jour  en  France, 
>  à  Montauban,  et  non  à  Albano,  près  de  Rome, 
i  comme  l'avait  pensé  Pancirolle.  Il  laissa  desou- 
i  vrages  qui  eurent  une  grande  réputation  et  que 

l'imprimerie  reproduisit  fréquemment  au  com- 
fmencement  du  seizième  siècle;  son  Tractatus 
|  de  Exceptionibus  Rerum,  seu  liber  fugitivus, 
I  obtint,  soit  isolément,  soit  à  la  suite  de  la  Prac- 
|  tica  de  Masuer,  plus  de  dix  éditions,  de  1510 
(à  1589,  à  Paris,  à  Cologne,  à  Francfort;  des 

extraits  en  furent  insérés  dans  divers  recueils 

de  jurisprudence.  G.  B\ 

Sa  vigny,  Geschichte  des  Rômischen  Hechts  im  Mit- 
telalter,  t.  V,  p.  4i3-445. 

MOJITEBELLO    (DUC  DE).   Voy.  LANNES. 

mcntecatino  (  Antonio  ) ,  philosophe  ita- 
lien, né  en  1536,  à  Ferrare,  où  il  est  mort,  en 
1599.  De  noble  extraction ,  il  fit  des  leçons  sur 
divers  sujets  dans  sa  patrie,  et  devint  professeur 
de  philosophie.  Il  fut  particulièrement  considéré 
du  duc  Alfonse  II,  qui  le  choisit  pour  secrétaire 
et  qui  le  députa  en  ambassade  à  la  cour  de  France 
et  à  celle  de  Rome.  Selon  Muratori ,  il  paya  la 
famille  de  son  bienfaiteur  d'ingratitude,  et  fut  le 
principal  instrument  de  la  dévolution  du  duché 
de  Ferrare  au  saint-siége.  On  a  de  lui  :  Aristo- 
telis  Politicorum  Lib.  III;  Ferrare,  1587-1597, 
3  vol.  in-fol.  :  cette  version  latine  est  accompa- 
gnée d'un  commentaire ,  dont  Naudé  ne  parait 
pas  faire  grand  cas,  et  le  t.  II, qui  parut  en  1594, 
contient  en-  outre  la  République  et  les  Lois  de 


MONTE  —  M01NTECUCC0L1  154 

Platon  ainsi  que  des  fragments  ;  —  In  octavum 
librum  Physicœ  Aristolelis  Comment arius  ; 
Ferrare,  1591,  in-fol.; —  In  primam  partent 
lib.  III  Aristotelis  de  Anima.  Francesco  Patrizi 
a  dédié  à  Montecatino  un  des  volumes  de  ses 
Discussiones  peripatelicx,  et  il  a  laissé  un  ma- 
gnifique éloge  des  vertus  de  ce  ministre  philo- 
sophe. P. 

Bayle,  Dict.  Critique.  —Naudé,  Bibliogr.  Polit.,  Vt. 

—  A  g.  Superbi,  Apparato  degli  Uomini  itlustri  di  l'er- 
rara.  —Muratori,  Antich.Ua  Estensi ,  f  partie,  c.  14, 

—  Tiraboscbi,  Storia  délia  Letter,  liai.,  VII,  i"  partie. 
MONTECROCE  (Ricoldo  de),  dominicain  de 

Florence,  fut  chargé  par  le  pape  Boniface  VIII, 
en  1296,  avec  plusieurs  de  ses  confrères,  d'aller 
évangéliser  les  Bulgares,  les  Russes,  les  Géor- 
giens, les  Tatars,  etc.,  et  a  écrit,  sous  le  titre 
d' Itinerarium  peregrinationis ,  le  journal  de 
cette  importante  mission.  Son  œuvre  n'est  pas 
parvenue  en  original  jusqu'à  nous,  mais  plu- 
sieurs bibliothèques  en  possèdent  une  traduction 
française,  compilée  en  1351  par  Jehan  Lelong, 
mort  en  1387,  abbé  de  Saint-Bertin ,  à  Saint- 
Omer.  Celle  qui  est  conservée  à  la  Bibliothèque 
impériale  (1)  a  été  imprimée  dans  L'Hystoire 
merveilleuse  plaisante  et  récréative  dugrand 
empereur  de  Tartarie,  seigneur  des  Tartares, 
nomméle  grand Can,  etc.;  Paris,  1529,  in-fol. 
Murray,  dans  ses  Discoveries  and  Travels  in 
Asia,  I,  197,  et  M.  de  Remusat  dans  ses  Nou- 
veaux Mélanges  asiatiques,  II,  199,  ont  donné 
quelques  fragments  de  l'ouvrage  du  zélé  dis- 
ciple de  saint  Dominique.  Pce  A.  G. 

Echard  et  Quétif ,  Scriptores  ordinis  Prœdicatorum, 
I,,  S04.  —  Adelung,  Die  Heisenden  in  Uussland  bis  1700. 

—  Senner,  Calai.  Cod.  mss.  Biblioth.  Bernensis,  11, 
460.  —  Catalogus  librorum  manusc.  Bib.  Cottonianse, 
par  Thomas  Smith  ;  Oxford,  1696,  p.  74, 

montecuccoli  (2)  (Sébastien,  comte  de), 
gentilhomme  italien,  né  à  Ferrare,  vers  la  fin  du 
quinzième  siècle,  exécuté  à  Lyon,  le  7  octobre 
1536.  Après  avoir  occupé  un  emploi  à  la  cour 
de  Charles  Quint,  il  accompagna  en  France  Ca- 
therine de  Médicis  et  devint  échanson  du  dau- 
phin François.  Au  milieu  de  l'été  1536  ce  jeune 
prince,  après  avoir  joué  longtemps  à  la  paume, 
demanda  à  se  rafraîchir;  Montecuccoli  lui  pré- 
senta, de  l'eau  dans  un  potet  de  terre  rouge.  Le 
dauphin  en  but  immodérément;  quelques  heures 
après,  une  pleurésie  se  déclara  chez  lui  et  l'enleva 
au  bout  de  quatre  jours.  Les  regrets  universels 
provoqués  par  la  mort  de  ce  prince ,  qui  don- 
nait tant  d'espérance ,  attirèrent  le  ressentiment 
public  sur  celui  qui  était  la  cause  involontaire  de 


(1)  Ce  manuscrit  (n°  7S00  C.J,  porte  ce  titre  naïf  :  «  Cy 
commence  le  livre  de  peregrinacion  de  l'itinéraire  et  du 
vojage  que  fist  ungbon  preu  d'omme  des  frères  prêcheurs 
qui  ot  nom  frère  Riculd  qui  par  le  commendement  da 
sait  père  ala  oultre  mer  pour  prechier  aux  mescreans 
la  foy  de  Dieu  et  sont  en  ce  tralctie  par  ordonnance  con- 
tenuz  les  royaumes  pays  et  provinces  les  manières  di- 
verses des  gens,  les  loys,  les  sectes,  les  créances,  etc. 
Et  fut  ce  livre  translaté  du  latin  en  françois  en  l'an  de 
grâce  mil  CCCLI,  fait  et  compilé  par  frère  Jehan  Lelong 
d'Ypre  moine   de  l'eveschée  de  Taroenne.» 

(2)  Et  non  Montecucculi,  comme  on  l'écrit  souvent. 


155 


ce  malheur.  Montecuccoli,  soupçonné  d'empoison- 
nement, fut  arrêté,  et  traduit  devant  une  com- 
mission. Une  circonstance  particulière  le  perdit; 
on  trouva  chez  lui  de  l'arsenic  et  du  mercure , 
dont  il  se  servait  pour  des  expériences  chimi- 
ques, et  un  traité  de  YUsance  des  Poisons. 
Mis  à  la  torture ,  il  déclara  qu'il  avait  donné  du 
poison  au  dauphin ,  à  l'instigation  d'Antoine  de 
Lève  et  de  Ferdinand  de  Gonzague ,  deux  géné- 
raux de  l'empereur,  lequel  aussi  l'aurait  encou- 
ragé à  ce  crime.  Sur  ces  dires,  arrachés  par  la 
douleur,  mais  complètement  controuvés,  il  fut 
condamné  à  être  traîné  sur  la  claie  et  ensuite 
écartelé.  L'exécution  eut  lieu  à  Lyon  ;  le  peuple 
s'acharna  sur  les  lambeaux  du  cadavre,  et  les 
jeta  dans  le  Rhône.  O. 

Robertson,  Hist.  de  Charles  Quint.  —  Rœderer, 
Louis  XII  et  François  1er. 

aiONTECcccoi.1  (Ernest,  comte  de),  géné- 
ral italien ,  né  à  Modène,  mort  en  1633.  Entré  de 
bonne  heure  au  service  de  l'Autriche,  il  arriva  en 
peu  d'années  au  grade  de  général-feld-zeugmeis- 
ter.  Après  avoir,  en  1629,  pris  part  à  la  cam- 
pagne contre  le  prince  d'Orange,  il  fut  rappelé  en 
Allemagne ,  où  il  eut  à  combattre  les  Suédois  ; 
blessé  devant  Brisach ,  il  tomba  dans  les  mains 
des  ennemis,  et  mourut  quelques  jours  après.  O. 
Ludolph,  Schaubùhne. 

montecuccoli  {Raimond,  comte  de),  cé- 
lèbre capitaine  italien ,  cousin  du  précédent ,  né 
à  Modène,  en  1608,  mort  à  Linz,  le  16  octobre 
1681.  Après  avoir  terminé  ses  études  chez  les 
jésuites,  il  vint  en  Allemagne,  et  entra  comme 
simple  volontaire  dans  un  régiment  de  dragons. 
Les  instructions  de  son  cousin  Ernest  dévelop- 
pèrent ses  talents  pour  le  métier  militaire  ;  ils 
furent  bientôt  remarqués  et  lui  valurent  un 
avancement  rapide.  Chargé  en  1637  de  déblo- 
quer Namslau  en  Silésie,  il  s'avança  avec  deux 
mille  chevaux  seulement  contre  les  huit  mille 
Suédois,  qui  assiégeaient  cette  ville;  par  des 
manœuvres  habiles,  il  parvint  à  les  surprendre, 
et  il  les  chargea  avec  tant  d'impétuosité,  qu'il  les 
mit  en  déroute  après  leur  avoir  pris  leur  artillerie 
et  leurs  bagages.  Mais  en  1639  il  fut  battu  à 
Brandeis  par  Baner  et  fait  prisonnier.  Conduit  à 
Stettin,  il  y  fut  retenu  pendant  deux  années,  qu'il 
consacra  à  l'étude  des  mathématiques,  des 
sciences  naturelles  et  surtout  des  théories  de 
l'art  de  la  guerre.  Après  avoir  été  échangé  contre 
!e  général  Schlange,  il  fut  en  1-646  commis  en 
compagnie  de  Jean  de  Werfh  pour  arrêter  les 
jrogrès  du  général  suédois  Wittemberg  en 
i  ohême,  et  il  parvint  à  lui  faire  évacuer  ce  pays, 
lien  que  le  résultat  des  deux  années  suivantes 
lût  malheureux  pour  les  armes  impériales, 
Montecuccoli  n'en  attacha  pas  moins  son  nom 
à  plusieurs  actions  glorieuses,  qui  le  rirent  ap- 
peler, en  1648,  à  remplacer  le  feld-maréehal 
Holzapfel,  tué  sur  le  champ  de  bataille.  Après  la 
paix  de  Westphalie  il  visita  la  Suède, où  il  reçut 
de  la  reine  Christine  l'accueil  le  plus  flatteur.  Il 


MONTECUCCOLI  156 

se  rendit  ensuite  en  Italie  pour  assister  aux  fêtes 
données  à  l'occasion  du  mariage  du  duc  de  Mo- 
dène; dans  un  tournoi,  s'étant  mis  ajouter  avec 
son  ami  le  comte  Malezani ,  il  eut  le  malheui 
de  le  tuer  d'un  coup  de  lance  dans  la  poitrine. 
En  1657  il  fut,  avec  Hasfeld,  chargé  de  com- 
mander les  seize  mille  hommes  envoyés  en 
Pologne  pour  y  rétablir  l'autorité  du  roi  Jean- 
Casimir,  que  le  roi  de  Suède  Charles  X  et  Ra- 
gotzky,  prince  de  Transylvanie,  venaient  de 
chasser  de  sa  capitale.  Jean-Casimir  fut  ramené 
à  Cracoyie;  l'occupation  de  cette  ville  avait  été 
promise  à  l'Autriche;  mais  les  Polonais  se 
croyant  à  l'abri  du  danger  par  la  retraite  de  l'en- 
nemi,ne  tinrent  aucun  compte  de  leur  engagement. 
Aussi  Montecuccoli  reçut-il  l'ordre  de  refuser  de 
coopérer  au  siège  de  Thorn,  et  il  alla  prendre  ses 
quartiers  d'hiver.  En  1658,  il  marcha  avecl'éleo* 
teur  de  Brandebourg  au  secours  du  roi  de  Dane- 
mark, accablé  par  les..Suédois,  et  il  aida  à  les  chas- 
ser du  Holstein  et  du  Jutland.  L'année  d'après, 
les  alliés  ayant  échoué  dans  leur  tentative  contre 
l'île  de  Fionie,  une  puissante  diversion  fut,  sur  ses 
conseils,  entreprise  dans  la  Poméranie  ;  il  y  prit 
part  et  s'empara  de  Demmin  et  de  Greifswald. 
Rappelé  peu  de  temps  après  en  Autriche  pai 
suite  de  la  pacification  du  Nord,  Montecuc- 
coli fut  en  1661  envoyé  en  Transylvanie,  pour 
y  soutenir  contre  les  Turcs  le  prince  Kémény, 
récemment  élu  par  les  états  de  ce  pays.  Parti 
de  l'île  de  Schutt  avec  '  seize  mille  hommes,  il 
parvint  à  se  réunir  à  Kémény  dans  le  comté  de 
Zatmar.  Il  força  les  passages,  et  chassa  les^ 
Turcs  de  la  Transylvanie.  Toutefois, ne  pouvant 


se  maintenir  dans  un  pays  épuisé,  il  jeta  une 
garnison  dans  Klausenbourg ,  laissa  mille  che- 
vaux à  Kémény,  et  se  retira  à  Cassovie.  La  mort 
de  Kémény  et  les  troubles  de  Hongrie  l'em- 
pêchèrent de  reprendre  l'offensive  l'année  sui- 
vante. Ne  disposant  que  d'un  petit  corps  de 
troupes,  il  eut  à  déployer  toutes  les  ressources 
de  son  génie  pour  arrêter  quelque  peu  le  flot  en- 
vahisseur des  hordes  innombrables  amenées  par 
le  grand-vizir  Ahmed  Koprili  ;  encore  ses  opéra- 
tions étaient-elles  souvent  contrariées  par  les 
ordres  du  cabinet  de  Vienne,  qui  se  laissait 
jouer  par  des  propositions  d'accommodement. 
A  la  fin  de  l'an  1663  il  se  vit  forcé  de  se  replier 
devant  l'armée  ennemie,  forte  de  cent  mille 
hommes  et  de  se  retrancher  dans  l'île  de  Schutt. 
Au  commencement  de  l'année  suivante,Montecuc- 
coli  alla  avec  le  comte  de  Zriny  faire  le  siège 
de  Canise;  mais  la  dissension  qui  éclata  entre 
les  deux  généraux,  le  premier,  circonspect  et 
méthodique,  le  second,  audacieux  et  entrepre- 
nant, empêcha  la  réussite  de  cette  entreprise, 
de  même  qu'elle  fut  cause  de  îa  chute  de  la  for- 
teresse de  Zrinevar;  Montecuccoli  ne  voulut  ja- 
mais aller  au  secours  de  cette  place,  qui  avait 
été  construite  par  Zriny.  Le  vizir  s'apprêtait  à  en- 
vahir la  Styrie,  lorque  l'armée  impériale  fut  ren- 
forcée par  le  contingent  de  la  diète  et  six  mille 


157  MONTECUCCOLI 

Français,  ce  qui  la  porta  à  soixante  mille  hommes. 
Montecuccoli  la  mena  au-devant  de  l'ennemi  et 
occupa  Saint-Gothard,  forte  position  derrière  la 
Raab.  Le  1er  août  1664  les  musulmans  tentèrent  de 
forcer  le  passage;  pendant  un  moment  les  Impé- 
riaux furent  jetés  dans  un  si  grand  désordre  que 
des  fuyards  annoncèrent  à  Gratz  la  perte  de  la 
bataille.  Le  courage  et  l'habileté  de  Montecuc- 
coli tirent  changer  la  fortune;  il  envoya  sa  ca- 
valerie contre  les  spahis ,  et  conduisit  contre  les 
lanissaires  l'élite  de  son  infanterie.  Les  spahis 
furent  repoussés  et  les  rangs  des  janissaires 
rompus  par  le  choc  des  troupes  allemandes  et 
nr  la  valeur  héroïque  des  Français  ;  les  Turcs, 
nis  en  déroute,  perdirent  seize  mille  des  leurs. 
Les  complications  poliliques  empêchèrent  l'em- 
)ereur  Léopold  de  tirer  avantageusement  parti 
Je  cette  éclatante  victoire  ;  mais  il  n'en  ré- 
;ompensa  pas  moins  brillamment  Montecuccoli , 
;t  le  nomma  général-Keutenant.  En  1666 ,  il  le 
îhargea  de  le  représenter  au  cérémonial  de  son 
nariage  avec  l'infante  Marguerite  ;  à  cette  occa- 
iion  Montecuccoli  eut  un  grave  démêlé  d'éti- 
juette  avec  le  ministre  espagnol ,  qui  accompa- 
çnajt  cette  princesse,  ce  qui  n'empêcha  pas  le 
oi  d'Espagne  de  lui  conférer  l'ordre  de  la  Toi- 
son d'or,  et  de  lui  faire  plus  tard  présent  de  la 
ïche  principauté  d'Amalfi.  Une  autre  marque 
l'honneur  échut  encore  à  Montecuccoli  ;  il  con- 
luisit  en  1670  à  Varsovie,  Éléonore,  sœur  de 
'empereur  et  fiancée  au  roi  de  Pologne,  Michel. 
En  1672,  il  fut  envoyé  avec  seize  millehonmaes 
oindre  à  Halberstadt  les  troupes  de  l'électeur 
le  Brandebourg ,  qui  devaient  arrêter  l'attaque 
mprévue  de  Louis  XIV  contre  la  Hollande:; 
nais  gêné  constamment  dans  ses  opérations  et 
éduit  presque  à  l'inaction  par  les  intrigues  du 
ninistre  Lobkowitz ,  partisan  de  la  France ,  il 
îe  gagna  aucun  avantage  sur  les  Français,  du 
louble  inférieurs  en  nombre  aux  troupes  alliées. 
Su  moment  où,  se  trouvant  à  l'entrée  des  Ar- 
iennes, Montecuccoli  allait  joindre  l'armée  du 
Drince  d'Orange,  il  recula  devant  Turenne, 
nalgré  les  supplications  de  l'électeur;  ses  ins- 
juctions  lui  enjoignaient  formellement  de  ne 
3as  livrer  bataille.  Battant  toujours  en  retraite , 
1  alla  gagner  la  Franconie.  Mais  en  l'automne 
1673  à  la  suite  du  traité  d'alliance  entre  l'empe- 
reur, le  roi  d'Espagne  et  les  États- généraux,  il 
lut  mis  à  même  de  prendre  l'offensive.  Il  arriva 
ivec  quarante  mille  hommes  sur  le  Mein,.  dont 
rurenne  s'efforça  de  lui  interdire  le  passage; 
rnai&l'évêque  de  Wurtzbourg  lui  ayant  livré  le 
pont  de  sa  ville,  il  put  atteindre  le  Rhin,  qu'il 
passa  le  20  octobre  près  de  Mayence.  Il  fit  sem- 
blant de  vouloir  envahir  l'Alsace  ;  Turenne  ac- 
courut pour  défendre  cette  province.  Montecuc- 
coli alors  embarqua  son  infanterie  sur  le  Rhin, 
et  fit  avancer  à  marches  forcées  sa  cavalerie  sur 
Andernach ,  où,  par  la  célérité  de  ses  mouve- 
ments, il  parvint  à  joindre  le  prince  d'Orange 
le  2  novembre.  Dix  jours  après  il  s'empara  de 


158 

Bonn,  ce  qui  lui  assurait  la  libre  communica- 
tion avec  les  Pays-Bas,  et  mettait  à  sa  merci  les 
États  de  Cologne  et  de  Munster,  dont  les  souve- 
rains étaient  amis  de  la  France.  L'année  suivante, 
des  arrangements  de  cour  ayant  mis  le  comman- 
dement supérieur  des  troupes  alliées  aux  mains  de 
l'électeur  de  Brandebourg,  Montecuccoli  se  re- 
tira du  théâtre  de  la  guerre;  son  absence  fut 
signalée  par  les  plus  beaux  triomphes  de  Tu- 
renne. Aussi,  dès  le  commencement  de  1675, 
fut-il  replacé  à  la  tête  de  l'armée  des  coalisés, 
comme  étant  seul  capable  d'être  opposé  au  hé- 
ros français.  Au  printemps  ils  se  trouvèrent  en 
face  l'un  de  l'autre  sur  le  Rhin ,  Montecuccoli 
avec  vingt-cinq  mille  hommes ,  Turenne  avec 
vingt  mille.  «  Tous  deux,  dit  Voltaire,  avaient 
réduit  la  guerre  en  art.  Ils  passèrent  quatre 
mois  à  se  suivre,  à  s'observer,  dans  des  marches 
et  des  campements,  plus  estimés  que  des  vic- 
toires par  les  officiers  allemands  et  français.  L'un 
et  l'autre  jugeaient  de  ce  que  sou  adversaire  al- 
lait tenter  par  les  démarches  que  lui-même  eût 
voulu  faire  à  sa  place,  et  ils  ue  se  trompèrent 
jamais.  Ils  opposaient  l'un  à  l'autre  la  patience, 
la  ruse  et  l'activité.  »  Montecuccoli  commença 
par  simuler  une  attaque  contre  Philipsbourg  pour 
attirer  l'ennemi  du  côté  du  Palatinat,  et  pouvoir 
alors  revenir  rapidement  sur  Strasbourg  et  sur- 
prendre cette  ville.  Mais  Turenne,  devinant  ce 
projet,  passa  au  même  moment  le  Rhin  et 
transporta  ainsi  la  guerre  en  Souabe.  Montecuc- 
coli se  hâta  d'arriver  à  Offenbourg,  pour  ar- 
îêter  la  marche  des  Français.  11  y  arriva  le 
13  juin.  «  Désormais,  dit  M.  Henri  Martin,  les 
deux  grands  capitaines  ne  se  quittèrent  plus  de 
l'œil ,  pour  ainsi  dire.  Pareils  à  deux  vaillants 
lutteurs  qui  combattent  pied  contre  pied ,  sans 
pouvoir  s'ébranler  l'un  l'autre,  Turenne  et  Mon- 
tecuccoli manœuvrèrent,  durant  six  semaines, 
dans  l'étroit  espace  de  quelques  lieues  carrées, 
sans  parvenir  à  se  faire  quitter  la  place.  Ces 
belles  opérations  seront  un  éternel  objet  d'é- 
tude pour  les  hommes  de  guerre.  Montecuccoli 
était  un  peu  supérieur  en  force  numérique  et 
surtout  en  artillerie.  Turenne  compensait  cette 
infériorité  par  l'avantage  que  lui  donnaient  sa 
vigueur  et  son  activité  physique  sur  un  rival 
usé  par  les  infirmités  et  obligé  de  s'en  remettre 
souvent  à  l'œil  et  au  jugement  d'autrui  »  (1). 
Appréciant  comme  il  convenait  la  fougue  belli- 
queuse des  Français ,  l'expérience  et  le  génie  de 
leur  général ,  Montecuccoli  déploya  toutes  les 
ressources  de  la  tactique  pour  éviter  un  enga- 
gement lant  que  le  succès  en  aurait  pu  être  dou- 
teux. Cependant  le  27  juillet  Turenne,  arrivé  à 
Sassbach,  annonça  que  l'occasion  favorable  de 
forcer  l'ennemi  à  livrer  bataille  était  arrivée. 
Les  mouvements  de  Montecuccoli  prouvaient  en 
effet  qu'il  redoutait  l'issue  du  combat;  mais  au 


(1)  Voyez  sur  les  opérations  de  ces  deux  capitaines, 
Feuquières,  mémoires  militaires;  et  Napoléon,  Mémo- 
rial, t.  V,  p.  155-181. 


159  MONTECUCCOLI 

moment  où  l'action  allait  s'engager,  Turenne  fut 
tué.  A  cette  nouvelle  son  rival  ne  put  réprimer 
sa  joie  ;  mais  quelques  instants  après,  il  dit  avec 
gravité  et  tristesse  :  «  Il  est  mort  un  homme 
qui  faisait  honneur  à  l'homme.  »  La  retraite  des 
Français  commença  ;  Montecuccoli  les  suivit  à  la 
piste,  et  tomba  sur  leur  arrière-garde  au  pont 
d'Altenheim  ;  ils  ne  furent  sauvés  que  par  une 
charge  désespérée  du  comte  de  Lorges.  Les  Im- 
périaux pénétrèrent  ensuite  dans  la  basse  Al- 
sace et  assiégèrent  Haguenau.  Condé  fut  à  la 
hâte  envoyé  au  secours  de  cette  place.  Monte- 
cuccoli leva  le  siège,  et  s'avança  au-devant  des 
Français.  Général  prudent  et  circonspect ,  qui 
se  faisait  gloire  d'avoir  pris  pour  modèle  Fa- 
bius Cunctator,  il  cherchait  avec  ardeur  la  ba- 
taille ;  Condé,  le  héros  impétueux  et  bouillant, 
la  refusa  et  resta  pendant  le  reste  de  la  saison 
dans  sa  position  de  Chatenoi.  Empêché  ainsi 
d'envahir  la  haute  Alsace,  Montecuccoli  repassa 
le  Rhin ,  après  avoir  préparé  pour  l'année  sui- 
vante le  siège  de  Philipsbourg.  Mais  gravement 
atteint  de  la  goutte,  et  ne  voulant  pas  compro- 
mettre la  gloire  incomparable  qu'il  venait  d'ac- 
quérir en  n'ayant  pas  pu  être  vaincu  par  les 
deux  plus  grands  capitaines  de  son  siècle ,  il  ré- 
signa son  commandement,  et  alla  vivre  à  la  cour 
de  Vienne.  L'étude  et  la  fréquentation  des  sa- 
vants, qui  avaient  toujours  rempli  ses  loisirs, 
restèrent  le  délassement  de  sa  vieillesse. 
Membre  du  Collegium  Naturse  Curiosorum,  il 
fit  tous  ses  efforts  pour  faire  fleurir  cette  acadé- 
mie ,  et  il  y  lisait  souvent  des  mémoires  scien- 
tifiques. Il  mourut  des  suites  d'une  blessure 
occasionnée  par  la  chute  d'une  solive.  Il  a  laissé 
des  Mémoires  sur  la  guerre,  publiés  dans  l'o- 
riginal italien  à  Cologne,  1708,  in-8°;  traduit  en 
latin,  Vienne,  1718,  in-fol. ;  et  en  français,  par 
Jacques  Adam,  Paris,  1712,  2  vol.  in-12;  et 
souvent  depuis;  ces  Mémoires ,  sur  lesquels 
Turpin  de  Crissé  a  publié  un  commentaire 
étendu  (Paris,  1769,3  vol.  in-4°),comprennent 
trois  parties  :  1°  L'Art  militaire  en  général; 
recueil  d'excellentes  observations;  reproduit 
dans  la  Bibliothèque  Militaire  de  Liskenne, 
t.  IV;  2°  La  Guerre  contre  les  Turcs;  3°  Re- 
lation, de  la  campagne  de  1664.  Les  Œuvres 
complètes  de  Montecuccoli ,  comprenant  entre 
autres  un  Traité  de  l'Art  de  régner,  des  Poé- 
sies, etc.,  ont  été  publiées  avec  des  notes  par 
Ugo  Foscolo-,  Milan,  1807-1808,  2  vol.  in-fol.; 
édition  tirée  àun  très-petit  nombre  d'exem- 
plaires; depuis  elles  ont  paru,  corrigées,  aug- 
mentées et  éclaircies  par  J.  Grassi  ;  Turin,  1821, 
2  vol.  in-8°  et  in-4°.  O. 

Wagner,  Vita  teopoldi  imperatoris.  —  Paradis!,  Élo- 
<jio  del  conte  Montecucculi  (  Modène,  1776,  in-8°).  — 
Pezz!',  I.ebensbeschreibting  Monlecucculis  (Vienne, 
1792,  in-8°  ).  —  fi.  Monlecucculis  Letren  (Leipzig,  179î, 
et  1808,  ln-80).  —  Tiraboschi ,  Bibliothecu  JJodenensis, 
t.  III. 

montefeltro,  ancienne  famille  italienne 
descendant  des  comtes  de  Carpegna  et  souche 


—  MONTEFELTRO 


16 


de  la  première  maison  des  ducs  d'Urbin.  Mon 
te/eltrino  1er,  célèbre  capitaine  delà  fin  du  doc 
zième  siècle,  est  le  premier  membre  de  cet! 
famille  qui  se  soit  fait  un  nom  dans  l'histoiri 
Bonconte,  son  fils ,  se  mit  en  1228  sous  la  pr< 
tection  de  la  république  de  Rimini,  qui  le  soutii 
contre  les  habitants  d'Urbin,  ville  dont  il  ava 
la  prévôté  et  qui  s'était  révoltée  contre  lui.  Pai 
tisan  ardent  des  gibelins,  il  fut  en  1247  excon 
munie  par  le  pape  Innocent  IV;  ses  descendan 
héritèrent  de  sa  haine  contre  les  guelfes ,  dont  i 
devinrent  les  principaux  adversaires  dans  II 
Romagnes  et  dans  la  Marche. 

Ugolini,  Storia  dei  Contie  Duchi  d'Vrbino;  Florene 
1889,  2  vol.  in-8°. 

Guido,  comte  de  Montefeltro,  mort  en  sej 
tembre  1298,  son  petit-fils,  se  signala  de  boni 
heure  par  sa  bravoure  et  ses  talents  militaire: 
grâce  à  lui  le  parti  gibelin  de  la  Romagne  o 
succomba  pas  entièrement  sous  les  coups  ( 
ses  ennemis  aidés  par  Charles  d'Anjou.  En  127; 
il  fut  appelé  à  commander  les  habitants  de  Foi 
révoltés  contre  les  Rolonais,  qui  les  opprimaien 
il  défit  complètement  l'armée  des  Rolonais,  et 
s'avança  du  côté  de  leur  ville  jusqu'à  Caste 
San-Pietro.  Il  serait  entré  dans  Bologne  si  liij 
Lambertazzi ,  chefs  des  gibelins  de  cette  vill< 
ne  s'étaient  unis  contre  lui  aux  Geremei,  q 
étaient  à  la  tête  des  guelfes.  Peu  de  temps  aprè 
les  Lambertazzi  furent  expulsés  de  Bologne, avi  ; 
douze  mille  de  leurs  adhérents  ;  les  gibelins  a  ' 
coururent  de  toutes  parts  pour  les  venger  et  m 
rent  à  leur  tête  le  comte  de  Montefeltro.  I 
13  juin  1275  ce  dernier  attaqua  au  pont  de  Sa  j 
Procolo  les  guelfes ,  très-supérieurs  en  nomb  , 
à  ses  soldats  ;  il  les  mit  en  déroute ,  après  lei  i 
avoir  tué  plus  de  six  mille  hommes,  et  fait  quat 
mille  prisonniers.  L'année  suivante  il  s'empa . 
de  Bagna-Cavallo ,  et  battit  de  nouveau  l'armi 
des  Bolonais.  Ceux-ci  demandèrent  des  secou  \ 
au  roi  Charles  de  Naples ,  qui  leur  envoya  que 
ques  compagnies  de  gendarmes;  mais  Guk: 
continua  à  leur  faire  subir  de  nouveaux  échec;  ; 
en  novembre  1277,  il  mit  en  déroute  les  Flj 
rentins,   qui  venaient  au  secours  de  Bologn 
Les  habitants  de  cette  ville  acceptèrent  avi 
plaisir  la  médiation  du  pape  Nicolas  III,  qui  <  j 
1279  rétablit  la  paix  entre  les  partis  ennemi  | 
Les  Lambertazzi  rentrèrent  à  Bologne  ;  mais  i 
en  furent  chassés  de  nouveau  quelques  ma 
après.  La  lutte  recommença  et  devint  acharm 
à  l'avènement  du  pape  Martin  IV,  lout  dévoué  I 
la  politique  du  roi  Charles.  Les  gibelins  de 
Romagne  se  remirent  sous  le  commandemei 
de  Guido,  qui  après  plusieurs  succès  remporti 
sur  Jean  da  Eppa,  le  général  de  l'armée  guelfi 
alla  s'enfermer  dans  Forli    Le  comte  da  Epi 
vint  l'y  assiéger  ;  mais  Guido  fit  une  sortie  ■ 
détruisit  l'armée  ennemie  le  1er  mai  1282.  C»j 
pendant'  Forli   ne   put  résister  aux  nonvellf 
troupes  envoyées  par  lé  pape  et  le  roi  Charles 
Guido  se  retira  à  Meldola ,  où  il  soutint  un  très 


161 


MONTEFELTRO 


162 


long  siège.  I)  ne  se  rendit  que  sous  le  pape  Ho- 
fnorélV;  ses  villes  furent  placées  sous  l'autorité 
f  pontificale  ;  lui-même  fut  relégué  à  Asti,  en 
I  Piémont.  Il  y  resta  jusqu'en  1290,  année  où  il 
?  fut  appelé  par  les  Pisans ,  alors  accablés  par  la 
!  ligue  toscane,  à  prendre  le  commandement  de 
'  leurs  troupes.  Il  releva  promptement  leur  for- 
tune et  récupéra  presque  tous  les  châteaux  du 
!  territoire  de  Pise.  Nommé  alors  pour  trois  ans 
!  à  la  seigneurie  de  cette  ville ,  il  forma  un  corps 
f  de  trois  mille  arbalétriers ,  qui ,  soigneusement 
f  exercés  sous  sa  direction ,  se  signalèrent  bientôt 
'par  de  brillants  exploits.  Par  sa  bravoure,  par 
|  la  rapidité  de  ses  manœuvres  et  par  son  art  «l'en- 
tretenir des  intelligences  chez  les  ennemis,  il 
obtint. en  1293,  pour  les  Pisans,  une  paix  qui 
&  leur  rendait  leurs  anciennes  frontières.  En  cette 
I  année  il  s'empara  de  nouveau  de  la  ville  d'Urbin, 
|  et  se  joignit  aux  autres  seigneurs  gibelins ,  qui 
|  pendant  la  longue  vacance  du  saint  siège  essayè- 
rent de  secouer  l'autorité  pontificale.  Cependant, 
jà  l'avènement  de  Boniface  VIII,  il  fit  la  paix 
'  avec  l'Église  et  fut  relevé  de  l'interdit  qui  pesait 
i  sur  lui  depuis  qu'il  avait  quitté  son  lieu  d'exil  ; 
i  e.pape,  qui  estimait  ses  talents  militaires,  lui 
■  -estitua  plusieurs  de  ses  possessions ,  qui  avaient 
f5té  confisquées.  E.n  novembre  1296  Guido,  qui 
|  ians  le  courant  de  l'année,  avait  combattu,  mais 
l;ans  succès,  Malatesta  da  Verruchio ,  son  rival 
pour  la  domination  dans  le  nord  de  la  Romagne, 
:  f  jrit  à  Ancône  l'habit  des  Franciscains.  Trois  ans 
'•fiprès,  i!  fut  mandé  auprès  du  pape,  alors  occupé 
[  ■'  lu  siégé  de  Palestrina,  et  il  fut  consulté  sur  la  ma- 
nière dé  S'emparer  d'une  place  aussi  forte  ;  il  ré- 
;  '  )ondit  qu'il  n'en  connaissait  pas  d'autre,  «  que  de 
>  bromettre  beaucoup  et  de  peu  tenir  ».  Il  mourut 
^tfiprès  avoir  passé  encore  deux  ans  dans  son  cou- 
rent. O. 

Sf  Matthsus  de  Griffonlbus,  Memoriale  kistoricum.  — 
Kttarth.  délia  Pugliola,  Chronica  ai  Bologna.  —  Fr.  Pi- 
I  pinus,  Chronicon.  —  Annales  Forolivienses.  —  Ghirar- 
.ilani,  Storia  di  Bologna.  —  Chronica  di  Pisa  anonyma. 
y.-  Falso  Marangonl,  Chronica  di  Pisa.  —  G.  Villani, 
M'toria  di  Firenze.  —  Raynaidi,  Annales,  t.  XfV. 

4f  Federigo  Ier,  comte  de  Montefeltro,  fils 
lia  précédent,  tué  le  26  avril  1322.  Soutenu  par 
■[  |  on  cousin  Galeazzo  de  Montefeltro,  qui  se  si- 
gnala par  ses  conquêtes  de  Pesaro,  Ri  mini  et 
i  trano,  il  consolida  la  domination  de  sa  maison. 
i  (tomme  son  père,  il  se  fit  remarquer  par  sa  haine 
i  fies  guelfes  ;  il  se  ligua  contre  eux  avec  Uguione 
»  'ella  Faggiuola  et  avec  les  Malateste.  En  1302 

*  |  envahit  le  territoire  de  Césène,  et  le  dévasta. 

*  j.e  pape  Clément  V  s'étant  montré  d'abord  fa- 
if  I  orable  aux  gibelins ,  Federigo ,  nommé  par  ce 
b  f'ontife,  capitan  du  saint-siége,  défendit  les  villes 
i  i 'Osimo  et  de  Jesi contre  les  habitants  d'Ancône, 
i*5  pu'il  mit  en  déroute  en  l'été  de  1309,  après  leur 
i,  ivoir  tué  cinq  mille  hommes.  Le  pape  s'étant 
il  approché  des  guelfes  à  l'arrivée  de  l'empereur 

Henri  VII,  Federigo  devint  son  adversaire  et 
i  •  ngmenta  aux  dépens  du  saint-siége  ses  posses- 
[i   ions  dans  la  marche  d'Ancône.  En  1318  il  s'em- 

NO'JV.   BIOCR.  GÊNER.  —  T.  XXXVI. 


1  para  de  Gubbio;  dans  les  années  suivantes  il  fut 
appelé  à  la  seigneurie  de  Recanati,  Osimo, 
Spolète,  Fano  et  Assisi,  villes  qui  s'étaient  ré- 
voltées contre  l'autorité  pontificale;  ses  États 
étaient  alors  plus  étendus  que  ne  le  furent  ja- 
mais ceux  de  ses  successeurs.  Mais  en  1322, 
ayant  ordonné  de  nouveaux  impôts  à  Urbin,  il 
excita  une  révolte  des  habitants,  qui  le  mas- 
sacrèrent ainsi  qu'un  de  ses  fils  ;  Nolfo,  un  autre 
de  ses  fils ,  fut  épargné ,  mais  gardé  en  prison; 
Guido  et  Galeazzo,  les  deux  plus  jeunes  enfants 
de  Federigo,  furent  arrêtés  par  les  habitants  de 
Gubbio.  A  ces  nouvelles  Recanati,  Fano  et  Osimo 
reconnurent  de  nouveau  le  pouvoir  du  pape; 
mais  quelques  mois  après,  les  gibelins  redevin- 
rent les  maîtres  dans  les  deux  dernières  de  ces 
villes,  et  ils  appelèrent  à  les  gouverner  un  cousin 
de  Federigo,  Speranza  de  Montefeltro,  qui  s'é- 
tait réfugié  à  Saint-Marin ,  après  le  désastre  qui 
avait  frappé  sa  famille.  O. 

Annales  Cœsenates.  —  villani,  Storia  di  Firenze, 
liv.  IX.  —  Raynaidi,  Annales,  t.  XV. 

Nolfo,  comte  de  Montefeltro  ,  fils  du  précé- 
dent, mort  vers  1360.  Jeté  en  prison  lors  de  l'as- 
sassinat de  son  père  par  les  Ur  bina  tes,  il  fut 
délivré  par  eux  et  proclamé  seigneur  delà  ville 
en  1323,  époque  où  ils  se  soulevèrent  contre 
les  autorités  papales ,  qui  leur  avaient  imposé 
de  nouvelles  taxes.  Ses  deux  frères  furent  re- 
lâchés en  même  temps  ;  ce  fat  avec  eux  et  avec 
son  cousin  Speranza  qu'il  recouvra  les  posses- 
sions de  sa  famille ,  qu'ils  gouvernèrent  en  com- 
mun pendant  plusieurs  années.  Mais  en  1335 
Nolfo ,  averti  que,  sur  les  conseils  de  Pietro  de' 
Tarlati ,  Speranza  songeait  à  dépouiller  ses  cou- 
sins de  la  seigneurie  d'Urbin,  le  chassa  de  cette 
ville,  et  lui  enleva  toute  part  aux  biens  de  sa 
maison.  Dans  les  années  suivantes,  lui  et  ses 
frères ,  unis  aux  Pérugins  et  à  Neri  délia  Fag- 
giuola, soutinrent  une  lutte  sanglante  contre  Tar- 
lati ;  elle  se  termina  heureusement  pour  eux,  et 
leur  valut  un  agrandissement  de  territoire. 
Comme  les  autres  seigneurs  de  la  Romagne  et 
de  la  Marche,  ils  commandaient  eux-mêmes  leurs 
armées,  composées  de  gentilshommes  et  de 
paysans  indigènes,  et  non  de  mercenaires  étran- 
gers; quand  ils  ne  faisaient  pas  la  guerre  pour 
leur  propre  compte ,  ils  s'engageaient  au  service 
de  quelque  république,  plutôt  que  de  rester  en 
repos;  aussi  les  habitants  de  ces  provinces 
étaient  presque  les  seuls  Italiens  qui  fussent 
encore  belliqueux.  En  1341  Nolfo,  le  chef  de 
la  famille,  commanda  les  Pisans  dans  leur  guerre 
contre  les  Florentins,  tandis  que  son  frère  Guido 
était  à  la  tête  de  la  cavalerie  florentine  ;  dix  ans 
après,  il  conduisit  les  troupes  de  Jean  Visconti 
contre  les  Florentins.  Cependant,  malgré  son  ex- 
périence militaire,  il  ne  put  préserver  ses  posses- 
sions des  dévastations  de  la  Grande  Compagnie. 
Attaqué  peu  de  temps  après  par  le  cardinal  Al- 
bornoz,  il  perdit  une  grande  partie  de  ses  États. 
Après  sa  mort  son  fils  Federigo  II  se  vit  enlever 

6 


163 

par  le  cardinal  les  villes  et  les  châteaux    forts 
qui  lui  restaient  encore.  O. 

Villani ,  Storia  di  Firenze.  —  annales  Cœsenates.  — 
Raynaldi,  finales. 

Antonio,  comte  de  Montefeltro,  fils  de 
Federigo  II,  mourut  le  19  mai  1404.  Il  reçut  du 
cardinal  Albornoz  le  vicariat  pontifical  d'Urbin  , 
ses  frères  Nolfo  et  Galeazzo  celui  de  Cagli.  En 
1375 ,  lors  de  la  révolte  générale  qui  eut  lieu 
dans  les  États  de  l'Église ,  il  recouvra  la  pleine 
souveraineté  d'Urbin ,  et  reconquit  ensuite,  en 
peu  de  temps,  les  anciennes  possessions  des  Mon- 
tefeltri;  il  s'y  maintint  malgré  tous  les  efforts 
du  pape  Urbain  VI  ;  il  acquit  encore  Mozzano, 
et  reçut  la  seigneurie  de  Gubbio  de  la  main  des 
habitants  de  cette  ville ,  révoltés  contre  les  Ga- 
brielli.  Une  guerre  s'engagea  à  ce  propos  entre 
ces  derniers  et  le  comte  de  Montefeltro,  qui  fut 
secouru  par  les  Ordelaffi,  tandis  que  ses  en- 
nemis eurent  pour  alliés  les  Malatestc.  En  1394 
la  lutte  se  termina  par  la  médiation  du  cardinal 
Maramoro;  Antonio  garda  Gubbio,  mais  paya 
aux  Gabrielli  une  somme  d'argent  ;  son  fils  Guid', 
Antonio  épousa  une  sœur  des  Malateste.  Antonio 
mourut  dix  ans  après,  regretté  de  ses  sujets, 
qu'il  avait  gouvernés  avec  sagesse.         0. 

Guernieri  Bernio ,  Istoria  d'AgObbio. 

Guid'  Antonio,  duc  de  Montefeltro,  fils 
du  précédent,  mort  le  21  février  1443.  En  1408 
il  acquit  par  achat  la  ville  d'Assise.  Nommé  en 
1419,  par  le  pape  Martin  V,  recteur  du  pays  de 
Spolète  et  décoré  du  titre  de  duc,  il  se  ligua  en 
cette  même  année  avec  ce  pape  contre  le  célèbre 
condottiere  Braccio  de  Montone,  qui  lui  avait 
enlevé  la  ville  d'Assise;  il  la  reprit,  mais  la 
perdit  de  nouveau ,  grâce  à  l'aide  que  les  Ga- 
brielli donnèrent  à  Braccio.  En  1430  il  reçut  de 
Martin  V,  dont  il  avait,  en  secondes  noces,  épousé 
la  .nièce  Catana  Colonna,  plusieurs  châteaux  de 
l'héritage  de  Carlo  Malatesta.  En  la  même  année 
il  commanda  les  troupes  florentines  au  siège 
de  Lucques  ;  attaqué  à  l'improviste  par  Piccinino, 
il  perdit  presque  toute  son  armée.  O. 

Campano,  Fita  Bracchii.  —  Neri  di  Capponi,  Corn- 
mentar-ia.  —  Poggio  Bracciolini,  Historia  Florentina- 
Odd'  Antonio,  comte  de  Montefeltro,  fils 
du  précédent,  né- en  1424,  assassiné  le  22  juil- 
let 1444.  Adonné  dès  le  vivant  de  son  père  à 
la  vie  la  plus  licencieuse,  il  fit  enlever,  dès  qu'il 
fut  devenu,  souverain-,  plusieurs  femmes  à  leurs 
maris;  ceux  d'entre  ces  derniers  qui  essayèrent 
de  résister  furent  mis  à  mort.  Une  conspiration 
se  forma  bientôt,  pour  mettre  fin  à  cette  tyran- 
nie'; après  dix-sept  mois  de  règne,  Odd'  Antonio 
fut  poignardé  dans  son  palais.  O. 

Gaernieri  Bernio,  Istoria  d'Agobbio.  —  Annales  Foro- 
linienses. 

Federigo  III,  comte  de  Montefeltro  et 
premier  ducd'uRBiN,  né  vers  1410,  mortlelOsep- 
tembre  1482.  Fils  naturel  de  Guid'  Antonio 
et  d'une  sœur  du  célèbre  condottiere  Bernardini 
degli  Ubaldini,  il  fut,  dans  sa  jeunesse,  envoyé 
à  Mantoue  pour  y  être  à  l'abri  de  la  peste;  il  y 


MONTEFELTRO  164 

reçut  les  leçons  du  fameux  grammairien  Yictorin  ; 
de  Feltre,  et  il  en  profita  si  bien  qu'il  fut  bientôt 
un  des  princes  les  plus  instruits  de  son  temps. 
Il  vécut  pendant  quelques  années  auprès  de  Ga- 
leazzo Malatesta ,  dont  il  devint  le  conseiller  le 
plus  intime.  Il  ne  se  distinguait  pas  seulement 
par  son  savoir  et  son  éloquence,  mais  encore 
par  sa  loyauté ,  sa  franchise ,  sa  délicatesse  sur 
le  point  d'honneur,   qualités  alors  si  rares  en 
Italie.  D'une  taille  imposante,  d'une  figure  pleine 
de  noblesse ,  il  captivait  les  cœurs  par  son  ex- 
trême affabilité.  Aussi  les  peuples  d'Urbin  s'em- 
pressèrent-ils, après  la  mort  de  son  frère  Odd' 
Antonio,  de  l'appeler,  malgré  le  vice  de  sa  nais- 
sance, à  les  gouverner.  Il  s'occupa  avec  zèle  de 
la  prospérité  de  ses  sujets ,  orna  sa  capitale  des 
plus  beaux  monuments  d'architecture,  attira  à  : 
sa  cour  des  savants,  des  littérateurs  et  des  ar- 
tistes, se  faisant  leur  protecteur  et  leur  ami.  j 
Sentant  que  dans  une  époque  de  violence  et  de 
désordre ,  il  lui  était  nécessaire  de  connaître  à 
fond  l'art  de  la  guerre ,  il  s'attacha  à  François 
Sforce,    pour  apprendre,  sous  ce  grand   ca- 
pitaine, le  métier  des  armes.  Dès  le  mois  d'août  ; 
1444,  il  entra  à  son  service  avec  quatre  cents 
lanCes  et  quatre  cents  fantassins,  et  reçut  de  lui 
bientôt  après,  en  présent,  la  ville  de  Fossombrone 
que,  par  l'entremise  de  Federigo,  Galeazzo  Ma- 
latesta avait  cédée  à  Sforce  ainsi  que  Pesaro.  i 
Sigismond  Malatesta ,  cousin  de  Galeazzo,  avait 
espéré  hériter  de  ces  villes ,  et  conçut  une  vio- 
lente jalousie  contre  le  comte  de  Montefeltro  et  i 
contre  Sforce  ;  en  1445  il  se  joignit  aux  nom- 
breux  ennemis  qui  attaquèrent  ce  dernier.  Sforce 
fat  soutenu  par  Federigo,  qui  seul,  de  tous  les 
alliés  du  célèbre  condottiere,  ne  l'abandonna  pas 
dans  le  malheur,  même  lorsque  la  guerre  eut  été 
transportée  dans  ses  États;  avec  l'aide  du  comte  | 
de  Montefeltro,  Sforce  triompha  à  la  fin  de  tous  I 
ses  adversaires,  et  devint  duc  de  Milan;  aussi, 
quelques  années  plus  tard,  donna-t-il  au  comte 
sa  fille  en  mariage. 

Après  avoir,  en  septembre  1447,  repris  Fossom- 
brone ,  dont  Sigismond  Malatesta  s'était  emparé 
deux  jours  auparavant,  Federigo  fut  engagé  au 
service  des  Florentins,  pour  défendre  leur  terri- 
toire contre  le  roi  de  Naples.  Besté  ensuite  en 
paix  pendant  plusieurs  années,  il  se  vit  forcé  de 
reprendre  les  armes  pour  mettre  fin  aux  vexations 
et  aux  violences  que  commettait  sans  cesse  Si- 
gismond Malatesta  sur  les  vassaux  d'Urbin.  Ce- 
pendant ,  se  considérant  comme  lié  par  la  paix 
de  Lodi,  faite  pour  rétablir  la  tranquillité  dans 
toute  l'Italie,  il  commença  par  exposer  aux  di- 
vers États,  qui  l'avaient  garantie,  la  justice  de  ses 
griefs  ;  il  se  ligua  ensuite  avec  Alfonse,roi  d'Aragon 
et  de  Naples,  qui  depuis  longtemps  se  proposait  de 
faire  la  guerre  à  Sigismond.  Au  mois  de  no- 
vembre 1455  il1  envahit,  en  commun  avec  Picci- 
nino, général  d' Al fonse,  le  territoire  de  Mala- 
testa ;  celui-ci  perdit  en  deux  ans  cinquante-sept 
de  ses  meilleurs  châteaux ,  et  ne  fut  préservé 


tG5  MONTEFELTKO 

d'une  ruine  complète  que  par  l'intercession  du 
pape  et  de  Sforce,  qui,  en  14C0,  rétablirent  la  paix 
entre  lui  et  ses  adversaires.  En  cette  môme  an- 
née, Federigo,  s'étant  déclaré  pour  Ferdinand  de 
Naples  contre  Jean  d'Anjou,  commanda,  avec 
deux  frères  de  Sforce,  l'armée  chargée  d'arrêter 
les  progrès  des  Angevins  dans  les  Abruzzes. 
Le  27  juillet  il  fut  attaqué  par  Piccinino ,  le  gé- 
néral du  duc  d'Anjou;  après  une  lutte,  acharnée, 
qui  se  continua  à  la  lueur  des  flambeaux  et  pen- 
dant; laquelle  les  deux  armées  se  heurtèrent  sans 
fléchirni  reculer,  Piccinino  fit  sonner  la  retraite  ; 
mais  .les  pertes  de  ses  adversaires  étaient  si  con- 
Éérables  qu'ils  se  retirèrent,  en  toute  hâte,  vers 
la  Marche.  Cependant,  grâce  aux  secours  fournis 
par  le  pape  et  -le  duc  de  Milan,  Federigo  fut,  peu 
de  temps  après  en  état  de  tenir  la  campagne. 
Le  13  août  1462,  il  surprit,  près  deMondoIfo, 
Sigismond  Malatesta,  qui  avait  pris  parti  pour 
le  duc  d'Anjou,  mit  l'armée  ennemie  en  déroute, 
et  s'empara  ensuite,  dans  l'espace  de  quelques 
semaines ,  de  presque  toutes  les  possessions  de 
Sigismond;  l'année  d'après  il  le  força  à  sous- 
crire une  paix  qui  incorporait  aux  États  de  l'É- 
glise toutes  les  villes  et  forteresses  des  Mala- 
teste,  sauf  Rimini  et  Césène.  En  1467  il  fut  choisi 
par  les  Florentins  pour  conduire  l'armée  qu'ils 
opposèrent  à  celle  des  Vénitiens,  qui,  sous  le  com- 
mandement de  Coleoni ,  s'apprêtait  à  entrer  en 
Toscane.  Le  25  juillet  il  assaillit  les  ennemis  à  La 
Molinella  ;  le  combat,  qui  dura  huit  heures,  resta  in- 
décis. En  1469,  il  soutint  Roberto  (ils  de  Sigismond 
Malatesta ,  auquel  il  avait  donné  en  mariage  une 
de  ses  filles,  contre  le  pape  Paul  II,  qui  voulait 
dépouiller  ce  prince;  le  29  août  il  défit  entière- 
ment l'armée  pontificale;  il  n'usa  de  cette  vic- 
toire que  pour  procurer  à  Roberto  une  paix  ho- 
norable. En  1472  il  fut  chargé  par  les  Floren- 
tins de  réduire  la  ville  de  Volterra ,  révoltée 
contre  eux  ;  vingt-cinq  jours  après  le  commence- 
ment du  siège  les  habitants  capitulèrent;  mais 
Federigo  ne  put  empêcher  ses  soldats  de  piller  et 
de  saccager  la  ville;  de  tout  le  butin  amassé, 
il  ne  voulut  prendre,  qu'une  magnifique  Bible 
hébraïque,  dont  il  enrichit  la  belle  bibliothèque 
qu'il  avait  réunie  dans  son  palais.  En  1474,  il 
maria  sa  fille  Jeanne  à  Jean  de  La  Rovère,  neveu 
du  pape  Sixte  IV,  duquel  il  reçut,  à  cette  occa- 
sion, le  titre  de  duc  d'Urbin.  Nommé  en  1478 
général  de  la  ligue  du  pape  et  du  roi  de  Naples 
contre  Laurent  de  Médicis,  il  ravagea  pendant 
plusieurs  mois  une  grande  partie  du  territoire  de 
Florence,  et  s'empara  de  plusieurs  forteresses. 
L'année  suivante  il  remporta  encore  de  plus  grands 
succès ,  qui  auraient  amené  la  chute  de  Laurent 
sans  le  changement  de  politique  du  roi  de  Naples. 
En  1482  ce  prince,  alliéavecle  duc  de  Milan  et  la 
république  de  Florence,  pour  défendre  le  duc  de 
Ferrare  contre  les  Vénitiens ,  confia  à  Federigo 
le  commandement  de  l'armée  alliée.  Soit  que  le 
duc  d'Urbin  fût  affaibli  par  l'âge,  soit  qu'il  cédât 
à  la  supériorité  de  San-Severino,  le  général  vé- 


166 

nftfen,  il  parut  avoir  du  désavantage  dans  toute 
la  campagne ,  qui  ne  fut,  du  reste  signalée  par  au- 
cune action  d'éclat.  Il  mourut  quelques  mois 
après  le  commencement  des  hostilités.        O. 

J.  Simnneta,  Ilistnrin.  —  Machiavel,  Storia  di  Firenze. 
—  Gnrrnlcri  Bernlo,  Crnnica  d'Aqnbbio,  —  Crnnica  di 
Bologna.  —  JoTlauua  l'nntanus,  De  UeiloNeapoUta.no.  — 
Commentarii  PU  papx  1t.  -  Jacobns  cardlnaUs  Pa- 
piensis,  Commentarii.  —  Raynaldi,  annales—  Xuccardlj 
Fita  dx.  Federigo,  dicca  di  Urbino;  Rome,  (18Î4,  3  vol.' 

Guid'  Vbaldo,  comte  de  Montefeltro,  duc 
d'uRBiN,  fils  du  précédent,  né  le  24  janvier  1472, 
mort  le  23  avril  1508.  Élevé  par  le  savant  Mar- 
tinengo,  il  montra  de  si  étonnantes  dispositions, 
que  l'on  craignit  qu'il  ne  vécût  pas  longtemps, 
comme  tant  d'enfants  qui  ont  l'intelligence  pré- 
coce (1).  Placé,  à  la  mort  de  son  père,  sous  la 
tutelle  d'Octaviano  degli  Ubaldini,  il  ne  tarda  pas 
à  se  distinguer  dans  les  armes ,  quoiqu'il  fût 
moins  belliqueux  que  son  père  et  ses  aïeux. 
Après  avoir  utilement  servi  le  pape  Innocent  VIII 
da«s  la  guerre  avec  le  roi  de  Naples,  il  fut,  en 
1497,  chargé  par  le  pape  Alexandre  VI  du  com- 
mandement de  l'armée,  qui  devait  exécuter  l'ar- 
rêt de  confiscation  prononcée  contre  les  Orsini. 
Il  était  sur  le  point  de  s'emparer  de  Bracciano, 
le  chef-lieu  de  leur  principauté  ,  lorsqu'il  apprit 
l'arrivée  d'une  armée  amenée  au  secours  de  la 
Tille  par  les  Vitelli.  Ceux-ci,  les  meilleurs  con- 
dottieri de  l'Italie,  s'étaient  approprié  ce  qu'il  y 
avait  de  meilleur  dans  la  pratique  militaire  des 
Allemands,  des  Français  et  des  Suisses;  aussi, 
quoique  inférieurs  en  nombre,  mirent-ils  en  dé- 
route les  troupes  du  duc  d'Urbin ,  qui  s'était 
porté  à  leur  rencontre  sur  la  route  de  Soriano; 
Guid'  Ubaldo  fut  fait  prisonnier  avec  beaucoup 
de  gentilshommes.  Cet  échec  décida  le  pape  à 
traiter;  une  des  conditions  de  la  paix  fut  que 
les  Orsini  payeraient  70,000  florins  pour  frais 
de  guerre.  Or,  le  pape,  sachant  que  les  Or- 
sini manquaient  d'argent,  fit  stipuler  que  Guid' 
Ubaldo,  seul  de  tous  les  prisonniers,  payerait 
une  rançon,  poTtée  à  40,000  ducats.  En  1498 
le  duc  d'Urbin  fut  mis  à  la  tête  des  troupes 
envoyées  en  Toscane  par  les  Vénitiens  pour  faire 
une  diversion  aux  entreprises  des  Florentins 
contre  Pise;  il  pénétra  assez  avant  dans  les 
Apennins.  Mais  Vitelli,  le  général  ennemi,  l'em- 
pêcha d'envahir  les  plaines  de  la  Toscane,  et 
l'accula  vers  la  fin  de  l'année  dans  la  partie  la 
plusmontueuse  et  la  plus  stérile  de  ce  pays.  Guid' 
Ubaldo ,  tombé  malade  bientôt  après ,  obtint  un 
sauf-conduit  pour  retourner  chez  lui,  et  n'assista 
pas  aux  derniers  faits  de  celte  guerre,  terminée 
bientôt  après.  Pendant  les  années  suivantes  il 
continua  l'embellissement  de  sa  capitale,  com- 
mencé par  son  père;  comme  celui-ci,  il  attirait 
des  savants  et  desartistesàsa  cour,  une  des  plus 
lettrées  et  des  plus  polies  de  l'Italie.  En  1502, 
César  Borgia,  faisant  mine  d'exécuter  une  sen- 
tence prononcée  contre  César  de   Varono ,   fit 


(1)  Il  gagna   de  bonne  heure  de  fortes  douleurs  rhu- 
matismales, qu'il  garda  pendant  toute  sa  vie. 


167  MONTEFELTRO 

demander  à  Guid'  Ubaldo  de  lui  prêter  ce  qu'il 
avait  de  soldats  et  d'artillerie.  Le  duc,  qui  n'a- 
vait aucun  différend  avec  le  pape  et  aucun  mo- 
tif de  défiance,  s'empressa  d'obéir,  pour  ne  pas 
irriter  un  aussi  redoutable  voisin.  Lorsque  Bor- 
gia  se  fut  ainsi  fait  livrer  tous  les  moyens  de  dé- 
fense du  duc ,  il  conduisit  à  l'improviste  ses 
troupes  dans  les  États  d'Urbin ,  et  s'empara  le 
même  jour  de  Cagli,  l'une  des  quatre  villes  du  du- 
ché, Guid' Ubaldo  s'enfuit  sans  faire  de  résistance, 
et  se  retira  à  Mantoue  auprès  de  son  beau-frère, 
le  duc  de  Gonzague.  César  Borgia  réduisit  en  sa 
puissance  tout  le  duché,  sauf  les  forteresses  de 
San-Le  et  de  Maiolo.  Peu  de  mois  après,  Guid' 
Ubaldo  fut  appelé  par  les  condottieri  romagnols 
conjurés  contre  Borgia,  à  se  joindre  à  eux.  Il 
rentra  dans  ses  États  avec  quelques  troupes;  ses 
sujets,  qui  le  chérissaient,  prirent  immédiatement 
les;armes  en  sa  faveur,  et  il  recouvra  la  posses- 
sion de  son  duché  aussi  rapidement  qu'il  l'avait 
perdue.  Cependant  les  condottieri  s'étant  récon- 
ciliés avec  Borgia,  Guid'  Ubaldo  comprit  qu'il  ne 
pourrait  défendre  sa  principauté.  Il  se  hâta  donc 
de  démolir  toutes  ses  forteresses,  pour  n'avoir 
pas  besoin  de  les  assiéger  dans  des  temps  plus 
heureux,  et  il  se  rendit  à  Venise.  En  1503,  à  la 
mort  d'Alexandre  VI,  il  rentra  dans  ses  États  et 
les  garda  jusqu'à  sa  mort;  son  beau-frère  le  pape 
Jules  II  le  garantit  contre  toute  entreprise  de 
Borgia.  N'ayant  pas  d'enfants  de  sa  femme  Isa- 
belle de  Gonzague  (voy.  ce  nom) ,  il  adopta  le  fils 
de  sa  sœur,  François-Marie  de  La  Rovère ,  qui 
fonda  la  seconde  maison  des  ducs  d'Urbin.  O; 
Baldi.  Vita  di  Guid'  Ubaldo,  duca  di  Urbino  (  Flo- 
rence,'2  vol.  in-8°).  —  Bembo,  Fita  Guidi  Ubaldi.  — 
Gulchàrdin.  -  Burchard,  Diarium  curix  romanse.  — 
Na--di,  Storia  fiorentina.  —  Bembo ,  Hisloria  Feneta. 
—  Raynaldi,  Annales. 

monteggia  (  Giovan-Battista),  chirurgien 
italien,  né  le  8  août  1762,  à  Laveno,  sur  le  lac 
Majeur,  mort  le  17  janvier  1815,  à  Milan.  Fils 
d'un  employé  dans  les  ponts  et  chaussées,  il  fut 
élevé  au  collège  de  Pallanza,  et  admis  en  1779 
au  nombre  des  élèves  en  chirurgie  du  grand 
hôpital  de  Milan.  Après  onze  ans  de  noviciat ,  il 
devint  aide-major  (1790),  puis  prosecteur  d'ana- 
tomie.  Malgré  sa  modestie  et  une  espèce  de  ti- 
midité insurmontable,  on  rendit  à  ses  talents  la 
justice  qui  lui  était  due  en  le  nommant  chirurgien 
en  second  du  même  hôpital  et  professeur  de 
chirurgie.  L'excès  du  travail  altéra  sa  santé;  il 
fut  attaqué  d'une  fièvre  lente  qui  le  mit  au  tom- 
beau, à  l'âge  de  cinquante-trois  ans.  Son  buste 
a  été  placé  à  l'hôpital  de  Milan. 

Les  principaux  ouvrages  de  Monteggia  sont  : 
Fasciculi  pathologici;  Milan,  1780,  in-8°;  il 
y  a  des  observations  curieuses  sur  les  affec- 
tations morbides  symétriques  et  asymétriques , 
sur  les  phénomènes  qui  accompagnent  les  lésions 
cérébrales,  etc.;  ibid.  ;  —  Annotazioni  pra- 
liche  sopra  i  mali  venerei  ;  ibid.,  1794,  in-8°, 
trad.  en  allemand  en  1797  et  en  1804;  —  Dis- 
eorso  intorno  allô  studio  délia  Chirurgla; 


—  MONTÉGUT  1C8 

ibid.,  1800,  in-8»  ;  —  Istituzioni  di  Chirurgla; 
ibid.,  1802-1803,  5  vol.  iu-8°;  dans  l'opinion 
de  Scarpa,  c'était  le  meilleur  traité  de  chirurgie 
qui  eût  paru  en  Italie;  —  SulV  Uso  délia 
Salsapariglia  ;  ibid.,  1806,  in-8°.  Monteggia  a 
encore  traduit  de  l'allemand  Compendio  sopra 
le  malattie  venerei  de  Fritz  (Milan, 1791,  in-8°), 
et  Arte  Ostetrica  de  Stein  (ibid.,  1796,  in-8e  ); 
enfin,  il  a  fourni  des  mémoires  à  quelques  re- 
cueils périodiques.  P. 
Acerbi,  Fita  di  G.  B.  Monteggia;  Milan,  1818,  in-8°. 

montègre  {Antoine- François,  Jenin  de), 
médecin  français,  né  le  6  mai  1779,  à  Belley, 
mort  le  4  septembre  1818,  au  Port-au-Prince 
(Haïti).  Il  porta  les  armes  pendant  quelques  an- 
nées,  étudia  la  médecine  à  Paris,  fut  reçu  doc- 
teur, et,  après  avoir  occupé  en  province  une 
place  d'ingénieur  du  cadastre,  s'établit  à  Paris. 
Ses  écrits  ne  tardèrent  pas  à  le  faire  connaître 
comme  un  praticien  instruit  et  un  bon  physiolo- 
giste. En  1814  il  fut  un  des  fondateurs  de  la  So- 
ciété pour  l'Enseignement  élémentaire,  et  dès  ' 
cette  époque  il  conçut  le  projet,  qu'il  n'exécuta 
qu'en  1818,  d'aller  à  Saint-Domingue  étudier  les 
véritables  caractères  de  la  fièvre  jaune.  Accueilli 
de  la  manière  la  plus  honorable  par  le  président 
de  la  république  d'Haïti,  il  se  rendit  au  Port-au- 
Prince  ;  chemin  faisant ,  en  traversant  une  ri- 
vière, il  se  jeta  à  l'eau  pour  sauver  une  femme 
qui  allait  se  noyer,  contracta  la  fièvre  meurtrière  '■ 
qu'il  allait  combattre,  et  mourut  quatre  jours  1 
après.  On  a  de  Montègre  :  Du  magnétisme  ani- 1 
mal  et  de  ses  partisans  ou  Recueil  de  pièces 
importantes  sur  cet  objet  ;  Paris,  1812,  in-8°; 
—  Expériences  de  la  digestion  dans  l'homme; 
Paris,  1814,  in-8°,  présentées  en  1812  à  l'Insil- 

tut  ; Examen  rapide  du  gouvernement  des\ 

Bourbons  depuis  avril  1814  jusqu'à  mars\ 
1815;  Paris,  1815,  in-8°,  deux  éditions  dans  la 
même  année  ;  —  Observations  sur  les  lom-\ 
bries  ou  vers  de  terre;  Paris,  1815, ih-8";  — -] 
Des  Hémorrhoïdes,  ou  traité  analytique  de\ 
toutes  les  affections  hémorrhoidales ;  Paris, 
1819.  1829,  in-8°.  Il  a  rédigé  de  1810  à  1818 
la  Gazette  de  santé,  et  il  a  fourni  des  articles 
au  Dictionnaire  des  Sciences  médicales.      K. 

Colorabel,  Éloge  hist.  de  Montègre;  Port-au-Prince,; 
1818.  in-8°. 

montégct  (Jeanne  Ségla  de),  femme  au- 
teur française,  née  à  Toulouse,  le  25  octobre  1 709, 1 
morte  à  Paris,  le  17  juin  1752.  Son  père  étant 
mort  lorsqu'elle  avait  à  peine  deux  ans ,  et  sa 
mère  s'étant  remariée,  elle  fut  recueillie  par  une, 
tante  paternelle,  qui  fit  soigner  son  éducation; 
jusqu'à  l'âge  de  seize  ans,  époque  à  laquelle  la 
jeune  Ségla  épousa  Bernard  de  Montégut,  tré- 
sorier de  France.  Elle  connaissait  l'italien,  l'es- 
pagnol et  l'anglais;  elle  servit  pour  le  latin  de 
précepteur  à  son  fils;  elle  brillait  également  ; 
dans  les  arts,  la  danse,  la  musique,  la  peinture,  1 
et,  chose  fort  rare  chez  les  femmes,  elle  excel- 
lait dans  les  mathématiques ,  l'histoire,  fa  géc- 


169 


MONTÉGUT  —  MONTEIRO  DA  ROCHA 


170 


graphie,  la  physiquo  et  la  chimie,  qu'elle  ap- 
prit sans  maîtres,  à  ce  qu'on  assure.  Malgré 
Bette  aptitude  universelle,  Mme  de  Montégut  était 
restée  étrangère  à  la  poésie ,  lorsqu'à  l'âge  de 
trente  ans,  à  la  suite  d'un  pari,  elle  se  trouva 
dans  l'obligation  de  composer  quelques  vers,  ce 
quelle  fit  rapidement.  Ces  vers  impromptus 
ayant  obtenu  du  succès  dans  le  monde,  elle  prit 
du  goût  pour  la  versification,  etenvoya  aux  con- 
cours des  jeux  floraux,  Cérimène  et  Daphnis, 
églogue;  une  Ode  à  Alcandre;  Ismène,  élégie 
(1739)  ;  La  Conversion  de  Madeleine  (1740)  ;  et 
Ode  sur  le  printemps  (17 4  1).  Courounée  trois 
fois  de  suite,  elle  fut  proclamée  maîtresse  des 
jeux  floraux,  honneur  que  M"e  Catellan  et  elle 
obtinrent  seules.  Ses  Œuvres  mêlées  furent  re- 
cueillies par  son  fils  (  Villefranche  de  Rouergue 
et  Paris,  1769,  2  vol.  in-8°)  ;  elles  se  composent 
des  pièces  couronnées  par  l'Académie  des  Jeux 
floraux;  de  réflexions  morales;  d'idylles;  d'é- 
glogues  d'élégies,  imitées  de  Théocrite;  de  tra- 
ductions en  vers  français  des  églogues  de  Pope, 
du  poëme  séculaire  d'Horace ,  etc.  A.  J. 

Prud'homme,  Biogr.des  femmes  célèbres.  —  Biogr. 
Toulousaine. 

montégut  (Jean-François  de),  antiquaire 
français ,  fils  de  la  précédente,  né  à  Toulouse,  en 
1726,  guillotiné  le  20  avril  1794.  Envoyé  à  Paris, 
et  après  quelques  essais  de  poésie,  il  fut  accueilli 
par  M.  de  Caylus,  qui  lui  communiqua  son  en- 
thousiasme pour  l'antiquité.  Nommé  conseiller  au 
parlement  de  Tpulouse,il  retourna  dans  cette  ville. 
En  1752,  il  fut  admis  à  l'Académie  des  Sciences 
de  cette  ville  et  à  celle  des  Jeux  floraux.  11  fit  de 
grandes  recherches  sur  les  antiquités  de  Toulouse , 
trouva  l'enceinte  de  Tolosa ,  des  temples ,  des 
thermes,  des  arènes;  il  découvrit  les  thermes 
Onésiens  et  l'antique  Climberis.  Lorsque  éclata  la 
révolution,  il  se  réfugia  en  Espagne,  où  il  s'oc- 
cupa de  recherches  sur  les  médailles.  Il  revint 
en  France  en  1791,  mais  en  1794,  les  membres 
du  parlement  étant  devenus  l'objet  de  nou- 
velles persécutions,  il  fut  traduit  au  tribunal 
révolutionnaire  de  la  Seine,  et  périt  sur  l'é- 
chafaud.  11  a  publié  :  Recherches  sur  les  Anti- 
quités de  Toulouse;  1777,  in-4°  ;  —  Antiqui- 
tés découvertes  à  Toulouse  pendant  le  cours 
des  années  1783,  1784,  1785;  —Essai  his- 
torique sur  la  famille  de  l'empereur  Va- 
lérien  ;  —  Conjectures  sur  quelques  frag- 
ments d'inscriptions  romaines  ;—  Histoire  des 
Césars,  destinée  principalement  à  mettre  en 
ordre  des  médailles,  écrite  en  espagnol  pen- 
dant le  séjour  de  l'auteur  en  Espagne.  G.  de  F. 

Biographie  Toulousaine. 

monteil.  (  Amans-Alexis),  historien  fran- 
çais, né  à  Rodez,  en  1769,  mort  à  Cely,  le  20  fé- 
vrier 1850.  Son  père  était  conseiller  au  présidial 
de  Rodez.  D'abord  destiné  au  barreau,  il  étudia 
la  jurisprudence  ;  mais  en  compulsant  le  vieux 
texte  des  lois,  en  analysant  les  anciennes  chartes, 
il  se  prit  de  passion  pour  les  recherches  histo- 


riques, et  bientôt  il  y  consacra  tout  son  temps  ; 
au  lieu  de  devenir  avocat,  il  devint  historien. 
Vers  1799  il  publia  De  V Existence  des  hommes 
célèbres  dans  les  républiques.  Plus  tard,  nommé 
secrétaire  de  district,  il  profita  de  cette  position 
pour  rassembler,  jour  par  jour,  les  faits  spéciaux 
nécessaires  à  ce  travail,  et  il  en  composa  une  Des- 
cription de  l'Ave.yron  (Rodez,  1801,  5  vol. 
in-8"),  restée  comme  un  modèle  de  statistique. 
Il  fut  successivement  professeur  d'histoire  à  l'É- 
cole centrale  de  Rodez  et  aux  écoles  militaires 
de  Fontainebleau,  de  Saint-Cyr  et  de  Saint-Ger- 
main. II  commença  en  1827  V Histoire  des  Fran- 
çais des  divers  états  (3e  édit.  revue  et  corr., 
1848,  5  vol.  gr.  in-8°).  Cet  ouvrage  fut  l'objet 
d'un  grand  nombre  d'éloges  et  de  critiques;  les 
éloges  ont  prévalu.  L'Académie  Française  le  ju- 
gea digne  de  partager  le  prix  Gobert  avec  M.  Au- 
gustin Thierry.  Étonné  de  voir  que  tous  nos 
historiens  ne  s'étaient  occupés  qu'à  écrire  les 
faits  et  gestes  des  rois,  des  princes  et  des  grands, 
Monteil  pensa  qu'il  restait  à  écrire  l'histoire, 
plus  intéressante ,  du  génie ,  des  travaux ,  des 
études,  des  mœurs,  des  habitudes  même  des  ci- 
toyens, état  par  état ,  métier  par  métier.  L'His- 
toire bataille ,  ainsi  qu'il  appelait  le  genre  his- 
torique, ne  pouvait  faire  connaître  tout  ce  qu'il 
fallait  savoir  pour  suivre  le  progrès  de  la  civi- 
lisation du  peuple  et  les  causes  de  sa  grandeur; 
En  1835,  à  l'occasion  de  la  vente  qu'il  fit  faire  de 
ses  manuscrits,  Monteil  fit  imprimer  son  Traité 
des  matériaux  manuscrits  de  divers  genres 
d'histoire  (1836, 2  vol.  in-8°),  puis  quelque  temps 
après,  La  Poétique  de  l'histoire.  Il  passa  les 
derniers  temps  de  sa  vie  dans  une  pauvreté 
extrême;  il  habitait  Passy,  non  loin  de  la  de- 
meure de  Réranger;  mais  il  quitta  ce  pays  pour 
se  retirer  à  Cély,  village  de  Seine-et-Marne, 
où  il  mourut.  II  avait  commencé  une  Histoire 
du  village  de  Cély;  il  avait  aussi  écrit  les  pre- 
miers feuillets  de  ses  Mémoires ,  mais  la  mort 
l'arrêta  dans  ces  derniers  travaux.  A.  J. 

Doc.  part. 

monteiro  da  rocha  (  José  ),  mathémati- 
cien portugais,  né  vers  1735,  dans  le  Minho, 
mort  en  1819.  Il  venait  d'être  admis  chez  les  Jé- 
suites lorsque  l'expulsion  de  cette  société  fut 
prononcée;  en  se  faisant  séculariser,  il  obtint 
l'autorisation  de  rester  dans  son  pays.  A  l'époque 
de  la  réorganisation  de  l'université  de  Coïmbre 
par  Pombal ,  il  fut  chargé  d'y  enseigner  l'astro- 
nomie, contrihua  à  la  rédaction  des  statuts  et 
prononça  même,  en  sa  qualité  de  vice-recteur,  un 
éloge  fort  éloquent  du  ministre,  ce  qui  parut 
singulier  dans  la  bouche  d'un  ex-jésuite.  Pen- 
dant longtemps  il  dirigea  l'observatoire  de  Coïm- 
bre et  fût  le  rédacteur  des  Éphémërides  qu'on  y 
a  publiées.  Il  était  membre  de  l'Académie  de  Lis- 
bonne. Telle  était  l'étendue  de  ses  connaissances 
qu'on  le  reconnut  capable ,  lorsqu'on  réforma  les 
études,  de  remplir  toutes  les  chaires  indistincte- 
ment. On  a  de  lui  beaucoup  de  travaux  sur  les 


MONTEIRO  DA  ROCHA  —  MONTEMAGNO 


171 

mathématiques  transcendantes;  ses  Mémoires 
sur  V astronomie  pratique  ont  été  traduits  en 
français  par  M.  de  Mello  (Paris,  1808,  in-4°). 

Un  savant  portugais  du  même  nom,  Monteiro 
(  Jean-Antoine  ),  né  en  1758,  à  l'île  de  Madère, 
a  publié  en  français,  dans  les  Annales  de  Chimie 
et  autres  recueils,  des  mémoires  intéressants  sur 
la  minéralogie  et  sur  les  caractères  cristallogra- 
phiques  de  plusieurs  minéraux.  P. 

Figanière  ,  Bibllogr.  hist.  du  Portugal. 

monteith  (Robert),  historien  écossais, 
né  à  Salmonet ,  mort  vers  1660,  à  Paris.  Obligé, 
dit-on  de  quitter  l'Ecosse  sur  le  soupçon  d'a- 
dultère, il  vint  à  Paris  et  s'attacha  au  cardinal 
de  Retz,  qui  le  nomma  son  chapelain  et  chanoine 
de  Notre-Dame.  Il  est  désigné  dans  les  Mémoires 
de  Joly  comme  «  un  homme  savant  et  de  mé- 
rite » .  Ménage  lui  a  adressé  deux  pièces  de  vers 
latins.  L'ouvrage  de  Monteith  ,  écrit  en  français 
et  publié  à  Paris  en  1660,  est  devenu  extrême- 
mentrare,  et  a  été  mis  en  anglais  par  J.  Ogilvie; 
History  of  tke  troubles  of  Gréai  Britain 
(Londres,  1735,  in-4°);  il  s'étend  depuis  le 
commencement  de  Charles  Ier  jusqu'à  la  fin  de 
la  guerre  civile.  K. 

Chalmers,  General  Bipgraph.  Dictionary. 

montelatici  (Francesco),  dit  Cecco  Bravo, 
peintre  de  l'école  florentine,  né  à  Florence  ou  k 
Pise,  peignait  en  1637,  et  mourut  en  1661,  à  Ins- 
pruck.  Elève  de  Giovanni  Biliverti,  et  ensuite 
de  S.  Coccapani  ,  il  abandonna  leur  manière 
pour  se  rapprocher  de  celle  du  Passignano.  Des- 
sinateur spirituel,  il  eut  un  coloris  qui  ne  man- 
quait pas  de  charme,  témoin  son  Martyre  de 
saint  Nicolas,  évêque,  à  l'église  de  Saint-Si- 
mon-et-Saint*Jude  de  Florence;  mais  il  tomba 
parfois  dans  le  bizarre  et  l'extravagant, comme 
on  en  peut  juger  par  les  fresques  tirées  de  la  vie 
de  Laurent  le  Magnifique,  qu'il  peignit  en  con- 
currence avec  Giovanni  da  San-Giovanni.  A 
Pistoja,  dans  le  cloître  du  couvent  de  l'Annun- 
ziata,  il  a  peint  six  lunettes  à  fresque.  Après 
avoir  longtemps  travaillé  pour  les  églises  et  les 
palais  de  la  Toscane ,  il  fut  appelé  à  Inspruck 
par  l'archiduc  Ferdinand,  qui  lui  conféra  le  titre 
de  peintre  de  la  cour.  E.  B— n. 

Lanzi,  Storia.  —  Fantozzi,  Guida  di  Firenze. 

mojvtelatici  (  Ubaldo),  agronome  italien, 
né  en  1692,  à  Florence,  où  il  est  mort,en  1770. 
Il  fut  chanoine  de  Saint-Jean-de-Latran  et  pro- 
fessa la  théologie  à  Pistoie,  à  Fiésole,  à  Brescia 
et  à  Milan.  Afin  de  contribuer  aux  progrès  de  l'a- 
griculture, il  entreprit  divers  voyages  en  Allema- 
gne, en  Styrie  et  enCarinthie,  et  fonda  la  Société 
économique  des  Géovgophiles  de  Florence.  Il  joi- 
gnait à  une  grande  activité  dans  ses  recherches 
le  discernement  et  la  sagacité  nécessaires  pour 
tirer  de  l'expérience  des  applications  utiles.  On  a 
de  lui:  Ragionamento supra imezzi  piùneces- 
sarj  per  far  refiorireVagricoltura;  Florence, 
1752,  in- 8°.  Il  a  aussi  composé,  avecManetti,  un 
Dictionnaire  raisonné  d'agriculture.      P. 


172 

Manetti,  Elogio  del  abbate  U.  Montelatici,  dans  le 
Atli  délia  soc.  econom.,  1, 11. 

montélégier  (  Gaspard-Gabriel-Adolphe 
Bernon,  vicomte  de  ) ,  général  français ,  né  en 
1780,  mort  le  2  novembre  1825,  à  Bastia.  Fils 
d'un  maréchal-de- camp,  mort  en  1833,  à  quatre- 
vingt-sept  ans,  il  s'engagea  en  1797,  prit  part 
à  l'expédition  d'Egypte  et  revint  en  France  avec 
le  grade  de  capitaine.  Après  avoir  été  colonel 
(1806)  et  aide-de-camp  du  maréchal  Lefebvre, 
il  commanda  quinze  mois  un  régiment  de  dra- 
gons en  Espagne ,  devint  général  de  brigade 
(30  mai  1813  ),  se  distingua  à  la  bataille  de 
Leipzig  et  fut  blessé  au  combat  de  Brienne.  Il 
fut  le  premier  officier  général  qui  en  1814  prit 
la  cocarde  blanche  et  suivit  en  1815  à  Gand  le 
duc  de  Berri,  qui  l'avait  pris  pour  aide-de-camp. 
Promu  au  grade  de  lieutenant  général  (1821),  il 
fut  un  des  principaux  témoins  à  charge  dans 
le  procès  de  la  conspiration  du  19  août  1820,  et 
ses  dépositions  amenèrent  entre  lui  et  le  colonel 
Barbier  Dufay  un  échange  de  lettres  fort  vives, 
puis  un  duel.  Nommé  commandant  de  l'île  de 
Corse  (1823) ,  il  y  mourut, d'une  fièvre  perni- 
cieuse. K. 

Moniteur  univ.,  1825,  p.  1591. 

MOUTKhveo.Voy.  Baccio  et  Raffaellino 
da  Montelupo. 

montemagno  (Buonaccorso  da) ,  poëte 
italien,  vivait  au  quatorzième  siècle.  Il  était  né  à 
Pistoja  d'une  famille  noble,  et  il  parvint  aux  pre- 
mières dignités  de  la  ville.  Il  y  remplissait  en 
1364  les  fonctions  de  gonfalonier;  c'est  tout  ce 
que  l'on  sait  de  sa  vie.  11  n'a  laissé  que  quelques 
sonnets,  d'un  style  élégant  et  pur  ;  il  leur  doit 
d'être  regardé  comme  un  des  meilleurs  imitateurs 
de  Pétrarque  et  de  figurer  sur  la  liste  des  Testi 
di  Lingua  de  l'Académie  delà  Crusca.  «  Tant  il 
est  vrai,  dit  Ginguené,  qu'en  poésie  il  ne  faut 
que  peu  de  vers,  mais  dignes  du  suffrage  des 
gens  de  goût  pour  se  faire  un  assez  grand  nom.  » 
Parmi  les  trente-huit  sonnets  qui  nous  sont  par- 
venus sous  le  nom  de  Montemagno,  quelques-uns 
appartiennent  à  son  petit-fils  Buonaccorso  d'à 
Montemagno ,  orateur  et  jurisconsulte  ,  mort  à 
Florence  en  1429,  et  que  l'on  a  souvent  confondu 
avec  le  contemporain  de  Pétrarque  ;  la  distinc- 
tion n'avait  pas  été  faite  par  Niccola  Pilli,  qui 
donna  la  première  édition  des  Rime  de  Monte- 
magno; Rome,  1559,  in-8°;mais  la  confusion 
de  l'aïeul  et  du  petit-fils  cessa  dans  l'excellente 
édition  de  Casotti  ;  Prose  e  Rime  de'  due  Buo- 
naccorsi  da  Montemagno,  il  vecchio  e  il  giO' 
vane,  con  -annotazioni  ;  Florence,  1718,  in-12  ; 
réimprimée  avec  un  bon  choix  de  variantes  et 
dénotes  par  V.  Benini ;  Cologne,  1762,  in-8°. 
Outre  plusieurs  sonnets,  on  a  de  Montemagno 
le  jeune  plusieurs  discours  latins  dans  le  genre 
des  déclamations  des  anciens  rhéteurs;  Gin- 
guené en  mentionne  deux  qui  lui  paraissent  re- 
marquables, l'un  Sur  la  Noblesse,qu\,  dans  la 
pensée  de  l'auteur,  appartient  plutôt  au  mérite 


173  MQNTEMAGNO  —  MOKTÉMONT 

qu'à  la  naissance;  l'autre  est   une  réponse  de 
Catilina  à  Cicéron.  Z. 

Casotti,  Préface  de  son  édition.  —  Tiraboschi,  Storia 
délia  Littcratura  Italiana,  t.  V,  p.  507.  —  Gingucné, 
Histoire  Littéraire  d'Italie,  t.  III,  p.  176  et  480. 


174 


montemayor  (Geon/cv  de),  poëtc  et  roman- 
cier espagnol  d'origine  portugaise,  vivait  dans  le 
seizième  siècle.  II  naquit  dans  la  petite  ville  de 
Montemayor,  près  de  Coïmbre,  probablement 
avant  1520.  Dans  sa  jeunesse  il  fut  soldat.  Plus 
tard  son  talent  de  musicien  le  fit  attacher  à  la 
chapelle  de  l'infant  d'Espagne,  depuis  Philippe  II, 
et  lui  fournit  l'occasion  de  visiter,  à  la  suite  de  ce 
prince,  l'Italie  et  la  Flandre.  Son  esprit  avait  été 
peu  cultivé  par  l'étude  ;  il  ne  savait  même  pas 
le  latin,  mais  il  avait  de  l'imagination  et  il  trouva, 
dans  les  aventures  de  sa  vie,  plus  d'un  sujet  de 
récit  romanesque.  Probablement  il  quitta  l'Espa- 
gne à  cause  d'un  amour  malheureux  ;  probable- 
ment aussi  il  périt  à  Turin,  dans  un  duel,  en  1561, 
mais  aucun  lait  de  sa  vie  n'est  connu  avec  pré- 
cision et  certitude.  Son  principal  ouvrage  est  le 
roman  de  Diane  amoureuse  {Diana  enamo- 
rada),  qui  parut  pour  la  première  fois  à  Valence, 
1542,  in-4°.  Il  est  écrit  en  bon  castillan  avec 
quelques  locutions  portugaises,  et  contient,  de 
l'aveu  de  l'auteur, des  aventures  réelles;  nous 
savons  que  Montemayor  en  est  lui-même  le  héros 
sous  le  nom  de  Sereno,  et  que  l'héroïne  était  une 
dame  de  Valencia-de-don- Juan,  ville  située  près 
de  Léon.  Montemayor  a  donc  voulu,  à  l'exemple 
de  L'Arcadie  de  Sannazar,  raconter  sous  la  forme 
d'un  roman  pastoral  quelques  événementsde  sa 
vie  et  de  celle  d'un  petit  nombre  de  ses  amis.  Il 
suppose  à  cet  effet  qu'uu  certain  nombre  de  ber- 
gers et  de  bergères  se  réunissent  sur  les  bords 
de  l'Ezla  au  pied  des  montagnes  de  Léon,  et  se 
racontent  leurs  histoires  respectives  dans  sept 
livres  de  prose  mêlée  de  vers.  Les  deux  princi- 
paux personnages,  Sereno  et  Diana,  qui  s'aiment 
au  début  du  roman,  sont  séparés  par  la  magie; 
et  l'ouvrage  se  termine  brusquement  et  d'une 
manière  imprévue  par  le  mariage  de  Diane  avec 
Delio,  l'indigne  rival  de  Sereno.  Cette  intrigue 
légère  est  bien  fragile  pour  réunir  tant  d'histoires 
séparées,  et  tout  l'ouvrage  est  artificiel  et  décousu, 
mais  les  épisodes  sont  intéressants,  le  style  a  de 
la  grâce  et  de  la  richesse.  «  Un  des  grands  mé- 
rites de  Montemayor,  dit  Bouterweck,  c'est  de 
parler  toujours  de  tendresse,  sans  tomber  jamais 
dans  la  monotonie  :  il  est  inépuisable  en  tour- 
nures et  en  images  nouvelles  pour  varier  l'ex- 
pression de  l'amour.  La  versification  de  quelques 
morceaux  n'est  pas  toujours  harmonieuse  et 
correcte  ;  mais,  dans  d'autres,  la  douceur  du 
langage  est  heureusement  unie  à  l'enchaînement 
d'idées  le  plus  naturel.  Sa  prose  a  servi  de  mo- 
dèle à  tous  les  auteurs  de  romans  du  même  genre. 
Il  s'est  attaché  à  donner  de  la  noblesse  à  chaque 
terme,  et  de  l'harmonie  à  chaque  phrase,  sans 
que  pour  cela  son  style  ait  rien  de  pénible  ni  de 
recherché.  »  Cet  éloge  n'est  pas  trop  exagéré, 


et  dans  le  Don  Quichotte.,  le  bon  goût  du  curé 
préserve  justement  la  Diana  de  l'auto-da-fé  où 
périssent  tant  d'autres  romans.  La  Diana,  laissée 
inachevée  par  l'auteur,  fut  continuée  par  Alonzo 
Perez,  médecin  de  Salamanquc,  et  conduite  jus- 
qu'à la  mort  de  Delio,  mari  de  Diana,  mais  non 
jusqu'au  mariage  de  celle-ci  avec  Sereno,  comme 
Montemayor  se  l'était  proposé.  Une  autre  conti- 
nuation fut  publiée  par  Gil  Polo,  en  1564.  On 
connaît  une  troisième  partie  de  la  Diana  ena- 
morada  par  H.  Texada;  Paris,  1627,  in-8°.  La 
Diana  enamorada  de  Montemayor  a  eu  beau- 
coup d'édilions;  la  plus  ancienne  est  celle  de 
Valence,  1542,  in-4°  ;  on  cite  ensuite  celle  de 
Madrid,  1545.  Il  existe  en  français,  d'après  Len- 
glet-Dufresnoy, six  traductions  delà  Diane; on 
en  connaît  deux  allemandes,  et  une  anglaise,  celle 
de  Bartholomew  Yong,qui  est  excellente  (Londres, 
1598,  in-folio).  On  a  encore  de  Montemayor  un 
volume  de  poésies  intitulé  Cancionero,  qui  parut 
en  1554  et  fut  réimprimé  avec  des  additions,  à 
Madrid,  1588,  in-12.  Dans  les  poésies  de  ce 
recueil  comme  dans  celles  de  la  Diana,  Monte- 
mayor imite  souvent  les  Italiens,  mais  souvent 
aussi  il  est  fidèle  au  vieux  genre  castillan.  Dans 
l'édition  de  Madrid,  1588,  un  tiers  du  volume  est 
écrit  à  la  manière  castillane;  les  deux  autres 
tiers  sont  sur  le  modèle  des  Italiens.  N. 

Barbosa,  Bibliot.  Lusitana.  —  Perez,  Prologo  de  sa 
continuation  de  la  Diana.  —  Lenglet-Dufresnoy,  Biblio- 
thèque des  Romans,  t.  II.  —  Bouterweck,  Histoire  de  la 
Littérat.  espagnole,  t.  I,  p.  286,  etc.  —  Sisraondi,  Litte- 
rat.  du  midi  de  l'Europe,  111,301.  —  Tieknor,  History 
of  Spanish  Literature,  t.  II  et  III. 

montemerlo  (  Jean-É tienne) ,  littérateur 
italien,  né  en  1515,  à  Tortone,  mort  en  1572. 
Toute  sa  vie  fut  consacrée  à  l'étude.  On  a  de  lui  : 
Délie  Frasi  toscane  libri  XII  ;  Venise,  1566, 
in-fol.  ;  réimprimé  sous  le  titre  de  :  Tesoro  délia 
lingua  toscana,nel  quale,  con  autorità  de' 
piu  approvati  scrittori,  copiosamente  s'in- 
segnano  le  piu  eleganti  manière  diesprimer 
ogni  concetto,  e  sono  confrontale  per  le  piu 
con  le  frasi  latine;  Venise,  1594  :  cet  ouvrage, 
fruit  de  vingt  années  de  travail,  resta  le  meil- 
leur dictionnaire  italien  jusqu'à  celui  de  Perga- 
mini. 

Son  fils,  Nicolas  Montemerlo,  est  auteurd'une 
histoire  de  Tortone,  de  1155  jusqu'au  dix-sep- 
tième siècle;  elle  porte  pour  titre  :  Raccogli- 
mento  di  nuova  historia  délie  città  di  Tor- 
tona;  Tortone,  1618,  in-4°.  O. 

Bibliotheca  Barberina. 

*  monté.moxt  (Albert),  littérateur  français, 
né  le  20  août  1788, à Remiremont  (Vosges).  Après 
avoir  terminé  ses  études  au  collège  de  Remire- 
mont,  il  fut  chargé  d'y  enseigner  les  huma- 
nités, puis  il  obtint  un  emploi  au  ministère  des 
finances.  Nous  citerons  de  lui  :  Voyages  aux 
Alpes  et  en  Italie;  Paris,  1821,  2  vol.  ia-18; 
3e  édit.  augmentée,  1827,  3  vol.  in-18,  fig.  ; 
suite  de  lettres  en  prose  et  en  vers  contenant 
la  description  de  toutes  les  routes  et  passages 


175 

principaux  des  Alpes,  de  la  Savoie  et  de  l'I- 
talie supérieure;  —  Lettres  sur  V Astronomie, 
en  vers  e.t  en  prose,  avec  des  notes;  Paris, 
1823,  4  vol.  in-18,  fig.;  3e  édit.,  1838,  2  vol. 
in-8°  ;  —  Voyage  dans  les  cinq  parties  du 
Monde;  Paris,  1827,  6  vol.  in-18,  avec  36 
cartes  ;  —  Bibliothèque  universelle  des  Voya- 
ges dans  les  diverses  parties  du  Monde 
depuis  les  premières  découvertes  jusqu'à 
nos  jours;  Paris,  1833-1837,  46  vol.  in-8°, 
grav.  col.  et  atlas  ;  c'est  une  collection  abrégée 
à  l'usage  des  gens  du  monde;  —  Londres, 
voyage  à  cette  capitale  et  ses  environs; 
Paris,  1835,  in-8°; — Les  Odes  d'Horace,  en 
vers  français;  Paris,  1839,  in-18;  —  Gram- 
maire générale,  ou  philosophie  des  langues, 
présentant  l'analyse  de V art  déparier;  Paris, 
1845,  2  vol.  in-8°;  —  Voyages  nouveaux  par 
mer  et  par  terre  de  1837  à  1847;  Paris,  1846- 
1847,  5  vol.  in-8°.  M.  Montémont  est  auteur  d'un 
très-grand  nombre  de  pièces  de  vers ,  odes,  di- 
thyrambes ,  chansons ,  épîtres ,  publiées  en  di- 
verses circonstances,  telles  que  La  Chute  de 
Missolonghi  (1826),  La  Nymphe  de  la  Vis- 
tule  (1831),  L'Attentat  du  28  Juillet  (1835), 
La  Mort  du  duc  d'Orléans  (1842),  Le  Retour 
de  l'Empire  (1853),  etc.  Il  a  traduit  de  l'anglais  : 
Les  Plaisirs  de V 'espérance  de  Campbell  (1824), 
en  vers  ;  Les  Plaisirs  de  la  mémoire  de  S. 
Piogers  (  1 825) ,  en  vers  ;  les  Œuvres  de  W. 
Scott  (1830  et  ann.  suiv.,  30  vol.  in-8°); 
Œuvres  poétiques  de  W.  Scott  (1837,  in-8°), 
avec  L.  Barré;  Œuvres  complètes  de  Cooper 
(1835,  6  vol.  in-8°  ),  avec  B.  Laroche;  et  quel- 
ques romans  du  capitaine  Marryat. 

Quérard,  La  France  littér.  —  Biogr.  des  hommes  du 
jour,  II,  l*e  partie. 

montenàt  (  Benoit  ) ,  ecclésiastique  fran- 
çais, vivait  au  commencement  du  seizième  siècle  -, 
il  était  aumônier  du  duc  Charles  de  Bourbon , 
mais  il  est  demeuré  si  peu  connu  qu'on  cherche- 
rait en  vain  son  nom  dans  la  Bibliothèque  fran- 
çaise de  La  Croix  du  Maine.  A  la  demande 
d'Anne  de.  France,  fille  de  Louis  XI,  il  écrivit 
en  1505  un  traité  sur  la  Conformité  des  pro- 
phètes et  Sibylles  avec  les  douze  articles  de 
la  foi;  cet  ouvrage,  resté  inédit,  est  conservé 
parmi  les  manuscrits  de  la  bibliothèque  impé- 
riale, n°  7287.  G.   B. 

Paulin  Paris,  Manuscrits  français  de  la  bibliothèque 
du  Roi ,  t.  VII,  p.  310. 

montenat  (Georgetle  de),  femme  auteur 
française, née  en  1540,  à  Toulouse.  Orpheline  dès 
le  bas  âge,  elle  fut  élevée  par  les  soins  et  dans 
la  maison  de  la  reine  de  Navarre  ,  Jeanne  d'AI- 
bret ,  qui  lui  donna  plus  tard  une  place  parmi 
ses  dames.  Après  la  mort  de  cette  princesse, 
elle  quitta  la  cour,  et  se  retira  dans  ses  terres, 
où  elle  mourut,vers  1581.  Ses  principes  sévères 
et  son  goût  pour  la  poésie  l'empêchèrent  de  se 
marier.  Elle  a  publié  sous  le  titre  à'Emblesmes 
chresliennes  (Lyon,  1571,  in-8°),  un  recueil 


MONTÉMONT  —  MONTÉPIN  176 

j  dédié  à   Jeanne  d'Albret,  traduit  en  plusieurs 
langues,  dont  chaque  emblème  est  expliqué  par 
j  quatre  vers  latins  et  huit   français.   C'est  une 
:  imitation  d'Alciat.  K. 

Biogr.  Toulousaine,  II. 

moîïtengoiv  (  Pedro  de  ),  littérateur  espa- 
|  gnol ,  né  en  1745,  à  Alicante,  mort  vers  1825. 
j  Après  avoir  été  prêtre ,  il  abandonna  l'état  ec- 
clésiastique pour  s'occuper  de  poésie  et  de  tra- 
vaux d'imagination.  Il  passa  ses  dernières  années 
à  Naples.  Il  est  auteur  d'un  grand  nombre  d'ou- 
vrages en  vers  et  en  prose ,  dont  quelques-uns 
ont  été  réimprimés;  nous  citerons  :  El  Eusebio; 
Madrid,  1786-1787,  4  vol.  gr.  in-8°:  c'est  la 
meilleure  de  ses  productions;  elle  a  paru  de 
nouveau  à  Barcelone  (1793),  à  Perpignan  (1819) 
et  à  Paris  (1824,'  4  vol.  in-18  );  —  El  Antenor  ; 
Madrid',  1788,2  vol.  gr.  in-8°;  —  Eudoxia, 
hija  de  Belisario ;  Madrid,  1793,  gr.  in-8°; 
Barcelone,  1815,  pet.  in-8°;  —  El  Rodrigo, 
romance  epico ;  Madrid,  1793,  in-8°;  —  El 
Mirtilo,  o  los  Pastores  trashumantes ;  Ma- 
drid, 1795,  in-8°;  —  La  Perdida  de  Espana 
reparada  por  el  rey  Pelayo ,  poema  epico  ; 
Naples,  1820,  in-8°;  —  La  Conquista  de  Me- 
jico  por  Hernan  Cartes,  poema  epico;  Na- 
ples, 1820,  in-8°.  P. 
Ticknor,  Hist.  of  Spanish  Literature,  III. 
*  montépin  (  Xavier-Aymon  de  ),  roman- 
cier français,  né  à  Frotey  (  Haute-Saône),  vers 
1820.  Fils  du  comte  et  le  neveu  de  l'ancien  pair 
de  France  du  même  nom ,  il  débuta,  après  la 
révolution  de  février  1848,  dans  quelques  feuilles 
populaires,  entre  autres  dans  Le  Lampion.  Il 
essaya  de  fonder,  avec  M.  de  Calonne,  La  Bou- 
che de  fer,  qui  fut  saisie  dès  son  premier  nu- 
méro. Avec  le  même,  il  publia,  en  1848,  deux 
pamphlets  politiques  intitulés  :  l'un,  Les  trois 
Journées  de  Février;  l'autre,  Le  Gouverne- 
ment provisoire  ,  histoire  anecdotique  et  po- 
litique de  ses  membres.  Il  se  mit  ensuite  à 
écrire  des  romans  et  des  pièces  de  théâtre.  Ses 
romans  eurent  du  succès  :  il  y  peignait  la  bohème 
galante  avec  une  hardiesse  qui  finit  par  lui  at- 
tirerdes  poursuites  :  son  livre,  intitulé  Les  Filles 
de  plâtre,  fut  saisi  en  1856,  et  la  suppression 
en  fut  ordonnée.  Parmi  les  nombreux  romans 
de  M.  deMontépin  nous  citerons  :  Les  Viveurs 
d'autrefois  ;  1848,  4  vol.  in-8°;  —  Les  Viveurs 
de  Paris;  1852-1856,  14  vol.  in-8°  ;  —Les 
Viveurs  de  province;  1858,  10  vol.  in-8°  (non 
terminé);  —  Les  Amours  d'un  Fou;   1849, 

4  vol.  in-8°;  —  Les  Confessions  d'un  bohème; 
1849-1850,  5  vol.  in-8°;  —  Le  Vicomte  Ra- 
phaël (  lre  suite  du  précédent) ,  5  vol.  in-8°; 
—  Les  Oiseaux  de  nuit  (  2e  suite),  5  vol. 
in-8°;  —  Brelan  de  Dames,  1849,  4  vol. 
in-8°;  —  Mignonne;  1851,  3  vol.  in-8°  ;  —  Le 
Club  des  Hirondelles ,  4  vol.  in-8°  ;  —  L'Idiot, 

5  vol.  in-8°;  —  Pivoine,  2  vol.  in-8°  ; —  Mi- 
gnonne (suite  As.  Pivoine),  3  vol.  in-8°;  — 
Jacques  de  La  Tremblaye ,  3  vol.  in-8%  com- 


177  MONTÉPIN 

plément  de  La  Reine  de  Saba.  et  du  Château 
des  Fantômes;  —  VÊpèe  du  Commandeur, 
3  vol.  in-8°;  —  Le  Château  de  Périac,  4  vol. 
in-8";  —  Le  Masque  rouge,  5  vol.  in-8°;  — 
Les  Amours  de  Vénus,  4  vol.  in-8°;  —  Made- 
moiselle Lucifer,  4  vol.  in-8°;  —  Les  Valets 
de  Cœur,  3  vol.  in-8°;  —  V Auberge  du  So- 
leil d'Or;  1852,  4  vol.  in-8°;  —  Un  Gen- 
tilhomme de  grand  chemin;  1864,  5  vol. 
in- 8°  ;  —  Les  Chevaliers  du  Lansquenet;  1857, 
5  vol.  in-8°;  —  L'Officier  de  Fortune;  1857, 
7  vol.  in-8°  ;  —  Les  deux  Bretons  ;  1857,  6  vol. 
in-8°  ;  —  Mademoiselle  la  Ruine  (  en  collabo- 
ration avec  M.  Capendu  );  1858,  5  vol.  in-8°;  — 
La  Comtesse  Marié;  1859,7  vol.in-8°;  — Sou- 
venirs intimes  et  anecdotiques  d'un  garde  du 
[corps  de  Louis  XVI II  et  de  Charles  X;  1857, 
10  vol.  in-8°.  Parmi  ses  pièces  de  théâtre,  faites  en 
collaboration  :  Le  Vol  à  la  Duchesse,  drame  joué 
en  1849,  au  théâtre  de  la  Porte  Saint-Martin  ;  — 
•Les  Chevaliers  du  lansquenet, drame, à  l'Ain- 
bigu-Comîque,  en  1850;  — Les  Viveurs  de  Pa- 
ris; drame,  même  théâtre,  1859;  —  Le  Gentil- 
homme de  grand  chemin,  drame,  théâtre  de  la 
Porte  Saint-Martin,  1860.  G.  de  F. 

Vapereau,  Dict.  des  Contemp.  —  Journ.  de  la  Librairie. 

montepitlciano  (  Marco  da.  ) ,  peintre  de 
l'école  florentine,  vivait  au  milieu  du  quinzième 
siècle.  Vasari  indique  deux  peintres  de  ce  n»m , 
faisant  l'un  élève  de  Spinelli,  l'autre  de  Lorenzo 
di  Bicci  ;  c'est  une  erreur,  et  les  deux  ne  sont 
qu'un  seul  et  même  artiste^ui  eut  pour  maître  Lo- 
renzo di  Bicci,  élève  lui-même  de  Spinelli.  Marco 
acheva  de  peindre  en  camaïeu  dans  le  cloître  du 
couvent  des  Olivetains  d'Arezzo  des  sujets  tirés 
de  la  Vie  de  saint  Benoît,  commencés  par  Lo- 
renzo. Ces  peintures  furent  terminées  le  14  avril 
1448,  comme  il  l'indiqua  par  des  vers  aussi  mé- 
diocres que  les  fresques  elles-mêmes.    E.  B — n. 

Vasari,  Vite.  —  O.  Brizzi ,  Guida  d'Arezzo. 

•■  monte-pulciano.  Voy.  Morosini  (  Fran- 
cesco  ). 

montereac  (  Pierre  de  ) .  Voy.  Pierre. 

moxteko  de  roxas  (Juan),  peintre  es- 
pagnol, né  à  Madrid,  en  1613,  mort  dans  la  même 
ville,  en  1688.  Il  fut  l'un  des  meilleurs  élèves  de 
Pedro  de  Las  Cuevas,  et  fit  le  voyage  de  Rome, 
où  il  étudia  surtout  le  Caravage.  De  retour  dans 
sa  patrie ,  il  y  a  laissé  des  ouvrages  très-estimés. 
On  remarque  parmi  ces  ouvrages  à  Madrid  :  au 
collège  San-Thomas  :  une  Assomption  ;  chez  les 
religieuses  de  Don-Juan-de-Alarcon  :  Le  Songe 
de  Joseph  ;  au  couvent  de  la  Merced  ,  Le  Pas- 
sage de  la  mer  Rouge.  La  manière  de  Montero 
de  Roxas  tient  essentiellement  de  l'école  hispano- 
italienne.  A.  de  L. 

montero  (  Laurent  ),  peintre  espagnol ,  né 
en  1656,  à  Séville,  mort  à  Madrid,  en  1710.  Fres- 
quiste distingué,  il  possédait  une  grande  faci- 
lité pour  peindre  en  détrempe  l'architecture,  le 
paysage,  les  fruits,  les  fleurs ,  les  ornements. 
H  vint  à  Madrid  en  1684,  et  eut  une  grande  part 


—  MONTESON 


178 


dans  les  décorations  du  Bucn-Retiro.  11  peignit 
aussi  la  vonte  et  les  murailles  de  la  chapelle 
Sainte-Marthe  dans  l'église  de  Saint-Jérôme  à 
Madrid.  On  cite  de  Montero  un  beau  portrait  à 
l'huile  de  Philippe  V,  exécuté  pour  le  monas- 
tère du  Paular.  A.  de  L. 

Palomino  Velasco,  El  Museo  de  la  l'intura.  —  Gue- 
varra ,  Los  Comentarios  de  la  Pintura.  —  Cean  Bcr- 
raudez,  Dicion.  historien  de  las  Bellas  Arles  in  Espaila. 
—  Quillct,  Dictionnaire  des  peintres  espagnols.  —  Don 
José  Mussoy-Valiente,  Coleccion  de  cuadros  que  se  con- 
servan  en  reaies  palacios  ;  Madrid,  1828. 

montesinos  (  Fernando  ),  historien  espa- 
gnol, né  à  Ossnna,  mort  après  1652.  Il  passa  de 
bonne  heure  au  Pérou,  résida  à  Lima,  et  devint 
membre  de  l'audience  de  cette  ville.  Son  amour 
pour  l'archéologie  ne  l'empêcha  pas  d'être  utile 
à  l'administration,  et  il  fut  deux  fois  visitador 
ou  inspecteur.  Ces  fonctions  le  mirent  en  rap- 
port avec  les  anciens  chefs  du  pays  :  on  suppose 
qu'il  eut  en  sa  possession  les  manuscrits  du 
savant  D.  Fr.-Luis  Lopez,  évêque  de  Quito, 
mort  en  1588.  Il  s'occupa  aussi  des  richesses 
minéralogiques  du  pays  :  on  a  de  lui  divers  mé- 
moires sur  l'art  d'exploiter  les  mines  d'argent. 
Montesinos  n'avait  malheureusement  pas  au- 
tant de  critique  que  de  zèle;  ses  souvenirs  clas- 
siques le  jetèrent  dans  d'étranges  préoccupations. 
Pour  lui  l'Ophir  est  le  Pérou,  et  il  ne  craint  pas  de 
multiplier  les  dynasties  indigènes  :  selon  lui,  on 
connaissait  l'art  d'écrire  au  temps  de  Toca-corca- 
Apu  Capac,  le  roi  astronome,  fondateur  de  l'u- 
niversité péruvienne  de  Cuzco,  et  les  feuilles  de 
bananier  et  le  parchemin  recevaient  ces  carac- 
tères ,  dont  plus  tard  on  perdit  l'usage  après  la 
mort  de  Titu-yupanguy  et  les  effroyables  dé- 
sordres qu'elle  amena.  Illatici-hucracocha  en 
abolit  d'ailleurs  l'usage  et  il  leur  substitua  celui 
des  quipos,  dont,  selon  le  P.  Oliva,  l'amauta  Ylla 
serait  l'inventeur.  Cet  historien  si  bizarre  et  si 
curieux  finit  son  récit  à  l'arrivée  des  Espa- 
gnols (1).  Mais  on  sait  qu'il  avait  poussé  plus 
loin  ses  investigations  historiques  et  qu'il  avait 
donné  le  récitde  la  conquête.  M.  Ternaux-Com- 
pans  s'est  contenté  de  traduire  l'histoire  des 
temps  anciens;  elle  a  paru  sous  le  titre  de  :  Mé- 
moires historiques  de  l'ancien  Pérou;  Paris, 
1849,  in-8°.  Ce  travail  est  extrait  de  la  collection 
espagnole  rassemblée  par  le  savant  Munoz  ;  il  fut 
écrit  vers  1652.  Léon  Pinello  donne  les  autres 
titres  des  ouvrages  de  Montesinos  et  fait  con- 
naître ceux  qu'il  publia  sur  la  métallurgie.  F.  D. 
Epitome  de  la  Bib.  oriental  y  occidental.  —  Collection 
de  M.  Henri  Temaux-Compans. 

monteson  ou  monçon  (  Jean  de  ),  théo- 
logien espagnol,  né  vers  1360,  à  Monteson  (Ara- 
gon ).  Il  embrassa  la  règle  de  Saint-Dominique, 
professa  la  théologie  à  Valence,  et  vint  en  1383 
à  Paris,  où  il  fut  reçu  docteur  (1387).  Ayant 
avancé  dans  sa  thèse  quelques  propositions  con- 
traires à  la  croyance  de  l'immaculée  conception 
de  la  Vierge ,  il  les  vit  condamner  par  la  faculté, 

(Il  Ce  second  travail,  qui  porte  Se  nom  A'Annales  ms„  a 
été  utilisé  par  Preseott. 


179  MONTESON  — 

et  Pierre  d'Orgemont,  alors  évêque,  défendit 
de  les  soutenir,  sous  peine  d'excommunication. 
Cette  querelle  amena  de  grands  troubles  dans 
l'université  :  on  jeta  en  prison  ceux  des  parti- 
sans du  moine  espagnol  qui  refusèrent  de  se  ré- 
tracter, et  l'on  exclut  des  cours  tous  les  Domi- 
nicains. Jean  de  Monteson  en  avait  appelé  à 
Clément  VII,  pape  schismatique  résidant  à  Avi- 
gnon; mais  s'étant  aperçu  que  les  commissaires 
qu'on  lui  avait  donnés  ne  lui  étaient  point  favora- 
bles, il  prit  la  fuite  (janvier  1389),  et  il  se  trouvait 
en  Aragon  lorsqu  il  fut  excommunié.  Pour  se 
venger  de  cette  persécution  ,  il  entra  dans  l'obé- 
dience d'Urbain  VI,  et  écrivit  contre  Clément  VII. 
La  paix  ne  fut  conclue  qu'en  1403,  et  par  l'en- 
tremise de  plusieurs  princes  et  du  pape  d'Avi- 
gnon Benoît  XIII.  En  1412  il  fut  chargé  par  le 
duc  Alfonse  de  soutenir  ses  droits  à  la  couronne 
d'Aragon.  Sesouvrages  n'ont  pas  été  imprimés.P. 
Échard  et  Quétif ,  Script,  ord.  Prœdicatorum,  I. 
montespan  (  Françoise- Athénaïs  de  Ro- 
chechouakt  ,  marquise  de  ) ,  maîtresse  de 
Louis  XIV,  née  en  1641,  au  château  de  Tonnay- 
Charente  (  Saintonge  ),  morte  le  28  mai  1707,  à 
Bourbon-l'Archambault.  Fille  puînée  de  Gabriel 
de  Rochechouart,  premier  duc  de  Mortemart, 
elle  avait  pour  frère  le  duc  de  Vivonne,  qui  de- 
vint maréchal  de  France,  et  pour  sœurs  la  char- 
mante marquise  de  Thianges  et  la  savante  ab- 
besse  de  Fontevrault.  «  Ces  quatre  personnes, 
dit  Voltaire ,  plaisaient  universellement  par  un 
tour  singulier  de  conversation  mêlé  de  plai- 
santerie, de  naïveté  et  de  finesse,  qu'on  appelait 
Yesprit  des  Mortemart.  »  Connue  d'abord  sous 
le  nom  de  M"e  de  Tonnay-Charente,  elle  reçut 
une  éducation  digne  de  sa  naissance>u  couvent 
de  Sainte-Marie,  à  Saintes.  En  1663,  à  l'âge  de 
vingt-deux  ans,  elle  épousa  Henri-Louis  de  Par- 
daillan  deGondrin,  marquis  de  Montespan  (1), 
et  devint  presque  en  même  temps  dame  du 
palais  de  la  reine.  Avant  son  mariage  elle  avait, 
comme  MIIe  de  La  Vallière,  figuré  parmi  les 
filles  d'honneur  de  Madame;  elle  arriva  au 
cœur  du  roi  en  passant  par  le  même  chemin. 
Mais  ce  n'était  pas  le  roi  qu'elle  aimait  alors,  et 
de  son  côté  le  roi  ne  pouvait  la  souffrir  ;  peut- 
être  s'effrayait-il  de  son  esprit.  Elle  était  toute 
à  son  mari ,  beau ,  galant,  dédaigneux,  grand 
joueur,  et  elle  lui  donna  un  fils,  le  ducd'Antin, 
qui  les  méprisa  tous  deux.  D'abord  très-recher- 
chée de  la  reine,  qui  l'appelait  tous  les  soirs 
près  d'elle,  Mme  de  Montespan  s'était  liée  chez 
Madame  d'une  tendre  amitié  avec  Mlle  de 
La   Vallière   (2)  ;  l'une  et  l'autre  lui  parlaient 

(1)  C'est  le  nom  d'une  ancienne  seigneurie  de  Gascogne, 
érigée  en  marquisat  en  1612. 

(2)  Quand  elle  ne  vit  plus  qu'une  rivale  dans  son  amie, 
elle  traça  d'elle  ce  portrait  : 

Soyez  boiteuse,  ayez  quinze  ans, 

Point  de  gorge,  fort  peu  de  sen3, 
Des  parents,  Dieu  le  sait  !...  faites,  en  fille  neuve, 

Dans  l'antichambre  vos  enfants, 
Sur  ma  foi,  vous  aurez  le  premier  des  amants, 

Et  La  Vallière  en  est  la  preuve. 


MONTESPAN 


180 


sans  cesse  du  roi; elle  l'aima  sans  le  savoir,  et, 
d'humeur  violente   et  passionnée   comme  elle 
était,  ce  fut  par  la  jalousie  que  commença  son 
amour.  Le  roi,  qui  la  rencontrait  sans  cesse 
chez  sa  maîtresse  et  chez  sa  femme,  céda  peu 
à  peu  au  charme  de  l'esprit  le  plus  vif  et  de  la 
plus  éclatante  beauté.  Il  n'est  pas  besoin,  pour 
expliquer  cette  légende  amoureuse,  d'avoir  re-  fl 
cours,  comme  on  l'a  fait,  à  une  cabale  de  cour- 
tisans contre  la  favorite;   encore  moins  faut-il 
accuser  d'ambition  ou  de  méchanceté  la  mar- 1 
quise,  dont  la  conduite  avait  été  jusque  alors  à 
l'abri  du   reproche.   C'était  en   toute  sincérité 
qu'elle  se  récriait  alors  sur  les  imprudences  de  : 
Mlle  de   La  Vallière.  «  Dieu  me    garde  d'être  [I 
maîtresse  du  roi!  s'écriait- elle  ;  mais  si  j'étais i; 
assez  malheureuse  pour  cela,  je  n'aurais  jamais  I 
l'effronterie  de  me  présenter  devant  la  reine.  »  I 

Deux  ou  trois  ans  se  passèrent.  Un  jour  le; 
roi,  qui  commençait  à  se  détacher  de  MUe  de 
La  Vallière,  devint  plus  pressant  avec  Mme  de  \ 
Montespan  ;  elle  résista,  elle  avertit  son  mari,  et 
le  pressa  avec  les  plus  fortes  instances  de  l'em-  \ 
mener  loin  de  la  cour.  Mais  le  mari,  songeant  à  j 
profiter  de  l'occasion  pour  son  intérêt,  railla  sa  ! 
femme,  et  refusa  de  la  laisser  partir.  A  quelque  j 
temps  de  là,  il  s'oublia  jusqu'à  la  frapper  et  à 
la  couvrir  d'injures,  elle  et  Mme  de  Montausier,  | 
chez  qui  elle  avait  un  appartement  ;   puis  il  se  I 
rendit  à  Versailles  tout  vêtu  de  noir ,  et  prit  j 
congé  du  roi  en  lui  disant  qu'il  portait  le  deuil  i 
de  sa  femme  et  qu'il  ne  la  verrait  plus  (1). 

Jetée  par  sa  folle  passion  autant  que  par  l'ex- 
travagance de  son  mari  dans  les  bras  de  S 
Louis  XIV  (1668),  Mme  de  Montespan  s'efforça,  ï 
avec  toute  la  haine  d'une  rivale,  de  ruiner  le! 
crédit  de  Mlle  de  La  Vallière.  «  Abusant  de  ses! 
avantages,  dit  Mme  de  Caylus,  elle  affectait  del 
se  faire  servir  par  elle,  donnait  des  louanges  à 
son  adresse,  et  assurait  qu'elle  ne  pouvait  être! 
contente  de  son  ajustement  si  elle  n'y  mettait  lai 
dernière  main  (2).  »  Mlle  de  La  Vallière,  aveclajj 
faiblesse  d'un  cœur  aimant,  s'abandonnait  àj 
cette  servilité  qui  lui  permettait  au  moins  des 
voirie  roi.  C'était  par  pénitence,  dit-on,  qu'elle  | 
s'imposait  le  supplice  de  rester  chez  sa  rivale,! 
croyant  se  punir  par  là  où  elle  avait  péché.  Lesi 
deux  favorites  ne  se  quittaient  plus.  Ensembles 

(1)  11  tint  parole.  Exilé  dans  ses  terres,  il  n'en  sortit 
plus.  «  Il  vécut  toute  sa  vie  et  mourut  amoureux  de  sa  I 
femme  »,  dit  Saint-Simon.  Par  ordre  du  roi,  un  arrêté  du 
Cbâtelet  du  11  juin  1676  le  sépara  de  corps  et  de  biens 
d'avec  elle;  cependant  il  accepta  deux  cent  mille  francs 
pour  payer  ses  dettes. 

(2)  La  princesse  palatine   prête  à  cette  situation  ries  f 
teintes  odieuses.  «  La  Montespan,  dit-elle,  qui  avait  plus 
d'esprit,  se  moquait  d'elle  publiquement,  la  traitait  fort  > 
mal  et  obligeait  le  roi  a  en  agir  de  même.  Il  fallait  tra-  I 
verser  la  chambre  de  La  Vallière  pour  se  rendre  chez  la 
Montespan.    Le  roi  avait  un  joli  êpagneul    appelé   Ma- 
lice; à  l'Instigation  delà  Montespan,  il  prenait  ce  pefit 
chien  et  le  jetait  à  la  duchesse  de  La  Vallière  en  disant: 
«  Tenez,  Madame,  voilà  votre  compagnie,  c'est  assez.  » 
Cela  était  d'autant  plus  dur  qu'au  lieu  de  rester  chez  elle , 
il  ne  faisait  que  passer  pour  aller  chez  la  Montespan.  »  , 


181 


elles  allaient  au  bal,  aux  fêtes  et  a  la  guerre; 
ensemble  elles  vinrent  donner  à  Madame  l'a- 
dieu suprême.  Pendant  près  de  quatre  années  la 
cour  eut  le  révoltant  spectacle  et  de  ce  double 
adultère  et  de  cette  association  de  deux  mal- 
tresses, qui  avaient  des  enfants  de  leur  amant 
l'une  et  l'autre.  Mme  de  Maintenon,  alors  veuve 
Scarron,  était  déjà  à  la  cour;  on  l'admettait  de 
moitié  dans  les  récriminations  et  dans  les  conli- 
dences.  La  faveur  de  Mme  de  Montespan  gran- 
dissait peu  à  peu;  elle  éclata  au  grand  jour 
lorsque  Lauzun  fut  enfermé  à  Pignerol  (  1671  ). 
Lauzun  n'avait-il  pas  eu  l'incroyable  audace  de 
se  cacher  sous  son  lit  et  de  lui  répéter  ensuite 
à  l'oreille  les  propos  d'alcôve  que  lui  avait 
tenus  le  roi  ?  Quand  MIle  de  La  Vallière  eut 
enfin  franchi  le  seuil  des  Carmélites  (  1674),  la 
marquise  ne  garda  plus  aucune  retenue;  elle 
assista  quelquefois  au  conseil,  elle  prit  part 
aux  affaires,  elle  eut  même  des  gardes,  «  de 
peur  que  son  mari  ne  lui  fît  quelque  affront  »  ; 
elle  afficha  un  luxe  effréné  ;  elle  prodigua  au- 
tour d'elle  l'or  et  les  faveurs  ;  quand  on  la  voyait 
passer,  elle,  Madame  et  la  reine  dans  le  même 
carrosse,  le  peuple  s'écriait  :  «  Voilà  les  trois 
reines.  »  Elle  faisait  des  efforts  inouïs  pour  re- 
tenir auprès  d'elle  le  volage  monarque.  Pour 
l'amuser,  elle  affecta  l'enfantillage  et  l'étour- 
'derie.  Elle  raillait  tout  le  monde  et  se  raillait 
elle-même.  «  Une  m'aime  pas,  avouait-elle  quel- 
quefois en  parlant  de  Louis  XIV,  mais  il  croit 
se  devoir  à  lui-même  d'avoir  pour  maîtresse  la 
plus  belle  femme  de  son  royaume.  » 

C'était  en  effet  l'unique  secret  de  cette  liaison, 
qui,  au  milieu  d'orages  continuels,  compta  de  si 
rares  beaux  jours.  Tous  les  contemporains  s'accor- 
dent à  la  peindre  des  plus  attrayantes  couleurs. 
«  Belle  comme  le  jour  »,  disait  Saint-Simon  ; 
«  une  beauté  très -achevée  »,  selon  Mmc  de  La 
Fayette.  La  Palatine,  qui  l'exécrait,  vante  «  ses 
beaux  cheveux  blonds,  ses  belles  mains,  sa 
belle  bouche  »,  et  Mme  de  Sévigné  s'écriait  avec 
admiration  :  «  C'est  une  chose  surprenante  que 
sa  beauté  !  »  Mignard  a  laissé  d'elle  un  mer- 
veilleux portrait,  qui  justifie  ces  lignes  sympa- 
thiques de  M.  de  Noailles  :  «  La  nature  avait 
prodigué  tous  ses  dons  à  Mme  de  Montespan  : 
des  flots  de  cheveux  blonds,  des  yeux  bleus  ra- 
vissants avec  des  sourcils  plus  foncés,  qui  unis- 
saient la  vivacité  à  la  langueur,  un  teint  d'une 
blancheur  éblouissante,  une  de  ces  figures  enfin 
qui  éclairent  les  lieux  où  elles  paraissent.  » 
Aussi  régnait-elle  impérieusement,  et  le  roi, 
ébloui,  subjugué,  poussa  la  folie  de  l'amour 
jusqu'à  légitimer  les  enfants  qu'elle  lui  avait 
donnés,  enfants  issus  d'un  double  adultère. 

Cette  liaison  durait  depuis  plus  de  sept  ans, 
non  sans  que  Louis  eût  fait  à  la  marquise  des 
infidélités  nombreuses  (1),  lorsque  arriva  te  ju- 

(1)  On  cite  Mm«.de  Soubise,  Mme  du  Ludre,  M»"  de 
Fontangcs,  etc.  Cette  dernière  fut  produite  en  1679  par  la 
marquise  elle-même. 


MONTESPAN  182 

bile  de  1676.  L'un  n'était  pas  moins  dévot  que 
l'autre,  ni  d'une  dévotion  plus  éclairée;  Bos- 
suct  leur  représenta  qui!  fallait  apaiser  la  co- 
lère de  Dieu  par  un  grand  acte  de  contrition.  Ils 
se  soumirent.  Tandis  que  le  roi  gagnait  le  ciet 
à  Versailles,  Sa  maîtresse  courait  à  Paris  jeûner, 
pleurer  et  prier  dans  un  couvent.  Bientôt  après 
elle  se  représenta  à  la  cour,  où  c'était  son  droit 
d'être  reçue  comme  dame  du  palais  (t).  Ce  re- 
tour inattendu  donna  lieu  à  toute  une  négocia- 
tion, à  la  (in  de  laquelle  on  arrêta  entre  les  deux 
amants  une  entrevue  en  présence  des  dames  les 
plus  graves  et  les  plus  respectables.  Bossuet,  en 
voulant  les  convertir,  ne  réussit  qu'à  les  raccom- 
moder. «  Le  roi,  continue  Mmc  de  Caylus,  vint 
chez  Mme  de  Montespan  comme  il  avait  été  dé- 
cidé ;  mais  insensiblement  il  la  tira  dans  une  fe- 
nêtre ;  ils  se  parlèrent  bas  assez  longtemps  ; 
ils  pleurèrent,  et  se  dirent  ce  qu'on  a  accoutumé 
de  dire  en  pareil  cas.  Ils  firent  ensuite  une  pro- 
fonde révérence  à  ces  vénérables  matrones , 
passèrent  dans  une  autre  chambre,  et  il  en  ad- 
vint Mme  la  duchesse  d'Orléans  et  ensuite  M.  le 
Comte  de  Toulouse  (2).  » 

Cependant  le  premier  coup  était  porlé  ;  la 
passion  survécut,  l'habitude  plutôt,  mais  mor- 
tellement atteinte.  Mrae  de  Maintenon,  que  la 
marquise  avait  comblée  de  bienfaits,  à  qui  elle 
avait  confié  l'éducation  de  ses  enfants  ,  qu'elle 
traitait  en  amie  dévouée  ,  Mme  de  Maintenon 
s'insinuait  sourdement  dans  l'estime  du  roi,  qui 
l'avait  d'abord  écartée  de  lui  avec  répugnance. 
Elle  infligeait,  à  la  favorite  la  peine  du  talion. 
Mais  celle-ci,  hautaine  et  jalouse,  s'indigna  à  la 
pensée  de  partager  un  seul  instant  le  cœur  du 
maître  ;  elle  se  souvenait  de  La  Vallière.  Elle 
lutta  avec  toute  l'intempérance  de  son  carac- 
tère, avec  la  rage  et  la  folie  de  l'amour  trompé; 
mais  que  pouvait-elle  contre  une  femme  qui , 
montrant  le  ciel  à  Louis  XIV  à  travers  le  ciel 
de  son  lit,  savait  l'art  de  le  renvoyer  toujours 
affligé,  jamais  désespéré  ?  Cette  rivalité  furieuse 
n'était  plus  un  secret  à  la  cour.  «  L'étoile  de 
Quanto  pâlit,  écrit  Mme  de  Sévigné.  Il  y  a  des 
larmes,  des  chagrins,  des  gaietés  affectées,  des 
bouderies  ;  enfin  tout  finit.  Voici  le  temps  d'une 
crise  digue  d'attention.  »  La  crise  dura  trois 
ans.  Un  auxiliaire  inattendu  en  décida  l'issue  en 
faveur  de  Mme  de  Maintenon  :  la  vieillesse  pré- 
maturée du  roi,  c'est-à-dire  la  goutte  et  la  fis- 
tule, et  avec  le  souci  de  la  santé,  les  terreurs 
superstitieuses  de  l'âme.  Le  galant  monarque, 
transformé  peu  à  peu  en  pécheur  repentant, 
laissait  arriver  jusqu'à  lui  les  cris  du  remords  et 
du  devoir.  Il  fit  sentir  durement  à  Mme  de  Mon- 
tespan qu'il  ne  voulait  pas  être  gêné.  Aux  fêtesv 
d'automne  de  1679,  il  avait  omis  à  dessein 
son  nom  sur  les  listes  d'invitation,  tl  n'en  eut 


(1)  Vers  1G80  elle  acheta  de  la  comtesse  de  Soissons  la 
charge  de  surintendante  de  la  maison  delà  reine. 

(2)  La  spirituelle  comtesse  ajoute  qu'on  voyait  dans 
la  physionomie  et  dans  toute  la  personne  de  la  duchesse 
d'Orléans  des  traces  de  ce  combat  de  l'amour  et  du  jubilé. 


183 


MONT  ESP  AN 


184 


pas  aisément  raison  ;  le  repentir  était  si  amer  et  le 
péché  si  séduisant,  ! 

Tout  ce  grand  éclat  d'orageuse  passion  et 
de  scandale  inouï  s'éteignit  misérablement. 
Louis  XÏV,  qui  avait  pris  Mu,e  de  Montespan  par 
caprice,  la  quitta  par  lassitude  ;  après  la  mort 
delà  reine  (1683),  il  continuait  encore  de  passer 
«hez  elle  en  allant  à  la  messe  ;  on  le  disait  tour- 
menté par  ses  remords.  L'amour  et  la  beauté 
de  la  marquise  défiaient  les  outrages  du  temps; 
elle  n'éprouvait  d'autre  remords  que  celui  d'a- 
voir frayé  le  chemin  à  une  rivale.  Quand  vint 
l'heure  de  la  retraite,  elle  ne  voulut  pas  l'enten- 
dre. «  Le  roi  ne  vous  aime  plus  »,  lui  avait  dit 
Bossuet.  Comment  l'aurait-elle  cru,  elle  qui  l'ai- 
mait encore  comme  au  premier  jour?  Le  roi  lui 
envoya  des  messagers  plus  durs  :  l'un  fut  Mm*  de 
Maintenon,  l'autre  le  propre  fils  de  la  marquise, 
lejduc  du  Maine,  à  qui  on  avait  fait  la  leçon.  A 
l'époque  du  mariage  secret  du  roi,  vers  la  fin  de 
1684,  on  lui  retira  son  appartement  pour  la  re- 
léguer bien  loin,  au  rez-de-chaussée»  Jusqu'en 
1  687  Louis  alla  encore  la  voir  et  lui  permît,  ainsi 
que  Mme  de  Maintenon,  de  monter  dans  ses  car- 
rosses Ce  ne  fut  qu'en  1691  qu'elle  se  décida  à 
quitter  Versailles.  A  peine  fut-elle  partie  que  le 
duc  du  Maine  donna  l'ordre  que  tous  les  meu- 
bles, robes  et  bijoux  de  sa  mère  la  suivissent  à 
Paris  «pour lui  ôter  tout  prétexte  de  revenir  à  la 
cour,  dans  la  crainte  que  si  le  roi  la  revoyait,  il 
lui  rendît  ses  bonnes  grâces  (1).  » 

Chassée  de  la  cour,  oubliée  du  roi,  Mme  de 
Montespan  alla  pleurer  aux  Carmélites  dans  les 
bras  de  M1Ie  de  La  Vallière.  Plus  tard  elle  se  re- 
tira dans  la  communauté  des  dames  de  Saint- 
Joseph,  qu'elle  avait  naguère  rétablie  de  ses 
épargnes.  Comme  elle  n'était  pas  touchée  de  la 
grâce,  elle  se  retourna  bientôt  vers  le  monde, 
rouvrit  ses  salons ,  appela  autour  d'elle  les 
poètes  (2)  et  les  grands  seigneurs.  «  Elle  par- 
lait à  chacun  comme  une  reine  qui  tient  sa 
cour.  »  Quand  le  roi  chassait  à  Fontainebleau, 
elle  courait  à  Petit-Bourg,  dans  le  château  qu'il 
lui  avait  donné,  pour  le  voir  passer  au  loin; 
elle  espérait  même  qu'il  viendrait  chez  elle  un 
jour.  «  Mais  le  roi,  fait  observer  Mme  de  Caylus, 
n'avait  pas  la  religion  du  passé.  »  Elle  voya- 
geait sans  cesse,  cherchant  le  repos  et  obsédée 
des  ombres  du  passé;  dans  les  heures  noires, 
elle  se  rejetait  au  couvent.  Ce  fut  là  qu'elle  écri- 
vit à  son  mari  dans  les  termes  les  plus  hum- 
bles,, offrant  de  retourner  avec  lui  s'il  daignait 
la  recevoir  ou  de  se  rendre  en  quelque  lieu  qu'il 
voulût  lui  désigner.  Sacrifice  héroïque  !  «  Elle 
en  eut  le  mérite  sans  en  essayer  l'épreuve,  » 
selon  Fexpression  de  Saint-Simon.  M.  de  Mon- 

(1)  Mme  de  Maintenon  présida  à  ce  départ  précipité. 
«  Que  vous  importe,  dit-elle  à  la  marquise,  qui  éclatait 
en  récriminations,  que  cette-  place  soit  remplie,  pourvu 
que  ce  ne  soit  pas  par  vous?  —  On  voit  bien,  répliqua  la 
maîtresse  déchue,  que  vous  n'avez  jamais  aimé  un  roi, 
pas  même  un  homme.  » 

(2)  La  Fontaine  lui   dédia  le  VIIe  livre  de  ses  Fables. 


tespan  répondit  qu'il  ne  voulait  plus  entendn 
parler  d'elle.  Plusieurs  fois  on  la   revit  à  kl 
cour  ;   elle  assista  comme  une   étrangère  am    ] 
mariages   de  ses  enfants.  Le  temps  de  sa  dis 
grâce  ne  fut  plus  qu'un  long  martyre.  Elle  er    j 
rait  çà  et  là  comme  une  âme  en  peine,  ne  pou    | 
vant  oublier  qu'elle  s'était  assise  sur  les  mar- 
ches d'un  trône  et  qu'elle  était  encore  belle    i 
«  Comme  je  suis  bien  où  je  ne  suis  pas!  »  s'é  jJ 
criait-elle    souvent.  Peu  à  peu  elle  en  vint  £  Il 
donner  tout  son  bien  aux  pauvres.  Elle  renonça  I 
au  jeu  ;  sa  table    devint  la   plus  frugale ,  elk  i 
multiplia  les  jeûnes  ;  à-  toute  heure  du  jour  elle 
s'interrompait  pour  prier.    «  Ses  macérations  i 
étaient  continuelles,  rapporte  Saint-Simon  ;  ses 
chemises  et  ses  draps  étaient  de  toile  jaune  la 
plus  dure  et  la  plus  grossière,  mais  cachée  sous  I 
des  draps  et  une  chemine  ordinaire.  Elle  portait 
sans  cesse  des  hracelels,  des  jarretières  et  une  I 
ceinture  à  pointes  de  fer  qui  lui  faisaient  sou- 1 
vent  des  plaies,  et  sa  langue,  autrefois  si  à  crain-  I 
dre,  avait  aussi  sa  pénitence.  Elle  était  de  plus  j;! 
tellement  tourmentée  des?  affres  de   la  mort,  I 
qu'elle  payait  plusieurs  femmes  dont  l'emploi  'I 
unique  était  de  la  veiller.  Elle  couchait  tous  les  jj 
rideaux  ouverts  avec  beaucoup  de  bougies  dans  I 
sa  chambre,  ses  veilleuses  autour  d'elle  qu'à  I 
toutes  les  fois  qu'elle  se  réveillait  elle  voulait 
trouver  causant,  jolianl  ou  mangeant,  pour  se 
rassurer  contre  leur  assoupissement.  » 

Au  printemps  de  1707,  Mme  de  Montespan  se 
rendit,  suivant  son  habitude,  aux  eauxdeBour- 
bon-PArchambault;  elle  était  en  compagnie  de  la 
maréchale  de  Cœuvres.  Se  voyant  un  matin  j 
toute  couperosée,  elle  appela  un  médecin,  qui  la 
saigna  fort  mal  à  propos.  Elle  s'évanouit,  et  ne 
revint  à  elle  qu'avec  le  délire.  Avant  d'expirer 
elle  fit  de  ses  péchés  une  confession  publique. 
Elle  fut  en  peu  d'instants  si  défigurée  que  son 
fils,  le  duc  d'Antin,  ne  la  reconnut  pas.  «  Elle 
n'avait,  dit  Mme  de  Sévigné,  aucun  trait  ni  au- 
cun reste  qui  pût  faire  souvenir  d'elle  :  c'était 
une  tête  de  mort  gâtée  par  une  peau  noire  et 
sèche  ;  c'était  enfin  une  humiliation  si  grande 
pour  elle  que,  si  Dieu  a  voulu  qu'elle  en  ait 
fait  son  profit,  il  ne  lui  faut  point  d'autre  péni- 
tence. »  On  l'enterra  sans  pompe  à  Poitiers,  et 
avec  «  une  parcimonie  indigne  ».  Ses  entrailles, 
qui  devaient ,  d'après  ses  derniers  vœux ,  être 
portées  à  la  communauté  des  dames  de  Saint- 
Joseph,  furent  jetées  aux  chiens  par  un  valet 
négligent.  Il  fut  interdit  à  ses  enfants  de  prendre 
le  deuil.  En  apprenant  cette  mort  foudroyante, 
Mmc  de  Maintenon  versa  des  larmes.  Louis  XIV 
parut  fort  indifférent,  et  dit  pour  Mme  de  Montes- 
pan le  mot  cruel  qu'il Tépétajen  1710  pourM"e  de 
La  Vallière:  «  Il  y  a  trop  longtemps  qu'elle  est 
morte  pour  moi  pour  que  je  la  pleureaujourd'hui.» 

Outre  le  duc  d'Antin  et  une  fille  morte  en  bas 
âge  qu'elle  eut  de  son  mari,  Mme  de  Montespan 
donna  huit  enfants  au  roi  :  le  duc  du  Maine,  né 
en  1670  ;  Louis-César,  comte  de  Vexin,  abbé  de 


185 


MONTESPAN  —  MONTESQUIEU 


saint-Denis  et  de  Saint-Germain  des  Prés,  né  en 
1072,  mort  le  10  janvier  1683;  Mlle  de  Nantes, 
iuchesse  de  Bourbon,  née  en  1673,  morte  le 
16  juin  1743;  M"e  de  Tours,  morte  en  1681; 
tfiiede/Moîs,  duchesse  d'Orléans,  née  en  1677  ;  le 
:omte  de  Toulouse,  né  en  1678;  et  deux  fils, 
nortsjeunes.  Les  six  premiers  enfants  furentsuc- 
;essivement  légitimés.  P.  Louisy. 

[  Saint-Simon,  Dangeau,  M"">  de  CayUis,  Mm0  de  La 
Valette,  !Mlle    de   Montpensier,    de  Sourches,    Mm«   de 

hlaintcnon,  Mémoires.  —   y\me  de  Sévigné,  Lettres.  — 

■  liissv-Rabutin  ,  Histoire  amoureuse  des  Gaules.  — 
i  [voltaire,  Siècle  de  Louis  XIV.  —  Lettres  de  la  duchesse 
\  \ialatine.  —  Kortoul,  Fastes  de  Versailles.  —  A.  Hous- 
!  i  aye,  Mlle  de  La  Vallière,  et  Mme  de  Montespan.  —   Ca- 

ieSgue,  Mlle  de  La  Valllèreet  (mites  les  notices  sur 
1 1  illle  de  La  Vallière  et  Mme  de  Maintenon. 

[  montesqcied  (  Charles  de  Secondât  , 
;>aron  de  la  Brède  et  de),  célèbre  publiciste, 
i Philosophe  et  littérateur  français,  né  le  18  jan- 
vier 1089,  au  château  de  la  Brède,  près  de  Bor- 
deaux, et  mort  à  Paris,  le  10  février  1755.  Son 
hère,  fils  d'un  président  à  mortier  au  parle- 
I  !  nent  de  Bordeaux ,  entra  au  service,  et  le 
Huitta  de  bonne  heure.  Le  jeune  Montesquieu 
ii.nnonça  dès  son  enfance  d'heureuses  disposi- 
tions, et  il  a  dit  dans  le  portrait  qu'il  a  fait  de 
Hni-même  :  «  L'étude  a  été  pour  moi  le  sou- 
If -erain  remède  contre  les  dégoûts  de  la  vie, 
■  l'ayant  jamais  eu  de  chagrin  qu'une  heure  de 
lecture  n'ait  dissipé.  »  A  l'âge  de  vingt  ans,  il 
ipomposa  un  ouvrage  qu'il  n'a  pas  jugé  digne  de 
h  voir  le  jour,  et  qui  avait  pour  but  de  prouver 
lique  l'idolâtrie  de  la  plupart  des  païens  ne  pa- 
raissait pas  mériter  une  damnation  éternelle.  Il 
s'était  épris  de  la  philosophie  des  anciens,  et  ne 
mouvait  croire  que  des  sages  tels  que  Platon, 
[Sénèque,  Cicéron,  fussent  condamnés  à  subir 
i)  les  peines  sans  rémission  dans  l'autre  vie.  Il  se 
I préparait  dès  lors  aussi  à  écrire  V Esprit  des 
■\Lois.  «  Au  sortir  du  collège,  dit-il ,  on  me  mit 
jians  les  mains  des  livres  de  droit,  j'en  cherchai 
'l'esprit...  »  (Lettre  au  grand-prieur  de  Solar, 
!3u  7  mars  1749.) 

||  Montesquieu  fut  reçu  conseiller  au  parlement 
|de  Bordeaux  le  24  février  1714,  et  son  oncle 
Ipaternel,  président  à  mortier  à  ce  parlement, 
:iui  céda  sa  charge,  à  laquelle  il  fut  promu  le 
13  juillet  1716.  Du  reste,  Montesquieu  ne  peut 
jpas  être  cité  comme  un  grand  magistrat.  Il  avait 
'peu  de  goût  pour  les  devoirs  de  sa  profession; 
'il  était  plus  philosophe  que  jurisconsulte,  et  il  est 
jconvenu  de  son  peu  d'aptitude  à  la  magistrature 
jdans  le  portrait  que  nous  avons  déjà  mentionné  : 
)«  Quant  à  mon  métier  de  président,  y  dit-il,  j'ai 
le  cœur  très-droit,  je  comprenais  assez  les  ques- 
tions en  elles-mêmes;  mais  quanta  la  procédure, 
je  n'y  entendais  rien.  Je  m'y  suis  pourtant  ap- 
pliqué, mais  ce  .qui  me  dégoûtait  le  plus,  c'est 
'que  je  voyais  à  des  bêtes  le  même  talent  qui  me 
fuyait  pour  ainsi  dire.  » 

|  En  1722,  Montesquieu  fut  chargé  par  sa  com- 
pagnie de  rédiger  des  remontrances  adressées 
au  roi  à  l'occasion  d'un  nouvel  impôt  sur  les 


186 

vins.  Il  en  obtint  la  réformation;  mais  plus  tard 
cet  impôt  fut  reproduit  sous  une  autre  forme.  Il 
fit  aussi  partie,  en  1716,  d'une  société  littéraire 
qui  venait  de  se  former  à  Bordeaux.  «  Le  goût 
pour  I*  musique  et  pour  les  ouvrages  de  pur 
agrément, dit  D'Alembert,  avait  d'abord  rassem- 
blé les  membres  qui  la  formaient.  Montesquieu 
voulut  donner  à  leurs  travaux  une  direction  plus 
utile  :  il  fit  transformer  cette  société  littéraire 
en  une  académie  des  sciences,  et  il  lui  commu- 
niqua plusieurs  écrits  sur  l'histoire  naturelle, 
qu'il  aimait  beaucoup,  mais  qu'il  ne  put  conti- 
nuer de  cultiver  à  cause  de  la  faiblesse  de  sa 
vue.  Il  lui  fit  part  aussi  de  ses  premiers  essais 
de  littérature  et  d'histoire,  qui  consistaient  en 
une  dissertation  sur  la  Politique  des  Romains 
dans  la  religion,  en  un  Eloge  du  duc  de  la 
Force,  et  une  Vie  du  maréchal  de  Berwick.  » 
Ces  divers  morceaux  n'auraient  pas  été  de 
nature  à  étendre  la  renommée  de  Montesquieu 
hors  des  limites  de  sa  province.  Mais  l'appari- 
tion des  Lettres  persanes,   en  1721,  fit  une 
sensation  si  profonde  que  l'on  dut  rechercher 
quel  en  était  l'auteur,  qui  avait  gardé  l'anonyme. 
La  forme  de  ce  livre  n'était  rien  moins  que  nou- 
velle. Elle  offrait  une  imitation  assez  servile  du 
Siamois  des  Amusements  sérieux  et  comiques 
de  Dufresny.  Mais  les  idées  y  étaient  si  finement 
exprimées,  les  observations  si  justes,  la  philo- 
sophie si  hardie,  les  peintures  si  vives,  qu'il 
obtint  une  vogue   immense.  Montesquieu  lui- 
même  a  constaté  ce  succès  lorsqu'il  raconte  que 
les  libraires  allaient  tirer  par  la  manche  chaque 
homme  de  lettres  qu'ils  rencontraient,  en  lui  di- 
sant :  «  Monsieur,  faites-nous  des  Lettres  per- 
sanes. »  Montesquieu  avait  craint  sans  doute  de 
livrer  son  nom  au  public,  car  la  gravité  de  sa 
profession  contrastait  avec  la  légèreté  de  cer- 
tains détails,  et  surtout  avec  la  nouveauté  des 
opinions  dans  les  matières  les  plus  délicates.  On 
ne  tarda  pas  cependant  à  connaître  l'auteur  et 
à  savoir  que  c'était  l'un  des  présidents  du  parle- 
ment de  Bordeaux.  L'opinion  publique  le  dési- 
gna généralement    pour    l'une    des   premières 
places  qui  viendraient  à  vaquer  dans  le  sein  de 
l'Académie  Française.  Il  se  présenta  en  effet  lors 
de  la  mort  de  Sacy.  Mais  le  vieux  cardinal  de 
Fleury,  premier  ministre,  poussé  par  de  misé- 
rables délateurs,  écrivit  à  l'Académie  que  le  roi 
ne  donnerait  jamais  son  agrément  à  la  nomina- 
tion de  l'auteur  des  Lettres  persanes.  Le  cardinal 
ajoutait  naïvement  qu'il  n'avait  point  lu  ce  livre, 
mais  que  des  personnes  en  qui  il  avait  confiance 
lui  en  avaient  fait  connaître  le  poison  et  le  dan- 
ger. Alors,  si  on  en  croit  Voltaire,  Montesquieu 
aurait  usé  d'un  subterfuge  peu  digne  de  sa  po- 
sition et  de  son  talent  :  il  aurait  fait  faire  en  peu 
de  jours  une  nouvelle  édition  de  son  livre,  dans 
laquelle  on  retrancha  ou  on  adoucit  tout  ce  qui 
pouvait  être  condamné  par  un  cardinal  ou  par 
un  ministre.  «  M.  de  Montesquieu,  ajoute  Vol- 
taire, porta  lui-même  l'ouvrage  au  cardinal,  qui 


187 

ne  lisait  guère,  et  qui  en  lut  une  partie  ;  cet  air 
de  confiance,  soutenu  par  l'empressement  de 
quelques  personnes  en  crédit,  ramena  le  cardi- 
nal, et  Montesquieu  entra  à  l'Académie.  »  D'A- 
lembert  ne  raconte  pas  le  fait  de  la  même  ma- 
nière. Il  dit  que  Montesquieu  vit  le  ministre,  lui 
déclara  que,  par  des  raisons  particulières,  il 
n'avouait  point  les  Lettres  persanes,  mais  qu'il 
était  encore  plus  éloigné  de  désavouer  un  ou- 
vrage dont  il  croyait  n'avoir  point  à  rougir  et 
qu'il  devait  être  jugé  d'après  une  lecture  et  non 
sur  une  délation.  Il  termine  ce  récit  en  disant 
que  Montesquieu  avait  déclaré  au  gouvernement 
qu'après  l'espèce  d'outrage  qu'on  allait  lui  faire , 
il  irait  chercher  chez  les  étrangers,  qui  lui  ten- 
daient les  bras,  la  sûreté,  le  repos,  et  peut-être  les 
récompenses  qu'il  auraitdû  espérer  dans  son  pays* 

Montesquieu  fut  enfin  reçu  académicien,  et  il 
prononça  son  discours  d'inauguration,  le  24  jan- 
vier 1728,  sept  ans,  par  conséquent,  après  l'ap- 
parition de  l'ouvrage  qui  avait  commencé  sa  ré- 
putation. Pour  se  livrer  sans  entraves  à  son 
goût  dominant,  la  philosophie  et  les  lettres,  il 
s'était  défait  quelque  temps  auparavant  de  sa 
charge  de  président.  Plus  tard,  cependant,  il  en 
redevint  propriétaire,  car  voici  ce  que  nous  li- 
sons dans  une  lettre  adressée  par  lui  à  l'abbé  de 
Guasco,  le  28  mars  1748  :  «  Mon  fils  ne  veut  pas 
de  la  charge  de  président  à  mortier  que  je  comp- 
tais lui  donner.  Il  ne  me  reste  donc  que  de  la 
vendre  ou  de  la  reprendre  moi-même.  » 

Montesquieu  voulut  étudier  les  mœurs  des 
nations  et  les  formes  des  gouvernements,  en  les 
voyant  de  près.  Dans  le  but  il  se  mit  à  voyager. 
Il  se  rendit  d'abord  à  Vienne,  où  il  fréquenta  le 
prince  Eugène.  Il  visita  ensuite  la  Hongrie,  d'où 
il  partit  pour  l'Italie.  Après  avoir  résidé  dans  cette 
contrée  célèbre,  il  parcourut  la  Suisse  et  la  Hol- 
lande, et  passa  en  Angleterre,  dans  la  compagnie 
de  lord  Chesterfield  à  la  fin  d'octobre  1729.  II 
resta  deux  ans  dans  ce  pays,  et  y  fut  accueilli  de 
la  manière  la  plus  distinguée  par  la  reine  et  par 
les  personnages  les  plus  élevés.  Il  fut  admis  au 
nombre  des  membres  de  la  Société  royale  de  Lon- 
dres. 

De  retour  en  France,  Montesquieu  vécut  deux 
ans  au  château  de  la  Brède,  où  il  composa  son 
ouvrage  sur  Les  causes  de  la  grandeur  et  de 
la  décadence,  des  Romains,  qui  parut  en  1734, 
et  que,  suivant  D'Alembert,  il  aurait  pu  intitu- 
ler -.  Histoire  romaine  à  Vusage  des  hommes 
d'Etat  et  des  philosophes.  Le  Dialogue  de 
Sylla  et  d'Eucrate,  qui  se  trouve  à  la  suite  de 
cet  ouvrage,  est  une  page  admirable,  dans  la- 
quelle la  terreur  des  Romains  devant  leur  dic- 
tateur est  peinte  à  grands  traits. 

Montesquieu  préludait  ainsi  par  des  chefs- 
d'œuvre  à  son  chef-d'œuvre,  L'Esprit  des  Lois. 
Ce  livre  célèbre  l'occupa  longtemps.  «  Dans  le 
cours  de  vingt  années,  dit  il,  je  vis  mon  ouvrage 
commencer,  croître,  s'avancer  et  finir.  »  Et  en 
•effet,  une  production  de  cette  importance  n'est 


MONTESQUIEU  18: 

pas  de  celles  qui  demandent  peu  d'études  et  un  ; 
rapide  rédaction.  Avant  de  la  livrer  au  public 
Montesquieu  la  soumit  au  jugement  d'Helvé 
tius,  qu'il  avait  déjà  plusieurs  fois  consulté, 
La  Brède,  sur  les  différentes  parties  du  livre 
au  fur  et  à  mesure  qu'elles  étaient  terminées 
Ce  philosophe  ne  trouva  point  les  idées  d 
son  ami  assez  hardies  ;  il  craignit  que  l'ou 
vrage  ne  répondît  point  à  la  hante  réputatio: 
de  son  auteur.  Il  demanda  à  Montesquieu  l'au 
torisation  de  le  communiquer  à  Saurin,  l'auteu 
de  Spartacus,  qui  avait  leur  confiance  com 
mune.  Saurin  partagea  l'avis  d'Helvétius,  et  o: 
voit,  par  une  lettre  que  celui-ci  lui  adressa,  1 1 
peu  d'impression  que  la  sévérité  de  ce  jugemen 
avait  fait  sur  Montesquieu.  «  J'ai  écrit,  mo 
cher  Saurin,  est-il  dit  dans  cette  lettre  d'Helvé 
tius,  comme  nous  en  étions  convenus,  au  prési 
dent,  sur  l'impression  que  vous  avait  faite  so. 
manuscrit  ainsi  qu'à  moi.  J'ai  enveloppé  notr 
jugement  de  tous  les  égards  de  l'intérêt  et  d 
l'amitié.  Soyez  tranquille,  nos  avis  ne  l'ont  poin 
blessé.  »  Montesquieu  ne  tint  pas  compte  de 
craintes  de  ses  deux  amis.  Il  envoya  son  ma 
nuscrit  à  un  autre  de  ses  amis,  le  pasteur  Jaco 
Vernet,  de  Genève ,  pour  qu'il  le  fît  imprime 
dans  cette  ville,  où  en  effet  l'ouvrage  parut  ver 
le  milieu  de  l'année  1748,  en  2  vol.  in-4°.  Il  ob 
tint  un  succès  tel  qu'ayant  été  défendu  en  Autri 
che,  Montesquieu  put  écrire,  le  27  mai  1750,  ai 
marquis  de  Stainville ,  ambassadeur  de  l'empe 
reur  à  la  cour  de  France  :  «  Peut-être  Yotr 
Excellente  pensera-t-elle  qu'un  ouvrage  dont  oi 
a  fait  dans  un  an  et  demi  vingt-deux  éditions 
qui  est  traduit  dans  presque  toutes  les  langue  j 
et  qui  d'ailleurs  contient  des  choses  utiles,  n 
mérite  pas  d'être  proscrit  par  le  gouvernement.) 
L'Esprit  des  Lois  donna  lieu  à  une  foule  de  ju  I 

'.gementsde  natures  diverses.  Nous  n'en  rappel 
lerons  que  deux.  Mme  du  Deffand  dit,  en  parlan 
de  cet  ouvrage,  «  que  ce  n'était  point  l'espri 
des  lois,  mais  de  l'esprit  sur  les  lois.  »  Ce  mo 
fit  fortune  ;  celui  de  Voltaire  est  plus  juste  :  «  L<  | 

■  genre  humain  avait  perdu  ses  titres,  Montesquiei 
les  a  retrouvés  et  les  lui  a  rendus.  »  On  doit  din 
que  cet  ouvrage  n'a  pas  vieilli.  Les  recherche:  I 
récentes  faites  sur  les  origines  du  droit  féoda 
ont  pu  modifier  certaines  opinions  de  Montes  ; 
quieu  sur  ces  origines,  mais  le  fond  du  livre  es  j 
excellent,  et  après  tant  d'expériences  d'institutions 
politiques  diverses ,  il  n'en  demeure  pas  moins 
le  manuel  de  l'homme  d'État  et  du  philosophe  j 
Si  L'Esprit  des  Lois  reçut  beaucoup  d'hom- 
mages ,  il  eut  à  essuyer  aussi  de  nombreuses  ; 
critiques.   Celles  qui  furent  le  plus  sensibles  à| 
Montesquieu  émanèrent  d'un  auteur  anonyme, 
qui  l'accusa  d'athéisme  dans  un  journal  janséniste  j 
intitulé  :  Nouvelles  ecclésiastiques.  Prévoyant  i 
que  cet  auteur  n'était  que  le  précurseur  des  théolo- 
giens de  la  Sorbonne,  il  se  donna  la  peine  de  le  ré- 
futer dans  une  Défense  qui  est  un  modèle  de  po- 
lémique et  de  bon  goût.  Une  autre  réfutation  de 


(89 


L'Esprit  des  Lois  acquit  quelquecélébrité  auprès 
les  bibliographes  par  les  noms  des  personnes  qui 
y  participèrent  et  parla  rareté  de  l'ouvrage,  fort 
nédiocredu  reste,  qui  les  contient.  Nous  voulons 
>arlcr  des  Observations  attribuées  au  fermier 
énéral  Dupin,  et  qui  paraissent  être  des 
P.  Plesse  et  Bertbier,  pour  la  plus  grande  partie 
t  lu  moins.  Mme  Dupin,  la  môme  qui  eut  J.-J.  Rous- 
seau pour  secrétaire,  et  qui  ne  le  trouvait  bon 
i  ju'au  métier  de  copiste,  composa,  dit-on,  la  pré- 
l'ace  de  ces  observations.  Quelques  biographes 
[«•étendent  que  Montesquieu  eut  la  faiblesse  de 
L'affliger  de  ces  critiques,  et  qu'il  employa  le  dé- 
lit de  Mrae  de  Pompadour  pour  engager  Dupin  à 
'  upprimer  son  livre.  Il  y  consentit,  et  tel  paraît 
htre  le  motif  de  la  rareté  de  cet  ouvrage,  dont 
i  ine  douzaine  d'exemplaires  seulement  auraient 
>  té  mis  en  circulation.  Il  ne  faut  pas  confondpe 
i  vec  cette  nuée  de  prétendues  réfutations  les 
iravaux  sérieux  auxquels  L1  Esprit  des  Lois  donna 
ieu,  et  qui  sont  dus  à  des  écrivains  célèbres. 
l\insi  Voltaire,  dans  un  commentaire,  a  relevé, 
[véc  l'admirable  bon  sens  qui  le  caractérise, 
iuelques  erreurs  échappées  à  Montesquieu.  On 
1  publié  aussi  des  observations,  souvent  fort  ju- 
J  icieuses ,  de  Condorcet  sur  le  livre  29e  de  ce 
\  rand  ouvrage.  Enfin,  Destutt  de  Tracy  est  au- 
|;ur  d'un  Commentaire  qu'il  avait  destiné  aux 
Etats-Unis  d'Amérique,  et  qui  est  empreint  des 
principes  politiques  qui  dominent  dans  ce  pays. 
S  L'Esprit  des  Lois  couronna  la  haute  réputa- 
tion de  Montesquieu ,  qui  continua  de  vivre  en 
[âge  à  La  Brède  et  à  Paris.  «  Dans  sa  terre,  dit 
in  de  ses  biographes  (M.  Walckenaër),il  aimait 
I  s'occuper  de  jardinage  et  d'améliorations  agri- 
coles; très-jaloux  de  ses  droits  seigneuriaux,  et 
iar  conséquent  voisin  incommode ,  mais  adoré 
[le  ses  paysans,  dont  il  recherchait  l'entretien, 
farce  que,  disait-il ,  ils  ne  sont  pas  assez  sa- 
lants pour  raisonner  de  travers  ;  dans  la  capi- 
|ale,  convive  aimable ,  trop  simple  et  trop  né- 
gligé peut-être  dans  ses  habillements  ,  comme 
(ans  ses  manières  et  dans  sa  conversation,  »  sa 
|ie  est  semée  de  traits  honorables.  Nous  n'en 
^appellerons  qu'un,  parce  qu'il  a  donné  lieu  à 
une  pièce  de  théâtre  qui  obtint  un  grand  succès, 
<ous  le  titre  du  Bienfait  anonyme  (1784). 
Montesquieu  se  trouvant  à  Marseille,  donna  sa 
jiourse  à  un  jeune  batelier  et  consigna  secrète- 
ment à  un  banquier  la  somme  de  7,500  livres 
tiécessaire  pour  racheter  le  père  de  cet  infortuné 
lui  avait  été  pris  par  des  corsaires. 
i  Montesquieu  ne  voulait  jamais  consentir  à  ce  ' 
[|ue  l'on  fit  son  portrait.  Dassier,  fameux  graveur 
iittaché  à  la  Monnaie  de  Londres,  qui  avait  déjà 
,ait  les  médailles  de  plusieurs  grands  hommes  de 
ion  temps,  ayant  voulu  graver  la  sienne,  avait 
jussi  essuyé  un  refus;  mais  lui  avait  dit  : 
t  Croyez-vous  qu'il  n'y  ait  pas  autant  d'orgueil 
}i  refuser  ma  proposition  qu'à  l'accepter?  »  Mon- 
jesquieu  y  consentit  enfin,  et  cette  médaille  est 
jlevenue  le  type  de  tous  les  portraits  que  l'on   a 


MONTESQUIEU  T90 

de  lui.  Montesquieu  s'était  marié  à  Jeanne  de 
Lartigues,  et  il  en  eut  un  fils  et  deux  filles.  L'une 
de  ces  filles,  qui  épousa  son  parent  Secondât  d'A- 
gen,  servit  de  lectrice  à  son  père,  dont  la  vue 
devenait  de  plus  en  plus  mauvaise.  A  celte  occa- 
sion nous  raconterons  une  anecdote  qui  peint  bien 
l'amour- propre  dont  Buffon  était  doué.  11  plaçait 
Montesquieu  parmi  les  cinq  plus  grands  génies 
qu'il  connut  et  qui  étaient  Newton,  Bacon,  Leib- 
niz, Montesquieu  et  lui.  Il  trouvait  toutefois  que 
la  phrase  du  président  était  trop  ëcourlée.  «  Le 
président  que  j'ai  beaucoup  connu,  disait-il,  éfait 
presque  aveugle  et  si  vif  qu'il  oubliait  ce  qu'il 
voulait  dicter.  »  Indépendamment  des  ouvrages 
que  nous  avons  cités,  Montesquieu  est  auteur  du 
Temple  de  Gnide,  qui  respire  un  parfum  an- 
tique, et  d'un  Essai  sur  le  Goût ,  qu'il  écrivit 
pour  l'Encyclopédie ,  à  la  demande  de  D'Alérn- 
bert  et  du  chevalier  de  Jaucourt.  Cet  écrit  ne  fut 
publié  qu'après  sa  mort,  ainsi  qu'/d rsace  et  Ismé- 
nie.  Il  avait  aussi  composé  une  Vie  de  Louis  XI, 
dont  son  secrétaire  a  brûlé  le  manuscrit  par  mé- 
garde.  Nous  ignorons  si  ce  secrétaire  était  Darcet 
(depuis  célèbre  chimiste  et  sénateur),  qui  lui  fut 
attaché  en  cette  qualité .  et  qui  devint  aussi  le 
précepteur  de  son  fils.  Il  resta  auprès  Montes- 
quieu jusqu'à  la  mort  de  ce  grand  homme. 

Montesquieu,  fatigué  sans  doute  par  les  tra- 
vaux que  lui  avait  occasionnés  la  composition 
de  L'Esprit  des  Lois,  vit  sa  santé  s'altérer  sen- 
siblement depuis  la  publication  de  cet  ouvrage. 
Il  se  trouvait  à  Paris,  au  mois  de  janvier  1755, 
lorsqu'il  fut  atteint  d'une  fièvre  inflammatoire 
qui  l'emporta  au  bout  de  treize  jours,  le  iO  fé- 
vrier de  cette  année ,  n'étant  âgé  que  de  soixante- 
six  ans.  Il  reçut  les  soins  les  plus  tendres  de 
son  ancienne  amie  la  duchesse  d'Aiguillon,  du 
duc  de  Nivernais ,  du  chevalier  de  Jaucourt,  de 
M.  et  Mme  Dupré  de  Saint-Maur.  Sa  fin  aurait 
donc  été  paisible  sans  les  intrigues  des  Jésuites, 
qui  voulurent  le  convertir.  Ils  lui  envoyèrent 
un  P.  Kouth  et  un  P.  Gastel,  qui  obsédèrent 
l'illustre  malade.  Montesquieu  leur  disait  :  «  J'ai 
toujours  respecté  la  religion  (  on  sait  qu'il  n'a- 
vouait pas  les  Lettres  persanes);  la  morale 
de  l'Évangile  est  le  plus  beau  présent  que  Dieu 
ait  pu  faire  aux  hommes.  »  Ils  n'en  purent  tirer 
aucun  autre  aveu,  et  comme  ils  le  pressaient  de 
leur  remettre  les  corrections  qu'il  avait  faites 
aux  Lettres  persanes ,  afin  d'en  effacer  les  pas- 
sages irréligieux ,  il  s'y  refusa  ;  mais  ii'  confia 
ce  manuscrit  à  la  duchesse  d'Aiguillon  et  à 
Mrae  Dupré  de  Saint-Maur,  en  leur  disant  :  «  Je 
veux  tout  sacrifier  à  la  religion ,  mais  rien  aux 
Jésuites;  consultez  avec  mes  amis,  et  décidez  si 
ceci  doit  paraître.  »  Il  reçut  le  viatique  des  mains 
du  curé ,  qui  lui  dit  :  «  Monsieur,  vous  comprenez 
combien  Dieu  est  grand.  —  Oui,  reprit-il,  et 
combien  les  hommes  sont  petits.  »  Du  reste,  ce 
qui  montre  que  Montesquieu  n'était  pas  incré- 
dule, c'est  cette  belle  pensée  que  l'on  trouve 
dans  L'Esprit  des  Lois.  «  Chose  admirable!  la 


191  MONTESQUIEU  - 

religion  chrétienne,  qui  ne  semble  avoir  d'objet 
que  la  félicité  de  l'autre  vie,  fait  encore  notre 
bonheur  dans  celle-ci  »  (livè  XXIV,  ch.  3). 

On  a  donné  un  grand  nombre  d'éditions  des 
ouvrages  séparés  de  Montesquieu  et  de  ses  Œm- 
vres  complètes.  Les  deux  meilleures  de  ces  der- 
nières sont  celles  qui  ont  été  publiées  à  Paris,  en 
1816,  chezLefèvre,  6  vol.  in-8°,  et,  en  1819, 
chez  Lequien ,  8  vol.  in-8°.  Celle-ci  a  été  réim- 
primée en  1822  (Paris,  Dalibon).  L'Académie 
Française  ayant  mis  au  concours,  pour  le  prix 
d'éloquence,  l'Éloge  de  Montesquieu,  le  prix 
a  été  décerné,  le  25  août  1816,  à  M.  Villemain, 
et  une  mention  honorable  fut  accordée  à  M.  Crus- 
solle-Lami,qui  n'a  publié  son  ouvrage  qu'en  1829 
(Paris,  Rignoux,  in-8°).       A.  Taillandier. 

Voltaire,  Siècle  de  Louis  XI F  et  de  Louis  Xf.  — 
Dictionnaire  Historique,  art.  Montesquieu.  —  D'Alem- 
bert,  Éloge  de  Montesquieu.  —  M.  Villemain,  Eloge 
de  Montesquieu.  —  Lettres  familières  de  Montesquieu, 
dans  ses  OEuvres  compiètes. 

MONTESQUIEU  (  ***,  baron  de  ),  officier  su- 
périeur français,  mort  le  27  juillet  1822,  à 
Bridge-Hall  près  Cantorbéry.  Petit-fils  du  pré- 
cédent et  son  dernier  descendant  direct,  il  doit 
à  cette  circonstance  d'occuper  une  place  dans  ce 
recueil.  Il  entra  très-jeune  au  service,  et  fut 
attaché  à  l'état-major  du  comte  de  Rochambeau, 
qu'il  suivit  en  Amérique.  Il  y  combattit  avec 
courage  pour  la  liberté  américaine,  obtint  la  dé- 
coration de  Cincinnatus,  et  fut  nommé  colonel 
du  régiment  de  Bourbonnais  (infanterie),  d'où  il 
passa  à  celui  de  Cambresis  (  même  arme  ).  Il 
émigra  en  1792,  et  joignit  l'armée  des  princes. 
Il  se  distingua  à  la  défense  des  cantonnements 
d'Ath,  passa  dans  l'état-major  du  duc  de  Laval, 
puis  dans  celui  de  lord  John  Rawdon  Moira  (dé- 
cembre 1793),  destiné  à  coopérer  à  l'expédition 
de  Quiberon  (juillet  1795  ).       A.  d'E— p— c. 

Comte  Lynch,  Notice  sur  le  baron  de  Montesquieu  ; 
Paris,  1824,  in-4°.  —   Mahul,  Ann.  nécr.  ann.  182*. 

montesquiou,  maison  qui  tire  son  nom 
de  la  terre  de  Montesquiou ,  l'une  des  quatre 
baronnies  du  comté  d'Armagnac,  aujourd'hui 
chef-lieu  de  canton  du  déparlement  du  Gers. 
Quelques  membres  de  cette  famille ,  qui  comp- 
tait entre  autres  branches  celles  de  Montluc,  de 
Marsan  et  de  Fezensac ,  ont  acquis  une  célébrité 
historique.  Les  plus  connus  sont  : 

montesquiou  (Joseph- François  de)  ,  capi- 
taine français ,  vivait  dans  la  seconde  partie  du 
seizième  siècle.  Il  fut  successivement  sénéchal 
du  Béarn,  guidon  des  gendarmes  du  roi  et  capi- 
taine des  gardes  suisses  du  duc  d'Anjou  (  de- 
puis Henri  III).  11  était  à  la  bataille  de  Jarnac, 
livrée  le  13  mars  1569,  entre  les  catholiques  et 
tes  protestants.  Lorsque,accablé  sous  le  nombre, 
le  prince  de  Coudé,  Louis  de  Bourbon  Ier,  fut  ren- 
versé, avec  son  cheval  tué  sous  lui ,  ce  prince , 
resté  sans  défenseurs ,  appela  un  gentilhomme 
catholique  nommé  Eibar  Tisson ,  seigneur  de 
Fissac  et  d'Argence,  auquel  il  avait  précédem- 
ment sauvé  la  vie,  et  se  rendit  à  lui  en  lui  ten- 


MONTESQUIOU  19: 

dant  son  gantelet.  Argence,  secondé  par  Saint 
Jean  de  Roches,  promit  de  le  protéger  (1).  Mai 
ceux  qui  entouraient  le  duc  d'Anjou  avaient  vi 
la  chute  de  Condé,  et  Montesquiou  s'avança  aus 
sitôt.  Condé  l'ayant  reconnu  s'écria  :  «  Je  sui  ; 
mort,  d'Argence,  tu  ne  me  sauveras  jamais!  :  | 
et  il  se  couvrit  la  face  de  son  manteau.  En  effet 
Montesquiou  arrivant  sur  lui  par  derrière  ei  i 
criant  :  «  Tuez,  mordieu  ;  tuez  »  !  lui  cassa  la  têt 
d'un  coup  de  pistolet.  Ce  lâche  assassinat ,  com 
mis  de  sang-froid  sur  un  homme  blessé  et  pri  i 
sonnier  «  fut,ditL'Estoile,  exécuté  parle  comman 
dément  du  duc  d'Anjou ,  qui  en  manifesta  la  joi 
la  plus  indécente  et  parla  de  faire  élever  un  d 
chapelle  à  l'endroit  où  Condé  avait  été  tué.  »  Oi 
ignore  le  reste  de  la  vie  de  Montesquiou,  qu 
sans  son  crime  ne  figurerait  pas  dans  l'histoire  * 
Cependant  Brantôme  l'appelle  «  un  très-brave  e  g 
très-honnête  gentilhomme  ».        A.  d'E — p — c  I 

VEstoUe,  Mémoires  pour  servira  l'histoire  deFranCt  | 
t.  I,  p.  16.—  De  Thou,  Hist.,  lib.  XLV,  p.  1"2-176.  -  I 
Tavannes,  Mém.,t.  XXVIt,  ch.  xxr,  p.  147-163.  —  Cas 
telnau,  Mém.,  I.  VII,  ch.  iv,  p.  232.  —  Brantôme ,  1.  Il]  I 
p.  319.  —  Davlla ,  Hist.  délie  Guerre  civill  de  Francia  i 
llv.  IV,  p.  !0B,—  Sismondi,  Hist.  des  Français,  t.  XIX  l 
p.  45-47.  —  Desormeaux ,  Hist.  de  la  Maison  de  Condi  I 

montesquiou  (  Pierre  de  ) ,  comte  d'Ar  j 
tagnan,  maréchal  de  France,  né  au  chàteai  I 
d'Armagnac,  en  1645,  mort  au  Plessis-Picquet  I 
le  12  mai  1725.  Il  entra  en  1660  dans  les  page  I 
du  roi   sous  le  nom  de  d'Artagnan ,  et  en  166i  I 
dans  les  mousquetaires.  Après    avoir  fait  le  I 
guerres  de  Flandre  et  de  Franche-Comté,  pen  I 
dant  lesquelles  il  assista  à  un  grand  nombn  I 
de  sièges,  il  fut  nommé  major  général  de  l'inl 
fanterie  (28  avril  1683),  et  brigadier  (24  aoû  I 
1688  )  ;  on  l'envoya  commander  à  Cherbourg  ! 
menacé  par  le  prince  d'Orange.  En  1689,  il  as 
sista  à   la  bataille  de  Fleurus,  et  en  1691  à  1< 
prise  de  Mons.  Maréchal-de-camp,  le  9  mai  1692 
il  combattit  à  Leuze  le  18  septembre,  suivit  li 
roi  au  siège  de  Namur,  se  trouva  à  Steinkerque  I 
et  apporta  au  roi  la  nouvelle  de  la  victoire  d<1 
Nerwinde,  remportée  le  29  juillet  1£93.  Nommi 
gouverneur  des  villes  et  citadelles  de  l'Artois  | 
puis  lieutenant  général  (3  janvier  1696),  il  form;  | 
un  régiment  de  treize  compagnies  franches  quil 
étaient  en  garnison  à  Arras ,  et  qui  prit  le  non . 
de  son  chef.  Envoyé  en  Flandre ,  il  y  resta  jus  ; 
qu'en  1706,  où  il  assista  à  la  bataille  de  Ramilliei 
et  à  toutes  les  affaires  qui  eurent  lieu  jusqu'er  j 
1709.  Enfin,  le  11  septembre,  à  la  journée  de  Mal  ' 
plaquet,  il  commandait  l'aile  droite,  eut  trois  che' 
vaux  tués  sous  lui  et  fut  nommé  maréchal  dt 
France;  ce  fut  alors  qu'il  prit  le  nom  de  Montes- 
quiou. Rentré  en  Flandre  l'année  suivante,  il  fui 
adjoint  à  Villars  pour  le  commandement  de  l'ara 
mée  ;  il  y  soutint  sa  réputation  ;  son  plus  beau  fait  ! 
d'armes  pendant  la  campagne  de  1 7 1 1  est  la  rupture 
|  des  digues  de  l'Escaut,  exécutée  à  la  vue  de  l'en- 

(1)  Le  prince  avait  eu  In  jambe  casst'e  dans  la  malinée 
I  par  une  ruade  du  cheval  de  son  beau-frère,  le  comte  de  ! 
j   La  Rochefoucauld.   11  n'en  combattit    pas  moins  vail- 

i    laminent. 


193 

nemi,  et  qui  rendit  le  cours  de  ce  fleuve  inabor- 
dable pendant  tout  l'hiver.  Ce  fut  lui  qui  conseilla, 
:  pour  forcer  les  lignes  des  alliés ,  de  diriger  une 
attaque  sur  Denain.  Il  avait  découvert  un  endroit 
faible  dans  la  double  ligne  de  fortification  ;  il  l'in- 
diqua à  Villars,  qui  fit  faire  à  l'autre  extrémité 
une  fausse  attaque  de  dragons  ;  le  prince  Eugène 
s'étant  porté  de  ce  côté  pour  repousser  les  dragons, 
i  Villars,  à  la  tête  de  ses  meilleures  troupes,  atta- 
i  qua  Denain.qui  se  rendit  le  24  juillet  1712.  Montes- 
[  quiou  commandait  encore  en  Flandre  lorsque  la 
paix  fut  signée  en  1713.  Envoyé  en  Bretagne  pour 
j  tenir  les  étals  de  cette  province  à  Dinan,  il  blessa 
la  noblesse  de  ce  pays.  La  Bretagne  avait  con- 
servé des  privilèges  qui  pouvaient  être  considérés 
comme  des  abus,  mais  auxquels  elle  tenait; 
Montesquiou,  au  lieu  de  se  mettre  à  la  tête  de  cinq 
ou  six  cents  gentilshommes  qui  étaient  venus  au- 
devant  de  lui,  les  salua  de  la  portière  de  son  car- 
rosse et  continua  son  chemin,  ce  qui  suscita  contre 
lui  un  vif  ressentiment.  Le  16  juin  1720  il  prit 
le  commandement  du  Languedoc  et  de  la  Pro- 
vence, qu'il  conserva  jusqu'en  1721;  il  fut  créé 
îhevalier  des  ordres  du  Roi  en  1724.  A.  Jadin. 

Chronologie  militaire.  III,  391.  —  D'Avrlgny ,  Mé- 
i  noires.  —  Griffct,  Journal  de  Louit  XÏV.  —  De  Qulncy, 
Histoire  militaire.—  Saint-Simon,  Mem.,  XV,  278  et 
178.—  Duclos  Mémoires  secrets,  p.  311.  —  Slsmondl, 
'Histoire  des  Français ,  XXVII,  74  à  141. 

|  montesquioc-fezensac  (  Anne-Pierre, 
[marquis  de),  général  et  homme  politique  fran- 
çais, né  le  17  octobre  1739,  à  Paris,  où  il  est 
[mort,  le  30  décembre  1798.  Il  appartenait  à  une 
[branche  différente  de  celle  des  précédents  (1). 
[Élevé  à  la  cour  et  attaché  comme  menin  aux 
enfants  de  France,  il  gagna  de  bonne  heure  leur 
bienveillance  par  la  facilité  de  son  caractère  et 
[par  les  grâces  de  son  esprit.  Destiné  à  la  carrière 
fmili  taire,  il  servit  d'abord  dans  les  mousquetaires 
[îtdans  les  chevau-légers ,  et  devint  en  1761  co- 
[ionel  du  régiment  des  Vaisseaux.  Créé  brigadier 
|în  1768  et  maréchal  de  camp  le  1er  mars  1780, 
il  reçut  .en  1784  1e  collier  de  l'ordre  du  Saint- 
f Esprit.  S'il  faut  en  croire  le  prince  de  Montbarey, 
\\  était  souple,  flatteur,  aimait  les  intrigues  et 
h'avait  pas  moins  de  prétentions  au  bel  esprit 
ju'à  la  noblesse  la  plus  reculée.  Il  prit  le  goût 
Hes  lettres  dans  la  société  du  comte  de  Provence, 
3ont  il  fut  dès  1771  le  premier  écuyer  et  qui  ne 
pessa,  jusqu'à  la  révolution,  de  le  combler  de 
faveurs. Quoiqu'il  n'eût  absolument  rien  écrit,  il 
iîe  mit  sur  les  rangs  pour  remplacer  dans  l'Acadé- 
mie Française  l'ancien  évêque  de  Limoges,  M.  de 
poëtlosquet,  qui,  de  son  côté,  n'avait  eu  d'autre 
f  itre  à  un  semblable  honneur  que  celui  de  précep- 
teur des  enfants  de  France;  il  fut  admis  d'em- 
iolée  à  la  fin  de  1784,  et  sa  réception  fut  honorée 
[le  la  présence  du  roi  de  Suède  Gustave  III.  En 

[  (i;  Il  avait  gagné  un  procès  où  il  avait  établi  qu'il 
jlescendait  en  ligne  directe  de  Clovis  ;  à  cette  occasion 
r«l.de  Maurepas  lui  dit  :«  Maintenant,  nous  espérons 
iiu'au  moins  vous  voudrez  bien  ne  pasretraire  le  royaume 
fie  France.  » 

NOUT*  BIOGR.    CÉNÉR.   —  T.   XXXVI. 


MONÏESQUIOU-FEZENSAC 


194 

rappelant  les  droitsdu  récipiendaire ,  Suard  lui  dit  : 
«  Votre  falent  ne  s'est  pas  borné  à  de  petits  ou- 
vrages de  société  ;  il  s'est  élevé  à  un  genre  plus 
digne  encore  des  regards  du  public  :  vous  avez 
l'ait  des  comédies,  où  vous  avez  peint  les  mœurs 
de  la  société  aveclecoup  d'œilfinde  l'observateur 
et  avec  le  talent  du  poète.  »  L'éloge  assurément 
dépassait  le  mérite  de  l'œuvre.  On  ne  connaissait 
alors  de  M.  de  Montesquiou  qu'une  comédie  de 
caractère,  Le  Minutieux,  jouée  dans  son  hôtel, 
en  mars  1777,  par  des  amateurs,  et  qui  n'obtint 
que  peu  de  succès,  rapporte  Grimm,  quoiqu'il 
y  eût  beaucoup  d'esprit  et  des  détails  heureux. 
Le  discours  du  nouvel  élu  n'en  fut  pas  moins 
très-applaudi  ;  il  y  règne  une  grande  pureté  de 
goût.  Nommé  en  1789  député  aux  états  généraux 
par  la  noblesse  de  Paris ,  il  fut  du  nombre  des 
quarante  membres  de  cet  ordre  qui  se  réunirent 
les  premiers  au  tiers  état.  Les  matières  de  fi- 
nances l'occupèrent  plus  spécialement  pendant 
la  session,  et  il  y  fit  preuve  de  connaissances 
solides,  qui  étonnèrent  ses  collègues.  Il  présida 
l'assemblée  en  1791.  Il  fut  chargé  d'un  grand 
nombre  de  rapports,  dans  lesquels  il  proposa 
la  suspension  de  l'arriéré,  la  ^réduction  de 
la  dépense  et  des  pensions ,  la  régularité  des 
liquidations  et  la  liberté  du  commerce  de  l'or 
et  de  l'argent.  Il  obtint  de  l'Assemblée  consti- 
tuante que  six  administrateurs  nommés  par  le 
roi  surveilleraient  les  opérations  du  trésor  na- 
tional, que  les  assemblées  coloniales  proposeraient 
elles-mêmes  le  code  qui  devait  régir  les  esclaves, 
et  que  la  liste  civile  serait  fixée  par  une  loi.  Rap- 
porteur de  la  commission  nommée  pour  déter- 
miner le  mode  de  fabrication  des  assignats ,  il 
montra  autant  de  sagesse  que  de  prévoyance  dans 
les  mesures  qu'il  mit  en  avant  afin  d'en  régler 
l'émission  et  d'en  empêcher  le  discrédit.  II  de- 
manda aussi  l'abolition  de  l'ordre  de  Saint-Louis, 
pour  y  substituer  celui  du  Mérite  militaire.  Après 
le  retour  de  Varennes ,  il  rompit  avec  le  parti 
de  la  cour  en  résignant  la  charge  de  premier 
écuyer  du  cSmte  de  Provence,  et  écrivit  à  ce 
prince  une  lettre  dans  laquelle  il  justifiait  avec 
beaucoup  de  dignité  sa  conduite  politique.  A  la 
fin  de  1791  M.  de  Montesquiou  fut  appelé  au 
commandement  de  l'armée  du  midi;  il  se  rendit 
à  Avignon,  que  des  troubles  récents  venaient 
d'ensanglanter,  et  s'occupa  avec  succès  des 
moyens  de  mettre  cette  partie  de  la  France  à 
l'abri  de  l'invasion  étrangère.  Brûlant  de  s'il- 
lustrer dans  la  guerre  qui  venait  de  commencer, 
il  profita  de  la  jonction  du  roi  de  Sardaigne  à  la 
coalition  pour  prendre  lui-même  l'offensive.  Il 
avait  éprouvé  à  ce  sujet  de  grandes  difficultés 
de  la  part  du  conseil  exécutif;  après  avoir  été 
successivement  suspendu  de  ses  fonctions  de 
général  et  rendu  à  son  commandement,  il  reçut 
enfin  l'ordre  de  réaliser  les  plans  qu'il  avait  pré- 
sentés et  de  tenter  la  conquête  de  la  Savoie.  Il 
entra  dans  ce  pays  (22  septembre  1792),-  dont 
les  habitants  l'accueillirent  comme  un  libérateur. 


195 

Presque  sans  tirer  un  coup  de  fusil  et  dans  l'es- 
pace de  quelques  jours ,  il  parvint,  par  l'habi- 
leté de  ses  manœuvres ,  à  soumettre  toute  la 
Savoie.  Pendant  ce  temps  le  général  Anselme, 
qu'il  avait  détaché  sur  le  comté  de  Nice,  s'y  éta- 
blissait avec  la  même  rapidité  et  sans  verser  une 
goutte  de  sang.  La  situation  de  M.  de  Montes- 
quiou  nren  avait  pas  moins  empiré  avec  les  évé- 
nements. On  le  savait  attaché  au  gouvernement 
constitutionnel,  et  les  démarches  qu'il  avait  tentées 
avant  le  10  août  pour  rallier  les  girondins  à 
cette  cause  se  changèrent  en  crime  irrémissible 
après  la  suppression  de  la  royauté.  Il  fut  décrété 
d'accusation  le  9  novembre  1792,  sous  le  pré- 
texte d'avoir  compromis  la  dignité  de  la  répu- 
blique dans  la  négociation  qu'il  avait  entamée 
avec  les  magistrats  de  Genève  au  sujet  de  l'é- 
loignement  des  troupes  suisses  ;  instruit  à  temps  , 
il  quitta  Genève,  et  se  retira  dans  la  petite  ville 
de  Bremgarten  (  canton  de  Zurich  ) ,  où  il  de- 
meura jusqu'au  9  thermidor.  En  1795  il  adressa 
à  la  Convention  un  mémoire  justificatif  de  sa. 
conduite,  et  demanda  des  juges  dans  le  cas  où 
des  doutes  subsisteraient  encore.  Son  nom  fut 
aussitôt  rayé  de  la  liste  des  émigrés,  et  il  revint 
habiter  Paris.  «  Montesquiou ,  dit  Rœderer,  a 
quelquefois  parlé  avec  humeur  de  quelques  ma- 
gistrats de  la  république,  jamais  de  la  républi- 
que qu'avec  un  vif  intérêt.  On  l'a  vu  combattre 
avec  chaleur  et  blâmer  avec  amertume  non-seu- 
lement toute  idée  de  contre- révolution,  mais 
encore  tout  projet  capable  de  compromettre  la 
constitution.  Il  disait  habituellement  :  «  Rien 
n'est  si  facile  que  de  faire  aimer  et  respecter  la 
république.  »  Jamais  on  ne  lui  a  entendu  dire 
un  mot  qui  annonçât  le  moindre  regret  de  l'exis- 
tence qu'il  avait  avant  la  révolution.  Il  était 
prompt,  franc,  ferme  dans  ses  discours;  il  ai- 
mait les  livres,  il  lisait  tous  les  romans  nouveaux, 
les  trouvait  tous  assez  bons  parce  qu'il  pleurait  à 
la  lecture  de  tous ,  sans  se  douter  que  le  secret 
de  son  attendrissement  était  en  lui,  non  en  eux.  » 
Des  lettres  patentes  de  Louis  XVI,  en  date  de 
1777,  avaient  autorisé  M.  de  Montesquiou,  ainsi 
que  tous  les  membres  de  sa  famille,  à  ajouter  à 
son  nom  celui  de  Fezensac.  On  a  de  lui  :  Emilie, 
ou  les  joueurs  ,  comédie  en  cinq  actes  et  en  vers  ; 
Paris,  1787,  in-18;  —  Aux  trois  ordres  de  la 
nation;  Paris  (1789),  in-8°;  —  Esquisses  de 
l'histoire,  de  la  religion,  des  sciences  et 
des  mœurs  des  Indiens;  Paris,  1791  ;  trad,  de 
l'anglais  de  Craufurd  ;  —  Mémoires  sur  les 
finances  du  royaume;  Paris,  1791,  in-8°;  — 
Mémoire  sur  les  assignats,  avec  un  Supplé- 
ment; Paris,  1791,  in-8°;  —  Mémoire  justifi- 
catif; 1792,  in-4°;  le  ministre  Clavière  y  ré- 
pondit par  sa  Correspondance  avec  le  général 
Montesquiou  (1792,  in-4c  )  ;  —  Coup  d'ail 
sur  la  révolution  française,  par  un  ami  de 
l'ordre  et  des  lois;  Hambourg,  1794,  in-8°;  — 
Mémoire,  sur  les  finances;  Paris,  1795,  in-8°; 
—  Correspondance  avec  les  ministres  et  les 


MONTESQUÏOU-FEZENSAC 


19€ 


généraux  de  la  République  pendant  la  cam- 
pagne de  Savoie  et  la  négociation  avec  Ge- 
nève en  1792;  Paris,  1796,  in-8°;  —  Du  Gou 
vernement  des  finances  de  la  France,  d'aprèi 
les  principes  du  gouvernement  libre  et  re- 
présentatif; Paris,  1797,  in-8°  ;  on  y  trouve  très^ 
clairement  exposés  Les  principes  généraux  de  1< 
législation  financière  sous  une  république,  ains 
que  les  moyens  d'éteindre  la  dette  nationale.  Or 
doit  encore  à  M.  de  Montesquiou  plusieurs  pièce: 
de  vers  insérées  dans  les  Correspondances  di 
Grimm  et  de  La  Harpe ,  des  articles  dans  1< 
Journal  de  Paris  et  une  préface  au  roman  d'A- 
dèle de  Senanges  de  Mme  de  Souza.  P.  L— y 

De  Courcelles,  Dict.  hist.  des  Généraux  français.  -  j 
Victoires  et  Conquêtes,  I.  —  moniteur  unlv.,  1789-1792 
—  Rœderer,  dans  le  Journal  de  Paris  du  12  nivôs 
an  vu.  —  De  Montbarey,  Mémoires,  III.  —  GTlmm,  Co: 
resp.  —  Hist.  de  la  3Iaison  de  Montesquiou  jusqu'ei 
1789  ;  Paris,  1847,  iil-8°. 

montesqcioîj  -  fezensac   (  Elisabeth- 
Pierre,  baron,  puis  comte  de),  pair  de  France 
fils  du  précédent,  né  le  30  septembre  1764,  il 
Paris,    mort  le  4  août   1834,   à  Courtenvau? 
(Sarthe).  D'abord  sous-lieutenant  au  régimen  i 
Dauphin-dragons  (1779),  il  obtint,  en  1781,  ei 
survivance  de  son  père,  la  charge  de   premie 
écuy  er  d  u  comte  de  Provence,  depuis  Louis  XVIII 
Il  resta  étranger  aux  événements  de  la  révolu 
tion,  et  vécut  dans  la  retraite  jusqu'à  l'époque  di 
couronnement  de  Napoléon  (1804),  auquel  il  as 
sisla  en  qualité  de  président  de  canton.  Peu  di 
temps  après  il  fut  élu  député  au  corps  législatif 
et  y  présida,  en  1808,1a  commission  des  finances 
qui  le  chargea  du  compte  rendu  de  ses  travaux 
Succédant  à  Fontanes,  devenu  sénateur,  il  présid; 
pendant  les  sessions  de   1810,   de   1811  et  di 
1813,  l'assemblée  elle-même.  En  1810,  il  rem 
plaça  dans  les  fonctions  de  grand-chambellan  di 
l'empereur  le  prince  de  Talleyrand,  et  le  5  avri 
1813  il  entra  au  sénat.  Nommé  pair  de  Frano 
par  Louis  XVIII  (4  juin  1814),  il  reprit,  dan  | 
les  Cent  Jours,  son  service  auprès  de  Napoléon 
qui  le  nomma  membre  de  sa  chambre  des  Pairs  I 
il  cessa  d'être  employé  depuis  les  juillet  1815,  el 
ne  reparut  à  Paris  qu'après  avoir  été  élevé  d. 
nouveau  à  la  pairie  (5  mars  1819)  ;  cette  second  f 
nomination  fut,  dit-on,  un  acte  spontané  du  roi  ï 
qui  lui  reprochait  d'être  fier  et  de  n'aller  au -de  I 
vant  de  personne.  Il  avait  un  frère  cadet,  Henri  I 
né  en    1768,  qui   fut  député  sous  l'empire  el 
qui  maria  une  de  ses  filles  au  duc  de  Padoue  I 

Sa  femme,  petite-fille  du  marquis  Le  Tellierdi  fi 
Courtanvaux,  descendant  de  Louvois,  fut  nom 
mée,en  1810,  gouvernante  des  enfants  de  France 
elle  accompagna  en  1814  le  roi  de  Rome  à  Vienne 

P.  L. 

Bioqr.   nouv.   des  Contemp. 

*  montesquîou  -  fezensac  (Ambroise 
Anatole- Augustin,  comte  de),  général  et  anciei 
pair  de  France,  fils  du  précédent,  né  le  8  aoû 
178S,àParis.  Soldaten  1806,  il  fut  bientôt  nomm< 
officier  de  cuirassiers,  puis  aide  de  camp  du  ma 


197  MONTESQUIOU-FEZENSAC 

réchal  Davout.  AEsslingil  reçut  la  croix.  d'Hon- 
neur; il  prit  part  aux  campagnes  de  ttussie  et 
d'Allemagne,  et  sa  brillante  conduite  à  la  bataille 

Ide  Hanau  lui  valut  le  grade  de  colonel  (1813)  et 

S  celui  d'aide  de  camp  de  l'empereur,  dont  il  était, 

|  depuis  1809,  officier  d'ordonnance.  Après  l'abdi- 

[ cation  de  Fontainebleau,  il  sollicita  la  laveur  de 

[suivre  Napoléon  à  l'île  d'Elbe,  et  n'iyant  pu  l'ob- 

[ tenir,  il  se  rendit  à  Vienne  auprès  de  sa  mère; 

[mais  à  la  nouvelle  du  retour  de  l'empereur  il 

.fut  soupçonné  d'être  venu  enlever  le  roi  de 

iRome,  soumis  a  une  rigoureuse  surveillance  et 

jforcé,  en  1815,  de  rentrer  en  France.  Cet  acte 

(de  fidélité  le  fit  porter  sur  une  liste  de  bannis- 
sement; grâce  à  l'entremise  de  son  parent  l'abbé 
de  Montesquiou,  son  nom  en  fut  effacé,  et  quel- 
ques mois  plus  tard  il  fit  partie  de  la  maison 

i  l'Orléans,  comme  aide  de  camp  du  duc  (1816), 

i  mis  comme  chevalier  d'honneur  de  la  duchesse 


19* 


H823).  Après  la  révolution  de  Juillet,  il  continua 
bes  dernières  fonctions  près  de  la  reine,  et  fut 
phargé,  en  1830,  de  faire  reconnaître  le  nouveau 
bouvernement  par  les  cours  de  Rome  et  de 

Vaples.  Le  21  avril  1831  il  fut  promu  au  grade 
lie  maréchal  de  camp  et  au  titre  de  grand-offi- 
pier  de  la  Légion  d'Honneur.  En  1834  il  entra 
fi  la  chambre  des  députés  et  fut  réélu  en  1837 
ht  en  1839,  par  un  des  collèges  de  la  Sarthe;  il 
honna  sa  démission  peu  de  temps  avant  d'accep- 
l:er  un  siège  à  la  chambre  des  pairs  (1841).  Sous 
[la  république  il  a  été  admis  d'office  à  la  retraite 
r  avril  1848).  On  a  de  M.  de  Montesquiou  :  Poé- 
Uies  ;  Paris,  1820-1821,  3  part,  in-12;  2e  édit., 
[1826,  in-18,  augmentée  d'un  quatrième  livre; 
t—  Sonnets,  canzones,  ballades  et  sextines  de 
[Pétrarque,  trad.  en  vers;  Paris,  1842-1843, 
(3  vol.  in-8°;  —  Chants  divers;  Paris,  1843, 

2  vol.  in-8°  :  recueil  de  morceaux  poétiques  des- 
tinés à  célébrer  les  splendeurs  ou  les  désastres 
[de  l'ère  impériale  ;  —  Moïse,  poëmeen  XXIV 
Khants;  Paris,  1850,  2  vol.  in-8°;  —  M.  de 
\Fargues,  drame;  Paris,  1852,  in-12;  —  Un 
[crime,  drame;  Paris,  1853,  in-12  ;  —  Les  Sem- 
wlables,  comédie; Paris,  1853,  in-18;  ces  pièces, 
Récrites  en  vers,  n'ont  pas  été  représentées.  M.  de 
[Montesquiou  a  en  outre  travaillé  au  texte  de  la 
[Galerie  d'Orléans. 

|  Son  frère  Alfred,  ancien  officier  de  l'empire, 
fse  tua  en  1847,  à  Paris,  dans  un  accès  de  spleen. 
j—  Son  fils,  Napoléon- Anatole,  né  en  1810,  a 
(représenté,  de  1841  à  1846,  l'arrondissement  de 
[Saint-Calais  (Sarthe)  à  la  chambre  des  députés. 
j  P.  L. 

;  Dict.  delà  Conversation.  —  G.  Sarrutet  Saint-Edme, 
\Mngr.  des  Hommes  du  Jour,  111,  2«  partie.  —  De  Cour- 
jcelles,  Dict.  hist.  des  Généraux  français.  —  Mullié,  Cé- 
lébrités militaires. 

j  montesqïiioïj-fezensac  {François-Xa- 
mer-Marc- Antoine ,  abbé  de),  homme  poli- 
tique français,  né  en  1757,  au  château  deMar- 
[san,près  d'Auch,  mort  le  4  février  1832,  au 
Ichàteau  de  Cïrey ,  près  de  Trojes.  Issu  de  la 
'branche  des  Marsan,  il  était  le  second  fils  de 


Marc-Antoine  de  Montesquiou,  et  neveu,  par  sa 
mère,  du  duc  de  Narbonne,  un  des  ministres 
de  Louis  XVI,  et  par  son  père,  de  Philippe, 
comte  de  Marsan,  qui  le  premier  usa,  en  1777, 
de  l'autorisation  royale  d'ajouter  à  son  nom  celui 
de  comte  de  Fezensac.  De  bonne  heure  il  em- 
brassa l'état  ecclésiastique,  et  se  livra  avec  succès 
aux  études  profanes  et  sacrées.  Il  fut  pourvu, 
en  1782  et  en  1786,  des  deux  abbayes  de  Beau- 
lieu,  l'une  dans  le  diocèse  de  Langrcs,  l'autre 
dans  celui  du  Mans,  valant  ensemble  plus  de 
13,000  livres  de  revenu.  Dans  sa  grande  jeu- 
nesse, il  allait  souvent  à  la  cour  de  Louis  XV, 
et  y  avait  puisé  cette  politesse  exquise,  cette 
courtoisie  qui  l'ont  toujours  distingué.  Il  de- 
vint, en  1785,  agent  général  du  clergé,  et  rem- 
plit avec  éclat  ces  fonctions  importantes  jusqu'au 
moment  de  la  révolution.  Nommé  député  par 
le  clergé  de  Paris  aux  états  généraux,  il  resta 
avec  la  minorité  ;de  son  ordre  en  chambre  sé- 
parée, et  ne  se  réunit  à  l'Assemblée  nationale 
que  le  27  juin  1789,  sur  l'ordre  positif  du  roi; 
il  n'était  pourtant  pas  hostile  aux  principes  de 
réforme  et  de  liberté,  et  il  avait  déclaré  que  son 
ordre  regardait  non  Comme  un  sacrifice,  mais 
comme  un  acte  de  justice,-  l'abandon  de  ses  pri- 
vilèges pécuniaires.  Depuis  ce  moment  il  fit 
preuve  de  beaucoup  de  modération,  et  ne  sortit 
jamais  des  bornes  d'une  discussion  paisible;  l'a- 
dresse de  son  langage  non  moins  que  la  sagesse 
de  sa  conduite  lui  gagnèrent  des  amis  jusque  dans 
les  rangs  de  ses  adversaires.  On  raconte  queMira- 
beau,s'apercevant  un  jour  de  l'effet  qu'il  produisait 
sur  l'assemblée,  s'écria  de  sa  place  :  «  Méfiez- 
vous  de  ce  petit  serpent;  il  vous  séduira.  »  Aus- 
sitôt que  le  comité  des  rapports  eut  été  consti- 
tué (  28  juillet),  l'abbé  de  Montesquiou  fut  appelé 
à  en  faire  partie  ;  il  siégea  aussi  au  comité  ecclé- 
siastique. Dans  la  séance  du  10  août,  il  s'opposa 
à  la  suppression  de  la  dîme,  en  rappela  l'antique 
origine  et  qu'elle  avait  été  consacrée  par  toutes 
les  lois  de  la  monarchie  depuis  Charlemagne, 
et  soutint  qu'elle  n'appartenait  pas  à  la  nation. 
Lors  de  la  discussion  sur  l'aliénation  des  biens 
du  clergé,  il  eut  le  talent  de  se  faire  écouter 
après  l'abbé  Maury  (31  octobre);  il  établit  les 
droits  du  clergé  sur  une  possession  de  mille  ans 
et  sur  des  titres  originaires,  et  défia  de  prouver  que 
ses  domaines  eussent  jamais  été  aliénés,  excepté 
de  son  consentement  et  pour  le  bien  de  l'État. 
Le  2  novembre  il  déclara  au  comité  ecclésias- 
tique qu'il  ne  voulait  plus  prendre  part  à  ses 
délibérations,  et  offrit  même,  ainsi  que  huit  de 
ses  collègues,  sa  démission,  que  le  comité  du 
reste  n'accepta  pas.  Ne  laissant  passer  aucune 
occasion  de  défendre  les  intérêts  de  ses  com- 
mettants, il  réclama  contre  la  vente  de  400  mil- 
lions de  biens  du  clergé  avant  d'avoir  assuré  le 
sort  des  titulaires  dépossédés  (19  décembre),  et 
combattit,  avec  aussi  peu  de  succès,  la  proposi- 
tion de  créer  des  assignats,  prévoyant  que  c'é- 
tait un  moyen  certain  de  faire  passer  les  pro- 


199 


priétés  de  l'Église  dans  les  mains  des  séculiers. 

Malgré  cette  opposition  constante,  la  confiance 
qu'inspiraient  sa  probité  et  sa  soumission  aux 
lois  dès  qu'elles  étaientrendues,  lefit  comprendre 
au  nombre  des  douze  commissaires  chargés  de 
procéder  à  l'aliénation  des  domaines  ecclésias- 
tiques. Au  commencement  de  1790,  l'abbé  de 
Montesquiou  fut  élu  deux  fois  président,  le 
4  janvier  et  le  13  février,  et  il  s'acquitta  avec 
tant  d'impartialité  de  ses  devoirs  que  l'assemblée 
lui  adressa  des  remercîments  publics,  honneur 
que  l'on  n'accorda  à  aucun  autre  des  membres  du 
côté  droit.  Lorsqu'on  délibéra  sur  la  suppression 
des  ordres  monastiques,  il  parla  un  des  derniers, 
et  soutint,  contre  l'avis  du  plus  grand  nombre, 
que  l'assemblée  n'avait  pas  le  droit  de  délier  les 
religieux  de  leurs  vœux  (13  février),  et  produisit 
une  vive  sensation  en  demandant  qu'il  fût  au 
moins  pourvu  au  sort  des  vieillards  et  des  mal- 
heureux arrachés  de  leur  retraite  (  19  février  ). 
Dans  la  fameuse  discussion  sur  le  droit  de  paix 
et  de  guerre,  il  se  prononça  pour  le  droit  exclu- 
sif du  roi,  en  accordant  à  la  représentation  na- 
tionale la  ratification  des  alliances  et  des  traités 
de  commerce  (19  mai).  Il  mit  aussi  beaucoup 
de  chaleur  à  défendre  l'abbé  de  Barmond  contre 
toute  accusation  de  complicité  avec  Bonne-Sa- 
vardin,  qui  s'était  échappé  de  la  prison  de  l'Ab- 
baye (18  août).  Le  26  novembre,  parlant  après 
Mirabeau,  il  fit  sur  la  constitution  civile  du  clergé 
et  le  serment  civique  un  discours  remarquable 
pour  démontrer  le  droit  de  l'Église  d'établir 
seule  sa  discipline  et  ses  moyens  d'observance; 
il  demanda,  en  finissant,  que  le  roi  fût  prié  d'é- 
crire au  pape  pour  en  obtenir  la  sanction  de  la 
loi.  Cette  proposition  fut  rejetée  à  la  suite  d'une 
discussion  des  plus  orageuses.  Cependant  telle 
n'était  pas,  à  ce  qu'on  lit  dans  les  mémoires  du 
temps ,  l'opinion  personnelle  de  l'orateur  ;  dans 
une  réunion  préparatoire  composée  de  prélats 
et  de  députés  ecclésiastiques,  la  question  du  ser- 
ment d'obéissance  avait  été  débattue,  et  il  s'était 
déclaré  pour  l'affirmative  ;  mais  la  majorité,  en- 
traînée par  l'évêque  deClermont,  en  ayant  décidé 
autrement,  il  se  crut  obligé  de  se  rallier  au  sen- 
timent de  ses  collègues.  Après  avoir  voté  avec 
le  côté  droit  dans  toutes  les  occasions  impor- 
tantes, il  signa  la  protestation  du  12  septembre 
1791. 

Pendant  la  session  de  l'Assemblée  législative, 
l'abbé  de  Montesquiou  demeura  à  Paris,  se  pré- 
senta souvent  à  la  cour,  et  reçut  du  roi  et  de  la 
reine  des  marques  de  bienveillance.  Au  mois  de 
septembre  1792 ,  il  passa  momentanément  en 
Angleterre ,  resta  caché  pendant  la  terreur,  et 
ne  revint  qu'après  le  coup  d'État  du  9  ther- 
midor. Dès  lors  il  fut,  avec  MM.  Royer-Col- 
lard  et  Becquey,  un  des  commissaires  chargés 
par  Louis  XVIII  de  veiller  en  France  aux  inté- 
rêts de  sa  cause,  et  continua  activement  avec  ce 
prince  la  correspondance  qu'il  avait  commencée 
dans  l'exil.  Ce  fut  lui  qui  sous  le  consulat  remit  à 


MONTESQUIOU-FEZETVSAC  20 

Bonaparte  cette  lettre  devenue  fameuse  et  dan 
laquelle  le  descendant  des  Bourbons  reprocha 
au  soldat  parvenu  de  «  tarder  beaucoup  à  lui  rei 
dre  son  trône  ».  Le  premier  consul  ne  témoign 
aucun  méconlenlementàrabbédeMontesquiou  d 
la  mission  délicate  dont  il  s'était  chargé.  L'abt 
ayant  renouvelé  cette  tentative  et  entamé  mêrr 
à  ce  sujet  quelques  négociations ,  il  fut  exilé 
Menton,  dans  les  Alpes  Maritimes  ;  mais  comrr 
il  était  d'un  caractère  trop  pacifique  pour  devi 
nir  dangereux,  on  le  laissa  vivre  tranquille  dar 
l'asile  qu'il  s'était  choisi. 

Après  plus  de  vingt  ans  d'isolement  etd'oubl 
l'abbé  de  Montesquiou  fut  appelé  tout  à  coup  ; 
prendre  une  part  considérable  à  l'établissemei 
de  la  première  restauration  (1814).  Dans  legoi 
vernement  provisoire,  organisé  au  mois  d'avi 
sous  la  présidence  de  M.  de  Talleyrand ,  il  r  I 
présenta  en  querque  sorte  la  dynastie  déchue  (1  \ 
et  ce  fut  à  son  grand  déplaisir  qu'on  mainti 
dans  le  projet  de  constitution  le  principe  < 
rappel  des  Bourbons  au  trône  par  le  vœu  n 
tional.  Cette  concession  lui  semblait  en  effet 
négation  des  droits  imprescriptibles  du  souvera  { 
légitime.  Dans  la  correspondance  qu'il  entrel  j 
nait  avec  Louis  XVIII,  il  lui  proposait,  tout  <  I 
repoussant  la  constitution,  de  proclamer  lu  I 
même  par  un  édit  les  principes  du  droit  publl 
de  la  France ,  de  reprendre  le  plein  et  enti  I 
exercice  de  la   souveraineté  et  de  convoqu  I 
le  corps  législatif,  à  cause  de  l'état  des  il 
nances.  Le  16  avril  1814  il  fut  nommé  memb  i 
du  conseil  d'État  provisoire.  Le  13  mai  suivan 
après  une  vive  résistance  et  sur  les  instances  1 1 
doublées  du  roi,  il  consentit  à  prendre  le  port 
feuille  dû  département  de  l'intérieur,  dont  1 1 
attributions ,   bien  plus  étendues  alors  qû'éll 
ne  le  sont  aujourd'hui,  ne  pouvaient  manqu 
d'effrayer  ses  goûts  de  paresse  et  d'indépe  f 
dance.  Jamais  on  n'avait  vu  un  cabinet  compo 
d'éléments  si  hétérogènes.  Séparé  de  quelque] 
uns  de  ses  collègues  par  ses  antécédents  et  f 
ses  antipathies,   l'abbé  de  Montesquiou  se  pu 
suadait  volontiers,  ainsi  que  MM.  Dambray] 
Ferrand,  que  le  régime  nouveau  n'était  qu'il] 
transition  nécessaire  pour  revenir  à  la  monc 
chie  pure.  Il  avait  été,  comme  on  sait,  un  c I 
rédacteurs  qui    s'occupèrent  des  travaux  pi  J 
paratoires  de   la  Charte.  Chargé  d'en  surve  ] 
1er  la  discussion  au    sein  de    la  commissil 
nommée  par   le   gouvernement,    il  fit  la  si! 
gulière  proposition  de  borner,  comme  sons  l'e } 
pire,  le  droit  électoral  à  la  désignation  des  ca  I 
didats  députés  et  de  laisser  au  roi  seul  le  pou 
voir  de  choisir  entré  ces  derniers.  Trois  acte  !"> 
qui  lui  furent  suggérés  par  ses  deux  collabo;  fi 
teurs  habituels,  MM.  Royer-Collard  et  Guizot  ('  & 


(1)  Tout  le  monde  sut,  suivant  son  expression,  de  q 
il  s'agissait  quand  on  y  vit  figurer  celui  qui  depuis 
longtemps  était  le  ministre'  in  partibus  de  Louis  XvTlJJ 

(2)  A  l'un  il  avait  donné  ta  direction  de  la  librairii  [ 
l'autre  le  secrétariat  général  dans  son  ministère.  Com  f 


,>01 

narquèrent  le  court  passage  de  l'abbé  de  Mon- 
esquiou  au  pouvoir.  Le  5  juillet  il  présenta  sur 
[a  presse  un  projet  de  loi  qui  causa  au  gouver- 
nement plus  de  discrédit  qu'il  ne  lui  valut  de 
'écurité;  rempli  de  restrictions  et  de  menaces, 
il  fut  en  général  regardé  comme  une  suspen- 
j  ion  temporaire  du  droit  constitutionnel ,  et  ne 
|it  converti  en  loi  le  21  octobre  qu'après  avoir 
nbi  de  vifs  débats  et  d'importants  amende- 
ments. L'exposé  de  la  situation  du  royaume  ren- 
aîtra plus  d'approbation  (12  juillet  1814)  :  c'é- 
j  lit  le  tableau  assez  sincère  des  souffrances  que 
' .  guerre  avait  infligées  à  la  France  et  des  plaies 
latérielles  et  morales  qu'elle  laissait  à  guérir  (1). 
;ia  meilleure  mesure  politique  de  l'abbé  de 
I  ontesquiou,  bien  qu'elle  fût  loin  d'être  oppor- 
fineet  complète,  fut  la  réforme  du  système  gé- 
,  ^ral  de  l'instruction  publique  (ord.  du  17  fé- 
;  ier  1815);  l'événement  du  20  mars  en  arrêta 
(  >xécution,  qui  ne  fut  point  reprise  après  les 
?nt  Jours.  Il  créa  dix-sept  universités  dans 
;  s  principales  villes ,  une  grande  école  normale 
||  un  conseil  royal,  où  l'on  vit  siéger,  sous  la 
[résidence  du  cardinal  de  Bausset,  Delambre, 
I  jvier,  Royer-Collard,  de  Bonald  et  Quatremère 
|:  Quincy.  Aussitôt  que  la  nouvelle  du  débar- 
liement  de  Napoléon  fut  connue,  il  comprit 
lie  tout  était  perdu,  et  tandis  qu'il  tenait  aux 
,  .ambres  un  langage  d'un  optimisme  exagéré,  il 
1;  cessait  de  supplier  le  roi  d'accepter  sadémis- 

,311. 

I  Au  lieu  de  suivre  Louis  XVILT  à  Gand  pen- 
j[mt  les  Cent  Jours ,  l'abbé  de  Montesquiou  se 
finira  en  Angleterre.  Sous  la  seconde  restaura- 
Ipn,  il  conserva  le  titre  de  ministre  d'État  avec 
|M,C00  fr.  de  pension,  et  entra  à  la  chambre  des 
liirs  (17  août  1815),  où  il  prit  deux  ou  trois 
Ilis  la  parole  sur  des  matières  de  finances  (2).  Il 
Eçut  le  cordon  de  l'ordre  du  Saint-Esprit 
1  fut  créé  comte  (1817)  et  duc(l821),  avec  la  fa- 
lilté  de  transmettre  ses  titres  à  son  héritier.  11 
lisait  aussi  partie  de  l'Académie  Française,  où  il 
Ktbstint  de  paraître  parce  qu'il  avait  été  nommé 
«office  parle  roi  (21  mars  1816),  et  de  l'Académie 
}\& Inscriptions,  qui  l'avait  élu  comme  membre 
jjore  (12  août  1816).  Après  la  révolution  de  1830, 
;  jcontinua  de  siéger  au  Luxembourg;  mais  il 
3  [ivoya  sa  démission  en  janvier  1832,  à  cause  de 
j  jiffâiblissement  de  sa  santé.  «  Par  son  désinté- 
i  jssement  bien  connu  et  la  simplicité  de  sa  vie, 
]  \t  M.  Guizot,  il  avait  la  confiance  des  honnêtes 


t  reprochait  devant  lui  sa  qualité  de  protestant  à 
i  Guizot  :  «  Croyez-vous,  répondit-il,  que  Je  veux  le 
!  re  pape?  »  Exclusif  dans  ses  opinions,  il  professait  une 
fînveillance  générale  à  l'égard  des  personnes.  Dans  le 
(maniement  des  préfectures,  il   usa  de  ménagement  et 

liulint  autant  que  possible   le  plus  grand  nombre  des 

îctionnaires  de  l'empire.. 

tl)  11  contenait  pourtant  une  erreur  des  plus  graves 

fichant  le  déficit  laissé  par  l'empire  :  le  ministre  l'esti- 

'it  a  treize  cents  millions,  chiffre  exagéré  de  moitié 
[isi  que  M.  iMollicn  le  lui  fit  savoir  par  une  note. 
Ï2V  Presque  en  même  temps   11  était  élu  député  par  un 
j.lcge  du  Gard. 


MONTESQUIOU-FEZENSAC 


202 


gens.  Il  était  d'un  caractère  ouvert,  d'un  esprit 
agréable  et  abondant ,  prompt  à  la  conversation. 
Il  aurait  pu  bien  servir  legouvernement  constitu- 
tionnel s'il  y  avait  cru  et  s'il  l'avait  aimé;  mais  il 
l'acceptait  sans  foi  et  sans  goût,  comme  une 
nécessité  qu'il  fallait  éluder  et  amoindrir  de  son 
mieux  en  la  subissant.  Homme  parfaitement  ho- 
norable, d'un  cœur  plus  libéral  que  ses  idées, 
d'un  esprit  distingué,  éclairé,  naturel  avec  élé- 
gance, mais  léger,  inconséquent,  distrait,  peu 
propre  aux  luttes  âpres  et  longues,  fait  pour 
plaire, non  pour  dominer,  hors  d'état  de  con- 
duire son  parti  et  de  se  conduire  lui-même  dans 
les  voies  où  sa  raison  lui  disait  de  marcher.  » 

L'abbé  de  Montesquiou  n'a  rien  fait  imprimer  ; 
mais  il  a  laissé  en  manuscrit  une  Histoire  de 
Louis  XV,  une  Histoire  de  Louis  XVI  et  de 
Marie-Antoinette  et  un  grand  nombre  de  frag- 
ments historiques.  Dans  sa  vieillesse  il  avait 
annoncé  le  projet  d'écrire  les  mémoires  de  son 
temps,  mais  il  n'y  a  pas  donné  suite.     P.  L — y, 

DtiMàrs  de  réception  de  M.  Jay  à  VAcad.Jr..  et  Ré- 
ponse de  M.  Arnault;  Paris,  1832,  in-4°.  —  Labouderie 
(  Abbé  ),  Notice  sur  l'abbé-duc  de  Montesquiou ,  dans  les 
Mèm.  de  la  Société  des  Antiquaires,  XII—  Biogr.  nouv. 
des  Contemp.  —  Guizot.  Mémoires,  I.  —  Vaulabelle  , 
Lamartine,  Nettement ,  Louis  de  Vieilcastel,  Hist.  de 
la  Restauration. 

MONTESQUIOU-FEZENSAC    (  Philippe- An- 

dré-François,  comte  de),  générai  français,  frère 
du  précédent,  né  en  1753,  au  château  de  Mar- 
san, près  d'Auch,mort  le  7  février  1833,  à  Paris. 
Entré  de  bonne  heure  dans  le  régiment  des  vais- 
seaux-infanterie ,  il  passa  comme  capitaine  dans 
celui  de  Lorraine-dragons ,  et  devint  en  1780  co- 
lonel du  régiment  du  Lyonnais.  Au  commence- 
ment de  la  révolution  il  sut  par  sa  fermeté  y 
maintenir  la  discipline.  Nommé  maréchal  de 
camp  en  1792,  il  apaisa  les  troubles  d'Avignon,  et 
se  rendit  la  même  année  à  Saint-Domingue ,  où 
il  fit  respecter  son  autorité  malgré  les  menées 
des  commissaires  Polverel  et  Sonthonax.  Aus- 
sitôt qu'il  apprit  la  mort  de  Louis  XVI,  il  se 
démit  du  commandement;  mais  arrêté  par  les 
commissaires  et  détenu  à  bord  d'un  vaisseau 
pour  être  transporté  en  France  dès  que  la  mer 
redeviendrait  libre,  il  refusa  de  racheter  sa  liberté 
en  reprenant  du  service.  Après  le  9  thermidor, 
il  lui  fut  permis  de  passer  aux  États-Unis.  De  re- 
tour en  France  sous  te  consulat ,  il  vécut  retiré 
dans  son  château  de  Marsan  jusqu'à  la  restau- 
ration. En  1814  il  commanda  le  département 
du  Gers,  et  fut  admis  à  la  retraite  peu  de  temps 
après.  P.  L. 

*  montesqciou-fezensac  (Raymond- 
Aimery- Philippe  Joseph,  vicomte,  puis  duc 
de),  général  et  pair  de  France,  fils  du  précé- 
dent, né  le  26  janvier  1784,  à  Paris.  Un  goût 
décidé  pour  la  carrière  des  armes  le  porta  à 
s'enrôler  le  6  septembre  1804  au  59e  de  ligne; 
en  quelques  mois  il  franchit  les  grades  subal- 
ternes, et  le  25  mai  1S05  il  fut  élu  sous-lieute- 
nant par  les  officiers  du  corps.  Après  avoir  fait 


MONTESQUIOU-FEZENSAC  —  MONTESSON 


203 

les  campagnes  d'Allemagne  et  de  Prusse,  il 
épousa  en  1808  la  fille  du  général  Clarke,  mi- 
nistre de  la  guerre,  qui  le  choisit  pour  aide  de 
camp.  Puis  il  accompagna  en  la  même  qualité 
le  maréchal  Ney  en  Espagne,  et  en  1809  le  prince 
de  Neufchàtel  en  Autriche.  Capitaine  le  25  fé- 
vrier 1809, chef  d'escadron  et  baronde  l'empire  à 
la  fin  de  cette  campagne ,  il  fut  encore  attaché 
à  l'état-major  de  Ney  au  début  de  la  guerre  de 
Russie.  Après  la  bataille  de  la  Moskowa,  il  devint 
colonel  du  4e  de  ligne  (11  septembre  1812),  prit 
part  à  la  glorieuse  retraite  du  maréchal  Ney,  et 
ramena  sur  la  Vistule  .«on  régiment,  réduit  à  trente 
officiers  et  à  deux  cents  soldats.  Sa  belle  con- 
duite lui  mérita  le  grade  de  général  de  brigade 
(4  mars  1813).  Il  contribua  àlareprisede  Ham- 
bourg, vit  sa  brigade  presque  détruite  à  Kulrn, 
et  partagea  la  captivité'  de  la  garnison  de  Dresde, 
malgré  la  capitulation  conclue  par  GouvionSaint- 
Cyr  (11  novembre  1813).  Rentré  en  France  à  la 
paix,  il  continua  d'être  employé  dans  son  grade, 
se  tint  à  l'écart  pendant  les  Cent  Jours  ,  et  fut 
nommé  le  8  septembre  1815  aide-major  général 
delà  garde  royale,  à  l'organisation  de  laquelle 
il  travailla  activement.  Par  ordonnance  du 
12  septembre  1817,  il  fut  admis  à  hériter  des  titres 
et  de  la  pairie  de  son  oncle ,  l'abbé  de  Montes- 
quiou.  Lieutenant  général  en  1823,  il  commanda 
en  1830  la  division  de  réserve  de  l'armée  expé- 
ditionnaire d'Alger.  Il  entra  ensuite  au  co- 
mité supérieur  d'infanterie ,  et  fut  chargé  à  di- 
verses reprises  de  l'inspection  de  cette  arme. 
Créé  pair  de  France  le  11  octobre  1832,  il  sou- 
tint la  politique  ministérielle.  De  mars  1838  à 
juillet  1839,  il  représenta  la  France  à  Madrid. 
Après  la  révolution  de  Février,  il  rentra  dans  la 
vie  privée.  Il  est  auteur  d'un  écrit  intéressant 
intitulé  Journal  de  la  Campagne  de  Russie; 
Paris,  1849,  in-8°.  P.  L. 

Biogr.  71011».  des  Contemp.  —  iUonit.  univ.,  180S-1S32. 
—  Pascallet,  llevuc  yen.  Biogr.  et  littcr.,  mai  1841.  — 
Sainte-Beuve,  Causeries  du  Lundi,  t.  1er. 

montesson  (  Charlotte -Jeanne  Béraud 
de  Là  Haie  de  Riou,  marquise  de),  femme  de 
Louis-Philippe,  duc  d'Orléans ,  née  en  1737,  à 
Paris,  où  elle  est  morte,  le  6  février  1806.  Elle 
était  d'une  bonne  famille  de  Bretagne.  Sa  mère 
s'était  mariée  en  secondes  noces  avec  le  marquis 
de  La  Haie ,  gentilhomme  fort  riche,  qui  avait 
été  l'écuyer,  puis  l'amant  de  la  duchesse  de  Berri, 
fille  du  régent.  A  seize  ou  dix-sept  ans  elle  ac- 
cepta pour  époux  un  vieillard ,  le  marquis  de 
Montesson ,  lieutenant  général  des  armées  du  roi. 
Cette  union  mal  assortie  cousuma  foute  sa  jeu- 
nesse ,  qui  s'écoula  au  milieu  des  ennuis  de  la 
vie  de  château.  Elle  n'était  jamais  venue  à  Ver- 
sailles, quoique  sa  naissance  lui  en  donnât  le 
droit.  Lorsqu'elle  devint  veuve  (17G9),  elle  avait 
trente-deux  ans.  A  peine  eut-elle  quitté  ses  ha- 
bits de  deuil  qu'elle  se  fit  présenter  à  la  cour  : 
un  hasard  singulier  réunit  dans  la  même  récep- 
tion la  dernière  maîtresse  du  roi ,  Mme  du  Barri, 


à  la  future  épouse  du  petit-fils  du  régent.  Jeu 
encore,  plus  agréable  que  jolie,  de  bonne  î  j 
putation ,  aimable  et  cherchant  à  plaire ,  m;  î 
tresse  d'une   fortune  considérable  (i),  elle  1 
aussitôt  recherchée  et  devait  l'être  :  elle  av 
dans  l'esprit  beaucoup  de  justesse ,  de  patien 
et  de  raison;  elle  cultivait  les  arts  çt  rafl'ollait 
la  comédie.  A  quelle  époque  s'attacha-t-elle  i 
duc  d'Orléans  (2)  ?  D'après  Collé,  il  faudrait  r 
monter  à  l'année  1766  ;  mais  Mme  de  Montesso  i 
alors  mariée,  aurait  repoussé  les  vœux  du  princ 
et  sa  résistance  se  serait  prolongée  bien  apr 
son  veuvage ,  c'est-à-dire  jusqu'au  moment  < 
il  lui  aurait  offert  sa  main.  Au  bout  deplusieu  i 
années  de  soupirs  et  de  refus,  ce  moment  arriv  i 
et  le  23  avril  1773  la  bénédiction  nuptiale  f 
prononcée  par  le  curé  de  Saint  Eustachç  (3).  1  i 
mariage  resta  secret,  et  Mm«  de  Montesson ,  en  v 
nant  résider  au  Palais-Royal ,  garda  son  nom 
son  titre.  «  Jamais,  dit  le  duc  de  Lévis,  uni< 
n'a  eu  plus  de  publicité  que  son  mariage  secrt 
Mais  comme  le  roi  ne  voulut  point  consentir 
lui  laisser  prendre  le  rang  de  princesse,  elle; 
trouva  dans  une  position  intermédiaire  où  el 
avait  également  à  redouter  le  ridicule  et  l'envi<  I 
elle  sut,  par  une  conduite  habile  et  soutenu 
désarmer  l'une  et  l'autre.  Affable  pour  les  inft 
rieurs ,  d'une  politesse  noble  et  graduée  avec  li 
personnes  considérables ,  respectueuse  sans  ba 
sesse  envers  les  princes  ,  obligeante  pour  tout 
elle  acquit  à  la  fois  de  la  bienveillance  et  de 
considération.  Le  maintien  d'une  épouse  sar  ' 
titre  était  très-difficile  à  saisir  et  à  conservei 


(1)  Aux  biens  de  son  mari  elle  avait  ajouté  ceux  de  : 
propre  famille,  que  lui  avait  .laissés  son  frère  aîné,  q  | 
avait  été  tué  en  1733,  à  la  bataille  de  Minden,  où  il  sei 
vait  comme  officier  supérieur  dans  la  gendarmerie. 

(2)  M"6  deGenlis,  dont  lanière  était  sœur  utérine  < 
Mm<i  de  Montesson  ,  raconte  ainsi  dans  ses  Mémoires  l'i 
rigine,  plus  singulière  que  romanesque,  de  cette  grain 
passion,  dont  le  duc  lui-même  lui  avait  donné  les  dJ 
tails  :  «  C'était  au  premier  voyage  qu'elle  fit  à  Viller: 
Cotterets.  Un  jour  à  la  chasse  du  cerf,  dans. la  forêi 
M.  le  duc  d'Orléans  descendit  de  cheval  avec  ma  tan 
pour  aller  s'asseoir  à  quelques  pas  à  l'ombre,  dans  u 
endroit  qui  leur  parut  joli.  M.  le  duc  d'Orléans  éta 
fort  gras,  la  ehaleur  était  étouffante;  le  prince,  en  nap  ! 
et  très-fatigué ,  demanda  la  permission  d'ôter  son  coJ 
il  se  met  à  l'aise,  déboutonne  son  habit,  souffle,  respii  ! 
avec  tant  de  bonhomie,  d'une  manière  et  avec  une  figm  j 
qui  paraissent  si  plaisantes  à  ma  tante,  qu'elle  fait  u  \ 
éclat  de  rire  immodéré  en  l'appelant  gros  père;  et  c 
fut,  dit  M.  le  duc  d'Orléans,  avec  une  telle  gaieté  et  un 
telle  gentillesse  que  de  ce  moment  elle  lui  gagna  le  cœur,(  ! 
il  en  devint  amoureux.  C'est  un  effet  sûr  avec  les  princes  I 
ajoute  Mme  de  tienlls,  que  celui  d'une  familiarité  ira 
prévue,  placée  avec  grâce  à  la  suite  d'une  conduite  res 
pectueuse  et  réservée.  » 

(3)  Un  ancien  édit  de  Louis  XIII  défendait  à  tous  le  I 
prélats  du   royaume   de  marier  aucun  prince  du  sân .1 
royal  sans  une  permission  écrite  de  la   main  du  ro.   i! 
fallut  bien  des  manœuvres  pour  l'obtenir  de  Louis  XV  I 
enfin,  il  adressa   ce  billet  laconique  à  l'archevêque  dl 
l'aris   :  «  Monsieur   l'archevêque,  vous   croirez  ce  qui 
vous  dira  de.  ma  part  mon  cousin  le  duc    d'Orléans,  el 
vous  passerez  outre.  »  Mais  il  voulut  que  le  mariage  fù 
secret  autant  que  faire  se  pourrait.  Ce  qui  fit  dire  ma 
lignement   à  l'ambassadeur  de  Naples  que  le  duc  d'Or; 
léans,  ne  pouvant  faire  M»'«  de  Montesson  duchesse,  s'é 
tait  fait  lui-même  M.  de  Montesson. 


{205 

i  elle  en  vint  à  bout...  Sa  maison  présentait  une 
Magnificence  sans  faste  et  tempérée  par  une 
,  élégance  qui  réconcilie  avec  le  luxe;  sa  société 
I  était  une  école  de  bon  goût  et  de  politesse.  Quoi- 
qu'elle aimât  les  lettres  et  même  qu'elle  les  cul- 
i  tivàt ,  elle  n'avait  point  la  manie  du  bel  esprit, 
i  et  son  ton  était  simple  et  sans  prétention.... 
I  Ceux  qui  aiment  à  faire  des  rapprochements, 
'n'ont  pas  manqué  de  comparer  Mme  rje  Mon- 
f  tesson  à  Mme  de  Maintenon.  L'adresse,  le  ma- 
inége  et  la  patience  qu'elles  ont  dû  mettre  toutes 
i  deux  pour  fixer,  dans  un  âge  où  l'on  ne  fait  plus 
fde  conquêtes,  des  princes  jusque  là  fort  incons- 
tants; le  mariage  secret  de  nom,  public  de  fait, 
[qui  fut  le  prix  de  leurs  habiles  assiduités,  voila 
j  certainement  des  points  de  ressemblance  ;  mais 
bile  ne  s'étend  point  au  delà  de  la  position.  Quand 
l  m  en  vient  aux  personnes ,  on  ne  trouve  plus 
f-jue  des  contrastes.  ■»  Ingénieuse  à  varier  les 
plaisirs  du  prince,  elle  donna  pendant  plusieurs 
|  îivers  des  fêtes  et  des  représentations  théâtrales 
j  uixquelles  c'était  une  grande  faveur  d'être  ad- 
krnis  (1).  La  plupart  des  pièces  étaient  de  sa  com- 
|  [iosition ,  et  elle  y  jouait  un.  rôle  ainsi  que  le 
lue  d'Orléans  (2).  Collé,  dans  son  enthousiasme, 
:a  compare  à  M"e  Clairon,  et  Grimm  ne  tarit 
3as  d'éloges  sur  ses  talents  universels.  Quant  à 
M'»c  de  Genlis,  qui  la  nommait  sa  tantâtre, 
elle  la  juge  un  peu  autrement.  «  Mme  de  Mon- 
. tesson,  dit-elle,  jouait  à  mon  gré  fort  mal  la 
comédie,  parce  qu'en  cela  comme  en  toute  chose 
?l!e  manquait  de  naturel  ;  mais  elle  avait  beau- 
coup d'habitude  et  l'espèce  de  talent  d'une  co- 
médienne de  province  parvenue  par  son  âge  aux 
premiers  emplois  et  n'ayant  que  de  la  routine.  » 
i.\près  la  mort  du  duc  d'Orléans  (1785),  elle 
jsssa  de  se  donner  ainsi  en  spectacle,  et  vécut  au 
milieu  d'un  cercle  d'amis  qui  lui  étaient  dé- 
voués. Elle  fut  payée  du  douaire  qui  lui  avait  été 
itipulé  dans  son  contrat  de  mariage,  et  quelques 
isontestations  s'étant  élevées ,  Louis  XVI  signa 
en  179?  un  acte  par  lequel  il  reconnaissait  les 
droits  qu'elle  avait  à  ce  douaire  comme  veuve 
du  duc  d'Orléans.  Elle  traversa  heureusement 
les  premières  années  de  la  révolution  ;  arrêtée 
pendant  la  terreur,  elle  ne  sortit  de  prison  qu'a- 
uprès le  9  thermidor.  Napoléon  lui  témoigna  beau- 
Icoup  de  considération  (3),  et  lui  fit  payer  son 


)  (i)  Voltaire  y  fut  un  Jour  invité  et  on  le  vit  applaudir 
'.avec  transport  à  de  médiocres  pièces  jouées  par  des  ac- 
[teiirs  plus  médiocres  encore.  Quand  Mm0  de  Montesson 
, s'approcha  de  sa  loge,  il  mit  un  genou  à  terre,  et  té- 
moigna par  les  "expressions  de  la  pins  vive  reconnais- 
jsanee  combien  il  était  sensible  au  bonheur  dont  on  l'a- 
Lvait  fait  jouir. 

I  (S)  Les  principaux  acteurs  de  cette  troupe  de  société 
jetaient  MM.  de  Ségur,  de  Gand,  d'Onesanet  Mm«»  duCrest 
iet  de  i.amurck. 

;:î:  Elle  avait  connu  autrefois  M»»  de  Beauharnais  , 
qui  venait  d'épouser  le  général  Bonaparte,  rendant  l'ex- 
ipéiiition  d'Egypte,  elle  eut  occasion  de  la  revoir  et  noua 
jïvec  elle  une  liaison  assez  intime.  A  son  retour,  Bona- 
iParte,  en  parcourant  des  papiers,  trouva  plusieurs  let- 
tres de  Mme  de  Montesson;  au  milieu  de  sages  et  utiles 
conseils,  il  remarqua  cette  phrase  :  «   Vous    ne  devez 


MONTESSON  206 

douaire,  qui  fut  assis  sur  les  canaux  d'Orléans 
et  du  Loing.  M'»1'  de  Montesson  profita  de  son 
crédit  pour  obtenir  du  chef  de  l'État  une  aug- 
mentation considérable  aux  pensions  annuelles 
allouées  aux  membres  de  la  famille  d'Orléans. 
Elle  mourut  presque  septuagénaire,  et  légua  toute 
sa  fortune  au  comte  de  Valence,  qui  avait  épousé 
MlIe  de  Genlis.  Ses  restes  furent  réunis  à  ceux 
du  duc  d'Orléans  et  inhumés  dans  l'église  de 
Seine-Port  (  paroisse  du  château  de  Sainte-As- 
sise, près  deMelun). 

Mme  de  Montesson  est  auteur  de  plusieurs 
pièces  de  théâtre,  qui  eurent  toutes  chez  elle  un 
succès  infaillible.  Selon  M.  de  Lévis,  «  on  y 
remarquait  plus  de  sens  que  de  verve,  plus  d'a- 
dresse que  de  talent  ;  jamais  rien  de  choquant 
ou  de  ridicule,  mais  aussi  rien  de  saillant,  pas 
un  trait  heureux,  pas  un  mot  piquant;  le  dé- 
nouaient arrivait  au  bout  des  cinq  actes,  comme 
les  morts  de  vieillesse,  parce  qu'il  faut  bien  que 
tout  finisse  ;  alors  on  éprouvait ,  pour  la  pre- 
mière fois,  un  mouvement  de  gaieté  en  son- 
geant au  bon  souper  qui  suivait  immédiatement 
cette  froide  représentation.  Cette  absence  totale 
d'esprit  dans  les  ouvrages  d'une  personne  qui 
n'en  manquait  pas  avait  de  quoi  surprendre.  » 
On  a  de  Mme  de  Montesson  :  Mélanges;  Paris, 
1782,  in-18  -.contenant  Pauline,  roman;  Ro- 
samonde  ,  poëme  en  cinq  chants;  Les  dix-huit 
Portes,  conte  allégorique,  et  une  Lettre  de 
Saint-Preux  à  mylord  Edouard;  —  Œuvres 
anonymes;  Paris,  1782-1785,  8  vol.  gr.  in-8°. 
Ce  recueil,  n'ajant  été  tiré  qu'à  douze  exem- 
plaires ,  est  devenu  rare  et  précieux,  malgré  son 
peu  de  mérite  littéraire;  les  amateurs  ont  la 
folie  de  le  payer  jusqu'à  800  fr.  et  au  delà.  Il 
est  composé,  outre  les  Mélanges,  de  quatorze 
pièces  :  Marianne,  La  Marquise  de  Sainville, 
Robert  Sciarts,  L'heureux  Échange,  L'A- 
mant romanesque ,  L'Aventurier  comme  il  y 
en  a  peu,  L' H  online  impassible ,  V Héritier 
généreux,  La  fausse  Vertu,  Le  Sourd  volon- 
taire, L'Amant  mari,  La  Comtesse  de  Cha- 
zelle,  comédie,  La  Comtesse  de  Bar  et  Agnès 
de  Méranie,  tragédies.  Le  t.  VI,  intitulé  Œu- 
vres chéries,  renferme  les  quatre  dernières  pro- 
ductions.qui  sont  les  plus  mauvaises.  La  Com- 
tesse de  Chazelle ,  reçue  par  acclamation  au 
Théâtre-Français,  tomba  tout  à  plat  devant  lepu- 
blic,  qui  la  déclara  fort  immorale.  La  plupart  de 
ces  pièces  sont  empruntées,  quant  au  sujet,  à  des 
ouvrages  connus.  Il  avait  paru  une  première  édi- 
tion des  Comédies  (17.72-1777,,  2  vol.in-80),  qui 
est  encore  plus  rare  que  l'autre.        P.  L. 

Collé ,  Journal.  —  Grimm,  Corresp.,  1773,  1780,  1781. 
—  M1»»  de  Genlis,  Mémoires.  —  De  Lévis,  Souvenirs  et 
Portraits. 

moxtessos  {Jean-Louis,  marquis  de),  fils 
du  premier  mari  de  la  précédente,  né  le  27  juin 
1746,  à  Douillet  (Maine),  mort  le  2  mai  1S02,  en 

jamais,  en  aucune  circonstance  de  votre  vie,  oublier 
que  vous  êtes  la  femme  d'un  grand  homme.  » 


207  MON  TESSON  — 

Pologne.  Député  aux  états  généraux  par  la  no- 
blesse du  Maine,  il  donna  bientôt  sa  démission, 
émigra  et  devint  à  l'armée  des  princes  colonel 
d'un  régiment  qui  portait  son  nom.  11  passa  en- 
suite au  service  de  la  Russie,  et  fut  nommé  con- 
seiller d'État  et  général  major.  On  a  de  lui  : 
Mémoire  sur  la  vertu  répulsive  du  feu  con- 
sidéré comme  agent  principal  de  la  nature; 
Le  Mans,  1783,  in-8° ;  — Guise  le  Balafré, 
trag.  en  cinq  actes;  Breslau,  1796,  in-8°.  P.  L. 
Desportes ,  Bibliogr.  du  Maine. 

mon  TET  (  Jacques  ),  chimiste  français,  né  à 
Beaulieu,  près  de  Mandagout  (  Languedoc),  le 
9  mars  1722 ,  mort  à  Montpellier,  le  13  no- 
vembre 1782.  Après  avoir  voyagé  pendant  quel- 
que temps  avec  un  Anglais  qui  aimait  les  scien- 
ces, il  vint  à  Paris,  où  il  suivit  les  cours  de 
Rouelle.  De  retour  à  Montpellier  avec  des  ta- 
lents perfectionnés  par  l'étude,  il  se  fit  recevoir 
pharmacien,  et  en  1748  fut  admis  comme  ad- 
joint dans  la  classe  de  chimie  de  la  Société 
royale  des  Sciences  de  cette  ville,  à  laquelle  il 
avait  présenté  quelques  mémoires.  Ce  corps  sa- 
vant ayant  été  consulté  par  le  gouvernement 
sur  divers  objets  d'agriculture  et  de  minéralogie 
relatifs  à  la  province  de  Languedoc,  Montet  fut 
l'un  des  commissaires  nommés  à  cette  occasion, 
et  ses  observations  furent  consignées  dans  plu- 
sieurs mémoires,  insérés  soit  dans  le  recueil  de 
la  Société  royale  des  Sciences  de  Montpellier, 
dont  il  devint  membre  associé  en  1753,  soit  dans 
le  recueil  de  l'Académie  royale  des  Sciences  de 
Paris.  Nous  citerons  parmi  ces  derniers,  suivant 
l'ordre  chronologique  :  Trois  Mémoires  sur  le 
verdet-gris,  dans  les  volumes  de  1750,  1753  et 
1776  ;  —  Mémoire  sur  les  chiffons  ou  drapeaux 
qu'on  prépare  au  Grand-Galargues,  village  du 
diocèse  de  Nîmes,  à  cinq  lieues  de  Montpellier, 
avec  le  suc  de  la  maurelie  (  ricinotdes  )  et 
dont  on  fait  en  Hollande  le  tournesol,  vol.  de 
1754  ;  —  Mémoire  sur  le  sel  lixivkl  de  tama- 
ris ,  et  dans  lequel  on  prouve  que  ce  sel  est  un 
sel  de  Glauber  parfait,  et  sur  l'emploi  que  l'on 
fait  dans  les  fabriques  de  salpêtre  des  cendres  du 
tamaris,  et  sur  le  sel  de  Garou,  1757;  —  Mé- 
moiresurun  grand  nombre  de  volcans  éteints 
qu'on  a  trouvés  dans  le  Bas-Languedoc,  1760  ; 

—  Mémoire  sur  les  salines  de  Peccais,  1763  ; 

—  Mémoire  sur  la  manière  de  cristalliser  l'al- 
cali fixe  de  tartre,  1764  ;  —  Mémoire  sur  la  ma- 
nière de  conserver  en  tout  temps  les  cristaux 
de  l'alcali  fixe,  1765  :  c'est  une  suite  du  mé- 
moire précédent;  —  Mémoires  sur  quelques 
sujets  d'histoire  naturelle  et  de  chimie,  1768  et 
1777  ;  —  Mémoire  dans  lequel  on  démontre  que 
la  racine  de  Ylris  nostras,qu\  croît  aux  envi- 
rons de  Montpellier,  peut  être  employée  pour  les 
usages  de  la  médecine  et  pour  les  parfums  avec 
lemême  avantage  que  l'iris  de  Florence,  1772;  — 
Mémoire  szir  la  morsure  de  la  vipère,  faite  à 
trois  brebis,  dont  deux  desquelles  ont  été  guéries 
par  l'eau  de  Luce,  et  quelques  sujets  d'histoire 


MONTEVERDE 


20Î 


naturelle  et  de  chimie,  1773;  —  Mémoire  de  mi- 
néralogie, volume  de  1778.  —  Montet  fourni 
aussi  plusieurs  articles  de  chimie  à  YEncyclo 
pédie  méthodique.    H.  Fisquet  (de  Montpellier) 

Recueils  de  la  Société  royale  des  Sciences  de  Mont 
pellier.  —  biographie  { inédite  )  de  i' Hérault,  pai 
H.  F.) 

montecx  (Sébastien de), enMia  Montuus 
médecin  français,  né  vers  1480,  à  Rieux  (Langue 
doc).  Il  fut  probablement  reçu  docteur  à  Mont 
pellier  ;  mais  ce  fut  à  Lyon  qu'il  pratiqua  son  art 
On  a  de  lui  :  De  Medicis  Sermones  VI  ;  Lyon 
1534,  in-8°;  —  Dialexeon  medicinaliun 
Lib.  II;  Lyon,  1537,  in-4°.  Il  a  édité  les  An 
notatiunculœ  in  errata  recentiorum  medi 
corum  de  Léonhard  Fuchs  (Lyon,  1534,  1548 
in-8°). 

Son  fils,  Jérôme,  né  en  Savoie  ou  en  Dau 
phiné,  prit  à  Montpellier  le  diplôme  de  docteur; 
après  avoir  exercé  assez  longtemps  à  Lyon,  où 
il  acquit  beaucoup  de  réputation  dans  les  opéra- 
tions chirurgicales,  il  obtint  du  roi  Henri  II  h 
titre  de  conseiller-médecin  et  peut-être  la  sei 
gneurie  de  Miribel,  dans  le  Valentinois.  Or 
ignore  l'époque  de  sa  mort.  Il  a  laissé  :  Opus- 
cula  juvenilia;  Lyon,  1556,  in-8°;  — Com- 
pendialum  curatricis  scientise ,  cum  syllogt 
de  purgationibus  ;  ibid.,  1556,  in-8°  ;  — Dt 
activa  médicinal  scientia  commentarii  II, 
ibid.,  1557,  in-8°;  trad.  en  partie  en  français  en 
1559  et  1572;—  Halosis  febrium  lib.  IX; 
ibid.,  1558,  in-4°;  —  Chirurgica  auxxlia; 
ibid.,  1558,  in-4°;  —  Anasceve  morborum  ; 
ibid.,  1560,  in-8°.  La  plupart  des  ouvrages  pré- 
cédents ont  été  réunis  sous  le  titre  de  Practica 
medica  (Venise,  1626,  in-4°).  K. 

Éloy,  Dict.  hist.  de  la  Médecine. 

MONteverde  (  Claude  ),  célèbre  composi- 
teur vénitien,  né  à  Crémone,  vers  1565,  mort  à 
Venise,  à  la  fin  de  septembre  ou  au  commence- 
ment d'octobre  1649.  Ce  musicien,  dont  les  dé- 
couvertes donnèrent  naissance  à  la  tonalité  et  à 
l'harmonie  modernes,  entra  d'abord,  en  qualité 
de  violiste,  au  service  du  duc  de  Mantoue,  et 
étudia  le  contre-point  sous  la  direction  de  Marc- 
Antoine  Ingegneri,  maître  de  chapelle  du  duc, 
Entraîné  par  l'ardeur  de  son  imagination,  Mon- 
teverde  ne  tarda  pas  à  se  faire  une  réputation 
par  une  foule  de  compositions  dans  lesquelles 
les  hardiesses  de  son  genre,  se  révélant  à  cha- 
que pas,  préparaient  une  transformation  com- 
plète de  l'art  en  créant  l'expression  dramatique. 
11  paraîtrait,  d'après  le  titre  de  son  cinquième 
livre  de  madrigaux,  imprimé  pour  la  première 
fois  à  Venise,  en  1604,  qu'il  avait  alors  succédé 
à  son  maître  Ingegneri  dans  la  direction  de  la 
musique  du  duc  de  Mantoue.  Plus  tard,  en  1613, 
il  fut  nommé  maître  de  chapelle  de  Saint-Mare 
de  Venise,  en  remplacement  de  Jules-César  Mar- 
tinengo,  et  occupa  cette  position  jusqu'à  sa  mort. 
Monteverde  fut  un  des  premiers  membres  de 
l'Académie  des  Philharmoniques  de  Bologne.  Le 


209 


MONTEVEIIDE 


210 


;  P.  Adrien  Banchieri,  dans  une  lettre  écrite  en 
11620,  félicitait  cette  académie  d'une  acquisition 
r  aussi  glorieuse. 

!  Pour  apprécier  l'importance  des  découvertes 
[qui  onl  assigné  à  Monteverde  la  place  qu'il  occupe 
(dans  l'histoire  de  la  musique,  il  faut  se  rappeler 
'que  jusque  vers  la  fin  du  seizième  siècle,  où  l'on 
^ne  connaissait  encore  que  l'ancienne  tonalité  de 
f l'église,  on  ne  faisait  usage  que  d'accords  con- 
?  sonnants  et  de  quelques  prolongations  facultatives 
qui  produisaient  des  dissonnances  préparées. 
IDans  celte  tonalité,' le  rapport  de  la  note  sensible 
fîvec  le  quatrième  degré  de  la  gamme  n'existant 
pas,  il  n'y  a  point  de  modulation.  S'il  se  fait  un 
[changement  de  ton,  ce  changement  a  lieu  sans 
|  préparation,  sans  liaison.  Chaque  note  et  chaque 
iccord  portent  repos  ;  c'est  pourquoi  on  l'a  nom- 
née  musique  plane,  plain-chant.  Dans  sa  mar- 
che lente  et  grave,  elle  offre  le  caractère  de  ma- 
!  esté  qui  la  rend  si  éminemment  propre  à  l'ex- 
iression  religieuse.  Mais  les  qualités  mêmes  qui 
(flistinguent  cette  tonalité  excluent  celles  qui  con- 
I  tiennent  à  l'expression  des  passions  humaines. 
|  lorsqu'au  sortir  du  moyen  âge  l'humanité  redes- 
-emlit  des  hauteurs  de  la  foi  dans  la  sphère  des 
pensées  terrestres,  l'art,  pour  satisfaire  à  de  nou- 
veaux besoins,  dut  se  transformer.  Monteverde, 
i;ans  s'en  douter,  opéra  cette  transformation. 
lOans  ses  deux  premiers  livres  de  madrigaux,  à 
'f;inq  voix,  publiés  en  1587  et  1593,  il  ne  montre 
I  encore  la  hardiesse  de  son  imagination  que  dans 
l'irrégularité  du  mouvement  des  voix  et  de  la 
[résolution  des  dissonnances  de  prolongation.  Son 
(r?énie  se  révèle  d'une  manière  plus  franche  dans 
(son  troisième  livre  de  madrigaux ,  imprimé  en 
[J1598.  Le  rhythme  y  est  plus  accentué.  Si  Mon- 
Hteverde  n'y  attaque  pas  encore  sans  préparation 
{les  dissonnances  naturelles  delà  dominante,  il 
i|V  détermine  néanmoins  le  caractère  de  la  tona- 
lité moderne,  en  établissant  le  rapport  de  la  qua- 
ïtrième  note  de  la  gamme  avec  la  septième,  et  en 
Constituant  celle-ci  en  véritable  note  sensible  fai- 
sant sa  résolution  sur  la  tonique.  Enfin,  dans 
i  son  cinquième  livre  de  madrigaux,  publié  en 
II 604,  Monteverde,  bravant  toutes  les  règles  alors 
hen  usage  et  donnant  un  dernier  essor  à  ses  har- 
diesses, attaque  sans  préparation  la  septième  et 
(la  neuvième  de  la  dominante ,  le  triton,  la  quinte 
[mineure  et  sixte,  et  la  septième  diminuée,  li 
achève  par  là  la  transformation  de  la  tonalité  de 
jl'église,  en  lui  substituant  une  tonalité  nouvelle, 
'le  système  d'harmonie  naturelle  de  la  dominante, 
Je  genre  de  musique  que  l'on  a  appelé  chroma- 
tique, et  par  conséquent  la  modulation  par  la- 
iquelle,  les  tons  se  liant  aux  tons,  les  ordres  de 
jsons  aux  ordres  de  sons,  il  n'est  pas  un  sentiment 
que  l'art  ne  puisse  exprimer  avec  toutes  ses 
{nuances. 

|  A  l'époque  des  découvertes  de  Monteverde,  et 
Iquoique  longtemps  auparavant  Zarlino  eût  en- 
'trevu  le  mécanisme  du  renversement  des  inter- 
valles, on  n'était  pas  encore  arrivé  à  considérer 


l'harmonie  par  accord.-;  isolés  ;  aussi  ces  innova- 
tions furent-elles  violemment  attaquées  par 
quelques  zélés  défenseurs  de  l'ancienne  doctrine, 
particulièrement  par  le  chanoine  bolonais  Artusi, 
dans  son  Imperfezzione  dclla  Musica  mo- 
derna,  qui  parut  en  1600.  Mais  si  Artusi  a  pu 
avec  raison  reprocher  à  Monteverde  ses  nom- 
breuses incorrections  dans  l'art  d'écrire  selon  les 
règles  scolastiques,  on  voit  qu'il  n'a  compris  ni 
les  avantages  ni  le  but  de  ses  inventions  harmo- 
niques. Monteverde  lui-même,  ainsi  que  le  prou- 
vent les  préfacés  de  quelques-uns  de  ses  ouvra- 
ges, n'avait  aperçu  le  résultat  de  ses  heureuses 
témérités  que  sous  le  rapport  de  l'expression 
dramatique,  et  ne  se  doutait  pas  des  consé- 
quences de  ses  découvertes  à  l'égard  de  la  tona- 
lité. «  Il  n'en  est  pas  moins  certain,  dit  M.  Fétis 
qui  a  traité  la  question  avec  autant  de  sagacité 
que  de  savoir,  qu'après  que  l'harmonie  des  dis. 
sonnances  naturelles  de  septième,  de  neuvième, 
et  celles  qui  en  dérivent,  se  fut  introduite  dans 
la  musique  de  chambre  et  de  théâtre,  il  n'y  eut 
plus  de  premier,  de  second ,  de  troisième  ton, 
d'authentique  ni  de  plagal  dans  la  musique  ;  il  y 
eut  un  mode  majeur  et  un  mineur  ;  en  un  mot, 
la  tonalité  ancienne  disparut  et  la  moderne  fut 
créée.  » 

Là,  cependant,  ne  se  bornent  point  les  litres 
qui  recommandent  Monteverde  à  la  postérité. 
Cet  homme  de  génie,  s'emparant  du  drame  lyri- 
que auquel  les  essais  d'Emilio  delP  Cavalière,  de 
Jacques  Péri,  de  Jules  Caccini  venaient  de  don- 
ner naissance,  y  apporta  toutes  les  ressources  de 
sa  féconde  imagination.  Dans  son  opéra  d'Ariana, 
représenté  à  la  cour  de  Mantoue,  en  1607,  il  se 
montre  bien  supérieur  à  ses  devanciers  sous  le 
rapport  de  l'invention  mélodique  et  de  l'expres- 
sion. Dans  son  Orfea,  il  donne  plus  d'intérêt  au 
récitatif ,  à  l'air,  et  crée  le  duo  scénique.  Son 
instrumentation  a  plus  d'importance,  plus  de  va- 
riété dans  les  effets  ;  il  dispose  les  instruments 
de  son  orchestre  de  manière  à  ce  que  leurs 
combinaisons  soient  appropriées  au  caractère  des 
personnages  et  aux  situations  dramatiques  (1). 
Il  trouve  des  rhythmes  nouveaux  qui,  particu- 

(1)  On  trouve  en  tête  de  la  première  édition  àel'Orfeo, 
imprimée  en  1608,  l'indication  des  instruments,  au  nombre 
de  trente-cinq,  qui  composaient  l'orchestre  de  cet  opéra. 
Voici  quels  étaient  ces  instruments  et  la  manière  dont 
ils  sont  disposés  dans  la  partition:  Deux  clavecins  jouaient 
les  ritournelles  et  l'accompagnement  du  prologue,  qui 
est  chanté  par  La  Musique  personnifiée;  deux  contre- 
basses de  viole  accompagnaient  Orphée;  dix  dessus  de 
viole  faisaient  les  ritournelles  du  récitatif  que  chantait 
Eurydice;  une  harpe  double  ,  c'est-à-dire  à  deux  rangs 
de  cordes,  servait  à  l'accompagnement  d'un  choeur  de 
nymphes;  L'Espérance  était  annoncée  par  UDe  ritour- 
nelle de  deux  petits  violons  français  et  d'un  clavecin; 
deux  guitare*  accompagnaient  le  chant  de  Caron;  lé 
chœur  des  esprits  infernaux  était  soutenu  par  deux  or- 
gues ;  Proserpine  était  accompagnée  par  trois  basses  de 
viole,  Pluton  par  quatre  trombones,  Apollon  par  un  jeu 
de  régale,  ou  petit  orgue  composé  d'un  Jeu  d'anches  monté 
sur  pied,  mais  sans  tuyaux,  et  dont  le  son  avait  une  cer- 
taine analogie  avec  le  physhurmonica  de  nos  jours  ;  Vu 
flageolet,  deux  cornets,  un  clairon  et  deux  trompettesd 
sourdine  accompagnaient  le  chœur  final  des  bergers. 


211  MONTE  VERDE  —  MONTÉZUMA 

lièrement  dans  son  ballet  délie  Ingrate,  composé 
en  1608,  àManloue,  à  l'occasion  du  mariage  de 
François  de  Gonzague  avec  Marguerite  de  Sa- 
voie, impriment  par  leur  variété  à  ses  airs  de 
danse  un  cachet  d'accentuation  plus  marqué. 
C'est  aussi  dans  les  œuvres  de  ce  musicien 
qu'on  trouve  le  premier  exemple  d'une  même 
note  répétée  plusieurs  fois  de  suite  par  les  ins- 
truments dans  un  mouvement  plus  ou  moins  ra- 
pide, nouveauté  d'un  grand  effet,  qui  fut  l'origine 
du  trémolo.  C'est  ainsi  que  le  génie  de  Monte- 
verde,  en  transformant  à  son  insu  la  tonalité  ecclé- 
siastique, créa  la  tonalité  moderne  et  ouvrit  à  l'art 
une  nouvelle  et  intarissable  source  de  richesses. 
Les  autres  musiciens  ne  tardèrent  point  à  s'em- 
parer de  ses  découvertes  et  à  les  introduire  dans 
la  musique  d'église.  A  partir  de  ce  moment  le 
style  religieux,  que  Palestrina  avait  porté  à  son 
plus  haut  degré  d'élévation  en  le  traitant  comme 
l'émanation  d'un  sentiment  pur  et  dépouillé  de 
toutes  passions  humaines,  se  modifia  successive- 
ment de  plus  en  plus  par  l'introduction  de  l'é- 
lément dramatique;  et  peut-être  est-il  permis  de 
dire  que,  malgré  les  œuvres  admirables  qui  ont 
été  produites  depuis  lors,  la  musique  d'église  a 
perdu  le  caractère  qui  lui  convenait  le  mieux. 

On  connaît  de  Monteverde  les  ouvrages  sui- 
vants :  Musique  d'église  :  Selra  morale  e  spi- 
rituale,  nella  quale  si  trova  Messe,  Salmi, 
Hymni,  Magnificat,  Motetti,  Salve  Regina  e 
Lamento,  al,  2,  3,  4,  5,  6,  8  voci,  con  vio- 
lini;  Venise,  1603  ;  —  Missa  senis  vocibus,  ad 
ecclesiarum  choros,  et  vesperse,  etc.  ;  Venise, 
1610;  —  Messe  a  quaitro  voci,  e  Salmi  a 
1,  2,  3,  4,  5,  6,  7,  8  voci  concertate  e  parte 
a  cappella,  con  le  Litanie  délia  B.  V.  ;  Venise, 
1650.  —  Opéras  :  Ariana,  à  Mantoue  (  1607); 

—  Orfeo,  à  Mantoue  (  1 608  )  ;  —  Le  ballet  délie 
Ingrate,  à  Mantoue  (1608);  —  Proserpina 
rapita,  à  Venise  (1630);  —  L'Adone,  pasto- 
rale, à  Venise  (1639);  —  Il  Ritorno  d'Ulisse 
in  patria;  Venise  (1641);  —  L'Incorona- 
ziorte  dï  Poppea,  à  Venise  (  1642).  —  Musique 
de  chambre  :  Canzonette  a  tre  voci;  Venise 
(1584);  —  Il  primo  libro  de'  Madrigali  a 
5  voci;  Venise  (  1587  )  ;  —  Il  secondo  libro  de' 
Madrigali  a  5  voci;  Venise  (1593  )  ;  —  Il  terzo 
libro  dé1  Madrigali  a  5  voci;  Venise  (  1598); 

—  Il  quarto  libro  de'  Madrigali  a  5  voci  ;  Ve- 
nise; —  Scherzi  miisicali  a  tre  voci;  Venise 
(1607);  —  Il  quinlo  libro  de'  Madrigali  a 
5  voci  ;  Venise  (1604)  ;  —  Il  sexto  libro  de  Ma- 
drigali a  5  voci;  Venise;  — Il  septimo  libro 
de'  Madrigali  a  à  voci;  Venise  (1620);  — 
Madrigali  guerrieri  e  amorosi ,  etc.,  lib.  8  ; 
Venise  (1608).  Dieudonné  Denne  Baron. 

Gcrber,  Neucs  historich-biographisches  Lexicon  der 
Tunkùnsller,  etc.  —  Le  P.  Martini,  Esemplare  o  sia  sag- 
gio  di  Contrappurtto  fugato.  —  Choron,  Principes  de 
Composition  des  écoles  d'Italie.  —  Choron  et  Fayolle, 
IXict.  hist.des  Musiciens.  —  Fétis,  liiog.  universelle  des 
Musiciens. 

monte-veude  (  Don  Juan-Domingo),  gé- 


212 


néral  espagnol,  né  vers  1772,  mort  en  1823.  En- 
tré jeune  dans  la  marine ,  il  était  capitaine  d« 
frégate  en  1812.  A  cette  époque  il  accepta  de  1<  f 
junte  centrale  séant  à  Cadix  le  commandemen'  I 
général  des  troupes  espagnoles  dans  la  Nouvelle- 
Espagne,  dont  les  habitants  venaient  à  Nueva- 
Cartagena  de  proclamer  la  république  (11  no- 
vembre 181 1  ).  Débarqué  à  Coro,dans  la  provinc<  •' 
de  Venezuela,  Monte-Verde,  profitant  des  dissen 
sions  qui  régnaient  parmi  les  généraux  indépen 
dants,  avec  une  poignée  de  soldats  (environ  400)  ; 
reprit     rapidement    Carora,     Barequisemeto 
Araura  et  San-Carlos.  Miranda  le  battit  en  juir 
1811  devant  La  Victoria;  mais  le  général  répu^ 
blicain, trahi  de  toutes  parts,  affaibli  par  de  nom' 
breuses  désertions ,  dut  capituler.  Monte- Verdi  ! 
montra  peu  de  bonne  foi  à  l'égard  de  ses  adver- 
saires :  il  rompit  sans  scrupule   et  éluda  les  I 
traités  conclus  avec  eux,   et  donna  surtout  ut 
exemple  de  déloyauté  lorsque,  le  25  juillet  1812 
le  général  mexicain  Miranda  (  voy.  ce  nom  )  si 
rendit  avec  ses   compagnons  et  lui  remit   Li 
Guyara,  Caracas,  Cumana  et  Nueva-Barcelona 
Malgré  l'engagement  solennel  qu'il  prit  de  res-l 
pecter  les  personnes  et  leurs  propriétés ,  il  le:  f 
fit  jeter  dans  d'infects  cachots,  où  plusieurs  mou- 1 
rurent;  il  envoya  les  autres  en   Espagne  (en  I 
tr 'autres  Miranda),  où  ils  périrent  misérablement  I 
Il  pouvait  alors  rétablir  la  paix  dans  les  pro- 1 
vinces  de  Caracas  et  de  Venezuela ,  qui  la  dé  ] 
siraient  ardemment,  mais  il  ne  songea  qu'à  satis  I 
faire  ses  ressentiments,  et  encombra  les  prisons  I 
aussi  l'insurrection  ne  tarda-t-elle  pas  à  se  rele  I 
ver  de  toutes  parts.  Battu  à  Niquitao ,  Barinas  I 
par  le  célèbre  Bolivar,  chassé  de  Caracas  et  dt  I 
Venezuela,  il  perdit  enfin  l'importante  bataillfl 
d'Aqua-Caliente,  où  il  fut  grièvement  blessé.  1 1 
fut  alors  remplacé  par  le  cruel  don  Calleja,  e  I 
revint  mourir  dans  sa  patrie.  A.  de  L. 

Biographie  étrangère.  —  Restrepo,  Hist.  de  la  Révolu- 1 
cion  de  Colombia. 

montézuma  1er,  en  mexicain  Moctheuzoma.  j 
surnommé  llhuicamina  (1),  cinquième  roi  dtl 
Mexico,  né  vers  1390,  mort  en  1464.  Fils  d'Huit- 1 
zilihuitl,  second  roi  des  Aztèques,  il  ne  succède 
pas  directement  à  son  père,  mort  en  1409.  Ss  j 
jeunesse  fit  préférer  son  oncle  Chimalpopoca,  I 
dont  il  devint  le  meilleur  général,  et  pour  lequel! 
il  remporta  plusieurs  victoires  sur  les  Tépanèques 
et  conquit  les  villes  de  Chalco  et  de  Téquizquiac. 
Lorsqu'Itzcoatl,  enfant  illégitime  d'Huitzilihuitl, 
fut  choisi  pour  succéder  à  Chimalpopoca  (1423), 
quoique  Montézuma  eût  plus  de  droits  au  trône 
que  son  frère  adultérin,  il  s'en  montra  le  loyal! 

(2)  L'orthographe  du  nom  de  ce  monarque  aztèque, 
comme  celle  de  la  plupart  des  personnages  et  des  Jiéax  ! 
de  la  Nouvelle-Espagne,  a  été  écrite  de  bien  des  ma-j 
nières.  Les  historiens  espagnols  modernes  écrivent  Mo- 
tezuma,  mais  nous  avons  cru  devoir  nous  conformer  a 
l'orthographe  adoptée  par  Bernai  Diaz  et  par  le  traduc-j 
teur  de  W.  Prescott,  M.  Amedee  Plchot.  M.  de  La  Re- 
naudicre,  dans  son  Mexique  (  Univers  pittoresque)  écrit] 
Moctezuwa.  Une  différence  de  prononciation  paraît  ex- 
pliquer ces  différentes  formes. 


13  MONTÉZUMA 

l;)utien;  quand  ce  monarque  tendit  une  main 
Ijnie  à  Nezahualcoytl ,   prince  de  Tezcuco,  dé- 
1  une  et  persécuté  par  Maxtla,  usurpateur  du 
j'ône   tépnnèque,  ce   fut   Montézuma  qui    fut 
Ifiargé  d'aller  négocier  la  pai\.  Maxtla  refusa 
j .  ut  Accommodement,  et  l'amba9sadeur  aztèque 
I  î  dut  môme  son  salut  qu'à  la  fuite.  De  retour 
llins  sa  patrie ,  Montézuma  annonça  la  guerre, 
aie  il  trouva  ses  compatriotes  peu  disposés  à 
soutenir  (1).  Néanmoins  son  influence,  jointe 
'  colle  du  roi  Itzcoatl,  décida  les  Mexicains  à 
irmer  pour  la  cause  du  jeune  prince  de  Tez- 
oo.  Un  grand  lac  séparait  seul  les  adversaires  : 
If  se    encontrèrent  bientôt  à  Tanaiacan,  et  deux 
.    us.  de  suite  les  Aztèques  furent  battus.  Ils 
|[  riaient  déjà  de  se  soumettre  à  Maxtla ,  après 
loir  sacrifié  leur  roi  et  leurs  chefs,  lorsque 
Jnntézuma,  tournant  le  lac   par  Tlacopan  et 
ïialco,  prit  l'ennemi  à  dos.  Maxtla,  abandonné 
ïr  sa  noblesse,  dégoûtée  de  son  despotisme, 
1  nna  le  signal  de  la  déroute;  il  se  cacha  dans 
1  établissement  de  bains  ;  on  l'y  découvrit,  et  il 
sacrifié  avec  le  cérémonial  en  usage  chez  les 
1  tèques  (2).  Sa  capitale,  Azcapulasco,  fulrasée,  et 
1  n  territoire  devint  le  grand  marché  des  nations 
l'Anahuac  ,  qui  formèrent  (1425)  une  alliance 
i  durait  encore  lors  du  débarquement  de  Cor- 
>  (mars  1519).  Elle  se  composait  surtout  des 
>is  puissants  États  de  Tezcuco  ,  Mexico  et  Tla- 
pan.  Montézuma  continua  à  servir  Itzcoatl  avec 
i  grand  zèle.  Il  soumit  le  petit  royaume  de  Ta- 
a,  les  princes  de  Cojohuacan  et  de  Xochi- 
ïlco,  et  rendit,  par  ses  victoires ,  sa  nation  la 
as  puissante  de  l'Anahuac;  aussi  à  lamortd'Itz- 
atl  (1436)  fut-il  appelé  au  trône, par  acclama- 
>n.  Tous  les  chefs  voisins  assistèrent   à  son 
uronnement.  Le  sang  des  victimes  humaines 
issela  sur  les  autels.  Une  expédition  dirigée 
ntre  les  habitants  de  Chalco  fournit  les  prison- 
îrs  immolés  dans  cette  horrible  solennité. Bientôt 


214 


lM 


!)«  à  cette  terrible  annonce,  écrit  le  chroniqueur  mexi- 
m  Ixtlilxochitl,  le  peuple  fut  saisi  de  terreur.  Itzcoatl, 
icleziiina  et  les  principaux  d'entre  les  nobles  s'effor- 
rent  de  relever  son  courage  :  mate  ce  peuple  tout  trem- 
nt  leur  disait  :  »  Que  ferons-nous  si  nous  sommes 
ncus?  »  Et  les  nobles  répondaient  :  «  Nous  nous  met- 
ins  à  votre  disposition  ;  nous  nous  livrerons  à  votre 
ngeance!  —  Ainsi  soit-il  !  dit  le  peuple,  et  nous  vous 
:rifierons  !  Et  puis  il  ajouta  :  Mais  si  vous  revenez 
inqueurs  ,  vous  serez  nos  maitres,  nos  seigneurs;  vous 
serez  de  nous,  de  nos  enfants.  Pour  vous,  nous  culti- 
rons  la  terre;  nous  bâtirons  vos  maisons;  nous  porte- 
ns  vos  armes  et  vos  bagages  chaque  fois  que  vous  irez 
la  guerre.  »  N'y  a-t-il  pas  quelque  chose  de  biblique 
ns  ce  double  contrat?  Telle  fut  l'origine  de  l'esclavage 
de  la  division  des  castes  dans  le  Mexique.  »  (Ixtlilxochitl, 
st.  Chic,  ms.,  cap.  xxvii.) 

's)  Cinq  prêtres,  ou  mieux  cinq  bourreaux,  vêtus  de 
bes  noires,  saississant  la  tête  ou  les  membres  de  la 
fethoe,  retendaient  sur  la  pierre  du  sacrifice,  bloc  de 
;pe,  convexe  dans  sa  partie  supérieure.  Le  grand-sacri- 
ateur,  habillé  tout  de  rouge,  lui  ouvrait  alors  la  poi- 
Ine,  avec  un  couteau  d'iztly,  substance  volcanique  aussi 
;  re  que  le  silex,  et  plongeant  sa  main  dans  la  plaie,  i!  en 
r.icl.ait  le  cœur  palpitant,  qu'il  offrait  d'abord  au  soleil, 
[jet  d'adoralinn  dans  tout  l'Anahuac.  Il  le  jetait  ensuite 
h  pieds  de  l'idole  à  qui  le  temple  était  consacré.  Saha- 
n,  UiSt  delà  Nucva-Espaila,  liv.  II,  cap.  II,  V,  XXIV. 


Montézuma  se  trouva  trop  à  l'étroit  dans  la  val- 
lée de  Tenoclititlan  (i).  La  pente  fut  portée  d'a- 
bord au  sud  dans  le  Matlatzingo  et  leTlahuican 
et  jusqu'à  plusieurs  centaines  de  milles  de  Mexico 
sur  le  territoire  d'Oaxaca,  dans  le  Tzapotecapan, 
c'est-à-dire  jusqu'à  l'Océan  Pacifique.  Vainqueur 
partout,  Montézuma  tourna  ses  armes  vers  l'est 
et  les  conduisit  avec  succès  dans  le  Totonacapan 
et  le  Cuetlacbtian,  sur  les  rivages  du  golfe  du 
Mexique.  Sa  puissance  s'étendit  ainsi  d'une  mer 
à  l'autre.  Mais  en  1446  un.  grand  désastre  vint 
l'affliger.  Le  lac  de  Tezcuco  déborda  et  inonda 
Mexico.  Les  habitations  furent  presque  toutes 
renversées  ;  les  champs  furent  inondés  ;  la  peste 
et  la  famine  augmentèrent  le  nombre  des  vic- 
times. Montézuma  éleva  une  ville  nouvelle  et 
plus  solide,  puis,  se  concertant  avec  les  monar- 
ques ses  voisins,  chercha  à  empêcher  le  retour 
d'un  pareil  événement.  Ce  fut  alors  qu'on  com- 
mença à  élever  ces  digues  immenses  dont  les 
restes  sont  encore  un  objet  d'étonnement  et 
prouvent  l'intelligence  et  la  patience  de  leurs 
constructeurs  (2). 

Sous  le  règne  de  Montézuma  Hhuicamina,  la 
cour  impériale  devint  nombreuse  et  brillante; 
les  princes  vaincus  venaient  y  rendre  hommage 
au  conquérant  et  laissaient  entre  ses  mains  d'im- 
portants otages.  Les  prêtres  furent  un  instru- 
ment entre  ses  mains  (3),  et  pour  leur  donner 
plus  d'importance  aux  yeux  du  peuple ,  il  aug- 
menta les  cérémonies  du  culte  et  leur  splendeur  : 
de  nouveaux  rites  furent  institués,  de  nombreux 
téocalli  (maisons  de  Dieu)  élevés.  S'éloignant 
complètement  des  lois  promulguées  par  son  sage 
allié,  Nezahualcoyotl,  Montézuma  multiplia  les 
sacrifices  humains.  Toutes  les  institutions  pri- 
rent le  caractère  du  despotisme  théocratique.  Le 
pouvoir  royal  fit  taire  les  prétentions  aristocra- 
tiques. Les  grands  ne  furent  plus  que  les  valets 
du  monarque  :  un  cérémonial  vraiment  oriental 
fut  établi  à  la  cour,  et  tout  fut  silence  et  respect 
autour  du  trône.  Cependant,  comme  son  ver- 
tueux voisin  de  Tezcuco,  Montézuma  établit  des 
lois  et  une  police  rigoureuses  qui  atteignaient 
tous  les  états  et  maintenaient  l'ordre  et  la  sou- 
mission dans  tous  les  rangs.  Les  grands  crimes 
contre  la  société  furent  tous  punis  de  la  mort; 
les  adultères  étaient  lapidés,  comme  chez  les 
Hébreux  ;  le  vol  suivant  sa  gravité  entraînait  la 
mort  ou  l'esclavage;  l'ivrognerie  chez  un  jeune 
homme  était  un  délit  capital  ;  chez  les  personnes 
d'un  âge  mûr,  elle  était  réprimée  par  la  dégrada- 


(1)  Premier  nom  de  Mexico. 

(2)  Une  d'elles  n'a  pas  moins  de  douze  mille  mètres  de 
long  sur  vingt  mètres  de  large.  Cette  digue,  en  partie 
dans  le  lac  môme  ,  consistait  en  un  mur  de  pierre  et 
d'argile,  fraise  de  chaque  côté  d'un  rang  de  palissades. 
On  en  voit  encore  des  restes  très-considérables  dans  les 
plaines  de  San-I.orenzo.  fce  roi  de  Tezcuco,  Nezahual- 
coyotl, l'homme  le  plus  éclairé  de  l'Anahuac  d'alors  ,  fut 
le  directeur  de  ces  immenses  travaux. 

(3)  Us  étaient  si  nombreux  que  le  principal  temple  de  la 
capitale  comptait  à  lui  seul  cinq  mille  desservants  qui  y 
étaient  logés. 


215 


MONTÉZUMA 


2lf 


tion  civile  et  la  confiscation  des  biens  ;  les  es- 
claves furent  protégés,  excepté  ceux  faits  à  la 
guerre,  destinés,  presque  toujours,  pour  les  sa- 
crifices. 

On  le  voit,  quoique  son  code  fut  draconien, 
Montézuma  apporta  un  certain  ordre  parmi  ses 
sujets,  dont,  malgré  sa  sévérité,  il  était  l'idole.  Il 
mourut  craint  et  respecté  de  tout  l'Anahuac  qui 
lui  donna  le  surnom  <T Ilkuicamina  (grand  et 
juste).  Son  cousin  Axajacatl lui  succéda.  A.  de  L. 
Ixtlllxochitl,  Historia  Chichemeca,  ms.  —  Lorenzena-, 
Hist.  de  Nueva-Espana  |  Mexico,  1770).  —  Fra  Bernar- 
dine- de  Sahagun,  Historia  gênerai  de  las  Cosas  de 
Nueva-Espaila.  —  Clavigero,  Storia  antica  del  îllessico 
(1780,  4  vol.  in-4°).  —  Herrera,  Historia  gênerai  de  los 
échos  de  las  Castil,  en  las  illas  y  tierra  firme  del  mar 
Oceano  (4  vol.  in-fol.).  —  Semai  Diaz  del  Castillo,  Hist. 
verdadera  de  la  conquesta  de  la  JVueva-Espaila.  — 
Home,  De  Originibus  Americanis  (1552,  ln-8°).  —  Gar- 
cia, Origen  de  los  Jndios  del  Nuovo-Mondo  (1729.  in-fol). 
—  La  Renaudlêre,  Mexique,  dans  V Univers  pittoresque, 
p.  1517.  Wi!liam.-A-Prescott,  Hist.  de  la  Conquête 
du  Mexique  (trad.  de  M.  Amédée  Pichot;  Paris,  1846, 
3  vol.  in-8°  ),  t.  1". 

montézuma  H,  Xocojolzin  (le jeune),  neu- 
vième empereur  du  Mexique ,  né  en  1466,  mort 
à  Mexico,  le  30  juin  1520.  Petit-fils  de  l'em- 
pereur Axajacatl  et  neveu  de  son  successeur 
Ahuitzotl,  il  fut  appelé  au  trône  à  la  mort  de  ce 
dernier  (1502)  de  préférence  à  ses  frères,  qu'il 
surpassait  en  talents  comme  général  et  comme 
prêtre,  fonctions  ordinairement  cumulées  par  les 
candidats  au  trône  mexicain.  Après  avoir  pris, 
dans  sa  jeunesse,  une  part  brillante  dans  les 
guerres  de  l'empire  aztèque ,  il  s'était  consacré 
au  sacerdoce  et  à  ses  horribles  mystères.  Grave 
et  réservé  dans  ses  manières ,  parlant  peu,  mais 
avec  éloquence,  il  était  respecté  de  la  multitude, 
qui  l'acclama  à  l'unanimité  roi  et  souverain  pon- 
tife. Plein  d'une  feinte  humilité,  lorsque  les 
nobles  vinrent  lui  annoncer  son  élection ,  ils  le 
trouvèrent  balayant  les  marches  du  téocalli  de 
Huitzilopochtli  (1),  terrible  dieu  dont  les  autels 
ruisselaient  toujours  de  sang  humain,  et  ce  ne  fut 
pas  à  cette  école  qu'il  apprit  la  mansuétude.  Son 
caractère  se  montra  toujours  d'accord  avec  son 
nom  (2).  Il  protesta  qu'exempt  d'ambition  il 
ne  désirait  rien  tant  que  de  rester  dans  la  re- 
traite et  que  le  fardeau  du  pouvoir  était  trop  lourd 
pour  sa  faiblesse;  enfin,  il  se  laissa  convaincre, et 
prit  aussitôt  les  armes  pour  se  procurer  les  vic- 
times destinées  à  être  offertes  en  holocauste  à 
son  couronnement.  Il  marcha  contre  Atlixco 
(Tlahuican  ),  dont  les  habitants  venaient  de  se- 

(1)  C'était  le  Mars  des  Mexicains  et  leur  divinité  pro- 
tectrice. Son  nom  est  composé  de  deux  mots  :  huitzitin, 
qui  signiûe  colibri,  el  opochtli, gauche,  parce  que  l'Image 
de  ce  dieu  portait  au  pied  gauche  une  touffe  de  plumes 
de  cet  oiseau  (Clavigero,  Storia  del  Messico,  t.  Il,  p.  17). 
Il  était  né  d'une  vierge  qui,  étant  en  prière  dans  un 
temple,  vit  une  petile  touffe  de  plumes  brillantes  qui  flot- 
tait en  l'air;  elle  la  prit,  la  plaça  sur  sonsein,  et  ne  tarda 
pas  à  devenir  grosse.  Les  prêtres  espagnols  furent  fort 
étonnés  de  trouver  dans  la  mythologie  mexicaine  presque 
la  contre  partie  de  la  conceplion  de  la  firgo  deipara 
(Sahagun,  Hist.  de  la  Nueva-Espana,  lib.  III,  cap.  i). 

(2)  Moteuczoma  signifie  en  mexicain  :  triste  ou  sévère. 
(Las  Casas,  Hist.  de  las  Indias,  lib.  111,  cap.  cxx.  ) 


couer  le  joug  mexicain.  Il  en  revint  triomphant,  i 
traînant  à  sa  suite  une  foule  de  captifs,  qui  pé- 1 
rirent  dans  les  fêtes  du  sacre  de  leur  vainqueur.  < 
Montézuma  y  déploya  un  faste  sans  exemple,  el ., 
jetant  dès  lors  toute  modestie  hypocrite ,  se  I 
montra  tel  qu'il  était  :  orgueilleux  et  despote. 
Son  premier  acte  fut  de  renvoyer  du  palais  el'i 
de  la  cour  tous  les  plébéiens  qui  y  occupaient  des  I 
emplois.  Les  honneurs  et  les  charges ,  même  les 
plus  infimes,  devinrent  le  privilège  exclusif  de 
la  noblesse.  Le  contact  des  gens  de  basse  nais- I 
sance  lui  semblait  injurieux  pour  la  royauté.  Les  E 
bornes  qui  nous   sont  imposées  ne  nous  per- 
mettent pas  d'entrer  dans  le  détail  des  cérémo- 1 
nies  et  de  l'étiquette  qu'il  introduisit  à  la  cour,  I 
ni  de  la  grandeur  et  de  la  magnificence  de  ses  \ 
palais,  de  ses  maisons  de  plaisance,  de  son  nom-  ! 
breux  harem ,  de  ses  parcs ,  de  ses  vêtements.  I 
Outre  ses  ministres  et  ses  courtisans ,  il  venait  j 
tous  les  matins  six  cents  seigneurs  feudatairesl 
lui  faire    leur    cour.  Il  créa  aussi  une  garde 
noble,  chargée  de  veiller  sans  cesse  sur  sa  per- 
sonne. Personne  n'était  admis  dans  le  palais  que 
pieds  nus.  Sous  les  peines  les  plus  sévères  on  ne 
devait  y  parler  qu'à  voix  basse.  Le  monarque 
cessa  de  se  montrer  en  public,  et  crut  que  l'isole- 
ment ajoutait  à  la  majesté  royale  :  il  trancha  de 
la  divinité,  et  aurait  voulu  se  faire  adorer.  Tandis 
que  la  hauteur  de  son  caractère  indisposait  ses 
sujets,  il  s'aliénait  davantage  encore  leur  affec- 
tion par  de  nouvelles  taxes,  suite  des  prodiga- 
lités de  la  cour.  Ces  taxes  pesaient  surtout  sur 
les  provinces  conquises,  où  elles  excitaient  de 
fréquentes  révoltes.  Les   dernières  années   du 
règne  de  Montézuma  offrent  le  spectacle   de 
guerres  incessantes,  où  les  forces  de  la  moitié  de 
l'empire   sont  occupées  à  opprimer  l'autre,  Un 
n'existait  entre  les  nouvelles  conquêtes  et  les  an- 
ciennes provinces  aucune  fusion  :  elles  étaient 
autant  divisées  d'intérêts  que  de  sympathies; 
aussi  l'empire  aztèque  s'affaiblissait  en  s'agran-J 
dissant.  Ces  causes  expliquent  les  incroyables  i 
succès  de  Cortés  et  le  grand  nombre  d'alliés  qu'il 
trouva  bientôt  parmi  les  peuples  indigènes,  qui 
presque  tous  détestaient  les  exactions  et  la  ty- 
rannie du  gouvernement  mexicain. 

Cependant  le  règne  de  Montézuma  est  loin 
d'être  sans  gloire.  A  son  avènement ,  il  mit  à 
mort  Malinalli ,  seigneur  de  Tlachquiauhco ,  qui 
s'était  révolté,  et  réunit  ses  États  à  l'empire.  Il 
conquit  aussi  l'Achiotlan.  Il  tourna  ensuite  ses 
armes  contre  la  république  de  Tlascala  ;  mais  le 
succès  ne  répondit  pas  à  son  espérance,  et  ses 
troupes  furent  plusieurs  fois  repoussées.  S'il  faut 
en  croire  Clavigero ,  Montézuma  ne  voulut  pas 
anéantir  ce  petit  État,  afin  d'avoir  un  prétexte 
continuel  de  tenir  ses  troupes  en  haleine  et  de 
pouvoir  se  procurer  des  victimes  pour  les  fêles 
de  ses  dieux.  Quand  l'approvisionnement  venait 
à  manquer,  les  prêtres  mexicains  jetaient  de 
grandes  clameurs  et  menaçaient  le  souverain  de 
Ja  colère  céleste.  C'est  ce  qui  arriva  en  1503, 


217 
|  1504,  où  deux  années  de  sécheresse  forcèrent  un 
grand  nombre  de  Mexicains  à  émigrer  et  à  se 
mettre  en  servitude  chez  les  nations  voisines. 
Montézuma,  cédant  aux  reproches  des  prêtres, 
porta  la  guerre  dans  le  Guatemala,  à  900  milles 
sud-est  de  sa  capitale.  Tous  les  prisonniers  faits 
dans  cette  campagne  furent  immolés  pour  la  dé- 
dicace d'un  téocalli  magnifique  qu'il  fit  élever  à 
^Mexico  en  l'honneur  de  la  déesse  Centiotl.  Le 
carnage  fut  affreux,  mais  la  récolte  fut  abon- 
dante, et  les  prêtres  ne  manquèrent  pas  de  l'at- 
tribuer à  leurs  sacrifices  sanglants  (I).  Monté- 
zuma envoya  peu  après  son  frère  Cuitlalmac 
contre  les  Mixtécas  et  les  Zopotécas  révoltés;  ils 
fuient  vaincus  et  leurs  villes  pillées.  En  février 
I  1506,  l'empereur  marcha  contre  les  Atlixchèses, 
1  les  battit  et  leur  fit  un  grand  nombre  de  prison- 
if  niers.  En  1507,  Cuitlalmac  prit  Tzollan,  Mictlan 
■et  Quauhquéchollan.  L'année  suivante   l'armée 
I  mexicaine  partit  pour  la  province  éloignée  d'A- 
Hnatla,  baignée  par  le  golfe  du  Mexique.  Assaillie 
flans  les  montagnes  par  un  froid  glacial  et  des 
I nuragans  terribles,  une  partie  des  guerriers  périt 
1  misérablement ,  le  reste  tomba  sous  le  fer  en- 
liemi.  Ce  désastre  et  l'apparition  d'une  comète 
leta  le  trouble  dans  lccœur  de  l'empereur,  au- 
■  juel,  suivant  le  récit  des  historiens,  un  célèbre 

Iistrologue  prédit  alors  la  chute  de  l'empire 
iztèque  et  l'arrivée  d'un  peuple  nouveau.  Ces 
sinistres  présages  n'arrêtèrent  pourtant  pas  les 
Conquêtes  de  Montézuma.  En  1508,  il  entreprit 
inverses  expéditions  contre  les  Tlascalans,  les 
I  Huexotzincas,  les  Atlixchèses,  les  Icputépèques 
Ilet  les  Malinaltipèques.  Il  enleva  8,200  prison- 
laiers  à  ces  peuples.  En  1509,  il  apaisa  la  ré- 
Ifvolte  des  Xochitépèques.  En  1510,  les  tourelles 
fe|.1u  grand  téocalli  de  Mexico  furent  consumées 
I  par  le  feu  durant  une  nuit  calme  et  pure,  et  sans 
Jmi'on  pût  en  découvrir  la  cause.  En  1511,  un 
I tèrand  nombre  de  maisons  furent  renversées  par 
I  les  eaux  du  lac  qui  furent  agitées  d'une  manière 
■[extraordinaire ;  trois  comètes    se  montrèrent, 

B   (1)  Selon  Zumarraga  et  Torquemada,  sous  le  règne  de 

Honté/.uma  (environ  dix-huit  années),  le  chiffre  des  vlc- 
■Kimes  sacrifiées  atteignit  annuellement  pour  la  capitale 
I  seulement  le  chiffre  de  20,000.  Acosta,  Herrera  et  Clavl- 
l'gero  pensent  que  ce  chiffre  s'appliquait  à  tout  le  royaume. 
llQuelques  écrivains  l'ont  porté  k  50,000!  Toutefois,  Las 
[[Casas,  repondant   à  Sepniveda,  qui  soutenait  qu'aucun 

les;  voyageurs  au  Mexique  n'évaluait  le  nombre  annuel 
Y  des  sacrifices  humains  à  moins  de  vingt  mille,  déclare  que 
î  <  c'est  là  l'évaluation  de  brigands  qui  cherchent  uneapo- 
i  flogie  pour  leurs  propres  atrocités,  et  que  le  véritable  nora- 
'  ibre  des  victimes  n'excédait  pas  cinquante  !...  |  Œuvres, 

éd.  Llorenle ;  Paris.  1832,  2  vol.  in  12),  t.  I,  p.  385.  Pres- 
t  boit  prétend  que  malheureusement  le  calcul  du  bon  ar- 
I  blicvêquc  de  Chiapa  «  venait  plutôt  de  son  coeur  que  de  sa 
I  iWte  ».  Le  corps  du  captif  sacrifié  était  ensuite  rerais  aux 
I  îuerriers  qui  l'avaient  fait  prisonnier,  et  ceux  ci  l'offraient 
|  en  festin  à  leurs  amis,  en  viandes  délicatement  apprêtées. 
'  jOes  convives  des  deux  sexes  prenaient  place  à  cet  odieux 
:  'banquet,  où  régnait  le  plus  grand  luxe  (Torquemada,  J/o- 

■  narch.  Jnd.,  lib.  VII,  cap.  xix).  L'empereur  lui-même 
\  en  usait  de  la  sorte.  Ce  n'était  pas  le  grossier  repas  de 
>  (Cannibales  affamés,  mais  l'authropophagie  élevée  à  l'état 
1  jde   raffinement  épicurien.  (  foy.  Clavigerc-,   Hist.   del 

\Messico,  t.  II,  p.  49;  et  Sahagun,  Hist.   de  Nueva-Es- 

'pafta,  lib.  IV,  vm  et  IX.) 


MONTÉZUMA  218 

et  une  étrange  clarté  illumina  l'Orient.  Elle  avait 
la  forme  d'une  pyramide  dont  la  large  base  s'ap- 
puyait sur  l'horizon  et  la  pointe  approchait  du 
zénith,  des  milliers  d'étincelles  en  jaillissaient  et 
semblaient  poudrer  le  ciel  d'étoiles.  Vers  le  même 
temps ,  l'on  crut  voir  dans  les  airs  des  hommes 
armés  qui  combattaient.  Ces  phénomènes,  rap- 
portés par  tous  les  vieux  chroniqueurs ,  ne  lais- 
sèrent plus  de  doute  aux  superstitieux  Mexicains 
qu'une  grande  calamité  approchait.  Pour  la  con- 
jurer, Montézuma  éleva  deux  temples  à  Tla- 
matzinco  et  à  Quaxicalco,  et  immola,  pour  leur 
consécration,  12,210  victimes  humaines.  Cette 
même  année  il  réprima  l'insurrection  des  Jopas, 
et  en  1512  il  fit  la  conquête  du  pays  des  Quitza- 
lapénèses  au  nord.  Ce  fut  l'époque  de  la  plus 
grande  splendeur  de  l'empire  aztèque.  Sa  dis- 
solution devait  s'accomplir  avec  une  rapidité 
inouïe. 

En  1516  Nezahualpilli,  roid'Acolhuacan,  meurt 
sans  désigner  de  successeur.  Ses  trois  fils,  Caca- 
matzin,  Ixtlilxochitl  et  Coanocotzin,  se  dispu- 
tèrent le  trône.  Cacamatzin  était  l'aîné,  et  avait 
été  reconnu  par  le  conseil  suprême  deTezcuco; 
le  droit  était  pour  lui  ;  néanmoins,  battu  par  ses 
frères,  il  implora  le  secours  de  Montézuma.  Ce 
monarque  se  posa  en  arbitre  :  il  rétablit  Caca- 
mitzin  dans  sa  capitale,  à  la  condition  de  par- 
tager avec  Coanocotzin  les  revenus  de  son 
royaume.  Ixtlilxochitl  reçut  en  apanage  diverses 
provinces  situées  dans  les  montagnes  du  Mezli- 
tlan.  Ce  jeune  prince  fut  fort  mécontent  d&  cette 
solution;  il  jura  une  haine  mortelle  àMontézuma, 
le  défia  en  combat  singulier  et  ne  cessa  de  l'atta- 
quer. Les  secours  qu'il  fournit  à  Cortés  furent 
certainement  une  des  principales  causes  de  la 
ruine  des  Aztèques. 

A  partir  du  débarquement  du  héros  espagnol 
sur  le  sol  américain  (13  mars  1519)  l'histoire  de 
Montézuma  se  lie  tellement  à  celle  de  Cortés  que 
nous  renvoyons  à  cet  article  pour  tous  les  détails 
des  événements  qui  précédèrent  la  mort  de  l'em- 
pereur. Sous  l'empire  des  prédictions  fâcheuses 
qui  lui  avaient  été  faites,  il  adopta  une  politique 
indécise  qui  le  conduisit  à  sa  perte.  Au  lieu  d'at- 
taquer les  étrangers  avant  qu'ils  n'eussent  le  temps 
de  prendre  pied  dans  le  pays  et  d'y  contracter  des 
alliances,  il  résolut  de  leur  envoyer  des  ambas- 
sadeurs et  de  riches  présents,  mais  de  leur  in- 
terdire l'entrée  de  sa  capitale.  C'était  exciter  leur 
cupidité  «t  montrer  ses  craintes. .Cortés  insista; 
trois  refus  accompagnés  chaque  fois  de  cadeaux 
magnifiques  ne  le  rebutèrent  pas.  Il  fit  alliance 
avec  les  chefs  de  Champoalla  et  de  Chiahuitzla, 
qui  lui  fournirent  des  guerriers  et  des  vivres,  et 
se  mit  en  marche  pour  Mexico.  Chemin  faisant, 
il  battit  plusieurs  fois  les  Tlascalans,  et  fit  de  ces 
belliqueux  républicains,  ennemis  mortels  des 
Mexicains,  des  alliés  fidèles  qui  contribuèrent 
plus  que  tous  à  la  réussite  de  ses  projets.  Ef- 
frayé de  la  révolte  de  plusieurs  dé  ses  provinces 
et  de  la  coalition  qui  se  formait'  contre  lui,  Mon- 


219 


téznma  essaya  encore  une  fois 
marche  triomphante  des  Espagnols.  Il  espérait 
satisfaire  leur  avidité  à  force  de  richesses  et  les 
déterminer  à  se  remharquer.  Il  n'en  fut  rien. 
Cortés  continua  sa  route  avec  une  armée  de  cent 
mille  Indiens  auxiliaires, qu'il  ne  congédia  qu'à 
deux  lieues  de  Mexico.  Montézuma  eut  alors  re- 
cours à  la  ruse.  Il  excita  les  Cholulans  à  massa- 
crer les  Espagnols  qui  faisaient  séjour  dans  cette 
ville.  Cortés  fut  averti  du  complot  par  sa  mai- 
tresse,  Marina;  il  le  prévint  en  exterminant  ses 
perfides  hôtes.  Quelques  prisonniers  lui  avouèrent 
qu'ils  n'avaient  agi  qu'à  l'instigation  de  l'empe- 
reur. Cortés  reçut  en  même  temps  la  nouvelle  de 
la  mort  de  son  ami  l'Alguazil  don  Juan  Escalante, 
gouverneur  de  La  Vera-Cruz,  tué  avec  plusieurs 
soldats  dans  un  combat  contre  Quauhpopoca, 
cacique  de  Nauhtlan.  Conquistador  dissimula  pour 
le  moment  et  accueillit  avec  bienveillance  une 
cinquième  ambassade  de  Montézuma,  qui  lui  offrait 
quatre  charges  d'or  pour  lui  et  une  pour  chacun 
de  ses  compagnons  (1),  s'il  voulait  retourner  à 
Cuba  :  l'empereur  s'engageait  de  plus  à  payer  un 
tribut  annuel  au  roi  d'Espagne.  Cortés  accepta 
les  présents,  mais  répondit  qu'il  ne  pouvait  se  re- 
tirer sans  avoir  eu  une  entrevue  avec  l'empereur. 
Il  continua  sa  marche,  toujours  bien  accueilli  des 
Indiens.  Les  princes  Cuitlahuatzin  et  Matlatzin- 
catzin ,  frères  de  Montézuma,  vinrent  à  sa  ren- 
contre avec  plus  de  mille  seigneurs  mexicains , 
après  quoi  il  tit  son  entrée  dans  la  capitale  le 
8  novembre  1519.  L'empereurl'accucillitdela  ma- 
nière la  plus  distinguée  et  le  conduisit  dans  un  pa- 
lais assez  vaste  pour  loger  les  Espagnols,  leur 
suite  et  leurs  alliés,  au  nombre  de  plus  de  sept 
mille  personnes.  Montézuma  offrit  au  conquis- 
tador un  grand  nombre  d'objets  précieux  en  or, 
argent,  plumes  rares,  etc.,  et  plus  de  cinq  mille 
vêtements.  Il  envoya  également  des  présents  aux 
officiers  et  aux  soldats.  Il  lui  offrit  même  une 
de  ses  filles  et  à  ses  principaux  officiers  des  filles 
de  seigneurs  mexicains.  Cortés  hésita  un  instant, 
mais  l'amour  de  l'or  l'emportant,  il  résolut  dès 
lors  de  détrôner  le  faible  monarque,  et  l'accusa 
hautement  d'avoir  ourdi  la  trahison  de  Cholan 
et  causé  la  mort  d'Escalante.  Montézuma ,  pour 
lui  prouver  son  innocence  et  sa  sincérité,  fit  partir 
aussitôt  deux  envoyés  pour  Nauhtlan  avecordre 
d'amener  Quauhpopoca  et  les  autres  chefs  qui 
avaient  combattu  contre  les  Espagnols.  Cortés  ne 
se  contenta  pas  de  cette  mesure,  il  exigea  que  le 
souverain  lui-même  se  remît  en  otage  entre  ses 
mains  jusqu'au  retour  de  ses  envoyés,  etcomme 
l'empereur  paraissait  indigné  de  cette  proposi- 
tion ,  un  officier  espagnol  s'offrit  pour  l'enle- 
ver de  vive  force  et  pour  le  tuer  s'il  résistait. 
Montézuma,  frappé  de  l'air  féroce  de  cet  officier, 
pour  éviter  le  danger  dont  il  se  voyait  menacé, 

(1)  La  charge   ordinaire  d'un  Mexicain  était  d'environ 

50  livres  d'Espagne  ou  800  onces,  de  sorte  que  la  somme 

eniière,  vu  le  nombre  des  Espagnols,  devait  monter  à 
3,000,000  de  scquins  (36,120,000  de  francs). 


MONTÉZUMA  22( 

d'arrêter  la  |  se  soumit  et  consentit  à  être  transporté,  avec  le:  i 
nobles  qui  l'entouraient,  au  quartier  des  Espa 1| 
gnols.  L'empereur  y  était  détenu  depuis  quinzi  ; 
jours,  lorsque  les  deux  messagers  revinrent  ac 
compagnes  de  Quauhpopoca ,  du  fils  de  ce  ca- 1 
eique  et  de  quinze  autres  nobles  accusés  d'avoii 
combattu  Escalante.  Cortés  les  interrogea ,  le:  | 
menaça  de  la  torture ,  et  obtint  l'aveu  qu'ils  n'a-  ] 
vaient  rien  fait  que  par  ordre  de  leur  maître  I 
cette  déclaration,  qui  devait  mettre  à  couver 
leur  responsabilité,  devint  la  cause  de  leur  pprte  \ 
Le  cacique  et  trois  de  ses  compagnons  furen  j 
condamnés  à  être  brûlés  vifs  comme  coupables  di  ] 
trahison  (1).  Cortés  se  rendit  ensuite  auprès  d<  I 
•Montézuma,  lui  reprocha  sa  conduite  et  lui  fit  met- 
tre des  fers  aux  pieds.  Montézuma,  nourri  dans  ! 
l'idée  que  sa  personne  était  inviolable,  demeur; 
d'abord  muet  d'horreur  à  cette  insulte,  qu'il  re 
gardait  comme  le  prélude  de  sa  mort  prochaine 
Sa  douleur  finit  par  éclater.  Les  larmes  et  les  gé- 
missements des  gens  de  sa  cour  accompagnaien 
les  siens.  Quelques-uns  de  ses  nobles  le  conso- 
laient à  genoux ,  comme  une  divinité  outragée 
d'autres  soulevaient  ses  fers  pour  lui  en  ailégei 
le  poids.  Pendant  ce  temps,  Cortés  fit  saish 
toutes  les  armes  rassemblées  dans  les  arsenaux 
pour  la  défense  publique,  et  dont  le  peuple  aurai; 
pu  s'emparer.  Il  en  fit  dresser  devant  le  palais 
impérial  un  immense  bûcher,  sur  lequel  le  can- 
tique de  Nauhtlan   et  ses  compagnons  furenl 
brûlés  vifs,  en  présence  d'une  foule  d'Indiens, 
spectateurs  muets  et  stupides  de  cette  barbarie. 
Ce  drame  accompli,  Cortés  alla  en  grand  cortégt 
détacher  lui-même  les  fers  de  l'empereur,  qu'il 
assura  de  sa  bienveillance  pour  l'avenir.  Mon- 
tézuma eut   la  faiblesse  de  témoigner  sa  vive 
reconnaissance  et  sa  tendresse  à  celui  qui  l'avait 
si  gravement  outragé.  Il  ne  fut  plus  qu'un  man- 
nequin entre  les  mains  des  Espagnols,  et   ne" 
montra  d'énergie  que  contre  ceux  qui    défen-i 
daient  ses  droits  et  l'indépendance  du  pays.  C'est- 
ainsi  qu'il  fit  enlever  traîtreusement  son  propre 
neveu ,  Cacamatzin ,  roi  de  Tezcuco,  et  le  livra 
à  Cortés.  Le  général  espagnol,  qui  connaissait  les 
dispositions  hostiles  du  jeune  roi,  le  fit  jeter  en 
prison,  et  concéda  son  royaume  à  son  frère  Coa- 
nocotzin,  qui  lui  avait  donné  quelques  preuves 
de  dévouement.  11  s'empara  ensuite  successive- 
ment des  deux  frères  de  Montézuma;  du  sei- 
gneur de  Tlateloco,  grand  prêtre  de  Mexico  ;  des 
rois  d'Acolhuacan  et  de  Tlacapan,  ainsi  que  de 
plusieurs  chefs  éminents,  possesseurs  de  fiefs. 
Il  les  faisait  arrêter  l'un  après  l'autre  lorsqu'ils 
venaient  rendre   visite  au   monarque  prison- 


(1)  Suivant  Bernai  Diaz,  l'auteur  espagnol  le  plus 
croyable,  puisqu'il  était  l'un  des  capitaines  de  Cortés,  il 
n'y  eut  pas  trahison  de  la  part  des  Mexicains  dans  cette 
occasion.  Voici  sa  version  littérale  :  «  Le  gouverneur 
aztèque  était  occupé  à  percevoir  chez  les  Totonaques 
les  tributs  accoutumés,  Iorsqu'Esealante  étant  Intervenu 
pour  protéger  ses  alliés,  devenus  sujets  de  l'Espagne,  fut 
tué  dans  un  engagement  avec  l'ennemi  (Hist.  de  la  Con- 
guista,  etc.,  cap.  XC11I  1.  »  Mais  il  fallait  un  prétexté  a 
Cortés  pour  s'emparer  de  Montézuma. 


221 


nier.  11  suivit  le  môme  système  à  l'égard  des 
f principaux  officiers  :  la  persécution  ou  l'exil  frap- 
jpèrent  tous  ceux  qui  conservaient  un  sentiment 
l'indépendance.  Ces  mesures  s'accomplissaient 
f  ni  nom  du  malheureux  Montézuma,  qui  ne  mon- 
ta quelque  fermeté  que  dans  le  refus  constant 
:  ju'il  lit  de  renoncer  à  ses  dieux  «  qui,  disait-il, 
l'avaient  jamais  fait  que  du  bien  à  ses  sujets  ». 
Cependant  il  consentit  à  ce  qu'il  ne  fût  plus  servi 
le  chair  humaine  sur  sa  table.  Cortés  n'insista 
bas  pour  le  baptême  immédiat,  mais  il  exigea, 
f  :omme  compensation  de  sa  tolérance,  que  l'empe- 
[  eur  lui  livrât  les  trésors  laissés  par  son  frère  et 
[irédécesseuf  Axajacatl  (1).  Ils  servirent  à  rem- 
bourser les  dépenses  que  Cortés  avait  faites  à 
puba,  à  récompenser  ses' officiers,  à  entretenir  le 
[  èle  des  alliés ,  à  préparer  de  nouvelles  défections 
ans  les  provinces  restées  fidèles  à  l'empire.  Les 
'  oldats  espagnols,  insatiables  du  reste,  se  montrè- 
ent  fort  mécontents  de  leur  part  ;  mais  c'était  un 
hoyen  de  les  rendre  plus  acharnés.  L'occasion 
I  e  tarda  pas  :  les  nobles  firent  éclater  hautement 
l'ur  mécontentement  contre  Cortés,  et  les  prê- 
tes persuadèrent  à  Montézuma  que  si  les  blancs 
e  quittaient  le  pays,  les  dieux  retireraient  leur 
\  rotection  aux  Mexicains  et  leur  refuseraient  la 
Pluie  nécessaire  aux  fruits  de  la  terre.  Ces  pré- 
fictions  frappèrent  plus  le  triste  monarque 
[ueses  précédentes  humiliations;  il  pria  Cortés 
e  partir,  s'engageanl  à  lui  fournir  tous  les  ma- 
jriaux  dont  il  aurait  besoin  pour  construire 
es  vaisseaux.  Ce  n'était  pas  la  volonté  du  con- 
uistador  ;  il  parlementa  :  huit  jours  après  il 
pprit  que  Panfilo  Narvaez  arrivait  des  Indes , 
[vec  dix-huit  navires  pour  le  chasser  du  payset 
Même  le  tuer  au  besoin.  Cortés  essaya  de  ga- 
iner cetadversaireredoutabîe,  qui  ouvrit,  dit-on, 
tes  intelligences  secrètes  avec  Montézuma.  Nar- 
aez  rejetant  tout  accommodement,  Corlés 
Puitta  Mexico ,  et  sans  calculer  les  forces  su- 
[érieures  de  son  adversaire,  le  surprit  dans 
fhampoalla  (27  mai  1520)  et  le  fit  prisonnier.  Il 
f;vint  ensuite  à  Mexico  après  avoir  grossi  son 
fanée  des  soldats  de  Narvaez ,  mais  il  trouva 
|  capitale  en  pleine  insurrection;  Alvarado, 
•n'il  avait  laissé  comme  gouverneur  en  son  ab- 
';nce ,  n'avait  pas  craint  de  faire  massacrer  six 
tînts  des  plus  nobles  mexicains,  assemblés  pour 
pe^ête  religieuse.  Il  prétendit  qu'il  croyait  à  un 
implot;  mais  les  historiens  les  plus  compé- 
nts  affirment  que  lui  et  ses  soldats  n'avaient 
î  d'autre  but  que  de  s'emparer,  ce  qu'ils  firent, 
îs  riches  dépouilles  de  leurs  victimes,  dont 
î  avait  d'ailleurs  fait  déposer  les  armes.  Cette 


||l)  Diaz  Bernai,  dans  sa  Historia  verdadera  de  laCon- 

ista  de  la  Nueva-Espafla,  cap.  88  et  99,  évalue  le  cin- 
f  ième  de  ce  trésor,  part  destinée  au  roi  d'Espagne,  à  600.000 

us  en  or  (environ  (3,600,ooofr..|joutre  l'argent  et  des  orne- 
pnts  précieux,  estimés  plus  de  cent  mille  ducats.  Pres- 
;tt    évalué  la  totalité  de  ces  richesses   à  la  somme  de 

.125,000  Ir.  de  notre  monnaie  actuelle  (  Hist.  de  la  Con- 
fête  du  Mexique,  t.  11,  liv.  IV,  p.. 166-117  ;  trad.  d'Amé- 

c  Pichot.  ) 


MONTÉZUMA  222 

lois,  le  peuple  mexicain,  indigné,  se  souleva  en 
masse,  et  Alvarado,  assiégé  dans  ses  quartiers, 
allait  succomber,  si  Corlés  ne  lui  fût  arrivé  en 
aide.  Cortés  entra  triomphalement  dans  la  ville 
déserte  et  dégagea   ses   compatriotes;   Monté- 
zuma seul  vint  le  recevoir  à  son  approche  des 
retranchements  espagnols  ;  mais  le  général  es- 
pagnol refusa  de  le  voir,  l'appelant  «  chien  » 
qui  avait  correspondu  avec  Narvaez  et  voulait 
ruiner  les  Espagnols  par  la  famine.  Dès  le  len- 
demain, le  combat  recommença  avec  une  rage 
terrible  <Usdeux  parts.  Montézuma,  convaincu 
de  la  perte  de  sa  couronne,  tenta  du  moins  de 
sauver  une  partie  de  ses  sujets ,  et  proposa  à 
Cortés  d'obtenir  une  trêve  s'il  voulait  évacuer 
la  ville.  Cortés  était  convaincu  de  cette  néces- 
sité; mais  il  voulait,  par  une  dernière  ruse, 
engager  les  Mexicains,  par  la  voix  de  leur  em- 
pereur, à  se  disperser  et  à  mettre  bas  les  armes. 
La  ruse  était  trop  grossière  ;  aussi  Montézuma 
répondit-il  à  l'espagnol  :  «  Nous  allons  à  la  mort  »; 
et  se  parant  de  ses  habits  les  plus  pompeux,  il 
parut  sur  la  principale  terrasse  du  palais  :  à  la  vue 
de  leur  roi,  les  assiégeants  suspendirent  leurs  ef- 
forts :  «  Mexicains,  leur  dit-il,  si  votre  zèle  pour 
mon  service  et  le  désir  de  me  rendre  la  liberté 
vous  ont  fait  prendre  les  armes  contre  les  étran- 
gers, je  vous  remercie  de  votre  fidélité;  mais  je 
vous  dois  la  vérité;  je  ne  suis  point  prisonnier, 
je  suis  libre  d'habiter  ce  palais  de  mon  frère  ou 
de  retourner  dans  le  mien  !...  »  Ici  l'empereur  fut 
interrompu  par  une  voix  s'élevant  de  la  foule, 
qui  s'écrie  :  «  Roi  des  Aztèques,  vous  êtes  un 
lâche  !  un  efféminé  !  Vous  valez  mieux  à  ma- 
nier l'aiguille,  comme  les  femmes,  qu'à  gouver- 
ner une  nation  de  braves.  Vous  êtes  prisonnier 
de  ces  étrangers,  et  vous  ne  l'osez  avouer  »  ;  et 
finissant  ces  mots,  l'homme   lança  une  flèche 
contre  le  roi  (1)  ;  tout  le  peuple  suivit  l'exemple  de 
l'audacieux  Mexicain ,  et  le  roi  tomba  frappé  à 
la  tête,  au  bras  et  à  la  cuisse.  Relevé  par  les 
Espagnols,  il  eût  pu  guérir,  car  ses   blessures 
n'étaient  pas  mortelles,  mais  arrivé  au  dernier 
degré  d'humiliation  et  de  désespoir,  il  refusa  de 
prendre  le  moindre  aliment  et  déchira  les  ap- 
pareils que  l'on  plaçait  sur  ses  plaies  (2).  Quoi- 


(1)  Acosta  rapporte  une  tradition  suivant  laquelle  ce 
fut  Guatémezin,  neveu  de  Montézuma  et  qui  lui-même 
monta  plus  tard  sur  le  trône,  qui  interpella  ainsi  l'empe- 
reur et  lui  décocha  la  première  flèche  (  lib.  VII,  cap.xxvi). 

(2)  Les  historiens  espagnols  varient  sur  les  causes  et 
les  circonstances  de  la  mort  de  Montézuma.  Cortés  et 
Gomara  l'attribuent  à  un  coup  de  pierre  reçu  i \î  tète, 
Solis  au  refus  de  se  laisser  panser.  Bernai  Diaz  dit  qu'il 
se  laissa  mourir  de  faim  ;  Herrera  assure  qu'il  succomba 
à  un  violent  chagrin;  Sahagun  et  quelques  historiens 
mexicains  affirment  qu'il  périt  de  la  main  des  Espa- 
gnols, qui  lui  firent  subir  la  peine  du  garot  avec  deux 
de  ses  parents  et  lancèrent  ensuite  les  trois  cadavres 
aux  Insurgés.  Cette  version  semble  inadmissible,  car 
Cortés  rompait  ainsi  tout  -moyen  de  paix  avec  les  Mexi- 
cains; il  perdait  son  meilleur  otage  et  préparait  la  ter- 
rible nuit  du  Ie*  juillet;  mais  quand  on  considère  le 
massacre  exécuté  par  Alvarado  quelques  jours  aupara- 
vant et  les  propres  paroles  de  Cortés,  qui  ne  traitait  plus 
l'empereur  que  de  «  chien  » ,  certains  doutes  peuvent 


MONTÉZUMA  —  MONTFAUCON 


22 


que  le  combat  fût  des  plus  acharnés ,  Cortés  fit 
remettre  le  corps  de  l'empereur  à  ses  sujets.  On 
ignore  le  lieu  de  sa  sépulture,  Cuitlahuatzin , 
frère  de  Montézuma,  monta  sur  le  trône  du 
Mexique.  Alfred  de  Lacaze. 

Bernai  Diaz,  Historia  verdadera  de  la  Conqueslade  la 
Nueva-Espaiia—  Garcia,  Origen  de  los  Indios  del  Nuovo 
JMorKio  (  1729,  in-4°).  —Cortés,  Carta  II,  III et  IV de  la 
Nueva-Espaîla.  —  Ovide,  Hist.  de  las  Indias ,  mss-  — 
—  Lorenza,  Rel.  Seg.  de  Cortés.  —  Ixtlilxochitl,  Hist. 
Chichemeca  ,  mss.  —  Gomara,  Cronica,  etc.  —  Clavi- 
gero,  Storia  antica  del  Messico  (Cesena,  1780).  — 
W.-A.  Prescott,  Hist.  de  la  Conquête  de  Mexique  (trad. 
d'Am.  Pichot,  Paris,  1840). 

montfaucon  (Bernard  de),  célèbre érudit 
français,  né  le  13  janvier  1655,  au  château  de 
Soulage,  diocèse  de  Narbonne,  mort  dans  l'abbaye 
de  Saint-Germain-des-Prés,  à  Paris,  le  21  dé- 
cembre 1741.  Son  père,  Timoléon  de  Montfau- 
con, sieur  de  La  Rochetaillade  et  de  Conillac, 
appartenait  à  la  plus  haute  noblesse  du  comté 
de  Cominges.  Bernard  devait  donc  un  jour 
prendre  l'épée,  et  servir  l'État  en  gentilhomme, 
dans  les  camps.  Cependant,  contre  l'usage  des 
gens  de  sa  condition,  il  employa  les  longues 
heures  de  sa  jeunesse  à  faire  de  profitables  lec- 
tures ;  il  lut  avec  soin  Plutarque,  Josèphe,  et 
quelques  autres  historiens  de  l'antiquité,  sous 
la  direction  d'un  savant  ami  de  son  père,  Pa- 
villon, évêque  d'Aleth.  En  1672  il  entrait  aux 
cadets  de  Perpignan;  en  1673  il  servait  comme 
volontaire  en  Allemagne,  dans  l'armée  du  ma- 
réchal de  Turenne.  Le  voilà  soldat,  mais  par 
devoir  plutôt  que  par  vocation  :  ce  barbare  métier 
ne  convenait  pas  à  son  âme  généreuse,  et,  d'ail- 
leurs, dans  un  temps  où  la  guerre  était  si  active, 
il  n'y  avait  pas  entre  les  armes  et  les  lettres  de 
faciles  accommodements.  Ayant  donc  perdu  son 
père  et  sa  mère,  il  déposa  l'épée,  et,  de  retour 
au  château  de  La  Rochetaillade,  il  reprit  avec 
passion  ses  études  trop  longtemps  interrompues. 

Peu  de  temps  après,  cherchant  une  retraite 
encore  plus  profonde ,  mieux  défendue  contre 
tous  les  bruits,  toutes  les  distractions  de  la  vie 
mondaine,  il  se  rendit  à  Toulouse,  au  monastère 
de  La  Daurade  ,  gouverné  par  les  Bénédictins 
de  la  congrégation  de  Saint-Maur,  et  y  demanda 
l'habit  religieux.  Il  fut  d'abord  admis  au  novi- 
ciat; puis  à  la  profession,  le  13  mai  1676.  Le 
changement  d'état  avait  été  complet  :  mais, 
qu'on  ne  s'y  trompe  pas ,  le  changement  de 
moeurs  beaucoup  moindre.  A  cette  époque  où 
tout  gentilhomme  était  appelé  par  sa  naissance 
à  servir  dans  l'armée  du  roi,  on  rencontrait  dans 
cette  armée  un  grand  nombre  de  jeunes  gens, 
qui ,  comme  Bernard  de  Montfaucon ,  n'ayant 
pas  entendu  prendre  avec  la  carrière  militaire 
un  engagement  irrévocable,  vivaient  à  l'écart  de 
la  soldatesque,  et  conservaient  au  milieu  des 


s'élever  sur  la  mort  de  Montézuma,  dont  au  surplus 
Cortés  encore  tenait  toute  la  famille  en  caplivité.  l,e 
conquérant  espagnol  doutait  d'ailleurs  de  l.i  bonne  fol 
de  son  royal  prisonnier,  et  tenait  à  frapper  de  terreur 
les  Indiens. 


camps  leurs  habitudes  civiles.  D'un  autre  côté 
la  congrégation  de  Saint-Maur  étant  une  con 
frérie  savante,  dont  les  membres  avaient  la  1 
berté  d'entretenir  avec  le  monde  un  commerc 
régulier,  on  n'y  faisait  à  personne  une  loi  de  prc 
tiquer  les  raffinements  de  l'austérité  monasti 
que.  Nous  estimons  donc  que  le  jeune  Bernai 
n'eut  à  se  faire  aucune  violence  pour  se  confoi 
mer  aux  exigences  de  sa  nouvelle  conditioi 
Reçu  profès,  il  fut,  selon  l'usage ,  envoyé  dar 
un  autre  monastère.  Sorrèze,  où  il  fit  un  séjoi 
de  quelques  années,  possédait  un  grand  nombi 
de  manuscrits  grecs.  Comme  il  ne  connaissa 
pas  le  grec,  il  se  mit  avec  ardeur  à  l'étude  ( 
cette  langue,  et  se  la  rendit  familière.  Il  fit  ei 
suite  un  séjour  de  huit  années  à  l'abbaye  de  1 
Grasse,  diocèse  de  Carcassonne,  d'où  il  envoj 
ses  premiers  travaux  à  ses  supérieurs.  On  r 
marqua  ces  heureux  essais,  et  Montfaucon  f 
alors  appelé  à  Bordeaux,  puis  à  Paris,  où  il  f 
chargé,  avec  dom  Pouget  et  dom  Lopin ,  < 
faire  de  nouvelles  éditions  de  saint  Athanase  et< 
saint  Jeâu-Chrysostome.  C'est  alors  qu'il  appr 
dans  ses  loisirs,  l'hébreu,  lechaldéen,  le  syriaqi 
et  le  copte.  Il  s'occupa,  dans  le  même  temps,  \ 
numismatique,  et  à  la  mort  de  Placide  Pc 
cheron,  en  1694,  il  fut  préposé  à  la  garde  < 
cabinet  des  médailles,  à  Saint-Germain  des  Pri 
Au  commencement  de  l'année  1698  l'édition  < 
saint  Athanase  était  achevée.  Dès  qu'elle  eut  é  I 
reçue  par  les  savants,  elle  obtint  près  d'ei| 
beaucoup  de  succès  et  fit  le  plus  grand  nonne 
à  la  congrégation;  Ellies  Du  pin  n'hésita  pas 
l'appeler  en  public  un  ouvrage  incomparab 
Montfaucon  écrivit  aussitôt  aux  supérieurs 
son  ordre  qu'avant  de  confier  à  la  presse  I 
éditions  déjà  préparées  des  autres  pères  grec 
il  était  nécessaire  d'aller  consulter  de  nombre' 
manuscrits  conservés  en  Italie.  C'était  s'off 
pour  faire  ce  voyage  littéraire.  La  proposition 
Montfaucon  fut  accueillie  avec  empressement,! 
il  lui  fut  ordonné  de  partir  au  plus  tôt  pour  1 
talie,  en  la  compagnie  de  dom  Paul  Brioys  ( 
Ils  se  mirent  en  route  au  mois  de  mai  1698. 

Les  deux  voyageurs  visitèrent  d'abord  la  I 
bliothèque  de  Milan,  où  ils  furent  reçus  par  M< 
ratori.  De  Milan  ils  allèrent  à  Modène,  à  Mantoi' 
à  Venise.  Le  monastère  de  Saint- Georges-Majei" 
à  Venise,  était  habité  par  des  religieux  bénëd  I 
tins  ;  cependant  nos  deux  voyageurs  ne  f«r< 
pas  même  autorisés  par  leurs  confrères  à  voir 
catalogue  des  manuscrits  que  possédait  ce 
riche  abbaye.  L'accès  de  la  bibliothèque  de  Sai: 
Marc  ne  leur  fut  pas  plus  facile.  Ces  mésave 
tures  sont  de  tous  les  temps  :  hier  encore  d'à 
très  bibliothèques  italiennes  étaient  fermées 
d'autres  missionnaires  français.  A  Ravenne, 
Montfaucon  et  Brioys  arrivèrent  au  commenij 
ment  du  mois  de  septembre,  tous  les  savait 
de  la  ville  se  montrèrent  pour  eux  pleins  l 

(1)  Lettre  de  Montfaucon  à  Magliabechi. 


225 


MONTFAUCON 


22G 


bienveillance.  Enfin,  verelc  milieu  de  ce  mois  ils 
étaient  rendus  à  Rome.  Clande  Estiennot  rem- 
plissait dans  cette  ville  les  fonctions  de  pro- 
cureur général  de  la  congrégation,  tls  allèrent 
au  milieu  de  là  nuit,  accablés  de  fatigue,  lui  de- 
mander asile  :  «  Ils  étaient  fort  délabrés,  » 
écrit  plaisamment  Estiennot  à  Mabillon,   «  et 
marchaient  sur  la  chrétienté.  On  les  a  radoubés 
le  pied  en  cap.  »  Montfaucon  se  proposait  de 
séjourner  longtemps  à  Rome.  L'année  suivante, 
|;on  hôte,  Clande  Estiennot,  mourut,  et  Mont- 
aucon  fut  appelé  à   lui  succéder  comme  pro- 
;ureur  général.  Les  jésuites  étaient  alors  très- 
missants  à  Rome,  et  le  procureur  de  la  congré- 
gation  de   Saint-Maur  avait  pour  occupation 
irincipale  de  surveiller  toutes  leurs  démarches, 
le  démasquer  toutes   leurs  intrigues.  C'était 
lonc  un  emploi  laborieux  et  difficile.  Montfau- 
:on  préférait  le  travail  aux  affaires.  Forcé  tou- 
el'ois  d'intervenir  dans  les  questions  qui   in- 
éressaient   la  réputation  de  son  ordre,  il  eut 
ivec  les  jésuites  romains  de  vifs  débats,  et 
nôme  un  procès  devant  le  tribunal  de  l'inqui- 
ilion.  Il  s'agissait  de  saint  Augustin,  du  libre 
rbitre ,  de  la  grâce   :  Montfaucon  gagna  son 
rocès.  Cependant,  aprifc  cette  victoire,  il  de- 
manda son  rappel  en  France.    Ses  supérieurs 
'engagèrent  à  rester;  tous  les  personnages  con- 
idérables  de  Rome  et  le  pape  Clément  XI  lui- 
nême  s'efforcèrent  de  le  retenir  :  mais  il  se 
nontra  sourd  à  toutes  les  prières ,  et  quitta 
tome  au  mois  de  mars  1701,  écrivant  à  Gattola 
u'il  ne  pouvait  se  résoudre  à  poursuivre  une  con- 
troverse dogmatique  avec  d'aussi  grands  men- 
eurs que  les  jésuites  :  «  Se  havessi  tempo  de 
iPieg-arli  lutte  le  particularità ,  lei  si  stu- 
\>irebbe  deW  ardive  et  délia  facilita  di  men- 
ire  di  questi  uomini,  e  questa  e  una  délie 
frincipali  ragioni  che  mi  hannofalto  risol- 
>ere  di  andar  via  da  Roma.  » 
Montlaucon  revint  donc  à  Paris,  et,  retiré  à 
abbaye  de  Saint-Germain  des  Prés,  il   s'em- 
•loya  plus  ardemment  que  jamais  à  continuer 
es  patientes  recherches  dans  les  manuscrits 
recs  et  latins,  ainsi  qu'à  composer  ces  grands 
uvrages  qui  n'ont  pas  seulement  immortalisé 
ifon  nom,  mais  ont  encore  tant  contribué  à  la 
]  moire  de  son  ordre.  Quand  parut  en  1719  son 
lAntiquité  expliquée,  toute  l'Europe  savante 
Ifut  saisie  d'une  véritable  émotion  :  le  succès  de 
1  L«t  ouvrage  fut  tel  que  tout  le  monde  le  voulut 
,jfre,  même  les  ignorants.  Dans  l'espace  de  deux 
jLfiois,   l'édition,  tirée  à  dix  huit  cents  exem- 
ilaires,  fut  épuisée.  Nous  croyons  que  dans 
ucun  temps  et  dans  aucun  lieu,  un  livre  de  cette 
spèce,  de  ce  volume  et  de  ce  format,  dix  tomes 
a-folio,  n'a  été   si   promptement  vendu.   Le 
iruit  de  cet  éclatant  succès  alla  jusqu'au  duc 
''Orléans,  qui  ordonna  d'inscrire  Bernard  de 
lontfaucon  parmi  les  membres  honoraires  de 
Académie  des  Inscriptions,  quoiqu'il  n'y  eût 
>as  alors  de  siège  vacant  :  la  mort  du  P.  Letel- 

NOUV.   BIOCR.    CÉNÉB.   —  T.  XXXYI. 


lier,  célèbre  jésuite,  fit  une  vacance  cette  année 
mérne.  «  Dans  une  extrême  vieillesse,  »  dit  un  de 
ses  biographes,  dom  Tassin ,  «  dom  de  Montfaucon 
employait  encore  huit  heures  par  jour  à  l'étude. 
Son  tempérament  s'était  tellement  affermi  par 
l'habitude  d'une  vie  réglée  et  frugale ,  que  de- 
puis plus  de  cinquante  ans  il  n'avait  jamais 
été  malade.  La  surveille  de  sa  mort  il  commu- 
niqua encore  à  l'Académie  le  plan  d'une  suite  des 
Monuments  de  la  monarchie  française,  qu'il 
allait  publier  en  trois  volumes  ;  après  quoi  il 
donnerait,  disait-il,  une  nouvelle  édition  du 
Dictionnaire  Grec  d'^Emilius  Portus,  auquel  il 
avait  fait  des  additions  considérables.  Il  parlait 
de  la  sorte  le  19  décembre  1741,  et  il  mourut 
presque  subitement  le  21  du  même  mois.  » 

L'historien  a  bientôt  raconté  la  vie  de  Bernard 
de  Montfaucon.  Le  travail  l'ayant  occupée  pres- 
que tout  entière ,  elle  n'offre  guère  d'autres  évé- 
nements que  l'entreprise  ou  l'achèvement  des 
ouvrages  dont  il  nous  reste  à  donner  le  cata- 
logue. 

Analecla  Grxca,  sive  varia  opuscula  grœca 
hactenus  non  édita;  Paris,  1688,  in-4°.  On  lit 
au  titre  du  volume  :  tomus  primus  ;  c'est  cepen- 
dant un  ouvrage  complet.  Les  éditeurs  pen- 
saient continuer  ce  recueil ,  en  confiant  au  pu- 
blic de  nouvelles  découvertes  ;  mais  c'est  un  des- 
sein qu'ils  n'ont  pas  réalisé.  Ces  éditeurs  sont 
Antoine  Pouget,  Jacques  Lopin  et  Bernard  de 
Montfaucon.  La  part  de  Montfaucon  dans  l'œuvre 
collective  des  trois  religieux  bénédictins  est  l'é- 
dition et  la  traduction  latine  du  Typicum  Irenes 
Âugustœ,  des  Excerpta  ex  Herone  de  Men- 
suris,  et  de  VAntiquum  Ralionarium  Au- 
guiti  Csesaris,  c'est-à-dire  d'Alexis  Comnène; 
—  La  Vérité  de  V Histoire  de  Judith  ;  Paris, 
1690,  in-12.  Divers  critiques  avaient  allégué  que 
l'épisode  de  Judith,  raconté  dans  l'Ancien  Tes- 
tament, était  simplement  une  fable  dramatique, 
une  parabole  ou  une  composition  littéraire. 
Montfaucon,  évoquant  tous  les  témoignages  de 
l'histoire,  prétend  qu'ils  confirment  le  récit  de 
la  Bible.  A  cette  occasion  il  fut  félicité  par  Bos- 
suet.dans  unelettrequi  porte  la  date  dulOavril 
1690;  —  Athanasii,  arch.  Alexandrini, 
Opéra  omnia  ;  Paris,  1698,  3  vol.  in-fol.  Dom 
Loppin  et  dom  Pouget  travaillèrent  à  cette 
édition  des  Œuvres  de  saint  Athanase  ;  dom 
Montfaucon  en  est  toutefois  le  principal  au- 
teur. C'est  une  des  éditions  les  plus  recom- 
mandâmes des,  bénédictins  :  tous  les  critiques 
se  sont  accordés  jusqu'à  ce  jour  à  en  faire  le 
plus  grand  éloge;  —  Vindicix  editionis  S.  Au- 
gustini  a  Berxedictinis  adornatœ,  advenus 
Epistolam  abbatis  Germani,  auctore  D.  B. 
de  la  Rivière;  Rome,  1699.  Le  P.  Langlois, 
jésuite,  avait  dans  une  lettre  anonyme ,  Lettre 
de  l'abbé  D.,  vivement  censuré  l'édition  des 
Œuvres  de  saint  Augustin,  publiée  par  la  con- 
grégation de  Saint-Maur.  Montfaucon  lui  répond, 
sous  le  voile  du  pseudonyme,  non  sans  aigreur. 

8 


227 


MONTFAUCON 


22 


L'une  et  l'autre  congrégation  ayant  alors  de 
nombreux  adhérents,  chacun  des  deux  adver- 
saires put  dire  à  l'issue  du  combat  : 

Si  quaeritis  hiijus 
Fortunam  pugnœ,  non  sura  superatus  ab  illo  ; 

mais  ensuite  est  venue  la  postérité,  qui,  tout  à 
fait  désintéressée  dans  les  querelles  des  deux 
ordres  rivaux,  a  placé  l'édition  bénédictine  de 
saint  Augustin  bien  au-dessus  de  toutes  les  autres; 
—  Diarium  Italicum,  sive  monument  or uni 
veterum,  bibliothecarum,  museorum  notitiœ 
in  Itïnerarïo  Italico  collectée;  Paris,  1702, 
in-4°.  C'est  le  journal  du  voyage  littéraire  de 
Mabillon  en  Italie.  I!  est  dédié  à  Cûme  III,  grand- 
duc  de  Toscane.  Montfaucon  ayant  soumis  sa 
dédicace  à  l'approbation  du  grand-duc,  celui-ci 
demanda  sans  doute  quelques  changements  :  on 
signale  en  effet]  quelques  différences  entre  le 
texte  qui  précède  le  Diarium  et  l'original  en- 
voyé par  Montfaucon  au  grand-duc  (  Corres- 
pondance de  Montfaucon,  publiée  par  M*  Va- 
léry, t.  III,  p.  134).  Un  savant  italien,  nommé 
Ficoroni,  fit  la  critique  des  remarques  de  Mont- 
faucon sur  les  monuments  de  Rome ,  dans  un 
opuscule  intitulé  :  Observazioni  sopra  l'an- 
tichità  di  Roma.  Montfaucon  lui  répondit  dans 
le  Journal  des  Savants  de  l'année  1709.  Sous 
le  pseudonyme  de  Paul  Romeraldo  Riccobaldi , 
Alexandre  Maffei  de  Volterre  publia  en  1710, 
pour  la  défense  de  Montfaucon ,  son  Apologia 
del  Diario  Italico.  Les  jésuites  firent  mettre 
cette  Apologie  à  l'index;  —  Collectio  nova  Pa- 
trum  et  Scriptorum  Grascorum,  Eusebii  Cee- 
sariensis,  Athanasii  et  Cosmœ  jEgyptii;  Pa- 
ris, 1706,  2  vol.  in-fol.  Ce  recueil  est,  par  les 
matières  qu'il  renferme,  plein  d'intérêt.  Au 
texte  et  à  la  traduction  latine  de  ce  texte  Mont- 
faucon a  joint ,  en  outre ,  des  préfaces  et  des 
notes  où  il  se  montre  à  la  fois  théologien  habile 
et  profond  érudit  ;  —  Palœographia  Grseca,  sive 
de  ortu  et  progressu  litterarum  grœcarum, 
et  variis  omnium  sseculorum  scriplionis 
grascas  generibus,  etc.,  etc.;  Paris,  1708, 
in-fol.  Comme  le  fait  judicieusement  observer 
dom  Tassin,  le  Palxographia  Graeca  de  Mont- 
faucon a  toute  l'importance  de  la  Diplomatique 
de  Mabillon  :  deux  sciences  nouvelles  ont  été 
créées  par  ces  deux  ouvrages,  la  paléographie  la- 
tine, la  paléographie  grecque,  et  dans  les 
chaires  où  de  nos  jours  on  expose  ces  deux 
sciences,  les  règles  établies  par  Mabillon,  par 
Montfaucon,  sont  la  matière  même  de  l'enseigne- 
ment; —  Le  Livre  de  Philon  De  la  Vie  Con- 
templative, traduit  du  grec,  avec  des  Obser- 
vations où  Von  fait  voir  que  les  Thérapeutes 
dont  il  parle  étaient  chrétiens;  Paris,  170S), 
in-12.  Le  président  Bouhier  a  contredit  les  ob- 
servations de  Montfaucon  sur  la  religion  des 
Ihérapeutes,  et  cette  discussion,  remfse  derniè- 
rement à  l'ordre  du  jour,  n'est  pas  épuisée;  — 
Jîernardi  de  Monte  Falconis,  mon.  bened., 
Epistola  ad....  ;  An  vera  Narratio-  Ruftni  de 


baptizatis  pueris  ab  Athanasio  puero?  Paris 
1710,  in-8°.  Montfaucon  soutient  que  le  réc 
de  Rufin  est  fabuleux  ;  —  Réponse  de  D.  Ber 
nard  de  Montfaucon  aux  objections  que  lui 
faites  M.  (Bouhier)  contre  la  Dissertatio 
des  Thérapeutes;  Paris,  1712,  in-12.  Les  pièce 
de  cette  controverse  ont  été  réunies,  la  mêro 
année,  en  un  volume  de  même  format,  intitulé 
Lettres  pour  et  contre  sur  la  fameuse  ques 
tion  si  les  solitaires  appelés  thérapeute 
étaient  chrétiens;  —  Hexaplorum  Origem 
qux  supersunt,  etc.,  etc.;  Paris,  1713,  2  vo 
in-fol.  Montfaucon  travailla  pendant  vingt-troi 
ans  à  cette  édition  d'Origène.  Il  l'a  enrichi 
de  savantes  dissertations  et  de  dictionnaires  qi 
sont  encore  en  usage.  Son  dictionnaire  grec  de 
Hexaples  a  été  réimprimé  par  Abraham  Tron 
mius  à  la  suite  de  sa  concordance  des  Septante 
—  BibliothecaCoisliniana  ;  Paris,  1715,  in-fo 
C'est  le  catalogue  de  400  manuscrits  grecs  de  1 
bibliothèque  de  Coislin.  Ces  manuscrits  légués  pâ 
M.  de  Coislin,  évêque  de  Metz,  aux  religieux  d 
Saint-Germain  des  Prés,  sont  aujourd'hui  à  1 
Bibliothèque  impériale;  —  S.  P.  Joannis-Chry* 
sostomi,  archiepiscopi  Constant.,  Opéra  om 
nia;  Paris,  1718  et  années  suiv.,  13  vol.  in-fo 
Cette  édition  de  saint  Tean-Chrysostome  est  u 
des  chefs-d'œuvre  de  l'érudition  bénédictin! 
François  Faveroles,  trésorier  de  Saint-Denis,  i 
quatre  autres  religieux  furent  employés  pendan 
treize  ans  à  collationner,  sous  la  directio 
de  Montfaucon ,  tous  les  manuscrits  de  saii 
Jean-Chrysostome  qui  leur  furent  confiés.  Ce 
manuscrits  dépassèrent  le  nombre  de  trois  cent! 
Les  préfaces  annexées  aux  treize  volumes  p£ 
Montfaucon  sont  réputées  à  bon  droit  des  me 
dèles  de  critique; —  Antiquitas  explanation< 
et  scliematitras  illustrata ,  l'Antiquité  expl 
quéeet  représentée  en  figures;  Paris,  171î| 
dfx  vol.  ïn»fol.,en  latin  et  en  français.  Les  colla) 
borateurs  <ïe  Montfaucon  pour  cet  ouvrage  furer.  | 
Charles  de  Larue,  Martin  Bouquet  et  Josep 
Doussot.  Certaines  parties  de  l'antiquité  nou 
sont  aujourd'hui  mieux  connues  qu'elles  ne  l'e 
taient  à  Montfaucon  :  de  plus  en  plus  affranchi 
de  tout  préjugé  dogmatique,  l'érudition  fer 
chaquejour  dans  le  vaste  domaine  des  tradition 
orientales  de  nouvelles  et  importantes  découi 
vertes,  et  les  explications  de  Montfaucon,  qui  or 
déjà  vieilli,  perdront  encore  de  leur  autorité 
Mars  on  accordera  toujours  que  L'Antiquit 
expliquée  fat,  au  début  du  dix-huitième  siècle 
un  ouvrage  d'une  rare  perfection,  c'est-à-dire  1 
résumé  le  plus  complet  et  le  mieux  ordonn 
de  toutes  les  connaissances  alors  acquises  e 
matière  d'archéologie  grecque,  latine,  juive 
gauloise,  etc.,  etc.;  —  Supplément  au  livr\ 
de  L'Antiquité  expliquée;  Paris,  1724,  ciflii 
tomes  in-fol.  Ce  supplément  a  été  traduit  en  an 
glais  par  D.  Humphreys; —  Dissertation  sur  l  ! 
Phare  d'Alexandrie,  sur  les  autres  phares,  e  i 
particulièrement  celui  de  Boulogne-sur -Mer 


229  MONTFAUCON 

ne  à  l'Académie  des  Inscriptions   le  7  janvier 
11721,  cette  Dissertation  a  été  imprimée  dans  le 
tome  VI  des   Mémoires  de  cette  Académie;  — 
Dissertation  sur  la  plante  appelée  Papyrus , 
;ur  le  papier  d'Egypte,  sur  te  papier  de  co- 
'on,  etc.,  etc.;  dans  le  même  volume  des  Mé- 
moires de  l'Académie;  —  Les  Monuments  de 
'a  Monarchie   françoise;  Paris,  1729-1733, 
>  vol.  in-fol.  ;  —  Sur  un  Passage  d' Hérodote  ; 
le  tome  XII  des  Mémoires  de  l'Académie. 
1  s'agit  d'un  passage,  d'un  mot,  d'une  simple 
ettre ,  lue  différemment  par  Montfancon  et  par 
3ronovius  ;  —  Discours  sur  les  monuments 
intiques  de  la  ville  de  Paris  et  sur  une  ins- 
cription trouvée  au  bois  de  Vincennes;  dans 
e  tome  XIII  des  Mémoires  ;  —  Les  Modes  et 
Usages  du  siècle  de  Théodose  le  Grand;  dans 
H  e  même  tome  ;  —  Observations  sur  les  an- 
\  \  iennes  divinités  de  l'Egypte;  dans  le  t.  XIV; 
■fl  -   Lettre  latine    adressée   à   M.     Salmon , 
ty'ibliolhécaire  de  Sorbonne ;  —  Recherches  à 
taire  dans  le  voyage  de  Constantinople  et  du 
.evant;Asns  le  Mercure  de  France ,  janvier 
w  742.  Montfancon   avait  entrepris  de  faire  ce 
t?  oyage,  avec  plusieurs  de  ses  confrères  en  reli- 

*  ion  ;  —  Bibliotheca  bil/liothecarum  manus- 
wriptorum  nova;  1739,  2  vol.  in-fol.   Ce  cata- 

•  Dgue  est  le  manuel  de  tous  les  érudits.  —  Les 
Inatériaux  recueillis  par  Montfaucon  et  ses  con- 
iwrèrespour  les  grands  ouvrages  que  nous  avons 
i|:i-dessus  mentionnés  sont  conservés  à  la  Bi- 
inliothèque  impériale,  dans  le  résidu  de  Saint- 
jpermain  des  Prés.  On  peut  lire  aussi  dans  le 
■Mme  fonds  un  grand  nombre  de  lettres  reçues 
•par  Montfaucon  ou  écrites  par  lui ,  qui  pour  la 
jtilupart  sont  inédites.  Cependant  quelques  parties 
Mie  la  correspondance  de  Montfaucon  ont  été  impri- 
jfnées  par  M.  Valéry,  par  M.  Ulysse  Capitaine, 
Correspondance  de  B.  de  Montfaucon  avec  le 
ivaron  G.  de  Crassiet ,  Liège,  1855,  et  par 
jp-A.  Dantier,  Archives  des  Missions  scientifi- 
|jf'«e&,  1857.  Les  restes  de  Montfaucon,  transportés 
iiendant  la  révolution,  avec  ceux  de  Descartes  et 
|jle  Manillon,  au  Musée  français  des  Petits-Augus- 
|iins,ontété  restitués, le 26 février  1S19,  à  l'Église 
Ile  Saint-Germain  des  Prés.      B.  Hackéau. 

I  D.  Tr.ssin,  flïsi.  Uttcr.de  la  Congrégation  de  Saint- 
\  [Uaur,  p.  585-61".  —  Valéry,  Correspondance  de  Mabil- 
!  'on  et  de  Montfaucon  avec  l'Italie ,  passim.  —  Fabricius, 
\libliotk.  Grseca,  t.  XIII,  p.  849.  —  Éloge  de  Montfaucon, 
flans  VHist.  de  l'Acad.  des  Inscriptions,  t.  XVI. 

i  montferrat  (  Marquis  de),  noble  mai- 
llon italienne,  fondée  au  dixième  siècle  par  Ale- 
,an,  seigneur  d'origine  franque,  dont  les  ancê- 
res  déjà  possédaient  des  propriétés  étendues 
tin  Piémont  et  dans  le  reste  de  la  haute  Italie  (1). 
pn  diplôme  du  roi  Hugues  (938)  lui  accorde 
plusieurs    domaines   importants    et  l'exempte 

,  (1)  La  ville  d'où  cette  famille  tire  son  nom  était  située 
nr  le  Pô  ;  elle  fut  détruite  dans  les  guerres  du  onzième 
lècle  ;  nu  treizième  les  marquis  de  Montferrat  résidaient 
:'niicipahment  à  Cbivasso  et  à  Moncalvo  ;  depuis,  Casai 
llevint  leur  capitale. 


-  MONTFERRAT  230 

quant  à  l'exercice  de  la  souveraineté  sur  ces 
terres  de  toute  subordination  au  comte  du  pa- 
lais. Aleran,  que  plusieurs  autres  chartes  qua- 
lifient de  marquis,  reçut  aussi  diverses  libéra- 
lités de  l'empereur  Otton  (907).  Il  mourut,  croit- 
on  ,  en  995.  De  sa  femme  Gerberge ,  iille  de 
Bérenger,  roi  d'Italie,  il  laissa  un  fils,  Guil- 
laume 1er,  qui  lui  succéda.  On  n'a  que  des  ren- 
seignements peu  sûrs  au  sujet  de  la  famille  de 
Montferrat  pendant  le  onzième  siècle.       O. 

A  consulter  sur  l'histoire  de  la  famille  et  de  chacun  de 
ses  membres,  Benvenuto  Sangiorgio ,  Cronica  di  Mon- 
ferrato. 

Guillaume  III,  dit  le  Vieux,  hérita,  vers 
1140,  du  marquisat  de  son  père,  Beinier;  ce  sur- 
nom lui  fut  donné,  parce  que  dès  sa  jeunesse 
il  montra  la  prudence  et  la  maturité  d'un  vieil- 
lard. Après  avoir,  en  1147,  accompagné  l'empe- 
reur Conrad  III  à  la  croisade ,  il  prit  sous  l'em- 
pereur Frédéric  1er,  dont  il  épousa  une  fille ,  une 
part  active  aux  guerres  de  la  Lombardie,  et 
combattit  sans  relâche  les  républiques  de  ce  pays. 
Seuls  de  tous  les  seigneurs  de  la  haute  Italie , 
les  marquis  de  Montferrat  s'étaient  maintenus 
indépendants  des  villes.  Les  républiques  d'Asti 
et  de  Chieri  ayant  échoué  dans  une  nouvelle 
tentative  de  forcer  Guillaume  à  se  soumettre 
à  leur  autorité ,  se  mirent  à  vexer  et  à  violenter 
ses  vassaux.  Sur  les  plaintes  qu'en  fit  le  mar- 
quis, Frédéric  marcha  en  1155  contre  ces  deux 
villes;  les  ayant  trouvées  abandonnées  des  ha- 
bitants ,  il  les  fit  saccager  et  ensuite  incendier. 
Après  le  départ  de  l'empereur,  Guillaume  eut  à 
lutter  seul  avec  les  Pavesans  contre  une  attaque 
générale  des  communes  lombardes,  qui  lui  firent 
essuyer  une  défaite;  il  se  vengea  en  contribuant 
de  toutes  ses  forces  à  l'humiliation  cruelle  que 
l'empereur  leur  fit  subir  quelques  années  plus 
tard.  Les  nombreuses  libéralités  dont  Frédéric 
le  combla  en  récompense  de   ses  services  (l) 
excitèrent  la  jalousie  de  la  république  de  Gênes, 
qui  commença  contre  lui  une  guerre  acharnée, 
qui  ne  fut  terminée  que  sous  son  successeur.  Les 
revers  éprouvés  par  l'empereur  en  1167  n'ayant 
pas  ébranlé  sa  fidélité  ni  celle  des  Pavesans, 
les  villes  de  la  Ligue   lombarde  résolurent  de 
fonder  la  forteresse  d'Alexandrie,  destinée  à 
couper  les  communications  entre  les  deux  seuls 
alliés  de  Frédéric.  Ce  dernier  revint  bientôt  pour 
détruire  cette  place;  mais,  malgré  l'aide  que  lui 
apporta  Guillaume,  il  ne  put  s'en  rendre  maître. 
Lorsqu'en  1176  il  s'apprêta  avec  une  nouvelle 
armée  à  réduire  enfin  la  résistance  des  com- 
munes, Guillaume  rassembla  ses  troupes,  pour 
le  seconder;  mais  avant  qu'il  eût  pu  rejoindre 
l'empereur,  celui-ci  avait  été  attaqué  et  entiè- 
rement défait  à  Lignano.  Compris  en  1177  dans 
la  paix  de  Venise,  Guillaume  se  rendit  en  1185 
en  Orient,  où  les  vaillants  fils  qu'il  avait  de  sa 
seconde  femme,  Judith,  fille  du  margrave  d'Au- 

(1)  Un  diplôme  de  Frédéric  (1164)  donne  le  relevé  com- 
plet des  vastes  possessions  de  Guillaume. 


231 


MONTFJERRAT 


232 


triche ,  s'étaient  acquis  puissance  et  gloire.  Fait 
prisonnier  deux  ans  après  la  bataille  de  Tibé- 
riade,  il  fut  échangé  en  1188  contre  un  chef  de 
l'armée  de  Saladin  (  voy.  l'article  Conrad  de 
Montferrat.)  Guillaume  le  Vieux  mourut  très- 
peu  de  temps  après. 

Otto  Frisingensis.  —  Otto  Morena ,  Hiitoria  Laudu- 
nensis.  —  Gunther  Ligurinus.  —  Biidulptius  Mediola- 
rensis.  —  Radevicus  Frisingensis.  —  Car'dinalis  Arago- 
nicis.  Fila  Alexandre  III.  —  Otto  de  S.  Rlasio.  — 
Raumer,  Geschichte  der  Hohenstauffen. 

Guillaume,  dit  Longue  Bpée,  fils  aîné  du  pré- 
cédent. Il  partit  en  1175  avec  son  frère  Reinier 
pour  la  Terre  Sainte  ;  ils  s'y  distinguèrent  bientôt 
par  leurs  exploits.  En  1178  Guillaume  épousa 
Sibylle ,  sœur  et  héritière  de  Baudoin  IV,  roi 
de  Jérusalem ,  et  fut  nommé  comte  de  Joppé  et 
d'Ascalon  ;  il  refusa  la  couronne ,  que  Baudoin, 
incapable  de  régner,  à  cause  de  ses  infirmités, 
voulait  lui  remettre ,  et  se  contenta  de  gouverner 
le  pays  en  qualité  de  régent.  Il  mourut  en  1183, 
laissant  un  fils  en  bas  âge,  du  nom  de  Baudoin, 
qui,  appelé  au  trône  de  Jérusalem  en  1184, 
régna  pendant  quelques  mois  sous  la  tutelle  de 
Raymond,  comte  de  Tripoli,  et  mourut  subite- 
ment, empoisonné,  dit-on,  par  les  partisans  de 
Gui  de  Lusignan. 

Guillaume  de  Tyr. 

Conrad,  marquis  de Montferrat  et  seigneur 
de  Tyr.  Voij.  Conrad. 

Reinier,  frère  de  Conrad  et  troisième  fils  de 
Guillaume  le  Vieux,  vint  en  1175  à  la  cour  de 
l'empereur  grec  Manuel,  qu'il  accompagna  dans 
plusieurs  expéditions,  et  dont  il  épousa,  en 
1180,  la  fille  Marie,  renommée  pour  son  écla- 
tante beauté  et  qui  avait  été  recherchée  par 
les  plus  grands  princes  de  l'Europe.  Il  reçut 
à  cette  occasion  le  titre  de  césar  et  celui  de  roi 
de  Thessalonique.  Quelque  temps  après  la  mort 
de  Manuel,  Marie,  irritée  de  l'insolence  du  proto- 
sébaste  Alexis,  favori  de  sa  mère,  excita  son 
mari  et  un  grand  nombre  de  personnages  impor- 
tants à  une  conjuration  contre  Alexis;  le  complot 
fut  découvert ,  mais  immédiatement  Marie,  se- 
condée par  Reinier,  fait  naître  un  soulèvement 
général  du  peuple  de  Constantinople.  Grâce  aux 
efforts  du  patriarche  Théodose,  l'émeute  s'apaisa, 
et  Marie  ainsi  que  Reinier  se  réconcilièrent  en 
apparence  avec  Alexis.  Ils  n'en  travaillèrent  pas 
moins  activement  contre  lui,  et  facilitèrent  le  re- 
tour d'Andronic  à  Constantinople.  Mais  à  peine 
ce  tyran  fut-il  parvenu  au  pouvoir,  qu'il  les  fit 
périr  par  le  poison  (1182). 

Kicetas,  Histoire  d'Isaat.  —  Guillaume  de  Tyr.  —  Du 
Cange,  Familise  Byzantinx. 

Boniface  II,  marquis  de  Montferrat,  frère 
du  précédent,  mort  en  1207.  Après  avoir  passé 
plusieurs  années  en  Palestine,  il  revint  en  Italie 
en  1191,  pour  prendre  en  main  le  gouvernement 
du  marquisat  de  Montferrat,  dont  il  hérita  bien- 
tôt après  à  la  mort  de  son  frère  aîné  Conrad. 
Comme  son  père,  il  se  montra  constamment 
fidèle  au  parti  impérial  ;  aussi  reçut-il  de  Henri  VI 


entre  autres  libéralités  la  ville  d'Alexandrie 
(1193).  Il  prit  part  à  la  ligue  suscitée  contre  les 
Milanais  par  l'empereur,  qu'il  aida  ensuite  à  con- 
quérir l'Italie  méridionale.  Après  avoir  été  chargt 
par  le  pape,  en  1199,  de  rétablir  là  paix«ntr< 
Philippe  et  Otton,  tous  deux  prétendants  av 
trône  impérial,  il  fut,  en  1202,  élu  chef  de  la  cin 
quième  croisade,  et  proclamé  solennellement  ei 
cette  qualité  dans  l'église  Notre-Dame  à  Soissons 
Les  croisés  lui  promirent  de  se  trouver  tous  i 
Venise;  ils  avaient  conclu  en  effet  avec  cetti 
ville  un  traité  pour  le  transport  en  Orient  d'um 
armée  de  vingt-cinq  mille  hommes.  Mais  il  n' 
fut  rejoint  à  Venise  que  par  une  partie  des  croi 
ses;  les  autres  étaient  partis  par  diverses  routes 
Les  Vénitiens  néanmoins  exigèrent  le  payemen 
intégral  et  immédiat  de  la  somme  convenu' 
pour  le  passage  des  troupas.  Boniface  se  vi 
dans  l'impossibilité  d'acquitter  cette  somme  pa 
suite  de  l'absence  de  tant  de  guerriers,  qui  au 
raient  dû  contribuer  pour  leur  part  à  la  payer 
et  bien  que  lui,  le  comte  de  Flandre  et  plusieur 
autres  chefs  se  fussent  dépouillés  de  tout  c 
qu'ils  avaient  de  précieux,  il  se  trouva  que  le 
croisés  devaient  encore  à  la  république  cin 
quanle  mille  marcs  d'argent.  Sur  l'avis  du  dog 
Dandolo,  les  Vénitiens  proposèrent  alors  au: 
croisés  de  les  aider,  en  compensation  de  leu 
dette,  à  conquérir  Zara  et  Trieste.  Malgré  l'op 
position  du  pape,  une  grande  partie  des  croisé 
accepta  cet  arrangement;  mais  Boniface  ne  vou 
lut  prendre  aucune  part  à  l'expédition  qui  fu 
dirigée  contre  ces  deux  villes,  parce  que  d'aprè  | 
lui  elle  était  directement  contraire  au  vœu  qu': 
avait  fait  d'aller  combattre  les  infidèles  et  no 
des  chrétiens.  Mais  il  n'eut  pas  les  mêmes  scru 
pules  lorsque  le  jeune  Alexis,  fils  d'Isaac  l'Ange 
l'empereur  grec  détrôné  en  1 195,  vint  le  supplié 
de  rétablir  Isaac,  promettant  qu'en  retour  ce 
lui-ci  procurerait  aux  croisés  des  secours  consi 
dérables  contre  les  Sarrasins.  Le  7  avril  1203» 
l'armée  chrétienne  fit  voile  vers  Constantinople 
et  quelques  mois  plus  tard  elle  avait  remis  1 
couronne  sur  la  tête  d'Isaac;  mais  l'exécutio 
des  engagements  contractés  par  Alexis  enver 
les  croisés  étant  sans  cesse  éludée,  il  en  résuit 
une  suite  de  complications  qui  finit  par  la  pris 
de  Constant  inople  par  les  croisés.  Ceux-ci  étaie» 
sur  le  point  de  proclamer  comme  empereur  I 
marquis  de  Montferrat,  lorsqu'ils  en  furent  M 
tournés  par  les  Vénitiens,  qui  redoutaient  l'a 
grandissement  d'un  prince  dont  les  États  tou 
chaient  aux  leurs.  Baudoin,  comte  de  Flandre,  fu 
élu.  Boniface  n'en  montra  aucun  ressentiment 
il  reçut  pour  sa  part  de  la  conquête  l'île  de  Can 
die,  qu'il  céda  plus  tard  aux  Vénitiens  pour  mill 
marcs  d'argent  et  tous  les  pays  au  delà  du  Bos 
phore.  Quelque  temps  après  il  demanda  à  c 
qu'en  échange  des  terres  d'Asie  on  lui  donna; 
la  province  de  Thessalonique  comme  royaume 
Baudoin  hésita  un  peu  à  établir  au  sein  de  l'en» 
pire  une  principauté  presque  indépendante;  mai 


133 


MONTFERRAT 


234 


t  probité  de  Boniface,  son  attachement  au  bien 
ublic,  son  amour  pour  la"  concorde  tirent  taire  les 
ra'mtes  politiques.  Boniface,  après  avoir  célébré 
on  mariage  avec  la  veuve  d'fsaac,  Marguerite  de 
(ongrie,  se  mit  en  marche  pour  prendre  posses- 
ion  de  son  royaume  ;  Baudoin  lui  annonça  qu'il 
accompagnerait  pour  y  faire  reconnaître  sa  su- 
!eraineté,  et  persista  dans  son  projet,  bien  que 
1  oniface  l'eût  prié  de  ne  pas  accabler  son  royaume 
u  passage  d'une  nombreuse  armée.  Une  méfiance 
lutuelle  et  bientôt  une  brouille  complète  suivit 
i;  dissentiment;  la  concorde  fut  enfin  rétablie 
'ar  l'entremise  .surtout  de  Villehardouin,  ami 
'  u  marquis  ;  et  ce  dernier  alla  s'établir  dans  son 
1  >yaume.  «  Dès  lors,  dit  Le  Beau,  il  ne  conserva 
is  entièrement  ce  caractère  de  douceur  et  de 
jnté  qui  l'avait  fait  désirer  pour  empereur  par 
[ae  grande  partie  des  croisés  et  chérir  de  tous.  » 
oussé  par  l'ambition  de  s'agrandir,  il  augmenta 
s  impôts,  rassembla  une  armée  considérable 
;  s'apprêta  à  faire  la  conquête  du  territoire  de 
meienne  Grèce,  gouverné  alors  en  grande  par- 
i  j  par  Léon  Sgure,  auprès  duquel  s'était  réfugié 
isurpateur  Alexis.  Jl  s'empara  sans  difficulté 
h  la  Béotie  et  de  l'Attique  (1204),  et  prit  Co- 
|  nthe,  où  il  fit  prisonnier  Alexis,  qu'il  envoya  à 
[  îessalonique.  Marguerite,  femme  de  Boniface, 
faita  avec'douceur  Alexis,  qui  profita  de  la  li- 
|:rté  qu'on  lui  laissait  pour  tramer  des  nitri- 
fies contre  Boniface;  découvert, il  s'évada;  mais 
[  avait  préparé  une  révolte  qui,  fomentée  aussi 
lir  le  roi  des  Bulgares,  Joannice,  éclata  bientôt  à 
laessalonique;  elle  fut  étouffée  par  le  courage 
[  ;  Marguerite.  A  ces  nouvelles,  Boniface,  occupé 
|i  siège  de  Napoli,  revint  à  la  bâte  à  Thessalo- 
fque  (1205), et  repoussa  une  attaque  de  Joan- 
|ce  contre  cette  ville.  Il  employa  l'année  sui- 
|mtc  à  relever  les  villes  et  forteresses  détruites 
|ir  les  Bulgares.  En  l'été  1207,  il  eut  une  en- 
[evue  avec  le  frère  et  successeur  de  Baudoin, 
[enri,  qui  venait  d'épouser  Agnès,  fille  du  mar- 
ins. Ils  convinrent  d'attaquer  ensemble  vers  la 
ii*  d'octobre  le  roi  Joannice.  Mais  quelques 
lurs  après,  Boniface,  tombé  dans  une  embuscade 
I;  brigands  bulgares,  fut  tué  d'un  coup  de  lance, 
palliait  à  une  grande  bravoure  personnelle beau- 
fup  d'habileté  dans  la  conduite  de  la  guerre, 
«llehardouin ,  bon  connaisseur  en  ces  matières, 
It  de  lui  :  «  Le  marquis  Boniface  est,  comme 
macun  sait,  un  prince  fort  valeureux  et  des  plus 
lises  au  fait  de  la  guerre  et  des  armes ,  qui  soit 
Itur  le  jourd'hui  vivant.  »  De  sa  première  fem- 
'e,  Éléonore  de  Savoie,  il  laissa  Guillaume,  qui 
|fi  succéda  au  marquisat  de  Montferrat,  et 
ynès,  épouse  de  Henri,  empereur  de  Constanti- 
jhple  ;  de  Marguerite ,  il  eut  Démétrius,  qui  eut 
partage  le  royaume  de  Thessalonique. 

kicetas.  —  Villehardouin.  —  Gunther,  Dellitm  Con- 
Untinopolitanum.  —  Gesta  Innocenta  III.  —  Dandolo  , 
\ironicon.  —  Ramnusius,  De.  Bello  Constantinopolitano. 
I  D'Outreman,  Constantinopolis  Belgica.  —  Du  Cange, 
[stoire  de  Constantinople.  —  Le  Beau,  Histoire  du  Bas- 
\npire,  t.  XVII. 


Guillaume  VI,  marquis  de  Montfemut,  fils 
du  précédent,  mort  en  septembre  1225.  A  la 
nouvelle  de  la  mort  de  son  père,  au  nom  du- 
quel il  gouvernait  Je  marquisat  depuis  1203,  il 
s'embarqua  pour  la  Grèce,  afin  d'assurer  à  son 
frère  Démétrius,  encore  .enfant,  la  succession  au 
royaume  de  Thessalonique,  compromise  par  les 
menées  du  comte  de  Blaudrate,  régent  du 
royaume,  qui  voulait  rendre  ce  pays  indépen- 
dant de  l'empereur  de  Constantinople.  Celui-ci, 
après  avoir  éloigné  le  comte,  confirma  à  Démé- 
trius la  possession  de  son  héritage,  et  le  plaça 
sous  la  tutelle  de  la  marquise  Marguerite.  De 
retour  en  Italie,  Guillaume  renouvela  l'ancienne 
lutte  de  sa  maison  contre  les  Milanais,  dont  il 
empêcha,  en  1215,1a  réconciliation  avec  le  pape; 
il  assista  contre  eux  les  Pavesans  et  les  Génois. 
Son  antipathie  pour  les  Milanais  le  décida  (1212) 
à  se  ranger  du  côté  de  Frédéric  II,  bien  que  ce 
prince  représentât  alors  le  parti  guelfe.  Compris, 
en  1219,  dans  la  paix  générale  conclue  pour  la 
Lombardie,  il  fut  rejoint,  en  1222,  par  son  frère 
Démétrius,  qui,  sur  la  nouvelle  de  l'approche  de 
l'armée  de  Théodore,  despote  d'Épire,  avait 
quitté  précipitamment  son  royaume  de  Thessa- 
lonique, dont  Théodore  put  ainsi  faire  aisément 
la  conquête.  Guillaume  mit  tout  en  œuvre  pour 
rétablir  Démétrius  dams  ses  États  ;  après  avoir 
engagé  pour  sept  mille  marcs  d'argent  la  moitié 
de  ses  possessions  à  l'empereur  Frédéric  IF,  H 
parvint,  puissamment  aidé  par  le  pape,  à  réunir 
une  armée  considérable  ;  mais  au  moment  de 
s'embarquer,  il  tomba  gravement  malade ,  et  ses 
soldats  se  dispersèrent.  A  peine  guéri ,  il  ras- 
sembla de  nouvelles  troupes,  avec  lesquelles  il 
fit  voile  vers  la  Grèce  (mars  1225);  arrivé  en 
Thessalonique,  il  allait  être  rejoint  par  les  auxi- 
liaires que  lui  envoyaient  les  princes  d'Athènes, 
d'Achaie  et  deNégrepont,  lorsqu'il  mourut  subite- 
ment. Son  armée,  n'ayant  pas  confiance  en  Dé- 
métrius ,  rentra  en  Italie.  Démétrius  fit  encore 
quelques  tentatives  malheureuses  pour  recouvrer 
son  royaume,  qu'il  légua  en  mourant  (1230)  à 
l'empereur  Frédéric  H. 

Giulini,  Memorie,  t.  VII.  —  Caffari ,  Annales  Ge- 
nue7ises.  —  IUccardus  de  S.-Germano ,  Chronicon.  — 
Du  Cange,  Historia  Constantinopolitana.  —  Raynaldl, 
Annales. 

Boniface  II,  dit  le  Géant  {i),  fils  du  précédent, 
marquis  de  Montferrat,  mort  le  12  juin  1253. 
Après  la  mort  de  son  père,  qu'il  avait  accompagné 
en  Grèce,  il  revint  dans  ses  États,  dont  le  gouver- 
nement lui  fut  remis  par  l'empereur  Frédéric  IL 
Ligué  avec  les  villes  d'Asti  et  de  Gênes,  il  soutint 
avec  succès,  en  1228,  avec  la  république  d'Alexan- 
drie, qui  avait  pour  alliées  la  plupart  des  commu- 
nes lombardes,  une  guerre  terminée  en  1230.  En 
1234  il  se  prononça  avec  la  ligue  lombarde  pour 
Henri,  fils  de  Frédéric  II,  révolté  contre  son  père, 
et  prit  part  à  la  guerre  malheureuse  que  les  com- 
munes firent  à  l'empereur  dans  les  années  sui- 

(1)  Sa  taille  dépassait  l'ordinaire  de  plus  d'une  léte. 


235 


vantes.  En  1237  i!  se  soumit  à  Frédéric,  qui  en 
1239  renonça  en  sa  faveur  aux  droits  sur  le 
royaume  de  Thessalonique,  qu'il  tenait  du  testa- 
ment de  Démétrius.  Après  avoir  ensuite  assisté 
Frédéric  dans  ses  entreprises  contre  les  guelfes, 
et  notamment  contre  la  république  de  Gênes, 
Boniface  se  tourna  de  nouveau  contre  l'empe- 
reur, en  1243,  gagné  par  une  somme  d'argent 
considérable,  qui  lui  fut  remise  par  les  Génois. 
Peu  de  temps  après  il  changea  encore  de  parti, 
l'empereur  lui  ayant  fait  de  bonnes  conditions  ; 
depuis  il  resta  attaché  aux  gibelins,  et  défendit 
après  la  mort  de  Frédéric  II  la  cause  de  son 
fils,  Conrad  IV.  Les  habitants  d'Alexandrie,  profi- 
tant des  troubles  qui  éclatèrent  alors,  envahirent 
en  1 252  son  territoire,  et  y  occupèrent  plusieurs 
châteaux  ;  mais  il  les  défit  avec  l'aide  des  Pave- 
sans,  et  les  força  à  restituer  leurs  conquêtes. 

RiccardusdeS.  Germano,  Chronicon.  —  Caffari,  Annales 
Genuenses.  —  Raumer,  Geschischte  der  Hohenstauffen. 

Guillaume  VII,  dit  le  Grand,  marquis  de 
Montferrat,  fils  du  précédent,  né  en  1243,  mort 
en  février  1292.  Mineur  encore  à  l'époque  où  il 
succéda  à  son  père,  il  fut  placé  sous  la  tutelle 
de  sa  mère,  Marguerite,  et  de  son  oncle  Tho- 
mas II  de  Savoie.  En  1257  il  épousa  Isabelle 
fille  de  Richard,  comte  de  Glocester,  qui  lui 
apporta  en  dot  quatre  mille  marcs  d'argent. 
Nommé  en  1260  seigneur  d'Alexandrie,  il  se 
déclara  deux  ans  après  pour  Charles  d'Anjou, 
par  crainte  de  la  prépondérance  croissante  que 
gagnait  dans  la  Lombardie  le  chef  des  gibelins 
Palavicini  ;  il  aida  ce  prince  à  s'emparer  de  Tu- 
rin, et  lui  ouvrit  en  1265  l'entrée  de  l'Italie.  Ce- 
pendant lorsque  Charles  eut  manifesté  le  des- 
sein d'établir  fortement  son  autorité  en  Lombar- 
die, Guillaume  s'éloigna  peu  à  peu  de  lui; 
avant  de  rompre,  il  épousa,  en  1271,  Béatrix,  fille 
du  roi  Alfonse  de  Castille,  qui,  nommé  roi  des 
Romains  par  quelques  électeurs,  donna  à  son 
gendre  le  vicariat  impérial  pour  l'Italie.  Quoique 
ce  titre  fût  devenu  nul  par  l'élection  à  l'em- 
pire de  Rodolphe  de  Habsbourg ,  Guillaume  se 
sentit  cependant  assez  fort,  en  1274,  pour  com- 
baltre  ouvertement  la  puissance  formidable  du 
roi  de  Sicile.  S'étant  ligué  avec  les  républiques 
dePavie,  d'Asti  et  de  Gênes,  ainsi  qu'avec  les 
Visconti  de  Milan,  il  s'empara  d'Alexandrie,  d'Albe 
et  de  plusieurs  autres  villes  du  Piémont  sou- 
mises à  Charles;  ses  succès,  dus  à  son  armée 
considérable  et  bien  exercée,  lui  valurent  d'être 
appelé  aux  seigneuries  de  Turin,  d'Ivrée ,  de 
Verceil,  de  Tortone  et  d'autres  villes  importantes. 
Aussi  les  Milanais,  pressés  par  les  troupes  de 
Cassone  et  des  délia  Torre,  le  nommèrent-ils  en 
1278  leur  seigneur  pour  cinq  ans,  sous  la  con- 
dition qu'il  les  délivrerait  de  leurs  ennemis.  Après 
avoir  dévasté  le  territoire  de  Lodi,  il  entra  en 
négociation  avec  les  délia  Torre,  et  conclut  avec 
eux  (1279)  un  traité  de  paix,  avantageux  pour 
eux,  et  stipulant  que  les  prisonniers  seraient 
relâchés  de  part  et  d'autre  sans  rançon.   Les 


MONTFERRAT  23 

délia  Torre  eurent  l'imprudence  de  rendre  h 
premiers  la  liberté  à  leurs  prisonniers  ;  aussit 
la  noblesse  milanaise,  poussée  par  les  Visconl 
déclara  que  de  son  côté  elle   n'exécuterait  p, 
la  convention,    qu'elle   n'avait  pas  ratifiée.  I  "j 
guerre  fut  reprise  avec  plus  de  vigueur  quej; 
mais  par  les  délia  Torre,  auxquels  Guillaume  i 
dire,  pour  excuser  son  manque  de  foi  :  «  J'ava  , 
promis,  c'est  vrai,  mais  je  n'avais  pas  prom 
d'observer  ma  promesse.  «  Cependant  le  marqui 
ne  remportant  aucun  avantage,  partit  pour 
Castille,  dans  l'espoir  d'obtenir  des  secours  de  se 
beau-père  ;  arrivé  aux  environs  de  Valence, 
fut  arrêté  par  ordre  de  Philippe  de  Savoie,  qi 
le  retint  en  prison,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  renom 
formellement  à  toute  prétention  sur  Turin 
quelques  autres  villes  (1).  Il  reçut  d' Alfonse  ( 
Castille  six  cents  hommes  d'armes  et  une  for 
somme  d'argent.   De  retour  en  Italie,  il  troin 
le  parti  des  délia  Torre  abattu,  à  la  suite  de  I 
déroute  de  Veprio  ;  il  ravagea  de  nouveau  le  te 
ritoire  de  Lodi,  ce  qui  força  cette  ville  impo  I 
tante  à  faire  la  paix,  et  il  s'empara  de  Como;  »  I 
1282,  ayant  rassemblé  toutes   ses  troupes,  s  j 
s'avança  contre  l'armée  guelfe ,  mais  au  me  « 
ment  de  l'atteindre,  il  se  retira  sans  motif  appf 
rent.  Le  succès  médiocre  de  ses  opérations  mil  ] 
taires  et  le  soin  qu'il  prenait  de  consolider  se 
pouvoir  à  Milan  lui  aliénèrent  les  Visconti,  qu 
cherchaient  eux-mêmes  à  asservir  cette  ville 
en  décembre  1282,  profitant  de   son  absent  i 
momentanée,  Otto  Visconti,  archevêque  de  M  j 
lan,  fit  chasser  le  podestat  nommé  par  le  mai  j 
quis,  et  fit  signifier  à  ce  dernier  que  le  séjour  e 
la  ville  lui  était  interdit.  Guillaume  s'allia  aloi 
aux  délia  Torre,  et  fit  la  guerre  aux  Viscon 
jusqu'en  1286,  année  où  fut  conclue  la  paix  e 
Barlassina ,  qui  attribuait  au  marquis  une  forl 
somme  d'argent  en  dédommagement  de  ses  pr< 
tentions  sur  le  Milanais.  Mais  l'accord  ne   fn 
pas  de   longue  durée.  Proclamé  seigneur  cl 
Pavie  par  le  parti  de  la  noblesse,  Guillaumi  { 
pour  se   venger  d'une  incursion  faite  dans 
Novarais  par  les  Visconti,  entre  en  1290  sur<ï 
territoire  de  Milan,  qu'il  commence  à  dévastei  j 
forcé  de  se  retirer  devant  l'armée  de  la  ligue  de  j 
villes  guelfes,  il  se  jeta  sur  Asti;  mais  il  trou* 
cette  place  protégée  par  de  nombreuses  troup< 
amenées  par  le  comte  de  Savoie,  qui  venait  de  s 
joindre  aux  ennemis  du  marquis.  Celui-ci  ayai 
appris  que  les  habitants  d'Alexandrie,  gagne 
par  l'or  de  la  ligue,  s'apprêtaient  à  secouer  so 
autorité,  se  rendit  à  la  hâte  dans  cette  ville.  Ma: 
la  violence  de  ses  menaces  contre  les   rebelle 
excita  un  soulèvement,  que  son  escorte,  compe 
sée  presque  en  entier  de  cavaliers,  ne  put  étou 
fer.  Fait  prisonnier,  il  fut  placé  dans  une  cage  d 
fer,  et  resta  jusqu'à  sa  mort  dans  cette  ignom: 
nieuse  captivité  ;  presque  tous  ses  États  tombe" 


(1)  La  possession  de  Turin  avait  été  entre  les  deo 
maisons  le  sujet  de  fréquents  débats,  envenimés  encoi 
par  rattachement  des  comtes  de  Savoie  au  parti  guclf' 


;  237 

rent  sous  lu  domination 
\  Ainsi  termina  Guillaume  le  Grand,  après  avoir 
i  porté  à  son  point  culminant  la  puissance  des 
[  marquis  de  Montferrat.  Habile  et  rusé  à  l'excès  (l), 
j  il  échoua,  manquant  des  talents  militaires  qui 
>  avaient  jusque  alors  caractérisé  sa  race.  Il  laissa 
;  une  fille,  Yolande,  qui  épousa,  en  1234,  l'em- 
|  peretir  grec  Andronic  Paléologue,  et  prit  le  nom 
j  d'Irène,  sous  lequel  elle  se  rendit  célèbre,  et  un 
s  6ls,Jean,  dont  la  biographie  suit. 
I,  Glulinl.  Memorie,  t.  VU1.  —  Chronicon  Parmense.  — 
Rovelll,  Storia  di  Como.  —  Pingonius  ,  Augusta  Tau- 
t  rinorum.  —  Guillelmus  Ventura,  Chronicon  Astense.  — 
:  Chronicon  Placentinum. 

I  Jean  lf,  dit  le  Juste,  marquis  de  Montfer- 
•  rat,  fds  du  précédent,  né  en  1276,  mort  en 
janvier  1305.  Presque  toutes  les  villes  de  Guil- 
laume s'élant  révoltées  à  la  nouvelle  de  son 
i  emprisonnement,  Jean  se  retira  à  la  cour  de 
i  Naples;  il  s'accommoda  avec  Matteo  Visconti, 
en  le  constituant  son  lieutenant  dans  le  mar- 
i  quisat.  En  1294  ayant,  avec  son  ami  le  marquis 
i  de  Saluzzes,  ramené  à  Asti  la  noblesse  gibeline, 
il  obtint  la  restitution  des  possessions  enle- 
vées par  cette  ville"  à  Guillaume.  Fortifié 
par  son  alliance  avec  Amédée  y,  comte  de  Sa- 
voie, dont  il  épousa  la  fille,  en  1296,  il  parvint 
dans  les  années  suivantes  à  organiser  contre 
Visconti  une  ligue,  dont  les  membres  les  plus 
influents  étaient  le  marquis  de  Saluzzes ,  le 
comte  de  Langosco  et  la  ville  de  Pavie.  En  1299 
il  s'empara  de  Novare,  de  Verceil,  de  Casale  et 
autres  places  ;  mais  Visconti,  ayant  su  semer  la 
division  parmi  ses  adversaires ,  força  Jean  à 
abandonner  presque  toutes  ses  conquêtes.  En 
1301  Jean  se  rendit  de  nouveau  maître  deNovare 
et  de  Verceil,  et  fit  allianceavec  Lodi,  Alexandrie, 
Crémone,  les  délia  Torre,  Alberto  Scotto  et  au- 
tres seigneurs  pour  combattre  les  Visconti,  qui 
furent  chassés  l'année  -d'après  de  Milan.  Jean  re- 
couvra alors  la  plus  grande  partie  de  son  héri- 
tage paternel;  mais  en  1304  le  retour  des  guelfes 
à  Âsti  lui  fit  perdre  la  seigneurie  de  cette  ville.  Il 
mourut  sans  enfants,  le  dernier  de  la  ligne  mas- 
culine des  descendants  d'Aleran  ;  il  légua  ses  États 
à  sa  sœur  Yolande  ou  à  celui  de  ses  fils  qu'elle 
désignerait. 

Glulini,  Memorie,  t.  VIII;  —  Chronieon  Parmense.  — 
—  G.  Ventura,  Chronicon  Astense. 

Théodore  Paléologue,  marquis  de  Montfer- 
rat, neveu  du  précédent,  mort  le  21  avril  1338, 
à  Trino.  Second  fils  de  l'empereur  grec  Andronic 
et  d'Yolande  de  Montferrat,  il  fut  choisi  par  sa 
mère  pour  recueillir  l'héritage  du  marquis  Jean. 
Lorsqu'en  1306  il  arriva  en  Italie,  il  trouva  une 
grande  partie  de  ses  États  occupés  par  Manfred , 
marquis  de  Saluées,  aidé  dans  cette  usurpation 
par  Charles,  roi  de  Naples.  S'étant,  par  son  ma- 
riage avec  une  Spinola,  ménagé  l'appui  des  Lan- 
gosco et  Lomello,  il  essaya  de  faire  valoir  ses 

(1)  Lorsqu'il  décéda,  les  Alexandrins,  craignant  toujours 
de  sa  part  quelque  feinte,  lui  versèrent  sur  le  dos  du 
plomb  fondu,  pour  s'assurer  qu'il  ne  simulait  pas  la  mort. 


MONTFERRAT  $88 

de  Matteo  Visconti.      droits  par  les  armes,  et  réussit  a  recouvrer  quel- 


ques places.  La  paix  fut  rétablie  entre  lui  et 
Manfred  en  1310,  par  l'empereur  Henri  VII  ;  ils 
contractèrent  même  dans  les  années  suivantes 
une  alliance  intime  contie  le  roi  Robert  de  Na- 
ples. La  sentence  prononcée  par  l'empereur 
contre  toutes  les  villes  qui  s'étaient  déclarées 
pour  Robert,  donna  occasion  à  Théodore  dé 
faire  plusieurs  conquêtes,  notamment  celle  de 
Casale  (1316).  Ayant,  en  cette  même  année,  hé- 
rité des  droits  de  son  beau- père  sur  Serravalle, 
il  se  rendit  en  Grèce  pour  aider  son  frère  l'empe- 
reur Andronic  à  combattre  les  Turcs.  De  retour 
en  Italie  en  1319,  il  convoqua  à  Chivasso  une 
assemblée  de  ses  vassaux  et  des  députés  de  ses 
villes,  et  il  y  fit  établir  la  paix  entre  les  guelfes 
et  les  gibelins,  dont  les  querelles  troublaient  en- 
core le  pays.  En  1320  il  convoqua  de  nouveau 
les  états  du  marquisat  (1),  et  il  y  fit  régler  le 
service  militaire  et  les  finances.  Après  avoir 
passé  quelques  années  à  Constantinople ,  il  revint 
en  1330  dans  ses  États,  qu'il  gouverna  encore  huit 
ans  avec  la  même  sagesse  et  douceur  que  précé- 
demment. Vers  1326  il  avait  composé  en  grec  un 
Traité  de  la  Discipline  militaire,  qu'il  traduisit 
eh  latin. 

Albert  de  Mussato,  Hïstoria  Augusta  et  De  Gestis  lta- 
licis. 

Jean  II  Paléologue,  marquis  de  Montfer- 
rat, fils  du  précédent,  mort  en  mars  1372.  Il 
consacra  les  premières  années  de  son  règne  à 
recouvrer  les  terres  usurpées  par  ses  voisins , 
après  la  mort  de  Guillaume  le  Grand  ;  s'étant 
dans  ce  but  allié  aux  gibelins ,  il  obtint  avec 
leur  aide,  en  1339,  le  seigneurie  d'Asti  ;  il  la  céda 
Bientôt  après  aux  Visconti  pour  se  concilier  leur 
amitié.  L'ordre  et  la  justice  avec  laquelle  il  ad- 
ministrait ses  Étals ,  engagea  en  1344  la  ville 
d'Ivrée  à  se  soumettre  à  lui  de  son  propre  mou- 
vement, ce  que  fit  aussi,  trois  ans  après,  la  ville 
de  Valence.  Reforza  Dago,  sénéchal  napolitain 
envoyé  par  la  reine  de  Naples  pour  rétablir  en 
Lombardie  les  affaires  du  parti  guelfe,  ayant 
envahi  les  terres  du  Montferrat,  Jean  alla  à 
sa  rencontre,  et  le  défit  entièrement  (1345). 
Deux  ans  après  une  lutte  s'engagea  entre  lui  et 
Lùehino  Visconti  d'une  part,  et  Amédée  le  Vert, 
comte  de  Savoie,  d'autre  part,  au  sujet  des  places 
du  Piémont  qui  avaient  appartenu  à  la  couronne 
de  Naples;  quoique  Jean  et  son  allié  eussent  été 
vaincus  en  juillet  1347,  après  un  sanglant  com- 
bat, le  marquis  ne  s'empara  pas  moins  de  Novare, 
Albe  et  d'autres  lieux,  dont  i!  remit  la  plupart  à 
Visconti.  Mais  ce  dernier,  voyant  dans  le  mar- 
quis le  principal  obstacle  à  l'asservissement  des 
seigneuries  de  second  ordre,  résolut  de  s'empa- 
rer de  sa  personne  par  trahison;  Jean,  averti, 
échappa  aux  embûches  qu'on  lui  tendait,  et  fit 
la  paix  avec  le  comte  de  Savoie,  auquel  il  aban- 

(1)  Comme  le  remarque  Léo  (  Hist.  d'Italie),  la  bour- 
geoisie y  eut  une  part  plus  importante  que  dans  toutes 
les  autres  principautés  où  se  tenaient  les  diètes. 


239 


MONTFERRAT 


240 


donna  la  moitié  de  la  seigneurie  d'ivrée  (  1349). 
Nommé  en  1355  vicaire  impérial  à  Pavie  par 
l'empereur  Charles  IV,  dont  il  s'était  concilié  la 
faveur,  il  se  joignit  à  cette  époque  à  la  ligue  qui 
se  forma  dans  la  Haute  Italie ,  pour  abaisser  la 
puissance  des  Visconti,  et  leur  enleva  Asti,  Albe 
et  Novare,  avec  l'aide  des  soldats  de  la  grande 
compagnie  du  comte  de  Lando.  En  1358  la  paix 
fut  rétablie;  Jean  garda  Asti,  et  reçut  Novi  en 
compensation  d'Albe  et  de  Novare,  qu'il  rendit 
aux  Visconti.  En  1359  il  défendit  pendant  quelque 
temps,  avec  succès,  contre  Galeazzo  Visconti  la 
ville  de  Pavie,  dont  il  était  le  seigneur;  mais  la 
défection  du  comte  de  Lando  lui  fit  perdre  la 
ville,  vers  la  fin  de  l'année.  Il  engagea  alors  à 
son  service  la  compagnie  blanche ,  qui  amena 
la  peste  en  Lombardie,  et  devint  un  des  mem- 
bres les  plus  actifs  de  la  nouvelle  ligue,  qui,  à 
l'instigation  du  pape,  fut  conclue  contre  les  Vis- 
conti ;  ses  bandes  pénétrèrent  plusieurs  fois  jus- 
qu'aux portes  de  Milan.  En  1364,  une  paix  gé- 
nérale rétablit  le  statu  quo  comme  avant  la 
guerre.  En  1369  les  troupes  du  duc  Lionel  de 
Clarence,  qui  venait  de  mourir,  hypothéquèrent 
au  marquis,  pour  vingt-six  mille  florins  d'or,  la 
ville  d'Aibe,  que  Bernabo  de  Visconti  avait  don- 
née en  dot  à  sa  fille,  épouse  de  Lionel.  Une  nou- 
velle lutte  s'engagea  entre  Jean  et  Bernabo  au 
sujet  de  cette  place,  et  elle  dura  jusqu'à  la  mort 
du  marquis,  causée,  dit-on,  par  le  chagrin  de  ne 
pas  avoir  pu,  en  1370,  empêcher  son  ennemi  de 
s'emparer  de  Côme,  de  Valence  et  de  Casale.  De 
sa  seconde  femme,  Elisabeth,  fille  de  Jayme  II, 
roi  de  Majorque,  il  laissa  trois  fils,  qui  régnèrent 
l'un  après  l'autre  sur  le  marquisat. 

Matteo  Villani.  —  Petrus  Azarius,  Chronicon  Nova- 
rense.  —  Johannos  de  Bozano,  Chronicon  Mutinense.  — 
Corio,  Storia  di  Milano. 

Otton,  dit  aussi  Secondotto ,  marquis  de 
Montferrat,  fils  aîné  du  précédent,  né  en  1360, 
mort  en  1378.  Encore  mineur  à  la  mort  de  son 
père,  il  fut  placé  sous  la  tutelle  d'Othon  de 
Brunswick,  qui  avait  été  un  des  principaux  con- 
seillers de  Jean,  et  qui,  avec  l'aide  du  comte  de 
Savoie,  parvint  à  repousser  les  attaques  des  Vis- 
conti contre  Asti  et  autres  villes  du  Montferrat. 
L'accord  fut  rétabli  entre  lesdeux  maisons(l377), 
par  le  mariage  d'Othon  et  de  Yolande,  sœur  de 
Jean  Galeazzo  Visconti,  qui  s'engagea  à  rendre 
Casale  au  marquis  ;  non- seulement  il  n'exécuta 
pas  sa  promesse,  mais  il  s'empara  encore  d'Asti 
par  trahison.  D'un  caractère  irritable,  Ofhon  fut 
exaspéré  par  cette  perfidie,  il  entra  en  fureur 
à  la  suite  d'un  léger  manquement  d'un  de  ses 
palefreniers,  se  jeta  sur  lui  et  voulut  l'étrangler; 
un  Allemand ,  compatriote  de  ce  malheureux , 
tire  son  sabre  et  en  décharge  sur  la  tête  du 
marquis  un  coup  dont  il  mourut  quatre  jours 
après ,  sans  laisser  de  postérité. 

Benvenuto  San-Giorgio,  Cronica  del  Monferrato. 

Jean  III,  marquis  de  Montferrat,  frère  du 
précédent,  mort  le-  25  août  1381.  Il  n'avait  pas 


encore  atteint  sa  majorité  lorsqu'il  succéda,  en 
1378,  à  son  frère,  et  fut  confié  à  la  tutelle  d'Othon 
de  Brunswick,  qui  vint  de  Naples,  où  il  avait 
épousé  la  reine  Jeanne,  prendre  en  main  le  gou- 
vernement  du  marquisat.  Othon  essaya  vaine- 
ment  de  faire  restituer  à  Jean  la  ville  d'Asti,  \ 
usurpée  par  Jean  Galeazzo  Visconti  ;  apprenant 
l'entrée  de  Charles  III  d'Anjou  dans  le  royaume 
de  Naples ,  il  courut  au  secours  de  la  reine 
Jeanne,  emmenant  le  jeune  marquis,  qui  fut  tué 
dans  une  attaque  dirigée  sur  Naples. 
Benvenuti  San-Giorgio,  Cronica  del  Monferrato. 

Théodore  II,  marquis  de  Montferrat,  frèredu 
précédent,  mort  en  1418.  Élevé  à  Milan,  à  la  cour 
de  Visconti,  et  gardé  en  cette  ville  comme  otage, 
il  se  vit  contraint,  lorsqu'il  fut  appelé  au  gouver- 
nement du  marquisat,  de  renoncer,  en  faveur  de 
Jean  Galeazzo,  à  ses  prétentions  sur  Asti,  qui  fut 
donnée  au  duc  Louis  de  Touraine,  frère  de  Char- 
les VI,  lors  de  son  mariage  avec  Valentine  de 
Milan.  L'affection  que  lui  portait  néanmoins 
Jean  Galeazzo  lui  fut  fort  utile  dans  les  fréquents 
démêlés  qu'il  eut  avec  les  comtes  de  Savoie-Pié- 
mont (1).  Après  la  mort  de  Jean  Galeazzo,  il 
profita  des  troubles  qui  éclatèrent  dans  le  duché 
de  Milan,  pour  se  faire  restituer  Casale  et  autres 
places  du  Montferrat,  usurpées  par  les  Visconti  ; 
il  se  joignit  dans  les  années  suivantes  aux  enne- 
mis de  Jean-Marie ,  duc  de  Milan,  et  contribua 
puissamment ,  en  chassant  de  Gênes  les  troupes 
françaises,  à  contraindre  le  duc  (1409)  à  parta- 
ger le  gouvernement  entre  les  guelfes  et  les  gi- 
belins. Appelé  par  ces  derniers,  en  1410,  à  la  sei- 
gneurie de  Gênes,  il  la  perdit  trois  ans  après  par 
ses  mesures  violentes  contre  les  Adorno  et  les 
Campo-Fregoso  ;  après  une  courte  guerre  il  s'ac- 
commoda avec  la  république,  moyennant  la  re- 
mise de  quatre-vingt  mille  florins  d'or.  Depuis  la 
mort  d'Amédée  VII  il  entretenait  des  relations 
de  bonne  amitié  avec  son  successeur;  après 
quelques  petites  hostilités  avec  le  duc  de  Milan, 
il  se  réconcilia  avec  lui  en  1417,  et  lui  rendit 
Verceil.  Nommé,  en  1414,  vicaire  impérial  pour 
toute  la  Haute  Italie,  titre  qui  passa  à  tous  ses 
successeurs,  il  ne  parvint  pas  à  exercer  les 
droits  de  cette  fonction  hors  de  son  propre  terri- 
toire. «  Mais,  dit  Léo,  dans  ces  limites,  ces  droits 
mirent  les  marquis  de  Montferrat  en  état  de  ré- 
duire à  une  soumission  complète  la  noblesse,  en- 
core à  demi  indépendante,  et  les  communes,  qui 
jouissaient  d'une  foule  d'immunités  et  de  privi- 
lèges. »  De  sa  première  femme,  Jeanne,  fille  du 
duc  de  Bari,  il  laissa  un  fils,  Gian-Jacopo,  et 
une  fille,  Sophie,  qui  épousa  en  secondes  noces 
l'empereur  grec  Jean  II  Paléologue. 

Corio,  Stor.  di  Milano.  —  Gulchenon,  Hist.  de  la  Mai- 
son de  Savoie.  —Stella,  Ann.  Gen,  —  Léo,  Hist.  d'Italie. 

Jean-Jacques ,  marquis  de  Montferrat,  fils 
du  précédent,  né  en  1395,  mort  en  1445.  Après 

(1)  Amédée  VII  fit  un  contrat  formel  avec  Antonio  PU- 
fero,  le  célèbre  empoisonneur,  pour  se  défaire  de  toute  la 
famille  de  Montferrat. 


11 


MONTFERRA.T  —  MONTFERR1ER 


242 


être  une  première  fois  ligué,  en  1426,  avec  Flo- 

;nce  et  Venise  contre  Philippe-Marie,  duc  de 

ilan,  il  déclara  de  nouveau,  en  1431,  d'accord 

^ec  ces  deux  républiques,  la  guerre  à  ce  prince. 

;  général  milanais  François  Sforce  entra  dans  le 

ontlerrat,   et  l'occupa  presqu'entièrement,  à 

exception  de  Casale  et  de  quelques  châteaux. 

an-Jacques  implora  le  secours  d'Amédée  de 

voie,  duquel  il  s'engagea  à  tenir  en  fief  tout  ce 

le  la  maison  de  Montferrat  possédait  sur  la  rive 

iichedu  Pô.  Lorsqu'il  eut,  en  1443,  recouvré  ses 

ats  par  la  paix  de  Venise,  il  voulut  se  soustraire 

fx  obligations  contractées  envers  le  prince  de 

voie  ;  mais  celui-ci  retint  prisonnier  le  fils  du 

nquis,  Jean, lequel  était  venu  pour  traiter  de 

te  affaire,  et  il  obtint  ainsi  la  confirmation 

la  convention  précédemment  conclue. 

[i  De  sa  femme  Jeanne  de  Savoie ,  Jean- Jacques 

Usa  quatre  fils,  dont  trois  lui  succédèrent  l'un 

Brès  l'autre,  et  deux  filles  ;  l'une  d'elles  ,  Aimée, 

Imsa  Jean  III,  roi  de  Chypre  ;  sa  dot  fut  payée 

li  sans  peine  par  la  maison  de  Montferrat, 

1 1  cette  maison  était  déchue  de  son  ancienne 

|  ndeur. 

I  moneta,  y ita  F.  Sfortix.  —  A.  Billius,  Historia  Mff- 
fanensis.  —  Guichcnon,  Histoire  delà  Maison  deSa- 

rean  IV,  marquis  de  Montferrat,  fils  du 
cèdent,  mort  en  1464.  Après  la  mort  du  der- 
:•  Visconti ,  il  se  ligua  avec  le  duc  Charles 
rléans  contre  François  Sforce,  tandis  que 
i  frère  Guillaume  entra  au  service  de  Fran- 
s.  Après  diverses  alternatives  de  succès  et  de 
ers,  il  conclut  en  1453  par  la  médiation  du 
René,  la  paix  avec  Sforce,  auquel  il  restitua 
conquêtes  qu'il  avait  faites  dans  le  duché  de 
an.  11  n'eut  pas  d'enfants  de  sa  femme  Margue- 
de  Savoie. 

irio,  Storia  Milanese.  —  Soldo,  Istoria  Bresciana. 
'Uillaume  VI,  marquis  de  Montferrat,  frère 
précédent,  mort  en  1483.  En  1448,  il  s'en- 
ea  au  service  de  François  Sforce,  lui  pro- 
ttant  de  lui  fournir  pendant  un  an  et  demi, 
ir  six  mille  six  cents  florins  par  mois ,  sept 
ts  lances  (  chaque  lance  était  de  trois  cava- 
3)  et  cinq  cents  fantassins  (1)  ;  il  reçut  de 

la  seigneurie  d'Alexandrie  et  de  quelques 
;es  voisines.  Cependant  Sforce  se  repentit 
>  tard  d'avoir  abandonné  ces  villes,  et  pro- 

de  l'amour  que  sa>  femme  Bianca  avait  ins- 

à  Guillaume,  pour  attirer  celui-ci  en  son 
voir.  Gardé  en  prison  plus  d'une  année, 
llaume  ne  recouvra  sa  liberté  qu'en  renon- 

,  moyennant  2,000  livres  de  pension,  à  toute 
cention  sur  Alexandrie.  11  passa  ensuite  au 

ice  d'Alfonse  de  Naples;  en  1452  il  envahit, 
i  huit  cents  lances  et  mille  fantassins,  le 
itoire  d'Alexandrie,  dont  il  s'empara,  sauf  la 
taie.  Bientôt  après  il  fut  surpris  à  Caninapar 

I.e  traité  conclu  à  cette  occasion  et  rapporté  dans 
/ironique  de  Benvenuto  S.  Giorgio,  p.  718,  contient 

«"détails  curieux  sur  l'organisation  militaire  de  l'é- 

P<ie. 


Sagramore  de  Parme,  qui  le  mit  en  pleine  dé- 
route. En  1454,  à  la  paix  de  Lodi,  il  se  récon- 
cilia avec  Sforce,  dans  l'armée  duquel  il  reprit 
un  commandement.  Ayant  succédé  à  son  frère 
en  1464,  il  conclut,  en  1467,  un  traité  avec  le 
duc  de  Milan,  pour  se  garantir  contre  les  pro- 
jets ambitieux  du  prince  de  Savoie,  avec  lequel 
il  eut  une  courte  guerre,  terminée  en  novembre 
1467,  par  la  médiation  de  la  France.  En  1472,  il 
fut  nommé  capitaine  général  des  troupes  de  Mi- 
lan, qui  en  lui  donnant  de  très-forts  subsides 
espérait  se  créer  des  droits  à  la  succession  du 
marquis  qui  n'avait  eu  aucun  lîls  de  ses  trois 
femmes. 

Simoneta,  y  ita  F.  Sfortix.  —  Gulchenon,  Histoire  de 
la  Maison  de  Savoie. 

Boni/ace  IV,  marquis  de  Montferrat,  frère 
du  précédent,  mort  en  1493.  Après  avoir  hésité 
pendant  quelque  temps  s'il  accepterait  l'héritage  de 
son  frère,  tant  cet  héritage  était  grevé  de  dettes,  il 
s'y  décida  lorsque  le  duc  de  Milan  lui  eut  assuré 
un  fort  secours  en  argent.  Comme  il  était  déjà 
âgé  et  sans  enfant,  Louis,  marquis  de  Saluées, 
qui  avait  épousé  la  fille  de  Guillaume  VI,  croyait 
que  le  Montferrat  lui  reviendrait  à  la  mort  de 
Boniface.  Mais  ce  dernier,  par  une  déclaration 
solennelle,  lui  enleva  tous  droits  à  sa  succession  ; 
Louis,  furieux,  fit  assassiner  Scipion  de  Mont- 
ferrat ,  descendant  collatéral  de  la  maison  mar- 
quisale,  et  auquel  il  pensait  que  Boniface  avait 
destiné  ses  États.  Redoutant  pour  lui-même  la 
violence  de  Louis,  Boniface  se  réconcilia  avec 
lui,  promettant  par  acte  authentique  de  par- 
donner ce  meurtre  ;  mais  il  protesta  secrètement 
contre  cette  déclaration  et  se  réserva  explicite- 
ment le  droit  de  se  venger.  En  1485  il  épousa 
Marie ,  fille  du  despote  de  Servie ,  et  il  en  eut 
deux  fils,  qui  lui  sucédèrent. 
Benvenuto  S.  Giorgio,  Cronica  del  Montferrato. 

GuillaumeVII,  marquis  de  Montferrat,  fils 
du  précédent,  né  en  1488,  mort  en  1518.  Son 
règne  n'est  remarquable  par  aucun  événement 
important;  il  faut  en  dire  autant  du  règne  de  ses 
deux  successeurs  :  Boniface  V,  son  fils  (  né  en 
1517,  mort  en  1530) ,  et  Jean-Georges  (  né  en 
1492,  mort  en  1533);  ce  dernier  qui  avant  son 
avènement  était  évêque  de  Casale,  fut  le  dernier 
descendant  mâle  du  marquisat ,  qui  passa  à  la 
maison  de  Gonzague,  du  chef  de  Marguerite, 
fille  de  Guillaume  VII  et  épouse  de  Frédéric  II 
de  Gonzague.  E.  Grégoire. 

Guichcnon.  —  Benvenuto  S.  Giorgio. 

ï  montfkrrier  (Alexandre- André-Victor 
Sarrazin  de),  littérateur  et  mathématicien  fran- 
çais, né  le  31  août  1792,  à  Paris.  Fils  d'un  ancien 
ingénieur  au  service  de  l'Espagne,  il  s'occupa 
d'abord  de  la  théorie  du  magnétisme  animal,  en 
exposa  les  principes  et  les  procédés,  et  en  re- 
chercha les  rapports  avec  les  lois  de  la  physique 
et  de  la  physiologie.  Il  fut  même  un  des  fonda- 
teurs de  la  Société  parisienne  du  Magnétisme. 
Sous  la  Restauralion  il  prit  part  à  la  rédaction  de 


243 


MONTFERRIER  —  MONTFLEURY 


24- 


plusieurs  journaux  du  parti  libéral  et  en  publia 
deux  en  1820,  L'UltraetL 'Oracle français ,  qui 
n'eurent  qu'une  très-courte  existence.  Dans  La 
Minerve  il  fit  insérer  deé  articles  qui  portent 
tantôt  son  nom,  tantôt  le  pseudonyme  de  Timoré. 
Après  la  révolution  de  1830,  il  fonda  L'Ère  nou- 
velle, et  devint  gérant  du  Moniteur  parisien. 
11  est  membre  de  plusieurs  sociétés  littéraires. 
Sa  sœur  a   épousé  le  mathématicien  polonais 
Wronski.  On  a  de  M.  de  Montferrier  :  Eléments 
du  Magnétisme  animal;   Paris,  1818,   in-8°, 
sous  le  pseudonyme  de  Lauzanne  ;  ce  fut  aussi 
sous  ce  nom  que  l'auteur  fonda,  en  1814,  les 
Annales  du  Magnétisme  animal,  dont  il  rédi- 
gea presque  seul  les  premiers  volumes  ;  —  Des 
Principes  et  des  Procédés  du  Magnétisme  ani- 
mal; Paris,   1819,  2  vol.  in-8o,  sous  le  nom  de 
Lauzanne;  le  t.  Ier,  contenant  une   théorie  du 
magnétisme.estseuldeM.  de  Montferrier;  le  t.  II 
est  extrait  en    grande  partie  des  Recherches 
sur  la  direction  du  fluide  magnétique  dé  Bruno 
(  1785,  in-8°)  ;  —  L'Epoque  fatale,  ode  phi- 
losophique ;  Paris,   1826,  in-8°;  —  Le  Christ 
au  mont  des  Olives,  oratorio;  Paris,  1828, 
in-8°;  —  Dictionnaire  des  Sciences  mathé- 
matiques pures  et  appliquées ,  avec  le  Sup- 
plément ;  Paris,  1834-1837-1840,  3  vol.  in-4° 
à  2  col.  fig.  ;  2°  édit,  1844,  3  vol.  in-4°  :  pi. ,  cet 
ouvrage  résume  par  ordre  alphabétique  l'his- 
toire de  toutes  les  découvertes  faites  dans  ces 
sciences,  leurs  procédés  actuels  et  leur  applica- 
tion aux  arts  industriels,  ainsi  que  la  biographie 
des  hommes  qui  ont  agrandi  le  cercle  des  con- 
naissances positives  ;  —  Théorie  des  facultés 
algorithmiques  et  des    factorielles  ;  Paris, 
1837,  in-4°;  —   Cours  élémentaire   des  Ma- 
thématiques pures  ;  Paris ,  1838,  2  vol.  in-8c, 
pi.  ;  —  Précis  élémentaire  de  Physique  et  de 
Chimie;  Paris,  1839,  l848,in-8°;  —  Table  des 
Logarithmes  des  nombres   depuis  1  jusqu'à 
10,000  avec  6  décimales  ;  Paris,  1840,  in-4o  : 
extrait  du  Dict.  des  Mathém.  ;  —  Dictionnaire 
universel  et  raisonné  de  Marine  ;  Paris,  1842, 
1846,  in-4°  pi.  ;  la  2e  édit.   a  paru  avec  la  colla- 
boration de   M.   Rigault  de   Genouilly.    M.  de 
Montferrier  a  commencé  en  1856  la  publication 
d'une  Encyclopédie  mathématique,  d'après  les 
principes  d'Hoëne  Wronski.  P.  L — y. 

Quérard,  La  France  Litt.— lapereau,  Dict.  des  Contemp. 
montfiquet  (  Raoul  de),  auteur  ascétique 
français,  né  au  village  de  Montfiquet,  près  Bayeux, 
mort  vers  1520.  Il  était  docteur  en  théologie. 
Ses  ouvrages ,  devenus  rares ,  sont  recherchés 
des  bibliographes,  à  cause  de  leur  ancienneté; 
nous  citerons  :  Tractatus  de  vera,  reaU  atque 
mirabili  existentiatotius  Christi;  Paris,  1481, 
in-fol.  ;  trad.  en  français  ;  —  Le  Livre  ou  Traicté 
du  sainct  sacrement  de  l'autel  (  Paris,  vers 
1500,  in-4"  goth.)  ;  —  Exposition  de  l'Oraison 
dominicale;  Paris,  1485,  in-4°  goth.  ;  —  Expo- 
sition de  l'Ave  Maria;  Paris, s.  d.,  in-4o,gotlr.  ; 
—  Le  Guidon  et  Gouvernement  des  gens  ma- 


riez, iraitié  singulier  du  sainct  sacrement 
estât  et  fruit  du  mariage;  Paris,  s.  d.  (ver 
1520),  in-4°,  goth.,  et  Lyon,  s.  d.,  in-8°;  ce 
ouvrage  est  écrit  en  rimes.  K. 

Brunet ,  Manuel  du  Libraire. 

montfleury (Zacharie-  Jacob,  dit),  auteu 
et  comédien  français,  né  en  Anjou,  en  1 600,  mort 
Paris,  en  décembre  1667.  Montfleury  descenda 
d'une  famille  noble,  qui  lui  fit  faire  de  bonnes  éti 
des;  il  fut  ensuite  admis  comme  page  chez  leducd 
Guise  ;  mais  le  goût  du  théâtre  l'em  porta  bientôt,e 
quittant  le  duc  sans  le  prévenir,  il  se  joignit  à  un 
troupe  de  comédiens  ambulants.  C'est  alors  qu 
pour  cacher  son  véritable  nom ,  il  prit  celui  c 
Montfleury,  sous  lequel  il  fut  reçu  dans  la  trouf 
de  l'hôtel  de  Bourgogne,  vers  1637.  Il  joua  avf 
grand  succès  dans  Le  Cid  et  dans  Les  Horacei 
il  réussit  aussi  dans  les  rôles  comiques  (1).  i 
mort  est  attribuée  aux  efforts  qu'il  fit  en  jouai 
le  rôle  Oreste.  Il  fit  représenter  en  1647  unetn 
gédie  intitulée  :  La  Mort  d'Asdrubal;  Pari 
in-4°,  avec  une  dédicace  au  duc  d'Épernon 
portrait  de  l'auteur.  A.  J. 

•  Chappuzeau,  Théâtre  français,  1.  III,  p.  177,  178. 
Gaeret,  l'amasse  réformé.  —  Saint- Évremond,  Lettre 
M.  de  Lyonne,  1669.  —  Parfaict  frères ,  Histoire  < 
Théâtre  français,  t.  VI.  —  Lemazurier,  Galerie  historiq 
des  Jeteurs. 

sïontfleury  (  Antoine- Jacob,  dit  ),  ai 
teur  dramatique  français,  fils  du  précédent,  i 
en  1640,  à  Paris,  mort  le  11  octobre  1685,  à  A 
en  Provence.  Élevé  avec  soin,  il  étudia  le  dr< 
par  déférence  pour  son  père  ;  mais  son  go 
pour  la  poésie  le  détourna  du  barreau,  qu'il  i 
semble  pas  avoir  jamais  pratiqué,  et  dans  l'a 
née  même  où  il  était  reçu  avocat,  il  fit  paraît 
pour  son  coup  d'essai  une  comédie  en  un  acl 
Le  Mariage  de  rien  (1660),  à  laquelle  il  n 
son  nom  de  famille.  Dès  lors  il  n'eut  pi 
d'autre  attrait  que  pour  le  théâtre,  et  épousa 
fille  du  comédien  Floridor,  Marie-Marguerite  i 
Soûlas.  Après  avoir  remporté  de  nombreux  su 
ces,  il  prit  le  parti  de  la  finance ,  et  accepta 
Colbert,  en.  1678,  la  mission  délicate  de  recouvr 
les  sommes  que  le  parlement  de  Provence  d 
vait  au  roi.  Il  agit  avec  tant  de  prudence  qu 
trouva  le  secret  de  contenter  à  la  fois  la  co 
et  le  parlement;  cette  compagnie  lui  off 
même ,  dit-on ,  une  charge  de  conseiller,  qi 
eut  la  modestie  de  refuser.  Rappelé  à  Paris,  i 
le  ministre  lui  destinait  une  place  dans  les  fe 
mes  générales ,  il  tomba  malade  à  Aix,  et- 
mourut,  d'une  hydropisie.  Pendant  le  cours  de 
maladie  le  dauphin  lui  offrit  une  pension  s 
voulait  continuer  à  travailler  pour  la  scène.  ( 
lit  dans  l'avertissement  des  Œuvres  de  Moi) 
fleury  père  et  fils  :  «  Plusieurs  comédies  de  ( 
auteur  sont  restées  au  théâtre  ;  mais  on  ne  pe 

(1)  Montfleury  était  fort  grand  et  fort  gros,  taille' 
gardée  alors  comme  Indispensable  pour  son  empl 
Cyrano  de  Bergerac,  qui  avait  eu  querelle  avec  lui,  i 
sait  :  «  A  cause  que  ce  coquin  est  si  gros  qu'on  ne  p< 
le  bâtonner  tout  entier  en  un  jour,  il  fait  le  fier.  » 


245  MONTFLEURY 

lissimuler  qu'il  n'y  ait  un  juste  reproche  a  lui 
aire  sur  la  licence  qu'il  s'est  souvent  permise, 
;oit  dans  le  choix  des  sujets,  soit  dans  les  ex- 
cessions.  On  remarque  en  général  dans  les 
>ièces  de  Montfleury  de  l'esprit,  des  vers  heu- 
eusement  trouvés,  des  images  vives  et  rendues 
ivec  précision,  et  une  grande  connaissance  du 
nonde  et  du  théâtre.  Il  avait  beaucoup  de  litté- 
ature,  il  savait  et  parlait  si  parfaitement  l'espa- 
;noi  que  la  l'eue  reine  (  Anne  d'Autriche  )  disait 
fue  ceux  du  pays  ne  le  parlaient  pas  si  bien  que 
ni  ;  aussi  a-t-il  pris  dans  leurs  auteurs  quelques- 
ins  des  sujets  qu'il  a  traités.  »  La  seule  pièce 
lui  soit  restée  de  Montfleury  au  répertoire  ac- 
|uel  du  Théâtre-Français  est  La  Femme  juge 
t  partie,  qui  balança  en  16691e  succès  du  Tar- 
ufe  ;  réduite  à  trois  actes  par  M.  Onésime 
ieroy,  elle  a  été,  depuis  le  6  mars  1821,  repré- 
entée  plusieurs  fois ,  quoiqu'elle  ait  beaucoup 
erdu  de  sa  gaieté.  Le  théâtre  d'Antoine  Mont- 
eury  a  été  publié  isolément  (Paris,  1705, 
vol.  in-12  ) ,  ou  réuni  à  celui  de  son  père 
Paris,  1739,  3  vol.  in-12,  et  1775,  4  vol.. 
1-12).  Cette  dernière  édition  est  la  plus  com- 
lète,  et  renferme  :  Le  Mariage  de  rien  (joué  en 
660);  Le  Mari  sans  femme  (1663)-,  I'7m- 
iromptu  de  l'hôtel  de  Condé  (1663)  ;  Thra- 
ibule  (1663)  ;  L'École  des  Jaloux,  ou  le  cocu 
|  olontaire  (1664)  ;  L'École  des  Filles  (1666)  ;  La 
'emme  juge  et  partie  (  1669  );  Le  Procès  de 
,&  Femme  juge  et  partie  (  1669)  ;  Le  Gentil- 
lomme  de  Beauce  (1670);  La  Fille  capitaine 

1672)  ;  L'Ambigu-Comique,  ou  les  Amours  de 
Jidon  et  d'Énée  (1673);  Le  Comédien  poète 

1673)  :  avec  Thomas  Corneille;  Trigaudin,  ou 
•fartin  Braillard  (1674)  ;Crispin  gentilhomme 
•  1677)  ;  La  Dame  médecin  (1678),  La  Dupe  de 
oi-même.  La  comédie  des  Bêles  raisonnables, 
eprésentée  en  1061,  n'est  pas  comprise  dans  ce 

cueil.  P.  L. 


—  MONTFORT 


246 


,* 


Avertissement  des  OEuvres  de  théâtre  de  Montfleury 
édif.  1739).  —  Parfaict  frères ,  Uist.  du  Théâtre  fran- 

!  montfleury  (  Jean  Le  Petit  de),  poëte 

Èiçais,  né  en  1698,  à  Caen,  où  il  est  mort,  le 
vril  1777.  Il  était  fils  d'un  gentilhomme  d'é- 
qui  devait  accompagner  Jacques  II  dans  son 
expédition  d'Angleterre.  Ses  poésies  lui  valurent 
|es  éloges  de  Louis  Racine  ainsi  que  des  récom- 
penses académiques.  Il  était  membre  de  la  So- 
iété  des  Belles-lettres  de  Caen.  Nous  citerons 
le  lui  :  Ode  au  cardinal  de  Fleury  ;  1727  j  — 
l'ï«r  le  Zèle;  1729;  —  La  Prise  de  Berg-op- 
Zoom,  poème;  1747;  —  Grandeur  de  Jésus- 
christ,  poëme  en  IV  chants,  suivi  des  Gran- 
deurs de  la  Vierge,  ode  ;  Bayeux,  1752,  in-80;  — 
msai  (en  vers)  sur  l'instruction  morale, poli- 
tique et  chrétienne;  Caen,  1755,  in-8o;  —La 
•Mort  justifiée,  poëme;  s.  1.  (Bayeux),  1761, 
:n-8°. 

i   Son  frère,  l'abbé  de  Montfleury,  mort  en 
1758,  à  Caen,  chanoine  de  Bayeux,  est  auteur 


de  Lettres  cicrieuses  et  instructives  à  un 
Père  de  l'Oratoire  (  1728,  in-12  )  et  de  la  tra- 
duction d'un  poëme  latin  du  P.  de  La  Santé,  Le 
Fer  (1725).  P.  L. 

Quérard,  La  France  littéraire. 

montfort,  famille  noble  française,  descen- 
dant, selon  l'opinion  la  plus  probable,  de  Baudoin, 
comte  de  Flandre,  et  de  Judith,  fille  de  Charles 
le  Chauve.  Amauri  II,  seigneur  de  Montfort, 
petite  ville  entre  Paris  et  Chartres,  est  le  pre- 
mier membre  de  cette  maison  dont  il  soit  fait 
mention  dans  l'histoire.  Il  vivait  dans  la  pre- 
mière moitié  du  onzième  siècle,  et  se  fit  remarquer 
par  son  attachement  à  Henri  1er,  roi  de  France, 
qu'il  aida  dans  sa  lutte  contre  les  intrigues  de 
la  reine  Constance.  Simon  Ier,  son  fils,  épousa 
en  troisièmes  noces  Agnès,  fille  de  Richard, 
comte  d'Évreux,  qu'il  avait  fait  enlever.  Ses 
quatre  fils,  Amaury  III,  Richard,  Simon  II  et 
Amaury  IV  lui  succédèrent  l'un  après  l'autre.  Le 
dernier  eut  de  longs  démêlés  avec  Henri  Ier,  roi 
d'Angleterre,  au  sujet  du  comté  d'Évreux,  qui 
lui  revenait  du  chef  de  sa  mère;  il  se  réconcilia 
en  1128  avec  ce  prince,  qui  lui  abandonna  la 
possession  du  comté  (  voy.  Orderic  et  Vital , 
Historia  Ecclesiastica ,  et  Suger,  Vita  Ludo- 
vici  Grossi).  Son  petit-fils,  Simon  III,  dit  le 
Chauve,  comte  de  Montfort  et  d'Évreux,  épousa 
Amicie,  fille  de  Robert  de  Beaumont,  comte  deLei- 
cester  ;  son  fils  aîné,  Amauri  V,  hérita  du  comté 
d'Évreux,  qu'il  céda  en  1200  au  roi  de  France; 
son  second  fils  fut  le  fameux  Simon  7  F  de  Mont- 
fort, dont  l'article  suit;  le  troisième,  Gui,  sei- 
gneur de  La  Ferté-Alais,  devint  la  tige  des  sei- 
gneurs de  Castres. 

Simon  IV,  comte  de  Montfort  et  de  Leices- 
ter,  plus  tard  comte  de  Toulouse,  célèbre  capi- 
taine français,  né  vers  1150,  tué  le  25  juin  1218. 
On  n'a  presque  aucun  détail  sur  les  cinquante 
premières  années  de  sa  vie.  II  conduisit  en 
1198  une  troupe  de  chevaliers  français  en  Pa- 
lestine; privé  du  concours  des  croisés  allemands, 
qui  retournèrent  chez  eux  malgré  ses  prières ,  il 
ne  put  rien  entreprendre  contre  les  Sarrasins, 
et  se  borna  à  conclure  avec  eux  une  trêve 
de  trois  ans.  En  1202,  il  prit  part  à  la  cin- 
quième croisade,  et  alla  faire  avec  ses  compa- 
gnons d'armes  le  siège  de  Zara.  Mais  lorsque 
le  pape  Innocent  1H  eut- fait  signifier  par  l'abbé 
Gui  de  Vaux-Cernay  défense  aux  croisés  de 
continuer  cette  entreprise ,  il  déclara  haute- 
ment ne  plus  vouloir  y  prendre  part  ;  son  avis 
fut  suivi  par  d'autres  seigneurs,  ce  qui  exaspéra 
tant  les  Véniliens,  pour  le  compte  desquels  se  fai- 
sait l'expédition ,  qu'ils  eussent  massacré  l'abbé 
Gui  sans  l'énergique  intervention  de  Simon.  Les 
croisés  ayant  ensuite  décidé  d'aller  rétablir 
l'empereur  grec  Isaac  l'Ange,  Simon  se  sépara 
d'eux  avec  son  frère  Gui ,  et  passa  au  service 
du  roi  de  Hongrie.  Peu  de  temps  après  il  partit 
pour  la  Palestine,  où  il  se  signala  pendant  cinq 
ans  par  les  plus  brillants  exploits.  Au  printemps 


247 

de  1208,  Simon  fit  vœu  de  se  joindre  aux  nom- 
breux chevaliers  français  qui ,  excités  par  les 
prédications  de  Gui  de  Vaux-Cernay,s'apprêtaient 
à  soumettre  par  les  armes  le  midi  de  la  France  à 
l'autorité  de  l'Église.  Le  pape  Innocent  III  s'était 
décidé  à  employer  la  rigueur  pour  rétablir  dans 
ce  pays  la  religion  catholique,  après  avoir  vu 
les  moyens  de  persuasion  échouer  devant  l'obs- 
tination de  Raymond  VI,  comte  de  Toulouse,  et 
autres  puissants  seigneurs,  protecteurs  des  hé- 
rétiques, et  même  attachés  à  leurs  doctrines. 
La  secte  de  beaucoup  la  plus  nombreuse ,  celle 
des  cathares,  avait  dès  le  commencement  du  on- 
zième siècle  fait  les  progrès  les  plus  rapides 
dans  la  Gaule  méridionale  (1).  Le  pays  s'était 
trouvé  prédisposé  en  leur  faveur  par  le  fonds 
païen  qu'on  remarquait  dans  l'esprit  des  habi- 
tants ,  et  par  le  reste  d'opposition  à  Rome,  sub- 
sistant même  depuis  que  l'arianisme,  qui  avait 
régné  deux  siècles  dans  ces  contrées,  avait  été  ex- 
tirpé. Dans  la  seconde  moitié  du  douzième  siècle, 
la  civilisation  s'y  était  élevée  à  un  degré  unique 
alors  en  Europe  ;  mais  les  mœurs  chevaleresques 
avaient  produit  un  esprit  de  frivolité  qui  s'accom- 
modait bien  mieux  des  rêveries  des  cathares  que 
des  préceptes  dogmatiques  et  sévères  de  l'Église. 
Émancipée  du  pouvoir  féodal  par  sa  richesse  et 
sa  puissance ,  la  bourgeoisie  partageait  les  idées 
des  chevaliers,  et  détestait  comme  eux  la  domi- 
nation des  prélats,  dont  l'inconduite,  en  vain 
censurée  par  les  papes,  contribuait  à  détruire 
l'autorité  du  catholicisme.  «  De  tout  cela,  dit 
M.  Schmidt  dans  son  Histoire  des  Cathares,  il 
était  résulté  un  esprit  de  liberté  et  de  tolérance 
religieuse  dont  nul  autre  pays  de  la  chrétienté 
ne  donnait  alors  l'exemple.  Toutes  les  opinions 
pouvaient  se  manifester  sans  obstacle  ;  l'indiffé- 
rence des  seigneurs  allait  si  loin  que  fréquem- 
ment ils  s'entouraient  de  juifs,  auxquels  ils  con- 
fiaient des  emplois  civils  ou  qu'ils  recevaient  en 
qualité  de  médecins  dans  leur  intimité.  Ceux  qui 
profitaient  le  plus  de  cette  liberté  de  pensée,  c'é- 
taient les  hérétiques.  Les  esprits  plus  sérieux, 
choqués  de  la  frivolité  des  mœurs  des  laïques  et 
des  clercs,  se  sentaient  attirés  par  les  prédica- 
tions des  cathares ,  qui  annonçaient  l'intention 


(1)  Les  doctrines  des  cathares,  appelés  généralement 
albigeois  depuis  !e  commencement  du  treizième  siècle, 
avaient  pris  naissance  en  Bnlgarieau  dixième  siècle;  es- 
sentiellement païennes,  et  revêtues  seulement  de  quel- 
ques formules  empruntées  au  christianisme,  elles  ensei- 
gnaient l'existence  d'un  bon  et  d'un  mauvais  principe,  et 
plaçaient  sous  la  domination  exclusive  de  ce  dernier  tout 
le  monde  matériel.  Niant  le  libre  arbitre,  jetant  le  dé- 
dain sur  la  création,  réprouvant  le  mariage,  elles  ten- 
daient à  détruire  tout  lien  entre  les  hommes  et  avatent 
pour  conséquence  rigoureuse  l'égoïsme  le  plus  absolu. 
Bien  qu'à  l'époque  dont  nous  traitons  les  cathares,  ceux 
au  moins  d'entre  eux  qu'on  appelait  les  parfaits,  se  fis- 
sent remarquer  par  leur  austérité,  cela  n'était  pas  une 
garantie  qu'à  la  longue  les  principes  immoraux  renfer- 
mes dans  leurs  croyances  ne  fussent  cause  d'une  corrup- 
tion irrémédiable.  Quant  à  la  secte  des  vaudols  ,  elle  pro- 
fessait la  plupart  des  dogmes  ainsi  que  la  morale  de  l'É- 
glise, dont  elle  attaquait  seulement  la  constitution  hiérar- 
chique. 


MONTFORT  24S  : 

de  ramener  l'Église  et  la  vie  à  une  simplicité 
plus  austère,  tandis  que  les  hommes  du  mondt 
s'associaient  volontiers  à  une  secte  qui  leur  p.er  < 
mettait  de  vivre  à  leur  gré,  à  la  seule  condition  d< 
se  faire  imposer  les  mains  à  l'heure  de  la  mort.  >  I 
Quoique  jusqu'alors  le  comte  de  Toulouse ,  ap  : 
prouvé  en  cela  par  ses  sujets ,  eût  éludé  toutes  '< 
les  instances  du  pape  tendant  à  arrêter  par  I;  j 
force  l'extension  de  l'hérésie,  l'annonce  des  pré-  j 
paratifs  qui  se-  faisaient  contre  lui  le  rendil 
plus  traitable,  et  il  remit  (  juin  1209  )  entre  les 
mains  du  légat  Milon  les  sept  places  de  sûreté 
exigées  en  gage  de  la  sincérité  de  ses  mesures 
contre  l'hérésie.  Après  avoir  reçu  l'absolutior 
quelques  joursaprès,  Raymond  alla,  par  excès  dt  J 
craintejusqu'à  se  rendre  avec  des  troupes  au  camp 
des  croisés  qui  venaient  d'arriver  pour  combattra 
ses  propres  sujets.  En  juillet,  l'armée  catholique,  | 
forte  d'au  moins  cinquante  mille  hommes,  et  où 
se  trouvaient  le  duc  de  Bourgogne ,  les  comtes 
de  Nevers  et  de  Saint-Pol ,  Simon  de  Montforl 
et  beaucoup  d'autres  seigneurs,  atteignit  Mont- 
pellier (1).  Raymond-Roger,  vicomte  de  Béziers, 
jeune  homme  dont  les  tuteurs  avaient  laissé  sans 
répression  se  propager  l'hérésie ,  vint  trouver 
le  légat,  promettant  que  dorénavant  il  exécute- 
rait les  prescriptions  de  l'Église  touchant  le 
maintien  de  la  religion  catholique;  repoussé 
avec  dédain,  il  résolut  de  se  défendre  contre 
l'agression  dont  on  le  menaçait,  et  se  jeta  dans 
Carcassonne  avec  l'élite  de  ses  soldats.  Les 
croisés  envahirent  immédiatement  ses  États ,  et 
arrivèrent  le  22  juillet  devant  Béziers.  Avant  de 
commencer  l'attaque  de  la  ville,  ils  prièrent  les 
habitants  catholiques  d'en  sortir  ;  la  plus  grande 
partie  de  ceux-ci  s'y  refusa;  mais  le'urs  chefs  se 
mirent  à  négocier  en  secret  sur  le  moyen  de  sauver 
la  population  orthodoxe.  Les  barons  croisés 
étaient  en  train  de  délibérer,  lorsqu'une  troupe 
nombreuse  de  bourgeois,  dans  un  entraînement 
téméraire,  fit  une  sortie.  Mais  les  goujats  et  ri- 
bauds  (  espèce  de  soldats  aussi  braves  que  fé- 
roces et  licencieux,  comparables  à  ce  qu'on  a 
appelé  plus  tard  les  enfants  perdus  )  suffirent 
pour  les  repousser  ;  ces  mêmes  ribauds  com- 
blèrent à  l'instant  les  fossés ,  escaladèrent  les 
murs ,  et  en  trois  heures  se  rendirent  maîtres 
de  la  ville.  Ils  se  mettent  à  égorger  indistincte- 
ment hommes,  femmes  et  enfants,  tous  ceux 
qui  leur  tombaient  sous  la  main  (2).  Après  avoir 
ainsi  massacré  au  moins  quinze  mille  personnes, 
ils  pillèrent  la  ville  et  rassemblèrent  un  immense 


(j)  La  cause  de  cette  affluenec  était  que  ceux  qui 
avalent  fait  vœu  de  se  rendre  en  Terre  Sainte  en  étaient 
dégagés  en  allant  pendant  quarante  jours  combattre  les 
hérétiques. 

(2)  C'est  à  cette  occasion  que  le  légat  consulté  sur  la 
façon  de  distinguer  les  catholiques  des  hérétiques,  aurait 
dit  -.  «Tuez-les  tous,  Dieu  saura  bien  distinguer  les 
siens.  »  Ce  propos  n'est  rapporté  que  par  César  d'Hels- 
terbach,  moine  fort  crédule,  qui  écrivait  au  fond  de  l'Al- 
lemagne. De  plus,  la  manière  soudaine  et  imprévue  dont 
fut  prise  la  ville,  l'absence  de  tous  les  chefs,  rendes 
le  fait  peu  vraisemblable. 


k249 


MONTFORT 


250 


[butin,  mais  qui  leur  fut  enlevé  par  les  chevaliers 
]iii  survinrent  alors.  De  dépit  les  ribauds  mi- 
•ent  le  feu  à  la  ville ,  ce  qui  força  les  seigneurs 
i  abandonner  une  grande  partie  des  richesses 
lont  ils  venaient  de  s'emparer.  L'épouvante  se 
épandit  dans  toute  la  contrée,  et  lorsque  les 
.roisés  se  furent  mis  en  marclie  sur  Carcassonne, 
>as  un  des  cent  et  quelques  châteaux  qui  au- 
aient  pu  les  arrêter  n'osa  résister.  Arrivés  le 
i er  août  devant  Carcassonne,  les  croisés,  après 
i  voir  pris  le  premier  faubourg ,  donnèrent  l'as- 
laut  au  second;  mais  ils  furent  repoussés  avec 
lerte;  au  moment  où  ils  se  retiraient,  Simon, 
i  >u jours  un  des  premiers  au  danger,  vit  un  de 
les  chevaliers  gisant  la  jambe  cassée  dans  le 
pssé  et  ne  pouvant  se  sauver;  il  revint  sur 
lis  pas  et  enleva  le  blessé  au  milieu  d'une 
frôle  de  pierres  et  de  traits.  La  ville  fut  alors 
i  ssiégée  dans  les  règles,  avec  le  secours  de  nom- 
reuses  machines;  au  bout  de  huit  jours  le  se- 
)nd  faubourg  fut  emporté.  Le  roi  Pierre  II  d'A- 
igon ,  suzerain  du  vicomte,  vint  impIoreT  en  fa- 
1 eur  de  celui-ci  la  pitié  des  croisés;  mais  la  du- 
pté  des  conditions  proposées  par  le  légat  fit 
|;houer  sa  médiation.  Cependant  l'extrême  sé- 
îeresse  força  bientôt  après  la  ville  à  se  rendre; 
s  habitants  purent  se  retirer  avec  leurs  che- 
ises  et  leurs  brayes;  mais  le  vicomte  fut 
irdé  prisonnier,  probablement  contre  la  teneur 
;  la  capitulation;  il  mourut  quelques  mois 
us  tard  ;  Simon  fut  accusé,  non  sans  vraisem- 
ance,  de  l'avoir  fait  empoisonner.  L'abbé  de 
liteaux ,  Arnauld ,  qui  jusque  ici  avait  conduit 
lirmée,  assembla  alors  les  chefs  pour  qu'ils 
I  ussent  celui  auquel  serait  dévolu  le  pays  qu'ils 
jjînaient  de  conquérir.  Les  trois  premiers  aux- 
Ijiels  la  vicomte  fut  offerte,  le  duc  de  Bourgogne 
i  les  comtes  de  Nevers  et  de  Saint-Pol,  la  re- 
I  sèrent,  n'admettant  pas  que  Raymond-Roger  fût 
ISpouillé  de  son  patrimoine.  Simon,  auquel  on  fit 
lisuite  la  même  proposition ,  accepta  avec  joie , 
lius  la  condition  cependant  que  les  croisés  s'en- 
ligeassent  à  le  secourir  s'il  venait  à  être 
Iquiété  dans  sa  nouvelle  possession.  Il  com- 
lença  par  y  imposer  un  tribut  annuel  en  faveur 
I;  la  cour  de  Rome  et  à  prescrire  les  mesures 
Is  plus  sévères  pour  la  répression  de  l'hérésie. 
|ependant  les  quarante  jours  pendant  lesquels 
||s  croisés  avaient  fait  vœu  de  combattre  étaient 
ftoulés  ;  ils  repartirent  en  grande  partie  pour 
(:urs  pays,  et  il  ne  resta  bientôt  plus  à  Simon 
b'un  petit  nombre  de  chevaliers  et  quatre  à 
Inq  mille  Bourguignons  et  Allemands  retenus  par 
lie  solde  élevée  (l).  Ces  forces  lui  suffirent  ce- 
i[;ndant  pour  se  mettre  en  possession  de  Cas- 
tes, Pamiers,  Albi  et  autres  villes  et  châteaux 

11(1)  Le  môme  fait  se  renouvela  régulièrement  chaque 
ILnée ,  et  Simon  n'aurait  jamais-  obtenu  de  succès  de- 
f'ifs,  si   l'immense  butin   fait  dans  ces  riches   contrées 

t  le  produit  des  confiscations  des  biens  des  hérétiques 
l|:  Vavaient  pas  mis  à  même  de  stipendier  des  troupes; 

prons  que  celles-ci,  à  cause  de  l'acharnement  de  la* 

lerre,  exigeaient  double  solde. 


de  ses  nouveaux  États.  Il  essaya,  mais  en  vain, 
d'être  admis  à  prêter  à  Pierre  d'Aragon  l'hom- 
mage qu'il  lui  devait  pour  la  vicomte  ;  bien  plus, 
le  roi  fit  exhorter  les  barons  à  secouer  le  joug 
des  étrangers.  Aussitôt  la  plupart  des  nobles  re- 
prennent les  armes  ;  le  comte  de  Foix  se  joint 
à  eux ,  et  à  la  fin  de  l'année  Simon  n'avait  plus 
en  son  pouvoir  qu'un  petit  nombre  de  places. 
Son  courage  indomptable  ne  se  démentit  pas  ; 
mais  ses  compagnons  étaient  dans  le  plus  grand 
abattement,  lorsqu'ils  furent  un  peu  ranimés  par 
la  lettre  du  pape,  qui,  confirmant  à  Simon  la 
seigneurie  du  pays,  l'instruisit  en  même  temps  de 
ses  efforts  auprès  de  beaucoup  de  princes  pour 
les  stimuler  à  porter  secours  au  comte  de  Mont- 
fort.  Celui-ci,  ayant  reçu  quelques  renforts, 
reprit  bientôt  l'offensive,  et  répara  en  partie  les 
échecs  qu'il  venait  de  subir;  dans  le  courant 
de  l'année  il  se  rendit  maître  de  Minerve  et  de 
Thermes ,  châteaux  extrêmement  forts  (1). 

Pendant  ce  temps  .le  comte  de  Toulouse,  après 
avoir  pris  part  à  la  croisade  contre  le  vicomte 
de  Béziers,  avait  cherché  à  se  rapprocher  de 
Simon,  dont  il  demanda  la  fille  pour  son  fils; 
mais  Montfort  avait  repoussé  ces  avances  et 
commis  plusieurs  dégâts  sur  les  domaines  de 
Raymond ,  qu'il  convoitait  et  pour  la  prise 
desquels  lui  et  le  légat  cherchaient  à  faire  naître 
un  prétexte.  Raymond  alla  se  plaindre  au  pape 
de  ces  procédés  iniques;  il  fut  reçu  avec  de 
grands  honneurs;  mais  au  lieu  d'examiner  lui- 
même  la  justification  que  le  comte  offrait  de  faire 
de  sa  conduite.,  Innocent  III  le  renvoya  au  con- 
cile qui  s'ouvrit  bientôt  après  à  Saint-Gilles 
(septembre  1210).  Le  légat  faisant  valoir  qu'une 
des  conditions  souscrites  par  Raymond  lors  de 
son  absolution,  à  savoir  qu'il  chasserait  de  ses 
états  tous  les  hérétiques,  n'était  pas  remplie, 
empêcha  que  le  comte  fût  admis  à  répondre  aux 
accusations  portées  contre  lui.  Au  concile  d'Arles 
on  offrit  enfin  à  Raymond  sa  réconciliation  avec 
l'Église,  mais  à  des  conditions  si  dures  et  si  of- 
fensantes, que  le  comte,  décidé  à  répondre  par 

(1)  Les  chroniqueurs  contemporains  nous  donnent  des 
détails  étendus  sur  les  machines  employées  pour  le 
siège  de  ces  deux  places  et  des  autres ,  prises  dans  le 
courant  de  la  croisade;  leur  narration  donne  une  haute 
idée  de  l'habileté  des  artilleurs  de  l'époque  ;  ils  racontent 
entre  autres  qu'au  siège  de  Minerve,  Simon  fit  établir  un 
pierrier  si  lourd,  que  la  dépense  pour  le  faire  fonctionner 
coûtait  vlngt-et-une  livres  par  jour. 

Ces  mêmes  historiens  rapportent  aussi  les  exécutions 
d'hérétiques  qui  suivaient  presque  toujours  la  prise  des 
villes  et  des  châteaux  ;  à  ce  sujet  nous  ne  citerons  que  ce 
qui  se  passa  à  la  reddition  de  Minerve.  Le  légat  avait 
concédé  que  les  hérétiques  qui  s'y  trouvaient  auraient 
la  vie  sauve,  s'ils  se  réconciliaient  avec  l'Église.  Robert 
de  Mauvoisin ,  ami  de  Simon  ,  s'emporta  à  cette  nou- 
velle, et  dit  :  «  Nous  sommes  venus  pour  exterminer  les 
hérétiques  et  non  pour  leur  faire  grâce;  ils  ne  manque- 
ront p.is  de  simuler  de  se  convertir.  »  —  «  Ne  crains  rien, 
lui  répondit  le  légat ,  car  je  crois  que  bien  peu  se  récon- 
cilieront. »  En  effet,  bien  que  Simon  les  eût  lui-même 
extiortés  avec  instance  de  rentrer  dans  le  giron  de  l'É- 
glise ,  plus  de  cent  quarante  cathares  persistèrent  dans 
leurs  croyances,  et  montèrent  sur  le  bûcher  pleins  de 
courage  et  de  joie. 


251  MONTFORT 

les  armes  à  dételles  humiliations, n'eut  qu'à  faire 
connaître  les  propositions  du  légat  pour  que 
ses  peuples,  indignés,  s'offrissent  à  le  défendre  à 
outrance  contre  ceux  qui  voulaient  faire  d'eux 
un  troupeau  de  serfs.  Montfort  et  les  légats 
étaient  donc  parvenus  à  leur  fin;  la  guerre  sainte 
fut  prêchée  contre  Raymond,  et  ses  domaines 
furent  adjugés  au  premier  occupant. 

En  mars  1211 , Simon,  qui  avait  enfin  fait  recevoir 
son  hommage  par  Pierre  d'Aragon,  dont  il  avait 
reçu  en  garde  le  fils  unique  Jacques ,  fiancé  à  sa 
fille,  se  trouva  à  la  tète  d'une  armée  considérable 
amenée  de  tous  les  coins  de  l'Europe  et  où  figu- 
raient plusieurs  princes  et  prélats.  Après  avoir 
obtenu  la  remise  du  château  de  Cabaret  il  alla 
faire  le  siège  de  Lavaur;  cinq  mille  Toulousains  ca- 
tholiques vinrent  le  rejoindre,  et  Roger  de  Com- 
minges  se  présenta  pour  lui  faire  hommage.  La- 
vaur fut  pris  le  3  mai  ;  Simon  fit  mettre  à  mort 
quatre-vingts  chevaliers  delà  garnison  ;  la  dame  du 
château,  qui  était  hérétique,  fut  jetée  vivante  dans 
un'puits  et  écrasée  avec  des  blocs  de  pierre.  Quatre 
cents  hérétiques  de  la  catégorie  des  parfaits 
furent  brûlés,  ayant  refusé  de  se  convertir.  Le  butin 
fut  remis  presqu'en  entier  à  Simon ,  qui  le  livra 
à  un  usurier  de  Cahors  en  remboursement  de 
ses  avances ,  qui  permettaient  à  Simon  d'entre- 
tenir des  troupes  après  le  départ  des  croisés. 
En  effet,  quoique  ceux-ci  l'eussent  de  nouveau  en 
grande  partie  quitté ,  Simon  se  sentit  cependant 
assez  fort  pour  déclarer  formellement  la  guerre 
à  Raymond ,  dont  il  envahit  les  États,  quoique 
le  comte  eût  offert  de  les  remettre ,  sauf  Tou- 
louse, entre  les  mains  du  légat  et  de  satisfaire 
à  tout  ce  qu'on  exigerait  de  lui  au  sujet  de  la 
religion.  Après  s'être  emparé  de  plusieurs  châ- 
teaux avec  l'aide  de  Raudoin,  propre  ffére  de 
Raymond,  Simon  arriva  en  juin  devant  Toulouse, 
que  le  clergé  appelait  «  la  tête  du  dragon  »,  et  qui 
était  en  effet  le  foyer  le  plus  ardent  de  l'hérésie. 
Raymond  se  jeta  dans  la  ville  avec  les  comtes 
de  Foix  et  de  Comminges,  et  rejoint  par  des 
troupes  envoyées  par  le  roi  d'Angleterre,  il  força 
Simon  à  se  retirer.  Celui-ci ,  après  avoir  entiè- 
rement dévasté  les  environs  de  Toulouse  et  le 
pays  de  Foix ,  prit  possession  de  Cahors,  qui  lui 
fut  remis  par  l'évêque-comte  de  cette  ville.  Puis, 
apprenant  que  Raymond,  à  la  nouvelle  du  dé- 
part des  derniers  croisés,  avait  repris  l'offensive 
et  marchait  sur  Carcassonne,  il  se  jeta  à  la  hâte 
dans  Castelnaudary,  pour  l'arrêter  (septembre 
1212).  Il  n'avait  trouvé  sous  sa  main  qu'un  mil- 
lier d'hommes,  et  il  ordonna  en  conséquence  à 
plusieurs  de  ses  nouveaux  vassaux  de  venir  le 
rejoindre;  aucun  d'eux  n'obéit,  et  sa  haine  contre 
les  méridionaux  n'en  devint  que  plus  vive.  Gui 
deLévis  lui  amena  enfin  des  renforts;  à  peu  de 
distance  du  château ,  ils  furent  attaqués  par  le 
comte  de  Foix ,  et  ils  étaient  déjà  mis  en  déroute 
lorsque  Simon  accourut  à  leur  secours  avec  quel- 
ques chevaliers.  A  la  vue  de  leur  vaillant  chef, 
les  soldats  de  Montfort  reprennent  courage,  et 


après  plusieurs  alternatives  de  succès  et  de  n  \ 
vers,  parviennent  à  mettre  en  fuite  les  troupes  d 
comte  de  Foix,  de   beaucoup   supérieures   e  ' 
nombre.  Cet  échec  et  la  nouvelle  de  Papproct 
de    nouveaux   croisés   décidèrent  Raymond    I 
abandonner  le  siège  de  Castelnaudary,  qu'il  ava 
commencé  ;  en  revanche  il  s'empara  de  plus  c  j 
cinquante  châteaux ,  la  plupart  dans  l'Albigeoi  <j 
Mais  au  bout   de  quelques  mois  Simon   repr  I 
partout  l'avantage,  et  à  la  fin  de  l'année  1212   I 
avait  réduit  Raymond  à  Toulouse,  à  Montauban  <  i 
à  quelques  places  voisines.  Il  réunit  alors  (  ncJ 
vembre  1212)  à  Pamiers  une  assemblée  de  pw 
lats,  de  barons  et  de  bourgeois,  et  y  fit  décréter  u  2 
statut  pour  le  gouvernement  du  pays  conquis  (1  I 
Dans  sa  détresse,  Raymond  implora  l'intei  \ 
vention  de  Pierre  d'Aragon.  Ce  prince  obtint  d  1 
pape,qui,  malgré  les  faux  rapports  des  légats  j 
montrait  de  l'intérêt  pour  le  comte  de  Toulousi  i 
que  celui-ci  serait  admis  à  se  justifier.  Innocei  i 
ordonna  même  la  suspension   de  la  croisade 
mais  le  concile  de  Lavaur,  où  Raymond  fut  aj  j 
pelé  à  exposer  sa  défense,  refusa  péremptoirt 
ment   de  l'entendre,  sous  divers  prétextes  fc  I 
tiles.  Outré  de  ce  déni  de  justice,  Pierre  se  du] 
clara   ouvertement  le  protecteur  de  Raymon 
ainsi  que  des  comtes  de  Foix  et  de  Commingei 
que  le  concile  n'avait  non  plus  voulu  admetti 
à  se  faire  relever  de  l'excommunication  ;  il  pei 
sista  dans  son  projet  de  les  défendre  par  le 
armes,  quoique  le  pape,  circonvenu  par  ses  légat; 
eût  révoqué  ses  premières  mesures  de  douceui 
Il  amena  à  ses  amis  un  millier  de  chevaliers,  <  I 
ils  allèrent  en  commun  assiéger  Muret,  dont  1 
garnison  faisait  des  courses  jusqu'aux  portes  d 
Toulouse.  Simon  accourut  au  secours  du  ch; 
teau  (  2)  ;  passant  à  Bolbonne  il  entra  dans  l'é  J 
glise ,  mit  son  épée  sur  l'autel  et  la  reprit ,  e  j 
disant  :  «  Seigneur,  vous  m'avez  choisi,  tout  in 
digne  que  je  suis,  pour  combattre  pour  vous! 
je  prends  cette  épée  de  dessus  votre  autel ,  afii  j 
que,  combattant  pour  votre  gloire,  je  le  fasse  ave  \ 
justice.  »  Ce  trait,  entre  tant  d'autres,  prouve  qu< 
Simon  était  un  fanatique  sincè  relorsqu'il  sedonnai 
pour  le  champion  delà  foi.  Le  12  septembre  121. 
il  vint  offrir  la  bataille  aux  assiégeants,  quoi 
qu'il  n'eût  avec  lui  qu'un  millier  de  chevaliers 
Pierre  II,  qui  s'avança  au-devant  de  lui  mâlgn 
l'avis  de  Raymond  d'attendre  dans  les  retranche 
ments  l'attaque  des  croisés ,  en  avait  le  double  i 
il  laissa  à  la  garde  du  camp  ses  quarante  mille  fan 


(1)  Ces  consuetudines,  conçues  en  quarante-sept  ar- 
ticles ,  sont  imprimées  entre  autres  dans  le  Thesauïui 
anecàotorum  de  Martène;  elles  soumettent  à  la  coutume 
de  Paris  les  chevalier*  croisés  nouvellement  possession- 
nés,  mais  ne  changent  rien  à  la  situation  de  ceux  qui 
sont  originaires  du  pays.  Notons  encore  qu'elles  ordonnenl 
que  la  justice  soit  rendue  gratuitement,  et  que  chàqut 
pauvre  reçoive  un  avocat  pour  défendre  sa  cause,  et  que 
quiconque  peut  donner  caution  pour  sa  comparution  de- 
vant la  justice,  ne  doit  être  arrêté. 

(2)  Sa  femme,  à  la  suite  d'un  songe,  voulait  le  retenir; 
il  ne  l'écouta  pas ,  et  lui  dit  de  laisser  ses  superstition» 
aux   Espagnols. 


6« 

ssins,  qui,  composés  surtout  de  milices  bourgeoi- 
9,  n'étaient  pas  assez  aguerris  pour  une  bataille 
ugée.  Après  une  môlée  acharnée,  où  Pierre 
«les  prodiges  de  valeur,  mais  où  son  adver- 
I  !  re,  non  moins  brave,  se  montra  bien  meilleur 
!  f  >itaine ,  les  croisés  remportèrent  la  victoire, 
jhrre  perdit  la  vie;  beaucoup  de  ses  chevaliers 
\  jrent  s'échapper,  mais  la  moitié  des  fantassins 
i  fîtes  dans  le  camp  fut  passée  au  fil  de  l'épée. 
f    triomphe  éclatant,  qui  enlevait  à  Raymond 
:  i  it  espoir  de  résistance,  valut  à  Simon  auprès 
\h  catholiques  la  plus  haute  renommée ,  tandis 
W  il  n'en  fut  que  plus  exécré  chez  les  méridio- 
lïix,  et»les  troubadours  lancèrent  alors  contre 
u  leurs  plus  violentes  sirventes.  Pendant  le 
iîtede  l'année,  Montfort  étendit  de  plus  en  plus 
Ir  conquêtes  ;  ainsi  il  s'empara  de  Nîmes  et  força 
va  soumission  le  comte  de  Valentinois. 
fku  commencement  de  1214,1e  pape  envoya  un 
Viveau  légat,  le  cardinal  Pierre  de  Bénévent, 
•ec  la  mission  de  rétablir  la  paix  dans  les  con- 
gés désolées  par  ces  luttes  sauvages,  faites  au 
In  d'une  religion  qui  prêche  à  tous  la  con- 
wàe.    Le  cardinal  d'abord  obligea  Simon   à 
■  dre  aux  Aragonais  le  fils  de  leur  roi ,  qu'il 
•  it-en  sa  garde;  il  réconcilia  ensuite  avec  l'É- 
fl.e  (avril  1214)  Raymond,  les  comtes  de  Foix 
!ie  Comminges  et  beaucoup  de  seigneurs  qui 
lient  combattu  contre  les  croisés  ;  dans  les 
|es  dressés  à  ce  sujet  les  trois  comtes  re- 
stent au  pouvoir  de  l'Église  tous  leurs  do- 
nnes. Mais  pendant  que,  se  fiant  à  la  parole 
i légat,  ils  se  croyaient  à  l'abri  de  nouvelles 
taques,  Simon,  qui  dans  l'intervalle  avait  reçu 
contingent  de  croisés  qui  lui  arrivait  tous  les 
j;  du  Nord,  reprit  les  hostilités,  et  soumit  à  son 
ioirité  l'Agénois,  le  Périgord,  le  Quercy  et  le 
ueFgne.  Au  commencement  de  1215,  le  concile 
Montpellier  décida  que  le  pape  serait  prié  d'in- 
itir  Montfort  comme  «  prince  et  monarque  » 
toutes  les  contrées  qu'il  avait  conquises  (1); 
locent  lui  en  confia  la  souveraineté  provisoi- 
pent,  remettant  sa  décision  définitive  au  pro- 
lin  concile  œcuménique.  En  avril,  Simon  fut 
■oint  par  beaucoup  de  seigneurs  français  con- 
flits par  Louis,  fils  du  roi  de  France  ;  mais  il 
ftvait  plus  besoin  d'aide  :  presque  tout  le  midi 
pla  France  lui  obéissait  sans  résistance.  Il  vit 
ouvrir    devant  lui  les    portes  de  Toulouse; 
fiulques,  évêque  de  cette  ville,  émit  l'avis  de  la 
«lier  et  de  la  saccager  ;  mais  Simon,  parvenu 
\i  but  de  son  ambition ,  se  refusa  à  cette  barba-- 
ff,  préjudiciable  à  ses  nouveaux  intérêts,  et  se 

L'as- 


iwtenta  de  faire  raser  les  fortifications 
Ridant  que  lui  donnaient  ses  victoires  était  tel, 
fil  fit  décider  en  sa  faveur  le  différend  né  efltre 


ff  et  son  ancien  ami  l'abbé  de  Citeaux,  qui,  de- 
"jpu  archevêque  de  Narbonne,  prétendait  au 

il)  Redoutant  ses  menées  ambitieuses  ,  les  habitants  de 
intpellier  interdirent  à  Simon  l'entrée  de  leur  ville; 
prenant  qu'il  s'y  était  rendu  en  cachette,  ils  lui  coura- 
it sus,  mais  il  leur  échappa. 


MONTFORT  254 

duché  attaché  à  celte  ville.  Quoique  Louis  de 
France,  prince  indolent  et  débonnaire,  n'eût  mis 
aucun  obstacle  à  l'élévation  de  Montfort ,  qui 
pouvait  être  pleine  de  danger  pour  la  couronne, 
il  ne  put  s'empêcher,  de  retour  à  la  cour  de  son 
père,  d'exprimer  l'indignation  qu'avait  fait  naître 
en  lui  la  férocité  impitoyable  de  Montfort.  Celui- 
ci  commençait  cependant  à  faire  régner  l'ordre 
et  la  tranquillité  dans  les  contrées  qu'il  avait 
dévastées  si  cruellement.  Simon  venait  d'être 
investi  définitivement  de  tous  les  pays  dont  il 
s'était  emparé  parles  armes,  sauf  les  comtés  de 
Foix  et  de  Comminges.  Le  concile  de  Latran  en 
avait  ainsi  décidé  malgré  l'avis  fortement  ex- 
primé par  plusieurs  prélats,  malgré  la  pitié 
qu'inspirait  au  pape  la  chute  si  profonde  du 
comte  de  Toulouse,  naguère  le  plus  grand  sei- 
gneur terrier  de  France,  sans  en  excepter  le  roi. 
On  n'avait  réservé  à  Raymond  que  huit  cents  li- 
vres de  pension;  les  marquisats  de  Provence  et 
de  Beaucaire,  que  Simon  n'avait  pas  encore  enva- 
his, devaient  être  placés  entre  les  mains  d'admi- 
nistrateurs nommés  par  le  pape,  jusqu'à  ce  qu'ils 
fussent  remis  au  fils  de  Raymond  à  sa  majorité. 
Le  comte  de  Toulouse  résolut  de  s'opposer  à  ces 
décrets,  et  de  tenter  de  nouveau  la  fortune  des 
armes,  quoique  le  roi  de  France  eût  confirmé 
(  avril  1216),  la  décision  du  concile  en  accep- 
tant l'hommage  que  Simon  était  venu  lui 
faire  (1).  Secourus  par  les  rois  d'Angleterre  et 
d'Aragon,  Raymond  et  son  fils  se  rendent  en 
Provence ,  où  ,  accueillis  avec  enthousiasme,  ils 
voient  accourir  sous  leur  bannière  une  foule  de 
seigneurs.  Le  jeune  comte,  à  la  tête  d'une  forte 
armée,  vint  faire  (  juillet  1216  )  le  siège  du  châ- 
teau de  Beaucaire,  où  Simon  avait  mis  garni- 
son ;  la  ville  lui  ouvrit  les  portes  dès  qu'il  se 
présenta.  Simon  vola  au  secours  des  siens,  et 
chercha  à  prendre  la  ville  tandis  que  ses  enne- 
mis continuaient  à  battre  en  brèche  la  citadelle. 
Mais  après  plusieurs  combats  il  se  vit  contraint 
à  livrer  le  château,  sous  la  condition  que  la 
garnison  pourrait  se  retirer.  En  effet,  la  croisade 
étant  regardée  comme  terminée,  il  ne  recevait 
plus  de  renforts  de  France  ;  de  plus,  il  ne  se  pro- 
curait des  vivres  que  très-difficilement,  parce  que 
tout  le  pays  s'était  déclaré  contre  lui,  tandis  que 
le  jeune  comte  était  journellement  rejoint  par  les 
nombreux  ennemis  de  la  domination  étrangère. 
Simon  se  retira  sur  Toulouse;  mais  un  premier 
détachement  qu'il  fit  entrer  dans  cette  ville  fut 
fait  prisonnier  par  les  habitants.  Il  se  proposait 
de  tirer  de  cet  affront  une  vengeance  éclatante, 
lorsqu'il  fut  obligé  de  consacrer  quelques  jours 
à  la  négociation  d'une  trêve  avec  le  comte  de 
Foix,  sur  la  demande  formelle  du  prieur  de 
Fontefroide,  commis  par  le  pape  pour  mettre 


(1)  On  rapporte  qu'à  la  dernière  entrevue  entre  le  pape 
et  ie  fils  de  Raymond,  ce  prince  aurait  prévenu  Innocent 
de  son  projet  de  reprendre  par  la  force  son  patrimoine. 
Le  pape  se  serait  borné  à  répondre  -■  «  Quoi  que  tu  fasses, 
que  Dieu  te  donne  la  grâce  de  bien  commencer  et  de 
finir  encore  mieux.  » 


255 


MONTFORT 


lin  aux  déprédations  que  Simon  exerçait  sur  les 
domaines  du  comte.  Il  marcha  ensuite  sur 
Toulouse  en  ordre  de  bataille,  refusa  d'écouter 
les  députés  envoyés  par  les  habitants  pour  l'as- 
surer de  leur  soumission ,  et  les  fit  même  gar- 
rotter et  jeter  en  prison.  Repoussant  les  avis  de 
plusieurs  de  ses  barons  et  de  son  frère  Gui,  les- 
quels lui  conseillaient  d'user  de  douceur,  il 
s'arrêta  au  projet  qui  lui  fut  suggéré  par  l'évê- 
que  Foulques  de  traiter  la  ville  avec  la  dernière 
rigueur.  Il  laissa  l'évêque  aller  porter  à  la  po- 
pulation de  trompeuses  paroles  de  paix,  et  fit  en- 
suite garrotter,  à  mesure  qu'ils  arrivaient,  les  habi- 
tants qui,  sur  ces  promesses,  s'avançaient  au-de- 
vant de  lui.  Avertis,  ceux  qui  venaient  en  arrière 
retournent  à  la  hâte  dans  la  ville  et  mettent  en 
fuite  les  soldats  qui,  amenés  par  l'évêque,  avaient 
commencé  le  pillage.  A  l'arrivée  de  Simon  le 
combat  s'engagea  de  nouveau  dans  les  rues  ;  les 
habitants  restèrent  vainqueurs.  L'évêque  Foul- 
ques alors  intervint  encore,  et  se  porta  garant 
que  tout  serait  pardonné  si  les  Toulousains  li- 
vraient leurs  armes  et  leurs  tours,  sinon  que 
tous  les  prisonniers  seraient  exécutés.  La  popu- 
lation accepta  cet  accord  ;  mais  lorsqu'elle  se 
fut  dépouillée  de  ses  moyens  de  défense,  elle 
fut  contrainte  à  payer  trente  mille  marcs  ;  les 
prisonniers  ne  furent  pas  rendus  (l).  Simon  alla 
ensuite  faire  célébrer  l'alliance  de  Gui,  son  second 
fils,  avec  la  comtesse  de  Bigorre ,  dont  le  mari 
Nunez  de  Roussillon  vivait  encore  ;  puis  il  re- 
vint à  Toulouse,  et  réduisit  les  habitants 
au  désespoir  par  ses  cruelles  exactions. 

Dans  les  premiers  mois  de  1217,  Simon  assiégea 
le  château  de  Montgrenier  appartenant  au  comte 
de  Foix  ;  malgré  l'ordre  qui  lui  fut  donné  par  les 
commissaires  du  pape  de  cesser  cette  entreprise , 
puisque  le  comte  observait  fidèlement  les  clauses 
de  sa  réconciliation  avec  l'Église,  il  persista  et 
s'empara  du  fort.  Au  mois  de  mai  il  porta  la 
guerre  sur  la  rive  droite  du  Rhône,  pour  s'op- 
poser aux  progrès  du  jeune  comte  Raymond  ; 
ayant  reçu  cette  fois  un  renfort  considérable  de 
croisés,  il  soumit  la  plus  grande  partie  de  cette 
contrée.  Il  passa  ensuite  le  fleuve,  et  imposa  la 
paix  au  comte  de  Valentinois,  à  Aymar  de  Poi- 
tiers, qui  s'était  joint  à  ses  ennemis.  Au  milieu 
de  ses  succès,  il  apprend  que  les  Toulousains, 
exaspérés  contre  lui ,  avaient  livré  leur  ville  à 
Raymond  (septembre  1217  ),  et  qu'ils  faisaient 
le  siège  de  la  citadelle,  où  s'étaient  réfugiés, 
sa  femme  et  ses  soldats  échappés  au  massacre 
qui  avait  suivi  la  rentrée  de  Raymond.  Il  mar- 
che à  la  hâte  sur  Toulouse;  en  chemin  il  est 
rejoint  par  son  frère  Gui,  lequel  venait  d'échouer 
dans  sa  tentative  de  reprendre  la  ville  avant 

(1)  Tel  est  le  récit  de  Guillaume  de  Tudèle  que,  malgré 
l'autorité  de  Fauriel,  nous  regardons,  avec  M.  Schmldt, 
comme  l'auteur  du  poëme  historique  sur  la  Croisade 
des  Albigeois  ;  II  se  pourrait  que  sa  haine  contre  Simon 
lui  eût  fait  exagérer  le  tableau  des  procédés  iniques  du 
comte;  quant  à  l'ensemble  des  faits,  il  est  confirmé  par 
Guillaume  de  Puy-Laurens. 


que   les  nouvelles  fortifications,  que  Raymc 
s'empressait  de  faire  construire,  ne  fussent  t 
minées.  Simon,  à  son  tour,  brusqua  l'attaque 
la  ville;  repoussé  avec  perte ,  il  sévit  obi  • 
d'en  faire  le  siège  dans  les  règles.  Après  i 
mois  d'efforts  héroïques,  il  n'avait  pas  enc< 
remporté  de  succès  importants  ;  rebuté  de  la  1 
gueur  des  opérations  et  irrité  des  reprocl  | 
que  lui  en  faisait  le  légat,  il  désirait  la  mort.  Il  ! 
bientôt  exaucé;  le  25  juin  pendant  qu'il  était 
prières  dans  l'église,  on  vint  l'avertir  que  les   | 
nemis  venaient  de  faire  une  sortielet  qu'ils  apr. 
chaient  des  machines  de  siège,  tuant  tout  : 
leur  passage.  «  Souffre,  dit-il  au  messager,  ( 
j'assiste  aux  divins  mystères  et  que  je  voie  c 
bord  le  gage  de  notre  rédemption.  »  —  Il  p 
lait  encore,  rapporte  un  témoin  oculaire,  le 
qu'arriva  un  second  courrier,  disant  :  —  «  Hàt 
vous,  le  combat  s'échauffe  et  les  nôtres  ne  pn 
vent  longtemps  en  soutenir  l'effort.  —  «  Sur  q 
le  très-chrétien  comte  répondit  :  —  «  Je  ne  so 
rai  avant  d'avoir  contemplé  mon  Rédempteur 

—  Puis  comme  le  prêtre  eutélevél'hostie,  letr 
pieux  guerrier  du  Christ ,  fléchissant  le  gei 
en  terre  et  tendant  les  mains  vers  le  ciel,  s'écr 

—  «  Nunc  dimitte  servum  iuum,  Domine 

—  et  il  ajoutait  :  —  «  Allons,  et  s'il  faut,rnour< 
pour  celui  qui  a  daigné  mourir  pour  nous.  >  i 

Simon  se  précipita  sur  les  ennemis,  et  les 
foula  jusque  sous  les  murs  de  la  ville  ;  forcé  dt 
retirer  à  devant  les  innombrables  projectiles  1 
ces  par  les  Toulousains ,  il  allait  se  placer  p 
de  ses  machines  lorsqu'il  fut  atteint  à  la  1 
d'une  pierre,  qui  le  tua  sur  le  coup  (1).  Une  j 
immense  éclata  dans  Toulouse,  où  les  habitat 
réduits  aux  abois,  avaient  pu  craindre  de  s- 
comber  sous  les  coups  de  ce  guerrier  fanatiqi 
auquel  la  victoire  était  restée  jusqu'alors  fidè 
Les  croisés  étaient  consternés;  un  mois  ap 
ils  levèrent  le  siège. 

(1)  «  11  y  a  dans  la  ville  un  pierrier,'  dit,  dans 
poëme  Guillaume  de  Tudèle,  œuvre  d'un  charpentier,  ,1 
de  Salnt-Sernin,  de  làoù  est  le  cormier,  va  tirer  sa  piei  I 
11  est  tendu  par  les  femmes,  les  filles  et  les  épouses.  | 
pierre  part,  elle  vient  tout  droit  où  il  fallait,  elle  fia  : 
le  comte  sur  son  heaume  d'un  tel  coup  que  les  ye 
la  cervelle,  le  haut  du  crâne,  le  front  et  les  mâchoires 
sont  écrasés  et  mis  en  pièces  ;  le  comte  tombe  à  tel 
mort,  sanglant  et  noir.  »  Guillaume  dépeint  avec  la  m( 
énergie  de  touche  les  péripéties  émouvantes  de  ce  le 
siège,  qui  occupe  le  quart  de  son  poëme.  Simon  y 
souvent  mis  en  scène  dans  des  parlements,  des  conse 
où  ses  passions  et  ses  intérêts  sont  aux  prises  ou  simi 
ment  en  contact  avec  d'autres  passions  et  d'autres,  in 
rets.  «  On  ne  saurait -point,  dit  Fauriel,  jusqu'où  va  1 
flexible  énergie  de  sa  volonté,  si  l'on  ne  voyait  à  cha( 
instant  les  remontrances  les  plus  fières  et  les  avis 
plus  sages  se  briser  contre  cette  volonté.  On  entreven 
à  peine  les  côtés  superstitieux  ou  équivoques  de  son 
ractère,  si  l'on  n'entendait  avec  quelle  naïveté  il  ma 
feste  devant  les  siens  sa  surprise  d'être  parfois  vain 
de  ne  pas  être  invariablement  heureux  dans  ses  proji 
lui  Simon,  lui  le  champion  de  l'Église  et  de  la  foi,  lu! 
fléau  de  l'hérésie  ;  si  l'on  ne  voyait  ce  guerrier,  part 
ailleurs  si  intraitable  et  si  fier,  toujours  prêt  à  s'hui 
lier  devant  les  puissances  ecclésiastiques  et  a  leur  dem; 
der  pardon  des  doutes  et  des  impatiences  par  lesquel: 
les  offense  dans  ses  revers.  » 


2S7 
D'une  figure  belle  et  agréable,  d'une  taille  îm- 
>sante,  Simon  était  d'une  habileté  extrême  à 
Itous  les  exercices  militaires  (1)  ;  il  joignait  à  une 
intrépidité  rare,  les  talents  d'un  grand  capitaine, 
fil  était  inébranlable  dans  ses  résolutions,  que  son 
'éloquence  et  ses  manières  prévenantes  savaient 
[souvent  faire  agréer  par  ceux  qui  s'y  étaient 
•d'abord  opposés.  D'une  piété  profonde  et  sincère, 

de  mœurs  austères,  il  avait,  dit-on,  le  cœur  na- 
turellement généreux  et  libéral;  mais  toutes  ces 
I  qualités  étaient  déparées  par  une  soif  démesurée 

de  pouvoir  et  de  grandeur,  à  laquelle  il  sacrifiait 
I  toute  considération;  il  était  ambitieux,  irritable  et 
[vindicatif  à  l'excès.  Quant  à  sa  cruauté,  elle  tient 
Fplus  peut-être  de  son  siècle  qu'au  caractère  du 

personnage  ;  elle  serait  même  excusable  aux  yeux 
!pc  certaine  école  historique  :  sans  la  terreur  ré- 
pandue par  les  massacres  qu'il  ordonna,  ou  qu'il 
[toléra,  jamais  il  n'aurait  réussi  à  établir  sa  domi- 
ilsationsur  les  puissantes  contrées  du  midi  (2);  or 
if  toute  passagère  qu'elle  fut,  cette  domination  de- 
l' vint  la  pierre  d'assise  de  la  fusion  des  habitants  du 
î  îord  et  du  midi  de  la  France  en  une  seule  nation. 
|  Les  actes  de  l'administration  de  Simon  comme 
l»mte  de  Toulouse.,  se  trouvent  dans  un  recueil 
l'jui  est  conservé  en  manuscrit  aux  Archives  de 
l 'empire  et  à  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris, 
lît  qui  porte  pour  titre  :  Registrum  Curiae. 

Pierre  de  Vaux-Cernay,  Historia  Aïbigensium.  —Guil- 
laume de  Puy-Laurens,  Chronica.  —  Chroniquede  Simon, 
teomte  de  Ùontfort  (imprimée  entre  autres  dans  la  Col- 
.'lectitn  des  Mémoires  relatifs  à  l'histoire  de  France 
Me  M.  Guizot).  —Guillaume  de  Tudèle,  Histoire  en  vers 
\&e  la  Croisade  contre  les  Albigeois  (  publiée  par  Fauriel 
[avec  une  Introduction).  —  Csesarius  Heisterbachensis, 
Klllustria  Miracula.  —  Histoire  littéraire  de  la  France, 
ni.  XVII.  —  Dom  Vaissette,  Histoire  du  Languedoc,  t.  III. 
U—  lettres  des  Légats  d'Innocent  III,  dans  fialuze,  Mis- 
ï.cellanea,  t.  II.  —  Catel ,  Histoire  des  Comtes  de  Tou- 
l'iouse.  —  Innocenta  III  Epistolse.  —Guillaume  Breton. 

[  Amauri,  comte  de  Montfort,  connétable  de 
«[France,  fils  du  précédent,  né  en  1192  ,  mort  en 
!  1241 .  Il  prit  part  à  plusieurs  opérations  militaires 
de  son  père,  et  assista,  entre  autres,  au  second 
a  siège  de  Toulouse.  Après  la  mort  de  Simon,  il  fut 
«reconnu  par  le  légat  et  les  croisés  comme  succes- 
Hseur  à  toutes  les  seigneuries  acquises  par  son 
[{père,  dont  il  essaya,  mais  en  vain,  de  venger 
i',la  mort,  en  faisant  entasser  devant  les  portes  de 
«fToulouse  des  matières  inflammables,  auxquelles 
jil  fit  mettre  le  feu.  Le  manque  de  vivres  et  d'ar- 
•igent,  la  désertion  des  troupes  originaires  du  pays 
[et  le  départ  d'une  grande  partie  des  croisés  l'o- 
Jbligèrent  à  lever  le  siège  de  cette  ville  (fin  de  juil- 
iletiais)  et  à  se  retirer  dans  l'Albigeois.  Ce  re- 
►vers  fut  suivi  de  beaucoup  d'autres,  tels  que  la 
:  perte  de  Condom,de  Marmande,  de  Nîmes  et 
,  d'une  grande  partie  de  la  Rouergue  et  du  Quer- 
icy.  Cependant,  sur  les  instances  du  pape  Ho- 


(1)  Dans  le  courant  delà  guerre  le  comte  de  Foix  et 
f  Pierre  d'Aragon  l'envoyèrent  défier  en  combat  singulier, 
[mais  an  dernier  moment  ils  reculèrenl,craignantdeseroe- 
i  surer  avec  un  si  redoutable  adversaire. 
i     (î)  Guillaume  de  Tudèle,  Poème  de  la  Croisade,  v.  490. 


MONTFORT  258 

noré  III,  le  roi  de  France  envoya,  au  printemps 
de  1 219,  son  fils  Louis  au  secours  d'Amauri,  alors 
occupé  de  reprendre  Marmande,  tandis  que  ses 
lieutenants  bloquaient  dans  Basiège  le  comte  de 
Foix;  mais  ils  furent  peu  d«  temps  après  entiè- 
rement défaits  par  le  jeune  comte  de  Toulouse 
Raymond  VII.  Louis  vint  rejoindre  Amauri  de- 
vant Marmande  avec  six  cents  chevaliers  et  dix 
mille  archers.  La  garnison  se  rendit  à  discrétion; 
sur  les  réclamations  de  l'archevêque  d'Auch  et 
des  comtes  de  Saint-Pol  et  de  Bretagne,  elle  ne 
fut  pas  massacrée ,  comme  le  demandaient  les 
évêques  de  Saintes  et  -de  Béziers  ;  mais  Louis 
ne  put  empêcher  les  soldats  d'Amauri  de  passer 
au  fil  de  l'épée  plus  de  cinq  mille  habitants.  Les 
croisés  allèrent  ensuite  assiéger  Toulouse,  mu- 
nie alors  de  dix-sept  barbacanes,  ou  ouvrages 
avancés  (16  juin  1219).  Les  forces  considérables 
réunies  dans  la  ville  permirent  à  Raymond  de 
repousser  les  attaques  des  ennemis,  qui  après 
un  mois  et  demi  de  tentatives  inutiles  abandon- 
nèrent leur  entreprise.  Selon  quelques  historiens, 
Louis  fut  content  dé  voir  échouer  le  siège, 
parce  qu'il  prévoyait  qu' Amauri,  incapable  de  se 
soutenir  par  ses  propres  forces ,  serait  plus  que 
jamais  à  la  merci  de  la  France.  Amauri  en  effet 
se  vit  réduit  à  la  défensive,  d'autant  plus  que  les 
violences  et  les  cruautés  des  chevaliers  français 
lui  aliénaient  de  jour  en  jour  l'esprit  des  popu- 
Jationsdu  midi.  Au  commencement  de  1220,  Ray- 
mond sempara  de  Lavaur,  de  Puy-Laurens ,  de 
Montauban  et  de  Castelnaudary.  En  juillet  il  vint 
faire  le  siège  de  cette  dernière  place  ;  son  frère  Gui, 
comte  de  Bigorre,  qui  l'accompagnait,  fut  tué 
quelques  jours  après  ;  voulant  venger  cette  mort, 
Amauri  fit  pendant  huit  mois  les  plus  grands  ef- 
forts pour  prendre  la  ville  ;  il  n'y  réussit  pas,  et 
consuma  dans  cette  entreprise  le  reste  de  ses 
ressources.  Pendant  ce  temps  la  vicomte  de 
Béziers  presque  tout  entière  s'était  soumise  à 
Trencavel,  fils  de  Raymond-Roger,  qui  avait  été 
dépossédé  en  1209  par  Simon  de  Montfort.  Dans 
les  premiers  mois  de  1221,  Amauri  alla  implorer 
l'aide  du  roi  de  France;  ce  prince,  après  avoir 
obtenu  du  pape  le  vingtième  des  revenus  ecclé- 
siastiques du  royaume,  équipa  en  effet  une  ar- 
mée, quil  promettait  de  conduire  contre  le  comte 
de  Toulouse,  mais  qu'il  envoya  ensuite  contre 
les  Anglais.  Aussi  Raymond  put-il  se  rendre 
maître  sans  difficulté  de  presque  tout  ce  qu'A- 
mauri  possédait  encore  dans  l'Agenais.  Dans 
l'impossibilité  d'arrêter  les  progrès  de  Raymond, 
Amauri  offrit  au  roi  de  France  de  lui  céder  tous 
ses  droits  sur  les  conquêtes  de  Simon;  mais, 
bien  que  pressé  par  le  pape  d'accepter,  Philippe- 
Auguste,  encore  en  guerre  avec  l'Angleterre,  re- 
fusa cette  proposition.  Amauri  conclut  alors  avec 
le  comte  de  Toulouse  une  trêve ,  qui  devait  être 
suivie  d'une  paix  durable  (1).  Les  conditions  en 


(1)  Raymond  étant  allé  rendre  visite  à  Amauri  fit  pour 
se  divertir  répandre  parmi  ses  gens  le  bruit  qu'il  était 
arrêté  ;  au  lieu  de  chercher  à  le  délivrer,  ses  serviteurs 


NOUV.    ElOGR.    GENER. 


T.    XXXVI. 


259 


MONTFORT 


260 


furent  discutées  au  concile  de  Sens  ;  mais  aucun 
accord  n'y  fut  établi. 

Sur  ces  entrefaites,  Philippe- Auguste  vint  à 
mourir;  son  fils  et  successeur,  Louis  VIII,  sol- 
licité par  le  pape  Jde  secourir  Amauri,  lui 
donna  10,000  livres,  moitié  de  la  somme  lé- 
guée à  cet  effet  par  son  père.  Les  hostilités  re- 
commencèrent; Amauri  fut  encore  plus  malheu- 
reux que  dans  les  campagnes  précédentes.  Une 
désertion  générale  se  mit  parmi  ses  troupes; 
n'ayant  pu  trouver  à  emprunter  quelques  mil- 
liers de  livres ,  il  ne  garda  autour  de  lui  que 
vingt  chevaliers.  Cerné  de  tous  côtés  par  l'en- 
nemi, il  signa  avec  Raymond  une  nouvelle  trêve 
(14  janvier  1224);  il  s'engagea,  moyennant 
10,000  marcs  d'argent,  qu'on  lui  promit,  à  tra- 
vailler à  la  réconciliation  de  son  adversaire  avec 
l'Église;  en  retour  il  obtint  que  les  places  qui  lui 
restaient  encore,  Narbonne,  Agde,  Penne,  La 
Roque  et  Termes,  ne  seraient  pas  attaquées  avant 
deux  mois.  Il  prit  ensuite  le  chemin  de  la  France, 
et  quitta  pour  toujours  le  pays  où  son  père  avait 
espéré  établir  la  domination  de  la  maison  de 
Montfort.  En  février  1224,  il  abandonna  ses 
droits  sur  le  comté  de  Toulouse  au  roi  Louis  VIII, 
sous  la  condition  que  ce  prince  en  entrepren- 
drait la  conquête.  Il  ne  prit  plus  de  part  ac- 
tive aux  événements  qui  se  passèrent  ensuite 
dans  le  midi,  sinon  qu'il  empêcha  au  concile 
de  Bourges  (novembre  1225)  que  Ravmoud  fût 
admis  à  conclure  la  paix  avec  l'Église,  ce  qui  dé- 
cida enfin  le  roi  de  France  à  entreprendre  la 
guerre  contre  le  comte  de  Toulouse.  A  la  fin  de 
1230,  il  reçut  la  charge  de  connétable.  Neuf  ans 
après  il  se  rendit  en  Palestine;  dans  une  expé- 
dition contre  Gaza,  il  fut  fait  prisonnier  par  les 
Sarrasins.  Relâché  en  1241,  il  repartit  pour  la 
France;  il  mourut  en  route, à  Otrante,  et  fut 
enterré  à  Saint- Jean-de-Latran  à  Rome.  E.  G. 
Gaill.  de  Tudèle,  Poème  de  la  Croisade.  —  Guillaume 
de  Puy-Laurens.  —  Raynaldi,  annales.  —  D.  Vaisselte, 
Histoire  du  Languedoc,  1. 111. 

montfort  (Simon  ue),  comte  de  Leices- 
ter,  quatrième  fils  de  Simon  de  Montfort,  le 
vainqueur  des  Albigeois ,  et  d'Alix  de  Montmo- 
rency, né  en  France,  vers  1206,  tué  à  Evesham, 
en  Angleterre,  le 4  août  1265.  Le  titre decomte 
de  Leicester  lui  vint  de  sa  grand'mère,  Amicie  de 
Beaumont,  sœur  et  héritière  de  Robert ,  comte 
de  Leicester;  mais  il  n'en  hérita  pas  directe- 
ment. Pendant  tout  le  règne  de  Jean  sans  Terre, 
ennemi  de  Montfort,  le  titre  de  comte  de  Leices- 
ter fut  porté"  par  Ranuli',  comte  de  Chesfer, 
mari  d'une  fille  d'Amicie.  Quelque  temps  avant 
la  mort  de  Ranulf,  Simon  de  Montfort  vint  of- 
frir ses  services  au  roi  d'Angleterre  Henri  III. 
Du  Tillet  raconte  qu'il  avait  renoncé  à  son  hom- 
mage et  à  sa  patrie,  parce  que  Blanche  de  Cas- 
tille  et  saint  Louis  s'étaient  opposés  à  ce  qu'il 
épousât,  après  la  mort  de   Ferrand,   Jeanne 

s'enfuirent  à  toutes  jambes,  ce  qui  fit  beaucoup  lire  les 
deux  rivaux. 


comtesse  de  Flandre  et  de  Hainault.  H  jouissait 
déjà  d'une  grande  réputation,  et  passait  pour  avoii 
hérité  des  talents  militaires  et  de  l'énergie  de 
son  père.  Sa  naissance  et  son  mérite  le  firent 
bien  accueillir  de  Henri,  qui  à  la  mort  de  Ra- 
nulf et  sur  la  renonciation  d'Amaury,  connétable 
de  France,  frère  aîné  de  Simon,  conféra  à  celui- 
ci  le  titre  de  comte  de  Leicester.  Ce  fut  en  cette 
qualité  que  Simon  assista  aux  noces  de  Hen- 
ri III,  en  1236.  Vers  le  même  temps  il  gagna  les 
bonnes  grâces  d'Éléonore,  comtesse  douairière 
de  Pembroke ,  sœur  du  roi ,  et  l'épousa  secrète- 
ment, en  1238.  Le  roi,  d'abord  vivement  irrité, 
consentit  ensuite  à  légitimer  ce  mariage  clan- 
destin, et  envoya  Montfort,  vers  1249,  avec  le 
titre  de  sénéchal  de  Gascogne,  réprimer  les 
troubles  de  cette  province.  «  Il  aborda  puissam- 
ment en  Gascogne ,  dit  Matthieu  Paris ,  accom- 
pagné d'un  corps  de  chevaliers,  et,  muni  des 
trésors  du  roi ,  triompha  plus  puissamment 
même  des  ennemis  du  seigneur  roi,  qui  levaient 
séditieusement  le  talon  contre  lui,  soumit  si  bien 
Gaston ,  Rustein,  Guillaume  de  Solaires  et  tous 
les  principaux  Bordelais,  enfin  se  conduisit  avec 
tant  de  vigueur  et  de  fidélité ,  qu'il  mérita  les 
louanges  et  la  faveur  de  tous  les  amis  du  sei- 
gneur roi,  et  parut  en  tous  points  digne  de  son 
père.  »  Si  Leicester  avait  les  talents  de  son  père, 
il  en  avait  aussi  la  dureté.  Les  Gascons,  exas- 
pérés de  ses  violences,  envoyèrent  une  dépura- 
tion à  Henri  III  pour  demander  son  rappel ,  et 
l'accusèrent  même  de  projets  séditieux.  Henri, 
qui  se  défiait  d'un  sujet  si  puissant,  le  fit  revenir 
en  Angleterre  et  le  traduisit  devant  un  parlement 
(1252).  Simon  trouva  dans  ses  pairs  des  défen- 
seurs ardents,  et  refusa  de  rendre  ses  provisions 
de  gouverneur,  que  le  roi  lui  redemandait.  Il 
s'en  suivit  une  scène  violente,  dans  laquelle  le  roi 
traita  Montfort  «  de  traître  et  de  méchant  »  ;  le 
comte  répondit  «  que  le  roi  en  avait  menti  >•.  Les  - 
seigneurs  intervinrent  et  amenèrent  entre  le  mo- 
narque et  Leicester  une  réconciliation  apparente. 
Henri  III  renvoya  le  comte  en  Gascogne,  mais 
peu  de  temps  après  il  y  envoya  aussi  son  fils  aîné 
Edouard  pour  surveiller  et  supplanter  Simon  de 
Leicester.  Celui-ci  ne  résista  point  et  cédant  son 
gouvernement,  il  se  relira  à  Paris.  Henri  III  lui 
sut  gré  de  cette  obéissance  et  d'avoir  refusé 
ia  charge  de  connétable  de  France;  il  le 
rappela  à  sa  cour  en  1253.  La  bonne  harmonie  i 
entre  le  roi  et  son  sujet  ne  fut  pas  de  longue  du-  I 
rée.  Henri  III  en  se  montrant  peu  fidèle  à  la  j 
grande  charte,  acceptée  par  Jean  sans  Terre, 
provoqua  parmi  les  seigneurs  et  le  peuple  un  , 
soulèvement  formidable,  qui  eut  pour  chef  le  ! 
comte  de  Leicester.  Cette  lutte  a  été  racontée 
aux  articles  Henri  lll  et  Edouard Ier ;  on  ne 
s'attachera  ici  qu'à  préciser  la  part  qu'y  prit  le 
comte  de  Leicesler. 

Les  impôts  exorbitants  que  Henri  fut  forcé 
de  mettre  sur  ses  sujets  pour  remplir  ses  enga- 
gemenls  avec  le  pape  excitèrent  en  Angleterre 


il 


MONTFORT 


262 


i  esprit  de  résistance  qui  devint  bientôt  une  re- 
lie ouverte.  Le  parlement  d'Oxford,  le  furieux 
irlement  (  the  mad  parliament  ),  comme 
ppcla  un  vieux  chroniqueur,  se  rassembla  le, 
juin  1258,  et  concentra  toute  l'autorité  dans 
conseil  de  vingt-quatre  personnes,  dont  douze 
lient  nommées  par  les  barons  et  douze  par  le 
i.  Simon  fut  l'âme  de  ce  conseil.  Les   récits 
parfaits  et  suspects  des  chroniqueurs  contem- 
rains  nous  permettent  à  peine  de  nous  faire 
e  idée  claire  du  caractère  et  des  projets  du 
tnte  de  Leicester.  On  l'a  généralement  accusé 
ine ambition  coupable;  mais  cette  imputation 
tstpas  solidement  établie.  11  parait  plus  pro- 
ble  qu'il  voulut  limiter  la  royauté,  non  la  ren- 
rser,  qu'il  fut  le  défenseur  sincère  des  libertés 
tionales,  qu'il  eut  pour  lui  l'opinion  du  peuple, 
qu'enfin,  il  mit  au  service  d'une  noble  cause 
grands  talents  et  beaucoup  de  dévouement. 
i  et  ses  amis  ne  tardèrent  pas  à  accaparer  tout 
oouvoir  du  conseil,  et  forcèrent  les  principaux 
timbres  nommés  par  le  roi  à  résigner  leurs 
tctions,  et  à  s'enfuir  du  royaume;  mais  la  di- 
ion  se  mit  dans  le  parti  vainqueur,  et  Mont- 
t  trouva  un  rival  dans  un  des  plus  puis- 
its  barons,  Richard  de  Clare,  comte  de  Glou- 
ter.  Les  querelles  des   barons  permirent  à 
nri,  au  commencement  de  1261,  de  secouer  le 
g  du  comité  de  gouvernement.  Montfort  fut 
igé  de  se   réfugier  en  France.  Il  revint  en 
ril  1263  et,  soutenu  par  Gilbert,  comte  de  Glou- 
ster,  fils  de  son  ancien  rival,  il  en  appela  aux 
ries  pour  terminer  sa  querelle  avec  la  royauté. 
nri   et  son   fils  Edouard  furent  battus;  Ri- 
If  ird,  comte  de  Cornouailles ,  fils  cadet  du  roi, 
■inagea  entre  les  parties  belligérantes  un  ac- 
■lumodement ,  qui  remit  tout  le  pouvoir  aux 
Juins  des  barons  (12  iuin  1263).  La  lutte  re- 
■pmença  en  1264.  Le  14  mai,  les  forces  des  ba- 
ins, commandées   par    Montfort,  et   l'armée 
Ifyale  sous  les  ordres  du  roi  en  personne  et  du 
m  nce  Edouard,  se  rencontrèrent  à  Lewes,  dans 
■comté  de  Sussex.  Les   barons   remportèrent 
*e  victoire  complète  et  firent  prisonniers  Hen- 
•III  et  son  fils.  La  victoire  de  Lewes  mit  le 
iiuvoir  suprême  à  la  disposition  de  Leicester  ; 
i  nis  sa  grandeur  déplut  à  ses  principaux  auxi- 
ij  lires,  qui  ne  parurent  pas  éloignés  de  rétablir 
|}ntorité  royale.  Dès  que  Edouard  se  fut  échappé 
ii  *  prison,  Gloucester  et  d'autres  barons  allèrent  le 
■<  i  oindre.  Le  comtede  Leicester,  abandonné  d'une 
ftrtie  des  siens,  livra  bataille  à  l'armée  royale  à 
fi  esham,  et  trouva  la  mort  dans  cette  lutte  iné- 
«ie.  Deux  de  ses  fils,  Henri  et  Pierre,  périrent 
liée  lui  ;  ses  deux  autres  fils,  Guiet  Simon,  s'é- 
i  tappèrent  et  allèrent  chercher  un  refuge  auprès 
fil  Charles  d'Anjou.  Plus  tard  Gui  vengea  son 
ire  en  assassinant  Henri,  fils  de  Richard  et  pe- 
:  -fils  de  Henri  UI.  L.  J. 

'latthieu  Paris,  flhtoria  major  Anglorum.  —  Du  Til- 
I  I,  Recaeil  des  Roys  de  France.  —  Lingard,  Histoire 
■  UngMerre. 


montfort  (  Gui  de  ) ,  seigneur  '  de  La 
Ferlé- Aleps  (Beauoe)  et  de  Castres  (Albigeois), 
tué  le  31  janvier  1229,  devant  le  château  de  Va- 
reilles,  près  Pamiers.  Il  était  le  second  frère  de 
Simon  IV  de  Montfort.  Il  fut  l'un  des  seigneurs 
qui  accompagnèrent  le  roi  Philippe-Auguste  en 
son  voyage  de  Terre  Sainte,  et  se  signala  aux 
sièges  d'Acre  et  de  Jaffa  en  1 191.  A  son  retour 
en  France,  Gui  suivit  son  frère  dans  la  croisade 
contre  les  Albigeois,  et  devint  son  meilleur  lieu- 
tenant. En  1202,  il  épousa  Helvise  d'Ybelin, 
veuve  de  Renaut  de  Sajette  et  fille  de  Marie 
reine  de  Jérusalem.  Son  frèreSimon  lui  donna  la 
ville  de  Castres  avec  toutes  les  conquêtes  faites 
dans  le  diocèsed'Albi.  Il  futtué  d'un  coup  de  flèche, 
au  siège  de  Vareilles.  II  laissa  un  fils,  Philippe, 
qui  lui  succéda,  et  Epernclle,  morte  religieuse 
en  l'abbaye  de  Saint-Antoine  des  Champs. 

montfort  (  Philippe  I«r  de  ),  seigneur  de 
Castres,  de  La  Fer  té- Aleps  et  de  Tyr.  11  fit 
hommage  au  roi  Louis  IX  en  avril  1229.  Il 
épousa  d'abord  Éléonore  de  Courtenai,  fille  de 
Pierre  II  de  Courtenai,  empereur  de  Constanti- 
nople  ;  il  en  eut  Philippe  II,  qui  lui  succéda.  Il 
se  remaria  avec  Marie  d'Antioche,  dont  il  eut 
Jean  de  Montfort,  seigneur  de  Tyr,  mort  en 
1283  ;  Aufroi,  seigneur  de  Thoron,  chef  de  la 
branche  des  Montfort-Thoron  ;  Philippe,  ma- 
riée à  Guillaume  d'Esneval  et  morte  en  1282; 
Alis,  et  enfin  Hélvise,  qui  moururent  filles,après 
l'2-8«. 

montfort  (  Philippe  II  de  ),  seigneur  de 
Castres  et  de  La  Ferté-Aleps ,  mort  en  1274.  II 
suivit  Charles  d'Anjou  à  la  conquête  de  Naples, 
et  s'y  distingua.  11  avait  épousé  Jeanne  de  Le- 
VTS-Mirepoix,  dont  il  eut  Jean,  qui  lui  succéda; 
Laure,  qui  fut  mariée  à  Bernard  V,  comte  de 
Comminges;  Éléonore,  dame  de  Castres  et  de 
La  Ferté-Aleps,  mariée  à  Jean  V,  comte  de  Ven- 
dôme ;  et  Jeanne,  qui  épousa  Louis  Ier  de  Sa- 
voie, seigneur  de  Vaud. 

montfort  {Jean  de  ),  comte  de  Squillace 
(  Sicile  )  et  de  Montcayeux,  mort  en  1306.  Il 
épousa,  en  1302,  Marguerite  de  Chaumont,  com- 
tesse de  Chamerlan,  et  ne  laissa  pas  d'héritiers. 
En  lui  s'éteignit  la  branche  des  Montfort-Castres. 

Guillaume  de  Puy«Laurens,  Chronica.  —  Catel,  Hist. 
des  Comtes  de  Toulouse.  —  Moréri,  Grand  Dictionnaire 
Historique. 

montfort  (Antoine de),  seigneur  de  Block- 
land,  peintre  hollandais,  né  à  Moriamés,  en 
1532,  mort  à  Utrecht,  en  1583.  Il  descendait  de 
la  famille  des  comtes  de  Montfort  de  France. 
Son  père,  Cornille,  écoutet  de  Montfort  et  sire 
de  Blockland ,  fief  situé  entre  Gorcum  et  Dor- 
drecht,  était  receveur  des  rentes  de  Moriamés , 
place  fort  lucrative.  Antoine  de  Montfort  com- 
mença la  peinture  sous  son  oncle  maternel, 
Henry  Assuérus,  portraitiste  assez  distingué.  II 
passa  ensuite  dans  l'atelier  du  célèbre  Frank 
Floris  de  Vriendt,  dont  il  devint  le  meilleur  élève 
et  dont  il  conserva  la  manière  libre  et  moelleuse. 

9. 


263 


MONTFORT  —  MONTGAILLARD 


H 


Montfort  se  sentant  assez  foFt  pour  se  livrer  à 
ses  inspirations,  parcourut  ta  France  et  une  par- 
tie de  l'Allemagne.  De  retour  dans  sa  patrie,  en 
1551 ,  il  se  maria,  et  se  fixa  à  Delft.  Sa  femme 
étant  morte  en  1572,  il  fit  un  voyage  en  Italie, 
et  revint  demeurer  à  Utrecht,  où  il  se  remaria. 
Il  laissa  trois  enfants  de  ce  second  mariage. 
Montfort  peignait  tout  d'après  nature,  et  donnait 
beaucoup  d'élégance  à  ses  contours;  son  dessin 
était  large  ;  il  rendait  bien  le  nu  ;  ses  draperies 
sont  de  bon  goût,  ses  têtes  nobles  et  bien  coif- 
fées, ses  barbes  d'une  grande  légèreté,  ses  mains 
et  ses  pieds  très-corrects;  ses  profils  de  femmes 
rappellent  ceux  du  Parmesan.  Il  dédaignait  le 
portrait,  et  ne  produisait  que  de  grandes  compo- 
sitions; aussi  ses  œuvres  sont-elles  fort  rares. 
Gn  cite  de  lui  :  à  Utrecht ,  plusieurs  retables 
avec  leurs  volets,  parmi  lesquels  :  L'Assomp- 
tion, L'Annonciation,  et  La  Naissance  de  Jé- 
sus; —  à  Gouda,  Décollation  de  saint  Jean- 
Baptiste;  —  à  Dordrecht,  La  Passion;  —  à 
Bois -le -Duc,  La  Vie  de  sainte  Catherine 
('gravée  par  Henri  Goltzius).  La  douceur  de  ca- 
ractère et  la  bonne  conduite  de  Montfort  aug- 
mentaient l'estime  que  tous  avaient  pour  son 
talent.  Il  a  fait  d'excellents  élèves,  entre  autres  : 
Michel  Mirevelt,  Adrien  Cluit  et  Pierre  de 
Delft.  A.  de  L. 

Descamps,  La  Vie  des  Peintres  hollandais,  etc.,  t.  Ier, 

p.  88-89. 

montfort  (Gratien  Bordey,  plus  connu 
sous  le  nom  de),  auteur  religieux,  né  vers  1570, 
à  Montfort,  en  Franche-Comté,  mort  le  21  no- 
vembre 1650,  à  Salins.  Savant  théologien  et  pré- 
dicateur habile,  il  exerça  divers  emplois  dans 
l'ordre  des  Capucins,  entre  autres  celui  de  pro- 
vincial, en  1618.  On  a  de  lui  :  La  Tarentule  du 
guenon  de  Genève;  Saint-Mihiel,  1620,  in-8°; 
sous  le  nom  anagrammatisé  de  Denis  de  Fort- 
mont,  il  y  dénonce  au  parlement  de  Dôle  un  ca- 
pucin qui  avait  apostasie  à  Genève;  —  Axio- 
mata  philosophica  ex  Aristoiele;  Anvers,  1626, 

in-8*. 
Richard  et  Giraud,  Biblioth.  Sacrée. 
montgaillard  (  Pierre  DE  Faucheran  , 
sieur  de),  poète  français,  né  dans  le  seizième 
siècle,  à  Nyons,  enDauphiné,  mort  vers  1605.  Il 
embrassa  le  métier  des  armes,  s'attacha  à  la  per- 
sonne de  deux  gentilshommes  dauphinois,  et  fit 
plusieurs  campagnes  sur  terre  et  sur  mer  ;  amou- 
reux et  guerrier,  il  ne  paraît  pas  avoir  été  heu- 
reux dans  l'un  et  l'autre  état.  Il  peint  ainsi  sa 
double  infortune  : 

Desdaigné  de  mon  prince  et  méprisé  de  Claire, 
La  terre  pour  horreur,  le  ciel  pour  adversaire, 
Combattu  du  destin  comme  de  la  douleur, 
Que  dols-je  devenir?... 

Il  aimait  les  lettres,  et  se  consolait  par  des 
chansons,  des  rigueurs  vraies  ou  supposées  de 
sa  belle,  qu'il  nomme  Claire  ou  Flamide.  Lié 
avec  Lingendes ,  Davity  ,  Vital  d'Audiguier  et 
autres  rimeurs  du  temps,  il  laissa  à  ses  amis  le 
soin  de  recueillir  ses  productions  qui  selon  lui 


n'étaient  bonnes  qu'à  brûler  sur  son  tombea' 
Ce  fut  d'Audiguier  qui  les  mit  au  jour,  sous  ;] 
titre  A' Œuvres  du  feu  sieur  de  Montgaillai 
(Paris,  1606,  in-12);  il  donne  l'auteur  poil 
«  un  homme  sans  étude  et  sans  art  et  qui  n'av;  I 
qu'un  beau  naturel  ».  On  y  trouve  dans  la  si 
conde  partie  des  couplets  satiriques  et  burleJ 
ques,  écrits  en  style  très-licencieux.  P.  ]  f 

Goujet,  Biblioth-  françoise,  XIV, 86-60. 

montgaillard  {Bernard  de  Percin  diJ 
plus  connu  sous  le  nom  du  Petit- Feuillan 
fameux  ligueur,  né  à  Montgaillard,  diocèse  <  | 
Toulouse,  en  1563,  mort  dans  l'abbaye  d'Orv;  j 
duché  de  Luxembourg,  le  8  juin   1628.  Apr  I 
avoir  fait  d'excellentes  études,  il  entra  dans  l'o  j 
dre  des  Feuillants,  que  venait  de  fonder  Jean  i  j 
La  Barrière,  et  suivit  jeune  encore  le  genre  <  j 
vie  très-austère  de  ces  moines,  laquelle dépass; 
en  plusieurs  points  la  sévérité  des  premiers  r  j 
ligieux  de  Cîteaux  (1).  Il  vint  à  Paris  en  av 
1584  avec  le  fondateur  de  sa  congrégation,  et  1 1 
tarda  pas  à  se  faire  une  réputation  par  son  él  I 
quence  et  par  son  zèle.  L'ardeur  naturelle  <  | 
son  tempérament ,  augmentée  par    ses  aust 
rites  extraordinaires,  le  conduisit  jusqu'à  l'ex; 
tation.  Les  dérèglements  de  la  cour,  l'indiff 
rence  delà  bourgeoisie,  l'abrutissement  dupe 
pie  enflammèrent  son  zèle.  Sa  voix  trouva  i 
l'écho,  et  bientôt  son  nom  devint  populaire.  L 
dames  de  la  cour  s'engouèrent  aussi  de  lui , 
lui  firent  une  telle  réputation  qu'Henri  III  1 
offrit,  mais  en  vain,  les  évêchés  d'Angers,  i 
Pamiers  et  l'abbaye  de  Morimond.  Après 
mort  de  ce  prince,  Montgaillard,  entraîné  par  l'a 
deur  que  la  Ligue  faisait  paraître  pour  la  d 
fense  de  la  religion  catholique,  prit  énergiqu 
ment  les  intérêts  de  cette  association,  et  méri 
d'être  appelé  le  laquais  de  La  ligue,  parce  qu 
quoique  boiteux,  il  ne  cessa  de  se  donner  béai 
coup  de  mouvement  pour  le  triomphe  de  I 
parti.    La  violence   de  ses  sermons  égala  cel 
des  plus   fameux  déclamateurs  du  temps ,  1 
Boucher,  les   Lincester  et  autres   fanatique! 
qui  faisaient  de  la  chaire  un  tréteau  politiqui  | 
où  l'odieux  égalait  le  ridicule.  II  montra  cepei  j 
dant  plus  d'éloquence  et  de  conduite  que  si  ! 
émules.  Accusé  d'avoir  trempé  dans  un  attei  ! 
tat  contre  la  vie  d'Henri  IV,  il  dut  quitter 
France,  et  alla  à  Borne,  où  le  pape  Clément  VI 
lui  fit  le  plus  honorable  accueil.  Il  passa  quelqi 
temps  après  dans  les  Pays-Bas ,  et  après  avo 

(1)  Tout  le  temps  des  religieux  feuillants  était  parlai 
entre  la  prière,  la  psalmodie  et  le  travail  manuel.  ( 
qu'ils  accordaient  au  corps  était  moins  pour  le  soulen  j 
que  pour  le  mortifier.  La  terre  toute  nue,  et  seuleme: 
couverte  d'une  planche  leur  servait  de  lit,  et  ilsavaiei 
pour  chevet  une  grosse  pierre  ou  une  pièce  de  bois.  1 
marchaient  toujours  tête  et  pieds  nus,  et  gardaient  dai 
leur  monastère  un  silence  perpétuel.  Leur  nourritu; 
consistait  en  du  pain  très-grossfer,  en  quelques  herb 
cuites  simplement  dans  l'eau,  sans  beurre  et  sans  se  i 
et  leur  boisson  était  de  l'eau  pure.  Le  poisson,  l 
œufs,  la  viande  et  le  vtn  leur  étaient  Interdits  en  toi 
temps.  Cette  austérité  fut  trés-adoucie  dans  la  suite. 


65 


MONTGAILLARD 


2C6 


rêché  pendant  cinq  ou  six  ans  à  Anvers,  il  fut 
Jppelé  à  Bruxelles  comme  prédicateur  ordinaire 
[e  l'archiduc  Albert  et  de  l'infante  Isabelle  d'Au- 

iche,  qu'il  accompagna  longtemps  en  Allemagne, 
b  Italie  et  en  Espagne.  Son  éloquence  fut  récom- 
pensée en  1612  par  l'abbaye  de  Nivelle  au  dio- 
[èse  de  Namur  et  en  1615  par  celle  d'Orval,  au 
jiocèsede  Trêves.  Il  fit  revivre  dans  ce  dernier 
ilionastère  toute  la  pureté  de  l'ancienne  disci- 
pline en  y  introduisant  une  réforme  à  peu  près 

ireilic  à  celle  de  la  Trappe.  Montgaillard,  dans 
ji  dernière  maladie,  brûla  par  humilité  tous  ses 
ifnvrages,  qui  consistaient  surtout  en  sermons, 
ii  homélies  et  en  exhortations  à  ses  feli- 
;  eux;  on  a  conservé  cependant,  Réponse  à 
[ne  lettre  qui  lui  avoit  été  écrite  par  Henri 
a?  Valois  (  Henri  III),  en  laquelle  il  lui  re- 
montre chrétiennement  et  charitablement 
us  fautes  et  l'exhorte  à  la  pénitence  ;  1589, 
|-8°;  —  Oraison  funèbre  de  l'archiduc  Al- 
\>rt;  Bruxelles,  1622,  in-4°.  A.  Valladier,  abbé 
i|!  Saint-Arnoul  de  Metz,  a  publié  Les  Saintes 
rontagnes  et  Collines  d'Orval  et  de  Clair- 
iiux,  vive  représentation  de  la  vie  exem- 
plaire et  du  religieux  trépas  de  dom  Ber- 
lard  de  Montgaillard  ;  Luxembourg,  1629, 
1-4°.  H.  F. 

IGffHia  Christ,  t.  XIII.  —  Richard  et  Giraud,  Biblioth. 
I  icrée.  —  Moreri,  Dictionn.  histor.  —  Lefêvre,  Calen- 
l'ier  historique  de  l'église  de  Paris. 

|  montgaillard  (  Jean-Jacques  de  Percin 
je),  auteur  religieux  français,  né  en  1633,  à 
I  oulouse,  où  il  est  mort,  le  21  mars  1711.  Il 
liait  de  la  famille  des  précédents.  Il  prononça 
|;s  vœux  dans  le  couvent  des  Dominicains  de 
Koulouse,  et  y  passa  tonte  sa  vie.  On  a  de  lui  un 
llirieux  ouvrage  intitulé  :  Monumenta  Conventus 
'Mosani  ordinis  FF.  Prasdicatorum  (Tou- 
louse, 1693,  in-fol.),  et  qui  renferme  de  grands 
étails  sur  l'inquisition  dans  les  provinces  du 
liidi.  Connu  par  son  ardente  piété  et  par  la 
ïouceur  de  ses  mœurs,  il  s'y  montra  pourtant 
ifnimé  de  cet  esprit  de  fanatisme  qui  rend  le 
peur  cruel  au  nom  de  Dieu  ;  c'est  avec  une  sorte 
île  complaisance  qu'il  raconte  des  traits  d'une 
■xécrable  barbarie,*comment  par  exemple  «  les 
{ons  pères  vont  dîner  joyeusement  après  avoir 
kit  brûler  devant  eux  une  femme  hérétique, 
vénissant  Dieu  de  ce  qui  vient  de  se  passer 
>our  l'exaltation  de  la  foi  et  la  gloire  de  saint 
Dominique.  »  Aussi  le  registre  où  s'inscrivent 
[es  arrêts  de  sang  est-il  à  ses  yeux  le  livre  de 
lie.  P. 

I  Biogr.  Toulousaine,  II 

montgaillard  (Pierre- Jean- François 
|ie  Percin  de),  prélat  français,  parent  des  pré- 
cédents, né  à  Toulouse,  le  29  mars  1633,  mort  à 
[laint-Pons-de-Tomières,  le  13  mars  1713.  Son 
i<ère,  Pierre  de  Percin,  baron  de  Montgail- 
lard, gouverneur  de  Brème,  dans  le  Milanais, 
!ut  décapité,  pour  avoir  rendu  cette  place, 
iaute  de  munitions.  Sa  mémoire  fut  toutefois 


réhabilitée,  et  son  fils,  qui  de  bonne  heure 
avait  fait  paraître  d'heureuses  dispositions, 
fut  élevé  aux  honneurs  ecclésiastiques.  Reçu 
docteur  de  Sorbonne,  il  fut  nommé,  en  avril 
1664,  à  l'évêché  de  Saint-Pons  et  sacré  en  cette 
qualité  à  Chaillot,  le  12  juillet  de  l'année  sui- 
vante. Il  fut  un  des  dix-neuf  évoques  qui  si- 
gnèrent la  lettre  adressée  au  pape  Clément  IX, 
en  1667,  pour  la  défense  des  évêques  d'Alet,  de 
Pamiers,  de  Beauvais  et  d'Angers,  opposés  à  la 
souscription  du  formulaire  exigée  par  la  bulle 
d'Alexandre  Vil  du  15  février  1665.  Mont- 
gaillard dénonça,  en  1677,  à  Innocent  XI  la  mo- 
rale relâchée  des  Jésuites,  et  prit  la  défense  du 
rituel  d'Alet,  que  Jean  de  Vintimille  du  Luc, 
évêque  de  Toulon,  avait  condamné  en  1678.  Une 
lettre  de  sa  main,  trouvée  dans  les  archives  du 
Vatican,  prouve  cependant  qu'avant  de  mourir 
l'évêque  de  Saint-Pons  fit  sa  soumission  à  Rome, 
et  rétracta  ses  erreurs  jansénistes.  On  a  de  lui 
plusieurs  ouvrages  qui  dénotent  combien  il  était 
versé  dans  les  antiquités  ecclésiastiques  ;  nous  ci- 
terons de  lui  :  Lettres  à  l'évêque  de  Toulon  sur 
le  rituel  d'Alet;  1678  ;  —  Directoire  des  Offices 
divins;  1681  ;  —  Du  Droit  et  du  Pouvoir  des 
Évêques  de  régler  les  offices  divins  dans  leurs 
diocèses  suivant  la  tradition  de  tous  les  siècles 
depuis  Jésus- Christ  jusqu'à  présent;  1686, 
in-8°;  —  Instruction  sur  le  sacrifice  de  la 
Messe;  1687,  in-12;  —  Enfin,  plusieurs  lettres 
touchant  les  affaires  du  jansénisme  adressées  à 
Fénelon,  archevêque  de  Cambrai,  lettres  qui 
furent  condamnées  par  un  bref  de  Clément  XI, 
du  18  janvier  1710.  H.  F. 

Histoire  de  Port-Royal,  tome  VII.  —  Supplément  de 
Moréri.  —  Gallia  Christiana,  tome  VI.  —  France  pon- 
tificale (inédite). 

montgaillard  (Jean  -  Gabriel  -  Maurice 
Roques,  agent  politique  français,  connu  sous  le 
titre  et  le  nom  de  comte  de),  né  en  1761,  à  Tou- 
louse, mort  le  8  février  1841,  à  Paris.  Après  avoir 
terminé  d'assez  bonnes  études  à  Sorèze,  il  entra 
comme  sous-lieutenant  dans  un  régiment  d'infan- 
terie et  fit  une  partie  de  la  guerre  d'Amérique» 
Lorsque  la  révolution  éclata,  il  abandonna  le  ser- 
vice, accourut  à  Paris,  et  y  mena  joyeuse  vie  ;  il 
s'occupait  alors  d'agiotageet  recevait  d'assez  for- 
tes sommes  pour  les  services  qu'il  disait  rendre 
secrètement  au  roi.  Après  le  10  Août,  il  entra  dans 
la  police  d'espionnage  diplomatique  organisée 
sous  l'influence  de  Danton,  et  ce  fut  alors  qu'il 
substitua  au  nom  de  Roques  celui  de  Montgail- 
lard. Il  fit  plusieurs  voyages  en  Allemagne,  et  vit 
le  duc  de  Brunswick  ainsi  que  les  deux  frères  de 
Louis  XVI.  En  1794,  il  eut,  dit-on,  une  grande 
part  à  la  négociation  laborieuse  qui  amena  l'é- 
vacuation des  Pays-Bas  par  les  Autrichiens. 
Après  avoir  passé  trois  mois  à  Londres ,  il  se 
rendit  à  La  Haye,  à  Hambourg  et  à  Vérone.  Muni 
des  pouvoirs  de  Monsieur  (depuis  Louis  XVIII), 
il  entreprit  vainement  de  négocier  à  Vienne  l'é- 
change de  la  fille  de  Louis  XVI.  On  le  retrouve 


267 


MONTGAILLARD 


au  milieu  de  l'armée  des  princes,  qui,  pleins  de 
confiance  en  lui,  le  chargèrent  de  ramener  à 
leur  cause  Pichegru.  Il  rédigea  les  propositions 
qui  furent  faites  à  ce  général  au  mois  d'août 
1795,  et  rendit  compte  de  ses  démarches  à  Mon- 
sieur, qui  lui  témoigna  sa  satisfaction  par  une 
lettre  écrite  de  sa  main.  Ce  succès  lui  valut 
d'autres  missions  politiques,  dans  lesquelles  il 
donna  de  nouvelles  preuves  d'adresse;  mais  son 
zèle  changeant  tout  à  coup  de  direction  après  la 
reddition  du  fort  de  Kehl ,  il  renonça  à  des  né- 
gociations devenues,  rapporte-t-il  lui-même,  «  un 
ensemble  d'intrigues,  de  manœuvres  sourdes, 
de  dilapidations  ministérielles  et  particulières  ». 
En  d'autres  termes ,  il  passa  au  gouvernement 
français,  qu'il  n'avait  jamais  peut-être  cessé  de 
servir.  Tout  en  se  ménageant  la  confiance  du 
prince  de  Condé  et  en  paraissant  se  prêter  aux 
desseins  de  M.  d'Entraigues,  agent  royaliste  à 
Venise,  Montgaillard  dévoila  à  l'ambassadeur 
Lallemand  les  secrets  de  Condé  et  de  Louis  XVIII 
et  lui  en  fournit  les  preuves  écrites ,  qui  furent 
envoyées  à  Paris  et  imprimées  un  peu  avant  le 
1 8  fructidor.  Au  moment  où  il  quittait  la  Suisse 
pour  rentrer  en  France,  on  lui  redemanda  les 
papiers  qui  prouvaient  les  différentes  missions 
dont  il  avait  été  chargé;  non-seulement  il  ne 
voulut  rien  restituer,  mais  il  alla  exprès  à  Ham- 
bourg pour  remettre  au  ministre  Roberjot  tout 
ce  qu'il  possédait  de  la  correspondance  des 
princes  (1797).  On  ne  peut  révoquer  ces  faits  en 
doute ,  puisque  c'est  à  Montgaillard  lui-même 
qu'on  en  doit  la  connaissance.  Après  le  18  bru- 
maire, il  revint  en  France,  fut  enfermé  pendant 
quelques  mois  au  Temple,  afin  d'y  surprendre  les 
secrets  des  prisonniers  royalistes,  et  s'employa 
à  découvrir  les  complices  de  Cadoudal  et  de  Pi- 
chegru. Sous  l'empire  il  continua  de  rendre  le 
même  genre  de  services,  et  reçut,  outre  d'amples 
gratifications,  une  pension  de  12,000  francs,  ré- 
duite plus  tard  à  6,000,  et  qu'il  conserva  jus- 
qu'à sa  mort.  Un  des  premiers  à  se  rallier  à 
Louis  XVIII,  il  ne  futjamaisplus  protégé  et  mieux 
traité  que  sous  le  règne  de  ce  prince,  qu'il  avait 
trahi  et  outragé.  11  alla  au-devant  de  lui  à  Com- 
piègne  le  29  avril  1814.  «  Votre  Majesté  a  trop 
d'esprit  pour  ne  pas  m 'avoir  compris  »,  lui  dit-il. 
Le  roi  en  fut  tellement  persuadé  qu'il  lui  or- 
donna de  rédiger  une  brochure  ,  à  laquelle  il  fit 
lui-même  des  additions  nombreuses  et  qui  parut 
sans  avoir  passé  à  la  censure.  Pour  justifier  la 
sincérité  de  sa  nouvelle  conduite  ,  Montgaillard 
renia  tout  ce  qu'il  avait  écrit  auparavant,  et  se 
flatta  au  contraire  d'avoir  été  dans  la  restaura- 
tion de  la  monarchie  «  un  des  instruments  qu'il 
a  plu  à  la  Providence  de  ne  pas  rendre  tout  à  fait 
inutiles  ».  Depuis  1830  il  ne  s'occupa  plus  d'af- 
faires politiques.  On  a  de  lui  :  État  de  la 
France  au  mois  de  mai  1794  ;  Londres  et  Ham- 
bourg, 1794,  in-8°,  trad.  en  anglais  par  Edm. 
Burke;  il  y  a  une  Suite,  qui  parut  au  mois  de 
septembre  suivant;  —  Nécessité  de  la  Guerre 


et  Danger  de  la  Paix;  La  Haye,  1794,  in-i-  I 
trad.  en  anglais  et  en  hollandais;  —  L'An  17<  I 
ou  conjectures  sur  les  suites  de  la  Révolutio  I 
Hambourg,  1795,  in-8°;  —  Ma  Conduite  pem 
dant  le  cours  de  la  révolution  françakm 
Londres,  1795,  in-8°;  —  Histoire  secrète  I 
Coblentz  dans  la  révolution  des  IrançmM 
extraite  du  cabinet  diplomatique  élecloralm 
decelui  des  princes  ;Lonires,  1795;  Paris,  18. 1 
in-8°;  —  Mémoire  concernant  la  trahison  I 
Pichegru  dans  les  années  1793-1795,  rédigé  J 
Van  vi  par  M.  de  Montgaillard ,  et  dont  lu 
riginal  se  trouve  aux  archives  du  gouverna 
ment;  Paris,  Impr.  du  Gouv.,  mars  1804,  in-fi 
inséré  d'abord  dans  Le  Moniteur,  ce  mémen! 
fut  probablement  rédigé  pour  assurer  la  pet  j 
des  conjurés;  on  y  rencontre  les  plus  fortfl 
accusations  contre  le  général  Moreau  ;  —  De  I 
France  et  de  l'Europe  sous  le  gouvernemet 
de  Bonaparte,  dédié  à  Jérôme;  Lyon,  avl 
1804,in-8°,réimpr.  la  même  annéeàBoulogne-si  I 
Mer  et  à  Paris  ;  —  Mémoires  secrets  de  Mo*  I 
gaillard  pendant  les  années  de  son  émigr  I 
Mon,  contenant  de  nouvelles  informations  si  I 
le  caractère  des  princes  français  et  sur  les  1 I 
trigues  des  agents  de  V  Angleterre  ;  Paris,  ju  I 
1804,  in-8°;  c'est  dans  cette  brochure,  publi  I 
par  ordre  du  premier  consul,  que  l'auteur  pai  I 
de  Louis  XVIII  en  ces  termes  :  «  Intrigant  da  I 
la  paix,  inhabile  à  la  guerre,  jaloux  à  l'exc  I 
d'un  triomphe  littéraire  ,  et  non  moins  avide  1 1 
richesses  que  passionné  pour  la  représentatioi  I 
ennemi  de  ses  véritables  amis,  esclave  de  s  j 
courtisans,  ombrageux  et  défiant,  superstitiei  I 
et  vindicatif  »  ;  —  Fondation  de  la  quatrièn  I 
dynastie,  ou  de  la  dynastie  impériale  ;  Pari  \ 
nov.  1804,  in-8°;  —  Du  Rétablissement  û\ 
royaume  d'Italie  sous  l'empereur  Napoléi  I 
et  des  droits  de  la  couronne  de  France  si  1 
le  duché  de  Rome;  Paris,  1809,  in-8°;  il  avfj 
d'abord  paru  en  1S05  à  Milan,  en  italien  ;  —  S  ■] 
tuation  de  V Angleterre  en  1S11;  Paris,  181  1 
in-8°;  — Seconde  Guerre  de  Pologne,  ou  coi  I 
sidérations  sur  la  paix  publique  du  Cont  I 
nentet  sur  l'indépendance  maritime  de  l'Ei  ( 
rope;  Paris,  1812,  in-8°;  ces  quatre  écrits  furei 
rédigés  par  ordre  de  l'empereur  ;  —  De  la  Re. 
tauration  de  la  monarchie  des  Bourbons  t  ' 
du  retour  à  l'ordre;  Paris,  1814,  in-8°;  ol 
voit,  d'après  une  note  de  l'auteur,  que  les  par; 
ties  de  cette  brochure  que  les  journaux  ultra 
royalistes  critiquèrent  avec  le  plus  d'amertum 
sont  précisément  celles  que  Louis  XVIII  ava 
composées;  —  Lettres  (deux)  à  M.  Ray 
nouard  sur  le  projet  de  loi  relatif  à  la  U 
berlé  de  la  presse;  Paris,  juillet  et  août  1814 
in-8°;  —  De  la  Calomnie  publique  et  pério 
dique;  Paris,  septembre  1814,  in-8°;  —  De  h\ 
Nécessité  d'un  Rapprochement  sincère  et  réci 
proque  entre  les  Républicains  et  les  Roya 
listes  ;  Paris,  janv.  1815,  in-8°;  la  lre  édit.  fu 
signée  :  «  Par  un  ami  de  la  France  et  de  la  pai: 


1269  MONTGAILLARD 

publique  »,  *t  .la  2%  imprimée  un  mois  plus 
tard,  par  Taschereau  de  Fargues,  «  mon  prête- 
mom  »,  dit  Montgaillard;  —  Clémence  et  Jus- 
tice; Paris,  oct.  1815,  in-8°;  c'est,  d'après  Tau- 
leur,  un  plaidoyer  politique    pour  sauver  les 
jours  du  maréchal  Ney,  qui  lui  avait  été  demandé 
ipar  le  ministre  Fouché; —  Esprit,  Maximes 
?t  Principes  de  M.  de  Chateaubriand,  membre 
4e  l'Institut;  Paris,  oct.  1815,  in-8°;  —  Ode  à 
la  Clémence  politique  et  réciproque  ;  Paris, 
l  uin  1824,  in-8°,  sous  le  nom  de  Taschereau; 
I  —  Histoire  de  France  depuis  1825  jusqu'à 
i  fl828,  faisant  suite  à  celle  de  l'abbé  de  Mont- 
gaillard; Paris,  1829,  2  vol.  in-8°;  une  Suite, 
À  Conduisant  jusqu'au    9  août   1830,  a  paru   en 
4^(833,  2  vol.  in-8°;  —  Annales  françaises ,  ou 
iï:omplément  de  ^Histoire  de  France    publiée 
itl'H    1827  par  l'abbé   de  Montgaillard  ;  his- 
toire entièrement   refondue  et  complétée; 
«Paris,  1839,  ift-8°  :  cet  ouvrage,  annoncé  en 
Iel2  vol.,  n'a  pas  été  achevé.  Outre  les  ouvrages 
Jlîités ,  Montgaillard  est  encore  l'auteur  de.  Mé- 
wnoires  politiques  (3  vol.  in-8°),    travail  fait 
«par  ordre  exprès  de  Napoléon  pour  son  cabinet 
■particulier,  de  1804  à  1814,  et  de  Mémoires  sur 
Jk'es  affaires  intérieures  et  extérieures  de  la 
mFrance  (2  vol.  in-8°),  de  1816  à  1820,  remis  à 
|Louis  XVIII.  (Quant  à  la  part  qu'il  a  prise  à  VHis- 
mioire  de  France  de  son  frère,  voy.  l'article  sui- 
vant.) K. 

I    Biog.  univ.  et  portât,  des  Contemp.  —   Biogr.  des 
Qt'tommes  vivants  (1820).  —   Quérard,  Supercheries  litté- 
raires. —  Barbier,  Dict.  des  anonymes. 

|    montgaillard  (Guillaume-Honoré  Ro- 
ques, se  disant  abbé  Mï),  frère  puîné  duprécédent, 
historien  français,  né  en  1772,  au  village  de  Mont- 
feaillard,  près  Toulouse,  mort  par  suicide,le  28  avril 
(1825,  à  Ivry,  près  Paris.  Une  chute  qu'il  fit  dans 
ton  enfance  le  rendit  infirme  et  difforme  pour  le 
leste  de  sa  vie.  Il  étudia  pour  être  prêtre  au  sémi- 
naire de  Bordeaux  ;  mais  il  ne  prit  aucun  des 
Vdres,  émigraen  1792  en  Espagne,  d'où  il  passa 
\  Afrique,  en  Angleterre  et  en  Allemagne.  On 
i  «prétendu  qu'il  avait  eu  part  aux  intrigues  po- 
Uques  de  son  frère  et  aux  profits  qui  en  étaient 
lâconséquence ,  ce  qui  ne  paraît  pas  dénué  de 
follement.  Rentré  en  France  en   1799,  il  fut 
|,  pédant  six  mois  incarcéré  au  Temple.  On  ne 
L  saicomment  il  vécut  jusqu'en  1805,  époque  où 
|  H  otint  un  emploi  de  commis  aux  fourrages  à 
j  l'armée  d'Allemagne.  En  1806  il  fut  chargé  de  la 
j  p^'ojption  des  contributions  à  Cassel,  et  depuis 
t  1-507  il  administra  les  finances    du    nouveau 
r«yatme  de  Westphalie ,  sous  la  direction  du 
|  omtt  Beugnot.  En  1809  il  eut  de  nouveau  un 
I  «mplo  dans  les  fourrages,  et  se  rendit  en  1810 
i  Lubejk ,  où  il  semble  avoir  joué  un  rôle  plus 
importent.  Lors  de  la  première  restauration  il 
f  revint  à  Paris  avec  une  assez  jolie  fortune,  et  s'oc- . 
||  eupa  de  iassembler  les  matériaux  d'un  ouvrage 
|  sur  la  révolution.  Étant  tombé  gravement  ma- 
|  lade,  il  se  jeta,  dans  un  accès  de  fièvre,  par  la 


—  MONTGARNY 


270 


fenêtre  d'an  troisième  étage,  et  expira  sur-le- 
champ.  Depuis  assez  longtemps  il  avait  rompu 
toute  espèce  de  relation  avec  ses  frères.  On  a 
de  lui  :  Bévue  chronologique  de  l'histoire  de 
France,  depuis  la  première  convocation  des 
notables  jusqu'au  départ  des  troupes  étran- 
gères (1787-1818);  Paris,  1820,  1823,  in-8°; 
cette  revue  obtint  un  grand  succès,  tant  à  cause 
des  facilités  qu'elle  offrait  pour  l'étude  de  l'his- 
toire contemporaine ,  que  par  le  style  véhément 
qui  semblait  indiquer  chez  l'auteur-  une  fran- 
chise austère,  poussée  jusqu'à  la  rudesse;  — 
Histoire  de  France  depuis  la  fin  du  règne  de 
Louis  XVI  jusqu'à  1825,  précédée  d'une  In- 
troduction historique  sur  la  monarchie 
française  et  les  causes  qui  ont  amené  la  Ré- 
volution; Paris,  1826-1827,  9  vol.  in-8°; 
7e  édit.,  1839.  Ce  n'est  autre  chose  que  la  re- 
fonte, excessivementdélayée,  de  l'ouvrage  précé- 
dent. A  propos  d'un  procès  fait  en  1834  par 
Montgaillard  l'aîné  au  libraire  Moutardier,  le 
premier  fit  la  déclaration  suivante  :  «  Profitant 
des  travaux  de  feu  mon  frère,  je  composai  l'His- 
toire de  France  en  9  volumes.  Ce  grand  ou- 
vrage, dont  les  deux  tiers  sont  de  moi  seul,  fut 
achevé  en  huit  mois.  Les  convenances  m'inter- 
disaient de  le  publier  sous  mon  nom.  Ce  fut  pour 
cet  unique  motif  qu'on  désigna  l'abbé  comme 
seul  auteur  d'une  composition  où  il  n'était  entré 
que  pour  un  tiers.  »  Cette  histoire,  ou  plutôt  ce 
volumineux  libelle,  recouvert  maladroitement 
des  formes  historiques,  'eut  un  succès  de  parti. 
L'abbé  de  Montgaillard  a  encore  fourni  des  no- 
tices à  la  Galerie  historique  des  Contempo- 
rains (1822). 

Un  autre  frère,  Xavier,  né  le  11  novembre 
1764,  prit  le  titre  de  marquis  de  Montgail- 
lard ,  et  servit  dans  l'armée  des  princes  et  en 
Vendée.  H  parlait  de  ses  frères  avec  le  plus  grand 
mépris.  IT  est  mort  vers  1S40,  en  Picardie.    K. 

Biogr.  univ.  et  portât,  des  Contemp.  —  Quérard,  La 
France  Littéraire. 

montgarny  (  Jean-Baptiste-Tite  Har- 
matïd  de  ),  médecin  français ,  né  à  Verdun,  vers 
1790,  mort  à  Paris,  en  décembre  1823.  D'abord 
pharmacien  à  l'armée  d'Espagne,  il  fut  en  1814 
placé  avec  la  même  qualité  à  l'hôpital  militaire 
du  Val-de-Gràce  à  Paris.  Il  emporta  un  prix 
dans  cet  établissement,  et  se  fit  recevoir  doc- 
teur en  1818.  II. ouvrit  avec  succès  des  cours 
de  physique  et  de  chimie  médicales.  Une  mort 
prémainrée  l'enleva  à  la  science.  On  a  de  lui  : 
Essai  de  Toxicologie,  considérée  d'une  ma- 
nière générale,  dans  ses  rapports  avec  la 
physiologie  hygiénique  et  pathologique  et 
spécialement  avec  la  jurisprudence  médi- 
cale; Paris,  1818,  in-8°.  Montgarny  était  un  des 
collaborateurs  .du  Dictionnaire  des  Termes  de 
Médecine,  chirurgie;  art  vétérinaire,  etc.; 
Paris,  1823,  in-8°;  et  du  Journal  universel  des 
Sciences  médicales.  L — z — e. 

Mahul,  Annuaire  Nécrologique,  ann.  1824. 


271  MONTGELAS 

montgelas  (  Maximilien-Joseph  Gar- 
herijn,  baron,  puis  comte  de),  homme  poli- 
tique allemand,  né  le  12  septembre  1759,  à  Mu- 
nich ,  où  il  est  mort ,  le  13  juin  1838.  Issu  d'une 
ancienne  famille  qui  possédait  en  Savoie  les  sei- 
gneuries de  Thuillier  et  de  Monte- Gelasio,  il 
était  fils  d'un  général  qui  porta  les  armes  avec 
distinction  pour  l'électeur  de  Bavière  et  petit-fils 
d'un  président  au  sénat  de  Chambéry.  Doué  des 
plus  heureuses  dispositions  pour  l'étude ,  il  reçut 
une  excellente  éducation  au  gymnase  de  Munich, 
et  acquit  une  connaissance  étendue  de  l'histoire 
sous  la  direction  du  savant  Koch ,  de  Strasbourg. 
Au  retour  d'un  voyage  en  France,  il  obtint  en 
1777  le  titre  de  conseiller  aulique,  et  en  1779  la 
place  de  censeur,  qu'il  résigna  bientôt  après  pour 
se  rendre  en  Italie.  A  Naples  il  fut  présenté  à 
Charles  II,  duc  de  Deux-Ponts,  qui  le  nomma  son 
chambellan.  L'amitié  dont  l'honora  Maximilien- 
Joseph,  successeur  de  Charles  II  et  depuis  roi  de 
Bavière,  futl'origine  de  sa  haute  fortune.  Lorsque 
ce  prince  succéda  à  l'électeur  palatin  Charles- 
Théodore  (1799),  M.  de  Montgelas,  qui  depuis 
1795  avait  administré  toutes  les  affaires  des  Deux- 
Ponts,  le  suivit  à  Munich  et  fut  chargé  du  porte- 
feuille des  affaires  étrangères.  Il  prit  part  à  diver- 
ses négociations  qui  lui  acquirent,  comme  diplo- 
mate, la  réputation  d'un  mérite  supérieur.  Dans  la 
suite  il  joignit  à  son  département  la  direction  cen- 
traledes  finances  (1803)  et  le  ministère  de  l'inté- 
rieur (1806).  Il  se  signala  dès  lors  par  un  grand 
nombre  de  réformes,  restreignit  les  privilèges  de 
la  noblesse  et  du  clergé ,  établit  une  répartition 
plus  égale  des  impôts,  et  supprima  beaucoup  de 
pensions  et  de  sinécures.  Sur  sa  proposition  fut 
rendu  le  fameux  édit  sur  la  noblesse,  qui  n'a 
jamais  été  complètement  exécuté.  Adversaire 
déclaré  des  Jésuites,  il  fournit  à  l'historien  Lang 
les  documents  nécessaires  pour  composer  l'His- 
toire des  Jésuites  de  Bavière,  qui  ruina  pour 
un  temps  le  crédit  de  cette  société  dans  les  Etats 
catholiques  de  l'Allemagne.  On  lui  donna  le 
surnom  de  Pombal  banarois.  Ce  fut  d'après 
ses  conseils  que  Maximilien,  changeant  de  con- 
duite politique,  se  tourna  vers  la  France  et  refusa 
de  s'unir  à  la  coalition.  Aussi  fut-il  chargé  de 
signer  les  traités  de  Munich  (25  mai  1805)  et  de 
Paris  (28  février  18IO),.qui  concédaient  des  terri- 
toires considérables  à  la  Bavière,  et  d'assister  en 
1808  aux  conférences  d'Erfurt.  En  récompense 
des  grands  services  qu'il  avait  rendus  à  l'État,  il 
obtint  le  titre  de  comte  (1810),  des  croix  et  des 
faveurs  de  toutes  sortes.  Mais  après  la  déchéance 
de  Napoléon  son  crédit  s'affaiblit  de  -jour  en 
jour;  le  parti  rétrograde,  à  la  tête  duquel  était  le 
prince  de  Wrède,  l'emporta;  Montgelas  négocia 
encore  en  1816  les  arrangements  territoriaux 
avec  l'Autriche ,  et  le  2  février  1817  il  donna  sa 
démission.  Il  parcourut  l'Italie,  la  Suisse  et  la 
France,,  revint  en  1819  à  Munich,  et  vécut  dans 
la  retraite.  On  a  de  lui  une  défense  de  ses  actes 
politiques  :    Der  Minister    Graf  Montgelas 


MONTGLAT 


27S 


unler  der  Regierung  Kœnig  Maximilians  [ 
s.  1.  (  Altenbourg),  1815,  in-8° ,  en  réponse  è 
un  écrit  violent  du  prince  de  Wrède  :  De  le 
Bavière  sous  le  ministre  Montgelas.      K. 

Fragmente  aus  dem.  activen  Leben  des  Staatsminis- 
ters  Grafen   von   Montgelas  ;  Munich .   1819,   in-8°.  —  I 
Max.  von  Freyberg,  Rede  zum  Jndenken  an  den  vere- 
wigten  Staatsmann  von  Montgelas;  ibid.,1839,  in-4». 

montgeron  (  Louis-Basile  Carré  de),  ma 
gistrat  français,  né  à  Paris,  en   1686,  mort  i 
Valence,  le  12  mai  1754.  Fils  d'un  maître  des 
requêtes,  il  acheta  en  1711  uue  charge  de  con- 
seiller au  parlement.  Il  se  faisait  remarquer  î 
cette  époque  par  un  scepticisme  absolu ,  un  es- 
prit frondeur,  une  vie  déréglée.  Il  a  peint  lui- 
même  «  son  âme  basse  et  timide,,  son  orguei 
ridicule,  son  caractère  ingrat  ».  Dans  le  butd< 
convaincre  les  jansénistes  d'imposture,  il  se  ren- 
dit, le  7  septembre  1731,  sur  le  tombeau  du  diacn 
Paris,  au  cimetière  Saint-Médard.  Là  cethomme. 
qui  avait  résisté  jusque  alors  aux  preuves  les 
plus  fortes,  se  déclara  subitement  convaincu,  e 
devint  aussi  passionné  fanatique  qu'il  avait  et* 
frondeur  incrédule.  En  1732  il  partagea  l'exil  d( 
la  chambre  des  enquêtes,  et  fut  relégué  dans  les 
montagnes  de  l'Auvergne.  Ce  fut  alors  qu'il  en- 
treprit de  réunir  toutes  les  preuves  des  miracles 
de  saint  Médard.  De  retour  à  Paris,  il  fit  impri- 
mer le  premier  voiume  d'un  grand  ouvrage  in 
titulé  :  La    Vérité  des  Miracles  opérés  pa% 
l'intercession  du  diacre  Paris  ;  il  le  présents 
lui-même  au  roi  le  29  juillet  1737,  et  fut  envoyé 
à  la  Bastille  quelques  heures  après.  On  le  trans- 
féra ensuite  à  Viviers,  puis  à  Valence,  où  ï. 
mourut.  Son  ouvrage,  regardé  par  les  jansénistes 
comme   un  chef-d'œuvre  inspiré  par  le  Saint- 
Esprit,  est  selon  les  molinistes  un  tissu  d'inep- 
ties et  de  sottises.  Le  premier  volume  contien1 
la  démonstration  de  neuf  miracles  de  guérison 
le  second,  publié  en  1741,  contient  des  observf  ! 
tions  sur  les  convulsionnaires  ;  dans  le  troisièmij 
publié  en  1748,  l'auteur  parle  de  différents  s- 
cours ,  propres ,  selon  lui ,  à  guérir  toutes  )s 
maladies  (1).  Il  autorisa  en  général  le  plus  bizare 
fanatisme,  et  se  proclame  l'apôtre  et  le  martyriu 
ïansénisme.    Plusieurs  écrits  furent   publié;  à 
l'occasion  de  l'ouvrage  de  Montgeron;  le  bié- 
dictin  La  Taste  l'a  réfuté  longuement  danses 
Lettres  théologiques.  Montgeron  trouva  rrme 
des  adversaires  dans  son  parti  :  un  janséiste 
publia  en  1749  un  écrit  intitulé  :  Illusion  nite 
au  public  par  M.  de  Montgeron' sur  l'éta  des 
convulsionnaires.  A.  H — '. 

Dict.  des  Jansénistes  dans  l'Encyclop.  théoig.  ^ 
Migne ,  XII.  —  Figuier,  Hist.  du  Merveilleux,  t.  I 

montglat  (François-de-Paule  de  3leb- 
mont,  marquis  de),  historien  français,  né  t 
Turin,  mort  le  7  avril  1675.  Il  appartemit,  pa\ 
son  père,  à  une  branche  de  la  famille  le  Cler- 

(1)  Les  principaux  secours  sont  :  Cn  coup  voient  d'un 
gros  chenet,  donné  dans  l'estomac  ;  —  un  poids  énorme 
à  soutenir;  —  des  tringles  de  fer  pointues  contre  le 
sein,  etc. 


r3  MONTGLAT  — 

ont  en  Anjou  ;  son  aïeule  maternelle,  qui  fut 

uvernante  de  Henri  IV,  épousa  Robert  de  Har- 

i,  baron  de  Montglat  et  grand-louvetier  du 

i.  Sa  mère ,  Jeanne  de  Harlai ,  fut  successive- 

ii\t  djarne  d'honneur  de  la  duchesse  de  Savoie 

de  la  reine  d'Angleterre,  princesses  de  France, 

gouvernante  de  la  grande  Mademoiselle;  elle 

jurutlo  28  février  1643.  On  a  peu  de  détails 

r  la  vie  du  marquis  de  Montglat;  ses  contem- 

î  rains  l'ont  dépeint  comme  un  homme  sûr,  ins- 

'  lit  et  judicieux  ;  et  quant  à  lui ,  c'est  à  peine 

I  se  désigne  trois  ou  quatre  fois  dans  le  cours 

ses  Mémoires.  Son  rang  l'appelait  à  la  cour  ; 

y  remplit  depuis  1643  la  charge   de  maî- 

jp  de  la  garde- robe  et  fut  créé  en  I66t  clïe- 

'  lier  des  ordres.  Il  prit  part  à  plusieurs  <5am- 

i|  gnes  de  la  guerre  de  Trente  Ans  en  qualité 

!|   mestre  de  camp  du  régiment  de  Navarre, 

i  resta  durant  les  troubles  de  la  minorité  de 

I  uis  XIV  fidèle  au  parti  du  cardinal.  Il  avait 

I  mémoire  si  bonne  et  l'esprit  si  orné  qu'on  l'ap- 

j  ait  Montglat  la  Bibliothèque.  Les  Mémoires 

l 'il  a  laissés ,  et  dont  le  P.  Bougeant  a  été  l'é- 

(eur  (Amsterdam,  1727,  4  vol.  in-12),  con- 

Innent,  sous  une  forme  narrative,  l'histoire 

1 3  événements  politiques  et  militaires  depuis 

[35  jusqu'à  1660.  Le  style  en  est  coulant  et 

turel,  mais  assez  négligé.   Les  faits  y  sont 

F  ;ontés  avec  beaucoup  d'ordre  et  de  clarté , 

ps  passion  surtout,  et  en  plus  d'une  circons- 

hce  on  peut  l'opposer  avec  succès  au  cardinal 

f  Retz.  L'auteur  de  L'Esprit  de  la  Fronde  était 

ivis  qu'on  trouverait  difficilement  «  un  recueil 

In  nourri ,  plus  plein  de  choses,  et  en  général 

(as  exact  et  plus  fidèle  ».  Les  Mémoires  de 

ftvntglat  ont  été  réimprimés  dans  la  Collection 

pô  Mémoires  de  Michaud  et  Poujoulat.  Il  avait 

boisé  Cécile  de  Cheverny,  petite-fille  du  chan- 

aUr  de  ce  nom ,  et  connue  par  ses  amours 

ve<  Bussy-Rabulin. 

Soi  fils ,  Louis ,  comte  de  Cheverny  ,  né  en 
344  mort  le  6  mai  1722,  à  Paris,  devint  suc- 
essîwment  menin  du  grand  dauphin,  ambas- 
ideu!  en  Allemagne  et  en  Danemark ,  gouver- 
|2ur  lu  duc  de  Chartres  et  conseiller  d'État, 
in  168)  il  se  maria  avec  MUe  de  Saumery,  nièce 
fe  CoUert,  et  parvint  par  cette  alliance  à  réta- 
!  ir  les  affaires  de  sa  maison.  P.  L. 

jMoréri,  Srand  Dict.  Hist.  —  avertissement  du  P.  Bou- 
dant. 

!  montcolfier  (Joseph- Michel  et  Jacques- 
\  tienne  ),  inventeurs  des  aérostats  à  air  échauffé, 
i  i  mon  tgolfières ,  étaient  frères,  et  naquirent 
lus  deux  à  Vidalon-lès-Annonay,  le  premier  en 
i740  ;  le  second ,  le  7  janvier  1745;  Etienne 
(ourut  à  Serrières,  le  2  août  1799;  Joseph 
lourut  aux  eaux  de  Balaruc,  le  26  juin  1810. 
leur  père  dirigeait  une  papeterie  importante, 
jiseph  fut  placé  au  collège  de  Tournon ,  mais 
a  raconte  qu'à  l'âge  de  treize  ans  il  s'enfuit  de 
|st  établissement.  Ses  parents  le  retrouvèrent 
jins  une  métairie  où  il  était  occupé  à  cueillir 


MONTGOLFIER 


274 


des  feuilles  de  mûrier  pour  les  vers  à  soie.  On 
le  remit  entre  les  mains  de  ses  professeurs,  qui 
parvinrent  avec  peine  à  triompher  de  son  dégoût 
pour  l'étude.  L'amour  de  l'indépendance  lui  fit 
encore  quitter  sa  ville  natale  pour  aller  s'en- 
fermer à  Saint-Étienne  ,  dans  un  réduit  obscur, 
où  il  vivait  de  privations.  11  s'y  livra  à  des  ex- 
périences chimiques,  fabriquant  du  bleu  de 
Prusse  et  différents  sels,  utiles  aux  arts,  qu'il  col- 
portait lui-même  dans  le  Vivarais.  Le  désir  de 
connaître  les  savants  l'amena  à  Paris ,  et  en  fit 
un  habitué  du  café  Procope.  Son  père  le  rappela 
pour  partager  avec  lui  la  direction  de  sa  manu- 
facture :  Joseph  voulut  y  mettre  en  essai  ses 
idées  de  perfectionnement  ;  mais  Montgolfier  le 
père,  attaché  à  des  procédés  qui  faisaient  la 
prospérité  de  son  industrie,  s'y  opposa.  Con- 
trarié dans  ses  goûts,  Joseph  s'associa  un  de 
ses  frères,  et  forma  deux  nouveaux  établisse- 
ments, l'un  à  Voiron,  l'autre  à  Beaujeu.  Là, 
son  esprit  inventif  put  s'exercer  en  toute  liberté. 
Mais  des  spéculations  hasardées,  des  expériences 
ruineuses ,  et  son  insouciance  naturelle ,  déran- 
gèrent bientôt  sa  fortune.  Il  était  déjà  parvenu  à 
simplifier  la  fabrication  du  papier  ordinaire,  il 
avait  amélioré  celle  des  papiers  peints ,  imaginé 
une  machine  pneumatique  à  l'effet  de  raréfier 
l'air  dans  les  moules  de  sa  fabrique ,  etc.,  lors- 
que ses  découvertes  aérostatiques  rendirent  son 
nom  européen. 

Etienne  avait  mieux  profité  de  sa  jeunesse. 
Envoyé  de  bonne  heure  au  collège  Sainte-Barbe, 
à  Paris,  il  avait  étudié  avec  succès  le  latin 
et  les  mathématiques.  Comme  on  le  destinait  à 
l'architecture,  on  lui  donna  Soufflot  pour  maître; 
il  se  livra  ensuite  à  toutes  sortes  d'expérien- 
ces (1).  Quand  son  père  l'appela  pour  le  mettre 
à  la  tête  de  sa  manufacture  de  papiers,  Etienne 
apporta ,  sous  des  cheveux  blanchis  avant  l'âge 
de  trente  ans ,  un  trésor  d'idées  mûries  par  l'é- 
tude* S'il  avait,  comme  son  aîné,  le  goût  des 
recherches ,  il  était  trop  profond  mathématicien 
pour  donner  autant  que  lui  au  hasard.  Il  rendit 
bien  vite  ses  connaissances  fructueuses  et  son 
établissement  florissant.  Il  inventa  plusieurs  ma- 
chines nouvelles,  introduisit  des  procédés  plus 
simples ,  et  des  améliorations  dans  les  colles , 
dans  les  séchoirs ,  etc.  ;  sa  sagacité  devina  te 
secret  du  papier  vélin  et  plusieurs  méthodes  des 
ateliers  hollandais  et  anglais ,  dont  il  fit  présent 
à  son  pays.  Il  commençait  donc  à  être  avanta- 
geusement connu  dans  l'industrie,  lorsque  son 
nom  fut  lié  à  celui  de  son  frère  dans  l'invention 
des  aérostats. 

Suivant  les  uns,  Etienne,  revenant  de  Mont- 
pellier, où  il  avait  acheté  et  lu  attentivement 
l'ouvrage  de  Priestley,  Sur  les  différentes  Es- 


(1)  Le  comte  Boissy  d'Angtas  nous  apprend  que  «  il 
existe  dans  les  environs  de  Paris  des  églises  et  des  mai- 
sons particulières  bâties  d'après  ses  plans  et  sous  sa  di- 
rection qui  attestent  tout  à  la  fois  et  ses  talents  et  sou 
bon  goût.  » 


275  MONTGOLFIER 

pèces  d'air,  réfléchissait  profondément  sur  ce 
qu'il  avait  appris,  lorsque,  montant  sur  la  côte 
de  Serrières,  son  esprit  fut  frappé  de  la  possibi- 
lité de  voyager  dans  l'espace  en  s'emparant  d'un 
gaz  plus  léger  que  l'air.  «  Nous  pouvons  main- 
tenant voguer  dans  l'air!  »  s'écrie-t-il  en  rentrant 
chez  lui,  et  cette  idée,  confiée  à  son  frère,  et 
mûrie  entre  eux,  devint  le  germe  d'une  des  plus 
belles  inventions  modernes.  Suivant  d'autres,  ce 
serait  une  chemise  que  l'on  faisait  chauffer  et 
qui  voltigeait  au-dessus  du  feu ,  qui  aurait  donné 
à  Etienne  la  première  idée  des  ballons;  idée 
qu'il  aurait  mise  de  suite  en  pratique  à  la  fumée 
de  son  foyer,  en  faisant  une  expérience  aérosta- 
tique avec  une  sorte  de  cornet  de  papier.  Selon 
d'autres,  enfin,  Joseph  se  trouvait  à  Avignon, 
en  novembre  1782,  pendant  le  siège  de  Gi- 
braltar; seul,  au  coin  de  sa  cheminée,  et  dis- 
posé à  la  rêverie ,  il  se  demandait  s'il  ne  serait 
pas  possible  que  les  airs  offrissent  un  moyen 
pour  pénétrer  dans  la  place  assiégée.  Des  va- 
peurs telles  que  la  fumée  qui  s'élève  sous  ses 
yeux ,  et  qui  va  yoyager  dans  les  cieux  sous 
forme  de  nuages,  emmagasinées  en  quantité 
suffisante,  une  petite  nuée  enfermée,  lui  parais- 
sent le  principe  d'une  force  ascensionnelle  assez 
considérable  :  sur-le-champ,  il  construit  un  petit 
parallélipipède  de  taffetas,  contenant  environ 
quarante  pieds  cubes  d'air,  en  échauffe  l'inté- 
rieur avec  du  papier  qu'il  allume  dessous  ,  et  le 
voit  avec  satisfaction  s'élever  jusqu'au  plafond. 
Aussitôt  il  répète  l'expérience  dans  son  jardin , 
et  l'appareil  s'élève  jusqu'à  une  hauteur  de  trente- 
six  pieds.  «  On  a  prétendu ,  dit  le  comte  Boissy 
d'Anglas,  que  le  hasard  avait  été  pour  beaucoup 
dans  l'invention  des  aérostats,  et  l'on  raconte 
même  à  cet  égard  des  anecdotes  dont  je  puis 
garantir  la  fausseté...  La  découverte  des  frères 
Montgolfier  fut  pour  eux  bien  certainement  le 
résultat  d'une  théorie  appuyée  sur  des  faits  et 
des  observations  qui  avaient  échappé  jusque 
alors  à  l'attention  des  hommes  vulgaires.  Ils  re- 
connurent qu'il  serait  possible  d'élever  à  une 
très-grande  hauteur  une  masse  d'un  très-grand 
poids ,  en  remplissant  son  intérieur  d'un  fluide 
plus  léger  que  l'air  atmosphérique  dont  elle  se- 
rait entourée,  de  telle  sorte  que,  n'étant  plus 
en  équilibre  avec  lui ,  elle  pût  s'élever,  par  sa 
légèreté  relative,  comme  une  bouteille  vide 
surnage  au-dessus  de  l'eau,  étant  devenue,  en 
se  remplissant  d'air,  plus  légère  qu'elle;  ils 
n'eurent  plus  alors  qu'à  trouver  ce  fluide,  et  ce 
fut  l'air  atmosphérique  lui-même ,  raréfié  par  la 
chaleur,  qui  le  devint.  »  Quoi  qu'il  en  soit,  unis 
désormais  dans  le  même  but ,  les  deux  frères 
confondirent  leurs  efforts  pour  arriver  à  un  ré- 
sultat. Les  calculs,  les  épreuves,  tout  se  fit  en 
commun  ;  et  après  s'être  assurés ,  par  de  nou- 
veaux essais,  de  la  justesse  deleurs  combinaisons, 
ils  se  décidèrent  à  en  faire  part  au  public. 

On  a  dit  que  les  frères  Montgolfier  avaient  d'a- 
bord pensé  au  gaz  hydrogène:  ce  n'est  pas  pour- 


tant de  ce  côté  qu'ils  dirigèrent  leurs  rech 
ches.  Ils  connaissaient  sans  doute  l'insuccès  ( 
essais  de  Cavalla ,  et  la  difficulté  de  retenir 
gaz  dans  les  enveloppes.   Ils   cherchèrent 
autre  gaz,  et  crurent  l'avoir  trouvé  dans  la  co 
bustion  d'un  mélange  de  paille  hachée  et 
laine  cardée.  Joseph  Montgolfier  croyait  ment 
au  dire  de  Mathon  de  La  Cour,  que  l'électric 
jouait  un  rôle  dans  cette  opération.  Il  fallut 
temps  pour  convaincre  les  Montgolfier  que  c 
tait  tout  simplement  à  la  raréfaction    de  J' 
échauffé  qu'ils  devaient  l'ascension  de  leurs  glol 
remplis  de  fumée.  Ils  essayèrent  leur  prott 
aux  Célestins  près  d'Annonay,  et  le  succès* 
passa  leurs  espérances.  Un  parallélipipède 
taffetas  s'éleva  en  plein  air  à  une  hauteur 
soixante-dix  pieds.  Un  plus  grand  appareil, 
six  cent  cinquante  pieds  cubes,  s'éleva  avec 
même  facilité.    Les  états  du    Vivarais  étal» 
alors  assemblés.  Les  frères  Montgolfier  invi> 
rent  messieurs  des  états >  à  une  expérience  qui 
comptaient  faire  publiquement  sur  la  place  de 
ville.  Le  5  juin  1783,  le  corps  entier  des  ét- 
se  rendit  à  l'endroit  désigné.  Au  milieu  de. 
place  un  gros  ballon  de  cent  dix  pieds  de  < 
conférence  était  posé  par  son  pôle  inférieur  i 
un  châssis  de  seize  pieds;  ce  ballon  était  en  t( 
couverte  de  papier;  ii  avait  trente-cinq  pieds 
hauteur  et  présentait  l'aspect  d'un  grand  sac  a1 
des  plis  de  tous  côtés.  Il  pesait  quatre  cent  tre 
livres  et  lût  chargé  de  plus  de  quatre  cents 
vres  de  lest.  «  Messieurs  des  états ,  s'écria  1! 
des  inventeurs,  nous  allons  remplir  ce  grand  ; 
avec  une  vapeur  que  nous  savons  faire ,  et  y< 
allez  le  voir  s'enlever  jusqu'aux  nues.  »  On  : 
luma  sous   l'ouverture  du  ballon  de  la  pi- 
mêlée  avec  de  la  laine  cardée.  Peu  à  pet 
ballon  se  remplit,  prend  une  forme  sphéroïralu 
huit  hommes  suffisent  à  peine  pour  le  refèû 
On  lâche  ;  en  dix  minutes  on  constate  qie 
ballon  s'est  élevé  à  une  hauteur  de  mille  toisf 
puis  il  descend  majestueusement  dans  ces  ■> 
gnes  voisines,  à  deux  mille  sept  cents  puds  < 
lieu  d'où  il  était  parti. 

Le  succès  de  l'expérience  d'Annonay  se  r 
pandit  partout.  L'intendant  de  la  provnce  i 
transmit  la  nouvelle  à  l'Académie  des  Science 
énonçant  simplement  le  procédé  des  Montg< 
fier.  L'Académie  ne  se  méprit  pas  su:  la  véi 
table  cause  de  l'ascension  des  mon:golfière 
la  raréfaction  de  l'air.  Lalande,  ei  renda 
compte  de  cet  événement,  ajoutait  :  «  No 
dîmes  tous,  cela  doit  être  ;  comment  n'y  a-t-t 
pas  pensé?  »  La  France  accueillit  arec  entho 
siasme  la  nouvelle  découverte.  L'Académie  d 
Sciences  invita  les  Montgolfier  à  venir  à  Pai 
renouveler  leurs  expériences  sous  les  yeux  > 
ce  corps  savant,  et  à  ses  frais.  Etienne  Moi 
golfier  se  rendit  aux  vœux  de  r  Académie, 
arriva  quelques  jours  après  l'expérience  tent 
au  Champ-de-Mars  par  Charles  avec  un  balli 
rempli  de  gaz  hydrogène.  L'Académie  charg 


77 

tienne  Montgolfier  de  construire  un  aérostat 
e  soixante-dix  pieds  de  hauteur  sur  quarante 
e  diamètre.  11  fit  fabriquer  une  espèce  de  sac 
■  r»  toile  de  forme  ovale  qu'il  recouvrit  d'un  pa- 
lier bleu  d'azur  avec  des  ornements  dorés.  Le 
2  septembre  1783,  en  présence  des  commis- 
u'res  de  l'Académie,  Cadet,  Bossut,  Lavoisier  et 
'esmarets,  on  alluma  au-dessous  de  l'ouverture 
iférieure  de  l'aérostat  un  grand  feu  de  paille 
t  de  laine  hachée  ;  en  dix  minutes  il  fut  gontlé 
t  prêt  à  partir;  une  pluie  battante  survint,  ac- 
jmpagnée  d'un   vent  épouvantable;  l'appareil 
lit  complètement  détruit.  Une  autre  expérience 
,it  annoncée  pour  le  19  septembre  à  Versailles, 
n  présence  du  roi.  En  cinq  jours  on  fabriqua 
ae  aérostat  tout  en  toile  couverte  de  papier 
eint  décoré  d'L  entrelacées.  On  construisit  dans 
grande  cour  du  phâteau  de  Versailles  une 
ispèce  de  tliéâtre  percé  au  milieu  d'une  ouver- 
ire  de  plus  de  quinze  pieds  de  diamètre.  Le 
îllon  fut  placé  plié  transversalement  sur  cette 
averture.  Un  entourage  en  toile  peinte  couvrit 
réchaud  et  les  opérateurs,  et  servit  d'enton- 
air  pour  porter  la  fumée  dans  l'intérieur  de 
îérostat.  A  midi  le  roi  et  la  reine  se  rendirent 
ans  l'enceinte  et  pénétrèrent  sous  la  machine, 
a  place  était  couverte  de  spectateurs.  On  al- 
ima  un  feu  de  paille  et  de  laine ,  et  à  une  heure 
ballon  se  gonfla  avec  rapidité ,  mais  un  coup 
i  vent  lui  fit  une  longue  fente  vers  le  sommet, 
ontgolfier  ne  perdit  pas  courage.  Il  jeta  un  peu 
s  paille  de  plus  sur  son  brasier,-  on  coupa  les 
)rdes  et  l'énorme  aérostat,  s'élança  vivement  en 
,air,  emportant  une  cage  d'osier  qu'on  y  avait 
,,!  ttachée,  dans  laquelle  se  trouvaient  un  mouton, 
j  m  coq  et  un  canard.  Arrivé  à  deux  cent  qua- 
rante toises  de  hauteur  le  ballon  s'arrêta,  plana 
j]  i|uelques  instants ,  et  alla  s'abattre  dans  le  bois 
l| [le  Vaucresson.  Au  moment  de  la  descente,,  la 
1 1  orde  qui  tenait  la  cage  passa  contre  une  pile 
Jile  bois  et  se  coupa  :  les  animaux  furent  déta- 
Bhés  :  le  coq  eut  l'épaule  écorebée ,  d'autres 
.■♦retendirent  que  le  mouton  s'était  brisé  la  tête, 
||:t  une  vive  polémique  s'engagea  à  ce  sujet  dans 
ji'aris.  k 

[i  Les  Montgolfier  devinrent  l'objet  de  mille  at- 
entions.  Une  souscription  nationate  leur  remit 
j  me  médaille  d'or  ;  Etienne  construisit  un  aérostat 
1  Jans  lequel  Pilâtre  de  Rozier  monta,  en  le  fai- 
j»ant  retenir  captif  par  des  cordes.  D'autres  es- 
sayèrent du  même  jeu  ,  des  dames  en  firent  au- 
1[ant;  enfin,  Pilâtre  de  Rozier  osa  s'élancer  li- 
| brement  dans  les  airs  sur  une  montgolfière  le 
>i!l  novembre,  en  partant  du  château  de  la  Muette. 
|L.e  9  décembre  1783,  l'Académie  des  Sciences 
1  porta  les  deux  frères  Montgolfier  sur  la  liste  de 
j  |es  associés  surnuméraires  ,  ainsi  que  Charles , 
1  |Pilâlre  de  Rozier  et  d'Arlandes.  Quelques  jours 
1  ïiprès  le  roi  décora  Etienne  Montgolfier  du  cordon 
;  lie  Saint  Michel,  fit  une  pension  de  1,000  livres 
|  ji  Joseph  Montgolfier  et  accorda  des  lettres  de 
jQoblessc  à  leur  père.  Pendant  ce  temps,  une 


MONTGOLFIER  278 

autre  expérience  se  préparait  à  Lyon,  sous  la 
direction  de  Joseph  Montgolfier.  L'intendant  Fies- 
selles  ayant  réuni  un  certain  nombre  de  souscrip- 
teurs, on  fit  construire  un  ballon  décent  vingt-six 
pieds  de  hauteur  sur  cent  soixante  de  diamètre. 
L'enveloppe  était  composée  de  deux  toiles  d'étou- 
pes  entre  lesquelles  on  piqua  trois  feuilles  de  pa- 
pier froissé  ;  d'intervalle  en  intervalle,  des  rubans 
de  fil ,  et  ensuite  des  cordes  donnaient  plus  de 
consistance  à  cet  assemblage.  Cet  appareil  de- 
vaitd'abord  emporter  un  cheval.  Après  le  voyage 
de  Pilâtre  de  Rozier,  on  résolut  d'emporter  des 
voyageurs;  trente  à  quarante  personnes  se  firent 
inscrire.  Pilâtre  de  Rozier  vint  lui-même  à  Lyon, 
et  fit  faire  des  changements  indispensables.  Le 
7  janvier  1784,  toutes  les  pièces  qui  devaient 
former  le  ballon  furent  portées  sur  l'estrade 
qui  lui  était  destinée  aux  Brotteaux.  On  tra- 
vailla plusieurs  jours  à  les  monter.  Dans  la  nuit 
du  15  au  16,  une  pluie  suivie  de  gelée  vint  con- 
trarier l'opération;  on  força  le  feu  pour  gonfler  le 
ballon  ,  le  feu  prit  à  la  calotte  ;  des  pompes  pla- 
cées sur  l'estrade  l'éteignirent  promptement;  on 
refit  la  calotte  pendant  la  nuit;  le  lundi  19,  on 
gonfla  de  nouveau  le  ballon;  il  paraissait  percé 
d'une  multitude  de  trous.  Le  filet  avait  été 
remplacé  par  des  cordes.  Dès  que  le  ballon  fut 
enflé ,  le  prince  Charles  de  Ligne ,  les  comtes  de 
Laurencin,  de  Dampierre  et  de  La  Porte  se 
jetèrent  dans  la  galerie.  Pilâtre  de  Rozier  et 
Joseph  Montgolfier  ne  voulaient  emmener  qu'une 
personne  ;  au  milieu  de  la  discussion  on  coupa 
les  cordes  et  les  deux  aéronautes  n'eurent  que 
le  temps  de  se  précipiter  dans  la  galerie,  avec 
un  nommé  Fontaine ,  qui  avait  eu  beaucoup  de 
part  à  la  construction  de  la  machine.  Cet  appareil 
s'éleva  lentement.  Sa  forme  était  celle  d'un  globe 
terminé  en  bas  par  un  cône  renversé  et  tronqué 
qui  portait  la  galerie.  La  hauteur  à  laquelle  ce 
globe  s'éleva  fut  estimée  de  quatre  ou  cinq 
cents  toises;  les  voyageurs  observèrent  qu'ils 
ne  consommaient  pas  dans  les  airs  le  quart  du 
combustible  qu'il  leur  fallait  à  terre  pour  gonfler 
le  ballon  ;  ils  voulurent  forcer  le  feu  pour  monter . 
plus  haut  ;  il  se  fit  une  ouverture  verticale  de 
quatre  pieds  et  demi  près  de  la  nouvelle  calotte , 
et  la  machine  alla  descendre  après  quinze  mi- 
nutes de  marche  dans  un  pré  derrière  la  maison 
de  l'architecte  Morand.  La  descente  se  fit  en 
deux  ou  trois  minutes ,  et  cependant  le  choc 
de  l'arrivée  fut  supportable.  Dès  que  l'appareil 
eut  touché  terre,  toutes  les  toiles  s'abattirent 
et  se  replièrent  en  deux  ou  trois  secondes.  Les 
voyageurs  furent  dégagés  sans  accident  et  ra- 
menés en  triomphe  vers  la  ville.  La  machine 
avec  son  lest  devait  peser  huit  milliers ,  elle  en 
pesait  quatorze.  Néanmoins  ou  chansonna  les 
voyageurs  et  l'aérostat  qui ,  dans  ce  voyage,  al- 
lait,  disait-on ,  ventre  à  terre. 

Comme  il  arrive  à  presque  tous  les  inventeurs, 
les  frères  Montgolfier  se  virent  bientôt  dépassés 
par  leurs  compétiteurs.  De  tous  côtés  des  ascen- 


279 


MONTGOLFIER 


2! 


sions  eurent  lieu ,  des  essais  furent  faits  sans 
leur  concours.  Les  montgolfières  parurent  bien 
vite  devoir  être  abandonnées.  «  11  manquait  à 
cette  merveilleuse  invention,  dit  le  comte  Boissy- 
d'Anglas ,  le  complément  qui  pouvait  seul  lui 
donner  une  grande  influence  sur  toutes  les  com- 
binaisons humaines ,  l'art  de  se  diriger  dans  les 
airs.  Les  frères  Montgolfier  en  firent  le  sujet  de 
leurs  études  et  de  leurs  essais  :  ils  ne  le  jugeaient 
pas  impossible,  et  quelques  combinaisons  physi- 
ques et  mécaniques  qu'ils  se  proposaient  de  teuter 
leur  paraissaient  pouvoir  atteindre  à  ce  but  ;  mais 
il  fallait  de  nombreuses  expériences  nécessaire- 
ment dispendieuses,  et  leur  fortune  était  médiocre  ; 
le  gouvernement  les  avait  laissés  presque  sans 
récompense...  Après  de  longues  sollicitations, 
quelques  secours  insuffisants  et  fort  modiques 
leur  furent  attribués  pour  cela;  ils  les  eurent 
bientôt  consommés.  On  leur  en  promit  d'autres, 
qu'on  ne  leur  donna  point ,  et  la  révolution  qui 
survint  durant  le  cours  de  ces  nouvelles  expé- 
riences les  interrompit,  et  leur  ôta  les  moyens 
de  les  continuer.  Déjà  ils  avaient  construit  un 
aérostat  en  soie,  d'une  très-grande  capacité  et 
d'une  forme  lenticulaire,  lequel,  en  s'élevant  et 
s'abaissant  à  volonté ,  par  l'augmentation  et  la 
diminution  de  la  chaleur,  se  rapprochait  plus  ou 
moins  rapidement  d'un  point  déterminé;  ils 
avaient  aussi  l'idée  d'appliquer  à  leurs  aéros- 
tats, qu'ils  avaient  rendus  moins  fragiles,  la 
puissance  de  la  machine  à  vapeur  dont  ils 
avaient  étudié  la  théorie  avec  une  extrême  at- 
tention. » 

Franklin  avait  dit  en  parlant  des  aérostats  : 
«  Cette  découverte  est  un  enfant  qui  promet  beau- 
coup ,  mais  il  faudra  voir  quelle  sera  son  édu- 
cation. »  Une  somme  de  40,000  livres  avait  été 
mise  à  la  disposition  des  frères  Montgolfier  pour 
rechercher  les  moyens  de  diriger  les  ballons 
en  l'air.  Ils  firent  quelques  essais  infructueux. 
Après  la  cessation  de  ses  expériences ,  Etienne 
retourna  à  sa  manufacture,  et  reprit  ses  travaux 
ordinaires.  Dès  les  premiers  temps  de  la  révo- 
lution ,  il  fut  nommé  d'abord  procureur  syndic 
de  son  district,  puis  administrateur  de  son  dé- 
partement. Dénoncé  plusieurs  fois  pendant  la 
terreur,  il  dut  son  salut  à  l'attachement  de  ses 
ouvriers.  Les  malheurs  de  la  révolution  l'affec- 
tèrent vivement  ;  malade  du  cœur,  il  se  rendit 
à  Lyon  avec  sa  famille ,  et  voyant  les  secours 
de  l'art  inutiles ,  il  résolut  d'épargner  à  sa  femme 
et  à  ses  enfants  le  spectacle  de  ses  derniers  mo- 
ments. 11  partit  seul  pour  Anuonay,  et  mourut  en 
chemin,  comme  il  l'avait  prévu. 

Bonaparte  décora  Joseph  Montgolfier  de  la 
Légion  d'Honneur  lorsqu'il  distribua  des  insi- 
gnes de  cet  ordre  aux  citoyens  qui  avaient  con- 
tribué aux  progrès  de  l'industrie  nationale. 
Plus  tard ,  il  fut  nommé  administrateur  du  Con- 
servatoire des  Arts  et  Métiers,  et  membre  du 
bureau  consultatif  des  arts  et  manufactures  près 
le  ministère  de  l'intérieur.  En  1807,  J.  Montgol- 


fier prit  place  à  l'Institut  ;  il  eut  une  grande  pa 
à  l'établissement  de  la  Société  d'Encourageme 
pour  l'Industrie  nationale,  organisée  en  l'an 
(1802).  Il  en  forma  le  projet,  dans  une  prom 
nade  à  la  campagne  avec  quatre  de  ses  ami 
On  doit  encore  à  Joseph  Montgolfier  l'inventit 
du  bélier  hydraulique  (1),  qu'il  mit  pour  la  pr 
mière  fois  en  usage  en  1792,  à  sa  papeterie  i 
Voiron,  et  qu'il  perfectionna  depuis  à  Pari 
Le  même  Joseph  imagina  un  calorimètre  pouf  d 
terminer  la  qualité  des  différentes  tourbes  < 
Dauphiné;  il  exécuta  une  presse  hydraulique 
inventa  un  ventilateur  pour  distiller  à  froid,  I 
le  seul  contact  de  l'air  en  mouvement,   ain 
qu'un  appareil  pour  la  dessiccation  en  grand  et 
froid  des  fruits  et  autres  objets  de  première  n 
cessité  qu'on  rétablit  ensuite  dans  leur  état  pi 
mitif  en  leur  restituant  l'eau  dont  ils  ont  é 
privés.  Frappé  d'une  apoplexie  qui  lui  ôta  l'usa; 
de  la  parole,  Joseph  Montgolfier  se  rendit  ai 
eaux  de  Balaruc,  où  il  mourut.  On  a  de  lui 
Discours  sur   l'aérostat,   prononcé  dans  ui 
séance  de  l'Académie  de  Lyon,  en  1783;  Paris 
1784,  in-8°;    —  Mémoires  sur  la  machii 
aérostatique  (avec  son  frère)  ;  1784,  in-8c 
—  Ballons   aérostatiques   (  avec  son  frère  ) 
Berne,  1784,  in-8°;  —  Les  Voyageurs  aériens 
1784,  in-8°  ;  —  Note  sur  le  Bélier  hydrauliqv 
et  sur  la  manière  d'en  calculer  les  effets 

(1)  Cette  machine  Ingénieuse,  que  l'inventeur  appel 
modestement  un  outil,  sert,  «  au  moyen  d'une  chute  d'es 
donnée,  à  élever  avec  facilité  une  partie  de  ces  mèmi 
eaux  à  une  hauteur  Indéterminée  ,«t  toujours  propo) 
tionnelle  pour  la  quantité   à  la  hauteur  de  leur  ascei 
sion   divisée  par  la  hauteur   de  la  chute,  à   quelqui 
pertes  prés ,  à  cause  des  frottements  ».  Le  bélier  hydrai 
lique  se  compose  d'un  tube  vertical  qui  reçoit  l'eau  i 
la  chute  dont  on  peut  disposer,  et  se  décharge  dans  u  I 
tube  horizontal   en  relation  à   son  extrémité  avec  un 
chambre  à  air  dans  laquelle  plonge  un  tuyau  d'aseci  j 
sion  beaucoup  plus  mince  que  les  autres.  La  commun 
cation  du  tube  horizontal  avec  la  chambre  à  air  est  il 
terceptée  par  une  soupape  s'ouvrant   de  bas  en  haut; 
côté   de  la  chambre  à  air  le  tube  horizontal  est  perc  j 
d'une  ouverture  close  par  une  soupape    s'ouvrant   d:i 
haut  en  bas.  Si  maintenant  l'on  fait  descendre  de  l'ea 
par  le  petit  tube    d'ascension  dans   la  chambre   à  ai 
jusqu'à  comprimer  cet  air  dans  le  haut  de  la   chambr  | 
et  a   remplir   ce   tube,   la   soupape  d'ascension    de   I 
chambre  à  air  se  trouve  fermée  ;  si  d'un  autre  côté  1 
tube  horizontal  est  plein  d'eau  la  soupape  d'écoulemen 
est  également  fermée.   baisant   tomber  de  l'eau  par  t 
tube  vertical ,  il  en  résulte  une  colonne  active  qui  donn» 
un   mouvement  proportionnel  à  la  colonne  passive  di 
tube  horizontal,  lorsque  la  soupape  d'écoulement  es 
ouverte.  Son  poids  ayant  été  calculé  poui  faire  équilibn 
à  une  certaine  force ,  lorsque  cette  force  est  atteinte  pa 
la  pression  donnée  à  l'eau  de  la-  colonne  passive,  cetti 
soupape  se  ferme  ,  et  l'eau  n'a  plus  d'autre   issue  qui 
par  la  soupape  d'ascension,  qu'elle  soulève  alors.  L'eai 
entre  dans  la  chambre  à  air,  dont  la  compression  réagi 
sur  le  tube  d'ascension.  L'eau  monte  par  ce  tube,  à  uni 
grande  hauteur,  jusqu'à  ce  que  la  compression  de   l'ali 
fasse  équilibre  à  la  force  de  pression  de  l'eau  du  tube  ho- 
rizontal. La  soupape  d'ascension  se  ferme  alors,  la  sou- 
pape d'écoulement  se  rouvre,  et  le  raômé  effet  se  repro- 
duit alternativement  tant  que  la  chute  utilisée   fournil 
de  l'eau.  Le   poids  des  soupapes  est  calculé  de  manière 
que  l'une  agit  dès  que  l'autre  s'arrête,  et  la  compression 
de  l'air  dans  la  chambre  suffit  pour  donner  un  écoule- 
ment continu  en  pressant  encore  la  colonne  d'ascension 
après  la  fermeture  de  la  soupape  d'ascension. 


91 


MONTGOLFIER  — 


aris,  1803,  in-8°  (extrait  du  Journal  des  Mi- 
es);— Stir  le  Bélier  hydraulique  et  Nou- 
lles  Expériences  sur  le  Bélier  hydraulique, 
[ms  le  même  journal,  tomes  XV  et  XVIII;  1803 
I  1805;  —  Description  et  usages  d'un  Calo- 
\  mètre ,  ou  appareil  propre  à  déterminer 
i  degré  de  chaleur  ainsi  que  l'économie  qui 
fsulte  de  l'emploi  du  combustible  (  même 
urnal ,  tome  XIX,  1806  )  ;  —  Mémoire  sur  la 
nssibilité  de  substituer  le  Bélier  hydraulique 
\  l'ancienne  machine  de  Marly  (  dans  le  Jour- 
\ilde  V Ecole  Polytechnique,  tome  VII,  1808). 
I  M"mc  Montgolfier  est  morte  à  Paris,  en  1845,  à 
'Ige  de  cent  onze  ans.  Elle  avait  conservé  la 
j  le ,  l'ouïe ,  l'exercice  de  ses  jambes  et  une  ex- 
Nlente  mémoire,  qu'elle  perdit  seulement  deux 
urs  avant  de  mourir.  L.  Louvet. 

pelarobre.  Éloge  de  Joseph  Montgolfier.  —  De  Gé- 
ndo  ,  Éloge  de  Montgolfier.  —  Comte  de  Boissy-d'An- 
t  is ,  dans  le  Dictionnaire  de  la  Conversation.  —  Biogr. 
\\iv.  et  portât,  des  Contemp.  —  3.  Turgan,  Les  Ballons. 
il  Mémoires  secrets,  ou  journal  d'un  observateur  ;  178t. 
j  Mathoa  de  La  Cour,  Lettre  sur  l'ascension  des  Fles- 

:  'lCS. 

[  montgomery  (Jacques  de),  sire  de  Lorges, 
I  pitaine  français,  mort  en  juillet  1562.  Il  était  fils 
j  i  Robert  de  Montgomery,  seigneur  écossais ,  qui 
fait  pris  du  service  sous  François  I,r,  et  se  rat- 
chait  par  les  femmes  à  Jacques  Ier,  roi  d'É- 
sse.  Jacques  de  Lorges  se  distingua  de  bonne 
jure  par  son  courage,  et  fut  mis  à  la  tête  d'une 
>mpagnie  de  cent  lances.  Il  se  trouvait  chez  le 
pmte  de  Saint-Pol ,  en  Touraine,  lorsque  Fran- 
)is  Ier  s'avisa,  par  une  folie  de  jeunesse,  de 
enir  assiéger  le  comte  dans  son  château  le  len- 
emain  du  jour  des  Rois  (1521).  L'assaut  eut 
eu  selonles  règles  de  la  guerre.  Les  assiégeants 
pmme  les  assiégés  combattaient  avec  des  boules 
e  neige,  des  œufs  durs  et  des  pommes.  Bien- 
nt  les  munitions  des  gens  du  château  s'épui- 
ferent.  «  Étant  enfin  toutes  armes  faillies  pour 
i  défense  de  ceux  de  dedans ,  dit  Martin  du 
fellay,  ceux  de  dehors,  forçant  la  porte,  quelque 
nal  avisé  jeta  le  tison  de  bois  par  la  fenêtre,  et 
pmba  un  tison  sur  la  tête  du  roi,  de  quoi  il  fut  fort 
[lessé...  Mais  le  gentil  prince  ne  voulut  jamais 
[u'on  informât  qui  avait  jeté  le  tison,  disant  que 
[il  avait  fait  la  faute  il  fallait  qu'il  en  bût  sa  part.  » 
te  mal  avisé  n'était  autre,  à  ce  qu'on  assure,  que 
Jacques  de  Lorges,  dont  le  fils  devait  acquérir  une 
i  triste  célébrité  en  tuant  par  maladresse  le  roi 
tanri  II.  Dans  cette  même  année  (1521),  il 
ffiussit  à  ravitailler  Mézières,  que  Charles  Quint 
priait  étroitement  assiégé ,  et  soutint  même  sous 
p  murs  de  la  place  un  combat  singulier  avec 
n  des  chefs  de  l'armée*  impériale.  En  1543  il 
evint  colonel  d'une  légion  de  trois  mille  soldats 
bvés  en  Picardie.  En  1544  il  succéda  à  Jean 
Btuart,  comte  d'Aubigny,  dans  la  charge  de 
kapitaine  de  la  garde  écossaise.  Nommé ,  par 
provisions  du  8  mars  1545,  lieutenant  général 
Commandant  les  troupes  que  le  roi  envoyait  en 


cosse  au  secours  de  la  régente  Marie  de  Lor- 


MONTGOMERY  282 

raine ,  il  arriva  à  Edimbourg  au  mois  de  juillet, 
combattit  sans  trop  de  désavantage  sur  les  fron- 
tières, et  n'évacua  le  pays  qu'après  la  conclusion 
de  la  paix  (  7  juin  1546).  Il  assista  en  1557  à  la 
bataille  de  Saint-Quentin,  et  se  jeta  dans  Noyon 
pour  le  défendre  contre  les  Espagnols.  Il  reprit 
le  1er  janvier  1559  le  commandement  des  gardes 
et  des  gendarmes  écossais,  qu'il  avait  résigné 
l'année  précédente  à  son  fils ,  et  le  conserva  jus- 
qu'à sa  mort.  En  1 543  il  avait  acheté  de  Fran- 
çois d'Orléans ,  marquis  de  Rothelin ,  le  comté 
de  Montgomery,  situé  en  Normandie.  P..L. 
Martin  du  Bellay,  Mémoires.  —  Moréri,  Grand  Dict. 
Hist. 

montgomery  (Gabriel,  comte  de),  capi- 
taine français,  fils  aîné  du  précédent,  né  vers 
1530,  exécuté  le  25  mai  1574,  à  Paris.  D'abord 
lieutenant  de  son  père,  il  lui  succéda  en  1558 
dans  la  charge  de  capitaine  de  la  garde  écos- 
saise, et  ce  fut  en  cette  qualité  qu'il  arrêta  en 
1559  Anne  du  Bourg,  du  Faur,  et  trois  autres 
conseillers  au  parlement  de  Paris,  coupables 
d'avoir  tenu  au  roi  le  langage  de  la  vérité.  Quinze 
jours  plus  tard  il  lui  arriva  un  malheur,  qui  de- 
vait le  rendre  tristement  célèbre ,  et  dont  il  res- 
sentit jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  les  suites  funestes. 
Le  30  juin,  dans  le  tournoi  célébré  à  l'occasion 
des  mariages  de  la  fille  et  de  la  sœur  de  Hen- 
ri II,  il  avait  déjà  rompu  une  lance  avec  le  roi, 
lorsque  ce  dernier,  qui  avait  eu  tous  les  hon- 
neurs du  combat,  lui  ordonna  de  rentrer  en  lice. 
«  A  quoy,  dit  Vieilleville ,  par  très-grand  mal- 
heur il  obéit  et  print  une  lance...  Ayant  tous 
deux  fort  valeureusement  couru  et  rompu  d'une 
grande  dextérité  et  adresse  leurs  lances,  ce  mal 
habile  Lorges  ne  jecta  pas,  selon  l'ordinaire 
coustume,  le  tronçon  qui  demeure  en  la  main , 
mais  le  porta  toujours  baissé ,  et  en  courant  ren- 
contra la  teste  du  roy,  duquel  il  donna  droict 
dedans  la  visière ,  que  le  coup  haulsa  et  lui  creva 
un  œil.  »  Henri  perdit  connaissance,  et  expira  le 
10  juillet  1559,  sans  êïre  revenu  à  lui-même. 
Meurtrier  involontaire  d'un  roi  puissant,  Lorges 
réfléchit  que  son  innocence  ne  suffisait  pas  à  le 
protéger  contre  les  violences  de  la  reine  mère, 
et  se  retira  en  Normandie,  d'où  il  passa  en  An- 
gleterre. Ce  fut  probablement  dans  ce  pays  qu'il 
embrassa  la  réforme.  Rappelé  en  France  par  la 
mort  de  son  père ,  il  hérita  de  ses  grands  do- 
maines, et  prit  dès  lors  le  nom  de  comte  de 
Montgomery.  Il  fut  ainsi  designé  dans  l'acte  d'as- 
sociation du  11  avril  1562,  acte,  par  lequel  les 
chefs  protestants  inaugurèrent  la  première  de 
ces  guerres  de  religion  qui  désolèrent  la  France 
pendant  près  d'un  demi-siècle.  Après  la  prise 
d'Orléans,  il  entra  dans  Bourges,  à  la  tête  de 
cent  vingt  chevaux  (27  mai),  désarma  les  ca- 
tholiques, recueillit  tout  l'argent  qui  se  trouvait 
entre  les  mains  des  receveurs  du  roi  ou  dans  les 
églises,  et  le  remit  au  prince  de  Condé.  Presque 
aussitôt  après  il  se  rendit  en  Normandie,  et 
tenta  vainement  de  tenir  la  campagne  contre  les 


MONTGOMERY 


28- 


ducs  de  Bouillon  et  d'Étampes.  Forcé  d'aban- 
donner Vire,  qui  fut  livré  parles  catholiques  au 
pillage  et  au  massacre,  il  se  replia  sur  Bayeux, 
et,  conformément  aux  ordres  du  chef  de  la  ligue 
réformée,  il  s'embarqua  pour  Rouen.  A  peine 
eut-il  le  temps  de  s'y  établir,  que  l'armée 
royale,  sous  les  ordres  du  roi  de  Navarre,  le 
sommait  de  lui  en  ouvrir  les  portes;  outre  les 
bourgeois,  il  n'avait  avec  lui  que  huit  cents  vieux 
soldats  français  et  cinq  cents  anglais.  Le  siège 
fut  poussé  avec  vigueur  et  soutenu  avec  cons- 
tance pendant  un  mois.  Après  plusieurs  assauts 
inutiles,  le  duc  de  Guise,  qui  dirigeait  les  opé- 
rations, s'empara  du  couvent  de  Sainte-Cathe- 
rine, qu'on  avait  fortifié ,  et  parvint  à  se  loger  sur 
la  porte  Sainte-Hilaire;  assuré  d'emporter  la 
ville,  il  hésitait  à  exposer  une  des  plus  riches 
cités  de  France  au  pillage.  Il  fit  offrir  à  Mont- 
gomery  une  capitulation  honorable;  ce  dernier, 
qui  prévoyait  une  catastrophe  prochaine,  n'était 
pas  loin  d'accepter  cette  capitulation ,  mais  il  ne 
put  amener  à  son  sentiment  les  ministres  hu- 
guenots, qui,  comptant  toujours  sur  le  secours 
d'en  haut,  poussèrent  la  bourgeoisie  à  combattre 
jusqu'à  la  mort.  Un  dernier  assaut,  livré  le 
26  octobre  1562,  consomma  la  ruine  de  la  ville. 
On  fit  un  horrible  carnage  des  soldats  et  des 
habitants.  Malgré  les  efforts  de  Guise,  lé  pillage 
dura  huit  jours,  et  les  courtisans,  pour  venir 
après  les  vainqueurs,  ne  se  montrèrent  pas  les 
moins  âpres  à  la  curée.  La  ville  forcée,  Montgo- 
mery  se  retira  avec  les  Anglais  sur  une  galère 
qu'il  tenait  prête,  franchit  par  une  manœuvre 
hardie  l'estacade  de  Caudebec,  et  gagna  le 
Havre.  Deux  mois  plus  tard,  il  parut  à  Dieppe, 
et  frappa  cette  ville  d'une  contribution  de 
15,000  livres  destinée  à  l'entretien  de  ses  troupes. 
Rappelé  par  Coligny,  il  retourna  dans  la  basse 
Normandie,  et  s'y  rendit  maître,  sans  trop  de  ré- 
sistance, de  Saint-Lô,  d'Avranches  et  de  Vire. 
Après  l'édit  d'Amboise  (  19  mars  1563),  il  se  re- 
tira dans  ses  terres. 

Lors  de  la  seconde  prise  d'armes  (1567),  Mont- 
gomery  conduisit  des  troupes  à  Condé,  et  entra 
dans  Étampes  par  escalade.  Mais  ce  fut  dans  la 
troisième  guerre  qu'il  acquit  une  réputation  écla- 
tante, parla  diligence  et  l'audace  avec  lesquelles  il 
mena  l'expédition  du  Béarn.  Accompagné  de  ses 
trois  frères ,  il  rallia  Coligny  au-dessous  de  la 
Loire,  et  défendit  Angoulême  après  la  défaite  de 
Jarnac,  où  il  n'était  pas  présent.  Ce  fut  alors  que 
la  reine  Jeanne  d'Albret  lui  confia  la  difficile 
tâche  de  faire  rentrer  ses  États  dans  le  devoir. 
Parti  de  Nontron  le  8  juin  1569,  il  rejoignit,  après 
de  grands  délours,  l'armée  des  vicomtes  du 
Quercy,  et,  surmontant  des  obstacles  de  toutes 
sortes,  il  fondit  tout  à  coup  sur  le  Bigorre,  où  son 
premier  exploit  fut  la  prise  de  Tarbes.  En  vain 
Dam\ille,Montluc ,  Bellegarde  s'efforcent  de  l'ar- 
rêter; grâce  à  la  rapidité  de  ses  mouvements,  il 
leur  échappe,  il  atteint  le  Béam,  et  se  saisit  d'Or- 
Ihez.  Frappés  d'épouvante,  les  chefs  catholiques 


n'osent  attendre  le  vainqueur,  qui  entre  dan 
Pau  sans  coup  férir  (23  août).  Cette  rapid 
conquête  avait  eu  lieu  en  moins  de  trois  mois 
Après  avoir  ravagé  la  Gascogne,  Montgomer 
rallia  l'armée  des  princes ,  qui  venait  d'être  bât 
tue  à  Montcontour  (10  novembre  1569).  A  pei 
près  vers  le  même  temps,  il  était  condamné 
mort  comme  rebelle  par  le  parlement  de  Pari 
et  exécuté  en  effigie  sur  la  place  de  Grève.  Il  s 
signala  au  combat  d'Arnay-le-Duc  et  assista  a 
début  de  la  campagne  de  Flandre.  Il  se  trouvait 
Paris  lors  du  massacre  de  la  Saint-Barthélemj 
et  dut  la  vie  à  la  vitesse  de  son  cheval.  Le  soi 
même,  Charles  IX,  informé  de  sa  fuite ,  écrivit 
Matignon,  gouverneur  de  la  Normandie,  «  pou 
leprier  deprendregardedoulcement  et  sans  gran 
bruit  où  il  se  serait  retiré,  afin  de  le  prendre  ou  1 
faire  prendre  ».  Avec  son  activité  accoutumée 
Montgomery,  qui  s'était  réfugié  en  Angleterre 
équipa  une  flottille  de  cinquante-trois  bâtiment 
légers,  montée  par  près  de  deux  mille  hommes 
qu'il  plaça  sous  les  ordres  de  Champernon,  l'und 
ses  gendres.  Il  arriva  le  19  avril  1573  en  vue  d 
La  Rochelle ,  et  ouvrit  aussitôt  le  feu  contre  I 
flotte  royale ,  moins  nombreuse  que  la  sienne 
mais  en  meilleure  position  et  mieux  équipée 
L'inaction  des  Anglais  l'obligea  à  la  retraite.  D 
retour  à  Londres,  il  envoya  son  fils  aîné  ave 
quatre  cents  arquebusiera  au  secours  du  princ 
d'Orange,  et  sollicita  vainement  l'appui  d'Éli 
sabeth  ;  cette  princesse,  qui  se  prêtait  alors,  pa 
dissimulation  ou  par  coquetterie,  aux  négocia 
tions  entreprises  pour  lui  faire  épouser  le  du 
d'Alençon ,  refusait  toute  assistance  aux  protes 
tants  français. 

Entouré  d'un  grand  nombre  de  religionnaire 
réfugiés,  Montgomery  s'établit  dans  les  îles  d 
Jersey  et  de  Guernesey;  ce  fut  là  que  pendan 
l'hiver  de  1574  il  organisa  sa  dernière  expédition 
Outre  son  zèle  ardent  pour  la  religion,  il  avait 
cœur  de  venger  la  mort  de  son  frère  Saint-Jean 
que  Matignon  venait  de  faire  assassiner.  Accep 
tant  avec  joie  les  propositions  du  parti  des  raé 
contents,  il  débarqua,  le  11  mars  J574,  suri 
côte  de  Normandie,  occupa  Saint-Lô  et  Caren 
tan,  et  marcha  au  secours  de  Domfront,  invesl 
par  Matignon.  Ayant  reconnu  l'impossibilité  d 
défendre  la  ville,  il  se  retira  avec  une  poignéi 
d'hommes  dans  le  château,  dont  les  vieilles  mu 
railles  s'écroulèrent  bientôt  sous  le  feu  de  l'ar 
tillerie  catholique.  Malgré  l'infériorité  du  nombre 
il  sortit  vainqueur  d'une  première  attaque  ;  oi 
l'avait  vu  en  simple  pourpoint  et  une  hache  i 
la  main  combattre  sur  la  brèche  sans  pouvoir  3 
trouver  la  mort,  qu'il  cherchait.  II  était  résolu  ; 
s'ensevelir  sous  les  ruines  du  château;  mais 
cédant  aux  prières  de  ses  compagnons,  il  con 
sentit,  après  quelques  pourparlers,  à  se  rendre 
(27  mai  ),  «  à  charge  expresse,  qu'il  aurait  vie 
et  bagues  sauvées  ».  Cette  condition,  dont  on  1 
nié  l'authenticité,  est  affirmée  de  la  façon  la  plus 
positive  par  La  Popelinière,  de  Serres,  L'Estoile, 


285  MONTGOMERY 

[je  Laboureur  et  plusieurs  écrivains  catholiques. 
U'après  La  Popelinière,  une  capitulation  fut  si- 
gnée, laquelle  portait   «  que  îe  comte  sortirait 
|  a  vie  sauve  et  quelques  accoutrements   sans 
j  «1res  armes  que  l'épée  et  la  dague  ».    Cathe- 
rine de  Médicis  témoigna  une  joie  extrême  delà 
i  rise  de  Montgomery,  Elle  ne  lui  avait  jamais 
j  ardonné  d'avoir  répandu  le  sang  de  son  mari. 
|  Ce  n'est  pas ,  dit  Sismondi ,  qu'elle  eût  eu 
\  eaucoup  d'affection  pour  Henri  II  ou  de  sujet 
!  e  le  regretter;  mais  elle  voulait  qu'un  homme  ne 
i  ut  être  considéré  comme  innocent  après  avoir, 
iiême  par  accident,  causé  la  mort  d'un  roi.  » 
mené  à  Caen,  puis  à  Paris,  Montgomery  fut 
aduit  devant  le  parlement  et  condamné  à  mort 
ir  l'absurde  accusation  d'avoir  comploté  avec 
oligny  le  meurtre  de  Charles  IX.  Le  26  juin 
374,  après  avoir  subi  la  question   extraordi- 
lire  avec  le  plus  ferme  courage,  il  fut  tiré  de 
tour  de  la  Conciergerie  à  laquelle  on  a  laissé 
j  m  nom  et  conduit  sur  la  place  de  Grève,  où  il 
f  it  la  tête  tranchée.  La  reine  mère  était  pré- 
ï  nte  à  l'exécution.  «  Je  requiers  deux  choses  de 
>us,  dit  le  comte  au  peuple  lorsqu'il  fut  arrivé 
|  ir  l'échafaud  :  l'une  de  faire  savoir  à  mes  en- 
\  ots,  qui  ont  été  ici  déclarés  roturiers ,  que  s'ils 
i  ont  la  verlu  des  nobles  pour  s'en  relever,  je 
\  insens  à  l'arrêt  ;  l'autre  point,  plus  important , 
i  mt  je  vous  conjure,  sur  la  révérence  qu'on  doit 
iix  paroles  d'un  mourant,  c'est  que  quand  on 
[  )us  demandera  pourquoi  on  a  tranché  la  tête  à 
ontgomery,  vous  n'alléguiez  ni  ses  guerres,  ni 
s  armes,  ni  tant  d'enseignes  arborées,  men- 
înnées  en  mon  arrêt,  mais  faites-moi  compa- 
îon  en  cause  et  en  mort  de  tant  de  simples 
rsonnes  selon  le  monde,    vieux,   jeunes  et 
mvres  femmelettes,  qui  en  cette  même  place 
ît  enduré  les  feux  et  les  couteaux.  » 
D'Elisabeth  de  La  Tousche,  qu'il  avait  épousée 
i  1549,  Montgomery  eut  de  nombreux  enfants, 
»nt  quelques-uns  soutinrent  dignement  l'éclat 
i  leur  nom.  Brantôme   parle  de  lui    en   ces 
rmes  :  «   C'était  le  plus   nonchalant  en  sa 
j  arge  et  aussi  peu  soucieux  qu'il  étoit  possible, 
j  r  il  aimait  fort  ses  aises  et  le  jeu  ;  mais  lors- 
ji'il  avait  une  fois  le  cul  sur  la  selle,  c'étoit  le  plus 
lillaut  et  soigneux  capitaine  qu'on  eût  su  voir; 
j  reste  si  brave  et  si  vaillant  qu'il  assaillait 
[ut,  foibleou  fort,  qui  se  présentât  devant  lui. 
|issia-t-il  fait  de  belles  guerres  et  y  a  été  très* 
tureux.  »  p.  Locisy. 


286 


pa»ila,  La  Popelinière,  Montluc,  Condé,  d'AubignC-,  La 
|ue,  .Mémoires.  -  De  Thon,  Historia  sui  temporis.  — 
fuitôme,  '  Capitaines  illustres.  —  Huag  frères,  La 
tance  Protestante.  —  Sismonci.  Hist.  des  Français, 
iilJ  et  XIX. 

[montgomery  (Jacques,  comte  de  Lorges, 
■;is  de),  capitaine  français,  fils  aîné  du  précé- 
>nt,  né  vers  1550,  mort  le  28  juin  1609,  à 
jurbon-Lancy.  Il  fit  ses  premières  armes  sous 
i  yeux  de  son  père.  Après  la  prise  de  Dom- 
t'ut  (1574),  il  réussit  à  s'échapper  et  gagna  La 
ithelle.  S'étant  attaché  à  Condé,  il  obtint  de 


lui  le  commandement  de  l'Ile  de  Rhé,  puis  celui 
de  Brouage,  et  fut  remplacé  en  1577,  à  cause  de 
la  dépravation  de  ses  mœurs.  En  1581  il  suivit 
le  duc  d'Anjou  en  Flandre.  Nommé  gouverneur 
de  Castres  (1585),  il  remporta  dans  le  midi  de 
nombreux  avantages  pendant  la  campagne  de 
1586,  et  enleva  en  1590  la  ville  de  Viviers  aux 
ligueurs;  mais  ses  violences  le  firent,  en  1591, 
chasser  de  Castres,  où  il  s'était  maintenu  malgré 
le  roi  de  Navarre. 

Son  frère  Gabriel,  comte  de  Lorges,  mort  en 
1635,  prit  aussi  part  aux  guerres  de  reli- 
gion ;  il  combattit  à  Coutras  et  tenta  deux  fois 
de  s'emparer  p3r  surprise  du  Mont-Saint-Michel. 
On  ignore  si  c'e6t  lui  ou  un  de  ses  frères  qui 
sauva  Henri  IV  à  Aumale,  en  soutenant  avec 
Fervaques  l'effort  des  troupes  envoyées  par  le 
due  de  Parme  à  la  poursuite  du  roi.  En  1621  il 
vendit  à  Louis  XIII  la  place  de  Pontorson,  où 
il  commandait. 

Un  autre  membre  de  cette  famille ,  petit-fils 
du  précédent,  Jean  m  Montgomery,  né  en  1646, 
mort  en  1731,  servit  avec  distinction  dans  les 
guerres  de  Flandre  et  d'Allemagne,  abjura  le 
protestantisme  à  l'époque  de  la  révocation  de 
l'édit  de  Nantes,  et  devint  maréchal  de  camp  en 
1696.  P.  L— y. 

Uaag  frères,  La  France  Protestante. 

montgomery  (James),  poète  anglais,  né 
le  4  novembre  1771,  à  Irvine  (comté  d'Ayr), 
mort  le  30  avril  1854,  à  Shefiield.  Fils  d'un  pas- 
teur morave,  il  fut  élevé  dans  un  établissement 
de  cette  secte,  et  s'y  fit  remarquer  comme  un 
écolier  indolent  et  taciturne  ;  il  n'appritpas  grand'- 
eàose,  ne  montra  de  goût  pour  rien,  si  ce  n'est 
pour  la  poésie,  et  rima  à  quatorze  ans  un  poème 
épique  d'un  millier  de  vers  sur  Le  Monde.  Ses 
maîtres,  mécontents  de  lui ,  le  placèrent  en  ap- 
prentissage chez  un  marchand  de  Mirfield  ;  il  y 
resta  deux  ans,  et  se  rendit  en  1790  à  Londres, 
où  il  devint  le  commis  d'un  libraire  qui  avait 
refusé  de  publier  ses  poésies.  En  1792  il  entra 
au  service  d'un  imprimeur  de  Shefiield,  et  four- 
nit au  journal  radical  qu'éditait  ce  dernier  des  ar- 
ticles politiques  ;  en  1794  il  en  modéra  les  prin- 
cipes, lui  donna  pour  titre  the  Iris,  et  continua  de 
le  rédiger  jusqu'en  t825.  Depuis  cette  époque  il 
prit  une  part  active  aux  assemblées  religieuses  et 
fit  des  lectures  dans  les  villes  voisines  sur  l'his- 
toire de  la  littérature  anglaise  (1830),  sur  les 
poètes  anglais  (1836),  et  sur  quelques  détails 
peu  connus  de  la  poésie  anglaise  (1852).  En 
1835  il  refusa  la  chaire  de  rhétorique  à  l'uni- 
versité d'Edimbourg,  et  reçut  du  ministère  une 
pension  de  150  hv.  sterl.  Montgomery  a  joui 
d'une  certaine  réputation  qu'à  beaucoup  d'é- 
gards il  méritait;  s'il  a  peu  d'imagination  et  une 
facilité  parfois  verbeuse,  il  a  des  inspirations  tou- 
chantes et  honnêtes,  l'amour  du  bien,  un  style 
harmonieux.  Ses  poésies,  Prison  Amusements 
(U97);The  Wandererin  Swilzerland (1806); 
The  West  Indies (1809);  Green land (18 10) ;Tke 


287  MONTGOMERY 

World  before  theflood  (1812)  ;  The  Pélican  Is- 
landand  otàerpoems  (1827);  Original  Hymns 
for  public,  privale  and  social  dévotion  (1853), 
ont  été  réunies ,  le  dernier  recueil  excepté,  plu- 
sieurs fois  (1836,  3  vol.  ;  1849,  4  vol.  in-12;  1851, 
gr.  in-8°).  On  a  encore  de  lui  :  History  of  Mis- 
sionary  enterprise  in  the  South  seas  ;  1830, 
jn_8°  ;  _  Memoirs  of  the  life  and  writings  of 
J.  Montgomery  ;  Londres,  1855-1856,  7  vol. 
in-8°,  publiés  par  les  soins  de  John  Holland  et 
de  James  Everett.  P-  L— y. 

Memoirs  of  J.  Montgomery.  -  The  English  CVclopx- 
dia  (biogr.). 

montgomery  (Robert),  poète  anglais,  né  en 
1807,  à  Bath,  mort  le  3  décembre  1855,  à  Brigh- 
ton.  D'une  famille  irlandaise,  il  manifesta  de 
bonne  heure  un  penchant  marqué  pour  les  lettres, 
et  débuta  par  la  fondation  d'un  journal  hebdo- 
madaire, The  Inspector,  qui  n'eut  qu'une  durée 
éphémère.  Dans  l'année  1827  il  publia  deux  re- 
cueils poétiques,  The  Slage-Coach  et  The  Agere- 
viewed;  en  1828  parut  le  poëme  intitulé  The 
Omniprésence  of  the  Deity,  composé  deux  ans 
plus  tôt  et  qui  obtint  une  vogue  si  extraordinaire 
qu'en  l'espace  de  huit  mois  il  y  en  eut  huit  édi- 
tions; la  28e  a  été  imprimée  en  1855.  Les  ou- 
vrages qu'il  mit  au  jour  dans  la  suite  et  qui  tous 
traitent  des  sujets  religieux,  rencontrèrent  la  même 
faveur,  trait  sans  exemple  dans  les  annales  de 
la  poésie  si  on  les  juge  selon  leur  mérite  et  non 
d'après  le  public  spécial,  et  si  nombreux  en  An- 
gleterre, auquel  ils  étaient  destinés.  Aussi  Ma- 
caulay  et  d'autres  critiques  ont-ils  sévèrement 
apprécié  ce  poète  de  sacristie;  on  lui  a  reproché 
la  banalité  et  le  vague  de  ses  idées ,  l'enflure  de 
son  style,  la  bassesse  de  ses  images,  sans  tenir 
compte  de  sa  bonne  foi,  de  sa  facilité,  souvent 
élégante  et  gracieuse,  et  d'une  certaine  éléva- 
tion. Au  reste,  Montgomery  n'a  jamais  songé  à 
faire  servir  à  sa  fortune  l'espèce  de  gloire  qu'il 
retirait  de  ses  travaux.  Avec  le  fruit  de  ses  pre- 
miers poèmes  il  entra  à  l'université  d'Oxford,  et 
y  prit  ses  grades  ;  ordonné  ministre  en  1835,  il 
obtint  la  modeste  cure  de  Whittington  dans  le 
Shropshire,  fut  attaché  en  1838  à  une  des  con- 
grégations de  Glasgow,  et  desservit  depuis  1843 
jusqu'à  l'époque  de  sa  mort  la  chapelle  de  Percy- 
Street  à  Londres  ;  il  y  attira  une  grande  affluence 
par  sa  manière  emphatiquede  traiter  les  articles 
de  controverse  ou  de  foi.  On  a  encore  de  lui  les 
poésies  suivantes  :  A  universal  Prayer;  Dealh; 
A  Vision  of  heaven,  and  a  Vision  of  hell; 
Londres,    1828,  1829,  in-8°;  —   Satan  ;  ibid., 
1829,  in-8°;  —  Oxford;  ibid.,  1831,  in- 8°;  — 
The  Messiah,  in  VI  books;  ibid.,  1832,  in-8°; 
—  Woman,  the  Angel  of  li/e;\b\à.,  1833;  — 
Luther,  or  the  spirit  of  reformation ,  ibid., 
1842;—  Méditations  upon  Scripture  subjects; 
ibid.,  1842;  —  Sacred  Méditations  and  moral 
Thèmes;  ibid.,  1847,  in-8°;  —  The  Christian 
Life,  a  manual  of  sacred  verses;  ibid.,  1849, 
in-12;  —  Lyra  Christiana,  poems  on  chris- 


—  MONTGON  26 

tianity  and  the  church;  ibid.,  1851,  in-3 

Lines  on  Wellington  ;  the  Hero's  funera 

ibid.,  1852,  in-8°;  —  The  Sanctuary  ;  ibit 
1855.  Un  recueil  de  ses  poésies  a  été  publié 
1853.  P-  L-*> 

Men  of  Vie  Time.  —  Macaulay,  dans  l'Edinburgk  j 
vieiv,  1830. 

*   MONTGOMERY-MARTIN  (  Robert),   éc 

nomiste  anglais,  né  en  1803,  dans  le  comté 
Tyrone  (Irlande).  Après  avoir  étudié  la  met 
cine  à  Dublin,  il  fut  attaché  à  la  marine  de  l'Ét 
et  servit  de  1820  à  1830  en  qualité  de  chirurgii 
En  1846  il  fut  nommé  agent  comptable  à  Hoi 
Kong.  Il  est  auteur  d'un  grand  nombre  d'éci 
relatifs  à  l'économie  politique  et  aux  colonies  i 
glaises;  nous  citerons  :  History  ofthe  Brit 
Colonies;  Londres,  1834-1835,  5  vol.in-8°:  <  ■{ 
vrage  estimé,  qui  a  eu  plusieurs  éditions  ;  —  1  - 
stalistical  History  of  England;  —  The  I 
tish  colonial  Library;  Londres,  1838-1843,' 
vol.;  —  Ireland  before  and  after  union  w- 
Great-Britain;  ibid.,   1843,  1848,  in-8";  1 
India;  3  vol.  in-8°,  trad.  en  1860  en  frança. 
—  une  édition  des  Dépêches    militaires  ri 
Wellington,  5  vol. 
Dict.  d'Économie  politique,  II. 

montgon  (Charles-Alexandre  de),  • 
plomate  français,  né  à  Versailles,  le  24  septeir  a 
1690,  mort  à  Sarliève  (Pays-Bas),  en  1770.  J 
famille,  attachée  à  la  cour,  le  fit  entrer  dans  5 
ordres  ;  cette  première  partie  de  la  vie  de  M  ;■ 
gon  reste  obscure  (1).  Après  avoir  reçu  la]* 
trise,  il  vécut  quelque  temps  en  Auvergne,  (  z 
un  de  ses  parents.  Avec  la  protection  du  c 
de  Bourbon,  il  s'attacha  au  roi  d'Espagne  I  - 
lippe  V,  qui  venait  de  reprendre  le  sceptre  a]  3 
la  mort  de  sou  fils  Louis  Ier  (1724).  Philipp  9 
envoya  Montgon  en  mission  secrète  en  Portu  I, 
puis  en  France,  en  apparence  pour  offrir  au  v 
dinal  de  Fleury  une  pleine  réconciliation  il 
voulait  renoncer  à  l'alliance  du  Hanovre,  lis 
en  réalité  pour  rassembler  les  partisans  de  !  * 
pagne  et  les  opposer  à  ceux  de  la  maison  d  - 
léans.  Tant  que  Louis  XV  n'eut  point  de  fil:  e 
duc  d'Orléans  était  l'héritier  présomptif  d.  a 
couronne,  et  la  santé  du  jeune  monarque,  ii 
avait  dans  son  enfance  donné  beaucoup  d'inq:- 
tude  pour  sa  vie,  n'était  point  assez  raffei'e 
pour  éloigner  l'hypothèse  de  lavacaneedutre. 
Philippe  V,  ce  roi  dont  la  dévotion  était  si  extr  ie 
qu'il  semblait  en  perdre  la  raison,  ne  te  ît 
aucun  compte  des  renonciations  qu'il  avai  i- 
gnées ,  des  engagements  si  solennels  qu'il  ;  it 
pris,  ne  craignait  pas  d'exposer  la  France  aie 
guerre  civile  et  l'Europe  à  une  guerre  généir 
pour  s'emparer  d'une  couronne  que,  par  unir 
choix,  il  avait  abandonnée  à  une  autre  brai| 
de  sa  famille,  tandis  qu'il  reconnaissait  ch: 
jour  qu'il  n'était  pas  en  état  de  porter  la  sieje 
Dans  une  instruction  que  Philippe  V  avait 

(1)  On  a  dit,  mais  sans  preuves,  qu'il  appartenait 
façon  illcgime  à  la  famille  royale. 


289  MONTGON  — 

née  à  Montgon,  en  date  du  24  décembre  1726,  il 
disait  :  «  Qu'il  l'avoit  choisi  pour  être  chargé  de 
la  plus  importante  de  toutes  les  affaires,  du 
secret  de  laquelle  dépend  l'heureuse  issue  de  la 
négociation.  C'est  que  si,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise, 
le  roi  mon  neveu  venoit  à  mourir  sans  héritier 
mâle,  étant,  comme  je  le  suis ,  le  plus  proche 
parent,  et  mes  descendants  après  moi,  je  dois  et 
veux  succéder  à  la  couronne  de  mes  ancêtres. 
Je  vous  donne  une  lettre  de  créance  de  ma 
main ,  pour  le  parlement ,  pour  la  présenter  à 
l'instant  de  la  mort  du  roi  mon  neveu,  dans 
laquelle  j'ordonne  qu'à  l'instant  que  ce  cas 
arrivera,  on  me  proclame  roi.  »  L'abbé  de 
Montgon  était  trop  vain,  trop  présomptueux, 
et  trop  fier  de  la  mission  dont  il  était  chargé 
pour  ne  pas  la  laisser  pénétrer  par  les  yeux 
des  agents  du  cardinal  Fleury.  Il  fit  même  des 
aveux  presque  complets  au  cardinal,  qui 
l'exila  à  Douai,  et  fit  saisir  tous  ses  papiers. 
Montgon  demanda  vainement  son  rappel;  Fleury 
fut  impitoyable,  et  le  malencontreux  diplo- 
mate mourut  dans  l'exil.  Sur  la  fin  de  sa  vie,  il 
publia  les  Mémoires  de  ses  différentes  négo- 
ciations, dans  les  cours  d'Espagne  et  de  Por- 
tugal depuis  1725  jusqu'à  1731  ;  La  Haye,  Lau- 
sanne et  Genève,  1742,  5  vol.  in-12  ;  ibid.,  1756, 
3  vol.  in-12.  Il  avait  paru  précédemment  un 
Recueil  de  Lettres  et  Mémoires  écrits  par 
M.  l'abbé  de  Montgon  concernant  les  négocia- 
tions dont  il  a  été  chargé,  Liège,  1732,  in-12; 
trad.  en  italien  par  le  marquis  Feroni,  Florence, 
1753,  in-8°.  A.  d'E— p— c. 

Flassan,  Histoire  de  la  Diplomatie  française,  t.  V, 
p.  86.  —  Sismondi ,  Hist.  des  Français,  t.  V,  p.  32-33. 
—  Noailles,  Mémoires,  t.  V,p.  139  etsuiv.  —  Lenglet-Du- 
fresnoy,  Méthode  pour  étudier  l'histoire  ,  t.  XII,  p.  340. 

monthasser  billah  {Abou-Djafar  Mo- 
hammed IV,  al),  khalife  abbasside  de  Bagdad, 
né  à  Djafasiah,  en  836,  mort  en  862,  à  Sermenraï. 
Fils  de  Matawakket  Ier,  il  succéda,  en  janvier 
862,  à  son  père,  après  l'assassinat  de  celui-ci  par 
les  troupes  turques ,  crime  auquel  il  n'était  pas 
étranger.  Après  avoir  été  forcé  d'ex-clure  de  leurs 
droitsà  la  couronne  ses  deux  frères  Motaz  et 
Mouwaïed,  qui  déplaisaient  à  la  garde  turque, 
espèce  de  garde  prétorienne,  Monthasser  inau- 
gura son  règne  par  des  mesures  tolérantes.  Il 
releva  les  tombeaux  d'Aly  et  de  Houcéin,  permit 
les  pèlerinages  aux  sanctuaires  chiites,  et 
supprima  les  anathèmes  fulminés  contre  eux. 
Mais  après  avoir  un  jour  trouvé  dans  son  nou- 
veau palais  de  Sermenraï ,  où  il  avait  transféré 
sa  résidence,  un  tapis  qui  représentait  le  meurtre 
'le  Khosrou  II  de  Perse  par  son  fils  Kobad 
'Chirongeh,  il  fut  saisi  d'une  noire  mélancolie ,  en 
se  rappelant  les  circonstances  de  la  mort  de  son 
|  père.  Il  mourut  après  six  mois  de  règne,  soit  qu'il 
;fût  tué  par  des  remords  de  conscience,  soit  qu'il 
^succombât  au  poison  donné  par  ses  chambellans. 
;  Il  avait  cultivé  la  poésie  arabe.         Ch.  R. 

Aboulféda,  Annales  moslemici.  —  Hammer,  Histoire 
de  la  Littérature  arabe. 

NOL'V.   BIOCR.   GÉNÉR.    —  T.    XXXVI. 


MONTHENAULT 


29a 


monthasser  (  Abou-Ibrahim  Ismail  ), 
roi  de  la  Perse  orientale  et  de  la  Transoxane, 
de  la  dynastie  des  Samanides,  né  à  Bokhara,  vers 
980  de  notre  ère  ,  mort  près  de  Turkcslan,  en 
1004.  Fils  de  Houh  II,  il  fut  arrêté  à  Bokhara, 
en  999,  avec  ses  frères  Mansour  H  et  Abdelmé- 
Iek  II,  patordre  d'Ilek-Khan ,  roi  du  Turkcs- 
tan,  et  mis  en  prison.  Étant  parvenu  à  s'échap- 
per, Monthasser  se  réfugia  dans  le  Khavizme,  y 
leva  des  troupes,  défit  celles  d'Ilek,  et  rentra  dans 
Bokhara.  Obligé  d'en  sortir,  il  occupa  le  Kho- 
raçan,  d'où  il  chassa  le  gouverneur  Nasr,  frère 
du  célèbre  Mahmoud  le  Ghasnévide.  Après 
avoir  dû  quitter  aussi  cette  province,  Monthas- 
ser se  réfugie  dans  le  Djordjân,  auprès  du  prince 
Disemide-Kabons,  et  s'empare,  avec  ses  secours, 
de  Réi  et  de  quelques  autres  villes  de  l'Irak,  occu- 
pées par  les  Bouïdes.  Mais  brouillé  avec  Kabons, 
ainsi  qu'avec  les  Ghasrrévides,  auxquels  il  a  en- 
core pris  Nichapour,  il  s'enrôle  parmi  les  Turko- 
mans  Ghouzzes,  avec  l'aide  desquels  il  remporte 
plusieurs  victoires  sur  les  Kharizmiens  ainsi  que 
sur  Ilek.  Les  habitants  de  Bokhara  et  de  Sa- 
marcande  lui  avaient  ouvert  les  portes  de  leurs 
villes*  mais  ses  soldats,  fatigués  de  ces  guerres 
de  partisans,  ayant  comploté  de  le  livrer  à  Ilek, 
Monthasser  se  sauva  chez  une  tribu  turque,  par 
le  chef  de  laquelle,  Mahrouij,  il  fut  assassiné. 
Ce  prince,  d'un  courage  indomptable,  digne  d'un 
meilleur  sort,  avait  soutenu  près  de  six  ans  la  dy- 
nastie mourante  au  milieu  de  plus  de  dix  dynasties 
rivales.  Ch.  R. 

Mirkhond,  Histoire  des  Samanides.  —  Otbl,  Vie  de 
Mahmoud  le  Ghasnévide. 

monthenault  d'égly  (  Charles  -  Phi- 
lippe), érudit  français,  né  le  28  mai  1696,  à 
Paris,  où  il  est  mort,  le  2  mai  1749.  D'abord 
avocat,  il  fut  ensuite  attaché  à  M.  de  Baussan, 
maître  des  requêtes,  intendant  de  Poitiers  et 
d'Orléans.  Quelques  opuscules  qu'il  donna  aux 
journaux  le  firent  remarquer,  et  de  retour  à  Paris 
il  écrivit  l'histoire  des  rois  français  de  Sicile, 
ouvrage  qui  lui  ouvrit  les  portes  de  l'Académie 
des  Inscriptions  (1741)  ;  il  y  succéda  à  l'abbé  Ban- 
nier.  Après  la  mort  de  L.-F.-J.  de  La  Barre 
(1738),  il  se  chargea  de  continuer  le  Journal  de 
Verdun.  Devenu  aveugle  en  1745,  il  mourut  à 
la  suite  d'une  longue  et  douloureuse  maladie.  On 
a  de  lui  •-  Amours  de  Leucippe  et  de  Clitophon, 
trad.  du  grec;  Paris,  1734,  in-12  :  cette  ver- 
sion, supérieure  à  celle  de  Duperronde  Castera, 
ne  contient  pasles  passages  trop  libres  de  l'ori- 
ginal ;  on  l'a  attribuée  inconsidérément  à  l'abbé 
Desfontaines  dans  la  réimpression  qu'on  en  a  faite 
en  1796  (Paris,  in-18  );  —  Histoire  des  Rois 
des  Deux-Siciles  de  la  maison  de  France; 
Paris,  1741,  4  vol.  in-12.  «  Elle  renferme,  dit 
Bougainville,  soit  en  abrégé,  soit  en  détail,  tout 
ce  que  cette  monarchie  offre  d'intéressant.  Le 
style  en  est  pur,  la  narration  claire,  suivie,  natu- 
relle. L'historien  ne  s'y  borne  pas  au  récit  des 
événements,  il  en  développe  les  causes»;  — 

10 


291  MONTHENAULT 

La  Callipédie,  ou  la  manière  d'avoir  de  beaux 
enfants;  Paris,  1749,  pet.  in-8°  :  médiocre  tra- 
duction enprose  du  poème  latin  de  Cl.  Quillet; 
—  quelques  Mémoires  dans  le  Recueil  de  l'Aca- 
démie des  Inscriptions.  P.  L. 

Bougainville,  Eloge  de  Monthenault  d'Égly,  dans  les 
Mém.  de  VAcad.  des  Inscript .,  XXIII. 

MONTHiON  (  François  -  Gédéon  Bailly  . 
comte  de),  général  et  pair  de  France,  né  le  27  jan- 
vier 1776,  à  l'île  Bourbon,  mort  le  7  septembre 
1850,  à  Paris.  Fils  d'un  officier  d'infanterie,  il 
s'engagea  en  1793»  devint  aide-de-camp  du  gé- 
néral Turreau,  et  lit  avec  lui  plusieurs  campa- 
gnes dans  l'ouest,  sur  le  Bhin ,  en  Suisse  et  en 
Italie.  Au  combat  de  Suze  il  gagna  le  grade  de 
chef  d'escadron.  Sous  l'empire  il  passa  dans 
l'état-major  général,  se  distingua  à  Austerlitz, 
et  fut  à  la  lin  de  la.  guerre  de  1805  chargé  de 
missions  diplomatiques  près  des  petites  cours 
d'Allemagne.  Sa  conduite  en  Prusse  et  en  Polo- 
gne ne  fut  pas  moins  brillante  :  elle  lui  valut  les 
insignes  de  commandant  de  la  Légion  d'Hon- 
neur (1807),  le  titre  de  baron  (1808)  avec  une 
dotation  de  10,000  fr.  et  le  grade  de  général  de 
brigade  (22  mai  1808).  Ce  fut  lui  qui  à  Bayonne 
reçut  les  déclarations  faites  par  le  roi  d'Espagne 
Charles  IV  et  par  sa  famille.  Durant  la  cam- 
pagne d'Autriche,,  il  assista  aux  batailles  d'Eck- 
mùhl,  d'Essling  et  de  Wagram,  et  le  15  août 
1809  il  fut  élevé  au  titre  de  comte  avec  une 
nouvelle  dotation.  Rappelé  d'Espagne  pour  pren- 
dre part  à  la  guerre  de  Russie,  il  fut  nommé 
général  de  division  (4  décembre  1812),  seconda 
le  prince  Eugène  dans  ses  opérations  sur  l'Elbe, 
et  remplit  à  la  fin  de  1813  les  fonctions  de  ma- 
jor général  de  la  grande  armée  en  l'absence  de 
Berthier.  En  1815  il  fut  blessé  à.  Waterloo;  Mis 
en  non-activité  par  les  Bourbonst.M.  de  Monthion 
fut  créé  pair  de  France  le  3  octobre  1837,.  et 
siégea  jusqu'en  1848  dans  les  rangs  de  la. ma- 
jorité. Son  nom  est  inscrit  sur  l'are:  de  triomphe 
de  l'Étoile.  K. 

De  Courcelles,  Dict.  hist,  des,  Généraux -français,  I. 

.WONTHîON.  Voy.  MONTVON1. 

mostholon  (François  de),  magistrat  fran- 
çais, né  à  Autun,  vers  1490,  mort  à  Villers- 
Cotterets,  lev12  juin  1543.  Fils  d'un  avocat  du 
roi  au  parlement  de  Bourgogne;  il  s'attacha  au 
barreau  de  Paris,  où  il  parut  avec  éclat.  La 
renommée  de  son  talent  lui  fit  confier,  en  1522, 
la  célèbre  cause  duconnétable  de  Bourbon  contre 
Louise  de  Savoie,  mère  de  François  Ier,  et  contre 
le  roi  lui-même,  pour  la  succession  de  la  maison 
de  Bourbon.  Ce  dernier  prince,  qui  se  rendait 
incognito  aux  plaidoieries,  fut  si  content  de  la 
manière  dont  l'avocat*  de  sa  partie  adverse 
parlait  dans  cette  affaire,  l'une  des  plus  épi- 
neuses qui  aient  jamais  été  agitées  dans  aucun 
parlement,  qu'il  lui  destina  dès  lors  la  charge 
d'avocat  général ,  charge  dont  il  le  pourvut  en 
effet  en  1532,  après  la  mort  d'Olivier  Aligret. 
Deux  ans  après,  Montholon  fut   nommé  prési- 


—  MONTHOLON  292 

dent  à  mortier  au  parlement,  et  enfin,  en  1542, 
garde  des  sceaux  de  France.  Français  1er  lui 
ayant  fait  cadeau  de  200,000  livres  tournois, 
somme  alors  très-considérable,  et  qui  était  Se 
montant  d'une  amende  dont  il  avait  frappé 
les  habitants  de  La  Rochelle,  en  punition  d'une 
révolte  contre  son  autorité,  «Montholon,  dit 
un  écrivain  du  temps,  ne  les  voulut  ern- 
bourser  ;  mais  d'une  très-grande  vertu  et  sain- 
teté qui  l'accompagna  jusques  à  la  mort,  il  les 
délaissa  entre  les  mains  des  habitants,  pour  être 
employées  à  construire  et  à  doter  un  hôtel-Dieu, 
en  icelle  ville ,  pour  la  substentation  et  nourri- 
ture de  tous  pauvres  malades  et  souffreteux 
qui  aborderoient  céans.  Ce  qui  a  été  fait  depuis, 
magnifiquement.  »  H.  F. 

mostholon  (François  de),  son  fils,  mortâ 
Tours,  le  12  avril  1590,  catholique  zélé  et  avocat  ■ 
estimé,  hérita  de  la  haute  dignité  de  son  père. 
Henri  II  I  lui  remit  les  sceaux,  le  6  septembre  1 588  : 
mais  après  la  mort  de  ce  prince  il  les  rendit,  dans 
la  crainte  d'être  forcé  de  signer  quelque  édit  ayant 
rapport  à  la  religion  et  qui  pût  blesser  sa  cons- 
cience. H.  F. 

Duciiesne,  Histoire  des  Chanceliers  de  France. 

montholon  (  Jean  de  ),  canoniste  français 
né  à  Autun,  mort  à  Paris,  ie  10  mai  1528.  Frèn 
de  François,  premier  du  nom,  il  reçut  à  l'âge  di 
vingt-deux  ans  le  -bonnet  de  docteur  en  droit 
et  fit  profession  chez  les  chanoines  réguliers  di 
Saint- Victor,  à  Paris.  Ses  connaissances  enthéoi 
logie   et  en  jurisprudence  lui   valurent   à-ètm 
promu  au  cardinalat  par  le  pape  Clément  VII 
mais  il  mourut  avant  d'avoir  reçu  les  insigne:  j 
de  cette  dignité.  On  a  de  lui  :  Prompluarktnï 
seu  Breviarium  Juris  diviniet  utriusque  hu> 
ma?ii;  Paris,    1520,  2  vol.   in-fol.   C'est  uni 
espèce  de  dictionnaire  alphabétique  des  matière:! 
de  droit.  Il  fut  aussi  l'éditeur  du  traité  d'Étienml 
d'Autun,  De  Sacramento  altaris  ;  Paris,  1517 
in-8°,  traité  qui  se  trouve  dansla  Bibliothèqiul 
des  Pè/es,  VIe  volume.  H.  F. 

Papillon,  Biblioth.  des  Auteurs  de  Bourgogne. 

m.q.ktholon  (Jacques,  de),  avocat  fran 
çais,  né  v«rs  1555,  à  Paris,  où  il  est  mort,  l| 
17  juillet  1622.  Fils  de  François,  deuxième  du 
nom,  il  plaida  en  1611  au  parlement  de  Pari  I 
pour  les.  Jésuites,  attaqués  par  quelques  mem 
bres  de  l'université,  et  publia  son  Plaidoyer 
Paris,  1612,  in-80,.  après  l'avoir  retouché  et; 
avoir  ajouté  les  pièces  justificatives.  Il  y  réfut<! 
victorieusement  les  assertions  hasardées  qiiij 
renfermait  le  plaidoyer  de  son  confrère  P.  de  Li! 
Martelière,  et  dans  l'exorde  duquel  sont  ridi> 
culement  rappelés  la  bataille  de  Cannes  et  le:: 
différends  de  Rome  et  de  Capoue.  Jacques  di 
Montholon  a  aussi  publié  :  Arrêts  de  la  Coui 
du  Parlement,  prononcés  en  robe  rouge  d^pui' 
1580;  Paris,  1622,  in-4°.  Ce  recueil,  qui  ai 
dix-septième  siècle  eut  plusieurs  éditions,  es 
aujourd'hui  totalement  oublié.  H.  F. 

Morérl.  Dict.  Hist. 


293 

montholon  (  Charles  -  Tristan,  comte 
puis  marquis  de),  général  français,  delà  famille 
des  précédents,  né  à  Paris,  en  1782,  mourut  le 
21  août  1853.  De  bonne  heure  il  fut  destiné  à  la 
|  profession  des  armes.  A  dix  ans  il  fut  embarqué, 
l  comme  élève  de  marine,  à  bord  de  la  frégate  La 
I  Junon,  qui  fit  partie  de  l'escadre  commandée 
j  par  l'amirai  Truguet,  lors  de  l'expédition  contre 
fia  Sardaigne.  En  1798,  il  entra  dans  l'armée  et 
|  s'éleva  promptement  de  grade  en  grade.  A  l'é- 
Ipoque  du  18  brumaire,  il  était  chef  d'escadron 
|  et  se  signala  parmi  les  officiers  dévoués  au  pre- 
\  mier  consul.  Il  servit  dans  les  campagnes  d'I- 
>  talie,  d'Autriche,  de  Prusse  et  de  Pologne.  Il 
!  M  grièvement  blessé  à  Essling  et  honorablement 
|  ;ité  dans  le  bulletin  de  l'armée.  Après  Wagram, 
1  fut  créé  comte  et  attaché  à  la  personne  de 
l 'empereur.  Il  fut  alors  chargé  de  plusieurs  mis- 

I  ,ions  délicates,  notamment  en  1811,  où  il  fut 
i  mvoyé  en  qualité  de  ministre  plénipotentiaire 
»  )rès  de  l'archiduc  Ferdinand,  à  Wurlzbourg. 
[  jes  circonstances  avaient,  donné  à  ce  poste  une 
!  rès-grande  importance.  Montholon  y  déploya 
il  leaucoup   de  tact  et  d'habileté,  et  il  adressa  à 

empereur  un  mémoire  curieux  sur  la  situation 
intérieure  de  l'Allemagne  et  les  dispositions  des 
\  irinces  confédérés,  qui  n'attendaient  qu'une  occa- 
jion  favorable  pour  une  nouvelle  coalition.  A 

I I  on  retour  à  Paris,  il  fut  promu  au  grade  de 
!  \  ;énéral  de  brigade,  et  nommé  commandant  du 
' ]  lépartement  de  la  Loire.  En  1814  il  se  trouvait 

|i  Fontainebleau,  et  offrit  à  Napoléon  un  plan 
i  mrrli  pour  rallier  les  troupes  de  l'armée  de  l'Est 
i  |i t relever  sa  fortune.  L'empereur  refusa,  pré- 
i  j  oyant  bien,  disait-il,  que  les  fautes  des  Bour- 
t  j  ions  ne  tarderaient  pas  à  lui  offrir  de  meilleures 
chances  :  «  Restez  en  France,  ajouta-t-il,  et 
t  j  anlez-moi  votre  fidélité.  »  Pendant  la  première 
:  estauvation,  les  parents  et  les  amis  de  Monlho- 
i  lOn  s'étaient  groupés  autour  de  Louis  -XVIII.  Il 
!  tait  pressé  par  eux,  et  surtout  par  Sémonville,  son 
,  I  eau-père,  et  Macdonald  son  beau-lrère,  de  s'at- 
j-Ucheraux  Bourbons.  11  se  tint  pourtant  à  l'écart, 
ta  la  nouvelle  du  débarquement  de  Napoléon, 
le  rejoignit  dans  sa  marche  sur  Paris.  L'em- 
,<■  iereur  le  fit  son  aide-de-camp,  et  l'emmena  avec 
J>ni  à  Waterloo.  Après  cette  fatale  journée, 
À  jfontholon  revint  à  Paris,  et  resta  assidûment 
lires  de  Napoléon.  Le  jour  de  son  abdication, 
i.i  Mui-ci  lui  dit  :  «  Bertrand  hésite  à  m'accom- 
jj  'îgner,  Drouot  me  refuse.  Vous  me  suivrez, 
.latins,  n'est-ce  pas?»  Montholon  répondit  sans 
ftésiter  et  avec  un.e  profonde  émotion  :  «  Oui, 
i  élire!  •>  C'estainsi  qu'il  alla  partager  la  captivité  de 
Ijiiiate- Hélène,  où  il  resta  jusqu'à  la  mort  de 
'japoléon.  Dans  les  premiers  temps,  l'empereur 
i.Jr'ait  partagé  entre  ses  compagnons  d'exil  le 
*'rvice  auprès  de  sa  personne  et  les  travaux  de 
f  .ibinet.  Mais  après  le  départ  de  Lascases,  en 
;|i>vembrel8l6,  et  du  général  Gourgaud,  en  jan- 
vier 1818,  tout  le  poids  du  travail  fut  laissé  à 
1  ontholon.  Celui-ci  passait  la  plus  grande  partie 


MONTHOLON  294 

de  la  journée  et  souvent  de  la  nuit  auprès  de  Na- 
poléon, soit  pour  écrire  sous  sa  dictée,  soit  pour  la 
lecture  ou  la  conversation.  Pendant  la  maladie  de 
quarante  jours  qui  amena  la  mort  de  Napoléon, 
Montholon  veilla  nuitet  jour  à  son  chevet,  comme 
un  fils  l'aurait  fait  pour  son  père,  et  reçut  sou 
dernier  soupir.  Ce  fut  lui  qui,  sur  la  recomman- 
dation expresse  de  l'empereur,  lui  ferma  les  yeux. 
Il  fut  nommé  l'un  de  ses  exécuteurs  testamen- 
taires, et  choisi  comme  dépositaire  d'une  partie 
de  ses  manuscrits.  De  retour  en  Europe,  il  s'oc- 
cupa avec  zèle  de  l'accomplissement  des  volontés 
consignées  dans  le  testament  de  Napoléon,  et,  de 
concert  avec  le  général  Gourgaud,  publia  les  ma- 
nuscrits légués  à  son  attachement,  sous  le  titre 
suivant  :  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de 
France,  sous  Napoléon,  écrits  à  Sainte-Hé- 
lène sous  sa  dictée  ;  1823  et  années  suivantes. 
Il  lui  aurait  été  facile,  par  ses  relations  de  fa- 
mille, de  s'assurer  une  belle  position.  Il  préféra 
rester  indépendant,  et  avec  les  deux  millions  que 
lui  avait  légués  l'empereur,  il  entreprit  diverses 
spéculations  qui  tournèrent  d'une  manière  dés- 
astreuse. Accablé  de  dettes  et  réduit  à  ne  pou- 
voir payer,  il  se  réfugia  en  Belgique.  Après  la 
révolution  de  1830,  il  fut  réintégré  avec  peine 
dans  l'armée;  car  si  le  gouvernement  de  Juillet 
ne  se  montrait  pas  difficile  pour  admettre  des 
hommes  d'une  réputation  endommagée,  il  était 
rigoriste  pour  ceux  qui  avaient  des  billets  pro- 
testés. Le  général  Montholon  n'occupa  donc 
point  de  position  publique.  En  1840  il  figura 
comme  chef  d'état-major  dans  l'expédition  tentée 
à  Boulogne  par  le  prince  Louis-Napoléon.  11  fut 
condamné  par  la  chambre  des  pairs  à  vingt  ans 
de  détention,  et  enfermé  avec  le  prince  au  châ- 
teau de  Ham.  Sa  santé  s'y  étant  sérieusement 
altérée,  il  obtint  la  permission  d'être  transféré 
dans  une  maison  de  santé.  Après  son  rétablis- 
sement, il  lui  fut  fait  des  insinuations  pour 
conserver  cette  faveur,  moyennant  quelques 
démarches;  mais  il  sentit  combien  cette  demi- 
liberté  aurait  pour  lui  un  caractère  peu  hono- 
rable, et  demanda  à  rentrer  dans  sa  prison.  II 
n'en  sortit  que  lorsque  l'évasion  du  prince  ren- 
dait un  plus  long  emprisonnement  à  la  fois  odieux 
et  inutile.  Le  gouvernement  lui-même  le  mit  en 
liberté.  Montholon  se  rendit  en  Angleterre,  et  en 
1847  fit  imprimer  son  ouvrage  :  Récits  de  la  Cap- 
tivité de  Napoléon  à  Sainte-Hélène.  Depuis 
vingt  ans,  quelques  parties  de  ce  sujet  avaient  été 
traitées  par  le  comte  de  Lascases,  O'Meara  et 
autres.  Le  premier  attrait  de  la  nouveauté  était 
passé,  et  Montholon  se  borna  avec  raison  à  re- 
produire les  passages  les  plus  intéressants  de  son 
journal.  Là  viennent  se- réfléchir  les  phases  de 
ces  six  longues  années  de  vains  regrets,  de  vie 
monotone,  de  querelles  avec  le  gouverneur  Hud- 
son  Lowe,  et  de  conversations  intimes  qui  par- 
fois vinrent  animer  celte  triste  existence  de  l'exil. 
Ces  Récits  avaient  d'abord  pani  en  feuilletons. 
Pour  en  former  un  corps  d'ouvrage,  l'auteur  les 

10. 


295 

rétablit  dans  leur  ordre  naturel 
journal  tenu  pendant  six  ans.  Après  la  révolution 
de  Février,  Montholon  fut  élu  en  1849  à  l'As- 
semblée législative,  par  la  Charente-Inférieure; 
mais  il  n'y  joua  qu'un  rôle  insignifiant.  11  mourut 
quatre  ans  après.  Son  fils  aîné  a  suivi  la  carrière 
consulaire,  et  depuis  plusieurs  années  il  remplit 
à  New-York  les  fonctions  de  consul  général  de 
France. 

Le  général  Montholon  a  publié  aussi  quelques 
autres  écrits  :  De  V Armée  française;  1834  ;  — 
Fragments  religieux  inédits  de  Napoléon, 
recueillis  à  Sainte- Hélène;  1841  ;  et  a  fourni 
quelques  articles  au  Dictionnaire  de  la  Con- 
versation. J-  CflANUT. 

Rabbe,  Biogr.  des  Contemporains.  —  Biographie  du 
général  Montholon,  1849.  —  Dict.  de  la  Conversation.  — 
Récits  de  la  captivité  de  Napoléon  à  Sainte-Hélène, 
2  vol.,  1847. 

monti  (Pierre),  tacticien  italien,  né  à  Milan, 
vers  l'an  1460,mort  vers  1530;  après  avoir  étudié 
dans  sa  patrie,  il  passa  au  service  de  la  république 
de  Venise,  et  obtint  le  commandement  d'un  corps 
d'infanterie.  Il  composa  deux  ouvrages  relatifs 
à  sa  profession  d'homme  de  guerre ,  imprimés 
l'un  et  l'autre  à  Milan  en  1509  :  Exercitia  atque 
artis  militaris  Colleclanea,  et  De  singulari 
Certamine;  plus  tard  livré  à  des  études  de 
théologie,  il  mit  au  jour  un  gros  volume  de  con- 
troverse, qui  même  à  cette  époque  trouva  sans 
doute  peu  de  lecteurs  :  De  unius  legis  veritate 
et  sectarum  jalsitate  Libri  XI;  Milan,  1522, 
in-fol.  G.  B. 

Argelati,  Bibliotheca  Scriptorum  Mediolanensium , 
t.  II,  p.  956  et  2009. 

monti  (Pietro),  quarante-neuvième  grand- 
maître  de  l'ordre  de  Saint-Jean-de-Jérusalem, 
mort  en  janvier  1 57  2,  à  Malte.  Avant  de  succéder  à 
Jean  de  La  Valette  (1568),  il  avait  été  successive- 
ment gouverneur  du  château  Saint-Ange  à  Rome, 
amiral  de  l'ordre,  général  des  galères  de  Malte, 
ambassadeur  auprès  des  papes  Pie  IV  et  Pie  V, 
etprieurdeCapouedela  langue  d'Italie.  Pendant 
sa  courte  administration,  il  fit  achever  la  Cité- 
Valette,  et  contribua  de  tous  ses  efforts  à  la  vic- 
toire de  Lépante.  Il  fut  remplacé  par  Jacques  de 
La  Cassière.  P- 

Bosio,  Hist.  de  l'Ordre  de  Saint-Jean-de-Jérusalem. 

monti  (Antonio  de'),  peintre  de  l'école  ro- 
maine, né  vers  1538,  mort  vers  1588.  Connu 
sous  le  nom  du  quartier  qu'il  habitait  à  Rome, 
il  se  fit  une  telle  réputation  dans  le  portrait  que 
le  pape  Grégoire  XIII  posa  devant  lui.  A  cin- 
quante ans,  il  périt  misérablement  renversé  et 
foulé  aux  pieds  par  un  buffle  furieux.    E.  B — n. 

Baglione,  Vite  de'  Pittori  dal  1573  al  164». 

monti  (Gian- Giacomo),  architecte  et  peintre 
italien,  né  à  Bologne,  en  1 62 1 ,  mort  en  1 692 .  Élève 
de  Mitelli  et  de  Colonna,  il  accompagna  ces  deux 
artistes  à  Florence  et  à  Modène,  où  il  les  aida 
dans  leurs  travaux  Devenu  lui-même  habile 
peintre  de  décoration  et  de  perspective,  il  s'as- 
socia à  Baldassare  Bianclii  et  à  G.-B.  Caccioli. 


MONTHOLON  —  MONTI  296 

l'ordre  de  son  ;  Ils  travaillèrent  ensemble  à  Sassuolo,  villa  du 


duc  de  Modène,  où  ils  peignirent,  en  1651,  la  ga- 
lerie de  Bacchus,  leur  meilleur  ouvrage.  A  Mo 
dène ,  ils  décorèrent  la  bibliothèque  et  cinq  sa- 
lons du  palais  ducal,  et  contribuèrent  à  la  pomp< 
de  toutes  les  fêtes  publiques.  En  1663,  le  du< 
Alfonse  IV  étant  mort,  ils  furent  chargés  d' 
la  pompe  de  ses  funérailles,  et  à  cette  occasioi 
ils  décorèrent  de  fresques,  qui  existent  encore 
le  chœur  de  l'église  Saint-Augustin.  Dans  l'an 
née  même  Monti  revint  habiter  Bologne,  où  i 
paraît  s'être  adonné  plus  particulièrement  ■ 
l'architecture.  On  ne  connaissait  encore  de  lui  ei 
ce  genre  que  Véglise  de  Saint- Augustin  de  Mo 
dène,  édifice  médiocre,  attribué  aussi  à  Loragt 
et  Piazza.  A  Bologne,  Monti  érigea,  en  1688,  1 
belle  église  du  Corpus  Domini ,  et  bâtit  un 
belle  galerie  dans  sa  maison,  aujourd'hui  palai 
Monti.  Sa  plus  importante  entreprise  est  le  gran 
portique  de 3  kilomètres  de  long  qui  joint  Bologn 
à  l'église  de  la  Madonna  di  S.-Lnca.      E.  B—t 

Crespi,  Felsina  pittrice.  —  Orlandi.  —  Ticozzi.  —  Lanz 
—  Campori.—  Lazzarelli,  V ita  di  Fontana.  —  Millzis 
Memorie  degli  Architetti. 

monti  (Francesco),  dit  le  Bresciannin 
délie  batlaglie,  peintre  de  l'école  vénitienne 
né  à  Brescia,  en  1640,  mort  à  Parme,  en  171S 
Élève  de  Pietro  Ricchi,  puis  du  Borgognone, 
imita  ce  dernier  dans  ses  sujets  et  son  styh 
mais  il  lui  fut  inférieur  surtout  dans  le  coloris 
A  Parme,  où  il  s'était  fixé ,  il  peignit  plusieui 
tableaux  religieux,  tels  qu'une  Visitation  ;  Saint 
Lucie  et  Saint  Antoine;  une  Résurrection  d 
Christ  (1670).  Ses  tableaux  de  batailles  soi 
très-nombreux  dans  les  galeries  de  Parme,  c 
Rome,  de  Venise,  de  Naples  et  de  l'Allemagm 
où  souvent  ils  sont  attribués  au  "Borgognom 
Monti  avait  ouvert  à  Parme  une  académie,  où 
eut  pour  élève  Ilario  Spolverini.        E.  B— n. 

Campori,  Gli  Artisti  negli  Stati  Estensi.  —  Bertoluzi 
Guida  per  osservare  le  Pitlure  di  l'arma. 

3iONTi  (Innocenzio),  peintre  de  l'école  bc 
lonaise,  né  à  Imola,  florissait  de  1680  à  17L 
Élève  de  Carlo  Cignani ,  son  meilleur  ouvrag 
est  une  Circoncision  qu'il  peignit  en  1690,  pot 
l'église  du  Giesù  à  La  Mirandole,  et  qui  a  él 
restaurée  en  1854.  II  passa  une  partie  de  sa  y\ 
en  Allemagne  et  en  Pologne.         E.  B — n. 

Campori,  Gli  Artisti  negli  Stati  Estensi. 
monti  (Filippo- Maria),  prélat  italien,  r 
le  23  mars  1675,  à  Bologne,  mort  le  17  janvii 
1754,  à  Rome.  Issu  d'une  illustre  famille  orig 
naire  de  Toscane,  il  acheva  ses  études  à  Bologr. 
et  se  rendit  à  Rome,  où  son  mérite  et  son  savoi 
le  firent  élever  à  plusieurs  emplois  honorable 
sous  les  papes  Clément  XI  et  XU.  En  1743,  Bi 
nolt  XIV  lui  conféra  là  pourpre.  En  mourant 
légua  à  l'Institut  de  Bologne  sa  bibliothèque 
composée  de  12,000  vol.,  et  une  collection  c 
portraits  de  savants  italiens  et  étrangers  qu' 
avait  formée  à  grands  frais.  On  a  de  lui  :  Rom 
tutrice  délie  belle  arti,  sculluraed  architei 
tura,  discours  prononcé  en  1710  devant  l'Ac; 


297  MONTI 

demie  de  Saint-Luc  et  inséré  dans  le  t.  III  des 
Prose  degli  Arcadi; —  Elogia  cardinalium 
pielate,  doctrina,  legationibus  ac  rébus  pro 
gcclesiagestisillustrium  apontificatu  Alexan- 
dri  III  ad  Benedictum  XIII  ;  Rome,  1761, 
in-4°.  P. 

monti  (Antoine-Félix,  marquis  de),  gé- 
néral français,  frère  du  précédent,  né  le  12  juil- 
let 1681,  à  Bologne,  mort  le  13  mars  1738,  à 
Paris.  Destiné  d'abord  à  l'état  ecclésiastique, 
il  se  tourna  vers  la  carrière  des  armes,  s'at- 
tacha au  duc  de  Vendôme,  qui  commandait  en 
Italie,  et  le  suivit  en  Espagne,  où  il  donna  tant 
de  preuves  de  sa  valeur  qu'il  parvint  au  grade 
de  colonel.  «  Comme  il  avait  de  l'esprit  et  du 
sens,  dit  Saint-Simon,  il  était  bien  reçu  dans 
les  meilleures  compagnies  ,  et  avec  cela  fort 
honnête  homme,  quoique  ami  intime  d'Albe-. 
roni.  »  En  effet,  ce  dernier  l'employa  dans  plu- 
sieurs négociations ,  ce  qui  le  fit  en  1719  bannir  d« 
France  par  lettre  de  cachet,  avec  défense  en 
même  temps  d'aller  en  Espagne.  Rappelé  par 
le  cardinal  de  Fleury,  qui  faisait  beaucoup  de  cas 
de  ses  talents,  il  fut  nommé  en  1730  envoyé  ex- 
traordinaire à  la  cour  de  Varsovie,  et  muni  d'ins- 
tructions particulières  sur  la  manière  de  se  con- 
duire dans  le  cas  où  le  trône  deviendrait  vacant 
par  la  mort  du  roi  Auguste.  Quand  cetévénement 
arriva  (1733),  Monti,  qui  avait  mis  dans  ses  in- 
térêts la  plupart  des  nobles  polonais,  contribua  à 
faire  donner  la  couronne  à  Stanislas  Leczinski.  Il 
accompagna  ensuite  ce  prince  à  Dantzig,  et  déter- 
mina les  magistrats  de  cette  ville  à  soutenir  un 
siège,  qui  se  prolongea  pendant  cinq  mois.  Après 
avoir  par  des  moyens  adroits  favorisé  la  fuite  de 
Stanislas,  il  se  remit  de  lui-même  aux  mains 
des  Russes,  et  fut  conduit  à  Thorn,  où  il  resta 
prisonnier  jusqu'en  1736.  Il  avait  eu  à  Dantzig 
la  disposition  des  grandes  sommes  fournies  par 
la  France  ;  il  en  rapporta  plus  d'un  million 
qu'il  aurait  pu  aisément  s'approprier,  et  le  ren- 
dit au  ministère,  qui  était  bien  loin  de  s'attendre 
à  un  tel  acte  de  délicatesse;  nommé  pendant  son 
absence  maréchal-de-camp  (  13  février  1734),  il 
devint  lieutenant  général  en  1736  et  chevalier  des 
ordres  en  1737.  «  Il  était  encore  dans  la  force  de 
l'âge,  ajoute  Saint-Simon,  quand  il  mourut,  de  dé  • 
plaisir  de  sa  misère  ;  il  fut  fort  regretté,  et  mérita 
de  l'être.  «  P. 


2!)8 


Moréri," Grand  Dictionn.  Historique.  —  OEuvres  du 
Philosophe  bienfaisant  (  Stanislas  ) ,  \  ,  27.  —  Saint-Si- 
mon, Mémoires  (édit.  Chéruel  ),  XI. 

monti  (Giovanni-Battista),  poète  italien, 
né  en  1688,  à  Bologne,  où  il  est  mort,  le  28  dé- 
cembre 1766.  Il  était  parent  des  précédents  et 
appartenait  à  un  grand  nombre  d'Académies-,  où- 
il  fit  souvent  admirer  son  éloquence  et  ses  con- 
naissances variées  en  littérature.  On  cite  de  lui  : 
Cento  Sonetli  sagri  e  cento  Brindisidi  Minto 
del  Picciol  Reno  ;  Venise,  1733,  in-8°  ;  —  Tes- 
iamento,  ovvero  preparazione  alla,  morte; 
Bologne,  1746,  1747,  in-8°  :  trad.  du  latin  du 


cardinal  Bona;  —  //  Giovane  civile,  ovvero 
prccelti  di  civillà  praticati  in  Francia,  ri- 
cordali  del  Galateo  e  da  allri  autori;  Bo- 
logne, 1752,  2  part.;  — Applausi  a  principi  ; 
Bologne,  1755;  —  Tabacco,  suo  utile  e  giova- 
mento  e  pregiudizi  del  medesimo;  Boiogne, 
1756,  in-8°  :  recueil  de  chansons;  — La  nuova 
Galleria,  ovvero  cento  racconti  curiosi  e  pia- 
cevoli;  Venise  et  Bologne,  1757,  2  part.  in-8°: 
Son  frère  aîné,  Monti  (  Giuiio  ),  né  en  1687, 
à  Bologne,  où  il  est  mort,  le  10  décembre  1747, 
fut  chanoine  et  secrétaire  du  cardinal  Pompée 
Aldrovandi,  et  publia  dans  le  dialecte  bolonais 
des  poésies  imprimées  en  1764  avec  le  recueil  de 
Giuseppe  Pozzi.  Il  a  aussi  traduit  en  italien  Gil 
Blas  (Venise,  1746,  1750).  P. 

Dizionario  istorico  Bassanese. 

monti  (  Giuseppe),  botaniste  italien,  né  en 
1682,  àBologne,  où  il  est  mort,  le  4  mars  1760. 
S'étant  accoutumé  de  bonne  heure  à  la  culture 
des  plantes  médicinales,  il  s'appliqua  à  l'étude 
de  la  botanique  et  des  autres  branches  de  l'his- 
toire naturelle,  entreprit  de  fréquentes  excur- 
sions dans  le  territoire  de  Bologne  ainsi  que 
dans  la  chaîne  des  Apennins,  et  forma  une  riche 
collection  de  minéraux,  de  pierres  et  de  coquil- 
lages. Appelé  à  la  direction  du  musée  de  l'Ins- 
titut de  sa  ville  natale,  il  enseigna  à  l'université 
l'histoire  naturelle  (  1720)  et  la  matière  médi- 
cale (  1736).  Micheli  a  donné  le  nom  de  montia 
à  un  genre  de  la  famille  des  portulacées.  On  a 
de  Monti  :  De  Monumento  diluviano  super 
agro  Bononiensi  détecta  Dissertatio  ;  Bologne, 
1719,  in-4°,  fig.  ;  le  monument  qu'il  décrit  est 
une  portion  de  tête  de  morse  ;  —  Catalogi  stir- 
pium  agri  Bononiènsis  Prodromus  gramina 
ac  hujus  modi  affinia  complectens  ;  ibid., 
1719,  in-4°,  fig.;  on  n'y  trouve  ni  méthode  ni 
tableaux;  —  Plantarum  varii  Indices  ;  ibid., 
1724,in-4°  ;  outre  une  histoire  fort  succincte  de 
la  botanique,  ce  recueil  contient  trois  catalo- 
gues de  plantes  ;  —  Exotlcorum  Simplicium 
medicamentorum  Indices  ;  ibid.,  1724,  in-4°  : 
cet  ouvrage,  ainsi  que  le  précédent,  a  été  repro- 
duit avec  des  changements  et  additions  par  les 
fiis  de  l'auteur,  Petronio  et  Gaetano,  sous  le 
titre  d'Indices  Botanici  et  materiee  medicas 
(Bologne,  1753,  in-4°).  P. 

Rotermund,  Supplém.  à  Jôcher. 

monti  (Francesco),  peintre  de  l'école  bolo- 
naise, né  à  Bologne,  en  1685,  mort  en  1768. 
Élève  de  Gioseffo  del  Sole,  il  joignit  un  bon  co- 
loris à  une  grande  richesse  de  composition. 
Le  tableau  de  l'Enlèvement  des  Sabines  com- 
mença sa  réputation.  II  travailla  beaucoup  pour 
les  galeries  et  les  églises  de  Bologne,  de  Turin 
et  de  Brescia.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  La 
Vierge,  Saint  Joseph  et  Saint  Jean-Baptiste, 
à  Bologne  ;  et  Le  Triomphe  de  Mardochée,  à 
Turin.  Il  fut  le  maître  de  sa  fille  Eleonora,  née 
en  1727,  et  qui  peignit  le  portrait.     E.  B— n. 

Crespi ,  Felsina  pittrice.  —  Lanzl ,  Storia. 


299 


monti  (Vincenzo),  poëte italien,  né  le  19  fé- 
vrier 1754,  à  Alfonsine,  dans  le  district  de  Leoni 
(que  sa  famille  quitta  bientôt  pour  Maïano  près 
de  Fusignano  clans  la  Romagne),  mort  à  Milan, 
le  13  octobre  1828.  Il  fit  ses  études  à  Fusignano, 
au  séminaire  de  Faenza,  et  à  l'université  de 
Ferrare.  Son  instruction  n'était  ni  très-forte  ni 
très-variée,  mais  il  possédait  bien  le  latin  et 
connaissait  parfaitement  Virgile,  qu'il  plaçait  au- 
dessus  de  tous  les  poètes.  Son  talent  se  mani- 
festa d'abord  par  des  compositions  latines,  puis 
il  s'adonna  uniquement  à  la  poésie  italienne.  Son 
premier  modèle  fut  le  facile  et  spirituel  Frogoni, 
alors  très  à  la  mode  ;  mais  sur  les  conseils  de 
deux  Ferrarais  de  mérite,  Alfonso  Varano  et 
Onofrio  Minzoni,  il  revint  promptement  à  de 
meilleursguides.  L'Arioste  et  Dante  furent,  dans 
sa  langue  maternelle,  les  objets  de  sa  prédilec- 
tion et  de  ses  études.  Il  y  ajoula  les  prophètes 
bibliques  et  plus  tard  les  poètes  grecs,  qu'il  ne 
lisait  malheureusement  que  dans  des  traduc- 
tions latines.  Ses  premiers  essais  attirèrent  l'at- 
tention du  légat  de  Ferrare,  le  cardinal  Bor- 
ghèse,  qui  l'emmena  à  Rome  en  1778.  L'année 
suivante  parut  à  Livourne  un  volume  de  poé- 
sies, composé  d'œuvres  juvéniles,  en  général  peu 
dignes  de  mémoire,  mais  où  l'on  remarque  une 
Vision  d'Ezéchiel  qui  annonce  un  disciple  de 
Dante.  Un  neveu  de  Pie  VI,  le  prince  Luigi  Bras- 
chi,  dont  il  avait  célébré  le  mariage  dans  un 
chant  en  terza  rima,  intitulé  La  Rellezza  deW 
Vniverso,  le  prit  pour  secrétaire.  Dans  cette 
position,  qui  le  mettait  en  rapport  avec  les 
nommes  les  plus  distingués  de  Rome,  son  talent 
se  fortifia  surtout  par  l'étude  de  l'antiquité,  que 
lui  conseillait  un  de  ses  meilleurs  amis,  le  grand 
archéologue  Ennius  Qoirinus  Visconti.  Ce  talent 
lie  s'était  encore  employé  que  sur  des  sujets 
secondaires  ou  de  circonstance, lorsque  le  voyage 
d'Alfieri  à  Rome  inspira  à  Moaii  l'idée  de  riva- 
liser avec  le  célèbre  poëte  piémonlais.  La  tra- 
gédie (YAristodemo,  jouée  en  1785,  fut  le  résul- 
tat de  celte  émulation,  et  laissa  les  juges  indécis 
entre  l'ordonnance  sévère  du  drame  d:Alfieri, 
l'énergique  concision  de  son  dialogue,  et  les 
beautés,  plus  éclatantes  et  plus  pathétiques,  de 
Monti.  Aujourd'hui  la  tragédie  du  poète  romain 
ne  nous  paraît  plus  qu'une  belle  étude  de  style, 
dénuée  d'invention,  et  qui  ne  promettait  pas  un 
poëte  dramatique.  Dans  sa  seconde  pièce,  Ga- 
leotto  Manfredi,  prince  de  Faenza,  il  essaya  de 
mettre  plus  de  variété  et  de  naturel  et  de  se  rap- 
procher de  ce  qu'on  appela  plus  tard  le  drame  ro- 
mantique ;  et  sans  y  réussir  complètement,  ii  donna 
des  preuves   d'un  talent  vigoureux  et  flexible. 

Pendant  les  années  qui  précédèrent  la  révo- 
lution française,  le  poëte,  patronné  par  les  plus 
liants  prélats  de  la  cour  de  Rome  et  payant 
leur  protection  par  des  flatteries  poétiques,  mena 
une  vie  tranquille  que  troublèrent  à  peine  des 
querelles  littéraires,  auxquelles  il  se  mêlait  vo- 
lontiers et  qui  lui  fournissaient  l'occasion  d'exer- 


MOjNTI  30 

cer  son  talent  pour  l'épigramme.  A  cette  époqi 
appartiennent  YOde  à  Monigolficr,  YAmor  pi' 
regrino,  YAmor  vergognoso,  un  petit  poërr 
en  terza  rima  intitulé  11  Peltegrino  apostc 
lico  sur  le  voyage  de  Pie  VI  à  Vienne,  et  d< 
sonnets  Sulla  Morte  di  Giuda,  et  le  premie 
chant  d'unpoëme,  LaJFeroniade,  destiné  à  célt 
brer  les  grands  travaux  entrepris  par  le  gouve 
nement  pontifical  pour  l'assainissement  des  nu 
rais  Pontins.  Les  troubles  de  la  révolution,  avai 
d'atteindre  sa  paisible  existence,  lui  fournirei 
des  sujets  de  poésie.  Quelques-uns  de  ses  pr< 
tecteurs  lui  demandèrent  de  célébrer  la  mort  t 
Hugou  Bassville,  agent  de  la  république  françaisi 
assassiné  à  Rome  le  13  janvier  1793.  Par  ui 
invention  poétique  très-heureuse,  Monti,  au  lie 
de  faire  l'apologie  de  cet  odieux  attentat  conti 
le  droit  des  gens,  glissa  sur  le  meurtre  et  chan: 
la  rédemption  de  Bassville.  Le  malheureu: 
frappé  d'un  coup  de  poignard  au  ventre,  éta 
mort  dans  des  sentiments  de  repentir  chrétiei 
acte  de  contrition  qui,  suivant  le  poëte,  le  sam 
de  l'enfer,  mais  ne  le  dispense  pas  du  purgatoin 
or  ce  purgatoire,  pour  lui,  c'est  le  spectacle  de 
calamités  innombrables  que  la  révolution  di 
chaîne  sur  la  France,  et  dont  elle  menace  l'Ei 
rope.  Le  tableau  général  de  la  révolution  s 
trouve  ainsi  lié  à  un  fait  particulier,  et  deviei 
le  véritable  sujet  du  poëme.  C'est  une  conce] 
tion  vraiment  poétique,  exécutée  avec  une  v 
gueur  et  une  magnificence  de  style  qui  rai 
pellent  Virgile  et  Dante.  La  Bassvilliana  s'ai 
rête  au  quatrième  chant  lorsque,  dans  le  ciel  < 
sur  la  terre,  la  guerre  générale  est  proclama 
contre  la  France.  La  guerre  ne  tourna  pascomrr 
on  l'espérait  à  Rome,  et  Monti  se  dispensa  c 
terminer  son  poëme,  sous  le  prétexte  que  la  d< 
faite  de  la  coalition,  en  prolongeant  indéfinimei 
la  durée  de  la  révolution,  détruisait  tout  son  pla 
et  ne  lui  laissait  aucune  espérance  de  tirer  so 
héros  du  purgatoire.  D'ailleurs  les  circonstance 
changeaient  et  entraînaient  le  poëte  dans  un 
autre  direction.  L'armée  française,  sous  les  ordre 
de  Bonaparte,  conquit  le  Milanais  en  1796.  Mon 
quitta  Rome  vers  le  même  temps,  et  après  avoi 
séjourné  à  Bologne,  puis  à  Ferrare,  où  il  publi 
le  premier  chant  d'un  poëme  de  Promélhée, 
se  rendit  à  Milan,  devenu  la  capitale  d'une  repu 
blique  cisalpine.  Des  vers  en  l'honneur  de  I 
liberté  et  de  la  révolution  lui  concilièrent  la  fa 
veur  du  nouveau  gouvernement,  qui  le  choisi 
pour  secrétaire.  Une  fois  lancé  dans  ce  nouvea 
courantd'idées,  il  alla  jusqu'à  composer  un  chan 
pour  le  théâtre  de  la  Scala,  à  l'occasion  de  l'an 
niversaire  de  l'exécution  de  Louis  XVI.  La  ré 
publique  cisalpine  fut  renversée  en  1799,  pa 
l'armée  austro-russe  que  commandait  Suwarow 
Monti,  avec  beaucoup  d'autres  Italiens  compromis 
dans  la  cause  de  la  révolution,  se  réfugia  ei 
France.  Le  gouvernement  français  lui  accord, 
des  secours,  et  fut  même,  dit-on,  sur  le  point  d< 
créer  pour  lui  une  chaire  de  littérature  italienm 


101 


MO.NTl 


302 


au  Collège  de  France;  mais  il  y  renonça,  parce 
que  des  ennemis  du  poëte  l'accusèrent  d'avoir 
fait  des  vers  en  l'honneur  du  général  Suwarow  : 
accusation  fausse,  mais  non  pas  invraisemblable. 
Pendant  son  séjour  en  France,  Monti  acheva  sa 
tragédie  de  Caio  Gracco,  œuvre  d'une  poésie 
élégante,  ferme,  mais  trop  souvent  déclamatoire 
et  qui  n'égale  pas  l'Àristodemo.  La  victoire  de 
Marengo  lui  rouvrit  l'entrée  de  l'Italie.  Il  célébra 
son  retour  par  une  de  ses  plus  heureuses  inspi- 
rations, l'hymne  charmant  et  promptement  de- 
venu populaire  qui  commence  ainsi 

Bell'  Italia  ,  amate  sponJe  , 
lo  tomo  a  riveder. 

Il  composa  peu  après  un  poëme  ooeantica  sur. 
la  mort  de  son  ami  le  savant  Mascheroni,  qui 
avait  succombé  en  France,  dans  l'exil,  en  1799. 
La  Mascheroniana  est  le  pendant  et,  sur  cer- 
tains points,  la  contre-partie  de  La  Bassvilliana. 
Les  sentiments  sont  plus  calmes,  le  style  plus 
touchant.  On  a  remarqué  qu'il  existait  entre  ces 
deu£  visions  la  même  différence  qu'entre  L'Enfer 
et  Le  Purgatoire  de  Dante. 

Monti  fut  nommé  professeur  d'éloquence  à 
l'université  de  Pavie  en  1803,  mais  ses  leçons  se 
bornèrent  à  quelques  discours  d'ouverture.  En 
1805,  lorsque  Napoléon  vint  prendre  la  couronne 
de  f«r,  le  poëte  célébra  l'avènement  du  nouveau 
Charlemagne  dans  une  Vision  dantesque,  qui  lui 
valut  le  titre  d'historiographe  du  royaume  d'Ita- 
He.  Au  lieu  d'histoire  il  continua  de  donner  de 
la  poésie.  En  1806 ,  il  publia  six  chants  d'un 
poëme  en  l'honneur  de  Napoléon,  qu'il  intitula 
Le  Darde  de  la  Forêt  Noire.  Il  y  célèbre  la  cam- 
pagne de  1805,1a  grande  bataille  d'Austerlitz , 
Texaltation  de  l'électeur  de  Bavière  à  la  dignité 
royale,  le  mariage  de  la  fille  du  nouveau  roi  avec 
le  prince  Eugène.  Dans  cette  composition,  Monti 
'traitait  naturellement  fort  mal  les  Autrichiens  et 
les  autres  ennemis  de  Napoléon;  mais  le  poëme 
était  à  peine  commencé  que  le  vainqueur  se  ré- 
concilia avec  les  Autrichiens.  Le  barde  se  rejeta 
sur  les  barbares  du'Nord,  les  Russes,  qui  étaient 
encore  en  guerre  avec  la  France;  mais  le  traité 
de  Tilsitt  établit  une  union  intime  entre  Napo- 
léon et  l'empereur  de  Russie  Alexandre  :  il  ne 
fut  plus  permis  d'attaquer  le  nouvel  et  puissant 
allié.  Il  y  avait  dans  de  pareils  revirements  de 
quoi  déconcerter  un  poëte  même  aussi  flexible 
que  Monti.  Laissant  de  côté  sa  grande  composi- 
tion ,  il  se  borna  à  des  pièces  de  circonstance 
sur  des  membres  de  la  famille  impériale.  Ma- 
riages,  naissances,  baptêmes,  Joseph,  Eugène, 
Murât,  il  célébra  tout  en  vrai  poëte  de  cour, 
avec  une  grande  élégance  de  style,  une  candeur 
adulatrice  imperturbable  et  probablement,  au 
•fond,  avec  une  parfaite  indifférence.  Chevalier 
de  la  Couronne  de  Fer  et  de  la  Légion  d'Honneur, 
décoré  et  pensionné  par  Murât,  membre  de  l'Ins- 
titut du  royaume  d'Italie,  il  jouissait  tranquiU 
lement  de  sa  position,  lorsque  les  événements  de 
1814  renversèrent  la  dynastie  napoléonienne. 


François,  empereur  d'Autriche,  succéda  à  Napo- 
léon comme  roi  d'Italie.  Monti  chanta  le  juste  et 
pacifique  gouvernement  de  François,  et  François 
conserva  au  poëte  la  pension  qu'il  avait  sous 
Napoléon.  Il  y  eut  donc  peu  de  changement  dans 
sa  situation.  D'ailleurs  il  n'était  nullement 
homme  politique,  et  sous  François  comme  sous 
Napoléon,  il  continua  d'être  simplement  le  plus 
accompli  des  littérateurs  italiens.  Depuis  La 
Mascheroniana,  ses  ouvrages  les  plus  remar- 
quables étaient  une  excellente  traduction  de 
Perse,  et  une  traduction  de  L'Iliade  d'Homère, 
élégante,  facile  et  assez  fidèle.  Monti,  qui  ne  sa- 
vait pas  un  mot  de  grec,  s'était  servi  des  traduc- 
teurs et  des  commentateurs  latins,  ce  qui  faisait 
dire  à  Ugo  Foscolo  : 

Questi  è  Vincenzo  Monti  cavaliero 
Gran  traduttor  del  traduttor'  d'Omero. 

Monti  maria  sa  fille  au  comte  Perticari  de  Pe- 
saro.  Le  gendre  et  le  beau-père  s'associèrent 
pour  la  publication  d'un  ouvrage  philologique 
intitulé  Proposta  di  alcune  correzioni  ed  aq- 
giunle  al  Uizionario  délia  Crusca,  qui  devint 
le  signal  d'une  guerre  de  plume  entre  les  litté- 
rateurs lombards  et  les  toscans,  ou  plutôt  entre 
les  exagérés  des  deux  partis.  L'ouvrage  est  du 
reste  intéressant,  et  contient  de  bonnes  discus- 
sions sur  divers  points  de  philologie  et  d'histoire. 
Monti  se  mêla  aussi  à  la  querelle  des  classiques 
et  des  romantiques.  Il  lui  était  pénible,  à  son  âge, 
de  reconnaître  qu'il  avait  toute  sa  vie  sacrifié  à 
de  fausses  divinités.  Dans  son  Sermone  sulla 
mitologia  il  s'éleva  en  beaux  vers  contre  «  cette 
école  septentrionale  qui  a  décrété  la  mort  de 
tous  les  dieux  de  l'Olympe  ».  L'éloquence  du 
plaidoyer  ne  pouvait  sauver  une  mauvaise  cause. 
Monti  aurait  dû  songer  qu'en  secouant  le  joug 
de  l'école  de  Frugoni  il  était  entré  dans  la  voie  de 
l'innovation  ou  de  la  rénovation,  et  que  d'autres, 
plus  jeunes,  devaient  aller  plus  loin.  Aristo- 
demo,  la  Bassvilliana,  la  Mascheroniana 
étaient  déjà  des  œuvres  romantiques,  c'est-à- 
dire  qui  tendaient  à  renouveler  la  littérature 
italienne;  il  était  naturel  qu'à  cette  innovation 
incomplète  succédassent  les  innovations,  plus 
larges,  de  l'école  romantique.  Ce  Discours  sur  la 
Mythologie  fut  une  des  dernières  productions 
de  Monti.  Le  poëte  mourut  quelque  temps  après, 
dans  des  sentiments  de  piété  qui  furent  très-re- 
marques. Sa  femme,  Teresa  Pikler,  qu'il  avait 
épousée  en  1791,  mourut  en  1834. 

Monti  est  un  des  plus  parfaits  écrivains  de  la 
littérature  italienne.  Plus  qu'aucun  des  poètes  de 
son  temps,  il  contribua  à  ramener  ses  compa- 
triotes vers  les  véritables  modèles,  et  il  laissa 
lui-même  des  modèles  de  style.  C'est  par  la 
forme  que  ses  ouvrages  vivront  ;  pour  le  fond  ils 
attestent  plus  souvent  la  versatilité  du  poste 
que  son  génie,  et  méritent  peu  de  survivre  aux 
circonstances  qui  les  inspirèrent.  On  a  de  lui  : 
Poésie;  Livourne,  1779;  Parme,  1787;  —  Ans- 
lodemo,  tragédie;  Parme,  1786,  1787,  in-S°. 


303 


MONTI  —  MONTIGNY 


30^ 


réimprimée  avec  Galeotto  Manfredi;  Rome, 
1788,  in-8°;  —  La  Bassvilliana,  cantica  in 
morte  di  Ugo  Basville;  Rome,  1793,  in-8°;  — 
La  Musogonia, poëme;  1797;  —  La  Maschero- 
niana,  poëme,  1801  ;  — une  traduction  de  Perse, 
1803  ;  —  Il  Bar  do  délia  Selva  Nera,  poème  en 
six  chants;  1806  ;  —  une  traduction  de  L'Iliade 
d'Homère;  Brescia,  1810,  3  vol.  in  S";  —  Pro- 
posta di  alcune  correzioni  ed  aggiunte  alYo- 
cabulario  délia  Crusca  ;  Milan,  1817-1824,  6  vor. 
in-8",  avec  un  appendice  publié  en  1826.  Les 
éditions  de  ses  œuvres  sodî  :  Opère  varie; 
Milan,  1825-1827,  8  vol.  in- 16,  contenant  17- 
liade  tradotta,  les  Poésie  varie,  les  Poemetli 
varii,  les  Satire  di  Persio  tradotte  con  nuove 
correzioni,  les  Tragédie,  les  Dialoghi;  — 
Opère;  Boiogne,  1827-1828;  8  vol.  in-16;  — 
Opère  inédite  e  rare;  Milan,  1832-1834;  5  vol. 
in-8°;  —  Opère;  Milan,  1839  et  années  sui- 
vantes, 6  vol.  in-8°.  L.  J. 

Notizie  sulla  vita  e  sull'  ingegnodi  Vincenzo  Monti; 
Milan,  1828.  —  Tommaseo,  Articolo  necrologico  su 
V.  Monti  ;  Florence,  1828.  —  Bozoli,  Ragionamento  délia 
vita  e  délie  opère  del  cavalière  Vinc.  Monti;  Ferrare, 
1837,  in-16.  —  G.  A.  Maggi,  dans  la  Biografta  Italiana 
de  Tipaldo,  vol.  VII. 

monti  (  Giuseppe  de'  ) .  Voy.  Franco. 
monti  (J.-.B.).  Voy.  Montano. 

MONTIANO  Y  LUYAXDO  (  Agustin  DE), 
littérateur  espagnol,  né  dans  la  Biscaye,  en  1697, 
mort  en  1759.  Il  passa  sa  vie  à  Madrid,  où  le  re- 
tenaient des  fonctions  qu'il  remplissait  à  la  cour. 
C'est  -vers  le  théâtre  que  ses  travaux  se  por- 
tèrent avec  prédilection.  En  1729  il  fit  paraître 
une  pièce  intitulée  El  Robo  de  Dina  dont  le 
sujet  était  emprunté  à  la  Genèse;  elle  semble 
avoir  reproduit  en  grande  partie  une  comedia  de 
Lope  de  Vega  qui  porte  le  même  titre.  Plus  tard 
TMontiano  changea  de  principes  littéraires  :  il 
devint  l'adversaire  de  l'ancien  théâtre  castillan, 
et  il  s'éprit  de  la  régularité  froide  et  classique 
des  auteurs  tragiques  français  contemporains  de 
Louis  XV  ;  La  Fosse  et  Campistron  devinrent 
ses  types  de  prédilection.  Il  critiqua  les  vieux 
dramaturges  dans  deux  Discursos  sopre  las 
Comedias  espanolas  (1750  et  1753,  in-12),  ac- 
compagnés de  deux  tragédies,  Virginia,  et 
Athaulpho.  G.  B. 

Ticknor,  ffist.  of  Spanish  Literature,  III,  307. 

monticelli  (Andréa),  peintre  italien ,  né  à 
Bologne,  en  1640,  mort  en  1716.  Élève  d'Agostino 
Mitelli  et  de  Matteo  Borbone,  il  devint  universel, 
peignant  avec  un  égal  talent,  à  la  détrempe  ou 
a  l'huile,  des  Heurs,  des  fruits,  des  vases,  des 
marines,  des  paysages,  des  perspectives,  des 
décorations  et  des  tapisseries  feintes.  Il  fut  très- 
employé  à  Florence  et  dans  d'autres  villes  d'I- 
talie et  même  en  France.  E.  B— n. 

OrlandI,  Abbecedario.  —  Winckelmann,  Neues.  Mah- 
lerlexikon. 

montignot  (  Henri),  savant. ecclésiastique 

français,  né  vers  1715,  à  Nancy.  Il  était  chanoine 

de  Toul,  docteur  en   théologie  et   membre  de 

l'Académie  de  Nancy.  On  a  de  lui  :  Remarques 


ihéologiques  et  critiques  sur  ^'Histoire  di 
Peuple  de  Dieu  du  P.  Berruyer  ;  1755,  in-12 
—  Le  P.  Berruyer  justifié  (contre  les  attaque 
du  P.  Maille)  ;  Nancy,  1759,  2  part,  in-12;  - 
Dictionnaire  diplomatique  ou  Etymologie  de. 
termes  de  la  basse  latinité  pour  servir  à  Vin 
telligence  des  archives ,  des  chartes ,  elc. 
Nancy,  1787,  in-8°  ;  —  Réflexions  sur  les  ira 
munîtes  ecclésiastiques  ;  Paris,  1788,  in-8° 
avec  J.  Chas  ;  —  État  des  Étoiles  fixes  au  se 
cond  siècle  par  Cl.  Ptolémée,  comparé  à  h 
position  des  mêmes  étoiles  en  1786,  avec  l 
texte  grec  et  la  traduction  française  ;  Nancy 
1786,  et  Strasbourg,  1787,  in-4°  ;  outre  le  cata^ 
logue  d'étoiles ,  on  y  trouve  encore  le  texte  e 
la  traduction  du  livre  VII  de  VAlmageste  d< 
Ptolémée,  avec  une  carte  des  constellations  d'a< 
près  cet  astronome.  K. 

Quérard,  La  France  Littéraire. 

MONTIGNY  LE  BOULANGER  (Jean  DE) 
Voy.  Leboolanger. 

montigny  (Jean  de),  poète  et  prélat  français, 
né  en  1637,  en  Bretagne,  mort  le  28  septembre 
1671,  à  Vitré.  Fils  d'un  avocat  général  au  parle 
ment  de  Bretagne,  il  montra  dans  sa  jeunesse 
d'heureuses  dispositions  pour  les  lettres.  Nommé 
aumônier  ordinaire  de  la  reine  Marie-Thérèse,  ii 
occupa  cet  emploi  pendant  plusieurs  années, 
devint  en  1670  évêque  de  Léon,  et  mourut  aux 
états  de  Vitré.  «  C'est  un  dommage  extrême 
que  la  mort  de  ce  petit  évêque,  écrit  Mme  de 
Sévigné;  il  avait  un  des  plus  beaux  esprits  du 
monde  pour  les  sciences  :  c'est  ce  qui  l'a  tué  ; 
comme  Pascal ,  il  s'est  épuisé.  »  Ailleurs  elle 
ajoute  qu'il  était  «  cartésien  à  brûler  ».  L'abbé 
de  Montigny 'avait  été  admis  à  l'Académie  Fran- 
çaise ,  en  remplacement  de  Gilles  Boileau  (jan- 
vier 1670).  Selon  d'Olivet,  sa  prose  est  correcte, 
élégante,  nombreuse;  sa  versification  coulante, 
noble,  pleine  d'images.  On  a  de  lui  :  Lettre  à 
Éraste  pour  réponse  à  son  libelle  contre  La 
Pucelle  de  Chapelain;  Paris,  1656,  in-4°;  — 
Oraison  Junèbre  d'Anne  d'Autriche;  Rennes, 
1666,  in-4°;  —  Lettre  contenant  le  voyage 
de  la  cour  en  1660  ;  dans  le  Recueil  de  quel- 
ques pièces  nouvelles  et  galantes,  t.  Ier;  — 
des  poésies  diverses,  .imprimées  dans  les  re- 
cueils du  temps,  entre  autres  Le  Palais  des 
Plaisirs ,  petit  poëme  composé  en  réponse  au 
Séjour  des  Ennuis  de  René  de  Montplaisir,  et 
qui  fait  partie  du  Recueil  de  Poésies  chré- 
tiennes, t.  IL  Saint-Marc  avait  annoncé  le  projet 
.  de  rassembler  les  poésies  de  Montigny,  mais  il 
n'y  donna  pas  de  suite.  P.  L — y. 

D'Olivet,  Hist.  de  l'Acad.  Française.  —  MM  de  Sévi- 
gné, Lettres  du  1er  au  30  sept.  1671.  —  Saint-Marc,  dan» 
L'édit.  des  OEuvres  de  Montplaisir,  141. 

montigny  (Charles-Claude de), littérateur 
français,  né  le  8-  avril  1744,  à  Caen,  mort  le 
25  novembre  18 1 8,  à  Paris.  Avocat  au  parlement 
de  Rouen,  ii  devint  pendant  la  révolution  com- 
missaire du  gouvernement  près  les  tribunaux  du 


305 

Puy-de-Dôme.  On  a  de  lui 

l'Allemagne;  Paris,  1775-1779,  6  vol.  in-12; 

-  Traité  philosophique ,  théologique  et  pra- 
tique de  la  loi  du  Divorce  demandée  aux 
ïtats  par  L.-Ph.  d'Orléans;  s.  1.  (Paris), 
uin  1787,in-8°  ;  —  Réclamation  pour  C.  Des- 
noulins,  précédée  de  notes  historiques  sur 
'étal  de  bourreau  chez  les  principales  no- 
tons connues  ;  Paris,  1790,  in-8°,  sous  le  psen- 
lonyme  de  Mitouflet;  —  Alphabet  universel, 
i«  sténographie  méthodique  applicable  à 
'art  typographique;  Paris,  1799,  in-8°;  — 
'.es  plus  illustres  Victimes  vengées  des  in- 
ustices  de  leurs  contemporains  ;  Paris,  1802, 
n-8° ,  réfutation  des  Mémoires  du  règne  de 
jouis  XVI  de  Soulavie;  —  Mémoires  histo- 
iques  de  Mm«s  Adélaïde  et  Victoire  de 
?rance ,  filles  de  Louis  XV;  Paris,  1802,  3 
ol.  in-12;  cette  première  édition  fut  réprouvée 
ar  l'auteur,  qui  en  donna  une  autre,  augmentée 
e  notes  sur  les  révolutions  de  France ,  de  Sar- 
aigne,  de  Rome  et  de  Naples;  Paris,  1803, 

vol.  in-12  ;  —  Abrégé  du  traité  de  la  Langue 
xacte  adaptée  à  l'imprimerie  et  à  la  sté- 
ographie  de  Taylor;  Paris,  1805,  in-4°,  pi.; 

-  De  la  Monarchie  sous  la  maison  de  Bour- 
on;  Paris,  1815,  in-8°;  ce  volume  contient  VA- 
'resseaux  Français  et  aux  alliés  sur  le  re- 
our  de  Louis  XVIII,  qui  avait  paru  en  juillet 
815.  Montigny  a  encore  publié  des  mémoires 
t  plaidoyers  et  il  a  collaboré  au  Supplément 
le  V Encyclopédie  et  au  Répertoire  de  Juris- 
prudence de  Guyot. 

Un  auteur  du  même  nom,  Montigny  (Jean- 
Iharles-François  Bidault  de  ),  avocat  au  par- 
ement de  Paris,  mort  dans  cette  ville,  le  7  mai 
782,  a  laissé  plusieurs  poésies  assez  médiocres, 
les  parodies,  L'École  des  Officiers,  comédie  en 
:inq  actes  (1764,  in-8"),  un  Éloge  de  Marie 
leczinska  (1768,  in-40;),  et  des  Étrennes  pitto- 
resques, allégoriques  et  critiques  (1778,  in-12). 

K. 

Journal  de  la  Librairie,  1818.  —  Biogr.  nouv.  des 
Zontemp, 

montigny  (Louis-Gabriel) ,  officier  et  lit— 
érateur  français,  mort  le  11  janvier  1846,  à 
3aris.  Il  fit  là  plupart  des  campagnes  de  l'em- 
)ire,  et  assista  en  qualité  de  capitaine  an  siège 
l'Anvers,  où  il  fut  blessé;  au  mois  de  janvier 
.833,  il  fut  nommé  chef  de  bataillon  au  28e  de 
igné.  Ayant  été  mis  en  demi-solde  sous  la  res- 
auration,  il  se  jeta  dans  la  presse  libérale,  col- 
abora  au  Miroir  et  devint  le  principal  rédacteur 
le  La  Pandore.  Il  écrivit  aussi  des  romans  et 
les  pièces  de  théâtre;  dans  ce  dernier  genre 
ious  citerons  celles  qu'il  a  signées  seul  :  Les 
Français  en  cantonnement  (1821),  Mon  Cou- 
;in  Lalure  (1822),  Le  Carnaval  (1826),  Le 
"ommis  voyageur  (1826),  Mon  Ami  de  Paris 
1826),  Le  Café  de  la  garnison  (1827),  etc.  On 
i  encore  de  lui  :  Fragments  d'un  Miroir  brisé, 
anecdotes  contemporaines,  avec  un  choix  de 


MONTIGNY  306 

Histoire  générale  !  chansons  inédiles;  Paris,  1823,  in- 18:  recueil 
des  articles  fournis  au  Miroir  par  l'auteur;  — 
Les  Aventures  de  garnison  ;  Paris,  1824,  2  vol. 
in-12;  —  Le  Provincial  à  Paris,  esquisses 
des  mœurs  parisiennes;  Paris,  1824-1825, 
3  vol.  in-12;  —  Le  Colonel  Duvar,  fils  natu- 
rel de  Napoléon,  publié  d'après  les  mémoires 
d'un  contemporain  ;  Paris,  1827,  4  vol.  in-12  ; 
—  Souvenirs  anecdoliques  d'un  officier  de  la 
grande  armée;  Paris,  1833,  in-8°;  —  des  ar- 
ticles dans  L'Altiste  et  Le  Moniteur  de  l'Ar- 
mée. K. 
Moniteur  de  V Armée,  1846. 
J  montigny (  Rose-Marie  Cizos,  dame), co- 
médienne française ,  plus  connue  sous  le  nom  de 
Rose  Chéri,  née  à  Étampes,  le  27  octobre  1824. 
Son  père,  Jean-Baptiste  Cizos ,  connu  sous  le 
nom  de  Chéri,  était  à  la  tête  d'une  troupe  assez 
nombreuse  d'acteurs  ambulants,  et  donnait  des 
représentations  dans  nos  principales  villes  du 
centre.  A  l'âge  de  cinq  ans,  Rose  Chéri  fit  partie 
de  la  troupe  :  elle  parut  sur  les  planches  dans 
la  Lisette  du  Roman  d'une  heure ,  et  joua  la 
comédie,  le  vaudeville,  l'opéra,  le  drame,  dans 
les  villes  de  la  Bretagne,  du  centre  et  du  midi. 
M'ie  Loïsa  Puget,  qui  la  vit  à  Périgueux,  la  re- 
commanda à  Romieu,  alors  préfet  de  la  Dor- 
dogne;  quinze  jours  après,  le  30  mai  1842,  Bose 
Chéri  était  admise  à  débuter  au  Gymnase  dra- 
matique, sous  Je  prénom  de  Marie  ,  dans  un 
vaudeville  de  M.  Scribe  :  Estelle ,  ou  le  père 
et  la  fille.  Après  son  deuxième  début  elle 
fut  remerciée.  Cependant,  son  père  avait  fini 
par  intéresser  à  sa  cause  Monval ,  régisseur  du 
Gymnase,  qui  offrit  à  la  jeune  actrice  75  francs 
par  mois  pour  apprendre  en  double  les  rôles  de 
Mlle  Nathalie.  Six  semaines  après,  le  5  juillet 
1842,  Rose  dut  remplir  le  rôle  d'Henriette  dans 
Une  Jeunesse  orageuse.  Cette  fois ,  un  enthou- 
siasme unanime  éclate;  le  parterre  réclame  à 
grands  cris  le  nom  de  la  débutante.  Le  lende- 
main, le  directeur  du  Gymnase,  Delestre-Poir^ 
son,  la  fit  signer  un  engagement  de  4,000  fr.  par 
an.  En  juin  1844,  M.  Lemoine- Montigny  prit  la 
direction  du  théâtre.  Sous  cette  direction  .nou- 
velle, MM.  Scribe,  Bayard,  A.  Dumas  fils,  Emile 
Augier,  Mélesville,  fournirent  à  Rose  Chéri  ses 
plus  brillantes  créations  :  Le  premier  Chapitre, 
Les  deux  Sœurs,  Emma,  Rébecca,  Mme  de  Cé- 
rigny,  La  Belle  et  la  Bête ,  Un  Changement 
de  main,  Geneviève  et  Clarisse  Harlowe, 
furent  pour  le  Gymnase  une  suite  de  triomphes. 
Depuis  lors  l'Odéon  et  la  Comédie-Française  firent 
auprès  de  Rose  Chéri  d'inutiles  démarches  ;  fidèle 
à  ses  engagements,  elle  rejeta  les  offres  les  plus 
brillantes  et  refusa  même  de  laisser  rompre  par  un 
arrêté  du  ministère  le  traité  qui  la  liait  au  Gym- 
nase. Elle  vivait  simplement  auprès  de  sa  fa- 
mille, lorsqu'un  jour  M.  Scribe  vint  demander  sa 
main  pour  M.  Lemoine-Montigny,  directeur  du 
Gymnase;  le  12  mai  1847,  la  jeune  actrice  de- 
vint Mme  Montigny,  mais  elle  garda  au  théâtre 


307  MONTIGNY 

son  nom,  déjà  célèbre,  de  Rose  Chéri.  Depuis 
cette  époque  elle  a  rempli  les  principaux  rôles 
dans  les  pièces  suivantes  :  Le  Collier  de  perles, 
Manon  Lescaut,  Le  Mariage  de  Victorine,  Le 
Piano  de  Berthe,  Le  Fils  de  famille ,  Phili- 
berle,  Le  Pour  et  le  Contre,  Diane  de  Lys, 
La  Crise,  Le  Gendre  de  M.  Poirier,  Flami- 
nio,  Ceinture  dorée,  Le  Demi-Monde,  et  tout 
récemment  Les  Pattes  de  mouche.  Elle  a  su 
donner  à  tous  ces  rôles  une  grâce  pleine  de  fraî- 
cheur et  de  eharmes  ;  son  talent  flexible,  qui  se 
prête  à  la  comédie  comme  au  drame ,  conserve 
dans  les  élans  les  plus  passionnés  le  naturel  et 
l'à-propos.  «  C'est,  comme  l'a  dit  M.  Dumas  fils, 
la  seule  actrice  à  laquelle  les  femmes  du  monde 
accordent  le  droit  de  les  représenter.  » 

Son  mari,  Adolphe  Lemoine,  dit  Montigny, 
né  à  Paris,  en  1812,  fut  d'abord  acteur;  il  a  di- 
rigé quelque  temps  la  Gaîté  avec  M.  Meyer  et 
depuis  1844  le  Gymnase,  dont  il  fait  une  des 
premières  scènes  littéraires  de  Paris.  Il  est  au- 
teur de  quelques  vaudevilles  et  drames.  Un  des 
frères  du  précédent,  Gustave  Lemoine,  mari  de 
MUe  Loïsa  Puget,  a  fait  représenter  plusieurs 
drames  qui  ont  obtenu  un  grand  succès,  tels  que 
V Abbaye  de  Castro,  les  Prussiens  en  Lor- 
raine et  La  Grâce  de  Dieu  (  1841  ).  A.  H— t. 
E.  de  Mirecourt,  Mose  Chéri,  dans  Les  Contempo- 
rains. —  Dict.  de  la  Conversation. 

MO.\tijo    (  Dona   Maria  •  Francisca    de 
Porto  -  Car  rero  ,  comtesse  de),  grande   d'Es- 
pagne, morte  àLogrono,  en  1808.  Issue  d'une 
des  plus  anciennes  familles  d'Espagne  et  d'Italie, 
elle  épousa  très-jeune  le  comte  deMontijo,  grand 
d'Espagne  de  première  classe  et  l'un  des  sei- 
gneurs les  plus  considérables  de  la  cour  de  Ma- 
drid. Elle  se  fit  connaître  par  son  goût  pour  la 
bonne  littérature ,  et  bientôt  mérita  elle-même 
un  rang  distingué  parmi  les  écrivains  desa  patrie, 
dont  sa  maison  était  le  lieu  de  réunion.  Sa  vertu 
et  sa  piété  ne  la  mirent  pas  à  l'abri  des  attaques 
de  quelques  prêtres  et  moines  fanatiques.  Dom 
Baltazar  Calvo,  chanoine  de  San-Isidro,  et  le  frà 
Antonio  Guerrero,  dominicain,  déclarèrent  en 
chaire  qu'il  existait  dans  la  capitale  un  concilia- 
bule de  jansénistes  sous  la  protection  d'une  dame 
de  la  plus  haute  distinction,  qu'ils   désignèrent 
assez  clairement  pour  que  chacun   pût  recon- 
naître la  comtesse  de  Montijo.  La  chose  fit  du 
bruit  :  le  nonce  en  écrivit  à  Rome,  et  Pie  VI  en- 
voya des  lettres  de  félicitations  et  de  remercî- 
menfs  aux  deux  hardis  prédicateurs  Cette  appro- 
bation du  saint-père  souleva  une  foule  de  calom- 
nies contre  la  comtesse,  qui  fut  accusée  d'entretenir 
une  correspondance  religieuse  et  littéraire  avec  le 
célèbre  abbé  Grégoire,  évêquede  Blois.  L'inquisi- 
tion évoqua  l'affaire  ;  mais  le  rang  de  l'accusée 
empêcha  toute  poursuite  ;  néanmoins  la  comtesse 
dut  s'éloigner  de  la  cour.  Elle  se  retira  à  Logrono, 
où  elle  mourut,  jeune  encore,  laissant  une  réputa- 
tion bien  acquise  de  vertu  et  de  charité.      E.  D. 
Biographie  étrangère  (1819).  -   V.   Marty,  Généalogie 
de  la  famille  Montijo  (l'aris,  1857). 


—  MONTJOIE  3, 

montjean  (  René  de),  maréchal  de  Fram 
mort  en  1538.  Comme  tous  les  cadets  de  grand 
maisons,  il  se  résigna  d'abord  à  l'état  ecclésia 
tique.  Reçu  chanoine  de  l'église  d'Angers  le  7*1   i 
vrier-1502,  il  était  déjà  doyen  des  Mauges 
1508,  lors  de  la  réformation  de  la  coutume  d'A 
jou ,  quoiqu'il  fût  à  peine  simple  clerc.  La  me 
de  son  frère  aîné  le  constitua  chef  de  la  fami 
et  le  rendit  à  sa  liberté.  Il  renonça  à  ses  bén 
.fices  dès  1515  et  se  maria.  Impatient  de  se  ;  ■ 
gnaler  et  supportant  mal  l'oisiveté,  un  peu  te 
ami  aussi ,  au  rapport  de  Brantôme ,  du  faste 
de  l'ostentation,  il  faillit  compromettre  en  pi 
d'une  occasion  la  fortune  de  l'armée  et  ne  s! 
tira  pas  toujours  à  sa  gloire.  Déjà  fait  prisormi 
en  1524,  près  de  Verceil,  avec  sa  troupe  de  ge 
darmes,  il  tomba  une  seconde   fois  aux  mai 
de    l'ennemi,    à   Erignolles  (1536).    Une  aut 
fois,  prodigue   et  joueur  à    son  ordinaire, 
perdit  l'argent  destiné  à  la  solde  des  soudaro 
Ceux-ci,  manquant  de  tout,  se  mutinèrent  et  | 
tinrent  assiégé  dans  son  logis ,  sans  vouloir  e 
tendre  raison.  Il  fallut  que  le  roi  le  rachetât  i  ]| 
80,000  écus.  Montjeanfut  nommé  en  1537  goal 
verneur  et  lieutenant  général   en  Piémont,  il 
bientôt  après ,  par  suite  de  la  promotion  d'Am 
de  Montmorency  à  l'office  de  connétable,  «  gran 
maître  de  la  maréchaussée  ».  Tous  ses  biens, 
défaut  d'héritiers  directs,  passèrent  à  Guy  il 
Scépeaux.  c.  P t. 

Ou  Bellay,  Mémoires,  1.  VIII.  -  Continuât,  de  NW 
Gilles,  fol  -iso.  —  Fourquevaux,  Hommes  illustres.  M 
Brantôme.  —  Poeq.  de  Livonnicre,  mss. 

montjoie  (  Christophe- Félix-Louis  Veï \i 
tre  de  La  Touloubre),  littérateur  et  écrive* 
français,   né   à  Aix    (Provence),  le  18   m\ 
1746,  mort  à  Paris,  le  4  avril  1816.   Fils  !■ 
Louis  Ventre  de  La  Touloubre,   professeur   d    ; 
droit  français  à  l'université  d  Aix  (voy.  ce  nom; 
il  fut  reçu  avocat  dans   sa  ville  natale,  et  vir 
ensuite  à  Paris,  où  il  s'occupa  plus  de  la  litu 
rature  que  du  droit.  Quelques  ouvrages  qu'il  ava 
publiés  le  firent  en  1790  choisir  pour  travaille 
à  L'Année    littéraire  rédigée  par  Geoffroy  < 
Royou.  Tous  trois    fondèrent    alors   le  journ; 
L'Ami  du  Roi,  qui  obtint  un  grand  succès.  L 
violence  avec  laquelle  cette  feuille  combattait 
les  idées  libérales  la  fit  supprimer,  le  4  ma»|| 
1792,  par  un  décret  qui,  par  une  compensatioi 
assez  bizarre,  proscrivait   également  L'Ami  dt\\ 
Peuple  de  Marat,  journal  aussi  exalté  dans  un. 
opinion  contraire.   Lorsque  le  7  novembre  d   •• 
la  même  année  la  Convention  eut  décidé   qui  I 
Louis  XVI  comparaîtrait  à  sa  barre  pour  êtei 
jiigé,  Montjôie   eut  le  courage   de   prendre  U\> 
défense  du  malheureux  monarque ,   et  publia 
dans  cette  intention,  plusieurs  écrits  pleins  di 
chaleur.  Proscrit  en  avril  1793  par  le  comité  d< 
salut  public,  il  se  réfugia  chez   un  paysan  d(    i 
Bièvre,  où  il  demeura  caché  jusqu'à  la  chute  de  i 
Robespierre.  De  retour  à  Paris,  il  reprit  la  plume  ;   ' 
mais  divers  écrits  et  des  articles  dans  les  jour- 


,309  MONTJOIF.— 

,uaux  en  faveur  des  royalistes  lui  valurenten  1797 
>une  nouvelle  proscription.  La  Suisse  lut  le  pays 
iL»ti  il  chercha  alors  un  abri,  et  il  y  fit  paraître, 
[la  plupart  pour  la  défense  de  la  cause  des  Bout- 
j  lions,  différents  ouvrages  historiques,  qui  furent 
i  l'autant  plus  recherchés  que  leur  importation 
■il  l'rance  était  sévèrement  défendue  par  le  Di- 
rectoire. La  révolution  du  18  brumaire  (9  no- 
vembre 1799)  lui  ayant  permis  de  revenir  à 
j  Paris,  Monljoie  parut  renoncer  à  la  politique 
t  >oiir  se  livrer  exclusivement  à  la  littérature.  Il 
|  oublia  quelques  romans  et  des  articles  purement 
y  iltéraires  dans  le  Journal  général  de  France, 
Met  surtout  dans  le  Journal  des  Débats.  L'a- 
ifénement  de  Bonaparte  à  l'empire  modifia  les 
ji  )pinions  de  Monljoie,  qui,  considérant  peut-être 
|i a  cause  des  Bourbons  comme  perdue,  accepta, 
j  ors  de  l'organisation  de  l'université,  une  place 
[le  professeur  de  troisième  au  lycée  de  Gand, 
)l'où  il  passa  plus  tard  à  celui  de  Bourges,  en 
|  |ua!ité  de  professeur  de  rhétorique.  La  restau- 
i  ation  ne  lui  garda  point  rancune  de  l'acceptation 
I  le  ces  fonctions,  etLonis  XVIII,  en  lui  accordant 
l  me  pension  de  3,000  francs  sur  sa  cassette  par- 
|  iculière ,  le  nomma  conservateur  de  la  biblio- 
!  hèque  Mazarine.  Une  attaque  d'apoplexie  enleva 
i  ■lonljoie  quelques  mois  après.  On  a  de  lui  :  Di- 
vertissement national,  à  l'occasion  de  la 
Naissance  du  dauphin;  Paris,  1781,  in-8°;  — 
^Lettre  sur  le  Magnétisme  animal;  Paris, 
[..784,  in-8°  ;  —  Des  Principes  de  la  Monarchie 
française;  Paris,  1789,  2  vol.  in-8°  :  dans  cet 
|  mvrage,  qui  se  rapporte  à  l'histoire  du  droit  pu- 
blic français,  Montjoie  manifeste  des  opinions 
nui  diffèrent  beaucoup  de  celles  qu'il  professa 
t'année  suivante;  —  L'Ami  du  Roi,  des  Fran- 
çais, de  l'ordre,  et  surtout  de  la  vérité,  ou 
ùisloire  de  la  révolution  de  France  et  de 
y  Assemblée  nationale  pour  former  avec  le 
tournai  intitulé:  L1 Ami  du  Roi,  un  cours  com- 
plet d'histoire  du  temps  actuel;  Paris,  1791, 
|  parties  in  4°  ;  —  Réponse  aux  Réjlexions  de 
M.  Necker  sur  le  procès  intentéà  Louis  XVI; 
j  792,  in-8°; —  Avis  à  la  Convention  sur  le 
ïrrocès  de  Louis  XVI;  1792,  in-8°  :  l'auteur 
jnontre  dans  cet  écrit  que  la  Convention  n'a  pas 
<e  droit  d'examiner  les  actes  du  gouvernement 
le  ce  prince,  actes  desquels  il  ne  peut  d'ailleurs 
Itre  responsable;  —  Almanach  des  honnêtes 
iens  pour  les  années  1792  et  1793,  2  vol. 
i-iS;  —  Almanach  des  gens  de  bien  pour 
las  années  1794,  1795  et  1796,  3  vol.  in-18. 
'es  almanachs  sont  un  recueil  de  pièces  litté- 
.  krires  et  d'anecdotes  historiques,  dont  quelques- 
^nes^sont  très-piquantes;  —  Histoire  de  la 
,'onjuralion  de  Maximilien  Robespierre;  Pa- 
is, 1796,  in  8°  et3  vol.  in-18;  1801,  2  vol. in-18, 
,vec  portrait.  Cet  ouvrage  a  été  traduit  en  an- 
lais;  _  Histoire  de  la  Conjuration  de  Louis- 
yhilippe-Joseph  d'Orléans,  surnommé  Éga- 
W  ;  1796,  3  vol.  in-8°;  1801 , 6  vol.  in-18  ;  Paris", 
834-1837,  3  vol.  in-8°  :  écrit  d'un  style  aussi 


MONTJOSIEU 

t  prolixe  qu'incorrect,  cet  ouvrage  fourmille,  d'il 
ex^çtjtujle^;  —  Étsge  historique  et  funèbre  de 
Louis  X\'I  ;  Neufcliatel,  1790,  inh"  (anonyme); 
Paris,  1814,  in-8"  (avec  le  nom  de  l'auteur); 
—  Éloge  historique  d",  Marie-Antoinette  reine 
de  France  ;  1797,  in  8°.  Il  a  été  traduit  en  alle- 
mand et  en  hollandais,  et  l'auteur  le  refondit 
dans  un  autre  onvrage,  qu'il  publia  sous  le  litre 
fie  :  Histoire  d-e  Marie-An tvinetle;  Paris,  1814, 
2  vol.  in-S°;  3e  édition  augmentée,  1816,  2  vol. 
in-8".  Les  inexactitudes  nombreuses  qui  s'é- 
taient glissées  dans  cet  ouvrage  furent  rele- 
vées vigoureusement  par  Bertrand  de  Molle- 
ville;  —  Histoire  de  la  Révolution  de  France, 
depuis  la  présentation  au  Parlement  de 
l'impôt  territorial  jusqu'à  la  convocation 
des  Ét-ats  généraux  en  Assemblée  natio- 
nale; 1792,  2  vol.  in-8°;  —  Éloge  histo- 
rique de  J.-B.-F.  Bochart  de  Saron,  pre- 
mier président  du  parlement  de  Paris;  Pa- 
ris, an  vin  (1800),  in-8°;  —  Histoire  des 
quatre  Espagnols;  1301,  4  vol.  in-12;  1805, 
6  vol.  in-12;  1823,  4  vol.  in-12  ;  1836,  4  vol. 
in-12  :  c'est  un  roman  plein  d'intérêt,  mais  écrit 
d'im  style  traînant  et  diffus  ;  —  Histoire  d'un 
Manuscrit  trouvé  aumont Pausilippe;  Paris, 
1802  et  1836,  5  vol.  in-12  ;  —  Histoire  d'Inès 
de  Léon;  Paris,  1805  et  1836,  6  vol.  in-12,  avec 
portraits.  Ces  deux  romans  ont  été  souvent 
confondus  par  les  bibliographes,  et  sont  pour- 
tant bien  différents  ; —  Les  Bourbons,  ou  précis 
historique  sur  les  aïtux  du  roi,  sur  Sa  Ma- 
jesté, les  princes  et  les  princesses  de  la 
maison  de  Bourbon  qui  entourent  son  trône; 
Paris,  1815,  in-8°,  avec  vingt  portraits.  Monljoie 
laissa  en  outre  quelques  opéras  qu'il  avait  en  vain 
cherché  à  taire  recevoirà  l'Académiede  Musique. 

H.  FlSQUET. 

Babbc,  Vieilli  de  Boisjolin,  Biogr.  unirers-  et  portât, 
des  Contemporains.  —  Beucliot,  Journal  général  de  la 
Librairie.  —  Quérard,  La  l'rance  Littéraire.  —  Rensei- 
gnements particuliers. 

MOJiTJOSiEU  (Louis  de),  en  latin  Demon- 
tiosius,  érudit  français,  né  dans  fe  Rouergue, 
mort  à  la  fin  du  seizième  siècle.  D'une  famille 
noble,  il  donna  des  leçons  de  mathématiques  à 
Monsieur,  frère  du  roi,  et  au  duc  de  Joyeuse, 
et  il  accompagna  ce  dernier  en  1583,  à  Rome. 
II  s'y  livra  à  la  recherche  des  antiquités,  et  ga- 
gna par  son  savoir  et  sa  politesse  les  bonnes 
grâces  du  pape  Sixte  Qnint.  De  retour  en  France, 
«  il  s'appliqua  à  illustrer  la  mécanique  des  an- 
ciens, dit  Bayle,  et  à  la  faire  servir  aux.  utilités 
publiques  :  il  se  chargea  de  la  commission  de 
rendre  nette  des  boues  et  des  âmmondices  la 
ville,  de  Paris,  mais  celte  entreprise  lui  fit  perdre 
presque  tout  son  bien.  »  Pour  réparer  ce  mal- 
heur, il  épousa  une  femme  dont  Thumeur  aca- 
riâtre fut  cause  de  sa  mort.  Il  était  doux  et 
commode  dans  ses  manières,  selon  le  témoignage 
de  De  Thou,  et  d'un  esprit  tout  à  fait  propre  aux 
beaux-arts.  Kous  citerons  de  lui  :  Les  Semaines 
de   Daniel  et  les  jours  d'Ézéchiel;  Paris, 


311 


MONTJOSIEU  —  MONTLIVAULT 


1582  ;  —  Traité  de  la  nouvelle  Cosmographie, 
auquel  il  montre  les  erreurs  des  astronomes 
quant  aux  triplicitez  et  signes;  —  Deux  li- 
vres de  la  doctrine  de  Platon  ;  —  De  re  num- 
maria  et  ponderibus  ;  —  Gallus  Romx  hos- 
pes,ubi  mtilta  antiquorum  monumenta  ex-pli- 
cantur;  Kome,  1585,  in-4°  :  ouvrage  d'une 
grande  rareté,  et  dont  les  deux  dernières  parties, 
De  Sculptura  gemmarum  et  De  Pictura  an- 
tiquorum, ont  été  réimprimées  dans  le  Vitruve 
deLaët  (Amst.,  1649)  et  dans  le  t.  IX  du  Thé- 
saurus Antiq.  Grsecarum  de  Gronovius.    K. 

La  Croix  du  Maine  et  Du  Verdler,  Mblioth.  —  Bayle, 
Dict,  FJist-  et  crit.  —  De  Thou.  Historia  sui  temporis. 

MONTLAUR  (Jean  de)',  prélat  français  ,  né 
au  château  de  Montlaur,  près  de  Montpellier, 
vers  1120,  et  mort  dans  cette  ville,  le  24  février 
1190.  Chanoine  de  Maguelone,  il  en  fut  élu 
évêque  vers  la  fin  de  1 1 58,  et  mêla  son  nom  aux 
principaux  événements,  qui  de  son  temps  se  pas- 
sèrent dans  le  midi  de  la  France.  Ce  fut  lui  qui 
détermina  Guillem  VIII,  seigneur  de  Mont- 
pellier, à  publier  en  janvier  1180  un  règlement 
pour  l'école  de  médecine  de  cette  ville ,  règle- 
ment où,  après  avoir  blâmé  le  monopole  qu'on 
exerçait  en  cela,  Guillem  donna  la  liberté, 
d'enseigner  la  médecine  à  tous  ceux  qui  en  se- 
raient trouvés  capables,  de  quelque  qualité  et 
de  quelque  pays  qu'ils  fussent,  et  promit  de  ne 
plus  restreindre  ce  droit  à  certains  individus.  La 
liberté  que  ce  règlement,  bien  qu'il  ne  remédiât 
pas  à  tous  les  abus,  rendit  à  l'école  de  Mont- 
pellier, lui  donna  un  nouveau  lustre  ;  les  le- 
çons y  furent  beaucoup  plus  fréquentes,  et  la 
réputation  de  tant  d'habiles  professeurs  qui  y 
enseignaient  à  l'envi  porta  sa  gloire  beaucoup 
plus  loin  qu'elle  n'avait  été.  De  là  vient  que 
plusieurs  auteurs  rapportent  à  cette  époque  le 
premier  établissement  de  cette  école.  Il  nous 
reste  de  Jean  de  Montlaur  "deux  Lettres  adres- 
sées en  1163  au  roi  Louis  le  Jeune,  une  Ordon- 
nance par  laquelle  il  défend  en  1169  de  rece- 
voir des  chanoines  étrangers  dans  la  commu- 
nauté de  Maguelone,  et  enfin  une  Charte  où  il 
recommande  à  la  charité  des  fidèles  un  certain 
Bernard,  qu'il  soumit,  en  1170,  aune  pénitence 
publique. 

Il  ne  faut  point  le  confondre  avec  son  neveu, 
appelé  aussi  Jean  de  Montlaur,  qui,  né  en  1 1 80, 
fut  sacré  en  1234  évêque  de  Maguelone,  publia 
le  27  mars  1242  les  règlements  de  l'université 
de  Montpellier,  etmourutàLyon,  en  janvier  1247. 

H.  F. 
Callia  Christiana,  tome  VI.  —  Histoire  Littéraire  de 
la  France,  tome  XIV.  —  D'Aigrefeuillé,  Histoire  ecclé- 
siast.  de  Montpellier. 

montlivault  (Casimir- Maurice  Guyon, 
comte  de),  administrateur  français,  né  en  1771, 
mort  le  10  avril  1846,  à  Blois.  Il  entra  dans 
l'ordre  de  Malte,  quitta  l'Ile  en  1797,  après  y 
avoir  résidé  dix  ans,  parcourut  l'Italie  et  l'Alle- 
magne, et  revint  en  France  sous  le  consulat.  De 
1811  à  1814,  il  administra  en  qualité  d'intendant 


général  les  domaines  de  l'impératrice  Joséphi . 
Il  se  rallia  avec  empressement  aux  Bourbons  t 
devint  préfet  des  Vosges  (2  mai  1814).  \\\ 
éloigné  de  ces  fonctions  dans  les  Cent  Joi , 
Au  second  retour  du  roi,  il  fut  envoyé  dans  - 
sère  (juillet  1815).  C'était,  dit  M.  de  Vai  - 
belle,  «  un  royaliste  improvisé,  comme  le  \  ; 
grand  nombre  des  fonctionnaires  de  cette  c  - 
que,  et,  comme  eux ,  il  déployait  dans  ses  n  ^ 
velles  opinions,  la  violence liabituelle  aux  g  j 
ayant  un  passé  politique  à  faire  oublier.  \ 
plus  effrayant  arbitraire  présidait  à  tous  a 
actes  :  exils,  destitutions,  arrestations,  garnis  5 
militaires  imposées  aux  communes  suspecte  t 
payées  par  leurs  habitants  ».  Dans  l'espace  } 
quelques  mois  il  avait  destitué  deux  cent  tn  ; 
maires  de  l'Isère.  Après  l'insurrection  de  Did  , 
avortée  dans  la  nuit  du  4  au  5  mai  1816,  il  s  a 
socia  aux  plus  violentes  mesures  du  gén  1 
Donnadieu,  avec  lequel  il  avait  jusque  alors  v  1 
en  mésintelligence.  Le  5  mai  il  promit  à  (  |j 
conque  livrerait  un  des  rebelles  une  récompe  ; 
qu'il  fixa,  selon  l'importance  de  la  capture,  3 
100  à  3,000  fr.  ;  le  7,  il  proclama  l'état  de  si  î 
du  département;  le  9,  il  menaça  tout  habit  l 
coupable  d'avoir  recelé  un  des  rebelles  «  d'<ê 
arrêté,  livré  à  la  commission  militaire  et  c  t 
damné  à  la  peine  de  mort,  et  de  faire  rase  t 
maison  de  tous  les  détenteurs  d'armes  de  gut  ; 
non  déclarées  ».  Ses  services  furent  récomper  s 
par  le  titre  de  conseiller  d'État  ;  mais  presque  \ 
même  temps  il  échangeait  la  préfecture  de  k 
sère  contre  celle  du  Calvados  (  17  octo  î 
1816),  qu'il  conserva  jusqu'à  la  révolution  î 
1830. 

Son  frère  aîné,  Jacques -Marie-Cécile,  n(i 
1760,  prit  part  à  la  guerre  d'Amérique  sous  i 
ordres  du  bailli  de  Suffren  et  plus  tard  à  c  î 
de  la  Vendée.  Sous  la  restauration  il  devint  i  !■ 
pecteur  des  postes.  Il  -eut  un  fils,  Jacqu- 
Pierre-Marie,  né  le  28  mai  1786,  qui  sen 
avec  distinction  sous  l'empire,  et  fut  nommé  . 
1826  maréchal-de-camp. 

Un  autre  frère,  Éléonor-Jacques-Françiï 
de-Sxiles,  né  en  1765,  ami  intime  de  Rivai 
durant  l'émigration,  servit  dans  la  marine,  : 
parvint  au  grade  de  capitaine  de  frégate.  I 
publié  divers  ouvrages,  tels  que  Conjectiv, 
sur  la  réunion  de  la  Lune  à  la  Terre  et  < 
satellites  en  général  à  leur  planète  prin  ; 
pale,  à  Vaide  desquelles  on  essaye  d'exp 
quer  la  cause  et  les  effets  du  déluge,  la  d 
parition  totale  d'anciennes  espèces  vivan 
et  organiques,  et  la  formation  soudaine 
apparition  d'autres  espèces  nouvelles  et 
l'homme   lui-même  sur  le  globe  lerrestii 
Paris,  1821,  in-8°,  pi.  ; —  Essai  de  Cosmo.) 
gie;  Paris,  1826,  in-4°,  pi.  ;  —  Grammaire  1 
nérale  et  philosophique;  Paris,  1828,  in-!j 
—  Lettres  cosmologiques  ;  Tours,  1835,  in- 

P.  L. 

Blogr.  des  Hommes  vivants  (1820).  —  Vaulabellc,  11 


313 


M0NTL1VAULT  —  MONTLOSIER 


314 


iiesn""£  restaurations,  IV.  —  annales  de  la  Soc.  A'  A- 
\  jric.  <i  Indre-et-Loire,  18+6. 

biontlosiek  (  François  -  Dominique  de 
Rsynaud,  comte  de  ),  célèbre  publiciste  français, 
aé  à  Clermont-Ferrand,  le  11  avril  1755,  mort 
dans  la  même  ville,  le  9  décembre  1838.  11  ap- 
partenait à  une  famille  noble,  mais  peu  riche, 
Mil  en  était  le  douzième  et  dernier  enfant.  Il 
ilut  placé  à  six  ans  au  collège  des  Jésuites  de 
DIermont,  qui  fut  bientôt  supprimé,  et  fit  peu  de 
>rogrès  dans  ses  études.  Son  imagination  vive, 
ion  esprit  indépendant,  son  caractère  insociable 
\\e  le  rendaient  guère  propre  à  recevoir  une 
I  éducation  régulière.  Il  avoue  dans  ses  Mémoi- 
i  rs  qu'il  voulait  bien  apprendre ,  mais  que  les 
(  éléments  de  toute  connaissance  lui  étant  insup- 
hortables,  il  préférait  deviner.  Avecune  pareille 
I  méthode  on  peut  apprendre  beaucoup,  mais  on 
fippjend  mal.  Dans  les  mêmes  Mémoires,  Mont- 
i  osier  a  raconté  avec  beaucoup  d'intérêt  et  de 
ii  harme  son  adolescence  dans  les  écoles  et  ses 
I  >remières  années  de  liberté.  «  On  voit,  dit  M.  de 
i  tarante,  se  succéder  dans  cette  âme  énergique , 
f  ine  piété  ardente  ;  les  agitations  d'un  amour 
|  lassionné ,  l'essai  et  le  dégoût  de  la  vie  du 
tnonde;  l'effet  produit  par  quelques  voyages  à 
[  'aris^n  il  aperçut  Voltaire  et  connut  D'A  lembert; 
!  in  besoin  impérieux  d'occupation;  des  études 
t  ommencées  à  sa  manière,  en  toutes  directions, 
t 'anatomse ,  la  chimie ,  le  droit  public  :  tout  cela 
t  menait  place  au  milieu  de  sa  disposition  à  une 
|  ndépendance  assez  sauvage.  Aussi  ne  se  sentait- 
\  1  goût  à  aucune  carrière.  »  Il  épousa  une  veuve, 
(simple  campagnarde  sans  beauté,  de  peu  de  for- 
une  et  qui  avait  quinze  ans  de  plus  que  lui. 
(son  but,  qu'il  ne  cacha  pas,  en  contractant  cette 
|  nrion,  était  de  revenir  habiter  le  petit  manoir  de 
iRecolène,  vendu  par  sa  famille  et  possédé  par 
f  jette  veuve.  «  Je  n'étais  amoureux  ni  d'elle  ni  de 
|;a  fortune,  dit-il  ;  je  l'étais  de  ce  lieu  un  peu  sau- 
nage, qui  avait  une  belle  fontaine,  de  beaux 
|»rbres  plantés  par  mon  père,  et  qui  me  rappelait 
es  jours  de  mon  enfance.  »  Il  passa  ainsi  huit 
ans  à  Recolène,  cultivant  ses  champs,  lisant  les 
(Pèresde  l'Église,  faisant  des  recherches  dans  les 
}  pieux  monuments  de  l'histoire  de  France,  et 
étudiant  le  sol  volcanique  de  l'Auvergne.  De 
pette  dernière  étude  résulta  sa  Théorie  des  Vol- 
cans d' Auvergne ,  ouvrage  d'un  savoir  très- 
imparfait  et  d'une  imagination  trop  forte,  qui  eut 
ile  la  réputation  en  Auvergne.  Lorsque  la  révolu- 
[  ion  éclata,  Montlosier,  que  ses  études  sur  l'his- 
ioire  de  France  avaient    mis  au  courant  des 


juestions  soulevées  par  la  convocation  des  états 
;énéraux,  se  rendit  à  Paris.  Il  fut  élu  sup- 
pléant du  député  de  la  noblesse  de  Riom  à 
'Assemblée  constituante,  et  peu  après  il  siégea 
ians  cette  assemblée  en  remplacement  du  mar- 
quis de  La  Ronzière,  démissionnaire.  Il  se  mon- 
tra l'adversaire  ardent  du  parti  libéral,  bien 
qu'il  y  eût  en  lui  un  fonds  de  libéralisme;  mais 
les  procédés  révolutionnaires  de  la  Constituante 


le  révoltaient,  et  il  combattit  bien  souvent  des 
mesures  dont  il  n'improuvait  que  la  forme  pré- 
cipitée. Ainsi,  après  avoir  soutenu  que  les 
biens  ecclésiastiques  n'appartenaient  pas  à  la 
nation,  il  finit  par  convenir  qu'elle  pouvait  en  dis- 
poser. C'est  dans  cette  discussion  qu'il  dit  ces 
mots  célèbres,  en  parlant  des  évoques  :  «  Vous 
leur  ôtez  leur  croix  d'or,  ils  prendront  une 
croix  de  bois  ;  c'est  la  croix  de  bois  qui  a  sauvé 
le  monde.  »  Ces  paroles  étaient  fort  reli- 
gieuses sans  doute;  cependant  les  évêques  surent 
peu  degré  à  l'orateur  qui  leur  offrait  en  perspec- 
tive une  croix  de  bois.  Ainsi,  M.  de  Montlosier, 
avec  son  caractère  indiscipliné,  son  éloquence 
abrupte  et  ses  théories,  mélange  incohérent  d'i- 
dées royalistes,  féodales,  libérales,  irritait  le 
parti  des  novateurs  sans  contenter  le  parti  con- 
traire. A  la  fin  de  l'Assemblée  constituante  il  alla 
rejoindre  les  princes  à  Coblentz.  Il  ne  trouva  pas 
une  entière  sympathie  chez  les  émigrés,  et  avant 
d'être  admis  parmi  eux  il  dut  se  battre  en  duel 
une  ou  deux  fois;  mais  il  tirait  bien  l'épée,  et  on 
ne  lui  contesta  pas  longtemps  le  titre  d'émigré,  fi 
fit  avec  l'armée  des  princes  la  campagne  de  1792, 
qui  se  termina  promptement  et  malheureusement 
pour  les  royalistes,  et  qui  amena  la  dissolution 
presque  complète  de  l'armée  de  l'émigration. 
Montlosier  se  retira  à  Hambourg,  où  il  eut  des 
rapports  assez  suivis  avec  plusieurs  Français 
distingués,  tels  que  l'abbé  de  Pradt,  qui  rédigeait 
Le  Spectateur  du  Nord ,  dans  un  sens  royaliste 
et  modéré.  Lui-même,  avec  une  originalité  et  une 
brusquerie  qui  tenaient  à  son  caractère,  était  dans 
ces  idées  qu'avaient  représentées  à  la  Constituante 
Malouet  et  Clermont-Tonnerre. 

De  Hambourg  Montlosier  passa  en  Angle- 
terre et  s'établit  à  Londres.  Là  encore  il  trouva 
des  compatriotes ,  et  il  n'eut  de  liaison  qu'avec 
des  Français.  Les  Anglais  lui  déplaisaient,  et  il 
n'aimait  en  Angleterre  que  la  liberté  d'écrire.  Il 
publia  un  journal,  Le  Courrier  de  Londres, 
qu'il  rédigea  avec  son  indépendance  ordinaire, 
et  qui  fut  très-remarque.  Il  y  traitait  durement 
les  émigrés  que  l'exil  n'avait  pas  corrigés,  et  qui 
nourrissaient  des  idées  de  réaction  violente.  Il 
leur  disait  dans  des  Lettres  sur  la  Modération  : 
«  Vous  vous  montrez  gros  de  plus  de  crimes  que 
Marat  et  Robespierre.  »  Quand  le  Consulat  s'éta- 
blit, Montlosier  se  montra  aussitôt  attentif  et 
bienveillant  pour  cette  tentative  de  reconstruc- 
tion politique  et  sociale.  Pour  l'étudier  de  plus 
près  il  accepta  une  mission  très-particulière  au- 
près du  premier  consul ,  de  la  part  sans  doute 
des  princes  exilés  ;  mais  cette  obscure  transac- 
tion n'a  jamais  été  éclaircie.  Voici  ce  qu'en  ra- 
conte la  Biographie  des  Contemporains  :  «  L'ob- 
jet de  sa  mission  était,  dit-on,  de  proposer  au 
premier  consul  une  souveraineté  en  Italie  s'il 
voulait  consentir  au  rétablissement  des  Bour- 
bons. Malgré  les  passeports  dont  le  négociateur 
était  muni,  il  fut  arrêté  à  Calais,  conduit  à  Pa- 
ris, et  enfermé  au  Temple,  dont  il  sortit  après 


315 


MONTLOSTER 


SI 


une  détention  de  trente-six  heures.  En  lui  fai- 
sant obtenir  sa  liberté ,  le  ministre  de  la  police, 
Fouché,  l'avertit  que  son  arrestation  n'avait  eu 
lieu  que  par  suite  d'une  méprise;  cependant  il 
lui  défendit  de  remplirsa  mission, et  ne  lui  donna 
que  dix  jours  pour  retourner  en  Angleterre.  Il 
eut  toutefois  pendant  ce  temps  des  conférences 
secrètes  avec  le  ministre  des  affaires  étran- 
gères (  Talleyrand  ) ,  qui  lui  fit  connaître  con- 
fidentiellement l'intention  qu'avait  le  premier 
consul  Bonaparte  de  rétablir  l'ancienne  Église  de 
France ,  de  faire  rentrer  les  émigrés  et  de  les 
remettre  en  possession  de  leurs  biens  non  ven- 
dus. »  Ces  conférences  eurent  pour  résultat  de 
rendre  Le  Courrier  de  Londres  très-favorable 
au  gouvernement  consulaire.  Talleyrand  et 
Fouché  conseillèrent  à  Bonaparte  d'appeler  à 
Paris  Montlosier  (1801).  Le  publiciste  consentit 
bien  à  rentrer  en  France,  mais  il  demanda  à 
transporter  à  Paris  le  journal  qui  composait 
toute  sa  fortune.  Le  gouvernement  l'autorisa  en 
effet  à  publier  Le  Courrier  de  Londres  et  de 
Paris,  mais  l'ombrageuse  police  consulaire  ne 
pouvait  tolérer  longtemps  un  organe  indépendant, 
et  le  journal  de  Montlosier  fut  supprimé.  On 
dédommagea  l'auteur  par  une  place  d'attaché 
au  ministère  des  affaires  étrangères,  avec  de  bons 
appointements  et  point  de  travail.  A  la  rupture 
de  la  paix  d'Amiens,  le  pouvoir  lui  demanda  de 
rédiger  le  Bulletin  de  Paris,  journal  hebdo- 
madaire spécialement  dirigé  contre  l'Angleterre. 
Montlosier  accepta  cette  tâche,  peu  digne  de  lui, 
et  dans  un  grand  «nombre  d'articles  violents  et 
sarcastiques  il  déversa  sa  mauvaise  humeur  sur 
le  peuple  qui  lui  avait  donné  l'hospitalité.  Ces 
articles,  d'ailleurs  anonymes,  furent  à  son  grand 
regret  recueillis  en  un  volume  intitulé  :  Les  An- 
glais ivres  d'orgueil  et  de  bière. 

Napoléon,  devenu  empereur,  le  chargea  de  lui 
présenter  un  travail  sur  l'ancienne  monarchie, 
dans  lequel  seraient  indiquées  d'une  part  les  causes 
qui  avaient  amené  la  révolution,  et  de  l'autre  les 
tentatives  nécessaires  pour  la  combattre  et  les 
moyens  de  la  terminer.  Le  comte  de  Montlosier 
prit  quatre  ans  pour  rédiger  ce  mémoire,  qui  de- 
vint un  volumineux  ouvrage.  Une  commission  fut 
chargée  de  l'examiner,  et  sur  son  rapport  l'em- 
pereur, fout  en  accordant  des  éloges  au  comte  de 
Mon Llosier,  n'autorisa  pas  l'impression  de  son  tra- 
vail ,  qui  soutenait  sans  doute  la  nécessité  d'un 
pouvoir  fort,  mais  qui  revendiquait  aussi  les  li- 
bertés féodales  confisquées  par  la  monarchie. 
Toutefois  le  publiciste  fut  invité  à  écrire  à  Napo- 
léon sur  les  affaires  de  l'État,  et  cette  corres- 
pondance dura  quinze  mois.  Vers  la  fin  de  1812, 
Montlosier,  pressentant  sans  doute  la  fin  pro- 
chaine de  l'empire,  détourna  sa  pensée  de  la 
politique,  et  revint  à  son  ancien  goût  pour  les 
sciences  naturelles.  11  alla  visiter  les  volcans  de 
l'Italie.  A  son  retour  l'empire  était  tombé.  Mont- 
losier connaissait  trop  bien  les  émigrés  pour 
beaucoup  espérer  de  la  restauration.  Il  crut  le 


moment  opportun  pour  publier  sa  Monarchi 
française,  dont  il  ne  donna  d'abord  que  3  vol,  L 
quatrième  parut  pendant  les  Cent-Jours;  el  comm 
il  était  peu  favorable  aux  Bourbons,  l'auteur,  pou 
ne  pas  être  accusé  d'attaquer  les  vaincus,  le  fi 
précéder  d'une  préface  hostile  à  Napoléon.  L 
seconde  restauration  eut  lieu  peu  après, 
n'inspira  pas  plus  de  confiance  au  comte  de  Monl 
losier.  Toutes  ses  tendances  étaient  tournée 
v/ers  le  rétablissement  de  l'ancienne  monarchie 
pourvu  qu'elle  eût  pour  contre-poids  les  privi 
léges  féodaux  et  les  libertés  provinciales.  C'étai 
une  politique  impraticable.  Ennuyé  de  la  march 
des  affaires,  il  se  retira,  en  janvier  18tfi,  dans  s 
terre  de  Randan  ,  entre  Clermont  et  le  mor 
Dore,  et  se  mit  à  faire  de  l'agriculture  avec  cett 
opiniâtreté  passionnée  qu'il  portait  en  toute 
choses.  Il  ne  restait  pas  moins  attentif  à  la  poli 
tique,  très-disposé  à  aider  de  ses  conseils  le 
ministres  qui  défendaient  la  royauté  sans  vio 
lence,  et  qui  en  détestant  la  révolution  mon 
traient  du  respect  pour  la  liberté  ;  mais  quand  1 
parti  royaliste  exclusif  arriva  aux  affaires  ave 
de  Villèle ,  le  vieil  agriculteur  de  Randan  se  n 
trouva  dans  l'opposition.  Chrétien  sincère, il  avai 
contre  les  influences  cléricales  une  haine  qui  da 
tait  des  premiers  temps  de  sa  vie  publique.  En  1 826 
sentant  ses  premières  antipathies  se  ranime 
à  l'aspect  du  triomphe  éclatant  du  parti  prêtre 
qui  dominait  alors  dans  les  conseils  du  gouvei 
nement,  il  reprit  la  plume,  et  publia  son  Mé 
moire  à  consulter  sur  les  jésuites,  les  congre 
gâtions,  les  ultramontains,  etc.,  qu'il  dénonç 
même  dans  une  pétition  à  la  chambre  des  paire 
Quoiqu'il  eût  pris  soin,  dans  sa  préface,  de  fair 
une  réserve  en  faveur  de  ses  idées  aristocra 
tiques  en  haine  du  libéralisme,  ce  parti  accueilli 
son  livre  avec  enthousiasme.  Le  Mémoire  < 
consulter  eut  en  peu  de  temps  huit  éditions,  e 
son  auteur  eut  les  honneurs  d'une  persécution  di 
la  part  du  pouvoir.  La  pension  qu'il  tenait  d< 
l'empereur,  et  qui  lui  avait  été  conservée,  fu 
tout  à  coup  supprimée,  et  il  fut  accablé  d'où 
trages  par  les  écrivains  à  la  solde  du  gouverne- 
ment. Ces  attaques  personnelles  ne  firent  qu< 
redoubler  son  ardeur;  il  en  vint  à  comprendn 
que,  repoussé  par  ses  anciens  amis,  il  ne  lui  res 
tait  plus  qu'à  se  jeter  dans  les  bras  de  ses  ad- 
versaires politiques.  Dans  les  dernières  année; 
de  la  restauration,  il  fournît  en  effet  des  ar- 
ticles au  Constitutionnel,  et  au  commencemenl 
de  1830  il  publia  une  brochure  intitulée  :  De  la 
Crise  présente  et  de  celle  qvi  se  prépare,  dans 
laquelle  il  essayait  de  s'interposer  comme  média- 
teur entre  les  partis  qui  devaient  bientôt  s'atta- 
quer de  front;  mais  les  royalistes  désavouaient 
l'homme  qui  avait  indiqué  à  l'ennemi  le  côté  vul- 
nérable du  trône,  et  les  libéraux  ne  pouvaienl 
guère  écouter  celui  qui  se  défendait  de  «  faire 
honneur  à  la  révolution  de  nos  libertés,  de  nos 
droits  civils  et  politiques;  de  lui  attribuer  notre 
nouveau  système  de  nation.  O  mon  Dieu  !  di- 


:17 


MOINTLOSIER  —  MONTLUC 


318 


ait-il,  c'est  contre  la  révolution  que  tout  cela  a 
té  obtenu,  et  non  par  elle.  »  Cependant,  après 
•s  événements  de  juillet  1830,  élu  membre  du 
jnseil  général  du  département  duPuy-de  Dôme, 
fût  appelé  à  la  chambre  des  pairs  par  une  or- 
snnance  en  date  du  tl  octobre  1832,  et  s'y 
lontra  défenseur  constant  de  la  monarchie  nou- 
ille. A  q-iatre- vingts  ans  passés  il  était  un  des 
•atours  les  plus  assidus  de  la  chambre,  et  la 
nivelle  génération  admirait  dans  ce  débris  de 
Constituante  une  verve  originale  qui  défiait  les 
teintes  île  l'âge.  Le  repos  n'était  point  fait  pour 
n  énergique  nature;  le  comte  de  Montlosier 
:  trouva  pas  la  paix  même  à  ses  derniers  ins- 
nts.  Atteint  d'une  maladie  mortelle  à  Cler- 
)iit-Ferrand,  il  demanda  les  secours  de  l'église 
se  confessa  ;  mais  l'évêque  de  Clermont  exi- 
a  de  l'antagoniste  du  parti  prêtre  une  rétrac- 
ion  publique,  que  M.  de  Montlosier  refusa -de 
;ner.  Il  fut  en  conséquence  privé  de  la  sépul- 
re  ecclésiastique.  La  population  de  Clermont 
Dtesta  contre  cet  acte  d'intolérance,  et'  se 
rta  au\  funérailles  de  ce  vieux  gentilhomme 
i,  malgré  son  caractère  absolu  et  ses  opinions 
1  idales,  s'était  concilié  l'estime  générale.  Mont- 
rer était  à  sa  mort  président  de  l'Académie 
[  Clermont.  On  a  de  lui  :  Essai  sur  la  Théorie 
s  Volcans  d'Auvergne  ;  Paris,  1789,  in  8°; 
'  av.  édit.,  Clermont  et  Paris,  1802,  in-8°;  — 
j,  saisur  l'art  de  constituer  les  peuples,  ou 
\amen  des  opérations  constitutionnelles  de 
yssemblée  nationale  de  France; Paris,  1791, 
&8*; —  Grands  Discours  que  prononceront 
b  commissaires  de  V  Assemblée  nationale  au 
Uen  lui  présentant  la  grande  Charte,  et 
i  ponse  du  roi  aux  commissaires  ainsi  qu'il 
\' présumé  ;  1791,  in-8°;  —  De  la- Nécessité 
vam  contre-révolution  en  France  pour  ré- 
yiHr  les  finances ,  la  religion ,  les  mœurs, 
{monarchie  et  la  liberté;  Paris,  l791,in-8°; 
Des  Moyens  d'opérer  une  contre-révolu- 
t  n  pour  servir  de  suite  à  l'ouvrage  du  même 
yeur  intitulé  De  la  Nécessité  d'une  contre- 
rolution;  Paris,  1791,  in-8°;  —  Vues  som- 
yires  sur  les  moyens  de  paix  pour  la  France, 
}tr  V Europe ,  pour  les  émigrés;  Londres, 
i,)6,.  in-8°; —  Observations  sur  le  projet  d'un 
i'e civil;  Paris,  1801,  in- 12;—  De  la  Monar- 
ae  française  depuis  son  établissement  jus- 
\àmos  jours,  ou  recherches  sur  les  anciennes 
i  titutions  françaises,  leurs  progrès,  leur 
i  adence,  et  sur  les  causes  qui  ont  amené 
l  révolution  et  ses  dernières  phases  jus- 
flà  la  déclaration  d'empire,  avec  un  Sup- 
l  ment  sur  le  gouvernement  de  Bonaparte 
wuis  son  commencement  jusqu'à  sa  chute, 
4  ur  le  retour  de  la  maison  de  Bourbon  ; 
lis,  18-14,  3  vol.  in-8°;  —  Delà  Monarchie 
tnçaise  depuis  le  retour  des~  Bourbons  jus- 
fm  Ier  avril  1815  ;  Considérations  sur  Pé*- 
t\.  de  la  France  à  cette  époque;  Examen  de 
Charte  constitutionnelle,  de  ses  défectuosi- 


tés et  des  principes  sur  lesquels  l'ordre,  so- 
cial peut  être  recomposé;  Paris,  181  :>,  in-8°; 

—  De  la  Monarchie  française  depuis  la  se- 
conde restauration  jusqu'à  la  fin  de  la  ses- 
sion de  1816;  Paris,  1818,  in-8°  ;  —  De  la 
Monarchie  française  au  Ier  janvier  1821; 
Paris,  1821,  in-8»;  —  De  la  Monarchie  fran- 
çaise au  l?r  mars  1822;  Paris,  1822,  in-80;  — 
De  la  Monarchie  au  1er  janvier  1824;  Paris, 
1824,  in-8°; —  Mémoire  à  consulter  sur  un 
système  religieux,  politique,  et  tendant  à 
renverser  la.  religion,  la  société  et  le  trône; 
Paris,  1826,  in-8°;  —  Lettre  d'accusation 
contre  les  Jésuites  à  M.  le  procureur  général, 
à  M.  le  premier  président,  à  MM.  les  prési- 
dents, les  conseillers  membres  de  la  chambre 
d'accusation,  à  tous  MM.  les  conseillers  de  la 
Cour  royale  de  Paris;  Paris,.  1856,  in-32;  — 
Dénonciation  aux  cours  royales  ;  Paris,  1826, 
in  8°;  — Les  Jésuites,  les  congrégations  et  le 
parti  prêtre  en  1827;  Paris,  1827,  in-8°;  — 
Pétition  à  la  Chambre  des  Pairs  ;  Paris,  1827, 
in-8°;—  Des  Mystères  de  la  Vie  humaine; 
Paris,  1829,  2  vol.  iu-8°; — Mémoires  sur  la  Ré- 
volution française,  le  Consulat,  l'Empire,  la 
Restauration  et  les  principaux  événements 
qui  l'ont  suivie;  Paris,  1829,  2  vol.  in-8°;  — 
De  la  Crise  présente  et  de  celle  qui  se  prépare; 
Paris,  février  1830,  in-8";  —  Le  Ministère  et  la 
Chambre  des  Députés.;  Paris,   1830,  in-8";  — 

—  De  l'Accusation  intentée  contre  les  mi- 
nistres ;  Paris,  1830,  in-8";.  —  A  MM.  les 
Pairs  de  France  et  à  MM.  les  Membres  de  la 
Chambre  des  Députés  sur  les  événements  de 
juin  1832;  Clermont,  1832,  in-8°;  — Lettre  à 
MS.  Dupin ,  président  de  la  Chambre  des  Dé- 
putés, au  sujet  des  deux  lois< présentées  par 
le  gouvernement  sur  l'organisation  départe- 
mentale et'  sur  l'instruction  primaire;  Paris, 
1833,  in-»0.  Z. 

Mémoires  du  comte  de  Montlosier.  —  liiographie  .des 
Hommes  vivants;  Paris,  18.18.  —  Rabbe,  BioprapMe  uni- 
verselle des  Contemporains.  —  Arnault,  Nouvelle  Bio- 
graphie des  Contemporains.  —  Chateaubriand,  Mémoires 
d'outre -tombe.  —  Barante,  Notice  sur  la  vie  et  les  ou- 
vrai/es de  M.  le  comte  de  Montlosier  ,-  Clermont,  1842, 
in-8°. 

montluc  (Biaise  de)  (1),  maréchal  de  France, 
né  à  Çondom,  en  1501,  mort  en  1577,  à  sa  maison 
d'Estillac  (Agenois).  Il  est  bien  vrai,  comme  le 
dit  Brantôme,  que  Montluc,  dans  les  mémoires 
qu'il  nous  a  laissés,  «  se  loue  si  fort  qu'on  dirait 
que  c'est  lui  qui  a  tout  fait  aux  guerres  où  il  s'est 
trouvé  v .  Toutefois,  même  en  défalquant  de  la 
masse  des  événements  qu'il  raconte  tout  ce  qui 
n'a  réellement  pas  d'importance,. il  reste  encore 
cependant  assez  d'actions  d'éclat  pour  justifier  la 
réputation  de  grand  capitaine  que  ses  contempo- 
rains, amis  comme  ennemis,  lui  ont  unanimement 

(l)  Montluc  (Biaise de I,  suivant  des  actes  authentiques 
découverts  en  1354  par  M.  Corne,  avoué- à  Condom,  na- 
quit, non  à  Condom,  mais  à  Sainte-Gemme,  lieu  situé 
commune  de  Saint-Puy,  canton  de  Valence,  arrondisse- 
ment de  Condom. 


I 


319 


MONTLUC 


32 


accordée.  Du  reste,  sa  vie  militaire,  de  1521  à 
1576,  se  retrouve  tout  entière  dans  les  commen- 
taires curieux  qu'il  a  composés  à  l'exemple  de 
César,  dont  il  n'a  pas  imité,  loin  de  là,  la  mo- 
destie vraie  ou  simulée,  commentaires  que 
Henri  IV  appelait  le  bréviaire  des  soldais.  L'au- 
teur y  paraît  surtout  dominé  par  le  désir  louable 
de  trouver  dans  ses  prouesses  et  même  dans 
ses  fautes,  le  tout  noté  avec  une  exactitude  qui  va 
jusqu'à  la  minutie,  la  matière  d'utiles  leçons  pour 
les  capitaines.  Plusieurs  de  ses  recommanda- 
tions ont  fait  fortune,  et,  avec  les  modifications 
que  le  temps  et  les  progrès  de  l'art  devaient 
amener,  sont  restées  inscrites  au  code  des  com- 
mandants d'armée.  C'est  ainsi,  pour  ne  citer  que 
ce  seul  exemple,  que  l'on  retrouve  dans  son  ou- 
vrage une  pensée  reproduite  plus  tard  par  Na- 
poléon Ier  dans  une  lettre,  restée  célèbre,  adressée 
au  Directoire,  savoir  que  pour  commander  en 
chef  il  vaut  mieux  un  moindre  capitaine  seul 
que  deux  bons  ensemble.  Montluc  avait  pro- 
fondément étudié  l'art  militaire  tel  qu'on  le  con- 
cevait de  son  temps  :  c'est  véritablement  le  Jo- 
mini  du  seizième  siècle.  Mais  tout  n'est  pas  éga- 
lement louable  dans  la  vie  de  cet  illustre  guer- 
rier. L'histoire  lui  reprochera  toujours  ses  cruau- 
tés à  l'égard  des  protestants.  Brantôme  ,  qui 
pourtant  se  donne  comme  étant  des  amis  de 
Biaise  de  Montluc,  n'a  pas  hésité  à  le  mettre  en 
parallèle ,  pour  sa  cruauté  ,  avec  le  sanguinaire 
baron  des  Adrets.  Il  est  juste  cependant  de  re- 
marquer que  Montluc  obéissait,  lui,  à  des  convic- 
tions réelles,  tandis  que  des  Adrets  n'était  qu'un 
monstre  sans  principes,  dévoré  de  la  soif  du  sang 
humain.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  parallèle,  il  est 
constant  que  Montluc  a  consigné  dans  son  auto- 
biographie une  liste  infiniment  trop  étendue  des 
crimes  de  lèse-humanité  par  lesquels  il  répondait 
à  ceux  de  lèse-majesté  dont  se  rendaient  cou- 
pables les  huguenots  en  se  révoltant  contre  la  loi 
et  le  roi  dans  un  but  plus  politique  que  religieux. 
Le  bourreau  royalt  comme  l'appelaient  les  ré- 
formés, a  fourni  lui-même  complète  la  lugubre 
nomenclature  des  sanglantes  exécutions  qu'il  a 
ordonnées  sans  aucune  de  ces  formes  protectrices 
admises  aujourd'hui  et  dont  il  blâme  l'emploi 
avec  un  cynisme  révoltant.  Dans  ces  choses, 
écrit-il  quelque  part,  j'ai  ouï  dire  qu'il  jaut 
commencer  par  l'exécution.  Celui  qui  aurait 
le  courage  de  relever  le  contingent  du  farouche 
capitaine  gascon  dans  les  tueries  qui  ont  ensan- 
glanté la  Guienne  à  l'époque  où  il  exerçait  son 
prétendu  système  de  pacification,  arriverait  à  un 
chiffre  vraiment  effrayant.  «  Jamais,  écrit-il,  lieu- 
tenant de  ;  roi  n'a  tant  fait  périr  de  huguenots 
par  le  couteau  et  par  la  corde  ;  »  la  corde  surtout, 
c'était  le  supplice  qu'il  aimait  à  employer.  «  Un 
pendu,  dit-il , étonnoil  plus  que  cent  tués,  et 
on  pouvoit  connaître  par  où  félois  passé,  car 
sur  les  arbres  des  chemins  on  trouvoit  les  en- 
seignes. »,,  » 
H  y  a  ceci  de  remarquable  dans  la  vie  de 


Montluc,  eu  égard  au  siècle  où  il  vivait,  que,  n' 
tant  pas  d'une  noblesse  ancienne  ni  éclatante, 
ne  laissa  pas  de  s'élever  par  son  courage  et  s  i 
talents  militaires  seuls  jusqu'à  la  dignité  de  m 
réchal  de  France  que  lui  conféra  Henri  111 1 
1574.  Dans  ses  Commentaires,  nous  l'avonsdé 
dit,  Montluc  énumère  fort  au  long  tous  les  se 
vices  qu'il  a  rendus  à  son  pays.  Parmi  les  cor 
bats  auxquels  il  a  assisté  et  qu'il  a  décrits  lo 
guement,   il  en  est  beaucoup  qui  tiennent  p 
de  place  dans  l'histoire.  De  ce  nombre  n'est  ci 
tes  pas  le  combat  de  Cerisolles,  livré  le  14  av 
1544,  l'un  des  plus  célèbres  du  règne  de  Fra 
çois  Ier,  et  qui,  en  dégageant  Carmagnole,  assi  f- 
la  possession  momentanée  du  Piémont  aux  Fra 
çais.  Ou  sait  qu'il  contribua  par  sa  valeur  perse 
nelle  au  gaiu  de  cette  bataille  ;  mais  on  ignore  asi 
généralement  qu'elle  ne  fut  livrée  qu'à  la  su 
d'une  démarche  qu'on  l'envoya  tenter  auprès  I 
roi  pour  obtenir  de  lui  la  permission  de  comb 
tre.  Il  faut  lire  dans  ses  mémoires  les  détails  I 
trêmementintéressantsdel'audiencequ'ildut  s 
liciter  et  qu'il  obtint  à  cette  occasion.  Seul  de  i  y 
avis  d'abord,  mais  encouragé  par  les  signes  d'  g 
probation  que  lui  adressait  le  dauphin,  il  réuijj 
à  démontrer  la  nécessité  où  se  trouvait  l'aru 
d'Italie  de  risquer  un  grand  coup  pour  ravi  ■ 
le  prestige  du  nom  français  dans  le  pays.  Le  1 
sultat  de  cette  brillante  affaire  est  connu.  Mo  • 
lue,  aussi  vaillant  guerrier  qu'habile  négociât*: . 
en  assura  le  succès,  un  moment  compromis.  Il  M 
positif  que  le  comte  d'Enghien,  général  en  cl  tl 
abandonné  par  une  partie  des  bandes  étrange  I 
placées  immédiatement  sous  ses  ordres,  bâti 
déjà  en  retraite  quand  il  fit  volte-face  en  ap|  U 
nant  que  Montluc  avait  mis  en  pleine  déro  ! 
les  meilleures  troupes  du  marquis  du  Guast,  <  f  i 
des  Impériaux.  Pour  sa  récompense,  l'heur  i 
stratégiste  fut  fait  chevalier,  de  la  main  du  M 
néral,  sur  le  champ  de  bataille. 

Les  bornes  de  cette  notice  nous  obligent  de  fi  j 
chir  vingt  étapes  de  cette  carrière  militaire,  si 
rieusement remplie,  pour  arrivera  la  défense 
lèbre  de  Sienne,  que  Montluc  regarda  toujc 
comme  la  plus  belle  page  de  sa  vie.  Il  s'enfaul 
beaucoup  cependant  que  les  écrivains  versés  c  i 
l'art  militaire  s'accordent  avec  lui  sur  ce  po; 
c'est  une  question  que  nous  laisserons  juger 
hommes  du  métier.  Il  nous  suffit  de  remarç) 
que  Montluc ,  sans  espoir  d'être  secouru  pai 
troupes  du  roi,  engagées  ailleurs,  secondé  coi| 
geusement  par  les  habitants,  ne  négligea  rien  { I 
défendre  la  ville  contre  les  efforts  du  marquij 
Marignan.  Il  souffrit,  comme  le  dernier  des 
dats,  tontes  les  horreurs  de  la  famine  avant  dej  (■ 
mettre  aux  Siennois  d'entendre  à  la  capitulai 
que  leur  voulait  accorder  le  chef  de  l'armée  è  I 
mie.  Mais  quant  au  fait,  sans  précédents,  doif 
s'applaudit  si  fort,  c'est-à-dire  de  n'avoir  pas 
mis  que  le  nom  de  la  France  ni  le  sien  figuras  I 
dans  de  telles  écritures,  pour  emprunter 
langage,  tout  le  mondé  sera  de  l'avis  de  B 


21  MONTLUC 

tone,  «  que  la  modération  seule  du  vainqueur  a 

■ndu  possible  cette  prouesse  négative  ». 

Au  point  de  vue  des  résultats  il  aurait  eu  bien 

us  de  raisons  de  se  glorifier  de  ce  qu'il  fit  pour 

cause  royale  en  1569,  lorsque,  par  une  heu- 

use  inspiration,  il  détruisit    des    moulins   à 

}  iteaux  qui  existaient  dans  la  Garonne  près 

•  Aiguillon.  Car  il  détermina  ainsi  la  chute  d'un 

|  )nt  par  ou  les  divers  partis  des  huguenots  au- 

!  lient  pu  opérer  leur  jonction ,  contre-temps 

îi  paralysa,  et  môme  annula,  les  succès  partiels 

t  l'ils  avaient  obtenus  et  la  chance  qu'ils  avaient 

I!  profiter  d'une  mésintelligence  survenue  entre 
ontmorency  et  Montluc  lui-même. 
Mais,  pour  en  revenir  à  l'affaire  de  Sienne , 
!  jntluc,  obligé  de  rentrer  en  France  y  arriva  vers 
milieu  du  mois  de  mai  1555.  Il  reçut,  du  moins 
l'affirme,  de  son  bon  maître  Henri  IL,  qui  le 
jyait  perdu ,  un  accueil  tel  que  jamais  sujet 
I  ;a  obtint  de  semblable  d'une  personne  royale- 
s  ce  moment  sa  fortune  fut  faite. 
Il  faudrait  un  volume,  et  encore  ne  suffirait-il 
s,  pour  simplement  résumer  tous  les  faits  de 
erre  où  a  figuré  Montluc ,  et  dont  il  élève  la 
>  ipart,  avec  plus  ou  moins  de  raison,  à  la  hau- 
P:r  d'actions  d'éclat.  Nous  avons  indiqué  les 
!  nçipaux;  quelques  autres  se  retrouveront  dans 
relevé  que  voici  de  ses  états  de  service.  D'a- 
f  rd  simple  archer,  homme  d'armes ,  enseigne 
fnfanterie,  puis  capitaine  (1521-1528),  il  obtint 
|  grade  de  mestre  de  camp  et  de  commandant 
I  la  place  de  Montcalier,  en  récompense  de 
[valeur  qu'il  avait  montrée  à  Boulogne  (1549). 
I  rès  la  reddition  de  Sienne  (26  avril  1555); 
i  ut  fait  chevalier  de  l'ordre  et  colonel  général 
i  l'infanterie,  charge  dont  il  se  démit  ensuite 
■  ur  obtenir  en  échange  une  compagnie  de 
vis  d'armes.  On  a  vu  de  quelle  manière  il  ré- 
jndit  à  la  confiance  du  roi  en  Guienne  (  1580- 
[64)  :  le  couronnement  de  sa  carrière  mili- 
lire  fut  la  part  qu'il  prit  au  siège  de  La  Ro- 
j;lle,  en  1573,  après  lequel  il  obtint  le  bâton  de 
i  récital  de  France.  Quant  au  théâtre  de  ses  ex- 
iiits  ce  fut  successivement  l'Italie,  le  Roussillon, 
I  Provence,  Rome,  la  Picardie,  le  Béarn.  L'ilfus- 
S  guerrier,  il  est  bon  de  le  remarquer,  avait 
•à  pris  sa  retraite,  comme  on  dirait  aujour- 
Vui,  lorsqu'il  assista  au  siège  de  La  Rochelle. 
}  repos  lui  était  devenu  nécessaire,  non-seule- 
^.nt  à  cause  de  son  grand  âge,  mais  aussf  de 
4  souffrances,  suite  des  blessures  qu'il  avait 
l  ues  en  divers  temps,  et  notamment  au  siège 
IRabastens  en  Béarn,  en  1570,  pendant  qu'il 
Inbattait  courageusement  au  premier  rang  des 
laillants.  Cette  dernière  arquebusade ,  c'est 
Ksi  qu'il  s'exprime,  le  défigura  au  point  de  Tô- 
lier, dit-on,  à  porter  un  masque. 
'jte  qui  prouve  que  Montluc  n'était  pas  oublié  à 
lour  dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  ainsi 
<[iUe  prétendait,  c'est  qu'il  reçut  en  1572  une 
1,  re  de  Catherine  de  Médicis  oit  elle  l'Infor- 
t  qu'on  avait  découvert  une  grande  cons- 

NOUV.    BIOGR.    CÉNÉR.    —  T.   XXXVI. 


322 

piration  contre  le  roi  et  son  Estât  et  que 
cela  avait  été  cause  de  ce  qui  était  arrivé... 
c'est-à-dire  la  Saint-Barthélémy.  Chose  digne 
Je  remarque  !  le  sanguinaire  pacificateur  de  la 
Guienne  ne  parait  pas  avoir  applaudi  à  cette  san- 
glante péripétie  d'un  drame  où  il  avait  si  sou- 
vent pris  le  rôle  de  bourreau.  II  est  vrai  qu'il  s'y 
mêla  dans  {'exécution  une  lâcheté  que  son  cœur 
de  soldat  loyal  ne  pouvait  ni  comprendre  ni  ap- 
prouver. 

Si  le  bonheur,  comme  Montluc  s'en  vante  en 
plus  d'un  efidroit  de  ses  confessions,  raccompa- 
gna fidèlement  à  la  guerre,  il  n'en  fut  pas  de 
même  dans  sa  famille.  Car  des  quatre  fils  qu'il 
eut  de  sa  première  femme,  Antoinette  Ysalquier, 
un  seul  lui  survécut,  et  ne  laissa  point  de  posté- 
rité masculine,  et  de  sa  seconde  femme  il  n'eut 
que  des  filles  (1). 

On  a  fait  sept  ou  huit  éditions  des  Mémoires 
de  Montluc;  la  première  est  de  1592,  Bordeaux 
(Millinge) .  Jean-Paul  Faber. 

Biaise  de  Montluc,  Commentaires.  —  Brantôme,  fie  des 
Hommes  illustres  françois.  —  Mézeray,  Abrégé  de  l'His- 
toire ^é  France.  -  De  Thou ,  Hist.  universelle.  —  Bio- 
graphie et  Maximes  de  Montluc  |  éd.  de  La  Barre-Du- 
parcq).  —  Sainte-Beuve,  Moniteur,  octobre  1854. 

montluc  {Marc- Antoine  de),  capitaine  fran- 
çais, fils  aîné  du  précédent,  mort  en  1557.  Les 
louanges  que  lui  donne  son  père  dans  ses  Mé- 
moires sont  confirmées  par  Brantôme,  qui  le 
représente  comme  un  homme  d'une  valeur  éprou- 
vée malgré  sa  petite  taille.  II  servit  avec  un  grade 
assez  élevé  à  Rome.  En  revenant  d'une  expédi- 
dition  contre  Ostie.il  fut  frappé  d'une  balle 
lancée  au  hasard  et  blessé  mortellement.  Il  con- 
serva pourtant  assez  de  courage  pour  se  traîner 
jusqu'au  logis  du  maréchal  Strozzi,  lui  rendit 
compte  de  son  fait,  et  expira  peu  après. 

Brantôme.  Vie  des  Hommes  illustres  françois.  — 
Biaise  de  Montluc,  Commentaires. 

montxcc  (Charles  de),  dit  le  capitaine  Pet- 
rot,  frère  du  précédent,  tué  en  1566.  Après  avoir 
fait  ses  premières  armes  en  France,  il  équipa  un 
vaisseau  en  1 566,  et  avec  trois  cents  jeunes  gentils- 
hommes bordelais  non  moins  déterminés  que  lui, 
il  fit  voile  pour  Madère,  île  appartenant  aux  Por- 
tugais et  dont  il  avait  formé  le  projet  de  s'empa- 
rer. Mais  en  voulant  forcer  le  château  il  reçut; 
dit  Brantôme,  une  grande  arquebusade  dont  il 
mourut ,  et  fut  enterré  dans-  cette  île.  Étrange 
destinée  des  fils  de  Montluc,  dont  trois  périssent 
de  mort  violente  et  dans  des  circonstances  à  peu 
près  identiques  !  Si  l'on  en  croit  l'historien  pré- 
cité, une  expédition  que  le  capitaine  Peyrot  avait 
préparée  contre  l'Espagne  avant  son-  coup  dé 
main  sur  Madère,  aurait  certainement  réussi  si 
les  circonstances  ne  l'avaient  pas  contraint  de  la 
retarder  d'une  année.  La  version  de  Montluc  sur 
les  entreprises  de  son  fils  est  un  peu  différente  de 


(1)  Biaise  de  Montluc  représentait  la  juridiction  des  ma- 
réchaux de  France  dans  la  série  des  médaillons  qui  dé- 
coraient-une des  façades  de  l'ancienne  Préfecture  de  Po- 
lice. 

11 


323 

celle  de  Brantôme.  Il  prétend  qu'iJ  avait  dessein 
de  conquérir  une  région  de  l'Afrique,  qu'il  ne 
nomme  pas  (1),  et  que  s'il  tenta  d'occuper  mi- 
litairement Madère,  ce  fut  par  occasion ,  et 
pour  punir  les  habitants  qui  lui  avaient  refusé 
l'aiguade  et  même  avaient  assailli  et  maltraité 
quelques-uns  de  ses  compagnons. 

Charles  de  Montluc était, après  Marc-Antoine, 
celui  de  ses  fils  dont  le  maréchal  promettait  le 
plus  la  valeur.  Il  laissa  un  fils,  qui  fut  tué  au 
siège  d'Ardres. 

Brantôme,  Vie  des  Hommes  illustres  français.  — 
Montluc,  Commentaires. 

montluc  (  Jean  de  ) ,  frère  des  précédents, 
mort  vers  1585.  Il  servit  en  Piémont  et  en 
Guienne  pendant  quelques  années,  sous  les  or- 
dres de  son  père,  qui,  dans  son  autobiographie,  le 
loue  beaucoup  de  son  courage  et  de  son  activité, 
mais  sans  citer  de  lui  aucun  exploit  particulier. 
On  ne  peut  cependant  mettre  sa  valeur  en  doute, 
car  elle  est  attestée  par  Brantôme  et  surtout 
par  une  lettre  que  Jean  de  La  Valette,  grand- 
maître  de  l'ordre  de  Maite,écrivit  à  Montluc  pour 
l'informer  que  son  fils  au  siège  du  bourg  de 
Malte  (1565)  avait  fait  merveille  et  que,  placé 
dans  les  endroits  les  plus  périlleux,  il  s'était 
montré,  par  sa  bravoure,  digne  de  son  père. 
Biaise  de  Montluc  tenait  beaucoup  à  ce  que 
l'un  de  ses  fils  entrât  dans  les  ordres,  attendu 
que  l'évèché  de  Condom  était,  selon  son  ex- 
pression, dans  sa  famille.  Jean  de  Monluc  se 
soumit  aux  volontés  de  son  père,  par  pure 
obéissance.  Il  occupa  donc  le  siège  que  devait 
illustrer  Bossuet  (1571),  mais  il  ne  futpas  sacré, 
à  cause  de  ses  infirmités  ;  il  donna  sa  démission 
en  1581,  et  mourut  bientôt  après.  J.-P.  F. 

Montluc,  Commentaires.  —  Brantôme,  Hommes  illus- 
tres français. 

monthjc  {  Jean  de  ),  prélat  et  diplomate 
français,  frère  puîné  de  Biaise  deMontluc,né  vers 
1508,.  mort  le  13-  avril  1579,  à  Toulouse.  Des- 
tiné à  l'état  ecclésiastique,  il  revêtit  contre  son 
gré  l'habit  de  Saint-Dominique.  La  reine  de  Na- 
varre, Marguerite,,  qui,  dit  Brantôme,  «  aimoît 
les  savants,,  le  connoissant  tel,  le  défroqua  et  le 
mena  avec,  elle  à  la  cour  »  ;  il  est  probable  que 
ce  fut  en  qualité  d'aumônier.  Son  esprit  souple' 
et  délié,  sa  prudence,  son  grand  savoir  lui  ga- 
gnèrent les  bonnes  grâces  de  François  Ier,  qui 
l'employa  en  diverses  négociations.  Envoyé  à 
Constantinople,  il  n'y  parvint,  si  l'on  en  croit 
Paul  Manuce,  qu'après  avoir  essuyé  des  fatigues 
inouïe»,  et  eut  l'adresse  de  conclure  avec  Soli- 
man une  paix  avantageuse  pour  fa  chrétienté. 
En  revenant  de  Turquie ,  il  s'arrêta  à  Borne 
(1538),  et  y  prolongea  son  séjour  pendant  quel- 
ques années  ;  le  pape  le  revêtit,  dit-on,  de  la 
charge  de  protonotaire  apostolique.  En  1543  on 
le  retrouve  à  Venise,   occupé  à  excuser  auprès 


(1)  C'était,  dit-on,  dans  l'intention  de  former  sur  le  litto- 
ral de  l'AfriqiV!  des  établissements  ou  comptoirs  pour  le 
commerce. 


MONTLUC  3: 

du  sénat  l'alliance  de  la  France  avec  le  Tune, 
reçut  en  1553  l'évèché  de  Valence  et  de  Die, 
récompense  de    ses  services.  Après   la  nu 
d'Henri  II,  il  devint  le  confident  et  le  conseil 
Catherine  de  Médicis,  qui  rencontra  en  lui 
instrument  docile  de   ses  volontés.  Il  jouiss 
alors  d'une  grande  réputation  d'éloquence, 
l'appelait   souvent  au  Louvre,  et  toute  la  c< 
venait  l'entendre  prêcher,  bien  qu'on  le  sût  I 
vorahle   sur  beaucoup  de  points  à  la  réfor 
religieuse.  Il  avait  adopté  le  costume  sévère  i 
prédicants,  ce  qui  arracha  un  jour  cette  ext  i 
mation  brutale  au  connétable  de  Montmorem  i 
«  Qu'on  m'aille  tirer  de  cette  chaire  cet  évêi 
travesti  en  ministre  !  »  II  est  difficile  d'affin  I 
quel  fut  au  vrai  l'état  de  ses  convictions  r  j 
gieuses.  Beaucoup  d'historiens  l'ont  ouverterr  | 
accusé   d'hérésie.   A    la  poursuite    du    do  i 
de  Valence,  il  fut  même  déclaré  hérétique 
là  cour  de  Borne  ;  mais  le  parlement  de  Pa } 
par  arrêt  du  14  octobre  1560,  condamna  Pa<  j 
sateur  à  l'amende  honorable.  D'un  autre  c 
le  maréchal  parle  dans   ses  Commentaire!  i 
concours  absolu  que   lui  prêta  son   frère  [  l 
dant  la  guerre  d'extermination  qu'il  fit  aux  (^ 
guenots   en  Guienne.  Ces  contradictions   j  h 
vent  s'expliquer  en  les  rapprochant  des  fluc  fi 
tions  qu'a   subies  la  politique  à   expédients  k 
Catherine  de  Médicis,  qui,  à  l'origine  des  tl 
blés,  se  défiait  autant  des  protestants  que  j) 
catholiques.    D'après   ce  système  d'interpi  fe 
tion,  l'évêque  de  Valence  n'aurait  eu  que  le  it 
de   reproduire  dans  sa  conduite   les  opiup 
flottantes  de  sa  royale  protectrice ,   si  en  p 
des  cas  il  ne  les  a  pas  suggérées. 

En  1 560 ,  Jean  de  Montluc  reçut  des  C  je 
l'épineuse  mission  de  ménager  un  accomn  to 
ment  entre  les  Écossais  révoltés  et  la  rég  Et 
Toute  son  adresse  échoua  contre  la  fermetï  uj 
religionnaires,  qu'il  trouva  peu  disposés  à  H 
tre  bas  les  armes  ;  il  ne  réussit  pas  davantfô 
la  cour  d'Elisabeth.  D'après  ses  conseils  b 
Guise,  pour  conserver  un  trône  à  leur  t.* 
consentirent  à  signer  la  paix  à  des  condition!  jrt] 
dures  pour  leur  amour-propre.  Dans  la  r  n 
année  il  siégea  à  l'assemblée  des  notables  c  pfii 
tint  à  Fontainebleau,  et,  en  sa  qualité  de  fi 
nier  membre  admis  au  conseil  privé,  ilpapl 
premier  (  23  août  1560  ),  et  «  il  le  fit  plus  p 
ment,  dit  Mézeray,  que  n'eussent  su  fai.jfâ 
ennemis  de  l'Église  romaine  ».  Après  avoi  Ht 
guement  exposé  l'état  d'avilissement  et  d  Wi 
gradation  où  était  tombé  le  clergé,  à  comm  iw 
par  les  papes  et  les  cardinaux,  il  proposa  -ur 
remède  à  la  confusion  générale  la  réunion  un 
concile  national  auquel  seraient  appelés  le:  jjt 
savants  ministres  réformés.  Son  avis,  soi| 
par  l'évêque  Marillac,  prévalut;  le  colloq '«B 
Poissy  eut  lieu  bientôt  après,  et  il  y  joua  1< 
de  modérateur.  En  1563  il  fut  cité  à  compa 
devant  le  tribunal  de  l'inquisition  en  i 
temps  que  Jeanne  d'Albret  et  les  prélats 


525 


fais  suspecjs  d'hérésie.  La  dernière  et  la  plus 
sélèbrede  ses  ambassades  (  il  en  avait.de  son 
nropre  aveu,  rempli  plus  de  seize  )  fut  celle  de 
Pologne,  en  1572,  dont  la  relation  a  été  écrite 
>ar  Jean  Choisnin,  son  secrétaire.  C'était  lui 
jui,  paratt-il,  avait  inspiré  à  la  reine  mère  Fi- 
lée de  placer  la  couronne  de  Pologne  sur  la 
ête  du  duc  d'Anjou.  Après  avoir  envoyé  en 
[  vant  son  fils  Balagni,  afin  de  préparer  les  voies, 
|  !  quitta  Paris  le  17  août,  et  apprit  à  Saint-Di- 
Lier  la  nouvelle  du  massacre  de  la  Saint-Bar- 
hélemy.  Victime  d'un  guet  apens  qui  lui  fut 
tendu  par  les  gens  de  l'évoque  de  Verdun,  il 
I  esta  prisonnier  jusqu'au  moment  oîr,  par  ordre 
|  u  roi,  il  fut  remis  en  liberté.  «  Il  y  a  longtemps 
j  ue  je  ne  fus  si  marrie  que  j'ai  été  du  tour  qu'on 
j  ous  a  fait,  lui  écrivit  Catherine  à  ce  sujet,  et 
|  ous  prie  de  ne  vous  en  fâcher.  Que  cela  ne 
1  ous  retarde  ni  décourage.  »  Montluc  arriva  vers 
\  mi-octobre  en  Pologne,  et  n'en  repartit  qu'a- 
[  rès  l'élection  du  prince  français  (  mai  1573). 
i]  acheta  ce  triomphe  au  prix  de  la  vérité  et  de 
\  m  honneur.  A  force  d'assurance  et  d'habileté,- 
i  réussit  à  persuader  aux  Polonais  que  le  mas-- 
j  icre  de  la  Saint-Barthélémy  n'avait  pas  été  pré- 
j  .édité,  que  le  duc  d'Anjou  n'y  avait  aucune 
i  irt  et  qu'enfin  la  cour  y  avait  été  contrainte 

I  ir  les  attaques  des  huguenots.  Il  ne  craignit 
i  is  de  faire  un  faux  serment  en  jurant,  au  nom 
,,i  son  maître,  «  que  tous  ceux  qui  avaient  été 
tpndamnés  pour  la  prétendue  conspiration  de 

't,aris  seraient  rétablis,    eux  ou  leurs  héritiers, 

I I  leurs   biens,  noblesse  et  honneurs  ;  que  le 
are  exercice  de  la  religion  serait  accordé,  que 

I  i  diligentes  informations  seraient  faites  contre 
i  kS  massacreurs  et  qu'ils  seraient  châtiés  ».  L'é- 
;  ^ction  faite,  l'ambassadeur  fut  désavoué;  il 
|  Uait  lui-même  donné  cet  honnête  conseil. 
,  ontluc  continua  de  résider  à  la  cour,  et  il  s'y 
{ «  t  exposé,  sous  le  règne  de  Henri  ICI,  à  toutes 
I|»rtes  de  mortifications.  11  finit  par  rentrer  dans  le 
|jron  de  l'Église  romaine,  grâce  aux  jésuites  dont 
ii, s'entoura  vers  la  fin  de  sa  vie,  et  mourut  à  Tou- 
louse, dans  un  âge  fort  avancé.  Il  laissa  un  fils 
I [voy.  ci-après  ),  légitimé  en  1567,  et  qu'il  eut 
|  ],nne  jeune  fille  de  Picardie ,  selon  les  uns,  ou 
•  ^ne  esclave  grecque ,  selon  les  autres. 

j  On  a  de  Jean  de  Montluc  :  Deux  instructions 
1[  deux  épistres  au  clergé  et  peuple  de  Va- 
Mince;  Avignon,  1557,in-8°;  plusieurs  fois 
■Limpr.  et  trad.  en  italien ,  elles  furent  condam- 
nes par  la  Sorbonne ,  —  Cleri  Valentii  et  Dien- 
Reformatio  ;  Paris,  1558,  in-8°;  trad.  en 
mçais;  —  Recueil  des  lieux  de  l'Écriture 
rvant  à  découvrir  les  fautes  contre  les 
commandements  de  la  loi;  Paris,  1559, 
;-8°;  —  Sermons;  Paris,  1559,  in-8°;  Avi- 
ron, 1561,  in-16  :  recueil  condamné  et  supprimé 
r  la  Sorbonne;  —  Familière  Explication 
s  articles  de  la  foi;  Paris,  1561,  in-8°;  — 
rmons  sur  les  articles  de  la  foij  et  de  fo- 
ison dominicale;  Paris,   1561,  pet.  in-8°; 


MONTLUC  326 

—  Harangue  au  roy  en  1563;  Paris,  1563, 
in-4°;  — Orationes  ad  ordines  Polonise  ;  Cra- 
covie,  1573,  in-4°;  Paris,  même  année,  in-8°: 
les  deux  harangues  ont  été  mises  en  français  à 
la  même  date  ; — Epistola  ad  ordines  Polonise  ; 
1573,  in-8°;  —  De/ensio  pro  Andium  duce 
adversus  calumnias  quorumdam  ;  1573,  in-8° , 
et  aussi  en  français  oans  les  Mémoires  de  Char- 
les IX;  ce  mémoire  est  une  sorte  de  justification 
de  la  Saint-Barthélémy;  —  Election  du  roy 
Henri  III,  roy  de  Pologne;  Paris,  1574, 
in-4°.  P.  L. 


EpistolseP.  Manutii.  —  Brantôme,  Capitaines  illus- 
tres, liv.  V.  —  De  Thoti,  Hist.  suitemporis.  —  La  Pope- 
liniére,  Hist.  des  Guerres  ciiHlcs.  —Choisnin,  Mémoires. 
t-  Anquetil,  Esprit  de  la  Ligue.  —  Haag  frères,  La 
France  Protest.  —  Sismonrii,  Hist.  des  Français,  XVII, 
XVIII  et  XIX. 

montluc  {Jean  de),  seigneur  de  Balagni,  fils 
naturel  du  précédent,  maréchal  de  France,  né 
vers  1545,  mort  en  1603;  il  fut  légitimé  en  1567. 
11  étudiait  à  Padone,  lorsque  son  père  parvint , 
à  force  d'intrigues,  à  le  faire  désigner  pour  aller 
en  Pologne,  afin  d'attirer  les  regards  de  la  no- 
blesse par  ses  manières  élégantes,  sa  gaieté  et  ses 
grandes  dépenses,  tandis  que  les  aventuriers  qui 
l'accompagnaient  se  chargeraient  de  répandre 
les  louanges  du  duc  d'Anjou,  qu'on  voulait  faire 
élire  ;  de  vanter  ses  talents,  ses  victoires  et  l'é- 
clat et  les  richesses  de  la  cour  de  France.  Les  plus 
grands  seigneurs  de  la  Pologne  offrirent  l'hospita- 
lité à  Balagni;  les  frères  Binski,  fils  du  grand- 
chancelier,  furent  les  premiers  à  s'engager  à  fa- 
voriser le  duc  d'Anjou  s'il  se  présentait  comme 
candidat  à  la  couronne.  De  retour  en  France,  Ba- 
lagni s'attacha  au  duc  d'Alençon,  qui  le  fit  gouver- 
neur de  Cambrai  en  1581.  Plus  tard,  en  1589,  il 
se  jeta  dans  le  parti  delà  Ligue,  et  conduisit  des 
troupes  au  duc  d'Aumale,  qui  voulait  surprendre 
Sentis.  11  y  avait  très-peu  de  poudre  dans  Sen- 
lis,  les  murailles  étaient  faibles  et  déjà  ouvertes 
par  une  brèche  considérable;  le  jeune  duc  de 
Longueville,  prévenu  parThoré  qui  commandait, 
qu'il  serait  obligé  d'évacuer  la  place  le  soir 
mèmp ,  attaqua,  malgré  son  infériorité,  l'armée 
de  la  Ligue ,  et  à  l'aide  de  la  nuit  compléta  sa 
défaite.  Le  duc  d'Aumale  et  Balagni,  fuyant  à 
toute  bride,  rentrèrent  dans  Paris,  où  ils  furent 
accablés  d'épigrammes,  ce  qui  n'empêcha  pas  le 
duc  de  nommer  Balagni  gouverneur  de  Paris  ; 
il  contribua  pour  la  Ligue  à  la  levée  du 
siège  de  Paris  et  à  celui  de  Bouen.  Il  avait 
épousé  en  1592  Benée  de  Clermont,  fille  de  Jac- 
ques de  Clermont-d'Ambois?,  seigneur  de  Bussi, 
et  de  Catherine  de  Beauvau.  Cette  dame  ne  lui 
avait  accordé  sa  main  qu'à  la  condition  qu'il  tue- 
rait Montsoreau,  meurtrier  de  son  frère.  Mais 
quand  Balagni  vit  décliner  la  fortune  de  la  Ligue 
et  grandir  celle  de  Henri  IV,  il  résolut  de  s'atta- 
cher au  pouvoir  nouveau.  II  envoya  donc  sa 
femme  en  1593  à  Dieppe,  près  de  Henri  IV,  où 
elle  négocia  si  bien  pour  son  mari,  que  le  roi 
lui  laissa  Cambrai  en  souveraineté  et  le  créa 

11. 


327 


MONTLUC  — 


maréchal  de  France,  en  1594.  Elle  fit  mieux,  elle 
réussit  à  engager  le  roi  à  signer  le  -29  novembre 
un  traité  par  lequel  il  prenait  sous  sa  protection 
Jean  de  Montluc  de  Balagni,  souverain  de  Cam- 
brai, avec  sa  femme  et  ses  enfants.  Il  s'enga- 
geait à  lui  payer  70,000  écus  par  année  pour 
l'entretien  de  sa  garnison  et  de  sa  citadelle,  et 
de  plus  20,000  francs  pour  intérêts  des  som- 
mes qu'il  avait  précédemment  dépensées.  Il  ac- 
cordait à  Balagni  et  à  tous  ses  serviteurs  une 
amnistie  pour  tous  les  actes  de  violence  qu'ils 
avaient  commis  en  France.  Il  s'engageait  à  le 
défendre  contre  Philippe  II,  à  le  comprendre 
comme  son  allié  dans  tous  les  traités  qu'il  si- 
gnerait, et  à  faire  jouir  en  France  les  habi- 
tants du  Cambrésis  de  tous  les  privilèges  des 
Français.  Ce  traité,  d'abord  tenu  secret,  fut  vé- 
rifié en  parlement  le  14  janvier  1595.  Henri 
combla  en  outre  Balagni  de  prévenances,  mais 
c'était  une  dangereuse  alliance ,  car  bientôt  les 
bourgeois  de  Cambrai  ne  voulurent  plus  sup- 
porter la  tyrannie  de  ce  despote,  ni  les  Fla- 
mands son  voisinage.  Il  était  odieux  aux  pro- 
testants, qu'il  avait  persécutés,  et  aux  ligueurs, 
qu'il  avait  trahis;  mais  il  avait  fortifié  sa 
ville  avec  beaucoup  de  soin ,  et  Henri  IV, 
intéressé  en  sa  faveur  par  Gabrielle  d'Es- 
trées ,  l'avait  richement  pourvu  d'argent  et 
ée  munitions.  Cependant  le  comte  de  Fuentès, 
qui  commandait  les  Espagnols,  avait  résolu  de 
s'emparer  de  Cambrai  en  l'attaquant  vivement. 
Balagni  reçut  des  renforts ,  mais  ce  qui  lui  man- 
quait surtout ,  c'était  la  tête  et  le  cœur  ;  il  était 
tellement  troublé  par  les  preuves  de  haine  que 
lui  donnaient  les  bourgeois,  qu'il  laissa  passer 
dix  jours  sans  rien  faire  pour  arrêter  les  pre- 
miers travaux  des  assiégeants.  Pourtant,  le 
2  septembre  Dominique  de  Vie,  l'un-  des  meil- 
leurs officiers  de  Henri  IV,  trompant  la  vigi- 
lance des  Espagnols,  entra  dans  la  place  avec 
quelques  centaines  de  cavaliers  ;  alors  seulement 
Balagni ,  qui ,  en  sa  qualité  de  maréchal  de 
France,  n'avait  voulu  écouter  aucun  conseil, 
consentit  à  remettre  le  commandement  à  de  Vie. 
Mais  les  habitants,  pour  se  délivrer  du  joug  in- 
supportable de  Balagni  et  de  sa  femme,  s'assem- 
blèrent sur  la  grande  place,  firent  des  barricades 
avec  des  chariots,  se  saisirent  de  la  porte  du 
Saint-Sépulcre  et  envoyèrent  au  comte  de  Fuen- 
tès des  députés  pour  lui  demander  de  traiter 
avec  eux.  Balagni  n'osa  pas  se  présenter,  mais 
sa  femme  vint  seule,  harangua  le  peuple,  qu'elle 
chercha  à  gagner  par  quelques  tardives  largesses, 
puis  par  des  prières ,  enfin  par  des  menaces  : 
mais  tout  fut  repoussé  et  méprisé;  la  garnison 
se  retira  dans  la  citadelle,  et  les  habitants  ou- 
vrirent les  portes  aux  Espagnols.  Le  9  octobre  la 
citadelle  fut  obligée  de  se  rendre;  le  comte  de 
Fuentès  laissa  la  garnison  se  retirer  avec  ar- 
mes et  bagages;  Balagni  fut  compris  dans  le 
nombre  de  ceux  qui  étaient  libres;  on  le  re- 
connut môme  quitte  de  toutes  les  dettes  qu'il 


MONTLYARD  321 

avait  contractées  envers  les  habitants  de  Cam 
brai.  Sa  femme  seule  ne  voulut  pas  quitter  I 
ville  ;  elle  s'enferma  dans  son  appartement,  et 
mourut  peu  de  jours  après,  tuée,  disent  les  uns 
par  la  honte  et  le  chagrin,  étouffée,  diaent  le 
autres,  par  le  regret  et  la  colère.  Quant  à  Bala 
gni,  il  supporta  avec  une  patience  indifférent 
la  perte  de  sa  souveraineté  et  celle  de  sa  femme 
il  revint  à  la  cour  de  Henri  IV ,  et  six  mois  aprè 
épousa  Diane  d'Estrées,  sœur  de  Gabrielle.  E 
1599  Balagni  ayant  fait  une  tentative  pour  rt 
prendre  Cambrai,  dont  il  regrettait  tardivemei 
la  possession ,  fut  repoussé  par  la  garnison  e: 
pagnole  et  désapprouvé  par  Henri  IV,  qui  vei 
la  fin  de  la  même  année,  publia  une  ordonnai 
pour  interdire  à  tout  soldat  ou  officier  frança 
d'aller  servir  contre  les  archiducs.  A.  Jadi: 
Moréri.—  Journal  de  l'Estoile,  t.  Il,  p.  535.  —  DeTho 
I.  III,  p.  635;  1.  CXI,  p.  503;  CXIII,  p.  596;  t.  IX,  1.  CXH 
p.  226;  CXX1II,  p.  31*.  —  IVAubigné,  1.  XIII,  p.  64.—  D 
vila,  1.  X,  p.  577  ;  I.  XIV,  p.  937.  —  Choisnin,  Mémoirt 
t.  Liv,  p.  187, 197,  199.  — Sismondi,  Histoire  des  França 
t.  XIX,  p.  212  à  215  ;  t.  XX,  p.  45,  296,  484,  526  ;  t.  X) 
p.  27,  81,  231,  304  à  307,  372    à   379,  382  ;  t.  XXII,  p.  41. 

MONTMJN  {Guillaume  ),  canoniste frariçai 
né  vers  1270,  mort  à  Toulouse,  en  1346  ;  depi 
1310  il  était  abbé  du  couvent  des  Bénédicti 
de  cette  ville.  Il  écrivit  sur  le  droit  canon  pi 
sieurs  ouvrages  ;  un  seul  a  été  publié;  Guilleli 
de  Monte  Laudunœ  Glossseïn  très  Extravaga 
tes  Johannls  XII;  Romae,  1475,  in-fol.    G. 

Oudin,  Scriptores  ecclesiastici ,  t.  III,  p.  966.  —  il 
bricius,  Bibtiotheca  Latina,  t.  III,  p.  461. 

aïONTLYARD  (  Jean  de  ),  littérateur  fra  | 
çais,  né  vers  1530.  Il  était  seigneur  de  Meller 
en  Beauce.  Réfugié  à  Genève,  il  fut  reçu  bou 
geois  de  cette  ville ,  et  exerça  dans  le  cant 
les  fonctions  de  ministre  depuis  1554.  L'époq 
de  sa  mort  n'est  pas  connue.  Il  est  auteur  è   i 
ouvrages  suivants  :  Harmonie  des  corps  <  {  \ 
lestes  et  humains,  faicte  en  XI  dialogm 
trad.  d'Antoine  Mizauld;  Lyon,  1580,  in-1  m 

—  Continuation  de  l'inventaire  de  l'histoi 
de  France  par  Jean  de  Serres  ;  Paris,  15!;  , 
3  vol.  in-8°  :  la  2e  édit.  la  conduit  jusqu'à 
paix  de  Vervins  (ibid.,  1600,  3  vol.  in-8°  )  et  ■  ' 
3e  jusqu'en    1606    (  ibid.,  1608,  4  vol.  ia-SfM 

—  Mythologie ,  c'est-à-dire  explication  <[a 
fables,  extr.  du  latin  de  Noël  Le  Comt 
Lyon,    1597,  2  vol.  in-4°;   réimpr.    plusiei 
fois,  et  en  dernier  lieu  par  J.  Beaudouin  ;  Paij 
1627  ,  in-fol.;  —  Traité parénétique ,  trad.    \ 
Texeira;  1597,    in-12,  sous  le  pseudonyï    I 
anagrammatisé de /.  D.  Dralymont;  —LesAl 
tamorphoses  ou  l'Asne  d'or  d'Apulée  ;  Pai  ; 
1602,  in-12;  une  nouvelle  édition,  revue  etcor   I 
gée,  a  été  donnée  en  1648,  in-8°;  l'âge  avail 
dans  lequel  Montlyard  a  donné  cette  traduct; 

a  fait  penser  à  quelques  biographes  qu'il  n    i 
était  pas  l'auteur;  peut-être  serait-il  plus  ex 
de  l'attribuer  à  l'un  de  ses  (ils; — L'Anti-Jésuil  I 
ou  discours  au  roi  contre  les  Jésuites  sur 
mort  de  Henri   IV;    Saumur,  1611,   in- 
réimpr.  dans  le  t.  VI  des  Mémoires  de  Con 


;29  MONTLYARD 

ous  ce  titre:  Le  Courrier  breton;  —Les  Hié- 
oglypkiqucs  de  Jean-Pierre  Valerian,  vul- 
airement  nommé  Pierius,  œuvre  réduite  en 
,Ylll  livres;  Lyon,  1615,  in-fol.;  —  Les 
moins  de  Théagène  et  de  Chariclée,  trad. 
a  grec;  Paris ,  1620,  1623,  1626,  in-8°,  fig.  K. 
Prospcr  Marchand,  Dict.  Hist.  —  Hofman,  Hist.  Lex. 

?  montmartin  (  Antoinette  de),  femme  de 
•ttres  franc-comtoise,  née  en  1524,  morte  le  12 
uns  1553.  D'une  famille  ancienne  et  riche,  elle 
:çul  une  éducation  très-développéeet  parlait,  ai- 

'  iment  les  principales  langues  de  l'Europe,  le  latin 
I  le  grec.  Elle  avait  épousé,  en  1544,  Jean  de 

■  oupet,    gentilhomme  franc-comtois   attaché  à 

personne  de   l'empereur  Charles  Quint.  Elle 

iltivait  aussi  la  musique  et  la  poésie.  Son  hô- 

■1  était  le  rendez-vous  des  poètes  flamands,  es- 

Agnols  et  francs-comtois ,   qui  déplorèrent  sa 

•  lort.  Ses  poésies  ont  été  recueillies  par  Gilbert 

'  ousin.  E.  D— s. 

i  Gilbert  Cousin  (Coanatus),  Opera(Bâle,  1562,  in-fol.). 
:.  ■  Dom  Papillon,  Bibliothèque  des  Auteurs  de  la  Bour- 
I  ygne. 

j  montmartin  (Jean  du  Mats  de),  capi- 
.  une  français,  né  vers  1550,  mort  vers  1620. 
;  ;su  d'nne  maison  illustre  des  confins  de  la 
,;  retagneet  du  Maine,  il  était  cousin  de  Chris- 
|  >phe  du  Mats,  qui  combattit  avec  Montgomery 
!  t  fut  tué  en  1574  à  la  prise  de  Domfront.  Il  avait 
jmbrassé  les  sentiments  de  la  réforme,  et,  pour 
je  soustraire  aux  persécutions,  il  se  retira  en 
Allemagne.  Député  en  1581  par  la  Bretagne  à 
(assemblée  politique  de  Montauban,  il  servit 
fomme  officier  d'artillerie  à  l'armée  du  roi  de 
|Javarre,  et  les  services  qu'il  lui  rendit  à  la  ba- 
f aille  d'Arqués  ainsi  qu'aux  sièges  de  Rouen  et 
t  e  Paris  lui  valurent  le  gouvernement  de  Vitré 
1589)  et  le  grade  de  maréchal  de  camp  (1591). 
Ln  Bretagne  il  guerroya  contre  le  ducdeMercoeur, 
j  t  le  força  de  renoncer  à  ses  ambitieux  projets 
fur  cette  province.  En  1614  il  siégea  aux  états  gé- 
néraux, et  fut  un  de  ceux  qui  s'opposèrent  à  la 
t  ublication  du  concile  de  Trente.  On  ne  connaît 
t  as  la  date  précise  de  sa  mort.  Il  laissa  de  tous 
:as  événements  auxquels  il  avait  pris  part  une 
leiation  impartiale,  qui  fut  insérée  dans  le  t.  II 
île  Y  Histoire  de  Bretagne  de  Taillandier,  sous 
je  titre  de  Mémoires  de  Jean  du  Mats,  sei- 
gneur de  Montmartin,  ou  Relation  des  trou- 
Vies  arrivés  en  Bretagne  depuis  1589  jus- 
ht'en  1598.  On  lui  attribue  un  autre  ouvrage, 
utitulé  :  État  de  la  religion  en  France  (  Paris, 
J615,  in-8°). 

F  Son  petit-fils,  Esaïe  du  Mats  de  Montmartin, 
iégociaen  1621  la  reddition  de  Saint- Jean-d'An- 
liely,  et  fut  chargé,  comme  député  général  des 
|éformés,.de  présenter  en  1623  à  Louis  XIII  les 
iriefs  des  églises  de  sa  communion.  En  1625  il 
Négocia  avec  son  collègue  Maniald  le  traité  qui. 
(ermina  la  guerre  civile.  Ses  enfants  passèrent 
n  Prusse  après  la  révocation  de  redit  de  Nan- 
tes. A  cette  famille  se  rattachent  Frédéric-Sa-  \ 


-  MONTMAUR 


330 


muel,  comte  de  Montmartin,  qui  joua  dans  le 
dernier  siècle  un  rôle  considérable  à  la  cour  de 
Wurtemberg,  et  Charles- Louis,  qui  devint  gé- 
néral au  service  de  l'empereur  d'Autriche.  P.  L. 

Pinard,  Chronologie   militaire.  —    Poirson,   Hist.  de 
Henrilf.  —  Haag  frères,  La  France  Protestante. 

montmaur  (  Pierre  de  ),  célèbre  parasite 
et  bel  esprit  français,  né  vers  1564,  dans  le  Li- 
mousin, selon  Balzac,  Bayle  et  Moréri,  et  selon 
Vitrac,  Baluze  et  Simon  de  Valhebert,  né  à  Bé- 
taille  dans  le  Quercy ,  mort  à  Paris,  le  7  sep- 
tembre 1648.  Il  étudia  les  humanités  chez  les 
Jésuites  de  Bordeaux,  prit  l'habit  de  cette  so- 
ciété, et  fut  envoyé  à  Rome,  où  il  enseigna  pen- 
dant trois  ans  la  grammaire  latine.  Ayant  été 
congédié  pour  manque  de  santé  ou  plutôt  pour 
avoir  contrefait  le  seing  du  P.  provincial ,  il 
vint  à  Paris,  fut  précepteur  du  fils  aîné  du 
marquis  de  Praslin,  et  cultiva  l'anagramme,  dans 
l'espoir  de  participer  aux  présents  dont  Riche- 
lieu gratifiait  les  bons  poètes.  En  1623  il  suc- 
céda à  Jérôme  Goulu  dans  la  chaire  de  profes- 
seur royal  en  langue  grecque  au  Collège  de 
France,  ce  qui  le  fit  surnommer  Montmaur  le 
Grec.  Si  l'on  en  croit  Nicolas  Bourbon ,  cette 
chaire  ne  fut  cédée  à  Montmaur  que  sous  la 
promesse  qu'il  épouserait  la  fille  de  Jérôme 
Goulu  ;  mais  une  fois  en  place,  il  s'excusa,  di- 
sant qu'il  était  in  sacris.  Sa  vie  de  parasite 
chez  le  chancelier  Seguier,  le  président  de  Mes- 
mes  et  autres  grands  personnages,  où  il  payait 
son  écot  par  des  sarcasmes  contre  les  auteurs, 
tant  vivants  que  morts  (  ses  médisances  contre 
de  Lingendes  et  de  Cérisy  lui  firent  pourtant 
interdire  la  table  du  chancelier),  son  érudi- 
tion pédantesque,  qui  le  portait  à  citer  à  tout 
propos  les  auteurs  peu  connus,  afin  de  n'avoir 
aucun  contradicteur  (1),  ses  jeux  de  mots  sur 
les  noms  propres,  ses  allusions  tirées  du  grec 
ou  du  latin,  et  qu'on  appela  des  montmauris- 
mes,  blessèrent  les  beaux  esprits  de  son  temps 
et  portèrent  Ménage  à  prêcher  contre  lui  une 
croisade  et  à  écrire  la  vie  de  ce  parasite,  sous 
le  titre  de  Vita  Gargilii  Mamurrœ  (1636). 
L'épigramme  suivante  termine  cette  satire  : 

Quisquis  legerit  hsec,  poeta  fiât  : 
Et  de  cœnipeta  (2)  mihi  jocosos 
Scribat  Gargilio  repente  versus. 
Qui  non  scripserit,  inter  eruditos 
lnsulsissimus  ambulet  patronos. 

Balzac,  Sarrazin,   Sirmond,  Adrien  de  Valois  y 
l'abbé  Lamothe-Le  Vayer,  Dalibray,  répondirent 

(1)  En  expliquant  un  jour  chez  le  chancelier  Seguier, 
en  présence  de  plusieurs  savants,  un  passage  des  épî- 
tres  de  saint  Paul,  il  s'étaya  d'Hesychius,  de  Strabon  et 
de  Pausanias.  Nicolas  Bourbon  ayant  voulu  aller  à  ces 
autorités ,  vit  que  Montmaur  s'était  joué  d'eux,  et  se 
proposa  de  le  confondre,  livres  en  main,  en  présence 
même  du  chancelier,  ce  qui  eut  lieu.  La  citation  d'He- 
sychius nous  rappelle  que  Montmaur  annonça,  au  moyen 
d'affiches,  qu'il  expliquerait  cet  écrivain  au  Collège  de 
France,  tous  les  jours  non-  fériés-,  à  sept  heures  du  ma- 
tin, sûr  moyen  de  n'avoir  point  d'auditeurs. 

(2)  Cœnipeta,  mot  forgé  par  Ménage  et  qui  signifie  pa- 
rasite :  cœnu  et  peter  e. 


331  MONTMAUR 

à  l'appel,  et  un  déluge  de  satires  tomba  sur 
Montmaur,  qui  prit  assez  bien  la  chose  et  ri- 
posta par  quelques  bons  mots,  que  des  amis  lui 
conseillèrent  vainement  de  livrer  à  l'impression. 
On  le  représenta  tout  désespéré  à  cheval,  et  pi- 
quant des  deux  en  voyant  un  cadran  d'horloge 
dont  l'aiguille  était  sur  le  midi. 


33i 


Scilicet  esuriens  duodenam  utsuspicit  horam, 
Parccret  heu  !  tardo  nunc  parasitus  equo. 

Boileau  disait  de  lui  : 

Pendant  que  Pelletier,  crotté  jusqu'à  l'échiné. 
S'en  va  chercher  son  pain  de  cuisine  en  cuisine, 
Savant  en  ce  métier,  si  cher  aux  beaux  esprits, 
Dont  Montmaur  autrefois  fit  leçon  dans  Paris. 

Comme  Montmaur  était  logé  au  collège  de  Bon- 
court,  dans  le  quartier  le  plus  élevé  de  Paris, 
on  supposa  qu'il  avait  choisi  cette  habitation 
pour  mieux  découvrir  la  fumée  des  cuisines. 
Ménage  le  métamorphosa  en  perroquet.  «  Bon! 
dit  Montmaur,  je  ne  manquerai  ni  de  vin  pom- 
me réjouir  ni  de  bec  pour  me  défendre.  »  Et 
comme  on  louait  en  sa  présence  cette  métamor- 
phose, «  ce  n'est  pas  merveille,  répondit-il, 
qu'un  grand  parleur  tel  que  Ménage  ait  fait  un 
bon  perroquet  ».  On  le  métamorphosa  encore 
en  épervier,  en  marmite,  et  l'entrain  à  le  chari- 
variser  ne  connut  point  de  bornes.  On  l'accusa 
d'être  bâtard,  faussaire,  sodomite  et  meur- 
trier. 

Quoi  que  ce  soit,  le  parasite 
Est  mieux  traité  qu'il  ne  mérite, 
On  ne  peut  lui  faire  d'ennui. 
Métamorphoser  sa  personne 
En  loup,  en  porc,  en  une  tonne, 
C'est  encortrop  d'honneur  pour  lui. 
Qu'il  le  soit  en  une  marmite, 
En  tournebroche,  er,  lèchefrite. 
En  perroquet,  en  un  corbeau, 
C'est  une  grâce  très-visible. 
Le  bien  façonner  n'est  possible 
Qu'aux  pieds  déticats  d'un  bourreau. 

Le  ridicule,  pour  ne  pas  dire  plus,  retombait 
alors  sur  les  agresseurs,  et  le  Vadius  de  Molière, 
personnage  sous  lequel  Ménage  est  représenté, 
devait  un  jour  venger  Montmaur  de  ces  der- 
nières attaques.  «  C'est  une  chose  assez  remar- 
quable, dit  Bayle,  que  les  suppôts  de  la  faculté 
des  arts  de  l'université  de  Paris  n'accoururent 
point  au  secours  de  leur  confrère.  C'eût  été  un 
étrange  tintamarre  si  ces  régents  eussent  fait 
une  contre-ligue  en  sa  faveur  et  se  fussent  mis 
en  devoir  de  faire  servir  toute  leur  grammaire 
et  toute  leur  rhétorique,  en  prose  et  en  vers, 
contre  ses  persécuteurs.  »  Quelques  écrivains 
ont  plus  tard  défendu  Montmaur  :  le  P.  Vavas- 
seur,  le  président  Cousin  et  Vigneul  de  Marville 
(d'Argonne),  qui  le  caractérise  ainsi  :  «  Le 
professeur  Montmaur  n'était  pas  un  homme 
aussi  méprisable  que  la  plupart  le  croient.  C'é- 
tait, un  fort  bel  esprit,  qui  avait  de  grands  ta- 
lents. Les  langues  grecque  et  latine  lui  étaient 
comme  naturelles.  Il  avait  lu  tous  les  bons  au- 
teurs de  l'antiquité,  et  aidé  d'une  prodigieuse 
mémoire,  jointe  à  beaucoup  de  vivacité,  il  faisait 
des  applications  très-heureuses  de  ce  qu'il  avait 


vu  de  plus  beau.  Il  est  vrai  que  c'était  presqut 
toujours  avec  malignité,  ce  qui  excita  contre  lu 
la  fureur  de  ceux  qui  étaient  les  objets  de  se: 
plaisanteries.  Avec  ce  génie,  il  s'introduisit  faci 
lement  chez   les  personnes  de  qualité  qui  ai 
maient  les  joies  du  Parnasse.  L'avarice  le  gâtait 
car  il  avait  du  bien  dont  il  n'usait  pas  (5,000  li 
vres  de  rente),  et  il  recherchait  la  bonne  chère 
Il  disait  à  ses  amis  :  «  Messieurs,  fournissez  le 
viandes  et  le  vin,  et  moi  je  fournirai  le  sel  » 
aussi  le  répandait-il  à  pleines  mains  aux  bonne 
tables  où  il  se  trouvait.  Son  humeur  satiriqu 
n'avait  point  de  bornes,  et  il  était  Lucien  par 
tout.  »  Parmi  ses  meilleures  reparties  on  cit 
celle-ci  :  à  un  dîner  du  président  de  Mesmes,  u: 
avocat,  fils  d'huissier,  convint  avec  ses  amis  d 
ne  pas  lui  laisser  placer  mot.  Guerre!  Guerre 
cria  l'avocat,  en  le  voyant  entrer.  «  Vous  dé 
générez  bien ,  répondit   Montmaur,    car  votr  • 
père  ne  sait  que  crier  :  Paix  là  !  Paix  là  !  «  et  c  i 
fut  l'avocat, déconcerté,  qai  ne  dit  pas  mot  à  tabl( 
Montmaur  a  peu  écrit.   On   ne  connaît  d 
lui  que   des  devises,    des  inscriptions  en   vei 
grecs  et  latins,  une  prose  contre  Busbec  et  un 
élégie  sur  la  mort  d'Éléonor  d'Orléans,  duc  d 
Fronsàc.   Adrien  de  Valois  fit  réimprimer  ce 
deux  derniers  morceaux,  en   les  chargeant  d 
notes  ironiquement    louangeuses  :    P.  Mom 
mauri,  grsecarum  litterarum  professons  Ri 
gii,  Opéra,  in  duos  tomos  divisa,  iterumedit 
et  notis  nunc  primum  ïllustrata  a  Quint 
Januarïo  Frontone;  Paris,  1643,  in-4°.  SailJ 
lengre  a  recueilli  les  satires  écrites  contre  Mon 
maur,  -et  les  a  publiées  sous  ce  titre  :  Histoit 
de  Pierre  de  Montmaur  ;  La   Haye,    1715 
2  vol.    in-8°.  Le  premier  volume  renferme  h 
pièces    latines    :    Macrïni  paras  ttogrammt 
tici,  'Hjxs'pa,  ad  Celsum  de  Car.  feramus,  av< 
cat  au    parlement    de    Paris;    Vita    Gargil 
Mamurree,   par  Ménage;  Gargflii  BJacronii 
parasitosophistœ   Metamorphosis,  du  mêrr 
auteur  ;  les    écrits   déjà   cités    de  Montmaui 
Bellum  parasiticum  de  Sarrasin,   Moînmoi 
parasilosycophanloposisthasApoxytrapothei 
sis ,  etc.  Le  second  volume  renferme  les  pîè» 
françaises  :' Le  Testament  de  Goulu,  La  R>\  i 
quête  %le  Montmaur  au  Parlement,  L'Ant 
gomor  par  Dalibray,  Le  Barbon  par  Balzac,  J 
Le  Parasite  Mormon  par  Lamothe-Le-Vaye 
L'épitaphe  de  Montmaur  fut  elle-même  une  ép 
gramme  : 

Sous  cette  casaque  noire 

Repose  bien  doucement 

Montmaur  d'heureuse  mémoire, 

Attendant  le  jugement. 

On  a  blâmé  Ménage  d'avoir  eu  si  peu  de  *  : 
tenue  envers  Montmaur  ;  il  donna,  pour  se  ju 
tifier,  cette  mauvaise  raison  «  qu'il  n'avait  p; 
voulu  décrire  la  vie  d'un  parasite  particulie 
mais  bien  le  caractère  même  du  parasite  ».-  I 
Martial  Aunom  (de Limoges), 
vigneul  de  Marville  (  d'Argonne  ),  Mélanges,  p.  f 
—  Bayle,  Dict.  —  Balzac,  Lib.  Carrn.,  p.  113.  —  JNic 


,133 


MONTMAUR.  —  MONTMIRAIL 


1.4  nom-bon,  Epistola  5.   —   Furetiére,  Nouvelle  allé- 

itiriqtie,  p.  101.  —  L'abbé  de  Marelles,  Mémoires.  — 
uiijt't,  Mémoire  sur  le  Collège  Royal,  t.  I,  p.  bs:m>86. 
.  Morérl,  Grand  Dictionnaire  historique.  —  Ménage, 
irii/nies  delà  Langue  Française,  p.  810;  et  Vita  Gar- 
ilii  Mamuriœ.  —  lloileau.  Satire  1.  —  Vavasseur, 
!  )<•  Epiorammate,  cap.  x,  p.  98.  -  Sabaticr,  Les  trois  Stè- 
les (cet  auteur  l'a  confondu  avec  le  polite  Hubert  de 
Montinort).  —  Journal  des  Savants,  11  août  1692.  —  Re- 
i  targues  de  l'abbé  Joly  sur  le  Vict.  de  Bayle.  —  Fale- 
i  ana. 

i  montméml  (  Louis- André  Lesage,  dit), 
I  cteur  français,  né  à  Paris,  vers  1702,  mort  à  La 
'Mette,  le  8  septembre  1743.  C'était  le  fils  aîné 
'  ii  célèbre  auteur  de  Gil  Blas  et  de  Turcaret,; 
j  mporté  par  un  penchant  irrésistible  pour  le 
u'atre,  il  débuta  malgré  l'opposition  de  son 
[ère,  le  8  mai  1726,  parle  rôle  de  Mascarille 
i  ans  L'Étourdi;  il  obtint  du  succès,  et  cepen- 
[  ant  se  résolut  à  aller  s'exercer  pendant  deux 
|  ns  dans  la  province.  Il  rendra  au  Théâtre -Fran- 
1  lis  le  18  mai  1728,  dans  le  rôle  d'Hector  du 
l  oueur.  Il  Joua  successivement  Dave  dans 
!  'Andrienne,  Labranche  dans  Crispin  rival, 
l  it  reçu  et  devint  bientôt  un  des  meilleurs  ac- 
;urs  de  la  Comédie-Française.  Il  excella  surtout 
;  ans  L Avocat  Patelin,  dans  Les  Bourgeoises  à 
*  t  mode,  dans  Les  trois  Cousines  et  dans  Le 
histrait,  dont  il  assura  le  succès.  Son  père,  qui 
"  lisait  des  comédies  et  qui  ne  voulait  pas  que 
|  on  fils  les  jouât,  fut  cependant  entraîné  par  des 
[  mis  à  la  Comédie-Française  un  jour  où  Mont- 
iiénil  jouait  Turcaret  ;  en  voyant  le  principal 
i  Ole.  si  bien  joué,  il  versa  des  larmes  de  ten- 
dresse, embrassa  son  fils  et  lui  pardonna. 

A.  J. 
!  Parfalct  frères,  Histoire  du  Théâtre  français.  —  Le- 
ïnaïurier,  Galerie  des  Comédiens. 

;  montmignox  (Jean-  Baptiste  ) ,  théolo- 
t^ien  français,  né  à  Lucy,  près  Château-Thierry, 
;;n  1737,  mort  à  Paris,  le  21  février  1824.  Il 
;întradans  les  ordres  et  devint  secrétaire  de  l'é- 
f!èc\\é  de  Soissons,  ensuite  chanoine,  vice-gé- 
i  ant*de  l'officialité,  grand-vicaire  et  archidiacre. 
pi  1786,  l'abbé  Montmignon  succéda  à  l'abbé 
i)inouart clans  larédactiondu/ozanaZ  ecclésias- 
tique; mais  en  janvier  1788  il  abandonna  ce  tra- 
nfl  à  l'abbé  Baruel.  Il  prit  part  aux  écrits  pu- 
otiés  par  l'évêque  de  Soissons,  au  commence- 
nent  de  la  révolution  ;  on  assure  qu'il  fut  l'auteur 
iFun  mandement  et  ordonnance  de  ce  prélat,  daté 
lie  Bruxelles,  21  mai  1792.  Cet  écrit  fut  alors 
remarqué  parmi  les  nombreux  actes  de  ce  genre 
jui  signalèrent  cette  époque.  Obligé  de  quitter 
a  France,  en  1793,  l'abbé  Montmignon  y  rentra 
ous  le  gouvernement  du  Directoire  ;  il  fut 
jiommé  grand-vicaire  de  Poitiers,  lors  du  con- 
cordat, mais  il  resta  peu  dans  ce  diocèse;  de 
etour  a  Paris,  il  fut  nommé  en  1811  chanoine 
'le  la  métropole  et  depuis  grand-vicaire  du  dio- 
cèse. En  dernier  lieu,  l'archevêque  de  Paris  Ta- 
rait chargé  de  l'examen  des  livres  pour  lesquels 
m  sollicitait  l'approbation  de  l'autorité  ecclésias- 
ique.  Indépendamment  des  sciences  théologi- 
mes,  il  s'est  occupé  de  celles  qui  concernent  le 


mécanisme  des  langues.  On  a  de  lui  :  Système 
de  Prononciation  figurée,  applicable  à  foules 
les  langues ,  et  exécuté  sur  les  langues 
française  et  anglaise;  Paris,  1785  et  1787, 
in-8°;  —  Lettre  à  t  éditeur  des  Œuvres  de 
Daguesseau  (insérée  dans  le  t.  VIII  de  l'édi- 
tion in-4°  des  Œuvres  du  chancelier);  — 
Crime  d'apostasie.  Lettre  d'un  religieux  à 
un  de  ses  amis;  1790,  in-8°;  —  Vie  édifiante 
de  Benoît-Joseph  Labre,  mort  à  Home,  en 
odeur  de  sainteté,  le  16  avril  1783,  com- 
posée par  ordre  du  Saint-Siège ,  etc.,  par 
M.  M***  (  Marconi),  lecteur  du  collège  ro- 
main, confesseur  du  serviteur  de  Dieu;  tra- 
duit de  l'italien;  Paris,  1784,  in-12  (ano- 
nyme); cette  traduction  a  eu  trois  éditions  la 
même  année;  —  Préservatif  contre  le  fana- 
tisme, ou  les  nouveaux  millénaires  rap- 
pelés aux  principes  fondamentaux  de  la  foi 
catholique;  Paris,  1806,  in-8°  (anonyme); 
c'est  une  réponse  à  l'ouvrage  du  P.  Lambert, 
intitulé  :  Exposition  des  prédictions  et  des 
promesses  faites  à  l'Église,  pour  les  derniers 
temps  de  la  gentilité;  1806,  2  vol.  in-12;  — 
Choix  de  Lettres  édifiantes,  écrites  des  mis- 
sions étrangères;  etc.;  1808,  8  voi.  in-8u; 
seconde  édit.,  augmentée,  Paris,  1824  et  1826, 
8  vol.  in-8°  :  les  discours  préliminaires,  ad- 
ditions et  notes  de  l'abbé  Montmignon,  for- 
ment plus  du  tiers  des  huit  volumes.  La  mort 
l'empêcha  de  terminer  lui-même  la  seconde 
édition,  dans  laquelle  on  a  supprimé  celles  des 
additions  de  l'auteur  qui  ont  paru  trop  étran- 
gères à  cette  collection  -,  —  De  la  Règle  de  vé- 
rité et  des  Causes  du  fanatisme;  1808,  in-8°; 
—  La  Clef  de  toutes  les  Langues,  ott  moyen 
prompt  et  facile  d'établir  un  lien  de  corres- 
pondance entre  tous  les  peuples,  et,  de  sim- 
plifier extrêmement  les  méthodes  d'enseigne- 
ment par  l'élude  des  langues;  1811,  in-8°  : 
c'est  une  espèce  de  pasigraphie  fondée  sur  le 
numérotage  des  mots  dans  le  dictionnaire  de 
chaque  langue,  comme  Cambry  l'avait  exécuté  en 
petit  dans  ces  Vocabulaires  polyglottes.  A.  L. 

Mahul,  Annuaire  nécrolog.,  1824. 

montmirail  (  Charles  -  François  -  César 
le  Tellier,  marquis  de),  officier  supérieur  fran- 
çais, né  en  1734,  mort  en  1764.  Il  fit  de  bonnes 
études  classiques  ;  Tacite  et  Polybe  devinrent  ses 
auteurs  favoris,  et  il  avait  remporté  des  prix  de 
physique  et  d'histoire  naturelle.  Entraîné  par  un 
penchant  irrésistible  vers  la  carrière  des  armes, 
il  devint  aide  de  camp  du  maréchal  d'Estrées, 
son  grand  oncle  (1757).  Chargé  de  missions 
secrètes  et  délicates  pendant  cette  campagne,  il  fit 
preuve  d'autant  d'intelligence  que  de  prudence. 
Nommé  colonel  d'un  régiment  de  carabiniers,  U, 
fit,  à  sa  tête,  la  campagne  de  1761.  En  1762  il 
obtint  le  grade  de  brigadier  des  armées  du  roi; 
et  quelque  temps  après  il  fut  nommé  capitaine- 
colonel  des  Cent-Suisses  ,  en  remplacement  Je 
son  père,  le  marquis  de  Courtenvaux.  Admis  à 


335  MONTMIRAIL  — 

l'Académie  des  Sciences  en  1761,  il  en  fut  prési-  ■ 
dent  en  1763.  A.  J— N. 

Surgy,  Éloge  historique  du  marquis  de  Mnntmirail. 
en  tête  du  t.  X  des  Mélanges  intéressants  et  curieux,  et 
séparément  à  Paris,  1766,  avec  portrait. 

montmorency  (Barons  et  ducs  de).  La  fa- 
mille de  ce  nom  le  dispute  en  ancienneté  et  en 
illustration  aux  plus  anciennes  et  aux  plus  nobles 
familles  de  l'Europe.  On  trouve  en  effet,  dès 
l'an  950,  parmi  les  grands  feudataires  du  du- 
ché de  France  un  Bouchard  1er,  sire  de  Mont- 
morency ;  ce  qui  suppose  déjà  plusieurs  géné- 
rations de  noblesse  et  d'importance  politique. 
En  outre,  jamais  aucune  maison  non  royale  n'a 
présenté  une  telle  accumulation  dedignités,  d'em- 
plois ,  de  distinctions;  on  compte,  depuis  1060 
jusqu'à  nos  jours  ,  parmi  les  seigneurs  de  Mont- 
morency six  connétables ,  douze  maréchaux  de 
France,  quatre  amiraux,  plusieurs  cardinaux, 
une  foule  de  grands-officiers  de  la  couronne,  de 
grands  chambellans,  de  grands-maîtres  et  de 
chevaliers  des  ordres  du  Saint-Esprit,  de  Saint- 
Michel  ,  de  la  Toison  d'Or,  de  la  Jarretière,  etc. 
Depuis  huit  siècles  ils  portent  le  titre  de  pre- 
miers barons  de  France;  ils  se  sont  alliés  à 
plusieurs  maisons  royales,  et  Henri  IV  les  a  pro- 
clamés la  première  maison  de  l'Europe  après 
celle  de  Bourbon. 

Cette  maison,  à  la  prendre  depuis  Hugues  Ca- 
pet,  compte,  jusqu'à  nos  jours,  vingt-six  ou 
vingt-sept  générations.  Sous  Matthieu  II,  mort 
en  1230,  la  maison  de  Montmorency  se  partage 
en  deux  branches ,  la  branche  aînée  ou  des  ba- 
rons de  Montmorency,  et  la  branche  cadette  ou 
de  Montmorency-Laval.  Cette  dernière,  dont 
Guy  de  Montmorency,  fils  de  Matthieu  et  d'Emme, 
héritière  de  Laval ,  est  le  chef,  a  conservé  les 
armes  de  Montmorency  et  s'est  perpétuée  jus- 
qu'à nos  jours  par  de  nombreux  rameaux.  La 
branche  aînée  s'éteignit  à  la  sixième  génération, 
par  une  fille  qui  porta  le  nom  de  Laval,  et  les 
biens  de  cette  maison  passèrent  à  un  Montfort. 
Les  descendants  de  celui-ci,  entre  autres  alliances, 
donnèrent  des  femmes  à  un  Bourbon-Vendôme 
et  au  roi  René  ;  ils  épousèrent  des  filles  de  Bre- 
tagne, d'Alençon,  enfin  l'héritière  titulaire  de 
Naples,  et  se  fondent  dans  la  maison  de  la  Tré- 
mouille.  Dans  les  Laval-Montmorency  conti- 
nués par  des  rameaux  cadets  ,  on  remarque  un 
maréchal  de  France  sous  Charles  VII  ;  un  autre, 
du  nom  de  Boisdauphin,  sous  Henri  IV;  enfin, 
deux  maréchaux  de  Laval,  dont  l'un  fut  fait  duc 
héréditaire  en  1758. 

En  1447,  après  la  mort  de  Jean  II,  la  branche 
aînée  des  Montmorency  se  partage  en  trois 
branches  :  1°  celle  de  Nivelle;  2°  celle  de  Fos- 
seux ;  3"  celle  dite  ducs  de  Montmorency.  Les 
deux  premières,  issues  de  l'héritière  de  Nivelle 
et  Fosseux,  première  femme  de  Jean  II,  sont 
déshéritées.  La  branche  de  Nivelle  se  fixe  dans 
les  Pays-Bas,  y  est  comblée  d'honneurs  et  de 
bi.ens ,  y  acquiert  le  comté  de  Horn  ,  et  finit  à  la 


MONTMORENCY  33 

quatrième  génération  dans  la  personne  du  coml 
de  Horn  et  du  baron  de  Montigny,  son  frère 
décapités  en  1568  et  1570,  victimes  de  la  cruel) 
politique  de  Philippe  II  et  du  sanguinaire  du 
d'Albe.  —  Celle  de  Fosseux  se  fixe  égalemer 
dans  les  Pays-Bas ,  y  donne  naissance  aux  brar 
ches  de  Wastines  et  de  Boutteville ,  reviei 
ensuite  en  France,  où  elle  continue  jusqu'à  ne 
jours  et  compte  vingt-six  générations.  —  Dar 
la  branche  de  Boutteville ,  on  remarque  Bou* 
teville,  décapité  en  162",  et  son  fils  le  célèbi 
maréchal  de  Luxembourg,  de  qui  descendent  1< 
Montmorency  du  surnom  de  Luxembourg  et  d 
Tingri.  —  La  branche  de  Wastines,  fixée  aus, 
dans  les  Pays-Bas ,  y  acquiert  de  grands  bier 
par  mariages ,  donne  plusieurs  chevaliers  à  ] 
Toison  d'Or,  reçoit  de  Philippe  IV  le  titre  c 
prince  de  Robecque  et  de  Morbecque,  revient  t 
France  et  s'éteint  en  1813. 

Outre  les  branches  de  Laval ,  de  Nivelle  et  c 
Fosseux ,  qui  sont  les  plus  considérables ,  la  ti{ 
de  Montmorency  a  encore  produit  les  seigneu; 
de  Marly  (1160-1356),  les  seigneurs  de  Bot 
queval  et  Goussainville  (1306-1461),  les  se 
gneurs  de  Croisilles  et  de  Courrières ,  dont 
lignée  s'éteignit  en  1599  après  avoir  donné  nais 
sance  à  quatre  rameaux  également  disparu 
Voici  la  filiation  de  la  branche  aînée  de  cet 
illustre  famille  : 

Bouchabd  I"r,  ou  Burchard,  le  plus  ancie 
propriétaire  connu  de  la  baronnie  de  Montm< 
rency ,  mort  vers  980.  Loin  d'être  un  homn 
nouveau,  il  était  chevalier  (miles),  fils  d'Aubi 
d'Orléans,  qualifié  de  duc,  et  frère  de  Thibau 
seigneur  d'un  lieu  nommé  en  latin  Cenlumlia. 
sa  mère  était  sœur  d'Edred ,  roi  d'Angletern 
et  sa  femme  Hildegarde,  fille  de  Thibaut  le  Ti 
cheur,  comte  de  Blois  (ce  dernier  point  n'e 
pas  clairement  prouvé).  Ayant  fait  un  voyaj 
en  Angleterre ,  il  en  rapporta  les  corps  de  saii 
Paterne  et  de  saint  Pavace,  et  obtint,  en  958,  c 
roi  Lothaire,  à  la  demande  d'Hildeman,  arch 
vêque  de  Sens ,  la  permission  de  construire  i 
monastère  dans  sa  terre  de  Bray-sur-Seine,  af 
d'y  placer  ces  reliques  ainsi  que  plusieurs  moint 
du  comté  de  Worcester  qui  l'avaient  accompf 
gné.  Tous  ces  détails  sont  énoncés  dans  le  d 
plôme  qui  fut  accordé  au  sujet  de  cette  fondatioi 
Bouchard  vivait  encore,  à  ce  qu'on  croit,  lorsqt 
l'empereur  Othon  II  emporta  d'assaut  son  ch; 
teau  de  Montmorency  dans  l'irruption  qu'il  i 
en  France  en  978.  Outre  la  baronnie  de  Mon 
morency,  il  possédait  les  terres  de  Marly,  d'I 
couen ,  de  Feuillarde  près  Melun ,  et  de  Bra 
Bouchakh  H,  dit  le  Barbu ,  fils  aîné  du  pr 
cèdent,  mort  vers  1020.  Il  ne  figure  dans  l'hi 
toire  qu'à  cause  de  ses  démêlés  avec  Vivier 
abbé  de  Saint  -  Denis ,  dont,  il  avait  ravagé  li 
propriétés.  Le  roi  Robert  cita  les  oartîes  à  s< 
conseil,  et  rendit,  le  25  janvier  997,  un  jugemei 
d'après  lequel  il  fut  permis  à  Bouchard  de  bât 
une  forteresse  à  Montmorency  à  la  conditic 


:37 


MONTMORENCY 


338 


u'il  démolirait  le  Château-Basset,  d'où  il  moles- 
lit  les  vassaux  de  l'abbaye. 
Bouchard  III,  fils  du  précédent,  se  trouva 
iôlé  aux  grands  vassaux   qui  souscrivirent   à 
ois  chartes  du  roi  Robert,  lesquelles  datent  de 
)23,  de  1028  et  de  1031.  —  Son  frère  puîné, 
I  ubry  ou  Alberic,  fut  connétable  sous  Henri  I«. 
t  Thibaut,  fils  du  précédent,  mort  vers  1090, 
t  îccéda  à  son  oncle  Aubry  dans  la  charge  de 
mnétable,  et  jouit  d'un  grand  crédit  à  la  cour  de 
t  liilippe  Ier.  Il  ne  laissa  point  de  postérité. 
I  HERVÉ  ,  frère  du  précédent,  mort  vers  1094, 
!  t  grand-bouteillier  de  France  ;  il  est  ainsi  qua- 
i  ié  dans  un  acte  de  1075.  Ses  libéralités  envers 
|  s  église?  furent  considérables. 
Bouchard  IV,  fils  du  précédent,  mort  vers 
25,  s'intitula  sire  de  Montmorency  par  la 
âce  de  Dieu.  Bien  qu'il  eût  fait  don  au  mo- 
stère  de  Saint-Martin  des  Champs ,  qu'il  af- 
i  ctionnait   particulièrement',   des    églises    de 
\  ontmartre  et  de  Sainte-Opportune  avec  leurs 
hpendances,  il  se  montra  pour   l'abbaye  de 
>  lint-Denis  un  voisin  fort  incommode.  L'abbé 
•  lam  se  mit  en  devoir  de  réprimer  lui-même  ses 
t  prédations..  «  Ils  s'entredéfièrent ,  lit-on  dans 
5  Grandes  Chroniques ,  et  s'entrecoururent 
s  à  armes  et  à  bataille,  et  ardi  li  uns  à  l'autre 
i  terre.  »  Condamné  par  jugement  du  roi  Phi- 
ope  le,  Bouchard  en  appela  à  son  épée,  et  s'en- 
rœa  dans  son  château  de  Montmorency,   où 
juis  le  Gros,  assisté  des  comtes  de  Montfort  et 
;  | «.Flandre,  ne  tarda  pas  à  venir  l'assiéger  (1 101). 
>  ?  près  avoir  vu  dévaster  ses  terres  et  brûler  ses 
:  I  liages ,  après  avoir  soutenu  vaillamment  un 
i  I  saut,  il  jugea  prudent  de  se  soumettre  et  jouit 
[  j:puis  d'un  certain  crédit  à  la  cour.  N'ayant  pu 
i'  ssuader  Louis  d'envahir  la  Normandie,  il  l'ac- 
f  hmpagna  pourtant  à  celte  guerre  et  assista  au 
i  j  neste  combat  de  Brenneville  (20  août  1 1 19)  ;  en- 
£  [iloppé  par  l'ennemi ,  il  devint  prisonnier  du 
"  I  i  d'Angleterre  Henri  I1*,  qui  lui  rendit  la  liberté, 
i  fnt  en  considération  de  son  mérite  que  parce 
fi'il  était  vassal  de  l'une  et  de  l'autre  couronne. 
se  maria  deux  fois,  et  eut  six  enfants. 
»  \  Matthieu  Ier,  fils  du  précédent ,  mort  vers 
i-  \  60.  Il  eut  l'avantage  de  plaire  à  deux  rois  ri- 
'  f  ux  :  l'un,  Henri  Ier  d'Angleterre,  lui  donna  en 
:•'  jariage,  vers  1126,  Alix  ou  Aline,  une  de  ses 
:  Iles  naturelles,  et  l'autre ,  Louis  le  Jeune ,  l'é- 
na  en  1138  à  la  dignité  de  connétable.  Il  ve- 
llit  d'épouser  en  secondes  noces  Adélaïde  de 
nivoie,  mère  de  ce  dernier  prince  et  veuve  de 
ilf'Uis  VI  (1141),  lorsqu'il  fit  partie  de  l'expédi- 
f  S  n  dirigée  contre  le  comte  de  Toulouse.  Il  n'est 
»s  certain,  comme  Duchesne  le  prétend  sans 
-  !  donner  de  preuves ,  qu'il  ait  partagé  avec 
<  fbbe  Suger  l'administration  du  royaume  pen- 
'■nt  la  seconde  croisade.  L'abbaye  de  Saint- 
ctor  le  regardait  comme  un  de  ses  premiers 
t  rinfaiteurs.  —  Le  cinquième  de  ses  enfants, 
|:  'tatthieu,  fonda  la  branche  de  Montmorency- 
■  [irly,  éteinte  dans  le  quatorzième  siècle.. 


Bouchard  V,  fils  du  précédent,  mort  en  1189. 
Par  son  mariage  avec  Laurence,  fille  de  Bau- 
douin IV,  comte  de  Hainaut  (1173),  il  devint 
oncle  de  la  reine  Isabelle,  femme  de  Philippe- 
Auguste.  11  mourut  au  moment  de  partir  pour 
la  Terre  Sainte.  L'une  de  ses  deux  filles,  Alice, 
épousa  le  fameux  Simon  de  Montfort. 

Matthieu  II,  dit  le  grand  connétable ,  fila 
du  précédent,  né  vers  1174,  mort  le  24  novembre 
1230.  Après  avoir  été  fait  chevalier  par  Bau- 
doin V,  comte  de  Hainaut,  il  accompagna  Phi- 
lippe-Auguste en  Normandie  (1203) ,  et  se  distin- 
gua devant  Château-Gaillard,  place  très-forte, 
située  sur  le  bord  de  la  Seine  ;  pendant  six  mois 
environ  il  conduisit  presque  tous  les  travaux  des 
assiégeants  et  marcha  un  des  premiers  à  l'assaut. 
Ce  fut  à  lui  autant  qu'à  Simon  de  Montfort  et  à 
Guillaume  des  Barres  que  l'on  dut  la  rapide  con- 
quête de  la  province.  Quoique  l'histoire  ne  le 
mentionne  pas  dans  les  campagnes  suivantes 
contre  les  Anglais ,  il  n'y  a  guère  lieu  de  douter 
qu'il  n'y  ait  eu  part.  A  Bouvines  il  commanda,  de 
concert  avec  le  duc  de  Bourgogne  et  le  comte 
de  Beaumont,  l'aile  droite  de  l'armée  française 
(25  juillet  1214);  il  eut  à  supporter  le  premier 
choc ,  de  la  part  d'un  adversaire ,  le  comte  de 
Flandre,  résolu  à  vaincre  ou  à  périr.  «  Iltenoit 
un  faussart  en  sa  main,  dit  l'ancienne  chronique 
de  Flandre,  et  en  detranchoit  les  presses,  et 
estoit  sur  un  grand  destrier  ;  et  qui  lors  le  veist 
bien  l'eust  pu  remembrer  un  gentil  vassal.  »  On 
prétend  que  dans  cette  journée  il  enleva  de  sa 
main  douze  enseignes  ou  bannières  impériales,  et 
qu'en  mémoire  de  celte  prouesse,  il  lui  fut  per- 
mis d'ajouter  à  ses  armes  autant  d'alérions,  ce 
qui  en  porta  le  nombre  à  seize.  En  1215  il  se 
croisa  contre  les  albigeois,  et  fut  pourvu  à  son 
retour  de  la  charge  de  connétable ,  vacante  par 
la  mort  de  Dreux  de  Mello  (1218).  II  est  le  pre- 
mier connétable  qui  ait  commandé  les  armées , 
mais  ce  ne  fut  que  par  commission,  et  nullement 
en  vertu  de  sa  dignité;  car  ce  droit  appartenait 
au  sénéchal  de  France,  dont  la  charge  resta  en 
vacance  depuis  1191  jusqu'en  1262,  où  elle  fut 
supprimée.  Ayant  reçu  de  Louis  VIII  la  conduite 
de  l'armée,  Matthieu  suivit  ce  prince  dans  sa 
glorieuse  campagne  de  Saintonge  (1224).  Après 
avoir  débuté  par  la  prise  du  château  de  Niort, 
défendu  par  Savary  de  Mauléon,  qui  passait  pour 
un  des  plus  habiles  capitaines  de  ce  temps,  il 
s'empara  de  La  Rochelle  et  soumit  ensuite  sans 
effort  toutes  les  provinces  de  la  domination  an- 
glaise jusqu'à  Bordeaux.  En  1226  il  prit  une  se- 
conde fois  la  croix  contre  les  albigeois ,  et  ras- 
sembla sous  ses  ordres  plus  de  cent  mille  cavaliers 
et  un  plus  grand  nombre  de  gens  de  pied  ;  le 
seul  fait  de  cette  guerre,  qui  se  termina  par  un 
accommodement  avec  la  noblesse  du  Languedoc, 
fut  la  réduction  d'Avignon  après  un  siège  aussi, 
long  que  meurtrier.  Luiis  VIII  mourut  un  mois 
plus  tard  à  Montpensier;  sentant  les  approches 
de  la  mort ,  il  fit  jurer  au  connétable,  en  pré- 


359 


sence  des  princes  ,  des  prélats  et  des  barons  , 
d'être  le  protecteur  de  son  fils  encore  en  bas 
âge.  Fidèle  à  sa  promesse,  Matthieu  de  Mont- 
morency devint  le  plus  ferme  appui  de  la  régente 
Blanche  de  Castille  ;  par  sa  fermeté  et  son  ex- 
trême diligence ,  il  contraignit  les  grands  vas- 
saux à  rentrer  l'un  après  l'autre  dans  l'obéis- 
sance. Dans  la  même  année,  il  battit  les  comtes 
de  Champagne  et  de  la  Marche  (1227).  Puis, 
après  avoir  eu  l'adresse  de  détacher  d'une  se- 
conde ligue  plus  formidable  les  comtes  de  Dreux, 
de  Nevers  et  de  Boulogne,  il  réunit  en  plein  hiver 
toutes  ses  forces  conire  le  comte  de  Bretagne, 
prit  Bellesme  (décembre  1229),  et  entra  dans 
l'Anjou.  Il  mourut  au  retour  de  cette  expédi- 
tion, et  fut  inhumé  dans  l'abbaye  du  Val.  Par 
ses  alliances  et  celles  de  ses  ancêtres,  il  se 
trouvait  grand-oncle ,  oncle ,  beau-frère,  neveu, 
petit-fils  de  deux  empereurs  et  de  six  rois,  et  allié 
à  tous  les  souverains  de  l'Europe.  On  a  fait 
d'Anne  de  Montmorency  le  personnage  le  plus 
illustre  de  sa  race;  mais  en  réalité  sa  gloire  doit 
s'effacer  devant  celle  de  Matthieu ,  qui  posséda , 
et  à  un  plus  haut  degré,  toutes  ses  qualités,  et 
n'eut  point  ses  défauts.  Il  avait  épousé  Gertrude, 
fille  du  comte  de  Soissons,  et  Emme,  fille  et  hé- 
ritière de  Gui  VI,  sieur  de  Laval;  de  cette  der- 
nière il  eut  un  fils,  Gui,  qui  fut  le  chef  de  la 
branche  de  Montmorency-Laval  (voy.  Laval). 
Bouchard  VI,  fils  du  précédent,  mort  le  1er  jan- 
vier 1243,  se  joignit  à  l'armée  royale  destinée 
contre  le  comte  de  la  Marche,  et  eut  part  à  la 
victoire  de  Taillebourg  (1243). 

Matthieu  III,  fils  du  précédent,  mort  en  1270, 
devant  Tunis,  prit  la  croix  en  1267,  dans  le  parle- 
ment qu'assembla  saint  Louis  à  Paris ,  et  suivit 
ce  prince  avec  douze  chevaliers  sous  trois  ban- 
nières. De  Jeanne  de  Brienne,  nièce  d'Henri  de 
Lusignan,roi  de  Jérusalem,  il  eut  sept  enfants, 
entre  autres  Érard,  grand -échanson  de  France, 
et  Bouchard,  chefs  des  branches  de  Montmo- 
rency- Con flans  et  de  Montmorency-Sain  t-Leu, 
éteintes  l'une  et  l'autre  au  quinzième  siècle. 

Matthieu  IV,  dit  le  Grand,  fils  du  précé- 
dent, mort  vers  1305.  Après  s'être  distingué 
dans  les  expéditions  de  la  Pouille  (1282)  et  de 
l'Aragon  (1285),  il  obtint  de  Philippe  IV  la 
charge  de  grand-chambellan  avec  la  terre  de 
Damville.  En  1294,  il  contribua,  sous  les  ordres 
de  Charles  de  Valois,  à  la  conquêtede  la  Guienne. 
L'année  suivante  il  commanda,  avec  Jean  d'Har- 
court,  la  flotte  qui  alla  incendier  Douvres,  et  en 
ravagea  les  environs.  Une  si  belle  armée,  dit 
Nangis,  suffisait  pour  soumettre  toute  la  monar- 
chie anglaise;  mais  ses  chefs,  à  peine  débarqués, 
furent  aussitôt  rappelé»  par  des  lettres  du  roi. 
Matthieu  se  trouva  encore  aux  journées  de 
Furnes  et.  de  Courtrai,  et  fut,  à  ce  qu'on  présume, 
un  des  capitaines  qui  déployèrent  le  plus  de  va- 
leur à  celle  de  Mons-en-Puelle  (1304). 

Matthieu  V,  fils  du  précédent,  mort  en  1306, 
ne  laissa  point  d'enfants. 


MONTMORENCY  34 

Jean  1er,  frère  du  précédent,  mort  en  juin  132.  > 
assista  à  la  bataille  de  Mons-en-Pueile.  Un  de  si 
fils,  Matthieu,  fut  auteur  de  la  branche  d< 
Montmorency-Boxiqueval,  éteinte  en  1461. 

Charles,  fils  du  précédent,  mort  le  11  se 
tembre  1381.  Pourvu  en  1336  de  la  charge  < 
grand-panetier,  il  se  porta,  en  1339,  à  la  défen 
de  Tournay,  menacé  par  les  Flamands,  et  fut  f; 
prisonnier.  Nommé  maréchal  de  France  en  134 
il  envahit  la  Bretagne  avec  le  seigneur  de  Saii 
Venant,  assiégea  Nantes  et  força  Jean  de  Moi 
fort  à  se  rendre.  La  guerre  s'étant  renouvel 
en  1345  avec  l'Angleterre,  il  se  signala  <\ 
Guienne  et  au  siège  de  Calais  ;  à  Crécy  il  coi 


battit  à  côté  du  roi  Philippe  VI,  et  fut  un  d 
cinq  barons  qui  l'escortèrent  dans  sa  fait 
Chambellan  en  1346,  il  se  démit  de  la  charg 
alors  amovible,  de  maréchal  en  faveur  d'Édoua 
de  Beaujeu,  son  beau-frère,  en  recevant  le  til 
de  «  capitaine  général  sur  les  frontières 
Flandre  et  de  la  mer  en  toute  la  langue  picard* 
(1347).  Il  débuta  dans  ces  nouvelles  fonctio 
par  une  victoire  qu'il  remporta  près  du  Quesn 
sur  les  Flamands  (1348).  A  la  suite  de  la  désî 
treuse  journée  de  Poitiers,  qui  plongea  le  royaui 
dans  d'affreux  désordres,  un  parti  d'aventurii 
brûla  le  château  de  Montmorency,  qui  n'a  jam 
été  rebâti  depuis  (1357).  Charles,  qui  s'était  ren 
auprès  du  dauphin  pour  l'aider  de  sa  person 
et  de  ses  conseils,  négocia  en  1358  la  récon 
liation  de  ce  prince  avec  le  roi  de  Navarre,  s 
plus  dangereux  ennemi.  En  1360,  ilfutdu  noml 
des  députés  qui  conclurent  le  fameux  trailé 
Bretigny,  si  funeste  aux  intérêts  de  la  Fran 
Le  roi  d'Angleterre  ayant  exigé  quarante  ota; 
à  son  choix  jusqu'à  ce  que  les  conditions  de 
paix  eussent  été  remplies,  Charles  de  Montn 
rency  se  rendit  à  Londres ,  et  peu  de  ten 
après  il  s'engagea  à  payer  le  quart  d'une  som 
de  200,000  écus  d'or  (près  de  3  millions 
francs)  sur  la  rançon  du  roi  Jean,  qui  mont 
à  3  millions  d'écus;  les  autres  seigneurs  r 
ponsables  avec  lui  étaient  les  ducs  d'Orléai 
d'Anjou  et  de  Berry.  Bien  accueilli  de  Charles 
qui  l'admit  dans  son  conseil ,  il  fut  choisi 
1368,  pour  être  le  parrain  du  dauphin,  depi 
Charles  VI.  Il  se  maria  trois  fois,  et  laissa  h 
enfants. 

Jacques  ,  fils  du  précédent,  né  en  1 370,  m 
en  1414.  A  l'âge  de  dix  ans  il  fut  arméche' 
lier  par  Charles  VI  (1380),  le  suivit  en  Flanc 
et  assista  à  la  bataille  de  Bosbecque  (138 
Chambellan  du  roi,  il  vécut  auprès  de  lui,  et  : 
fusa  de  se  joindre  à  aucun  des  ambitieux  pai 
qui  déchiraient  la  France.  Vers  1400  il  prit 
titre,  conservé  par  ses  descendants,  de  prem 
baron  de  France,  après  avoir  prouvé  au  pai 
ment  qu'il  était  en  effet  le  plus  ancien  baron 
domaine  royal,  l'Ile  de  France.  Son  fils  pu*; 
Philippe,  conseiller  et  chambellan  de  Phili} 
le  Bon,  duc  de  Bourgogne,  fonda  la  branche  i 
Monlmorency-Croisilles,  qui  s'éteignit  en  15! 


11 


MONTMORENCY 


l  e  cette  branche  sortirent  les  quatre  rameaux 
ii  Bours,  d'Esquer.court,  à'Acquestei  de  Neu- 
[  lie-  Wistace,  aujourd'hui  éteints. 
I  Jean  11,  fils  du  précédent,  né  en  1402,  mort 
i  G  juillet  1477. 11  abandonna  tous  les  biens  de 
I  maison  à  la  merci  des  Anglais  et  des  Bour- 
i  ignons  pour  s'attacher  au  dauphin  Charles, 
l>  ii  avait  été  obligé,  par  suite  du  traité  de  Troyes, 

M  retirer  enlouraine.  Son  dévouement  futré- 
;  mpensé  par  la  charge  de  chambellan  de  France  ; 

lis  en  1429  il  s'en  vit  puni  par  la  confiscation 
KM  terres,  situées  dans  l'Ile-de-France,  en 
i  ie  et  en  Normandie,  au  nom  du  roi  d'Angle- 
ïre,  Henri  VI,  qui  en  fit  présent  à  Jean  de 
i,  ixembonrg ,  comte  de  Saint-Pol.  Cette  même 
i  née  Jean  H  déploya  tant  de  bravoure  à  l'at- 
i  ]ue  infructueuse  tentée  contre  Paris  qu'il  fut 
|  éé  chevalier  sur  le  champ  de  bataille.  Il  prit 
|  core  part  aux  campagnes  suivantes  contre  les 
|  iglais.  Toujours  fidèle  à  la  cause  royale,  il  vit 
I  ec  la  plus  vive  indignation  ses  deux  fils  aînés 
fibrasser  le  parti  du  duc  de  Bourgogne,  Charles 
i  Téméraire,  et  pour  les  en  punir  il  les  dé9hé- 
f  a.  Ayant  sommé  l'aîné,  Jean,  sire  de  Nivelle, 
|  rentrer  dans  le  devoir,  le  jeune  homme,  loin 
i  )béir,  se  retira  à  la  cour  de  Gand.  Alors  son 
\  re,  irrité,  le  traita  de  chien,  et  c'est  de  là  qu'est 
(nu,  dit-on,  le  proverbe  :  «  Il  ressemble  au 
lien  de  Jean  de  Nivelle,  qui  s'enfuit  quand  on 
[ppelle.  »  Jean  II  institua  son  troisième  fils, 
iiiHaume,  qu  il  avait  eu  d'un  second  lit,  l'unique 
|iritier  de  ses  biens  et  de  son  nom.  La  substitu- 
|  m  fut  autorisée  par  Louis  XI,  le  28  octobre  1472. 
(  Les  deux  fils  de  Jean  II  figurèrent  parmi  les 
■M  riches  seigneurs  des  Pays-Bas,  où  ils  se 
j.èrent;  l'un  et  l'autre  devint  la  tige  d'une  fa- 
ille poissante.  Jean  fonda  la  branche  des  Mont- 
[orency-Nivelle,  qui  finit  à  la  quatrième  géné- 
jtion,  clans  la  personne  du  comte  de  Horn  et  du 
jiron  de  Montigny,  son  frère,  décapités  en  1568 
I  en  1570.  Louis  fut  le  chef  de  la  branche  des 
|i ontmoren cy-Fosseux,  qui  donna  naissance  aux 
jimeaux  de  Loupy ,  de  Lauresse,  de  Château- 
i  un, de  Wastines  et  de  Boutleville  ou  Luxem- 
\Mrg;  cette  branche  est  devenue  l'aînée  de  toute 
!  maison.  Elle  subsiste  aujourd'hui  dans  les  deux 
tanches  des  familles  ducales  de  Montmorency 
ji  de  Luxembourg ,  investies  de  ces  titres  la 
iemièreen  1767  et  la  seconde  en  1662. 
j  Guillaume,  troisième  fils  du  précédent,  mort 

24  mai  1531.  Il  suivit  Charles  VIII  et  Louis  XII 
ins  leurs  guerres  d'Italie ,  devint  gouverneur 

•  l'Orléanais  ( 1 503),  puis  chevalier  d'honnenr  de 

duchesse  d'Angoulême,  mère  de  François  Ier, 

fut,  après  la  bataille  de  Pavie,  l'un  des  si- 
itataires  du  traité  conclu  entre  la  régente  et 
îenri  VIII,  roi  d'Angleterre  (1525).  De  sa  femme 
Inné  Pot,  il  eut  quatre  tils  et  trois  filles.  P.  L. 
(André  Ouchcsne,  liist.  généatog.  de  la  Maison  de 
tontmorenci/  et  de  Laval  ;  Paris,  1B24,  in-fol.  —  Desor- 
i-au\,  fjist.  de  ta  Maison  de  Montmorency.  —  An- 
iline, Crands-Oftlciers  de  la  Couronne.  —  Art  de  v4- 

lier  hs  claies  (eciit.  181S),  t.  XII. 


mostmoriîscv  (Anne  (1),  premier  duc 
he),  célèbre  capitaine  et  homme  d'État  français, 
fils  du  précédent,  né  le  15  mars  1492,  mort  le 
12  novembre  1567,  à  Paris.  Il  fut  élevé  avec 
François,  comte  d'Angoulême,  qui,  monté  sur  le 
trône,  lui  garda  pendant  un  grand  nombre  d'an- 
nées la  plus  tendre  amitié.  Après  avoir  pris  part 
en  1515  à  la  bataille  de  Marignan,  en  qualité  de 
lieutenant  de  la  compagnie  de  Robert,  bâtard  de 
Savoie,  dont  il  épousa  plus  tard  la  fille,  il  fut 
nommé  gouverneur  du  Novarars.  En  1520  il  as- 
sista à  la  fameuse  entrevue  entre  François  1er  et 
Henri  VIII  à  Guines,  et  fut  peu  de  temps  après 
chargé  d'importantes  négociations  près  de  la 
cour  d'Angleterre.  De  retour  en  France,  il  fut  fait 
premier  gentilhomme  de  la  chambre.  En  1521  il  se 
jeta  avec  Bayard  dans  Mézières,  qu'il  empêcha 
de  tomber  au  pouvoir  des  troupes  impériales. 
Envoyé  l'année  suivante  en  Suisse  pour  y  lever 
douze  mille  fantassins,  il  les  mena  rejoindre  dans 
le  Milanais  l'armée  de  Lautrec,  et  se  signala  par 
son  brillant  courage  au  siège  de  Novare  et  à  la 
bataille  de  La  Bicoque.  Promu  au  grade  de  ma- 
réchal, il  fut  chargé,  en  1524,  avec  Chabannes, 
de  poursuivre  l'armée  du  connétable  dé  Bourbon, 
qui  évacuait  la  Provence,  tandis  que  le  roi  en- 
vahissait la  haute  Italie  ;  il  alla  ensuite  rejoindre 
le  roi  devant  Pavie.  A  la  bataille  donnée  sous 
les  murs  de  cette  ville ,  il  commanda  l'aile  droite 
de  l'armée  française  ;  la  fuite  des  Suisses  qui  s'y 
trouvaient  l'empêcha  de  résister  à  l'attaque  du 
marquis  de  Guasto,  et  il  fut  fait  prisonnier.  Re- 
lâché bientôt  après ,  il  fut  un  des  principaux  né- 
gociateurs du  traité  de  Madrid.  Nommé  en  1526 
grand-maître  de  la  maison  du  roi  et  gouverneur 
du  Languedoc,  il  fut  chargé  en  1530  d'aller  re- 
cevoir à  la  frontière  d'Espagne  les  princes  fran- 
çais gardés  jusque  alors  en  otages  par  Charles 
Quint.  Dans  les  années  suivantes  il  acquit  un 
ascendant  marqué  sur  le  roi,  dont  il  allait  de- 
venir le  principal  ministre.  Ce  fut  lui  qui  fit  en 
t536,  lors  du  renouvellement  de  la  guerre  avec 
l'empereur,  adopter  le  pian  de  défense ,  consis- 
tant à  ne  pas  combattre  les  ennemis  qui  avaient 
pénétré  en  Provence,  mais  à  dévaster  cette  con- 
trée de  fond  en  comble,  poar  leur  enlever  les 
moyens  de  subsistance.  Chargé  de  la  direction 
suprême  des  opérations  militaires ,  il  veilla  à 
ce  que  tous  les  approvisionnements  amassés 
dans  les  villages ,  ou  dans  les  villes,  sauf  Arles 
et  Marseille,  fussent  entièrement  détruits,  sans 
égard  aux  souffrances  des  habitants,  dont  beau- 
coup moururent  de  faim.  Le  but  de  ces  mesures 
barbares  fut  en  effet  atteint;  l'armée  impériale 
éprouva  bientôt  des  privations  cruelles.  Pendant 
ce  temps  Montmorency  concentra  ses  troupes 
devant  Avignon  dans  un  camp  fortifié  avec  soin. 
N'ayant  aucune  confiance  dans  les  légions  fran- 
çaises formées  deux  ans  auparavant ,  il  avait 
fait  lever  treize  mille  Suisses  et  huit  mille  lans- 

(0  Ce  nom  lui  fut  donné ,  dit-on  ,   parce  que  la  relue 
Anne  de  Bretagne  fut  sa  marraine. 


343 


quenets.  Quoique  à  la  tête  de  forces  imposantes, 
il  persista  à  ne  pas  combattre  et  à  laisser  la  fa- 
mine détruire  les  soldats  de  l'empereur  ;  et  même 
lorsque  ceux-ci,  bien  diminués  et  affaiblis  par 
les  maladies,  se  furent  mis  en  retraite ,  il  se 
refusa,  malgré  les  instances  du  fils  du  roi,  Henri, 
à  tomber  sur  les  derrières  de  l'ennemi ,  auquel 
il  aurait  pu  faire  le  plus  grand  mal.  Selon  Beau- 
caire,  cet  excès  de  prudence  devrait  être  attribué 
à  ce  que  Montmorency,  se  défiant  de  ses  talents 
militaires ,  n'aurait  pas  voulu  laisser  remporter 
par  d'autres  des  succès  qu'il  se  croyait  incapable 
d'obtenir;  d'après  Martin  du  Bellay,  Montmo- 
rency n'aurait  pas  poursuivi  l'empereur  pour  se- 
courir à  la  hâte  Péronne,  menacé  d'être  pris. 

En  1 537  il  accompagna  en  Picardie  le  roi  Fran- 
çois 1er  ;  après  avoir  enlevé  quelques  places,  ce 
prince  licencia  ses  troupes  dès  le  commence- 
ment de  mai,  ce  qui  permit  aux  Impériaux,  qui 
survinrent  alors,  de  faire  des  progrès  alar- 
mants. Montmorency  rassembla  à  la  hâte  une 
nouvelle  armée  de  trente  mille  hommes  en  état 
de  combattre  avec  succès  les  vingt-deux  mille 
de  l'ennemi  ;  mais  il  préféra  entrer  en  négocia- 
tion, et  signa  le  30  juillet  une  trêve  avec  la  gou- 
vernante des  Pays-Bas.  A  la  fin  de  septembre  il 
marcha  avec  l'avant-garde  de  l'armée  française 
au  secours  de  Turin ,  força  le  pas  de  Suse,  et 
vint  se  camper  le  31  octobre  à  Rivoli,  en  face 
des  Impériaux;  mais  au  lieu  de  livrer  bataille, 
comme  l'en  pressait  le  dauphin,  il  appuya  les 
démarches  faites  par  le  pape  en  faveur  de  la 
paix.  Des  pourparlers  commencèrent;  chargé 
avec  le  cardinal  de  Lorraine  de  traiter  avec  les 
envoyés  de  Charles  Quint,  Montmorency  se 
rendit  en  février  1538  à  Moulins  auprès  du  roi, 
pour  lui  rendre  compte  de  la  marche  des  négo- 
ciations; quelques  jours  après  son  arrivée  il 
reçut  l'épée  de  connétable.  Au  mois  de  juillet  de 
la  même  année,  il  assista  aux  conférences  tenues 
à  Aiguës-Mortes  entre  l'empereur  et  François  rr, 
qu'il  encourageait  de  plus  en  plus  à  accepter  la 
proposition  de  Charles  d'asservir  en  commun 
l'Europe  et  d'extirper  l'hérésie  naissante.  La 
maladie  du  roi  lui  valut  bientôt  après  la  direc- 
tion absolue  de  la  politique  étrangère  aussi  bien 
que  de  l'administration  intérieure.  On  peut  se 
rendre  compte  de  l'influence  suprême  qu'il  exerça 
alors,  lorsqu'on  parcourt  les  deux  volumes 
in-folio  des  Mémoires  de  Ribier,  où  se  trou- 
vent de  nombreuses  lettres  adressées  au  conné- 
table par  les  ambassadeurs ,  les  prélats,  les  gou- 
verneurs de  province,  les  parlements,  etc.,  sur 
toute  espèce  d'affaire  de  gouvernement.  L'or- 
gueil qu'il  conçut  de  sa  position  le  rendit  hautain, 
rude  et  tranchant  même  envers  les  plus  grands 
personnages  de  l'État  (1).  Il  profita  de  son  crédit 

(1)  «  Certainement,  dit  Brantôme ,  il  estoit  grand  ra- 
broueur  de  personnes,  cela  n'estoit  que  bon  à  lui;  car 
il  avoit  tant  veu,  pratiqué  et  retenu,  que  quand  il  voyoit 
faire  des  fautes  ou  qu'on  bronchoit  devant  lui,  il  le  sça- 
voit  bien  relever  avec  belles  raisons.  Ah!  comme  il 
vous  repassoit  ses  capitaines,  et  grands  et  petits,  quand 


MONTMORENCY  3 

tout-puissant  pour  augmenter  sa  fortune  mêi 
par  des  moyens  peu  délicats ,  témoin  le  marc  \ 
qu'il  conclut  avec  le  comte  de  Chateaubriai  | 
qui,  enJéguant  au  connétable  dix  de  ses  plJ 
belles  terres,  obtint  une  quittance  en  règle 
son  administration  en  Bretagne,  où   il  aviJ 
commis  de  nombreux  détournements.  «  Ma: 
ditSismondi,  si  Montmorency  manquait  éga'  [ 
ment  et  d'aménité  dans  le  caractère  et  d'inll 
grité  et  de  talents  militaires  distingués,  et  d'1 1 
bileté  en  politique ,  il  avait  du  moins  une  a  { 
lonté  ferme  et  inflexible,  et  une  capacité   \ 
travail  et  d'application  qui  jusque  alors  avait  I 
manqué  aux  conseils  de  François  Ier.  Ce  qi  | 
avait  une  fois  voulu ,  il  le  poursuivait  avec  coi  i 
tance;  il  rapportait  toutes  ses  actions  à  un  mêi  I 
plan,  et  il  maintenait  dans  l'administration 
ordre  auquel  on  n'était  point  accoutumé.  » 

En  conséquence  du  rapprochement  qu'il  av 
aidé  à  opérer  entre  le  roi  et  l'empereur,  Moi 
morency  mitiinaux  bons  rapports  qui  existait] 
entre  la  France  et  l'Angleterre,  ainsi  qu'avec 
princes  protestants  de  l'Allemagne  et  avec 
Turcs.  La  plupart  des  agents  diplomatiques  frf 
çais  se  montraient  contraires  à  ce  changent» 
de  politique,  dont  ils  faisaient  ressortir  les  àii 
gers ,  en  rappelant  le-peu  de  bonne  foi  de  Ch. 
les.  Mais  Montmorency  sut  faire  prévaloir  ! 
idées,  et  il  obtint  du  roi  qu'il   rejetât   l'of 
des  Gantois,  révoltés,  de  proclamer  François 
comme  leur  seigneur;  Charles  fut  même  inv. 
à  traverser  la  France  pour  pouvoir  aller  chat  | 
les  rebelles.  L'empereur  accepta  ;  on  rappo 
qu'il  courut  le  danger  d'être  retenu  prisonh 
à  son  passage  en  France ,  mais  que  Montre 
rency  mit  obstacle  «  à  ce  vilain  fait  ».  Il  ne; 
serait  peut-être  pas  opposé  s'il  avait  pu  p: 
voir  ce   qui  arriva  bientôt  après.  Charles,  < 
avait  fait  espérer  au  roi  qu'il  lui  rendrait  le  î 


ils  fallloient  à  leurs  charges  et  qu'ils  vouloient  faire 
suffisans,  et  vouloient  encore  respondre.  Asseurez-vi 
qu'H  leur  faisoit  boire  de  belles  hontes,  et  non-seï 
ment  à  eux,  mais  à  toutes  sortes  d'estats ,  comme  à 
messieurs  les  présidents ,  conseillers  et  gens  de  justi 
quand  ils  avoient  fait  quelque  pas  de  clerc»  La  moin 
qualité  qu'il  leur  donnoit,  c'estoit  qu'il  les  appei 
asnes,  veaux,  sots,  et  qu'ils  vouloient  faire  les  suffis; 
et  n'esloient  que  des  fats;  si  bien  que  s'ils  n'estoi 
bien  habiles  ,  mais  Je  dis  des  plus  subelins,  asseurez-vi 
qu'ils  trembloient  devant  lui;  et  demeuroient  quelqi 
foi*  si  estonnés,  qu'ils  ne  sçavoient  que  dire,  et  les  n 
voyoit  ainsi  qualifiés  comme  j'ai  dit.  » 

«  11  ne  jnanquoit  jamais  à  ses  dévotion»  ny  à 
prières,  dit  encore  Brantôme ,  car  tous  les  matins  il 
failloit  de  dire  et  entretenir  ses  patenostres,  fust  qi 
ne  bougeast  du  logis,  ou  fust  qu'il  raontast  a  cheval 
allast  par  les  champs,  aux  armées  :  parmy  lesquelles 
disoit  qu'il  se  fulloit  garder  des  patenostres  de  M.  ' 
connestable ;  car  en  les  disant  et  marmottant,  lorsç 
les  occasions  se  présentaient ,  comme  force  desbort 
ments  et  désordres  y  arrivent  maintenant,  il  disol 
«  Allez-moy  pendre  un  tel;  attachez  celuy-là  à  c 
arbre  ;  faites  passer  cestuy-là  par  les  piques  à  ce 
heure;...  brûlez  moy  ce  village  »,  et  ainsi  tels  ou  se 
blables  mots  de  justice  et  de  police  de  guerre  prof 
roit-il  selon  les  occurences,  sans  se  débaucher  nul 
ment  de  ses  pater,  jusqu'à  ce  qu'il  les  eust  pa( 
chevés.  »  Ce  portrait  est  bien  caractéristique. 


Ifi 


MONTMORENCY 


346 


lais,  refusa  péremptoirement  de  se  dessaisir 
:  ce  pays;  François  Ier  en  conçut  le  plus  vio- 
nt  dépit,  et  ht  retomber  son  humeur  sur  le 
nnétable,  qui  surtout  avait  prôné  cette  malen- 
mtreuse  alliance  avec  l'empereur.  Dès  le  mi- 
u  de  1540,  Montmorency  put  voir  diminuer 
aduellemcnt  son  inlluence,  qui,  minée  depuis 
îgtemps  par  la  duchesse  d'Étampes,  cessa  en- 
rement  lorsque  le  roi  se  fut  aperçu  des  atten- 
tas que  le  connétable  avait  pour  le  dauphin, 
jmtmorency  eut  bien  encore,  en  février  1541, 
satisfaction  d'entendre  condamner  l'amiral 
îabot  de  Brion,  jusque  alors  son  rival  dans  la 
reur  du  roi ,  et  dont  il  avait  préparé  la  perte 
ec  l'aide  du  chancelier  Poyet,  sa  créature; 
jis  en  rendant  leur  sentence  les  juges  ne  cher- 
èrent  pas  à  servir  la  haine  du  connétable  ;  ils 
pensèrent  qu'à  plaire  au  roi,  auquel  ils  adju- 
rent toutes  les  richesses  de  l'amiral.  Dès  la 
i  de  1540,  Montmorency  cessa  de  diriger  les  af- 
res  ;  il  se  retira  à  Écouen ,  où  il  vécut  pendant 
t  ans  dans  une  entière  disgrâce ,  occupé  uni- 
lement  à  surveiller  la  construction  du  magrti- 
|ue  château  qui  existe  encore  aujourd'hui  dans 
lieu. 

Aussitôt  après  la  mort  de  François  1er  (  mars 
.47),  il  fut  rappelé  à  la  cour  par  le  nouveau 
i ,  Henri  II ,  avec  lequel  il  était  resté  dans 


écrire  son  fameux  Contr'un,  ou  de  la  servitude 
volontaire.  Pendant  les  années  suivantes  il  conti- 
nuade  diriger  les  affaires  presque  en  maître  absolu; 
bien  qu'il  n'eût  que  des  capacités  médiocres  et  au- 
cune élévation  dans  l'esprit,  il  savait,  par  son  ac- 
tivité et  sa  ténacité,  donner  de  l'impulsion  et  de  la 
régularité  au  gouvernement ,  qui  sous  un  prince 
aussi  nonchalant  et  aussi  nul  que  Henri  aurait  pu 
être  bien  pire.  Ce  prince  érigea  pour  lui  la  baron- 
niede  Montmorency  en  duché-pairie  (I55t).  En 
1 552  le  connétable  conduisit  l'armée  qui  prit  pos- 
session delaLorraine  et  des  Trois  Évêchés.  L'an- 
née suivante,  il  marcha  avec  plus  de  quarante  mille 
hommes  sur  la  Flandre,pour  réparer  les  échecs  su- 
bis de  ce  côté  par  sa  négligence  à  pourvoir  à  la  dé- 
fense de  Térouanne,  qui  fut  pris  par  les  Impériaux  ; 
mais  avec  des  forces  aussi  considérables,  et  qui 
causaientune  dépense  énorme,  il  n'entreprit  rien, 
«  pareequ'ilne  vouloit  pas,  dit  Beaucaire,  donner 
au  roi  occasion  déjuger  de  l'insuffisance  de  ses  ta- 
lents militaires  ».  Craignant  que  les  talents  qu'il 
avait  reconnus  chez  le  duc  de  Guise  ne  fussent 
mis  en  lumière  par  la  continuation  de  la  guerre, 
il  fit  en  1556  conclure  la  trêve  de  Vauxelles  pour 
cinq  ans;  il  prit  encore  une  autre  mesure  de 
précaution  contre  les  Guise,  dont  l'ascendant 
sur  le  roi  l'inquiétait  ;  ce  fut  de  faire  épouser  à 
son  fils  François  une  fille  naturelle  de  Diane  de 


i  s  meilleurs  rapports,  et  qui  lui  confia  tout  j  Poitiers.  Cependant  il  ne  put  empêcher  ses  rivaux 


gouvernement.  Il  commença  par  faire  écarter 
fjrtiix  qui  l'avaient  supplanté  auprès  de  Fran- 
!  lis  1er, tels  que  l'amiral  d'Annebault  et  le  cardinal 
l  ;  Tournon.  Les  seules  personnes  qui  gardèrent 
f;  l'influence  à  côté  de  lui  furent  les  Guise  ,  le 
i  aréchal  de  Saint- André  et  Diane  de  Poi- 
pa  (i).  Chargé  en  1548  de  réprimer  le  soulè- 
pment  occasionné  en  Guienne  par  l'impôt  sur  le 
f'I,  Montmorency  traita  avec  la  dernière  rigueur 
|s  Bordelais,  qui  s'étaient  soumis  dès  son  arri- 
ve, leur  enleva  leurs  privilèges  et  fit  exécuter 
lus  de  cent  quarante  d'entre  eux.  Ces  mesures 
arbares  provoquèrent  Etienne  de  La  Boëtie  à 


■•(i)  Les  dilapidations  honteuses,  suites  du  règne  de  ces 
ivorls,  sont  énergiquemeni  dépeintes  par  Carlois,  le  ré- 
jicteur  des  Mémoires  de  Viellleville.  «  Si  on  demande, 
f. t.— Il,  pourquoi  le  grand  roi  Henri  nepouvoit  avancer  un 
sue  serviteur  et  de  mérite,  qu'il  affectionnoit,  selon  la 
Jlonté  qu'il,  en  avoil,  il  est  aisé  de  répondre  que  non, 
iand  ceux  qui  le  possédoient  étoient  effrontés  et  par 
iop  convoiteux  à  l'envi  de  faire  fleurir  leurs  maisons  ; 
ir  il  ne  leur  échappoit,  non  plus  qu'aux  hirondelles  les 
i  muches,  état,  dignité,  évêché,  abbaye,  office,  ou  quel- 
i  l'autre  bon  morceau,  qui  ne  fût  incontinent  englouti. 
jt  avoient  pour  cet  effet,  en  toutes  parts  du  royaume, 
|?ds  apostés  et  serviteurs  gagés,  pour  leur  donner  avis  de 
t>ut  ce  qui  se  mouroit,  sans  épargner  les  confiscations, 
iDur  les  demander.  Mais  bien  plus,  ils  avoient  des  méde- 
}:.ns  à  Paris,  où  tous  les  grands  de  France  abordoient,  at- 
tirés et  comme  pensionnaires,  qui  ne  failloient  de  leur 
fiander  l'issue  de  leurs  patients,  quand  ils  étoient  d'é- 
jiffe;  et  bien  souvent,  sur  le  goût  de  mille  écus,  ou  d'un 
jinéfice  de  mille  livres  de  rente,  on  les  faisoit  passer.  De 
,)rtc  qu'il  étoit  quasi  impossible  à  ce  débonnaire  prince 
r  étendre  ailleurs  sa  libéralité  ;  car  ils  étoient  quatre  qui 
I  dévoroient  comme  un  lion  sa  proie,  jusqu'à  lui  ravir 
fe  qu'il  avoit  donné  à  ses  domestiques;  pour  en  pourvoir 
s  leurs.  » 


de  décider  le  faible  roi  à  recommencer  la  guerre 
contre  l'Espagne.  Il  ne  voulut  pas  leur  en  laisser 
la  direction,  et  conduisit  en  1557  l'armée  en- 
voyée au  secours  de  son  neveu  Coligny,  en- 
fermé dans  Saint-Quentin  ;  ses  fausses  mesures 
amenèrent  la  destruction  presque  complète  de 
ses  troupes;  lui-même,  le  maréchal  de  Saint- An- 
dré et  une  foule  de  seigneurs  tombèrent  entre 
les  mains  de  l'ennemi.  Philippe  II  le  relâcha 
bientôt  après  sur  parole,  ne  doutant  pas  qu'il  ne 
travaillât  à  faire  signer  la  paix  à  tout  prix,  de 
peur  que  les  brillants  succès  remportés  par  le 
duc  de  Guise,  à  Calais  etàThionville,  ne  fussent 
suivis  d'autres  encore  plus  éclatants.  Bientôt  après 
en  effet  fut  conclu  le  traité  de  Câteau-Cam- 
brésis  ;  ce  traité  était  honteux  pour  la  France,  qui 
ne  cacha  pas  son  indignation  contre  le  conné- 
table et  le  maréchal  de  Saint-André,  qui  avaient 
fait  payer  au  pays  leur  rançon  plus  cher  que 
celle  de  François  Ier. 

Survint  en  1559  la  mort  de  Henri  II;  la  reine 
Catherine  de  Médicis,  jusque  alors  entièrement 
négligée,  eut  immédiatement  une  grande  part  d'in- 
fluence. Elle  avait  à  se  plaindre  de  Montmorency, 
qui  n'avait  eu  pour  elle  aucuns  égards  et  avait 
même  suscité  sur  sa  fidélité  comme  épouse  des 
doutes  auprès  du  roi.  Peu  vindicative,  elle  au- 
rait consenti  à  un  rapprochement  avec  le  conné- 
table, que  celui-ci  demandait  alors  instamment, 
si  elle  n'avait  pas  prévu  que  les  Guise,  appuyés 
par  la  jeune  reine  Marie  Stuart  allaient  s'emparer 
du  pouvoir.  Ils  y  parvinrent  d'autant  plus  facile- 
j  ment  que  Montmorency,  retenu  par  le  devoir 


347 


MONTMORENCY 


! 


de  sa  charge  auprès  du  corps  du  feu  roi ,  fut 
obligé  de  leur  laisser  le  champ  libre,  et  que  le  roi 
de  Navarre  et  le  maréchal  de  Saint-André,  sur 
lesquels  Montmorency  croyait  pouvoir  compter, 
se  déclarèrent  pour  eux.  Apprenant  que  le  gou- 
vernement passait  en  leurs  mains,  le  connétable 
accourut  au  Louvre;  il  futreçu  très-froidement  :  le 
roi  lui  annonça  qu'il  ne  voulait  plus  laisser  peser 
les  soins  de  l'administration  sur  un  vieillard  de 
près  de  soixante-dix  ans.  Montmorency  se  retira  à 
Chantilly;  il  perdit  bientôt  après  la  charge  de 
grand-maître,  qui  fut  donnée  au  duc  de  Guise. 
Cette  fois  il  ne  se  résigna  pas  à  sa  disgrâce,  et 
se  concerta  avec  ses  neveux,  les  trois  Châtillon, 
et  avec  les  Bourbons,  pour  résister  à  la  toute-puis- 
sance des  ministres. 

Dès  qu'il  sut  la  mort  de  François  II,  il  arriva 
à  la  hâte  à  la  cour,  et  reprit  avec  hauteur  l'exer- 
cice de  sa  charge.  Catherine,  que  les  Guiseavaient 
blessée  par  leur  insolence,  le  fit  de  nouveau 
participer  au  gouvernement.  Dans  les  premiers 
temps  il  ne  manifesta  pas  son  ancienne  aversion 
contre  les  huguenots ,  que  protégeaient  ses  ne- 
veux; mais  lorsqu'il  vit,  en  1561,  le  parti  pro- 
testant en  crédit  même  à  la  cour,  il  se  déclara 
l'adversaire  des  sectaires ,  d'autant  plus  qu'ils 
voulaient  porter  Antoine  de  Navarre  à  la  ré- 
gence et  faire  rendre  gorge  aux  favoris  des  der- 
niers règnes.  Sollicité  par  Saint-André  et  Diane 
de  Poitiers,  qui,  plus  que  lui  encore,  redoutaient 
l'avènement  aux  affaires  des  huguenots,  il  se 
réconcilia  (avril  1561)  avec  les  Guise,  pour  s'op- 
poser en  commun  avec  eux  aux  progrès  des  hé- 
rétiques. Il  en  résulta  une  association  toute- 
puissante  entre  Montmorency,  le  duc  de  Guise  et 
Saint-André,  connue  dans  nos  annales  sous  le 
nom  de  triumvirat.  Parvenus  à  gagner  le  roi 
de  Navarre,  ils  résolurent  d'opposer  la  force  aux 
violences  et  aux  brutalités  renouvelées  des  hu- 
guenots. Lorsqn'en  1562  éclata  la  guerre  de  reli- 
gion, ils  prirent  définitivement  en  main  la  direc- 
tion du  gouvernement ,  dont  ils  écartèrent  Ca- 
therine ,  et  se  préparèrent  à  combattre  le  prince 
de  Condé.  Dans  les  premiers  jours  d'avril,  Mont- 
morency fit  brûler  à  Paris  dans  les  deux  temples 
des  huguenots  les  chaires  et  les  bancs.  Vers  la 
fin  de  l'année  il  marcha  avec  l'armée  royale  pour 
couper  à  Condé  la  route  du  Havre.  Le  19  dé- 
cembre on  se  rencontra  dans  la  plaine  de  Dreux. 
Avec  son  imprévoyance  ordinaire,  il  attaqua 
seulement  avec  huit  étendards  de  gendarmerie 
l'armée  ennemie,  avant  que  ses  autres  troupes 
ne  fussent  prêtes  à  le  soutenir  ;  il  ne  put  suppor- 
ter le  choc  de  la  cavalerie  de  Condé,  ses  soldats 
se  débandèrent,  lui-même  fut  fait  prisonnier. 
Cependant,  grâce  à  l'habileté  du  duc  de  Guise,  la 
victoire  revint  aux  catholiques;  Condé  tomba 
entre  leurs  mains.  Ce  fut  avec  ce  prince  que  le 
connétable  fut  chargé  deux  mois  après  de  négo- 
cier la  paix  conclue  le  19  mars  1563  et  suivie  de 
l'éditd'Amboise,  qui  accordait  aux  huguenots  la 
liberté  de  conscience,  et  dans  certaines  limites 


le  libre  exercice  de  leur  culte.  Trois  mois  ap 
il  prit  le  commandement  de  l'armée  chai  l 
d'enlever  Le  Havre  aux  Anglais  ;  en  huit  joui  \ 
s'empara  de  la  place.  Pendant  les  années  ;  \ 
vantes,  il  resta  avec  son  fils  Damville,  fi.» 
au  parti  catholique ,  tandis  que  François ,  jt 
fils  aîné,  se  rapprocha  des  huguenots.  En  li  l 
il  se  trouvait  avec  la  cour  à  Meaux,  lorsque  t 
derniers  essayèrent  de  la  faire  prisonnii  j 
après  avoir  dirigé  la  retraite  du  roi  sur  Pari  | 
s'aboucha  avec  ses  neveux  les  Châtillon  jp 
négocier  un  accommodement.  Il  "chercha  em 
à  les  gagner  par  des  promesses  de  faveurs  [ 
sonnelles,  et'  lorsqu'il  eût  déclaré  que  les  é 
de  tolérance  étaient  révocables  au  gré  de  V. 
royauté,  les  pourparlers  furent  rompus.  Les  U 
guenots  vinrent  assiéger  Paris  ;  Montmorency,  u 
y  avait  réuni  une  armée  d'au  moins  dix  mille  1 1 
tassins,  ne  s'empressait  pas  d'attaquer  les  as  ti 
géants  ;  les  cris  du  peuple  l'obligèrent  enfin  (10  fej 
vembre)  à  sortir  des  murs  et  à  marcher  co:i 
Condé,  qui,  avec  quinze  cents  cavaliers  et  à  I 
près  autant  de  fantassins,  campait  dans  la  pi,  s 
Saint-Denis.  Le  combat  s'engagea  à  trois  he<  | 
de  l'après-midi;  les  mauvaises  dispositions! 
connétable  permirent  aux  huguenots,  qui  n  1 
raient  pu  tenir  un  instant  devant  une  atta  f 
bien  dirigée,  de  mettre  en  déroute  la  genii 
merie,  au  milieu  de  laquelle  était Montmorei  fi 
Blessé  et  sommé  de  se  rendre  par  Robert  Stu  u 
il  le  frappe  au  visage  du  pommeau  de  sonéi  ji 
Stuart  ou  quelque  autre  Ecossais  (on n'a  janl 
pu  éclaircir  le  fait  )  lui  tire  alors  un  coup  p 
pistolet  dans  les  reins.  François  de  Mont  I 
rency  et  Damville  accoururent  au  secours! 
leur  père,  et  le  dégagèrent.  Se  sentant  attrl 
mortellement ,  il  voulait  qu'on  le  laissât  su  G 
champ  de  bataille,  pour  y  expirer,  coroml 
l'avait  toujours  désiré.  Il  permit  enfin  qu'oip 
transportât  à  Paris,  où  il  mourut  le  surleni! 
main.  Son  confesseur  l'exhortant  à  faire  pet 
tence,  il  lui  répondit  :  «Croyez-vous  que 
homme  qui  a  su  vivre  près  de  quatre-vingts  li 
avec  honneur,  ne  sache  pas  mourir  un  qui 
d'heure?  » 

De  Madeleine  de  Savoie  le  connétable  eut  c  v 
filset  quatre  filles,  alliées  aux  familles  de  Lait 
moille,  de  Turenne,  de  Ventadour  et  Candîi 

O. 

Brantôme,  Hommes  illustres.  —  Du  Bellay,  J/<ànoil 
—  Beaucaire,  Commentaria.  —  Vieilteville,  Mém.  —  i 
Thon,  historia  —  Tavannes,  Mém.  —  Le  Laboureur,  f 
ditions  aux  Mém.  de  Castelncm.  —  Boivin,  Mém.  |  S 
La  Place,  Mém  de  Condé,  1. 1  et  II.  —  Davila.  —  D'  [ 
bigné.  —  La  Popelinière  —  Lesconvel,  Anne  de  Mm 
morency.  —  Pérard,  Éloge  historique  d'Anne  de  M(  t 
morency.  —  D'Auvigny,  Hommes  illustres. 

montmorency  (  François,  duc  de  ),  rna| 
chai  de  France,  fils  du  précédent,  né  le  17  jui  i 
1530,  mort  le  15  mai  1579,  à  Écouen.  Il  eut  p<  r 
parrain   le  roi  François  Ier.  Pourvu  en   1! 
d'une  compagnie  de  cent  hommes  d'armes, 
la  conduisit  au  siège  de  Lanz  en  Piémont  et 
1552  à  la  défense  de  Metz.  Il  se  jeta  en  H 


19 


MONTMORENCY 


350 


;>ns  Térouanne,  prit  le  commandement  de  la 

lace,  après  la  mort  du  brave  d'Essé,  et   pro- 

kngea    quelques  jours  encore   la    résistance; 

blîgé  de  capituler,  il  oublia  de  stipuler  une  trêve 

■nilaiit  qu'on  débattait  les   conditions,   et  fut 

it  prisonnier  dans  une  irruption  subite  des  Im- 

I érianx.  Sa  captivité  fut  longue,  mais  il  sut  la 

[  lettre  à  profit  pour  acquérir  les  connaissances 

ttéraires  dont  il  était  totalement  privé.  Le  roi 

ifant  payé  sa  rançon  (1556),  François  obtint  à 

'  >n  retour  le  collier  de  l'ordre  et  le  gouverne- 

icnl  de  Paris  et  de  l'Ile-de-France,  vacant  par 

J.  démission  de  Gaspard  de  Coligny.  A  cette 

;  toque  il  contracta  un  mariage  secret  avec  MUe  de 

iennes,  l'une  des  plus  belles  et  des  plus  aima- 

es  personnes  de  la  cour.  Le  connétable ,  son 

ire,  qui  avait  formé  le  dessein  de  lui  faire 

louser  Diane,  fille  naturelle  du  roi,  et  veuve 

!  Horace  Farnèse,  duc  de  Castro,  fit  alors  pu- 

ier  le  fameux  édit  contre  les  unions  clandes- 

nes(l557),  qu'il  annulait  par  un  effet  rétroactif, 

(  ème  lorsqu'elles  avaient  eu  lieu  entre  personnes 

i  .ajoures  ;  puis  il  relégua  Mlle  de  Piennes  dans 

,  î  couvent,  et  envoya  son  fils  à  Rome  pour  ob- 

;  nir  l'assentiment  du  pape.  François  épousa 

;  iane  le  3  mai  1557;  cet  honneur  aurait  porté 

j  j  comble  l'influence  de  sa  famille  dans  les  af- 

.  ires  du  gouvernement  sans  la  mort  inattendue 

[Henri  II.  Après  avoir  combattu  à  la  journée 

U  Saint-Quentin  et  à  la  prise  de  Calais ,  il  eut  la 

[aarge  de  grand-maître  de  France  en  survivance 

e  son  père,  et  contraint  de  la  céder  au  duc  de 

luise ,  il  fut  en  compensation  créé  maréchal  de 

l'rance  (  10  octobre  1559).  Pendant  les  guerres 

eligieuses  on  le  regarda  comme  attaché  au  parti 

[e.la  tolérance;  en  effet  il  était  lié  d'une  amitié 

litime  avec  la  plupart  des  chefs  huguenots*et 

I  encbait  vers  leurs  opinions  ;  mais  la  reine  mère 

l'avait -pas  moins  confiance  en  lui,  le  jugeant 

jrop  honnête  homme  pour  la  trahir  et  trop  mo- 

éré  pour  s'associer  à  aucune  faction.  Il  assista 

n  1503  au  siège  du  Havre,  et  en  1567  à  la  ba- 

aille  de  Saint-Denis,  où  il  tailla  en  pièces  la 

avalerie  du  prince  de  Condé.  Au  mois,  de  mai 

572,  il  conclut  une  ligue  offensive  et  défensive 

I  vec  la  reine  Elisabeth ,  qui  lui   donna  l'ordre 

Se  la  Jarretière.  Il  était  absent  de  Paris  à  l'épo- 

|.|ue  du  massacre  de  la  Saint-Barthélémy.  Guise, 

[l'accord  avec  la  cour  et  les  prêtres,  n'aurait  pas 

Jemandé  mieux  que  de  profiter  de  l'occasion 

f>our  se  défaire  des  Montmorency,  ses  anciens  en- 

jiemis ,  et  d'un  autre  côté  Catherine  de  Médicis 

..urait  voulu  sacrifier  en  un  même  jour  Coligny, 

fea  Montmorency  et  les  Guise.   Soupçonné  d'a- 

foir  trempé  dans  la  conjuration  formée  à  Saint- 

^tennain-en-Laye  pour  enlever  le  duc  d'Alençon, 

te  maréchal  fut  arrêté  au  moment  où  il  venait 

M  justifier  et  conduit  à  la  Bastille  (4  mai  1574). 

.1  comprit  si  bien  que  ses  jours  étaient  en  danger, 

[|u'en  se  voyant  réduit  à  une  captivité  des  plus 

(traites,  il  dit  à  ses  geôliers  :  «  Dites  à  la  reine 

jnère  que  je  suis  bien  averti  de  ce  qu'elle  veut 


faire  de  moi  ;  il  ne  faut  pas  tant  de  façons  :  qu'elle 
m'envoie  seulement  l'apothicaire  de  M.  le  chan- 
celier, je  prendrai  ce  qu'il  me  baillera.  »  Re- 
lâché le  7  avril  1575,  à  la  sollicitation  du  duc 
d'Alençon,  il  usa  de  son  crédit  sur  ce  prince 
pour  le  ramener  à  la  cour,  d'où  il  s'était  évadé.  Il 
mourut  quelque  temps  après,  d'apoplexie,  sans 
laisser  de  postérité  de  sa  femme,  Diane ,  qui  lui 
survécut  jusqu'en  1619.  P.  L. 

De  Thou,  Histona.  —  Mézeniy,  llist.  de  France.  — 
Anselme,  Grands- Officiers  delà  Couronne.  —  Duchesne, 
Hist.  de  la  Maison  de  Montmorency .  —  Discours  sur 
lu  maladie  et  les  derniers  propos  du  maréchal  Fran- 
çois de  M.  ;  Paris,  1379,  in-8°.  —  Journal  de  l'Estoile. 
—  Sismondi,  Hist.  des  Français,  XVIII  et  XIX. 

montmorency  (Henfi  Ier,  comte  de  Dam- 
ville,  puis  duc  de),  connétable  de  Fiance, 
frère  puîné  du  précédent,  né  le  15  juin  1534,  à 
Chantilly,  mort  le  2  avril  1614,  à  Agde.  Filleul 
du  roi  Henri  II,  il  devint  en  peu  de  temps  un 
des  seigneurs  du  royaume  les  plus  accomplis 
pour  les  qualités  du  corps  et  de  l'esprit.  Bran- 
tôme dit,  en  parlant  de  lui  et  du  duc  de  Nevers, 
qu'ils  étaient  «  les  deux  parangons  pour  lors  de 
toute  la  chevalerie  ».  Pourvu  en  1551  dugouver- 
nement  de  Caen,  il  fit  ses  premières  armes  à  la 
défense  de  Metz,  passa  en  1 555  en  Piémont,  y  com- 
manda la  cavalerie  légère,  et  mérita  les  éloges  du 
maréchal  de  Brissac.  A  la  journée  de  Saint- 
Quentin  (  1557),  il  tomba  comme  son  père  aux 
mains  des  Espagnols.  Entre  les  nombreux  gen- 
tilshommes qui  accompagnèrent  Marie  Stuart 
en  Ecosse  (1561  ),  se  distingua  Damville,  qui 
paraissait  animé  par  un  sentiment  plus  tendre 
que  galant  envers  la  belle  et  jeune  reine.  A  son 
retour  il  se  remit  en  campagne,  et  assista  à  la 
bataille  de  Dreux,  où  il  fit  Condé  prisonnier 
(  1562  ).  Sur  la  démission  de  son  père,  il  obtint 
le  gouvernement  du  Languedoc  (  12  mai  1563); 
pendant  plus  de  cinquante  années  il  y  fut  à 
peu  près  le  maître  absolu  ;  ni  Charles  IX  et 
Henri  III,  ni  Catherine,  leur  mère,  ne  réus- 
sirent à  lui  enlever  cette  province,  d'où  il  ne 
voulut  plus  sortir,  et  où  il  s'était  fait  une  es- 
pèce de  souveraineté,  disposant  des  troupes  et 
des  finances  à  son  gré,  tour  à  tour  adversaire 
ou  défenseur  de  l'État,  persécuteur  ou  allié  des 
protestants,  selon  les  exigences  de  son  intérêt 
personnel.  Tout  d'abord  il  parut  dévoué  aux 
Guise  et  aux  catholiques.  Ne  dissimulant  point 
sa  haine  contre  les  huguenots,  il  les  força  par 
tous  les  moyens  de  rentrer  dans  l'obéissance  : 
il  entrait  en  maître  dans  leurs  villes,  il  en  dé- 
sarmait les  habitants,  il  fermait  les  prêches  ;  il 
fit  pendre  le  ministre  d'Uzès  pour  avoir  parlé 
trop  librement  en  chaire.  La  cour  récompensa 
tant  de  zèle  par  le  bâton  de  maréchal  (10  fé- 
vrier 1567  )  ;  Damville  n'avait  pas  encore  trente- 
trois  ans.  Après  avoir  eu  part  à  la  bataille  de 
Saint  Denis,  il  rtntra  dans  son  gouvernement, 
qu'il  ne  quitta  plus  désormais.  Il  y  déploya  en 
1569  la  même  ardeur  de  persécution  que 
Montluc  en  Guienne.  On  voulut  les  opposer  en- 


351 


MONTMORENCY 


36 


semble  aux  protestants  ;  la  jalousie  les  brouilla, 
et  ils  ne  se  concertèrent  jamais  qu'avec  répu- 
gnance. Montluc  l'accuse  tout  net  dans  ses 
Commentaires  d'avoir  redouté  moins  le  triom- 
phe des  protestants  que  celui  des  Guise.  Leur 
mésintelligence  bien  connue  facilita  à  diverses 
reprises  les  succès  de  Montgomery  et  de  Co- 
ïigny  dans  les  deux  provinces  limitrophes.  Après 
la  Saint-Barthélémy ,  il  se  crut  obligé ,  pour 
maintenir  son  crédit  chancelant ,  de  combattre 
les  huguenots  ;  mais,  au  lieu  de  s'attaquer  aux 
places  importantes  de  Montauban,  de  Nîmes  et 
de  Montpellier,  il  s'empara  de  Sommières,  et 
suspendit  par  des  trêves  toute  hostilité  entre  les 
deux  partis.  La  reine  mère,  qui  haïssait  la 
maison  de  Montmorency,  saisit  cette  occasion 
pour  ôter  son  commandement  à  Damville 
(juillet  1574);  celui-ci  résista,  rejoignit  Henri  III 
à  Turin  pour  lui  exposer  sa  conduite,  et,  n'en 
ayant  reçu  qu'une  réponse  ambiguë,  forma  aus- 
sitôt une  ligue  avec  les  protestants ,  réunis  en 
assemblée  à  Nîmes  (  10  février  1575).  Il  s'en- 
gagea par  serment  à  protéger  la  liberté  religieuse, 
à  reconnaître  l'autorité  du  prince  de  Condé  et  à 
se  conformer  aux  avis  qui  lui  seraient  donnés 
par  le  conseil  de  la  religion.  Tout  le  parti  des 
catholiques  tolérants ,  qui  se  nommaient  eux- 
mêmes  politiques,  le  reconnut  pour  chef.  Dès 
qu'il  se  vit  en  état  de  tenir  tête  à  la  puissance 
royale,  le  maréchal  entra  en  campagne,  et  l'année 
ne  s'était  pas  écoulée  qu'il  avait  soumis  toute  la 
province,  excepté  Agde,  Béziers  et  Pézenas,  On 
avait  pourtant  tenté  de  l'empoisonner,  et  il  eut 
quelque  raison  d'attribuer  ce  crime  à  Catherine , 
qui,  on  le  savait,  s'était  reposée  sur  le  colonel 
Ornano  et  le  capitaine  Girardon  du  soin  de  la 
débarrasser  de  lui.  La  fausse  nouvelle  de  sa 
mort  se  répandit  même  à  la  cour,  et  «  le  roi 
ne  s'en  émut  autrement,  »  dit  Brantôme.  Dam- 
ville se  tint  de  plus  en  plus  sur  ses  gardes. 
Lors  de  la  paix  dite  de  Monsieur  (  6  mai  1576  ) , 
il  obtint  deux  places  de  sûreté  et  fut  rétabli  par 
un  édit  particulier  dans  la  jouissance  de  ses 
charges,  états  et  biens  ;  mais,  loin  de  désarmer, 
il  s'entendit  pour  continuer  la  résistance,  avec 
le  roi  de  Navarre  et  Condé.  L'un  et  l'autre  se 
défiaient  de  lui.  En  effet  pendant  qu'il  confir- 
mait de  nouveau  l'union  des  huguenots  avec  les 
politiques  dans  l'assemblée  de  Montpellier,  il 
reprit  ses  négociations  avec  la  cour,  et  fit  sa  paix 
moyennant  des  lettres  d'investiture  pour  le  mar- 
quisat de  Saluées,  auquel  il  prétendait  avoir  des 
droits  (21  mai  1577). 

Devenu  duc  de  Montmorency  par  la  mort  de 
son  frère  aîné  (  1579  ),  le  maréchal  eut  de  nom- 
breux démêlés  avec  Bellegarde,  avec  lès  Joyeuse, 
avec  le  roi  surtout,  qui  ne  réussit  jamais  à  le 
dépouiller  de  son  gouvernement.  On  était  allé 
jusqu'à  le  dénoncer,  au  pape  comme  le  plus 
dangereux  fauteur  des  huguenots;  mais  il 
avait  depuis  longtemps  exposé  sa  conduite  à 
Rome,  et  Grégoire  XIII  répondit  qu'il  le  con- 


naissait pour  un  loyal  serviteur  de  Dieu.  Malgi 
les  promesses  et  les  menaces  de  la  cour,  il  refus 
de  s'associer  à  la  Ligue,  et  se  mit  de  nouveau  t  j 
état  de  révolte  ouverte  (1585).  D'accord  avec 
roi  de  Navarre,  il  recommença  la  guerre.  Pendai 
près  de  dix  ans  il  ne  fut  occupé  qu'à  combatti 
Joyeuse.  Le   Languedoc  était  divisé  entre  o 
deux  gouverneurs,  qui  se  conduisaient  comme  di 
souverains  indépendants.  Montmorency  sembla  i 
plutôt  l'allié  que  le  sujet  de  Henri  IV,  qu'il  av£ 
reconnu  pour  roi  ;  il  ne  faisait  rien  pour  lui  et  il  i  ; 
lui  demandait  rien;  il  avait  son  parlement  à  B 
ziers  ou  à  Carcassonne,  comme  Joyeuse  av< 
le  sien  à  Toulouse;  chacun  d'eux  assemblait  1  i 
états  généraux  de  son  parti  et  en  obtenait  d  , 
subsides.  Pour  rétablir  son  autorité  dans  la  pr 
vince,  Henri  IV  se  proposa  d'en  éloigner  Mor 
morency  ;  il  lui  conféra  la  dignité  de  connétal  ( 
(8  décembre  1593),  et  le  chargea  de  pacifi 
la  Provence  et  le  Dauphiné.  Après  avoir  cho 
pour   lieutenant  général  le  duc  de  Ventadoi  j 
son  gendre,  il  joignit  le  roi  en  Bourgogne, 
commanda  plusieurs  fois  sous  ses  ordres  jusqt  i 
la  paix  de  Vervins.  En   1602,  il  obtint  la  grâj 
du  comte  d'Auvergne,  depuis  duc  d'Angoulêno  | 
un  des  complices  de  Biron,  et   qui  avait  époi  | 
une  de  ses  filles.  Après  la  mort  de  Henri  IV.  | 
se  retira  dans  son  gouvernement,  où  il  moui  I 
bientôt,  à  l'âge  de  soixante-dix-neuf  ans. 

Marié  trois  fois,  Henri  de  Montmorency  <[ 
quatre  fils,  dont  trois  moururent  jeunes,  et  quai 
filles,  entre  autres  Charlotte,  duchesse  d'jll 
goulême,  et  Charlotte-Marguerite,  princesse  I 
Condé  (  voy.  ci-après).  —  Ses  trois  frères  cadfi 
furent  mêlés  aux  guerres  civiles  et  religieuse  J 
Charles,  duc  de  Damville,  connu  longtemps  se  1 
le  nom  de  M.  de  Méru,  combattit  à  Saint-Quel 
tin,  à  Dreux,  à  Moutcontour  et  à  Saint^Denis 
fut  créé  amiral  de  France  en  1593,  et  sa  baron  i 
de  Damville  fut  érigée  en  1610  en  duché-pair  I 
II  mourut  en  1612.  Gabriel,  -baron  de  Moi* 
beron,  fut  tué  en  1562,  à  la  bataille  de  Drei 
Guillaume,  seigneur  de  Thoré,  acquit  le  rem» 
d'un  vaillant  capitaine1,  et  resta  fidèle  au  parti1! 
la  cour;  il  mourut  vers  1594.  P.  L.  I 

Duchesrce ,  Histoire  de  la  Maison  de  Montmorei 
—  Anselme,  Grands- Officiers  de  la  Couronne.—  CM 
Vie  cl  d-om  Vaisselle,  Histoire  du  Languedoc.  —  Brji 
tome,  Capitaines  illustres.  —  Sfsmondi,   Histoire     • 
Français,  XVIII  àXXU — Poirson,  Histoire  deHenri,U 

montmorency  (  Henri  II,  duc  de  ),  n|,| 
réchal  de  France,  fils  du  précédent,  né  à  Chai 
tilly,  le  30  avril  1595,  exécuté  à  Toulouse,  H 
30  octobre  1632.  Il  eut  pour  parrain  Henri  !  < 
qui  depuis  ne  l'appelait  plus  que  «  son  fils 
L'enfant  avait  si  bonne  mine  que  le  prince  dit 
jour  à  MM.  deVilleroy  et  Jeannin  :  «  Voyez  n    I 
fils  Montmorency,  comme  il  est  bien  fait; 
jamais  la  maison  de  Bourbon  venait  a  manqu 
il  n'y  a  pas  de  famille  dans  l'Europe  qui  méri  • 
si  bien  la  couronne  de  France  que  la  sieni 
dont  les  grands  hommes  l'ont  toujours  soutei  ■ 
et  même  augmentée   au  prix  de  leur  sang 


53 

iiestiné  en  naissant  aux  plus  hautes  charges 
ie  l'État,  élevé  sous  les  regards  indulgents  de 
I  enri  IV,  aimable  et  courageux,  Henri  de  Mont- 
|  lorency  devint  l'idole  de  la  cour  et  de  la  ville  (l)  ; 

>  ouis  XIII  le  créa  amiral  de  France  et  de  Bre- 
hgne,  en  1612.  11  obtint  la  même  année  la  charge 

>  e  vice-roi  de  la  Nouvelle-France  (  Canada  ).  En 
;  31 3,  sur  la  démission  de  son  père,  il  prit  le  gou- 
ternement  du  Languedoc.  En  1614,  il  épousa 
!  (arie-Félice  des  Ursins,  fille  du  duc  de  Brac- 

ano,  princesse  accomplie,  qui  ne  réussit  pas 
l 'pendant  toujours  à  captiver  le  brillant  et  vo- 
j  ge  jeune  homme.  Dans  tes  troubles  civils  que 
f.arie  dé  Médlcis  excita  en  1619,  le  duc  de 
i  ontihorehcy  resta  fidèle  au  roi ,  et  sa  conduite 

\ta  la  conclusion  du  traité  de  paix  entre  la 
Lère  et  le  fils  (  30  avril  1619). 
)  Une  nouvelle  guerre  civile,  causée  cette  fois  par 
i  s  différences  de  religion,  éclata  en  1621.  Mont- 
r  orency,  après  avoir  enlevé  plusieurs  places  aux 
î -otestants ,  conduisit  trois  mille  hommes  à 
'  ouis  XIII  devant  Montauban  ;  mais  il  tomba  ma- 

de,  et  fut  forcé  de  quitter  le  camp.  Tous  ses  sol- 
i  its  désertèrent  la  même  nuit,  et  le  siège  de  Mon- 

>  uban  fut  abandonné.  Dès  que  le  ducdeMontmo- 
i  ;ncy  fut  rétabli,  il  trouva  facilement  des  soldats , 
i  ir  il  était  adoré  de  ses  troupes.  La  guerre  con- 
I  nua,  opiniâtrement  soutenue  du  côté  des  pro- 
■!  istants  par  le  duc  de  Bohan ,  brilfamment  con- 
i  uite  du  côté  des  catholiques  par  Montmorency. 
In  1622,  celui-ci  alla  au  secours  du  prince  de 
jlondé  qui  assiégeait  Montpellier.  Dans  l'attaque 
Ira  2  septembre ,  qui  coûta  la  vie  à  une  foule 
\e  gens  de  marque,  il  n'échappa  à  la  mort  que 
>>arce  que  d'Argencourt,  qui  commandait  les  pro- 
estants, le  reconnut  et  le  sauva  en  lui  criant  ; 

»  Retirez-vous  par  là  !  »  —  «  Il  ne  se  le  fit  pas  dire 

I  eux  fois,  raconte  Bassompierre;  et  bien  qu'il 

te  hâtât  fort,  il  ne  put  éviter  deux  coups  de 

jique  des  ennemis.  »  La  guerre  religieuse,  sus- 

endue  pendant  deux  ans,  se  ranima  en  1625.  Le 

uc  de  Soubise,  frère  de  Rohan,  sortant  à  l'im- 

roviste  de  La  Rochelle,  surprit  et  captura  la 

lotte  royale.  A  cette  nouvelle  Montmorency 

ffrit  d'aller  se  mettre  à  la  tète  de  quelques  vais- 

eaux  auxiliaires  que  le  cardinal  de  Richelieu 

vait  obtenus  de  la  Hollande.  Son  offre,  acceptée 

vec  empressement,  n'était  pas  facile  à  tenir, 

'  (1)  «  Quoiqu'il  eût  les  yeux  de  travers,  dit  Talleraant 

es  Beaux,  M.  de  Montmorency  étolt  pourtant  de  fort 
jionne  mine  :  il  avott  le  geste  le  plus  agréable  du  monde, 

ussi  parlait-il  plus  des  bras  que  de  la  langue....  Mmede 
Rambouillet  dit  qu'une  fois  il  voulut  conter  quelque 
jtoose  qu'il  savait  "fort  bien;   mais  il  s'embrouilla  telle- 

ient  que  le  cardinal  de  La  Valette,  par  pitié,  fut  contraint 

e  prendre  la  parole  et  d'achever  le  conte.  Il  commen- 

[  oit  souvent  des  compliments  et  demeurolt  à  my-cherain. 

ne  disolt  pas  de  sottises,  mais  il  avoit  l'esprit  court. 

j  o  récompense,  il   étoit  brave,  riche,   galant,  libéral, 

ansoit  bien,  étoit  bien  à  cheval,  et  avoit  toujours  des 
lens  d'esprit  à  ses  gages  (Théophile,  Malret  ),  qui  fal- 

alent  des  ver» pour  lui,  qui  l'entretenoient  d'un  million 
i  e  choses,  et  lui  disolent  quel  Jugement  il  falloit  faire 

es  choses  qui  couroient  en  ce  temps  là.  Il  donnoit 
teaucoup  aux  pauvres,  il  étolt.  aimé  de  tout  le  monde, 
feials  adoré  en  son  quartier.  » 


NOUV.   BIOGR.   GÉNÉR.   —  T.   XXXVI 


MONTMORENCY  354 

car  les  Hollandais,  se  souciant  peu  de  combattre 
contre  leurs  coreligionnaires,  restaient  au  large. 
Montmorency  se  jeta  avec  six  gentilshommes 
dans  une  barque  de  pêcheur,  et  après  avoir  erré 
pendant  quatre  jours  sur  une  mer  orageuse  il  re- 
joignit les  Hollandais  qui,  entraînés  par  son  as- 
cendant, consentirent  à  combattre.  Soubise  fut 
vaincu  le  15  septembre,  perdit  une  partie  de  sa 
flotte,  et  se  retira,  laissant  La  Rochelle  exposée  à 
l'attaque  du  vainqueur.  Montmorency ,déjà  maître 
des  îles  de  Rhé  et  d'Oleron,  parlait  de  s'emparer 
du  dernier  boulevard  du  protestantisme  ;  mais  Ri- 
chelieu se  réservait  cette  gloire.  Au  mois  de  dé- 
cembre 1626,  il  racheta  à  Montmorency  la  charge 
d'amiral,  et  se  l'appropria  sous  le  titre  de  surin- 
tendant de  la  navigation  et  du  commerce.  11  était 
évidemment  jaloux  de  la  popularité  du  jeune  et 
héroïque  gouverneur  du  LanguedoG,  et  en  1627 
il  saisit  une  occasion  démontrer  que  le  grand  nom 
de  Montmorency  ne  sauverait  pas  ceux  qui  le  por- 
taient s'ils  désobéissaient  aux  lois.  Le  comte  de 
BoutteviUe,  issu  de  là  maison  de  Montmorency, 
coupable  d'avoir  enfreint  la  toi  sur  les  duels,  eut 
la  tête  tranchée,  malgré  les  supplications  de  son  pa- 
rent. C'était  un  avertissement  que  le  duc  ne  prit 
pas  pour  lui,  car  sa  conduite  avait  été  jusque  là  un 
modèle  de  fidélité.  Il  ne  semble  pas  avoir  eu  de 
grandes  prétentions  politiques.  Le  titre  de  con- 
nétable, qui  était  comme  héréditaire  dans  sa  fa- 
mille, eût  suffi  à  son  ambition,  plus  avide  d'éclat 
que  de  pouvoir.  Richelieu  ne  voulut  pas  le  sa- 
tisfaire sur  ce  point ,  mais  il  ne  put  lui  refuser 
le  commandement  de  la  petite  armée  du  Lan- 
guedoc, à  la  tête  de  laquelle  le  duc  batailla  pen- 
dant deux  ans  contre  Rohan.  Pour  prix  de  ses 
services,  il  n'obtint  pas  même  que  le  cardinal 
respectât  les  privilèges  du  Languedoc  relatifs 
aux  tailles.  Richelieu,  comme  s'il  eût  voulu  mon- 
trer aux  Languedociens  que  le  gouverneur  qu'ils 
aimaient  tant  ne  pouvait  rien  pour  eux,  refusa 
d'écouter  leurs  plaintes,  que  Montmorency  eut  la 
faiblesse  de  ne  pas  soutenir  assez  énergique- 
ment.  La  lutte  contre  les  protestants  n'était  pas 
encore  terminée  lorsque  la  guerre  éclata  en  Italie, 
en  1630.  Le  roi  et  le  cardinal  se  rendirent  au 
pied  des  Alpes ,  et  avant  d'essayer  de  les  fran- 
chir, ils  firent  appel  au  duc  de  Montmorency, 
qui  accepta  la  tâche  difficile  de  pénétrer  en  Pié- 
mont pour  dégager  Casai,  étroitement  bloquée 
par  les  Espagnols.  Le  6  juillet  Montmorency, 
partit  de  Saint- Jean-de-Maurienne ,  battit  les 
Piémontais  le  10  à  Veillane  (Avigliana  ),  et  s'em- 
para de  Saluées  le  20  ;  mais  la  peste  se  mit  dans 
ses  troupes  et  arrêta  ses  succès.  Il  fut  bientôt 
rappelé  auprès  de  Louis  XIII,  qui  était  à  Lyon, 
malade  à  toute  extrémité.  Richelieu,  qui  savait 
que  son  pouvoir  ne  tenait  qu'à  la  vie  du  roi,  était 
dans  une  position  très-embarrassante.  On  pré- 
tend qu'il  s'adressa  au  duc  de  Montmorency 
pour  demander  sa  protection  ;  il  obtint  du  moins 
que  le  roi  mourant  le  recommandât  au  duc. 
«  Mon  cousin,  dit  Louis  à  Montmorency,  j'exige 

12 


355 

de  vous  deu  x  choses  :  la  première  que  vous  ser- 
viez l'État  avec  le  même  zèle  que  vous  avez  tou- 
jours fait  paraître;  la  seconde  que  vous  aimiez 
M.  le  cardinal,  pour  l'amour  de  moi.  »  Le  duc, 
qui  étaitla  générosité  même,  oublia  tous  les  torts 
du  cardinal,  et  promit  ce  qu'on  lui  demandait. 
Mais  Louis  XIII  ne  succomba  pas",  et  Richelieu 
resta  premier  ministre.  Montmorency  fut  peu 
après  nommé  maréchal  de  France  (novembre 
1630  ).  On  assure  que  le  roi,  en  lui  remettant 
le  bâton,  lui  dit  :  «  Acceptez-le,  vous  l'hono- 
rerez plus  que  vous  n'en  serez  illustré.  » 

Le  duc  avaitespéré  la  charge  de  maréchal  géné- 
ral, et  il  en  voulut  sans  doute  au  ministre,  naguère 
si  obséquieux, d'avoir  déçu  son  espoir. Dès  lors, 
lui  qui  s'était  toujours  tenu  à  l'écart  des  partis* 
il  semble  avoir  prêté  l'oreille  aux  ennemis  du  mi- 
nistre; mais»  le  moment  n'était  pas  à  la  poli- 
tique. Tout  l'hiver  fut  marqué  par  des  fêtes  bril- 
lantes. Il  y  eut  à  l'hôtel  Montmorency  force  bals 
et  comédies  et  des  divertissements  auxquels  as- 
sistèrent le  roi,  la  reine  et  toute  la  cour.  Le  duc 
et  la  duchesse  passèrent  ensuite  plusieurs  mois 
dans  leur  superbe  terre  de  Chantilly.  Montmo- 
rency parlait  même  de  s'y  établir  à  demeure; 
mais  les  affaires  le  rappelèrent  dans  son  gou- 
vernement. Quoiqu'il  eût  obtenu  du  cardinal  le 
rétablissement  des  états  du  Languedoc,  il  n'en 
partit  pas  moins  irrité  contre  Richelieu,  et'  il 
trouva  en  arrivant  les  Languedociens  très-mé- 
contentsdu  ministre  (  novembre  1631).  Sur  ces 
entrefaites  il  reçut  un  message  de  Gaston ,  duc 
d'Orléans j  frère  du  roi,  qui  était  sorti  récemment 
de  Franee  et  qui  se  proposait  d  y  rentrer  les 
armes  à  lamain  pour  renverser  Richelieu.  Gaston, 
au  nom  des  intérêts  de  l'État*  demandait  l'appui 
dU'  gouverneur  du   Languedoc.   Montmorency, 
après  beaucoup  d'hésitations  et  de  regrets*,  entra 
dans  cette  déplorable  entreprise ,  et  entraîna  les 
états  de  sa  province;  mais  le  parlement  et  plu- 
sieurs villes  restèrent  fidèles  au  roi.,  Les  prépa- 
ratifs de  Montmorency  exigeaient  du  temps,  et 
ce    fut  avec  surprise  qu'il  apprit:  que  Gaston 
s'approchait  de  sa  province,  deux  mois  plus  tôt 
qu'il  ne  l'attendait ,  et  avec  dix-huit  cents  che- 
vaux seulement.  Il  n'alla  pas  moins  le  recevoir 
à  Lunel,  et  mit  à  sa  disposition  les  forces  assez 
nombreuses  *  mais  peu  disciplinées,  qu'il  avait 
rassemblées,  A  cette  nouvelle,  Richelieu*  par  une 
proclamation  royale  datée  du- 23  août  1632,  dé- 
clara Henri  de  Montmorency  criminel  de  lèse- 
majesté,  déchu  de  tous  ses  grades,  honneurs  et 
dignités,  et  déférait  son  jugement  au  parlement 
de  Toulouse,  nonobstant  son  privilège  de  pairie, 
dont  il  s'était  rendu  indigne.  Le  roi  partit  ensuite 
pour  le  midi  avec  Richelieu,  mais  avant  qu'il 
fût  arrivé  à  Lyon*  tout  était  terminé.  Le  l^r  sep* 
tembre  l'armée  royale,  commandée  par  Schom- 
berg,  rencontra  l'armée  rebelle  près  de  Casfel- 
naudary.  Montmorency,  qui  depuis  qu'il  connais- 
sait mieux  Gaston  semblait  désolé  de  s'être  lié  à 
la  cause  d'un  prince  aussi  lâche  et  aussi  mépri- 


MONTMORENCY  35 

sable,    engagea  précipitamment  le  combat.  : 

s'élança  fort  en  avant  de  ses  troupes,  avec  quel 

ques  cavaliers,  pénétra  dans  les  lignes  ennemies 

et  fit  des  prodiges  de  valeur.  Mais  cette  lutte  in 

sensée  d'un  homme  contre  une  armée  se  tei 

I  mina  promptement.  Criblé  de  blessures ,  il  vouli 

retourner  vers  les  siens,  et  il  l'aurait  pu,  car  1< 

soldats  qu'il  venait  de  combattre  ne   demai 

datent  qu'à  le  laisser  échapper;  mais  son  chev 

blessé  s'abattit  sur  lui;  les  troupes  de  Gastc 

ne  firent  aucun  mouvement  pour  le  secourir, 

les  vainqueurs  le  ramassèrent  presque  expira: 

sur  le  champ  de  bataille.  Il  était  percé  de  dix-se 

blessures.  Tandis  qu'il  recevait  à  Lectoure  l 

soins  des  médecins ,  Gaston  signait,  le  29  sei 

tembre,  un  traité  par  lequel  il  abandonnait  «  ton 

ceux  qui  s'étaient  liés  à  lui  » .  Le  roi  se  renc 

en  personne  à  Toulouse  pour  surveiller  le  jng 

ment  du  duc  de  Montmorency.  Les  faits  étaie 

notoires.  Montmorency,  conduit  devant  ses  juge 

exprima  son  repentir  avec  une  douceur  plei 

de  dignité.  La  cour  rendit  un  arrêt  qui  le  coi 

damnait  à  avoir  la  tête  tranchée  et  confisqu 

ses  biens.  Le  procès  du  duc  de  Montmorenc 

dont  on  prévoyait  trop  l'issue,  émut  la  Fran 

et  l'Europe.  Le  roi  d'Angleterre  Charles  1er,  le  d 

de  Savoie,  le  pape,  intercédèrent  pour  lui  ;  "S 

nise  supplia  qu'on  le  lui  donnât  pour  comma 

dant  de  ses  armées.  Le  cardinal  de  La  Valette 

exposer  le  saint  sacrement  dans  toutes  les  églis 

de  son  diocèse,  ordonna  des  prières  de  q\i 

rante  heures  et  des  processions  publiques  corni 

dans  les  jours  de  deuil  et  de  calamitési  Les  é1 1 

ques  du  Languedoc  et  des  provinces  voisir 

suivirent  cet  exemple.  Le  vieux  duc  d'Épern 

accourut  de  son  gouvernement  pour  se  jeter  a l 

pieds  du  roi  ;  les  plus  grands  seigneurs  de 

cour  l'imitèrent.  Le  peuple ,  les-  soldats  se  j 

gnirent  à  ces  supplications  avec  une  touchai  I 

effusion.  «  Je  ne  serais  pas  roi*  répondit  duj 

ment  Louis  XIII,  si  j'avais  les  sentiments  | 

peuple  et  des  particuliers.  »  On  a  cru  que 


paroles  avaient  été  soufflées  par  Richelieu*  m 
Louis  Xll I  n'avait  pas  besoin  de  conseils  pcJ 
être  inflexible.  L'arrêt  reçut  son  exécution  d; 
la  cour  intérieure  du  Capitole.   Montmoreij 
marcha  à  la  mort  avec  la  plus  calme  assuran 
Sa  tête  fut  abattue  d'un  seul  coup,  et  l'on 
marqua  que   son  sang  jaillit  sur  la  statue 
Henri  IV  qui  se  trouvait  dans,  la  cour.  Avec 
finit  la  branrhe  qui  avait  recueilli  au  quinziè^ 
siècle  l'ancien  héritage  de  la  maison  de  Mo  j 
morency  (  voir  ci-dessus).  La  pensée  d'éteindr  i 
plusnoble  famille  française  n'arrêta  ni  Louise  ' 
ni  Richelieu  dans  l'accomplissement  d'un  acte  j 
justice  impitoyable;  qui aurait  été  cruel  même 
avait  été  indispensable  et  qui'  n'avait1  pas' mêj 
l'excuse  de  la  nécessité.  De.  tous  les  seigne 
qui  prirent  les  armes  contre  Richelieu',  Montr  \ 
rency  était  lemoinseoupable,  et  là  postérité 
eu  pour  lui   que  de  la  pitié  mêlée  à  de  l'adr 
ration. 


MONTMORENCY 


m 


La  veuve  du  duc  Henri  de  Montmorency  lui 
leva  à  Moulins  un  magnifique  tombeau,  que  l'on 
dmire  encore  dans  la  chapelle  du  lycée  de  cette 

|  ille.  Cet  édifice  faisait  partie  autrefois  du  coll- 
ant de  la  Visitalion,  dont,  après  le  supplice  de 
on  mari,  la  duchesse  était  devenue  supérieure, 
l'est  là  que  Marie-Félicie  des  Ursins  avait  voulu 

,  0  retirer  pour  vivre  et  mourir  auprès  du  tom- 
«au  de  son  mari.  Elle  finit  ses  jours  le  5  juin 
666.  L.  J. 

nésormeaux  ,  Histoire  du  maréchal  de  Luxembourg, 
nlvl  de  VHist.  delà  Maison  de  Montmorency  ;  Paris, 

'76V,  G  vol.  in-12.  —  Déclaration  du  roi  Louis  XIII 
mtre  le  duc  Henry  de  Montmorency  donnée  à  Losne, 
m  août,  1638.  —  Récit  de  la  mort  de  Henri,  dernier 
ne  de  Montmorency,  et  de  ce  gui  s'est  passé  lors  à  la 
ntr;  Paris,  1632,  in-8°.  —  S.    Ducros,  MM.  de  Henri, 

I  ernier  duc  de  Montmorency,  pair  et  maréchal  de 
ronce;  Paris,  1643,  in-4°.  —  Dom  Vaissette,  Hist.  du 
anguedoc;  1.  LXI.III.  —  Richelieu,  Mémoires,  t.  VII. 
-  Bazin,  Hist.  de  Louis  XIII,  t.  III.  —  Sismondi , 
'ist.  des  Français,  t.  XXII  et  XXIII.  -  Tallemant  des 
jéaux,  Historiettes ,  édit.  Paris  et  Monmerqué.  —  Amé- 

[  ie  Henée ,  Mme  de  Montmorency,  —   Ch.  Cotolendi, 
if  'ie  de   Marie-Félicité  Orsini,  duchesse  de  Montmo- 

!tncy ;  Paris.  1684.  —  J.-C.  Garreau,  Fie  de  Mme  la 
uvhesse  de  Montmorency. 
montmorency  (Charlotte-Marguerite)  (l), 
rincesse  de  Condé,  née  en  1594,  morte  à 
;  hatillon-sur-Loing,  le  2  décembre  1650.  Fille 
u  duc  Henri  Ier  de  Montmorency-Damville, 
i  onnétable  de  France,  et  de  Louise  de  Budos,sa 
econde  femme ,  elle  avait  à  peine  quinze  ans 
,  Ksqu'en  1609  elle  parut  à  la  cour.  Sa  fortune 
|]:t-surtout  sa  beauté  remarquable  lui  attirèrent 
,  Ichombreux  adorateurs  ;  Bassompierre  fut  un 
les  plus  empressés.  «  Il  est  vray,  écrit-il ,  que 
ous  le- ciel  il  n'y  auoit  lors  rien  de  si  beau  que 
Mademoiselle  de  Montmorency,  ny  de  meilleure 
Xâce,  ny  de,  plus  parfait.  »  Le  connétable  con- 
entit  volontiers  à  l'union  de-sa  fille  avec  Bas- 
ompierre,  et  déjà  tout  était  d'accord  lorsque 
îenri  IV  eut  l'occasion  de  voir  la  jeune  fiancée 
<  dans  un  ballet,  rapporte  Mézeray,  où  elle  étoit 
'etuë  en  Diane,  et  tenoit  un  dard  à  là  main  ;  elle 
uy  inspira  alors  de  tout  autres  sentiments  que 
;eux  que  cette  chaste  déesse  devoit  inspirer  dans 
es  cœurs.  »  Le  roi,  oubliant  son  âge  et  la  goutte 
jnii  le  tourmentait  sans  cesse,  fit  appeler  Bas- 
iompierre,  et  après  lui  avoir  proposé  d'épouser 
\ï"e  d'Aumale  et  de  le  faire  duc,  lui  tint  cet 
îtrange  discours  :  «  le  suis  deuenu  non-seule- 
nent  amoureux,  mais  furieux  et  outré  de  ma- 
lemoiselle  de  Montmorency.  Si  tu  l'espouses  et 
ju'elle  t'ayme,  ie  te  haïray  ;  si  elle  m'aymoit , 
u  me  hayrois.  Il  vaut  mieux  que  cela  ne  soit 
)oint  cause  de  rompre  nostre  bonne  intelligence  : 
îar  ie  t'ayme  d'affection  et  d'inclination.  le  suis 
"ésolu  de  la  marier  à  mon  nepueu  le  prince  de 
Sondé  et  de  la  tenir  près  de  ma  famille.  Ce  sera 
a  consolation  et  l'entretien  de  la  vieillesse ,  où 
e  vais  désormais  entrer.  le  donneray  à  mon  nep- 
ieu>  qui  est  ieune,  et  aime  mieux  la  chasse  cent 
nftilte  fbis  que  les  dames,  cent  mille  livres  par  an, 

i  (1)  Mézeray  lai  donne  pour  prénoms  Henriette-Char- 
otte. 


pour  passer  son  temps.  »  Bassompierre  était  trop 
bon  courtisan  pour  ne  pas  céder  sa  fiancée  au 
monarque  épris.  «  Alors,  continue-t-il ,  le  roi 
m'embrassa  et  pleura,  m'assurant  qu'il  feroit 
pour  ma  fortune  comme  si  j'estois  un  de  ses  en- 
fans  naturels.  »  Il  retira  donc  sa  parole,  sous 
prétexte  de  ne  point  vouloir  nuire  à  l'entrée  de 
Mlle  de  Montmorency  dans  la  famille  royale.  Le 
mariage  du  prince  de  Condé  se  fit  selon  le  désir 
du  roi  le  17  mai  1609, à  Chantilly  (1).  Le  conné- 
table dota  sa  fille  de  100,000  écus  ;  Diane  du- 
chesse d'Angoulême,  tante  de  la  mariée/comme 
veuve  du  duc  François  de  Mentmorency,  y  ajouta 
50,000  écus.  Le  roi  y  contribua  par  de  riches 
présents,  des  pensions  et  des  charges  pour  l'é- 
poux, «  jeune  et  pauvre  ».  Mais  ce  qu'il  avait 
espéré  ne  s'accomplit  pas.  Ses  assiduités,  ses 
attentions  galantes  révélèrent  bientôt  à  Condé  le 
sort  que  son  oncle  lui  destinait.  On  disait  hau- 
tement à  la  cour  «  que  le  roi  avait  voulu  ce  ma- 
riage pour  abaisser  le  cœur  du  prince  et  lui 
hausser  la  teste  »  (2).  Ce  fut  durant  les  fêtes  qui 
célébrèrent  les  noces  du  duc  de  Vendôme  avec 
Françoise  de  Lorraine,  fille  du  duc  de  Mercneur, 
«  que  la  flamme  du  roy  éclata  si  fort  par  la  pré- 
sence de  la  princesse  de  Condé,  qu'elle  frappa 
les  yeux  de  son  mary  et  lui  causa  un  grand  mal 
de  tête  ».  La  reine  Marie  de  Médicis,  piquant  le 
jeune  prince  d'honneur  et  de  jalousie  il  s'em- 
porta en  discours  peu  respectueux  pour  le  roi, 
qui  l'en  châtia  «  en  lui  retranchant  ses  moïens 
de  subsistance,  sçavoir  ses  pensions  et  l'ar- 
gent qu'il  luy  avoit  promis  pour  son  mariage.  Ce 
fâcheux  traitement  fit  un  efiet  tout  contraire  à 
ce  que  le  roy  désiroit;  le  prince,  appréhendant 
quelque  violence  d'une  si  forte  passion,  résolut 
de  se  retirer  du  royaume.  Aïant  donc  disposé 
toutes  choses  pour  son  dessein,  il  enleva  luy- 
même  sa  femme  le  29  d'aoust(1609,),  la  mit  en 
croupe  derrière  luy,  et  à  quelques  lieues  de  là  la 
jetta  dans  un  carrosse  à  six  chevaux  et  se  rendit 
à  Bruxelles  (3)  ».  A  la  nouvelle  de  cette  évasion 
imprévue,  le  roi,  tout  troublé  de  colère  et  d'a- 
mour, ne  put  dissimuler  son  émotion"  même 
devant  la  reine,  mais  il  tâcha  de  la  couvrir  de 
raisons  d'État;  feignant  de  craindre  que  Condé 
n'entrât  dans  les  intérêts  autrichiens ,  il  somma 
les  archiducs  «  de  luy  rendre  le  premier  prince 
du  sang  ».  Ils  répondirent  que  la  seule  considé- 
ration qu'ils  avaient  pour  le  sang  de  Bourbon  les 
avait  engagés  à  lui  donner  asile,  mais  que 
l'honneur  ne  leur  permettait  pas  de  le  livrer.  Le 
roi  insista  :  Condé  crut  prudent  de  se  réfugier  en 
Milanais,  laissant  sa  femme  à  Bruxelles  ;  quelques 
courtisans  de  Henri  IV  essayèrent  de  l'enlever  en 
février  1610,  mais  ils  furent  fort  mal  traités  par 

(l)  «  Et  sans  cérémonie, suivant  F/Es  toi  le.  »  Mézeray  dit 
au  contraire,  «  au  mois  de  murs  avec  solennité  ». 

(2>  L'Estoile,  Mémoires,  t.  II,  p.  366.  Ce  propos  est'  at- 
tribué a  Henriette  d'Gntragues,  marquise  de  Verneull,  qui 
naturellement  ne  devait  pas  voir  avec  plaisir  la  nouvelle 
passion  de  son  royal  amant. 

(S)  Mézeray,  t.  X,  p.  370  37!. 

12. 


359 


MONTMORENCY 


36 


la  bourgeoisie  bruxelloise,  qui  prit  les  armes  pour 
défendrelanoble  réfugiée. Les  deux  époux  ne  ren- 
trèrent en  France  qu'après  la  mort  de  Henri  IV. 
Le  prince  de  Condé  prit  une  part  très-active  aux 
troubles  de  l'époque;  enfermé  k  la  Bastille  en 
1617,  sa  femme  demanda  à  partager  sa  captivité, 
et  fut  sa  consolation  pendant  deux  années  que 
dura  sa  captivité.  En  1625,  Condé  fut  exilé 
de  nouveau;  il  laissa  à  la  cour  dans  Charlotte 
de  Montmorency  un  vaillant  avocat.  En  1632,  la 
princesse  eut  encore  une  douloureuse  épreuve  à 
subir.  Son  frère  bien-aimé,  Henri  II  de  Montmo- 
rency, entraîné  à  la  révolte  par  Gaston,  frère  du 
du  roi,  fut  pris  les  armes  à  la  main  au  combat 
de  Castelnaudary,  et  condamné  à  mort  par  le  par- 
lement de  Toulouse.  Mme  de  Condé  s'humilia 
pour  la  première  fois  ;  elle  n'hésita  pas  à  se  jeter 
aux  genoux  du  cardinal  de  Richelieu  pour  ob- 
tenir la  grâce  de  son  frère;  elle  lut  impitoyable- 
ment refusée.  «  On  dit  que  le  cardinal  crut  en 
faire  assez  que  de  se  jeter  lui-même  aux  genoux 
de  la  princesse.  On  rapporte  aussi  que  s'étant 
trouvée  au  service  funèbre  de  ce  ministre,  en 
1642,  elle  répéta,  en  se  rappelant  la  triste  fin  de 
son  frère  (30  octobre  1632  ),  ce  mot  de  Marie- 
Magdeleine,  sœur  de  Marthe  et  de  Lazare  :  Do- 
mine, si  fuisses  hic,  Jraler  meus  nonjuisset 
mortuus.  Mme  de  Condé  devint  veuve  eu  1646. 
Elle  fut  la  mère  de  Louis  II  de  Bourbon,  prince 
de  Condé,  surnommé  le  Grand,  du  prince  Ar- 
mand de  Conti  et  de  la  célèbre  duchesse  de 
Longueville.  Elle  fit  entrer  dans  la  maison  de 
son  mari  les  grands  biens  de  la  branche  ducaie 
des  Montmorency,  entre  autres  la  terre  de  Chan- 
tilly dont  Louis  XIII  lui  fit  abandon  après  la 
mort  de  son  frère.  A.  d'E — p — c. 

L'Esloile,  Mémoires  pour  l'Histoire  de  France,  t.  II, 
p.  260-267.  —  Mézeray,  Abrégé  chronologique  de  l'Hist. 
de  France,  t.  X,  p.  309-372.  —  Bassompierre,  lovrnal  de 
ma  vie;  Cologne,  1605,  3  vol.  in-16,  t.  I,  p.  202-225.  — 
AI.™*  de  Motteville,  Mèm.  —  P.  Lenet,  Mérn.  —  Bazin, 
Hist.  de  Louis  Xlll. 

montmorency  -laval  (Marie- Louise 
de),  fille  du  comte  de  Laval,  maréchal  de 
France,  née  en  1723,  guillotinée  le  6  thermidor 
an  h  (24  juillet  1794).  Elle  était  abbesse  du 
couvent  de  Montmartre  au  commencement  de  la 
révolution.  Elle  ne  tarda  pas  à  être  accusée  de 
trahison,  de  complots  contre  la  liberté  et  de 
receler  des  armes  et  des  munitions  dans  son 
monastère.  Le  21  juillet  1789,  une  foule  de 
gens,  dont  l'aspect  et  le  maintien  n'annonçaient 
que  le  pillage  et  la  destruction ,  se  porta  sur 
Montmartre  dans  les  intentions  les  plus  hos- 
tiles. L'abbesse,  justement  effrayée,  fit  remettre 
au  curé  de  Saint- Eustache  un  billet  ainsi  conçu  : 
«  Je  certifie  que  tout  ce  qu'on  m'a  imputé  est 
faux  :  je  suis  citoyenne  zélée  pour  la  conserva- 
tion de  mes  compatriotes.  »  Le  curé  en  fil  avertir 
aussitôt  l'assemblée  des  électeurs  qui  siégeait  en 
permanence  à  l'hôtel  de  ville.  Aussitôt  Pélecleur 
Deleutre,  accompagné  seulement  de  deux  gardes 
de  ville,  fut  envoyé  pour  arrêter  la  multitude,  qui 


déjà  assiégeait  l'abbaye.  Il  parvint  à  se  faire  ei 
tendre,  et  fit  nommer  deux  délégués  pour  visiti 
avec  lui  le  monastère.  Les  recherches  les  pU 
minutieuses  n'amenèrent  que  la  découverte  d'i 
mauvais  fusil  de  jardinier.  Sur  le  rapport  de  D 
leutre,  la  foule  se  dissipa,  et  cette  fois  tout  crin 
fut  évité.  Mme  de  Montmorency-Laval  ne  fut  pi 
toujours  aussi  heureuse.  Après  avoir  vu  ses  r 
ligieuses  dispersées,  son  ordre  aboli,  elle  fi 
incarcérée  à^Saint- Lazare  et  citée  le  6  thermid< 
an  n  devant  le  tribunal  révolutionnaire,  qu 
malgré  son  grand  âge  (  elle  avait  soixante  et  on: 
ans),  la  condamna  à  mort,  comme  complice  d'ui 
conspiration  ourdie  dans  sa  prison-.  Ce  fut  ui 
des  dernières  victimes  de  la  terreur;  trois  jou 
plus  tard  Robespierre  tombait,  et  probableme 
elle  eût  échappé  au  supplice.  H.  L — e. 

Dulaure,  Esquisses  historiques  de  la  révolution  fra 
çaise  (Paris,  2  vol.  in-8°),  t.  ln,  p.  200-202.  —  Biogruph 
moderne  (Paris,  1806). 

MONTMORENCY-  LAVAL       (  Gui  -  Andfr 

Pierre,  duc  de  ),  maréchal  de  France,  desce 
dant  des  sires  de  Laval  par  la  branche  de  L 
2ay,  né  le  21  septembre  1723,  mort  en  179 
Connu  d'abord  sous  le  nom  de  marquis  de  L 
val,  il  entra  en  1741  aux  mousquetaires,  fit  l 
campagnes  de  Flandre  et  devint  en  1742  ci 
lonel  d'un  régiment  d'infanterie.  Maréchal  < 
camp  en  1748,  il  se  trouva  à  la  conquête  de  M 
norque  et  aux  batailles  d'Hastembeck,  de  Cr 
veldt  et  de  Minden.  Lieutenant  général  en  175 
il  combattit  à  Corbach,et  fut  pourvu  du  gouve 
nement  de  Compiègne.  Il  devint  maréchal  < 
France  le  13  juin  1783,  sous  le  nom  de  mar 
chai  de  Laval.  H  avait  été  créé  duc  eh  175 
Il  eut  sept  enfants,  entre  autres  :  Anm 
Alexandre-Marie-Sulpice- Joseph,  duc  deLj 
val,  né  le  22  janvier  1747,  et  mort  le  31  ma 
1817,  lieutenant  général  et  pair  de  France,  pè 
du  duc  Adrien,  qui  suit;  et  Matthieu- Pau 
Louis,  vicomte  de  Laval,  puis  comte  de  Mon 
morency,  né  en  1748,  et  mort  en  1809,  colon 
du  régiment  d'Auvergne  et  brigadier  des  armée 
père  du  duc  Matthieu,  qui  suit.  P.  L. 

Art  de  vérifier  les  dates. 

montmorency  (Matthieu  -  Jean-  Félicii 
de  Montmorency-Laval,  vicomte,  puis  duc  de 
homme  politique  français,  petit-fils  du  préc< 
dent,  né  à  Paris,  le  10  juillet  1766,  mort  dans  . 
même  ville,  le  24  mars  1826.  Il  fit  ses  premièn 
armes  en  Amérique,  dans  le  régiment  d'Auvergi 
dont  son  père,  le  vicomte  de  Laval,  était  coI< 
nel.  Compagnon  de  ces  brillants  et  jeunes  gentil; 
hommes,  Lafayette,  Lauzun,  Ségur,  que  la  guen 
de  l'indépendance  des  États-Unis  entraîna  vei 
les  idées  libérales ,  il  partagea  leurs  opinions, 
fut  nommé  en  1789  membre  des  états  générau 
par  le  bailliage  de  Montfort-PAmaury,  et  y  siég< 
sous  le  nom  de  comte  Matthieu  de  Montmt 
rency.  On  vit  avec  étonnement  le  descendant  à 
la  plus  noble  famille  de  France,  se  réunir,  u 
des  premiers  de  son  ordre,  aux  députés  du  tiei 


WW 


MONTMORENCY 


362 


tat,  voter  constamment  avec  la  majorité  de  l'as- 
i  emblée  et  disputer  à  MM.  d'Aiguillon  et  de  Noail- 
[es  l'honneur  de  proposer,  dans  la  nuit  du  4  août 
[  789,  l'abolition  des  droits  féodaux,  et  le  19  juin 
\  790,  celte  de  la  noblesse.  Les  royalistes  s'indi- 
gnèrent de  cette  conduite,  et  les  pamphlétaires  du 
1  arti  de  la  cour  n'épargnèrent  pas  le  gentilhomme 
Réformateur,  Rivarol,  dans  son  Petit  Alma- 
\  ach  des  Grands  Hommes  de  la  Révolution, 
\  isait  de  lui  :  «  Le  plus  jeune  talent  de  l'assem- 
j,  lée,  il  bégaye  encore  son  patriotisme ,  mais  il  le 
frit  déjà  comprendre,  et  la  république  voit  en 
ii  tout  ce  qu'elle  veut  y  voir.  Il  fallait  que 
[tontmorency  parût  populaire  pour  que  la  ré- 
(  olution  fût  complète ,  et  un  enfant  seul  pouvait 
jonner  ce  grand  exemple.  Le  petit  Montmorency 
;  est  donc  dévoué  à  l'estime  du  moment,  et  il  a 
pmbattu  l'aristocratie  sous  la  férule  de  l'abbé 
f  ieyès.  »  La  ferveur  patriotique  du  comte  Mat- 
îieu  ne  se  démentit  pas  pendant  toute  la  durée 
2  l'Assemblée  constituante  ;  le  12  juillet  1791,  il 
f  t  partie  de  la  députation  qui  assista  à  la  trans- 
■  lion  des  restes  de  Voltaire,  et  le  27  août  de  la 
r  iême  année  il  appuya  la  proposition  de  décer- 
|  er  les  honneurs  du  Panthéon  à  J.-J.  Rousseau, 
la  fin  de  l'Assemblée  constituante  il  fit  partie 
e  l'état-major  du  maréchal  Luckner;  mais 
ientôt  les  événements  se  précipitèrent  avec  une 
die  violence  que  les  députés  les  plus  libéraux 
je  la  Constituante,  dépassés  par  les  girondins  et 
tes  jacobins,  ne  se  trouvèrent  plus  en  sûreté  sur  le 
f ol  français.  Quand  la  révolution  du  10  août  eut 
enversé  la  monarchie  constitutionnelle  de  1791, 
|  lattliieu  de  Montmorency  se  retira  à  Coppet,en 
j  uisse,  auprès  de  Mme  de  Staël.  Les  deux  ter- 
ribles années  1793  et  1794,  qui  coûtèrent  la  vie  à 
int  de  ses  amis  et  à  son  jeune  frère,  l'abbé  de 
Uval,  produisirent  une  profonde  impression 
ur  son  âme,  plus  ardente  que  forte,  et  dirigèrent 
!es pensées  vers  la  piété  et  la  charité.  11  rentra 
fn  France  en  1795.  Dans  l'instabilité  des  affaires, 
f  éclat  de  son  nom  l'exposa  à  de  courtes  persécu- 
tions. Il  fut  arrêté  le  26  décembre  1795,  et  in- 
quiété de  nouveau  à  l'époque  du  18  fructidor 
i  797.  Ces  désagréments  achevèrent  de  l'éloigner 
lie  la  politique ,  et  il  ne  voulut  plus  s'occuper 
!|ue  d'oeuvres  charitables.  Sa  liaison  avec  Mme  de 
•taël  persista,  malgré  la  différence  des  opinions, 
lit  il  en  forma  une  nouvelle  avec  M™e  Récamier. 
ues  mémoires  récemment  publiés  de  Mme  Réca- 
[nier  contiennent  de  beaux  témoignages  de  l'a- 
nitié  tendre  et  grave  du  gentilhomme  converti 
>our  la  jeune  et  charmante  dame.  Sous  le  con- 
sulat et  l'empire,  Matthieu  de  Montmorency  se  tint 
ï  l'écart  du  gouvernement,  et  sa  réserve  fut  d'au- 
ant  plus  remarquée  qne  les  autres  membres  de 
,a  famille  ne  l'imitèrent  pas.  L'empereur  lui  fit 
nterdire  le  séjour  de  Paris.  Il  se  trouvait  ce- 
pendant dans  cette  ville,  mais  sous  la  surveillance 
M  la  police,  quand  l'empire  tomba.  Il  se  hâta  de 
je  rendre  à  Nancy  auprès  de  Monsieur  (depuis 
,'harlesX),  qui  l'accueillit  très-bien.  11  prit  alors 


le  titre  de  vicomte  de  Montmorency.  Successi- 
vement aide  de  camp  de  Monsieur,  maréchal  de 
camp  en  1814,  et  chevalier  d'honneur  de  ma- 
dame laduchesse  d'Angoulème en  1815,  il  suivit 
la  famille  royale  à  Gand,  et  fut  au  retour  nommé 
pair  de  France.  Dans  la  chambre  haute  il  at- 
taqua souvent  les  opinions  qu'il  défendait  dans 
sa  jeunesse.  Il  disait,  le  21  mars  1817,  à  l'occa- 
sion d'une  loi  sur  la  vente  des  bois  de  l'État  :  «  Il 
y  a  vingt-sept  ans  qu'entraîné  par  les  systèmes 
qui  avaient  séduit  ma  jeunesse,  j'ai  pris  part  à  ce 
que  j'ai  reconnu  depuis  être  une  grande  injustice; 
j'ai  voté  pour  une  aliénation  semblable,  disons 
mieux,  pour  d'immenses  spoliations  qui  devaient 
être  si  profitables,  et  qui  ont  si  peu  profité.  » 
Lorsque  le  parti  royaliste  exclusif  arriva  aux  af- 
faires avec  M.  de  Villèle,  le  vicomte  de  Mont- 
morency fut  nommé  ministre  des  affaires  étran- 
gères, le  24  décembre  1821.  Durant  la  session 
de  1822  il  crut  devoir  faire  amende  honorable  de 
ce  qu'il  appelait  ses  anciennes  erreurs.  Cet  aveu 
sincère  et  assez  gauche  excita  beaucoup  de  rail- 
leries parmi  les  libéraux.  Dans  le  parti  royaliste 
même  on  trouvait  le  vicomte  de  Montmorency  un 
esprit  peu  pratique,  incapable  de  ménager  les 
susceptibilités  de  son  temps  et  embarrassant 
pour  les  ministres  ses  collègues.  L'ardeur  avec  la- 
quelle il  poussait  à  une  intervention  en  Espagne 
déplut  à  M.  de  Villèle,  partisan  d'une  politique 
plus  modérée.  M.  de  Montmorency  au  congrès 
de  Vérone  fit  triompher  la  politique  d'une  inter- 
vention immédiate.  A  son  retour,  le  roi  le  nomma 
duc,  mais  M.  de  Villèle  obtint  son  renvoi  du  mi- 
nistère (décembre  1822),  et  le  remplaça  par  M.  de 
Chateaubriand,  choix  dont  il  n'eut  pas  à  se  louer. 
Sorti  des  affaires  avec  les  titres  de  ministre  d'É- 
tat et  de  membre  du  conseil  privé,  le  duc  Matthieu 
deMontmorency  fut  admis  à  l'Académie  Française, 
au  grand  étonnement  du  public ,  qui  se  demanda 
quels  étaient  les  titres  littéraires  de  ce  pieux  per- 
sonnage. La  place  de  gouverneur  du  duc  de  Bor- 
deaux, qui  lui  fut  donnée  vers  la  même  époque, 
lui  convenait  mieux,  sans  doute,  que  le  fauteuil 
académique;  mais  il  n'eut  pas  le  temps  d'ins- 
truire son  royal  élève ,  car  il  mourut  quelques 
mois  après ,  frappé  d'une  attaque  d'apoplexie 
pendant  qu'il  faisait  ses  dévotions  à  la  paroisse 
de  Saint-Thomas  d'Aquin.  Les  vertus,  les  actes 
de  bienfaisance  du  duc  Matthieu  de  Montmorency 
honoreront  sa  mémoire  ;  mais  comme  homme  po- 
litique il  ne  tient  qu'une  place  très-secondaire,  et, 
sans  lui  reprocher  une  conversion  sincère,  on  re- 
grette que  le  constituant  libéral  de  1789  soit  de- 
venu le  royaliste  exclusif  de  1822  et  l'homme 
de  la  congrégation.  L.  J. 

De  Gerando,  Éloge  de  M.  le  duc  Matt.  de  Montmo- 
rency ;  Paris,  1S26,  in-8°.  —  Notes  sur  M.  le  duc  Matt.  de 
Montmorency.  —  Vétillard,  Notice  sur  la  vie  de  M.  le 
duc  Matt.  de  Montmorency  ;  Le  Mans,  18S6,  in-8°.  —  Gui* 
raud,  Discours  de  réception  à  V Académie ,  dans  le  Re- 
cueil de  VAcad.  —  Chateaubriand,  Mémoires  d'Outre- 
Tombe.  —  Mémoires  de  Mm*  Récamier. 

montmorency  {Anne-Pierre-Adrien  duc 


363 


de  Laval-),  grand  d'Espagne  de  1"  classe,  diplo- 
mate français,  cousin  du  précédent,  petit-fils  de 
Gui-André-Pierre,  et  fils  du  lieutenant  général 
Anne- Alexandre-Joseph ,  naquit  ,à  Paris,  le 
19  octobre  1767,  et  mourut  le  16  juin  1837.  Il  fut 
successivement  ambassadeur  en  Espagne,  à  par- 
tir de  1814,  à  Rome  à  partir  de  1821,  et  à  Vienne, 
en  1828.  En  1829  on  lui  offrit  le  ministère  des 
affaires  étrangères,  qu'il  refusa.  Le  4  septembre 
de  la  même  année,  il  fut  nommé  ambassadeur 
à  Londres.  Après  la  révolution  de  1830,  il  rentra 
dans  la  vie  privée.  Il  était  pair  de  France.  Z. 
Art  de  vérifier  les  dates  ledit,  de  1818).  —  Mémoires 
de  M""  Bécumier. 

montmorency  (  Arme-Charles-François,, 
duc  de),  pair  de  France,  né  le  12  juillet  1767, 
.à  Paris,  où  il  est  mort,  le  26  mai  1846.  Il  était 
fils  aîné  d'Anne-Léon  II,  qui,. en  1746,  par  son 
mariage  avec  Anne-Charlotte  de  Montmorency- 
Luxembourg,  petit-fils  du  maréchal  de  ce  nom, 
fit  entrer  le  duché  de  ce  nom  dans  la  branche  des 
marquis  de  Fosseux,  de  laquelle  il  descendait.  A 
dix-huit  ans  il  entra  dans  les  gardes  du  corps, 
d'où  il  passa  en  qualité  de  cornette  au  colonel- 
général  dragons,  et  émigra  en  1790,  en  Suisse, 
puis  en  Belgique.  Après  avoir  fait  la  campagne 
de  1794  à  l'armée  des  princes ,  il  résida  succes- 
sivement à  Bruxelles,  à  La  Haye,  à  Hambourg 
et  à  Munster,  où  il  perdit  son  père,  eu  1799. 
Rentré  en  France  l'année  suivante ,  il  s'établit 
dans  le  pays  Dunois,  au  château  de  Courtatain, 
ancien  domaine  de  sa  famille,  et  y  remplit  plu- 
sieurs fonctions  municipales.  Vers  la  fin  de  1813 
il  reçut  de  Napoléon  le  titre  de  comte  de  l'em- 
pire," et  fut  nommé  le  8  janvier  1814  major  géné- 
ral de  la  garde  nationale  de  Paris.  Appelé  le 
4  juin  suivant  à  la  chambre  des  pairs,  il  prit  peu 
de  part  aux  discussions  publiques ,  et  se  rallia 
sans  effort  au  gouvernement  de  Juillet.  11  fut, 
durant  sa  longue  vie  le  patron  de  l'infortune , 
le  protecteur  de  toutes  les  entreprises  utiles  et 
l'ami  éclairé  des  sciences  et  des  arts;  les  Socié- 
tés d'Agriculture ,  de  Commerce  et  d'Industrie 
n'eurent  pas  d'associé  plus  dévoué  et  plus  in- 
fluent que  lui. 

De  ses  deux  frères,  l'un  Anne-Louis-Christian, 
prince  de  Montmorency-Tancarville,  grand 
d'Espagne,  né  le  26  mai  1769,  fit  partie  de  la 
chambre  des  députés  de  1815  à  1827,  fut  créé 
pair  à  cette  dernière  date,  et  mourut  le  25  dé- 
cembre 1844,  à  Madrid,  où  il  s'était  retiré  après 
1830; — l'autre,  Anne-Joseph-Thibault,  comte 
de  Montmorency,  né  le  15  mars  1773,  prit  du 
service  en  Angleterre,  devint  en  1814  directeur 
de  la  manufacture  des  glaces,  fut  colonel  d'une 
légion  de  la  garde  nationale  deParis,  et  périt  le 
22  octobre  1818,  à  Montgeron,en  sautant  àbasde 
sa  voiture  dont  les  chevaux  s'étaient  emportés. 
Biographie  universelle  portative  des  Contemp. 
*  montmorkncy  (  Anne- Louis-  Victor •- 
Raoul,  duc  de),  fils  du  précédent,  né  le  14  dé- 
cembre 1790,  à  Soleure,  en  Suisse.  Simple  vo- 


MONTMORENCY  3 

lontaire  dans  un  régiment  de  hussards  (1807) 
devint  en  troisans  sous-lieutenant,  aide-de-cai 
du  maréchal  Davout,  et  officier  d'ordonnance 
Napoléon.  Une  grave  maladie  l'ayant  forcé 
quitter  l'armée  avec  le  grade  de  chef  d'escadw 
il  fut  nommé  chambellan  du  palais  (25  noveml 
1813)  ;  de  1815  à  1820  il  fut  attaché  comme  ai< 
de-camp  au  duc  d'Orléans.  Depuis  cette  époç* 
il  a  vécu  à  l'écart.  Marié  en  1821  avec  laveuJ 
du  comte  Thibault,  son  oncle,  il  n'en  a  eu  H 
deu\  filles.  K.     ; 

Pascallet.  Le  Biographe  universel,  février  1842.—  H 
des  Hommes  vivants  (1820).  —  Monit.  univ.,  1814-184* 
montmorency  (Nicolas  de),  auteur  as* 


tique  belge,  né  vers  1556,  mort  le  16  mai  16  U 
à  Gand.  Issu,  par  la  branche  de  Wastines,  jj 
l'illustre   familie  dont  il   portait  le  nom ,  il  I] 
partie  dans  sa  jeunesse  de  la  maison  de  P  j] 
lippe  II,  roi  d'Espagne;  il  succéda  en  1583)1 
comte  d'Isenghien ,  son  oncle ,  dans  la  charge 
chef  des  finances  des  archiducs  Albert  et  I  | 
belle ,  qui  lui  donnèrent  accès  au  conseil  d'ÉI 
Il  fut  employé  plusieurs  fois  en  qualité  de  ce 
missaire  pour   le  renouvellement  des  lois  I 
Flandre.  Il  fut  inhumé  à  Lille ,  dans  l'abbaye  i  jj 
Brigittines  qu'il  avait  fondée.  Ce  seigneur  pa  jj| 
toute  sa  vie  dans  les  exercices  dune  piété     < 
lide  et  édifiante.  On  a  de  lui  :  Manuale  prin  | 
pis;  Douai,  1597,  in-12; —  Flos  campi ;  L<fj 
vain ,  1604,  in-12  ;  —  Exercices  quotidiens  ! 
Méditations  en  l'honneur  de  saint  Josem 
1609,  in-12;  l'auteur  avait  établi  des  confréi 
pour  honorer  ce  saint  à  Gand,  à  Lille  et  ailleu 

—  L'Amour  de  Marie, divisé  en  trois  partik 
Bruxelles,  1614,  in-12;  —  Manna  abscond |1 
seu  spiritualis  dulcedinis,  II  paries;  L( 
vain,  2  vol.   in-12;  Cologne,    1616,  in-12;  | 
Diurnale  pietatis  ;  Anvers,  1616,  2  vol.  in-:  il 

—  Solemne  Convivium;  Anvers,  161.7,  in-l 
On  connaît  encore  de  lui  d'autres  ouvrages  i 
cétiqueSj  dont  on  n'a  conservé  que  les  titres.-  i 

Son  neveu,  Montmorency  (  François  de), 
vers  1578,  à  Aire,  mort  le  5  février  1640, 
successivement  protonotaire  apostolique,  préj 
de  la  collégiale  de  Saint-Pierre  de  Cassel ,  cil 
noine  de  la  cathédrale  de  Liège;  il  possédait  } 
très-grands  biens,  auxquels  il  renonça  pour  [ 
trer,  en  1618,  dans  la  compagnie  de  Jésus. Oi, 
de  lui  :  Poetica  sacrorum  Canticorum Ex\\ 
sitio;  Douai,  1629,  in-4°;  plusieurs  fois  réi:| 
primée;  —  Parta  de  Batavis  ad  Antverpit 
Victoria  Epinicion  ;  Anvers ,  1638,  in-4°; 
Pietas  victrix  psalmis  VII  lyrice  expresi 
Anvers,  1639,  in-12. 

Diichesne,  Hist.  généalog.  de  la  Maison  de  Mont), 
rency,  p.  310-341  ;  Généalog.  des  Maisons  de  Guin 
d'ordres,  etc.,  p.  432,  435.  —  ,1'aquot,  Mémoires,  UJ. 

montmorency  (Jeanne- Marguerite),  § 
nommée  laSolilairedes  Ptjrénées,née\ers  tfii 
morte  en  .1700.  On  ignore  son  origine  et  sa  I 
Sa  tombe  et  son  berceau  sont  couverts  d'on  nuage. 
On  sait  seulement  qu'elle  était  d'une  famille  d 
tinguée,  et  l'on  a  supposé  qu'elle  devait  être  ce 


365 


MONTMORENCY  ~  MQNTMORIN-SvMNT-HEKEM 


ilemoiselle  de  la  maison  des  Montmorency  qui , 
lu  même  âge,  quitta  tout  à  coup  ses  parents  sous 
des  habits  de  mendiante  et  sans  que  l'on  ail  pu 
l'une  manière  certaine  retrouver  ses  traces. 
L'aventurière  dont  nous  parlons  se  voit  sueeas- 
ùvement  au  service  d'une  dame  noble  ,  d'un 
iculpteur,  d'un  cordelier,  le  père  De  Bray,  des- 
;ervantde  Château  fort,  près  Chevreuse,  avec  le- 
quel elle  resta  ou  correspondit  durant  huit  ans. 
Vers  l'âge  d'environ  quarante  ans,  elle  se  re- 
ira  dans  une  vallée  des  Pyrénées,  la  Solitude 
\les  Rochers,  et  y  vécut  cinq  ans  de  fruits  sau- 
/ages.  La  singularité  de  sa  vie  lui  ayant  attiré 
le  nombreuses  visites,  elle  choisit  à  trente  lieues 
le  là  une  autre  retraite,  la  Solitude  des  Ruis- 
eaux,  où  elle  demeura  trois  ans.  Elle  partit  en- 
mite  pour  Rome, au  moment  d'un  jubilé;  mais 
m  suppose  qu'elle  mourut  en  route,  car  on  n'en 
ntendit  plus  parler.  Les  uns  l'ont  traitée  de  sainte, 
es  autres  de  folle.  A.  L. 

Hérault  de  Bercastcl,  Histoire  ecclésiastique. 
MONTMORENCY.   Yotf.  BOUTTEVILLE,   H0RN, 

[Laval  et  Luxembourg. 

!  woxtmoret (Humbert  de),  en  latinMons- 
I  noretanus,  poète  latin,  né  dans  le  comté  de 
bourgogne,  mort  vers  1525.  D'une  ancienne  fa- 
mille, il  avait  visité  dans  «a  jeunesse  les  princi- 
pales cours  de  l'Europe  et  s'était  livré  à  une 
Ne  dissipée.  Il  finit  par  prendre  l'habit  de 
Maint- Benoît  à  l'abbaye  de  Vendôme.  On  a  de 
toi:  Belloruni  Britannicorum  a  Carolo  VU, 
IFranaorum  rege,  in  Henricum,  Anglorum 
\~egem,  Jelici  duçtu,  auspicepuella  Franco, 
\)estorum;  prima  pars  versions  expressa; 
['Paris,  1512,  in-4»;  ce  poëme,  divisé  en  sept 
lïhants,  comprend  l'histoire  de  la  guerre  des 
Anglais  depuis  le  siège  de  Crevant  jusqu'à  la 
(bataille  de  Patay;  —  Christiados  Lib.  X,  com- 
Dlectentcs  Jesu  nativitatem,  prœclara  dicta, 
miracula,  passionem,  deseensum  ad  inféras 
ac  ascensionem; Ayon,. s.  d.,  in-8°  ;  poëme  de- 
venu fort  rare;  ^#gri>ejs,jBoema.;  Paris,  s.  d., 
lin— 4"  :  récit  de  la  mort  héroïque  du  capitaine 
raervé ,  qui  fit  sauter  le  vaisseau  La  Cordelière 
pplutôt  que  de  se  rendre  aux  Anglais;  — Par- 
\thenices  Marinianx  ;  in-4°;  — De  Laudibus 
\toiperioris  Burgundias  Sylvse ,  poème  imprimé 
m  la  suite  de  Description  Comitatus  Burgundiœ 
i(Bâle,  1552)  de  Gilbert  Cousin.  .Ces, divers  ou- 
vrages se  distinguent  par  de  belles  descriptions, 
un  style  harmonieux,  une  latinité  assez  pure  et 
beaucoup  de  naïveté.  K. 

Crevenna,  Catal.,  n°  4283.  —  Bauer,  Catal,,  V,  830.  — 
fewn.  des  Savants,  déc.  1788. 

montmorin  (  François  de  ) ,  seigneur  de 

«Saint-Hérem  (1),  vicomte  de  Clamecy,   sei- 

I  (D  I.e  nom  de  Saitit-Hérem  fut  ajouté  à  celui  de  Mont- 
iooriri  par  suite  du  mariage  de  Jacques  de  Montmorin, 
Quatrième  fils  de  Geoffroy,  seigneur  de  Montmorin.  avec 
H-ann"  Georges,  dite  de  Charpaigne,  dame  deSaint-Hé 
!-e<»,  etc.  le  28  mai  1421.  C'est  par  erreur  que  Sismondi 
VU  Saint-Hêran,  en  parlant  du, gouverneur  de  la  haute 
L=t  basse  Auvergne. 


gneund'/l«20M,  Chai,  Spiral,  Péchignat,  Chas- 
signoles,  Lupial,  etc.,  né  vers  1522,  mort  en 
1582.  Il  descendait  d'une  des  plus  anciennes  fa- 
milles de  l'Auvergne  :  du  Bouchet  en  fait  re- 
monter l'origine  à  Calbxte  dk  Montmorin,  pre- 
mier du  nom,  qui  vivait  sous  le  règne  du  roi 
Lolhaire,  et  qui  est  mentionné,  ainsi  que  son 
fils  Huques.Dv.  Mowïmoiun,  dans  .une  charte  du 
prieuré  de  Sancillage.  Commetous  les  seigneurs 
de  cette  époque,  François  de  Montmorin  em- 
brassa de  bonne  heure  Ja  carrière  militaire;  on 
a  peu  de  détails  sur  les  premières  années  de 
son  service,  mais  en  1557  il  commandait  la 
compagnie  d'ordonnance  du  connétable  de  Mont- 
morency, et  fut  fait  prisonnier  à  la  bataille  de 
Saint-Quentin.  Nommé  plus  tard  gouverneur  du 
haut  et  bas  pays  d'Auvergne,  il  préserva,  par 
son  humanité  et  son  courage,  les  protestants  de 
ces  contrées  d'un  massacre  général.  En  1572, 
à  l'époque  de  la  Saint-Barthélémy,  il  écrivit  la 
lettre  suivante  au  roi  Charles  IX  :  «  Sire,  j'ai 
reçu  un  ordre  de  Votre  Majesté  de  faire  mourir 
tous  les  protestants  qui  sont  en  ma  province, 
je  respecte  trop  Votre  Majesté  pour  ne  pas  croire 
que  ces  lettres  sont  supposées  ;  et,  si  ce  qu'à 
Dieu  ne  plaise  !  l'ordre  est  véritablement  émané 
d'elle,  je  la  respecte  trop  pour  lui  obéir.  »  Ce 
noble  exemple  fut  suivi  par  quelques  autres 
gouverneurs  de  provinces.  A.  J. 

Moréri ,  Grand  Dict.  Hist.  —  Voltaire ,  Essais  sur  les 
Guerres  civiles  en  France.  —  Le  P.  Anselme,  Histoire 
des  Grands-Officiers.  —  Sismondi ,  Histoire  des  Fran- 
çais, t.  XIX,  p..  176. 

montmorin-saint-hérem  {Jean-Bap- 
tiste-François, marquis  de),  général  français,  de 
la  famille  du  précédent  né  en  1 704,  mort  en  1 779. 
Entré  en  1724  au  service,  il  obtint  un  avancement 
rapide,  mais  mérité.  Il  se  trouva  aux  batailles  de 
iParme  et  de  Guastalla^et  était  brigadier  des  armées 
du  roi  lorsqu'il  força  le  premier  les  lignes  de  Weis- 
sembourg  (1744).  Il  fut-blessé  dans  cette  affaire. 
Nommé  maréchal  de  camp,  il  lit  les  campagnes 
de  1745  et  1746,  sous  le  comte  Maurice  de  Saxe, 
et  se  distingua  à  la  bataille  deRaucoux  (11  oc- 
tobre 1746).  Il  commanda  ensuite  les  troupes  qui 
prirent  d'assaut  Berg-op-Zoom,  et  contribua  par- 
ticulièrement à  la  prise  de  Maëstrichl  (1748). 
Parvenu  au  grade  de  lieutenant  général ,  il  fut 
nommé  gouverneur  de  Belle-Isie  en 'Mer.  Il  avait 
déjà  le  gouvernement  du  château  de  Fontaine- 
bleau, qui  demeura  plus  d'un  siècle  dans  sa  fa- 
mille. Le  marquis  de  Montmorin  comptait  cin- 
quantercinq  ans  de  service  lorsqu'il  mourut. 

Deux  de  ses  parents  sont  mentionnés  dans 
les  écrits  relatifs  à  la  révolution  de  1789.  L'un, 
Louis- Victor* H. -huce,  marquis  de  Montmorin, 
qulétait  gouverneur  de  Fontainebleau  ,  fut  tra- 
duit, après  le  10  août,  devant  le  tribunal  criminel 
extraordinaire,  dit  du  17  août,  qui  l'acquitta  : 
mais  la  populace,  présente  à  l'audience,  força 
les  juge  aie  faire  reconduire  à  la  Conciergerie, 
et  envoya  une  députation  à  l'Assemblée  natio- 
nale pour  demander  un  nouveau  jugement.  Il 


367 


MONTMORIN 


périt  quelques  jours  après,  dans  les  massacres  de 
septembre.  L'autre  Montmorin,  que  l'on  croit 
fils  de  celui-ci ,  était  colonel  du  régiment  de 
Flandre  en  garnison  à  Versailles  en  1789,  et 
donna  au  roi  des  marques  de  dévouement.  Il 
passe  pour  avoir  également  été  massacré  en  sep- 
tembre 1792.  A.  d'E— p— c. 

Journal  historique  du  règne  de  Louis  Xf  (Paris, 
1766,  in-12),  1™  partie,  p.  140.  —  Le  baron  d'Espagnac, 
Histoire  de  Maurice,  comte  de  Saxe,  etc.  (  Paris,  1775, 
^  vol.  in-12).  —  Le  Bas,  Dictionnaire  encyclopédique  de 
la  France.  —  L'abbé  Millot,  Mémoires  politiques  et  mi- 
litaires du  maréchal  de  Noailles,  t.  VI.  s 

MONTMOR1N-SAINT-HÉREM      (  Armaild- 

Marc,  comte  de),  homme  d'État  français,  parent 
des  précédents,  né  vers  1745,  massacré  à  Paris, 
le  2  septembre  1792.  Après  avoir  été  un  des  me- 
nins  du  dauphin,  depuis  Louis  XVI,  il  fut  envoyé 
à  Madrid  comme  ambassadeur,  dans  les  pre- 
mières années  du  règne  de  ce  prince,  et  fut  décoré 
de  l'ordre  du  Saint-Esprit  et  de  celui  de  la  Toi- 
son d'Or.  Le  roi  le  fit  entrer  ensuite  à  l'assemblée 
des  notables  ouverte  à  Versailles  le  22  février 
1787.  Appelé  au  ministère  des  affaires  étran- 
gères presque  aussitôt,  en  remplacement  du  comte 
de  Vergennes,  qui  Tenait  de  mourir,  il  s'unit  à 
Lamoignon  pour  obtenir  le  rappel  de  Necker  ; 
mais,  sous  l'influence  de  la  reine,  le  roi  préféra 
l'archevêque  Loménie  de  Brienne.  Il  prit  part 
avec  Necker,  rentré  aux  affaires,  aux  mesures 
prises  pour  la  convocation  des  états  généraux. 
Renvoyé  le  11  juillet  1789,  il  reprit  presque  aus- 
sitôt son  portefeuille  (après  le  14  juillet),  et 
entra  dans  la  Société  des  Amis  de  la  Constitu- 
tion, qui  devint  plus  tard  le  club  des  Jacobins; 
(  il  en  fut  exclu  comme  aristocrate,  en  juin  1791). 
Chargé,  en  juin  1790,  de  rallier  le  comte  de 
Mirabeau  à  la  cour,  il  remplit  cette  mission  avec 
autant  d'adresse  que  de  succès  (l),et  demeura  en 
place  en  septembre  1790,  lors  du  renvoi  de  ses 
collègues.  Il  occupa  même,  par  intérim ,  le  mi- 
nistère de  l'intérieur,  en  janvier  1791.  Le  13  avril 
1791,  il  envoya  aux  puissances  étrangères  un 
manifeste  dans  lequel  il  déclarait  que  Louis  XVI 
était  parfaitement  libre  au  milieu  de  son  peuple 
et  acceptait  avec  sincérité  la  nouvelle  constitu- 
tion :  il  n'était  pas  dans  le  secret  de  la  fuite  de 
Louis  XVI  ;  mais  lors  de  cet  événement  il  fut 
accusé  d'avoir  donné  des  passe-ports  à  la  fa- 
mille royale;  il  parvint  à  se  justifier  en  prou- 
vant que  ces  passe-ports  avaient  été  pris  sous 
un  nom  supposé,  celui  de  la  baronne  de  Korff, 
avec  ses  enfants  et  ses  domestiques.  Il  conserva 
ses  fonctions  pendant  la  suspension  des  pouvoirs 
du  roi  et  après  l'acceptation  de  la  constitution; 
mais  sa  conduite  parut  tellement  équivoque,  que 
l'Assemblée  législative  le  manda  à  la  barre 
(  31  octobre  1791  )  et  exigea  son  rapport  (2)  sur 

(1)  Weber,  dans  ses  Mémoires,  parle  ainsi  de  cette  né- 
gociation :  «  Le  comte  de  La  Marck  et  le  comte  de 
Moiitmorln  consommèrent  pour  la  cour  l'acquisition  de 
ce  héros  populaire.  » 

(2)  Ce  rapport  est  pour  l'histoire  d'un  intérêt  majeur, 


SAINT-HÉREM  3( 

les  réponses  des  différentes  cours.  Devenu  l'o  { 1 
jet  d'une  suspicion  générale,  il  donna  sa  demi 
sion  quelques  semaines  après,  restant  toutefo 
l'un  des  conseillers  intimes  de  Louis  XVI.  Att  I 
que  avec  acharnement  par  les  ultra-monarchist 
et  par  les  démagogues,  il  se  défendit  avec  ^  I 
gueur,  et  publia  plusieurs  brochures  d'une  hau  1 
portée  politique.  Avec  Bertrand  de  Mollevilli  I 
Malouet  et  quelques  autres,  il  forma,  da'ns  1 1 
appartements  de  la  reine  Marie-Antoinette,   I 
qu'on  appelait  alors  le  Comité  autrichien,  co  I 
seil  secret  dans  lequel  on  discutait  les  mesur  a 
les  plus  propres  à  raffermir  la  monarchie  et  I 
arrêter  l'élan  révolutionnaire.  Dénoncé  pour  I 
fait  par  le  journaliste  Carra,  Montmorin  tradai 
le  libelliste  devant  les  tribunaux  et  gagna  sil 
procès.  Mais  le  10  août  arriva;  l'ex-ministre  I 
cacha  chez  une  blanchisseuse  du  faubourg  Sainl 
Antoine.  Trahi,  il  fut  arrêlé  le  21  août  et  condi  n 
devant  l'Assemblée.  Il  expliqua  sa  conduite  av  1 
sang-froid  :  il  n'en  fut  pas  moins  maintenu    I 
état  d'arrestation,  incarcéré  à  l'Abbaye  et  déert  1 
d'accusation  le  31  août  suivant.  Trois  jours  pi  I 
tard  il  tombait  sous  les  coups  des  seplembr  I 
seurs.  C'est  à  tort  que  Le  Bas,  ainsi  que  Bo  I 
cher,  dans  la  première  édition  de  la  Biograph  I 
Michaux,  ont  écrit  qu'il  périt  sur  l'échafaud.  Fe  I 
rières ,  Dulaure  et  d'autres  historiens  affirme  r 
qu'il  fut  massacré  à  l'Abbaye,  et  aujourd'hui  I 
n'est  plus  l'objet  d'un  doute.  Ferrières  prétei 
«  que  le  comte  de  Montmorin  avait  été  arrf  : 
par  erreur  à  la  place  du  marquis.  •»  Dulau 
raconte  ainsi  la  fin  du  comte  de  Montmorin 
«  Lorsqu'il  lui  fallut  comparaître  devant  le  ju  I 
des  égorgeurs,  son  désespoir  éclata  avec  la  de 
nière  violence.  Dans  sa  fureur,  il  brisa  une  tal 
à  coups  de  poing.  Il  déclara  qu'il  ne  reconnai 
sait  pas  les  nouveaux  juges  qu'on  voulait  II 
donner,  et  demanda  qu'on  le  renvoyât  devant  î 
tribunal  compétent.  Un  des  juges  dit  alors  m 
Maillard  (  voy.  ce  nom  )  :  Les  crimes  de  M.  i  a 
Montmorin  |sont  connus  ;  mais  puisqu'il  prétei 
que  son  affaire  ne  nous  regarde  pas ,  je  d<B 
mande  qu'il  soit  envoyé  à  La  Force.  —  Oui 
oui ,  à  La  Force  !  —  s'écrièrent  tous  les  boa  fi 
reaux.  L'infortuné  se  crut  sauvé.  Il  ne  sava. 
pas  que  ces  mots  c  La  Force  signifiaient  —  à  P 
mort.  »  —  Suivant  un  autre  historien,  «  ses  assa 
sins,  après   l'avoir  frappé  de  plusieurs  coup! 
poussèrent  la  barbarie  jusqu'à  l'empaler  encoi 
vivant ,  et  le  portèrent  ainsi  en  triomphe  an] 
portes  de  l'Assemblée  nationale  :   ils  vouloiei 
même  le  lui  présenter  à  la  barre,  et  ce  ne  fut  p; 
sans  peine  qu'on  parvint  à  les  en  empêcher  »  (1  ! 
«  Les  révolutionnaires  et  les  royalistes,  dit  u  II 
historien    moderne,    ont    également    déclarr 
contre  M.  de  Montmorin.  Sincèrement  attaclj 
au  roi,  il  dut  paroître  nécessairement  un  tralti 

en  ce  qu'il  Indique  de  quel  œil  chaque  souverain  envis; 
geait  alors  la  révolution  française. 

(1)    Biographie  moderne  (  Paris,   1806,  4  vol.  in-8°  )  <  I 
Galerie  historique  des  Contemporains  (Mons,  1827).    ' 


MONTMORIN-SAINT-HÉREM  —  MONTMORT  370 

où  il  est  mort,  le  7  octobre  1719.  D'une  famille 
noble,  il  était  destiné  par  son  père  à  entrer  dans 
la  magistrature;   las   d'étudier  le   droit,   il  se 
sauva    en    Angleterre,  d'où  il  passa   dans  les 
Pays-Bas,  puis  en  Allemagne ,  auprès  d'un  de 
ses  parents,  qui  était  plénipotentiaire  à  la  diète 
de  Ratisbonne.  Ce  fut  là  que  la  Recherche  de  la 
Vérité  lui  tomba  entre  les  mains  ;  «  il  en  éprouva 
les  deux  bons  effets  inséparables,  dit  Fontenelle: 
il  devint  philosophe  et  véritable  chrétien  ».  De 
retour  en  France  (1699),  il  hérita  de  son  père  un 
bien  assez  considérable,  et,  à  peine  maître  de  ré- 
gler sa  vie,  il  se  plongea  entièrement  dans  les 
mathématiques,  d'après  les  conseils  de  Male- 
branche,  qu'il  avait  choisi  pour  guide  et  pour 
intime  ami.  Il  apprit  de  Carré  et  de  Guisuée  les 
premiers  éléments  de  géométrie  et  d'algèbre, 
«  et  rien  de  plus  »  ;  une  grande  pénétration  d'es- 
prit naturelle,  jointe  à  l'ardeur  d'une  jeunesse 
fort  vive,  lui  fit  faire  un  chemin  prodigieux.  Tl 
s'associa    pour  compagnon  de  travail  un  jeune 
homme  qui  promettait  beaucoup,  Nicole  ;  s'ins- 
truisant  et  s'animant  l'un    l'autre ,  «  ils  pas- 
sèrent trois  ans  dans  l'ivresse  du  plaisir  des 
mathématiques  ».  Sur  les  instances  de  son  frère 
cadet,  il  lui  succéda  dans  un  canonicat  de  Notre- 
Dame,  et  remplit  ses  devoirs  avec  une  assiduité 
exemplaire.  Tandis  qu'il  employait  une  partie  de 
ses  revenus  à  des  œuvres  de  charité,  il  faisait 
imprimer  à  ses  frais  des  ouvrages  scientifiques , 
tels  que  le  Traité  de  V Application  de  V Algèbre 
à  la  Géométrie  de  Guisnée,  et  la  Quadrature 
des  Courbes  de  Newton.  En  1706  il  se  défit  de 
sa  prébende  pour  épouser  la  petite-nièce  de  la 
duchesse  d'Angoulême  (veuve  du  fils  naturel 
de  Charles  IX).  «  Étant  marié,  il  continua  sa 
vie  simple    et  retirée,  et   d'autant  plus  que, 
par  un  bonheur  assez    singulier,  le    mariage 
lui  rendit  sa  maison  plus  agréable.  »  S'étant 
fixé  sur   la  théorie  de  la  probabilité,  matière 
toute  neuve,  à  peine  effleurée  par  Pascal  et  Huy- 
gens,  il  publia  en  1708  le  fruit  de  ses  recher- 
ches, sous  le  titre  d'Essai  d'Analyse  sur  les 
Jeux  de  hasard,  ouvrage    qui  fut  avidement 
reçu  des  géomètres  et  dont  il  donna  en  1714  une 
édition  augmentée.  Peu  de  temps  après ,  Nico- 
las Bernoulli,  qui  s'occupait  des  mêmes  études, 
étant  venu  à  Paris,  Montmort  l'emmena   chez 
lui  à  sa  campagne,  «  où  ils  passèrent  trois  mois 
dans  un  combat  continuel  de  problèmes  ».  La 
publication  du  livre  de  Moivre,  De  Mensura 
Sortis,  qui  eut  lieu  en  1711,  le  piqua  vivement  : 
mais  ayant  reconnu  que  ce  savant  avait  adopté 
une  méthode  différente  de  la  sienne,  il  s'em- 
pressa de  le  justifier  du  reproche  de  plagiat.  En 
1715  il  fit  un  voyage  à  Londres  pour  observer 
l'éclipsé  de  soleil  qui  devait   y  être  totale.  Il 
mourut  de  la  petite  vérole,  à  l'âge  de  quarante  et 
un  ans.  Il  était  membre  libre  de  l'Académie  des 
Sciences  et  de  la  Société  royale  de  Londres.  On 
montmort   (  Pierre  Rémond  de  ),  mathé-      a  encore  de  lui  un  Mémoire  sur  les  suites  in- 
aticien  français,  né  le  26  octobre  1678,  à  Paris,  l  finies,  inséré  en  1717  dans  les  Philosophical 


>69 

ix  premiers,  qu'il  avoit  d'abord  flattés  ;  et  con- 
lit  par  l'envie  de  servir  son  maître,  il  dut  éga- 

ment  déplaire  aux  seconds,  qui  le  virent  s'allier 
|rec  les  destructeurs  de  cette  monarchie  qu'il  an- 
1  nnçoit  vouloir  défendre.  » 

Bertrand  de  Molleville  fait  l'éloge  de  Montmo- 
|  a,  de  sa  sagesse,  de  sa  facilité  pour  les  affaires  ; 

blâme  lescoryphées  de  l'émigration  d'avoir  sus- 

«té  le  royalisme  de  ce  ministre  et  observe  qu'il 
I  avait  plus  de  courage  à  rester  attaché  à  la  per- 
I  nne  du  roi  qu'à  aller  à  l'étranger  servir  problé- 
IL  atiquement  la  cause  de  la  royauté.  Il  convient 
lie  la  faiblesse  du  caractère  de  Monlmorin  le 
y  it  hors  d'état  de  servir  utilement  Louis  XVI 
|  ns  des  circonstances  qui  exigeaient  une  grande 
n  ergie  ;  mais  il  ajoute  «  que  cette  foiblesse  mo- 
|  le  dont  sa  foiblesse  physique  étoit  le  principe  et 
c  cause,  n'étoit  point  lâcheté,  et  qu'elle  ne  peut 
If  s  plus  lui  être  reprochée  que  sa  petite  taille  et 
[  n  mauvais  estomac.  »  —  «  C'était,  dit  le  comte 
i  rrand,  un  esprit  faible,  mais  pur  et  honnête; 
!  aimait  le  roi  et  en  était  aimé  comme  un  vé- 
ï  able  ami.  Cette  amitié  fut  même  un  malheur. 
|.  ompé  par  Necker,  qui  avait  un  grand  ascendant 

r  lui,  il  était  son  soutien  auprès  du  roi;  par 
|  il  fut,  sans  le  savoir,  un  des  grands  véhicules 
I  la  révolution  ,  perdit  le  monarque  et  la  mo- 
!  rchie,  pour  qui  il  aurait  donné  sa  vie.  » 
,  Sa  femme,  née  à  Chadieu  (Auvergne)  en  1742, 
,  t  condamnée  à  mort  par  le  tribunal  révolu- 
[innaire  de  Paris,  lé  2  floréal  an  n  (23  mars 
f  94),  pour  avoir  entretenu  une  correspondance 
;  ec  l'ancien  ministre  de  la  Marine  M.  de  La 
i  îzerne.  Un  de  ses  fils,  né  à  Versailles  en  1772, 
:t  guillotiné  le  même  jour  et  pour  le  même 
jotif.  Il  était  sous-lieutenant  de  chasseurs. 

Un  autre  fils,  Calixte ,  né  en  1786,  mourut 
[  Florence,  d'une  fièvre  catarrhale,  le  25  janvier 

oo.  Il  était  attaché  à  la  légation  française  en 
pscane. 

Le  comte  de  Montmorin  avait  eu  aussi  une 
Je,  Mme  du  Beaumon ,  femme  aimable  et  spi- 
[tuelle  ,  morte  à  Rome,  en  1803 ,  et  qui  réunis- 
fit  près  d'elle  une  société  où  figuraient  Chateau- 
fiand  et  Joseph  Joubert,   qui   lui  furent  fort 

fectionnés.  L'évêque  de  Langres ,  Gilbert  de 
jontmorin,  commandant  de  l'ordre  du  Saint- 
!*prit,  mort  en  1770,  était  oncle  du  ministre  de 
I  nom.  A.  d'E— p— c. 

Le  comte  Ferrand,  Théorie  des  Révolutions.  —  Sou- 
cie, Mémoires  du  Règne  de  Louis  XVI,  t.  VI.  —  Sis- 
iiondi.  Histoire  des  Français,  t.  XXX,  p,  347,348,  393.— 
|/oi,.  Histoire  de  Louis  xn,  t.  /.—  Lacretelle,  His- 

ire  du  dix-huitième  siècle,  t .  VI.  —  Montyon,  M %- 
htres,  etc.;  p.  306-309.  —  Le  Bas,  Dict.  Encycl.de  la 

•ance-  —  Thiers,  Histoire  de  la  Révolution  fran- 
cise, t.  )«,  p.  22i.  _  Lamartine,  Hist.  des  Girondins, 
iin.  V-V1II.  —  Dulaure,  Esquisses  historiques  de  là 
•'.volution  française,  t.  I,  p.  20,  38,  94,  276,  426,  430  ; 
S  II,  p.  12,  20,  52,  330,  331.  -  Ferrières,  Mémoires, 
.111,  p.  221.  —  Bailly,   Mém,  t.  II,  p.  351,  378,   etc. — 

eber,  Mém.  —  Louis  Blanc,  Hist.  de  la  Révolution  fran- 

iie,  t.  II. 


371 


MONTMORT 


Transactions.  Il  travaillait  à  une  Histoire  de  la 
Géométrie  quand  la  mort  le. surprit.    P.  L— x. 
Fontenelle,  Éloges,  t.  11. 

montolieu  (Jeanne  ■-  Isabelle  -Pauline 
Poubr  De  Bottens,  dameDE  Crousaz,  puis  ba- 
ronne de),  femme  auteur  suisse,  née  le  7  mai 
1751,  à  Lausanne,  morte  le:29  décembre  1S32,  à 
Venues,  près  Lausanne.  Issue  d'une  famille  noble 
du  Rouergue  réfugiée  dès  le  seizième  siècle  en 
Suisse  pour  se  soustraire  aux  persécutions  exer- 
cées contre  les  protestants, .elle  était  la  fille  aînée 
du  pasteur  Antoine-Noé  Polier  (voy.  ce  nom), 
mort  en  1783.  Mariée  eu  premières  noces  à 
Benjamin- Adolphe  de  Crousaz  (1769),  elle  épousa 
vers  1780  Louis  de  Montolieu,  qui  était  aussi 
veuf  de  son  côté.  Ce  fut  sousce  dernier  nom 
qu'elle  se  fit  connaître  dans  le  monde  littéraire. 
De  bonne  heure  elle  manifesta  un  goût  très-vif 
pour  les  lettres;  elle  ne  débuta  pourtant  qu'à 
l'âge  de  trente-cinq  ans ,  et  elle  aurait  pris  place 
parmi  les  bons  écrivains  de  l'époque  si  elle  avait 
été  habilement  dirigée  dans  ses  études  et  qu'elle 
n'eût  point  passé  sa  vie  entière  à  la  campagne. 
«  Emportée  par  une  ardente  imagination,  disent 
MM.  Haag,  elle  se  mit  à  écrire  sans  connaître 
suffisamment  les  règles  du  style;  aussi  dut-elle 
avoir  recours,  pour  retoucher,  corriger,  refondre 
ses  ouvrages,  à  divers  littérateurs  (1),  en  sorte 
qu'à  vrai  dire  le  fonds  seul  lui  en  appartient.  Du 
reste  ses  écrits  originaux  sont  en  petit  nombre. 
Quant  à  ses  traductions  ou  imitations  de  l'anglais 
et  de  l'allemand ,  on  a  remarqué  avec  raison 
que  le  charme  répandu  par  elle  sur  tous  ses 
écrits  fait  pardonner  l'infidélité  de  ses  versions, 
d'autant  plus  aisément  qu'il  ne  s'agit  pas  d'ou- 
vrages sérieux.  »  Le  hasard  l'ayant  rapprochée 
de  Mme  de  Genlis  pendant  que  celle-ci  voyageait 
en  Suisse ,  elle  se  prit  d'amitié  pour  elle ,  lui 
confia  ses  essais  littéraires  et  la  rendit  juge  de 
son  premier  roman,  Caroline  de  Lichtfield  (2), 
le  meilleur  sans  contredit  de  ceux  qu'elle  a  com- 
posés ou  arrangés.  Cinq  années  avant  sa  mort, 
elle  fut  réduite  au  repos  par  des  infirmités  assez 
graves.  La  collection  des  ouvrages  de  Mme  de 
Montolieu  forme  plus  de  cent  volumes;  la  plu- 
part d'entre  .eux  ont  eu  du  succès  et  sont  passés 
par  de  fréquentes  réimpressions.  Nous  citerons  : 
Caroline  de  Lichtfield,  par  Mme  de  ***  ,•  Lau- 
sanne, 1786;  la  3e  édit.  (Paris,  1813,  3  vol. 
in-12),  contient  des  corrections  considérables  et 
porte  le  nom  de  l'auteur  ;—  Recueil  de  contes  ; 
Genève,  1803,  3  vol.  in-12,  fig.; ,—  Douze  Nou- 
velles; Genève,  1812,  4  vol.  in-12;  —  Suite 
des  Nouvelles;  Paris,  1813,  3  vol.  in-12;  — 
Le  Châlel  des  Hautes-Alpes;  Paris,  1813, 
3  vol.  in-12  ;  —  Dix  Nouvelles;  Genève,  1815, 

(1)  M.  Quérard  elle  à  ce  propos  les  noms  de  MM.  P.-J. 
Charrin,  René  Perin,  Edme  Héreau  et  de  Felctz. 

(2)  «  J'ai  été  l'éditeur  du  premier  de  tous,  dit  MBe  de 
Genlis.  »  L'auteur  lui  envoya  un  manuscrit  en  lui  doroan- 
danl  de  n'y  pas  faire  le  plus  léger  changement,  «  recom- 
mandation qui  venait,  non  de  son  amour-propre,  mais 
de  sa  délicatesse  ». 


M03NTORFAKO  37: 

3  vol.  in-12;  —  Les  Châteaux  suisses,  an 
ciennes  anecdotes  et  chroniques  ;  Paris,  18K 
3  vol.  in-12,  fig;  —  Le  Robinson  suisse ,  0 
journal  d'un  père  de  famille  naufragé  an 
ses  enfants  ;  Paris,  1824,  3  vol.  in-12,  fig.,«oj 
tinuation  du  Robinson  suisse  de  Wyss.  Xk 
divers  recueils  ne  sont  pas  entièrement  orjgi 
naux  :  ils  renferment  tous  des  imitations  de  lia 
lemand  et  de  l'anglais,  langues  qu'elle  ne  nos 
sédait  qu'imparfaitement.  Cette  dame  a  tradu 
de  l'allemand  :  Les  Tableaux  de  Jamille  (180.) 

2  vol.  in-12);  Nouveaux  Tableaux  de  ft 
mille  (1802,  5  vol.);  Le  Village  de  Lobw 
stein  (1802, 5vol.)  ;  Amour  et  Coquetterie  (1 80! 

3  vol.)  ;  Arisiomène  (1804,  2  vol.)  ;.Marie  Mei 
zicoff  et  Fédor  DolgorouH  (1804,  2  vob),  si 
romans  d'Aug.  La  Fontaine  ;  —La  Princessec 
Wolfenbùttel  (1807,  2  vol.),  de  Zschokke 
~-Emmerich (1810,  6 vol.), rie  J. -G.  Muller;. 
Le  Nécromancien ,  ou  le  prince  à  Venise  (181: 
2  vol.)  de  Schiller,  continué  et  achevé  par 
traducteur;  —  Agathoclès  (1812,  4  vol.);  Fa, 
kenberg  (1812,  2  vol.);  Olivier  (1823);  et  i 
Siège  de  Vienne  (1826),  quatre  romans  i 
Mme  Pichler;  —  Le  Robinson  suisse  (181! 
2  vol.),  de  Wyss;  —  Charles  et  Hélène  c 
Mohldorf  (1814,  in-12),  deMeissner;—  Voyai 
en  Allemagne  et  en  Italie  (1818) ,  de  Mme  t 
Recke;  —  La  Rose  de  Jéricho  (1819),  t 
D.  Hess  ;  —  Vingt  et  un  Ans,  ou  le  prisonnie 
(1822),  de  Lamothe-Fouqué;  —  La  Tante  et  l 
Nièce  (1825),  de  Mme  Schoppenhauer.  De  l'ai 
glais  Mme  de  Montolieu  a  traduit,  ou  pluti 
rendu  librement,  des  romans  de  Ch.  Smitt 
J.  Austen,  Mmes  Hofland,  Hervey,  O'Keeffe  1 
Panache,  etc. 

Sa  sœur  cadette,  M'fe  Jeanne- Françoise  1 
Bottens,  née  en  1761,  à  Lausanne ,  où  elle  e 
morte,  le  11  mars  1839,  a  écrit  quelques  ouvrag< 
qui  ne  sont  pas  sans  mérite,  tels  que  :  Lettn 
d'Hortense  de  Valois  à  Eugénie  de  Saini 
Firmin;  Paris,  1788,  2  vol.  in-12;  —  Mê 
moires  et  Voyages  d'une  famille  émigrée,  pi 
bliés  par  J.-N.  Belin  de  Ballu;  Paris,  189i 
3vol.  in-12;—  Félicie  et  Florestine;  Paru 
1803,  3  vol.  in-12  ;  —  Anastase  et  Nephtalk 
Paris,  1815,  4  vol.  in- 12.  P.  L. 

Henrion,  annuaire  nécrolog.,  1832.  —  Prudhomni- 
Biogr.  des  Femmes  célèbres.  —  Haag  frères,  La  Frfffl» 
Protest.,  VIII,  279-281.  —  Mme  de  Genlis,  Mémoires.  • 
Quérard,  La  France  Littér. 

montorfano  (  Giovanni-Donato),  peinti 
de  l'école  milanaise,  vivait  dans  la  second 
moitié  du  quinzième  siècle.  Élève  de  Vincenai 
Foppa,  il  fut  loin  de  mériter  l'oubli  dans  lequt 
l'ont  laissé  la  plupart  des  historiens  de  la  pein 
ture;  il  eut  surtout  un  grand  malheur,  celui  d'à 
voir  exécuté  son  chef-d'œuvre  dans  la  même  s£ll 
qui  renferme  celui  de  Léonard  de  Vinci.  Au  rt 
feetoire  du  couvent  des  Dominicains  délie  Giazi 
de  Milan ,  la  foule  se  presse  devant  La  Cène  d 
Léonard,  et  peu  de  personnes  s'arrêtent  devar 
la  vaste  fresque  qui  couvre  la  muraille  opposée 


3  MONTORFANO 

pourtant  sans  ce  redoutable  voisinages  l'œuvre 
Montorfano   serait  aussi  en    possession  de 
Imiration  des  connaisseurs.   Cette   immense 
nposition,   représentant   Le   Christ  sur   ta 
nx  entouré  d'innombrables  figures,  est  si- 
se :  IcDonatus  Mon  twf anus  p.  MCCCCXCV. 
e  conserve  encore  tout  son  éclat,  quand  deux 
f  ires  qui  avaient  été  ajoutées  par  le  Vinci  sont 
i  isque  détruites  ainsi  que  La  Cène  elle-même. 
1  Le  style  du  Montorfano  est  encore  ancien  et 
{•pelle  celui  du  Mantegna;  mats  s'il  n'eut  pas 
•(science,  le  goût  exquis,  la  beauté  de  formes 
1  Vinci,  on  doit  reconnaître  qu'il  sut  donner 
<.  tètes  et  aux  mouvements  de  ses  person- 
(  i/ss  une  vérité,  une  beauté,  une  expression'que 
jr  î  trouverait  rarement  chez  ses  contemporains. 
j  ivant  l'usage  des  maîtres  milanais  du  quin- 
fme  siècle,  il    mêle  parfois  la  plastique  à  la 
i  nture,  et  quelques  accessoires,  tels  que  les 
iiques,  sont  en  relief.  Cette  fresque  très-inté- 
I  santé  pour  l'étude  des  costumes  du  quinzième 
J45le  présente  sur  le  premier  plan   plusieurs 
Hits  et  saintes  de  l'ordre  de  Saint-Dominique, 
|  dans  le  fond  la  ville  de  Jérusalem,  dont  les 
ïifioes  prouvent  qu'il  entendait  l'architecture  et 
i  perspective  ;  aussi  a-t-il  été  placé  parmi  les 
f  listes  lombards  du  quinzième  siècle  qui  pas- 
I  ît  pour  avoir  découvert  les  premières  règles 

i  cette  dernière  soience.  E.  B— n. 

ï 

l.anzi,  Storia  Pittorica.   —  Ticozzi,  Dizionario.   — 
Mary,  Voyages  historiques  et  littéraires  en Jtalie.  — 
ovano,  Guida  diMilano. 

montoksolï  (  Frà  Giovanni  -  Angelo  ) ., 
tilpteur  et  architecte  italien,  né  en  1 507 ,  à  Mon- 
rsoli,  près  de  Florence,  où  il  mourut,  en  1563. 
fut  confié  par  son  père  à  des  seulpteurs  qui  tra- 
maient aux  carrières  de  Fiésole.  Ce  fut  là  qu'il 
nnut  Angelo  Francesco  Ferrucci,  surnommé 
'ancesco  delTadda,  qui  l'aida  de  ses  conseils  et 
recommanda  à  son  maître  Andréa  da  Fiesole. 
:venu  orphelin  et  maître  de  ses  actions,  Mon- 
rsoli  quitta  Andréa,  et  partit  pour  Rome,  où 
Rencontra  des  artistes,  ses  compatriotes,  qui, 
[nployés  aux  travaux  de  Saint-Pierre,  lui  firent 
kgner  quelque  argent  à  sculpter  des  rosaces  da 
f. corniche  intérieure  de  la  basilique.  Il  se  ren- 
jt  ensuite  à  Pérouse  auprès  d'un  sculpteur  d'or- 
ients qui,  après  s'être  fait  aider  par  lui  pen- 
mt  une  année,  lui  laissa  la  charge  d'achever 
lui  tout  ce  qu'ils  avaient  commencé;  mais 
fiovanni-Angelo ,  s'apercevant  que  le  temps 
fi'U  employait  ainsi  était  perdu  pour  ses  pro- 
cès et  pour  sa  renommée,  quitta  Pérouse  pour 
oltcrra,  où  il  alla  travailler  au  tombeau  du  fa- 
eux  littérateur  Raffaello  Maffei,  dit  le  Volter- 
no  ;  les  sculptures  qu'il  exécuta  pour  ce  rno- 
îraent  révélèrent  le  talent  qu'il  devait  déployer 
fus  tard.  De  retour  à  Florence,  il  fut  employé 
fir  Michel-Ange  aux  travaux  de  S.-Lorenzo. 
['entreprise  ayant  été  interrompue  en  1527  par 
[  peste  et  les  troubles  politiques,  Montorsoli  se 
tira  près  d'un  oncle  ecclésiastique  à  Poggibonsi, 


MONTORSOLI 


374 


où  il  demeura  longtemps,  étudiant  et  dessinant. 
C'est  pendant  cette  retraite  qu'il  conçut  la  pensée 
d'entrer  en  religion,  et  dans  ce  but  il  se  rendit 
à  l'ermitage  des  Camaldules;  il  y  passa  quelque 
temps,  sculptant  des  bâtons  que  ces  religieux 
avaient  l'habitude  de  porter  en  voyage.  Leur  vie 
austère  ne  lui  convenant  pas,  il  essaya  de  celle 
des  Franciscains  de  la  Vernia,  mais  il  s'en  dé- 
goûta également ,  ne  trouvant  pas  dans  leur 
couvent  le  temps  de  se  livrer  à  son  goût  pour 
les  arts.  Il  essaya  de  l'habit  des  Jésuates,  pour 
le  quitter  aussi  quelques  mois  après,  et  enfin  se 
décida  en  1530  à  entrer  chez  les  Servîtes  de  l'An- 
nunziata  de  Florence;  il  y  fit  profession  le  7  octobre 
de  l'année  suivante.  Son  séjour  dans  le  couvent 
dut  être  profitable  à  ses  progrès,  en  lui  procurant 
l'occasion  d'étudier  les  merveilleuses  fresques 
dont  ce  monastère  venait  d'être  enrichi  par 
Andréa  del  Sarto.  Ses  supérieurs  le  chargèrent 
alors  de  refaire,  ou  de  restaurer,  les  images  en 
cire  de  divers  membres  delà  famille  des  Médicis 
et  de  quelques  autres  personnages  illustres,  ima- 
ges qui  avaient  souffert  des  injures  du  temps  ou 
avaient  été  maltraitées  à  l'époque  de  l'expulsion 
des  Médicis.  Pendant  qu'il  s'occupait  de  ce  tra- 
vail, le  pape  Clément  VII,  d'après  le  conseil  de 
Michel -Ange,  l'appela  à  Rome  pour  lui  confier 
la  restauration  de  diverses  antiques,  telles  que  le 
Laocoon,  auquel  il  restitua  le  bras  droit,  etl',4- 
pollon  du  Belvédère,  dont  il  refit  le  bras  gauche. 
Ces  travaux  et  un  portrait  qu'il  fit  d'après  le 
pape  lui-même,  lui  concilièrent  la  faveur  de 
Clément  VII,  qui  le  releva  de  ses  vœux  et  lui 
permit  de  retourner  à  Florence  avec  Michel-Ange 
pour  terminer  la  décoration  de  la  sacristie  de 
S.  Lorenzo.  Montorsoli  aida  alors  son  illustre 
maître  à  achever  les  statues  de  Laurent  et  de 
Julien  de  Médicis,  et  exécuta  sur  son  modèle  la 
statue  de  Saint  Cosme,  qui  fut  justement  ad- 
mirée. 

Sur  le  désir  du  cardinal  de  Tournon,  Mon- 
torsoli entreprit  le  voyage  de  Paris,  où  il  fut 
gracieusement  accueilli  par  François  Ie"-,  qui  le 
chargea  de  l'exécution  de  quatre  statues.  Les 
modèles  étaient  faits,  lorsqu'en  l'absence  du  roi, 
Montorsoli,  ayant  éprouvé  des  difficultés  à  se 
faire  payer,  renonça  à  l'entreprise,  et  repartit 
pour  l'Italie,  visitant  Gênes,  Venise,  Padoue, 
Vérone  et  Mantoue,  étudiant  et  dessinant  tout 
ce  qui  lui  en  paraissait  digne.  Rentré  à  Florence, 
il  fit  en  terre  cuite  un  Moïse  et  un  Saint  Paul, 
qu'il  plaça  dans  deux  niches  de  la  salle  du  cha- 
pitre de  son  ancien  couvent.  Appelé'  à  Arezzo, 
il  y  avait  commencé,  dans  l'église  Saint-Pierre,  le 
mausoléedu  général  Angelo  d' Arezzo,  lorsqu'il 
dut  revenir  à  Florence  pour  prendre  part  aux 
travaux  ordonnés  par  le  duc  Alexandre  de  Mé- 
dicis, à  l'occasion  du  passage  de  Charles- Quint 
revenant  de  son  expédition  de  Tunis.  Ayant 
achevé  ensuite  le  monument  d'Arezzo,  il  partit 
pour  Naples,où  il  était  appelé  à  travailler  à  celui 
du  poêle  &annazar,ààns l'église  de  Santa-Maria- 


375  MONTORSOLI 

del-Parto.  Ce  mausolée ,  pour  lequel  il  s'associa 
son  ancien  ami  Francesco  del  Tadda,  ne  fut  pas 
exécuté  de  suite.  Montorsoli,  effrayé  par  la 
descente  des  Sarrasins  dans  la  Pouille,  revint  à 
Florence,  où  il  mit  la  dernière  main  à  la  statue 
de  Saint  Cosme,  et  fit  le  modèle  d'un  groupe 
d'Hercule  étouffant  Aniée,  destiné  à  sur- 
monter une  fontaine  de  la  villa  de  Castello, 
Pendant  qu'il  était  à  Carrare,  choisissant  le  marbre 
de  ce  groupe,  il  fut  sollicité  par  André  Doria  de 
se  rendre  à  Gênes  pour  terminer  sa  statue,  que 
Bandinelli  avait  laissée  inachevée.  Il  ne  put  alors 
se  rendreaux  désirs  de  l'illustre  amiral,  et  revint 
à  Florence,  où  il  travailla  au  monument  de  San- 
nazar,  et  commença  son  Hercule.]  Ayant  eu  à 
l'occasion  de  ce  dernier  groupe  des  désagréments 
suscités  par  ses  rivaux,  il  partit  pour  Gênes,  où 
il  acheva  la  statue  de  Doria ,  et  fit,  peut-être 
pour  la  cathédrale,  une  Statue  de  saint  Jean  qui 
est  attribuée  par  quelques-uns  au  Sansovino. 
Pendant  ce  temps,  Francesco  del  Tadda  avait 
achevé  le  monument  de  Sannazar,  et  Montorsoli 
se  rendit  à  Naples  pour  le  mettre  en  place.  Ce 
mausolée,  qui  occupe  l'abside  de  la  petite  église 
qui  le  renferme,  est  surmonté  du  buste  du  poëte 
et  accompagné  des  statues  d'Apollon  et  de  Mi- 
nerve, qu'on  a  assez  singulièrement  sanctifiées 
en  gravant  sur  leurs  bases  les  noms  de  David  et 
de  Judith.  Malgré  l'assertion  formelle  de  Va- 
sari,  quelques  auteurs  napolitains  font  honneur 
de  ce  beau  monument  à  leur  compatriote  Gir. 
Santa-Croce.  Nous  pensons  que  celui-ci  a  pu  en 
donner  le  dessin  et  en  exécuter  quelques  par- 
ties, mais  nous  persistons  à  croire,  avec  l'historien 
d'Arezzo,  que  les  principales  sculptures  sont 
l'œuvre  de  Montorsoli  et  du  Tadda. 

Ce  travail  achevé,  Montorsoli  revint  à  Gênes, 
où  il  avait  promis  à  André  Doria  de  lui  préparer 
une  sépulture  dans  l'église  de  Saint-Matthieu. 
Mettant  de  suite  la  main  à  l'œuvre ,  il  décora 
l'églisedes'statuesides  Evangélistes,  de  la  Vierge, 
de  Saint  Jean-Baptiste,  de  Saint  André,  de 
David  et  de  Jérémiet  et  dans  la  chapelle  souter- 
raine,il  disposa  le  Tombeau  de  Doria.  Il  fit  encore 
quelques  autres  travaux  pour  ce  prince,  dont  il 
agrandit  le  palais,  et  partit  pour  Rome,  où  pen- 
dant un  court  séjour  il  apprit  l'injure  que,  profi- 
tant de  son  absence,  Bandinelli  lui  avait  faite  en 
brisant  son  groupe  commencé  d'Hercule  et  An- 
tée  pour  en  employer  le  marbre  aux  corniches 
du  tombeau  de  Jean  de  Médicis. 

Appelé  à  Messine,  en  1547,  il  commença  sur 
la  place  de  la  cathédrale  une  des  plus  magnifi- 
ques fontaines  qui  aient  été  élevées  dans  les 
temps  anciens  et  modernes.  Cette  grande  entre- 
prise fut  terminée  dans  l'espace  de  quatre  ans 
avec  l'aide  d'artistes  siciliens  et  surtout  de  Mar- 
tino  de  Messine.  Sur  la  Marine  de  Messine-  est 
une  autre  fontaine,  due  également  au  ciseau  de 
Montorsoli;  elle  est  composée  d'un  Neptune 
eolossal  domptant  Charybde  et  Scylla,  sous  la 
forme  d'une  néréide  et  d'un  triton.  La  néréide; 


—  MONTOYA  i 

brisée  dans  les  émeutes  de  1848,  a  été  ref; 
récemment.  Pour  la  cathédrale,  Montor: 
donna  le  dessin  des  douze  autels  élégants  < 
surmontent  les  statues  des  apôtres;  il  seul 
lui-même  celle  de  saint  Pierre,  l'un  de  ses  m 
leurs  ouvrages,  et  le  saint  Paul  fut  exécuté 
son  modèle  par  Martino  de  Messine.  Dans . 
glise  Saint-Dominique ,  il  a  élevé  le  riche  mi 
solée  de  la  famille  Cicala  ;  on  lui  attribue  i 
jolie/on  taine  de  marbre  avec  la  louve  allaite 
Remus  et  Romulus  au  couvent  de  S.  Agostii 
enfin,  ce  fut  encore  sous  sa  direction  que  fut  co 
truite  la  tour  du  phare  qui  éclaire  le  port. 

Quittant  la  Sicile,  Montorsoli  alla  sculpte 
Bologne  le  maître  autel  de  l'église  des  Servit  j 
qu'il  accompagna  des  statues   d'Adam  et 
Moïse,  puis  revint  à  Florence,  où  il  distribu  i 
ses  parents  et  aux  pauvres  le  produit  de   j 
nombreux  travaux,  décidé  qu'il  était  à  repren 
l'habit  monastique.  Il  n'en  eut  pas  le  temps 
mort  le  frappa  à  l'âge  de  cinquante-six  ans, 
il  fut  déposé  dans  le  tombeau  que  lui-mêj 
avait  préparé.  Dès  1561,  dans  le  grand  clol 
de  l'Annunziata ,  il  avait   fait  construire  i 
chapelle  dédiée  à  saint  Luc,  destinée  à  réunir 
membres  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  donj 
avait  été  un  des  fondateurs ,  et  à  leur  servir 
sépulture.  Les  honneurs  funèbres  y  furent  rem 
à  Montorsoli  le  premier  par  les  académicie4 
Le  second  fut  Michel-Ange. 

Ce  sculpteur,  aussi  habile  que  fécond,  for' 
un  grand  nombre  d'élèves,  dont  les  plus  coni \ 
sont  Martino  de  Messine,  et  un  autre  frère  s 
vite  frà  Giovanni-Vincenzio  Casali.  E.  Breti 

Vasari,  Vite.—  Orlandl,  Abbecedario.  —  Cicogn: 
Storia  délia  Scultura.  —  Ticozzi,  Dizionario.  —  C; 
porl,  GU  Artisti  negli  Stati  Eslensi.  —  Gnalandi, 
Giorni  in  Bologna.  —  Guida  per  la  città  di  Messina 
PisLolesi,  Descrizione  di  Roma.  —  Valéry,  Voyages  i 
toriques  et  littéraires  en  Italie. 

montoya  (  Antonio- Ruis  m),  IexicograjJ 
péruvien,  né  à  Lima,  où  il  mourut ,  le  1 1  avril  16  (i 
11  entra  dans  l'institut  des  Jésuites  en  1606,  j 
passa  au  Paraguay,  où  il  étudia  le  guarani , 
convertit  de  nombreux  Indiens.  11  finit  ses  joi-j 
dans  un  âge  avancé.  L'un  de  ses  ouvrages 
imprimé  dans  les  missions  avec  des  caractèi 
qui  en  rendent  la  lecture  sinon  difficile, 
moins  fatigante;  c'est  YArte,  qui  est  dans 
cas,  le  Tesoro  ayant  été  imprimé  à  Madrj 
avec  des  caractères  évidemment  fondus  pd 
cela  avec  des  signes  particuliers.  Nous  donne 
ici  les  titres  de  ces  deux  ouvrages  important 
qu'on  a  songé  plus  d'une  fois  à  réimprimei 
Arte  de  la  Lengua  Guarani,  por  el  P.  Anli 
nio  Ruiz  de  Montoya,  de  la  compania  de  J 
sus,  con  los  escolios,  anotaciones  y  apendid 
del  P.  Paulo  Restivo,  de  la  misma  compani 
sacados  de  los  papeles  del  P.  Simon  Bandit 
y  de  otros;  pueblo  de  Santa-Maria-la-May( 
1724,  in-4°.  Ce  livre,  imprimé  comme  no 
l'avons  dit,  dans  les  missions  avec  des  care 
tères  détestables,  est  rarissime  ;  la  bibliothèq 


r 


MONTOYA  — 

p  l'Institut  de  France  le  possède.  Le  diction- 
lïre  est  plus  ancien,"et  beaucoup  mieux  im- 
imé  :  Tesoro  de  la  Lengua  Guarani  que  se 
a  en  el  Peru,  Paraguay  y  Rio  de  la  Plata  ; 
ikdrid,  Juan  Sanchez,  1639,  in-4°.  —  Mon- 
,a a  également  publié,  Calecismode  la  lingua 
arani;  1640,  in-8°.  Nous  pensons  que  le 
\soro  a  fourni,  en  1622,  un  abrégé  qu'on  a  im- 
f  mé  à  Santa-Maria,  in-4°.  F.  D. 

1  'ida  del  /tnt.  Ruiz  de  Montoya  y  del  padre  Joseph 
■ualbino;  Saragoça,  1622.  —  Ludwig,  The  Literature 
I  -imerican  aboriginal  Languages,  1838,  in-8°. 

MONTPENSIER    (  LOUIS    /«»"    DE     BOURBON  , 

fnte  de),  dauphin  d'Auvergne,  mort  en  mai 
f  J6.  Troisième  fils  de  Jean  Ier,  duc  de  Bour- 
L,  et  de  Marie  de  Berri,  il  devint  le  chef  de 
f  première  branche  des  Bourbon-Montpensier 
I  t  son  premier  mariage  avec  Jeanne ,  héritière 
1     dauphiné    d'Auvergne   (1428),  qui,  étant 

irte  sans  enfants  en  1436,  lui  légua  l'usufruit 
l  tous  ses  biens.  La  douceur  de  son  gouver- 
\  nent  lui  mérita  le  surnom  de  Bon.  En  1484 
'  conduisit  une  ambassade  à  Borne.  De  Ga- 
j  elle  de  La  Tour,  sa  seconde  femme,  il  eut  un 

.  et  deux  filles',  dont  l'aînée  épousa  Louis  II 
|  La  Trémoille. 

!  Silbert  de  Bourbon,  comte  de  Montpensier, 
f;  atné  du  précédent,  né  vers  1443,  mort  le 
octobre  1496,  à  Pouzzoles,  dans  le  royaume  de 
iples.  Comme  son  père,  il  resta  fidèle  à  Louis  XI 
'ns  ses  luttes  contre  l'aristocratie,  et  prit  part 

1471  à  l'invasion  des  États  du  duc  de  Bour- 
se. Après  avoir  assisté  au  sacre  de  Char- 
;  VIII,  il  servit  sous  les  ordres  de  Louis  de  La 

émoille  en  Bretagne,  se  distingua  à  la  ba- 
ille de  Saint-Aubin-du-Cormier  (1488),  et  passa 
|  1489  dans  le  Boussillon  pour  tenir  tête,  avec 
jielques  seigneurs  du  Languedoc  et  du  Dau- 
iuné,  aux  milices  que  Ferdinand  le  Catholique 
jsemblait  en  Catalogne.  En  1494  il  lit  partie  de 
expédition  d'Italie,  et  commanda  un  des  corps 
!' l'année  royale.  Lors  du  départ  de  Charles  VIII, 
;  demeura  à  Naples  avec  le  titre  de  vice-roi  (mai 
i95)  et  une  partie  des  troupes.  On  aurait  pu 
mettre  ce  commandement  entre  des  mains 
us  habiles  ;  «  Mgr  de  Montpensier,  dit  Com- 
ines,  était  bon  chevalier  et  hardi,  mais 
!u  sage.  »  Quand  on  le  vit  ainsi  isolé  et  dans 
mpossibilité  de  recevoir  aucun  secours  de  la 
!iance,  les  partisans  de  la  maison  d'Aragon, 
éprenant  courage,  s'unirent  aux  Espagnols  et 
ix  Siciliens  pour  mettre  le  feu  par  tout  le 
•yaume.  La  bataille  de  Seminara,  gagnée  par 
Aubigny  dans  les  Calabres,  ne  fit  qu'affaiblir 
s  Français.  Ferdinand  II,  quoique  battu ,  osa 
Marquer  près  de  Naples;  le  peuple  se  révolta,  lui 
mit  les  portes  de  la  ville,  et  Montpensier,  qui 
h  était  sorti  pour  combattre,  n'eut  que  le  temps 
p  se  jeter  avec  six  mille  soldats  dans  les  trois 
râteaux.  La  disette  de  vivres  et  surtout  de  four- 
jiges  le  força  d'entrer  en  accommodement  :  il 
îromit  de  se  rendre  s'il  n'était  pas  secouru  avant 


MONTPENSIER 


378 


un  mois.  Le  mois  s'écoula,  et,  au  lieu  de  tenir 
sa  parole,  il  s'échappa  de  nuit  du  Château-Neuf 
(novembre  1495)  et  se  prépara  à  soutenir  une 
autre  campagne.  A  la  tète  d'une  nouvelle  armée 
composée  en  grande  partie  d'aventuriers,  de  Gas- 
cons et  de  Suisses,  il  ravagea  la  Capilanate; 
mais,  au  moment  de  livrer  bataille,  il  eut  à 
compter  avec  les  Suisses ,  qui  réclamaient  leur 
solde;  ses  troupes  se  débandèrent  rapidement. 
Enfermé  dans  Atella  par  Ferdinand  II,  il  mit  bas 
les  armes  (20  juillet  1496),  et  s'engagea  à  rendre 
toutes  les  places  qui  appartenaient  aux  Français. 
Il  allait  s'embarquer  lorsqu 'atteint  ,des  fièvres 
pestilentielles  qui  avaient  emporté  presque  tous 
ses  compagnons  d'armes,  il  mourut,  dans  un  âge 
peu  avancé,  à  Pouzzoles.  Son  corps  fut  transporté 
dans  la  chapelle  de  Saint-Louis  d'Aigucperse, 
que  son  père  avait  fondée  et  dotée.  De  sa  femme, 
Claire  de  Gonzague ,  fille  de  Frédéric ,  marquis 
de  Mantoue,  Gilbert  eut  trois  fils,  dont  deux  lui 
succédèrent,  et  trois  filles;  la  seconde,  Renée, 
épousa  Antoine,  duc  de  Lorraine,  et  l'aînée, 
Louise,  épousa  le  prince  de  La  Boche-sur-Yon,. 
de  qui  descendit  la  seconde  branche  de  Bourbon- 
Montpensier. 

Louis  II  oe  Bourbon,  comte  de  Montpen- 
sier, fils  aîné  du  précédent,  né  en  1483,  mort 
le  14  ou  15  août  1501,  à  Naples.  Il  se  signala  au 
siège  de  Capoue,  et  succomba  à  une  fièvre  ar- 
dente sans  avoir  été  marié. 

Charles  de  Bourbon,  comte  de  Montpen- 
sier, frère  puîné  du  précédent.  Voy.  Bourbon 
(Connétable  de).  P.  L. 

Comines,  Mémoires.  —  Moréri,  Grand  Dict.  hist.,  II. 

MONTPENSIER    (  Louis    II    DE     BOURBON , 

comte,  puis  duc  de),  capitaine  français,  né  le 
10  juin  1513,  à  Moulins,  mort  le  23  septembre 
1582,  à  Champigny,  en  Tôuraine.  Par  son  père 
Louis  Ier,  prince  de  La-Boche-sur-Yon,  il  se 
rattachait  à  la  branche  des  Bourbon -Vendôme,  et 
par  sa  mère,  Louise,  il  était  neveu  du  connétable 
de  Bourbon  et  petit-fils  de  Gilbert  de  Montpen- 
sier. Le  roi  lui  restitua,  en  1538,  le  comté  de 
Montpensier  avec  quelques  seigneuries,  à  la  con- 
dition d'abandonner  toutes  prétentions  au  reste 
des  biens  de  la  maison  de  Bourbon,  qui  avaient 
fait  retour  à  la  couronne,  et  en  1539  il  fut  créé 
duc  et  pair.  Malgré  ses  belles  qualités,  il  fut  à 
peu  près  laissé  sans  emploi  sous  les  règnes  de 
François  Ier  et  de  Henri  11.  11  prit  part  comme 
volontaire  au  siège  de  Boulogne  ainsi  qu'à  la. 
bataille  de  Saint-Quentin,  où  il  demeura  prison- 
nier. Grâce  au  crédit  que  sa  femme  s'était  acquis 
sur  l'esprit  de  Catherine  de  Médicis ,  il  rentra 
en  possession,  par  provisions  du  27  novembre 
1560,  du  Beaujolais,  du  dauphiné  d'Auvergne 
et  de  la  terre  de  Dombes;  en  1561,  il  fut  pourvu 
du  gouvernement  général  de  la  Tôuraine,  de 
l'Anjou  et  du  Maine,  dont  il  se  démit  presque 
aussitôt  en  faveur  de  son  fils.  Après  s'être  montré 
favorable  à  la  réforme ,  il  fit ,  dès  la  première 
guerre,  oublier  sa  modération  passée  par  d'épou- 


379 

vantables  rigueurs.  «  Quand  il  prenait  les  héré- 
tiques par  composition,  dit  Brantôme,  il  ne  la 
leur  tenait  nullement,  disant  qu'à  un  hérétique 
on  n'était  point  obligé  de  garder  sa  foi.  »  Il  ré- 
duisit successivement  Blois,  Tours,  Angers, 
Bourges  et  Saintes,  mit  garnison  dans  La  Bo- 
chelle  et  s'empara  de  l'île  d'Oléron.  En  1568,  il 
commanda  l'armée  de  Guienne  et  du  Poitou ,  dé- 
fit à  Messignac  les  capitaines  de  Mouvans  et  de 
Gourdes,  et  joignit  ensuite  le  duc  d'Anjou.  A  Jar- 
nac  et  à  Montcontour,  il  commença  l'attaque,  et 
déploya  la  plus  grande  valeur.  A  la  fin  de  1569, 
il  se  démit  du  gouvernement  du  Dauphiné,  qu'il 
occupait  depuis  deux  ans  pour  prendre  posses- 
sion de' celui  de  Bretagne.  Mis  par  Charles  IX 
dans  le  .secret  du  massacre  de  la  Saint-Barthé- 
lemy,  il  se  mêla  aux  tueurs  avec  le  duc  de  Ne- 
vers,  son  gendre,  criant  partout  qu'il  fallait 
écraser  les  huguenots  jusqu'au  dernier.  De  1574 
à  1576 ,  il  opéra  encore  dans  le  Poitou  et  la 
Sâmtonge,  assista  à  la  première  assemblée  des 
états  de  Blois,  et  contribua  à  la  conclusion  de  la 
paix  donnée  en  1577  à  Poitiers.  Il  mourut  à 
l'âge  de  soixante-neuf  ans,  laissant  la  réputation 
d'un  des  plus  braves  capitaines  de  son  temps  et 
du  plus  riche  seigneur  du  royaume  après  en  avoir 
été,  dans  sa  jeunesse,  le  plus  pauvre.  Il  se  maria 
deux  fois,  et  eut  de  Jacqueline  de  Longwic,  fer- 
vente protestante,  morte  en  1 561 ,  un  fils  et 
quatre  filles,  entre  autres  Charlotte,  qui  épousa 
Guillaume,  comte  de  INassau.  Sa  seconde  femme, 
Catherine  de  Lorraine  (voy>.  ci-après),  ne  lui 
donna  point  de  postérité.  P.  L. 

De  Thou,  Hist.  —  Brantôme,  Capitaines  illustres.  — 
Moréri, •tGrand  IHct.  Hist.,  II.  —  Sismondi.,  Hist.  des 
Français,  XVIII  à  XX. 

montpensier  (  François  de  Bourbon,  duc 
de  ),  capitaine  français,  fils  aîné  de  Louis  II  et 
de  Jacqueline  de  Longwic,  né  en  1539,  mort  le 
4  juin  1592,  à  Lisieux.  Connu  d'abord  sous  le 
nom  de  prince  dauphin,  il  prit  à  la  mort  de 
son  père  (  1 582  )  le  titre  et  le  nom  de  due  dé 
Montpensier.  Après  s'être  signalé  aux  sièges 
de  Bouen  et  du  Havre,  il  fut  en  1565  pourvu 
du  gouvernement  général  de  Touraine ,  qui 
comprenait  alors  la  Touraine,,  l'Anjou,  le  Maine 
et  le  Perche.  Il  suivit  le  duc  d'Anjou  dans  la  se- 
conde guerre  contre  les  protestants,  et  se  trouva 
aux  batailles  de  Jarnac  et  de  Montcontour.  Du- 
rant la  troisième  il  obtint  le  commandement 
d'une  armée  (1574)  qu'il  conduisit  le  long  du 
Rhône,  reprit  la  plupart  des  places  du  Vivarais, 
assiégea  inutilement  Privas,  et  guerroya  dans  le 
Dauphiné  contre  le  brave  Montbrun.  Créé  che- 
valier  du  Saint-Esprit  (1579)  il  fut  envoyé  en 
ambassade  auprès  de  la  reine  Elisabeth  pour  ré- 
clamer son  concours  contre  la  Ligue.  En  1582,  il 
passa  en  Flandre  avec  le  titre  de  lieutenant  gé- 
néral, assista  à  la  déroute  d'Anvers  et  contribua 
à  rallier  l'armée  (  1583).  Sur  la  démission  du 
duc  d'Espernon,  il  reçut  le  gouvernement  de 
Normandie  (1588),  et  y  commanda  jusqu'à  sa 


MONTPENSIER  3 

mort.  Après  avoir  battu  le  comte  de  Briss 
qui  s'avançait  au  secours  de  Falaise  avec 
mille  soldats  et  un  grand  nombre  de  paysans 
mes,  il  reconnut  l'un  des  premiers  les  droits 
Henri  IV  à  la  couronne,  rejoignit  ce  princi 
Dieppe  et  lui  rendit  de  grands  services  a 
journées  d'Arqués  et  d'Ivry.  Il  soumit  enc< 
Avranches  et  prit  part  au  siège  de  Rouen. 
cite  le  duc  de  Montpensier  comme  un  prie 
généreux,  humain,  modeste  et  exact  à  remr. 
ses  promesses.  Lorsqu'on  lui  rappelait 
avantages  qu'il  avait  eus  à  la  guerre  :  «  Oui, 
sait-il,  mais  dans  d'autres  occasions  j'ai  corni 
des  fautes.  »  P.  L. 

Pinard,  Chronologie  militaire.  —  Anquetil,  HisU 
de  France,  V.  —  De  Courcelles,  Dict.  hist.  des  Génère 
français. 

montpensier  (  Henri  de  Bourbon,  c 
de),  fils  unique  du  précédent,  né  le  12  r 
1573,  à  Mézières  (Touraine),  mort  le  27  févr 
1608.  On  l'appela  jusqu'en  1592  le  prince. 
Bombes.  Pourvu  en  1588  du  gouvernement 
Dauphiné,  il  obtint  en  1592  le  gouvernement  l 
Normandie,  auquel  il  joignit  en  1593  celui 
Bretagne,  dont  il  se  démit  en  1598,  en  faveur 
jeune  duc  de  Vendôme.  De  1589  à  1593,  il  opi 
en  Bretagne  contre  les  ligueurs,  et  montra  p. 
de  bravoure  que  de  talents  militaires  ;  il  asa 
geait  Craon,  de  concert  avec  le  prince  de  Coi" 
lorsque,  surpris  par  Mercoeur,  il  fut  obligé 
battre  en  retraite  (24  mai  1592).  L'année  s' 
vante  il  se  rendit  en  Normandie  ,  et  fut  attei- 
au  siège  de  Dreux,  d'un  coup  de  mousquet  à 
mâchoire  inférieure.  Il  combattit  les  Espagn 
à  la  défense  de  Calais  ainsi  qu'au  siège  d' 
miens  (  1596),  et  suivit  le  roi  dans  la  conqu 
de  la  Bresse  et  de  la  Savoie  (  1600).  D'un  i 
prit  faible  et  borné,  il  s'était  laissé  séduire  \ 
les  seigneurs,  qui  avaient  comploté  de  fa 
ériger  leurs  gouvernements  en  fiefs  héréditaire 
il  soumit  cette  proposition  à  Henri  IV,  qui,  api| 
l'avoir  écouté  patiemment, lui  dit:  «Mon  cous 
je  crois  que  quelque  esprit  malin  a  charmé I 
vôtre  ou  que  vous  n'êtes  pas  en  votre  bon  sén 
de  me  tenir  des  discours  si  indignes  d'un  bonso 
et  d'un  prince  démon  sang.  »  A  quelque  temps  I 
là  le  duc  de  Montpensier  se  trouvait  compron^ 
dans  la  conspiration  de  Biron.  Il  y  avait  de 
ans  qu'il  ne  vivait  plus  que  de  lait  de  fèmn 
lorsqu'il  mourut  jeune  encore.  En  lui  s'éteig 
la  branche  des  Bourbons-Montpensier.  Il  av' 
épousé  Henriette-Catherine  de  Joyeuse.  Le 
fille  unique,  Marie,  née  le  15  octobre  16( 
épousa,  en  1626,  Gaston,  duc  d'Orléans,  frère 
Louis  XIII,  et  mourut  en  couches  à  Paris, 
4  juin  1627.  P.  L. 

Sully,  Économies  royales.'-  Palma  Cayet,  Chronolog 
montpensier  (  Catherine-Marie  de.Lo 
raine,  duchesse  de),  fille  du  duc  de  Guise; 
sassiné  devant  Orléans,  et  sœur  du  duc 
Guise  assassiné  à  Blois,  née  le  18  juillet  15£ 
morte  le  6  mai  1596.  Elle  fut  mariée  en  févr 


s. 

»7o,  à  Louis  de  Bourbon,  duc  de  Montpensier. 
n  ne  peut  douter  qu'elle  ne  s'associât  aux  in- 
igues  de  ses  frères  contre  le  roi  de  France  et 
enri  de  Navarre;  mais  elle  ne  commença  à 
uer  un  rôle  important,  dans  la  Ligue,  que  lorsq- 
ue la  rupture  entre  le  duc  de  Guise  et  Henri  III 
if  devenue  complète  vers  la  fin  de  1587.  En 
îbsence  duduc  de  GUise,  qui  poursuivait  les 
jbris  des  bandes  allemandes',  la  duchesse  en* 
etint  l'ardenr  du  parti  catholique.  Le  parti 
>yaliste  se  vengea  par  des  plaisanteries  sur  la 
flbrniité  de  la  duchesse,  qui  était  boiteuse,  et 
irRes  mœurs,  qui  ne  passaient  pas  pour  irré- 
rochables  (1).  Au  mois  de  janvier  1588, 
enri'  111 ,  irrité  et  effrayé'  de  ses  menées  séàU 
Buses  avec  les  prédicateurs  les  plus  violents1, 
bûcher,  Eincestre ,  Aubeli ,  lui  ordonna1  de 
nitter  Paris  ;  «  dont  toutefois  elle  ne  fist  rien, 
èttestant* exemptée  par  ses  menées  et  rases- or- 
inaires  ;  aïânt  esté  si  impudente  et  eshontée  que 
'avoir  dit  à  trois  jours  de  là,  qu'elle'  portoitià  sa 
ïittture  Iesdzeaux  quidonneroient'latroisiesme 
Mironne  à  frère  Henri  dè.Valois-j  «-Cette  troi- 
ème  couronne  que  la1  sœur  deGuiseréservait 
celui  qui  avait  porté  la  couronnede  Pologne  et 
ul  portait  celle  devance;  c'érait»  la  tonsure  de 
lofne.  La  duchesse  continuaidonc  de  pousser  la 
opulationde  Paris  à  lai  révolte  et  deréunir;  dans 
«maison1  les 'chefs  de  la  Liguei  La  journée  des 
arrlcades,  préparée  par  eliey  acheva*  d'anéantir 
autorité  royale  dans;  Paris.  Henri  IHy  forcé,  de 
ultter  la  capitale,  se  vengeai  «n  faisants  assas- 
iner  à  Blols  hVducdeGuise  et  son  frère  le  oar- 
taal'  de  Guise  (décembre  1588).  La  duchesse, 
e  se  laissant  pas1  abattre  par  ce  coup-terrible, 
tHfr  chercher  en  Bourgogne  son;  autre  frèfle 
layenne,  qui  Hésitait  à'  se  mettre  à  la.'tête  du 
tiniivement  ligueur,  et  l'amena  à;  Paris»  Cette 
Nllè»  fut  assiégée  peu  après- par  les  deux,  rois 
le  France  et'  de  Navarre  ;  elle  allait  succomber 
orsque1  Henri  III  fut  assassinépar  Jacques*  dé- 
tient. En  apprenant  ce  crime,  dans  la  matinée 
'In  2  août  1689;,  la- duchesse  de  Montpensier 
f 'écria-.  •<  Je  ne  snisi  marrie  que  d'une  chose, 
[l'est  qu'il  n'ait  pas  su  avant.de  mourir  que  c'é- 
!»itmoi  qui  l'avoit  fait  faire.  »  Elle  prit  la  du - 
•hessede  Nemours,  saimère,  dans  sa  voiture,  et 
i>arcouranti  le»  rues  de  Paris,  partout  où  elle 
royait  des  bourgeois  assemblés  elle  leur  criait  : 
<  Bonne  nouvelle,  mes  amis,  bonne  nouvelle! 
je  tyran  est  mort»  »  Ces  paroles  ont  fait  sup- 
poser que  la  duchesse  avait  été  l'instigatrice  du 
|>H*e  de  Jacques-Clément;  mais* ce  point,  pro- 
ondément  obscur  pour  les  contemporains,  n'a 
'té  éclairci  depuis  par  aucune  révélation'  histo- 
•iqne.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  M**'  de  Mont- 
>ensier  poussa  son  frère  Mayenne:  à  se  faire 


i  (i)  Benucoop  dé'  ces  plaisanteries* ont  été  recueillies 
i>ar  L'Kstolle,  qui  a  donné  un.  pamphlet,  intitulé  Biblio- 
fhèqw  de  madame  de  Montpensier,  mise  en  lumière 
\>ar  l'avis  de  Cornac,  avec  le  consentement  du  sieur  de 
}1e*uHeu,tone$cuier. 


MONTPENSIKR  382 

proclamer  roi.  Mayennehésita  et  laissa  échappei 
une  chance  que  sa  sœur,  plus  audacieuse  et 
peut-être  plus  habile,  le  pressait  de  saisir.  Après 
une  lutte,  dont  les  principaux  incidents  ont  été 
racontés  aux  articles  Henri  IV  et  Mayenne,  et 
dans  laquelle  M1*8  de  Montpensier  joua  un  rôle 
bruyant,  quelquefois  embarrassant  pour  son 
frère,  plus  modéré,  Henri  IV  entra  dans  Paris  le 
22  mars  1594,  au  grand  désespoir  de  la  duchesse. 
Cependant,  elle  comprit  que  le  seul  parti  qui  lui 
restât  était  de  se  réconcilier  avec  la  cause  vic- 
torieuse et  avec  un  prince  qui  n'abusait  pas  de 
la  victoire:  «  Ce  jour  (24  mars),  dit  L'Estoile, 
le  roi  vint  voir  madame  de  Nemours,  avec  la- 
quelle madame  de  Montpensier  estoit.  Il  leur 
demanda;  entre  autres  propos,,  si  elles  estoient 
point  bien  estonnées  de  le  voir  à  Paris,  et  en- 
core plus  de  cequ'on  n'y  avoit  volé  ni  pillé  per- 
sonne, ni  fait  tort  à  homme  du  monde....  Et  se 
tournant  vers  M™  de  Montpensier,  lui  dit  : 
Qnedites-vous  de  celav  ma  cousine?  —  Sire, 
lui  répondit-elle;  nous  n'en:  pouvons  dire  autre 
chose,  si  non  que  vousestes  un  très-grand  roy, 
très;bening^  très  clément  et  trèsfgénéreuxi  »  Le 
roi  eu  souriant  lui  demanda»  si  elle  ne  voulait 
pas  faire  sa  paix  avec  Brissae(qui  avait  ou- 
vert les  portes- de' Paris  à  Henri  IV).  «  Sire, 
dit-elle,  elle  est  toute  faite,  puisqu'il  vous 
plaist.  Une  chose'  eusséje  seulement  désirée  en 
la  réduction  devostre  ville  de  Paris-  :  c'est  que 
M.  dfe:  Màienne;. mou  frère,  vous  eust  abaissé  le 
pont  pour  y  entrer.  —  Ventre-saint-gris ,  res- 
pOnditUe  roi;  il  mJeust  fait,  possible  attendre 
longtemps;  je  n'y  fusse  pas  arrivé  si  matin.  » 
Ba  bonté  du  roi'  ne  rassurait  pas  complètement 
lâduchesseisur  le* conséquences  de  3a  conduite 
lors!  de  l'assassinat!  d^HenrMMi;  le  parlement 
menaçait  de  faire  une  enquête  sur  les  auteurs  de 
ce  crime  et  de  remonterjusqu'auxpersonnes  les 
plu&éminentes-i  Enfin,  dans  Jetraitéavec  Mayenne 
Henri  IV  inséra  une  clause  qui  mettait  expres- 
sément les  princes  et;  princesses  ide  la  maison  de 
Lorraine  h  l'abri  des  poursuites  judiciaires.  La 
duchesse  de-  Montpensier  ne'  profita*  pas  long- 
temps de  cette-  garantie  ;  elle  mourut  le  6  mai 
suivant  (1),  laissant,  une  réputation  douteuse, 
que  le  parti  triomphant  noircit  par  la  plume  de 
ses:  écrivains  les  plus  mordants  et  que:  le  parti 
vaincu  ne  défendit  pas»  N. 

L'Estoile,  Journal.'  —  De  Thtfu,  Historia. sui  tem- 
poris,  et  les  sources  indiquées  aux  articles  Henri  de 
Guise  et  Mayenne. 

montpensier  (  Aiine- Mûrie- Louise  d'Or- 
léans, duchesse  de),  connue  souS  le  nom  de 
Mademoiselle  et  de  la  Grande  Mademoiselle, 
fille  de  Gaston  d'Orléans,  frère  de  Louis  XIII  et 

(1)  «  Le  lundi  6,  dit  L'Estoile,  mourust,  à  une  heure 
après  minuict,  madame  de  Montpensier,  en  sa  maison  de 
la  rue  des  Bourdonnols,  à  Paris,  d'un  grand  flux  de 
sang  qui  lui  coulolt  de  tous  les  endroits  de  son  corps, 
qui  estoit  une  mort' fort  rapportante  à  sa  vie,  aussi  bien 
que  le  grand  tonnerre  et  tempesle  qui  fist  ceste  nnict 
aux  tempestueuses  humeurs  de  son  esprit,  malin,  brouil- 
lon1 et  tempestueux.  » 


383 

de  Marie  de  Bourbon,  héritière  de  la  maison  de 
Montpensier,  née  à  Paris,  le  29  mai  1627,  morte 
à  Paris,  le  5  avril  1693.  Elle  fut  tenue  sur  les 
fonts  baptismaux  par  la  reine  Anne  d'Autriche 
et  par  le  cardinal  de  Richelieu.  Cinq  jours  après 
sa  naissance,  elle  perdit  sa  mère,  et  resta  une 
riche  héritière.  Ce  point  mérite  d'être  signalé, 
car  il  eut  beaucoup  d'influence  sur  ses  idées. 
Mlle  de  Montpensier  fut  en  naissant  le  plus  riche 
parti  de  l'Europe,  et  eut  dès  l'enfance  le  rôle 
de  demoiselle  à  marier.  Son  père  la  des- 
tinait au  comte  de  Soissons,  prince  du  sang 
royal,  qui  fut  tué  à  la  bataille  de  La  Marfée. 
Mais  la  princesse,  âgée  de  onze, ans,  avait  de 
plus  hautes  prétentions;  elle  pensait  au  dauphin, 
(depuis  Louis  XIV),  qui  venait  de  naître.  «  Je 
l'alîois  voir  tous  les  jours,  dit-elle,  et  je  l'ap- 
pelois  mon  petit  mari  ;  le  roi  s'en  divertissoit  et 
trouvoit  bon  tout  ce  que  je  faisois.  Le  cardinal 
de  Richelieu,  qui  ne  vouloitpas  que  je  m'y  accou- 
tumasse ni  qu'on  s'accoutumât  à  moi,  me  fit  or- 
donner de  retourner  à  Paris.  »  Elle  quitta  donc 
Saint-Germain,  où  résidait  la  cour,  et  alla  s'établir 
aux.  Tuileries.  La  reine,  pour  la  consoler,  lui  dit  : 
«  Mon  fils  est  trop  petit,  tu  épouseras  mon 
frère.  »  Elle  parlait  du  cardinal  infant,  gouver- 
neur des  Pays-Bas,  lequel  mourut  en  1641,  vers 
le  même  temps  à  peu  près  que  le  comte  de 
Soissons.  Quelques  années  plus  tard  ,  après  la 
mort  de  Richelieu  et  de  Louis  XIII,  deux 
grands  princes,  le  roi  d'Espagne  Philippe  IV 
et  l'empereur  Ferdinand  III,  se  trouvant  veufs, 
Mademoiselle  pensa  que  l'un  d'eux  serait  un 
bon  parti,  et  elle  s'arrêta  à  l'idée  d'épouser 
Ferdinand.  C'est  elle  qui  raconte,  dans  ses 
véridiques  Mémoires,  tous  ces  projets  en  l'air; 
elle  ajoute  qu'ayant  alors  dans  l'esprit  de  deve- 
nir impératrice,  elle  prenait  en  pitié  le  prince 
de  Galles  (fils  de  Charles  Ier),  qui  recherchait 
sa  main.  Le  mariage  avec  l'empereur  ne  se  fit 
pas,  et  la  princesse  attribua  l'insuccès  de  cette 
négociation  à  l'abbé  de  La  Rivière,  confident 
de  son  père,  et  surfout  au  cardinal  de  Ma- 
zarin.  Elle  fut  saisie  de  colère  contre  la  cour, 
et  «  c'étoit,  dit-elle,  un  ressentiment  qui  me  fai- 
soit  d'autant  plus  de  peine  que  je  n'avois  pas 
moyen  d'en  donner  des  effets  ».  La  Fronde  lui 
fournit  bientôt  l'occasion  de  montrer  son  ressen- 
timent; la  jeune  princesse  ne  la  laissa  pas  échap- 
per. Lorsque  la  reine  et  la  cour  quittèrent  Paris 
pour  Saint-Germain,  dans  la  nuit  du  6  janvier 
1649,  elle  les  accompagna  par  convenance, 
mais  ses  vœux  étaient  pour  l'autre  parti.  «  J'é- 
tois  toute  troublée  de  joie,  dit-elle,  de  voir  qu'ils 
alloient  faire  une  faute,  et  d'être  spectatrice 
des  misères  qu'elle  leur  causeroit  :  cela  me 
vengeroit  un  peu  des  persécutions  que  j'avois 
souffertes.  <• 

La  première  Fronde  dura  peu  de  temps,  et 
Mademoiselle,  qui  ne  se  trouvait  pas  assez  vengée, 
vit  avec  un  plaisir  qu'elle  ne  cache  pas  recom- 
mencer les  troubles.  Cœur  vaillant,  tête  roma- 


MONTPENSIER  31 

nesque  et  légère,  elle  eut  son  rôle  brillant  et  pr 
sager,  et  à  la  manière  dont  elle  raconte  ses  ave 
tures,  on  voit  bien  qu'elle  ne  se  repentait  point 
sa  conduite.  Pour  enlever  à  la  cause  royale 
ville  d  Orléans,  qui  faisait  partie  de  l'apanage 
son  père,  elle  eut  la  hardiesse  d'aller  en  person  ■ 
dans  cette  ville.  Elle  partit,  presque  seule,  a\ 
Mme*  de  Fiesque  et  de  Frontenac,  que  l'on  apr. 
lait  ses  maréchales  de  camp.  Un  de  ses  amis, 
marquis  de  Vilaines,  qui  passait  pour  grand  ; 
trologue,  lui  prédit  qu'elle  ferait  quelque  chc 
d'extraordinaire  le  27  mars  (  1626);  elle  nota 
prédiction  sur  son  agenda,  et  marcha  en  avi 
avec  confiance.  Dans  les  plaines  de  la  Beaui 
elle  s'habilla  en  amazone,  monta  à  cheval  et 
mit  à  la  tête  des  troupes  de  la  Fronde  < 
étaient  dans  les  environs.  Elle  trouva  les  pon 
d'Orléans  fermées,  mais  ses  partisans  brisèn 
une  poterne  qui  donnait  sur  la  Loire ,  et  inti 
duisirent  la  princesse  au  moyen  de  deux  1 
teaux  et  d'une  échelle  assez  haute.  «  Je  ne  nu 
quai  pas  le  nombre  des  échelons,  dit-elle,  je  i 
souviens  seulement  qu'il  y  en  eut  un  rompu 
qui  m'incommoda  à  monter.  Rien  ne  me  coût 
alors  pour  l'exécution  d'une  circonstance  avs 
tageuse  à  mon  parti,  et  que  je  pensois  l'éi 
fort  pour  moi.  »  Elle  pensait  en  effet  se  ren< 
assez  redoutable  pour  que  son  mariage  avec 
roi  fût  une  des  conditions  de  la  paix.  Com« 
que  naguère  elle  haïssait  avec  peu  de  motifs, 
que  maintenant  elle  admirait  sans  mesure,  l'i 
tretenait  dans  cette  idée.  En  attendant,  elle  joi 
sait  avec  délices  de  son  importance  et  de 
popularité.  Son  retour  à  Paris  fut  encore 
triomphe,  mais  ce  fut  le  dernier.  Les  affaires 
la  Fronde  déclinaient.  Le  2  juillet  Condé,  se> 
de  près   par  Turenne,  livra  bataille  sous 
murs  de  Paris ,  dans  le  faubourg  Saint-Antoii 
il  allait  être  écrasé  si  Mademoiselle  n'avait  ; 
raché  aux  magistrats  de  Paris  l'ordre  d'ouv») 
la  porte  Saint- Antoine  à  l'armée   vaincue,  ! 
n'eût  fait  tirer  le  canon  de  la  Bastille  ptj 
protéger  la  retraite  de  Condé.  Ce  hardi  coi 
de  tête  prolongea  de  quelques  mois  l'existeii 
de  la  ligue.  Mazarin  et  plus  tard  Louis  XIV  i 
l'oublièrent  pas.  Deux  jours  après  cette  affa, 
du  faubourg  Saint- Antoine,  elle  donna  une  no  j 
velle  preuve  de  courage  et  d'humanité.  Com 
pour  décider  les  magistrats  de  Paris  à  sortir  : 
la  neutralité,  avait  ameuté  contre  eux  la  pop 
lace.  Le  4  juillet  au  soir,  des  massacres,  qi 
Condé  dirigeait  sous  main  et  que  Gaston 
chercha  pas  à  empêcher,  eurent  lieu  à  l'hô4 
de  ville.  Mademoiselle,  accompagnée  de  qu 
ques  dames,  eut  le  courage  de  se  jeter  au  n  ! 
lieu  de  l'émeute  pour  protéger  les  magistra 
N'ayant  pu  d'abord  s'avancer  plus  loin  que 
pont  Notre-Dame,  elle  y  retourna  la  nuit,  j 
nétra  dans  l'hôtel  de  ville ,  et  parvint  à  sam 
le  prévôt  des  marchands,  Lefèvre,  royaliste  i 
dent.  Ces  convulsions  sanglantes  hâtèrent  la 
de  la  Fronde.  Condé  quitta  Paris  le  13octobi 


85 


Louis  XIV  y  rentra  le  21.  Là  veille  Gaston 
J.aii.  reçu  l'ordre  fie  ne  pas  rester,  dans  la  ca- 
tale.  Quant  à  Mademoiselle,   on  lui  signifia 
mplcment   de   quitter   les  Tuileries  ;    mais , 
oyant  sa  liberté  menacée,  repoussée  par  son 
;re,  qui  ne  la  voulait  pas  près  de  lui,  elle  s'en- 
it  «u  hasard  et  avec  une  suite  peu  nombreuse. 
iîs  incidents  du  voyage  ne  l'ennuyèrent  point, 
ir  en  les  racontant  elle  ne  manque  pas  d'a- 
juter  :  «  Cette  plaisanterie  nous  réjouit  quel- 
les jours;...  cette  aventure  nous  réjouit  fort.  » 
ile  se  retira  dans  sa  terre  de  Saint-Fargeau, 
1  elle  passa  près  de  cinq  ans,  soupirant  après 
cour,  s'appliquant  à  ses  affaires,  et  écrivant  ses 
émoires,  pour  se  distraire.  Enfin,  en  1657,  elle 
i  )tint  la  permission  de  paraître  à  la  cour  qui  se 
jouvait  alors  à  Sedan.  Le  cardinal  se  montra  pour 
le  plein  d-'égards  et  de  bonhomie.  Leur  première 
.itrcvue  flit  une  excellente  scène  de  comédie, 
,  l'il  faut  lire  dans  les  Mémoires.  La  reine  eut 
,  oins  d'aménité.  «  Voici,  dit-elle  en  présentant 
princesse  au  roi,  voici  une  demoiselle  qui  est 
•en  fâchée  d'avoir  été  méchante,  elle  sera  bien 
âge  à  l'avenir.  »  Le  roi  fut  convenable,  et  dit 
l'il  fallait  tout  oublier  ;  mais  il  n'oublia  pas  le 
mon  de  la  Bastille.  A  trente  ans  passés,  Ma- 
Lmoiselle,    toujours  très-considérée   pour   sa 
ï  I  lissance  et  sa  fortune,  ne  pouvait  jouer  qu'un 
;  iile  un  peu  effacédans  une  cour  où  un  jeune 
ni  recherchait  la  jeunesse.   Elle  s'amusait  à 
f :rire  ;   mais   ce  /n'était  gpas  assez  pour  l'oc- 
iiper.  Elle  Songeait  à  tant  de  mariages  projetés 
;  manques,  et  trouvait  raisonnable  de  rester 
|  !  ans  son  état  indépendant  de  grande  princesse 
ibreavec  500,000  livres  de  rente.  Elle  comp- 
rit sans  la  passion  imprévue  qui  la  dominait  pour 
f.  de  Lauzun,  capitaine  des  gardes  du  corps  et 
ivori  du  roi.  On  voit  par  les  Mémoires  de 
fademoiselle  qu'elle  l'avait  remarqué  dès  1659, 
liais  ce  fut  dix   ans  plus  tard  et  lorsqu'elle- 
jnême  en  avait  quarante-deux,  qu'elle  se  mit  à 
uimer  passionnément  ;  et  comme  elle  ne  sépa- 
rait pas  l'idée  d'amour  de  l'idée  de  mariage,  elle 
îsolut,  après  une  longue  lutte  contre  elle-même, 
[Ile  résolut ;donc,  elle  «  Mademoiselle,  petite-fille 
i  e  Henri  IV,  Mademoiselle  d'Eu,  Mademoiselle 
e  Dombes,  Mademoiselle  d'Orléans,  Mademoi- 
elle  cousine  germaine  du  roi,  Mademoiselle 
(  estinée  au  trône,  Mademoiselle,  le  seul  parti  de 
rance  qui  fût  digne  de  Monsieur  »,   de  de- 
mander au  roi  la  permission   d'épouser  un  ca- 
j  et  de  Gascogne.  Le  roi,  à  la  suite  d'une  dé- 
marche collective  de  plusieurs  nobles,  amis  de 
.auzun ,  M.  de  Montausier  en  tête,  accorda  la 
émission.  Le  mariage  fut  déclaré,  le  15  dé- 
embre  1670.  Malgré  les  conseils  pressants  de 
[i.  de  Montausier,  Lauzun  eut  l'imprudence  de 
(émettre  à  quelques  jours  la  célébration  de  ce 
.nariage,  et  dans  l'intervalle,'  Louis  XIV,  sur  les 
nstances  de  Monsieur  et  de  Condé ,  retira  sa 
'ermission,  le  18   décembre.   La  duchesse  de 
'lonjpensier  ressentit  un  désespoir  qu'elle  té- 

NODV.    BIOGR.    GÉNÉR.   —   T.   XXXVI. 


MOJNTPENSIER  ■  380 

moigna  naïvement.  «  Suivant  son  humeur,  dit 
Mme  de  Sévigné,  elle  éclata  en  pleurs,  en  cris, 
en  douleurs  violentes,  en  plaintes  excessives,  et 
tout  le  jour  elle  a  gardé  son  lit  sans  rien  avaler 
que  des  bouillons.  »  Mmc  de  Caylus  raconte 
«  qu'elle  se  mit  au  lit,  et  reçut  des  visites  comme 
une  veuve  désolée,  et  j'ai  ouï  dire  à  madame 
de  Maintenon  qu'elle  s'écrioit  dans  son  déses- 
poir :  Il  serait  là  !  —  Il  serait  là  !  —  C'est-à-dire,  il 
serait  dans  mon  lit;  —  car  elle  montrait  la  place 
vide.  »  Cette  désolation  s'accrut  encore  l'année 
suivante  quand  Lauzun  fut  arrêté  le  25  no- 
vembre 1671,  et  conduit  à  la  Bastille,  puis  à  Pi- 
gnerol.  Elle  n'eut  qu'une  idée,  obtenir  la  liberté 
de  Lauzun;  elle  l'obtint  en  effet,  au  bout  de 
dix  ans  de  sollicitations,  mais  elle  la  paya  cher; 
elle  dut  donner  au  duc  du  Maine,  fils  de 
Louis  XIV  et  de  Mme  de  Montespan ,  le  comté 
d'Eu,  le  duché  d'Aumale  et  la  principauté  de 
Dombes.  A  ce  prix  Lauzun  sortit  de  prison,  mais 
il  ne  fut  pas  permis  à  Mademoiselle  de  l'épouser 
publiquement.  Il  paraît  qu'il  y  eut  entre  eux  un 
mariage  secret;  il  se  peut  aussi  que  le  mariage 
remontât  à  1671.  Tout  est  douteux  à  ce  sujet; 
ce  qui  est  certain,  c'est  que  Lauzun,  déçu  dans 
son  espoir  d'une  magnifique  alliance,  se  jugeant 
dépouillé  par  la  donation  de  la  princesse,  et  se 
trouvant  après  dix  ans  de  captivité  en  présence 
d'une  femme  de  cinquante-quatre  ans,  ne  lui 
témoigna  ni  tendresse  ni  égards.  Après  quelque 
temps  de  relations  de  plus  en  plus  orageuses,  ils 
se  séparèrent  pour  toujours.  Lauzun  plus  d'une 
fois  essaya  de  se  rapprocher;  mais  Mademoi- 
selle ne  lui  pardonna  pas,  et  mourut  sans  avoir 
consenti  à  le  revoir.  Ses  obsèques,  célébrées  avec 
magnificence,  furent  troublées  par  un  singulier 
accident.  Ses  entrailles,  mal  embaumées,  fermen- 
tèrent, et  au  milieu  de  la  cérémonie  firent 
éclater  l'urne  qui  les  contenait  avec  un  bruit 
épouvantable.  «  A  l'instant ,  dit  Saint-Simon , 
voilà  les  dames  les  unes  pâmées  d'effroi,  les 
autres  en  fuite.  Les  hérauts  d'armes,  les  Feuil- 
lants qui  psalmodiaient,  s'étouffaient  aux  portes 
avec  la  foule  qui  gagnoit  au  pied.  La  confusion 
fut  extrême.  » 

Mademoiselle  aimait  à  faire  des  portraits  ;  elle 
a  fait  le  sien  ;  en  voici  quelques  passages  : 


Je  suis  grande,  ni  grasse  ni  maigre ,  d'une  taille 
fort  belle  et  fort  aisée.  J'ai  bonne  mine  ;  la  gorge 
assez  bien  faite  ;  les  bras  et  les  mains  pas  beaux , 
mais  la  peau  belle  ainsi  que  la  gorge.  J'ai  la  jambe 
droite  et  le  pied  bien  fait  ;  mes  cheveux  sont  blonds 
et  d'un  beau  cendré  ;  mon  visage  est  long ,  le  tour 
en  est  beau  ;  le  nez  grand  et  aquilin  ;  la  bou- 
che ni  grande  ni  petite,  mais  façonnée  et  d'une 
manière  fort  agréable;  les  lèvres  vermeilles;  les 
dents  point  belles,  mais  pas  horribles  aussi;  mes 
yeux  sont  bleus,  ni  grands  ni  petits,  mais  bril- 
lants,  doux  et  fiers  comme  ma  mine.  Je  parle 
beaucoup,  sans  dire  des  sottises  ni  de  mauvais 
mots....  Je  suis  fort  méchante  ennemie,  étant  fort 
colère  et  fort  emportée  ;  et  cela  joint  à  ce  que  je 
suis   née  peut  bien  faire   trembler  mes   ennemis 

i  13 


387 

mais  aussi  j'ai  l'âme  noble  et  bonne.  Je  suis  in- 
capable de  toute  action  basse  et  noire  ;  ainsi  je 
suis  plus  propre  à  faire  miséricorde  que  justice. 
Je  suis  mélancolique  ;  j'aime  à  lire  les  livres  bons 
et  solides;  les  bagatelles  m'ennuient,  hors  les  vers; 
je  les  aime,  de  quelque  nature  qu'ils  soient,  et  as- 
surément je  juge  aussi  bien  de  ces  choses-là  que  si 
j'étais  savante.  » 

Mademoiselle  laissa  des  Mémoires,  admira- 
bles de  sincérité  en  ce  qui  la  touche,  pleins  de 
franchise,  sans  dénigrement  à  l'égard  des  autres. 
Le  style  en   est  peu  correct ,  quoiqu'il  ait   été 
revu,  du  moins  pour  les  premières  parties,  par 
Segrais,  secrétaire  de  la  duchesse,  mais  la  lec- 
ture en  est  agréable  et  instructive.  La  Biblio- 
thèque impériale  possède  trois  manuscrits  de 
cet  ouvrage  ;   le  premier,   qui  est  autographe , 
manque  des  quatre-vingt-deux  premiers  feuillets 
et  d'une  partie  de  la  relation  du  combat  livré  au 
faubourg  Saint- Antoine.  Les  deux  autres  manus- 
crits présentent  les  mêmes  lacunes  ainsi  que  la 
première   édition;    Amsterdam,    1729.  La    se- 
conde édition,  Amsterdam,   1735,  faite  sur  un 
manuscrit   que   Mademoiselle   avait  donné   au 
président  de  Harlay,  est  beaucoup  plus  com- 
plète, et  a  servi  de  base  aux  autres  éditions; 
elle  laisse  à  désirer  pour  la  correction,  et  n'a 
été  que  faiblement  améliorée  dans  les  éditions 
d'Amsterdam,  1746,  S  vol.  in-12;  de  Maestricht, 
1776,  8  vol.  in-12;  de  Petitot,  XLe  à  XLIIIe 
vol.  de  sa  collection  ;  de  Michaud-,  dans  sa  nou- 
velle Collection  de  Mémoires.  M.  Chéruel  en  a 
donné  une  nouvelle  édition,  corrigée  sur  le  ma- 
nuscrit autographe;  Paris,  1858,  4  vol.  in-12. 
On  a  encore  de  Mademoiselle   :  Divers  Por- 
traits, la  Relation   de    l'isle   Invisible,  et 
Y  Histoire  de   la  princesse  de  Paphlagonie, 
imprimés  en  1659.  Ces  Portraits  et  ces  deux 
nouvelles  ont  été  réimprimés  dans  les  différentes 
éditions  in-12  des  Mémoires,  avec  la  clef  tirée 
des  mémoires  inédits  de  Segrais.  On  a  joint  aux 
mêmes   éditions,    Les  Amours  de  Mademoi- 
selle et  de  M.   de  Lauzun,  roman  indigne  de 
confiance.  *»•  A- 

Le  cardinal  de  Retz,  Mémoires  (1).  -  Mme  de  Sévi- 
gné,  Lettres  —  Mme  de  Caylus,  Souvenirs.  —  Dangeau, 
'journal.  —  Saint-Simon,  Mémoires.  —  Voltaire,  Siècle 
de  Louis  Xlr.  —  Anquetil,  Louis  XIV  et  sa  cour.  — 
Sainte-Beuve,  Causeries  du  lundi,  t.  III.  —  Monty,  dans 
la  Revue  Contemp.,  30  avril  185S. 

montpensieb  (Antoine-Philippe  d'Or- 
léans, duc  de),  second  fils  de  Louis-Philippe- 
Joseph,  duc  d'Orléans,  et  de  Louise-Marie- Adé- 
laïde de  Bourbon-Penthièvre ,  né  le  3  juillet 
1775 ,  mort  le  18  mai  1807,  à  Twickenham , 
près  Londres.  Élevé,  ainsi  que  ses  frères  et 
sœurs,  par  Mme  de  Genlis,  il  manifesta  de  bonne 
heure  du  goût  pour  les  arts.  A  l'époque  de  la 
révolution  il  entra,  comme  sous-lieutenant,  au 
14e  de  dragons  ,  dont  son  frère  aîné,  le  duc  de 


MONTPENSIEK  3f 

Chartres,  était  colonel,  accompagna  ce  demi 

à  l'armée  du  nord  et  lui  fut  attaché  en  1792 1 

qualité  d'aide-de-camp.  Sa  conduite  à  Valmy  I 

valut  une  citation  honorable  dans  le  rapport  ( 

général  Kellermann  (1).  Devenu  lieutenant-coloE 

et  adjudant-général ,  il  se  signala  de  nouveau  à 

bataille  de  Jemmapes.  Dans  le  courant  de  l'hivf 

il  passa  à  l'armée  d'Italie ,  qui  se  trouvait  alo 

sous  les  ordres  de  Biron.  Par  suite  de  la  défc 

tion  du  duc  de  Chartres,  il  se  trouva  bientôt  e 

veloppé  dans  le  décret  qui  privait  de  leur  libei 

tous  les  membres  de  la  famille  des  Bourbor 

Arrêté  le  8  avril  1793,  à  Nice ,  il  prit  la  rot 

de  Paris,  sous   la  garde  d'un  officier  de  g€ 

darmerie  ;  mais  on  le  reconnut  à  Aix,  et,  fort 

de  rebrousser  chemin,  il  fut  amené  à  Marsei 

et  enfermé  dans  un  des  cachots  du  Palais.  Trai 

féré  au  bout  de  quinze  jours  au  fort  de  Noti 

Dame-de-la-Garde,  puis  au  fort  Saint- Jean  , 

fut  d'abord  traité  avec  beaucoup  de  rigueur  ; 

surveillance  se  relâcha  peu  à  peu  :  on  lui  p« 

mit  d'avoir  des  livres,  des  crayons,  des  fleui 

une  table  assez   bien  approvisionnée;  on 

laissa  son  valet  de  chambre,  Gamache.  Il  lis; 

d'ordinaire  toute  la  journée;  le  soir  il  jouait 

piquet  deux  ou  trois  heures,  puis  il  se  coucha 

et  restait  au  lit  aussi  longtemps  que  possib 

D'un  caractère  bouillant  et  fier,  il  s'accomni 

dait  mal  des  habitudes   républicaines,  et  sw 

portait  avec  impatience  les  vexations  puériles 

parfois  cruelles  auxquelles  l'exposait  la  grc 

sièreté  de  ses  gardiens.  Quoiqu'il  fût  peu  r< 

sure  sur  le  sort  qui  l'attendait,  il  assure  que 

perspective  de  la  mort  ne  troubla  jamais  s 

repos.  Après   l'entrée  du  général   Carteaux 

Marseille,   il  obtint  quelques  adoucissements 

sa  captivité,  celui  entre  autres  de  passer  piusiet 

heures  par  jour  dans  ^compagnie  de  son  père 

de  son  frère,  le  comte  de  Beaujolais,  qui  était 

détenus  dans  le  même  fort,  ainsi  que  la  duchés 

de  Bourbon  et  le  prince  de  Conti.  Le  23  ootol 

1793,  il  reçut  les  derniers  adieux  du  duc  d'( 

léans,  emmené  à  Paris  pour  y  être  traduit  i 

vant  le  tribunal  révolutionnaire.  Réuni  depo 

lors  à  son  frère,  il  adressa  aux  autorités  adn 

nistraîives  de  nombreuses  pétitions,  qui  fou 

demeurèrent  ,sans  effet.  Cependant  sa  condM 

s'améliora;  il   obtint   un  logement  plus   coi 

mode  et  plus  sain,  il  communiqua  avec  plusiei 

prisonniers,  et,  outre  un  domestiqué  qu'il  av 

déjà,  il  prit  à  ses  gages  une  servante.  Le  6  j< 

1795  le  fort  fut  envahi  par  une  bande  de  roi 

listes  forcenés,  qui  massacrèrent  dans  d'horrito 

tortures  plus  de  quatre-vingts  prisonniers  si 

pects  de  jacobinisme.  Bien  connu  de  piusiet 

d'entre  eux,  Montpensier  n'eut  rien  à  redo 


(1)  Sur  le  rôle  de  Mademoiselle  pendant  la  Fronde  , 
voy.  divers  pamphlets  qui  sont  énumérés  dans  le  Cata- 
logue de  l'Histoire  de  France,  t.  Il,  chap.  rrr. 


(l)  «  Embarrassé  du  choix,  écrivait  Kellermann,  je 
citerai,  parmi  ceux  qui  ont  montré  un  grand  courn 
que  M.  de  Chanres  et  son  aide  de-eamp  M.  de  Mo 
pcnslcr.  dont  l'extrême  Jeunrssc  rend  le  sang-froid 
1  un  des  feux  les  plus  soutenus  qu'on  puisse  voir,' 
trèmeroent  remarquable.  »  {Moniteur  du  22  septeni 
1792.  ) 


t  (1)  «  Dix  ou  douze  jeunes  gens  assez  bien  habillés, 
tmaieles  manches  retroussées  et  le  sabre  a  la  main,  en- 
l trèrent  en  portant  l'adjoint  qu'ils  déposèrent  sur  mon 
Mit.  Ensuite,  nous  adressant  la  parole  :  «  N'êtes-vous 
i  pas,  nous  dirent-ils,  MM.  d'Orléans?  »  Et  sur  notre  ré- 
i  ponse  affirmative,  ils  nous  assurèrent  que  loin  de  vou- 
loir attentera  notre  vie,  ils  la  défendraient  de  tout  leur 
(pouvoir  si  elle  était  en  danger;  que  l'acte  de  justice  qu'ils 
allBient  exercer  contribuerait  autant  à  notre  sûreté  qu'à 
i  la  leur  et  a  celle  de  tous  les  honnêtes  gens  ;  puis  ils 
dous  demandèrent  de  l'eau-de-vie,  dont  assurément  ils 
tne  paraissaient  avoir  aucun  besoin.  Nous  n'en  avions 
t  pas  ;  mais  ils  trouvèrent  une  bouteille  d'anisette,  c:ont 
ils  se  versèrent  dans  des  assiettes  à  soupe.  Après'  quoi 
j  ils  sortirent...  et  laissèrent  un  d'eutre  eux  en  sentinelle 
à  notre  porte.  »  Mémoires  du  duc   de  montpensier. 


'3M)  MONTPENSIER 

1  le  leur  part  (1).  Après  avoir  vu  mettre  en  li- 
lerté  le  prince  de  Conli  et  la  duchesse  de  Bour- 
loii,  il  perdit  toute  espérance  de  jamais  sortir 
Ile  prison,  et  forma  des  projets  de  fuite,  pour 
esquels  il  trouva  d'assez  grandes  facilités.  Dans 
i*a  soirée  du  18  novembre  1795,  il  venait  de 
'  ranchir  le  pont-levis  du  fort  lorsqu'il  rencontra 
i  f  e  commandant  ;  reconduit  dans  sa  chambre,  il 
naisit  une  corde  qu'il  s'était  procurée,  la  noua 
\  lutour  d'une  espèce  de  piton  qui  tenait  à  la  fe- 
■  lôtre  et  se  laissa  glisser.  A  peine  était-il  parvenu 
lli  la  moitié  de  la  hauteur,  c'est-à-dire  à  trente 
i  lieds  environ,  que  la  corde  se  rompit  :  il  tomba 
i  ;urle  sable  et  se  cassa  le  pied  droit.  Malgré  cette 
f  facture  et  une  violente  douleur  qu'il  éprouvait 
'  iux  reins,  il  gagna  à  la  nage  la  chaîne  du  port 
•  't  s'y  cramponna  en  attendant  le  passage  de 
:  ruelques  bateaux.  Recueilli  au  bout  de  deux 
1  îeures,  et  transporté  chez  un  perruquier,  nommé 
ilangin,  qui  avait  contribuée  son  évasion,  il  fut 
I "econnu,  dénoncé  au  commissaire  du  gouverne- 
I  nent,  Fréron,  et  replacé  sous  les  verroux.  Beau- 
I  olais,  qui  était  déjà  libre,  revint  se  constituer  pri- 
f  ionnier  aussitôt  qu'il  eut  appris  l'accident  qui 
I  ui  était  arrivé.  Cependant  les  deux  frères  en 
(  urent  quittes  à  bon  marché  :  on  ne  les  sépara 
'[  )oint,  on  ne  leur  infligea  aucune  aggravation  de 
f  )eine,  et  personne  ne  fut  inquiété  à  cause  d'eux. 
'  ua  duchesse  d'Orléans  avait  allégé  autant  que 
I  lossible  les  souffrances  de  ses  fils,  et  plusieurs 
(fois  elle  avait  sollicité  leur  élargissement.  Ayant 
fappris  que  le  Directoire  y  consentirait  enfin,  à  la 
!  condition  que  son  fils  aîné  s'éloignerait  de  l'Eu- 
Irope,  elle  se  hâta  de  lui  écrire  dans  ce  sens. 
!  «  Quand  ma  tendre  mère  recevra  cette  lettre,  ré- 
Ifpondit  aussitôtle  ducd'Orléans,  ses  ordres  seront 
\ exécutés  et  je  serai  parti  pour  l'Amérique.  » 
I  Dès  que  la  certitude  fut  acquise  de  son  ar- 
rivée à  Philadelphie,  Montpensier  et  Beaujo- 
Mais  furent  mis  en  liberté,  et  s'embarquèrent 
fie  5  novembre  1796  pour  les  États-Unis.  Après 
I  une  traversée  d'environ  trois  mois ,  ils  rejoi- 
gnirent leur  frère  aîné.  La  destinée  des  trois 
^princes  devint  alors  commune.  Ensemble  ils 
f  parcoururent  les  États  de  l'intérieur,  la  Vir- 
ginie, le  Canada;  ensemble  ils  résidèrent  suc- 
cessivement à  Philadelphie,  à  New-York  et  à 
|  Boston  ;  puis,  avec  l'intention  de  rejoindre  leur 
'mère,  qui  Tenait  d'être  déportée  en  Espagne,  ils 


390 


descendirent,  au  milieu  des  glaces,  l'Ohio  et  le 
Mississipi,  jusqu'à  La  Nouvelle-Orléans,  et  firent 
voile  pour  La  Havane.  Forcés  par  le  gouverneur 
espagnol  de  quitter  l'île  au  plus  vite ,  ils  se 
rembarquèrent  pour  New-York  ,  d'où  un  bâti- 
ment anglais  les  conduisit  à  Falmouth.  Au  com- 
mencement de  1800,  ils  arrivèrent  à  Londres,  et 
fixèrent  leur  séjour  habituel  à  Twickenham.  Le 
duc  de  Montpensier  y  mourut,  d'une  maladie  de 
poitrine,  dont  il  souffrait  depuis  sa  captivité  (1). 
Il  fut  enterré  à  Westminster.  On  a  de  lui  une 
relation  intitulée  :  Ma  Captivité  de  quarante- 
trois  mois  (Paris,  1824,  in-8°  ),  et  réimprimée 
dans  le  t.  IX  de  la  Bibliothèque  des  Mémoires 
pendant  le  dix-huitième  siècle,  de  M.  Barrière. 

P.  L. 
Ulcnoires    du  duc  de  Montpensier.  —  Ara.  Boudin, 
Hist.  de  Louis- Philippe. 

*  moktpensier  {Antoine-Marie-  Philippe- 
Louis  d'Orléans,  duc  de),  prince  français,  né 
à  Neuilly  (Seine),  le  31  juillet  1824.  Cin- 
quième fils  du  roi  Louis-Philippe  et  de  la  reine 
Marie- Amélie,  il  fit,  comme  ses  frères,  ses  étu- 
des au  collège  Henri  IV.  Destiné  à  entrer 
dans  l'artillerie,  il  fut  nommé,  le  29  avril  1842, 
sous-lieutenant  dans  le  3e  régiment  de  cette 
arme,  et  passa,  le  17  décembre  1843,  dans  le 
4e  régiment  en  qualité  de  capitaine  commandant 
la  7e  batterie.  Lorsque  le  maréchal  Bugeaud 
prépara,  en  février  1844,  l'expédition  contre  Bis- 
kara,  le  duc  de  Montpensier  voulut  y  prendre 
part,  et  dès  le  27  de  ce  mois  il  fut  chargé  de 
reconnaître  le  défilé  d'El-Kantara  et  d'y  faire 
exécuter  divers  travaux  pour  le  passage  de 
l'artillerie  de  campagne.  Le  15  mars  suivant,  il  se 
montra  l'émule  du  ducd'Aumale,  son  frère,  sous 
les  ordres  duquel  il  se  trouvait ,  et  au  combat 
livré  devant  M'ehonnesh  à  trois  mille  Arabes  des 
tribus  de  l'Aurès,  soutenus  et  guidés  par  deux 
cents  réguliers  d'Abd-el-Kader,  il  dirigea  toute 
la  journée  le  feu  de  l'artillerie  contre  un  fort  si- 
tué au-dessus  de  la  gorge  de  l'Oued-el-Abiad. 
Le  soir,  son  frère  et  lui  se  mirent  à  la  tête  d'une 
petite  colonne  de  réserve,  et  emportèrent  vail- 
lamment cette  position  difficile  et  escarpée.  Le 
duc  de  Montpensier,  qui,  ce  jour-là,  allait  pour 
la  première  fois  au  feu,  reçut  une  légère  blessure 
près  de  l'œil  gauche.  Sa  conduite  lui  valut,  le 
24  juin  1844,1a  croix  de  chevalier  de  la  Légion 
d'Honneur,  et  le  grade  de  chef  d'escadron  le 
8  août  suivant.  De  retour  en  France,  il  accom- 
pagna son  père  dans  son  voyagé  en  Angleterre,  au 
mois  d'octobre,  et  lieutenant-colonel  le  22  mars 
1845,  il  repartit  pour  l'Algérie,  ou,  le  14  mai  sui- 
vant, il  se  distingua  dans  un  combat  livré  aux 
Kabyles,  sous  l'Ouarensenis,  cbez  les  Beni-Hin- 
del.  Il  s'embarqua  ensuite  à  Alger  pour  faire  un 
voyage  d'instruction  dans  le  Levant,  et  visita 
successivement  Tunis,  Conslantinople,  Alexan- 
drie,  le   Caire,  Memphis,  Rhodes,   Smyrne  et 

;i)  Le  comte  de  Beaujolais  succomba  un  an  plus  tard, 
à  la  même  affection  à  Malte. 

13. 


391 


MONTPENSIER  —  MONTPLAISIR 


39 


Athènes.  A  son  retour,  il  reçut  la  grand-croix 
de  la  Légion  d'Honneur  (9  novembre  1845  )  et 
fut  nommé  (  13  avril  1846)  colonel  du  5e  régi- 
ment d'artillerie,  etenfin  (11  septembre  1846)  ma- 
réchal de  camp,  commandant  l'école  d'artillerie 
à  Vincennes.  Dans  l'intervalle,  le  comte  Bres- 
son,  ambassadeur  de  France  à  Madrid,  négocia 
le  mariage  du  princeavec  Marie-Louise-Fernande 
de  Bourbon,  sœur  de  la  reine  Isabelle  IL  Cette 
alliance,  que  Louis-Philippe  considérait  comme 
un  fait  capital,  à  l'extérieur,  de  son  règne,  et  pour 
laquelle  le  pape  Pie  IX  accorda,  le  8  septembre, 
des  dispenses  pour  cause  de  parenté,  fut  célébré  à 
Madrid,  le  10  octobre  de  cette  même  année,  et 
l'on  se  rappelle  le  vif  désappointement  qu'elle 
suscita  au  sein  du  gouvernement  anglais.  Ce 
même  jour,  le  duc  de  Montpensier  reçut  des 
mains  de  sa  belle-sœur  le  collier  de  la  Toison 
d'Or.  Les  deux  époux  revinrent  peu  après  en 
France.  Dans  la  journée  du  24  février  1848  le  duc 
de  Montpensier  conseilla,  dit-on,  au  roi  Louis- 
Philippe  d'abdiquer.  Il  l'accompagna  jusqu'à 
Dreux,  de  là  se  rendit  à  Granville  avec  une  par- 
tie de  la  famille  royale,  et  s'y  embarqua  pour 
l'Angleterre,  sur  le  paquebot  de  Jersey.  La  jeune 
duchesse,  à  raison  de  son  état  de  grossesse, 
avait  été  conduite  dans  une  maison  voisine  des 
Tuileries,  et  fut  emmenée  à  Boulogne,  où  elle 
s'enbarqua  par  les  soins  du  général  Thierry, 
aide  de  camp  du  prince.  Elle  arriva  à  Hertfort- 
House,  où  elle  fut  reçue  par  le  duc  de  Nemours 
et  le  personnel  de  l'ambassade  française.  Les  deux 
époux  passèrent  ensuite  en  Hollande,  et  s'embar- 
quèrent pour  l'Espagne,  où  ils  abordèrent  le  2  avril. 
Depuis  cette  époque,  ils  ont  choisi  Séville  pour 
résidence.  Le  14  août  1848 ,  la  reine  Isabelle  II 
lui  conféra  le  grand  cordon  de  Charles  III,  et  l'a 
nommé,  le  5  août  1858,  capitaine  général  des  ar- 
mées d'Espagne,  grade  équivalant  à  celui  de  ma- 
réchal de  France.  Le  duc  de  Montpensier  jouit  en 
outre  à  la  cour  de  Madrid  de  tous  les  honneurs  dus 
aux  infants  d'Espagne,  et  il  est  commandeur 
mayeur  d'Aragon,  dans  l'ordre  de  Calatrava.  De 
son  mariage,  il  a  eu  jusqu'à  présent  six  filles,  dont 
l'aînée  est  née  le  21  septembre  1848.  H.  F. 
Dict.  de  la  Convers.  —  Mollit,  universel  (année  1844-48). 

montpetit  (  Armand- Vincent  de), pein- 
tre français,  né  à  Mâcon,  le  13  décembre  1713, 
mort  à  Paris,  le  20  avril  1800.  Doué  d'un  es- 
prit ingénieux,  il  se  distingua  par  diverses  inven- 
tions, telles  que  celles  d'une  charrue  mécanique 
fonctionnant  seule,  d'un  poêle  hydraulique  où 
la  chaleur  humide  était  combinée  avec  la  cha- 
leur sèche;  quelques  appareils  utiles  dans  l'hor- 
logerie ,  un  système  de  pont  de  fer  n'ayant 
qu'une  seule  grande  arche,  enfin  un  genre  de 
peinture  qu'il  appelait  éludonique,  dans  lequel 
des  peintures  à  l'huile,  de  la  dimension  des  mi- 
niatures, sont  fixées  sur  une  glace  de  manière 
que  celle-ci  ne  forme  qu'un  corps  avec  la  pein- 
ture; la  glace  fait  alors  l'effet  du  vernis,  ce  qui 
est  bien  différent  des  glaces  posées  simplement 


sur  les  peintures,  sans  adhérence  ou  contiguïtéc 
surfaces.  Ce  procédé,  décrit  dans  le  Diction 
naire  des  Arts  et  Métiers  de  Jaubert,  donn 
un  résultat  d'un  effet  charmant  par  la  suaviti 
le  fondu,  la  force  qu'obtiennent  les  couleurs 
Aussi  le  succès  en  fut-if  grand,  et  Montpetit  fi 
chargé  dépeindre,  d'après  son  système,  plusieur 
portraits  du  roi.  Mais,  outre  que  cette  sorte  d 
peinture  exige  beaucoup  de  soin  et  d'adress 
dans  l'exécution,  elle  ne  se  conserve  pas  bier 
et  on  l'emploie  rarement  aujourd'hui.  Montpet 
a  publié  sur  cette  invention  un  écrit  intitulé 
Note  intéressante  sur  les  moyens  de  conseï 
ver  les  portraits  peints  à  l'huile  et  de  h 
faire  passer  sans  altération  à  la  postérité 
1776,  in-8°.  On  a  aussi  de  lui  un  Mémoire  su 
la  théorie  des  ponts  de  fer  d'une  seule  arch 
de  3  à  500  pieds  d'ouverture,  inséré  dans  I 
Journal  de  Physique,  année,  1788.  Il  a  cor; 
couru  à  la  rédaction  du  Dictionnaire  des  An 
et  Métiers  de  Jaubert.  Le  gouvernement  lui  dé 
cerna,  en  1793,  une  récompense  de  8,000  fr.  poi 
ses  diverses  inventions.  G.  de  F. 

Lalande,  Notice,  dans   le  Magasin  Encyclopédiqui 
1800,  t.  I. 

montpezat    (  Antoine  deLettes,   maii 
quis  de),  maréchal  de  France,  mort  en  noveni 
bre    1544.    Écuyer   tranchant  de  François  I' 
(1516),  puis  gentilhomme  de  la  chambre  (1520 
il  fit  partie  de  l'expédition  d'Italie,  et  fut  fa 
prisonnier  à  la  bataille  de  Pavie  (1525);  le  ro:J 
à  qui  il  s'était  rendu  utile,  paya  sa  rançon  et  I 
dépêcha  à  diverses  reprises  auprès  de  l'empereu 
Charles  Quint.    Il  obtint  de   ce  prince ,    entr 
autres  faveurs,  la  maîtrise  des  eaux  et  forêts  d 
Poitou  et  la  capitainerie   de  Montluçon.  Apre  | 
avoir  servi  au  siège  de  Naples  (1528),  il  fut  en 
voyé  en  ambassade  à  la  cour  de  Londres  (1532]  I 
Son  plus  beau  fait  d'armes  fut  la  glorieuse  dé! 
fensede  Fossano,  place  du  Piémont,  que  latra.' 
hison  du  marquis  de  Saluées  faillit  livrer  au 
Espagnols  :  Montpezat  y  résista  pendant  trentt  | 
huit  jours  aux  efforts  d'Antoine  de  Leyva,  et  ei 
sortit  le  8  juillet  1536  ,  avec  les  honneurs  de  1  ! 
guerre.  Il  prit  aussi  part  à  la  défense  de  Mari 
seille,  au  siège  de  Perpignan,  et  fut  créé  mare 
chai  de  France  le  13  mars  1544.  P.  L. 

Anselme,  Grands-Officiers  de  la  Couronne.  —  Pinarc  \ 
Chronologie  milit.,  11,242. 

montplaisik  (  René  de  Bruc,  marqui 
de),  poète  français,  né  à  Paris,  en  1610,  mor 
à  Arras,  le  12  juin  1682.  Issu  d'une  familL 
noble  de  Bretagne,  il  servait  depuis  longtemp, 
dans  le  régiment  de  Poitou,  lorsqu'il  fut  pourvi 
de  la  lieutenance  de  Roi  à  Arras,  après  la  pris* 
de  cette  ville  par  Louis  XIII ,  en  1640.  Marécha 
de  camp  en  1651,  il  commanda  de  1654  à  165', 
un  régiment  de  cavalerie.  Il  passe  pour  avoir  ei 
quelque  part  aux  ouvrages  de  la  comtesse  de  Le 
Suze,  dont  il  fut  un  des  plus  fervents  adorateurs  ' 
On  a  de  lui  des  Poésies,  que  Lefèvre-Saint | 
Marc  a  réunies  (Amsterdam,  1759,  in-12),  eif 


393  MONTPLAISIR 

larmi  lesquelles  son  Temple  de  la  Gloire  tient  le 
premier  rang.  Il  est  adressé  au  duc  d'Enghien 
;  depuis  le  grand  Condé),  sous  lequel  Montplaisir 
Uvait  servi  avec  distinction,  et  fut  composé  à  l'oc- 
casion de  la  bataille  de  Nordlingen,  gagnée  par 
4e prince  sur  le  général  de  Mercy.        H.  F. 
l'innrd,  Chronologie  militaire.—  De  Courcelles ,'Hist. 
èm'alorjiqve  des  Pairs  de  France. 
>    "MONTRÉAL.  (  Simon- François  Aixouveau 
iB  ),  général  et  sénateur  français,  né  à  Bache- 
!  Mie  (  Haute- Vienne),   le   14  septembre   1790. 
.lève  à  l'école  militaire  de  Saint-Cyr,  le  19  no- 
embre  1809,  il  en  sortit  le  23  juin  1811  pour 
',  ntrer  comme  sous-lieutenant  dans  le  10e  de  li- 
f  i  ne,  qui  faisait  alors  partie  de  l'armée  de  Na- 
ît les.  Il  fit  avec  distinction  les  guerres   d'Es- 
|  agne  de  1812  et   1813,  et  fut  nommé  lieute- 
I  ant,  puis  capitaine  les  20  janvier  et  8  juillet  de 
tte  dernière  année.  M.  de  Montréal  fit  avec  le 
9«    léger  les  campagnes  d'Allemagne  et  de 
Il  rance   de  1813  à    1815.   Appelé,   le  5  juillet 
833,  au  commandement  du  3e  bataillon  d'in- 
Ifinterie  légère  d'Afrique,   il  se  signala  en  Al- 
îrie  depuis  cette  date  jusqu'en  1837,  époque  à 
quelle  il  obtint  le  grade  de  lieutenant-colonel 
lu  47e   (11   novembre).    Nommé   colonel   du 
¥  jP  le  11  octobre   1840  et  maréchal  de  camp  le 
B2juin  1848,  il  reçut  le  commandement  d'une 
R'igade  de  l'armée  des  Alpes.  Général  de  divi- 
sion le  10  mai  1852,  il  prit  l'année  suivante  le 
r  (ommandementdu  corps  d'occupation  de  l'Italie, 
'•  i  u'il  conserva  du  10  février  1853  au  10  novembre 
'  !856.  Placé  dans  la  deuxième  section  du  cadre  de 
!  'Sserve,  il  a  été,  le  9juin  1857,  créé  sénateur. 

S— D. 
M  archives  de  la  Guerre  et  du  Sénat. 
■  MONTREDON  (  Raimond  de),  qu'on  appelle 
.  !usside  Montrond, archevêque  d'Arles, né  dans 
'il!  diocèse  de  Nîmes,  mort  vers  l'année   1155. 
It l'archidiacre  deBéziers  il  devint  d'abord  évêque 
:  l'Agde,  en  1 1 30,  puis  archevêque  d'Arles,  en  1 142. 
"]  n  trouve  dans  le  Gallia  Chrisliana  Ja  men- 
l[on  des  actes  auxquels  il  prit  part  comme  évê- 
,.  fue  et  comme  archevêque.  Le  plus  important  de 
J[es  actes  est  un  décret  en  faveur  des  consuls 
1  l'Arles,  qui  nous  offre  les  plus  intéressants  dé- 
ï  lils  sur  la  condition  civile  des  personnes  au  dou- 
jèrae  siècle,  dans  le  midi  de  la  France.  Quel- 
les auteurs  attribuent  ce  diplôme  à  Raimond  de 
iolène,  archevêque  d'Arles  en  1163.        B.  H. 
Galtia  Cliristiana,  t.  I,  col.  560.  —  Hist.  Liltër.  de  la 
Wftrance,  t.  XI 11,  p.  236. 

r*1,  montrerais  {Hugues  de),  cardinal  fran- 
sfriis,  né  à  Montrelais,  près  d'Ancenis,  vers  1315, 
4|iort  à  Avignon,  le  28  février  13S4.  Il  était  cha- 
A bine  et  chantre  de  Saint-Pierre  de  Nantes,  ar- 
î)  fiidiacre  de  la  Mée  dans  cette  église,  quand  il 
I  fit  élu  en  1354  évêque  de  cette  ville.  Le  pape 
i!  Hnocent  VI  le  transféra  l'année  suivante  au 
j  fége  de  Tréguier,  et  en  1358  à  celui  de  Saint- 
es! riïeuc.  Dévoué  à  Charles  de  Blois,  à  qui  il  de- 
:    Ut  sans  doute  sa  promotion  à  la  dignité  épisco- 


—  MONTRÊSOR 


394 


pale,  Hugues  accompagna,  en  1364,  ce  prince  à 
Poitiers,  où  devaient  se  tenir  les  conférences  qui 
avaient  pour  but  de  fixer  définitivement  les 
droits  des  prétendants  au  duché  de  Bretagne. 
Après  la  mort  de  Charles,  il  représenta  Jeanne 
de  Penlhièvre,  sa  veuve,  au  traité  de  Guérande, 
conclu  le  12  avril  1365.  Son  attachement  à  cette 
princesse  ne  le  rendit  point  suspect  à  Jean  IV, 
duc  de  Bretagne,  qui  le  fit  son  chancelier.  Hugues 
porta  la  parole  au  nom  du  duc  le  13  décembre 
1366,  quand  il  fit  hommage  à  Charles  V,  à  Paris, 
et  sut  dans  cette  occasion ,  maintenir  l'indépen- 
dance de  la  Bretagne.  Les  troubles  qui  en  1371 
agitèrent  de  nouveau  le  duché  de  Bretagne  dé- 
terminèrent Hugues  de  Montrelais  à  se  retirer  à 
Avignon,  où  le  pape  Grégoire  XI  le  créa  cardi- 
nal (20  décembre  1375).  Hugues  fut  depuis  dé- 
signé sous  le  nom  de  Cardinal  de  Bretagne, 
et  conserva  le  titre  d'évêque  de  Saint-Brieuc 
jusqu'à  sa  nomination  à  l'évêché  de  Préneste. 
En  1377  il  devint  chanoine  d'honneur  de  Cam- 
brai, et  cinq  ans  après  chanoine  de  la  cathédrale 
d'Amiens.  H.  F. 

Dom  I.obineau,  Vies  des  Saints  de  Bretagne.  —  Gallia 
Christiana,  III,  col.  71.  —  H.  Fisquel,  France  pontifi- 
cale (  sous  presse). 

montrésor  (  Claude  de  Bourdeille,  comte 
de),  favori  de  Gaston,  duc  d'Orléans,  né  vers 
1608,  mort  en  juillet  1663.  Dès  sa  jeunesse  il 
s'attacha  au  frère  de  Louis  XIII;  deux  circons- 
tances se  réunirent  pour  rendre  cette  liaison  plus 
intime,  la  proximité  où  était  la  terre  de  Mon- 
trésor  de  la  ville  de  Blois,  où  demeurait  Gaston, 
et  le  mariage  de  ce  prince  avec  Marie  de  Bour- 
bon-Montpensier,  qui  était  parente  du  favori. 
On  connaît  la  faiblesse  de  caractère  de  Gaston; 
il  eut  toujours  auprès  de  lui  un  ami  qui  le  gou- 
vernait; ce  rôle  fut  rempli  par  le  duc  de  Puylau- 
rens  jusqu'en  1635  ;  à  cette  époque  Montrésor 
le  remplaça  auprès  du  prince,  qui  s'abandonna 
aveuglément  à  ses  conseils.  Le  premier  soin  du 
nouveau  favori  fut  d'éloigner  de  son  maître  toutes 
les  personnes  suspectes  d'attachement  pour  Ri- 
chelieu ;  il  s'unit  ensuite  à  Henri  d'Escars,  son 
cousin,  favori  du  comte  de  Soissons,  et  pressa 
Gaston  de  se  joindre  à  ce  prince  pour  perdre  le 
premier  ministre.  Par  l'intermédiaire  de  Mon- 
trésor, plusieurs  entrevues  eurent  lieu  entre 
Gaston  et  le  comte  de  Soissons ,  et  deux  projets 
furent  arrêtés  ;  l'un  consistait  à  faire  assassiner 
Richelieu ,  l'autre  à  organiser  un  parti  assez  puis- 
sant pour  le  renverser.  La  timidité  de  Gaston 
ayant  fait  échouer  le  premier  moyen,  on  recourut 
au  second.  Montrésor,  sous  prétexte  d'aller  voir 
le  marquis  de  Bourdeille  son  père ,  se  rendit  en 
Guyenne  pour  entraîner  d'Espernon  dans  la 
conspiration.  Mais  pendant  les  pourparlers  Ri- 
chelieu découvrit  le  complot,  le  comte  de  Sois- 
sons se  sauva  à  Sedan,  et  Gaston  à  Blois,  d'où 
it  se  réconcilia  avec  le  cardinal,  sans  rien  stipu- 
ler en  faveur  de  Montrésor;  celui-ci  se  retira 
dans  ses  terres ,  où  il  passa  six  ans  dans  la  soli» 


395 


tude.  Il  voyait  pourtant  en  secret  Gaston  chaque 
fois  que  ce  prince  venait  à  Blois,  et  il  se  trouva 
ainsi  mêlé  à  l'entreprise  formée  contre  Riche- 
lieu par  ce  prince,  le  duc  de  Bouillon  et  Cinq- 
Mars.  Ce  complot  n'eut  pas  plus  de  succès  que 
le  précédent,  Gaston  fit  encore  la  paix  avec  le 
premier  ministre,  trahit  ses  complices,  et  dans 
une  déclaration  expresse,  signée  le  7  juillet  1642, 
désavoua  tout  ce  que  Montrésor  avait  fait  par 
ses  ordres,  ajoutant  que  c'était  ce  favori  qui. 
l'entraînait  sans  cesse  dans  de  nouvelles  intri- 
gues. A  la  suile  de  cette  trahison,  Cinq-Mars  et 
deThou  furent  décapités,  Montrésor  se  réfugia  en 
Angleterre  et  vit  tous  ses  biens  confisqués.  Il  ne 
put  revoir  la  France  qu'à  la  mort  du  cardinal  de 
Richelieu  ;  mais  un  nouveau  favori ,  l'abbé  de 
La  Rivière,  gouvernait  alors  Gaston  ;  Montrésor 
vendit  sa  charge  de  premier  veneur  de  ducd'Or- 
léans,et  s'éloigna  de  la  cou  r.  Gaston,  piqué,  réussit 
à  le  faire  exiler  Tannée  suivante,  comme  affilié  à  la 
cabale  formée  par  le  duc  de  Beau  fort  contre  Ma- 
zarin.  Montrésor  revint  à  la  cour  en  avril  1644; 
ennuyé  de  s'y  trouver  sans  emploi,  il  partit  pour 
la  Hollande,  résolu  à  y  prendre  du  service.  Des 
affaires  de  famille  le  rappelèrent  presque  aussi- 
tôt à  Paris;  la  duchesse  de   Chevreuse,  alors 
disgraciée  et  réfugiée  en  Angleterre,  lui  écrivit 
pour  le  prier  de  lui  faire  passer  ses  pierreries 
qu'elle  avait  été  obligée  de  laisser  en  France. 
L'abbé  de  La  Rivière,  connaissant  l'amour  de 
Montrésor  pour  la  duchesse,  et  ayant  appris  la 
correspondance  qui   s'était  établie   entre  eux, 
dénonça  le   comte  à  Mazarin,  et   au  moment 
où  il  allait  regagner  la  Hollande  il  fut  arrêté  et 
conduit  à  la  Bastille.  Il  y  resta  quatorze  mois  ; 
Mazarin  céda  enfin  aux  sollicitations  du  duc  de 
Lorraine  et  de  Mlle  de  Guise,  il  rendit  la  liberté 
à  Montrésor  et  lui  offrit  son  amitié.  Montrésor 
revint  à  la  cour,  le  cardinal  le  présenta  à  la 
reine;  puis,  dans  un  entretien  particulier,  cher- 
cha à  obtenir  de  lui  des  révélations  sur  les  pro- 
jets de  Henri  d'Escars  et  de  la  duchesse  de  Che- 
vreuse. Montrésor  n'était  pas   homme  à  trahir 
ainsi  ses  amis;  le  mépris  qu'il  conçut  pour  Ma- 
zarin l'engagea  à  entrer  presque  aussitôt  dans 
le  parti  organisé  par  RHz  et  Beaufort.  Il  devint 
ainsi  un  des  chefs  de  la  Fronde,  et  c'est  lui  qui 
eut  l'idée  de  simuler  un  assassinat  contre  le 
conseiller  Gui  Joly,  pour  obliger  le  parlement  à 
s'assembler  et  profiter  de  l'occasion  pour  le  mê- 
ler au   complot  formé  contre  Mazarin.  Cepen- 
dant, en  1650,  la  Fronde  s'étant  fractionnée,  H 
suivit  le  parti  de  ceux  qui  se  rapprochèrent  de 
la  cour;  c'est  même  chez  lui  que  fut  résolu,  en 
1651,  l'arrestation  du  prince  de  Condé.  Il  fit 
l'année  suivante  une  maladie  fort  grave,  et  vé- 
cut dès  lors  dans  la  solitude,  beaucoup  moins 
occupé  des  intrigues  politiques  que  de  son  amour 
pour  MUc  de  Guise.  On  a  même  prétendu  qu'il  y 
avait  eu  entre  elle  et  lui  un  «  mariage  de  cons- 
cience »  ;troisenfantsnaquirentdecette union,  un 
fils,  qui  porta  le  nom  de  La  Tour-Bourdeille,  et 


MONTRÉSOR.  —  MONÏREU1L  3fi< 

deux  filles,  qui  furent  élevées  à  l'abbaye  de  Mont 
martre.  Le  comte  de  Montrésor  était  le  petit 
neveu  de  Brantôme,  l'auteur  des  Dames  galantes 
il  a  lui-même  laissé  des  Mémoires,  écrits  ave. 
une  grande  naïveté  et  une  bonne  foi  évident 
et  publiés  dans  le  Recueil  de  plusieurs  Pièce 
servant  à  Vhistoire  moderne  (Cologne,  1663 
in-12),  et  réimprimés  à  Leyde  en  1665,  à  Co 
logne  en  1723,  et  dans  les  collections  de  MM.  Pc 
titot  et  Buchon.  A.  Franklin. 

Retz,  Mémoires.  —  La  Rochefoucauld,  Mémoires.  ■ 
Notice  dans  l'édition  de  Brantôme  de  Le  Duchat,  t.  X\ 
p.  309.  —  Gui  Joly ,  Mémoires. 

MONTRWiL  (Bernardin  de),  théologien  frai 

çais,  né  à  Paris,  en  1596,  mort  en  la  même  villt 

le  15  janvier  1646.  Il  fut,  en  1624,  agrégé  à.l 

Compagnie  de  Jésus,  et  professa  successivemei 

la  philosophie  et  la  théologie  morale.  Il  se  livi 

ensuite  à  la  prédication,  et  y  obtint  quelques  sut 

ces.  On  a  de  lui  :  Vie  de  Jésus- Christ,  tin 

des  quatre  Évangélistes;  1637,  in-4°,  et  163! 

4  vol.  in-12;  cet  ouvrage  peut  tenir  lieu  d'ui 

bonne  concordance  des  Évangiles; une  troisièn 

édition,  revue  et  retouchée  par  le  P.  Brignon,  par 

à  Paris,  1741,  3voJ.  in-12;  —  La  Vie  glorieu 

de  Jésus -Christ   et  V  établissement  de  se 

Église  par  le  ministère  des  Apôtres,  où  hl 

Actes  des  Apôtres  et  V Histoire deV Eglise  nai 

santé;  Paris,  1640  et  1700,  2  vol.  in-12  ;  —  M 

derniers  Combats  de  l'Église,  dans  l'explici 

tion  de  l'Apocalypse;    Paris,  1645,  in-4° 

in-! 2.  Ces  trois  ouvrages  du  P.  de  Montrei 

ont  été  réunis  en  J650  (Paris,  6  vol.  in-12).  « 

même  jésuite  a  donné  une  édition  des  Méditi 

tions  sur  les  Mystères,  par  Louis  du  Pon 

Paris,  1650,  in-12.  H.  F. 

Sotwel,  Scriptores  SocietatisJe.su. 

MONTREUIL   OU    MONTEEEUL    (MattllU 

de)  ,  poète  français,  né  à  Paris,  en  1611,  morii 
Aix.  le  21  août  1691  (1).  Cet  écrivain  ne  tar« 
pas  à  se  faire  connaître  par  des  poésies  agrée 
blés.  Montreuil  ayant  dissipé  la  majeure  part 
de  sa  fortune  dans  les  voyages  et  dans  les  pU> 
sirs ,  s'attacha  en  qualité  de  secrétaire  à  Dam 
de  Cosnac,  évêque  de  Valence,  et  le  suivit  i 
1687  à  Aix,  lorsqu'il  fut  nommé  archevêq 
de  cette  ville.  La  protection  de  ce  prélat  I 
fit  obtenir,  en  1690,  le  greffe  de  l'université, 
avait  de  l'esprit,  du  naturel  et  de  la  gaieté;  s 
poésies  lui  donnèrent  quelque  réputation,  m* 
il  affecta  trop  d'en  fournir  tous  les  recueils 
son  temps.  Ce  que  Boileau  lui  reprocha  dans 
satire  Vil  : 

On  ne  voit  point  nies  vers  à  Venvi  de  Montreuil 
Grossir  impunément  les  feuilles  d'un  recueil. 
D'après  La  Monnoye,  ce  n'est  pas  Montreuil  q 
se  rendit  coupable  de  ce  ridicule;  c'est  plut 
aux  libraires  Barbin  et  de  Sercy  qu'il  faut  s' 
prendre.  On  a  de  cet  écrivain  plusieurs  pièc 
de  poésies,  qu'il  recueillit  lui-même  (1666,  in-lï 

(1)  Date  vérifiée  sur  les  registres  de  la  paroisse  de  Saii 
Sauveur  d'Aix. 


97  MONTREUIL  — 

-s  Lettres,  imprimées  avec  celles  de  Balzac  et 
e  Voilure,  ont  été  publiées  par  Carnpenon  (1806, 
vol.  in-12).  H.  F. 

Mnréri,  Dict.  Hislor.  —  De  Ilalt/.c,  Aix  ancien  et  mo- 

"rne,  ms.  —  Roux-Alphéran  ,  /.es  Hues  A' Aix.  —  Mi- 

i.iiir.  Mélanges  historiques,  I,  85-94-  —  Docuin.  part. 

\    MONTKEUIL  OU    MONTKRBJJL    (Jean   DE), 

iplomate  français,  frère  du  précédent,  né  en  1613, 
Paris,  où  il  est  mort,  le  27  avril  1651.  Fils  d'un 
vocat  au  parlement,  il  renonça  à  l'étude  du  droit 
jur  aller  en  Italie  avec  Pomponne  de  Bellièvre. 
(TOme  il  montra  du  talent  pour  les  négociations, 
fut  envoyé  à  Rome  et  à  Londres  en  qualité  de 
'crétaire  d'ambassade,  et  passa  en  Ecosse  avec 
titre  de  résident;  il  y  donna  avis  du  départ 
î  l'électeur  palatin,  qui  fut  arrêté  à  Brisach,  et 
ut  agir  dans  l'intérêt  du  roi  Charles  1er  en  de- 
mndant  qu'il  fût  remis  entre  les  mains  des 
rossais.  A  son  retour  en  France  il  prit  posses- 
on  de  la  charge,  qu'il  avait  obtenue  aupara- 
int,  de  secrétaire  du  prince  de  Conti,  qui  lui 
jnna  10,000  livres  de  pension  sur  les  bénéfices 
.mt  il  disposait.  Montreuil  ne  fut  pas  ingrat  en- 
afs  son  protecteur,  et  déploya  beaucoup  de  zèle 
lur  le  tirer  de  la  prison  de  Vincennes.  Il  n'a 
en  écrit,  et  fut  membre  de  l'Académie  Française 
>s  sa  fondation.  P. 

Moréri,  Dict.  Hist.  —  Pellisson,  Hist.  de  l'Acad.  Fr. 

montreuil  (  Eudes  de).  Voy.  Eudes. 
montreux  (Nicolas  de),  littérateur  fran- 
u's,  né  dans  le  Maine,  vers  1561;  on  est  dé- 
ourvu  de  renseignements  sur  sa  vie;  la  dédi- 
ice  d'un  de  ses  écrits  montre  qu'en  1601  il 
vait  été  mis  en  prison  à  la  suite  des  discordes 
liviles.  Il  n'est  connu  aujourd'hui  que  par  ses 
■mages,  qu'il  publia  tous  sous  le  voile  del'ana- 
ramme  et  sous  le  nom  d'Olenix  du  Mont-Sa- 
ré.  On  distingue  d'abord  sept  pièces  de  théâtre  : 
<  Mette  (Paris,  1585;  Tours,  1592);  Diane 
|l  592)  ;  Arimène,  ou  le  berger  désespéré  (1597), 
[astorales;  Isabelle  (1594);  Cléopâtre  (1594)  et 
\ophonisbe  (1601),  tragédies.  Parmi  beaucoup 
e  lieux  communs  inspirés  par  le  genre  décla- 
matoire à  la  mode,  il  est  juste  de  reconnaître  un 
|  tyle  chaleureux  et  quelques  beaux  vers.  La  sep- 
tième composition  dramatique  de  Montreux  fut 
jr.e  comédie,  Joseph  le  Chaste,  où  l'histoire  du 
i  \s  de  Jacob  et  sa  résistance  contre  les  préten- 
dons d'Aliade,  femme  de  Putiphar,  sont  accom- 
pagnées d'épisodes  singuliers.  Un  geôlier  nommé 
ilobillard  y  parle  des  Anglois ,  des  Escossois  et 
es  reistres  :  le  pannetier  de  Pharaon,  au  mo- 
ment où  il  est  conduit  à  la  potence,  demande  au 
ourreau  le  temps  de  dire  encore  un  pater. 
I  Montreux  mit  au  jour  un  grand  nombre  de  ro- 
jnans,  tombés  dans  l'oubli  le  plus  complet; 
1 1.  Peignot  lui  attribue,  mais  sans  donner  des 
Ireuves,  Les  Regrets,  publiés  en  1571.  A  peine 
!  gé  de  seize  ans,  il  avait  publié  une  suite  au  ro- 
snan  d'Amadis  :  Le  seziesme  livre  d'Amadis 
le  Gaule  traictant  les  prouesses  et  amours 
'e  Spheramond  (Paris,  1577,  in-16);  et  selon 
In  usage  alors  répandu,  il  avait  donné  comme 


MONTRICHARD  398 

une  traduction  cette  composition  originale.  Les 
Bergeries  de  Julliellc  sont  divisées  en  cinq 
livres,  dont  le  premier  parut  en  1585  et  le  der- 
nier en  1598;  c'est  une  longue  et  fastidieuse  pro- 
duction en  prose  et  en  vers,  où  se  trouvent  les 
trois  pastorales  que  nous  avons  indiquées  et  qui 
furent  imprimées  à  part.  Les  bibliographes  citent 
aussi  de  lui  :  Les  chastes  et  délectables  Jardins 
d'amour  (Paris,  (  594)  ;  L'Œuvre  de  la  Chasteté, 
gui  se  remarque  par  les  diverses  fortunes  et 
fidelles  amours  de  Criniton  et  de  Lydie 
(trois  parties,  1595,  1598,  1599);  Les  Amours 
de  Cléandre  et  Domiphille  (1597);  L'Espagne 
conquise  par  Charles  le  Grand  (f597,  2  vol.  ). 
Les  Premières  Œuvres  poétiques  de  cet  infa- 
tigable écrivain  (Paris,  1587),  sont  devenues 
excessivement  rares  ;  vingt  ans  après,  il  mettait 
au  jour  un  poème  religieux  :  Jésus-Christ  en 
l'autel  et  en  croix  (Paris,  1607);  il  publia 
en  1608  L'Histoire  universelle  des  Guerres  du 
Turc  depuis  1565  jusqu'en  1606  (c'était  la  con- 
tinuation d'un  ouvrage  entrepris  par  Martin  Fu- 
mée); il  avait,  en  1599,  dédié  à  Henri  IV  un 
volume  de  700  pages  de  philosophie  théolo- 
gique :  L'Homme,  ses  dignitez,  son  franc  et 
libéral  arbitre.  Tout  ce  lourd  bagage,  un  peu 
mélangé,  ne  constitue  pas  l'œuvre  entière  de  Mon- 
treux ;  il  laissa  de  nombreux  ouvrages  manuscrits, 
des  tragédies,  des  comédies,  des  romans.  G.  B. 
Niceron,  Mémoires,  t.  XXXIX.  —  Bibliothèque  du 
Théâtre-Français,  t.  I,  p.  260.—  Paul  Lacroix,  Catalogue 
de  la  bibliothèque  dramatique  de  M.  de  Soleinne,  t.  I, 
n»  828  à  833.  —  B.  Hauréau,  Histoire  Littéraire  du 
Maine,  t.  II,  p.  421. 

MONTREVEL.    Voy.  BAUME   (N.-A.  DE  La). 

montrichard  (Henri-René,  comte  de  ), 
administrateur  français,  né  en  1756,  mort  au 
château  de  Marceïigis  (  Haute-Loire  ),  le  21  dé- 
cembre 1822.  Descendant  d'une  grande  famille 
du  Blaisois,  il  fut  d'abord  page  de  la  reine  Ma- 
rie-Antoinette, puis  entra  comme  lieutenant  dans 
Royal-Étranger  (  cavalerie  ).  Il  déserta  au  com- 
mencement de  la  révolution,  prit  du  service  dans 
l'armée  de  Condé,  et  fit  contre  la  France  les 
campagnes  de  1792  et  1793.  Il  rentra  dans  sa 
patrie  en  1799,  épousa  la  fille  d'Imbert-Colomès, 
dont  il  devint  l'un  des  principaux  agents.  Il  ne 
fut  pourtant  pas  compromis  lors  de  l'arrestation 
de  son  beau-père  (juillet  1801)  à  Bayreuth 
(  Prusse  ).  Il  se  rallia ,  momentanément  du 
moins,  à  l'empire  et  devint,  en  1806,  maire  de 
Saint-Pierre-la-Noaille  (  Loire  ).  Après  la  Res- 
tauration il  reçut  la  croix  de  Saint-Louis  et  fut 
nommé  sous  préfet  de  Villefranche  (Rhône).  Il 
fut  destitué  en  1817,  pour  avoir  fait  trop  de 
zèle,  et  mourut  dans  la  retraite.  On  a  de  lui  : 
Un  et  Un  font  tin,  ou  M.  Fabvieret  M.  Char- 
rier-Sainneville ;  Paris,  1818,  in-8°  ;  brochure 
dans  laquelle  il  défend  sa  conduite  politique  lors 
des  troubles  cle  Lyon.  H.  L — t. 

Moniteur  universel,  ann.  18081817.  —  Dictionnaire 
Biographique  (Paris,  1834). 

montrichard  (  Joseph- Élie- Désiré  Per- 


SS9 


MONTRICHARD 


ruq'uet),  général  fiançais,  né  le  24  janvier  1760, 
à  Thoirette  (Franche-Comté  ),  mort  le  5  avril  1 828. 
Élève  des  écoles  d'artillerie  de  Metz  et  de  Besan- 
çon ,  il  fit  en  qualité  de  capitaine  les  premières 
campagnes  de  la  révolution,  et  devint  général  de 
brigade  le  5  thermidor  an  iv,  pour  avoir,  dans 
cette  même  journée,  opéré  le  passage  du  Rhin 
devant  Kehl  sous  le  canon  de  l'ennemi.  Il  rem- 
plit aux  armées  de  Mayence  et  d'Italie  les  fonc- 
tions de  chef  d'état-major  général  et  il  aida 
Joubert  dans  l'exécution  du  plan  qui  avait  pour 
but  de  s'assurer  de  l'entière  possession  du  Pié- 
mont. Promu  au  grade  de  général  de  division 
(17  pluviôse  an  vu  ),  il  commandait  à  Bologne, 
lorsqu'après  la  défaite  de  Scherer  il  fut  chargé 
de  couvrir  la  Toscane  etla  Ligurie,  et  main- 
tint par  sa  fefmeté  les  Italiens  dans  la  soumis- 
sion. A  la  suite  d'une  altercation  assez  vive  avec 
Lahoz,  qui  commandait  les  troupes  cisalpines, 
il  suspendit  ce  général  de  ses  fonctions,  mesure 
trop  rigoureuse,  qui  lui  fit  oublier  ce  qu'il  devait 
à  la  France  et  qui  le  jeta  dans  les  rangs  de  l'en- 
nemi. A  la  sanglante  bataille  de  la  Trebbia,  qui 
dura  trois  jours,  Montrichard  avaitsous  ses  ordres 
l'aile  droite  de  l'armée.  Il  prit- part  ensuite  aux 
campagnes  du  Rhin  et  d'Helvétie,  et  commanda 
en  chef  les  troupes  françaises  au  service  de  la 
république  batave.  En  1806  il  reçut  du  général 
Gouvion-Saint-Cyr  l'ordre  de  se  rendre  promp- 
tement  à  Ancône  et  de  mettre  dans  le  plus  bref 
délai  la  place  dans  le  meilleur  état  de  défense. 
Dans  l'impossibilité  d'obtenir  aucune  aide  du 
gouvernement  romain,  il  frappa  une  contribu- 
tion de  100,000  piastres  sur  les  habitants.  Ap- 
pelé presque  aussitôt  à  Paris  pour  rendre  compte 
de  sa  conduite,  il  se  justifia  dans  un  mémoire 
qu'il  adressa  au  comte  Dejean,  ministre  direc- 
teur de  l'administration  de  la  guerre.  On  eut 
encore  recours  à  ses  services  de  1808  à  1814, 
dans  les  provinces  illyriennes.  Son  nom  est  ins- 
crit sur  l'arc  de  triomphe  de  l'Étoile.  K. 
Fastes  de  la  Légion  d' Honneur,  IH. 

montrocher  (  Gui  de  ),  en  latin  Guido  de 
Monte-Rocher  M,  théologien  espagnol,  mort  dans 
la  seconde  moitié  du  quatorzième  siècle.  Le 
lieu  de  sa  naissance  et  les  circonstances  de  sa 
vie  nous  sont  inconnus,  mais  l'épître  dédica- 
toire  de  son  principal  ouvrage  nous  fait  présu- 
mer qu'il  était  prieur-curé  de  Téruel,  diocèse  de 
Valence,  en  Espagne.  A  la  prière  de  Raymond- 
Gaston,  évêque  de  cette  ville ,  il  composa  en 
1333  le  Manipulus  Curatorum,  qui  fut,  après 
la  découverte  de  l'imprimerie,  l'un  des  pre- 
miers livres  mis  sons  presse  ;  il  en  fut  fait  plus 
de  cinquante  éditions  dans  les  trente  dernières 
années  du  quinzième  siècle.  La  plus  ancienne 
édition  de  ce  Manuel  des  Curés  est  intitulée  : 
Manipuli  Curatorum,  liber  utilissimus,  per 
Christophorum  Beyamum  et  Johannem 
Glim,  in-fol.,  goth.  On  la  croit  imprimée  vers 
1471,  à  Savigliano,  et  elle  est  à  peu  près  in- 
trouvable.     Les    autres     éditions    sont    celles 


—  MONTROND  4( 

d'Àugsbourg,  1471,  in-fol.,  goth.  ;  de  Paris,  147  jj 
in-fol.,  goth.;  de  Saragosse,  1475,  in-fol. ; d'A  | 
gers,  1477 ,  in-4°  ;  il   en  existe  au  moins  d 
sans  date,  mais  qui  paraissent  antérieures  à  147  \ 
Ce  livre  fut   traduit   en  français  :  Manipuli  • 
curatorû  Trâslate  de  lall  en/râcoys  ;  Orléai 
1490,  in-4°,  goth.,  la  plus  ancienne  producti 
des  presses  orléanaises  que  l'on  connaisse.  Cel , 
traduction  fut  mise  à  l'index.  Georges  Corelian 
en  a  fait  une  traduction  grecque,  conservée  i 
manuscrit  dans  la  bibliothèque  du  Vatican.  G  i 
de  Montrocher,  que  Du  Cange  cite  dans  la  tal 
des  auteurs  qui   lui  ont  servi   à  composer   sJ 
Glossarium  infimx  Latïnitatis,  tout  en  le  ra  i 
géant  à  tort  parmi  les  théologiens  du    onzièi 
siècle,  est  encore  auteur  d'un  Traité  de  la  n  I 
nière  de  célébrer  la  messe,  que   l'on  trouve 
tête  de  l'édition  crue  de  Savigliano  et  qui  a  < 
imprimé  séparément  à  Venise,  1590,  in-4°.  H. 
EUies   Du  Pin,  Biblioth.  des  Auteurs  ecclés.  du  qu 
torzièmé siècle.  —  Fabricius,  Biblioth.  Grœca,  X,  786. 
Brunet,  Manuel  du  Libraire.  —  D'Aubigné,  Confessi 
catholique  du  sieur  de  Sancy.  —  Moréri,  Dict.  fiist. 
Bibliotheca  Hispana  vêtus,  tome  11,  p.  155  et  156. 

*  montrond  (  Clément -Melchior-Justi 
Maxime  Fourcheux  de  ),  littérateur  fiança 
né  à  Bagnols-sur-Cèze  (  Gard  ),  le  4  septemb 
1805.  Élève  de  l'École  des  Chartes  le  3  janvi 
1831,  il  reçut,  le  2  février  1833,  le  diplôme  d'{ 
chiviste-paléographe,  et  vers  la  même  époq 
devint  auxiliaire  de  l'Académie  des  Jnscriptior 
Chargé  en  1839  d'unemission  littéraire  en  Ital 
il  a  été  l'année  suivante  nommé  corresponds 
du  ministère  de  l'instruction  publique  pour 
travaux  historiques.  Il  a  écrit  un  grand  nomt 
d'ouvrages,  qui  se  distinguent  par  une  éruc 
tion  solide  et  variée  et  par  un  caractère  profond 
ment  moral  et  religieux  ;  nous  citerons  de  lu 
Jeanne  d'Arc;  1832,  in-12;  —  Essais  hisi 
riques  sur  la  ville  d'Étampes  ;  1836-183 
2  vol.  in-8°,  avec  planches,  notes  et  pièc 
justificatives; —  Tableau  historique  de  lai 
cadence  et  de  la  Destruction  du  Pag< 
nisme  en  Occident;  1838,  in-12;  —  L 
Guerres  saintes  d'outre-mer,  ou  tableau  d 
croisades  ;  1841,  2  vol.  in-12;  —  La  Vierge 
les  Saints  en  Italie,  études  et  récits  d'un  pi 
lerin;  1842,  in-8°  ;  —  Histoire  du  brave  Cr\ 
Ion  ;  1845,  in-12;  —  Les  Français  à  Romf 
1851,  2  vol.  in -8°  :  histoire  de  l'expédition 
1849  ;  —  Constantinople,  suivi  d'un  Précis  < 
l'histoire  de  l'empire  d'Orient;  1854,  in-8°; 
Jean  Bart,  1855,  in-12;  —  Fleurs  monasi 
ques,  études,  souvenirs  et  pèlerinages  ;  in-8 
avec  planches;  —  Mes  Paillettes  d'Or;  M1 
Souvenirs;  1858,  2  vol.  in-8°.  De  1847  à  185 
il  a  publié  une  collection  de  13  vol.  in-8° ,  co 
tenant  des  notices  biographiques  sur  des  persoi* 
nages  célèbres  dans  tous  les  genres,  médecins,  m. 
gistrats,  écrivains,  guerriers,  etc.  Enfin  cet  écr 
vain  a  collaboré  à  la  Bibliographie  catholiqi 
et  au  Journal  des  bons  exemples.        H.  F. 

Journal  de  la  Librairie.  —  Documents  particuliers 


)1 


MONTROSE 


402 


,  montrose  (  James  Graham,  marquis  de), 
;  plus  célèbre  chef  des  royalistes  écossais,  né  en 
Jl2,  mis  à  moitié  21  mai  1650.  Il  était  fils 
ique  de  Jean,  quatrième  comte  de  Montrose, 
i  de  Marguerite,fille  de  William  Ruthven,  comte 
i  Gowrie.  Il  tenait  par  son  père  et  sa 
jfîre  aux  premières  familles  de  son  pays.  Son 
^nd-père,  le  troisième  comte  de  Montrose, 
Sait  été  quelque  temps  lord -haut-chancelier 
Kcosse  et  vice-roi  d'Ecosse  pour  la  vie  (  su- 
lemus  regni  Scotise  procurator).  James  Gra- 
»m  succéda  aux  biens  et  titre  de  son  père  en 
f  27,  et  se  maria  peu  après.  Il  avait  reçu  la 
•illeure  éducation  que  l'on  pût  recevoir  alors 
rÉcosse.  Le  désir  de  la  compléter  par  l'expé- 
I  nce  du  monde  le  conduisit  en  France.  Là  il 
prit  d'un  goût  passionné  pour  la  profession  mi- 
dre  et  accepta  le  grade  de  capitaine  dans  la  mai- 
ti  du  roi  Louis  XIII.  On  a  peu  de  détails  sur 
|*te  première  partie  de  sa  vie.  A  une  époque  qui 
|«st  pas  bien  connue,  probablement  vers  1636,  il 
l  rendit  à  la  cour  d'Angleterre,  appelé,  dit-on, 
If  le  marquis  d'Hamilton.  On  rapporte  aussi 
le  le  roi  Charles  lerraccueillit  très-froidement, 
Ique,  dans  le  ressentiment  que  lui  causa  cette 
f.eption,  Montrose,  rentré  en  Ecosse,  se  joignit 
1 4  mécontents.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  comte  de 
Bntrose  se  trouvait  en  Ecosse  lorsque  les 
■ovations  arbitraires,  que  Charles  1er  s'effor- 
Rt  d'introduire  dans  les  institutions  religieuses 
Rcepays,  provoquèrent  une  résistance  redou- 
nle;  il  fut  un  des  chefs  les  plus  ardents  de 
fpposition.  11  figura  sur  la  liste  ou  table  des 
J;mbres  des  comités  chargés  d'organiser  la 
ftte  contre  la  politique  royale,  et  il  fut  un  des 
H>8  zélés  à  jurer  et  à  imposer  aux  autres  le 
i  venant  national.  Mais  cette  ferveur  patrio- 
kue  ne  fut  pas  de  longue  durée.  Mieux  informé, 
ll'on  en  croit  ses  apologistes,  des  desseins  des 
wenantaires  ,  qui  n'en  voulaient  pas  seulement 
(la  politique  arbitraire  de  Charles  Ier,  mais 
Issi  à  l'existence  de  la  royauté,  ou  plutôt  trou- 
Int  que  ses  services  n'étaient  pas  assez  appré- 
ps  par  les  covenantaires,  qui  avaient  pris  pour 
efs  Argyle  et  Lesly,  il  résolut  de  se  tourner 
|i  côté  du  roi,  et  entra  secrètement  en  corres- 
mdance  avec  Charles  Ier.  Le  parti  qu'il  aban- 
imnait,  s'apercevant  de  sa  défection,  le  fit  mettre 
l  prison.  Montrose  s'y  trouvait  encore  en  1641, 
rsque  Charles  1er  arriva  en  Ecosse,  et  il  fut 
lis  en  liberté  au  commencement  de  1642,  à  la 
liite  des  concessions  du  roi.  Au  sortir  de  cap- 
[itéil  vécut  tranquille  dans  sa  maison  de  cam- 
^gne jusqu'au  printemps  de  1643;  mais  quand 
>  reine  Henriette  revint  de  Hollande,  il  alla  au- 
tvant  d'elle  à  Burlington ,  et  l'accompagna  à 
iork.  Il  lui  offrit  de  lever  une  armée  en  Ecosse. 
i  reine,  qui  avait  d'abord  été  favorable  à  cette- 
oposition,  finit  par  la  rejeter  sur  les  conseils 
i  marquis  Hamilton,  qui  pensait  que  Charles  Ier 
j:  devait  pas  faire  appel  à  la.  force  ouverte, 
ontrose  était  au  contraire  pour  les  partis   vio- 


lents, et  il  détestait  par-dessus  tout  les  grands 
seigneurs,  qui  tenaient  à  la  fois  pour  la  royauté 
et  le  covenant.  Clarendon  raconte»  qu'il  proposa 
au  roi  de  le  débarrasser  d'Hamilton  et  d'Argyle, 
el  que  le  roi  rejeta  cette  offre  avec  horreur  ». 
Enfin,  les  services  de  Montrose  furent  accueillis. 
Charles  rr,  au  mois  d'avril  1644,  le  créa  marquis 
de  Montrose,  le  nomma  capitaine  général  et 
commandant  en  chef  de  toutes  les  forces  levées 
en  Ecosse  pour  le  roi  sous  le  prince  Rupert. 
Les  armes  royales  furent  d'abord  malheureuses. 
Rupert  semble  avoir  peu  compté  sur  l'habileté  de 
Montrose,  qui  était  toujours  pour  les  partis  dé- 
sespérés. Mais  le  hardi  chef  écossais  justifia 
bientôt  la  confiance  du  roi.  Avec  les  renforts 
qui  lui  arrivèrent  des  clans  montagnards,  il 
gagna  à  Tippermuir,  le  3  septembre  1644,  une 
victoire  complète  sur  les  covenantaires  com- 
mandés par  lord  Elcho.  Ce  fut  le  début  d'une 
seriedevictoires.il  s'empara  de  Perth  et  de  Dun- 
dee, et  tint  la  campagne  tout  l'hiver.  Le  parle- 
ment écossais  lança  contre  lui  un  décret  de 
forfaiture  et  d'excommunication.  Montrose  n'en 
poursuivit  la  guerre  qu'avec  plus  d'audace.  Il  dis- 
persa complètement  les  forces  du  marquis  d'Ar- 
gyle  près  d'Inverness  le  2  février  1645,  et  mar- 
cha vers  le  sud  dans  le  dessein  de  faire  sa  jonc- 
tion avec  le  roi,  qui  après  avoir  adopté  ce  plan 
eut  le  tort  de  l'abandonner.  Le  chef  écossais 
remonta  alors  vers  le  nord,  battit  Urry  le  4  mai 
1645,  le  colonel  Baillie  le  2  juillet,  et  couronna 
cette  suite  de  victoires  par  la  destruction  de 
l'armée  du  covenant  à  Kilsyth,  au  mois  d'août 
1645.  Ce  succès  fut  la  cause  indirecte  de  sa 
ruine.  Ses  highlanders  se  dispersèrent  pour  piller, 
et  rentrèrent  dans  les  montagnes  avec  leur  butin. 
Montrose,  maître  d'Edimbourg,  de  Stirling,  de 
Linlithgow,  de  Glasgow,  proclamé  capitaine 
général  et  gouverneur  d'Ecosse,  était  à  la  veille 
d'un  désastre.  Le  13  septembre  1645,  il  se  laissa 
surprendre  par  le  général  Lesly  à  Philiphaugh, 
près  de  Selkirk,  et  fut  complètement  battu.  Il 
regagna  les  Highlands  avec  un  petit  nombre 
d'hommes,  mais  il  ne  put  pas  réveiller  la  sym- 
pathie des  montagnards,  ni  pour  sa  personne  ni 
pour  sa  cause,  et  lorsque  le  roi  se  rendit  aux 
Écossais  il  capitula  lui-même,  et  s'embarqua 
pour  Norway,  le  3  septembre  1646.  Il  passa  de 
là  en  France,  où  on  lui  offrit  le  grade  de  lieute- 
nant général  ;  il  refusa,  pour  rester  au  service 
d'un  souverain  malheureux  et  prisonnier.  Après 
la  mort  de  Charles  Ier,  Montrose  reçut  du  fils 
de  ce  prince,  Charles  II,  une  commission  pour 
une  nouvelle  invasion  de  l'Ecosse.  Choisissant 
les  îles  d'Orkney  pour  rendez-vous,  il  y  envoya 
au  mois  de  septembre  1649  une  partie  de  ses 
troupes  j  consistant  surtout  en  mercenaires  étran- 
gers. Lui-même  arriva  à  Orkney  au  mois  de 
mars  1650.  Dès  la  première  rencontre  sur  le 
continent,  ses  troupes  furent  dispersées.  Il  s'en- 
fuit sous  le  dégirisement  d'un  paysan  hollandais, 
et  se   réfugia   dans  la  maison  des  Mac  Leod 


403 


MONTROSE  —  MONTUCCl 


41 


d'Assint,  qui  le  livrèrent  au  général  Lesly. 
Conduit  à  Dundee  avec  son  habit  de  paysan,  puis 
à  Edimbourg,  condamné  d'avance  (  puisque  l'as- 
semblée l'avait,  en  janvier  1645,  déclaré  excom- 
munié et  traître),  et  exposé  à  beaucoup  d'outrages, 
il  montra  une  rare  fermeté.  Il  n'y  eut  pas  de 
jugement.  Le  parlement  ordonna  qu'il  serait 
pendu  à  un  gibet  haut  de  trente  pieds  et  que 
ses  quatre  membres  seraient  attachés  aux  por- 
tes des  principales  villes  du  royaume.  En  en- 
tendant cette  sentence,  il  s'écria  :  «  Loin  d'être 
fâché  que  mes  bras  et  mes  jambes  soient  en- 
voyés aux  quatre  villes  du  royaume,  je  voudrais 
avoir  assez  de  membres  pour  que,  dispersésdans 
toutes  les  villes  de  la  chrétienté,  ils  pussent 
servir  de  témoignage  à  la  cause  pour  laquelle 
je  souffre.  »  La  sentence  fut  exécutée  le  21  mai 
1650.  Montrose  garda  jusqu'au  dernier  moment 
3e  même  héroïsme  calme.  Vaillant  soldat,  géné- 
ral audacieux,  généreux  avec  ses  inférieurs, 
plein  de  fierté  avec  ses  supérieurs  ou  ses  égaux, 
terrible  pour  ses  ennemis,  le  marquis  de  Mont- 
rose  laissa  une  grande  réputation.  Le  parti 
vainqueur  n'insulta  pas  à  sa  mémoire,  et  le  parti 
royaliste  le  vénéra  comme  un  de  ses  plus  hé- 
roïques martyrs.  Montrose  avait  un  esprit  cul- 
tivé, parlait  éloquemment  et  écrivait  avec  élé- 
gance. Il  reste  de  lui  quelques  petites  poésies, 
entre  autres  des  vers  sur  le  supplice  de  Charles  Ier, 
dans  lesquels  il  promettait  «  de  chanter  les  ob- 
sèques du  roi  avec  le  son  des  trompettes  et  d'é- 
crire son  épitaphe  avec  du  sang  et  des  blessu- 
res ». 

A  la  restauration  le  roi  Charles  II  annula  la 
sentence  de  forfaiture  rendue  par  le  parlement. 
Les  restes  dispersés  du  général  royaliste  furent 
recueillis  et  ensevelis  avec  une  grande  solennité 
dans  la  cathédrale  de  Saint-Gilles  à  Edimbourg. 

Le  marquis  de  Montrose  épousa  Madeleine, 
sixième  fille  de  David  Carnegy,  premier  comte 
de  Southesk,  de  laquelle  il  eut  deux  fils.  L'aîné, 
dont  le  nom  est  inconnu,  mourut  en  1645,  à  l'âge 
de  seize  ans.  Le  plus  jeune,  James,  succéda  aux 
dignités  de  son  père  ;  c^est  de  lui  que  descend 
le  duc  actuel  d'Hamilton.  L.  J. 

Clarendon,  Histnry  of  the  Rébellion.  —  Relation  of 
the  exécution  of  Jam.  Graham,  laie  marquis  of  Mont- 
rose at  Edinburgh  ;  Londres,  1650,  in-4°.  --  Montrose 
redivivus,  or  the  portraiture  of  James  late  marquess  of 
Montruse;  Londres,  1652,  in-8».  —  Relation  of  the  true 
Funerals  of  the  lord  marquis  3.  Graham  de  Montrose; 
1661,  in-4°.  —  M.  Napier,  Montrose  and  the  Covenan- 
ters  :  Londres.  183S,  2  vol.  in-8°.  —  Lodge,  Portraits, 
t.  IV,  édit.  de  Bonn.  —  Grant,  Life  of  J.  mar.  of  Mont 
rose,  1859,  in-8°. 

monts  (  Pierre  du  Guast  de  ) ,  voyageur 
français,  né  en  Saintonge ,  vers  1560,  mort 
à  Paris,  en  1611.  Quoique  sa  famille  fût  origi- 
naire d'Italie  et  fort  catholique,  il  était  protes- 
tant, et  s'attacha  à  la  fortune  de  Henri  IV,  qu'il 
servit  avec  un  grand  dévouement  et  dont  il  de- 
vint gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre.  Il 
en  reçut  le  gouvernement  de  Pons,  dans  le  Lan- 
guedoc. En    1603,  le  commandeur  de  Chaste, 


directeur  de  la  Compagnie  française  du  Canac 
étant  mort,  le  roi  donna  cette  place  à  de  Mon 
qui  arma  plusieurs  bâtiments  à  Dieppe  et 
Havre.  Il  prit  pour  lieutenants  :  Samuel  de  Cha 
plain,  qui  déjà  avait  fait  un  premier  voyage 
Canada;  de  Poutrincourt;  de  Biencourt  et 
Pont-Gravé.  Ce  dernier  fut  chargé  d'établir  c 
relalions  à  Canceau  (pointe  nord-est  de  l'Acadi- 
De  Monts  mit  à  la  voile  du  Havre  le  7  mars  16( 
et  relâcha  le  6  avril  à  Port-Royal  ;  il  y  laissa 
Poutrincourt  comme  gouverneur,  et  chercha  v 
nement  pour  fonder  des  colonies  un  climat  moi 
rigoureux  que  celui  des  rives  du  Saint-Laure 
Il  créa  néanmoins  pour  le  commerce  des  pelle 
ries  la  station  de  Tadoussac,  située  au  conflui 
du  Saguenay  et  du  Saint-Laurent.   Il  revint  i 
suite  en  France  (octobre  1604),  et  y  vit  son  pri 
lége  attaqué  par  tous  les  armateurs  qui  faisaii 
commerce  avec  l'Amérique  du  Nord.  Plusiei 
d'entre  eux  avaient  des  commanditaires  fort  b 
en  cour  ;  de  Monts  fut  donc  spolié,  car  on  ne 
accorda  pour  dédommagement  que  la  modk 
somme  de  6,000  livres.  Il  ne  perdit  pas  ci 
rage,  et,  soutenu  de  ses  associés ,  ïl  expédif 
Poutrincourt  (  13  mai  1606  )  un  bâtiment  co  i 
mandé  par  Marc  Lescarbot  (  voyez  ce  nom  ) 
armé  à  La  Rochelle.  En  1607,  Champlain 
de   Pont-Gravé  conduisirent  encore  deux  i 
vires  partis  d'Honfleur  pour  Tadoussac,  et' 
mars  1608,  ayant  reconquis  son  privilège,  m 
à  la  condition  expresse  de  former  tin  établis: 
ment  sérieux  sur  le  Saint-Laurent,  de  Monts  ] 
envoyer    quelques    autres   vaisseaux  dans 
grand  Océan  boréal.  Sa  compagnie  gagna  bei 
coup  par  ces  expéditions,  qui  exploitaient  pr 
cipalement  le  commerce  des  pelleteries.  Ce 
alors  que  Champlain  fonda  Québec(lfi08-i61 
L'assassinat  de   Henri   TV(l4    mai  1610)  et 
disgrâce  dans  laquelle  tombèrent  après  lui 
protestants  ruinèrent  de  Monts.  Sûr  du  suci 
de  son  œuvre  commencée,  mais  accablé  | 
le  chagrin  de  ne  pas  la  voir  prospérer  à  s 
gré,  il  mourut   en    la  léguant'   à   Champla; 
«  De  Monts,  dit  le  P.  Charlevoix,  était  un  f 
honnête  homme,   dont   les  vues   étaient   dr> 
tes ,  qui  avait  du  zèle  pour  l'État  et  toute 
capacité  nécessaire  pour  réussir  dans  l'entrepr 
dont  il  était  chargé  ;  mais  il  fut  malheureux 
presque  toujours  mal  servi.  »   Son  grand  ti 
fut  d'être  protestant  à  une  époque  où  les  inl 
rets  de  sectes  passaient  avant  ceux  de  l'hun 
nité  et  de  la  patrie.  A.  de  L. 

Le  P.  Biard,  Relation  de  la  Nouvelle-France  (Lv 
1616,  in-12).—  Marc  Lescarbot,  Histoire  de  la  Nv 
velle-France.  —  Le  P.  Charlevoix,  Hist.  de  la  No-uvel 
France  (  Paris,  1744, 3  vol.  in-4»  ). 

MONTSOREAU.    Voy.  JAMBES  (DE). 

montccci  (Antonio) ,  sinologue  et  littératé 
italien,  né  à  Sienne,  le  22  mai  1762,  mort  dans 
même  ville,  en  septembre  1829.  Après  avoir  f 
ses  études  à  l'université  de  sa  ville  natale,  il  I 
nommé  en  1785  professeur  d'anglais  au  collé 
Tolomei.  L'année  suivante  il  se  rendit  à  Floren 


U  MONTUCCI  — 

M  faire  l'éducation  de  deux  Jeunes  Anglais. 

us  celte  ville  il  se  lia  avec  un  autre  Anglais, 

Josiah   Wedgwood,  qui  l'emmena  en  Angle- 

re.  U  y  vivait  en  donnant  des  leçons  d'italien, 

imployait  ses  loisirs  à  étudier  lecliinois  dans 

Mnge  <ie  Fonrmont,  lorsque,  à  l'occasion  de 

nbassade  de  lord  Macartney  en  Chine,  il  3e 

uva  en  rapport  avec   quelques  Chinois  que 

nbassadeur  avait  fait  venir  de   Naples.  Ces 

nois  lui  firent  présent  d'un  exemplaire  du 

hmg  -  Tseu  -  Thoung,  précieux  vocabulaire 

it  il  résolut  de  tirer  parti  pour  composer  un 

ind  dictionnaire  chinois.  Montucci  trouva  d*in- 

sf  montables  difficultés  pour  réaliser  ce  projet, 

»  dépassait  les  forces  d'un   seul  philologue. 

»  «l'impossibilité  de  suffire  lui-même  aux  frais 

tf  npression,  il  s'adressa  aux  souverains  de  l'Eu- 

le.  Un  seul  répondit  à  son  appel,  ce  fut  le  roi 

«Prusse;  mais  à  peine  Montucci  était-il  arrivé 

»  Berlin,  que  cette  ville  fut  occupée  par  les 

1  nçais.  Quoique  déçu  dans  son  espoir  de  pu- 

|.r  son  dictionnaire,  il  continua  d'y  travailler, 

i  it  même  graver  à  ses  frais  un  grand  nombre 

■i  types  de  caractères  chinois.  Successivement 

f  fesseur  d'italien  à  Berlin  et  à  Dresde,  il  ne 

lira  dans  sa  patrie  qu'en  1827,  après  plus  de 

iirante  ans  d'absence.  Ses  livres,  ses  manus- 

i  s  et  ses  types  chinois  furent  acquis  par  la 

l'.r  pontificale.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 

\esie  finora  inédite  del  magnifico  Lorenzo 

1  Medici,  tratte  da  un  codice  délia  Lau- 

\\ziana;  Liverpool,  1790,  in-12;  —  The  Ita- 

II n  pocket  Dictionary;  1795,  in-12;  —  De 

\idiis  Sinicis  in  imperiali  Athenseo  Pelro- 

Witano  recte  instaurandis  ;  Berlin ,   1808, 

HP  ;  —  Remarques  philologiques  sur  les 

'•\yages  en  Chine  de   M.  de   Guignes   fils; 

frlin,  1809,  in-18;  —  Audi  altérant  partent, 

Vf  réponse  à  la  lettre   de  M.  de   Guignes; 

Ijirlin,  1810,  in-8°;  —  Urh-chihtrze-tun,  A 

rallel  drawn  between   the  two  intend-ed 

inese  dictionaries,  by  the  Rev.  Dr  Morris- 

\i  and  Dr  Montucci;  Londres  (Berlin),  1817, 

4».  Z. 

abbc,  Biographie  universelle  des  Contemporains. 

wontucla  {^Jean-Etienne), mathématicien 

fnçais,  né  le  5  septembre  1725,  à  Lyon,  mort  le 

décembre  1799,  à  Versailles.  Fils  d'un  négo- 

fnt,  il  était  destiné  à  la  carrière  du  commerce; 

lis  il  montra  au  collège  des  Jésuites  un  goût 

'  f1  vif  pour  les  sciences  qu'on  le  laissa  maître 

'  suivre  sa  vocation.  Après  avoir  étudié  le  droit 

•  'oulouse,  il  vint  à  Paris  perfectionner  sonédu- 

:  t  ion  dans  la  compagnie  des  savants  et  des  gens 

lettres.  Admis  aux  réunions  qui  avaient  lieu 

;  ;ez  le  libraire  Jombert,  il  y  connut  D'Alembert, 

fderot,  Cochin,   Blondel,  Le  Blond,  et  trouva 

I  eux  d'utiles  conseillers  et  des  amis.  Associé 

Indant  plusieurs  années  à  ta  rédaction  de  la 

uzelte  de  France ,  il  fut  appelé  en   1761  à 

lenoble  pour  y  remplir  le  poste  de  secrétaire 

I  l'intendance.  Il  venait  de  se  marier  lorsqu'il 


MONTVALLON 


406 


accompagna  en  1764  le  chevalier  Turgot  à 
Cayenne  avec  le  double  titre  de  premier  secré- 
taire et  d'astronome  de  l'expédition.  Au  bout  de 
quinze  mois  il  revint  en  France,  et  rapporta  beau- 
coup de  plantes,  entre  autres  le  cacao  et  la  va- 
nille, qu'il  offrit  lui-même  au  roi,  et  une  espèce 
de  haricot  sucré,  le  gros  perlé,  que  l'on  a  cul- 
tivé depuis  cette  époque.  Peu  de  temps  après  il 
obtint,  sur  la  recommandation  de  Cochin  ,  l'em- 
ploi de  premier  commis  des  bâtiments  de  la  cou- 
ronne, auquel  il  joignit  celui  de  censeur  royal. 
Ayant  perdu  l'un  et  l'autre  par  suite  de  la  révo- 
lution, il  se  retira  à  Versailles,  et  fut,  en  1795, 
compris,  à  son  insu,  dans  la  liste  des  savants  à 
qui  la  Convention  accorda  des  secours.  Un  bu- 
reau de  loterie  qu'il  obtint  en  1797  fut  la  seule 
ressource  de  sa  famille.  Montucla  mourut,  d'une 
rétention  d'urine,à  l'âge  de  soixante-quatorze  ans  ; 
quelques  mois  auparavant  il  avait  reçu  du  mi- 
nistre de  l'intérieur,  François  (  de  Neufchâteau), 
comme  membre  associé  une  pension,  de  2,400  fr. 
Il  appartenait  à  l'Institut  dès  la  création  et  à 
l'Académie  de  Berlin  depuis  1755.  C'était  un 
homme  modeste,  généreux,  exact  à  remplir  ses 
devoirs  ;  il  avait  une  instruction  solide  et  une  excel- 
lente mémoire,  à  l'aide  de  laquelle  il  avait  ap- 
pris ,  sans  maître,  l'anglais,  l'italien,  l'allemand 
et  le  hollandais.  On  a  de  lui  :  Recueil  de  piè- 
ces concernant  l'inoculation  de  la  petite  vé- 
role, Irad.  de  l'anglais;  Paris,  1752,  1756, 
in-12,  avec  Morisot-Deslandes  ;  —  Histoire  des 
Recherches  sur  la  Quadrature  du  Cercle  ;  Pa- 
ris, 1754,  in-12;  nouv.  édit. ,  Paris,  1831, 
in-8°,  avec  des  notes  de  Lacroix  ;  —  Récréations 
Mathématiques  d'Ozanam  ;  Paris,  1778,  4  vol. 
in-12  ;  Montucla  en  a  fait  un  livre  tout  à  fait 
neuf  par  la  multitude  d'articles  qu'il  y  a  ajoutés; 
—  Voyage  dans  les  parties  intérieures  de  l'A- 
mérique septentrionale  en  1776-1778,  trad. 
de  l'anglais  de  Carver  ;  Paris,  1784,  in-8°.  Le 
principal  ouvrage  de  Montucla  est  ['Histoire  des 
Mathématiques  (Paris,  1758,  2  vol.  in-4°),  re- 
fondue et  augmentée  dans  une  seconde  édition , 
achevée  par  Lalande  (Paris,  1799-1802,  4  vol. 
in-4°,  pi.  ).  S'il  manque  de  profondeur  et  de  nou- 
veauté dans  les  idées,  on  doit  rendre  justice- à 
l'extrême  clarté  et  à  la  précision  vraiment  admi- 
rable avec  lesquelles  il  a  su  traiter  des  matières 
qui  en  paraissaient  le  moins  susceptibles.  Il  est 
à  regretter  que  les  derniers  volumes,  bien  infé- 
rieurs aux  précédents ,  ne  contiennent  le  plus 
souvent  qu'une  simple  énumération  des  travaux 
d'optique  et  d'astronomie  physique.  K. 

Savinien  Leblond,  Notice  dans  le  t.  IV  de  VHist.    des 
Matkém. 

MOiVTOREPX  (de).  Voy.  BOTJRCIER. 
MOXTVALtON  {André  Barrigde  de),  savant 
magistrat  français,  né  à  Marseille,  le  3  mars  1678, 
mort  à  Aix,  le  18  janvier  1779.  Reçu  en  1702 
conseiller  au  parlement  de  Provence,  il  fut  en 
1725  député  au  nom  de  ce  corps  auprès  du  con- 
j  seil  du  roi  à  Paris ,  pour  y  défendre   les  inté- 


407  MONTVALLON 

rets  du  parlement  contre  les  prétenlions  de  la 
cour  des  aides  d'Aix.  Sa  profonde  connaissance 
du  droit  lui  valut  d'être  consulté  par  le  chance- 
lier d'Aguesseau  sur  la  rédaction  des  ordonnan- 
ces de  1731  et  1735  sur  les  donations  et  testa- 
ments. Pendant  toute  sa  vie  il  consacra  ses  loi- 
sirs à  l'étude  des  belles-lettres  et  des  sciences 
physiques  et  mathématiques  ;  il  entretenait  une 
correspondance  active  avec  Lamoignon,  Lebret, 
Cassini,  Maraldi,  et  autres  hommes  distingués. 
On  a  de  lui  :  Dissertation  sur  la  Peste  et  la 
manière  dont  elle  se  communique  ;  1720,  in-4°; 
écrite  pour  combattre  les  opinions  de  Chirac  ; 
—  Quatre  Lettres  écrites  d'Aix,  1733,  in-fol., 
suivies  de  Lettres  écrites  d'Aix  pendant  le 
procès;  et  attaquant  une  condamnation  à  mort 
prononcée  par  le  parlement  d'Aix;  —  Nouveau 
Système  sur  la  transmission  et  les  effets  des 
sons  et  sur  le  tempérament  du  clavecin  et 
la  manière  de  V accorder  ;  Paris,  1747,  et  Avi- 
gnon, 1756; —  Précis  des  ordonnances  et  dé- 
clarations ,  lettres  patentes,  etc.,  en  usage 
dans  le  ressort  du  parlement  de  Provence; 
Aix,  1752,  in-12;  —  Epitome  Juris  et  legum 
romanarum  fréquentions  usus  juxta  seriem 
Digeslorum;  Aix,  1756,  in-12  ;  —  Des  Obser- 
vations dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des 
Sciences,  années  1730,  1731,  etc.;  —Disser- 
tation, où  l'on  prouve  que  le  mot  insuperabili- 
ier  du  passage  Subventum  gui  est  au  traité  De 
Correptione  et  Gratia,  ch.  XII,  n'est  point  de 
saint  Augustin,  et  que  le  mot  inseparabiliter 
en  est  la  véritable  leçon  ;  LaHaye,  1761,  in-12; 
suivi  de  deux  autres  éditions.  —  Montvallon  a 
laissé  en  manuscrit  des  Contes  et  des  Fables  en 
vers  provençaux  et  un  Dictionnaire  Proven- 
çal-Français. O. 
Achard,  Dictionnaire  de  la  Provence. 
montyon  (  Antoine-Jean-Baptiste-Robert 
Auget,  baron  de),  célèbre  philanthrope  français, 
né  à  Paris,  le  23  décembre  1733,  mort  à  Paris,  le 
29  décembre  1820.  Il  était  fils  d'un  maître  des 
comptes,  qui  jouissait  d'une  fortune  considérable. 
Après  de  brillants  succès  universitaires,  il  fut 
nommé ,  à  vingt-deux  ans ,  avocat  du  roi  au 
Châtelet,  où  son  inflexible  équité  le  fit  surnom- 
mer le  grenadier  de  la  robe.  Il  entra  bientôt 
après  comme  conseiller  au  grand  conseil ,  et  il 
était  depuis  1760  maître  des  requêtes  au  conseil 
d'État,  lorsque  seul,  en  1766,  il  osa  parler  contre 
la  mise  en  accusation  de  La  Chalotais.  Nommé  en 
1767  à  l'intendance  d'Auvergne,  il  se  distingua 
dans  son  administration  par  une  bienfaisance  in- 
telligente, prélevant  jusqu'à  20,000  livres  par  an 
sur  ses  revenus,  pour  donner  du  travail  et  dis- 
tribuer des  secours  aux  indigents*  Sur  le  re- 
fus qu'il  fit,  après  la  suppression  des  parle- 
ments, d'installer  les  nouveaux  magistrats  dési- 
gnés par  Maupeou ,  il  fut  transféré  à  l'inten- 
dance de  Provence,  puis  à  celle  de  de  La  Ro- 
chelle. Quelques  années  après(1775),  et  par  le 
crédit  du  duc  de  Penthièvre,  il  obtint  un  avance- 


—  MONTYON 

ment  mérité,  fut  rappelé  à  Paris  et  nommé  <  I 
seiller  d'État.  Au  milieu  des  travaux  de  ses  in  M 
dances,  Montyon  s'était  livré  à  l'étude  des  lel  $i 
el  de  l'économie  politique.  Il  obtint  à  l'Acad*  g,; 
Française  un  deuxième  accessit  pour  un  Élog  gtj 
Michel  de  L'Hôpital  ;  Paris,  1777,  in-8°.  L'ai  gj 
suivante  il  lit  paraître  des  Recherches  et  C 
sidérations  sur  la  Population  de  la  Fra)  ^ 
Paris,  in-8°. 

Pour  inspirer  aux  autres  cette  émulatior  yi 
bien,  dont  il  était  lui-même  si  vivement  pént  \\ 
il  fonda,  sous  le  voile  de  l'anonyme,  une  suil  M 
prix  à  décerner  par  l'Académie  des  Scien  si 
l'Académie  Française  et  la  Faculté  de  Méde<  ■ 
Voici,  dans  l'ordre  de  leur  date,  la  liste  di  à<i 
belles  fondations,  dont  un  souverain  eûtp  pj 
montrer  jaloux: 

1°  En  1780,  il  fonda  un  prix  annuel  pour  des  y 
périences  utiles  aux  arts,  sous  la  direction  de  9 
cadëmie  des  Scienoes,  et  il  y  consacra  une  t  il 
perpétuelle  sur  le  clergé,  au  capital  de  12,000  I  m 

2=  .En  1782,  un  prix  annuel  en  faveur  de  l'ouv  I 
de  littérature  dont  il  pourrait  résulter  un  plus  g  M 
bien  pour  la  société ,  au  jugement  de  l'Acad  I 
Française,  rente  sur  la  tète  du  roi,  au  capité  m 
12,000  fr. 

3°  Même  année  (1782),  un  prix  en  faveur  H 
mémoire  ou  d'une  expérience  qui  rendrait  les  I 
rations  mécaniques  moins  malsaines  pour  les  fl 
tistes  et  pour  les  ouvriers,  au  jugement  de  l'Ac  I 
mie  des  Sciences;  une  rente  viagère  sur  la  têt  i 
roi  et  de  Monseigneur  le  Dauphin,  au  capita  ty 
(2,000  fr. 

4°  En  1785,  aux  pauvres  du  Poitou  et  du  Bt  I 
12,000  fr. 

5°  Même  année  (1785),  600  fr.  de  rente  viagi  I 
un  homme  de  lettres  que  le  donateur  ne  conna!  H 
pas,  et  qui  n'a  pas  su  lui-même  de  qui  il  rec  M 
8,000  fr. 

6°  Même  année,  un  prix  en  faveur  d'un  mém  H 
soutenu  d'expériences,  tendant  à  simplifier  les  U 
cédés  de  quelques  arts  mécaniques ,  au  jugemer  H 
l'Académie  des  Sciences  ;  une  rente  viagère  si-fl 
tête  du  roi  et  celle  de  Monseigneur  le  Dauphii  ra 
capital  de  12,000  fr. 

7°  Un  prix  pour  un  acte  de  vertu  d'un  Frar  p 
pauvre;  rente  sur  le  clergé,  au  capital  de  12,00  h 

8o  En  1787,  un  prix  annuel  sur  une  questioi  H 
médecine,  au  jugement  de  l'École  de  Médec  El 
une  rente  perpétuelle  sur  le  clergé,  au  capita  p; 
12,000  fr. 

En  1787,  Montyon  avait  été  proposé  ppi 
être  garde  des  sceaux.  Il  était,  depuis  |  L 
attaché  à  la  cour  comme  chancelier  de  la  ma  pi 
du  comte  d'Artois.  Cette  charge  lui  avait  fc 
donnée  en  réparation  des  torts  qu'avaient  f( 
envers  lui  quelques  jeunes  étourdis  de  la  col 
torts  auxquels  le  prince  n'avait  pas  été  étran  M 
Montyon  ne  l'avait  acceptée  qu'à  condition  qu  B 
serait  gratuite. 

A  la  révolution,  Montyon,  qui  avait  rédig  p 
Mémoire  présenté  au  roi,  au  nom  de  MM 
comte  d'Artois,  le  prince  de  Condé,  le* 
de  Bourbon,   1788,   in-8°,   crut  devoir  su 
la  fortune  de  ceux  auxquels  i).  s'était  ainsi  a 


MONTYON  —  MONVEL 


410 


|  Il  émigra,  et  se  trouvait  à  Genève  en  1792, 
lu'il  obtint  un  prix  de  l'Académie  Française 
un  mémoire  sur  cette  question  :  Conse- 
illées qui  ont  résulté  pour  /' Europe  de  la 
ouverte  de  V  Amérique,  relativement  à  la 
M'ique,  à  la  inorale  et  au  commerce.  Mon- 
tai n'avait  pas  signé.  Il  déclara,  toujours  sans 
«  >mmer,  qu'il  consacrait  les  3,000  fr.  qui  for- 
gol  nt  le  montant  du  prix,  à  en  fonder  un  nou- 
fé  pour  récompenser  l'écrivain  qui  indiquerait 
^neilleurs  moyens  ou  les  meilleurs  instru- 
m  ts  pour  économiser  ou  suppléer  la  main- 
jft  ivre  des  nègres.  Ce  fut  là  ce  qui  le  fit  re- 
yj  aître.  A  Londres ,  où  il  passa  les  dernières 
ii  es  de  son  émigration,  il  consacra  chaque  an- 
1*5,000  fr.  aux  réfugiés  français  sans  fortune, 
>!  areille  somme  aux  soldats  de  la  république 
>i  inniers  en  Angleterre,  outre  10,000  fr.  qu'il 
fiit  parvenir  en  Auvergne,  pour  ceux  de  ses 
Sins  administrés  qui  étaient  dans  le  besoin. 
f|  i  réponse  au  Tableau  de  V Europe,  où  Ca- 

0  ;  établissait  que  la  France  avait  été  qua- 
!  siècles  sans  constitution,  il  publia  en  1798 
lémoire  adressé  à  Louis  XV III,  dans  Ie- 
il  soutenait  qu'il  y  avait  une  constitution,  mais 
Ile  avait  été  «  constamment  violée  par  les 
de  France  ».  En  1801,  l'Académie  de  Stock- 
i  lui  décerna  le  prix  sur  ce  sujet  :  Progrès 

tumières  au  dix-huitième  siècle.  La  So- 
royale  de  Gœttingue  ayant  mis  au  concours 
i  question  :  Quelle  Influence  ont  les  ai- 
es espèces  d'impôts  sur  la  moralité,  l'ac- 
%  é  et  l'industrie  des  peuples  p  Montyon  y 
À  ndit  par  un  travail  qui  n'eut  pas  le  prix  , 
rM  e  que ,  au  lieu  d'une  brochure,  il  avait  fait 
jH  vre.  L'Éloge  de  Corneille,  qu'il  présenta  à 
ntituten  1808,  fut,  par  des  considérations 
««n'étaient  rien  moins  que  littéraires,  exclu  du 
'%ours.  Enfin,  il  publia  encore  en  1811  l'État 
Mstiqiie  du  Tunkin,  et  en  1812  des  Parti- 
fyrités  et  Observations  sur  les  Contrôleurs 
Uîraux  des  Finances,  de  1660  à  1791. 
t-  f  baron  de  Montyon  revint  en  France ,  en 
!(tf),  avec  la  seconde  Restauration ,  et  ne  s'oc- 
*5(i  plus  dans  sa  patrie  que  des  œuvres  de  cha- 

1  fi' qui  ont  rendu  son  nom  si  populaire.  Le  prix 
îlvertu ,  et  le  prix  pour  le  meilleur  ouvrage 
ïj  aurait  paru  dans  l'année ,  au  jugement  de 

;  i'jadéraie  Française,  qu'il  avait  fondés,  ayant  été 
;  sibrimés  par  la  Convention  nationale,  Montyon 
Rétablit  à  son  retour  en  France.  Il  fit,  en  outre, 
[>-M  divers  bureaux  de  charité  de  la  capitale,  pour 
$t  de  35,000  fr.  de  dons.  Homme  d'un  es- 
;pi  fin  et  d'un  savoir  varié,  il  avait  la  réputa- 
-.tii  d'un  des  plus  agréables  conteurs  de  son 
jftiue.  II  mourut  à  Paris ,  à  l'âge  de  quatre- 
V!;t-sept  ans.  Son  testament,  où  respiraient 
jJtjientiments  de  la  plus  profonde  piété,  conte- 
nu* les  dispositions  suivantes  :  «  10,000  fr. 
li^mt  mis  en  rente  pour  donner  un  prix  à  celui 
,-fljdécouvrira  les  moyens  de  rendre  quelque  ari 
;:*ijanique  moins  malsain,  au  jugement  de  l'A- 


cadémie des  Sciences.  10,000  fr.  seront  mis 
en  rente  pour  fonder  un  prix  annuel  en  faveur 
de  celui  qui  aura  trouvé  dans  l'année  un  moyen 
de  perfectionnement  de  la  science  médicale  et 
de  l'art  chirurgical ,  au  jugement  de  la  même 
Académie.  10,000  fr.  pour  fonder  un  prix  an- 
nuel en  faveur  d'un  Français  pauvre  qui  aura 
fait  dans  l'année  l'action  la  plus  vertueuse. 
10,000  fr.  pour  fonder  un  prix  annuel  en  fa- 
veur du  Français  qui  aura  composé  et  fait  paraître 
le  livre  le  plus  utile  aux  mœurs  :  ces  deux  der- 
niers prix  laissés  au  jugement  de  l'Académie 
Française.  »  Montyon  légua ,  en  outre',  par  le 
même  acte,  10,000  fr.  à  chacun  des  hospices 
des  divers  arrondissements  de  Paris  «  pour  être 
distribués  en  gratifications  ou  secours  aux  pau- 
vres qui  sortiront  de  ces  établissements.  Ces 
sommes  devront  être  progressivement  doublées, 
triplées  et  même  quadruplées,  selon  que  la  for- 
tune du  testateur  l'aura  permis,  et  sauf  la  ré- 
serve du  legs  universel  par  lui  déterminé.  »  Or, 
sa  fortune  s'élevait  à  l'époque  de  son  décès  à  la 
somme  de  cinq  millions.  Sur  la  proposition  de 
M.  de  Lacretelle,  l'Académie  Française  décida 
que  l'éloge  de  Montyon  serait  prononcé  publique- 
ment dans  son  sein,  par  l'un  de  ses  membres, 
et  depuis  lors  cet  éloge  a  été  plusieurs  fois  mis 
au  concours.  En  1838 ,  le  corps  de  cet  homme 
de  bien,  d'abord  déposé  au  cimetière  du  Mont- 
Parnasse  ,  a  été  transporté  à  l'hôtel  -  Dieu ,  où 
l'autorité  a  décidé  qu'un  monument  serait  élevé 
à  sa  mémoire  sous  le  portique  de  cet  hôpital. 
[  Lebas,  Dictionnaire  historique  de  la  France, 
avec  additions.] 

B.-V.  Franklin,  Éloge  historique  de  Montyon;  Paris, 
183V,  in-8°.  —  Lacretelle,  Discourt  sur  M.  Montyon, 
dans  le  Recueil  de  V Académie,  1820-1829.  —  Arnault, 
Jouy,   Biographie  des  Contemporains. 

monvel,  {Jacques-Marie,  et  non  Marin, 
Boutet,  dit  ) ,  célèbre  comédien  et  auteur  dra- 
matique français,  né  à  Lunéville,  le  25  mars 
1745 ,  mort  à  Paris,  le  13  février  1812.  Fils  d'un 
musicien  de  l'ordinaire  du  roi  de  Pologne,  il  fut 
élevé  aux  frais  de  ce  prince.  Il  débuta  à  la  Co- 
médie-Française, sous  le  nom  de  Monvel  (le  28 
avril  1770),  dans  les  rôles  d'Égysthe  de  Mérope 
et  d'OIinde,  de  Zénéide.  Il  fut  reçu  en  1772  pour 
remplir  les  seconds  rôles  tragiques  et  de  haut 
comique.  Il  annonça  de  l'intelligence  et  de  la 
chaleur;  malheureusement,  la  nature  lui  avait 
refusé  les  avantages  physiques  :  petit,  grêle, 
mesquin,  maigre  à  faire  pitié,  il  ressemblait, 
selon  l'expression  pittoresque  d'une  tragédienne 
célèbre,  M1Ie  Clairon,  «  à  un  amant  à  qui  l'on 
a  toujours  envie  de  donner  à  manger  ■».  Ce- 
pendant il  ne  tarda  pas  à  prendre  une  des  pre- 
mières places  parmi  les  gens  de  talent  qui 
illustraient  alors  la  scène  française.  Mole  lui- 
même  trouva  en  Monvel  un  rival  redoutable. 
La  tradition  nous  a  transmis  avec  quelle  perfec- 
tion Mole  établit  le  rôle  de  Charles  Morinzer 
dans  L'Amant  bourru.  Eh  bien,  Monvel  dans  ce, 

même  rôle  se  montrait  moins  brillant,  sans 


411 


MON V EL 


doute,  mais  plus  pénétré;  il  y  était  moins  écla- 
tant, mais  d'une  sensibilité  plus  exquise.  En 
somme ,  son  succès  ne  le  cédait  point  à  celui  de 
son  chef  d'emploi.  Rappelons  incidemment  que 
ce  fut  à  l'issue  de  la  première  représentation  de 
cette  comédie,  que  Monvel  et  Mole,  alors  di- 
visés, se  réconcilièrent  sous  les  yeux  du  public. 
Ramené  sur  la  scène  par  Mole  pour  y  recevoir 
cette  espèce  d'ovation ,  tant  prodiguée  depuis , 
mais  dont  les  comédiens  pouvaient  à  cette  époque 
se  glorifier  avec  justice,  Monvel,  après  avoir  d'a- 
bord salué  l'assemblée,  se  précipita  tout  à  coup 
dans  les  bras  de  son  camarade.  Sincère  ou  non, 
cette  réconciliation  bien  jouée  eut  un  grand  suc- 
cès auprès  du  public. 

Monvel  n'était  pas  moins  remarquable  dans  la 
tragédie  que  dans  la  comédie.  Les  feuilles  du 
temps  mentionnent  une  représentation  du  Ma- 
homet de  Voltaire ,  où  cet  acteur  jouait  Séïde 
entre  Brizard  et  Lekain,  jouant,  celui-ci  Maho- 
met, et  l'autre  Zopire.  Interprétée  par  de  tels 
acteurs ,  cette  tragédie  offrait  le  plus  parfait  en- 
semble et  produisait  l'effet  le  plus  extraordinaire. 
On  rapporte  à  cette  occasion  que  Lekain ,  qui 
dans  le  cours  de  la  représentation  l'avait  attenti- 
vement observé ,  dit  :  <i  Voilà  un  petit  homme 
qui  perdra  la  tragédie.  »  C'est  qu'effectivement 
Monvel  avait  trop  souvent  sacrifié  les  conve- 
nances théâtrales  et  particulièrement  la  dignité 
tragique  au  désir  de  produire  de  l'effet  par  toutes 
sortes  de  petits  moyens.  Ce  que  Lekain  lui  re- 
prochait surtout,  c'était  de  trop  détailler  ses 
rôles  ,  de  dépecer  et  de  décolorer  les  plus  belles 
périodes  poétiques  pour  en  faire  de  la  prose  de 
conversation ,  de  multiplier  ses  gestes  à  l'infini, 
et  enfin  de  poser  la  main  avec  une  excessive  fa- 
miliarité sur  ses  interlocuteurs.  Lekain  qui  ne 
voyait  pas  de  tragédie  là  où  il  n'y  avait  pas  de 
majesté,  appelait  cela  du  pathétique  bourgeois, 
du  naturel  affecté.  Cependant,  Monvel  possé- 
dait autant  d'âme,  autant  d'intelligence,  de  sen- 
sibilité que  cet  acteur  sublime;  mais  trahi  par 
ses  moyens,  il  voulut  se  former  une  manière  qui 
leur  fût  proportionnée.  A  la  mort  de  Lekain,  irre- 
vendiqua une  part  de  sa  succession  tragique; 
mais  lorsqu'il  tenta  de  disputer  sur  la  scène  cet 
héritage  à  La  Rive,  il  dut  bientôt  reconnaître 
que  l'intelligence  la  plus  parfaite  ne  saurait  tenir 
lieu  à  un  tragédien  de  force  et  de  représentation. 
Du  reste,  il  le  sentit  si  bien,  que  peu  de  temps 
après  la  mort  de  Lekain,  parlant  de  ce  triste 
événement  en  présence  de  quelques  amis,  il  s'é- 
cria :  «  Ah!  si  j'avais  eu  les  moyens  de  cet 
homme,  j'ose  croire  que  le  public  regretterait 
moins  un  jour  l'irréparable  perte  qu'il  vient  de 
faire!  » 

A  partir  de  ce  moment ,  Monvel  se  renferma 
dans  un  certain  nombre  de  rôles,  donnant  la  pré- 
férence à  ceux  où  la  savante  économie  des  dé- 
tails ,  l'art  d«  faire  valoir  les  mots  devaient  ra- 
cheter la  force  qui  lui  manquait.  Nous  citerons 
particulièrement  celui  d'Auguste,  où  la  nature 


elle-même  semblait  l'inspirer,  où  le  sentin  f 
et  le  goût  réglaient  sa  diction  et  ses  moini  -, 
mouvements,  etle  rôle  de  Fénelon  (l),où,por  ; 
au  plus  haut  degré  l'onction  de  la  parole,  i  • 
montrait  inimitable.  La  Veuve  du  Malabar,  t 
à  l'origine  n'avait  eu  qu'une  réussite  très-<  i 
testée  (2),  remise  à  la  scène  en  1780  (29  av  I 
obtint  un  tel  succès  qu'on  ne  peut  le  comp;  * 
qu'à  celui  du  Siège  de  Calais.  On  la  représi 
pendant  trois  mois  avec  la  même  affluence.  L 
teur,  d'ailleurs ,  avait  apporté  à  sa  pièce  d'1 
reuses  modifications;  mais  Monvel,  qui  rem  j 
çait  Mole  dans  le  rôle  du  jeune  bramine ,  fut 
d'être  étranger  à  cette  vogue. 

En  1781,  des  tracasseries  lui  ayant  été  su  J 
tées  par  ses  propres  camarades ,  le  forcèren 
quitter  clandestinement  la  Comédie  -  Francs  J 
On  ne  fut  pas  d'accord  dans  le  public  sur  | 
motifs  de  sa  fuite.  Ses  amis  l'attribuèrent  au  n  | 
vais  état  de  ses  affaires  et  aux  dégoûts  (  I 
éprouvait  de  la  part  de  sa  société;  mais  la  ni 
gnité  publique  chercha  à  l'expliquer  par  d'au 
causes,  malheureusement  plus  réelles.  Quoi< 
en  soit,  Monvel  se  rendit  à  Stockholm,  où  il  p, 
plusieurs  années,  attaché  à  la  personne  du 
comme  lecteur.  Peu  de  mois  après  sa  disi  | 
tion ,  le  bruit  de  sa  mort  s'étant  répandu,  il 
la  jouissance  de  lire,  de  son  vivant,  dans 
journaux  ,  son  panégyrique  et  le  jugement  ; 
cipé  de  la  postérité. 

Monvel   revint  en  France  quelques   ant' 
avant  la  révolution,  en  1786,  et  il  en  embr 
les  principes  avec  ardeur.  Ce  fut  lui  qui 
nonça  dans  l'église   Saint-Roch  un  discoun 
faveur  de  la  Déesse  de  la  Raison,  qui  fut  e 
imprimé   et  répandu  à  profusion.  On  dit 
depuis  il  témoigna  un   sincère  repentir  de 
erreurs  et  fit  rechercher  tous  les  exempla 
de  son  discours,  étrange  monument  de  délh 
d'impiété,  afin  de  les  anéantir.  Il  reparut! 
le  théâtre  des  Variétés   amusantes  (3),  et 
retrouva  ses  succès  d'autrefois.  Des   infini 
prématurées  et  la  perte  de  sa  mémoire  ne 
permirent  plus   de  paraître  sur  la  scène 
des  intervalles  éloignés.  Les  jeunes  acteur 
perdirent  un  modèle  précieux;  mais  il  put' 
core  les  servir  utilement  par  ses  conseils  et 
ses  leçons,  ayant  été  nommé  professeur  au  ( 
servatoire  dès  la  fondation  de  cet  établissem 
Il  prit  sa  retraite    définitive  en    1806,  lég' 


(1)  Tragédie  de  M.  J.  Chénier,  représentée  sur  le  thi  e 
de  la  République,  le  9  février  1793. 

(2)  Jouée  le  30  juillet  1770,  sans  succès,  la  sixièim  I 
présentation,  entre  autres,  fut  très-orageuse.  Un  pla  jl 
fit  à  cette  occasion   l'épigramme  suivante  : 

J'ai  vu  cette  veuve  indécise; 
Ami,  que  veux-tu  que  J'en  dise? 
Son  sort  est  digne  de  nos  pleurs. 
Du  bûcher  elle  est  délivrée  ; 
Mais  c'est  pour  être  déchirée 
Par  le  public  et  les  acteurs. 

(3)  Dirigé  alors  par  Gaillard  et  Dorfeuille,  ce  tht 
devint  en  1791  Théâtre  de  la  République.  C'est  aujour 
la  Comédie-Française. 


18  MONViiL  — 

la  Comédie- Française  M,le  Mars  cadette,  sa 
te  et  son  élève  (1).  Ses  obsèques  eurent  lieu  à 
linl-Laurent.  Montvel  faisait  partie  de  l'Institut 
puis  le  tfi  décembre  1795.  M.  J.  Le  Breton,  sé- 
duire perpétuel  de  la  quatrième  classe,  à  1a- 
,ielle  avait  appartenu  le  défunt,  et  Lafon,  socié- 
ire,  prononcèrent  chacun  un  discours  sur  sa 
mbe. 

Monvel  a  composé  beaucoup  de  pièces  de  théâ- 
',  jouées  presque  toutes  avec  succès,  tant  à  la 
imédie-Françuise  qu'à  la  Comédie-Italienne, 
mime  auteur  il  a  peu  d'invention  et  n'a  pas  de 
lie  ;  mais  ses  ouvrages  sont  adroitement  faits 
contiennent  des  détails  heureux.  On  voit  que 
1 1  auteur  a  étudié  le  théâtre,  et  sent  vivement 
,  it  ce  qui  est  propre  à  y  faire  de  l'effet.  On  a 
,  lui  :  Rixblen ,  ou  la  main  de  fer,  tragédie 
j  cinq  actes  en  vers ,  1794  ;  non  imprimée. 
,  fte  pièce  fut  arrêtée  par  ordre  au  Théâtre  de 
j  République,  la  veille  de  la  première  représen- 
^  ion  ;  —  A,  E,  I,  0,  U.;  pièce  comique,  jouée 
i  théâtre  de  la  cour,  à  Choisy,  en  1777  ;  non 
|  primée  ;  —  V Amant  bourru ,  comédie  en 
;  lis  actes,  en  vers  libres,  1777  ;  —  Le  Chevalier 
■■  niçais ,  1783;  non  imprimée;  —  Le  Cheva- 
|T  sans  reproches,  au  les  amours  de 
\iyard,  1783;  réimprimée  en  1808,  avec  les 
!  ux  titres  renversés  ;  —  Les  deux  Mères , 
[  la  confidente  d'elle-même,  1787  ;  non  im- 
îimée;  —  Le  Deuil  prématuré,  17  mai 
W>3;  —  V heureuse  Indiscrétion,  21  août 
[90;  —  La  Jeunesse  du  dite  de  Richelieu, 
i  le  Lovelace  français;  1798  :  avec  Al.  Duval  : 
;  liii-ci  disait  à  qui  voulait  l'entendre  que  «  Mon- 
j  1  n'avait  rien  fait  dans  la  pièce  »  ;  —  Le  Potier 
j  terre,  ou  le  lien  bien  payé;  trois  actes, 
;  91  .-  tombée;  —  Le  Secret  révélé,  sans  date  : 
tmédie  posthume,  arrangée  par  Decomberousse 
jouée  à  l'Odéon,  le  29  avril  1816;  —  Clémen- 
ce et  Désarmes ,  drame,  1780;  —  Mathilde, 
lame  en  cinq  actes,  1799;  —  Les  Victimes 
pîtrées,  drame  en  cinq  actes,  1791  ;  —  Tan- 
iède  et  Méléziride,  1796;  non  représentée,  non 
'iprimée;  —  Agnès  et  Olivier,  opéra  comique 
;  trois  actes,  1791;  —  Alexis  et  Justine, 
'éra  comique  en  deux  actes,  1785;  —  Am- 
oise,  ou  voilà  ma  journée,  opéra  comique 
|  un  acte,  1793;  —  Biaise  et  Babet,  ou  la 
ite  des  Trois  Fermiers,  1783;  —  Le  Chêne 
itriotique,  opéra  comique  en  deux  actes,  1790; 
Le  Général  suédois ,  opéra-comique  en 
iux  actes,  1799;  —  Jérôme  et  Fanchon- 
tle,  opéra  comique  en  un  acte,  1785;  —  Jé- 
me,  ou  le  porteur  de  chaises,  opéra  comique 


,1)  Aux  termes  d'un  jugement  rendu  par  le  tribunal  de 
îtirtère  Instance  du  département  de  la  Seine,  le  l«  dé- 
nbre  1847,  et  transcrit  le  22  du  même  mois  sur  les  ré- 
tros du  4e  arrondissement,  il  a  été  ordonné  que  «  l'acte 
naissance  de  Mnne-FrançoiseHippolyte  Boutet, 
e  Mars,  soit  modifié,  en  ce  qu'il  a  été  dit  que  Jeanne- 

lirgtterite'SAiAÉTAT  était  l  épouse  de  Jacques-Mari» 

rUTET,  dont  le  mariage,  alors  projeté,  ne  s'est  jamais 

'  ilisé  ». 


MONVOISIN 


414 


en  un  acte,  1778;  —  Julie,  en  trois  actes,  1772; 

—  Philippe  et  Georgette,  opéra  comique  en  un 
acte,  1772  ;  —  Raoul  de  Créqui,  opéra  comique 
en  trois  actes,  1789;  —  Roméo  et  Juliette ,  ou 
tout  pour  r amour ,  opéra  comique  en  trois 
actes,  1792;  non  imprimé;.—  Sargines,  ou 
l'élève  de.  l'amour,  opéra  comique  en  quatre 
actes,  1783;  —  Le  Stratagème  découvert, 
opéra  comique  en  un  acte,  1773; —  Les  Trois 
Fermiers,  opéra  comique  en  deux  actes,  1777; 

—  Urgande  et  Merlin,  opéra  comique  en  deux 
actes,  1792;  — L'Erreur  d'un  moment,  ou 
la  suite  de  Julie,  opéra  comique  en  un  acte, 
1773;  —  Les  deux  Nièces,  de  Boissy,  comé- 
die en  trois  actes  et  en  vers,  1787  ;  — :  Frédé- 
gondeet  Brunehaut  ;  Paris,  1775,  in-8°:  livre 
déplorablement  conçu  et  plus  mal  écrit  encore  ; 

—  Discours  prononcé  le  jour  de  la  fête  de  la 
Raison,  dans  l'église  Saint- Roch;  Paris,  10  fri- 
maire an  h,  in-8°.  Quelques  fragments  de  ce 
discours  se  trouvent  reproduits  dans  les  Essais 
sur  la  Révolution,  par  Beaujieu,  p.  252,  t.  V  ; 

—  on  trouve  dans  le  1er  vol.  des  Mémoires  de 
l'Institut,  Classe  de  Littérature,  1798,  deux 
fables  de  Monvel,  intitulées,  l'une  :  Le  Rossi- 
gnol et  le  Coucou;  l'autre,  Le  Chien  de  basse- 
cour  et  la  Levrette.  E.  de  Manne. 

Mercure  de  France,  ann.  1770  et  1781.  —  Journal  de 
Paris,  1781.  —La  Harpe,  Correspondance  littéraire:  — 
Griimii,  Correspondance  littéraire.  —  Histoire  du 
Théâtre-Français,  par  Etienne  et  Martainville.  —  Mé- 
moires de  l'Institut,  1798.  —  Quérard,  La  France  Litté- 
raire. —  Renseignements  particuliers. 

MONVEL  (Noël- Barthélémy  Boutet  dit), 
fils  aîné  du  précédent,  a  été  secrétaire  particu- 
lier de  l'archi- chancelier  Cambacérès.  Il  est  au- 
teur d'une  tragédie  de  Junius  Brutus,  ou  le 
proscrit,  en  cinq  actes  et  en  vers,  1797;  —  de 
La  Visite  des  Mariés,  comédie,  25  juin  1798.  Il 
est  un  des  auteurs  de  Christophe  Morin,  vau- 
deville qui  obtint  un  grand  succès  en  1799,  et 
de  M.  de  Bièvre,  vaudeville,  1799. 

Jacques-Marie-Julien ,  frère  du  précédent, 
a  écrit  :  Le  Mort  fiancé,  opéra  comique,  16  jan- 
vier 1833  ;  —  Le  Retour  des  Lys ,  ou  Minerve 
protectrice  de  la  France,  opéra  comique,  1815; 

—  Le  Savant,  vaudeville,  1833. 

Un  petit-fils  de  Monvel,  M.  Boutet-Monvel, 
est  aujourd'hui  professeur  de  physique  au  lycée 
Charlemagne.  U  est  auteur  de  plusieurs  ou- 
vrages estimés  .  E.  D. 

Quérard,  La  France  Litt.  —  Journal  de  la  Librairie. 

mon  ville  (De).  Voy.  Boissel. 

Jmonvoisin  (  Raymand  -  Auguste  Quin- 
sac),  peintre  français,  né  à  Bordeaux,  en  1795. 
Il  étudia  d'abord  chez  Lacour,  peintre  distingué 
de  Bordeaux,  vint  à  Paris,  et  entra  dans  l'ate- 
lier de  Pierre  Guérin.  Quoiqu'il  n'eût  remporté 
que  le  second  grand  prix  au  concours  de  1831, 
il  obtint  néanmoins,  sur  les  réclamations  de  Gé- 
rard, la  faveur  d'être  envoyé  en  Italie.  Deux 
des  tableaux  qu'il  avait  exécutés  à  cette  époque  : 
Télémaque  et  Eucharis,  et  un  Berger  napo- 


\ 


4  î  5  MONVOISIN 

litain,  furent  achetés  par  le  duc  d'Orléans.  A   | 
cette  même  époque ,  il  exécuta  un  Saint  Gilles   \ 
surpris  dans  sa  retraite  par  le  roi  des  Goths, 
une  Assomption  de  la  Vierge,  et,  pour  la  ga-   J 
lerie  de  M.  Schikler,  Rosemonde  et  Henri  II. 
Il  exposa  au  salon  de  1819  La  Guérison  d'un   j 
pestiféré  :  au  musée  de  Bordeaux  ;  —  en  1822,   | 
Épisode  du  Fleuve  Scamandre  et  Aristomène; 
—  en  1827,  Scène  de  Naufragés  ;  —  en  1830, 
la  Naissance  de  la  Vierge  :  à  l'église  Notre- 
Dame-de-Lorette;  —en  1831,  l'Exaltation  de 
Sixte-Quint  :  à  la  galerie  du  Luxembourg;  —  en 

1833,  Ali- Pacha  et  Vasiliki  ;  Blanche  de  Beau- 
lieu,  Louis  XIV  et  Mtne  de  La  Vallière  ;  —  en 

1834,  Jeanne  la  Folle  :  au  musée  du  Luxem- 
bourg; —  en  1835,  Charles  IX  à  ses  derniers 
moments:  aumuséede  Montpellier  ;  —  en  1836, 
La  Bataille  de  Denain  :  au  musée  de  Ver- 
sailles; en  1837,  La  séance  du  9  Thermidor;  en 
1838,  Le  Christ  en  croix;  en  1839,  Les  der- 
niers moments  du  poète  Gilbert.  En  1842, 
M.  Monvoisin  se  rendit  à  Valparaiso,  où  il  resta 
dix  ans.  Revenu  à  Paris,  il  exposa,  en  1859: 
Deux  Epoux  du  Paraguay  ;  Caopolicano , 
cacique  des  Araucaniens ,  prisonnier  des  Es- 
pagnols ;  une  Chilienne  prisonnière  des  In- 
diens de  l'Araucanie.  Cet  artiste  a  été  nommé 
chevalier  de  la  Légion  d'Honneur  en  1837. 

G.  de  F. 
annuaire  des  Artistes  français,  1836.  —  Journal  des 
Beaux-Arts,  1842, 1"  vol.  —  Livrets  des  Salons. 

moojaert  ou  mooyaert  (  Clas  ),  peintre 
et  igraveur  hollandais ,  né  à  Amsterdam,  vers 
1590.  Il  fut  élève  et  émule  d'Adam  Elzheimer, 
et -se  distingua  dans  le  genre  du  paysage.  Ses 
toiles  sont  fort  recherchées,  ses  gravures  à  l'eau- 
forte  sont  aussi  très- appréciées  des  amateurs  : 
on  cite  surtout  de  Moojaert  six  petites  planches 
représentant  des  animaux,  Chameaux,  Bœufs, 
Boucs ,  Moutons .  exécutées  dans  la  manière  de 
Swanevelt;  —  Lot  h  et  ses  filles,  imitation 
d'Elzheimer  ;  —  un  paysage  animé  :  on  y  voit 
un  taureau  sur  le  premier  plan,  et  dans  le  loin- 
tain des  vaches  et  des  moutons.  Moojaert  fut 
le  maître  de  Clas  Berghem,  de  Jacques  van  der 
Does ,  de  Jacques  Koning ,  de  Jan  Wéeninx  et 
d'autres  artistes  qui  contribuèrent  à  la  gloire  de 
l'école  hollandaise.  A.  de  L. 

Descamps,  La  fie  des  Peintres  hollandais,  t.  II,  p.  113. 

moor(  Antonis  van),  connu  aussi  sous  le 
nom  espagnol  d'Antonio  Moro ,  célèbre  peintre 
hollandais,  né  àUtrecht,  en  1512  (1),  mort  à 
Anvers,  en  1568.  Il  fut  élève  de  Jan  Schoo- 
reel,  et  sous  ce  maître  habile  développa  rapide- 
ment les  talents  que  la  nature  lui  avait  donnés. 
Le  cardinal  Antoine  Perrenot  de  Granvelle  fut 
son  premier  protecteur  ;  il  le  mit  à  même  de  faire 
le  voyage  d'Italie.  Moor  s'arrêta  surtout  à  Venise, 


(1)  Le  Catalogue  du  Musée  du  Louvre  le  fait  naître  en 
1525.  On  a  des  tableaux  de  van  Moor  dates  de  1544.  Leur 
beauté  est  telle  qu'on  peut  difficilement  croire  qu'ils  sont 
•ortis  du  pinceau  d'un  jeune  homme  de  dix-neuf  ans. 


—  MOOR  A 

et  y  forma  son  goût  ;  le  cardinal  le  fit  entrer 
service  de  l'empereur  Charles-Quint,  qui  le  | 
en  affection  et  l'envoya  à  la  cour  de  Portu 
faire  les  portraits  du  roi  Joào  III,  de  la  relm 
femme,  dona  Calherina  d'Autriche  et  de  C 
tille,  sœur  de  l'empereur,  et  celui  AeVinfa; 
leur  fille  (  depuis  première  femme  de  Philippe  I 
Ces  trois  portraits  valurent  à  l'artiste,  outre 
riches  présents,  600  ducats  (7,158  fr.).  Il  fit  les  j 
traits  d'un  grand  nombre  de  seigneurs  à  1 00  duc 
(  1, 1 93  fr.)  chacun,  etlorsqu'il  quitta  Lisbonne, 
habitants  de  cette  ville  lui  firent  présent  d'i 
chaîne  d'or  de  la  valeur  de  1,000  florins.  A 
retour,  Charles-Quint  lui  confia  plusieurs 
vrages  importants  et  le  chargea  d'aller  à  Lond 
faire  le  portrait  de  la  reine  Mary  Tudor  ( 
puis  seconde  femme  du  roi  d'Espagne  Philippe 
Il  obtint  de  cette  princesse  100  livres  sterl 
de  pension  et  exécuta  plusieurs  copies  de 
portrait,  qu'il  vendit  très  cher  aux  nobles 
glais  (  1  ) .  Il  fit  présent  de  l'une  d'elles  à  son  pro 
teur  le  cardinal  Granvelle  et  d'une  autre  à  1 
pereur,  qui  lui  donna  1,000  florins.  Antonio  M 
conserva  auprès  du  sombre  Philippe  II  la  fav 
qu'il  avait  eue  près  de  Charles-Quint.  Cette 
veur,  qui  descendait  parfois  jusqu'à  la  familial 
faillit  devenir  bien  fatale  à  l'artiste.  Un  jou 
souverain  étant  en  gaieté ,  entra  dans  l'ateliei 
peintre  et  le  frappa  sur  l'épaule.  Antonio  rip< 
d'un  coup  d'appuie-main.  On  sait  qu'il  est 
fendu  en  Espagnede  toucher  à  la  personne  roy 
sous  peine  de  mort.  Grand  fut  donc  le  scand 
le  roi  avait  pris  la  chose  en  badinant ,  mais 
courtisans  ne  pouvaient  l'envisager  de  la  so: 
Antonio  fut  dénoncé  à  l'inquisition.  Déjà  les  ( 
seillers  du  saint-office  méditaient  son  arre 
tion,  lorsqu'un  seigneur  le  prévint  du  dai 
qu'il  courait  :  celui  d'être  brûlé  vif  comme 
crilége.  Moro  connaissait  trop  son  maître  p 
avoir  une  grande  confiance  en  son  amitié;  il  î 
donc ,  et  lui  demanda  un  congé  pour  des  affa: 
urgentes  qui  l'appelaient  dans  sa  patrie.  Le 
se  fit  prier;  puis  consentit  au  départ  de 
peintre,  sous  la  promesse  formelle  qu'il  rev 
drait  au  plus  tôt.  Arrivé  dans  les  Pays-Bas,  Ai 
nis  van  Moor  se  fit  un  devoir  d'oublier  les 
gagements  d'Antonio  Moro  ;  et  lorsque  peu  a| 
le  roi  d'Espagne  lui  écrivit  lui-même,  pour 
rappeler  ses  conditions  ,  le  peintre  fit  naître 
obstacles  à  son  retour  à  proportion  des  instai 
qu'on  lui  faisait  de  le  hâter.  Par  une  bien  î 
chance,  il  avait  su  se  faire  aimer  de  cet  ai 
homme  terrible ,  Fernando  Alvarez  de  Tolè 
ducd'Albe,  qui  l'avait  pris  à  son  service,  et  ai 
tait  toutes  ses  réponses,  dans  la  crainte  d'i 
obligé  de  le  renvoyer  de  force  à  Madrid.  I 
logea  dans  son  palais  de  Bruxelles ,  où  il  lu 

U)  On  admirait  en  1851  un  de  ces  portraits  à  l'Eut 
tion  artistique  de  Manchester.  La  reine  est  assise  de 
quarts  à  gauche;  elle  a  une  cornette  blanche,  un  liât 
ment  noir  et  des  manches  rouge».  Cette  œuvre  se 
tingue  par  un  dessin  large,  une  touche  énergique  et 
sobre  en  même  temps. 


MOOR 


418 


indre  plusieurs  de  ses  maîtresses.  Mooi:  avait 
ssé,  en  fuyant,  sa  famille  en  Espagne.  Philippe  II 
prit  soin,  et  gratifia  les  nombreux  enfants  de 
rtiste,  les  unsde  charges  honorables,  les  autres 
canonicats.  Le  duc  d'Albe  demanda  un  jour  à 
ior  si  ses  enfants  étaient  pourvus  convenable- 
ut.:  Moor  répondit  qu'Us  l'étaient  tous,  ex- 
>té  un  de  ses  gendres ,  qui  pourtant  était  fort 
oable  d'exercer  un  emploi  supérieur  ;  le  duc 
le  fit  ^présenter,  et  lui  donna  aussitôt  la  re- 
:te  générale  de  West-Flandre,  une  des  plus 
ïratives  des  Pays-Bas.  On  le  voit,  Moor  avait 
talent  «d'apprivoiser  les  natures  les  plus  fé- 
ses.  II  mourut  comblé  d'honneurs  et  fort  riche. 
Le  genre  de  Antonis  van  Moor  ne  tient  à  au- 
q  temps,  à  aucun  pays.  La  Hollande,  l'Italie, 
spagne,  le  Portugal,  l'Angleterre,  la  Belgique, 
ont  prêté  les  meilleures  qualités  de  leurs 
9les.  Ses  portraits  sont  des  chefs-d'œuvre,  ri- 
ux  des  plus  beaux  Titien,  mais  peints  avec 
e  individualité  de  sentiments  d'exécution  qui 
ressemble  à  aucun  maître.  Si  la  tournure  y  est 
i  peu  vénitienne,  tout  le  reste  est  van  Moor  et 
ait  reconnaître  l'auteur  entre  tous.  Son  pinceau, 
turellement  souple  et  «moelleux ,  est,  quand  il 
|  faut,  ferme  et  vigoureux.  Son  dessin  est  correct, 
■.  n  coloris  admirable.Ses  compositions  présentent 
[  la  fois  vérité  et  force.  Ses  œuvres  sont  rares, 
r  beaucoup  ont  été  attribuées  à  d'autres  maîtres  : 
1  était  Le  Nain  de  Charles  Quint  (n°  343  du 
>uvre),  qu'on  a  attribué  très- longtemps  à  un 
àve  duGiorgione.  On  cite  surtout  de  lui  :  Jésus- 
\rist  montant  au  ciel  entre  saint  Pierre 
saint  Paul  et  une  Circoncision  dans  la  ca- 
édrale  d'Anvers.  Le  Louvre  possède  plusieurs 
taux  portraits  de  van  Moor,  entre  autres  celui 
i  Grotius.  —  En  Angleterre,  on  voit  le  por- 
ait  d'Antonio  Moro  peint  par  lui-même.  Il 
est  campé  debout  et  de  grandeur  naturelle  jus- 
,1'aux  genoux,  de  trois  quarts  à  droite,  en  cos- 
ime  espagnol,  avec  la  chaîne  d'or  au  cou  et  l'é- 
e  au  côté,  la  main  droite  appuyée  sur  la 
anche ,  la  gauche  sur  la  tête  d'un  dogue  espa- 
îol.  Ce  fier  portrait  a  de  l'analogie  avec  ceux 
eints  par  Sébastien  del  Piombo,  le  Titien  et  le 
intoret,  mais  dans  une  pratique  plus  simple, 
[lus  particulière.  Le  caractère  y  est  gravé  comme 
iir  du  bronze,  et  les  procédés  ne  s'y  laissent 
[oint  voir.  On  ne  voit  que  l'artiste  avec  sa  tête 
?solue  et  indépendante,  l'homme  qui  osa  tou- 
her  le  lion  (1).  Ce  tableau  faisait  autrefois 
artie  de  la  galerie  d'Orléans  ;  il  appartient  au- 
mrd'hui  à  lord  Spencer.  Le  même  gentleman  pos- 
sède un  portrait  de  Philippe  II,  peinture  ordi- 
aire;etunbeau  portrait  de  sir  Francis  Drake, 
igaéAntonius  Mor,  1568.  A.  de  L. 

jCarl  van  Mander,  Het  leven  der  moderne  oftdees- 
itsche  doorluchtighe  Nederlandtsche,  etc.  (Amsterdam, 
«317,  in-4»).  —  Descamps,  La  Fie  des  peintres  hotlan- 

(1)  C'est  ainsi  que  s'exprime  van  Mander  en  faisant  al- 
ision  à  Philippe  11.  M.  W.  Burger  fait  observer  que  ce 
lot  n'est  pas  juste  :  «  Philippe  II,  dit-il,  n'était  pas  un 
on  :  c'était  une  bete  de  cimetière  et  de  tombeaux.  » 

NOCY.   BIOGR.   GÉNÉR.  —   T.  XXXVI. 


dais,  etc.,  t.  I,  p.  S8-S9.  —  De  Piles,  Abrégé  de  la  vie 
des  Peintres,  p.  372  373.  —  \V.  Burger,  Exhibition  des 
trésors  de  l'art  à  Manchester  dans  Le  Siècle ,  mai  1857. 
—  Catalogue  du  musée  du  Louvre. 

moor  (Karel  de),  peintre  hollandais,  né  à 
Leyde,  le  22  février  1650,  mort  à  Warmout, 
le  16  février  1738.  Il  était  fils  d'un  marchand  de 
tableaux,  qui  le  destina  d'abord  aux  lettres; 
mais  Moor,  entraîné  par  la  vue  des  chefs-d'œuvre 
qu'il  avait  constamment  sous  les  yeux,  préféra 
la  carrière  des  arts.  Son  père  le  plaça  c^ez  Gé- 
rard Dow,  où  le  jeune  Moor  fit  de  grands  progrès  ; 
mais,  porté  pour  une  manière  plus  large  que 
celle  de  son  maître ,  il  alla  à  Amsterdam  étudier 
chez  un  excellent  portraitiste,  Abraham  van  [der 
Tempel.  Ce  maître  étant/mort  en  1672,  Charles 
van  Moor  revint  à  Leyde,  où  il  entra  dans  l'a- 
telier de  Franz  Mieris  le  vieux.  Il  quitta  cet  il- 
lustre artiste  pour  suivre  les  leçons  de  Godefroy 
Schalken  à  Dort.  Ces  changements  de  maître, 
loin  de  nuire  au  talent  de  Moor,  le  mirent  à  même 
de  prendre  quelque  bonne  qualité  de  chacun 
d'eux.  Il  débuta  en  public  par  plusieurs  por- 
traits, qui  le  placèrent  de  suite  au  premier  rang 
en  ce  genre.  11  se  risqua  alors  dans  l'histoire, 
et  son  tableau  de  Pyrame  et  Thisbé  obtint  un 
tel  succès  que.  les  États  lui  commandèrent  une 
œuvre  pour  décorer  la  salle  du  conseil.  On  lui 
laissa  le  choix  du  sujet,  pourvu  qu'il  eut  rapporf 
à  la  justice.  Moor  représenta  Lucius  Junius 
Brutus  .condamnant  à  mort  ses  deux  fils 
(508-509  avant  J.-C),  convaincus  d'avoir  cons- 
piré pour  le  retour  des  Tarquins.  Ce  tableau , 
selon  Descamps,  est  effrayant,  tant  les  senti- 
ments qui  animent  chaque  personnage  y  sont 
exprimés  avec  vérité.  Vers  la  même  époque,Moor 
peignit  un  grand  et  beau  tableau  d'autel  pour 
l'église  des  Jacobins  de  Leyde.  Il  exécuta  aussi 
un  grand  nombre  de  portraits  et  de  petits  sujets 
pris  dans  la  vie  privée ,  et  qui  ont  le  précieux 
des  plus  grands  maîtres  de  genre.  On  y  retrouve, 
outre  un  dessin  supérieur,  la  touche  exquise  de 
Gérard  Dow,  de  Franz  Mieris.  La  réputation  de 
van  Moor  devint  telle  que  le  grand-duc  de  Tos- 
cane, Cœme  III,  qui  rassemblait  une  galerie  com- 
posée des  portraits  des  plus  grands  peintres,  vou- 
lutqueceluideMoor  y  figurât.  L'artiste  se  peignit 
lui-même,  et  envoya  son  image  au  duc  en  1702. 
Cosme  in  fit  présent  à  l'artiste  d'une  médaille 
d'or  du  poids  de  deux  marcs  (1)  suspendue  à  une 
chaîne  du  même  métal.  L'empereur  d'Allemagne, 
Joseph  Ier,  fit  demander  à  Moor  par  son  ambassa- 
deur près  des  États,  le  comte  de  Zinzendorf,  les 
portraits  du  prince  Eugène  de  Savoie  et  du 
duc  de  Marlborough.  Il  les  représenta  tous  deux 
à  cheval  et  côte  à  côte  :  il  fit  aussi  le  portrait 
du  comte  de  Zinzendorf.  L'empereur  fut  si  sa- 
tisfait de  ces  tableaux  qu'il  créa  leur  auteur  che- 
valier du  Saint-Empire.  Le  czar  Pierre  Ier,  lors 

(1)  Le  marc  d'or  en  1703  représentait  8  onces  an- 
ciennes, ou  64  gros,  ou  192  deniers,  ou  4,608  grains.  Sa 
valeur  était  de  47*  livres,  10  sons,  10  deniers.  (  Arrêts 
des  Conseils  d'État.) 

14 


419 

de  son  voyage  en  Hollande,  voulut  aussi  avoir 
son  portrait  du  peintre  à  la  mode  :  il  affection- 
nait tellement  cette  œuvre  qu'il  la  mettait  sous 
clef  et  ne  voulait  qu'elle  ne  fût  montrée  qu'en 
sa  présence. 

Karle  de  Moor,  contrairement  aux  peintres  de 
son  époque,  mena  toujours  une  vie  très-réglée.  Il 
est  vrai  qu'il  ne  quitta  pas  sa  patrie  et  ne  fit  pas 
le  voyage  d'Italie,  où  la  bande  académique  était 
une  école  de  débauche.  Il  aimait  passionnément 
son  art,  mais  ne  négligea  jamais  l'occasion  d'en 
tirer  profit,  surtout  par  ses  portraits,  qu'if  fai- 
sait payer  très-cher.  Ils  sont,  d'ailleurs,  d'une 
grande  beauté  :  les  uns  ont  la  vigueur  des  Rem- 
brandt, les  autres  le  charme  des  van  Dyck.  La 
couleur  de  Moor  est  belle  et  brillante  ;  son  des- 
sin pur,  son  exécution  finie,  ses  compositions 
bien  disposées.  C'est  un  des  peintres  qui  ont  tra- 
vaillé le  plus  longtemps.  Octogénaire  et  retiré 
à  sa  campagne  de  Warmout,  où  il  mourut,  il 
peignait  encore  avec  talent  ;  néanmoins,  ses  der- 
niers tableaux  se  reconnaissent  par  une  touche 
moins  vigoureuse  :  on  n'y  retrouve  plus  la  force 
d'exécution  qui  le  caractérisait  particulièrement. 
Outre  les  tableaux  déjà  cités ,  on  remarque  de 
lui  :  à  Leyde  :  les  portraits  de  M.  et  Mme  van 
Aerssen ;  ceux  de  M.  et  Mme  Guillaume- Louis 
van  Wassenaer,  grands  comme  nature  et  peints 
jusqu'aux  genoux,  que  quelques  amateurs  hol- 
landais, trop  amants  de  l'hyperbole  ou  entraînés 
par  un  patriotisme  exagéré,  n'ont  pas  craint  de 
placer  au-dessus  de  ceux  du  Titien.  —  A  La 
Haye,  on  admire  dans  la  principale  salle  de  l'hôtel 
(de  ville  une  vaste  composition ,  regardée  juste- 
ment comme  un  des  meilleurs  morceaux  de 
Moor.  Elle  représente  une  Assemblée  des  no- 
tables de  La  Haye  en  1719  (1).  Les  personnages, 
bien  groupés,  semblent  respirer,  voir,  parler.  Les 
costumes,  les  étoffes,  les  dentelles,  les  détails 
d'ornement,  d'ameublement   et  d'architecture 

sont  rendus  avec  une  exactitude  surprenante; 

Un  Pêcheur  et  sa  femme;  —  Une  Femme  qui 
donne  de  la  bouillie  à  son  enfant;  —  Ver- 
tumne  et  Pomone  ;  —  Armide  et  Renaud  en- 
dormi; —  Un  Ermite;  —  Un  jeune  Homme 
jouant  avec  un  petit  chien  auprès  d'une  cor- 
beille de  fleurs  ;  —  Un  Berger  qui  joue  de  la 
flûte  près  de  deux  bergères;  —  Une  Famille  de 
villageois  à  table  (  le  Bénédicité  );  on  voit  dans  le 
fond  les  vues  de  Leyde  et  de  Warmout;  — 
Un  jeune  Garçon  et  une  jeune  Fille  sautant; 

—  Un  Vieillard  faisant  la  cour  aune  jeune 
Fille;  —  La  Madeleine;  —  à  Middelbourg  : 
Une  jeune  Femme  jouant  avec  des  plumes; 

—  à  Harlem,  maison  Verhamme,  sur  le  vieux 


(1)  C'est  un  assemblage  de  portraits  en  pied,  demi-na- 
ture, et  d'une  ressemblance  extraordinaire  suivant  les 
écrivains  du  temps.  Les  principaux  personnages  sont  les 
bourgmestres  Ewont  Brand,  Gysberl  van  Kinschot ,-  les 
échevins  Paul  van  Assendeft,  Adriaan  van  Spierinx 
IIock,  JVillem  Comans,  Villem- Antoine  Pietersen,  Jan 
ten  Hove,  Jan  Stenis ,-  les  secrétaires  Michel  ten  Hovfeél 
Jan.Quarles  ;  le  premier  commis  Nicolas  Jtnerongèn,  etc. 


MOOR  —  MOORCROFT  )  | 

Fossé  :  La  Décoration  d'une  salle  à  mam  m 
une  balustrade  règne  autour  de  la  pièce,  il 
grand  nombre  de  personnages  y  sont  appi  j  I 
dans  différentes  positions  et  costumés  dive  m 
ment.  Des  groupes  sont  échelonnés  en  pers  »j| 
tive;  le  paysage  est  très-varié  :  l'ensemble  A 
cette  grande  composition  est  aussi  ingén  H 
qu'agréable.  —  à  Paris  :  Des  Joueurs  d'éch  m 
Presque  tous  les  tableaux  de  Charles  van  3  m 
ont  été  reproduits  par  la  gravure.  A.  di  II 

Jakob  Campo  Weyerman,  De  Konst-Sehilders  en  h  > 
Schilderesseil,  etc.,  t.  IV.  —  Charles  Blanc,  Histoin  M 
Peintres;  école  hollandaise.  —  Pilkington,  Hiator  M 
Painters.  —  Descamps,  La  Vie  des  Peintres'Jiollam  I 
t.  111,  p.  710. 

moorcrOft  (  Guillaume  ),  voyageur  ■ 
glais,  né  dans  le  Lancashire,  mort  à  l- 
hko  (  royaume  de  Caboul  ),  le  27  août  1  ■ 
Pendant  qu'il  faisait  ses  études  au  collégi  ■ 
chirurgie,  à  Liverpool ,  une  épizootie  formid  I 
éclata  dans  un  des  districts  du  comté  et  y  ap  I 
la  sérieuse  attention  dés  hommes  de  l'art.  C  I 
choisit  pour  aller,  avec  un  fermier  nommé  1  ■ 
son,  observer  la  maladie  dans  les  lieux  même  I 
elle  sévissait,  et  il  accomplit  sa  mission  ave<  I 
telligence.  Deux  riches  gentilshommes  qn  I 
voulaient  du  bien,  et  dont  il  respectait  le  j  I 
ment  et  le  patriotisme,  l'engagèrent,  à  son  ret  I 
d'abandonner  la  chirurgie  pour  la  médecine  I 
térinaire.  Ils  lui  démontrèrent  qu'en  se  dévoi  I 
à  l'amélioration  progressive  d'une  profes  I 
rabaissée ,  bien  qu'intimement  liée  aux  il  I 
rets  de  l'agriculture, il  rendrait  plus  de  servi 
à  son  pays  qu'en  continuant  une  profes  I 
qu'illustraient  déjà  des  hommes  d'un  talent  <  I 
nent.  Leurs  arguments  le  convainquirent,  il 
son  professeur,  le  docteur  Lyon,  insista  pour<  I 
n'abandonnât  point  ses  études  chirurgicales.  I 
autre  professeur,  Jean  Huhter,  dont  on  dema  I 
l'opinion,  déclara  que  s'il  n'était  point  lui-m  I 
si  âgé,  il  commencerait  sans  retard  à  étudie! 
médecine  vétérinaire.  La  déclaration  d'uni 
maître  fut  décisive,  et  par  ses  conseils,  comn  I 
n'y  avait  point  à  cette  époque  une  seule  é  I 
vétérinaire  en  Angleterre1,  Moorcroft  vint  1 1 
dier  en  France.  A  son  retour,  il  s'associ  M 
Londres  avec  un  de  ses  amis,  appelé  Field  Si 
pendant  quelques  années  tous  deux  se  créèi  ti 
une  clientèle  qui  leur  permit  dé  vivre  dans  iri 
assez  grande  aisance.  Moorcroft  cependant  I  h 
par  se  dégoûter  d'une  profession  qui  le  mel  I 
trop  souvent  en  contact  avec  des  indivi  • 
d'une  basse  condition ,  et  des  spéculât*  i  i 
manufacturières,  dans  lesquelles  il  se  lança,  \  I 
tardèrent  pas  à  lui  enlever  la  plus  graM 
partie  de  sa  fortune.  Dans  cette  situation,  |* 
directeurs  de  la  Compagnie  des  Indes   oriiM 


taies  lui  offrirent  l'emploi  d'inspecteur 
leurs  haras  militaires  au  Bengale,  et  Moorci 
fut  trop  heureux  de  l'accepter.  Il  dit  adie 
l'Angleterre  en  mai  1808.  A  cette  époque, 
Compagnie  cherchait  à  améliorer  la  race  indig( 
des  chevaux  de  l'Hindôustan  pour  les  rern 


M 

opres  au  service  de  la  cavalerie.  Moorcroft 
mprit  tout  de  suite  que  la  remonte"  de  la  cava- 
!ïe  ne  serait  convenablement  opérée  que  par 
it  roiiuction  dans  les  haras  du  cheval  turcoman 
anglais,  qu'il  considérait  comme  préférable 
cheval  arabe.  La  Compagnie  ne  voulant  point 
rendre  à  ses  représentations ,  il  entreprit  sans 
ii  autorisation,  sans  nul  encouragement,  et  à 
1 3  propres  frais,  son  premier  voyage  au  delà 
s  monts  Himalaya.  Accompagné  de  Guillaume 
;arsay,  capitaine  d'infanterie,  qui  peu  aupara- 
nt  était  allé  avec  quelques  autres  de  ses  com- 
triotes  à  la  découverte  des  sources  du  Gange, 
jorcroft,  sous  le  costume  d'un  pèlerin  hindou, 
.dirigea  vers  le  lac  Manasoravara ,  situé  au 
>rd  de  l'Himalaya,  et  que  les  sectateurs  de 
ama  regardent  comme  sacré.  Vingt-cinq  Hln- 
us  formaient  sa  suite,  et  tous  ensemble  se 
unirent^ à  Bareily,  ville  située  dans  la  haule 
aine,  à  l'est  deDejlù,  sur  le  Cosila,  affluent  du 
ange,  puis  ils- s'enfoncèrent  dans  les  montagnes, 
atteignirent  Djosimath,  sur  le  Dauli,  qui  un 
u  plus  bas,  grossi  des  eaux  d'une  autre  ri- 
ère,  devient  -;l'Alacananda,  branche  orientale 
i  Gange.  Le  26  mai  1812  nos  voyageurs  sor- 
tent de  Djosimath,  suivirent   la    vallée  pro- 
tide  du   Dauli,  après   avoir  triomphé  d'im- 
«nses  difficultés ,  parvinrent  au  col  de  Niti ,  à 
ne  hauteur  de  15,778  pieds,  et  découvrirent, 
1er  juillet,  vers  le  nord-est,  les  Kaïlaça  dont 
s  Hindous,  saluèrent  respectueusement  la  cime 
ilminante,  le  Mahadeo  Kalinga,  complètement 
eigeuse,  et  qu'ils   considèrent  comme  le  siège 
3  la  divinité.   Trois  jours  après,  ils  entraient 
uns  la  ville  de  Daba,  dont  les  autorités,  soup- 
mneuses,  ne  les  accueillirent  que  provisoirement 
îndant  neuf  jours.  Le  17  juillet ,  ils  arrivèrent 
'  Ghertok,  après  avoir  traversé  le  Satoudra,  qui 
bule  au  nord-ouest,  et  coupe  l'Himalaya  pour 
énétrer  dans   l'Hindoustan.  Moorcroft  et  son 
pmpagnon ,  reconnus  pour  Européens  par  les 
Ifficiers  du  gouvernement   chinois,   auquel  le 
?ays  obéit,  purent  cependant  acheter  de  la  laine 
f  châles,  des  chèvres  et  des  brebis  tibétaines, 
juittèrent  le  23  juillet  le  campement  de  Gher- 
!)k,  et  remontant  le   long  d'une    rivière  qui 
l'ouïe  au  nord-ouest  arrivèrent  près  de  sa  source , 
t  supposèrent  avec  raison,  comme  la  suite  l'a 
prouvé,  que  c'était  l'Indus.  Les  deux  Anglais 
tescendus  de  ce  plateau,  que  parsemaient  de  pe- 
tits lacs  et  que  couvraient  des  neiges  à  demi 
indues,  traversèrent  un  des  bras  du  Sapou- 
ra  à  Maïsar,  y  achetèrent  huit  yaks  ou  bœufs 
eTartarie,  et  enfin   le  6  août  campèrent  sur 
les  bords  du  lac  Manasarovara ,  but   de  leur 
ioyage.  Deux  jours  suffirent  à  Moorcroft  pour 
!  es  observations ,  et  retournant  vers  l'ouest,  il 
ilécouvrit  le  lac  du  Ravanhrad,  quatre  fois  plus 
onsidérable  encore.  Une  route  plus  sinueuse 
(ue  celle  qu'il  avait  suivie  l'amena  dans  le  Bhou- 
jan,  et  arrêté  pendant  quelque  temps   par  la 
ribu  des  Gorkbas,  il  n'obtint  sa  liberté  qu'après 


MOORCROFT  422 

de  longues  réclamations  et  sur  un.  ordre  du  rad- 
jah de  Népal.  Rentré  à  Calcutta  au  mois  de  no- 
vembre, Moorcroft  y  reprit  ses  fonctions ,  mais 
l'avortement  de  sa  première  tentative  ne  lui  fit 
pas  abandonner  son  idée  primitive,  et  il  ne  son- 
gea qu'aux  moyens  de  préparer  une  autre  expé- 
dilion,  pour  laquelle  il  lit  partir  un  éclaireur, 
Mir-Izzet-Oullah,  jeune  Hindoustani ,  qui  après 
avoir  parcouru  le  Cachemyr,  le  Tibet,  le  Turkes- 
tan  chinois,  alla  jusqu'à  Bokhara,  et  revint  par 
Balkh ,  Bamian  et  Caboul,  dans  les  plaines  de 
l'Hindoustan. 

Muni  de  quelques  marchandises  anglaises,  aux- 
quelles il  espérait  ouvrir  un  débouché  dans 
la  haute  Asie,  Moorcroft  partit  à  la  fin  d'oc- 
tobre I819'de  Bareily.  Georges  Trebeck  était  le 
seul  Européen  qui  l'accompagnât.  Moorcroft  vi- 
sita successivement  Almorah,  Srinagar  dans  le 
Gurhwal ,  Bilaspour,  Mandi ,  et  arriva  à  Lahor, 
le  6  mai  1820.  Quelques  jours  après,  il  reprit-, 
par  des  routes  qu'aucun  Européen  n'avait  traver- 
sées avant  lui ,  le  chemin  des  montagnes,  fran- 
chit le  1er  août  le  col  de  Tirak,  et  se  trouva 
le  14  de  ce  mois  à  la  source  du  Beyah  (  Hypha- 
sis),  l'une  des  trois  grandes  rivières  du  Panjab. 
Enfin,  le  24  septembre,  il  entra  dans  Lé,  capi- 
tale du  Ladakh  qui  fait  partie  du  Tibet  et  passa 
deux  années  entières  à  explorer  cette  ville  et 
les  pays  environnants.  Malgré  les  efforts  des  mar- 
chands deCashmir,  qui  le  soupçonnaient  de  vou- 
loir leur  enlever  un  commerce  très-lucratif, 
il  conclut  en  mai  1821  avec  le  gouvernement  du 
Ladakh,  au  nom  des  négociants  de  Calcutta,  une 
convention  tendant  à  ouvrir  à  ces  derniers,  et 
en  conséquence  aux  manufactures  de  la  Grande- 
Bretagne,  toute  l'Asie  centrale,  depuis  la  Chine 
à  l'est  jusqu'à  lagrande  Boukharie  à  l'ouest.  Nous 
ne  le  suivrons  pas  davantage  dans  ses  excur- 
sions nombreuses,  à  Cashmir,  où  il  arriva  le 
3  novembre  1822,  à  Djelalabad  (4  juin  1824),  à 
Caboul  (20  juin),  à  Khulm,  à  Kunduz,  à  Balkhet 
enfin  à  Bokhara  (25  février  1825).  Partout,  au- 
tant qu'il  lui  avait  été  possible ,  Moorcroft  avait 
acheté  des  chevaux  pour  la  Compagnie  des  Indes, 
et  il  se  félicitait  de  la  réussite  de  son  voyage, 
quand  une  fièvre  maligne  le  saisit  à  Andhko  et 
l'enleva  après  quelques  jours  de  maladie.  Ses 
compagnons  ramenèrent  son  corps  à  Balkh,  où  il 
fut  inhumé.  Ses  papiers  furent  plusieurs  années 
après  remis  à  la  Société  asiatique  de  Calcutta; 
Alexandre  Bûmes  les  apporta  en  Angleterre,  et 
les  confia  à  Horace  Hayman  Wilson,  qui  en  fit  un 
choix  qu'il  livra  à  l'impression.  On  a  de  Moor- 
croft :  A  Journey  to  Lake  Manasarovara  in 
Undes  (Voyage  au  lac  de  Manasarovara,  dans 
l'Undes) ,  imprimé  au  tome  XII  des  AsittUc 
Researches,  traduit  en  français  par  Eyriès,  dans 
les  Nouvelles  Annales  des  Voyages,  tome  Ier; 
—  Travels  in  the  Himalayan  Provinces  of 
Hindustan  and  the  Panjab,  in  Ladakh  ,  and 
Kashmir,  in  Peshawar,  Kabul,  Kunduz  and 
Bokhara,  from  1819  to  1825,  London,  184)1, 

14. 


423  MOORCROFT  —  MOORE 

2vol.in-8°,  withamapand  pictures.  Tout  ce  qui 
concerne  leLadakh  est  entièrement  neuf  dans  cet 
ouvrage  ;  quant  aux  autres  contrées,  elles  avaient 
été  déjà  décrites;  — On  the  Purik  Sheep  of  La- 
dakh,  and  some  other  animais ,  prineipally 
of  the  Sheep  and  Goat  Kind ,  with  gênerai 
observations  on  the  Country  of  Ladakh. 
Moorcroft,  dans  cette  notice  insérée  dans  le 
t.  Ier  des  Transactions  of  the  royal  Âsiatic 
Society  ofGreat-Britain  and  Ireland,  recom- 
mande le  mouton  Purik  comme  pouvant  être 
d'une  grande  utilité  dans  plusieurs  contrées  de 
l'Europe.  H.  Fisquet. 

Notice  sur  Moorcroft,  servant  de  préface  à  ses  voyages 
dans  les  provinces  hiraalayennes  de  l'Hindoustan.  — 
Asiatic  Journal,  tome  XXI,  p.  619  et  709,  année  1826. 

moore  (Jonas),  mathématicien  anglais ,  né 
le  8  février  1617,  à  White  (Lancashire  ),  mort 
le  27  août  1679,  à  Godalming.  11  donnait  des 
leçons  de  mathématiques  lorsqu'il  fut  chargé 
en  1647  de  l'éducation  scientifique  du  prince 
Jacques,  second  fils  de  Charles  Ier.  Pendant 
la  révolution  il  reprit  son  premier  métier,  et 
utilisa  ses  talents  dans  le  dessèchement  ou  l'é- 
coulement des  marais.  Selon  Aubrey,  il  présenta 
à  Cromwell  un  modèle  de  citadelle  pour  main- 
tenir Londres  dans  le  devoir.  Cependant  il  dut 
à  sa  renommée  de  pur  royaliste  la  place  d'ins- 
pecteur-général de  l'artillerie  et  des  lettres  de 
noblesse  sous  Charles  II.  Il  usa  de  son  crédit  au- 
près de  son  ancien  élève ,  le  duc  d'York,  pour 
faire  ériger  la  maison  de  Flamsteed  en  observa- 
toire public  (1675)  et  pour  fonder  à  l'hôpital  du 
Christ,  dont  il  était  gouverneur,  une  école  de 
mathématiques  à  l'usage  des  marins.  Il  fut 
membre  de  la  Société  royale  de  Londres.  On  a 
de  lui  plusieurs  traités  élémentaires ,  un  Traité 
général  d'Artillerie  traduit  de  l'italien ,  et  un 
Cours  complet  de  Mathématiques ,  publié  en 
1681  par  Hanway  et  Potinger,  ses  gendres.     K. 

Birch, Hist. of  the  royal  Society.—  Hutton,  Dict.  of 
MatJiematics. 

moore  (John),  prélat  anglais,  né  en  1662, 
mort  le  31  juillet  1714,  à  Londres.  Il  prit  ses 
degrés  à  Cambridge.'La  protection  de  lord  Not- 
tingham  le  lit  arriver  aux  plus  hautes  dignités 
de  l'Église;  il  occupa  les  sièges  épiscopaux  de 
Norwich  (1691)  etd'Ely  (1707).  Il  aimait  et  en- 
courageait les  lettres.  Ses  Sermons,  publiés  par 
Samuel  Clarke,  son  chapelain  (1715;  2  vol. 
in-8°  ) ,  eurent  beaucoup  de  succès.  Sa  biblio- 
thèque, composée  de  30,000  vol.,  fut  acquise 
par  le  roi  Georges  II,  qui  en  fit  présent  à  l'univer- 
sité de  Cambridge.  K. 

Chalmers,  Général  Biograph.  Dict. 

moore  (Francis),  voyageur  anglais,  né 
vers  1695,  mort  en  1752.  Il  partit  en  1730  comme 
directeur  du  comptoir  de  Saint-James  établi  sur 
les  bords  de  la  Gambie,  et  remonta  ce  fleuve 
l'espace  de  600  milles.  Il  explora  durant  cinq 
années  diverses  contrées  de  la  Sénégambie ,  le 
Bambouck,  le  Kasson ,  le  Kaarta ,  le  Bondou,  et 
les  pays  des  Bambaras  et  des   Sarracolets.  Il 


4! 
essaya  de  pénétrer  dans  le  Ghiambour-Cayo. 
mais  la  maladie  et  surtout  le  mauvais  vouk 
des  indigènes  le  forcèrent  à  rebrousser  chemi 
De  retour  dans  sa  patrie ,  il  publia  de  très-c 
rieux  renseignements  sur  cette  partie  de  1'. 
frique  occidentale  dans  un  ouvrage  intitulé  :  Tr  i 
vels  in  the  interior  of  Africa,  etc.  ;  Londre 
1738,  in-8°, et  1742,  in-4°,  avec  fig.  Les  tiavai 
de  MM.  Le  Blanc  (Voyage  en  Galamen  182C 
du  comte  Ed.  Bouet-Willaumez ,  de  G.  Molli 
(  Voyage  dans  l'intérieur  de  V Afrique  ai 
sources  du  Sénégal  et  de  la  Gambie  en  1818), 
surtout  ceux  de  M.  Anne  Raffenel  (  Voyage  da 
l'Afrique  occidentale,  etc.)  ont  ôté  aujourd'h 
beaucoup  d'intérêt  à  la  relation  de  Frani 
Moore.  A.  de  L.   ] 

Cuny,  Tableau  historique  des  Découvertes  et  des  Ê> 
blissements  des  Européens  dans  le  nord  et  dans  l'ou 
de  V Afrique  jusqu'au  commencement  du  dix-neuviè 
siècle  (1809,  2  vol.  in-3°).— Walkenaër,  Hist.  générale  t  | 
Voyages,  t.  V.  —  Ternaux-Compans,  Nouvelles  Anna  i 
des  Voyages,  t.  XC1V.  —  W.  Gray,  Travels  in  JFestt 
Africa  from  the  river  Gambia  through  Bondoo,Gala 
Kasson,  Kaarta,  etc.  (  Londres,  1825,  in-8°)  . 

moore  (Edward  ),  littérateur  anglais, 
le  22  août  1712,  à  Abingdon,  mort  le  28  févri 
1757,  à  Londres.  Fils  d'un  ministre  dissidei 
il  reçut  une  instruction  élémentaire,  et  fut  ei  j 
ployé  chez  un  marchand  de  toiles  ;  il  se  dégodj 
du  commerce,  et  se  niità  écrire,  «  plutôt,  dit-  ! 
par  nécessité  que  par  goût».  Ses  débuts  furei 
des  plus  heureux,  et  il  ne  rencontra  guère  mie 
que  le  premier  sujet  qu'il  traita,  Fables  for  t 
female  sex ;  il  approche  souvent   deGay,sj 
modèle,  et  réunit  dans  son  style  l'énergie  à  l'i  J 
sance  et  à  la  pureté.  Ce  recueil  lui  donna  ac<  I 
dans  le  monde  littéraire;  les  lords  Lyttelton 
Pelham   le  prirent  sous  leur  patronage  ;  ma  I 
voyant  qu'il  en  retirait  plus  d'honneur  que  I 
profit,  il  écrivit  pour  la  scène  plusieurs  piè( 
de  théâtre   et  des  chansons   pour  les  jardi 
publics.  En  1750  il  épousa  miss  Hamilton ,  c  I 
obtint  un  emploi  dans  la  maison  de  la  reine.  1 
1751  il  devint  le  principal  rédacteur  d'un  journ 
The  World,  dont  la  première  idée  appartenail 
lord  Lyttelton  et  qui  se  propagea  rapidemei 
grâce  à  la  collaboration  secrète  des  comtes 
Chesterfield,  de  Bath  et  de  Corke,  de  Walpol 
Jenyns,  Cambridge,  etc.  Dans  le  dernier  n 
méro  ce  fut  Moore  qui  se  chargea  d'annoncer  .  I 
public  que  la  publication  en  était  forcément  i 
terrompue,  par  suite  du  décès  de  l'auteur.  Qui 
ques  années  plus  tard,  comme  il  surveillait 
réimpression  des  articles  qu'il  y  avait  fait  ins 
rer,  il  mourut,  au  moment  où  l'on  mettait  so  j 
presse  ce  facétieux  avis  qui,  par  une  bizar 
coïncidence,  se  trouva  exprimer  la  vérité.  Moo 
était  un  écrivain  agréable,  plein  de  naturel  I 
d'enjouement  ;  il  avait  des  sentiments  honnête 
un  cœur  droit  et  une  vie  irréprochable.  On  a  >\ 
lui  :   Fables   for  the  female  sex  ;  Londre 
1774,in-8°;   trad.    en   français  ( Fables  po\ < 
les  dames;  Amsterdam,  1764,  in-8°),etso! 
vent  réunies  aux  Fables  de  Gay  dans  les  éc  i 


!5 


MOORE 


426 


>ns  de  ce  dernier;  —  The  Foundlïng,  co- 
nfie; 1748;  trad.  en  français  par  M">c  Ricco- 
ni;— Gil Blas, comédie;  1751;  —  The  Games- 
,  tragédie;  Londres,  1753,  in-8°;  trad.  en 
nçais  (  Le  Joueur;  Paris,  1762,  in- 12).  Jouée 
!ec  un  succès  extraordinaire  par  Garrick,  cette 
!!ce  fut  suspendue,  dit-on,  sur  les  plaintes  de 
'elques  riches  habitués  des  réunions  de  jeu; 
e  s'est  conservée  assez  longtemps  au  réper- 
ire  anglais;  —  The  World;  Londres,  1767; 
\d.  en  français  par  G.-J.  Monod  {Le  Monde; 
yde,  1757,  2  vol.  in-12),  et  par  Saint-Sympho- 
\\(Tableau  critique  des  mœurs  anglaises; 
Haye,  1761,  in-12).  Moore  a  signé  cette  col- 
Non  d'articles  du  pseudonyme  A' Adam  Fitz- 
!am.  Ses  œuvres  poétiques  et  dramatiques  ont 
s  réunies  par  lui  en  1766  en  1  vol.in-4°.  P.L — y. 
ohnson  et  Chalmers,  English  Poets.  —  Etogr.  Dra- 
■tica.  -  Walpole,  Letters. 

moore  (John),  médecin  et  littérateur  an- 
us, né  en  1729,  à  Stirling,  mort  le  28  février 
1 02,  à  Londres.  Il  était  fite  unique  d'un  mi- 
Ktre  de  l'Église  écossaise.  Élevé  sous  les  yeux 
sa  mère,  il  étudia  la  médecine  à  Glasgow,  où 
teuivit  les  cours  d'Hamilton  et  de  Cullen,  et  ob- 

Dt,  en  1747,  par  la  protection  du  ducd'Argyle, 
faveur  d'être  employé  à  l'armée  de  Flandre 
los  les  hôpitaux  de  Maestricht  et  de  Flessingue. 
»mmé  ensuite   aide-chirurgien  dans  un  régi- 
înt  de  gardes  à  pied,  il  garda  cette  place  jus- 
i'à  la  paix  générale,  reprit  ses  études  sous  le 
:  Hèbre  Hunter,  et  passa  denx  ans  à  Paris  avec  le 
re  de  médecin  de  l'ambassade  anglaise.  Après 
oir  assisté  aux  leçons  de  l'accoucheur  Smellie 
Londres ,  il  s'établit  à  Glasgow,  y  prit  le  di- 
ômede  docteur  ety  pratiqua  pendant  plusieurs 
inées  avec  beaucoup  de  succès.  Il  avait  dé- 
Usé   la   quarantaine  lorsqu'un   incident  ou- 
it  une  nouvelle  carrière  à  son  esprit  naturelle- 
ent  actif  et  observateur.  La  duchesse  d'Argyle, 
luchée  du  dévouement  avec  lequel  il  avait  soi- 
[  lé  le  jeune  duc  d'Hamilton  dans   sa  dernière 
(aladie,  lui  en  témoigna  sa  reconnaissance  en 
fi  confiant  son  second  fils ,  qui  était  aussi  d'une 
institution  fort  délicate.  Moore  accompagna  son 
ipille  en  France,  en  Italie,  en  Suisse  et  en  Al- 
j  magne  ;  il  resta  cinq  ans  absent  de  son  pays, 
son  retour  (1778) ,  il  se  fixa  à  Londres  avec 
ï  famille,  chercha  à  s'y  faire  une  clientèle,  et 
wime  il  ne  put  y  réussir  qu'à  demi ,  il  sacrifia 
médecine  à  la  littérature  légère.  Dès  lors  il 
quitta  réputation  d'un  homme  aimable,  rempli 
esprit  et  de  bonne  humeur,  qualités  qui  do- 
inent  dans  ses  ouvrages.  Il  avait  des  connais- 
ses très-variées ,  sans  avoir  jamais  rien  ap- 
fofondi.  Ses    récits  de    voyages  eurent    une 
t'ande  popularité  dès  leur  apparition  ;  on  y  trouve 
jainte  scène  piquante,  de   fines  saillies,   des 
dentures  plaisantes;  mais  il  faut  s'en  défier 
tuant  à  l'exactitude  des  renseignements.  De  ses 
tamans  le  meilleur  est  Zeluco. On  a  de  Moore: 
|  View  qf  society  and   manners  in  France, 


Switzerland  and  Germany;  Londres,  1778, 
2  vol.  in-8";  Paris,  1805,  2  vol.  in-12;  trad.  en 
français  par  M""  de  Fontenay  (  Voyage  de  John 
Moore  en  France,  etc.;  Paris,  1806,  2  vol. 
in-8°)  ;  —  A  View  of  society  and  manners  in 
Italy;  Londres,  1781,  2  vol.  in-8°;  trad.  en 
français  avec  l'ouvrage  précédent  par  H.  Rieu 
(Lettres  d'un  Voyageur  anglais  sur  la 
France,  etc.;  Genève  et  Lausanne,  1781-1782, 
4  vol.  in-8°);  —  Médical  Sketches  ;  Londres, 
1785,  in-8°;  —  Zeluco;  Londres,  1785,  4  vol., 
trad.  en  français  (Paris,  1796,  4  vol.  in-18)  :  ce 
roman  abonde  en  événements  intéressants,  tirés 
des  passions  désordonnées  d'un  enfant  gâté  et 
de  l'aveuglement  de  sa  mère  ;  —  A  Journal  of 
a  résidence  en  France,  during  the  révolu- 
tion of  1" '92;  Londres,  1795,  2  vol.  in-8°,  avec 
une  carte;  l'auteur  avait  séjourné  à  Paris,  d'août 
à  décembre  1792,  avec  le  comte  de  Lauderdale; 
—  A  View  of  the  causes  and  progress  of  the 
French  révolution;  Londres,  1795,  2  vol. 
in-8°  :  cet  ouvrage,  dédié  au  duc  de  Devonshire , 
commence  au  règne  de  Henri  IV  et  se  ter- 
mine à  la  mort  de  Louis  XVI  ;  —  Edward,  va- 
rions views  of  human  nature  taken  from  life 
and  manners,  chiefly  in  Ëngland;  Londres, 
1796;  roman  de  mœurs  anglaises,  trad.  en  fran- 
çais par  Cantwel  (Paris,  1797,  3  vol.  in-12);  — 
Mordaunt,  or  sketches  of  life,  char  acier  s  and 
manners  in  various  countries,  including  the 
memoirs  ofa  french  lady  ofquality  ;  Londres, 
1800,  2  vol.  in-8°;  série  de  lettres  que  l'auteur 
suppose  avoir  été  écrites  par  un  Anglais,  John 
Mordaunt,  sur  les  mœurs  et  coutumes  de  diffé- 
rents peuples  de  l'Europe.  John  Moore  a  encore 
été  l'éditeur  des  œuvres  médicales  de  Tobie  Mal- 
let  (Londres,  1797,  8  vol.  in-8°),  et  on  lui  at- 
tribue des  Œuvres  morales  qui  ont  paru  en 
extraits  (Londres,  1803,  2  vol.  in-8°).  Il  favo- 
risa les  débuts  de  son  compatriote  le  poète 
Burns,  qui  avait  composé,  à  sa  requête,  un  récit 
de  sa  vie  et  de  ses  premiers  travaux.  P.  L— y. 

GentlemarCs  Magazine,  1802. 

moore  (  Sir  John) ,  général  anglais,  fils  du 
précédent,  né  à  Glasgow,  en  1761,  tué  à  la 
bataille  de  La  Corogne  le  16  janvier  1809.  Il 
accompagna  sur  le  continent  (1773)  son  père, 
alors  médecin  et  gouverneur  du  jeune  duc  d'Ha- 
milton. La  protection  de  ce  seigneur  valut  à 
John  Moore ,  alors  âgé  de-  quinze  ans ,  une 
commission  d'enseigne  dans  l'armée.  Les  rela- 
tions aristocratiques  de  sa  famille  facilitèrent 
son  avancement  Avant  d'avoir  trouvé  l'occasion 
de  se  signaler,  il  était  déjà  lieutenant-colonel  et 
avait  siégé  dans  le  parlement  pour  le  district  de 
Lanark.  Il  fut  envoyé  à  Gibraltar  en  1793,  et  de 
là  en  Corse,  où  les  troupes  anglaises  agissaient 
de  concert  avec  la  population,  soulevée  par  Paoli. 
Moore  servit  sous  les  ordres  du  général  Stewart. 
Sa  conduite  au  siège  de  Calvi  et  à  l'assaut  du 
fort  Morello  le  fit  nommer  adjudant-général. 
Il  rentra  peu  après  en  Angleterre ,  et  fut  envoyé 


427 


MOORE 


aux  îles  occidentales  au  mois  de  février   1796, 
avec  le  grade  de  brigadier  général.  Il  arriva  à 
temps  pour  prendre  part  à  l'attaque  de  Sainte- 
Lucie,  et,  après  l'occupation  de  cette  île,  il  en 
fut  nommé  gouverneur.   Sa  santé,  compromise 
par  deux  atteintes  de  fièvre  jaune,  l'obligea  de 
repasser  en  Angleterre  au  mois  d'août  1797.  Il 
ne  tarda  pas  à  suivre  dans  l'Irlande  révoltée  le 
général  Abercromby,  et  se  distingua  particuliè- 
rement au  combat  de  New-Ross,  où  les  insurgés 
essuyèrent  une  défaite.  L'année  suivante  il  fit 
partie  de  l'expédition  de  Hollande  qui  eut  une 
issue  désastreuse  pour  les  troupes  anglaises.  Au 
milieu  de  ces  revers,  Moore  reçut  deux  graves 
blessures  et  acheva  d'établir  sa  réputation  d'ex- 
cellent officier.  Promu  au  grade   de  major  gé- 
néral, il  eut  le  commandement  de  la  réserve  dans 
l'armée  anglaise  qui  combattait  en  Egypte  contre 
la  France  en  1801.  Il  fut  blessé  encore  une  fois, 
et  obtint  en  récompense  de  ses  services  le  titre 
de  chevalier  de  l'ordre  du  Bain.  A  la  reprise 
des  hostilités  avec  la  France,  après  la  courte  paix 
de  1802,  Moore   s'occupa  particulièrement  de 
l'instruction  des  troupes.  Il  forma  un  corps  d'in- 
fanterie légère  qui  plus  tard  s'illustra  enEspagne 
sous  lord  Wellington.  Rentré   dans  le  service 
actif,  il  reçut  un  commandement  en  Sicile.  Au 
mois  de  mai  1808,  il  fut  envoyé  en  Suède,  avec 
dix  mille  hommes,  pour  assister  le  roi  Gustave- 
Adolphe  IV  dans  sa  lutte  inégale  contre  Napoléon. 
Il  ne  put   pas  s'entendre  avec  ce  prince,  dont 
l'exaltation  et  la  violence  touchaient  à  la  folie,  et 
eut  même  de  la  peine  à  retirer  ses  troupes  de  la 
situation    embarrassante   où  les   avait   placées 
Gustave.  Il  les  ramena  en  Angleterre  au  mo- 
ment où  son  pays  avait  grand  besoin  de  soldats 
pour  tenir    tête  aux   Français   qui  occupaient 
l'Espagne  et  le  Portugal.  Moore  débarqua  dans 
cette  dernière  contrée   au    mois    d'août  1808. 
Après  l'évacuation    du    Portugal    par    l'armée 
française  et  le  rappel  des  généraux  anglais  qui 
avaient  négocié  la  convention  de  Cintra ,  Moore 
fut  nommé  commandant   de  l'armée   anglaise. 
Cette  armée  ,  forte  de  trente  mille  fantassins  et 
de  cinq  mille  cavaliers,  était  destinée  à  coopérer, 
avec  les  forces  espagnoles ,  à  la  défense  de  la  Pé- 
ninsule contre  les  Français.  Une  partie  de  cette 
armée  devait  arriver  directement  d'Angleterre. et 
débarquer  à  La  Corogne.  Moore  quitta  Lisbonne 
au  mois  d'octobre  1808;  mais  à  peine  était-il  ar- 
rivé sur  la  frontière  d'Espagne ,  qu'il  apprit  que 
toutes  les  armées  espagnoles  avaient  été  battues 
et  dispersées  par   l'empereur  Napoléon  ,  et  que 
lui-même  allait  bientôt  avoir  à  soutenir  le  choc 
du  conquérant.  Devant  ce  danger,  Moore  ne  mon- 
tra pas  assez  de  décision  et  de  promptitude.  Il 
ne  concentra  pas  assez  vite  ses  troupes ,  dont 
une  partie  seulement  se  trouvait  à  Salamanque 
sous  ses   ordres  immédiats;   une   autre  partie 
était  vers  Badajoz  ;  et  le  reste  venait  de  débar- 
quer à  La  Corogne.  Pendant  que  Moore  hésitait 
entre  une  retraite  immédiate  en  Portugal  et  une 


marche  sur  Madrid,  il  apprit  que  cette  ville  él  » 
prise  par  Napoléon.  L'approche  du  corps  d'i  I 
mée  du  maréchal  Soult  lui  révéla  plusclairerm  . 
le  danger  de  sa  position  ,  et  bientôt  il  apprit  c  I 
toutes  les  troupes  françaises  disponibles  convi  j 
geaient  sur  l'armée  anglaise  pour  l'écraser, 
que  Napoléon  lui-même  dirigeait  ce  mouveme  j 
Renonçant  alors  à  tout  espoir  de  défendre  j 
Portugal,  il  se  retira   précipitamment  sur    I 
Corogne.  L'armée  anglaise  eut  beaucoup  à  so  I 
frir  dans    cette  retraite,  et   probablement  <  I 
aurait  été  prise  ou  détruite  si   Napoléon  n'> 
abandonné  la  poursuite  pour  revenir  en  Fran  j 
Le  soin  de  pousser  les  Anglais  jusqu'à  la  mer 
laissé  au  maréchal  Soult,  qui  s'en  acquitta  j  I 
activement.  Enfin,  Moore  atteignit  La  Coroj  | 
avec  des  troupes  épuisées  et  désorganisées.  (  I 
pendant  il  résolut  de  livrer  un  dernier  corot 
plutôt  pour  relever  l'honneur  de  l'armée  angla  j 
que  dans  l'espoir  de  conserver  une  position 
Espagne.  Labataille,  livrée  le  16  janvier  1809, 
extrêmement  animée  de  part  et  d'autre,  et  < 
deux  côtés  on  s'attribua  la  victoire.  Vers  la 
•  lu  combat,  et  lorsqu'il  était  déjà  manifeste  ( 
les  Anglais  ne  seraient  pas  battus ,Moore  fut  ble 
mortellement  par  un  boulet.  Il  mourut  au  b»J 
de  quelques  instants.  Ses  dernières  paroles  fur 
qu'il  avait  toujours  désiré  mourir  de  cette  r. 
nière,  et  que  le  peuple  anglais  serait  content 
lui  et  lui  rendrait  justice.  Ainsi  périt  un  des 
ficiers  les  plus  vaillants  et  les  plus  habiles  (  j 
l'Angleterre  ait  possédés.  On  lui  reproche  jus 
ment  quelques  fautes  dans  sa  dernière  campagi 
mais  il  les  racheta  par  la  bataille  de  La  Coroj  i 
et  une  mort  héroïque.  L.  J 

J.-C.  Moore,  Lifeof  sir  John  Moore;  Londres,  1  i 
2  vol.  in-8°,  —  Gleig,  Lives  of  britislt  military  Cornait  I 
ders,  t.  III.  —  Southey,  History  ofthe  l'eninsular  W*\ 
vol.  II.  —  Sir  John  Jones,  Account  ofthe  IVar  in  Spn 
and  Portugal.  —  Napier,  Uistury  of  thc  IJ-'ar  in.A 
Peninsula ,  t.  I.  —  Thiers ,  Histoire  du  Consulat  et  \ 
l'Empire,  t.  IX.  —  English  Cyclopsedia  (  Biography). 

moore  (Thomas),  poëte  anglais,  né  à  El 
blin,  le  28  mai  1779,  mort  le  25  février  18^ 
Son  père  était  un  petit  marchand ,  et  appar 
nait  à  la  religion  catholique,  ainsi  que  sa  mèii 
Il  fut  mis  à  l'école  chez  un  Samuel  White,  i 
avait  été  le  premier  maître  de  Sheridan  et  av 
quelque  connaissance  de  la  littérature.  L'écoli'l 
intelligent  et  vif,  devint  le  favori  du  maître,  et 
associé  par  lui  à  des  représentations  dram 
tiques.  «  En  1790,  dit-il,  je  composai  l'épilof 
d'une  pièce  montée  par  mon  maître  chez  la 
Borrows,  à  Dublin.  A  treize  ans,  en  1793,  je  i 
imprimé  tout  vif  dans  Y  Anthologie  de  Dubt 
(Anthologia  Hibernica),où  j'eus  le  bonheur  d 
tre  qualifié  de  «  très-honorablecorrespondant 
L'année  suivante,  je  fis  insérer  dans  le  mêi 
recueil  un  sonnet  à  mon  maître  d'école....  I 
circonstances  politiques  ne  contribuèrent  \ 
peu  à  me  former;  j'étais  Irlandais,  par  cons 
quent  esclave,  et  j'avais  mille  obstacles  à  frc 
chir  dans  la  carrière  du  barreau,  que  ma  m< 


J )  MOORE 

:  r  ait  pour  moi,  tout  en  souriant,  ainsi  que  mon 
lie,  à  mes  essais  poétiques.  La  révolution 
'  §  îçaise  agitait  l'Irlande  opprimée;  je  me  sou- 
"11  ns  d'un  banquet  donné,  en  1792,  en  l'honneur 
rlJ  ce  grand  événement,  où  me  conduisit  mon 
»i  e  et  où  j'étais  assis  sur  les  genoux  du  prési- 
,}\t  quand  on  porla  ce  toast  :  «  Puisse  la  brise 
i  France  faire  verdoyer  notre  chêne  d'Irlande  !  » 
\i  révolution  française  eut  pour  effet  indirect 
i  faire  écarter  par  le  gouvernement  anglais  les 
i  j  frictions  qui  empêchaient  les  catholiques  rô- 
ti'lins  d'étudier  à  l'université  de  Dublin.  Le  jeune 
-i  I  omas,  destiné  au  barreau,  entra  au  collège  de 
w  Trinité  dans  l'été  de  1794.  Il  s'y  montra  assez 
lin  écolier,  mais  sans  aucune  disposition  pour 
§|  vers  latins,  et  apprit  l'italien  et  le  français 
j  eux  que  les  langues  anciennes.  Il  se  mêlait 
f  f  ssi  beaucoup  de  politique,  et  était  très-liéavec 
w;  principaux  meneurs  de  l'opposition  irlan- 
)  |  ise,  entre  autres  avec  le  noble  et  malheureux 
1  Emmet.  Mais  comme  il  ne  prit  part  à  aucun 
|tj  te  positif  de  rébellion,  il  en  fut  quitte  pour 
•le  sévère  admonestation  du  recteur  de  l'unir 
■  rsité.  Au  sortir  du  collège  de  La  Trinité,  il  alla 
îdier  le  droit  à  Middle-Temple  à  Londres. 
I  mi  fourni  d'argent,  il  portait  avec  lui  une  tra^ 
fiction  d'Anacréon,  sur  laquelle  il  comptait  pour 
'■mmencer  sa  fortune  et  sa  réputation.  Son  es- 
tir  ne  fut  pas  déçu.  Lord  Moira,  Lady  Done- 
j  il  et  d'autres  personnes  du  monde  fashionable 
|  tinrent  bien  prendre  sous  leur  protection 
i  nacréon  et  son  traducteur.  L'année  suivante, 
,|&02,  le  jeune  poète  fit  paraître  les  Œuvres 
métiques  de  feu  Thomas  Utile,  qui  lui  furent 
!  ayées  60  1.  s.  Ce  Thomas  TÀttle,  c'est-à-dire 
Vêtit,  c'était  Thomas  Moore  lui-même,  fort  petit 
;  e  taille.  Ses  poésies,  bien  légères  de  ton  et  quel- 
uefois  peu  morales,  furent  sévèrement  blâmées 
|t  beaucoup  lues.  On  reconnut  que  l'Angleterre 
possédait  un  brillant,  un  spirituel  poète  de  plus. 
I  Ces  succès  de  salou  n'enrichissaient  pas  Thomas 
'tîoore,  qui  faisait  son  droit  avec  trop  de  négli- 
gence pour  pouvoir  prétendre  à  la  carrière  lu- 
crative du  barreau.  11  accepta  comme  une  bonne 
fortune  la  place  de  greffier  (  regïster  )  de  la 
jxmr  de  l'amirauté  de  l'île  Bermude,  que  lord 
jtfoira  lui  fit  obtenir,  en  1803.  Il  arriva  un  peu 
|:ard  à  son  poste,  en  janvier  1804,  et  dès  le  mois 
Je  mars,  dégoûté  de  ses  fonctions,  il  mit  à  sa 
fplace  un  suppléant,  auquel  il  abandonna  la  moi- 
tié de  ses  appointements,  et  alla  voyager  dans 
Nés  États-Unis  et  au  Canada.  Mécontent  de  la 
'société  américaine,  comme  il  le  témoigna  depuis 
'dans  plusieurs  de  ses  écrits  satiriques,  il  revint 
en  Angleterre,  à  la  grande  joie  de  ses  nombreux 
amis.  Lord  Moira  procura  une  bonne  place  au 
père  du  poëte,  et  lui  en  fit  espérer  une  à  lui- 
même.  Eu  attendant,  Moore  demanda  des  res- 
sources à  son  talent.  11  publia  des  Odes  etÉpîtres, 
qui,  étant  un  peu  trop  dans  le  genre  léger  de 
Thomas  Little,  attirèrent  sur  l'auteur  une  critique 
assez  vive  de  Jeffrey  dans  la  Revue  d'Édim- 


430. 


bourg.  Le  porte',  offensé,  demanda  raison  au 
journaliste.  Une  rencontre  eut  lieu,  et  se  termina 
sans  effusion  de  sang,  grâce  à  l'intervention  de 
la  police  ;  et  même,  si  l'on  en  croit  les  rajlleurs 
qui  s'exercèrent  beaucoup  sur  cet  incident,  l'in- 
tervention de  la  police  était  superflue,  parce  que 
les  pistolets  n'étaient  pas  chargés  à  balle.  Quoi 
qu'il  en  soit,  ce  duel  inoffensif  devint  pour  les 
deux  adversaires  le  point  de  départ  d'une  ami- 
tié durable.  Thomas  Moore  n'avajt  pas  de  ran- 
cune, et  ses  succès  dans  le  beau  monde  le  dé- 
dommageaient des  sévérités  de  la  critique.  Il 
était  l'hôte  favori  de  plusieurs  grandes  maisons 
aristocratiques ,  Donington-park  ,  résidence  de 
lord  Moira,  Lansdowne-house  et  Holland-house. 
Dès  1797,  son  attention  avait  été  attirée  par  la 
collection  de  mélodies  irlandaises  de  Bunting, 
et  de  temps  en  temps  il  avait  écrit  des  paroles 
pour  quelques-uns  de  ces  airs  qui  le  charmaient 
et  qu'il  chantait  à  merveille.  En  1807,  il  s'enten- 
dit avec  M.  Power  pour  la  publication  d'un  re- 
cueil de  Mélodies  irlandaises.  Il  devait  fournir 
les  paroles  adaptées  aux  airs  nationaux,  tandis 
que  sir  J.  Stevenson  se  chargeait  des  accompa- 
gnements. Ce  recueil  ne  fut  achevé  qu'en  1834, 
et  il  restera  le  titre  le  plus  durable  de  Thomas 
Moore.  Traducteur  gracieux  et  maniéré  d'Ana- 
créon, poëte  erotique  assez  vif,  mais  sans  profon- 
deur  dans  le  sentiment  et  avec  trop  peu  de  ré- 
serve dans  l'expression,  satirique  spirituel  trop 
occupé  d'objets  du  moment,  Thomas  Moore 
n'aurait  laissé  qu'une  trace  passagère  dans  la 
littérature  anglaise  s'il  n'avait  trouvé  ces  char- 
mantes chansons  si  bien  adaptées  à  la  musique 
de  l'Irlande.  «  On  a  souvent  remarqué,  dit-il, 
que  notre  musique  est  le  commentaire  le  plus 
fidèle  de  notre  histoire.  Le  ton  de  défiance  au- 
quel succède  la  langueur  de  l'abattement,  un 
éclair  d'énergie  qui  brille  et  disparaît ,  les  dou- 
leurs d'un  moment  perdues  dans  la  légèreté  du 
moment  qui  suit,  tout  ce  mélange  romanesque 
de  mélancolie  et  de  gaieté,  résultat  des  efforts 
d'une  nation  vive,  généreuse,  pour  secouer  ou 
pour  ouhlier  les  maux  qui  l'oppriment,  tels  sont 
les  traits  de  notre  histoire  et  de  notre  caractère, 
si  fortement,  si  fidèlement  réfléchis  dans  notre 
musique.  »  Thomas  Moore  a  très-bien  reproduit 
dans  ses  Mélodies  les  traits  caractéristiques  de 
la  musique  irlandaise.  Ce  qui  fait  le  charme  de 
ces  petites  compositions,  c'est  leur  originalité. 
Elles  n'ont  ni  la  vigueur,  ni  le  naturel,  ni  la  sen- 
sibilité profonde  et  passionnée  des  vers  d'un 
autre  poëte  national,  Robert  Burns ,  mais  elles 
n'en  ont  pas  non  plus  la  rudesse.  Une  élégance 
soutenue,  de  la  légèreté,  de  la  tendresse,  de  l'es- 
prit, une  imagination  brillante  et  prodigue  d'or- 
nements leur  donnent  un  charme  durable,  bien 
qu'un  peu  artificiel.  Au  même  genre  de  poésies 
appartiennent  les  Airs  nationaux  publiés  en 
1815,  et  les  Chants  sacrés;  mais  ces  derniers 
sont  bien  inférieurs  aux  précédents.  En  1808, 
Moore  fit  paraître  sous  le  voile  de  l'anonyme 


431 

deux  poèmes,  Intolérance  et  Corruption,  et  en 
1809  Le  Sceptique.  Ces  œuvres,  qui  font  hon- 
neur à  ses  sentiments  libéraux ,  augmentèrent 
peu  sa  réputation.  La  muse  légère  de  Moore 
n'était  pas  faite  pour  la  satire  sérieuse. 

En  1811,  il  épousa  Miss  Bessy  Dyke,  per- 
sonne distinguée  et  excellente,  qui  fit  le  bonheur 
de  sa  vie  et  l'éloigna  un  peu  du  monde  des  sa- 
lons, sans  l'en  détacher*  tout  à  fait.  Dans  l'au- 
tomne de  la  même  année ,  son  opéra  de  M.  P. 
ou  Le  Bas  bleu,  obtint  un  succès  d'estime. 
L'auteur  ne  l'a  pas  compris  dans  le  recueil 
de  ses  oeuvres,  mais  il  en  a  détaché  quelques 
jolies  chansons.  Décidé  à  ne  plus  chercher  de 
ressources  que  dans  sa  plume ,  Moore  quitta 
Londres,  et  alla  résider  avec  sa  famille  à  Mayfield 
Cottage,  près  d'Ashbourne,  dans  le  comté  de 
Derby.  Il  fit  paraître  en  1813  son  Sac  de  la  pe- 
tite poste  par  Thomas  Brown  le  jeune  (  Two- 
penny  Post-Bag ,  by  Thomas  Brown  the 
younger),  satire  malicieuse,  qui,  dirigée  contre 
le  prince  régent  et  ses  ministres,  devint  immé- 
diatement populaire  et  eut  quatorze  éditions 
en  une  année.  Dès  1812  il  songeait  à  écrire 
un  poème  oriental.  Le  libraire  Longman  le  lui 
acheta  d'avance  3,000  liv.  sterl.  Cet  ouvrage,  si 
chèrement  payé,  ne  parut  qu'en  1817,  et  obtint 
un  succès  qui  s'est  toujours  maintenu  depuis. 
C'est  la  plus  travaillée  de  toutes  les  composi- 
tions de  Thomas  Moore  ;  l'art  s'y  montre  même 
un  peu  trop.  Le  sujet  est  ingénieusement  in- 
venté. Abdallah,  roi  de  la  petite  Boukarie,  ayant 
abdiqué  en  faveur  de  son  fils  Aliris ,  se  rend  à 
La  Mekke,  au  tombeau  du  prophète.  En  passant 
par  Delhi ,  il  demande  à  l'empereur  Aurengzeb 
la  main  de  la  belle  Lalla-Rookh,  sa  fille,  pour  le 
jeune  prince  de  Boukarie.  La  demande  est  agréée, 
et  Lalla-Rookh  part  avec  une  suite  nombreuse 
pour  aller  rejoindre  son  époux.  En  route  un  ser- 
viteur, Feramorz,  envoyé  par  Aliris  afin  de  dis- 
traire la  princesse,  lui  raconte  en  vers  quatre  his- 
toires: Le  Prophète  voilé,  Le  Paradis  et  la 
Péri,  Les  Adorateurs  du  feu,  La  Lumière  du 
Harem.  Au  terme  du  voyage  il  se  trouve  que  Lalla- 
Rookh  est  devenue  amoureuse  du  narrateur,  et 
elle  mourrait  de  chagrin  si  dans  le  prince  Aliris 
lui-même  elle  ne  reconnaissait  le  beau  chanteur. 
Ce  romanesque  oriental  est  piquant ,  et  les 
quatre  récits  de  Feramorz-Aliris  ont  de  l'éclat 
et  une  couleur  orientale  qui  séduit  ;  mais  il  faut 
reconnaître  aussi  que  cette  poésie  est  bien  arti- 
ficielle, qu'elle  est  parfois  fade  à  force  de  dou- 
ceur, et  que  la  pensée  et  le  sentiment  disparais- 
sent sous  le  luxe  des  images.  Plus  applaudie  au 
début  que  les  Mélodies  irlandaises,  Lalla- 
Roohk  vivra  moins.  Aussitôt  après  lapublication 
de  son  roman  oriental, Moore  fit  un  voyage  à 
Paris  avec  son  ami  le  poète  Rogers  ;  il  y  com- 
posa La  Famille  Fudge  à  Paris,  agréable  sa- 
tire sous  forme  de  lettres ,  qui  a  le  mérite  et  qui 
obtint  presque  le  succès  du  Posl-Bag.  L'année 
■où  parut  La  Famille  Fudge  (1818),  Moore  fut 


MOORE  43 

frappé  d'un  malheur  qui  mit  en  relief  sa  fermel 
et  son  honnêteté.Son  suppléant  à  l'île  Bermude 
avait  commis  une  grave  infidélité ,  dont  le  titu 
laire  de  la  place  fut  déclaré  responsable.  11  s'î 
gissait  d'un  détournement  de  6,000  livres 
rembourser.  Des  offres  de  service  lui  vinrent  d 
toutes  parts;  il  les  refusa,  ne  voulant  devoir  s 
libération  qu'à  sa  plume.  En  attendant  que  I 
justice  eût  prononcé  sur  l'indemnité  que  l'o 
exigeait  de  lui,  il  partit  pour  le  continent,  e 
1819.  En  France  il  fut  le  compagnon  de  voyag 
du  plus  jeune  et  du  plus  dévoué  de  ses  amis 
lord  John  Russell;  en  Italie  il  visita  Rome  ave 
le  sculpteur  Chantrey  et  le  peintre  Jackson.  Se 
souvenirs  de  voyage  ont  trouvé  place  dans  se 
Vers  sur  la  route  (  Rhymes  on  the  road),  qu'. 
publia  avec  des  Fables  sur  la  Sainte-Alliance 
en  1820,  comme  un  «  extrait  du  journal  d'm 
membre  voyageur  de  la  société  Pococurante  » 
Comme  son  procès  à  Londres  était  encore  pen 
dant,  il  resta  à  Paris  jusqu'en  1822,  avec  labonn 
intention  de  beaucoup  travailler;  mais  les  dis 
tractions  d'une  grande  ville,  les  nombreuse 
visites  de  ses  compatriotes  ;mirent  quelque  em 
pêchementà  sa  résolution.  Il  n'écrivit  même  pas 
«  faute  de  documents,  »  dit-il,£a  ViedeSheridan 
qu'il  avait  promise  à  un  libraire.  Un  poème,  Le. 
Amours  des  Anges,  un  roman,  L'Epicurien 
furent  les  seuls  produits  de  son  séjour  en  France 
c'était  peu  pour  un  talent  aussi  facile.  L'affain 
de  Bermudes  fut  enfin  réglée.  Les  juges  rédui 
sirent  l'indemnité  à  750  liv.  sterl.  que  le  mar 
quis  de  Lansdowne  avança  et  que  le  poète  rem 
boursa  sur  le  produit  de  ses  Amours  des  Anges 
Thomas  Moore  fit  paraître  les  Mémoires  di 
capitaine  Rock,  en  1824;  La  Vie  de  Sheridan 
en  1825;  L'Epicurien  en  1827  ;  les  Mémoires  d< 
lord  Byron  en  1830  :  ce  dernier  ouvrage  a  donni 
lieu  à  de  longs  débats,  qu'il  importe  de  préciser 
Il  faut  d'abord  dire  un  mot  des  premières  rela 
tions  de  Byron  et  de  Moore.  En  1809,  Byron 
dans  sa  Satire  des  Bardes  anglais,  fit  un< 
piquante  allusion  à  ce  fameux  duel  de  Moore  c 
de  Jeffrey  qui  avait  tant  égayé  la  société  di 
Londres.  Moore  écrivit  à  Byron  pour  lui  deman 
der  satisfaction  ;  mais  l'auteur  des  Bardes  an- 
glais venait  de  partir  pour  l'Orient,  et  la  lettn 
ne  lui  parvint  pas  ;  il  ne  fut  informé  de  la  pro- 
vocation qu'à  son  retour,  deux  ans  plus  tard, 
Moore,  qui,  dans  l'intervalle,  s'était  marié,  ne  se 
souciait  pas  de  hasarder  sa  vie  pour  une  piqûre 
littéraire;  Byron,  de  son  côté,  ne  refusa  pas  de 
donner  des  explications,  et  cette  fois  encore  les 
deux  adversaires  devinrent  amis.  En  1821,  les 
deux  poètes  se  rencontrèrent  en  Italie;' Byron 
fit  présent  à  Moore  de  son  autobiographie  ma- 
nuscrite, à  condition  qu'il  ne  la  publierait  qu'a- 
près sa  mort.  Moore,  pressé  d'argent,  vendit  le 
manuscrit  à  Murray  (  2,000  liv.  sterl.)  (50,000  fr.), 
et  le  déposa  en  avril  1824.  Byron  mourut  dans 
ce  môme  mois.  Lady  Byron  et  sa  famille  dési- 
rèrent la  destruction  des  Mémoires,  et  offrirent 


33  MOORE  —  MOQUW-TANDON 

e  rembourser  le  libraire  ;  Moore  résista  long- 
;mps,  et  enfin  il  résolut  noblement  de  supporter 
i  perte  qui  résulta  de  la  destruction  des  Mé- 
wires.  Il  paya  à  Murray  les  2,000  liv.  sterl., 
vec  les  intérêts,  brûla  le  manuscrit  et  s'enga- 
ca,à  écrire  pour  la  même  somme  de  50,000  fr. 
ne  Viede  Byron,  qui,  d'abord  acquise  par  Long- 
lan,  fut  finalement  éditée  par  Murray,  1830, 

vol.  in-4°.  On  peut  reprocher  à  Moore  d'avoir 

truit  les  Mémoires  de  son  ami,  maison  voit 

ie  ce  fut  dans  l'excellente  intention  de  ménager 

îs  susceptibilités  de  famille,  et  au  prix  d'un 

icrifice  d'argent  considérable.  Il  donna  ensuite 

a  Vie  de  lord  Edouard  Fitz-Gerald,  le  noble 

itriote  irlandais ,  et  une  Histoire  d'Irlande 

i  parut  *  dans  la  Cyclopxdia  de  Lardner.  Ce 

t  son  dernier  ouvrage  important.  En  1835, 

us  le  ministère  de  Lord  Melbourne,  il  reçut  une 
\  nsion  de  300  liv.  sterl.  La  perte  de  ses  deux 

s,. dont  l'un  périt  en  Algérie  au  service  de  la 

ance,  et  dont  l'autre  mourut  de  consomption , 
1  1842,  attrista  sa  vieillesse;  ses  dernières  ân- 
es furent  marquées  par  l'affaissement  complet 
[    ses  facultés  intellectuelles.  Il  mourut  à  sa 

sidencede  Sloperton,  âgé  de  près  de  soixante- 

uze  ans,  et 'fut  enseveli  dans  le  cimetière  de 
!  omham,  prèsDevizes.  Après  ce  quenous  avons 

t  des  ouvrages  et  delà  vie  deThomas  Moore, il 
[  t  inutile  d'insister  sur  ses  mérites  comme  écri- 
hia  et  comme  homme.  Une  facilité  brillante,  de 
!  sprit,  de  la  grâce,  tels  sont  les  traits  distinctifs 
[  sa  poésie,  qui ,  si  l'on  excepte  les  charmantes 
'  élodïes  irlandaises,  a  déjà  beaucoup  perdu 
sa  réputation.  Sa  prose  vaut  moins  que  ses 
'rare;  cependant;on  trouve  de  belles  pages  dans 
[fl  Vie  de  Fitz-Gerald,  et  la  Vie  de  lord  Byron, 

î jp  sévèrement  critiquée,  ne  manque  pas  d'in- 

!  rêt;  enfin  Y  Histoire  d'Irlande  est  un  bon  ou- 

!  âge,  consciencieusement  exécuté,  quoique  avec 

;* 'sorte  de  partialité  patriotique.  Moore  mon- 

[  lit  par  là  qu'il  était  resté  fidèle  aux  opinions 
i    sa  jeunesse.  Aussi  fidèle  dans  les  rapports  de 

■ciétéque  dans  sa  politique,  il  acquit  de  nom- 

,eux  amiset  les  garda  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  On 

t  i  reproche  un  peu  de  vanité,  mais  tant  d'excel- 

[  îles  qualités  de  l'homme  privé  font  oublier  ce 

[  faut.  Ses  ouvrages  ont  eu  de  nombreuses  édi- 

l'ns,  parmi  lesquelles  on  remarque  celle  que 

;  poète  donna  lui-même  à  partir  de  1841,  l'é- 

i  ion  de  Baudry,  The  poetical  Works;  Paris, 
41,  3  vol.  in-8°,  et  enfin  la  grande  édition  de 

Sndres,  1852-1853,  10  vol.  in-8°.  Les  ouvrages 
"tarés  ont  été  généralement  publiés  en  France 

'mesure  qu'ils  paraissaient  en  Angleterre;  ils 

|t  été  aussi  traduits  en  français-,  nous  indiqué- 
es seulement  la  traduction  des  Chefs-d'œuvre 

\étiques  par  Mme  Louise  Belloc;  Paris,  1841, 

PS0.  Les  Mémoires  de  Thomas  Moore  (  Me- 
urs, Journal  and  Correspondent  of  Thomas 
I  hore)  ont  été  publiés  par  lord  John  Russell; 
ndres,  1852-1855,  8  vol.  in-S°.  L.  J. 

lemoirs  of  Thomas  Moore.  -  The  Edinburgh  Re- 


434 


view,  avril  1854.  —  A.  Dudley,  dans  la  Revue  de»  Deux 
Mondes,  du  1"  Juin  1846.  —  Lomcnle,  (julerie  des  Con- 
temporains illustres.  —  l'Iiilaréte  Chas  les,  dans  le  Jour- 
nal des  Débats,  février  1864. 

mopinot  (Simon),  érudit  français,  né  à 
Reims,  en  1685,  mort  le  11  octobre  1724.  Il  fit 
ses  éludes  au  collège  de  l'université  de  sa  ville 
natale.  Il  se  rendit,  en  1700,  chez  les  bénédic- 
tins de  Meaux,  et  y  fit  profession,  en  1703.  Il 
revint  ensuite  à  Reims,  étudier,  dans  l'abbaye  de 
Saint-Nicaise,  le  grec  et  l'hébreu,  puis  alla  pro- 
fesser à  Pont-le-Voi,  maison  de  son  ordre.  En 
1714,  conjointement  avec  dom  Martin  Didier,  il 
travailla,  à  Saint-Denis,  à  une  nouvelle  traduc- 
tion de  Tertullien.  Il  se  joignit  ensuite  à  dom  Cons- 
tant, pour  rédiger  la  Collection  des  Lettres  des 
Papes,  dont  le  prospectus  et  l'épître  dédicatoire 
furent  composés  par  lui.  D.  Constant  étant  mort, 
Mopinot  continua  seul  ce  travail ,  mais  une  mort 
prématurée  l'empêcha  de  publier  lui-même  le  se- 
cond volume,  qu'il  laissa  terminé.        L. — z — e. 

Revue  historique  et  littéraire  delà  Champagne,  n°ll, 
du  1»  novembre  1854,  p.  75. 

moqcihcix  ,  roi  des  Tlatélolcos  (peuple  de 
l'ancien  Mexique),  sacrifié  à  Tenochtitlan  (  depuis 
Mexico),  en  1470.  Tlatélolco  était  une  petite 
ville  ou  plutôt  un  grand  faubourg  attenant  à  la 
puissante  ville  de  Mexico ,  et  gouverné  depuis 
cent  dix  ans  par  des  membres  de  la  famille  im- 
périale aztèque,  dont  ils  étaient  tributaires.  Sous 
le  règne  de  Montézuma  1er  IIhuicamina,  Moqui- 
huix,  son  cousin,  alors  chef  des  Tlatélolcos, 
servit  l'empereur  avec  zèle  de  sa  personne  et  de 
ses  meilleurs  soldats.  Il  contribua  à  plus  d'une 
de  ses  victoires.  En  récompense  Montézuma  lui 
donna  en  mariage  sa  cousine ,  la  sœur  d'Axaja- 
catl.  Cette  préférence  n'attacha  point  Moquihuix 
à  la  destinée  de  son  beau-frère.  Après  la  mort 
de  Montézuma  et  l'avènement  de  Axajacatl,  il 
rêva  l'empire,  et,  trop  faible  pour  agir  seul,  es- 
saya de  former  une  ligue  de  tous  les  caciques 
mexicains.  Il  fut  trahi  par  sa  femme,  qui,  ayant 
à  se  venger  d'une  de  ces  infidélités  que  les  femmes 
ne  pardonnent  jamais  à  ceux  qu'elles  n'aiment 
plus,  s'enfuit  à  Mexico,  avec  ses  quatre  enfants, 
et  révéla  la  coalition  à  son  frère.  La  guerre  ne  fut 
pas  longue  :  Axajacatl  en  quelques  jours  prit 
Tlatélolco  et  son  roi,  dont  il  ouvrit  lui-même  la 
poitrine  et  arracha  le  cœur,  sur  l'autel  du  dieu 
Mexitli.  Quatre  cent  soixante  des  principaux  Tla- 
télolcos ,  faits  prisonniers  les  armes  à  la  main, 
eurent  le  même'sort.  Les  caciques  alliés  de  Mo- 
quihuix ,  vaincus  successivement,  furent  mis  à 
mort  et  leurs  terres  réunies  à  l'empire  aztèque. 
A.  de  L. 

Clavigero,  Storia  antiea  del  Messico  (Cesena,  1780- 
1781,  4  vol.  in-4°  ).  —  La  Renaudière,  Mexique,  dans  l'U- 
nivers pittoresque,  p.  14, 17,  18. 

*  MOQUiN-TANDOiv  (  Horace*Benedict-  Al- 
fred ),  botaniste  et  médecin  français,  né  à  Mont- 
pellier (Hérault),  le  7  mai  1804.  Il  fit  d'excel- 
lentes études  dans  sa  ville  natale,  fut  reçu  doc- 
teur es  sciences  à  l'âge  de  vingt-deux  ans  et 


435 

docteur  en  médecine  en  1828.  L'année  suivante, 
il  fut  nommé  professeur  de  zoologie  à  l'Athénée 
de  Marseille,  fonctions  qu'il  ne  quitta  que  pour 
aller  en  1833  à  Toulouse  remplir  celles  de  pro- 
fesseur de  botanique  à  la  faculté  des  sciences. 
Chargé  en  même  temps  de  la  direction  du  Jardin 
des  Plantes  de  cette  ville,  il  fut  pendant  douze 
ans  secrétaire  de  la  faculté,  dont  il  occupa  le  dé- 
canat  l'espace  de  trois  ans.  Pendant  son  séjour  à 
Toulouse ,  M.  Moquin-Tandon  associa  à  ses  re- 
cherches scientifiques  quelques  travaux  litté- 
raires. Outre,  plusieurs  pièces  de  vers  dans  l'idiome 
languedocien,  qu'il  fit  insérer  dans  divers  recueils 
du  midi ,  il  composa  un  charmant  badinage , 
contrefaçon  aussi  habile  qu'exacte  de  la  vieille 
langue  romape.  Publié  sous  le  titre  de  Carya 
Magalonensis  (Le  Noyer  de  Maguelone),  Tou- 
louse, 1836,  in-8°,  comme  un  manuscrit  du  qua- 
torzième siècle,  ouvrage  d'un  ancien  troubadour, 
il  trompa  la  clairvoyance  des  plus  expérimentés  , 
et  Raynouard  lui-même,  dont  les  décisions  sem- 
blaient infaillibles,  crut  à  l'authenticité  daCarya, 
et  s'empressa  d'écrire  à  l'éditeur  pour  le  remercier 
de  cette  utile  publication  et  lui  annoncer  qu'il  y 
avait  recueilli  plusieurs  mots  pour  son  Lexique 
roman  (1). 

Nommé  chevalier  de  la  Légion  d'Honneur  le 
28  avril  1 843,  il  fut  en  1850  chargé  par  le  gouver- 
nement d'une  mission  spéciale  en  Corse  pour 
terminer  la  Flore  de  la  Corse,  en  collaboration 
avec  M.  Montagne.  Le  30  avril  1853,  il  fut  choisi 
par  M.  Fortoul  pour  remplir  à  la  faculté  de  mé- 
decine de  Paris  la  chaire  d'histoire  naturelle  médi- 
cale, laissée  vacante  par  la  mort  du  professeur 
Achille  Richard.  Il  eut  en  même  temps  la  direc- 
tion du  Jardin  des  Plantes  de  cette  faculté,  et  le 
20  février  1854  succéda  à  Auguste  Saint-Hilaire 
à  l'Académie  des  Sciences. 

Outre  les  travaux  cités,  on  a  de  M.  Moquin- 
Tandon  :  Mémoires  sur  les  œufs  des  oiseaux 
et  des  reptiles,  insérés  dans  les  Annales  lin- 
néennes  de  Paris;  —  Essai  sur  les  dédouble- 
ments ou  multiplications  d'organes  dans  les 
végétaux;  Montpellier,  1826,  in-4°,avec  planches. 
Ce  travail  précieux  a  été  réimprimé  en  entier  dans 
^Bibliothèque  universelle  de  Genève,  etdeCan- 
dolle  en  adopta  les  principales  idées,  qu'il  renferma 
dans  le  premier  volume  de  son  Organographie 
végétale;  —  Monographie  de  la  famille  des 
Hirudinées,  1826,  in-4°,  avec  sept  planches,  et 
Paris,  1846,  in-8°,  avec  atlas  de  14  planches  ;  trad. 
en  allemand  par  Ernest  Baër;  —  Essai  sur  la 
phthisie  laryngée  syphilitique;  1 828,  in-4°,  avec 

(1)  Cet  ouvrage,  tableau  vif  et  fidèle  de  la  société  dans 
la.seigneurie  de  Montpellier  au  quatorzième  siècle,  (ut 
alors  tiré  a  cinquante  exemplaires  lithographies,  dorés 
et  coloriés  de  la  main  de  l'auteur,  avec  un  prétendu  fac- 
similé  du  manuscrit  original.  Dans  une  seconde  édition, 
où  la  traduction  se  trouve  en  regard  du  texte  roman, 
M.  Moquin-Tandon  souleva  le  voile  derrière  lequel  il  s'é- 
tait caché.  Elle  fut  publiée  â  Montpellier  et  à  Toulouse, 
184'»,  in-12.  Le  titre  principal  et  les  litres  des  chapitres  en 
sont  enluminés,  et  elle  est  précédée  c"un  avertissement  dû 
à  la  plume  de  M.  Fortoul,  ami  intime  de  M.  Moquin. 


MOQUIN-TANDON  —  MORA 


des  notes  de  Dunal  et  de  Lallemand  ;  —  Chen 
podearum  monographica  Enumcratio  ;  Pai 
1840,  in-8c.  Le  nombre  des  espèces  dont  se  co 
pose  ce  genre  de  plantes  n'était,  avant  les 
cherches  du  savant  professeur,  que  d'une  tr< 
taine,  tandis  qu'il  s'élève  à  quarante-six  d; 
son  intéressante  monographie;  —  Éléments 
Tératologie  végétale,  ou  histoire  des  auon 
lies  de  l'organisation  dans  les  véyélau 
Paris,  1841,  in-8°,  trad.  en  allemand  en  li 
et  présenté  à  l'Institut  par  Auguste  Saint-i 
laire,  comme  établissant  pour  la  première  I 
un  lien  scientifique  entre  des  phénomènes  an 
maux  jusque  là  observés  et  décrits  isolément: 
Histoire  naturelle  des  Mollusques  terrest 
et  fluviatiles  de  la  France ,  contenant 
études  générales  sur  leur  anatomie  et  h 
physiologie  et  la  description  particulière  i 
genres,  des  espèces  et  des  variétés;  Pa; 
1855,  2  vol.  in-8°,  avec  atlas  de  54  pi.  Il  a  j( 
à  son  ouvrage  un  livre  spécial  sur  les  anomai 
qui  affectent  les  mollusques,  un  autre  sur  l'utit 
de  ces  animaux,  et  un  troisième  sur  leur  recl 
che,  leur  choix,  leur  préparation  et  leur  c< 
servation; —  Les  Polygalées  brasiliens  (fl 
du  Brésil),  avec  Auguste  Saint-Hilaire;  —  Go* 
pectus  Polygalarum  florse  brasiliese  merià 
nalis  (avec  le  même  )  ;  —  Mémoires  sur  la  I 
mille  des  Polygalées  (avec  le  même)  ;  —  1 
moires  sur  la  symétrie  des  Capparidées  (a 
le  même);  tous  ces. travaux  sont  insérés  d 
les  Mémoires  du  Muséum  d'histoire  nai 
relie;  —  Recherches  anatomieo-physit 
giques  sur  Vancyle  (ancylus  fluviatilis);  — 
vers  autres  travaux  de  botanique,  publiés 
1832  à  1849,  en  collaboration  avec  M.  Phili| 
Barker-Webb.  Kurt  Sprengel  a  dédié  à  M.  '3 
quin-Tandon  un  genre  de  plantes  appartenan 
la  famille  des  lobéliacées  :  ce  genre  renferme  i 
seule  espèce  originaire  du  cap  de  Bonne-Es 
rance,  moquinia  rubra,  et  Auguste  Saint-) 
laire  lui  a  également  dédié  une  jolie  espèce 
polygala  à  fleurs  groupées  en  spirale ,  polygt 
moquiniana.  H.  F.  (  de  Moutpellh 

Biographie  des  Contemporains.  —  H.    Fisquet,   l 
graphie  (  inédite  )  de  l'Hérault. 

mora  (  Diego  de  ),  peintre  et  homme 
guerre  espagnol ,  né  au  commencement  du  s 
zième  siècle,  mort  après  1535.  Il  avait  accom[ 
gné  Pizarre  à  la  conquête  du  Pérou,  et  nous  p( 
sons  qu'il  avait  fait  partie  des  premières  ex| 
ditions,  ou  qu'il  avait  une  grande  facilité  pc 
apprendre  les  langues,  car  il  savait  sj  bien 
quichua,  que  l'empereur  Arahualpa,  se  défiî 
de  l'interprète  indien  Philipillo,  voulut  qu'il 
présent  à  l'interrogatoire  qu'on  lui  fit  subir, 
nom  de  Mora  se  trouve  néanmoins  te  derrl 
parmi  ceux  des  prétendus  juges  qui  coniramr. 
rent  le  souverain  péruvien  a  la  mort.  Comi 
Diego  de  Mora  dessinait  passablement,  il  fit 
portrait  de  l'infortuné  monarque,  par  ordre 
Fernand  Pizarre,  et  le  signa.  L'effigie  de  l'inca  I 


tj  (37  MORA.  - 

•  •  mservée  durant  plus  de  deux  siècles  à  Caxa- 

■  »  arca,  et  ce  fut  là  que  Velasco  la  vit  encore; 

si  ce  portrait  qui  a  été  donné  tour  à  tour  dans 

*  ['listoria  de  Carlos  Quinto  par  Sandoval  et 
h  iins  Les  Grands  hommes  d'André  Thevet,  sans 
-  .  mpter  Paul  Jove  et  les  nombreuses  gravures 

ii  en  ont  été  faites  depuis.  Cette  effigie  néan- 
.  i  oins  ne  nous  inspire  qu'une  confiance  médiocre, 
l'influence  de  l'ornementation  de  la  Renaissance 
i  lait  sentir.  F.  D. 

(.  i,  Masco,  Historia  de  Quito.  —  And.  Thevet,  Dict.  Biog. 
t;|  MORX(Jéràme),  peintre  espagnol  de  l'école  ma- 
s  I;  ilène,  né  vers  1540,  mort  en  1599.  Il  était  élève 
slii  Alonso-Sanchez  Coëllo.  Son  talent  le  fit  appeler 
s  f  acour  d'Espagne  pourdécorer  les  appartements 
:  ,  la  reine,  au  Pardo.  Plusieurs  autres  châteaux 
i.  |  yaux,  entre  autres  Madrid,  Saintrlldefonse,  l'Es- 
,i  I  liai,  le  Panlar,  etc.,  possèdent  de  ses  œuvres. 
h  \  ncente  Joanes  étant  mort  le  21  décembre  1579, 
i,  |  ssant  esquissée  seulement  une  Cène  dans  le  cou- 
4l'  nt  des  Dominicains  de  Valence,  Mora  la  ter- 
ci'  na,  et  ne  resta  point  au-dessous  du  grand  ar- 
H  te  qu'il  remplaçait.  «  C'est,  dit  Pierre  Orfelin  de 
[  ultiers,  l'éloge  le  plus  flatteur  que  l'on  puisse 
jre  de  Mora.  »  A.  de  L. 

j,  'alomino,  El  Museo  de  la  Pintura.  —  Guevarra,  Los 
ï!  menlurios  de  la  Pintura.  —  Cean  Bermudes,  Diccio- 
'<■■  |  rioliistorico  de  las  Bellas  Artes  en  Espanu.  —  Quillier, 
twpt  des  Peintres  espagnols. 

■  li»  mora  (  Jose-Joaquin  de),  littérateur  es- 
;  (gnol,  né  en  1784,  à  Cadix.  Fils  d'un  magistrat, 
i  tôt  ses  études  à  Grenade,  et  devint  professeur 
il  |    collège  de   San-Miguel,  où  il  eut  pour  élève 

ï  Martinez  de  La  Rosa,  qui  est  demeuré  son 
-|oi.  Lors  de  l'occupation  française,  il  prit  les 
i  imes,  et  assista  à  la  bataille  de  Baylen;  mais, 
.  (  ant  eu  le  malheur  de  tomber  bientôt  après  aux 
ainsde  l'ennemi,  il  fut  envoyé  à  Autun,  comme 
isonnier  de  guerre,  et  s'y  maria.  En  1814,  il 
ntra  dans  son  pays,  exerça  la  profession  d'a- 
>cat  à  Madrid,  et  dirigea  La  Cronica  cienti- 
~a  y  literaria,  feuille  périodique,  qui  acquit 
us  d'importance  sous  le  titre  oVEl  Constitu- 
ional.  Quoiqu'il  jouît  à  la  cour  de  quelque  fa- 
iur  et  qu'il  eût  été  chargé  par  Ferdinand  VJÏ 
,une  mission  à  Rome ,  il  s'associa  au  mouve- 
ent  libéral  de  1820,  et  se  compromit  à  un  tel 
•int  qu'il  jugea  prudent  de  ne  pas  attendre 
I  rrivée  des  Français  et  d'émigrer  en  Angleterre 
S23).  A  la  recommandation  de  Blanco  White, 
i  obtint  dit  férents  travaux  du  libraire  Ackermann, 
;ii  venait  de  fonder  dans  les  colonies  espagno- 
ls de  l'Amérique  plusieurs  établissements  des- 
ités  à  la  diffusion  des  littératures  d'Europe.  En 
i-  27  il  se  rendit  à  Buenos- Ayres,  et  rédigea  la 
onica  polilica  sous  la  présidence  de  Riva- 
,  via.  A  la  chute  de  ce  dernier,  il  passa  au  Chili, 
j-  y  fut  pendant  quelques  années  directeur  d'un 
iblissement  d'éducation,  nommé  Chilian  Ly- 
:  um.  En  même  temps  il  collaborait  au  Mercu- 
■o  Chileno  ,  prenait  part  aux  affaires  comme 
jus-secrétaire  d'État,  envoyait  au  congrès  un 
:  udèle  de  constitution,  et  usait  de  son  influence 


MORAES  438 

pour  faire  adopter  en  1830  les  principes  du  libre 
échange,  auxquels  le  Chili  est  redevable  de  trente 
ans  de  progrès  et  de  prospérité.  Un  mouvement 
politique  amena  J.  de  Mora  au  Pérou  :  il  fit  à 
Lima  des  cours  sur  le  droit  et  sur  la  philosophie 
écossaise.  Secrétaire  particulier  du  général  Santa- 
Cruz,  président  de  la  Bolivie  (  1834),  et  consul 
général  de  cette  république  à  Londres  (  1838  ),  il 
revint  en  1843  en  Espagne,  fut  placé  à  la  tête 
du  collège  de  San-Felipe  à  Cadix,  et  abandonna 
encore  cette  position  en  1856  pour  se  rendre  en 
qualité  de  consul  à  Londres,  où  il  est  encore.  It 
est  membre  de  l'Académie  royale  de  Madrid.  On 
a  de  lui  :  No  meolvides;  Londres,  1824-1827, 
4  vol.  in-8°  fig.  ;  Annuaire  littéraire  à  l'imitation 
du  Forget  me  nol  anglais;  —  Cuadros  de  la 
hisloria  de  los  Arabes  ;  Londres,  1826,  2  vol.  -y 

—  Meditaciones  poeticas  ;  Londres,  1826,  in-4°; 
■%*  Legendas  Espanolas  ;  Londres,  1840,  in-8°; 

—  un  traité  Sur  les  Synonymes  espagnols.  Il 
a  aussi  traduit  en  espagnol  ïvanhoe  et  Le  Ta- 
lisman de  W.  Scott,  et  il  a  édité  les  œuvres  de 
Louis  de  Grenade  pour  la  collection  des  classi- 
ques de  Rivadeneyra.  P.  L — y. 

Ferd.   Wolff,  Floresta  de  Rimas  modernas  Castel- 
lanas. 

morabin  (Jacques),  érudit  français,  né  à  La 
Flèche,  le  5  mars  1687,  mort  à  Paris,  le  9  septem- 
bre 1762.  Il  était  secrétaire  du  lieutenant  de  po- 
lice de  Paris.  On  ne  connaît  pas  d'autre  circons- 
tance de  sa  vie.  Ses  ouvrages  ne  sont  j>as  saps  quel- 
que mérite.  On  lui  doit  :  Traité  des  Loix,  de  Ci- 
céron,  traduit  en  français,  avec  des  remarques; 
Paris,  1719,  in-12;  —  Des  Orateurs  :  savoir  si 
les  modernes  sont  inférieurs  aux  anciens? 
traduction  d'un  dialogue  attribué  à  Tacito;  Pa- 
ris, 1722,  in-12;  —  Histoire  de  l'Exil  de  Cicé- 
ron;  Paris,  1725  et  1782,  in-12;  —  Traité  de 
la  Consolation,  traduit  de  Cicéron,  avec  deux 
Dissertations  sur  Sigonius  et  sur  Alcyonius ; 
Paris,  1753,etanm,  in-12  ;  —  Nomenclator  Ci- 
ceronianus,  index  de  tous  les  noms  propres  qui 
se  rencontrent  dans  les  œuvres  de  Cicéron;  Pa- 
ris, 1757,  in-12;  —  Histoire  de  Cicéron,  avec 
des  Remarques  historiques  et  critiques;  Paris, 
1745,  3  vol.  in-4°;  —  La  Botte  du  Jésuite, 
sans  date  connue.  On  doit  encore  attribuer  à  Mo- 
rabin V Avertissement  qui  précède  le  Dialogue 
de  la  Musique  des  Anciens,  par  l'abbé  de  Cha- 
teauneuf.  B.  H. 

Quérard  ,  La  France  Littéraire.  —  B.  Hauréau,  Hist. 
Litt.  du  Maine,  t.  IV,  p.  279.  —  Narc.  Desportes,  Bibliog. 
du  Maine. 

moraes  (Francisco  de  ),  écrivain  portugais, 
né  à  Bragance,  assassiné  à  Evora,  en  1572.  Il  fit 
des  études  excellentes ,  et  entra  dans  la  diplo- 
matie, après  avoir  été  trésorier  de  la  maison  du 
roi  Jean  III.  Il  vint  à  Paris,  au  temps  de  Fran- 
çois Ier,  en  qualité  de  secrétaire  d'ambassade, 
durant  une  mission  confiée  àD.  Francisco  de  No- 
ronha,  deuxième  comte  de  Linhares.Moraes  quitta 
la  France  sous  le  règne  de  D.  Sébastien,  et  revint 
en  Portugal,  mais  ce  retour  lui  fut  fatal  :  il  fut  as- 


439 


MORAES 


sassiné  à  la  porte  du  Rocio  à  Evora,  à  l'époque  où  i  opuscules  imprimés  chez  Diego  Ferrer,  qu'il  su 


la  cour  faisait  momentanément  sa  résidence  dans 
cette  ville.  Le  Palmerin  d'Angleterre,  quia  des 
branches  si  nombreuses,  est,  selon  nous,  l'œuvre 
capitale  de  Moraes,  et  nous  partageons  sous  ce 
rapport  l'opinion  de  Robert  Southey,  de  M.  de 
Monglave  et  du  savant  Odorico  Mendes.  Toute- 
fois, cette  origine  ne  peut  plus  être  prouvée  bi- 
bliographiquement.  La  première  édition  de  ce 
livre  est  antérieure,  disent  les  Portugais,  à  l'an- 
née 1547;  néanmoins,  jusqu'à  ce  jour  on  n'a  pu 
la  produire  pour  éclaircir  la  discussion.  D'autre 
part,  il  le  faut  bien  dire,  la  traduction  espagnole 
est  précisément  de  cette  date;  elle  porte  le  titre 
suivant  :  Libro  del  muy  esforçado  cauallero 
Palmerin  de  Inglaterra,  hijo  del  rey  dô  Duar- 
dos  :  y  de  sus  grandes  proezas  :  y  de  Flo~ 
riano  del  desïerto,  su  hermano  :  con  algunas 
del  principe  Florendos,  hijo  dePrimaleon  ;  im- 
pressoano  MDXLVIII,  et  à  la  fin  MDXLVII; 
—  Libro  segundo,  en  cl  quai  se  prosiguen  y 
han  fin  los  muy  dulces  amores  que  tuuo  con 
la  Ynfanta  Polinarda,  dando  citna  a  mu- 
chas  auenturas,  y  ganando  immortal  fama 
con  sus  grandes  fechos.  Y  de  Floriano  del 
desierto,  su  hermano,  con  algunas  del  prin- 
cipe Florendos,  hijo  de  Primaleon.  Toledo,  en 
casa  de  Fernando  de  Santa- Cathalina,  de- 
Junto,  que  aya  gloria...  acabose  a  XVI  del 
mes  de  Julio  de  MDXLVIII,  2  vol.  petit 
în-fol.,  car.  goth.  Tous  ceux  qui  ont  lu  D.  Qui- 
chotte se  rappellent  le  magnifique  éloge  que  Cer- 
vantes a  placé  dans  la  bouche  du  curé,  qui  égale 
Se  Palmerin  aux  plus  belles  conceptions  de  la 
poésie  (1).  Observateur  de  la  tradition,  l'immor- 
tel romancier  ne  nie  point  que  cette  riche  con- 
ception ne  soit  due  à  une  plume  portugaise,  mais 
il  en  fait  honneur  à  Jean  II,  qui  n'était  pas  seu- 
lement un  grand  roi,  mais  qu'on  regardait  comme 
un  poète  exercé  :  Cervantes  suivait  ainsi  l'opinion 
de  Faria  y  Souza.  Nicolas  Antonio,  qui,  pour  la  cri- 
tique, offre  uneautorité  tout  autrement  imposante, 
n'hésite  pas  à  reconnaître  Francisco  de  Moraes 
comme  auteur  du  Palmarin,  et  sur  ce  point  on  ne 
doit  pas  s'attendre  à  ce  que  Barbosa  Machado  le 
contredise.  De  notre  temps  la  discussion  a  pris 
un  caractère  tout  différent;  sur  de  vagues  indi- 
ces ,  un  bibliographe  espagnol  d'une  incontestable 
habileté,  Vincent  Salve ,  avait  cru  pouvoir  démen- 
tir la  tradition  :  c'était  Ferrer,  l'éditeur  du  Pal- 
merin, qui  en  était  l'auteur.  Plus  tard,  le  fils  du 
savant  bibliographe,  en  examinant  attentivement 
l'édition  de  1547,  lut  dans  un  acrostiche  formé 
par  des  stances  imprimées  en  tête  du  volume, 
Luis  Hurtado,  autor,  al  lector  da  salud,  et, 
se  rappelant  que  Hurtado  avait  donné  plusieurs 

(1)  «  Déchirons  ce  Palmerin  d'Olivre,  brûlons-le  et  jc- 
tons-en  les  cendres  au  vent;  mais  conservons  ce  Palme- 
rin d'Angleterre,  comme  un  livre  précieux,  et  faisons  /aire 
pour  l'enfermer  une  cassette  pareille  à  celle  qu'Alexandre 
trouva  dans  les  dépouilles  de  Darius  et  qu'il  fit  mettre  à 
part  pour  y  garder  les  poèmes  d'Homèrc.»[D.  Quichotte, 
llv.  I,  en.  vi.  | 


posait  être  frère  de  l'éditeur  du  Palmerin,  n'1 
sita  pas  à  regarder  ce  nouveau  venu  comme 
véritable  auteur  de  l'œuvre  contestée.  Sal 
accueillit  cette  petite  découverte  avec  un  empr 
sèment  tout  paternel;  mais  il  est  inutile  de  d 
que  l'opinion  du  savant  bibliographe  ne  fut  ni 
lement  partagée  par  les  Portugais,  et  dans  < 
derniers  temps,  l'habile  traducteur  de  Virgile 
commandeur  Odorico  Mendes ,  a  réuni  avec  v 
critique  pleine  de  sagacité ,  toutes  les  preui 
qui  restituent  ce  beau  livre  à  la  littérature  pi 
tugaise.  Sans  nul  doute  la  question  serait  défi 
tivement  tranchée  si,  comme  l'espérait  le  pi 
fesseur  Nunez  de  Carvalho,  on  pouvait  repi 
duire  une  édition  contemporaine  de  l'ouvre 
castillan.il  le  faut  avouer, cette  édition  prince^ 
si  elle  existe,  a  échappé  même  aux  investigatic 
de  M.  Innocencio  F.  da  Sylva,  et  il  ne  cite  c 
la  suivante  :  Chronica  de  Palmeirin  de  Ing< 
terra,  primeira  e  secunda  parte  ;  Evora,  ] 
André  de  Burgos,  1567,  in-fol.  goth.  Ce  bibl 
graphe,  peu  favorable  à  Moraes,  présente  com 
édition  usuelle  le  livre  suivant,  qui  a  l'avanti 
de  réunir  les  autres  ouvrages  de  l'auteu 
Chronica  de  Palmeirin  de  Inglaterra,  p 
meira  e  secunda  parte  por  Francisco  de  il 
raes  a  que  se  ajuntam  as  mais  obras 
mesmo  auctor;  Lisbonne,  1786,  3  vol.  inn 
Cette  réimpression  a  été  dirigée  par  Costa 
Macedo.  Le  Palmerin  a  été  traduit  dans  tou 
les  langues.  La  version  française  a  été  donné 
Lyon  en  1553  par  maistre  Jacques -Vincent 
Crest-Arnauld,  en  Dauphiné,'puis  en  italien  | 
Rosco.  Ces  versions  ^primitives  se  trouvent  à 
bibliothèque  de  l'Arsenal.  De  nos  jours  M.  Eugi 
de  Monglave  a  traduit  ce  roman  célèbre,  sous 
titre  :  Palmerin  d'Angleterre,  chronique  pi 
tugaise,  par  Francisco  Moraes;  Paris,  18' 
3  vol.in-12.  La  version  anglaise  de  Robert  Se 
ihey  jouit  également  d'une  honorable  renomai 
On  a  encore  de  Moraes  :  Dialogos,  com  um  t 
sengano  de  amor sobre  certos  amores  que  ti 
em  Fiança  comumadama/rancezadarain 
D.  Léon  or;  Evora,  1624,  in-8°.  Nous  ne  ten 
nerons  pas  cet  article  sans  rappeler  que  les  part 
3,  4,  5  et  6  du  Palmerin  n'ont  jamais  été  ce 
testées  à  la  littérature  portugaise;  elles  ontpc 
auteurs  Domingos  Fernandez  et  Balfhazar  Gc 
çalvez  Lobato.  Ferdinand  Denis. 

Barbosa  Machado,  Bibliotkeca  Lusitana.  —  Diccioi 
rio  bibliographico  Portuguez,  t.  III.  —  Brunet,  Man 
du  Libraire.  —  A-  Catalogué  of  Spanish  and  Por 
guese  boots,  par  Vincent  Salvâ;  Londres,  1826,  in-80.— 
Bulletin  du  Bibliophile,  pub.  parTecbener.  —  Mémo; 
da  Academia  das  Sciencias. 

moraes  (  Christovam  Alâo  de)  ,  poète  pc 
tugais,  né  le  13  mai  1632  (1),  mort  le  19  n 
1693.  Il  alla  se  perfectionner  dans  ses  études 
Coïmbre  en  1645,  et  il  s'y  livra  surtout  à  la  pi 
losophie  et  aux    mathématiques.    Injustenu 

(1)  Et  non  le  2  mars  1630,  comme  le  dit  Barbosa  h 
chado. 


41  MORAES  —  MORALES 

npliqué  dans  une  déplorable  affaire  où  il  ne 
,  'agissait  de  rien  moins  que  d'un  assassinat,  il 

arvint  à  se  justifier,  et  fut  promu  à  quelques 
I  inées  de  là  aux  plus  honorables  fonctions  de  la 
,  lagistrature  ;  il  résida  dès  lors  à  Porto.  Il  a  beau- 
i  )up  écrit,  mais  peu  de  ses  livres  ont  été  impri- 

iés;  le  plus  important,  quoique  inédit,  est  la  Ge- 
t°alogiadas  Casas  de  Portugal,  en  8  vol.  in-fol. 
i  e  vaste  recueil  a  paru  récemment  dans  une  vente, 
i  n'a  malheureusement  pas  été  acheté.  Les  poé- 
|  es  d'Alâo  de  Moraes,  Grinalda  d'Apollo;  0 
liclope  namorado;  Fonte  perenne  do  Par- 
I  ïsso,  jouissent  d'une  grande  renommée,  mais 

ont  pas  vu  le  jour.  Quelques  sonnets,  quelques 
k  testes  légères  dont  Moraes  est  l'auteur  ont  été 
l  îprimés  à  Porto,  en  1671  et  1672.  On  conserve 
[  i  grand  poëme  de  lui  sous  le  titre  d'As  Quinas 
l  :  Portugal;  il  n'a  pas  moins  de  quatorze  chants, 
[  est  consacré  aux  gloires  nationales.  F.  D. 
[  Le  Panorama,  jornal  literario,  t.  VIII.  —  Diccio- 
f  :rio  Bibliografico  Portuguez. 

moraes  si  i,va  (  Antonio  de  ),  lexicographe 

ésilien  célèbre,  né  à  Rio-de-Janeiro,  vers  1756, 
Drt  à  Pernambuco,  en  1825.  Il  étudia  à  Coïmbre 

suivit  la  carrière  de  la  magistrature;  il  oc- 

pa  même  un  emploi  important  en  cette  qua- 
1  é  à  Bahia.  A  la  suite  de  discussions  survenues 

tre  le  chancelier  et  lui ,  il  se  retira  à  Pernam- 
jco.  Il  acquit  dans  cette  province  d'importan- 
1 5  propriétés,  devint  seigneur  d'Engenho,  et  fut 
immé  colonel  de  la  milicede  Moribeca,  lors  de 
i  révolution  de  1817.  On  voulut  l'élire  membre 
j  gouvernement  provisoire,  mais  il  refusa  ces 
intes  fonctions,  et  vint  alors,  nous  assure-t-on, 
Mter  la  France.  Il  succomba  à  un  ramollisse- 
ent  du  cerveau.  On  a  de  lui  un  dictionnaire 
j  rtugais ,  qui  jouit  encore  de  la  faveur  la  plus 

éritée  et  qui  a  eu  six  éditions.  La  première  a 
\\m  sous  ce  titre  :  Diccionario  da  Lingua 
hrtugueza;  Lisbonne,  1789,  2  vol.  in-4°.  La 
•raière,  considérablement  enrichie  par  Agos- 
iiho  de  Mendonça  Falcâo,  est  de  beaucoup 
rpérieure  aux  autres.  On  a  encore  de  Mo- 
|  es  Silva  :  Historia  de  Portugal  composta  em 
\glez  por  uma  sociedade  de  litteratos, 
'asladada  em  vulgar,  com  as  addiçoes  da 

rsào  franceza  e  notas  do  traductor  por- 
uguez;  Lisbonne  (publication  de  l'Académie  des 
'iences),  1788  et  ann.  suiv.,  3  vol.  in-8°;  réimp. 
fi  i  vol.,  1802.  Le  tome  4e,  consacré  au  règne 

i  Dna  Maria  F,  a  été  composé  par  le  P.  Joze- 
|?ostinho  de  Macedo;  —  Epitome  da  Gram- 

atica  da  Lingua  Portugueza;L\sboxine,  1806, 

•8°;  —  Becreaçâo  do  homem   sensivel,  o 

lleçâo  de  exemplos  verdadeiros  e  pathe- 

:os,  etc.;  trad.  de  M.  Arnaud.  F.  D. 

Revista  ■  trimensal  de  Instituto  historico  do  Brasil, 

XV.  —  Percira  da  Sylva ,  faroes  illustres  do  Brasil, 

11.  p.  310.  —  Innocencio  Francisco  da  Sylva,  Diccio- 
jtTfo  Biblioçraphico  Portuguez;  Lisbonne,  1858  et 
in.  suiv.,  1. 1. 

moralejo  (Joseph  ),  littérateur  espagnol , 
9  à  Madrid,  vers  1710.  Il  continua  le  recueil  de 


442 


contes  et  de  nouvelles  qu'Antonio  Sanchcz  Tor- 
toles  avait  publié  en  1671,  et  qui  avait  été  réim- 
primé plusieurs  fois  sous  le  tifre  :  El  Entrete- 
nido.  La  segunda  parte,  mise  au  jour  à  Madrid 
en  174 1  par  Moralejo,  contient  un  amalgame  d'a- 
necdotes, de  morceaux  poétiques ,  de  calculs  as- 
tronomiques, d'ew tremeses;  des  amis  passent 
quatre  jours  ensemble  et  s'amusent  à  se  raconter 
mutuellement  des  histoires,  à  promener  leur 
attention  de  sujet  en  sujet.  Malheureusement 
il  n'y  a  ni  esprit  ni  intérêt  dans  leurs  entretiens. 

G.  B. 

Baena,  Hijos  de  Madrid,  t.  III,  p.  81.  —  Ticknor, 
History  of  Spanish  Literature,  t.  III,  p.  250. 

morales  (  Luiz  de  ) ,  surnommé  el  Divino, 
peintre  espagnol,  né  à  Badajoz,  en  1509,  mort 
dans  la  même  ville,  en  1586.  Il  commença  l'é- 
tude de  son  art  à  Valladolid  et  se  perfectionna 
à  Tolède ,  où  il  y  avait  à  cette  époque  d'excel- 
lents maîtres.  Il  revint  ensuite  à  Badajoz ,  et 
travailla  pour  presque  toutes  les  églises  ou  cou- 
vents de  l'Espagne.  Philippe  II  l'appela  pour  dé- 
corer l'Escurial.  Morales  avait  acquis  de  grands 
biens,  et  aimait  trop  à  s'en  faire  honneur.  Il 
parut  à  la  cour  avec  un  train  princier.  Ce  faste 
blessa  plusieurs  favoris  du  monarque,  qui  était 
lui-même  fort  économe  dans  ses  dépenses  de 
luxe;  il  prêta  une  oreille  complaisante  aux  en- 
vieux deMorales,  et  l'artiste  reçut  presque  aussitôt 
son  arrivée  une  indemnité  de  route  et  l'ordre 
de  retourner  dans  sa  province.  La  nouvelle  de 
cette  éclatante  disgrâce  éloigna  de  lui  sa  nom- 
breuse clientèle.  Le  peintre  en  défaveur  n'était 
plus  le  Divin.  Il  ne  travailla  bientôt  plus  que  pour 
vivre,  et  fut  obligé  de  donner  ses  œuvres  à  des 
prix  humiliants.  Ce  fut  alors  qu'il  fit  son  superbe 
tableau  de  La  Voie  des  Douleurs,  que  Philippe  II 
acheta  pour  les  Hiéronymites  de  Madrid.  Le 
maître  était  dans  une  disposition  d'esprit  à  bien 
traiter  un  pareil  sujet.  Pour  comble  d'affliction, 
avec  l'âge  sa  vue  s'affaiblit  et  sa  main  perdit 
sa  fermeté.  Il  était  dans  la  plus  profonde  misère 
lorsque,  passant  par  Badajoz,  en  1581,  Philippe II, 
revenant  de  prendre  possession  du  Portugal,  eut 
lafantaisiede  le  voir.  «  Tu  es  bien  vienx,Morales, 
lui  dit-il.  —  Et  encore  plus  pauvre,  sire, répliqua 
el  Divino.  «  Le  roi  fut  touché  de  la  misère  de 
cette  gloire  déchue ,  et  assigna  à  Morales  une 
pension  annuelle  de  300  ducats  (1,317  fr.  ) 

Les  qualités  qui  ont  mérité  à  Luiz  de  Morales 
son  surnom  consistent  dans  l'exactitude  du  plus 
austère  dessin;  dans  la  connaissance  profonde 
des  nus ,  la  dégradation  des  teintes  et  surtout 
dans  l'art  de  peindre  les  passions.  Morales  est 
par  excellence  le  peintre  du  sentiment,  de  l'ex- 
pression et  du  fini  le  plus  parfait.  «  Il  apportait, 
dit  Quilliet,  une  prolixité  rare  dans  les  barbes 
et  les  cheveux,  qui ,  à  la  loupe,  sont  d'un  détail 
surprenant,  et  de  loin  n'en  sont  pas  moins  d'un 
effet  admirable  »  ;  aussi  Morales,  que  l'on  peut 
justement  surnommer  le  Bellin  espagnol,  met- 
tait-il à  ses  travaux  un  temps  très-long.  Néan- 


443 

moins,  malgré  cette  lenteur,  il  a  laissé  des  ta 
bfeaux  dans  presque  toutes  les  églises  d'Alcan- 
.  tara,  Arroyo-del-Puerco,  Avila,  Badajoz,  Bur- 
gos,  La  Calzada  ,  Grenade,  La  Higuera-de-Fre- 
genal,  Madrid,  Miraflores,  La  Puebla  ,  Séville, 
Tolède,  Valladolid,  au  palais  du  Pardo ,  dans 
beaucoup  de  couvents ,  dans  beaucoup  de  pa- 
lais et  de  galeries  d'amateurs.  Rarement  il  a 
peint  des  épisodes  compliqués  ;  son  chef-d'œuvre 
en  ce  genre  est  La  Voie  des  Douleurs  :  il  se 
bornait  à  des  sujets  simples,  tels  que  des  Christ, 
des  Vierge, des  Saints,  toujours  sur  bois. 

Il  a  laissé  un  fils  et  quelques  élèves,  qui,  outrant 
son  genre,  n'ont  fabriqué  que  des  Ecce  homo  dé- 
charnés ,  des  Madones  osseuses,  des  Chérubins 
étiolés,  des  Bienheureux  étiques.  Ce  sont  ces 
caricatures  horribles  que  quelques  prétendus 
amateurs  ont  décorées  du  nom  d'école  de  Mo- 
rales el  Divino.  A.  de  L. 

Palomino  y  Velasco,  El  Museo  de  la  Pintura.  — 
Quilliet,  Dictionnaire  des  Peintres  espagnols.  —  Cean 
Bermucks,  Diccionario  historieo  de  los  mas  illustres 
Professores  de  las  bellas  artes  in  Espaîia:  —  Don- 
José  Mussoy-Valiente ,  Coleccion  de  Cvadros  que  se 
conservan  en  reaies  palacios;  Madrid,  1826.  —  Viar- 
dot,  Étvdes  sur  l'histoire  des  beaux-arts  en  Espagne; 
Paris ,  1835. 

morales  (  AmbroiseDE),  historien  espagnol, 
né  àCordoue,  en  1513,  mort  en  1591.  Il  était  fils 
d'Antoine  Morales,  médecin,  philosophe,  le  pre- 
mier professeur  de  philosophie  péripatéticienne  à 
l'université  d'Alcala  ,  et  neveu  du  savant  Perez 
d'Oliva,  qui  présida  à  son  éducation.  De  Thou 
raconte  qu'il  entra  dans  l'ordre  de  Saint-Domi- 
nique et  qu'il  en  fut  exclu  pour  avoir,  dans  un 
accès  de  folie  religieuse,  imité  l'exemple  d'Ori- 
gène.  Ticknor  dit  aussi  que  «  Morales,  dans  sa 
jeunesse,  se  mutila  cruellement  pour  préserver 
la  pureté  sacerdotale  de  sa  vie  ».  Cet  acte  insensé 
ne  paraît  pas  bien  attesté,  et  Nicolas  Antonio  l'a 
révoqué  en  doute.  Il  est  certain  que  Morales  entra 
dans  les  ordres,  qu'il  obtint  de  bonne  heure 
plusieurs  bénéfices,  et  qu'il  occupa  une  place 
éminente  parmi  les  professeurs  de  l'université 
d'Alcala.  Nommé  en  1570  historiographe  du  roi 
d'Espagne  Philippe  II .  il  se  consacra  à  l'achè- 
vement de  l'histoire  commencée  sur  une  vaste 
échelle  par  Ocampo;  mais  il  se  mit  à  sa  tâche 
trop  tard.  Il  avait  déjà  soixante-sept  ans,  et  quand 
il  mourut,  onze  ans  plus  tard ,  il  n'avait  conduit 
son  ouvrage  que  jusqu'à  l'union  des  couronnes 
de  Castille  et  de  Léon,  en  1070.  Sandoval  le  re- 
prit à  cette  date,  et  le  conduisit  jusqu'à  là  mort 
d'Alphonse  VII,  en  1097.  «  Si  imparfaite,  dit 
Ticknor,  que  soit  la  portion  que  Morales  com- 
pila dans  sa  vieillesse,  nous  ne  pouvons  nous 
empêcher  de  la  regarder,  non  pas,  it  est  vrai, 
comme  une  composition  historique  aussi  sage  et 
aussi  bien  pesée  que  celle  de  Zurita,  mais 
comme  une  œuvre  qui  atteste  bien  plus  d'ha- 
bileté et  témoigne  d'un  esprit  bien  plus  éclairé 
que  l'ouvrage  d'Ocampo,  dont  elle  est  une  con- 
tinuation. Son  style  malheureusement  manque 
de  correction ,  circonstance  d'autant  plus  remar- 


MORALES  4 

quable  que  Morales  avait  la  prétention  de  par  ; 
le  bon  castillan ,  comme  fils  d'un  noble  dé  I 
haute  caste  et  neveu  de  Fernand  de  Oliva.  r| 
L'Histoire  d'Ambrosio  Morales  (  Coronica  ;  h 
neral  de  Espana,  prosiguiendo  adelante  | 
cinco  libros  que  el  maestro  Florian  Docam\  U 
coronista  del  emparador  D.  Carlos  V,  de\ 
escritos  )  fut  publiée  pour  la  première  foi;  j 
Alcala,  1574-1577, 3  vol.  in-fol.  ;  la  meilleure  é  j 
tion  est  celle  de  Madrid ,  1791,  6  vol.  pet.  in- a 
auxquels  on  ajoute  ordinairement  2  volumes  da  { 
de  1792  sur  les  Antiquités  espagnoles,  et  3  v| 
de  plus,  datés  de  1793  et  contenant  les  Œuv:l 
mêlées  de  Morales.  Le  tout  est  précédé  de  I'éI 
toire  d'Ocampo  en  2  vol.  et  suivi  de  la  coil 
nuation  de  Sandoval  en  1  vol.  Les  trois  autei 
Ocampo,  Morales  et  Sandoval,  pris  ensembj 
forment  pour  ainsi  dire  un  seul  ouvrage,  qui  po 
le  titre  général  de  Coronica  gênerai  de  Espai 
Outre  l' Histoire  de  Morales,  on  a  de  lui  :  De  1 
Antigûedades  de  las  Ciudades  de  Espanl 
con  un  discurso  gênerai ,  donde  se  ense  I 
como  se  deben  hacer  las  averiguaçianes  pc\ 
bien  entender  las  antigûedades,  imprimé  a1! 
V Histoire;  —  Viage  por  orden  del  rey  PI 
lipe  a  los  regnos  de  Léon,  y  Galicia,  y  pri  I 
cipado  de  Asluria  ;  Madrid,  1765,  in-fol.  ;  I 
La  Vida,  el  Martyrio,  la  Lnvencion,  A 
Grandezas  y  Translaciones  de  los  glorio  I 
ninos  martyres  San  Justo  y  P aster  ;  Alcal 
1568,  in-4°  ;  Morales  publia  les  Œuvres  de  J 
oncle  Perez  de  Oliva,  Cordoue,  1588,  in-4°| 
y  ajouta  quinze  discours  sur  divers  sujets  I 
philosophie  ,  de  morale  et  de  littérature  et  il 
traduction  espagnole  du  Tableau  de  Cébès.  I 
style  de  ces  opuscules  vaut  mieux  que  celùiil 
Y  Histoire,  mais  la  doctrine  en  est  peu  profon 

Z.    I 
N.  Antonio,  Bibliotheca  Hispana  nova.  —  Bouterwi 
Hist.  de  la  Littérature  espagnole,  t.   I,  p.  369.  —  T  fi 
nor,  History  of  Spanish  Literuture ,  t.  III,  p.  129. 

morales  (  Juan  de  ),  poëte  espagnol  du  I 
zième  siècle,  né  en  Andalousie.  On  n'a  point 
détails  sur  sa  vie  et  on  ignore  la  date  del 
mort.  On  a  de  lui  d'excellentes  traductions 
quelques  odes  d'Horace  et  une  églogue  qui  t 
un  des  chefs-d'œuvre  de  la  littérature  espagn» 
en  ce  genre.  Ses  poésies  ont  été  insérées  di 
les  Flores  de  Poetas  illustres  de  Pedro  Es| 
nosa.  Z. 

Sedano,  Parnaso  Espailol.  —  Ticknor,  History  of  S 
nish  Literature,  t.  III,  p.  13. 

morales  (Gaspar),  médecin  et  natiij 
liste  espagnol,  né  à  Saragosse,  vivait  dans} 
seizième  siècle.  Après  avoir  fait  ses  études; 
Alcala,  il  s'établit  à  Parenellos,  où  il  exerça 
professions  de  médecin  et  d'apothicaire.  On  a 
lui  un  traité  :  De  las  Virtudes  y  Propriec\ 
des  maravillosas  de  las  Piedras  preciosi] 
Madrid,  1605,  in-8".  Ce  petit  ouvrage,  préciet 
à  cause  de  sa  rareté,  contient,,  à  côté  de  beJ 
coup  de  rêveries,  des  recherches  curieuses,    j 

Nicolas  Antonio,  Biblioth.  Hispana  nova. 


45  MORALES 

morales  (Jean-Baptiste),  missionnaire  es- 
agnol,  né  vers  1597,  à  Ecija  (Andalousie),  mort 
:  17  septembre  1664,  à  Fo-ning-tcheou  (Chine). 
ngngé  de  bonne  heure  dans  l'ordre  de  Saint- 
ominique,  il  fut  envoyé  à  la  mission  des  lies 
liilippines  (1618)  ;  pendant  une  relâche  à  Mexico, 
y  avait  reçu  les  ordres.  En  1629,  il  fit  d'inu- 
es  efforts  pour  fonder  un  établissement  reli- 
eux dans  le  Mogol.  Il  se  rendit  en  1633  en  Cbine, 
prêcha  l'Évangile  dans  la  province  de  Fokien  ; 
sévérité  lui  attira  de  grandes  persécutions  de 
part  des  mandarins ,  excités ,  dit-on ,  par  les 
suites,  qui  n'avaient  pas  vu  sans  jalousie  les 
jminicains  s'établir  à  leur  suite,  dans  une  con- 
te où  ils  avaient  pénétré  avec  tant  de  peine, 
•rcé  de  sortir  de  la  Chine  (1638),  le  P.  Mo- 
les fut  délégué  par  ses  confrères  auprès  de  la 
ur  de  Rome,  afin  de  lui  dénoncer  les  pratiques 
dolâtrie  permises  par  les  jésuites  aux  néo- 
ytes  chinois.  Après  avoir  couru  de  grands  dan- 
rs  dans  son  voyage,  il  arriva  à  Rome  en  1643, 
présenta  au  pape  Urbain  VIII  un  mémoire 
fltenant  dix-sept  propositions,  et  qui  fut  im- 
,  imé.  Entre  autres  griefs,  il  reprochait  aux  jé- 
Ittes  de  dispenser  les  chrétiens  de  suivre  les 
mmandements  de  l'Église;  de  permettre  l'u- 
<rb,  de  sacrifier  aux  idoles,  pourvu  qu'ils  eussent 
ttention  de  cacher  une  croix  à  laquelle  ils  rap- 
[  rteraient  leurs  adorations  ;  d'autoriser  le  culte 
Confucius  et  celui  des  ancêtres  ;  de  ne  point 
)ritrer  le  crucifix  aux  catéchumènes  et  de  ne 
.».  l'exposer  dans  leurs  églises.  Tous  ces  abus 
eût  condamnés  par  ifn  décret  d'Innocent  X 
8  septembre  1645),  et  Morales,  qui  se  trou- 
it  alors  à  Madrid,  s'empressa  de  repartir  pour 
•rient ,  accompagné  de  trente  religieux  de  son 
prèv  parmi  lesquels  se  trouvaient  Navarrète 
Prado.  Malgré  toute  sa  diligence,  il  ne  parvint 
i  Chine  qu'en  1649,  et  y  rendit  publique  la  dé- 
iioi  du  saint-siége.  Quelques  années  après,  il 
1 1  la  douleur  de  la  voir  annuler  dans  toutes  ses 
positions  par  le  pape  Alexandre  VII  (1656); 
conformant  toujours  à  la  saine  doctrine ,  il 
mbattit  tant  qu'il  vécut  les  jésuites  par  sa 
rôle  et  par  ses  écrits  ;  les  accusa  de  nouveau 
1661  devant  la  congrégation  de  la  Propagande, 
refusa  constamment  le  baptême  à  ceux  qui  ne 
flulurent  point  renoncer  au  rit  chinois.  On  a 
\  lui  :  Quéesita  XV 1 1  proposita;  Rome,  1645, 
•4»;  —  Catechismus  sinice  scriptus,  1649; 
et  plusieurs  écrits  relatifs  à  sa  querelle  avec 
Jésuites.  P. 

chardet  Quétif,  Seriptor.  Ord.  Prxdicatorum,  tï , 

morales  (Jean -Baptiste),  moraliste  et 
I  ducteur  espagnol ,  né  à  Montella  (  Anda- 
jsie  ),  vivait  dans  la  première  partie  du  dix- 
''•tième  siècle.  On  a  de  lui  :  Jardin  de  suer- 
morales  y  ciertas;  Séville,  1616,  in-16; 
'j'ueil  de  sentences  morales;  —  Jornada  de 

rica  del  roy  don  Sébastian  de  Portugal; 
1  riHe,  1622,  in-8°  ;  —  Corte  de  Aldea  y  nv- 


—  MORAND 


446 


ckes  de  invierno  ;  Séville,  in-8°,  traduit  d'un 
roman  portugais  de  Lobo.  Z. 

Nicolas  Antonio.  Bibllotheca  hispana  nova. 

morali  (  l'abbé  Octave),  philologue  ita- 
lien, né  en  1763,  à  Bonate  (province  de  Ber- 
game),  mort  le  13  février  1826.  Après  avoir 
fait  ses  éludes  à  Bergame,  dans  le  collège  des 
jésuites,  il  fut  précepteur  dans  plusieurs  maisons 
de  Brescia  et  de  Venise.  Il  voyagea  ensuite  en 
France,  et  s'arrêta  à  Paris  pour  y  compléter  son 
instruction  dans  la  philologie  grecque  et  latine. 
De  retour  en  Italie,  il  adopta  avec  modération 
les  idées  nouvelles  que  la  révolution  française 
avait  fait  pénétrer  en  Italie,  et  devint  membre  du 
corps  législatif  de  la  république  cisalpine.  Au 
sortir  de  ses  fonctions  politiques,  il  fut  nommé 
professeur  de  littérature  grecque  et  bibliothé- 
caire au  collège  de  Brera,  place  qu'il  garda  jus- 
qu'à la  fin  de  sa  vie.  Avec  du  savoir  et  du  goût, 
il  se  contenta  de  faire  des  élèves  distingués , 
écrivit  très-peu  et  laissa  une  réputation  inférieure 
à  son  mérite.  Il  s'était  beaucoup  occupé  d'un 
dictionnaire  grec,  qu'il  n'acheva  pas.  Il  publia 
une  traduction  en  vers  scïolti  de  Y  Hymne  à 
Jupiter  de  Callimaque,  avec  le  texte  grec  en 
regard;  Milan,  1807,  in-8°.  On  lui  doit  une  des 
meilleures  éditions  de  l'Arioste;  Milan,  1818, 
in-4°.  Z. 

Tipaldo.  Bioqrafta  deç/li  Italiani  illustri,  t.  I[. 
MORAND  (Saint),  religieux  de  Cluni,  né  en 
Allemagne,  mort  dans  le  onzième  siècle.  C'est 
à  l'école  de  Worms  qu'il  fit  ses  premières  études. 
Il  se  rendit  ensuite  en  Bourgogne,  à  l'abbaye  de 
Cluni,  que  gouvernait  alors  le  célèbre  Hugues 
de  Semur,  et  y  fit  profession  d'observer  la  règle 
de  Saint-Benoît.  Sous  la  sévère  discipline  de 
l'abbé  Hugues,  Cluni  formait  des  restaurateurs 
de  l'ordre  monastique.  Morand  fut  un  de  ses 
zélés  missionnaires.  On  le  vit  en  Auvergne,  puis 
en  Suisse,  dans  le  pays  de  Bâle,  relevant  des 
monastères  déchus ,  ou  en  créant  de  nouveaux. 
L'éclat  de  ses  vertus  et  de  ses  services  le  fit 
placer  au  nombre  des  saints.  L'auteur  de  sa  vie 
lui  attribue  même  plusieurs  miracles.       B.  H. 

Vita  S-,  Morandi,  tians  la  Bibliotheca  Cluniacensis , 
col.  501. 

morand  (Sauveur-François),  chirurgien 
français,  né  le  2  avril  1697,  à  Paris,  où  il  est 
mort,  le  21  juillet  1773.  Fils  d'un  habile  prati- 
cien (1),  il  termina  de  fort  bonne  heure  ses  études 
classiques  au  collège  Mazarin,  et  fit  de  tels  pro- 
grès dans  la  chirurgie  que  dès  1712,  à  peine  âgé 
de  quinze  ans ,  il  compta  parmi  les  aides  de 
l'hôtel  des  Invalides,  où  il  fut  attaché  en  qua- 
lité de  chirurgien  aussitôt  qu'il  eut  reçu  ce  titre 
(1724).  Admis  depuis  1722  à  l'Académie  des 
Sciences,  et  bientôt  après  à  la  Société  royale  de 
Londres,  il  devint  en  1"25  démonstrateur  des 

(1)  Morand  (Jean),  né  en  1658,  dans  le  Limousin,  et 
mort  le  7  novembre  1726,  à  Parts,  fit  pendant  vingt  huit 
ans  les  fonctions  de  chirurgien  major  à  l'hotet  des  in- 
valides. Il  tenta  le  premien'amputalion  du  bras  dans  sou 
articulation  avec  l'omoplate. 


447 


opérations  de  chirurgie  dans  sa  compagnie,  et 
passa  en  Angleterre  en  1729,  pour  apprendre  du 
fameux  Cheselden  la  façon  de  tailler  la  pierre 
par  l'appareil  latéral.  Nommé  en  1730  censeur 
royal  et  chirurgien  en  chef  de  l'hôpital  de  La  Cha- 
rité ,  il  remplit  encore  d'autres  postes  relatifs  au 
service  militaire  de  santé ,  entre  autres  celui  de 
chirurgien  major  des  gardes  françaises.  En  1751 
il  reçut  le  cordon  de  Saint-Michel.  Morand  avait 
une  figure  ouverte  et  prévenante ,  un  ton  poli , 
un  esprit  aimable  et  gai  ;  il  s'exprimait  avec  fa- 
cilité, il  était  versé  dans  la  connaissance  des  an- 
tiquités ,  des  médailles  et  des  belles-lettres;  dans 
sa  profession  il  avait  acquis  en  peu  de  temps 
le  renom  d'un  savant  anatomiste,  et  le  nombre 
des  élèves  qui  accouraient  à  ses  leçons  était 
quelquefois  si  grand  que,  ne  pouvant  les  loger 
tous  chez  lui ,  les  maisons  voisines  de  la  sienne 
en  étaient  remplies.  Il  appartenait  à  la  plupart 
des  sociétés  savantes  de  l'Europe,  et  entretenait 
un  commerce  de  lettres  avec  Morgagni ,  Chesel- 
den, Sloane,  Sharp,  Haller,  van  Swieten,  etc.; 
il  fut  l'un  des  premiers  protecteurs  de  Sabatier, 
et  lui  donna  sa  fille  en  mariage.  On  a  de  lui  : 
Traité  de  la  Taille  au  haut  appareil  ;  Paris, 
1728,  in-8°;  trad.  en  anglais  par  Douglas  (Lon- 
dres, 1729,  in-8°);  —  Éloge  historique  de 
M areschal, premier  chirurgien  duroi;  Paris, 
1737,  in-4°; —  Réfutation  d'un  passage  du 
Traité  des  Opérations  de  Sharp;  Paris,  1739, 
in-12  ;  —  Discours  pour  prouver  qu'il  est 
nécessaire  à  un  chirurgien  d'être  lettré; 
Paris,  1743,  in-4°;  —  (avec  Bremond)  Recueil 
d'expériences  et  d'observations  sur  la  pierre  ; 
Paris,  1743,  2  vol.  in-12  ;  —  L'Art  de  faire  des 
Rapports  en  Chirurgie;   Paris,  1743,  in-12; 

—  Catalogue  des  pièces  d'analomie ,  instru- 
ments, machines  qui  composent  l'arsenal  de 
chirurgie  à  Pétersbourg ;  Paris,  1759,  in-12; 
cette  collection  fut  faite  par  les  soins  de  Mo- 
rand ,  qui  fit  exécuter  par  M>'e  Biheron ,  habile 
modeleuse,  toutes  les  pièces  d'anatomie  artifi- 
cielle; —  Opuscules  de  Chirurgie;  Paris,  1768- 
1772,  2  part.  in-4°,  trad.  en  1776,  en  allemand  ; 

—  de  nombreux  mémoires  dans  les  recueils  de 
l'Académie  des  Sciences  (1722-1770)  et  de  l'A- 
cadémie de  Chirurgie.  P.  L. 

Morand  (  J.-F.-C),  Éloge  dé  S<-F.  Morand,  à  la  tête  du 
Catalogue  des  livres  de  ce  dernier.  —  Grandjean  de 
Fouchy,  Éloge  de  S.-F.  Morand,  dans  les  Mém.  de 
VAcad.  des  Se.,  1773.  —  Nécrol.  des  hommes  célèbres, 
177*.  —  Éloy,  Dict.  hist.  de  la  Médecine. 

morand  (Jean-François-Clément),  méde- 
cin français,  fils  du  précédent,  né  le  29  avril 
1726,  à  Paris,  où  il  est  mort,  le  13  août  1784. 
Quoique  élève  de  son  père,  il  préféra  la  méde- 
cine à  la  chirurgie,  et  fut  reçu  docteur  en  1750; 
mais  il  borna  ses  soins  aux  malheureux  et  à 
quelques  amis.  En  1759  il  entra  dans  l'Académie 
des  Sciences  comme  adjoint  anatomiste,  et  plus 
tard  il  y  remplit  l'emploi  de  bibliothécaire.  Il  fit 
aussi  partie  des  sociétés  savantes  de  Stockholm, 
de  Londres ,  de  Harlem ,  de  Madrid ,  de  Berne 


MORAND  , $ 

et  autres.  «  Le  goût  naturel  de  Morand,  dit  C  I 


dorcet,  le  portait  à  cultiver  les  sciences,  n 
beaucoup  moins  à  en  approfondir  une  en  pa 
culier  qu'à  les  effleurer  toutes  et  à  rasseml  û 
sur  chacune  les  faits  singuliers  ou  importants,  h 
observations  neuves  ou  utiles  qui  s'offraiei  k 
sa  curiosité ,  et  qu'il  cherchait  avec  une  acti  & 
infatigable.  »  Nous  citerons  de  lui  :  Histoin  a 
la  maladie  singulière  et  de  l'examen  du  j* 
davre  d'une  femme  devenue  en  peu  de  te\  V 
toute  contrefaite  par  un  ramollissement  [$ 
néral  des  os;  Paris,  1752,  in-12  fig.;  on  1 
encore  la  pièce  anatomique  dans  le  cabinel  tà 
la  faculté  de  médecine  ;  —  Nouvelle  Desc  \4 
tion  des  Grottes  d'Arcy  ;  Lyon,  1752,  in-12  h 
Quœslio  medica  :  an  ex  heroibus  heroes  P  Pi  U 
1757,in-4°,  et  en  français  ;  L'Héroïsme  se  tri  H 
met-il  des  pères  aux  enfants  ?  même  ani  1 1 
—  Du  Charbon  de  Terre  et  de  ses  mines  ;  P;  y 
1769,  in:fol.;  —  Mémoire  sur  la  nature,  m 
effets,  propriétés  et  avantages  du  chaivk 
de  terre;  Paris,  1770,  in-12  fig.;  —  L\Û 
d'exploiter  les  Mines  de  Charbon  de  Te,  m 
Paris,  1768-1779,  6  part,  in-fdl.  fig.;  —  1 
lettres  ou  des  mémoires  Sur  la  Construc  tk 
intérieure  et  l'usage  du  thymus;  Sur  les  m 
tiquités  trouvées  en  1755  à  Luxeuil;  Smm 
Eaux  thermales  de  Bains;  Sur  la  Pop  I 
tion  de  Paris  ;  Sur  les  Vers  des  Truffes,  m 
dans  le  Recueil  de  l'Académie  des  Scie  M 
(1755-1784).  P.  iM 

Condorcet,  Éloge  de  J.-F.-C.  Morand,  dans  les  ,  ■ 
de  l'Acàd.  des  Se,  1784.  —  Biogr.  Méd. 

morand  (  Pierre  de  ) ,  auteur  dramal  M 
français,  né  à  Arles,  le  3  février  1701,  iH 
à  Paris ,  le  3  août  1757.  Il  fit  paraître  de  m  m 
heure  beaucoup  de  goût  pour  la  poésie,  et  ». 
recevoir  avocat  au  parlement  d'Aix.  S'<H 
brouillé  avec  sa  belle-mère  peu  de  temps  akp 
son  mariage,  Morand  abandonna  sa  femm|| 
ses  biens,  et  vint  à  Paris,  où  il  se  livra  à  la  18 . 
aux  plaisirs  de  l'esprit  et  à  ceux  de  l'aroKl 
On  a  de  lui  :  Justification  de  la  Musique  f  M 
çaise;  Paris,  1754,  in-8°.  Il  a  donné  auThé-e? 
Français,  en  1735,  Téglis,  tragédie;  en  il 
Childèric,  tragédie;  et  en  1748,  Mègare ,  I 
gédie.  Ce  fut  à  la  première  représentatioi  l& 
Childèric  qu'un  plaisant,  voyant  arriver  m  I 
teur  chargé  de  remettre  une  lettre ,  cria  :  P  m 
au  facteur  !  On  rit,  et  la  pièce  tomba.  La  t  N 
mère  de  Morand  lui  ayant  intenté  un  pre  >,n 
et  ayant  publié  contre  lui  un  factum  très  * 
famant,  le  poète  s'en  vengea  par  une  cou 
qu'il  fit  représenter  en  1738  au  Théâtre- Ita 
sous  le  titre  de  V Esprit  de  Divorce ,  et 
laquelle  il  tourna  sa  belle-mère  en  ridicule 
le  nom  de  madame  Orgon.  C'est  une  des  t 
leures  pièces  de  Morand  ;  cependant  croyai 
la  première  représentation,  avoir  à  se  plai 
du  parterre,  qui  lui  paraissait  mal  disposi 
s'avança  sur  la  scène,  et  jeta  son  chapea 
criant  :  «  Celui  qui  a  quelque  chose  à  di 


1- 


?e 


9  MORAND  — 

iteur  peut  le  lui  rapporter.  »  Une  voix  s'é- 

a  :  «  Puisque  l'auteur  n'a  plus  de  tête ,  il 

pas  besoin  de  chapeau.  »  Morand  fit  la  même 

iée  représenter  au  même  théâtre  une  autre 

ze,  intitulée  :  Les  Muses.  Ses  œuvres  ont  été 

nies  en  175t,  3  vol.  in-12.  Outre  les  poé- 

i  qu'elles  renferment ,  l'on  y  trouve  quelques 

ts  en  prose ,  entre  autres  un  Discours  ingé- 

îx  Sur  le  plaisir  qu'il  y  a  défaire  du  bien. 

pièces  de  Morand  ont  de  l'esprit,  des  idées, 

sens ,  mais  elles  sont  sans  grâce  et  sans  cha- 

>.  Ce  poète  fut  pendant  dix-huit  mois  cor- 

>ondant  littéraire  du  roi  de  Prusse.     H.  F. 

mée  littéraire ,  1757,   VI.  —  MorérI,  Dict.  Hist. — 

<-es  sur  quelques  écrits  de  ce  temps,  V,  ï  sept.  1751. 

or  and  (Jean- Antoine),  architecte  fran- 

,  né  vers  1727,  à  Briançon,  guillotiné  à  Lyon, 

'  janvier  1794.  Destiné  à  l'état  ecclésiastique, 

litta  secrètement  la  maison  paternelle  et  vint 

ris,  où  il  prit,  dans  l'école-de  Servandoni,  des 

ns  de  perspective  et  de  décoration  ;  il  passa 

iite  sous  la  direction  de  Soufflot,  qui  resta  son 

Ce  fut  d'après  les  plans  de  ce  dernier  qu'il 

uta  à  Lyon  une  salle  de  spectacle  (1757).  Le 

.es  de  cette  première  entreprise  le  fit  appeler  à 

-ne  pour  y  élever  un  théâtre  à  machines  à  l'oc- 

«ndesnocesderinfanteavecl'archiduc  Joseph, 

iis  empereur  (1760).  Après  avoir  séjourné 

(que  temps  à  Rome ,  il  retourna  à  Lyon ,  et 

chargé  d'y  présider  à  la  construction  des  édi- 

du  quai  Saint-Clair.  Il  concourut,  en  1762, 

I  l'agrandissement  de  la  ville  ;  mais  le  plan 

l'errache  fut  préféré  au  sien.  Peu  de  temps 

:a  s  il  jeta  sur  le  Rhône  un  pont  en  bois,  qui 

,|e  son  nom  et  qui  repose  sur  dix-sept  arches, 

lltriiction  où  l'élégance  s'unit  à  la  précision  et 

tl|  solidité.  En  1775,  Morand  obtint  le  cordon 

Éiaint-Michel.  Pendant  le  siège  de  Lyon  il 

swnisa  divers  travaux  de  défense  ;  traduit  de- 

irrj  le  Tribunal  révolutionnaire,  il  fut  condamné 

iàlirt. 

simfils,  Antoine  Morand  de  Jouffrey,  con- 
iii;r  à  la  cour  royale  de  Lyon,  est  mort  le 
ÎWivrier  1838,  à  Chasselay  (Rhône). 
al  Imdon  et  Delandlne,  Dict.  Hist.  univ.,  avec  addit. 
iri  (orand  (Charles- Antoine-Louis- Alexis , 
at$te),  général  et  pair  de  France,  né  le  4  juin 
•M  ,  à  Pontarlier,  mort  le  2  septembre  1835,  à 
rPJs.  Licencié  en  droit  en  1791,  il  fut  un  des 
ligués  de  son  district  à  la  fête  de  la  Fédéra- 
«ftw  et  entra  en  1792  comme  capitaine  dans  le 
it7<!àtaillon  des  volontaires  du  Doubs.  A  la  ba- 
\0'.  de  Hondschoote,  il  s'élança  le  premier  dans 
JE  le  un  drapeau  à  la  main.  Pendant  les  campa- 
(l;gij  de  l'armée  du  Rhin,  il  fut  cité  à  l'ordre  du 
(liJO!  par  Custine  et  Bernadotte.  Après  avoir  fait 
jglalemière  guerre  d'Italie  sous  Bonaparte,  il  le 
iM  t  en  Orient,  devint  chef  de  brigade  à  la  ba- 
, lifte;  des  Pyramides,  battit  en  plusieurs  rencon- 
Mourad-bey  et  les  mameloucks,  et  fut  ré- 
•ensé  des  services  qu'il  avait  rendus  dans  la 
Egypte  par  le  grade  de  général  de  brigade 

I    NOUV.   BIOCR.   GÉMÉR.    —  T.  XXXVI. 


MORANDE 


450 


(  18  fructidor  an  vin).  Sous  l'empire  il  fit  partie 
de  la  grande  armée,  et  déploya  tant  de  bravoure  à 
Austerlitz  qu'il  fut  nommé  général  de  division 
(24  décembre  1805).  Son  nom  est  cité  honora- 
blement dans  toutes  les  affaires  où  il  prit  part, 
surtout  aux  batailles  d'Iéna,  d'Eylau ,  de  Fried- 
land,  d'EssIing  et  de  Wagram  ;  après  cette  der- 
nière, il  reçut  le  titre  de  comte  avec  une  dotation 
de  25,600  fr.  A  la  tête  de  la  lre  division  du  corps 
d'observation  de  l'Elbe,  il  passa  le  premier  le 
Niémen  en  1812,  enleva  avec  une  rare;intrépidité 
les  retranchements  de  Smolensk,  et  eut  la  mâ- 
choire fracassée  à  la  Moskowa.  Il  combattit  à 
Lutzen,  et  sauva  l'armée  à  Dennewitz  en  neutra- 
lisant ,  par  sa  résistance,  l'échec  que  venait  d'é- 
prouver le  corps  de  cavalerie  du  général  Lorges. 
Il  s'enferma  ensuite  dans  Mayence,  et  y  soutint 
jusqu'à  la  paix  un  siège  opiniâtre.  A  son  retour 
de  l'île  d'Elbe,  Napoléon  le  choisit  pour  aide  de 
camp,  le  chargea  du  commandement  de  quatre 
divisions  militaires  et  des  chasseurs  à  pied  de  la 
garde,  et  l'éleva  à  la  dignité  de  pair.  A  Waterloo, 
Morand  quitta  un  des  derniers  le  champ  de  ba- 
taille. Le  29  août  1816,  un  conseil  de  guerre  sié- 
geant à  La  Rochelle,  sous  la  présidence  du  géné- 
ral Rey,  le  condamna  à  mort  par  contumace, 
pour  avoir  publié  une  proclamation  tendant  à 
allumer  la  guerre  civile  et  à  anéantir  l'autorité 
royale  (1).  En  1819,  Morand,  qui  avait  quitté  la 
France,  revint  purger  sa  contumace  à  Strasbourg, 
et  fut  acquitté  à  l'unanimité.  Relevé  de  la  re- 
traite en  1830,  il  fut  nommé  commandant  de  la 
6e  division  militaire,  et  grand-croix  de  la  Légion 
d'Honneur,  puis  pair  de  France  (11  octobre 
1832).  Son  nom  est  gravé  sur  l'arc  de  triomphe 
de  l'Étoile.  On  a  de  lui  :  De  l'Armée  selon  la 
Charte  et  d'après  l'expérience  des  dernières 
guerres;  Paris,  1829,  in-8°. 

Il  a  été  souvent  confondu  avec  Joseph  Mo- 
rand, né  le  18  juillet  1757,  à  Mussidan  (Péri- 
gord),  soldat  en  1774,  adjudant  général  le 
26  mars  1793,  général  de  division  le  7  floréal 
an  vin,  baron  de  l'empire  en  1808,  et  tué  d'un 
boulet  de  canon  le  2  avril  1813,  devant  Lune- 
bourg.  Ki 

Biogr.  nouv.  des  Contemp.  —  Fastes  de  la  Légion 
d'Honneur,  III.  —  Moniteur  univ.,  5  sept  1835. 

morande  (  Charles  Thévenot  ou  Théve- 
nea.c  de),  pamphlétaire  français,  né  en  1749,  à 
Arnay-le-Duc,  où  son  père  était  procureur,  mort 
vers  1803,  et  non  pendant  les  massacres  de 
septembre,  comme  lei  disent  plusieurs  biogra- 

(1)  Cette  proclamation  datait  pourtant  du  31  mars  1815. 
On  y  remarque  les  passages  suivants  :  «  Ne  devraient-ils 
pas  être  rassasiés ,  :  ces.  traitres  infâmes  qui  depuis 
quinze  ans  agitent  parmi  nous  les  brandons  de  la  dis- 
corde? N'ont-ils  pas  livré  nos  villes,  vendu  nos  vaisseaux, 
nos  arsenaux  ?...  Nobles  enfants  de  la  victoire,  vous  avez 
vu,  et  vous  en  avez  frémi,  vous  avez  vu  des  traîtres  in- 
fâmes, des  assassins,  des  voleurs  de  grand  chemin  revêtir 
les  marques  de  l'autorité  sur  vous,  pour  humilier  *les 
peuples,  pour  les  attacher  au  joug  de  quelques  :nobles 
avilis  !  Des  nobles  !  Eh  !  quoi,  tous  les  Français  libres  et 
victorieux  ne  le  sont-ils  pas  également?  » 

16 


451 

phes.  II  commença  ses  études  à  Dijon,  où  il 
donna  presque  aussitôt  des  preuves  de  l'esprit 
déréglé  qui  devait  plus  tard  le  déshonorer.  Son 
père,  apprenant  les  débauches  auxquelles  il  se 
livrait,  cessa  de  lui  envoyer  de  l'argent,  et  Thé- 
venot  dut  s'enrôler  dans  un  régiment  de  dra- 
gons ;  il  ne  tarda  pas  à  implorer  le  secours  de 
son  père ,  qui  le  racheta.  Devenu  libre,  Morande, 
au  lieu  de  revenir  à  Arnay,  comme  il  l'avait 
promis,  se  rendit  à  Paris 5  il  y  reprit  sa  vie 
d'intrigue,  de  dissipation  et  de  désordres.  La 
police  dut  s'en  mêler,  et  sur  les  prières  de  sa 
famille ,  il  fut  enfermé  d'abord  au  For-1'Évêque, 
puis  à  Armentières.  Élargi  après  quinze  mois 
d'emprisonnement,  il  passa  en  Angleterre,  où, 
se  trouvant  sans  ressources,  il  eut  recours,  pour 
vivre,  à  la  publication  de  quelques  libelles.  Le 
succès  qu'obtinrent  son  Philosophe  cynique  et 
ses  Mélanges  confus  sur  des  matières  fort 
claires  (1771,  in-8°  ),  le  déterminèrent  à  persé- 
vérer dans  cette  voie.  Il  publia  l'année  suivante 
un  pamphlet  qui  a  eu  les  honneurs  de  plusieurs 
éditions ,  et  qui  était  intitulé  :  Le  Gazetier  cui- 
rassé,, ou  anecdotes  scandaleuses  de  la  cour 
de  France,  contenant  des  nouvelles  poli- 
tiques ,  apocryphes  ,  secrètes  ,  extraordi- 
naires; nouvelles  de  V Opéra,  vestales  et 
matrones  de  Paris ,  nouvelles  ènigmatiques , 
transparentes ,  etc.  C'est,  comme  ce  titre  l'in- 
dique, un  recueil  d'anecdotes  scandaleuses,  dont 
plusieurs  sont  très-exactes ,  et  où  l'on  pourrait 
puiser  d'utiles  renseignements  pour  un  tableau 
de  la  cour  de  Louis  XV.  L'auteur  déclare  d'ail- 
leurs dans  l'a\rant-propos  que  parmi  les  nou- 
velles qu'il  publie  «  il  s'en  trouve  dont  la  faus- 
seté est  évidente;  c'est,  ajoute-t-il,  aux  yeux 
du  monde  qu'il  appartient  de  juger  et  de  faire 
un  choix;  plus  il  sera  sévère,  plus  il  sera  sage  ». 
A  la  suite  de  l'édition  de  1777,  on  a  réimprimé 
Le  Philosophe  cynique  et  des  Remarques  his- 
toriques sur  le  château  de  la  Bastille,  et 
l'inquisition  de  France,  qui  contiennent  des 
renseignements  assez  curieux,  et  alors  nouveaux, 
sur  cette  prison  d'État.  Tout  cela,  d'ailleurs,  est 
raconté  sans  verve  ni  esprit,  et  sous  la  forme 
la  moins  voilée  ;  Morande  fait  grand  usage  des 
points ,  mais  il  a  bien  soin  de  ne  leur  laisser  rien 
cacher.  II  trouva  alors  le  moyen  de  rendre  son 
métier  de  pamphlétaire  plus  fructueux ,  en  y 
joignant  les  revenus  du  plus  honteux  chan- 
tage. Spéculant  sur  l'effroi  qu'il  inspirait ,  il 
entreprit  le  métier  qui ,  au  seizième  siècle,  avait 
fait  surnommer  l'Arétin  le  Fléau  des  princes; 
il  envoyait  d'Angleterre  des  sommations  d'ar- 
gent à  ceux  qui  redoutaient  ses  attaques ,  et  qui 
le  plus  souvent  consentaient  à  acheter  son  si- 
lence (  Bachaumont  ).  11  voulut  rançonner  Vol- 
taire ;  mais  le  philosophe  de  Ferney  ne  s'effrayait 
pas  pour  si  peu  ;  il  rendit  publique  la  lettre  de 
Morande ,  en  l'accompagnant  de  commentaires 
comme  il  savait  les  faire.  Le  comte  deLauraguais, 
depuis  duc  de  Brancas,  s'y  prit  mieux  encore; 


MORANDE  455 

il  roua  Morande  de  coups  de  canne ,  et  s'ei 
fit  donner  une  quittance  en  règle;  puis  il  forç; 
le  pamphlétaire  à  avouer  dans  toutes  les  feuille 
anglaises  qu'il  se  reconnaissait  poui  un  vil  im 
posteur.  Morande,  sans  se  décourager,  prépa 
rait  alors  sa  plus  fructueuse  opération.  Pou 
un  industriel  de  cette  sorte,  madame  du  Barr 
était  une  mine  d'or;  il  lui  envoya  donc  le  pros 
pectus  d'un  ouvrage  en  quatre  vçlumes  qu'il  alla; 
publier  sous  ce  titre  :  Mémoires  secrets  d'un 
femme  publique.  Cette  fois  le  sujet  n'était  poir 
ingrat;  aussi,  dit  Bachaumont,  ce  livre  «  éta 
une  compilation  infernale  ;  Le  Gazetier  cuirasi 
est  à  l'eau  de  rose  en  comparaison  de  ce  noi 
veau  chef-d'œuvre  ».  Morande  offrait  de  su| 
primer  cet  ouvrage  moyennant  500  louis  comj 
tant  et  4,000  livres  de  pension ,  réversibles 
sa  mort  sur  la  tête  de  sa  femme  et  de  sel 
fils.  Une  autre  que  madame  du  Barry  eût  pu  d  . 
daigner  les  insultes  du  pamphlétaire;  mais   I 
favorite  dut  courber  la  tête,  et  Louis  XV  fl 
forcé  de  prendre  en  mains  les  intérêts  de  cet . 
femme.  N'osant  faire  poursuivre  judiciaireme  : 
Morande,  comme  le  lui  offrait  le  gouverneme  : 
anglais,  il  demanda  l'extradition  du  pamphl 
taire;  la  cour  de  Londres  répondit  qu'elle  :l 
pouvait  agir  dans  une  pareille  affaire,  mais  qu'ell 
ne  s'opposerait  pas  à  un  enlèvement,  s'il  éfcl 
accompli  dans  le  plus  grand  secret ,  et  de  m  \ 
nière  à  ne  pas  blesser  les  susceptibilités  nati  1 
nales.  Une  brigade  d'agents  de  police  fut  au  iï 
sitôt  envoyée  en  Angleterre  ;  Morande,  prévenl 
commença  par  leur  emprunter   à  chacun  ul 
trentaine  de  louis  ;  puis ,  se  donnant  comme  profl 
crit  politique,  il  ameuta  contre  eux  la  populac 
qui  se  mit  en  devoir  de  les  jeter  dans  la  Tamis 
ils  n'eurent  que  le  temps  de  se  cacher  et  de  il 
partir    au  plus  vite.  Pendant  ce  temps  tri  S 
mille  exemplaires   du  nouvel  ouvrage  avai<B 
été  imprimés  et  allaient  être  répandus  dans  toi  I 
l'Europe.  Louis  XV,  à  bout  de  moyens,  sonçifl 
à  Beaumarchais  :  on  lui  promit  sa  réhabilitati 
s'il  parvenait  à  s'entendre  avec  le  pamplilétai 
Beaumarchais  partit  en  mars  1774;  sous  le  n<U 
de  Bonac,  anagramme  de  Caron  ;  en  quelqi<p 
jours  il  avait  gagné  la  confiance  de  Morande, 
il  revenait  à  Versailles  avec  un  exemplaire  (  ( 
mémoires  tant  redoutés.  Le  marché  fut  bien 
conclu ,  le  gouvernement  français  donna  au 
belliste  20,000  livres  comptant  et  4,000  livj 
de  rente;  il  faut  y  ajouter  900  louis  dépen; 
par  Beaumarchais  pour  mener  à  bonne  fin  ce 
négociation  :  c'était,  il  faut  l'avouer,  estin|i 
un  peu  cher  l'honneur  de  la  du  Barry. 

La  Biographie  universelle  prétend  à  tort  c  j 
ces  4,000  livres  furent  supprimées  sous  le  rèn 
suivant,  et  que  Morande  publia  alors  les  Am 
dotes  sur  la  comtesse  du  Barry,  qui  parur  , 
en  1776.  D'abord,  cet  ouvrage  n'est  pas  de> 
rande  :  Barbier  l'attribue  à  Mairobert;  ensi 
les  4,000  livres  n'étaient  pas  une  pension,  (| 
tait  une  rente  viagère  ;  plus  tard  Louis  XVI 


',3 


MORANDE  —  MORANDO 


454 


icta ,  moyennant  20,000  livres ,  la  moitié  de 

tte  rente.  Quant  aux  trois  mille  exemplaires 

>  s  Mémoires  d'une  femme  publique,  ils  fu- 

nt  brûlés  aux  environs  de  Londres,  dans  un 

EJjr  à  plâtre.  Mis  ainsi  pour  toujours  à  l'abri 

'  besoin ,  Morande  eut  à  Londres  un  état  de 

lison  fort  agréable;  sous  l'influence  des  con- 

Is  de  Beaumarchais ,  il  entra  dans  une  voie 

Lj  îilleure ,  et  chercha  à  atténuer  l'éclat  déshono- 

ît  qu'avait  eu  son  passé.  Il  rédigea  pendant 

1 1  isieurs  années  Le    Courrier   de  V Europe , 

M  ilie  périodique  qui  n'est  pas  exempte  de  traits 

[ .  iriques ,  mais  où  l'on  ne  retrouve  plus  le  style 

h    Gazetier   cuirassé.  C'est  cependant  alors 

I  i,pour  se  venger  du  mépris  que  lui  avait  té- 

I  igné  iBrissot  pendant  soa  séjour  à  Londres, 
il  ui  fit  attribuer  une  brochure  intitulée  :  Le 

■  ible  dans  un  bénitier;  Brissot  fut  mis  à  la 
■«tille,  d'où  le  crédit  de  madame  de  Genlis  le 

■  bailleurs  bientôt  sortir.  La  révolution  permit 
MIorande  de  rentrer  en  France.  Il  prit  une 
M.t>active  à  tous  les  événements  qui  signalè- 

I I  cette  époque;  de  1791  à  1792,  il  publia 

■  s  le  titre  de  L'Argus  patriotique  un  journal 
M  s  lequel  il  défendit  avec  courage  et  talent  le 
M  !i  monarchique  ;  le  respect  dont  jusqu'au 
■joier~moment  il  entoura  le  nom  du  roi  le 
M  placer  sur  la  liste  des  suspects ,  et  il  fut 
jM-i)risonné  après  le  10  août.  Échappé  par  mi- 
Jjpe- aux  massacres  de  septembre,  il  se  retira 
i,M»i  son  pays  natal,  à  Arnay-le-Duc ,  où  il 
cBrça  pendant  quelque  temps ,  sous  le  Direc- 
Ms«,  les  fonctions  de  juge  de  paix,  et  où  il 
.îjirut,  laissant  une  bonne  réputatiom 

.Jloraode  avait  jusque  ici  été  traité  trop  sévère- 

9bt;  le  juste  mépris  qu'excitèrent  ses  premières 
lées  avait  rejailli  sur  sa  vie  entière  ;  et  son  nom, 
lenu  celui  d'un  des  libellistes  les  plus  affichés 
Bsplus  décriés  du  dix-huitième  siècle  ,  n'avait 
.encore  rencontré  un  juge  impartial  ;  tous  les 
leils biographiques  imprimés  au  dix-neuvième 
le  le  présentent  sous  le  même  aspect.  C'est 
.  de  Loménie  que  revient  l'honneur  d'avoir 
remier  fait  ressortir  toute  l'influence  que  les 
•  et  le  contact  de  Beaumarchais  exercèrent 
fia  seconde  moitié  de  la  vie  du  pamphlétaire. 

Alfred  Franklin. 
'de  Loménie,  Beaumarchais  et  son  temps;  Paris, 
S  vol.  irj-8°,  t.  Ier,  p.  376  à  385.  —  Biographie  mo- 
'•i  ou  galerie  historique  des  Français  qui  se  sont 
fus  célèbres  depuis  le  commencement  de  la  révolu- 
jusqu'à  nos  jours;  Paris,  1816,  3  vol.  in-8°.  —  Mé- 

:Ci  *!  es  secrets  pour  servir  à  l'histoire  de  la  république 
.  lettres  en  France  depuis  1762  jusqu'à  nos  jours; 

'  P*  Tll  1774. 

1 ;,  orandi-maxzolini  (Anna),  femme 
avomisto  italienne,  née  en  1716,  à  Bologne, 
ojelle  est  morte,  en  1774.  Mariée  à  vingt- 

:;  ^treans  au  médecin  Giovanni  Manzolini  (1740), 
e!  apprit  de  lui  l'anatomie  et  l'art  de  travailler 
«cire.  Elle  parvint  à  imiter  la  nature  avec 
uï  rare  perfection ,  et  surtout  les  organes  de 
«3  aération  et  le  fœtus  dans  les  diverses  posi- 

■■  h;  qu'il  occupe.    Cette,  invention,  dont  la 


gloire  lui  appartient,  facilita  l'étude  des  accou- 
chements et  la  manière  d'opérer  dans  les  cas 
difficiles.  Après  la  mort  de  son  mari  (1755), 
elle  fut  agrégée  à  l'Institut  de  Bologne  ainsi  qu'à 
plusieurs  sociétés  étrangères,  et  en  1758  elle 
obtint  une  chaire  d'anatomie.  Sa  réputation  se 
répandit  dans  toute  l'Europe;  on  lui  fit  des  of- 
fres brillantes  pour  l'attirer  à  Londres,  à  Milan 
et  à  Saint-Pétersbourg ,  mais  elle  refusa  de 
quitter  sa  patrie,  et  s'acquitta  envers  ces  dif- 
férentes villes  en  leur  envoyant  ses  travaux  en 
cire.  Elle  reçut  en  1769  la  visite  de  l'empereur 
Joseph  II,  lors  de  son  passage  à  Bologne.  Vers 
la  fin  de  sa  vie,  le  comte  Girolamo  Ranuzzi  lui 
acheta  la  collection  de  ses  préparations  anato- 
miques,  ses  instruments  et  sa  bibliothèque,  et 
en  forma  une  espèce  de  musée  dans  son  palais, 
où  il  lui  accorda  un  appartement.  Cette  dame 
n'eut  d'égale  dans  l'art  de  modeler  que  la  cé- 
lèbre demoiselle  Biheron  (  voy.  ce  nom  ),  qui 
vivait  en  France  à  la  même  époque.         P. 

Dizionario  Istorico  Bassanese. 

morasdim  (  Francesco),  dit  le  Poppi, 
peintre  de  l'école  florentine,  né  à  Poppi,  dans  le 
Casentino,  eu  1544,  mort  vers  1584.  Doué  d'une 
imagination  féconde  et  d'une  grande  habileté  de 
main,  il  fut  l'un  des  bons  élèves  de  Vasari,  dont 
il  imita  la  manière  en  s'efforçant  de  mettre  plus 
de  soin  dans  les  détails  et  plus  de  gaieté  dans 
la  composition.  Les  ouvrages  de  cet  artiste  sont 
très-nombreux,  et  si  l'on  ne  connaissait  son  im- 
mense facilité,  on  pourrait  s'en  étonner  en  pen- 
sant à  la  brièveté  de  sa  vie.  Nous  trouvons  de 
lui  :  à  Florence,  à  Saint-Nicolas,  un  Sposalizio, 
et  Le  Christ  ressuscitant  le  fils  de  la  veuve 
de  Naïm;  —  à  S.-Mïchele  Visdomini,  une 
Résurrection  et  une  Conception;  —  à  Saint- 
Marc,  Le  Christ  guérissant  un  lépreux;  —  à 
Sainte-Félicité,  Le  Père  éternel  avec  saint  Joa- 
chim  et  sainte  Elisabeth  ;  —  à  la  Galerie  publi- 
que, une  Fonderie  de  canons  avec  Cosme  Ier 
assis,  peinte  sur  ardoise,  et  Alexandre  le 
Grand  donnant  Campaspe  à  Apelles  ;  —  à  l'A- 
cadémie des  Beaux-Arts,  une  Élévation  en  croix 
provenant  du  couvent  de  la  Crocetta; — à  Saint- 
Salvi  près  Florence,  Le  Christ  sur  la  croix  et 
plusieurs  Saints;  —  àPistoja,  à  Santa-Maria- 
delle-Grazie,  Le  Christ,  La  Vierge,  saint  Jac- 
ques et  d'autres  Saints  ;  -~  à  Santa-Maria-dell'- 
Umilità,  une  Assomption  ;  —  à  Saint-François, 
une  excellente  Purification  de  la  Vierge;  enfin, 
au  Musée  de  Vienne,  un  Saint  Pierre  domini- 
cain. E.  B — n. 

Borgliinl,  Il  Riposo.  —  Orlandi,  Jbbecedario.  —  Ticozzi, 
Dizionario.  —  Vim\,Sloria  pittorica.  —  Fantozzi,  Guida 
di  Firenze.  —  Catal.  de  l'Académie  et  de  la  Galerie  de 
Florence.  —  Tolomei,  Guida  di  Pittoja.  —  Catal.  du 
Musée  de  Vienne. 

mouaxdo  (  Filippo-Rosa  ) ,  poëte  italien  , 
né  en  1732,  à  Vérone,  où  il  est  mort,  le  11 
août  1757.  Issu  d'une  ancienne  famille  de  Vé- 
rone, il  fut  élevé  chez  les  jésuites,  et  manifesta 
un  goût  si  vif  pour  les  lettres  qu'à  peine  âgé  de 

15. 


455 


MORANDO  —  MORATA 


451 


onze  ans  il  mettait  avec  assez  de  bonheur  en 
octaves  les  quatre  premiers  chants  de  Vltalia 
liberala  du  Trissin.  L'étude  des  meilleurs  au- 
teurs de  l'antiquité,  la  lecture  assidue  de  Dante 
et  de  Pétrarque,  le  mirent  bientôt,  en  épurant 
son  goût,  en  état  de  publier  quelques  ouvrages, 
où  il  développa  beaucoup  de  talent.  Il  mourut 
à  vingt-cinq  ans ,  d'une  fièvre  lente.,  On  a  de 
lui  :  Osservazioni  sopra  il  commento  délia 
Divina  Comedia  di  Dante;  Vérone,  1751, 
in-8°;  dans  ces  observations  sur  le  commen- 
taire du  P.  Venturi,  il  se  livre  à  des  hypothèses 
qui  souvent  s'éloignent  de  la  vraisemblance;  — 
II  Medo,  et  Teonoe  ;  Vérone,  1755;  Maffei  a 
parlé  avec  éloges  de  ces  deux  tragédies  ;  —  So- 
netti  et  Canzoni;  Vérone,  1756,  in-8";  il  y  a 
dans  ce  recueil  des  poésies  agréables.  Morando 
laissa  en  manuscrit  La  Conquisla  delV  Ame- 
rica, poëme.  P. 

A.  Zaccaria,  Elogio  di  F.-R.  Morando,  dans  les  An- 
nali  letterari  d'Italia,  II.  —  Pindemonle  (Hipp.),  Elo- 
gio, dans  le  l.  VI  de  ses  Elogi.  —  Da  Lisca,  Elogio  ; 
Vérone,  in-8°.  —  Galleria  dei  Letterati  ed  Artisii.  — 
Tipaldo,  Biogr.  degli  Italiani  illustri,  VII. 

morange  (  Bedien  ),  théologien  français, 
né  à  Paris,  mort  en  1703,  à  Lyon.  Après  avoir 
été  reçu  docteur  deSorbonne,  il  devint  en  1660 
chanoine  de  Lyon,  puis  vicaire  général  de  ce 
diocèse.  On  a  de  lui  :  Libri  de  prseadamitis 
brevis  Analysis;  Lyon,  16,56,  in-16  ;.  —  Pri- 
matus  Lugdunensis  Âpologeticon ;  Lyon, 
1658,  in-8°  ;  apologie  contre  l'église  de  Sens;  — 
Summa  universœ  Théologies  Catechistee  ; 
Lyon,  1670,  3  tom.  en  4  vol.  in-8°.  K. 

Pernetti,  Lyonnais  dignes  de  mèmoire,.\\,  192.  —  Re- 
vue du  Lyonnais,  V,  193t 

mor&no  (  Bonifacio  ),  historien  italien,  né 
à  Modène,  mort  en  1349.  Il  a  laissé  un  Chro- 
nicon  Mutinense,  qui  s'étend  de  l'an  1306  à 
l'année  1342,  et  que  Muratori  a  inséré  dans  ses 
Scriptores  Rerum  ltalicarum,  XI,  89.    G.  B. 

Tiraboschi,  Storia  Litteraria,  t.  XI,  p.  148. 

morant  (Philip  ),  antiquaire  anglais,  né 
le  6  octobre  1700,  à  Saint-Sauveur  (  île  de  Jer- 
sey ),  mort  le  25  novembre  1770,  à  Londres.  Il 
prit  ses  degrés  à  Oxford,  et  obtint  par  la  pro- 
tection de  l'évêque  de  Londres,  Edmund  Gib- 
son,  plusieurs  des  bénéfices  du  comté  d'Exeter. 
En  1768  il  fut  chargé  de  continuer  la  collation 
des  registres  du  parlement.  Il  fit  partie  de  la 
Société  d'Archéologie.  On  a  de  lui  :  Cruelties 
and  Persécutions  of  the  Romish  Church  dis- 
played  ;  Londres,  1728,  in-8°;  —  Account  of 
the  Spanish  invasion  in  1588;  ibid.,  1739, 
in-fot.  ; —  Geographia  antiqua  et  nova;  ibid., 
1742,  in-4°,  tirée  en  partie  de  la  Méthode  (  de 
Lenglet-Dufresnoy)  pour  étudier  la  Géographie  ; 
—  A  Summary  of  the  History  of  England; 
ibid.,  in-fol.,  et  3  vol.  in-8°  avec  pi.  ;  —  History 
and  Anliquities  o/Colchester;ibui.,  1748, 1768, 
in-fol.;  —  History  o/  EsSex  ;  ibid.,  1760-1768, 
1  vol.  in-fol.  Il  a  encore  édité,  annoté  ou  tra- 


duit du  français  plusieurs  ouvrages,  et  il  a  col 
laboré  à  la  Biographia  Britannica.         K. 
Chalmers,  General  Biographical  Dictionary. 

morard  de  Galle  (Justin- Bonaventure) 
amiral  français,  né  à  Gonselin  (  Dauphiné  ),  l 
30  mars  1741,  mort  à  Guéret,  le  23  juillet  1809 
Cadet  de  plusieurs  frères  tués  au  service,  il  en 
tra  fort  jeune  dans  les  gendarmes  royaux  ;  mai 
il  abandonna  bientôt  l'armée  de  terre  pour  1 
marine.  Dès   son    début  dans   cette  nouvel! 
carrière,  il  se  fit  remarquer  par  ses  talents,  s  ; 
valeur,  et  partit  pour  l'Inde.  Nommé  enseigne  d  ; 
vaisseau  en  1765,  il  fit  diverses  campagnes  dan 
l'Inde  et  en  Amérique,  fut  promu,  en  1777,  al 
grade  de  lieutenant ,  passa  sur  le  vaisseau  L 
Ville  de  Paris,  et  assista  au  combat  d'Ouessai 
(27  juillet  1778).    Il  était  sur  La  Couronne 
dans  la  flotte  du  comte  de  Giiichen,  lors  des  vu 
toires  que  cet  amiral  remporta  dans  les  Antillei 
les  17  avril,  15  et  19  mai  1780,  sur  l'amiral  ar 
glaisRodney.  L'année  suivante,  sous  lesordnj 
du  bailli  deSnffren,il  fit  la  campagne  de  l'Indi, 
Au  combat  de  Praya,  il  vit  Son  capitaine  enlei 
dès  les  premiers  coups.    Il  prit  le  commande 
ment  de  son  vaisseau,  alors  entouré  de  cinq  n; 
vires  ennemis,  désempara  les  assaillants ,  e  jj 
quoique  couvert  de  blessures,  ramena  triompha:  I 
son  bâtiment,  qu'on  croyait  perdu.    Il  fut  alo 
nommé  capitaine.  Presque  tous  les  officiers  <  k 
la  marine  royale  ayant  émigré  à  l'époque  de  f  > 
révolution,  Morard  de  Galle,  resté  en  Franc 
parvint  rapidement  au  grade  de  contre-amiip 
(1792),  et  l'année  suivante  il  commanda  une  dh 
sion  de  la  flotte  aux  ordres  de  Le  Large.  Arrê 
en  1794,  il  ne  recouvra  sa  liberté  qu'après  \é 
9  thermidor  an  u.  Il  reprit  ses  fonctions,  et  f  M 
élevé  en  novembre  1796  au  grade  de  vice-amin  ! 
Le  15  décembre  suivant,  il  sortit  de  Brest  à  M 
tête  de  là  première  escadre  de  la  grande  flol 
destinée  à  tenter  une  descente  en  Angleten 
Après  avoir  reçu  plusieurs  coups  de  vent, 
rentra  à  Rochefort,  le  13  janvier  1797.  La  non 
réussite  de  cette  expédition  jeta  sur  lui  qu  I 
que  défaveur  ;  mais  après  le  1 8  brumaire  an  v  fol 
(9  novembre  1799)  il  fut  porté  au  sénat,  dof.j 
il  devint  secrétaire  en  septembre  1803.  L'ann 
suivante  il  obtint  la  sénatorerie  de  Limoges  et  f§! 
titre  de  grand-officier  de  la  Légion  d'Honnei 
Peu  d'hommes  de  mer  ont  fourni  une  carril. 
aussi  remplie  que  cet  amiral  :  il  avait  fait  trenl 
sept  campagnes ,  exercé  onze  commandemen 
assisté  à  onze  combats  et   reçu  huit  blessuiv 
Un  monument  lui  a  été  élevé  à  Guéret,  aux  ft'fl 
de  cette  ville.  A.  de  L.    i 

Archives  de  la  Narine.'—  Gérard,  Fies  et  Campag 
des  plus  célèbres  Marin?  français  (  Paris,  182S,  in-l    3 
p.  273.  —  Le    Bas,   Dict.  encyclopédique  de  la  Frar< 

morata    (  Olympia-Fulvia),   savante  i  ■ 
lienne,  née  à  Ferrare,  en  1526,  morteàHeid 
berg,  le  26  octobre  1555.  Son  père,  Fulvio  1 
regrino  Morato  (né  à  Mantoue),  professeur  tri: 
distingué  et  très-instruit ,  avait  été  précept<  '■ 


457 


MORATA 


458 


'  des  deux  enfants  d'Hercule  II,  duc  de'  Ferrare. 
|  Les  dispositions  précoces  qu'il  remarqua  chez  sa 
!  fille  l'engagèrent  à  donner  à  son  éducation  des 
j  soins  tout  exceptionnels.  Olympia  fut  admise  à 
s  partager  les  leçons  de  la  princesse  Anne  d'Esté, 
i fille  aînée  de  la  duchesse  de  Ferrare;  mais  la 
[  ieune  patricienne  fut  bien  vite  dépassée  ;  au  bout 
k  le  quelques  mois,  Olympia  parlait  le  grec  et  le 
3  latin  avec  une  égale  facilité.  Son  nom  ne  tarda 
jpas  à  franchir  l'humble  enceinte  de  la  mai- 
1  son  paternelle  ;  elle  avait  à  peine  douze  ans ,  et 
léjà  elle  faisait  l'admiration  de  la  cour  de  Fer- 
are,  et  attirait  autour  d'elle  un  cercle  de  sa- 
ints auditeurs,  parmi  lesquels  on  remarquait 
jilio  Giraldi ,  Bartholomeo   Riccio ,  les   deux 
rères  Sinapi  et  Célio  Calcagnini.  Le  séjour  d'O- 
!  !  ympia  à  la  cour  de  Ferrare  avait  eu  sur  elle  une 
îfluence  décisive  au  point  de  vue  religieux.  L'es- 
rit  de  rénovation  qui  travaillait  alors  tout  le  nord 
e  l'Europe  avait  franchi  les  Alpes.  La  duchesse 
e  Ferrare,  Renée  de  France,  avait  embrassé 
«idées  nouvelles;  elle  fit  bientôt  d'Olympia  une 
depte  convaincue ,  intelligente  et  dévouée. 
Sur  ces  entrefaites,  Morato,  éloigné  de  la 
vu-  depuis    quelques  années,  tomba   dange- 
.'usement    malade  ;    sa    fille  abandonna  tout 
Mir  aller  soigner  son  père,  qui  mourut  en 
548.  Dans  l'intervalle ,  la  princesse  Anne  avait 
icusé  François  de  Lorraine,  depuis  duc  de 
uise,  et  était  partie  pour  la  France  ;  Olympia  se 
ouva  donc  privée  de  sa  protectrice,  sans  ap- 
iii,  sans  fortune,  forcée  de  soutenir  une  mère 
.firme  et  de   surveiller  l'éducation    de  trois 
[leurs  et  d'un  frère.  Elle  se  dévoua  courageu- 
i  ment  à  ces  nouveaux  devoirs  ;  et  les  poésies 
Velle  écrivit  à  cette  époque   respirent    une 
'nuance  absolue  dans   la  bonté  de  Dieu,  et 
iressent  des  espérances  qui  ne  devaient  pas 
réaliser.   Deux  ans   après  la  mort  de   son 
6re  ,  Olympia  épousa    un    jeune  Allemand , 
immé  André  Grunthler,  qui  était  venu  à  Fer- 
re pour  terminer  ses  études  de  médecine; 
fldré  avait  adopté  aussi  les  doctrines  de  Cal- 
(n,  et  c'est  dans  l'église  réformée  de  Ferrare 
,ie  le  mariage  eut  lieu.  Grunthler  venait  d'être 
Jça  docteur,  et  on  lui  faisait  espérer  une  chaire 
[.ns  son  pays  natal.  Olympia,  accompagnée  d'É- 
ile,  son   frère,  partit  pour  l'Allemagne  avec 
mari.  Ils  reçurent  à  Augsbourg  l'accueil  le 
mpressé,  et  ce  fut  là  que  Morata  connut 
Curione,  qui  devait  plus  tard  rassembler 
useraient  ses  oeuvres.  D'Augsbourg,  les  deux 
>ux  se  rendirent  à  Schweinfurt,  où  une  chaire 
it  offerte  à  Grunthler.  Mais  le  margrave  Albert 
Brandebourg  avait  choisi  cette  ville  pour  son 
rtier  général,  et  bientôt  les  habitants  se  virent 
aqués  par  les  évêques  de  Wurtzbourg  et  de 
berg  et  par  l'électeur  de  Saxe.  Après  un  siège 
luatorze  mois,  Schweinfurt  fut  prise  d'assaut, 
rée  au  pillage  et  réduite  en  cendres.  Après 
)ir  failli  périr  dans  l'incendie  du  temple  pro- 
tant  où  ils  s'étaient  réfugiés,  les  deux  époux 


il    '< 


précipitaient  leur  fuite,  quand  ils  furent  arrêtés, 
maltraités  et  dépouillés  par  une  bande  ennemie, 
qui  ne  laissèrent  à  Olympia  que  sa  chemise; 
elle  arriva  à  Hamelbourg  vêtue  d'une  robe 
d'emprunt,  qu'elle  devait  à  la  pitié  d'une  pauvre 
femme.  Obligés  presque  aussitôt  de  quitter  cette 
ville,  ils  errèrent  longtemps  dans  la  Franconie, 
sans  pouvoir  nulle  part  trouver  un  sûr  asile. 
Enfin,  le  comte  d'Erbach,  à  qui  le  nom  et  le 
mérite  d'Olympia  étaient  connus,  les  reçut  chez 
lui,  les  combla  de  prévenances,  et  grâce  à  sa 
protection  Grunthler  fut  nommé  professeur  de 
médecine  à  l'université  de  Heidclberg.  Mais  il 
était  trop  tard  pour  Olympia;  les  fatigues 
qu'elle  avait  supportées,  les  dangers  qu'elle  avait 
courus,  l'avaient  brisée;  elle  languit  une  année, 
et  mourut,  à  peine  âgée  de  vingt-neuf  ans.  Son 
mari  et  son  frère  ne  lui  survécurent  que  deux 
mois;  ils  furent  inhumés  dans  le  même  tom- 
beau, sur  lequel  on  plaça  une  double  épitaphe, 
qui  est  rapportée  par  Niceron  (t.  XV,  p.  111). 
L'Académie  de  Heidelberg  ordonna  que  la  mai- 
son qu'avaient  habitée  les  deux  époux  serait  re- 
bâtie aux  frais  de  la  ville,  et  on  y  fit  graver  une 
inscription  qui  se  terminait  ainsi  : 

VUis  et  exllis  domus  hsec  quamvis,  habitatrix 
-    Clara  taraen  claram  reddidit  el  celebrem. 

Une  grande  partie  des  ouvrages  composés  par 
Olympia  furent  détruits  dans  l'incendie  de 
Schweinfurt  ;  on  doit  regretter  surtout  des  06- 
servations  critiques  sur  Homère,  et  des  Dialo- 
gues grecs  et  latins  imités  de  Platon  et  de  Ci- 
céron.  Ce  qui  restait  des  œuvres  de  cettefemme 
célèbrefut  publié  à  Bâle,  en  1558,  par  les  soins  de 
Curione,  sous  ce  titre  :  Olympise  Fulviœ  Mo- 
ratee,  mulieris  omnium  eruditissimx,  latina 
et  graeca,  quœ  habueri  potuerunt ,  Monu- 
menta,  cum  eruditorum  judiciis  et  laudi- 
bus  ;  petit  in-8°.  Cette  édition  fut  épuisée  en  un 
an;  une  seconde  parut  en  1562,  et  porte  pour 
titre  :  O.-F.  Moratœ,  feminee,  doctissimae  ac 
plane  divinae,  Oraliones,  Dialogi,  Epistolès, 
Carmina,  tam  latina  quam  greeca,  cum  eru- 
ditorum testimoniis  et  laudibus,  in-8°;  elle 
fut  suivie  de  deux  autres,  qui  sont  aujourd'hui 
fort  rares,  et  qui  furent  publiées  l'une  en  1 570, 
et  l'autre  en  1 580,  toutes  deux  à  Bâle,  et  qui 
sont  plus  complètes  que  les  premières  ;  on  y  a 
ajouté  sept  lettres  latines,  deux  lettres  italien- 
nes, et  trois  épitaphes.  Voici  en  quoi  consistent 
les  œuvres  d'Olympia  :  Trois  Discours  sur  les 
paradoxes  de  Cicéron  ;  ils  furent  prononcés  à 
Ferrare,  en  présence  d'Anne  de  Ferrare  et  d'une 
assemblée  choisie  ;  —  L'Éloge  de  Mutius  Sce- 
vola,  en  grec  et  en  latin;  —  Les  deux  pre- 
mières Nouvelles  de  Boccace ,  traduites  en  la- 
tin ;  —  Deux  Dialogues  ;  —  Deux  livres  de 
Poésies  grecques  et  latines  ;  —  Deux  livres 
de  Lettres  ;  elles  sont  au  nombre  de  quarante- 
huit,  une  en  grec,  deux  en  italien,  le  reste  en 
latin.  Curione  les  a  publiées  pêle-mêle,  sans  en 
rechercher  les  dates  ;  quelques-unes  de  ces  let- 


459  MORATA  — 

très  ont  été  traduites  en  français  par  M.  J.  Bon- 
net ,  qui  en  a  retrouvé  une  nouvelle  dans  les 
manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Modène. 

Alfred  Fbanklin. 
Holten,  Vita  Olympix  Moratse  ;  1775,  in-8°.  —  Knet- 
schke,  De  Olympia  Fulvia  Morata  ;  1808,  in-4°.  —  Olym- 
pia Morata,  her  life  and  ttmes,  par  Robert  Turxibull, 
Boston,  1846,  in-12.  —  Olympiae  Epistolœ.  —  C.-S.  Cu- 
rio ,  llpistolse.  —  M.  Adam ,  F  Use  Germanorum  Medi- 
corum;  1705,  in-fol-,  t.  Ier.  —  C.-S.  Curio,  O.-F.  Mo- 
ratse Fita,  en  tête  des  OEuvres.  —  Th .  de  Bèze,  Icônes. 
—  De  Thou,  Mémoires  sur  sa  vie;  1714,  in-8°,  t.  II; 
Historiarum ;  Iib.  XV  et  XVI.  —  Wildermuth,  O.  Mo- 
rata, ein  christliches  Lebensbild  ,-  1854,  in-8°.  —  Ant. 
Teissier,  Les  Éloges  des  Hommes  savants,  1715,  4  vol. 
în-12  ;  t.  1er.  —  Ginguené,  Hist.  Littér.  de  Vital.,  1811, 
in-8°  ;  t.  III.  —  Niceron ,  Mêm.  pour  servir  à  l'hist. 
des  hommes  illustres,  1730,  in-12!;  t.  XV.  — J.  Bonnet, 
Fie  d'Olympia  Morata,  1856,  in-8°.  —  J.  Tiraboschi, 
Storia  délia  Letter.  Ital.,  1787,  in-4°  ;  t.  VU. 

moratin  (  Nicolas- Fer  nandez  de  ),  poète 
espagnol,  né  en  1737,  mort  en  1780.  Il  appar- 
tenait à  une  ancienne  famille  de  Biscaye.  Dis- 
ciple deLuzan,  ami  de  Montiano,  il  essaya 
comrffe  eux.  de  réformer  la  littérature  espa- 
gnole en  y  introduisant  les  règles  classiques  in- 
terprétées à  la  manière  française.  Il  eut  pour 
protecteurs  dans  cette  entreprise  le  duc  de  Me- 
dina-Sidonia,  le  duc  d'Ossuna,  le  ministre  d'A- 
randa,  l'infant  don  Gabriel  de  Bourbon,  traduc- 
teur de  Salluste.  Il  exerça  son  influence  par  son 
enseignement  au  collège  Impérial,  où  il  remplaça 
son  ami  Ayala ,  par  ses  conversations  dans  le 
cercle  de  lettrés  qui  se  réunissaient  autour  de  lui 
dans  la  fonda  (  ou  taverne  )  de  Saint-Sébastien, 
et  par  ses  ouvrages.  Il  débuta  par  La  Peli- 
vietra  {La  Coquette),  la  première  comédie  es- 
pagnole formée  sur  les  modèles  français  ;  elle 
fut  publiée  en  1762,  avec  une  préface  qui  met- 
tait en  relief  les  défauts  de  l'école  de  Lope  de 
Vega  et  de  Calderon,  et  ne  faisait  pas  assez  res- 
sortir leurs  mérites.  Cependant  le  poète  n'avait 
pas  osé  rompre  tout  à  fait  avec  cette  école,  et 
sa  pièce  était  un  compromis  ingénieux,  mais 
vain,  entre  deux  manières  qui  s'excluent.  Sa  Lu- 
crèce, où  il  essaya  pour  la  tragédie  ce  qu'il  ve- 
nait de  tenter  pour  la  comédie,  ne  réussit  pas 
mieux.  Aucune  de  ces  deux  pièces  n'obtint  les 
honneurs  de  la  représentation.  Enfin  Moratin 
conquit  un  succès  honorable  par  son  Horme- 
sinda,  jouée  en  1770  et  applaudie  à  oause  des 
beaux  vers,  malgré  l'invraisemblance  du  plan. 
La  dernière  pièce  de  Moratin,  Guzman  le  Brave, 
écrite  sur  un  sujet  célèbre,  parut  inférieure  pour 
la  vigueur  aux  vieilles  chroniques  et  au  drame 
de  Guevara ,  mais  on  y  reconnut  encore  un 
grand  talent  poétique.  Dans  l'intervalle  de  ces 
pièces,  Moratin  publia  en  1764  son  Poeta,  recueil 
de  courtes  poésies ,  qui  fut  suivi,  en  1763,  de 
Diana,  poème  didactique  en  six  livres  sur  la 
chasse,  et  en  1765  d'un  poème  narratif  sur  la 
destruction  des  vaisseaux  de  Fernand  Cortès.  Si 
l'on  ajoute  à  ces  productions  un  volume  d'Obras 
postmnas  publié  à  Barcelone,  1821,  in-4°,  et 
réimprimé  à  Londres,  1825,  in-12,  si  l'on 
n'oublie  pas  un  pamphlet  en  trois  parties  pu- 


MORATIN  -,  ) 

blié  en  1762,  sous  le  titre  de  Desenganc  i 
Teatro  Espanol,  et  dans  lequel  l'auteur  s'ef  I 
çait  d'éclairer  ses  compatriotes  sur  les  déf.  b 
de  leur  théâtre  national  et  de  les  désabuser  s- 
beautés  qu'ils  admiraient  depuis  si  longter  j, 
on  aura  tous  les  titres  de  Nicolas  Moratir  I 
souvenir  de  la  postérité.  TicUnor  a  dit  de  1  |:Ë 
«  Bien  que  la  valeur  de  ses  œuvres  ne  soit  I 
grande ,  certaines  parties  ne  seront  pas  v  (-$ 
semblablement  oubliées  de  si  tôt.  Le  Ch  >. 
épique,  comme  il  l'appelle,  sur  l'audacieuse  S«s 
solution  de  Cortès  brûlant  ses  vaisseaux,  e:  jeg 
plus  noble  poème  de  ce  genre  que  l'Espagn  it? 
produit  au  dix-huitième  siècle ,  et  se  lit  ■  m 
plus  de  plaisir  que  la  plupart  des  épopées  \À 
toriques  qui  l'avaient  précédé  en  si  grand  r  \Â 
bre.  Quelques-unes  de;ses  courtes  pièces,  coi  la 
ses  ballades  sur  des  sujets  maures,  une  oi  à 
un  vainqueur  dans  des  combats  de  taure  i,s 
combats  que  Moratin  fréquentait  constami  ni 
et  dont  il  publia  une  histoire  agréable,  m 
pleins  de  vivacité.  Tous  ses  écrits  sont  mar  m 
par  une  pureté,  une  exactitude  de  langeai 
une  harmonie  de  versification  qui  prouvent  efl 
quoiqu'il  possédât  à  un  degré  extraordiaai  la 
talent  d'improviser,  il  composait  avec  so  m 
finissait  avec  patience.  »  Z.   ji 

Notice  sur  Moratin,   en  tète  des  Obras  posti  u| 
—  Ticknor,  History  of  Spanish  Littérature,  t.  III ,  n 

moratin  (  Don  Leandro-Fernandez)ià 
lèbre  poète  dramatique  espagnol,  fils  du  pi 
dent,  né  à  Madrid,  le  10  mars  1760,  rm  s 
Paris,  le  21  juin  1828.  Élevé  par  son  pènni 
des  premiers  poètes  de  son  temps,  il  file 
bonne  heure  des  vers  ;  mais  sa  famille  dé:  lit 
qu'il  embrassât  une  profession  plus  hier  rat 
que  les  lettres.  Il  pensa  à  la  peinture,  <  m 
voyage  qu'il  fit  à  Rome  le  confirma  dan  a-' 
mour,  des  beaux-arts  ;  puis,  sur  le  désir  de  » 
père,  il  entra  chez  Miguel  de  Moratin,  son  o  k>, 
qui  était  joaillier.  Il  n'abandonna  pas  la  p(  I 
En  1779,  l'Académie  proposa  pour  sujet  defe 
la  Prise  de  Grenade.  L'accessit  fut  ace 
à  une  pièce  signée  Efren  de  Lardnoz  y 
rante,  anagramme  sous  lequel  s'était  chS 
Leandro  Moratin.  Nicolas  Moratin  fut  encl  M 
de£ce  début  d'un  fils  dont  il  ne  devait  pas  lir 
les  succès.  En  1782,  Leandro  Moratin  reni|jfa 
encore  un  accessit  pour  une  satire  sur  le  î  B- 
vais  goût  qui  s'était  introduit  dans  la  littér.  Wi 
espagnole  (Leccion  poetica),  et  en  1785  in-1 
blia  une  édition  des  poésies  de  son  père  pft 
une  préface  dans  laquelle  il  défendait  les  :  W 
littéraires  dont  Nicolas  Moratin  avait  été  le  r<  £-; 
sentant.  Le  fils  voulait,  comme  le  père,  réfo  pr: 
le  théâtre  espagnol  par  l'introduction  des  è- 
gles  dramatiques  françaises  ;  il  avait  déjà  ifl 
mencé  une  pièce  lorsque  Jovellanos  lui  o  m 
la  place  de  secrétaire  du  comte  de  Cabaip, 
qui  se  rendait  à  Paris  avec  une  mission  spé<  e- 
Moratin  passa  dans  cette  ville  toute  l'ape 
1787.  îl  y  vit  les  littérateurs  célèbres  et  «  jre 


461 

autres  Goldoni,  qui  avait  heureusement  réalisé  en 
Italie  ce  que  Moratin  voulait  tenter  en  Espagne. 
De  retour  dans  son  pays,  il  fut  d'abord  négligé,  à 
cause  de  la  disgrâce  de  ses  deux  protecteurs 
Jovellanos  et  Cabamis  ;  mais  le  ministre  Flo- 
rida-Blanca  le  distingua  et  lui  donna  un  béné- 
fice de  300  ducats.  Désormais  à  l'abri   du  be- 
soin, il  se  livra  à  ses  goûts  littéraires,  et,  quoi- 
que tonsuré,  il  s'occupa  de  tbéâtre.  Il  débuta  par 
une  comédie  El  Viejo  y  la  Nina,  (  Le  Vieillard 
et  la  Jeune  Fille),  qui  montre  les  inconvénients 
d'une  grande  disparité  d'âge  dans  le  mariage. 
C'est  peut-être  |a  meilleure  pièce  de  Moratin; 
elle  fut  vivement  attaquée  par  les  défenseurs  de 
\  l'ancien  théâtre,  et  le  poëte  se  vengea  de  cette 
i  injuste  censure  par  La  Comédie  nouvelle  ou  Le 
1  Café,  satire  amusante  des  absurdités  et  du  mau- 
|  vais  goût  du  théâtre  espagnol.  Après  ces  deux 
j  succès  Moratin  désira  voyager.  Le  ministre  Go- 
i  loy,  qui  lui  avait  déjà  conféré  en  bénéfices  et 
:  în  pensions  un  revenu  de  15,000   francs  en- 
|i  riron,  lui  en  accorda  la  permission,  et  pourvut 
I  largement  aux  frais  du  voyage.  Le  poëte  arriva 
|  ï  ;  Paris  juste  dans  les  premiers  jours  de  sep- 
|  ïembre  1792,  et  un  des  premiers  spectacles  qui 
|  frappèrent  ses  yeux  fut  la  tête  de  la  princesse 
le  Lamballe  portée  au  bout  d'une  pique.  Use 
I  lâta  de  se  dérober  à  ces  scènes  d'horreur,  et 
|  jassa  en  Angleterre,  où  il  observa  avec  atten- 
'  ion  le  caractère,  les  idées  et  les  mœurs  d'un 
[  )euple  si  différent  des  Espagnols.  Malheureuse- 
ilment  il  ne  publia  rien  sur  ce  sujet,  et  le  seul 
1  fruit  du  séjour  d'un  an  qu'il  fit  à  Londres  fut 
j  une  traduction  de  YHamlet  de  Shakspeare. 
|   En  quittant  l'Angleterre,  il  traversa  la  Flandre , 
^'Allemagne,  la  Suisse,  çt  se  rendit  en  Italie,  Il 
(ie.-'.revint  en  Espagne  qu'au  mois  de  décembre 
.  [  1796.  il  rentra  au  théâtre  en  1803  par  une  pièce 
i  ntitulée  :  El  Baron,  ou  V Imposteur ,  qui,  sans 
itre  un  de  ses  chefs-d'œuvre,  eut  du  succès; 
îlle  fut  suivie  de  la  Mogigata,  ou  La  jeune  Hy- 
pocrite, en  1804,  et  en  1806  du  Si  de  las  Ni- 
las,  une  de  ses  meilleures  comédies,  qui  eut 
i  }uatre  éditions  dans  une  année  et  fut  traduite  en 
plusieurs  langues.  Encouragé  par  le  succès,  il 
[iHait  donner  d'autres  pièces  quand  il  fut  en- 
jravé  par  Tinquisition.  Ses  trois  dernières  co- 
médies n'avaient  vu  le  jour  que  grâce  à  la  pro- 
motion du  premier  ministre  Godoy,  et  cette 
>rotection  même  fut  impuissante  à  faire  paraîlre 
•ur  le  théâtre  LEscuela  de  los  Maridos  ,  imi- 
ation  de  L'École  des  Maris  de  Molière,  admira- 
>lement  appropriée   aux    mœurs    espagnoles. 
>tte  comédie  ne  fut  jouée  que  le  17  mars  1812, 
orsque   l'inquisition  avait  disparu    avec  l'an- 
ienne  monarchie  et  lorsqu'un  frère  de  Napo- 
ion  régnait  à  Madrid.   Godoy  était  tombé  du 
ouvoir  le  18  mars  1808,  et  sa  chute  avait  été  le 
ignal  de  l'occupation  française.  Moratin,  imbu 
es-idées  nouvelles,  accepta  assez  facilement  un 
Rangement  dynastique  qui  permettait  de  régé- 
érer  l'Espagne.  Il  s'attacha  au  roi  Joseph,  qui 


MORATIN  462 

le   nomma   son   premier    bibliothécaire.    Celte 
place  eût  convenu  au  célèbre  poète,  si  l'instabi- 
lité du  nouveau  gouvernement  et  les  malheurs 
de  l'Espagne  n'eussent  attristé  son  existence. 
Réduit  à  quitter  deux  fois  Madrid  avec  la  cour 
fugitive  «le  Joseph,  il  essaya  de  rester  en  Es- 
pagne quand  le  parti  national  l'emporta  ;  mais  il 
fut  en  butte  aux  plus  rudes  privations.  Il  vit 
saisir   ses   propriétés,  piller  ses   meubles ,  dé- 
truire sa  bibliothèque  ;  il  eut  même  à  craindre 
pour  sa  vie.   Ferdinand  VII  le  rassura  sur  ce 
point,  et  lui  permit  de  résider  tranquillement  à 
Barcelone.  Vers  la  fin   de  l'année  18.14,   il  fit 
jouer  dans  cette  ville  El  Medico  a  palos,  imi- 
tation libre  du  Médecin    malgré  lui   de  Mo- 
lière. La  crainte;  peut-être  exagérée,  des  persé- 
cutions du  parti  clérical  le  décida  à  quitter  Bar- 
celone en  1817  et  à  se  rendre  à  Paris,  où  il  vé- 
cut avec  son  ancien  ami  Melon.  Il  revint  à  Barce- 
lone après  le  rétablissement  de  la  constitution  des 
Cortès  en  1820  ;  mais  ce  fut  pour  peu  de  temps. 
La  lièvre  jaune  le  chassa  de  nouveau  de  cette 
ville;  il  alla  rejoindre  à  Bordeaux  son  ami  Sil- 
vela.  Il  s'y  consacra  presque  entièrement  à  son 
ouvrage  sur  les  Origines  du  Théâtre  espagnol  : 
un  grand  et  consciencieux  travail,  qui  atteste 
autant  d'érudition  que  de  goût,  mais  qui  ne  va 
que  jusqu'à  Lope  de  Vega  et  laisse  de  côté  la 
partie  la  plus  intéressante  et  la  plus  féconde  de 
la  littérature  dramatique  espagnole.  La  santédé- 
clinante  de  Moratin  ne  lui  permit  pas  d'achever 
son  œuvre.  En  1827,  il  retourna  à  Paris  avec 
son  ami  Si  l vêla,  et  y  mourut  l'année  suivante. 
Il  fut  enseveli  au  Père  La  Chaise,  près  du  mo- 
nument de  Molière.  Moratin  ne  fut  pas  seule- 
ment un  poëte  dramatique  ;  comme  son  père , 
avec  autant  de  talent  et  plus  de  goût,  il  cultiva 
la  poésie  lyrique.  Mais  quoiqu'il  ait  perfectionné 
le  vers  blanc,  qui  convient  si  bien  à  la  langue  es- 
pagnole, et  trouvé. quelques  nouvelles  combi- 
naisons de  mètres  et  de  rimes,  il  ne  se  plaçait 
pas  lui-même  au  rang  des  poètes  lyriques,  et 
regardait  ses  cinq  comédies  comme  son  véri- 
table titre  de  gloire.  Ces  productions  agréables 
méritent  cette  préférence  ;  elles  sont  très-remar- 
quables par  la  vivacité  et  l'élégance  du  dialogue, 
la  netteté  de  l'observation,  le  relief  et  la  vérité 
des  caractères ,  le  développement  naturel   de 
l'intrigue.  Le  poëte  n'a  que  le  tort  de  se  tenir 
trop  en  garde  contre  son  imagination,  et  de  re- 
froidir par  une  correction  trop  minutieuse  des 
œuvres  qui  auraient  exigé  plus  de  verve  et  une 
manière  plus  large.  Avec  un  talent  distingué  et 
fin,  avec  une  parfaite  rectitude  de  jugement,  il 
manque  de  cette  originalité-  qui  constitue  les 
poètes  de  premier  ordre.  Les  éditions  des  Œu- 
vres de  Moratin  sont  nombreuses  en  France  et 
en  Espagne  ;  la  plus  complète  est  celle  qui  fait 
partie  de  la  collection  des  auteurs  espagnols  de 
Ribadaneyra;  Madrid,  1848.  Les  Comédies  de 
Moratin  ont  été  traduites  en  français   par   E. 
Hollander  ;  Paris,  1855,  in-8°.Les  Originestàel 


463  MORATIN  - 

Teatro  Espanol,  augmentées  d'un  appendice 
par  Ochoa,  ont  paru  à  Paris,  1838,  gr.  in-8°. 

L.  J. 

Ochoa,  Notice  sur  Moratin,  en  tête  des  Origines.  — 
Hollander,  Notice  sur  Moratin,  en  tcte  de  sa  traduction 
des  Comédies  de  Moratin.  —  James  Kennedy,  Modem 
Poets  and  Poetry  of  Spain. 

morato  ou  mobeto  (  Fulvio-Pelle- 
grino),  érudit  italien,  né  vers  1495,  à  Man- 
toue,  mort  en  1547.  Ses  parents  étaient  pau- 
vres. Il  s'appliqua  de  bonne  heure  aux  belles- 
lettres,  et  les  enseigna  avec  succès  dans  plusieurs 
villes  d'Italie.  Il  avait  fondé  une  école  florissante 
à  Ferrare  ;  mais ,  accusé  d'être  favorable  aux 
principes  de  la  réforme,  il  fut  obligé  de  s'éloi- 
gner, et  s'établit  à  Vicence,  puis  à  Venise.  En 
153.8  il  était  de  retour  à  Ferrare;  il  n'est  pas 
cependant  certain  qu'il  y  ait  terminé  ses  jours. 
Il  fut  le  père  de  la  célèbre  Olympia  Morata 
(  voy.  ce  nom  ).  On  a  de  lui  :  II  Rimario  di 
tutte  le  cadentie  di  Dante  e  Petrarca;  Ve- 
nise, 1528,  1529,  1533,  1550,  1565,  in-8°  :  le 
plus  ancien  dictionnaire  de  rimes  que  l'on  con- 
naisse ;  celui  de  Jean  Le  Fèvre,  en  français,  date 
de  1572;  —  Carmina  queedam  latina;  Ve- 
nise, 1533,  in-8°;  —  Del  Significato  de'  Co- 
lori  e  de1  Mazzoli  ;  Venise,  1535,  1543,  in-8°, 
introd.  à  la  science  du  blason.  Plusieurs  des 
ouvrages  manuscrits  de  Morato  sont  conservés 
à  la  bibliothèque  d'Esté.  P. 

Tiraboschi,  Storia  délia  Lett.  Italiana,  VII,  3e  part. 

mobavie  (Jérôme  de).  Voy.  Jérôme. 

juorav  ou  mcrray  (Sir  Robert  ),  un  de~s 
fondateurs  de  la  Société  royale  de  Londres, 
mort  le  4  juillet  1673,  à  Londres.  D'une  an- 
cienne famille  d'Ecosse ,  il  vint  jeune  en 
France,  y  termina  son  éducation,  et  entra  au 
service  de  Louis  XIII;  il  s'introduisit  fort  avant 
dans  les  bonnes  grâces  du  cardinal  de  Richelieu, 
qui  lui  donna  le  grade  de  colonel.  En  1646  il  fit 
adopter  à  Charles  Ier  un  plan  d'évasion  adroi- 
tement conçu  ;  mais,  au  moment  de  l'exécution, 
le  roi  refusa  de  s'y  prêter.  En  1660  Moray  fut 
appelé  au  conseil  privé.  Bien  qu'il  fût  presby- 
térien, il  ne  cessa  jamais  d'être  en  crédit  au- 
près de  Charles  II.  On  le  regarde  comme  le 
créateur  de  la  Société  royale,  établie  en  1661  ; 
il  en  fut  le  premier  président  et  jusqu'à  sa 
mort  il  resta  l'âme  de  cette  compagnie,  qui 
dès  ses  premiers  pas  était  appelée  à  jeter  un  si 
grand  éclat  dans  le  monde  savant.  D'après  l'or- 
dre du  roi ,  il  fut  inhumé  à  Westminster.  K. 
Birch,  Hist.  of  the  royal  Society. 

morazan.  Voy.  Murazan,  président  de  Gua- 
timela. 

morazzone  (  Giacomo),  peintre  de  l'école 
milanaise,  vivait  en  1441.  C'est  par  erreur 
que  divers  biographes  l'ont  appelé  Mazzoni, 
Marzoni,  Morzone  ou  Marzone  ;  c'est  par  er- 
reur aussi  que  plusieurs  l'ont  classé  dans  l'é- 
cole vénitienne,  parce  qu'il  travailla  à  Venise 
en  concurrence  avec  Jacobello  del  Fiore,  auquel 
il  fut  inférieur,  ayant  conservé  la  manière  des 


MORCELLI  46 

plus  anciens  maîtres  italiens.  Son  nom  est  celi  ; 
d'un  lieu  du  Milanais,  et  d'ailleurs  c'est  en  di< 
lecte  milanais  qu'il  a  signé  le  tableau  que  l'c , 
voit  encore  près  Venise,  dans  l'île  Sainte-Hi 
lène;  il  représente  Y  Assomption  avec  sain,' 
Hélène  et  d'autres  saints,  et  il  est  signé  :  Gi< 
como  Morazzone  a  laura  questo  lauorier  A. 
D.  ni.  MCCCCXXXXL  E.  B— n. 

Vasari',  Vile.  —  Orlandi,  Aàbecedario.  —  Zanet 
Délia  Pittura  Veneziana.  —  Lanzi,  Storia  Pittorica. 
Ticozzi,  Dizionario. 

morazzone.  Voy.  Mazzochelli. 

morcelli  (Etienne-Antoine  ),  célèbre  a 
chéologue  et  épigraphiste  italien,  né  à  Chiari, 
17  janvier  1737,  mort  dans  cette  ville,  le  Ier  ja , 
vier  1821.  Élevé  au  collège  des  jésuites  à  Bre 
cia,  il  fut  reçu  comme  novice  dans  cet  ordi 
après  avoir  terminé  à  Rome   ses  études  ■  I 
belles-lettres  et  de  théologie.  Chargé  d'enseign 
la  rhétorique  successivement  à  Arezzo,  à  El 
guse  et  depuis  1765  à  Fermo,  il  fit  en  1771,  s 
Rome,  ses  vœux  solennels,  et  fut  peu  de  tem 
après  adjoint  au  P.  Cunich,  professeur  de  rhf 
torique  au  Collège  romain  et  nommé  conserv 
teur  du  Musée  fondé  par  le  P.  Kircher.   Il  E 
établit  une  académie  d'archéologie,  depuis  loi  I 
temps  sa  science  de  prédilection.  Après  la  su  I 
pression  des  Jésuites  il  se  retira  pendant  quelq 
temps  à  Chiari,  pour  y  compléter  les  matériai 
d'un  ouvrage  sur  le  style  des  inscriptions  a  të 
tiques ,    commencé    depuis    plusieurs    annéi 
Lorsqu'en  1775    il   fut  de  retour  à  Rome,l 
cardinal  Albani  lui  confia  la  garde  de  sa  U 
cieuse  bibliothèque.  Morcelli  publia  six  ans  apii 
son  grand  travail  sur  l'épigraphie  des  anciei 
qui  lut  valut  les  éloges  mérités  des  antiquaii 
les  plus  renommés  de  l'époque.  Il  s'adonna  (  : 
suite  à  des  recherches  sur  divers  points  d  h  j$ 
toire  ecclésiastique.  Appelé  en    1791  dans  il 
ville  natale  comme  prévôt  de  la  collégiale ,  S 
accepta  cette  charge,  après  avoir  pendant  qu. 
que  temps  hésité,  parce  que,  décidé  à  en  re]  i 
plir  les  devoirs  nombreux  dans  toute  leur  é'faj 
due,  il  ne  pouvait  plus  avoir  que  peu  de  loisir 
donner  à  ses  études  favorites.  [La  façon  exe!' 
plaire  dont  il  s'acquitta  de  ses  fonctions  lui  va  li 
d'être  promu  en  1799  à  l'archevêché  de  Ragus 
mais  il  refusa  ce  poste  élevé,  afin  de  continue  ui 
remplir  avec  soin  sa  charge  de  prévôt.  Il  réfon  : 
les  écoles  de  sa  ville  natale,  à  laquelle  il  doc  j 
sa  belle  bibliothèque,  et  il  y  fonda  un  orpl 
linat.  On  a  de  lui  :  De  Stilo  lnscriptioniu\ 
latinarum  libri  III;  Rome,  1780,  in-4°;  Il 
doue,  1819-1822,  3  vol.  in-4°  ;   ouvrage  cl; 
sique  sur  la  matière  ;  —  Inscriptiones  comme 
tariis   subjectis;  Rome,    1783,   et   Padouj 
1823,  in-4°  :  dans  ce  recueil  d'inscriptions  co  j 
posées  par  lui-même,  Morcelli,  qui  imitait  ai  ; 
bonheur  le  tour  tantôt  énergique,  tantôt  gracie 
de  celles  qui  nous  restent  des  anciens,  a  exp<| 
les  raisons  du  choix  de  ses  expressions;  —  J 
dicazione  antiquaria  per  la  villa  delta  co 


465 


MORCELLI 


\ilbani;  Rome,  1785  et  1803,  in-8°;  —   Ka- 
endarium     Ecclesix    Constantinopolitanx 
OCCCC  annorum  velustate  insigne,  primi- 
us  editum  ,     commentants     illustratum  ; 
tome,   1788,  2  vol.  in-4°  ;  ce  document  con- 
sent beaucoup  de  faits  importants  pour  l'his- 
oire  des  premiers  temps  de  l'Église;  — S. 
\  ïregorii  II ,  pontifias  Agrigentinorum   li- 
'<ri    X    Explanationis   Ecclesiastx    greece 
'irimum  et   cum  éalina   interpretationc  ac 
i  omnentariis  vulgati  ;  Venise,  1791,  in-fol.  : 
[  Hivrage*.  d'une  ,  grande  valeur    pour  l'histoire 
|  les  dogmes  catholiques  ;  —  Commente  suit' 
scrizion   sepolcrale  délia    santa   martire 
;  igape;  Brescia,  1795,  et  Modène,  1824,  in-8°; 

—  Electorum  libri  II;  Brescia,  1814,  et  Pa- 
oue,  1818,  in-8°;  —  SulV  Agone  Capitolino ; 
[ilan,   1816,  in-8°;  — Sulla  Bolla  d'oro  de' 

\  anciulli  Romani;  Milan,  1816,  in-8°  ;  — 
[fricaC/iristiana;  Brescia,  1816-1817,  3  vol. 
i-4°  :  ce  livre,  rempli  d'érudition,  combla  une 
icunej regrettable  qui  existait  dans  l'histoire 
cclésiastique  ;  —  nâpEpyov  Inscriptionum  no- 
issimarum  ;  Padoue,  1818,  in-4°;  —  Opuscoli 
sçetici;  Brescia,  1820,  3  vol.  in-8°  ;  —  Dello 

fmvere  degli   antichi  Romani  ;  Milan,  1822  ; 

-  Appendix  Inscriptionum  novissimarum  ; 
adoue,  1823,  in-4°;  —  Belle  Arti  e  délie 
•eltere  degli  Italiani  avanti  la  fondazione 
iRoma;  Modène,  1823,  in-8°;  —  Dell'  Apo- 

mosi    degli   Imperatori   Romani;  Modène, 
[824;  publié  et  annoté  par  Lobus  ;  —  Dei  lit- 
\ori  dèi  magistrati  Romani;  Modène,  1824, 
m-8°;  —?  Metodo  di  studiare  ;  Chiari,  1826, 
[i-8°;r-  Belle  tessere  degli    speUacoli  ro- 
lani;  Milan,   1828,  in-8°  ;  —  Sullo  Studio 
telle  antiche  monete;  Milan,  1829,  in-8°  ;  — 
)ell'  Arte  critica  diplomatica,  dans  les  Me- 
wrie  di  religione,  morale  e  letteratura  de 
lodène.  —  Les  notes  qui  dans  l'édition  de  1 790 
es  Anlichità  italiane  de  Muratori  sont  si- 
nées  M.  sont  de  Morcelli.  O. 

|  Baratdi,  JVotizia  di  Morcelli  (  Modène,  1825  ).'  —  Re- 
lie encyclopédique  (année  1822).  —  Tipaldo,  Biogr.  de- 
\li  Italiani,  t.  X,  p.  102. 

!'  mordaunt  (Charles),  comte  de  Peter- 
borough, général  et  homme  politique  anglais,  fils 
je  Jean  lord  Mordaunt  de  Rçygate,  vicomte 
''Avalon,  et  h! 'Elisabeth,  petite-fille  de  Robert, 
iorate  de  Monmouth,  né  en  1658,  mort  le  25  oc- 
jabre  1735  à  Lisbonne.  Dans  sa  jeunesse,  il  servit 
vous  les  amiraux  Torrington  et  Narboi  ough,  dans 

expédition  contre  Alger.  Il  quitta  ensuite  lama- 
!  me  pour  l'armée ,  fut  envoyé  à  Tanger,  et  prit 
lartà  la  défense  de  cette  ville  contre  les  Maures. 

endantle  règne  de  Jacques  II,  il  fit  une  oppo- 
sition ardente  à  la  politique  de  ce  prince.  Il 
|assa  en  Hollande  sous  prétexte  d'aller  prendre 
|  commandement  d'une  escadre  envoyée  aux 

odes  occidentales,  mais  en  réalité  pour  presser 
I  prince  d'Orange  de  tenter  une  descente  en  An- 

lete.rre  et  de  renverser  le  gouvernement  de  Jac- 


MORDAUNT  460 

ques  II.  Il  représentait  cette  entreprise  comme 
très-facile.  Le  prince  d'Orange  répondit  froide- 
ment qu'il  aurait  les  yeux  sur  les  affaires  de  l'An- 
gleterre et  qu'il  ne  laisserait  pas  porter  atteinte  à 
la  religion  protestante.  S'il  ne  se  montra  pas 
plus  explicite,  «  c'est  qu'il  savait,  dit  Burnet, 
que  lord  Mordaunt  avait  la  tête  chaude,  la  pa- 
role prompte,  qu'il  était  brave  et  généreux,  mais 
manquait  de  jugement,  que  ses  pensées  n'étaient 
pas  méditées  et  que  ses  secrets  étaient  bientôt 
connus.  »  Sans  s'ouvrir  à  Mordaunt,  le  prince 
d'Orange  profita  de  ses  avis,  et  plus  tard  il  se 
servit  utilement  de  lui  dans  l'expédition  en  An- 
gleterre. Après  la  révolution  de  1688,  Mordaunt, 
comme  un  des  principaux  acteurs  de  ce  drame 
politique  et  comme  whig  véhément,  fut  mis  à  la 
tête  du  banc  de  la  trésorerie,  place  qui  n'était 
pas  encore  celle  de  premier  ministre,'  (1689),  et 
obtint  le  titre  de  comte  de  Monmouth.  Cette 
place  qe  convenait  point  à  un  militaire  brillant , 
mobile ,  dissipé  ;  il  se  rendit  bientôt  désagréable 
à  ses  collègues  et  au  roi  Guillaume,  dont  il  con- 
trariait la  politique  conciliante  par  son  zèle  whig 
intempestif.  En  janvier  1690,  il  résigna  son 
siège  de  premier  commissaire  de  la  trésorerie , 
et  commença  contre  les  membres  tories  du 
ministère  une  opposition  vive  et  décousue. 
Son  caractère  irréfléchi,  après  avoir  rendu  long- 
temps ses  talents  inutiles,  l'entraîna  dans  une 
faute  qui  faillit  pour  toujours  priver  son  pays  de 
ses  services.  Dans  le  procès  de  Fenwick,  en  1697, 
il  fit  proposer  secrètement  à  l'accusé  de  faire  des 
révélations  contre  de  hauts  personnages  tories  • 
Fenwick  s'y  refusa,  et  Monmouth,  irrité,  insista 
pour  sa  condamnation.  Cette  conduite  coupable 
chez  un  juge  ne  tarda  pas  à  être  connue  et  excita 
une  réprobation  générale.  Les  pairs  envoyèrent 
Monmouth  à  la  Tour.  Mais  ce  brillant  personnage 
était  de  ceux  qui  ne  tombent  que  pour  se  relever. 
Il  quitta  le  nom  de  Monmouth ,  et  succéda  au 
titre  de  son  oncle  Henri,  comte  de  Peterborough, 
en  juin  1697.  Ce  ne  fut  qu'à  l'ouverture  de  la 
guerre  de  la  succession  d'Espagne  qu'il  trouva  un 
digne  champ  pour  son  activité.  La  reine  Anne 
l'appela  dans  son  conseil  privé,  en  mars  1705,  et 
le  nomma  dans  la  même  année  général  et  com- 
mandant en  chef  des  forces  envoyées  en  Espagne 
pour  y  soutenir  la  cause  de  Charles  d'Autriche 
contre  Philippe  de  Bourbon.  Lord  Peterborough 
arriva  à  Lisbonne  au  mois  de  juin  1705,  avec 
cinq  mille  soldats  hollandais  et  anglais;  il  prit 
sur  sa  flotte  l'archiduc  Charles,  fit  voile  pour 
Gibraltar,  où  il  recueillit  le  prince  de  Hesse- 
Darmstadt,  et  se  dirigea  ensuite  sur  Valence,  qu'il 
occupa  sans  coup  férir.  Cette  conquête  facile  lui 
inspira  l'idée  de  terminer  la  guerre  en  marchant 
droit  sur  Madrid.  Le  prince  de  Hesse-Darmstadt, 
trouvant  le  projet  trop  périlleux,  préféra  une  at- 
taque sur  Barcelone.  Peterborough ,  placé  sous 
les  ordres  du  prince,  obéit  à  regret.  Le  siège 
offrait  en  effet  des  difficultés  insurmontables. 
Après  trois  semaines  passées  devant  la  ville ,  les 


467 


MORDAUNT 


3 


alliés  résolurent  de  lever  le  siège  le  12  sep- 
tembre. Peterborough  approuva  cette  mesure, 
mais  avant  de  la  prendre  il  déclara  qu'il  vou- 
lait tenter  un  assaut  nocturne  contre  la  forte- 
resse de  Monjuich,  qui  commandait  Barcelone. 
L'audace  inouïe  du  général  anglais  rencontrant 
la  négligence  non  moins  inouïe  des  assiégés,  ob- 
tint un  brillant  et  inattendu  succès.  La  chute  de 
Monjuich  entraîna  celle  de  Barcelone.  Peterbo- 
rough eut  la  gloire  de  prendre  avec  une  poignée 
d'hommes  une  des  plus  grandes  et  des  plus 
fortes  places  de  l'Europe,  et  la  gloire,  plus  chère 
peut-être  à  son  caractère  chevaleresque,  d'arra- 
cher à  la  brutalité  des  soldats  la  belle  duchesse 
de  Popoli.  Il  profita  habilement  de  la  jalousie 
des  Catalans  contre  les  Castillans,  leur  rendit 
leurs  anciens  droits  et  libertés,  et  réussit  ainsi  à 
les  attacher  à  la  cause  autrichienne.  Tarragone , 
Tortose,  Girone,  Lerida,  San-Mateo,  lui  ou- 
vrirent leurs  portes.  Avec  douze  ou  quinze  cents 
hommes  qui  restaient  sous  ses  ordres ,  il  se  jeta 
dans  les  montagnes  au  cœur  de  l'hiver,  chassa 
devant  lui  le  général  espagnol  comte  de  Las 
Torres,  et  rentra  triomphant  dans  Valence, 
le  4  février  1706.  Quelques  jours  après  il  dis- 
persa un  corps  de  troupes  envoyé  au  secours  de 
Las  Torres.  Les  cours  de  Madrid  et  de  Versailles, 
effrayées  des  rapides  succès  de  Peterborough 
tentèrent  les  plus  grands  efforts  pour  l'arrêter. 

Une  armée  considérable  sous  le  commandement 
nominal  de  Philippe ,  mais  sous  les  ordres  réels 
du  maréchal  de  Tessé,  entra  en  Catalogne  et  mit 
le  siège  devant  Barcelone  avec  l'aide  d'une  flotte 
commandée  par  le  comte  de  Toulouse.  La  ville, 
attaquée  par  terre  et  par  mer,  était  en  péril  lors- 
que lord  Peterborough  accourut  avec  trois  mille 
hommes.  Ne  pouvant  pas,  avec  une  force  si  mi- 
nime, attaquer  une  grande  armée,  il  harassa  les 
ennemis  par  des  escarmouches,  leur  coupa  les 
vivres,  et  introduisit  des  provisions  dans  la  ville. 
Se  jetant  ensuite  dans  une  barque,  il  rejoignit  la 
flotte  anglaise,  qui  restait  inactive,  en  prit  le 
commandement,  et  se  dirigea  aussitôt  vers  la 
flotte  française,  qui  ne  l'attendit  pas.  Le  lende- 
main, l'armée  de  terre  leva  le  siège,  et  se  retira 
dans  le  Roussillon.  Cet  événement  eut  pour  ré- 
sultat, l'entrée  de  lord  Galway  dans  Madrid,  aban- 
donné par  Philippe.  Peterborough  voulait  qu'on 
profitât  de  cet  avantage  pour  s'établir  immédia- 
tement et  solidement  dans  la  capitale.  Il  est  très- 
probable  que  si  ses  plans  avaient  été  suivis  l'ar- 
chiduc se  serait  assis,  du  moins  pour  quelque 
temps,  sur  le  trône  d'Espagne.  Mais  le  général  an- 
glais n'avait  pas  dans  le  caractère  le  calme  et  la 
sujte  qui  pouvaient  rendre  ses  conseils  accep- 
tables. Ses  services  trop  éclatants  et  sa  présomp- 
tion excitèrent  l'envie  et  le  mécontentement  de 
l'archiduc.  Peterborough,  mécontent  de  son  côté, 
demanda  à  quitter  l'armée.  L'archiduc  lui  en  ac- 
corda volontiers  la  permission,  et  le  chargea  d'al- 
ler à  Gênes  contracter  un  emprunt.  De  ce  mo- 
ment la  fortune  changea.  Les  alliés,  coupés  de 


la  frontière  du  Portugaise  retirèrent  sur   I 
lence, en  laissant  dix  mille  prisonniers  entre  sa 
mains  de  l'ennemi.  En  janvier  1707,   Peteii-H 
rough  arriva  à  Valence  comme  simple  volonte  \,i 
On  lui  demanda  encore  des  conseils,  que  Foi  g  s 
suivit  pas ,  et  le  gouvernement  anglais  le  rapj ,.  : 
De  retour  en  Angleterre,  il  eut  d'abord  à  jt  I 
fier  sa  conduite,  ce  qui  ne  fut  pas  difficile,  i  M 
obtint  de  la  chambre  des  pairs  (janvier  i"  9 
non-seulement  un  bill  d'indemnité,  mais  la  - 
connaissance  solennelle  de  ses  services.  Dan  il 
lutte  des  partis  pendant  les  derniers  jours  d  M 
reine  Anne ,  entraîné  par  sa  haine  contre  M  Kfj 
borough ,  il  se  prononça  violemment   pour  m 
tories,  et  fut  nommé  colonel  du  régiment  n 
horse-guar  ds ,  lord  -  lieutenant  du  comté  a 
Northampton  et  chevalier  de  la  Jarretière  (i  H 
1713).  En  1710  et  1711  il  eut  des  mission! 
Vienne,  à  Turin,  et  dans  plusieurs  États  d'Itiil 
Vers  la  fin  de  1713,  il  fut  envoyé  comme  ara  m 
sadeur  auprès  du  roi  de  Sicile  et  nommé  ■ 
après  gouverneur  de  l'île  Minorque.  Sous  le  r<  ■ 
de  Georges  Ier  il  devint  général  de  toutes  lesfo  H 
navales  de  l'Angleterre,  poste  qu'il  garda  jus<  il 
sa  mort.  Il  termina  ses  jours  à  Lisbonne,  o  l 
était  allé  chercher  le  rétablissement  de  sa  sa  . 
«  Lord  Peterborough,  dit  Macaulay,fut,  sino  I 
plus  grand,  du  moins  le  plus  extraordinaire jl 
ractère  de  cette  époque ,  sans  en  excepter  le  H 
de  Suède  lui-même.  En  vérité,  on  pourrait  ■ 
crire  Peterborough  comme  un  Charles  XII,  j  1 
instruit,  amoureux.   Son   courage   avait   t<l§ 
l'impétuosité  française  et  toute  la  fermeté  H 
glaise.  Sa  fertilité  et  son  activité  d'esprit  éta  I 
presque  incroyables;  elles  se  montrèrent  c,  i 
tout  ce  qu'il  fit ,   dans  ses  campagnes ,  dans  ^1 
négociations,  dans  sa  correspondance  familiifl 
dans  sa  conversation  la  plus  légère  et  la  moins  <  jfl 
diée.  Il  était  un  tendre  ami,  un  généreux  enneut 
et  dans  sa  conduite  un  véritable  gentleman.ùM 
ces  splendidestalents  et  ses  vertus  furent  renlj 
presque  inutiles  à  son  pays,  par  sa  légèreté,  il 
impatience  du  repos,  son  irritabilité,  son  §. 
maladif  pour  la  nouveauté  et  l'excitation.  N || 
seutement  sa  faiblesse  l'avait  dans  plus  d'une  I 
casion  plongé  dans  des  troubles  sérieux  ;  n  i  > 
elle  l'avait  conduit  à  des  actions  entièrement  I  I 
dignes  de  son  humaine  et  noble  nature.  Le  reil 
lui  était  insupportable.  Il  aimaif  à  courir  autf 
de  l'Europe  plus  vite  qu'un  courrier.  Il  était  ! 
semaine  à  La  Haye,  et  à  Vienne  la  serait 
suivante.  Alors  il  lui  prenait  fantaisie  de  if» 
Madrid  ,  et  à  peine  avait-il  atteint  Madrid  q  tj 
demandait   des  chevaux   et   partait   pour  in 
penhague.  Le  changement  d'occupation  lui  é  P 
aussi  nécessaire  que  le  changement  de  place  l 
aimait  à  dicter  six  ou  sept  lettres  à  la  fois.  Cù 
qui  avaient  à  traiter  des  affaires  avec  lui  se  p   , 
gnaient  que  quoiqu'il   parlât  avec  une  grai  i 
habileté  sur  chaque  sujet,  il  ne  pouvait  jam 
se  fixer  à  aucun....  Peterborough  fut  en  vérih 
dernier  des  chevaliers  errants ,  brave  jusqu'à 


1 69  MORDAUNT  —  MORE 

mérité,  libéral  jusqu'à  la  profusion,  courtois 

ois  ses  rapports  avec  les  ennemis,  le  protec- 

nr des  opprimés,  l'adorateur  des  femmes.  Ses 
i -rtus  et  ses  vices  étaient  ceux  d'un  ohevalier 

;  la  Table  Ronde.  »  Lord  Peterborough  aimait 

vgens  de  lettres,  surtout  ceux  qui  pensaient 

ec  hardiesse.  Lui-même  était  un  libre  penseur. 
1 1  rapporte  qu'ayant  rendu  une  visite  à  Féne- 
'i,iil  fut  si  enchanté  de  la  conversation  du  pré- 

;  qu'il  dit  au  chevalier  Ramsay  :  «  Il  faut  que  je 

rte  le  plus  tôt  possible,  car  si  je  restais  ici  une 

maine  de  plus ,  je  deviendrais  chrétien  malgré 
i  )i.  »  Après  avoir,  dans  sa  jeunesse,  protégé 

■yden,  il  devint  l'ami  intime  de  Swift  et  de 

ope,  de  Prior,  d'Atterbury,  de   Berkeley.  Il 

rivit  des  bagatelles-,  mais  sa  versatilité  l'em- 

cha  de  rien  composer  qui  fût  digne  de  son 
i  prit.  Chalmers  cite  de  lui  :  La  Muse  de  Ca- 

lier,  w  an  apology  for  such  gentlemen 
1  m<ike  poetry  their  diversion  and  not 
r  btisiness,  dansxme  lettre  insérée  au  Public 
ster  de  Dodsiey  ;  1741  ;  —  A  Copy  of  ver- 
an  the  duchess  of  Marlborough ,  dans  les 
res  de  Swift;  —  Remarks  on  a  pam- 
t,  respecling  ihe  création  of-peers;  1719, 


470 


comte  de  Peterborough  épousa ,  en  pre- 
noces,  Carey,  fille  de  sir  Alexandre  Fra- 
laquelle  il  eut  deux  fils ,  Jean  et  Henri, 
oururent  avant  lui,  et  une  fille,  Henriette, 
intime  d'Alexandre,  second  duc  de  Gordon.  Sa 
conde  femme  fut  la  célèbre  chanteuse  Anas- 
Robinson,  personne  d'une  conduite  irré- 
ochable.  Il  eut  quelque  peine  à  déclarer  ce  ma- 
,  ige,  si  peu  conforme  à;son  rang  ;  mais  enfin  il  s'y 
fccida,  et  la  seconde  comtesse  de  Peterborough 
ut  admise  dans  le  plus  grand  monde  anglais. 

■  m  petit-fils ,  Charles  Mordaunt,  fils  de  Jean 
frd  Mordaunt,  lui  succéda  dans  le  titre  de  comte 
h  Peterborough.  L.  J. 
tBurnet,  History   of  his  own  Urne.  —  Swift,  Works, 
i  Vil  de- l'édition  de  Nlchols.  —  Pope,  Works  and  Cor- 

spondence.  —  Friend,  Account  of  the  earl  of  Peterbo- 
]  ugh  conduct.  in  Spain.  —  Carlton,  Memoirt.—  Horace 
,  ;ilpole,  Catalogue  of  rpyal  and  noble  authors.  —  Lord 
nhoo,  IV ar  of  the  succession  in  Spain;  History  of 
\igland. —    Hacaulay,   Essays;  History  of  England. 

Seward,  Anecdotes  and  biographiana.  —  Chalmers, 

■  nerut  Biographical  Dictionary.  —  Lodge,  Portraits, 
Vil.  —  Lïves  of  JBritish  military  Commanders. 

'mordvinof  (Simon- Ivanovitch) ,  amiral 
isse,  né  le  26  janvier  1701,  mort  en  mars 
'77,  fut  au  nombre  des  vingt  jeunes  gens  que 
erre  1er  envoya,  en  1717,  à  Brest  prendre  leurs 
ades  dans  la  marine  royale.  Il  en  revint,  au 
mt  de  cinq  ans ,  lieutenant  de  vaisseau,  et  en 
pporta  un  goût  prononcé  pour  les  sciences  de 
marine.  On  lui  doit  une  traduction  du  français 
un  ouvrage  Sur  les  Évolutions  d'une  flotte, 
divers  travaux  en  langue  russe  sur  la  Navi- 

■ition  et  la  Géométrie.'  A.  G — s. 

Bercti,  fie  de  l'amiral   Mordvinof.  —  Mémoires  de 

jirochin.  —  Bantlch-Kamenski,  Dictionnaire  Hist. 
more  (Henry),  en  [&im  Morus,  philosophe 

|iglais,néle  12  octobre  1614, à Grantham (comté 


de  Lincoln),  mort  le  1er  septembre  1687,  à  Cam- 
bridge. D'une  famille  de  calvinistes  rigides,  il  se 
révolta  de  bonne  heure  contre  le  dogme  de  la 
prédestination,  et  les  menaces  dont  on  usa  envers 
lui  pour  réprimer  ses  doutes  ne  servirent  qu'à 
les  accroître.  Envoyé  au  collège  d'Eton  pour  ap- 
prendre les  langues  anciennes ,  il  s'appliqua  en 
outre  aux  questions  les  plus  difficiles  de  la  phi- 
losophie et  de  la  théologie,  et  poursuivit  avec 
ardeur  cette  étude  à  l'université  de  Cambridge. 
Après  avoir  pris  pour  premiers  guides  Aristote 
et  les  scolastiques,  il  s'en  dégoûta  et,  entrant 
dans  une  voie  tout  opposée,  il  leur  préféra  Pla- 
ton et  la  plupart  des  mystiques;  la  lecture  du 
fameux  traité  de  Jean  Tauler,  Theologia  Ger- 
manica,  l'intéressa  particulièrement,  et  quelques 
années  plus  tard  il  crut  remonter  à  la  source  de 
toutes  ces  doctrines  en  portant  ses  recherches 
sur  la  kabbale.  Maître  es- arts  en  1639,  il  fut 
admis  au  nombre  des  agrégés  (fellows)  du  col- 
lège du  Christ;  ce  fut  là  que  s'écoula  sa  vie  en- 
tière. En  vain  lui  offrit-on  les  plus  hautes  dignités 
de  l'Église  anglicane  :  la  cure  d'Ingoldsby  et  une 
prébende  à  Gloucester  furent  résignées  par  lui 
presque  aussitôt  qu'acceptées  ;  il  refusa  même 
le  principalat  de  son  collège,  auquel  il  avait  été 
porté  en  1654,  de  préférence  à  Cudworth,  son 
ami.  Parmi  les  jeunes  gens  dont  il  surveilla  l'é- 
ducation, il  faut  citer  sir  John  Fiesch,  dont  la 
sœur,  lady  Conway,  s'éprit  d'enthousiasme  pour 
ses  idées;  elle  l'attira  souvent  à  son  château,  où. 
il  vécut  dans  l'intimité  de  van  Helmont,  le  célèbre 
philosophe  hermétique  ,  et  de  Valentin  Great- 
reakes ,  le  fameux  thaumaturge.  «  Henri  More , 
dit  M.  Franck,  appartient,  parle  fond  de  ses  idées, 
et,  si  l'on  peut  parler  ainsi,  par  la  physionomie 
générale  de  son  esprit,  à  cette  école  platonicienne 
d'Angleterre  dont  Cudworth  est  sans  contredit 
le  plus  illustre  représentant....  Il  cherche  une 
doctrine  où  puissent  se  rencontrer  sur  un  même 
fond  spiritualiste  la  raison  et  le  dogme  chrétien, 
la  tradition  et  le  libre  examen.  Mais  ,  plus  éru- 
dit  que  philosophe,  et  d'une  imagination  très- 
aventureuse,  il  a  exagéré  les  différents  principes 
qu'il  devait  associer  ensemble.  »  Bien  qu'il  ait 
entretenu  une  correspondance  amicale  avec  Des- 
cartes, il  était  loin  de  l'accepter  pour  maître;  il 
le  défendit  contre  ceux  q  ui  l'accusa  ient  d 'athéisme, 
mais  il  lui  reprocha  aussi  de  confondre  la  ma- 
tière avec  l'étendue,  d'en  faire  la  seule  substance 
de  l'univers,  de  chasser  Dieu  de  la  nature  et  de 
la  raison  de  l'homme.  Il  combattit  avec  non  moins 
de  passion  le  matérialisme  de  Hobbes,  et  dé- 
nonça les  dangers  de  la  doctrine  de  Spinosa.  Dans 
sa  métaphysique  il  croit  à  un  Dieu  personnel, 
créateur  et  providence  du  monde,  et  il  en  dé- 
montre l'existence  par  l'idée  de  perfection  ;  les 
idées  nécessaires  et  universelles  émanent  de  la 
raison  divine.  Au-dessous  de  Dieu  il  place, 
dans  une  immense  chaîne  qui  embrasse  la  na- 
ture entière,  les  âmes  angéliques,  les  âmes  hu- 
maines, les  âmes  des  brutes  et  l'esprit  du  monde, 


471 


MORE 


où  sont  renfermées  les  lois  et  les  formes  géné- 
rales. Quant  à  l'âme  humaine,  il  recherche  ce 
qu'elle  a  été  avant  de  paraître  ici-bas,  et  ce 
ce  qu'elle  deviendra  dans  la  suite.  Excepté  Dieu, 
il  n'admet  pas  de  purs  esprits.  Comme  avait 
fait  Origène ,  il  ne  conçoit  les  êtres  qu'en  rela- 
tion avec  la  matière;  à  mesure  que  l'esprit  s'é- 
lève ou  s'abaisse,  la  matière  se  subtilise  ou  s'é- 
paissit de  plus  en  plus  ;  l'atténuation  progressive 
des  corps  marque  ainsi  les  innombrables  étapes 
que  nous  sommes  appelés  à  parcourir  avant  d'ar- 
river jusqu'à  la  béatitude  éternelle.  S'il  est  diffi- 
cile d'attribuer  un  système  à  More  et  d'en  faire  un 
penseur  original,  on  ne  peut  lui  refuser  d'avoir 
eu  des  idées  d'une  remarquable  hardiesse  ou 
d'une  véritable  profondeur.  Un  grand  nombre 
de  ses  écrits  philosophiques  ont  été  réunis  sous 
ce  titre  :  A  Collection  of  several  philosophïcal 
Writings  (Londres,  1662,  in  fol.;  4e  édit,  1712). 
Le  recueil  complet  n'en  existe  qu'en  latin,  Opéra 
omnia,  tum quee  latine,  tum  qux  anglice 
scripta  sunt ,  nunc  vero  latinitate  donata 
(Londres,  1679,  2  vol.  in-fol.).  On  y  remarque 
Dialogi  divini ,  Enchiridium  metaphysicum , 
Antidotus  adversus  atheismum,  et  Animae 
Immortalitas.Un  troisième  volume  a  été  consa- 
cré à  ses  traités  de  théologie  (Opéra  theologica  ; 
Londres,  1700,  in-fol.).  Henry  More  est '( encore 
l'auteur  d'un  recueil  de  poésies  intitulé  :  Psy- 
cho-Zoia,  or  the  life  ofthe  soûl,  and  other 
poems  (  Londres,  1640,  in-8°),  et  réimprimé  en 
1647.  Il  fut  un  des  premiers  membres  de  la  So- 
ciété royale  de  Londres.  P.  L — y. 

Richard  Ward,  The  Life  of  the  learned  and  pious 
Dr  Henry  More;  Londres,  1710,  in-8°.  —  Burnet,  Oivn 
Times.  —  Birch,  Life  of  Tillotson.  —  Blair,  Lectures.  — 
Enfleld,  Hist.  of  Phitosophy,  llv.  VIII.  —  Censura  litte- 
raria,  111.  —  A.  Franck,  dans  le  Dict.  des  Sciences  phi- 
losophiques. 

more  (  Alexandre),  en  latin  Morus,  célè- 
bre ministre  protestant,  né  le  25  septembre 
1616,  à  Castres,  mort  le  28  septembre  1670,  à 
Paris.  Après  avoir  terminé  son  éducation  au 
collège  de  Castres,  où  son  père,  Écossais  d'ori- 
gine, occupait  l'emploi  de  principal,  il  alla  étu- 
dier la  théologie  à  Genève  ;  trois  ans  plus  tard, 
la  chaire  de  grec  étant  devenue  vacante,  il  se 
mit  sur  les  rangs,  et  l'emporta  sur  Etienne  Le 
Clerc  et  d'autres  concurrents  plus  âgés  que  lui 
(1639).  En  1642  il  succéda  à  Fréd.  Spanheim, 
comme  ministre  et  professeur,  et  il  introduisit 
dans  la  prédication  et  dans  l'enseignement  de  la 
théologie  des  innovations  qui  le  firent  accuser 
d'opinions  hétérodoxes.  Il  fut  promu  en  1645 
à  la  dignité  de  recteur.  Ses  railleries  et  la  hau- 
teur de  ses  manières,  et  ausi  son  mérite  et  son 
influence,  excitèrent  la  jalousie  de  quelques  col- 
lègues, qui  accablèrent  le  conseil  de  plaintes  ;  de 
guerre  lasse  il  préféra  de  s'éloigner,  et  obtint,  à 
la  recommandation  de  Saumaise,  une  chaire  à 
Middelbourg  (1649).  De  là  il  se  rendit  à  Ams- 
terdam, où  les  curateurs  de  l'École  illustre  l'a- 
vaientappelé  pour  professer  l'histoire  (1651),  et 


profita  d'un  congé  pour  faire  un  voyage  er.  Wi 
lie;  il  y  resta  plus  d'une  année,  et  fut  coffli: 
d'honneurs  par  le  grand-duc  de  Toscane  jm 
que  par  la  seigneurie  de  Venise.  La  hain  0e 
ses  ennemis  ne  tarda  pas  à  lui  rendre  le  si  M; 
de  la  Hollande  intolérable.  Mensonges,  im|  mj 
ingratitude,  fol  orgueil,  vices  infâmes,  on  le  n|> 
vrit  de  toutes  ces  accusations  en  le  somma  H»; 
se  justifier.  Morus  s'y  refusa,  et  rentra  en  Fr  njr 
Le  synode  de  Nimègue  le  frappa  d'e'xcomn  tin 
cation;  mais  le  synode  de  Loudun  l'en  rem 
et  l'invita  seulement  à  être  à  l'avenir  plus  m 
conspect  et  plus  réservé.  Nommé  pasteu  » 
l'église  de  Charenton  (1659),  il  attira  une  gr  M 
foule  à  ses  prêches  ;  en  même  temps  il  excit;  m 
son  intraitable  caractère  de  nouvelles  cal  m 
contre  lui.  Sa  conduite  ne  prêtait  que  trop  M 
plus  fâcheuses  interprétations  :  ainsi  il  avait  m 
l'habitude  de  courir  les  rues  la  nuit ,  en  coi  pi 
gnie  d'aventuriers  ou  de  gens  mal  famés,  et  d«  m 
vre  les  femmes  jusque  dans  des  lieux  où  sa  jfl 
sence  ne  pouvait  être  qu'un  scandale.  On  l'ii  M 
dit  pour  un  an  (1661).  Cette  malheureuse  af  m 
fut  encore  portée  devant  trois  ou  quatre  s;  M 
des  ;  Morus  promit  de  s'amender,  et  la  v  ■ 
lesse,  accompagnée  de  la  maladie,  la  forç;  ■ 
tenir  parole.  Il  mourut  chez  la  duchesse  de  I 
han,  sa  protectrice;  sa  mort  fut  des  plus  édill 
tes.  «  Morus,  dit  Senebier,  eut  de  l'esprit  avo  I 
vices  qui  l'accompagnent  quand  la  raison  ne  H 
pas  le  régler;  il  fut  léger,  imprudent,  orgueilkB 
s'il  excita  l'envie  par  ses  talents,  il  appela  la  h  I 
par  sa  hauteur  ;  son  savoir  était  vaste,  1 1 
superficiel;  il  croyait  avoir  tout  fait  quai! 
avait  montré  de  l'adresse  ou  tissu  des  phr.l 
sonores.  »  On  a  de  lui  :  De  necessaria  I 
gratta  disp.  IV;  Genève,  1644,  in-4";  Midi 
bourg,  1652;  —  Calvinus;  ibid.,  1648,   in-  ; 

—  Causa  Dei,  id  est  de  Scriptura  sa  ; 
exercitationes  ;  Middelbourg,  1653,  in  4°  I 
Fides  publica  contra  calumnias  J.  Miltm 
scurree;  La  Haye,  1654,  in-12,  avec  un  Sw/1 
(1655);  il  fournit  dans  ce  livre  les  attestatil 
les  plus  honorables  sur  ses  mœurs  et  sur  I 
doctrine  ;  c'est  une  réponse  au  poète  Milton,  (1 
dans  sa  Second  Defence  of  the  People  of  JR 
gland,  s'était  vengé  sur  Morus  des  attaqU 
d'un  libelle  anonyme  dont  il  l'avait  cru  Y\L 
teur  ;  —  Eusebii  Csesar.  Chronicon,  cum  fli  il 
ejus  continuatoribus,  gr.  lat.  ;  Amsterdali 
1658,  in-fol.; — Notse  ad  quaedam  loca  Ni 
Fœderis ;  Londres,  1661 ,  in-8°,  plusieurs  tv 
réimpr.; —  Soteria  laus  Christi  nascent\ 
Epinicia  super  Venetorum  de  Turcis  vic\ 
ria;  Paris,  1663,  in-4°  ;  le  premier  de  ces  p< 
mes  latins  fut  trad.  en  français  (Paris,  16(j] 
1669,  in-4°  )  et  le  second  réimpr.  à  part  (  ibi 
1673,  in-4°)  ;  —  Poemata  ;  Paris,  1669,  in- 

—  Derniers  Discours  ;  Amsterdam,  1680,  irt-1 

—  Sermons  choisis  ;  Genève,  1694,  in-8°  ; 
Sermons    sur  le  catéchisme;  Genève,  16Ï 
2  vol.  in-8°.  P.  L. 


MORE  —  MORE  AU 


474 


nebler,  Hist.  Htlér.  de  Genève.  —  Baylc,  Dict.  crit.  — 
nions,  lAfe  of  Nilton.  —  Ilaag  frères,  l.a  France 
(«faute,  Vil,  54S-BW. 

IORE  (fiannah) ,  femme  auteur  anglaise, 
en  1745,  àStappleton,  près  Bristol,  morte  le 
'pterabre  1833,  à  Clifton.  Fille  d'un  pauvre 
ésiastique  qui  tenait  une  école  de  village, 
puisa  dans  la  lecture  de  Paméla  de  Ri- 
•dson  un  vif  désir  de  s'instruire.  Ses  pro- 
rapides non  moins  que  son  intelligence  ex- 
rdinaire  attirèrent  l'attention  de  quelques 
onnes  riches;  on  l'aida  non-seulement  à 
pléter  son  éducation ,  mais  encore  on  lui 
nit  les  moyens  de  former  une  maison  d'é- 
ition  pour  les  jeunes  filles,  maison  qu'elle 
;ea  avec  ses  sœurs,  et  qui  resta  pendant 
temps  un  des  meilleurs  établissements  de 
enre  dans  l'ouest  de  l'Angleterre.  De  bonne 
e  elle  composa  des  vers,  mais  elle  ne  se 
da  qu'assez  tard  à  les  mettre  au  jour.  Son 
lier  essai  fut  un  drame  pastoral  ;  il  eut 
de;  succès  parmi  ses  amis  qu'elle  se  laissa 
orient  persuader  de  sa  vocation  pour  le  genre 
latique.  Munie  d'une  lettre  d'introduction 
•  Garrick ,  elle  vint  à  Londres,  y  fit  repré- 
;r  deux  tragédies,  et  se  lia  intimement  avec 
«son,  Burke,  sir  Joshua  Reynolds,  Beattie, 
•riss  Montague ,  etc.  Au  bout  de  quelques 
ies,  ayant  acquis  par  ses  travaux  littéraires 
position  indépendante,  elle  se  hâta  de  re- 
cer  à  la  fois  au  monde  et  au  théâtre,  qui  l'un 
lutre  s'accordaient  mal  avec  ses  sentiments  re- 
ux.  Elle  s'opposa  à  ce  qu'on  jouât  désormais 
pièces,  qu'elle  traita  de  poèmes,  et  répara 
fiai  qu'elle  croyait  avoir  fait  par  des  ouvrages 
aables  en  écrivant  ses  Drames  sacrés,  qui 
rent  d'une  vogue  singulière.  En  1786  miss 
nah  More  se  retira  avec  ses  sœurs  dans  le 
lige  de  Mendip,  puis  dans  celui  de  Barleyn- 
d,  non  loin  de  Bristol;  là,  partageant  son 
os  entre  un  travail  opiniâtre  et  des  prati- 
i  de  dévotion  ou  de  charité,  elle  consacra 
f  partie  de  sa  modique  fortune  à  répandre 
r,  truction  parmi  les  classes  ouvrières  ;  elle 

Sribua  à  la  fondation  de  plus  de  soixante 
,  es ,  non  sans  rencontrer  de  la  part  des 
nhbres  du  clergé  une  vive  opposition,  d'où 
Kit  une  polémique  peu  édifiante.  En  1828 
feî  -«'établit  à  Clifton,  et  y  mourut,  à  l'âge  de 
Wrre-vingt-huit  ans.  Ses  quatre  sœurs  l'a- 
»Jnt  depuis  longtemps  précédée  dans  la 
K'be.  Elle  légua  par  son  testament  une  somme 
A', '.50,000  fr.  à  divers  établissements  de  bien- 
fcmce.  Miss  More  mérite  d'être  placée  dans  un 
H;  élevé  parmi  les  écrivains  de  son  temps; 
W sentiments  sont  toujours  nobles,  ses  pensées 
i«!,îs,  fines  et  naturelles ,  et  son  style  brille 
tëftt  par  l'harmonie,  tantôt  par  l'exacte  me- 
i\ .  La  liste  des  ouvrages  de  cette  dame  est 
ta  fournie  pour  la  citer  tout  entière  ;  nous 
r;>ellerons  les  suivants  :  The  Search  a/ter 
hpiness  (1773),  drame  pastoral;  —  The  in- 


flexible Captive  (  1774)  ;  Percy  (1778  ),  et  Fa- 
tal  Falsehood  (1779),  tragédies;  —  Sacred 
drainas;  Londres,  1782,  in-8°;  la  17e  édit.  est 
de  1812;  —  Florio  and  the  Blue-Stocking, 
poems;  ibid.,  1786,  in-8°;  —  The  Slavcry, 
poem;  ibid.,  1788,  in-4°;  —  Thoughls  on  the 
manners  oj  the  great;  ibid.,  1788,  in-13;  — 
The  Shepherd  of  Salisbury  plain  ;  ibid.,  1791, 
in-12>;  —  Estimate  of  the  religion  of  the 
fashionable  world;  ibid.,  1791,  in-12;  — 
Strictures  on  the  modem  System  of  female 
éducation  ;  ibid.,  1799,  2  vol.  in-8°;  —  Hinls 
towards  forming  the  character  of  a  younq 
princess  ;  ibid.,  1805,  2  vol.  in-8°;  après  l'ap- 
parition du  traité  précédent ,  il  fut  question  de 
lui  confier  l'éducation  de  la  princesse  Charlotte; 
ce  fut  à  l'occasion  de  ce  projet ,  qui  ne  réussit 
pas,  qu'elle  s'occupa  des  meilleurs  moyens  d'é- 
lever une  jeune  princesse;  —  Cœlebs  in 
search  of  a  wife;  ibid.,  1809,  2  vol.  in-8o; 
trad.  en  français  (1817), 4  vol.  in-12);  c'est  le 
plus  populaire  des  écrits  de  l'auteur,  dans  une 
seule  année  on  a  publié  dix  éditions  de  ce  ro- 
man, essentiellement  moral  et  religieux;  — 
Practical  Piety ;  ibid.,  1811,  2  vol.  in-8°; 
8e  édit,  1812;  —  Christian  Morals  ;  ibid., 
1812,  2  vol.  in-8";  — Essay  on  the  character 
and  writings  of  saint  Paul;  ibid.,  1815, 
2  vol.  in-8°.  Les  œuvres  complètes  de  Han- 
nah  More  ont  été  recueillies  plusieurs  fois  ;  ses 
Memoirs  and  Correspondence  ont  paru  en  1834 
(4  vol.  in-8°),  par  les  soins  de  W.  Roberts.    K. 

H.  Thompson,  Life  of  Hannah  More,  with  notices  of 
hersisters;  Londres,  1838,  in-8°. 

m ohe.  Voy.  Morus. 

mo beau  (Sébastien  ),  chroniqueur  français, 
né  à  Villefranche,  vers  la  fin  du  quinzième  siècle. 
Son  caractère  probe  et  ses  réelles  qualités  d'ad- 
ministrateur le  firent  parvenir  en  peu  de  temps 
aux  plus  hauts  emplois.  Il  était  référendaire  gé- 
néral du  duché  de  Milan,  lorsqu'on  le  choisit,  en 
1524,  pour  recueillir  les  deniers  offerts  au  roi 
François  Ier,  prisonnier,  par  le  haut  et  libre 
clergé  du  royaume.  On  n'eut  qu'à  se  louer  de  la 
manière  délicate  dont  il  remplit  sa  mission. 
Chargé  des  sommes  qu'il  avait  reçues,  il  se  ren- 
dit à  Bayonne,  où  il  fut  témoin  de  tous  les  évé- 
nements qui  accompagnèrent  la  délivrance  du 
monarque.  Il  en  rédigea  un  long  procès-verbal 
extrêmement  précieux  pour  l'histoire  de  la  cé- 
lèbre captivité,  et  aussi  véridique  qu'il  est  pos- 
sible de  le  désirer  ;  ce  procès-verbal  est  intitulé  : 
La  Prinse  et  Délivrance  du  roy,  venue  de  la 
royne,seur  aisnée  de  l'empereur,  et  recouvre- 
ment des  enfants  de  France  (1524-1530),  et  a 
été  publié,  d'après  le  manuscrit  conservé  à  la  Bi- 
bliothèque impériale  (n°  9,902)  dans  les  Archives 
curieuses  de  V Histoire  de  France  par  MM.  Cim- 
ber  et  Danjou  (  lre  série,  t.  II,  p.  250).  Ces  édi- 
teurs n'ont  pas  jugé  à  propos  de  reproduire  l'ex- 
posé des  moyens  employés  par  François  Ier  pour 
assembler  les  1,200,000  écus  qui  furent  payés 


475 


MOREAU 


pour  sa  rançon.  Ou  le  trouvera  dans  le  manus- 
crit que  nous  avons  mentionné  :  qu'il  suffise 
pour  l'instant  de  savoir  que  le  pape  accorda  les 
quatre  dixièmes  du  revenu  des  biens  ecclésias- 
tiques en  France  pendant  une  année  ;  on  exigea 
en  outre  un  don  gratuit  de  la  noblesse. 

L.  Lacour. 
Cirober  et  Danjou,  Archives  curieuses  de  l'Hist.  de 
France,  t.  II. 

ivioreau  (Jean),  théologien  français,  né  à 
Laval,  mort  vers  1584.  Suivant  du  Boulay',  il 
était  docteur  en  théologie  à  l'université  de  Pa- 
ris,  lorsque,  le  14  janvier  1537,  il  fut  nommé 
procureur  de  la  nation  de  France;  mais,  suivant 
de  Launoy,  dont  le  témoignage  est  ordinairement 
plus  exact,  c'est  en  1540  que  Jean  Moreau  fit 
son  cours  de  théologie,  et  c'est  en  1547  qu'il 
reçut  les  insignes  du  doctorat.  Il  fut  ensuite  cha- 
noine à  la  cathédrale  du  Mans.  Nous  avons  de 
lui  une  histoire  des  évêques  du  Mans  intitu- 
lée :  Nomenclature/,,  seu  Legenda  aurea  pon- 
tificum  Cenomanensium,  ab  anno  Verbi  in- 
carnati  902  usque  ad  annum  1572.  Cette  his- 
toire, qui  ne  manque  pas  d'intérêt  et  qui  n'a  pas 
été  inutile  à  Bôndonnet  ainsi  qu'à  Le  Corvaisier, 
est  encore  inédite.  La  bibliothèque  du  Mans  en 
possède  trois  manuscrits.  B.  H. 

B.  Ilauréau,  Hist.  IAtt.  du  Maine,V  III,  p.  364.  — 
N.  Desportes,  Bibliographie  du  Maine. 

MOREAU  (René),  médecin  français,  né  en 
1587, à  Montreuil-Bellay  (  Anjou),  mort  le  17  oc- 
tobre 1656,  à  Paris.  Fils  de  Matthieu  Moreau, 
médecin  du  duc  d'Alençon,  il  fut  reçu  docteur 
en  1619  à  Paris,  devint  doyen  de  la  faculté  pour 
1630  et  1631,  et  remplaça  en  1632  Denis  Bazin 
dans  la  chaire  de  médecine  et  de  chirurgie  au 
Collège  royal.  Il  avait  demeuré  longtemps  chez 
Simon  Piètre,  fameux  médecin  du  temps ,  qui 
fut  son  protecteur  et  qui  lui  donna  sa  nièce  en 
mariage.  Sa  riche  bibliothèque,  Composée  de 
livres  curieux  et  singuliers,  fut  dispersée  après 
sa  mort.  On  estime  beaucoup  ses  ouvrages,  dont 
les  principaux  sont  :  Renati  Morelli  antica* 
lotta  ;  Paris,  1614,  in-4°  :  il  prétend,  dans  cette 
pièce  de  vers,  démontrer  que  la  calotte  est  une 
coiffure  malsaine,  contrairement  à  l'avis  de  Jean 
Morel,  qui  l'avait  célébrée  en  1611  ;  —  De  Mis- 
sione  sanguinis  in  pleur itide,  cum  vita  Pétri 
Brissoti;  Paris,  1622,  in-8°;  —  Schola  Saler- 
nitana,  h.  e.  de  Valetudine  tuenda,  cumani- 
madversionibus  ;  Paris,  1625,  in-8°;  plusieurs 
éditions;—  Jacobi  Sylvii  (Dubois)  Ambiant 
Opéra  medica,  cum  ejusdem  vita  et  icône; 
Genève,  1630,  in-fol.  ;  —  Gulielmi  de  Baillou 
Vita,  à  la  tête  des  Consilia  medicinalia  de  cet 
auteur  ;  Paris,  1635,  in-4"  ;—  Défense  de  la  fa- 
culté de  médecine  de  Paris  contre  son  calom- 
niateur (Théophraste  Renaudot);  Paris,  1641, 
in-4o  ;  —  Discours  curieux  du  chocolaté  (sic), 
trad.  de  l'espagnol  d'Antonin  Colmenero]  de 
Ledesma,  avec  des  annotations  ;  Paris,  1643, 
in-40;—  De  Laryngotomia  ;  Paris,  1646,in-8°, 
avec  les  Bxercilationes  de  angina  puerorum 


de  Thomas  Bartolin;  —  Centonis  xaxoppa^jj 
diffibulatioin  qua  pleraque  diplomaia  ac  H 
Monspeliensis  falsi  convincunlur  ;  Pail 
1646,  in-4°;  —  Tabulas  methodi  universi  B 
curqndorum  morborum  ;  Paris,  1647,  in- L 
et  in-4°.  p.  1 1 

Guill.  Duval,  Le   Collège  royal  de  France,  p.  94  m 
Biogr.  méd.  —  Niceron,  Mémoires,  XXX IV. 

moreau  (Jean-Baptiste),  compositeur  fi  ta 
çais,  né  à  Angers,  en  1656 ,  mort  à  ParisJ 
24  août  1733.  Admis  comme  enfant  de  cbœu  i. 
la  cathédrale  d'Angers,  il  y  fit  ses  études  mus  1 
les,  et  obtint  ensuite  une  place  de  maître  de  c  I 
pelle  à  Langres.  Puis,  il  alla  remplir  les  mêiJ 
fonctions  à  Dijon,  et  se  décida  peu  de  tei  I 
après  à  venir  à  Paris  pour  y  chercher  fortul 
Arrivé  dans  cette  ville,  sans  ressources  et  s  I 
recommandations ,  il  se  fit  bientôt  des  relatiil 
qui  l'aidèrent  à  se  tirer  d'affaire.  On  rappuJ 
qu'un  jour  étant  parvenu  à  pénétrer  jusqu'il 
toilette  delà  dauphine,  Victoire  de  Bavière  I 
eut  la  hardiesse  de  la  tirer  par  la  manche  en  1 
demandant  la  permission  de  chanter  devant  I 
un  air  de  sa  composition.  Loin  de  s'offensei-l 
sa  témérité,  la  princesse  se  mit  à  rire  et  ace  1 
à  sa  demande.  La  chanson  de  Moreau  fit  1 1 
de  plaisir  à  la  dauphine  qu'elle  eh  parla  au  I 
qui  voulut  à  son  tour  entendre  le  musicien)  J 
l'admit  à  son  service.  La  nouvelle  positiomJ 
Moreau  lui  offrit  l'occasion  d'écrire  pour  la  c  I 
la  musique  de  plusieurs  divertissements  ;  on  I 
entre  autres  le  divertissement  intitulé  LesBerg  I 
de  Marly.  Moreau  s'était  déjà  fait  une  certéj 
réputation  lorsqu'une  circonstance  yintluiiooJ 
une  nouvelle  occasion  de  se  mettre  en  évidei I 
Peu  de  temps  après  la  fondation  de  la  Mai  I 
royale  des  demoiselles  de  Saint-Cyr,par  Mn*l 
Maintenon,  en  1686,  il  avait  été  attaché  à  I 
établissement  en  qualité  de  maître  de  musiqil 
Depuis  que  Mme  de  Maintenon  était  en  en  1 
auprès  de  Louis  XIV,  elle  avait  essayé  de  U 
tourner  le  roi  des  fêtes  ruineuses  qu'il  donn 
en  lui  procurant  des  amusements  moins  coûtell 
«  en  même  temps,  disent  les  mémoires  de.  1-1 
poque,  qu'elle  lui  faisait  trouver  plaisir  en  HÉ 
bonnes  choses  ».  Elle  demanda  à  Racine  s'il  U 
pourrait  pas  faire  sur  quelque  sujet  de  piét*  -. 
du  monde  une  espèce  de  poème  où  le  chant  11 
mêlé  avec  le  récit,  le  tout  lié'  ar  une  action''!! 
rendit  la  chose  plus  vive  et  moins  capable  à!  m 
nuyer;  la  pièce  devait  être  uniquement  put 
Saint-Cyr,  et  le  public  ne  devait  en  avoir  auci  li 
connaissance.  Racine  se  mit  à  l'œuvre  et  écr  kl 
la  tragédie  A'Esther;^  chargea  Moreau  de  ce  |<i 
poser  la  musiquedes  chœurs,  et  bientôt  après  \ê 
commença  les  répétitions  de  la  pièce.  Racine,  a-  [4 
l'aide  de  Boileau,  avait  chjçusi  les  demoiselles  ■  fk 
devaient  remplir  les  différents  rôles,  les  ai  m 
formées  à  la  déclamation  et  était  parvenu  à  \>t 
amènera  une  perfection  que  personne  n'es" 
rait  (1).  De  son  côté,  Moreau,  secondé  de  Nive 

(1)  Voici  les  noms  de  ces  demoiselles,  qui  sont  resl 


;aniste  de  la  maison,  qui  tenait  le  clavecin,  et 

,  symphonistes  du  roi,  qu'on  avait  mis  à  sa 

position,  surveilla  la  partie  musicale.  Mme  de 

intenon  fit  faire  pour  les  actrices  des  coutumes 

à  persane  ornés  de  perles  et  de  diamants,  qui 

ient  jadis  servi  au  roi  dans  les  ballets  ;  tout 

i  lui  coûta  plus  de  14,000  livres.  On  dressa, 

son  ordre,  un  théâtre  dans  le  spacieux  ves- 

ile  des  dortoirs,  qui  se  trouvait  au  deuxième 

;e  du  grand  escalier  des  demoiselles.  Jean 

ain,dessinateur  du  roi  et  décorateur  des  spec- 

es  de  la  cour,   peignit  les  décorations.  De 

iniliques  lustres  de  cristal,  chargés  de  mille 

jgies,  éclairaient  la  salle.  Enfin,  le  mercredi 

janvier  1689,  Louis  XIV  se  rendit  à  deux 

res  de  l'après-midi  à  Saint-Cyr,  et  assista  à 

remière  représentation  d'Esther.  Le  roi  fut 

i  ment  enchanté,  qu'à  son  retour  à  Versailles, 

e  fit  plus  que  parler  de  la  pièce.  Toute  la 

•  voulut  svoir  celte  merveille;  il  y  consentit, 

y  eut  ainsi  plusieurs  représentations  suc- 

ives  iïEsther  devant  un  auditoire  composé 

)ut  ce  qu'il  y  avait  alors  de  plus  illustre  par 

|  aissance,  de. plus  élevé  par  les  dignités,  de 

p   distingué  par  l'esprit  et  le  talent.  Mme  de 

E  itenon  éprouva  cependant  des  scrupules  de 

I  cience  en  voyant  l'extension  de  publicité 

■  lée-à  ces  divertissements  ;  elle  parla  au  roi 

Îîs  faire  cesser  :  celui-ci  s'y  opposa,  et  pressa 
«e  d'achever  sa  tragédie  d'Athalie,  qu'il 
;  commencée.  Moreau  composa  encore  la 
àque  des  chœurs  de  cette  pièce,  qui  fut  jouée 
1691,  mais  sans  pompe,  sans  théâtre-,  sans 
I  rations  et  sans  autre  costume  que  celui  de 
Kc-Cyr.  Il  n'y  eut  de  spectateurs  que  le  roi, 
JL'de  Maintenon,  et  cinq  ou  six  autres  per- 

3  es  parmi  lesquelles  était  Fénelon.  Après  cette 
îsentation,  Louis  XIV  céda  aux  prières  de 
de  Maintenon,  et  résolut  de  ne  plus  troubler, 
Btces  sortes  de  divertissements,  la  régularité 
di  maison  ainsi  que  la  réforme  que  l'on  com- 
muait à  y  introduire,  et  qui,  en  interdisant  l'en- 
fide  l'établissement  à  tout  étranger,  obligea 
'te  dames  institutrices  à  prononcer  des  vœux 
*t  mels  et  à  se  soumettre  à  la  règle  austère  de 
i'j  re  de  Saint-Augustin. 

ficine,  dans  la  préface  d'Esther,  attribue  mo- 
<K:ment  une  partie  du  succès  de  cette  pièce  à 
lai  usique  de  Moreau  ;  «  tous  les  connoisseurs, 
di  ,  demeurent  d'accord  que  depuis  longtemps 
flï'a  entendu  d'airs  plus  touchants  ni  plus 
«oenables  aux  paroles.  »  Quoiqu'il  y  ait  beau- 
à  rabattre  des  éloges  donnés  par  le  grand 
au  compositeur  qui  s'était  associé  à  son 


«I 


1 


<8«f  ue  toutes  à  Saint-Cyr  comme  dames  de  Saint-Louis, 
;*t|  idication  des; rôles  qui  leur  lurent  confiés  :  Mlle  de 
1i  w,Esther,  M"e  de  Lastic,  Assuérus,  M"»  de  Mai- 
*Wrt,  Élise,  M"e  de  Glapion,  Mardochée,  M»«  d'A- 
b%  'urt,  Aman,  M««  de  Marsilly,  Zarès,  M«e  de  Mor- 
2J  Hydaspe.  —  Les  principales  coryphées  étaient 
*'  de  Champigny,  de  Beaulieu  et  de  Lahaye.  Enfin 
«*!  logue  fut  fait  tout  exprès  pour  Mme  de  Cay  lus,  fille 
•jo,  rquts  deVillette,  cousine  de  Mtte  de  Maintenon,  qui 
'a!  lait  sa  nièce  et  l'aimait  à  ne  pouvoir  se  passer  d'elle. 


MOREAU  478 

travail,  les  partitions  des  chœurs  d'Esther  et 
d'Athalie  n'en  sont  pas  moins  de  curieux  monu- 
ments de  l'art  musical  français  à  cette  époque. 
La  musique  d'Esther  fut  publiée  en  1689,  chez 
Deny  Thierry,  rue  Saint -Jacques,  à  Paris,  1  vol. 
in-4°,  et  ne  fut  probablement  tirée  qu'à  un  très- 
petit  nombre  d'exemplaires,  car  elle  est  d'une  in- 
signe rareté.  Quant  à  la  musique  d'Athalie,  elle 
ne  fut  point  publiée  par  son  auteur;  mais  il  existe 
à  la  bibliothèque  de  Versailles  plusieurs  exemplai- 
res des  chœurs  de  cette  pièce,  copiés  par  les  de- 
moiselles de  Saint-Cyr,  et  corrigés  par  Moreau 
lui-même.  A  la  suite  de  ta  nouvelle  édition  des  œu- 
vres complètes  de  J.  Racine,  publiée  par  Lefèvre  ; 
Pans,  1844,  se  trouve  toute  la  musique  d'Esther 
et  d'Athalie,  ainsi  que  trois  cantiques  de  Mo- 
reau, que  l'on  chantait  devant  le  roi.  Moreau  a 
mis  aussi  en  musique  les  chœurs  de  Jonathas, 
tragédie  de  Duché,  et  plusieurs  chansons  et  can- 
tates du  poëte  Lainez,  qui  eurent  beaucoup  de 
succès.  Enfin,  on  connaît  de  lui,  en  manuscrit, 
le  psaume  In  exitu  Israël  et  une  messe  de 
Requiem.  Il  a  laissé  en  outre  un  traité  de  mu- 
sique intitulé  VArt  mélodique.  Cet  artiste  avait 
formé  de  bons  élèves,  parmi  lesquels  on  remar- 
que Clérambault  et  Dandrieu.  Moreau  mourut  à 
Paris,  à  l'âge  de  soixante-dix-sept  ans. 

Dieudonné  Denne-Bahon. 
Lettres  de  Mm*  de  Sévtgné,  81  décembre  1658.  —  Titon 
du  Tillet,  Parnasse  français.  —  De  La  Borde,  Essai  sur 
la  musique.  —  Fétls,  Biographie  universelle  des  Musi- 
ciens. —  Théophile  Lavallée,  Histoire  de  la  Maison 
royale  de  Saint-Cyr. 

moreau  de  La  Rochette  (François-Tho- 
mas  ) ,  agronome  et  industriel  français ,  né  le 
4  novembre  1720,  à  Rigny-le-Ferron  (Champa- 
gne), mort  dans  son  château  de  La  Rochette  près 
Melun,  Ie20juilletl791.11étaitenl751  directeur 
des  fermes  et  bâtiments  royaux  à  Melun.  Il  y 
avait  alors  aux  environs  de  cette  ville  un  terrain 
inculte  dont  le  nom  La  Rochette  exprime  bien 
la  stérilité.  «  Une  poule  n'y  aurait  pas  trouvé  à 
vivre  au  mois  d'août  »,  suivant  un  dicton  mélo- 
dunois.JMoreau  l'acheta  et  résolut  d'y  créer  une 
propriété  fructueuse  (1760).  Il  se  mit  aussitôt  à 
défricher,  et  par  un  travail  patient  et  intelligent, 
sept  ans  plus  tard,  il  possédait  les  plus  riches 
champs  delà  Brie.  Vers  cette  époque  il  fut  nommé 
inspecteur  général  des  pépinières  royales,  et  avec 
l'aide  du  gouvernement!  il  organisa  sur  ses 
terrains  de  vastes  pépinières  qui ,  cultivées  par 
cent  enfants  trouvés,  devinrent  bientôt  une  école 
spéciale,  fournissant  de  nombreux  agriculteurs 
pratiques,  expérimentés  et  ennemis  de  la  routine, 
cette  plaie  des  campagnes.  Pour  donner  une  idée 
de  l'activité  de  Moreau  et  du  succès  de  son  en- 
treprise, il  suffira  de  dire  qu'en  treize  années  il 
sortit  de  La  Rochette- un  million  d'arbres  de 
tige,  et  trente  et  un  millions  d'arbres  forestiers. 
On  luidut  ainsi  d'immenses  reboisements  et  l'em- 
bellissement et  la  richesse  d'une  multitude  de 
parcs,  d'avenues,  de  vergers,  etc.  En  1769  il 
reçut  des  lettres  de  noblesse  et  le  cordon  de 


479 


Saint-Michel.  En  1771,  il  fit  bâtir  à  La  Rochette, 
par  le  célèbre  architecte  Victor  Louis,  un  châ- 
teau aussi  remarquable  par  la  beautédeson  style 
que  par  son  heureuse  situation  à  mi-côte  d'une 
colline  qui  des  bords  de  la  Seine  s'élève  en  large 
amphithéâtre.  De  vastes  fermes,  des  granges 
spacieuses,  des  serres  bien  disposées  s'élevèrent 
au  milieu  de  champs  fertiles ,  d'abondants  pota- 
gers ,  de  jardins  dessinés  avec  goût .  Le  domaine 
de  La  Rochette  est  resté  un  des  plus  cités  du  dé- 
partement de  Seine-et-Marne.  En  1785  Moreau 
fut  chargé  de  la  surveillance  des  bois  servant  à  la 
consommation  de  la  capitale.  Il  eut  alors  l'oc- 
casion d'améliorer  ou  de  canaliser  certains  cours 
d'eau  qui  rendent  les  arrivages  plus  faciles.  Il 
créa  encore  à  Urcel,  prèsLaon,  une 'des  pre- 
mières manufactures  de  sulfate  de  fer  (coupe- 
rose) établies  en  France.  Il  a  laissé  de  nombreux 
projets,  dont  l'application  serait  d'une  utilité  in- 
contestable, entre  autres  un  plan  de  défriche- 
ment des  landes,  etc.  A.  Desnues. 

Dict.  Biographique  et  pittoresque  (1834).  —  Doc.  part. 

moreau  de  la.  Rochette  (Jean- Etienne), 
agronome  français ,  fils  du  précédent ,  né  à  Me- 
lun,  le  17  novembre  1750,  mort  à  La  Rochette,  le 
8  mai  1804.  Il  aida  beaucoup  son  père  dans  ses 
belles  et  utiles  créations,  et  continua  de  les  amé- 
liorer avec  une  rare  intelligence.  On  lui  doit 
l'acclimatation  de  plusieurs  arbustes  et  plantes 
d'utilité  ou  d'agrément.  Il  fut  l'un  des  membres 
fondateurs  de  la  Société  d'Agriculture  de  Seine- 
et-Marne.  A.  D— s. 
Doc.  part. 

moreau  de  la.  Rochette  (Armand-Ber- 
nard, baron),  fils  du  précédent,  administra- 
teur et  littérateur  français,  né  au  château  de  La 
Rochette,  près  Melun,  le  12  avril  1787,  mort  à 
Lons-le-Saulnier,  le  8  août  1822.  Hfutélevésous 
les  leçons  de  l'abbé  Lecuy  et  de  Luce  de  Lanci  val . 
Il  suivit  la  carrière  administrative,  et  devint  suc- 
cessivement auditeur  au  conseil  d'État  (19  jan- 
vier 1810  )  ;  commissaire  spécial  de  police  àCaen 
(28  juillet  1811)  ;  sous-préfet  à  Provins  (26  juil- 
let 1814)  ;  membre  de  la  Légion  d'Honneur 
(janvier  1815);  préfet  de  la  Vendée  (1817); 
préfet  du  Jura  (1820).  On  a  trouvé  dans  sa  con- 
duite politique  de  fâcheuses  contradictions.  On 
a  de  lui  :  L'Amour  crucifié,  trad.  d'Ausone; 
1806,  in-12  ;  —  Les  Adieux  d'Andromague  et 
d'Hector,  trad.  du  grec  en  vers  français,  in-8°. 

A.  D— s. 

Gairard,  dans  le  Mercure  de  France,  t.  XXVllI,  p.  S6ï. 
—  Saint- A  Hais,  Nobiliaire,  t.  II,  p.  88.—  Mahul, annuaire 
nécrologique  pour  1822. 

moreau  (  Gabriel-François) ,  prélat  fran- 
çais, né  à  Paris,  le  24  septembre  1721,  mort  à 
Autun,  le  8  septembre  1802.  Issu  d'une  famille 
de  robe,  il  fut  conseiller  clerc  au  parlement  de 
Paris  et  pourvu  en  1737  d'un  canonicat  dans 
l'église  métropolitaine.  Évêque  de  Vence  en 
1759,  il  passa  le  29  novembre  1763  au  siège  de 
Mâcon.  Il  fut,  après  le  concordat  de  1801,  ap- 


MOREAU  48 

pelé  au  siège  d'Autun,  et  mourut  quelques  mo 
après.  Le  premier  consul,  qui  était  plein  d'e 
time  pour  ce  prélat,  avait  demandé  pour  lui  q 
pape  le  chapeau  de  cardinal.  On  a  de  Moreau 
Oraison  funèbre  de  Ferdinand  VI  et  i\ 
Marie  de  Portugal ,  roi  et  reine  d'Espagne 
1760,  in-4°.  —  Oraison  funèbre  de  M.  le  di 
de  Bourgogne;  1761,  in-4°.  H.  F. 

Moniteur  universel,  1802. 

moreau  (Jacob-Nicolas) ,  publiciste  frai  1 
çais,  né  le  20  décembre  1717,  à  Saint  Florenti 
mort  le  29  juin  1804,  à  Chambourcy,  près  Saie 
Germain-en-Laye  (î).  Reçu  avocat  a  Aix,  il  d  [ 
vint  conseiller  à  la  cour  des  aides  de  Provence,  [ 
renonça  peu  de  temps  après  à  la  magistratut  I 
pour  suivre  avec  plus  de  liberté  son  goût  pour  1 
lettres.  N'ayant  réussi  en  poésie  qu'à  rimer  qui 
ques  pièces  médiocres ,  il  donna  carrière  à  l'î  I 
tivité  et  aux  ressources  de  son  esprit  en  éci 
vant  sur  l'administration,  sur  le  droit  des  ge 
et  sur  les  intérêts  politiques.  Adversaire  décla 
des  philosophes  et  de  la  liberté ,  il  se  mon! 
trop  accessible  à  l'influence  ministérielle,  et 
chercha  qu'à  favoriser  l'accroissement  du  po 
voir  absolu,  sans  qu'on  puisse  l'accuser  pot  | 
tant  d'avoir  trafiqué  de  ses  opinions.  La  Harj 
dans  sa  Correspondance ,  l'a  jugé  avec  trop  j 
sévérité  en  le  représentant  comme  «  un  homi 
d'esprit,  mais  qui  s'en  est  servi  beaucoup  pi 
pour  sa  fortune  que  pour  sa  réputation,  et  q 
avec  quelque  crédit  à  la  cour,  n'a  jamais  eu 
considération  dans  le  monde  et  encore  moij 
parmi  les  gens  de  lettres  » .  Il  fut  chargé  par 
cour  de  rédiger  plusieurs  ouvrages,  entre  auti 
le  préambule  des  édits  du  chancelier  de  M< 
peou,  et  fut  récompensé  de  son  zèle  par 
charges   de  premier    conseiller    de    Monsiel 
(Louis  XVIII),  de  bibliothécaire  de  la  reine  IV  j 
rie- Antoinette  et  d'historiographe  de  France.  Sc-j 
Louis  XVI  on  lui  confia  la  garde  des  chart  I 
des  monuments  historiques,  des  édits  et  des  < 
clarations  qui  avaient  formé  successivement 
législation  française  depuis  Charlemagne,  et  qui 
ques  difficultés  s'élevèrent  à  ce  sujet  entre 
et  Bréquigny,  qui  continuait  la  publication  ( 
ordonnances   des    rois  de  France.  Moreau  j 
preuve,  dans  quelques-uns  de  ses  écrits ,  de  I 
lent  et  d'érudition  ;  il  n'était  pas  non  plus  c  j 
pourvu  de  finesse,  de  jugement  et  de  pénétratic 
mais  le  reproche  fondé  de  favoriser  le  des]  j 
tisme  l'empêcha  d'être  admis  à  l'Académie  Fr;  \ 
çaise.  On  a  de  lui  :  Ode  sur  la  bataille  de  Fi\ 
tenoi;  1745,  in-4°;  — L'Observateur  holla 
dais  ou  Lettres  sur  les  affaires  présentes 
l'Europe;  La  Haye  (Paris),  1755-1759,  5  v 
in-12;  espèce  de  journal  politique  contre  \'i\ 
gleterre,  qui  commença  la  réputation  de  More  [ 
comme  publiciste;  —  Lettres   du  chevaln 
de***,  ou  réflexions  sur  l'arrêt  du  parleme 


(1)  C'est  par  erreur  que  La  France  Littéraire  de  1768 
Desessarls  dans  Les  Siècles  Littéraires  le  font  périr  I 
l'échafaud,  le  27  mars  1794. 


il  MORE  AU 

i  10  mars  1755;  in-12,  et  dans  le  t.  I"  des 
v'iélés  de  l'auteur;  —-.  L'Europe  ridicule,  ou 
'flexions  politiques  sur  la  guerre  présente; 
jlogne,  1757,  in-12  ;  réimpression  d'un  vol.  de 
Observateur  hollandais ,  d'après  Barbier;  — 
émoires  pour  servir  à  l'histoire  de  noire 
mps ;  Francfort,  1757,  2  vol.  in-12;  —  Non- 
au  Mémoire  pour  servir  à  l'histoire  des  Ca- 
uacs  ;  Amsterdam,  1757,  in-12.  Dans  cet  écrit 
,  quant  l'auteur  attaque  sans  ménagement  la  secte 
s  philosophes.  Il  a  été  réimprimé  en  1828-,  avec 
i  supplément  et  diverses  pièces  satiriques,  no- 
mment le  Catéchisme  et  Décision  des  Cas  de 
mscience  à  l'usage  des  Cacouacs,  par  l'abbé 
ry  de  Saint-Cyr  ; —  Mémoire  pour  les  doyens 
ndics  et  compagnie  des  conseillers  du  roi 
}nlre  les  prévôt  et  conseillers  du  Châtelet; 
iris,  1758,  in-4°;  un  second  Mémoire  parut 
1768  sur  le  même  sujet;  —  Mémoires  pour 
rvir  à  l'histoire  de  notre  temps,  par  l'Ob- 
rvateur  hollandais ,  rédigés  et  augmentés 
r  D.  V.  (de  Vattel);  Francfort,  1758-1762, 
vol.  in- 8°;  on  y  trouve  plusieurs  morceaux  de 
lévrier;  —  Examen  des  effets  que  doivent 
oduire  dans  le  commerce  l'usage  et  la  fa- 
ication  des  toiles  peintes  ;  Paris ,  1759, 
•12;  —  Le  Moniteur  français  ;  Paris,  1760, 
,  12  :  feuille  qui  n'a  eu  qu'une  dizaine  de  numéros  ; 
I  Entendons-nous,  ou  le  radotage  du  vieux 
Haire  sur  la  richesse  de  l'État  (  de  Rous- 
si de  La  Tour)  ;  Amsterdam,  1763,  in-8°  ;  bro- 
aure  dirigée  contre  les  économistes  ;  —  Lettre 
nr  la  paix  ;  Paris,  1763,  in-8°  ;  —  Lettres  his- 
triques  surlecomlat  Venaissin;  Amsterdam 
mis,),  1768,  in-8°;  —  Bibliothèque  de  Mme  ia 
nuphine  :  Histoire  ;  Paris,  1770 ,  in-8°,  fig.  : 
,oduction  faible  et  peu  exacte  ;  les  autres  par- 
A&  de  la  Bibliothèque  restèrent  en  projet;  — 
eçons  de  Morale,  de  Politique  et  de  Droit 
iblic,  puisées  dans  l'histoire  de  la  monar- 
ite;  Versailles,  1773,  in-8°  :  ce  nouveau  plan 
études  de  l'histoire  de  France  fut  rédigé  pour 
•nstruction  de  Louis  XVI  et  de  ses  frères;  — 
?s  Devoirs  du  Prince,  réduits  à  un  seulprin- 
fpe,ou  discours  sur  la,  justice;  Versailles, 
'75,  in-8°;  Paris,  1782,  in-8°;  trad.  en  hol- 
ndais  par  Élie  Luzac;  —  Principes  de  Mo- 
lle, de  Politique  et  de  Droit  public,  ou  dis- 
mrs  sur  l'histoire  de  France,  dédiés  au 
n;  Paris,  1777-1789,  21  vol.  in-8°  :  suite  de 
bleaux  historiques  depuis  Clovis  jusqu'à  saint 
juis,  qui  devait  comprendre  40  vol.  :  «  Je  n'in- 
que  cet  ouvrage,  dit  Camus,  que  pour  avertir 
:ux  qui  le  liraient  de  se  tenir  en  garde  contre 
s  principes  et  les  assertions  de  Moreau  »  ;  — 
echerches  et  Considérations  sur  la  popula- 
\on  de  la  France;  1778,  in-8°;  —  Le  Pot- 
mrri  de  Ville  d'Avray  ;  Paris,  1781,  in-12; 
cueil  de  chansons  et  pièces  fugitives  ;  —  Plan 
's  travaux  littéraires  ordonnés  par  S.  M. 
jjttr  la  recherche,  la  collection  et  l'emploi 
's  monuments  de  l'histoire  et  du  droit  pu- 

HOUV.   BIOGR.  GÉNÉR.   —  T.   XXXVI. 


482 
blic  de  la  monarchie  Jrançaise;  Paris,  1782, 
in-8°  ;  —  Variétés  morales  et  philosophiques  ; 
Paris,  1785,2  vol.  in-12;—  Essai  sur  les 
bornes  des  connaissances  humaines ,  par 
G.  V.  D.  V.  ;  Paris,  1785,  in-12  ;  —  Lettre  d'un 
Magistrattdans  laquelle  on  examine  ce  que 
la  justice  du  roi  doit  aux  protestants  ;  Avi- 
gnon et  Paris,  1787,  in-8o;  Moreau  permet  de 
les  marier,  mais  il  prétend  les  exclure  «  des 
emplois,  des  dignités  et  de  toute  espèce  d'admi- 
nistration publique  »  ;  —  Exposé  historique 
des  administrations  populaires  aux  plus  an- 
ciennes époques  de  notre  monarchie  ;  Paris, 
1789,  2  vol.  in-8°;  —  Exposition  et  Défense 
de  notre  constitution  monarchique  française, 
précédées  de  l'histoire  de  toutes  nos  assem- 
blées nationales  ;  Paris,  1789,  2  vol.  in-8°;  — 
Maximes  fondamentales  du  gouvernement 
français;  Paris,  1789,  in-8°.  La  plupart  de  ces 
ouvrages  ont  paru  sans  nom  d'auteur.    P.  L. 

Annales  littér.  et  morales,  I,  359-264.  —  La  Harpe, 
Corresp.  —  Camus,  Lettres  sur  la  profession  d'avocat.  — 
Barbier,  Dict.  des  ouvr.  anonymes. 

moreau  de  l'Yonne  (***),  homme  politique 
français,  né  près  de  Tonnerre,  en  1750,  mort  en 
février  1806.  Il  était  président  du  tribunal  cri- 
minel de  l'Yonne,  lorsqu'en  mars  1798,  il  fut  élu 
député  au  Conseil  desAnciens.il  s'y  montra  fran- 
chement républicain,  et  fit  une  proposition  au  sujet 
de  la  célébration  de  l'anniversaire  de  la  prise  de 
la  Bastille  (14  juillet  1789),  au  sein  du  Conseil  des 
Anciens.  11  prononça  ensuite  l'éloge  de  l'armée 
d'Orient  à  l'occasion  de  la  prise  de  Malte  (24  prai- 
rial an  vi,  12  juin  1798  )  ;  fit  déclarer  qu'elle 
avait  bien  mérité  de  la  patrie,  et  félicita  «  la  phi- 
losophie  de  s'être  emparée  de  ce  dernier  retran- 
chement du  fanatisme  »,  Le  2  thermidor  an  vi 
(  20  juillet  1798) ,  il  fut  nommé  secrétaire  ;  dé- 
fendit le  12  fructidor  (  29  août  )  la  résolution  en 
faveur  des  fêtes  décadaires  ;  s'opposa  le  28  bru- 
maire an  vu  (  18  novembre  )  à  toute  discussion 
sur  la  résolution  qui  assimulait  aux  émigrés 
les  individus  qui  s'étaient  soustraits  à  la  dépor- 
tation, et  demanda  qu'elle  fût  votée  par  accla- 
mations. Le  30  brumaire  (  22  novembre),  il  fut 
élu  président.  Lors  de  la  crise  du  30  prairial 
an  yii  (  19  juin  1799),  il  se  déclara  contre  le 
Directoire,  et  le  6  messidor  suivant  (25  juin), 
il  s'éleva  contre,  les  dilapidations  commises  en 
Italie  et  en  Suisse  par  les  agents  de  cette  auto- 
rité. «  On  y  remarque ,  s'écria-t-il,  un  Grugeon, 
un  Forfait,  un  Rapinat,  dont  les  noms  expri- 
ment le  caractère  et  la  conduite!  Il  faut  que 
tous  ces  hommes  soient  livrés  à  l'exécration  pu- 
blique, que  la  justice  nationale  s'exerce  sur  eux, 
et  que  nulle  part  ils  ne  puissent  trouver  de  re- 
traite. Je  demande  le  renvoi  à  une  commission 
chargée  d'examiner  si  ces  dilapidateurs  doivent 
jouir  en  paix  du  fruit  de  leurs  rapines ,  et  de 
calculer  quelle  impression  pourront  faire  sur 
eux  deux  heures  d'exposition  publique  (1)  !  » 


(1)  Ce  discours  répétait  un  dicton  du  temps,  où  l'on 

16 


483 


MOREAU 


Le  25  messidor  (  13  juillet  1799),  il  vota  l'ap- 
probation 'Je  la  mesure  des  otages.  «  Je  regarde 
cette  mesure,  dit-il,  comme  la  vie  des  répu- 
blicains et  la  mort  des  royalistes.  » 

Nommé  régulateur  de  la  Société  des  Jacobins  du 
Manège,  il  prononça  un  discours  pour  l'inaugura- 
tion de  la  même  société,  aux  Jacobins  de  la  rue 
du  Bac;  il  défendit  le  20  thermidor  (9  août)  l'em- 
prunt forcé  de  100  millions  sur  les  riches.  Mo- 
reati  fut  un  des  députés  qui  ne  furent  point  con- 
voqués le  matin  du  18  brumaire  an  vm  (  9  no- 
vembre 1799),  pour  l'assemblée  extraordinaire 
où  fut  décrétée  la  translation  du  Corps  législatif 
à  Saint-Cloud  et  se  trouva  le  lendemain  l'un  des 
exclus  du  Corps  législatif.  Cependant  il  fut,  en 
1800,  nommé  membre  du  conseil  des  prises. 
H.  L— R. 

Le  moniteur  universel,  an  vr,  n°«  286,  288,306,  32?, 
345;  an  vu,  nM  35  à  361.  —  Biographie  moderne  (180G). 

moreau  de  la  Meuse  (Jean),  homme  po- 
litique français,  né  en  1753,  à  Bar-le-Duc ,  mort 
en  1811.  Il  exerçait  la  profession  d'avocat  avec 
succès,  lorsque  la  révolution  éclata  ;  il  en  adopta 
les  principes,  et  fut  nommé  pfiocureur-syndic 
de  la  Meuse,  puis  député  de  ce  département  à 
l'Assemblée  législative.  En  juillet  1792,  il  ap- 
plaudit aux  sentiments  exprimés  dans  la  fameuse 
adressedela  section  delà  Croix-Rouge,  qui  dénon- 
çait la  conduite  tortueuse  de  Louis  XVI,  et  fit 
décréter  la  formation  d'une  commission  chargée 
d'examiner  les  dangers  de  la  patrie.  Réélu  pour 
la  Convention  nationale,  il  y  vota  la  détention 
de  Louis  XVI  et  son  bannissement  à  la  paix. 
Indigné  des  violences  du  parti  montagnard,  il 
donna  sa  démission  le  29  thermidor  an  n  (16  août 
1793,  prétextant  «  que  sa  mission  était  terminée 
par  l'achèvement  de  la  constitution  et  son  ac- 
ceptation par  les  assemblées  populaires.  »  Cette 
démissionne  fut  pas  acceptée,  et  en  octobre  1795 
il  fut  un  des  conventionnels  réélus  au  nouveau 
corps  législatif,  où  il  siégea  au  Conseil  des  An- 
ciens ,  mais  il  donna  sa  démission  dès  floréal 
an  îv  (mai  1796  ),  reprit  sa  profession,  et  ter- 
mina ses  jours  loin  des  débats  politiques. 
H.   L— r. 

Le  Moniteur  universel,  an  1792,  n°s  125,  170;  an  Ier, 
nc»  2,  229;  an  iv,  n°  250.  —  Biographie  moderne  (1806). 
—  Petite  Biographie  conventionnelle  ,•  Paris,  1815. 

moreau  (  Jean^Victor  ) ,  le  plus  célèhre, 
après  Bonaparte,  de  ces  capitaines  qu'enfanta 
la  grande  lutte  de  la  France  républicaine  contre 
l'Europe  coalisée,  naquit  à  Morlaix,  en  Bretagne, 
le  11  août  1763,  et  mourut  à  Laun,  en  Bohême, 
Je  2  septembre  1813.  A  peine  âgé  de  dix-sept 
ans,  il  fut  envoyé  à  Rennes  pour  s'y  former  à 
la  profession  d'avocat,  dans  laquelle  son  père 

avait  proûté  de  ces  deux  noms  malheureux,  Grugeon  et 
Iiapinat,  pour  stigmatiser  ceux  qui  les  portaient  et  qui 
étalent  employés  à  l'armée  d'Helvétle,  pour  leur  faire 
porter  le  poids  de  malversations  trop  réelles,  mais  aux- 
quelles Rapinat  en  particulier  était  tout  à  fait  étranger. 
Quanta  Forfail,  qui  a  été  ministre  de  la  marin"  et  qui 
n'était  point  en  Suisse,  son  nom  avait  été  ajouté  pour 
compléter  le  trio. 


avait  acquis  quelque  distinction  ;  mais  ces  élu 
plaisaient  peu  au  jeune  Moreau,  qu'une  seci  I 
impulsion  entraînait  vers  la  carrière  des  arm 
Il  s'engagea  comme  soldat;  bientôt  cet  engai 
ment  (ut  rompu  ,  et  Moreau ,  de  retour  à  Renn 
se  détermina  enfin  à  étudier  la  jurisprudeni 
Parvenu ,  parmi  ses  camarades ,  au  grade 
prévôt  de  l'école  de  droit,  il  se  vit  appelé  à  jo 
un  rôle  au  milieu  des  circonstances  que  susc 
en  juillet  1788,  la  lutte  du  parlement  avec  la  coui 
devint  le  chef  des  étudiants  qui  soutenaien 
parti  parlementaire,  et  fit  preuve  dans   et 
position  de  ce  courage  habile  et  prudent 
dans  la  suite  devait  illustrer  son  nom  sur  un  p 
vaste  théâtre.  Quelque  temps  après,  la  magist 
ture,  tout  à  coup  surprise  de  voir  ouvert  dev^ 
elle  l'abîmeoù  elle  alla  en  effet  bientôt  s'englpu 
changea  d'attitude,  et  se  prononça  contre  1' 
prit  d'innovation  que  subissait  le  gouvernent 
Alors  Moreau  changea  aussi  de  rôle,  et  il  ton 
la  force  populaire ,  dont  il  disposait,  contrt 
parlement,   qui  ne  tarda  pas  à  succomber 
disparut  avec  presque  tout  ce  qui  restait  enc> 
de  la  France  ancienne.  Démocrate  ardent,  n 
pur,  Moreau  se  voua  dès  lors  à  la  défense 
cette  révolution  qu'il  avait  accueillie  avec 
thousiasme.  Quand  les  étrangers  menacèren 
territoire  et  que   l'on  créa  dans  les  dépau 
ments  des  corps  de  volontaires ,  Moreau  fut  < 
le  10  septembre  1791,  chef  du  1er  bataillon  d'I 
et-Vilaine.  Il  rejoignit  l'armée  du  nord  et 
mandée  par  Dumouriez.  Ses  chefs  ne  tarder 
pas  à  distinguer  en  lui  une  bravoure  et  des 
lents  qui  à  cette  époque ,  où  les  hommes  et 
événements  marchaient   à  pas  précipités, 
vaient  élever  rapidement  sa  fortune. 

Pendant  les  jours  marqués  par  tant  de  pr 
criptions,  Moreau,  qui  désavouait  ces  exe 
continua  de  servir  glorieusement,  passant  i 
grade  en  grade  jusqu'à  celui  de  général  de  di 
sion,  qu'il  obtint  le  25  germinal  1794,  à  la 
mande  de  Pichegru.  Ce  général  lui  ayant  doi 
le  commandement  d'un  corps  destiné  à  agir  di 
la  Flandre  maritime,  Moreau  s'empara  successi 
ment  de  Menin,  d'Ypres  de  Bruges,  d'Osten 
de  Nieuport,  de  l'île  de  Cadsand  et  du  fort 
L'Écluse,  qui  capitula  le  9  fructidor.  Par  une  tri 
coïncidence,  au  moment  où  il  faisait  triompl 
les  armes  de  la  république ,  son  vieux  père  m< 
tait  sur  l'échafaud  comme  coupable  de  fédé 
lisme  et  de  complicité  avec  les  émigrés.  Mali 
cet  affreux  malheur  de  famille,  il  garda 
commandement ,  et  traça  lui-même  le  plan  < 
fut  suivi  pour  la  défense  et  la  conservation 
pays  conquis.  En  1795,  il  succéda  à  Pichegr 
la  tête  de  l'armée  du  nord.  Peu  après,  lorsqi 
s'agit  pour  la  république  de  prendre  largemi 
l'offensive  contre  la  coalition ,  Moreau  se  trou 
naturellement  désigné  au  Directoire  pour  co' 
mander  l'une  des  deux  grandes  armées  destint 
à  opérer  dans  le  nord ,  d'après  les  plans 
Carnot.  Il  prit,  au  printemps  de  1796,  en  rei 


185  MORE  AU 

ilacement  de  Pichegru,  dont  la  fidélité  (''lait  déjà 
uspecte  an  gouvernement,  le  commandement 
c  l'année  de  Rhin-et-Mosello,  forle  de  soixante- 
ix  mille  hommes,  et  alors  s'ouvrit  cette  célèbre 
unpagne  qui  plaça  Moreau ,  dans  l'estime  de 
Europe,  parmi  les  premiers  généraux  de  l'é- 
>qoe.  N  devait  agir  de  concert  avec  Jourdan, 
qui  était  confiée  l'armée  de  Sambre-et-Mense, 
peu  près  de  même  force. 
A  ces  deux  armées  était  opposée  une  armée 
îtrichienne ,  forte  de  cent  quarante  mille  hom- 
es, commandée  par  l'archiduc  Charles,  dont 
talents  militaires  s'étaient  déjà  révélés.  Des 
cticiens  habiles  ont  blâmé  cette  division  de 
is  phalanges  ainsi  lancées  en  Allemagne,  et 
xpérience  a  démontré  les  vices  de  ce  plan, 

tquel  Moreau  crut  néanmoins  devoir  rester 
èle,  et  qui,  selon  toute  apparence,  l'empêcha 
>btenir  les.  succès  éclatants  et  décisifs  promis 
tes  calculs  stratégiques.  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
«sa  le  Rhin  avec  hardiesse  et  bonheur,  en 
îssidor  1796,  presque  en  vue  de  l'armée  en- 
lie,  disséminée  sur  l'autre  rive.  Animé  de 
te  résolution  énergique  et  prompte  qui  illus- 
t  alors  même  de  l'autre  côté  des  Alpes  son 
ne  émule,  il  eut,  en  se  précipitant  à  coups 
onblés  sur  les  corps  séparés  de  l'armée  au- 
«enne,  bientôt  mis  en  péril  cette  vieille  mo- 
e.  Mais  Moreau  était  un  général  apparte- 
à  l'école  de  Turenne,  et  que  distinguait 
ont  ce  sang-froid  ferme  et  prudent  qui  veut 
mt  tout  ne  rien  compromettre.  Il  ne  songea 
à  réunir  toute  son  armée  et  à  s'avancer  en 
jflbinant  ses  mouvements  de  manière  à  rester 
communication  avec  son  collègue.  Après  avoir 
jcé  Wurmser  à  la  retraite,  culbuté  les  troupes 
Cercles ,  défait  l'armée  du  prince  de  Condé, 
u  l'archiduc  Charles,  le  plus  habile  des  gé- 
aux  autrichiens,  à  Rastadt,  à  Ettlingen,  à 
heim  ,  à  Stuttgard ,  à  Canstadt,  à  Berg,  à 
,  à  Constance,  il  atteignit  le  Danube  vers 
de-thermidor.  Une  grande  partie  de  l'Ai- 
e  se  trouvait  ainsi  au  pouvoir  des  armées 
lises.  Moreau  ,  sur  la  ligne  de  ce  fleuve  où 
e  autrichienne  s'était  concenlrée,  parvint 
quelque  temps  en  échec  l'archiduc;  la 
de  Neresheim,  quoique  meurtrière, 
a  point  de  résultat;  mais  alors  ,  par  un 
ment  hardi  autant  qu'habile,  le  prince 
,  laissant  une  portion  de  ses  forces  pour 
r  Moreau ,  se  porta  vivement  avec  le  reste 
rmée  de  Sambre-et-Meuse,  qui  opérait 
ilement  en  Bavière,  et  la  força  de  rétro- 
ler  à  son  tour.  Moreau  ne  put  encore  se  dé- 
r  à  abandonner  le  plan  du  Directoire,  et  au 
de  suivre  précipitamment  l'archiduc  et  de 
pprocher  de  Jourdan,  il  se  contenta  de 
e,àFriedberg,Latour,  qui  lui  avait  été  laissé 
adversaire ,  et  s'enfonça  dans  la  Bavière, 
n  il  apprit  le  mouvement  rétrograde  de  Jour- 
et,  pressentant  que  l'archiduc  allait  se 
sur  le  Necker  pour  lui  fermer  le  retour 


486 


vers  le  Rhin,  il  comprit  que  sa  position  était 
hasardée.  Mais  c'était  surtout  dans  les  situations 
qui  réclament  une  inébranlable  fermeté  d'Ame, 
une  présence  d'esprit  féconde  en  expédients, que 
brillait  cet  homme  éminent.  Il  prit  le  parti  de 
ramener  son  armée  en  France;  elle  était  encore 
forte  de  plus  de  soixante  mille  hommes  et  pleine 
de  confiance  dans  son  chef.  En  se  dirigeant  vers 
la  Suisse ,  Moreau  diminuait  beaucoup  le  danger 
du  retour,  mais  il  eût  fallu  violer  le  territoire 
d'un  peuple  neutre  :  il  se  décida  à  remonter  la 
vallée  du  Danube  pour  regagner  celle  du  Rhin 
par  la  route  des  villes  forestières  (  septembre  ). 
Le  25  fructidor  il  commença  cette  belle  retraite 
qui  est  un  des  faits  d'armes  les  plus  remarqua- 
bles de  cette  grande  guerre.  Dans  l'espace  de 
quarante  jours,  Moreau ,  combattant  sans  cesse, 
et  toujours  avec  avantage,  notamment  à  Biberach, 
traversa  cent  lieues  de  pays  ennemi,  hérissé  de 
montagnes,  couvert  de  forêts,  coupé  de  défilés 
et  de  rivières,  ayant  une  armée  en  tête,  et,  bientôt 
après,  une  seconde,  celle  de  l'archiduc,  sur  ses 
flancs.  Enfin  il  arriva  sur  le  Rhin ,  en  deux  co- 
lonnes ,  aux  environs  d'Huningue,  et  après  un 
combat  opiniâtre  et  balancé,  il  franchit  librement 
le  fleuve,  dans  la  nuit  du  24  octobre,  et  se  di- 
rigea vers  Strasbourg.  Dans  cette  longue  marche, 
il  n'avait  pas  été  entamé  une  seule  fois ,  et  ra- 
menait, au  contraire,  dix-huit  pièces  de  canon, 
deux  drapeaux  et  près  de  sept  mille  prisonniers. 
L'année  suivante,  Moreau,  longtemps  retenu 
dans  l'inaction  par  l'impossibilité  où  se  trouvait 
le  Directoire  de  lui  envoyer  de  l'argent,  put  enfin 
rentrer  en  campagne  au  printemps.  Le  20  avril, 
son  armée  repassa  le  Rhin ,  en  plein  jour,  sous 
les  yeux  mêmes  de  l'ennemi,  et  s'empara  im- 
médiatement de  Kehl  et  d'Offenbourg.  D'impor- 
tants succès  semblaient  lui  être  assurés,  ainsi  qu'à 
Hoche,  donné  pour  successeur  à  Jourdan  dans 
le  commandement  de  l'armée  de  Sambre-et- 
Meuse,  quand  la  nouvelle  de  la  signature  des 
préliminaires  de  Leoben  vint  arrêter  sa  marche. 
Les  hostilités  cessèrent,  et  bientôt  la  conclusion 
de  la  paix  vint  clore  cette  première  partie  de  la 
carrière  militaire  de  Moreau. 

Cependant  le  Directoire,  obligé,  pour  se  con- 
server quelque  temps  encore,  d'en  venir  au 
coup  d'État  du  18  fructidor,  avait  rangé  parmi 
les  proscrits  Pichegru,  dont  les  coupables  intelli- 
gences avec  les  ennemis  de  sa  patrie  s'étaient  clai- 
rement révélées.  Moreau,  qui  avait  été  son  disciple 
et  était  devenu  depuis  son  ami,  fut  considéré 
comme  suspect,  et  appelé  à  Paris  pour  rendre 
compte  de  sa  conduite,  par  un  arrêté  du  Directoire 
du  16  fructidor.  Peu  de  temps  avant ,  il  avait 
pris  un  fourgon,  dans  lequel  se  trouvait  une 
correspondance  de  l'émigré  Klinglin  avec  le 
prince  de  Condé,  qui  précisait  tous  les  détails 
de  la  trahison  de  Pichegru.  Il  avait  tenu  cette 
circonstance  secrète;  mais  le  19  fructidor,  pres- 
sentant sans  doute  le  coup  d'État  ou  informé  par 
le  télégraphe  qu'il  avait  eu  lieu,  il  écrivit  au  di- 

16. 


487 


MOREAU 


recteur  Barthélémy  une  lettre  dans  laquelle  il 
accusait  Pichegru,  en  donnant  avis  de  l'existence 
de  la  correspondance  qu'il  avait  surprise.  Cette 
démarche  tardive,  suivie  d'une  proclamation  à 
l'armée  du  Rhin  rédigée  dans  le  même  sens  ,  ne 
dissipa  point  entièrement  les  soupçons  conçus 
par  le  Directoire ,  et  hien  que  la  position  de  Pi- 
chegru n'en  pût  être  aggravée,  elle  rabaissa  dans 
l'estime  publique  le  nom  glorieux  de  Moreau. 
Toutefois,  on  a  été  jusqu'à   en  induire  que  ce 
général  avait  lui-même  trempé  dans  la  trahison 
de  Pichegru ,  et  que  les  désastres  éprouvés  par 
Jourdan  étaient  la  conséquence  des  mouvements 
combinés  par  lui   de  concert  avec  l'étranger. 
Cette  accusation  ne  doit  point  peser  sur  la  mé- 
moire de  Moreau.  Tout  démontre  qu'à  cette  épo- 
que il  ne  méconnut  jamais  son  devoir  comme 
général  de  la  république.  S'il  dissimula  un  mo- 
ment les  coupables  manœuvres  de    Pichegru, 
sou  silence  s'explique  facilement  par  les  rela- 
tions qui  avaient  existé  entre   eux.  Il  ne  faut 
évidemment  voir  là  qu'une  condescendance  blâ- 
mable envers  un  ancien  ami ,  c'est-à-dire  une 
faute,  mais  non  un  crime.  Du  reste,  la  correspon- 
dance elle-même  rendait  témoignage  de  la  fidé- 
lité de  Moreau,  puisqu'on  y  lisait  en  plusieurs 
endroits  qu'il  serait  impossible  d'avoir  sa  coo- 
pération. Néanmoins ,  il  resta  en  disgrâce,  et  ce 
ne  fut  qu'un  an  après  que  le  Directoire  consentit 
à  l'employer.  Le  29  fructidor  an  vi  (septembre 
1798,  Moreau  fut  nommé  inspecteur  général  d'in- 
fanterie. Il  était  à  Milan  le  22  brumaire  (  12  no- 
vembre), et  il  reçut  des  mains  du  général  Jou- 
bert,  le  19  frimaire,  le  commandement  provisoire 
de  l'armée  d'Italie.  Le  Directoire,  toujours  mal 
disposé  pour  lui,  ne  le  confirma  pas  dans  ce  com- 
mandement, qui  fut  confié  à  l'inhabile  Scherer. 
Moreau  consentit  à  servir  sous  les  ordres  de 
Scherer,  et  eut  le  commandement  de  trois  divi- 
sions, mais  il  ne  put  empêcher  que  les  mauvaises 
dispositions  du  général  en  chef  n'amenassent  des 
désastres.  Battu  par  les  Autrichiens  et  les  Russes 
que  commandait  Souvarow,  Scherer  rétrograda 
successivement  sur  le  Mincio,  sur  l'Oglio,  puis 
sur  l'Àdda,  abandonnant  ainsi  les  conquêtes  de 
l'immortelle  campagne  de  1796.  Là,  placé  dans 
la  position  la  plus  critique ,  avec  une  armée  ré- 
duite et  découragée,  en  présence  de  l'ennemi, 
qui  venait  de  forcer  le  passage  du  fleuve,  il  of- 
frit à  Moreau  de  lui  remettre  le  commandement 
(floréal avril  1799).  Moreau  le  prit  sans  balancer,  et 
chercha,  avec  un  rare  dévouement,  à  réparer  les 
fautes  de  celui  qu'on  lui  avait  donné  pour  chef, 
et  qui  n'était  même  pas  l'égal  de  ses  lieutenants 
de  l'armée  du  Rhin.  Mais  il  lui  fut  impossible 
d'éviter  un   engagement  qui  eut  lieu  le  lende- 
main même,  le  7  floréal,  à  Cassano,  et  dans  le- 
quel les  Français  furent  battus  par  Souvarow. 
Alors,  Moreau,  dont  l'armée  se  trouvait  réduite 
à  environ  vingt  mille  hommes,  qui  avait  devant 
lui  des  forces  quadruples,  et  eut  bientôt  après, 
sur  ses  derrières,  tout  le  Piémont  révolté,  com- 


mença son  mouvement  de  retraite  dans  la  î  i . 
de  se  mettre  en  communication,  d'un  côté,  a'  1  % 
la  France,  de  l'autre,  avec  l'armée  de  Napl ,  ; 
qui  s'avançait  vers  la  Haute  Italie,  sous  , 
ordres  de  Macdonald.  Il  parvint  à  son  but  ^ 
les  plus  savantes  combinaisons,  et,  après  a\\i 
livré  plusieurs  combats  heureux ,  atteignit  la  I 
vière  de  Gênes,  où  il  pouvait  attendre  avec  H 
curité  Macdonald.  «  Jamais,  dit  M.  Thiers,  1  [,j 
reau  ne  déploya  plus  de  talent,  ne  montra  ]  5  : 
de  sang-froid,  de  présence  d'esprit  et  de  ft  k J 
d'âme,  que  dans  la  situation  terrible  où  l'iir  il 
ritie  de  son  prédécesseur  avait  jeté  l'ara  L| 
Avec  vingt  mille  hommes  seulement  co  1 1 
quatre-vingt-dix  mille,  il  ne  se  laissa  pas-B 
instant  ébranler.  Ce  calme  était  bien  autren  II 
méritoire  que  celui  qu'il  déploya  lorsqu'il  re  U 
d'Allemagne  avec  une  armée  de  soixante  r  e 
hommes  victorieux,  et  pourtant  il  a  été  bi 
coup  moins  célébré;  tant  les  passions  infl  it 
sur  les  jugements  contemporains!  » 

Moreau  espérait  que  la  jonction  avecl'armi  lej 
Naples  lui  permettrait  de  prendre  l'offensive  ;  ■ 
ses  calculs  furent  déçus  par  la  perte  de  la  (^ 
glante  bataille  de  la  Trebia,  qui,  livrée  trop  p  rçi 
pitamment  par  Macdonald,  consomma  la  per  la 
l'Italie.  Moreau  recueillit  les  débris  de  ceth  M 
mée,  qu'il  réunit  à  la  sienne,  dont  le  gouverner  ittf 
par  une  injuste  prévention,  lui  enleva  enco  wj 
commandement  pour  le  donner  à  Joubert.  1  ■ 
toujours  animé  de  cet  esprit  d'abnégation  (U 
ne  saurait  trop  admirer  en  lui,  il  ne  refusé  M 
ses  avis  à  son  jeune  collègue,  qui  les  réclai  M 
et  bientôt  la  mort  de  celui-ci,  arrivée  S'I 
champ  de  bataille  de  Novi  même,  l'invest  m 
nouveau  du  commandement.  La  perte  de  m 
bataille ,  d'où  l'armée  russe  ne  sortit  que  mu  ta 
ne  saurait  être  attribuée-  à  Moreau,  qui  m 
blâmé  les  mouvements  précipités  de  l'info  pi 
Joubert,  et  dont  les  babiles  manœuvres  t  W 
cèrent  du  moins  les  hasards  de  la  journée.  -  pfv 
avoir  rallié  l'armée  à  quelques  lieues  de  NtjBl 
la  ramena  à  Gênes.  Le  Directoire  l'avait  noi  lèi 
(messidor-juillet  1799),  général  en  chef  M 
armée  du  Rhin  qui  n'était  pas  encore  or 
sée.  Il  fut  remplacé  aux  Alpes  par  Champi  >«t 
et  arriva  à  Paris  le  17  vendémiaire  an  vin  ifB 
tobre). 

Cependant  Bonaparte,  délaissant  l'Én 
venait  de  débarquer  en  France ,  et  se  reni  jt  » 
Paris  pour  changer  les  destins  de  la  républ  e  : 
ce  fut  alors  que  les  deux  illustres  généra  se 
virent  pour  la  première  fois.  Moreau,  mêl  «x 
intrigues  politiques  qui  se  dénouèrent  p|lfl 
18  brumaire,  se  trouvait  dans  une  situation  >ur 
laquelle  il  n'était  point  fait.  Il  est  avéré  (Il 
parti  qui  préparait  un  changement  lui  offri  a- 
bord  la  dictature;  mais  il  se  sentait,  ainsi  ni 
l'a  dit  lui-même,  appelé  à  commander  d< ar- 
mées et  non  à  gouverner  l'État  :  il  refusa,  j  se 
mit  à  la  disposition  de  Bonaparte,  dont  le  at- 
J  teries  adroites  l'avaient  séduit;  il  n'en  reçut  !«■ 


80 


MOREAU 


490 


i  mt,  dans  la  révolution  qu'il  effectua  à  son  pro- 

t,  que  la  fonction  infime  de  geôlier  du  Direc- 

!  >ire.  Ce  fut  en  effet  Moreau  qui ,  à  la  tête  de 

nq  cents  hommes,   se  chargea   d'occuper  le 

I  uxembourg  et  de  garder  à  vue  les  directeurs 

,  icalcitrants ,  tandis   qu'on  renversait  à  Saint- 

i  loud  leur  gouvernement.  Bonaparte,  maître  de 

■  État ,  pour  prix  de  ce  service,  le  nomma  le 

i  frimaire  général  en  chef  des  armées  réunies 

ri  Helvétie  et  du  Rhin,  fortes  de  cent  mille  hom- 

es.  Le  premier  consul  et  le  général  en  chef 

iront  une  discussion  sur  le  plan  de  campagne 

l  adopter.  Bonaparte  en  proposa  un  très-hardi, 

I   qui  devait  avoir  les  plus  grands  et  les  plus 

/  ompts  résultats.  Moreau  insista  pour  qu'on  le 

issât  libre  de  diriger  les  opérations  à  sa  vo- 

nté.  Le  premier  consul  finit  par  y  consentir. 

!  Le  25  avril  1 800,  l'armée  de  Moreau  franchit 

if  s  nouveau  le  Rhin;  il  avait  pour  adversaire  le 

t'  -néral  Kray.  Sa  campagne  fut  une  suite  de 

jfiomphes;  Kray,  battu  à  Engen,  à  Mœskirch,  à 

;  berach,  à  Hochstaedt.  fut  rapidement  refoulé 

]  irl'Jnn.dont  il  s'attacha  à  défendre  le  passage. 

t.  ir  ces  entrefaites,  la  bataille  de  Marengo  amena 

1  mtriche  à  faire  des  propositions  de  paix.  Des 

6  igociations  s'ouvrirent,  et  trois  armistices  suc- 

[  ssifs  suspendirent  les  hostilités  jusqu'au  mois 

;  novembre.  Dans  l'intervalle  Moreau  fit  un 

f  tyage  à  Paris,  et  fut  parfaitement  accueilli  par 

|  général  Bonaparte,  qui  lui  fit  présent  d'une 

j}  agnifique  paire  de  pistolets.  Joséphine  Bona- 

I  irte  montrant  les  mêmes  sentiments  de  bien- 

i  iillance,  proposa  au  général  d'épouser  une  jeune 

;  éole  de  ses  amies,  Mi'eHulot.  Moreau  accepta, 

|j  le  mariage  eut  lieu  le  18  brumaire.  Dix  jours 

,■  )rès,  le  général  partit  pour  rejoindre  son  armée. 

i  artout  les  avant-postes  de  l'armée  autrichienne, 

ors  placée  sous  les  ordres  de  l'archiduc  Jean, 

rent  obligés  de  se  replier  devant  l'attaque  im- 

j  tueuse  des  Français;  mais  le  10  frimaire  an  ix 

"  décembre  ),  à  la  suite  d'un  faible  échec 

nrouvé  par  un  des  corps  de  l'armée,  Moreau 

donna  un  mouvement  rétrograde  sur  toute  sa 

^ne;  il  avait  conçu  le  dessein  d'attirer  l'ennemi 

jins  une  espèce  de  défilé  compris  entre  l'Isar  et 

(nn,  et  occupé  par  le  village  et  le  bois  de  Ho- 

;nlinden,  nom  devenu  depuis  si  célèbre.  Là  de- 

Jiit,  si  son  plan  était  bien  exécuté,  s'accomplir 

I réaction  décisive. 

Toutes  ses  mesures  ayant  donc  été  prises  dans 

journée  du  2  décembre,  Moreau  en  attendit, 

!  3  au  point  du  jour,  le  résultat  sur  le  champ 

h  bataille  qu'il  s'était  préparé.  Bientôt,  selon 

m  attente,  l'ennemi  s'avança  sur  trois  colonnes, 

•oyant  ne  trouver  que  les  arrière- gardes  d'une 

mée  en  retraite.  Le  centre  marche  directement 

p  Hohenlinden    par  un  chemin   couvert  de 

iîige;  il  rencontre  un  corps  du  centre  de  l'ar- 

jiée  française  commandé  par  le  général  Grou- 

|iy,  et  l'attaque  avec  ardeur  ;  mais  il  est  refoulé 

j  ans  le  bois,  où  l'on  se  bat  corps  à  corps.  Dans 

même  moment,  l'aile  droite,  accueillie  par  la 


division  du  général  Grenier,  est  également  obli- 
gée de  reculer,  non  sans  une  perte  considérable. 
Cependant  Moreau,  qui  s'était  jusque  là  borné  à 
contenir  l'ennemi  à  l'entrée  de  la  plaine,  comp- 
tait les  instants,  attendant  pour  agir  avec  vi- 
gueur l'arrivée  du  général  Richepanse,  qui,  posté 
en  arrière  à  Ebersberg,  devait  venir  prendre 
l'armée  en  queue  quand  la  bataille  serait  enga- 
gée. Ce  général  s'était  mis  en  route  à  sept  heures 
du  matin;  mais  la  neige  tombait  à  flocons,  et 
ses  guides  avaient  peine  à  reconnaître  la  route. 
Attaqué  et  coupé  par  une  colonne  autrichienne, 
il  n'en  marche  pas  moins  en  avant;  enfin,  arrivé 
au  village  de  Mattenpœtt,  où  il  n'était  plus  qu'à 
quelques  portées  de  fusil  des  Autrichiens,  il 
range  sa  troupe  forte  d'environ  cinq  mille  hom- 
mes, et,  fidèle  à  l'ordre  qu'il  avait  reçu ,  sans 
donner  à  l'ennemi  le  temps  de  reconnaître  sa 
faiblesse,  il  se  précipite  avec  un  admirable  cou- 
rage dans  le  défilé.  Alors  le  général  Ney  charge 
et  enfonce  par  la  tête  les  bataillons  qui  tiennent 
encore  à  Hohenlinden ,  et  bientôt  on  voit  cette 
masse,  pressée  de  toutes  parts,  rompre  ses 
rangs  et  se  jeter  en  désordre  dans  le  bois.  En  ce 
moment,  au  milieu  de  la  fumée,  les  deux  corps 
de  Richepanse  et  de  Ney  se  rejoignent  en  jetant 
des  cris  de  triomphe.  La  victoire  était  en  effet 
décidée,  bien  que  les  ailes  de  l'armée  autri- 
chienne tinssent  encore.  Divers  combats  par- 
tiels achevèrent  la  journée.  A  quatre  heures  du 
soir,  onze  mille  prisonniers,  parmi  lesquels  trois 
généraux,  et  cent  pièces  de  canon  étaient  au 
pouvoir  des  Français.  L'ennemi  avait  laissé  six 
mille  hommes  sur  le  champ  de  bataille,  et  il 
emmenait  avec  lui  un  égal  nombre  de  blessés. 
L'archiduc  pour  les  transporter  se  vit  obligé  de 
faire  dételer  plusieurs  batteries  ;  mais  Moreau, 
voulant,  par  un  noble  sentiment  de  générosité, 
s'associer  aux  soins  dévoués  du  prince  pour  ses 
soldats,  lui  renvoya  cette  artillerie.  La  perte  de 
son  armée  avait  été  à  peu  près  de  deux  mille 
cinq  cents  hommes  tués  ou  blessés.  Telle  fut  la 
bataille  de  Hohenlinden,  que  Napoléon  a  présen- 
tée à  Sainte-Hélène  comme  due  au  hasard.  Mo- 
reau, se  trouvant,  après  la  bataille,  au  milieu 
des  chefs  qui  l'avaient  si  bien  secondé,  s'écria, 
transporté  de  joie  :  «  Mes  amis,  nous  venons  de 
conquérir  la  paix  !  »  En  effet,  tandis  que,  pour- 
suivant ses  succès,  après  avoir  franchi  l'Inn  et 
la  Salza,  il  se  portait  rapidement  sur  Vienne,  et 
concluait  un  armistice  presque  aux  portes  de 
cette  capitale,  les  négociations  de  Lunéville  se 
poursuivaient  et  aboutissaient  à  une  paix  glo- 
rieuse. 

Cette  belle  campagne,  couronnée  par  une  grande 
victoire,  donnait  à  Moreau  une  grande  popularité 
dans  l'armée,  et  lui  assurait  dans  l'opinion  pu- 
blique une  place  inférieure  seulement  à  celle  de 
Bonaparte.  Il  était  difficile  que  deux  personnages 
si  importants  marchassent  longtemps  d'accord» 
Les  causes  de  leur  rupture  vinrent  de  plusieurs 
côtés.  Moreau,  lorsqu'il  n'élait  pas  sur  les  champs 


491  MOREAU 

de  bataille,  avait  un  caractère  faible  et  irrésolu. 
Sa  belle-mère  et  sa  femme  prirent  sur  lui  un 
ascendant  regrettable,  et  excitèrent  son  ressen- 
timent contre  le  premier  consul ,  qui  cependant 
n'avait  pas  de  torts  particuliers  à  son  égard. 
D'anciens  compagnons  d'armes,  parmi  lesquels 
il  faut  citer  au  premier  rang  Bernadotte,  lui  de- 
mandaient de  sauver  la  liberté  lorsqu'il  en  était 
encore  temps.  Moreau  hésitait,  attendait.  Il  vi- 
vait retiré  dans  sa  terre  de  Grosbois,  et  ne  fai- 
sait que  de  rares  apparitions  à  Paris;  mais 
chaque  fois  qu'il  y  venait,  il  laissait  éclater  sa 
mauvaise  humeur,  et  blâmait  sans  ménagement 
la  marche  du  gouvernement  et  les  actes  du  pre- 
mier consul.  Ces  dispositions  hostiles  une  fois 
connues,  il  devint  le  point  de  ralliement  de  tous 
ceux  qui  voulaient  la  chute  du  gouvernement 
consulaire  sur  le  point  de  devenir  empire.  Tan- 
dis que  Bernadotte,  Lecourbe,  Fournier-Sarlo- 
vèse  le  poussaient  à  une  tentative  dans  le  sens 
républicain,  Matthieu  de  Montmorency  lui  faisait 
faire  dès  ouvertures  dans  le  sens  royaliste.  Mo- 
reau n'avait  pas  assez  de  force  de  caractère  pour 
accepter  ces  propositions  ou  pour  les  rejeter  ;  il 
donnait  à  tous  de  vaines  espérances,  et  se  com- 
promettait sans  avantage  pour  les  autres.  Enfin 
les  royalistes,  perdant  patience,  pensèrent  que  le 
meilleur  moyen  de  décider  Moreau,  c'était  de  le 
mettre  en  rapport  avec  son  ancien  ami  Piche- 
gru.  Celui-ci  se  rendit  à  Paris  (janvier  1804), 
où  Georges  Cadoudal  et  plusieurs  chefs  royalistes 
se  trouvaient  déjà.  Des  entrevues  eurent  lieu 
entre  les  deux  généraux,  sans  aucun  résultat. 
Moreau  refusa  formellement  d'entrer  dans  la 
conspiration  royaliste,  mais  il  promit  d'ap- 
puyer de  son  autorité  sur  l'armée  et  sur  le  sé- 
nat les  conspirateurs,  s'ils  parvenaient  à  renver- 
ser le  gouvernement.  Moreau,  cédant  à  sa  haine 
contre  Bonaparte,  et  à  un  singulier  mélange  de 
patriotisme  et  d'ambition  personnelle,  ne  vou- 
lait ni  s'associer  aux  conspirateurs  ni  les  décou- 
rager. Cette  situation  équivoque  ne  pouvait  se 
prolonger.  Il  fut  arrêté  et  mis  au  secret,  le 
24  pluviôse  an  xn  (  14  février  1804  ).  Il  nia, 
dans  ses  premiers  interrogatoires,  qu'il  eût  même 
vu  Pichegru  ;  mais  plus  tard,  dans  une  lettre 
qu'il  adressa  à  Bonaparte,  il  reconnut  qu'il  avait 
pu  se  laisser  aller  à  quelques  démarches  im- 
prudentes, tout  en  affirmant  hautement  qu'il 
n'avait  rien  à  se  reprocher  quant  au  complot. 
Du  reste,  sa  lettre  était  pleine  d'une  noble 
simplicité.  Le  procès  s'ouvrit,  le  8  prairial,  de- 
vant un  tribunal  qui,  en  vertu  d'un  sénatus- 
consulte  du  8  vendémiaire  an  xn  (  28  février 
1804  ),  jugeait  sans  adjonction  de  jurés  (1). 
Moreau  se  montra  constamment ,  dans  les 
débats,  digne  de  sa  haute  renommée.  11  ex- 
citait un  intérêt  général.  Dans  une  des  au- 
diences, quelques  paroles  qu'il  prononça  susci- 
tèrent un  mouvement  d'enthousiasme  tel  qu'on 

(1)  Ce  sénatus-consulte   avait  enlevé  au  jury   pendant 
deux  ans  la  connaissance  des  crimes  de  trahison. 


rapporte  que  Georges  dit  alors  :  «  Si  j'étais  à  t 
place  du  général  Moreau,  j'irais  coucher  ce  s  I 
aux  Tuileries.  »  Quoi  qu'il  en  soit,  le  pro<| 
suivit  son  cours.  Parmi  les  témoins,  au  noml  l 
de  cent  quarante,  quatre  ou  cinq  seuleiml 
avaient  fait  des  déclarations  à  charge  qui  se  tr<  I 
vèrent  considérablement  atténuées  à  l'audien  I 
Un  seul,  Roland,  entrepreneur  des  vivres 
l'armée,  qui  avait  reçu  Pichegru  chez  lui,  pi 
duisit  un  témoignage  qui  présentait  Mor<| 
comme  un  complice  réel  des  conspirateurs;  ml 
la  sincérité  de  ce  témoignage  n'était  pas  à  l'a  I 
de  tout  soupçon,  et  plusieurs  des  accusés 
opposèrent  une  dénégation  formelle.  À  la  su 
d'une  éloquente  plaidoirie  de  l'avocat  Bonn 
Moreau  fut  condamné  à  deux  ans  de  détenti 
et  aux  frais  du  procès.  C'était  une  transacti< 
La  majorité  des  juges  voulait  l'absoudre  comp 
tement:  les  efforts  du  substitut  Tburiot ,  orgs 
du  ministère  public,  pour  obtenir  une  conda 
nation  toute  politique  l'emportèrent.  On  s 
que  c'est  à  l'occasion  de  l'engagement  que  p  I 
nait  Thuriot,  au  nom  du  gouvernement,  qJ 
serait  fait  grâce  à  l'illustre  accusé  s'il  était  et  i 
damné  à  la  peine  capitale,  qu'un  des  juges, 
savant  Clavier,  s'écria  :  «  Et  qui  nous  la  fera 
nous! » 

Quelques  joues  après  ,  Moreau  obtint  que 
peine  fut  commuée  en  exil,  et  il  partit  pour 
États-Unis  le  5  messidor.  Le  17  messià 
(  6  juillet  )  Bonaparte,  devenu  empereur,  rend 
un  décret  qui  rayait  des  cadres  de  l'armée  fra 
çaise  le  vainqueur  de  Hohenlinden.  Moreau,  so 
la  surveillance  d'un  colonel  de  gendarmerie, 
rendit  en  Espagne.  Il  s'embarqua  à  Cadix  pour  i 
États-Unis,  et  après  avoir  visité  plusieurs  pa 
ties  de  cette  contrée,  il  se  fixa  à  Morisville  pi 
deTrenton,  dans  le  New-Jersey.  Là,  dans  u 
maison  de  campagne  située  au  pied  de  la  chi 
de  la  Delaware,  il  vécut  huit  ans,  tranquille 
apparence,  mais  au  fond  souffrant  de  l'inactior> 
laquelle  il  était  condamné,  et  suivant  avec  ui 
sourde  irritation  les  succès  de  son  heureux  rivi' 
Resta -t-il  en  rapport  avec  les  mécontents  roy 
listes  ou  républicains  qui  continuaient  de  nou 
contre  le  gouvernement  des  trames  inutiles?  ( 
l'a  dit,  mais  rien  n'est  plus  douteux.  Seuleme 
les  mécontents  n'avaient  pas  cessé  d'avoir  I 
yeux  sur  lui,  et  ils  le  plaçaient,  sans  mêmel'i 
avertir,  dans  leurs  combinaisons  politique 
comme  le  seul  rival  capable  d'être  opposé  à  N. 
poléon.  Ces  projets,  qui  ne  restèrent  pas  inco 
nus  à  Moreau,  entretinrent  en  lui  l'illusion  qu 
pourrait  déterminer  un  mouvement  contre  l'er 
pereur  par  une  subite  apparition  sur  le  sol  fra 
çais,  et  ne  furent  pas  sans  influence  sur  sa  rés 
lution  de  revenir  en  Europe.  Le  bruit  du  di 
sastre  de  Napoléon  en  Russie,  en  portant  au  pli 
haut  point  son  exaspération  contre  celui  qu 
regardait  comme  l'auteur  de  tant  de  mauî 
acheva  de  le  déterminer.  Sachant  que  l'emp 
reur  Alexandre  avait  plus  de  cent  mille  prisoi 


93  MOREAU 

ton  fiançais,  il  imagina  qu'il  pourrait  bien  en 
;ecider  quarante  ou  cinquante  mille  à  se  ranger 
>us  ses  ordres,  les  transporter  en  Picardie  au 
ioyen  de  la  marine  anglaise,  marcher  ensuite 
ir  Paris  et  renverser  le  gouvernement  impé- 
al.  Les  souverains  alliés  devaient  au  préalable 
munir  d'un  traité  par  lequel  la  France,  laissée 
jre  de  se  choisir  un  gouvernement,  conserve- 
lit  ses  limites  naturelles,  les  Alpes  et  le  Rhin, 
ms  aucune  sympathie  pour  les  Bourbons,  Mo- 
au  admettait  cependant  qu'on  les  rétablit  sur 
troue  moyennant  de  fortes  garanties.  Plein 
ces  projets,  il  s'embarqua  le  21  juin  1813, 
ec  M.  de  Svinine,  conseiller  d'ambassade  russe, 
Hell-Gate  ,  à  bord  du  navire  américain  Anni- 
it  ;  il  débarqua  le  26  juillet  à  Gothembourg  en 
lède,  de  là  il  se  rendit  à  Stralsund,  où  il  vit 
Mnadottequi  l'envoya  au  quartier  général  russe, 
arriva  à  Prague  le  17  août  au  moment  où  les 
liés  recommençaient  la  lutte  contre  Napoléon, 
eut  aussitôt  une  entrevue  avec  les  empereurs 
:  Russie  et  d'Autriche  et  le  roi  de  Prusse,  qui 
recueillirent  de  la  manière  la  plus  flatteuse, 
empereur  Alexandre  surtout  le  combla  d'é- 
rds  :  «  Repoussant  comme  impraticable,  dit 
.  Thiers,  le  projet  d'armer  les  prisonniers 
jnçais ,  il  avait,  par  une  pente  insensible,  d'où 

Etes  les  apparences  coupables  étaient  soigneu- 
»ent  écartées,  amené  l'infortuné  Moreau  à  la 
dorable  résolution,  non  pas  de  servir  contre 
!  France,  mais  de  rester  auprès  des  souverains 
pi  la  combattaient,  différence  qui  pouvait  lui 
ire  illusion,  mais  qui  n'en  était  pas  une,  car  il 
ait  impossible  qu'il  résidât  auprès  d'eux  pen- 
int  cette  cruelle  guerre  sans  les  éclairer  au 
oins  de  ses  conseils...  Moreau  se  trouvait  ainsi 
ins  le  camp  des  coalisés  à  titre  d'ami  privé  de 
Bmpereur  Alexandre,  vivant  tantôt  près  de  lui, 
1  ntôt  près  de  la  grande-duchesse  Catherine,  qui 
ait  établie  à  Tœplitz  ;  n'aimant  point  à  figurer 
^ans  ces  conseils  militaires  où  l'on  parlait  si  lon- 
jaement ,  où  se  manifestaient  un  bouillant 
îtriotisme  qui  était  pour  lui  un  reproche,  et 
[es  idées  théoriques  qui  n'allaient  pas  à  son  génie 
I  inple  et  pratique  ;  se  bornant  à  donner  directe- 
ient  ses  avis  à  Alexandre;  réussissant  rarement 
'  les  faire  prévaloir  à  travers  le  chaos  des  avis 
bntraires,  et  déjà  cruellement  puni  de  sa  faute  par 
'i  position  fausse,  gênée,  presque  humiliante, 
u'il  avait  au  milieu  des  ennemis  de  sa  patrie.  » 
!  La  grande  armée  alliée  déboucha  des  mon- 
[ignes  de  la  Bohême  le  23  août  et  s'avança  sur 
|i  Tille  de  Dresde,  occupée  par  les  Français, 
'attaque,  commencée  le  26  août,  repoussée  par 
'  apoléon  accouru  à  la  hâte,  se  renouvela  le  len- 
iemain  avec  bien  plus  d'acharnement.  Vers  le 
îilieu  de  la  journée,  Moreau  se  trouvait  sur  la 
auteur  de  Roknitz  avec  l'empereur  Alexandre 
■is-à-vis  d'une  batterie  de  la  garde  que  l 'empe- 
reur Napoléon  dirigeait  lui-même.  Inquiet  du 
anger  que  courait  Alexandre,  il  lui  conseilla  de 
p  placer  un  peu  plus  loin;  tandis  qu'il  le  con- 


491 

duisait  vers  l'endroit  qu'il  croyait  plus  sûr,  il 
fut  frappé  d'un  boulet  qui  lui  fracassa  le  genou 
de  la  jambe  droite,  et  traversant  son  cheval  lui 
emporta  le  mollet  de  la  gauche.  «  Il  poussa  d'a- 
bord un  long  soupir,  dit  Schœll  ;  mais  dès  qu'il 
fut  revenu  à  lui  et  qu'on  l'eut  soulevé,  il  parla 
avec  le  plus  grand  sang-froid,  et  se  fit  donner 
un  cigare  ;  on  le  porta  sur  des  piques  de  cosaques 
mises  en  travers,  dans  une  chaumière  voisine; 
mais  il  y  était  tellement  exposé  au  feu  ennemi, 
qu'après  avoir  été  légèrement  pansé,  il  fallut  le 
transporter  plus  loin  au  quartier  général  de  l'em- 
pereur, où  on  lui  fit  l'amputation  d'une  jambe 
pendant  qu'il  continuait  tranquillement  de  fumer. 
Lorsque  le  chirurgien  commença  à  parler  de  la 
nécessité  de  faire  aussi  l'imputation  de  l'autre 
jambe,  Moreau  répondit  avec  beaucoup  de  sang- 
froid,  que  s'il  avait  su  cela,  il  aurait  préféré  la 
mort...  Il  fut  porté  dans  une  litière  à  Dippolds- 
walde.  Il  y  arriva  mouillé  jusqu'aux  os.  De 
Dippoldswalde,  on  le  transporta  d'une  manière 
plus  commode  à  Laun,  où  il  se  trouva  assez  bien 
jusqu'à  ce  qu'une  longue  conférence  avec  trois  ou 
quatre  généraux  alliés  l'épuisât  totalement.  Dès 
lors  il  devint  d'heure  en  heure  plus  faible,  et  il 
expira  le  2  septembre,  à  sept  heures  du  matin.  » 

Ajoutons  à  ce  récit  quelques  détails  em- 
pruntés à  M.  Thiers.  «  Le  roi  de  Prusse,  l'em- 
pereur d'Autriche,  l'empereur  Alexandre,  s'é- 
taient rendus  auprès  de  son  lit  de  mort,  et  lui 
avaient  prodigué  les  marques  d'estime  et  de 
regret.  Les  plus  grands  personnages ,  M.  de 
Metternich,  le  prince  de  Schwarzemberg ,  les 
généraux  de  la  coalition,  étaient  venus  le  visiter 
à  leur  tour;  Alexandre  l'avait  tenu  longtemps 
serré  dans  ses  bras,  car  il  avait  conçu  pour  lui 
une  amitié  véritable.  Plutôt  embarrassé  que  fier 
de  ces  témoiguages,  Moreau,  dont  l'âme  un  mo- 
ment égarée  avait  toujours  été  honnête ,  s'inter- 
rogeant  lui-même  sur  le  mérite  de  sa  conduite, 
disait  sans  cesse  :  «  Et  pourtant  je  ne  suis  pas  cou- 
pable, je  ne  voulais  que  le  bien  de  ma  patrie  !... 
Je  voulais  l'arracher  à  un  joug  humiliant!...  » 
Ainsi  tandis  qu'on  entourait  son  agonie  de  res- 
pects, lui,  tout  occupé  d'autre  chose,  s'examinait, 
se  jugeait  au  tribunal  de  sa  conscience,  et  n'avait 
de  repos  que  lorsqu'il  s'était  trouvé  des  excuses 
pour  une  conduite  qui  lui  valait  de  si  hauts  té- 
moignages. Un  autre  cri  lui  échappa  plusieurs 
fois  ;  ce  fut  celui-ci  :  «  Ce  Bonaparte  est  toujours 
heureux  !...  »  Il  avait  proféré  ces  mots  aumoment 
où  le  boulet  l'avait  frappé,  et  il  les  répéta  sou- 
vent avant  d'expirer!....  Bonaparte  heureux!... 
Il  l'avait  été,  il  pouvait  le  paraître  encore  aux 
yeux  d'un  rival  expirant,  mais  la  Providence  al- 
lait bientôt  prononcer  sur  son  sort,  et  lui  infliger 
une  fin  plus  triste  peut-être  que  celle  de  Moreau, 
s'il  y  a  une  fin  plus  triste  que  de  mourir  dans  les 
rangs  des  ennemis  de  sa  patrie  !  » 

Le  corps  de  Moreau  fut  transféré  à  Saint-Péters- 
bourg et  inhumé  dans  l'église  catholique  de  cette 
ville.  L'empereur  Alexandre  fit  don  à  la  veuve  du 


495 


général  de  500,000  roubles  et  d'une  pension  an- 
nuelle de  30,000.  Louis  XVIII,  à  sa  rentrée  en 
France,  s'empressa  de  faire  remettre  à  Mme  Mo- 
reau  le  bâton  de  maréchal  destiaé  à  son  mari, 
en  lui  accordant  tous  les  honneurs  dont  jouissent 
les  veuves  des  maréchaux  ;  il  lui  donna  égale- 
ment une  pension  de  1 2,000  francs.  L'opinion 
publique  ne  s'associa  point  en  France  à  ces  hon- 
neurs rendus  à  un  général  qui  avait  eu  le  mal- 
heur de  mourir  dans  les  rangs  des  étrangers. 
Nous  avons  rapporté  les  circonstances  qui  expli- 
quent et  atténuent  l'acte  déplorable  auquel  le 
général  Moreau  se  laissa  entraîner.  Cet  acte,  si 
promptement  et  si  cruellement  expié,  ne  saurait 
faire  oublier  les  immenses  services  qu'il  a  ren- 
dus à  la  France,  ses  grands  talents  militaires , 
la  simplicité  de  ses  mœurs,  son  désintéresse- 
ment, sa  modestie  et  son  humanité  à  la  tête  des 
armées,  et,  malgré  de  regrettables  erreurs,  son 
patriotisme  sincère.  [Dcfatj,  dans  YEnc.  des  G. 
du  M.,  avec  des  additions  par  Z.  ] 

Fauche-Borel ,  Notices  sur  Us  généraux  Pichegru  et 
Moreau,-  Londres,  1807,  in-8°.  —  Ouwaroff,  Éloge  fu- 
nèbre du  général  Moreau;  Saint-Pétersbourg,  1813, 
in-8°.  -  Garât,  Éloge  de  Moreau;  Paris,  1814,  in-8°.  — 
A.  de  Beauchamp ,  Fie  politique,  militaire  et  privée  du 
général  Moreau;  Paris,  1814,  in-8°.  —  Svinine,  Détails 
sur  le  général  Moreau  et  ses  derniers  moments,  suivis 
d'une  courte  notice  biographique;  Paris,  1814,  in-8°.  — 
Lemaire,  Fie  impartiale  du  général  Moreau;  Paris, 
1814,  in-8°.  —  Hyde  de  Neuville,  Éloge  historique  du 
général  Moreau;  New-York,  1814,  in-8°.  —  Cousin  d'A* 
vallon  ,  Histoire  du  général  Moreau;  1814,  in  12.  —  Cha- 
teauneuf,  Histoire  du  général  Moreau,  surnommé  le 
grand  Capitaine, avec  les  particularités  les  plus  secrètes 
de  son  procès,  de  son  retour  d'Amérique  et  de  sa  mort; 
Paris,  1814,  in-8°.  —  F.  Schœll,  Recueil  do  pièces  offi- 
cielles, t.  III.  —  Procès  de  Moreau  et  de  ses  co-accusés; 
dans  le  Répertoire  général  des  Causes  célèbres,  2e  série, 
t.  V.  —  Gouvion-Saint  Cyr,  Mémoires.  —  Le  prince 
Charles,  Principes  de  la  stratégie  expliqués  par  les  opé- 
rations de  la  campagne  d'Allemagne,  en  1796:  Vienne, 
1814,  3  vol.  —  Miot,  Mémoires.  —  Thiers,  Histoire  de 
la  Révolution  ;  Histoire  du   Consulat  et  de  l'Empire, 

1. 1,  n,  iv,  xvi. 

moriîau  (  Jean-Michel  ),  dit  le  jeune ,  des- 
sinateur français,  né  en  1741,  à  Paris,  où  il  est 
mort,  le  30  septembre  1814.  11  commença  à  des- 
siner de  très-bonne  heure  ;  il  avait  à  peine  dix- 
sept  ans  que  son  maître ,  le  peintre  Le  Lorrain , 
ayant  été  appelé  à  la  direction  de  l'Académie  des 
Beaux-Arts  à  Saint-Pétersbourg,  l'emmena  avec 
lui,  et  se  l'attacha  en  qualité  d'adjoint;  peu  de 
temps  après  son  arrivée  en  Russie,  Moreau  fut 
nommé  premier  professeur  de  l'Académie.  Mais 
à  la  mort  de  Le  Lorrain  (1760),  il  abandonna  les 
avantages  qui  lui  étaient  faits  et  la  perspective 
d'un  sort  brillant,  pour  revenir  en  France.  Quel 
que  fût  son  mérite  et  son  ardeur  au  travail ,  les 
déboires,  les  chagrins  de  toutes  sortes,  la  mi- 
sère même,atteignirentbien  vite  à  Paris  un  jeune 
homme  inconnu  et  réduit  aux  seules  ressources 
que  pouvaient  lui  procurer  ses  pinceaux.  Sans 
se  laisser  abattre  par  l'adversité,  Moreau  aban- 
donna la  peinture  pour  se  livrer  au  travail  plus 
productif  de  la  gravure;  il  entra  dans  l'atelier 
de  Le  Bas,  devint  bientôt  le  collaborateur  de 
cet  artiste  éminent,  et  à  force  d'énergie,  de  cons- 


MOREAU  4 

tance  et  d'efforts,  parvint  à  se  faire  connai  ! 
et  estimeF  autant  par  son  talent  que  par  g  i 
caractère  et  la  distinction  de  son  esprit.  En  17*  l 
il  fut  nommé  dessinateur  des  Menus-Plaisii 
puis  dessinateur  du  cabinet  du  roi,  et  reçu  me 
bre  de  l'Académie  le  25  avril   1789.   Son  m 
ceau  de  réception   fut  un  dessin  représent; 
Tullie  faisant  passer  son  char  sur  le  corps 
son  père.  Ce  dessin  a  été  gravé  par  Simonet,  E 
1791.  Outre  les  ouvrages  qu'il  a  exécutés  com  g 
dessinateur  du  cabinet  du  roi  et  desMenus-Pl 
sirs,  on  doit  à  Moreau   environ  2,400  pièo 
soit  qu'il  les  ait  gravées  sur  ses  dessins  ou  d'ap 
des  maîtres  français,  soit  qu'elles  aient  été  grav  . 
sous  sa  direction  et  d'après  ses  dessins  par  I 
artistes  de  son  temps  les  plus  en  renom,  G.  f 
cher,  Aug.   de  Saint-Aubin,  de  Longueil,   I 
Mire,  Basan,  Massard,  Porporati ,  de  Laun 
les   deux   Gutenberg ,    etc. ,    etc.   Son  œu  | 
forme,  au  cabinet  des  estampes ,  7  vol.  in-l  I 
Moreau  a  presque  toujours  fait  lui-même  j 
eaux-fortes  des  planches  gravées  sur  ses  dessi 
Le  plus  grand  nombre  de  ces  estampes  s| 
bien  connues  du  public,  elles  ornent  les  beJ 
éditions  des  meilleurs  auteurs  français  donn 
de  son  temps.  Tout  le  monde  a  vu  les  cbJ 
mantes  vignettes  que  Moreau  le  jeune  a  fai  I 
pour  la  belle  édition  de  Voltaire,  imprimé) 
Kehl  (1785-1789),  aux  frais  de  Beaumarcha 
les  deux  suites  pour  Molière,  édition  de  Bret  J 
(1773)    et   de  Renouard,   celles  qu'il   fit  ptj 
J.-J.  Rousseau  (  édition  de  17*37,  in-4°  ),  pol 
le  Nouveau  Testament,  Télémaque,  les  MéA 
morphoses  d'Ovide,  les  Œuvres  de  Marmont 
Saint- Lambert,  Raynal,  Gesner,  les  160  figu 
pour  V Histoire  de  France,  publiée  par  Renou; 
(1789)....  Au  nombre  des  productions  les  pi 
agréables  et  les  plus  estimées  de  Moreau,  il  f. 
citer   les   vignettes    du   premier  volume  < 
Chansons  de  M.  de  La  Barde  (2) ,  celles  q 
fit  pour  Y  Histoire  et  les  Fastes  de  la  maisl 
de  Bourbon  (1771-1774);  pour  les  Chansons 
M.  de  Lan  j  ou;  la   Revue  passée  par  fo' 
dans  la  plaine  des  Sablons  ;  l'Assemblée  ri 
notables  en  1790,  Y  Ouverture  des  États  \ 
néraux ,   1790.  Les    23   pièces    du    Costal 
phtjsique  et  moral  du   dix-huitième  siàl 
(1776-1783)  furent  gravées  sur  ses  dessins  { 


(i)  35  pièces,  y  compris  le  portrait  de  Molière.  Mon 
a  revêtu  les  personnages  de  Molière  du  costume  delà 
du  seizième  siècle.  Dans  la  vignette  pour  la  pièce  | 
Sicilien,  il  s'est  représenté  lui-même  à  son  clieva 
peignant  Isidore,  et  dans  Le  Bourgeois  gentilhotm  j 
il  a  mis  Nicole  et  M.  Jourdain  sous  les  traits  de  Mme  I 
lecourt  et  de  Préville,  qui  tenaient  alors  ces  rôles.  Ij 
gravures  de  l'édition  de  Bret  ont  servi  à  trois  autn 
éditions  de  Molière  ,  publiées  en  1788,  1805, 1808,  se  : 
la  date  de  1805. 

(2)  Un  de  ces  recueils  est  recherché  seulement  pour  ! 
estampes  qu'ils  renferment,  Moreau  devait  dessineii 
graver  lui-même  toutes  les  vignettes  dont  il  est  or . 
Malheureusement,  le  premier  volume  à  peine  term.  , 
une  brouille  s'éleva  entre  l'auteur  et  le  dessinateur  | 
l'ouvrage  lut  terminé  par  d'autres  artistes.  Nétfrimc, 
les  Chansons  de  La  Barde  sont  aujourd'hui  fort  recu| 
chées  (  4  vol.  gr.  in-8°,  1773). 


M 


MOREAU 


498 


artini,  Helman,  Baquoi,  Gutenberg ,  de  Lan- 

iy,  etc.  Ces  estampes  retracent  les  mœurs  et 

s  costumes  de  la  société  élégante  de  l'époque, 

ont  à  ce  titre  un  grand  intérêt  ;  elles  accompa- 

ent  un  texte  écrit  par  Rétif  de  La  Bretonne  (1). 

1  1778,  Moreau  fit  une  Vue  du  tombeau  de 

-J.  Rousseau  dans  l'île  d'Ermenonville  :  il  s'é- 

t  imaginé  de  placer  au  premier  plan  de  sa 

mposition  une  bonne  femme  agenouillée  dans 

ttitude  de  la  prière  en  face  du  tombeau  du 

ilosophe;  la  censure  lui  fit  enlever  cette  figure, 

'on  ne  trouve  plus  que  sur  un  petit  nombre 

ipreuves  très-recherchées  aujourd'hui. 

Le  talent  de  Moreau  se  prêtait  à  tous  les 

ares  avec  une  flexibilité  remarquable  :   ses 

mpositions  se  distinguent  par  l'élégance,  l'heu- 

îse  entente  du  sujet  et  la  variété  expressive  des 

itudes. Moreau  avait  unemémoire  prodigieuse, 

e  intelligence  très-cultivée  qui  l'aidait  à  saisir 

f  à  rendre  l'esprit  des  sujets  qu'il  traitait.  En 

!  ii  sa  réputation  était  bien  établie,  et  il  sem- 

it  que  son  talent  était  arrivé  à  son  apogée, 

squ'il  eut  l'idée  d'aller  visiter  et  étudier  en 

die  les  chefs-d'œuvre  de  l'art.  Les  biographes 

Moreau  ont  célébré  la  révolution  qui  s'opéra 

!  lui  pendant  ce  voyage  :  il  le  fit  sans  doute 

|  us  l'influence  des  idées  nouvelles  qui  agitaient 

icole  française  de  la  fin  du  dix-huitième  siècle, 

il  nous  semble  que  cette  influence  fut  fatale  à 

èreau.En  voulant  épurer  et  ennoblir  son  style 

[devint  roide  et  gauche  ;  il  perdit  cet  esprit  et 

fttfrgràce  un  peu  maniérée  qui  distinguent  son 

Ucle.  Ses  derniers  ouvrages  nous  paraissent 

[en  inférieurs  à  ceux  qu'il  avait  faits  avant 

■I  aller  en  Italie. 

Moreau  poussait  le  désintéressement  personnel 
Uqu'à  l'incurie.  La  révolution  lui  enleva,  avec 
|  place,  le  peu  de  fortune  qu'il  avait  amassé. 
Il  1791,  ses  amis  l'abbé  Barthélémy  et  M.  de 
[  équigny  le  décidèrent  à  entrer  dans  la  première 
immission  des  monuments  historiques,  qui 
nait  d'être  constituée.  En  1 797  il  fut  nommé 
liofesseur  de  dessin  aux  écoles  centrales  de 
Uris.  La  première  restauration  lui  rendit  son 
jiploi  de  dessinateur  du  cabinet  du  roi,  mais  il 
'  jouit  pas  longtemps  de  ce  retour  de  fortune, 
ppuis  1812  il  souffrait  d'un  squirre  cancéreux 
i  bras  droit,  qui  nécessita  plusieurs  opérations 
1  uloureuses  et  détermina  sa  mort.  Son  por- 
;  lit  a  été  gravé  par  Augustin  de  Saint- Aubin, 
j  1787,  d'après  un  dessin  de  Cochin.  H.  H — n. 

I.Votice  sur  Moreau  ,  par  Mme  Carie  Vemet  née  Mo- 
im  (2).  —  Eloge  de  Moreau  le  jeune,  par  M.  Feuillet, 
(•ns  le  Moniteur  Universel  de  1814,  n°  355.  —  Éloge 
[Moreau  le  jeune  par  M.  Ponce,  dans  le  Mercure  du 
[juin  1816. 
MOREAU      DE      SA.INT-MÉRY      (  Médéric- 

[wis-Élie),   administrateur    français,  né  le 

'1)  Il  y  a  eu  une  réduction  in-12  de  cet  ouvrage. 
!)  La  fille  de  Moreau  avait  épousé  le  peintre  Carie 
met;  elle  a  laissé  une  biographie  manuscrite  de  son 
•e,  en  tète  du  reeuell  de  son  œuvre  qui  se  trouve  au 
Jinet  des  estampes  de  Paris.  Cette  notice  a  été  in- 
"éc  dans  les  Archives  de  l'Art  français. 


13  janvier  1750,  au  Fort-Royal  (  lie  de  La  Mar- 
tinique ),  mort  le  28  janvier  1819,  à  Paris.  Issu 
d'une  bonne  famille,  originaire  du  Poitou,  il  était 
en  bas  âge  lorsqu'il  perdit  son  père,  et  ne  reçut 
qu'une  éducation  fort  incomplète.  A  dix-neuf  ans 
il  vint  à  Paris,  fut  admis  dans  les  gendarmes  du 
roi,  et  parvint,  sans  négliger  son  service,  à  se  faire 
recevoir  avocat  au  parlement;  trois  années  à 
peine  lui  avaient  suffi  pour  se  familiariser  avec 
l'étude  des  lettres ,  des  mathématiques  et  du 
droit.  De  retour  à  La  Martinique,  il  trouva  sa 
fortune  bien  diminuée,  par  suite  de  la  mort  de 
sa  mère,  et  ce  fut  pour  la  rétablir  qu'il  alla 
exercer  au  Cap  français  la  profession  d'avocat. 
Vers  1780  il  entra  au  conseil  supérieur  de  Saint- 
Domingue.  Profitant  des  loisirs  que  lui  lais- 
saient ses  fonctions  de  magistrat,  il  s'occupa  de 
classer  les  nombreux  matériaux  qu'il  avait  re- 
cueillis sur  les  lois ,  sur  la  description  et  sur 
l'histoire  des  colonies  françaises,  explora  les 
greffes  et  les  archives  des  Antilles,  et  découvrit, 
pendant  une  de  ses  excursions,  le  tombeau  de 
Christophe  Colomb,  qui  fut  restauré  à  ses  frais. 
Appelé  à  Paris  pour  y  mettre  la  dernière  main 
à  ses  travaux,  il  reçut  un  accueil  empressé 
parmi  le  monde  savant,  et  s'associa  à  Pilastre 
de  Rozier  pour  fonder  Le  Musée  de  Paris, 
dont  la  plupart  des  gens  de  lettres  de  cette  épo- 
que furent  membres.  Lorsque  la  révolution 
éclata,  il  fut  élu  président  des  électeurs  de 
Paris,  réunis  à  l'hôtel  de  Ville ,  harangua  deux 
fois  Louis  XVI,  et  décida,  dit-on,  ses  collègues 
à  choisir  La  Fayette  pour  chef  de  la  garde  na- 
tionale. On  récompensa  sa  conduite  noble  et 
ferme  par  une  médaille,  qui  fut  votée  à  l'unani- 
mité. En  1790  il  entra  comme  député  de  La  Mar- 
tinique à  la  Constituante ,  où  il  s'occupa  plus 
particulièrement  des  affaires  des  colonies,  et  en 
1791  il  fit  partie  du  conseil  judiciaire  établi 
près  le  ministère  de  la  justice.  Peu  de  jours 
avant  le  10  août,  il  fut  attaqué  par  une  troupe 
de  furieux  et  reçut  une  blessure  dangereuse,  qui 
le  força  de  se  retirer  dans  la  petite  ville  de 
Forges,  en  Normandie  ;  arrêté  avec  le  duc  de 
La  Rochefaucauld,  il  échappa  à  l'échafaud  grâce 
au  dévouement  d'un  de  ses  gardiens  qu'il  avait 
jadis  obligé.  Il  se  rendit  aux  États-Unis  avec  sa 
famille.  Après  avoir  gagné  péniblement  sa  vie 
chez  un  marchand  de  New-York,  il  passa  à  Phi- 
ladelphie, et  y  ouvrit  un  magasin  de  librairie, 
auquel  il  joignit  bientôt  une  imprimerie  ;  il  fit 
d'abord  servir  ses  presses  à  la  publication  de 
ses  ouvrages.  De  retour  ,en  France  avec  une  mo- 
dique aisance  (1799),  il  obtint  de  l'amiral 
Bruix,  son  ami,  l'emploi  d'historiographe  de  la 
marine  et  la  mission  de  préparer  un  code  pénal 
maritime.  Nommé  çonseiUet ..d'État  en  1800, 
Moreau  de  Saint-Méry  fut  envoyé  en  1801  en 
qualité  de  résident  près  le  duc  de  Parme,  et  à 
la  mort  de  ce  prince  (1802)  il  devint  adminis^ 
trateur  général  des  duchés  de  Parme,  de  Plai- 
sance et  de  Guastalla.  Il  usa  du  pouvoir  con- 


V 


>S 


499 

sidérable  qui  lui  était  délégué,  avec  sagesse  et 
modération,  protégea  les  établissements  utiles  et 
encouragea  les  lettres  ;  il  manqua  toutefois  de 
fermeté  et  oublia  peut-être  un  peu  trop  qu'il 
n'était  pas  le  souverain  des  États  confiés  à  sa 
surveillance.  En  1806  il  fut  rappelé,  et  tomba 
dans  une  complète  disgrâce.  On  en  donna  pour 
cause  la  faiblesse  avec  laquelle  il  réprima  la 
mutinerie    des    compagnies    de    la  milice   de 


Parme  qui  avaient  refusé  de  se  rendre  au  camp 
de  Bologne.  L'empereur  montra  une  vive  irrita- 
tion, et  fît  partir  Junot  avec  des  pouvoirs  illimités  ; 
on  fusilla  les  auteurs  de  la  révolte,  et  on  incendia 
deux  villages  qui  les  avaient  soutenus.  Quant  à 
Moreau  de  Saint-Méry,  il  perdit  sa  place  d'ad- 
ministrateur, celle  de  conseiller  d'État  et  jus- 
qu'à une  somme  de  40,000  fr.  d'arrérages  qu'on 
ne  voulut  pas  lui  rembourser.  Napoléon  l'ayant 
même  traité  de  vive  voix  avec  une  certaine  du- 
reté, il  se  permit  de  lui  dire  :  «  Sire,  je  ne  vous 
demande  pas  de  récompenser  ma  probité,  je 
demande  seulement  qu'elle  soit  tolérée  ;  ne  crai- 
gnez rien,  cette  maladie  n'est  pas  contagieuse.  » 
Jusqu'en  1812  il  ne  vécut  que  des  bienfaits  de 
l'impératrice  Joséphine,  sa  parente  éloignée,  et 
à  cette  époque  on  lui  accorda  une  pension, 
qui  suffisait  à  peine  à  ses  besoins.  En  1817, 
Louis  XY1II,  informé  de  sa  détresse,  lui  fit  re- 
mettre un  secours  de  15,000  fr.  Moreau  de 
Saint-Méry  mourut  d'une  rétention  d'urine,  à 
l'âge  de  soixante-neuf  ans.  Il  appartenait  à  plu- 
sieurs sociétés  savantes  de  Paris.  On  a  de  lui  : 
Lois  et  Constitutions  des  colonies  françaises 
de  V Amérique  sous  le  vent  de  1550  à  1785; 
Paris,  1784-1790,  6  vol.  in-4°;  un  exemplaire  de 
cet  ouvrage,  devenu  très- rare,  a  été  déposé,  par 
ordre  de  Louis  XVI,  dans  chaque  bureau  d'ad- 
ministration et  dans  chaque  greffe  des  colonies 
d'Amérique;  —  Recueil  de  vues  des  lieux 
principaux  de  Saint-Domingue;  in-fol.  fig. ; 
—  Description  topographique  et  politique  de 
la  partie  espagnole  de  Vile  de  Saint-Domin- 
gue ;  Philadelphie,  1796,  2  vol.  in-8°  avec  une 
carte  ;  —  Idée  générale  ou  Abrégé  des  Scien- 
ces et  Arts;  Philadelphie,  1797,  in-12;  la  tra- 
duction anglaise  a  été  souvent  réimprimée  aux 
États-Unis  ;  —  Voyage  de  V ambassade  de  la 
Compagnie  des  Indes  hollandaises  vers  l'em- 
pereur de  la  Chine  ;  Philadelphie,  1797,  in-4°, 
ou  Paris,  1798,  2  vol.  in-8°  ;  trad.  du  hollan- 
dais de  van  Braam  ;  —  Description  de  la  partie 
française  de  Vile  de  Saint-Domingue  ;  Phi- 
ladelphie, 1797-1798,  2  vol.  in-4°;  —  De  la 
Danse;  Philadelphie,  1797,  in-12;  Parme, 
1803,  in-16  ;  extrait  d'un  Répertoire  (  ms.  ) 
de  notions  coloniales  ; —  Essai  sur  l'histoire 
naturelle  des  quadrupèdes  du  Paraguay; 
Paris,  1801,  2  vol.  in-8°  ,  trad.  de  l'espagnol 
d'Azara  ;  —  divers  mémoires  insérés  dans  les 
recueils  de  la  Société  d'Agriculture,  du  Musée  de 
Paris,  etc.  Il  a  laissé  en  outre  un  grand  nombre 
de  manuscrits,  tant  historiques  que  littéraires, 


MOREAU  5 

dont  les  plus  importants  paraissent  être  \ 
Histoire  générale  des  Antilles  françaises 
une  Histoire  des  États  de  Parme,  de  Plaisai 
et  de  Guastalla.  P.  L. 

Fournier-Pescay,  Éloge  de  Moreau  de  Saint- Mé. 
Paris,  1819,  in-12.  —  Biogr.  nouvelle  des  Contemp. 
moreau  de  Chélons  (***),  homme  politk 
français,  né  à  Châlons-sur-Saône,  en  1752,  m 
vers  1820.  Il  était  ingénieur  dans  sa  ville 
taie,  lorsque  ses  concitoyens*  le  députèreni 
la  Convention  nationale  où  il  vota  la  m 
de  Louis  XVI.  Le  16  décembre  1792,  il  appi 
les  motions  de  Buzot  et  de  Louvet  pour  fc 
bannir  la  famille  d'Orléans.  En  prairial  an 
(  mai  1795),  il  fut  l'un  des  vingt  et  un  comn 
saires  chargés  d'examiner  la  conduite  de  Jost 
Lebon,  et  fit  partie  de  la  minorité  qui  demi 
dait  la  mise  hors  de  cause  de  l'accusé.  Après 
13  vendémiaire  an  iv  (  5  octobre  1795),  il  i 
puya  la  mise  en  liberté  de  Rossignol  et  de  D 
bigny.  Il  ne  passa  point  aux  conseils,  et  reni 
dans  la  vie  privée.  H.  L — r. 

Le  Moniteur  universel .  année  1792,  n»  353  ;  an  I 
n°  21;  an  m,  n°  70;  an  iv,  n°  42.  —   Biographie  n 
derne  (1816).  —  Petite  Biogr.   conventionnelle  (1815 
moreau  de   la  Sarthe  (Jacques- Loui 
médecin  français,  né  le  28  janvier  1771,  à  Mot 
fort,  près  Le  Mans,  mort  le  13  juin  1826,  à  Pai 
D'une  famille  de  bourgeoisie,  il  fit  ses  études 
collège  des  pères  de  l'Oratoire  du  Mans,  et  v 
à  Paris,  où  il  s'appliqua  à  la  médecine.  Tjv 
jeune, il  obtint  au  concours  une  place  d'offic 
de  santé  à  l'hôpital  militaire  de  Nantes;  s'éti 
estropié  un  doigt  de  la  main  droite,  il  renoE 
aux  opérations  chirurgicales,  et  revint  en  17 
à  Paris  pour  y  continuer  ses  études  médical 
Plein  d'ardeur  et  de  zèle ,  il  se  lia  d'amitié  a\ 
Bichat,  Alibert,  Duméril,  Marc,  Husson,  £ 
puytren  et  autres  praticiens  distingués  ,  qui  f< 
nièrent  le  noyau  de  la   Société  d'Émulatio 
Nommé  en  1808  bibliothécaire  de  la  faculté 
Médecine,  en  remplacement  de  Sue  le  jeune ,* 
fut  mis  en  possession  de  la  chaire  de  bibliogr, 
phie  médicale  créée  en  sa  faveur  par  l'ordonnan 
du  19  août  1815;  le  conseil  royal  de  l'Instcui 
tion  publique  réunit  à  ces  fonctions  l'enseign 
ment  de  l'histoire  de  la  médecine.  Il  entra  à  1'. 
cadémie  en  1821,  lors  de  la  réorganisation  de 
corps;  mais  en  1823  il  fut  éloigné  de  la  Facul 
par  la  mesure  qui  atteignit  en  même  temps 
sieurs  de  ses  collègues,  tels  que  Chaussier,  De 
genettes,  Pinel,  Deyeux,  etc.,  auxquels  on  i 
laissa  que  le  titre  de  professeur  honoraire.  C 
acte  d'injustice,  qu'il  ressentit  vivement,  i 
contribua  pas  peu  à  abréger  ses  jours  ;  il  moi 
rut  d'une  maladie  de  poitrine,  à  l'âge  de  ci 
quante-cinq  ans.  Par  une  clause  de  son  test 
ment,  il  légua  sa  bibliothèque  à  l'Académie  ( 
Médecine ,  afin  qu'elle  fût  décernée  à  l'élève  qi 
se  serait  le  plus  distingué  par  ses  talents  ;  ce  pri 
fut  gagné  en  1829  par  MM.  Dezeimeris  et  R 
sueno  d'Amador.  Les  écrits  qu'il  a  publiés  sur  1 
partie  philosophique  des  sciences  médicales  dé 


11 


MOREAU 


502 


iieni  un  esprit  ingénieux ,  des  connaissances 
■mines  et  une  plume  élégante  et  exercée.  Nous 
erons  île  lui  :  Essaisur  la  Gangrène  humide 
s  hôpitaux;  Paris,  an  v  (179fi),  in-8°,  avec 
irdin aine; —  Esquisse  d'un  cours  d'hygiène, 
de  médecine  appliquée  à  l'art  d'user  de  la 
:et  de  conserver  la  santé; Paris,  1797,  1800, 
8"  ;  — Éloge  de  Vicq  d'Azyr,  suivi  d'un  pré- 
des  travaux  anatomiques  et  physiologi- 
i  es  de  ce  célèbre  médecin;  Paris,  an  vi  (1798), 
8°;  —  Quelques  Réflexions  philosophiques 
médicales  sur  i'Émile  de  J.-J.  Rousseau; 
ris,  au  vin  (1800),  in-8°;  —  Description  des 
tncipales  Monstruosités  dans  l'homme  et 
ns  les  animaux,  précédée  d'un  Discours 

•  la  Physiologie  et  la  classification  des 
WStres;  Paris,  1800,  in-fol.,  avec  42  fig.  col.; 

Traité  historique  et  pratique  de  la  Vac- 
e;  Paris,  1801,  in-8°,  trad.  en  plusieurs 
gués;  —  Histoire  naturelle  de  la  Femme, 
vie  d'un  Traité  d'Hygiène  appliquée  à  son 
ime  physique  et  moral  aux  différentes 
iques  de  la  Vie;  Paris,  1803,  3  vol.  in-8°, 
,  trad.  en  allemand  en  1805  avec  des  notes, 
urne  éditeur,  Moreau  a  publié  les  Œuvres 

Vicq  d'Azyr,  avec  des  notes  (Paris,  1805, 
ol.  in-8°  et  atlas  in-fol.),  et  Y  Art  de  connaître 

hommes  par  la  physionomie  de  Lavater 
|iris,  .1805-1808  et  1820-1821,  10  vol.  in-8° 
j),  édition  excellente,  qu'il  a  enrichie  d'une  no- 

•  historique  sur  l'auteur  et  de  recherches 
velles  sur  les  caractères  des  passions,  les 
péraments  et  les  maladies.  Il  a  encore  fourni 

J;  articles  à  Y  Encyclopédie  méthodique ,  au 
nrnal  de  Médecine  (1796-1826),  au  Moni- 
't  universel,  etc.  K. 

Moniteur  universel,  17  juin  1826.  —  Mahul,  Annuaire 
rolog.,  1826.  —  Desportes,  Biblioyr.  du  Maine. 

OREAC   (  Charles  -  François-Jean  -  Bap- 
e),  auteur  dramatique  franç'ais,  né  en  1783,  à 
}  où  il  mourut,  le  1er  juillet  1S32.  Son  père, 
Moreau,   professeur   de  mathématiques, 
it  acquis  une  certaine  réputation  comme 
leur  de  romans  anglais.  Bien  qu'il  eût  été 
u  avocat,  il  se  livra  exclusivement  à  la  car- 
icc  dramatique,  et  fit  représenter,  à  partir  de 
,  date  de  sa  première  œuvre,  une  cinquan- 
te de  pièces,  qu'il  composait  tantôt  seul,  tan- 
ien  société  avec  Dumolard,  Lafortelle,  Fran- 
K,  Desaugiers,  Ourry,  etc.,  ses  collaborateurs 
f  .rituels.  Il  travailla  aussi  pour  plusieurs  jour- 
M'ix,  entre  autres  le  Journal  des  Arts,  L'A- 
il 'targue,  La  Quotidienne  ;  et  devenu   plus 
I  d  actionnaire  du  Journal  Général,  il  fut" 
jirgé,  pendant  plusieurs  années,  de  rédiger  les 
<nptes  rendus  des  théâtres.  Après  la  révolu- 
1i  de  1830,  il  fut  attaché  à  la  rédaction  poli- 
tie  du  Courrier  français ,  et  nommé  maître 
*,  requêtes  en  service  extraordinaire.  On  trou- 
|ja  la  liste  de  ses  pièces  dans  La   France 
\  téraire  de  Quérard.  E.  C. 

I  enrion,  Annuaire  nécrologique. 


moreau  de  Bioui  {Jean -Michel- Ray- 
mond-Guislain),  littérateur  belge,  né  à  Na- 
mur,  le  10  décembre  1765,  mort  à  Bioul,  le 
3  juillet  1835.  Ses  ancêtres,  riches  maîtres  de 
forges ,  avaient  obtenu  des  lettres  de  noblesse. 
Il  reçut  une  éducation  distinguée,  étudia  le  droit 
à  Reims,  et  de  1790  à  1793  voyagea  en  France, 
en  Italie,  en  Suisse  et  en  Allemagne;  en  1812 
il  fut  nommé  sous-préfet  à  Dinant.  Membre  de 
l'ordre  équestre  de  la  province  de  Namur  et  des 
états  provinciaux,  il  fut  envoyé,  en  1818,  à  la 
seconde  chambre  des  états  généraux ,  où ,  en 
1820,  il  vota  pour  un  système  d'impôt  repoussé 
par  la  majorité  des  Belges ,  ce  qui  lui  attira  les 
attaques  passionnées  des  journaux  de  l'opposi- 
tion. En  1821  il  fut  appelé  à  siéger  à  la  première 
chambre.  Après  la  révolution  de  septembre  1830, 
il  fut  élu  bourgmestre  de  Bioul.  On  a  de  lui  : 
L' Architecture  de  Vitruve,  traduite  en  fran- 
çais, avec  des  remargues  ;  Bruxelles,  1816, 
in-4°,  fig.  Il  a  laissé  plusieurs  ouvrages  manus- 
crits ,  notamment  un  Traité  des  Machines  de 
guerre  des  anciens,  et  un  Voyage  en  Italie, 
que  son  fils  se  proposait  de  publier.        E.  R. 

Archives  hist.  et  litt.  du  nord  de  la  France  et  du 
midi  de  la  Belgique,  nouv.  série,  III,  S32.  —  Brunet, 
Manuel  du  Libraire. 

moreau  (Hégésippe),  poète  français,  né  le 
9  avril  1810,  à  Paris,  où  il  est  mort,  le  10  dé- 
cembre 1838.  Il  fut  amené  en  bas  âge  à  Provins, 
où  son  père  obtint  une  place  de  régent  au  col- 
lège, tandis  que  sa  mère  entrait  en  condition 
chez  madame  F...  «  Tous  deux,  dit  M.  Mar- 
cotte, l'un  des  biographes  du  poète,  traçant 
la  route  à  leur  fils ,  allèrent,  à  peu  de  distance 
l'un  de  l'autre,  mourir  à  l'hôpital.  »  Par  les 
soins  de  madame  F...,  le  petit  orphelin  fut 
placé  gratuitement  dans  un  séminaire,  près  de 
Fontainebleau.  Ayant  terminé  ses  études  à  quinze 
ans,  Moreau  entra  en  apprentissage  chez  un 
imprimeur  de  Provins.  C'est  dans  cette  maison 
que  s'écoulèrent  les  quelques  jours  heureux  de 
sa  vie.  C'est  là  qu*il  connut  la  femme  qu'il  a 
aimée,  une  jeune  fille  au  cœur  naïf  et  tendre; 
celle  qu'il  a  appelée  «  sa  sœur  »  dans  ses  lettres 
et  d.ans  ses  vers ,  et  dont  l'éternel  souvenir  fut 
une  douceur  toujours  mêlée  à  sa  coupe  d'amer- 
tume. Bientôt,  poussé  par  d'imprudents  con- 
seils, Moreau,  qui  n'avait  encore  rien  publié, 
mais  dont  les  amis  se  passaient  déjà  quelques 
vers  gracieux  ou  spirituels,  quitta  sa  province 
et  vint  à  Paris,  où  il  entra  en  qualité  de  com- 
positeur dans  l'imprimerie  de  M.  Firmin  Didot. 
C'était  à  la  veille  des  journées  de  1830.  La  ré- 
volution éclate.  Moreau  y  prend  part  avec  l'ar- 
deur de  ses  vingt  ans  ;  puis  il  quitte  assez  étour- 
diment  son  imprimerie  et  se  fait  maître  d'étude. 
Cette  époque,  de  l'aveu  même  de  son  panégy- 
riste, M.  Marcotte ,  fut  une  mauvaise  crise  dans 
la  vie  de  Moreau.  Il  se  lia  avec  quelques  jeunes 
gens  libertins,  qui,  charmés  de  son  esprit,  l'en- 
trainèreat  dans  leurs  folles  parties.  L'image  «  de 


503  MOREAU 

la  sœur  »  bien  aimée  s'éclipse  :  adieu  la  pureté, 
la  candeur,  les  illusions!  Le  poëte,  pauvre  et 
mécontent  de  lui-même,  s'aigrit  contre  les  autres. 
Il  aime  le  plaisir,  et  il  n'a  pas  toujours  le  pain. 
A  cette  époque ,  et  donnant  cet  exemple  à  l'in- 
fortuné Gérard  de  Nerval ,  il  errait  souvent  la 
nuit  dans  les  rues  de  Paris ,  sans  feu  ni  lieu  , 
couchant  dans  un  bateau  amarré  sur  la  Seine 
ou  sous  un  arbre  du  bois  de  Boulogne;  surpris 
parfois  par  une  ronde  de  nuit  et  conduit  comme 
un  vagabond  à  la  préfecture  de  police,  il  écrit  à 
son  amie  :  «.  Ah  !  pourquoi  vous  ai-je  quittée  ? 
Pourquoi  m'avez- vous  laissé  partir?  » 

Le  choléra  de  1832  désole  Paris.  Moreau  en 
profite  pour  se  faire  admettre  à  l'hôpital.  C'est 
toujours  un  gîte,  et  le  lit  contagieux  d'un  cholé- 
rique sourit  à  la  sombre  espérance  du  poëte 
malheureux.  11  écrit  son  élégie  :  Un  Souvenir 
à  l'hôpital  : 

J'ai  bien  maudit  le  jour  qui  m'a  vu  naître; 
Mais  la  nature  est  brillante  d'attraits, 
Mais  chaque  soir  le  vent,  à  ma  fenêtre, 
Vient  secouer  un  parfum  des  forêts. 
Marcher  à  deux,  sur  les  fleurs  et  la  mousse, 
Au  fond  des  bois,  rêver,  s'asseoir,  courir, 
Oh!  quel  bonheur!  oh!  que  la  vie  est  douce' 
Pauvre  Gilbert ,  que  tu  devais  souffrir  ! 

Gilbert!  ce  nom  se  plaçait  de  lui-même  sous 
sa  plume  et  y  revient  plus  d'une  fois.  Après  deux 
ans  de  souffrances  et  de  déceptions  de  toutes 
sortes,  Hégésippe  Moreau  s'en  retourne  un  jour 
à  pied  à  Provins.  Il  y  entreprend ,  avec  le  con- 
cours de  quelques  bienveillants  souscripteurs, 
une  publication  périodique  en  vers  à  la  façon  de 
la  Némésis  de  Méry  et  Barthélémy,  qu'il  inti- 
tule :  Le  Diogène.  La  verve  et  la  vigueur  ne 
manquaient  pas  à  ces  satires  politiques ,  satires 
libérales  et  même  républicaines. 

Après  juillet  1830,  comme  après  la  révolu- 
tion de  1848,  Charles  X  et  Louis-Philippe  sont 
des  tyrans  pour  les  jeunes  Spartiates  qui  sor- 
tent des  bancs,  sans  qu'on  puisse  en  faire  un 
reproche  à  personne.  Et  si  le  monde  n'a  pas 
souri  au  jeune  homme,  s'il  est  malheureux,  s'é- 
tonnera-t-on  que  la  société  lui  semble  mauvaise 
et  qu'il  rêve  l'âge  d'or  dans  une  république?  Lui 
envoudra-t«on  de  quelques  injustices,  de  quelques 
amertumes,  de  quelques  déclamations  plus  ou 
moins  factices  tombées  de  sa  plume? 

Des  hostilités  ou  des  rancunes  de  petite  ville 
forcèrent  pourtant  Moreau  de  renoncer  bientôt  à 
son  œuvre.  Au  bout  d'un  an  il  revient  à  Paris, 
recommencer  contre  la  destinée  le  combat  où  il 
devait  succomber.  Il  rentre  dans  une  imprime- 
rie; mais  le  poëte  est  distrait,  son  travail  de 
compositeur  ne  vaut  rien  ;  on  le  remercie.  Il  es- 
saye encore  de  ce  cruel  métier  de  maître  d'étude 
dans  un  collège,  qu'on  a  eu  l'utile  pensée  de 
chercher  à  relever  dans  ces  derniers  temps.  Mo- 
reau trouve  encore  à  compiler  des  journaux  pour 
une  revue  nouvelle.  Mais  ces  divers  expédrents 
pour  vivre  lui  échappent  successivement.  Le 
dégoût,  la  lassitude, les  lui  font  souvent  résigner 


50 

de  lui-même.   Faible  de  caractère  et  de  corn 

plexion ,  il  n'était  pas  fait  pour  les  obstacles.  ] 

s'irritait  contre  eux,  sans  essayer  ni  de  les  frai 

chir  ni  de  les  tourner,  et  cherchait ,  sans  y  réus 

sir,  à  se  prendre  à  la  vie  positive.  Il  essaye, 

cette  époque,  du  travail  littératre  propremei 

dit.  Il  fait,  hélas!  un  vaudeville  avec  circons 

tances  atténuantes  ou  aggravantes ,  comme  o 

voudra,  de  collaboration  ;  il  écrit  dans  une  revt 

périodique  quelques  nouvelles,  et  d'une  plurr 

fine  et  charmante,  qu'on  dirait  trempée  dans  l'i 

critoire  de  Nodier.  Mais  le  travail  littéraire  n 

gulier,  le  métier,  lui  répugne  bientôt.  11  ne  i 

sent  bon  qu'à  faire  des  vers.   Et  des  vers ,  qi 

en  veut?  «  A  moins  d'être  signés  Victor  Hugo  ( 

Lamartine ,  écrit-il  à  sa   sœur,  les  vers  ne  ; 

vendent  pas.  »  C'est  encore  un  peu  comme  ce 

aujourd'hui.  Cependant ,  et  tandis  qu'Hégésipi 

Moreau  mourait  de  faim,  un  poëte  qui  ne  ! 

nommait  ni  Hugo,' ni  Vigny,  ni  Musset,  ni  L 

martine,  ni    Barbier,  ni  Béranger,  faisait  d< 

vers  qui  s'achetaient  bel  et  bien  au  poids  de  l'o 

et  qu'on  se  passait  de  main  en  main  depuis 

Chaussée-d'Antin  jusqu'au  noble  faubourg;  I 

chansons  de  ce  poëte  étaient  ineptes,  mais  l'a 

teur  les  écrivait  les  mains  teintes  de  sang  :  c 

tait  Lacenaire.  Ce  succès  du  poëte  assassin  in 

pira  au  pauvre    Moreau  un   cri  de   désespc 

éloquent  : 

Ah  !  sur  tes  échos  sourds  ,  la  lyre  est  sans  pouvoir! 

Il  faut  de3  condamnés  à  mort  pour  l'émouvoir, 

Paris  !  Eh  bien  !  Écoute  :  Ici,  comme  à  Venise, 

Un  peuple  condamné,  sous  les  Plombs  agonise. 

Le  malheur,  les  prenant  tombés  du  sein  natal, 

Marque  ces  giaaurs  de  son  cachet  fatal. 

Chaque  jour  les  condamne,  et  comme  au  roi  qui  pas 

A  chaque  lendemain  .ils  demandent  leur  grâce. 

L'Espérance,  avocat  à  la  magique  voix, 

Les  traîne  ainsi  longtemps  de  pourvois  en  pourvois 

Mais  pareil  au  bourreau,  qui  vient  et  frappe  à  l'heu 

Le  suicide  enfin  les  prend...  et  nul  ne  pleure; 

Nul  ne  mène  le  deuil  vers  le  champ  du  potier, 

Et  le  poëte  mort  gît  là  ,  mort  tout  entier..  . 

Enfin,  pourtant,  un  de  ses  camarades  lui  ofl 
d'éditer  ses  œuvres.   Il   touche    100  francs 
quatre-vingts  exemplaires  !  Mais  cette  miserai 
somme  se  dore  d'un  peu  de  gloire.  Le  volui 
réussit.   Le  nom  de  Moreau  retentit  dans 
journaux.  Le  National,  parla  plume  de  M.  1 
lix  Pyat,  fait  un  véritable  dithyrambe  en  s 
honneur.  Latonche  va  trouver  Béranger,  et 
dit  avec  la  brusquerie  qui  le  caractérisait  :  «  J 
trouvé  un  garçon  qui  est  plus  poêle  que  vons 
Un  rayon  de  bonheur  éclaire  l'âme,  si  longtem 
désolée, d'Hégésippe  Moreau;  mais  il  ne  s'abt 
pas  outre  mesure ,  et  dans  une  lettre  à  celle 
a  cru  en  lui  quand  personne  n'y  croyait  et  < 
pouvait  maintenant  se  parer  de  son  amour 
de  ses  vers ,  il  écrit  :  «  Je  ne  me  crois  pas 
grand    poète,  tant  s'en  faut,  mais  Dieu  m'i 
témoin  que  je  suis  un  vrai  poëte  ;  malheureui 
ment  je  ne  suis  que  cela.  »  Et  il  écrivait  encor 
«  Ces  gens-là  me  laisseront  mourir  de  faim 
de  chagrin;  après  quoi  ils  diront  :  C'est  doi 
mage!  et  me  feront  une  réputation  pareille 


95  MOREAU 

tlle  de  Gilbert.  »  Les  sinistres  pressentiments 
Hégésippe  Moreau  devaient  bientôt  se  vérifier, 
i  santé  allait  décroissant.  Il  reprit  le  chemin 
innu  de  l'hôpital  (La  Charité).  Il  voulait  y  pas- 
r  l'hiver  :  au  bout  d'un  mois  iï  en  sortit  pour 
re  conduit  au  cimetière.  Cette  mort  à  l'hôpital 
t,  comme  le  poëte  l'avait  pressenti,  son  plus 
•and  bonheur  littéraire.  Elle  lui  suscita  un  tor- 
nt  de  regrets,  d'amitiés  et  de  louanges  post- 
imes.  Il  ne  laissait  après  lui  qu'une  petite 
rbe  de  vers,  qui  méritait  bien  d'être  recueillie; 
ais  elle  a  été  trouvée  plus  charmante  encore 
plus  amoureusement  dorée  par  le  soleil  de  la 
ésie  parce  que  le  moissonneur  lui-même  avait 
i  fauché  misérablement  sur  cette  gerbe ,  sans 
oir  eu  seulement  le  temps  de  la  lier.  Il  avait 
t  un  bouquet  de  myosotis;  la  pitié,  une  pitié 
•dive,  plutôt  que  l'admiration,  lui  a  tressé 
ec  ce  bouqïiet  une  couronne  d'immortelles. 
L'ap'titude  poétique  d'Hégésippe  Moreau  n'est 
s  susceptible  de  contestation  ;  mais  il  n'avait 
s  eu  le  temps  d'arriver  à  la  pleine  possession 
son  talent  ;  je  devrais  dire  plutôt  au  complet 
veloppemenl  à*e  son  âme.  Il  fait  au  hasard  des 
'ires ,  des  chansons ,  des  élégies  ;  les  satires 
opellent  Barthélémy,  les  chansons  imitent  Bé- 
nger.  Il  est  plus  personnel  dans  ses  vers  élé- 
«ques  que  parfume  un  souvenir  d'amour  pur, 
:  où  sa  détresse  éclate  parfois  en  notes  d'une 
Àgnante  amertume,  comme  dans  L'Isolement, 
Oiseau  que  j 'attends,  et  surtout  la  tendre 
ravissante  pièce  de  La  Voulzie.ÏÏ  a  de  l'esprit 
de  la  grâce  dans  l'invention  ;  sa  forme ,  sans 
re  toujours  pure,  est  soignée  avec  un  goût 
artiste.  Ce  sentiment  délicat  et  vraiment  at- 
ijue  de  l'art,  il  l'a  déployé  aussi  dans  les  Contes 
nia  sœur.  Parmi  ces  nouvelles  en  prose,  il 
est  une  qu'il  est  impossible  de  lire  sans  at- 
adrissement  :  c'est  Le  Gui  de  Chêne. 
Dans  les  époques  mêmes  les  moins  favorables 
la  poésie ,  il  y  a  des  moments  qui  le  sont  plus 
i  moins.  Quelques  poètes,  bien  dépassés  par 
js  poètes  plus  récents,  dont  le  talent  reste  ignoré, 
vent  encore  sur  la  réputation  qu'ils  se  sont 
ite  à  la  remorque  des  grands  noms  et  à  la  suite 
1  beau  mouvement  littéraire  qui  signala  les 
i  irnières  années  de  la  restauration  et  les  pre- 
|  ières  du  gouvernement  de  Juillet. 
Hégésippe  Moreau  était  arrivé  au  moment  de 
|  dispersion,  et  il  n'avait  pas  assez  d'éclat  pour 
ionter  tout  seul  et  d'emblée  à  la  renommée.  Il 
ait  raison  quand  il  disait  :  «  Je  ne  me  crois 
ta  un  grand  poëte,  pourtant  Dieu  m'est  témoin 
ie  je  suis  un  poëte;  par  malheur,  je  ne  suis 
Je  cela.  »  Mais  cela,  ce  qu'il  était  réellement, 
iiffit  pour  justifier  la  pitié  posthume  qui  a  fait 
{ver  une  fleur  de  gloire  de  la  paille  de  son  gra- 
»t ,  cela  est  assez  pour  que  ce  jeune  homme 
[fortuné n'ait  pas  écrit  en  vain  entête  de  son 
juvre  inachevée  :  Myosotis,  ne  m'oubliez  pas  ! 

LOUiS   BATISBONNB. 

Sainte-Marie-Mascotte ,  Notice  a  la  tête  du  Myosotis 


506 


U838).  —  Dessalles  -  Régis,  Bévue  des  Deux  Mondes, 
1er  fêvr.  1840.  —  Sainte-Beuve,  Le  Constitutionnel.  21  et 
Sïavrll  1851.  —  Félix  Pyat,  Revue  du  Progrès.  15  janvier, 
1889.  —  Vallery-Uadot,  Bévue  hebdomadaire,  1851.  — 
M"'e  C.  Angebert,  dans  La  Feuille  de  Provins,  7  Juin  1851. 

*  moreau  de  Jonnès  (  Alexandre) ,  statis- 
ticien français,  né  en  Bretagne,  près  de  Rennes, 
le  19  mars  1778.  Il  partit  comme  volontaire  dans 
le  bataillon  d'Ille-et-Vilaine  en  1792,  et  l'année 
suivante  combattit,  comme  artilleur,  dans  le 
port  de  Toulon,  pour  sauver  de  l'incendie  un 
de  nos  vaisseaux.  En  1795,  il  était  grenadier 
dans  les  compagnies  réunies  par  le  général 
Hoche  pour  l'assaut  du  fort  Penthièvre,  à  Qui- 
beron.  Il  s'embarqua  ensuite  comme  officier, 
dans  un  corps  franc,  sur  la  flottille  de  corsaires 
qui  enlevèrent  de  vive  force  une  partie  des  An- 
tilles anglaises.  On  le  retrouve,  en  1799,  maître 
canonnier  sous  le  général  Humbert,  s  "associant 
aux  insurgés  d'Irlande  dans  l'entreprise  de  Kil- 
lala.  Officier  d'artillerie  dans  l'expédition  de 
Saint-Domingue,  en  1802,  il  devint  successive- 
ment capitaine-adjudant  major,  aide  de  camp  de 
divers  généraux,  commandant  de  place,  chef 
d'état-major.  En  1809,  il  fut  fait  prisonnier  par 
les  Anglais.  Rentré  en  France  en  1815,  il  fut 
chargé  d'une  mission  pour  l'empereur,  mais  il 
n'arriva  qu'après  la  bataille  de  Waterloo.  11  rejoi- 
gnit l'armée,  et  termina  sa  carrière  militaire  après 
le  licenciement. 

Pendant  son  séjour  de  près  de  quatorze  ans 
à  La  Martinique,  M.  Moreau  de  Jonnès  avait  fait 
de  grandes  études  sur  la  géologie,  la  topogra- 
phie, le  climat  et  l'histoire  naturelle  de  la  con- 
trée. La  fièvre  jaune,  qui  fit  de  grands  ravages 
dans  l'armée,  devint  aussi  l'objet  de  son  atten- 
tion, et  quoiqu'il  n'exerçât  pas  l'art  de  guérir, 
il  fit  sur  ce  fléau  des  observations  utiles.  Ses  tra- 
vaux ,  objets  d'intéressantes  publications,  à  son 
retour  en  France,  furent  accueillis  avec  empres- 
sement par  les  sociétés  savantes  et  par  l'Institut. 
Entré  dans  l'administration  en  1817,  il  y  introduisit 
l'usage  habituel  de  la  statistique,  dont  les  vérités 
numériques,  qui  ne  changent  point  au  gré  des 
passions  etdes  partis,  jettentune  vive  lumière  sur 
les  questions  d'économie  sociale.  M.  Thiers,  qui 
avait  autrefois  rendu  compte  des  ouvrages  de 
M.  Moreau  de  Jonnès  dans  Le  Constitutionnel, 
le  choisit,  lorsqu'il  fut  au  ministère  du  com- 
merce, pour  diriger  les  travaux  de  la  statistique 
générale  de  la  Francej  immense  entreprise  vai- 
nement projetée  sous  Louis  XIV  et  sous  l'em- 
pire. Il  fut  admis  à  la  retraite  au  commence- 
ment de  l'année  1852.  Il  avait  été  nommé  dès 
1816  correspondant  de  l'Académie  des  Sciences 
(  section  de  géographie  et  de  navigation  ),  et  en 
1847  membre  libre  de  l'Académie  des  Sciences 
morales  et  politiques.  Il  a  été  promu  au  grade 
d'officier  de  la  Légion  d'Honneur  le  7  février 
1852. 

Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Minéralogie 
des  volcans  éteints  de  La  Martinique...; 
—  Monographie    du  ■  trigonocéphale  j    ou 


\ 


507  MOTŒATT 

grande  vipère  fer-de-lance  de  La  Martini- 
que; Paris,  1816,  in-8°;  l'auteur  a  lu,  en  1817, 


l'Académie  des  Sciences  un  autre  Mémoire  , 
faisant  suite  à  l'histoire  de  ce  reptile  ;  il  a  pré- 
senté aussi  un  Mémoire  sur  une  énorme  araignée 
qui  attaque  et  tue  les  petits  oiseaux;  —De  ï Effet 
du  climat  des  Antilles  sur  le  système  ner- 
veux  ;  Paris ,  18t6,  in-8°  ;  extrait  du  Bul- 
letin de  la  Société  de  Médecine  de  Paris  ;  — 
Essai  sur  l'hygiène  militaire  des  Antilles; 
Paris,  1816,  in-8°  :  cet  écrit  a  été  inséré  aussi 
dans  le  8e  vol.  des  Mémoires  de  la  Société  mé- 
dicale d' Émulation  ;  les  ministres  de  la  guerre 
et  de  la  marine  l'ont  fait  distribuer  dans  les  hô- 
pitaux et  aux  chefs  du  service  de  santé  des  ar- 
mées de  terre  et  de  mer  ;  —  Carte  physique, 
minéralogique ,  statistique  et  militaire  de 
Vile  de  La  Martinique;  —  Carte  des  volcans 
éteints  du  piton  du  Carbet,  à  La  Martinique, 
pour  servir  à  la  connaissance  de  V habita- 
tion des  plantes  de  la  flore  de  cette  lie  ;  — 
Précis  historique  sur  l'irruption  de  la  fièvre 
jaune  à  La  Martinique,  en  1802; Paris,  1817, 
in-8°  ;  et  dans  le  Bulletin  de  la  Société  mé- 
dicale d'Emulation,  année  1816;  —  Obser- 
vations pour  servir  à  l'histoire  de  la  fiè- 
vre jaune;  suivies  de  Tables  nécrologiques 
indiquant  la  proportion  de  la  mortalité  des 
troupes  françaises  et  anglaises  dans  les  Indes 
occidentales',  etc.  ;  Paris,  1817,  in-S°;  et  dans 
le  Bulletin  de  la  Sec.  méd.  d'Émulation;  — 
Tableau  du  Climat  des  Antilles  et  des  phé- 
nomènes de  son  influence  sur  les  plantes, 
les  animaux  et  l'espèce  humaine,  lu  à  l'A- 
cadémie des  Sciences;  Paris,  1817,  in-8°;  _ 
Précis  topographique  et  géologique  sur  Vile 
de  La  Martinique;  Paris,  1817,  in-8°  ;  extrait 
des  Annales  maritimes  ;  —  Monographie  his- 
torique et  médicale  de  la  Fièvre  jaune  des 
Antilles  et  Recherches  physiologiques  sur  les 
lois  du  développement  et  de  la  propagation 
de  cette  maladie  pestilentielle ,  lue  à  l'Aca- 
démie des  Sciences  en  1820;  Paris,  1820,  in-8°; 
—  Monographie  du  Cocko  Mobouia  des  An- 
tilles ;  1821,  in-80;—  Histoire  physique  des 
Antilles  françaises  («vec  La  Martinique  et  la 
Guadeloupe),  etc.;  Paris,  1822, t.  Ier,  in-8°;  seul 
paru  sur  les  quatre  annoncés;  —  Notice  sur  les 
enquêtes  officielles  constatant  la  contagion  de 
la  fièvre  jaune  et  de  la  peste,  lue  à  l'Acadé- 
mie des  Sciences;  Paris,  1825,  in-8°  ;  et  dans  la 
Revue  encyclopédique;  —  Mémoire  sur  le 
Déboisement  des  forêts  ;  Paris ,  1825,  in-4°; 
l'Acad.  royale  de  Bruxelles  a  décerné  une  mé- 
daille d'or  à  l'auteur  de  ce  travail  qu'elle  a  in- 
séré dans  le  5e  vol.  de  ses  Mémoires  ;  —  Le 
Commerce  au  dix-neuvième  siècle:  causes 
et  effets  de  son  agrandissement  et  de  sa  dé- 
cadence, et  moyen  d'accroître  et  de  conso- 
lider la  prospérité  agricole,  industrielle,  co- 
loniale et  commerciale  de  la  France;  Paris, 
1827,  2  vol.  in-8°  ;  couronné  par  l'Académie  de 


Marseille  ;  —  Observations  sur  un  rappo 
fait  à  l'Académie  des  Sciences  pour  décerm 
le  prix  de  statistique  à  de  nouvelles  tabl 
de  mortalité;  Paris,  1830,  in-8°;  —  Rappo 
au  Conseil  supérieur  de  Santé  sur  le  Cholêr 
morbus  pestilentiel,  les  caractères  et  phén 
mènes  pathologiques  de  cette  maladie,  l 
moyens  curatifs  et  hygiéniques  qu'on  l 
oppose,  sa  mortalité,  son  mode  de  propagt 
tion  et  ses  irruptions  dans  l'indoslan  ,  l'As 
centrale,  l'Amérique,  l'Arabie,  la  Syrie 
Perse ,  l'empire  russe  et  la  Pologne  ;  Pari 
1831,  in-8°  ,  avec  une  carte;  —  Statistique  < 
l'Espagne  :  territoire  ,  population ,  agricu 
ture ,  industrie ,  commerce,  navigation ,,c 
lonies ,  finances  ;  Paris,  1834,  in-8°,  avec  u; 
carte  ;  ce  livre,  traduit  en  espagnol,  a  eu  pi 
sieurs  éditions  ;  —  Statistique  de  la  Granè 
Bretagne  et  de  l'Irlande ;Paris,  1838,  2  n- 
in-8° ,  avec  carte  ;  couronnée  par  la  Société 
Statistique  de  Marseille  ;  —  Recherches  sfatisi 
ques  sur  l'esclavage  colonial  etsurlesmoye, 
de  le  supprimer  ;  Paris,  1841 ,  in-8°  ;  —  El 
ments  de  Statistique,  comprenant  les  pri 
cipes  généraux  de  cette  science  et  un  aper\ 
historique  de  ses  progrès;  Paris,  1847,  £ 
in-18;  —  Statistique  de  l'Agriculture  i 
France,  contenant  la  statistique  des  cêréal 
diverses,  des  pâturages,  des  bois  et  forêts 
des  animaux  domestiques,  avec  leur  produ 
tion  actuelle  comparée  à  celle  des  temf 
anciens  et  des  principaux  pays  d'Furopi 
Paris,  1848,  in-8°  :  cet  ouvrage  contient  le  r 
sumé  des  quatre  grands  volumes  de  la  Statisl 
que  générale  de  la  France,  publiée  par  le  n 
nistre  de  l'Agriculture  et  du  Commerce  ;  —  St 
tistique  des  peuples  de  l'antiquité  :  les  Égy\ 
tiens,  les  Hébreux,  les  Grecs,  les  Romains 
les  Gaulois.  Économie  morale,  civile  et  d 
mes  tique  de  ces  peuples;  histoire,  popul 
tion ,  origine,  races,  castes  et  classes,  agr 
culture,  industrie,  consommation,  riches 
publique,  force  militaire;  Paris,  1851,  2  v( 
in-8o-,  —  Aventures  de  Guerre  du  temps  de 
République  et  du  Consulat;  1859,  2  vol.  in-8 
—  Dans  lès  Documents  statistiques  sur  . 
France  publiés  par  le  ministre  du  commerci 
de  1835  à  1837  ,  3  vol.  gr.  in-4° ,  la  partie  impr 
mée  en  italiques  est  de  M.  Moreau  de  Jonnès. 
a  travaillé  aux  Annales  politiques,  à  la  Revi 
encyclopédique,  aux  Annales  maritimes, 
Journal  du  Commerce,  au  Journal  des  Éa 
nomistes.  Il  a  donné  à  l'Annuaire  de  VÉcon* 
mie  politique  de  1845,  une  Étude  statistiqi 
sur  les  Jardins.  Le  Compte  rendu  rfi 
Séances  de  l'Académie  et  le  Bulletin  des  Trt 
vaux  de  l'Académie  des  Sciences  morales 
politiques  contiennent  aussi  des  notes  sur  l< 
communications  faites  à  ces  Académies  pi 
M.  Moreau  de  Jonnès. 

Son  tils,   Alexandre,  né  à  La  Martiniqm 
en  1828    est  chef  de  bureau  au  ministère  di 


)ll 


MOREAU 


510 


lances,  et  a  publié  t  La  Presse';  son  progrès 
litique  et  social,  suivi  d'un  Exposé  éco- 
mique  et  statistique  des  réformes  opérées 
puis  180C  jusqu'à  l'époque  actuelle,  par 
1  eterict ,  trad.  de  l'allemand  ;  Paris ,  1848, 
8°.  G.  de  F. 

"oticc  des   Travaux  d'À.  Moreau  de  Jonnès,  1821  et 
.  j.  _  sarrut,  Biog.  des  hommes  du  jour,  t.  VI,  2e  par- 
E  —  Dlct.  d'économie  politique,  —  Journal  des  Éco- 
ùstes,  t.  XVI  et  XXI.  —  Docum.  partie. 

MOREAU  {François-Joseph),  médecin 
içais,  né  le  5  mars  1789,  à  Auxonne  (  Côte- 
ir).  Après  avoir  terminé  son  éducation,  il  vint 
1808  a  Paris  étudier  la  médecine  et  dut  aux 
s  prix  qu'il  avait  remportés  dans  les  coucours 
l'Ëcole  pratique,  la  délivrance  gratuite  du  di- 
mede  docteur  (26  décembre  1814).  S'étant 
cialement  livré  à  la  pratique  des  accouche- 
îts,  il  fit  sur  ce  sujet,  ainsi  que  sur  les  maladies 
t  tommes  et  des  enfants,  des  cours  publics  et 
uits.  Membre  de  l'Académie  de  Médecine  dès 
réation  (  1821  ) ,  il  fut  chargé  le  10  juillet 
3  d'une  chaire  d'obstétrique  qu'il  occupe  en- 
lâla  Faculté  de  Paris.  De  1830  à  1856  il  a 
'  attaché  au  service  de  la  maison  d'accouche- 
its  de  La  Maternité.  Il  est  officier  de  la  Lé- 
d'Honneur.  On  a  de  lui  :  Essai  sur  la 
Position  de  la  membrane  caduque;  Paris, 
t,  in-4°;  —  Manuel  des  Sages- Femmes  ; 
il,  1838,  in-12,  fig.  ;  —  Traité  pratique  des 
mehements ;  Paris,  1838-1841,  2  vol.  in-8° 
'tlas  in-fol.,  trad.  en  espagnol,  en  1845  ;  — 
rapports,  des  articles,  trois  volumes  des 
•ès-verbaux  de  l'Académie  de  Médecine,  etc. 

P.  L— y. 
«ér.  française  Contemp. 

«ou eau  (  César  ),  économiste  français,  né 
I  novembre  1791,  à  Marseille.  Employé  d'a- 
en  Westphalie,  il  fut  admis  en  1809  dans 
flhndance  de  l'armée  d'Espagne,  et  fit,  dans 
iprdes  d'honneur,  les  campagnes  de  1813  et 
m  814.  A  la  recommandation  du  prince  Léo- 
pi  de  Saxe-Cobourg,  il  fut  attaché  en  1816  au 
«ïulat  général  de  Londres.  Ce  fut  là  qu'il 
sferoença  sur  la  statistique  une  série  de  re- 
lâches, qui  le  fit  admettre  dans  la  Société 
SSfle  de  Londres  et  dans  les  Sociétés  françaises 
^antiquaires  et  de  Géographie.  Nommé  vice- 
#jul  en  1825,  il  reçut  la  croix  d'Honneur  en 
:w ,  et  fut  rappelé  l'année  suivante  à  Paris,  où 
iljdigea  plusieurs  rapports  pour  le  ministère 
Af  affaires  étrangères.  M.  César  Moreau  a  été 
Ici  incipal  fondateur  de  la  Société  française  de 
Stjstique  universelle  et  de  l'Académie  de  l'In- 
<ty  ie.  Il  a  publié  de  nombreux  tableaux  syn- 
wjues,  parmi  lesquels  les  plus  intéressants 
soj  ceux  qui  concernent  l'Angleterre  :  État  du 
C<^meree  avec  toutes  les  parties  du  Monde 
fc'fà  à  1824,  année  par  année  (  1824)  ;  Ar- 
di°s  de  la  Compagnie  de  1600  à  1827 
<fr[7)  ;  Commerce  des  Soieries  et  des  laines 
0<|8  );  État  de  la  Navigation  marchande 
i*\ïeure  et  extérieure  (1828);  Archives 


chronologiques  des  Finances  (  1829);  Indus- 
trie britannique  dans  ses  exportations  pour 
chaque  pays  (1830).  Il  est  aussi  l'autour  de 
semblables  travaux  sur  la  France  :  Examen 
statistique  du  royaume  en  1787  (  1830  )  ;  Ta- 
bleau  comparatif  du  Commerce,  etc.  On  a  en- 
core de  lui  :  Annuaire  statistique  pour  1838 
de  l'Europe,  l'Asie,  P  Afrique,  l'Amérique  et 
POcéanie  ;  Paris,  1838,  2  vol.  in-18  ;  —  Echan- 
ges internationaux  de  livres,  d'objets  d'art 
et  d'histoire  naturelle;  Paris,  1849,  broch. 
in- 8°.  De  1835  à  1837,  il  a  dirigé  la  publication 
de  l'Univers  maçonnique.  P.  L — y. 

Pnscallet,  Le  Biographe,  et  le  Nécrologe,  1834.  —  G. 
Sarrut  et  Saint-Edme,  Biogr.  des  Hommes  du  Jour,  I, 
lre  partie. 

*  moreau -Christophe  (Louis  -  Mathu- 
rin),  économiste  français,  né  en  1799,  à 
Sainte-Maure,  près  Tours.  Reçu  avocat  à  Paris, 
il  pratiqua  le  barreau  dans  la  petite  ville  de 
Loches ,  fournit  quelques  articles  au  Diction- 
naire de  Droit  de  Paillet  et  à  la  Jurispru- 
dence du  Notariat  de  Rolland  de  Villargue,  et 
publia  divers  travaux  littéraires,  entre  autres 
une  traduction  du  Voyage  sentimental  de 
Sterne  (Paris  ,  1828,  in-18).  Le  25  octobre  1830 
il  fut  nommé  inspecteur  général  des  prisons  de  la 
Seine,  et  il  prit  part  à  la  formation  de  la  Société 
pour  le  Patronage  des  jeunes  Libérés  de  ce  dépar- 
tement. Envoyé  à  Nogent-le-Rotrou  en  qualité  de 
sous-préfet,  il  exerça  ces  fonctions  de  novembre 
1833  à  novembre  1837,  et  devint  à  cette  dernière 
date  inspecteur  général  des  prisons  du  royaume. 
Diverses  missions  lui  furent  confiées  par  le  mi- 
nistre de  l'intérieur  :  il  parcourut  l'Angleterre 
et  l'Ecosse  (  1887),  la  Hollande,  la  Belgique  et 
la  Suisse  (1838),  afin  d'y  étudier  le  régime  dis- 
ciplinaire et  les  colonies  agricoles ,  et  il  fut  à 
diverses  reprises  chargé  de  traduire  ou  de  ré- 
diger des  documents  sur  les  prisons  pour  être 
distribués  aux  chambres.  En  1842  il  prit  la  di- 
rection d'une  feuille  hebdomadaire,  Le  Travail, 
destinée  à  neutraliser  l'effet  des  doctrines  de 
L'Atelier.  Vers  la  même  époque  il  participa  à 
la  fondation  de  la  colonie  agricole  des  jeunes 
détenus  deMettray.  Le  5  mai  1 848  il  fui  des- 
titué par  M.  Ledru-Rollin  de  ses  fonctions  d'ins- 
pecteur général,  et  rentra  dans  la  vie  privée. 
M.  Moreau-Christophe  est  un  des  partisans  dé- 
clarés du  système  cellulaire,  et  l'on  peut  dire 
qu'il  en  a  hâté  l'introduction  par  ses  rapports 
ou  par  ses  écrits.  On  a  de  lui  :  De  l'État  ac- 
tuel des  Prisons  en  France;  Paris,  1836, 
in-8°;  —  De  la  Réforme  des  Prisons  en 
France ,  considérée  dans  ses  rapports  avec 
le  système  de  P  emprisonnement  individuel  ; 
Paris,  1838,  in- 8°  ;  —  Rapport  sur  les  Prisons 
de  l'Angleterre,  de  P  Ecosse,  de  la  Hol- 
lande, de  la  Belgique  et  de  la  Suisse  ;  Paris-, 
1839,in-4°  pi.  ;  —  Delà  Mortalité  et  de  la  Folie 
dans  le  régime  pénitentiaire,  et  spécialement 
aux  États-Unis  et  en  Suisse  ;  dans  les  Mém. 


511 


MOREAU  — 


de  VAcad.  de  Médecine  (  1 839  )  ;  —  Considé- 
rations sur  la  Réclusion  individuelle;  Paris, 

1843,  in-S°,  trad.  du  hollandais  de  W.-H. 
Suringar  ;  —  Défense  du  projet  de  loi  sur  les 
prisons  contre  les  attaques  de  ses  adver- 
saires ;  Paris,  1848  ,  gr.  in-8°;  —  Code  des 
Prisons,  ou  recueil  complet  des  lois,  ordon- 
nances et  instructions  concernant  les  mai- 
sons d'arrêt,  etc.,  de  1670  à  1845,  et  de  1845 
à  1856;  Paris,  1845-1856,  2  vol.  in-8°;  — 
Revue  pénitentiaire  et  des  institutions  pré- 
ventives; Paris,  1844-1847,  4  vol.  in-8°,  re- 
cueil périodique  trimestriel;  —  Discussion  et 
Projet  de  loi  sur  les  Prisons  ;  Paris,  1845,  gr. 
in-8°;  —  Congrès  pénitentiaires  de  Franc- 
fort et  de  Bruxelles;  Paris,  1846-1847,  in-8<>; 
—  Du  droit  à  l'oisiveté  et  de  l'organisation 
du  travail  servile  dans  les  républiques  grec- 
ques et  romaine;  Paris,  1850,  in-8°  ;  —  Du 
Problème  de  la  Misère  et  de  sa  solution  chez 
les  peuples  anciens  et  modernes;  Paris,  1851, 
3  vol.  in-8°;  —  Photographie  signalétique, 
ou  application  de  la  photographie  au  signa- 
lement des  libérés,  mémoire  adressé  en  1853 
à  Napoléon  TH;  —  Économie  politique  sa- 
crée; Paris,  1856,  in-8°.  M.  Moreau-Christophe 
a  collaboré  en  outre  aux  Français  peints  par 
eux-mêmes  (  articles  Les  Détenus  et  Les  Pau- 
vres ),  et  il  a  été  couronné  par  l'Académie  des 
Sciences  morales  et  politiques  pour  deux  mé- 
moires sur  La  Misère  (  1840)  et  sur  Le  Sys- 
tème pénitentiaire  dans  ses  rapports  avec  le 
code  pénal  (1842).  Il  est  depuis  1 833  chevalier 
de  la  Légion  d'Honneur.  T.  F. 

Dict.  d'Économie  polit,,  II. 

*  mokeau  (  Louis  -  Ignace  ) ,  littérateur 
français  (l),né  à  Paris,  le  11  août  1807.  Entré  à 
la  bibliothèque  de  Sainte- Geneviève  en  1838, 
il  fut,  en  1850,  nommé  conservateur  à  la  biblio- 
thèque Mazarine,  et  s'est  toujours  occupé  d'ou- 
vrages philosophiques.  On  a  de  lui  :  Du  Maté- 
rialisme phrénologique  ;  Paris ,  1843,  1546, 
1860,  in-12;  —  Considérations  sur  la  vraie 
doctrine;  Paris,  1844  et  1860,  in-12;  —  Le 
Philosophe  inconnu,  ou  réflexions  sur  les 
idées  de  L.-Cl.  de  Saint-Martin,  le  théoso- 
phe;  Paris,  1850,  in-12;  —  La  Destinée  de 
V Homme ,  ou  du  mal,  de  l'épreuve  et  de  la 
stabilité  future;  Paris,  1857,  in-12.  M.  Mo- 
reau  a  traduit  :  Les  Confessions  de  saint  Au- 
gustin (Paris,  1840,  in-S°;  1848,  in-12; 
7eédit.,  1860,  in-12)  ;  et  La  Cité  de  Dieu  (Paris, 

1844,  1845,  in-12;  avec  le textelatin,  1846, 1854, 
3  vol.  in-12)  ;  ces  deux  traductions,  qui  sont  les 
meilleures  publiées  jusqu'à  ce  jour,  ont  été  cou- 
ronnées par  l'Académie  Française.  Il  a  égale- 
ment traduit  L'Imitation  de  Jésus-Christ  (Pa- 
ris, 1850,  1860,  in-12),  et  il  a  donné  une  édi- 

(1)  La  Littérature  contemporaine  et  le  Dictionnaire 
universel  des  Contemporains  ont  confondu  cet  écrivain 
avec  un  de  ses  homonymes,  qui  a  publié,  en  1850  et  en 
1852,  une  Bibliographie  des  Mazarinades. 


MOREAUX  5 

tion  des  Œuvres  de  Balzac,  l'un  des  premit 
académiciens  (Paris,  1854,  2  vol.  in-12).  H. 
Docum.  part. 
.MOREAU    DE  MAUTOUR,  MOREAU  DE  MERS1  J 

Voy.  Majjtocr  et  Mersan. 

moreaux  {Jean-René),  général  françai 
né  le  14  mars  1758,  à  Rocroi,  mort   dans 
nuit  du  10  au  11  février  1795,  à  Thionville. 
n'avait  pas  dix-huit  ans  lorsqu'il  s'enrôla  di  | 
le  régiment  d'Auxerrois  ;  il  prit  part  à  la  gue 
d'Amérique,  se  distingua  par  plusieurs  actes  j 
courage,  et  eut  la  jambe  droite  fracassée  d 
coup  de  feu  au  combat  de  Sainte-Lucie.  Con 
dié  en  1779,  avec  la  récompense  militaire,  il  | 
vint  dans  son  pays  (1782),  et  y  exerça  jusqu'. 
révolution  le  métier  d'entrepreneur  de  bâlimeiJ 
qui  avait  été  celui  de  son  père.  Bien  qu'à  cette  é 
que  il  eût  une  femme,  quatre  enfants  etun  afel 
de  trente  ouvriers,  il  n'hésita  pas  à  tout  aband 
ner  pour  courir  à  la  défense  des  frontières.  k\\ 
avoir  organisé  à  Rocroi  la  garde  nationale ,  il  I 
élu  commandant  du  1er  bataillon  de  volonta 
ardennais,  et  se  porta  avec  sa  troupe  au  secc  I 
de  Thionville,  investi  par  les  Prussiens  (20  1 1 
tembre  1791).  Pendant  le  siège  de  cette  plaît 
dirigea  de  vigoureuses  sorties,  et  s'empara  de  q  I 
ques  bateaux  ennemis  chargés  de  blé.  Le  gén  ( 
Félix  Wimpfen,  sous  les  ordres  duquel  il  (  I 
placé,  le  désigna  au  ministre  de  la  guerre  B  a 
chote  comme  un  de  ses  meilleurs  officiers.  Enq  I 
ques  mois  Moreaux  s'éleva,  par  son  seul  méi  fi 
aux  grades  supérieurs,  et  le  15  mai  1793  ill 
nommé  général  de  brigade.  A  la  tête  de  l'av 
garde  du  corps  des  Vosges,  il  chassa  les  Pil 
siens  des  postes  qu'ils  occupaient  en  avaml 
Deux-Ponts,  prit  Carlsberg,  et  battit  à  Leyi 
le  duc  de  Brunswick,  qui  y  avait  placé  des  fo 
considérables  (22  juillet  1793).  Cette  série  de  : 
lants  faits  d'armes  (1  )  lui  valut  le  grade  de  gén 
de  division  (30  juillet)  ;  en  cette  qualité  il  suce 
à  Pully  dans  le  commandement  du   corps 
Vosges,  formé  d'une  division  de  10,000  homi 
A  peine  rétabli  d'une  blessure  qu'il  avait  reç 
la  jambe  droite,  il  attaqua  l'ennemi  dans  le  c 
retranché  de  Pirmasenz;  mais,  trouvant  la 
sition  trop  forte,  il  se  retira  en  bon  ordre 
surlendemain  14  septembre,  il  fut  forcé,  sur 
jonction  des  représentants  du  peuple,  derec 
mencer  l'attaque  :  malgré  l'infériorité  du  nor. 
et  malgré  un  feu  des  plus  meurtriers,  il  e 
ladait  déjà  les  redoutes    lorsqu'un  mouvei 
inattendu  et  entièrement  opposé  aux  prini 
militaires,  s'opéra  dans  la   colonne  du  géii 
Guillaume,  et  changea  la   victoire  en  dér 
complète.  Le  patriotisme  et  les  talents  de 
reaux  étaient  si  bien  connus  que,  loin  d 
rendre  responsable  de  cet  échec,  on  lui  doi 
quelques  jours  plus  tard ,  le  commandemen 
chef  de  l'armée  de  la   Moselle  (24  septer 
1793);  par  un  sentiment  de  modestie  exag 

(1]  Le  général  Joraini  n'en  a  pas  dit  un   mot  dan 
Histoire  des  Campagnes  de  la  Révolution. 


113 

le  refusa/et  préféra  de  servir  sous  Hoche,  son 
ni,  qui  fut  nommé  à  sa  place.  Dans  la  campagne 
livante,  une  des  plus  décisives  delà  révolution, 
1  eut  J'aile  gauche  souâ  ses  ordres  ;  après  avoir 
I  dé  à  la  reprise  des  lignes  de  Wissembourg, 
i  s'empara  de  Kaiserslautern  après  trois  jours 
\  -,  combats  acharnés  (  2  janvier  1794)  et  y  éta- 
i  it  ses  quartiers  d'hiver. 
(  Au  printemps  de  1794,  Moreaux  seconda  dans 
if  s  manœuvres  sur  Arlon,  Jourdan ,  son  ancien 
[  marade  au  régiment  d'Auxerrois,  qui  lui  confia 
I  ir  intérim  le  21  avril  le  commandement  de  toute 
|  irmée  de  la  Moselle.  Il  n'en  reçut  toutefois  la 
(  légation  officielle  que  le  25  juin  suivant.  Tan- 
1  s  que  l'armée  de  Sambre  et- Meuse  allait  agir 
I  ms  la  Flandre ,  il  combina  ses  opérations  avec 
I  rmée  du  Rhin,  commandée  par  Michaud  ,  dans 
1  but  de  forcer  les  alliés  à  repasser  ce  fleuve. 
j  la  suite  d'un  premier  mouvement,  contrarié 
|  r  un  échec  de  Michaud,  il  prit  d'assaut  les  formi- 
|  blés  retranchements  de  TrippstadC  (13  juillet), 
1  .rès  avoir  vu  ses  troupes  cinq  fois  repoussées. 
[)ur  continuer  l'offensive,  il  attendit  un  ren- 
!  rt  de  quinze  mille  hommes  détachés  de  la  Ven- 
Le.  Au  mois  d'août  il  battit  les  Autrichiens  à 
I  îllingen,  et  força  Trêves,  cerné  de  toutes  parts, 
i  lui  ouvrir  ses  portes  (9  atout).  La  Convention 
I  i  envoya  comme  un  témoignage  de  la  satisfaction 
i  l'elle  éprouvait  de  cette  rapide  conquête  un 
l  apeau  avec  cette  inscription  :  «  A  l'armée  de 
L  Moselle  la  patrie  reconnaissante.  » 
|  Pour  terminer  glorieusement  la  campagne  ,  il 
;:  t  arrêté,  dans  une  conférence  tenue  à  Bitche 
litre  les  généraux  Moreaux,  Michaud  et  Desaix 
|  les  représentants  du  peuple  Bourbotte  et  Fe- 
iiud,  que  l'armée  de  la  Moselle  poursuivrait 
}  ennemi  jusqu'à  ce  qu'elle  l'eût  forcé  à  se  jeter 
[i  delà  du  Rhin;  les  armées  de  Sambre  et 
lieuse  et  du  Rhin  devaient  la  seconder  dans  ses 
itiouvements.  Ce  plan  arrêté ,  Moreaux  quitta  le 
Jirnp  de  Trêves  (7  octobre  1794),  se  rendit 
naître  du  cours  de  la  Moselle  jusqu'à  Coblentz, 
lassa  l'ennemi  de  Creutznach  et  de  Bingen,  et  le 
i  ontraignit  à  repasser  le  Rhin  en  désordre.  Puis, 
I  étachant  deux  de  ses  divisions  sur  Coblentz,  il 
ntra  dans  cette  ville  le  24  octobre,  après  une 
.aible  résistance  de  la  part  des  assiégés  (i  ).  Le 
!  «demain  ses  divisions  de  droite  investissaient 


|  (1)  On  a  longtemps  enlevé  à  Moreaux  l'honneur  de 
,;tte  conquête  pour  le  reporter  sur  Marceau;  tous  les 
ilsloricns  ont  suivi,  sans  la  rectifier,  la  version  erronée 
fa  Moniteur.  Le  corps  qui  s'empara  de  Coblentz  était 
jomposé  de  trois  divisions,  dont  une  seule  appartenait  à 
I  innée  de  Sambre  et  Meuse;  Moreaux  en  eut  le  com- 
j  andement  en  chef,  ayant  sous  ses  ordres  Marceau  et 
[:ux  de  ses  propres  généraux,  Taponier,  Vincent  (voy. 
es  lettres  de  Moreaux  au  comité  de  salut  public,  en 
jatc  des  13  octobre  et  3  novembre  1794).  Deux  raisons 
Lnt  contribué  à  accréditer  cette  erreur  :  Marceau  signa 
hirlla  reddition  de  Coblentz,  et  la  nouvelle  en  fut  en- 
voyée à  Paris  par  le  représentant  du  peuple  Gillet,  qui 
le  fit  valoir  que  les    services   de  Marceau.   Ce  dernier 

rallia  ssns  mot  dire  de  cette  indigne  supercherie.  Mieux 
[iformédece  qui  s'était  passé,  Carnot  écrivit  à  Bour- 
j  olte  :  «  Lorsque  nous  apprîmes  la  prise  de  Coblentz,  ce 

it  par  un  courrier  de  l'armée  de  Sambre  et  Meuse,  et 


MOREAUX  514 

Mayence.  Peu  de  jours  après  il  occupa  la  forteresse 
deRheinfels,  où  l'on  trouva  trente-neuf  bouches  à 
feu  et  des  munitions  de  toutes  espèces  (2  nov.). 
Ce  fut  à  la  suite  de  ces  brillantes  et  rapides  ma- 
nœuvres que  le  commandement  en  chef  des  armée3 
de  la  Moselle  et  du  Rhin  fut  remis  à  Moreaux  par 
les  représentants  Bourbotte  et  Féraud  (  décembre 
1794);  mais  ce  dernier,  par  un  sentiment  de  défé- 
rence pour  Michaud,  qui  ne  lui  en  témoigna  aucune 
gratitude,  refusa  de  se  charger  de  ce  double  pou- 
voir, et  se  contenta  de  diriger  les  opérations. 
Aussitôt  après  la  prise  deRheinfels,  Moreaux, 
tout  en  commençant  le  blocus  de  Luxembourg 
et  en  aidant  Michaud  à  détruire  la  tête  du  pont 
de  Manheim ,  emporta,  le  4  décembre,  les  re- 
doutes de  Salzbach  à  la  baïonnette.  Le  22  no- 
vembre il  prit  position  devant  Luxembourg. 
Cette  place,  d'après  sa  situation,  ses  approches, 
la  nature  du  terrain  qui  l'environne,  et  ses  for- 
tifications multipliées,  est  une  des  plus  fortes 
de  l'Europe;  elle  était  défendue  par  le  feld-ma- 
réchal  Bender,  qui  disposait  d'une  nombreuse 
garnison  éjt  de  plus  de  cinq  cents  bouches  à  feu. 
L'armée  française  manquait  à  peu  près  de  tout  ; 
au  milieu  d'un  hiver  des  plus  rigoureux,  elle 
avait  également  à  souffrir  du  froid  et  de  la  faim; 
les  paysans,  soudoyés  par  l'or  autrichien,  la  har- 
celaient sans  cesse  et  interceptaient  presque 
tous  ses  convois.  Malgré  ces  difficultés ,  qu'il  ne 
surmonta  qu'à  force  d'énergie  et  de  patience, 
Moreaux  parvint,  dans  les  derniers  jours  de 
janvier  1795,  à  empêcher  toute  espèce  de  com- 
munication entre  la  place  et  l'extérieur.  Les 
travaux  du  siège  avançaient  avec  une  telle  ra- 
pidité que  Moreaux  espérait  entrer  sous  peu 
dans  Luxembourg,  lorsqu'une  mort  soudaine, 
dont  le  mystère  n'a  point  encore  été  expliqué, 
vint  le  frapper,  dans  la  nuit  du  10  au  11  février 
1795,  à  l'âge  de  trente-sept  ans.  Le  général  Ha- 
try  prit  la  direction  du  siège;  il  n'eut  qu'à  ache- 
ver l'œuvre  de  Moreaux,  et  il  en  recueillit  toute 
la  gloire.  «  Plusieurs  d'entre  vous  ont  combattu 
avec  lui,  disait  le  représentant  Barra  dans  un 
rapport  au  Conseil  des  Cinq  Cents  ;  ils  ont  été  les 
témoin»  de  ses  exploits  ;  ils  savent  que  Moreaux 
fut  toujours  compté  parmi  ceux  de  nos  géné- 
raux dont  on  estimait  le  plus  les  talents  et 
le  patriotisme;  ils  savent  que  si  quelques- 
uns  se  sont  illustrés  par  des  faits  d'armes 
plus  éclatants ,  aucun  ne  l'a  surpassé  en  vertu , 
et  n'a  eu  à  un  degré  plus  éminent  les  qualités 
qui  constituent  le  brave  militaire,  l'honnête 
homme.  »  La  veuve  de  ce  général  obtint  la  pen- 

nous  ignorions  la  part  qu'avait  eue  à  l'expédition  l'ar- 
mée de  la  Moselle.  Par  le  rapport  d'aujourd'hui,  nous 
sommes  revenus  sur  ce  point,  et  la  Convention  nationale 
a  été  instruite  que  les  deux  armées  avaient  concouru  à 
la  conquête  de  Coblentz.  »  Carnot  à  Bourbotte,  8  no- 
vembre 179*.)  Mais  le  mal  était  fait.  Dominant  toute  sug- 
gestion d'amour- propre",  Moreaux  ne  réclama  point  pu- 
bliquement; il  se  contenta  de  rétablir  les  faits  dans  une' 
lettre  aussi  digne  que  modeste  adressée  à  son  ami  Jour- 
dan ;  elle  a  été  publiée  par  M.  Léon  Moreaux ,  dans 
l'excellente  notice  qu'il  a  consacrée  à  son  aïeul. 


NOUV.    BIOGR.    GÊNER. 


T.   XXXVI. 


515  MOREAUX 

sion  a  laquelle  elle  avait  droit,  et  qui  fut  ré- 
duite en  1801  à  l,200fr.  P.  L— y. 

Léon  Moreaux,  Notice  hlst.  sur  J.-R.  M  or  eaux  ;  Pa- 
ris, 1352,  in-8°  (extrait  du  Spectateur  militaire).  — 
Victoires  et  Conquêtes,  *..  I  et  II.  —  Biogr.  univ.  et  port. 
<les  Contenrp.  |Suppl.). 

moreelze  (  Paul) ,  peintre  hollandais,  né 
àUtreeht,  en  1571,  mort  dans  la  même  ville,  en 
1638.  Né  dans  une  famille  riche,  il  se  donna  à 
la  peinture  par  un  goût  naturel.  Michel  Mirevelt 
fut  son  maître,  et  lui  apprit  à  peindre  l'histoire, 
qu'il  quitta  pour  le  portrait;  et,  s'il  faut  en 
croire  Carie  van  Mander,  son  talent  était  tel 
que  toutes  les  grandes  dames  voulaient  se  faire 
peindre  par  Paul  Moreelze.  «  Elles  l'employaient 
tant,  qu'à  peineil  put  y  suffire.  »  —  »  Il  était,  dit 
Descamps,  bien  pris  et  de  belles  manières,  spi- 
rituel, bon  musicien  et  faisait  agréablement  les 
vers.  »  Il  n'en  faut  pas  tant  pour  expliquer  la 
vogue  dont  il  jouissait  dans  sa  patrie.  Il  mourut 
bourgmestre  de  sa  ville  natale.  Parmi  la  quan- 
tité de  portraits  peints  par  Moreelze,  on  cite  ceux 
du  comte  et  de  la  comtesse  de  Kuylemberg,  en 
pied,  grands  comme  nature  ;  celui  deMme  Cnot- 
to-jfemmed'un  conseiller  d'Utrecht,  etc., etc. Les 
productions  de  Moreelze  sont  peu  connues,  parce 
qu'elles  sont  restées  dans  les  galeries  de  famille. 
On  voit  cependant  de  lui  à  l'hôtel  de  ville  d'Utrecht 
un  beau  tableau  allégorique  représentant  cette  cité 
avec  les  attributs  qui  lui  conviennent.  Moreelze 
était  aussi  excellent  architecte.  Presque  toutes  ses 
productions  sont  ornées  de  monuments  en 
perspective.  C'est  lui  qui  fit  édifier  la  porte 
Sainte-Catherine  à  Utrecht,  et  ce  morceau  est 
d'une  belle  composition.  A.  de  L. 

Carie  van  Mander,  Het  leven  (1er  moderne  oft  clees- 
tytsche  doorluchtighe  Ncderlandtsche,  etc.,  Schilders 
(  Amsterdam,  1617,  in-4°  ).  —  Descamps,  La  Fie  des  Pein- 
tres hollandais,  etc.,  t.  I,  p.  163. 

MOREL  (  Guillaume  ),  savant  imprimeur 
français,  né  en  1505,  à  Tilleul,  bourg  dépen- 
dant du  comté  de  Mortain  ,  dans  la  Normandie, 
mort  à  Paris,  le  19  février  1564.  D'une  famille 
pauvre  et  obscure,  il  fit  cependant  de  bonnes 
études;  et,  son  éducation  terminée,  il  vint  à 
Paris ,  où  il  vécut  du  produit  de  quelques  leçons. 
Une  de  ses  lettres  nous  apprend  qu'en  1544  il 
entra  comme  correcteur  dans  l'imprimerie  de 
Jean  Loys,  dit  Tiletan;  ce  fut  là  qu'il  publia  son 
premier  ouvrage ,  des  commentaires  estimés  sur 
le  traité  De  Finibus  de  Cicéron ,  qu'il  dédia  à 
Guillaume  Spitame, alors  chancelier  de  l'univer- 
sité. Quatre  ans  après,  il  donna  avec  Jacques 
Bogard  une  bonne  édition  annotée  des  Institu- 
tions oratoires  de  Quintilien.  Admis  l'année 
suivante  dans  la  corporation  des  imprimeurs  de 
Paris,  il  s'établit  en  face  du  collège  de  Reims,  et 
commença  à  travailler  pour  son  propre  compte. 
Dès  1552  nous  le  voyons  adopter  une  marque 
typographique  bien  connue  des  bibliophiles; 
elle  se  compose  d'un  O  entouré  de  deux  ser- 
pents, avec  un  amour  assis  sur  le  trait  qui  est 
au  centre;  il  y  joignit  quelquefois  cette  légende, 


—  MOREL  S 

tirée  de  Martial  :  Victurus  genium  débet  } 
bere  liber.  Le  soin  qu'il  apportait  à  la  corr 
tion  de  ses  ouvrages  le  fit  rechercher  du  sav 
Tùrriébe  ,  avec  qui  il  publia  quelques  éditio  ; 
aussi  quand,  en  1555,  Turnèbe  fut  nommé  p  i 
fesseur  royal  de  grec,  il  renonça  en  faveur  \ 
G.  Morel  à  sa  place  d'imprimeur  du  roi.  Me 
redoubla  d'activité  ;  ses  éditions,  déjà  remarq  : 
blés  par  la  fidélité  des  textes,  le  nombre  des 
riantes,  et  le  choix  des  notes,  se  distingué! 
alors  par  une  élégance  typographique  qui 
fait  placer  sur  la  même  ligne  que  Robert 
tienne.  A  partir  de  cette  époque  on  trouve  s 
vent  sur  ses  livres  une  marque  différente 
celle  que  nous  avons  indiquée;  elle  représi 
un  thyrse  entouré  de  lauriers,  et  autour  duc 
s'enroule  un  serpent,  avec  cette  légende,  Bac 
t'  àya66)  xpaxEpw  t'  cày_\ir,rri  ;  c'était  la  mar 
ordinaire  des  imprimeurs  du  roi.  Les  dernii 
éditions  publiées  par  Morel  sont  sous  cert< 
rapports  inférieures  aux  premières  qui  sorti; 
de  ses  presses.  Henri  Estieune,  dans  une  éf 
phe  satirique  composée  pour  Guillaume,  prél 
en  trouver  la  cause  dcflis  l'inconstance  religu 
de  Morel,  qui,  d'abord  ^attaché  à  la  réfor 
abandonnâtes  doctrines  nouvelles,  dans  la  cra 
de  perdre  son  emploi. 

Sed  quod  non  hujus  respondent  ultima  primis, 

Aïs  bene  fida  prius,  nec  bene  fida  manet. 

Ne  mirare,  fidem  quod  et  ars  sua  fregerit  ill i - 

Namque  tfatam  Christo  fregeratille  udcm  . 

Il  faut  plutôt  l'attribuer  à  la  pauvreté  qui  a 
gea  la  fin  de  ses  jours.  Quand  il  mourut,  il  s 
cupait  d'une  édition  des  Œuvres  complètes 
Démosthène;  elle  fut  terminée  en  1570,  par  J 
Bienné  (  Bene-Natus  ),  qui  épousa  la  veiivi 
Morel,  se  mit  à  la  tête  de  l'imprimerie,  et  < 
serva  même  sur  ses  publications  la  marqu 
son  prédécesseur.  Elle  fut  également  empk 
par  Etienne  Prévosleau,  mari  d'une  des  I 
de  Morel,  et  dont  les  livres  portent  souvent  I 
indication  :  E  typographia  Steph.  Prsevos 
hœredis  Guill.  tiorelli.  On  trouvedansMaittf 
Historia  Typogr.  Parisiens.,  la  liste  de  toute; 
publications  sorties  des  presses  de  Morel.  P3 
les  ouvrages  que  nous  a  laissés  ce  savant  iriT 
meur,  figure  en  première  ligne  son  Thesan 
Vocum  omïiium  Latinarum  ordine  alpha 
ticodigestarum,  etc.,  qui  parut  d'abord  sou 
titre  :  Commentarhis  Verborum  Latinor 
cum  grsecis  gallicisque  conjunctorum;Pi 
1 558,  in-4°,et  souvent  réimprimé.  On  lui  doit 
core:  des  Notes  sur  saint  ,Cyprien,lbM,  in-l 
sur  saint  Ignace,  1558,  in-8°,  elsur  saint  Dt 
l'Aréopagite,  1562,  in-fol.;  —  Observations 
liberos  Ciceronis  De  Finibus  bonorum  et  \ 
lorum,  et  in  partitiones  oralorias  ;  Il 
in-4°  ;  —  Tabula  compendiosa  de  orig. 
successione  ,  œtate  et  doctrina  veterum  j 
losophorum,  ex  Plutarcho,  Lucretio,  C 
rone,  etc.,  in-4°,  réimprimée  avec  les  supj 
roents  de  J.  Wolf ,  dans  le  Thésaurus  Antiq 


,17 


MOREL 


518 


atum  Grxcarum,  t.  X;—  les  Épîtves  de  saint 
tenace  traduites  en  latin  et  en  français,  1562, 
,.8<';  —  Sententix  Patrum  de  venerandis 
maginibus  ,  en  grec-,  e'n  latin  et  en  français  ; 
562,  in-8°  ;  —  Le  Traité  des  Images  de  saint 
ean  Damascène  traduit  en  français  ;  1562,  in- 8°  ; 

-  Supplément  à  la  Chronique  de  Carion,  1 550, 
li-12;  —  De  Grxcorum  Verborum  anomaliis 

ommentarlus  ;  1558,  in-8°;  et  réimprimé  par 
la  veuve  en  1566.  On  lui  attribueencore:2?nèye 
écloralïon  de  l  autorité  des  saintes  Écritu- 
"s  et  du  saint  sacrement  de  l'autel. 

Alfred  Franklin. 

'Malttaire,  Historia  Typograpfiorwn aliquot  Parisien- 
um;  Londres,  J717,  2  vol.  in-8°;  t.  I,  p.  17  et  33;  t.  II, 
42.  —G.  Mcermann,  Origines  Typographise,  La  Haye. 
65,  2  vol.  in-4°  ;  t.  1er,  p.  9.  —  De  Thou,  Historia  sui 
'rtporis,  in-fol. ;  lib.  XXXVI.  —  A.  Teissier,  Les  Éloges 

[s  Hommes  savans  ;  Leyde,  1715,  4  vol.  in-12;t.  II, 
174.  —  Silvestre,  Marques  typographiques,  1860,  in-8°, 
88.  —  Lacaille ,  Histoire  de  l'Imprimerie  et  de  la  li- 
airie,  1689,  in-4°,  p.  123.  —  A.  Baillet,  Jugemens  des 
I  wans,  elc,  1723,  in-4°  ;  t.  J,  p.  368.  —  Ménage,  Anti- 
lillet;  Paris, 2  vol.  in-12  ;  t.  ),  p.  S4P,  —  De  Fontenai, 
ctionnaire  des  Artistes.  1776,  2  vol.  in-12;  t.  H,  p.  176. 
I  A.-F.  Didot,  dans  r Encyclopédie  moderne,  t.  XXXVI, 

-  797. 

morel  (Jean),  théologien  français,  frèrecadet 
ii  précèdent,  né  aux  environs  de  Lisieux,en  1538, 
ort  le  20  février  1559.  Arrivé  à  Paris  sansres- 
urces,  Jean  Morel  trouva  le  moyen  d'y  faire 
excellentes  études  ;  il  vécut  pendant  ce  temps 
ntôt  en  se  plaçant  au  service  d'autres  écoliers , 
ntôt  en  travaillant  dans  une  imprimerie.  Il  fit 
isuite,  on  ne  sait  dans  quel  but,  un  voyage  à 
?nève,  et  il  en  revint  plein  d'enthousiasme 
>ur  les  nouvelles  doctrines  religieuses.  11  en- 
i  alors,  comme  domestique  et  à  la  fois  comme 
crétaire,  chez  le  ministre  Antoine  de  Chan- 
ou.  Bientôt  la  police  vint  saisir  chez  son  maî- 
|a  des  ouvrages  écrits  en  faveur  de  la  religion 

Kormée,  et  tous  deux  furent  arrêtés.  Chan- 
u,  réclamé  par  le  roi  de  Navarre,  fut  mis  en 
lerté;  mais  Morel  fut  déposé  dans  un  des  plus 
limbres  cachots  du  Châtelet.  Transféré  au  For- 
Rvêque  ,  il  subit  de  nombreux  interrogatoires, 
il  résista  aux  instances  de  ses  juges  et  aux  ob- 
■Htens-de  son  frère  Guillaume,  qui  cherchait  à 
Ri  'faire  abjurer  ses  croyances.  Enfin  le  16  fé- 
■iier  1559,  il  fut  déclaré  hérétique,  retranché 
.  i  l'Église  et  abandonné  au  bras  séculier.  Qua- 
:  (î  jours  après,  on  le  trouva  mort  à  la  Concier- 
I  prie,  et  le  bruit  courut  qu'il  y  avait  été  empoi- 
)  fnné.  Comme  tous  les  condamnés  morts  en  pri- 
Ip,  il  fut  inhumé  le  lendemain;  mais  un  arrêt 
II:  procureur  général  ordonna  que  son  Corps 
lirait  déterré,  rapporté  à  la  Conciergerie ,  mené 
lins  un  tombereau  jusqu'au  parvis  Notre-Dame, 
i[  là  brûlé  publiquement.  Cette  sentence  fut 
'I  éditée  le  27  février  1559.  On  a  attribué  à 
»>an  Morel  un  livre  intitulé  :  L'Ame  toujours 
mipassible  dans  toutes  les  positions  de  la 
I|?,/ors  une  seule,  qui  est  la  grande;  Paris, 
■  158,  in-12;  et  quelques  autres  ouvrages,  qui 
(^tpartiennent  à  Jean  Morely.  Le  seul  écrit  sorti 


de  la  plume  de  Morel  est  le  compte  rendu  de 
ses  interrogatoires;  on  le  trouve  dans  le  Mar- 
tyrologe de  Crespin.  A.  F. 

Malttaire,  Histor  Tiipogr.  Paris,  1. 1,  p.  45.  —  A.  Teis- 
sier, Éloges  des  Hommes  savans,  t.  Il,  p.  176.  —  La- 
caille, Histoire  de  l'imprimerie,  p.  124.  —  A.  Baillet,  Ju- 
gemens des  Savans,  t.  I,  p.  368.  —  Th.  de  Bè/.e,  Hist. 
Ecvlés.,  t.  I,  p.  140.  —  Haag,  La  France  Protestante, 
t.  VII, p.  501.  —  LTAubigné,  Hist.  universelle,  t.  Ier,  p.  80. 
—  Pr.  Marchand,  Dictionnaire  Historique,  t.  IV,  p.  74. 

MOREL  (Fédéric  ),  dit  l'ancien,  imprimeur  et 
théologien  français,nédans  laChampagne,en  1523, 
mort  le  17  juillet  1583.  Issu  d'une  famille  noble, 
Morel  acquit  à  Paris  une  instruction  littéraire 
très-étendue.  Dès  1552,  il  était  à  la  tête  de 
l'imprimerie  de  Charlotte  Guillard,  veuve  du 
libraire  Ch.  Chevallon,  et  ce  fut  là  qu'il  publia 
le  Lexique  grec  de  Jacques  Toussaint  (Tusanus 
ou  Tussanus), dont,  ainsi  que  H.  EslienneetTnr- 
nèbe,  il  avait  é(é  l'élève.  L'impression  de  ce  livre 
avait  été  commencée  sous  les  yeux  de  l'auteur, 
chez  l'imprimeur  Jacques  Bogard,  qui,  comme 
Toussaint,  mourut  presque  aussitôt.  La  solide 
érudition  de  Morel  ne  tarda  pas  à  le  faire  dis- 
tinguer, et  en  1 557  le  célèbre  Vascosan  lui  ac- 
corda sa  fille.  Fédéric  s'établit  rue  Saint  Jean- 
de-Beauvais,  et,  suivant  une  coutume  fort  com- 
mune alors  parmi  les  imprimeurs,  il  prit  par 
allusion  à  son  nom  l'enseigne  du  Franc  Meurier 
(  habitabat  in  vico  Bellovaco ,  ad  insigne 
Mori,  Maittaire,  89).  Attaché  à  son  beau-père 
par  les  liens  d'une  étroite  amitié,  il  publia  dès 
lors  avec  lui  un  grand  nombre  d'ouvrages ,  et  le 
4  mars  1571  il  fut  nommé  imprimeur  du  roi; 
mais,  par  excès  de  modestie,  il  prit  rarement  ce 
titre,  qui  ne  se  trouve  qu'à  la  fin  de  quelques- 
uns  de  ses  livres,  et  avec  cette  légende,  Pietate 
et  Justilia.  En  1578,  il  changea  de  demeure  et 
d'enseigne;  son  édition  de  La  Batrachomijoma- 
chie  d'Homère  porte  pour  souscription  :  Apud 
Federicum  Morellum,  typographum  regium , 
via  Jacobea,  ad  insigne  Fonfis.  En  récom- 
pense de  son  mérite  et  de  ses  travaux ,  le  roi 
lui  accorda,  le  2  novembre  1581,  le  droit  de 
transmettre  à  son  fils  le  titre  d'imprimeur  du 
Roi.  Il  mourut  sexagénaire  deux  années  après. 
Fédéric  a  employé,  nous  l'avons  dit,  deux 
marques  différentes;  la  première  représentait 
un  mûrier  autour  duquel  se  trouvait  cette  lé- 
gende, Ilâv  ôévôpov  àyaôôv  -/apTtoù;  y.a/.GÙç  nouZ  ;  la 
seconde  figurait  seulement  une  fontaine,  marque 
qui  lui  fut  commune  avec  Vascosan.  Fédéric  Mo- 
rel a  imprimé  un  nombre  considérable  de  volu- 
mes ;  on  en  trouvera  la  liste  complète  dans  Mait- 
taire ;  les  plus  remarquables  sont  :  Hymnes  à 
la  louange  du  duc  de  Guise,  par  Jean  Ame- 
lin  ;1558,  in-4°  ;  —  Quintiliani  Déclamatio- 
ns; l563,in-4°  ;  —  et  L'Architecture  de  Phili- 
bert De  L'Orme;  1568,  in-fol.  II  est  l'au- 
teur des  ouvrages  suivants:  Traie  té  de  la  guerre 
continuelle  et  perpétuel  combat  des  chres- 
tiens,  ou  de  la  lutte  chrestienne  contre  la 
chair,  le  monde  et  le  diable,  nos  plus  grands 

17. 


519  MOREL 

■et  principaux  ennemis  ;  1564,  in-8°  ;  —  De  la    \  Libanius 


Providence,  de  Dieu,  de  l'Ame,  d'Humilité, 
oraisons  prinses  de  saint  Jean  Chrysoslome  ; 
1557,  in- 16  ;  —  Les  douze  Règles  de  Pic  de  La 
Mirandole  ;  1571  ;  —  Traicté  desaint  Cyprian 
des  douze  manières  d'abus,  avec  moyen  d'i- 
ceux  corriger  ;  1571,  in-8°.  A.  F. 

A.  Baillet,  Jugemens  des  Savans,  etc.,  t.  II,  p.  391.  — 
Ménage,  Anti- Baillet,  t.  I,  p.  247.  —  Malttaire,  Hist. 
Typogr.  Parisiens.,  t.  I,  p.  81.—  Silvestre,  Marques  typo- 
graphiques, p.  83.  —  Lacaille,  Hist.  de  l'Imprimerie, 
p.  1/i2.—  La  r.roix  du  Maine  et  du  Verdirr,  Bibliothèques 
françaises,  édition  Rlgoley  de  Juvigny,  1. 1,  p.  195. 

morel,  (Fédéric),  fils  aîné  du  précédent, 
savant  helléniste  et  célèbre  imprimeur  français, 
né  à  Paris,  en  1558,  mort  le  27  juin  1630.  11 
montra  dès  sa  jeunesse  la  plus  grande  aptitude 
pour  l'étude  des  langues;  à  peine  âgé  de  dix- 
huit  ans,  il  fit  précéder  d'une  dissertation  très- 
remarquable  l'édition  des  Psaumes  dé  David, 
que  son  père  imprimait  aîors.  Ayant  ensuite 
revu  la  traduction  de  Plutarque  qu'avait  publiée 
Amyot,  et  y  ayant  relevé  plusieurs  erreurs,  il 
les  communiqua  à  Amyot,  qui,  loin  de  prendre 
en  mauvaise  part  Ja  hardiesse  du  jeune  homme, 
lui  porta  dès  tors  le  plus  vif  intérêt;  «  car,  dit 
Morel  lui-même,  il  me  commanda  de  le  visiter 
souvent,  encore  qu'il  eust  desjà  grand  âge  et  de 
grandes  charges  du  royaume,  qui  ne  l'empesehè- 
rent  pas  de  trouver  quelques  occasions  de  me 
gratifier,  en  m'instruisant  toujours  de  quelque 
beau  précepte....  et  voulut  que  je  lui  tinsse 
compagnie  durant  quelques  voyages  ;  et  lorsmê- 
mement  qu'il  mettoit  au  net  les  corrections , 
conférences  et  variétez  de  leçons  sur  le  texte 
de  Plutarque.  »  Le  2  novembre  1581 ,  Fédéric 
Morel  l'ancien,  renonça,  en  faveur  de  son  fils, 
à  sa  charge  d'imprimeur  du  roi  ;  mais  comme 
on  ne  pouvait  l'exercer  avant  vingt-cinq  ans, 
celui  ci  ne  prit  ce  titre  sur  ses  livres  qu'à  partir  de 
1583.  Il  permit  son  père  à  cette  époque,  mais  il 
conserva  sa  demeure  et  sa  marque,  et  continua 
pieusement  les  traditions  de  la  famille.  Outre 
leur  mérite  typographique,  les  nombreuses  pu- 
blications qui  sortirent  des  presses  de  Fédéric 
se  recommandent  par  la  pureté  du  texte,  le 
nombre  des  variantes  et  lé  choix  des  commen- 
taires, où  l'on  trouve  à  chaque  pas  la  preuve 
d'une  érudition  profonde,  variée,  et  sûre  d'elle- 
même.  Morel  avait  épousé  Isabelle  Duchesne, 
iille  de  Léger  Duchesne  (  Leodegarius  a 
Quercu  ),  professeur  d'éloquence  au  Collège  de 
France;  forcé  de  prendre  sa  retraite,  celui-ci  fit. 
accepter  Morel  pour  son  successeur  (1586).  Ces 
nouvelles  fonctions  ne  ralentirent  ni  ses  tra- 
vaux comme  commentateur  ni  son  activité 
comme  imprimeur;  mais  vers  1600  il  s'adjoi- 
gnit Claude,  son  frère,  lui  abandonna  la  surveil- 
lance typograpbique  de  ses  éditions,  et  se  livra 
dès  lors  tout  entier  à  l'étude  des  textes;  c'est 
de  cette  époque  que  datent  ses  traductions  lati- 
nes de  plusieurs  fragments  extraits  des  Œuvres 
de  Grégoire  de  Nysse,  de  Synésius,  d'Origène,  de 


de  Constantin  Porphyrogénète  U 
d'Hippocrate  ;  ainsi  que  ses  commentaires  sur  s  t 
Jérôme,  saint  Chrysostome,  saint  Clément  f  n 
lexandrie  et  Sface.  Colomiès  nous  a  rapport  il 
fait  qui  prouve  quelle  application  il  apportai  ] 
travail;  il  terminait  sa  traduction  de  Liba  g 
quand  on  vint  lui  annoncer  que  sa  femme,  <  B 
gereusement  malade,  demandait  à  le  voir  :  «  Ll 
core  deux  mots,  répondit-il,  et  j'y  vais.  »  il 
l'intervalle  sa  femme  mourut  :  «Hélas!  dit- à 
celui  qui  lui  annonça  cette  nouvelle,  j'en  I 
bien  marry,  car  c'était  vraiment  une  bc  9 
femme  »  ;  et  il  se  remit  à  l'œuvre.  Fédéric  I 
eut  jusqu'en  1630;  mais  à  partir  de  1617 I 
cune  publication  ne  porte  plus  son  nom  cor  9 
imprimeur;  ses  derniers  ouvrages,  entre  ai  aj 
ses  notes  sur  le  Plutarque  d'Amyot,  paru  t , 
chez  son  frère  Claude.  Fédéric  Morel  mo  I 
doyen  des  imprimeurs  et  des  professeurs  9 
roi.  Il  a  fait  usage,  en  tête  de  ses  livres,  1  ■ 
grand  nombre  de  marques  ;  il  se  servit  d'à  i 
de  celle  de  son  père,  qui  représentait  une  I 
taine  (  voy.  Silvestre,  nos  228  et  313)  ;  pu* 
employa  tantôt  les  armes  de  France. et  de  I 
varre,  tantôt  les  armes  de  France  seules  (  I 
vestre,  n°  315);  parfois  la  marque  spéciale  I 
imprimeurs  du  roi;  et  souvent  une  figure  I 
pruntée  au  sujet  du  livre,  avec  cette  légendi  li 
était  celle  des  imprimeurs  du  roi  :  Bacrtî  m 
àyatiCp  KpaTEotô  x'  cd%[Lrizrn  Outre  les  ouvr  SB 
que  nous  avons  cités  déjà,  on  doit  à  Fé(  js 
Morel  des  notes  sur  Œcumenius,  Strabon,  I 
tulle,  Tibulle  et  Properce;  des  traduction  B 
Théodoret,  saint  Basile,  saint  Cyrille,  Xénoj)  I 
Tltéophraste  ,  Hiéroclès ,  -Homère ,  Héliodl 
Hérodien,  Galien ,  Libanius  et  Martial; -cl 
ques-unes  ont  été  faites  sur  des  manuscrit  I 
partenant  à  la  Bibliothèque  du  Roi,  et  mêr  à 
celle  du  Vatican.  Il  a  traduit  en  français  plusil 
dissertations  de  Maxime  de  Tyr,  1607,inR 
et  divers  discours  des  pères  grecs,  lil 
in-8n;  on  lui  doit  encore  :  Alexander  Sève  m 
tragœdia  togata;  1600,  in-8°. 

Alfred  Franklin.  I 

Advertissement  de  Féd.  Morel,  doyen  des  imprin  't 
et  professeurs  du  roi,  en  tête  dé  son  édition  duP/ifi*. 
que   d'Amyot.    —   Huet,    De  Inlzrpretatione  Libri  K 
lib.  Il,  p   161.  —  P.  Colomiès,  Opuscula,  p.  318.  -mk 
vestre.  Marques  typographiques,  p.  83,  nos  228, 2";  HJI 
315.  —  A.  Baillet,  Juyemens  des  Savans,  t.  III,  p.  1  m1- 
Anii-Baillet,  t.  1,  p.  247.  —  Majttaire,  Historia  j|Ai 
graph.  Parisiens.,  t.  I,  p.  92  et   p.  113.  —   La  Cro  lu. 
Maine  et  du  Verdier,  Biblioth.  Françaises,  t.  I,  p.  1!  M 
Lacaille,  Histoire  de  /'Imprimerie,  p.  167.  —  A.-F.  I  Ht 
dans  V Encyclopédie  moderne,  t.  XXXVI,  p.   S07.    le 
Fontenai,  Dict.  des  Artistes,  t   II,  p.  174. 

morel  (Nicolas),  latiniste  français,  fils  A  : 
du  précédent,  né  en  1595.  11  s'occupa  exc]W;.< 
vernent  de  travaux  littéraires,  et  obtint  le  wi 
d'interprète  du  roi.  On  lui  doit  :  Mena  H\ 
et  Philistionis  Sententiee,  senariis  latinnf^ 
pressx;  Paris,  Féd.  Morel,  1614,  in-8°;  —  .f; 
veris  Encomium;  Paris,  Féd.  Morel,  1  MfH 
in-8"  ;  —  des  pièces  de  vers  entête  de'  plusi  <f 
éditions   publiées  par  son  père;    entre  aip 


1  MOREL 

is  Stace ,  Dion  Chrysostome  et  Libanius.  Il 
,  ainsi  que  toute  sa  famille,  enterré  sous  les 
irniers  de  Saint-Benoît;  mais  on  ignore  l'é- 
]ue  de  sa  mort.  A.  F. 

irmllr.  Histoire  de  l'Imprimerie  et  de  la  Librairie, 
,68.  —  Maittalrej  Historia  Typographorum  aliquot 
isienslum,  t.  1er,  p.  141. 

iorel  (  Claude  },  frère  cadet  de  Fédéric,  le 
ne,  né  en  1574,  moitié  16  novembre  1626.  On 
sait  rien  sur  lui  jusqu'au  moment  où  ilfut  ad- 
,,  en  1599,  dans  la  corporation  des  impri- 
irs  de  Paris.  II  s'associa  Etienne  Prévosteau 
Marc  Orry,  et  publia  avec  leur  concours  les 
rages  d'un  grand  nombre  d'écrivains  grecs  et 
as,  auxquels  il  ajoutait  des  préfaces  et  des 
es,  qui  prouvent  une  profonde  connaissance 
langues  anciennes.  Nous  avons  dit  plus  haut 
dès  l'année  1600  son  frère  lui  confia  la  di- 
ion  de  soft  imprimerie ,  et  qu'il  la  lui  aban- 
na  complètement  vers  1617.  C'est  sans  doute 
ette  .circonstance  qu'il  faut  attribuer  le  fait 
mté  par  Lacaille  :  il  a  remarqué  que  Claude, 
1  ne  prit  qu'en  1623  fe  titre  d'imprimeur  du 
s'était  déjà  longtemps  auparavant,  servi  des 
ictères  de  l'imprimerie  royale,  notamment 
?  ses  éditions  de  Dion  Chrysostome  (1604),  de 
ivoire  de  Nazianze  (1608),  et  de  Jean  Chrysos- 

te(1609)..  Claude  Morel  était  établi  rue  Saint- 
|ues,  et  la  marque  représente  une  fontaine, 
ôt  seule,  tantôt  accompagnée  d'une  légende 
«qije.  Outre  les  auteurs  déjà  cités,  il  a  réim- 
flé  Philostrate,  Libanius,    Synésius,  Ésope, 
t  Épiphane  ,  saint  Athanase ,  Pindare ,  Eu- 
;,  saint  Justin ,  Martial ,  Juvénal,  Perse  et 
iBoétie;   ces  éditions  se  recommandent  au- 
I;  par  leur  beauté  que  par  la  correction  du 
le.  Morel  avait  épousé   Jeanne  Henry  ;  elle 
ilonna  trois  enfants:  Charles,  Claude  et  Gil- 
l  A.  F. 

[fillet,  Jugemens  des  Saaans,  t.  I,  p,  368.  —  Mait- 
t» ,  Historia  Typogrgr.  Parisiens.,  t.  I,'  p.  143.  —  La- 
Ce,  Hist.  de  l'Imprimerie,  p.  190. 

é!  iorel  (  Charles  ),  imprimeur  français,  fils 
Ipdu  précédent,  né  le 6  janvier  1602,  mort  vers 
KO.  11  fut  reçu  libraire  le  29  juillet  1627,  admis 
Ksla  corporation  des  imprimeurs  le  19  juillet 
■8,  et  nommé  imprimeur  du  roi  la  même  an- 
fc.  Il  conserva  la  demeure  et  la  marque  de  son 
Kî,  et,  comme  lui,  publia  des  éditions  très-soi- 
g  es  sous  tous  les  rapports.  Il  s'associa  de  bonne 
m  re  son  frère  Gilles,  à  qui  ii  céda  son  établis- 
kienten  1640,  époque  où  il  acheta  une  charge 
K  secrétaire  du  roi.  Le  premier  ouvrage  sorti 
H  es  presses  est  l'Histoire  des  grands  Chemins 
K/: 'empire romain,  par  Bergier,  1628,  in-4°. 
Njlonna  ensuite  les  Œuvres  de  Clément  d'A- 
Mjwdrie,  1629,  in-fol.;  celles  de  Grégoire  de 
Mf  ianze ,  1630 ,  2  vol.  in-fol.  ;  de  saint  Cyrille, 
ft  1 ,  in-fol.  ;  de  Synésius,  1631,  in-fol.;  de 
*[it  Chrysostome,  1636,  11  vol.  in-fol.  :  et  les 

hcUia  generalia  et  provincialia  de  Sev.  Bi- 
»«k  1636,  10  vol.  in-fol.  A.  F. 

I-F.  Didot,  dans  l'Encyclopédie  moderne,  t.  XXXVI, 


522 

p.  822.  —  Maittairc,    Hist.  Tiipograph.  Parisiens.,  t.  I, 
p.  151.  —  Lacaille,  Hist.  de  l'Imprimerie,  p.  191  et  270. 

morel  (  Gilles),  frère  du  précédent;  on 
ignore  la  date  de  sa  naissance  et  celle  de  sa 
mort.  Le  premier  livre  qu'il  imprima  porte  la 
date  de  1637;  c'est  le  texte  des  Métamorphoses 
d'Ovide,  avec  les  notes  de  Farnabe;  sur  le  titre 
se  trouve  une  fontaine,  marque  ordinaire  de  la 
famille  Morel.  Le  18  septembre  1639,  il  obtint, 
en  remplacement  de  Charles ,  son  frère ,  la 
charge  d'imprimeur  ordinaire  du  roi  ;  et  le 
19  avril  1640  il  fut  reçu  imprimeur  et  libraire. 
Sa  dernière  publication  est  de  1646;  on  croit 
que  c'est  à  cette  époque  qu'il  se  fit  recevoir 
conseiller  au  grand  conseil ,  et  qu'il  céda  son 
établissement  à  Simon  Piget,  qui  depuis  quel- 
que temps  déjà  était  son  associé.  Son  principal 
titre  comme  imprimeur  est  son  édition  de  la 
grande  Bibliothèque  des  Pères,  en  17  vol.. 
in-fol.  qu'il  donna  en  1643.  On  lui  doit  encore 
les  Œuvres  de  Grégoire  de  Nysse,  1638,  in-fol.; 
d'Aristote,  1639,  in-fol.;  les  Lettres  d'Isidore 
de  Péluse,  1638,  in-fol.;  et  Catalogus  libro- 
rum  qui  reperiuntur  in  officina  Simeonis 
Piget,  Mbliopolœ  Parisiensis  ;  ex  officina 
Morelliana,  sumptibus  Simeonis  Piget,  1646, 
in-4°.  Gilles  Morel  est  le  dernier  représentant  de 
cette  honorable  et  savante  famille  qui,  dans  l'es- 
pace de  près  de  cent  années,  se  distingua  sans 
interruption  dans  l'étude  des  langues  anciennes 
et  dans  l'art  typographique.  A.  F. 

Lacaille,  Hist.    de  l'Imprimerie,  p.  191,  270  et  294.  ~ 
Maittaire,  Hist.  Typograph.  Parisiens.,  t.   I,  p.  157.  — 
A. -F.   Didot,   dans  l'Encyclopédie  moderne  ,  t.  XXXVI, 
p.  824. 

morel  (Jean),  poëte  français,  né  le  3  mai 
1539,  au  hameau  (1)  d'Avègre  (Champagne), 
mort  le  22  juillet  1633,  à  Paris.  Quoique  fils 
d'un  laboureur,  il  n'en  descendait  pas  moins  de 
la  famille  noble  qui  a  produit  les  savants  im- 
primeurs du  même  nom.  Ses  études  terminées  à 
l'université  de  Reims,  il  y  enseigna  la  rhétorique 
et  fut  chargé  de  la  même  chaire  à  Clermont- 
Ferrand  (1577),  où  un  poëte  obscur,  Jean  de 
Boissières,  publia  contre  lui  une  satire  intitulée 
L'Étrille.  En  1583,  il  vint  à  Paris,  et  professa 
successivement  dans  les  collèges  du  cardinal  Le 
Moine,  de  Bourgogne  et  de  Calvi.  Il  n'interrom- 
pit pas  ses  leçons  durant  le  siège  de  Paris,  et 
attira  dans  sa  maison,  située  sur  la  rive  droite 
de  la  Seine,  quelques  élèves  qui  lui  étaient  restés 
fidèles.  Nommé  en  1593  principal  du  collège  de 
Reims ,  il  fit  de  cet  établissement  un  des  plus 
florissants  de  l'université.  La  plupart  des  poètes 
du  temps  ont  chanté  ses  louanges,  Pierre  de 
Berulle,  Guillaume  Colletet,  Jacques  LeVasseur, 
du  Tilloy,  etc.  Il  était  en  effet  fort  connu;  il  se 
distinguait  par  autant  de  bonté  que  de  savoir,  et 
il  poussait  aussi  loin  que  possible  l'amour  pour 
l'étude  et  le  progrès  des  lettres.  Comme  poëte, 
il  ne  fut  pas  toujours  heureux  dans  le  choix  de 


(1)  Aujourd'hui  ce  n'est  plus  qu'un  moulin. 


523 


MOREL 


52< 


ses  sujets;  «  ses  pièces  n'offrent  souvent  que 
des    futilités  scolastiques,    dit  Boulliot;  elles 
fourmillent  d'ailleurs  d'hyperboles  fastueuses  et 
de  pointes  ridicules  ;  on  y  trouve  quelques  étin- 
celles et  rarement  le  feu  poétique  ».  On  lui  a  fait 
trop  d'honneur  en  le  comparant  à  Horace,  qu'il 
a  mis  en  pièces  dans  ses  écrits.  On  a  de  Jean 
Morel  -.  Lyra  plectri  Horaliani  semula  ;  Paris, 
1608,  in-8°;  dix  des  pièces  de  ce  recueil,  qui 
renferme  123  odes  et  16  acrostiches,  avaient 
paru  séparément;  —  H  endecasyllabi  sive  Epi- 
grammaUim  Centurise  II  ;  Paris,  1612-1613, 
2  vol.  in-8°  ;  —  Calotta,  salutare  ad  modum 
capitis  operimentum  ;  Paris,  1622, 1626,  in-4°; 
ce  petit  poëme,  auquel  le  médecin  René  Moreau 
répondit  par  l' Anti- Calotte  (1613),  fut  d'abord 
publié  en  1611  ;  mais  cette  édition  est  inférieure 
aux  deux  dernières   que  nous  indiquons  ;  — 
Hijmni  sacri,  item  pleraque  alia  poemala; 
Paris,  1623,  in-4°;  —  Pulvinar  matutinum; 
s.  1.,  1625,  in-40';  —  Urbis  Parisïorum  Enco- 
mium;  Paris,  1627,  in-4°;  édition  plus  complète 
que  celle  de  1612 1 — Hymnipro  beatificatione 
B.  Joannis   de  Deo;  Paris,  1631,  io-4°,  trad. 
en  vers  français  par  l'auteur  et  par  G.  Colletet  ; 
—  plusieurs  écrits  de  circonstance,  ou  morceaux 
poétiques  insérés  dans  divers  ouvrages.   Jean 
Morel  avait  laissé  en  manuscrit  un  recueil  con- 
tenant en  17  ou  18  vol.  in-for.,  par  titres  et  par 
lieux  communs,  «  toutes  les  belles  matières, 
dit  Colletet,  qui  peuvent  tomber  dans  la  conver- 
sation du  monde  et  dans  les  conférences  des  sa- 
vants » ,   véritable  bibliothèque  au  moyen  de 
laquelle  on  pouvait  aisément  se  passer  de  tous 
les  autres  livres.  Le  célèbre  président  de  Mes- 
mes,  qui  l'avait  examiné,  l'appelait  une  des 
merveilles    du  inonde.  On   ignore  ce  que  ce 
recueil  est  devenu.  P.  L. 

Le  Vasseur,  Annales  de  l'église  de  JVoyon,  II,  1059, 
1873.  —  Guill.  Colletet,  Traité  de  la  Poésie  morale  et 
sentencieuse,  35.  —  Goiijet,  Collège  royal  de  France, 
II,  222,  398,403;  III,  136.  —  Boulliot,  Iliogr.  Jrden- 
naise,  II. 

morel  (  Claude),  docteur  enSorbonne,  théo- 
logien et  prédicateur  ordinaire  du  roi,  né  et 
mort  dans  le  dix-septième  siècle.  C'était  un  ad- 
versaire passionné  des  jansénistes.  11  publia 
contre  eux  :  La  Conduite  de  saint  Augustin 
contre  les  Pélagiens,  1658,  in-12,  et  L'Oracle 
de  la  Vérité,  ou  V Église  de  Dieu  contre  toutes 
sortes  cVhérésies;  1666,  in-12.  Les  jansénistes 
ne  manquèrent  pas  de  lui  répondre.  On  possède 
quatre  pièces,  une  épitre  latine  en  prose,  deux 
invectives  en  vers  latins,  et  un  sonnet  à  l'a- 
dresse de  Claude  Morel.  Voici  les  derniers  vers 
du  sonnet  : 

Sa  bouehe  du  tonnerre  imite  le  fracas. 
Elle  abbat  et  foudroyé  ,  et  Samson  ne  fut  pas, 
Comme  il  est,  la  terreur  du  Philistin  prophane. 
Aussy  met-on  beaucoup  de  différence  entr'eux. 
Puisque  l'vn  ne  porloit  qu'vnc  maschoire  d'asne, 
lit  que,  pour  vaincre  tout,  Morel  en  porte  deux  ! 

Dans  les  premiers  mois  de  l'année  1659,  le  con- 
seil d'État  rechercha  les  auteurs  de  ces  libelles  , 


et  les  condamna  le  5  mai.  Nous  avons  :  Arres 
du  conseil  d' Estât  par  lequel  S.  M.  ordonna 
qu'il  sera  informé  contre  les  autâeurs,  im- 
primeurs et  libraires  d'une  lettre  latine  Ai 
Claudium  Morel,  et  plusieurs  feuilles  ei 
vers  latins  et  français.  Toutes  les  pièces  qu 
concernent  cette  affaire  se  trouvent  réunies  i 
la  Bibliothèque  Impériale,  dans  le  carton  58  di 
résidu  de  Saint-Germain.  B.  H. 

Bulletin  des  Comités  historiques,  1849,  p.  83. 
MOKEL(Dom  Robert),  bénédictin  français 
né  en  1653,  à  La  Chaise-Dieu  (Auvergne),  mor 
le  19  août  1731,  à  Saint-Denis  près  Paris.  Il  fi 
profession    dans   l'abbaye   de    Saint-Faron  di 
Meaux  (1671),   fut  envoyé  pour  terminer  se 
études  à  celle  de  Saint-Germain -des-Pr-és  et  ei 
devint  bibliothécaire  (1680).  Il  fut  ensuite  prieu 
à  Meulan  et  à  Saint-Crespin  de  Soissons,  et  secrt 
taire  du  visiteur  de  France.  La  surdité  dont  i 
était  affecté  l'obligea  de  renoncer  à  ces  emplois 
et  il  se  retira  en  1699,  à  Saint-Denis,  où  il  par 
tagea  le  reste  de  sa  vie  entre  les  exercices  d 
piété  et  la  rédaction  de  plusieurs  ouvrages  ascé 
tiques.  Il  mourut  en  odeur  de  sainteté.  Don 
R.  Morel  avait  l'esprit  clair,  juste  et  fécond  ;  se 
paroles  ne  respiraient  que  la  charité  et  la  droi 
ture;  une  grande  modestie  jointe  à  la  simplicit 
de  ses  mœurs  lui  servaient  à  cacher  ses  talents 
On  a  de  lui  :  Effusions  de  cœur,  ou  entretien 
spirituels  et  affectifs  d'une  âme  avec  Diei 
sur  chaque  verset  des  psaumes  et  des  can 
tiques  de  l'église  ;  Paris,  1716,  4  vol.  in-12  ;  - 
Méditations  sur  la  règle  de  Saint-Benoît 
Paris,  .1717,   in-8°  ;  —  Entretiens  spirituel 
sur  les  Évangiles;  Paris,  1720,  4  vol.  in-12 
—  Entretiens  spirituels  pour  servir  de  pré 
paration  à  la  mort;  Paris,  1721,  in-12;  - 
Imitation  de  Jésus-Christ ,  trad.  nouv.aw 
despièces;  Paris,  1723,  in-12  ;  d'après  Barbiei 
il  a  beaucoup  profité  du  travail  de  Lemaistre  d 
Sacy;   —   Méditations    chrétiennes  sur   le 
Évangiles;  Paris,   1726,2  vol.  in-12;  —  B\ 
Bonheur    d'un  simple   Religieux    et    d'un 
simple  Religieuse  qui  aiment  leur  étal  e 
leurs  devoirs  ;  Paris,  1727,  in-12;  —  Retrait 
sur  les  principaux  devoirs  de  la  vie  reli 
gieuse;  Paris,  1728,  in-12;  —  De  l' Espérant 
chrétienne;  Paris,  1728,  in-12;  —  Effusion  d 
cœur  sur  le  Cantique  des  Cantiques  ;  Paris 
1730,  in-12.  P. 

Dom  Tassin,  Hist.  littéraire  de  la  Congrég.  de  Saint 
Maur.  —  Moréri,  Grand  Dict.  hist.  (  édit.  1759).  —  Bar 
bier,  Dissertât,  sur  soixante  trad.  françaises,  p.  67. 

morel(*h),  peintre  belge,  né  à  Anvers I' 
vers  1689,  mort  fort  âgé,  à  Bruxelles.  11  eut  pou 
maître  son  concitoyen  Verendaal,  bon  peintn 
de  fleurs  et  de  fruits.  Il  apprit  à  cultiver  le  mênii 
genre,  et  à  bien  imiter  la  nature.  Après  avoi 
acquis  de  la  réputation  à  Anvers,  il  alla  s'éta 
blir  à  Bruxelles,  où  il  travailla  pour  la  cour 
Employé  de  toutes  parts,  il  gagna  de  grosse 
sommes,  mais  son  goût  pour   la  magnilicenc> 


MOREL 


526 


>it  toujours  à  sa  fortune.  On  ignore  l'année 
ci  se  de  sa  mort.  Morel  composait  bien  ses 
eaux.  Sa  couleur  est  vraie  et  harmonieuse, 
touche  ferme,  sa  manière  large  et  facUe,  il 
passait  Verendaal  pour  le  feuillage  et  les 
ites.  Quoique  nombreuses  et  répandues  dans 
sque  toutes  les  galeries  de  Flandre,  ses  toiles 
t  recherchées.  On  en  voit  de  fort  belles  à 
baye  de  Saint-Pierre  de  Gand.      A.  de  L. 

;i>b Caropo  Weyerman ,  De  Scliildcrlinnst  der  Neder- 
ers,  t.  III,  p.  237-239.  —  Descamps,  La  fie  des 
très  flamands,  etc.,  t.  III,  p.  89.  —  Pilkington,  Die- 
iry  <\l  Paintcrs. 

j.oiti<x  (Pierre),  grammairien  français,  né 

723,  à  Lyon,  où  il  est  mort,  en  1819. 11  exer- 

li's  fonctions  peu  lucratives  de  procureur  à 

clion,  tribunal  spécial  dans  l'ancien  régime, 

lue  la  révolution  vint  lui  faire  perdre  cette 

leste  ressource.  Pendant  la  terreur,  arrêté 

méprise ,  au  lieu  d'un  de  ses  frères,  inten- 

\  général  des  bâtiments  du  prince  de  Conti,  il 

t  pas  un  mot  qui  put  révéler  l'erreur,  et  son 

e  dévouement  faillit  le  conduire  à    l'écha- 

.  Rendu  à  la  liberté,  il  vint  à  Paris.  Frappé 

éfaut  de  méthode  dans  l'enseignement  gram- 

cal,  il  composa  un  système  où,  entre  autres 

•es,  il  apprend  à  distinguer  le  temps  de  la 

e  de  la  voix  d'avec  la  qualité  du  son  qu'elle 

tendre ,  et  où  il  compare  ingénieusement 

i  des  voix  aux  tons  principaux  des  gammes. 

observations  neuves  et  curieuses  fixèrent 

ntion  de  l'Institut,  qui  y  donna  des  éloges 

it  l'auteur  au  nombre  de  ses  membres  as- 

de  la  Classe  des  Lettres.  Voici  les  titres  de 

nvrages  :  Traité  de  la  concordance  du 

iHcipe  présent;  —  Essai  sur  les  voix  de 

ang  ne  française  et  recherches  sur  l'accent 

modique  des  voyelles;  —   Traité  ou  Exa- 

n  analytique  de  la  Période  et  dû  ses  par- 

Constitutives;  ces  trois  ouvrages  ont  été  réu- 

^ Paris,  1804,  in-8°).  Il  a,  en  outre,  donné 

W  ;rand  nombre  d'articles  au  Journal  gram- 

h(wal  de  Domergue.  G.  nE  F. 

'.vhives  du  ilhône,  t.  I,  1825. 
.  fonEL  (Jean- Marie) ,  architecte  français , 
IN:  du  précédent,  né  à  Lyon,  en  1728  mort  le 
KM  1810.  Dès  l'âge  de  seize  ans  il  enseignait 
Wiute  géométrie  aux  élèves  du  corps  des  ponts 
Stjiaussées.  Un  an  et  demi  après,  il  fut  nommé 
6d  inspecteur  de  la  .province  du  Lyonnais. 
Af:lé  a  Paris  par  ses  chefs  ,  il  concourut  pour 
b!  ace  d'architecte  du  prince  de  Conti  et  l'em- 
p(j»  sur  ses  concurrents.  Il  s'adonna  surtout  à 
l'^  îitecture  des  jardins,  et  s'y  fit  bientôt  une 
tft  grande  réputation.  A  cette  époque  ou  avait 
reincé  aux  jardins  symétriques  de  Le  Nôtre 
m  les  terrasses,  les  larges  rampes,  les  longues 
W,5,  les  quinconces  ;  les  plateaux  semblaient 
jjtjir  autant  de  théâtres  pour  mettre  en  évi- 
<Me  les  brillants  cortèges  de  la  cour  ou  des 
S'ils  seigneurs.  On  copiait  les  Anglais  ,  peuple 
geur  qui  associait  confusément  dans  ses 
is,  les  sites ,  les  monuments ,  les  végétaux , 


les  animaux  de  toutes  les  parties  du  monde;  on 
faisait  des  jardins  anglais  et  môme  des  jardins 
chinois.  Morel ,  auquel  le  prince  de  Conti  lais- 
sait toute  liberté,  et  qui  avait  le  goût  de  la  belle 
nature,  se  rapprocha  davantage  de  sa  simplicité, 
coordonna  ses  ensembles,  barmonia  ses  détails, 
fit  naître  les  accessoires  des  fonds  eux-mêmes 
en  les  faisant  tendre  à  l'effet  du  dessin  primor- 
dial. Dans  son  poëmc  des  Jardins,  Delitle  lit 
pour  lui  ces  vers  : 

Digne  de  voir,  d'aimer,  de  sentir  la  nature, 
11  traite  sa  beauté  comme  une  vierge  pure, 
Qui  rougit  d'être  nue  et  craint  les  ornements. 

Parmi  les  nombreux  parcs  et  jardins  exécutés 
par  Morel,  on  peut  citer  ceux  de  M.  de  Nicolaï, 
a  Bercy  ;  du  maréchal  de  Trévise,  à  Saint-Ouen, 
près  Paris;  de  M.  de  Girardin,  à  Ermenonville; 
de  la  reine  Hortense,  à  Saint-Leu-Taverny;  le 
parc  de  Guiscard,  au  duc  d'Aumont;  celui  de 
Sceaux  près  Paris  et  celui  de  La  Malmaison. 
Morel  a  publié  :  La  Théorie  des  Jardins,  ou 
l'art  des  jardins  de  la  nature,  17.74^ 
in-8°;  2e  édit.,  1802,  2  vol.  in-8°  :  dans  cette 
dernière  édition,  on  a  ajouté  une  Liste  des 
plantes  ligneuses  indigènes  et  exotiques  ac- 
climatées ,  avec  la  manière  dont  elles  se 
propagent,  etc.  G»  de  F. 

Fortair,  Discours  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  J.-M. 
Morel. 

MOREL  de  Chefdeville  (  Etienne  ),  auteur 
dramatique  français,  né  le  11  janvier  1747  (1), 
à  Paris,  mort  le  13  juillet  1814,  près  de  Ville- 
neuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise).  Fils  d'un 
intéressé  dans  les  fermes  de  Bretagne,  il  fut  at- 
taché de  bonne  heure  au  service  du  comte  d'Ar- 
tois, et  passa  ensuite  à  celui  de  Monsieur  en 
qualité  d'intendant  des  menus  plaisirs  et  affaires 
de  la  chambre.  Sans  cesser  d'occuper  celte  der- 
nière place,  il  devint  l'un  des  administrateurs  gé- 
néraux des  loteries  jusqu'à  leur  suppression,  en 
1793.  Sous  le  consulat  il  fut  directeur  de  l'Opéra 
pendant  plusieurs  mois  (décembre  1802  à  sep- 
tembre 1803).  Il  se  retira  dans  sa  vieillesse  aux 
environs  de  Villencuve-Saint-Georges,  où  il  pos- 
sédait une  jolie  maison  de  campagne,  et  y  mou- 
rut, d'une  maladie  de  la  vessie.  Enrichi  par 
d'heureuses  spéculations,  de  mœurs  douces  et 
faciles,  il  eût  pu  passer  pour  un  homme  d'esprit 
s'il  n'eût  rien  écrit.  Les  ouvrages  qu'il  adonnés 
à  l'Opéra,  médiocres  et  d'un  style  négligé,  ac- 
cusent pourlant  une  certaine  entente  scénique, 
fort  prisée  des  musiciens.  Après  avoir  débuté 
avec  Mereaux  par  Alexandre  aux  Indes  (1783)  ; 
il  écrivit  pour  Grétry  La  Caravane  du  Caire 
(1783),  Panurge  dans  Vile  des  Lanternes 
(1785),  et  Aspasie  (1789),  pour  Philidor  Thé- 
mistocle(nSh),  pourWinter  Tamerlan  (1802), 
pour  Dalayrac  Le  Pavillon  du  Calife  (1804), 
et  pour  Fiocchi  Sophocle  (1810).  II  arrangea 
aussi  diverses  pièces  qu'il  fit  représenter  sous 
son  nom,  et  composa  les  pastiches  des  Mystères 

(i)  On  donne  aussi  la  date  du  10  octobre  1751. 


527 


MOREL 


5; 


d'Isis  (1801),  de  Saûl  (1803),  et  de  La  Prise  de 
Jéricho  (1805),  où  il  mit  à  contribution  Mozart, 
Haendel,  Gossec,  Haydn,  Piccini  et  d'autres  mu- 
siciens. P.  L. 

Jay,  Jouy  et  de  Norvins.  Biogr.  nouv.  des  Contemp.  — 
Quérard,  La  France  Littéraire. 

morel  (Jean- Alexandre),  musicographe 
français,  né  le  26  mars  1775,  à  Loisey  (Meuse), 
mort  le  31  octobre  1825,  à  Paris.  Admis  en 
1797  à  l'École  Polytechnique,  il  entra  ensuite 
dans  l'artillerie,  et  fut  attaché  comme  professeur 
à  l'école  de  cette  arme  dans  la  garde  impériale. 
Son  service  l'ayant  appelé  à  Plaisance,  il  profita 
du  séjour  prolongé  qu'il  fit  dans  cette  ville 
pour  réunir  une  grande  quantité  de  morceaux 
rares  et  peu  connus  sur  la  musique  italienne. 
En  1817,  il  fut  nommé  sous-inspecteur  à  l'École 
Polytechnique.  On  a  de  lui  :  Principe  acous- 
tique nouveau  et  universel  de  la  théorie  mu- 
sicale; Paris,  1816,  in-8°i  —  Système  acous- 
tique, eu  musique  expliquée  ;  Paris,  1824,  in-8"; 
extrait  du  Dictionnaire  des  Découvertes  :  il  éta- 
blit son  système  d'après  la  structure  de  l'oreille, 
où  il  crut  trouver  le  principe  du  sentiment  de 
la  tonalité;  —  Observations  sur  la  théorie 
musicale  de  M.  de  Momigny;  Paris,  1822, 
in-8°  ;  —  pfusieurs  articles  dans  Le  Moniteur 
universel.  K. 

Mahul ,  Annuaire  nëcrol.,  1826. 

morel  (Melchior- Hyacinthe),  littérateur 
français,  né  le  5  janvier  1756,  à  Avignon,  où  il 
est  mort,  le  29  juillet  1829.  Admis  en  1776 
parmi  les  clercs  de  la  Doctrine,  il  enseigna  les 
belles-lettres  au  collège  d'Aix,  se  rallia  aux 
principes  de  la  révolution,  et  écrivit  trois  bro- 
chures contre  le  célibat  des  prêtres.  En  1809  il 
fut  appelé  à  la  chaire  de  rhétorique  du  collège 
d'Avignon,  et  la  remplit  jusqu'en  1821.  Il  était 
membre  des  Académies  de  Vaucluse,  de  Lyon, 
de  Marseille  et  de  Bruxelles.  «  Son  aimable  gaieté, 
dit  M.  Barjavel,  la  vivacité  de  ses  saillies,  la 
fraîcheur  de  son  imagination  et  la  bonté  de  son 
caractère  le  faisaient  aimer  de  tout  le  monde,  » 
Morel  a  laissé  un  grand  nombre  de  pièces  de  vers , 
entre  autres  les  Epilres  à  un  jeune  matéria- 
liste (1785),  à  Zulime  (1788)  etàRollin  (1818); 
La  Caverne,  poème;  Mes  Distractions  (Avi- 
gnon, an  vu,  in  12);  VArt  épistolaire  (ibid., 
1812,  in-12),  poème  trad.  du  latin  du  P.  Her- 
vey  de  Montaigu  ;  des  odes,  des  discours,  etc. 
Nous  citerons  à  part  :  Lettres  sur  le  Matéria- 
lisme; Avignon,  1813,  in-12;  et  Lou  Galoubé 
de  Jacintou  Morel;  ibid.,  1828,  in-12:  recueil 
de  poésies  provençales,  précédé  d'un  discours 
préliminaire  en  français.  En  1803  et  1804,  il  a 
rédigé  avec  François Dupuy  le  Journal  de  Vau- 
clwe.  K. 

L'indicateur  d'Avignon,  5  déc.  1841.  —  Annuaire  dti 
Vaucluse,  18411842.  —  Barjavel,  Biogr.  du  Vaucluse, 
II,  192-195  et  S10-512. 

morel  (Antoine- Alexandre),  graveur  fran- 
çais, né  en  1765,  à  Paris,  où  il  est  mort,  en  1829. 
Il  fut  élève,  pour  la  gravure,  de  Massard  père 


et  d'Ingouf,  et,  pour  le  dessin,  de  David,  col 
bora  à  la  Galerie  de  Florence  et  au  Mus 
français,  et  obtint  deux  médailles  en  1807 
en  1827.  Quelques  planches  de  lui  méritent  d'êl 
citées,  telles  que  Le  Jugement  de  Salomon 
Poussin,  Madeleine  pénitente  du  Guide, 
Concert  du  Dominiquin,  Le  Serment  des  E 
races  et  Bélisaire  de  David. 

Un  artiste  du  même  nom,  François  More 
né  vers  1768  ,  fut  élève  de  Yolpato,  et  travai. 
principalement  en  Italie.  P. 

Nagler,   Neues  Allgem.   Kunstlerlexikon.  —  Ch. 
Blanc,  Manuel  de  V Amateur  d'Estampes. 

morel  de  Vindé  (  Charles-  Gilbert,  \ 
comte),  agronome  et  littérateur  français,  né 
20  janvier  1759,  à  Paris,  où  il  est  mort,  le  20  d 
cembre  1842.  Il  était  conseiller  au  parlement  i 
Paris  depuis  1778,  lorsque  la  révolution  éclat 
il  en  adopta  avec  modération  les  principes,  et  f 
appelé,  en  1790,  à  présider  l'un  des  six  trib 
naux  de  la  capitale,  celui  du  quartier  des  Tuil 
ries.  L'année  suivante,  après  la  fuite  du  roi, 
donna  sa  démission  et  se  tint  désormais  éloig 
de  tout  emploi  public.  Autant  par  goût  que  p 
prudence,  et  pour  écarter  de  lui  les  soupço 
auxquels  l'exposait  la  fortune  considérable  qm 
avait  héritée  de  son  aïeul  Paignon-Dijonval , 
s'adonna  exclusivement  aux  travaux  agricole 
par  suite  de  ses  expériences  réitérées,  il  mit  < 
jour  de  nombreux  écrits,  qui  lui  valurent  1 
titres  de  correspondant  de  l'Institut  (1808), 
de  membre  des  Société»  d'Agriculture  de  Pari, 
Versailles,  Lille,  Caen,  Toulouse,  etc.  Il  ne  so 
tit  de  la  vie  privée  qu'au  retour  des  Bourbon 
Nommé  chevalier  de  la  Légion  d'Honneur  (6  d 
cembre  1814),  et  pair  de  France  (  17  août  1815 
il  prit  peu  de  part  aux  débats  politiques  d 
Luxembourg,  où  il  continua  de  siéger  après 
révolution  de  Juillet.  En  1818,  il  entra  au  Coi 
seil  supérieur  d'Agriculture,  et  en  1824  il  fut  él 
membre  de  l'Académie  des  Sciences  (  Section  d'1 
conomie  rurale).  On  cite  de  lui  :  La  Déclara 
tion  des  Droits  de  l'homme  et  du  citoyen 
Paris,  1790,  in-8°  ;  —  Etrennes  d'un  Père 
ses  Enfants,  ou  collection  de  quatrains  me 
raux;  Paris,  1790,  in-16:  ce  petit  livre  a  ei 
sous  le  titre  de  Morale  de  l'Enfance,  de  fré 
quentes  réimpressions,  soit  à  Paris,  soit  en  pre 
vince,  et  il  a  été  traduit  en  vers  latins  pa 
M.  J.-V.  Leclerc  (De  Officiis  ad  pueros  tetrasti 
cha;  Paris,  1816,  in-16);  —  Essai  sur  le 
mœurs  de  la  fin  du  dix-huitième  siècle  ;  L 
Haye  (Paris),  1794,  in-12;  —  Les  Révolution 
du  Globe,  conjecture  formée  d'après  les  dé 
couvertes  de  Lavoisier  sur  la  décomposition 
et  la  recomposition  de  l'eau;  Paris,  1797 
in-8°;  3e  édit.  augmentée,  1811  ;—  Primerose, 
Paris,  1797,  2  vol.  in-18,  fig.,  et  1801,  in-18 
«  la  composition  est  faible,  mais  amusante,  di  ! 
Chénier,  et  le  style  n'est  pas  dépourvu  du 
grâces  ■»;  —  Clémence  de  Lautrec,  roman 
Paris,  1798,2  vol.  in-12;  —  Zelomir, roman; 


9  MOREL  —  MORELL 

j  ris,  1800,  in- 18,  fig.  ;  —  Essai  sur  les  Cons- 
.  icttons  rurales  économiques  ;  Paris,  1824, 
1  toi. ,  pi.  H  est  aussi  l'auteur  de  notices  ou 
>|  moires  sur  les  béliers  mérinos  (1807),  sur  la 
\\<nte  et  sur  l'agnelage  (1813-1815);  sur  le 
U'isier  des  Alpes  (1822),  stir  la  théorie  des 
èolements  (1822-1823),  sur  te  morceltement 
i  la  propriété  (1816},  efe.  M.  Morel  de  Vindé 

I  é  un  des  collaborateurs  du  Journal  des  Con- 
naissances utiles,  il  reçut  de  Louis  XVIII  les 
H  es  de  baron  et  de  vicomte.        P.  L — y. 

II  'Audlffret ,  Éloge,  prononce  à  la  Chambre  des  Pairs. 
H  iiogr.  vniv.  et  portât,  des  Contemp. 

ï  mokel-fatio  (  Antoine- Léon),  peintre  de 
s  rine  français,  né  à  Rouen  (  Seine-Inférieure  ), 
I  1810.  Il  étudia  la  peinture  sous  différents 
I  stes,  et  se  perfectionna  par  des  voyages  en 
lie,  en  Orient  ef  dans  d'autres  contrées.  En 
H  2,  il  fut  nommé  conservateur  des  collections 
|ritimes  au  Louvre.  En  1854,  il  fit  partie  de 
I  pédition  de  la  mer  Noire,  et  publia  à  son  re- 
I  r,  avec  M.  Durand-Brager,  des  vues  du  lit— 

il  de  cette  mer.  M.  Morel-Fatio  a  exposé  des 
I  leaux  de  marine  à  tous  les  salons,  depuis  celui 
I  1833.  Les  principaux  sont  •.  Vue  de  Vile  de 
ïgkt,  1833;  — Sauvetage  du  brick  Ontario, 
l  5;  —  Coup  de  vent  dans  la  rade  d'Alger, 
I  —  Combat  d'Algesiras,  1836;  —  La 
B  mire ,  brick  français ,  s'emparant,  le  3  oc- 
hre  1806,  d'un  brick  anglais ,  1837;  —  At- 
\me  d'Alger  par  l'amiral  Duperré ,  id.;  — 
Virée  du  port  du  Havre,  1838  ;  —  Avant- 
yt  du  Havre,  id.;  —  Vue  de  Saint-Malo  , 
■;  —  Le  brick  de  la  reine  Amélie  sur  la 
Me  de  Cherbourg,  1839;  —  Combat  du 
logeur,  en  1794,  salon  de  1840;  —  Saint 
wn  d'Ulloa,  1841  ;  —  Victoire  du  cap  Saint- 
iicent,  1842;  —  Port  d'Amsterdam  en  1700, 
I;  —  Bombardement  de  Tanger  en  1844, 
Ittn  de  1845;  —  Louis- Philippe  partant  du 
iéport,  le  2  septembre  1844,  pour  se  rendre 
vtord  du  yacht  royal  oii  se  trouvaient  la 
\ne  d' Angleterre  et  le  prince  Albert,  1846; 
|  Incendie  de  La-Gorgonne,  id.;  —  Un  Nau- 
\ige,  1847;  —  Prise  à  l'abordage  du  trans- 
it anglais  Les  Deux  Jumeaux  par  L'Heureux 
raton,  dans  la  Baltique,  en  1813,  salon  de 
(48;  —  Jean  B  art  montant  La  Palme,  de 
\  Canons,  s'empare  à  l'abordage  d'un  vais- 
fiu  hollandais  de  60  canons,  même  salon  ; 
L'île  de  La  Tortue,  rendez-vous  desjïibus- 
rs,  1849;  —  Le  Prince  président  de  la  ré- 
plique visitant  à  Cherbourg  l'escadre  de 
Méditerranée,  1852; —  Épisode  du  voyage 

président  de  la  république ,  pendant  la 
iversée  de  Marseille  à  Toulon,  1854;  — 
ie  du  port  de  Brest,  1855  ;  —  Attaque  sur 
t,  id.;  —  Vue  de  Toulon,  1857;  —  Tempête 
ns  le  port  d'Alger,  id.;  —  Napoléon  III  rê- 
vant à  bord  du  vaisseau  La  Bretagne  la 
me  d'Angleterre,  le  6  août  1858,  dans  le 
\rt  de  Cherbourg ,  salon  de  1859.  M.  Morel 


530 


a  reçu  une  médaille  de  troisième  classe  en  1837, 
une  de  première  classe  en  I843,uneautre  en  1848, 
et  la  décoration  de  la  Légion  d'Honneur,  le  15  juillet 
1846.  Il  a  rédigé  une  Notice  des  Collections  ma- 
ritimes du  Louvre;  1854,  in-8°;  plusieurs  cata- 
logues d'objets  d'arts ,  et  une  broebure  intitulée 
du  Monopole  des  professions  lucratives  en 
France  et  de  leur  suppression  moyennant 
indemnité,  1839.  G.  de  F. 

Annuaire  des  artistes  français,  1836.  —  Livrets  des 
expositions. 

morelet  (Jean),  historien  français,  né  en- 
1589,  à  Dijon,  où  il  est  mort,  le  7  mai  1679.  Il 
était  recteur  d'un  des  hôpitaux  de  Dijon.  On  a 
de  lui  :  Bellum  Sequanicum  secundum;  Di- 
jon, 1668,  in-8°;  —  Claudii  Bartfl.  Morisoti 
Vilas  Elogium;Md.,  1675,  in-4°.  Il  avait  écrit 
une  histoire  des  guerres  de  1672  à  1675,  en  quatre 
livres,  histoire  restée  inédite. 

Un  de  ses  parents,  Laurent  Morelet,  né  en 
1636,  à  Dijon,  fut  aumônier  du  frère  de  Louis  XIV, 
prédicateur  de  la  reine  Marie-Thérèse  et  doyen 
de  l'église  de  Nuits.  Il  a  laissé  :  La  Galerie  de 
Saint-Cloud  et  ses  peintures  expliquées  ;  Pa- 
ris, 1681,  in-4o;  réimpr.  sous  le  titre  de  Traité 
de  Morale  pour  l'éducation  des  princes,  tiré 
des  peintures;  Paris,  1686,  in-12;  — De  la 
Génération  éternelle  du  Verbe  incarné;  Nuits, 
1720,  in  8°.  K. 

Papillon  ,  Auteurs  de  Bourgogne,  II. 

mokell  (  Julienne  ),  savante  espagnole,  née 
le  16  février  1594,  à  Barcelone,  morte  le  26  juin 
1653,  à  Avignon.  Son  père ,  Jean- Antoine,  était 
un  homme  opulent,  qui,  obligé  à  la  suite  d'un 
meurtre  de  quitter  l'Espagne,  se  réfugia  en  1606 
à  Lyon.  Dès  l'enfance  elle  avait  montré  un  goût 
si  prononcé  pour  l'étude  et  une  intelligence  si 
extraordinaire,  qu'elle  apprit,  comme  en  se  jouant, 
quatorze  langues,  tant  anciennes  que  modernes, 
la  philosophie,  la  théologie,  la  jurisprudence  et 
la  musique.  En  1607,  à  peine  âgée  de  treize  ans, 
elle  soutint  à  Lyon  des  thèses  publiques  en  hé- 
breu, en  grec  et  en  latin,  qu'elle  dédia  à  Margue- 
rite d'Autriche,  reine  d'Espagne,  et  en  1608  elle 
reçut  le  diplôme  de  docteur  en  philosophie  à 
l'université  d'Avignon.  Dégoûtée  du  monde  el 
des  hommages  qu'on  lui  rendait,  elle  entra  dans 
le  couvent  de  Sainte-Praxède,  et  malgré  l'oppo- 
sition de  son  père  elle  y  prononça  ses  vœux  en 
1610.  Elle  a  composé  des  hymnes  et  des  can- 
tiques latins,  et  elle  a  traduit  du  latin  en  fran- 
çais le  Traité  de  la  Vie  spirituelle,  de  saint 
Vincent  Fer rier  (Lyon,  1617,  in- 8°),  et  la  Règle 
de  Saint-Augustin,  avec  des  notes  (Avignon, 
1680).  P. 

N.  Antonio,  Bibl.  Hispana  nova.  —  A.  Schott,  BibU 
Hispana,  3i3.  —  Lope  de  Vega ,  In  Lauro  Apoll.  —  Hi- 
larion  de  Coste,  Éloges  et  Vies  des  Dames  illustres.  — 
Barjavel.  Bioqr.  du  Paucluse,  II. 

morell  (André),  savant  numismate  suisse, 
né  à  Berne,  le  9  juin  1646,  mort  à  Arnstadt,  le 
26  avril  1703.  Porté  de  bonne  heure  vers  l'étude 
des  monnaies,  il  apprit  le  dessin,  afin,  de  sup- 


531 

pléer  aux  lacunes  de  sa  collection.  Encouragé  à 
continuer  ses  recherches  par  Charles  Patin,  dont 
il  fit  la  connaissance,  en  1673,  à  Bâle,  il  se  ren- 
dit sept  ans  après  à  Paris,  pour  y  examiner  en 
détail  le  Cabinet  des  Médailles.  Il  y  rencontra 
Spanheim,  qui  l'engagea  à  entreprendre  un  grand 
travail  d'ensemble  sur  les  médailles  des  anciens. 
jl  suivit  ce  conseil,  se  mit  en  rapport  avec  les 
savants  les  plus  experts  en  numismatique,  et 
prit  part  aux  réunions  tenues  à  l'hôtel  d'Aumont, 
où  se  traitaient  des  questions  historiques  se  rat* 
tachant  aux  monnaies  des  empereurs  romains. 
En  1683,  il  donna  au  public  un  essai  de  son 
ouvrage,  dont  les  planches,  exécutées  avec  la 
plus  grande  exactitude,  avaient  été  gravées  par 
lui-même.  Signalé  à  l'attention  de  Louis  XIV,  il 
fut  adjoint  peu  de  temps  après  à  Rainssanî,  pour 
mettre  en  ordre  le  Cabinet  des  Médailles,  ce  qui 
lui  fit  refuser  les  offres  avantageuses  par  les- 
quelles on  essaya  de  l'attirer  à  Berlin  et  à  Co- 
penhague. Son  travail  terminé,  on  tarda  quelque 
temps  à  lui  en  payer  la  rémunération  promise; 
la  manière  libre  dont  il  s'exprima  sur  ce  procédé 
le  fit  mettre  à  la  Bastille,  sur  l'ordre  de  Lou- 
vois  (I).  Ses  papiers  et  dessins  furent  saisis,  et  ne 
lui  furent  pas  même  rendus  lorsqu'après  être  resté 
pendant  trois  ans  en  prison  il  fut,  en  novembre 
1691,  relâché,  sur  les  réclamations  du  canton  de 
Berne;  mais  il  avait  heureusement  envoyé  aupa- 
ravant en  Suisse  les  matériaux  les  plus  précieux 
de  son  grand  ouvrage.  Louis  XIV,  qui  n'avait  eu 
aucune  part  au  traitement  inique  dont  ce  savant 
avait  été  l'objet,  chercha  à  le  lui  faire  oublier 
par  les  prévenances  les  plus  gracieuses  ;  il  lui  fit 
offrir  la  place  de  conservateur  des  médailles , 
à  la  condition  qu'il  embrasserait  le  catholicisme. 
Morell  refusa,  et  retourna  dans  sa  ville  natale  en 
août  1692.  Appelé  en  1694  à  Arnsfadt,  comme 
conservateur  du  riche  cabinet  de  médailles  que 
le  comte  de  Schwartzbourg  y  avait  rassemblé,  il 
rencontra  à  son  passage  à  Halle  son  ami  Span- 
heim, qui  par  l'entremise  de  Danckelmann,  mi- 
nistre de  l'élecieur  de  Brandebourg,  lui  fit  obte- 
nir de  ce  prince  l'assurance  de  recevoir  l'argent 
nécessaire  pour  la  publication  de  son  ouvrage, 
dont  l'impression  fut  immédiatement  commen- 
cée. Mais  cette  promesse  resta  sans  effet,  par 
suite  de  la  disgrâce  de  Danckelmann,  survenue 
bientôt  après.  Découragé  et  atteint,  en  1699, 
d'une  attaque  de  paralysie,  Morell  n'acheva 
pas  le  travail  auquel  il  avait  consacré  les  plus 
belles  années  de  sa  vie.  Réputé  avec  raison  l'un 
des  plus  grands  numismates  de  son  époque, 
il  ne  tira  jamais  la  moindre  vanité  de  ses  con- 
naissances. «  Je  me  suis  toujours  gardé  des  illu- 
sions de  l'amour-propre ,  dit-il  dans  une  de  ses 
lettres,  ne  cherchant,  dans  l'étude  des  médailles 
qu'à  m'occnper  agréablement  et  qu'à  apprendre 
l'histoire.  Les  médailles  ne  sont  que  des  iiionu- 


(1)  Dans  sn  Bibliothek  der  Srhwelzer-Cenchichtc,  t.  Il, 
p.  238,  Hallcr'soutient,  contre  l'opinion  commune,  que 
Morell  ne  fut  pas  enferme  à  la  ISastille. 


MORELL  53: 1 

ments  de  la  vanité  des  anciens.   Quand  je  le. 
entendrais  parfaitement,  je  n'en  serais  ni  plu 
grand  ni  plus  honnête  homme.  Au  lieu  que  si  j  | 
m'enorgueillissais  de  la  connaissance  que  j'en  ai 
je  serais  un  sot  et  une  bête.  »  —  Une  partie  de  o 
qui  élait  terminé  du  travail  de  Morell  fut  publié» 
par  Havercamp,  sous  le  titre  de  :   Thesauru. 
Morellianus,  sive  familiarum  Romanarun 
numismata  omnia;  Amsterdam,  1734,  2  vol  i 
in-fol.,  dont  un  vol.  de  planches  gravées  avec  li 
plus  grand  soin  ;  le  texte  n'est  pas  aussi  recom- 
mandable,  parce  que  l'éditeur  y  a  joint  les  re  j 
marques  souvent  contradictoires  d'Orsini ,   d<  : 
Vaillant  et  d'autres  numismates  ;  lemanuscritori 
ginal  de   Morell  appartenait  en  1821  au  baroi 
Westreen  de  Tiellandt.  —  Une  autre  partie  de; 
recherches   de  Morell   parut  sous  le  titrje  di 
Thésaurus    Morellianus ,  s'ive  commentent 
in  XI [  priorum    imperatorum  romanovun 
numismata;  Amsterdam,  1752,  3  vol.  in-fol. 
dont  un  de  planches;  de  même  que  dans  l'ou- 
vrage précédent,  le  texte  de  celui-ci,  disposé  pai  I 
Havercamp,  Gori  et  Schlegel ,  et  augmenté  d< 
leurs  commentaires ,  pèche  par  l'absence  de  mé 
thode  et  par  un  trop  grand  nombre  d'hypothèses.  I 
en  contradiction  souvent  les  unes  avec  les  autres 
quant  aux  planches,  elles  sont  irréprochables 
On  a  encore  de  Morell  :  Spécimen  un'wersa  ■ 
Rei  Nummarise  aniiqux;  Paris,  16S"3,  et  Leip- 
zig,  1695,  in-8°;  —  Epistola  ad  J.  Perïzo-\ 
nium  de  numis   consularibus  ;  1701,  in-4o;, 
réimprimé  dans   les  Electa  Rei  Numariee  de 
Woltereck  ;  —  Lettre  écrite  au  chevalier  Fon- 
taine, en  réponse  à  une  lettre  que  le  Journal 
de   Paris  dit  avoir  été  écrite  à  Morell  pat  j 
M.  Galland;  1703,  in-4°  ;  —  Quelques  Leltresl 
à  H.  Haas,  son  grand-père,  dans  les  Vermischtei 
Beytràge  de  Ch.-Fr.-L.  Haas.  O. 

Giulianelli,   Vitn,  Morclliï  (en  tête  de  la   Columna 
Trajana  de  Gori].  —  .Altmann,  Leben   Hlorels  ( dans  : 
l'Altes  und.  IV eues  aus  der  Gelehrten  Welt,  année  1718).  j 
—  Bibliothèque  raisonnèe,  t.  XII.  —  Niceron,  Mémoires, 
t.  XXXIV.    —  Hirschins,   Histor.    liter.  Handbuch. —\ 
Fuessli,  Ccschichte  der  Kûnstler  in  der  Sclnveitz,  t.  U. 

morell  (Thomas),  philologue  anglais,  né 
à   Eton,  dans    le   comté    de   Buckingham,    le 
18  mars  1703,  mort  le  19  février  1784.  11  fut  i 
admis  à  l'école  d'Eton  lors  de  la  fondation  de  cet 
établissement,  et  alla  achever  ses  études  au  col- 
lège du  Roi  à  Cambridge.  Il  fut  agrégé  à  ce  col- 
lège, entra  dans  les  ordres  sacrés ,  devint  rec- 
teur de  Buckland,  dans  le  comté  de  Hertford  ,  j 
chapelain  de   la  garnison  de  Portsmouth,  curé 
de  Kew  et  de  Twickenham.  Tels  sont  les  rares 
et  simples  événements  d'une   vie  toute  consa-  j 
crée  à   l'étude.  Il  était  un  des  bons   hellénistes 
de  son  temps.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
Poems  on  divine  subjects  ,  original  andtrans-  ! 
lated  from  the  latin  of  Marcus  Hieronymus  ' 
Vida,  with   large  annotations,  more  parti-  , 
cularly  concerning  the  being  and  the  attri- 
butes  of  God  ;  Londres,   1832,  in-8°;  —   The 
Canterbury  Taies   of  Chaucer,  in  the  ori- 


MORELL  —  MGRELLET 


:>34 


7/,  from  the  viost  authentic  mss.  and  as 
y  are  turned  info  moderne  language  by 
most  emlnertt  hands ;  Londres,  1737, 
oj  —  Hope,  a.  poetical  essay  in  blank 
te,  on  that  Christian  grâce,  in  three 
fer;  1745;  —  Euripidis  Hecuba,  Orestes  et 
nissse,  cum  scholiis-  antiquis  ;  1748, 
il.  in-8"  ;,  c'est  une  réimpression  de  l'édition 
Cinjg,  avec  ÏAlceste,  revue  par  lui-même; 
Thésaurus  Grxcx  poeseos,  sive  Lexicon 
co-prosodiacum,  avec  le  portrait  de  l'auteur 
Hogarth;  Eton,  1762,  in-4°  :  travail  neuf  et 
èmement  utile  qui  constitue  un  dictionnaire 
ique  et  prosodique  de  la  langue  grecque,  un 
dus  ad  Parnassum  grec  ;  l'auteur  n'a  eu 
,e  tort  de  ne  pas  indiquer  la  quantité  métrique, 
laisse  à  conjecturer  d'après  les  exemples 
.;  cette  lacune  a  été  comblée  par  le  docteur 
by  qui  a  donné  une  édition  très-perfec- 
léc  du  Thésaurus  poeseos  Grœcx.  Morell 
ia  une  édition  corrigée  du  Lexicon  grec  de 
erich  et  trois  éditions  du  Dictionnaire  latin 
linsworth.  Morell  était  bon  musicien  et  il 
rit  les  paroles  des  Oratorios  de  Haendel.  Il 
a  deux  ouvrages  qui  parurent  après  sa 
1  :  une  traduction  fidèle  des  Epîtres  de  Sé- 
ae  avec  des  notes;  1786,  2  vol.  in-4°;  — 
es  and  Annotations  on  Locke  On  the  Hu- 
lf  understanding,  written  by  order  qf  the 
im  Caroline;  1794,in-8°.  Z. 

i  rwood,  Àlumni  Etonenses.  —  Chalmers,  General  Bio- 
li  Meal  Dictionary. 

'ORELlet  (André),  littérateur  et  écono- 
me français,  né  à  Lyon,  le  7  mars  1727,  mort 
Iwris,  le  12  janvier  1819.  Il  fit  ses  premières 
Sjles  à  Lyon,  dans  le  collège  des  jésuites,  et  fut 
ihyé  à  Paris  à  l'âge  de  quatorze  ans.  Placé 
lj>  le  séminaire  des  Trente-trois,  il  s'y  dis- 
1,11a  assez  pour  être  admis  dans  la  Sorbonne, 
)fl  passa  cinq  années.  On  sait  que  les  études 
Illogiques  s'étaient  bien  relâchées  dans  cette 
ijbre  maison  et  que  les  idées  du  siècle  y  pé- 
taient. L'abbé  Morellet  eut  là  pour  cama- 
les  deux  jeunes  abbés  plus  tard  célèbres,  Lo- 
tyiie  de  Brienne  et  Turgot,  que  la  philosophie 
^'économie  politique  disputaient  à  la  théo- 
<e.  Il  s'associa  à  leurs  tendances,  les  dépassa 
4ne,  et  mérita  par  sa  liberté  d'esprit  l'amitié 
1  Diderot  et  de  D'Alembert.  Pendant  qu'il 
pbarait  sa  licence  à  la  Sorbonne,  il  fut  chargé 
î|l7f>2  de  l'éducation  du  fils  de  M.  de  La  Ga- 
Ijière,  chancelier  du  roi  de  Pologne.  Il  fit  en- 
le  le  voyage  d'Italie  avec  son  élève.  A  Rome  il 
Contra  par  hasard  le  Directorium  inquisi- 
jj'im,  rédigé  au  qualorzième  siècle  par  le  car- 
yl  Eymeric,  grand-inquisiteur  d'Aragon,  et 
plié  au  seizième  sous  les  auspices  de  Gré- 
ie  XIII.  Il  eut  l'idée  de  donner  une  traduc- 
I  abrégée  de  ce  curieux  monument  de  l'in- 
krance,  pensant  que  le  meilleur  moyen  de 
îjibattre  le  fanatisme,  c'était  de  le  montrer  à 
i  ivre.  De  retour  à  Paris,  il  devint  l'hôte  fami- 


lier des  cerclrs  philosophiques  et  des  dîners  de 
jyimc  Gcoffrin.  On  y  appréciait  son  instruction 
étendue,  sa  facilité  de  plume,  son  talent  de  po- 
lémique, et  son  esprit,  assez  piquant,  quoique 
sans  légèreté;  on  se  servait  de  lui  en  toute  oc- 
casion contre  les  ennemis  des  philosophes.  «  Em- 
brassez pour  moi  l'abbé  Mords-les,  écrivait  Vol- 
taire à  Thiriot,  le  19  novembre  1760.  Je  ne 
connais  personne  qui  soit  plus  capable  dé  ren- 
dre service  à  la  raison.  »  Quand  Palissot  fit 
jouer  sa  comédie  des  Philosophes,  Morellet 
vengea  ses  amis  dans  un  pamphlet  assez  piquant 
intitulé  :  La  Vision  de  Charles  Palissot.  Quel- 
ques mots  qui  lui  échappèrent  sur  la  princesse 
de  Robecq,  protectrice  de  Palissot,  furent  puuis 
par  un  emprisonnement  de  deux  mois  à  la  Bas- 
tille. Cette  captivité,  peu  rigoureuse,  augmenta 
beaucoup  la  considération  du  parti  philosophique 
pour  Morellet.  Malesherbes  lui  demanda  de  tra- 
duire en  le  remaniant  et  en  le  coordonnant  l'é- 
loquent traité  de  Beccaria  Sur  les  Délits  et  les 
Peines.  Beccaria,  loin  de  se  plaindre,  avoua  trop 
modestement  qu'il  devait  tout  aux  livres  fran- 
çais, et  surtout  à  son  traducteur.  D'un  autre 
côté,  Turgot,  son  ami,  l'associait  à  ses  travaux 
d'économie  politique.  Dans  cette  science  Mo- 
rellet, sans  être  original,  et  en  se  contentant  de 
développer  les  idées  de  Turgot,  rendit  des  ser- 
vices à  la  cause  de  la  liberté  du  commerce.  II 
ne  craignit  pas  de  réfuter  sur  ce  point  un  autre 
commensal  des  diners philosophiques,  l'abbé  Ga- 
liani.  Celui-ci  fut  piqué  de  la  réfutation,  et  écri- 
vit de  Naples  à  Mme  d'Épinay  (  mai  1770  )  : 
«  J'ai  reçu  hier  sa  réponse,  je>  ne  sais  pas  me  ré- 
soudre à  croire  qu'elle  soit  effectivement  de 
Morellet  :  elle  ressemble  aux  badauds  et  aux 
ribauds  (économistes  de  l'école  de  Baudeau  et 
de  Roubeaud  )  comme  deux  gouttes  d'eau  ;  et 
enfin  Panurge  (  sobriquet  de  Morellet  )  a  dîné 
dix  ans  entiers  avec  nous,  et  à  moins  qu'il  n'eût 
une  toile  cirée  sur  la  tête,  quelques  gouttes  de 
bon  sens  et  de  philosophie  auraient  dû  percer 
à  travers  dans  dix  ans.  »  Cette  boutade  ne 
prouve  rien  contre  Morellet,  qui  n'était  pas  un 
esprit  fin,  mais  un  esprit  solide  et  judicieux, 
sincèrement  attaché  aux  idées  de  liberté  et  de 
progrès  modéré.  11  acquit  l'estime  et  l'amitié 
des  hommes  les  plus  divers,  de  Benjamin  Fran- 
klin, le  représentant  de  l'Amérique  insurgée,  et  de 
lord  Shelburne,  le  ministre  anglais.  Ces  liaisons 
lui  permirent  de  rendre  à  son  pays  un  service 
signalé,  que  Lémontey  raconte  ainsi  :  «  M.  Mo- 
rellet, lié  par  des  rapports  intimes  avec  lord 
Shelburne,  depuis  marquis  de  Lansdowne,  mis 
récemment  à  la  tête  du  ministère  britannique, 
avait  passé  à  Londres  et  persuadé  à  son  illustre 
ami  que  l'intérêt  des  nations  s'accommode 
mieux  d'une  bienveillance  mutuelle  que  des  pe- 
titesses de  l'égoïsme.  Au  moment  où  il  eut  signé 
la  paix ,  le  ministre  anglais  ne  cacha  point  à 
M.  de  Vergennes  l'éloquent  missionnaire  auquel 
il  devait  sa  conversion.  Ce  fut  en  voyant  la 


585 


MORELLET 


lettre  où  le  marquis  de  Lansdowne  s'avouait  si 
généreusement  vaincu  par  le  philosophe  fran- 
çais, que  le  roi  récompensa  M.  Morellet  par  une 
pension  de  4,000  francs.  »  En  1785,  Morellet 
entra  à  l'Académie  Française.  Cet  honneur  était 
le  prix  mérité  de  nombreux  travaux ,  mais  il 
n'en  jouit  pas  longtemps.  La  révolution  porta 
le  trouble  dans  l'Académie,  et  finit  par  la  sup- 
primer. Morellet  défendit  cette  institution  contre 
les  attaques  de  Chamfort,  et  quand  elle  fut  défi- 
nitivement condamnée,  il  eut  le  courage  de 
soustraire  aux  recherches  des  agents  de  la  Con- 
vention les  .archives  et  les  registres  de  l'Aca- 
démie. Au  péril  de  sa  tête,  il  les  cacha  dans  sa 
demeure,  en  attendant  des  temps  meilleurs.  Les 
terribles  années  de  la  terreur  lui  laissèrent  la 
vie;  mais  elles  le  privèrent  de  toute  sa  fortune 
et  le  réduisirent  à  traduire,  pour  vivre,  quelques 
romans  anglais;  elles  l'atteignirent  surtout  bien 
cruellement  dans  ses  amis  :  il  vit  pérîr  le  duc  de 
La  Rochefoucauld ,  Bailly ,  Lavoisier,  Malesherbes. 
Quand  l'orage  se  fut  un  peu  calmé ,  après  le 
9  thermidor,  Morellet  fit  le  premier  entendre  la 
voix  en  faveur  des  familles  des  condamnés  dont 
les  biens  avaient  été  confisqués.  Ce  pamphlet, 
Le  Crïdes  familles,  suivi  de  plusieurs  brochures 
dans  le  même  sens,  eut  du  retentissement,  et 
plaça  Morellet  au  premier  rang  des  écrivains  qui, 
tout  en  gardant  avec  ferveur  les  idées  philoso- 
phiques de  leur  temps,  repoussaient  le  gouverne- 
ment issu  de  la  révolution  et  désiraient  une 
restauration  ;  cependant,  protégé  par  son  hon- 
nêteté bien  connue  et  par  son  grand  âge,  et  d'ail- 
leurs n'ayant  jamais  employé  dans  ses  écrits  l'in- 
jure et  la  violence,  il  échappa  au  coup  d'État  de 
fructidor,  qui  frappa  plusieurs  de  ses  amis  ;  mais 
il  n'échappa  point  aux  sarcasmes  des  écrivains 
du  parti  contraire.  Cbénier,  plaisantant  sur  ce 
qu'il  ne  composait  que  des  brochures,  écrivait  : 

Morellet,  dont  l'esprit  trop  souvent  se  repose, 
Enfant  de  soixante  ans  qui  promet  quelque  chose..... 

Le  triomphe  de  la  réaction ,  sous  le  consulat, 
eut  des  résultats  qui  ne  pouvaient  plaire  aux 
fidèles  survivants  du  dix-huitième  siècle.  Mo- 
rellet fut  un  des  plus  sévères  critiques  du  bril- 
lant roman  û'Atala,  qui  annonçait  une  renais- 
sance religieuse,  et  il  ne  désavoua  rien  de  son 
passé.  Rentré  à  l'Académie  Française  en  1803, 
membre  du  corps  législatif  en  1807,  bien  rente 
par  l'État,  il  garda  jusque  dans  une  extrême 
vieillesse  sa  gaieté  et  le  libre  exercice  de  sa 
pensée.  On  remarque  même  que  dans  ses  der- 
nières années  il  composa  beaucoup  de  vers. 
Une  chute  qu'il  fit  en  1815  le  condamna  à 
une  réclusion  absolue;  il  profita  de  ce  repos 
forcé  pour  faire  un  choix  de  ses  écrits,  qu'il  pu- 
blia en  quatre  volumes  sous  le  titre  de  Mé- 
langes de  Littérature  et  de  Philosophie  du 
dix-huitième  siècle.  Si  on  joint  à  ce  recueil 
deux  volumes  de  Mémoires  ,  qui  vont  jusqu'à  la 
fin  du  consulat,  on  aura  tout  ce  qui  mérite  d'être 
lu,  ou  du  moins  feuilleté,  parmi  les  nombreuses 


publications  de  cet  écrivain,  abondant  sans  ori 
nalité, judicieux  sans  agrément,  indépendants; 
initiative  de  pensée,  mais  honnête,  éclairé,  fer 
dans  son  attachement  aux  idées  lihéralés  et  [ 
lanthropiques  du  dix-huitième  siècle,  et.  croy 
jusqu'à  la  fin  aux-  progrès  de  la  raison  humai 
M.  Campenon,  qui  le  connaissait  bien,  a  dit 
lui  dans  quelques  lignes  flatteuses,  qui  ne  s 
pas  inexactes  :  «  Tout  était  d'accord  en  lui. 
trouvait  la  simplicité  dans  ses  goûts  comme 
naturel  dans  son  langage,  l'ordre  dans  ses 
bitudes  comme  la  méthode  dans  ses  écrits, 
sérénité  dans  son  caractère  comme  le  cal 
dans  son  imagination;  et,  s'il  était  permise 
tendre  plus  loin  ce  rapport  entre  l'homme  et 
ouvrages,  j'oserais  dire  que  ses  conceptions, 
idées,  son  style  même,  conservaient  je  ne  s 
quoi  de  robuste  comme  lui,  et  de  fortem 
prononcé  comme  ses  traits.  C'était  le  mé 
homme  encore  qu'on  retrouvait  dans  le  moi 
et  dans  la  vie  privée  :  toujours  s'indignant 
ce  qui  lui  semblait  absurde,  toujours  frappé 
bon  sens  chez  les  .autres,  comme  d'un  point 
contact  avec  lui,  recherchant  peu  ce  qu'on 
pelle  esprit,  mais  accueillant  le  naturel,  encou 
géant  la  timidité,  ménageant  même  l'ignorar 
pourvu  que  la  présomption  ne  s'y  joignit  { 
et  se  livrant  dans  son  intérieur,  avec  la  plus 
mable  facilité  de  caractère ,  aux  douces  j< 
d'une  famille,  qu'il  eût  été  heureux  de  choi 
si  la  nature  ne  la  lui  avait  donnée.  »  Campei 
ajoute  :  «  Où  retrouver  maintenant  l'autorité  1 
si  grand  âge,  les  secours  d'une  si  longue  expérie 
et  la  puissante  impression  de  cette  voix  qui , 
tant  parmi  nous  Fontenelle,  Montesquieu, Volta 
avait  le  droit  de  dire  :  J'ai  vu,  j'ai  entendi; 
Une  liste  même  incomplète  des  écrits  de  I 
rellet  donnera  une  idée  de  son  activité  in 
lectuelle  et  de  la  place  importante  qu'il  occ 
parmi  les  publicistes  du  dix- huitième  sien 
On  a  de  lui  :  Réflexions  sur  les  avanta 
de  la  libre  fabrication  et  de  l'usage 
toiles  peintes  en  France,  pour  servir  de  ■ 
ponse  aux  divers  mémoires  des  fabricants 
Paris,  Lyon,  Tours,  Rouen,  etc.,  sur  ci 
matière;  Genève,  1758^  in-12 ;  —  Préface 
la  comédie  des  Philosophes;  1760,  in 8°; 
Remarques  critiques  et  littéraires  sur 
prière  universelle  de  Pope;  1760,  in-8°; 
Les  Si  et  les  Pourquoi;  1760,  in-12;  —  / 
moire  des  fabricants  de  Lorraine;  17< 
in-8°  ;  —  Lettres  sur  la  police  des  grai) 
1764,  in-8°;  —  Réflexions  sur  les  préju 
qui  s'opposent  aux  progrès  et  à  la  perj 
tion  de  V inoculation  ,  trad.  de  l'italien 
M.  Galli  ;  1764,  in-4°;  —  Traité  des  Délits 
des  Peines ,  trad.  de  l'italien  de  Beccari 
1766,  in-12  ;  —  Mémoire  sur  la  situation  i 
tuelle  de  la  Compagnie  des  Indes;  17 
in-4°  ;  —  Examen  de  la  réponse  de  M.  N 
ker  au  Mémoire;  1769,  in-4°  ;  -r-  Réfutat\ 
de  l'ouvrage  de  Galiani  qui  a  pour  tili 


57  MORELLET 

j  ialogues   sur  le  Commerce  des   Blés;  1770, 
1-8°;  —  Théorie  du  Paradoxe;  1775,  in-12; 
j  -  Réponse  sérieuse  à  M.   L.  (  Linguet  )  par 
tuteur  de  la  Théorie  du  Paradoxe;  1775, 
.12;  —  De   l'Académie  Française,  ou  ré- 
vise à  Pécrlt  de  M.  Chamfort  qui  a  pour 
•  tre  Des  Académies;  Paris,  1791,   in-8°;  — 
cnsées  libres  sur  la  liberté  de  la  presse  à 
i  Kcasion  d'un  rapport  du  représentant  Ché- 
cr  à  la  Convention  nationale,  du  12  flo- 
al;  1795,  in-8°  ;  —  Le  Cri  des  familles,  ou 
(  scttssion  d'une  motion  faite  à  la  Convention 
I  ttionale  par  le  représentant  du  peuple  Le- 
nntre ,  relativement  à  la  révision  des  ju- 
^ments  des    tribunaux    révolutionnaires; 
j  iris,  1795,  in-8°;  —  La  Cause  des  Pères,  ou 
I  scttssion  d  un  projet  de  décret  (  de  P.-J. 
i  idoitin  ) ,  relatif  aux    pères    et    mères  , 
:  ieuls  et  aïeules  des  émigrés;  Paris,  1795, 
,  -8°  :  cette  brochure  fut  suivie  de  sept  autres 
rits  de  Morellet,  dans  la  même  cause;  — 
I  Nervations  sur  la  loi   des  otages,  ou  Loi 
;  ntr  la  répression    du   brigandage   et    des 
,  sassinats    dans    l'intérieur;    Paris,   1799, 
j-8°;  —   Observations  critiques  sur  le  ro- 
an  intitulé    Atala;  Paris,  1801,in-8°;   — 
.  élanges  de  Littérature  et  de  Philosophie  du 
î  x-huitième  siècle;  Paris,  1818,  4  vol.  in-8°  ; 
i  itre  plusieurs  des  ouvrages  déjà  mentionnés; 
i  i  trouve  dans  ces  Mélanges  l'Éloge  de  Mar- 
\:ontel;    un   Tableau  de    la    commune    de 
\aris  en  1793  ;  L'Avis  de  Franklin  aux  fai- 
■urs  de   constitutions,   etc.,  etc.;  —  Mé- 
oircs  sur  le  dix-huitième  siècle  et  sur  la 
évolution ,  publiés  avec  une  Préface  et  des 
otes  par  J.-V.  Leclerc;  Paris,  1821,  2  vol. 
;-8o;  il  en  parut  une  seconde   édition,  consi- 
dérablement augmentée;    Paris,  1823,  2  vol. 
t  -8".  Les  additions  faites  à  cette  édition  avaient 
|.jja  paru  sous  le  titre  de   Lettres  inédites  sur 
j histoire  politique  et  littéraire  des   années 
\}06  et   1807,  pour  faire  suite  à  ses  Mé- 
moires;   Paris,    1823,   in-8°;    —   Éloges  de 
\lme  Geoffrin  par  MM.  Morellet,  Thomas  et 
,1'Alembert,  suivis  d'un  Essai  sur  la  conver- 
sion û'après  Swift,  par  Morellet;  Paris, 
S12,  in  8°.  —  Aux  traductions  déjà  citées  on  peut 
li  joindre  une  dizaine  d'autres,  parmi  lesquelles 
n  remarque  le  Legs  d'un  père  à  ses  filles, 
[aduit  de  Gregory  (  1774  ) ;  —  L'Italien  ,  ou 
iï  confessionnal  des  pénitents  noirs  (1796), 
rad.  de  Anne  Radcliffe  ;   —  Les  Enfants  de 
t  Abbaye  (  1797  )  ;   —  Clermont  (1798);   — 
Ihèdora,  ou  la  forêt  deMinsky  (  1799),  trad. 
je  miss  Charlton.    Morellet   fut   collaborateur 
|e  Y  Encyclopédie,  des  Archives  littéraires  de 
Europe,  du  Mercure.  L.  J. 

[  Morellet ,  Mémoires.  —  Grimra,  Correspondance.  — 
Smonley,  Discours  de  réception  à  l'Académie.  — 
;  impenon,  Réponse  à  Lémontey.  —  Delort,  Histoire  de 
,  Détention  des  philosophes,  t-,  II. 

|  Ïmorellet  {Alphonse),  jurisconsulte  fran- 
:*'s,  parent  du  précédent,  est  né  à  Bourg,  le 


-  MORELLI  538 

4  février  1809.  Il  étudia  le  droit  à  Paris,  fut  reçu 
avocat  en  1831,  et  plaida  avec  succès  à  Bourg,  à 
Lyon,  à  Saint-Étienne,  à  Roanne,  dans  de  nom- 
breux procès  criminels,  de  presse  et  d'associations 
ouvrières.  A  la  révolution  de  1848,  il  fit  partie 
de  la  commission  municipale  de  Lyon,  présida 
le  comité  d'organisation  du  travail,  établi  par 
M.  Emmanuel  Arago,  et  fut  élu,  en  1849,  à  l'As- 
semblée nationale.  Il  y  présenta  un  grand  nombre 
de  projets  de  loi  relatifs  aux  travaux  publics 
et  à  l'amélioration  du  système  pénitencier.  De- 
puis le  2  décembre  1831,  il  s'est  retiré  de  la 
scène  politique ,  et  compte  parmi  les  membres 
les  plus  distingués  du  barreau  de  Paris. 

Documents  particuliers. 

morelli  (  Bartolommeo  ),  dit  le  Pianoro, 
peintre  de  l'école  bolonaise,  né  à  Pianoro,  vil- 
lage situé  sur  la  route  de  Bologne  à  Florence, 
mort  en  1703.  Élève  de  l'Albane,  il  a  laissé  peu 
de  tableaux,  mais  il  a  beaucoup  pratiqué  la 
fresque.  Ses  meilleurs  ouvrages  en  ce  genre  en- 
richissent la  chapelle  dédiée  à  Notre-Dame-de- 
Lorette  dans  l'église  San-Bartolommeo  à  Bo- 
logne. On  y  trouve  une  grâce  telle  qu'ils 
n'eussent  pas  été  désavoués  par  l'Albane  lui- 
même.  E.  B— n. 

Crespi,  Felsina  pittrice.  —  Malrasia,  Pitture  di  Bo- 
logne/,. 

morelli  (  Maria-Maddalena) ,  femme 
poète  italienne,  née  en  1740,  à  Pistoie,  morte  le 
8  novembre  1800,  à  Florence.  Dès  l'enfance  elle 
se  fit  remarquer  par  des  dons  précoces  ;  elle 
joignait  l'esprit  à  la  grâce  et  à  la  beauté,  et  im- 
provisait avec  une  facilité  singulière.  Bien  ac- 
cueillie à  la  cour  de  Naples,  elle  y  épousa  un 
gentilhomme  espagnol,  Ferdinando  Fernande/. 
De  rapides  et  éclatants  succès  en  poésie  lui  ou- 
vrirent les  portes  de  l'Académie  des  Arcades,  où 
elle  prit  le  nom  de  Corilla  Olimpica  (1775). 
Un  triomphe  solennel  lui  fut  décerné  au  Capi- 
tule, le  31  août  1776.  On  n'a  conservé  aucune 
des  nombreuses  pièces  de  vers  que  cette  impro- 
visatrice a  déclamées  dans  la  plupart  des  villes 
d'Italie.  P. 

Collezicme  di  Vite  e  ritratti  di  uomini  e  donne  illtistri 
degli  ultimi  tempi;  Rome,  1821,  t.  II.  —  Atti  délia 
solenne  coronazione  falta  in  Campidoglio  delta  insi- 
gne poetessa  donna  M.-V.  Fernandez,  impr.  par  Bo- 
doni. 

morelli  (  Cosimo  ),  architecte  italien,  né 
en  1732,  à  Imola,  mort  en  1812.  Fils  d'un  ar- 
chitecte, il  fut  élève  de  Domenico  Trifogli,  qui  a 
laissé  quelques  bons  ouvrages  à  Imola.  Il  eut 
la  bonne  fortune  d'avoir  pour  premiers  patrons 
l'évêque  de  cette  ville,  Bandi  et  son  neveu  An- 
tonio Braschi,  élu  pape  en  1775,  sous  le  nom  de 
Pie  VI.  Appelé  auprès  de  ce  dernier,  Morelli  fut 
chargé  de  nombreux  travaux  dans  les  États  de 
l'Église  :  après  avoir  donné  les  dessins  d'une  sa- 
cristie nouvelle  pour  Saint-Pierre  de  Rome,  il 
construisit  la  cathédrale  d' Imola,  l'église  mé- 
tropolitaine de  Fermo,  le  dôme  de  Macerata, 
plusieurs  cbapelles ,  et  restaura  la  basilique  de 


539  MORELLI 

Ravenne.  On  lui  doit  aussi  dans  l'architecture      latini 


40 


civile  les  théâtres  d'Imola,  de  Ferino,  de  Jesi, 
d'Osimo  et  de  Fer  rare,  les  palais  Braschi  à 
Rome,  Anguisola  à  Plaisance,  Berio  à  Naples, 
et  Gappi  à  Rologne,  et  le  palais  épiscopal  à 
Imola.  P. 

Tipaldo,  Biogr.  degli  Italiani  illustri. 

morelli  (Jacques),  célèbre  bibliographe 
et  érudit  italien,  né  à  Venise,  le  14  avril  1745, 
mort  le  5  mai  1819.  Fils  d'un  artisan,  il  étudia 
la  théologie  chez  les  dominicains,  et  se  fit  ordon- 
ner prêtre.  Ayant  acquis  à  bas  prix  un  recueil 
manuscrit  des  lettres  de  Fr.  Barbaro,  il  se  mit 
à  le  comparer  avec  les  deux  volumes  de  cette 
correspondance  publiés  par  le  cardinal  Quirini, 
et  s'aperçut  qu'ils  étaient  bien  moins  complets 
et  moins  corrects  que  son  manuscrit.  Cette  dé- 
couverte le  mit  en  rapport  avec  le  savant  P.  Ru- 
béis ,  qui  le  prit  en  affection,  et  l'ayant  décidé  à 
se  consacrer  à  des  travaux  d'érudition,  lui 
procura  tous  les  moyens  d'acquérir  les  connais- 
sances à  cela  nécessaires.  Sous  un  tel  guide, 
Morelli,  qui  était  doué  d'une  mémoire  prodigieuse 
et  '  d'une  grande  vivacité  d'intelligence,  fit  les 
progrès  les  plus  rapides.  Il  s'adonna  surtout  à 
l'étude  de  l'histoire  littéraire  et  de  la  bibliogra- 
phie, ce  qui  l'amena  à  explorer  avec  le  plus 
grand  soin  les  bibliothèques  publiques  et  particu- 
lières de  sa  ville  natale.  Son  savoir  en  ces  ma- 
tières le  signala  à  l'attention  du  bailli  Th.  Far- 
setti,  qui  le  chargea  de  dresser  le  catalogue  de 
sa  riche  collection  de  manuscrits  et  de  livres  im- 
primés. Lorsque  Farselti  fut  nommé  gouver- 
neur de  Padoue,  il  emmena  avec  lui  Morelli, 
devenu  son  ami  ;  dans  cette  ville,  riche  en  bi- 
bliothèques précieuses,  Morelli  eut  occasion 
d'étendre  encore  ses  connaissances  en  biblio- 
graphie. En  1778  il  fut  nommé,  en  remplacement 
de  Zanetti,  conservateur  de  la  bibliothèque  de 
Saint-Marc  à  Venise  ,  fonctions  qu'il  garda  jus- 
qu'à sa  mort.  Il  ne  cessa  pendant  toute  sa  vie 
d'augmenter  le  riche  dépôt  confié  à  ses  soins  (l), 
et  il  y  fit  incorporer  par  son  testament  !a  collec- 
tion de  vingt  mille  opuscules  rares,  qu'il  avait 
réunis  peu  à  peu  de  ses  propres  deniers.  Sa 
vaste  érudition,  à  laquelle  il  joignait  une  mo- 
destie rare  et  la  plus  grande  complaisance  pour 
ceux  qui  avaient  recours  à  ses  lumières,  lui  va- 
lut de  grandes  distinctions  honorifiques  de  la 
part  d'un  grand  nombre  de  souverains;  il  était 
membre  associé  de  l'Institut  de  France  et  de  la 
plupart  des  académies  de  l'Europe.  On  a  de 
lui  :    Bibliolheca     manuscritta     del     bali 

T.  G.  Farsetti;  Venise,  1771-1780,  2  vol. 
in-12; —  Dissertazione  atorica  inlorno  alla 
publica  libreria  di  S.  Marco  ;  Venise ,  1774, 
in-12;  —  Fr.  Prendilaque,  Diatogus  de  vita 
Victorini  Feltrensis,  cum  annotamentis  ;  Pa- 
doue, 1774,  in-8°;  —  Codices  manuscripti 

(1)  II  portait  à  cette  bibliothèque  une  tendresse  com- 
parable à  celle  d'une  mère  pour  son  enfant;  on  rap- 
porte à  ce  sujet  plusieurs  anecdotes  touchantes. 


J,7. 


bibliothecee  Naniame ,  relalï 
opusculis  ineditis  ex  iisdem  deprom 
Venise,  1776,in-4°;  —  /  Godici  manosi 
volgari  délia  liberia  Naniana,  riferit, 
alcume  opérette  inédite  daessi  traite  ;  V 
1776,  in-4°  ;  —  Arislidis  Oralio  adversus 
tinem,  Libanii  Declamatio  pro  Soçrate, 
toxeni  Rhytmicorum  Elementorum 
menta,  nunc  primum  édita,  cum  anno 
nibus;  Venise,  1785,  in-12;  —  Biblio\t& 
Maphsci  Pinelli  descripta  et  annotàtio,  un 
illustrata;  Venise,  1787,  6  vol.  in-8°  m« 
vrage important  pour  la  connaissance  des  in  \%s 
blés  ;  —  Gatalogo  di  libri  latini  raccolt  loft 
bali  Farsetti;  Venise,  1788,  in-12  :  cet  <  «3 
cule  avait  été  précédé  de  trois  autres ,  tr  jn§ 
de  diverses  parties  de  la  bibliothèque  de  iri 
setti;  —  Vita  di  J.  Sansovino  da  Vasari  r* 
retta  e  continuata;  Venise,  1789,  in-4°;  -  W 
toria  Viniziana  di  P.  Bembo,  da  lui  volg  $» 
zata,  per  la  prima  volta  secondo  Vorig  ife 
publicata;  Venise,  1790,  2  vol.  in-4°  ri 
Andreee  Gritti,  principis  Venetiarum,  1  m 
N.  Barbadico  autore  ;  Venise,  1752,  in-41 14I 
Componimenti  poetici  latini  e  volg  ai  m 
varii  autori  de'  passati  tempi  in  Iode  d  $ 
nezia;  Venise,  1792,  in-4°;  —  Monument  U| 
principio  della  Stampa  m  Venezia ,  Ve  fa 
1793,  in-4°;  dans  cet  opuscule  l'auteur  co  r| 
l'opinion  commune  sur  la  date  de  l'impre  »b| 
du  fameux  :  Décor  Puellarum;  —  M*m 
menti  Veneziani  di  varia  letteratura  ;  Vf  te 
1796,  in-4°;  —  Délie  Guerre  dei  Vene:)k 
nelV  Asia  dalV  anno  1470  nel  1474,  Zi&?'tB 
di  Cor.  Cippico,  riprodotti  con  illustrazi  ■ 
Venise,  1796,  in-4°  ;  —  Dionis  Cassii  H  M 
riarum  Romanarum  Fragmenta,  nunc  m, 
mum édita  ;  Bassano,  1798,  et  Paris,  1800,ir  I 
—  Le  Rimedi  Petrarca  con  illustrazioni  M 
dite  di  Lod.  Beccadelli  ;  Vérone,  1799,  2  l. 
in-16;—  Notizia  d'opere  di  disegno,  r,  a 
prima  meta  del  secolo  XVI  existenti  in  k 
dova,  Cremona,  Milano,  Pavia,  Berga\r 
Crema  e  Venezia  scritla  da  un  anonmas 
quel  tempo,  con  copiose  annotazioni  ;  H 
sano,  1800,  in-8°;  —Bibliolheca  manuscrm 
Grseca  et  Latina  ;  Bassano,  1802,  in-8°;  l'àu  ut 
a  légué  à  la  bibliothèque  de  Saint-Marc  un  e*  h 
plaire  de  cet  ouvrage  où  se  trouvent  joiw 
beaucoup  de  nouvelles  recherches  sur  les  ma  h 
crits  de  cette  bibliothèque,  sujet  principal  d  a 
livre;  —  Dissertazione  intorno  ad  altii 
vïaijgiatori  eruditi  Veneziani  poco  noti;  I 
nise,  1803,  in-4°;—  Aldi  PU  Manutii  ScrM 
tria  longe  rarissima,  annotationibus  il\A 
trata  :  l'auteur,  qui  s'était  beaucoup  occupé» 
Aide,  fournit  plusieurs  renseignements  préc  fc 
à  Brandobre  et  à  Renouard  pour  leurs  ouvrages  F 
ces  célèbres  imprimeurs  ;  —  Stanze  del  Scia  p 
sopra  la  Rabbia  di  Macone,  testodi  ling\j, 
Bassano,  1806,  in-8°  ;  excellente  édition  ;p 
Stanze  inédite  di  Ant.    de  Pazzi  in  bias.i 


541  MORELLI  - 

délie  donne  e  di  T.  Tasso  in  Iode  di  esse  ; 
Venise,  1810,  in-8°  ;  —  Lettera  rarissima  di 
Cristqforo  Colombo,  scritta  délia  Giammaica 
alli  re  e  regina  di  Spagna  inlorno  li  suoi 
viaggi  ;  Bassano,  1810,  in-8°;  —  Opuscoli  di 
(n.  Liruti,vescovodi  Verona,inediti;  Vérone, 
1810,  in-8°  ;  —  Epistolœ  septem  varias  erudi- 
ionis;  Padoue,  1819,  in-8"  ;  —  plusieurs  sa- 
vants mémoires  dans  le  recueil  de  l'Institut  lom- 
«rdo-vénitien,  dans  le  Magasin  encyclopédique, 
fans  le  Saggio  sopra  la  Tipogra/ia  del  Friuli 
le  Bartolini,  dans  le  Mercurio  Italiano  de 
tienne,  etc.  —  La  plus  grande  partie  des  opus- 
ules  de  Morelli  ont  été  réunis  en  trois  volumes 
i-8°,  sous  le  titre  d'Opérette,  Venise,  1820;  en 
5te  se  trouve  une  biographie  de  l'auteur  par 
loschini,  "ainsi  qu'une  centaine  de  lettres  adres- 
ses par  Morelli  à  divers  savants.  E.  G. 
Zendrini,  Efogio  di  Morelli  (Milan,  1821,  reproduit 
;iis  la  Galleria  dei  Letterati  ed  artisti  illustri  délie  pro- 
mue Feneziane  neî  secolo  Xf-'III;  Venise,  1822-1824, 
,_8°).  _  Albrizzi,  Hitratti.  —  Tipaldo,  Biogrofla  degli 
al.  illiist.,  t.  II. 

morelly,  écrivain  politique  et  socialiste,  vi- 
nt au  dix-huitième  siècle.  Ses  ouvrages  ont  ac- 
iis  une  certaine  notoriété,  mais  sa  vie  est  restée 
connue.  La  France  Littéraire  de  1769  le  fait 
litre  à  Vitry-le-François.  Il  était,  dit-on,  régent 
i  précepteur  dans  cette  ville.  On  n'a  point 
autres  détails  sur  son  existence,  qui  s'écoula 

s  l'obscurité  et  la  méditation.  La  France  Lil- 
raire  de  1769  et  la  Biographie  universelle 
irès  elle  distinguent  deux  Morelly,  le  père  et  le 
s.  Barbier  n'admet  pas  cette  distinction,  et,  se 

idant  sur  le  témoignage  de  Mdrelly  lui-même, 
rapporte  à  un  seul  auteur  les  ouvrages  que  La 
rance  Littéraire  et  la  Biographie  universelle 
irtagent  entre  le  père  et  le  fils.  Ces  ouvrages 
uit  :  Essai  sur  l'esprit  humain;  Paris,  1745, 
^12  ;  —  Essai  sur  le  cteur  humain  ;  Paris, 
!45,  in-12  ;  —  Physique  de  la  beauté,  ou  pou- 
tir  naturel  dé  ses  charmes  ;  Amsterdam , 
48,  in-12  ;  —  Le  Prince  les  délices  du  cœur, 
i  fraité  des  qualités  d'un  grand  roi,  et  sys- 
!wie  d'un  sage  gouvernement;  Amsterdam, 

*  '51,  2  vol.  in-12.  Dans  cet  ouvrage  Morelly  a 

*  mné  une  première  esquisse  de  sa  doctrine  d'un 
"  lef*de  nation  réalisant  le  bonheur  de  ses  su- 
i'|l  s  au  moyen  d'institutions  sociales  qui  se  rap- 
11  ochent  beaucoup  au  communisme;  il  déve- 
«'  )pa  cette  doctrine  dans  une  sorte  de  poëme  en 
li'!  ose  qu'il  donna  pour  une  traduction  de  l'indien, 
I'  as  ce  titre  :  Naufrage  des  îles  flottantes,  ou 
!'!'    '  Basiliade,  poëme  héroïque  en  XIV  chants, 

iduit  de  l'indien  par  MM***  ;  Messine  (Pa- 

".),  1753,  3  vol.  in-12;  ces  Iles  flottantes  ce 

'it  les  préjugés  qui  s'opposent  au  bonbeur  des 

[trimes;  cette  Basiliade  c'est  le  gouvernement 

n  roi  philosophe  qui  ramène  ses  sujets  aux 

de  la  nature.  Le  poëme  allégorique  de  Mo- 

ly  était  littérairement  fort  médiocre,  et  il  con- 

ait  des  principes  politiques  et  moraux  de  na- 

e  à  soulever  les  plus  graves  objections.  Ces 


MORELLY 


512 


objections  se  produisirent  en  effet,  et  Morelly 
y  répondit  par  ;un  traité  en  forme,  où  les  fantai- 
sies poétiques  de  la  Basiliade  sont  transformées 
en  un  corps  de  doctrines  assez  fortement  en- 
chaînées. Cet  ouvrage  est  intitulé  :  Le  Code  de 
la  Nature,  ou  le  véritable  esprit  de  ses  lois', 
de  tout  temps  négligé  ou  méconnu,  avec  cette 

épigraphe  :   Queeque  diu  laluere  canam 

(Ovide).  Partoutchezle  vrai  sage,  1755,  in-12; 
1760,  in-12  :  en  voici  le  résumé,  que  nous  em- 
pruntons à  un  éditeur  de  Morelly,  M.  Villegar- 
delle.  «  Maintenir  l'unité  indivisible  du  fonds  et 
de  la  demeure  commune;  établir  l'usage  com- 
mun des  instruments  de  travail  et  de  production  ; 
rendre  l'éducation  également  accessible  à  tous  ; 
distribuer  les  travaux  selon  les  forces,  lés  pro- 
duits selon  les  besoins;  conserver  autour  de  la 
cité  un  terrain  suffisant  pour  nourrir  les  familles 
qui  l'habitent  ;  réunir  mille  personnes  au  moins , 
afin  que,  chacun  travaillant  selon  ses  forces  et 
ses  facultés,  consommant  selon  ses  besoins  et 
ses  goûts,  il  s'établisse  sur  un  nombre  suffisant 
d'individus  une  moyenne  de  consommation  qui 
ne  dépasse  pas  les  ressources  communes,  et  une 
résultante  de  travail  qui  les  rende  toujours  assez 
abondantes;  n'accorder  d'autre  privilège  au  ta- 
lent que  celui  de  diriger  les  travaux  dans  l'intérêt 
commun,  et  ne  pas  tenir  compte,  dans  la  répar- 
tition, de  la  capacité,  mais  seulement  des  be- 
soins qui  préexistent  à  toute  capacité  et  iui 
survivent;  ne  pas  admettre  les  récompenses  pé- 
cuniaires :  1°  parce  que  le  capital  est  un  instru- 
ment de  travail  qui  doit  rester  entièrement  dis- 
ponible aux  mains  de  l'administration  ;  2°  parce 
que  toute  rétribution  en  argent  est  ou  inutile  ou 
nuisible:  inutile,  dans  le  cas  où  le  travail,  libre- 
ment choisi ,  rendrait  la  variété  et  l'abondance 
des  produits  plus  étendues  que  nos  besoins; 
nuisible,  dans  le  cas  où  la  vocation  et  le. goût 
ne  feraient  pas  remplir  toutes  les  fonctions  utiles; 
car  ce  serait  donner  aux  individus  un  moyen  de 
ne  pas  payer  la  dette  de  travail  et  de  s'exempter 
des  devoirs  de  la  société  sans  renoncer  aux  droits 
qu'elle  assure.  »  Il  est  remarquable  que  ces  idées, 
qui  devançaient  les  doctrines  les  plus  hardie* 
du  socialisme  contemporain,  se  produisirent  au 
moment  où  l'économie  politique  établissait  les 
véritables  lois  de  la  richesse  des  nations.  Morelly 
a  montré  un  certain  talent  d'exposition,  et  il  fait 
bien  ressortir  quelques  éléments  de  la  prospérité 
publique;  son  système  dans  l'ensemble  était  sé- 
duisant avant  que  l'expérience  en  eût  démontré 
les  dangers;  l'auteur  lui-même  n'en  avait  pas 
aperçu  toute  la  portée.  Son  Code  de  la  Nature 
est  à  la  fois  la  dernière  de  ces  pacifiques  utopies 
qui  depuis  la  République  de  Platon  jusqu'au 
Télèphe  de  Pechmeja  avaient  proposé  aux 
hommes  un  idéal  de  bonheur,  sans  application 
immédiate  possible,  et  la  première  de  ces  uto- 
pies, plus  périlleuses,  qui  se  sont  produites  dans 
la  révolution  française  avec  la  prétention  de  pas- 
ser immédiatement  de  la  théorie  à  la  pratique* 


543 


MORELLY  —  MORÉLOS 


Le  Code  de  la  Nature,  ouvrage  d'un  rêveur 
quelquefois  sérieux  et  d'un  réformateur  souvent 
très-hardi,  fut  attribué  à  Diderot  et  imprimé  dans 
l'édition  de  ses  Œuvres;  Amsterdam,  1773, 
5  vol.  in-8°.  La  Harpe  a  pris  à  ce  sujet  Diderot 
à  partie  d'une  manière  violente  dans  une  leçon 
de  son  Lycée;  sa  longue  réfutation  s'est  trompée 
d'adresse;  elle  est  d'ailleurs  aussi  superficielle 
que  verbeuse.  Morelly  fut  l'éditeur  des  Lettres 
4e  Louis  XIV  aux  princes  de  V Europe,  à  ses 
généraux  et  ses  ministres,  de  1661  à  1678; 
Paris  et  Francfort,  1755,  2  vol.  in- 12.  Une  nou- 
velle édition  du  Code  de  la  Nature  a  été  publiée 
par  F.  Villegardelle,  sous  ce  titre  :  Code  de  la 
Nature,  augmenté  de  fragments  importants 
de  la  Basiliade,  avec  l'analyse  raisonnes  du 
système  social  de  Morelly  ;  Paris,  1841,in-i2. 

L.  J. 

France  Littéraire  de  1769.  —  Barbier,  Dictionnaire 
des  Anonymes.  —  Villegardelle  ,  Notice  en  tftte  de  l'édàt., 
du  Code  de  la  Nature. 

morelos  (Dom  Jose-Maria  ),  prêtre  et  géné- 
ral espagnol,  l'un  des  premiers  libérateurs  du 
Mexique,né  en  1 780,à  Apatzingan  (province  de  Val- 
ladolid.dansleNouveau.-Mexique),  fusillé  à  Mexico, 
le  22  décembre  1815.  Fils  d'un  menuisier,  il  fut 
d'abord  destiné  à  l'état  ecclésiastique;  mais  il  pré- 
féra la  carrière  militaire,  et  devint  sergent  d'artil- 
lerie. On  ne  sait  par  quel  motif,  reprenant  sa  pre- 
mière vocation,  il  se  nt  ordonner  prêtre  et  ac- 
cepta la  cure  d'Acapulco.  Lorsque  le  célèbre  curé 
Miguel  Hidalgo  (  voy.  ce  nom  )  leva  (  10  septem- 
bre 1810  )  l'étendard  de  l'indépendance,  le  curé 
Morelos  fut  un  des  premiers  à  s'y  rallier,  et, 
après  la  mort  tragique  d'Hidalgo ,  échappé  au 
massacre  d'Acatila  de  Bajan  (21  mars  1811)  avec 
don  Julian  Villagran  et  l'avocat  Ignacio  Royon, 
il  resta  l'un  des  principaux  chefs  des  libéraux. 
Ses  compagnons  et  lui  parcoururent  les  provin- 
ces de  Guanaxuota,  de  Valladolid  ,  de  Guada- 
laxara,  du  Zacatécas,  de  la  Puebla,  de  La  Vera- 
Cruz  ,  de  Mexico,  de  San  Luiz-de-Potosi ,  et, 
avec  l'aide  du  prêtre  Coss,  du  général  don 
Jose-Maria  Liceaga,  du  colonel  Lopez,  de 
O.  Osourno,  du  curé  Verdusco,  et  de  don  Gua- 
dalupe  Vittoria,  ils  constituèrent  une  junte  à 
Zitaquaro.  Don  Rayon  en  fut  élu  président.  Mo- 
relos reçut  le  commandement  d'un  corps  de  sept 
mille  hommes,  destiné  à  propager  l'insurrection 
dans  la  Tierra  caliente  (Terre  chaude),  qui  s'é- 
tend sur  le  rivage  de  l'Océan  pacifique,  dans  la  par- 
tie occidentale  du  Mexique.  11  s'empara  de  la  ville 
d'Oaxaca,  où  il  fit  un  butin  de  trois  millions  de 
gourdes  de  piastres  (15,000,000  de  fr.)  et  de  celle 
d'Acapulco,  après  un  siège  de  quinze  mois.  L'an- 
née suivante,  Morelos,  devenu  principal  chef  mi- 
litaire des  indépendants,  convoqua  un  congrès  à 
Apatzingan,  pour  aviser  à  la  formation  d'un  gou- 
vernement régulier.  Ce  congrès,  composé  de  qua- 
rante membres  élus  dans  les  diverses  provinces 
émancipées,  reconnut,  malgré  l'opposition  de 
Morelos,  Ferdinand  VII  comme  souverain  du 


Mexique;  il  promulgua  un  programme  de  con  k 
tution  et  adressa  un  manifeste  aux  États  élrarç  j 
pour  expliquer  les  motifs  qui  avaient  fait  pr  . 
dre  les  armes  aux  Mexicains.  Morelos  battit  t 
plusieurs  reprises ,  les  troupes  espagnoles  (  L 
tamment  à  Tixtla,  le  19  août  1811,  où  l'an  ■ 
royale,  sous  les  ordres  de  Fuentès,  complétén  t 
défaite,  perdit  son  artillerie  et  ses  bagages  ;  1 
prit  ensuite  les  villes  d'Izucar,  de  Huexa  j 
et  de  Real-de-Tasco.  Après  soixante-cinq  j(  I 
de  siège  et  une  sortie   malheureuse  ( 27  al 
1812  ),  Morelos  fut  obligé  d'évacuer  .la  prem  I 
de  ces  villes  (  2  mai  )  ;  quatre  mille  habitan  ■ 
furent  massacrés  par  les  Espagnols.  II  ne  I 
tenir  non  plus  dans  Cuacitla;  mais,  par  une  I 
nœuvre  hardie,  il  s'empara  successivement  de  I 
lapa,  de  Téhuacanet  d'Orizaba,où  il  fit  unb  9 
de   12,000,000  de  dollars   (  65,040,000  fr.  H 
reprit  aussi  les  villes  importantes  d'Antequei  t 
d'Acapulco.   Le  6    novembre   1813,   le  con  I 
assemblé  à  Chilpantzinco,  sous  la  protectio  m 
l'armée  de  Morelos,  proclama  de  nouveau    ■ 
dépendance  du  Mexique  et  publia  une  cous*  m 
tion  républicaine,  qui  fut  reconnue  jusqu'au  (  I 
temala.  Le  23  décembre  1813  Morelos  attaqu;  I 
Espagnols  qui  s'étaient  rendus  maîtres  de  Vi  I 
dolid  ;  mais,  quoique  soutenu  par  ses  habiles  !  I 
tenants  Bravo  et  Matamoros,  il  fut  repoussé   I 
une  perte  considérable,  perdit  toute  sonartill  i, 
et  dut  se  replier  sur  Puruaran.  Poursuivi  san  I 
lâche  par  le  fameux  Iturbide  (depuis  empen  I 
alors  colonel  au  service  de  l'Espagne,  Morelo  it 
encore  défait  de  la  manière  la  plus  complète  I 
hacienda  de  Puruaran  /  nuit  du  7  janvier  18  m 
Ses  troupes  s'entre-fusillèrent  dans  l'obscuri  ît 
Matamoros  tomba   aux  mains  des  royalisB 
pour  sauver  son  ami,  Morelos  mit  tout  en  œi  m 
une  importante  rançon  ayant  été  refusée,  H 
frit  en  échange  cinq  cents  officiers  ou  solda'  ;il 
régiment  des  Asturies  (des  meilleurs  d'Espa» 
qu'il  tenait  prisonniers   à  Acapulco   depu  la 
victoire  de  Palmar  (  18  octobre  1813).  Le  S. 
roi  Calleja  ne  voulut  entendre  à  rien  ;  Mat  > 
ros  fut  fusillé  ainsi  que  sept  cents  de  ses  coi  ïm 
gnons  ;  Morelos  usa  aussitôt  de  représaillei  et 
la  guerre  prit  un  caractère  d'extermination  W 
exemple.   Au  mois  d'octobre  1815,  le  gé.  m 
français  Jean-Joseph-Amable  Humbert(  vo 
nom  )  et  don  J.-M.-A.  Toledo   débarquera 
Texas  avec  quelques  centaines  de  volontair 
des  munitions  de  tous  genres;  ils    s'avanc' 
jusqu'au  Puente-del-Rey,  situé  entre  Xalapa 
Vera-Cruz.  Morelos   se  mit  en  route  pou 
joindre;  mais,  attaqué  à  Acatama,  il  fut  bat 
se  sauva  avec  un  corps  de  cavalerie  à  Tepfpf 
cuilco.où  il  fut  pris  par  les  royalistes,le  5  nove  M 
(8tr>.  Envoyé  à  Mexico,  il  fut  livré  à  l'inquisi  K 
qui  le  déclara  hérétique,  le  dégrada  des  oi  pS 
sacrés,  puis  le  remit  aux  autorités  milite |s» 
Son  procès,  dirigé  par  l'oïdor  Bataller,  ur 
plus  cruels  membres  de   l'audience,  se  ter  M 
rapidement  par   une  condamnation  à  morW 


MORELOS  —  MORELY 


546 


g  étal  Concha  fut  chargé  de  faire  exécuter  le 
îjonnier,  qui  communia  et  se  rendit  d'un  pas 
fj  ie  derrière  l'hôpital  San-Christoval,  lieu  du 
s  ilice  :  «  Seigneur,  s'écria-til,  si  j'ai  bien  fait, 
tf  •  sais,  et  tu  m'en  récompenseras  ;  si  j'ai  mal 
f,  je  recommande  mon  âme  à  ta  miséricorde 
ii  lie.  »  Après  cet  appel  au  juge  suprême,  il  se 
1)  la  les  yeux ,  et  reçut  la  mort  avec  le  calme 
I  n  avait  admiré  chez  lui  tant  de  fois  sur  les 

I  nps  de  bataille.  Alfred  de  Lacaze. 

II  ilnson,  Memoirs,  en.  I.  —  Resumen  historico  de  la 
h  Tecion  de  Nueva-Espafla,elc.  (Mexico,  1821),  p.  32. 

■  on  José  Guerra,  Historia  de  la  Revoluclon  de  la 
A  a-Espaiia,  etc.  (  London,  1813,  2  vol.  ln-8°).  —  Biis- 
I  Ole,  Cuadro  historico  de  la  Revoluclon  de  Mexico. 
I  :  Renaudlère,  Mexique,  dans  l'Univers  pittoresque, 

1 3'172' 

■  orelot  (Simon),  chimiste  français,  né 
1751,  à  Beaune,  mort  le  18  novembre  1809, 

rone  (Espagne).  Étant  venu  à  Paris,  il  se 
avec  ardeur  aux  travaux  pharmaceutiques 
mimiques ,  et  obtint  au  concours  une  chaire 
cole  de  Pharmacie.  Pendant  la  révolution  il 
inspecteur  des  officines  centrales  et  spé- 
\>$  du  département  de  la  Seine.  Ayant  passé 
le  service  de  santé,  il  prit  part  aux  cam- 
es du  Rhin ,  atteignit  rapidement  le  grade 
pharmacien  principal,  et  se  fit  recevoir  'en 
docteur  en  médecine  à  Leipzig.  Il  était  cor- 
ondant  de  la  Société  médicale  d'Émulation. 
i  de  lui  :  Cours  élémentaire  d'histoire  na- 
lie  pharmaceutique  ;  Paris,  1800,  2  vol. 

K,  pi.  ;  —  Cours  de  Pharmacie  chimique, 
\anuel  du  pharmacien  chimiste;  Paris, 
™  ,  3  vol.  in- 8°;  2e  édit.,  augmentée  par  Mé- 
181i ,  3  vol.  in-8°  ;  —  Histoire  naturelle 
iiquée  à  la  chimie,  aux  arts,  aux  dif/é- 
'.s  genres  d'industrie  et  aux  besoins  per- 
tels  de  la  vie;  Paris,  1809,  2  vol.  in-8°.  Il 

Kïsi  donné  une  édition  du  Dictionnaire  gé- 
l  des  Drogues  simples  et  composées  de 
.émery  (Paris,  1807,  2  vol.  in -8°,  fig.).  K. 
igraph.  univ.  et  portât,  des  Conlemp. 

orely  ou  morelly  (Jean- Baptiste),  en 
Morelius,  théologien  protestant  français,  né 
f  510,  à  Paris,  mort  probablement  à  Londres, 
Ifin  du  seizième  siècle.  Il  s'est  rendu  célèbre 
fP|  ses  tentatives  pour  ramener  l'Église  à  l'or- 
Bsation  démocratique  qu'elle  avait  aux  temps 
ptoliques.  Reprenant  en  sous-œuvre  le  livre 
l^rième  de  l'Institution  chrétienne  de  Cal- 
•i  il  composa  un  ouvrage  sur  la  discipline  ec- 
#1  astique,; dans  lequel  il  voulait  établir  qu'il 
Ift'ient  d'accorder  au  peuple  ce  que  le  réfor- 
fcîur  genevois  donnait  au  consistoire ,  c'est-à- 
«\,  la  décision  de  toutes  les  questions  impor- 
ta îs  concernant  la  doctrine,  les  mœurs,  l'élec- 
rtit  des  pasteurs,  etc.  Les  preuves  sur  lesquelles 
al;  puie  sa  théorie  sont  d'abord  des  déclarations 
Cesses  de  l'Écriture  Sainte,  et  en  second  lieu 
"'  ge  de  la  primitive  Église.  Morely  soumit  son 
niuscrit  à  Calvin.  Celui-ci,  qui  n'aimait  pas  la 
Wradiction,  le  lui  renvoya,  en  lui  annonçant 

*iOUV.    BIOGR.   CÉNÉR.    —  T.   XXXVI. 


qu'il  n'avait  pas  le  temps  de  lire  un  ouvrage 
aussi  considérable  sur  un  sujet  qui  était  d'ailleurs 
décidé  par  la  parole  de  Dieu.  Morely  le  fit  alors 
imprimer  sous  ce  titre  :  Traiclé  de  la  Disci- 
pline et  police  chrestienne;  Lyon,  1561,in-4°. 
La  modération  qui  règne  dans  cet  écrit,  la  force 
des  raisonnements ,  la  clarté  de  l'exposition  ne 
purent  lui  faire  trouver  grâce  devant  les  églises 
calvinistes.  En  1562,  le  synode  national  tenu  à 
Orléans  condamna  cet  ouvrage, que  Morely  était 
venu  lui  présenter.  Cette  condamnation  parut 
étrange  à  un  grand  nombre  de  réformés  ;  Sou- 
bise,  entre  autres,  s'en  expliqua  vivement  avec 
Théod.  de  Bèze,  qui  parvint  à  le  calmer.  Mo- 
rely se  retira  alors  à  Tours,  où  il  rencontra  un 
ardent  adversaire  dans  le  pasteur  Saint-Germain, 
et  bientôt  à  Genève ,  où  il  arriva  en  novembre 
1562.  Peu  de  temps  après ,  il  fut  cité  à  compa- 
raître devant  le  consistoire  pour  avoir  à  se  ré- 
tracter. Il  refusa  d'obéir,  mais  il  offrit  de  se 
soumettre  au  jugement  de  Farel,  de  Viret  et  de 
Calvin.  Ce  dernier  ne  voulut  pas  accepter  le  rôle 
d'arbitre,  en  déclarant  qu'il  ne  pouvait  se  mettre 
au-dessus  du  synode  qui  avait  condamné  le 
Traicté  de  la  Discipline.  Morely  demanda  alors 
la  permission  de  se  défendre  par  écrit  ;  le  con- 
sistoire la  lui  refusa ,  et  le  traitant  en  hérétique 
obstiné,  il  l'excommunia  le  31  août  1563.  Son 
livre ,  déféré  au  conseil ,  fut  condamné  au  feu , 
le  16  septembre,  et  défense  fut  faite  «.  à  tous 
libraires  d'en  tenir  ni  exposer  en  vente,  à  tous 
citoyens,  bourgeois  et  habitants  de  Genève  d'en 
acheter  ni  avoir,  pour  lire  »,  avec  ordre  «  à 
tous  ceux  qui  en  auraient  de  les  apporter  et  à 
ceux  qui  sauraient  où  il  y  en  a  de  le  révéler  dans 
vingt-quatre  heures ,  sous  peine  d'être  rigou- 
reusement punis  ».  Morely  avait  quitté  Genève 
en  1563;  mais  les  passions  cléricales  ne  ces- 
sèrent pas  de  le  poursuivre.  En  1566  il  était  pré- 
cepteur du  fils  de  Jeanne  d'Albret;  le  consis- 
toire de  Genève  n'eut  pas  de  repos  qu'il  ne  l'eût 
fait  renvoyer  de  cette  maison.  Les  synodes  na- 
tionaux de  Paris  (1565)  et  de  Nîmes  (1572)  con- 
damnèrent à  leur  tour  son  Traicté  de  la  Disci- 
pline ainsi  que  sa  Réponse  à  une  apologie  de 
la  discipline  calviniste  attribuée  à  Chandieu  par 
A  4  Barbier  et  à  Viret  par  M.  Yauçher.  D'un 
autre  côté,  un  grand  nombre  de  personnages 
considérables,  plusieurs  églises  du  Languedoc, 
celle  de  Sens ,  celle  de  Meaux,  etc.  approuvaient 
et  partageaient  ses  opinions  sur  l'organisation  de 
l'Église  et  demandaient  avec  lui  que  le  peuple 
fût  appelé  à  voter  dans  les  élections  des  anciens, 
des  pasteurs,  etc.  Plus  tard,  Ramus  reprit  cette 
thèse,  et  la  soutint  vivement.  Rien  ne  put  vaincre 
la  résistance  des  ministres.  On  perd  toute  trace 
de  Morely  depuis  1572,  à  moins  qu'on  n'admette 
avec  Pr.  Marchand  et  La  France  Protestante 
qu'il  passa  en  Angleterre.  Dans  ce  cas,  on  pour- 
rait, comme  on  le  fait  d'ordinaire,  lui  attribuer 
De  Ecclesiaab  antichristo per  ejus  excidium 
liberanda;  Londres,  1589,  in-8°,  dédié  à  la- 

18 


1 


54  7  MORELY  — 

reine  Elisabeth  ,  et  trad.  en  allemand  ;  et  Verbo- 
rum  latinorum  cum  grsecis  anglicisque  con- 
junctorum  locupletissimi  Commentant  ;  1583, 
in-fol.  11  est  toutefois  difficile  de  croire  qu'a- 
près avoir  fait  dans  son  Traicté  de  la  Discipline 
une  critique  amère  de  l'organisation  de  l'Église 
anglaise,  un  homme  aussi  entier  dans  ses  opi- 
nions se  fût  décidé  à  chercher  un  refuge  en 
Angleterre  et  à  dédier  un  livre  à  la  reine  Elisa- 
beth. On  est  arrêté  par  une  autre  difficulté.  Est-il 
probable  que  Morely,  qui,  dans  la  dédicace  de 
son  Traicté  en  1561,  se  plaint  de  ses  infirmités, 
ait  été,  trente- trois  ans  après,  assez  vigoureux 
pour  composer  le  De  Ecclesia  ab  antichristo 
liber  anda. 

Il  n'est  pas  mutile  d'ajouter  que  Niceron  et 
Teissier  se  sont  trompés  en  le  confondant  avec 
Jean  Morel,  qui,  après  avoir  travaillé  dans  une 
imprimerie,  s'attacha  à  Chandieu,  et  en  lui 
donnant  pour  frère  G.  Morel,  successeur  de  Tur- 
nèbe  à  l'Imprimerie  royale.    Michel  Nicolas. 

Du  Verdieret  ta  Croix  du  Maine,  Bibl.  —  Bayle,  Dict.— 
Pr.  Marchand,  Dict.  —  Nicerou,  Mémoires,  t.  XXXVI. 
—  J.-J.  Rousseau,  Lettres  de  la  Montagne.  —  MM.  Haag, 
La  France  Protestante. 

moeienâ  (Ottone),  historien  italien,  né  à 
Lodi ,  dans  le  douzième  siècle.  Docteur  in  utro- 
que  jure  ,  il  fut  avocat  et  juge  dans  sa  patrie , 
puis  commissaire  impérial  sons  Lothaire  II  et 
Conrad  III.  Ses  deux  fils,  Manjredo  et  Acerbo, 
s'attachèrent  à  la  fortune  de  l'empereur  Frédé- 
ric Barberousse,  et  continuèrent  tous  deux  la 
chronique  locale  qu'il  avait  commencée.  Felïce 
Osio  la  publia,-  et  l'éclaircit  par  des  notes  (  His- 
toria  Rerum  Lodensium  tempore  Federici 
Mnobarbi,  cxsaris  ;  Venise,  1639,  in-4°);  elle 
fut  encore  insérée  dans  le  Thésaurus  Ântiq. 
Italiai  de  Gronovius  et  dans  le  recueil  de  la 
Société  palatine  de  Milan.  P. 

Tiraboschr,  Storia  delta  Letter.  Italiana. 

morenas  (François),  publiciste  français, 
né  en  1702,  à  Avignon,  mort  en  1774,  à  Mo- 
naco. D'abord  soldat,  puis  cordelier,  il  obtint  la 
dissolution  de  ses  vœux,  et  fonda,  en  janvier 
1733,  dans  sa  ville  natale,  Le  Courrier  d'Avi- 
gnon ,  journal  à  la  fois  historique,  politique,  lit- 
téraire, gaiant  et  moral.  Il  cessa  d'y  travailler 
en  1742,  et  choisit  pour  le  rédiger  l'abbé  La- 
baume,  puis  l'abbé  Outhier;  cette  gazette,  à 
peine  remarquée  jusqu'alors,  jouit  d'une  certaine 
vogue  grâce  à  ce  dernier  écrivain  ,  qui  avait,  en 
dépit  d'un  styie  déclamatoire,  de  l'imagination  et 
quelquefois  des  saillies.  Quant  à  Morenas ,  c'était 
un  littérateur  médiocre,  dépourvu  d'esprit  et  d'a- 
grément. Son  journal  ayant  été  supprimé  lors  de 
l'occupation  du  comtat  Venaissin  par  les  troupes 
françaises (1768),  il  s'établit  à  Monaco,  où  il 
continua  de  le  publier  sous  le  titre  de  Courrier  de 
Monaco,  depuis  le  1er  janvier  1771.  Nous  cite- 
rons de  lui  :  Entretiens  historiques  sur  les 
affaires  présentes  de  V  Europe;  La  Haye  (Avi- 
gnon et  Arles).  1743-1748,  18  vol.  in-8°,  écrit 
périodique,  qui  paraissait  trois  fois  par  an;  — 


MORENAS  5 

Le  Solitaire  ;  Arles,  1745,  in-12;  —  Histoire 
ce  qui  s'est  passé  en  Provence  depuis  Ve 
trée  des  Allemands  jusqu'à  leur  retrait 
Avignon,  1747,  in-12;  —  Abrégé  de  l'Histo 
Ecclésiastique  de  Fleary;  ibid.,  1750  et  at 
suiv.,  10  vol-  in-12  ;  les  derniers  volumes  neft 
honneur  ni  à  son  exactitude  ni  à  son  impart 
lité;  —  Dissertation  sur  le  Commercé; 
Haye  (Paris),  1756,  in-12,  trad.  de  l'italien 
Belloni  ;  —  Abrégé  du  Dictionnaire  des  cas 
conscience  de  Pontas;  Avignon,  1758,  3v 
in-8°  ;  travail  assez  estimé,  qui  fut  contrefail 
Lyon,  et  que  Collet  s'appropria  ensuite  ;  —  B 
tionnaire  de  la  Géographie  ancienne  et  m 
derne;  Paris,  1759,  in-8°;  —  Dictionna. 
portatif  contenant  la  Géographie ,  l'hlsto 
universelle,  la  chronologie,  etc.;  Avignc 
1760-1762,  8  vol.  in-8°;  —  Précis  du  résuh 
des  conférences  ecclésiastiques  d'Angers  ;roi< 
1764,  4  vol.  in-12;  —  Lettres  sur  la  réuni 
ducomté  Venaissin;  ibid.,  1768-1769,  in-8n. 

Barjavel,  Biogr.  de  Vaucluse,  II. 

morenas  (  Joseph  -  Elzéar  ) ,    orientali 
français ,  né  en  mars  1778,  à  Saint-Cristol,  p 
Carpentras,    mort    le   26    septembre   1830/ 
Mouri   (Mingrélie).   Quoiqu'il    eût  montré 
goût  pour  la  botanique ,    on  lui   fit  appren* 
l'état  d'orfèvre;  mais  en  1803  il  vint  à  Paris, 
consentit  à  suivre   dans  l'Inde  le   général  1 
caen.  Il  y  resta  près  de  dix  années  ;  à  son 
tour  (1812),  il  était  peut-être  le  seul  Français 
possédât  à  fond  l'hindoustani.  Aussi  contrih 
t-i!  beaucoup  à  rectifier  l'opinion  de  Langlès 
sujet  d'une  langue  alors  peu  connue.  Attaché 
qualité  d'agriculteur  botaniste  à  la  commiss 
d'exploration  du  Sénégal  (181'8),  Morenas  neré 
sit  pas  à  introduire  dans  ce  pays  sablonneu> 
embrasé  les  cultures  elles  méthodes  d'Europe 
revint  au  bout  de  quelques  mois,  dénonça  1 
rageusement  aux  chambres   le  despotisme 
colons  et  les  progrès  de  la  traite  des  nègres. 
perdit  aussitôt  sa  place.  En  1820,  il  fit  un  voy 
à  Haïti,  et  y  fut  accueilli  avec  beaucoup  d'aï 
tié  par  le   président  Boyer.  Après  avoir  fait 
cepter  au  tzar  Nicolas ,  par  l'intermédiaire 
général  Jomini,  un  projet  d'exploitation  agrk 
pour  les  provinces  du    Caucase,   il   quitta 
France  en  1829,  parcourut  la  Mingrélie  et  la  Gé 
gie,  et  revenait  de  Tiflis  lorsqu'il  succombe 
une  lièvre  endémique.  En  considération  des  s 
vices  qu'il  avait  rendus,  une  pension  de  1,! 
roubles  fut  accordée  à  sa  sœur.  On  a  de  Mo 
nas  :  Notice  des  ouvrages  imprimés  et  man 
crits  de  l'abbé  Rive;  Paris,  1817,  in-8°;  il  et 
par  sa  mère,  neveu  de  ce  bibliographe,  qui 
avait  légué  tous  ses  papiers  ;  —  Des  Castes  i 
l'Inde,  ou  lettres  sur  les  Hindcnis;  Paris,  18 
in-8°;  on  y  trouve  des   observations  critiq 
sur  la  traduction  du  Votjage  de  Tone  de  Lan?} 
—  Projet  d'une  exploitation  agricole  pour 
traduire  en  France  les  végétaux  étrange;* 
Paris,  1822,   in-8<>;  il   proposait  de  naturali 


I)  MORF.NAS 

ns  le  midi  de  la  France  le  mûrier  en  prairies, 
illico,  le  calîer,  le  coton  jaune  de  Siam,  le  pisla- 
ierd'Alep,  le  chanvre  du  Bengale,  l'arbre  à 
é,  etc.;  —  Pétition  contre,  la  traite  des 
irsquisefaitauSén  égal;  Paris,  1820,  in-8°, 
ivie  des  Observations  ;  même  année  ;  —  Pré- 
historique de  la  Traite  des  Noirs  et  de 
sclavage  colonial;  Paris,  1828,  in-8°,  avec 
portraits  de  Dîssette,  Fabien  et  Volny.  Mo- 
îas  avait  publié  en  1826  un  prospectus  d'un 
tionnaire  hindoustani  qui  devait  être  précédé 
me  grammaire  et  d'un  recueil  d'étymologies 
liennes;  il  en  légua  le  manuscrit,  en  même 
:ips  que  tous  ses  papiers,  au  gouvernement 
186.  K. 

arjavel,  Biogr.  de  Vaucluse,  II. 
HOREXCY  (Suzanne  Gikoux, dame Quillet, 
>MmenE),  femme  auteur  française,  née  vers 
|'2,  à  Paris.  D'une  famille  de  riches  négociants, 
li  tût  élevée  dans  un  couvent  de  religieuses 
I  ulines,  et  épousa,  à  peine  âgée  de  seize  ans, 
[avocat  de  Soissons,  nommé  Quillet.  En  1791 
|  le  quitta  pour  suivre  à  Paris  un  autre  avocat, 
lidevint  ministre,  Nicolas  Quinette,  et  qui  alors 
I  ait  d'être  élu  député  à  l'Assemblée  législative. 
I«  adressa  à  la  Convention  une  pétition  ten- 
I  ta  faire  décréter  le  divorce.  «  Mille  femmes 
E  la  même  sollicitation  à  vous  faire,  écrivait - 
L,  la  timidité  les  arrête;  moi  je  la  brave  par 
IfiOgnito  que  je  garde  dans  ce  moment.  »  Cette 
Ice  curieuse ,  qui  parut  dans  le  journal  de 
<  ra,  était  signée  seulement  :  «  Une  amie  zélée 
[la  liberté.  »  Abandonnée  de  Quinette,  elle 
I  en  Belgique ,  et  y  fut  la  maîtresse  du  géné- 
î  Oiion;  elle  y  connut  aussi  Dumouriez. 
E  galanteries  ne  l'enrichissaient  pas,  quoi- 
jUlle  fût  dans  tout  l'éclat  de  sa  beauté.  De  re- 
^rà  Paris,  elle  prit  le  nom  de  Morency,  et  fut 
\igée  de  travailler  de  ses  mains  pour  vivre, 
«âgée  dans  une  liaison  des  plus  tendres  avec 
Jault  de  Séchelles,  elle  fut  arrêtée  en  même 
([ips  que  lui  et  conduite  à  la  prison  des  Att- 
ises. «  Son  écrou,dit  M.  Monselet,  portait 
i  l'on  avait  saisi  chez  elle  une  liste  de  conspi- 
ijînrs  de  tous  les  ordres.  Méprise  singulière! 
<j,.e  liste  n'était  autre  que  celle  de  tous  ses 
îmts;  un  simple  badinage  allait  coûter  la  vie 
<j,  'être  qu'elle  aimait  le  mieux  au  monde.  En 
1 1,  quelques  jours  après  sa  détention  ,  mettant 
1]  isage  à  une  petite  lucarne  qui  donnait  sur  la 
L  elle  entendit  le  crieur  du  journal  du  soiran- 
is  cer  la  mort  de  Fabre  d'Églantine  et  d'Hérault  de 
Sdelles.  Suzanne  était  seule  et  montée  sur  une 
ijivaise  table,  elle  tomba  à  la  renverse  et  se 
y-assa  la  tête.  Trois  mois  s'écoulèrent  sans 
<j?He  pût  recouvrer  la  raison.  »  Bendue  à  la  li- 
tjté,  elle  entra  dans  un  hôpital  et  y  demeura 
ijan.  Les  souffrances  et  la  maladie  avaient  al- 
V  ses  traits.  «  Il  ne  lui  restait  plus  qu'un 
P  à  prendre,  c'était  de  se  jeter  dans  la  littéra- 
le. «Le  çenre  facile  des  romans  d'alors  la  sé- 
'  sit;  avec  ses  souvenirs  elle  composa  plusieurs 


—  MORENO 


550 


ouvrages  «l'une  physionomie  baroque ,  écrits 
dans  un  style  sans  nom,  pétulant,  obscur,  sen- 
timental, effronté.  »  Depuis  1806  elle  disparut 
tout  à  fait  du  monde  littéraire.  On  a  de  Mmc  de 
Morency  :  Illyrine,  ou  l'écueil  de  l'inexpé- 
rience.; Paris,  an  va  (1799),  3  vol.  in -8°,  avec 
le  portr.  de  l'auteur;  cet  ouvrage  est  moins  un 
roman  qu'une  histoire  scandaleuse  écrite  par 
l'héroïne  même  qui  en  est  l'objet;  la  plupart  des 
personnages  qu'on  y  voit  figurer  sont  très-connus 
et  leurs  noms  à  peine  déguisés;  —  Euphémie,  ou  . 
les  suites  du  siège  de  Lyon,  roman  historique; 
Paris,  an  ix  (1801),  4  vol.  in- 12  fig.;  —  Rosa- 
lina,  ou  les  méprises  de  Vamour  et  de  la  na- 
ture; Paris,  an îx  (  1 801  ),  2  vol.  in-12  fig.;  —  Usa, 
ou  leshermites  du  Mont-Blanc,  faisant  suite 
à  Illyrine  et  à  Bosalina;  Paris,  an  ix  (1801), 
in-12,  fig.;  —  Orphana,  oul'enfant  du  ha- 
meau; Paris,  an  x  (1802),  2  vol.  in  12,  fig.;  — 
Zéphira  et  Fidgella,  ou  les  débutantes  dans 
le  monde;  Paris,  1806,  2  vol.  in-12.      P.  L. 

Pigorean,  Petite  Bibliogr.  romancière.  —  Ch.  Monse- 
let, Les  Oubliés  et  les  Dédaignés,  II. 

moreno  (José),  peintre  espagnol,  né  à  Bur- 
gos,  en  1642,  mort  dans  la  même  ville,  en  1674. 
Il  se  perfectionna  dans  la  peinture  à  Madrid  sous 
les  leçons  de  l'habile  Francisco  de  Solis ,  qu'il 
égala  comme  coloriste,  qu'il  surpassa  comme 
dessinateur.  Son  talent  était  tel  que  Charles  II 
crut  devoir  l'attacher  à  sa  cour.  D'un  tempé- 
rament maladif,  Moreno  mourut  à  trente-deux 
ans,  d'une  affection  de  la  poitrine.  Sa  courte  vie 
mi  a  cependant  laissé  le  temps  d'acquérir  un 
rang  honorable  dans  la  peinture.  Il  a  mérité  le 
surnom  de  peintre  de  Vierges,  parce  qu'en  ef- 
fet ses  œuvres  représentent  particulièrement  de 
belles  madones,  des  Annonciations ,  des  Con- 
ceptions, des  Assomptions,  etc.  Ses  tableaux 
sont  gracieux,  bien  arrangés;  le  sujet  principal 
y  est  compris  et  exécuté  avec  sentiment.  Le 
musée  de  Madrid  et  les  palais  royaux  de  l'Es- 
pagne les  possèdent  presque  tous.    A.  de  L. 

Cean  Bermudez,  Diccionario  historico  de  las  Bellas 
Artes  en  Espatla.—  Don  José  Mussoy-Valiente,  Coleccion 
de  Cuadros  que  se  conservan  en  realex  palacios  (  Ma- 
drid, 1626).  —  Mariano-Lopez  Aguado,  El  real  Museo 
(Madrid,  1835). 

moreno  (Don  Juan),  amiral  espagnol,  né 
à  Cadix,  en  1743-,  mort  en  1817.  De  grade  en 
grade  il  parvint,  après  s'être  signalé  dans  maints 
combats,  à  être  nommé  lieutenant  général  de 
marine  (1795),  et  fut  choisi  en  1800  pour  com- 
mander une  flotte  ibéro-française ,  destinée  à 
chasser  les  Anglais  de  la  Méditerranée.  Les  contre- 
amiraux  Dumanoir  et  Linois  devaient  le  rallier 
avec  un  certain  nombre  de  bâtiments  français  et 
servir  sous  ses  ordres.  Les  Anglais  envoyèrent 
aussitôt  une  escadre  sous  les  ordres  de  sir  James 
Saumarez,  afin  d'empêcher  cette  jonction.  Le 
4  juillet,  Linois  attaqué  sous  Alge.siras  par  des 
forces  supérieures  ,  battit  complètement  les  An- 
glais, auxquels  il  prit  même  le  vaisseau  Han- 
nibal.  Il  attendit  impatiemment,  en  se  réparant, 

18. 


551 


MORENO  —  MORÉRI 


5, 


l'arrivée  de  doo  Juan  Moreno,  à  qui  la  défaite 
de  sir  Saurnarez  avait  ouvert'  la  mer.  Ses  re- 
montrances arriéres  et  les  sollicitations  éner- 
giques de  Dumanoir  déterminèrent  enfin  l'amiral 
espagnol  à  rallier,  avec  cinq  vaisseaux,  trois 
frégates  et  un  brick,  les  divisions  françaises  d'Al- 
gesiras.  Mais  Saurnarez  avait  mis  le  temps  à 
profit;  sa  flotte,  réparée  à  Gibraltar  et  grossie  de 
plusieurs  bâtiments  appelés  de  Malte  ou  arrivés 
d'Angleterre,  ne  tarda  pas  à  présenter  le  combat 
aux  alliés,  le  9  juillet.  Juan  Moreno  l'accepta, 
malgré  les  conseils  de  Linois.  Saurnarez,  repoussé 
toute  la  journée  devant  le  cap  Caraero,  ayant  saisi 
certains  signaux,  profita  du  vent  et  de  la  nuit  pour 
attaquer  l'arrière-garde  espagnole  ;  il  lança  le  vais- 
seau Superb,  qui,  passant  entre  El  Real  Carlos 
et  V Ermenigilda,  lâcha  ses  bordées  de  tribord, 
puis  de  bâbord,  dès  qu'il  se  trouva  par  le  travers 
de  ces  deux  trois  ponts,  et  continuant  sa  route 
disparut  dans  la  nuit.  Les  navires  espagnols, 
surpris  par  cette  attaque  subite ,  et  n'ayant  pu 
reconnaître  le  passage  rapide  du  vaisseau  an- 
glais, engagèrent  entre  eux  une  canonnade  que 
leur  rapprochement  rendait  désastreuse.  Pous- 
sés l'un  sur  l'autre  par  un  grain  violent,  il  s'en 
suivit  un  abordage,  qui  eût  mis  un  ternie  à  cette 
lutte  fatale,  si  le  feu  ne  s'était  déclaré  à  bord  du 
Real  Carlos  avec  une  telle  violence  qu'il  ne  put 
se  dégager  de  V Ermenegilda,  qui  s'enflamma 
aussitôt.  Ils  sautèrent  tous  deux,  et  trente-cinq 
hommes  sur  deux  mille  quatre  cents  échappèrent 
seulement  à  ce  désastre.  En  même  temps  El 
Saint- Antonio  se  rendait  sous  les  volées  du 
Superb  et  du  César.  Tous  les  bâtiments  espa- 
gnols avaient  souffert  des  canons  ennemis  et  de 
la  tempête  dans  cette  nuit  désastreuse.  Si  don 
Moreno  s'était  montré  lent  et  inhabile  dans  ses 
manœuvres,  il  se  montra  brave.  Il  rallia  dès 
le  matin  son  escadre  dispersée,  et  le  vent  d'est 
lui  apportant  le  bruit  d'une  violente  canon- 
nade, il  fit  route  vers  le  feu.  C'était  le  vaisseau 
français  Le  Formidable ,  capitaine  Troude,  qui, 
complètement  démâté  et  avec  un  équipage  insuf- 
fisant (1),  luttait  contre  trois  vaisseaux  et  une 
frégate  anglaise.  Troude  avait  déjà  mis  la  plu- 
part de  ses  adversaires  hors  de  combat  quand 
l'approche  de  don  Juan  Moreno  lui  permit  de 
gagner  Cadix.  Don  Juan  Moreno  fut  rempïacé 
dans  son  commandement  par  l'amiral  Gravina. 
Attaché  quelque  temps  au  ministère  de  la  ma- 
rine, il  sollicita  une  retraite,  justifiée  par  ses 
longues  années  de  service,  et  ne  prit  aucune  part 
aux  troubles  qui  désolèrent  sa  patrie.  Bour- 
going  le  qualifie  de  «  brave  et  respectable  géné- 
ral ».  A.  de  L. 

Van  Tenae ,  Histoire  générale  de  la  Marine,  t.  IV, 
p.  124-148.  —  Bourgoing,  Tableau  de  V Espagne  moderne 
(Paris,  1807,  3  vol.  in-8°),  t.  IV,  p.  12t. 

morÉri  (Louis),  éruditfrançais,né  le  25mars 
1643,  à  Bargemont  (diocèse  de  Fréjus),  mort 

(11  Troude  avait  mi»  ses  cadres  au  complet  avec  des 
marias  choisis  parmi  les  prisonniers  anglais. 


le  10  juillet  1680,  à  Paris.  Son  bisaïeul,  José 
Chatranet,  natif  de  Dijon,  s'était  établi  en  Pi 
vence  sous  Charles  IX,  et  avait  pris  le  nom 
village  de  Moréri,  dont  sa  femme  lui  avait  a 
porté  en  dot  la  seigneurie.  Le  jeune  Louis  étuc 
les  humanités  à  Draguignan,  la  rhétorique  çh 
les  jésuites  d'Aix  ,  et  la  théologie  à  Lyon.  Pe 
dant  son  séjour  dans  celte  dernière  ville ,  il 
paraître  divers  ouvrages, tombés  dans  l'oub 
tels  que  Le  Pays  d'amour  (1661);  Les  dot 
Plaisirs  de  la  Poésie,  ou  recueil  de  divers 
pièces  en  vers  (1666,  in-12);  Pratique  de 
Perfection  chrétienne  et  religieuse  (1667, 3  vi 
in-8°),  trad.  de  l'espagnol  d'Alphonse  Rodrigue 
et  Relations  nouvelles  du  Levant,  ou  traiià 
de  lareligion,  du  gouvernement  et  des  co 
tûmes  des  Perses,  des  Arméniens  et  a 
Gaures  (1671,  in-12),  qui  sont  du  P.  Gabriel 
Chinon.  Après  avoir  reçu  les  ordres  à  Lyon , 
y  prêcha  pendant  cinq  ans  avec  beaucoup 
succès.  Ce  fut  alors  qu'il  conçut  le  dessein  de  coi 
poser  un  dictionnaire  historique,  qui  renfermât 
qu'il  y  a  de  curieux  dans  l'histoire  et  dans 
mythologie.  Vers  1673  il  devint  aumônier 
Gaillard  de  Longjumeau,  évêque  d'Apt,  à  qui 
dédia  la  première  édition  de  son  grand  trava 
et  le  suivit  en  1675  à  Paris.  Par  l'intermédiai 
de  la  sœur  de  ce  prélat,  il  se  fit  connaître 
M.  de  Pomponne,  qui  l'attira  chez  lui  en  167 
mais  après  la  disgrâce  de  ce  ministre  il  retour 
complètement  à  ses  études.  L'excès  du  trav. 
lui  ayant  causé  une  maladie  de  langueur,  il 
put  recouvrer  la  santé,  et  mourut  à  l'âge  de  trenl 
sept  ans.  Moréri  avait  de  l'érudition ,  il  connai 
sait  l'italien  et  l'espagnol ,  mais  il  manquait 
goût  et  de  jugement.  Il  a  attaché  son  nom  à  i 
ouvrage  qui,  après  les  modifications  de  touf 
sortes  qu'il  a  subies ,  ne  peut  plus  être  regar 
comme  sien.  «  C'est  une  ville  nouvelle,  bâl> 
sur  l'ancien  plan,  »  disait  Voltaire.  Cet  ouvrâr 
même ,  il  ne  serait  pas  exact  d'en  faire  le  pr 
mier  de  ce  genre  :  on  possédait  celui  de  Juign 
qui  depuis  1644  avait  été  réimprimé  une  tre> 
taine  de  fois.  Bayle,  qui  s'était,  comme  on  sa 
proposé  de  suppléer  aux  lacunes  de  Moréri,  j 
geait  ainsi  son  devancier.  «  J'entre  dans  lés  se 
timents  d'Horace  à  l'égard  de  ceux  qui  noi 
montrent  le  chemin.  Les  premiers  auteurs  d 
dictionnaires  ont  bien  fait  des  fautes  ;  mais  i 
ont  mérité  une  gloire  dont  leurs  successeurs  i 
doivent  jamais  les  frustrer.  Moréri  a  pris  ui 
grande  peine,  qui  a  servi  de  quelque  chose  à  tout 
monde  et  qui  adonné  des  instructions  suffisant 
à  beaucoup  de  gens.  Elle  a  répandu  la  lumière  dai 
des  lieux  où  d'autres  livres  ne  l'auraient  jama 
portée,  et  qui  n'ont  pas  besoin  d'une  connai 
sance  exacte  des  faits.  »  On  a  reproché  à  l'a 
vrage  de  Moréri  de  contenir  trop  de  généalogii 
suspectes,  d'articles  insignifiants  et  de  fautes < 
langage,  d'être  défectueux  dans  la  partie  gé< 
graphique  et  de  mêler  mat  à  propos  la  mythi 
logie  à  l'histoire.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  obtii 


,3  MORÉRI 

ndant  un  siècle  une  série  d'éditions,  sur  les- 
elles  nous  donnerons  quelques  détails.  La  lrc, 
itulée  Le  grand  Dictionnaire  historique,  ou 
mélange  curieux  de  L'histoire  sacrée  et 
ofane,  parut  à  Lyon,  1674,  in-fol.;  la  2«  fut 
^montée  d'un  volume  par  l'auteur  ;  la  6e(Ams- 
dara,  169f,  4  tom.  in-fol.)  est  du  fameux  Jean 
Clerc,  ministre  protestant,  et  a  servi  de  mo- 
e  aux  quatre  suivantes  ;  la  IIe  (Paris,  1704, 
roi.  in-fot.  ) ,  a  été  donnée  par  Vaultier  et 
vie  de  Remarques  critiques  (Paris,  1706, 
12); la  13"  (Paris,  1712,  5  vol.  in-fol. ),à  la- 
îlle  Du  Pin  a  eu  une  large  part,  a  reparu 
>c  un  supplément  considérable  de  Bernard 
îs  la  t4e  (  Amsterdam,  1717, 6  vol.  in-fol.  )  ;  la 
(Paris,  1718,  5  vol.  in-fol.  )  a  donné  lieu  à 
nombreuses  critiques;  la  16e  (Paris,  1724, 
ol.  in-fol.)  a  été  soignée  par  La  Barre  et  l'abbé 
,  Clerc.  La  meilleure  édition  de  cet  ouvrage 
la 20e etdernière( Paris,  1759,  10  vol.  in-fol.); 
;  réunit  les  3  vol.  de  supplément  de  l'abbé 
ujet.  Le  grand  nombre  d'éditions  qu'on  a 
es  du  Dictionnaire  de  Morérî  prouve  l'utilité 
•cet  important  ouvrage  ;  on  l'a  imité  dans  plu- 
irs  pays  étrangers,  et  il  a  été  traduit  en  alle- 
nd,  en  anglais,  en  espagnol  et  en  italien.  P.  L. 

«frcrl,  Grand  Dict.  hist.  (  édit.  1759).  —  Niceron,  Mè- 
res, XXV II. 

horestel  (Pierre),  littérateur  français,  né 
1575,  à  Tournus  (  Bourgogne),  mort  le  7  sép- 
are 1658.  Curé  de  Saint-Nicolas-de-la-Taille, 
s  le  pays  de  Caux,  il  se  démit  en  1651  pour 
ndre  possession  d'un  canonîcat  au  diocèse 
ivreux.  Il  surveilla  l'éducation  de  Charles  de 
raine,  duc  d'Elbeuf ,  et  se  distingua  par  une 
jnaissance  assez  approfondie  des  langues 
l'cque  et  latine.  Dans  sa  dernière  maladie,  il 
jmposa  pour  lui-même  cinq  épitaphes  en  hé- 
pu,  en  grec,  en  latin  et  en  français.  Quelques- 
;  de  ses  écrits  ont  été  longtemps  recherchés  ; 
lus  citerons  :  Philomusus ,  sive  de  triplici 
mo  Romanorum ,  mensibus  eorumque  par- 
us, deque  die  civili  et  diversitate  dierum 
L  V;  Lyon,  1605,  in-4°;  —  Alypius,  sive  de 
scorum ,  Romanorum  Feriis  ;  Lyon ,  1 605 , 
4°  :  ce  traité,  ainsi  que  le  précédent,  a  été 
.iroduit  dans  le  t.  VIII  des  Antiq.  Roman,  de 
œvius;  —  Les  Secrets  de  nature,  ou  la 
[rre  de  touche  des  poètes ,  contenant  pres- 
se tous  les  préceptes  de  la  philosophie  na- 
'■elle;  Rouen,  1607,  1652,  in-12 ;  —La  Phi- 
\ophie  occulte  des  devanciers  de  Platon, 
iihstote,  etc.  ;  Paris,  1607,  in-12;  —  Pompa 
[alis;  Paris,  1621,  in-8°;  —  Arlis  Kabba- 
t'idv,  sive  sapientix  divinœ,  Academia ;Pa- 
f,  1621,  in-8°,  et  dans  YUranoscopium  de  Go- 
jnius;  —  Methodusad  acquirendas  omnes 
lenlias;  Rouen',  1632,  in-8°;  — Le  Guidon 
.5  Prélats  et  bouclier  des  pasteurs;  Paris, 
M,  in-8°  :  ce  livre  fit  beaucoup  de  bruit,  et 
^pression  en  fut  suspendue  par  un  arrêt  du 
iiement  de  Rouen;  —  Encyclopédie,  sive  ar- 


—  MORET 


554 


tificiosa  Ratio  et  Via  circularis  ad  Arlem 
magnam  Lullii;  1646,  1648,  in-8°;  —  Le  Sé- 
jour délicieux;  Rouen,  1648,  in-8°.  K. 

Jacob,  De  Scriptor.  Cabilonensibus,  p.  133.  —  Haller- 
vodtus,  ISibliotU.  curiosa,  p.  315.  —  Papillon,  Bibl.  des 
auteurs  de  bourgogne,  II. 

aioret  (Antoine  m  Bourbon,  comte  de), 
fils  naturel  de  Henri  IV ,  né  à  Fontainebleau , 
en  janvier  1607,  tué,  selon  les  uns,  le  in  sep- 
tembre 1632,  au  combat  de  Castelnaudari ,  ou 
selon  d'autres,    mort  le  24  décembre    1691  , 
à  l'ermitage  des  Gardelles ,  près  le  Coudray- 
Macouard  (  Anjou  ).    Sa   mère  fut   Jacqueline 
de  Bueil,  fille  de  Claude  de  Bueil,  seigneur  de 
Courcillon  ,  et  nièce  de  Jean,  sire  de  Bueil, 
comte  de  Sancerre,  grand  échanson.de  France. 
Henri  IV,  son  père,  lui  donna  en  1608   des 
lettres  de  légitimation,  et  le  fit  élever  au  châ- 
teau de  Pau,  où  Scipion  Dupleix,  depuis    his- 
toriographe de  France,  fut  son  premier  précep- 
teur. Ce  fut,  dit-on,  pour  lui  former  l'esprit  qu'il 
composa  en  sa  faveur  son  Cours  de  Philoso- 
phie.  En  1618  le  jeune  prince  entra  au  collège 
de  Clerrnont ,  que  les  jésuites  venaient  d'ouvrir 
à  Paris ,  et  Jean  de  Lingendes,  plus  tard  évêque 
de  Màcon ,  lui  fut  l'année  suivante  donné  pour 
précepteur.  Louis  XIII,  qui  le  destinait  à  la  car- 
rière ecclésiastique,  le  pourvut  successivement 
des  abbayes  de  Savigny ,  diocèse  d'Avranches, 
de  Saint- Victor  de  Marseille,  de  Saint-Étienne 
de  Caen,  et  de  Signy,  au  diocèse  de  Reims.  Ces 
riches  bénéfices  ne    l'empêchèrent    pas  de  se 
jeter  dans  les  intrigues  de  la  cour,  et  dans  les 
cabales  suscitées  par  Gaston  de  France,  duc 
d'Orléans,  frère  du  roi,  contre  le  cardinal  de  Ri- 
chelieu. Une  déclaration  de  Louis  XIII,  datée  de 
Dijon  le  30  mai  1631,  et  une  autre  du  12  août 
suivant  le  signalent  comme  l'un  des  principaux 
auteurs   des   dangereux    conseils   donnés  à 
Gaston ,  et  comme  l'ayant  emmené  hors    du 
royaume.  Le  roi  le  déclara  «  atteint  et  convaincu 
du  crime  de  lèse-majesté  et  perturbateur  du 
j  repos  public  »  ;  il  ordonna  en  conséquence  la 
|  saisie  et  confiscation  de  ses  biens  et  la  réunion 
j  du  comté  de  Moret  au  domaine  de  la  couronne, 
|  ce  qui  eut  lieu  par  arrêt  publié  le  15  octobre 
j   1631.  Antoine,  qui  avait  suivi  en  Lorraine  et  à 
Bruxelles  Gaston,   aidé  dans  sa  révolte  par  la 
|  maison  d'Autriche,    l'accompagna  à  sa  rentrée 
j   en  France   lorsqu'il  traversa   le  royaume  à  la 
tête  d'un  corps  de  cavalerie,  fort  seulement  de 
!  dix-huit  cents  hommes,  pour  rejoindre  le  duc  de 
!  Montmorency,  qu'Alphonse  dElbène,    évêque 
j  d'Albi,  avait  gagné  au  parti  de  ce  prince.  Gaston, 
j  maître  d'Albi ,  que  Je  prélat  lui  avait  livré,  laissa 
!  dans  cette  place  en  août  1632  le  comte  de  Moret 
I  avec  cinq  cents  Polonais.  Mais  lorsque  les  maré- 
\  chaux  de  La  Force  et  Schomberg  furent,  chacun  à 
!  la  tête  d'une  armée,  entrés  dans  le  Haut  Langue- 
doc ,  pour  s'y    opposer  à   l'insurrection  qui  de- 
venait chaque  jour  plus  menaçante ,  le  comte 
!  s'empressa  d'abandonner  Albi ,  et  vint  amener 


!  555  MOPt 

ses  troupes  à  Gaston,  dans  le  Lauragais.  L'ar- 
mée royale  et  celle  des  seigneurs  mécontents  se 
rencontrèrent  à  un  quart  de  lieue  de  Castetnau- 
dari,  et  se  trouvèrent  séparées  par  le  Fresquel. 
Le  duc  de  Montmorency,  après  avoir  passé  cette 
rivière,  prit  la  droite  à  la  tète  de  deux  cents  ren- 
tres, le  comte  de  Moret  se  mit  à  l'aile  gauche 
avec  un  semblable  escadron  ;  Gaston  avec  trois- 
mille  fantassins  et  autant  de  chevaux,  occupait 
le  centre.  Pendant  une  demi-heure  environ,  l'in- 
fanterie des  deux  armées  escarmoucha  d'abord, 
chacune  de  son  poste,  avec  une  vigueur  peu  or- 
dinaire, et  celle  du  duc  d'Orléans  inquiéta  beau- 
coup deux  compagnies  de  mousquetaires  rangées 
en  peloton  à  l'aile  droite  de  l'armée  royale, 
commandée  par  Schomberg.  Après  cette  escar- 
mouche, Montmorency  et  Moret,  résolus  d  atta- 
quer avec  leur  cavalerie  celle  du  maréchal, 
s'avancent  ensemble,  puis  disputent  un  instant 
à  qui  aurait  l'honneur  de  la  première  attaque. 
Cette  question  d'étiquette  devint  fatale  au  comte 
de  Moret,  qui,  se  voyant  céder  le  pas  par  le  duc, 
se  jette  dans  la  mêlée  sans  attendre  aucun  ordre 
et  impatient  de  faire  son  premier  coup  de  feu. 
A  peine  a-t-il,  à  la  tête  d'une  compagnie  de  ca- 
rabiniers, tiré  un  coup  de  pistolet,  qu'il  tombe 
frappé  d'une  mousquetade  au  travers  du  corps. 
Les  Polonais  qui  s'étaient  avancés  pour  le  sou- 
tenir s'arrêtent  aussitôt,  et  refusent  de  com- 
battre, sous  le  prétexte  qu'ils  n'étaient  dans  l'ar- 
mée que  pour  garder  la  personne  de  Monsieur. 
Montmorency  s'élance  à  son  tour  à  travers  une 
grêle  de  balles,  reçoit  dix-sept  blessures,  et,  dé- 
sarçonné ,  tombe  au  pouvoir  de  l'ennemi  ;  il  est 
conduit  peu  après  à  Toulouse,  où  il  est  décapité, 
dans  une  des  cours  de  l'hôtel  de  ville,  aux  pieds 
de  la  statue  de  Henri  IV,  son  parrain. 

Ici  les  historiens  varient  sur  le  temps  et  les 
circonstances  de  la  mort  du  comte  de  Moret. 
Quelques-uns  le  font  expirer  sur  le  champ  de 
bataille  même,  d'autres  prétendent  que  Monsieur 
le  fit  transporter  dans  son  carrosse  au  monastère 
de  Pronille,  situé  à  deux  lieues  de  là,  et  qu'il 
y  mourut,  quelques  heures  après;  certains enGn 
assurent  que  pansé  secrètement  de  ses  blessures, 
le  comte  de  Moret,  une  fois  guéri,  songea  sé- 
rieusement à  se  retirer  du  monde,  et  entra  dans 
la  congrégation  des  ermites  de  Saint-Jean-Bap- 
tiste, établie  au  diocèse  de  Langres.  Jean-Jacques 
fut  d'abord  son  nom  de  religion,  qu'il  échangea 
plus  tard  pour  celui  de  Jean-Baptiste.  Il  se  retira 
dans  l'ermitage  de  Saint-Baudile,  au  diocèse  de 
Vienne,  y  passa  vingt  ans  dans  la  pratique  des 
vertus  chrétiennes,  et  le  21  mars  1654  fut  chargé 
par  Charles-Auguste  de  Sales,  évêque  de  Ge- 
nève, de  remettre  en  vigueur  dans  ce  diocèse 
l'institut  de  Saint-Jean-Baptiste.  Enfin,  après  di- 
verses pérégrinations  à  Turin,  à  Rome,  à  Notre- 
Dame  de  Lorette,  à  Venise  et  dans  la  Lorraine, 
il  s'arrêta  à  l'abbaye  d'Asnières,  en  Anjou,  et 
obtint  le  24  octobre  1676  de  l'abbé  et  des  reli- 
gieux de  ce  monastère  une  portion  de  terre  pour 


ET  6 

y  bâtir  un  ermitage,  où  il  mourut  en  odeu  e 
sainteté,  à  l'âge  de  quatre-vingt-cinq  ans»  m 
derniers  historiens  ajoutent  que  Louis  XJV  ... 
formé  en  1687  du  bruit  qui  courait  de  tous  (  » 
dans  l'Anjou   que  frère  Jean -Baptiste  éta  je 
comte  de  Moret,  fit  demander  par  le  marquj  e 
Chateauneuf ,  secrétaire  d'État ,  à  l'abbé  c  ;. 
nières  ce  qu'il  pouvait  y  avoir  de  vrai  à  # 
égard.  Celui-ci  montra  la  lettre  du  minis  à 
l'ermite,  et  le  pressa  de  lui  avouer  si  le  sou  » 
qu'on  avait  qu'il  fût  fils  de  Henri  IV  était  I 
fondé,  et  qu'il  devait  sur  ce  point  satisfai  I 
roi.  Le  solitaire  ne  lui  répondit  autre  cl)  l» 
sinon  :  «  Je  ne  le  nie  ni  ne  l'assure;  qu'oi  tep 
laisse  comme  je  suis.  »  Cette  réponse  et  d'à  isl 
circonstances  rapportées  par  J.  Grandet,    [$ 
La  Vie  d'un  solitaire  inconnu ,  Paris,  ]  ^i 
in- 12,  répandent  sur  ce  point  d'histoire  une  h  ■ 
curité  que  les  critiques  n'ont  pu  encore  dis  jr; 
entièrement.  Après  avoir  examiné,  dans  1<  'f.a 
chapitre  de  son  ouvrage,  «  s'il  est  vraisemt  !e 
que  l'ermite  ait  été  le  comte  de  Moret  »,  Gr;  m 
conclut  d'une  manière  aussi  sage  que  raisoni  |&i 
«  qu'il  y  a  au  moins  beaucoup  de  sujetdedout  \f> 
et  c'est  la  seule  conclusion  qu'on  puisse  ad  er 
aujourd'hui  pour  ce  problème  historique.  C  bÏ6 
est  certain,  c'est  qu'aucun  des  historiens  qu  afc 
cru  à  la  mort  du  comte  de  Moret  après  le  M 
bat  de  Castelnaudari  n'a  fait  connaître  le  il» 
de  sa  sépulture  ;  car  on  a  reconnu  comme  ine  tel 
l'indication  qu'il  avait  été  inhumé  dans  une  a  ra 
chapelle  ruinée  près  du  champ  de  bataill  lett 
qui  aurait  été  appelée  la  chapelle  du  coui  le 
Moret.  Quant  à  l'anniversaire  que,  depuis   m 
les  religieux  de  Saint-Êtienne  de  Caen  fais  ntj 
pour  leur  ancien  abbé,  le  comte  de  Moret,  «k 
cérémonie  annuelle  ne  prouve  pas  mieux  sa  Jrfe 
à  cette  époque  que  ce  qu'en  ont  écrit  des  t  u| 
riens  qui  se  sont  copiés  l'un  après  l'autre.    I 
H.   FlSQUET  (de  Montpellier), 

Vaisséte,  HUt.  yénér,  de  Languedoc,  tome  V,  lit  m 
—  Grandet,  Fie  d'un  Solitaire  inconnu.  —  Dupleix  g*, 
toire  de  Louis  XIII.  —  Mercure  français.  1632,  tôt  M 
mémoires  du  comte  de  Brienne,  tome  II,  page  - 
G  allia  Christiana ,  tomes  I,  IX  et  XI.  —  .T.  Lecler  'w 
du  cardinal  de  Richelieu. 

BiostET  (José),  historien  espagnol,  am 
16)3,  à  Pampelune,  où  il  est  mort,  vers  9 
Après  avoir  prononcé  ses  vœux  chez  les  Jési  S, 
il  professa  la  philosophie,  et  la  théologie,  e  m- 
vint  recteur  du  collège  de  Palencia.  Les  n 
de  Navarre  l'ayant  choisi  plus  tard  pour  1  ]o* 
riographe  de  ce  royaume  ,  il  fut  transfér  au 
collège  de  Pampelune;  mais  ses  supérieu  f l*i 
dispensèrent  des  devoirs  de  sa  charge,  et  le  le  le- 
rent  maître  de  consacrer  tous  ses  loisirs  à  l'i  p6 
de  l'histoire.  On  a  de  lui  :  Hïstoria  Obsid  lit 
Fontarabix,  anno  1638  frustra  a  Gallisfi' 
tata;  Lyon,  1656,  in-24  :  ouvrage  extrême  W 
rare;  —  Investigaciones  historicas  déW 
anliquedades  del  reyno  de  Navarra;  1P" 
pelune,  1665,  in-fol.  :  on  peut  y  joindre  UD« 
vante  réponse  du  P.  Dominique  La  Riga,  H 


57  MORET  — 

ilée  Defensa  por  la  antiqtiedad  ciel  reyno  da 
■ibrarbe  (Saragosse,  1675,  in-fol.);  —  An- 
ales  del  reyno  de  JSavarra;  Pampelune, 
.84-1709,  et  Viana,  1715,  5  vol.  in-fol.;  les 
■ux  derniers  volumes  sont  dus  au  P.  Fran- 
sco  de  Aleson;  cette  histoire  passe  pour  la 
eilleure  que  l'on  ait  de  la  Navarre.  P. 

N.  Antonio,  Biblibtheca  Hispana  nova.  —  Sotwel, 
M.  Soc.  Jesu   p.  824. 

moket  (Pierre),  sieur  de  La  Fayolle, 
i  storien  français,  né  vers  1630,  à  Poitiers.  Avo- 
ï  it  au  présidial  de  cette  ville,  il  est  connu  par 
s  ouvrages  suivants  :  Histoire  généalogique 
;  la  maison  de  Rouci  et  de  Roye;  Paris, 
:75,  in- 12  ;  —  Histoire  de  la  république  ro- 
aine  ;  Paris,  1676,  2  vol.  in-12  ;  —  Le  Para- 
nt t  de  la  France  contre  le  vent  du  nord , 
i  réflexions  sur  un  livre  anonyme  intitulé  : 
!  vrai  Intérêt  des  Princes  chrétiens  ;  Poitiers, 
,92.  K. 

Dreux  du  Radier,  Hist.  littër.  du  Poitou. 
MORETO  (Augustin),  célèbre  écrivain  dra- 
que  espagnol,  né  vers  1600,  mort!e28  octobre 
On  sait  peu  de  chose  sur  sa  vie.  En  1657 
se  retira  dans  une  maison  religieuse  à  Tolède, 
acheva  dans  le  sein  de  l'Église  une  carrière  qui 
'ait  commencé  sous  d'autres  auspices.  Ses  pro- 
ions sont    nombreuses;  une  partie  d'entre 
les  forme   3  vol.  ïn-4°  (Madrid,   1654-1676- 
>81  ).  Diverses  pièces  imprimées  séparément  ne 
•.trouvent  pas  dans  ce  recueil;  là  collection  des 
^omedias  escogidas  renferme  quarante-six  piè- 
•s  attribuées  en  partie  ou  en  totalité  à  Moreto; 
'autres  sont  demeurées  inédites,  et  il  est  dou- 
ux  qu'il  existe  quelque  part  une  réunion  com- 
e  des  comedias  imprimées  de  cet  écrivain 
wiarquable.  Ce  n'est  point  précisément  par  la 
■condité  de  l'imagination  qu'il  brille,  mais  par 
régularité  et  la  sagesse  de  ses  compositions  ; 
;s  plans  sont  arrangés,  son  action  est  conduite 
eec  une  habileté  vraie  et  avec  plus  de  simpli- 
if  té  qu'on  n'en  trouve  d'ordinaire  dans  le  théâtre 
[spagnol.  Comme  Calderon,  il  s'essaya  dans  di- 
vers genres  ;  toutefois,  ses  pièces  religieuses  sont 
Ures  ;  la  plus  remarquable  d'entre  elles  est  celle 
I  ui  a  pour  titre  Los  tiias  dichosos  Hermanos  , 
1  qui  retrace  la  légende  des    Sept  Dormants 
h Éphèse  avec  une  fidélité  dont  les  auteurs  dra- 
matiques n'avaient  pas  alors  l'habitude.  Le  chef- 
'œuvre  de  Moreto  est  peut-être  El  valiente 
justicier o,om  El  Rico-Ffombre  d'Alcala.  Pierre 
I  i  Cruel  est  mis  en  scène  avec  une  vigueur  frap- 
iante,  mais  sans  que  la  vérité  historique  soit 
'itérée.  La  plupart  des  pièces  de  Moreto  appar- 
!  ennent  au  genre  de  cape  et  d'épée.  Il  y  montre 
j  ne  force  comique  qu'on  ne  rencontre  ni  dans 
■ope  de  Vega  ni  dans  Calderon.  Quelques  pas  de 
■lus,  et  il  arrivait  à  la  comédie  de  mœurs.  Il 
;  ebuta  sous  ce  rapport  par  La  Tante  et  la  Nièce, 
1  u'il  écrivit  en  1654,  et  qui  offre   des  détails 
'gréables;  cette  comédie  est  longtemps  restée 
|u  théâtre,  mais  elle  est  bien  au-dessous  de 


MORKTTI 


558 


celle  qui  a  pour  titre  :  El  lindo  Don  Diego 
(phrase  restée  proverbiale  );  celle-ci  retrace  avec 
esprit  le  personnage  d'un  fat  qui  se  regarde 
comme  irrésistible,  et  qui  par  sa  sottise  et  ses 
prétentions  amène  la  rupture  d'un  mariage 
avantageux  qu'il  devait  conclure  et  retourne  dans 
sa  province  mystifié  et  joué.  C'est  un  rôle  ex- 
cellent, parfaitement  soutenu,  et  d'un  très-bon 
comique.  Trampa  adelanle  (  En  avant  la 
Ruse!)  est  une  comédie  d'intrigue  pleine  de 
gaieté,  d'animation;  Desden  con  el  Desden, 
imité  par  Molière  dans  La  Princesse  d'Elide,  a 
conservé  un  rang  distingué. 

Nous  n'avons  pas  ici  à"  analyser,  à  indiquer 
même  les  diverses  pièces  de  Moreto,  bien  que 
beaucoup  d'entre  elles  fussent  très-dignes  d'un 
examen  spécial.  Nous  terminons  en  observant 
que  dans  une  foule  de  ses  pièces  Moreto  a 
emprunté  à  Lope  de  Vega  surtout,  et  parfois  à 
Calderon  ou  à  Tirso  de  Molina  des  idées  et  des 
situations  avec  une  hardiesse  qu'on  pou  riait  taxer 
de  plagiat;  mais  il  est  juste  de  reconnaître  aussi 
que  presque  toujours  il  est  supérieur  à  son  mo- 
dèle. Doué  d'un  esprit  plus  sage  et  d'un  goût  plus 
sûr  que  ses  illustres  contemporains,  il  possède 
un  sentiment  du  naturel  et  de  la  vérité  qui 
leur  a  parfois  fait  défaut.  On  peut  dire  qu'il  a 
créé  en  Espagne  la  véritable  comédie,  dont  Lope 
n'avait  eu  qu'une  idée  très-vague  et  que  Calde- 
ron ne  semblait  pas  même  soupçonner.  Ce  n'est 
cependant  que  depuis  un  petit  nombre  d'années 
que  le  nom  de  Moreto  a  commencé  à  être  pro- 
noncé au-delà  des  Pyrénées  et  à  sortir  de  I l'in- 
juste oubli  où  il  était  plongé.        G.  Brunet. 

D.  Puibusque,  Histoire  comparée  des  Littératures 
française  et  espagnole.  —  Ochoa  ,  'featro  Espanol 
(Paris,  1838),  IV,  248.  —  Martlnez  de  La  Rosa,  Obras 
(  1827),  II,  443.  —  Ticknor,  History  of  Spunish  Litera- 
iure,  II,  403-408.  —  A.-F.  von  Schack,  Geschichte  der 
dramatischen  Literatur  in  Spanien,  III,  328-358»  —  Louis 
de  Vieil- Castel,  Revue  des  Deux  Mondes,  4e  série, 
t.  XXI  (  1840),  p.  749-778. 

moretti  (  Cristofa.no  )  ,  peintre  dé  l'école 
de  Crémone,  né  dans  cette  ville,  florissait  en 
1460.  Il  travailla  au  palais  ducal  de  Milan  en 
compagnie  de  Bonifazio  Bembo,  et  y  peignit  une 
Passion  qui  lui  a  valu  d'être  compté  par  Lo- 
mazzo  au  nombre  des  réformateurs  de  la  pein- 
ture en  Lombardie,  surtout  sous  le  rapport  du 
dessin  et  de  la  perspective,  et  aussi  parce  qu'il 
fut  un  des  premiers  à  renoncer  à  l'emploi  des 
stucs  en  relief  et  des  dorures.  Il  fit  pour  S. 
Lorenzo  une  Madone  entourée  de  saints ,  si- 
gnée Xpistophorus  de  Moretis  da  Cremona. 
Dans  la  cathédrale  de  Crémone  on  lui  attribue 
plusieurs  sujets  de  la  Passion.        E.  B—  n. 

Lomazzo,  Trattato  délia  Pittura  —  Zaist,  Notizie 
storic/ie  de'  Pittori  Cremonesi.  —  Orlandi,  Abbecedario. 
—  Lanzi,  Storia  pittorica.  —  Ticozzi,  Dizionario. 

moretts  (  Gaetano),  astronome  italien,  né 
à  Bologne,  où  il  est  mort,  le  23  février  1697. 
Après  avoir  fait  profession,  en  1648,  dans  l'ordre 
desThéatins,  il  s'appliqua  à  l'étude  de  l'astro- 
nomie, et  publia  deux  ouvrages  estimés  :  Tavote 


559 


MORETTI  —  MORGAGNI 


deir  ore  planetarie  perpétue  ;  Bologne ,  1681, 
in-4°  ;  et Firmamentum  novissime den udatum, 
in  quo  supputantur  omnia  sidéra  fixa  usque 
adhuc  observata;  Bologne,  1695,  in-4°;  la 
2e  part,  de  cet  ouvrage  fut  réimpr.  en  1703.  P. 

Lalande,  Bibliograph.  astronom. 

moretto  (Le).  Voy.  Buonyicino  (Ales- 
sandro). 

moret  (***),  peintre  espagnol,  néàPalma 
(  île  Majorque  ) ,  en  1696,  mort  en  1750. 
Après  avoir  appris  son  art  à  Valladolid,  il  re- 
tourna dans  sa  patrie,  dont  il  ne  sortit  plus  et  qu'il 
enrichit  de  nombreux  tableaux.  On  remarque  de 
lui,  à  Saint-Michel  de  Palma,  plusieurs  tableaux 
mystiques  d'une  bonne  couleur,  mais  roides  de 
dessin  ;  la  perspective  y  est  complètement  né- 
gligée. Quelques  fresques  de  Morey  présentent, 
au  contraire,  une  certaine  facilité  de  brosse  et 
un  grand  jet  dans  l'exécution.  Son  chef-d'œuvre 
(et  le  mot  est  mérité)  est  un  tableau  de  cin- 
quante-quatre palmes  de  large  (13m  230ra)  sur 
cinquante  de  hauteur  (12m  250m).  Il  représente 
Le  Christ  au  Sépulcre,  entouré  d'anges  et  des 
attributs  de  la  Passion.  On  le  voit  à  Sainte-Eu- 
lalie  de  Palma,  où  il  est  l'objet  d'une  certaine 
vénération,  sous lenom  de  Vélum  templi.  A.  de  L. 

fiage  artistico  a  varios  pueblos  de  Espaîla,  etc.  { Ma- 
drid, 1804  ).  —  Quilliet,  Dict.  des  Peintres  espagnols. 

morfouack  de  Beaumont  (Gilles),  avocat 
au  parlement  de  Paris  et  ancien  trésorier  de 
France,  est  auteur  d'un  écrit  anonyme  en  vers, 
intitulé  Apologie  des  Bestes ,  où  Von  prouve 
leurs  connaissances  et  leur  raisonnement  par 
différentes  histoires;  Paris,  1732,  in-8°;  dé- 
dié au  comte  d'Argenson.  Béimprimé  la  même 
année  à  Neufchàtel ,  il  eut  une  3e  édit.,  en  1 739,  à 
Paris.  Bien  qu'il  soit  inférieur  à  V Apologie  des 
Bêtes  du  P.  Bougeant ,  on  y  trouve  des  détails 
très-curieux  et  des  vers  agréables.  P. 

.   Barbier,  Dict.  des  Ouvrages  anonymes. 

morgagni  (Jean-Baptiste),  célèbre  méde- 
cin italien  ,  né  à  Forli  (  Romagne  ) ,  le  25  février 
1682,  mort  le  5  décembre  1771.  Ses  parents  ap- 
partenaient à  la  bonne  bourgeoisie  de  Forli.  Il 
n'avait  que  sept  ans  lorsqu'il  perdit  son  père, 
mais  il  profita  si  bien  de  l'instruction  soignée 
que  lui  fit  donner  sa  mère,  que  dès  l'âge  de  qua- 
torze ans  on  lui  décernait  dans  sa  ville  natale 
le  précoce  honneur  d'un  diplôme  académique. 
A  seize  ans  il  se  rendait  à  Bologne  pour  y  étudier 
la  médecine,  et  en  1701  il  y  prenait  le  grade  de 
docteur.  C'est  là  qu'il  eut  pour  maître  préféré 
Valsalva,  qui ,  le  distinguant  sans  peine  entre 
tous  ses  condisciples,  sut  lui  imprimer  le  goût 
de  l'anatomie,  s'en  fit  bientôt  un  collaborateur  et 
un  ami,  et  se  fit  remplacer  par  lui  dans  sa  chaire, 
lorsqu'il  s'absenta  de  Bologne.  C'est  à  cette 
époque  de  sa  vie  que  Morgagni  publia  ses  pre- 
miers mémoires  anatomiques,  qui  lui  assignaient 
un  des  premiers  rangs- parmi  les  anatomisfes  de 
son  temps ,  à  l'âge  où  d'autres  entrent  à  peine 
dans  la  carrière.  A  quelque  temps  de- là,  sentant 


le  besoin  de  se  perfectionner  dans  les  scien  j 
physiques  et  naturelles,  il  se  rendit  à  Veni  1 
puis  à  Padoue,  où  ces  sciences  étaient  enseign  i 
avec  quelque  éclat.  Lorsque  arriva  le  moment  i 
se  fixer,  Morgagni  songea  d'abord  à  Forli, 
l'attiraient  des  liens  de  famille  et  l'attrait 
lieu  natal  ;  mais,  cédant  bientôt  aux  conseils  ( 
ses  amis  et  de  ses  maîtres,  qui  désiraient  le  i 
sur  un  théâtre  plus  digne  de  lui,  il  revint  à  ;  j 
doue,  où  il  fut  nommé  en  1712  à  la  chaire  j 
médecine  théorique,  puis  trois  ans  plus  tar  i 
celle  d'anatomie,  mieux  appropriée  à  ses  travj  I 
et  à  ses  goûts.  Les  études  anatomiques  absor 
rent  dès  lors  toute  sa  vie.  Si  parfois  dans  le  co  : 
de  sa   longue  et  belle  carrière  l'illustre  pi 
fessenr  eut  occasion  de  montrer  le  savoir  te  p  I 
étendu  et  le  plus  profond ,  soit  dans  les  cons 
tations  qu'on  lui  demandait  fréquemment ,  !  i 
dans  ses  recherches  sur  plusieurs  points  d'1 
toire, d'archéologie  et  de  linguistique,  ce  ne  il 
en  quelque  sorte,  que  comme  délassement  c 
travaux  plus  austères  de  l'amphithéâtre  et 
professorat.  Ces  travaux  furent  les  seuls  évé: 
ments  de  cette  vie  toute  consacrée  à  la  scien 
et  dont  les  âpres  attaques   d'adversafres  p. 
sionnés  ne  purent  troubler  l'éclat.  Fière  de 
avoir  donné  naissance,  la  ville  de  Forli  fit  pla 
le  buste  du  célèbre  anatomfste  de  son  vivant  d;  i 
la  salle  de  son  conseil.  Morgagni  avait  près  i 
quatre-vingts  ans  lorsqu'il  publia  son  immon 
traité  d'anatomie  pathologique;  et    lorsque 
mort  vint  terminer,  au  bout  de  soixante  ans 
professorat,  une  existence  qu'elle  semblait  trc 
cher  à  regret  (5  décembre  1771),  elle  trou 
l'illustre  vieillard  occupé  à  revoir  ses  ouvrag 
dont  il  voulait  donner  une  nouvelle  édition, 
avait  alors  près  de  quatre-vingt-dix  ans.  Il  la 
sait  huit  enfants  de  quinze  que  lui  avait  dont 
sa  femme,   Paola  Vergieri. 

Morgagni  était  d'une  haute  stature,  d'une  pb 
sionomie  ouverte  et  gaie,  et  d'une  constitutif 
tellement  robuste  qu'il  put  travailler  sans  fatig 
jusqu'à  la  fin  de  sa  longue  carrière.  Ses  biograph 
s'accordent  à  vanter  la  politesse  de  son  accu 
et  l'affabilité  de  ses  manières,  et  l'on  doit  dire, 
l'éloge  de  son  caractère,  qu'il  eut  non-seuleme 
des  admirateurs,  mais  de  nombreux  amis.  Cèpe 
dant  telle  était,  s'il  en  faut  croire  Caldini,  sa  si 
gulière  susceptibilité  à  l'endroit  de  certaines  pr 
rogatives,  qu'il  tint  rancune  à  un  confrère  poi 
l'avoir  cité  sans  faire  précéder  son  nom  du  tit 
d'illustrissime  (Epist.  ab  eruditis  viris  a 
Hallerium  scriptis  ).  Au  reste1,  nous  ne  noi 
portons  pas  garant  de  cette  faiblesse,qui  ne  sera 
pas  cependant  la  seule  qu'on  pût  signaler  dans 
vie  de  ce  grand  homme,  témoin  sa  croyance  dar 
l'astrologie  judiciaire.  Au  demeurant,  d'une  ni 
meur  douce  et  égale,  Morgagni  ne  se  plaisa 
qu'aux  discussions  scientifiques;  il  évitait  mêm 
les  relations  sociales  qui  ne  devaient  pas  toui 
ner  au  profit  de  son  instruction.  C'était  dans  so 
intérieur  un  excellent  père  de  famille.  Il  ne  cha 


61 

;a  rien  à  sa  manière  de  vivre, simple  et  frugale, 
en  qu'il  fût  devenu  tres-riche,  ce  qui  servit 
ème  de  texte  à  une  accusation  d'avarice,  qu'on 
>it  croire  mal  fondée  chez  un  homme  supérieur, 
ii  ne  montra  d'autre  passion,  que  celle  de  1» 
ience. 

Bien  que  l'on  doive  à  Morgagni  d'utiles  et 
lies  recherches  en  anatomie  proprement  dite, 
!  il  rectifia  en  quelques  points  tes  travaux  de 
s  devanciers,  c'est  surtout  en  anatomie  patrio- 
tique qu'il  a  conquis  sa  grande  renommée.  Ses 
mbreuses  dissections  avaient  attiré  son  atten- 
1  n  sur  les  lésions  que  l'on  trouve  sur  les  ca- 
»vres  apportés  à  l'amphithéâtre,  et  il  jugea  de 
el  immense  intérêt  devait  être  l'étude  appro- 
uve de  ces  lésions,  dont  la  plupart  étaient 
;tées  jusque  là  ou  inconnues  ou  incompléte- 
■nt  décrites.    L'anatomie  pathologique  n'avait 
i  en  effet  conquis  jusque  là  le  rang  qui  lui 
jartient  dans  la  science.  Bien  que  les  obser- 
vions de  Th.  Bartholin,  rteTulpius,  de  Wep- 
,  les  recueils  de  Schenck,  de  Blancaerd  eus- 
it  déjà  jeté  quelque  lumière  sur  le  siège  et  la 
>ure  d'un  certain  nombre  de  maladies,  ces  tra- 
îx,  dont  on  n'avait  pas  su  déduire  les  consé- 
ences   relatives  au  diagnostic  des   maladies 
à  la  pratique  de  .la  médecine,  étaient  restés 
ouis  dans  les  bibliothèques,  attendant  qu'une 
(i  habile  sût  les  rendre  à  la  science,  pour  la- 
,11e  ils  semblaient  perdus.  Bonet  avait  tenté 
:e  tâche,  et  si  la  vaste  compilation  qu'il  pu- 
i  sous  le  nom  de  Sepulchretum  brûle  plus 
I  la  patience  dans  les  recherches  que  par  le 
;nt  d'analyse,  elle  eut  du  moins  J'honneur 
voir  servi  de  point  de  départ  aux  immortels 
vaux  du  professeur  de  Padoue.  Celui-ci  pa- 
issait en  effet  s'être  proposé  pour  but,  lorsqu'il 
(fiçut  la  pensée  de  son  grand  ouvrage,  de  con- 
vier, en  la  complétant  et  en  la  commentant, 
juvre  de   son  devancier.  Il  en  avait  même 
*>pté  l'ordre  anatomiqne,  qui,  bien  qu'il  eût 
Iconvénient  de  rapprocher  des  affections  dispa- 
ffis,  d'en  éloigner  d'analogues ,   d'amener  des 
Pétitions  continuelles,  était  le  seul  possible  à 
if.  époque  où  la  physiologie  pathologique  et 
$iatomie  des  tissus  étaient  encore  à  naître. 
iti  observations  relatées  par  Bonet,  Morgagni 
i  ajoutait  d'ailleurs  un  grand  nombre  emprun- 
■  soit  à  Valsalva  et  à  ses  amis,  soit  à  ses  pro- 
ies recherches.  Mais  ce  qui  donnait  surtout  une 
fyortance  toute  nouvelle  à  ses  investigations, 
^ait  l'étude,  jusque  là  négligée,  des  rapports  qui 
Cachent  les  lésions  organiques  aux  symptômes 
$  lesquels  elles  se  traduisent  pendant  la  vie. 
Itqui  manquait  à  ce  riche  fonds  d'observations 
irises  et  fécondes  en  enseignements,  ce  fut, 
#-e  l'anatomie  générale}qui  n'était  pas  encore 
,».,  la  physiologie  expérimentale,  qui  n'était  pas 
'^)le.  Imbu  des  idées  humorales  de  son  temps 
*.  >mmodées  au  mécanisme,  en  faveur  depuis  la 
"îmverte  d'Harvey,  Morgagni  ne  put,  malgré 
t<|  e  sa  circonspection  à  l'endroit  de  la  théorie, 


MORGAGNI  562 

s'interdire  les  interprétations  hypothétiques ,  les 
digressions  oiseuses.  Sa  phrase  manque  parfois 
de  netteté,  et  son  style  trahit  souvent,  par  sa  pro- 
lixité, l'âge  avancé  de  l'auteur.  En  revanche, 
quelle  discussion  lumineuse  des  faits!  Quelle 
perspicacité  dans  l'étude  des  rapports  !  Que  d'é- 
rudition et  quelle  sage  critique  !  Aussi,  bien  que 
son  auteur  eûtsi  peu  songé  à  y  jeter  les  bases  d'une 
science  nouvelle,  que  le  nom  d'anatomie  patholo- 
gique n'y  était  même  pas  prononcé,  le  traité  De 
Sedibus  et  Causis  Morborum  fut-il  l'une  des 
productions  modernes  qui  exercèrent  l'influence 
la  plus  considérable  sur  la  direction  de  la  science. 
La  curiosité  fut  vivement  excitée;  de  nombreux 
émules  marchèrent  sur  les  traces  de  l'illustre  ana- 
tomiste  ;  les  abstractions  cédèrent  aux  faits,  et  le 
dédain  des  vaines  théories  qui  avaient  eu  cours 
jusque-là  ne  tarda  pas  à  s'en  suivre.  Une  réac- 
tion s'est  opérée  de  nos  jours  contre  l'anato- 
mie pathologique ,  qui,  après  avoir  été  dans  les 
trente  premières  années  de  ce  siècle  la  science 
en  faveur  dans  l'école  de  Paris,  a  vu  baisser  son 
crédit  lorsqu'aux  exagérations  de  ses  partisans  a 
succédé  une  plus  saine  appréciation  de  sa  valeur 
et  des  services  qu'on  en  peut  attendre.  Il  serait 
à  regretter  que  cette  réaction  allât  trop  loin.  S'il 
ne  faut  pas  demander  à  l'autopsie  les  secrets 
de  la  vie,  si  les  lésions  de  tissus  ne  sont  pour 
l'ordinaire  que  la  manifestation  grossière  d'un 
phénomène  dynamique  plus  caché,  ou  même 
la  conséquence  ultime  des  faits  de  ce  genre,  il 
est  néanmoins  impossible  de  n'en  point  tenir  un 
compte  sérieux  non-seulement  dans  le  diagnostic 
et  le  pronostic  dont  l'anatomie  pathologique  est  la 
base,  mais  même  dans  l'institution  des  moyens 
thérapeutiques  propres  à  combattre  la  maladie. 
Quel  que  soit  enfin  le  rang  qu'on  lui  assigne  dans 
la  science,  le  n.om  de  Morgagni  y  restera  éternel- 
lement gravé. 

Les  principaux  ouvrages  de  Morgagni  sont  : 
Adversaria  Anatomica  prima  ;  Bologne,  1706, 
in~4°;  réimprimé  quatre  fois;  —  Adversaria 
Anatomica  alterpk  et  tertia;  Padoue,  1717, 
in-4°  ;  réimprimés  deux  fois,  avec  les  précédents; 
^—  Adversaria  Anatomica  quarta,  quinta 
et  sexta;  Padoue,  1719,  in-4°;  réimprimés 
deux  fois,  avec  les  précédents  ,  —  Adversaria 
omnia;  Padoue,  1741,  in-4°;  deux  éditions 
à  Leyde;  une  troisième  à  Venise,  1762,  in-folio  : 
découvertes  anatomiques  importantes;  recher- 
ches neuves  sur  les  muscles  de  la  région  pha- 
ryngo-laryngée,  sur  la  langue,  l'épiglotte,  la 
vessie,  l'utérus,  les  mamelles,  les  glandes  sé- 
bacées, etc.  :  critique  savante  des  anatomistes  ; 
faits  pathologiques  variés.  Ouvrage  remarquable 
par  la  variété  des  matières  qui  y  sont  traitées, 
l'immense  lecture  qu'elles  ont  exigée,  le  ta- 
lent de  discussion  qui  y  brille,  et  qui  eût-  suffi 
à  lui  seul  pour  fonder  la  réputation  de  son  au- 
teur. La  polémique  de  Morgagni',  loin  d'être  sté- 
rile, est  une  école  de  haut  enseignement;  il  ne. 
s'y  départit  jamais ,  malgré  les  attaques  passion- 


563 


MORGAGNI 


nées  de  ses  adversaires,  d'une  modération  par- 
faite. Aux  erreurs  qu'il  combat  il  substitue  tou- 
jours des  observations  plus  exactes,  soigneux  de 
restituer  à  leurs  véritables  auteurs  la  gloire  de 
leurs  découvertes.  Le  Théâtre  anatomique  de 
Manget,  alors  fort  lu,  y  est  l'objet  d'une  critique 
étendue;  —  Nova  Institutionum  Medicarum 
Idasa;  Padoue,  1712,  in-4°;  deux  éditions,  l'une 
avec  les  Adversaria ,  Padoue,  1741,  in-4°  :  c'est 
un  traité  de  méthodologie  médicale,  composé  à 
l'époque  où  l'auteur  professait  la  médecine  à  Pa- 
doue, et  où  il  donne  des  conseils  sur  la  manière 
déformer  de  bons  médecins  ;  —  Epis  toise  Anato- 
mïcse  dux,  novas  observationes  et  animadver- 
siones  complectentes,  etc.  ;  Leyde,  1728,  in-8°  : 
lettres  critiques  dans  lesquelles  Morgagni  réfute 
les  opinions  de  Bianchi  sur  la  structure  du 
foie,  et  traite  de  divers  points  d'anatomie  des- 
criptive et  pathologique;  —  Epistolœ  Anato- 
micseXX,  ad  scripta  pertinentes  celeberrimi 
A.  M.  Valsalvx;  Venise,  1740,  2  vol.  in-4°. 
Ces  lettres  sont  jointes  aux  œuvres  posthumes 
de  Valsalva,  dont  Morgagni  a  donné  une  édition 
et  dont  elles  sont  un  commentaire.  Elles  contien- 
nent des  recherches  étendues  et  des  descrip- 
tions exactes  sur  la  structure  de  l'oreille,  de 
l'œil,  du  cœur  et  des  vaisseaux  sanguins  ;  des 
observations  d'anatomie  comparée,  des  éclaircis- 
sements sur  des  points  en  litige.  C'est  en  quel- 
que sorte  une  suite  des  Adversaria  ;  —  De  Sedi- 
bus  et  Causis  Morborum  per  anatomen  inda- 
gatis;  Venise,  1762,  2  vol.  in-fol.  On  en  a  sept 
éditions  ou  réimpressions  latines,  dont  l'une,  qui 
se  distingue  par  son  élégance,  a  eu  pour  annota- 
teurs les  professeurs  Adelon  et  Chaussier,  qui 
ont  reproduit  l'excellente  préface  de  Tissot; 
Paris,  1820-1822,  ri  vol.  in-8°  ;  ce  traité  a  été 
traduit  en  allemand,  en  anglais,  en  italien,  et 
en  français  par  Désormeaux  et  Destouet  ;  Paris, 
1820-1824,  10  vol.  in-8°.  Il  est  divisé,  en  5  li- 
vres: le  1er  traite  des  maladies  de  la  tête;  le  2e  des 
maladies  de  la  poitrine;  le  3e  des  maladies  du 
ventre;  le  4e  des  maladie&rtxtérieures  ou  chi- 
rurgicales ;  le  5P  est  un  supplément  aux  précé- 
dents. Ce  bel  ouvrage  est  écrit  sous  forme  de 
lettres.  L'auteur  avait  voulu  éviter  par  là  la  mo- 
notonie et  la  sécheresse  d'une  suite  de  recherches 
anatomiques.  C'est  le  plus  important  des  ou- 
vrages de  Morgagni  et  de  tous  ceux  que  possède 
la  littérature  médicale  sur  cette  branche  d'é- 
tudes;—  Opuscula  miscellanea ,  quorum  non 
pauca  nitnc  primum  proderunl  ;  Venise,  1763, 
in-fol.  ;  une  2e  édit.  in-4°.  Cet  ouvrage  est  divisé 
en  3  parties  :  la  W  est  consacrée  à  divers  su- 
jets de  médecine- et  d'anatomie;  la  2e  contient 
différentes  dissertations  historiques  et  philolo- 
giques qui'  avaient  paru  séparément;  la  3e  com- 
prend, sous  le  nom  d'jEmilianœ,  quatorze  lettres 
traitant  de  la  'géographie  et  des  antiquités  de  la  pro- 
vince JEmilia.  Morgagni  a  concouru  avec  Lancisi 
(  voij.  ce  nom)  aune  édition  des  tables  d'Eustache 
(voy.  ce  nom)   Il  a  laissé  aussi  de  nombreuses 


-  MORGAN  5 

dissertations  et  des  opuscules ,  la  plupart  ai 
forniques,  dans  les  ouvrages  de  différents  auteu 
dans  les  Éphémérides  des  Curieux  de  la  A 
twe,  dans  les  Mémoires  de  VAcad.  de  Bo<\ 
gne,  etc.  — Les  œuvres  de  ce  grand  obsen 
teur  ont  été  réunies  et  publiées  par  son  disci' 
A.  Lerber  sous  ce  titre  :  J.-B.  Morgagni  Ope 
omnia;  Venise,  1765,  5  vol.  in-fol. 

Dr   Saccerotte. 

La  Fie  de  Morgagni  a  été  écrite  par  Fabronl  [Vita  , 
lorum)  ;  —  par  Jos.  Masseav  Naples,  1768;  —  par  Tis 
en  tête  de  l'excellente  édit.  qu'il  a  donnée  du  traité 
Sedibus,  etc.  (Yverdun,  1779).  —  Éloge  de  M.  par  Foi 
nelle,  dans  tliist.  de  VAcad.  des  Sciences,  1771. 

iuokgan  (Sir  Henri-John),  le  plus  célè 
des  flibustiers  anglais,  né  dans  le  pays  de  Gall  ; 
vers  1637,  mort  à  La  Jamaïque,  en   1690. 1 1 
d'un  riche  fermier,  il  ne  put  se  plier  aux  ooj 
pations  agricoles ,  s'enfuit  de  la  maison  pat 
nelle,  et  s'embarqua ,  comme  matelot ,  pour 
Barbade.  De  cette  île  il  passa  à  La  Jamaïque, 
il  se  lia  avec  des  flibustiers,   parmi  lesquel 
s'enrôla.  Trois  ou  quatre  courses   heureuses  ■ 
son  gain  au  jeu  le  mirent  rapidement  à  mi 
d'acheter,  avec  l'aide  de  quelques  autres  cor;  h 
res  anglais,  ou  français,  un  petit  bâtiment  d  i 
le  commandement  lui  fut  confié,  «  et  lui  fou 
rent   bientôt  les  moyens   de  devenir,  par   I 
adresse  ,  sa  rare  capacité  et  son  intrépidité,  l 
des  chefs  les  plus  fameux,  qu'aient  jamais  eu?  .; 
flibustiers  (l).  »  —  «  Il  tirait  fort  bien;  ii  c  I 
intrépide  et  déterminé;  rien  ne  l'étonnoit,  pé  I 
qu'il  s'attendoit  à  tout;  enfin,  iL entreprenoif  I 
choses  avec  une  assurance  qui  lui  répondoit  1 1 
jours  du  succès  (2).  »  Morgan  fit  d'abord  plusit  ij 
captures  sur  la  côte  de  Campêche.  Mais  la  j 
mière  occasion  où  il  parut  avec  éclat  fut  (  t\ 
que  lui  offrit  Manswelt  (3) ,  vieux  corsaire,  U 
le  prit  en  amitié  et  le  fit  son  vice-amiral.  1 1 
semble  ils  complotèuent  de  piller  Nata,  vilh  • 
tuée  sur  la  mer  du  Sud,  à  l'extrémité  de  Fistl  I 
de  Panama.  Afin  de  se  procurer  des  guides,  5 
s'emparèrent ,  malgré  une  vive  canonnade,!; 
l'île   Sainte-Catherine  (4),  et  s'avancèrent  I 
Carthagène,  qu'ils  étaient  sur  le  point  de  - 
prendre  lorsque  les  divisions  continuelles  I 
existaient  entre  les  Anglais  et  les  Français  fi  I 
renoncera  l'entreprise  (5).  On  revint,  a  Sai  j- 
Catherine,  où  Manswelt  mourut.  Morgan  ht  m 
de  lui,  et  devint  ainsi  le  premier  et  le  plus'  r  '&< 
des  aventuriers.  Il  persuada  alors  a  ses  ca  H 

(1)  Van  'Tenac,  Corsaires,  Pirates,  etc.,  t.  III,  ch;  t, 
p.  49. 

(2)  OExmelln,  La  Fie  de  Morgan,,  insigne  aventu  I 
t.  Il,  chap.  i,  p  a.  L'auteur  déclare  avoir  servi  sou» 
ordres,  ou  du  moins  avoir  pris  part  à  quelques-uni  >e 
ses  expéditions,  surtout  à  la  dernière  :  celle  de  PaOJ  ■ 

(3)  Van  Tenac  écrit  Mansjleld. 

(4)  Sur  la  cûte  de  Costa-Rica,  par  JJ»  30'  de  laU  !  *• 

(5)  Suivant  OExmelïn  «  Manswelt  et  Morgan  trait  $1 
fort  bien  les  François,  parce  qu'ils  étoient  les  meil  "« 
soldats  de  leur  troupe,  tous  gens  expérimentés,  et  lt 
un  seul  étoit  plus  brave  que  trois  Anglois,  étant  n  X 
armés  et  plus  adroits  :  la  discorde  ne  venoit  que  des  \  V> . 
que  les  Anglois  pilloient  et  retenoient  sans  en  vX  >r 
donner  aux  autres.  » 


,65 

ades  de  ne  pas  dissiper  follement  leur  butin, 

nais  de  le  réserver  pour  de  grandes  entreprises. 

Musieurs  l'écoutërent,  et  en  peu  de  temps  il  se 

rouva  à  la  tête  de  douze  bâtiments,  montés  par 

ept  cents  hommes  déterminés,  avec  lesquels  il 

lit  à  contribution  Les  Cayes  et  tons  les  ports 

îéridionaux  de  l'île  de  Cuba.  Jl  résolut  d'enle- 

er  Puerto-del- Principe,  ville  riche  et  populeuse, 

tuée  à  quelques  lieues  dans  les  terres,  mais 

n  captif  espagnol  se  jeta  à  la  mer,  gagna  la  côte 

.  prévint  le  gouverneur  de  Puerto,  qui  marcha 

j-devant  de  Morgan  avec  huit  cents  hommes 

int  de  pied  qu'à  cheval.  Après  un  combat  de 

jatre  heures,  les  trois  quarts  des  Espagnols  et 

ur  chef  couvraient  le  champ  de  bataille.  Les 

mitants  essayèrent  en  vain  de  se  défendre  : 

enacés  d'être  incendiés,  ils  se  rendirent.  Beau- 

»up  s'étaient  enfuis  emportant  leurs  richesses; 

issi  Morgan  ne  .fil-il  là  qu'un  butin  de  130,000 

us,  malgré  les  tortures  qu'il  fit  subir  àbeau- 

up  de  ses  captifs.    Quoiqu'une    partie    des 

•ançais  mécontents  l'eût  quitté ,  il  se  trouvait 

tcore  à  la  tête  de  neuf  petits  bâtiments  et  de 

îatre  cent  soixante-dix  marins  d'élite.  Ce  fut 

ec  des  forces  si  minimes  qu'en  1668  il  résolut 

enlever  la  ville  de  Puerto-Bello,  bien  fortifiée 

située  sur  la  côte  septentrionale  de  l'isthme 

Panama.  Trois  châteaux  en  défendaient  le 

1  >irt  et  les  approches.  La  garnison  était  de  sept 

huit  cents  soldats  et  la  population  d'environ 

'ai  mille  âmes.  Sou  havre,  grand  et  commode, 

ait  devenu  le  lieu  où  les  galions  du  roi  d'Es- 

igne  venaient  chaque  année  charger  les  ma- 

f  :res  précieuses  extraites  des  mines  du  Pérou. 

|  s'y  faisait  un  commerce  important.  Morgan 

!  gnorait   aucun  de   ces  détails;  aussi  l'espoir 

;  jn  riche  butin  lui  fit-il  braver  les  dangers  de 

entreprise.    Le  moment  n'était   pourtant  pas 

rorabîe  :  les  Espagnols  venaient  de  conclure 

i  ecla  Fiance  la  paix  d'Aix-la-Chapelle;  ils  pou- 

!  ient  enfin  respirer  ;  ils  n'avaient  plus  que  les 

iaustiers  pour  ennemis  déclarés,  ennemis,  tou- 

liois,  qui  étaient  peut-être  les  plus  dangereux, 

rce  qu'ils  attaquaient  les  richesses  de  l'État  à 

îr  source.  Avant  de  pouvoir  diriger  des  forces 

■îposantes  dans  les  Antilles,  les  Espagnols  es- 

yèrent,  en  arguant  du  traité  de  paix ,  d'obtenir 

lie  les  Frères  de  la  Côte  suspendissent  leurs 

(doutables  entreprises.  «  Ce  traité,  répondirent 

dacieusement  les  flibustiers,  ne  nous  regarde 

s  ;  nous  n'avons  pas  été  appelés  aux  conféren- 

s  ;  nous  n'avons  pas  eu  de  représentants  au 

Ingres  »  ;   et  Morgan  mit  le  cap  sur  Puerto- 

-llo.  Il  débarque  dans  l'obscurité  et  arrive  sans 

e  aperçu  jusqu'au  pied   d'un   premier  fort, 

int  il  somme  la  garnison  de  se  rendre  si  elle 

veut  être  taillée  en  pièces  ;  on  lui  répond  par 

i  feu  terrible.  Il  lance  aussitôt  ses  gens  à  l'as- 

|.it;  le  fort  est  enlevé  malgré  une  courageuse 

instance.  Morgan,  pour  intimider  ses  ennemis, 

!:omplit  sa  menace  :  il  fait  rassembler  tous  ses 

î'Sonniers  dans  une  même  enceinte,  et,  mettant 


MORGAN  566 

le  feu  aux  poudres,  les  lance  dans  l'espace,  dé- 
nonçant ainsi  sa  manière  de  faire  la  guerre.  Aus- 
sitôt il  court,  au  second  château:  le  gouverneur 
s'y  était  renfermé;  il  faisait  jour,  la  surprise  était 
impossible.  Sans  artillerie,  il  fallait  tenter  l'as- 
saut à  découvert.  Il  durait  depuis  plusieurs 
heures ,  et  déjà  Morgan  doutait  du  succès, 
lorsqu'un  moyen  odieux  lui  donna  la  victoire. 
Maître  de  la  ville,  il  fait  construire  à  la  hâte 
douze  échelle?  assez-  larges  pour  que  douze 
hommes  puissent  y  monter  de  front ,  et  faisant 
sortir  tous  les  moines  et  les  religieuses  de  leurs 
couvents,  les  force  à  aller  appliquer  ces  échelles 
contre  les  remparts  ;  des  vieillards,  des  femmes, 
des  enfants  complétèrent  cette  muraille  vivante, 
derrière  laquelle,  marchaient  les  flibustiers. 
Morgan  avait  présumé  que  le  gouverneur  n'o- 
serait faire  tirer  sur  ses  compatriotes  et  sur- 
tout sur  des  personnages  que  1*  superstition 
devait  lui  rendre  sacrés.  Il  n'en  fut  rien  : 
sourd  aux  supplications  des  uns  comme  aux 
menaces  des  autres ,  il  dirigea  son  feu  sur  les  in- 
nocentes victimes  d'une  ruse  infernale,  et  la  mi- 
traille en  abattit  un  grand  nombre  avant  qu'ils 
fussent  parvenus  à  appliquer  les  échelles..  Les 
flibustiers  s'élancèrent  alors  le  sabre  au  poing 
sur  leurs  ennemis,  et  les  tuèrent  jusqu'au  der- 
nier. Restait  à  enlever  le  troisième  fort;  la  dé- 
fense y  fut  ia  même,  et  son  résultat  aussi  fatal  aux 
assiégés.  La  ville  fut  alors  saccagée  avec  la  plus 
horrible  barbarie-;  tous  les  excès  y  furent  com- 
mis. Les  tortures  forcèrent  les  habitants  à  livrer 
leur  argent;  enfin  les  flibustiers  se  livrèrent  au 
pillage  et  à  la  débauche  avec  tant  d'emporte- 
ment, qu'au  bout  de  quinze  jours  une  épidémie, 
aidée  par  la  putréfaction  des  cadavres  non  en- 
terrés, se  déclara  parmi  eux,  eu  même  temps  que 
la  disette  moissonnait  leurs  malheureux  captifs. 
De  plus,  le  président  de  Panama, don  Juan  Perez  de 
Guzman,  s'avançait  avec  quinze  cents  soldats  et 
sommait  Morgan  d'évacuer  la  ville.  L'audacieux 
flibustier  lui  répondit  qu'il  ne  la  quitterait  qu'in- 
cendiée ou  contre  une  rançon  de  100,000  écus; 
il  ne  craignit  pas  de  marcher  au-devant  de  Guz- 
man, qui,  arrêté  pendant  deux  jours  par  cent 
hommes  embusqués  dans  un  défilé,  envoya  les 
100,000  écus  et  laissa  les  flibustiers  s'embarquer 
paisiblement. 

Nous  ne  suivrons  pas  Morgan  dans  ses  diverses 
expéditions,  qui  mériteraient  ie  nom  d'héroïques  si 
le  but  et  plusieurs  actes  de  cruauté  n'en  eussent 
terni  l'éclat.  Néanmoins,  s'il  se  montra  aussi  cu- 
pide, aussi  cruel  que  les  Cortès,  les  Pizarre,  les 
Alvaradoetles  autres  conquistadores  espagnols, 
lui,  du  moins,  n'attaquait  pas  des  populations  hos- 
pitalières, inoffensives,  désarmées  en  quelque 
sorte,  sur  lesquelles  chaque  victoire  ne  peut  s'ap- 
peler qu'un  massacre.  Morgan,  au  contraire, 
luttait  contre  un  ennemi  toujours  très-supérieur 
en  nombre  et  bien  armé.  C'était  des  villes  for- 
tifiées qu'il  prenait  sans  artillerie,  villes  défen- 
dues par  des  Européens  et  suivant  la  tactique 


567 


MORGAN 


56 


européenne.  Quant  'à  la  lutte  entre  les  flibus- 
tiers et  les  Espagnols,  elle  amena  aussi  de 
grands  effets.  Les  conquistadores  avaient  gagné 
d'immenses  royaumes  à  l'Espagne;  ils  en  avaient 
fait  la  première  puissance  du  monde;  les  flibus- 
tiers la  ruinèrent  et  l'avilirent.  Car  après  une 
guerre  de  quatre  vingts  ans  contre  ces  pirates , 
guerre  soutenue  sans  gloire  ni  succès,  les  Espa- 
gnols perdirent  tout  leur  prestige.  Les  Indiens  ne 
virent  plus  dans  leurs  oppresseurs  que  des  hom- 
mes. Ce  n'étaient  plus  pour  eux  les  invincibles  fils 
de  Quetzacoalt  (1),  c'étaient  de  simples  mortels, 
qu'une  poignée  de  bandits  déterminés  tenait  en 
échec.  Ils  osèrent  alors  les  regarder  en  face,  leur 
livrer  combat  sur  combat,  et  souvent  l'avantage 
resta  dès  lors  aux  indigènes.  Ce  ne  serait  pas  trop 
dire  que  l'émancipation  d'une  partie  du  Nouveau 
Monde  est  sortie  des  boucans  de  Saint-Domingue, 
et  que,  chose  providentielle,  de  cette  île  d'His- 
paniola,  qui  fut  leur  première  conquête,  jaillit  la 
cause  de  leur  ruine. 

Le  succès  de  Morgan  à  Porto-Bello  lui  ramena  les 
Français  qui  l'avaient  quitté.  Rallié  par  PierrelePi- 
card,  qui  avait  déjà  pillé  MaracaïboavecL'Olonais 
en  1668,  les  deux  chefs  se  décidèrent  à  rendre  une 
nouvelle  visite  à  cette  possession  espagnole, qui 
comptait  cependant  vingt-deux  mille  habitants. 
Morgan  n'avait  que  neuf  cent  soixante  flibustiers  ; 
il  enleva  le  fort,  et  la  ville  se  rendit.  Elle  fut  ran- 
çonnée. Il  marcha  ensuite  sur  San- Antonio-de-Gi- 
braltar, qu'il  trouva  abandonné  ;  il  y  séjourna  trois 
semaines,  puis  revint  à  Maracaïbo  avec  son  bu- 
tin ;  mais  il  trouva  ce  port  bloqué  par  trois  fré- 
gates espagnoles  sous  les  ordres  du  contre-amiral 
don  Alonso  del  Campo  de  Espinosa.  Morgan,  pour 
ébranler  le  moral  de  ses  adversaires,  fit  som- 
mer don  Espinosa  de  lui  payer  20,000  pias- 
tres s'il  ne  voulait  voir  la  ville  brûlée  et  les  pri- 
sonniers massacrés.  L'amiral  espagnol  répon- 
dit «  qu'il  ne  pouvait  payer  qu'en  boulets  la 
rançon  qu'on  lui  demandait  ».  Quoique  sûr  de 
la  victoire,  il  n'attaqua  pourtant  pas  les  flibus- 
tiers. Morgan  profita  de  son  inaction  ;  il  fit  cons- 
truire, avec  un  art  infini,  un  brûlot  représentant 
un  fort  bâtiment  de  guerre  sur  lequel  il  arbora 
son  pavillon  (2),  et  le  24  avril  1669  descendit 
fièrement  sur  l'escadre  espagnole  :  sa  petite  flot- 
tille était  précédée  par  le  brûlot,  dont  l'amiral 
espagnol  accepta  l'abordage ,  croyant  avoir  af- 
faire à  un  ennemi  sérieux.  Sa  frégate,  la  Ma- 
clalena,  de  50  canons,  embrasée,  sauta  bientôt 
et  les  équipages  des  deux  autres  bâtiments  espa- 
gnols, \eSan-Luiz,  de  34,  et  la  Marquera,  de  22, 

(1)  C'était  le  génie  de  l'air  des  Mexicains  et  leur  meil- 
leure divinité.  On  ne  lai  fit  jamais  de  sacrifices  humains. 
Ils  le  représentaient  sous  la  forme  d'un  serpent  couvert  de 
plumes  vertes.  Selon  les  prêtres  aztèques,  il  avait  quitté 
le  pays;  Cortès  lut  d'abord  accepté  comme  sa  transfigu- 
ration. 

(2)  La  plupart  des  sabords  étaient  garnis  par  des  canons 
de  bois;  l'équipage  se  formait  d'un  petit  nombre  de  ma- 
rins dévoués,  d'Indiens  et  de  mannequins  qui  trompè- 
rent le  feu  des  Espagnols.  Morgan  ne  perdit  pas  un  seul 
homme  dans  celle  rencontre. 


craignant  un  pareil  sort,  ne  songèrent  qu'à  g; 
gner  la  terre,  incendiant  ou  sabordant  leurs  ni 
vires.  Morgan  s'empara  de  la  Marquera,  et  fi 
partager  son  butin,  qui  s'élevait  à  50,000  piastre; 
à  La  Jamaïque. 

Morgan  avait  acquis  une  grande  fortune, 
aurait  voulu  goûter  enfin   le  repos.  Mais  s< 
compagnons  lui   rappelèrent  la  promesse  qu 
avait  faite  au  gouverneur  de  Panama. Il  résoli 
de  la  tenir,  et  fit  un  appel  à  tous  les  Frères  t 
la  Côte,  auxquels  il  donna  rendez-vous  au  ce 
Tiburon  (Saint-Domingue)  pour  le  16  décembi 
1670.  Il  en  accourut  de  toutes  parts,  et  le  fl 
bustier,  lorsqu'il  les  passa  en  revue,  put  compt 
trente-sept  navires,  grands  et  petits, et  deux  mil 
deux  cents  hommes  bien  décidés,  bien  armé 
C'était  la  flotte  la  plus  considérable  que  les  ilibu 
tiers  avaient  jamais  réunie;  mais  aussi  leur  entr 
prise  était-elle  la  plus  dangereuse  qu'ils  eusse 
encore  conçue.  Morgan  avait  choisi  pour  lieutena 
un  Français  nommé  Bradelet,  qui  battit  plusie» 
fois  les  Espagnols  dans  l'île  de  Saint-Domingu 
et  leur  enleva  des  vivres  et  des  munitions  indispe 
sables  pour  assurer  le  succès  de  l'expédition, 
prit  aussi   d'assaut  La  Rancheria  près   Carth 
gène,  et  en  rapporta  un  butin  considérable,  su 
tout  en  grains.  Morgan  mit  alors  à  la  voile, 
s'empara  de  l'île  de  Santa-Catalina  quoiqu'ei 
fût  défendue  par  des  forts,  qu'il  détruisit;  ils 
procura  de  la  poudre  et  des  guides.  Il  détacl 
aussitôt  Bradelet  avec  quatre  cents  homme 
pour  s'emparer  du  fort  Saint-Laurent,  qui  d  I 
mine  la  rivière  de  Chagre.  Là  les  flibustier 
sans  artillerie ,  exposés  à  découvert  au  feu  d  | 
batteries  espagnoles,  perdirent  beaucoup  d 
leurs.  Bradelet  eut  les  deux  jambes  enlevées  p 
un  boulet;  ils  songeaient  à  faire  retraite  quaij 
un   Français ,  qui   venait  d'être  atteint  d'u , 
flèche,  l'arrache  de  sa  plaie,  l'entoure  de  cot 
qu'il  enflamme  et  la  lance  sur  l'une  des  ni,| 
sons  du  fort,  toutes  construites  en  .bois  léger 
couvertes  de  feuilles  de  palmier.  Le  feu  s'y  d  j 
clare  aussitôt.  Cet  exemple  est  rapidement  ira: 
par  les  autres  flibustiers  ;  l'incendie  se  propag  ; 
une  poudrière  saute ,  les  palissades  brûlent  ' 
les  aventuriers  entrent  dans  le  fort  sur  les  c 
davres  de  trois  cent  seize  Espagnols.  Eux-mêm 
avaient  cent  dix  tués  et  quatre-vingts  bless* 
Morgan  y  laissa  sa  flotte  avec  une  garnison 
six  cent  cinquante  hommes  et  avec  treize  cer  ' 
hommes  d'élite  sur  quatre  petites  frégates  A 
gères  et  quelques  canots,  remonta  le  fleuve.  1 
19  janvier    1671,  il  arriva  à  La  Cruz-de  Sa 
Galliego;  mais  les  eaux  étaient  si  basses  qu'il  d 
continuer  sa  route  par  terre  avec  des  fatigu 
inouïes,  et  harcelé   de   temps  à  autre  par  d 
Indiens  invisibles,  qui  du  haut  des  rocs  ou  i 
sein  des  forêts  couvraient  sa  troupe  de  nuées 
flèches.  Les  vivres  épuisés,  on  dut  se  résigrn 
à  se  nourrir  d'herbes  et  de  fruits  sauvages  ;  enli 
le  26  janvier,  les  aventuriers  découvrirent  P 
nama.  Cependant  dans  la  plaine  qui  les  séf 


MORGAN 


570 


lit  de  la  ville  s'avançait  le  président  en  per-  » 
inné,  suivi  par  quatre  régiments  de  ligne, 
>ux  mille  quatre  cents  miliciens,  quatre  cents 
valiers,  et  deux  mille  taureaux  sauvages  con- 
lits  par  plusieurs  centaines  d'Indiens  et  de  né- 
es. Une  nombreuse  artillerie  protégeait  les 
!  ncs  et  le  centre  de  cette  armée ,  estimée  à 
î  lit  mille  combattants.  Morgan,  dont  la  troupe 
:  lit  réduite  à  onze  cents  hommes  épuisés,  ne 

I  ulut  engager  le  combat  que  le  lendemain.  Il 
i  ra  deux  heures  seulement  ;  six  cents  Espagnols 
|  itèrent  sur  la  place.  Un  nombre  considérable 
|  blessés  et  de  prisonniers  restèrent  au  pou- 

r  des  vainqueurs  (1).  Morgan  marcha  immé- 
\  tement  sur  la  ville,  où  il  n'éprouva  qu'une 
île  résistance  et  qu'il  fit  incendier  sécrète- 
nt, sans  que  ses  compagnons  même,  dont  quel- 
l 's-uns  ont  été  ses  historiens,  puissent  donner 
t  plication  de  cette  action  barbare.  Après  un 
lour  de  quatre  semaines,  employées  à  piller  et 
l*rlurer  les  habitants  pour  les  forcer  à  donner 
Ifs  richesses,  les  flibustiers  regagnèrent  Cha- 
s  avec  leur  butin,  évalué  à  443,300  livres  d'ar- 

I I  (2),  sans  compter  l'or  et  les  pierreries.  On 
I  céda  au  partage  de  ces  richesses.  On  raconte 
■en  cette  circonstance  Morgan  se  conduisit  en- 
là  les  siens  comme  un  brigand  éhonté  :  il  se 

j  mit  les  plus  odieuses  spoliations,  enleva  à  la 
!  i  ;se  commune  une  grande  quantité  de  pierre- 
1  ,  et,  redoutant  le  juste  ressentiment  de  ses 
«îpagnons,  indignés,  s'embarqua  secrètement , 
Hn  par  quatre  navires  dont  les  capitaines  lui 
(fient  dévoués,  et  gagna  La  Jamaïque.  Renon- 
t  dès  lors  à  ses  brigandages,  il  ne  pensa  plus 
■j^à  jouir  de  son  immense  fortune;  il  épousa  la 
i  d'un  des  principaux  officiers  de  l'île,  fut  créé 
valier  par  Charles  II,  nommé  commissaire  de 
Itairauté,  et  termina  ses  jours  dans^ne  vie  pai- 
ie  et  honorée.  Alfred  de  Lacaze. 

(■Kimelin,  Hist.  des  aventuriers  (Lyon,  3  vol.  In  12), 
t, ,  chap.  i-xi,  p.  J-199.  —  VanTenac,  Hist.  générale 
ni  Marine,  t.  III,  p.  48-74. 

organ  (  Georges-Cadogan  ),  physicien  an- 
i, né  en  1754,  dans  le  pays  de  Galles,  mort 
7  novembre  1798.  En  1776  il  devint  ministre 
ae  église  de  dissidents  à  Norwich ,  occupa  en 
"  le  même  emploi  à  Yarmouth,  et  se  retira 
786  à  Hackney,  où  il  professa  la  physique 
s  un  établissement  fondé  par  le  célèbre  doc- 
Price,  son  oncle.  On  a  de  lui  :  Lectures 
lectricity  ;  Londres,  2  vol.  in-8°; —  et  des 
ooires  Sur  la  Lumière  des  corps  en  état  de 
bustion ,  Sur  la  Chimie  et  Sur  la  Météo- 
bjie ,  insérés  dans  les  Phïlosophîcal  Trans- 
'Imions  et  le  Monthly  Magazine.  K. 

'    l  se,  New  Biograph.  Dietionary. 
f  i    organ  (  Miss  Sidney  Owenson,  lady),  cé- 
'    He  femme  de  lettres  anglaise,  née  à  Dublin,  en 

;  s»'  r  Cette  victoire  ne  coûta  aux  flibustiers  que  deux 
.,,:  tyet  deux  blessés.  «  On  prendra,  dit  OExmeltn,  peut- 
',   «t  ceci  pour  une  fable.    C'est  pourtant  un  événement 

11*   &<<  j'ai  été  témoin  moi-même  »  (  t.  II,  chap.  xr,  p.  168). 

|jj  !      ■  A  raison  de  10  piastres  la  livre. 


i 


1783,  morte  en  avril  1859.  Son  père  était  un 
acteur  très-estimé  du  Théâtre-Royal,  et  en  outre 
poète  et  compositeur  distingué.  La  jeune  Sidney 
reçut  une  éducation  toute  littéraire,  et  montra  de 
bonne  heure  une  vive  intelligence.  Les  relations 
de  son  père  avec  les  écrivains  et  les  auteurs 
dramatiques  de  son  époque  en  favorisèrent  le 
développement.  A  quatorze  ans ,  elle  publia  un 
volume  de  poésies,  et  peu  après  douze  mélodies 
irlandaises  avec  musique.  On  peut  remarquer 
que  c'est  là  le  germe  de  l'idée  que  le  poète  Moore 
a  développée  plus  tard  avec  tant  d'éclat  et  d'i- 
magination. Avant  d'avoir  atteint  ses  vingt  ans 
elle  produisit  son  premier  roman,  Saint  Clair, 
or  the  Heiress  of  Desmond,  et  l'année  sui- 
vante, The  Novice  of  S.  Dominick.  Ces  deux 
ouvrages  sont  depuis  longtemps  oubliés.  Mais 
en  1806  elle  donna  The  wild  lrish  Girl,  a  na- 
tional taie  (La  jeune  Fille  d'Irlande),  qui  obtint 
un  brillant  succès ,  et  fut  réimprimé  sept  fois 
en  deux  ans.  Elle  avait  cherché  à  y  retracer  le 
caractère  primitif  et  national  de  l'Irlande,  et  elle 
y  montre  ce  vif  patriotisme  qui  la  distingua  dans 
le  reste  de  sa  carrière.  Ce  succès  l'introduisit 
dans  les  cercles  les  plus  distingués  d'Angleterre 
et  d'Irlande.  Ces  relations,  flatteuses  pour  son 
amour  -  propre ,  lui  furent  extrêmement  utiles 
pour  étendre  ses  idées  de  la  vie  sociale,  et 
moissonner  dans  un  champ  plus  vaste  et  plus 
varié  d'observations  :  c'est  surtout  le  romancier 
qui  a  besoin  de  bien  étudier  la  société ,  afin  de 
peindre  fidèlement  et  avec  attrait  les  mœurs  et 
les  passions.  En  1811,  se  trouvant  en  visite  chez 
un  noble  irlandais,  elle  fit  la  connaissance  de  sir 
Charles  Morgan ,  médecin  littérateur,  et  la  con- 
formité de  leurs  goûts  amena  leur  mariage.  Ses 
travaux  littéraires  ne  se  ralentirent  point,  et 
eurent  surtout  pour  objet  l'Irlande.  Elle  donna 
successivement  Patriotic  Sketches,  qui  fut  bren 
reçu;  Woman,  or  Ida  of  Athens,  qui  fut  traité 
sévèrement  par  la  Quarterly  Review;  O'Donnel, 
a  national  taie;  FlorenceM'  Carthy,  a  national 
taie  (1811  à  1816).  Dans  ces  romans,  elle  sort 
des  sentiers  battus  du  sentiment,  et  s'applique 
à  peindre  les  mœurs  nationales.  Quant  au  talent 
qu'elle  y  déploie ,  Walter  Scott  dit  quelque  part 
que  0'  Donnel ,  quoique  faible  comme  récit  et 
intrigue ,  renferme  «  plusieurs  beaux  morceaux, 
frappants  de  situation  et  de  peinture ,  et  que  la 
partie  comique  est  très-riche  et  très-amusante  » . 
On  peut  lui  reprocher  assez  souvent  un  jargon 
qui  tombe  dans  le  vulgaire,  et  des  citations  en 
français  et-  en  italien  dont  beaucoup  de  pages 
sont  comme  émaillées.  En  1816,  elle  voyagea  en 
France  avec  son  mari ,  et  résida  assez  longtemps 
à  Paris,  où  elle  se  lançadans  lasociété  libérale  du 
temps.  Elle  entreprit  de  peindre  sur  place  la  scène 
mobile  et  bruyante  d'esprit-,  d'intrigue ,  de  folie , 
de  passions  politiques  et  autres  qu'offrait  alors  le 
pays.  De  là  son  ouvrage  La  France  (1817),  qui 
est  surtout  une  description  de  Paris  et  des  Pari- 
siens, et  remplie  d'anecdotes   de  société.  Ce 


571 


MORGAN 


R 


livre,  dont  la  3e  édit.  parut  en  (818,  fit  du  bruit, 
par  l'esprit  dont  il  étincelait,  par  l'audace  de  quel- 
ques tableaux,  et  par  les  erreurs  dont  il  fourmille. 
Lady  Morgan  voyagea  ensuite  en  Italie,   et 
le  résultat  fut  l'ouvrage  qui   porte  ce  titre ,  et 
qui  a  été  rédigé  d'après  son  journal  de  voyages 
(  1821  ).  C'est  une  peinture  de  la  société  et  des 
mœurs  italiennes,  tracée  avec   plus  de  viva- 
cité et  de  recherche  pour  l'effet  que  de  délica- 
tesse; mais   lord   Byron  rend  témoignage   de 
la  fidélité  de  ces  esquisses.  Les  critiques  fran- 
çais trouvèrent  que  les  défauts  de  sa  manière  y 
étaient  poussés  jusqu'au  dévergondage.  En  1824 
elle  publia  Life  and  Times  of  Salvator  Rosa, 
qni  est  une  sorte  de  roman  biographique.  Mais 
elle  revint  à  sa  chère  Irlande,  qu'elle  avait  à  cœur 
de  relever  dans  l'opinion  publique.  Elle  donna 
successivement  The  Evïls  of  Absenteeism  to 
Ireland  (1825),  et  les  romans  The  O'Briens, 
The  O'Flahertys  (1827)v  The  Princess ,  sujet 
emprunté  à  l'histoire  des  Bays-Bas;  elle  y  dé- 
plaie un  goût  élevé,  une  imagination  vive,  et 
surtout  un  profond  sentiment  national,  qui  lui  a 
suscité  de  fréquentes  attaques  de  la  part  des 
partis  politiques.   Sa  plume  ne  se  reposait  que 
pour  devenir  plus  féconde.  Était-ce  par  motif 
d'argent,  par  motif  de  réputation?  Probablement 
par  l'un  et  l'autre.  I!  faut  vivre  selon  sa  position  ; 
jl  faut  continuer  à  charmer  ou  à  passionner,  sous 
peine  d'oubli,  ce  public  capricieux  et  inconstant 
dont  une  fois  on  a  saisi  l'oreille.  Elle  produisit  The 
Book  ofthe  Boudoir  (1829)  ;  Dramatic  Scènes 
from  real  life  (IS33);  The  Missionarij,   an 
fndian  laie  (1835),  qui  ont  été  traduits,  comme 
la  plupart  de  ses  autres  romans.  L'âge  mûr  était 
arrivé.  Ses  idées  avaient  pris  un  tour  plus  sé- 
rieux et  plus  élevé.  Frappée  des  maux  qui   ré- 
sultent pour  la  femme  de  sa  condition  sociale  à 
toutes  les  époques ,  elle  concentra  ses  pensées  et 
de  nombreuses  recherches  dans  l'ouvrage   The 
Woman  and  her  Master  (1840).  C'estun  tableau 
historique  et  philosophique  de  la  condition  de  la 
femme  chez  les  différents  peuples;  malheureu- 
sement il  s'arrête  à  la  chute  de  l'Empire  Romain. 
'<  L'auteur,  dit  un  critique  anglais,  y  approfondit 
avec  sagacité  et  jugement  une  des  branches  les 
plus  importantes  de  la  science  sociale;  la  position 
que  les  femmes  devraient  occuper  dans  l'ordre  et 
le  progrès  de  la  société.  Elle  a  cherché  dans  les 
annales  dupasse  les  moyens  d'amélioration  pour 
l'avenir.  Elle  a  soumis  les  pages  de  l'histoire  à  une 
analyse  morale  rigoureuse ,  et  en  déduit  des  ap- 
préciations et  des  résultats  moraux.  » 

Une  faiblesse  d'yeux,  et  plus  tard  la  perte  de 
la  vue,  obligea  cette  dame  infatigable  a  aban- 
donner complètement  ses  travaux  littéraires. 
Cependant  elle  publia,  en  société  avec  son  mari, 
deux  volumes  d'esquisses,  intitulés  The  Book 
without  a  name  (1841),  qui  avaient  paru  en 
partie  dans  les  revues.  Sous  le  ministère  de  lord 
Grey,  une  pension  de  300  livres  sterling  sur  la 
liste  civile  lui  fut  accordée   pour  les  services 


qu'elle  avait  rendus  aux  lettres.  Elle  pouvî 
être  aussi  considérée  comme  un  juste  déJomm 
gement  des  sacrifices  qu'elle  avait  faits  aux  pri  . 
cipes  libéraux,  dont  la  défense  constante  il 
avait  attiré  beaucoup  d'injures  et  beaucoup  d'e 
nemis.  En  1859,  elle  publia  son  dernier  ouvra 
Passages  from  my  Autobiography ,  contena 
ses  souvenirs  de  la  haute  société  à  Londres  ei 
Paris.  Elle  mourut  la  même  année. 

Comme  on  le  voit  d'après  cette  esquisse,  to  I 
Morgan  a,  pendant  les  quarante  ou  cinquantea 
de  sa  carrière  comme  auteur,  touché  à  plusiei 
branches  de  littérature,  la  poésie,  le  drame,  I  j 
romans,  la  biographie,  la  morale,  la  politique 
les  voyages.  A-t-elle  produit  deux  ou  trois  de  (  I 
ouvrages  supérieurs  qui  méritent  de  vivre,  (  I 
resteront  parmi  les  modèles  d'une  littératui 
Cela  est  douteux.  On  trouve  dans  ses  nombrew  ■ 
productions  un  esprit  original,  de  la  verve,  (  I 
observations  fines ,  des  pages  pleines  d'imagii 
tion  et  de  fraîcheur,  un  style  élégant  et  orné  il 
coule  avec  harmonie,  mais  aussi  des  déclan 
tions  fréquentes,  peu  de  goût,  un  abandon  1 1 
n'est  pas  toujours  de  la  grâce,  un  ton  tranch 
qui  décide  les  questions  au  lieu  de  les  expos] 
De  son  temps,  tous  ses  ouvrages  ont  été  il 
recherchés,  fort  lus  par  la  génération  qui  les  I 
naître.  Presque  tous  peut-être  la  suivront  pe 
peu  dans  la  tombe.  J.  Chanut 

Chambers,  Cyclopssdia  of  English  Literature.  —  1 1 
ijlish  Cyolopsedia  (  Biography  ).  —  Men  of  tlie  Time 
Athenœum,  avril  1859.—  Literary  Gazette,  etc. 

*MOR<iAN  {Auguste  de),  mathématicien  1 1 
glais,  né  en  1806,  à  Madura  dans  les  Indes  ori« , 
taies.  Il  vint  de  bonne  heure  en  Angleterre, 
ses  études  au  collège  de  La  Trinité,  à  Cambrid 
et  passa  à  l'école  de  droit  de  Lincoln  pour  f 
former  au  barreau.  En  1328  il  accepta  la  ché; 
de  mathématiques   à  l'université  de  Londr  [ 
qu'on  venait  de  fonder,  et  professa  jusqu'en  18 
Il  reprit  cette  place  en  1836,  à  la  mort  de  1 
successeur.  M.  de  Morgan  est  auteur  de  patie 
travaux  sur  l'histoire  etles  principes  desmathéi' 
tiques,  sur  l'algèbre,  la  trigonométrie,  la  dot) 
algèbre,  les  calculs  •différentiels,  la  théorie  4 
probabilités,  la  projection  gnomonique,  l'as 
des  globes,  etc.  II  a  fourni  au  Penny  Cychu 
dia  des  articles  de  mathématiques  et  d'astro 
mie;  on  lui  doit  aussi  les  vies  de  Newton  et 
Halley  dans  te  Brilish  Worthies  de  Knight, 
nombreuses  biographies  dans  le  Penny  Cyc 
pxdla,  Galleryof Portraits,et dans  le  Dictii  I 
naire  biographique  (inachevé  )  de  la  Soci'i 
des  Connaissances  utiles.  Il  a  publié  plusie  i 
mémoires  dans  le  Philosophical  Magazine,  m 
le  Cambridge  and  Dublin  Journal,  etc., . 
depuis  1833  il  travaille  au  Companion  to    , 
Almanac.  Ou  lui  attribue  plusieurs  ouvra 
anonymes,  publiés  par  la  Société  des  Conn; 
sances  utiles-,  dont  il  est  un  des  membres  les  p 
actifs.  It  est  aussi  membre  de  la  Société  philo 
phique  de  Cambridge  et  de  la  Société  roj 


«. 


5  MORGAN  - 

dj  ;tronomie,  dont  il  a  été  secrétaire  pendant 
,1  huit  ans.  A. H— t. 

«  Uni»  Cyclopœdia.  —  Men  of  the  Time. 
I  \  OUGENSTERN   (Jarqurs-Snlomon),  géo- 
»  ne  et  bouffon  allemand ,  né  à  Pegau ,   le  8 
al  1706,  mort  à  Potsdam,  le  16  novembre 
Ml  >.  Reçu  maître  es  arts  à  Leipzig,  il  fit  pen- 
«  quelque  temps  des  cour»  d'histoire  et  de 
gi  raphie  à  l'université  de  Halle.  En  1735  il 
p,  :t  pour  la  Russie;  l'impératrice  Anne  venait 
m  ui  faire  remettre  une  centaine  de  roubles 
p.    la  dédicace  qu'il  lui  avait  faite  de  son  ou- 
■  e  sur  le  droit  public  de  la  Russie  ;  cela  lui 
|:  donné  l'espoir  d'obtenir  à  Moscou  une 
de  professeur.  A  son  passage  à  Berlin,  son 
-ienr  singulier  et  ses  reparties  vives  et  pleines 
el  frappèrent  un  officier  de  la  garde ,  qui 
de  lui  au  roi  Frédéric-Guillaume  Ier.  Ce 
<e  le  fit  venir  en  sa  présence ,  fut  enchanté 
«s  réponses,  et  l'obligea  d'accepter  l'emploi 
cteur  et  traducteur  des  gazettes  et«n  même 
•celui  de  conseiller  bouffon  dans  la  Société 
'omeurs  que  présidait  le  roi.  En  1737  Mor- 
rn  fut  obligé,  sur  l'ordre  exprès  du  roi, 
idre  publiquement  une  thèse  sur  la  folie 
tons  les  professeurs  de  l'université.  A 
ort  de  ce  prince ,  Morgenstern ,  pour  con- 
«!T  son  traitement  de  500  écus  et  son  loge- 
à  Potsdam,  demanda  d'être  chargé  d'aider 
nseiller  Nussler  dans  la  fixation  des  fron- 
de la  Silésie.  Sa  requête  fut  agréée  et  ses 
intements  lui  furent  maintenus.  On  a  de 
Neue  politische  Géographie  ;  léna,  1735, 
;<iln'en  a  paru  que  le  premier  volume;  l'au- 
y  a  donné  un  des  premiers  des  renseigne- 
is  statistiques  bien  coordonnés  ;  —  Jus  pu- 
MRi/inperii  Russorum;  Halle,  1736,  in-8°; 
(ernûvftige  Gedanken  ûber  die  Narrheit 
.'(tsées   raisonnables   sur  la  folie);   Berlin, 
1" ,  in-8°;  dissertation  curieuse,  où  les  sa- 
;  sont  assez  maltraités  ;  —   Ueber  Frie- 
Wilhem  Ier,  1793,  in-8°.  E.  G. 

el,  Lexikon. 

hen (  Raphaël),  graveur  italien,  né  à 
>.,.  le  19  juin  1758,  mort  à  Florence,  le 
1833.  Il  commença  de  très-bonne  heure 
es  artistiques  -sous  la  direction  de  son 
graveur  médiocre,  d'origine  allemande.  A 
de  vingt  ans  il  partit  pour  Rome,  et  entra 
l'atelier  de  Jean  Volpato.  Cet  artiste, 
ré  ses  défauts,  passait  alors  pour  le  premier 
de  l'Italie  ;  il  appliquait  à  son  art  les 
principes  et  les  mêmes  idées  de  réac- 
joatre  le  faux  goût  du  dix-huitième  siècle 
David  et  Canova  firent  triompher  un  mo- 
.  Aidé  des  conseils  de  Volpato  ,  Raphaël 
H4  hen  se  mit  à  étudier  avec  ardeur  les  grands 
rot  es  de  la  renaissance,  et  ses  premiers  ou- 
w.  .s  obtinrent  un  grand  succès.  Volpato  s'as- 
soi  à  sa  gloire  et  a  sa  fortune  comme  à  ses 
ux  en  lui  donnant  la  main  de  sa  fille  Do- 


ra* ;a.  Avec  autant  d'ardeur  que  de  facilité, 


MOKGIER  M4 

Morghen  grava  tour  à  tour  les  principaux  ta- 
bleaux du  Guide,  du  Titien,  du  Corrége,  de 
Poussin  et  de  Murillo.  Sa  réputation  s'établit  si 
bien  que  le  grand-duc  Ferdinand  III  l'appela  à 
Florence,  lui  assura  une  pension  de  400  écus 
par  an  (environ  2,000  fr.  ),  un  logement  et  la 
liberté  de  travailler  pour  son  propre  compte,  à 
la  seule  condition  d'ouvrir  une  école  de  gravure. 
C'est  à  Florence  qu'il  exécuta  ses  ouvrages  les 
plus  importants  et  les  meilleurs,  La  Madonna 
délia  segglola  et  La  Transfiguration  de  Ra- 
phaël ;  la  Madeleine  pénitente  de  Murillo;  La 
Charité  du  Corrége,  la  Madonna  del  Sacco 
d'André  del  Sarto;  la  Vierge  et  l'enfant  Jésus 
endormi  du  Titien;  la  Cène  de  Léonard  de 
Vinci.  Cette  dernière  estampe  fut  publiée  en 
1800  ;  elle  obtint  un  immense  succès,  que  n'ar- 
rêtèrent pas  des  critiques  très- vives  et  justes  pour 
la  plupart.  La  Transfiguration,  commencée  en 
1795,  ne  fut  terminée  qu'en  1811,  après  seize  an- 
nées de  travail.  Les  ouvrages  de  Morghen  se  dis- 
tinguent par  la  souplesse,  la  douceur,  la  rare  ha- 
bileté et  aussi  la  froideur  du  travail.  Il  a  gravé  un 
assez  grand  nombre  de  vignettes  et  de  portraits; 
parmi  ces  derniers  on  remarque  le  portrait 
du  marquis  de  Moncade,  d'après  van  Dyck. 
Le  catalogue  complet  de  son  œuvre,  rédigé  sous 
ses  yeux  et  d'après  ses  indications  par  son  élève 
Nicolo  Palmerini  (3e  édit.,  Florence,  1824),  porte 
à  254  le  nombre  des  gravures  qu'il  a  produites: 
Morghen  cessa  la  pratique  de  son  art  longtemps 
avant  sa  moTt;  mais  jusqu'à  ses  derniers  jours  il 
ne  cessa  de  diriger  les  travaux  dé  ses  nombreux 
élèves.  H.  H— n. 

Tipaldo,  Biogr.  degli  Iialiani  Wustri.  —  Nagler,  IVeurs 
Allgem.  Kûnstler-Lexicon.  —  Cabinet  de  l'Amateur. 

morgier  (François) ,  poëte  français,  né  en 
1688,  à  Villeneuve-lès-Avignon ,  mort  en  1726,  à 
Avignon.  Il  venait  d'être  reçu  avocat  lorsqu'il 
s'associa  à  l'abbé  de  Charnes  pour  rédiger  la 
gazette  burlesque,  fondée  en  1703  par  ce  der- 
nier, sous  le  titre  de  Nouvelles  de  l'ordre  de  la 
Boisson.  Très-jeune  encore,  il  avait  été  admis 
dans  cette  compagnie  de  joyeux  gastronomes,  qui 
rappelait  YOrdre  des  coteaux,  dont  Boileau  a 
parlé.  La  gazette  avait  pour  soi-disant  vendeur 
«  Museau-Cramoisi ,  au  papier  raisin  »  ;  on  ne 
rappelait  les  noms  propres  que  par  des  allégo- 
ries, tels  que  Frère  des  Vignes,  dom  Barri- 
quez,  M.  de  Flaconville ;  on  annonçait  ainsi  des 
livres  imaginaires  :  Remarques  sur  les  lan- 
gues mortes,  comme  langues  de  bœuf,  de  co- 
chon et  autres;  Recueil  de  diverses  pièces  de 
four,  par  le  frère  Godiveau;  L'Art  de  bien 
boucher  les  bouteilles,  impression  de  Liège.  La 
politique  s'y  trouvait  parfois  réduite  en  quatrains  : 

A  la  barbe  des  ennemis, 
Vlllars  s'est  emparé  des  lignes; 
S'il  vient  à  s'emparer  des  vignes, 
Voilà  les  Allemands  soumis. 

et  la  philosophie  y  faisait  une  profession  de  foi 
aussi  commode  qu'agréable  : 


575 


MORGIER  —  MORHOF 


5' 


Je  donne  à  l'oubli  le  passé, 
Le  présent  à  l'indifférence, 
Et,  pour  vivre  débarrassé, 
L'avenir  à  la  Providence. 

Grâce  à  ce  badinage  innocent,  qui  jouit  d'une 
grande  vogue,  Morgier  acquit  la  réputation  d'un 
homme  d'esprit  ;  même  après  que  la  gazette  eut 
cessé  de  paraître  (1707),  il  fut  recherché  des  gens 
du  monde  et  des  gens  de  lettres.  La  princesse  de 
Conti,  Louise-Elisabeth  de  Bourbon,  l'admit  chez 
elle  dans  une  sorte  de  familiarité,  et  l'aida,  dit-on, 
à  composer  ces  plaisanteries  dont  beaucoup  de 
sociétés  faisaient  leur  passe-temps  favori.    P. 

Lalanne,  Curiosités  littéraires.  —  Barjavel,  Biogr.  du 
Faucluse. 

morbier  (  Simon  ),  prévôt  de  Paris  sous 
les  Anglais,  né  vers  la  fin  du  quatorzième  siècle, 
mort  vers  1450  ou  1455.  Il  était  seigneur  de 
Gilles  en  Ghartrain,  près  de  Nogent-le-Roi,  et 
originaire  de  ce  pays.  Attaché  au  parti  de  Bour- 
gogne, il  suivit  également  celui  des  Anglais,  et 
fut  fait  prévôt  de  Paris  par  le  duc  de  Bedford, 
pour  Henri  VI,  le  1er  décembre  1422.  Le  pré- 
vôt de  Paris ,  comme  on  sait,  était  le  premier 
magistrat  politique  et  judiciaire  de  la  capitale. 
Cette  charge,  importante  et  difficile  à  remplir 
dans  tous  les  temps,  le  fut  particulièrement  pen- 
dant les  quatorze  années  qu'elle  eut  S.  Mor- 
bier pour  titulaire.  Le  prévôt  de  Paris  dut  cons- 
tamment lutter,  durant  cette  période,  contre 
les  conspirations  en  faveur  de  Charles  VII,  qui 
se  fomentaient  perpétuellement  au  dedans,  et 
contre  les  tentatives  militaires  du  dehors.  Simon 
Morhier,  apprécié  par  le  gouvernement  anglais, 
comme  homme  de  guerre,  fut  employé  dans 
plusieurs  expéditions  contre  les  troupes  de 
Charles  VII.  En  1427,  il  combattait  à  Montargis 
sous  les  ordres  des  comtes  de  Warwick  et  de 
Suffolk,  et  fut  fait  prisonnier  par  les  Français 
dans  une  rencontre.  Rendu  à  la  liberté,  il  ne 
tarda  pas  à  reprendre  ses  fonctions  de  prévôt. 
Au  mois  de  février  1429,  le  gouvernement  an- 
glais expédia  de  Paris  un  convoi  destiné  à  ra- 
vitailler les  soldats  qui  faisaient  le  siège  d'Or- 
léans. En  sa  qualité  de  Beauceron  ,  Morhier 
connaissait  parfaitement  le  pays  où  il  s'agissait 
de  conduire  ce  convoi.  Il  fut  préposé  an  com- 
mandement de  l'artillerie,  et  servit  à  la  fois  de 
guide  et  d'auxiliaire  au  capitaine  Falstalf,  chef  de 
l'expédition.  Simon  Morhier  prit  ainsi  part  à  la 
célèbre  journée  des  harengs. 

En  1429,  il  défendit  Paris  contre  la  Pucelle. 
En  1430  il  était  capitaine  d'une  nouvelle  for- 
teresse, que  le  gouvernement  avait  fait  cons- 
truire à  Saint-Denis  pour  la  sûreté  de  Paris. 
Dans  les  premiers  jours  d'avril  1436,  une  lutte 
décisive  eut  lieu  entre  les  troupes  de  Charles  VII 
et  la  capitale.  Simon  Morhier  soutint  avec  fer- 
meté la  cause  des  Anglais.  Lorsque  les  Français 
eurent  franchi  en  vainqueurs  les  portes  de  la 
ville,  le  prévôt  de  Paris  et  la  garnison  furent 
refoulés  dans  la  bastille.  Bientôt  S.  Morhier  se 
vît  assiégé  dans  ce  refuge,  et  tomba  comme  pri- 


sonnier au  pouvoir  de  Denis  de  Chailly,  chevali 
français.  Le  piévôt  de  Paris  vendit  une  partie 
ses  terres,  et  recouvra  de  nouveau  la  liberté. 

Le  8  juillet  1437  il  était  gouverneur  deDre 
pour  Henri  VI,  et  suivit  en  Normandie  les  Angla 
qu'il  paraît  avoir  servis  jusqu'à  l'époque  où  le 
domination  cessa  complètement  dans  le  royaun 
En  1438  et  années  suivantes  nous  retrouve 
Simon  Morhier  conseiller  du  roi  Henri  VI,  ai 
mille  livres  de   pension,  trésorier  de  Frar 
et  de  Normandie.    Il  prit  part  en  cette  quai 
au  ravitaillement  de  Creil,  Meaux,  et  des    * 
verses  places  que  les  Anglais  occupaient  enc< 
dans  l'Ile-de-France.  Il  s'entremit  notammen  ; 
la  défense  de  Pontoise,  qui  fût  prise  par  Ch 
les  VII,en  1441.  Au  mois  de  nîars  1449,  peu  I 
temps  avant  la  campagne  de  Normandie,  qui  î  j 
fin  à  la  domination  des  Anglais,  Simon  Mort  [ 
habitait  à  Rouen  l'hôtel  du  Jardin,  et  vivait  d,  i 
la  familiarité  du  duede  Somerset,  régent  deFra  \ 
pour  le  roi  d'Angleterre  (1). 

Sa  sœur,  Thiphaine  Morhier,  fut  mariée  àB 
douin,  seigneur  deBrichanteau;  écuyer.  Le  fils  I 
Baudouin,  neveu  du  prévôt  de  Paris,  fit  lui 
mage,  envers  son  oncle,  de  la  terre  de  Brich  | 
teau,  fief  dépendant  de  Villiers-le-Morhier.  I 
neveu;  servit  les  Anglais  avec  le  prévôt  de  Pa  t 
notamment  à  la  journée  des  Harengs  et  à  la  A 
fense  de  Saint-Denis.  Il  fut  tué  dans  cette  (  I 
nière  rencontre,  en  1436.  C'est  de  lui  que  cl 
cendent  les  seigneurs  de  Brichanteau ,  mar<  jk 
de  Nangis  au  dix-septième  siècle. 

A.  V.— V. 

Cabinet  des  titres.  —  archives  de  la  Seine- Inférie  H 

—  Sauvai,  antiquités  de  Paris,  t.  III,  p.  233,  et' I 
Journal  de  Paris  (édition  du  Panthéon),  p.  669,  M 

—  Chroniques  de  Cousinot,  J.  Chartier  (  édition  Va  II 
Viriville). Thomas  Basln  aux  tables.  Le  Feron,  1554,1 
prévôts  de  Paris.  —  Félibien,  histoire  de  Paris.  —  I 
pinois,  Histoire  de  Chartres.  —  Anselme,  JJist.  gène  BJ 
gique,  au  mot  Morhier. 

morhof  {Daniel-Georges),  célèbre  érl 
et  bibliographe  allemand,  né  à  Wismar,  le  M 
vrier  1639,  mort  à  Lubeck,  le  30  juillet  lin 
Élevé  sous  la  direction  de  son  père,  greffiei  (ta 
tribunal  de  Wismar,  il  étudia  à  Rostock  le  di  il 
les  mathématiques  et  l'histoire,  et  y  apprit  a  r 
les  principaux  idiomes  de  l'Europe  moderne,  ï.< 
poème  comique,  qu'il  composa  en  1659  sur» 
cigogne  tuée  par  accident,  lui  valut  l'offre  c  fri 
chaire  de  poésie  ;  il  l'accepta  sous  la  condi  ^t 
de  pouvoir,  avant  d'entrer  en  fonction,  voy.  f 
pendant  quelque  temps.  Après  avoir  visit  f/ 
Hollande  et  l'Angleterre ,  il  prit  possessior  p" 
sa  chaire  à  la  fin  de  1661.  Nommé  en  1665 1"1 
fesseur  d'éloquence  et  de  poésie  à  Kiel,  i  fri 
rendit  en  1670  de  nouveau  en  Hollande,  o  il 

(i)  L'époque  de  sa  mort  ne  nous  est  point  eiacte.jtr 
connue.  Mais  elle  doit  avoir  suivi  d'assez  près  l'e:|-i 
sion  complète  des  Anglais  (  1453  ).   Le  7  mars  1456  p> 
Morhier,  chevalier,  fils  de  Simon  et  de  Jeanne  de  L  fc- 
est  qualifié,  à  son  tour,  seigneur  de  Fillicrs,  tltr  I 
réditalreet  patrimonial  dans  cette  famille.  11  y  a  li<'e 
croire  par  conséquent  que  Simon  n'existait  plus  à  Ie 
dernière  date. 


11  MORHOF  — 

lia    avec   Grœvius,  Gronovius,  Gudius  et 

très  savants  distingués  ;  il  passa  ensuite  en 

igleterre,  où  il  fut  élu  membre  de  la  Société 

yale  des  Sciences.  De  retour  à  Kiel,  il  reprit 

ii  enseignement,   qu'il  continua    jusqu'à   sa 

>rt  avec  le   plus  grand   succès;  il  reçut  de 

|  is  en  1673  la  chaire  d'histoire  et  Tut  nommé 

[    1680    bibliothécaire    de    l'université.   Pas- 

|  >nné  pour  l'étude,  il  avait  acquis  une  immense 

idition,  qui  ne  Taisait  aucun  tort  à  son  juge- 

\  nt  et  à  son  esprit  naturel  ;  il  était  d'un  com- 

<  rce  des  plus  agréables,  et  il  se  fit  remarquer 

•  sa  générosité  envers  les  étudiants  nécessi- 

;  x.  On  a  de  Morhof  :  Diatribe  de  morbis  et 

kum  remedii»  juridica;  Rostock,  1658;  — 

issus  in   Ciconiam;  carmen  juvénile  et  lu- 

l  :rum  ;  Rostock,  1660  et  1667,  in-4°  ;  —  De 

î  re  Silentii  ;   Franeker,   1661,  in-4°;  —  De 

{ thusiasmo  et   Furore  poetico  ;   Rostock , 

[il,   in-4°;  —  De  Divirtitate  Principum  ; 

S  stock,  1662,  in-4°;  —  Memoria  H.  Rahnii, 

»  isconsulti  ;  Rostock,   1662,  in-4°  ;  —  Que- 

I  a  Halecis  ad  Neptuni  tribunal  ;  carmen 

ïulare  ;  Rostock,    1662,  in-4°;  —  Diatribe 

E  lologica  de   novo  anno  ejusque  ritibus  ; 

litock,  1663,  in-4°;  —  Carmen  de  Ente  Ra- 

w/nis  heroicum  joculare;   Rostock,   1663, 

liu;  — Princeps  medicus  ;  Rostock,  1665, 

I  *°  :  cet  >opuscule  ,  qui  soutient  la  réalité  des 

1  risons  des  écrouelles  par  les  rois  de  France 

I  l'Angleterre,  a  été  attaqué  par  Zentgrave  ;  — 

Sole  igneo;  Kiel,  1672,  in-4°  :  —  De  Scy- 

\i  vitreo  per  sonum  humanœ  vocis  rupto  ; 

jj,  1672,  1683  et  1703,  in-4°  :  écrit  à  propos 

marchand  devin  d'Amsterdam,  qui  brisait 

verres  en  élevant  la  voix  d'une  octave  au- 

sus  du  ton  de  ces  verres  mis  en  vibration  ;  — 

intemperantia  in  studiis  et  eruditorum, 

exea  oriuntur,  morbis  ;  Kiel,  1672,  in-4°; 

le  Transmutatione  Metallorum;  Hambourg, 

?3,  in-8°  ;  écrit  en  faveur  de  l'al'chimie;  — 

Paradoxis  sensuum  ;  Kiel,  167  6   et  1685, 

—    ZJnterrïcht   von    der    deutschen 

wche  und  Poésie,  deren  Ursprung,  Fort- 

%g  und  Lehrsatze  (  Exposé  de  la  Langue  et 

la  Poésie  allemandes,  de  leur  origine,  de  leur 

teloppement  et  de  leurs   principes  )  ;  Kiel , 

ta,  1700  et  1718,  in-8°;   la  troisième  édition 

;itient  les  poésies  allemandes  de  Morhof;  — 

lEloquentia  in  tacendo ;  Kiel,  1684,  in-4°; 

\De  Patavinitate  Liviana,  ubi  de  urbani- 

et  peregrinitate  sermonis  latini  uni- 

se  agitur  ;    Kiel,   1685,    in-4°;    réimprimé 

*s  le  tome  VII  de  l'édition  de  Tite-Live  de 

«kenborch  ;  —  Philocrysum ,  seu  de  laudi- 

I'î  auri  orationes  duse  ;  Lubeck,  1690,et  Leip- 

,  1690,  in-4°  :  le  premier  de  ces  pamphlets 

litre  les  prêtres  catholique*  est  de  Majoiagio 

J>y.  ce  nom);  le  second  de  Morhof;  —  Po- 

lyistor,  sive  de  notitia  auctorum  et  rerum 

ni nmentarii;  Lubeck,  1688-1692,  3  vol.  in-4°; 

^1.,  1695,  2  vol.  in-4°,  avec  des  notes  et  une 

NOUV.    r.tOC.R.    GÉNÉR.    —   T.    XXXVI. 


MORIALE  578 

Vie  de  l'auteur  par  J.  Moller  ;  une  nouvelle  et 
meilleure  édition  fut  donnée  par  Fahricius;  Lu- 
beck, 2  vol.  in-4°;  une  quatrième  parut  dans 
cette  ville,  1747,  2  vol.  in-4°  :  cet  ouvrage,  le 
plus  important  de  ceux  publiés  par  Morhof,  a 
beaucoup  contribué  à  faire  connaître  l'histoire 
des  sciences  et  des  littératures  ;  mais  aujoui 
d'hui  il  n'a  plus  une  grande  valeur.  L'auteur  y 
traite  successivement  de  l'utilité  de  l'histoire  lit- 
téraire; de  l'usage  et  du  choix  des  livres  ;  des 
bibliothèques  ;  des  méthodes  d'enseignement  ; 
des  langues  et  des  grammaires;  de  la  rhéto- 
rique, de  la  poésie  et  de  la  philosophie  ;  de  la  phy- 
sique et  des  sciences  occultes  ;  des  mathémati- 
ques; de  la  morale;  et  enfin  de  l'histoire  et  des 
historiens  ;   —   De    Disciplina  Argutiarum  ; 

1693,  in-12,  et  1705,  in-8°;—  Collegium  epis- 
tolicum  ;  Leipzig,  1693,  in-12  ;  Lubeck,  1694, 
in-8°  :  une  nouvelle  édition  de  ce  traité  de  la 
manière  d'écrire  des  lettres  fut  donnée  en  1715 
par  J.-B.  Majus  ;  —   Opéra  poetica;  Lubeck, 

1694,  in-8°  ;  — Orationes  et  Programmata  ; 
Hambourg,  1698,  in-8°  ;  —  Disserlationes 
academicx  et  epistolicœ  ;  Hambourg,  1699, 
in-4°,  précédéesd'une  Fie  de  l'auteur,  qui  jus- 
qu'à l'an  1671  est  une  autobiographie  ;  —  Deli- 
cix  oratorise  intimions , sive  de  dilatatione  et 
amplificatione  oratorio;  Lubeck,  1701,  in-8°; 
—  Dépura  Dictione  lalina;  Hanovre,  1725, 
in-8°  ;  avec  des  notes  de  l'éditeur  Mosheim  ;  — 
De  legendis,  imitandis  et  excerpendis  Auc- 
toribus ;  Hambourg,  1731,in-8°.  O. 

Buchardt,  Laurus  Cimbrica  (  Lubeck,  1695,  in-4°).  — 
Moller,  Cimbria  Litterata,  t.  I  et  II.  —  Nlceron,  Mém  , 
t.  II.  —  Clarmundus,  V Use,  t.  V.  —  Henricl,  f  Use  eru- 
ditissimorum  Firorum,  p.  28J.  —  Rolllus,  Mem.  Pfiiloso- 
phorum,  t.  II,  p.  283.  —  Sax,  Onomasticon,  t.  V,  p.  39. 

1MOR1  DA  ceno  (Ascanio  de),  novelliere 
italien,  né  à  Mantoue,  vivait  dans  la  seconde 
moitié  du  seizième  siècle.  Attaché  au  prince 
Henri  de  Gonzague,  il  l'accompagna  dans  plu- 
sieurs campagnes  contre  les  Turcs  en  Hongrie. 
Au  retour  il  entra  au  service  des  Vénitiens.  On 
n'a  point  d'autres  détails  sur  sa  vie.  On  a  de 
lui  :  Giuoco  piacevole;  Mantoue,  1575,  in-4°; 
la  seconde  édition  con  la  giunta  d'alcune 
rime  e  d'un  ragionamento  in  Iode  délie  donne 
parut  à  Mantoue,  1580,  3  part.  in-4°;  et  la  troi- 
sième édition, piu  corretla  e  migliorata,  Man- 
toue, 1589,.  irr-40  ;  —  Prima  parte  délie  No- 
velle  di  Mori  da  Ceno;  Mantoue,  1585,  in-4°: 
cette  première  partie,  la  seule  qui  ait  paru,  con- 
tient quatorze  nouvelles ,  toutes  fondées  sur  des 
faits  contemporains  plus  ou  moins  déguisés;  elle 
a  été  réimprimée  à  Londres  (  Novelle  de  Asca- 
nio de'  Mori  da  Ceno);  1794,  in-8°;  —  Let- 
tere;  Mantoue,  1589,  in-4°-  Z. 

Brunet,  Man.  du  Libraire. 
moriale  (Fra),  ou  Montréal  d'AIbarno, 
célèbre  condotiere  provençal,  né  à  Narbonne, 
exécuté  à  Rome,  le  29  août  1354.  Entré  d'abord 
chez  les  chevaliers  de  Saint-Jean-de-Jérusalem, 
il  se  mit,  après  avoir  quitté  cet  ordre,  au  service 

19 


579 


MORIALE  —  MORIBECA 


58( 


du  roi  Louis  de  Hongrie  avec  une  troupe  de  mer- 
cenaires ;  il  prit  part  aux  guerres  qui  se  livrèrent 
dans  le  royaume  de  Naples,  et  s'y  distingua  par 
son  brillant  courage.  Quand  déjà  tous  les  autres 
généraux  de  Louis  avaient  traité  avec  la  reine 
Jeanne,  il  se  refusa  de  lui  remettre  Aversa,  où 
il  avait  établi  le  centre  de  ses  opérations.  Assiégé 
par  Malatesta,  seigneur  de  Rimini,  il  fut  enfin, 
en  1352,  forcé  de  capituler  et  d'abandonner  le 
riche  butin  qu'il  avait  amassé.  It  se  rendit  à 
Rome,  où  il  guerroya  pendant  quelque  temps 
pour  le  saint-siége  contre  le  préfet  de  Vico.  En 
septembre  1353  il  passa  avec  quatre  cents  ca- 
valiers au  service  de  ce  même  préfet  ;  il  le  quitta 
deux  mois  après,  ayant  résolu  de  rassembler 
en  son  propre  nom  une  armée  qui ,  sans  dé- 
pendre d'aucune  puissance  en  particulier,  fût  ca- 
pable de  se  faire  craindre  de  toutes  et  de  se  pro- 
curer par  la  force  non-seulement  l'entretien, 
mais  la  richesse.  Il  réunit  bientôt  sous  son  dra^ 
peau,  par  de  brillantes  promesses,  quinze  cents 
cavaliers  et  deux  mille  fantassins,  avec  lesquels 
il  entra.au  mois  de  novembre  1353,  sur  les  terres 
du  seigneur  de  Rimini ,  dont  il  voulait  se  venger. 
En  quelques  mois  il  s'empara  de  plus  de  qua- 
rante châteaux  ;  le  bruit  de  ses  succès  attira  au- 
près de  lui  une  foule  d'autres  soldats  italiens, 
allemands  ou  hongrois;  il  en  fit  un  corps  régu- 
lièrement organisé,  qui  devint  plus  tard  la  fa- 
meuse Grande  Compagnie.  Il  institua  quatre 
capitaines  de  cavalerie,  dont  trois  Allemands,  et 
quatre  connétables  d'infanterie,  tous  Italiens  ; 
ces  huit  chefs  formaient  le  conseil  supérieur  et 
secret,  qui  par  l'adjonction  d'un  général  de 
finance  et  de  quarante  capitaines  inférieurs  se 
constituait  en  grand  conseil.  Le  butin  était  par- 
tagé selon  certaines  règles  fixes;  il  était  vendu 
à  des  marchands,  qui  étaient  en  compte  courant 
avec  la  compagnie;  des  juges  maintenaient  dans 
le  camp  une  discipline  sévère,  mais  laissaient 
aux  soldats  toute  latitude  dans  leurs  excès 
contre  les  habitants  des  pays  avec  lesquels  on 
était  en  guerre.  Accablé  par  cette  armée,  qui  s'ac- 
croissait de  jour  en  jour,  le  seigneur  de  Rimini 
fit  la  paix  avec  Moriale ,  en  lui  payant  40,000 
florins.  Sur  ces  entrefaites,  les  républiques  de 
Florence,  de  Sienne  et  de  Pérouse  s'étaient  en- 
tendues pour  résister  en  commun  à  l'attaque  pro- 
chaine que  Moriale  méditait  contre  elles;  mais 
celui-ci  sut  habilement  détacher  Pérouse  de  cette 
ligue,  et,  par  une  marche  rapide  sur  Sienne, 
força  cette  ville  à  lui  payer  16,000  florins.  En 
juillet  1354  il  se  dirigea  sur  Florence,  pillant  et 
dévastant  tout  sur  son  passage.  Son  armée  se 
composait  alors  de  sept  mille  gendarmes ,  de 
quinze  cents  hommes  d'infanterie  d'élite  et  d'une 
troupe  de  goujats  et  de  gens  de  sac  et  de  corde, 
qui  au  chiffre  de  près  de  vingt  mille  étaient  très- 
utiles  aux  soldats-  en  les  fournissant  de  vivres. 
Les  Florentins,  effrayés,  se  résignèrent  à  remettre 
à  la  compagnie  25,000  florins;  Moriale,  après 
en  avoir  obtenu  16,000  des  Pisans,  conduisit  ses 


troupes  en  Lombardîe  et  les  mit,  pour  quatn 
mois  et  contre  la  solde  de  150,000  florins,1  ai 
service  de  la  ligue  formée  contre  l'archevèqui 
de  Milan.  Laissant  ses  soldats  sous  le  comrnan 
dément  d'un  seigneur  allemand,  le  comte  * 
Landau,  Moriale  se  rendit  àRome,  pour  nouer  de 
intelligences  dans  le  midi  de  l'Italie,  où  il  pensai 
mener  l'année  prochaine  ses  terribles  bandes.  I 
avait  aussi  l'intention  de  recouvrer  une  partie  d> 
l'argent  qui,  confié  par  lui  à  ses  frères  Arim 
baldo  et  Bretonne  (1),  avait  été  prêté  par  eu: 
au  célèbre  tribun  Coladi  Rienzi.  A  peine  arriv 
à  Rome,  il  fut  arrêté  par  ordre  du  tribun  ;  seloi 
quelques-uns ,  Rienzi  avait  appris  d'une  ancienn 
maîtresse  de  Moriale  que  celui-ci  avait  annono 
le  projet  de  le  tuer;  selon  d'autres,  il  aurai 
soupçonné  Moriale  de  s'être  entendu  contre  lu 
avec  les  Colonna.  Mis  en  jugement  comme  voleu 
public  et  comme  ayant  fait  mettre  à  mort  un 
multitude  d'hommes  innocents,  Moriale,  devac 
qui  peu  de  jours  auparavant  toute  l'Italie  trere 
blait,  fut  mis  à  la  torture.  Toute  sa  défense  con 
sistait  à  dire  :  «  qu'il  était  chevalier,  et  qu'il  ava 
voulu  obtenir  de  la  gloire  et  de  la  considéra 
tion  ».  Condamné  à  mort,  il  la  subit  avec  le  plu 
grand  courage.  Une  partie  de  ses  richesses  ft 
séquestrée  par  le  pape ,  qui  fit  remettre  60,00 
florins  d'or  aux  personnes  qui  avaient  été  pi 
lées  parla  compagnie;  quant  aux  sommes  appai 
tenant  à  Moriale,  qui  furent  trouvées  à  Rome 
elles  passèrent  en  grande  partie  entre  les  main 
de  Gianni  deCastello;  Rienzi,  qui  avait  espéi 
les  accaparer  toutes ,  n'en  reçut  qu'une  faibl  t 
part,  et  se  repentit  alors  peut-être  d'avoir  pot 
si  peu  commis  une  si  basse  action.  O. 

Matteo  Villani.  —  V ita  di  Rienzo.—  Raynaldi,  Annale 

—  Sismondi,  Histoire  des  Républiques  italiennes,  t.  V 

—  Sade,  Mémoires  sur  Pétrarque.  —  Papencordt,  Rien. 
et  Rome  à  son  époque. 

moribeca  (BelcMor  Dias),  mineur  brésiliei 
né  à  Saint-Paul,  au  dix-huitième  siècle.  Il  fit,  di- 
on,  la  découverte  de  richesses  immenses  dansl 
district  de  Jacobina  ;  la  tradition  veut  surtout  qu' 
ait  trouvé  dans  la  Serra  da  Borracia  un  giseraer 
de  mine  argentifère  plus  riche  qu'aucun  de  ceu 
rencontrés  à  cette  époque.  Ne  voulant  pas  dé 
voiler  son  secret,  il  fut  incarcéré  dans  la  priso 
de  Bahia,  et  y  mourut  ;  on  ajoute  encore  qu  il  n 
subit  cette  peine  qu'en  raison  de  son  silène 
obstiné,  et  qu'il  avait  mis  sa  découverte  à  trol 
haut  pVix  pour  que  le  gouvernement  pût  y  al  I 
teindre.  Moribeca  avait  laissé,  dit-on,  des  Rol 
teiros  ms.,  qu'on  n'a  jamais  pu  découvrir.  Ol 
est  revenu  récemment  au  Brésil  sur  cette  tra 
dition,  qui  défraye  les  amateurs  de  légendes  mer 
veilleuses,  et  que  l'on  peut  placer  à  côté  de  cell 
de  Roberio  Dias.  Le  pays  de  Jacobina  fait  parti 


(1)  Le  premier  était  jurisconsulte,  le  second  ohevalie 
Exaltc's  par  les  idées  chimériques  de  Rienzi,  ils  s'attaeM 
rent  à  sa  fortune.  Ils  furent  arrêtés  en  même  temps  qu  ^ 
leur  frère  ;  ils  recouvrèrent  plus  tard  leur  liberté  ;  ma! 
Rienzi  garda  leurs  biens. 


MORIBECA   -  MOR1ER 


i  la  province  de  Bahia,  déjà  si  riche,  grâce  à  ses 
ivelles  mines  de  diamants.  F.  D. 

I  ccloll,  Memorias  historicas  e  politicas  du  Provincia 
,  iktliia,  t.  V  et  VI. 

lnoRiCE  debeaurois  (  Dom  Pierre-Hya- 
<[  Ihe),  érudit  français ,  né  le  25  octobre  1693, 
^uimperlé  (  Basse-Bretagne),  mort  le  14  oc- 

Irre  1750,  à  Paris.  Issu  de  parents  nobles  et 
ïies,  il  fit  ses  études  au  collège  de  Rennes  et 
i  nonça  ses  vœux  dans  cette  ville,  à  l'abbaye 
<f  Saint-Melaine ,  de  l'ordre  des  Bénédictins  de 
i  it-Maur  (1713);  il  y  fut  chargé  de  divers  of- 
fset aussi  de  l'instruction  des  novices.  Appelé 

«1731  à  Paris  pour  travailler  à  la  généalogie 
«  a  maison  de  Rohan,  il'y  vint  en  compagnie 
cjlom  Duval  (1),  son  ami,  et  demeura  au  mo- 
tf  ère  de  Notre-Dame-des-BIancs-Manteaux. 
In  Duval  ayant  été  attaché  à  Saint-Germain- 
4  Prés,  Morice  termina  seul  ['Histoire  gé- 
ologique de  la  maison  de  Rohan,  qu'ils 
aient  commencée  ensemble  et  qui,  avec  les 
,f|  ives,  forma  2  vol.  in- fol.  ;  cet  ouvrage,  resté 
■à  it,  lui  valut  de  la  part  du  cardinal  de  Rohan, 
v{  pension  de  800  livres.  A  la  prière  des  états 
dî  Jretagne ,  il  entreprit  une  nouvelle  histoire 
d;  ette  province;  mais  la  mort  le  surprit  avant 

,  11  ière  publication  de  ce  travail ,  qui  fut  revu 
e|  mplété  par  dom  Taillandier.  Les  deux  grands 
oi  âges  de  dom  Morice  sont  :  Mémoires  pour 

W4r  de  preuves  à  /'Histoire  ecclésiastique 
d( Jretagne  (de  dom  Lobineau);  Paris,  1742- 

iw>».  3  vol.  in-fol.  ;  Lobineau  n'avait  donné  ces 
p|;s  que  par  extraits  ;  on  y  trouve,  dans  les 
pfices,  des  éclaircissements  curieux  sur  le  droit 
pi  ic,  la  jurisprudence,  les  usages  et  les  moeurs 
d(  Bretons  sous  les  Romains ,  sur  l'origine  des 
hfns  et  des  fiefs,  sur  les  états  généraux  d,e 
Bj/agne,  etc.;  -r-  Histoire  ecclésiastique  et 

S'ede  Bretagne  ;  Paris ,  1750-1756,2  vol, 
1.  On  regarde  cet  ouvrage  comme  supé- 
Tiji'  à  celui  de  dom  Lobineau,  autant  par  les  ad- 
idios  et  les  éclaircissements  qu'il  renferme  que 
Pf  e  ton  du  style  et  l'exactitude  des  détails.  On 
aune  une  nouvelle  édition  de  ces  deux  ouvrages 
^is(Guingamp,  1836-1837,  20  vol,  in-8°,  fig.); 
mi  elle  laisse  heaucoup  à  désirer.        P.  L. 

iTassin,  Hist.  littér.  de  la  Congrég.  de  Saint-Mavr. 
—lorcec  de  Kerdanet,  Écrivains  dé  la  Bretagne,  -m 
M(ri,  Grand  Dict.  hist.  (édit.  1759). 

Idrice  (  Emile  ),  littérateur  français ,  né 
H» '97,  à  Rouen,  mort  le  2  novembre  1836.  Fils 
*'«  commerçant,  il  entreprit,  à  l'issue  de  ses 
étiîs,  un  long  voyage  d'agrément  à  travers 
l'^agne,  la  Suisse,  l'Allemagne  et  les  Pays- 
Ba  Appelé  à  Paris  par  suite  des  malheurs  qu'a- 
▼a  éprouvés  sa  famille ,  il  coopéra  à  la  rédac- 
fone  quelques  journaux  littéraires,  entre  au- 

l  Jacques-Etienne  Dovai,  né  en  169S,  à  Rennes, 
*j:  bibliothécaire  de  l'abbaye  de  Saint-Germain-des- 
W'jOù  il  mourut,  le  23  avril  1742.  Outre  la  part  qu'il 
li!î!!a's'0lre  'ras-'  dc  la  mais<>n  de  Rohan,  on  n'a  de 
"J  une  lettre  sur  la  position  de  quelques  anciennes 
™  des  Gaules ,   insérée  dans  Le  Mercure  de  sept. 


5»a 


très  de  L' Aristarque,  feuille  fondée  par  M.  de  La 
Bourdonnaie,  et  devint  depuis  1830  un  des  ré- 
dacteurs ordinaires  de  La  Quotidienne.  Il 
mourut  d'une  maladie  de  poitrine.  On  a  de  lui  : 
Révélations  et  Pamphlets;  Paris,  1834,  in-8°. 
Il  a  édité  avec  M.  Lenglé  V Histoire  du  Jongleur 
(1829),  et  a  rédigé  une  partie  des  Mémoires  de 
Vidocq.  k# 

La  Quotidienne,  nov.  1886. 

morichkau  beauchamp  (  René-Pierre  ), 
médecin  français,  né  vers  1776,  à  Poitiers,  où 
il  est  mort,  le  2  octobre  1832.  Envoyé  en  1797 
à  Paris,  aux  frais  de  son  département,  pour  y 
suivre  les  cours  de  l'École  de  Santé ,  il  servit 
comme  aide  major  dans  le  7e  de  hussards,  et  fît 
la  première  campagne  d'Italie.  Après  avoir  été 
reçu  docteur  à  Montpellier,  il  vint  s'établir  à 
Poitiers  (1801),  et  enseigna  la  pathologie  chi- 
rurgicale à  l'école  secondaire  (1807),  dont  il  de- 
vint directeur  en  1821.  Il  était  membre  de  plu- 
sieurs sociétés  savantes.  On  a  de  lui  :  De  la 
Nuit  et  de  son  influence  sur  les  maladies  ;  Paris, 
1808,  in-8°,  mémoire  couronné  en  1806  par  la 
Société  de  Médecine  de  Bruxelles.  K. 

Henrion,  annuaire  nécrologique,  II. 

morier  (James  ),  romancier  anglais,  né  en 
1780,  mort  en  1849,  à  Brighton.  Neveu  de  l'a- 
miral William  Waldegrave,  baron  Radstock ,  il 
entra  de  bonne  heure  dans  la  carrière  diploma- 
tique. D'abord  secrétaire  particulier  de  lord  El- 
gin ,  ambassadeur  à  Constantinople ,  il  suivit  le 
grand-vizir  dans  la  campagne  d'Egypte  et  avait 
ordre  de  déterminer  avec  lui  l'évacuation  de  ce 
pays  par  l'armée  française.  Il  fut  fait  prison- 
nier, et,  bien  qu'on  eût  découvert  le  secret  de 
sa  mission ,  on  le  rendit  bientôt  après  à  la  li- 
berté, non  sans  le  menacer  de  le  traiter  comme 
un  espion  s'il  reparaissait  en  Egypte.  Envoyé 
en  Perse  en  quatité  de  secrétaire  d'ambassade, 
il  y  fit  un  assez  long  séjour,  et  mit  ses  loisirs  à 
profit  pour  étudier  de  près  les  mœurs  du  pays. 
On  a  de  lui  :  Journey  through  Persia ,  Ar- 
menia  and  Asia  minor  to  Constantinople,  in 
the  years  1808  and  1809  ;  Londres,  1812,  in-4°, 
fig.  ;  trad.  en  français  par  M.  Eyriès  (  Paris', 
1813,  3  vol  in-8°  et  atlas);  —A second  Jour- 
ney through  Persia,  etc.,  between  the  years 
1810  and  1816,  with  a  Journal  of  the  voyage 
by  the  Brazils  and  Bombay  to  the  Persian 
gulf;  Londres,  1818,  in-4»,  fig.  ;  trad.  en  fran- 
çais (Paris,  1818,  2  vol.  in-8°);  —  The  Ad- 
ventures  of  Hajji-Baba  o/Jspahan;  Londres, 
1824-1828,  5  vol.  La  première  partie  a  été  tra- 
duite en  français  par  Defauconpret  (  Paris,  1824, 
4  vol.  in-12);  ce  roman  obtint  un  grand  succès 
en  Angleterre ,  succès  qu'il  méritait  par  la  va- 
riété des  tableaux ,  par  l'exactitude  des  carac- 
tères et  par  le  charme  des  descriptions;  — 
Zohrab  the  hostage;  Londres,  1832,  3  vol., 
trad.  par  M.  Philarète  Chasles  (Paris,  1833, 
2  vol.  in-8°  ) ,  roman  historique  rempli  de  pas- 
sion et  d'intérêt  ;  —  Ayesha  the  maid  of  Kars; 

19. 


583  M0R1ER  — 

Londres,  1834,  3  vol.,  trad.  par  Defauconpret 
(Paris,  1834,  2  vol.  in-8°),  roman  d'imagina- 
tion, inférieur  aux  précédents;  —  Abel  Allnutt, 
a  novel;  Londres,  1837,  3  vol.;  —  Mirza,  a 
novel;  Londres,  1841,  3  vol.  ;  —  The  Boni- 
shed,  a  swabian  historicnl  taie;  Londres, 
1848,  3  vol.,  trad.  de  l'allemand  ;  ces  dernières 
productions  sont  d'une  extrême  faiblesse.. 

Son  frère,  David- Robert  Morier,  s'était 
aussi  consacré  à  la  diplomatie;  en  1849  il  fut 
rappelé  de  Suisse,  où  il  était  accrédité  comme 
ministre  plénipotentiaire.  K. 

Conversations- Lexïkon.  -  Chambers,  Cyclop.  of  En- 
glish  lileruture. 

morigia  (  Bonincontro  ),  chroniqueur  ita- 
lien, né  à  Monza,  était  en  1329  un  des  douze 
conseillers  municipaux  de  cette  ville,  et  en  1343 
il  lut  chargé  d'une  mission  auprès  de  l'archevê- 
que de  Milan.  Il  a  laissé  un  Chronicon  Modoe- 
tinse,  ubi  potissimum  agitur  de  gestis  prio- 
rum  Vicecomitum,  et  qui  s'étend  jusqu'à  l'année 
1349.  Cet  ouvrage  a  été  inséré  dans  la  grande 
collection  de  Muratori  :  Scriptores  Rerumltali- 
carum,  t.  XII,  p.  1053.  G.  B. 

Tiraboschi,  Storia  délia  Letter.  liai. 
morigia  (  Jacques-Antoine  de  ),  fondateur 
d'ordre  religieux,  né  en  novembre  1497,  à  Mi- 
lan, où  il  mourut,  le  14  avril  1546.  Jusqu'à  l'âge 
de  vingt-cinq  ans  il  s'adonna  à  tous  les  plaisirs 
du  monde;  mais  à  cette  époque  de  sa  vie  il  fut 
touché  de  la  grâce,  et  tout  aussitôt  s'enrôla  dans 
une  confrérie  de  pénitents  établie  à  Milan  sous  le 
nom  de  Confrérie  de  l'Éternelle  Sagesse.  Admis 
dans  les  ordres  mineurs,  il  refusa  la  riche  ab- 
baye de  Saint-Victor,  et  exerça  son  ministère  de 
charité   pendant  la  peste  qui,  en   1525,  désola 
Milan.  Quelques  années  après,  il  se  joignit  à  An- 
toine-Marie Zacharie  de  Crémone  et  à  Barthé- 
lerni  Ferrari  de  Milan ,  gentilshommes  comme 
lui,  et  tous  trois  fondèrent  la  congrégation  des 
Clercs  réguliers  de  Saint-Paul,  ainsi  appelée  du 
nom  de  leur  première  chapelle  à  Milan,  et  qui 
plus  tard  prit  celui  de  Barnabites,  à  cause  de 
l'église  de  Saint-Barnabe.  Par  un  bref  du  18  fé- 
vrier 1533,  Clément  VII  approuva  cet  institut, 
dont  Morigia,  après  avoir  reçu  la  prêtrise,  fut 
nommé  le  premier  prévôt,  le  15  avril  1536.  Ces 
clercs  réguliers,  établis  pour  les  missions  et  au- 
tres fonctions  sacerdotales,  ne  vivaient  d'abord 
que  d'aumônes  et,  suivant  leurs  premières  cons- 
titutions, ne  devaient  posséder  aucun  revenu; 
mais  tout  cela  a  changé  depuis.  Morigia  entre- 
prit des  missions  à  Vicence  ,  à  Vérone  et  dans 
quelques  autres  villes  de  l'Italie.  Il  se  démit  en 
novembre  1542,  après  avoir  sagement  gouverné 
sa  congrégation  ;  mais  ses  confrères  le  réélurent 
le  30  juin  1545,  et  ce  fut  le  21  octobre  suivant 
qu'il  prit  possession  de  Yéglise  de  Saint-Bar- 
nabe. De  nos  jours  l'institut  des  Barnabites  a 
-son   supérieur  général   à    Borne,  est  répandu 
dans  presque  tous  les  pays  catholiques,  et  pos- 
sède une  maison  à  Paris.  H.  F— t. 


MORIGIA 

Innocente  Oubio,  Vita  dei  venerabili  padri  Jlt 
Ferrari  e  Ciac.  A.  Morigia;  Mllano,  1858,  In-iî. 
Secchi,  De  Cleric.  reg.  S.  Pauli  Synopsis. 

morigia  (Paul),  savant  historien  italii 
de  la  même  famille  que   les  précédents,  m 
Milan,  le  1er  janvier  1525,  mort  en  1604.  En 
chez  les  Jésnates  de  Saint-Jérôme  à  l'âge  de  d 
sept  ans ,  il  fut  quatre  fois  général  de  son  ord 
dont  il  fit  réformer  les  statuts.  On  a  de  h  i. 
Istoria  et  Origine  délia  famosa  Fontana  de 
Madonna  dï  Caravaggio;  Milan,  1545,  in-' 
Brescia,  1618,  in-4°;  —  Istoria  delV  Orig, 
di  tutte  le  Religioni;  Venise,  1569,  1581 
1586,   in-8°;  —   Paradiso  de'    Gesuati, 
quale  si  racconta   l'origine  dell'  ordine 
Gesuati   de1   di  S.  Girolamo  e  le  vite 
B.  Giovanni  Colombini,  fondatore  di  esso 
dine,  e  d'alcuni  de'  suoi  discepoli;  Veni 
1582,  in-4°  ;  —  Istoria  delV  Antichità  di 
lano;  Venise,  1592,  in-4°;  cet  ouvrage,  coir- 
la  plupart  de  ceux  de  Morigia,  manque  de  i 
tique;  —  Vita  dell'  infante  Elisabetta  d'A 
tria,  regina  di  Francia;  Bergame,  1594,jn- 
—  Il  Duomo  diMïlano  descritto;  Milan,  1 
et  1642,  in-8°;  —  La  Nobittà  de  i  signori 
del  consiglio  di  Milano  ;  Milan,  1595,  m- 
et  1619,  in-8°;  —  Faccolte  di  tutte  le  op> 
di  carità  christiana  che  si  fanno  in  Mila 
ospedali,  case  pie,  scuole,  letture,  etc.; 
lan,  1599  et  1601,  in-8°  ;  —  Istoria  de '  f 
sonnaggi  illustri  che  furono   rellgiosi 
suati;  Bergame,   1599,  in-4°;  —  Somme 
délie  cose  mirabili  délia  città  di  Mila 
Milan,  1602  et  1609;  —  Istoria  de'  pers 
nagi  illustri  religiosi;  Bergame,  1603,  in- 
_  Istoria  délia  nobiltà  del  Lago  Maggk 
nella  quale  si  descrive  il  fiume  licino, 
la  descrizione  di  tutte  le  terre  e  borghi 
giacciono  nelle  sue  rivière,  con  gli  uort 
degni  di  Iode  che  sono  usciti  da  quel  l 
ghi;  Milan,   1603,  in-8°  ;   —  quelques  aua 
écrits  historiques  et  ascétiques;  —  un  rec 
de  Lettres  écrites  par  Morigia  au  cardinal  : 
déric  Borromée  se  trouve  en  manuscrit  à  la 
bliothèque  Ambrosienne  à  Milan.  O. 

César  Morigia  ,  Vita  di  l'.  Morigia  (Milan,  1594,  ir 
—  Ghilini,  Teatro.  —  Picinelli,  Athenxnm  Med< 
nense.  —  Argelati ,  Scriptores  Mediolanenses. 

morigia  (  Jxicques- Antoine  ),  cardinal 
lien,  né  à  Milan,  le  23  février  1632,  moi 
Pavie,  le  8  octobre  1708.  Entré  chez  les  Ba 
bites  à  l'âge  de  dix-sept  ans ,  il  professa  la 
losophie  à  Macerata  et  à  Milan,  et  se  fit  entei  r 
avec  succès   dans  les  chaires  des  princip  s 
églises  d'Italie.  Cosme  111  de  Médicis,  grand'  o 
de  Toscane,  le  choisit  pour  théologien  et  le  d(  [a 
pour  précepteur  à  Ferdinand,  son  fils  aîné  je 
crédit  d.i  ce  prince  lui  fit  obtenir  en  1681  - 
vêché  de  San-Miniato,   d'où   il  fut  transfér  le 
11  janvier  1683,  à  l'archevêché  de  Florence  i- 
nocent  XII  le  fit  cardinal  in  petto  dans  la  ;  h 
motion  du  12  décembre   1695,  mais  ne  le  I 
blia  que  dans  le  consistoire  du  15  décer  ;e 


*5 


MORIGIA.  -  MORILLON 


S86 


98,  déclarant  en  même  temps  que  Murigia 

rait  le  pas  sur  tous  les  cardinaux  créés  en 

96,  parce  qu'il  l'avait  réservé  avec  cette  in- 

îtion.  Archiprêtre  de  la  basilique  Libérienne, 

lut  lui  qui  fut  chargé,  au  jubilé  de  1700,  d'ou- 

ir  la  porte  sainte.  Démissionnaire  de  l'arche- 

,que  de  Florence  en  1699,  il  refusa  cette  même 

née  l'archevêché  de  Milan  après  la  mort  de 

jédéric  Caccia,  devint  titulaire  de  deux  ab- 

lyes  et  enfin,  en  1701,  évêque  de  Pavie.  On  a 

Liai  :  Orazione  Junebre  nelle  esequie  di 

\lippo    Visconte,    vescovo    di   Catanzano; 

34,  in-4°;  — Pietôsi  tribu ti  resi  alla  grand' 

j  ima  di  Filippo  IV ;  Milano,  1666,  in-4°  ;  — 

I  Iquila  volante,  orazione  funèbre,  perla 

[  ssa  occazione  ;   Milano  ,  1666,  in-4°  ;    — 

{(1ère  paslorali   al    popolo   di   Firenze, 

fol.  H.  F— t. 

l-ghelll,-  Italia  Sacra.  —  Rerum  Italicarum  Scrip- 
hèt,  tome  IX.  —  Ph.  Argellati,  Bibliotheca  Scriptorum 
\4tiolanensium ,  tome   II.   —  Dict.  des  Cardinaux. 

[morillo  (Don  Pablo),  général  espagnol, 
{en  1777,  à  Fuentes  de  Malsa,  province  de 
lo,  mort  à  Rochefort,  le  27  juillet  1838.  Après 
I  ir  été,  dit-on,  pâtre  dans  sa  jeunesse,  il  s'en- 
Lea  dans  la  marine  de  l'État;  à  Trafalgar,  il 
L  t  sergent  d'artillerie,  et  sauva  du  milieu  des 
s  son  pavillon,  qu'un  boulet  venait  d'empor- 
Il  passa  dans  l'armée  de  terre  lors  de  la 
>rre  de  l'indépendance,  et  commanda  dans  la 
Ircie  un  corps  de  guérillas  ;  la  prise  de  Vigo 
valut  en  1809  la  confirmation  du  grade  de 
pnel,  qu'il  s'était  adjugé  lui-même.  En  1815 
;çut  le  commandement  d'une  armée  de  dix 
e  hommes,  chargée  de  soumettre  les  colonies 
l'Amérique  du  Sud  ;  il  devait  acquérir  dans 
fte  guerre  une  réputation  brillante ,  malheu- 
isement  ternie  par  des  actes  de  cruauté.  Après 
iir  perdu  quinze  cents  hommes  dans  l'île  de  La 
rguerite,  il  débarqua  à  Corrolitos  dans  le  Ve- 
uela  et  marcha  sur  la  ville  de  Carthagène  ;  la 
Irnison,  qui  n'avait  que  quarante-deux  jours  de 
res,  résista  pendant  trois  mois  ;  cinq  mille  Vé- 
«uéliens  étaient  morts  de  faim  lorsqu'on  ouvrit 
portes  à  Morillo.  11  entra  ensuite  dans  la 
Mvelle-Grenade,  et  s'empara  de  Santa-Fé  de 
5ota;  les  massacres  ordonnés  dans  cette  ville 
levèrent  tout  le  pays  ;  les  indépendants,  bat- 
à  Pueute  (février  1816),  malgré  les  efforts 
rismendi,  forent  vainqueurs  à  Ocanno.  Boli- 
',  de  son  côté,  battit  une  flottille  espagnole , 
inapara  deLa  Marguerite  et  força  les  royalistes 
^vacuer  Santa-Fé  ;  mais  il  fut  vaincu  à  Cachiri, 
tMorillo  entra  de  nouveau  dans  la  capitale  de 
jWouvelle-Grenade.  Bolivar  put  cependant  éta- 
jr  un  gouvernement  provisoire  à  Barcelonne. 
1  mai  1817,  une  affaire  décisive  eut  lieu  sur 
h  bords  de  l'Orénoqne  entre  les  troupes  de 
irillo  et  celles  d'Arismendi;  les  indépendants 
^portèrent  une  complète  victoire.  Cependant 
ji'illo,  que  l'on  croyait  abattu,  débarque  tout  à 
fip  dans  l'Ile  de  La  Marguerite;  il  prend  d'as- 


saut Porlamar,  passa  au  fil  de  l'épée  tous  ceux 
qui  s'étaient  défendus;  puis,  désespérant  de 
vaincre,  malgré  la  victoire  remportée  par  sa 
flotte  sur  l'amiral  Brion,  il  repasse  sur  le  conti- 
nent, et  bat  Marino  près  de  la  rivière  de  Cariaca. 
Dans  la  campagne  suivante  (1818),  il  fut  griève- 
ment blessé  à  la  bataille  de  Coro;  enfin,  déses- 
pérant de  terminer  cette  guerre,  il  demanda  son 
rappel  en  Espagne;  Ferdinand  VII  le  nomma  à 
son  retour  comte  de  Carthagène,  puis  marquis  de 
Fuentes.  Lors  de  la  révolution  de  1820,  Morillo 
prit  d'abord  parti  pour  la  royauté  absolue ,  fut 
chargé  du  commandement  de  Madrid,  et  dissipa 
(août  1821)  les  bandes  d'insurgés  qui  s'étaient 
formées  à  la  Granja.  Mais  comme  il  cherchait 
avant  tout  à  pousser  sa  fortune,  il  passa  aux 
constitutionnels,  qu'il  jugeait  les  plus  forts; 
malgré  le  peu  de  confiance  qu'il  leur  inspirait,  il 
obtint  de  leurs  chefs  le  commandement  du  qua- 
trième corps  de  l'armée  destinée  à  repousser 
l'agression  française;  il  résista  faiblement,  et 
quand  les  cortès  eurent  prononcé  la  déchéance 
de  Ferdinand  VII,  il  refusa  de  reconnaître  cet 
acte  et  signa  un  armistice  avec  le  général  fran- 
çais Bourcke.  Il  espérait  ainsi  rentrer  dans  les 
bonnes  grâces  de  Ferdinand  VII  ;  mais  lorsque 
ce  prince  eut  été  rétabli  dans  son  autorité ,  Mo- 
rillo fut  forcé  de  s'exiler,  et  vint  mourir  obscuré- 
ment en  France.  Il  était  plutôt  un  excellent  chef 
de  partisans  qu'un  général  d'armée;  la  guerre 
d'Amérique  était  faite  pour  son  génie  :  on  admire 
avec  quelle  habileté  il  sut  se  maintenir  pendant 
cinq  années  au  cœur  d'un  pays  ennemi,  à  la  tête 
d'un  petit  nombre  d'hommes ,  séparé  de  l'Es- 
pagne par  de  vastes  mers  et  ne  recevant  que  de 
rares  secours;  mais  les  représailles  qu'il  or- 
donna ou  qu'il  permit  entachèrent  sa  gloire  et 
furent  plus  nuisibles  qu'utiles  à  la  cause  qu'il 
défendait.  Il  a  laissé  des  Mémoires  relatifs  aux 
principaux  événements  de  ses  campagnes  en 
Amérique,  traduits  en  français  par  M.  Ernest 
de  Blosseville  (Paris,  1826,  in-s°).        A.  H— t. 

Galerie  espagnole  (Paris,  in-8»,  1853).—  Pablo  Morillo, 
dans  les  Médailles  biographiques  (Paris,  1823).—  AT-' 
nauit,  Jay,  etc.,  Biographie  des  Contemp.  (1823). 

morillon  (Jules-Gatien  de),  poète  fran- 
çais, né  à  Tours,  en  1631,  mort  dans  l'abbaye 
de  Saint-Mélaine  de  Rennes,  le  14  janvier  1694. 
Il  était  entré  dans  la  congrégation  des  Bénédic- 
tins de  Saint-Maur,  et  pendant  un  quart  de 
siècle  il  y  remplit  des  fonctions  administratives 
importantes.  Il  était  doué  d'une  grande  facilité 
pour  la  poésie  ;  mais  il  est  juste  d'observer  que 
ses  vers  ne  sont  guère  que  de  la  prose  rimée. 
Il  publia  des  paraphrases  sur  le  Livre  de  Job 
(Paris,  1668),  sur  le  Livre  de  l'Bcclésiaste 
(Paris,  1670),  sur  le  Livre  de  Tobie ( Orléans, 
1674  );  le  texte  biblique  y  est  délayé  d'une  façon 
assez  prolixe.  Un  autre  ouvrage  de  ce  reli- 
gieux a  la  bonne  fortune  d'être  recherché  des 
bibliophiles;  il  a  pour  titre  Joseph,  ou  Vesclave 
fidèle.  On  en  connaît  trois  éditions;  deux,  sous 


587  MORILLON 

îa  rubrique  de  Turin,  1679,  ont  été  imprimées 
■à  Tours;  la  troisième  est  datée  de  Breda,  1705. 
Ce  livre  est  devenu  fort  rare,  parce  (que  les  ctm- 
frères  de  l'auteur  en  supprimèrent,  dhVon,  au- 
tant qu'il  dépendit  d'eux,  tous  lesexemplaires ; 
ils  furent  choqués  du  tableau  de  la  passion  d'O- 
sirie,  femme  de  Putiphar;  mais  toutefois,  même 
dans  la  scène  si  connue  et  délicate  entre  l'ardente 
Égyptienne  et  le  fidèle  esclave,  il  n'y  a  rien  dont 
la  morale  la  plus  susceptible  puisse  se  regarder 
comme  offensée.  Il  est  donc  vraisemblable  que 
si  la  docte  congrégation  s'attachait  vraiment  à 
faire  disparaître  le  poëme  de  Joseph,  c'est 
qu'elle  reconnut  que  sa  renommée-  littéraire 
était  compromise  par  l'apparition  d'un  ouvrage 
aussi  faible,  aussi  défectueux  à  lous  égards  ;  il 
serait  resté  dans  l'oubli  le  plus  complet,  si  les 
efforts  tentés  pour  l'anéantir  n'avaient  eu  pré- 
cisément le  résultat  de  lui  donner  une  certaine 
renommée  bibliographique  et  de  le  doter  aux 
yeux  des  amateurs  d'un  prix  qu'il  ne  pouvait 
devoir  qu'à  un  motif  accidentel  tout  à  fait  indé- 
pendant de  son  mérite.  G.  Brunet. 

Dom  Tassin ,  Histoire  littéraire  de  la  Congrégation 
de  Saint-Maur,  p.  150.  —  Du  Roure,  Analecta  Biblio., 
t.  II,  p.  328.  —  Bulletin  du  Bibliophile,  1845,  p.  17  et  77. 
<"-  Violet-Leduc,  Bibliothèque  Poétique,  I.  \,  p.  556." 

morin  (Martin),  imprimeur  français,  né  à 
Rouen,  vers  1430;  la  date  de  sa  mort  est  in- 
connue. Ce  fut  lui  qui,  vers  la  fin  du  quinzième 
siècle,  introduisit  à  Rouen  l'art  typographique; 
le  premier  ouvrage  qui  porte  son  nom  est  daté 
de  1484.  Morin  est  qualifié  d'homme  loyal  et  in- 
ventif dans  une  délibération  des  notables  de  la 
ville  de  Rouen  (1494).  Les  volumes  sortis  de 
ses  presses  sohïd'une  exécution  soignée  et  d'une 
correction  remarquable;  ils  se  rapportent  pres- 
que tous  à  la  théologie;  le  Missel  de  1499,  à 
l'usage  de  l'église  de  'Rouen ,  doit  être  regardé 
comme  son  chef-d'œuvre.  G.  B. 

Ed.  Frère,  De  V Imprimerie  et  de  la  Librairie  à  Rouen, 
dans  les  quinzième  et  seizième  siècles  ;  Rouen,  1843,  in-8°. 

morin  (Guy  de),  littérateur  français,  né 
dans  le  Maine ,  tué  devant  la  ville  de  Turin ,  en 
1336.  Fils  de  Jean  Morin,  nommé  chevalier  à  la 
sanglante  bataille  de  Saint-Aubin- du-Cormier,  il 
entra  dans  un  cloître,  et  François  Lagon,  son 
biographe,  nous  le  représente  faisant,  jusqu'à 
dix-huit  ans,  de  rapides  progrès  dans  l'élude  des 
lettres  sacrées.  Mais  son  frère  aîné,  Jean,  étant 
mort  sous  les  murs  de  Beyruth,  en  combattant 
Ferrhat-Bassa,  Guy  déserta  le  cloître  et  revêtit 
l'uniforme  du  soldat.  Il  fit  ses  premières  armes 
sous  Jacques  Daillon,  baron  du  Lude,  pendant 
les  années  1522  et  1523;  il  prit  ensuite  part  à 
la  défense  de  Fohtarabie,  menacée  par  les  Espa- 
gnols. Après  avoir  été  délivré  par  La  Palice,  il 
partit  avec  le  comte  de  Saint-Pol  au  secours  de 
Lautrec,  qui  était  sous  les  murs  de  Naples  à  la 
tête  d'une  armée  décimée  par  la  peste.  Mais 
n'ayant  pu  joindre  Lautrec,  Saint-Pol  repassa 
les  Alpes,  et  Guy  de  Morin  se  retira  dans  sa 
terre  de  Loudon,  où  il  reprit  avec  ardeur  ses 


—  MORIN 

études  littéraires.  Cependant  il  les  interroi 
de  nouveau  quelques  années  après,  en  li 
pour  aller  guerroyer  en  Savoie.  Il  fut  tué  c 
une  escarmouche  aux  portes  de  Turin.  On; 
lui  une  traduction  d'un  traité  d'Érasme,  qi 
été  publiée  plusieurs  fois,  suivant  La  Croix 
Maine  et  Du  Verdier  ;  son  ami  François  Sa 
en  a  donné  une  édition  sous  ce  titre  :  Prépi 
tif  à  la  mort,  livre  très-utile  et  nécessair 
chascun  chrétien;  Paris,  1537,  in-16.     B. 

Franc.  Sagon ,  Discours  de  la  vie  et  mort  de  Guy 
rin,  en  tête  du  Préparatif  à  la  mort.—  La  Cror 
Maine  et  Du  Verdier,  Biblioth.  Franc.  —  B.  Haur 
Hist,  Lilt.  du  Maine,  t.  Il,  p.  345. 

morin  (Pierre),  érudit français,  né  à P, 
en  décembre  1531,  mort  à  Rome,  en  1608 
fit  de  bonnes  études,  et  se  rendit  habile  c 
les  langues ,  les  belles-lettres  et  l'antiquité 
clésiastique.  Il  passa  en  Italie,  et  s'arrêt 
Venise,  où  Paulo  Manuce  l'attacha  à  son  ira 
merie.  Il  professa  ensuite  le  grec  et  la  cost 
graphie  à  Vicence  et  à  Ferrare,  Recomma 
par  saint  Charles  Borromée,  il  parfit  pour  Ru 
(1575),  où  les  papes  Grégoire  XIII  et  Sixt 
l'employèrent  aux  éditions  des  Septante;  1SI 
—  de  la  Vulgate;  1590,  in- fol.  ;  —  de  la  B 
en  latin,  trad.  des  Septante  ;  Rome,  1591 , 3 
in-fol.;  —  des  Décrétâtes  jusqu'à  Grégoire  I 
Rome,  1591,  3  vol.  in-fol.;  —  et  à  la  Col 
tion  des  Conciles  généraux;  Rome,  H 
4  vol.  Il  mourut  avant  d'avoir  terminé  ce  ( 
nier  travail.  Outre  ces  ouvrages,  on  a  de Pii 
Morin  :  Traité  du  bon  Usage  des  Sciences 
blié  par  le  P.  Quétif,  en  1675,  avec  quélq 
autres  écrits  du  même  auteur.  11  a  aussi  ti 
en  latin  les  Discours  de  saint  Basile  sur 
quarante  martyrs,  et  douze  Sermons  cho 
de  saint  Jean-Chrysostome.  Morin  a  laissf 
réputation  d'un  savant  pieux,  modeste  et  ce 
ciencieux.  A.  L. 

Du  Pin,  Bibliothèque  des  Auteurs  ecclésiastiq 
dix-septième  siècle,  part.  I,  p.  34.  -  Richard  et  Gir. 
Bibliothèque  Sacrée. 

MORIN  (Guillaume), historien  français,  i 
Boiscommun  (  Gàtinais),  mort  à  Ferrières  (  G 
nais),  dans  les  premiers  mois  de  1630.  Entré  d 
l'ordre  de  Saint-Benoît,  il  devint  grand-prieui 
l'abbaye  royale  de  Ferrières  (  diocèse  de  Sei 
On  a  de  lui  :  Discours  des  Miracles  faits 
la  chapelle  de  Notre-Dame  de  Bethléhem, 
l'abbaye  de  Ferrière  en  Gastinois,  avec 
antiquitez  de  cette  abbaye;  Paris,  1605,  in- 
1647,  in-4°;  —  Histoire  de  l'Abbaye  de  F 
rières;  Paris,  1613,  in-12;  un  abrégé 
cette  histoire  se  trouve  dans  l'ouvrage  sniv 
(livre  VI,  pages  737  à  784);  —  Histoire  gé 
raie  des  pays  de  Gastinois,  Senonois  et  l 
repois,  contenant  la  description  des  antiq 
te-,  des  villes,  bourgs,  chasteaux,  abbay 
églises  et  maisons  nobles  desdits  pays,  a 
les  généalogies  des  seigneurs  et  familles 
en  despendent;  Paris,  1630,  in-4°.  Dom  Mo 
mourut  lorsque  l'on  commençait  l'impression 


MORIN 


.VJO 


•t  ouvrage,  que  surveillèrent  les  religieux  de 
errières.  Cette  histoire,  la  seule  que  l'on  ait 
ubliée  jusqu'à  ce  jour  sur  cette  partie  de  la 
rance,  est  estimée  et  peut  être  consultée  avec 
uit  pour  l'histoire  ecclésiastique.  H.  F. 

[  Biblioth.  historique  de  la  France.  —  Recherches  par  - 
Y  culières.  —  Debure ,  Bibliographie  instructive. 

I  MORIN  (Jean-Baptiste) ,  astrologue  fran- 
lis ,  né  le  23  février  1583/à  Villefranche  (Beau- 
I  lais  ),  mort  le  6  novembre  1656,  à  Paris.  Après 
j  oir  abandonné  ses  études,  on  ne  sait  pour 
îelle  cause,  il  en  reprit  le  cours  sur  les  con- 
\  ils  du  président  Du  Vair,  et  s'appliqua,  en  1609, 
la  philosophie.  Deux  ans  plus  tard  il  se  rendit 
Aix  à  Avignon,  et  y  fut  reçu  docteur  en  mé- 
:-  »cine  (1613).  Désireux  de  s'instruire,  il  vint 
issitôt  à  Paris,  et  entra  chez  Claude  Dormi , 
|  êque  de  Boulogne,  qui  l'envoya  en  Allemagne 
1  en  Hongrie  pour  faire  des  recherches  sur  les 
'  étaux.  A  son  retour  il  s'appliqua  entièrement  à 
*  istrologie  judiciaire;, à  peine  en  connaissait-il 
>  s  éléments,  qu'il  prédit  à  ce  même  prélat  qu'il 
|  lit  menacé  de  mort  ou  de  prison.  L'événement 
i  )nna  raison  à  Morin ,  qui  en  tira  grande  vanité. 
!  i  1621,  il  se.mit  au  service  du  duc  de  Luxem- 
[urg,  puis,  quittant  ce  seigneur,  dont  il  pré- 
:  idalt  avoir  eu  à  se  plaindre,  il  s'attacha  en  1629 
j  maréchal  d'Effiat.  En  1630  il  succéda  à  Sain- 
lirdans  la  chaire  de  mathématiques  au  Collège 
)yal.  Les  horoscopes  qu'il  ne  cessait  de  tracer 
'  i  donnèrent  accès  chez  les  plus  grands  per- 
I  nnages.  Le  cardinal  de  Richelieu  le  consulta, 
It-on,  quelquefois,  et  le  cardinal   de  Mazarin 
!  i  accorda  en  1645  une  pension  de  2,000  livres, 
ni  lui  fut  exactement  payée.  On  prétend  que 
'   plupart  de  ses  prédictions  se  rencontrèrent 
fstes,  entre  autres  celles  <qu'il  fit  de  la  mort 
if!  Gustave-Adolphe,  de  Richelieu  et  de  Cinq- 
Jars;  en  d'autres  circonstances  il  commit  d'é- 
anges  bévues,   dont  ses  adversaires  ont  fait 
pinte  moquerie.  Morinpeut  être  regardé  comme 
I  dernier  des  astrologues.  Il  ne  manquait  pas 
I  instruction  et  de  sagacité ,  et  il  aurait  rendu  à 
science  de  véritables  services  s'il  ne  se  fût 
|  abli  comme  le  champion  déclaré  de  Tastrologie  ; 
n  aveuglement  l'empêcha  de  rendre   justice 
ix  découvertes  de  Kopernic,  et  il  soutint,  avec 
fie  sorte  de  rage,  contre  Gassendi  et  Bernier, 
mmobilité  de  la  terre.  La   tentative  qu'il  fit 
four  déterminer  les  longitudes  lui  attira  une 
ve  querelle,  où  ses  adversaires  montrèrent 
Hitant  d'injustice  que  d'animosité.  Sa  méthode 
i  >nsistait  à  observer  en  même  temps,  ou  dans 
p  moments  très- rapprochés,  la  hauteur  de  la 
me,  celle  d'une  étoile  dont  la  position  était 
iffisamment  connue,  ainsi  que  la  distance  de 
me  à  l'autre.  «Au  moyen  de  ces  éléments, 
t  Montucla,  il  montrait  comment,  à  une  heure 
îelconque  en  mer,  on  pouvait  déterminer  la 
Inclinaison  et  l'ascension  droite  delà  Lune,  con- 
quemment  sa  latitude  et  longitude  et  son  lieu 
iHis  le  ciel.  Il  fallait  calculer  ensuite,  d'après 


j  les  meilleures  tables,  celles  de  Kepler  par 
exemple,  l'heure  à  laquelle  la  Lune  avait  cette 
même  position  dans  le  ciel,  pour  le  lieu  auquel 

|  ces  tables  étaient  destinées  et  dont  la  longitude 
était  connue.  La  différence  des  temps  convertie 
en  degrés  devait  donner  la  longitude  du  vaisseau 
pour  le  moment  de  l'observation.  »  Présentée 
en  1634  à  Richelieu,  cette  méthode,  quoique 
incomplète,  fut  trop  favorablement  accueillie 
par  les  commissaires  qu'il  avait  nommés;  mais 
ceux  ci ,  dans  un  nouvel  arrêté ,  changèrent  su- 
bitement d'opinion  et  traitèrent  Morin  avec  une 
regrettable  dureté.  Grandjean  de  Fouchy  est  le 
premier  qui  ait  cherché  à  réhabiliter  la  mémoire 
de  Morin.  «  Il  avait  donné,  dit-il ,  dans  les  rê- 
veries de  l'astrologie  judiciaire ,  ce  qui  a  sûre- 
ment mis  quelque  obstacle  à  sa  réputation  ;  mais 
il  s'en  fallait  de  beaucoup  que,  comme  astro- 
nome, il  fût  sans  mérite.  Il  possédait  tout  ce 
qui  faisait  alors  la  plus  grande  partie  du  mérite 
d'un  astronome.  Il  aie  premier  complété  et  dé- 
montré ce  qui  avait  été  dit  avant  lui  sur  la 
science  des  longitudes ,  et  par  là  jeté  pour  ainsi 
dire  le  fondement  de  tout  ce  qui  a  depuis  été 
fait  sur  cette  matière  ;  et  malgré  les  torts  très- 
graves  qu'eurent  à  son  égard  plusieurs  des 
commissaires ,  ils  eurent  raison  de  décider  qu'il 
n'avait  pas  complètement  résolu  le  problème; 
ce  qui  n'empêche  pas  sa  Science  des  Longitudes 
d'être  un  très-bon  livre.  N'eût-il  donné  que  cet 
ouvrage  et  les  inventions  dont  nous  venons  de 
parler,  il  aurait  toujours  mérité  d'être  mis  au 
nombre  de  ceux  qui  par  leurs  travaux  ont  con- 
tribué à  l'avancement  des  sciences.  ■» 

On  a  de  Morin  :  Nova  Mundi  sublunaris 
Anatomia;  Paris,  1619,  in-8°  ;  il  prétend 
prouver  que  les  entrailles  de  la  Terre  sont  divi- 
sées en  trois  régions,  de  même  que  l'air  ;  —  As- 
tronomicarnm  domorum  Gabala  détecta; 
Paris,  1623  ;  —  Famosi  problematis  de  Tel- 
luris  Motu  vel  quiète  hactenus  optata  Solu- 
tio;  Paris,  1631,  im4°  ;  cet  écrit,  dirigé  contre 
le  système  de  Kopernik,  suscita  des  réclama- 
tions de  tous  côtés.  Morin  répliqua  par  Res- 
ponsio  pro  Telluris  Motu  (1634),  et  par  Ticho- 
Brahcus  in  Philolaum  pro  Telluris  Quiète 
(  1642  ).  Gassendi  entra  en  lice  à  son  tour,  suivi 
de  près  par  ses  amis:Bernier  et  Laurent  de  Mes- 
mes  (  Michel  de  Nenré);  la  discussion  s'enve- 
nima à  tel  point  qu'aucun  des  disputants  ne 
garda  des  mesures  d'honnêteté.  Poussé  à  bout, 
Morin  écrivit  contre  Gassendi  Ala  Telluris 
fracta  (1643);  De  Atomis  et  Vacuo  (1650); 
Panurgi  Epistola  de  tribus  Impostoribus 
(  1654  ) ,  etc.  ;  —  Trigonometrix  canonicse 
lib.  III  ;  Paris,  1633,  in-4».:  cet  ouvrage  a  été 
aussi  publié  en  français  ;  —  Longitudinum 
t  erres  trhim  et  cœlestium  nova  et  hactenus 
optata  Scientia  ;  Paris,  1634-1639,  9  part. 
in-4°  ;  Morin  fit  des  additions  à  cet  ouvrage,  et 
le 'produisit  en  1640  sous  le  titre  :  Astronomia 
jam  a  fundamentis  intègre  restituta,  com- 


591 


MORIN 


plectens  IX  partes  hactenus  optatx  scien- 
tix  longiludinum  cœlestium.   11  l'avait  com- 
posé pour  gagner  le  prix  de  cent  raille  livres  que 
les  états  de  Hollande  avaient  promis  à  celui  qui 
découvrirait  le  meilleur  moyen  de  déterminer 
les  longitudes  ;  il  en  retira  quelques  fruits,  mal- 
gré l'arrêt  prononcé  contre  lui,  puisqu'il  obtint 
en  1645  une  pension  de  deux   mille  livres  sur 
l'abbaye   de  Royaumont.  Au  P.  du  Liris,  ré- 
collet, qui  se  vantait  d'avoir  un  meilleur  secret 
que  le  sien,  Morin  répondit  avec  sa  vivacité  accou- 
tumée dans  La  Science  des  longitudes  réduite 
en  une  exacte  et  facile  pratique  (Paris,  1647, 
in-4°).  Prenant  à  partie  deux  autres  adversaires, 
Longornontan  et  Frommius,  il  avait  déjà  réfuté 
les  prétentions  de  l'un  à  la  découverte,   dans  Co- 
ronis  Astronomie  jam  a  fundamentis  resti- 
tutse  (  Paris,  1641,  in-4°)  et  les  arguments  de 
l'autre    dans    Defensio    astronomiœ   (Paris, 
1644  ,  in-4°).    Cette  querelle,  que  Morin  pro- 
longea jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  donna  encore  lieu 
à  d'autres   pamphlets  de  sa  part,  entre  autres 
à  celui-ci  :  Lettres  écrites  au  sieur  Morin  ap- 
prouvant son  invention  des  longitudes  (Paris, 
1635,  in-4°  ).   Nous   citerons  encore  du  même 
savant  :  Quod  sit  Deus  ;  cette  démonstration 
prétendue  géométrique  de  l'existence  de    Dieu 
parut  en  1635  et  fut  réimprimée  avec  additions 
sous  un  nouveau  titre  :  De  vera  Cognitione  Dei 
ex  solo  naturx  lumine  per  theoremata  ad- 
versus   atheos   mathematico  more  demons- 
trata;  Paris,  1655,   in-12.  Morin  a  été  accusé 
d'avoir  reproduit  sans  le  citer  le  discours  de  Ri- 
chard de  Saint-Victor   sur  le  même   sujet  ;  — 
Refutatio  compendiosa  erronei  ac  detestandi 
libri  De  Praeadamitis ;  Paris,  1657,  in-12;  — 
Astrologia  gallica;  La  Haye,  1661,  in-fol.  Cet 
ouvrage,  auquel  il  travailla  pendant  trente  ans, 
fut  publié  par  les  soins  de  Louise-Marie  de  Gon- 
zague,  reine  de  Pologne,  qui  fit  les  frais  de  l'im- 
pression. P.  L. 

Pie  de  J.-B.  Morin  (en  latin),  à  la  tête  de  VAstro- 
logia  galliea,  et  en  français;  Paris,  1660.  in-12.  —  Iîayle, 
DÏct.  critique.  —  Niceron,  Mémoires,  III.  —  Grandjean 
de  Fouchy,  Mémoire  dans  le  Recueil  de  VAcad.  des 
Sciences,  1787.  —  Delambre,  Histoire  de  V Astronomie 
moderne,  II,  235-274.  —  Montucla,  distoire  des  Mathé- 
matiques, IV.  -  Lalande,  Bibliogr.  Aslronom. 

morin  (Jean),  théologien  français,  né  à 
Blois,  en  1591,  mort  à  Paris,  le  28  février  1659. 
Ses  parents  appartenaient  au  culte  réformé  ;  mais 
à  Leyde,  où  il  avait  été  envoyé  pour  étudier  la 
philosophie  et  la  théologie,  le  spectacle,  peu  édi- 
fiant, des  discussions  violentes  des  calvinistes  et 
des  arminiens  le  détacha  du  protestantisme.  Il 
se  rendit  à  Paris  dans  ces  sentiments,  acheva  de 
se  laisser  convaincre  par  le  cardinal  Du  Perron , 
et,  après  avoir  abjuré,  il  entra  dans  la  maison 
de  ce  prélat.  Quelque  temps  après,  il  s'attacha 
à  Zamet,  évêque  de  Langres.  Le  désir  de  se  li- 
vrer en  paix  à  l'étude  le  porta,  en  1618,  à  entrer 
dans  la  congrégation  de  l'Oratoire,  fondée  depuis 
peu.  Envoyé  ensuite  à  Angers  comme  supérieur 


du  collège,  il  se  rendit  très-utile  à  Charles 
ron,  évêque  de  cette  ville,   qu'il  aida  dans 
composilion  de  plusieurs  écrits  relatifs  au  pro 
que  ce  prélat  soutenait  contre  le  chapitre  de 
cathédrale.  En  1625,  il  fut  un  des  douze  prêt 
de  l'Oratoire  qui  suivirent  la  reine  Henriette 
Angleterre  ;  il  revint  bientôt  en  France  avec 
autres  collègues,  dont  l'imprudence  avait  rei 
la  position  fort  difficile  au  milieu  d'un  peu 
protestant.  En  1640,  il  fut  appelé  à  Rome 
Urbain  VIII,  qui  s'occupait  alors  du  projet 
réunir  l'Église  grecque  avec  l'Église  latine.  Di 
la  discussion  qui  eut  lieu  sur  la  valeur  de  l'or 
nation   dans  l'Église  orientale,   il  déploya 
connaissances  étendues.  Les  membres  de  la  ci 
grégation  étaient  disposés  à  condamner  cette 
dination ,  dans  laquelle  ils  ne  trouvaient  pas 
cérémonies  regardées commeindispensables  di 
l'Église  d'occident;  Morin  leur  prouva  que  l'i 
position  des  mains  est  la  seule  forme  nécessa 
et  que  tout  le  reste  est  d'un  usage  moderne 
était  à  Rome  depuis  neuf  mois,  quand  le  cardi: 
de  Richelieu  le  rappela  en  France,  soit,  comi 
le  prétendent  les  uns,  qu'il  voulût  s'aider  de  s 
érudition  dans  le  projet  qu'il  méditait,  dit-< 
de  se  faire  déclarer  patriarche,  -soit,  comme 
veulent  d'autres,  qu'il  fût  mécontent  de  la  n 
nière  peu  flatteuse  dont  l'oratorien  parlait  de 
personne  à  Rome.  Cette  dernière  opinion 
d'autant  plus  probable,  que  Richelieu  ne  don 
aucun  emploi  au  P.  Morin  et  qu'on  l'enten 
dire  à  plusieurs  reprises  que  l'oratorien  n'ét 
bon  qu'à  vivre  dans  son  cabinet,  avec  des  livrt 
c'était  aussi  un  peu  l'opinion  du  P.  Morin  li 
même,  qui  n'avait  d'autre  désir  que  de  pouvoir 
livrer  tout  entier  à  l'étude  et  qui  passa  le  reste 
sa  vie  entièrement  occupé  de  travaux  d'histo 
et  de  critiquesacr.ee.  Il  mourut  d'apoplexie.  Oi 
o"e  lui  :  De  Patriarcharum  et  Primatum  0\ 
gine;  Paris,  1626,  in-4°.  Dédié  à  Urbain  VIII,  i 
ouvrage  renferme  quelques  détails  intéressanl 
mais  il  est  écrit  sans  critique  et  d'un  style  diffi 
On  assure  que  Morin  reconnut  plus  tard  qt 
n'avait  pas  assez  étudié  son  sujet;  —  Histoi 
de  la  Délivrance  de  V Église  chrétienne  p 
V empereur  Constantin,  et  de  la  grandeur 
souveraineté  temporelle  donnée  à   VEgli 
romaine  par  les  rois  de  France  ;  Paris,  163 
in-fol.  :  composé  probablement  pour  corriger 
mauvais  effet  produit  par  le  traité  précédei 
dans  lequel  on  avait  vu  avec  étonnement  c 
principes   ultramontains   très-décidés;  cet  o 
vrage  fut  mal  reçu.  Le  cardinal  Barberini  cha 
gea  J.-M.  Suarez  de  relever  tous  les  passag 
hostiles  à  la  cour  de  Rome;  la  liste  en  fut  ei 
suite  communiquée  à  Morin,  qui  promit  de  1 
corriger  dans  une  nouvelle  édition;  mais  cet 
édition  n'a  jamais  été  faite;  —  Exercitation 
ecclesiasticee  in  utrumque  Samaritanoru 
Pentateuchum ;  Paris,   1631,    in-4".   Le    b 
de  Morin  est  de  prouver  que  la  récension  sam 
ritaine  du  Pentateuque  a  éprouvé  moins  d'ail 


!'3 


MORIN 


Ô94 


i  ions  que  la  récension  hébraïque,  et  qu'elle 
it  par  conséquent  lui  être  préférée;  —  Exer- 
ationes  Biblicm  de  hebraici  grsecique  textus 
iceritate,  de  germana  LXX  interpretum 
mslatione  dignoscenda  ;  Paris,  1633,  in-4°; 
j.  édit.,  Paris,   1669,  in-fol.,  augmentée  d'une 
|  :onde  partie,  inédite,  et  publiée  après  la  mort 
l'auteur,  par  les  soins  du  P.  Front,  qui  y 
i,  ssa  un  nombre  intini  de  fautes  typographiques, 
ns  cet  ouvrage,  qui  est  comme  une  suite  du 
icédent,  Morin  continue  de  soutenir  la  supé- 
i  rite  du  texte  samaritain  et  même  de  la  version 
|  s  LXX  sur  le  texte  hébreu.  Cet  écrit  et  le  pré- 
lent ont  été  réunis  sous  ce  titre  :  Exercita- 
ïnes  ecclesiasticac  et  Biblicee  (Paris,  1686, 
j  ol.  in-fol .  ).  L'opinion  soutenue  dans  les  deux 
i  rrages  trouva  de  nombreux  contradicteurs, 
I  -rai  lesquels  il  faut  citer  J.-H.  Hottinger  et  Si- 
n  de  Muis.  Le  premier  l'attaqua  dans  Exer- 
l ationes  antimorianse  (Zurich,  1644,  in-4°), 
[le  second  dans  Assertlo  veritatis  hebraicse 
karis,  1631,  in-8°),  et  Assertio  altéra  verita- 
i  hebraicx  (Paris,  1634,  in-8°);  —  Diatribe 
Inthica    de   sinceritate   hebrœi    grsecique 
Ictus  dignoscenda;  Paris,   1639,  in-8°;  ré- 
Lse  peu  mesurée  à  Taylor,  Boot,  Hottinger, 
[lis  et  tous  les  autres  qui  avaient  refuté  ses 
ix  ouvrages  précédents.  Muis  ne  se  tint  pas 
[tir  battu,  et  répliqua  dans  Castigatio  ani- 
ïidversionum  Morini  (Paris,  1639,  in-8°); 
fOpuscula  Hebrœo-Samaritica  ;  Paris,  1657, 
1 12  ;  on  y  remarque  une  grammaire  samari- 
uue  et  un  lexique  de  cette  langue;  — Commen- 
pius  historicus  de  disciplina  in  adminis- 
itione  sacramentipQenltenti.se  XIII  primis 
vculis  in  Ecclesia  occidentali  et  hucusajue 
ï  orientait  observata;  Paris,  1651,  in-fol.  ; 
kvers,  1682,  in-fol.,  et  Bruxelles,  1687,  in-fol. 
il  ouvrage,  auquel  Morin  travailla  pendant 
Lnte  ans,  eut  peu  de  succès  et  blessa  égale- 
bnt  les  partisans  de  la  théologie  de  Port-Royal, 
ril  attaqua  dans  la  préface,  et  les  membres  de 
[  Société  de  Jésus,  dont  il  blâme  les  doctrines 
Lâchées  en  fait  de  pénitence;  —  Commenta- 
Us  historico-dogmaticus  de  sacris  Ecclesim 
liinationibus  secundum  antiquos  et  recen- 
tres latinos,  grœcos,  syros,  et  babylonicos, 
quo  demonstralur  orientalium  ordina- 
ires conciliis  generalibus  et  summis  pon- 
uîcibus  ab  initio  schismatis  in  hune  usque 
fin  fuisse  probatas;  Paris,  1655,  in-fol.  Dans 
[>  ouvrage,  qui  est  un  de  ses  meilleurs,  Morin 
j^xposé  sur    l'ordination  l'opinion  qu'il  avait 
jatenue  à  Rome  au  sein  delà  commission  réunie 
fur  s'occuper  du  projet  de  réunion  de  l'Église 
jïcque  avec  l'Église  latine  ;  —  un  mémoire  de 
vis  de  200  pages,  fort  rare,  et  imprimé  sous  le 
/e  de  Déclaration,  non  contre  la  congréga- 
>n  de  l'Oratoire,  comme  on  l'a  dit  souvent, 
iiis  contre  les  prétentions  du  P.   Bourgoing , 
-aérai  de  cette  société;  —  Opéra  posthuma 
calechumenorum  expiatione,  de  sacra- 


mento  confirmationis,  decontritione  et  atlri- 
tione;  Paris,  1703,  in-4°;  —  Antiquitates  Ec- 
clesix  orientalis;  Londres,  1C82,  in-12.  Ce 
volume,  publié  par  les  soins  de  Rich.  Simon, 
renferme  la  correspondance  deMorin  avec  divers 
savants  sur  différents  points  d'antiquités  ecclé- 
siastiques. — Le  premier  tome  des  Mémoires  de 
Littérature  du  P. Desmolets contient  septleltres 
latines  de  Morin  à  Allatius  sur  les  basiliques  des 
Grecs.  —  On  lui  doit  encore  une  traduction  fort 
imparfaite  du  Pentateuque  samaritain  dans  la 
Polyglotte  de  Le  Jay. —  Il  dirigea  l'édition  de  la 
traduction  des  Septante  qui  parut  en  1628,  avec 
une  version  latine  elles  notes  de  Nobilius,  en 
3  vol.  in-fol.  Dans  l'épître  au  lecteur  qui  est  en 
tête  de  cette  publication,  Morin  soutint ,  pour  la 
première  fois,  que  la  version  des  Septante  est  pré- 
férable au  texte  hébreu,  qu'il  prétendait  altéré  par 
les  Juifs,  opinion  qu'il  développa  quelques  années 
après  dans  ses  Exercitationes  ecclesiasticx , 
et  dans  ses  Exercitationes  Biblicx. —  Plusieurs 
de  ses  ouvrages  sont  restés  inédits.  On  cite, 
comme  les  plus  remarquables,  un  grand  traité 
De  Sacramento  Matrimonii,  dont  Rich.  Simon 
attribue  la  perte  aux  scrupules  de  quelques 
membres  de  l'Oratoire,  qui  le  firent  disparaître  ; 
—  De  Basilicis  christianorum  et  De  Paschate 
et  de  vetustissimis  christianorum  paschalis 
Ritibus.  Michel  Nicolas. 

Colomiès,  Gallia  Orientalis.  —  Perrault,  Hommes  il- 
lustres. —  P.  Liron  ,  Biblioth.  Chartraine.  —  Du  Pin, 
Biblioth.  des  Auteurs  ecclésiastiq.  —  Niceron,  Mémoires 
t.  IX.  —  Sciagraphia  vitx  Morini,  par  Rich.  Simon,  eu 
tête  des  Antiquitates  Ecclesiœ  orientalis  et  des  Exerci- 
tationes Biblicx,  édit.  de  1669. 

morin  (  Simon  ),  visionnaire  français,  né  à 
Richemont,  près  d'Aumale,  en  Normandie,  brûlé 
vif  à  Paris,  le  14  mars  1663.  Pauvre  et  illettré, 
il  vint  chercher  fortune  à  Paris.  Grâce  à  sa  belle 
écriture,  il  trouva  une  place  de  commis  chez 
le  trésorier  de  l'extraordinaire  des  guerres;  mais 
comme  il  avait  déjà  l'esprit  troublé  par  des  vi- 
sions, il  fut  bientôt  congédié,  et  se  fit  écrivain 
copiste.  Il  connut  vers  cette  époque  les  doctrines 
d'une  certaine  secte  d'illuminés,  et  fut  incar- 
céré dans  les  prisons  de  l'officialité,  avec  plu- 
sieurs de  ces  fanatiques;  mais  comme  on  vit 
que  c'était  un  esprit  faible,  à  qui  il  ne  manquait 
que  de  la  tranquillité  pour  se  rétablir,  on  le  mit 
en  liberté.  Il  alla  se  loger  chez  une  fruitière,  dont 
il  séduisit  la  fille,  appelée  Jeanne  Honatiers;  il 
l'épousa  quelque  temps  après  leur  liaison.  Ce- 
pendant son  exaltation  allait  en  augmentant; 
comme  il  avait  fait  quelques  prosélytes  parmi  les 
buveurs  qui  fréquentaient  la  boutique  de  sa  belle- 
mère  ,  il  les  assemblait  tous  les  soirs  dans  sa 
maison,  et  s'efforçait  de  leur  expliquer  sa  doc- 
trine. Ces  réunions  firent  du  bruit;  le  28  juillet 
1644  il  fut  arrêté  une  seconde  fois,  et  subit  à  la 
Bastille  une  détention  de  vingt  et  un  mois.  Lors- 
qu'il en  sortit  il  fit  imprimer  secrètement  un 
livre  qu'il  avait  composé,  disait-il,  à  la  prière 
d'un  curé  de  Paris  et  qu'il  intitulait  :  Pensées  de 


595 


MORIN 


Morin,  dédiées  au  roy  (1647,  in-8°).  Ce  livre, 
bizarre  assemblage  de  rêveries  et  de  paradoxe*, 
contenait  quelques-unes  des  erreurs  qui  furent 
depuis  condamnées  dans  les  quiétistes  ;  mais  il 
paraissait  laisser  aux  passions  humaines  une 
grande  liberté  :  «  Il  enseigne  formellement ,  dit 
Niceron,  que  les  plus  grands  péchés  ne  font  pas 
perdre  la  grâce  et  qu'ils  servent  au  contraire  à 
abattre  l'orgueil  humain.  11  dit  qu'en  toute  secte 
et  nation  Dieu  a  des  élus,  vrais  membres  de  l'É- 
glise; qu'un  directeur,  pour  dépouiller  son  péni- 
tent de  toute  présomption,  peut  lui  défendre  ce 
qui  est  commandé  et  commander  ce  qui  est  dé- 
fendu. »  Au  reste  il  ne  faut  pas  chercher  dans 
ce  livre  une  doctrine  raisonnée  ;  les  idées  qu'on 
y  expose,  évidemment  sorties  de  la  cervelle  d'un 
homme  exalté ,  sont  peu  liées  entre  elles  et  se 
contredisent  souvent.  Chez  le  curé  de  Saint- 
Germain  l'Auxerrois,  auquel  il  porta  son  livre, 
Morin  prétendit  que  le  temps  marqué  pour  le 
second  avènement  du  Christ  était  arrivé,  que 
le  Christ  s'était  incorporé  en  lui  pour  le  salut 
de  tous  les  hommes  ;  et  comme  le  curé  lui  ré- 
présentait les  dangers  que  lui  ferait  courir  cette 
assertion,  il  répondit  qu'il  ne  dirait  jamais  : 
transeat  a  me  calix  iste.  Craignant  ensuite 
d'être  arrêté,  il  quitta  sa  maison,  et  vint  demeurer 
dans  l'île  Notre-Dame.  Un  hasard  singulier  fit 
découvrir  sa  retraite;  il  fut  encore  une  fois  in- 
carcéré à  la  Bastille,  et  signa,  pour  en  sortir, 
une  abjuration  qu'il  rétracta  par  un  écrit  dont 
on  ignore  la  date.  Cependant  il  resta  quelque 
temps  tranquille,  et  s'occupa  sans  doute  à  revoir 
les  écrits  du  poète  François  Davenne,  son  dis- 
ciple ,  car  on  retrouve  dans  ces  écrits  les  idées 
de  Morin  et  son  style  entremêlé  de  prose  et  de 
vers.  Il  recommença  bientôt  ses  prédications,  et 
fut  arrêté  par  ordre  du  parlement,  qui  cette  fois 
l'envoya  aux  Petites-Maisons.  Il  y  resta  jusqu'au 
26  mars  1656,  et  fit  alors  une  nouvelle  abjura- 
tion, aussi  peu  sincère  que  la  première.  Dès  qu'il 
fut  sorti,  il  la  désavoua  et  retomba  dans  ses  rê- 
veries. En  1661  il  fit  imprimer  un  écrit  intitulé  : 
Témoignage  du  second  avènement  du  Fils  de 
Vhomme,  qu'il  présenta  lui-même  au  roi  dans 
son  carrosse.  Ce  fut  vers  cette  époque  que  le  poète 
Desmarest  de  Saint-Sorlin  noua  des  relations 
avec  Morin.  Cet  autre  visionnairepensait  que  le 
grand  prophète  Eliacin  Michael  s'était  incorporé 
en  lui;  et  comme  il  se  croyait  aussi  destiné  à 
réformer  le  monde ,  il  forma,  par  jalousie  de 
métier,  le  projet  de  perdre  Morin.  Il  feignit  d'a- 
bord de  donner  dans  toutes  ses  idées,  et  signa 
même  un  écrit  dans  lequel  il  s'engageait  à  lui 
obéir  partout  et  toujours;  mais  il  eut  soin  d'a- 
jouter de  la  part  de  Dieu  et  selon  Dieu.  Plus 
tard  il  alla  jusqu'à  lui  donner  une  déclaration 
par  laquelle  il  le  reconnaissait  pour  Fils  de 
Vhomme  et  fils  de  Dieu.  Morin,  charmé  de  son 
disciple,qu'il  appela  le  nouveau  Précurseur, ri' zut 
pas  de  secrets  pour  lui.  Il  lui  révéla  que  le  corps 
de  l'Église  romaine,  qui  n'était  autre  que  l'An- 


téchrist ,  allait  subir  une  complète  réformati 
que  tous  les  peuples  allaient  se  convertir  à 
vraie  foi.que  Dieu  et  le  Diable  avaient  fait  allia  •  j 
pour  sauver  le  monde,  et  mille  autres  rêvei  |ll 
semblables.   Malgré   ces  étroites  relations,  :  • 
grâce  aux  instances  de  sa  femme,  qui  se  p 
tendait  conseillée  par  un     diable ,  il  rom 
avec  son  disciple.  Desmarest  conserva  po 
tant  des  relations  avec  deux    femmes  visi    ? 
naires,  qui  s'étaient  faites  disciples  de  Mor 
on  les  appelait  La  Malherbe  et  La  Chape, 
Elles  lui  apprirent  un  jour  que  leur  maître  a1  ôii 
décrété    que   le    grand  changement  devait 
faire  sous   le   règne   suivant,  et  que  par  c 
séquent  le  jeune  roi  devait  périr  bientôt.  Desi 
rest,  qui  ne  demandait  qu'un  prétexte,  fit  a 
sitôt  sa  dénonciation,  et  Morin  fut  incarcéré 
Châtelet,  avec  sa  famille  et  quelques-uns  de 
disciples,  comme  coupable  de  conspiration 
d'hérésie.  Le  tribunal  du  Châtelet  le  condan 
à  être  brûlé  vif,  et  quelques-uns  de  ses  compli 
furent  envoyés  aux  galères.  Le  parlement ,  r 
sidé  par  Lamoignon ,  ne  craignit  pas  deconfin 
celte  sentence.  Ce  malheureux   mourut  a 
assez  de  courage  après  avoir  abjuré  ses  erreo' 
il  prétendit  pourtant  qu'il  ressusciterait,  conr 
Jésus-Christ,  trois  jours  après  sa  mort  ;  qi 
ques^uns  de  ses  disciples  allèrent,  dit-on,  g' 
surer  du  fait.  Outre  les  ouvrages  cités,  on  a 
Morin  :  Requête  au  Boy  et  à  la  Royne  rége: 
(1643,  8  pages)  ;  — ses  deux  Rétractations,  et 
Discours  au  Roy,  commençant  par  ces  mo 
«  Le  Fils  de  l'homme  au  Roy  de  France  »,  q 
composait  lorsqu'il  fut  arrêté.  A.  H— t 

Niceron,  Mémoires,  t.  XXVII.  —  Nicole,  Lettres 
sionrtaires.  —  Bayle,  Dict.  hist.  —  \Mariani ,  Il 
curioso  e  memorabile  délia  Francia  (Venise,  1 
In  -4°). 

morin  (Jean),  peintre  et  graveur  français, 
vers  1609,  àParis,  mort  vers  1666.  On  est  pi> 
de  renseignements  sur  cet  artiste ,  dont  Preu  i 
est  pourtant  considérable.  Il  fréquenta  l'ate 
du  peintre  Philippe  de  Champaigne,  et  grav 
l'eauforle  des  sujets  de  sainteté ,  des  paysa 
et  des  portraits  d'une  touche  si  fine  et  si  expi 
sive  qu'ils  ont  été  fort  recherchés  par  les  an 
teurs  des  deux  derniers  siècles.  Les  principe 
sont  une  Sainte  Vierge,  de  Raphaël;  plusiei 
sïtes  agrestes  de  Fouquières  et  de  Pœlemboui 
et  les  portraits  de  Saint  Jérôme,  Saint  Frc 
çois  de  Sales,  Christophe  et  Augusdn 
Tfiou ,  et  de  Marie  de  Médicis.  Morin  a 
produit  une  quarantaine  de  tableaux  de  P 
lippe  de  Champaigne,  entre  autres  les  cardina 
de  Richelieuetde  Maz,arin,Michelde  Marili 
et  AntoineVitré.  Morin  eut  pour  élève  son  i 
veu  Nicolas  de  Platte-Montagne,  fils  de  M. 
thieu  Plattenberg.  P. 

Basan  ,  Dir.t.  des  Graveurs;  II,  50.  —  Robert  Dum 
nil  ,  Le  Peintre  graveur,  II,  32. 

morin  (Etienne),  théologien  protestant 
savant  orientaliste,  né  à  Caen,  le  1er  janv 
1625,  mort  à  Amsterdam,  le  5  mai  1700.  Ile 


1)7 


MORIN 


Ï98 


lit  remplacer,  dans  son  comptoir,  son  père,  qu'il 

■rdrt  en  1628;  mais  son  goût  prononcé  pour 

■  s    lettres    l'appelait    à  une  autre   carrière, 

il  finit  par  obtenir  de  sa  mère  la  permission 

>  suivre  son  penchant.  Envoyé  à  l'Académie 

•  Sedan,  et  ensuite  à  celle  de  Leyde,  il  se 

t  era  particulièrement  à  l'étude  des  langues  orien- 

[les.  De  retour  dans  sa  patrie,  il  fut  consacré 

sihwfltre  du  saint  Évangile  et  nommé,  en  1649, 

;  isteni'de  Saint-Pierre-surDive,  dans  les  envi- 

l>ns  de  Lisieux.  11  desservit  cette  église  pendant 

nmze  ans,  refusant  diverses  vocations  qui  lui 

mit  adressées  pendant  ce  laps  de  temps.  Ne 

mvant  résister  aux.  sollicitations  des  réformés 

.  •  Caen ,  qui  désiraient  l'avoir  pour  pasteur, 

i.  accepta  en  1664  cette  cliarge,qui  avait  été  oc- 

j  ipée  autrefois  par  son  grand-père  et  par  son 

i  saïeul.  Admis  dans  l'académie  qui  venait  de  se 

Inder  dans  cette  ville,  il  se  montra  digne  d'y 

f  éger  àcfttédes  Huet,  des Segrais ,  desDu Bosc, 

s  llochûrt.   La  révocation  de  l'édit  de  Nantes 

>t  >força  de  chercher  un  refuge  en  Hollande. 

tores  un  séjour  de  cinq  mois  à  Leyde,  il  fut 

Lpdlé  à  Amsterdam  pour  enseigner  les  langues 

I  ientales.  Il  remplit  ces  fonctions  jusqu'à  la  fin 

|:*es  jours.  11  est  probable  que  la  demoiselle 

bovin  Du'Mesni!,  née  vers  1730,  qui,  après  avoir 

|t  é .  Tenfermée  aux    nouvelles  catholiques  de 

i  aen ,  abjura  le  protestantisme  et  épousa  le  cé- 

Mbre  avocat  Élie  de  Beauraont,  descendait  d'E- 

jjienne  Morin. 

.  On  a  de  lui  :  Dissertationes  octo,  in  quibus 
\swlta  sacrae  et profanas  antiquitates  monu- 
nenta  explicantur;  Genève,  1683,  in-B°; 
ijjuv.  édit.  corrig.  et  augm. ,  Dordrecht,  1700, 
i[i-8°;  —  Oraiio  inauguralis  de  linguaritm 
rientalium  ad  intelligentiam  Scripturas 
acrse  utilitate,  habita  die  27  febr.  1686; 
Leçde,  1686,  in-8°  ;  —  Exsrcitationes  de  Lin- 
ua  primseva  ejusque  appendicibus ,  in  qui- 
uis  milita  Scripturse  Sacras  loca  exponun- 
ftr;  Utrecht,  1694,  in-4°.  Dans  cet  écrit,  ainsi 
ue  dans  une  Lettre  sur  l'origine  de  la  langue 
ébraïque,  imprimée  dans  le  tom.  Ier  des  Dis- 
stations  recueillies  par  Tilladet,  Paris, 
v712,  in-12,  Morin  soutient  que  la  langue  ■  hé- 
braïque a  été  inspirée  à  Adam  par  Dieu  lui- 
Inême;  —  Explanationes  sacrai  et  philolo- 
ïcsë  in  aliquot  Veteris  et  Novi  Testamenti 
ocos  ;  Leyde,  1698,  in-8°.  On  trouve  à  la  fin  de 
e  volume ,  ainsi  qu'à  la  suite  de  son  Oratio 
wuguralis,  une  Dissert,  de  Horis  salvificas 
'assionis  D.  N.  J.  C;  —  Vita  Jacobi  Pal- 
lerii  Grentismenilii,  en  tête  de  la  Grgecisean- 
iquas  Descriptio  de  Panlmier;  Leyde,  1678, 
i-4°,  et  dans  les  Vitae  selectae  de  Gryphius; 
-  Vita  Sam.  Bocharti,  en  tête  des  Opéra  Bo- 
harti;  Leyde,; 1692,  in-fol.  Ce  Tolume  con- 
ient  aussi  une  dissertation  de  Morin,  De  Para- 
\'iso  terrestri;  —  Epistolœ  H  de  Pentateu- 
\ho  samaritano,  dans  le  De  Origine  idola- 
n«de  van  Dale;  Amsterd.,  1696,  in-4°.  M.  N. 


Nlccron,  Mémoires,  tom.  XII.  —  M)l.  Haag,  La 
France  protestante. 

morin  (  Henri  ),  fils  aîné  du  précédent,  né 
en  1655,  à  Saint-Pierre-sur-Dive,  mort  à  Caen,  le 
16  juillet  1728.  Il  fit  de  grands  progrès  daus  les 
lettres  sous  la  direction  de  son  père.  Retenu  à 
Caen,  à  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes ,  il 
passa  au  catholicisme.  Il  se  rendit  ensuite  à 
Paris  et  fut  accueilli  par  l'abbé  de  Caumartin , 
plus  tard  évêque  de  Blois,  qui  se  l'attacha 
comme  secrétaire  et  facilita  son  admission  à 
l'Académie  des  Inscriptions.  Morin  fut  un  des 
membres  les  plus  actifs  de  cette  société  sa- 
vante. En  1725,  par  suite  de  ses  infirmités, 
il  donna  sa  démission  et  se  retira  à  Caen,  où  il 
termina  ses  jours.  On  a  de  lui,  dans  les  cinq 
premiers  volumes  de  l'Histoire  et  des  Mé- 
moires de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres ,  quatorze  Mémoires  sur  diffé- 
rents sujets  d'érudition.  M.  N. 

Niceron;  Mémoires,  tom.  XII. 

morin  (  Louis),  surnommé  de  Saint-Victor, 
médecin  français,  né  au  Mans,  le  1 1  juillet  1636, 
mort  à  Paris,  le  1er  mars  1715.  Son  père  était 
contrôleur  au  grenier  à  sel  du  Mans.  Louis  Morin 
étudia  la  médecine  à  Paris ,  et  devint  médecin 
de  l'hôtel-Dieu.  Fontenelle  nous  apprend  que 
le  jour  même  où  son  traitement  lui  était  compté, 
il  le  versait  tout  entier  dans  le  tronc  de  l'hos- 
pice: «Ce  qui,  dit  ingénieusement  Fontenelle, 
n'était  pas  servir  gratuitement  les  pauvres ,  mais 
payer  pour  les  avoir  servis.  «  Et  pourtant  il 
était  pauvre,  mais  il  ne  mangeait  que  du  pain 
et  ne  buvait  que  de  l'eau.  Sa  réputation  l'ayant 
désigné  comme  médecin  particulier  à  M'ie  de 
Guise,  il  fallut  lui  faire  violence  pour  l'ar- 
racher à  ses  pauvres ,  et  le  conduire  dans  un 
palais.  Après  la  mort  de  cette  dame,  il  se  re- 
tira dans  l'abbaye  de  Saint- Victor  ;  ce  qui  l'a 
fait  surnommer,  pour  le  distinguer  de  Morin  de 
Toulon,  Morin  de  Saint  Victor. Éïa  associé  bo- 
taniste de  l'Académie  des  Sciences  en  1699,  il 
devint  pensionnaire  de  cette  Académie  en  1707, 
après  la  mort  de  Dodart,  son  ami.  Lorsque  Tour- 
nefort  entreprit,  en  1700,  son  voyage  dans  le  Le- 
vant, il  chargea  Louis  Morin  de  le  suppléer 
dans  son  cours  de  démonstration  des  plantes , 
au  Jardin  Royal.  Il  ne  pouvait  faire  un  meilleur 
choix. 

Les  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences 
nous  offrent  une  dissertation  de  Louis  Morin  : 
Projet  d'un  système  touchant  les  passages  de 
la  boisson  et  des  urines,  1701, p.  198.  L'His- 
toire de  la  même  académie  mentionne  diverses 
autres  lectures  du  même  savant  :  Observations 
sur  la  guérison  faite  à  l'hôtel-Dieu  de  plu- 
sieurs scorbutiques,  1708,  p.  52;  — Examen 
des  eaux  de  Forges,  1708,  p.  57.  On  trouva, 
en  outre ,  dans  ses  papiers  un  Index  d'Hippo- 
crate,  grec  et  latin,  ainsi  qu'un  journal  des  va- 
riations du  baromètre  et  du  thermomètre  pendant 
plus  de  quarante  ans.  B.  H. 


J99 


MORIN 

Litt.   du 


G 


Fontenelle,   Éloges.  —  B.  Hauréau,     Hist. 
Maine,  t.  I,  p.  31. 

moki.v  (  Jean  ),  physicien  français ,  né  à 
Meung  sur-Loire,  en  1705,  mort  subitement,  à 
Chartres,  le  28  mars  1764.  Sa  famille,  composée 
d'ouvriers  pauvres,  le  confia  au  curé  de  Meung, 
qui  le  fit  admettre  gratuitement  dans  le  collège  de 
cette  petite  ville.  Après  y  avoir  fait  ses  humanités, 
Morin  entra  au  séminaire  d'Orléans,  où  il  devint 
professeur  de  philosophie  et  reçut  les  ordres  de 
la  prêtrise.  Il  étudiait  la  physique  avec  opiniâtreté, 
et  dès  1726  il  avait  signalé  dans  le  Journal  de 
Verdun  la  découverte  d'un  nouveau  phosphore 
liquide.  En  1732  il  fut  nommé  chanoine  de  la 
collégiale  de  Saint- André  de  Chartres  et  profes- 
seur au  collège  de  la  même  ville.  Selon  Pétion, 
«  Morin  parlait  avec  une  grande  facilité  et  se 
rendait  intelligible  dans  l'explication  de  ses 
cahiers  aux  sujets  les  plus  bornés  ».  En  1735 
il  publia  le  Mécanisme  universel ,  où  il  rap- 
porte plusieurs  expériences  de  son  invention, 
lesquelles  ne  sont  pas  indignes  d'être  mises  à 
côté  de  celles  de  Boyle  et  de  Pascal...»  Il  n'a  point 
encore  paru  de  livres  sur  la  connaissance  de  la 
nature  qui  contienne  plus  de  choses  et  moins 
de  mots  (1).  »  En  récompense  de  ses  travaux, 
Morin  fut,  le  13  juin  1736,  nommé  membre  de 
l'Académie  des  Sciences  de  Paris ,  et  peu  après 
l'Académie  de  Rouen  lui  conféra  le  même  hon- 
neur. Il  fut  pourvu,  le  1er  juillet  1750,  d'un  cà- 
nonicat  dans  la  cathédrale  de  Chartres  et  de  la 
fonction  d'official  général  du  chapitre.  Après  la 
mort  de  ce  savant  professeur,  on  trouva  dans 
son  grenier  et  dans  son  cabinet  une  grande 
quantité  de  machines  et  d'instruments  de  phy- 
sique ;  M.  de  Fleury,  évêque  de  Chartres ,  les 
acheta,  et  en  fit  don  au  collège  de  cette  ville.  On 
a  de  Morin  :  Le  Mécanisme  universel,  ou  dis- 
cours et  questions  physiques  ;  Chartres,  1735, 
in-12;  —  Nouvelle  Dissertation  sur  l'élec- 
tricité des  corps,  dans  laquelle  on  développe 
le  vrai  mécanisme  des  plus  surprenons 
phénomènes  qui  ont  paru  jusqu'à  présent , 
et  d'une  infinité  d'expériences  nouvelles,  de 
l'invention  de  l'auteur;  Chartres,  1748, 
in-12; — Réponse  à  l'abbé  Nolletsur  l'électri- 
cité; Chartres,  1749,  in-12, avec  fig.  ;  —  Abrégé 
des  mécaniques,  qui  renferme  les  principes 
de  cette  science,  la  construction  facile  et 
exacte  des  plus  belles  machines  qui  ont  paru 
jusqu'à  présent ,  et  un  grand  nombre  d'au- 
tres de  l'invention  de  l'auteur,  ouvrage  resté 
mss.,  qui  ne  se  retrouve  pas  à  la  bibliothèque 
de  la  ville  de  Chartres.  Roullier  (de  Chartres). 

Documents  particuliers. 

morin  (  Benoit  ),  érudit  français,  né  à  Paris, 
en  1 746,  mort  dans  la  même  ville,  le  26  août  1817. 
Il  exerçait  la  profession  d'imprimeur-libraire  à 
Paris.  Sa  vie  n'offre  pas  d'incidents  historiques  ; 
elle  se  passa  dans  les  nécessités  de  son  com- 
merce et  de  sa  vie  privée.  On  a  de  lui  :  Diction- 

(1)  Journal  des  Savants,  janvier  1736,  pag.  44  à  57. 


nuire  universel  des  Synonymes  de  la  long 
française,  etc.  ;  Paris,  2e  édit.,1802, 3  vol.in-1 
—  Ésope  trad.  en  trois  langues,  ou  conec 
dance  de  ses  Fables  avec  celles  de  Phèdi 
Faerne,  Desbillons ,  La  Fontaine  et  auti 
fabulistes,  etc.;  Paris,  1803,  in-12  ;  —  Tra\ 
des  Particules  latines,  etc.,  etc.  ;  Paris,  181 
in-12  ;  —  Table  du  Cours  de  Littérature  de  , 
Harpe;  —  Tables  du  Théâtre  d'Agricultt 
(  d'Olivier  de  Serres  ).  L— z— e. 

Quérard .  La  France  Littéraire.  —  Debray,  Tablet 
biographiques  des  Écrivains  français.  —  Beuchot,  D 
tionnaire  des  Anonymes. 

*  morin  (Arthur-Jules  ),  général  et  matl 
maticien  français,  né  à  Paris,  le  17  octobre  175 
Admis  en  1813  à  l'École  Polytechnique,  ilpassa 
1817  à  l'École  d'Application  de  Metz  et  fut  nomi 
le  1er  octobre  de  cette  année  lieutenant  au  ï 
taillon  de  pontonniers.   Capitaine  depuis  le 
janvier  1829,  il  faisait  à  Metz  un  cours  de  mé«' 
nique  appliquée  aux  machines  lorsqu'il  fut  appti 
à  Paris,  le  26  septembre  1839,  comme  professe 
de  mécanique  industrielle  au  Conservatoire  d 
Arts  et  Métiers.  C'est  en  occupant  ces  fonctio 
qu'il  devint  successivement  chef  d'escadron, 
3  août  1841  ,   lieutenant-colonel   (  25    janvi' 
1846  )  et  colonel  (2  octobre  1848).  Déjà  corn 
par  un  grand  nombre  d'importants  travaux 
mécanique  expérimentale,  M.  Morin  est,  avi 
les  généraux  Poncelet  et  Piobert,  un  des 
vants  qui  ont  en  ces  derniers  temps   le  pi 
contribué  aux  rapides  progrès  de  cette  scienc 
L'Académie   des    Sciences  (  section  de  méa 
nique  )  l'admit  dans  son  sein  en  décembre  184 
comme  successeur  de  Coriolis.   Membre  de 
commission  chargée  en  1850  de  l'organisatii 
définitive  de  l'Institut  agronomique,  et  l'ann 
suivante,  de  la  commission  française  de  l'Exp< 
sition  universelle  de  Londres,  il  succéda  en  18! 
à  M.  Pouillet,  comme  directeur  du  Conservatoi 
des  Arts  et  Métiers,  poste  qu'il  remplit  enco: 
avec  distinction.  Il  obtint  le  grade  de  général  i 
brigade  le  26  mars  1852,  commanda  l'artiller 
du  camp  du  nord,  et  fut  nommé  général  de  A 
vision  le   7  avril    1855.  Cette  même  année 
présida  la  commission  impériale  de  l'Expositio 
universelle  de  Paris.  Enfin,  depuis  le  25  sej 
tembre  1854  M.  Morin  est  commandeur  de 
Légion  d'Honneur.  On  a  de  ce  savant  général 
Nouvelles  Expériences   sur    le  frottemen 
faites  à  Metz  de  1831  à  1833,  par  ordre  du  m 
nistre  de  la  guerre;   Paris,  1833-1835,  3  vo 
in-4°  avec  22  planches  ;  —  Expériences  sur  k 
roues  hydrauliques  à  augels  ;  Metz  et  Pari 
1837,  in-4°,avec3  planches;  —Nouvelles  Ex 
périences  sur  l'adhérence  des  pierres  et  de 
briques  posées  en  bain  de  mortier  ou  scellée 
en  plâtre;  sur  le  frottement  des  axes  de  ro 
tation,  la  variation  de  tension  des  courroie 
ou  cordes  sans  fin  employées  à  la  transmis 
sion  du  mouvement  et  sur  le  frottement  de 
courroies  à  la  surface  des  tambours,  faites 


1  MORIN  — 

(  lz  en  1834,  et  publiées  par  ordre  de  l'Aca- 
:  [nie  des  Sciences;  Metz  et  Paris,  1838,  in-4°, 
i  hc  planches;  —  Expériences  sur  les  roues 
Idrauliques  à  axe  vertical,  appelées  tur- 
)  fies;  Metz  et  Paris,  1838,   in-4°;  —  Notice 
I  fr  divers  appareils  dynamométriques  pro- 
ies à  mesurer  le  travail  ou  V effort  dé- 
i  oppé  par  les  moteurs  animés  ou  inani- 
V\  s,  ou  consommés  par  les  machines  de  ro- 
I    ion   ainsi  que   la  tension  de  la   vapeur 
tins  le  cylindre  des  machines  à  vapeur  à 
\\tles   les  positions  du  piston;  Paris,  1836 
1 1 1841,  io-8°,  avec  cinq  planches;  cette  notice 

■  inten  1837  le  prixMontyon;  —  Expérien- 
\\  sur  le  tirage  des  voitures  et  sur  les  effets 
\  i  tructeurs  qu'elles  exercent  sur  les  routes, 

■  îcutées  en  1837  et  1838  par  ordre  du  mi- 
litre  de  la  guerre,  et  en  1839  et  1841,  par  ordre 
m  ministre  des  travaux  publics  ;  Paris,  1840, 
m  4°,  avec  deux  pi.;  2e  édit.,  revue  et  augmentée, 

■  >2,  in-4°,avec  tableaux  et  pi.  ;  —  Aide-Mémoire 
m  Mécanique  pratique  à  Vusage  des  officiers 
murtillerie  et  des  ingénieurs  civils  et  mili- 
m  res,  contenant  les  principales  règles  et  formules 

■  tiques  relatives  au  jaugeage  et  au  mouvement 
i    gaz,  à  la  force  des   cours  d'eau,  à  l'effet 

Me  et  à  l'établissement  des  roues  hydrauliques 

■  *des  machines  à  vapeur,  aux  volants ,  aux 
■mmunications  du  mouvement,  à  la  détermi- 
Mion  des  dimensions  à  donner  aux  principales 
■«es  des  machines,  à  la  poussée  des  voûtes,  à 
«stabilité  des  murs  de  revêtement  et  les  ré- 
Bttats  de  l'expérience  sur  l'effet  utile  des  mo- 
Itrs  et  des  machines  employées  aux  épuise- 
l'nts,  etc.  ;  Paris,  1 838, 1 843,  et  plusieurs  autres 
lit.,  in-8°  ;  —  Mémoire  sur  les  lois  de  la 
mistance  de  l'air  ;  Paris,  1842,  in-8°;  —  Mé- 
moire sur  la  pénétration  des  projectiles  et 
wr  -la  rupture  des  corps  solides  par  le  choc 
l*ec  M.  Piobert)  ;  Paris,  1838  ,  in-8.°;  —  Le- 
mns  de  Mécanique  pratique ,  comprenant  : 
Mtons  géométriques  sur  les  mouvements  et 
murs  transformations,  ou  cinématique, 
ledit.  ;  Paris,  1861,  in-8°;  —  Notions  fon- 

■  imentales  de  Mécanique  et  données  d'expé- 
■inces,  2e  édit.;  Paris,  1855,in-8°;  — Hydrau- 
,me,  2e  édit.,  1858,  in-8°;  —  Résistance  des 
\atériaux,  1853  et  1857,  in-8°,  avec  pi.  ;  — 

I  machines  à  vapeur  (sous -presse)  ;in-8°;  — 
htalogue   des  Collections  du  Conservatoire 

•i's  Arts  et  Métiers,  1852  et  1855  ;  in-12  :  cet 

>"vrageest  précédé  d'une  Notice  historique 
rie  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers,  et  sur 
ïmcien  prieuré  de  Saint-Martin-des-Champs 

!  fmée  P.  Huguet.  Enfin  M.  Morin  est  l'inventeur 
i  plusieurs  instruments,  tels  que  la  manivelle 
vnamométrique,  et  l'appareil  à  indications 
ntinues ,  servant'  à  démontrer  les  lois  du 
purement  des  corps  pesants.  H.  F. 

annuaire  militaire,  de  1817  à  185C,  —  Journal  de  la 
\'>rairie.  —  Docum.  part. 

.morin    (Pierre-Achille),   jurisconsulte 


MORINIÈRE  602 

français,  né  à  Rouen,  le  27  octobre  1803.  D'a- 
bord employé  à  la  préfecture  de  son  départe- 
ment, il  vint  étudier  le  droit  à  Paris,  où  il  ob- 
tint le  grade  de  docteur.  Avocat  à  la  cour  royale 
en  1833,  il  est  depuis  1836  avocat  au  conseil 
d'État  et  à  la  cour  de  cassation.  Il  s'est  particu- 
lièrement occupé  de  législation  pénale.  On  a  de 
lui  :  Dictionnaire  de  Droit  criminel;  Paris, 
1842,  gr.  in-8°;  —  De  la  Discipline  des  Cours 
et  Tribunaux,  du  Barreau  et  des  corpora- 
tions d'officiers  publics  ;  Paris,  1846,  2  vol. 
in-8°;  2e  édit.,  Paris,  1847,  2  vol.  in-8°  ;  —  Ré- 
pertoire universel  et  raisonné  du  Droit  crû 
minel;  Paris,  1850-1851,  2  vol.  gr.  in-8°.  Il  ré- 
dige depuis  1838  le  Journal  du  droit  criminel, 
recueil  périodique  fondé  en  1829  par  MM.  Adol- 
phe Chauveau  et  Faustin  Hélie.  E.  R. 

Documents  particuliers. 

*  morin  (  André  -Saturnin  )  ,  littérateur 
français,  né  à  Chartres,  le  28  novembre  1807. 
D'abord  notaire  et  avocat  à  Nogent-le-Rotrou , 
il  devint  sous-préfet  de  cette  ville  après  la  ré- 
volution de  1848,  reprit  en  1850  ses  fonctions 
d'avocat,  et  alla  se  fixer  à  Paris.  On  a  de 
lui  :  Plaidoyer  :  Affaire  de  la  Vipère  noire; 
Nogent-le-Rotrou ,  1844,  in-8°;  —  Procès  de  la 
Somnambule,  audiences  des  13,  14,  15  et  17 
février  1851  du  tribunal  de  Nogent-le-Rotrou  ; 
in-8°;  —  Du  Magnétisme  et  des  Sciences  oc- 
cultes; Paris,  1860,  in-8° ;  —  de  nombreux 
articles  dans  divers  journaux.  R — r. 

Docum.  partie. 

Jf  morin  (  Frédéric  ),  philosophe  français,  né 
le  18  juin  1823,  à  Lyon.  Après  ses  premières 
études,  il  entra  à  l'École  Normale,  en  1844.  Reçu 
agrégé  de  philosophie  en  1848,  il  fit  le  cours  de 
philosophie  au  Lycée  de  Mâcon,  puis  à  celui  de 
Nancy  et  enfin  au  Lycée  Bonaparte.  Après  le 
coup  d'État  de  1852,  ayant  refusé  le  serment,  il 
fut  considéré  comme  démissionnaire.  II  se  con- 
sacra alors  à  l'enseignement  libre,  et  publia  des 
ouvrages  de  philosophie  religieuse,  dans  lesquels 
il  cherche  à  accorder  les  principes  démocrati- 
ques avec  les  croyances  du  christianisme.  On  a 
de  lui  :  Saint  François  d' Assises  et  les  Fran- 
ciscains; 1853,  in-12;  —  De  la  Genèse  et  des 
Principes  métaphysiques  de  la  société  mo- 
derne; 1856,  in-8o;  — Dictionnaire  de  Phi- 
losophie et  de  Théologie  scolastique  ;  1857- 
1858,  2  vol.  gr.  in-8°  :  il  fait  partie  des  pu- 
blications de  M.  l'abbé  Migne.  M.  Morin  a 
donné  des  articles  au  journal  L'Avenir,  au 
Correspondant  (  lre  période  ) ,  à  la  Revue  de 
Paris ,  à  la  Revue  de  l'Instruction  publique, 
à  la  Biographie  Générale ,  etc.        G.  de  F. 

Documents  particuliers.  —  Journal  de  la  Librairie. 

morinière  (Adrien- Claude  Lefort  de 
la  ) ,  littérateur  français ,  né  le  23  décembre 
1698,  à  Paris,  mort  le  12  avril  1768.  D'une  fa- 
mille noble,  il  se  retira  chez  les  génovéfains  de 
Senlis,  et  y  vécut  pendant  deux  ans,  occupé  à 
préparer  ou  à  éditer  les  collections  qu'il  avait 


603 


MORIMÈRE 


formées,  telles  que  Choix  de  Poésies  morales 
et  chrétiennes  (  1739,  3  part.  in-8°  ),  augmenté 
en  1 740  de  3  autres  volumes  ;  —  Œuvres  choisies 
de  J.-B.  Rousseau  (1741,  in-12),  souvent  réim- 
primées ;  —  Bibliothèque  Poétique  (1745,4  vol. 
in-4°  et  4  vol.  in-12);  —  Passe-temps  poéti- 
ques, historiques  et  critiques  (  1757,  2  vol. 
in-12).  On  a  de  lui  une  Histoire  abrégée  du 
Règne  de  l'empereur  Constance  (Paris,  1756, 
in-12);  et  deux  comédies  en  vers  (1753),  Les 
Vapeurs  et  Le  Temple  de  la  Paresse,  qui  n'ont 
pas  été  représentées.  P. 

Chaudon  et  Delandine,  Dict.  univ. 

morison  (  Robert  ),  botaniste  anglais,  né  en 
1620,  à  Aberdeen,  mort  !e  9  novembre  1683, 
à  Londres.  Ses  parents  le  destinaient  à  l'Église; 
il  s'appliqua  pendant  quelque  temps  à  la  théo- 
logie, et  fit  des  progrès  considérables  dans  la 
langue  hébraïque,  dont  il  avait  dressé  une  gram- 
maire à  son  usage*  Il  s'abandonna  bientôt  tout 
entier  à  l'étude  de  la  botanique,  pour  laquelle  il 
se  sentait  une  inclination  particulière.  La  guerre 
civile  l'arracha  à  ses  paisibles  travaux.  Se  joi- 
gnant aux  Écossais  fidèles,  il  prit  les  armes 
pour  la  cause,  presque  ruinée,  du  roi  Char- 
les Ier,  et  reçut  à  la  première  affaire  un  coup 
de  feu  à  la  tête.  Blessé  et  proscrit,  il  vint,  avec 
la  plupart  de  ses  compatriotes,  chercher  asile  à 
Paris  ;  sans  cesser  d'étudier  la  médecine  ej;  la 
botanique,  il  se  chargea  de  l'éducation  des  fils 
d'un  conseiller  au  parlement.  En  1648  il  fut  reçu 
docteur  à  Angers.  A  la  recommandation  du  pro- 
fesseur Robin,  il  entra  en  1650  au  service  de 
Gaston,  duc  d'Orléans,  et  devint  botaniste  du 
jardin  que  possédait  ce  prince  dans  ses  domai- 
nes de  Blois.  Ce  fut  là  qu'il  jeta  les  fondements 
de  son  système,  au  sujet  duquel  il  eut  avec  son 
noble  maître  de  fréquentes  et  amicales  discus- 
sions ;  à  diverses  reprises  il  reçut  de  lui  l'ordre 
de  parcourir  les  provinces  de  la  France,  afin  d'y 
recueillir  des  plantes  rares  ou  peu  connues. 
Sous  la  direction  de  Morison,  Robert  commença 
cette  belle  suite  de  peintures  de  plantes  sur  vé- 
lin qui  est  aujourd'hui  conservée  à  la  bibliothèque 
du  Jardin  des  Plantes  et  dont  Louis  XIV  fit  faire 
plus  tard  de  grandes  gravures.  Ce  fut  là  aussi 
qu'il  connut  les  deux  fils  de  Charles  Ier,  et  cette 
circonstance  ne  nuisit  point  à  sa  fortune.  Après 
la  mort  de  Gaston  (  1660  ),  il  se  rendit  à  la  cour 
de  Charles  II,  qui  le  choisit  à  la  fois  pour  son 
médecin  et  pour  son  botaniste,  et  qui  lui  donna 
l'inspection  de  tous  ses  jardins,  avec  un  hôtel 
et  une  bonne  pension.  A  la  fin  de  1669,  il  fut 
chargé  de  faire  à  Oxford  un  cours  de  botanique 
en  qualité  de  garde  du  jardin  médicinal,  la  chaire 
proprement  dite  n'ayant  été  créée  qu'en  1728  pour 
Dillenius.  Il  traversait  une  des  rues  de  Londres, 
lorsque  le  timon  d'une  voiture  le  frappa  si 
violemment  dans  l'estomac  qu'on  fut  obligé  de 
le  porter  chez  lui,  où  il  mourut  le  lendemain. 
Morison  avait  imaginé  pour  la  classification  des 
plantes  un  système  qu'il  croyait  être  nouveau 


—  MORISOT  6 

et  dont  on  retrouve  l'idée  dans  les  ouvrages  \i 
Césalpin  et  de  Conrad  Gesner  ;  il  est  oublié  i 
puis  longtemps.  «  Son  principal  mérite,  par  r,  j 
port  à  la  phytologie,  dit  M.  Jourdan,  est  d'av  [ 
signalé  l'importance  des  affinités  naturelles  <  \ 
parties  autres  que  le  fruit,  auquel  seul  on  s  | 
tait  attaché  jusque  alors,  et  d'avoir  insisté  d'i 
manière  spéciale  sur  la  nécessité  de  fixer  <  j 
caractères  génériques.  Il  a  donc  contribué  rt 
lement  à  avancer  la  science.  »  Plumier  a  doi  j 
le  nom  de  morisonia  à  un  genre  de  plantes 
la  famille  des  capparidées.  On  a  de  Mortso 
Hortus  regius  Blesiensis,  cum  nolulis  dm 
tionis  et  characterismis  plantarum,  tam  c 
ditarum  quam  non  scriptarum  ;  Londrt 
1669,  in-8°;  cette  nouvelle  édition  de  l'ouvr; 
d'Abel   Brunger  a  été   considérablement    ai 
mentée  par  Morison,  qui  y  a  joint,  entre  aut 
morceaux,  un  tableau  des  erreurs  de  Bauhin,  ( 
Haller  appelle  invidiosum  opus  ;  méconna 
sant  en  effet  les  grands  services  que  ces  bt 
nistes  ont  rendus,  il  leur  reproche  de  n'avoir  | 
suivi  des  règles  qui  n'étaient  pas  inventées  ! 
temps  où  ils  écrivirent;  —  Plantarum  umb  j 
liferarum  Distributio   nova;  Oxford,  16'  \ 
in-fol.  :  c'est  la  première  monographie  vraimi 
digne  de  ce  nom  ;  on  y  trouve  les  figures 
150  semences  différentes; —  Plantarum  R\ 
toria  univer -salis  Oxonïensis;  Oxford,  16; 
in-fol.  ;  cette  histoire,  que  Dodart  a  terminée 
1699,  est  accompagnée  de  124  planches,  co.J 
posées   d'environ    1,200   figures,  dont  le.  p 
grand  nombre  est  original  ;  la  méthode  de  1'; 
teur  est  fondée  sur  le  fruit,  la  fleur,  les  feuill 
les  habitudes  des  plantes,  leurs  qualités,  et 
ses  divisions,  plus  naturelles  que  celles  de  : 
prédécesseurs,  sont  loin  d'être  exemptes  de  ( 
fauts.  Morison  a  publié  les  figures  et  descriptk , 
des  plantes  rares  recueillies  en  Sicile,  à  Mal 
en  France  et  en  Italie  par  Paul  Boccone  (OJ 
ford,  1674,in-4°).  P.  L— y. 

Wood,  Athenœ  Oxon.,  II.   —  Rees,   Cyclopsedia.  i 
Haller,  Biblioth.  Botanica.  —  Niceron,  Mémoires,  XV 

—  Jourdan,  Biogr.  Médicaie.  —  Cuvier,  Hist.  des  Scii  | 
ces  naturelles,  II. 

morisot  (  Jean),  érudit  français,  né  àDô  j 
vers  1510.  Il  étudia  la  médecine,  fut  reçu  de 
teur,  et  acquit  dans  les  lettres  des  connaissam  | 
étendues  ;  mais  le  vif  désir  qu'il  avait  d'au  j 
menter  son  savoir  lui  fut  plus  nuisible  qu'eu 
puisqu'il  servit  de  prétexte  à  ses  ennemis  po 
l'exclure  de  la  chaire  de  médecine  à  l'univers  ( 
de  Dôle  et  même  pour  l'entraver  dans  l'exerci  j 
de  son  état.  Il  dut  se  contenter  de  donner  i  j 
collège  de  sa  ville  natale  des  leçons  de  grec 
de  latin.  Bien  qu'il  soit  honorablement  cité  p  j 
quelques-uns  de  ses  contemporains,  on  n'a  poi , 
d'autres  renseignements  sur  sa  vie,  qui  s'éti 
gnit  dans  l'obscurité.  Il  a  publié  :  Cicerç»* 
Paradoxa,  cum  greecainterpretatione  ;  Bâl  ( 
1547,  in-8°;  en  1551  il  donna  une  édition  I 
tine  du  même  ouvrage;  —  Hrppocratis  Aph. 
risrnorum  genuina  Lectio,  cum  interpret 


15 


MORISOÏ  —  MORISSON 


me;  Bàle,  1547,  in-8°;  —  Colloquiontm 
}.  IV;  Bâle  (  1550  ),  in-8°;  on  trouve  à  la 
ite  de  cet  ouvrage  un  petit  traité  De  Pare- 
emate  contra  Ciceronis  calumnialores,  où 
>risot  s'efforce  de  prouver  que  Cicéron  était 
5si  bon  poëte  que  bon  orateur.  Il  est  encore  au- 
ir  des  Horse  succesivas,  recueil  qui  paratt 
>ir  été  imprimé,  et  de  quarante-cinq  ouvrages 
nuscrits,  en  prose  et  eni  vers,  dont  laliste  a  été 
érée  dans  la  Bibliothèque  de  Gesner.  P.  L. 

allut,  Mémoires  du  Comté  de  Bourgogne,  liv.  A  — 
iert  Cousin ,  Descriptio  Comitatus  Burgundiss.  — 
1er,  Biblioth. 

iiorisot  (  Claude- Barthélémy)  ,  érudit 
içaisj  né  le  12  avril  1592,  à  Dijon,  où>  il  est 
rt,  le  22  octobre  1661.  Fils  d'un  conseiller 
t  chambre  des  comptes  de  Dôle,  il  était  pré- 
sentent de  la  même  famille  que  le  précé- 
t.  Son  éducation  fut  très-soignée  :  il  eut 
i  maîtres  Marsile,  Criton,  Cospean  et  Car- 
,  et  entretint  des  relations  d'amitié  avec  les 
<ants  les  plus  connus  de  son  temps.  Par  com- 
sance  pour  son  père,  il  s'était  fait  admettre 
Barreau  de  Dijon  ;  mais,  n'ayant  aucun  goût 
r  la  profession  d'avocat ,  il  s'adonna  à  l'é- 
e  des  lettres  et  de  l'antiquité.  Il  était  sei- 
«r  de  Chaudenay  et  de  Vernat.  On  a  de  lui  : 
iricus  magnus ;  Leyde  (Dijon),  1624,  in-8°; 
*ève,  1627;  c'est  moins  une  histoire  qu'un 
«égyrique  ;  —  Alitophili  veritatis  Lacrymse, 
I  Euphormionis  Lusinini  Continuatio; 
*ève,  1624,  in- 12  :  satire  violente  contre  les 
aites,  condamnée  par  un  arrêt  du  parlement  de 
»n  et  plusieurs  fois  réimprimée  ;  —  Ponticus 
"dicxa,  ad  illustriss.  cardin.  Richelium; 
tis,  1628,  in-4°,  épître  en  vers;  —  Panegy- 
us  Ludovico  Justo  scriptus  ;  Dijon,  1629, 
4»;  —  Or  bis  maritimus,  sive  de  rerum  in 
*ri  et  littoribus  gestarum  generalis  his- 
to»;  Dijon,  1643,  ut-fol1.,  fig.  ;  cet  ouvrage, 
isé  en  deux  livres,  est  un  des  premiers  dont 
stoire  navale  ait  été  l'objet,  et  contient  beau- 
}p  de  particularités  intéressantes  ;  —  Peru- 
ma; Dijon,  1644,  in-4o  ;  roman  historique, 
'S  lequel  l'auteur  raconte,  sous  des  noms  pé- 
»ï«bs,  les  démêlés  du  cardinal  de  Richelieu 
!«  Marie  de  Médicis  et  Gaston  d'Orléans  ;  on 
bint  d'ordinaire  nue  liste  imprimée  des  noms 
près  et- une  pièce  intitulée  Concluais  totius 
m(ibid.,  1646);—  P.  Ovidii  Fastorum 
fi  XI f,  qitorum  VI  posteriores  a  Morisoto 
'slïtutï  sunt  ;  Dijon,  1649,  in-4°;  —  Caro- 
I,  Britannorum  rex,  a  securi  et  calamo 
toni  vindicatus  ;  Dijon,  1652,  in-12';  — 
istolarum  Centurise  II  ;  Dijon,  1656,  in-4a; 
Président  Bouhier  en  possédait  deux  autres 
turies  manuscrites;  il  n'est  pas  bien  certain 
'  ces  lettres  aient  jamais  été  envoyées  à  ceux 
it  elles  portent  les  noms.  Morisota  aussi  écrit 
edes  Relations  véritables  de  Madagascar 
Cauche  (  Paris,  1651,  in-4°).  P.  L. 

I  an  Morelet,  Claudii-Barth.  Morisoti  vitx  Elogium; 


606 

Papillon,  Biblioth.  des  Auteurs  de 


Dijon,  1675,  in-4°. 
Bourgogne,  11. 

morisot  (Joseph-Madelaine-Rose),  ar- 
chitecte français,  né  à  Champeaux  (  Brie  ),  le 
23  août  1767,  mort  à  Versailles,  le  1er  octobre 
1821.  Il  lit  ses  premiers  essais  en  architecture 
sous  la  direction  de  Delagrange,  vérificateur  eu 
chef  des  bâtiments  du  comte  de  Provence  (  de- 
puis Louis  XVIII).  Sous  l'empire  il  fut  nommé 
architecte  vérificateur  des  bâtiments  de  la  cou- 
ronne ;  sous  la  restauration,  il  fut  confirmé  dans 
sa  position ,  et  chargé  de  l'entretien  du  château 
de  Versailles.  Il  mourut  dans  cette  résidence. 
On  a  de  lui  :  Essai  sur  un  nouveau  mode  de 
mesurer  les  ouvrages  de  bâtiment,  en  sup- 
primant les  usages;  Paris,  F.  Didot,  1802, 
in-8°;  —  Tableaux  détaillés  des  prix  de 
tous  les  ouvrages  de  bâtiment,  divisés  sui- 
vant les  différentes  espèces  de  travaux,  et 
suivis  d'un  Traité  particulier  pour  chaque  es- 
pèce sur  la  manière  de  mesurer  et  toiser  les 
ouvrages,  avec  pi.;  Paris,  1804,  7  vol.  in-8°.  Ce 
manuel  se  corn  pose  d'une  Introduction  contenant 
une  bibliographie  critique  des  auteurs  qui  ont 
écrit  sur  l'architecture  et  la  construction  des  bâ- 
timents. Il  est  terminé  par  un  Vocabulaire  de 
termes  techniques.  A.  D. 

Matml,Annuaire  nécrolog. ,.1821.—  Quérard,  La  France 
Littér. 

morisson  (  Charles  -  François-Gabriel) , 
homme  politique  français,  né  en  Bretagne,  vers 
1740,  mort  à  Bourges,  en  1816.  Il  exerçait  la 
profession  d'avocat  avant  la  révolution ,  dont  il 
accepta  les  principes.  Il  devint  en  1790  admi- 
nistrateur de  la  Vendée ,  et  fut  élu ,  par  ce  dé- 
partement, député  à  l'Assemblée  législative,  puis 
à  la  Convention  nationale.  Il  siégea  toujours  sur 
les  bancs  de  la  minorité.  Lors  du  procès  de 
Louis  XVI,  il  soutint,  d'abord  le  13  novembre,  que 
ce  monarque  ne  pouvait  être  mis  en  jugement; 
cependant  il  conclut  à  son  exil.  Le  29  décembre 
suivant,  il  parla  dans  le  même  sens  :  il  invoqua 
la  Constitution,  qui  ne  reconnaissait  de  peine  ap- 
plicable au  roi  que  la  destitution.  Il  reprocha  aux 
jacobins ,«  de  traiter  de  scélérats  tous  ceux  qui 
n'avaient  pas  la  même  opinion ,  le  même  cœur 
et  le  même  esprit  qu'eux.  Vous  citez  toujours 
Brutus,  leur  dit-il;  mais  si  César  eût  été  sans 
armes  et  sans  puissance ,  ce  Brutus  fût  devenu 
peut-être  sondéfenseur!  »  Il  demanda  de  nouveau 
le  bannissement  de  Louis  XVI  et  de  sa  famille , 
avec  une  pension  de  500,000  livres,  sous  condi- 
tiondepeinedemort  pour  lui  ou  ceux  des  siens  qui 
rentreraient ,  sans  autorisation ,  sur  le  sol  fran- 
çais. Aux  trois  appels  nominaux  pour  la  mise 
en  accusation  du  roi,  l'appel  au  peuple  et  l'ap- 
plication de  la  peine,  il  refusa  de  voter,  déclarant 
chaque  fois  qu'il  ne  regardait  pas  ce  prince 
comme  justiciable  de  la  Convention.  Le  12  août 
1793  il  demanda  des  secours  pour  le  départe- 
ment de  la  Vendée  :  à  cette  occasion  il  fut  ac- 
cusé par  Garnier  (de  Saintes)  d'entretenir  des 


607 


MORISSON 


relations  avec  les  royalistes  ;  mais  cette  dénon- 
ciation, presque  toujours  mortelle  à  cette  époque, 
n'eut  pas  de  suites,  et  Morisson  traversa  sans 
être  inquiété  l'époque  sanglante  de  la  terreur. 
11  Ait  en  décembre  1794  l'un  des  commissaires 
envoyés  dans  l'ouest  de  la  France  pour  y  proclamer 
l'amnistie  et  amener  la  pacification  de  ces  mal- 
heureuses contrées.  Devenu  membre  du  Conseil 
des  Cinq  Cents ,  fidèle  à  son  système  de  modéra-  j 
tion,il  proposa  et  fit  adopter  une  nouvelle  amnis- 
tie pour  les  chouans.  11  sortit  des  Cinq  Cents  le 
20  mai  1797.  Napoléon  lui  accorda  une  place  de 
conseiller  à  la  cour  impériale  de  Poitiers,  d'où 
il  le  fit  passer  à  celle  de  Bourges.  Morisson  oc- 
cupa cette  place  jusqu'à  sa  mort.      H.  L — r. 

Le  Moniteur  universel ,  an  1792,  n°«  3,  159.  174,  319, 
366;  an  1er,  n°»  55,  22&;  an  n  (1793),  n°  164;  an  iv, 
pages  48-258.  —  Biographie  moderne  (Paris,  1806;.  — 
Petite  Biographie  Conventionnelle  (Paris,  1815).  —  Galerie 
historique  des  Contemporains  (Mons,  1827). 

moritz  (Charles- Philippe),  littérateur  et 
grammairien  allemand,  né  à  Hameln,  le  15  sep- 
tembre 1757,  mort  le  26  juin  1793.  Né  de  pa- 
rents pauvres,  il  apprit  pendant  quelque  temps 
îe  métier  de  chapelier.  Ce  ne  fut  qu'à  l'âge  de 
quatorze  ans  qu'il  commença  à  acquérir  quelque 
instruction,  grâce  à  la  généreuse  protection  du 
commandant  de  Hanovre.  Entraîné  par  son  ca- 
ractère fantasque  et  bizarre  dans  une  vie  aven- 
tureuse, il  obtint  enfin  en  1780  une  place  de 
co-recteur  à  l'école  du  Couvent  gris  à  Berlin. 
Après  avoir  en  1782  parcouru  à  pied  une  grande 
partie  de  l'Angleterre,  il  fut  nommé  en  1784 
professeur  au  gymnase  de  Berlin.  En  1786  il 
partit  pour  l'Italie,  dans  le  but  d'y  recueillir  des 
matériaux  pour  un  ouvrage  sur  les  antiquités  de 
ce  pays.  De  retour  en  Allemagne  en  1788,  il  passa 
quelque  temps  à  Weimar,  chez  Goethe.  L'année 
suivante  il  fut  nommé  professeur  d'archéologie  et 
d'esthétique  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  de  Ber- 
lin ;  peu  de  temps  après  il  fut  élu  membre  de 
l'Académie  des  Sciences  de  cette  ville.  Quoique 
d'une  très-faible  santé,  il  sut,  par  un  travail  opi- 
niâtre, acquérir  des  connaissances  variées  ;  mais 
«lies  étaient  un  peu  superficielles.  On  a  de  lui  :  Un- 
terhaltungen  mit  meinen  Schillern  (Entretiens 
avec  mesélèves;  Berlin,1780,in-8°;— Blunt,oder 
der  Gast( Blunt, ou  le  Convive);  Berlin,  1781, 
in-8°;  comédie;  —  Beitràge  zur  Philosophie 
des  menschlichen  Lebens  (  Fragments  d'une 
Philosophie  de  la  vie  humaine);  Berlin,  1781, 
in-8°  ;  —  Kleine  Schriften  die  deutsche  Spra- 
che  belreffend  (Opuscules  concernant  la  langue 
allemande);  Berlin,  1781,  in-8°;  —  Deutsche 
Sprachlehre  fur  Damen  (Grammaire  allemande 
pour  les  dames);  Berlin,  1782,  in-8»;  —  an- 
leitung  zum  Briefschreiben  (  Manuel  de  Cor- 
respondances); Berlin,  1783  et  1795,  in-8°  ;  — 
Beisen  eines  Deutschen  in  England  im  Jahre 
1782  (Voyages  d'un  Allemand  en  Angleterre  en 
1782);  Berlin,  1783,  in-8°;  traduit  en  anglais; 
Londres,  1795,  in-8°;  —  Von  der  deutschen 
Rechlschreibung  (De  l'Orthographe  allemande)  ; 


—  MORLA  60 

Berlin,  1784,  in-8°;  —  Anton  Reiser,  psych 
logischer  Roman  (  Antoine  Beiser,  roman  ps 
chologique);  Berlin,    178E-1790,   4  vol.  in-8 
suivi  d'un  cinquième  volume,  écrit  pariKIischin 
et  qui  donne  des  éclaircissements  sur  ce  roma 
qui  n'est  que  la  biographie  un  peu  idéalisée  i 
l'auteur  ;  —  Versuch  einer  deutschen  Prosoo 
(Essai  d'une  Prosodie  allemande);  Berlin,  178 
in-8*  ;  premier  travail  écrit  sur  ce  sujet  ;    , 
Fragmente  aus  dem  Tagebuche  eines  Geistt 
sehers  (Fragments du  Journal  d'un  Visionnaire 
Berlin,  1787,  in-8<>;  _  Gôlterlehre  der  Alt  i 
(Mythologie  des  Anciens);  Berlin,  1791  et  18c  ' 
in-8°,  avec  planches;  —  'Av8ou<ra,  oder  Roil 
Alterthûmer  (Anthousa,  ou  les  Antiquités    | 
Borne);  Berlin,  1791  et  1797,  in-8°,  avec  phi 
ches;  —  Grundlinien  zu  meinen  Vorlesung 
iiber  den  Slyl  (  Principes  de  mon  Cours  sur 
Style);  Berlin,  1791,  in-8°  ;  —  Reisen  en\ 
Deutschen.  in  Italien  in  den  Jahren  171  i 
1788  (Voyages  d'un  Allemand  en  Italie  de  17 D 
à  1788);  Berlin,  1792-1793,  trois  parties  in-lJ 
—  Vorlesungen  iiber  den  Styl  (  Cours  sur  jj 
Style);  Berlin,  1793-1794,   2  parties  in-8°;  I 
Brunswick,  1808,  in-8°;  —  Allgemeiner  dei\ 
scher  Briefsteller    (Correspondant   allema 
complet);  Berlin,  1793  et  1802,  in-8";  —  LclM 
nen  und  Phantasien  (  Caprices  et  Fantaisies 
Berlin,  1796,  in-8°;  —  plusieurs  livres  à  l'usiJ 
des  enfants,  de  nombreux  articles  dans  divl 
recueils  qu'il  dirigeait,  tels  que  le   Maga. 
psychologique    (Berlin,   1783-1792,   10  v| 
in-8"),  la  Monatschrift   der  Akademie 
Kùnste  und  Wissenschaften   (Berlin,   17.1 
1790,  2  vol.  in-4°),  Italien  and  DeutschlaA 
(Berlin,  1789-1792,  2  vol.  in-8°),  la  DeutsA 
Monatschrift,  etc.  oj 

Schlichtegroll,  Nekrolog*  t.  H.  —  Meuset,  Lexïka, 
J6rden9,  Lexikon,  t.  VI. 

morla  (  Don  Thomas),  général  espagnol,! 
en  1752,  mort  en  1820.  Il  embrassa  très-je'ifi 
l'état  militaire,  parcourut  rapidement  les  gra<j 
inférieurs,  et  fit  la  guerre  contre  les  Fram 
dans  le  Boussillon  (1792-1793).  Il  sedistinH 
par  son  courage  et  son  activité,  mais  fut  ace 
plus  tard,  par  Napoléon  lui  -  même  (  décen 
1808),  d'avoir  encouragé  le  pillage  par  ses  trou 
et  d'avoir  procédé  lui-même  au  partage  ei 
ses  soldats  d'un  certain  nombre  de  malheurei 
femmes  enlevées  aux  villages  qu'il  venait  d 
cuper  (1).  Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  fait,  sur  lec 
les  documents  contemporains  se  taisent,  les 
vices  de  don  Morla  le  firent  parvenir  au  ranj 
capitaine  général  de  l'Andalousie  et  biente 
celui  d'inspecteur  général  de  l'artillerie.  Il 
ensuite  appelé  au  conseil  de  Castille,où  il  moi 
de  grandes  connaissances  administratives.  L 


(1)  On  ne  comprend  pas  qu'après  une  pareille  ace 
lion,  exprimée  face  à  face,  Napoléon  ait  confié,  si  elle 
fondée,  un  emploi  supérieur  à  don  Morla,  ou  commer 
c'était  une  calomnie.,  ce  général  a  pu  se  rallier  au  | 
vernement  impérial. 


509 


MORLA  —  MORLACCHI 


610 


jue  l'abdication  forcée  et  l'internement  en 
France  du  roi  Charles  IV  et  de  son  fils,  le  prince 
les  Asturies( depuis  Ferdinand  VII),  vinrent  ré- 
véler les  desseins  de  Napoléon  sur  l'Espagne  (oc- 

[obre  1807-avril  1808),  Morla  se  prononça  hau- 
ement  pour  l'insurrection  contre  le»  Français, 

i  :t  contraignit,  par  le  feu  des  batteries  de  Cadix, 
es  débris  de  la  flotte  française  échappés  au 
lésastre  de  Trafalgar  et  bloqués  par  les  escadres 
nglaises,  à  amener  leurs  pavillons  (1).  Appelé 
Madrid  comme  membre  de  la  junte  nationale 
militaire  espagnole ,  il  concourut  à  la  défense  de 
ette  capitale ,  puis  fut  chargé  avec  un  de  ses 
ollègues  de  se  rendre  auprès  de  l'empereur 
our  traiter  d'une  capitulation  (décembre  1808). 
le  fut  alors  que  Napoléon  lui  reprocha  énergi- 
uemeot  sa  conduite  passée.  Morla  se  réfugia  à 
adix,  et  y  présida  la  junte  suprême  d'État,  qui 
'avait  presque  plus  que  cette  ville  sous  sa  do- 
linalion.  En  février  1809,  le  bruit  se  répandit 
ne  la  junte  suprême  avait  saisi  une  correspon- 
ance  entretenue  par  le  général  Morla  avec  les 
;ents  de  Joseph  Napoléon.  Une  sédition  s'éleva 
Mitre  lui,  et  ce  ne  fut  pas  sans  péril  qu'il  put 
i  échapperde  Cadix.  Il  se  rangea  aussitôt  sous  les 
i  -apeaux  de  Joseph,  qui  le  nomma  membre  de 
!m  conseil  d'État  (8  mars  1809  )  «t  le  décora 
>îu  après»  du  grand-cordon  de  l'ordre  royal  d'Es- 
(idgne.  Ses  protestations  de  fidélité  et  de  dévoue- 
j>  ent  lui  valurent  la  présidence  des  sections  de 
i  guerre  et  de  la  marine.  Disgracié  à  la  restau- 
ktion  de  Ferdinand  VII,  et  plus  heureux  que  plu- 
i-eiirs  autres  afrancesados,  il  mourut  tranquil- 
!'ment  dans  ses  terres.  A.  de  L. 

^Biographie  étrangère  (Paris,  1819).  —  Galerie  histo- 
ique  des  Contemporains  (Mons,  1827).  —  Van  Tenac, 
listoire  générale  de  la  Marine,  t.  IV,  p.  169. 
I  morlacchi  (  Francesco ) ,  compositeur  ita- 

;n ,  né  à  Pérouse,  le  14  juin  1784,  mort  à  Ins- 
iuck,  le  29  octobre  1841.  Il  reçut  les  pre- 
Hières  leçons  de  musique  de  son  père,  Antonio, 
botaniste  de  quelque  réputation,  qui  lui  enseigna 
lissi  son  instrument;  il  apprit  ensuite  le  piano 
|  l'orgue,  et  commença  sous  Louis  Carruso 

is  études  de  composition,  qu'il,  continua  sous 
Aingarelli  et  sous  le  P.  Mattei.  Le  premier  ou- 
«[■'age  de  Morlacchi  fut  un  oratorio  intitulé  :  Gli 

\ngeli  al  sepolcro  (1802).  Cette  production  at- 
<i:a  tous  les  regards  sur  l'auteur,  qui  bientôt  fut 
îlfiargé  de  mettre  en  musique  une  cantate  à  l'oc- 

pion  du  couronnement  de  Napoléon  en  qualité 
u  roi  d'Italie  :  elle  fut  exécutée  au  théâtre  de 

blogne,  en   1805.  Deux  ans  plus  tard,  Mor- 

jcchi  donna,  dans  la  même  ville,  son  premier 

Ittéra,  II  Ritratto  (1807),  qui  fut  promptement 

ijiivi  d'un   second,  Il  Poeta   in  campagna 

807),  tous  deux  du  genre  bouffe;  sept  autres 

l[l)  Cette  flotte,  commandée  par  le  vice-amiral  Rosily, 
jmptuit  encore  les  vaisseaux  Le  Héros,  Le  Neptune, 
vMgesiras,  L'Argonaute,  Le  Pluton  et  quelques  bâti- 
;nts  d'un  rang  inférieur;  mais,  prise  à  limpro  viste  entre 
ux  feux ,  elle  dut  céder  rapidement  sous  les  mortiers 
j  Morla. 

NOtT.   BIOGR.    GÉNÉR,    —  T.    XXXVI. 


ouvrages  parurent  sur  les  théâtres  de  Parme,  de 
Rome  et  de  Milan,  pendant  les  trois  années 
suivantes.  Le  dernier,  intitulé  Le  Danaide  (1810) 
obtint  un  tel  succès  que  le  roi  de  Saxe  choisit 
l'auteur,  qui  n'avait  alors  que  vingt-six  ans,  pour 
son  maître  de  chapelle,  chargé  de  la  direction 
du  théâtre  italien  de  Dresde.  Ses  occupations 
en  cette  qualité  ne  l'empêchèrent  pas  d'écrire, 
en  Italie,  un  grand  nombre  d'opéras,  qui  presque 
tous  furent  bien  accueillis  ;  celui  de  Tebaldo  ed 
Isolina  (1820)  fut  un  des  plus  remarqués,  et  est 
représenté  encore  aujourd'hui.  Tous  les  ouvrages 
de  Morlacchi  sont  du  même  style  que  ceux  de 
Paër  et  de  Simon  Mayer,  c'est-à-dire  que  l'on 
y  trouve  une  harmonie  plus  forte,  des  morceaux 
d'ensemble  plus  étoffés  et  une  instrumentation 
plus  ornée  et  plus  robuste  que  dans  les  ouvrages 
de  Cimarosa  et  de  Païsiello.  Composée  pour  la 
chapelle  royale  de  Dresde,  sa  musique  d'église 
se  ressent  du  séjour  de  l'Allemagne  :  elle  est 
pleine  d'énergie,  et  d'heureuses  combinaisons 
vocales  et  instrumentales  s'y  rencontrent  à  chaque 
instant.  Le  séjour  de  Morlacchi  à  la  cour  de 
Saxe  ne  fut  traversé  que  par  une  seule  contra- 
riété. Le  roi  était  resté  l'un  des  derniers  alliés 
de  la  France  :  la  Russie  voulut  s'en  venger,  en 
1813,  alors  qu'elle  était  chargée  de  l'adminis- 
tration de  la  Saxe.  La  chapelle  royale  fut  d'abord 
supprimée;  mais  Morlacchi  courut  à  Francfort, 
où  se  trouvait  Alexandre,  et  obtint  qu'elle  fût 
conservée.  Ce  fut  dans  cette  circonstance  qu'il 
composa  une  messe  du  rite  grec  pour  les  voix 
seules,  et  dont  les  paroles  étaient  en  vieux  slavon 
(1814).  Peu  de  temps  auparavant,  il  avait  écrit 
en  quelques  jours  une  cantate  pour  l'anniver- 
saire de  la  naissance  du  tsar.  Lorsque  les  Russes 
se  furent  retirés  de  la  Saxe,  il  se  trouva  confirmé 
dans  sa  place,  et  vécut  entouré  de  l'affection  de 
tous  les  musiciens  delà  chapelle,  qui  lui  avaient 
du  la  conservation  de  leur  emploi.  Il  resta  tou- 
jours dans  la  plus  parfaite  intelligence  avec  We- 
ber,  qui  remplissait  des  fonctions  analogues  aux 
siennes.  La  suppression  de  l'Opéra  italien  à 
Dresde,  en  1832,  lui  causa  quelque  chagrin,  et 
il  fut  plus  tard  sur  le  point  d'accepter  la  place 
de  maître  de  chapelle  du  Vatican,  vacante  par  la 
démission  de  Fioravanti  ;  mais  on  sut  le  retenir, 
non-seulement  par  les  avantages  d'une  position 
convenable,  mais  plus  encore  par  de  vives  mar- 
ques de  considération  et  d'attachement.  Mor- 
lacchi est  mort  à  Inspruck ,  au  moment  où  il  se 
préparait  à  aller  passer  l'hiver  dans  sa  patrie. 

Son  œuvre  se  compose,  en  musique  sacrée, 
de  six  messes  solennelles  et  d'une  messe  de  re- 
quiem, de  vêpreî,  motets  et  antiennes  de  di- 
vers genres  ;  en  musique  de  théâtre ,  de  vingt- 
cinq  opéras  et  douze  cantates  ;  enfin,  en  mu- 
sique de  chambre,  d'ariettes ,  solos,  etc.,  sur  pa- 
roles italiennes,  et  de  quelques  pièces  instru- 
mentales. Quoique  Morlacchi  écrivît  avec  une  fa- 
cilité extraordinaire,  sa  musique  est  en  général 
toujours  sage  et  correcte.  Il  conservera  une  place 

20 


611 


MORLACCHI 


fort  honorable  parmi  les  compositeurs  qui  ont 
précédé  et  préparé  la  révolution  dramatico- mu- 
sicale que  le  génie  de  Rossini  devait  accomplir. 
[J.-A.  de  Lafage,  dans  VEnc.  des  ,G.  dit  M.] 
Tipaldo,  Biogr.  degli  Italiani  illustri,  X.  —  Fétis, 
Biographie  univ.  des   Musiciens. 

aïCRLÀND  (Sir  Samuel),  ingénieuranglais,  né 
vers  1625,  mort  le  30  décembre  1695,  à  Ham- 
mersmith.  Il  fit  ses  études  à ,  l'université  de 
Cambridge.  Après  avoir  fait  partie  de  l'ambas- 
sade envoyée,  en  1653,  près  de  Christine  de 
Suède,  ildevint  secrétaire  deThurloe,et  fut  chargé 
par  Cromwell  d'adresser  des  représentations  au 
duc  de  Savoie  afin  de  faire  cesser  la  persécution 
dirigée  contre  les  Vaudois.  Bien  que  le  protec- 
teur l'eût  traité  avec  bienveillance,  il  entretenait 
des  intelligences  secrètes  avec  le  parti  du  pré- 
tendant, et  prévint  même,  dit-on,  ce  dernier  du 
guet-apens  où  Thurloe,  Willis  et  d'autres  avaient 
essayé  de  l'attirer  en  1659-  A  peine  la  restaura- 
tion fut-elle  consommée  qu'il  obtint  de  Charles  II 
le  titre  de  baronet  et  la   place  de  mécanicien 
royal  (master  of  mechanics);  plus  tard  il  fut 
nommé  gentilhomme  de  la  chambre  et,  en  1679, 
il  eut  une  pension  de  400  liv.  st.  pour  réparer  le 
désordre  de  sa  fortune,  compromise  par  un  im- 
prudent mariage.  Cependant  il  se  plaignit  de  la 
parcimonie  avec  laquelle  on  l'avait  récompensé, 
et,  dégoûté  du  service  des  grands ,  il  se  livra 
avec  ardeur  à  l'étude  de  la  mécanique  et  de 
l'hydraulique.  Vers  la  fin  de  sa  vie  il  devint 
aveugle,   et  tomba  dans  la  misère.  Morland  a 
laissé  la  réputation  d'un  ingénieur  des  plus  ha- 
bjles.  Il  fit  à  ses  frais  de  nombreux  essais 
d'hydrostatique,  entre  autres  celui  d'élever  les 
eaux  de  la  Tamise  jusqu'à  la  plus  haute  corniche 
du  château  de  Windsor;  il  se  rendit  môme,  d'a- 
près l'ordre  du  roi ,  à  la  cour  de  France,  où  il 
exposa  plusieurs  plans  à  Louis  XIV.  Il  inventa 
le  porte-voix  dans  le  même  temps  où  le  P.  Kir- 
cher  s'en  occupait  en  Italie  ;  on  appelait  alors 
cet  instrument  la  trompette  parlante.  Dans 
ses  Principes  de  la  nouvelle  force  du  feu , 
il  s'exprime  en  ces  termes  sur  l'emploi  de  la  va- 
peur :  «  L'eau  étant  réduite  en  vapeur  par  la  force 
du  feu,  ces  vapeurs  exigent  incontinent  un  plus 
grand  espace  (environ  200  fois)  que  l'eau  n'oc- 
cupait auparavant,   et  plutôt  que  d'être  cons- 
tamment emprisonnées  elles  feraient  éclater  une 
pièce  de  canon.  Mais  étant  bien  gouvernées,  se- 
lon les  règles  de  la  statique  et  par  science  réduites 
à  la  mesure,  au  poids  et  à  la  balance,  alors  elles 
portent  paisiblement  leur  fardeau  (comme  de  bons 
chevaux),  et  deviennent  ainsid'un  grand  usageau 
genre  humain  surtout  pour  Télé vationdes  eaux.  » 
La  mention  des  pompes  à  feu  et  de  l'usage  de  la 
vapeur  se  trouva  ainsi  clairement  indiquée  :  Mor- 
land en  serait  l'inventeur,  si  Salomon  de  Caus 
(  voy.  ce  nom)  ne  lui  était  pas  antérieur.  II  eut  en- 
core dans  son  temps  une  certaine  réputation  pour 
la  construction  desinstruments  de  physique;  ses 
baromètres  étaient,  selon  l'opinion  deMusschen- 


' 


-  MORLAND  ( 

brœk,  les  plus  exacts  qu'on  eût  jamais  vus.  0 
de  lui  :  History  of  the  evangelical  Churcha 
Piedmont  ;  Londres,  1658,  in-fol.  ;  —  The  1 
criplion  and  Use  of  two  Arithmetic  Inst, 
ments;  Londres,  I662,1673,in-8°,avecpl.,tr; 
excessivement  rare  ;  —  Description  of  the  Tx 
stentor ophonica,  or  speaking  trumpet;  L 
dres,  1671,  in-fol.;  —  The  Count  of  Paga 
Melhod  of  delineating  ail  manner  of  foi 
fications  from  the  exterior  polygon  ;  Londi 
1672;  —  A  new  and  most  usefxd  Instrum 
for  addition  and  subslraction,  with  a  j. 
petual  almanack;  Londres,  1672,  in-8°; 
The  Doctrine  of  interest,  boih  simple  c 
compound,  explained;  Londres,  1679,  in- 
—  Élévation  des  eaux  par  toutes  sortes 
machines  réduite  à  la  mesure,  au  poidt 
la  balance,  par  le  moyen  d'un  nouveau  pis 
et  corps  de  pompe  et  d'un  nouveau  mou 
ment  cyclo-elliptique,  en  rejetant  l'usage 
toxites  sortes  de  manivelles  ordinaires;  Pa 
1685,  in-4°  ;  une  copie  manuscrite  de  cet  ouvr 
curieux  fut  offerte  à  Louis  XIV  et  se  trouy 
la  Bibliothèque  impériale.  On  en  connaît  un  ai 
manuscrit  moins  étendu,  Elévation  des  et 
par  toutes  sortes  de  machines  (Paris,  16$ 
terminé  pat'  les  Principes  de  la  nouvelle  Ft 
dît  Feu,  et  réfondu  dans  le  traité  précédent; 
Hydrostatica,  or  instructions  concerning\ 
ter-works  ;  Londres,  1697,  in-12.  K. 

Urim  of  conscience ,  autobiogr.  ms.  remise  parJ 
Morland  à  l'arcliev.  Tenison  et  remise  à  la  bibllott 
Lambelh  avec  beaucoup  d'autres  papiers  de  lui.  —  Lysi 
Environs,  I  et  II.  —  Clarendon,  History.  —  Rees,  C\ 
pasdia.  —  Welwood,  Memoirs.  —  Arago,  Notice  se 
tiflqiie,  t.  II,  p.  22. 

3ÎOKLAS»  (Qeorges),  peintre  anglais,  n 
26  janvier  1763,  à  Londres,  où  il  est  mort 
29  octobre  1804.  Fils  d'un  médiocre  peintre 
portraits,  il  reçut  de  lui  les  premiers  élém< 
du  dessin,  et  ne  tarda  pas  à  le  surpasser, 
talents  précoces  ne  servirent  qu'à  le  jeter- 
bonne  heure  dans  un  train  de  vie  abjecte  et f 
sérable,  d'où  il  ne  sortit  jamais.  En  effet  à  pi 
eut-il  laissé  voir  avec  quelle  puissance  il  ob: 
vait  et  il  rendait  la  nature  que  son  père,  hon< 
avide  et  corrompu,  le  fit  travailler  sans  relâ 
pour  les  marchands  ou  pour  les  ventes  à  H 
chère,  et  qu'il  le  laissa  dans  un  état  com 
d'ignorance  et  de  grossièreté.  Plus  tard  on  t< 
vainement  de  l'en  arracher.  Devenu  maître 
lui-même,  recherché  et  encouragé  par  les  ai 
teurs,  exploité  par  les  marchands  de  tableai 
ayant  un  nom  célèbre,  il  ne  s'amenda  pas  da\ 
tage.  Tout  le  temps  qu'il  n'avait  pas  les  ] 
ceaux  à  la  main,  il  le  passait  à  boire  et  à  coi 
les  rues,  en  compagnie  de  gens  suspects  ou 
bas  étage.  L'ivrognerie  et  la  débauche  altérèi  M 
sa  constitution;  son  talent  même  en  resseP 
de  funestes  atteintes.  Il  tomba  dans  le  mé| 
général.  Mis  en  prison  pour  dettes,  il  but  un 
grande  quantité  de  spiritueux  qu'il  devint  ir 
pable  de  rien  penser  et  de  rien  comprendre 


MORLAND 

nourut  à  peu  près  idiot,  à  l'âge  de  quarante  ans. 

ia  femme  ne  lui  survécut  qu'un  jour  ou  deux. 

lorland  est  un  des  rares  artistes  de  génie  de  l'é- 

ole  anglaise  ;  il  ne  dut  ses  qualités  qu'à  lui-même 
[  t  à  la  nature,  qu'il  étudiait  sans  cesse  et  qu'il 
lavait  interpréter  avec  intelligence.  Il  excellait  à 
I  eindre  des  animaux  ou  des  scènes  familières;  il 

vait  le  coup  d'oeil  sûr  et  l'exécution  rapide.  Bien 
!  u'il  manquât  d'imagination,  il  disposait  habilc- 
!  lent  un  sujet  et  en  tirait,  grâce  à  une  extrême 
l  icilité  de  main,  des  effets  piquants  et  inattendus. 

P.  L. 
•  Gentleman's  Magazine,  1804.  —  Edwards,  Supplément 

5  fl'alpole.  —  l'ilkington,  Dict.  of  Pointers. 

|  morland  (François-Louis),  colonel  fran- 
çais, né  le  11  août  1771,  à  Souilly  (Meuse), 
Ijéie  2  décembre  1805,  à  Austerlitz.  Enrôlé 

olontaire  en  1791,  il  se  distingua  bientôt  par 
[éclat  de  ses  services,  et  devint  en  1800  chef 
l 'escadron  des  chasseurs  de  la  garde  consulaire. 
|  e20  prairial  an  xm,  il  fut  promu  dans  ce  corps 
f  a  grade  de  colonel  en  second.  Il  fut  tué  d'un 
|  jup  de  canon  à  la  bataille  d'Austerlitz,  où  il 
|  enait  de  faire  preuve  du  plus  brillant  courage. 
J  on  corps  fut  transporté  à  Paris  et  donné,  en 
I S14,  à  l'école  de  médecine;  on  le  vit  exposé 
f  ans  le  cabinet  d'anatomie  sous  la  désignation 
[e  momie  jusqu'en  1818,  époque  où,  par  suite 

es  réclamations  de  la  famille,  il  reçut  enfin  au 
[filage  de  Souilly  les  honneurs  de  la  sépulture. 

ar  décret  de  février  1806,  un  des  quais  alors 
|*n  construction  à  Paris  reçut  le  nom  de  quai 
Horland.  P. 

j  Biogr.  nouv.  des  Coniemp.  —  Moniteur  univ.,  1818. 
\  MORLET  (Thomas),  compositeur  anglais, 
port  en  1604,  à  Londres.  D'après  Anthony 
[Vood ,  le  seul  écrivain  qui  parle  de  lui,  il  avait 
ru  William  Bird  pour  maître,  et  lui  succéda,  en 
[592,  dans  l'emploi  de  maître  de  chapelle.  En 
[588,  il  avait  pris  à  Oxford  le  degré  de  bache- 
lier en  musiqae.  Morley  est  regardé  comme  un 

es  coryphées  de  l'ancienne  école  anglaise;  il  a 
pmposé  un  grand  nombre  de  morceaux,  qui 
iont  encore  bien  connus,  tels  que  des  chansons 
f'deux  voix,  des  madrigaux  et  un  Fxineral  Ser- 
vice, publié  dans  la  collection  de  Boyce.  On  lui 
Floit  aussi  les  deux  recueils,  Consort  Lessons, 
\nade  by  divers  exquisite  authors  for  six 
Instruments  (2e  édit,  1611  ),  et  The  Triumph, 
Vf  Orïana  (1601,  in-4°).  Mais  l'ouvrage  qui  a 
fitabli  sa  réputation  est  la  Plain  and  easy  In- 
troduction to  practical  Music  (Londres,  1597, 
'n-fol.,  et  1771,  in-4°),  traduit  en  allemand  par 
Mi.  Trost,  et  qui  pendant  plus  d'un  siècle  a; 
|iervi  à  l'enseignement  classique  de  la  musique. 
h  Ce  livre,  dit  Fétis,  renferme  une  multitude  de 
Choses  relatives  à  l'ancienne  notation,  à  la  me- 
sure et  à  la  tonalité,  qu'on  ne  trouve  point  dans 
les  autres  traités  de  musique  du  même  temps.  » 
IWorley  avait  obtenu  en  1598  de  la  reine  Éliza- 
:>eth  un  privilège  exclusif  pour  l'Impression  de 
'outes  les  productions  musicales.  P. 


—  MORLOT 


614 


A.  Wnnd,  Athenx  Oxonienses.  —  Rumcy,  History  of 
Music,  111.  —  Fétis,  Biogr.  univ.  des  Musiciens. 

morley  (Georges),  prélat  anglais,  né  le 
27  février  1597,  à  Londres,  mort  le  29  octobre 
1684,  à  Farnham-Castle.  D'abord  chapelain  de 
lord  Carnarvon,  il  devint,  en  1641,  chanoine 
d'Oxford  et  offrit  la  première  année  de  son  re- 
venu au  roi  Charles  Ier,  qui  venait  d'engager  la 
lutte  avec  ses  sujets.  Ayant  refusé  plus  tard  de 
se  soumettre  aux  exigences  des  parlementaires, 
il  fut  l'un  des  premiers  privé  de  ses  emplois  ; 
il  lui  fut  permis,  en  1648,  de  porter  ses  consola- 
tions au  roi  prisonnier,  et  en  1649  il  rejoignit  le 
prétendant  à  La  Haye.  Lors  de  la  restauration  il 
fut  chargé  de  s'entendre  avec  les  chefs  du  parti 
presbytérien ,  et  il  réussit  à  les  gagner  en  les 
assurant  que  Charles  II  n'avait  jamais  professé 
le  papisme,  assertion  plus  hardie  qu'exacte. 
Après  avoir  été  promu  à  un  décanat  d'Oxford,  il 
fut  nommé  évêque  de  Worcester  (1660),  puis  de 
Winchester  (1662).  Il  travaillait  beaucoup,  se 
levait  de  grand  matin,  prenait  cinq  ou  six  heures 
de  sommeil  et  ne  mangeait  qu'une  fois  par  jour; 
durant  le  cours  de  sa  longue  vie  il  ne  fut  que 
deux  fois  malade.  Il  fit  de  grandes  libéralités  au 
clergé  et  aux  écoles.  On  a  de  lui  plusieurs  lettres 
ou  mémoires,  en  latin  et  en  anglais,  recueillis  en 
1684,  in-4o.  K. 

A.  Wood,  Athense  Oxon.  —  Milner,  ffist.  of  Win- 
chester. 

morlière  (La).  Voy.  La  Morlière. 

*  morlot  (François-Nicolas-Madeleine), 
cardinal  français  ,  né  à  Langres  (Haute-Marne  ), 
le  2S  décembre  1795.  D'une  honnête  famille  d'ar- 
tisans, il  suivit  comme  externe  les  classes  du 
collège  de  cette  ville,  et  fit  son  cours  de  théologie 
au  grand  séminaire  de  Dijon.  Ayant  terminé  ses 
études  avant  l'âge  requis  par  les  canons  pour  la 
prêtrise,  il  entra  comme  précepteur  dans  la  fa- 
mille de  M.  de  Saint-Seine,  et  s'y  concilia  toutes 
les  sympathies.  Vicaire  de  la  cathédrale  de  Dijon, 
il  devint  en  1825  chanoine  honoraire  de  ce  dio- 
cèse, vicaire  général  en  1830,  et  chanoine  titu- 
laire en  1833.  A  cette  époque,  l'abbé  Rey  avait 
été  nommé,  par  Louis-Philippe,  à  l'évêché  de 
Dijon  :  sa  nomination  provoqua  dans  le  dio- 
cèse une  scission  malheureuse.  L'abbé  Morlot  se 
rangea  du  côté  de  l'opposition,  et,  abandonnant 
l'administration  diocésaine,  critiqua  les  actes  de 
ce  prélat,  qui,  en  1838,  se  vit  obligé  de  donner 
sa  démission.  M.  Rivet,  son  successeur,  ne  voulut 
pas  se  priver  des  lumières  de  l'abbé  Morlot,  et 
lui  rendit  le  titre  de  vicaire  général.  Une  ordon- 
nance royale  du  10  mars  1839  l'appela  à  l'é- 
vêché d'Orléans,  et  il  fut  sacré  à  Paris,  le  1 8  août 
suivant.  En  1841,  il  fit  imprimer  un  supplément 
au  bréviaire ,  et  nomma  deux  commissions , 
l'une  pour  rédiger  un  nouveau  catéchisme, 
l'autre  pour  revoir  les  livres  d'office  à  l'usage 
des  fidèles.  Une  ordonnance  du  28  juin  1842  le 
transféra  à  l'archevêché  de  Tours,  pour  lequel  il 
reçut  le  pallium,  le  26  février  1843,  des  mains 


li 


615 


MORLOÏ  — 


de  M.  Affre,  archevêque  de  Paris.  Là,  comme 
à  Orléans,  il  sut  se  concilier  les  suffrages  de  son 
clergé  et  de  ses  diocésains ,  présida  à  Rennes, 
du  10  au  28  novembre  1849,  un  concile  provin- 
cial et  en  tint  un  autre  à  Tours  en  septembre 

1852.  Les  actes  de  ces  deux  assemblées  ont  été 
imprimés.  Créé  cardinal-prêtre  du  titre  des  saints 
Nérée  et  Achillée,  dans  le  consistoire  du  7  mars 

1853,  il  reçut  le  chapeau  des  mains  du  saint-père, 
le  27  juin  suivant.  Après  l'assassinat  de  monsei- 
gneur Sibour,  une  dépêche  télégraphique  vint 
offrir  l'archevêché  de  Paris  au  cardinal  Mor- 
lot ,  qui  était  alors  à  Rome,  chargé  par  le  gou- 
vernement d'une  mission  particulière  auprès 
du  saint  siège.  Le  cardinal  opposa  de  vives  ré- 
sistances, et  il  fallut  un  désir  formellement  ex- 
primé par  Pie  IX  pour  vaincre  une  répugnance 
dont  il  présenta  encore  les  motifs  au  moment 
de  son  retour  à  Paris.  Nommé  par  décret  im- 
périal du  24  janvier  1857,  il  fut  institué  le 
19  mars,  et  prit  possession  de  sa  nouvelle  église 
le  25  avril.  Le  cardinal  Morlot  fut  nommé  succes- 
sivement grand-aumônier  de  l'empire,  membre 
du  conseil  privé,  etprimicierdu  chapitre  de  Saint- 
Denis.  Outre  des  Mandements  et  des  Lettres 
pastorales,  on  a  du  cardinal  Morlot  des  éditions 
d'ouvrages  d'instruction  et  de  piété.  Il  a  revu  la 
seconde  édition  de  Y  Explication  de  la  Doc- 
trine chrétienne,  en  forme  de  lectures  tirées  du 
Catéchisme  dogmatique  et  moral,  2  vol.  in- 12. 
C'est  le  catéchisme  de  Couturier,  sous  une  forme 
nouvelle,  et  dont  on  a  fait  disparaître  les  de- 
mandes et  les  réponses.  Il  a  donné  ensuite  une 
édition  du  Catéchisme  du  diocèse  de  Dijon , 
in-18,  expliqué  par  des  sous-demandes  et  des 
récapitulations ,  forme  souvent  imitée  pour  les 
catéchismes  des  autres  diocèses,  et  coopéra  à  la 
publication  des  Heures  choisies,  de  la  mar- 
quise d'AndeJarre,  1825,  in-12, livre  souventréim- 
primé.  Le  cardinal  Morlot,  chevalier  de  la  Légion 
d'Honneur  le  30  avril  1841,  fut  promu  officier 
de  l'ordre  le  11  décembre  1849,  et  en  est  com- 
mandeur depuis  te  11  août  1855.     H.  Fisquet. 

Almanacàs  du  Clergé.  —  Biographie  du  Clergé  con- 
temporain. —  Dictionnaire  des  Cardinaux.  —  France 
Pontificale  (  sous  presse  ). 

mormaxdo  (  Giovanni- Francesco  ) ,  archi- 
tecte, né  à  Florence,  vers  1455,  mort  à  Naples, 
vers  1522.  II  abandonna  le  commerce  pour  étu- 
dier l'architecture  sous  Leo-Bâttista  Alberti, 
après  la  mort  duquel  il  alla  à  Rome  se  perfec- 
tionner par  l'étude  des  monuments  antiques.  De 
là  il  passa  à  Naples,  où  il  devint  l'ami  et  l'é- 
mule de  Novello  da  San-Lucano  et  de  Gabriello 
d'Agnolo.  En  1490  it  commença  la  belle  église 
de  S'an-Severino-,  l'un  des  rares  édifices  de  bon 
goût  qui-  se  trouvent  à  Naples.  Pendant  sa  cons- 
truction, il  dut  céder  aux  sollicitations  du  roi 
Ferdinand  leCathohque  et  partir  pour  l'Espagne, 
où,  dit  on,  il  donna,  les  dessins  d'un  palais  et 
d'une  église.  Ce  qui  est  plus  certain,  c'est  que 
le  roi  l'occupa  principalement  à  chanter  en  s'ac- 


MORNAKD  61 

compagnant  sur  le  luth,  et  qu'il  le  nomma  à 
fois  son  premier  architecte  et  son  premier  mi 
sicien.  Le  double  traitement  qu'il  recevait  à  « 
double  titre  ne  paraît  pas  avoir  suffi  pour 
retenir  à  la  cour  d'Espagne  ;  en  1506,  il  revint 
Naples.  Il  donna  aussi  les  dessins  des  pala 
Vestri,  Filomariniet  Canlalupo.  Dans  les  de 
nières  années  de  sa  vie,  il  construisit,  orna 
dota  à  ses  frais  la  petite  église  de  Sanla-Marii 
della-Stella.  E.  B—  n. 

Dominici,  Vite  de'  Pittori,  Scullori  ed  ArcMUtti  JV 
poletani.    —  G.  Piacenza,  Giunta  al  Baldinucci. 
Ticoz/.i,  Dizionario.  —  L.  Galanti,  Napoli  e  contori 

MORNAC  (  Antoine),  jurisconsulte  françai 
né  en  1554,  dans  les  environs  de  Palluau    (To 
raine),  mort  à  Paris,  en   1619.  Fils  et  pet 
fils  d'avocat,  il  étudia  le  droit  à  Poitiers,  f 
admis  en  1579  au  barreau  du  parlement  de  Pari 
et  acquit   une  haute  réputation  de  talent  et  < 
probité.   En  1591  il  se   retira  à  Tours,  où 
parlement  avait  été  transféré,  puis  il  revint 
Paris  quand  cette  cour  souveraine  y  fut  rétabli 
On  a  de  lui  :  Defalsa  regni  Yvetoti  Narration 
ex    majoribus  commentariis  fragmenturA 
Paris,  1615,  in-8°  de  24  p.  ;  —  Ferix  Forense\ 
et Elogia  illustrium    Togatorum  Gallix,  ,\ 
anno  1500;  Paris,  1619,  in-8°   :  ouvrage  c 
renferme  non-seulement  des  éloges  de  mag 
trais,  mais  encore  ceux  d'avocats,  de  savants  I 
de  poètes  ;  il  avait  été  composé  pendant  les  v  j 
cances,  de  là  le  titre  de  l'ouvrage;  —  Observ  I 
tiones  in  XXIV priores  libros  Digestorum  I 
in  IV priores  libros  Codicis,  ad  usum  fori  gc  I 
lici;  Paris,  1616,  1631,  in-fol.  :  commentai 
est  imé,  que  l'auteur  se  proposait  de  contint 
sui  les  autres  livres  du  Digeste  et  du  Coi 
Fr.  Pinsson  rassembla  les  notes   laissées  { 
Mornac,  et  publia  de  nouvelles  Observation, 
qui  sont  inférieures  aux  premières.  On  a  don 
une  édition  annotée  des  ouvrages  de  droit 
Mornac;  Paris,  1721,  4  vol.  in-fol.  :  le  dern 
vol.  contient  un  Recueil  d'Arrêts  du  parlemt 
de  Paris,  depuis  1 588  jusqu'en  1620.  Cejur 
consulte  a  laissé  manuscrit  un  poëme  intitulé 
Bello  civili,  seu  de  scelerum  miseriarumq 
porlentis  Gallix.  E.  R. 

Préface  en  tête  du  Recueil  d'Arrêt*  du  parlement 
Paris,  etc.  —  Terrasson,  Histoire  de  la  Jurisp.  rom 
Lelong,  Biblioth.  Mit.  de  la  France,  édit.  de  Fevrel 
Fontelte.  —  Chalmel,  Histoire  de  Touraine,  t.  IV, 

*mornand  (Félix),  littérateur  frança 
né  à  Mâcon,  le  12  juillet  1815.  Il  fit  ses  étui 
à  Lyon-.  En  1833,  il  fut  attaché  comme  sec 
taire  à  la  commission  d'enquête  de  l'Algérie, 
entra  au  ministère  de  la  guerre  en  1834.  Ap 
y  être  resté  dix  ans ,  il  donna  sa  démission, 
l'époque  de  la  révolution  de  février  1848, 
fut  nommé  commissaire  dans  le  département 
l'Isère.  Lors  de  l'invasion  à  Chambéry  des 
races  et  des  ouvriers  lyonnais ,  il  fut  cha 
d'aller  rétablir  l'ordre  et  de  sévir  contre  les  ci 
pables.  Ayant  quitté  les  fonctions  publiques 
s'ailonna  exclusivement  à  la  littérature.  Il  rédi 


' 


17  MORNAND 

chronique  littéraire  de  V Illustration  depuis 
création  de  ce  recueil  jusqu'en  1857,  et  devintà 
tte  époque  rédacteur  en  chef  du  Courrier  de 
iris,  et  fournitde  nombreux  articles  à  la  partie 
craire  de  ce  journal.  On  a  de  lui  :  La  Belgi- 
'•  e;  Paris,  1853,  in-t6;  —  Tableau  historique, 
lilique  et  pittoresque  de  la  Turquie  et  de 

I  Russie  (  en  collaboration  avec  M.  Joubert  )  ; 
B  ris,  1854,  in-4°;  —  La  Vie  de  Paris,  1855, 
1 t6;  —  Un  peu  partout;  Paris,  1856,  in-16. 
|  Mornand  a  collaboré  au  Journal  du  Com- 
firr/\à  la  Revue  de  Paris,  au  Siècle,  kL'Opi- 
tj  in  nationale,  etc.  G.  de  F. 

II  ocum.  partie. 

m  tiORXAY  (  Pierre  de  ) ,  chancelier  de  France, 
1  dans  la  seconde  moitié  du  treizième  siècle , 
■«hâteau  de  Mornay  (  auj.  canton  de  Nérondes 
lioer  ),  mort  au  château  de  Régennes,  le  29  mai 
1^6,  était  issu  d'une   des  plus  anciennes  et 
fcstres  familles  du  Berri.  Ayant  embrassé  la 
■  rière  ecclésiastique  ,  il  fut  d'abord  archidiacre 
«Sologne,  en  1281.  On  croit  aussi  qu'il  a  été 
A  nônier  de  saint  Louis  ;  mais  ce  qui  est  cer- 
I .  c'est  qu'en  1286  on  le  trouve  clerc  de  Phi- 
1  e  le  Bel  et  doyen  de  Saint-Germain  l'Auxerrois. 
I  1288  il  fut  élu  évêque  d'Orléans,  d'où  une 
le  de  BonifaceVIIIdu  4  février  12961e  trans- 
i  au  siège  d'Auxerre.  Il  fut  choisi  en  1291  par 
omtesse  de  Rlois,  femme  de  Pierre  de  France, 
jhte  d'Alençon ,  fils  de  saint  Louis ,  pour  être 
exécuteur  testamentaire.  Il  fut,  en  raison 
l«on  mérite,  employé  à  des  négociations  im- 
plantes :  en  1295,  Charles  d'Anjou  s'en  servit 
fr  traiter  de  la  paix  avec  le  roi  d'Aragon.  En 
1-8  Philippe  le   Bel  l'envoya  à  Tournay  avec 
tehevêque  de  Nai  bonne  et  l'évêque  d'Amiens 
jdure  une  trêve  avec  l'Angleterre  ;  majs  ce  fut 
j.s  la  querelle  qui  s'éleva  entre  le  trône  et 
liaint-Siége  que  Mornay  joua  un  grand  rôle, 
^sista  à  la  consultation  faite  au  Louvre  le 
(janvier  1296,  et  y  souscrivit  comme  évêque 
puxerre.  Il  fit  ensuite  le  voyage  de  Rome  pour 
enir  de  Boniface  l'éloignement  du  concile  gé- 
ifll.  Sa  démarche  n'eut  pas  le  résultat  qu'on 
(espérait.  A  son  retour  le  pape  lui  adressa  un 
'i  plein  de  reproches  hautains,  où  il  se  plai- 
tit  du  peu  d'effet  de  ses  promesses.  Dans  l'as- 
TOblée  qui  se  tint  en  1303  à  Château-Thierry, 
■rnay  appela  au  futur  concile  des  menaces 
«•oontife.  Il  fut  récompensé  du  zèle  qu'il  avait 
•loyé  dans  ces  diverses  circonstances  par  l'of- 
Wde  chancelier  de  France,  qu'il  reçut  en  1304. 
|»fut  à  ce  titre  qu'il  concourut  avec  Gilles  de 
<ie  à  encourager  le  roi  dans  la  fondation  du 
ement.  Il  mourut  deux  ans  après,  au  châ- 
i  de  Régennes,  où  il  s'était  retiré.  H.  Boyer. 

i  Anselme,  Hist.  des  Grands  Officiers.  —  Moréri, 
s  Qionnaire  Historique.  —  La  Thaumassiére ,  Histoire 
i  m'erry.  —  Lemaire,  Hist.  et  Antiquités  d'Orléans.  — 
l  bé  Lebeuf,  Mémoires  sur  l'histoire  d' Auxcrre.  — 
i'  fï  et,  Hist.  des  Démêlés  de  Boniface  VI II  avec  Phi- 
r  *\  '■  le  Bel. 

■:■  Uoekay  (  Philippe  de),  plus  connu  sous  le 


—  MORNAY 


618 


nom  de  Du  Plessis-Mornay ,  baron  de  La  Forêt- 
sur-Sèvre,  seigneur  du  Plessis-Marly,  de  la  fa- 
mille du  précédent,  homme  politique  et  contro- 
versiste  français,  un  des  membres  les  plus  émi- 
nenls  du  parti  protestant  à  la  fin  du  seizième 
siècle,  naquit  à  Buhy,  dans  le  Vexin  Français, 
le  5  novembre  1549,  et  mourut  à  La  Forêt-sur- 
Sèvre,  le  11  novembre  t623.  Son  père,  Jacques 
de  Mornay,  était  catholique  zélé;  mais  sa  mère, 
qui  inclinait  vers  la  réforme,  choisit  pour  le  pre- 
mier précepteur  de  Philippe  un  partisan  des 
doctrines  protestantes.  Jacques  de  Mornay,  re- 
doutant pour  l'enfant  l'influence  d'un  tel  maître, 
envoya  Philippe  au  collège  de  Lisieux  dès  l'âge 
de  huit  ans,  et  le  confia  à  un  gouverneur  catho- 
lique; mais  il  mourut  en  1559.  Philippe,  rappelé 
auprès  de  sa  mère,  qui  depuis  la  mort  de  Jac- 
ques de  Mornay  faisait  ouvertement  profession 
de  protestantisme,  oublia  bien  vite  les  leçons  de 
son  maître  catholique,  renonça  aux  dignités  ec- 
clésiastiques que  sa  naissance  noble  lui  faisait 
espérer,  et  embrassa  la  réforme  avec  une  réso- 
lution qui  ne  se  démentit  jamais.  Après  avoir 
achevé  ses  études  au  bruit  des  guerres  civiles , 
il  visita  les  pays  étrangers  pour  compléter  son 
éducation.  Ces  voyages  en  Italie  et  eu  Allemagne, 
commencés  en  1565,  durèrent  jusqu'en  1572.  A 
peine  de  retour,  au  mois  de  juillet,  Philippe  de 
Mornay  présenta  à  l'amiral  Coligny  un  mémoire 
sur  la  situation  des  Pays-Bas ,  et  sur  la  conve- 
nance d'une  expédition  française  dans  cette  con- 

j  trée.  Coligny,  frappé  de  ce  mémoire,  voulait 
charger  l'auteur  d'une  mission  auprès  du  prince 
d'Orange  ;  mais  la  Saint-Barthélémy  eut  lieu  au 
mois  d'août  1572,  et  Coligny  fut  assassiné. 
Mornay,  sauvé  du  massacre  par  son  hôte  ca- 
tholique, gagna  Dieppe,  et  passa  en  Angleterre, 
où  sa  naissante  réputation  lé  fit  bien  accueillir. 
II  revint  en  France  l'année  suivante ,  et  prit  une 
part  active  aux  tentatives  que  firent  les  protes- 
tants pour  relever  leur  cause  en  l'associant  à 
celle  du  duc  d'Alençon.  Réfugié  dans  Sedan  eu 
1575,  il  y  connut  une  jeune  veuve,  Charlotte- 
Arbaleste  de  Feuquières,  «  femme  accomplie 
en  toutes  sortes  de  vertus  »,  qu'il  épousa,  le 
3  janvier  1576.  Peu  après  il  s'attacha  au  roi  de 
Navarre,  qui  le  fit  entrer  immédiatement  dans 
son  conseil.  Il  devint  dès  lors  le  grand  publiciste 
de  la  cause  du  Béarnais,  identifiée  avec  celle  de 
la  réforme,  et  son  principal  agent  à  l'étranger. 
Des  missions  en  Angleterre  et  en  Flandre  le  re- 
tinrent hors  de  France  jusqu'en  1582.  A  son  re- 
tour il  assista  au  synode  national  de  Vitré,  et 
proposa  une  union  générale  des  églises  protes- 
tantes dans  toute  l'Europe.  Ce  projet  n'était  pas 
réalisable  ;  mais  il  n'en  fit  pas  moins  d'honneur 
à  Mornay,  et  augmenta  son  autorité  sur  ses  co- 
religionnaires. «  A  dater  de  cette  époque,  di- 
sent MM.  Haag,  et  jusqu'à  l'avènement  de  son 
maître  au  trône  de  France ,  Mornay  fut  l'âme 
de  ses  conseils;  il  lui   rendit  d'inappréciables 

i  services  comme  guerrier  habile,  administrateur 


619  M  ORNA  Y 

économe,  politique  profond,  écrivain  infatigable. 
S'agissait-il  d'implorer  le  secours  des  puissances 
protestantes  ou  d'excuser  auprès  des  princes 
étrangers  la  conduite,  quelquefois  douteuse,  de 
Henri,  c'est  lui  qui  était  chargé  de  dresser  les 
instructions  des  ambassadeurs ,  quand  il  n'était 
pas  envoyé  lui-même  en  ambassade.  Fallait-il 
combattre  les  prétentions  de  la  maison  de 
Lorraine  et  dessiller  les  esprits  des  Guise,  ou 
bien  répondre  aux  accusations  de  la  cour  et 
aux  anathèmes  de  Rome,  c'est  toujours  lui 
qui  était  le  premier  sur  la  brèche.  Les  églises 
avaient-elles  à  se  plaindre  de  l'inexécution  des 
édits,  c'est  lui  qui  était  choisi  pour  rédiger  le 
cahier  des  remontrances ,  et  souvent  pour  aller 
le  présenter  au  roi.  Quelque  entreprise  mili- 
taire était-elle  projetée,  c'est  à  Mornay  que  l'on 
avait  recours  pour  en  assurer  la  réussite  et  la 
justifier,  après  l'exécution,  si  ie  cas  le  requérait. 
En  un  mot,  négociations  publiques  ou  secrètes, 
questions  politiques  ou  religieuses ,  affaires  de 
finances ,  de  guerre ,  d'administration  ,  tout  lui 
passait  par  les  mains,  rien  ne  se  faisait  que  par 
lui.  »  Un  de  ses  actes  les  plus  importants  fut  la 
part  qu'il  prit  à  la  réconciliation  de  Henri  III 
et  du  roi  de  Navarre,  en  1589.  Les  deux  rois  le 
récompensèrent  de  ce  service  en  lui  donnant  le 
gouvernement  de  Saumur.  Peu  après,  Henri  III 
fut  assassiné.  A  cette  nouvelle  Mornay  se  fit 
livrer  au  prix  de  22,000  écus  le  cardinal  de 
Bourbon  ,  le  faible  compétiteur  que  la  Ligue  op- 
posait à  Henri  IV.  Il  alla  ensuite  rejoindre  le 
nouveau  roi  à  Tours,  et  combattit  vaillamment 
à  Ivry*  Henri  le  nomma  conseiller  d'État;  mais 
i!  l'admit  dans  ses  conseils  moins  intimement 
que  par  le  passé.  Prévoyant  déjà  qu'il  serait 
amené  à  abjurer,  il  se  trouvait  embarrassé  par 
l'attachement  invincible  de  Mornay  à  la  cause 
protestante  ;  il  se  servit  de  lui  comme  de  l'in- 
termédiaire le  plus  puissant  auprès  des  hugue- 
nots et  des  princes  étrangers.  Mornay  fit  un 
nouveau  voyage  en  Angleterre,  et  obtint,  par  son 
influence,  que  la  reine  Elisabeth  ne  retirât  pas  ses 
troupes  deFrance.  Vers  le  même  temps  Henri  IV 
annonça  l'intention  de  se  faire  instruire  dans  la  re- 
ligion catholique.  Mornay  crut'  que  l'occasion 
était  venue  de  travailler  à  son  projet  d'union 
des  églises  protestantes  et  de  les  concilier  même 
avec  les  catholiques  au  moyen  de  concessions 
mutuelles  discutées  et  acceptées  dans  une  sorte 
de  grand  concile.  Henri  IV  eut  l'air  d'adopter 
cette  idée ,  et  invita  même  Mornay  à  réunir  les 
plus  savants  ministres  protestants ,  et  à  se  pré- 
parer avec  eux  à  la  discussion.  Mais  tandis  que 
le  zélé  réformateur  envoyait  jusqu'en  Angleterre 
chercher  des  auxiliaires  théologiques,  Chiverny, 
chancelier  de  Henri  IV,  écrivait  à  l'évêque  de 
Chartres  «  qu'il  vînt  hardiment  sans  se  mettre 
en  peine  de  théologie  ».  Mornay  comprit,  un  peu 
tard,  qu'il  avait  été  pris  ponrdupe,  etque  l'abjura- 
tion aurait  lieu  sans  débat  préalable.  Cependant 
il  ne  refusa  pas  de  servir  d'intermédiaire  entre  le 


621 

monarque  et  les  députés  des  églises;  mais  il  ir 
sïsta  pour  obtenir  redit  de  Mantes  (  1593  ),  qi 
donnait  des  garanties  aux  protestants  et  qui  pré 
parait  l'édit  de  Nantes. 

Mornay,  de  moins  en  moins  consulté  par  Heur 
ne  prit  aucune  part  à  la  rédaction  de  ce  demie 
acte;  il  en  surveilla  seulemenf  l'exécution  ave 
une  activité  incessante,  qui  faisait  de  lui  le  prc  ] 
tecteur  ou,  comme  on  le  disait,  le  pape  des  hv  ' 
guenots.  Henri  supportait  avec  peine  dans  u 
sujet  un  pareil  rôle.  Il  fut  aussi  très-fâché  d 
voir  Mornay,  par  son  fameux  traité  de  17hsN 
tation  de  V Eucharistie,  publié    en  1598,  ni 
veiller  des    passions  qui   commençaient  à  s'f 
paiser.  Cet  ouvrage,  dirigé  contre  la  messe  et  e  j 
général   contre  le  culte    catholique,  contena  ! 
près  de  cinq  mille  passages  tirés  des  Pères  c  [ 
l'Église  ou  d'autres  théologiens.  En  amassai) 
ou  en   faisant   amasser,  toute  cette  éruditioi 
Mornay  n'en  avait  pas  vérifié  assez  exactemei 
la  provenance  ,  et  il  avait  cité  souvent  à  fat» 
Du  Perron,  évêque  d'Évreux,  signala  et  ex; 
géra  ces  inexactitudes.  Mornay,  ne  voulant  p, 
rester  sous  le  coup  d'une  inculpation  de  mei 
songe,  porta  à  Du  Perron  le  défi  de  soutenir  se 
accusation,  dans  une  conférence  publique  et  d 
vanl  des  arbitres  choisis  dans  les  deux  camp 
Les  commissaires  furent  pour  les  catholiques 
chancelier  Bellièvre ,  de  Thou  et  Pithou  ;  po 
les  protestants,  Du  Fresne-Canaye  et  Casaubo 
La  conférence  eut  lieu  à  Fontainebleau,  le  4  ni 
1600.  Mornay,  qui   n'avait  pas  eu  le  temps 
vérifier  ses  citations,   fut  convaincu  d'inexact 
tude  sur  une  dizaine  de  points,  dont  quelques-u 
étaient  peu    importants.    Les    conférences  i 
continuèrent    pas,    et   le  roi  proclama   haut 
ment,  et  avec  une  joie  blâmable,  le  triomphe  I 
l'évêque  d'Évreux.   Mornay,  irrité,  retourna 
Saumur,  et  publia  un  récit  de  la  conférence 
Fontainebleau;  Cette  brochure  porta  au  comfc 
la  colère  de  Henri  IV  qui  lui  retira  la  surintei 
dance  générale  des  mines,  supprima  ses  pensio 
et  le  menaça  de  lui  faire  un  procès.  Mornay, <lai 
son  gouvernement  indépendant  de  Saumur  et  e 
touré  de  la  vénération  universelledes  protestan 
était  à  l'abri  du  mauvais  vouloir  d'un  prince  q 
n'entendait  pas  pousser  les  choses  à  l'extrên 
Mornay  perdit  en  1605  son  fils  unique,  qui  serv. 
dans  l'armée  de  Maurice  en  Hollande,  et  en  16 
sa  femme,  qui  en  expirant  lui  fit  promettre  « 
ne  poinct  se  rendre  moins  utile  à  l'Eglise  par 
tristesse  qu'il  recevroitde  sa  mort  ». 

Bien  que  Mornay  eût  eu  souvent  à  se  plaH 
dre  d'Henri  IV,  il  s'affligea  sincèrement  de 
mort.  Il  prévit  que  le  parti  protestant,  n'éfc 
plus  protégé  et  contenu  par  la  main  ferme 
roi,  aurait  recours  aux  armes  pour  se  défend 
et  achèverait  sa  ruine  par  cet  appel  désespi 
à  la  guerre  civile.  11  employa  toute  son  inllueni 
malheureusement  combattue  par  les  violents 
les  ambitieux  du  parti,  à  empêcher  les  prot 
tants  d'arriver  à  cette  extrémité.  Il  rendit  ai: 


?: 


" 


on  moins  prudent  ami  que  philosophe  austère, 
lornây  sait  l'art  discret  de  reprendre  et  de  plaire, 
m  exemple  instruisait  bien  mieux  que  ses  discours. 

:s  solides  vertus  furent  ses  seuls  amours. 
!  vidé  de  travaux,  insensible  aux  délices, 

marchait  d'un  pas'férmeaubord  des  précipices. 

imais  l'air  de  la  cour  et  son' souffle  infecté 

'altéra  de  son  cœur  l'austère  pureté. 

Ule  Aréthuse,  ainsi  ton  onde  fortunée 

ouïe  au  sein  furieux  d'Amphitrite,  étonnée, 
In  cristal  toujours  pur  et  des  flots  toujours  clairs, 

né  jamais  ne  corrompt  l'amertume  des  mers  . 

ta"  bien  connaître  Du  Plessis-Mornày,  sa  fer- 
p religieuse,  sa  rectitude  politique,  ses  qua- 
is privées,  il  faut  lire  les  Mémoires  de  Mme  de 
krnay  sur  la  vie  de  son  mari,  austère  et  tou- 
jmt  ouvrage  dont  M.  Guizot  a  dit  :  «  Pas  la 
indre  teinte  romanesque  dans  ses  sentiments 
Jans  ses  désirs,  pas  la  moindre  complaisance 
miteuse  quand  elle  parle  soit  d'elle-même,  soit 
ce  qui  la  touche;  loin  de  rien  amplifier,  de 
il  étaler,  elle  montre  toujours  moins  qu'elle 
}sent;  les  événements  les  plus  considérables 
jmd  elle  les  raconte,  les  sentiments  les  plus 
lissants  quand  elle  les  exprime,  se  présentent 
pis,  une  forme  contenue,  exempts  de  tout 
«  andissement ,   de  tout  ornement  factice  ou 
I  médité.  C'est  la  vérité  pure,  réduite  à  son 
pression  la  plus  simple,  et  racontée  en  pas- 


!l  MORNÂY 

a  paix  publique  de  grands  services,  que  la 
ne  régente  reconnut  en  lui  restituant  les  pen- 
dis dont  Henri  IV  l'avait  dépouillé.  Lors  du 
md  soulèvement  de  1620,  Mornay  se  porta 
■ore  une  fois  pour  conciliateur.  Au  point  où 
étaient  venues  les  passions  de  part  et  d'au- 
ce  rôle  était  plus  honorable  qu'utile, 
issemblée  de  La  Rochelle  n'écouta  pas  ses 
iseils,  et  le  pouvoir  royal  lui  retira,  par  une 
iigne  trahison,  le  gouvernement  de  Saumur. 
rnay  quitta,  avec  un  désespoir  adouci  seule- 
nt  par  sa  foi  religieuse,  une  ville  qui  avait 
iucoup  prospéré  sous  son  administration 
■ne  et  paternelle.  Il  se  retira  dans  son  cha- 
ude La  Forêt-sur-Sèvre,  où  il  mourut,  à  l'âge 

soixante-quatorze  ans,  laissant  dans  son 
ti  un  vide  irréparable,  et  dans  toute  l'Europe 
i  immense  réputation.  Du  Plessis-Mornay  est 
;  des  plus  pures  et  des  plus  grandes  figures 
son  temps.  11  ne  possédait  pas  sans  doute 

génie  de  premier  ordre;  mais  homme  poli- 
ic  et  controversiste,  ambassadeur  et  homme 
guerre,  il  montra  un  rare  ensemble  de  qua- 
■  Sa  grandeur  fut  surtout  morale.  Dans  une 
que  de  violence  et  de  perfidie ,  il  représenta 
altérable  loyauté  de   la  conscience.  Au  mi- 

de  la  défaveur  générale  qui  atteignit  les 
testants  pendant  le  cours  du  dix-septième 
fcte,  Mornay  resta  et  garda  un  rang  élevé  dans 
Mnion  publique.  Voltaire  au  dix-huitième 
tte,  en  le  choisissant  pour  un  des  personnages 
La  Henriade,  lui  donna  une  popularité  qui 
lt  maintenue  jusqu'à  nos  jours.  On  se  rap- 
e  les  beaux  vers  où  le  poète  peint  le  noble  et 
Ugre  conseiller  de  Henri  IV  : 


G22 


sant,  dans  la  mesure  delà  stricte  nécessité,  pour 
l'information  ou  l'édification  du  fils  à  qui  elle 
adresse  son  récit.  »  Outre  son  fils  Philippe,  tué 
en  Hollande ,  Du  Plessis-Mornay  laissa  de  sa 
femme  plusieurs  filles.  Son  nom  s'est  perpétué 
dans  d'autres  branches  de  sa  famille.  On  a  de 
lui  :  Discours  de  la  Vie  et  de  la  Mort  ;  Lau- 
sanne, 1576,  in-8°  ;  —  Rem'onstrance  aux 
Estais  de  Blois  pour  la  paix  ;  Lyon,  1576, 
in-12;  —  Traité  de  l'Église,  où  Von  traite 
des  principales  questions  qui  ont  été  mues 
sur  ce  point  en  nostre  temps  ;  Londres,  1578, 
in-8°  ;  —  Traité  de  la  vérité  de  la  religion 
chrétienne,  contre  les  athées,  épicuriens, 
payens,  juifs,  mahumédistes  et  autres  infi- 
dèles ;  Anvers,  1581,  in-4°,  plusieurs  fois  réim- 
primé jusqu'en  1617;  —  Advertissement  sur 
la  réception  et  publication  du  concile  de 
Trente;  Paris,  1583;  —  Discours  du  droit 
prétendu  pour  ceux  de  la  maison  de  Guise 
à  la  couronne  de  France;  1583,  in-8°;  — 
Réponse  aux  déclarations  et  protestations  de 
MMi.  de  Guise,  f aides  sous  le  nom  de  M.  le 
cardinal  de  Bourbon;  1585,  in-8°;  —  Dé- 
claration du  roi  de  Navarre  sur  les  calom- 
nies publiées  contre  lui  ;  Orthez,  1585,  in-8°; 

—  Lettre  d'un  gentilhomme  catholique  fran- 
çais, contenant  brève  response  aux  calom- 
nies d'un  certain  prétendu  anglois  ;  1586, 
in-80;  —  Fidelle  Exposition  sur  la  déclara- 
tion du  duc  de  Mayène,  contenant  les  ex- 
ploicts  de  guerre  qu'il  afaicts  en  Guyenne; 
1587,  in-8°;  —  Déclaration  du  roi  de  Na- 
varre au  passage  de  la  Loire  ;  1589,  in-8°; 

—  De  l'Institution ,  Usage  et  Doctrine  du 
sainct  sacrement  de  V Eucharistie  en  VÉ- 
glise ancienne,  comment,  quand,  et  par 
quels  degrez  la  messe  s'est  introduite  en  sa 
place,  en  IV  livres;  La  Rochelle,  1598,  in-4°; 

—  Response  à  l'examen  du  docteur  Bulen- 
ger,  par  laquelle  sont  justifiées  les  alléga- 
tions par  luy  prétendues  fausses  et  vérifiées 
les  calomnies  contre  la  préface  du  livre  De 
la  saincte  Eucharistie;  La  Rochelle,  1599, 
în-4°;  —  Vérification  des  lieux  impugnez  de 
faux,  tant  en  la- préface  qu'aux  livres  De 
l'Institution  de, «la  saincte  Eucharistie  par  le 
sieur  Dupuy  ;  La  Rochelle,  1600,  in-8°;  — 
Sommation  du  sieur  Duplessis- Mornay  à 
M.  Vêvesque  d'Évreux,  sur  la  sommation  à 
lui  faicte  privément  ;  1600,  in-80;  —  Dis- 
cours véritable  de  la  conférence  tenue  à  Fon- 
tainebleau ;  1600,  in-8°;  —  Response  au  livre 
publié  par  le  sieur  ètesgue  d'Évreux,  sur 
la  conférence  tenue  à  Fontainebleau,  le 
4  may  1600,  où  sont  traitées  les  principales 
matières  controversées  ;  Saumur,  1612,  in-4°; 

—  Discours  et  Méditations  chrestiennes; 
Saumur,  1619,  2  vol.  in-12;  suivis  d'un  troi- 
sième volume  ;  1624,  in-8";  —  Le  Mystère  d'i- 
niquité ,  c'est-à-dire  l'Histoire  de  la  pa- 
pauté, par  quelz  progrès  elle  est  montée  à 


623 


MORNAY  —  MORNY 


6: 


ce  comble,  et  quelles  oppositions  les  gens  de 
bien  lui  ont  fait  de  temps  en  temps.  Où 
aussi  sont  défendus  les  droicts  des  empe- 
reurs, rois  et  princes  chrestiens,  contre  les 
assertions  des  cardinaux  Bellarmin  et  Baro- 
nius  ;  Saumur,  1611,  in-fol.; —  Testament,  Co- 
dicile  et  dernières  Heures  de  P.  de  Mornay, 
auxquelles  a  été  joint  son  Traité  de  la  Vie 
et  de  la  Mort,  ses  larmes  sur  la  mort  de  son 
fils  unique  et  le  Discours  de  la  mort  de 
dame  Charlotte  Arbaleste,son  épouse;  La  Fo- 
rest,  1624,  in-8°;  La  Haye,  1656,  in-8°;  —  Mé- 
moires de  messire  Philippes  de  Mornay , 
seigneur  du  Plessis-Marli,  contenant  divers 
discours,  instructions,  lettres  et  dépesches 
pur  lui  dressées,  ou  escrites  aux  rois,  rei- 
nes, princes,  princesses,  seigneurs  et  plu- 
sieurs grands  personnages  de  la  chres- 
tienté  depuis  Van  1572  jusqu'à  Van  1589, 
ensemble  quelques  lettres  des  dessus  dits 
au  dit  sieur  du  Plessis,l"  et  IIe  vol.  ;  La  Fo- 
rest,  1624,  1625,  in-4°  ;  IIIe  et  IVe;  Amster- 
dam, 1652,  in-4°.  Ces  Mémoires  ont  été  réim- 
primés avec  quelques  additions,  mais  sans 
beaucoup  de  soin  sous  ce  titre:  Mémoires,  Cor- 
respondances et  Vie  de  Duplessis  ■  Mornay , 
pour  servir  à  V histoire  de  la  réjormation 
et  des  guerres  civiles  et  religieuses  en  France 
depuis  Van  1571  jusqu'en  1623,  édition  en- 
richie de  notices  historiques  et  de  notices 
biographiques  par  MM.  de  La  Fontenelle 
de  Vaudoré  et  Auguis;  Paris,  1624-1625, 
12  vol.  in-8°,  Z. 

Mémoires  de  Plessis-Mornay.  —  Liques,  Histoire 
de  la  vie  de  messire  PMI.  de  Mornay,  seigneur  du 
Plessis-Marly;  Leyde,1647,  in-4°.  —  Mornay  de  La  Ville- 
tertre,  Vies  de  plusieurs  anciens  seigneurs  de  la  mai- 
son de  Mornay;  1689,  in-4°.  -  Crusius,  Singularia  Ples- 
sica  ,  seu  memorabilia  de  vita,  meritis,  fatis,  contro- 
versiis  et  morte  Phil.  Mornsei  de  Plessis,  ex  ipsis  Mor- 
nsei  scriptis  et  aliis  collecta,  avec  une  préface  de  Hein- 
rich  Muhlius:  Hambourg,  1724,  in-8°.  —  L'Estoile , 
Journal.  —  Sully,  Mémoires.  —  De  Thou  ,  Historia 
sui  temporis.  —  Mézeray,  Histoire.  —  Sisraondi,  His- 
toire des  Français,  t.  XIX-XXII.  —  Henri  Martin, 
Histoire  de  France,  t.  IX  et  X.  —  H.  Duval,  Éloge  de 
V hil.  Duplessis- Mornay  ;  Paris,  1809,  in-8°.  —  J.  Im- 
bert,  Duplessis- M or nay  ;  Paris,  1847,  in-8°.  —  Garri- 
son,  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  15  février  1848.  — 
MM.  Haag  frères,  La  France  protest.  —  Eugène  Poitou, 
dans  la  Revue  de  X Anjou  11855).  . 

*  morny  (Charles -Auguste-Louis- Joseph, 
comte  de),  homme  politique  français,  né  à  Paris, 
le  23  octobre  1811.  11  fut  élevé  par  la  comtesse 
de  Flânant  (connue  dans  le  monde  littéraire 
sous  le  nom  de  Mme  de  Souza  ),  et  suivit  comme 
externe  de  l'institution  Muron  les  cours  du  col- 
lège Bourbon,  où,  sous  la  direction  spéciale  de 
Casimir  Bonjour,  il  fit  d'assez  fortes  études. 
Entré  à  l'École  d'État-major,  il  obtint,  le  19  dé- 
cembre 1 830 ,  le  grade  de  sous-lieutenant,  et 
servit  en  cette  qualité  au  1er  régiment  de  lan- 
ciers (  Nemours)  en  garnison  à  Fontainebleau. 
11  passa  quelque  temps  après  en  Afrique,  et  y 
fit  preuve  de  cette  décision  calme  et  intrépide 
que   l'on  retrouvera  plus  tard  dans   l'homme 


public.    M.   de  Morny  fit  sous  les  ordres 
M.  Changarnier  la  campagne  de  Mascara,  et  p 
part  à  la  première  expédition  de  Constantit  ! 
où  il  sauva  la  vie  au  général  Trézel.  Lieutena  i 
le  31  juillet  1836,  décoré  de   la  Légion  d'Ho  i 
neur,  cité  plusieurs  fois  à  l'ordre  du  jour 
l'armée,  M.  de  Morny,  qui  pouvait  espérer  u 
haule  position  militaire,  rentra  en  France 
1838,  et  donna  sa  démission  pour  se  livrer  a  i 
soins  d'une  fortune  assez  considérable  :  il  s'(  i 
cupa    d'agriculture,  et  créa  aux   environs 
Clermont    (  Puy  de-Dôme  )    une  grande   usi  j 
pour  la  fabrication  du   sucre  indigène.  Bien  \ 
les  représentants  de  cette  industrie  s'étant  r<  i 
nis  en  congrès  à  Paris  ,  au  nombre  de  qua  i 
cents,  ils  le  choisirent  pour  président  de  leur  < 
mité.  Ce  fut  alors  qu'il  publia  sur  la  Questi  j 
des  Sucres  (  1838,  in-8°)  une  brochure  qui 
moigne  d'une  profonde  connaissance  de  la  qui  | 
tion.  Appelé  en  octobre  1841  au  conseil  gêné' 
de  l'agriculture  et  du  commerce,  il  fut  élu  < 
puté  en  juillet  1842  par  les  électeurs  du  p 
mier  collège  de  Clermont.  Dès  son  entrée  à 
chambre  il  comprit  que  le  gouvernement  pn 
dominer  l'opposition  n'avait  d'autre  moyen  c 
de  la  devancer  dans  ce  qui  était  .utile  et  jus 
et  cette  conviction  devint  la  base  de  sa  c( 
duite.  Il  se  fit  principalement  remarquer  lors 
ces   discussions  sur  les   sucres  (  mai   1 84ô 
sur  la  police  de  la  chasse  (  février  1844)  (  dî 
laquelle  il  introduisit  un  amendement  adopta 
une  forte  majorité),  sur  le  recrutement  de  1' 
mée  (mars  1844  ),  sur  la  conversion  de  la  re 
5  0/0  (  22  avril  1845)  et  sur  la  perception 
l'impôt   du    sucre  indigène   (  25  avril  ).   L 
mendement  qu'il   proposa   sur    la  motion 
M.   Muret  de    Bord  concernant  la  convers 
de  la  rente,  devint  la  base  du  système  ado 
par  la  chambre.  Réélu  en  juillet  1846,  M. 
Morny  prit  part  aux  débats  sur  les  coupures  i 
billets  de  la  Banque  (  15  avril  1847),  sur  la  I 
forme  postale  (28  avril)  et  sur  l'impôt  du  J 
(  16  juin  ).  A  cette  époque,  il  était  à  la  tête  j 
ce  groupe  d'hommes  nouveaux  qui,  bien  qu| 
soutinssent  le  cabinet  Guizot  par  les  votes  I 
moins  populaires,  croyaient  la  monarchie  co  I 
promise  par  cette  résistance  aveugle  à  tous  I 
projets  de  réformes  ;  mais  ils  ne  furent   ]  I 
écoutés.  Aussi,  en  janvier  1848,  M.  de  MoiJ 
inséra  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  s<  j 
le  titre  de  Quelques  réflexions  sur  la  po\ 
tique  actuelle,  un  travail  remarquable,  oui 
question  sociale  était  clairement  posée,  avec  l 
vif  sentiment  des  dangers  qu'elle  contenait.   I 
mois  après,  la  révolution  éclata. 

Retiré  de  la  scène  politique,  M.  de  Morny  ref  p 
avec  le  concours  du  comptoir  d'escompte  quef' 
république  venait  de  créer,  quelques  opératk  K 
industrielles  et  financières  qui  consolidèrent  ï> 
fortune,  un  instant  compromise  par  les  évéi  r 
ments  ;  mais  dès  le  mois  de  mai  1849,  soutt 
par  le  comité  électoral  de  la  rue  de  Poitiers  I 


MORNY  —  MORO 


62G 


itra  dans  la  vie  publique  comme  député  du 
y-de-Dôme  à  l'Assemblée  législative.  Il  parla 
us  la  discussion  du  projet  de  loi  sur  la  presse 
lillet  1849),  et  vota  avec  la  majorité  monar» 
ique  jusqu'au  moment  où  une  scission  bien 
nchée  se  déclara  entre  la  droite  parlementaire 
la  politique  présidentielle.  Honoré  de  l'intimité 
j  prince  Louis-Napoléon,  M.  de  Morny  fut  à 
|  is  les  titres  désigné  comme  l'un  des  principaux 
|  icuteurs  du  coup  d'État  qui  se  préparait  à  l'Ély- 
|  .  La  grave  responsabilité  qu'il  acceptait  n'avait 
tiré  en  rien  la  sérénité  de  son  caractère,  l'af- 
i  ilité  de  ses  manières.  On  a  retenu  de  lui  un 
j  t  jeté  avec  une  spirituelle  insouciance,  dans 
[  j  causerie  de  l'Opéra-Comique  où  il  assistait, 
[oirdu  1er  décembre  1851,  à  la  première  re- 
Isentation  du  Château  de  la  Barbe-bleue. 
I  mot  mérite  d'être  cité.  Une  femme  élégante, 
|  était  dans  une  loge  voisine  de  la  sienne,  se 
I  cha  vers  lui,  en  disant  :  «  On  assure  qu'on 
|  balayer  la  chambre  :  que  ferez-vous ,  rnon- 
i  ir  de  Morny  ?  »  —  «  Madame,  s'il  y  a  un  coup 
I  balai,  je  tâcherai  de  me  mettre  du  côté  du 
liche.  » 

|Kommé  le  2  décembre  ministre  de  l'intérieur, 
de  Morny  fut  ce  jour-là  le  seul  ministre  qui 
(résigna  les  premières  proclamations  et  tous 
actes  ou  décrets  qui  furent  promulgués.  Au 
i  eu  des  grandes  agitations  auxquelles  Paris 
t  en  proie,  quand  chacun  hésitait  entre  la 
jnte  d'une  dictature  et  l'horreur  de  l'anar- 
;,  il  déplqyait  une  fermeté  qui  répondait  au 
ne  et  à  l'énergie  du  prince  président.  Ce 
lui  qui  prit  sous  sa  responsabilité  l'ordre  de 
œrser  ou  d'arrêter  plus  de  deux  cents  repré- 
tants,  réunis,  sous  la  présidence  de  M.  Be* 
jfet  d'Azy,  à  la  mairie  du  dixième  arrondisse- 
nt, pour  protester  contre  le  coup  d'État  et 
aniser  la  résistance  légale.  Le  3  décembre 
We  Morny  fut  nommé  membre  de  la  commis- 
li  consultative.  Parmi  ses  circulaires,  on  re- 
rque  celle  du  4  décembre,  enjoignant  aux 
jfets  d'exiger  de  tous  les  fonctionnaires  publics 
ihésion  par  écrit  à  la  grande  mesure  que  le 
ivernement  venait  d'accomplir;  puis  la  circu- 
le du  13,  aux  commissaires  extraordinaires, 
f  annonçant  que  leur  mission  était  terminée  ; 
tn  le  manifeste  du  19  janvier  1852,  dans  lequel 
lisait  connaître  la  ligne  de  conduite  que  le 

fverneinent  nouveau  entendait  suivre  dans  les 
tions.  N'approuvant  point  le  décret  sur  les 
lis  de  la  maison  d'Orléans,  M.  de  Morny  sa- 
»a  son  portefeuille  à  sa  conviction,  et  fut  rem- 
ié,  le  22  janvier  1852,  par  M.  de  Persigny. 
collègues,  MM.    Fould ,   Rouhcr  et  Magne 
•tèrent  son  exemple  ;  mais  tous  trois  ne  tar- 
dent pas  à  revenir  aux  affaires.  Quant  à  M.  de 
ïny,  en  quittant  le  ministère,  il  ne  se  sépara 
P  du  gouvernement  qu'il  avait  contribué  à 
Her.  Élu  député  au  corps  législatif  par  les  deux 
Conscriptionsd'Ambert  et  de  Clermont,  il  opta, 
li  6  avril  1852,  pour  cette  dernière ,  devint,  le 


7  août ,  président  du  conseil  général  du  Puy-de- 
Dôme,  et  fut,  le  2  décembre  suivant,  élevé  au 
grade  de  grand-croix  de  la  Légion  d'Honneur. 
Nommé,  le  12  novembre  1854,  président  du  corps 
législatif,  il  continue  annuellement  de  prononcer 
à  l'ouverture  des  sessions  des  discours  qui  ont 
souvent  eu  une  grande  portée  politique.  Le  7 
septembre  1856,  M.  d<!  Morny  représenta  la 
France  comme  ambassadeur  extraordinaire  au 
sacre  d'Alexandre  H,  empereur  de  Russie  :  le 
rétablissement  de' rapports  intimes  entre  les  deux 
gouvernements  et  un  traité  de  commerce  avan- 
tageux furent  les  résultats  de  sa  mission.  Avant 
de  revenir  en  France,  il  épousa,  le  19  janvier 
1857,  à  Saint-Pétersbourg,  M"e  Sophie  Trou- 
betzkoï,  fille  du  prince  Serge  Troubetzkoï,  mort 
le  30  avril  1859,  et  de  Catherine  Pouchkine. 
H.  Fisquet. 

De  La  Guéronnlère  ,  Études  et  Portraits  politiques 
contemporains.  —  Moniteur  de  1842  à  1860,  pussim.  — 
Vapereau,  Dict.  des  Contemp.  —  Borel  d'Hauterive  , 
annuaire  de  la  Pairie  et  de  la  Noblesse. 

moro  (Christophe),  soixante-dix-huitième 
doge  de  Venise,  mort  le  9  novembre  1471.  Sa 
famille  était  de  Candie.  Suivant  Marino  Sanuto, 
saint  Bernardin  de  Sienne  (mort  en  1444)  avait 
prophétisé  à  Moro  qu'il  parviendrait  au  dogat; 
pourtant  rien  dans  ses  qualités  ni  dans  son  ca- 
ractère ne  semblait  lui  mériter  un  tel  honneur. 
Ses  grandes  richesses  furent  son  seul  titre.  Il 
était  procurateur  de  Saint-Marc  lorsque,  le 
12  mai  1462,  il  fut  élu  en  remplacement  de  Pas- 
cuale  Malipiero.  Les  conquêtes  rapides  du  sul- 
tan Mahomet  II  en  Grèce,  en  Hongrie  et  dans 
l'Archipel  alarmaient  là  seigneurie  ,qui  résolut  de 
lui  faire  la  guerre.  Une  partie  delaMorée  apparte- 
nait encore  aux  Vénitiens  ;  l'autre  moitié  obéis- 
sait au  sultan.  Ce  fut  dans  cette  contrée  que  le 
doge  résolut  de  commencer  la  guerre.  Une  cause 
bien  minime*  vint  au  surplus  précipiter  les 
hostilités.  Un  esclave  du  pacha  d'Athènes  s'en- 
fuit en  volant  cent  milte  aspres  (8,000  fr.  ),  et  se 
réfugia  dans  la  maison  de  Geronimo  Valaresso, 
conseiller  de  la  régence  de  Coron.  Le  pacha  de 
Morée  réclama  le  voleur.  Les  Vénitiens  en  refu- 
sèrent l'extradition  sous  le  prétexte  qu'il  s'était 
fait  chrétien.  Le  pacha  se  vengea  de  ce  refus  en 
s'emparant  d'Argos.  Le  doge  arma  aussitôt  une 
flotte  de  cinquante-quatre  bâtiments  montés  par 
quinze  mille  hommes,  et  qui,  sous  les  ordres  de 
Luigi  Loredano,  mit  à  la  voile  le  25  janvier  1463. 
Ils  reprirent  Argos,  mais  échouèrent  devant  Co- 
rinthe.  Ils  se  replièrent  sur  Napoli  de  Romanie,sous 
les  murs  de  laquelle  ils  gagnèrent  une  victoire 
signalée  contre  la  grande  armée  ottomane.  Cet 
avantage  n'empêcha  pas  le  doge  de  s'adresser  à- 
tous  les  princes  chrétiens  pour  obtenir  des.  se- 
cours. Le  pape  Pie  II  prêcha  une  croisade  avec 
une  ardeur  toute  juvénile;  il  voulut,  malgré  son 
âge  avancé  et  ses  infirmités,  faire  lui-même 
partie  de  l'expédition;  mais  il  exigeait  que 
Christophe  Moro  prît  aussi  sa  part  des  dan- 
gers, et  par  son  bref  du  8  novembre  1463  il 


627 


MORO  —  MOROGUES 


i'invifa  à  venir  le  joindre  à  Ancône,  lieu  de 
rendez-vous  des  croisés.  La  volonté  du  souve- 
rain pontife  alarma  vivement  le  doge,  qui  était 
loin  de  partager  l'enthousiasme  guerrier  de 
Pie  II.  Moro  était  un  vieillard  sans  énergie,  qui 
n'avait  d'autre  passion  que  l'avarice  et  qu'un 
moine  gouvernait.  Quand  il  entendit  lire  le 
bref  dans  le  conseil,  il  se  récria  avec  force 
sur  son  grand  âge,  sur  l'inutilité  de  sa  pré- 
sence à  la  guerre;  mais  le  conseil,  qui  voulait 
donner  de  l'éclat  à  cette  expédition,  n'en  décida 
pas  moins  que  le  doge  en  ferait  partie.  «  Séré- 
nissime  prince,  lui  dit  Vettore  Capello,  l'un  des 
conseillers ,  si  Votre  Sérénité  refuse  de  partir  de 
bonne  grâce,  nous  saurons  l'y  contraindre,  parce 
que  le  bien  et  l'honneur  de  la  patrie  nous  sont 
plus  chers  que  votre  personne.  »  Il  n'y  avait 
guère  à  répliquer,  et  le  30  juillet  1464,  après 
avoir  consulté  les  astrologues  sur  le  succès  de 
l'expédition,  Moro  se  mit  en  mer,  à  son  vif  regret. 
Aussi,  grande  fut  sa  satisfaction,  en  arrivant 
à  Ancône,  d'apprendre  que  Pie  II  venait  d'ex- 
pirer et  que  la  pieuse  campagne  ne  pouvait  plus 
avoir  lieu.  Il  s'empressa  de  regagner.  Venise,  et 
la  flotte  des  croisés,  destinée  contre  les  musul- 
mans, servit  contre  les  chevaliers  de  Saint-Jean- 
de-Jérusalem,  qui  retenaient  deux  bâtiments  vé- 
nitiens %  qu'ils  furent  contraints  de  rendre  en 
voyant  les  environs  de  Rhodes  incendiés.  La 
seigneurie  attaqua  ensuite  Trieste,  dont  les  habi- 
tants cédèrent  trois  communes  à  la  république , 
s'engagèrent  de  payer  un  cens  à  l'église  Saint- 
Marc  et  au  doge,  s'interdirent  de  vendre  du  sel 
et  d'en  transporter  sur  leurs  vaisseaux  sous  peine 
de  la  vie,  enfin  promirent  de  rendre  à  l'avenir 
les  esclaves  transfuges  appartenant  aux  Vénitiens 
(traité  du  17  décembre  1463). 

Cependant  la  guerre  se  continuait  en  Morée 
avec  des  chances  diverses.  En  1466  les  Véni- 
tiens surprirent  Athènes  (Setine),  qu'ils  sacca- 
gèrent. Les  Turcs  s'en  vengèrent  sur  un  prové- 
diteur,  qu'ils  firent  empaler  ;  ensuite  ils  reprirent 
la  ville  après  avoir  tué  onze  cents  hommes  aux 
Vénitiens.  En  juin  1470,  Mahomet  II  résolut  de 
frapper  un  grand  coup.  Il  fit  voile  pour  Négre- 
pont  avec  une  flotte  de  trois  cent  huit  navires , 
portant  soixante-dix  mille  hommes  sans  comp- 
ter les  matelots.  Il  réunit  l'île  au  continent  par 
un  pont  de  bateaux,  et  commença  le  siège  de  la 
ville  le  25  juin.  Paolo  Erizzo  y  commandait  une 
garnison  de  six  mille  soldats;  jusqu'au  12 juillet 
il  repoussa  cinq  assauts,  qui  coûtèrent  soixante- 
dix-sept  mille  hommes  aux  assiégeants.  Quoi- 
que souvent  renforcé ,.  Mahomet  se  vit  obligé 
de  faire  débarquer  ses  marins  pour  continuer  ses 
attaques.  Si  dans  ce  moment  l'amiral  vénitien 
Nicolà  Canale,  qui  commandait  trente-cinq  ga- 
lères et  qui  assistait  paisiblement  à  la  lutte,  eût 
rompu  le  pont  de  l'Euripe,  il  aurait  pu  détruire 
la  flotte  turque  à  moitié  désarmée  et  dans  l'im- 
possibilité demanœ.uvrer.Mahomet  II  se  trouvait 
alors  bloqué  dans  l'île  sans  vivres  et  sans  moyens 


d'en  sortir.  Le  lâche  Canale  résista  aux  instan 
de  ses  capitaines  et  aux  signaux  continuels 
le  brave  Erizzo  ne  cessait  de  faire  pour  ftgf 
rer  du  secours.    Enfin,  la  ville  fut  enlevée 
12  juillet.  Erizzo,  avec  lesdébris  de  sa  garnis 
se  retira  dans  le  château,  où  il  se  défendit  enc 
quelques -jours.  Enfin,  obligé  de  capituler,  Ma 
met  promit  de  lui  sauver  la  tête,  ainsi  qu'à 
soldats;  mais  par  une  odieuse  subtilité,  voul 
satisfaire  sa  vengeance  sans  violer  son  serrd( 
il  fit  scier  Erizzo  par  le  milieu  du  corps  (1) 
Vénitiens   firent  d'inutiles  efforts    pour  rec 
quérir  Négrepont.    Ils  provoquèrent  alors 
ligue  contre  les  Turcs,  à  laquelle  accédèrent 
pape  Paul  II,  le   roi  de  Naples  Ferdinand 
d'Aragon,  le  duc  de  Milan   Galeas  Maria  Sfo) 
le  duc  de  Modène    Hercule  1er  d'Esté,  les  ré  I 
bliques  de  Lucqnes,   de  Sienne  et  de  Florer 
Par  des  subsides,  des  cessions  commerciales 
territoriales,  ils  armèrent  aussi  contre  les  Ttf 
le  fameux   Scanderberg,   prince   d'Albanie, 
chefs  arméniens   et  caramaniens  ,  Asoraf  s 
dan  d'Egypte,  Mathias  roi  de  Hongrie,  et  nié 
le  schah  Ussum-Casan.  Christophe  Moro  ne 
pas  les  résultats  de  cette  formidable  alliance 
mourut  peu  après  sa  conclusion,  et  laissa  i 
mémoire  peu  regrettée  de  ses  sujets.  Nice 
Tronolui  succéda.  A.  de  E 

Muratori,  Annali  d'Italta,  1462  al  1471.  —  A  -A. 
bellico ,  Historia  Venetx.  —  And.  Navigiero,  SU 
Veneziana.  —  Dérnétrius  Canlemlr,  Hist.  de  V Agram 
sèment  et  de  la  Décadence  de  l'Empire  Othoman  (I 
du  latin  par  .loncquières,  1743,  4  vol.  in-12).  —  Leun 
rius,  Annales  Turcici.—  Sismondi,  Hist.  des  RcpublU 
italiennes,  t.  XVI,  p.  281.  —  Morosini,  Hist.  Vene\ 
Coriolano  Cippico,  Délie  Guerre  de'  Venetiani  i 
Asia  dalV  1470  al  1474,  publié  en  1796;  par  Mbf 
bibliothécaire  de  Saint-Marc.  Cippico  reiate  des  J 
auxquels  il  a  pris  part  ou  qui  se  sont  accomplis  de 
temps.— Lunig,  Codex  Italiœ  diplomalicus,  t.  Il,  par 
sectlo  vi,  p.  24.  —  Historia  di  Venezia,  dall'  anno 
ftno  ail'  anno  1500  ;  manuscrit  de  la  Bibliothèque  im 
riale,  n°  9960.—  Daru, Hist.  de  Venise,  t.  IV,  livre  XX 
p.  414-436.  —  L'abbé  Laugier,  Hist.  de  Venise,  liv.  XX 
—  Marino  Sanuto,  Vite  de' Duchidi  Venëiiàna  •  C.Mb 
— '  Sandi,  Storia  civile  di  Venezia,  liv.  VIII,  cap.  IX. 

moro  ( Battista  del).  Voy.   Battista  di 

GNOLO. 

morogïtës  (Sébastien- François  Bigot 

(i)«  Cette  barbarie*  dit  P.  Daru,  est  encore  un  de  ces  f 
dont  il  est  permis  de  douter.  Plusieurs  traits  de  la 
de  Mahomet  II  démentent  une  pareille  atrocité,  et  l'i 
torienleplus  exact  de  ce  temps-là,  Morin  Sanuto,  fi 
fait  pas  mention-,  il  se  borne  à  dire  que  Paul  Erizzo  p 
dit  la  -vie.  Cependant  Sandi  l'affirme.  »  (Voir  pour  plu; 
détails  sur  le  siège  mémorable  de  Négrepont  nos  artii 
IVicold  Canai.e,  Paolo  Ebizzo  et  Pietro  Mocewigo) 

(2)  La  famille  des  Bigot  était  noble  et  ancienne,  d'i 
glne  anglaise;  elle  -vint,  vers  le  onzième  ou  te  douztt 
siècle,  s'établir  en  France,  et  particulièrement  dans 
Eerri,  où  elle  acquit  la  seigneurie  de  Morogiies, 
branche  aînée  de  Cette  maison  passa  en  Hollande  1 
de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  et  se  fixa  d'une  i 
nière  brillante  â  la  cour  du-  stathouder.  Le  plus  coi 
des  membres  de  cette  branche  est  Jacques-Adrien-Jst 
Bigot  de  Morogtjes,  né  le  16  mal  1709,  à  Utrecht, 
mort  en  1775,  à  La  Haye  ;  il  fut  général  de  cavalerie 
grand  maître  de  la  maison  du  prince  d'Orange.  On 
doit  un  Essai  de  Tactique  de  ?  Infanterie  (  Amst.,  l'i 
2  vol.  ln-4°). 


vi.  rite  de 


MOROGUES 


630 


marin  français,  né  le  5  avril  1705, 
<st,  mort  en  1781,  à  Ville- Payer,  près  Or- 
li-;i  .  Il  était  fils  de  Bigot  de  La  Motte,  com- 
m  lire  de  la  marine   à  Brest.  Entré  en  1723 
ooj  ne  officier  dans  le  régiment  royal-artillerie, 
J»'ssa  en  1736  au  service  de  mer,  servit  sur 
K'ourbon,  qui  périt  en  1741,  sur  les  côtes  de 
ii  artinique,  et  devint  en  1746  capitaine  de 
va  eau.  En  1759  il  commandait  Le  Magnifique, 
M  ant  l'arrière-garde  de  l'escadre  du  maréchal 
■janflans  ;  dans  la  fatale  journée  du  20  no- 
jepre,  il  soutint  seul,  pendant  plus  d'une 
Bî,  le  cWoc  de  trois  vaisseaux  anglais ,  et 
réi  it  pourtant  à  regagner  l'île  d'Aix.  Les  solides 
■  lissancesdont  il  avait  fait  preuve,  tant  dans 
I  leric  que  dans  la  marine,  le  firent  nommer 
M '64  chef  d'escadre,  en  1767  inspecteur  gé- 
I    d'artillerie  et  en  1771    lieutenant  général 
M  irmées  navales.  On  l'avait  plusieurs  fois  dé- 
fi pour  le  ministère  de  la  marine,  lorsqu'une 
le  lille  intrigues  auxquelles  la  cour  était  livrée 
:rsa  tout  à  coup  ces  projets.  On  oublia  ses 
ces  :  il  fut  exilé  dans  ses  terres,  et  n'en  sortit 
jusqu'à  sa  mort.  A  son  retour  d'une  cam- 
î  d'évolutions  sur  les  côtes  d'Espagne  et 
ortugal  (1749),  il  exécuta,  de  concert  avec 
eurs  autres  officiers  de  marine,  le  projet  de 
une  académie  destinée  spécialement  à  I'é- 
>et  aux  progrès  des  sciences  nautiques.  En- 
tagée  par  le  ministre  Rouillé ,  cette  société 
pendant  trois  ans  ses  séances  hebdomadaires 
;st;  elle  reçut  une  constitution  définitive  le 
Sillet  1752,  sous  le  nom  d'Académie  de  Ma- 
,  et  Morogues  en  fut  le  premier  directeur.  On 
ilui  :  Essai  sur  l'application  de  la  théorie 
forces  centrales  aux  effets  de  la  poudre 
mon;  Paris,   1737,  in-8°;  dédié  à  M.  de 
repas  ettrad.  en  allemand  en  1766;  —  Tac- 
\e  navale,  ou  traité  des  évolutions  et  des 
laux;  Paris,  1763,  in-4°,  fig.  ;  trad.  en  an- 
en  1767  :  excellent  ouvrage,  que  l'on  con- 
!  encore  avec  fruit  après  celui  de  Bourde  de 
iihuet  et  celui  de  Chopart.  Ce  savant  officier 
t insérer  dans  le  Recueil  da  V Académie  des 
«ces  (savants  étrangers  )  deux  mémoires  Sur 
"orruption   de  l'Air  dans  les  Vaisseaux 
l&,  t.  1er). et  Sur  un  Animal  aquatique  de 
ne  singulière  (1753,  t.  II).  La  bibliothèque 
tort  de  Brest  possède  de  lui ,  outre  une  col- 
Ion  de  modèles  relatifs  à  l'artillerie  et  aux 
[.tructions  navales,  un  Traité  de  Construc- 
pratique ,  huit  mémoires  et  près  de  200  ar- 
s,  écrits  pour  le  Dictionnaire  de  l'Académie 
Marine.  P. 

»Levot,  Biogr.  Bretonne. 
orogces  (Pierre- Marie- Sébastien  Bigot, 

i>n  de),  agronome  français,  petit-filsdu  pré- 

fent,  né  le  5  avril  1776,  à  Orléans,  où  il  est 
t,  le  15  juin  1840.  Fils  d'un  major  de  la  ma- 
,  mort  en  1788,  il  était  destiné  à  suivre  la 

ne  carrière.  Après  avoir  passé  quelque  temps 
picole  militaire  de  Vannes,  qui  fut  supprimée 


en  1791,  il  entra  en  1794  à  l'École  des  Mines, 
étudia  la  chimie  avec  Vauquelin,  et  parcourut  la 
Suisse  et  la  Savoie,  puis  le  Poitou,  la  Bretagne 
et  le  Jura.  Devenu,  par  son  mariage  avec 
M11*  Montaudouin.maîtredu  château  deLa  Source, 
un  des  plus  vastes  domaines  de  la  Sologne,  il 
quitta  la  minéralogie  pour  se  faire  agronome,  et 
joignit  la  pratique  à  la  théorie  de  l'agriculture 
dans  toutes  ses  branches  sur  cette  propriété, qu'il 
a  dirigée  pendant  près  de  quarante  ans.  Appli- 
quant ses  connaissances  variées  à  l'amélioration 
fi l'une  contrée  frappée  de  stérilité,  il  multiplia  lés 
conseils  et  les  écrits  pour  vaincre  l'apathie  et  la 
routine  des  paysans.  De  l'économie  rurale  il  se 
trouva  conduit  à  l'étude  de  l'économie  sociale, 
et  comme  il  n'avait  d'autre  passion  que  celle 
d'être  utile,  ce  fut  à  l'amélioration  des  classes 
pauvres  qu'il  consacra  ses  nouvelles  recherches. 
«  Tout  en  voyant,  dit  M.  Wyslouch,  dans  le 
bien-être  matériel  du  peuple  une  cause  d'ordre 
et  de  stabilité ,  il  était  loin  d'y  placer,  comme 
quelques-uns ,  la  seule  garantie  de  la  tranquillité 
et  de  la  conservation  publiques;  il  y  demandait 
une  base  première  plus  étendue ,  plus  noble  et 
plus  assurée  :  cette  base ,  il  la  trouvait  dans  la 
morale  et  dans  l'union  de  celle-ci  avec  les  prin- 
cipes ;religieux.  »  La  Politique  religieuse  et 
philosophique  et  la  Politique  basée  sur  la 
Morale  sont  le  développement  de  cette  idée. 
Dans  plusieurs  écrits  il  signala  avec  force  comme 
l'une  des  plus  funestes  conséquences  de  notre 
civilisation  la  tendance  à  concentrer  entre  les 
mains  du  petit  nombre  les  richesses  qui  devraient 
être  le  domaine  de  tous.  Quoique  partisan  de  la 
monarchie,  M.  Bigot  de  Morogues  ne  sollicita  ja- 
mais aucune  faveur  de  l'empire  ou  de  la  res- 
tauration. Il  n'était  encore  que  maire  de  sa  com- 
mune lorsqu'après  la  révolution  de  Juillet  il  fut 
élu  membre  du  conseil  général  du  Loiret.  En 
1834  il  reçut  la  croix  d'Honneur,  et  le  11  sep- 
tembre 1835  il  entra  à  la  chambre  des  pairs,  où 
il  prit,  dans  les  rangs  de  l'opposition  dynastique, 
une  part  active  aux  débats.  Les  honneurs  acadé- 
miques ne  lui  ont  pas  manqué  :  choisi  pour  cor- 
respondant par  deiix  classes  de  l'Institut ,  il  fut 
membre  ou  associé  d'un  grand  nombre  de  so- 
ciétés savantes  ou  agricoles  de  France  et  de  l'é- 
tranger. Parmi  ses  ouvrages,  nous  citerons  : 
Essai  sur  la  Constitution  minéralogique  et 
géologique  du  Sol  dés  environs  d'Orléans; 
Orléans,  1810,  in-8°;  —Observations  sur  les 
principales  Substances  des  départements  du 
Morbihan,  duFinistère  et  des  Côtes-'dU'Nord; 
Paris,  1810,  in-8°;  —Sur  V  Appropriation  des 
Bois  aux  divers  terrains  de  la  Sologne;  Or- 
léans ,  1811,  in-8°;  —  Mémoire  historique  et 
physique  sur  les  chutes  des  pierres  tombées 
.nir  la  surface  de  la  terre  à  diverses  épo- 
ques ;  Paris,  1812,  in-8o;  on  y  trouve  joint  le 
Catalogue  des  chutes  de  pierres  :  extr.  du 
Journal  des  Mines  de  1812  ;  —  Essai  sur  les 
moyens  d'améliorer  l'Agriculture  en  France, 


631  MOROGUES 

particulièrement  dans  toutes  les  provinces 
les  moins  riches  ;  Orléans,  1822,  2  vol.  in-8°; 
la  publication  de  cet  ouvrage ,  qui  est  un  traité 
méthodique  d'agriculture,  ne  fut  pas  sans  in- 
fluence sur  l'amélioration  et  la  valeur  vénale  des 
terres  en  Sologne;  —  Influence  des  Sociétés 
littéraires  sur  la  Prospérité  publique;  Orléans, 

1823,  in-8°;  —  Mémoire  sur  l'Utilité  d'un 
corps  permanent  d'Ingénieurs  agricoles  et 
manufacturiers  ;  Paris,  1823,  in-S*-;  —  No- 
tions géologiques  sur  l'antiquité  des  couches 
les  plus  superficielles  de  la  terre;  Orléans, 

1824,  in-8°; —  La  Noblesse  constitutionnelle  ; 
Paris,  1825,  in-8°  :  il  ne  peut,  d'après  l'auteur, 
y  avoir  d'autre  noblesse,  avouée  par  l'opinion, 
que  celle  qui  est  fondée  sur  le  mérite  et  la  vertu  ; 

—  Recherches  de  la  meilleure  méthode  pour 
faire  fermenter  économiquement  le  vin,  le 
cidre  et  les  liqueurs  du  même  genre  ;  Paris, 

1825,  in-8°;  —  Politique  religieuse  et  philo- 
sophique, ou  constitution  morale  du  gouver- 
nement; Paris,  1827,  4  vol.  in-8°  ;  —  De  la 
Production  nationale  considérée  comme  base 
du  commerce;  Orléans,  1829,  in-8°;  —  De  la 
Misère  des  ouvriers  et  de  la  Marche  à  suivre 
pour  y  remédier;  Paris,  1832,  in-8°;  la  con- 
clusion est  la  nécessité  du  luxe  pour  élever  le 
taux  des  salaires  ;  —  Recherches  des  Causes 
de  la  Richesse  et  de  la  Misère  des  peuples 
civilisés;  Paris,  1834,  in-4°;  cet  écrit  autogra- 
phié  n'a  été  tiré  qu'à  100  ex.;  —  Bu  Pau- 
périsme, de  la  Mendicité  et  des  Moyens  d'en 
prévenir  les  funestes  effets;  Paris,  1834,  in-8°  ; 
parmi  ces  moyens  il  met  en  avant  l'établisse- 
ment de  colonies  agricoles;  —  La  Politique 
basée  sur  la  Morale  et  mise  en  rapport  avec 
les  progrès  de  la  société;  Paris,  1834,  in-8°  ; 

—  Comment  la  Chambre  des  Pairs  et  la 
Chambre  des  Députés  pourraient  être  consti- 
tuées en  France;  Orléans,  1840,  in-8°.  En 
outre,  M.  Bigot  de  Morogues  a  écrit  les  princi- 
paux articles  du  Cours  complet  d'Agriculture 
(1834  et  ann.  suiv.),  tels  que  Blé,  Douanes, 
Économie  politique  et  rurale,  Impôts,  Ma- 
chines, Misère,  etc.;  il  a  collaboré  à  la  Revue 
encyclopédique ,  au  Journal  des  Mines  ,  aux 
Annales  de  l'Agriculture,  au  Cultivateur,  aux 
Annales  de  la  Société  d'Orléans  et  à  plusieurs 
journaux  politiques.Entre  autres  ouvrages  inédits, 
il  a  laissé  3  volumes  Sur  les  Causes  et  les  Pro- 
grès de  l'Industrie  agricole,  manufacturière 
et  commerciale.  K. 

G.  Sarrut  et  Saint-Edme,  Biogr.  des  Hommes  du  Jour. 

—  Slméon  (Comte),  Éloge  prononcé  à  la  chambre  des 
pairs.  —  J.  Wyslouch,  Notice  biogr.  et  hist.  sur  le  baron 
Bigot  de  Morogues,-  Paris,  1841,  in-S°.  —  Quérard,  Littèr. 
française  contemp.,  1,  480-495. 

MOKOM.M  (  Marco  •  Valerio  ) ,  peintre  de 
l'école  bolonaise,  né  à  Forli,  vivait  dans  les 
premières  années  du  seizième  siècle.  Cet  artiste, 
qui  probablement  fut  élève  du  Melozzo,  a  laissé 
quelques  bons  tableaux  dans  sa  ville  natale  ;  le 
principal  est  une  Madone  sur  un  trône  entre 


-  MORONE 

saint  Barthélémy  et  saint  Antoine  de 
doue;  il  est  daté  de  1503.  E.  B— 

G.  Casali,  Guida  per  la  Citta  di  Forli. 

morone  ou  moroni  (Domenico),  pei 
de  l'école  vénitienne,  né  à  Vérone,  en  1430,  i 
vers  1500.  On  croit  qu'il  eut  pour  maître 
élève  de  Stefano  da  Verona;  mais  il  paraît  s 
formé  surtout  par  l'étude  des  ouvrages  du 
sanello  et  de  Jacopo  Bellini.  Vasari  cite  coi 
son  chef-d'œuvre  un  Christ  conduit  au  . 
plice,  tableau  qui  n'existe  plus;  mais  on 
sède  encore  à  Vérone  plusieurs  fresques  dt 
assez  bien  conservées.  E.   B—  u 

Vasari,  Vite.  —  Ridolfi,  Vite  degli  illustri  />( 
Veneti .—  Baldinucci,  Notizie.  — Lanzi,  Storia  j 
rica.  —  Ticozzi,  Dizionario.  —  Bennassuti,  Gui 
compendio  storico  Délia  Cittd  di  Verona. 

morone  ou  moroni  (Giovanni  •  Fi 
cesco),  fils  du  précédent,  né  à  Vérone,  en  1 
mort  en  1529.  Élève  de  son  père,  il  amélioi 
manière  en  donnant  plus  de  grâce  aux  figu 
plus  de  pureté  au  dessin,  plus  d'élégance  au 
loris.  Ses  ouvrages  sont  très-nombreux  à 
rone;  nous  citerons  Le  Père  éternel  et  le  Sa 
Esprit  dans  les  nues,  un  Christ  sur  la  a 
avec  la  Vierge  et  saint  Jean  (1498)  et 
très-belle  série  à  fresque  des  portraits  des 
gieux  olivetains  qui  devinrent  papes,  et 
quelques  empereurs  qui  se  firent  olivetains 
musée  de  Milan  possède  de  ce  maître  une  . 
doue  avec  saint  Nicolas-de-Barï  et  st 
Zenon  ,  et  celui  de  Berlin,  une  Madone  d 
un  paysage.  Morone  eut  pour  élève  Paolo 
randa  dit  le  Cavazzola.  E.  B— i 

Vasari,  Vite.  —  Orlandl,  Abbecedario.  —  Lanzi,  St 
pittorica.  —  Ticozzi,  Dizionario.  —  Benassuli,  G 
délia  Citlà  di  Verona. 

morone  (  Jérôme  ),  célèbre  diplomate  ital 
né  vers  1450,  dans  le  Milanais,  mort  en  li 
Entré  de  bonne  heure  au  service  des  ducs  de 
lân ,  il  fut  chargé  par  Louis  le  More  de  dive 
négociation  s  t  où  il  montra  un  talent  consoni 
pour  l'intrigue.  Nommé  en  1512  vice^chanct 
du  duc  Maximimilien  Sforze,  nouvellement 
tabli ,  il  obtint  bientôt  sous  ce  prince  faible  1 
tière  direction  de  l'administration  de  son  p;| 
Lorsqu'en  1515  Maximilien  eut  été  déposs 
de  ses  États  par  les  Français,  Morone  se  rer 
à  Trente  auprès  de  François  Sforze ,  second 
de  Louis  le  More.  De  sa  retraite  il  noua  avec 
adresse  habituelle  des  intelligences  avec  les  ne 
breux  mécontents  de  la  domination  française 
Lombardie ,  et  il  reçut  d'eux  la  promesse  d( 
soulever  à  un  moment  donné;  ce  qui  décid; 
pape  Léon  X  et  Charles  Quint  à  former  cor 
François  Ier  la  ligue  qui  eut  pour  résultat 
réintégration  de  François  de  Sforze  dans  le  Mi 
nais.  Morone,  placé  de  nouveau  à  la  tête 
gouvernement  de  ce  duché ,  continua  pendant 
années  suivantes  à  coopérer  avec  toute  son  a< 
vité.à  la  lutte  contre  la  France,  ce  qui  n'empêf 
pas  l'empereur  de  faire  commettre  par  ses  trou| 
les  plus  effroyables  exactions  dans  le  Milana 


J 


MORONE  —  MOROS1 


634 


t  il  refusait  même,  sous  divers  prétextes,  de 
lettre  l'investiture  à  François  de  Sforze.  Mo- 
e  alors  devint  un  des  plus  ardents  fauteurs 
la  ligue  qui  se  forma  en  1525  entre  les  Ita-  j 
s  et  François  Ie',  pour  chasser  d'Italie  les 
ées  de  Charles  Quint.  Un  instant;  il  crut 
ir  .gagné  à  cette  cause  le  marquis  de  Pes- 
e,  général  de  l'empereur,  auquel  il  avait 
rt  la  couronne  de  Naples  ;  mais,  après  avoir 
té  quelque  temps,  Pescaire  résolut  de  rester 
le  à  Charles  Quint;  il  parvint  à  attirer  dans 
piège  Morone,  le  plus  cauteleux  et  le  plus 
des  Italiens,  et  il  le  fit  arrêter,  le  14  octobre 
.  Rendu  à  la  liberté  en  1526  par  le  conné- 
!  de  Bourbon,  auquel  il  avait  remis  vingt 
i  ducats,  il  obtint  bientôt  par  la  souplesse  de 
esprit  la  plus  grande  influence  sur  le  con- 
ble,  dont  il  devint  le  principal  conseiller. 
1527,  il  accompagna  Bourbon  dans  l'expé- 
>n  contre  Rome;  après  la  mort  du  conné- 
s,  il  devint  secrétaire  de  Philibert  d'O- 
ie, le  nouveau  commandant  de  l'armée  impé- 
;  et  il  fut  un  des  principaux  négociateurs  du 
ié  de  paix  entre  l'empereur  et  le  pape.  Créé, 
i528  duc  deBovino,il  mourut  subitement 
ége  de  Florence.  O. 

Chardin.  —  Paul-Jove ,  Historia  et  V ita  Piscarii. 
leaz/.o  Capella ,  Historia  Mediolanensis  (  Capella 
iété  longtemps  secrétaire  de  Morone).  —  Belcarius, 
Mes.  —  Varchl ,  Storia  Finrentina.  —  Nardi,  Storia 
venze.  —  3.  Ripamontll,  Historia  Mediolanensis. 

orone  (Jean),  cardinal  italien,  né  à  Mi- 
le 25  janvier  1509,  mort  à  Rome,  le  1er  dé- 
bre  1580.  Fils  de  Jérôme  Morone,  chance- 
des  derniers  ducs  de  Milan,  Jean  fit  ses 
}«s  à  l'université  de    Padoue,  et    reçut,  le 
»ï)  1529,  Pévêché  de  Modène  de  Clément  VII, 
»X  de  récompenser   en  sa  personne  le  traité 
1  octobre  1527,  qui  l'avait  rendu  à  la  liberté 
ont  son  père  avait  été  l'un  des  principaux 
pateurs.  Par  suite  de  {'opposition  d'Alfonse, 
de  Ferrare,  qui  avait  ambitionné  ce  siège 
son   fils,    Hippolyte    d'Est,  déjà  arche- 
le  de  Milan,  il  ne  put  en  prendre  posses- 
qu'en  1 533,  api  es  s'être  engagé  à  servir  à 
îrnier  une  rente  annuelle  de  400  écus  d'or. 
536,  Paul  III  le  fit  son  nonce  en  Allemagne, 
|orone  s'acquitta  si  bien  de  sa  mission  que 
iinand,  roi  des  Romains ,  depuis  empereur 
Charles  Quint,  son  frère,  et  les  autres 
fie,s,  tant  ecclésiastiques  que  séculiers,  pré- 
*s  à  la  diète  de  Spire  en  1540,  souscrivirent 
convocation  d'un  concile  général.  De  retour 
S  son  diocèse  en  mai  1542,  il  reçut,  le  2  juin 
•stte  année,  le  chapeau  de  cardinal  et  le  titre 
maint- Vital,  qu'il  échangea  successivement 
fi  ceux  de  Saint-Étienne  in  Cœlio  monte,  de 
■pLaurent  in  Lucina  et  de  Sainte-Marie  au 
«du  Tibre.  Bien  qu'il  ne  fût  alors  âgé  que 
'W  ente-trois  ans,  il  fut  désigné  pour  présider 
«ttncile  général  indiqué  à  Trente;  mais  divers 
Otjicles  en  ayant  empêché  la  convocation,  il 
Ajinvoyé  par  le  pape  à  la  diète  de  Spire,  en 


1544,  et  nommé  peu  après  à  la  légation  de  Bo- 
logne, qu'il  garda  jusqu'en  1548.  Nous  ne  savons 
pour  quel  motif  Morone  ne  présida  point  le  con- 
cile général  de  Trente,  dont  l'ouverlure  eut  lieu 
le  13  décembre  1545;  mais  on  peut  le  deviner 
facilement.  Morone  avait  été  rendu  suspect  à  la 
cour  pontificale,  et  accusé  de  favoriser  les  princes 
protestants.  En  1550,  il  se  démit  de  l'évêché  de 
Modène,  où  il  faisait  le  plus  grand  bien,  et  reçut 
trois  ans  après  le  riche  évêché  de  Novare. 
Paul  IV  le  fit  arrêter  en  1557,  et  conduire  au 
château  Saint-Ange;  mais  Pie  IV,  élu  le  25  dé- 
cembre 1559,  lui  rendit  une  éclatante  justice, 
et  le  fit  même  son  légat  pour  présider  le  concile 
de  Trente  que  Morone  clôtura,  le  4  décembre 
1563.  Démissionnaire  de  l'évêché  de  Novare  en 
1560,  Jean  Morone  devint  en  1564  administrateur 
apostolique  de  son  ancien  évêché  de  Modène,  qu'il 
garda  jusqu'en  1571,  et  occupa  ensuite  succes- 
sivement les  sièges  suburbicaires  de  Palestrine, 
de  Frascati,  de  Porto,  et  d'Ostie.  Après  la  mort 
de  Pie  IV,  arrivée  en  1565,  saint  Charles  Borro- 
mée  donna  sa  voix  au  cardinal  Morone,  qu'il 
jugeait  digne  de  la  tiare  et  qui  avait  eu  déjà 
vingt-huit  voix  dans  un  conclave  précédent. 
Enfin,  Grégoire  XIII  l'envoya  en  qualité  de  légat 
à  Gênes  et  en  Allemagne.  On  a  du  cardinal  Mo- 
rone diverses  Lettres,  relatives  aux  importantes 
négociations  dont  il  fut  chargé,  un  Discours 
prononcé  au  concile  de  Trente,  imprimé  en  tête 
des  éditions  diverses  de  ce  concile,  et  à  Milan, 
1563  et  1576,  in-4°;  et  les  Statuts  synodaux 
du  diocèse  de  Modène,.  1565,  in-4°.  11  donna 
également  ses  soins  à  une  édition  des  Œuvres 
d'Érasme.  H.  Fisqdet. 

Bibliotheca  Scriptorum  Mediolanenslum.  —  Tirabos- 
chi,  Histoire  de  la  Littérature  italienne,  tome  VII, 
lre  partie.  —  Jacobelli ,  évêqiie  de  Foligno ,  Vie  du  car- 
dinal Morone.  —  Bibliothèque  de  Modène,  tome  III.  — 
Aubery,  Histoire  des  Cardinaux: 

morone  ou  mokosi  (Giovanni-Battista), 
peintre  de  l'école  vénitienne,  né  à  Albino,  dans 
le  territoire  de  Bergame,  en  1510,  mort  en  1578. 
Élève  d'Alessandro  Buonvicini,  dit  le  Moretto, 
il  montra  dans  ses  tableaux  d'histoire  peu  d'in- 
vention, un  dessin  incorrect  et  beaucoup  de  sé- 
cheresse. En  revanche  aucun  maître  de  l'école 
vénitienne,  à  l'exception  du  Titien,  n'a  peint  le 
portrait  avec  un  égal  talent,  et  donné  à  ses  têtes 
autant  d'âme  et  de  vie.  Ses  portraits  sont  pour 
ainsi  dire  innombrables.  On  en  trouve  dans 
presque  toutes.les  galeries  de  l'Europe,  excepté 
au  Louvre.  E.  B— n. 

A.  Muzzio ,  Teatro  Btrgamasco.  —  Tassi ,  Le  Vite  de~ 
Pittori,  Scultori  e  Architelti  Bergamaschi.  —  Ridolfl , 
Vite  degli  illustri  l'ittori  Veneti  e  dello  Stato. 

morosi  (Joseph),  mécanicien  italien,  né  le 
26  juin  1772,  à  Ripafratta,  village  de  Toscane, 
mort  à  Cocombola,  le  27  septembre  1840.  Son 
caractère  doux  et  facile  le  lit  destiner  à  l'état 
ecclésiastique;  mais  lorsqu'il  eut  achevé  ses 
éludes  à  l'université  de  Pise,  il  aima  mieux 
suivre  le  penchant  naturel  qu'il  se  sentait  pour 


635  MOROSI  — 

les  sciences  exactes.  Grâce  à  de  patients  efforts,  | 
il  acquit  la  réputation  d'un  habile  mécanicien. 
Il  construisit  le  premier  la  machine  par  laquelle 
on  démontre  physiquement  la  parabole  qui  ré- 
sulte du  mouvement  horizontal  combiné  avec  le 
mouvement  vertical  ;  puis,  voulant  rivaliser  avec 
Kempelen,  il  fit  un  automate  joueur  d'échecs,  qui 
fut,  dit-on,  préféré  à  celui  qu'avait  construit 
son  rival.  Il  fit  encore  un  métier  avec  lequel  on 
pouvait  tisser  deux  bas  de  soie  à  la  fois.  Morosi 
était  professeur  suppléant  de  physique  expé- 
rimentale à  l'université  de  Pise,  lorsque  la  Tos- 
cane fut  conquise  par  les  Français;  en  1801,  il 
accepta  la  chaire  de  mécanique  à  l'université  de 
Milan,  et  fut  chargé  en  1807  d'une  mission  en 
France,  en  Allemagne  et  en  Hollande.  Il  fit  quel- 
que temps  après  un  second  voyage  en  France , 
d'où  il  rapporta  plusieurs  machines  qui  devinrent 
fort  utiles  à  l'industrie  italienne.  Le  gouverne- 
ment autrichien  lui  conserva  tous  ses  emplois , 
et  lorsqu'il  demanda  sa  retraite  en  1832,  l'em- 
pereur François  Ier  ne  diminua  pas  son  traite- 
ment. Morosi  était  membre  de  l'Institut  italien 
et  chevalier  de  plusieurs  ordres.       A.  H— t. 

Annali  deW  Instituto  Lombardo. 

morosini  (l),  nom  d'une  famille  vénitienne 
dont  l'origine  se  confond  avec  celle  de  sa  ville  na- 
tale, et  qui  lui  a  donné  quatre  doges  et  beaucoup 
d'hommes  d'État  ou  de  généraux  illustres.  Après 
un  Morosi  qui,  en  697,  fut  un  des  douze  élec- 
teurs qui  choisirent  le  premier  doge  vénitien, 
Paoio-Lucà  Anafesta,  d'Héraclée,  les  principaux 
membres  de  la  famille  des  Morosini  sont,  par 
ordre  chronologique  : 

morosini  {Domenico),  trente-huitième  doge 
de  Venise,  né  en  1080,  mort  en  1150.  Encore 
fort  jeune,  il  s'embarqua  sur  la  flotte  de  cent 
voiles  que  le  doge  Ordelafo  Faliero  dirigea  vers 
la  Terre  Sainte,  et  assista  activement  aux  prises 
de  Ptolémaïs,  de  Sidon  et  de  Bérythe.  Il  com- 
manda ensuite  contre  les  Padouans  (1(110)  qui 
revendiquaient  une  partie  des  lagunes,  surtout  le 
Rialto,  qui  avait  été  leur  port.  Domenico  les  bat- 
tit et  les  réduisit  à  implorer  la  médiation  de  l'em- 
pereur Henri  V  (2).  En  1115,  il  suivit  Faliero  à 
Zara,  dans  la  guerre  contre  Etienne  n  le  Foudre, 
roi  de  Hongrie,  guerre  qui,  après  des  succès 
partagés ,  n'aboutit  qu'à  une  trêve  de  cinq  ans 
(1117-1122).  Ordelafo  Faliero  avait  été  tué  dans 
une  dernière  bataille  et  Domenico  Michieli  élu 
doge  à  sa  place.  Morosini,  quoiqu'il  eût  obtenu 
un  grand  nombre  de  voix  pour  le  dogat,  met- 
tant de  côté  toute  ambition,  n'en  continua  pas 
moins  à  bien  servir  sa  patrie.  Sous  ce  nouveau 
chef,  en  1122,  il  décida  delà  victoire  maritime 
de  Jaffa,  qui  rendit  la  Palestine  aux  chrétiens. 

(1)  Le  nom  primitif  de  cette  famille  était  Morosi;  on 
le  trouve  ainsi  écrit  dans  La  Cronica  délia  magniflca 
Città  di  fentzia,  etc.  (  Mss  de  la  bibliothèque  Ricoardi, 
D°  1835).  Morosini  n'est  qu'un  diminutif,  que  prit  une 
brandie  cadette. .Les  Morozzi  de  Toscane  ne  sont  pas  de 
la  même  famille. 

(2)  Lunig,  Codex  Italix  diplomaticus. 


MOROSINI 

L'enthousiasme  de  ce  premier  succès  inspir-d 
chrétiens  l'idéedequelqu'entreprisfi  considéra 
mais  les  avis  se  trouvèrent  partagés  quant 
but.  «  Par  une  suite  de  l'esprit  dont  tous 
pieux  croisés,  dit  Daru,  étaient  animés,  on 
cida  de  s'en  remettre  à  la  Providence,  ne  i 
tant  pas  qu'elle  ne  daignât  tracer  elle-mêi 
ses  guerriers  la  ronte  qu'ils  devaient  tenir, 
noms  de  plusieurs  villes  furent  écrits  sur 
billets  qui  furent  jetés  dans  une  urne  :  < 
urne  fut  placée  sur  l'autel  ;  on  célébra  les  si 
mystères,  et  ensuite  un  enfant  tira  le  billet 
devait  désigner  la  place  .que  l'armée  irait  a 
ger.  Cette  place  fut  la  ville  de  Tvr  ;  il  n'en 
pas   de  plus   importante,  ni  de  plus  diffic 
prendre.  Elle  appartenait  en  commun  aux 
dans  d'Egypte  et  de  Damas;  elle  avait  dix> 
milles  de  circuit  et  une  forte  citadelle.  Envi 
née  de  la  mer  presqu 'entièrement,  elle  ne  t 
à  la  terre  que  par  cette  digue  fameuse,  ou> 
d'Alexandre  le  Grand.  »  Morosini  fut  cbarç 
mener  le  siège  par  mer  tandis  que  les  a 
croisés  presseraient  la  ville  par  terre.  De  ce 
presqu'inexpugnable  était  seul  le  danger;  aus 
bout  de  trois  mois  d'inutiles  efforts  les  cr 
commencèrent  à  murmurer  de  ce  queles  Véni 
s'étaient  choisi  le  meilleur  rôle ,  étant  à  i 
des  sorties,  et  sûrs  d'une  retraite,  en  cas  ( 
défaite  devenue  imminente.  Morosini,  inforn 
ces  plaintes,  prit  pour  les  faire  cesser  un  m 
héroïque;  il  ordonna  à  tous  ses  capitaines  d 
de  leurs  bâtiments  les  rames,  les  voiles,  les 
vernails   et,  faisant  charger  ces  agrès  su) 
épaules  de  ses  matelots,  se  rendit  au  cam| 
chrétiens.   «  Vous  voulez,  dit-il,  que  les  \ 
soient  communs,  eh  bien  !  voici  ce  qui  vou 
pond  de  notre  fidélité;  nous  n'avons  plu 
moyensdenous  éloigner  de  la  place,  et  le  moi 
vent  nous  fera  courir  des  dangers  plus  gi 
que  ceux  que  vous  affrontez  en  combatta 
Cette  imprudence  chevaleresque  et  cent 
ducats  donnés  aux  alliés,  pour   payer    1 
troupes,   les  frappèrent  d'admiration;  le 
fut  continué  encore  deux  mois  avec  vigi 
Cependant  on  désespérait  du  succès  quand: 
rosini,  qui  avait  remarqué  que  les  assiégés 
respondaient  au  dehors  par  le  moyen  de  pigf 
parvint  à  faire  saisir  un  de  ces  messagers  a 
il  venait  de  Damas  et  portait  sous  son  ail 
billet  qui  annonçait  aux  Tyriens  un  très-pro  B 
secours.  Ce  billet  fut  retenu  :  on  en  subsl 
un  autre  par  lequel  on  faisait  dire  par  le  I 
dan  qu'attaqué  d'un  autre  côté,  il  était  I 
d'abandonner  Tyr  à  ses  seules  forces.  Le  I 
tagème  de  Morosini  eut  un  plein  succès  ■ 
Tyriens,  découragea,  capitulèrent.  MorosinH 
ensuite  Ascalon.  Sur  ces  entrefaites,  l'empB 
grec  Alexis  Comnène,  inquiet  des  succès  de;  9 
nitiens,  ordonna  à  ses  vaisseaux  d'attaquer  9g 
tout  le  pavillon  de  Saint-Marc;  le  doge  DM 
nico  Michieli  chargea  aussitôt  Morosini  de  W 
ger  la  république  de  cette  trahison.  Cet  a  m 


i 


MOROSINI 


6S8 


îduisit  sa  flotte  devant  Rhodes, qu'il  fit  rav;.- 
[•;  il  parcourut  l'Archipel,  mit  à  feu  et  à  sang 
[  o,  Samos,  Mitylène,  Paros,  Andros,  Lesbos, 
[toutes  les  Cyclades,  où  il  enleva  les  enfants 
[> deux  sexes  pour  les  vendre  comme  escla- 
[;.  Côtoyant  la  Morée,  il  y  fit  plusieurs  des- 
Iites  et  s'empara  de  Modon,  où  il  laissa  garni- 
[i.  Remontant   dans  l'Adriatique,  il  punit  de 
[  même  manière  quelques  villes  de  Dalmatie 
lit  la  fidélité  avait  chancelé.  Sebengo,  Trau, 
ilato  furent  livrées  au  pillage.  L'ancienne  Zara 
elgrado)  fut  détruite  et  cessa  d'être  habitée, 
fiérita  ainsi  le  surnom  de  Terror  Greocorum. 
nouvel  empereur  Manuel  Comqène,  attaqué 
Roger,  roi  de  Sicile,  qui  venait  de  s'emparer 
Dorfou ,  se  hâta  de  conclure  la  paix  avec  les 
dtiens.  Il  leur  céda  le  commerce  libre  dans  ses 
ts,  et  parvint  à  les  faire  entrer  dans  son  al- 
ce.  Morosini  combattit  ensuite  les  Pisans, 
tquels  il  fit  éprouver  de  graves  échecs.  En 
8,  Pietro  Polani  étant  mort,  Domenico  Moro- 
fut  élu  au  dogat,  Jl  réunit  sa  flotte  à  celle 
Grecs  et  reprit  Corfou  (1149).  L'année  sui- 
te il  ravagea  les  côtes  de  Sicile,  et  força  Roger 
inclure  une  paix  fort  avantageuse  aux  Véni- 
B  En  même  temps  Morosini  envoyait  son 
Domenico  et  Marino  Gradenigo  avec  une 
le  de  cinquante  galères  reprendre  plusieurs 
I  d'Istrie  dont  les  corsaires  s'étaient  etnpa- 
(Gette  expédition  fut  heureuse  ;  on  reprit  Pola 
ilusieurs  cités  importantes;  puis  la  flotte  vé- 
irane  alla  réduire  Parenzo,  Rovigo,  Viraago 
«nonia (aujourd'hui  Citla-nuova)  qui  avaient 
mêle  joug  de  la  seigneurie.  En  1152,  Moro- 
'conclut  une  alliance  défensive  avec  Guil- 
|»e  I?r,  roi  de  Sicile,  fils  et  successeur  de  Ro- 
Le  commerce  vénitien  acquit  ainsi  de  nou- 
fix  débouchés.  Quatre  ans  plus  tard,  Morosini 
irut,  chargé  d'années,  mais  couvert  de  gloire, 
concitoyens  l'honorent  comme  un  de  leurs 
(grands  hommes.  Vitale  Micheli  11  lui  succéda. 
orosixi  (  Marino),  quarante-huitième  doge 
Denise,  mort  en  1S52.  Nommé  duc  de  Candie 
1243,  il  eut  à  combattre  une  insurrection 
irale  des  Candiotes,  qui ,  sous  les  ordres  des 
>c  frères  Georges  et  Théodore  Cortazzi  et 
out  du  brave  et  prudent  Alexis  Calerge,  dura 
huit  années  avec  des  succès  divers  et  épuisa 
forces  de  Venise.  Le  doge  Jacopo  Thiepolo 
»t  abdiqué  en  1249,  Marino  Morosini  fut  élu 
place.  Il  ne  régna  que  trois  ans.  Son  gou- 
vernent n'offre  rien  de  mémorable.  II. embellit 
lace  Saint-Marc  et  jeta  les  fondements  da 
;  du  Rialto.  Les  historiens  du  temps  lui  re- 
ihenl  d'avoir  refusé  à  saint  Louis,  qui  exé- 
fit  alors  sa  première  croisade,  de  lui  fournir 
vaisseaux  à  un  prix  raisonnable  (1).  Renier 
>  lui  succéda. 

«  (Et  li  messages  ne  porent  en  nule  manière  fléchir 
M'éniciens,  que  ils  votisissent  mettre  resnable  pris  en 
■Uaissiaux.)  «  Guillaume  de  Nangis,  Annales  du  règne 
m^int  Louis. 


morosini  (  Leonardo},  chef  de  conspira- 
tien.  En  l'année  1370,  sous  le  dogat  d'Andréa 
Contarini ,  la  république  vénitienne  échappa  à 
un  des  plus  grands  dangers  qui  aient  menacé 
son  existence;  un  certain  nombre  de  ses  princi- 
paux citoyens  méditèrent  de  la  faire  passer' 
sous  le  joug  de  son  ennemi  le  plus  acharné, 
Francesco  de  Carrare,  seigneur  de  Padoue.  Ve- 
nise venait  à  peine  de  soumettre  Candie  et 
Trieste,  de  repousser  le  duc  d'Autriche  et  le  roi 
de  Hongrie  lorsque  cette  trame  fut  découverte. 
On  est  étonné  d'y  trouver,  jouant  le  premier  rôle, 
Leonardo  Morosini,dont  la  fortune  et  les  services 
passés  devaient  garantir  la  fidélité.  Après  avoir 
occupé  les  principales  charges  de  l'État,  il  était 
alors  président  du  tribunal  des  Quarante.  Arrêté 
avec  un  de  ses  collègues,  Marino  Barbarigo,  l'a- 
vogador  Luigi  Molino  et  Pietro  Bemardo,  conseil- 
ler du  doge,  leur  trahison  fut  constatée.  Les  con- 
jurés plébéiens  furent  écartelés  ou  pendus;  Mo- 
rosini et  les  autres  nobles,  rayés  du  Livre  d'or  et 
condamnés  à  une  prison  perpétuelle,  moururent 
dans  les  fers. 

morosini  (Niccolà),  diplomate  et  admi- 
nistrateur; Distingué  par  son  savoir  et  son  élo- 
quence j  il  fut  successivement  chargé  de  missions 
à  Rome,  à  Florence,  en  Allemagne,  bayle  à  Cons- 
tantinople,  et,  dans  sa  patrie,  sénateur,  membre 
de  la  Quarantie,  gonfalonier  de  Saint-Marc  et 
l'un  des  Dix.  Lors  de  la  fameuse  guerre  dite  de 
Chiozza  (1379),  quand  les  Génois  etlesPadouans 
étaient  maîtres  des  lagunes  de  Venise,  il  fut  en- 
voyé faire  des  propositions  de  paix  à  Francesco 
de  Carrare,  le  priant  de  dicter  lui-même  les  con- 
ditions de  la  paix.  Le  seigneur  de  Padoue  ré- 
pondit «  qu'il  n'entendrait  à  rien  qu'après 
avoir  bridé  les  chevaux  <3e  bronze  de  Saint- 
Marc  (1).  »  Morosini  s'adressa  ensuite  à  Pietro 
Doria,  l'amiral  génois,  lui  offrant  quelques  pri- 
sonniers de  marque  afin  de  faire  accepter  ses 
conditions.  Doria  lui  répondit  de  remener  ces 
captifs,  «  qu'il  n'avait  que  faire  d'accepter  quand 
tout  le  peuple  vénitien  était  déjà  entre  ses  mains.  » 
Morosini  voulut  au  moins  détacher  un  ennemi  de 
la  ligue  qui  accablait  sa  patrie.  Il  se  rendit  auprès 
du  prince  Charles  de  Hongrie ,  qui  commandait 
alors  dans  leTrévisan  l'armée  du  roi  Louis  Ier,  dit 
le  Grand,  son  oncle,  et  lui  offrit  un  tribut  annuel 
de  cent  mille  ducats.  Le  Hongrois  déclara  qu'il  fal- 
lait que  Venise  payât  les  frais  de  la  guerre,  évalués 
à  cinq  cent  mille  ducats;  qu'elle  livrât  pour  sû- 
reté de  cette  contribution  les  pierreries  du  trésor 
de  Saint-Marc  et  la  couronne  du  doge,  qui  dé- 
sormais serait  confirmée  par  le  roi  de  Hongrie, 
dont  le  drapeau  serait  arboré  sur  la  place  Saint- 
Marc  dans  toutes  les  solennités;  il  réduisit  au 
surplus  l'impôt  annuel  à  cinquante  mille  du- 
cats. «■  Eh  bien  vous  n'aurez  rien  !  »  fut  la  réponse 
laconique  que  Morosini  fit  à  chacun  des  trois 

(1)  Allusion  311  quadrige  qui  fait  l'ornement  du  palais 
des  doges,  et  dout  une  Imitation  figure  sur  l'arc  de 
triomphe  du  Carrousel,  à  Paris. 


MOROSINI 


chefs  ennemis,  et,  rentrant  dans  Venise,  il  indi-  i 
gna  le  peuple  en  lui  redisant  éloquemment  les  j 
conditions  humiliantes  auxquelles  il  pouvait  ob- 
tenir la  paix.  Secondant  ensuite  les  héroïques  ef- 
forts des  illustres  amiraux  Vittore  Pisani  et  Carlo 
Zeno,  du  vieux  doge  Andréa  Contarini,  il  eut  le 
bonheur  devoir  sa  patrie,  rendue  invincible  par  le 
désespoir,  écraser  les  Génois,  forcer  les  Padouans 
à  une  paix  désastreuse  et  repousser  les  Hon- 
grois. Il  mourut  peu  après.  On  crut  honorer  sa 
mémoire  en  accordant  le  dogat  après  la  mort  de 
Contarini  à  son  frère  Michèle. 

morosini  (Michèle),  frère  du  précédent  et 
soixante-deuxième  doge  de  Venise,  mort  le  16  oc- 
tobre 1382.  Habile  homme  de  guerre, il  parvint 
rapidement  aux  grades  supérieurs  :  il  s'était  em- 
paré de  l'île  de  Ténédos  (1377)  et  de  plusieurs 
placesdans  l'archipel,  où  il  combattit  souvent  avec 
avantage  les  Génois  et  les  Grecs;  mais  il  déshonora 
ses  lauriers  par  sa  cupidité.  Lors  de  la  guerre  de 
Chiozza,  quand  Venise,  réduite  à  la  dernière  ex- 
trémité, voyait  tous  ses  habitants,  depuis  le  doge, 
le  vieil  Andréa  Contarini,  jusqu'aux  plus  humbles 
citoyens,  dévouer  leur  vie  ou  leur  fortune  pour  la 
défense  de  la  patrie,  Michèle  Morosini  n'eut  pas 
honte  de  spéculer  sur  la  misère  générale.  «  Il  dé- 
cupla sa  fortune,  rapporte  Daru,  en  achetant 
des  propriétés  à  vil  prix,  alléguant  que  si  l'É- 
tat venait  à  périr,  il  ne  voulait  pas  être  enveloppé 
dans  sa  ruine.  »  Cet  indigne  citoyen  n'en  fut  pas 
moins  élu  doge  après  la  mort  de  Contarini  et 
proclamé,  le  10  juin  1382;  mais  il  ne  jouit  pas 
longtemps  d'un  honneur  si  peu  mérité.  La  peste, 
suite  iné  vitable,surtout  à  cette  époque,  des  longues 
guerres  et  des  communications  fréquentes  avec 
les  peuples  de  l'Orient,  se  déclara  à  Venise;  dix- 
neuf  mille  personnes  y  .succombèrent  en  trois 
mois  ;  le  doge  Michèle  Morosini  en  fut  une  des 
premières  victimes  :  Antonio  Renieri  lui  succéda. 
morosini  (  Vettore).  Il  était  avogador  en 
1387,  lorsqu'il  découvrit  une  nouvelle  conspira- 
tion, tramée  par  des  personnages  les  plus  consi- 
dérables de  la  république  vénitienne  en  faveur 
de  Francesco  de  Carrare,  appuyé  cette  fois  par 
Galeas  Visconti,  duc  de  Milan.  Quoique  plusieurs 
membres  de  sa  famille  et  quelques-uns  de  ses 
•amis  fussent  du  nombre  des  conjurés,  Vettore 
Morosini  n'hésita  pas  à  révéler  aux  Dix  le  com- 
plot qui  avait  pour  chef  son  collègue  Pietro 
Giustiniani  et  Stephano  Manolesso,  membre  de 
la  Quarantie.  Ces  deux  magistrats,  soumis  à  la 
torture,  dénoncèrent  leurs  complices,assez  nom- 
breux :  tous  furent  condamnés  au  dernier  sup- 
plice, qu'ils  subirent  d'une  manière  plus  ou 
moins  terrible.  Vettore  Morosini  mourut  la  même 
année.  On  aitribua  sa  mort  à  l'effet  d'une  ven- 
geance, et  son  nom  fut  inscrit  parmi  ceux  des 
sauveurs  de  la  patrie. 

Son  frère,  Morosini  [Luizi),  se  distingua  dans 
la  guerre  contre  les  Padouans.  Lorsque  Fran- 
cesco Carrare  et  ses  deux  fils  se  furent  enfin  sou- 
mis (19  novembre  1405),  malgré  une  capitulation 


régulièreet  leur  réception  solennelle  parled< 
au  nombre  des  patriciens  de  Venise ,  ces  prin> 
furent,  au  mépris  de  la  foi  jurée,  tout  à  ce 
arrêtés  et  secrètement  condamnés  par  un  tribu 
occulte,  dont Luizi  avait  accepté  la  présidence 
Le  lendemain,  16  janvier  1406,  le  duc  de  i 
doue  et  ses  fils  furent  étranglés  en  leur  pris 
L'autorité  vénitienne  prit  le  soin,  fort  inutile, 
publier  que  les  trois  prisonniers  étaient  roc 
d'une  maladie  subite  (2).  Ce  crime  est 
tache  pour  la  mémoire  de  Luizi  Morosini,  i 
même  dans  sa  patrie,  mourut  peu  estimé. 

morosini  (Paolo),  diplomate  et  sav; 
né  à  Venise,  en  1406,  mort  en  1483.  Il  appri 
plupart  des  langues  orientales  et  européen! 
anciennes  et  modernes,  ainsi  que  les  scienct 
les  arts.  En  1471,  il  fut  envoyé  en  ambasi 
près  de  l'empereur  Frédéric  III  pour  régler  q 
ques  différends  survenus  entre  sa  patrie  et  1'] 
pire  à  propos  de  l'Istrie.  11  fut  plus  tard  cl 
pour  complimenter  ce  monarque  lorsqu'il 
visiter  Venise.  Chargé  ensuite  de  plusieurs 
sions  importantes,  il  laissa  une  grande  répute 
d'habileté  et  de  savoir.  On  a  de  lui  :  De  JE, 
nitate,  temporalique  Christi  génération* 
judaïese  improbationem  perfidix  christi 
religionis  gloriam  divinis  enuntiation 
comprobata;  in-4°;  —  Apologia  Reipub 
Venitianae;  —  quelques  ouvrages  restés 
nuscrits.  A.  de  L. 

morosini  (  Andréa  ),  historien,  né  à  Ve: 
le  13  février  1558,  mort  le  29  juin  1618.  A 
avoir  étudié  à  Padoue  les  belles-lettres,  la 
losophie  et  le  droit,  il  remplit  depuis  158î 
vers  emplois  publics;  entré  au  sénat  en  1 
il  fut  élu  cinq  ans  après  sage-grand  ;  pa 
suite  il  fut  nommé  à  trois  reprises  membr 
conseil  des  Dix;  il  était  depuis  1598  hist 
graphe  de  la  république.  On  a  de  lui  :  Hist 
Veneta,  ab  anno  1521  ad  annum  1615  ;  Vei 
1623,  in-fol.  ;  la  seconde  édition  de  cet  ouvr> 
justement  estimé,  Venise,  1719,  in-4°,  corn 
une  Vie  de  l'auteur  par  N.  Crasso;  —  0 
culorum  et  Epistolarum  Pars  prima  ;  Ve 
1625,  in-8°  :  ce  livre  contient  entre  autres 
B.  Thorme  Aquinatis  Vita  et  Scriptis; 
ditationes  ;  De  Zoophagia  et  Anthr 
phagia;  les  Éloges  de  trois  hommes  d'Éta 
nitiens ,  etc.  ;  —  Leonardi  Donati,  Venetia 
principis,  Vita;  Venise,  1628,  in-4°;  — 
prese  et  Espeditione  di  Terra  Santa  e 
qiiisto  fatto  deW  Imperio  di  Constantim 
dalla  Republica  di  Venetia;  Venise,  1 
in  -4°.  C 

P.- A.  Zeno,  Memoria  de'  Scrittori  Venetï  pm 
—  Al.  Lollin ,  V ita  A.  Morosini  (  dans  les  Fitx  si 
de  Chr.  Gryphlus).  —  Niceron,  Mémoires,  t.  XII. 


(1)  Les  autres  membres  de  ce  tribunal  excepti  MB 
furent  l'illustre  Carlo  Zeno,  dont  on  volt  le  nom  fl  N| 
avec  regret  dans  cette  affaire,  Luigl  Loredano,  Ro  W 
Qucrlni,  et  Giovanni  Barbo. 

(2)  «  E  lu  detto  esser  morto  di  catarro  »(  Marin  Hj 
nuto,  Vite  de'  Ducki;  M.  Seteno.) 


MOROSINI 


642 


(orosini  (  Francesco),  surnommé  le  Pélo- 
t  ésiaqite,  cent-neuvième  doge,  et  l'un   des 
l  Haines   les  plus   célèbres  du  dix-septième 
|i  le,  né  à  Venise,  en  1618,  mort  à  Napoli  de 
I  nanie,  le  6  janvier  1694.  Il  était  capitaine 
j  ie  galère  dès  l'âge  de  vingt  ans,  et  remporta 
jjiombreux  avantages  sur  les  Turcs.  En  1651 
l'nort  du  généralissime  Moncenigo  fit  tomber 
(ammandement  supérieur  entre  les  mains  de 
jncesco  Morosini,  dont  le  nom,  dès  longtemps 
j  itre,   devait  être  immortalisé    dans    cette 
j  re.  Il  ravagea  les  côtes  de  l'Archipel,  détruisit 
I  x  flottes  turques  devant  le  détroit  même  des 
j  daneltes  et  s'empara  des  îles  de  Ténédos,  de 
l 'imène,  de  Samothrace  et  de  Naxos  ;  de  Standia, 
l'ifilet,  et  de  plusieurs  autres  villes  en  Asie  et 
l'ée.  Mais  il  échoua  devant  Malvoisie  et  Négrc- 
I  '  :,et  quoique  secouru  par  quatre  mille  Français, 
1 1  repoussé  devant  La  Canée  et  battu  complé- 
snt  sous  Candie  (25  août- 1 5  septembre  1 660), 
t  il  ne  put  faire  lever  le  siège.  Pour  comble 
nalheur,  la  peste  ravagea  son  armée  et  l'ha- 
i  grand-vizir  Méhémed  Kiuperli  reprit  Téné- 
Stalimène  et  Samothrace.    Ces  désastres 
nt  si  sensibles  à  Morosini  qu'il  s'en  prit  au 
'éditeur  de  l'armée,  Antonio  Barbaro,  et  le 
iiarona  à  perdre  la  tête.  Barbaro  en  appela  à 
l«se.  Il  y  fut  acquitté,  et  Francesco  Morosini 
•emplacé  par  son  frère  Georgio  Morosini.  En 
1666  Francesco  fut  rappelé  au  commande- 
nt et  chargé  de  défendre  Candie.  La  défense 
y  fit  est  restée  célèbre  (1).  Malgré  les  se- 
trs  qu'il  reçut  de  Malte,  de  la  France  et  de 
ques  princes  d'Italie ,  il  dut  capituler  no- 
blement, le  27  septembre  1669.  Il  obtint  que 
Malheureux  habitants  de  Candie,  réduits  à 
Ire  mille  et  dont  aucune  maison  n'était  res- 
Ihabitable,  le  suivraient.  La  place  n'était  plus 
in  monceau  de  ruines,  arrosées  du  sang  de 
^te  mille  chrétiens  et  de  cent  dix  mille  Otto- 
its!  Ce  fut  là  le  résultat  de  soixante-neuf 
'iuts,    de    quatre-vingts  sorties,   de    mille 
cent  soixante-quatre  explosions  de  mines. 
Pagination  s'effraye  quand  on  considère  ce 
ce  siège  coûta  à  la  république  et  à  l'huma- 
;  cependant,  quoique  Morosini  ait  capituté 
>  l'autorisation  du  doge  et  du  grand  conseil, 
\xn  était  souvent  un  cas  mortel,  il  n'en  fut  pas 
ns  bien  accueilli  dans  sa  patrie,  et  nommé 
curateur  de  Saint-Marc.  Néanmoins,  accusé 
concussion  et  de  lâcheté  par  un  patricien  du 
W  conseille  héros  de  Candie  dut  se  consti- 
prisonnier,  et  la  populace  demanda  sa  tête  à 

Le  marquis  de  Montbr.un,  qui  y  lut  blessé  griève- 
jt,  écrit  dans  ses  Mémoires  «  que  ce  fut  une  guerre 
éants.  »  Philibert  de  Jarry,  qui  n'évacua  la  place 
q  près  sa  reddition ,  dit  à  ce  sujet  :  «  Aussi  était-ce 
■  chose  surprenante  que  de  nous  voir  embarqués  dans 
Rat  que  nous  estions.  Le  régiment  dcNégron,  que  je 
I  rendais,  ëtoit.  au  commencement  du  siège  de  deux 
n  ;  cinq  cents  hommes;  il  avait  reçu  quatre  cents 
r  nés  :  il  ne  sortit  de  U  place  que  septante  hommes, 
c  pris  officiers  et  soldais,  dont  les  quarante  étaient 
*  iplés  ».  [Hist.  du  siège  de  Candie.) 

NOUV.   B10GR.    GÉNÉR.  —    T,  XXXVI. 


grands  cris.  Il  fut  honorablement  acquitté,  et  ne 
garda  aucune  rancune  de  cette  injustice  outra- 
geante. La  guerre  s'étant  renouvelée,  on  eut  en- 
core recours  au  grand  citoyen  qu'un  peuple  in- 
grat avait  été  si  près  de  sacrifier  à  la  calomnie. 
En  1684,  pour  la  troisième  fois,  il  fut  élu  généra- 
lissime. Il  reprit  l'Archipel ,  battit  la  flotte  otto- 
mane près  des  Dardanelles,  s'empara  de  Co- 
rinthe,  de  Mistra,  d'Athènes  et  de  presque  toute 
laMorée.  Il  était  devant  Égine  lorsqu'il  reçut  la 
nouvelle  (1er  juin  1688)  qu'il  avait  été  élevé  au 
dogataprès  la  mort  de  Marcantonio  Giustiniani  ;  il 
n'en  conserva  pas  moins  le  commandement  supé- 
rieur, et  entreprit  le  siège  de  Négrepont  de  concert 
avec  le  comte  de  Kœnigsmark.  La  mort  du  comte, 
la  défection  des  alliés  et  une  maladie  grave 
l'obligèrent  à  regagner  Venise  (1689).  En  1693 
il  reprit  le  commandement  de  l'armée ,  et  défit 
plusieurs  fois  les  flottes  ottomanes  ;  mais,  épuisé 
par  l'âge  et  les  fatigues ,  il  succomba  à  Napoli 
de  Romanie,  au  milieu  du  théâtre  de  ses  longs 
exploits.  Le  sénat  lui  fit  élever  un  superbe  monu- 
ment, avec  cette  inscription  :  Francesco  Mauro- 
ceno,  Peloponesiaco  (1).  Morisini  méritait  cette 
distinction  pour  son  patriotisme,  ses  grandes 
qualités  militaires  et  ses  vertus  privées.  Philibert 
de  Jarry,  qui  ne  dissimule  pas  sa  haine  pour  les 
Vénitiens,  dit  de  ce  grand  citoyen  :  «  Il  restera 
à  jamais  glorieux  de  mille  belles  choses  qu'il  a 
faites,  tant  sur  terre  que  sur  mer,  et  pour  l'af- 
faire de  Candie,  apparemment  il  ne  pouvoit  faire 
autre  chose  que  ce  qu'il  fit.  Il  faut  que  ses  en- 
nemis même  avouent  que  c'est  un  des  plus  braves 
hommes  qui  se  verra  jamais,  qui  a  infiniment 
d'esprit,  un  homme  intrépide;  et  il  a  fallu  en 
lui  toutes  ces  belles  qualités  et  une  bonne  tête 
pour  entendre  à  tant  d'affaires  qu'il  y  avoit  dans 
cette  place,  et  savoir  ménager  tant  de  sortes 
d'esprits  et  de  différentes  nations  ,  où  la  plupart 
ne  sont  guère  raisonnables  et  blâment  très- 
souvent  un  général  sans  savoir  pourquoi.  Il  ne 
s'ébranloit  jamais  pour  quoi  que  ce  fût;  il  avoit 
toujours  un  visage  riant  et  égal ,  qui  témoi- 
gnoit  néanmoins  beaucoup  d'assurance  et  de 
fierté.  Pour  conclusion ,  ce  qui  se  peut  dire  de 
lui  avec  vérité  est  que  c'étoit  un  galant  homme, 
et  que  la  république  n'en  a  jamais  eu  ni  n'en 
aura  peut-être  de  sa  force.  »  Cette  prédiction 
s'est  vérifiée.  «  François  Morosini,  dit  Daru,  a 
été  le  dernier  des  Vénitiens.  »  A.  de  L. 

Pour  tous  les  Morosini  ;  Marino  Sanuto,  Vite  de' 
Duchi  di  Venezia,  etc.  ;  passiro.  —  SaDellicus,  Hist.  Ven., 
dec.  I,  lib.  V|.  —  Michel  Foscarini,  Hist.  (Padoue,  17Î3), 
p.  î26-228.  —  Piero  Justiniani ,  Rerum  Venetarum  Histo- 
ria,  lib.  Il,  —  Andréa  Navagiero,  Storia  Venezianu.  — 
Mnratori,  Antiquitates  Italiese  medii  sévi,  diss.  XXX, 
p.  919.  —  Le  comte  Filiasl,  Ricerche  siorico-critiche  sulla 
Marina  di  Venezia,  etc.    —  Daru,   Hist.  de   Venise, 


(1)  Dès  1687  ses  concitoyens,  contre  leur  usage,  lui 
avaient  fait  dresser  une  statue  avec  cette  inscription  : 
Francisco-  Mauroceno,  Peloponesiaco,  adliuc  viventi. 
Vers  la  même  époque,  le  pape  Alexandre  111  l'honora 
d'une  épée  et  d'un  casaue  magnifiques,  qu'il  reçut  des 
mains  du  nonce,  dans  l'église  Saint-Marc.    . 


21 


G43 


M0ROS1NI  —  MORRELL 


( 


t.  Ie",  liv.  II  et  V;  t.  II,  liv.  IX,  X,  XI;  t.  V,  liv.  XXXIII 
et  XXXIV.  —  Adrien  Guibert,  Chronologie  dss  Rois  dss 
Deux-Siciles,  dans  Le  Monde,  p.  2,  3.  —  Andréa  Gallaro, 
Storiadi  Padova  ;  dans  la  collectiori  de  Muratori.L  XVII. 

—  Danitllo  Chinazzo,  Cronaca  délia  Guerra  di  Chiozza. 

—  Vettor  Sandi,  Storiu  civile  feneziana,  lib.  XII.  —  De 
La  Haye,  Relation  de  Penise.  —  diovanni  Graztani , 
V ita  Francisci  Mavroceni,  etc.  (  Padoue,  1698,  tn-4°  ). 

—  Van  Tenac,  Hist.  générale  de  la  Marine,  t.  III. 

morosini.  Voy.  Antonio  Morosini. 

morozzo  (  Carlo-Giuseppe  ),  en  latin  Mo- 
rotius,  érudit  italien ,  né  le  5  février  1645,  à 
Mondovi ,  mort  le  14  mars  1729,  à  Saluées.  Sa 
famille  était  noble  et  ancienne.  Il  entra  dans  la 
congrégation  réformée  de  Saint- Bernard,  y  rem- 
plit différents  emplois,  et  devint  abbé  de  la  Con- 
sola à  Turin.  Appelé  en  1693  au  siège  épiscopal 
de  Bobbio,  il  fut  transféré,  en  1698,  à  celui  de 
Saluées  ;  dans  ce  dernier  diocèse,  il  fonda  un  sé- 
minaire pour  les  jeunes  clercs  et  décora  la  ca- 
thédrale à  ses  frais.  On  a  de  lui  :  Cursus  vitee 
spiritualis  ;  Rome,  1674,  in-8°  ;  trad.  en  ita- 
lien en  1683  par  Octave  de  Sainte-Croix;  — 
Theatrum  chronologicum  Carhisiensis  or- 
dinis ;  Turin,  1681,  in-fol.Ce  recueil,  plus  com- 
plet que  la  Bibliotheca  Carïusiana  de  Petreius, 
contient  les  quarante-neuf  prieurs  de  la  grande 
Chartreuse,  la  notice  de  deux  cent  soixante  et  onze 
écrivains  et  l'histoire  abrégée  des  cent  soixante 
et  onze  maisons  de  cet  ordre;  —  Vita  e  Virlu 
del  B.  Amadeo,  III  duea  di  Savoia;  Turin, 
1686,  in- fol.  ;  rtt  Cistercii  xeflorescentis ,  se« 
congregalionum  cistercio  -  monasticarum 
B.  Mariée  Fuliensis  in  Gallia  et  reformata- 
rumS.  Bernardi  in  Italia ,  chronologica  his- 
toria;  Turin,  1690,  in-fol.  P. 

MOROZZO  (  Carlo-Luigi, comte),  physicien 
italien,  né  en  1744,  à  Turin,  où  il  est  mort,  le 
2  juillet  1804.  De  la  même  famille  ,q«e  le  pré- 
cédent ,  il  entra  à  seize  ans  dans  l'artillerie  en 
qualité  de  cadet ,  étudia  les  mathématiques  sous 
Lagrange,  et  devint  en  1792  colonel  du  régi- 
ment provincial  de  Turin.  Admis  à  l'Académie 
des  Sciences  de  cette  ville  ,dès  sa  création,  il 
s  n  fut  exclu  après  la  bataille  de  Marengo,  à  cause 
des  preuves  de  dévouement  qu'il  avait  données 
à  la  famille  royale.  Il  a  publié  dans  le  recueil 
de  cette  société  un  grand  nombre  de  mémoires 
rédigés  en  français,  et  dont  les  principaux  sont 
relatifs  à  des  expériences  sur  la  Couleur  des 
Fleurs  (t.  V); ..Sur  la  Rosée;  Sur  l'Air  vicié 
par  la  respiration  animale  (VI);  Sur  les  In- 
flammations spontanées  (VlIIi;  Sur  la  Tem- 
pérature de  Veau  des  tacs  et  rivières  à  diffé- 
rentes profondeurs  (IX);  Sur  la  Variolite  du 
Piémont  (X),  etc.  On  ,a  aussi  de  lui  une  Lettre 
à  M.  Macquer  sur  la  décomposition  du  gaz 
méphitique  et  du  gaz  nitreux;  Turin,  1783, 
in-4°.  P. 

MOROZZO  (Giuseppe),  prélat  italien,  frère 
du  précédent,  né  le  12  mars  1758,  à  Turin,  mort 
le  22  mars  1842,  à  Novare.  Élevé  par  l'abbé  d'A- 
ligre ,  qui  fut  plus  tard  évêque  de  Pavie,  il  fut 
en  1777  reçu  docteur  en  théologie  et  acheva  ses 


études  à  Rome,  dans  l'Académie  ecclésiastiq 
où  il  eut  pour  collègues  Litta,  Caraccioli,  Pu 
et  Emmanuele  di  Gregori.  Le  pape  Pie  V]. 
nomma  successivement  pronotaire  apostoliq 
vice-légat  de  Bologne,  gouverneur  de  Pérc 
et  de  Civita-Vecchia.  Après  avoir  concoun 
l'élection  de  Pie  VII,  il  fut  envoyé  en  ami 
sade  près  du  roi  d'Étrurie,  reçut  le  titre  d 
chevêquede  Thèbes  in  parlibus  (1802),  et 
vint  secrétaire  de  la  congrégation  des  évêqi 
En  1808  il  vint  à  Paris  avec  la  difficile  miss 
d'apaiser  les  différends  survenus  entre  le  p 
et  l'empereur;  voyant  l'inutilité  de  ses  effort 
se  retira  à  Turin.  Créé  cardinal  en  1816,  il 
appelé  en  1817  à  l'évêché  de  Novare.  On 
lui  :  Statistique  du  patrimoine  de  Sait 
Pierre;  Rome,  1797;  —  Eloge  historique 
cardinal  Bobba;  Turin,  1799,  in-4\        P 

Dizionario  istorico  Bussanese.  —  Elogio  funebrt 
card.  G  Morozzo  ;  Turin  ,  18*2,  ln-4°. 

morrëll  (  Benjamin  ) ,  navigateur  am 
cain,  né  le  5  juillet  1795,  à   Rye  (comté" 
Worcester  ),  mort  à  Mosàmbique  ,  le  28  jan> 
1839.  Il  était  l'aîné  d'une  nombreuse  famille,  c 
le  chef,  constructeur  de  bâtiments,  vint  bat 
Stonington,  petit  port  du  Connecticut.  A  peine' 
de  dix -sept  ans,  il   sollicita  de  ses  parenth 
permission  de  s'embarquer,  et  sur  leur  r 
formel ,  il  s'enfuit  de  la  maison  paternelle  (  n 
1812).  Il  coiirut  à  New- York,  et  s'engagea,  con 
novice,  sur  un  navire  de  commerce  qui  se  ren 
à  Lisbonne,  puis  à  Cadix,  que  les  Français  b 
bardaient  et  où  il  courut  de    grands  dang^ 
Morreli  retournait  dans  sa  patrie  lorsque 
navire  fut  capturé  par   une  corvette  angk 
D'abord  conduit  à  Halifax,  où  il  resta  huit  r 
sur  les  pontons,  accablé  par  d'affreux  traiteme 
il  fut  ensuite  rapatrié  à  Boston,  d'où  il  regà 
Stonington  en  mendiant.  Son  père  le  reçut  î 
joie,  et,  ne  voulant  plus  contrarier  le  pend 
de  son   fils,  exigea  seulement  de  lui  qu'an 
de  reprendre  la  mer  il  se    rendît   capable) 
faire  un  bon  marin  et  complétât  son  éducati 
Le  jeune  homme  accepta  cette  condition  si 
sonnable,  et  la  remplit  avec  tant  de  zèle  .qn 
bout  de   quinze  mois   il   obtint   le    grade 
contre  maître  sur  un  corsaire.  Cette  crois 
fut  sans  résultat  :  Morreli  passa  sur  un,  naï 
marchand  destiné  pour  France  (  28  mai  18]  Il 
Ce  navire  tomba  dan9  une  escadre  enneW 
(4  juillet  1813),  et  Morell  revit  à  PlymoutlB 
pontons  pour  la  seconde  fois.  Compromis  c  [f 
une  émeute  des  prisonniers,  surexcités  par  .  I 
digne  conduite  des  Anglais  à  leur  égard,  Moi  1 
vit  tomber  morts  huit  de  ses  compagnons  a  fi 
fortune;  lui-même,  grièvement  blessé,  fut  tel 
porté  dans  un  fort  de  la  côte.  En  mai  18J£  H 
paix  le  rendit  à  la  liberté.  A  peine  de  retour  c  H 
sa   patrie,  il  reprit  la  mér  pour   le  comme:  ■ 
et  durant  cinq  années  il  visita  la  France,  les  m 
des,  Batavia,  la  Nouvelle-Hollande.  Après  a  B 
gagné  quelque  fortune  dans  ces  diverses  e>  fi 


ÏS 


MORRELL 

fond 


646 


fions,  il  employa  une  partie  de  ses  tonds  à 
irmement  d'une  goélette,  The  Wasp,  et  partit 
nsi  de  New -York  (25  juin  1821  )  pour  la  poche 
B  la  baleine.  Emporté  dans  son  canot,  par  un 
-os  temps ,  sur  les  côtes  de  l'île  des  États,  il 
it  péri  infailliblement  sans  l'adresse  et  le  dé- 
mement  d'un  de  ses  frères.  Pendant  leur  sé- 
ur  dans  le  New-Shetland,  les  navigateurs  eu- 
nt  beaucoup  à  souffrir  du  froid,  des  tempêtes 
des  glaces.  Le  2  novembre  Morrell  découvrit, 
ir  60°  30'  lat.  australe ,  une  ile  demeurée  in- 
nnue  et  que  les  tourmentes  l'empêchèrent  de 
connaître.  The  Wasp,  après  une  longue  et  dan- 
reuse  campagne,  rentra  à  New -York  (  26  avril 
22  ).  Morrell,  étant  devenu  capitaine  de  ce  na- 
e,  repartit,  le  1er  juillet  suivant,  pour  un  voyage 
ixploration.  Ce  navigateur  donne  des  détails 
«ez  précis  sur  les  lieux  qu'il  a  visités;  mais 
«ame  ces  détails  n'ont  pas  l'intérêt  de  la  nou- 
auté ,  nous  nous  bornerons  à  donner  son  iti- 
raire,  abrégeant  les  récits  d'aventures  corn- 
ânes  à  tous  les  marins.  11  toucha  successive- 
;nt  à  Rio-de-Janeiro ,  à  La  Vera-Cruz,  longea 
;  Patagonie,  relâcha  aux  îles  Malouines,  chercha 
linement  les  îles  Aurora ,  et  mouilla  dans  un 
i  vre  de  la  Géorgie  méridionale,  qu'il  nomma 
|  asp-Harbour.  Il  reconnut  ensuite  les  îles  Bou- 
;,  de  Marion ,  du  prince  Edward ,  de  Crozet, 
lâcha  quelques  jours  sur  la  terre  de  Kergue- 
y,  releva  celle  de  Sandwich,  qui  lui  parut  un 
,)upe  de  rochers  déserts  et  volcaniques  (  28  fé- 
(ier  1823).  Il  s'avança  sans  obstacle  jusqu'à  70° 
de  lat.  australe  ;  mais  le  manque  d'eau  et 
bois  ainsi  que  des  banquises  infranchissables 
forcèrent  à  redescendre  vers  le  nord.  Il  entra 
ns  le  grand  Océan  austral  par  les  détroits  de 
'Maire  et  de  Magellan,  et  longeant  lentement 
côte  occidentale  de  l'Amérique  méridionale, 
oucha  à  Talcahuano ,  Valparaiso  (  province 
la  Plata  ),  aux  petites  îles  San-Ambrogio  et 
p-Felice,  à  Tumbez  (  Pérou  ),  dans  l'archipel 
Gallapagos  ,  situé  sous  l'équateur,  et,  rêve- 
nt sur  sa  route,  fit  aiguade  aux  îles  Juan-Fer- 
ndez  ;  puis,  franchissant  de  nouveau  le  détroit 
Magellan ,  rentra  dans  l'océan  Atlantique  et 
scendit  à  New- York,  le  18  mai  Î823.  Cette 
mpagne  laborieuse  fut  sans  résultat  sérieux, 
tme  pour  la  géographie ,  car  Morrell  avait  né- 

Bî  de  se  munir  d'instruments  de  précision, 
es  le  19  juillet  suivant  Morrell  mettait  à  la 

le  sur  la  goélette  Tarlar.  Reprenant  sa  pre- 
ère  navigation  au  sud  par  l'océan  Atlantique, 
releva  l'île  de  Fernando-Noronha ,  San-Sal- 
^or,  l'ile  Santa  -  Catalina ,  Monte -Video, 
«nos- Ayres,  franchit  le  détroit  de  Magellan, 

doublant  l'Amérique,  mouilla  à  San-Carlos  de 
poé,  à  Valdivia,  à  Valparaiso,  au  Callao,  à 
liyaquil,  sur  l'île  des  Cocos,  sur  celle  de  Marl- 
irough  (  archipel  des  Gallapagos  ) ,  où  il  fut 
lioin  d'une  terrible  éruption  volcanique  (  10  fé- 
l<r  1825),  suivie  d'une  tempête  qui  faillit 
4  lier  son  navire.  Le  11  avril  il  jeta  l'ancre  à 


San-Diégo  (  Californie  )  ,  d'où ,  s'étant  avancé 
dans  l'intérieur  de  la  contrée,  il  faillit  perdre 
la  vie  dans  une  rencontre  avec  les  Indiens.  Il 
relâcha  ensuite  à  San-Francisco  de  Monterey, 
puis  au  c;ip  Blanc,  aux  îles  Havaii,  revint  aux 
Gallapagos,  repassa  le  détroit  de  Magellan  et  dé- 
barqua à  New-York,  le  28  mai  1826.  Dans  ces 
deux  voyages  Morrell  se  borna  presqu'à  côtoyer 
l'Amérique,  à  visiter  ses  principaux  ports  et 
quelques-unes  de  ses  îles,  étudiant  les  besoins 
des  populations  et  leurs  moyens  d'échange.  La 
science  ni  les  découvertes  n'entraient  pour  rien 
dans  ses  plans. 

Le  25  juin  1827  il  repartit,  sur  la  goélette  An- 
tarctic.  Cette  fois  il  se  dirigea  vers  l'est  et  s'é- 
tait armé  pour  la  pêche.  Il  ne  visita  encore  que 
des  parages  connus  et  décrits  par  d'autres  na- 
vigateurs. Le  22  juillet  il  est  dans  l'Archipel  du 
Cap-Vert;  le  4  septembre  au  cap  de  Bonne-Espé- 
rance, croise  jusqu'en  juin  1829  sur  les  côtes  de 
là  Guinée  méridionale  depuis  la  baie  de  la  Table 
jusqu'au  cap  Lopez-Gonzalvo,  relâche  à  la  colonie 
américaine  de  Libéria,  sur  la  côte  de  Sierra-Leone, 
puis,  s'élançant  à  travers  l'océan  Atlantique,  at- 
teint L'Ascension,  d'où  il  regagne  New- York  avec 
un  chargement  productif. 

Le  nouveau  voyage  que  l'infatigable  Morrell 
entreprit  le  2  septembre  1829  est  le  seul  qui 
offre  un  intérêt  géographique.  Il  montait  encore 
YA?itarticret  sa  femme  l'accompagnait.  La  pêche 
était  encore  son  but  principal.  Dès  le  5  octobre 
il  fit  du  sel  à  Buena-Vista  (archipel  du  Cap- 
Vert  ).  Pris  par  un  calme  sous  l'équateur,  la 
fièvre  se  déclara  à  son  bord,  et  lui  enleva  plu- 
sieurs hommes  ;  le  14  novembre  il  put  enfin 
atterrir  à  Tristan  d'Acunha  (1).  Il  décrit  le  pic 
majestueux  de  cette  île,  qui  s'élève  à  2,400m. 
Là  Morrell  prit  de  l'eau  et  des  vivres  frais.  Aus- 
sitôt que  son  équipage  fut  rétabli  il  mit  le  cap  au 
sud-est,etle28  mouillaà  Carnley (îles Auckland); 
il  resta  quelques  jours  dans  ces  parages  ;  passa 
le  détroit  de  Cook,  qui  coupe  en  deux  la  Nou- 
velle-Irlande, et  débarqua  le  17  janvier  1830  au 
port  Molineux,  dans  la  partie  septentrionale  de 
cette  grande  île  (Tavaï-Pounamou).  Le  2  février 
il  releva  l'archipel  du  Saint-Esprit  (  îles  Hébrides) 
et  commença  à  S'avancer  dans  des  régions  moins 
connues.  «  Je  pensais,  dit-il,  qu'à  côté  de  l'é- 
quateur se  présentait ,  entre  140°  et  160°  de  long, 
est,  un  vaste  champ  à  de  nouvelles  découvertes 
dans  le  voisinage  du  tropique.  Voilà  pourquoi 
je  poussai  si  avant  vers  le  nord  avant  de  me  di- 
riger sur  les  Philippines.  »  Le  23  février  il  dé- 
couvrit trois  îles,  qu'il  nomma  Weslervelt  (2), 
et  peu  de  jours  après  il  faillit  se  perdre  sur  un 
groupe  de  récifs  qui  reçut  le  nom  de  Bergh , 
près  d'une  grande  île  qu'il  appela  Livingston  (3). 

(1)  Principale  île  d'an  archipel  qui  porte  son  nom  et  est 
situé  par  13°  *'  long,  ouest  et  37°  V  lat.  sud.  Lus  Anglais 
y  ont  formé  un  établissement  depuis  1816. 

(2)  C'est  le  groupe  d'Urville. 

(3)  On  a  reconnu  que  ces  prétendues  découvertes  n'é- 

21. 


647  MORRELL 

Le  10  mars  Morrell  doublait  l'île  de  Luçon 
et  descendait  à  Manille.  Il  résolut  de  terminer 
son  chargement  aux  îles  Fidji.  Les  6  et  7  mai 
il  découvrit  deux  îles  désertes  ,  qu'il  nomma 
Faralis  (  peut-être  l'île  déjà  connue  sous  le 
nom  de  Faroïlep)  et  Ifelouk;  ensuite  un  grand 
banc  de  corail,,  qu'il  désigna  sous  le  nom  de 
Skiddy.  Il  était  alors,  sans  le  savoir,  dans  l'archi- 
pel des  Carolines.  Le  10  il  jeta  l'ancre  sur  l'une 
des  îles  de  Los  Martyres  (1),  et  le  13  revoyait 
les  îles  de  Bergh  (ou  d'Ur  ville).  Il  y  ht  quelque 
trafic  avec  les  naturels,  et  donna  à  un  groupe  d'îles 
voisin  le  nom  à'îles  Skiddy  (2).  Il  eut  à  dé- 
jouer les  embûches  que  lui  tendirent  les  insu- 
laires des  îles  Young-William  ;  mais  il  se  retira 
de  ce  mauvais  pas  sans  coup  férir.  Il  courut 
le  même  danger  dans  les  les  Monte-Verde  (3),  et 
l'évita  avec  un  égal  bonheur.  Il  ne  fut  pas  aussi 
heureux  sur  une  île  d'un  groupe  entourant  un 
lagon.  Ce  groupe  est  situé  à  peu  de  distance  de 
la  ligne  (4). 

Morrell  y  débarqua  le  24  mai,  et,  entraîné  par 
le  bon  accueil  que  lui  fit  Hennine,  chef  de  ces 
îles,  résolut  d'y  construire  les  bâtiments  néces- 
saires à  la  préparation  de  la  pêche  qu'il  comptait 
faire  des  avicules  perlières,  des  holothuries, 
des  nacres,  et  des  tortues  à  écaille  qui  abondent 
dans  ces  parages.  En  deux  jours  de  vastes  han- 
gars furent  élevés;  une  forge  fut  organisée  et 
les  terrains  environnants  furent  défrichés  et  ense- 
mencés. Les  naturels  concoururent  avec  zèle  aux 
travaux.  Tout  promettait  un  avenir  calme  et 
prospère,  lorsque  de  nombreux  vols,  commis  par 
les  insulaires,  vinrent  occasionner  plusieurs  rixes 
sanglantes  entre  les  Américains  et  leurs  perfides 
hôtes.  Morrell  essaya  d'abord  d'arrêter  ces  dé- 
sordres par  la  douceur;  mais  il  ne  tarda  pas  à 
se  convaincre  que  les  chefs  de  l'île,  et  particu- 
lièrement Hennine,  protégeaient  les  larrons 
et  même  partageaient  avec  eux  les  produits  du 
vol.  Il  résolut  alors  de  frapper  un  coup  d'éclat, 
et  avec  six  hommes  seulement  osa  enlever  et 
conduire  à  son  bord,  Hennine  et  cinq  autres 
chefs,  en  présence  de  quatre  cents  sauvages  ar- 
més. Les  captifs  promirent  tout  ce  qu'on  voulut; 
Morrell,  croyant  à  une  réconciliation  sincère, 
les  rendit  à  la  liberté  en  les  comblant  de  pré- 
sents. En  même  temps  il  envoyait  un  détache- 
ment de  vingt  et  un  hommes  pour  achever  les 
constructions.  La  plupart  se  dispersèrent  dans 
les  bois;  les  autres  travaillaient  sur  la  plage, 
aidés  des  naturels,  lorsque  l'affreux  cri  de  guerre 


talent  autres  que  le  groupe  Hogoleu,  près  de  l'ile 
Ohoun . 

(1)  Ce  nom  ne  figure  que  sur  les  caries  espagnoles  et 
portugaises.  Ces  Hes  se  nomment  Ollap,  Fanadifc  et  Ta- 
matai». 

(î)  C'est  le  groupe  de  Namoulouk,  au  centre  des  Caro- 
lines. 

(3)  Ce  sont  les  lies  Nougour  qui  forment  l'extrémité 
de  l'archipel  des  Carolines. 

(4)  Il  est  probable  que  ce  sont  1rs  îles  Carteret  au 
nombre  de  neuf,  entre  la  Nouvelle-Irlande  et  l'archipel 
Sblomon. 


des  sauvages  vint  frapper  les  oreilles  du  car 
taine.  Il  donna  aussitôt  le  signal  de  ralliement,  i 
même  temps  que,  avec  dix  matelots,  il  voir 
au  secours  de  ses  compagnons.  Il  n'en  put  r 
cueillir  que  sept  plus  ou  moins  blessés.  Tr 
faible  pour  engager  une  lutte,  il  regagna  son  ï 
timent  à  force  de  rames,  poursuivi  par  de  noi 
breuses  pirogues.  Une  décharge  générale 
l'artillerie  de  la  goélette  porta  facilement  la  m< 
et  l'effroi  parmi  les  assaillants,  qui  s'enfuire 
vers  la  terre.  Morrell,  qui  n'avait  plus  que  or 
hommes  en  état  de  manœuvrer,  se  hâta  de  u 
trer  à  Manille.  Il  y  séjourna  du  26  juin  au 
juillet,  et  après  avoir  engagé  soixante-dix  E 
ropéens,  Lascars  ou  Manillais ,  brûlant  de 
venger  de  la  trahison  d'Hennine,  il  fit  voilevers 
îles  du  Massacre;  c'est  ainsi  qu'il  avait nomi 
l'archipel,  où  quatorze  de  ses  compatrio 
avaient  si  misérablement  péri.  En  repass; 
dans  les  groupes  de  Bergh  et  de  Monte-Verde 
dut  employer  le  canon  pour  écarter  les  can> 
des  insulaires,  et  lorsqu'il  se  présenta,  le  14  si 
tembre,  devant  l'île  du  Massacre,  il  fut  assa 
par  de  nombreuses  pirogues ,  qu'il  écrasa  par 
mitraille  et  la  mousqueterie.  Les  villages  de 
côte  furent  ensuite  canonnés  et  détruits.  Un  vif 
matelot  américain,  Dick  Brown,  seul  échappé 
massacre  du  28  mai,  vint  de  la  part  de  Henn 
faire  des  propositions  d'accommodement,  et  X 
térêt,  l'emportant  sur  le  désir  de  vengeance, 
cida  Morrell  à  cesser  le  feu.  Il  fut  convenu  que  j 
Américains,  moyennant  un  léger  tribut,  res 
raient  en  possession  de  l'île  sur  laquelle  ilsavai  j 
commencé  leurs  constructions  et  que  Hennine  ; 
ses  chefs  les  y  laisseraient  travailler  paisibleme 
L  ite  cédée  fut  appelé  Wallace,  du  nom  duseci  l 
de  VAntarctic,  tué  et  mangé  par  les  sauvai 
le  28  mai.  La  bonne  harmonie  dura  peu.  Api 
quelques  déprédations  partielles ,  les  Américo  » 
eurent  à  repousser  une  attaque  générale.  ? 
châtièrent  vigoureusement  leurs  ennemis  :  fl I 
nine  et  un  de  ses  frères  périrent  dans  le  a  • 
bat  ;  mais  Morrell ,  désespérant  de  poui  I 
soutenir  des  hostilités  aussi  fréquentes  qi- 
charnées,  rembarqua  son  matériel,  brilla  i 
établissement  et  mit  le  cap  au  sud-ouest.  i 
traversant  les  îles  Salomon,  il  eut  encore  à  r 
pousser  les  agressions  des  naturels  de  Bon  • 
Il  embouqua  le  détroit  de  Saint-Georges,  qui  I 
pare  la  Nouvelle-Irlande  de  la  Nouvelle-Bretaf, 
et  atterrit  à  l'extrémité  nord-est  de  la  Nouve  I 
Guinée,  dans  une  baie  qu'il  désigne  sous  le  ri  i 
de  Dekaybay  (1)  et  celui  de  Livingslon-ca  i 
un  promontoire  voisin. 

Morell  navigua  ensuite  au  nord-est,  état» 
quelques  jours  de  navigation,  «  dans  une  ai  J 
direction,  que  je  ne  veux  pas,  dit-il,  indiquei 

(1)  C'est  celle  que  Dumont  d'UrvIlle  a  nommée  bai 
V Astrolabe.  Quelques  géographes  ont  cm  y  reconnatti  i 
baie  Humboldt,  située  sur  la  côte,  mais  beaucoup  plu;  ji 
sud.  Le  cap  Livingston  n'est  autre  que  la  pointe  ùl  I 
ville,  qui  forme  l'extrémité  septentrionale  de  la  Nouv*  • 
Guinée. 


10 


MORRELL  —  MORREN 

atteignit  un  groupes  d'îles,  «que,  ajoute-t-il, 
>  ne  nommerai  pas  maintenant.  Elles  ne  sont 
mrquces  sur  aucune  carte  ni  mentionnées  sur 
;  journal  d'aucun  navigateur.  Ce  groupe  con- 
nut une  vingtaine  d'îles,  la  plupart  très-peu- 
lées,  toutes  très  basses,  et  complètement  en- 
mrées  d'un  récif  de  corail  d'une  circonférence 
e  soixante  milles;  toute  la  surface  en  est  com- 
létemcnt  revêtue  d'holothuries.  Ces  îles  offrent 
icore  d'autres  richesses,  qu'il  est  inutile  d'énu- 
lérer  ici.  Je  dirai  simplement  qu'elles  sontom- 
ragées  par  d'épaisses  forêts  de  cocotiers  et  d'ar- 
res  à  pain.  » 

On  voit  combien  Morrell  préférait  son  intérêt 
'irticulier  à  l'intérêt  général.  Il  espérait  exploiter 
îuI  sa  découverte  ;  mais  il  essaya  vainement  d'y 
itéresser  les  négociants  de  Manille,  et  il  mourut 
.  «portant  son  secret,  si  secret  il  y  a  ;  car,  suivant 
S  umont  d'Urville,  l'Eden,  soi-disant  découvert 
f  ir  Morrell,  n'est  qu'une  portion  d'un  des  groupes 
^  s  l'Échiquier,  des  Ermites  ou  même  de  l'A- 
hirauté.  Quoiqu'ilen  soit,  Morrell  ne  fut  pas  plus 
[  ;ureux  là  que  dans  ses  autres  descentes;  il  dut 
i  )ur  se  faire  accepter  employer  la  force  et  em- 

1|ena  prisonnier  l'un  des  principaux  insulaires. 
e  retour  à  Manille  presque  sur  lest,  il  chargea 
,our  l'Europe  (  13  janvier  1831  ).  Il  relâcha  en 
fiute  à  Singapour,  dans  la  baie  de  Saldanha, 
j  m  nord  du  cap  de  Bonne-Espérance),  à  Sainte- 
jélène,  à  Terceire  et  débarqua  à  Bordeaux;  il 
!  prit  un  chargement  pour  New-York,  où  il  ar- 
!va  le  27  août  1831.  Cette  longue  campagne 
Hait  eu  de  si  minces  résultats  qu'il  ne  trouva 
[as  d'armateurs  disposés  à  seconder  ses  des- 
kins  de  découvertes.  Après  plusieurs  années  de 
[tisir  forcé,  il  s'adressa  à  quelques  négociants 
i  e  La  Havane,  qui  lui  confièrent  le  commande- 
ment du  brick  Christina,  sur  lequel  il  partit 
rour  la  côte  orientale  d'Afrique,  en  septembre 
j'S38;  mais  il  fit  naufrage  dans  le  canal  Mo- 
jimbique,  et  mourut  de  la  fièvre  dans  la  ville  de 
h  nom. 

!  Possédé  au  plus  haut  degré  par  le  génie  mer- 

fïntile  de  sa  nation,  Morrell  parut  peu  soucieux 

iela  gloire  qui  s'attache  au  nom  de  découvreur. 

ien  de  neuf,  de  hardi   dans  ses  expéditions; 

■les  ne  sont  pour  ainsi  dire   qu'un   cabotage 

bntinuel.  Barement  il  perd  la  terre  de  vue,  et 

ifil  le  fait,  c'est  en  quelque  sorte  pour  suivre 

s  ornières  maritimes.  De  ce  qu'il  appelle  ses 

découvertes  la  plus  grande  partie  était  connue 

vant  lui,  et  il  n'a  fait  que  leur  donner  un  nou- 

eau  baptême.  Le  peu  qui  lui  en  reste  ne  con- 

ste  qu'en  quelques  groupes  de   l'innombrable 

Quantité  d'îles  et  d'îlots  qui,  sous  les  noms  gé- 

îrauxdeMicronésie  et  de  Polynésie, couvrent  la 

|irtie  de  l'océan  Pacifique  compriseentre  les  tro- 

!ques  et  les  140  à  180°  de  long,  ouest  et  de  180 

;  130°  long.  est.  Il  y  aura  toujours  quelques  îlots 

signaler  dans  cette  portion  de  l'Océanie.  Soit 

norance  des  connaissances  nautiques,  soit  plu- 

't  défaut  d'instruments  précis,  les  estimes  de 


650 


Morrell  sont  souvent  erronées  et  ses  relèvements 
peu  exacts.  11  est  facile  aussi  de  voir  qu'il  a  na- 
vigué d'après  de  vieux  documents,  d'anciennes 
cartes,  probablement  espagnoles;  car  il  paraît 
être  peu  au  courant  des  découvertes  des  naviga- 
teurs modernes.  Bref,  Morell  ne  fut  qu'un  habile 
et  courageux  marin,  un  excellent  capitaine  de  la 
marine  marchande;  ce  ne  fut  jamais  un  naviga- 
teur instruit  et  dévoué  à  la  science. 

On  a  de  lui  :  Relations  de  quatre  voyages 
autour  du  monde  et  faits  de  1822  à  1831; 
New-York,  1832,  in-8°,  avec  une  Introduction 
autobiographique  et  le  portrait  de  l'auteur.  Nous 
ne  comprenons  pas  comment  Morrell  a  pu  dé- 
corer ses  expéditions  du  titre  de  voyages  autour 
du  monde.  Dans  les  deux  premières  surtout,  il 
s'est  borné  à  côtoyer  l'Amérique  méridionale;  il 
n'a  jamais  dépassé  au  nord  le  40e  deg.  de  lat. 
Al.  de  Lacaze. 

Bulletins  de  la  Société  Géographique  de  Paris,  ann. 
1833-1836.  —  Albert  de  Montémont,  dans  la  Bibliothèque 
universelle  des  Voyages,  t.  XX. 

morren  (Charles-François-Antoine  )  (1), 
naturaliste  belge,  né  à  Gand,  le  3  mars  1807, 
mort  à  Liège,  le  17  décembre  1858.  Il  reçut  la 
première  instruction  à  l'athénée  de  Bruxelles, 
et  se  rendit  en  1825  à  l'université  de  Gand,  où 
il  commença  l'étude  des  sciences,  de  la  philo- 
sophie et  de  la  médecine.  Dès  l'année  suivante 
il  obtint  le  prix  du  concours  ouvert  par  la  Fa- 
culté des  Sciences  pour  un  mémoire  publié  plus 
tard  sous  ce  titre  :  De  lumbrici  terrestris 
hisloria  nalurali  neenon  anatomia  Tracta- 
tus,  etc.  ;  Bruxelles,  1829,  in-4" ,  rare  ;  travail 
qui  le  signala  dès  lors  comme  un  naturaliste  dis- 
tingué. En  1827  il  fut  de  nouveau  couronné 
par  l'université  de  Gand  pour  son  Orchidis  la- 
tifolix  Descriptio  botanica  et  anatomica; 
Gand,  1827,  in-4D.  Enfin,  en  1828,  l'université 
de  Groningue  décerna  le  premier  prix  à  son 
mémoire  intitulé  :  Descriptio  Polypariorum 
fossilium  in  regno  Belgio  reperlorum  ;  Gro- 
ningue ,  1829,  in-4°.  Beçu  en  1829  docteur  en 
philosophie  naturelle  et  en  sciences  mathémati- 
ques, Morren  vint  habiter  Paris,  où  il  suivit  les 
cours  du  Muséum  d'Histoire  naturelle,  puis  Gœt- 
tingue  et  Berlin.  Il  publiait  en  même  temps  beau- 
coup de  notices  et  d'observations  sur  la  zoologie, 
la  botanique,  et  surtout  sur  la  paléontologie.  Pro- 
fesseur de  physique  à  l'École  Industrielle  deGand 
en  1831,  il  obtint  deux  ans  après  la  même  chaire 
à  l'université  de  cette  ville.  Enfin,  il  devint  en 
1835  professeur  extraordinaire,  en  1837  profes- 
seur ordinaire  de  botanique  à  l'université  de 
Liège,  et  dans  cette  dernière  année  membre  de 
l'Académie  royale  de  Belgique.  11  était  aussi  di- 
recteur du  Jardin  botanique  et  agronomique  de 
Liège,  et  faisait  partie  du  conseil  supérieur  d'a- 
griculture du  royaume.  Un  jugement  sûr,  des 

(1)  Voir  sur  la  famille  Morren,  originaire  d'Irlande,  où 
elle  existe  encore ,  l'ouvrage  du  baron  de  Herkenrode 
Intitule  .*  Collection  des  tombes,  épitaphes  et  blasons  du 
Limbourg ,  p.  751. 


651  MORREN 

connaissances  étendues  et  variées ,  une  élocu- 
tion  correcte  et  souvent  éloquente,  caractéri- 
saient ce  savant  belge.  On  lui  doit  la  découverte 
de  la  fécondation  artificielle  du  vanillier.  Outre 
les  travaux,  ci-dessus  mentionnés,  nous  citerons 
de  lui  (  en  société  avec  M.  Auguste  Morren  )  : 
Recherches  sur  la  rubéfaction  des  eaux  et 
leur  oxygénation  par  les  animalcules  et  les 
algues;  Bruxelles,  1841,  in-4°  ;  — Eludes, 
Prémices  et  Loisirs  a"Anatomie  et  de  Phy- 
siologie végétales,  ou  collection  d'opuscules 
sur  ces  sciences  ;  Bruxelles,  1841,  3  voi.  in-8°  ; 

—  Dodoneca,  ou  Recueil  d'observations  de  bo- 
tanique; Bruxelles,  1841,  in-8°  ;  —  Fuchsia, 
ou  Recueil  d'observations  de  botanique,  d'a- 
griculture, d' horticulture  et  de  zoologie; 
Bruxelles,  1849,  in-8°;  —  Lobelia ,  ou  Recueil 
d'observations  de  botanique,  spécialement 
de  tératologie  végétale  ;  Bruxelles,  1851,  in-8°; 

—  Palmes  et  Couronna  de  V Horticulture  de 
Belgique  ;  Bruxelles,  1851,  in- 12  :  réunion  d'ar- 
ticles insérés  dans  la  presse  quotidienne.  Morren 
a  été  le  principal  rédacteur  des  recueils  pério- 
diques suivants:  L'Horticulteur  belge  :  journal 
des  jardiniers  et  amateurs  ;  1833-1S36,  3  vol. 
in-8°;  —  Annales  de  la  Société  royale  d'A- 
griculture et  de  Botanique  de  Gand  -.journal 
d'horticulture  et  des  sciences  accessoires; 
1845-1849,  5  vol.  in-8°;  —  Journal  d'Agri- 
culture pratique,  d'économie  forestière  et 
d'éducation  des  animaux  domestiques  ;  1848- 
1855,  7  vol.  in-8°;  —  La  Belgique  horticole  ; 
journal  des  jardins ,  des  serres  et  des  ver- 
gers ;  1851-1855,  5  vol.  in-8°.  Il  a  donné  des  tra- 
vaux aux  Mémoires,  aux  Bulletins  et  aux  An- 
nuaires de  l'Académie  royale  de  Belgique.  Enfin, 
il  a  pris  part  à  un  grand  nombre  de  publications, 
telles  que  le  Bydragen  tôt  de  Natuurkendige 
Wetenschappen  des  Pays-Bas,  l'Encyclopédie 
belge,  la  Revue  de  Bruxelles,  le  Messager  des 
Sciences  et  des  Arts  de  Gand,  les  Annals  and 
Magazine  of  natural  History  de  Londres,  le 
Bulletin  général  des  Sciences  du  baron  de 
Férussac,  les  Annales  des  Sciences  naturelles 
de  Paris,  L'Institut,  L'Echo  du  Monde  sa- 
vant, L'Indépendance  belge,  Le  bon  Génie, 
La  Sentinelle  des  Campagnes,  Le  Cultiva- 
teur, etc.  E.  Regnard. 

Éd.  Morren,  Notice  sur  Ch.  Morren  ;  Bruxelles,'1860, 
in-12. 

morres  (  Harvey  -  Redmond  ),  vicomte 
Mountmorres,  publiciste  anglais,  mort  le  18  août 
1797.  11  appartenait  à  une  branche  protestante 
de  la  famille  française  des  Montmorency  et  avait  i 
rang  de  pair  en  Irlande.  Partisan  déclaré  de  la 
prérogative  royale,  il  prit  part  aux  orageuses  dis- 
cussions qui  eurent  lieu  dans  le  parlement  de 
Dublin  sur  la  question  de  la  régence.  Les  divers 
écrits  qu'il  publia  à  cette  occasion  firent  beau- 
coup de  sensation;  nous  citerons;  Histoire  des 
principaux  Actes  du  parlement  irlandais  de 
1634  à  1666,  précédée  d'un  Discours  prélimi- 


-  MORRIS  ( 

naire  sur  les  anciens  parlements  de 
royaume  (1792,  2  vol.  in-8° );  —  La  Crise,  c 
lection  d'essais  écrits  en  1792  et  en  1793  i 
la  tolérance,  le  crédit  public,  la  libe 
des  élections ,  l'émancipation  des  calho 
ques,  etc.  (1794,in-8°)  ;  — Lettres  de  Thém 
tocle  (1795,  in-8°),  et  Réflexions  impartia 
sur  la  crise  actuelle  (1796,  in-8°).  Morres 
tua  d'un  coup  depistolet,  dans  un  âge  peu  avan 

K. 
ColHns ,  Peerage  of  Ireland. 

Morris  (Robert),  le  principal  financier 
la  révolution  américaine,  né  en  Angleterre, 
1734,  mort  en  mai  1806.  Il  avait  treize  ans  lo 
que  son  père  vint  s'établir  en  Amérique.  Il  en 
chez  un  banquier  de  Philadelphie,  et,  par 
capacité  et  sa  probité,  gagna  toute  la  confiai 
de  son  chef.  Il  devint  l'associé  du  fils ,  et  ce 
société  dura  de   1754  à  1793.  Au    commen 
ment  de  la  révolution ,  il  était  engagé  dans 
grandes  affaires    commerciales;  cependant, 
n'hésita  point  à  se  prononcer  contre  l'Acte 
timbre  et  autres  mesures.  En  1775  il  fut  nome 
par  la  législature  de  Pensylvanie ,  un  des  dé 
gués  au  second  congrès  général.  Il  fit  partie  \ 
tous  les  comités  qui  s'occupèrent  de  la  marii 
des  affaires  maritimes  et  des  finances ,  et  y  ren 
beaucoup  de  services  par  son  jugement  et  s 
expérience  des  affaires.  Washington,  auquel  il 
envoyé  en  1777,  conçut  une  haute  idée  des 
lents  et  du  patriotisme  de  Morris,  et  lui  en  doi  i 
des  preuves  plus  tard.  En  1780,  Morris  établit  | 
souscription  une  banqueoù  ilavait  pris  des  actif  i 
pour  50,000  dollars,  et  dont  le  but  était  d'assu  j 
l'approvisionnement  de  l'armée.   Elle  contii 
jusqu'à  l'année  suivante,  où  fut  fondée  la  banc  j 
de  l'Amérique  du  Nord.  En  février  1781,  le  ci  | 
grès  le  nomma  surintendant  des  finances,  a1 1 
des  pouvoirs  étendus.  Les  devoirs  de  ce  po  I 
étaient  difficiles.  Il  les  remplit   avec  une  r  | 
énergie,  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre.  Il  fit  décla 
que  les  billets  de  la  banque  de  l'Amérique 
Nord  seraient  reçus  comme   espèces  pour 
payement  des   droits  et  taxes   dans  tous 
États,  et  peu  à  peu  le  crédit  public  et  le  cri 
particulier  se  relevèrent.  A  cette  époque  Moi  I 
avait  une  grande  fortune  ,  et  plus  d'une  foi; 
s'engagea  personnellement  pour  de  fortes  so  > 
mes  quand  les  ressources  du  trésor  étaient  j 
suffisantes.  Ce  fut  surtout  par  son  crédit  c 
furent    assurés  les  moyens   qui    permirent! 
Washington  d'entreprendre  son  expédition  àé 
sive  contre  Cornwallis.  En  janvier  1783,  Mor 
annonça  au  congrès  son  intention   de  se  i 
mettre  de  ses  fonctions.  Le  danger  passé,  il  « 
sirait  se  reposer  des  travaux  excessifs  et  de  I 
responsabilité  qui  avaient  pesé  sur  lui;  les  il 
tances  qui  lui  furent  faites  le  décidèrent  à 
continuer  jusqu'en  novembre  1784.  D'après  a 
conseil,  une  commission  fut  nommée  pour 
remplacer.  En  1786,  il  fut  élu  membre  de  la  c< 
vention  chargée  de  rédiger  la  constitution  féi 


,53  MORRIS 

aie.  Personne  n'avait  senti  plus  fortement  que 
li  Je  besoin  d'un  gouvernement  efficace,  et.il  fit 
révaloir  des  vues  sages.  Quand  le  gouvernement 
^(iéral  eut  été  organisé ,  Washington  lui  offrit 
1 1  place  de  ministre  des  finances;  mais  il  refusa, 
t,  pressé  d'indiquer  un  homme  capable,  il  dé- 
igoa  le  général  Hamilton  (  voir  ce  nom  ),  choix 
eûreux,  mais  auquel  on  ne  s'attendait    pas. 
près  la  paix,  il  donna  plus  d'extension  à  ses  re- 
lions commerciales  avec  l'Inde  et  la  Chine, 
|  ,  aidé  par  les  conseils  de  son  ami  Gouverneur 
orris,  il  expédia,  le  20  juin  1787,  un  navire, 
,  Œiance,  qui  arriva  à  Canton  le  22  décembre 
n'vant,  traversée  qui  causa  dans  le  temps  une 
;  isez  grande  surprise  par  sa  promptitude.  Au- 
I  urd'iiui  les  progrès  de  la  navigation  ont  abrégé 
i  voyage  de  moitié.  Dans  sa  vieillesse,  Morris 

I  ■■  lança  dans  de  vastes  spéculations  de  terres , 
li   eurent  pour  sa  fortune  des  résultats  dé- 

i  streux.  L'homme  aux  talents  financiers  de 
,  ii  les  Américains  avaient  dû  autant  qu'aux 
igociations-  de  Franklin,  et  même  aux  armes 
j  ;  Washington ,  passa  les  dernières  années  de 
[  vie  en  prison  par  suite  de  ses  dettes.  Le 
|  agrin  hâta  la  fia  de  ses  jours.  Morris  était 
[une  constitution  vigoureuse,  d'une  taille  élevée 
t  d'un  extérieur  plein  de  franchise  et  d'affabilité, 
t  ;ndant  les  années  de  sa  fortune,  plus  de  quarante 
Us,  sa  maison  était  ouverte  à  tous  les  étrangers 
|  ;  distinction  qui  visitaient  Philadephie.  Il  était 
jinéreux  pour  seconder  les  entreprises  publiques 

I I  privées  qui  avaient  un  but  utile. 

J..  Chatct. 


654 


\i  Encyclopaedia  Americana.  —  Biography  of  the  Si- 
'l-iers  of  the  déclaration  of  Independence.  —  Corres- 
ll  >ndence  of  Robert  Morris; 

i  morsus     (  Gouverneur*) ,    homme    d'État 

iii'i'icain,  né  à  Morrrsania,  près  de  New-York, 
||  31  janvier  1752,  mort  le  6  novembre  1816. 
incore  fort  jeune,  il  fut  placé  dans  la  famille 
;  un  professeur  français  à  New-Rochelle,  et  y 
|:quit  une  connaissance  familière  de  la  langue. 
j.e  fut  pour  lui  une,  ressource  précieuse,  quand, 
[ans  son  âge  mûr,  il  fut  nommé  ministre  des 
1  tats-Unis  en  France.  Après  avoir  terminé  ses 
j.udes  classiques  à  dix-sept  ans,  il  fit  son  droit, 
If;  à  vingt  ans  était  reçu  avocat.  En  1775  il 
lit  élu  membre  du  premier  congrès  provincial. 
!   prit  une  part  active  aux  discussions  et  aux 

-esures  principales  de  cette  assemblée  jus- 
|j'en  1777,  où  il  devint  membre  du  congrès  qui 

rigea  la  révolution.  L'hiver  suivant,  il  fut  un 
pi  commissaires  chargés  d'examiner,  de  con- 

■rt  avec  le  général  Washington,  l'état  et  les  res- 
nirces  de  l'armée.  11  eut  plus  tard  une  corres- 
pndance  régulière  avec  le  général,  et  au  sein 
|i  congrès  il  employa  ses  talents  et  son  in- 

lence  à  activer  les  mesures  de  nature  à 
hcroître  les  forces  nationales.  S'étant  prononcé 
l 'titre  les  prétentions  de  l'État   de  New-York 

ir   une  question  de   territoire  dans  le  New- 

ampshire,  il  ne  fut  pas  réélu  au  congrès  par 


la  législature  de  l'État,  et  continua  à  résider  à 
Philadelphie  pour  exercer  sa  profession  (  1780). 
Dans  l'été  de  cette  année,  il  fit  une  chute  de  voiture 
très-grave  à  la  suite  de  laquelle  il  subit  l'amputa- 
tion d'une  jambe.  Il  se  résigna  à  ce  malheur  avec 
courage,  et  ne  perdit  rien  de  sa  vivacité  d'esprit. 
Il  porta  toujours  depuis  lors  une  jambe  de  bois. 
Se  trouvant  plus  tard  à  Paris  comme  ministre,  il 
essaya  d'y  substituer  une  jambe  de  liège;  mais, 
après  quelques  expériences,  il  revint  à  la  simple 
jambe  de  bois.  Un  jour,  au  milieu  des  émeutes 
de  ce  temps ,  il  en  tira  parti  en  homme  d'es- 
prit. Rentrant  chez  lui  en  voiture,  dans  l'été  de 
1792,  il  fut  tout  à  coup  assailli  par  les  huées  de 
la  populace  révolutionnaire,  criant  :  «  A  l'aristo- 
crate! »  Mettant  aussitôt  sa  jambe  en  dehors  : 
«  Un  aristocrate  ?  s'écria-t-il  ;  oui  vraiment,  qui 
a  perdu  sa  jambe  dans  la  guerre  de  l'indépen- 
dance américaine  !  »  Le  peuple  fut  désarmé  et 
applaudit.  En  1781,  Robert  Morris  (voir  l'ar- 
ticle précédent),  qui  avait  le  même  nom  sans 
être  son  parent,  ayant  été  chargé  du  ministère 
des  finances,  choisit  Gouverneur  pour  sous-se- 
crétaire du  trésor  ;  il  trouva  en  lui,  pendant  trois 
ans  et  demi,  un  auxiliaire  actif  et  habile,  et 
conserva  avec  lui  des  relations  pour  des  intérêts 
de  commerce.  A  la  mort  de  sa  mère  (  1786), 
Gouverneur  Morris  acheta  d'un  de  ses  frères, 
général  au  service  de  l'Angleterre,  le  domaine 
de  Morrisania,  qui  était  considérable,  et  qui, 
bien  administré,  devint  pour  lui  la  source  d'une 
belle  fortune.  11  fut  député  à  la  convention  for- 
mée pour  rédiger  la  nouvelle  constitution  (  1787). 
On  n'a  trouvé  dans  ses  papiers  aucun  mémoire 
ou  discours  qui  se  rapporte  à  ses  travaux; 
mais  le  président  Madison,  dans  une  lettre  ren- 
due publique,  fait  l'éloge  de  son  jugement,  de 
ses  efforts  conciliants  pour  amener  l'harmonie, 
et  dit  que  le  projet  rédigé  de  la  constitution 
fut  mis  entre  ses  mains  pour  recevoir  sa  forme 
définitive.  Nous  avons  vu  qu'il  était  intéressé 
dans  le  commerce  de  Robert  Morris.  Des  mar- 
chés importants  avaient,  été  conclus  avec  les 
fermiers  généraux  de  la  France  pour  des  fourni- 
nitures  de  tabac;  et  comme  la  Virginie  était  le 
théâtre  de  cette  exploitation,  il  était  nécessaire 
qu'il  y  eût  sur  les  lieux  un  agent  qui  connût 
l'affaire  et  fût  capable  de  remédier  au  désordre 
et  aux  retards  qui  inquiétaient  beaucoup  les  né- 
gociants d'Europe.  Il  fut  ensuite  proposé  à 
G.  Morris  de  se  rendre  en  France.  Sa  mission 
avait  plutôt  un  objet  financier  que  politique; 
mais  ce  dernier  devint  bientôt  le  plus  impor- 
tant. Il  s'embarqua  pour  le  Havre,  le  18  dé- 
cembre 17S8,  et  arriva  à  Paris,  le  3  février  de 
1789.  Les  états  généraux  étaient  sur  le  point  de 
s'ouvrir.  Il  arrivait  donc  pour  être  témoin  des 
premières  scènes  et  des  phases  importantes  de 
cette  révolution,  qui,  à  la  fois  sociale  et  poli- 
tique ,  devait  changer  entièrement  la  face  de 
l'Europe  et  réagir  par  contre-coup  sur  le  Nou- 
veau Monde.  G.  Morris  avait  près  de  quarante 


655 


MORRIS 


6: 


ans.  C'était  un  homme  d'un  esprit  droit  et 
cultivé,  d'un  jugement  pénétrant  et  de  haute 
portée,  de  mœurs  élégantes,  et,  bien  que  répu- 
blicain en  Amérique,  de  goûts  aristocratiques. 
Mais  il  était  aussi  un  homme  tout  de  pratique 
à  idées  positives,  inaccessible  aux  séductions 
des  théories.  C'est  à  ce  moment  qu'il  com- 
mença à  tenir  un  journal  détaillé  dont  M.  Sparks 
a  reproduit,  dans  son  ouvrage,  de  nombreux  ex- 
traits. Ce  journal  et  ses  voyages  en  Europe  pos- 
sèdent le  plus  haut  intérêt  et  une  grande  valeur 
historique.  Dès  son  arrivée  à  Paris  G.  Morris  se 
trouva  en  relations  avec  les  personnages  politi- 
ques qui  jouaient  alors  un  grand  rôle,  avec  La 
Fayette,  qu'il  avait  connu  en  Amérique,  avec  l'é- 
vêque  d'Autun  (Talteyrand)  et  des  orateurs  dis- 
tingués de  l'Assemblée  constituante;  il  était  aussi 
en  liaison  intime  avec  des  familles  nobles,  telles 
que  les  de  Ségur,  de  Chastellux,  de  Castries,  de 
La  Luzerne,  etc.  Il  fut  donc  bien  placé  pour  con- 
naître les  opinions  et  pour  juger  avec  désintéres- 
sement et  indépendance.  On  lui  a  reproché  d'avoir 
été  trop  favorable  à  l'ancien  régime,  qui  s'écrou- 
lait sous  les  coups  des  idées  nouvelles,  et  peu 
sympathique  aux  réformes  qui  s'accomplis- 
saient avec  tant  d'impétuosité.  Au  fond,  il  était 
avec  ceux  qui  voulaient  la  réforme  du  vieux  sys- 
tème, mais  une  réforme  modérée,  et  qui  blâ- 
maient les  principes  et  les  projets  des  ultra-ré- 
volutionnaires. Nous  citerons,  comme  échan- 
tillon, quelques  passages  de  son  journal.  A  la 
date  du  6  juin,  il  dit  :  «  L'évêque  d'Autun  passe 
la  soirée  avec  nous  (  chez  madame  de  Flahaut  ). 
C'est  son  ami  intime.  Cet  homme  me  parait 
fin,  froid,  rusé,  ambitieux  et  méchant.  Je  ne 
sais  pourquoi  mon  esprit  tire  de  ce  personnage 
des  conclusions  aussi  désavantageuses;  mais 
c'est  comme  cela,  et  je  ne  saurais  qu'y  faire.  » 

—  26  septembre.  Chez  madame  de  Tessé,  qui 
avait  dit  à  M™e  de  Staël  que  je  suis  un  homme 
d'esprit.  «  Mme  de  Staël  me  prend  en  particulier 
et  nous  causons.  Elle  me  demande  si  je  n'ai  pas 
écrit  un  ouvrage  sur  la  constitution  américaine. 

—  Non,  madame  ;  j'ai  fait  mon  devoir  en  parti- 
cipant à  la  formation  de  cette  constitution.  — 
Mais,  monsieur,  votre  conversation  doit  être 
très-intéressante,  car  je  vous  entends  citer  de 
toutes  parts.  —Ah!  madame,  je  ne  suis  pas 
digne  de  cet  éloge.  —  Comment  avez-vous  perdu 
votre  jambe?  —  Ce  ne  fut  pas  malheureuse- 
ment au  service  militaire  de  mon  pays.  — 
Monsieur,  vous  avez  l'air  très-imposant  !  —  Ces 
paroles  sont  accompagnées  d'un  regard  qui,  sans 
être  précisément  ce  que  John  Falstaff  appelle 
une  œillade  engageante,  lui  ressemble  beau- 
coup. »  —  «  2fi  novembre  1790.  La  Fayette 
m'ayant  dit  qu'il  voudrait  qu'il  y  eût  deux 
chambres  comme  en  Amérique,  je  réplique 
qu'une  constitution  américaine  ne  convient  pas 
à  ce  pays,  et  que  deux  chambres  semblables 
n'iraient  pas  à  une  nation  où  il  y  a  un  pouvoir 
exécutif  héréditaire  ;  que  chaque  pays  doit  avoir 


une  constitution  appropriée  à  sa  condition , 
que  le  caractère  de  la  France  exige  un  gouve 
nement  plus  relevé  (  leigher  toned  )  que  cel 
de  l'Angleterre.  »  —  «  25  janvier  1791.  Je  vé 
dîner  chez  madame  de  Staël.  Elle  n'est  pas  e 
core  rentrée.  J'y  trouve  l'abbé  Sieyès.  Il  di 
serte  avec  beaucoup  de  suffisance  sur  la  scien 
du  gouvernement,  méprisant  tout  ce  qui  a  é 
dit  sur  ce  sujet  avant  lui.  Madame  de  Staël  ( 
que  les  écrits  et  les  opinions  de  l'abbé  formero 
une  nouvelle  ère  en  politique  comme  ceux  < 
Newton  en  physique.  » 

En  janvier  1791,  G.  Morris  fut  nommé  p 
Washington  agent  particulier  des  États-Unis  poi 
traiter  avec  le  ministère  anglais  quelques  affair 
importantes  qui  se  rattachaient  au  dernier  trai 
de  paix.  Après  plusieurs  mois,  il  reconnut  qi 
le  gouvernement  anglais  n'était  pas  disposé  à  s 
conder  des  avances  pour  de  nouveaux  arrang 
ments.  Il  quitta  donc  l'Angleterre,  et  voyagea  i 
Allemagne.  Il  était  de  retour  à  Paris  après  unea 
sence  de  six  mois.  En  janvier  1792  il  fut  nomn 
ministre  en  France,  à  la  place  de  Jefferson.  Wa 
hington,  dans  une  lettre  particulière,  ne  lui  cacl 
pas  qu'au  sénat  il  y  avait  eu  de  l'opposition  co 
tre  lui  au  sujet  de  sa  nomination,  parce  qu'on  1 
considérait  comme  un  partisan  de  l'aristocrài 
et  comme  un  ennemi  de  la  révolution,  et  il  1 
recommandait  beaucoup  de  circonspection.  I 
tâche  en  effet  était  délicate  et  difficile  au  milii 
des  partis  déchaînés  l'un  coptre  l'autre.  Malg 
l'indépendance  de  son  caractère  et  Ses  pej 
chants  politiques ,  il  montra  beaucoup  de  ta 
et  de  prudence.  Sa  correspondance  officiel 
comme  ministre  en  France  était  adressée  à  Je 
ferson,  alors  secrétaire  d'État  pour  les  affajri 
étrangères,  et  quelquefois  à  Alexandre  Hamiltoi 
ministre  des  finances.  Mais  il  écrivait  constan 
ment  à  Washington  comme  à  un  ami  partiel 
lier,  et  il  entrait  avec  lui  dans  beaucoup  pli 
de  détails  sur  les  affaires  que  n'en  contenais 
ses  dépêches  officielles.  Ses  lettres  privées 
autres  présentent  des  esquisses  fidèles  des  évi 
nements,  dans  un  style  vif  et  plein  de  hardiesse 
Il  montre  une  grande  sagacité,  un  jugement  st 
pour  apprécier  les  hommes  et  les  choses.  Il  e 
sincère  dans  ce  qu'il  dit  ;  mais  comme  ces  ph 
losophes  de  l'antiquité  que  les  abus  et  l'agiti 
tion  turbulente  de  la  démocratie  faisaient  pei 
cher  vers  la  monarchie,  il  se  laisse  parfois  ei 
traîner  par  son  aversion  pour  les  principe 
révolutionnaires,  et  tombe  à  son  tour  dans  d( 
appréciations  injustes.  Son  journal  reprend  a 
15  mai  1792,  à  la  veille  de  la  journée  du  20  juit 
où  la  royauté  fut  si  gravement  insultée,  d 
10  août  où  elle  fut  renversée.  G.  Morris  fut  1 
seul  membre  du  corps  diplomatique  qui  ne  quitl 
pas  Paris  ni  ses  fonctions  après  la  chute  d 
Louis  XVI.  Seulement,  pour  se  soustraire  au: 
désordres  sanglants  de  Paris,  il  acheta  nn 
maison  de  campagne  à  Seine-Port,  à  dix  lieues  d 
la  capitale,  et  y  résida  tout  le  reste  de  sa  mis 


57  MORRIS  - 

!  on,  en  se  bornant  à  quelques  voyages  à  Paris, 

fù  était  fixé  le  secrétaire  de  la  légation.  Le 

buvernement   américain    ayant    demandé    le 

t  ippel  de  Genêt,  ministre  fort  exalté  de  la  ré- 

iblique  française,  le  gouvernement  français,  en 

■toiir,  sollicita  le  rappel  du  ministre  américain, 

Washington  ne  put,  par  réciprocité,  se  refuser 

■  cette  demande.  Aucune  plainte  cependant  ne 

irait  avoir  été  faite.  G.  Morris  était  préparé  à 

t  événement.  Il  savait  que  les  hommes  puis- 

Dts  de  l'époque  ne  l'aimaient  pas,  et  il  eut 

|pu  de  regrets  de  quitter  un  poste  qui  n'avait 

|  é  pour  lui   qu'une  source  de  contrariétés  et 

irfois  de  relations  très-aigres.  En  août  1794, 

H  onroe  arriva  à  Paris  pour  le  remplacer.  G. 

terris  avait  d'abord  eu  le  projet  de  retourner 

loi  États-Unis.  Il  y  renonça  pour  voyager  dans 

iusieurs  parties  de  l'Europe.  11  avait  de  nom- 

leux  amis  dans  la  haute  société,  et  sa  consi- 

I  ration  personnelle  lui  assura  un  accueil  dis- 

ligué  dans  les  principales  cours  qu'il  visita.  Sa 

■krespondance  de  cette  époque,  surtout  avec 

I  d  Grenville ,  prouve  avec  quelle  attention  il 
laminait  l'état  politique  des  pays  qu'il  traver- 

I I  ainsi  que  le  caractère  et  la  conduite  des 
llncipaux  personnages.  Ses  théories  sont  quel- 
1  efois  des  illusions  ;  ses  prophéties ,  comme 
I  it  d'autres ,  ne  se  réalisent  pas  toujours  ;  ce- 
lidant  ses  jugements  sur  les  réalités,  sa  per- 
■cacité  sur  la  nature  des  événements  et  son  ap- 
Kciation  des  motifs  qui  font  agir  les  hommes 
Itjt  rarement  erronés.  Il  passa  assez  longtemps 
Itambourg  et  à  Altona,  centredes  nouvelles  poli- 
nues,  au  milieu  d'un  cercle  d'amis  étrangers 
■français  auxquels  il  était  devenu  cher  (jus- 
mk  juin  1798  ).  En  octobre  de  cette  année, 
■"es  avoir  réglé  ses  nombreuses  affaires,  il 
fcabarqua  à  Hambourg  pour  les  États-Unis. 
■  voyage,  retardé  par  divers  accidents,  dura 
■fetre- vingts  jours.  L'année  suivante  il  fut 
1  au  sénat  des  États-Unis  ,  et  y  siégea  parmi 
m  fédéralistes.  Il  se  montra  alors  opposé  à  l'a- 
Rition  des  taxes  directes,  et  favorable  à  l'ac- 
■sition  de  la  Louisiane.  Ses  fonctions  ex- 
■pent  le  4  mars  1803,  et  n'ayant  pas  été  re- 
Hnamé,  il  rentra  entièrement  dans  la  vie  privée, 
■passa  le  reste  de  ses  jours  à  Morrisania,  re- 
Bte  qu'il  s'était  préparée  et  qu'il  se  plut  à  em- 
Wlir.  Une  grande  fortune,  de  nombreux  amis, 
■teharme  du  foyer  domestique  furent  les  élé- 
wnts  de  son  bonheur.  Tous  les  ans  il  faisait  de 
Rits  voyages  de  trois  ou  quatre  mois  pour  af- 
■*es  ou  plaisir.  Le  jour  de  Noël  Î809  (c'est  un 
'■'  j  r  de  très-grande  fête  en  Amérique  ),  il  épousa 
■Ms  Anne  Carey  Randolph,  d'une  des  plus  an- 
I  «mes  et  des  plus  distinguées  familles  de  la 

•ginie,  et  accomplit  ce  mariage  en  vrai  diplo- 
■We.  Il  n'en  avait  soufflé  mot  à  aucun  de  ses 

lents,  et  les  réunit  en  apparence  pour  la  fête 

c  jour.  Un  splendide  dîner  avait  été  préparé; 

''société  était  réunie  au  salon  et  attendait 
mAe.  Morris  en  belle  toilette  se  présente,  don- 


MORRISON 


658 


nant  la  main  à  une  jeune  femme.  Le  ministre 
protestant  avait  été  averti,  et  le  mariage  s'accom- 
plit de  suite,  au  milieu  de  la  surprise  et  même 
du  dépit  mal  déguisés  de  la  plupart  des  assis- 
tants. Morris  parle  souvent  dans  ses  lettres  de 
cette  union  comme  lui  ayant  donné  un  bonheur 
et  une  satisfaction  constants.  Malgré  les  charmes 
de  sa  retraite,  il  ne  cessa  de  prendre  intérêt  aux 
événements  du  jour  et  de  payer  de  son  talent 
en  public,  quand  l'occasion  le  demandait.  Il  pro- 
nonça l'éloge  funèbre  de  Washington  et  ceux 
de  Hamilton  et  du  gouverneur  Georges  Clinton. 
En  juin  1814,  il  fit  un  grand  discours  sur  la 
Délivrance  de  l'Europe  du  joug  militaire , 
et,  nommé  président  de  la  Société  Historique  de 
New-York,  il  inaugura  ces  fonctions  par  un  dis- 
cours plein  de  tact  et  d'intérêt.  Pendant  les  dix 
dernières  années  de  sa  vie,  il  s'occupa  avec 
beaucoup  de  zèle  du  projet  de  canal  du  lac  Érié 
à  l'Hudson.  II  en  avait  jugé  avec  sagacité  l'ex- 
trême importance  pour  mettre  l'ouest  et  les 
Grands  Lacs  en  rapport  intime  et  direct  avec  le 
port  de  New-York.  II  fit  faire  des  études  et  des 
travaux  préparatoires  ;  mais  ce  beau  projet  ne 
fut  exécuté  que  vingt  ans  après  lui.  Sa  santé 
avait  conservé  sa  vigueur  ordinaire,  malgré  les 
attaques  de  son  ancienne  et  tenace  maladie,  la 
goutte.  Mais  à  la  fin  d'octobre  il  fut  saisi  d'une 
indisposition  subite,  qui  en  peu  de  jours  fut  re- 
connue mortelle.  Il  laissa  un  très-jeune  enfant. 
G.  Morris,  comme  tous  les  hommes  pleins  d'é- 
nergie, avait  l'habitude  d'exprimer  ses  opinions 
avec  une  franchise  qui  lui  suscita  parfois  des 
embarras.  Il  aimait  le  sarcasme  et  les  reparties 
piquantes,  ce  qui  lui  attira  quelques  ennemis. 
Mais  on  rendait  justice  à  sa  droiture  et  à  sa  sin- 
cérité de  caractère ,  et  ses  excellentes  qualités 
lui  avaient  fait  beaucoup  d'amis.  Une  dame 
française,  la  comtesse  de  Damas,  née  Langeron, 
qui  l'avait  connu  intimement  pendant  sa  rési- 
dence en  France,  et  qui  avait  trouvé  un  refuge  dans 
sa  maison  à  Seine-port  pendant  les  journées  de  la 
terreur,  a  tracé  en  plusieurs  pages  son  carac- 
tère dans  les  traits  les  plus  flatteurs  (mai  1795), 
un  an  après  le  départ  de  Morris  de  France.  Le 
portrait  est  vrai,  bien  qu'on  y  voie  la  main 
d'une  amie;  mais  cette  amie  est  franche  et  ne  l'é- 
pargne pas  sur  certains  défauts  auxquels  nous 
avons  fait  allusion.  A  l'extérieur,  Morris  ressem- 
blait tellement  à  Washington,  qu'à  Paris  il  posa 
comme  modèle  au  sculpteur  Houdon.  J.  Cbandt. 

The  Life  0/  Gouverneur  Morris  icith  sélections  from 
kis  correspondenre,  by  Jured  Sparks.  8  vol.;  Boston, 
1832  ;  traduit  de  l'anglais  par  Augustin  Gandais,  sous  le 
titre  de  Mémorial  de  G.  Morris,  homme  d'État  améri- 
cain, 2  vol.  in-8°  ;  Paris,  1842.  —  Encyclopxdia  Ameri- 
cana.  —  Cyclopsedia  0/  American  Literature. 

morrisok  {Robert),  orientaliste  anglais, 
né  le  5  janvier  1782,  à  Morpeth  (comté  de  Nor- 
thumberland  ) ,  mort  le  1er  août  1834-,  à  Canton. 
Ses  parents  étaient  d'humbles  commerçants  écos- 
sais, qui  ne  lui  donnèrent  qu'une  instruction  élé- 
mentaire. Sous  la  direction  d'un  ministre  de 


659  MORRISON 

Newcastle,  qui  s'intéressa  à  lui,  il  apprit  le  latin, 
l'hébreu  et  la  théologie,  et,  après  avoir  passé 
une  année  à  l'académie  non-conformiste  de  Hox- 
ton,  il  fut  admis  dans  la  société  des  missions 
(1805).  Il  opta  pour  la  Chine,  et  se  familiarisa 
par  des  études  sérieuses  avec  la  langue  de  ce 
pays.  Dès  qu'il  eut  reçu  les  ordres ,  il  s'embar- 
qua pour  Canton  (1807),  devint  en  1808  secré- 
taire interprète  près  des  subrécargues  de  la  Com- 
pagnie des  Indes,  et  faillit  en  1815  perdre  cette 
place ,  que  lui  seul  au  reste  avait  jusque  là  di- 
gnement remplie ,  par  suite  de  son  zèle  à  ré- 
pandre les  livres  sacrés.  Il  suggéra  l'idée  de  fon- 
der à  Malacca  un  collège  anglo-cbinois ,  dont  la 
présidence  fut  accordée  à  son  collègue,  le  savant 
Milne.  Sa  vie  n'offre  que  de  rares  incidents,  tels 
que  sa  visite  à  Singapour  (1822),  son  voyage  et 
son  séjour  en  Angleterre  (1824-1826),  et  son 
second  mariage;  il  faut  y  comprendre  aussi  la 
part  malheureuse  qu'il  prit  à  la  mission  de  lord 
Napier,  et  qui  causa  la  fièvre  pernicieuse  dont 
il  mourut,  à  l'âge  de  cinquante-deux  ans.  On  a 
de  lui  :  Horee  Sinicse  ;  Londres,  1812,  in-8°; 
—  A  Grammar  of  the  Chinese  Language  ;  Se- 
rampour,  ?18i5,  in-4°  :  cette  grammaire  était 
prête  depuis  plusieurs  années  lorsqu'elle  fut  im- 
primée par  la  presse  des  missions,  aux  frais  de 
la  Compagnie  des  Indes  ;  —  A  Dictionary  oj 
the  Chinese  Language;  Macao,  1815-1823, 
3  vol.  en  5  tora.,  gr.  in-4°.  D'après  le  plan  pri- 
mitif, abandonné  par  l'auteur,  ce  recueil  devait 
comprendre  tous  les  caractères  qui  se  trouvent 
dans  le  grand  Dictionnaire  Chinois  publié  en 
1716  en  32  vol.  par  ordre  de  Kang-hi,  empereur 
de  la  Chine,  ainsi  qu'un  essai  sur  les  caractères 
majuscules  et  sur  ceux  de  l'écriture  courante,  et 
des  exemples  de  leur  emploi  dans  les  phrases 
les  plus  usitées.  Rémusat  a  reproché  à  Morrison 
de  n'avoir  pas  suivi  ce  plan,  de  travailler  à  la 
hâte  et  de  trop  restreindre  son  œuvre.  Klaproth 
lui  a  aussi  fait  les  mêmes  objections  dans  son 
Dernier  Mot  (Paris,  1830,  in-8°);  —  Dialo- 
gues and  detached  Sentences  in  the  Chinese 
Language;  Macao,  1816,  gr.  in  8°;  —  A  View 
of  China,  for  philological  purpose,  contai- 
ning  a  sketch  of  Chinese  chronology,  geo- 
graphy,  government,  religion  and  cusloms; 
Macao,  1817,  in- 4°;—  Paralleldrawn  between 
the  two  intended  Chinese  dictionaries,  by 
R.  Morrison  and  A.  Montucci ,  iogether 
vyith  Morrison's  Hôrœ  Sinicœ;  Londres,  1817, 
in-4°:  l'éditeur  de  ce  volume  est  Montucci  lui- 
même,  auteur  du  parallèle;  —  Chinese  Miscel- 
lany,  wilh  translations  and  philological  re- 
marks ;  Londres,  1825,  gr.  in-4";  —  Vocabu- 
lary  of  the  Canton  Dialect;  Macao,  1828, 
in-8°.  Le  principal  ouvrage  de  Morrison  fut  sa 
version  chinoise  de  la  Bible,  qui  parut  depuis 
1810  jusqu'en  1818,  en  parties  détachées;  elle 
forme  environ  30  vol.  in-12,  et  a  été  fidèlement 
exécutée  d'après  la  version  anglaise.  Plusieurs 
des  livres  de  l'Ancien  Testament  ont  été  traduits 


—  MORSE  c 

par  le  docteur  Milne.  Morrison  connaissait  mie 
que  personne  les  imperfections  de  son  ouvra^ 
et  il  travaillait  à  en   donner  une  édition  co; 
plétement  nouvelle  lorsque  la  mort  le  surp 
Son  fils,  John- Robert  Morrison,  né  en  18  i 
à  Macao ,  lui  succéda  dans  la  place  d'interpr 
de  la  factorerie  anglaise  de  Canton.  En  184(  j 
accompagna  l'armée  à  Shangaï  et  à  Nankin,  i 
devint  ensuite  secrétaire  colonial  et  membre 
l'assemblée  législative  de  Hong-Kong;  il  mou 
dans  cette  île,  en  1843.  Il  a  publié  un  manuel!  j 
utile  aux  commerçants,  sous  le  titre  The  Chin  i 
commercial  Guide  (Canton,  1834).         K. 

Memoirs  of  the  Life  and  Correspoitdençe  of  R.  ifc  | 
rison ,  compiled  by  Jiis  ividow;  Londres,  1839,2  i 
in-8°.  —  A.  de  Rémusat,  Journ.  des  Savants,  août  1 

—  Convers.Lexikon. 

morse  (Jedidiah),  géographe  américain,  i 
en  1761,  à  Woodstock  (Connecticut),  mort  M 
juin  1826,  à  New^Haven.  Attaché  en  1789  com 
ministre  à  l'une  des  paroisses  de  Charlestov  i 
il  cessa  ses  fonctions  en  1821,  pour  se  retire! 
New-Haven.  Outre  des  livres  de  théologie  el 
piété ,  il  a  publié  un  abrégé  de  l'Histoire  de 
Nouvelle-Angleterre;  un  General  GazetteX 
un  Report  ofa  Touramong  the  Indians  (182 
et  un  bon  manuel,  Geography  of  the  Unitti 
States,  dont  la  première  édition  dafe  de  17. 
il  a  été  traduit  par  Pictet,  sous  le  titre  de  : 
bleau  de  la  situation   actuelle  des  Étal 
Unis  d'Amérique;  Paris,  1795,  2  vol.  in-8°. 

Allen,  American  Bioyraptiy. 

*  morse  (Samuel-Finley  Breeze),  invl 
teur  du  télégraphe  électriqueet  peintre  américs 
fils  du  précédent,  naquit  le  27  avril  1791-1 
Charlestown  (Massachusetts).  Il  fit  ses  éttM 
à  Yale,  sous  la  direction  du  docteur  DwiJ 
Entraîné  de  bonne  heure  par  un  goût  irréil 
tible  pour  la  peinture,  il  fit  un  voyage  en  1 
rope,  en  1811,  en  compagnie  de  W.  AllsM 
artiste  célèbre.  A  Londres  il  se  lia  d'amitié  ai 
C.-R.  Leslie,  travailla  dans  les  ateliers  de  Wi« 
et  fit  des  progrès  si  rapides  qu'il  exposa  j 
1813,  aux  applaudissements  des  connaisseuj 
Hercule  mourant  et  l'année  suivante  Le  ,} 
gement  de  Jupiter,  à  l'Académie  royale,  i 
1815  il  retourna  aux  États-Unis,  et  s'établit  ri 
bord  à  Boston,  puis  à  New-Hampshire,  oui 
gagnait  sa  vie  à  faire  des  portraits,  qui  étaij 
faiblement  rétribués.  En  1820  il  alla  se  fixe I 
Washington,  où  il  conçut  et  exécuta  le  pnl 
de  peindre  l'intérieur  de  la  chambre  des  repj 
sentants  et  de  l'orner  des  portraits  de  ses  nttl 
bres.  Mais  il  ne  retira  aucun  profit  de  cetravp 
qui  lui  avait  pris  beaucoup  de  temps  et  causé  H 
des  dépenses.  Pour  améliorer  sa  fortune,  il  vi  y 
en  1822,  chercher  de  l'occupation  à  New-Yop 
Ce  fut  là  que  pendant  la  visite  de  La  Fayette  ;f 
États-Unis  il  fit  le  portrait  de  l'illustre  ami  f 
Washington ,  et  contribua  à  la  fondation  f 
l'Athénseum.  Pour  se  perfectionner  dans  son  i 
il  entreprit,  en  1829 ,  un  nouveau  voyage  en  1 
rope,  visita    particulièrement  l'Angleterre, 


361 


MORSE 


662 


"rance,  l'Italie,  et  s'arrêta  quelque  temps  à  Pa- 
is et  à  Londres.  Ce  fut  pendant  son  retour  en 
Amérique,  en  1822,  que  lui  vint  l'idée  du  télé- 
;raphe  électrique.  Sur  le  paquebot,  un  passager 
e  mit  à  parler  des  expériences  qui  venaient 
'être  faites  avec  Paris ,  sur  l'électro-magné- 
isme,  dont  Oersted  et  Ampère  avaient  ré- 
élé  la  puissance  mystérieuse;  une  discussion 
'éleva  an  sujet  de  l'intervalle  de  temps  que  le 
uide  électrique  emploie  pour  traverser  un  fil  de 
*  de  cent  pieds  de  long.  Sur  la  remarque  d'un 
es  interlocuteurs ,  que  la  transmission  est  ins- 
mtanée ,  Morse  se  demanda  si  l'on  ne  pourrait 
as  se  servir  de  l'électricité  comme  d'un  moyen 
e  transmettre  la  pensée  à  une  distance  quel- 
Hique.  Ce  fut  là  pour  lui  un  trait  de  lumière, 
mnnenousTavonsentendu  raconter  à  lui-même. 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  plus  grandes  inventions 
î  découvertes  dont  le  genre  humain  puisse  se 
orilier,  ne  sont  jamais  dues  à  un  seul  individu; 
ueieurs  hommes,  appartenant  des  générations 
à  des  pays  différents,  y  ont  en  général  plus  ou 
oins  contribué.  Tel  est  aussi  le  cas  de  la  télé- 
aphie  électrique,  la  plus  grande  conquête  que 
génie  de  l'homme  ait  pu  faire  sur  l'espace  et  le 
Hïips,  résultat  de  la  plus  belle  application  qu'on 
:pu  faire  de  la  science.  Après  avoir  observé  que 
lectricité  parcourt  les  corps  avec  une  rapidité 
irême  (plus  de  70,000  lieues  par  seconde), 
lanklin  songea  le  premier  à  l'employer  à  la 
fcnsmission  des  dépêches.  Cette  idée  fut  re- 
lise par  Le  Sage  à  Genève,  en  1774,  près 
h  vingt  ans  avant  l'invention  de  la  télégraphie 
Jrienne.  Ce  savant,  dans  le  but  d'employer 
électricité  statique  à  la  transmission  de  la  pen- 
tje-,  avait  construit  un  appareil  composé  de 
ogt-quatre  fils  conducteurs,  séparés  les  uns 
ts  autres  et  plongés  dans  une  matière  iso- 
ate.  Chaque  fil  correspondait  à  un  électro- 
Ètre  particulier.  En  faisant  passer  la  décharge 
une  machine  électrique  ordinaire  à  travers  tel 
B  tel  de  ces  fils ,  on  produisait  à  l'autre  extré- 
pté,  où  était  suspendue  une  balle  de  sureau, 
f  mouvement  représentatil  de  telle  ou  telle 
Itre  de  l'alphabet.  De  1780  à  1800,  des  essais 
nnblables  furent  tentés  en  Allemagne  par  Rei- 
|f,  en  Espagne  par  Salva  et  Bethancourt.  Une 
le  nouvelle  s'ouvrit  pour  ce  genre  d?expériences 
lir  la  découverte  de  l'électricité  à  courant  con- 
Mk  (voy.  Volta).  En  1811,  Scemmering  ima- 
►»  un  appareil  composé  de  trente-cinq  filsiso- 
15,  qui  aboutissaient  à  trente-cinq  pointes  d'or 
Beéçs  au  fond  d'une  cuve  pleine  d'eau  ;  En  re- 
Ird  de  ces  pointes  se. trouvaient  écrits  les  dix 
lemiers  nombres  et  les  lettres  de  l'alphabet.  Au 
ornent  où  l'on  mettait  l'un  de  ces  fils  en  con- 
ît  avec  le  pôle  positif  et  un  autre  avec  le  pôle 
>  [gatif  de  la  pile  voltaïque,  deux  bulles  de  gaz, 
lin  d'oxygène  et  l'autre  d'hydrogène,  qui  se 
(gageaient  aux  deux  pointes  d'or  correspon- 
dîtes, indiquaient  des  signaux.  Vers  la  même 
loque,  l'Américain  Coxe  proposa  de  substituer 


au  télégraphe  aérien  un  système  fondé  sur  la 
décomposition  des  substances  chimiques  sous 
l'action  du  courant  de  la  pile  de  Volta.  En  1819, 
le  célèbre  physicien  danois  Œrsled  signala  l'ac- 
tion exercée  par  les  courants  électriques  sur 
l'aiguille  aimantée,  et  cette  importante  découverte 
de  l'électro-magnétisme  fut  bientôt  suivie  des 
travaux  si  remarquables  d'Ampère.  Dès  1820  le 
grand  physicien  français  imagina  un  appareil 
analogue  à  celui  de  Sœrnmering,  et  où  le  déga- 
gement des  bulles  de  gaz  était  remplacé  par  le 
mouvement  de  petites  aiguilles  aimantées.  Mais 
tous  ces  systèmes  avaient  l'inconvénient  d'être 
trop  compliqués;  aussi  tombèrent-ils  bientôt 
dans  l'oubli. 

Tel  était  l'état  de  la  question ,  lorsqu'elle  fut 
reprise  plus  sérieusement  par  M.  Morse.  Après 
plusieurs  essais  infructueux,  il  léussit  à  cons- 
truire un  appareil  (recording  eleclric  tele- 
grapli)  qu'il  fit  fonctionner  en  1835  dans  l'édifice 
de  l'université  à  New- York.  Deux  ans  après 
Weatstone  en  Angleterre, etSteinheil en  Bavière, 
inventèrent,  chacun  de  son  côté,  un  appareil  en- 
tièrement différent  de  celui  de  Morse.  Dès  ce 
moment  le  nombre  de  ceux  qui  suivaient  avec 
curiosité  le  développement  de  la  télégraphie  élec- 
trique commença  a  grossir.  Eu  1838,  M.  Morse 
se  rendit  en  Angleterre  pouryprendre  un  brevet; 
mais  on  le  lui  refusa,  sous  prétexte  que  l'inven- 
tion avait  déjà  été  publiée  partiellement  dans 
le  Journal  du  Commerce  de  New-York.  Dans 
la  même  année,  il  vint  à  Paris,  et  déposa  un  mo- 
dèle de  son  instrument  à  l'Académie  des  Sciences. 

Cependant,  ce  n'est  qu'en  1 844  (  le  27  mai  )  que 
Je  premier  télégraphe  électrique  fut  établi  aux 
États-Unis ,  entre  Baltimore  et  Washington  :  la 
première  dépêche  transmise  fut  l'annonce  de  l'é- 
lection de  James  Polk  à  la  présidence.  L'année  sui- 
vante,^ gouvernement  français,jalouxde  concoa- 
rir  à  la  mise  au  jour  d'une  aussi  grande  invention, 
demanda  aux  chambres  une  allocation  de  240,000 
francs.  Plusieurs  points  restaient  encore  à  éclair- 
cir.  La  commission  nommée  par  le  ministre  de 
l'inférieur,  et  dont  Arago  faisait  partie ,  s'était 
d'abord  posé  la  question  que  voici  :  «  Peut-on 
transmettre  le  courant  électrique  avec  assez  peu 
d'affaiblissement  pour  que  des  communications 
régulières  s'établissent  d'un  seul  trait,  sans  sta- 
tion intermédiaire,  par  exemple  entre  Paris  et  le 
Havre?  »  Pour  répondre  à  cette  question,  la  com- 
mission fit  passer  le  courant  électrique  par  un  fil 
de  cuivre,  établi,  le  long  du  chemin  de  fer  de 
Rouen,  sur  des  poteaux  de  bois  placés  de 
50  mètres  en  50  mètres ,  et  fit  revenir  ce  cou- 
rant par  un  autre  lil  semblable,  placé  immédia- 
tement au-dessous;  son  intensité  était  mesurée 
,  par  la  déviation  que  le  courant  imprimait  à  une 
aiguille  de  boussole.  On  trouva  ainsi  que  le 
courant  produit  à  Paris  et  transmis  à  Mantes, 
le  long  du  premier  fil,  revenait  par  la  terre  beau- 
coup mieux  que  par  le  second  fil  :  la  terre  fai- 
sait donc,  dans  cette  expérience,  un  conducteur 


663 


MORSE  —  MORTCZINNI 


66 


beaucoup  plus  utile  que  le  second  fil  métallique. 
On  se  demanda  ensuite  :  Comment  est-il  pos- 
sible avec  un  seul  courant  d'effectuer  des  signes 
différents  ?  En  d'autres  termes ,  comment  peut- 
on  produire  cette  intermittence  de  mouvement 
si  nécessaire  dans  toute  application  d'une  force 
quelconque?  —  On  sait  qu'en  faisant  circuler  un 
courant  électrique  le  long  d'un  fil  roulé  en  hélice 
autour  d'une  tige  de  fer  doux  on  aimante  cette 
tige  momentanément,  mais  non  pas  d'une  manière 
permanente,  comme  on  le  ferait  si  au  lieu  de 
fer  doux  en  employait  de  l'acier.  Le  fer  doux 
ainsi  aimanté  peut,  tout  comme  l'aimant  per- 
manent, attirer  une  pièce  de  fer  neutre.  Mais 
avec  le  premier  il  suffit  d'interrompre  le  courant 
pour  arrêter  le  mouvement,  tandis  qu'une  telle 
intermittence  ne  pourrait  s'obtenir  avec  l'aimant 
permanent.  Là  est  tout  le  secret  du  procédé  :  c'est 
en  faisant  naître  et  disparaître  alternativement  la 
force  attractive  dans  une  masse  de  fer  qu'on  peut 
transmettre  à  une  seconde  station  tous  les  signaux 
partis  d'une  première.  De  ce  principe  si  simple 
découlent  les  divers  systèmes  télégraphiques  ima- 
ginés depuis.  D'après  ce  qui  précède,  il  sera  facile 
de  comprendre  lesystèmequi  fut  d'abord  inventé 
par  M.  Morse.  A  la  station  où  doit  arriver  la  dé- 
pêche,  ayons    une  longue  bande    de  papier 
qui  puisse  se  mouvoir  entre  deux   rouleaux   au 
moyen  d'un  mécanisme  quelconque.  Au-dessus 
•de  la  bande  de  papier  se  place  la  pièce  de  fer, 
destinée  à  être  alternativement  aimantée  et  non 
aimantée  :  son  mouvement  de  bascule  entraîne 
un  pinceau.  Au  moment  où  le  courant  passe,  la 
pièce  est  attirée  par  une  masse  de   ferstation- 
naire;  elle  bascule,  et  pousse  le  pinceau  jusqu'au 
papier.  C'est  de  la  durée  de  ce  courant  que  dé- 
pendra la  variété  des  signaux.  S'il  ne  dure  qu'un 
instant,  le  pinceau  ne  tracera  qu'un  point;  s'il  a 
duré  un  peu  plus ,  le  pinceau  ne  se  relèvera 
qu'après  avoir  imprimé  sur  le  papier  un  trait 
d'une  longueur  sensible.  On  peut  ainsi  faire  suc- 
céder un  point  à  un  point,  un  point  à  un  trait, 
intercaler  un  point  entre  deux  traits,  un  trait 
entre  deux  points,  etc.,  produire,  en  un  mot, 
tous  les  signaux  nécessaires  à  la  correspondance 
la  plus  variée.    Avec  le  procédé  de  M.  Morse, 
qui  reçut  bientôt  en  France  d'importantes  mo- 
difications,  on   parvint  dès  1845  à  noter  jus- 
qu'à 84  signaux  dans  une  minute.  Ce  procédé 
fut  en  1831  adopté  en  Allemagne,  et  en  1856 
les  différents   gouvernements,   représentés   au 
congrès  de  Paris,  allouèrent  à  l'illustre  inventeur 
une  somme  de  400,000  fr.,  à  titre  de  récompense. 
M.  Morse,  passionné  pour  tout  ce  qui  est  vrai, 
utile  et  beau ,  n'a  pas  renoncé  à  son  art  favori  ; 
heureux  au  sein  de  sa  famille,  il  continue  de  cul- 
tiver la  peinture  avec  succès  dans  sa  résidence  de 
Locust-Grove,  deux  milles  au  sud  de  Ponghkeep- 
sie ,  sur  les  bords  de  l'Hudsoo.        F.  Hoefer. 

Shaffner,  Telenraph  Companion  ,  vol.  I  et  II  (New- 
York  )  ;  185*.  —  Ttie  Guide  (Journal  Américain  ),  p.  61.  — 
Moniteur  du  29-  avril  1845  [Discours-  de  M.  Arago  à  la 
chambre  des  députés.—  Documents  particuliers. 


mouso  (Salvatore),  érudit  italien,  né  le 
février  1766,  à  Palerme,  où  il  est  mort,  le  14  f 
vrier  1828.  Après  avoir  été   reçu   docteur  ( 
philosophie ,  il  embrassa  l'état  ecclésiastique, 
trouva  dans  l'archevêque  Airoldi  un  bienveilla 
protecteur  de  ses  travaux.  Il  s'adonna  princip; 
lement  à  l'étude  des  langues  orientales ,  puis 
celle  des  antiquités  de  la  Sicile.  En  1814  il    , 
partie  de  la  chambre  des  communes  et  en  18! 
il  devint  recteur  de  l'université  de  Palerme,  ( 
pendant  plusieurs  années  il  avait  occupé  la  chai  ■ 
d'arabe.  On  a  de  lui  :  Locmanni  sapientis  F 
bulse  arabicas,  cum  interprétations  latina 
notis  Thomas  Erpenii;  accedunt  notae,  lex\ 
con  arabico-latinum  et  primorum  gramrn 
tices   elcmentorum  tabulée;   Palerme,  179 
in-8°  ;  —  Spiegazione  di  due  lapidi  esister< 
nella  chiesa  di  San-Michele  Arcangelo;  ibk 
1813,  in-4°;  —  Sistema  di  tachigrafia  itë 
liana;  ibid.,  1813,  in-8°;  —   Desciizione    I 
Palermo  antico  ;  ib\à.,  1827,  in-8";  cetouvrag 
le  meilleur  de  l'auteur,  avait  déjà  paru  dans 
Giornale  letterario  di  Sicilia  (tomes  VIII 
XIII  ).  P. 

Mortillaro,  Elogio  di  S.  Morso,  dans  le  t.  Ier  de  1 1 
Opère  (Palerme,  1835). 

mortagne  (Gautier  de).  Voy.  GautieI 
mortagon,  roi  des  Bulgares,  tué  en  82 
En  815,  peu  de  temps  après  son  avènement, 
conclut  la  paix  avec  l'empereur  grec  Léon,  do  ; 
les  troupes  venaient  de  traiter  le  pays  bulga  ' 
avec  la  plus  grande  cruauté.  En  823,  apprena 
le  danger  que  courait  l'empereur  Michel  le  Bègi 
assiégé   dans  Constantinople    par  l'usurpate 
Thomas ,  il  annonça  à  Michel  qu'il  marchail 
son  secours  ;  l'empereur,  très-avare  et  craigna 
d'avoir  à  payer  chèrement  l'aide  des  Bulgare 
manda  à  Mortagon  qu'il  saurait  bien  se  défend 
tout  seul  contre  Thomas.  Mais  le  roi,  avide  ji 
butin ,  prétendit  être  obligé  par  son  traité  avj] 
Léon  de  secourir  l'empire;  il  vint  avec  une  al 
mée  considérable  camper  devant  Constantinop 
à  quelque  distance  des  rebelles.  Attaqué  parTh 
mas ,  il  remporta  une  éclatante  victoire ,  q  la 
consolida  le  trône  de  Michel.  En  826  Mortagi 
fut  tué,  tandis  que  ses  ambassadeurs  étaient 
la  cour  de  Louis  le  Débonnaire  pour  traiter  d 
limites  de  leur  pays.  0. 

Cedrenus.  —  Zonaras.  —  Eglnhard,  annales. 
mortczisxi  (Frédéric-Joseph,  baron  de  !  i 
sectaire  allemand ,  né  àBautzen,  vers  le   ni  N 
lieu  du  dix-septième   siècle,  mort  après  179 
Il   s'appelait  en  réalité   Jean-Théophile  He>i 
mann.  En  1779  il  se  fit  inscrire  sous  le  fai  j 
nom  de  Morlczinni  parmi  les  étudiants  en"  thé  1 
logie  à  l'université  de  Wittemberg,  prétenda 
avoir  subi   en   Moravie  de    cruelles   perséci 
tions  à  cause  de  sa  religion.  Pendant  les  anné 
suivantes,  il   parcourut  une   grande  partie  <  " 
l'Allemagne  du  nord  et  plusieurs  villes  de  Pu  | 
logne,  prêchant,  élevant  des  controverses  rel 
gieuses,  et  faisant  de  nombreux  disciples,  qu 


365  MORTCZINNI  — 

ntéressait  à  son  sort  par  des  récits  merveilleux.  | 
in  1786  il  s'établit  à  Copenhague,  et  voulut  y 
onder  une  loge  de  francs-maçons  en  concur- 

ence  avec  celle  qui  existait  déjà  ;  son  entreprise 
\  choua.  Les  nombreux  ennemis  qu'il  s'était  faits 
[ar  son  humeur  agressive  et  violente  décou- 
|  rirent  qu'il  était  (ils  d'un  marchand  d'écureuils, 
'  u'il  n'avait  jamais  fait  d'études ,  que ,  placé 
',  ar  son  père  chez  un  avoué,  il  setait  sauvé 
'  ientôt  après  de  sa  ville  natale,  où  il  avait  laissé 
i  l  réputation  d'un  mauvais  sujet  Ces  décou- 

ertes  n'empêchèrent  pas  plusieurs  personnes 
;e  lui  confier  l'instruction  religieuse  de  leurs 

ifants  ;  cependant  en  se  vantant  publiquement 

l1  pouvoir  enseigner  selon  le  désir  de  ses 
i\  èves  les  dogmes  des  trois  confessions  chré- 

innes,  il  donnait  la  mesure  de  sa  valeur.  On 
|[î  sait  pas  ce  qu'il  est  devenu  à  partir  de  1790. 
I  a  publié  plusieurs  opuscules  théologiques  et 

cétiques.  O. 

l-i  Roterniund  ,  Suppl.  à  JOclier.  —  Meuscl ,  lex. 

■  mortellari  (Michèle),  compositeur  ita- 
l«n,  né  en  1750,  à  Païenne,  mort  vers  1810. 
■nvoyé  à  Naples,  où  il  reçut  des  leçons  de  Pic- 
Bai  ,  il  n'avait  que  vingt  ans  lorsqu'il  écrivit  à 
■tome  son  premier  opéra,  intitulé  :  Troja  dis- 
muita.  Il  parcourut  ensuite  les  principales  villes 
Italie,  et  se  fit  connaître  par  plusieurs  ouvrages, 
l'on  trouve  des  morceaux  d'une  facture 
iréahle  et  facile.  Vers  la  fin  de  1785  il  se  rendit 
■ondres,  et  y  publia  plusieurs  recueils  de  chan- 
ts et  d'ariettes,  remarquables  par  une  certaine 
iveté.  Des  douze  opéras  qu'il  a  fait  représen- 
nous  citerons  Didone  abbandonata  (1771), 
Astuzie  amorose  (1775),  Êzio  (1777),  Ar- 
'a  (1778),  Alessandro  nelV  Itidie  (1779),  et 
ramide  (1785).  P. 

Is,  liiogr.  univ.  des  Musiciens. 
ORTEMAKT,  ancienne  famille  française  des 
inches  de  la  famille  de  Rocheçhouart;  elle  a 
mr  tige  Guillaume,  second  fils  d'Aimery  VIII, 
imte    de    Rocheçhouart,     mort  en    1272. 
mi  ses  descendants,  les  plus  connus  sont  : 
àmery  Ie?,  sénéchal  de  Toulouse  et  d'Albi- 
en  1351,  et  capitaine  pour  le  roi  en  Poitou, 
iusin  et  Saintonge. 
rean  1er,  mort  vers  1444,  chambellan  de 
iiarles  VII,  qui  lui  donna  en  1426  le  gouverne- 
lent  de  La  Rochelle. 
\enè,  baron  de  Mortemart,  né  en  1528,  mort 
1587.  Dès  l'âge  de  quinze  ans  il  suivit  son 
e  François  au  siège  de  Perpignan  ;  ensuite  il 
trouva  au  siège  d'Épernay,  à  la  défense  de 
itz  (1552),  à  Hesdin,  où  il  fut  pFis  les  armes  à 
main ,  aux  prises  de  Poitiers  et  de  Rouen,  et 
batailles  de  Saint-Denis ,  de  Jarnac  et  de 
•nteontour.  Il  fit  de  grandes  dépenses  pour 
•venir  aux  frais  de  la  guerre  contre  les  hugue- 
ts,  et  commanda  une  compagnie  d'ordonnance, 
|  e  l'on  citait  comme  l'une  des  mieux  entrete- 
es  de  l'armée  royale.  Henri  III  lui  donna  en 
10  le  collier  du  Saint-Esprit.  De  son  mariage. 


MORTEMART  666 

avec  une  fille  du  maréchal  de  Tavannes,  il  eut 
dix  enfants,  dont  deux,  René  et  Aimé,  devinrent 
chefs  des  branches  deMonlpipeauetde  Tonnay- 
Cliarente. 

Gabriel,  marquis,  puis  duc  de  Mortemart, 
né  en  1600,  mort  le  26  décembre  1675,  à  Paris. 
Il  fut  chevalier  des  ordres,  premier  gentilhomme 
de  la  chambre  et  gouverneur  de  Paris.  11  se  fit 
remarquer  à  la  cour  par  son  esprit ,  son  amabi- 
lité et  son  instruction.  Il  obtint  en  1650  l'érec- 
tion du  marquisat  de  Mortemart  en  duché-pairie; 
mais  les  lettres  patentes  ne  furent  enregistrées  au 
parlement  que  le  15  décembre  1663.  Il  est  moins 
célèbre  par  lui-même  que  par  ses  enfants,  le  duc 
de  Vivonne,  Mmes  de  Montespan  et  de  Thianges 
etl'abbesse  de  Fontevrault  [voy.  ces  noms).  P.  L. 

MORTEMART  (  LoUÎS  DE  ROCHECHOUA.RT,  duc 

de),  général  français,  né  le  3  octobre  1681, 
mort  le  30  juillet  1746,  à  Soisy-sous-Étiolles. 
Arrière-petit- fils  du  précédent,  il  porta  d'abord 
le  nom  de  prince  de  Tonnay- Charente,  et  prit 
celui  de  duc  de  Mortemart  à  la  mort  de  son  père 
<3  avril  1688).  Entré  aux  mousquetaires  en  1699, 
il  eut  une  compagnie  de  cavalerie  (1700),  avec 
laquelle  il  fit  une  campagne  en  Italie,  et  devint 
colonel  du  régiment  de  son  nom  (30  mars  1702). 
Après  avoir  servi  en  Allemagne  et  en  Flandre,  il 
contribua,  en  1707,  sous  les  ordres  de  Villars,  à 
la  soumission  du  Palatinat ,  combattit  à  Oude- 
narde  et  à  Malplaquet,  et  se  distingua  par  plu- 
sieurs actions  d'éclat  à  la  défense  de  Douai. 
Créé  maréchal  de  camp  (1710),  il  continua  de 
servir  en  Flandre,  passa  en  1714  en  Catalogne, 
et  assista  au  siège  et  à  la  prise  de  Rarcelone.  Le 
30  mars  1720,  il  fut  nommé  lieutenant  général. 
En  1710  il  avait  remplacé  le  duc  de  Beauvilliers, 
son  beau-père,  dans  la  charge  de  premier  gentil- 
homme de  la  chambre.  P.  L. 

Moréri,  Grand  Dict.  Hist.  —  Le  Mercure,  juillet  1746. 

mortemart  (Victurnien-Jean  -Baptiste- 
Marie  de  Rocheçhouart,  duc  de),  général  fran- 
çais, né  à  Éverly  (Seine-et-Marne),  le  8  février 
1752,  mort  à  Paris,  le  4  juillet  1812.  Élève  de 
l'école  d'artillerie  de  Strasbourg  en  octobre  1768, 
il  fut  nommé  le  20  mars  1774  colonel  du  régi- 
ment de  Lorraine ,  brigadier  d'infanterie  le 
Ier  janvier  1784,  et  maréchal  de  camp  le  9  mars 
1788.  La  noblesse  des  bailliages  de  Guéret  et  de 
Sens  le  députa  aux  états  généraux  ;  mais  il  se 
démit  de  ces  fonctions  en  1789,  et  émigra.  Il  fit 
à  l'armée  des  princes  la  campagne  de  1792,  et 
passa  ensuite  en  Angleterre,  où  le  roi  Georges  III, 
qui  l'accueillit  avec  bienveillance,  lui  permit  de 
lever  un  corps  de  Français  émigrés,  que  paya  le 
gouvernement  britannique,  et  dont  il  prit  le 
commandement.  Il  revint  sur  le  continent  en 
octobre  1794,  fit  partie  des  troupes  qui  en  1795 
débarquèrent  à  Guernesey,  et  passa  l'année  sui- 
vante au  service  du  Portugal,  où  il  demeura  jus- 
qu'en 1802,  époque  où  le  régiment  qu'il  com- 
mandait fut  licencié.  De  retour  en  France ,  H 
devint,  le  26  mars  1812,  membre  du  conseil  gé- 


66T  MORTEMART 

néral  de  là  Seine,  mais  ne  remplit  que  fort  peu  . 
de  temps  ces  fonctions.  Il  cultivait  les  lettres,  et  a 
laissé  inédits  un  poëme  biblique,  intitulé  :  Joseph 
en  Egypte,  une  traduction  du  Paradis  perdu  de 
Milton  et  diverses  poésies  légères.  H.  F. 

De  Courcelles,  Dict.  des  Pairs  de  Franee,  VIII. 

mortemart  (  Victurnien - Bonaventure- 
Victor  de  Rochechouart,  marquis  de),  général 
français,  frère  du  précédent  né  à  Éverly  (  Seine- 
et-Marne),  le  28  octobre  1753,  mort  à  Paris,  te 
16  janvier  1823.  Entré  en  octobre  1768  à  l'école 
d'artillerie  de  Strasbourg,  il  fut  nommé  capitaine 
dans  le  régiment  de  Navarre,  et  passa  ensuite  dans 
celui  de  Lorraine,  dont  son  frère  aîné  était  colonel. 
Devenu,  en  1778,  colonel  en  second  du  régiment 
de  Brie,  il  reçut  en  mai  1784  le  brevet  de  colonel 
commandant  de  celui  de  Navarre,  et  fut  nommé 
maréchal  de  camp,  le  1er  mai  179L  Député  à 
l'Assemblée  constituante  par  la  noblesse  du  bail- 
liage de  Rouen  ,  il  y  manifesta  son  attachement 
aux  principes  monarchiques,  et  se  montra,  mais 
en  vain,  un  des  défenseurs  du  trône.  En  1791 
il  suivit  les  princes  dans  leur  émigration  et  après 
avoir  fait  sous  leurs  ordres  la  campagne  de  1792, 
il  prit  un  commandement  dans  un  corps  de  Fran- 
çais émigrés  à  la  solde  anglaise,  levé  par  le  duc, 
son  frère,  et  y  servit  comme  lieutenant-colonel. 
Il  accompagna  ce  dernier  sur  le  continent  en  oc- 
tobre 1794,  puis  à  Guernesey  en  1795,  et  passa 
l'année  suivante  en  Portugal ,  d'où  la  paix  d'A- 
miens lui  permit  de  rentrer  en  France,  en  1802. 
M.  de  Mortemart  fut  nommé  en  1809  membre  du 
conseil  général  de  la  Seine-Inférieure,  et  ce  furent 
les  seules  fonctions  qu'il  remplit  sous  l'empire.  A 
son  retour,  Louis  XVIII  le  fit  lieutenant  général, 
le  3  mars  1815,  et  l'éleva  à  la  pairie,  le  17  août 
suivant.  H.  F. 

Éloge  du  marquis  de  Mortemart,  prononcé  par  le  duc 
de  Crillon  à  la  chambre  des  pairs,  séance  du  12  février 


mortemart  (Victor-Louis-Victumien  de 
Rochechouart,  comte,  puis  marquis  DE),°pair  de 
France,  fils  du  précédent,  né  à  Colmesnil  (Seine- 
Inférieure),  le  12  août  1780,  mort  à  Paris,  le  29 
janvier  1834.  Il  émigra  avec  sa  famille  en  1791, 
et  après  avoir  terminé  son  éducation  en  Alle- 
magne, comme  il  ne  pouvait  tomber  sous  le 
coup  des  lois  portées  contre  les  émigrés,  il  ren- 
tra en  France  au  mois  d'avril  1799,  et  trois  ans 
après  il  épousa-Anne-Éléonore  Pulchérie  de 
Montmorency,  qui  le  10  février  1806  fut  nommée 
dame  du  palais  de  l'impératrice.  Le  comte  de  Mor- 
temart fut  lui-même  pourvu  en  1808  du  gouverne- 
ment du  château  de  Rambouillet  et  devint  l'année 
suivante  membre  de  la  Légion  d'Honneur.  Après 
la  restauration,  il  fut  en  1819  et  1820  président 
de  l'une  des  sections  du  collège  électoral  de  la 
Seine -Inférieure,  et  succéda  comme  pair  de 
France  à  son  père,  dans  la  séance  du  10  avril 
1823.  Le  roi  le  nomma  l'année  suivante  prési- 
dent du  conseil  général  de  son  département,  et 
Charles  X  le  fit  commandeur,  puis  grand-officier 
de  la  Légion  d'Honneur  (22  mai  1825  et  29  oc- 


tobre 1826).  Ces  faveurs  royales  n'empêchèrt 
point  le  marquis  de  Mortemart  de  prêter  s 
appui  au  gouvernement  de  Juillet.  II  a  laissé 
assez  grand  nombre  de  poésies  manuscrit! 
notamment  une  imitation  d'Obéron,  de  Wielai 

H.  F, 
De  Courcelles.  Dict.  des  Pairs  de  France,  Vin.  _  j 
niteur  univ.,  1834,  p.  212. 

*  mortemart  (Casimir-Louis-Victurm  '■ 
de  Rochechouart,  duc  de),  diplomate  et  géi 
rai  français,  né  à  Paris, le  20  mars  1787.  Fils  ' 
V.-J.-B.-M.,  duc  de  Mortemart  et  d'Adélaïd 
Pauline-Rosalie  de  Cossé-Brissac,  il  émigra 
1791  avec  sa  famille,  qui  le  fit  élever  en  /| 
gleterre ,  et  ne  revint  en  France  qu'en  18<  j 
Entré  au  service,  dans  les  gendarmes  d'J 
donnance,  en  septembre  1803,  il  obtint  i 
sous-lieutenance  au  1er  régiment  de  dragc 
(10  février  1806),  et  fit  les  campagnes 
Prusse  et  de  Pologne.  Il  assista  aux  comb 
de  Pultusk  et  de  Golymin,  où  il  fut  blessé, 
la  fermeté  avec  laquelle  il  soutint  à  FriedU 
les  attaques  des  Russes  lui  mérita  la  croix 
la  Légion  d'Honneur  (1er  octobre  1807).  Lii 
tenant  au  25e  régiment  de  dragons  et  aide-i 
camp  du  général  Nansouty  (2  et  10  mars  18C< 
il  devint  capitaine  au  même  corps  (26  jui 
suivant),  et  se  distingua  aux  journées  de  Rai 
bonne,  d'Essling  et  de  Wagram.  Napoléon 
le  nomma  (12  février  1811)  l'un  de  ses  offici 
d'ordonnance  et  le  chargea  de  plusieurs  missii 
importantes,  entre  autres  de  l'inspection  gé 
raie  des  côtes  de  Hollande  et  de  Danema 
M.  de  Mortemart  rejoignit  4a  grande  armé 
Posen  et  fit  en  1812  la  campagne  de  Russie,  p 
dant  laquelle  il  reçut  le  titre  de  baron  de  1!< 
pire.  Échappé  aux  désastres  de  la  retraite 
Moscou,  il  rentra  en  France  avec  une  santé 
lement  délabrée  qu'il  ne  put  prendre  part  qu'i 
derniers  événements  de  la  campagne  dé  18 
Il  combattit  néanmoins  à  Leipsick  et  à  Han:> 
et  sa  conduite  dans  cette  dernière  bataille 
valut  d'être  promu  officier  de  la  Légion  d'H< 
neur  (30  novembre  1813).  Dans  la  campagne 
1814,  il  fut  chargé  de  présenter  à  Marie-Lot; 
les  drapeaux  pris  sur  les  alliés  à  Champ-Aubi 
à  Nangis  et  à  Montereau,  et  se  trouvait  à  1 
ris  au  31  mars.  Un  des  premiers,  il  adhi 
à  la  déchéance  de  Napoléon  ;  Lonis  XVIII 
nomma  pair  de  France  (4  juin  1814),  et  ca 
taine-colonel  des  Cent-Suisses  de  sa  garde,  pi 
occupée  avant  la  révolution  par  le  duc  de  Bi 
sac,  son  aïeul  maternel.  Créé  chevalier  de  Sai 
Louis  (25  août),  il  escorta  les  princes  au  20  m 
1815  jusqu'à  Béthune,  où  la  maison  militaire 
roi  fut  licenciée,  rejoignit  peu  après  Louis  XV 
à  Gand,  et  rentra  avec  lui  au  mois  dejuilleti 
vant.  Grâce  à  ses  connaissances  militaires , 
réorganisa  sur  de  nouvelles  bases  sa  compng 
des  gardes  à  pied  ordinaires  du  roi,  et  en  fit 
véritable  corps  d'élite.  Ses  services  et  sa  fidé 
furent  successivement  récompensés  parles  tit 


9  MORTEMART 

major  général  de  la  garde  nationale  de  Paris 
»  octobre  1815),  de  maréchal  de  camp  (22  no- 
nbre),  de  chevalier  des  ordres  du  roi  (30  mai 
>5),  d'ambassadeur  en  Russie  (mars  1828), 
enlin  de  lieutenant  général  (23  octobre  sui- 
it).  De  relour  de  Saint-Pétersbourg,  en  1830, 
e  ren  lait  aux  eaux  lorsque,  passant  à  Ver- 
les,  il  apprit  les  événements  qui  se  dérou- 
■ntà  Paris,,  et  accourut  aussitôt  à  Saint-Cloud, 
il  supplia  le  roi  de  prendre  de  promptes  me- 
ts. Charles  X,  après  avoir  longtemps  résisté, 
l  faire  à  la  révolution  une  concession  suffi- 
le  en  autorisant  (  29  juillet  )  M.  de  Morte- 
rt  à  former  un  nouveau  cabinet,  dont  il  le 
nma  président.  Le  duc  refusa  d'abord,  pré- 
lant  qu'un  tel  fardeau  était  au-dessus  de  ses 
:es;  vaincu  cependant  par  l'insistance  du  roi, 
descendit  jusqu'à  la  prière,  il  accepta,  et 
int  du  monarque  le  rapport  des  ordon- 
ees,  le  rétablissement  de  la  garde  natio- 
;  et  la  convocation  presque  immédiate  des 
rabres.  Malheureusement  son  retard,  en- 
ragé par  l'entêtement  de  Charles  X,  à  se 
tenter  en  personne  à  la  réunion  des  députés 
sidée  par  Laffitte,  et  à  l'hôtel  de  ville,  où  il 
oya  le  comte  de  Sussy,  contribua  à  la  dé- 
once  de  la  branche  aînée ,  et  ce  fut  à  lui  que 
ard,  député  de  Seine-et-Oise,  répondit  le  mot 
eou  célèbre  :  «  II  est  trop  tard  !  »  S'installant 
omoins  au  Luxembourg,  M.  de  Mortemart  pré- 
i  quelques  projets  de  loi  destinés  à  conjurer 
situation,  eut  une  entrevue  avec  le  duc  d'Or- 
ts,  qui  l'assura  de  son  inaltérable  dévouement 
ichef  de  sa  race;  mais  le  31  juillet,  après 
»r  vu  son  autorité  méconnue  dans  les  bureaux 
'■Moniteur,  repoussée  par  la  chambre  des 
otés  et  insultée  à  l'hôtel  de  ville,  le  dernier 
istre  de  Charles  X  reconnut  son  impuissance 
«prit  le  chemin  de  Saint-Cloud. 
''ne  fois  la  révolution  consommée,  M.  de  Mor- 
lart,  qui  déjà  dans  la  chambre  des  pairs  s'é- 
signalé  par  quelques  votes  favorables  à  la 
se  libérale,  prêta  son  concours  à  la  nouvelle 
astic,  qui  le  5  janvier  1831  le  nomma  am- 
sadeur  extraordinaire  en  Russie,  le  chargea 
ae  mission  spéciale  auprès  de  l'empereur  Ni- 
ts  et  le  promut  (8  janvier  1831  )  grand'. croix 
a  Légion  d'Honneur.  En  octobre  de  cette  an- 
,  il  succéda  définitivement  au  maréchal  duc 
Trévise  comme  ambassadeur  à  Saint- Pé- 
bourg,  et  conserva  ce  poste  jusqu'en  1833. 
moment  écarté  de  la  scène  politique ,  par  la 
olution  de  février,  il  fut  le  31  août  1849  ré- 
i  dans  le  cadre  de  l'état-major  général ,  et 
ant  rall.ié  au  parti  napoléonien,  il  reçut  plus 

1  le  commandement  de  la  19e  division  mili- 
e  (Bourges).  Un  décret  impérial  du  27  mars 

2  l'appela  à  siéger  au  sénat.         H.  Fisqbet. 

Blanc,  Histoire  de  Dix  Ans,  tome  I,  chap  v  et  vi. 
)e  Vaulabclle,  Histoire  des  deux  Restaurations , 
'.  VIII,  ch.  v  et  vi.  —  A.  Mazas,  Mission  de  M.  de 
•temart.  —  S  Bérard,  Souvenirs  historiques.  —  Châ- 
briand ,  Mémoires. 


MORTIER 


670 


5  mohtemakt-eoisse  (  François- Jérôme- 
Léonard,  baron  de),  littérateur  et  agronome  fran- 
çais, né  le  12janvierl785,àVersailles.  11  descend 
d'une  ancienne  famille  originaire  de  la  Marche(l). 
Admis  fort  jeune  au  service,  il  se  distingua  au 
siège  de  Stralsund  (1807),  au  combat  de  Nen- 
mark  et  à  la  bataille  d'Essling  (1809),  où  il  ob- 
tint la  croix  d'Honneur.  Les  blessures  qu'il  avait 
reçues  pendant  cette  journée  le  forcèrent  à 
prendre  sa  retraite  comme  adjudant  -  major. 
Nommé  en  1813  sous-préfet  de  Remiremont,  il 
organisa  contre  les  Russes  la  levée  en  masse  de 
l'arrondissement.  Après  le  20  mars  1815,  il 
exerça  les  mêmes  fonctions  au  Havre  et  fut  ap- 
pelé dans  le  mois  de  juin  à  la  préfecture  d'Eure- 
et-Loir  ;  mais  il  donna  presque  aussitôt  sa  dé- 
mission. Depuis  cette  époque  il  s'est  occupé  de 
travaux  littéraires  et  agricoles.  Il  est  membre 
d'un  grand  nombre  d'ordres  étrangers  et  de  so- 
ciétés savantes.  On  a  de  lui  :  Recherches  sur 
les  différentes  Races  de  Bêtes  à  laine  de  la 
Grande-Bretagne  ;  Paris,  1824,  in-8°;  —  Con- 
sidérations sur  Vindustrie  anglaise;  Paris, 
1826,  in-8%  —  Des  Races  ovines  de  l'Angle- 
terre, ou  guide  de  l'éleveur  de  moutons  à 
longue  laine;  Boulogne-sur-Mer,  1827,  in-8°; 
—  Le  Touriste,  histoire,  voyages  et  scènes 
intimes;  Paris,  1834,  in-8°;  —  Voyage  pitto- 
resque dans  le  grand-duché  de  Bade;  Paris, 
1836,  in-4°,  fig.  ;  —  Nécessité  de  modifier  l'é- 
tat  actuel  de  la  législation  sur  les  biens  com- 
munaux; Paris,  1839,  in-8°;  —  Voyage  dans 
les  landes  de  Gascogne;  Paris,  1840,  in- 8°; 
l'auteur  y  rend  compte  des  progrès  qu'a  réalisés 
la  colonie  agricole  d'Arcachon  ;  —  La  Vie  élé- 
gante à  Paris  ;  Paris,  1857,  1858,  in- 18. 

M.de  Mortemart-Boisse  a  été  l'un  des  fondateurs 
de  la  Revue  des  Deux  Mondes,  où  il  a  publié 
divers  articles  historiques  et  littéraires.  11  a  col- 
laboré au  Cultivateur,  à  La  Maison  rustique, 
à  L'Europe  littéraire  et  au  Cent  et  un  sous  le 
nom  de  lord  Wigmore;  aux  Heures  du  soir 
sous  celui  de  lady  Mortimer  ;  au  Livre  rose 
sous  celui  de  la  comtesse  de  Marle-Mortemart, 
son  aïeule;  au  Panorama  littéraire,  au  Plu- 
tarque  français,  au  Livre  des  Conteurs,  etc. 

P.  L-Y. 

Les  Tablettes  militaires.  —  Ae  Biographe  et  le  Nécro- 
loge. —  Daniel  de  Saint- Anthoine,  Biogr.  de  Seine-et- 
Oise,  II.  —  Quérard,ia  France  littér. 

mortier  {Jérôme  du),  latiniste  flamand, 
né  à  Lille,  en  1520,  mort  dans  la  même  ville,  en 
1580.  Il  pratiqua  quelque  temps  le  barreau  de 
Louvain  ;  mais  s'étant  marié,  en  1547,  avec  une 
riche  demoiselle  de  Bruges,  de  la  famille  La  Ca- 
pelle,  et  dont  il  eut  quinze  enfants  eu  quinze 
ans  (2),  il  s'adonna  exclusivement  aux  belles- 

(1)  Son  père,  Marc-Marie,  né  le  6  juin  17S6,  à  Paris, 
était  ûls  d'un  consul  général  qui  sauva,,  en  1747,  étant  à 
Malaga,  l'esradre  française  sous  les  ordres  du  chevalier 
d*  Plosia.  11  se  retira  sous  l'empire  avec  le  grade  de  lieu- 
tenant-colonel 

(2)  Cette  dame  mourut  en  15C2,  âgée  de  trente-cinq 


671 


MORTIER 


lettres  et  au  bonheur  intérieur.  11  mourut  de  la 
maladie  pestilentielle  qui  dévasta  les  provinces 
du  nord  de  la  France  en  1580.  Le  devise  de  Du 
Mortier  était  :  Mors  omnia  solvit,fœdera,  ami- 
citias  et  connubialia  jura.  On  ade  lui  un  recueil 
(  posthume  )  de  poésies,  en  vers  élégiaques,  divisé 
en  cinq  livres  :  De  studiis  auctoris  ;  De  Rébus 
Bello  gestis  ;  De  Bacchanalibus  ;  De  Funeri- 
bus;  De  Amore  et  Odio;  Arras,  1620,  in-8°. 

L — z — e  . 
Paquot ,  Mém.  pour  servir  à  l'hist.  Utt.  des  Pays-Bas, 
t.  II,  p.  21-23. 

mortier  {Nicolas  du),  helléniste  belge,  né 
à  Tournai,  en  1639,  mort  à  Rome  vers  1710.  Il 
fit  ses  études  au  collège  du  Lys  à  Louvain,  et  en 
1658  se  rendit  en  Italie,  où  il  fit  profession  chez 
les  Clercs  réguliers.  Il  enseigna  longtemps  la 
théologie  à  Rome,  et  devint  général  de  sa  congré- 
gation vers  1700.  On  a  de  lui  :  Etymologix  sa- 
crée Grœco- Latinse,  seu  e  Grœcis  fontibus  de- 
promptae,  in  quibus  omnia  pêne  vocabula  ab 
Hellade  oriunda,  ad  theologiam  positivam , 
scholasticam  etmoralem  spectantia  in  didac- 
ticis ,  polemicis  et  hieroistoricis  magis  obvia 
explicantur,  enucleanlur,  variis  eruditio- 
nibus  ïllustrantur,  etc.  ;  Rome,  1703,  in-fol. 
Cet  ouvrage  peut  servir  à  peine  aux  personnes 
qui,  ne  sachant  pas  le  grec,  veulent  apprendre  la 
signification  des  mots  latins  empruntés  à  cette 
langue.  L'auteur  s'y  est  attaché  particulièrement 
à  développer  les  étymologies  ;  mais  il  y  donne 
souvent  des  définitions  arbitraires.  C'est  ainsi 
qu'au  mot  prjpvXXiov  (beryllus)  (1)  il  répète  que 
cette  pierre  arrête  les  catarrhes  et  guérit  les 
maux  d'yeux.  «  C'est  pourquoi,  ajoute-t-il,  on  en 
fait  une  application  à  saint  Thomas,  lorsque  cet 
apôtre  toucha  les  plaies  du  Sauveur  ressuscité. 
Par  la  même  raison,  et  pour  quelques  autres  ef- 
fets du  béryl,  cette  pierre  est  le  symbole  du 
dernier  jugement,  dont  le  souvenir  guérit  de  tous 
maux,  etc.  »  Cette  citation  peut  faire  apprécier 
les  tendances  de  l'auteur.  Il  manque  d'ailleurs 
dans  son  livre  un  grand  nombre  de  mots  (f  un 
usage  fréquent.  L — z — e. 

Archives  de  Louvain.  —  Hélyot,  Histoire  désordres 
religieux,  1.  IV,  p.  263-274. 

mortier  (  Edouard- Adolphe-Casimir- Jo- 
seph), duc  de  Trévise,  maréchal  de  France,  né 
au  Cateau-Cambrésis,  le  13  février  1768,  mort 
à  Paris,  le  28  juillet  1835.  Fils  d'Antoine- Charles- 
Joseph  Mortier,  député  aux  états  généraux,  il  fit 
de  bonnes  études  au  collège  des  Irlandais,  à 
Douai,  et  fut  destiné  par  sa  famille  à  la  carrière 
commerciale.  Les  goûts  du  jeune  homme  le  por- 
taient vers  l'état  militaire,  et  en  1791  il  obtint 
une  sous-lieutenance  dans  un  régiment  de  cara- 
biniers. Cette  même  année,  ses  compatriotes  le 
nommèrent  capitaine  d'une  compagnie  dans  le 
1er  bataillon  du  département  du  Nord,,  et  il  fit 

ans.  Du  Mortier  se  remaria  avec  une  demoiselle  de  I.an- 
noy,  de  Lille;  mais  cette  fols  il  n'eut  pas  d'enfants 

(l)  Nom  que  les  anciens  donnaient  à  une  sorte  d'éme- 
raudc  qui  tirait  sur  le  jaune. 


ses  premières  armes  à  l'affaire  de  Quiévrain,  i 
il  eut  un  cheval  tué  sous  lui  (28  avril  17î . 
Les  champs  de  bataille  de  Jemmapes,  de  D  - 
winde,  de  Sellemberg,  près  Louvain,  furent:  Le 
cessivement  témoins  de  sa  valeur,  et  sa  cond  e 
à  la  journée  d'Hondschoote  lui  valut  le  gi  e 
d'adjudant  général   (16  octobre  1793).  Blé 
d'un  coup  de  mitraille  au  moment  où  il  se  )  »  fa 
dait  maître  du  village  de  Dourlers,  au  débl<  3 
de  Maubeuge,  il  se  signala  de  nouveau  à  M<  J| 
à  Bruxelles,  à  Louvain,  à  Fleurus,  fut  emp  é 
sous  Kleberau  siège  de  Maëstricht,  ety  futch.  é 
par  le  général  Poncet  d'attaquer  le  fort  Sô  j-h 
Pierre,  qu'il  força  de  capituler.  Il  se  trouva  m 
suite  sous  les  ordres  de  Marceau  au  passag  a 
Rhin,  à  Neuwied.  En   1796,  commandants 
avant-postes  de  l'armée  de  Sambre  et  Me  , 
Mortier,  qui  le  31  mai  avait  culbuté  les  Ai  il 
chiens  au  delà  de  l'Acher,  tourna  le  lendem  , 
dans  les  plaines  d'Ems,   la  gauche  du  princ  e 
Wurtemberg,  que  le  général  Lefebvre  attac  it 
de  front,  et  par  ce  mouvement  le  contraignit  1- 
bandonner  (4  juin)  la  position  d'AltenkircI  , 
avec  une  perte  de  six  mille  hommes  et  de  <  e 
pièces  de  canon.  A  la  bataille  de  Friedber  il 
passa  de  vive  force  la  Nidda,  fit  à  l'ennemi  <  H 
mille  prisonniers  à  Wildendorff  (4  juillet),  s  9 
para  successivement  de  Giessen ,  de  Gemun.  1, 
de  Schweinfurt,  et  obligea  le  général  Wartei  \- 
ben,  qui  avait  capitulé  à  Francfort ,  de  qn  ib 
Wurtzbourg  et  de  se  replier  sur  Bambers  m 
8  août,  au  combat  d'Hirscheid,  il  remplaça  l'a  If 
dant  général  Richepanse,  blessé, dans  le  comt  te 
ment  de  la  cavalerie,  et  dans  son  rapport  ra 
ce  combat  et  sur  le  passage  de  la  Rednitz,  Kl  H 
fait  le  plus  grand  éloge  de  la  conduite,  du  ilm 
froid,  de  la  bravoure  et  de  la  présence  d'eB 
de  Mortier.  Après  avoir  négocié  avec  l'élec  |î 
l'occupation  de  Mayence  par  les  Français  (3(  f* 
cembre),  et  après  la  paix  de  Campo-Fol(H 
(  17  octobre  1797  ),  il  ne  crut  pas  devoir  acc<ffl 
le  grade  de  général  de  brigade,  qui  lui  fut  0!  1. 
et  demanda  le  commandement  du  23e  régi)  sj 
de  cavalerie,  qu'on  lui  accorda;  mais  touteft  |ib 
fut  de  nouveau  nommé,  en  1799,  général  dew 
gade,  et  envoyé  à  l'armée  du  Danube,  où  il  irai 
manda  les   avant-postes  de  l'avant -gardffli 
obtint  encore  de  nombreux  succès,  se  trn 
(25  mars  1799)  à  la  prise  de  Lieptingen  lij 
tous  les  combats  qui  eurent  lieu  en  avant  (  m 
fembourg.  Promu  général  de  division  (25  M 
tembre  suivant),  il  fut  appelé  au  commandeme  M 
la  quatrième  division  del'arméed'Helvétie,ei  W 
aux  Russes  le  village  de  Vellishoffen,  match  M 
Schwitz  avec  Masséua  pour  attaquer  Souw  " 
dans  le  Muthenthal,  et  concourut  puissamm< 
l'expulsion  du  feld-maréchal  russe  du  terri 
helvétique.  Il  était  allé  prendre  le  commandeijat 
de  la  deuxième  division  de  l'armée  du  Dan  je, 
lorsqu'un   arrêté   du  gouvernement  consu 
(29  mai  1800)  l'appela  au  commandement  ■< 
1 6*  division  militaire,  dont  le  chef- lieu  était  JP 


373  MORTIER 

après  la  rupture  du  traité  d'Amiens  et  à  la  re- 
irise  des  hostilités  contre  l'Angleterre,  Mortier 
•eçut  l'ordre  de  s'emparer  de  l'électorat  de  Ha- 
lovre.  Il  partit  à  cet  effet  de  Nimègue  (  15  avril 
803),  et  par  ses  lionnes  dispositions  contraignit 
e  feld -maréchal  Walmoden  à  repasser  l'Elbe  et 
:  conclure  (2  juin)  une  capitulation  qui  fut 
ignée  vis-à-vis  de  Sublingen,  dans  un  bateau, 
I  ii  milieu  du  fleuve.  Cette  convention  déclarait 
;  armée  hanovrienne  prisonnière,  et  rendait  la 
France  maîtresse  de  tout  l'électorat,  et  particu- 
\  èrement  des  embouchures  de  l'Elbe  et  du  We- 
mst.  Pendant  son  séjour  en  Hanovre,  Mortier 
legularisa  l'administration  de  ce  pays,  réprima 
(es  dilapidations  et  des  abus,  et  s'attacha  sur- 
i)iit  à  prévenir  les  envahissements  d'autorité  et 
i  soutenir  le  faible  et  le  fort.  A  son  retour  à 
jaris,  il  fut  nommé  l'un  des  quatre  généraux  de 
(Vision  commandant  la  garde  des  consuls ,  et 
légalement  l'arme  de  l'artillerie. 
i  Napoléon  Bonaparte, devenu  empereur,  conti- 
nt Mortier  dans  la  première  promotion  de  ma- 
i  chaux  qu'il  fit,  le   19  mai    1804,1e  nomma 
I  juin)  chef  de  la  2e  cohorte,   grand-officier  de 
I  Légion  d'Honneur,  et  lui  donna  le  grand-cor- 
in  de  cet  ordre,  le  2  février    1805.   Appelé,  en 
Iptembre  suivant,  au  commandement  d'un  des 
irps  de  la  grande  armée  d'Allemagne ,  le  mâ- 
chai Mortier  se  dirigea  en  octobre  sur  la  rive 
nuche  du  Danube ,  coupa  les  communications 
\ l'armée  russe  avec  la  Moravie,  et,  à  la  tête 
lune  colonne  composée  seulement  de  quatre 
Mlle  six  cents  combattants,  il  rencontra  (Il  no- 
fembre)  au  village  de  Leoben  l'armée  entière 
Ij  général  Kutusoff,  forte  de  trente  mille  hommes, 
»  combattit  avec  courage  malgré  l'infériorité  du 
tonbre,    et    fut   heureusement    secouru    au 
ornent  où  il  allait  succomber.  Ce  combat,  l'un 
îs  plus  mémorables  de  la  campagne,  en  fut 
issi  l'un  des  plus  meurtriers,  et  les  deux  partis 
attribuèrent  la  victoire.  La  ville  natale  du  ma- 
tehal  voulut  éterniser  ce  brillant  fait  d'armes 
r  un  monument  ;  Mortier  refusa  cet  honneur. 
i  1806,1'empereur  l'ayantchargé  d'occuper  tou- 
B  les  places  de  l'électorat  deHesse-Cassel,  il  en- 
à  Cassel  leler  octobre,  et  soumit  sans  combattre 
lit  le  pays.  De  laHesse,  Mortier  marcha  sur  le 
inovre,  et  arriva  le  19  novembre  à  Hambourg, 
,  à  la  prière  de  Bourriennê",  qui  y  était  ministre 
énipotentiaire,  il  se  borna  à  confisquer  les  pro- 
jetés anglaises  et  à  mettre  en  arrestation  les 
ais,  au  lieu  de  saisir,  comme  le  portaient , 
i-on,  ses  instructions,  une  somme  de  80  mil- 
is  de  marcs  banco  déposée  à  la  banque  de 
te  ville.  Le  maréchal,  s'avançant  ensuite  par  le 
Bys  de  Mecklembourg,  envahit  la  Poméranie",  et 
Ijita  le  siège  de  Stralsund ,  où  toutes  les  troupes 
Ëédoises  s'étaient  retirées.  Le  petit  nombre  de 
dats  qu'il  avait  à  sa  disposition  ne  lui  permit 
ftint  cependant  de   poursuivre  activement  ce   ! 
ge,  et  au  commencement  d'avril  1807  il  porta  I 
ii  quartier  général  à  Grimmen.    Le  16  de  ce  ! 

NOUV.    BJOGR.    GÉNÉR.    T.    XXXVI. 


674 

mois  il  battit  les  Suédois  à  Ancklam,  et  le  sur- 
lendemain il  conclut  à  Scklaskow,  avec  le  gé- 
néral d'Essen ,  une  suspension  d'armes ,  aux 
termes  de  laquelle  les  Iles  d'Usedom  et  de  Wol- 
gast  reçurent  une  garnison  française.  Au 
mois  de  juin  suivant,  il  prit  une  part  brillante,  à 
la  bataille  de  Friedland ,  où  il  commandait  la 
gauche  de  l'armée.  A  la  paix  de  Tilsitt  (21  juin), 
il  fut  nommé  gouverneur  général  de  la  Silésie,  et 
peu  après  il  reçut  le  titre  de  duc  de  Trévise 
avec  une  dotation  de  100,000  francs  de  rentes 
sur  les  domaines  de  l'ancien  électoratde  Hanovre. 

Passé  en  Espagne  en  1808  comme  comman- 
dant du  cinquième  corps ,  le  maréchal  Mortier 
concourut  au  siège  de  Saragosse  (février  1809), 
et  se  dirigea  vers  la  Castille  après  la  prise 
de  cette  place.  Le  18  novembre,  il  gagna  la 
bataille  d'Ocana,  où  soixante  mille  Espagnols 
furent  dispersés  et  anéantis  par  trente  mille  Fran- 
çais, seconda  ensuite  le  maréchal  Soult  dans  ses 
opérations  contre  Badajoz,  fut  chargé  du  siège  de 
Cadix,  et  l'habile  manœuvre  qu'il  exécuta  après 
avoir  passé  la  Gebora  amena  le  gain  de  la  ba- 
taille de  ce  nom  (19  février  1811).  Mortier,  lors 
de  la  campagne  de  Bussie,  reçut  le  commande- 
ment de  la  jeune  garde,  et  ce  fut  lui  qui,  en  sa 
qualité  de  gouverneur  du  Kremlin,  fut  chargé 
de  la  terrible  mission  de  faire  sauter  ce  vieux 
palais  des  tzars ,  après  le  départ  de  l'empereur 
de  Moscou.  Cet  ordre  fut  exécuté  le  23  octobre 
1812,  et  la  veille  de  son  départ  il  fit  prisonnier 
le  général  Winzingerode,  qui  venait  l'attaquer 
avec  un  corps  de  troupes  de  Twer,  passa  la 
Bérésina  pour  soutenir  et  appuyer  sur  la  route 
de  Borisow  le  maréchal  Oudinot,  engagé  avec 
les  divisions  russes ,  et  dans  cette  fatale  retraite 
il  fit  tout  ce  que  l'on  pouvait  attendre  d'un  bon 
capitaine  et  tout  ce  que  permettaient  les  circons- 
tances,  pour  sauver  les  troupes  qu'il  comman- 
dait. Chargé  de  la  conduite  de  l'arrière-garde 
après  la  bataille  de  Krasnoë  (18  novembre),  il 
s'occupa  sans  relâche  de  la  conservation  de 
ses  soldats ,  et  son  cœur  fut  pénétré  de  douleur 
à  la  vue  des  maux  qu'il  ne  pouvait  empêcher  ni 
prévenir: 

Après  avoir  réorganisé  la  jeune  garde  à 
Francfort-sur-Ie-Mein ,  il  combattit  à  la  tête  de 
ce  corps  à  Lutzen  (2  mai  1813),  à  Bautzen,  à 
Dresde,  à  Wachau,  à  Leipsick  et  àHanau,  se  di- 
rigea sur  Spire  en  décembre,  et  arriva  à  Langres 
le  11  janvier  1814.  Pendant  la  campagne  de 
France  le  maréchal  Mortier  déploya  ses  talents 
militaires  accoutumés,  et  ce  fut  lui  qui  dans  la 
défense  de  Paris  fut  chargé  de  soutenir  le  choc 
de  l'armée  alliée  dans  lés  plaines  de  Saint-De- 
nis, et  quand  lé  comte  Orloff,  aide  de  camp  dé 
l'empereur  Alexandre,  vint  le  sommer  démettre 
bas  les  armes,  «  les  alliés,  répondit  noblement 
le  maréchal,  pour  être  au  pied  de  la  butte  Mont- 
martre, ne  sont  pas  pour  cela  maîtres  de  Paris. 
L'armée  s'ensevelirait  sous  ses  ruines  plutôt  que 
de   souscrire  à  une  capitulation  honteuse;  et 


$75  MORTIER  * 

d'ailleurs,  quand  elle  ne  pourra  plus  le  dé- 
fendre, elle  sait  comment  et  par  où  effectuer  sa 
retraite  devant  et  malgré  l'ennemi.  » 

Cependant,  après  la  suspension  d'armes  conclue 
par  le  duc  de  Raguse,  le  maréchal  quitta  ses  po- 
sitions, eteoncentra  son  corps  d'armée  au  Plessis- 
Chenet,prèsde  Çorbeil,  d'où  il  envoya,  le  8 avril, 
son  adhésion  à  la  déchéance  de  Napoléon  et  aux  ac- 
tes du  gouvernement  provisoire. Nommé  presque 
aussitôt  commisaire  extraordinaire  du  roi  dans  là 
seizième  division  militaire  à  Lille,  dont  il  devint 
ensuite  gouverneur,  Mortier  fut  nommé  chevalier 
de  Saint-Louis  le  2  juin  1814  et  pair  de  France  le 
h  du  même  mois.  A  l'époque  du  20  mars  1815 
le  gouvernement  lui  destinait  le  commandement 
d'une  armée  de  réserve  que  l'on  voulait  former  à 
Péronne;  mais  les  circonstances  s'opposèrent  à 
l'exécution  de  ce  projet.  Arrivé  à  Lille  un  peu 
avant  Louis  XVIII,  le  duc  de  Trévise  se  hâta  de 
prévenir  M.  de  Blacas  qu'à  la  seule  nouvelle 
du  passage  du  roi  les  troupes  de  cette  garnison 
étaient  prêtes  à  se  soulever.  Il  supplia  ce  prince 
de  sortir  de  la  place,  s'offrant  de  l'escorter  lui- 
même  hors  des  portes,  afin  d'imposer  aux  sol- 
dats par  sa  présence.  Effectivement,  il  accom- 
pagna Louis  XVIII  jusqu'au  bas  du  glacis  et  se 
rendit  aussitôt  à  Paris,  où  Napoléon  le  créa 
membre  de  la  chambre  des  pairs  et  le  chargea 
de  l'inspection  des  places  frontières  de  l'est  et  du 
nord.  Au  retour  du  roi,  il  perdit  son  titre  de 
pair,  et  en  novembre  1815  il  fut  l'un  des  membres 
du  conseil  de  guerre  chargé  de  juger  le  maré- 
chal Ney,  et  qui  bien  maladroitement,  quoique 
avec  de  bonnes  intentions,  se  déclara  incompé- 
tent. Le  lOjanvier  lS16,il  fut  nommé  gouverneur 
de  la  quinzième  division  militaire,  à  Rouen ,  et 
la  même  année  élu  député  pour  le  département  du 
Nord.  Une  ordonnance  du  5  mars  1819  le  réta- 
blit dans  les  honneurs  de  la  pairie,  puis  il  devint 
commandeur  de  Saint-Louis  le  24  août  1 820  et  che- 
valier des  ordres  du  roi,  le  30  mai  1825.  Le  maré- 
chal fut  en  décembre  1830  nommé  ambassadeur  en 
Russie,  et  occupa  ce  poste  jusqu'au  11  septembre 
1831,  où  il  devint  grand-chancelier  de  la  Légion 
d'Honneur.  Pour  terminer  une  longue  crise  mi- 
nistérielle, il  consentit,  le  18  novembre  1834,  à 
accepter  le  portefeuille  de  la  guerre;  à  ses  yeux, 
c'était  un  immease  sacrifice,  et  en  présence 
de  l'opposition  marquée  de  la  presse  il  pré- 
tendait que  c'était  là  une  dernière  campagne, 
où  il  allait  jouer  plus  que  sa  vie.  Il  résigna  ces 
fonctions  le  12  mars  1835.  La  veille  de  l'an- 
niversaire des  journées  de  Juillet,  la  famille  du 
maréchal,  alarmée  des  bruits  d'attentats  qui 
circulaient  sourdement,  et  craignant  pour  lui  la 
fatigue,  voulut  le  détourner  d'assister  à  la 
revue  royale  du  28;  mais  il  persista  dans  la 
résolution  qu'il  avait  prise  d'y  paraître,  et  ac- 
compagna le  roi.  Au  moment  où  le  cortège  par- 
vint sur  le  boulevard  du  Temple,  il  se  plaignit 
de  la  chaleur,  et  quelques  instances  qu'on  lui  fît 
pour  l'engager  à  se  retirer,  il  n'y  voulut  jamais 


MORT1MER 


67 


consentir.  A  peine  avait-il  exprimé  son  refii 
qu'eut  lieu  l'explosion  de  la  machine  infernal 
dirigée  par  Fieschi ,  et  il  tomba  comme  foudroj 
par  l'éclat  de  la  mitraille.  Il  respirait  encoi 
quand  on  le  transporta  dans  une  salle  de  billar 
du  Jardin  Turc;  il  chercha  à  s'appuyer  conti 
une  table;  puis,  tout  à  coup  saisi  par  les  dei 
nières  convulsions,  il  porta  le  corps  en  arrièn 
poussa  un  grand  cri ,  et  expira.  Peu  d'homm< 
ont  parcouru  une  carrière  militaire  aussi  brillanl 
que  le  maréchal  Mortier,  qui^à  un  courage 
toute  épreuve  et  au  talent  du  général  joigna 
une  grande  franchise  et  une  rare  modestie.  J 
mort,  s'il  l'eût  reçue  sur  un  champ  de  batailli 
eût  été  digne  d'un  vieux  guerrier;  mais  par 
malheur  des  temps  elle  se  trouve  liée  dans  l'hi 
toire  au  souvenir  de  nos  discordes  civiles  et  c 
nos  catastrophes  politiques.  Le  16  septembi 
1838  on  inaugura  au  Câteau  la  statue  colossa 
en  bronze  du  maréchal.  H.Fisquet. 

Moniteur.  Éloge  du  maréchal  Mortier,  prononcé  à 
chambre  des  patrs,  le  23  mai  1836,  par  le  comte  de  Ca 
farelli.  —  H.  Bis,  Notice  sur  le  maréchal  Mortier.  ■ 
Fastes  de  la  Légion  d'Honneur,  t.  Ier. 

mortimer  (Roger,  comte  de),  seigneur  ai 
glais,  favori  de  la  reine  Isabelle,  né  vers  128' 
mis  à  mort  le  29  novembre  1330.  Après  la  mo 
de  son  père,  tué  à  la  bataille  de  Buelt  contre  l< 
Gallois,   Roger  Mortimer  fut  placé  sous  la  tl 
telle  de  Gaveston;  mais  lorsque  celui-ci  devint 
favori  d'Edouard  il ,  Mortimer  ne  s'attacha  p< 
à  sa  fortune.  Comme  les  autres  seigneurs  de  se  ' 
temps ,  il  chercha  dans  des  guerres  particulier! 
contre  ses  voisins  et  dans  des  révoltes  conti 
l'autorité  royale  les  moyens  d'accroître  ses  r 
chesses  et  sa  puissance.  Le  gouvernement  c  j 
l'Irlande  lui  fut  confié ,  et  quoiqu'il  ne  l'exerç, 
qu'une  seule  année,  il  assura  la  suprématie  di  j 
Anglais  sur  ce  pays.  En  1320  il  s'unit  aux  con , 
tés  de  Lancaster  et  d'Hereford  et  à  d'autres  ba : 
rons  pour  demander  à  Edouard  II  le  renvoi  et  ;  | 
punition  des  deux  Despenser  (  Spencer).  Le  n 
refusa,  et  les  Spencer  l'emportant,  Mortimer  fi 
arrêté  et  mis  à  la  Tour.  Deux  fois  condamné 
mort  et  deux  fois  gracié  par  le  roi,  il  n'espéra  | 
pas  une  troisième  grâce;  il  gagna  un  des  officiel  j 
de  la  Tour,  s'échappa  ,  et  se  réfugia  en  Franc 
auprès  de  Charles  le  Bel ,  en  1323.  A  la  cour  c 
France,  il  se  rencontra  avec  Isabelle  (  voy.  ( 
nom),  reine  d'Angleterre,  qui  était  venue  do 
mander  à  son  frère  Charles   le  Bel ,   secoui  ; 
contre  les  Spenser.   Une  liaison  adultère,  cil 
mentée  par  une  haine  commune  contre  les  h 
voris  d'Edouard  unit  le  seigneur  fugitif  et  la  rein 
émigrée.  Edouard,  instruit  des  complots  tranrt  ; 
contre  lui,réclamaauprês  de  Charles  le  Bel,  qu  I 
ne  voulant  pas  violer  ouvertement  la  paix,  éloi  I 
gna  Isabelle.  Cette  princesse  se  retira  avec  Moi  \ 
timer  dans  le  Hainaut,  y  rassembla  un  millie 
d'hommes  d'armes  français  et  brabançons,  <| 
descendit  en  Angleterre  en  1326.  Sa  présencl 
détermina  une  insurrection  qui  eut  pour  résultai 
la  chute  des  Spencer  et  la  déposition  d'Edouard  ij 


577  MORTI  MER 

•n  1327.  La  liaison  désormais  publique  d'Isa- 
belle et  de  Mortimer  excitant  l'indignation  des 
Anglais,  les  deux  amants  craignirent  que  les  sei- 
gneurs ne  replaçassent  Edouard  sur  le  trône,  et 
ils  tirent  assassiner  le  malheureux  prince,  le 
t 1  mars  1327. Edouard  H  eut  pour  successeur  son 
'une  fils  Edouard  III,  qui  régna  sous  la  tutelle 
t  e  sa  mère.  Le  comte  de  Lancastre  fut  nommé 
.ardien  du  royaume  et  protecteur  de  la  personne 
lu  roi;  mais  l'autorité  réelle  passa  entre  les 
lains  de  Mortimer,  qui  accumula  bientôt  sur  sa 
\s[e  autant  de  .haine  que  Gaveston  et,  Spencer. 
j  ffrayéde  cette  haine  croissante,  Mortimer  évi- 
lit  avec  soin  les  chances  d'une  guerre  étrangère. 
,  ontrairement  à  la  volonté  d'Edouard  III,  il 
iaita  avec  Robert  Bruce,  roi  d'Ecosse,  et  re- 
i  mnut  l'indépendance  de  ce  royaume,  en  1328. 
i  3ite  transaction  augmenta  le  mécontentement 
>  a  barons.  Une  première  prise  d'armes  contre 
favori  n'eut  aucun  succès,  et  Mortimer  se  ven- 
a  en  faisant  couper  la  tête  au  comte  de  Kent , 
icle  du  roi ,  et  en  faisant  emprisonner  le  comte 
I  Lancastre.  Mortimer  avait  dès  lors  atteint  le 
is  haut  point  de  puissance ,  et  il  se  croyait 
en  assuré  dans  sa  position;  mais  un  terrible 
I  nger  le  menaçait  du  côté  où  il  s'y  attendait  le 
1  lins.  Le  jeune  roi  Edouard,  âgé  de  moins  de  dix- 
luf  ans,  trama  avec  une  dissimulation  profonde 
■perte  du  favori.  Un  parlement  avait  été  con- 
nue à  Nottingham  ;  la  reine  et  Mortimer  s'é- 
■ent  logés  dans  le  château  ;  Edouard  y  pénétra 
îirun  souterrain,  le  19  octobre  1330,  et  arrêta 
lortimeï  malgré  la  résistance  de  la  reine.  Le 
Irlementlui  fit  son  procès,  et  le  condamna  à  être 
Indu.  La  sentence,  immédiatement  exécutée, 
Mit  juste  sans  doute;  mais  le  jugement  n'avait 
is  été  régulier,  et  vingt  ans  plus  tard  il  fut 
Imulé  comme  illégal.  Z. 

1  lymer,  Acta.  —  Th.  Walslngharo,  Annals.  —  Knygh- 
Bjr,  De  Bvent.  Angl.  —  Froissart,  Chroniques.  —  Hume, 
\story  of  England. 

■Mortimer  (John-ffamilton),  peintre  an- 

t'iis,  né  en  1741,  à  Eastbourne,  port  de  Sussex, 

Mie  4  février  1779,  à  Londres.  Son  père  était 

I  lecteur  de    douanes ,  et     son    oncle ,  mé- 

«re  peintre  de  portraits ,  lui  enseigna  les  pre- 

ers  éléments  du  dessin.  A  dix-huit  ou  dix- 

\i( ans,  il  vint  à  Londres,  et  fréquenta  l'ate- 

r  de  Hudson ,  qui  avait  été  le  maître  de  Rey- 

nld.  11  reçut  aussi   des  conseils  de  Cipriani. 

»  ,iis  il  dut  surtout  ses  remarquables  progrès  à 

;  1»  talent  d'observation  et  à  l'étude  assidue  de 

I  ('-belle  galerie  que  le  duc  de  Richmond  avait  li- 

'  i'alement  ouverte  aux  jeunes  artistes.  En  1779 

lut  nommé  par  le  roi  membre  de  l'Académie 

y  Beaux*-Arts.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 

«'M  Paul  convertissant  les  Bretons,  Le  Roi 

un  accordant  la  grande  charte  aux  barons, 

J  Bataille d' Azincoiirt,vortkjern  et  Rowena, 

i>  Progrès  du  vice,  Le  Serpent  d'airain,  etc. 

Irtimer  n'était  pas  coloriste;  mais  il  dessinait 

'icautant  de  largeur  que  dé  sûreté.  Il  recher- 


—  MORTON 


678 


chait  dans  ses  compositions  l'étrange,  le  fan- 
tastique et  l'horrible,  et  savait  en  tirer  des  ef- 
fets et  des  contrastes  saisissants.  Les  tableaux 
de  chevalet,  où  il  a  retracé  des  scènes  de  ban- 
dits ou  de  contrebandiers ,  sont  fort  recherchés. 

K. 

Pilkington,  Dict.  of  Pointers. 
mortimer  (Thomas),  littérateur  anglais, 
né  en  1730,à  Londres,  où  il  est  mort,en  décembre 
1809.  Il  était  petit-fils  de  John  Mortimer,  mort 
en  1736,  et  qui  a  laissé  sur  l'agriculture  un  traité 
fort  estimé,  traduit  en  français  sur  la  6e  édit. 
(Paris,  1765,  4  vol.  in-12).  Ayant  perdu  l'em- 
ploi de  vice-consul  dans  les  Pays-Bas,  il  s'a- 
donna à  la  littérature.  Presque  octogénaire,  il 
travaillait  encore  pour  le  compte  des  libraires,  et 
se  plaignait,  rapporte  d'Israeli,  de  la  préférence 
accordée  à  de  jeunes  aventuriers.  Il  est  auteur 
d'un  grand  nombre  d'ouvrages  utiles ,  parmi  les- 
quels on  remarque  :  The  Bristish  Plutarch; 
Londres,  1762,  6  vol.  in-8°,  trad.  en  français 
par  Mœe  de  Vasse  (Paris,  1785-1786,  12  vol. 
in-8°);  — Dictionary  of  Trade  and  Commerce  ; 
ibid.,  1766,  2  vol.  in-fol.;  —  The  Eléments  of 
Commerce,  politics  and  finances;  ibid.,  1772, 
in-4°,  trad.  en  allemand  (Leipzig,  1781);  — 
History  of  England;  ibid.,  3  vol.  in-fol.;  — 
The  Student's  pocket  Dictionary,  or  compen- 
dium  of  history,  chronology  and  biography  ; 
ibid.,  1777,  in-12;  —  Every  man  his  own 
broker;  ibid.,  1782,  in'-8°;  —  A  gênerai  Dic- 
tionary of  Commerce,  trade  and  manufactu- 
res; ibid.,  1809,  in-8°.  Il  a  aussi  traduit  deNec- 
ker  De  l'Administration  des  Finances  de  la 
France  (1786,  3  vol.).  P. 

European  Magazine,  XXXV,  S19. 

mortimer  (  Pierre  ),  musicien  allemand, 
né  en  1750,  à  Hermhut  (  Saxe),  mort  vers  1830. 
Il  est  auteur  d'un  livre  excellent  :  Der  Choral- 
Gesang  zur  Zeit  der  Reformation  (  Le  Chant 
choral  au  temps  de  la  Réforme  )  ;  Berlin,  1821, 
in-4°  :  où  il  examine  les  avantages  des  anciens 
modes  grecs  sur  la  tonalité  moderne.  D'après  le 
jugement  de  M.  Fétis,  c'est  un  travail  digne  du 
plus  vif  intérêt  et  qui  renferme  des  vues  aussi 
nouvelles  que  lumineuses.  Mortimer  vécut  dans 
une  si  grande  obscurité  qu'à  Dresde  même,  où 
il  s'était  retiré,  il  était  à  peu  près  inconnu.  Il  ap- 
partenait à  la  secte  des  frères  Moraves.  Ce  fut 
Zelter  qui  fit  imprimer  son  ouvrage.         K. 

Zelter,  Corresp.  avec  Goethe.  —  Fétis,  Biogr.  univ. 
des  Musiciens. 

mortimer.  Voy.  Cade( Jean). 

morto  da  feltro.  Voy.  Feltro  (Morto 
da). 

mortos  (  John  ),  prélat  et  ministre  anglais, 
né  en  1410,  à  Bere,  bourg  du  comté  de  Dorset, 
mort  le  15  septembre  1500(1).  De  l'abbaye  de 
Cerne,  où  il  fut  élevé,  il  passa  au  collège  Baliol 
à  Oxford  ;  attaché  au  corps  enseignant  de  cette 

(lr  Selon  les  registres  de  i'évêché  d'Ely.L'obltuaire  de 
Canterbury  donne  Ta  date  du  16  des  calendes  d'octobre. 

22. 


679  MORTON 

université,  il  y  remplit  les  emplois  de  modéra- 
teur de  l'école  de  droit  et  de  principal  de  Peck- 
water-Inn.  Son  double  talent  de  légiste  et  d'avo- 
cat près   de    la  court  of  arches  lui    fit    une 
grande  réputation  ;  il  y  gagna  en  outre  des  pro- 
tecteurs et  de   nombreux  bénéfices  ecclésiasti- 
ques. Parmi  les  dignités  dont  il  fut  pourvu,  il 
suffit  de  citer  celle  d'arcbidiacre,  qu'il  occupa  à 
Winchester,  à  Huntingdon  et  à  Leicester.  Le 
plus  puissant  de  ses  patrons,  et  celui  qui  con- 
tribua le  plus  à  sa  fortune,  fut  l'archevêque  de 
Canterbury,   Thomas   Bourchier  ;  présenté  par 
lui  à  la  cour  d'Henry  VI,  il  prit  une  part  active 
à  la  querelle  des  deux  roses  et  entra  au  conseil 
privé.  Sous  Edward  IV,  il  n'eut  pas  moins  d'in- 
fluence;  nommé  garde  des  archives  (1473),  il 
fut  envoyé  en  ambassade   près  de  l'empereur 
d'Allemagne  (1474),  et  conclut  avec  Louis  XI  le 
traité  de  paix  de  1475.  Le  roi  l'éleva  à  l'évêché 
d'Ely  (1478)  et  le  désigna  pour  l'un  de  ses  exé- 
cuteurs testamentaires.  Le  jour  même  où  Ri- 
chard III  usurpa  la  couronne,  il  fit  arrêter  Mor- 
ton  et  trois  de  ses  collègues  dans  la  salle  du  con- 
seil, et,  après  l'avoir  laissé  quelque  temps  en 
prison,  il  le  remit  à  la  garde  du  duc  de  Buc- 
kingham  (1483).  Mais  Morton  employa  si  ha- 
bilement son  temps  et  ses  paroles,  qu'il  réussit 
bientôt  à   détacher  ce    seigneur    du  parti    de 
Richard  et    qu'il  le  poussa  même  dans  une 
révolte    dont  il   devait  être   la  première  vic- 
time. Aussitôt   que  la  mort  des   fils  d'Edward 
fut  connue,  il  proposa  d'offrir  la  couronne  a 
Henri,  comte  de  Richmond,  qui,  du  chef  de  sa 
mère,  représentait  la  maison  de  Lancastre  ;  mais 
à  la  condition  qu'il  épouserait  la  princesse  Éliza- 
beth,  à   qui    les  droits  de  la  maison   d'York 
étaient  alors  dévolus.  Ce  mariage,  comme  il  le 
faisait  observer,  devait  unir  les   partisans  des 
deux  familles  dans  la  défense  d'une  même  cause, 
leur  donner  la  possibilité  de  triompher  de   Ri- 
chard III  et  mettre  fin  aux  dissensions  qui  dé- 
chiraient depuis  si  longtemps  le  pays.  Ce  plan 
fut  accepté  avec  empressement  par  le  comte  de 
Richmond  et  tous  ses  amis  (septembre  1483). 
L'insurrection  avortée  du  duc  de  Buckingham 
en  ajourna  l'exécution.  Morton  se   sauva  sous 
un  déguisement  dans  l'île  d'Ely  et  de  là  sur  les 
côtes  de  Flandre;  il  ne  reparut  à  la  cour  qu'a- 
près le  couronnement  d'Henry  VII  (1485).  Ac- 
cueilli avec  la  plus  haute  distinction,  il  succéda 
àBourchier   dans   l'archevêché  de  Canterbury 
(i486),  et  fut  nommé  grand-chancelier  d'Angleterre 
(1487).  En  1493  le  pape  Alexandre  VI  lui  envoya 
le  chapeau  de  cardinal.  Morton  était  un  homme 
sage  et  avisé,  de  beaucoup  d'instruction  et  de 
probité.  Ses  contemporains,  et  surtout  Thomas 
Morus,  son  élève,  lui  ont  décerné  de  grands  élo- 
ges. On  lui  reprochait  un  excès  de  hauteur  et  de 
sévérité  ;  le  peuple  Fe  détestait  à  cause  de  cer- 
taines taxes  odieuses  qu'il  rétablit  à  la  volonté 
expresse    de  l'avare  Henry  VII,  entre  autres 
l'impôt  gratuit  (benevolence),  qui  atteignait  à  la 


680 
fois  riches  et  pauvres.  11  avait  amassé  de  gran- 
des richesses ,  dont  il  fit  constamment  le  plus 
noble  usage.  On  a  souvent  attribué  à  ce  prélat 
la  Vie  de  Richard  III,  qui  parut  sous  le  nom 
de  Thomas  Morus.  P.  L— y. 

John  Budden,  Life  of  John  Morton  ;  1607.  in-8°.  —  Col- 
lier, Ecclesiastical  History.  —  Chalroers,  General  Biogr 
Dict.  —  Bentham,  History  of  Ely. 

morton  (  Thomas  ),  savant  prélat  anglais 
né  le  20  mars  1564,  à  York,  mort  le  22  septem- 
bre 1659,  à  Easton-Mauduit  (comté  de  Northamp 
ton  ).  De  la  même  famille  que  le  précédent,  i 
prit  ses  degrés  à  Cambridge   et  y  professa  1;  , 
logique  pendant  plusieurs   années.    En  1603  i 
accompagna  en  qualité  de  chapelain  lord  Eure  ei 
Allemagne.  Après  avoir  été  doyen  de  Glouceste 
et  de  Winchester,  il  occupa  successivement  le  1 
sièges  de  Chester  (1615),  de  Coventry  (1618)  « 
de  Durham   (1632).  Durant  les  troubles  il  £u|j 
emprisonné  à  la  Tour,  et  un  peu  avant  la  moi 
de  Charles  Ier  on  le  força  de  quitter  son  palai 
épiscopal.  Lors  de  la  suppression  des  évêchés 
le  parlement  lui  accorda  une  pension  de  800  1.  s' 
Ce  prélat,  aussi  instruit  que  pieux  et  charitabli 
entretenait  une  active  correspondance  avec  V.  I 
savants  de  son  temps;  il  était  particulièremer 
versé  dans  les  matières  de  controverse.  Para 
ses  nombreux  écrits  nous  citerons  :  Apologi 
catholica;  Londres,  1605-1606  ,  2  part.  in-4°  I 
—  An  exact  discovery  of  Romîsh  doctrine  i 
thc  case  oj  conspiracy  and  rébellion  ;  ibid  j 
1605,  in-4e,  refatif  au  complot  des  poudres;  -I 
A  catholike  appeale  for  protestants  out  ( 
the    confessions   of  the    Romane   doctori] 
ibid.,  1610,  in-fol.;  —  Causa  regia  ;  ibid.,  162 
in-4°,  réfutation  du  traité  De  officio  princip 
christiani  du  cardinal   Bellarmin;  —   Of  ti\ 
institution  of  the  sacrement  by  some  callt. 
themass;  ibid.,  1631,   1635,  in-fol.;  —   CoA 
fessions  and  proofs  of  protestant  divine.l 
Oxford,    1644,  in-4°;  —  Ezekiel's  Wheel 
Londres,  1653,  in-8°.  Morton  a  laissé  une  qua 
tité  considérable  d'ouvrages  manuscrits. 

John  Barwick,  Life  of  Thomas,  bishop  of  Durha) 
1G60,  in-4°.  -  Baddily  et  Naylor,  Life  of  Th.  ATorfoi 
1669, ln-8°. 

mobton  (  Richard  ),  médecin  anglais, 
vers  1635,  dans  le  comté  de  Suffolk,  mort 
30  août  1698,  dans  le  Surrey.  Après  avoir  te 
miné  ses  humanités  à  Oxford,  il  embrassa  l'él 
ecclésiastique  et  devint  chapelain  d'une  fami. 
noble  du  Worcestershire;  mais  ses  sentimen 
non -conformistes  l'obligèrent  à  résigner  sa  plac 
Il  étudia  alors  la  médecine,  et  fut  reçu  docte 
en  1670.  Il  acquit  bientôt  le  renom  d'un  pral 
cien  très-habile  surtout  dans  le  traitement  d 
maladies  chroniques  de  la  poitrine.  Après  ayc 
été  l'un  des  premiers  à  se  servir  du  quinquin 
avec  une  extrême  réserve  toutefois,  il  finit  p 
en  faire  abus,  ainsi  que  de  l'eau  de  chaux.  Il  I 
le  rival  plutôt  que  l'émule  de  Sydenham, 
afin  de  ne  pas  se  rencontrer  avec  lui  il  se  <] 
,  clara  l'ennemi  outré  de  la  méthode  antiphlo?' 


681 


MOUTON 


682 


tique,  et  s'efforça  en  toute  occasion  d'y  substi- 
tuer la  méthode  échauffante,  la  seule  propre  se- 
lon lui  à  détruire  les  virus  à  la  présence  des- 
quels il  attribuait  les  affections  aiguës.  On  a  de 
lui  :  Phlhisiologia ,  seu  exercitationes  de 
phthisi;  Londres,  1689,  in-8°;  trad.  en  anglais 
ï(1694)  et  en  allemand  (1780);  on  y  trouve  beau- 
j  coup  de  faits  intéressants  noyés  dans  une  théorie 
'des  plus  confuses  ; —  Pyretologia,  seu  exerci- 
[tationes  de  morbis  universalibus  acutis; 
î  Londres,  1692,  1693,  in-8°  ;  —  De  Febribus  in- 
iflammatoriis ;  Londres,  1694,  in-8°.  Ses  œu- 
vres ont  été  recueillies  plusieurs  fois  (  Opéra 
Umnia;  Amst.,  1696,  2  vol.in-8°;  Leyde,  1697; 
[Genève,  1727  ;  Lyon,  1737,  in-4°,  etc.  ).  K. 
[  Rees,  Cyclopsedia  of  Medicine. 
!  mouton  (  James  Douglas,  comte  de  ),  pair 
|  l'Angleterre,  né  en  1707,  à  Edimbourg,  mort  en 
1768.  En  sortant  de  Cambridge,  il  voyagea  dans 
foute  l'Europe;  à  son  retour  il  fonda,  par  les 
jîonseils  du  célèbre  Maclaurin,  une  académie 
lui  ne  tarda  pas  à  rivaliser  avec  celle  de  Lon- 
dres. Plein  d'un  zèle  ardent  pour  le  progrès  des 
[  .ciences,  il  eut  en  1761  beaucoup'de  part  à  l'ob- 
servation du  passage  de  Vénus  sur  le  Soleil,  et 
f  lirigea  avec  intelligence  le  Muséum  britannique. 
1 /ers  la  fin  de  sa  vie,  il  avait  entrepris  de  former 
!  in  cabinet  des  archives  d'Ecosse.  Lord  Morton 
f  ut  membre  de  la  Société  royale  de  Londres 
11733)  et  associé  de  l'Académie  des  Sciences  de 
[?aris.  Il  siégea  à  la  chambre  haute  comme  pair 
Représentatif  d'Ecosse.  P. 

1  Burke,  Peerage  of  Ençland.  —  Grandjean  de  Fouchy, 
Mans  les  Mém.  de  VAcad.  des  Sciences,  1770. 

f  morton  (Thomas),  auteur  dramatique  an- 
glais, né  en  1764,  dans  le  comté  deDurham,  mort 
F e  28  mars  1838.  Il  commença  l'étude  du  droit; 
mais,  avant  d'avoir  été  reçu  avocat,  il  l'abandonna 
fet  se  mit  à  écrire  pour  le  théâtre.  Pendant  plus 
Me  vingt  ans  il  fut  l'auteur  à  la  mode;  on  ne  cite 
fouère  d'écrivain  moderne  qui  ait  été  aussi  heu- 
freux  que  lui.  Presque  toutes  ses  pièces  obtin- 
rent du  succès.  Telle  était  la  confiance  qu'il  ins- 
pirait aux  directeurs  que  l'un  d'eux ,  Harris,  lui 
paya  1,000.  liv.sterl.  le  manuscrit  de  Town  and 
["ountry,  comédie  dont  il  ne  connaissait  pas 
(même  le  sujet.  On  cite  de  lui  :  Columbus  (1792), 
iChildren  in  the  Wood(\79Z),  Zorinski (1795), 
\Way\to  get  married  (1796),  Cure  for  the  heart 
fiche  (l791),Speed  the  plough  (1798),  Secrets 
tfuorth  knowing  (1798),  The  blind  Girl  (1801); 
fichool  of  reform  (1805),  Town  and  Country 
U807),  Roland  for  an  Oliver  (18(9),  School 
ror  grown  Children  (1826),  Invincibles 
j  1828),  etc.  De  toutes  ces  pièces  il  y  en  a  cinq 
pu  six  qui  sont  restées  au  répertoire.  Morton  ne 
j)ril!ait  par  aucune  qualité  originale  ;  mais  il  avait 
|ine  grande  habitude  de  la  scène,  du  savoir-faire, 
iin  style  mesuré,  et  il  excellait  à  faire  ressortir 
je  talent  des  acteurs.  P.. 

1  Baker,  Biogr.  Dramatica. 

!   morton  (Samuel-Georges),  célèbre  natu- 


raliste américain,  né  le  26  janvier  1799,  à  Phila- 
delphie, où  il  est  mort,  le  15  mai  1851.  Son  père, 
émigré  irlandais,  établi  depuis  longtemps  à  Phi- 
ladelphie, mourut  quand  le  jeune  Samuel  était 
encore  au  berceau.  Sa  mère,  chargée  de  trois 
enfants,  et  n'ayant  que  de  minces  ressources,  vint 
demeureraux  Werst-Farms,à  quelques  milles  de 
New- York,  établissement  qui  était  alors  princi- 
palement occupé  par  une  population  d'Amis  ou 
Quakers.  Il  étudia  douze  ans  sous  leur  direction , 
et  si  ses  progrès  ne  furent  pas  rapides,  il  sentit 
du  moins  se  développer  en  lui  un  goût  prononcé 
pour  les  lettres  et  les  sciences.  Il  passa  de  là 
dans  l'école  de  Burlington,  et  y  travailla  sous  les 
auspices  du  quaker  Gummere;  puis  il  revint 
en  1814  à  Philadelphie  se  placer  dans  un  comp- 
toir de  commerce.  En  1817  il  perdit  sa  mère,  et 
la  même  année  un  exemplaire  de  la  16e  leçon  du 
docteur  Rush,  tombé  entre  ses  mains  et  qu'il  lut 
avec  délices,  vint  encore  changer  ses  projets 
d'avenir  ;  il  résolut  de  se  faire  médecin.  Il  entra 
donc  chez  le  docteur  Parrish,  dont  la  maison  fut 
pour  l'Amérique  une  pépinière  d'hommes  distin- 
gués; il  suivit  les  cours  de  l'université  dePensyl- 
vanie,  et  fut  reçu  docteur  en  1820.  La  même  année 
l'Académie  des  sciences  naturelles  de  Philadel- 
phie l'admettait  au  nombre  de  ses  membres.  Il 
vint  alors  en  Irlande  visiter  le  «  vénérable  on- 
cle »  auquel  il  devait  plus  tard  dédier  son  grand 
ouvrage  des  Crania  Americana.  Celui-ci,  peu 
édifié  sur  le  compte  des  universités  américaines , 
insista  près  de  son  neveu  pour  qu'il  se  fit  re- 
cevoir à  Edimbourg.  Morton  vint  donc  y  suivre 
l'enseignement  médical  au  milieu  du  mouvement 
philosophique  dont  la  capitale  de  l'Ecosse  était 
à  cette  époque  le  théâtre.  Une  longue  et  dange- 
reuse maladie  interrompit  là  ses  études,  et  ce 
n'est  qu'après  un  tour  en  Italie  et  en  Suisse, 
après  avoir  visité  Paris  et  Londres,  qu'il  vint 
présenter  à  Edimbourg  une.  thèse  intitulée  De 
Corporis  Doiore,  1823,  dans  laquelle  les  qualités 
de  la  forme  le  disputaient  à  celles  du  fond  ;  car 
Morton,  qui  était  poète  lui-même,  avait  étudié 
avec  passion  les  langues  et  les  littératures  an- 
ciennes et  modernes.  En  1826  Morton  revint  à 
Philadelphie  s'établir,  et  nous  le  retrouvons  là 
occupé  à  ranger  et  à  classer  le  muséum  de  l'A- 
cadémie qui  venait  de  changer  de  siège.  Il  fit 
même  à  celte  occasion  un  discours  où  il  retra- 
çait l'histoire  de  l'Académie  depuis  sa  fondation, 
et  dont  trois  éditions  furent  bientôt  épuisées. 

Le  premier  essai  scientifique  que  publia  Mor- 
ton fut  un  article  On  Cornine ,  a  new  alka- 
loid,  imprimé  dans  le  Med.  and  Phys.  Journal, 
1825-1826.  En  1827  il  présente  sa  première  com- 
munication à  l'Académie,  intitulée  :  Ânalysis  of 
Tabular  Spar,  from  Bucks  county,  Penn., 
with  a  notice  of  various  minerais  found  at 
the  same  local'Uy.  Ce  dernier  travail,  qui  n'est 
pas  sans  mérite,  fut  bientôt  suivi  dans  le  recueil 
de  l'Académie  d'une  foule  d'articles  et  de  mé- 
moires, quelques-uns  très-importants,  dont  nous 


683 


MORTON 


68 


donnons  plus  loin  la  liste.  La  découverte  de  nom- 
breux bancs  de  marne  avec  fossiles  dans  l'état 
de  New-Jersey,  les  travaux  du  canal  de  Chesa- 
peake,  alors  en  cours  d'exécution,  fournirent  en- 
core un  nouvel  attrait  et  un  nouvel  aliment  à  ses 
recherches  sur  la  géologie  et  la  paléontologie, 
qui  l'occupaient  alors  presque  exclusivement.  Il 
donna  aussi  de  nombreux  articles  au  journal  de 
Silliman,  et  dès  1834  les  résultats  auxquels  il 
était  arrivé  furent  consignés  dans  un  volume  in- 
titulé :  Synopsis  of  the  organic  Remains  of  the 
cretaceous  group  of  the  United-Stales  ;  Phi- 
ladelphie, 1834. 

Au  milieu  de  ces  travaux,Morton  trouva  encore 
le  temps  de  se  livrer  à  l'exercice  de  la  médecine 
avec  succès.  Il  fut  des  premiers  à  introduire  en 
Amérique  les  moyens  physiques  de  diagnostic  dans 
les  affections  thoraciques,  et  écrivit  même  un  ou- 
vrage sur  les  lésions  anatomiques  de  la  phtnisie 
{Illustrations  of  Pulmonary  Consumption, 
Us  anatomïcal characters ,  causes,  symptoms, 
and  treatment;  Philadelphia,  1834),  qu'il  avait 
étudiée  à  l'hôpital  d'Alms-house,  où  il  fut  mé- 
decin. Enfin,  il  professa  l'anatomie  au  collège  de 
médecine  de  Pensylvanie  de  1839  à  1843.  Depuis 
longtemps  Morton  avait  commencé  sa  célèbre 
collection  de  crânes  humains,  et  sa  tendance  vers 
l'étude  de  l'histoire  naturelle  de  l'homme  s'était 
révélée  dans  toute  sa  puissance.  Lui-même  en 
raconte  ainsi  l'origine.  «  Ayant  eu  occasion  dans 
l'été  de  1830  de  faire  la  leçon  d'ouverture  d'un 
cours  d'anatomie,  je  choisis  pour  sujet  :  Les 
différentes  formes  du  crâne  dans  lés  cinq 
races  d'hommes.  Chose  incroyable,  je  ne  pus 
trouver  ni  à  acheter  ni  même  à  emprunter  un 
crâne  de  chacune  de  ces  races,  et  je  finis  ma  le- 
çon sans  avoir  montré  ni  crâne  de  Malais  ni 
crâne  de  Mongol.  Profondément  frappé  d'une 
pareille  pénurie  dans  une  branche  aussi  impor- 
tante de  la  science ,  je  résolus  de  faire  une  col- 
lection pour  moi-même.  »  Alors  rien  ne  l'arrêta 
plus  ;  il  se  créa  des  relations  de  tous  côtés,  qui 
devinrent  bientôt  des  amitiés  solides;  chacun 
l'aida  et  aujourd'hui  la  collection  Morton  est.  la 
plus  vaste  du  monde.  Elle  comprenait  à  sa  mort 
quatre-vingt-huit  têtes  osseuses  de  reptiles  et  de 
poissons,  deux  cent  soixante  et  onze  d'oiseaux, 
deux  cent  soixante -dix -huit  de  mammifères, 
et  enfin  neuf  cent  dix -huit  crânes  humains, 
auxquels  il  faut  encore  en  ajouter  cinquante  et 
un,  qui  à  cette  époque  étaient  en  route  sur  toutes 
les  mers.  Cette  collection  fut  payée  quatre  mille 
dollars  et  placée  dans  le  musée  de  l'Académie. 
En  même  temps  que  Morton  était  devenu  le 
premier  craniologiste  du  monde ,  il  avait  fait  de 
profondes  études  en  ethnologie  et  révisé  tout  ce 
qui  avait  été  écrit  jusque  alors  sur  cette  science 
presqu'au  herceau.  Le  premier  but  qu'il  se  pro- 
posa fut  d'examiner  et  de  comparer  les  crânes 
des  tribus  indiennes  des  deux  Amériques.  11  dé- 
termina la  capacité  moyenne  et  la  forme  de  ces 
crânes  comparés  entre  eux  et  aux  autres  races 


d'hommes ,  ainsi  que  les  distinctions  ethniqui 
qu'on  en  pouvait  tuer.  Le  résultat  de  ces  tr, 
vaux  fut  les  Crama  Americana,  or  a  compi 
ralive  view  of  the  shulls  of  various  aborïg 
nal  nations  ofNorth  and  South  America  :  i 
which  isprefixed  an  Essay  on  tfie  varietie.»  i 
thehuman  species,  in-foli;  Philadelphia,  1&3 
Ce  grand  ouvrage  mit  le  sceau  à  la  réputation  < 
Morton  comme  anthropologiste.  Le  style  en  e  i 
grave ,  plein  de  ferveur  modeste ,  et  simji 
comme  l'auteurlui-même,  «  dénué,  dit  Humbolc 
de  ces  rêveries  poétiques  qui  peuvent  être  r 
gardées  comme  les  mythes  de  la  physiolog 
moderne  ».  L'auteur  y  considère  l'espèce  humai 
comme  «  composée  de  vingt-deux  familles  i 
groupes  de  nations  se  ressemblant  à  un  plus  ( 
moins  haut  degré,  par  les  caractères  physiqu 
et  moraux  et  par  le  langage.  »  Au-dessus  de  c 
familles ,  il  admet  la  division  en  cinq  races  < 
son  prédécesseur  Blumembach.  Il  arrive  à  cet 
conclusion  que  «  les  nations  de  l'Amérique 
l'exception  des  tribus  polaires,  sont  d'une  seu 
espèce,  mais  divisées  en  deux  grandes  famill 
qui  se  ressemblent  par  leurs  caractères  physique 
et  diffèrent  par  leurs  caractères  intellectuels. 

Le  succès  des  Crania  Americana  déte 
mina  la  carrière  scientifique  de  l'auteur, 
entra  à  cette  époque  en  relations  avec  G.-R.  Gli 
don,  consul  des  États-Unis  au  Caire,  qui  lui  adresi 
bientôt  une  nombreuse  et  remarquable  collectk 
de  crânes  recueillis  dans  la  vallée  du  Nil,  et  doi 
la  provenance  avait  été  scrupuleusement  déte 
minée.  Gliddon  arriva  lui-même  en  1842,  et  I( 
deux  amis  poursuivirent  de  concert  leurs  étude 
arrêtées  seulement  par  le  défaut  de  livres,  qu'i 
ne  pouvaient  trouver  à  consulter  en  Amériqii' 
entre  autres  le  grand  ouvrage  de  Rosellini.  t 
citoyen  de  New-York,  R.-K.  Haight,  l'acqui' 
dans  le  seul  but  de  favoriser  les  études  égy| 
tiennes.  Dès  lors  rien  n'arrêta  plus  Morton,  et 
fit  paraître,  dans  les  Transactions  de  \'An< 
Philos.  Society,  d'importantes  communication: 
bientôt  réunies  sous  le  titre  de  Crania  Mgyi 
tiaca,  or  observations  on  egyptian  ethnc 
graphy,  derived  from  history  and  the  mt 
numents  ;  Philadelphie  et  Londres,  1844.  Moi 
ton  y  étudie  successivement  la  question  de 
plus  anciennes  populations  de  la  vallée  du  Nil 
dès  races  qui  se  sont  succédé  sur  les  trône 
des  Pharaons ,  de  l'état  social  des  nègres  dan 
l'antique  Egypte,  des  rapports  ethniques  de 

Coptes,  des  Fellahs,  des  Nubiens,  etc L 

conclusion  dernière  de  l'ouvrage  est  que  «  lescf 
ractères  physiques  et  organiques  qui  distinguer 
les  différentes  races  d'hommes  sont  aussi  ancien 
que  les  plus  anciens  souvenirs,  de  notre  espèce  * 

Déjà  dans  les  Crania  Americana  Morto 
avait  exprimé  son  doute  sur  l'origine  uni 
que  du  genre  humain.  11  s'était  demandé  s 
dès  le  principe  chaque  race  n'avait  pas  été  cou 
formée  pour  les  conditions  locales  spéciales  a 
milieu  desquelles  elle  se  trouvait.  Morton  réveil 


685 


MORTON  —  MORUS 


68G 


(lait  ainsi  une  vieille  idée  qu'on  n'avait  jamais 
;  guère  osé  mettre  en  avant,  et  devint    le  chef 
i  l'une  nouvelle  école  en  anthropologie",   l'école 
[polygénique,  qui  compte  aujourd'hui  de  nom- 
breux et  chauds  partisans.  Il  revint  sur  ce  sujet 
1  lans  VAm.  Journ.  Se.    and  Art  :  So77ie  Ob- 
servations on  the  E/hnography  and  Archaio- 
\'ogy  of  the  American  Aborigènes,  1846  ;  bientôt 
;uivi  d'un  Essay  on  Hybridity  in  animais  and 
\olants,  çonsidered  in  référence  to  the  ques- 
tion of  the.  unityofthe  human  species,  1847. 
Iconcluten  ces  termes:  «  Si  des  individus  d'espè- 
hes  différentes  sont  capables  de  donner  ensemble 
i  m  produit  hybride  prolifique,  l'hybridité  cesse 
l'être  un  caractère  spécifique.  Donc  le  simple  fait 
[ue  les  différentes  races  donnent  ensemble  des 
Produits  plus  ou  moins  prolifiques  ne  constitue 
\  as  par  lui-même  une  preuve  de  l'unité  de  l'es- 
èce  humaine.  »  Il  dit  dans  an  autre  passage 
•«  ue  «  il  faut  regarder  comme  espèces  véritables 
/rue  species)  les  races  qui  soût  prouvées  pos- 
•jtider  certaines  distinctions  primordiales,'  qui  ont 
i  té  transmises  intactes  ».  Ces  doctrines,  défen- 
i  ues  pour  la  première  fois  avec  des  armes  véri- 
nblement  scientifiques,  soulevèrent  contre  le 
jiardi  novateur  une  tempête  d'attaques  et  d'op- 
i]  ositions  étayées  la  plupart  sur  l'incertitude  scien- 
ujfique  du  terme  espèce  que  Morton  définissait 
»  a  primordial  organic  form  ». 
l  En  1848,  une  grave  maladie  mit  la  vie  de  Mor- 
ft  >n  en  danger;  il  n'en  guérit  jamais  complètement. 
■  voulut  reprendre  ses  travaux  et  toutes  les 
I  ttigues  de  la  profession  de  médecin  qu'il  n'avait 
limais  abandonnée,  jusqu'au  jour  où  il  succomba 
;  our  ne  plus  se  relever.  Outre  les  travaux  que 
fous  avons  cités,  on  a  de  Morton  :  Biographi- 
ï)il  Notice  of,  the  late  G.  McClellan,  M.  D. 
iead  before  the  Philad.  Coll.  of  Physicians 
'349;  —  une  édition  annotée  de  Mackintosh 's 
H'raclice  of  Physic;  —  An  illustrated  system 
r  human  Anatomy,  spécial,  gênerai,  and. 
ncroscopic  ;  Philadelphia,  in-8°,  1849;  —  un 
■rand  nombre  de  notes  et  de  mémoires  publiés 
ans  le  Med.  and  Phys.  Journal  of  Philadel- 
ilïia,  1825-1826;  dans  le  Journ.  of  the  Aca- 
'emy,   1827  à  1848;  et   dans   VAm.  Journ. 
)cien.  and  Art,  1832  à  1847.  Ces  travaux  mon- 
tent  que  Morton  cultivait  avec  une   ardeur 
esque  égale  toutes  les  branches  des  sciences 
i  laturelles.  Voici  la  liste  complète  de  ses  mé- 
■loires   relatifs  à  l'anthropologie  publiés  dans 
Journ.  of  the  Academy ;   elles  ont    pour 
r  »tre  :  Some  Remarks   on    the  ancient  Pe- 
■tvians,  1841  ;  —  Remarks  on  a  mode  ofas- 
•rtaining  the  internai  capacity  of  the  hu- 
ancranium,  1841  ;  —  Observations  oneight 
"mils  from  Mexico;  1841;  —  Remarks  on 
te  sutures  of  the-  Cranium  as  connected 
ith  the  growth  of  the  corresponding  bones, 
ii4i;  —  On  the.  so-called    Pigmy  race  of 
\iople.  who  are  asserted  to  hâve  former ly 
\habited  a  part  ofthe  valleyof  the  Missis- 


sippi, 1841;  —  Resuit  of  measurement  of 
45  adull  negro  crania,  i)i  or  (1er  to  ascerlain 
the  internai  capacity  of  the  skull  in  the 
African  race,  1841  ;  —  On  an  adult  skelelon 
from  Ticul,  Yutacan,  1842  .  —  Iirief  Remarks 
on  the  diversilies  of  the  human  species  and 
on  some  kindred  subjects,  1842;—  Inquiry 
into  the  distinclive  characterisiies  of  the 
aboriginal  race  of  America,  1844;  —  Re- 
marks on  the  skull  of  a  Hotlentot;  —  On  a 
second  séries  of  ancient  Egyptian  crania, 
1844;  —  Measurements  of  skulls  of  native 
African,  1844;  —  Remarks  on  the  skulls 
of  a  Mexican ,  a  Lenape ,  and  a  Congo  ne- 
gro, i  845  ;  —  Jtemarks  on  the  crania  of  two 
ancient  Peritvians  ,  two  mound  skulls  from 
Missouri,  a  Hotlentot,  a  Mozambique  negro, 
and  four  mummied  Egyptian  heads,   1845; 

—  Remarks  on  an  aboriginal  cranium  from 
Chilicothe,  Ohio,  1847;  —  Remarks  on  an 
Indian  cranium  from  Richmond,  on  the  De- 
laware,  1847  ;  —  Remarks  on  a  Bushman  Boy 
ai  Philadelphia,  1848;  —  Remarks  on  an 
ancient  Peruvian  cranium  from  Pisco ,  1848; 

—  Remarks  on  four  skulls  of  Shoshonecs, 
1848;  —  Observations  in  the  size  of  the  brain 
in  various  rares  and  families  of  man,  1848. 

Morton  a  laissé  quelques  poésies  empreintes 
d'un  esprit  religieux  et  d'une  douceur  admira- 
ble qu'il  avait  puisé  dans  sa  jeunesse  au  milieu 
des  quakers.  On  a  aussi  de  lui  des  manuscrits 
sur  les  questions  qui  l'avaient  occupé.  Il  pro- 
jetait pour  l'avenir  un  ouvrage  intitulé  Élé- 
ments d'Ethnologie,  qui  devait  être  comme  le 
couronnement  de  sa  carrière  scientifique.  Des 
extraits  de  ses  manuscrits  ont  déjà  été  publiés 
par  MM.  Nott  et  Gliddon,  qui  ont  embrassé  et 
défendu  après  Morton  les  mêmes  doctrines  : 
Excerpta  from  Morton  inedited  manuscripts 
dans  Types  of  Mankind  ;  par  Nott  et  Glid- 
don; Philadelphie,  1854. 

Georges  Pouchet. 

Meigs,  A  Memoir  of  Morton. —  Wood,  A  Uograjphi- 
cal  Memoir  of  Morton.  —  Grant,  Sketch  of  the  Life 
and  character  of  Morton.  —  Patterson,  Memoir  of  the 
life  and  scientific  lab-ors  of  Morton. 

morton  (James,  comte  de).  Voy.  Douglas. 

morcs  (Thomas)',  célèbre  homme  d'État  et 
écrivain  anglais,  né  à  Londres,  en  1480  (1),  dé- 
capité le  6  juillet  1535.  Placé  de  bonne  heure  au 
collège  Saint-Antoine  de  Londres  par  son  père 
John  More,  chevalier  et  juge  du  banc  du  roi,  il 
y  fit  de  rapides  progrès.  Le  cardinal  Morton  en- 
tendit parler  du  savoir  précoce  du  jeune  écolier, 
et  le  fit  venir  devant  lui  ;  charmé  des  reparties 
vives  et  spirituelles  de  Morus,  il  l'admit  au 
nombre  de  ses  pages.  Dans  les  représentations 
dramatiques,  qui  se  donnaient  aux  grandes  fêtes 
dans  le  palais  du  cardinal ,  Morus  venait  sou- 
vent se  joindre  aux  acteurs,  et  improvisait  un 

(1)  C'est  la  date  généralement  admise;  quelques  histo- 
riens donnent  1479,  d'autres  1484. 


687 


MORUS 


( 


rôle  nouveau,  qu'il  jouait  avec  unegaîté  pleine 
d'entrain.  Vers  1497  il  fut  envoyé  à  Oxford  par  le 
cardinal  pour  y  terminer  ses  études.  Son  père, 
homme  à  mœurs  rigides,  ne  mettait  à  sa  dispo- 
sition que  peu  d'argent  à  la  fois,  de  peur  qu'il 
ne  se  laissât  distraire  par  les  plaisirs  ;  il  en  ré- 
sulta que  Morus  mit  amplement  à  profit  les  le- 
çons de  ses  maîtres,  Grocyn  et  Linacre,  deux 
savants  humanistes.  Sa  principale  distraction  était 
de  s'entretenir  avec  ses  deux  amis  intimes,  Lilly 
et  Tonstal.  Ses  compositions  en  vers,  soit  latins, 
soit  anglais,  surtout  ses  épigrammes  empreintes 
d'une  douce  ironie,  furent   bientôt  remarquées 
dans  toute  l'Europe.  «  Thomas  More,  écrivait 
alors  Beatus  Rhenanus,  compose,  avec  un  goût 
inimaginable;  il  traduit  avec  un  grand  bonheur 
d'expression.  Plaisant  sans  causticité ,  il  badine 
et  ne  blesse  point;  il  rit  sans  jamais  offenser 
personne.  »  C'est  à  cette  époque  aussi  que  re- 
montent deux  petits  poèmes  comiques  de  Morus, 
dont  l'un  a  servi  de  modèle  au  conte  de  John 
Gilpin  de  Cowper.  Bientôt  cependant  les  idées 
de  Morus  s'assombrirent  ;  il  souffrait  des  efforts 
que  lui  coûtait  sa  chasteté   exemplaire;  pour 
dompter  la  chair,  il  prit  un  cilice  qu'il  ne  quitta 
plus,  et  s'imposa  des  privations  sévères ,  qu'il 
cachait  avec  soin  aux  yeux  de  tous.  11  avait  pen- 
dant  quelque  temps  formé  le    projet  d'entrer 
dans  un  couvent  de  franciscains  ;  mais  il  y  re- 
nonça sur  les  conseils  de  son  directeur,  le  doyen 
Colet.  Pour  complaire  à  son  père,  il  se  livra  à 
l'étude  du  droit  (1),  qu'il  continua  à  Londres, 
où  il  était  retourné  en  1499.  Après  s'être  initié  à 
New-Inn  et  à  Lincolns-Inn  à  la  pratique  des  af- 
faires, il  fut  nommé  lecteur  dans  une  des  cours 
de  la  chancellerie.  Bientôt  après  il  attira  l'at- 
tention générale   par  les   conférences  qu'il  fit  à 
l'église  Saint-Laurent  de  Londres  sur  la  Cité  de 
Dieu  de  Saint-Augustin  au  point  de  vue  philo- 
sophique et  historioue.  La  lecture  de  ce  livre  re- 
nouvela en  lui  l'idée  de  quitter  le  monde;  il  alla 
habiter  un  couvent  de  chartreux  ;  partageant  les 
exercices  spirituels  des  moines  et  leurs  travaux 
manuels,  il  consacrait  le  temps  qui  lui  restait 
à  la  lecture  des  classiques  grecs  et  latins,  à  l'é- 
tude de  la  langue  française  et  à  la  musique,  qu'il 
aimait  aussi  beaucoup.  Après  avoir  ainsi  passé 
plusieurs  années  dans  la  retraite,  il  en  sortit  et 
se  maria.  Maluit  maritus  esse  castus  quam 
sacerdos  impurus,  dit  Érasme,  qui   était  dès 
lors  son  confident  le  plus  intime  (2).  Reçu  chez 
un  gentilhomme  du  nom  de  John  Coite,  il  était 
devenu  amoureux  de  la  seconde  de  ses  filles,  la 
plus  belle  de  la  maison  ;  il  se  rendait  auprès  du 
père  pour  la  demander  en  mariage,  lorsqu'il  ré- 

(1)  Qui  meapte  natura  vehementer  a  litibus  abhor- 
reo,  etiam  cum  lucrum  adhibent,  dit-il  lui-même. 

(2)  Dès  qu'ils  se  connurent,  Érasme  et  Morus  s'aimèrent 
comme  deux  frères.  Le  premier  saisit  toutes  les  occasions 
pour  citer  le  nom  de  son  ami  ;  il  trouve  moyen  de  parler 
de  lui  Jusque  dans  ses  grammaires;  «  In  IHoromihi  videor 
exstinctus,  adeo  p.îa  tyvyri  juxta  Pythaqoram  duobus 
erat.  » 


fléchit,  dans  sa  candeur,  que  Jeanne,  l'aînée,  sei 
chagrinée  de  cette  préférence;  aussitôt  il  ch, 
gea  de  résolution,  et  épousa  Jeanne,  qui  le  réco 
pensa  par  l'affection  la  plus  dévouée. 

Morus  se  mit  à  exercer  la  profession  d'avoc 
ses  talents  lui  valurent  bientôt  un  grand  nom] 
de  clients.  Loin  d'en  profiter  pour  s'enrichir 
faisait  constamment  tous  ses  efforts  pour  ne  ] 
avoir  à  plaider  et  pour  amener  par.  une  trans 
tion  la  fin  des  différends.  Jamais,  quels  que  fuss 
les  honoraires  qu'on  lui  offrait,  il  n'acceptait 
défendre  une  cause  qui  lui  semblait  injuste.  Ap 
être  resté  deux  ans  au  barreau,  il  fut  élu  ] 
les  habitants  de  Londres  un  des  sous-sheriff 
la  cité,  emploi   qui  consistait  alors  à  juger 
causes  civiles.  Il  y  montra  le  même  esprit 
probité  et  de  désintéressement  ;  il  remettait  a 
plaideurs  nécessiteux  les  frais  de  procédure  ( 
formaient  ses  émoluments.   Grâce  à   l'influer 
qu'il  acquit  sur  la   population  par   cette   nol 
conduite,  il  apaisa  une  violente  émeute  des  o  j 
vriers  de  Londres.  Nommé  en  1503  membre 
parlement ,  il  parla  avec  énergie  contre  les  ex. 
tions  croissantes  du  roi  Henri  VU  ;  pour  seveng 
ce  prince  fit,  sous  un  misérable  prétexte,  inten 
un  procès  au  père  de  Morus,  et  le  força  à  paj 
une  centaine  de  livres.  Ne  voulant  pas  plier  so 
l'arbitraire  du  roi  et  ayant  alors  tout  à  craindi 
Morus  se  retira  en  France.  A  la  mort  de  Hei 
il  revint  à  Londres ,  et  reprit  la  profession  d 
vocat.  Henri  VIII,  présent  à  une  audience, 
Morus  défendit  avec  succès  les  intérêts  du  par 
remarq ua  l'éloquence  du  jeune  légiste,  dont  il  av 
déjà  admiré  les  vers  sur  son  couronnement,  et 
chargea  le  cardinal  Wolsey  de  l'amener  à  la  coi 
Après  une  longue  résistance,  Morus ,  qui  aim. 
l'indépendance,  ne  se  décida  qu'après  beauco 
d'hésitation  à  servir  le  roi.Nômmé  d'abord  mail 
des  requêtes,  il  entra   bientôt  après  au  cons 
privé,  et  tut  créé  chevalier.  Plusieurs  missio 
diplomatiques  en  France  et  en  Flandre  lui  fure 
confiées.  Il  ne  se  départit  pas  dans  ses  nouvell 
fonctions  de  l'intégrité  sévère  qui  l'avait  emp 
ché  de  faire  fortune.   Cependant,  bien  qu'il  e 
gardé  pour  sa  propre  personne  les  goûts  les  pi 
simples,  il  avait  à  entretenir  sa  famille  suri 
pied  convenable.  Il  résidait  alors  à  Chelsea,  vi 
lage  à  deux  milles  de  Londres,  où  il  s'était  fi 
construire  une  maison  de  campagne.  Après 
mort  de  sa  première  femme  (1514),  dont  il  1 
restait  trois  filles  et  un  fils,  il  avait  épousé  Alii 
Middleton,  veuve,  ni  belle  ni  riche,  d'une  lu 
meur  inégale,  mais  bon  cœur  au  fond.  Elle  a 
mait  la  représentation,  et  se  moquait  parfois  di 
scrupules  de  son  mari  :  celui-ci  resta  insensible 
ces  railleries. 

Au  retour  d'une  deses  ambassades, Morusr 
fusa  l'offre  d'une  pension  considérable,  à  caus 
delà chargede  sous-sheriff,  qu'il  continuait  à  exe 
cer  :  «  S'il  arrivait,  écrivit-il  à  Érasme,  qu'ut  j 
question  de  privilège  s'engageât  entre  mes  cor  | 
citoyens  et  le  roi,  ils  me  croiraient  moins  sincèi  j 


389  MORUS 

■t  moins  dévoué  à  leurs  intérêts ,  en  me  voyant 
ié  par  les  récompenses  du  prince.  »  Si  le  soin 
le  sa  fortune  lui  causait  peu  de  soucis,  en 
evanche  il  regrettait  que  le  nombre  de  ses  oc- 
upations  l'empêchât  de  cultiver  les"  lettres, 
jorsqu'il  rentrait  chez  lui,  il  surveillait  réduct- 
ion, extrêmement  soignée,  qu'il  faisait  donner  à 
es  enfants ,  corrigeait  lui-même  leurs  devoirs, 
t  ne  cessait  de  leur  enseigner  là  pratfque 
es  préceptes  [évangéliques  ;  il  consacrait  le 
eu  de  loisirs  qui  lui  restaient  à-  étudier  les 
ioeurs  des  animaux,  dont  il  avait  formé  une 
lénagerie,  et  à  recueillir  une  collection  de  eu- 
osités  de  tous  genres.  Cependant,  sur  les  ins- 
mees  de  ses  amis,  il  résolut  de  composer  un 
jvrage  dignédes  espérances  qu'on  avait  conçues 
g  lui  dans  sa  jeunesse.  Abrégeant  ses  repas, 
àjà  si  courts,  gagnant  quelques  heures  sur  son 
mimeil,  il  travailla  pendant  plusieurs  mois  à  la 
•ddctiondesà  fameuse  Ulopie.W  en  communiqua 
manuscrit  à  quelques .  savants  de  ses  intimes, 
ai  le  comblèrent  de  félicitations.  Budé  mit  en 
te  une  préface;  Érasme  surveilla  Ini-même 
j  mpression  du  livré,  qui,  publié  en  1518,  excita 
issitôt  un  concert  d'admiration.  Le  poëte  fran- 
is  Germain  Brice ,  contre  lequel  Morus  avait 
ncé  peu  d'années  auparavant  quelques  épi- 
|  animes  (1),  conçut  la  plus  vive  jalousie  de  ce 
i  iccès  ;  il  fit  paraître,  sous  le  titre  d'Anti-Morus, 
^ pamphlet,  où  il  critiquait  amèrement  les  épi- 
;  'animes  de  son  adversaire.  Celui-ci  écrivit  une 
've  réponse,  qui  venait  d'être  imprimée  lors- 
iie  Érasme,  qui  était  lié  avec  Brice,  le  pria  de 
f  pas  donner  suite  à  cette  affaire;  Morus,  avec 
lie  grandeur  d'âme  rare  chez  les  lettrés  de  cette 
[ioque  et  même  de  tous  les  temps,  racheta 
ute  l'édition. 

i  Pendant  que  son  nom  se  répandait  en  Europe, 
torus  gagnait  tous  les  jours  dans  la  faveur  du 
Li  :  ce  u'élait  pas  tant  son  activité ,  son  ap- 
[ude  aux  affaires  et  sa  probité  qui  le  faisaient 
len  venir  du  prince;  mais  Henri  aimait  à  cau- 
jr  sur  les  lettres  ou  les  sciences  avec  Morus, 
mt  l'enjouement  et  les  saillies  l'amusaient, 
aussi  Morus  fut-il  en  peu  d'années  appelé  suc- 
ssivement  aux  emplois  de  trésorier  de  la  cou- 
nne,  et  de  chancelier  de  Lancastre.  Cependant 
(regrettait  vivement  la  sujétion  où  le  tenait  l'a- 
itié  que  lui  témoignait  Henri;  mandé  à  tout 
ornent  au  palais,  soit  pour  discuter  quelque 
ave  question  de  théologie  ou  de  philosophie, 
it  pour  égayer  le  roi  par  ses  bons  mots,  il  était 
rcé  de  résider  à  Londres,  et  ne  pouvait  visiter 

famille  que  de  k>in  en  loin.  Il  se  mit  alors  à 
ecter  à  plusieurs  reprisesla  plus  grandegravilé, 
rsque  le  roi  s'attendait  à  entendre  sortir  de 

bouche  des  plaisanteries  ;  il  parvint  ainsi  à 
-froidir  un  peu  le  goût  que  le  roi  montrait  pour 

personne,   et  à  recouvrer   quelque  liberté. 


690 


i)  Brice  avait  excité  l'animosité  de  Morus  en  célébrant 
vers  pompeux  la  destruction  du  magnifique  vaisseau 
Jijlate  le  Régent,  brûlé  par  les  Français. 


En  1523,  Morus  fut  élu  contre  son  gré  speaker 
du  parlement;  la  cour  le  porta  à  cet  office,  parce 
qu'elle  comptait  sur  son  influence  pour,  décider; 
l'assemblée  à  voter  les  énormes  impôts  devenus 
nécessaires  par  l'administration  de  Wolsey. 
Après  avoir  obtenu  la  promesse  qu'aucun 
membre  du  parlement  ne  serait  inquiété  pour 
l'expression  de  ses  opinions,  Morus  accepta  de 
défendre  la  demande  de  crédits,  qui  ne  furent 
cependant  votés  que  par  suite  des  menaces  du 
roi  contre  les  membres  récalcitrants.  Wolsey, 
qui  dès  la  première  séance  avait  cherché  à  in- 
timider l'opposition,  se  vit  forcé  d'abandonner 
cette  voie  par  les  réclamations  énergiques  de 
Morus  en  faveur  des  franchises  des  communes. 
Il  lui  en  fit  publiquement  des  reproches  quel- 
que temps  après  ;  loin  de  s'excuser  auprès  du 
tout-puissant  ministre,  Morus  répondit  à  cette 
sortie  par  des  plaisanteries.  Le  cardinal,  irrité,  es- 
saya de  se  débarrasser  de  lui  en  le  faisant  envoyer 
comme  ambassadeur  en  Espagne  ;  mais  Morus 
représenta  au  roi  que  sa  sanlé  délicate  ne  résis- 
terait pas  à  un  voyage  lointain,  et  il  obtint  de 
rester  à  Londres.  > 

Quelque  temps  après,  il  écrivit  contre  Luther 
un  long  traité,  où  il  relevait  dans  un  langage 
qui  nous  paraît  grossier  les  injures  lancées  contre 
Henri  VIII  par  le  moine  saxon.  L'amertume  de 
cet  écrit  s'explique  par  le  retour  de  Morus  aux 
idées  austères  de  sa  jeunesse.  «  A  mesure  qu'il 
s'élevait  dans  les  honneurs,  dit  M.  Nisard, 
son  humilité  augmentait  de  jour  en  jour, 
comme  un  correctif  croissant  de  la  fortune.  La 
prospérité  lui  faisait  peur  ;  les  faveurs  l'épouvan- 
taient comme  autant  de  tentations  et  de  pièges, 
et  il  n'engageait  dans  les  affaires  que  ses  talenls, 
réservant  sa  conscience,  à  Dieu....  Sa  maison 
avait  pris  peu  à  peu  l'air  d'un  couvent.  La  reli- 
gion se  mêlait  à  tous  les  travaux,  à  tous  les 
plaisirs.  Après  le  souper,  pendant  lequel  on  li- 
sait quelque  livre  édifiant  et  avant  qu'on  fît 
de  la  musique,  ce  qui  était  l'amusement  de  la 
veillée,  il  parlait  aux  siens  des  choses  de  la 
piété  et  leur  recommandait  le  soin  de  leur  âme. 
Dans  la  journée  chacun  était  occupé  de  quelque 
chose  d'utile.  Jamais  on  ne  jouait,  contre  la  cou- 
tume de  l'époque.  Pour  les  maîtres  comme  pour 
les  domestiques ,  séparation  des  hommes  et  des 
femmes.  On  ne  se  mêlait  qu'aux  heures  des  re- 
pas, pour  la  prière,  pour  la  lecture  de  piété.  »  La 
vivacité  avec  laquelle  Morus  avait  attaqué  Luther 
lui  valut,  contre  son  désir,  de  devenir  de  nouveau 
le  favori  du  roi.  Henri  allait  le  trouver  dans  sa 
maison,  partageait  son  modeste  repas  et  s'entre- 
tenait avec  lui  longuement  et  avec  abandon.  Un 
jour  le  roi  venait  de  le  quitter,  lorsque  Morus 
s'entendit  féliciter  par  son  gendre  Roper  de  l'af- 
fection que  lui  témoignait  le  roi;  il  répondit  avec 
tristesse  :  «  Si  ma  tête  pouvait  lui  faire  gagner 
un  seul  château  en  France,  il  n'hésiterait  pas  à 
la  faire  tomber.  » 

Quoique  plein  de  pressentiments  funestes,  il 


€91  MORUS 

n'osa  pas  refuser  la  dignité  de  grand  chancelier  vigilant 
qui  lui  fut  offerte,  lorsque  Anne  deBoIeyn  fut  par- 
Venue  à  faire  renvoyer  Wolsey(  1529).  Le  roi  l'a- 
vait désigné,  pourprofiter  de  l'ascendant  que  Mo- 
rus  ayait  sur  le.  parlement,  alors  très-mécontent  ; 
de  plus  il  espérait  que,  pour  garder  la  haute  posi- 
tion qui  lui  était  accordée,  Morus  ferait  taire 
ses  scrupules  au  sujet  du  divorce,  qui  se  pour- 
suivait alors  entre  Henri  et  Catherine  d'Aragon  ; 
et  il  pensait  que  toute  opposition  contre  son  ma- 
riage avec  Anne  cesserait  en  Angleterre  quand 
un  homme  aussi    respecté  que  Morus  y  aurait 


6< 


donné  son  adhésion.  Mais  Morus  avait  pris  la 
ferme  résolution  de  ne  participer  en  rien  aux 
mesures  qui  allaient  être  prises  pour  faire  pro- 
noncer ce  divorce. 

C'était  la  première  fois  que  les  sceaux  étaient 
confiés  à  un  homme  qui  n'était  ni  prélat  ni  de 
haute  noblesse.  Aussi  le  duc  de  Norfolk,  en  ins- 
tallant solennellement  Morus  dans  sa  nouvelle 
charge,  fit-il  un  pompeux  éloge  de  ses  qualités, 
qui  le  plaçaient  au-dessus  des  hommes  .les  plus 
illustres  par  leur  naissance.  Morus  répondit  avec 
une  humilité  sincère  et  un  courage  plein  de  mo- 
destie, ces  paroles,  trop  remarquables  pour  ne 
pas  être  citées  : 

«  Quand  je  regarde  ce  siège  et  que  je  considère 
quels  grands  personnages  s'y  sont  assis  avant  moi, 
quand  surtout  je  me  rappelle  l'homme  qui  l'a  oc- 
cupé 1e  dernier,  son  étonnante  sagacité,  son  expé- 
rience consommée,  quelle  fut  sa  haute  fortune 
pendant  quelques  années,  et  comment  il  finit  par 
une  chute  si  triste  ,  mourant  sans  honneur  et  sans 
gloire,  j'ai  quelque  raison  de  regarder  les  dignités- 
humaines  comme  choses  depeu de  durée  et  la  place 
de  chancelier  comme  beaucoup  moins  désirable  que 
ne  le  pensent  ceux  qui  m'en  voient  honoré.  C'est 
pour  cela,  que  j'y  vais  monter  comme  à  umposte 
plein  de  travail  et  de  dangers ,  dépourvu  de  tout 
honneur  véritable.et  solide,  et  d'où  il  faut  d'autant 
plus  craindre  de  tomber,  qu'on  tombe  de  plus 
haut.-..  Qu'on  juge  maintenant  combien  doivent 
me  plaire  et  la  dignité  de  chancelier  et  lés  éloges 
du  noble  duc.  » 

Lorsque  peu  de  temps  après  le  roi  essaya  de 
déterminer  Morus  à  se  prononcer  sur  la  légalité 
du  divorce,  le  chancelier  se  jeta  à  genoux  et 
rappela  au  roi  qu'avant  d'entrer  à  son  service,  il 
avait  juré  de  penser  d'abord  à  Dieu  et  après 
Dieu  au  roi,  ce  qu'il  ferait  toujours.  Henri  cacha 
son  dépit,  et  lui  promit  de  ne  plus  le  tourmenter 
sur  ce  point.  Pour  éviter  de  participer  à  l'affaire 
du  divorce,  Morus  se  renferma  strictement  dans 
les  attributions  judiciaires  de  sa  charge;  il  ap- 
porta toute  son  activité  à  faire  de  nouveau  ré- 
gner la  justice,  fort  négligée  sous  l'administration 
de  Wolsey.  «  Le  nouveau  chancelier,  ajoute 
M.  Nisard ,  mit  à  flot  toutes  les  affaires  laissées 
en  suspens,,  et  donna  une  impulsion  forte  et 
utile  à  tous  les  corps  de  la  judicature,  lesquels 
s'étaient  relâchés,  faute  d'un  contrôle  supérieur. 
Comme  magistrat,  nul  ne  porta  plus  loin  que  lui 
les  vertus  de  sa  profession,  probité,  intégrité, 


Dans  des  temps  réguliers,  où 
promptitude  et  la  sûreté  des  jugements  auraie 
été  comptées  comme  un  des  plus  grands  bie 
dans  un  vaste  État,  l'administration  de  Mor 
eût  été  assez  utile  et  assez  glorieuse  pour  qu'< 
lui  reconnût  le  droit  de  s'abstenir  de  toute  aut 
affaire.  Mais  dans  l'état  des  esprits  et  de  la  ch 
lisation  d'alors,  son  application  aux  devoirs 
sa  place  ne  fut  pas  appréciée,  et  nul  ne  lui 
tint  compte,  si  ce  n'est  peut-être  quelqu 
clients ,  qui  languissaient  après  une  décision 
qu'il  retira  des  mains  de  la  justice  subaltera 
....  Dans  les  cas  où  la  loi  et  le  bon  sens  étaie 
d'accord,  Morus  montrait  la  seule  qualité  qu'i 
exige  du  magistrat,  la  promptitude.  Dans  cei 
où  le  bon  sens  était  otfensé  par  la  loi ,  il  tes 
pérait  l'une  par  l'autre.  Dans  les  cas  imprévu 
il  avait  une  sorte  d'équité  ingénieuse,  à  la  m 
nière  de  Salomon,  plus  piquante  qu'élevée, 
marquée,  si  cela  peut  se  dire-,  d'un  peu  de  ru 
ticité.  On  en  citait  des  traits  qui  reportent  l'e 
prit  aux  temps  antiques.  » 

Dans  ses  moments  de  loisir,  de  plus  en  pli 
rares,  Morus  écrivait  des  ouvrages  de-pôK 
mique  religieuse,  et  il  y  apportait  une  arden 
croissante  contre  les  nouvelles  opinions.  Recoi 
naissant  de  son  zèle,  les  évêques  d'Angleterre 
cotisèrent  pour  lui  offrir  en  présent  la  somme  i 
8,000  livres.  Morus,  qui  occupait  la  place  la  ph 
lucrative  du  pays  à  raison  des  émoluments  détou 
nés  qu'elle  procurait,  était  cependant  resté  pauv 
parce  qu'il  n'avait  jamais  voulu  faillir  à  la  yi|| 
méticuleuse  honnêteté  :  il  refusa  la  récompen. 
qu'on  lui  destinait  pour  le  temps  qu'il  dérobait 
son  sommeil  afin  de  repousser  les  attaques  d< 
hérétiques  contre  la  religion  catholique.  Ceux- 
se  vengèrent  par  des  calomnies  ;  ils  accusèrei 
le  chancelier  d'à  voir  pendant  son  ministère  trai 
avec  la  dernière  cruauté  tous  ceux  qui  s'écartaiei 
de  l'Église  romaine.  Leurs  incriminations,  répété* 
depuis  par  la  plupart  des  historiens,  étaient  di 
nuées  du  fondement.  M.  Nisard  l'a  prouvé  le  pr 
mier,  avec  une  complète  évidence.  En  théorii 
Morus  regardait,  il  est  vrai,  l'hérésie  comme 
plus  grand  des  crimes,  et  il  admettait  comn 
justes  les  lois  de  répression  cruelles  alors  « 
vigueur  dans  tous  les  pays  catholiques  et  prote 
tants  contre  ceux  qui  ne  suivaient  pas  la  rel 
gion  de  l'État;  mais  sa  bonté  naturelle  le  i 
reculer  devant  la  mise  en  pratique  de  ces  prh 
cipes.  Voici  comment  il  s'exprime  dans  se 
Apologie  (  ch.  xxxvi  )  sur  les  reproches  qi 
ses  ennemis  lui  faisaient  d'avoir  fait  torturer 
fouetter  des  hérétiques  :  «  Je  n'ai  jamais  fa 
subir  aucun  traitement  de  ce  genre  à  aucro 
d'eux  dans  toute  ma  vie ,  excepté  de  les  ten 
bien  enfermés;  »  et  plus  loin  :  «  De  tous  ceu 
qui  sont  jamais  tombés  dans  mes  mains  poi 
crime  d'hérésie,  j'en  prends  Dieu  à  témoin,  pi 
un  n'a  reçu  d'autre  mal  que  d'être  enfermé  dar 
un  endroit  sûr;  sauf  cela,  je  n'ai  donnéàaucu 
ni  coup   ni  heurt  quelconque,  pas  même  ur 


)3 


liqueuaude  sur  le  front.  >-  (  V-oy.  sou  Apo- 
gie ,  cli.  xlix  ).  Dans  leur  réponse  à  YApo- 
gie  de  Morus,  ses  ennemis  n'osèrent  plus  re- 
oduire  leurs  imputations,  dont  la  fausseté  est 
core  prouvée  par  ce  passage -d'une  lettre  d'É- 
sme  :  «  Ce  fut  pourtant  une  assez  grande 
[euve  d'une  clémence  singulière  ,  que  sous  sa 
[  ancellerie  personne  ne  perdit  la  vie  pour  les 
(uvelles  croyances,  quoiqu'il  y  eût  dans  les 
lux  Germanies  et  en  France  de  nombreux 
temples  de  gens  punis  pour  ce  fait  du  dernier 
[oplice.  » 

\  Cependant  la  position  de  Morus  devenait  de 
Jts  en  plus  fausse  dans  un  ministère  dont  le 
jîf  Véritable  était  Anne  de  Boleyn.  Le  16  mai 
S?  il  remit  les  sceaux  entre  les  mains  du  roi, 
D  le  congédia  avec  beaucoup  de  remerctments 
2ir  tous  ses  bons  services.  «  11  se  trouva  si 
J  ilagé  et  si  libre  d'esprit  qu'il  reprit  tout  à 
ip  sa  gaieté  et  cette  humeui  particulière  qui 
il  des  sujets  de  plaisanterie  des  choses  les 
û  s  sérieuses.  »  On  le  vit  dans  la  manière  plai- 
i  te  dont  il  annonça  sa  démission  à  sa  femme. 
u  es  avoir  placé  sa  maison  au  niveau  du  re- 
u  de. cent  livres  par  an,  qui  lui  restait,  il 
i  tinua  à  l'habiter  avec  ses  enfants  et  ses  pc- 
!  -enfants;  mais  quelque  temps  après  la  pau- 
■  télés  força  d'abandonner  cette  vie  commune. 
1  ?é  de  la  société  des  siens  ,'Morus  devint  som- 
H  ;  ayant  naturellement  la  plus  grande  appré- 
1,  sion  de  la  douleur  physique ,  il  frémissait  à 
Rée  qui  s'enracinait  de  plus  en  plus  en  son  es- 
i  que  le  roi  ne  cherchait  qu'une  occasion  pour 
l .lerdre.  En  elfet  Henri  ne  pouvait  pardonner 
1  miliation  constante  pour  lui  d'être  désap- 
iuvé,  quoique  sans  bruit,  par  l'homme  le 
j  ;  honnête  de  son  royaume.  Cependant,  sou- 
Hi  par  sa  vive  piété ,  Morus,  qui,  il  l'avouait, 
Bit  peur  d'une  chiquenaude ,  en  vint  à  ne  plus 
miter  la  mort  et  à  s'y  préparer  avec  courage. 
(enri,  après  avoir  essayé  sans  succès  de  faire 
àmluire  Morus    en  justice  sous  divers  prétextes 
l' ies ,  notamment  pour  crime  de  non-révéla- 
t  dans  l'affaire  de  la  nonne  de  Kent ,  le  fit 
;>«imer  (avril  1534)  de  prêter  le  double  ser- 
fnt  d'allégeance  aux  descendants  de  la  nou- 
v  e  reine  Anne  et  de  suprématie  spirituelle  du 
afc  Morus  s'y  refusa  avec  constance,  quoiqu'il 
#avec  Fisher,  évêque  de  Rochester,  le  seul 
•i osant.  Condamné  à  la  prison  perpétuelle  et 
if  confiscation,  il  fut  enfermé  à  la  Tour.  Il  y 
pi  sa  un  an,  résistant  à  toutes  les  obsessions 
•A»  pour  ébranler  sa  résolution.  Sa  fille  Mar- 
*  £  rite  même,  son  enfant  favori  et  dont  les  vi- 
ls étaient  pour  lui  une  consolation  souve- 
l(e,  essaya  en  vain  de  le  faire  quelque  peu 

3;r.  Henri,  exaspéré  de  voir  un  seul  homme 
Js  tout  son  royaume  s'opposer  à  sa  tyrannie, 
ïj'lut  d'en  finir.  Cité  le  7  mai  t535  à  la  barre 
dibanc  du  roi  pour  crime  de  haute  trahison , 
fljus,  dont  l'attitude  dans  toute  cette  procédure 
«lue,  fut  admirable,  se  vit  condamné  à  mort, 


MORUS  604 

le  1er  juin  (I  . Six  jours  après  il  Put  exécuté  (2). 
Sa  tête,  exposée  plusieurs  jours  surle  pontde  Lon- 
dres,fut  rachetée  pars»  li'le  Marguerite.  Sa  veuve, 
chassée  de  la  maison  de  Chelsea,  reçut  une  pen- 
sion de  vingt  livres. 

«  Il  nVsi  pas  dans  l'histoire ,  dit  Mackintoscli  , 
de  caractère  qui  ait  plus  approché  de  la  perfec- 
tion que  celui  de  Morus.  Ne  disons  pas  de  lui  : 
Il  était  simple ,  naturel  ;  c'est  un  éloge  qu'on 
peut  décernera  tous  ceux  qui  ont  mérité  le  nom 
de  grand.  Il  semble  que  toutes  ces  qualités  aient 


(1)  Voici  quelques-uns  des  traits  à  jamais  remarquables 
qui  signalèrent  la  lutte  de  Morus  contre  le  roi,  contre  sa 
propre  famille,  contre  tout  son  pays. 

Sa  femme  étant  venue  le  voir  en  prison  lui  reprocha 
avec  emportement  sa  résolution  de  ne  pas  prêter  le 
nouveau  serment  imposé  'par  la  décision  des  chambres. 
«  Qu'est-ce  donc,  dit-elle,  que  ce  prétendu  sage  qui  se 
résigne  à  vivre  enfermé  dans  la  compagnie  des  rats, 
quand  il  pourrait  recouvrer  sa  liberté  et  revoir  sa  Jolie 
maison,  sa  bibliothèque,  sa  galerie,  son  jardin,  son  verger, 
sa  femme  et  ses  enfants,  pour  peu  qu'il  voulût  faire  ce 
que  tous  les  hommes  Instruits  de  l'Angleterre  avaient 
fait?»  —  Dites-moi,  dame  Alice,  répondit-il,  dites-moi 
une  seule  chose.  —Quoi? dit-elle.  —  Cette  maison-ci  n'est- 
eUe  pas  aussi  près  du  ciel  que  ma  jolie  maison  de  Chelsea. 
—  «  Chansons  !  Chansons  !  reprit-elle  avec  humeur.  — 
Je  ne  sais,  répliqua  Morus,  pourquoi  je  tiecdrals  tant  à 
ma  maison  et  tout  ce  qui  s'y  trouve  ;  car  si  après  avoir 
été  MX  ans  sous  terre,  je  sortais  de  ma  tombe  et  reve- 
nais à  Chelsea,  je  ne  manquerais  pas  d'y  trouver  des 
gens  qui  me  mettraient  à  la  porte  et  qui  me  diraient  que 
ma  maison  nest  pas  à  moi.  Pourquoi  donc,  encore  une 
fois,  ajmerais-je  tant  une  maison  qui  oublierait  sitôt 
son  maitre?  Voyons,  dame  Alice,  combien  d'années  me 
donnez-vous  à  vivre  et  à  jouir  encore  de  Chelsea?  — 
Vingt  ans,  dit-elle.—  En  vérité,  reprit-il,  si  c'était  mille, 
il  y  aurait  à  y  regarder.  Et  encore  serait-ce  un  mauvais 
marché  que  de  perdre  l'éternité  pour  mille  années;  mais 
combien  pire  serait-ce,  s'il  est  vrai  que  nous  ne  sommes 
pas  sûrs  d'un  jour  !  » 

Tout  en  se  refusant  à  prêter  le  serment  qu'on  vou- 
lait lui  extorquer,  il  fut  longtemps  avant  de  s'exprimer 
catégoriquement  sur  la  légalité  du  statut  qui  ordonnait 
ce  serinent.  Un  de  ses  juges  en  prit  occasion  pour  lui 
dire  :  «  Si  vous  avez  un  si  grand  désir  de  quitter  le 
monde,  que  ne  vous  prononcez-vous  nettement  contre 
la  légalité  du  statut?  Votre  silence  ferait  croire  que  vous 
seriez  moins  coulent  de  mourir  que  vous  le  dites.  »  Mo- 
rus fit  cette  sublime  réponse  .-  «  Je  n'ai  pas  été  un  homme 
d'une  vie  si  sainte  que  je  puisse  oser  m'offrir  de  moi- 
même  à  la  mort.  Je  craindrais  que  Dieu  ne  me  punit  de 
ma  présomption  en  m'abandonnant.  Aussi  au  heu  de  me 
jeter  en  avant,  j'ai  cru  devoir  plutôt  me  retenir  et  re- 
culer. » 

(2)  Sauf  Luther  et  quelques  autres  protestants  fanati- 
ques, tels  que  Crépin,  l'auteur  du  Martyrologe,  le  meur- 
tre juridique  de  Morus  ne  trouva  que  peu  d'approba- 
teurs, même  à  cette  époque  de  haiues  féroces.  «  Le  sup- 
plice de  Morus,  dit  Érasme  dans  son  récit  anonyme  sur 
la  mort  du  chancelier,  fut  un  sujet  d'universels  regrets 
pour  ceux  même  qui  avaient  été  en  opposition  avec  l'an- 
cien ministre  ;  tant  ce  grand  homme  était  aux  yeux  de 
tous  doué  de  candeur  et  de  sagesse  ;  tant  il  y  avait  en 
lui  de  bienveillance  et  de  bonté  1  Grand  chancelier  du 
royaume,  il  ne  congédia  jamais  personne  sans  que  le 
solliciteur  s'en  retournât  content  et  reconnaissant  des 
conseils  ou  des  bienfaits  du  ministre.  Beaucoup  d'hom- 
mes d'Etat  de  nos  jours  n'ont  de  faveurs  et  de  grâces  à 
accorder  qu'à  leurs  amis  ou  à  leurs  créatures.  Les  Fran- 
çais ne  prolétentque  des  Français,  les  Allemands  que  des 
Allemands,  les  Écossais  que  des  Écossais;  Morus  dans  sa 
bienveillance,  embrassait  tout  le  monde.  Cette  vertu 
lui  concilia  l'affection  universelle.  En  le  perdant  cha- 
cun pleurait  un  ami,  un  frère.  J'ai  vu  couler  les 
larmes  de  bien  des  gens  qui  n'en  avaient  jamais  reçu  ni 
faveurs  ni  services.  » 


695 


MORUS 


été  le  produit  spontané  de  sa  nature.  Il  est  en-  l 
joué  sans  ostentation,  il  monte  à  l'écliafaud  n'ayant  | 
pour  auréole  que  sa  bonté  sans  faste.  C'est  à 
Çhelsea,  au  sein  de  sa  famille,  qu'il  a  appris  à 
contempler  sans  émotion  la  hache  du  bourreau. 
On  pourrait  regretter  que  tant  de  qualités  supé- 
rieures aient  été  comme  enchaînées  au  service 
d'un  prince  qui  n'eut  presque  pas  de  rival  en 
perversité.  Et  cependant  Henri  VIII  servit  à  re- 
hausser le  courage ,  la  magnanimité,  la  douceur 
de  sir  Thomas  More.  »  Érasme,  dans  une  lettre 
à  Hutten,  nous  a  laissé  de  son  ami  un  portrait 
défailleront  nous  allons  reproduire  les  principaux 
traits.  Sa  taille  était  au-dessus  de  la  moyenne, 
ses  membres  bien  proportionnés,  son  allure  noble. 
Il  avait  le  visage  blanc  et  légèrement  coloré ,  les 
cheveux  de  couleur  châtain  foncé,  les  yeux 
bleus  et  tachetés.  Ses  mains  étaient  rudes  et  né- 
gligées, sa  toilette  n'était  jamais  soignée.  Il  avait 
une  voix  douce  et  pénétrante;  ses  manières 
étaient  aimables,  attirantes,  libres  de  toute  cette 
étiquette  particulière  à  son  pays  et  à  son  épo- 
que. Il  aimait  passionnément  le  repos  et  la  li- 
berté ;  mais  quand  le  devoir  le  voulait,  il  se  mon- 
trait un  modèle  de  zèle  et  de  patience.  Il  sem- 
blait né  pour  l'amitié;  peu  exigeant  pour  lui- 
même  ,  il  sacrifiait  ses  propres  affaires  à  ses 
amis.  Il  aimait  la  plaisanterie  jusqu'à  la  trouver 
bonne  même  contre  lut,  et  pourvu  qu'on  y  mît 
de  l'esprit  on  lui  plaisait  plus  à  le  railler  qu'à 
le  louer.  Il  s'amusait  de  toutes  sortes  de  discours, 
de  ceux  des  sots  comme  de  ceux  des  doctes; 
il  prenait  même  plaisir  aux  propos  du  peuple 
qu'il  allait  écouter  dans  les  marchés.  Il  recevait 
souvent  à  sa  table  les  paysans  du  voisinage,  les 
accueillant  avec  gaieté  et  familiarité.  Quant  aux 
grands  et  aux  riches ,  il  ne  les  fréquentait  qu'avec 
réserve  et  ne  les  admettait  que  rarement  dans 
son  intimité.  D'une  charité  inépuisable,  il  recher- 
chait les  pauvres  honteux  pour  les  assister;  il 
avait  loué  à  Chelsea  uns  maison .  où  il  entrete- 
nait un  certain  nombre  de  vieillards  infirmes. 
Enfin  Morus  fut  en  Angleterre  un  des  protec- 
teurs les  plus  actifs  et  les  plus  éclairés  des  let- 
tres et  des  arts  ;  c'est  lui  qui  accueillit  Holbein  à 
son  arrivée  en  Angleterre  et  qui  lui  procura  les 
bonnes  grâces  de  Henri  VIII. 

Les  œuvres  latines  de  Morus  ont  été  réunies 
en  un  volume  in-fol.,  Bâle ,  1563,  Louvain,  1566, 
et  Francfort,  1 589  ;  ce  recueil  contient  :  Histo- 
ria  Richardi  III,  régis  Anglias;  Responsio  ad 
convicia  M.  Lulheri;  Expositio  Passtonis 
Christi;  Quodprofide  mors  fugienda  non  sit; 
Precatio  ex  Psalmis  collecta;  Poemata; 
Epialolse;  enfin  Utopia,  sive  de  oplimo  rei- 
publicœ  statu.  «  Ce  livre,  dit  M.  Audin,  qui 
lors  de  son  apparition  excita  parmi  les  huma- 
nistes une  si  profonde  sensation,  dont  tout  le 
monde  connaît  le  litre,  que  quelques  philosophes 
ont  eu  seuls  la  patience  de  lire  et  dont  l'érudit 
le  plus  courageux  a  parcouru  quelques  pages  à 
peine,  n'est  point  une  œuvre  capitale,  mais  sim- 


plement un  jeu  d'esprit,  comme  les  savants  ;  ■ 

proposaient  à  cette  époque;  une  fantaisie  de  [ai 

tré ,  un  caprice  d'écrivain  qui  a  besoin  d>  \È 

distraire  et  d'amuser   ses  lecteurs...  L'UtiH 

forme  deux  livres,  ou  plutôt  un  livre  et  un  chc  ;  r. 

le  livre,  où  l'historien  trace  le  tableau  criti  H 

de  la  forme  sociale  telle  qu'il  l'a  trouvée  en  ïi 

gleterre  ;  le  chant,  où  le  poëte  construit  le  |  jjl  J 

d'une  organisation  dont  il  a  trouvé    la  fo  M 

dans  la  république  de  Platon.  Dans  ces  d  I 

fragments,  Morus  se  pose  en  réformateur.  L  • 

teur  trouve  la  législation  anglaise  trop  cru»  -s 

il  voudrait  adoucir  le  code  pénal  de  sa  nat  ■ 

«Je  pense,  dit-il,  qu'il  y  a  de  l'injustice  à  tue  I 

homme  parce  qu'il  a  pris  de  l'argent.  »  Il  va  D 

loin,  et  il  s'élève  de  la  manière  la  plus  forn  H 

contre  la  peine  de  mort.  Ailleurs,  pressé  pai  M 

arguments  du  cardinal  Morton  (1),  il  finit  ■ 

dire  sans  réticence  que  le  seul  moyen  de  c  ■ 

tituer  le  bonheur  du  genre  humain,  c'est  d'al  r 

la  propriété  ;  car  sans  la  communauté  des  bi  M 

le  peuple  ne  saurait  avoir  en  partage  que  dis  ■ 

et  tourment.  »  La  seconde  partie  de  l'Utopie  t 

le  poème  destiné  à  nous  révéler  les  merve  m 

de  ce  monde  imaginaire,  l'Ile  Utopie,  oui 

d'une  vie  sociale  toute  nouvelle  le  petit  pe  i  l 

dont  l'organisation  est  offerte  comme  mod^  à 

toutes  les  nations  du  continent.  Le  but  des  B 

titillions  sociales  en  Utopie  est  de  fournir  I 

bord  aux  besoins  de  la  consommation  publ  e 

et  individuelle ,  puis  de  laisser  à  chacan  le  I 

de  temps  possible  pour  s'affranchir  de  la  I 

vitude  du  corps,  cultiver  librement  l'esprit.  - 

velopper  ses  facultés  intellectuelles  pour  f é  ■ 

des  sciences  et  des  lettres.  C'est  dans  ce  d  I 

loppement  complet  que  les  Utopiens  font  '■ 

sister  le  vrai  bonheur.  Dans  l'île  d'Utopie  t 

vient  du  peuple,  tout  remonte  au  peuple;  le  I 

gistrat  est  élu  par  le  peuple  au  scrutin  seel 

tout  comme  le  prêtre.   L'organisation   ciil 

fondée  sur  la   famille,,  est  entièrement   ni 

blicaine;  toutes  les  fonctions  sont   annuel! 

sauf  celle  du  chef  de  la  nation,  qui  est  noi  " 

à  vie.  Tout  appartient  à  tous,  sauf  les  femi  I 

Outre   l'agriculture,    chacun   est   tenu  de  m 

voir  un  métier;  il  n'y  a  que  ceux  qui  mont  H 

des  dispositions  bien  constatées  pour  les  se  9 

ces    qui    soient   dispensés   des    travaux    I 

nuels,  qui  occupent  six  heures  dans  la  jou  m 

de    chaque  Utopien.    On  mange    en    comil 

dans  des  salles  où  se  trouvent  réunis  tous  M 

moyens  de  charmer  les  sens ,   musique ,  ,  m 

fums,etc.  En  se  livrant  à  leur  penchant  i  H 

tous  les  plaisirs  permis ,  les  Utopiens  crew 

suivre  la  volonté  de  Dieu.  Le  mariage,  quinM 

contracte  que  lorsque  les  fiancés  se  sont  vus  H 

à  face  et  sans  voile,  peut  être  dissous  par  <rj 

sentement  mutuel;  mais  l'adultère  est  le  M 

crime  qui  soit  puni  de  mort.  Toutes  les  >■ 

gions  sont  tolérées  en  Utopie.  Notons  encore  M 

(1)    Le  premier  livre  de  VUtopie  est  en  forme  de  p 
logue  ;  le  cardinal  Morton  est  un  des  interlocuteurs. 


MORUS  —  MORVAN 


698 


is  ce  pays,  où  la  propriété*  n'est  pas  reconnue, 
/  a  <les  esclaves  j  une  preuve  de  plus  que  Ma- 
,  ne  se  donnait  pas  la  peine  de  faire  regarder 
ome  sérieuses  les  idées  qu'il  émettait  dans 
niable  jeu  d'esprit  auquel  les  communistes  de 
1  jours  ont  voulu  donner  une  tout  autre  por- 
i    L'Utopie  a  été  traduite  dans  toutes  les  lan- 
I  s  de  l'Europe ,  notamment  en  français  ;  Pâ- 
li 1550,  in-8°(par  J.  Le  Blond),  et  Paris,  1842, 
i  t°,  par  Frouvenel ,  avec  introduction  et  notes. 
H  jes écrits  de  Morus,  rédigés  en  anglais,  ont  été 
i  leillis  en  un  volume,  in-fol.;  Londres,  1557, 
k  y  trouve  surtout  des  écrits  de  controverse 
■  pieuse,  tels  que  :  A  Dialogue,  The  suppli- 
tion  of  Soûls,  The  Con/utation  of  Tyndale's 
\wer  to  his  Dialogue,  The  debellacyon  of 
g  em  and  Byzance,  des  prières,  des  lettres  à 
fille  Marguerite  et  YApology  de  Morus  écrite 
S  >  533,  en  réponse  à  un  pamphlet  dirigé  contre 
i  croyances  et  son  administration.  Dans,  les 
gte  Paper  s,  publiés  par  M.  Ellis,  se  trouvent 
«ieurs  lettrés  de  Morus  adressées  à  Wolsey. 
E.  GrÉcoiRE. 

x,  fila  Mori  (Oxford,  1716,   traduit  en  anglais  ; 
res,  I73î).  —  Stapleton,  Très  Thomse  (Douai,  t588; 
lit  en  français  et  annoté  par  Audin ,  Paris,  1849  ).  — 
e  More,  The  Life  of  Th.  More  (Londres,  16J7  et 
l'auteur  était  arrière-petit-fils  de  Morus).  —  Hod- 
on,  The  Life  of  Th.  More,  —  Walter,  Thomas  Mo- 
t  son  époque,  traduit  librement  de  l'anglais  par 
gner  (Tours,  18*7,  ln-8°).  —  Rudhart,  Thomas  Mo- 
ins den  Quellen  bearbeitet  (Nuremberg,  18:9,  in-8°). 
ommes,  Tho.  Morus   (Augsbourg,  1847,  in  8°). — 
on,  Mémoires,  t.  XXV.  —  A  Cayley,   Memoirs  of 
Th.  More.  —  Campbell,  Lives  of  the  lord  chief-jus- 
(  la  partie  de   cet  ouvrage  concernant  Morus   a 
é  traduite  par  Mme  Roland  dans  la  Revue  Indépenr 
Wte,  n°«  des  10  août  et  20  septembre  1846).  —  D.  ISlsard, 
Hcs  sur  la  Renaissance.  —  Enfin,  une  des  sources  les 
I  importantes  à  consulter  sur  Morus,  c'est  le  recueil 
Lettres  d'Érasme. 

IORîs    (  Samuel-Frédéric-Nathanael  ), 

Eianiste  et  théologien  allemand,  né  le  30  no- 
bre  1736,  à  Lauben  (  Haute-Lusace  ),  mort 
eipzig,  le  11  novembre  1792.  Distingué  de 
jne  heure  par  son  application  à  l'étude  et 
la  solidité  de   son  jugement,  il  professa  la 

Îosophie  à  Leipzig  (1768),  puis  les  langues 
:que  et  latine  (  1771  ).  Après  la  mort  d'Er- 
ti,  dont  il  avait  été  le  disciple  et  sur  les  traces 
|uel  il  s'efforça  de  marcher,  il  fut  nommé 
jfesseur  de  théologie  (  1782  ).  Savant  modeste 
laborieux ,  ayant  plus  de  bon  sens  que  de 
lie,  il  sut  faire  des  concessions  aux  tendances 
Illogiques  modernes,  avec  tact  et  discerne- 
Int,  suivant,  sans  jamais  le  hâter,  le  mouve- 
lit  qui  depuis  le  milieu  du  siècle  dernier 
Bssa  la  science  dans  un  sens  nouveau  et  ap- 
liua  aux  diverses  branches  de  la  théologie 
H  résultats  les  plus  certains  des  recherches 
Boriques  et  philologiques.  Outre  des  éditions 
ftmées  de  Xénophon,  d'Isocrate  ,  de  Plutar- 
1,  de  l'empereur  Antonin,  de  Longin  et  de 
Rîs  César,  et  on  grand  nombre  de  commen- 

5 es  sur  la  plupart  des  livres  d'i  Nouveau 
tament,  publiés  après  sa  mort  par  quelques- 


uns  de  ses  disciples,  on  a  de  lui  :  Vita  J.-J. 
lieiskii  ;  Leipzig,  1776,  in-8°;  —  Epitome 
Theoloqix  Christian  x  ;  Leipzig,  1789,  in-8u; 
trad.  en  allem.  par  Schneider  (  1795  );  ce  ma- 
nuel de  théologie  a  eu  plusieurs  éditions  et  a 
servi  pendant  assez  longtemps  de  texte  aux 
cours  de  dogmatique  dans  plusieurs  universités 
de  l'Allemagne;  —  Commentarius  exegetico- 
hïstoricus  in  Mori  Epitomen  ;  Halle,  1797- 
1798,  2  vol.  in-8°  :  cet  ouvrage,  publié  après  sa 
mort  par  C.-A.  Hempel,  contient  le  développe- 
ment qu'il  donnait  dans  ses  leçons  à  sou  Épitomé 
de  Théologie;  —  Akademische  Vorlesungen 
uber  die  theologische  Moral  (  Leçons  académi- 
ques sur  la  morale  théologique  );  Leipzig,  1794- 
1795,3  vol.  in-8°,  publiées  par  les  soins  de  F.-T. 
Voigt;  —  Dissert,  theologicx  et  philologicx  ; 
Leipzig,  1787-1794,  2  vol.  in-8°;  trad.  en  allem. 
par  Rûchel  (  Leipzig,  1793- 1 794  )  ;  —  Super  her- 
meneutica  Novi  Testamenti  Acroases  acade- 
micx;  Leipzig,  1797-1802,  2  vol.  in-8°;  publié 
par  H.-K.-Abr.  Eichstaedt.  M.  N. 

Conversations  -Lexlkon. 

morcs.  Voy.  More. 

imorvan  ou  morman,  roi  de  la  Bretagne 
armoricaine,  tué  en  818.  Descendant  des  pre- 
miers comtes  de  Léon,  il  fut,  à  l'avènement  de 
Louis  le  Débonnaire,  élu  chef  de  la  nation  bre- 
tonne, décidée  à  secouer  la  domination  franque. 
Sur  son  refus  de  payer  le  tribut  imposé  aux 
Bretons  par  Charlemagne ,  Louis  appelle  à  sa 
cour,  pour  le  consulter,  le  comte  Lambert,  qui 
était  chargé  de  maintenir  ce  peuple  dans  la 
soumission.  Au  rapport  d'Ermold  Nigellus , 
chroniqueur  contemporain ,  Lambert  se  serait 
exprimé  sur  les  Bretons  dans  ces  termes,  dictés 
par  la  haine  :  «  C'est  une  race  orgueilleuse  et 
perfide,  pleine  de  malice  et  de  mensonge  ;  elle 
est  chrétienne ,  mais  c'est  seulement  de  nom , 
car  elle  n'a  ni  la  foi  ni  les  œuvres  ;  elle  habite 
les  bois  comme  les  bêtes  fauves,  et  vit  comme 
elles,  de  rapines.  Son  chef  s'appelle  Morman,  si 
tant  est  qu'il  mérite  le  nom  de  chef,  lui  qui 
régit  si  mal  son  peuple  »  Louis  envoya  auprès 
de  Morvan  Witeher,  abbé  de  la  marche  de  Bre- 
tagne, qui  se  présenta  devant  la  demeure  du 
roi,  située  au  milieu  d'un  bois  épais,  et  entourée 
de  haies  et  de  fossés.  Admis  auprès  de  Morvan, 
l'abbé  était  sur  le  point  de  décider  le  roi  à  re- 
connaître la  suzeraineté  de  l'empereur,  lorsque 
entra  tout  à  coup  l'épouse  du  prince.  «  Cette 
femme  altière  et  insidieuse,  dit  Ermold,  venait 
de  quitter  son  lit  et  apportait  le  premier  baiser- 
à  son  mari.  L'ayant  embrassé,  elle  lui  parla 
longtemps  à  voix  basse;  puis,  jetant  un  regard 
de  mépris  sur  l'envoyé,  et  s'adressant  tout  haut 
à  Morvan  :  «  Roi  des  Bretons,  dit-elle,  honneur 
de  notre  nation ,  quel  est  cet  étranger  et  d'où 
vient-il  ?  Que  nous  apporte-t-il  ?  Est  ce  la  guerre, 
est-ce  la  paix  ?»  —  «  C'est  lé  messager  des 
Francs,  répond  en  souriant  Morvan.  Qu'il  ap- 
porte la  paix  ou  la  guerre,  ces  choses  regar- 


699 


MORVAN  — 


dent  les  hommes';  femme,  va  en  repos  à  tes 
affaires.  »  —  Cependant  le  roi  remet  sa  réponse 
au  jour  suivant;  lorsque  le  lendemain  matin 
Witeher  se  présente  pour  la  recevoir,  le  roi  lui 
dit  d'une  voix  altérée  :  «  Va  dire  à  ton  césar  que 
Morvan  n'habite  point  sa  terre,  et  qu'il  ne  veut 
point  de  ses  lois.  Je  refuse  le  tribut  et  je  défie  les 
Francs.  »  En  vain  l'abbé  le  menace  de  la  colère 
de  Louis,  qui  fera  marcher  contre  les  Bretons 
des  milliers  de  soldats  ;  Morvan  répond  :  «  Eh 
bien!  moi  aussi  j'ai  des  chariots,  pleins  de  ja- 
velines; j'ai  des  boucliers  coloriés,  si  vous  en 
avez  de  blancs.  »  Witeher  va  rapporter  ces 
paroles  à  l'empereur,  qui  assemble  une  armée 
considérable,  et  l'envoie  en  Bretagne.  Les 
Francs  dévastent  tout  le  pays;  aucun  ennemi 
ne  les  aborde  de  front  en  plaine;  les  Bretons 
se  cachent  parmi  les  rochers  et  les  buissons,  ou 
se  retranchent  derrière  leurs  enclos  et  font  une 
guerre  de  surprises.  Morvan,  avec  un  petit  nom- 
bre de  guerriers,  s'apprête  à  cerner  un  parti  de 
Francs ,  qui  escorte  les  bagages  ;  avant  de 
quitter  sa  demeure,  il  vide,  selon  la  coutume  du 
pays,  une  énorme  coupe,  et  promet  à  sa  femme 
de  lui  rapporter  ses  javelots  teints  du  sang  en- 
nemi. Jl  joint  bientôt  le  corps  de  Francs  qu'il 
guettait,  l'attaque  de  tous  côtés,  s'éloigne  et  re- 
vient à  la  charge  selon  la  coutume  de  sa  nation. 
Il  se  précipite  enfin  sur  Hossel,  le  chef  en- 
nemi, et  lui  lance  son  javelot  ;  le  Franc  pare  le 
coup  avec  son  bouclier,  et  frappe  le  roi  de  sa 
lance  pesante;  atteint  à  la  tempe,  Morvan  tombe 
mort;  quelques  instants  après  Hossel  est  tué 
par  un  Breton.  La  tête  du  roi  fut  portée  à  l'em- 
pereur ;  les  Bretons  se  soumirent,  et  payèrent  le 
tribut  pendant  quelques  années.  Tel  est  le  récit 
dramatique  du  moine  qui,  comme  le  remarque 
Aug.  Thierry  (LettressurVhistoirede  France), 
aurait  pu  faire  naître  des  inspirations  poétiques 
pleines  d'intérêt.-  O. 

Ermoldus  Nigellus',  De  Rébus  gestis  Ludovici  PU.  — 
Courson,  Histoire  des  peuples  Bretons'. 

morvan  (Olivier-Jean),  littérateur  fran- 
çais, né  le  15  mai  1754,  à  Pont-Croix  (Bre- 
tagne), guillotiné  le  22  mai  1794.  Avocat  à 
Quimper,  il  fut  nommé  en  1790  membre  du  di- 
rectoire de  son  département  ;  arrêté  comme  fé- 
déraliste avec  tous  ses  collègues,  il  périt  sur  lfé- 
chafaud.  Il  a  laissé  quelques  pièces  de  vers  re- 
marquables, telles  que  une  Êpître  aux  Mu- 
ses ,  insérée  dans  le  Mercure  (1786),  une 
Ode  contre  le  jeu,  dédiée  à  Dusaulx;  et  une 
Ode  sur  le  triomphe  de  l'humanité  dans  le 
dévouement  héroïque  du  prince  Léopold  de 
Brunswick  (  1789,  in-8°  ).  K. 

Miorcec  de  Kerdane t,  Écrivains  de  la  Bretagne. 

mortelle  {Charles-Jean-Baptiste  Fleu- 
re au,  comte  de),  diplomate  français,  né  le  30  oc- 
tobre 1686,  à  Paris,  mort  le  2  février  1732,  à 
Versailles.  Il  était  fils  de  Fleuriau  d'Armenon- 
ville,  garde  des  sceaux  (l).  Destiné  à  la  magis- 

(1)  Son  père,  Josepft-Jean-Baptiste  Fleuriau  d'Ar- 


MORVILLIER  7 

trature,  il  fut  en  1706  avocat  du  roi  au  Châtelt 
puis  conseiller  au  parlement  de  Paris  et  pro<  '<i 
reur  général  au  grand  conseil.  En  1717  il  vén  I 
cette  dernière-charge  à  l'avocat  Héraut,  qui  pi  I 
tard  devint  lieutenant  de  police,  et  remplaça  I 
mois  de  janvier  17 18  M.  de  Châteaurteuf  djli 
l'ambassade   de  Hollande;  il  sut  tellement 
concilier  l'estime  et  la  confiance  des  états  géi 
raux  de  ce  pays,  qu'il  les  détermina  à  consenl  fi 
le  8  mars  suivant,  à  la  quadruple  alliance.    I 
1720  il  fut  désigné  avec  Saint-Contest  pour  i  I 
sister  au  congrès  de  Cambrai.  Toutes  les  pu  ï 
sances  de  l'Europe  y  envoyèrent  des  représc  I 
tants  ;  mais,  suivant  l'expression  de  Saint-Sirn<  \ 
les  cuisiniers  y  eurent  plus  d'affaires  que  lei  | 
maîtres.  Le  9  avril  1722  Morville  succéda  à  s  I 
père  dans  le  ministère  de  la  marine,  et  après  | 
mort  du  cardinal  Dubois  (  10  août  1723  )  il  pas  j 
au  département  des  affaires  étrangères,  où  ilre:  I 
jusqu'au  19  août  1727.  On  ignore  si  sa  retra  J 
fut  causée  par  la  disgrâce  de  son  père  ou  r. 
l'influence  de  la  reine  d'Espagne,  qui  ne  pouv  ( 
lui  pardonner  de  s'être  associé   au  renvoi 
l'infante.  II  était  entré  dans  l'Académie  França  j 
Ie23  juin  1723,  en  remplacement  de  l'abbédeDîj 
geau.   L'Académie  de  Bordeaux  l'avait  chc  ; 
*  pour  protecteur.  «  Élevé  aux  plus  grandes 
gnités  de  l'État ,  dit  D'Alembert,  il  ne  manqu  [ 
au  comte  de  Morville  que  de  les  perdre  poj 
prouver  combien  il  en  était  digne....  Les  letti 
et  les  beaux-arts,  qu'il  aimait,  firent  non  pas 
ressource,  mais  la  douceur  de  sa  retraite.  » 

Saint-Sfmoii,  Mémoires.  —  D'Alembert,  Éloges. 

mOrvillier  (Jean  de  ),  prélat  et  minisl 
français,  né  à  Blois,le  1er  décembre  1506,  mon 
Tours,  le  23 octobre  1577.  11  était  fils  d 'Etienne >| 
Morvillier,  seigneur  de  Nézement,  de  Saint-LulJ 
et  de  La  Sourdière,  procureur  du  roi  Louis  3 
au  comté  de  Blois.  Sa  mère  se  nommait  Maftï 
Gaillard.  Jean  de  Morvillier  fut  d'abord  doy 
de  Bourges  et  d'Évreux,  abbé  de  Saint-Pier] 
de  Melun  et  de  Bourg-Moyen,  puis  désigné  p 
le  roi  Henri  II  évêque  d'Orléans  et  confirmé  pj 
le  pape  en  la  possession  de  cet  évêché,  le  27  avi 
1552.  Ce  n'est  pas  la  liste  complète  de  ses  b 
néfices  :  il  en  posséda  beaucoup  d'autres; 
cependant  il  les  fit  tous  gérer  par  des  vicaires  I 

menotîville,  appartenait  à  une  famille  de  marchai) 
établie  à  Tours;  il  vint  à  Paris  en  1684,  s'intéressa  da 
les  fermes,  et  acheta  une  charge  de  secrétaire  du  roi.  F  j 
l'intermédiaire  du  contrôleur  général  Le  Pelletier,  s  I 
beau-frère,  il  obtint  une  place  d'intendant  des  finan&l 
qu'il  échangea  en  1701  contre  celle  de  directeur  génér  I 
«  Celait,  dit  Saint  Simon,  un  homme  léger,  gracleil 
respectueux  quoique  familier,  toujours  ouvert,  tnujoi 
accessible,  aimant  le  monde,  la  dépense  et  surtout  \ 
bonne  compagnie,  qui  était  nombreuse  chez  lui.  »Rédil 
en  1708  à  la  simple  fonction  de  conseiller  d'État,  il  su 
céda  en  1716  au  marquis  de  Torcy  comme  ministre  de  ! 
marine;  dans  l'année  même  où  il  céda  ce  portefeollle I 
son  fils,  il  avait  été  nommé  garde  des  sceaux  (28  fcvrl  I 
1722).  Disgracié  en  1727,  il  se  retira  au  château  de  M 
drid,  que  Louis  X IV  lui  avail  donné,  et  y  mourut,  le  27  n  I 
vembre  1728.  Un  de  ses  frètes,  Thomas  Charles  Flei! 
riau,  était  jésuite  et  a  lafssé  quelques  ouvrages  |  vo\ 
ce  nom).  ' 


H 

s  procureurs.  Tout  entier  au  service  (lu  roi,  il 
;rut  rarement  même  dans  son  évêché.  Il  eut 
ietix   fait  peut- être  de  n'y    paraître   jamais, 
lisque  sa   présence  à  Orléans  fut  l'occasion 
in  scandale  et  d'un  long  procès.  Voici  le  récit 
régé  de  cet  événement.  Suivant  la  mode  de  la 
nr,  Jean- de  Morvillier,  plus  gentilhomme  qu'é- 
qoe,  portait  une  longue  barbe.  A  la  vue  de 
te  barbe  les  chanoines  d'Orléans  se  débour- 
rent indignés,  et,  réunis  en  chapitre,  le  3  no- 
mbre 1552,  ils  décrétèrent  que  le  seigneur 
Sqtie  serait  sommé  de  supprimer  au  plus  tôt 
ornement  peu  canonique.  Celui-ci  reçut  la 
nmation,  mais  n'y  fit  pas  droit.  De  là  nou- 
les  plaintes,  refus  d'obéissance,  débats  judi- 
ires,  textes  allégués,  et  dans  toute  l'église 
»rléans  grand  tumulte.  Cette  grave  et  ora- 
ise  controverse  dura  près  de  quatre  ans. 
fa,  Jean  de  Morvillier,  estimant  que  la  cause 
sa  barbe  était  perdue,  fit  intervenir  le  roi 
is  cette  affaire.  En  l'année  1 556,  le  roi  écrivit 
chanoines  d'Orléans  qu'il  avait  dessein  d'en- 
*er  Jean  de  Morvillier  en  des  pays  étrangers 
sa  barbe    lui  serait  nécessaire,  in  quibus 
essarta  erat  barba.  Ainsi  la  contestation  fut 
.oinée.  Jean  de  Morvillier  reçut  à  Orléans, 
I560,  François  II  et  sa  femme,  Marie  Stuart. 
1561   il  assistait  au  colloque  de  Poissy;en 
3,  an  concile  de  Trente.  Enfin,  en  1564,  il  se 
it  de  l'évêcbé  d'Orléans  en  faveur  deMathurin 
>a  Saussaye ,  son  neveu.  Nous  Ip  voyons,  en 
},  nommé  garde  des  sceaux  de  France  ;  mais  il 
«qua  cette  charge  en  1570.  Il  revenait  d'un 
âge  à  Poitiers,  quand  il  fut  surpris  à  Tours  par 
•aladie  qui  l'emporta.  Il  avait  pendant  trente- 
;  ans,'  suivant  le  témoignage  de  Scévole  de 
Ite-Marthe,  joui  d'un  grand  crédit  à  la  cour 
rance,  ou  la  modération  de  son  caractère  ne 
vait  pas  acquis  moins  de  partisans  que  son 
leté  dans  le  règlement  des  affaires  diploma- 
:s.  On  prédit  un  échec  à  sa  bonne  renommée 
id  il  fut  chargé  de  la  garde  des  sceaux, 
&  la  disgrâce  de  Michel  de  L'Hôpital.  Le 
celier  de  L'Hôpital  devait  être  regretté  ;  il 
it  :  cependant  la  bonne  grâce  de  Morvillier 
la  grande  douceur  en  ces   temps  difficiles 
lu  oncilièrent,  suivant  de  Thou,  l'approbation 
gcrale.  B.  H. 

JB>\tHa  Christiaha,  t.  VIII,  col.' 1*85. 
MORY  d'elyange  (  François -Dominique), 
n^ismate  français,  né  à  Nancy,  en  1738,  déca- 
pi  le  14  mai   1794.  II  servit  quelque  temps 
«ine  lieutenant  dans  l'armée  du  roi  Stanislas, 
alj.  duc  de  Bar  et  de  Lorraine.  Après  la  mort 
.■dfie ;  monarque,  il  quitta  le  service.  Ses  goûts 
wkifiques  l'entraînèrent  vers  l'étude  des  anti- 
Bis  et  surtout  de   la  numismatique  de   son 
l>4.  Ses  opinions  royalistes  bien  connues  cau- 
sé it  sa  perte.  Quatre  de  ses  lils  émigrèrent. 
Tï;;  furent  tués  en  combattant  contre  leur  pays. 
Bfy  d'Elvange  fut  sous  la  terreur  accusé  d'a- 
TQ  favorisé    l'évasion  de  plusieurs    émigrés 


MORVILLIER  —  MORYSON 


702 


et  d'entretenir  des  correspondances  coupables  h 
l'étranger.  Traduit  sous  cette  double  accusation 
devant  le  tribunal  révolutionnaire,  il  fut  con- 
damné et  exécuté  avec  son  plus  jeune  fils,  qui 
était  rentré  clandestinement  de  l'émigration.  On 
a  de  lui  :  Inscriptions  qui  se  lisent  sur  les 
tombeaux  des  princes  et  princesses  de  l'au- 
guste Maison  de  Lorraine,  dans  le  caveau 
ducal ,  sous  la  chapelle  ronde,  avec  notes,  et 
plan,  Nancy,  1774,  in-8°  ;  —  Recueil  pour  ser- 
vir à  l'histoire  métallique  des  maisons  et  du- 
chés de  Lorraine  et  de  Bar,  avec  les  em- 
preintes des  monnaies  et  médailles;  Nancy, 
1780  :  couronné  par  l'Académie  de  cette  ville; 
réimprimé  sous  ce  litre  :  Notice  d'un  ouvrage 
intitulé:  Becueil  pour  servir  à  l'histoire  métal- 
lique des  maisons  et  duchés  de  Lorraine  et  de 
Bar,  et  des  villes  de  Metz,  Toul  et  Verdun; 
Nancy,  1782,  in-8°.  Il  contient  environ  1,500  mé- 
dailles :  M.  deSauley  a  relevé  plusieurs  des  er- 
reurs commises  par  Mory  d'Elvange,  dans  un  ou- 
Trage  intitulé  Recherches  sur  les  monnaies  des 
ducs  héréditaires  de  Lorraine  (  Metz,  1841, 
in-4°,  avec  fig.  )  ;  — Essai  historique  sur  les  pro- 
grès de  la  gravure  en  médailles,  chez  les  ar- 
tistes Lorrains,  etc.;  Nancy,  1783,  in-8°;  — 
Notice  d'une  collection  métallique  donnée 
par  le  roi  Stanislas  II  à  la  Bibliothèque  de 
Nancy  ;  1787  ,  gr.  in-8°  ;  —  Essai  sur  l'utilité 
et  l'agrément  que  l'on  doit  tirer  de  l'étude  des 
médailles  ;  Nancy,  1787,  in-8°  ;  -—  États,  Droits 
et  Usages  en  Lorraine,  etc.;  Nancy,  1788, 
in-8°;  —  Fragments  historiques  sur  les  états 
généraux  en  Lorraine ,  la  forme  de  leur 
convocation,  la  manière  d' y  délibérer  ;  Metz, 
1788,  in  8°;  —  Vérités  qu'il  ne  faut  pas  ou- 
blier ;  projets  qui  peuvent  en  faire  naître 
de  plus  utiles;  1788,  in-80;  —  De  la  Noblesse 
et  de  ses  droits  :  des  sacrifices  qu'elle  a  faits 
et  qu'elle  doit  faire;  Nancy,  1789,  in-8°;  — 
Serments,  Pouvoirs,  Instructions;  Nancy, 
7 mars  1789, in-80;—  Observations  historiques 
sur  les  Avoués  et  Voués;  leur  origine,  leurs 
fondions,  leurs  droits;  Nancy,  1790,  in-8°. 
La  bibliothèque  de  Nancy  possède  en  manuscrit 
de  Mory  d'Elvange  :  Nécrologe  de  l'auguste 
Maison  de  Lorraine,  depuis  l'an  1 50%  jusqu'en 
1773,  etc.  ;  —  Notice  sur  quelques  manuscrits 
rares,  utiles  à  l'histoire  de  Lorraine,  etc.;  — 
Mémoires  généalogiques  de  la  Maison  de  Lenon- 
court;  1786,in-f°  ;  —  Abrégé  historique  et  chro- 
nologique des  Traités  de  paix,  d'alliance,  etc., 
dans  les  temps  modernes ,  7  volumes  in-fol.  de 
pièces  originales  ou  manuscrites  concernant  la 
Lorraine  et  les  pays  limitrophes,  etc.  L — z — e. 

La  Moniteur  universel,  ann.  17B4.'  —  Quérard,  La 
France  Littér.  —  DM.  Hist. 

moryson  ou  morison  (  Fynes),  voya- 
geur anglais,  né  en  1566,  dans  le  comté  de  Lin- 
coln, mort  vers-  1614.  En  1580  il  entra  à  l'uni- 
versité de  Cambridge  et  étudia  les  humanités  et 
le  droit.  Après  y  avoir  pris  le  degré  de  maître 


703  MORYSON  —  MOSCA 

es  arts  (  1587),  il  s'embarqua  pour  le  continent", 


70< 


et  commença  le  cours  de  ses  longs  voyages,  qui 
durèrent  dix  ans  et  dont  il  fit  une  grande  partie 
à  pied.  Il  parcourut  l'Allemagne,  la  Bohême,  la 
Suisse,  les  Pays-Bas,  le  Danemark,: la  Pologne, 
l'Italie,  la  Turquie,  la  France,  et  ne  s'arrêta  qu'à 
Dublin  après  avoir  visité  les  Iles  Britanniques. 
Par  l'intermédiaire  de  son  frère,  sir  Richard 
Moryson,  qui  était  vice-président  de  Munster,  il 
devint  en  1598  secrétaire  du  lord- député  lord 
Mountjoy.  Ce  ne  fut  qu'après  sa  mort  que  parut 
la  relation  de  ses  voyages  :  Itinerary  contai- 
ning  his  ten  years1  travel  ;  Londres  ,  1617, 
in-fol.  en  3  parties  ;  il  l'écrivit  d'abord  en  la- 
tin, puis  en  anglais.  On  y  rencontre  beaucoup 
de  particularités  intéressantes  sur  l'état  et  les 
mœurs  de  l'Europe  à  la  fin  du  seizième  siècle. 
On  a  réimprimé  la  seconde  partie  de  ce  volu- 
mineux ouvrage,  sous  le  titre  :  A  History  of  Ire- 
landfrom  the  year  1599  lo  1603,  to  which  is 
added  a  description  of  Ireland;  Dublin,  1735, 
2  vol.  in-8\  K. 

Harris,  Ireland  (édit.  de  Ware).-  TheEnglish  Cyclop. 
(  Biogr.). 

Monzii.i.o  (Sébastien-Fox),  éppAil  espagnol, 
né  vers  1523,  à  Séville,  mort  en  1560.  Placé  par 
Baillet  parmi  les  enfants  célèbres,  sans  doute  parce 
qu'il  publia  à  dix-neuf  ans  un  traité  de  philoso- 
phie, il  termina  ses  études  à  l'université  de  Louvaio 
et  étudia  avec  soin  l'histoire  des  querelles  des 
platoniciens  et  des  péripatéticiens.  Philippe  II  le 
nomma  précepteur  de  son  fils  don  Carlos,  et  ce  fut 
après  avoir  quitté  les  Pays-Bas  pour  se  rendre 
auprès  du  jeune  prince  qu'il  périt,  dans  un 
naufrage.  Les  auteurs  contemporains  ont  donné 
à  Morzillo  beaucoup  de  louanges  ;  Vossius  l'ap- 
pelle philosophum  prœstantissimum  et  doc- 
tissimum.  On  a  de  lui  :  In  topica  Ciceronis 
Paraphrasis  et  scholia  ;  Anvers,  1550,  in-8°; 

—  De  Imitatione,  sive  de  informandi  styli 
ratione;  ibid.,  1554,  in-8°;  —  In  Platonis 
Timaeum  commentarius ;  Bâle,  1554,  in-fol.; 

—  Compendium  ethices  philosophise  ex 
Platone,  Aristotele  aliisque  autoribus  col* 
lectum;  Bàle,  1554,  in-8°;  —  De  naturse  Phi- 
losophia,  seu  de  Platonis  et  Aristotelis  con- 
sensione,  lib.  V;  Louvain,  1554,  in-8°;  Paris, 
1560,  1589,  in-8°;  Lyon,  1622,  in-8°;  d'après 
Boivin,  «  c'est  peut-être  ce  qu'il  y  a  de  plus 
solide  et  de  mieux  écrit  sur  cette  matière  »  ; 
maiscecritiqueajoute  que  le  sujet  n'a  pas  été  traité 
avec  assez  d'étendue  ;  —  De  Usu  et  Exercita- 
tione  Dialecticee  ;  De  Demonstratione  ;  De  Ju- 
ventute;  De  Honore;  Bâle,  1556,  in-8°  ;  cha- 
cun de  ces  traités  avait  paru  isolément  ;  —  De 
Regno  et  régis  Institutione  lib.  III;  Anverr., 

1556,  in-8°  ;  —  In  Phœdonem ;  Bàle,  1556; -- 
In  Platonis  Xlibros  deRepublica;  Bâle,  1556, 
in-fol.  ;  —  De  Historiée  Institutione;  Anvers,, 

1557,  1564,  in-8°.  P. 


N.  Antonio,  Biblioth.  Hispana  nova,  II. 
fants  célèbres. 


Baillet,  En- 


mosali.  Voy.  Camamusali. 

mosaxus.  Voy.  Maesen  (Van  der). 

mosbourg  (  Jean- Antoine- Michel.  Agar 
comte  de),  homme  politique  français,  né  I 
19  décembre  1771,  à  Merçais,  près  Cahôrs,  rnor 
le  10  novembre  1844,  à  Paris.  Au  sortir  du  col 
lége,  il  rejoignit  ses  parents  à  Saint-Domingue,  € 
y  fut  témoin  des  troubles  qui  privèrent  la  Franc 
de  cette  colonie.  Tombé  aux  mains  des  Anglai 
en  1794,  il  passa  aux  États-Unis,  et  ne  revin 
dans  son  pays  qu'à  la  fin  de  1795.  Après  avoi 
pris  part  à  la  rédaetion  de  plusieurs  journau 
modérés ,  il  alla  exercer  à  Cahors  la  professio 
d'avocat  (1797),  et  y  obtint  au  concours  la  chair 
de  belles-lettres  (1799).  Peu  de  temps  après 
s'attacha  à  la  fortune  de  Murât ,  son  compatrioti 
qui  lui  fit  donner  le  titre  de  commissaire  pri 
le  gouvernement  provisoire  de  Toscane  ;  la  cons 
titution  du  royaume  d'Étrurie  mit  fin  à  cetl 
mission  (1801).  Nommé  président  du  conseil  <i 
son  département  (1802),  Agar  entra  en  1804  a 
Corps  législatif,  et  fut  fait  officier  de  la  Légio 
d'Honneur.  En  1806,  Murât  ayant  été  créé  gram 
duc  de  Berg  et  de  Clèves ,  il  l'accompagna,  d< 
vint  son  ministre  des  finances,  et  fut,  en  so 
absence,  chargé  de  tous  les  soins  de  l'adminii 
tration.  L'année  suivante ,  il  négocia  la  cessio 
de  la  principauté  de  Munster  à  Murât,  épous 
une  de  ses  nièces,  et  obtint  la  terre  de  Mosbourg 
à  laquelle  était  attaché  le  titre  dé  comte.  A 
mois  d'août  1808,  il  remit  le  grand-duché  î 
comte  Beugnot ,  et  vint  à  Paris,  où  l'on  procéc 
à  la  vérification  de  ses  comptes  par  l'internu 
diaire  du  duc  de  Gaète;  Napoléon  se  monli 
fort  satisfait  de  sa  conduite,  et  se  déclara,  pi 
un  acte  du  12  octobre  de  la  même  année,  r 
devable  de  600,000  fr.  envers  le  roi  de  Naple 
Ce  fut  au  commencement  de  1809  que  l'adm 
nistration  des  finances  de  Naples  fut  confiée  ; 
comte  de  Mosbourg.  Il  trouvâtes  caisses  de  l'Ét 
vides  ,  ainsi  que  celles  de  la  banque.  Afin  de  I 
médier  à  ce  fâcheux  effet  des  vicissitudes  antii 
Heures,  il  présenta  au  conseil  d'État  un  nouveii 
mode  de  perception  parfaitement  adapté  ai 
richesses  territoriales  du  pays,  et  réduisit  le  lai 
des  douanes.  Lorsqu'en  1815  il  quitta  Napl 
avec  la  reine,  il  laissa  les  finances  dans  l'ét| 
le  plus  prospère.  Après  avoir  obtenu  du  roi  i 
Prusse  sa  réintégration  dans  la  propriété  de 
seigneurie  de  Mosbourg,  il  rentra  en  Fran 
(1817),  et  ne  se  mêla  à  la  vie  publique  que  p 
les  mémoires  qu'il  écrivit  contre  les  mesur 
financières  de  la  restauration.  Élu  député  du  Lj 
en  1830,  il  vota  quelque  temps  avec  l'oppositi<j 
de  gauche,  et  fut  nommé  pair  de  France  le  3  0| 
tobre  1837.  K. 

Biogr.  w>iv.  et  portât,  des  Contemp.  —  Galerie  1 
Contemp.   (1822).  —  Orloff,  Mém.  Iiist.  sur  Naples ,  \  f 

mosca  (Simone),  sculpteur  et  arcliite(( 
italien,  né  à  Settignano  près  Florence,  en  I4£| 
mort  en  1554.  Élève  d'Antonio  da  San-Gallo,| 
excella  à  sculpter  les  chapiteaux,  corniches,  tri 


5  MOSCA  —  MOSGHELES 

ées,  mascarons,  arabesques,  etc.  Après  avoir 
vaille  quelque  temps  à  Rome  avec  son  maître, 

I retourna  à  Florence ,  et  bientôt  la  nécessité 

]  soutenir  sa  famille  le  força  d'accepter  les 

tvaux  les  moins  dignes  de  son  talent.  San- 

jllo  l'emmena  à  Orvieto,  où  il  fut  chargé  de 
iilécoration  de  la  partie  extérieure  du  fameux 

îts  de  San-Patrizio.  Cette  ville  lui  assigna  une 

fusion  annuelle  de  200  écus  d'or.  Il  s'y  établit 
M'  passa  presque  tout  le  reste  de  sa  vie,  tra- 
niant  à  la  cathédrale,  et  donnant  aussi  les 
lésins  de  plusieurs  palais.  E.  B— n. 

li  «sari,  Fite.  —  Cicognara ,  Storia  délia  Scultura.  — 
Iff  ndi,  Abbecedario.  —  Ticozzi ,  Dizionario,  —  Délia 
R  e,  Storia  del  Duomo  d' Orvieto.  —  O.  Brizzl ,  Guida 
Ewtzo. 

mosca  (  Francesco  ),  dit  le  Moschino ,  fils 
[précédent ,  habile  sculpteur  et  architecte  Ha- 
ll,  né  à  Settignano,  vers  1520,  vivait  encore 
H  1572.  Élève  de  son  père,  il  l'aida  dans 
B  travaux  à  la  cathédrale  d'Orvieto.  Plus  tard 
m:  des  Victoires,  un  Père  éternel,  deux  sta- 

■  ;  représentant  Y  Annonciation ,  et  celles  de 
mit  Pierre  et  Saint  Paul  placées  dans  la 
«de  nef.  A  la  mort  de  son  père,  il  refusa  de 
fcuccéder  comme  directeur  des  travaux  de 
■cathédrale,  et  céda  la  place  à  Raffaello  da 

■  telupo.  Il  se  rendit  alors  à  Rome,  où  il  fit 
Kk  grandes  figures  de  Mars  et  Vénus,  et 

s'  pta  presque  en  ronde  bosse  un  relief  repré- 

si  ant  Diane  surprise  par  Actéon ,  dont  il  fit 

h' mage  au  grand -duc  Cosrhe  1er,  qui- le  prit 
Kn  service.  Il  exécuta  pour  la  cathédrale  de 

P  les  statues  d'Adam  et  Eve ,  de  La  Vierge, 
À\VAnge  de  V Annonciation ,  et  plusieurs 
Hres   sculptures.  Il  compta  parmi  ses  élèves 

si  fils  Simone  Mosca  et  Lorenzo  de  Carrare. 
E.  B— n. 

Hbari,  Vite.  —  Cicognara,  Storia  delta  Scultura.    — 

Oildi,  Abbecedario.  —  Ticozzi,   Dizionario.  —   Oella 

iB  ,  Storia  del  Duomo  d'Orvieto.  —  Morrona,  Pisa 

ili'rata. 

Hoscati  (Pietro,  comte  ),  médecin  italien, 
Ha  1740,  à  Milan,  où  il  est  mort,  le  19  jan- 

iïî!  1824.  Fils  d'un  chirurgien ,  il  étudia  la  mé- 

dlne  à  Pavie ,  y  fut  reçu  docteur,  et  fréquenta 

eiuite  les  universités  de  Padoue,  de  Pise  et  de 

Bygne,  afin  de.  compléter  son  éducation.  De' 

réur  à  Milan,  il  devint  chirurgien  en  chef  de 

nj'iital  Sainte-Catherine,  d'où  il  passa  au  grand 

«tal,  et  signala  son  passage  dans  ces  deux 

étlissements  en  instituant  dans  le    premier 

m  école  d'accouchement,  dans  le  second  une 

clique  chirurgicale.  Il  occupait  une  chaire  à 

fi  e ,  où  il  s'était  lié  avec  Volta ,  lorsque  les 

Fiçais  se  montrèrent  en  Italie.  Moscati,  grand 

Pâsan  des  principes  proclamés  par  la  révolu- 

tk,  arriva  promptement  aux  affaires  .-  après 

avi'  fait  partie  du  conseil  des  Quarante  et  du 

cc,rès  national,  il  entra  en  1798  dans  le  direc- 
te, de  la  république  cisalpine,  et  le  présida  peu 

<^',mps  après;  mais,  soupçonné  d'avoir  voulu 

aflnchir  son  pays  de  la  suprématie  française, 

NOUV.  BIOGR.  GÉNÉR.   —  T.   XXXVI. 


706 


il  fut  forcé  de  résigner  ses  fonctions  entre  les 
mains  du  général  Brune.  La  victoire  rendit  la 
Lombardie  auv  Autrichiens ,  et  Moscati,  enfermé 
dans,  la  forteresse  de  Cattaro  ,  ne  dut  les  égards- 
dont  on  l'entoura  qu'à  l'estime  particulière  que 
l'archiduc  Ferdinand  faisait  de  ses  talents.  Il 
fut  même,  à  la  prière  de  ce  prince,  appelé  à 
Vienne  par  l'archiduc  Charles,  qu'il  guérit  d'une 
maladie  dangereuse.  Après  la  bataille  de  Ma- 
rengo,  il  fut  mis  en  liberté,  et  en  1802  il  siégea 
à  Lyon  dans  l'assemblée  qui  transforma  le  gou- 
vernement cisalpin.  Napoléon ,  pour  lequel  il 
professa  dans  la  suite  un  attachement  qui  tenait 
de  la  vénération ,  le  nomma  comte ,  sénateur, 
préteur  du  Sénat,  et  grand  dignitaire  de  l'ordre 
de  la  couronne  de  Fer.  Jusqu'en  1807  il  dirigea 
sous  le  prince  Eugène  l'instruction  publique; 
lors  des  événements  de  1814,  il  s'efforça  de  le 
faire  nommer  roi  d'Italie.  Depuis  cette  époque, 
il  se  livra  tout  entier  à  l'étude  de  la  physique 
et  de  la  chimie.  Il  légua  en  mourant  sa  biblio- 
thèque, ses  collections  et  son  laboratoire  à 
l'institut  de  Milan,  dont  il  avait  été  plu- 
sieurs fois  président.  On  a  de  lui  quelques  dis- 
cours et  mémoires,  entre  autres  :  Dell*  Uso  dei 
sistemi  nella  pratica  medica  (Pavie,  1799), 
traduit  en  français  en  1800;  et  Osserva- 
zioni  sulla  medicina  dei  Morlacchi  (  Bologne, 
1806).  P. 

Biogr.  univ.  et  portât,  des  Contemporains.  —  Mahul, 
Annuaire  néçrolog.,  1825. 

*moscheles  (Ignace  ),  célèbre  pianiste  et 
compositeur  allemand,  né  à  Prague,  le  30  mai 
1794.  Fils  d'un  négociant  israélite,  il  étudia  le- 
piano  au  conservatoire  de  sa  ville  natale,  sous 
l'habile  direction  de  Denis  Weber.  Il  se  rendit 
ensuite  à  Vienne,  où  il  suivit  les  leçons  de  con- 
trepoint d'Alhrechtsberger  ;  il  reçut  aussi  de 
Salieri  d'excellents  conseils  pour  la  composition. 
Après  s'être  produit  avec  beaucoup  de  succès, 
dans  les  concerte  de  Vienne,  ir  se  fit  entendre 
dans  les  principales  villes  d'Allemagne  et  de  la 
Hollande.  En  1820  il  arriva  à  Paris;  plusieurs 
concerts  donnés  par  lui  à  «  l'opéra,  dit  M.  Fé- 
tis,  attirèrent  une  affluence  extraordinaire  d'a- 
mateurs ;  les  applaudissements  furent-  prodigués 
à  l'artiste  et  les  jeunes  pianistes  s'empressèrent 
d'imiter  les  qualités  les  plus  remarquables  de 
son  talent.  Ce  n'était  pas  seulement  par  sa  bril- 
lante exécution  que  Moscheles*  prenait  dès  lor& 
une  position  élevée;  son  mérite  comme  compo- 
siteur le  classait  aussi  parmi  les  maîtres  les  plus 
distingués  qui  ont  écrit  pour  le  piano.  Si  sa  mu- 
sique, trop  sérieuse  pour  des  amateurs  de  notre 
époque,  n'a  point  obtenu  de  succès  populaires, 
elle  est  considérée  par  les  connaisseurs  comme 
des  pièces  où  l'excellence  dé  la  facture  égale 
l'élégance  et  la  nouveauté  des  idées  ».  En  1821 
il  alla  s'établir  à  Londres,  où  il  fut  nommé  pro- 
fesseur à  l'Académie.  Pendant  les  années  sui- 
vantes, il  parcouruf  l'Angleterre  et  l'Allemagne, 
et  il  y  obtint  les  plus  brillants  succès.  En  1846 

23 


767 


MOSCHELES 


il  devint  professeur  de  piano  au  conservatoire 
de  Leipzig,  emploi  qu'il  occupe  encore  aujour- 
d'hui. «  H  se  distingue  de  beaucoup  des  virtuoses 
de  notre  temps,  dit  encore  M.  Fétis,  par  des 
connaissances  étendues  dans  son  art;  il  est  du 
petit  nombre  des  pianistes,  qu'on  peut  appeler 
grands  musiciens  ,  et  sa  mémoire  est  meublée 
des  œuvres  des  maîtres  les  plus  célèbres  des 
époques  antérieures.  Personne  ne  connaît  peut- 
être  aussi  bien  que  lui  le  style  d'exécution  qui 
convient  à  la  musique  de  chacun  de  ses  maîtres, 
même  des  plus  anciens,  et  ne  sait  aussi  bien 

varier  sa  manière  à  propos Peu  d'artistes  ont 

porté  plus  loin  que  lui  le  talent  d'improvisa-- 
tion.  ■»  Disons  encore  qu'il  est  le  plus  brillant  et 
le  dernier  représentant  de  l'école  de  Clementi. 
Parmi  ses  nombreuses  compositions,  nous  cite- 
rons comme  les  plus  belles  :  Concertos  en  sol 
mineur,  en  mi,  le  concerto  pathétique;  le  grand 
sextuor  (op.  35);  un  grand  trio  (op.  27);  La 
marche  d'Alexandre  variée;  Souvenirs  d'Ir- 
lande; Souvenirs  du  Danemark;  six  sonates; 
des  rondeaux ,  des  fantaisies  ;  deux  livres  d'É- 
tudes, etc.  O. 

Conversations-Lexllcon.  —  Fétis,  Biographie  des  Mu- 
siciens. 

moschesi  (  Costanza  ) ,  femme  poète  ita- 
lienne, née  le  22  mai  1786,  à  Lucques,  morte 
le  27  novembre  1831,  à  "Viareggio ,  près  de  Luc- 
ques. Fille  d'un  médecin,  elle  apprit  de  bonne 
heure  le  français  et  l'anglais ,  l'histoire  sacrée 
et  profane,  la  mythologie  et  la  poésie;  à  quinze 
ans  elle  traduisit  en  octaves  Gonzalve  de  Cor- 
doue  de  Florian,  et  à  dix-huit  ans  elle  s'exerça 
sur  un  sujet  original ,  dont  le  célèbre  Castruccio 
Castracani  était  le  héros.  Ce  poème  en  six 
chants  remporta  le  premier  prix  au  concours 
de  l'Académie  de  Lucques  (3  janvier  1811);  une 
semblable  distinction  lui  fut  accordée  en  1813 
pour  la  tragédie  de  Pirro.  En  1822  elle  accepta 
une  place  d'instilutrice  au  collège  de  Saint-Phi- 
lippe à  Milan,, et  revint  en  1825  à  Lucques  après 
la  mort  de  sa  mère.  Pendant  les  dernières  an- 
nées de  sa  vie,  elle  fut  affligée  d'une  maladie 
d'yeux  et  d'une  inflammation  rhumatismale.  Elle 
était  membre  des  Académies  des  Arcades ,  de 
Turin  ,  de  Lucques ,  de  Pistoie  ,  etc.  On  a  en- 
core de  cette  dame  :  la  traduction  de  V Histoire 
grecque  de  Robertson  ;  Lucques,  1815,  2  vol. 
in-18;  et  les  quatre  premiers  chants  d'un  vaste 
poème  intitulé  L'Étruriade.  P. 

Tipaldo,  Bio'ir.  deijli  Italiani  illustri,  V. 

moschinï  (  Giannantonio  ),  littérateur  ita- 
lien, né  le  28  juin  1773,  à  Venise,  où  il  est  mort, 
le  8  juillet  1840.  Il  entra  dans  la  congrégation 
des  Somasques ,  et  avant  d'être  ordonné  prêtre 
il  enseigna  la  grammaire.  Chargé  ensuite  des 
humanités  au  séminaire  de  Murano ,  qui  fut  en 
1817  transféré  à  Venise  ,  il  y  occupa  tour  à  tour 
la  chaire  de  philosophie  et  celle  de  théologie,  et 
en  devint  enfin  directeur.  Sous  l'empire,  il  fut 
pourvu  d'un  canonicat  à  Saint-Marc ,  et  après 


MOSCHEROSCH  7 

1815, il  devint  membrede  l'Institut  lombardo-i  i 
nitien.  D'un  esprit  aimable,  d'une  humeur  doi 
et  indulgente ,  il  gagna  aisément  l'estime  et  1';  \\ 
fection  de  ses  compatriotes.  Jaloux  à  l'excès  a 
la  gloire  de  Venise ,  il  consacra  toute  sa  vie  • 
en  rehausser  l'éclat  autant  par  ses  travaux  q 
par  le  soin  religieux  qu'il  mit  à  restaurer 
anciens  monuments  ou  à  sauver  de  la  destructi 
les  livres,  tableaux,  objets  d'art,  antiquités 
toutes  sortes  qui  se  rapportaient  à  sa  patrie,  i 
a  de  lui  :  Storia  délia  Letteratura  Italian 
Venise,  1801,  4  vol.  ;  trad.  du  français,  ai 
noies;  —  La  Storia  délia  Letteratura  1 1 
neziana  del  secolo  XVI II;  ibid.,   1807-181 1 
4  vol.  in-4°  :  excellent  recueil,  dont  l'exagérati 
est  peut-être  l'unique  défaut  ;  —  Guida  1 1 
l'isola  di Murano;  ibid.,  1807,  1808,  in-12;  ; 
Guida  di  Venezia;  ibid.,  1815,  2  vol.  ;  les  d  I 
nières  éditions  (  1828,  1834  et  1840  )  ont  rc 
des  additions  nombreuses  de  l'auteur  ;  —  Gui  I 
di  Padova;  ibid.,  1817  ;  ces  trois  ouvrages  s<  ► 
fort  estimés  des  artistes  et  des  voyageurs;  • 
Storia  di  Russia  ;  ibid.,  1820,  8  vol.,  trad. 
Karamsin,  et  inachevée;  —  Le  Belle  Arti 
Venezia; ibid.,  1825-1827,  3  vol.  in-12;  — G 
vanni  Bellino  e  i  PUtori   contemporanii 
ibid.,  1834  ;  — des  notices  biographiques  dans  [ 
Journal  littéraire  de  Padoue.  P. 

Tipaldo,  Biogr.  dcnli  Italiani  illuStri,  VIll. 

moscherosch  (i)  {Jean-Michel),  littérati  I 
allemand,  né  le  5  mars  1600,  à  Wildstadt,  sui 
Rhin  ,  mort  à  Worms,  le  4  avril  1669.  Reçn  i 
1624  maître  es  arts  à  Strasbourg,  il  visita dil 
les  deux  années  suivantes  une  grande  partie  j 
la  France.  Après  avoir,  depuis  1626,  dirigé  11 
ducation  du  prince  de  Linange-Dachsbourg.j 
accepta  en  1628  l'emploi  de  bailli  dans  les  pi  I 
sessions  du  comte  de  Krichingen.  En  163€ 
entra  en  cette  même  qualité  au  service  du  dl 
de  Croï  de  Vinstingen.  Les  événements  d.e  I 
guerre  de  Trente  Ans  lui  firent  chercher  un  j 
fuge  à  Strasbourg.  Il  y  fut  nommé  secrétaire  [ 
la  ville  et  fiscal;  quelque  temps  auparavant 
avait  reçu  la  charge  de  conseiller  de  guerre  [ 
la  couronne  de  Suède.  En   1656  il  devint  et 
seiller  de  la  cour  à  Hanau  ;  il  y  obtint  plus  t;  | 
les  emplois  de  président  de  la  chancellerie,  ; 
la  chambre  des  finances  et  du  consistoire.  Me  < 
bre  depuis  1645  de  la  fameuse  société  littéra  ; 
des  Fructifiants ,  Moscherosch  a  écrit  une  si 
de  tableaux  satiriques  où  il  dépeint  avecesprili, 
énergie  les  singularités,  les  travers  et  les  û\ 
de  la  société  allemande  de  son  temps.  Ce  Ii' 
le  place  au  rang  des  meilleurs  prosateurs  al 
mands  du  dix-septième  siècle  ;  il  porte  p< 
titre  :  Wunderliche  und  wahrhaftc  Gesicil 
Philanclers  von  Sittenwald  in  welchen  al 
Welù  Wesen,  aller  Menschen  Handel  ri 

(1)  Son  véritable  nom  était  Kalbskopf,  qui  signifie  i 
rie  veau;  Il  adopta  le  no  m  hybride  de  Mosclterosch,  ci 
posé  de  Moschos,  qui  signifie,  en  grec  veau,  et  de  ros 
qui  veut  dire  en  hébreu  téU. 


709  MOSCIIEROSCH 

ikren  nattirlichen  Farben  der  Eitelkeit  , 
\Gewalt,  ileuchelei  und  Thorheit   behleidet , 

bfjentin.h  auf  die  Schau  gefuhrt  werden 
K Singulières  et  véritables  Visions  de  Philander 
jde  Sittenwald,  où  la  manière  d'être  de  tout  le 

■  monde  et  toutes  les  affaires  humaines  sont 
(exposées  publiquement,  recouvertes    de  leurs 

couleurs  naturelles,  qui  sont  la  vanité,  la  vio- 
lence, l'hypocrisie  et  la  sottise);  Strasbourg, 
1644  et  1650,  2  vol.  in-8°  ;  une  partie  en  a  été 
(réimprimée  à  Berlin  1830,  in-8°,  par  les  soins 
I  le  Ditmar  ;  ce  livre,  écrit  sur  le  modèle  des  Yi- 
j  tions  de  Quevedo,  a  encore  été  publié  à  Leyde, 
H646-1647,  6  parties,  in-12  ;  mais  cette  édition 
i  ontient ,  outre  les  quatorze  morceaux  dont  se 

ompose  l'ouvrage  de  Moscherosch  ,  une  dizaine 
«le  satires  qui  ne  sont  pas  de  lui  ;  en  1648  un 
tuteur  anonyme  a  fait  paraître  sous  le  titre  de 
tDhilander  infernalis  vivo  redivivus  apparens 
,  Francfort,  in-8°),  une  suite  à  l'ouvrage  de  Mos- 

uerosch.  Ce  dernier  a  encore  publié  :  Centu- 
|«S«e  VI  Epigrammatum  ;  Strasbourg,  1643  et 
y  650,  in-12; Francfort,  1665,  in-12;  —  Techno- 
logie allemande  et  française  ;  Strasbourg,  1656, 
l|'U-S  °  ;  —  des  éditions  augmentées  et  annotées 

u  Catalogus  episcoporum  Argent inensium 

e  Wimpheling  (Strasbourg,  1651,  in-4°),  et 
Elu  Gymnasma  de  exerciciis  academicorum 
lie  Gumpelzhaimer  ;  ibid.,  1652,  in-12.  O. 
I,.  Wittcn  ,  Mémorise  philosophorum.  —  Strieder,  Hes- 
Hfac/.c  Gelehrtengcschichte.  —  Flogel,  Geschichte  der 
Wpmscften  Literatur.  t.  III.—  Jordens,  Lerikon.  — 
■Kervious,  Gesc?i.  der  deutschen  National  -  Lit. 
H  moschiox  (Moa/iwv),  poète  tragique  et 
fcomique  athénien,  vivait  dans  le  cinquième  siècle 
levant  J.-C.  Il  est  mentionné  par  Clément  d'A- 
Bexandrie  (  Strom.,  VI,  p.  623  ),  et  par  Stobée 

■  £cZ.  Phys.,  1,38),  quia  conservé  les  titres 
■ne  trois  pièces  de  ce  poëte,  Thémistocle ,  Télè- 
mfhe,  les  Phéréens  (<ï>£oarïoi).  On  ne  connaît  le 
Mitre  d'aucune  de  ses  comédies.  Il  reste  de  ses 
Htièces  un  petit  nombre  de  vers  qui  ont  été  re- 
Hpeillis  et  traduits  en  latin  par  Hertet,  dans  ses 
Wètustissimorum  Comic.  Sentent  iœ,  et  par  Gro- 
,i  fias,  dans  ses  Excerpta  ex  tragœdiis.  M.  Wagner 
■fia  a  donnés  plus  complètement  dans  les  Frag- 

i,  tenta  trag.  grœcorum.  Y. 

r    Wasner,  De  Moschionis  poetx  trag.  vtta  ac  fabula- 

I  um  reliqviis;  Breslau,  184.6,  in-8°. 

I  moschiox  ,  écrivain  médical  grec ,  vivait 
robablement  dans  le  second  siècle  après  J.-C. 
l>nne  sait  rien  de  son  histoire  personnelle  sinon 
u'il  était  postérieur  à  Soranus,  dont  il  fait  men- 

)  ion.  On  a  de  lui  un  traité  des  Maladies  des 
emmes  (Hspï  tùv  Ywac.xîicijv  îm&ûv).  C'est  une 

r  orte  de  manuel  d'accouchement  par  demandes 
t  par  réponses;  la  seconde  partie  du  traité,  ré- 
igée  dans  la  même  forme,  renferme  des  détails 
ssez  étendus  et  généralement  exacts  sur  les 
jaladies  des  femmes.  On  suppose  que  cet  ou- 
:rage  fut  originairement  écrit  en  latin,  pour  les 
•agcs-femmes  qui  n'entendaient  pas  le  grec;  et 
n'ilfut  ensuite  traduit  dans  cette  dernière  langue. 


—  MOSCHOPULUS 


7Î0 


i 


Il  ne  reste  aujourd'hui  que  ce  texte  grec,  qui  fut 
publii'  pour  la  première  fois  p:irGas.  NVolf,  dan» 
ses  Gyn.rciorum  Commentarii  ;  Bàle,  1566, 
id-4°,  et  dans  les  deux  autres  éditions  de  cet 
ouvrage.  Wolf  a  donné  à  la  fin  du  traité  onze 
chapitres,  que  l'on  regarde  comme  supposés,  et 
il  a  omis  la  préface  de  l'auteur.  La  meilleure  édi- 
tion est  celle  de  F.-O.  Dewez  avec  une  traduc- 
tion latine;  Vjenue,  1593,  in-8".  On  cite  encore 
deux  médecins  du  nom  de  Moschion  vivant  à  peu 
près  à  la  même  époque  que  l'auteur  du  traité 
des  Maladies  des  femmes.  Y. 

Kabricius ,  Bibliotheca  Grseca ,  vol.  XII.  p.  "0!.  — 
Choiil.nt,  Handbuch  der  Bùtherkunde  fur  die  aeltere 
Medicin. 

moschopclus  (Manuel  ou  É manuel), 
tWtmaitf(k  ou'E(x.avour,>.  Moffyôi:ouAb;),  grammai- 
rien byzantin,  vivait  dans  le  treizième  siècle  après 
J.-C.  Ses  ouvrages  eurent  à  l'époque  de  la  re- 
naissance une  grande  réputation  ;  mais  la  vie  de 
l'auteur  est  inconnue.  Suivant  l'opinion  la  plus 
commune ,  il  y  a  deux  Moschopulus ,  portant 
tous  deux  le  nom  de  Manuel,  oncle  et  neveu. 
L'oncle,  né  en  Crète,  vivait  du  temps  de  l'empe- 
reur Androuic  Paléologue  l'Ancien,  vers  1392  ;  le 
neyeu,  natif  de  Constantinople,  s'enfuit  en  Italie 
lors  de  la  prise  de  cette  ville  par  les  Turcs,  en 
1453:  on  ignore  ce  qu'il  devint  dans  ce  pays  et 
à  quelle  époque  il  mourut.  Hody,  par  une  conjec- 
ture plus  hardie  que  solide ,  voudrait  ideutifier 
ce  second  Moschopulus  avec  Émanuel  Adramyt- 
tenus,  Cretois,  précepteur  du  célèbre  Jean  Pic  de 
La  Mirandole  et  mentionné  avec  les  plus  grands 
éloges  dans  les  lettres  d'Aide  Manuce  et  d'Ange 
Politien.  Ces  faits ,  même  en  laissant  de  côté  la 
conjecture  de  Hody,  sont  en  partie  incertains  ou 
inexacts.  Un  éru dit  moderne,  Titze,  les  a  rectifiés 
et  complétés,  mais  sans  pouvoir  lui-même  jeter 
beaucoup  de  jour  sur  les  deux  Moschopulus.  De 
ses  recherches  il  résulte  que  ces  deux  gram- 
mairiens vivaient  dans  le  treizième  siècle,  et 
qu'il  est  impossible  par  conséquent  de  compter 
aucun  des  deux  au  nombre  des  philologues  qui, 
vers  le  milieu  du  quinzième  siècle,  propagèrent 
en  Italie  les  lettres  anciennes.  Les  ouvrages  at- 
tribués aux  Moschopulus  sont  nombreux,  et 
traitent  presque  tous  de  sujets  grammaticaux. 
On  a  essayé  de  déterminer  ceux  qui  appartien- 
nent à  l'oncle,  et  ceux  qui  viennent  du  neveu  ; 
mais  devant  les  témoignages  incertains  ou  con- 
tradictoires des  manuscrits  la  distinction  serait 
illusoire,  et  nous  donnerons  ici  une  liste  des  ou- 
vrages imprimés  des  Moschopulus  sans  les  as- 
signer à  l'oncle  ou  au  neveu  ;  ces  ouvrages  sont  : 
Scholia  ad  Homeri  lliados  librum  I  et  II, 
publiés  par  Jo.  Scherpezeel;  Harderwyk,  1702, 
in-8°  ;  Ctrecht ,  17 19  ; — Sapientissimi  doctis- 
simique  Manuelis  Moschopuli  Cretensis  Pa- 
truelis  interpretatio  Operum  et  Dierum  Hé- 
siode Ces  Scholies  sont  comprises,  en  tout  ou 
eu  partie,  dans  les  éditions  d'Hésiode  ;  Venise, 
i   1537,  in-4o;    Bàle,   1544,  et  dans   l'édition  de 

23. 


711 


MOSCHOPULUS  —  MOSCOSO 


71 


Heinsius;  Leyde,  1603,  in-4°;  —  Scholia  in 
Euripidis  tragœdias,  dont  Arsenius,  arche- 
vêque de  Monembasie,  a  fait  usage  pour  ses 
Scholies  sur  sept  tragédies  d'Euripide;  Ve- 
nise, 1534,  in-8°  ;  —  Grammatical  artis  grascx 
Methodus,  contenant  trois  parties,  savoir  :  Ero- 
temala  seu  Quxstiones  ;  Canones;  Declina- 
tiones  seu  Declinationis  Paradigmata.  Cet 
ouvrage  fut  publié  pour  la  première  fois  avec 
les  Erotemata  de  Démétrius  Chalcondylas , 
in-4° ,  sans  date,  ni  indication  de  lieu,  vers  1493  ; 
dans  cette  première  édition,  l'ouvrage  de  Mos- 
chopulus  ne  porte  pas  de  titre;  celui  que  l'on 
donne  ici  est  emprunté  à  l'édition  de  Walder  ; 
Bàle,  1540,  in-8°;  —  Tûv  ovojjuxtcûv  'Attixwv 
SuWvoyY).  Ce  Recueil  de  mots  attiques,  emprun- 
tés aux  Images  de  Philostrate  et  à  divers  poètes, 
parut  d'abord  à  la  fin  du  Dictionnaire  grec  de 
Aide,  Venise,  1524,  in-fol.,  et  a  été  réimprimé 
avec  les  Lexiques  de  Thomas  Magister  et  de 
Phrynichus  ;  —  deux  traités  Sur  la  Construc- 
tion des  mots  et  Sur  les  Accents,  compris  dans 
un  volume  de  traités  grammaticaux  publiés  par 
Aide;  Venise,  1525;  le  traité  Sur  les  Accents 
(  I7epi  Ilpoawô'.côv  )  avec  le  traité  de  Varenius  sur 
le  même  sujet;  Paris,  1544,  1559,  in-12;  — 
Ilepi  Ypafj.[j.(ruxrj<;  ru[Avauto(ç.  (De  l'Enseignement 
de  la  Grammaire  )  ;  ce  traité,  quelquefois  imprimé 
dans  les  œuvres  de  saint  Basile,  mais  que  Cru- 
sius  a  revendiqué  pour  Moschopulus,  offre  beau- 
coup d'analogie  avec  un  traité  JJepl  âyéàiùv  (Sur 
l'Analyse  du  Discours  ),  que  les  manuscrits  attri- 
buent à  Moschopulus  et  qui  a  été  publié  par 
Robert  Estienne;  Paris,  1545,  in-4°;  —  De 
Yocum  Passionibus,  publié  par  G.-IL  Schaeffer 
comme  appendice  à  son  édition  de  Grégoire  de 
Corinthe,  De  Dialectis  ;  Leipzig,  1811,  in-8°; 

—  'Etuto[j./)  véa  Ypa^^aTix^;  (Nouvel  Abrégé  de 
Grammaire),  dont  Titze  a  publié  le  premier 
livre;  Leipzig  et  Prague,  1822,  in-8°.  Un  des 
Moschopulus  est  l'auteur  d'un  petit  traité  sur  les 
Carrés  magiques,  ou  sur  la  manière  d'arranger 
des  nombres  de  telle  sorte  qu'en  les  addition- 
nant horizontalement,  verticalement,  ou  diago- 
nalement,  on  obtienne  la  même  somme.  Le  ma- 
thématicien français  La  Hire  traduisit  ce  petit 
traité  en  latin  et  le  lut  à  l'Académie  des  Sciences 
en  1691.  Y. 

Fabricius,  Ilibliotheca  Crieca ,  vol.  I,  p.  401,  407;  H, 
p.  67,  259;  vol.  VI,  p.  190,  298,  319,  322,  324;  VIII,  p  41;  IX, 
p.  416.  —  Walder,  Prœf.  ad  Moschopuli  Grammat.  Ar- 
tis Methodus.  —  Burton,  Ling.  Crœc.  Historia.  —  Scher- 
pezcel,  Prœf.  ad  Moschopuli  Scholia  ad  Iliad.  —Saxe, 
Onomasticon,  vol.  II,  p.  387,445,  591.  —  Montucla,  Hist. 
des  Mathématiques,  vol.  I,  p.  333,  éd.  de  Paris,  1759.  — 
Bandini,  Calai,  codd.  Crœc.  l.axir.  Medic. ,  vol.  Il,  p.  553, 

—  Harles,  lntrod.  in  Htstor.  Ling.  Crœc,  vol.  Il,  p.  544 

—  Hody,  DeCrœcis  illustribus,  p.  314.  —  Titze,  Diatribe 
de  Moschopulis,  en  tète  de  son  édition  des  Opiiscula  de 
Moschopulus. 

moschus  (Jean), surnommé  Encrâtes  (Eù- 
■/.pax&ç,),  hagiographe  grec ,  vivait  vers  la  fin  du 
sixième  siècle  de  l'ère  chrétienne.  D'abord 
moine  dans  le  monastère  de  Saint-Théodose  à 
Jérusalem ,  il  alla  ensuite  vivre  parmi  les  ana- 


chorètes du  désert  sur  les  bords  du  JourdaiD,  i 
devint  canonarque  ou  chef  des  chantn 
dans  le  couvent  de  Saint-Saba.  Bollandus  pla< 
vers  620  la  date  de  sa  mort.  Moschus,  à  ur  ! 
époque  inconnue,  avait  visité  les  monastères  c 
la  Syrie,  de  l'Egypte  et  de  l'Occident.  Avec  1< 
documents  recueillis  dans  cette  excursion,  il  con 
posa  une  histoire  des  moines  de  son  temps  jus 
qu'au  règne  d'Héraclius.  Cet  ouvrage,  qu'il  déd 
à  Sophronius(depuispatriarchede  Jérusalem),  se 
ami,  son  disciple  et  son  compagnon  de  voyagi 
est  intitulé  Aetfiwv  ou  AetjJ-wvàpiov  (La  Prairie 
ou  Néo;  7rapàSstao;  (  Le  nouveau  Paradis  ).  E 
l'écrivant  Moschus  ne  se  contenta  pas  de  racoi 
ter  ce  qu'il  avait  vu  ou  entendu,  il  recueillit  ei 
core  dans  les  autres  hagiographes  une  foule  t 
traditions  plus  ou  moins  authentiques  et  beat 
coup  de  récils  merveilleux.  Photius  prétend  qi 
le  style  de  Moschus  est  très-négligé ,  et  ajou 
que  son  ouvrage  était  divisé  en  trois  cent  quati 
chapitres  (ôiriyri\La.-za),  ou  même  en  un  plus  grar 
nombre  dans  d'autres  manuscrits.  La  divisic 
actuelle  est  en  deux  cent  dix-neuf  chapitres.  I 
Aeiy-wv  parut  d'abord  dans  une  traduction  it 
lienne  dont  l'auteur  est  inconnu,  et  sous  cet 
forme  il  a  été  inséré  dans  plusieurs  vies  di 
saints.  Ambroise  le  Camaldule  en  donna  une  tri 
duction  latine,  qui  a  été  imprimée  dans  le  t.  V 
des  Vilœ  Sanctorum  de  Lippomani,  et  dans  li 
Vitse  Patrum  de  Bosweyde,  I.  X.  Fronton  c 
Duc  publia  le  texte  grec  dans  son  Auctariu.  \ 
Bib.  Patrum,  Paris,  1624,  d'où  ce  texte  pas; 
dans  la  Bibl.  Patrum  de  Paris.  Cotelier  publ 
quelques  additions  à  l'édition  de  Fronion,d'apn 
un  manuscrit  plus  complet,  dans  les  Monument 
Eccl.  Grxc,  t.  II.  Arnauld  d'Andilly  a  tradti 
en  français  l'ouvrage  de  Moschus.  Y. 

Photius,  Cod.,  199.  —Fabricius,  Bibliot.  Grœca,  vol.  : 
p.  124.  —  Vossius,  De  Historicis  Grœcis,  édit.  Weste 
mann,  p.  334. 

MOSCHUS.    VotJ.  BlON. 

MOSCOSO    DE  ALVARADO  (Don   Ll'IZ  DE 

l'un  des  conquistadores  de  la  Floride,  né  à  B 
dajoz,  en  1505,  mort  au  Pérou  vers  1561.  llfft 
part  comme  capitaine  des  Pizarre  à  la  conque 
du  Pérou.  Lorsque  don  Pedro  de  Alvaradoei 
été  nommé  en  1534  adelantarlo  et  gouvernei 
de  la  partie  du  Pérou  qu'il  pourrait  découvri 
Moscoso,  qui  était  son  parent,  le  suivit.  Ils  firei 
ensemble  la  conquête  de  la  province  de  Xipixap 
de  celle  del  Oro  (de  l'Or),  et  celle  de  Las  golo; 
drinas  (des  Hirondelles),  et  personnellemei 
Moscoso  s'empara  des  villes  de  Vacain  et  de  Chi< 
nana.  Rejoignant  Alvarado,  ils  s'avançaient  si 
Cuzco,  lorsqu'ils  apprirent  que  Pizarre  et  Almagi 
s'étaient  emparés  de  celte  ville  et  marchaient  co 
treeux.  Ils  préférèrent  traiter  :  Alvarado  consent 
à  rentrer  dans  son  gouvernement  de  Guatema 
moyennant  100,000  pièces  d'or.  Moscoso  eut  ui 
belle  part  dans  cette  somme,  et  de  retour  dai 
sa  patrie  y  avait  déjà  dissipé  la  plus  grande  part 
du  butin  qu'il  avait  rapporté  du  Nouveau  Mondi 


13  MOSCOSO 

irsque  don  Hernando  de  Soto,  l'un  des  douze  d'Ocali 
lincipaux  lieutenants  des  Pizarre,  vint  solliciter 
•  Charles  V  la  permission  de  soumettre  la  Flo- 
de{l).  Les  circonstances  n'étaient  pas  favorables  ; 
iais  Soto  s'imaginait  que  Ja  Monde  était  un 
ître  Pérou,  aussi  riche,  aussi  facile  à  conquérir  ; 
jmpereur  approuva  donc  son  projet,  le  nomma 
.arquis  des  terres  qu'il  pourrait  conquérir  et 
inventeur  général  de  Cuba.  Moscoso  s'attacha 
la  fortune  de  son  ancien  capitaine.  L'expédi- 
)n  partit  de  San-Lucar-de-Barrameda,  le  6  avril 
•33.  Elle  se  composait  de  dix  bâtiments  montés 
ir  neuf  cents  hommes  d'élite.  Après  avoir  relâ- 
»éauxCanaries,elleatterritle  26  mai  à  Santiago, 
li  était  alors  la  capitale  de  Cuba,  et  repartit  de 
i  Havane  (12  mai  1539)  après  s'être  augmentée 
i  trois  cents  cavaliers.  Le  30  mai  les  Espa- 
ivols  débarquèrent  sur  la  partie  ouest  de  la  Flo- 
ide,  vers  le  29°  1/2  de  lat.  nord,  dans  une  baie 
l'.'ils  nommèrent  de  SpiritU-Sahto.  Après  un 
nos  de  neuf  jours ,  ils  occupèrent  Hirrihiagua, 
vitale  de  ce  district,  dont  le  cacique  s'était  enfui 
«•c  tous  les  guerriers  valides,  déclarant  une 
jierre  d'extermination  aux  nouveaux  venus.  En 
l'et,  leurs  compatriotes  avaient  coupé  le  nez  de 
,  malheureux  chef  et  avaient  fait  déchirer  sa 
(ère  par  des  chiens.  Plusieurs  combats  sanglants 
jançaient  peu  la  marche  des  conquérants  lors- 
i'ils  furent  rejoints  par  un  ancien  officier  de  Nar- 
rez, Juan  Ortizde  Séville,  qui  depuis  dix  années 
t  prisonnier  du  cacique  de  Mucoço  ;  avec  son 


714 


Ue  ils  firent  alliance  avec  ce  chef.  Ils  occupèrent 
isuite  les  provinces  d'Urribariacuxo,  d'Acuera, 

H)  Vaste  contrée  de  l'Amérique  septentrionale  qui  s'é- 
Ldail  du  25°  6'  au  39°  38'  de  lat.  sept.  Resserrée   entre 
llcéan    Atlantique  et  lts  monts  Alleghany,  sa  largeur 
Hit  fort  irrégullère.  Suivant  quelques  écrivains  anglais, 
(doc,  prince  galluis,  fut  jeté,  en  1171,  sur  la  côte  de  la 
Bride,  et  y  établit  le  premier  une  colonie  européenne. 
■  Sébastien  Cabot  {ton.  ce  nom),  envoyé  en  1496  par 
Inri  VU,  roi  d'Angleterre,  u  la  recherche  d'un  passage 
I;  le  nord-ouest  pour  se  rendre  à  la  Chine  et  aux  Indes, 
(couvrit  la  partie  de  la  Floride  qui  borde  le  golfe  du 
■xique.  «  Après  avoir  fait  route  depuis  le  J8»  jusqu'au  40° 
Il  lat.  nord,  .faisant  voile,  dit-il,  en  longeant  la  cote, 
■lile  voir  si  je  trouverais  quelque  golfe  qui  la  coupât, 
[vis  que  la  terre  se  prolongeait  toujours  jusqu'au  46° 
[lat.,  et  m'apercevant  qu'à  cet  endroit  la  cote  faisait  un 
'ide  vers  l'orient,  désespérant  de  trouver  le   passage, 
■revins  sur  mes  pas,  fis  vpile  vu  côtoyant  rette  terre, 
[cinglant  vers  l'équateur,  j'arrivai  a  la  partie  du  con- 
nut qu'on  nomme  aujourd'hui  Ftoride,  où ,  venant  à 
inquer  de  vivres,  je  mis  à  la  voile,  et  retournai  en  An- 
lierre.  »  Ce  passage  ne  laisse  aucun  doute  sur  l'époque 
!  la  découverte.  Elle  est  bien  antérieure  à  .la  première 
^édition  de  don  Juan  de  Ponce  de  Léon  T  2  avril  15121. 
|:  adetantado  essaya  la  conquête  de  la  Floride  en  1521. 
j  fut  battu  etblessé  mortellement. —  Francisco  Hernan- 
I:  de  Cordova  avait  eu  le  même  sort,  en  1517.  —  L'oïdor 
cas.Vasquez  de  Ayllon  ne  fut  pas  plus  heureux,  en  1520. 
[En  1524  Giovanni  Vcrrazano,  au  service  de  François  Ier, 
|:oya  toute  la  Floride  jusqu'au  36°,  et  lui  donna-  (e  nom 
[Nouvelle- France;  mais  il  ne  laissa  pas  de  traces  de 
h  passage.—  En  1526  la  cour  d'Espagne  envoya  une  nou- 
ï le  expédition  sous  la  conduite  de  don  I'anfilo  de  Nar- 
'f:z;  ce  capitaine  se  noya,  et  ceux  de.  ses  quatre  cents 
jnpag!ions  qui  échappèrent  aux  coups  des  Indiens  se 
jugèrent   entre   eux   :    quinze    seulement   revirent  le 
jxique  (1S28-1536).  Ce  fut  après  des  tentatives  si  ilécou- 
■  eantes  que  Soto  et  Moscoso  ne  craignirent  pas  d'essayer 
1  conquérir  la  Floride. 


de  Vitacucho  et  d'Osachilé.  Moscoso 
demeura  en  garnison  à  Ocali,  dont  le  cacique,  en 
fuyant,  prolestait  «  qu'il  n'entretiendrait  jamais 
ni  paix  ni  commerce  avec  une  nation  aussi  fourbe 
et  aussi  cruelle  que  les  Espagnols  ».  Il  ordonna 
à  ses  sujets  de  lui  apporter  chaque  semaine  deux 
têtes  de  chrétiens.  Cet  ordre  ne  fut  exécuté  que 
trop  fidèlement;  car,  durant  les  vingt  jours  que 
Moscoso  demeura  dans  la  province ,  il  lui  man- 
qua dix-huit  hommes.  Les  Espagnols  n'avaient 
jamais  rencontré,  excepté  peut-être  en  Aracaunie, 
une  haine  aussi  invétérée ,  aussi  générale  que 
dans  la  Floride  ;  on  doit  croire  que  les  premiers 
envahisseurs ,  don  Juan  Ponce  de  Léon ,  Her- 
nandez  de  Cordova,  Vasquez  de  Ayllon  et  Pan- 
filo  de  Narvaez  y  avaient  répété  toutes  les  atro- 
cités commises  à  Hispaniola,  au  Mexique,  au 
Pérou,  etc. 

La  marche  des  conquérants  n'était  qu'une 
longue  lutte;  aussi  Soto,  voulant  pénétrer  dans 
la  fertile  province  d'Apaliché,  se  vit  forcé  d'ap- 
peler Moscoso  à  son  aide.  Le  cacique  Capafi 
avait  rejeté  toute  proposition  de  la  part  «  des 
fils  du  diable ,  qui  enlevaient  les  femmes  et  dé- 
robaient le  bien  d'autrui  ».  Tel  était  au  surplus 
le  courage  des  Floridiens  que  quatre  cents 
d'entre  eux  osèrent  livrer  combat  aux  Espa- 
gnols près  de  Napetuca  (17  novembre  1539)  et 
les  tinrent  longtemps  en  échec.  Dispersés  enfin 
par  la  cavalerie,  la  plupart  préférèrent  se  noyer  à 
se  rendre.  Capafi  fut  vaincu,  et  fait  prisonnier 
dans  une  seconde  rencontre.  Sa  capitale,  Apa- 
lache,  tomba  aux  mains  des  vainqueurs,  qui  s'y 
retranchèrent  et  y  passèrent  l'hiver  dans  l'abon- 
dance. Ils  reçurent  des  renforts  de  Cuba  qui 
portèrent  leur  nombre  à  quinze  cents  fantassins 
et  trois  cent  cinquante  cavaliers.  Us  se  mirent 
en  campagne  le  27  mars  1540,  et  occupèrent 
successivement  les  provinces  d'Altapaha,  d'Acha- 
laqui ,  de  Cola ,  de  Cofachi ,  de  Cofachiqui ,  de 
Chalaque  ,  de  Guaxale ,  d'Ychiahà,  d'Acoste  et 
de  Coça ,  quelquefois  en  amis ,  le  plus  souvent 
par  la  force.  Le  cacique  de  Mavila,  Tascaluça, 
leçut  d'abord  les  Espagnols  dans  sa  capitale,  qui 
ne  comptait  guère  que  quatre-vingts  maisons  ; 
mais  il  est  vrai  que  les  plus  petites  de  ces  habi- 
tations contenaient  six  cents  personnes  et  quel- 
ques-unes jusqu'à  quinze  cents.  On  ne  sait  quel 
motif  amena  un  conflit  terrible  :  les  Espagnols 
incendièrent  la  ville,  et  massacrèrent  ou  brûlèrent 
dix-neuf  mille  Indiens;  ils  ne  perdirent  que 
quatre-vingts  deux  hommes.  Us  achevèrent  la 
conquête  del'Achusi  et  marchèrent  sur  Chicoça. 
Quinze  cents  Indiens  les  tinrent  pendant  douze 
jours  en  échec  au  passage  d'une  rivière.  Us  la 
franchirent  enfin,  et  entrèrent  à  Chicoça  le  1er 
décembre  1540;  ils  y  hivernèrent  paisiblement 
jusqu'au  29  janvier  1541,  où  les  Floridiens 
vinrent  les  assaillir,  mirent  le  feu  à  la  ville, 
leur  tuèrent  une  quarantaine  d'hommes  et  eur 
firent  autant  de  prisonniers.  Ce  qui  les  affligea 
surtout,  ce  fut  la  perte  de  leurs  munitions,  de. 


7!5 


MOSCOSO 


71 


leurs  équipements  et  de  quatre-vingt-quinze  che- 
vaux, qui  formaient  leur  principale  force.  Déses- 
pérant de  pouvoir  soumettre  un  peuple  si  belli- 
queux, les  Espagnols  s'avancèrent  au  nord,  et  ar- 
rivèrent à  Chi-sca,  grande  ville  sur  le  Rio-Grande 
ou  Chucagua  (  le  Mississipi  )  ;  ils  y  furent  bien  re- 
çus ainsi  qu'àCasquin,  dont  le  cacique  se  servit 
des  aventuriers  pour  vaincre  son  ennemi,  le  sou- 
verain de  Capaha.  Cependant  les  Espagnols  souf- 
fraient beaucoup  d'une  fièvre  maligne  :  leurs  en- 
trailles s'enflammaient  et  ils  répandaient  une  odeur 
si  infecte  qu'on  en  était  incommodé  à  la  distance 
de  cinquante  pas;  plus  de  soixante  périrent  delà 
sorte  en  peu  de  temps.  L'emploi  d'un  certain  sel 
qu'ils  trouvèrent  dans  les  montagnes  de  Capaha 
mit  fin  à  leurs  maux.  Prenant  alors  leur  route  à 
l'ouest,  ils  entrèrent  dans  la  province  de  Quiguate, 
où  ils  se  reposèrent  onze  jours  :  ils  firent  éga- 
lement séjour  à  Colima,  puis  sur  les  bords  d'une 
rivière  qu'ils  nommèrent  Lo  Sal,  parce  que  le 
sol  environnant  offrait  de  nombreuses  mines  de 
sel.  Ils  prirent  Tula  après  un  rude  combat  contre 
les  naturels,  qui  n'étaient  cependant  armés  que 
de  bâtons.  Les  captifs  se  jetèrent  h  terre,  refu- 
sant de  suivre  leurs  vainqueurs  et  faisant  signe 
qu'on  les  laissât  ou  qu'on  leur  ôtât  la  vie.  On 
tua  les  hommes,  et  on  emmena  les  femmes  et  les 
enfants.  Après  un  repos  de  vingt  jours,  les  Es- 
pagnols entrèrent  dans  la  contrée  de  Vitangue, 
où  ils  arrivèrent  le  15  octobre  1541.  Ils  y  pas- 
sèrent l'hiver  assez  agréablement,  malgré  un  froid 
rigoureux.  Us  se  remirent  en  marche  le  2  avril 
1542,  et  après  des  combats  quotidiens  entrèrent 
à  Naguatex;  vingt  jours  plus  tard  ils  étaient  à 
Guacane.  Après  avoir  franchi  cent  vingt  lieues,  ils 
traversèrent  les  provinces  d'Anilco,  de  Guacha- 
coya,  et  se  retrouvèrent  sur  les  rives  du  Chaca- 
gua.  Soto  étant  mort  à  Guachoia  (20  juin  1542), 
don  Luiz  de  Moscoso  fut  élu  général  à  l'una- 
mité.  Il  résolut,  du  consentement  de  ses  offi- 
ciers, d'abandonner  le  pays.  Il  partit  de  Gua- 
choia le  4  juillet,  en  prenant  la  direction  de 
l'ouest,  dans  l'intention  de  se  rendre  directement 
au  Mexique.  Après  un  trajet  de  plus  de  cent 
lieues ,  il  arriva  à  Auche,  capitale  de  la  province 
de  ce  nom.  Le  cacique  qui  y  régnait  conçut  le  pro- 
jet de  faire  périr  les  Espagnols  de  faim  et  de  fatigue  ; 
il  leur  donna  un  guidequi  les  fit  errer  durant  sept 
jours  dans  des  déserts  où  ils  durent  se  nourrir 
d'herbes  et  de  racines.  Moscoso,  soupçonnant  enfin 
la  trahison  de  son  conducteur,  le  fit  attacher  à 
un  arbre,  et  s'apprêtait  à  le  faire  déchirer  par 
ses  chiens,  lorsque  l'Indien  dévoila  le  projet  de 
son  maître.  Moscoso  abandonna  le  guide  à  son 
malheureux  sort,  et,  se  fiant  à  la  Providence, 
continua  sa  route  vers  l'ouest.  Après  six  jours 
de  souffrances,  il  atteignit,  au  sommet  d'une  pe- 
tite montagne,  quelques  cabanes,  où  il  trouva  de 
la  chair  de  bison,  qu'it  prit  pour  celle  de  vache, 
ce  qui  lui  fit  donner  au  pays  environnant  le  nom 
de  provincia  de  los  Vaqueros.  Les  Espagnols 
s' avancèrent  encore  l'espace  de  trente  lieues  à 


l'ouest  ;  mais  ne  trouvant  qu'un  pays  stérile 
des  habitants  belliqueux  et  hostiles ,  ils  repr  i 
rent  le  chemin  du  Chicagua ,  sur  les  bords  di 
quel  ils  arrivèrent  le  30  novembre   1542,  apn 
avoir  parcouru  encore,  plus  de  trois  cent  cii 
quante  lieues.  La  fatigue,  la  faim,  le  froid  et  l'ii 
somnie  avaient  fait  périr  plus  de  cent  cinquan 
des  leurs,  de  sorte  que  lorsque  Myscoso  passa 
revue  de  sa  troupe,  il  ne  compta  plus  que  tic 
cent  fantassins  et  soixante-dix  cavaliers.  Il  s'er 
para  de  deux  bourgs  des  Indiens  Aminoya,  et  ]  ; 
fit  fortifier  pour  y  passer  l'hiver.  Au  mois  i 
février  1543,  il  lit  construire  sept  grandes  ba 
ques  et  plusieurs  autres  plus  petites.  Les  voil 
étaient  tissées  d'une  herbe  appelée  enequen,  q 
a  de  petits  filaments  comme  le  lin.  L'écor 
dumûrier  servait  à  faire  les  cordages.  Tout  et 
prêt  lorsqu'un  débordement  du  fleuve  (10  nie 
1543),  qui  descendit  à  plus  de  vingt  lieues  da 
les  terres,  vint  retarder  le  départ  et  faillit  no> 
les  aventuriers  et  briser  leur  flottille.  Les  ea  | 
séjournèrent  quarante  jours.  Durant  ce  temij 
Quingualtaugui,  cacique  de  Guachacoya,  réso  I 
d'exterminer  les  Espagnols,  et  forma  à  cet  ef  I 
une  ligue  avec  d'autres  chefs  ;  mais  le  cacique  d' 
nilco  avertit  Moscoso  des  desseins  tramés  conJ 
lui,  et  lorsque  las  conjurés ,  pour  mieux  (  I 
dormir  ses  soupçons,  se  présentèrent  dans  s  I 
camp  avec  des  présents ,  il  les  fit  arrêter  I 
nombre  de  trente,  et  sur  leurs  aveux  leur  I 
couper  la  main  droite.  Ils  n'en  persistèrent  || 
moins  dans  leur  dessein.  Les  Espagnols  s'embil 
quèrent  au  nombre  de  trois  cent  cinquante  ai  I 
trente  chevaux,  restes  de  l'expédition.  Trente  '.  I 
diens  des  deux  sexes  suivaient  ces  débris.  I 
chair  séchée  de  leurs  chevaux  et  quelques  s.  I 
de  maïs  avarié  étaient  leurs  seules  provisiol 
Dès  le  second  jour,  ils  furent  attaqués  par  I 
flotte  des  caciques,  forte  de  plus  de  mille  cancJ 
Us  durent  combattre   dix  jours  et  autant  | 
nuits ,  pendant  l'espace  de  quatre  cents  lieuJ 
Privés  de  poudre  depuis  l'incendie  de  Mavila,! 
n'avaient  que  des  arbalètes  pour  riposter  cl 
flèches  de  leurs  ennemis;  aussi  furent-ils  til 
atteints  malgré  leurs  boucliers  et  leurs  armui  I 
Huit  chevaux  échappèrent  seuls  à  ce  désastol 
Après  une  navigation  de  dix-sept  jours,  Moso  fil 
déboucha  dans  le  golfe  du  Mexique  (19  juilk 
et  arriva,  le  10  septembre,  à  la  rivière  de  Paml 
(Nouvelle-Espagne),  après  une  traversée  de  (I 
quante-trois  jours.  De  là  il  s'achemina  par  te  11 
jusqu'à  Mexico,  où  il  arriva  le  22  décembre  15 1 
avec  trois  cent  onze  de  ses  compagnons.  If  y  H 
accueilli  avec  la  plus  grande  distinction  par  le  v    ' 
roidonAntoniodeMendoza,  quiledécidaàsefiH 
près  de  lui  et  qu'il  suivit  en  1551  au  Pérou,  o  H 
mourut.  Quoique  l'expédition  accomplie  parSlj 
et  Moscoso  n'ait  pas  eu  de  résultats  imtnédï  la 
elle  prépara  la   conquête  de   la  Floride  et  II 
connaître  l'intérieur  de  cette  immense  contrji 
ses  ressources  et  ses  dangers.  La  route  te:  M 
par  les  Espagnols  a  été  tracée  sur  la  carte  •' 


[7  MOSCOSO 

i  i  jmann  ;  Amplissimx  regionis  Mississipi,  seu 
movincix  Ludovicianx  à  R.  P.  Ludovico 
I Unnepin,  Francise,  miss,  in  America  septen- 
f  uonali,  anno  1687,  âetectœ,  mine  Gallorum 
'omis  et  aclionum  negotiis  toto  orbe  cele- 
rrinuv  nova  Tabula,  édita  par  Jean-Bap- 
t  fteHomann;  Nuremberg,  1712.  A.  de  Lacake. 
H,.  Lira  te,  Hist.  de  la  Découverte  et  de  la  conquête  du 
Xyou  (Parl<%  1706,  2  vol.  in-12).  [ferrera,  Description 
■il  las  Indias  occidentales  (  Madrid,  1725-172(1,4  vol.  in- 

■  ),déc.  VI,  lib.  VII,  cap.  11,  12  ;  déc.  Vif,  lib.  f°,  cap. 
■5;  lib.  Il,  cap.  6;  lib.  vu,  cap.  1-12.  —  Garcilasso 
BtaVefça,  La  Ftoridadel  Ynca,  iib.JI,  part.  Il,  cap.  1-7, 
I   38;  lib.  III  ;  lib.  IV,  cap.  1,  2,  S,  8-16;  lib.  V,  part,  i) 

■  1. 1-8;  part.  Il,  cap.  1-22;  lib.  Vf,  cap.  1-22.  —  Ha- 
m  jyt,  Virginia,  cap.  13-20,  29-44.  —  Gomara,  Hist.  gën., 
H  II,  chap.  45.  —  Ensayo  cronoloqico  para  la  Histo- 
Wdela  Florida  (Madrid,  1723). 
i  j  uoseley  (  Benjamin  ) ,  médecin  anglais,  né 
bis  le  comté  d'Essex,  mort  le  15  juin  1819. 
Brès  avoir  terminé  ses  études  médicales  à  Pa- 
■<età  Londres,  il  partit  pour  La  Jamaïque,  et 

■  à  Kingston  les  doubles  fonctions  de  chirur- 

■  1  et  d'apothicaire.  I!  eut  pendant  la  guerre  de 
■(dépendance  de  nombreuses  occasions  d'obser- 
I  de  près  les  maladies  épidémiques,  qui  déci- 
ment les  troupes  anglaises;  un  traité  qu'il  pu- 

I  en  1783  à  ce  sujet  commença  sa  réputation 
■ïntiûque.  Après  la  paix ,  il  visita  l'Amérique 
ipord  et  une  partie  de  l'Europe,  alla  prendre 
l*eyde  le  diplôme  de  docteur,  et  s'établit  tout 

■  fit  à  Londres,  en  1785.  Par  la  protection  de 

II  Mulgrave,  il  obtint  la  place  de  médecin  mi- 
Kre  de  l'hôpital  de  Chelsea.  Moseley  s'éleva 
Kc  une  sorte  de  rage  contre  la  vaccine  ;  il  la 
Ignit  comme  une  innovation  des  plus  funestes  ; 
Haccusa  même  d'être  un  véritable  empoison- 
Ipent  et  d'avoir  produit  un  grand  nombre  de 
■adies  inconnues  auparavant,  qu'il  nomme 
Mies  bovilla.,  scabies  bovilla,  tinea  bo- 
rna, etc.  En  1805  il  engagea  seul  contre  tout 
Ipollége  des  Médecins  de  Londres  une  lutte, 
Ils  laquelle  il  montra  autant  d'esprit  que  d'a- 
Brnement  et  d'àcreté.  On  a  de  lui  :  Observa- 
ms  on  the  dysentery  of  the  West  Indies ; 
■gston,  1783,  in-8°;  plusieurs  éditions;  — 
ftafùe  concerning  the  properties  and  ef- 
Ksof  Coffee;  Londres,  1785,  in-8°,  trad.  en 
16  eh  français  et  en.  allemand  ;  —  Treatise 
mtopical  Diseases,  on  military  opérations 
m  on  the  climale  of  the  West  Indies  ;  Lon- 
ft.:i787,  1793,1803,  1806,  in-8°;  trad.  en 
ajmand;  —  Treatise  on  Sugar,  with  mis- 
cïaneous  médical  observations;  Londres, 
i\è,  in-8°;  trad.  en  allemand;  —  Médical 
mets  ;  Londres,  1803,  in  8°;  —  Commentaries 
(khe  Lues  bovilla  ;  Londres,  1804, 1805,  in-8°; 
mreatise  on  the  Lues  bovilla  or  cow-pox; 
Iidres,  1806,  in-8°;  trad.  en  1807  en  français; 
'Treatise  on  the  FJydrophobia;  Londres-, 
18,  in-8°.  On  cite  parmi  les  écrits  dirigés 
cjtre  Moseley  celui  qui  a  pour  titre  Épîtres 
lioïques  de  la  Mort  à  B.  Moseley  sur  la 
Mine  (1810).  K.     - 

se,  New  biog.  Dict. 


—  AIOSER 


718 


■iosi  i.i.wrs  voy.  Sciudë  (Pierre). 
*  mosen  (  Julius  ) ,  poète  allemand  ,  né  à 
Marieney,  en  Saxe,  le  8  juillet  1803.  Il  fréquenta 
d'abord  le  gymnase  de  l'Iauen,  ensuite  l'univer- 
sité de  léna,  où  il  étudia  le  droit.  Il  devint  en 
1844  conseiller  aulique  et  dramaturge  du  grand 
théâtre  à  Oldembourg.  On  a  de  Mosen  :  Lied  vom 
Hitler  Wasa  (Le  Chant  du  chevalier  Wasa); 
Leipzig,  1831  (il  y  dépeint  la  mort  du  monde 
hellénique  et  l'aspiration  vers  les  promesses  du 
christianisme);  —  Ahasver;  Dresde  et  Leipzig, 
1 838  (  c'est  un  poëme  épique  qui  forme  con- 
traste avec  le  précédent);  —  Gedichte  (Poé- 
sies); Leipzig,  1836  et  1843  :  parmi  ces  poé- 
sies, Andréas  Hofer  et  Les  dix  derniers  du 
4e  Régiment,  sont  devenues  populaires;  —  Con- 
gress  von  Verona  ;  Leipzig,  1842,  2  vol.  :  c'est  un 
tableau  parfait  de  la  vie  des  peuples  modernes; 
—  Die  blaue  Blume  et  Das  Heimwch  (  La 
Fleur  bleue  et  Le  Mal  du  pays  ),  deux  nouvelles 
publiées  par  YUrania  en  1840  et  1844;  —  Bil- 
der  im  Moose  (Images  dans  la  mousse);  Leip- 
zig, 1846,  2  vol.  —  Depuis  1836,  Mosen  a  écrit 
les  tragédies  suivantes  :  Cola  Rienzi  ;  Les  Fiancés 
de  Florence;  VEmpeteur  Otton  III;  Wendelin 
et  Helena,  qui  ont  toutes  été  imprimées  dans 
son  Thealer;  Stuttgardt,  1842.  H.  W. 

Conv.-Lex. 

mosengeil  (Frédéric),  conteur  allemand, 
très-populaire,  né  à  Schoenau,  non  loin  d'Eise- 
nach,  le  26  mars  1773,  mort  à  Meiningen,  le 
2  juin  1839.  11  étudia  la  théologie  à  l'université 
de  léna,  et  devint  professenr  à  l'école  forestière 
fondée  à  Zillbach  par  Cotta.  En  1805,  la  du- 
chesse douairière  de  Saxe-Meiningen  le  chargea 
de  l'éducation  de  son  fils  unique,  le  duc  Bernard- 
Erich-Freund,  qu'il  accompagna,  dans  la  suite,  à 
l'université  de  Téna  et  à  celle  de  Heidelberg, 
ainsi  que  dans  ses  voyages  en  Suisse,  en  Italie, 
en  Belgique,  en  Hollande  et  en  France.  En  1821, 
lors  de  la  majorité  du  duc,Mosengeil  devint  pré- 
sident du  consistoire  de  Meiningen.  On  a  de  lui 
des  Contes  qui  eurent  beaucoup  de  succès ,  et 
qu'il  réunit  plus  tard  dans  les  recueils  intitulés 
Liebenstein  und  die  neuen  Arcadier  (Leiben- 
stein  et  les  nouveaux  Arcadiens);  Francfort, 
1826,  2e  édit;  —  Reisegefaehrten  (Compa- 
gnons de  voyage);  ibid.,  1825  à  1828,3  vol.; 
—  Drei  Freunde  auf  Reisen  (Trois  Amis  en 
voyage);  Leipzig,.  1828,  3  vol.;  —  Somme- 
rabend  Stunden  (Soirées  d'été);  Hildburg- 
hausen,  183 1,  2  vol.  Ce  fut  lui  qui  le  premier, 
parmi  les  Allemands,  s'occupa  de  sténographie; 
lors  de  son  séjour  à  Zillbach,  il  publia  un  petit 
traité  (3e  édit.,  léna,  1819)  sur  cet  art.   H.  Yv\ 

Coiw.-I.ex. 

3IOSER  (  Georges- Michel) ,  peintre  en  émail 
et  orfèvre  suisse,  né  en  1707,  à  Schaffhouse.mort 
à  Londres,  en  1783.  Fils  d'un  chaudronnier  habile 
dans  la  ciselure,  il  apprit  d'abord  le  métier  de 
son  père,  et  ensuite  Porfévrevrie,  art  qu'il  alla  en 
1726  exercer  en  Angleterre.  Il  y  obtint  le  plus 


719 

grand  succès;  ses  médaillons,  ses  montres  et 
tabatières,  qu'il  décorait  de  merveilleuses  pein- 
tures en  émail ,  excitaient  surtout  l'admiration 
par  le  fini  et  l'élégance  de  leur  exécution.  Il  eut 
encore  le  mérite  de  contribuer  plus  que  tout 
autre  à  la  fondation  de  l'Académie  de  Peinture; 
lorsqu'elle  fut  enfin  établie  définitivement,  en 
1768,  malgré  les  entraves  apportées  par  plusieurs 
artistes,  notamment  par  Hogarth,  il  en  fut  nommé 
vice-président  avec  cent  livres  de  pension;  il  fut 
anobli  quelque  temps  après. 

Sa  fille  Marie,  née  en  1744,  avait  un  talent  des 
plus  exercés  pour  la  peinture  des  fleurs;  elle 
décora  aussi  avec  un  grand  goût  plusieurs  appar- 
tements du  palais  de  Windsor.  O. 

Nagler,  Ifeues  Allg.  Kilnstler-Lexicon. 

AiosER  (Jean- Jacques) ,  célèbre  publiciste 
allemand,  né  à  Stuttgard,  le  18  janvier  1701, 
mort  dans  cette  ville,  le  30  septembre  1785.  Reçu 
en  1720  licencié  en  droit  à  Tubingue,  il  y  fut,  en 
cette  même  année,  nommé  professeur  extraor- 
dinairede  droit;  mais  n'ayant  presque  pas  d'audi- 
teurs, il  se  rendit  en  1721  à  Vienne,  où,  bien 
accueilli  par  l'empereur  et  le  vice-chancelier, 
comte  de  Schœnborn,  il  aurait  pu  obtenir  un 
emploi  considérable  s'il  se  fût  décidé  à  abjurer 
le  luthéranisme.  De  retour  dans  son  pays,  il  se 
vit  soupçonné  d'avoir  fourni  à  la  cour  impériale 
des  renseignements  sur  des  affaires  que  le  duc 
de  Wurtemberg  désirait  tenir  secrètes.  En  1724 
il  repartit  pour  Vienne,  afin  d'y  faire  agréer  un 
projet  sur  l'entretien  de  la  chambre  impériale  ; 
il  n'y  réussit  pas,  il  est  vrai,  mais  le  comte  de 
Schœnborn  le  reçut  encore  mieux  que  la  pre- 
mière fois,  lui  fit  une  pension  et  le  chargea  de 
divers  travaux  de  jurisprudence.  Rappelé  en 
1726  à  Stuttgard  ,  Moser  y  fut  nommé  conseiller 
ds  régence  ;  l'année  suivante  il  fut  chargé  d'une 
chaire  de  droit  au  collège  ducal  de  Tubingue  ; 
des  tracasseries,  que  plusieurs  de  ses  collègues 
lui  suscitèrent  par  jalousie ,  lui  firent  résigner 
ses  emplois  en  1732.  L'année  suivante,  à  l'a- 
vénement  du  duc  Charles -Alexandre,  il  re- 
prit ses  fonctions  de  conseiller  de  régence.  Sa 
profonde  connaissance  du  droit  public  et  son 
habileté  dans  la  conduite  des  affaires  commen- 
çaient à  être  connues  dans  tonte  l'Allemagne,  En 
1736  le  roi  de  Prusse  le  nomma  conseiller  in- 
time et  lui  confia  une  chaire  de  droit  à  l'uni- 
versité deFrancfort-sur-POder.;Trois  ans  après, 
ayant  eu  quelques  difficultés  avec  ses  collègues, 
Moser  donna  sa  démission,  et  alla  vivre  en 
simple  particulier  dans  la  petite  ville  d'Ébers- 
dorf,  dans  le  Voigtland  ;  pendant  les  huit  ans 
qu'il  y  habita,  il  fut  employé  par  divers  princes 
de  l'Empire  dans  des  négociations  importantes  ; 
notamment  en  1741,  où  il  prit  part  au  nom  de  l'é- 
lecteur de  Trêves  aux  longues  discussions  qui 
précédèrent  l'élection  de  l'empereur  Charles  VIL 
En  1747,  n'ayant  pas  voulu  reconnaître  les  inno- 
vations religieuses  introduites  à  Ebersdorf  par  le 
comte  de  Zinzendorf,  il  accepta  la  place  de  di- 


MOSER  72 

recteur  de  la  chancellerie  à  la  cour  de  Hess< 
Hombourg,  sous  la  condition  qu'il  pourrait  y  a| 
pliquer  ses  principes  libéraux  en  matière  degoi 
vernement  et  d'économie  politique  ;  cette  faculi 
lui  ayant  été  retirée  peu  de  temps  après,  il  quiti 
son  emploi,  et  s'établit  à  Hanair,  ou  il  fonda,  t 
1749,  un  institut  pour  préparer  les  jeunes  gens 
la  carrière  de  l'administration.  En  1751  le  dés 
d'être  plus  utile  à  son  pays  lui  fit  abandonner  cet 
entreprise,  qui  avait  eu  le  plus  grand  succès; 
accepta  d'être  avocat  consultant  des   états  i 
Wurtemberg.  Quelques  années  plus  tard,legoi 
vernement  despotique  du  duc  provoqua  les  éta 
à  des  représentations  énergiques  ;  Moser,  regan 
comme  le  rédacteur  desécrits  publiés  contre! 
mesures  illégales  du  premier  ministre,  le  cora 
de  Montmartin,  fut  arrêté,  le  12  juillet  1759, 
conduit  au  fort  de  Hohentwiel.  Il  y  resta  cil 
ans ,  sans  qu'il  lui  intentât  de  procès  ;  presqi 
constamment  au  secret ,  il  ne  put  obtenir  ni 
vres  ni  moyens  d'écrire.  Une  décision  du  consi 
anlique  mit  fin,  en  septembre  1764,  à  cette  d 
tention  arbitraire.   R.établi  dans  ses  fonction 
Moser  les  résigna  six  ans  après,  et  vécut  depr 
lors  dans  la  retraite.  Il  eut  sur  tous  ceux  qui  s' 
taient  en  Allemagne  occupés  avant  lui  de  drc 
public  l'avantage  précieux  d'avoir  été  de  boni 
heure  initié  à  la  pratique  des  affaires  ,  ce  qui  i 
préserva  d'émettre,   comme  eux ,  des  théori 
inapplicables.  Parmi  ses  quatre  cents  et  qui  | 
ques  livres  et  opuscules  nous  citerons  :  Mer  ! 
wiirdige  Reichshofraths  -  Conclusa  (Renia 
quables  conclusa  du  conseil  aulique  );  Francfoi 
1726,  8  vol.  in-8°;  —  Bibliotheca  Juris  pi 
blici;  Stuttgard,  1729-1734,  3  vol.  in-8->;  ■ 
Miscellanea  juridico  ■  historica  ;  Francforl  ! 
1729-1730,  2  vol.  in-8°;  —  Grundrissder  he  \ 
tigen    Staatsverfassung    von     Teutschlar  < 
(Principes  de  la  Constitution  actuelle  de  l'Ail 
magne  );  Tubingue,  1731,  in-8°;  édition  sui vie  i 
six  autres;  —  Einleitung  in  den  Reichshq, 
raths-process  (Introduction  à  la  Procédure  < 
usage  au  Conseil  aulique);  Francfort,  1733-173 
4  vol.  in-8°  ;  —    Syntagma  dissertatiohu  S 
Jus  publicum   germanicum  illustrantiùM 
Tubingue,  1735,  in-4°;  —  Corpus  Juris  eiiall 
gelicorum   ecclesiasticum  ;    Zullichau  ,    173 1 
1738,  2  vol.  in-4°; — Altes  deutsches  Staat 
recht  (L'ancien  Droit  public  de  l'Allemagne  X 
Nuremberg,  1737-1754,  53   parties  in-4°  :  pi  I 
vrage  qui  a  été  longtemps  le  meilleur  sur  cet 
matière  ;  —  Alte  und   neue  Reic/ishofrat) 
Conclusa  in  causis  illuslribus  (Anciens    I 
nouveaux  Conclusa  in  causis  illuslribus  ém; 
nant  du  Conseil  aulique)  ;  Francfort,  1743-174(1 
3  parties,  in-8°  ;  —  Opuscula  academica  sa 
lecta  Juris  capita    explicantia  ;  Francfor 
1745,  in-4°;  —  Deutsches  Staats  archiv  (A' 
chives  politiques  de   l'Allemagne);   Francfor 
1751-1757,    13    parties    in-4°;   —    Bibliothtl 
von  Œkonomte-Fblisey  -  Handlungs-  Mam 
faklur-und  Bergwerkgesetzen,Schriften  un 


m 


MOSER 


722 


ibhandlttngen  darùber  (Bibliothèque  des 
crits  concernant  les  lois  édictées  en  matière  d'é- 
onomie  politique ,  de  police ,  de  commerce ,  de 
nanufactures  et  de  mines)  ;  Ulm,  1758,  in-8°; 
-  Nettes  detttsches  Slaatsrecht  (Nouveau 
)roit  public  de  l'Allemagne);  Stuttgart),  1766- 
772,  20  vol.  in-4°,  avec  3  vol.  de  Suppléments  ; 
rancfort,  1781-1782, 3  vol.  in-4°,  et  un  volume 
e  Tables,  qui,  publié  en  1775,  contient  aussi 
n  index  pour  tous  les  autres  ouvrages  de  Mo- 
■r  parus  jusque  alors  ;  —  Vermischte  Nachri- 
iten  von  reichsritterscha/tlichen  Sachen 
[Mélanges  concernant  la  Noblesse  de  l'Empire  )  ; 
uremberg,  1772,  6  parties  in-8°,  suivies  des 
eitràge  zu  reichsi'itterschaftlichen  Sachen; 
Im,  1775,  4  parties,  in-8°; —  Von  dem  reichs- 
andischen  Schuldenwesen  (Sur  les  Dettes 
[nntractées  par  les  États  de  l'Empire);  Tubin- 
te,  1774-1775,  2  vol.  in-4°;  — Abhandlun- 
n  iïber  verschiedene  Reichsmaterien  (Dis- 
rtations  sur  diverses  matières  concernant  l'or- 
fmisation  de  l'Empire);  Ulm,  1772-1778,  5  vol. 
[i<-8°;  — Reichsstàdtisches  Magazin  (Maga- 
|i  de  documents  concernant  les  villes  de  l'Em- 
ile); Ulm,  1774-1775,  2  vol.  in-8°;  —  Neueste 
I  •schichte  der  unmittelbaren  Reichsritter'- 
{ iaft  (Histoire  moderne  de  la  Noblesse  immédiate 
[l'Empire);  Ulm,  1775-1776,  2  vol.  in-8°;  — 
ylàuterung  des  Westphàlischen  Friedens 
implication  du  Traité  de  paix  de  Westphalie); 
Dlangen,  1775-1776,  2  parties,  in-4°  ;  —  Vcr- 
tch  des  neuesten  europàischen  Vôlkerrechts 
|  Friedens  und'Kriegszeiten  (Essai  sur  le 
niveau  Droit  des  gens  en  usage  en  Europe  en 
Inps  de  paix  et^de  guerre);  Francfort,  1777- 
IBO,  10  vol.  in-8°;  —  Betrachtungen  iïber 
I;  Wahlcapitulation  Josephs  II  (  Considéra- 
nts sur  la  capitulation  jurée  par  l'empereur  Jo- 
ph  II  lors  de  son  élection);  Francfort,  1778, 
|rol.  in-4°  ;  —  Beitràge  zu  dem  neuesten 
wropàischen  Vôlkerrechte  (Documents  pour 
Irvir  à  la  connaissance  du  Droit  des  Gens  mo- 
irnc  de  l'Europe);  Tubingue,  1787,  5  parties 
i8°.  Moser  a  encore  publié,  entres  autres,  des 
tités  sur  la  constitution  politique  des  électo- 
f  s  de  Mayence,  de  Bavière.  de.Trèves,  du  Pa- 
tinât, de  Brunswick ,  etc.  O. 

I  lebensgeschichte  fllosers  (  autobiographie;  Francfort, 
B7-VI83  ,  4  parties,  in-8°  ).  —  Wetdlich,  Nachrichten 
U  jetztlebenden  Rechtsgelehrten ,  t.  II.  —  Hlrsching, 
lit.  liter.  Handbuch. 

Imoser  (Frédéric-Charles  de),  publiciste 

Itsmand,  fils  du  précédent,  né  à  Stuttgard,  le 

■  décembre  1723,  mort  à  Ludwigsbourg ,  en 

ÏJ8.   Après   avoir    rempli    les    fonctions    de 

"Imbre  du  conseil  aulique  de  Vienne,  il  fut  en 

■'O  placé  à  la  tête  de  l'administration  de  la 

Incipauté   de   Hesse-Darmstadt.   Son  peu  de 

«idescendance  pour   les  volontés  despotiques 

>i  souverain   de  ce  pays  lui  valut  d'être  en 

JiO  destitué  de  tous   ses  emplois  ;   ses  biens 

^ent  séquestrés  ;  il  en  obtint  la  restitution  après 

vives    réclamations   devant    Je  conseil   de 


Vienne.  Il  vécut  depuis  en  simple  particulier;  le 
landgrave  de  Hesse-Darmstadt,  reconnaissant 
l'injustice  qui  lui  avait  été  faite,  lui  assigna  une 
pension  de  5,000  florins.  On  a  tle  Moser  :  Sam- 
mlung  des  heiligen  rômischen  Reichs.  sâm- 
mtlicher  Kreisabschiede  (  Recueil  de  tous  les 
Recès  des  cercles  du  Saint-Empire);  Ébersdorf, 
1747-1748,  3  parties,  in-4°;  —  Pragmalische 
Geschichte  der  Kaiserlichen  Reichshofraths- 
ordnung  (  Histoire  pragmatique  de  la  Procé- 
dure suivie  devant  le  Conseil  aulique  impérial); 
Francfort,  1751,  in-8°;  —  Kleine  Schriften 
zur  Erlâuterung  des  Staals-und  Vôlker- 
rechts (  Opuscules  pour  servir  à  l'explication  du 
Droit  public  et  des  gens  )  ;  Francfort,  1751-1765, 
12  parties,  in-8°; —  Commentarius  de  titulo 
Domini  ;  Leipzig,  1751,  in-4°;  —  Sammlung 
der  neuesten  und  wichtigsten  Deductionen 
in  deulschen  Staats-und  Rechtssachen  (Re- 
cueils des  plus  importants  mémoires  récemment 
émis  en  matière  de  Droit  public  et  privé  en  Alle- 
magne); Ebersdorf,  1752-1756,  9  vol.  in-4°;— 
Sammlung  von  Reichshofrathsgutachten  (Re- 
cueil d'Avis  du  Conseil  aulique);  Francfort, 
1752-1769,  6  parties,  in-8°;  —  Des  Franki- 
schen  Kreises  Abschiede  von  1600-1748  (Les 
Recès  du  cercle  de  Franconie  de  1600  à  1748  )  ; 
Nuremberg,  1752,  2  vol.  in-4°;  —  Sammlung 
der  Abschiede  des  Ober-Sàchsischen  Kreises 
(Recueil  des  Recès  du  cercle  de  la  Haute-Saxe  )  ; 
Hanau,  1752,  in-4°;  —  Diplomalische  und  his- 
torische  Belustigungen  (Amusements  diploma- 
tiques et  historiques);  Francfort,  1753-1764, 
7  vol.  in-8";  —  Patriotische  Gedankenvon  der 
Staatsfreigeisterei  (  Pensées  patriotiques  sur  la 
manière  de  penser  librement  en  matière  politique)  ; 
1755;  —  Der  Herrund  der  Diener  (Le  Maî- 
tre et  le  Serviteur)  ;  1759  :  ce  livre  sur  les  de- 
voirs d'un  souverain  et  de  son  ministre  a  été 
traduit  en  français;  Hambourg,  1761  ;  —  Dettt- 
sches Ho/recht  (Le  Droit  des  terres  censives  en 
Allemagne);  Francfort,  1760,  2  parties,  in-4°  ; 

—  Der  Ho  f,  Fabeln  (La  Cour,  fables);  Leipzig, 
1761  ;  en  1789  l'auteur  publia  un  nouveau  volume 
de  fables;  —  Kleine  moralische  und  politi- 
sche  Schriften  (Opuscules  moraux  et  politiques)  ; 
Francfort,  1763-1764,  2  vol.;  —  Beitràge  zu 
dem  Staats-und  Vôlkerrechte  (Documents 
pour  servir  à  la  connaissance  du  Droit  public  et 
des  gens)  ;  Francfort,  17641772,  4  parties,  in-8?.; 

—  Patriotisches  Archiv  (Archives  patrioti- 
ques );  Francfort,  1784-1790,  12  vol.  in-8°,  sui- 
vie du  Nettes  patriotisches  Archiv;  Mann- 
heim,  1792-1794,  2  vol.  in-8°;  —  Politische 
Wahrheiten  (Vérités  politiques);  Zurich,  1796, 
2  vol.  ;—  Vermischte  Schriften  (Mélanges)  ;  Zu- 
rich, 1796,  2  vol.;—  Geschichte  der  Walden- 
ser  (Histoire  des  Vaudois);  Zurich,  1798.  O. 

Strider,  Hessische  Gclehrten- Geschichte.  —  Meusel, 
Lexikon. 

moser  (Guillaume-Godefroi),  agronome  al- 
lemand ,  né  à  Tubingue ,  en  1729,  mort  en  1793  • 


723 


MOSER  — 


Fils  de  Pliilippe-Ulric  Moser,  ministre  protestant 
et  auteur  d'un  Lexicon  manuale  Hebraïcum  et 
Chaldaïcum,  il  occupa  plusieurs  emplois  dans 
l'administration  du  royaume  de  Wurtemberg,  et 
devint  ensuite  conseiller  intime  à  la  cour  de 
Dannstadt;  en  1786  il  entra  au  service  du  prince 
de  Thurn  et  Taxis,  et  fut  enfin  nommé  député 
de  cercle  à  Ulm.  On  a  de  lui  :  Grundsàtze  der 
Forstœconomie  (Principes  de  l'Économie  fo- 
restière); Francfort,  1757,  2  vol.  in-8°;  — 
Kennzeichen  der  deutschen  und  nordameri- 
kanischen  Holzarten  (Caractères  des  espèces 
d'arbres  de  l'Allemagne  et  de  l'Amérique  du 
Nord);  Leipzig,  1794,  in-8°;  —  Forsl-Archive 
(Archives  forestières);  Ulm,  1788-1793,  17  vol. 
in-8°.  O. 

Haug,  Schwâbisches  Magazin  (année  1793).  —  Meusel, 
Lexihon. 

moshkim  (Jean-Laurent  de),  célèbre  his- 
torien allemand,  né  àLubeck,  le  9  octobre  1694, 
et  mort  à  Gœttingue,  le  9  septembre  1755. 
Presque  au  sortir  de  l'université,  il  s'annonça 
pour  un  esprit  distingué.  Le  talent  avec  lequel  il 
remplaça  Alb.  de  Felde,  premier  prédicateur  et 
professeur  à  Kiel,  et  quelques  écrits  d'histoire 
et  de  théologie  donnèrent  de  lui  une  haute  opi- 
nion. On  lui  offrit  de  divers  côtés  à  la  fois  des 
positions  honorables.  Il  accepta  la  chaire  de 
théologie  à  l'université  d'Helmstaedt.  Il  remplit 
ces  fonctions  depuis  1723  jusqu'en  1747,  avec 
autant  d'éclat  que  d'utilité  réelle  pour  ses  audi- 
teurs. En  1747  il  fut  appelé  à  une  chaire  de 
théologie  à  Gœttingue,  avec  le  titre  de  chance- 
lier à  l'université.  Il  n'est  aucune  branche  des 
sciences  théologiques  qui  n'ait  reçu  de  cet 
homme  éminent  quelque  amélioration.  Il  peut 
être  surtout  regardé  comme  le  réformateur  de 
l'histoire  ecclésiastique,  à  laquelle  une  connais- 
sance plus  étendue  des  sources,  une  critique 
fine  et  ingénieuse ,  un  coup  d'œil  pénétrant , 
une  rare  impartialité  lui  permirent  d'imprimer 
une  direction  nouvelle.  Tandis  qu'avant  lui  les 
historiens  de  l'Église  n'avaient  vu  dans  les 
hérétiques  que  des  esprits  corrompus  et  per- 
vers, poussés  à  l'erreur  par  la  seule  impulsion 
de  leurs  mauvaises  passions,  il  chercha  le  pre- 
mier à  remonter  aux  causes  réelles  qui  avaient 
produit  les  divers  schismes  et  à  apprécier,  sans 
haine  et  sans  parti  pris,  des  hommes  qui  avaient 
pu  se  tromper,  mais  qui  le  plus  souvent  n'a- 
vaient cru  obéir  qu'à  la  force  de  la  vérité.  Le 
premier  encore  il  attira  l'attention  sur  les  mo- 
difications successives  que  les  dogmes  avaient 
éprouvées  dans  le  cours  des  âges.  Il  exerça  une 
heureuse  influence  sur  la  prédication.  Avant  lui, 
le  pédantisme,  une  recherche  de  mauvais  goût, 
une  insupportable  prolixité,  un  singulier  mé- 
lange de  termes  empruntés  à  toutes  les  lan- 
gues, une  absence  complète  de  dignité  étaient 
les  caractères  communs  de  tons  les  prédicateurs 
allemands.  Mosheim  donna  l'exemple,  dans  ses 
sermons,  du  goût,  de  l'ordre  des  convenances 


MOSHEIM  724 

oratoires,  de  la  pureté  et  de  l'élégance  de  l'ex- 
pression. 

Mosheim  a  écrit  cent  soixante  et  un  ouvrages. 
En  1731  il  publia  lui-même  le  catalogue  de  ceirx 
qu'il  avait  mis  au  jour  jusqu'à  cette  époque; 
ceux  qui  sont  ses  véritables  titres  de  gloire  ap- 
partiennent presque  tous  à  une  date  postérieure. 
Il  suffit  d'indiquer  ici  les  principaux  :  Predigten 
(  Sermons)  ;  Hambourg,  1725-1739,  6  vol.  in-8°: 
plusieurs  de  ces  sermons,  contenus  dans  les  trois 
premiers  volumes,  ont  été  traduits  dans  presque 
toutes  les  langues  de  l'Europe;  —  Anweisunger- 
baulich  zu  predigten  (Instruction  sur  l'art  d< 
prêcher  d'une  manière  édifiante  );Erlangen,  1760 
in-8°,  publié  par  de  Windheim;  3e  édit.,  ave< 
des  additions  par  Marck,  Butzow,  1773,  in-8°. 

—  Elementa  Theologise  dogmatiese ;  Nurem 
berg,  1758,  in-8°  ;  3e  édit,   1781,  2  vol.  in-8° 

—  Polemische  Théologie;  Bretzow,  1763  e 
1764, 3vol. in-4°;  —  Al/gemeines  Kirchenrech 
der  Protestanten  (Droit  ecclésiastique  généra 
des  Protestants);  1760,  in-8°  :  publié  avec  de: 
notes  par  de  Windheim  ;  remanié  et  augment» 
par  Gunther,  Leipzig,  1800,  in-8°;  —  Mora 
der  heïligen  Schrift  (  Morale  de  l'Écritun 
Sainte);  9  vol.  in-4°.  Les  quatre  derniers  son 
de  J.-P.  Miller,  son  disciple  et  son  successeir 
à  Gœttingue.  On  a  deux  abrégés  de  cet  ou 
vrage,  l'un  de  J.-P.  Miller,  Leipzig,  1777,  in-8" 
et  l'autre  de  Sommeran  ,  Quedlinbourg ,  1771 
2  vol.  in-8°  ;  —  Vindiciee  antiquse  christia 
norum  disciplinée,  adversus  Tolandi  Nazare 
num;  Kiel,  1720,  in-4°,  et  Hambourg,  1722 
in-8°;  —  Commentationes  et,  orationes  vari 
argumenti;  Hambourg,  1751,  in-8°  :  publié pa 
J.-P.  Miller;  —  Jnstitutionum  Historiée  <?c 
clesiaslicx  ahtiquioris  et  recentioris  libri  IV 
Francfort  et  Leipzig,  1726,  in-8°.  Cette  premier 
édition, remaniée  ensuite  par  Mosheim,  devintui 
ouvrage  plus  étendu,  Helmstœdt,  1737-1741 
2  vol.  in-8°  ;  plusieurs  autres  éditions,  dont  1: 
dernière,  due  à  J.  P.  Miller,  1764,  contient  un< 
notice  sur  les  écrits  de  l'auteur  :  trad.  en  angl.  pa 
Maclaine,  Londres,  1765,  2  vol.  in  4°,  ou  5  vol 
in-8°,  avec  un  supplément,  1768,  in-8°;  la  meil 
leure  édition  de  cette  traduction  est  celle  de  Lon 
dres,  1806,  6  vol.  in-8°;  seconde  traduction  an 
glaise,  par  G.  Gleig,  Londres,  1826,  6  vol.  in-8° 
troisième  traduction  anglaise,  par  J.  Murdock 
avec  des  addit.  de  H .  Soamer,  Londres,  1 84 1 , 4  vol 
in-8o;  trad.  française  faite  sur  la  trad.  anglaise  di 
Maclaine,  par  F.  de  Félice,  Yverdun,  1776,  6  vol 
in-8°;  autre  trad.  française,  faite  sur  l'origina 
latin,  par  A.  Eidous,  Maestricht,  1776,  6  vol 
in-8°  ;  trad.  italienne,  par  Roselli  ,Naples,  1769 
10  vol  in-4°  ;  trad.  libre  allemande,  avec  les  ob 
servations  de  Maclaine  et  des  additions  par  voi 
Einem  ,  Leipzig,  1769-1778,  et  1782-1783,  9  vol 
in-8°;  autre  trad.  allemande  avec  des  add.,  pa 
J.-G.  Schlegel,  Heilbronn,  1770  et  suiv.  6  vol! 
in-8°;  plusieurs  autres  éditions;  abrégé  en  latii 
par  J.-P.  Miller,  Leipzig,  1751,Jn-S°  :  plusieur 


-25  MOSHEIM  — 

dit.  Ces  détails  bibliographiques  montrent  suffi- 
'  .animent  la  valeur  de  cet  ouvrage,  qui  a  joui 
ongtemps  d'une  grande  autorité  et  qui  est  en- 
core aujourd'hui  suivi,  comme  manuel  d'histoire 
(cltsiastique,   dans  plusieurs  écoles  de  théo- 
rie  en  Angleterre  jet  aux   États-Unis.   Cette 
■listoire  est  de  beaucoup  supérieure   à  tout  ce 
•  u'on  avait. eu  jusque  alors  en  ce  genre;  mais  il 
st  aussi  étonnant  que  regrettable  que  Mosheim 
ait  suivi  la  division  encore  adoptée,  mais  peu 
igique,  par  siècles;  —  Institut  iones  Hisiorix 
'ccU'siœ  majores  sseculi  primi;  Helmstaedt, 
1 739,  in-4°.  L'ouvrage  n'est  pas  terminé  ;  mais 
le  qu'on  a  est  fort  ..remarquable;  —  De  Rébus 
iiristianorttm  anle  Constantinum  magnum 
■'ommentarii ;  Helmstaedt,  1753,  in-4°;  trad. 
:  nglaise,  par  Mardock.  Ce  volume  et  le  précédent 
!  nt  été  compris  dans  la  traduction  allemande  par 
!  m  Einem  de  V Histoire  ecclésiastique  deMos- 
ifeim; —  Historia  Mich.  Serveti;  flelmsfsedt, 
|?27,  in-4°;  2e  édit.,  Brunswick,  1735,  in-4°; 
|l-  Versuch  einer  imparteischen  und  grûndli- 
'  ien  Ketzergeschichte  (  Essai  d'une  Histoire 
•j  îpartiale et  approfondie  des  Hérétiques) ;  Leip- 
llg,  1746,  1750,  2  vol.  in-4°  ;  le  2e  vol.  contient 
fî  nouvelles  recherches  sur  Mich.  Servet;  — 
t  Bcghardis  et  Beguinibus  ;  Leipzig,  1790, 
M-8C  :  publié  par  G. -H.  Martini;  —  Disserta- 
Sones  ad  historiam  eccles.  pertinentes  ;  Al- 
igna, 1733,  2  voi.  in-8°;  plusieurs  édit.  Dans 
s(;  recueil  se  trouve  la  dissertation  De  turbata 
[ter  recentiores  platonicos  Ecclesia,  qui  a  été 
iissi  imprimée  à  la  ftn  de  la  traduction  latine 
ir  Mosheim  du  Système  intellectuel  de  Cud- 
k'orth;  Leyde,  1773,  2vol.  in-4°.  Michel  Nicolas. 
I  Notice  sur  les  écrits  de   Mosheim,  par  .F. -P.  Miller, 
trtns  l'édit.  de  1764  de  ses  Instituliones  Historiœ  eccle- 
asticee.  —  F.  Lucke,  Pjarratio  de  J.-L.  jlloshemio  ;  Goet- 
llngue,  1837,  in-4°. 

'  MOSNKRONrDELAUNAY    (l)    (  Jean-Bap- 
\ste,  baron  ),  '  homme   politique  et  littérateur 
jançais,  né  à  Nantes,  le  28  août  1738,  mort  à 
laint-Gaudens,  en  1830.  Il  appartenait  à   une 
-che  famille   d'armateurs;    mais,  le  goût  des 
fjyages  l'emporta,  chez  lui  sur  celui  du  cona- 
Iierce,  et  après  avoir  voyagé  une  année  eu  An- 
«terre  et  en  Hollande  ,  il  s'embarqua  comme 
lificier  sur  un  bâtiment  armé  par  son  père  en 
iestination  de  Saint-Domingue.  Il  arriva  heu-  i 
'eusement  dans  les  Antilles;  mais  à  son  retour  • 
i  faillit  périr  sur  les  côtes  d'Espagne.  Il  revînt  j 
jégoûté  de  la  marine,  et  résolut  de  faire  son,  I 
roit  ;  mais  sa  légèreté   l'emportant  encore ,  il  | 
iiiitta  les  études  sérieuses  pour  la  littérature.  Il  ! 
jrésenta  deux  tragédies  au  Théâtre-Français  :  I 
les  furent  refusées.  Il  fit  alors  une  traduction  ' 
il  prose  du  Paradis  perdu  de  Milton,  puis  re- 
>urna  à  Nantes,  où  il  rentra  dans  la  maison  pa-  ! 
nielle,  dont  il  suivit  les  opérations  avec  une 
Ile  intelligence  que   ses  concitoyens  l'élurent 


fH  11  avait  pris  ce  second  nom  pour  se  distinguer  de  ses   ' 
ères.  I 


MOSQUERA  726 

plusieurs  fois  membre  de  leur  tribunal  et  de 

leur  chambre  de  commerce.  II  fut  aussi  délégué 
successivement  par  la  ville  de  Nantes  près  des 
états  do  Bretagne,  siégeant  à  Rennes;  près  du 
ministre  de  la  marine,  M.  de  La  Luzerne;  et  en 
1789,   fit  partie   d'une  députation  chargée  de 
soumettre  divers   griefs   à  l'Assemblée  consti- 
tuante. En  août  1791,  il   fut  élu  députée  l'As- 
semblée législative  pour  le   déparlement  de  la 
Loire-Inférieure.  Le  21  octobre   1791,   il  s'op- 
posa «  à  ce  que  l'on  confondit  les  prêtres  non 
sermentés  avec  les  perturbateurs  reconnus  ».  En 
novembre  il  offrit  à  la  patrie,  au  nom  de  son  frère 
Mosneron-Dupin,  un  bâtiment  pour  porter  des 
secours  à  Saint-Domingue.    Il   vota  constam- 
ment avec   la  droite,  et  fut  incarcéré  quelque 
temps  à  Nantes,  durant  la  terreur,  sous  la  pré- 
vention de  royalisme.  En  décembre  1799,  il  fut 
nommé  membre  du  corps    législatif,  dont    il 
sortit  en   1803.   Des  raisons   de  santé   le  for- 
cèrent à  se  retirer  à  Bagnères-de-Luchon ,  où  il 
vécut  dans  une  retraite  absolue  jusqu'à  la  res- 
tauration. En  1815  il  reçut  la  croix  d'Honneur, 
et  obtint  pour  sa  femme  d'abord   l'entrepôt  de 
tabac  de  Pau,  puis  la  recette  centrale  de  Saint- 
Gaudens.  Ce  fut  là  qu'il  termina  ses  jours,  à 
quatre-vingt-douze  ans.  Il  avait  été  créé  baron 
le  8  janvier    1823.  On  a  de  lui  :  Le  Paradis 
perdu,  trad.  de  l'anglais  de  Milton,  avec  notes 
et  texte  en  regard;  Paris,  1786,  3  vol.  in-16; 
ibid.,  1788   et  1799,  2  vol.  in-s°;   ibid.,  1805, 
2  vol.in-12  ;  ibid.,  1810,  3  vol,  in-8°;  ces  deuw. 
dernières  éditions  sont  précédées  d'une  Vie  de 
Milton,  que  l'auteur  avait  publiée  séparément;; 
Paris,  1804,  in-8°;  —  De  quelques  Réformes 
et    Améliorations    à    faire    en    Bretagne; 
1789,  in- 8°  ;  —  Vie  du  Législateur  des  chré- 
tiens, sans  lacunes  et  sans  miracles  ;  Paris, 
1803,  in-8°    Cet  ouvrage,  signé  des   initiales 
J.  M.  et  publié  chez  le  libraire  Dabin,  est  devenu 
très-rare.  Il  fut  désavoué  par  Mosneron  sous  la 
restauration;. mais  Barbier  affirme  que  sous  le 
consulat  et   l'empire  même    Mosneron  s'était 
vanté,  à  plusieurs  personnes  dignes  de  foi,  d'en 
être  l'auteur;  on  comprend  que  les  sentiments 
anti-religieux  qui  dominent  dans  ce  livre  aient 
pu  portes;  leur  auteur  à  renier  son  œuvre  y  — 
Memnon,ou  le  jeune  Israélite;  1806,  in-S°; 
—  Le  Vallon  aérien',  ou  relation  du  voyage 
d'un  aéronaute  dans  un  pays  inconnu  jus- 
qu'à présent,  roman  moral;  1809,  in-12.  Mos- 
neron   a   laissé  inédites   plusieurs    pièces    de 
théâtre,,  des  poésies,  et  une  traduction  en  vers 
àeYEssai  sur  l'Homme  de  Pope  qu'il  aurait" 
terminé  à  l'âge  de  quatre-vingt-cinq  ans. 

H.  L— r. 

Le  Moniteur  universel,  an  1791,  n°  310.—  Biographie 
moderne  (1806).  —  Rabbe,  Vielh  de  Boisjolin,  etc.,  biogt\ 
portât.  des'Contemp.  —  Guinoar,  Aimâtes  Nantaises.  — 
Biogr.  des  vivants  (  818  ).  -  Tablettes  des  Écrivains 
français.  —  Barbier,   Dictionnaire  des  .Jnonymes.- 

iMOSQUERA.  (Don  Ruv  Gargia),  navigateur 
espagnol",  l'un  des  fondateurs  de  Buenos-Ayres, 


727  MOSQUERA.  — 

né  en  1501,  mort  à  Buenos- Ayres,  vers  1555. 
Lorsque  Sébastian  Gaboto  (plus  connu  sous  le 
nom  de  Cabot),  se  voyant  négligé  par  le  gou- 
vernement français ,  passa  en  Espagne,  où  l'em- 
pereur Charles  Quint  le  prit  à  son  service 
comme  pilote  major  après  la  mort  d'Améric  Ves- 
puce,  une  expédition  composée  de  trois  navires 
fut  résolue  pour  faire  de  nouvelles  découvertes 
le  long  des  côtes  de  l'Amérique  méridionale  in- 
férieure. Mosquera  sollicita  et  obtint  de  partager 
les  dangers  et  les  avantages  de  cette  entreprise. 
L'expédition  mit  à  la  voile  de  Cadix,  le  1er  avril 
1526.  Elle  relâcha  dans  les  Canaries,  mouilla 
sur  l'île  de  Patos  (des  Oies),  par  27°  lat.  s., où 
le  manque  de  vivres  occasionna  une  mutinerie. 
Cabot  déposa  sur  une  île  déserte  deux  de  ses 
principaux  officiers,  le  capitaine  Francisco  de 
Rojas  et  don  Miguel  de  Rodas.  Mosquera  fut  ap- 
pelé à  remplacer  le  premier  comme  comman- 
dant de  la  caravelle  La  Trinidad.  Les  Espagnols 
mouillèrent  ensuite  dans  la  baie  de  Solis  (ou  de 
La  Plata)  ;  ils  remontèrent  le  fleuve  de  ce  nom 
l'espace  de  trente  lieues  jusqu'à  une  île  qu'ils 
nommèrent  San-Gabriel.  Sept  lieues  plus  haut 
ils  élevèrent  le  fort  San-Salvador,  à  l'entrée 
d'une  rivière  profonde.  Trente  lieues  plus  loin, 
au  confluent  de  la  Zarcarana  (  Carcaranal  en 
indien),  le  fort  Santo -Espiritu  (aussi  appelé  la 
Fortaleza  de  Gaboto),  fut  construit  par  32° 
25'  lat.  Remontant  encore  la  Plata,  ils  trouvèrent 
à  deux  cents  lieues  de  là  son  grand  affluent  le 
Paraguay,  qu'ils  reconnurent  l'espace  de  trente- 
quatre  lieues  ;  là  une  peuplade  indienne  les  força 
à  s'arrêter  après  une  perte  de  vingt-huit  hommes. 
Un  traité  de  paix  suivit  ces  premières  hostilités. 
Mosquera  en  profita  pour  visiter  les  nations  voi- 
sines :  les  Charmas,  les  Quirondis,  les  Lim- 
bues,  les  Curundas,  Tes  Camïs,  les  Quilbasas, 
les  Mécoirtas,  les  Mépènes,  et  vingt-sept  autres 
peuplades  de  noms,  de  langages  et  de  costumes 
différents.  Il  rapporta  beaucoup  d'argent  de  ses 
excursions,  et  contribua  ainsi  à  faire  changer  le 
nom  du  fleuve  Solis  en  celui  de  Rio  de  la  Plata 
(Rivière  de  l'Argent).  Quoiqu'il  fût  le  premier 
Européen  qui  parut  dans  ces  contrées,  son  voyage 
fut  pacifique.  Malheureusement  les  Espagnols 
ne  tardèrent  pas  à  mécontenter  les  naturels,  qui", 
en  octobre  1527,  détruisirent  Tes  stations  forti- 
fiées de  San-Salvador  et  de  Sanfo-Espiritu .  Ne 
recevant  aucun  secours,  Cabot  repartit  pour  l'Es- 
pagne (1530),  laissant  Nuno  de  Lara  et  Mosquera 
avec  cent  vingt  hommes  pour  garder  la  colo- 
nie en  son  absence,  Nuno  fit  alliance  avec  Man- 
gora,  cacique  de  Timbuez,.  qui  devint  éperdue- 
ment  amoureux  d  une  dame  espagnole  Lucia 
Miranda,  énouse  de  l'officier  Sébastian  Hurfado. 
Pour  obtenir  Lucia,  le.  cacique  égorgea  toute  la 
garnison  dans  un  festin  j  mais  il  périt  dans  ce 
massacre  de  fa  main  du.  trop  confiant  Nïiiîo. 
Mosquera  et  un  petit  nombre  d'Espagnols  échap- 
pèrent à  la  mort,  se  jetèrent  dans  quelques 
chaloupes,  et,  descendant  la  Plata  jusqu'à  la  mer, 


MOSSAILAMAH  72 

bâtirent  un  fort  sur  le  cap  Santa-Maria  (  32°  d 
lat.  ).  Le  capitaine  général  du  Brésil  lui  infini 
l'ordre  de  prêter  serment  au  roi  de  Portugal.  Su 
ces  entrefaites  un  navire  français  vint  mouille 
sur  l'Ile  de  Canané,  vis-à-vis  du  fort  Santa-Ma 
n'a.  Mosquera,  aidé  de  deux  cents  Indiens,  s'e 
empara  par  surprise,  et  s'étant  procuré  ainsi  dt 
canons  et  des  munitions,  battit  les  Portugais 
pilla  leur  établissement  de  San-Vincente  et  tram 
porta  sa  petite  colonie  sur  l'île  de  Santa-Catalinî 
Il  l'habitait  paisiblement,  lorsqu'en  1535  Vadt 
lantado  don  Pedro  de  Mendoza  (voy.  ce  nom 
et  ses  frèrent  vinrent  jeter  sur  le  cap  Blanc 
les  fondements  d'une  ville,  qu'ils  nommèrent, 
cause  de  la  salubrité  de  son  climat,  Nuestra  Si 
nora  de  Buenos-Ayres  (Notre-Dame  de  Boi 
Air);  mais  bientôt  les  guerres  avec  les  Indier 
Quirondis,  Bartenes,  Zechuruas  et  Timbu< 
ainsi  que  la  famine  enlevèrent  la  plupart  des  ci 
Ions.  Déjà  Mendoza  préparait  une  évacuatio 
ruineuse  lorsque  Mosquera  arriva  avec  deux  n; 
vires  chargés  de  vivres,  ses  colons  de  Santi 
Catalina  et  plusieurs  familles  brésiliennes.  Soi 
ses  auspices  la  nouvelle  ville  changea  d'aspee 
l'œuvre  des  Mendoza  devint  réellement  celle  c 
Mosquera,  qui  au  surplus  reçut  ainsi  que  li 
siens  une  belle  portion  de  territoire.  On  ignoi 
l'époque  exacte  de  la  mort  de  Mosquera,  dont 
famille  a  conservé  une  grande  influence  dans  li 
province  de  Colombie  et  de  la  Bande  orier 
taie  (1).  A.  de  L. 

Sébastien  Gavato,  Memoiïs,  etc.  —  Azara,  Voyage  àa\ 
l'Amérique  méridionale,  t.  II,  p.  119.  —  Le  P.  Chàrl'l 
voix,  Hist.  d?«  Paraguay,  liv.  Ier.  —  Herrera,  Histor 
gênerai  de  los  Hechos  de  los  Castellanos,  déc.  111,  lib.  I!  I 
cap.  ni  et  lib.  x,  cap.  2;  déc.  IV,  lib.  1,  cap.  1;  I 
lib.  III,  cap.  1;  déc.  Vf,  lib.  VI,  cap.  ix.  —  I'.  I.ozan 
Descripcion  geographica  del  gran  Chaco,  Qualamba,  el  I 
(Cordoue,  1733,  in-4°).  —  Southey  ,  History  of  BrazX 
—  Techo,  Historia  l'araquarix,  lib.  I,  cap.  ni-v. 

mossaïlamah  ,   sectaire  arabe,  né  à  Hil 
naïfah,  dans  la  province  de  Yémâmah,  vers  6(1 
de   notre  ère,  mort  près  de  Médine,  en  63 1 
Après  avoir   embrassé  l'islamisme  en   630,   I 
conçut  l'idée  de  s'ériger  en  prophète  lui-mêm 
et  publia  des  révélations  par  écrit  dans  le  goi 
de  celles  du  Eoran.  Il  proposa  ensuite  à  Mah 
met  de  faire   entre  eux  un   partage  égal  de  l 
terre.  Mais  le  fondateur  de   l'islam  ayant  dij 
cliné   la  proposition   de  Mossaïlamah,  celui- 
forma  un  parti  considérable,  avec  lequel  il  a| 
bora  l'étendard  de  la  révolte.  S'étant  marié  avi 
une  femme   de    la   tribu  de  Tamim ,  dans 
Bahréin,  Sedja,  fille  du  prince  Hareth,  qui  (1 
son  côté  s'était  érigée   en  prophétesse,  Mossa 

(1)  Plusieurs  des  descendants  de  don  Ruy  Garcia  Mo» 
quera  ont  joué  un  rôle  important  dans  l'émancipation  di 
la  Colombie;  tels  sont  :  Joaquln  Mosquera,  memb  ' 
du  sénat  colombien  qui  a  conclu  à  Santiago,  le  21  octob  p 
1821,  le  traité  d'union,    d'alliance   et  de  conlédératiu 
perpétuelle  entre  la  Colombie  et  le  Chili;  et  un  semblât 
traité  avec  le  Pérou,  à  Bogota,  le  12  juillet  1813,  et  Jos 
Rafaël  Mosquera,  qui  présidait  la  chambre  des  repr 
sentants  de  la  Colombie  en  juie  1824.  Voy.  fris  de  Vemj 
zuela  du  17  octobre  1823;  Gaceta  de  Colombia  (  Bogot;, 
4  juillet  1824;  ElColombiano  du  8  octobre  1823). 


i  M0SSA1LAMAH  —  MOSTAERT 

imah  agissait  dans  le  nord  de  l'Arabie,  tandis  |  tyrannie,  Mostacfy    appela   à 


730 


uc  sa  femme  soulevait  l'est  et  le  sud  de  la  p<? 
insuie.  Mahomet  étant  mortsur  ces  entrefaites, 
khalife  Aboubekr  envoya  contre  le  sectaire 
général  Khaled.  Victorieux  d'abord,  Mossaï- 
mah,  succomba  avec  son  lieutenant  devant  la 
îleur  de  Khaled,  soutenu  par  une  nombreuse  ar- 
iée  de  quarante  mille  hommes,  Malgré  sa  mort 

[;  celle  de  dix  mille  de  ses  sectateurs,  le  parti 
;  Mossaïlamah,  appelé  le  Menteur,  se  soutint 

Jicore  pendant  trente ansdans  le  Bahréin, jusqu'à 
n  extermination  par  le  khalife  Moavyah  et 
a  rentrée  de  Sedjah  dans  le  sein  de  l'islamisme, 

jiBassorah,  en  662.  Ch.  R. 

tbouHéda,  Annales  Moslemici.  —  M.  Des  Vergers,  L' A- 
ïïbie  {Univers  pittoresque). 

hnossÉ  (  J.-M.  ),  littérateur  français,  né  vers 
118O,  à  Carpentras,  mort  le  21  février  1825,  à 
"ris.  Il  était  de  famille  juive;  son  véritable 

m  paraît  avoir  été  Mosès.  Enlevé  à  ses  pâ- 
lots vers  l'âge  de  sept  ans  par  le  greffier  de  la 

îtorerie  de  Carpentras,  il  ne  leur  fut  Jrendu 
l'a  l'époque  de  la  révolution.  Après  avoir  été 
«ployé  dans  les  bureaux  de  la  préfecture  de 
Rude,  il  vint  à  Paris,  rima  quelques  pièces  de 
1rs  sur  les  événements  de  l'empire  et  donna 
I  ;  articles  au  Mercure.  Il  a  publié  un  grand 
■robre  d'ouvrages,  la  plupart  d'une  insigne  mé- 
Iwité;  il  les  vendait  lui-même  et  joignait, 
|j-on,  à  ce  commerce  le  trafic  des  meubles.  Il 
■lit  depuis  longtemps  atteint  d'une  maladie  in- 
Ihable  lorsqu'il  s'asphyxia  par  la  vapeur  du 
luÈon  en  même  temps  qu'une  dame  anglaise 
|i  vivait  avec  lui.  Nous  citerons  de  Mossé  : 
KChronique  de  Paris,  ou  le  Spectateur  mo- 
Irae;  Paris,  1819,  2  vol.  in-8°;  —  Archives 
mLettres,  Sciences  et  Arts,  ou  bibliographie 
nérale  et  raisonnée ;  Paris,  1819-1821,  in-4°; 
1  paru  de  ce  journal  soixante-deux  numéros  ; 
lies  Travers  des  Salons  et  des  lieux  pû- 
mes :  caractères,  portraits,  anecdotes,  par 
Moyeux  de  Saint- Acre  ;  Paris,  1822,  in-12, 
1;  —  V Art  de  conserver  et  d'augmenter  la 
muté;  Paris,  1822,  in-18;  la  2e  édit.  (1824), 
m  vol  ;  —  L'Art  de  gagner  sa  vie  ;  Paris, 
1)3,  in-8°;  —  Essai  sur  l'intolérance  en 
ijWère  de  philosophie  et  de  religion,  où  l'on 
lamine  les  t.  III  et  IV  de  Z'Essai  sur  l'In- 
gérence de  M.  de  La  Mennais;  Paris,  1823, 
■3°  ;  —  Eucharis,  ott  les  sensations  de  l'a- 
fur;  Paris,  1824,  3  vol.  in-12.  P.  L. 

.ahul,  Annuaire  nêcrolog.,  1825.  —  Barjavel ,  Dic- 
mnaire  historique  du  Faucluse,  II,  —  Quérard,  la, 
Mfiee  Litter. 

Iiostacfy-billah  (  Aboul-Cacem-Ab- 
<àlah  IV,  al),  khalife  abbasside  de  Bagdad, 
ijdans  cette  ville,  en  908,  mort  en  949.  Fils 
d'Moktafy  1er,  il  monta  sur  le  trône  en  944, 
a-s  la  déposition  de  son  cousin  Mottaky.  Il 
e  pour  émir-al-omrah  d'abord  le  turc  Ton- 
iju,  auquel  il  devait  le  trône,  puis,  après  la 
Pi  de  celui-ci,  un  autre  chef  de  la  même  na- 
*,  Zairak  ibn-Chirzad,  en  745.  Fatigué  de  sa 


son  secours  le 
Bouïdc  Ahmea,  auquel  il  conféra  le  titre  honori- 
fique de  Moczzeddaulah.  Voyant  qu'il  n'avait  fait 
que  changer  de  maître,  le  khalife  entra  dans  un 
complot,  ourdi  par  sa  favorite  Alam  contre 
Moëzzeddaulah.  Ce  dernier  en  ayant  prévenu 
les  conjurés,  Alam  eut  la  langue  coupée,  tandis 
que  Mostacfy  lui-même,  après  un  règne  de 
seize  mois,  fut  déposé  par  l'audacieux  ministre, 
le  29  janvier  946,  puis  privé  de  la  vue  et  ré- 
légué dans  une  prison,  où  il  mourut  au  bout  de 
quatre  ans.  Ch.  R. 

Aboulféda,  Annales  Moslemici.  —  Weil,  Geschichto 
des  Khalifats.  —  Mirkhond,  Histoire  des  Bouldes. 

MosTAhiii.it -ni  1,1  au  (  Aboul-Abbas  Ah- 
med IV,  al  ),  khalife  abbasside  de  Bagdad,  né 
dans  cette  ville,  en  1078,  mort  en  août  1118. 
Fils  de  Moktady,  il  succéda  à  son  père,  en  1094, 
sous  la  tutelle  de  Barkiarok,  émir-al-omrah  et 
sultan  seldjoukide.  Prince  généreux ,  protecteur 
éclairé  des  lettres  et  poète  lui-même,  il  était 
cependant  incapable  d'exercer  l'autorité  souve- 
raine. S'occupant  d'astrologie  ,  il  resta  inactif, 
après  même  que  les  croisés  eurent,  en  1099,  pris 
Jérusalem,  et  répandu  une  telle  terreur  jusqu'à 
Bagdad,  qu'on  y  oublia  les  prières  et  les  jeûnes 
obligatoires  de  la  fêle  du  Ramadhan.  Le  khalife 
se  contenta  d'entourer  cette  ville  d'un  nouveau 
fossé  et  d'un  second  rempart.  Il  passa  ensuite 
tranquillement  de  la  tutelle  de  Barkiarok  sous 
celle  des  successeurs  de  ce  sultan,  qui  dispo- 
sèrent en  souverains  incontestés  de  toutes  les 
possessions  du  khalifat.  Ch.  B. 

Mirkhond,  Histoire  des  Seldjoukides.  —  Hamdallah 
Mestoufi,  La  Crème  des  Histoires,  etc.  —  Weil,  His- 
toire du  Khalifat  (  en  allemand).  —  Les  Historiens  des 
Croisades. 

MOSTADY  1JIAMR-A1XAH  (  AboU-Moham- 

med  Haçan  II,  al),  khalife  abbasside  de  Bag- 
dad, né  en  1141,  dans  cette  ville,  mort  en  mars 
1180.  Fils  de  Mostandjed,  il  succéda  à  son  père 
en  1170.  En  1174  il  tua  le  perfide  Kaïmaz, 
commandant  des  émirs  et  meurtrier  de  son  père. 
Ayant  su  gagner  le  célèbre  capitaine  Saladin,  Mos- 
tady  vit  par  son  aide,  après  la  déposition  des  kha- 
lifes fatimites,  l'Egypte  replacée  sous  l'influence 
religieuse  de  Bagdad.  Il  reçut  également  les  hom- 
mages d'un  autre  guerrier  remarquable,  Nou.- 
reddin5  fondateur  des  Atabeks,  pour  la  Syrie  et 
la  Mésopotamie  que  celui-ci  avait  enlevées  aux 
diverses  branches  seldjoukides ,  tandis  que  le 
khalife  Tui-même  fut  délivré  de  la  longue  tutelle 
sons  laquelle  avaient  gémi  ses  prédécesseurs, 
par  la  destruction  de  la  principale  Branche  des 
Seldjoukides,  qui  succomba  sous  les  coups  des 
Kharismiens:  Ch.  R. 

Mirkhond,  Histoire  des  atabeks.  —  Id.,  Histoire  des 
Kharismiens.  —  Weil,  Geschichte  des  Khalifats. 

mostaert  (l)  (Jan),  peintre  hollandais,  né 

(1)  Ce  mot  signifie  moutarde  en  hollandais.  Voici  ce 
que  la  chronique  rapporte  sur  l'origine  du  nom  de  Mos- 
taert.  Un  des  membres  de  cette  famille  suivit  en  1189 
l'empereur  Frédéric  Ier,  dit  Barbe- Rousse,  et  Floris  III,. 
comte  de  Hollande,  en  Terfe  Sainte.  A  la  prise  de  Da- 


731  MOSTAERT  —  MOST  AIN-BILL  A  H 

à  Harlem,  en  1499,  mort  dans  la  même  ville,  en 
1555.  Descendant  d'une  illustre  famille,  il  reçut 
■une  bonne  éducation,  et  dès  sa  première  jeunesse 
apprit  la  peinture,  dans  l'atelier  de  Jacques  de 
Harlem.  Doué  de  beaucoup  d'esprit  et  d'une  figure 
aimable,  il  plut  à  l'archiduchesse  Marguerite 
d'Autriche,  sœur  de  Philippe  Ier,  roi  d'Espagne,  et 
tante  de  Charles  Quint  ;  cette  princesse  le  nomma 
son  premier  peintre,  puis  son  gentilhomme  d'hon- 
neur, et  durant  huit  années  elle  le  tint  attaché  à  sa 
personne.  Dans  cet  intervalle  Mostaert  exécuta 
plusieurs  grands  ouvrages  et  une  quantité  de 
portraits.  Il  quitta  la  cour  comblé  de  richesses 
et  d'honneurs,  et  se  retira  à  Harlem,  où  sa  maison 
devint  le  rendez -vous  des  principaux  seigneurs 
des  Pays-Bas  et  de  l'Espagne.  Les  personnages 
de  ses.  tableaux  sont  pleins  d'animation  et  de 
noblesse,  groupés  avec  goût  ;  les  détails  y  sont 
abondants,  mais  sans  profusion  ;  les  costumes, 
l'architecture,  l'ameublement,  ne  présentent  pas 
ces  anachronismes  choquants  si  fréquents  dans 
les  productions  des  quinzième  et  seizième  siè- 
cles. Une  grande  partie  des  ouvrages  de  Jan 
Mostaert,  tous  les  objets  d'art  dont  il  avait 
formé  une  belle  collection ,  ses  nombreux  des- 
sins, ses  ébauches, périrent  dans  l'incendie  qui 
dévasta  Harlem.  Néanmoins  on  cite  encore  de 
Mostaert  à  Harlem,  aux.  Jacobins  :  La  Nais- 
sance du  Christ,  morceau  capital,  et  dans  les 
galeries  publiques  ou  particulières  de  cette  ville 
un  Ecce  homo!  —  La  Discorde  jetant  sa 
pomme  dans  le  festin  des  dieux  :  ce  tableau 
est  d'un  grand  mérite  ;  les  figures  sont  remplies 
d'expression  ;  —  Le  bon  et  le  mauvais  ange 
plaidant  leur  cause  devant  le  Seigneur;  — 
Les  portraits  du  comte  et  de  la  comtesse  de 
Borsèle  :  les  mains  sont  admirablement  traitées  ; 

—  Le  portrait  du  peintre  par  lui-même  :  le  fond 
reproduit  un  beau  paysage;  —  plusieurs  pay- 
sages ;  —  quelques  vues  des  Indes;  une 
d'entre  elles,  sur  le  premier  plan  duquel  se  des- 
sinent plusieurs  groupes  de  sauvages  nus,  est 
lestée  inachevée.  Dans  ces  vues,  la  nature  du 
sol,  ses  productions,  les  animaux,  les  insectes  et 
jusqu'aux  teintes  du  ciel  des  régions  où  l'ar- 
tiste a  placé  ses  sujets  sont  bien  observés  ;  — 
à  Amsterdam,  Sainte  Anne  et  sa  famille  ;  —  à 
La  Haye,  Abraham  et  Sarah;  —  Agar  et  Is- 
mael;  —  Saint  Christophe  :  très-grande  toile; 

—  Saint  Hubert.-  A.  de  L. 
Hcmskerck  van  Véen.  —  Descamps,  La  Fie  des  Pein- 
tres hollandais,  etc.,  t.  i,  p.  40-48.  —  Pilkiugton ,  Dic- 
Uonary  of  Painlers. 

mostaert  (  François  et  Gilles),  peintres 
belges,  fils  du  précédent,  nés  à  Hulst,  en  1525. 
François  mourut  à  Anvers,  en  1556,  et  Gilles  dans 


mfette,  il  fit  des  prodiges  de  valeur  et  rompit  trois  sa- 
brés en  combattant  les  infidèles.  L'empereur,  pour  ré- 
compenser son  courage,  lui  accorda  pour  armes  trois 
sabres  d'or  sur  ch;imp  de  gueules.  Un  plaisant  s'écria 
que  ce  chevalier  s'était  montré  fort  comme  moutarde. 
Depuis  lors  ce  vaillant  reçut,  dit  on,  le  nom  de  Moitaert, 
qui  devint  celui  de  sa  famille. 


la  même  ville,  en  1601.  Ils  étaient  jumeaux,  i 
d'une  si  exacte  ressemblance  qu'il  n'était  ]  I 
possible  de  les  distinguer  l'un  de  l'antre.  Leur  p  | 
lui-même  s'y  trompait  (1).  Il  leur  donna  les  p  i 
mières  notions  de  son  art ,  puis  les  ernmeni i 
Anvers,  où  il  plaça  François  chez  Henri  de  I  ; 
et  Gilles  dans  l'atelier  de  Jean  Mandyn.  Tj 
deux  devinrent  fort  habiles  :  François  danst 
paysage  ;  Gilles  dans  l'histoire  et  le  genre.  Ils  i 
rent  reçus  ensemble,  en  1 555,  à  l'Académie  d' S 
vers  ;  mais  François  mourut  à  la  fleur  de  l'âg  ï 
dans  toute  la  vigueur  de  son  talent.  Il  laissa  j 
sieur  bons  élèves ,  entre  autres ,  Hans  Soi  s 

Gilles,  au  contraire,  mourut  fort  âgé  ;  ses  $ 
bleaux  pourtant  sont  peu  nombreux  et  fort  k 
cherchés.  La  disposition  en  est  surtout  reri  r, 
quable.  On  cite  de  cet  artiste  :  à  Middelbourg  1 
grand  tableau  représentant  :  Le  comte  van  Se  I 
sen  faisant  son  entrée  comme  seigneur  i 
lieu  à  Hoboke  :  les  paysans  sont  sous  les  arn  l 
leurs  poses  grotesques  sont  aussi  variées  M 
naturelles;  —  Le  Christ  portant  sa  croix  M 
Saint  Pierre  dans  sa  prison,  délivré  par  ■ 
ange;  —  une  fort  belle  Madone,  qui  donna  I 
à  un  procès  assez  singulier,  s'il  faut  en  ci  1 
Descamps.  Ce  tableau  fut  commandé  à  G  (j 
Mostaert  par  un  seigneur  espagnol ,  très-a  ■ 
et  très-insolent.  En  bon  Flamand,  Gilles  ai  ■ 
peu  l'Espagne  et  ses  habitants  ;  il  n'osa  pouil 
refuser,  mais  il  représenta  une  vierge  fort  à\  I- 
letée.  L'Espagnol  se  récria,  refusa  de  prend  ■ 
tableau,  et  courut  dénoncer  le  peintre  coilfl 
impie  et  licencieux.  Les  magistrats  se  trans  li 
tèrent  aussitôt  chez  Mostaert,  et  ne  furent  II 
médiocrement  étonnés  de  se  trouver  en  prés  II 
d'une  Vierge  admirablement  peinte,  plein  H 
candeur  et  de  modestie.  Mostaert,  pour  se  j  I 
de  l'Espagnol*  n'avait  peint  qu'en  détnlfl 
cette  gorge  un  peu  trop  nue;  il  lui  avait  I 
suffi  de  passer  dessus  une  éponge  mouillée 
l'effacer.  L'Espagnol,  confondu,  fut  forcé  de 
des  excuses  à  l'artiste  et  de  lui  payer  sa  Mal 
au  prix  qu'il  demanda.  A.  de  L. 

Descamps,  La  Vie  des  Peintres  flamands,  1. 1,  p. 

mostaÏiX-billah  (Aboul-Abbas  Ahm 
al),  khalife  abbasside  de  Bagdad,  né   en 
dans  cette  ville,  mort  à  Vaseth,  en  866. 
fils  du  khalife  Motasem,  il  succéda  à  son  ci 
Monthaser,  le  10  juin  862.  Des  troubles  à.É 
s'étant  terminés  par  le  sac  de  cette  ville, 
taïn  envoya  son  général  victorieux  Mousa  c 
le  Soffaride  Yakoub  ibn-Leïth,  qui  avait  ei 
le  Khoraçan;  mais  le  khalife  ne    put  rie 


(1|  Ocscamps  raconte  à  ce  sujet  l'anecdote  suit 
«  11  arriva  un  jour  que  leur  père  étant  sorti,  après 
laissé  sa  palette  sur  une  chaise,  François  entra  pou 
miner  l'ouvrage  de  son  père,  et  s'assit  sur  la  palett 
in-  voyait  point;  le  pèFe,  de  retour,  fâché  de  voir  le 
|  leurs  de  sa  palette  gâtées,  appela  ses  entants.  Gilles 
le  premier,  il  fut  trouvé  innocent;  il  le  renvoya,  et 
de  faire  monter  François.  Celui-ci,  n'osant  monter, 
son  bonnet  à  Gilles,  qui  parut  une  seconde  fois  i 
son  père,  qui  s'y  trompa  lui-même,  et  ayant  int< 
Gilles  pour  François,  11  ne  le  trouva  pas  plus  coup: 


il 


Z 


i'33 


MOSTAÏN-BILLAH  —  MOSTANSER-BILLAH 


734 


Contre  cet  adversaire,  ni  contre  l'Alide  Haçan, 
||ui  venait  de  fonder  une  dynastie  indépendante 
(■ans  le  Djordjan  et  le  Tabaristan.  Un  autre 
[dide,  Yatn'ah,   qui   s'était  érigé  en   khalife  à 
Uoufa,  fut  tué;  mais  les  Grecs  avancèrent  jusqu'à 
*  arso,  où  ils  remportèrent  une  victoire  signalée, 
ffostaïn  ne  fut  pas  plus  heureux  contre  les  enne- 
mis de  l'intérieur.  A  peine  eut-il  apaisé  une  con- 
dition des  troupes  contre  son  confident,  le  vizir 
i  ire  Atamescb,  et  tué  de  sa  propre  main  Bagher, 
Indes  trois  assassins  de  Motawakkel,  qu'il  fut 
■«siégé  dans  son  palais  de  Sermenraï,  alors  rési- 
ence  des  khalifes,  et  forte  de  se  réfugier  à 
agdad.  Poursuivi  jusqu'à  cette  ville  par  les  deux 
îefs  rebelles  turcs ,  Wassif  et  Bougha ,  il  fut 
>rcé,  le  24  janvier  866,  par  son  cousin  Mowaf- 
k,  de  résigner  le  khalifat  en  faveur  du  frère  de 
i  dernier,  Motaz.  Amené  à  Vaseth,  il  y  expira 
■us  les  verges ,  punition  que  le  parjure  Motaz 
i  avait  fait  infliger. 

■mostaas-bi'L'lau  (AbouLFadhl  el  Abbas), 
lalife  abbasside  et  sultan  d'Egypte,  né  au  Caire, 
rs  1 370,  mort  en  1430,  à  Alexandrie.  Fils  de  Mo- 
wakkel  I,  il  succéda  à  son  père  sur  le  trône  du 
wlifat,  en  1406.  Pendant  les*  longues  luttes  des 
jnces  mamlouks,  Mostaïn  fut,  en  avril  1412, 
1res  la  déposition  de  Faradj,  décoré  du  titre  de 
ltan  d'Egypte  par  le  chéik  Mahmoudy,  qui 
va  fit.  un  marchepied ,  pour  s'emparer,  après 
k-sepf  mois,  du  pouvoir  lui-même,  en  1414.  Dé- 
ruillé  aussi  du  khalifat,  en  février  1445,  par 
iïhmoudy,  le  malheureux  Mostaïn  fut  rélégué 
(Alexandrie,  où  il  mourut,  de  la  peste.  Ch.  R. 

tVeil,  Histoire  des  khalifes  abbassides  de  Bagdad  (  en 
«mand  \.  —  Id.  suite  :  Histoire   des  khalifes  abbas- 
to  d'Egypte. 
'MOSTALY  OU   MOSTALA-BILLAH    (AbOîll- 

ïcem  Ahmed  al),  khalife  fatimite  de  l'É- 
ïpte,  né  au  Caire,  en  1074,  mort  le  12  décembre 
Tâi,  dans  la  même  ville.  Fils  de  Mostanser- 
llah,  il  succéda  à  son  père  en  décembre  1094, 
ec  l'aide  du  vizir  El  Afdhal,  fils  de  Bedr  al 
w&aly.  Son  frère  aîné  Nezar,  que  son  père 
ait  désigné  au  trône,  s'étant  révolté  deux  fois 
titre  Mostaly,  celui-ci  le  condamna  à  mourir 
ifaim.  Sans  génie  et  sans  caractère,  Mostaly 
I  prit  du  reste  aucune  part  aux  événements 
i  se  passèrent  sous  son  règne,  et  laissa  toute 
Worité  à  son  ministre  Afdhal.  Ce  dernier  prit, 
iaoût  1798,  sur  les  Ortokides,  la  ville  de  Jéru- 
«m,  qu'il  perdit  en  juillet  1 199,  où  elle  fut 
teupée  par  les  croisés.  Mostaly  mourut  au  plus 
t  de  la  lutte,  laissant  son  fils  mineur,  Amar, 
i  de  cinq  ans,  sous  la  tutelle  d'Afdhaï,  qui 
ma  d'administrer  l'Egypte.        Ch.  R. 

(llmacin,  Historia  Saracenica.  —  Aboulféda,  Annales 
ietnici.  —  Marai,  Histoire  d'Egypte.  —  Les  Histo- 
■is  des  Croisades. 

«Ostandjed  billah  (Aboul-Modhaffer 
i««om/al),  khalife  abbasside  de  Bagdad,  né 
1114,  dans  cette  Tille,  mort  le  21  décembre 
'0.  Fils  de  Moktafy  II,  il  succéda  à  son  père 
(tl59.  Aboul-Aly,  un  de  ses  frères,  avant 


ourdi  une  conspiration  contre  lui,  Moslandjed , 
après  la  répression  de  cette  révolte,  où  il  avait 
payé  de  sa  personne,  pardonna  à  son  frère  el  à 
la  mère  de  celui-ci.  Il  extermina  ensuite  une 
partie  des  Açadites,  tribu  arabe,  qui  possédaient 
Hillah,  à  la  place  de  l'ancienne  Babylone,  d'où 
ils  dévastaient  les  deux  Iraks.  Mostandjed  mou- 
rut, au  milieu  des  préparatifs  pour  de  nouvelles 
guerres,  victime  de  la  perfidie  de  son  médecin, 
qui,  gagné  parKaïmaz,  chef  des  émirs,  fit  prépa- 
rer au  khalife  un  bain  chauffé  outre  mesure, 
dans  lequel  on  traîna  le  malheureux  prince,  lors- 
que, soupçonnant  l'intention  des  auteurs,  il  re- 
fusa d'y  entrer.  Ch.  R. 

Aboulféda ,  Annales  Moslemici.  —  Weil,  Geschichle 
des  Khalifats  (en  allemand). 

JMOSTANSER-BILLAH  OU  MONTASER-BII.- 

lah  (Aboul-Haçan  Hakem  H,  al)  ,  khalife 
ommaïade  de  l'Espagne,  né  en  910,  à  Cordoue, 
mort  dans  cette  ville,  le  30  septembre  976.  Fils 
d'Abderrahman  III ,   il  succéda  à  son  père,  le 
14  octobre  961.  Après  avoir  fait  la  guerre  de 
965  à  968,  aux  rois  chrétiens  de  Léon  et  de  Cas- 
tille,  avec  des  chances  variées,  mais  sans  résul- 
tat décisif,  il  transporta,  en  972,  les  aigles  mu- 
sulmanes dans  l'Afrique  occidentale,  où  il  mit  fin 
à  la  dynastie  des  Édrisides.  Il  refoula  ensuite  les 
Zéirides,  en  974,  et  incorpora  à  ses  États  les  terri- 
toires de  Fez,  de  Maroc  et  d'une  partie  de  l'Algé- 
rie. Mais  le  principal  titre  de  gloire  de  Mostanser 
est  la  protection  efficace  accordée  aux  sciences. 
Il  fonda  un  grand  nombre  de  collèges,  et  insti- 
tua l'académie  de  Cordoue.  11  fit  en  outre  re- 
cueillir, par  tous  les  gouverneurs  et  intendants 
des  provinces,  des  documents  archéologiques, 
historiques,  physiques  et  généalogiques  sur  les 
différentes  parties  de  sa  monarchie,  et  il  fonda 
la  première  bibliothèque  de  l'Espagne,  forte  de 
600,000  volumes,  ainsi  que  les  premières  ar- 
chives, dont  il  soit  fait  mention.  II  régla,  en 
outre,  l'administration  du  pays  d'après  des  prin- 
cipes plus  équitables  qu'auparavant,  et  fit  le 
premier  grand  dénombrement  général  des  habi- 
tants de  l'Espagne.  On  raconte  plusieurs  anec- 
doles  de  Mostanser  qui  rappellent  l'histoire  du 
meunier  de  Sans-souci.  Ainsi,  parmi  les  mesures 
un  peu  singulières  de  ce  prince  figure  le  décret  en 
vertu  duquel  il  fit  arracher,  dans  toute  l'Espagne, 
les  deux  tiers  des  vignes,  pour  ramener  les  mu- 
sulmans à  la  simplicité  primitive.  Dans  cet  ana- 
thème  fulminé  contre  les  vignes  étaient  compris 
aussi  les  dattiers,  dont  les  fruits  servaient  à  la 
fabrication  d'une  espèce  de  vin ,  très-aimée  en 
Afrique  et  en  Espagne.  En  revanche  il  encoura- 
gea la  culture  de  la  soie  et  dn  mûrier.  Mostanser 
mourut  subitement,  d'un  coup  d'apoplexie.  Le 
second  il  avait  pris  les  titres  de  khalife  et  d'é- 
mir-al-moumenyn,  quand  il  se  fit  couronner  à  sa 
résidence  de  Zahra.  Ch.  R. 

Romey,  Histoire  d'Espagne.  —  Makkari,  History  of 
the  Mohammedan  Empire  in  ipain.  —  Aschbach,  Ces- 
chichte  der  Ommayaden  in  Spanien.  —  Schaefer,  Ce- 


735  MOSTANSER-BILLAH  — 

schichte  vonSpanien.—  Middeldorpff ,  De  Academiis 
Arabum  in  Hispania. 

mostanser-billah  (Abon-Teniin  Maad 
al),  khalife  fatimite  d'Egypte,  né  au  Caire,  en 
1029,  mort  le  21  décembre  1094,  dans  la  même 
ville.  Fils  de  Dhaher,  il  succéda  à  son  père  en 
1036,  sous  la  tutelle  de  sa  mère,  qui,  autrefois 
esclave  noire  de  Nubie,  fît  venir  à  la  cour  son 
ancien  maître,  un  marchand  juif,  pour  lui  confier 
l'administration  de  l'empire.  Devenu  majeur  en 
1048,  Mostanser  soumit  la  Syrie  à  son  sceptre, 
et  en   1052   il  obtint   aussi  la  soumission   de 
l'Yémen.  Moëzz  ben  Badis,  prince  zéiride  des 
États  Barbaresques,  ayant,  en  1050,  rompu  les 
liens  de  vasselage  envers  les  Fatimites,    Mos- 
tanser déchaîna  sur  l'Afrique  septentrionale  les 
tribus  arabes  et  berbères  du  désert,  et  devint 
ainsi',  malgré  lui ,  pour  le  Maghreb  l'auteur  des 
nombreux    soulèvements    et   changements   de 
dynasties  qui  n'ont  cessé  qu'avec  l'apparition 
des   Ottomans.   Le  khalife  de  Bagdad,  Caïm, 
ayant  contesté  la  parenté  des  Fatimites  avec 
Mahomet,  Mostanser  conclut  un  traité  avec  le  chef 
turc  Bessassiry,  qui  prit  Bagdad  pour  lui,  en 
1057,  et  le  déclara  khalife,  mais  qui,  mal  sou- 
tenu par  les  Fatimites,  dut  bientôt  après  laisser 
Caïm  reprendre  sa  capitale.  Changeant  conti- 
nuellement de  vizir,  Mostanser,  sans  appui  sé- 
rieux à  l'intérieur,  dut  assister  en  spectateur 
oisif  aux  luttes  des  Nègres  et  des  Turcs,  qui 
se  partagèrent  le  pouvoir,  et  dont  les  rapines 
s'exercèrent  jusque  sur  les  biens  particuliers 
du  khalife.  On  cite  notamment  le  fait ,  que  de 
la  bibliothèque    de    Mostanser,   consistant   en 
1,600,000  volumes,  la  moitié  fut  brûlée  par  ces 
hordes  sauvages,  tandis  que  l'autre,  répandue 
dans  le  désert,  fut  ensevelie  sous   les  sables. 
Une  disette  ayant  eu  lieu  peu  après,  le  khalife  ne 
dut  la  vie  qu'aux  aumônes  d'une  femme  chari- 
table. Fatigué  enfin  de  la  tyrannie  du  chef  turc 
Nasered  Daulah,  Mostanser  appela  auprès  de  lui 
Bedr  al  Djémaly,  qui  délivra  l'Egypte  des  hordes 
turques,  nègres  et  arabes,  et  qui,  second  Bru- 
tus,  fit  exécuter  son  propre  fils,  coupable  de  ré- 
volte contre  le  khalife  à  Alexandrie.  Soutenu  par 
ce  vizir,  Mostanser,  par  une  sage  administration 
des  vingt  dernières  années ,  rendit  à  l'Egypte 
l'ordre  et  la  prospérité ,  et  ramena  sous   son 
sceptre  la  Syrie,  envahie  par  l'émir   turcoman 
Atsis.  Bedr  al  Djémaly  étant  mort  au  commence- 
ment de  l'an   1094,  le  khalife  ne  lui  survécut 
que  cinq  mois.  Cn-  B. 

Aboulféda,  Annales  Moslemici.  -Ibn  Khaldoun,  IJis» 
toire  généalogique  des  berbères  d'Afrique.  —  Quatre- 
mère,  Mémoires  sur  les  Fatimites. 

MOSTANSEB-billah  (  Abou-Djajar  al 
Mansour  II,  al  ) ,  khalife  abbasside  de  Bag- 
dad, né  en  1191,  dans  cette  ville,  mort  en  1242. 
Fils  de  Dhaher,  il  succéda  à  son  père  en  1226.  Mos- 
tanser se  concilia  l'affection  de  ses  sujets,  en  dis- 
tribuant les  trésors  inutilement  entassés  par 
son  grand-père.  11  fonda  ensuite  une  grande  aca- 
démie à  Bagdad  pour  les  quatre  sectes  orthodoxes, 


MOSTARCHED-BILLAH  7  S 

appelée  d'après  luiMostanseriah  :  il  ladotasplei 
didement;  elle  est  aujourd'hui  changée  en  cl 
ravansérail.  Il  ramena  dans  le  giron  du  khalif 
l'Espagne  musulmane  et  une  partie  de  l'Afriqi 
septentrionale,  qui  abandonnèrent  les  Almoh 
des.  Sous  son  règne  le  khalifat  eut  la  demie  I 
lueur  de  gloire.  Ses  généraux  ayant  battu,  pr  I 
de  Sermenraï,  une  armée  moghole,  en  1238,  J 
khalife  lui-même  repoussa  ces  hardis  conqu 
rants ,   qui  osaient  déjà  s'avancer  jusque  so  I 
les  murs  de  Bagdad,  en  1240.  Mostanser,  cl 
encouragea  les  lettres  et  les  sciences ,  était  k  I 
même  poëte.  Ch.  R.     I 

Aboulféda,  Annales  Moslemici.  —  Raschid  ed  Din.  H  I 
toire  des  Moghols.  —  Weil,  Geschichte  des  Khalifùl 
—  Hammer,  Histoire  de  la  Littérature  arabe. 

mostanseb-billah   (Aboul-Cacem  il 
med,  al  ),  premier  khalife  abbasside  d'Égyptl 
né  à  Bagdad,  vers  1200,  mort  en  1250,  près 
la  même  ville.  Frère  ou  neveu  de  Mostansij 
Billah,  avant-dernier  khalife  de  Bagdad,  Ahm 
échappa  aux  massacres  qui  suivirent  la  prise 
cette  ville  par  les  Moghols.  Ayant  envahi  l' 
gypte  en  1260,  il  y  fit  valoir  ses  droits  à  la  il 
gnité  de  successeur  de  Mahomet,  et  fut  recon 
comme  fils  de  Dhaher   et  d'une  négresse  ]\ 
le   sultan   mamlouk  Bibars  Ier,   qui  lui  don 
même  des  troupes  pour  reconquérir  la  capit 
des  khalifes.  Après  avoir  pris  le  nom  honorifiq 
de  Mostanser-Billah,  à  la  façon  de  ses  ancêt 
abbassides,  Ahmed  eut  d'abord  la  chance 
prendre  les  villes  d'Anah  et  de  Hadit.  Mais  bi 
tôt  après,  ayant  été  enveloppé  par  les  Tarta 
près  de  Bagdad,  il  périt  avec  la  plupart  des  sie 
Mostanser  avait  été  surnommé   Al  Zerabil 
ou  Al  Schérafiny  par  le  peuple  d'Egypte, 
cause  de  la  dépense  d'un  million  de  schéraj 
(  100,000  francs),  qu'il  avait  causée  à  son  p 
tecteur  Bibars  Ier.  Ch.  R. 

Aboulféda,  Annales  Moslemici.  —  Makrizi,  HtsUl 
des  Mamlouks. 

MOSTABCHED-  BILLAH      (  Aboit-Mansci 

al  Fadhl  II,  al  ) ,  khalife  abbasside  de  Bagd, 
né  en  1091,  dans  cette  ville,  mort  le  19  a. 
1135,  à  Méragha.  Fils  de  Mostadher,  il  succij 
à  son  père  en  1118.  Après  avoir  réprimé 
l'aide  de  Dobaïs,  la  révolte  de  son  frère  Abo 
Haçan ,  qui  avait  pris  Vaseth  et  Hillah,  il  ba 
à  son  tour,  en  1121,  son  allié  rebelle,  Doba 
émir  des  Açadites  de  Hillah.  Prince  guerri 
Mostarched  essaya  de  s'affranchir  de  la  tyran 
des  princes  seldjoulrides,  émirs-al-omrahdu  k 
lifat.  Mais,  vaincu  par  Mahmoud  TT,  et  assiégé 
lui  dans  Bagdad  même,  le  khalife  dut,  en  11 
subir  la  loi  du  sultan  seldjoukide ,  qui  le  secou 
à  son  tour,  en  1129,  contre  le  remuant  éi 
Dobaïs.  En  1132  xMostarched  essaya  de  nouvi 
de  secouer  le  joug  des  Seldjoukides.  Après  av 
défait  leurs  généraux  Dobaïs  et  Zenghi,  et  s 
primé  le  nom  de  Masoud  1er  dans  la  kbothb; 
il  fut,  le  14  juin  1135,  battu  et  fait  prisonm 
entre  Hamadan  et  Bagdad,  par  ce  dernier  I 
même.  Relâché  sous  la  condition  de  Ircem 


MOSTARCHED-BILLAFI  —  MOTARD 


nte  son  armée,  il  se  disposait  à  rentrer  à  Bag- 
|1,  lorsqu'il  l'ut  assassiné,  près  île  Méragha,  par 
(;  troupe  d'Ismaéliens  ou  Baténiens.  Mostar- 
»•<!  était  aussi  un  poëte  remarquable.  Ch.  R. 
j  irkhond.  Histoire  des  Seldjoukides.  —  Hamdallan 
J.touQ,  Crème  des  Histoires.  —  llammer.  Histoire  de 
i  ,itti  rature  arabe, 

iostasem-bii.lah  (  Abou- Ahmed  Abdal- 
|i  VU,  al),  dernier  khalife  abbasside  de 
ijdad,  né  dans  cette  ville,  en  1221,  mort  le 
jj1  février  1258.  Fils  de  Mostanser,  il  succéda  à 
I:  père  en  1242.  Aussi  faible  qu'orgueilleux, 

■  prince  joignait  un  faste  excessif  à  une  ava- 
i    sordide.  Ne  possédant  presque  plus  rien 

■  dehors  [de  sa  capitale,  il  soumit  tous  les  fi- 
l«,  y  compris  même  les  princes  feudataires , 
l humiliante  nécessité  de  baiser,  en  entrant, 
ïeuil  de  son  palais ,  ainsi  qu'une  'pièce  de  ve- 
trs  noir,  suspendue  au-dessus  de  sa  porte. 
Is  en  revanche,  après  avoir  dû,  en  1247,  en- 
fer une  ambassade  à  la  cour  de  Gouyouk, 

ul-khan  des  Moghols,  il  essuya  lui-même 
miliation  de  voir  ses  députés  à  peine  admis 
présence  de  ce  prince.  Une  querelle  religieuse 
tnt  élevée,  en  1252,  à  Bagdad,  entre  les  snn- 
s  et  les    chiites,  Mostasem  fit  piller,  par 

général  Aboul-Abbas  Ahmed,  dans  le  fau- 
x%  de  Karkh,  les  propriétés  de  ces  derniers, 
i  protégeait  son  vizir  Mouwaï  ed  DinMoham- 
t  al  Kàmy.  Celui-ci,  résolu  de  se  venger, 
Suada  à  son  maître  de  réduire  le  nombre 
Itroupes  dans  Bagdad  de  cent  mille  à  vingt 
e  hommes.  Il  éloigna  ensuite  les  meilleurs 
Mers;  puis,  de  concert  avec  le  mathémati- 

Nasred  Din,  de  la  même  secte,  il  informa 
jlagou,  frère  du  nouveau  grand-khan  mogol 
jgou,  que  Bagdad  n'était  pas  en  état  de  ré- 
îr  à  une  attaque.  S'arrachant  enfin  à  sa  so- 
ie de  femmes,  de  courtisans,  de  joueurs  de 
elets  et  de  musiciens,  Mostasem  appela  au- 
<\  de  lui  un  vaillant  guerrier,  l'Ayoubite  Mélik 
fesser  Daoud,  ancien  roi  de  Damas,  qu'il  avait 
lieurs  fois  honteusement  chassé  de  sa  cour, 
tai  retenant  son  dépôt  de  plusieurs  millions 
francs.  Mais  Nasser  Daoud  étant  mort  en 
te,  et  Houlagou  ayant  eu  facilement  raison 
!i  corps  de  dix  mille  hommes ,  que  Mosta- 

lui  avait  opposé,  ce  dernier  dut  capituler 
Ss  un  siège  de  trois  semaines,  le  5  février 
8.  Au  milieu  du  massacre  et  du  piilage,  il  se 
ïït  au  camp  de  Houlagou  avec  toutes  ses 
mes,  ses  courtisans  et  avec  ses  deux  fils  sur- 
rats. Condamné  à  mort  avec  ces  derniers 

le  farouche  vainqueur,  Mostasem  fut,  selon 
Tadition  la  plus  accréditée,  cousu  dans  un 
de  cuir,  et  foulé  aux  pieds  des  chevaux  dans 
tues  de  son  ancienne  résidence.  Il  était  le 
te-septième  prince  de  la  première  dynastie  des 
«ssides,  qui  s'éteignit  en  lui,  après  avoir  ré- 

à  Bagdad  pendant  cinq  cent  dix  ans.  Ch.  R. 

Mired  Dyn  Razy,  Histoire  des  derniers  Abbassides. 
fell,  Geschichte  des  Khalifats  der  Abbassiderr.  — 
bid  ed  Dln ,  Histoire  des  Moghols. 

NOUY.    B10GR,    GÉNBR.    —   T.    XXXVI. 


738- 

mu  i  adhed  r.ii.i.ui  (  Aboul-Abbas  Ah- 
med III,  ai.),  khalife  abbasside  de  Bagdad, 
né  à  Sermenraï,  en  854,  mort  le  5  mars  902,  à 
Bagdad.  Fils  de  Mowaffek,  qui  avait  été  le  vé- 
ritable maître  du  khalii.it  sous  le  règne  de  son 
frère  indolent  Motamed  ,  Motadhed  succéda  à 
ce  dernier  en  892.  Il  vainquit  Hamdan,  dont 
il  rasa  tous  les  châteaux  en  Mésopotamie,  tout 
en  faisant  grâce  de  la  vie  aux  fils  de  ce  rebelle,  qui 
à  la  suite  fondèrent  une  dynastie  indépendante 
en  Syrie  et  à  Mossoul.  Motadhed  commit  la 
même  faute  à  l'égard  de  Khomarouïah ,  prince 
toulounide  d'Egypte,  dont  il  épousa  même  la 
fille.  Les  Camatlies  se  montrant  alors  pour  la 
première  fois,  le  khalife  fortifia  Bassorah  et  les 
autres  villes  de  l'Irak,  ce  qui  n'empêcha  pas  la 
défaite  complète  d'une  de  ses  armées.  Il  fut  plus 
heureux  contre  le  prince  de  Perse,  Amrou  le 
Soffaride,  qu'il  fit  prisonnier.  Motadhed  était  non- 
seulement  un  grand  homme  de  guerre,  qui  réta- 
blit la  discipline  militaire,  mais  aussi  un  protecteur 
éclairé  des  lettres. 

Aboulféda ,  Annales    Moslemici.    —   Arabie   (  dans 
l'Univers  pitt.  ). 

MOTAMED-BILLAH0UALAALLAH(.4fowZ- 

Abbas  Ahmed  II  ),  khalife  abbasside  de  Bag- 
dad, né  à  Sermenraï,  en  841,  mort  en  octobre 
892,  à  Bagdad.  Quatrième  fils  du  khalife  Mota- 
wakkel ,  qui  l'avait  exclu  des  droits  au  trône, 
il  était  en  prison  quand  ,  en  870,  il  fut  ap- 
pelé à  succéder  à  son  cousin  Mohtady.  Unique- 
ment adonné  aux  plaisirs ,  Motamed  associa  au 
trône  son  frère  Mowaffek ,  grand  guerrier,  qui 
abattit  tous  les  ennemis  du  khalifat  (voy.  l'art. 
Mowaffek).  Devenu  jaloux  de  ce  frère  valeu- 
reux, il  alla  se  réfugier  auprès  du  prince  toulou- 
nide Ahmed  d'Egypte;  mais,  arrêté  par  le  gou- 
verneur de  Mossoul,  il  dut  retourner  dans  sa 
capitale.  Mowaffek  étant  mort  sur  ces  entrefaites, 
Motamed  fut  contraint  de  déshériter  son  propre 
fils  Djâfar,  en  faveur  de  son  neveu  Motadhed.  Il 
mourut  à  la  suite  d'une  débauche. 

Weil,  Geschichte  des  Khalifats.  —  Arabie  de  M.  KoËl 
Des  vergers  |  dans  l'Univers  Pittoresque  ). 

motard  (François-Paul-Pierre),  marin 
français,  né  le  29  juin  1733,  à  Honfleur,  où  il  est 
mort,  le  23  juillet  1793.  Fils  d'un  capitaine  de 
la  marine  marchande,  il  embrassa,  en  1748,  la 
profession  de  son  père,  et  ne  tarda  pas  à  s'y  dis- 
tinguer par  les  luttes  courageuses  qu'il  entreprit 
contre  des  navires  anglais  beaucoup  mieux  armés 
que  le  sien.  Commandant  d'un  petit  bàiiment 
de  Honfleur,  il  soutint  en  1764  un  combat  d'a- 
bordage contre  un  corsaire  de  Salé  qui  lui  avait 
donné  la  chasse  à  quinze  lieues  des  Açores ,  et 
quoique  grièvement  blessé  de  cinq  coups  de  sabre, 
il  ne  se  rendit  qu'après  avoir  perdu  quinze  hom- 
mes sur  dix-huit  dont  se  composait  son  équipage. 
Conduit  à  Salé ,  il  y  subit  trois  années  d'un  dur 
esclavage,  et  eut  le  bonheur  d'être  racheté.  Il 
reprit  aussitôt  la  mer,  et  fit  éprouver  au  com- 
merce anglais  des  pertes  immenses.  Une  action 

24 


739 


MOTARD 


d'éclat,  qu'il  accomplit  sur  les  côtes  de  France, 
attira  sur  lui  l'attention  du  gouvernement.  C'é- 
tait le  15  juin  1780.  Motard  commandait  Le  Sta- 
nislas du  Havre,  bâtiment  de  vingt-quatre  ca- 
nons de  douze,  monté  par  cent  quatre-vingt- 
trois  hommes  résolus.  Il  rencontra  en  vue  de 
Dunkerque  trois  frégates  anglaises  et  un  ketch. 
Vivement  attaqué  par  l'une  d'elles,  la  frégate 
Apollon,   armée  de  trente-six    canons  et  de 
deux    cent  cinquante  hommes  d'équipage,  et 
dont  un   des   commandants  était  sir  Edward 
Pelew,  depuis  lord  Exmouth ,  le  capitaine  fran- 
çais ne  refuse  pas  le  combat ,  parvient  à  démâter 
l'a  frégate  que  son  feu  met  hors  de  service,  et  la 
contraint  de  s'éloigner.  Cherchant  ensuite  à  ga- 
gner Ostende  avec  son  bâtiment,  fort  avarié,  il  y 
est  poursuivi  jusque    dans  la  rade  par  les  deux 
autres  frégates  et  par  le  ketch  ;  mais  comme  le 
port  d'Ostende  avait  été  déclaré  neutre,  les  au- 
torités civiles  et  maritimes  intervinrent,  et  for- 
cèrent les  Anglais  de  prendre  le  large.  Cette  af- 
faire, dans  laquelle  Motard  fut  encore  blessé,  eut 
un  grand  retentissement.  La  ville  de  Honfleur  ho- 
nora ce  brave  marin  en  l'exemptant  des  charges 
delà  capitation,  du  guet  et  de  la  garde,  ainsi 
que  du  logement  des  gens  de  guerre.  M.  de  Sar- 
tines,  ministre  de  la  marine,  en  ayant  rendu 
compte  au  roi',  Louis  XVI  ordonna  que  Motard 
fût  attaché  à  la  marine  militaire,  lui  fit  expédier 
le  brevet  de  capitaine  de  frégate  el  en  même 
temps  lui  fit  remettre  une  épée  sur  laquelle  était 
gravée  cette  inscription  :  Prix  de  la  valeur 
maritime.  Créé  en  1 781  chevalier  de  Saint-Louis, 
Motard  fut  l'année  suivante  chargé  d'escorter, 
avec  une  flottille  de  quatre  canonnières,  les  con- 
vois de  bâtiments  qui  se  rendaient  du  Havre  à 
Cherbourg,  à  Saint-Malo  ou  autres  ports  des  côtes 
de  Normandie  ou  de  Bretagne.  11  réussit  pleine- 
ment dans  cettemission:non-seulementaucun  des 
deux  cents  navires  environ  qu'il  escorta  successi- 
vement ne  tomba  au  pouvoir  de  l'ennemi ,  mais 
encore  il  s'empara  de  deux  petits  corsaires  an- 
glais. Promu  en  1792  capitaine  de  vaisseau,  il 
reçut  le  commandement  du  Brillant,  en  station 
sur  la  rade  de  Cherbourg;  mais  sa  santé  l'obligea 
de  quitter  le  service  en  mai  1793,  et  il  se  retira 
à  Honfleur.  H.  F. 

Kerguelen ,  Histoire  de  la  Guerre  maritime  de  1778. 
—  Mercure  de  France,  1780.  —  Thomas  ,  Histoire  de  la 
ville  de  Honfleur,  1840,  in-8°.  —  Boisard,  Notices  biogr. 
sur  les  hommes  célèbres  du  Calvados. 

motard  {Léonard-Bernard,  baron),  ma- 
rin français,  fils  du  précédent,  né  le  27  juillet 
1771,  à  Honfleur,  où  il  est  mort,  le  25  mai  1852. 
Il  entra  au  service  à  l'âg'e  de  quinze  ans,  et  lors- 
que une  grande  partie  des  officiers  de  la  marine 
royale  abandonna,  en  1792,  les  vaisseaux  de 
l'État  pour  suivre  les  princes  dans  l'émigration, 
il  fut  en  1793  l'un  des  officiers  nommés  pour 
les  remplacer.  Après  avoir  fait  toutes  les  guerres 
de  l'armée  navale  dans  la  Méditerranée,  il  par- 
vint de  grade  en  grade  à  celui  d'adjudant  en 
chef  de  l'escadre  aux  ordres  de  l'amiral  Brueys 


qui  ramena  à  Toulon  tous  les  vaisseaux  et  toi  Lj 
les  frégates  delà  marine  vénitienne,  ainsi  qu'i  M 
immense  artillerie.  Cette  campagne  lui  valu  U 
brevet  de  capitaine  de  frégate  (  14  floréal  an  •»  Il 
Nommé  chef  d'état-major  général  de  l'armée  ï.i 
vale  qui,  le  19  mai  1798,  mit  à  la  voile  p  a 
l'expédition  d'Egypte,  il  dirigea  le  débarquen  t  j 
des  troupes  à  Malte  et  à  Alexandrie,  et  reçut  d  I 
ces  deux  circonstances  les  félicitations  de  B(  I 
parte  et  de  Brueys.  Blessé  grièvement  à  Abou  fl 
Motard  qui  était  à  bord  du  vaisseau  V  Orient  I 
jeta  à  la  mer  un  instant  avant  que  ce  vaisstH 
sautât,  et  fut  fait  prisonnier  par  les  Anglais,  I 
le  conduisirent  à  Naples  et  lui  permirent  su  Q 
parole  de  se  rendre  en  France  pour  y  pressée 
guérison  de  ses  blessures.  Il  y  resta  jusqu'  I 
fin  de  1799,  fut  échangé  peu  après  et  non 
adjudant   en  chef  de  l'escadre  aux  ordres  ■ 
contre-amiral  Gantheaume   avec  qui  il  fit  9 
campagnes  de  la  Méditerranée  et  de  Saint- 1 
mingue.  A  son  retour,  il  fut  fait  capitaine 
vaisseau.  Une  division  armait  à  Brest  sou,'  I 
ordres  du  contre-amiral    Durand-Linois    I 
aller   reprendre  possession  des   établissen?iB 
français  dans  l'Inde.  Motard  reçut  alors  le  <  jfl 
mandement  de  la  frégate  La  Sémillante,  e  I 
à  la  voile  avec  l'escadre  en  mars  1803.  On  I 
vait  à  peine  dans  l'Inde  quand  on  apprit  qi  I 
guerre  recommençait   entre  l'Angleterre  1 1 
France.  La  Sémillante,  qui  au  nombre  d  I 
officiers  d'état-major  comptait  MM.  RoussH 
Ch.  Baudin ,  tous  deux  devenus  plus  tard  I 
raux,  fut  bientôt  chargée  avec  la  corvethB 
Berceau  d'aller  à  Pulo-Bay  prendre  ou  bi  m 
sous  le  feu  des  batteries  ennemies  ,  sept  m 
ments  anglais  qui  se  trouvaient  à  ce  mouil  I 
et  incendier  les  magasins  de  la  compagnie .  % 
labar.  Motard  captura   les   bâtiments  an$ 
d'une  valeur  de  quatre  millions,  et  reçut  er  ilf 
l'ordre  d'aller  aux  îles  Philippines  donner 
de  la  déclaration  de  guerre  de  l'Angletei 
l'Espagne.  Il  arriva  assez  à  temps  pour  pré 
toute  surprise  de  la  part  des  Anglais  ;  mais  co 
les  galions  qui  apportaient  régulièrement  l'a 
d'Acapulco  aux  Philippines  avaient  depuis 
ans  cessé  leurs  voyages,  et  comme  pour  ce 
le  capitaine  général  espagnol  se  trouvait  pi 
!  dépourvu  des  fonds  nécessaires  à  la  mise  e 
;  fense  de  ces  îles ,  Motard  n'hésita  pas  d'e 
prendre  le  voyage  du  Mexique  dans  l'intf 
i  d'en  rapporter  les  fonds  indispensables  au 
taine  général.  Attaquée  par  des  forces  ang 
plus    que   doubles,   La  Sémillante,  aprj 
combat  de  trois  heures,  parvint  à  forcer 
nemi  de  l'abandonner  ;  mais,  très-maltraitéi 
:  fut  contrainte  de  renoncer  au  voyage  du  !■ 
!  que.   Luttant  pendant   trois    mois  contrW 
vents  et  les  courants,  lorsque  la  moussiM 
j  sud-ouest  était  dans  toute  sa  force,  elle  soi  | 
!  la  mer  des  Célèbes  par  le  délroitd'Aloo,  où  c 
Dampierre  aucun  navigateur  n'avait  pass 
i  arriva  enfin  à  l'île  de  France.  Nous  ne  po  pi 


Il 


MOTARD 


train'  tous  les  événements  de  celte  campagne 

i  six  années,  pendant  laquelle  Motard  lit  preuve 

urà  lourde  science  nautique,  d'habileté  dans  les 

anouvres,  de  valeur  dans  les  combats,  de  jus- 

;sede  prévision  dans  les  divers  incidents  qui  se 

ultipliaient  chaque  jour.  «  Le  capitaine  Motard, 

Le  Moniteur  du  26  février  1809,  avait  par- 

uru  un  espace  de  trente-deux  mille  lieues  dans 

mers  de  l'Inde,  avait  soutenu  avec  succès 

q  combats  contre  les  forces  supérieures  des 

glais  et  avait  fait  éprouver  à  leur  commerce 

e  perte  d'environ  28  millions  de  francs.  »  Au 

our  de  cette  campagne ,  Motard  reçut  le  titre 

baron  avec  dotation ,  et  de  commandant  de 

Légion  d'Honneur  (  7  décembre  1809).  Après 

repos  exigé  par  ses  fatigues  et  par  ses  bles- 

es,  il  fut,  le  4  janvier  1311,  nommé  comman- 

ît  de  l'École  spéciale  de  la  Marine  à  Toulon , 

s  colonel-major  des  marins  de  la  garde  im- 

iale.  Il  se  rendit  alors  en  Allemagne;  mais  sa 

té  ne  lui  permit  pas  d'achever  la  campagne 

Russie,  il  rentra  en  France,  et  fut  mis  en  1814 

i  retraite  avec  le  grade  de  contre-amiral  ho- 

teire.  H.  F. 

ibbe  Vieilh  de  Bolsjolin,  etc.,  Biogr.  portât,  des  Con- 
p.  —  Thomas,  Histoire  de  Honfleur.  —    Boisard , 
lices  biogr.  sur  les  hommes  célèbres  du  Calvados.  — 
Uteur.  26  février  1809. 
IOTASEM-IÎ1LLAH    (  AboU-lsflClk  Mohaill- 

tt  III,  al),  khalife  abbasside  de  Bagdad, 
I  à  Zapétra,  près  de  Samosate,  le  8  mai  794, 
rt  le  5  janvier  842,  à  Sermenraï.  Quatrième 
de  Harou.n  al  Raschid,  il  succéda,  en  833, 
»>on  second  frère  Mamoun ,  au  préjudice  du 

Jisième ,  Cacem  al  Motaman ,  ainsi  que  de  son 
ieu  Abbas,  qui  du  reste  se  soumirent  tous 
x  à  son  autorité.  Continuant  les  innovations 
gieuses  de  son  prédécesseur,  il  poursuivit 
ceux  qui  niaient  la  création  du  Koran,  et 
jusqu'à  faire  lacérer  ou  écorcher  vifs  les 
mas  et  les  imams  les  plus  respectés,  entre 
res  le  célèbre  Ahmed  ibn-Hanbal.  Assez  heu- 
s  tant  contre  les  ennemis  de  l'intérieur  que 
tre  ceux  du  dehors ,  il  signala  toutes  ses 
lûîres  par  des  cruautés  barbares  :  il  supplicia 
rebelle  dans  le  Tabaristan ,  ainsi  qu'en  837 
edoutable  Babek  el  Korremi ,  précurseur  de 
ecte  des  Druses,  qui  pendant  vingt  ans  avait 
!e,vé  la  Perse  et  l'Arménie.  Peu  après  il  tua 
ainqueur  de  Babek,  le  vizir  turc  Afchin,  qui 
it  tenté  le  rétablissement  du  magisme  en 
se.  Il  fit  ensuite  mourir  de  soif  son  neveu 
?as,  dont  il  craignit  les  prétentions  au  trône; 
r  se  venger  du  sac  de  son  lieu  de  naissance, 
étra ,  par  l'empereur  grec  Théophile,  le  kha- 
toûla  une  trentaine  de  villes  en  Gilatie,  entre 
!'es  Amorium ,  patrie  de  ce  prince.  Le  règne 
lotasem  fait  époque  dans  l'histoire  du  kha- 
par  la  création  de  la  milice  turque ,  au 
ren  des  nombreux  captifs  du  Turkestan.  Pour 
|;ner  de  Bagdad  ces  satellites,  le  khalife 
la,  en  935,  à  douze  lieues  de  cette  capitale, 
illede  Samarah  ou  Samirraï,  appelée  com- 


MOÏAWAKKEL-BILLAH  742 

munément  Sermenraï,  où  il  transféra  lui-même; 
sa  résidence.  Motasem  l'ut  le  premier  khalife 
qui  ajouta  à  son  nom  primitif  un  surnom  (devenu 
son  nom  ordinaire),  dans  lequel  entre  le  nom  de 
Dieu  (BUla/i)  :  habitude  suivie  dès  lors  par  tous 
ses  successeurs.  Les  historiens  arabes  remarquent 
que  Motasem  avait  régné  huit  ans  et  huit  mois , 
qu'il  était  le  huitième  prince  de  la  famille  des 
Abbassides,  qu'il  se  trouva  dans  huit  batailles  , 
qu'il  laissa  huit  fils  et  huit  filles,  huit  mille  es- 
claves, huit  millions  de  dinars  d'or,  et  huit  fois 
dix  millions  de  drachmes  d'argent  :  cette  circons- 
tance lui  a  mérité  un  surnom  équivalent  à  celui 
de  huitainier.  Ch.  R. 

Aboulfëda,  annales  Moslemici.  —  Chahristani,  tes 
sectes  de  l'Orient,  éd.  Cureton.  —  Dœllinger,  Die.  Re- 
ligion Mohameds  vnd  ihreùecten.  ~  Well ,  Histoire  du 
Khalifat  (en  allemand). 

MOTAWAKKEL-  BILLAH     (  AbOUl  ■  Fadlll 

Djafar  l*r,  al),  khalife  abbasside  de  Bagdad, 
ne  en  821,  dans  cette  ville,  mort  à  Sermenraï, 
le  12  décembre  861.  Fils  de  Motasem-Billah , 
il  succéda,  en  août  847,  à  son  frère  Wathek. 
Attaché  à  l'orthodoxie ,  Mtitawakkel  abjura  la 
croyance  hétérodoxe  de  son  père  et  de  son  oncle, 
touchant  la  création  du  Koran.  Mais  aussi  fana- 
tique qu'eux ,  il  anathématisa  la  mémoire  d'Aly 
et  de  Houcéin,  et  démolit  leurs  tombeaux.  Il  per- 
sécuta de  même  les  chrétiens  et  les  juifs ,  leur 
interdisant  l'usage  des  ëtriers  et  celui  des  che- 
vaux, et  les  forçant  dépeindre  sur  leurs  maisons 
des  images  de  pourceaux  et  de  singes.  Quant 
aux  rebelles,  il  s'ingénia  à  trouver  des  genres 
de  mort  atroces ,  pour  les  punir.  Un  imposteur, 
Mahmoud  ibn-Faradj,  fut  condamné  à  être  tué 
à  force  de  soufflets  et  de  coups  de  poing.  Quant  à 
son  vizir  félon,  Mohammed  ibn-Hammoud,  Mota- 
wakkel  le  fit  enfermer  dans  un  fourneau  en  fer, 
hérissé  en  dedans  de  pointes  aiguës,  rougies  par 
le  feu.  Heureux  contre  les  ennemis  du  dehors, 
il  lit,  de  851  à  855,  par  le  Turc  Bougha,  sou- 
mettre de  nouveau  toute  l'Arménie  el  la  Géor- 
gie, dont  il  contraignit  les  princes  captifs  à 
embrasser  l'islamisme.  Les  Grecs  ayant  brûlé 
Misr  et  Damiette ,  en  852  ,  Motawakkel  fit  de 
cette  dernière  ville  une  forteresse  de  premier 
ordre.  En  857  ses  troupes  vainquirent  et  prirent 
l'empereur  grec  Michel  III  dans  une  bataille  san- 
glante. En  859  elles  prirent  Antioche,  et  avan- 
cèrent ensuite  jusqu'à  Éphèse,  où  un  de  leurs 
généraux  périt  dans  la  mêlée.  Le  khalife,  qui  en 
857  avait  établi  le  siège  de  l'empire,  à  Damas, 
d'où  il  revint  cependant,  en  858,  à  Sermenraï, 
bâtit  dans  cette  dernière  ville,  en  860',  un  ma- 
gnifique palais,  appelé  Djafàriah.  Affable  envers 
le  peuple  et  protecteur  des  lettres  et  des  arts, 
Motawakkel  cependant  donnait  un  cours  libre  à 
ses  fantaisies  cruelles  envers  ses  confidents  et 
ses  fils,  au  milieu  desquels  il  se  plaisait  de  là- 
cher  des  serpents,  des  scorpions,  des  lions.  Son 
fils"  aîné  Monthas^er,  qui  avait  été  de  préférence 
le  jouet  de  ses  atroces  plaisanteries,  s'étant  mis 
à  la  tête  d'un  complot  contre  la  vie  de  son  père, 

24. 


743  MOÏAWAKKEL-BILLAH 

Motawakkel,  défendu  par  Fathah  ibn-Khâçan 
seul ,  fut  tué  de  la  main  du  chef  des  gardes  tur- 
ques. Le  temps  de  son  règne  est  signalé  par  les 
écrivains  arabes  comme  une  époque  de  fléaux 
et  de  prodiges  :  des  fleuves  teints  en  rouge ,  des 
pluies  de  sang,  des  écroulements  de  montagnes, 
des  sources  taries,  etc.  Ch.  R. 

Vf  e\\,  Histoire  du  K  halifat  (  en  allemand).—  Mirza- 
kasem  Beg,  Histoire  primitive  des  'lurcs.  —  M.  Noël 
Des  Vergers,  {'Arabie  [Univers  Pittor.). 

aiOTAWAKREl,  III  A  LA  ALLAH  (  Abou-Djci- 

far  Mohammed  XII,  al),  dernier  khalife  abbas- 
side  d'Egypte,  né  au  Caire,  vers  1485,  mort  en 
1538,  dans  la  même  ville.  Fils  "de  Mostanser  Ya- 
koub,  il  succéda  à  son  père  en  1512.  Alllié  du 
sultan  mamlouk  Kansou  el  Ghoury,  Motawakkel 
fut,  avec  lui,  battu,  en  1516,  par  l'empereur  otto- 
man Sélim  1er.  Ayant  été  fait  prisonnier,  il  dut  re- 
connaître pour  chef  suprême  de  la  religion  musul- 
mane son  vainqueur,  le  sultan  ottoman,  en  faveur 
duquel  le  chérif  de  La  Mecque,  vers  cette  époque, 
fit  la  même  renonciation.  Retenu  captif  à  Cons- 
tantinople  jusqu'en  1519 ,  il  retourna  en  Egypte, 
où  il  fut  de  nouveau  reconnu  khalife,  en  1524 , 
par  le  pacha  révolté  du  Caire,  Ahmed,  qui  à 
son  tour  se  fit  déclarer  sultan  par  Motawakkel. 
Cette  révolte  étant  apaisée ,  il  reçut  une  pension 
du  gouvernement  ottoman  jusqu'à  sa  mort.  Ses 
deux  fils  s'éteignirent  dans  l'obscurité. 

Hammer,  Histoire  des  Ottomans,  —  Quatremère,  Mé- 
moires sur  les  MamlouJcs.  -  L  Egypte  moderne  (dans 
l'Univers  Pittoresque  ). 

motaz-billah  (Abou- Abdallah  Moham- 
med V,  al) ,  khalife  abbasside  de  Bagdad,  né 
à  Sermenraï,  en  847,  mort  en  869,  dans  la  même 
ville.  Second  fils  de  Motawakkel,  et  désigné 
par  lui  comme  son  successeur,  il  ne  monta 
sur  le  trône  qu'en  janvier  866,  après  la  dépo- 
sition de  son  cousin  Mostaïn  par  les  milices 
turques.  Après  s'être  défait  de  son  frère  Mou- 
waïed,  il  en  exila  un  autre,  Mowaffek,  qui  cepen- 
dant avait,  contribué  à  son  élévation.  Voulant 
refréner  l'insolence  des  milices  turques ,  Motaz 
fit  exécuter  leurs  deux  commandants  Wassif  et 
Bougha;  mais  les  successeurs  de  ceux-ci,  Saleh 
et  Mohammed,  ayant  assailli  le  palais  du  kha- 
life, Motaz,  sur  son  refus  de  leur  payer  500,000 
francs,  fut  pris,  maltraite  et  forcé  d'abdiquer. 
Renfermé  dans  une  prison,  il  y  mourut,  de  poi- 
son, peu  après.  Sous  Motaz  l'Egypte  s'était  déta- 
chée du  khalifat,  en  même  temps  qu'une  partie 
de  la  Syrie,  dominées  dès  lors  toutes  deux  par 
les  Toulounides. 

Aboulfeda ,  Annales  Moslemici.  —  Weil,  CescMckte 
des  Khalifats. 

MOTÉNABBY     OU     MOTANEBBY     (  Aboul- 

Taïb- Ahmed,  al),  célèbre  poète  arabe,  né 
•  en  915 ,  dans  le  faubourg  de  Koufa  nommé 
Kinda,  mort  à  Noumanith,  près  de  Bagdad, 
en  965.  Fils  d'un  porteur  d'eau ,  il  étudia 
d'abord  à  Damas.  Il  voulut,  ensuite  s'ériger  en 
prophète ,  ce  qui  lui  valut  son  surnom  de  Mo- 
ténabby.  Il  se  fit  même  quelques  partisans  parmi 


MOTHARREZ 

les  Kilabites  de  Palmyre;  mais  il  fut  pris  et 
prisonné,  au  nom  des  princes  ykchidides, 
Loulou,  gouverneur  d'Émèse.  Rendu  à  laljbt 
il  fut  appelé ,  en  949,  à  la  cour  du  prince  h 
danide  d'Alep,  Séif  ed  Daulah,  dont  il  chant; 
exploits.  En  958  il  se  rendit  auprès  de  Kaf 
prince  d'Egypte,  qu'il  attaqua  bientôt  dans 
satires  mordantes.  Puis  il  trouva,  .en  962. 
nouveau  protecteur  dans  le  prince,  bo 
de  Chyraz,  Adhad  ed  Daulah/qui  le  combl; 
bienfaits.  Voulant  retourner,  en  965,  à  Ko 
avec  son  fils ,  il  fut  attaqué  en  route  pai 
Açadites ,  peut-être  à  l'instigation  d'Adhac 
Daulah,  qui  avait  également  à  se  plaindre  d( 
humeur  inconstante.  Motanebby  mourut  e 
défendant  contre  ces  brigands  du  désert. 

On  a  de  lui  un  Divan  ou  Recueil  de  Poé 

très-estimé  en   Orient,  et  dont  la  Biblioth 

impériale  de  Paris  possède  plusieurs  manus( 

On  y  trouve  aussi  trois  exemplaires  du  Comi 

taire  d' Abou  Zakariah  Yahiahal  Tabriz 

le  Divan  de  Motanebby.  Le  texte  arah 

Divan  n'a  jamais  été  publié  en  entier.  Reisl 

a  donné,  en  arabe  et  en  allemand,  des  extr 

sous  le  titre  :  Proben  der  arabischen  D 

kunst  in  verliebten  und  traurigen  Gedic 

aus   dem   Motanebbi,  nebst  Anmerkun 

Leipzig ,  1765,  in-4°.  Le  même  a  inséré  la 

cription  de  la  fièvre,  par  Motanebby, 

ses  Opuscala  medica  ex  monumentis  Arc 

et  Hebrseorum;    Halle,   1776.  D'autres 

ceaux  se  trouvent  dans  Gunther  Wahl  : 

arabische  Anthologie;  Leipzig,    1791; 

le   tom.  III  de   la    Chrstomathie    arah 

M.  Silvestre  de  Sacy,  avec  une  traduction 

çaise  ;  et  dans  le  Recueil  de  Poésies  arah 

M.  Grangeret  de  Lagrange,  également  ave 

traduction  française;  Paris,  1821,  in-8°.  i 

Horst  a  ensuite  publié  un  poème  à  la  loi. 

d'un  petit  prince  d'Haleb  sous  le  titre  :  i 

nebbi  carmen,    quo  laudat  Hoseinum 

Ishak  Altanuchitam ,   nunc  primum 

scholiis  edidit,  latine  vertit,  etc.;  Bo 

1823,  in-4°.  M.  Hammer  enfin  a  donné  h 

mière  traduction  complète  de  Motanebby  i 

lemand,  sous  le  titre  :  Motanebbi,  der  gn 

arabische  Dichter,  zum  erstenmal  ùbers 

Vienne,  1823,  in-8°.  Ch.  R 

Ibn   Khalllkan ,  Biographical    Dictionary.    — 

Haddon    llindley,  Biographie  de  Motanebbi,   dar 

seley.  Oriental  Collections-  —  Hammer,  Histoire 

Littérature  arabe. 

mothaiîrez  (Abou-  Omar  Moham 
al),  écrivain  arabe,  né  près  de  Koufa,  en 
mort  dans  cette  ville,  en  956.  Son  surnom 
tharrez  indique  sa  profession;  car  il  viv; 
salaire  de  son  métier,  qui  était  celui  de 
cant  de  garnitures  d'babit.  Il  passa  une  g 
partie  de  sa  vie  auprès  de  Taleb  al  Schei 
commentateur  du  Koran  à  l'école  de  Kouf. 
divers  ouvrages,  qui  sont  conservés  en  m 
crit  dans  la  bibliothèque  de  l'Escurial,  i 
Akhbar  el  Arab,  ou  Histoire  des  Arabe 


7 .  MOTHARREZ  —  MOT1N 

M  les  expressions  peu  connues  dans  les  tra- 
c  ons;  —  Kitab-es-Saad ,  ou  Sur  les  Clep- 
\di'es;  —  Sur  les  tribus  arabes;  —  Sur  le 
j,  •  et  la  nuit,  traité  astronomique,  etc.  Ch.  R. 
h  iiri,  liibliotheca  Jrabico-Hispana.  —  HadJI  Khnlfa, 
/  con  bibliographicnm  et  encyclopoedicum,  ed.  Flu- 
Ej-Hammer,  Histoire  de  la  Littérature  arabe  (en 
a  land), 

otharrk/.y    (Aboul-Fath  Nasser  ibn- 
I  el  Saïd,  al)  ,  écrivain  arabe,  né  à  Khiva , 

■  144,  mort  en  1213  (ou  selon  d'autres  en 

■  '  ) ,  dans  la  même  ville.  Il  avait  été  fabri- 
I  de  garnitures  d'habit,  comme  le  précé- 
K .  Savant  encyclopédiste ,  il  passa  dans  sa 

■  e  pour  le  digne  successeur  de  Samakh- 
Ii.  Ayant  été  attaqué,  lors  d'un  pèlerinage, 
p  de  Bagdad  en  1204,  il  changea  de  secte,  et 
d  anéfite  orthodoxe  il  devint  un  motazalite 
h  odoxe.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Di- 

Morceaux  de  Poésie;  —  Dictionnaire 
ie,  destiné  à  expliquer  les  tenues  deju- 
-udence,  intitulé  :  Al  Mogreb  filloghat;  — 
\h,  ou  Commentaire  sur  les  Makkames 
tarir  i;  —  Misbah  ou  le  Flambeau,  traité 
irammaire;  —  Islah  al  Mantheka,  ou 
igé  du  traité  de  logique  de  Yakoub  ibn- 
\k  ibn  al  Sekyt.  Aucun  de  ses  écrits  n'a 
re  été  imprimé,  quoique  plusieurs  d'entre 
aient  été  mis  à  profit  par  Pococke  et  Syl- 
re  de  Sacy.  Ch.  R. 

locke,  Spécimen  Historise  Arabum.  —  Alexandre 
!  Kasem  Beg,  Biographie  des  Savants  arabes  de 
'.  orientale  et  centrale. 

Dthe  (La).  Voy.  La  Mothe. 

DTHYLILLAH  OU  BILLAH  (Aboul-Cacem 

fil  ou  Mofaddal,  al),  khalife  abbasside  de 
lad,  né  en  911,  dans  cette  ville,  mort  en  974. 
Bu  khalife  Mpktader,  il  sortit  de  prison,  pour 
pder  à  son  cousin  Mostakfy,  en  946,  Entiè- 
rat  soumis  à  son  émir-al-omrah ,  le  Bouïde 
sz  ed  Daulah,  il  dut  l'accompagner  dans  toutes 
lampagnes,  sans  jamais  être  admis  par  ce 
1er  à  la  gestion  des  affaires.  Réduit  à  une 
e  pension,  Mothy-Lillah  dut  encore  vendre 
kneubles,  au  prix  de  30,000  francs,  pour 
lir  à  Azz  ed  Daulah,  fils  deMoëzz  ed  Daulah, 
ais  d'une  expédition  contre  les  Grecs.  Pour 
tocurer  de  l'argent,  il  rendait  vénales  toutes 
harges  publiques  et  celles  de  la  magistra- 
Sous  son  règne  l'Egypte  et  la  Syrie  tom- 
Ht  entre  les  mains  des  Fatimites.  Mais  en 
>iehe  une  partie  de  l'Arabie  rentra  d'elle- 
e  sous  la  domination  des  khalifes.  Mothy- 
i  mourut  deux  mois  après  avoir  abdiqué  en 
;ir  de  son  fils.  Ch.  R— n. 

Il,  Oeschichte  der  Khalifen.  —  Quatremère,  Les 

isides. 

ms  (Pierre),  poète  français,  né  à  Bourges^, 
[  étudia  le  droit  dans  la  deuxième  moitié 
îizième  siècle ,  fut  l'élève  en  poésie  et  l'ami 
«gnier,  qui  lui  adressa  sa  IVe  satire,  et  qui 

de  lui  ce  singulier  éloge  qu'il  «  était  poète 

être  fou  ».  Motin  en  effet  paraît  avoir  mis 


746 

dans  sa  vie  plus  de  réserve  et  de  tenue  que  n'y 
en  apportaient  d'ordinaire  les  poètes  de  son 
temps.  11  est  à  regretter  que  cette  réserve  ne  se 
retrouve  pas  toujours  dans  ses  vers,  dont  les  li- 
cences sont  trop  fortes.  Au  témoignage  qui  pré- 
cède, ceux  qui  ont  parlé  de  Motin  ont  ajouté 
«  qu'il  avait  trop  de  flegme  et  trop  peu  de  feu  », 
et  Boileau,  s'emparant  avec  empressement  de 
cette  idée,  en  fit  le  distique  qu'on  sait ,  où  il  dé- 
clare préférer 

Bergerac  et  sa  burlesque  audace 
A  ces  vers  où  Motin  se  morfond  et  nous  glace. 

Libre  au  célèbre  critique  d'avoir  cette  opinion. 
Mais  on  n'est  pas  tenu  de  le  partager;  l'on  peut 
croire  que  l'amitié  de  Motin  pour  Régnier,  que  Boi- 
leau n'aimait  pas,  entra  pour  beaucoup  dans  ce 
jugement.  Ce  qu'il  serait  plus  juste  de  dire  à 
ce  sujet,  c'est  que  Motin  avait  su,  à  une  épo- 
que entichée  à  la  fois  de  l'afféterie  italienne  et 
de  l'emphase  espagnole,  s'abstenir  de  tomber 
dans  ces  écarts  littéraires,  et  c'est  un  mérite  qui 
doit  être  reconnu.  Ce  qui  est  certain  encore,  c'est 
qu'on  trouve  dans  ses  poésies  amoureuses,  et  le 
plus  grand  nombre  ont  ce  caractère ,  une  grâce 
et  une  délicatesse  de  sentiment  qui  manquent 
trop   souvent  chez  les  contemporains.   Malheu- 
reusement, .pour  être  apprécié,  un  auteur  veut 
être  lu  ;  or  il  est  difficile  de  lire  Motin,  dont  les 
poésies  n'ont  jamais  été  réunies  à  part.  Il  semble 
qu'à  cet  endroit  il  ait  apporté  une  modestie  d'in- 
différence bien  rare  chez  ses  pareils.  On  trouve 
toutes  ses  épigrammes  dansle  Cabinet  satyrique. 
L'abbé  Lenglet-Dufresnoy  a  réuni  d'autres  piè- 
ces de  lui  à  la  suite  des  oeuvres  de  Régnier  qu'il 
a  éditées  à  Londres,  in-4°,  1733.  Il  y  en  a  de 
fort    libres.    L'éditeur  avoue    cependant  qu'il 
n'a  pas  osé  imprimer  tout  ce  qu'il  en  a  recueilli. 
En  tête  de  toutes  les  éditions  de  Régnier  se 
trouve  une  ode  de  Motin.   Une  autre  pièce  en 
stances  de  lui  précède  le  volume  des  Privilèges 
et  Antiquités  de  la  ville  de  Bourges  par  Chenu, 
qui  était  son  ami.  Balzac,  dans  une  lettre  du  15 
février  1641  à  Chapelain  (lettre  5e  du  22e  livre), 
nous  apprend  que  Motin,  sur  l'ordre  de  Henri  IV, 
traduisit  en  vers  français  deux  poèmes  .du  père 
Théron,  jésuite,  sur  la  naissance  du  dauphin. 
Ces  poèmes,  intitulés  Les  Couronnes  et  Les  Dau- 
phins, furent  imprimés  à  Paris ,  lat.  fr.  Balzac 
ne  dit  pas  en  quelle  année.  Le  reste  des  poésies 
de  Motin  se  retrouve  dans  diverses  collections, 
où  il  se  trouve  en  compagnie  de  Malherbe,  Ra- 
can,  Maynard  ,  etc.  ;  tels  sont  le  Fiecueil  des 
plus  belles  Pièces  des  Poètes  français  parBar- 
bin.  (1692).  et  les  Délices  de  la  poésie  fran- 
çaise de  Rosset,  imprimées  en  1615.  Dans  ce  der- 
nier recueil   un  neveu  de  Motin ,  du   nom   de 
Bonnet,  fit  insérer  des  stances  qui  prouvent  que 
son- oncle  était  déjà  mort.  Jl  n'a  donc  guère  sur- 
vécu à  son  ami  Régnier,  mort  en  1613, si  tou-. 
tefois  il  lui  a  survécu.  Le  Berrichon  Chenu,  dans 
le  livre  ci-dessus  indiqué,  a  parlé  d'un  Jean- Jac- 
ques Motin,  qui,  dit-il,  «  eust  été  un  des  rneiï- 


747 


MOTIN  —  MOTTA 


leurs  poètes  français  de  son  temps ,  si  la  mort  I 
ne  l'eust  ravy  en  la  fleur  de  sonàge,  1610  ».  Il  ne  \ 
faut  pas  le  confondre  avec  le  Motin  qui  fait  l'objet  j 
de  cet  article,  bien  qu'ils  aient  été  incontestable- 
ment parents.  H.  BoYER  (de  Bourges). 

Colletet,  Vie  des  Poètes  français.  —  Titon  du  Tillet, 
Le  Parnasse  francois.  -  Baillet  et  La  Monnoie,  Jugements 
des  Savants.  -  Goujet.  Bibliotti.  françoise.  -  Brossette, 
Comment,  de  Régnier  et  de  Boileau. 

MOTis  (  Giovanni  ),  poète  latin ,  né  à  Napïes, 
dans  le  quinzième  siècle.  On  n'a  sur  lui  aucun 
renseignement,  si  ce  n'est  qu'il  remplissait  la 
charge  de  secrétaire  apostolique.  Il  est  auteur 
d'un  petit  pôëme  en  vers  élégiaques  intitulé  In- 
vectiva cœtus  fœminei  contra  mares;  la  plus 
ancienne  édition  paraît  être  sortie  des  presses 
de  Félix  Riessinger,  imprimeur  à  Naples  de  1471 
à  1479.  On  en  connaît  une  édition ,  dont  quel- 
ques bibliographes  ont  fait  un  nouveau  livre, 
sous  le  titre  ô'Apologia  mulierum  contra  viros 
probrosos  (Bâle,  1511, pet.  in-4°  goth)-        p- 

Freytag,  Analecta  litter.  161". 

*  motley  (  John-Lothrop  ),  littérateur  amé- 
ricain, né  à  Boston,  en  1811.  Il  y  a  quelques  an- 
nées, le  nom  de  M.  Motley  était  inconnu  en 
Europe  et  peu  connu  aux  États-Unis.  Un  seul 
ouvrage  (  V Histoire  de  la  république  de  Hol- 
lande )  l'a  placé  de  suite  parmi  les  historiens 
distingués  qu'a   produits    le  Nouveau   Monde. 
Après  d'excellentes  études  à  l'université  d'Ha- 
ward,    M.    Motley  consacra  quelques   années 
aux  chroniques  de  l'histoire  coloniale  de  son 
pays,  et  il  en  tira  deux  romans,  dont  le  pre- 
mier Morton's  Hope,  or  the  Memoirs  of  a  pro- 
vincial,  parut  en   1839,  et  le  second  Merry 
Mount,  deux  ans  après.  Les  sujets  en  sont  pu- 
rement américains;  l'auteur  y  a  semé  des  des- 
criptions brillantes,  et  les  scènes  de  mœurs 
sont  retracées  avec  vivacité.  Mais  il  quitta  bien- 
tôt cette  voie  pour  des  études  plus  élevées.  Le 
talent  et  le  succès  de  Prescott  l'avaient  animé 
d'une  noble  ambition ,  celle  de  produire  un  ou- 
vrage d'histoire  digne  d'être  cité.  Il  vint  en  Eu- 
rope, et,  après  un  assez  long  séjour  en  Hollande, 
il  passa  en  Allemagne  pour  compléter  ses  re- 
cherches. Il  se  fixa  à  Dresde,  et  c'est  là  qu'il 
écrivit  Y  Histoire  de  la  fondation  de  ta  répu- 
blique de  Hollande  (  The  Rise  of  the  Dutch  Re- 
public, aHistory  )  ;  3  vol.,  London,  1856.  Cet  ou- 
vrage est  remarquable  par  le  savoir  et  souvent 
le  talent  du  récit;  mais  les  fortes  et  ardentes  con- 
victions de  l'auteur  comme  protestant,  républi- 
cain, et  honnête  homme ,  défenseur  constant  de 
la  liberté  religieuse  et  de  la  liberté  civile,  s'y  ré- 
fléchissent avec  une  certaine  passion ,  et  l'en- 
traînent parfois  dans  des  jugements  ou  des  ap- 
préciations que  la  haute  impartialité  de  l'histoire 
ne  saurait  admettre.  Malgré  ces  imperfections, 
que  peut  effacer  une  révision  sévère,  l'ouvrage 
est  d'un  grand  intérêt,  rempli  de  recherches 
profondes,,  de  principes  sains  et  de  nobles  sen- 
timents. Il  a  été  traduit  récemment  en  français. 
L'auteur,  après  avoir  séjourné  quelque  temps 


S 

en  Amérique ,  est  revenu  en  Europe  pour  ach  t 
la  suite  qui  doit  compléter  le  sujet.    J.  Cha  jJ 

Cyclopaedia  of  American  LUeratare ,  par  Duyc  |M 
2  vol.  in-8°,  1856.  —  Revue  Britannique ,  février  9 
article  de  M.  (luizotsur  ï'Histoire  de  M.  Motley.  —1  I 
des  Deux  Mondes ,  1859. 

3IOTSCHMANN  (  Juste  -  Chrétien  ) ,  U 
graphe  allemand  ,  né  à  Erfurt ,  le  24  septei  i 
1690,  mort  le  8  mars  1738.  Il  enseigna  d< 
1729  la  philosopbie  à  l'université  de  sa  e 
natale.  On  a  de  lui  :  De  Legum  sumtuaria  I 
Natura  et  Necessitate;Et{art,  1724;—  I 
fordia  literata  ;  ibid.,  1732-1737,  2  vol.  in  ■ 
deux  volumes  supplémentaires  furent  domu  1 
1748  et  en  1753  par  Sinnhold  et  Osana.      j  I 

Golten,  Gelehrtes  Europa,  t.  II. 

motta  (  Baffaello  )  dit  Raf/aellino  1 
Reggio ,  peintre  de  l'école  de  Modène,  j  I 
Reggio,  en  1550,  mort  à  Rome,  en  1578.  Élèi  I 
Lelio  Orsi  de  Novellara  et  de  Federico  I 
cari,  il  sut  se  former  un  style  original,  qui 
plus  tard  de  nombreux  partisans.  Les  sujet  I 
['Histoire  d'Hercule,  et  les  deux  sujets! 
pruntés  au  Nouveau  Testament,  qu'il  exécuii 
Vatican  pour  la  salle  ducale  et  l'une  des  1<I 
furent  admirés  pour  leur  composition  bien! 
tendue,  le  relief,  la  grâce  et  la  douceur  des  I 
tours.  Le  cardinal  Farnèse  l'appela  à  peindre  I 
sa  villa  de  Gaprarola  en  concurrence  ave! 
Zuccari  et  Giovanni  de'  Vecchj.  «  Les  lu 
qu'il  y  fit,  dit  Baglione,  paraissent  aninl 
tandis  que  les  autres  laissent  voir  qu'elles  I 
peintes.  »  Aussi,  Giovanni  de'  Vecchj,  jalou  I 
succès  de  son  jeune  rival,  parvint  à  forci 
calomnies  à  le  faire  congédier  brusquement  I 
que  le  cardinal  lui  permît  même  de  se  jus  I 
d'accusations  qu'il  ignorait.  Le  chagrin  dl 
traitement  immérité,  la  fatigue  d'un  voyagfl 
compli  sous  un  soleil  ardent  furent  causes  I 
son  arrivée  à  Rome  Raffaello  fut  atteint  <l 
fièvre  maligne  qui  le  conduisit  au  tombe! 
l'âge  de  vingt-huit  ans.  «  On  le  pleurai 
Lanzi,  presque  comme  un  autre  Raphaël.  »l 
ouvrages  furent  étudiés  par  de  nombreux  arll 
qui  cherchèrent  à  saisir  sa  manière;  celui  <| 
réussit  le  mieux  fut  Paris  Nogari. 

E.  B— K. 

Tiraboschl ,  Notizie  degli  Artefici  Mode.nesi.  - 
glione,  Vite  de'  Piltori,  elc.,dcl  1373  al  1S42.  —  Or 
Abbecedario.  -  Lanzl,  Storia  pittorica.  —  Tïcozz 
zionario. 

MOTTA  FEO  E    TORRES    (  Don  LlliZ  t 

amiral  portugais,  né  à  Lisbonne,  le  16  ) 
1769,  mort  dans  la  même  capitale,  le  26 
1823.  Il  fit  ses  études  à  l'académie  royale 
gardes  marines,  où  il  remporta  le  premier 
en  1785.  L'année  suivante  il   entra  au  seiB 
comme  lieutenant  de  vaisseau,  et  devint  cap  H 
teniente  (  capitaine  de  corvette  ) ,  en  1792;  ■ 
qu'à  cette  époque  il  croisa  continuellement  H 
la  Méditerranée.  En  1793,  nommé  capitain  I 
frégate  commandant  La  Reinha  de  Porta.  > 
,    il  fit  partie  de  l'escadre  du  contre-amiral  ""  I» 


149  MOTTA  —  MOTTE 

lui  se  joignit  à  la  flotte  anglaise  de  lord  Richard 
lowe,  et  prit  part  au  blocus  de  Brest.  Ses  ser- 
dces  furent  récompensés  en  1790  par  le  grade 
ecapitan  de  mar  e  guerra  (  capitaine  de  vais- 
eau);  il  reçut  alors  la  mission  d'aller  renou- 
eler  le  traité  de  paix  qui  existait  entre  la  cour 
e  Portugal  et  l'empereur  de  Maroc,  Muley-Soli- 
îan.  11  fut  fort  bien  accueilli  par  ce  monarque, 
îais  n'en  obtint  pas  ce  qu'il  désirait  :  une  rup- 
ire  avec  la  France.  A  son  retour  Motta  fut 
ommé  chef  de  la  division  chargée  de  la  défense 
e  l'embouchure  du  Tage.  En  1799,  il  reprit  la 
ier,  et  le  19  mars  1800  escorta  un  convoi  de  114 
oiles  en  destination  de  Rio-de-Janeiro.  A  la  tête 
une  escadre  de  sept  bâtiments  de  guerre,  il  in- 
uiéta  fort  la  marine  et  les  possessions  espa- 
îoles  de  l'Amérique  du  Sud.  En  1802  il  fut 
opelé  au  gouvernement  de  la  province  de  Pa- 
liïba  ( Brésil  septentrional).  En  1805,  Motta 
t  chargé  d'obtenir  satisfaction  du  dey  d'Alger 
du  bey  de  Tunis  dont  les  corsaires  avaient  pris 
usieurs  navires  portugais  ;  mais  il  ne  put  rien 
♦tenir,  et  dut  user  de  représailles;  sa  vigueur 
irvint  à  rendre  quelque  sûreté  au  pavillon  de 
■mmerce  lusitanien.  Lors  de  l'entrée  des  Fran- 
is  en  Portugal  (novembre  1807.),  Motta 
va  et  organisa  à  ses  frais  trois  légions,  dont  il 
it  le  commandement;  il  contribua  à  la  victoire 
mportée  par  Wellington  à  Vimeiro  (  21  août 
408  )',  victoire  qui,  suivie  de  la  convention  de 
«ntra,  décida  l'évacuation  du  Portugal  par  l'ar- 
me française  (30  août).  Motta  continua  à  guer- 
»yer  dans  la  Péninsule  jusqu'en  18U,  où  il  passa 
i  Brésil.  Le  roi  Joâo  VI  le  créa  successivement 
»ef  d'escadre,  vice-amiral,  commandeur  de 
>rdre  de  Saint-Benoît  d'Aviz,  capitaine  général 
ouverneur  d'Angola  (1816), conseiller  de  guerre 
marine  (1819)  ;  il  remplit  cette  dernièrefonction 
squ'à  sa  mort. 

Son  fils  Feo  Cardozo  de  Castello-Branco  e 
bRRÈs  (  J.-C.),  né  vers  1795,  devint  officier 
périeur  dans  l'armée  portugaise.  Il  a  publié 
Mémoires  contenant  la  biographie  du  vice- 
niral  Louis  da  Motta  Feo  e  Torrès  ;  —  l'Hts- 
\ire  des  gouverneurs  et  capitaines  généraux 
Angola,  depuis  1575,  jusqu'en  1825,  et  la 
escrïption  géographique  et  politique  des 
tyaumes  d'Angola  et  de  Benguela  (  en  por- 
tais) ;  Paris,  1825,  in-8°:  L'auteur  a  rédigé  ces 
ivrages  sur  les  notes  laissées  par  son  père. 
A.  de  L. 

I.-C.  Feo  Cardozo  e  Torrès,  Memorias,  etc.  —  Bar- 
aa  Machado  ,  Bibl.  Lusitana. 

mottaky  -  billah  (Abou-Ishak  Ibra- 
m  If,  al)  ,  khalife  abbasside  de  Bagdad ,  né 
ns  cette  ville,  vers  910,  mort  en  965.  Fils  de 
oktader,  il  succéda  en  940  à  son  frère  Rahdy- 
llah.  Établi  sur  le  trône  par  le  Turc  Yahcam , 
ûir-al-omrah,  Mottaky  dut,  après  l'assassinat 
,  celui-ci,  en  941,  confirmer  dans  la  même 
arge  le  prince  de  Bassora,  Obéidallah  al 
iridy,  qui  avait  pris  Bagdad.  En  942  il  appela 


750 

le  prince  hamdanide  Haçan,  qu'il  investit  de 
l'émirat,  et  auquel  il  conféra  la  souveraineté  de 
Mossoul  et  d'Alep  avec  le  nom  de  Nasir  ed  Dau- 
lah  (  vainqueur  du  trône  );  titre  honorifique, 
qui,  de  môme  que  quelques  autres  du  même 
genre,  était  alors  fréquemment  conféré  par  lès 
khalifes  à  leurs  fendataires.  Le  turc  Tau  y  ou  n 
s'élant  emparé  de  l'émirat,  en  943,  Mottaky  va 
en  personne  implorer  à  Mossoul  le  secours 
d'Haçan  ;  puis ,  mal  reçu  par  lui ,  il  accepte  l'in- 
vitation d'Ykchid ,  prince  d'Egypte.  Mais  se 
fiant  aux  assurances  pacifiques  de  Touzoun,  le 
khalife  rentra  à  Bagdad,  où  il  eut  les  yeux  crevés 
au  milieu  de  sa  tente,  en  octobre  944.  Réduit  à 
ses  fonctions  sacerdotales,  Mottaky  survit  vingt- 
un  ans  à  son  malheur.  Ce  fut  lui  qui  céda  à  l'em- 
pereur grec  Romain  Lécapène  le  fameux  mou- 
choir, conservé  à  Édesse,  lequel,  suivant  la 
tradition,  avait  servi  à  essuyer  la  face  de  Jésus- 
Christ.  Ch.R. 

Aboulféda ,  Annales  Moslemici. 

motte  (  Emmanuel-Auguste  tje  Cahideuc, 
comte  du  Bois  de  La  ),  amiral  français ,  né  en 
1683,  à  Rennes,  mort  dans  la  même  ville,  le 
23  octobre  1764.  Destiné  dès  son  enfance  à  la 
marine,  en  1698,  il  fît  sa  première  campagne, 
et  gagna  ses  grades  dans  la  pratique  de  son  mé- 
tier. Sous  Duguay-Trouin  il  se  distingua  au 
combat  du  cap  Lézard  et  à  la  prise  de  Rio-de- 
Janeiro  (  juin  1711  ).  11  eut  part  ensuite  à  toutes 
les  grandes  actions  de  la  marine  française  et  était 
capitaine  du  vaisseau  Le  Magnanime  voguant 
de  conserve  avec  la  frégate  L'Étoile  lorsque, 
escortant  un  convoi  en  destination  du  Fort- 
Royal  (  Martinique  ),  il  fut,  le  28  novembre  1747, 
attaqué  par  quatre  vaisseaux  anglais.  Par  une 
série  de  manœuvres,  aussi  habiles  que  coura- 
geuses,il  sut,  durant  vingt-deux  heures,  combattre 
et  maltraiter  séparément  chacun  de  ses  adver- 
saires et  gagna  Fort-Royal  sans  avoir  laissé  en- 
tamer son  convoi.  En  avril  suivant,  chassé  par 
toute  une  division  anglaise,  il  déploya  le  même 
talent  avec  le  même  succès.  Un  peu  plus  tard, 
sur  les  côtes  de  France,  il  eut  encore  à  défendre 
un  convoi  contre  neuf  vaisseaux,  et  gagna  la 
terre  sans  perdre  un  seul  bâtiment.  Ses  services 
lui  méritèrent  le  grade  de  chef  d'escadre  ,  et  le 
1er  juin  1751  il  fut  nommé  gouverneur  des  îles 
françaises  Sous  le  Vent ,  en  remplacement  du 
comte  de  Conflàns.  Sa  résidence  était  Port-au- 
Prince.  Il  acheva  la  construction  de  la  ville  de 
Jérémie  (1)  (île  Saint-Domingue),  fit  améliorer 
et  construire  des  routes  ,  des  bâtiments  d'utilité 
publique,  régularisa  les  registres  de  l'état  civil 
qui ,  abandonnés  aux  prêtres,  étaient  fort  mal 
tenus,  et  se  montra  aussi  bon  administrateur 
qu'il  s'était  montré  habile  marin.  Aussi  fut-il  uni- 
versellement regretté  des  colons  lorsque,  le  31  mai 
1753,  le  marquis  de  Araudreuil  lui  succéda.  En 
1755  le  comte  de  La  Motte  prit  le  commande- 

(î)  Située  par  18»  39'  57"  lat.  et  74°  47'  26"  long,  ouest. 
Cette  ville  comptait  20,000  habitants  dès  1789; 


751  MOTTE 

ment  d'une  flotte  de  quatorze  vaisseaux  et  deux 
frégates  destinée  à  ravitailler  le  Canada  et  l'île 
Royale,  menacés  par  les  Anglais.  Il  accomplit 
sa  mission,  et  revint  en  France  sans  accident.  Il 
repartit  de  Brest,  le  3  mai  1757,  pour  la  même 
destination,  et  arriva  devant  Louisbourg  avec 
seize  vaisseaux  et  six  frégates.  Il  se  trouva  bientôt 
en  présence  d'une  flotte  anglaise  composée  de 
vingt-trois  vaisseaux,  neuf  frégates  et  deux  brû- 
lots. La  Motte,  quoique  si  inférieur  en  forces,  n'hé- 
sita pas  à  accepter  le  combat;  mais  un  ouragan 
terrible  sépara  les  deux  armées  et  les  maltraita 
tellement  qu'elles  durent  renoncer  à  toute  action 
décisive.  La  Motte,  pendant  son  retour  en  France, 
eut  à  essuyer  une  série  de  tempêtes  qui  désempa- 
rèrent la  plupart  de  ses  navires.  Pour  comble  de 
malheur,  ses  équipages  étaient  décimés  par  le  ty- 
phus. Ils  communiquèrent  cette  affreuse  épidémie 
aux  habitants  de  Brest  dont  la  population ,  en 
quatre  mois,  fut  réduite  des  deux  tiers.  L'année  sui- 
vante les  Anglais  opérèrent  une  descente  à  Saint- 
Gast  :  le  comte  de  La  Motte,  quoiqu'âgéde  soixante- 
quinze  ans,  courut  les  combattre  comme  simple 
volontaire,  et  se  fit  encore  remarquer  par  son 
énergie.  Il  se  retira  ensuite  dans  sa  terre  des  Mottes 
près  Rennes,  où  il  termina  sa  longue  et  glorieuse 
carrière.  Il  était  vice-amiral  depuis  1762,  com- 
mandeur de  l'ordre  de  Saint-Louis  et  comptait 
cinquante-neuf  années  de  services  effectifs. 

Motte  laissa  un  fils,  qui  mourut  chef  d'escadre. 

A.  de  L. 

Archives  de  la  Marine.  —  P.  Levot ,  Biographie  Bre- 
tonne. —  Moreau  de  Saint-Méry,  Description  de  Saint- 
Domingue,  t.  u. 

motte  (La).  Voy.  La  Motte. 

motteux  {Pierre- Antoine),  littérateur  an- 
glais, né  le  19  février  1660,  à  Rouen,  mort  le  19 
février  1718,  à  Londres.  On  pense  qu'il  était  fils 
d'un  marchand  protestant,  qui  lui  fit  donner 
une  bonne  éducation  à  Rouen.  A  l'époque  de  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes,  il  se  réfugia  à 
Londres  ,  fut  employé  quelque  temps  à  la  direc- 
tion des  postes,  et  gagna  dans  le  commerce  des 
produits  de  l'Inde  une  fortune  considérable.- 
Quoique  marié  et  père  de  vingt-deux  enfants ,  il 
mena  une  vie  crapuleuse  et  fut  assassiné,  dit- 
on,  dans  un  lieu  de  débauche.  Bien  qu'il  eût  plus 
de  vingt-cinq  ans  lorsqu'il  passa  en  Angleterre, 
il  se  rendit  si  familière  la  langue  de  ce  pays  qu'il 
prit  en  peu  de  temps  un  rang  distingué  parmi 
les  écrivains  anglais.  On  regarde  comme  des 
œuvres  très  -  remarquables  les  traductions  de 
Cervantes  et  de  Rabelais,  auxquelles  il  a  eu  ia 
principale  part.  Ses  poésies  sont  écrites  avec  agré- 
ment, et  quelques-unes  de  ses  nombreuses  pièces 
de  théâtre  ont  été  bien  accueillies-.  On  a  de-  Mot- 
teux ;  The  présent  State  of  Marocco  ;  Londres, 
1695,  in-8°, trad.  du  français;  —  Don  Quixote; 
ibid.,  1706,  4  vol.  in-8°,  trad.  de  l'espagnol;  — 
The  ivhole  Works  of  Babelais  done  out  of 
french  by  Thomas  Urchard,  Peter  Motteux 
and  olhers ;  ibid.,  1708,  2  vol.  in-s°;  —  On 


MOTTEVILLE  75 

Tea,  a  poem;  ibid.,  1722,  in-8\  Ses  meilleur» 
pièces  sont  :  The  Loves  of  Mars  and  Vent 
(1697)  \Beauty_in  distress  (1698);  The  Temp 
ofLove  (1706);  etThe  Amorous miser  (il '05).  I 

Baker,  Biogr.  Dramatica.  -  Cibber,  Lives  of  Poets. 
British.  Essagysts,  VI 

motteville  (Françoise  Bertaut  de 
dame  de  la  reine  Anne  d'Autriche,  connue  pi 
ses  Mémoires,  née  vers  1621  (1),  morte  le  ; 
décembre  1689.  Elle  était  nièce  de  l'évêque  Be 
taut,  poète  élégant,  que  Boileau  a  loué.  Son  pèi 
Pierre  Bertaut  était  gentilhomme,  ordinaire  c 
la  chambre  du  roi  ;  sa  mère  tenait  à  l'anciem 
famille  de  Saldagne  en  Espagne.  Françoise  Be 
taut  reçut  une  éducation  très-soignée,  et  di 
l'âge  de  sept  ans  elle  fut  attachée  à  la  reii 
Anne  d'Autriche,  auprès  de  laquelle  sa  mère  | 
trouvait  déjà.  Richelieu ,  qui  s'inquiétait  de  c 
entourage  espagnol  de  la  reine,  exigea  en  16: 
le  renvoi  de  la  mère  et  de  la  fille.  Mme  Bertai 
emmena  la  jeune  Françoise  en  Normandie,  et  1 
maria  en  1639  à  M.  Langlois  de  Motteville,  pr 
mier  président  de  la  chambre  des  comptes  i 
Normandie ,  et  deux  fois  veuf.  M.  de  Mottevil 
avait  quatre-vingts  ans  ;  sa  femme,  qui  en  avf 
dix-huit,  accepta  volontiers  une  union  aussi  di 
proportionnée,  et  on  ne  lui  reproche  pas  d 
avoir  jamais  été  infidèle.  «  Ayant  épousé  M.  < 
Motteville ,  dit-elle ,  qui  n'avait  point  d'enfan 
et  avait  beaucoup  de  biens,  j'y  trouvai  de 
douceur  avec  une  abondance  de  toutes  chose: 
et  si  j'avais  voulu  profiter  de  l'amitié  qu'il  avi 
pour  moi,  et  recevoir  tous  les  avantages  qu 
pouvait  et  voulait  me  faire,  je  me  serais  trouvi 
riche  après  sa  mort;  »  Restée  veuve  à  l'âge  < 
vingt  ans,  Mme  de  Motteville  fut  rappelée  en  16' 
auprès  d'Anne  d'Autriche ,  devenue  régente , 
fut  dès  lors  attachée  à  cette  princesse  avec 
simple  titre  de  femme  de  chambre,  mais  av 
un  degré  d'intimité  et  de  confiance  bien  supériei 
à  ce  titre.  On  sait  combien  la  régence  d'Ann 
d'Autriche,  calme  dans  les  premiers  temps,  d 
vint  orageuse.  Au  milieu  des  intrigues  des  gran< 
seigneurs  et  des  grandes  dames  de  la  cou 
Mme  de  Motteville  resta  impartiale  et  réservé* 
curieuse  de  tout  voir  et  ne  prenant  une  part  ai 
tive  à  rien.  Son  immuable  dévouement  à  la  reii 
ne  la  rendit  pas  trop  sévère  pour  le  parti  di 
importants  et  des  frondeurs  où  elle  comptait  di 
amis;  et  son  peu  degontpour  Mazarin  ne  la  rei 
dit  pas  injuste  à  l'égard  de  l'habile,  ministre, 
n'y  a  point  d'événements  dans  sa  vie.  Elle  quitl 
bien  rarement  Anne  d'Autriche  et  assista  à  s< 
derniers  instants.  Après  la  mort  de  la  reine,  el 
s'éloigna  de  la  cour,  et  vécut  dans  une  dero 
retraite,  occupée  de  la  rédaction  de  ses  Mi 
moires  et  d'exercices  de  piété.  Elle  mourut 
l'âge  de  soixante-huit  ans,  laissant  des  Mémoiri 
qui  font  le  plus  grand  honneur  à  son  bon  se» 

(1)  Niceron  la  fait  naître  par  conjecture  en  1615.  M.  c 
Monmcrqué,  par  uneaulre  conjecture,  fondée  sur  un  met 
leur  texte  des  Mémoires,  reporte  sa  naissance  en  1C2: 


'53  MOTTEVILLE 

t  à  son  honnêteté.  Elle  les  composa  dans  le  des- 
ein  de  bien  faire  connaître  la  reine  Anne  d'Au- 
riche.  «  Je  me  suis  occupée  d'ailleurs,  ajoute- 
-elle ,  à  dresser  ces  Mémoires  dans  l'espérance 
u'ils  serviraient  un  jour  à  me  rappeler  mille 
articulantes  qui  me  feraient  plaisir,  et  qui  me 
Mineraient,  pour  ainsi  dire,  une  seconde  vie. 
n  effet,  j'y  ai  remarqué  non-seulement  ce  qui  s'est 
issé  de  plus  considérable  depuis  mon  retour 
îprès  de  la  reine,  mais  aussi  ce  qui  était  arrivé 
irant  mon  exjl,  qui  m'avait  éloignée  de  sa  per- 
nne  presque  dès  mon  enfance.  Lorsque  je  n'ai 
i  savoir  les  choses  par  moi-même,  je  les  ai  ap- 
ises  des  vieux  seigneurs  de  la  cour,  et  de  la 
ine  même,  qui  a  eu  la  bonté  de  m'en  instruire, 
répondre  à  mes  questions ,  et  de  me  confier 
elques-uns  de  ses  secrets.  Tout  cela  m'a  servi 
remplir  les  vides  de  mon  absence.  J'ai  donné 
cette  occupation  les  heures  que  les  dames  ont 
:outumé  d'employer  au  jeu  et  aux  prome- 
ttes. Je  ne  sais  si  j'ai  mieux  fait  que  les  autres  ; 
lis  il  me  semble  qu'on  ne  saurait  plus  mal  em- 
fyer  son  temps  que  de  le  passer  à  ne  rien 
*e.  »  Entrepris  ainsi  sans  aucune  prétention 
léraire,  avec  beaucoup  de  sympathie  pour  la 
ne  et  l'honnête  intention  de  ne  pas  dissimu- 
la vérité,  ces  Mémoires  peignent  avec  naï- 
ié  et  finesse  une  période  importante  de  l'his- 
re  de  France  ;  il  ne  faut  pas  leur  demander 
vues  étendues,  mais  une  suite  d'observations 
|tes ,  de  détails  bien  racontés,  de  portraits  es- 
'ssés  avec  délicatesse.  Les  Mémoires  de  Mme  de 
Itteville  parurent  pour  la  première  fois  en 
llande,  sans  nom  d'auteur,  sous  ce  titre  :  Mé- 
\ires  pour  servir  à  l'histoire  d'Anne  d'Au- 
:he,  épouse  de  Louis  XIII,   depuis  1615 
\qu'en  1666;  Amsterdam,  1723,  5  vol.  in-12. 
:n  parut  deux  autres  éditions;  Amsterdam 
iris),  1739,  6  vol.  in-12;  nouvelle  édition, 
kwe ,  corrigée  et  augmentée  de  notes,  Ams- 
liam,  1750,  6  vol.  in-12.  On  cite  encore  l'édi- 
»  de  Paris,  1822-1823,  11  vol.  in-18;  celle 
'Petitotdans  la  Collection  des  Mémoires  re- 
ïfs  à  l'histoire  de  France,  celle  de  MM.  Mi- 
|ud   et    Poujoulat  dans  leur   collection,  de 
Moires.  La  bibliothèque  de  l'Arsenal  possède 
manuscrit  de  ces  Mémoires,  copié  par  Con- 
,,  et  qui,  s'arrêtant  à  l'année  1644,  ne  forme 
re  que  le. huitième  de  l'ouvrage  complet.  Ce 
ttuscrit  offre  une  rédaction  moins  achevée, 
i8  souvent  plus  franche  et  plus  hardie  que  le 
ce  imprimé.  Qn  trouve  dans  le  Recueil  de 
lies  nouvelles  et  galantes,  Cologne,  1667, 
ix  lettres  de  Mnie  de  Motteville  adressées  à 
I'  de  Montpensier,  en  réponse  à  deux  lettres 
(celle-ci.  Cette  princesse  romanesque,  qui 
it  plus  de  caractère  que  d'esprit  et  plus 
iprit  que  de  bon  sens ,  avait  conçu  l'idée,  ou 
lot  le  rêve,  d'établir  dans  quelque  endroit 
mipêtre  et  charmant,  sur  les  bords  de  la  Loire 
tur  ceux  de  la  Seine,  une  colonie  de  per- 
des des  deux  sexes  fatiguées  de  la  cour.  La 


—  MOTTLEY 


754 


condition  de  rigueur  était  le  célibat.  Des  conver- 
sations polies,  réglées  par  la  plus  scrupuleuse 
décence,  tenaient  lieu  de  l'amour.  Comme  plaisirs 
on  avait  la  lecture,  la  musique,  le  jardinage,  le 
soin  des  troupeaux ,  et  des  visites  à  un  couvent 
de  carmélites  et  à  un  asile  d'enfants.  Mme  de 
Motteville  entrant  dans  les  idées  de  la  princesse 
lui  répond  avec  esprit  et  bon  sens.  «  C'est  avec 
raison  que  vous  avez  banni  la  galanterie  du  com- 
merce de*  vos  sujets ,  pour  y  établir  seulement 
le  plaisir  de  la  conversation,  qui  assurément  est 
le  seul  estimable  parmi  les  honnêtes  gens  ;  mais 
j'ai  grande  peur,  ma  princesse ,  que  cette  loi  si 
sage,  si  nécessaire,  ne  fût  mal  observée;  et 
comme  en  cela  vous  seriez  contrainte  d'y  apporter 
du  remède ,  je  pense  qu'enfin  vous  vous  trou- 
veriez obligée  de  permettre  cette  erreur  si  com- 
mune qu'une  vieille  coutume  a  rendue  légitime 
et  qui  s'appelle  mariage.  «  L.  J. 

Nlceron,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire,  t.  VII.  — 
Journal  des  savants  (janvier  172«).  —  Notice  en  tête  de 
l'édition  de  MM.  Mlchaud  et  Poujoulat.  —  Sainte-Beuve, 
Causeries  du  lundi,  t.  VU. 

^mottez  (Victor- Louis),  peintre  français, 
né  à  Lille,  le  13  février  1809.  Après  avoir  étudié 
la  peinture  chez  MM.  Ingres  et  Picot,  il  alla 
passer  quelque  temps  en  Belgique,  d'où  il  en- 
voya des  portraits  à  l'exposition  du  Louvre,  en 
1835.  A  son  retour  à  Paris,  il  s'adonna  princi- 
palement à  des  compositions  de  sujets  religieux, 
et  concourut  à  la  décoration  des  églises  de  Saint- 
Germain-l'Auxerrois  et  de  Saint-Sé vérin.  Il  ex- 
posa successivement:  au  salon  de  1838,  où  ilreçut 
une  médaille  de  troisième  classe  :  Le  Martyre 
de  saint  Etienne  et  Le  Christ  mort;  au  salon 
de  1839,  la  Fuite  en  Egypte;  à  celui  de  1840, 
Marie-Madeleine  ;  en  1842,  Marthe  et  Marie; 
des  portraits  qu'il  mit  au  salon  de  1845  lui  va- 
lurent une  médaille  de  deuxième  classe.  De  Lon- 
dres, où  il  était  depuis  1851,  il  envoya  au  salon 
de  1853  un  tableau  de  Judith  et  le  portrait  de 
M.  Guizot.  De  retour  à  Paris ,  il  prit  part  à 
l'exposition  de  1857  par  un  tableau  de  Mélilus, 
accusateur  de  Socrate,  et  à  celle  de  1859  par 
deux  sujets  :  Hypéride  découvrant  le  sein  de 
Phryné  devant  ses  juges,  et  Zeuxïs  choisissant 
les  plus  belles  filles  pour  composer  sa  Junon. 

G.  deF. 

Documents  particuliers.  —  Livrets  des  Expositions. 

mottley  (John),  littérateur  anglais,  né 
en  1692,  mort  ie  30  octobre  1750.  Fils  d'un  co- 
lonel au  service  de  France,  il  obtint  à  l'âge  de 
seize  ans  un  modique  emploi  dans  l'administration 
des  douanes;  après  l'avoir  perdu  en  1720,  et 
n'ayant  pu  en  avoir  d'autre  malgré  les  promesses 
de  lord  Halifax  et  de  Robert  Walpole ,  ses  pro- 
tecteurs ,  il  se  fit  auteur  par  nécessité.  On  a  de 
lui  :  Life  of  the  great  czar  Peter;  Londres, 
1739,  3  vol.  in-8°;  —  The  Hislory  of  the  Life 
and  Reign  oftheempress  Catherine  of  Rus- 
sia;  Londres,  1744,2  vol.  in-8°; .  —  cinq  tragé- 
dies ou  comédies ,  dont  quelques-unes  ont  eu 


755 


MOTTLEY  —  MOUCHET 


du  succès.  On  pense  qu'il  est1  l'auteur  des  notices  | 
insérées  à  la  fin  du  Scanderberg  de  Wliincop, 
et  qui  sont  relatives  a  des  écrivains  dramati- 
ques ;  celle  qui  le  concerne  renferme  des  détails 
personnels  que  lui  seul  devait  connaître.     K. 

Baker,  BioQr.  Dramatien. 

MOTTRAYE   (La).  Voy.  LA  MOTÎRAYE. 

motz  (Frédéric-Chrétien-Adolphe),  homme 
d'État  allemand,  né  à  Cassel,  le  18  novembre 
1775,  mort  à  Berlin,  le  30  juin  1830.  Fils  du  pré- 
sident de  la  cour  d'appel  de  Cassel,  il  occupa, 
après  avoir  étudié  le  droit  à  Marbourg,  divers 
emplois  dans  l'administration  prussienne.  Il  de- 
vint ensuite  directeur  des  contributions  pour  le 
département  du  Harz  et  membre  de  la  diète  du 
royaume  de  Westphalie.  Entré  en  1815  au  ser- 
vice de  la  Prusse,  il  fut  nommé  en  1818  pré- 
sident de  la  régence  d'Erfurt,  et  en  1824  prési- 
dent supérieur  de  la  province  de  Saxe.  L'année 
suivante  il  fut  appelé  à  Berlin  comme  ministre 
des  finances.  Sans  nouveaux  impôts  et  sans  éco- 
nomies gênantes ,  il  parvint,  en  peu  de  temps, 
non-seulement  à  combler  le  déficit  qui  existait 
avant  lui ,  mais  encore  à  obtenir  un  notable  ex- 
cédant des  recettes.  Il  réforma  l'exploitation  des 
domaines,  simplifia  et  améliora  beaucoup  l'ad- 
ministration entière  de  son  ministère.  Par  le 
traité  de  commerce,  conclu  en  1828,  avec  le 
grand-duché  de  Hesse,  et  par  plusieurs  autres 
mesures  excellentes,  telles  que  l'abaissement  des 
impôts  indirects ,  il  releva  le  commerce  et  l'in- 
dustrie. 0. 

Conversations-Lexikon. 

moucheron  (Frédéric),  peintre  hollan- 
dais, d'origine  française,  né  à  Embden,  en  1633, 
mort  à  Amsterdam,  en  1686.  11  appartenait  à  une 
famille  protestante  qui  avait  émigré  pendant  les 
guerres  de  religion.  Dès  son  adolescence  il  mar- 
qua la  plus  vive  inclination  pour  la  peinture,  et 
sa  famille,  favorisant  son  goût,  le  plaça  dans 
l'atelier  de  Jean  Asselyn,  dont  il  devint  l'un  des 
meilleurs  élèves.  Il  visita  alors  la  France,  et  y 
fut  fort  occupé,  surtout  pour  ses  charmants 
paysages,  dont  Théodore  Helmbreeker  consen- 
tait à  faire  les  figures.  Lorsqu'il  retourna  dans  sa 
patrie ,  Moucheron  se  fixa  à  Amsterdam  et  s'as- 
socia Adrian  van  den  Velde  pour  l'animation  de 
ses  toiles.  Les  ouvrages  de  Moucheron  sont  nom- 
breux :  ils  représentent  des  vues,  des  fabriques, 
des  ruines ,  etc.  La  couleur  en  est  bonne  :  les 
arbres,  dessinés  avec  liberté,  sont  agréablement 
groupés;  le  feuille  en  est  naturel,  ombreux  sans 
opacité  ;  ses  ciels  et  ses  lointains  sont  vaporeux 
et  très-variés  :  un  cours  d'eau  divise  générale- 
ment ses  divers  sites  et  lui  a  permis  de  multi- 
plier d'ingénieux  effets  de  lumière.  Il  donnait 
beaucoup  de  force  à  son  premier  plan  ;  il  obtint 
de  la  sorte  en  dégradation  des  fonds  clairs  qui 
ne  fatiguent  pas  l'œil.  Les  toiles  de  cet  artiste 
distingué  se  voient  dans  tous  les  musées  de  l'Eu- 
rope. C'est  néanmoins  dans  sa  patrie  qu'il  faut 
chercher  les  meilleures.  A.  de  L. 


Descamps,  [.a  fi?  des  Peintres  Iirttltindah.  t.  I 
p.  192.  —  J.  Campo  Weyerman,  De  Schilderkonst  d  \t 
A'ederlanders,  t.  II. 

moucheron  (Isaac) ,  peintre  hollandai 
fils  du  précédent,  néà  Amsterdam,  en  1670,  me 
dans  la  même  ville,  le  20  juillet  1744.  Il  avait 
peine  seize  ans  lorsqu'il  perdit  son  père,  dont  | 
était  l'élève;  mais  déjà  possédant  un  certain  1  \\ 
lent  comme  paysagiste,  il  réussit  à  complél 
son  éducation  artistique  par  une  étude  assidue  J 
la  nature.  En  1694,  il  se  rendit  à  Rome  et  endessi  I 
tous  les  environs.  Méthodique  dans  sa  condui 
dans  l'emploi  de  ses  heures,  dans  son  mode  I 
travailler,  il  mérita  dans  la  bande  académique  I 
surnom  A"1  Ordonnance.  11  revint  dans  sa  pat  J 
chargé  de  vues  et  d'autres  études  qui  lui  fur  I 
d'une  grande  utilité  pour  la  composition  de  I 
tableaux.  Il  débuta  par  de  grands  paysages,  q  I 
enrichissait  d'animaux,  de  fabriques,  de  ruinl 
mais  dont  les  personnages  ont  presque  tous  I 
exécutés  par  ses  amis  Nicolas  Verkolie  et  J I 
ques  de  Wit.  La  ville  d'Utrecht  et  d'autres  c  I 
voisines  lui  commandèrent  plusieurs  suites! 
tableaux  de  ce  genre.  Bientôt  il  n'y  eut  pas  I 
château,  de  maison  de  plaisance,  dont  les  sa  (J 
ne  fussent  ornées  des  productions  d'Isaac  I\l  I 
cheron;  aussi  mourut-il  riche  et  considéré  1 
peignait  mieux  que  son  père;  sachant  à  foml 
perspective  et  l'architecture,  il  variait  davant I 
ses  compositions  :  son  feuille  est  touché  al 
une  grande  facilité.  Sa  couleur,  toujours  nature  I 
est  pleine  de  fraîcheur  et  d'harmonie.  Les  I 
vrages  de  ce  peintre,  encore  fort  estimés,  -il 
conservés  la  plupart  en  Hollande.      A.  de  1 1 

Pilfcington,  Dictionarti  of  Painters.  —  Descamps,  I 
Vie  des  Peintres  hollandais,  etc.,  t.  111,  p.  139-lM  I 
Charles  Blanc,  Histoire  des  Peintres,  etc.,  livr;  B 
n°  130,  École  hollandaise,  n°  52. 

mocchet  [François-Nicolas),  peintre  f  I 
çais,  né  en   1750,  à  Gray,  où   il  est  mort  I 
février  1814.  Fils  d'un  avocat  du  roi  au  bailli 
de  Gray,  il  préféra  l'étude  des  arts  à  cellelB 
droit,  et  vint  à  Paris,  où  H' reçut  des  leçonB 
Greuze.  En  1776  il  remporta  le  premier  pri:B 
concours  de  l'Académie  royale  de  Peinture.  ■ 
soin  de  sa  fortune  l'obligea  de  s'adonner  au  ■ 
trait  en  miniature,  genre  dans  lequel  il  olft 
du  succès  ;  mais  il  reprit  la  composition  h  m 
rique  et  exécuta  deux  grandes  allégories  qui  £ 
rent  remarquées  à  l'exposition  du  Louvre 
avaient  pour  sujet  L'Origine  de  la  Peintui 
Le  Triomphe  de  la  Peinture.  Quelques-uns 
petits  tableaux  de  chevalet  qu'il  a  exécutés, 
que  Le  Larcin  d'amour, L'Illusion,  LeCouc. 
ont  été  reproduits  par  la  gravure.  La  révolu 
compta  cet  artiste  au  nombre  de  ses  parti 
zélés  :  il  devint  membre  de  la  municipalité, 
juge  de  paix  de  l'une  des  sections  de  Paris 
1792  il  fut  envoyé  en  Belgique  pour  désigne 
objets  d'art  qui  devaient,  par  suite  de  la 
quête  de  ce  pays ,  enrichir  les  collections  f 
çaises.  Sous   la  terreur,  il  fut  enfermé  cot 
suspecté  Rendu  à  la  liberté  par  le  coup  d'Éta 


757  MOUCHET 

y  thermidor,  il  retourna  dans  sa  ville  natale,  et 
y  fonda  une  école  de  dessin.  P. 

Biog.  nouv.  tics  Contemp. 

MOUCHET  (Georges-Jean  ),  érudit  français, 
né  à  Darnetal,  en  1737,  mort  à  Paris,  en  lévrier 
1807.  Élève  de  Foncemagne,  il  justifia  bientôt 
les  espérances  de  son  maître.  Aussi  modesteque 
savant,  son  mérite  seul  et  son  amour  pour  le 
travail  le  firent  nommer  premier  employé  au  dé- 
partement des  manuscrits  de  la  bibliothèque  du 
Roi. MM.  doBréquignyet  deSainte-Palaye  en  fai- 
saient si  grand  cas  qu'ils  le  jugèrent  seul  capable 
de  remplir  le  plan  qn'ils  avaient  conçu  d'un 
jlossaire  de  l'ancienne  langue  française  de- 
miisson  origine  jusqu'au  siècle  de  Louis  XIV. 
La  révolution  empêcha  malheureusement  cette 
atile  et  savante  entreprise  d'être  continuée.  De 
3réquigny  s'adjoignit  encore  Mouchet  pour  les 
•echerches  immenses  qu'exigeait  la  Table  chro- 
wlogique  des  diplômes,  chartes,  titres  et 
«des  imprimés,  concernant  V histoire  de 
France,  Imp.  roy.,  1783,  3  vol.  in  foi.  Quoique 
prouvé  lui-même  par  la  révolution,  de  JBré- 
■uigny  n'abandonna  pas  son  collaborateur  Mou- 
het,  réduit  au  dénuement  par  la  perte  d'une 
ension  de  deux  mille  livres  que  Louis  XVI  lui 
aisait  sur  sa  cassette.  Il  poussa  même  la  géné- 
osité  jusqu'à  l'obliger  d'accepter  sa  bibliothèque, 
nii  était  aussi  nombreuse  que  hien  composée. 

A.  J. 

(Barbier,  Particularités  sur  feu  Mouchet.  —  Guilbcrt, 
Mémoires  biogr.  de  la  Seine- Inférieure. 

mouchon  (Pierre),  littérateur  suisse,  né  en 
733,  à  Genève,  où  il  est  mort,  en  1797.  Reçu 
ninistre  en  1758,  il  fut  pourvu  la  même  année 
fune  chaire  d'humanités  au  collège  de  Genève, 
asservit  depuis  1766  l'église  française  de  Bâle, 

revint  en  1778  dans  sa  patrie  pour  s'y  consa- 
fer  tout  entier  au  ministère  évangélique.  Ce  fut 
endant  son  séjour  à  Bâle  qu'il  entreprit  et 
eheva,  pour  le  compte  des  libraires,  la  Table 
analytique  et  raisonnéedes  matières  conte- 
ues  dans  ^'Encyclopédie  (Paris,  1780,  2  vol. 

fol.  ).  Ce  travail,  suivi  sans  relâche  pendant 
«q  années ,  est  un  véritable  chef-d'œuvre  de 
i»urage,  de  patience  et  d'exactitude;  il  contri- 
aa  beaucoup  à  étendre  les  connaissances,  déjà 
lès-variées,  de  Mouchon,  et  l'on  a  dit  avec  rai- 
n  qu'il  était  probablement  le  seul  homme  qui 

t  lu  l'Encyclopédie  d'un  bout  à  l'autre.  II 
ignit   à  des  talents  élevés  un  noble   caractère 

d'aimables  vertus  ;  il  eut  des  relations  ami- 
fles  avec  quelques-uns  de  ses  célèbres  com- 
.triotes,  entre  autres  Necker,  J.-J.   Rousseau 

Bonnet.  On  a  encore  de  lui    un   recueil  de 

rtnons  (Genève,  1798,  4  vol.  in-8°),  remar- 
lables  par  l'alliance  d'un  esprit  philosophique 
iec  un  cœur  profondément  religieux.      P.  L. 

ilmanach  des  Protestants,  1S09.  —  Picot,  Éloge  hist. 
!  Mouchon,  à  la  tète  des  Sermons  de  ce  dernier. 

MOCchy  (Antoine  de),  théologien  français, 


—  MOUCHY  ;  S 

en  latin  Demochares  (l),  né  à  Ressons-sur- 
Matz  (diocèse  de  Beauvaisj,  en  1494,  mort  à  Pa- 
ris en  1574.  Ayant  terminé  ses  études  à  Paris, 
il  était  dès  1532  professeur  de  philosophie  au 
collège  de  Bourgogne  ,  et  fut  élu  recteur  de  l'u- 
niversité le  10  octobre  1539.  L'année  suivante, 
il  reçut  le  grade  de  docteur  en  théologie,  et  ne 
tarda  point  d'être  nommé  professeur  en  Sor- 
bonne.  Jean  de  Hangest,  évêque  deNoyon,  le  (it 
ensuite  chanoine  et  pénitencier  de  sa  cathédrale; 
enfin,  Antoine  prit  le  titre  d'inquisiteur  de  la  foi 
en  France.  C'est  en  cette  qualitéqu'il  s'est  rendu 
célèbre  par  son  zèle  ardent  et  même  outré  con- 
tre les  partisans  des  nouvelles  réformes  religieu- 
ses. Ce  zèle,  tout  naturellement,  produisit  peu  de 
conversions  :  il  lui  attira  de  violentes  invectives 
de  la  part  des  protestants,  et  beaucoup  d'éloges 
du  côté  des  catholiques.  Sans  doute  il  avait 
de  la  piété  et  du  savoir  ;  mais  la  charité  chré- 
tienne lui  faisait  souvent  défaut ,  et  ses  connais- 
sances en  théologie  passaient  même  pour  fort 
bornées.  Cependant,  comme  il  ne  manquait  pas 
d'éloquence,  le  cardinal  de  Lorraine,  archevêque 
de  Reims,  l'emmena  avec  quelques  autres  doc- 
teurs, en  1562,  au  concile  de  Trente.  Le  14  fé- 
vrier de  cette  année,  il  se  trouva  à  la  conférence 
de  Saint-Germain-en-Laye,  sur  le  culte  des  ima- 
ges, comme,  en  septembre  précédent ,  il  avait 
paru  au  fameux  colloque  de  Poissy.  Syndic  de  la 
Sorbonne,  il  cita,  le  18  juillet,  les  clients  de  l'u- 
niversité à  comparaître  devant  lui  pour  faire 
entre  ses  mains  leur  profession  de  foi  catholique; 
ces  clients  étaient  les  libraires,  les  parcheminiers, 
les  relieurs ,  les  enlumineurs ,  les  écrivains  et 
les  messagers  ;  et  comme  quelques-uns  ne  cru- 
rent pas  devoir  obéir  à  la  citation,  Antoine,  par. 
un  décret  du  1"  août,  les  déclara  privés  de 
leurs  offices.  L'un  des  commissaires  que  Henri  II 
avait  nommés  pour  instruire  le  procès  d'Anne 
du  Bourg,  il  fut  en  1567  chargé  de  la  visite  de 
tous  les  collèges  de  Paris  ,  pour  s'assurer  de 
l'orthodoxie  des  élèves  et  des  maîtres,  et  priver 
ceux-ci  de  leur  chaire  si  leur  foi  était  quelque 
peu  suspecte.  En  1564,  il  assista  au  concile  de 
Reims,  et  mourut  doyen  de  la  faculté  de  théo- 
logie, et  sénieur  de  Sorbonne. 

Outre  un  grand  nombre  d'ouvrages  aujour- 
d'hui complètement  oubliés  et  dépourvus  de 
toute  critique,  on  a  de  Mouchy  :  la  Harangue 

(1)  C'est  à  tort  que  Mézeray  et  quelques  autres  écri- 
vains ont  prétendu  que  du  nom  de  Mouchy  l'on  a  fait 
celui  de  mouchard,  ou  espion.  L'étyraologie  de  ce  dernier 
mot  est  ,  ce  nous  semble,  musca  ou  mieux,  emungère 
qui  en  latin  signifie  moucher,  et  a  été  pris  dans  le  sens  d'é- 
pier. On  trouve  en  effet  dans  Vépltre  écrite  des  Champs- 
Elysées,  sous  le  nom  de  Pierre  Faifeu,  mystère  de  la  Pas- 
sion représenté  vers  le  milieu  du  quinzième  siècle,  une 
servante  qui,  en  parlant  à  des  sergents  du  guet,  leur 
dit  : 

Vous  êtes  bien  à  de  loisir 

D'aller  à  cette  heure  moucher. 

Il  est  temps  de  s'aller  coucher... 
D'un  autre  côté-,  Plutarque   comparaît  déjà  les   espions 
aux  mouches  qui  s'insinuent  partout. 


759 


MOUCRY 


760 


qu'il  prononça  au  concile  de  Trente  (1 562,  in-4°  ), 
et  un  traité  en  latin  :  De  Sacrificio  Missx  (in-8°), 
d'une  vigueur  dogmatique  remarquable,  mais  sur- 
chargé de  digressions  inutiles.  H.  Fisqtjet. 
Duboulay,  Hist.  de  l'Université,  t.  VI.  -  La  Croix  du 
Maine  et  du  Verdier,  liiblioth.françoises,  avec  les  addit. 
de  La  Monnoye,  t.  1er.-  Moréri,  Dict.  Historique. 

mouchy  (Philippe  de  Noailles  ,  duc  DE), 
maréchal  de  France,  né  le  7  décembre  1715,  à 
Paris,  où  il  a  été  guillotiné ,  le  27  juin  1794.  11 
appartenait  à  la  famille  de  Noailles  ;  son  père , 
Adrien-Maurice,  et  son  frère  aîné,  Louis,  avaient 
été  l'un  et  l'autre  maréchaux  de  France  et  ducs 
de  Noailles  (  voy.  ce  nom).  Lui-même  était  jus- 
qu'en 1776  connu   sous  le  nom  de   comte  de 
Nouailles.  Il  n'avait  pas  cinq  ans  lorsqu'il  fut 
nommé  gouverneur  et  capitaine  des  chasses  de 
Versailles,  Marly  et  dépendances,  et  intendant 
de  ces  domaines  ;   à  quatorze  ans  il  entra  aux 
mousquetaires,  et  à  seize  il  était  capitaine.  Il 
fit   ses    premières    armes    au    siège  de   Kehl 
(1733).  L'année  suivante  il  prit,  en  qualité  de 
colonel,   le  commandement  du   régiment  d'in- 
fanterie de  son  nom,  et  servit,   sous  les  ordres 
de   son   père,   en  Allemagne   et   en  Italie.  En 
1742,  il  rejoignit  en  Bavière  le  duc  d'Harcourt, 
et  lors  de  la  déroute  d'Hilkesberg  il  sauva  l'ar- 
mée par  le  sang-froid  et  la  fermeté  qu'il  déploya 
contre  les  attaques  réitérées  de  l'ennemi.  Il  prit 
part  à  la  retraite  de  Bohême,  et  fut  chargé  par 
le  comte  de  Saxe  de  soutenir  toutes  les  arrière- 
gardes  de  la  réserve.  Employé  en  1743  à  l'armée 
du  Rhin,  il  eut  deux  chevaux  tués  sous  lui  à  la  ba- 
taille de  Dettingen.  Après  avoir  été  nommé  maré- 
chal de  camp  (2  mai  1744  ),  il  servit  en  Flandre 
et  en  Alsace,  assista  à  la  prise  de  Fribourg  et 
se  trouva  à  Fontenoy,  où ,  avec  une  brigade  de 
cavalerie,  il  enfonça  la  colonne  d'infanterie  des 
Angtais.  Adjoint  à  son  père,  qui  partait  en  am- 
bassade pour  Madrid  (1746),  le  comte  de  Noailles 
y  reçut  le  diplôme  de  grand  d'Espagne  (1)  sous 
la  dénomination  de  Mouchy,  ainsi  que  le  collier 
delà  Toison  d'Or.  Il  combattit  ensuiteà  Rocoux, 
à  Berg-op-Zoom  et  à  Maestricht ,  et  parvint,  le 
10  mai  1748,  au  grade  de  lieutenant  général.  En 
1755  il  s'acquitta  d'une  mission  particulière  au- 
près du  roi  de  Sardaigne  et  du  duc  de  Parme. 
De  retour  à  l'armée,  il  concourut  à  la  conquête 
de  l'électorat  de  Hanovre,  et  commanda  l'arrière- 
«arde  à  Creveldtetl'avant-garde  àMinden(1759). 
Ce  fut  sa  dernière  campagne.  Le  24  mars  1775 
il  fut  nommé  maréchal  de  France  en  même  temps 
que  son  frère,  et  prit  alors  le  nom  de  maréchal 
duc  de   Mouchy.  Investi   du  commandement 
de  la  Guienne,  en  l'absence  du  maréchal  de  Ri- 
chelieu, gouverneur  de  cette  province,  il  gagna 
par  ses  manières  affables  et  conciliantes  l'estime 
générale.  En  1785,  il  se  démit  de  ces  fonctions, 
et  vint  habiter  Paris.  Il  fut  membre  de  l'assem- 
blée des  notables;  mais  depuis  cette  époque  son 

(1)  Il  avait  obtenu  ce  titre,  sur  la  cession  de  son  père, 
par  brevet  du  20  janvier  l<f41. 


âge  avancé  l'empêcha  de  prendre  part  aux  évé- 
nements politiques.  Dans  la  journée  du  20  juin 
1792,  on  vit  le  maréchal  de  Mouchy  accourir  aux 
Tuileries  et  repousser,  à  plusieurs  reprises,  des 
tentatives  dont  la  violence  pouvait  faire  craindre 
pour  la  vie  du  roi.  Au  10  août,  il  ne  put  arriver, 
malgré  son  empressement,  jusqu'à  Louis  XVI. 
L'année  suivante,  accusé  de  donner  asile  à  des 
prêtres  réfractaires,  il  fut  arrêté  avec  sa  femme, 
Anne-Claude-Laurence  d'Arpajon,  et  enfermé  à 
la  prison  de  La  Force,  d'où  on  les  transféra  au 
Luxembourg.  Traduits  l'un  et  l'autre  devant  le 
tribunal  révolutionnaire,  ils  furent  condamnés  à 
mort  et  montèrent  le  même  jour  sur  l'échafaud. 
La  maréchale  de  Mouchy,  alors  comtesse  de 
Nouailles,  avait  été  dame  d'honneur  des  deux 
reines,  femmes  de  Louis  XV  et  de  Louis  XVI. 
C'est  elleque  Marie-Antoinette  appelait  Madame 
l'étiquette.  (Voy.  Marie-Antoinette).      P.  L. 

Courcelles,  Dict.  hist.  des  Généraux  français.  —  Wa- 
roquier,  Tableau  Mit.  de  la  Noblesse  de  France. 

mouchy     (Charles-  Philippe- Henri    de 
Noailles,  prince  de  Poix, duc  de),  sénateur  fran- 
çais, arrière-petit-fils  du  maréchal  de  ce  nom,  né 
le  9  septembre  1808,  à  Paris,  où  il  mourut,  le 
25  novembre  1854.  Sorti  le  deuxième  de  l'École 
militaire  de  Saint-Cyr,  il  fit  presque  aussitôt  la 
campagne  d'Alger,  se  trouva  au  siège  d'Anvers; 
mais,  éloigné  de  la  vie  publique  par  les  consé- 
quences de  la  révolution  de  Juillet,  il  quitta  le 
service  en  1839  après  son  mariage  avec  sa  cou- 
sine Anne-Marie-Cécile  de  Noailles ,  et  se  retira 
dans  ses  terres  du  département  de  l'Oise.  Le 
goût  et  l'aptitude  des  affaires  le  portèrent  à  s'oc- 
cuper d'entreprises  industrielles  :  les  créations  de 
cheminsdefer,  les  grands  établissements  de  cré- 
dit et  d'industrie  le  virent  à  leur  tête.  En  1849, 
le  duc  de  Mouchy  fut  élu  membre  de  l'Assemblée 
législative  par  le  département  de  l'Oise,  où  le  soin 
qu'il  prenait  depuis  longtemps  des  intérêts  publics, 
soit  comme  membre  du  conseil   général,  soit 
comme  soutien  et  protecteur  d'une  foule  d'éta- 
blissements utiles ,  lui  avait  acquis  une  grande 
popularité.  Dans  cette  assemblée,  il  fut  plusieurs 
fois  l'objet  de  vives  attaques  personnelles;  il 
était  toutefois  à  regretter  qu'il  ne  fût  pas  davan- 
tage en  dehors  des  entreprises  dont  il  était  le  défen- 
seur à    la  chambre ,  et  dans  lesquelles  il  avait 
placé  des  capitaux  considérables.  Lors  du  coup 
d'État  du  2  décembre  1851,  il  fut  nommé  mem- 
bre de  la  Commission  consultative,  et  enfin  sé- 
nateur le  31  décembre  1852.  H.  F. 

Moniteur  universel,  29  novembre  1854.  -  Borcl 
d'Hautcrive,  Annuaire  de  la  Noblesse,  1855. 

mouchy  (  Louis-Philippe  ),  sculpteur  fran- 
çais, né  en  1734,  à  Paris,  où  il  est  mort,  en  1801. 
11  fut  élève  de  Pigalle,  et  résida  quelque  temps 
en  Italie.  Admis  en  1768  dans  l'Académie  royale, 
il  fit  présent,  comme  morceau  de  réception, 
d'une  statuette  de  marbre,  Un  jeune  Berger, 
qui  se  trouve  au  musée  du  Luxembourg,  hn 
1776  il  devint  un  des  professeurs  de  cette  so- 


761  MOUCHY 

1  ciété.  On  cite,  encore  de  lui  les  statues  d'Ifar- 
pocrate,  de  Sully  et  du  duc  de  Montausier.  P. 
Najjicr,   Pieues   Allgem.  KUnstler- Lexicon. 
MOUETTE  (Germain  ),  voyageur  français, 
;  né  à  Bonnelles,  près  Dourdan  (Beauce),  en  1652, 
mort  dans  le  même  village,  vers  1G91.  Il  partit 
avec  un  de  ses  parents  pour  faire  fortune  aux 
'  Antilles;  ils  s'embarquèrent  à  Dieppe,  le  16  sep- 
tembre 1670.  Le  16  octobre  suivant,  le  bâtiment 
,  qui  les  transportait  fut  pris  par  des  pirates  al- 
I  gériens.  Mouette  et  ses  compagnons  d'infortune 
;  furent  menés  à  Salé  (2  octobre  ),  où  ils  furent 
i  vendus    à    l'encan,  ie  1er  novembre   suivant. 
[Mouette  fut  acheté   moyennant  la  somme  de 
360  écus  (2,160  fr.  ),  par  trois  associés,  qu'il 
I  devait  servir  tour  à  tour.  Le    premier  de  ses 
patrons  fut  un  fermier  des  poids  et  mesures  de 
r  Salé.  Employé  aux  travaux    intérieurs  par  ce 
>publicain,  il  en  fut  fort  bien  traité.  Au  bout  d'une 
':  année,  il  passa  entre  les  mains  d'un  autre  associé 
'  exploitant  des  propriétés  rurales,  et  dont  il  n'au- 
i  rait  pas  eu  se  plaindre  si  la  femme  de  cet  agri- 
culteur n'avait  voulu    faire  broyer   ses  grains 
[*ar  ses  esclaves.  Mouette  tomba  bientôt  malade  : 
!■  a  maîtresse  le  chargea  alors  de  promener  son 
::  eune  enfant  :  le  captif  s'acquitta  si  bien  de  ce  soin 
que  la  mère  reconnaissante  obtint  qu'il  fût  dé- 
r  ivré  de  toutes  entraves,  ainsi  que  de  l'obliga- 
f  ion  de  coucher  chaque  nuit  au  dépôt  des  esclaves 
(matamora).  A  l'expiration  du  terme,  Mouette  fut 
'ivré au  troisième  associé,  gouverneur  au  château 
■fie  Salé ,  auquel  il  demeura  en  touiepropriété.  Ce 
ut  là  le  plus  dur  temps  de  sa  captivité.  Pour  le 
jorcer  adonner  une  rançon, son  maître,  ou  plutôt 
:  on  bourreau  ,  le  fit  charger  d'une  chaîne  de 
/ingt-cinq  livres,  l'attacha  au  service  de  son 
Hcurie,  et  lui  donna   pour  logement  un  bouge 
mfecl.  Sa  nourriture  était  celle  des  animaux  ;de 
fcl»asse-cour  et   les  brutalités  qu'il  avait  à  subir 
l-Htaient  telles  qu'il  resta  plusieurs  jours  presque 
r.  (aourant  d'un  coup  que  son  maître  lui  avait  ap- 
Bliqué  sur  la  tête.  A  peine  convalescent,  il  fut 
,  înaployé  à  servir  les  maçons  à  Salé  et  à  Fez. 
>ans  cette  dernière  ville,  il  obtint  un  soulage- 
ment passager  :  un  taleb  (docteur  mahométan), 
fommé  Bougiman,  qui  peignait  et  sculptait  assez 
•    ien,  l'occupa  à  broyer  des  couleurs.   Mouette 
:  ivait  quelques  notions  artistiques;  il  remplit  sa 
jiche  avec  intelligence.    Une  certaine  intimité 
établit  entre  le  maître  et  l'esclave,  qui  en  prê- 
ta pour  s'instruire  sur  beaucoup  de  points  de  la 
n  musulmane,  sur  l'histoire  du  Maroc,  sur  les 
ineurs  et  usages  des  habitants,  sur  les  produc- 
onsdu  pays,  etc.  Mouette  se  perfectionna  aussi 
ans  la  languearabe.  Malheureusement,  au  bout  de 
ois  ans,  il  fut  transféré  à  Méquinez,  où  il  reprit 
métier  de  maçon,  puis  à  Alaçar(15  juin  1680), 
'ù,  n'ayant  pu  payer  une  forte  somme  qu'exigeait 
ins  motifs  le  gouverneur,  il  fut  remis  à  la  chaîne 
occupé  au  curage  des  égoûts.  L'empereur  Mu- 
y-Ismael  ayant  appris  les  exactions  du  gouver- 
îur  d'Alaçar,  frappa  ce  fonctionnaire  d'une  forte 


-  MOUFET  762 

amende  et  fit  revenir  les  esclaves  à  Méquinez,  où 
leur  sort  fut  adouci.  Enfin,  le  25  lévrier  1681, 
Mouette  et  quarante-neuf  de  ses  compagnons  de 
captivité  furent  rachetés  par  les  religieux  de  la 
Merci.  Ils  s'embarquèrent  à  Tétouan,  le  13  mai, 
relâchèrent  à  Malaga  et  débarquèrent  le  26  à  Mar- 
seille. Ils  suivirent  leurs  rédempteurs  àLaCiotat, 
à  Toulon,  à  Aix,  à  Lyon,  à  Mâcon,  à  Paris  (19  juil- 
let), où  ils  figurèrent  dans  des  processions  solen- 
nelles. Ils  furent  même  présentés  à  Versailles  au 
roi  Louis  XIV.  Enfin,  après  douze  ans  d'absence, 
Mouette  revit  sa  famille  dont  il  ne  se  sépara  plus. 
Il  a  laissé  :  Histoire  des  Conquêtes  de  Mouley- 
Archy,  connu  sous  le  nom  de  roi  de  Ta  filet, 
et  de  Mouley-Ismael  ou  Seméin,  son  frère  et 
son  successeur,  à  présent  régnant,  tous  deux 
rois  de  Fez,  de  Maroc,  de  Tufilet,  de  Sus,  etc., 
contenant  une  description  de  ces  royaumes, 
des  lois ,  des  coutumes  et  des  mœurs  des  ha- 
bitants, avec  une  Carte  du  pays,  à  laquelle 
on  a  joint  les  Plans  des  principales  vil/es  ou 
forteresses  du  royaume  de  Fez,  dessinés  sur 
les  lieux  ;  Paris,  1683,  in-t2. L'auteur,  contem- 
porain de  la  plupart  des  faits  qu'il  rapporte,  ou 
ayant  puisé  lui-même  aux  sources  originales,  a 
écrit  un  ouvrage  fort  intéressant,  que  l'on  peut 
consulter  encore  aujourd'hui  avec  fruit.  Les  car- 
tes et  plans  dressés  par  le  taleb  Bougiman  sont 
d'une  grande  exactitude.  Le  livre  de  Louis  Des- 
may,intitulé  :  Relation  nouvelle  et  particulière 
du  Voyage  des  RR.  PP.  de  la  Mercy,  aux 
royaumes  de  Fezet  de  Maroc, pour  la  rédemp- 
tion des  captifs;  Paris,  1682,  in-12,  n'est  que 
le  produit  d'un  abus  de  confiance  de  Desmay  (1) 
et  des  PP.  de  la  Rédemption,  auxquels  Mouette 
avait  confié  ses  manuscrits.  Cette  relation  est  au 
surplus  fort  incomplète.  Mouette  a  fourni  aussi  les 
matériaux  de  l'ouvrage  intitulé  :  Relation  de  la 
Captivité  du  sieur  Mouette  dans  les  royaumes 
de  Fez  et  de  Maroc,  où  il  a  demeuré  pendant 
onze  ans,  etc.,  avec  un  Traité  de  commerce  et 
de  la  manière  que  les  négociants  doivent  s'y 
comporter,  ensemble  les  Termes  principaux 
de  la  langue  qui  est  le  plus  en  usage  dans 
le  pays;  Paris,  1685,  in-12;  trad.  en  hollandais 
dans  le  Naau  Keunge  Versameling,  etc.  (Re- 
cueil curieux  des  voyages  les  plus  remarquables)  ; 
Leyde,  1707,  in-S°;  en  anglais,  dans  la  New 
Collection  of  Voyages  and  of  Pérégrinations  ; 
Londres,  1708-1710,  2  vol.  in-4°.      A.  de  L. 

Préface  ie  [a  Relation  de  la  Captivité  du  sieur  Mouette 
et  cet  ouvrage  lui-même.  —  F.  Hoefer,J/arocdansl'£/ni- 
vers  pittoresque  de  F.  Didot.  —  Adelung,  Supplément 
à  Jôcher,  Allg.  Celehrten  Lexicon,  à  l'article  Desmat. 

mocfet  ou  mcffett  (  Thomas  ) ,  natu- 
raliste anglais,  né  vers  1550,  à  Londres,  mort 
vers  1600,  à  Bulbridge  (Wiltshire).  Après  avoir 
fait  ses  études  à.  Cambridge,  et  non  à  Oxford, 
comme  le  prétend  Wood,  il  parcourut  une  bonne 
partie  de  l'Europe,  fit  de  grands  progrès  dans  la 

(1)  Ce  Louis  Desmay  était  parent  du  P.  Monel,  supérieur 
du  couvent  de  la  Merci,  situé  rue  du  Cuaume  à  Pari». 


I 


763 


MOUFET 


médecine  et  dans  la  chimie,  et  prit  en  1582 
le  grade  de  docteur.  De  retour  à  Londres,  il  y 
pratiqua  sa  profession  avec  beaucoup  de  succès. 
Il  eut  pour  patron  iord  Willoughby,  qu'il  accom- 
pagna dans  son  ambassade  en  Danemark  ;  on  le 
vit  aussi  au  camp  du  comte  d'Essex  en  Norman- 
die, probablement  en  1591.  Sur  la  fin  de  sa  vie, 
il  se  retira  à  Bulbridge,  près  de  Wilton,  avec 
une  pension  que  lui  servait  la  famille  de  Pem- 
broke,  à  laquelle  il  était  attaché.  Ses  ouvrages 
sur  la  médecine  sont  imbus  des  idées  de  Pa- 
racelse  :  tel  est  son  De  Jure  et  Prœstanlia 
chymicorum  medicamentorum  (  Francfort , 
1584;  in-8°;  réimpr.  dans  le  Theatrum  chy- 
micum,  1602  )  ;  cependant  il  ne  s'est  pas,  en 
publiant  le  recueil  suivant,  associé  au  mépris  que 
la  secte  chimique  professait  pour  Hippocrate  : 
Nosomantica  Hippocralica,  sive  Hippocratis 
prognostica  cuncta  ex  munibus  ipsius  scrip- 
tis  methodice  digesta  lib.  IX  (  Francfort,  158S, 
in -8°  ).  On  a  encore  de  Moufet  :  Health' s  impro- 
vement,  or  rides  comprising  and  discovering 
the  nature,  method  and  manner  of  preparing 
ail  sorts  offood  used  in  this  nation;  Londres, 
T  édit.,  1655,  in-8°.  Moufet  a  rendu  un  grand 
service  k  la  science  en  terminant  un  ouvrage 
commencé  par  Edward  Wootton,  Conrad  Ges- 
ner  et  Thomas  Penn  :  Insectorum  sive  mini- 
morum  animalium  Theatrum;  mais  il  mourut 
avant  que  de  le  mettre  au  jour.  Ce  fut  Théodore 
de  Mayerne  qui  prit  ce  soin  et  qui  y  ajouta  une 
préface  (Londres,  1634,  in-fol.;  trad.  en  1658 
en  anglais).  «  Moufet,  dit  Cuvier,  est  pour  les 
insectes  ce  que  Gessner  est  pour  les  quadru- 
pèdes, et  Rondelet  pour  les  poissons;  son  livre 
est  le  premier  traité  un  peu  complet,  fait  expro- 
fesso ,  qui  ait  élé  publié  sur  cette  branche  de  la 
zoologie.  La  division  des  insectes  y  est,  à  la  vé- 
rité, encore  assez  imparfaite  ;  néanmoins  ils  sont 
déjà  rapprochés  par  genres,  par  familles,  à  peu 
près  au  même  degré  que  Rondelet  avait  rappro- 
ché les  poissons.  »  Cet  ouvrage  est  aussi  remar- 
quable par  le  nombre  des  espèces  qui  y  sont  re- 
présentées :  on  y  compte  500  fig.  en  bois,  toutes 
dessinées  d'après  nature  et  la  plupart  assez 
exactes.  P.  L — y. 

Wood,  Athenae  Oxon.,  I.  —  Manget,  Biblioth.  Script, 
medic,  lib.  12.  —  Niceron,  Mémoires,  XXIV.  _  Aikin, 
Memoirs  of  medicine.  —  Rees,  Cyclopxdia.  —  Cuvier, 
Hist.  des  Sciences  naturelles,  II,  103-104. 

mocffle  d'angerville  ( ....),  littérateur 
français,  mort  vers  1794.  Il  exerça  sous  le  règne 
de  Louis  XVI  la  profession  d'avocat.  Bien  qu'il 
se  fût  déclaré  l'adversaire  delà  révolution,  il 
n'est  pas  certain,  comme  on  l'a  avancé,  qu'il  en 
ait  élé  la  victime.  Il  a  publié  sous  le  voile  de 
l'anonyme  :  Journal  historique  de  la  Révo- 
lution opérée  dans  la  constitution  de  la  mo- 
narchie française  par  le  chancelier  de  Mau- 
peou  ;  Londres  (  Amsterdam  ),  1774-1776,  7  vol. 
in-12,  en  collaboration  avec  Pidansat  de  Mairo- 
bert  ;  —  Mémoires  pour  servir  à  Vhistoire; 
in-12  :  avec  Rochon  ;  —  Vie  privée  de  Louis  XV, 


—  MOUHY  76 

ou  principaux  événements,  particularités  e 
anecdotes  de  son  règne;  Londres,  1781,  4  vol 
in-12;  réimpr.  sous  le  titre  de  Siècle  d 
Louis  XV  (  Paris,  1796,  2  voi.  in-8°),  par  Me 
ton  de  La  Varenne,  qui  ne  rougit  pas  de  l'attri 
buer  à  Arnoux  Laffrey,  tandis  qu'il  était  de  no 
toriété  publique  que  l'ouvrage  était  de  Mouffl 
d'Angerville;  —  Adresse  aux  princes  françai 
et  aux  émigrants  de  cette  malheureuse  na 
tion  au  sujet  de  la  guerre  et  de  leur  retour 
Paris,  mai  1792,  in-8°.  K. 

Quérard,  La  France  Littéraire.  —  Barbier,  Dict.  d 
Ouvrages  anonymes. 

mougin  (  Pierre-Antoine) ,  astronome  frai 
çais,  né  le  22  novembre  1735,  à  Charquemoni 
près  Baume-les-Dames,  mort  le  22  août  1816, 
La  Grand-Combe-des-Bois  (Doubs).   11  fit  s>\ 
études  au  séminaire  de  Besançon ,  fut  ordom 
prêtre,  et  devint  vers  1760  curé  de  La  Grani 
Combe-des-Bois ,  paroisse  située  sur  les  revej 
du   Lomont.    Passionné   pour    l'astronomie, 
adressa  en  1766  à  Lalande  des  observations 
des  calculs   qui  lui  valurent,   de  la  part  de  i 
savant,  un  grand  télescope  et  divers  instrumen  j 
nécessaires  à  l'exactitude  de  ses   expérience 
Mougin  fut  aussi  correspondant  de  l'Académie  d 
Sciences.  Il  s'occupait  d'un  travail  sur  les  o  | 
mètes  lorsque,  vers  la  fin  de  1793,  il  fut  obli 
d'abandonner  sa  cure  et  de  se  cacher  dans 
creux  d'un  vallon,  d'où  «  il  ne  voyait  plus  le  ciel 
selon  son  expression.  En  1799  il  fut  réinstail 
dans  sa  paroisse  sur  les  instances  des  membr 
de  l'Observatoire  de  Paris,  et  en  1801  il  envo 
à  Lalande  une  grande  Table  de  Précession  \ 
c'est-à-dire  une  table  des  changements  annui 
des  étoiles  en  ascension  droite.  «  Il  y  a  treil 
ans,  faisait  à  ce  propos  remarquer  Lalande,  q 
nous  recevons  de  ce  digne  pasteur  des  marquJ 
de  zèle,  d'application,  de  curiosité  et  de  couraj 
qui  sont  bien  rares  surtout  dans  les  déserts. 
On  a  de  Mougin  des  Calculs  dans  la  Conna 
sance  des  Temps  de  1775  à  1803;  les  Tabi 
du  JSonagésime  (ibid.,  1775);  les  Calculs 
l'Éclipsé  de   Soleil,  observée   à  La  Grai 
Combe,  le  19  janvier  1787,  dans  le  Journal  c 
Savants,  etc.  p. 

Irlande,  Bibliogr.  .éstronom.,  p.  S07  et  835. 

mocht  (Charles  de  Fieux,  chevalier  dé 
romancier  français,  né  le  9  mai  1701,  à  Me 
mort  le  29  février  1784,  à  Paris.  Il  était  d'o 
famille  de  Bourgogne  et  neveu  du  baron 
Longepierre,  qui  a  laissé  quelques  tragédies. 
vint  de  bonne  heure  à  Paris  ;  n'ayant  d'auto 
ressources  que  sa  plume,  il  se  mit  à  écrire  < 
romans,  oubliés  aujourd'hui,  mais  devenus  fi 
rares.  On  dit  qu'il  se  fit  le  complaisant  du  mai 
chai  de  Belle-Isle  et  qu'il  lui  rendit  des  servie 
peu  avouables,  qui  lui  furent  bien  payes.  D; 
un  jour  de  profonde  détresse,  il  demanda 
l'argent  à  Voltaire,  qui  lui  donna  deux  ce; 
livres  par  an  pour  suivre  ses  procès,  soute 
ses  pièces  au  théâtre  et  lui  envoyer  «  des  tu 


765  MOUHY 

elles  très-courtes ,  des  faits  sans  réflexion  et 
lutôt  rien  que  des  faits  hasardés  (I).  »  Rivarol 
est  égayé  aux  dépens  de  Mouhy  dans  le  Petit 

\\.lmanach  des  grands  hommes;  Palissot  l'a 
i.iltraité  fort  rudement  dans  ses  Mémoires  lit- 
'mires  et  dans  son  poëme  de  La  Dunciade, 
i  il  !c  dénonce  comme  le  plus  fécond,  mais  le 
■lus  ennuyeux  des  romanciers.  Il  était  fort  lié 
,-ec  le  chevalier  de  La  Morlière,  avec  qui  il 
nftne  d'ailleurs  des  traits  de  ressemblance  mo- 
lle. «  Mouhy,  dit  M.  Monselet,  ouvre  la  série 

|r»s  romanciers  bourbeux  du  dix-huitième  siècle, 
ans  la  somme  énorme  de  ses  ouvrages  oubliés, 
'i  distingue  un  bon,  un  joyeux,  un  vivace  ro- 
ll»,  La  Mouche...  Ses  autres  livres  n'ont  pas, 
beaucoup  près,  la  même  valeur  :  ce  sont, 
mr  la  plupart,  des  imitations  ou  des  contre- 
irties  des  ouvrages  en  vogue...  Il  était  pauvre 
[faire  pitié  et  laid  à  faire  peur.  La  Chronique 
andaleuse  de  1785  le  dépeint  comme  un  boi- 
uk  et  un  bossu,  et  l'on  a  peine  à  croire  qu'il 
t  servi  en  qualité  d'officier  de  cavalerie;  c'est 
mrtant  le  titre-  qu'il  prend  daris  ses  livres  et 
icostume  qu'il  a  adopté  pour  son  portrait  gravé, 
û  l'a  représenté  comme  un  importun  de  café, 
'ant  toujours  les  poches  bourrées  de  ses  ou- 
ages,  les  colportant,  les  vendant  lui-même; 
(autres  fois  se  donnant  à  loyer  pour  faire  ap- 
ftudir  ou  siffler  les  pièces  nouvelles.  Pénible  mé- 
!r  pour  un  homme  qui  a  eu  du  talent  une  fois 
ns  sa  vie  !»  On  a  du  chevalier  de  Mouhy  :  Le 
Répertoire,  ouvrage  périodique  ;  Paris,  1735, 
12;  —  La  Paysanne  parvenue  ;  Paris,  1735, 
| part .  in-12;  réimpr.  en  1756,  en  1757  et  en 
122  ;  c'est  une  imitation  du  Paysan  parvenu 
\  Marivaux  ;  —  Mémoires  posthumes  du 
Wite  de  ***  avant  son  retour  à  Dieu  ;  Paris, 
T35,  2  vol.  in-12  ;  —  Paris,  ou  le  Mentor  à 
mode;  Paris,  1735,  3  part,  in-12,  non  ter- 
me'; —  Mémoires  du  marquis  de  Fieux  ; 
aris,  1735-1736,  4  vol.  in-12;  —  Lamekis, 
les  voyages  extraordinaires  d'un  Égyp- 
en  dans  la  Terre  Intérieure,  avec  la  décou- 
irte  de  l'île  des  Silphydes  ;  Paris,  1735- 
'37,  2  vol.  in-12;  —  Le  Mérite  vengé,  ou 
mversations  littéraires  et  variées  sur  divers 
rits  modernes  ;  Amsterdam  (Paris),  1736, 
12;  —La  Mouche,  ou  les  aventures  et  es- 
'■gleries  Jacétieuses  de  Bigand;  Paris,  1736  ; 
[98,  4  vol.  in-12  ;  trad.  sous  le  titre  de  L'Es- 
on  en  allemand  ;  —  Nouveaux  Motifs  de 
inversion  à  l'usage  des  gens  du  monde  ; 
iris,  1738,  in-12  ;.  —  Vie  de  Chimènede  Spi- 
tlli;  Paris,  1738,  2  vol.  in-12;  —  Mémoires 
Anne-Marie  de  Moras,  comtesse  de  Gour- 
»n,  écrits  par  elle-même  ;  La  Haye,  1739  , 
part,  in-12;  —  L'Art  de  la  toilette  ;  s.  d., 
-32;  —  Contes  de  cour  ;  La  Haye.  1740  , 
vol;  in-12;  réimpr.  en  1783,  sous  le  titre  :  Les 
ille  et  une  Faveurs,  5  vol.  in-12;  —  Le 

(1)  Cette  correspondance  singulière  ne  dura  que 
idques  années;  elle  avait  commencé  en  1736. 


—  MOULAC  7G6 

Papillon,  ou  lettres  parisiennes  ;  Paris,  1746, 
4  vol.  in-12;  — Mémoires  d'une  fille  de  qua- 
lité qui  ne  s'est  pas  retirée  du  monde;  Paris, 
1747,  4  vof.  in-12  :  ce  titre  est  la  parodie  du 
titre  d'un  roman  de  l'abbé  Prévost  ;  —  Lettre 
d'un  Génois  à  son  correspondant  à  Amster- 
dam, avec  des  remarques;  Gênes  (  Paris), 
1747,  in-12;  —  Le  Masque  de  Fer,  ou  les 
aventures  admirables  du  père  et  du  fils; 
La  Haye,  1747,  1750,  1752,  3  vol.  in-12; 
6eédit.,  Avignon,  1830, 3  vol.  in- 24  ;  —  Mémoires 
de  la  marquise  de  Villenemours  ;  La  Haye, 
1747,  2  vol.  in-12;—  Opuscules  d'un  célèbre 
auteur  égyptien;  Londres  (Paris),  1752, 
in-12  ;  —  Tablettes  dramatiques,  contenant 
l'abrégé  de  l'histoire  du  Théâtre-Français, 
l'établissement  des  théâtres  à  Paris,  un  Dic- 
tionnaire des  pièces  et  l'Abrégé  de  l'histoire 
des  auteurs  et  des  acteurs;  Paris,  1752, 
in-8°  :  ces  tablettes  sont  incomplètes  et  fautives; 
elles  ont  été  réimprimées  avec  des  additions 
considérables,  sous  le  .titre  à' Abrégé  de  l'his- 
toire du  Théâtre-Français  depuis  son  ori- 
gine jusqu'au  i^  juin  1780  (Paris,  1780,  3  vol. 
in-8°)  ;  —  Les  Délices  du  sentiment;  Paris, 
1753,  6  part,  in-12  ;  —  Lettres  du  comman- 
deur de...  avec  Mlle  de...,  avec  les  réponses  ; 
Paris,  1753,  2  vol.  in-12;  —  Mémoires  du 
marquis  de  Benavidez  ;  Paris,  1754,  4  part. 
in-12;  —  L' Amante  anonyme  ;  1755,  12  part, 
en  4  vol.  in-12  ;  —  Le  Financier  ;  Paris,  1755, 
5  part,  in-12;  —  Les  Dangers  des  Spectacles, 
ou  mémoires  du  duc  de  Champigny  ;  Paris, 
i780,  4  vol.  in-12.  La  plupart  de  ces  écrits  ont 
paru  sous  le  voile  de  l'anonyme.  P.  L. 

Sabatier,  Les  trois  Siècles  littër.  —  Palissot,  Mé- 
moires, —  La  Harpe,  Cours  de  l.ittèrr,  VIII.  —  Bégin, 
Biographie  de  la  Moselle.  —  Ch.  Monselet,  Les  Oubliés  et 
les  Dédaignés,  11. 

I  MOCiLLEKON  {Adolphe),  dessinateur  li- 
thographe français,  né  à  Paris,  le  13  décembre 
1820.  Cet  artiste,  l'un  deceuxqu1'  manient  avec  le 
plus  d'adresse  et  de  talent  le  crayon  lithogra- 
phique, a  débuté  en,  1841  et  a  obtenu  des  mé- 
dailles en  1846  et  en  1849,  et  la  croix  d'Hon- 
neur en  1852.  Nous  citerons  de  lui  :  L'Auto- 
dafé (1846),  André  Vesale  (  1849),  L'École 
juive  (1850),  Un  Coin  de  jardin  (1852); 
ces  planches  ont  été  exécutées  d'après  des 
maîtres  contemporains  ;  les  deux  dernières  ont 
valu  à  M.  Mouilleron  un  rappel  de  médaille  de 
première  classe  à  l'Exposition  universelle  de 
1855.  La  Ronde  de  nuit,  d'après  Rembrandt,  a 
paru  en  1859.  G.  de  F. 

Documents  particuliers.  —  Livrets  des  Expositions. 

moclac  (  Vincent-Marie  ),  officier  de  ma- 
rine français,  né  à  Lorient,  le  22  mars  1780, 
mort  au  Callao  de  Lima  (  Pérou  ) ,  le  6  avril 
1836.  Entré  au  service  en  1790  comme  volon- 
taire pilotin,  il  fit  de  nombreuses  campagnes  sur 
La  Bellone,  Le  Trajan,  Le  Morgan  et  L'Agile, 
i  fut  quelque  temps  prisonnier  des  Anglais,  et  lit 


767 

partie,  en  1802 ,  comme  enseigne  de  vaisseau 
provisoire,  de  l'expédition  de  Saint-Domingue. 
Il  prit,  au  retour,  du  service  dans  la  marine  mar- 
chande, puis  sur  le  corsaire  Les  Frères-unis, 
qui  fut  capturé  par  les  Anglais.  Mis  une  seconde 
fois  en  liberté,  il  fit  de  nouvelles  courses  sur  le 
corsaire  La  Caroline  et  sur  Le  Revenant,  com- 
mandé par  le  célèbre  Surcouf.  Il  rentra  en  1 808 
dans  la  marine  militaire,  quand  Le  Revenant 
eut  été  déclaré  vaisseau  de  l'État,  croisa  dans 
les  mers  de  l'Inde  et  fut  encore  fait  prisonnier 
par  les  Anglais ,  qui  le  retinrent  quatorze 
mois  à  Chandernagor,  puis  le  reconduisirent 
à  l'Ile  de  France.  En  juillet  1810  il  servit 
sur  La  Minerve,  de  l'escadre  de  l'amiral  Du- 
perré ,  et  participa  à  la  prise  de  trois  grands 
vaisseaux  de  la  Compagnie  des  Indes.  Il  reçut 
le  commandement  du  Ceylan,  un  de  ces  vais- 
seaux, et  prit  une  part  glorieuse  au  combat  qui 
livra  à  l'amiral  Duperré  les  quatre  frégates  an- 
glaises qui  défendaient  la  passe  du  Grand-Port 
à  l'île  de  France.  Nommé  en  1812  lieutenant  de 
vaisseau,  il  s'embarqua  sur  La  Clorinde;  cette 
frégate  fut  prise  après  un  long  combat  contre 
trois  frégates  anglaises,  etMoulac  subit  une  nou- 
velle captivité,  qui  dura  deux  ans.  De  retour  à 
Brest  en  1814,  il  fit  deux  expéditions  sur  les 
côtes  d'Afrique.  Nommé,  le  17  août  1822,  capi- 
taine de  frégate,  il  commanda  successivement 
La  Durance,  La  Nymphe,  La  Diligente  et 
L'Armide  et  remplit  différentes  missions  en  Es- 
pagne et  dans  les  mers  du  Levant.  Le  31  dé- 
cembre 1828  il  fut  nommé  capitaine  de  vaisseau, 
et  fit  partie  de  l'escadre  qui  força  l'entrée  du 
Tage  ;  il  fut  nommé  à  la  suite  de  ce  fait  d'armes 
commandeur  de  la  Légion  d'Honneur.  En  1832 
il  reçut  le  commandement  de  la  station  de  la 
mer  du  Sud.  Malgré  sa  mauvaise  santé,  il 
s'embarqua  sur  La  Flore  ;  il  prit  terre  à  Cal- 
lao  près  de  Lima  et  trouva  le  Pérou  en  pleine 
révolution.  Il  défendit  avec  courage  les  intérêts 
de  ses  nationaux,  et  fit  preuve  d'humanité  en  re- 
cueillant à  son  bord  cent  cinquante  femmes  ou 
enfants  que  l'ennemi  allait  massacrer.  Malade 
depuis  longtemps,  il  ne  put  résister  à  ces  fa- 
tigues ;  les  Péruviens  transportèrent  son  corps 
au  Panthéon  de  Lima.  A.  H — t. 

Notice  sur  M.  Moulac;  Paris,  1840,  in-8°.  —  annales 
maritimes  et  coloniales  de  1836,  t.  II.  —  Moniteur  du 
16  sept.  1836. 

moulin  (  Antoine  du  ),  littérateur  français, 
né  vers  1520,  à  Mâcon;  Il  étudia  la  médecine  à 
Toulouse,  et  fut  attaché  en  qualité  de  valet  de 
chambre  à  la  reine  Marguerite  de  Navarre,  sœur 
de  François  1er.  Après  la  mort  de  cette  prin- 
cesse, il  retourna  en  Bourgogne,  et  fut  jeté  en 
prison  comme  suspect  de  partager  l'hérésie  pro- 
testante. Ce  sont  les  seuls  renseignements  exacts 
que  l'on  possède  sur  ce  savant  estimable,  qui 
vécut  dans  l'intimité  de  Bonaventure  Des- 
perriers  ,  de  Clément  Marot  et  d'autres  poètes 
du  temps.   Pithou,  dans  ses   Adversaria,  le 


MOULAC  —  MOULIN  7e 

nomme  vir  doctus  et  diligens.  Il  possédait  1 
langues  anciennes  et  la  poésie  ;  sa  devise  étai- 
«  Rien  sans  peine  ».  On  a  lieu  de  croire  qu 
passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  à  Lyoi 
c'est  de  cette  ville  du  moins  que  sont  datées  1 
épîtres  placées  à  la  tête  de  nombreux  ouvrag 
dont  il  a  été  l'éditeur  ou  le  correcteur.  On  co 
naît  de  lui  :  Panegyric  des  damoyselles  • 
Paris  sur  les  neuf  Muses  ;  Lyon,  1545,  in-ï 
avec  trois  autres  pièces  de  vers  ;  —  Lib 
de  diversa  hominum  natura  cognoscendt 
Lyon,  1548,  in-8°  ;  trad.  en  français  par  k 
même  :  Du  Naturel  divers  des  hommes;  jbic 
1549,  in-8°  ;  —  La  Déploration  de  Vénus  si 
le  bel  Adonis,  gui  est  un  recueil  de  cha 
sons,  tant  musicales  que  rurales,  avec  pi 
sieurs  autres  compositions;  Lyon,  154 
1551,  in-8e;  Gand,  1554,  pet.  in-8°  :  ce  recui 
a  été  réimprimé,  sous  le  titre  :  Le  Livre  de  pi 
sieurs  pièces  ;  Lyon,  }549,  in-8°;  on  en  a  e 
trait  et  inséré  quelques,  morceaux  dans  , 
Poètes  .français  avant  Malherbe  (Paris,  18: 
6  vol.);  —  La  Couronne  margaritique 
plusieurs  autres  œuvres,  dans  les  Illuslr 
tions  des  Gaules  de  J.'  Lemaire.  Ou  attrit 
d'ordinaire  à  Antoine  du  Moulin  la  Contint 
tion  des  Erreurs  amoureuses,  qui  est  de  Pc 
tus  de  Thiard,  ainsi  que  les  Contes  du  mon  I 
adventureux,  où  sont  récitées  plusieurs  h 
toires  pour  réjouir  la  compagnie,  par  À.  g 
s.  d.  (Paris,  1555,  in-8°),  livre  de  facéties  se 
vent  réimprimé.  Il  a  traduit  e.n  français 
nuel  d'Épictète,  auquel  sont  ajoutées  les  si 
tences  des  philosophes  de  Grèce;  Lyo 
1544,  in-16;  Anvers,  1548;  —  Traité  de  Pli 
tarque  de  ne  prendre  à  usune  ;  Lyon,  154 

—  Le  Livre  des  Augures  et  divinations  d'A 
gustin  Niphus  ;  Lyon,  1546,  in-8°  ;  Paris,  15( 

—  La  Chiromancie  et  Physionomie  nature 
par  le  regard  des  membres  de  l'homme,  \ 
J.  de  Indagine;  Lyon,  1549,  1576,  in-12; 
Les  Souverainetés  contre  toutes  les  ma, 
dies,  trad.  de  Marcellus,  auteur  anck 
Lyon,  1550;  —  La  Vertu  et  Propriété  de 
quintessence,  faite  en  latin  par  J.  de  1 
pescissa  ou  de  Roquetaillade ;  Lyon,  15 
1581,  in- S0.  Comme  éditeur,  Antoine  du  Me 
lin  a  publié  les  Œuvres  de  Bonaventure  D 
perriers  (1544);  les  Poésies  de  Per nette 
Guillet  (1545);  la  trad.  des  Commentaires 
César,  par  de  Laigne  et  Gaguin  (1545); 
Œuvres  de  Clément  Marot  (1546);  la  Fi 
taine  des  amoureux  de  science,  de  Jean 
La  Fontaine  (  1547  )  ;  les  Fables  d'Ési 
(1549  ),  version  poétique  de  Gilles  Corrozet, 
touchée  et  augmentée  d'une  Vie  d'Ésope  ; 
Illustrations  des  Gaules,  par  Lemaire 
Belges  (  1549  ),  De  Medicina,  poème  de  Se 
nus  Salmonicus,  à  la  suite  de  Celse  (154! 
le  Livre  doré  de  .Marc^Aurèle,  par  R.  -B. 
La  Grise  (  1550);  l'Astronomicon  de  Manil 
(1556)  ;  et  les  Contes  et  Nouvelles  de  Bonavi 


■:ij 


769 


MOULIN 


770 


turc  Desperriers  (1558).  Ces  éditions  sont  au- 
jourd'hui rares  et  recherchées.  P.  L. 

La  Croix  du  Maine,  Biblioth.  française.  —  Brunct, 
M (ni.  dit  Lit/raire.  —  Papillon,  Biblioth.  des  Auteurs 
\ie  Bourgogne.  —  Monfalcort,fliWiopr.  de  Lyon. 

1    moulin  {Pierre  du),  célèbre   théologien 
protestant  français,  né  le  18   octobre  1568,  au 
jîhâteau  de  Buhy,  mort  à  Sedan,    le  10  mars 
[1658.  Il  était  de  la  même  famille  que  le  célèbre 
i  urisconsulte  Charles  du    Moulin.  Après   avoir 
Étudié  les  belles-lettres  et  la  théologie  à  Paris, 
i  Cambridge  et  à  Leyde,  il  fut  nommé,  en  1592, 
Professeur  de  philosophie  à  l'université  de  cette 
lernière  ville.  Appelé  sept  ans  après  comme 
tninistre  à  Charenton,  il  prit  part  aux  conféren- 
ces tenues  au  sujet  de  la  conversion  de  la  prin- 
cesse Catherine;  son  grand  savoir  et  son  habi- 
|t  été  dans  la  polémique  le  firent  dès  lors  recon- 
n  aître  comme  un  des  plus  éminents  théologiens 
rf  éformés  de  France.  L'influence  qu'il  acquit  peu 
|  peu  sur  l'esprit  de  ses  coreligionnaires    lui 
alut  d'être,  en  1615,   appelé  auprès  de  Jac- 
L  ues  Ier  d'Angleterre,  qui  le  chargea  de  rédiger 
line  Confession  capable  d'amener  l'union  de  tou- 
tes les  sectes  protestantes.  Du  Moulin  s'acquitta 
E  e  cette  tâche  ;  mais  trois  ans  après  il  se  signala 
■  ar   son    acharnement    contre  les  arminiens, 
I  u'il  fit  condamner  au  synode  national  d'Alais. 
.  n  1620  il  quitta  précipitamment  Paris,  craignant 
être   arrêté  par  ordre  du  roi  Louis  XIII ,  qui 
wait  eu  connaissance  d'une  lettre  où  du  Mou- 
n  assurait  au  roi  d'Angleterre  que  les  églises 
rotestantes  avaient  les  yeux  tournés  vers  ce 
rince.  Il  se  retira  à  Sedan ,  et  il  y  fut  nommé 
rofesseur  de  théologie.  En  1623  il  fut  denou- 
eau  invité  à  se  rendre  auprès  de  Jacques  1er, 
ai  lui  donna  une  pension  pour  qu'il  pût  à  loisir 
rire  contre  le  cardinal  du   Perron.   Il   quitta 
(Angleterre  à  la  mort  de  Jacques,  et  alla  passer 
eux  ans  à  Paris  ;  il  retourna  ensuite  à  Sedan , 
i  il  demeura  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  Au  juge- 
lent  dé  Bâtes,  l'auteur  des  Vilss  seleclorum 
irorum,  les  principales  qualités  de  du  Moulin 
aient  :  Mirum  ingénu  acumen ,  serenum 
tdicium,  nonnumquam  ira  aut  impatientia 
bturbatum  ;  sed  omnium  ejus  artium  emi- 
enîissima  fuit  disputandi  peritia,  miilto 
su  confirmata.  «  Athlète  intrépide  et  infati- 
ible  du  calvinisme  pur,  disent  les  auteurs  de 
a  France  Protestante ,  il   soutint  d'ardentes 
ontroverses  non-seulement  contre  maints  doc- 
turs  catholiques ,   comme  Cayet ,  du  Perron , 
aMilletière,  mais  aussi  contre  plusieurs  de  ses 
>-religionnaires ,   tels  que  Tilenus ,  Amyraut , 
fcstard,  Grotius,  qui  s'éloignaient  sur  quelques 
jints  des  doctrines  proclamées  par  la  Confes- 
on  de  foi.  Dans  toutes  ces  disputes  il  déploya 
î  grand   zèle  pour  les  intérêts  de  son  église 
une  activité  sans  égale  ;  mais  on  doit  re- 
etter  qu'il  ne  se  soit  pas  toujours  tenu  dans 
sbornes  de  «  l'honnesteté et  de  la  courtoisie», 
que  souvent,  au  contraire,   il  se  soit   laissé 

NOUV.    BIOGR.    CIÏNÉR.    —  T.   XXXVI. 


emporter  beaucoup  trop  loin  par  l'impétuosité 
de  son  caractère.  Quelquefois  même  son  esprit, 
naturellement  satirique  et  malin,  descendit  à  des 
attaques  peu  dignes  d'un  ministre  de  l'Évan- 
gile. »  Parmi  ses  quatre-vingts  et  quelques  ou- 
vrages ,  nous  citerons  :  Elementa  Logices  ; 
Leyde,  1596,  in-8°  :  ce  livre,  réimprimé  treize  fois 
en  peu  d'années,  fut  traduit  en  français  et  en  an- 
glais ;  —  Défense  de  la  foi  catholique  contenue 
au  livre  du  roij  Jacques  Ier  contre  la  réponse 
de  Coëffeteau  ;  La  Rochelle,  1604,  in-8°  ;  Paris, 
1612,  in-8*>;  Genève,  1624,  in-8°  ;  trad.en  latin, 
Londres,  1614,  in-8°  ;  —  Apologie  pour  la 
saincte  Cène,  contre  la  présence  corporelle 
et  la  transsubstantiation  ;  La  Rochelle,  1607 
et  1609,  in-8°; —  Théophile,  ou  traité  de  l'a- 
mour divin  ;  La  Rochelle,  1609,  in-12;  —  He- 
raclite, ou  de  la  Vanité  et  Misère  de  la  vie 
humaine;  1609,  in-12  :  réimprimé  souvent  à 
Genève;  —  De  Monarchia  lemporali  ponti- 
ficis  romani  liber  ;  Londres,  1614  ;  Genève, 
1614,  et  Francfort,  1716,  in-8°;  — Anatome 
Arminiasmi  ;  Leyde,  1619,  in-4°;  traduit  en 
anglais,  Londres,  1620,  in-4°  :  livre  des  plus 
violents  et  des  plus  injurieux  contre  les  armi- 
niens ;  —  De  notis  verse  Ecclesias;  Sedan, 
1622,  in-4°;  —  Elementa  Philosophix  mora- 
lis ,  traduit  en  français  par  l'auteur  ;  Sedan , 
1624,  in-12;  Paris,  1631,  in-24;—  De  Cogni- 
tione  Dei  ;  Leyde,  1625,  in-24  ;  —  Nouveauté 
du  Papisme  opposée  à  l'antiquité  du  vray 
christianisme  ;  Sedan  ,  1627,  in-fol.;  Genève, 
1627,  2  vol.  in-4°,  et  1633,  in-4°  :  écrit  contre 
du  Perron  ;  —  Enodatio  gravissimarum 
qussstionum  de  providentia  Dei,  peccato  ori~ 
ginali,  libero  arbitrio  et  prœdestinalione  ; 
Leyde,  1632,  in-8°;  —  Lettre  à  M.  de  Bal- 
zac; Genève,  1633,  in-12;  —  Réponse  à  la 
lettre  de  M.  de  Balzac,  1633,  in-8°;  —  Ico- 
nomachus,  seu  de  Imaginibus  et  earum 
cultu;  Sedan,  1635,  in-8°;  —  Anatomie  de  la 
Messe;  Genève,  1636,  2  vol.  in-8°;  et  1638, 
in-8°;  traduit  en  latin,  Leyde,  1637,  in-8°; 
suivi  d'une  Deuxième  partie,  Sedan,  1639, 
in-12  :  les  deux  parties  ont  été  publiées  en- 
semble, Genève,  1655,  in-8°;  —  Opposition  de 
la  parole  de  Dieu  avec  la  doctrine  de  l'É- 
glise romaine;  Genève,  1637,  in-8°  ;  —  Fates, 
seu  de  Prsecognitione  futurorum  ;  Leyde , 
1640,  in-8°;  —  Strigile  adversus  Grotii 
comment aticnem  ad  loca  quasdam  Novi  Tes- 
tamenti  de  Antichristo ;  Amsterdam,  1640, 
in-8°:  sous  le  pseudonyme  â'Hippolyte  Fronton 
Caracotta;  —  Le  Capucin; Sedan,  1641,  et  Ge- 
nève, 1641 ,  in-8°  :  cette  satire,  qui  fut  brûlée 
par  la  main  du  bourreau,  est  devenue  rare  ;  — 
Elementa  Logicas,  physicorum  et  ethicorum  ; 
Amsterdam,  1645,  in-8°;  —  des  Sermons ,  des 
opuscules  ascétiques ,  des  écrits  de  contro- 
verse, etc.  Au  British  Muséum  se  trouvent 
plusieurs  lettres  de  Du  Moulin,  mss.  Burney, 
vol.  369  et  371.  O. 

25 


; 


771  MOULIN  - 

M'éursius,  Athenœ  Batavse.  —  Bâtes,  Pitié,  p.  697-718. 
—  Sax,  Onomasticon,  t.  IV,  p.  179.  —  Haag,  La  France 
Protestante. 

moulin  (Pierre  nu),  fils  du  précédent,  né  en 
1600,  mort  le  20  octobre  1684,  à  Canterbury.il  fit 
ses  études  à  Sedan  et  à  Leyde,  dirigea  en  Angle- 
terre l'éducation  de  Richard  Boyieet  de  son  frère, 
et  fit  un  court  séjour  en  Irlande.  Appelé  à  Oxford 
comme  prédicateur,  il  reçut  le  titre  de  docteur  de 
cette  université  et  de  celle  de  Cambridge  en  ré- 
compense des  services  qu'il  leur  rendit.  En  1660 
Charles  II  le  choisit  pour  chapelain  de  la  cour,  et 
lenomma  prébendairedeCanterbury.  On  a  de  lui: 
Défense  de  la  Religion  réformée  et  de  la  mo- 
narchie et  Église  anglicane  ;  1650,  in-8°;  — 
Clamor  Sanguinis  regii  ad  cœlum;Là  Haye, 
1632,  in- 12  :  cet  ouvrage,  qui  causa  beaucoup  de 
bruit,  fut  édité  par  le  docteur  Alexandre  More  ;  — 
Treatise  of  Pace  and  contentment  of  Mind  ; 
Londres,  1657,in-8°:  la  version  française,  sous  le 
titre  de  Traité  de  la  Paix  de  l'Ame  et  du  conten- 
tement de  l'esprit  (Sedan,  1660,in-8°),aeu  plu- 
sieurs éditions,  et  l'ouvrage,  qu'on  a  mal  à  propos 
attribué  à  Du  Moulin  père,  a  été  traduit  en  hollan- 
dais et  en  allemand  ;  —  Week  ofsoliloquies  and 
prayers;  Londres,  1657, 1677,  in-8°  ;  —  Vindi- 
cation  ofthe  sincerity  ofthe  protestant  reli- 
gion in  the  point  of  obédience  to  sovereigns ; 
Londres,  1663,  1679,  in-4°;  —  Poematum  la- 
tinorum  Libri  III;  Cambrai,  1669,  in-8°;  — 
Réflexions  sur  la  Politique  de  France  (de 
Hay  de  Chastelet)  ;  Cologne,  1671,  in^l2  :  on 
en  a  donné  une  suite  en  1677,  sous  le  nom  de 
l'Ormegigny  ;  —  The  papal  tyranny  as  it 
was  exercited  over  England  ;  Londres,  1674, 
in-8°;  —  Traité  de  la  Politique  de  France, 
augmenté  d'une  seconde  partie,  avec  quelques 
réflexions  ;  Cologne,  1677,  1680,  in-12;  —  Ten 
Sermons ,  1684,  in-8°. 

Un  de  ses  petit-fils  fut  Pierre-Louis  Du  Mou- 
lin, mort  en  1756,  et  qui  compta  au  nombre 
des  meilleurs  généraux  du  roi  de  Prusse  Fré- 
déric II;  il  commanda  en  1745  l'aile  gauche  à  la 
bataille  de  Friedberg,  et  devint  intendant  de  la 
Yieille-Marche  et  gouverneur  de  Gross-Glogau. 
Son  nom  est  inscrit  au-dessous  de  la  statue 
érigée  à  Berlin  à  Frédéric,  à  côté  de  ceux  de 
Bonin,  Forcade,  La  Mothe-Fouqué  et  d'autres  gé- 
néraux d'origine  française.  K. 
Haag  frères,  La  France  Protestante,  IV,  430. 

mocliiv  (  Louis  du  ),  frère  du  précédent,  né 
en  1606,  mort  le  20  octobre  1683,  à  Westmins- 
ter. Il  prit  à  Leyde  le  diplôme  de  docteur  en 
médecine  et  remplit  à  Oxford  la  chaire  d'his- 
toire pendant  le  protectorat  de  Cromwell  ;  il  fut 
destitué  lors  de  la  restauration.  Il  s'était  jeté 
avec  ardeur  dans  le  parti  presbytérien;  aussi  ne 
cessa-t-il  d'attaquer  dans  ses  écrits  la  constitu- 
tion de  l'Église  anglicane  et  de  disputer  avec 
ceux  qui  en  soutenaient  les  privilèges,  tels  que 
Durell,  Patrick  et  Stillingfieet.  On  dit  qu'il  se 
rétracta  au  moment  de  mourir.  Nous  citerons 
de  lui  :  Analomia  Missœ;  Leyde,  1637,  in-8°, 


MOULINES  772 

trad.  d'un  des  plus  fameux-  ouvrages  de  son 
père  ;  —  Rerum  nuper  in  regno  Scotisc  ges- 
tarum  historia;  Londres,  1641,  in-8°,  sous  le 
pseudonyme  d'Irénée  Philalèthes  Éleuthère;  — 
Of  the  Right  ofChurches  and  of  the  magis- 
trales power  over  them;  Londres,  1658, 
in-12;  —  Papa  Ultrajectinus  ;  Londres,  1668, 
in-4°;  —  Jugulum  caussse  seu  Ratio  per 
quam  papa,  ejus  imperium  totusque  missse, 
religionis  et  Ecclesiasromanee  apparatus  una 
ruina  concidere  debent ;  Londres,  1671,  2  vol. 
in-4°;  —  Patronus  bonx  fidei  in  causa  puri- 
tanorum;  Londres,  1672,  in-80;  —  Fasciculus 
epistolarum ;  Londres,  1673,  in-12;  — Pen- 
sées sur   le  nombre   des  élus,  1680,  in-4°. 

P. 

Wood,  Mhense  Oxon.  —  Haag  frères,  La  France  Pro- 
test., IV. 

moulin  (  Gabriel  du  ),  historien  français, 
né  à  Bernay,  en  Normandie,  mort  vers  1660.  Il 
était  curé  de  Manneval.  On  a  de  lui  deux  bons 
ouvrages  relatifs  à  sa  province  natale  :  Histoin 
générale  de  Normandie,  contenant  les  choseï 
mémorables  advenues  depuis  les  première! 
courses  des  Normands  païens  jusqu'à  la  réu 
nion  de  celte  province  à  la  couronne;  Rouen 
1631,  in-fol.;  — Les  Conquêtes  et  les  trophée; 
des  Normands  françois  aux  royaumes  é 
Naples  et  de  Sicile,  aux  duchés  de  Calabre 
d'Antioche,  de  Galilée  et  autres  principautés 
d'Italie   et    d'Orient;  Rouen,   1658,  in-fol 

P. 

MoFéri,  Grand  Dict.Hist. 

moulines  (  Guillaume  de),  littérateur  fran 
çais,  né  le  30  avril  1728,  à  Berlin,  où  il  est  morl 
le  14  mars  1802.  D'une  famille  de  protestant 
réfugiés  originaires  du  Languedoc,  il  fit  ses  étude 
au  collège  français  de  Berlin,  embrassa  lets 
ecclésiastique  pour  satisfaire  aux  vœux  de  s. 
mère,  et  desservit,  depuis  1752,  l'église  de  Bei 
nau.  Appelé,  en  1759,  comme  vicaire  de  la  Do 
rotlieestadt,  il  résigna  cette  place  en  1783  pou 
celle  de  résident  du  duc  de  Brunswick-Lunt 
bourg  à  la  cour  de  Prusse.  En  1788,  il  devir 
membre  du  directoire  supérieur  français.  Frédi 
rie  II,  qui  l'avait  encouragé  dans  ses  travaux,, 
chargea  de  donner  des  leçons  de  logique  a 
prince  royal.  En  1785,  il  reçut  des  lettres  de  ni 
blesse.  L'âge  affaiblit  les  facultés  de  Mouline! 
qui  mourut  dans  un  état  complet  d'imbécilliti 
Selon  MM.  Haag.  Moulines  «  laissa  la  réputatio 
d'un  homme  fort  obligeant  et  d'un  savant  qi 
joignait  à  beaucoup  d'érudition  beaucoup  de  goi 
et  de  finesse.  Quoique  plus  spécialement  voi 
aux  belles-lettres,  il  s'occupa  avec  succès  d'' 
tudes  sur  la  physique  et  inventa  quelques  in 
truments  très  ingénieux  ».  Le  31  août  1775, 
avait  été  admis  dans  l'Académie  des  Sciences  < 
Berlin.  On  a  de  lui  :  Réflexions  sur  les  déc 
sions  immédiates  des  souverains  et  sur  l'ordi 
de  la  procédure  ;  .Berlin,  1765,  in-8°  ;  La  Hay 
1777,  in-8°;  traduction  abrégée  de  l'ouvragée 


k 


73  MOULINES 

iirisconsulte  Steck;  —  Lettre,  d'un  habitant 
'e  Berlin  à  son  ami  à  La  Haye;  Berlin,  1773, 
1-8°  :  dirigée  contre  l'abbé  Baynal,  qui,  dans  la 
econde  édition  de  l'Histoire  philosophique, 
vaît  attaqué  vivement  les  actes  de  Frédéric  11; 
-  Ammien  Marcellin,  trad.  en  français; 
erlin,  1775,  3  vol.  in-12;  Lyon,  1778;  version 
dèle  et  élégante;  —  Les  Écrivains  de  l'His- 
>ire  Auguste,  trad.  en  français;  Berlin,  1783, 
;  vol.  in-8°;  Paris,  1806,  3  vol.  in-12.  Mou- 
,  îes  a  inséré  dans  le  recueil  de  l'Académie  de 
îrlin  quelques  mémoires  ;  mais  il  n'a  pas  ter- 
[  iné  la  traduction  de  Dion  Cassius,  à  laquelle  il 
ait  longtemps  travaillé.  P.  L. 

)  îarbter,  Notice  sur  G.  Moulines,  à  la  tête  de  la  2"  édit. 
1  l" Histoire  Auguste.  —  Haag  frères,  Lu  France  Pro- 
\  tante. 

moulinet  (  Claude  du  ),  abbé  des  Thuile- 

ks,  érudit  français,  né  en  1661,  à  Séez,  en 

I  rmandie,  mort  le  15  mai  1728,  à  Paris.  D'une 

Jnille  noble,  il  commença  ses  études  à  Valo- 

1 3S  et  les  termina  à  Paris  ;  il  savait  fort  bien 

grec,  l'hébreu  et  les  mathématiques;  mais  au 

ide  s'appliquer  à  la  critique  sacrée,  comme 

lui  avait  conseillé  Richard  Simon,  il  prit  du 

ht  pour  l'histoire  de  France  et  en  fit  son  étude 

lorite.  Il  visita  presque  toutes  les  archives  de 

Normandie ,  de  l'Anjou  et  de  la  Bretagne,  et 

ecueillit  un  grand  nombre  de  matériaux  his- 

iques.  11  mourut  d'une  hydropisie  de  poitrine, 

|age  de  soixante-sept  ans  passés,  et  fut  enterré 

ise  de  Saint-Étienne-du-Mont.  On  a  de  lui  : 

itres  écrites  à  un  ami  sur  les  disputes  du 

tsénisme  et  autres  matières  théologiques 

temps;  Paris,  1710,  in-12  :  il  y  dit  le  pour 

e  contre,  et  ne  s'attache  à  aucune  opinion; 

issertations  sur  la  mouvance  de  Bre- 

ne  par  rapport  au  droit  que  les  ducs  de 

mandie   prétendaient,  et  sur   quelques 

res  sujets  historiques  ;  Paris,  1711,  in-12  ; 

Défense  des  Dissertations;  Paris,  1713, 

!2;  c'est  une  réplique  à  la  Réponse  au  traité 

la  mouvance  de  Bretagne  (Nantes,  1712, 

écrit  anonyme  de  dom  Lobineau.  Cette 

stion  de  la  mouvance  de  Bretagne  suscita 

e  ce  dernier  et  l'abbé  des  Thuileries,  soutenu 

Vertot,  une  querelle  qui  ne  dura  pas  moins 

luinze  années.  Le  même  savant  a  fait  insérer 

les  Mémoires  de  Trévoux,:  Défense  d'un 

qui  fait  foi  qu'un  moine  de  Saint-Mé- 

de  Soissons  nommé  Guernon  fabriqua 

x  privilèges  au  nom  du  saint-siége  en 

de  plusieurs  églises  dans  le  commen- 

entdu  douzième  siècle  (mars  17 16);  réimpr. 

■l'Histoire  du  Comté  d'Évreux  de  Pierre 

rasseur  (Paris,  1722,  in-4°); —  Mémoire 

H  est  prouvé  que  le  livre  des  miracles  de 

tt  Martin,  attribué  à  Herbert,  archevêque 

Tours,  est  d'un  imposteur  (juin  1716); 

ction  contre  Z'Essai  historique  sur  l'anti- 

i  ducomtéd'Eu,  de  Capperon  (sept.  1716); 

:t  dans  le  Mercure  :  Défense  de  Vétymo- 


MOULINS 


7  74 


logie  que  M.  Httet  a  donnée  du  nom  de  la 
ville  d'Eu  (juin  1722);  Remarques  touchant 
l'origine  de  la  maison  de  France  (déc.  1720 
et  février  1723);  Description  du  mont  Saint- 
Michel  (nov.  1727).  Nous  citerons  encore  de 
Moulinet  :  Nouvel  éclaircissement  sur  l'élection 
de  nos  rois  de  la  première  et  de  la  deuxième 
race  dans  les  Mémoires  de  Littérature  du 
P.  Desmolets  (IV,  320-416),  et  le  Dictionnaire 
universel  de  la  France  ancienne  et  moderne 
(Paris,  1726,  3  vol.  in-fol.),  ouvrage  du  libraire 
Saugrain  pour  le  fond  ;  mais  il  en  a  donné  le  plan, 
l'introduction  et  l'article  sur  le  diocèse  de  Séez. 
Entre  autres  manuscrits,  il  a  laissé  une  Histoire 
du  Diocèse  de  Séez.  P.  L. 

Le  Long- ,  Bïbl.  kist.  de  la  France.  —  Le  Mercure , 
juin  1731.  —  Moréri,  Grand  Dict.  hist.,  VII  (édit.  1759). 

moulinié  {Charles  -  Etienne  -  François  ), 
littérateur  suisse,  né  le  23  juillet  1757,  à  Ge- 
nève, où  il  est  mort,  vers  1836.  11  exerça  les 
fonctions  de  pasteur  dans  sa  ville  natale,  et  se 
fit  connaître  par  la  publication  de  nombreux 
écrits  de  piété,  remarquables  par  un  grand  esprit 
de  tolérance  et  de  modération.  Nous  citerons  : 
Le  lait  de  la  parole  contenu  dans  un  caté- 
chisme; Genève,  t789,  in-12;  —  Lettres  à  une 
mère  chrétienne;  ibid.,  1809,  1821,  in-80;  — 
Promenades  philosophiques  et  religieuses 
aux  environs  du  mont  Blanc;  Paris,  1817, 
in-12;  Genève,  1820,  in-12;  —  La  Chaîne  des 
vérités  évangéliques  ;  Genève,  1 81 8, 1 826,  in-8°  ; 
—  Leçons  de  la  parole  de  Dieu  sur  les  points 
les  plus  importants  de  la  foi  chrétienne; 
ibid.,  1821-1826,  5  vol.  in-8°;  —  Homélies  et 
Sermons;  ibid.,  1830,  2  vol.  in-8°;  — Exposi- 
tion dogmatique  et  morale  de  l'épître  de 
saint  Paul  aux  Romains;  ibid.,  1833,  2  vol. 
in-8°;  —L'Homme  selon  la  Bible;  ibid.,  1835, 
in-8°.  K. 

Biogr.  nouv.  des  Contemp. 

moulins  (  Guyard  des),  érudit  français,  né 
vers  1251.  Chanoine  de  la  collégiale  de  Saint- 
Pierre  à  Aire  en  Artois,  il  fut  élu  en  1297  doyen 
de  son  chapitre  et  mourut  peu  de  temps  après. 
En  1291,  à  l'âge  de  quarante  ans,  il  commença 
la  traduction  de  la  Scholastica  Historia  de 
Pierre  Comestor,  et  ajouta  à  cette  paraphrase  des 
livres  historiques  de  la  Bible  la  version  des  Pa- 
ralipomènes,  du  second  et  du  troisième  livre 
d'Esdras,  des  psaumes,  des  livres  de  Salomon, 
des  grands  et  petits  Prophètes,  des  épîtres  cano- 
niques et  de  l'Apocalypse.  Il  employa  trois  an- 
nées à  ce  travail.  Bien  que  la  traduction  de 
Guyart  des  Moulins  ne  fût  pas  alors  la  plus  an- 
cienne, on  l'adopta  généralement,,  et  elle  fut  suc- 
cessivement retouchée  par  Jean.de  Sy,  Raoul  de- 
Presle,  etc.  La  première  édition  imprimée  pa- 
raît" être  celle  qu'a  donnée  Jean  de  Rely,  évêque 
d'Angers,  sous  le  titre  de  :  Les  Livres  histo- 
riaidx  de  la  Bible  translatés  du  latin  en 
français;  Paris,  s.  d.  (1495),  2  vol.  in-fol.; 
elle  fut  faite  par  ordre  du  roi  Charles  VIII,  qui 

25. 


775 


MOULINS 


77( 


en  accepta  la  dédicace.  L'original  manuscrit  de 
cet  ouvrage  se  trouve  dans  plusieurs  biblio- 
thèques publiques.  K. 

Lebeuf ,  Dissertât,  sur  lus  premiers  traducteurs  fran- 
çais, dans  le  Recueil  de  l'Acad.  des  Inscript.,  t.  XVII. 
—  Rive,  Chasse  aux  bibliographes.  —  Brunet,  Manuel 
du   Libraire. 

jmgulijn's  {Jean-François-Auguste),  général 
français  et  membre  du  Directoire,  né  à  Caen,  le 
14  mars  1752,  mort  à  Pierretitte  (Seine),le  1 2  mars 
1810.  Il  fit  de  bonnes  études  au  collège  des  Jé- 
suites de  sa  ville  natale  et  se  destina  aux  ponts 
et  chaussées.  Après  avoir  été  employé  dans  les 
généralités  de  Normandie  et  de  Picardie,  il  de- 
vint ingénieur  à  l'intendance  de  Paris;  mais  le 
sort  lui  réservait  une  autre  carrière.  Son  emploi 
ayant  été  supprimé  dès  les  premiers  jours  de  la 
révolution,  Moulins  prit  le  parti  des  armes,  et 
s'enrôla,  en  juillet  1791,  dans  l'un  des  trois  ba- 
taillons de  volontaires  de  Paris,  où  ses  capacités 
le  firent  aussitôt  nommer  officier  d'état-major. 
Adjudant  général  en  1792,  il  fut  envoyé  dans  les 
départements  de  l'ouest ,  et  seconda  les  efforts 
des  généraux  Dehoux  et  Menou  pour  repousser 
les  attaques  de  l'armée  vendéenne  contre  Sau- 
mur  (  10  juin  1793).  Après  la  prise  de  cette  ville 
par  les  troupes  royales ,  il  assura  la  retraite  des 
bagages,  et  à  la  tête  d'une  quarantaine  d'hommes 
seulement,  arrêta  pendant  près  de  six  heures  les 
Vendéens  qui  poursuivaient  l'armée  républicaine 
fuyant  dans  le  plus  grand  désordre.  Le  18  juillet 
suivant,  il  ne  se  distingua  pas  moins  à  Vihiers,  j 
où  les  Vendéens  eurentl'avantage;mais,le5août, 
il  prit  une  brillante  vevancheau  combat  de  Doué, 
livré  par  Rossignol,  et  fit  éprouver  aux  royalistes 
des  pertes  considérables.  Ce  succès  lui  fit  obte- 
nir le  grade  de  général  de  brigade  et  le  comman- 
dement des  Ponts-de-Cé,  d'où  il  passa  peu  après  à 
celui  de  Saumur  que  menaçaient  encore  les  Ven- 
déens. Il  fit  alors  élever  à  Saint-Florent  sur-Loire 
des  fortifications  dont  il  traça  lui-même  Jes  plans 
et  devint  général  de  division  (a  ventôse,  an  iv)  ; 
mais  si  les  récompenses  suivaient  de  près  les  ser- 
vices à  cette  époque  de  gloire  et  de  tyrannie,  il  n'y 
avait  qu'un  pas  du  Capitole  à  la  roche  Tarpéienne. 
Moulins  avait  eu  le  courage  d'épargner  douze 
cents  Vendéens  que  le  sort  des  armes  avait  mis 
entre  ses  mains  ;  il  n'en  fallait  pas  tant  pour  pro- 
voquer le  courroux  du  proconsul  de  Nantes. 
Carrier  le  fit  arrêter  au  milieu  de  son  camp  et 
conduire  dans  les  prisons  de  cette  ville.  Le  gé- 
néral ne  dut  sa  mise  en  liberté  qu'aux  réclama- 
tions de  son  corps  d'armée  et  à  l'intervention 
des  représentants  Bourbotte  et  Francastel.  Le 
comité  de  salut  public  le  nomma  peu  après  gé- 
néral en  chef  de  l'armée  des  côtes  de  Brest,  puis, 
le  8  octobre  1794,  de  l'armée  des  Alpes.  Après 
avoir  hiverné  dans  ces  montagnes,  il  battit  les 
troupes  piémontaises  au  Col  du  Mont,  au  mont 
Genèvre  et  au  village  de  Malchaussée,  au  pied 
du  mont  Cenis;  mais  une  maladie  le  contraignit 
de  revenir  à  Paris.  Il  en  repartit  bientôt- pour 
prendre  le  commandement  de  la  5e  division  mi- 


'! 


litaire,  à  Strasbourg.  Les  Autrichiens  menaçaien  \\ 
les  places  de  l'Alsace  ;  Moulins  les  garantit  di 
leurs  attaques,  se  porte,  le  18  septembre,  sur  Ken  I 
contre  le  général  Petrarsch,  et  parvient  à  res  r 
saisir  quelques  postes,  déjà  enlevés  par  l'ennemi  4 
Le  Directoire  le  rappela  à  Paris,  et  lui  confia,  1  j 
9  octobre  1797,  le  commandement  en  chef  de 
troupes  françaises  en  Hollande;  mais,  avant  so 
départ  pour  ce  pays,  il  fut  nommé  commandai)  8 
de  la  17e  division  militaire,  dont  la  capitale  éta   . 
alors  le  chef-lieu.  Ce  poste  était  pénible,  sous  u  -i 
gouvernement  qui,  dépourvu  d'ascendant  pouj 
dominer  les  partis,  y  suppléait  par  des  coup  a 
d'État  et  des  mesures  de  réaction.  Le  8  octobi    i 
1798,  il  succéda  comme  général  en  chef  de  l'a  H 
mée  d'Angleterre  à  Kilmaine.  Tous  ces  service  I 
plus  utiles  qu'éclatants,  et  qui  le  laissaient  coi  I 
fondu  dans  la  foule  des  illustrations  du  secorH 
ordre,  dont  on  ne  redoutait  pas  l'ambition,  1  9 
ouvrirent  les  portes  du  Luxembourg  après   I 
journée  du  30  prairial,  qui  exclut  du  Directoi 
Treilhard ,  Merlin  de  Douai  et  La  Révellièr  | 
Lépaux.  Le  20  juin  1799,  il  fut  nommé  directe: 
en  remplacement  de  ce  dernier.  Peu  propre 
ces  fonctions,  étranger  à  l'esprit  de  coterie,  d 
daigné  par  Sieyès,  négligé  par  Barras,  le  généi 
républicain  suivit  la  ligne  de  conduite  de  S' 
collègue  Gohier.  Lorsque  Bonaparte  revint  d'. 
gypte,  Moulins  l'engagea  à  aller  reprendre 
commandement  de  l'armée  d'Italie  pour  en  fai 
peut-être  l'instrument  militairedu  gouvernemei 
mais  déjà  celui-ci  avait  confié  à  Sieyès  les  pi 
jets  de  la  révolution  qu'il  voulait  opérer,  et  Siej 
était  entré  dans  ses  vues.  Le  18  brumaire  (9  r 
vembre)  Moulins  et  Gohier,  privés  de  tout  moy 
d'exécution,  tombèrent  isolés  devant  là  défecti 
et  la  force.  Tous  deux  réclamèrent  avec  chah 
contre  les  mesures  qui  avaient  été  prises, 
contestèrent  pas  au  Conseil  des  Anciens  le  dr 
d'ordonner  la  translation  du  corps  législatif 
Saint-Cloud  ;  mais  ils  démontrèrent  que  son 
cret  violait  la  constitution  dans  ses  dteposiuï 
relatives  à  la  force  publique.  Vainement  Boi 
parte  les  engagea  à  se  joindre  à  lui  et  à  dom 
leurdémission  ;  Gohier  et  Moulins  refusèrentéo 
giquement.  Ce  dernier,  qui  avait   proposé 
s'emparer  de  Bonaparte  et  de  le  faire  fusill 
rentré  au  palais  directorial,  rédige  une  adre 
aux  deux  conseils ,  réclame  le  concert,  invoi 
le  courage  des  représentants  pour  le  maintien    ije. 
la  constitution  jurée,  et  promet  de  se  rendre 
lendemain  à  Saint-Cloud.  Mais  dans  l'interv 
Bonaparte  le  plaça  avec  Gohier  sous  une  s 
veillance  plus  active  que  celle  qu'il  avait  c 
prescrite.  Moreau  lui-même  annonça  à  Mon 
l'ordre  qu'il  avait  reçu  de  le  garder  à  vue  d 
ses  appartements.  «  Et  c'est  vous,  général, 
répondit-il,  qui  faites  les  fonctions  d'un  g 
darme.  »  En  même  temps,  il  lui  fit  signe  de  | 
ser  dans  son  antichambre.  Moulins  parvint 
pendant  le  surlendemain  à   se  soustraire  < 
surveillance  de  Moreau.  Ce  fut  le  dernier  ad 


K 


[777  MOULINS  - 

fsa  vie  politique.  Elevé  par  l'intrigue  à  son  insu 
■  à  la  première  magistrature  de  son  pays,  Moulins, 
(dans  ses  entretiens  intimes,  parlait  souvent  de  la 
I haute  position  qu'il  avait  occupée,  et  ne  la  re- 
grettait que  comme  une  occasion  perdue  de  sau- 
ver la  république;  mais  pour  une  pareille  œuvre 
f  I  eût  fallu  des  mains  plus  fortes  et  surtout  plus 
|  îabilcs  que  les  siennes.  Après  avoir  vécu  quel- 
que temps  à  la  campagne, -il  reprit  du  service 
, hous  l'empire,  devint,  en  1807,  commandant  de 
I  a  place  d'Elbing  et,  peu  après,  passa  au  même 
litre  à  Anvers;  mais  sa  santé  l'obligea  de  revenir 
1  n  France  vers  la  fin  t!e  1809.  H.  Fisquet. 
\\  Bûchez  et  Roux  ,  Histoire  parlementaire  de  la  Révo- 
|><tio.'i,  tome  38.  —  De  Baranle,  Histoire  du  Directoire. 
I  -  Boisard  ,  Notices  biographiques  sur  les  hommes  cé- 
I!  '.bres  du  Calvados.  —  Moniteur  univ.,  brumaire,  an  vnr. 

I   MOVLWS(Jean-Baptiste-Franç ois), général, 
H  ère  du  précédent,  né  en  1754,  à  Caen,-mort  en 
livrier  1794,  à  Chollet.  Il  commença  son  éduca- 
I  on  chez  les  Jésuites,  s'engagea  fort  jeune  dans 
régiment  de  Saintonge,  et  passa  au  bout  de  six 
■as  dans  les  ponts  et  chaussées.  En  1793  il  fut 
ivoyé  en  Vendée,  et  servit  d'aide  de  camp  à  son 
ère.  Nommé  adjudant  général  après  le  combat 
i   Doué   (août  1793),  et  général  de  brigade 
aelques  mois  plus  tard,  il  se  trouvait  à  Chollet 
■rsque  les  Vendéens  s'en  rendirent  maîtres  à 
suite  d'un  combat  acharné.  Grièvement  blessé 
entouré  de  toutes  paris,  Moulins  saisit  un 
stolet  et  se  brûla  la  cervelle.  La  Convention 
ûtionale  décréta,  afin  d'honorer  sa  mémoire, 
^j'on  lui  élèverait  un  monument  sur  lequel  sé- 
vit gravée  cette  inscription  :  «  Républicain ,  il 
donna  la  mort  pour  ne  pas  tomber  vivant  au 
»uvoir  des  brigands  royalistes  ».  Ce  décret  ne 
çut  jamais  d'exécution.  K. 

Moniteur  univ.,  an  II. 
moulins  (Des).  Voy.  Desmoulins. 
MOULLAH  FIROUZ  BEN-KAWOUS,  poète 
Isrsan  moderne,  né  à  Bombay,  en  1759,  mort 
H 1831 ,  dans  la  même  ville.  Ayant  accompagné, 
Mis  sa  jeunesse,  son  père  en  Perse,  et  fait  con- 
Hssance  avec  la  riche  littérature  poétique  de  ce 
liys,  il  conçut  la  pensée  de  composer  un  poëme 
pique  dans  le  genre  du  Chah-Nameh  de  Fer- 
«icy ,  mais  en  prenant  pour  thème  un  sujet 
bderne.  Moullah  Firouz  mourut  grand- prêtre 
(S  Parsis,  dans  sa  ville  natale,  avant  l'achève- 
ent  de  son  œuvre.  Ce  nouveau  poëme  fut  le 
'.orge-SSameh,  et  traite  de  la  conquête  des 
Ides  par  les  Anglais  sous  Georges  III,  qui  en 
Kvint  ainsi  le  héros.  Comprenant  cent  dix  mille 
rs,  le  George-Nameh  devait  aller  jusqu'à  la. 
ttaillede  Pounah,  en  1816.  Son  neveu,  Monl- 
1  Roustem  ben-Kaïkobad,  a  publié,  en  1837, 
Bombay,  in-4°,  une  partie  du  1er  volume, 
ec  un  prospectus  de  l'ouvrage  entier.  Depuis, 
ouvrage  complet  a  paru  ;  Calcutta,  1839,  3  vol. 
t-4»;  —  Moullah  Firouz  a  encore  publié  une 
lition  du  Desatir, ou  Histoire  des  sectes  et 
oyances  persanes,  sous  le  titre  :  Desatir,  or 
med  wrïtings  ojf  the  ancien t  persi an  pro- 


MOUNIER 


778 


phets,  in  the  original  langue,  etc.,  to  ivhich 
is  added  an  english  translation  of  the  Desa- 
tir and  commer.lary  by  M.  Erskinc;  Iiornbay, 
1818,  2  vol.  in-8°.  Il  a  ensuite  publié  deux  écrits 
en  réponse  à  Hachern  Ispahani,  pour  prouver 
que  l'ère  intercalaire  persane  ne  date  pas  de 
Zoroastre,  mais  qu'elle  est  plus  moderne.  Ces 
deux  écrits  sont  intitulés  :  Renalsa  houd- 
doumma  baddalsalt  Karigeh  bir  hadam 
djaraza  Kabbesa,  ar  a  work  cxhibUing  the 
strongest  évidence  of  the  non  existence  ofthe 
Kabbesa  in  the  doctrines  of  Zoroaster,  etc.  ; 
Bombay,  1828,  1  vol.  in-fol.  Puis  Kalib  Vafakh 
ol  Hazal,  ou  Réfutation  du  nouvel  ouvrage 
de  Hachem,  etc.;  Bombay,  1832,  in-4°.  Moul- 
lah Firouz  a  légué  tous  ses  livres,  ainsi  que 
ses  manuscrits,  à  la  grande  bibliothèque  des 
Parsis.  Ch.  R. 

Mountstuart  Elphinstone,  Histoire  de  l'Inde  anglaise. 
—  Histoire  et  Annales  du  collège  du  Fort  Ceorges.  — 
Journal  asiatique  de  1832 et  1836.—  Le  Desatir,  par  Shea 
et  Troyer,  Introduction. 

mouivdar  (  Aboul  Hakem  ibn-Yahiahibn- 
Houce'in,  Al),  premier  roi  maure  de  Saragosse, 
de  la  dynastie  des  Todjibites,  né  vers  980,  mort 
le  2  septembre  1039.  Gouverneur  de  Saragosse 
sous  le  khalife  ommaïade  Souléiman ,  il  s'y 
rendit  indépendant,  et  prit  le  titre  de  roi  en  1014. 
Il  soumit  toutes  les  villes  de  l'Aragon,  Huesca, 
Tudèle,  etc.,  mais  fut  repoussé  de  la  Navarre 
par  Sanche  le  Grand,  en  1015.  Voulant  étendre 
alors  ses  conquêtes  en  Catalogne,  il  fut  encore 
battu  en  1018,  sous  les  murs  de  Barcelone,  par 
Richard  II  de  Normandie,  gendre  de  la  comtesse 
Ermesinde,  régente  du  pays,  et  forcé  de  re- 
connaître la  suzeraineté  des  comtes  de  Barcelone. 
Al  Moundar  est  compté  au  nombre  des  poètes 
arabes.  Ses  talents  militaires  lui  avaient  valu  le 
surnom  de  al  Mansour  (le  Victorieux).  Il  fut  as- 
sassiné par  son  parent  Abdallah  ibn  al  Hakem, 
général  de  ses  troupes.  Ch.  R. 

Schaefer,  Geschichte  von  Spanien.  —  Bosseuw  Saint- 
Hilaire,  Hist.  d'Espagne.  —  Aschbach,  Hist.  des  Om- 
maïades  d'Espagne  (en  allemand). 

mounier  (  Jean-Joseph  ),  célèbre  homme 
politique  français,  né  à  Grenoble  (Isère),  le  12 
novembre  1758,  mort  à  Paris,  le  26  janvier  1806. 
Mounier  est  considéré  à  juste  titre  comme  un  des 
membres  le  plus  distingués  des  états  généraux  de 
1789;  il  eut  à  la  fois  les  talents  de  l'homme 
politique  et  la  droiture  inflexible  de  l'homme  de 
bien.  Son  caractère  et  les  opinions  qu'il  soutint 
s'expliquent  en-  partie  par  les  impressions  qu'il 
reçut  dans  les  années  de  son  adolescence  et  de 
sa  jeunesse.  Son  père  était  négociant,  mais  d'une 
fortune  modeste,  et  fort  estimé  de  ses  conci- 
toyens. Fort  jeune ,  Mounier  fut  envoyé  chez  un 
curé,  son  oncle  materner,  qui  lui  apprit  les 
éléments  de  la  langue  latine.  La  sévérité  outrée 
qu'il  éprouva  pendant  ces  études  jeta  dans  son 
âme  les  premiers  germes  de  la  haine  qu'ir  ne 
cessa  de  porter  toute  sa  vie  à  l'oppression  sous 
toutes  ses  formes.  Il  entra  ensuite  au  collège  de 


779 


MOUNIER. 


7! 


Grenoble,    que  dirigeait  une  association  libre  !  s'exiler  sur  leurs  terres.  Une  insurrection  p 


d'ecclésiastiques  depuis  l'expulsion  des  Jésuites. 
Soit  dégoût  des  formes  scolastiques ,  soit  man- 
que de  tact  de  la  part  des  maîtres,  ses  progrès 
furent  lents  et  pénibles,  et  ce  ne  fut  qu'en  rhé- 
torique qu'il  annonça  de  la  facilité  et  des  ta- 
lents. Ses  études  terminées,  il  voulut  d'abord 
entrer  dans  la  carrière  militaire.  Il  était  plé- 
béien, et  il  y  trouva  toutes  sortes  de  difficultés 
et.  enfin  l'exclusion.  11  essaya  du  commerce, 
mais  la  nature  ne  l'avait  pas  fait  pour  être 
marchand  ;  il  y  renonça  après  une  courte  expé- 
rience. 11  embrassa  alors  la  carrière  du  barreau, 
quiétaitsa  vraie  vocation.  Après  quelques  études 
de  droit,  il  se  fit  recevoir  bachelier  à  l'univer- 
sité d'Orange,  et  passa  ensuite  trois  ans  à  les 
perfectionner  par  un  travail  opiniâtre  sous  la 
direction  des  jurisconsultes  les  plus  éclairés  du 
parlement  de  Grenoble.  Reçu  avocat  en  1779,  il 
voulut  d'abord  se  livrer  à  la  plaidoirie  ;  mais  la 
faiblesse  de  son  organe,  après  l'expérience  de 
quelques  causes,  le  décida  à  se  borner  aux  tra- 
vaux du  cabinet.  Bien  que  fort  jeune  encore,  son 
esprit  avait  pourtant  la  maturité  nécessaire  au 
jurisconsulte:  il  avait  surtout  l'ardeur  et  la  per- 
sévérance dans  le  travail.  Il  se  maria  à  vingt- 
trois  ans,  et  à  trente  acheta  la  charge  de  juge 
royal  (1783).  Les  lumières  et  l'équité  qu'il  ap- 
porta dans  l'exercice  de  ces  fonctions  pendant 
six  années  furent  telles,  qu'un  seul  des  juge- 
ments qu'il  prononça  fut  l'objet  d'un  appel,  et 
dans  cette  magistrature  secondaire  il  s'acquit 
la  plus  grande  considération.  Dans  ses  intervalles 
de.  repos,  il  s'occupait  surtout  de  politique  et 
de  droit  public,  et  comme  les  Anglais  étaient 
plus  avancés  que  nous  sur  ce  point,  il  étudia 
avec  soin  leur  langue ,  et  finit  par  se  familia- 
riser avec  leurs  plus  célèbres  publicistes.  Black- 
stone  et  Delolme  devinrent  ses  livres  habituels 
de  méditation,  et  c'est  dans  ces  études  qu'il 
puisa  ces  idées  de  pondération  en  gouvernement 
et  ce  vif  amour  de  leurs  institutions  que  plus 
tard  il  défendit  avec  tant  d'énergie  dans  sa  vie 
publique.  Les  troubles  civils  vinrent  l'enlever  à 
ces  paisibles  fonctions  et  agrandir  son  rôle.  La 
convocation  des  notables  en  1787  avait  fait  écla- 
ter les  ardents  désirs  de  réforme  qui  préoccu- 
paient tous  les  esprits.  Les-  ministres  du  temps 
n'y  répondirent  que  par  des  mesures  fausses  ou 
incomplètes.  Le  paiement  de  Paris  se  mit  à  la 
tête  de  l'opposition,  et  déclara  la  taxe  du  timbre 
désastreuse ,  la  subvention  territoriale  impos- 
sible, et  demanda  la  convocation  immédiate  des 
états  généraux.  Plusieurs  parlements,  et  en 
particulier  celui  de  Grenoble,  répondirent,  avec 
ardeur  à  ce  signal,  et  déclarèrent  traître  au 
roi  et  à  la  nation  tout  magistrat  qui  ferait 
partie  de  la  cour  plénière  qui  venait  d'être  ins- 
tituée pour  dominer  toute  la  France.  Le  pre- 
mier ministre  de  Brienne  se  crutasse/.  fort  pour 
vaincre  cette  insubordination,  et  ordonna  aux 
magistrats  de  ces  parlements  de  se  séparer  et  de 


pulaire  éclata  à  Grenoble  pour  défendre  les  m 
gistrats  ;  mais  ceux-ci,  craignant  d'aggraver 
lutte,  avaient  fini  par  sortir  secrètement  et  obé 
La  ville  de  Grenoble ,  pour  protéger  ses  libt 
tés,  demanda  une  assemblée  de  ses  notabk 
Mounier,  juge  royal,  y  fut  appelé.  Les  fonctio 
dont  il  était  revêtu,   son  caractère  personnel 
ses  connaissances    politiques  le  rendirent  à 
fois  le  conseil  et  le  modérateur  de  cette  asse)  i 
blée.  «  Sur  sa  proposition,  adoptée  à l'unanimi 
il  fut  arrêté  que  le  roi  serait  supplié  de  retii  | 
les  nouveaux  édits,  de  rendre  à  la  province  s 
parlement, de  convo'quer  ses  états  particuliers,  | 
enfin  de  réunir  les  états  généraux  du  royaum 
On  demanda  en  même  temps  que  le  nombre  i 
députés  du  tiers  état  fût  égal  à  celui  des  deJ 
autres  ordres  ensemble,  et  que  le  principe 
vote  par  tête  fût  reconnu,  ce  qui  établissait 
nécessité  de  la  délibération  en  commun»  Ces  piJ 
positions    fondamentales  offraient  aux  yeux 
Mounier  le  gage  de  la  fusion  des  intérêts  ( 
trois  ordres  (l).  »  Cependant  les  gentilshomn 
de  la  province,   bien   qu'ils  eussent  en  grarJ 
partie  coopéré  aux   résolutions  de  la  preml 
assemblée,   voulurent  en  former    une  secoij 
pour  adresser  particulièrement  leurs  réclan 
tions  au  roi  et  lui  exposer  avec  plus  d'enerJ 
l'état  critique  des   choses.    Ils  s'adressèren 
Mounier  pour  la  rédaction  de  deux  Mémoi  1 
qu'ils  envoyèrent  à  Versailles,  par  dix  gent  J 
hommes,  s'intitulant  députés  de  la  noblesse  I 
Dauphiné.  Le  premier  ministre  leur  conte] 
le  droit  de  stipuler  pour  la  noblesse  daupbinoil 
et,  par  une  espèce  de  compromis  ,  leur  prop  I 
non  pas  les  anciens  états  du  Dauphiné,  où  «  il 
minaient,    disait-il,   ces   institutions   féodal 
qui  ne  tenaient  aucun  compte  du  peuple,  »  ml 
des  états  formés  sur  le  type   de  ceux  de  PM 
vence.  Les  députés  y  consentirent.   Cepend  I 
des  troupes  s'avançaient  vers  le  Dauphiné  si 
les  ordres  d'un  maréchal  qui  avait  ordre  d'el 
pêcher  la  réunion  des  états  de  la  province  don  I 
jour  approchait.  Mais  l'opinion  publique  s'éJ 
prononcée  avec  tant  d'unanimité  qu'il  jugea  s  I 
de  ne  pas  s'y  opposer.  Le  21  juillet  1788  eut  1 1 
la  célèbre  assemblée  de  Vizille,  où  devaient  dl 
bérer   ensemble  deux  cent  cinquante  dépul 
des  deux  premiers  ordres,  et  deux  cent  cl 
quante  de  toutes  les  municipalités.  Peu  aval 
sous  la  direction  de  Mounier,   les  membres  I 
plus  influents  et  les  plus  éclairés  s'entendir  I 
sur  la  nature  des  résolutions  à  prendre  afincBJ 
bréger  la  durée  de  la  séance  solennelle  et  pl 
venir  les  violences  auxquelles  l'autorité  pour:  I 
recourir.  La  séance  dura  depuis  neuf  heures  b 
matin  jusqu'à  minuit.  Mounier  fut  unanimem| 
désigné  comme  secrétaire.  On  y  arrêta  de  <  q 
mander  au  roi  la  convocation  des  étals  gé  fi 
raux,  le  retour  des  cours  de  justice,  et  le  rit* 
(l)   Encyclopédie  des  Gens  du  Monde,  article  M| 

NIER. 


781 


MOUIVIER 


782 


blissement  des  états  de  la  province  ;  mais  à  l'é- 
gard de  ceux-ci,  il  était  remarqué  qu'ils  ne  de- 
vaient plus  être  regardés  que  comme  provisoi- 
res, et  que  les  états  généraux  décideraient  d'une 
manière   souveraine  de  l'organisation  à  donner 
à  tout  le  royaume.  Après  avoir  consacré  ces 
grands  principes,  qui  étaient  tonte  la  révolution, 
l'assemblée  s'ajourna  pour  le  1er  septembre  sui- 
j  vant,  dans  la  ville  de  Grenoble.  L'archevêque  de 
I  Sens,  premier  ministre,  n'osant  lutter   de  front 
I  contre  ces  déclarations  hardies,  prit  d'hypocrites 
i  demi-mesures.  11  annonça  les  états  généraux  pour 
f|  le  mois  de  mai  prochain;  mais  il   refusa  le  rap- 
I  pel  des  cours  de  justice.  Jl  accorda  les  anciens 
|t  états  de  la  province,  mais  sans  avoir  égard  à  la 
Û  forme  demandée,  et  les  convoqua  pour  le  27  août, 
k{  à  Romans,  tandis  qu'ils  auraient  du.  se  réunir 
ï  1er  septembre  à  Grenoble.  Les  trois  ordres  s'en- 
Jé  tendirent  pour  protester,  et  Mounier  rédigea  les 
y  mémoires.  Le  ministre  envoya  l'ordre  de  l'arrêter 
|  ainsi  que  six  gentilshommes.  Mais  les  lettres 
1  le  cachet  étaient  à  peine  expédiées,  qu'on  reçut 
lia  nouvelle  que  le  premier  ministre  avait  été  ré- 
lluit  à  donner  sa  démission.  La  scène  changea, 
fît  dans  l'assemblée  de  Romans,  Mounier  fut  re- 
•  jorté  avec  enthousiasme  à  ses  fonctions  de  se- 
f  ;rétaire.  Il  rédigea  la  belle  lettre  écrite  au  roi 
»iar  les  trois  ordres  réunis,  le  14  septembre,  et 
»:elle  qu'ils  adressèrent   en  même  temps  à  son 
Aoremier  ministre  Necker.   Il  présenta  un  projet 
«l'organisation  des  états  de  la  province ,  d'après 
iequel  vingt-quatre  membres  du  clergé,    qua- 
rante-huit de  la  noblesse,  et  soixante-douze  du 
tiers  état  devaient  composer  les  états,  y  délibérer 
len  commun,  et  voter  par  tête.  L'assemblée  l'a- 
■lopta,  et  après  avoir  achevé   ses  travaux    en 
ïjuatre  semaines,  se  sépara  en  nommant  une 
eonraission  de  douze  membres,  séant  à  Gre- 
noble, pour  correspondre  avec  les  ministres  sur 
accomplissement  des  vœux  qui  avaient  été 
formulés.    L'exemple  du  Dauphiné   donna  un 
iîhoc  électrique  à  toute  la  France.  La  plupart 
Ses  proviuces  réclamèrent ,  les  unes  leurs  an- 
biem  états,  les  autres  la  formation  de  leurs  as- 
semblées provinciales  sur  le  modèle  qui  venait 
i'êtn  établi.  Partout,  l'opinion  publique  se  pro- 
Mmçiit  avec  force  et  avec  éclat.  Le  1er  décem- 
ttre  suivant,  les  états  du  Dauphiné  s'ouvrirent, 
rt  déîlarèrent,  r  comme  règle  générale,  que  les 
nrdres  et  les  provinces  devaient  délibérer  en- 
embe,  les  suffrages  être  comptés  par  tête,  et  le 
tiers  état  avoir  le  double  des  représentants  des 
leux autres  ordres.  Le  2  janvier  1789,  les  états, 
t>t  à  l'impatience  de  la  province,  procédè- 
rent à  l'élection  des  députés  aux  états  généraux, 
■t  Mounier  fut  nommé  par  des  suffrages  una- 
UMes.  Sur  trois  cents  votants,  il  ne  lui  manqua 
|oe  teus.  voix,  la  sienne  et.  celle  de  son  père, 
^unois  de  mars,  il  accompagna  à  Versailles 
'archevêque  de  Vienne  (Lefrauc  de  Pomp:gnan), 
*ui  arait  présidé  les  états  ;  et  le  roi  ayant  dit  au 
•rélat  qu'il  le  remerciait  «  d'avoir  sauvé  le  Dau- 


phiné, «celui-ci  s"empressade  répondre  avecone 
noble  modestie:  «  Sire,  ce  n'est  pasmoi,  c'est  ne- 
tre  secrétaire  général,  u 

Mounier  parut  aux  étals  généraux  avec  la  répu- 
tation et  l'influence  qui  appartenaient  au  premier 
orateur  des  états  du  Dauphiné.  il  prit  une  part 
activeauxcomféronces  qui  précédèrent  la  réunion 
des  ordres;  il  y  iporlacetledroilurectcelfe  justice 
qui  étaient  la  base  de  son  caraotère.  Il  déclara 
franchement  aux  commissaires  du  clergé  et  de  la 
«  noblesse  qu'il  s'agissait  d'assurer  par  une  cons- 
titution la  liberté  publique;  que  la  réunion  de  tous 
les  députés  était  nécessaire  pour  un  si  grand  objet  ; 
qu'elle  était  exigée  par  le  vœu  de  la  nation  ; 
qu'on  ne  pouvait  y  résister,  non-seulement  sans 
une  extrême  injustice,  mais  sans  une  extrême 
imprudence  ».  Les  ordres  privilégiés  ayant  per- 
sisté dans  leur  refus  de  délibérer  en  assemblée 
générale,  les  communes  résolurent  de  se  consti- 
tuer activement  en  leur  absence,  et  débattirent 
quel  nom  elles  prendraient.  Plusieurs  furent  pro- 
posés, celui  de  représentants  du  peuple  fran- 
çais par  Mirabeau,  celui  de  la  majorité  déli- 
rant en  Vabsence  de  la  minorité  par  Mounier, 
opposé  aux  partis  extrêmes,  et  celui  Rassem- 
blée nationale  par  un  député  obscur,  qui  réu- 
nit les  suffrages,  sous  l'impulsion  de  Mirabeau 
et  de  Sieyès.  Le  lendemain,  17  juin,  les  commu- 
nes, à  la  majorité  de  491  voix  contre  90,  se 
constituèrent  en  Assemblée  nationale,  et  com- 
mencèrent le  travail  de  la  constitution.  Peu  de 
jours  après,  une  séance  royale,  tardivement  ré- 
solue, fut  annoncée  avec  maladresse,  et  déna- 
turée au  moment  de  l'exécution.  La  cour  fit 
fermer  la  salle  des  états ,  sous  prétexte  des  pré- 
paratifs à  faire.  Les  députés  étant  arrivés  en 
foule,  sans  avoir  été  prévenus,  se  virent  ré- 
poussés. Blessés  dans  leur  dignité*  agités  de 
craintes,  se  croyant  menacés  de  dissolution, 
même  d'emprisonnement  arbitraire,  ils  s'exaltent, 
prennent  la  résolution  de  résister,  et  se  réfugient 
dans  la  salle  du  Jeu  de  paume  ;  et  c'est  là 
que,  sur  la  proposition  de  Mounier?  tous  les  dé- 
putés, moins  un  seul*  s'engagent  par  serment  à 
ne  pas  se  séparer  avant  l'établissement  d'une 
constitution  que  demandait  la  France  entière. 
Mallet-Dupan,  qui  plus  tard  reçut  à  Berne  les 
confidences  de  Mounier  au  sujet  de  cette  pro- 
position, s'exprime  ainsi  :  «  On  a  ignoré  que, 
rendus  au  Jeu  de  Paume,  toutes  les  têtes  étant 
parties,  l'abbé  Sieyès  voulut  profiter  de  cet 
échauffemenf  eh  proposant  de  se  transférer  sur- 
le-champ  à  Paris,  de  s'y  constituer  et  de  décré- 
ter au  nom  de  la  nation.  Cette  idée  prenait  fa- 
veur :  l'abbé  Sieyès  entouré  des  siens  allait  en 
faire  là  motion,  lorsque  Mounier,  pour  détour- 
ner ce  coup,  proposa  le  serment  de  rester  unis 
jusqu'à  la  constitution  faite.  Ce  fut  donc  une 
mesure  forcée  de  sa  part  et  indispensable  dans 
la  circonstance.  »  Mounier  lui-même  ceufirme 
ces  motifs  dans  une  note  de  son  ouvrage  inti- 
tulé :   Recherches   sur   les  causes  qui  ont 


783 


MOUNIER! 


78 


empêché  les  Français  de  devenir  libres  (  pu- 
blié en  1792,  2  vol.  in-8°).  Il  y  insiste  particu- 
lièrement sur  la  résolution  qu'allait  prendre  l'as- 
semblée d'aller  chercher  un  asile  à  Paris,  comme 
chassée  du  lieu  de  ses  séances,  et  sur  les  suites  in- 
calculables d'une  telle  démarche.  Après  la  séance 
royale  du  23  juin,  où  le  roi,  instrument  de  pas- 
sions qui  n'étaient  pas  les  siennes,  avait  parlé  et 
agi  d'une  manière  si  inconsidérée,  Mounier  s'éleva 
avec  énergie  contre  toutes  les  formes  et  contre 
plusieurs  dispositions  des  ordonnances  qui 
avaient  été  proclamées.  Il  imprima,  en  1790  et 
en  1792,  que  «la  séance  du  23  juin  était  cer- 
tainement une  des  causes  qui  avaient  préparé 
l'anarchie  qui  déchirait  la  France  ».  Regardant 
une  constitution  fixe  comme  le  remède  à  la 
violence  des  passions  contraires,  il  pressa  l'as- 
semblée de  s'en  occuper,  et  obtint  enfin,  le 
6  juillet,  la  formation  d'un  comité  central,  chargé 
de  préparer  les  travaux  constitutionnels.  Mem- 
bre et  rapporteur  de  ce  comité,  il  appuya  forte- 
ment, en  cette  qualité,  la  proposition  d'une 
adresse  au  roi,  présentée  par  Mirabeau,  pour 
demander  l'éloignement  des  troupes  qui  mena- 
çaient l'indépendance  de  l'assemblée;  mais  en 
même  temps  il  fit,  au  nom  du  comité  central, 
le  rapport  le  plus  favorable  au  pouvoir  royal, 
et  il  fut  aisé  de  pressentir  dès  lors  qu'il  ne  sui- 
vrait pas  le  mouvement  révolutionnaire  jusqu'au 
bout.  A  la  nouvelte  de  l'exil  de  Necker,  dont  il 
était  partisan  zélé,  il  dénonça  avec  force  les 
intrigues  qui  lui  semblaient  avoir  suscité  pour  le 
roi  et  la  monarchie  les  plus  graves  dangers,  et 
proposa  une  adresse  pour  demander  le  rappel 
des  ministres  disgraciés  (  13  juillet).  L'insur- 
rection éclata  à  Paris  le  14,  et  le  peuple  s'em- 
para de  la  Bastille.  Les  chefs  du  côté  gauche 
renouvelèrent  avec  plus  de  force  la  motion  pour 
le  rappel  des  anciens  ministres  et  le  renvoi  des 
nouveaux,  et  en  exigeant  cette  mesure  comme 
un  droit  de  l'assemblée.  Mounier  combattit  cette 
prétention,  et  rappela  les  principes  établis  par 
lui  «  que  le  roi  était  maître  absolu-  du  choix  de 
ses  ministres  ;  que  des  circonstances  extraordi- 
naires pouvaient  seules  autoriser  l'assemblée  à 
former  un  vœu  à  cet  égard  ;  que  ce  vœu  dans 
tous  les  temps  ne  pouvait  se  manifester  que 
par  la  voie  d'une  prière  humble  et  soumise,  et 
que  peut-être  même  devrait-on  se  l'interdire 
aujourd'hui,  si  le  roi  n'avait  fait  hier  un  appel  au 
zèle  des  représentants  de  la  nation,  et  ne  leur 
avait  demandé  leurs  conseils  sur  les  moyens  de 
ramener  l'ordre  et  la  paix  dans  l'État.  »  Malgré 
les  efforts  de  Mirabeau,  la  motion  fut  rédigée 
dans  le  sens  que  voulaient  Mounier  et  ses  amis. 
Dans  la  mémorable  nuit  du  4  août,  il  défendit 
avec  une  grande  énergie  les  droits  de  propriété. 
A  la  lin  de  ce  mois  eut  lieu  le  rapport  du  comité 
de  constitution. 

Mounier  proposa  un  projet  tracé  sur  le  mo- 
dèle de  la  constitution  anglaise.  Il  insista  sur  la 
division  du  corps  législatif  en  deux  chambres,  la 


sanction  royale  dans  toute  sa  plénitude,  le  droi  jî 
royal  de  convoquer,  proroger,  dissoudre  l'assem 
blée  nationale.  La  discussion  sur  ces  grande 
questions  fut  acharnée  et  orageuse.  Sur  mil!  |  i 
soixante  votants,  quatre-vingt-neuf  seulement  s  i 
déclarèrent  pour  les  deux  chambres;  cent  ving  1 
deux  dirent  n'avoir  pas  entendu  la  question;  1 1 
huit  cent   quarante-neuf,  appartenant,à..la~jdi  1 
mocratie  et  à  l'aristoratie  extrême,  se  pronoi 
cèrent  pour  une  chambre  unique  et  pertni  - 
nente.  On  vota  ensuite  sur  la  sanction  royali 
désignée  sous  le  nom  impopulaire  de  vélo.  Moi  I 
nier  et  ses  amis  le  voulaient  absolu  ;  mais    I 
veto  suspensif  l'emporta  à  la  majorité  de  six  ce:  I 
quatre-vingt-quatre  voix  contre  trois  cent  vin^   - 
cinq.  Dès  le  lendemain  il  se  retira  du  comité  (  I 
constitution  avec  Clermont-Tonnerre  (  Stanislas 
Bergasse   et  Lally-Tollendal  (septembre). 

Cependant ,  malgré  l'échec  du  parti  qui  I 
regardait  comme  son  chef ,  Mounier  fut  élel 
à  la  présidence  de  l'assemblée  (28  septembre 
Il  n'accepta  que  parce  qu'il  y  avait  du  dange 
et  bientôt  les  attentats  des  5  el  6  octobre  vi:  I 
rent  mettre  à  l'épreuve  la  droiture  et  l'éne 
gie  de  son  caractère-.  La  plus  terrible  ferment  i 
tion  régnait  à  Paris  ,  et  une  multitude  immens  r 
où  il  y  avait  beaucoup  de  femmes ,  s'était  dirig  I 
sur  Versailles.  Mounier  occupait  le  fauteu  I 
lorsque  Mirabeau  s'approche  de  lui  et  l'engagi  I 
lever  la  séance ,  quarante  mille  hommes  arrivj  I 
de  Paris  ;  il  insistait  fortement:  «  Eh  bien,  dit  I 
président,c'estuneraisondeplus  pour  que  l'asseiB 
blée  reste  à  son  poste.  »  —  «  Mais ,  monsieui  I 
président,on  vous  tuera  :  »  —  «  Tant  mieux  :  si  1'  H 
nous  tue  tous ,  tous  sans  exception ,  la  chose  p  ■ 
blique  en  ira  mieux.  »  —  «  Le  mot  est  joli,  me  H 
sieur  le  président  ;  mais  si  la  famille  royale  est  1 I 
duite  à  fuir,  je  ne  réponds  plus  des  conséquences  ■ 
Cependant  de  nombreux  individus  ,  hommes  I 
femmes,  avaient  pénétré  dans  la  salle-,  et  denuB 
daient  du  pain  avec  une  audace  menaçante,»  I 
seul  moyen  d'obtenir  du  pain.,  leur  dit-il  avec  coH 
rage,  estde  rentrer  dans  l'ordre  :  plus  vousn'M 
nacerez,  moins  il  y  aura  de  pain.  »  A  la  têted'uM 
députationjl  se  rend  auprès  du  roi,  et,  luiexrB 
sant  avec  franchise  le  danger,  l'engage  à  sari 
tionner  les  décrets  de  l'assemblée  sur  la  tonnH 
tution ,  mais  à  repousser  la  force  par  la  for<  ■ 
si  l'issue  du  combat  était  contraire,  il  propos  H 
d'accompagner  le  roi ,  soit  à  Rouen ,  soit  cans  H 
ville  où  les  députés  constitutionnels  se  réuniraiiB 
autour  de  lui.  Le  roi  approuva  ce  plan  ;  mais  (  ■ 
heures  précieuses  furent  perdues  sans  résultat  ■ 
délibérations  du  conseil.  Enfin  l'acceptatioi  pi  H 
et  simple  ayant  été  donnée,  Mounier  revinl  ri;  H 
l'assemblée,  qu'il  trouva  livrée  au  plus  affreB 
désordre  et  envahie  par  la  populace.  Il  pirvfH 
à  rétablir  un  peu  d'ordre,  et  invita  les  diSpuM 
à  se  rendre  auprès  du  roi,  afin  que  leur  pi&seï  H 
lui  servît  de  sauve-garde.  Mirabeau  objectintcij 
cette  démarche  compromettrait  la  dignité 
l'assemblée  :  «  Notre  dignité ,  répondit  lî  pi  I 


MOU  JN  1ER 


786 


idt'iit ,  est  dans  notre  devoir  !  »  Mais  la  peur 
vail  glacé  les  courages.  En  vain  il  conjura  les 
épatés  dévoués  à  l'accompagner.  Il  se  rendit 
resque  seul  auprès  du  roi,  et  ne  s'en  sépara 
u'après  s'être  assuré  que  le  général  La  Fayette 
vait  mis  le  château  à  l'abri  de  toute  surprise. 
I  était  trois  heures  du  matin.  Mounier  était  sur 
ied  sans  avoir  mangé  depuis  neuf  heures  du 
latin,  et  crachait  le  sang.  A  son  réveil,  il  ap- 
rit  les  scènes  terribles  de  la  nuit,  et,  pénétré  de 
juleuret  d'indignation ,  il  envoya,  le_8octobrer 
i  démission.  11  crut  que  le  premier  devoir  des  dé- 
ités  fidèles  à  leurs  mandats  était  de  se  rendre 
ins  leurs  provinces,  pour  éclairer  leurs  commet- 
nts  et  proposer  les  moyens  de  réunir  une  nou- 
ille assemblée.  Arrivé  à  Grenoble,  il  agitdans  ce 
ns.  Le  mouvement  qu'il  détermina  était  de  na- 
re  à  se  reproduire  ailleurs.  Un  décret  de  l'As- 
îinblée  nationale  interdit  toute  réunion  des  états 
imme  illégale,  et  les  efforts  de  Mounier  se 
ouvèrent  ainsi  paralysés.  Mallet-Dupan  affirme 
îe  Mounier  échappa  à  grand'  peine  aux  assas- 
18 ,  qui  le  cherchaient  dans  l'insurrection  du  5 
du  6 ,  et  il  déplore  la  position  de  cet  homme 
distingué ,  qui  avait  exposé  sa  vie  en  Dau- 
liné  pour  la  défense  du  peuple  et  de  la  liberté, 
duit  à  chercher  un  asile  au  sein  de  la  retraite, 
publia  un  mémoire  justificatif  intitulé  :  Ex- 
>sé  de  la  conduite  de  Mounier  dans  l'Assem- 
!ée  nationale  et  des  motifs  de  son  retour  en 
miphiné;  mais  bientôt  des  lettres  de  Paris  le 
gnalèrent  comme  déserteur  de  la  cause  de  la 
Ivolution ,  comme  traître  ;  et ,  les  haines  poli- 
ijues  s'exaltant  avec  les  passions  et  la  violence 
js  événements ,  ses  parents  et  ses  amis  le  déci- 
ferent  à  quitter  le  Dauphiné.  Il  passa  en  Suisse 
tac  sa  famille  (mai  1790),  et  y  resta  jusqu'à  la 
»  de  1792.  Mounier  publia  à  Genève  sa  brochure 
ppel  au  tribunal  de  l'opinion  publique  sur 
décret  rendu  par  f  Assemblée  nationale,  le 
octobre  1790,  et  deux  ans  après  son  ouvrage 
titulé  Recherches  sur  les  causes  qui  ont  em- 
îehé  les  Français  de  devenir  libres,  2  vol. 
,  ouvrage  très-remarquable  par  la  portée 
t&  vues.  Cependant  sa  position  était  devenue 
fej-critique.  Personne  ne  pouvait  sans  danger 
ire  passer  des  fonds  à  un  émigré.  Il  avait  refusé 
S  qui  lui  était  offert  par  divers  gouvernements, 
'  son  travail  seul  pouvait  créer  les  ressources 
Êcessaires  à  sa  famille.  «  Sa  conduite  à  l'étfan- 
W,  dit  M.  Berriat-  Saint  -Prix,  prouva  que  la- 
^cessité  seule  l'avait  décidé,  à  l'exil ,  et  qu'il 
tait,  malgré  son  éloignement,  conservé  l'atta- 
iement  le  plus  sincère  pour  son  pays.  Non-seu- 
ment  il  ne  prêta  ni  son  bras  ni  sa  plume  aux 
inemis  de  la  France ,  mais  il  prit  encore  la 
irme  résolution  de  ne  point  habiter  dans  leurs 
tats,  malgré  la  médiocrité  de  ses  ressources  et 
difficulté  de  recevoir  des  secours  de  ses  pa- 
vots. » 

Mounier  se  décida  enfin  à  se  charger  de  l'éduca- 
on  d'un  jeune  lord,  petit-fils  de  l'amiral  Hawke, 


et  cette  tâche  accomplie,  il  se  fixa  dans  le  duché 
de  Saxe-Weimar(l7;>5),  Genève  lui  étant  fermée 
par  suite  de  la  révolution  que  la  république 
française  y  avait  faite.  Ce  fut  à  Weimar  qu'il 
fit  une  perte  doublement  cruelle  dans  sa  po- 
sition. Sa  femme,  qui  était  aussi  distinguée 
par  l'esprit  que  par  les  qualités,  lui  fut  enlevée 
par  une  maladie  aiguë.  Le  duc,  désirant  le  fixer 
dans  ses  États,  lui  proposa  de  former  un  établis- 
sement d'éducation  pour  les  jeunes  gens  qui  se 
destinaient  aux  fonctions  publiques,  et  lui  aban- 
donna la  jouissance  d'un  de  ses  châteaux,  appelé 
le  Belvédère  (1797).  Cette  maison  compta  bien- 
tôt parmi  ses  élèves  les  héritiers  des  premiers 
noms  d'Angleterre  et  d'autres  pays  étrangers. 
Outre  la  direction  générale ,  Mounier  y  fit  lui- 
même  des  cours  de  philosophie,  de  droit  public 
et  d'histoire.  Il  mettait  ses  soins  à  exercer  sur 
les  esprits  une  noble  influence  morale.  Ce  fut 
pendant  son  séjour  à  Weimar  qu'il  publia  son 
ouvrage  :  De  l'Influence  attribuée  aux  philo- 
sophes, aux  francs-maçons  et  aux  illuminés, 
sur  la  révolution  de  France  ;  Tubingue,  1801  ; 
Paris,  1821,  avec  des  notes  par  Alph.  Mahul. 
C'est  une  réfutation  des  Mémoires  pour  servir 
à  l'histoire  du  Jacobinisme,  par  l'abbé  Bar- 
ruel.  La  première  partie  est  un  résumé  rapide 
de  ses  idées  sur  les  causes  de  la  révolution  fran- 
çaise. Les  deux  autres  sont  développées  avec  un 
jugement  impartial  et  d'après  les  meilleures 
sources.  Le  18  brumaire  vint  lui  rouvrir  les  portes 
de  la  France.  Mounier  demandait  à  rentier  dans 
cette  patrie  objet  de  sa  constante  affection.  Ses 
amis  obtinrent,  au  commencement  de  1801,  sa 
radiation  de  la  liste  des  émigrés,  et  après  avoir 
confié  son  établissement  à  un  digne  successeur, 
il  revint  à  Grenoble  en  octobre.  Il  n'avait  pas 
l'intention  de  rentrer  dans  la  vie  publique,  il 
songeait  même  à  former  à  Lyon  une  maison  sem- 
blable à  l'école  du  Belvédère;  mais  ses  anciens 
collègues  l'engagèrent  à  venir  à  Paris  et  à  ser- 
vir encore  le  pays  d'une  manière  active.  Le  pre- 
mier consul  le  nomma,  au  printemps  de  1802, 
préfet  d'Ille-et-Vilaine.  C'était  un  de  ces  dé- 
partements où  la  guerre  civile  et  la  terreur 
avaient  causé  le  plus  d'excès;  il  demandait  un 
magistrat  qui  réunît  la  plus  grande  justice  à  la 
fermeté  et  au  discernement.  Ses  lumières  et  son 
intégrité  y  firent  beaucoup  de  bien ,  et  les  Bre- 
tons le  présentèrent  comme  candidat  pour  le  sé- 
nat conservateur.  Napoléon,  qui  connaissait  sa 
capacité,  l'appela  au  conseil  d'État.  Mounier  sut 
avec  tact  et  dignité  y  maintenir  ses  principes  et  son 
indépendance.  «  Oh  ï  pour  celui-là ,  disait  de  lui 
Napoléon,  c'est  un  honnête  homme;  je  sais  ce 
qu'il  pense.  »  (1804).  Fixé  à  Paris,  entouré  de 
ses  enfanfs  et  de  ses  nombreux  amis,  il  employa 
ses  loisirs  à  revoir  ses  cours  du  Belvédère,  qu'il 
se  proposait  de  publier.  Mais  sa  santé  s'altéra 
de  plus  en  plus  :  une  affection  au  foie,  dont  il 
souffrait  depuis  longtemps,  prit  une  grande  inten- 
sité, et  il  expira,  à  quarante-huit  ans,  des  suites 


737  MOUNIER 

d'une  hydropisie  de  poitrine ,  le  26  janvier  1806. 
Regnauld  de  Saint-Jean-d'Angely ,  son  ancien  collè- 
gue, prononça  son  éloge  funèbre,  devant  le  cer- 
cueil et  en  présence  d'un  grand  nombre  de  séna- 
teurs, de  législateurs  et  de  tribuns.  11  peignit  le 
caractère  de  Mounier  en  un  seul  trait  :  Cet  homme 
avait  soif  de  la  justice.  C'était  en  effet  un  ex- 
cellent citoyen,  qui  n'eut  pour  guide  que  la  droi- 
ture et  la  vertu.  Son  nom  plus  tard  fut  honoré 
de  la  pairie  dans  la  personne  de  son  fils  (  voir 
l'article  suivant).  Outre  les  brochures  et  écrits 
cités  j  on  a  encore  de  Mounier  les  ouvrages  sui- 
vants :  Considérations  sur  les  gouvernements, 
et  principalement  sur  celui  qui  convient  à  la 
France  j  1789,  in-8°.  —  Adolphe,  ou  principes 
élémentaires  de  politique  et  résîillats  de  la 
plus  cruelle  des  expériences;  Londres  (Ge- 
nève), 1795,  in-8°.  J.  Chanut. 

Thiers,  Histoire  de  la  Révolution.  —  Mignet,  id.  — 
Droz,  Histoire  de  Louis  Xf^I.  —  Revue  des  Deux  Men- 
ues, 15  juin  1842,  Les  Monarchiens  de  l'assemblée  co)is- 
tituante.  —  Mallel-Dupan,  Mémoire  et  Correspondance, 
2  vol.,  1851.  —  Album  du  Dauphiné.  —  Berrlat  Saint- 
Trix,  Èloye  historique  de  Mounier  ;  Grenoble,  1806.  — 
Rabbe,  etc.,  Biographie  universelle  des  Contemporains. 
—  Encyclopédie  des  Gens  du  Monde. 

mounier  (  Claude-Édouard-Philippe ,  ba- 
ron), homme  politique  français,  fils  du  précé- 
dent, né  à  Grenoble,  le  2  décembre  17S4,  mort 
le  11  mai  1843,  à  Passy,  près  Paris.  Sorti  de 
France  à  l'âge  de  six  ans  avec  son  père,  il  y 
rentra  en  même  temps  que  lui,  à  la  fin  de  1801. 
Nommé  en  février  1806  auditeur  au  conseil  d'É- 
tat, il  suivit  dans  la  campagne  de  Prusse  l'em- 
pereur, qui  lui  donna  l'intendance  du  duché  de 
Saxe-Weimar,  d'où  il  passa,  en  la  même  qualité 
(de  1807  à  la  fin  de  1808),  dans  la  province  de 
B.asse-Silésie.  De  retour  à  Paris,  après  l'entrevue 
d'Érfurt,  au  mois  de  février  1809,  il  remplaça, 
comme  secrétaire  du  cabinet,  le  général  Clarke  , 
qui  était  devenu  ministre  de  la  guerre,  et  accompa- 
gna l'empereur  dans  les  campagnes  de  1809, 1812 
et  1813.  A  vingt-cinq  ans,  il  en  avait  reçu,  avec 
la  croix  de  la  Légion  d'Honneur,  le  titre  de  ba- 
ron et  une  dotation  de  10,000  fr.  de  rente  sur 
les  domaines  de  Poméranie.  Maître  des  requêtes 
en  1812,  il  fut  en  1813  promu  aux  fonctions 
d'intendant  des  bâtiments,  l'une  des  places  les 
plus  importantes  de  l'administration  de  la  mai- 
son impériale.  En  1814,  Louis  XVIII  confirma 
Mounier  dans  l'exercice  de  cette  place ,  réduite 
toutefois  à  de  moindres  proportions,  et  il  la  con- 
serva jusqu'en  1830.  Pendant  les  Cent-Jours,  Mou- 
nier se  retira  à  Weimar,  et  rentra  en  France  avec 
;e  roi.  Conseiller  d'État  au  mois  d'août  1815,  ^t 
attaché  au  comité  de  législation,  il  fut  en  janvier 
1817  nommé  membre  de  la  commission  mixte 
chargée  de  liquider  les  créances  que  les  souve- 
rains étrangers  faisaient  valoir  contre  la  France. 
Président  des  commissaires  français  ,  Mounier 
ne  tarda  pas  à  reconnaître  que  la  nation  ne  pou- 
vait sans  d'énormes  sacrifices  acquitter  cette 
masse  de  dettes,  et  que  le  débat  des  intérêts  res- 
pectifs, si  opposés  entre  eux,  devenait  la  source 


d'une  irritation  croissante  qui  traversait  l'esp 
conçu  par  le  roi  d'obtenir  la  libération  du  ter 
toire.  Il  proposa  donc  une  transaction  qui 
surait  à  chacun  des  États  participant  aux  trai 
une  somme  fixe  au  moyen  de  laquelle  il  devai 
charger  de  désintéresser  ses  propres  sujets. 
plan  ayant  été  adopté,  les  conventions  du  25  a 
1818  furent  conclues  par  le  duc  de  Richelieu 
duc  de  Wellington  et  les  ambassadeurs  des  p 
sances  signataires  des  traités  de  1815.  En 
partissant  entre  les  trente-six  États  réclama 
une  somme  totale  de  16  millions  de  rente,  e 
mirent  fin  à  toutes  les  discussions ,  et  l'évac 
tion  définitive  du  territoire  français  fut  stipi 
au  congrès  d'Aix-la-Chapelle,  où  Mounier 
compagna  le  duc  de  Richelieu. 

Compris  dans  la  promotion  de  pairs  qui 
lieu  le  5  mars  1819,  Mounier  refusa  en  182( 
portefeuille  de  l'intérieur,  que  le  roi  voulait 
confier  ;  il  ne  se  croyait  pas  assez  d'expérie 
et  surtout  d'habitude  de  la  tribune.  Néanmo< 
cédant  aux  instances  du  duc  de  Richelieu,  i 
chargea,  avec  le  titre  de  directeur  général  del 
ministration  départementale  et  de  la  police,  d 
partie  la  plus  importante  du  ministère  de  l'i 
rieur.  Il  quitta  ces  fonctions  lorsque  le  duc  de' 
chelieu  sortit  du  ministère  (décembre  1821), 
mis  en  service  extraordinaire  au  conseil  d'i 
sous  l'administration  de  M.  de  Villèle,  et  ne  rei 
dans  le  service  actif  qu'en  1828.  Depuis  c 
époque  il  fut  rapporteur  des  commissions  char; 
de  présenter  le  projet  de  loi  sur  l'organisatioi 
l'administration  départementale  et  municipal 
de  résoudre  tes  questions  difficiles  élevées  au 
jet  de  l'enseignement  dans  les  écoles  ecclés 
tiques.  A  la  révolution  de  1830,  Mounier  qu 
le  conseil  d'État  ;  mais  il  continua  dé  siéger 
chambre  des  pairs,  aux  travaux  de  laquell 
prit  la  part  la  plus  active.  Nous  devons  une  n 
tion  particulière  aux  rapports  suivants  :  pu 
de  loi  sur  l'indemnité  due  aux  colons  de  S» 
Domingue  (1826,  1839)  ;  sur  la  répressiond 
traite  des  noirs  (1831);  la  police  du  mu» 
(1833,  1838,  1842);  l'administration  munici) 
(1835,  1837);  les  attributions  des  conseils  g< 
raux  (1837, 1838)  ;  l'état-major  de  l'armée  (18; 
les  fortifications  de  Paris  (1841).  Dans  céder 
rapport ,  il  défendit  avec  force  l'amendement 
la  commission  qui  avait  pour  objet  de  supprii 
l'enceinte  continue.  Enfin,  en  1842,  il  fit  lei 
port  du  budget  des  dépenses  pour  l'exercice 
1843. 

Toutes  les  grandes  questions  dont  Mouniei 
fut  pas  chargé  de  préparer  la  solution ,  con 
rapporteur,  il  les  discuta  avec  non  moins 
succès  comme  orateur.  Nous  citerons,  entre 
très,  les  discours  prononcés  par  lui  en  18 
contre  l'abolition  de  l'hérédité  dans  la  cham 
des  pairs  et  le  projet  de  loi  sur  l'état  de  sié 
en  faveur  des  colons  de  Saint-Domingue  et 
pensionnaires  de  l'ancienne  liste  civile ,  sm 
travail  des  enfants  dans  les  manufactures,  p 


J9  MOUNIER 

imnistie  appliquée  à  tous  les  actes  ;  il  combattit 
ntroduclion  «lu  scrutin  secret  pour  constater 

décision  des  jurés,  et  il  réfuta  avec  chaleur  la 
•feuse  de  l'esclavage  dans  les  colonies  présentée 
r  M.  de  Montlosier.  Il  demanda  à  plusieurs 
prises  qu'en  Algérie  la  guerre  fût  ramenée, 
tant  que  possible,  aux  règles  ohservées  ,par 
l  peuples  civilisés.  Mounier  profita  du  droit 
initiative  dans  deux  circonstances  importantes. 
1  1836,  il  demanda  qu'une  commission  fût 
argée  de  rédiger  un  projet  de  loi  qui  fixateom- 
étement  la  compétence  et  le  mode  de  procéder 

la  cour  des  pairs.  Nommé  rapporteur,  il  pré- 
nla  à  la  chambre  un  projet  en  cent  quarante- 
ux  articles,  que  dans  la  session  suivante  le 
uvernement  convertit  en  projet  de  loi,  en  y 
angeant  une  seule  disposition.  Différentes  cir- 
ostances  en  devaient  depuis  écarter  la  mise  en 
libération.  En  1839,  il  proposa  et  fitadopter  par 

chambre  un  projet  de  loi  tendant!  à  faire  res- 
andre le  nombre  des  promotions  dans  l'ordre 

la  Légion  d'Honneur.  A  la  fin  de  1840,  lors- 
e  M.  Guizot  quitta  l'ambassade  de  Londres, 
junior  accepta  une  mission  temporaire  dans  cette 
le,  et  y  passa  quelques  semaines.  «■  L'année 
mparavant,  dit  M.  de  Barante,  on  lui  avait 
•èrt  de  faire  partie  d'un  cabinet  qui  se  for- 
ait; il  fut  étonné  et  point  tenté  de  la  prqposi- 
jn.  Sa  vie  publique  était  aussi  honorable  et 
Ime;  une  vie  privée,  régulière,  morale,  se- 
'»use,  ajoutait  à  la  considération  qui  T'entourait, 
"  Jbien  être  dont  il  jouissait.  Le  travail  de  l'é- 
le  n'était  pas  une  fatigue  pour  lui.  Il  n'éprou- 
it  pas  le  besoin  du  repos  ni  de  la  distraction, 
firié.en  1810  à  M^e  Lightone,  qu'il  avait  eon- 
ie  en  Allemagne ,  et  qui  non  plus  que  lui  n!a- 
lit  point  de  fortune,  il  avait  goûté  tout  le 
nheur  intérieur  qu'il  s'était  promis.  Ses  trois 
les  étaient  mariées  à  des  fils  de  ses  amis  ;  son 
J3  achevait  son  éducation.  »  Après  de  longues 
icruelles  souffrances,  Mounier  fut  transporté 
rs  la  fin  de  sa  vie  à  Passy,  où  il  mourut,  à 
ige  de  cinquante-neuf  ans.  La  chambre  des 
kirs  décréta  à  l'unanimité  que  son  buste  serait 
lacé  dans  une  des  salles  du  Luxembourg, 
i Mounier  n'a  fait  imprimer  aucun  ouvrage.  .11 
[prononcé  à  la  chambre  des  pairs  les  éloges  de 
iIly-Tolendal  (1830)  ,  de  Fabre  de  l'Aude 
833),  de  Laine  (1836),  de  Sémonville  (1840)  et 
!  Pelet  de  la  Lozère  (1842).  Il  a  écrit  l'article 
i  duc  de  Richelieu  pour  la  Biographie  uni- 
rselle  des  frères  Michaud.  [P. -A.  Vieillajid, 
nsVEncycl.  des  Gens  du  A/.,  avec  addit.]. 
Biogr.  nouv.  des  Centemp.  —  De  Barante,  Notice  sur 
minier,  dans  Le  Moniteur  du  20  février  1844. 

imounslow  (Lord).  Voy.  Littleton. 
IMOCNTAGCE.  Voy.  Montagu. 
mountfort  (  William  ) ,  acteur  et  auteur 
iglais,  né  en  1659,  dans  le  Staffovdshire,  mort  en 
•92 ,  à  Londres.  Il  débuta  de  bonne  heure  sur 
théâtre,  et  acquit  rapidement  la  réputation  d'un 
xellent  mime.  Dans  une  fête  où  il  fut  appelé  en 


—  MOURA  790 

lf>8.r>  par  le  chancelier  Jeffries,  il  imita  successive- 
ment tous  les  grands  avocats  de  ce  temps,  et  ren- 
dit leurs  gestes,  leur  ton  de  voix,  leurs  altitudes 
avec  tant  de  vérité  qu'il  était  impossible  de  ne 
pas  les  reconnaître.  Il  joignait  à  une  (aille  avan- 
tageuse et  à  une  belle  ligure  une  grande  décence 
dans  les  rôles  les  plus  opposés.  Il  termina  de 
lionne  heure  une  carrière  qu'il  aurait  rendue  très- 
brillante  :  il  fut  assassiné  dans  l'hiver  de  1692, 
en  pleine  rue,  par  le  capitaine  Hill,  espèce  d'a- 
venturier aux  gages  de  lord  Mohun.  Ce  dernier, 
accusé  de  complicité  dans  le  meurtre,  fut  tra- 
duit devant  la  chamhre  des  pairs  et  acquitté; 
mais  son  innocence  n'en  resta  pas  moins  fort 
douteuse. 

On  a  de  Mounlfort  six  pièces,  qui  jouirent  de 
quelque  succès  :  Injured  Lovers  (1688).  Suc- 
cessfytl  Strangers  (1690),  Edward  the  third 
(1691),  Zelmane  (1705),  tragédies;  Greenwich 
Park  (1691),  comédies  ;  Life  and  Death  o/doc- 
tor.Faustus  (1697), farce.  K. 

Baker,  Biogr.  Dramutica. 

MOUQUÉ  (  Jean  ),  poète  dramatique  français. 
Il  était  de  Boulogne  et  vivait  au  commencement 
du  dix-septième  siècle.  En  1612,  il  fit  imprimer 
à  Paris  une  pastorale  chrétienne  intitulée  :  L'A- 
mour desplumé,  ou  la  victoirede  l'amour  di- 
vin. Cette  production  bizarre,  où  figurent  des 
satyres,  des  nymphes  qui  sont  métamorphosées 
en  rochers,  des  êtres  allégoriques,  est  plus  mo- 
rale dans  l'intention  que  dans  le  fait.  Elle  se  ter- 
mine en  annonçant  que 

L'Amour  est  captif  en  prison  ; 

Il  est  plumé  comme  un  oyson.  G.  B. 

Bibliothèque  du  Théâtre  français,  1768,  t.  1,  p.  448- 
446.  —  P.  Lacroix,  Catalogue  de  la  Bibliothèque  drama- 
tique de  M.  de  Soleinne,  t.  I,  p.  198,  n»  950. 

moura  (Christoval,  marquis  de),  homme  d'É- 
tat espagnol,  né  vers  1536,  mort  le  26  décembre 
1613.  Attaché  à  la  personne  de  Philippe  II,  il  lui 
rendit  des  services  signalés  lors  de  la  conquête  du 
Portugal.  Dès  l'année  1581,  il  avait  épousé  à 
Lisbonne  une  Cortereal,  et  cette  nouvelle  alliance 
contribua  à  le  maintenir  dans  une  position  excel- 
lente. Nommé  conseiller  intime  à  Madrid  pour 
les  affaires  relatives  à  la  guerre,  il  devint  après 
la  mort  de  Philippe  l'un  des  quatre  personnages 
tout  puissants ,  qui  formaient  la  junte  suprême 
dirigeant  le  gouvernement.  Il  avait  été  chargé 
d'ailleurs  par  le  roi  de  faire  exécuter  ses  der- 
nières dispositions,  et  c'était  lui  qui  se  vil  dépo- 
sitaire des  clefs  sous  lesquelles  se  trouvaient 
renfermés  les  secrets  les  plus  importants  de  l'É- 
tat. Philippe  III  maintint  ses  bonnes  grâces  à 
Christoval  de  Moura  :  il  lui  accorda  la  grandesse 
et  le  créa  duc;  mais  l'ancien  favori  refusa  ce 
dernier  litre  et  n'accepta  que  celui  de  marquis. 
En  1600  il  fut  envoyé  à  Lisbonne  comme  vice- 
roi  ;  il  remplit  même  à  deux  reprises  diffé- 
rentes ces  hautes  fonctions.  On  a  publié  récem- 
ment sa  correspondance  avec  Philippe  II ,  dans 
la  vaste  collection  intitulée  :  Documentas  ine- 
ditos  para  la  historia  de  Espana  ;  Madrid, 


791 


MOURA 


impr.roy.  Ces  lettres  jettent  une  vive  lumière  sur 
les  événements  contemporains  de  Moura.  F.  D. 
Papiers  relatifs  à  la  couronne  de  Portugal  ;F.'Saint- 
HUalre,  Bibl.  Imp.  de  Paris).  —  Art.  biographique  en  lête 
des  lettres. 

MOURA  (Miguel  de),  homme  d'État  portu- 
gais, né  à  Lisbonne,  le  4  novembre  1538,  mort 
dans  cette  ville,  le  3  décembre  1600.  Il  acquit 
heureusement  les  bonnes  grâces  de  Jean  III,  et 
après  la  mort  de  ce  roi  il  devint  le  secrétaire 
de  la  reine  régente  dona  Catharina.  De  là  il 
passa  au  service  du  cardinal  infant  don  Henrique, 
et  la  faveur  dont  il  jouit  sous  ce  prince,  qui  avait 
été  grand  inquisiteur  avant  d'être  roi ,  fut  la 
cause  première  de  sa  fortune.  Toutes  les  affaires 
de  l'État  lui  avaient  passé  par  les  mains.  Dès  le 
règne  de  donSébastien,  et  lorsque,  après  la  jour- 
née d'Alcaçar-Kebir,  le  cardinal  fut  monté  sur 
le  trône,  Moura  fut  en  réalité  l'administrateur  du 
royaume.  Après  la  conquête  du  Portugal  par 
l'Espagne ,  Moura  continua  à  régir  les  affaires. 
Philippe  II  avait  parfaitement  deviné  quelles 
étaient  les  qualités  administratives  de  cet  esprit 
froid ,  que  les  plus  grands  maux  du  pays  trou- 
vaient impassible  et  qui  se  vantait  avant  tout 
d'avoir  servi  avec  la  même  fidélité  cinq  rois , 
qu'ils  appartinssent  à  son  pays,  ou  bien  qu'ils 
fussent  étrangers.  Philippe  le  manda  en  Espagne, 
et  ce  fut  à  Badajoz  qu'il  l'investit  de  tous  ses 
pouvoirs;  il  ne  résida  jamais  plus  de  deux  mois  à 
Madrid,  et  cela  à  diverses  reDrises;mais  ce  temps 
suffit  au  nouveau  dominateur  pour  s'assurer 
qu'il  n'avait  rien  à  craindre  d'un  homme  étran- 
ger à  tout  sentiment  de  nationalité.  Ministre  de 
Philippe  II  à  Lisbonne,  Miguel  de  Moura  admi- 
nistra sans  exactions  criantes  et  surtout  sans 
exercer  de  cruautés  ;  c'est  aujourd'hui  à  peu  près 
le  seul  mérite  que  l'histoire  lui  accorde.      F.  D. 

Mémoires  inédits,  conservés  à  la  Bibliothèque  impé- 
riale de  Puris.  —  Barbusa  Machado,  Bibliotfieca  Luti- 
tana. 

moura  (Bento  de),  physicien  portugais, 
né  à  Moimenta-da-Beira,  le  21  mars  1702,  mort 
le  27  janvier  1776.  Il  fit  ses  études  à  Coïmbre, 
et  voyagea  durant  huit  ans.  Accusé  de  trahison 
en  1760,  ou  suspect  aux  yeux  de  Pombal, 
dont  il  ne  partageait  pas  les  idées,  il  fut  jeté 
dans  le  fort  de  La  Junquiera,  et  il  y  demeura 
jusqu'à  sa  mort  (1).  Le  terrible  ministre  au- 
quel Moura  avait  déplu  appréciait  plus  que 
tout  autre  sa  science ,  vraiment  extraordinaire, 
et  son  génie  inventif;  mais,  par  une  cruelle 
ironie,  il  prétendait  que  le  bruit  du  monde  eût 
empêché  ce  savant  de  faire  certaines  décou- 
vertes en  physique  et  en  mécanique  que  lui  ré- 
vélait naturellement  la  solitude  de  sa  captivité. 

(1)  Moura  eut  d'abord  un  compagnon  de  captivité  : 
mais  cette  consolation  lui  (ut  bientôt  retirée,  et  il  lui 
arriva  ce  qui  est  advenu  à  tant  de  victimes  du  régime 
cellulaire  :  sa  tête  s'égara  ,  il  eut  des  hallucinations.  Rien 
n'est  touchant  comme  les  paroles  qu'il  adressa  à  quelques 
membres  de  la  famille  royale,  dans  l'Intimité  desquelles 
il  avait  vécu,  lorsqu'il  sentit  que  sa  dernière  heure  était 
venue. 


Ses  contemporains  l'ont  surnommé  le  Newt 
portugais.  Le  P.  Théodore  Almeida  adonné ,  de 
le  t.  VI  de  ses  Récréations  philosophiques,  \ 
ingénieuse  explication  de  la  tliéorie  des  mare 
La  plupart  des  manuscrits  de  Moura  ont 
perdus.  On  a  imprimé  un  opuscule  de  lui  i 
fitulé  :  Invenlos  e  varios  pianos  de  mell 
ramentos  para  este  reino,  escriptos 
prisées  do  Junquiera;  Coïmbre,  1821,  in- 
C'est  tout  ce  qui  nous  reste  de  cet  esprit  i 
ventif.  Le  nombre  primitif  de  ses  manuscr 
montait  à  vingt-huit  cahiers.  F.  D. 

J.  da  C.  Neves  Carvalho,  O  Panorama,  j ornai  lite 
rio,  ann.  1848.  —  Theodoro  d'Almeida,  Becreaçdo  pli 
sophica. 

mopra  (Jozé  de  Santo- Antonio),  orien' 
liste  portugais ,  né  à  Almodovar,  dans  la  secot 
moitié  du  dix-huitième  siècle,  mort  vers  1S-» 
II  parlait  l'arabe  avec  une  grande  facilité,  et  lo 
qu'en  1798  la  reine  de  Portugal  dona  Maria 
résolut  d'envoyer  J.-Pedro  Colaço  en   ambm 
sade  auprès  de  Muley  Solyman,  empereur 
Maroc ,  ce  fut  lui  qu'on  choisit  pour  être  S 
terprèle  de  cette  mi'sskm  diplomatique.  Uprol 
de  son  séjour  à  Fez  pour  se  procurer  des  dot* 
ments  précieux';  il  en  rapporta  entre  autres 
manuscrit  des  voyages  d'Ibn-Batuta.  De  retci 
en  Portugal,  Moura  fut  revêtu  de  plusieurs  ch 
ges  dans  l'ordre  de  la  Merci,  dont  il  devint 
néral.  Il  n'occupait  plus  néanmoins  cette  digni 
lorsqu'il  publia  le  livre  historique,  si  connu  ( 
Arabes,  qu'on  désigne  sous  le  nom  d'Alcarti 
Cet  ouvrage  fut  traduit  par  lui  en  portugais  se 
le  titre  suivant  :  ffisloriados  Soberanos  mah 
metanos  das  prïmeiras quatro  dynastias  e 
parte  da  quinta  que  reinarâo  na  Mauritan 
escriplaem  arabe  por  Abu- Mohammed  Assal 
filho  de  Abdel  ffalim,  natural  de  Granad 
Lisbonne,   1828,  in-4°.   Le  Roudh-el-Kan 
embrasse  une  période  de  plus  de  cinq  sièclt 
et  son  utilité  historique  est  incontestable  ;  e 
parut  telle  même  en  France  dès  le  siècle 
Louis  XTV,  puisque  Petis  de  La  Croix  en  eni| 
prit  alors  une  traduction,  demeurée  manuscri: 
qui  fut   terminée  Je  28  novembre  1693.  De' 
autres  orientalistes,  Tornberg  et  F.  Dombay,  s 
occupèrent.  Conde  en  fit  usage  pour  ses  trava 
sur  l'histoire  d'Espagne;   enfin   un  orientali: 
habile ,  M.  A.  Beaumier,  vient  pour  la  premft 
fois  d'en  donner  une  traduction,  qui  ne  lais 
rien  à  désirer.  Elle  a  été  publiée  sous  le  til 
de:  Histoire  des  Souverains  du  Maghreb  (I 
pagne  et  Maroc),  et  Annales  de  la  ville 
Fez  ;  Paris,  Imp.  impér.,  1860,  in-8°.  Il  n'y 
peut-être   pas   de  traité   historique   provenu 
de  la  littérature   arabe  qui  mette  plus  claii 
ment  dans   leur  jour  véritable  les  sentimei 
politiques    des  musulmans  à  l'égard  des  chi 
tiens  et  surtout  la  persistance  de  leurs  préjugé 
Aussi    l'orientaliste  portugais  et  M.  A.    Bea 
mier  ont-ils  rendu  un  service  incontestable 
donnant  chacun  de  leur  côté  une  version  t 


3  MOURA  — 

irtas.  Il  est  cependant  hors  de  doute  que  le 
rnier  traducteur,  éclairé  par  la  comparaison 
s  textes,  par  son  Ions  séjour  dans  le  Maroc  et 
r  les  discussions  critiques  de  ses  prédéces- 
irs,  laisse  bien  loin  derrière  lui  son  devancier, 
i  an  avant  sa  publication,  Moura  avait  donné 
Irnme  éclaircissement  à  son  texte  :  Memoria 
bre  as  dynaslias  que  tem  reinado  na  Mau- 
ania,  com  a  Série  chronoloyica  dos  Sobe- 
nos  de  cada  uma  délias  (voy.  t.  X,  part.  lre 
}  Mémoires  de  V Académie  des  Sciences  de 
«bonne).  Bien  des  années  après,  il  fit  l'mpri- 
•r  le  t.  Ier  seulement  d'un  important  voyage, 
i  a  trouvé  également  en  France  un  excel- 
it  traducteur  :  Viagens  extensas  e  dila- 
Has  do  célèbre  Arabe  Abu- Abdallah,  mais 
ihecido  pelo  nome  de  Ben-Batula;  Lis- 
►me,  imp.  de  l'Académie  des  Sciences,  1840. 
sait.qTi'Ibn-Batuta,  né  à  Tanger,  en  1325,  a 
ursuivi  ses  voyages  durant  l'espace  de  vingt- 
atre  ans.  Moura  s'était  procuré  à  Fez  le  texte 
i  a  servi  à  cette  traduction,  et  il  a  eu  soin  de 
avenir  que  ce  manuscrit  avait  été  copié  par  un 
i  d'Ibn-Batuta  lui-même.  F.  Denis. 

fevue  bibliographique  de  Miller  et  Aubenas.  —  Mémo- 
s  (la  Academia  dus  Sciencias.  —  César  de  Figanière, 
Miotheca  Historica. 

moura  (  Caetano  Lopes  de),  médecin  et 
érateur  brésilien,  né  à  Bahia,  vers  1780,  mort 
>aris,  le  22  décembre  1860.  Il  appartenait  à  la 
sse  des  hommes  de  couleur;  il  commença 
i  études  à  Bahia ,  et  vint  les  finir  à  Paris.  En 
|08  il  était  au  service  de  l'armée  française , 
aime  chirurgien,  et  eut  occasion  de  parler  plus 
■me  fois  à  Napoléon  Ier,  dont  il  devait  plus 
d  écrire  une  histoire  abrégée  pour  la  jeu- 
sse  (i).  De  retour  à  Paris,  il  se  voua  presque 
clusivement  à  la  culture  des  lettres.  11  tradui- 
en  portugais  Chateaubriand ,  Walter  Scott, 
jtoper,  etc.  Il  coopéra  aussi  à  la  collection  pu- 
ée  par  le  vicomte  de  Santarem,  et  intitulée 
fiadro  elementar  das  relaçoes  polilicas,  etc., 
hrol.  in-8°.  11  prit  part  à  la  rédaction  portu- 
jîsed'un  utile  ouvrage  géographique,  publié  à 
iiris  sous  ce  titre  :  Diccionario  Geographico , 
\storico  e  descriptivo  do  imperio  do  Brasil, 
ra  collegida  e  composta  por  Milliet  de 
tint- Adolphe,  e  trasladada  em  portuguez 
}  mesmo  manuscripto  inédite  frances,  com 
tmerosas  observaçôes  addiçôes;  Paris,  1845, 
f6\.  in  8°.  Comme  médecin  Moura  avait  pu- 
iléActe  de  se  curar  a  si  mesmo  nas  doenças 
inereas;  Paris,  1839,  in-12.  11  collabora  aussi 
Cancioneiro  del  rey  D.  Diniz  pela  pri- 
ira  vez  impresso  sobre  o  manuscripto  da 
xticana,  com  algumas  notas  illustrativas  et 
ia  prefaçao  historico  literaria;  Paris,  1847, 
8°-  F.  D. 

1)  fJistoria  de  Napoleâo  Bonaparte,  desde  o  seu  nas- 
nento  ate  a  sua  morte,  seouida  du  descripçào  das 
\~emonias  que  tiveram  loqur  na  trasladacào  do  seu 
'po  da  ilha  de  Sancta-Helena  para  Paris;  Paris, 
S,  2  vol.  in-12  ,  fig 


MOUREAU 


794 


Diccionario  nibUonrnpInio  Pnrlwnies,  e$tudos  de  S. 
/■'  da  Sylva;  l.lsh.,  lsso.  —  Renfelgn.  partie. 

MOURA».  Voy.  Muiui)  et  Amurat. 

mouradja  d'ohsso.v   Voy.  Oiisson. 

mouravikf  (Michel-Nikilitch),  écrivain 
russe,  né  àSmolensk,  le  25  octobre  1757,  mort 
à  Saint-Pétersbourg,  le  29  juillet  1807.  11  fit  ses 
éludes  à  l'université  de  Moscou.  A  l'Age  de  dix- 
sept  ans,  il  entra  dans  la  garde  à  Saint-Péters- 
bourg, et  n'y  perdit  pas,  chose  rare,  le  gont  de 
l'étude.  A  l'âge  de  vingt-huit  ans,  Catherine  II  le 
choisit  pour  être  le  précepteur  de  ses  petits-fils, 
les  grands  ducs  Alexandre  et  Constantin.  Mou- 
ravief  composa  pour  ses  augustes  élèves  diffé- 
rentes pièces  morales,  qui  ne  furent  tirées  qu'à 
dix  exemplaires  et  qui  sont  devenues  très-rares. 
Après  avoir  achevé  leur  éducalion ,  il  fut  suc- 
cessivement nommé  sénateur,  secrétaire  d'État, 
adjoint  du  ministre  de  l'instruction  publique  et 
curateur  de  l'université  de  Moscou,  où  il  a 
laissé  les  meilleurs  souvenirs  :  toutes  ces  diffé- 
rentes charges  ne  l'empêchèrent  jamais  de  cul- 
tiver les  lettres  ;  il  avait  surtout  les  classiques 
grecs  en  prédilection.  Ses  œuvres,  rassem- 
blées en  3  vol.  (Saint-Pétersbourg,  1820),  sont 
vraiment  remarquables,  autant  par  une  grande 
pureté  de  style  que  par  une  singulière  et  in- 
croyable dextérité  d'esprit.  Pce  a.  Gn. 

Gretch,  Essai  sur  l'histoire  de  la  littér.  russe. 
MOUREAU  (Agricol),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Avignon,  en  1766,  mort  le  23  novembre 
1842.  Après  avoir  terminé  ses  études,  il  entradans 
la  congrégation  des  frères  de  la  Doctrine  chré- 
tienne, et  professa  les  humanités  aucollége  d'Aix, 
puis  la  rhétorique  à  celui  de  Beaucaire.  Il  em- 
brassa avec  enthousiasme  la  cause  de  la  liberté, 
et  rédigea  pendant  quelque  temps  (avec  Tour- 
nai Le  Courrier  d'Avignon ,  feuille  remar- 
quable par  une  critique  hardie,  que  ne  se  permet- 
taient pasencore  les  autres  journanx  français.  Élu 
procureur  de  la  commune  d'Avignon  en  décembre 
1792,  puis  membre  du  directoire  du  départe- 
ment de  Vaucluse,  il  acquit  une  grande  popula- 
rité, et  fut  chargé  de  plusieurs  missions  par  di- 
vers commissaires  de  la  Convention.  Jaloux  de 
son  influence,  ou  plutôt  blessés  par  la  manière 
indiscrète  dont  il  en  faisait  montre ,  les  repré- 
sentants du  peuple  Poultier-Delmotf &  et  Bovère, 
alors  en  mission  dans  le  comtat,  le  firent  arrêter 
et  transférera  Paris,  où  il  fut  enfermé  au  Luxem- 
bourg. Ses  amis  réclamèrent  sa  mise  en  liberté 
à  la  société  des  Jacobins,  et  le  présentèrent 
comme  une  victime  de  son  patriotisme.  Il  fut 
réclamé  également  par  les  clubs  de  Beaucaire  et 
d'Avignon.  La  société  des  Jacobins  prit  sa  cause 
en  considération,  et  lui  nomma  des  défenseurs 
officieux..  Moureau  fut  relaxé;  il  dut  particu- 
lièrement son  élargissement  à  Bobespierre  et  à 
Payan,  agent  national  de  13  commune  de  Pa- 
ris ,  avec  lesquels  il  avait  ouvert  une  active  cor- 
respondance (i).  Il  alla,  le  25  avril  1794,  remer- 

(11  Ce  fut  Moureau  qui  fournit  à  Robespierre  les  dtf- 


795 


MOUREAU  —  MOURGUE 


cicr  la  société  des  Jacobins  de  lui  avoir  fait  ren- 
dre justice ,  et  y  obtint  une  sorte  d'ovation.  Ap- 
pelé comme  témoin  dans  l'affaire  de  Matthieu 
Jouve,  dit  Jourdan  Coupe-Tête,,  son  ennemi 
personnel,  il  le  dénonça  comme  «  royaliste, 
contre-révolutionnaire  et  fédéraliste  »  ;  ce  fut 
sur  ces  trois  accusations  banales ,  dont  la  der- 
nière était  tout  à  fait  contradictoire  avec  les  deux 
autres,  que  Jourdan  Coupe-Tête  fut  condamné  à 
mort  par  le  tribunal  révolutionnaire  de  Paris. 
Moureau  eût  pu  lui  reprocher  bien  d'autres 
crimes,  malheureusement  mieux  prouvés.  De 
retour  dans  les  départements  méridionaux,  Mou- 
reau y  fut  reçu  comme  un  personnage  de  haute 
importance.  Président  de  la  Société  populaire 
d'Avignon,  affilié  aux  autres  clubs  de  la  Provence, 
agent  actif  des  comités  de  Paris,  il  devint  la 
terreur  des  modérés  de  son  pays.  Quoique 
sa  correspondance  avec  Robespierre,  Payan, 
Maignel,  etc.,  eût  été  saisie  après  le  9  ther- 
midor an  h  ,  il  ne  fut  pas  inquiété  immédia- 
tement;; mais  en  1797,  à  l'époque  desélections, 
il  fut  destitué  et  arrêté  comme  l'un  des  auteurs 
des  troubles  qui  à  cette  époque  ensanglantè- 
rent de  nouveau  Avignon.  Après  treize  mois  de 
détention,  il  fut  acquitté  par  le  tribunal  de  Gre- 
noble. En  floréal  an  vu,  élu  député  au  Conseil 
des  Cinq  Cents  par  l'assemblée  scissionnaire  du 
Vaucluse,  il  donna  presque  aussitôt  sa  démission, 
et  refusa  toute  place  sous  le  Directoire ,  le  con- 
sulat et  l'empire ,  vivant  modestement  de  la  pro- 
fession d'avocat.  Ce  ne  fut  que  durant  les  Cent 
Jours  qu'il  accepta  les  fonctions  de  procureur 
impérial  près  la  cour  d'assises  du  Vaucluse. 
Atteint,  à  la  seconde  restauration,  par  la  loi  du 
29  octobre  1815,  et  mis  en  surveillance  à  Rouen, 
il  revint  à  Paris  en  1817,  fut-  nommé  le  20  fé- 
vrier 1832  juge  de  paix  du  3e  arrondissement 
de  Paris,  se  démit  de  ces  fonctions  en  avril  1838, 
et  termina  ses  jours  dans  l'étude  et  la  retraite.  On 
a  de  Moureau  :  Réflexions  sur  les  protestations 
dupape  Pie  VII,  relatives  à  Avignon;  — 
Essai  sur  l'esprit  des  lois  françaises  relatives 
à  l'adoption  des  enfants  naturels;  1818,  in-8°; 
—  quelques  brochures  sur  l'organisation  du 
jury  et  les  listes  électorales.  H.  L. — r. 

Le  Moniteur  universel,  an  il  (179*)  n°  115  292;  an  v, 
n°  162;  an  vu,  n°  233.  —  Biographie  moderne  (Pa- 
ris, 1806).  —  Galerie  historique  des  Contemporains  (Mons, 
1827). 

mouret  {Jean-Joseph),,  compositeur  fran- 
çais, né  en  1682,  à  Avignon,  mort  le  22  décem- 
bre 1738,  à  Charenton,  près  Paris.  Fils  d'un 
marchand  de  soie,  il  reçut  une  bonne  éducation 
et  se  fit  connaître  dès  l'âge  de  vingt  ans  par  des 
morceaux  de  musique  pleins  de  grâce  et  de  fa- 
cilité, il  vint  en  1707  à  Paris,  et  fut  bientôt  re- 
cherché de  la  meilleure  compagnie  pour  les  agré- 
ments de.  son  esprit  et  de  sa  voix.  La  duchesse 

tails  de  la  mort  d'Agricole  Viala  {voy:  ce  nom  ),  son  ne- 
veu, qui  fut,  avec  le  Jeune  Barra,  admis  aux  honneurs 
du  Panthéon,  et  dont  la  fête  devait,  dit-on,  servir  à  l'exé- 
cution des  projets  de  Robespierre  contre  la  Convention. 


du  Maine  le  chargea  d'écrire  la  musique  de  < 
fêtes  brillantes  que  l'on  nommait  les  nuits 
Sceaux;  il  composa  dans  l'une  de  ces  occasic 
Les  Amours  de  Ragonde  et  Colin,  ou  la  soiA 
de  village  ,  comédie  burlesque  due  à  la  plui 
de  Destouches,  et  qui  obtint  encore  du  suce 
lorsqu'elle  reparut  en  1742  sur  la  scène  de  1' 
cadémie  royale.  Il  donna  en  outre  à  ce  théâtre 
musique  de  sept  opéras  ou  ballets  :  Les  Féi 
de  Thalie  (1714),  joué  quatre-vingts  fois  de  suii 
Ariane  et  Thésée  (1717)  ;  Pirithoiis   (172c 
Les  Amours  des  Lieux  (1727)  ;  Le  Ballet  c  \ 
Sens  (1732)  ;  Les  Grâces"  (1735)  ;  et  Le  Tem\ 
de  Gnide  (1741).  A  l'exception  de  ce  demi 
ces  divers  ouvrages  furent  accueillis  avec  fave  i 
et  repris  plusieurs  fois;  ils  ont  tous  été  gravrl 
On  a  encore  de  Mouret  des  Cantates  et  Ca  | 
tatilles,  trois  livres  d'Airs  sérieux  et  à  boit 
des  Sonates  pour  flûtes  ou  violons,  des  Fa 
[ares,  et  six  recueils  de  Divertissements  pe- 
la Comédie-Italienne.  Ce  musicien  plaît  suite 
par  l'heureux  choix  de  ses  motifs  et  par  la  gaii 
de  ses  airs,  dont  beaucoup  ont  été  chantés  pe 
dant  longtemps  et  se  sont  en  quelque  Sorte  pi 
pétués  jusque  dans  les  vaudevilles  modérai 
Les  œuvres  légères  de  Panard ,  de  Favart,  e  ■ 
n'ont  dû  en  grande  partie  leur  succès  qu'en  ei 
pruntant  à  Mouret  ses  mélodies  vives  et  nat 
relies.  En  1736  il  essuya  une  triple  infortune,  c 
dérangea  son  esprit  et  abrégea  ses  jours  :  il  pi 
dit  environ  5,000  livres  de  pension  que  lui  ra 
portaient  l'intendance  de  la  musique  de  la  d 
chesse  du  Maine,  la  direction  du  concert  spiriti 
et  la  place  de  compositeur  de  la  Comédie-It 
lienne.  On  fut  obligé  de  l'enfermer  chez  les  Pèr 
de  la  Charité  à  Charenfon ,  où  il  mourut.  P. 

Achard,  Dict .  de  la  Provence.  —  Félis,  Biogr.  un 
des  Musiciens.  —  De  Léris,  Dict.  des  Théâtres. 

MOURGUE  (Jacques- Augustin),  économis 
et  philanthrope  français ,  né  à  Montpellier, 
2  juin  1734,  mort  à  Paris,  en  janvier  1818.  Nomr 
directeur  des  travaux  du  port  de  Cherbourg, 
s'y  lia  avec  Dumouriez ,  alors  commandant  i 
cette  place,  qui  le  présentaplus  tard  à  Louis X1 
comme  apte  à  succéder  à  Rolland  dans  l 
fonctions  de  ministre  de  l'intérieur.  Ce  posti 
alors  si  difficile  à  remplir,lui  fut  confié  le  1 3  ju 
1792,  et  cinq  jours  après  Mourgue  donna  sa  d< 
mission.  Vivant  depuis  lors  loin  des  affaires  pol 
tiques,  il  ne  s'occupa  plus  que  de  bonnes  œi 
vres  et  de  travaux  philanthropiques.  L'un  di 
administrateurs  du  mont  de  piété  de  Paris  > 
membre  du  conseil  général  des  hospices  civil; 
il  se  distingua  par  son  zèle  et  son  activité  dar 
les  améliorations  nombreuses  que  su  bi  rent  les  b 
pitaux  et  les  hospices.  Il  proposa  l'ëtablissemèi 
d'une  caisse  de  prévoyance,  qui  recevrait  les  plu 
faibles  économies  de  l'ouvrier  et  du  domestique 
en  donnant  un  intérêt  que  le  temps  augmente 
rait  assez  pour  pouvoir  fournir  une  ressourc 
suffisante,  dans  les  mauvais  jours,  à  la  viei 
lesse.  Mourgue  était  membre  des  sociétés  d 


MOURGUE  —  MOURGUES 


798 


mtpellier  et  de   Bordeaux.  Louis  XVHI   lui 
I  iléra  la  croix  d'Honneur  le  5  août  1814.  On  a 
|  Mourgue  :  Vues  d'un  citoyen  sur  la  com- 
Isition  des    États  Généraux;  1788,    in-8°; 
I  De  la   France    relativement   à  l'Angle- 
\re  et  à   la    maison    d'Autriche;  Paris, 
1)7,  in-8°.  —  Convient-il  à  la  France  d'à- 
wrun  Acte  de  navigation  général  et  indé- 
|i?'Paris,  1798,  in-8°  ;  —  Plan  d'une  caisse 
I  prévoyance  et  de  secours  présenté  à  V Ad- 
ministration des  Hospices  et  Secours  à  domi- 
1»;  Paris,  1809,  in-8°.  On  trouve  de  Mourgue 
lis  les  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences  de 
intpellier  :  Plan  d'observations  sur  la  cause 
I  variations  de  l'atmosphère  (1772);  —  Ex- 
I  iences  sur  l'utilité  qu'on  peut  retirer  du 
I    vineux  (1781),   etc.   —  Essai  de  statis- 
\ie;  Paris,  1800,  in-12.  Cet  ouvrage  fut  publié 
I  s  le  consentement  de  l'auteur.  Halle  et  La- 
ie, chargés  de  l'examiner,  en  firent  à  l'Insti- 
un  compte  rendu  favorable.  Ce  sont  des  ob- 
rations  sur  les  naissances,  les  mariages  et 
décès  qu'il  y   a  eu  parmi  les  habitants  de 
ntpellier  de  1772  à  1792,  et  sur  les  calculs  qui 
résultent  pour  les  probabilités  de  la  vie.  On 
joint  le  résultat  des  tables  météorologiques 
';s  par  Mourgue  à  Montpellier  pendant  l'es- 
'î  de  quatorze  années,  de'  1772  à   1785. 
H.  F.   (de  Montpellier). 

toniteur  universel,  1792,  1798,  1818.  —  Mémoires  de 
oc.  des  Sciences  de  Montpellier,  t.  2  et  3.  —  liiogra- 
(  inédite  )  de  l'Hérault. 

Iovrgces  ou  MORGUES  (  Matthieu  m?), 
|r  de  Saint-Germain,  littérateur  français,  né 
1 1582,  dans  le  Velay,  mort  le  29  décembre 
0,  à  Paris.  Il  prit  d'abord  l'habit  de  jésuite 
égenta  quelques  classes  à  Avignon  ;  mais  ayant 
fté  la  société,  il  se  rendit  à  Paris,  et  y  prêcha 
p  un  tel  succès  que  la  reine  Marguerite  de 
ois  le  choisit,  en  1613,  pour  prédicateur.  Ce 

lui  fut  aussi  accordé  dans  la  même  année 
le  roi  sur  la  présentation  du  cardinal  Du- 
on,  et  en  1620  il  devint  aumônier  de  Marie 
Médicis.  Dévoué  à  cette  époque  à  Richelieu, 
lorivit  sous  l'inspiration  de  ce  prélat  l'en- 
eux  pamphlet  intitulé  :  Les  Vérités  chrê- 
mes (1620),  connu  sous  le  nom  de  Mani- 
\e  d'Angers ,  et  dirigé  contre  ceux  qui  avaient 
à  la  reine  mère  l'éducation  de  ses  enfants. 
1626  il  publia  avec  les  notes  du  cardinal  les 
\i  d'un  Théologien  sans  passion,  en  réponse 

attaques  de  quelques  écrivains  étrangers, 
«que  Richelieu  se  brouilla  avec  la  reine  mère, 
I  réussit  pas  à  détacher  d'elle  l'abbé  de  Saint- 
main  ;  voulant  le  punir  de  son  dévouement, 
empêcha  d'obtenir  à  Rome  les  bulles  pour  l'é- 
né  de  Toulon,  auquel  le  roi  l'avait  désigné. 
-si  l'abbé  fût-il  obligé  de  renoncer  à  cette  no- 
tation et  de  se  contenter  d'une  pension  sur 
èché.  Après  l'arrestation  de  Marie  de  Médicis 
Dmpiègne,  il  se  cacha  quelque  temps  dans 
«mille,  et,  averti  des  poursuites  que  le  car- 


dinal avait  ordonnées  contre  lui,  il  alla  rejoindre 
sa  maîtresse  à  Bruxelles  (1631),  et  la  suivit  en 
Hollande,  en  Angleterre  et  à  Cologne.  La  mort 
du  cardinal  lui  permit  de  rentrer  à  Paris  ;  il  se 
retira  dans  la  maison  des  Incurables  ,  où  chaque 
année  il  prêcha  le  panégyrique  de  saint  Joseph. 
Parmi  les  nombreux  écrits  de  Saint- Germain, 
dont  la  plupart  ont  paru  à  l'étranger  et  sans  nom 
d'auteur,  nous  citerons  :  Diverses  pièces  pour 
la  défense  de  la  reine  mère  et  de  Louis  XI II; 
Anvers,  1637-1643,  2  vol.  in-fol.  :  ce  recueil 
peut  être  consulté  avec  fruit,  en  mettant  de  côté 
les  injures,  les  récriminations,  les  imputations 
suspectes  dont  il  est  rempli  ;  —  La  seconde  Sa- 
voisienne,  où  se  voit  comme  les  ducs  de  Savoie 
ont  usurpé  plusieurs  États  appartenant  au 
roi  de  France;  Grenoble,  1630,  in  8°;  on  attri- 
bue aussi  cet  écrit  à  François  de  Rechignevoisin, 
seigneur  deTSuron;  l'auteur  de  la  première  Savoi- 
sienne  était  Antoine  Arnauld  ;  —  Discours  sur  le 
prince  (de  Balzac);  Paris,  1631,  in-8°  ;  —  Abrégé 
de  la  vie  du  cardinal  de  Richelieu;  Paris, 
1643,  in-4°;  —  Sermons;  Paris,  1665,  in-8°. 
Il  avait  laissé  manuscrite  une  Histoire  de 
Louis  XIII  et  de  tout  son  règne,  qu'il  ne  vou- 
lut jamais  mettre  au  jour  de  son  vivant;  on 
ignore  ce  qu'elle  est  devenue.  P.  L. 

Bayle,  Dict.  Hist.  et  crit.  —  Lelong ,  Biblioth.  Hist.  de 
la  France. 

mocrgues  (Michel),  érudit  français,  né 
vers  1642,  en  Auvergne,  mort  en  1713,  à  Toulouse. 
Il  est  probable  que  sa  famille  était  originaire  de 
Saint-Flour.  Admis  dans  la  Compagnie  de  Jésus, 
il  s'y  distingua  par  sa  droiture,  son  érudition 
et  sa  piété.  Il  professa  pendant  longtemps  la  rhé- 
torique et  les  mathématiques  au  collège  de  Tou- 
louse, et  mourut  dans  celte  ville,  d'une  maladie 
épidémique.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Nou- 
veaux  Éléments  de  Géométrie  par  des  mé- 
thodes particulières  en  moins  de  cinquante 
propositions;  Toulouse,  1680,  in-12;  réimpr. 
dans  différentes  villes  ;  —  Traité  de  la  Poésie 
françoise;  ibid,  1685,  in-12;  Paris,  1724,  1729, 
1754,  in-12,  avec  des  additions  du  P.  Brumoy. 
«  L'auteur,  dit  Sabatier,  a  joint  à  ses  préceptes 
quelques  exemples  de  sa  façon,  et  entre  autres 
un  du  chant  royal  et  de  la  ballade,  dont  il  paraît 
avoir  bien  saisi  l'esprit  »  ;  —  Recueil  d'apoph- 
theqmes  ou  bons  mots  anciens  et  modernes  mis 
en  vers  français  ;  Toulouse,  1694,  in-12  ;  —  Pa- 
rallèle de  la  Morale  chrétienne  avec  celle  des 
anciens  philosophes  ;  ibid.,  1701,  in-12;  Paris, 
1701;  Bouillon,  1762,  in-12  :  Feller,  qui  est 
vraisemblablement  l'éditeur  de  la  dernière  édi- 
tion, place  cet  ouvrage  au-dessus  de  tous  les  au- 
tres ;  on  y  trouve  à  la  suite  une  paraphrase  chré- 
tienne du  Manuel  d'Èpictète,  composée  par 
un  solitaire  de  l'Orient  en  langue  grecque  et  de- 
meurée inconnue  jusqu'au  dernier  siècle  ;  — 
Plan  théologique  du  pythagorisme  et  des 
autres  sectes  savantes  de  la  Grèce,  pour  ser- 
vir d'éclaircissements  aux  ouvrages  polémi- 


MOURGUES  —  MOUSIN 


81 


gués  des  Pères  contre  les  païens,  avec  la  tra- 
duction de  la  Thérapeutique  de  Théodorat, 
où  Von  voit  V  abrégé  de  ces  fameuses  contro- 
verses; ibid.,  1712,  2  vol.  in-8°  :  ouvrage  rempli 
d'érudition.  Quelques  auteurs  ont  donné  mal  à 
propos  à  ce  jésuite  le  nom  de  Morgues.  P.  L. 
Moréri,  Grand  Dic.t.  Hist.  —  Feller,  Dict.  Hist.  —  Sa- 
batier,  Trots  Siècles  littér. 

mouriez  {Jean- Joseph),  auteur  drama- 
tique français,  né  en  1794,  à  Paris,  où  il  est 
mort,  le  16  octobre  1857.  Fils  d'un  commer- 
çant, il  vendit  lui-même  des  rubans;  vers  1827 
il  fut  forcé  de  déposer  son  bilan.  Ce  fut  alors 
qu'il  se  mit  à  écrire  pour  les  scènes  de  genre.  En 
1832  il  obtint  la  direction  du  théâtre  des  Folies- 
Dramatiques,  et  sut,  par  son  activité  et  son  in- 
telligence, en  faire  un  des  plus  prospères  de 
Paris.  Sous  le  nom  de  Valory,  il  a  fait  jouer  un 
grand  nombre  de  pièces  dont  la  plupart  ont  été 
écrites  en  collaboration.  E.  C— r.   , 

Gazette  des  Théâtres,  oct.  1857. 

mourre  [Joseph- Louis-Henri-Grégoire,  ba- 
ron), magistrat  français,  né  à  Lorgues  (Provence), 
le  12  mars  1762,  mort  à  Paris,  le  7  septembre 
1832.  Après  avoir  fait  ses  études  chez  les  Doctri- 
naires, il  professa  dans  cette  corporation  les  hu- 
manités et  la  philosophie;  puis  il  étudia  le  droit 
à  Aix ,  et  fut  avocat  au  parlement  de  cette  ville. 
En  1790  il  vint  à  Paris,  entra  au  ministère  de 
ia  justice,  et  y  était  chef  de  la  division  civile, 
lorsque  les  électeurs  le  désignèrent  pour  une 
place  de  juge  au  tribunal  de  la  Seine.  Sous  le 
consulat,  il  devint  commissaire  du  gouvernement 
près  le  tribunal  d'appel  de  Paris,  et  sous  l'em- 
pire procureur  général  près  la  cour  impériale. 
Il  exerça  ces  fonctions  jusqu'au  8  février 
ïSli,  époque  où  il  fut  nommé  président  de  la 
chambre  civile  de  la  cour  de  cassation.  Il  rem- 
plaça Merlin  (de  Douai)  dans  le  poste  de  pro- 
cureur général  (  13  février  1815);  mais  il  refusa 
lors  du  retour  de  Napoléon  de  prêter  un  nou- 
veau serment.  Il  reprit  sa  place  en  juillet  1815, 
et  l'occupa  jusqu'à  la  révolution  de  Juillet.  En 
1810  il  avait  été  nommé  baron  de  l'empire. 
On  a  de  lui  :  Œuvres  judiciaires,  ou  recueil 
contenant  les  plaidoyers  du  procureur  gé- 
néral près  la  cour  d'appel  de  Paris,  dans 
les  causes  célèbres,  suivis  des  arrêts,  dis- 
cours et  Réquisitoires  ;  Paris,  1812,  in-4°.   R. 

Docum.  partie. 
:    MOCSA.  Voy.  MUSA. 

mouschegh  ï,  prince  et  connétable  armé- 
nien, de  la  famille  des  Mamigonians,  né  vers 
330,  à  Daron,  mort  dans  la  même  ville,  en  381. 
Son  père  Vasag ,  prince  de  Daron ,  ayant  été 
emmené  prisonnier  en  Perse,  en  370,  avec  le  roi 
d'Arménie,  par  le  roi  Schahpour  H,  Mouschegh 
hérita  des  domaines  et  dignités  paternelles.  En- 
voyé à  Constantinople ,  auprès  de  l'empereur 
Valens,  parle  patriarche  Nersès  I,  il  revint  en 
Arménie  avec  une  armée  romaine  sous  les  or- 
dres de  Terentianus,   qui  l'aida  à  délivrer  le  , 


jeune  prince  Bab,  enfermé  par  les  Persans  da 
la  forteresse  de  Pharandsem.  Bab  ayant  été  ï 
tabli  sur  le  trône  de  l'Arménie,  en  371,  Moi: 
chegh  agrandit  la  monarchie,  en  occupant  1'. 
tropatène/et  en  battant  plusieurs  fois  Mérouja 
prince  de  la 'tribu  arménienne  des  Ardzrouniei 
prince  qui,  trahissant  sa  patrie,  servait  comme  $ 
néral  des  Persans.  Bab,  après  six  ans  de  ma 
vais  gouvernement,  ayant  été  assassiné, 
377,  par  Trajan,  général  romain,  Mouschegh  ; 
ministra  le  royaume  jusqu'à  la  nomination  d' 
nouveau  roi,  Varaztad  ,  paT l'empereur  romaJ 
Le  prince  de  Daron ,  qui,  encore  en  380 ,  av 
repoussé  deux  fois  Méroujan  et  les  Persans,  . 
assassiné  l'année  suivante  par  ordre  du  nouve 
roi ,  qui  ne  se  conduisait  pas  mieux  que  ses  pi 
décesseurs.  Ch.  R — n. 

Moïse  de  Khorène,  Histoire  de  l'Arménie.  —  Mie 
Tchamtchitch,  Histoire  de  V Arménie. 

mocschegh  il,  prince  et  connétable  ; 
méninn ,  de  la  même  famille  que  le  précédei 
né  à  Daron,  vers  530,  mort  en  604,  dans  la  mêi 
ville.  Fils  aîné  de  Vart,  il  succéda  à  son  père  dé 
la  principauté  de  Daron.  Nommé  duc  del'Armé 
romaine,  par  l'empereur  Maurice,  en  570,  il  va 
quit  plusieurs  fois  les  généraux  d'Hormouz, 
de  Perse.  Ce  dernier  ayant  été  assassiné, 
590,  Mouschegh  II  soutint  l'héritier  légitin 
Khcsrou  Parviz,  ainsi  que  ses  oncles,  Berdouï 
et  Kettehm,  contre  l'usurpateur  Bahram  Tch< 
bin.  Khosrou,  après  avoir  été  rétabli  sur  le  tre 
de  Perse  avec  l'aide  des  Byzantins  Mousche 
(  auquel  le  nouveau  roi  avait  promis  le  marzban. 
ou  gouvernement  de  l'Arménie),  se  voyant  si 
planté  par  un  autre,  se  retira  dans  saprincipau 
En  603,  Khosrou,ayant  demandé  auprincedel 
ron  des  troupes  auxiliaires  contre  les  Byzanti 
celui-ci  s'y  refusa,  et  battit  même  les  troupes  pi 
sanes.  Mouschegh  mourut  l'année  suivante,  1) 
sant  la  principauté  de  Daron  à  son  neveu  Valu 

Ch.  R. 

Jean  VI   le  Katholikos,  Histoire  de  l'Arménie.  — 
Saint-Martin,  Mém.  hist.  et  litt.  sur  l'Arménie. 

mocsin  (Jeah),  savant  médecin  français, 
le  19  janvier  1573,  à  Nancy,  mort  en  1645,  p 
de  cette  ville.  Il  fit  à  Cologne  ses  études  clai 
ques,  prit  à  Paris  les  premiers  degrés  en  mé 
cine,  visita  les  principales  universités  de  Fran 
d'Espagne,  d'Allemagne  et  d'Italie ,  et  fut  r 
docteur  à  Padoue.  De  retour  dans  sa  patrie 
devint  médecin  ordinaire  de  Charles  III,  duc 
Lorraine,  et  occupa  la  même  charge  auprès 
duc  Henri,  qui  lui  accorda  en  1608  des  letl 
de  noblesse.  L'étude  fut  la  passion  domina 
de  Mousin  :  il  s'appliqua  successivement 
mathématiques,  aux  antiquités  et  aux  scien 
naturelles.  Ennemi  juré  de  toute  charlatai 
rie,  «  il  parvint,  ditÉloy,  à  purger  la  Loraï 
de  ces  fripons  célèbres  qui,  avec  peu  de  b» 
roots  et  de  mauvais  remèdes,  empoisonn 
le  public  crédule.  »  Sa  courageuse  c 
dnite  ne  pouvait  manquer  de  lui  susciter 


:i 


« 


01  MOUSIN  —  MOUSSAUD 

nnemis;  «  ils  lui  firent  mille  tracasseries-,  et 


802 


u  causèrent  des  désagréments  si  souvent  répé- 
s  ((lie  cet  homme  qui  sut  écrire  contre  les  sots 
'eut  pas  assez  de  philosophie  pour  les  mépri- 
•r.  »  Il  se  fit  bâtir  une  maison  sur  une  colline 
jisine  de  Nancy,  et  vécut  plus  dé  trente  ans 
ins  cette  agréable  retraite.  On  a  de  lui  :  Dis- 
>urs  de  l'ivresse  et  ivrognerie ,  auquel  lés 
mses ,  nature  et  effets  de  l'ivresse  sont  am- 
'ement  déduits,  avec  la  guérison  et  préser- 
ïtion  d'icelle,  ensemble  la  manière  de  ca- 
nisser  et  les  combats  bachiques  des  anciens 
rognes;  Toul,  1612,  in-12  ;  trad.  en  latin  sous 
titre  de  Pandora  Bacchica  furens  medicis 
mis  oppugnata  (Toul,  1614,  in-12);  par  Ca- 
et;  —  Hortus  iatrophysicus,  in  quo  im- 
ensam  exolicorum  florum  sylvam  cuivis 
•cerpere  licet;  Nancy,  1632,  in-4°;  l'auteur 
aminé,  dans  une  suite  de  dialogues,  diverses 
lestions  d'hygiène.  D'après  Haller,  c'est  un  ou- 
i«ge  rempli  de  paradoxes.  P.  L. 

iloy,  Dict.  hist.  de  la  Médecine.  —  Calmet,  Biblioth. 
Lorraine.  —  Haller,  BMioth.  Botanica,  II,  443. 

(mouskes  (  Philippe  ) ,  prélat  et  historien 
|ge,  né  à  Gand,  vers  1215,  mort  à  Tournai,  le 
décembre  1283  (1).  Meyer,  Sander  et  Gra- 
»ye,dans  leurs  écrits  sur  l'histoire  du  Brabant, 
;  donnent  le  nom  de  Philippe  Mus,  et  Paquot 
ppelle  Philippe  Mussche,  bien  que,  dès  le  pre- 
jeïversdesa  chronique,  toute  difficulté  soit  le- 
le  à  ce  sujet  : 

Phelippes    Mouskes  s'entremet 
EnsI  que  point  de  faus  n'i  met,  etc. 

wenu  au  plus  tard,  en  1242,  chanoine,  puis 
ancelier  de  la  cathédrale  de  Tournai,  il  fut 
|i,  en  1274,  évêque  de  cette  ville,  et  semon- 
fort  jaloux  des  privilèges  de  son  église.  Il 
auteur  d'une  chronique  métrique  contenant 
31,286  vers  toute  l'histoire  de  France  et  de 
kndre,  depuis  l'enlèvement  d'Hélène  par  Paris, 
immencement  obligé  de  toutes  les  chroniques, 
«m'en  1242.  il  est  apparent  qu'il  la  termina 
Jnt  d'être  élevé  au  siège  épiscopal  ;  mais  rien 
mpêche  qu'il  ne  l'ait  retouchée  depuis.  On  n'en 
pnaît  qu'un  seul  manuscrit,  conservé  aujour- 
lui  à  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris,  sous 
numéro  9634.  Il  forme  un  petit  in-folio  «n 
rchemin,  sur  deux  colonnes.  C'est  de  ce  ma- 
scrit  unique  que  Du  Cange  a  tiré  les  nombreu- 
;  citations  dont  il  a  semé  son  Glossaire  de  la 
Unité  du  moyen  âge  ainsi  que  les  notes  et  les 
isertations  dont  il  a  enrichi  l'Histoire  du  roi 
int  Louis,  écrite  par  le  sire  de  Joinville.  C'est 
ssi  de  là  qu'il  a  extrait  pour  le  joindre  à  son 
pion  de  Villehardouin,  publié  en  1657,  le  mor- 
ju  relatif  aux  empereurs  français  de  Constan- 
pple,  qui  commence  au  folio  134  du  manus- 
jt  et  n'en  est  qu'une  très-faible  partie.  Cet  ex- 

)  Et  non  le  24  février  1882,  comme  l'assurent  les  au- 
ts  de  la  Calliâ  Christiana  et  quelques  autres  histo- 
ns;  car  on  a  de  lui  un  acte  en  faveur  de  son  église 
i  du  mois  de  mai  1283. 

NOOV.   BIOCR.   GÉNÉfi.    —  T.   XXXVI. 


trait,  saut  quelques  vers,  a  été  réimprimé  par 
Buchon  dans  sa  Collection  des  Chroniques  na- 
tionales françaises,  tome  Ilf.  On  a  porté  bien 
des  jugements  divers  sur  cette  chronique  ;  mais 
c'est  encore  Du  Cange  qui  l'a  le  plus  sainement 
jugée.  «Elle  est,  dit  cet  érudit,  remplie  de  re- 
marques intéressantes  et  curieuses,  bien  que 
son  auteur  n'ait  eu  garde  d'oublier  les  fables  de 
l'archevêque  Turpirt,  et  d'y  en  joindre  de  nou- 
velles, v  11  est  sans  doute  inutile  de  demandera 
Philippe  Mouskes,  comme  poète,  de  l'invention, 
des  mouvements  variés,  de  l'harmonie,  de  l'é- 
légance, des  images  riantes,  gracieuses  ou  ter- 
ribles. Toutefois,  son  ouvrage  n'en  est  pas 
moins  le  monument  Je  plus  vaste,  le  plus  entiei 
de  la  langue  romane  en  Belgique.  Historien,  il 
mérite  l'éloge  qu'en  fait  le  grave  et  judicieux  Du 
Cange.  La  moitié  de  cette  chronique  appartient 
à  l'âge  héroïque  et  est  envahie  par  des  fables  : 
mais  ces  fables  ;  elles-mêmes  sont  l'histoire  df.' 
l'esprit  humain,  et  elles  aident  à  trouver  ia  fi- 
liation des  croyances  merveilleuses  qui  sem- 
blent traduites  dans  toutes  les  œuvres  du  moyen 
âge.  Au  surplus,  l'histoire  proprement  dite  ne 
perd  point  ses  droits  dans  le  reste  de  cette  chro- 
nique ;  elle  y  révèle  beaucoup  de  faits  que  l'on 
chercherait  vainement  ailleurs,  ou  les  présente 
sous  une  face  imprévue.  La  Chronique  de  Phi- 
lippe Mouskes  a  été  publiée  à  Bruxelles,  1836- 
1838,  2  vol.  in-4°,  par  les  soins  du  baron  de 
Reiffenberg,  qui  a  enrichi  cette  édition  d'une  in- 
troduction, d'un  commentaire  et  d'appendices 
d'une  grande  érudition.  H.  Fisquet.. 

Gallia  Christiana,  t.  III.  —  Jean  Cousin,  Histoire  de 
Tournai.  —  Hist.  littéraire  de  la  France,  t.  XVI,  p.  132- 
133.  —  Foppens,  Bibliotheca  Belgica.  —  Du  Cange,  His- 
toire de  Constantinople  sous  les  empereurs  français. 

moussard  (  P.),  littérateur  français,  mort 
vers  1835.  Au  commencement  de  ce  siècle,  il 
exerça  à  Paris,  la  profession  de  libraire.  Sous 
l'empire  il  résida  à  Copenhague  et  à  Saint-Pé- 
tersbourg, et  revint  en  France  en  1814.  Il  a  pu- 
blié divers  ouvrages,  entre  autres  :  La  Liber- 
téide,  ou  les  phases  de  la  révolution  fran- 
çaise, tableaux  héroï -lyriques  ;  Paris,  1802, 
in-8°,  avec  portrait;  —  Les  Diversités  lilté- 
ra  1res;  Saint-Pétersbourg,  1812,  in- 8°:  recueil 
de  poésies  fugitives;  —  La  Grandeur  et  les 
Bienfaits  de  l'Éternel  dans  le  christianisme, 
poème  religieux;  Paris,  1818,  in-8° ,  reproduit 
en  1819,  sous  le  titre  :  Les  Prêtres  tels  qu'ils 
devraient  être.  En  1831  il  a  édité  Le  véritable 
Mayeux,  évangéliste  populaire,  feuille  qui  a 
paru  jusqu'à  l'année  suivante.  P.  L — y. 

Quérard ,  La  France  Littéraire. 

MorssAru  (  Jean-Marie  ),  littérateur  fran- 
çais, né  en  1743,  à  Courçon  (  Saintonge  ),  mort 
le  11  janvier  1823,  à  La  Rochelle.  Il  embrassa 
l'état  ecclésiastique  et  se  dévoua  à  l'enseigne- 
ment; ayant  refusé  de  prêter  serment  à  la 
constitution  civile  du  clergé,  il  fut  forcé  de  s'ex- 
patrier. Sous  l'empire  il  devint  chanoine  de  la  ca- 
thédrale  de  La  Rochelle.  Depuis  1778  il  était 

26 


803  MOUSSAUD 

membre  de  l'académie  de  cette  ville.  On  a  de 
lui  :  Enconiium  Rupellec,  ou  Éloge  de  La  Ro- 
chelle ,  latin-français;  La  Rochelle,  1771, 
in-8°;  —  Principes  de  VArt  oratoire;  Paris, 
1788,  in-8°;  la  2e  édit.  porte  le  titre  de  Nouveau 
Plan  de  Rhétorique  (  Paris,  1804,  in- 12  );  — 
L 'Alphabet  raisonné,  ou  explication  de  la 
figure  des  lettres;  Paris,  1808,2  vol.  in-8°;  — 
Roman  d'optique,  ou  probabilités  sur  l'exis- 
tence des  différentes  espèces  de  vues,  d'après 
lesquelles  on  examine  si  l'homme  voit  la  na- 
ture sous  son  plus  bel  aspect  ;  Paris,  1810, 
in-12  ;  2e  édit.,  corrigée,  1820,  in-8°;  —  Dis- 
cours et  Dissertations  littéraires  sur  diffé- 
rents sujets;  Paris,  1812,  in-8°;  —  Plaidoyer 
sur  quatre  espèces  de  fleurs  ;  Paris ,  1817, 
in-8°  ;  ces  fleurs  sont  le  lis,  la  rose,  l'œillet  et 
l'immortelle,  emblèmes  de  la  noblesse,  de  la 
beauté,  de  l'estime  et  de  la  durée;  —  Des  mer- 
veilleux Effets  de  la  vis  d'Archimède  rappro- 
chés des  mystères  de  la  religion  ;  La  Rochelle, 
1821,  in-8°  fig:  P.  L. 

Lesson,  Fastes  historiques,  I,  20.  —  Gautier,  Statist. 
de  la  Charente- Infér.  —  Rairiguet,  Biographie  Sain- 
tongeaise. 

mocssayé  (  La).  Voy.  La.  Moussave. 

moustapha.  Voy.  Mustapha. 

mocstier  (De),  famille  originaire  de  la 
Franche- Comté,  dont  on  sait  la  filiation  à  partir 
de  Renaud  de  Moustier,  qui  accompagna  Phi- 
lippe-Auguste à  la  troisième  croisade  et  qui 
petit  en  1 190,  au  siège  de  Saint-Jean  d'Acre. 

Rogez,  Le  Noblesse  de  France  aux  croisades.  —  La 
Chesnaye  des  Bois,  Dict.  de  la  Noblesse.  —  Guillaume, 
Hist.  des  Sires  de  Salins  (Besançon,  1758),  I,  231. 

mocstier  (  Éléonore  -  François  -  Élie, 
comte,  puis  marquis  de  ),  général  et  diplomate 
français,  né  le  15  mars  1751,  à  Paris,  mort  le 
28  janvier  1817,  à  Bailli,  près  Versailles  (1). 
Après  avoir  passé  quelque  temps  au  collège  des 
Jésuites  de  Heid'elberg,  il  fit  à  Besançon  l'ap- 
prentissage des  armes,  et  passa  en  1767  comme 
sous-lieutenant  dans  le  régiment  de  Royal  Na- 
varre, auquel  le  régiment  de  Moustier  venait 
d'être  réuni.  Attaché  en  1769  à  l'ambassade  du 
marquis  de  Clermont  d'Amboise,  son  beau-frère, 
il  resta  deux  ans  à  Lisbonne,  et  le  suivit  encore 
en  1775àNaples.  En  1778  il  fut  nommé  àlafois 
mestre  de  camp  d'un  régiment  de  dragons ,  et 
ministre  du  roi  près  l'électeur  de  Trêves.  Il  se 
rendit  à  Londres  en  1783,  après  la  signature  de 
la  paix,  et  fut  chargé  d'y  régler  certaines  diffi- 
cultés relatives  à  l'Espagne.  Il   avait  remplacé 

(1)  Son  père,  Louis-Philippe  -  Xavier ,  né  le  S  novembre 
1707,  au  château  de  Nans,  servit  avec  distinction  en  Alle- 
magne, en  Italie  et  en  Flandre,  devint  maréchal  de  camp 
en  1761,  et  mourut  en  avril  1776,  à  l'aris,  laissant  la  répu- 
tation d'un  des  meilleurs  officiers  de  cavalerie  de  l'armée. 
—  Son  frère  aîné,  Charles,  né  en  1739  et  mort  le  17  oc- 
tobre 1801,  à  Paris,  prit  part  à  la  guerre  de  Sept  Ans,  et 
fut  créé  en  1780  maréchal  rie  camp.  Élu  en  1788  député 
(le  la  noblesse  de  Franche- Comté  aux  états  généraux, 
il  (|uilla  celte  assemblée  au  moment  de  la  fusion  des  trois 
ordres.  Arrêté  en  1793,  il  fut  mis  en  liberté  après  le 
9  thermidor. 


-  MOUSTIER  c 

depuis  i787  M.  de  La  Luzerne  aux  États-T.  I 
lorsque  la  révolution  éclata  ;  le  désir  de  sui  I 
de  plus  près  le  mouvement  des  esprits  l'enga  I 
à  solliciter  un  congé,  et  il  revint  à  Paris  à  la  I 
de  1789.  Pendant  son  séjour,    on   l'envoya  I 
ambassade  à  Berlin  (1790).   Au  mois  de  il 
tembre  1791  il  fut  rappelé  par  une  lettre  ail 
graphe  de  Louis  XVI,  qui  lui  proposait  pou  I 
seconde   fois  le  ministère   des  affaires   étrai  I 
res  (1).  Mais   à  son   arrivée  l'autorité    ro;  I 
était  déjà  débordée  ;  dans  de  telles  circonstail 
son  caractère  ferme  et  ses  principes  monarchie  I 
bien  connus  ne  pouvaient  que  compromettr  I 
roi;  celui-ci  le  comprit,  agréa  son  refus,  etl 
donna  l'ambassade  de  Constaûtinople   (2).  I 
comte  de  Moustier  renonça  bientôt  à  ce  pc  I 
et  se  rendit  auprès  des  princes,  qui  lui  confié:  ; 
des  pouvoirs  illimités  pour  traiter  avec  les  s  I 
verains  alliés  des  intérêts  de  la  rïioharcbie  fi  I 
çaise.  11  venait  d'obtenir  du  roi  de  Prusst  I 
reconnaître  le  comte  de  Provence  comme  ré|  I 
du  royaume  pendant  la  captivité  de  Louis  3l 
lorsque  la  retraite  de  l'armée  prussienne  dcl 
un  autre  cours  aux  événements;  sa  corresr.il 
dance  secrète  fut  saisie,  et  un  jdéenet  d'accil 
tion  fut  voté  contre  lui,  le  22  octobre  1792,  I 
demande  de  Hérault  de  Séchelles.  Il  résida   | 
à  tour  en  Angleterre  et  en  Prusse,  et  la  cons 
ration  que  pendant  ses  missions  il   s'était 
qu.ise  dans  ces  deux  cours    le   mit  plus  d 
fois  à  même  de  se  rendre  utile  aux  princes 
lés  (3).  A  la  fin  de   1795,  après  le  désaslr 
Quiberon,  et  quand  le   cabinet  de  Londres  j 
mettait  de  nouveaux  secours  aux  royaliste 
fut  nommé  commissaire  général  de  Louis  X' 
dans  les  départements  insurgés;  la  pacillca 
de  la  Vendée  en  1796    le  força  de  pourvoi 
nouveau  à   sa  sûreté.  Devenu  marquis  pi 
mort  de  son  frère  aîné  (1801),  M.  de  Moui 
résida  à  Berlin  en  qualité  d'envoyé  secret 
comte  de  Provence  jusqu'en  1806,  où,  par  s 
de  l'occupation   de  la  Prusse,  il  passa  en 
une  fois  en  Angleterre.  Il  ne  rentra  en  Fr< 
qu'en  1814,  et  accompagna  le  roi  à  Gand.  En  J 
il  se  retira  dans  une  maison  de  campagne  < 
possédait  près  de  Versailles,  et  y  mourut  d 
attaque  d'apoplexie.  Il  avait  été  nommé  m 
chai  de  camp,  le 30  décembre  1814,  pour  prêt 
rang  du  1er  janvier  1794,  et  lieutenant  gène 

(1;  Mirabeau  avait  envoyé  dès  lé  20  octobre  1790  la 
Suivante  à  la  cour  :  «  Il  faut  avant  tout  avoir  quelq 
au  conseil  avec  qui  S'on  puisse  causer  à  cœur  ouve 
faut  y  faire  entrer  M.  de  Moustier...  »  [Corresp.  de 
rabeau  avec  le  comte  de  La  Marclc,  II,  274,  el 
286,  289). 

(2>  Tous  les  détails  de  cetle  affaire  se  trouvent  da; 
Correspondance  de  Mirabeau  (III,  247  219,  254,  2. 
259),  dms  les  Mémoires  d'un  homme  d'État  (I,  & 
dans  les  Mémoires  de  Bertrand  de  Mollevillc  (éd. 
I,  200).  «  Sa  réputation  méritée  de  talent,  d  instrui 
et  d"énergie,  dit  ce  dernier,  le  fit  regarder  coinnu 
homme  dangereux  p^iur  la  révolution  et  anima  ce 
lui  tous  les  partis  qui  la  soutenaient.  » 

(3)  Voy.  les  Lettres  de  Louis  XVlll  au  comt 
Saint- fr  lest,  p.  '«5. 


)5  MOUSTIER 

2  octobre  1816.  On  a  de  lui  :  De  V Intérêt  de 
:  France  à  une  constitution  monarchique  ; 
Mlin-,  juillet,  1791,  in-8°;  —  De  V Intérêt  de 
Europe  dans  la  révolution  française  ;  Lon- 
es,  1793,in-8°;  —  Observations  sur  les  dé- 
grafions du  prince  de  Cobourg  aux  Fran- 
isparun  royaliste  français  ;  Londres,  1795, 
-8°;  —  De  V Intérêt  de  la  monarchie  prus- 
mne  dans  les  conjonctures  actuelles;  en 
lemagne  ,  févr.  1796,  in-8°.  La  plus  grande 
rtie  des  ouvragés  sortis  de  sa  plume  est  res- 
!  inédite. 

.ourcelles  (De),  Dict.  fiist.  des  Généraux  français.  — 
cùments  particuliers. 

movstier  (Clément- Edouard,  marquis 
),  diplomate  français ,  fils  unique  du  précé- 
<it,  né  le  2  janvier  1779,  à  Coblentz,  mort  le 
anvier  1830,  à  Paris.  Il  avait  treize  ans  quand 
il  père,  décrété  d'accusation  par  la  Convention, 
«relia  un  asile  à  l'étranger.  Tout  fils  d'émigré, 
as  peine  d'être  réputé  émigré  lui-même,  de- 
:  t  être  rentré  en  France  avant  quatorze  ans  ; 
Duard  de  Moustier  allait  atteindre  cet  âge  ;  i! 
1  tta  l'Académie  de  Stuttgard,  où  il  étudiait,  et 
int  à  Paris  avec  son  précepteur  dans  les  der- 
rs  jours  de  1792.  Tour  à  tour  incarcéré,  puis 
ssociant  avec  ardeur  aux  efforts  tentés  contre 
touvoir  révolutionnaire,  il  s'expatria  à  la  suite 
«mouvement  du  13  vendémiaire,  où  il  avait  été 
|ssé,  et  alla  en  Angleterre  retrouver  son 
e.  Au  mois  de  mars  1796,  il  alla  se  joindre, 
is  la  basse  Normandie,  au  détachement  du 
Ute  de  Frotté,  près  duquel  il  combattit  en  qua- 
d'aide  de  camp  jusqu'à  la  pacification.  Il  re- 
It  à  Paris  à  l'époque  où  fut  tenté  le  mouve- 
ot  royaliste  que  comprima  le  coup  d'État  du 
fructidor.  Attaché  le  1er  mai  1800,  comme 
Ve  diplomatique,  au  ministère  des  affaires 
ères,  il  remplit,  de  1800  à  1812,  diffé- 
Ites  missions  en  Allemagne,  et  fut  successive- 
nt  secrétaire  de  légation  ,  chargé  d'affaires  à 
ksde,  ministre  plénipotentiaire  près  du  grand- 
;  de  Bade  et  du  roi  de  Wurtemberg; il  quitta 
Hernier  poste  au  commencement  de  1813  pour 
Itrer  dans  la  vie  privée.  Il  ne  reprit  du  ser- 
e  qu'à  la  (in  de  1820,  et  alla  à  Hanovre  et  de 
\  Berne  en  qualité  d'envoyé  extraordinaire  et 

Ïiinistre  plénipotentiaire.  Sa  mission  en  Suisse 
marquée  par  plusieurs  négociations  impor- 
tes. Élu  député  du  Doubs  en  1824,  il  suivait 
f*aris  les  travaux  de  la  session  lorsque  Châ- 
ubriand  quitta  le  ministère  des  affaires  étran- 
ges; l'intérim  lui  en  fut  confié,  avec  le  titre  de 
ecteur  des  affaires  politiques,  et  ce  fut  en 
klité  d'ambassadeur  qu'ensuite  il  retourna  en 
jsse.  Il  passa  en  1825  à  l'ambassade  d'Espagne, 
(graves  difficultés  l'y  attendaient.  A  la  mort 
| Jean  IV,  la  guerre  civile  avait  éclaté  en  Por- 
tai. Les  grandes  puissances  continentales,  re- 
I  tant  une  intervention  anglaise,  insistaient  près 
lia  cour  de  Madrid  pour  qu'elle  ne  donnât 
■  une  marque  de  la  faveur  qu'elle  semblait  por- 


—  MOUTON  .  80C 

ter  à  la  cause  de  don  Miguel.  Bien  que  cette  con- 
duite fût  en  opposition  avec  les  idées  person- 
nelles de  M.  de  Moustier  et  qu'il  ne  le  cachât  pas 
à  son  gouvernement,  il  agit  énergiquement  dans 
le  sens  qui  lui  était  indiqué  ;  mais  malgré  les 
protestations  du  gouvernement  espagnol,  ses  pré- 
férences se  trahirent  par  des  actes  patents,  et 
dès  lors  le  cabinet  des  Tuileries  dut  rappeler  son 
ambassadeur.  11  avait  épousé  ;en  1808  la  fille 
unique  du  comte  de  La  Forest. 

Son  fils  aîné,  Léonel,  a  été  envoyé  en  1849 
à  l'Assemblée  législative  par  le  département  du 
Doubs;  il  est  depuis  1853  envoyé  extraordinaire 
et  ministre  plénipotentiaire  à  Berlin. 

Documents  particuliers. 

mouton  (Jean),  compositeur  français  (1) 
du  seizième  siècle,  et  qui  occupa  une  des  places 
les  plus  distinguées  parmi  les  maîtres  de  cette 
époque.  Élève  du  fameux  Josquin  Desprez,  Jean 
Mouton  jouissait  déjà ,  sous  (ë  règne  de 
Louis  XII,  d'une  grande  réputation ,  qu'il  s'était 
faite  par  ses  compositions;  on  cite,  entre  autres, 
le  motet  qu'il  écrivit,  en  1509,  pour  la  nais- 
sance de  la  seconde  fille  de  ce  prince,  et  celui 
qu'il  composa,  en  1514,  sur  la  mort  d'Anne  de 
Bretagne.  FicfT^is  1er  l'attacha  à  son  service. 
Ce  mQr  'vue,  protecteur  des  arts  et  des  artis- 
tes, avait  aivisé  sa  chapelle  en  deux  corps,  dont 
l'un,  appelé  Chapelle  de  musique,  était  com- 
posé de  chanteurs  et  de  quelques  instrumentis- 
tes ;  l'autre,  nommé  Chapelle  de  plain-chant, 
comprenait  les  chantres  et  les  ecclésiastiques  des- 
tinés à  chanter  les  hautes  messes  et  les  heures  ca- 
noniales. Dans  certaines  solennités,  ces  deux  corps 
se  réunissaient,  et  on  leur  donnait  alors  le  nom 
de  Grande  chapelle.  Un  seul  chef  était  à  leur 
tête,  avec  lé  titre  de  maître  de  la  chapelle-mu- 
sique; deux  sous-maîtres  pour  la  musique,  un 
pour  le  plain-chant,  l'aidaient  dans  l'exercice 
de  ses  fonctions  (2).  Cette  place  de  maître  de 
chapelle  fut  donnée  à  Jean  Mouton.  Glaréari,  qui 
vécut  à  Paris  depuis  1521  jusqu'en  1524,  dit  que 
cet  artiste  était  en  grande  faveur  auprès  de 
François  Ier,  et  nous  apprend  qu'il  dédia  des 
messes  de  sa  composition  au  pape  Léon  X,  qui 
lui  en  témoigna  sa  satisfaction.  On  ignore  la 
date  de  sa  mort.  On  trouve  à  la  Bibiothèque  im- 
périale de  Paris,  sous  le  numéro  1506  du  supr 
plément  des  manuscrits  français,  un  compte 
de  la  chapelle  de  François  Ier,  dressé  en  1532 
par  maître  Benigne-Sevré,  conseiller  du  roi. 
Jean  Mouton  ne  figure  à  aucun  titre  dans  ce 
compte,  ce  qui  doit  faire  supposer  qu'alors  il 
avait  cessé  de  vivre. 

(1)  Glaréan,  qui  le  vit  à  Paris  en  1521  et  qui  s'entretint 
avec  lui  au  moyen  d'un  interprète,  dit  qu'il  était  né.en 
France.  Cependant  Guicciardini  en  tait  un  Belge.  Le. té- 
moignage de  Glaréan  paraît  plus  certain. 
.  (Sj  Jusqu'en  1543  les  virtuoses  de  la  chapelle  chantaient 
aux  fêtes  et  divertissements  de  la  conr.  Mais  à  celle 
époque  François  1er  établit  un  corps  de  musiciens  indé- 
pendant du  service  divin,  et  l'attacha  spécialement  à  sa 
chambre.  Des  joueurs  d'epinette  s'y  font  remarquer.  Le 
fameux  luthiste  Albert  en  faisait  les  délices. 

26. 


807 


MOUTON 


Les  messes  de  Jean  Mouton  étaient  très-esti- 
mées.  Ce  compositeur  possédait  à  fond  la 
science  musicale.  Son  chant  était  facile  et  natu- 
rel. Ce  qui  r.este  de  ses  ouvrages  prouve  qu'il 
était  en  effet  très-habile.  Octave  Petrucci,  de 
Fossombrone,  a  publié,  en  1508,  un  livre  con- 
tenant cinq  messes  de  Jean  Mouton,  et  qui  sont 
intitulées,  la  première,  sine  nomine ,  n°  1,  la 
seconde,  Alléluia,  la  troisième,  Aima  Redemp- 
toris,  la  quatrième,  sine  nomine,  n°  2,  et  la 
cinquième,  Regina  mater.  Plusieurs  messes  du 
même  compositeur  sont  conservées  en  manuscrit 
dans  les  archives  de  la  chapelle  pontificale,  à 
Rome  ;  on  y  trouve,  entre  autres,  la  messe  sur 
la  chanson  française  Dites-moi  toutes  vos  pen- 
sées. On  sait  qu'à  cette  époque  les  composi- 
teurs prenaient  souvent  pour  thème  obligé  ,  dans 
la  musique  d'église,  les  airs  qui  avaient  le  plus 
de  popularité,  et  qu'ils  décoraient  de  toutes  les 
subtilités  de  l'art.  La  bibliothèque  de  Munich 
renferme  aussi  des  messes  manuscrites  de  Jean 
Mouton.  On  trouve  des  motets,  à  4  et  5  voix, 
du  même  musicien  dans  les  premier,  second, 
troisième  et  quatrième  livres  de  la  collection 
des  motets  de  la  couronne,  publias  par  Octave 
Petrucci,  et  dans  les  autres  '  rëL'U'eils  du  temps. 
Les  histoires  de  la  musique  de  Eairé^ns,  de 
Burney  et  de  Forkel  offrent  aussi,  comme  ren- 
seignements, des  motets  de  Jean  Mouton.  Ses 
madrigaux  étaient  fort  goûtés;  on  trouve  à  la 
Bibliothèque  du  Conservatoire  de  Paris,  dans 
le  premier  volume  de  la  collection  Eler,  le  ma- 
drigal à  6  voix,  Vrai  Dieu  d'amour,  composé 
par  ce  musicien.  D.  Denne-Raron. 

Guillaume  du  Peyrat,  Hist.  ecclésiastique  de  la  Cour, 
ou  les  antiquités  et  recherches  de  la  chapelle  ou  ora- 
toire du  roy  de  France.  —  Glaréan,  Dodécachordon.  — 
Burney,  A  générât  History  of  Music.  —  Forkel,  Allge- 
meine  Geschichte  des  Musik.  -  Castit-Blaze,  Chapelle- 
Musique  des  Rois  de  France.  —  Fétis,  Biographie  uni- 
verselle des  Musiciens.  —  Patria,  Hist.  de  l'Art  musical 
en  France. 

moktoî*  (Gabriel),  astronome  français,  né 
en  1618,  à  Lyon,  où  il  est  mort,  le  28  septembre 
1694.  Attaché  dès  l'âge  de  quatre  ans  comme 
enfant  de  chœur  à  l'église  de  Saint-Paul,  il  en 
devint  vicaire  perpétuel  en  1654.  H  était  docteur 
en  théologie.  Tous  ses  loisirs  étaient  consacrés 
aux  mathématiques  ;  ses  études  l'avaient  même 
rendu  si  distrait  qu'en  célébrant  la  messe  il  lui 
arrivait  sou  vent  de  demandera  celui  qui  la  servait 
où  il  en  était.  Son  principal  ouvrage  a  pour  titre  : 
Observationes  diametrorum  Solis  et  Lunse 
apparentium  (  Lyon,  1670,  in-4°  );  il  contient 
aussi  des  mémoires  intéressants  sur  les  inter- 
polations et  sur  le  projet  d'une  mesure  univer- 
verselle  tirée  du  pendule.  Dès  1661  il  avait  dé- 
terminé le  diamètre  du  Soleil  dans  son  apogée, 
et  malgré  le  peu  de  secours  qu'il  avait  pour 
une  expérience  si  délicate,  on  a  trouvé,  par  la 
suite,  peu  de  chose  à  y  changer.  On  a  encore  de 
lui  dans  les  Tables  deGardiner  (Avignon,  1770, 
in-fol.  )  des  logarithmes  calculés  à  sept  déci- 
males. P-  L- 


Pernetti,  Lyonnais  dignes  de  mémoire,  II.  —  Lalai;  I 
Bibl.  Astronom. 

mouton  (  Jean- Baptiste-Sylvain  ) ,  éc  I 

vain  ecclésiastique,  né  en  1740,  à  La  Chari  I 

sur-Loire,  mort  le  13  juin  1803,  à  Utrecht  I 

émigra  en  1792,  et  se  retira  en  Hollande,  où  il 

paraître,  de  1793  à  1803,  la  continuation  des  Ai 

velles  ecclésiastiques,  qui  avaient  cessé  d'ê  I 

imprimées  à  Paris.  Ce  recueil  ne  fut  pas  contii 

après  la  mort  de  l'abbé  Mouton.  A.  L. 

Dict,  Hist..  —  Quérard,  La  France  Littéraire. 

mouton  (  Georges  ),  comte  de  Lobau,  f 

et  maréchal  de  France,  né  à  Phalsbourg  (Me 

the),    le  21    février   1770,  mort  à   Paris 

27  novembre  1838.  Issu  d'une  famille  de  coJ 

merçants,  il  avait  reçu  une  éducation  fort 

complète,  quand   la  révolution  vint  lui  oum 

une  carrière   à  laquelle  il  n'aurait  sans  do 

pas  songé.  Il  s'enrôla  comme  soldat,  le  1er  ai 

1792,  dans  le  9e  bataillon  des  volontaires  de 

département,  devint  lieutenant  (  16  août), 

pitaine  (  5  novembre),  fit  avec  ce  corps  les  [ 

mières  campagnes  aux  armées  du  nord ,  et 

choisi  pour  aide  de  camp  par  le  général  Mi 

nier  (  13  octobre  1793).  Passé  à  l'armée  d'il 

il  devint  chef  de  bataillon  (  30  octobre  17! 

et  aide  de  camp  du  général  Joubert  (21  novi» 

bre  1798),  qui  fut   tué  à  ses    côtés  à  lai 

taille  de  Novi.  Moreau  l'avait  nommé  (14  ju« 

1799)  chef  de  la  3e  demi-brigade  d'infantei 

mais  Mouton  ne  fut  confirmé  dans  ce  grade 

le  21  octobre  1800.  Peu  auparavant,  il  avait  p 

dant  quelques  mois  commandé  à  Rome  le  c 

teau  Saint-Ange.  Renfermé  dans  Gênes  avec 

régiment,  après  avoir  lutté  dans  les  montag 

contre  un  ennemi  qui  lui   était    supérieur 

forces  et  surtout  contre  la  misère,   il  prit 

part  brillante  au   siège   que   Massena   sou. 

dans  cette  ville,  et  dans  une  sortie,  à  l'atta 

du  fort  Quezzi,  il  fut  atteint  d'une  balle  qui: 

traversa  le   corps.   Laissé  pour    mort  suri 

champ  de  bataille,  il  ne  dut  la  vie  qu'au  dév( 

ment  d'un  ami.   Peu   après   la  capitulation. 

Gênes  (  2  juin  1800),  Mouton  rentra  en  Fra 

et  fut  ensuite  appelé  au  camp  de  Boulogne, 

Bonaparte   le    nomma   membre  de  la  Léf' 

d'Honneur  (11  décembre  1803),  puis  officiel 

l'ordre  (  14  juin   1804).  Devenu   empereur 

s'attacha  Mouton,  qu'il  fit  général  de   brig 

(1er  février  1805)  et  son  aide  de  camp  (7  iï 

suivant).  Depuis  ce  moment,  Mouton,  que  Na 

léon  appréciait  de  plus  en    plus,  malgré  to 

sa  franchise  et  sa  brusquerie,  prit  part  à  ton 

les   campagnes  de   l'empire,  fut  promu  c( 

mandant  de  la  Légion  d'Honneur  (30  mai  18( 

se  distingua  à  léna ,  à  Pultusk,  à  Friedland, 

obtint  le   grade  de  général  de  division  (  6 

tobre  suivant).  Employé  en  Espagne  sous 

ordres  du  maréchal  Bessières,  il  commanda 

14  juillet  1808,  de  sa  personne,  une  charge  < 

baïonnette,  enleva  la   ville  de  Médina,  ass 

ainsi  le  succès  de  la  journée  de  Médina  del  I 


MOUTON  —  MOUTON-DUVERNET 


810 


cco,  et,  le  10  novembre  suivant,  il  contribua  à 
prise  de  Burgos  et  à  la  déroute  de  l'armée 
lislramadure,  qui  avait  égorgé  en  son  chemin 
comte  de  Tories,  son  général,  et  qui  perdit 
us  cette  journée  plus  de  six  mille  hommes, 
uze  drapeaux  et  vingt-cinq  pièces  de  canon, 
ipelé  ensuite  à  la  grande  armée,  il  exécuta,  le 
avril  1809,  sur  le  pont  embrasé  de  Landshut, 
mouvement  dont  l'audace  et  le  succès  frap- 
rent  d'admiration  l'empereur  lui-même,  qui 
ivait  pas  cru  pouvoir  l'ordonner.  Ce  mouve- 
jnt,  qui  empêcha  la  jonction  du  général  au- 
chien  Hiller  avec  l'armée  du  prince  Charles, 
lut  aux  Français  des  avantages  immenses.  Le 
mai  suivant,  Mouton  se  couvrit  de  gloire  à  la 
e  des  fusiliers  de  la  garde  impériale,  et  s'em- 
ra  définitivement  du  village  d'EssIing,  que  les 
trichiens  avaient  pris  quatre  fois  dans  la 
irnée.  Sa  conduite  dans  cette  bataille  et  les 
•vices  qu'il  rendit  à  l'armée  pendant  son  sé- 
»r  dans  l'île  de  Lobau  lui  valurent  le  titre 
■comte  du  nom  de  l'île  où  il  s'était  illustré. 
■Promu  grand  officier  de  la  Légion  d'Hon- 
jir  (30  juin  1811),  Mouton  accompagna  Na- 
léon  en  Russie,  partagea  la  gloire  et  les 
ugers  de  cette  campagne,  et  revint  en  France 
BC  l'empereur,  quand  ce  dernier  remit  à  Mu- 
i ,  roi  de  Naples,  le  commandement  de  Tar- 
ie. L'année  suivante,  il  combattit  en  Saxe 
i  contribua  aux  succès  de  Giesshubel  et  de 
cknitz.  Le  29  juillet  1813,  il  avait  été  nommé 
le  de  camp  major  de  la  garde  impériale, 
meure  à  Dresde  après  la  bataille  de  Leip- 
I  il  fut,  au  mépris  d'une  capitulation  ,  traité 
prisonnier  de  guerre  et  conduit  en  Hon- 
re,  où  il  fut  retenu  jusqu'à  l'abdication  de  Na- 
iéon.  La  première  restauration  le  fit  chevalier 
Saint-Louis,  le  8  juillet  1814,  et  le  30  dé- 
rabre  suivant  inspecteur  général  d'infanterie, 
son  retour  de  l'île  d'Elbe,  Napoléon,  dès  le 
[mars  1815,  le  nomma  commandant  de  la 
l' division  militaire  et  pair  de  France,  le  2  juin 
Uvant.  A  cette  époque,  il  prit  le  commande- 
nt du  5e  corps  de  l'armée  du  nord ,  et  le 
idece  mois,  à  la  bataille  de  Waterloo,  il  avait 
trieusement  résisté  avec  six  mille  hommes 
itrente  mille  commandés  par  le  général  Bu- 
w,  lorsque,  surpris  par  les  Prussiens  au  mo- 
ent  où  il  ralliait  les  débris  de  l'armée,  il 
t  fait  prisonnier  et  conduit  en  Angleterre. 
Mïipris  dans  l'article  2  de  l'ordonnance  du 
i  juillet  suivant,  il  ne  put  rentrer  en  France 
hrès  le  second  retour  du  roi,  habita  la  Bel- 
ipje,  et  n'obtint  qu'en  1818  l'autorisation  de 
voir  sa  patrie.  Il  fut  mis  en  non -activité  le 
""janvier  1819  et  compris,  le  9  juin  suivant, 
tmme  disponible  au  cadre  d'état-major.  On 
mblait  avoir  oublié  son  nom  et  ses  services 
l'squ'en  avril  1828  les  électeurs  du  déparre- 
ent  de  la  Meurthe  l'envoyèrent  à  la  chambre 
s  députés,  où  il  vota  constamment  avec  l'op- 
►sition  libérale.  Pendant  les  journées  de  Juillet 


1830,  il  fit  partie  de  la  commission  municipale 
qui  remit  le  pouvoir  aux  mains  du  duc  d'Or- 
léans,  et  ce  prince,  devenu  roi,  le  nomma 
grand-croix  de  la  Légion  d'Honneur  (  19  août) 
et  commandant  général  de  la  garde  nationale  de 
Paris  (2ft  décembre  )  après  la  démission  de 
La  Fayette.  Compris  dans  le  cadre  d'activité  de 
l'état-major  général  (7  février  1831),  il  eut  à 
combattre  une  sorte  d'émeute  qui,  du  5  au  10 
mai  suivant,  se  renouvelait  chaque  soir  sur  la 
place  Vendôme.  Pour  éviter  la  violence  des 
charges  de  cavalerie ,  et  surtout  l'effusion  du 
sang,  il  imagina,  de  concert  avec  Gabriel  Deles- 
sert  (depuis  préfet  de  police)  de  faire  venir  des 
pompes  à  incendie,  et  de  lancer  sur  les  groupes 
compacts  de  curieux  et  d'émeutiers  des  co- 
lonnes d'eau,  qui  les  dispersèrent  en  un  instant. 
Des  caricatures  sans  nombre  semèrent  à  cette 
occasion  mille  plaisanteries  sur  le  général 
Lobau;  mais  assurément  on  ne  put  que  louer 
son  humanité  et  sa  modération.  Le  30  juillet 
suivant,  il  reçut  le  bâton  de  maréchal  des  mains 
du  roi,  qui,  le  27  juin  1833,  le  nomma  pair  de 
France.  Ce  fut  au  sein  de  ces  dignités  qu'il  ter- 
mina sa  carrière.  Son  éloge  fut  prononcé  à  la 
chambre  des  pairs  par  M.  le  comte  Philippe  de 
Ségur,  dans  la  séance  du  17  juin  1839;  la  ville 
de  Paris  donna  son  nom  à  une  nouvelle  rue,  et 
plaça  son  buste  à  l'hôtel  de  ville.  Enfin,  une 
statue  en  bron/.e  lui  a  été  érigée  sur  une  des 
places  de  Phalsbourg.  H.  Fisqcet. 

Rouv.nl  (A.-A.  ),  Vie  du  maréchal  comte  de  Lobau; 
1838,  in-8°.  —  Ph.  de  Ségur,  Éloge  historique;  1839, 
in-8°.  —  anecdotes  de  la  vie  militaire  et  politique  du 
maréchal  comte  de  Lobau;  1839,  in-8°.  —  Nouvelle  No- 
tice historique  sur  la  vie  et  la  mort  du  comte  de  Lobau 
et  sur  toutes  les  campagnes  de  cet  illustre  guerrier 
sous  l'empereur  Napoléon;  1838,  in-12.  —  Moniteur  uni- 
versel; 1839,  pages  1004  et  1005. 

MOCTON-duvernet  (  Régis-Barthélemi, 
baron),  général  français,  né  le  3  mars  1769, 
au  Puy-en-Velay,  fusillé,  le  27  juillet  1816,  à 
Lyon.  A  dix  sept  ans  il  s'engagea  dans  le  régi- 
ment de  la  Guadeloupe,  fit  quelques  campagnes 
maritimes,  passa  en  1793  à  l'armée  des  Alpes 
et  servit  au  siège  de  Toulon  comme  capitaine- 
adjudant  major.  Envoyé  en  Italie,  il  fut  blessé 
grièvement  à  l'attaque  du  pont  d'ArcoIe  (  1796). 
Après  avoir  pris  part  aux  guerres  de  Prusse 
et  de  Pologne,  il  devint  colonel  du  63e  régiment 
de  ligne  (  1 807  ),  se  rendit  en  Espagne,  et  entra 
de  vive  force  dans  la  ville  d'Uclès  (  12  janvier 
1809  ),  défendue  par  une  garnison  de  huit  mille 
hommes  ;  ce  fait  d'armes  lui  valut  le  titre  de 
baron  de  l'empire.  Promu  au  grade  de  général 
de  brigade  le  21  juillet  1811  et  à  celui  de  gé- 
néral de  division  le  4  août  1813 ,  il  concourut 
avec  distinction  à  la  campagne  de  Saxe.  Lors 
de  la  première  restauration  Mouton-Duvernet 
fut  nommé  chevalier  de  Saint-Louis  et  com- 
mandant de  Valence.  Au  retour  de  Napoléon  il 
fut  un  des  premiers  à  se  joindre  à  lui.  Élu  dé- 
puté de  la  Haute-Loire,  il  engagea  la  chambre 
des  représentants  à  proclamer,  après  le  désastre 


811  MOUTON-DUVERNET  - 

de  Waterloo,  Napoléon  II  empereur.  «  A  ce 
nom,  dit-il,  il  n'y  aura  pas  un  Français  qui  ne 
s'avance  pour  défendre  l'indépendance  nationale, 
c'est-à-dire  le  souverain  pour  lequel  on  a  déjà 
versé  tant  de  sang  et  fait  tant  de  sacrifices. 
L'armée  de  la  nation  se  rappelle  que  sous 
Louis  XVIII  elle  a  déjà  été  profondément  hu- 
miliée; elle  se  rappelle  qu'on  a  traité  de  brigan- 
dages les  services  qu'elle  a  rendus  à  la  patrie 
depuis  vingt-cinq  ans.  Voulez-vous  lui  rendre 
tout  son  courage  et  l'opposer  avec  succès  à  l'en- 
nemi, proclamez  Napoléon  II.  »  Dans  les  pre- 
miers jours  de  juillet  1815,  il  fut  envoyé  à  Lyon 
avec  le  titre  de  gouverneur  par  le  gouvernement 
provisoire,  et,  bien  qu'il  eût  mis  de  l'empresse- 
ment à  protester  de  son  dévouement  au  roi,  il  fut 
compris  dans  l'ordonnance  du  24  juillet,  et  déféré 
avec  dix-huit  officiers  généraux  à  la  juridiction 
militaire  comme  coupable  «  d'avoir  trahi  le  roi  et 
attaqué  la  France  et  le  gouvernement  à  main  ar- 
mée avant  le  23  mars».  Réfugié  dans  la  demeure 
d'un  royaliste,  M.  de  Meanx,  maire  de  Montbrison, 
il  échappa  pendant  près  d'une  année  aux  pour- 
suites. Las  de  cette  existence  incertaine,  il  se 
constitua  volontairement  prisonnier,  et  comparut 
à  Lyon,  le  15  juillet  1816,  devant  un  conseil  de 
guerre  présidé  par  le  général  Darmagnac.  Après 
d'assez  longs  débats,  il  fut  condamné  à  mort. 
Il  en  appela  en  vain  au  conseil  de  révision.  Sa 
femme,  qui  se  trouvait  à  Paris,  présenta  un 
recours  en  grâce  au  comte  d'Artois  et  au  duc 
de  Berri  ;  ni  l'un  ni  l'autre  ne  voulut  l'écouter; 
elle  se  jeta  aux  pieds  de  Loujs  XVIII,  qui  lui  ré- 
pondit froidement  :  «  Je  ne  peux  vous  accorder 
votre  demande.  »  Le  27  juillet  l'infortuné  général 
fut  passé  par  les  armes  sur  le  chemin  des 
Étroits,  après  avoir  reçu  les  secours  de  la  reli- 
gion. Le  lendemain  ,  selon  M.  de  Vaulabelle, 
quelques-unes  des  dames  royalistes  les  plus 
qualifiées  de  la  ville  se  transportèrent  au  lieu  du 
supplice,  et  y  firent  éclater  leur  joie  à  l'aide  de 
danses  impies  exécutées  sur  la  partie  même  du 
sol  où  Mouton-Duvemet  était  tombé  (1).  P.  L. 
Bioçr.  univ.  et  portât,  des  Contemp.  —  Vaulabelle, 
Hisl.  des  deux  Restaurations,  IV.  —  Bouchet,  Notice 
sur  la  vie  et  le  procès  du  général  Mouton- Ducemet  ; 
Le  Puy,  1844,  in-8°. 

MOUÏON-FONTEIS1LLE    DE     LA    CLOTTE 

(Marie-Jacques-Philippe),  naturaliste  fran- 
çais, né  à  Montpellier  (Hérault),  le  8  septembre 
1769,  mort  à  Lyon,  le  22  août  1837.  Après  de 
bonnes  études  à  l'université  de  sa  ville  natale,  il 
devint  professeur  d'histoire  naturelle  à  l'Acadé- 
mie et  au  lycée  de  Lyon,  membrede  l'Athénée,  de 
la  Société  de  Médecine,  et  des  autres  sociétés  sa- 
vantes de  cette  ville.  Mouton-Fontenille  fut  plus 
tard  nommé  conservateur  du  cabinet  d'histoire 


(1)  «  Un  banquet  eut  lieu  (peu  de  jours  après  l'exé- 
cution) ;  des  toasts  célébrèrent  la  mort  du  général,  et, 
pour  compléter  cette  odieuse  parodie,  les  convives  exi- 
gèrent qu'on  leur  servît  un  foie  de  mouton,  qui  fut  aus- 
sitôt percé  de  cent  coups  de  couteau.  »  (  Bouchet,  Notice 
sur  Mouton-Duvemet.) 


MOUTON-FONTENILLE 

naturelle  fondé  à  Lyon,  et  exerça  ces  fonctions  ji 
qu'au  4  avril  1831,  époque  où  il  prit  sa  retrait 
On  a  de  lui  :  Tableaux  des  systèmes  de  b 
tanique  généraux  et  particuliers,  contenu, 
1°  le  plan  de  chaque  système  ;  2°  les  prii 
cipes  sur  lesquels  ils  sont  fondés;  3°  leu 
avantages  et  leurs  désavantages  ;  4°  spécU 
lement  le  développement  du  système  sexu 
de.  Linné;  suivis  de  deux  Mémoires,  dont  le  pi 
miera  pour  objet  une  suite  d'observations  etd'e 
périences  sur  la  dessiccation  des  plantes  et  le 
conservation  dans  des  herbiers  ;  le  deuxième  re 
ferme  des  Observations  sur  les  différentes  espèc 
de  végétaux  des  montagnes  calcaires  et  grani  tiqu 
des  environs  de  Grenoble;  Lyon,  1798  et  1 
in-8°;  —   Observations  et   expériences    si 
l'art  d'empailler  et  de  conserver  les  oiseau, 
1801,  in-8°  (avec  Hénon );  2e  édition,  sous 
titre  :  L'Art  d'empailler  les  oiseaux,  contena 
des  principes  nouveaux  et  sûrs  pour  leur  co 
server  leurs  formes  et  leurs  altitudes  naturell 
avec  la  méthode  de  les  classer  d'après  le  sy 
tème  de  Linné  ;  Lyon,   1802,   in-8°,  avec  ci 
planches  ;  —  Dictionnaire  des  termes  techr, 
ques   de  botanique  à  l'usage  des  élèves 
des  amateurs  ;  Lyon  et  Paris,  1803,  in-8°; 
Système  des  plantes  contenant  les  classe 
ordres,  genres  et  espèces,  les  caractères  n 
turels  et  essentiels  des  genres,  les  phras 
caractéristiques  des  espèces,  la  citation  d 
meilleures  figures,  le  climat  et  le  lieu  nat< 
des  plantes,  l'époque  de  leur  floraison,  leu 
propriétés   et  leurs  usages  dans   les  art 
dans  l'économie  rurale  et  dans  la  médecin 
extrait  et  traduit  des  ouvrages  de  Linné;  Ly< 
et  Paris,  1805,  5  vol.  in-8°,  avec  le  portrait  i 
Linné,  d'après  Rollin;  —  Observations  sur  , 
Marmotte;  Paris,  1808,  in-8°,avec  une  planchi 

—  Catalogue  raisonné  des  livres  qui  comp 
sent  la  bibliothèque  d'un  amateur  de  i 
science  de  la  botanique;  Paris,  1809,  in-8 

—  Coup  d'oeil  sur  la  Botanique  ;  1810 
in-8°;  —  Traité  élémentaire  d'Ornithologi 
contenant  :  1°  les  principes  et  les  généralïU 
de  cette  science;  T  l'analyse  du  système  t 
Linné  sur  les  oiseaux;  3°  la  synonymie  t 
Bu/fon  ;  4°  les  caractères  des  genres  ;  5°  l 
description  et  l'histoire  des  espèces  eun 
péennes  ;  suivi  de  l'Art  d'empailler  lès  e; 
seaux;  Lyon  et  Paris,  1811,  3  vol.  in-8°  ayt 
10  planch.  gravées  entaille-douce;  —  Réponi 
à  M.  Aimé  Martin  sur  la  critique  du  Trail 
élémentaire  d'Ornithologie;  Lyon  et  Paris 
1813,  in-8°  ;  —  Éloge  de  Joseph  Dombey,  nu 
decin,  botaniste  et  naturaliste  ;  Bourg,  181c 
in-8°;  —  Tableau  de  concordance  des  genre 
d'un  pinax  des  plantes  européennes  ;  Paris  e 
Lyon,  1815,  in  8°;  —  La  France  en  conviù 
sion  pendant  la  seconde  usurpation  de  Buo 
naparte  ;  Paris  et  Lyon,  1815,  in-8°;  —  h 
France  en  délire  pendant  les  deux  usurpa 
lions  de  Buonaparte ;  Paris  et  Lyon,  1815 


13 


M0UT0N-F0NTEN1LLE  -  MOUVANS 


814 


i-8°  :  brochures  politiques  qui  sont  loin  d'avoir 
i  nurite  des  autres  écrits  de  Mouton-l<onte- 
j||(.;  _  enfin,  un  grand  nombre  de  Mémoires 
ans  les  divers  recueils  scientifiques  publiés  à 
yon,  H.  F. 

Qgéraed,  La  francs  Littéraire.  —  Documents  parr 
culiers.  —  biographie  (inédite  )  de  r Hérault. 

moutonnet-cLaiufons  (  Julien -Joe* 
ues),  écrivain  français,  ué  au  Mans,  le  11  avril 
740,  mort  à  Paris,  le  2  juin  1813.  Son  premier 
laitre  l'ut  son  oncle,  curé  près  du  Mans   :  il 

•lima  ses  études  au  grand  collège  de  sa  ville  na- 
ile,  chez  les  Oratoriens.  A  l'âge  de  dix-huit  ans 
loutonnet  se  rendit  à  Paris.  Il  faisait  ce  voyage 

pied,  car  il  était  pauvre,  quand,  dévoré  parla 
>if,  il  rencontra  une  source  vive,  où  il  lui  fut 
punis  de  se  désaltérer.  C'est  en  souvenir  de  cette 
tenture  qu'il  prit,  dit-on,  le  surnom  de  Clair- 
ons. Ses  études  avaient  été  bonnes  ;  il  était  ha- 
lle helléniste  :  à  Paris,  il  trouva  des  élèves,  et 
|écut  du  produit  de  ses  leçons.  11  fut  plus  tard 
nployé  dans  les  postes  ;  nous  le  voyons  attaché 

cette  administration  dès  l'année  1783;  il  en  fai- 
«t  encore  partie  en  i  813,  quand  il  mourut,  après 
/oir  subi  l'opération  de  la  taille.  Un  biographe 
jus  parle  de  l'aménité  de  sa  femme  :  elle  s'ap- 
îlait  Marie  Berrier.  "On  a  de  Moutonnet- Clair- 
ans  :  Les  Baisers  de  J.  Second,  en  vers  et  en 
rose;  Paris,  1771,  in-lS;  —  Les  Lies  Fortu- 
nes, ou  les  aventures  de  Bat hy lie  et  de  Cléo- 
Ule;  Canaric  (Paris),  1771,  in-8°,  et  1778, 
i-18,  ouvrage,  réimprimé  dans  le  tome  X  des 
•oyages  imaginaires ,  recueillis  par  Garnier, 
787,  in-8°;  —  La  bonne  Mère;  La  Fille  bien 
ée;  V Hirondelle  et  ses  petits,  dans  le  même 
olume  que  Les  Iles  Fortunées;  —  Lettre  à 
1.  Clément,  sur  son  ÉpUre  de  Boileau  à  Vol- 
aire;  Genève  (Paris),  1772,  in-8g;  —  Ana- 
réon,  Sapho,  Pion  et  Moschus,  etc.,  etc.,tra- 
kiits  en  prose;  Paris,  1773^  in-4"  ;  1779,  in-12  ; 
,t  1780,  in-8°  :  il  y  eut  de  nombreuses  contre- 
ajçons  de  la  première  édition  :  une  note  manus- 
crite de  Moutonnet  en  désigne  quatre  ;  —  Héro 
t  Léandre,  poëme  de  Musée,  traduit  en  fran- 
ais  ;  Paris,  1774,  in-49  ;  1775,  in-8°  ;  —  L'Enfer, 
,e  Dante  Alighieri;  Florence  (Paris),  1776, 
|i-8°;  —  Lettre  à  M.  l'abbé  Groshier,  insérée 
jans  Y  Année  littéraire  de  1776,  p.  102;  — 
Manuel  épislolaire ,  ou  choix  de  lettres  pui- 
ëes  dans  les  meilleurs  auteurs  latins  et 
iHinçais;  Paris,  1785,  in-12;  —  L'Influence 
e  Boileau  sur  la  Littératître  française; 
'aris,  1786,  in-8e; —  Le  vérit'abCe  Philan-- 

Kkrope,  ou  Vile  de  la.  Philanthropie,  apolngie 
8  J.-J.  Rousseau;  Philadelphie  (Paris),  1790, 
o-8°  ;  —  La  Galéide,  ou  le  chat  de  la'  na- 
ure,  poëme,  suivi  dénotes,  d'un  précis  et  d'un 
iigement  sur  le  Mantouan  ;  Galéopolis  (Paris), 
798,  in-8°,  pièce  tirée  à  cent  et  un  exemplaires; 
-  Panurge,  ballet  par  Fr.  Parfait,  et  M. 
MoreL)  dénoncé,  au  public-  comme  le  plus 
<rand  plagiaire;    Paris,  1803,  in-8°; —  Ré- 


flexions sur  les  siècles  d' Alexandre^,  d'Au- 
guste, de  Léon  X,  elc.  ;  Paris,  1806,  in-8°;  — 
Discours  sur  les  Diulogues  des  Morts;  Paris 
(  1808  ),  in-8°,  pièce  tirée  à  cent  exemplaires. 
Moutonnet  a  en  outre  fourni  un  grand  nombre 
d'articles  au  Journal  des  Arts,  des  Sciences 
et  de  la  Littérature,  Il  a  laissé  manuscrite  une 
traducliun  du  Parùdis  de  Dante.  Il  était  membre 
des  Académies  de  la  Crusca,  des  Arcades,  de 
Lyon,  de  Rouen,  etc.,  etc.  B.  H. 

Narcisse  Uesportes,  biblioy.  du  Marne.  —  biographie 
Universelle  des  Contemp.,  par  RaUbc,  Vieilli ,  etc. 

MOUVANS    OU    R1AUVANS    (  Paill    RlCHIEU, 

sieur  de),  capitaine  français,  né  à  Draguignan, 
tué  à  Messignac,  près  de  Périgueux,  le  25  oc- 
tobre 1568.  Après  avoir  fait  plusieurs  campa- 
gnes dans  les  aimées  du  roi,  il  s'était  retiré  à 
Castellane  avec  son  frère  Antoine.  Ces  deux 
gentilshommes  ayant  embrassé  la  réforme,  le 
prêche  se  tenait  dans  leur  maison.  Les  catho- 
liques du  pays  les  assaillirent,  et  le  parlement  de 
Provence  les  décréta  de  prise  de  corps.  An- 
toine s'étant  rendu  à  Draguignan  pour  calmer 
cette  affaire,  y  fut  massacré  par  la  populace 
(octobre  1559).  Son  frère  jura  de  tirer  ven- 
geance de  cet  assassinat,  demeuré  impuni.  Aussi 
dès  l'année  suivante  il  faisait  partie  de  la  cons- 
piration d'Amboise  et  devait  conduire  à  Blois  le 
contingent  des  réformés  de  spn  pays  ;  il  leva 
le  premier  en  Provence  l'étendard  de  la  révolte. 
A  !a  tête  d'une  troupe  de  cinq  cents  hommes,  il 
essaya  vainement  de  surprendre  les  villes  d'Aix, 
d'Arles  et  de  Sisteron.  Poursuivi  par  le  comte 
de  Tende,  il  se  jeta  dans  le  monastère  de  Saint- 
André  près  de  Trevans,  y  soutint  un  siège,  et 
après  une  capitulation  honorable,  se  retira  à 
Genève,  d'où  l'on  assure  que  le  duc  de  Guise  lui 
adressa  des  propositions  avantageuses, qu'il  re- 
poussa avec  mépris.  Rentré  en  France,  à  la  fa- 
veur de  J'édit  de  janvier  1562,  il  chassa  d'Aix 
Flassans,  de  concert  avec  les  comtes  de  Tende 
et  de  Crussol ,  s'empara  d'Orange  et  de  Sis- 
teron, et  contribua  à  la  belle  défense  que  cette 
dernière  place  opposa  au  comte  de  Siommerive. 
Lorsque  la  résistance  devint  impossible,  il  sortit 
pendant  la  nuit,  emmenant  la  population  pro- 
testante. Cette  froupe  de  quatre  mille  personnes, 
composée  en  grande  partie  de  femmes,  de  vieil- 
lards et  d'enfants,  parvint,  à  travers  toute  es- 
pèce de  dangers  et  d'incroyables  fatigues,  par 
les  rudes  sentiers  des  Alpes  jusqu'à  Grenoble,  où 
elle  fut  accueillie  paiTMontbrun  et  dirigée  de  là 
sur  Lyon.  Mouvans  déjoua,  avec  Montbrun,  les 
projets  du  baron  des  Adrets  qui  voulait  livrer 
Valence  et  Romans  au  duc  de  Nemours.  On  le 
voit  ensuite  ravager  le  Comtat  jusqu'à  Avignon. 
Le  4  octobre  1567  il  se  présenta  devant  Vienne, 
qui  lui  ouvrit  9es  portes  et  qu'il  saccagea  pen- 
dant quarante  jours,  surpassant  les  excès  com- 
mis p;ir  des  Adrets  en  1562;  il  avait  mis  le  feu 
à  la  cathédrale  de  Saint-Maurice,  et  commençait 
à  la   démolir  lorsque  l'arrivée   de  Gordes  et 


819  MOYREA/U 

Bns.in,  Dict.  des  preneurs,  H.  —  Brainne,  Biographie    i 
de  l'Orléanais.  —   Ch,  Le  Blanc,   Manuel  de  CAnxat. 
d'Estampes. 

moyria  (  Gabriel. ,  vicomte  dp  ) ,  littérateur 
français,  né  eu  1771,  à  Bourg  en  Bresse,  mort 
le  22  janvier  1839,  dans  la  même  ville.  11  était 
de  la  même  famille  que  le  missionnaire  Moyria  de 
Maillât  (  voy.  ce  dernier  nom),  qui  a  laissé  une 
traduction  de  Vlfistoire  générale  de  la  Chine. 
Après  avoir  fait  des  études  assez  superficielles 
au  collège  de  l'Oratoire  à  Lyon,  il  obtint  une 
sous-lieutenance  au  régiment  de  Mestre-de-rcamp 
cavalerie  (1787);  il  quitta  le  service  en  1790,  à 
la  suite  de  la  révolte  des  Suisses  de  Château- 
vieux  à  Nancy.  Spus  la  terreur  il  fu,t  incarcéré 
avec  toute  sa  famille,  et  ne  recouvra  la  liberté 
qu'après  le  9  thermidor.  Afin  d'échapper  à  la 
réquisition,  il  profita,  de  l'ex,ernptio.!i  accordée  par 
un  décret  de  la  Convention  aux  ouvriers  typogra.- 
plies,  et  se  mjt  au  service  d'un  imprimeur  de 
Nantua,  chez  lequel  il  resta  plusieurs  mois.  De 
retour  dans  sa  famille,  il  refit  lui-même  toute  son 
éducation;  constamment  éloigné  de  la  vie  pu- 
blique ,  il  ne  s'occupa  jusqu'à  sa  mort  que  de 
poésie,  de  musique  et  de  dessin.  Il  appartenait 
à  l'Institut  historique  et  à  l'Académie  de  Lyon. 
Moyria  a  laissé  :  Contes  et  Nouvel/les  eu  vers; 
Paris,  1808,  in-8";  —  Rosemonde,  poème; 
Bourg,  1S..,  in-8°;  —  Compte-rendu  des 
travaux  de  la  Société  d'Émulation  et  d'A-r 
griculture  de  l'Ain  ;  Bourg,  18,14,  in-8°;  i—  Le 
Siècle  des  lumières ,  épître;  Lyon,  1816,  in-8°  ; 

—  L'Église  de  Brou,  poème;  Lyon,  1824, 
in-8°;  réimpr.  en  1835  avec  une  introduction 
de  M.  Edgar  Quinet  et  des  stances  de  MM.  Bruys 
et  Marinier;  —  Le  Malheur,  poème;  Lyon, 
1824,  in-8°;  —  Odiliet  ou  l'ange  du  bocage; 
Lyon,  1827,  in-8°;  —  Marinella,  poème  été- 
giaqae;  Lyon,  1829,  in-8°;  —  Notice  des  tra- 
vaux de  la  Société  d'Émulation  de  l'Ain; 
Bourg,  1831,  in-8°;  —  Notice  sur  l'abbé  Gui- 
chelet;  Bourg,  1834,  in-8°;  —  Voyage  à  la 
Chartreuse,  mélanges  de  prose  et  de  vers; 

—  Esquisses  poétiques  du  déparlement  de 
l'Ain;  Bourg,  1841,  in-8°  ouvr.  posth.,  ayee 
portrait.  On  doit  au  même  auteur  un  grand 
nombre  d'articles  insérés  dans  les  journaux  de 
Paris  et  de  Lyon  ainsi  que  plusieurs  pièces  de 
vers  dans  YAlmanach  des  Muses.        K. 

Ad.  Pommier-Lacombe,  Notice,  à  la  lete  des  Es- 
quisses. 

MOYRIA  DE  BIAILEAT.  Voy.   MAILLAT. 

moysant  (  François),  littérateur  français, 
né  le  5  mars  1735,  à  Andrieu ,  village  près  de 
Caen,  mort  le  3  août  1813,  à  Caen.  Après  avoir 
fait  de  bonnes  études  chez  les  Jésuites,  il  entra 
dans  la  congrégation  des  Eudistes,  et  fut  chargé 
par  eux  de  professer  la  grammaire,  puis  la  rhé- 
torique à  Lisieux.  La  faiblesse  de  sa  santé  l'ayant 
forcé  de  quitter  l'enseignement,  il  vint  à  Paris 
étudier  la  médecine,  et  reçut  à  Caen  le  diplôme 
dedocteur,en  1764.  Maïs  il  renonça  à  la  pratique 
d'un  état  où  sa  sensibilité  avait  trop  à  souffrir,  et 


—  MOYSE  g 

'1  obtint  dans  sa  ville  natale  une  chaire  de  ri 
torique.  Lors  de  la  suppression  des  ordres  r  i 
gieux ,  il  passa  en  Angleterre;  de  retour  à  G  j 
(1802),  il  ne  tarda  pas  à  être  nommé  bib) 
thécaire.  Moysant  était  secrétaire  perpétuel 
l'Académie  de  cette  ville  et  membre  de  la 
ciété  des  Antiquaires  de  Londres.  On  a  de  II 
In  felices  nuptias  Ludovici  Augusti,  Gall  I 
rum  delphini;  Caen,  1770,  m-4°;  —  RectJ 
ches  historiques  sur  la  fondation  du  coll 
des  écoliers  du  diocèse  de  Bayeux, fondé  dt < 
l'université  de  Paris  par  Gervais  Chréth 
chanoine;  1780,  1783,  in-4°;  —  Abrégé 
Dictionnaire  anglais  et  français  de  Cho 
baud;  Londres,  1796,  in- 12.  II  a  publié,  de  c 
cert  avec  Le  Vacher  et  La  Macellerie  ,  le  U 
tionnaire  d'anatomie  et  de  chirurgie  (  Pat 
1767,  2  vol.  in-8°  ),  et  avec  Levizac,  la  Bib 
thèque  portative  des  écrivains  franc1 
(Londres,  1800,  4  vol.  in-8°);  il  a  aussi  foi< 
des  articles  au  Grand  Vocabulaire  fiant < 
(  Paris,  1767,  30  vol.  in-4p)  ;  des  renseignent 
à  Barbier  pour  son  Dictionnaire  des  ouvra 
anonymes;  et  plus  d'un  volume  d'additions 
Dictionnaire  historique  de  Chaudon,  qui  s'  ' 
primait  à  Caen  sous  sa  direction.  P.  L. 

Hébert,  Notice  kist.  sur  Fr.  Moysant;  Caen,  j 
in-8°. 

.ho  Y  se,  en  hébreu  Mosché  (tiré  de  l'eau) 
législateur  des  Hébreux,  vivait  au  seizième  si  I 
avant  J.-C.  D'après  le  récit  du  Pentateuqut 
était  fils  d'Amrâm,  de  la  tribu  de  Lévi,  el 
Jochabed.  Le  roi  d'Egypte  (sur  le  vrai  nom 
quel  onn'estpas  d'accord)  ayant  ordonné  dei 
périr  tous  les  enfants  mâles  des  Hébreux 
mère  cacha  son  enfant  dans  une  boîte  de  ptJ 
rus  et  l'exposa  aux  bords  du  Nil.  La  fille  de I 
raon ,  que  Josèphe  appelle  Thermouthis ,  l'y 
couvrit,  et  l'adopta  comme  son  fils,  après 
avoir  donné,  à  son  insu,  pour  nourrice  la  pr< 
mère  de  l'enfant.  Mais  la  Bible,  qui  nous  de 
ces  détails  sur  l'enfance  de  Moyse ,  se  tait 
s,a  jeunesse  et  son  éducation.  Cette  lacune  a 
remplie  par  la  tradition  (2),  qui  nous  appr 
que    Thermouthis    fit    instruire   l'enfant  n 
toutes  les  sciences  des  Égyptiens,  et  qu'ell 
protégea  contre  l'influence  des  prêtres  qui  ava 
prédit  au  roi  ce  qu'il  aurait  un  jour  à  redo 
de  cet  enfant.  Manéthon  fait  de  Moyse  un  pr 
d'Héliopolis,    nommé    Osarsiphus.    Au  rapjj 
de  Josèphe ,  Moyse,  parvenu  à  l'âge  adulte, 
poussa  les  Éthiopiens,  qui  avaient  tenté  d'envi 
l'Egypte.  II  combattit  l'ennemi    et  le  poursi  j 
jusqu'à  la  ville  de  Meroé  (Saba),  devant  laqtj 
il  mit  le  siège.  Elle  lui  fut  livrée  par  Thor  j 
fille  du  roi  d'Ethiopie.  Moyse  épousa  c'ette  pi 
cesse,  et  ramena  les  Égyptiens  victorieux  dans  | 

(1)  En  latin  Moses,  nom  adopté  par  les  Allemands  \ 
grec  Moysès  (MeoÛffrjr,),  nom  adopté  par  ks  Kran.  \ 
qui  devraient  eonséquemraent  toujours  l'écrire  Moyi  I 
non  pas  Moïse. 

(s)  Josèphe,  Antiquités  juives,  II,  9  et  10. 


21 


îys.  Aucune  [trace  de  ce  récit  ne  se  rencontre 
ins  l'Exode ,  qui  nous  montre  le  (ils  adoptif 
î  la  fille  de  Pharaon  tout  à  coup  au  milieu  de 
•8  frères  opprimés.  Moyse,  indigné  des  mauvais 
aitements  infligés  à  ses  compatriotes,  tua  un 
ur  un  Égyptien  en  querelle  avec  un  Hébreu, 
voyant  son  meurtre  découvert,  il  s'enfuit  en 
iabie.  Là,  il  reçut  l'hospitalité  de  Jéthro, 
n'.l  de  la  tribu  des  Madianites,  dont  il  avait 
fendu  les  filles  contre  les  agressions  des  ber- 
rs ,  près  d'un  puits  dans  les  environs  du  mont 
naï.  Jéthro  lui  donna  pour  femme  sa  lille  Sé- 
lora.  Moyse  passa  un  grand  nombre  d'années 
près  de  son  beau-père,  dont  il  gardait  les 
)upeau\.  C'est  dans  la  solitude  qu'il  médita 
iuuvre  de  la  délivrance  des  Hébreux,  qui  confi- 
aient à  être  maltraités  par  le  roi  d'Egypte. 
r  l'avertissement  qui  lui  fut  donné  par  la  voix 
riant  du  buisson  enflammé  du  mqnt  Horeb ,  il 
i  joiut  de  retourner  en  Ègy  pte ,  se  jnjt  en  route 
se  sa  femme  et  ses  deux,  fils.,  Gerson  et  Elié- 
;  mais  il  les  renvoya  bientôt  à  son  beau-père, 
Mes  lui  ramena  plus  tard.  H  rencontra  près 
niont  Hor.eb  son  frère  Aaron,  qui  devait  être 
i  interprète  auprès  des  Hébreux  et  du  roi 
igyptë.  A  leur  arrivée  en  Egypte ,  les  deux 
res  réunirent  les  chefs  des  tribus  israélites,  et 
■ut  une  première  démarche  auprès  de  Pha- 
iu  pour  lui  demander  de  permettre  aux  Mé- 
i4u*  de.se  retirer  dans  le  désert  «.une  distance 
itjcois  journées,  afin  d'offrir  des  sacrifices  à 
iuovah  leur  Dieu.  Le  roi,  loin  d'aqcorder  leur 
mande,  imposa  aux  Hébreu*,  un  joug  plus 
Ils  se  présentèrent  de  nouveau  devant  le 
,  qui  refusa  encore,  «  parce  que,  dit  la  Bible, 
eu  avait  endurci  le  cœur  de  Pharaon.,  afin  de 
taaler  sa  puissance  par  un  grand  nombre  de 
idiges  (l)  ».  C'est  alors  que  furent  accomplies 
dix  plaies  d'Egypte ,  par  suite  d'une  espèce 
joute  entre  les  magiciens  d'Egypte  et  les  deux 
ires  israélites.  Aaron  jeta  d'abord  sa  verge  par 
re,  et  elle  fut  aussitôt  changée  en  serpeut.  Les 
giciens  d'Egypte  en  firent  chacun  autant  : 
«n'était  là  que  le  prélude.  Voici  l'ordre  des  mi- 
lles ou  plaies  qui  suivirent  :  1°  les  eaux  du 
lurent  changées  en  satig  par  la  verge  d'Aa- 
i  :  les  magiciens  du  roi  firent  le  mêrc^e  pro- 
e;  2°  Aaron  fit  sortir  des  eaux  d'innpmbrar 
s  grenouilles,  qui  couvrirent  toute  la  terre 
Egypte  :  les  magiciens  opérèrent  le  même  mi- 
fle;  3°  la  poussière  futchangéeen  mouclierons, 
couvrirent  les  hommes  et  les  bestiaux  :  cette 
>  l'ait  des  magiciens  fut  impuissant;  mais  le 
(ur  de  Pharaon  demeurait  endurci  ;  4°  des 
«êtes  très-nuisibles  (2)  infestèrent  la  maison 
roi  et  la  terre  d'Egypte  ;  5°  une  maladie  pes- 
intielle  fit  périr  les  bestiaux;  6°  des  ulcères  et 


MOYSE  822 

des  tumeurs  se  produisirent  sur  les  hommes  et  les 
animaux  par  la  cendre  que  Moyse  avait  «  jetée 
au  ciel  <•  ;  7°  une  grêle  détruisit  les  récoltes; 
8°  des  sauterelles  dévorèrent  tout  ce  que  la 
grêle  avait  épargné  ;  9"  des  ténèbres  cou- 
vriront toute  l'Egypte;  10"  la  mort  de  tous  les 
premiers-nés.  Dans  la  prévision  que  cette  der- 
nière plaie  serait  décisive,  Moyse  avait  averti 
les  Hébreux  de  se  tenir  prêts  pour  le  départ.  Il 
leur  avait  ordonné  de  tuer  un  agneau  par  fa- 
mille, le  quatrième  jour  de  la  lune  du  printemps, 
et  d'en  manger  la  chair  rôtie  avec  des  herbes 
amères.  Ils  devaient  faire  ce  repas  la  nuit,  en 
costume  de  voyage  et  le  bâton  à  la  main;  les 
portes  de  leurs  maisons  devaient  être  teintes  du 
sang  de  l'agneau,  afin  que  le  démon  passât  sans- 
frapper  les  premiers-nés.  C'est  là  l'origine  de  la 
fête  de  Pâques  (  de  l'hébreu  paçach,  passer  de- 
vant, sauter).  La  mort  [des  premiers-nés  dé- 
cida Pharaon  à  permettre  aux  Hébreux  de  sortir 
d'Egypte.  Ils  mirent  tant  d'empressement  à 
partir  qu'ils  oublièrent  de  faire  lever  la  pâte 
qu'ils  avaient  préparée  pour  le  lendemain  (1)  : 
ils  empruntèrent  aussi  aux  Égyptiens  toutes  es 
pèces  de  vases  et  de  vêtements  précieux,  qu'ils 
ne  devaient  jamais  leur  rendre.  C'est  ainsi  que 
les  Hébreux  quittèrent,  au  bout  de  quatre  cent 
trente  ans  (2),  la  terre  de  Gosen,  que  leur  avait 
concédée  le  roi  d'Egypte  :  ils  étaient  au  nombre 
de  six  cent  mille  hommes  adultes,  sans  compter 
les  femmes  et  les  enfants.  Cette  sortie  de  l'Egypte 
eut  lieu  vers  l'an  1500  avant  l'ère  chrétienne. 

La  première  étape  des  Hébreux,  après  avoir 
quitté  Gosen  (  pays  de  Raamsès),  fut  Succoth  (3). 
De  là  ils  tournèrent  au  midi,  vers  la  plaine  de 
Bezatin,  puis  à  l'est,  pour  traverser  la  vallée  de 
l'Égarement  (4).  De  Succoth  ils  passèrent  à 
Étham,  «  situé  à  l'extrén)ité  du  désert  (5)  »,  d'où 
ils  se  rendirent  à  PhahiroUi.  Leur  marche  était 
guidée  par  une  colonne.de  fumée  pendant  le  jour, 
et  par  une  colonne  de  feu  pendant  la  nuit.  Ce 
fut  à  la  troisième  étape  que  les  atteignit  Pharaon, 
fâché  d'avoir  laissé  partir  toute  cette  population. 
Les  Hébreux  passèrent  la  mer  Rouge,  probable- 
ment près  du  mont  Attaka,  là  où  elle  a  à  peine 
six  lieues  de  largeur  (G).  Ce  passage  miraculeux 


I  Exode,  vu,  3. 

I  Le  mol  hébreu  arob,  ici  employé,  désigne;  une  espèce 
iticulicre  d'insecte,  que  les  Septante  rendent  par 
JO(i.ia.  Suivant  quelques  théologiens  naturalistes ,  ce 

it  une  espèce  de  blatte,  blatta  orieidaLis,  qui  est  en- 
aujourd'hni  une  des  plates  de  l'Egypte. 


(i)  Delà  l'usage  qhez  les  Israélites  de  manger  pendant 
la  fête  ç)e Pâques  des  gâ.tea,u;c  sans  levain  (pains  azymes). 

(2)  Ce  nombre,  donne  par  l'Exode  (XII,  10)  est  en  con- 
tradiction avec  les  chiffres  d'une  table  généalogique  des 
Lévites,  conservée  d.ans  le  même  livre  (Exo  le,  VI,  16-25)  ; 
cette  table  ne  permet  pas  de  faire  prolonger  le  séjour 
des  israélites  en  Egypte  au  delà  de  210  ans. 

tï)  Mot  qui  signifie  tentes.  C'était,  suivant  Josèphe 
(  Antiquit.,  Il,  15),  Latopqlis,  endroit  où  s'éleva  plus 
tard  Babylone  (aujourd'hui  le  vieux  Caire). 

(4)  Niebiihr  fait  suivre  aux  Hébreux  la  route  des  cara- 
vanes, par  la  chaîne  de  montagnes  qui  va  aboutira  Attaka. 

(5)  Exode,  Xlll,  20.  Le  P.  Siea,rd  /  pistert.  sur  le  pas- 
sage de  la  mer  Iloarje,  etc.)  place  Étham  à  huit  lieues 
de  la  mer  Rnuge,  dans  la  plaine  de  Ramlieh.  Ue  là  un  dé- 
filé étroit  conduit  dans  la  plaine  de  lîcdéa,  où  se  trouvait 
la  troisième  étape,  Phahiroth,  au  midi  du  mont  Attaka. 

(6)  C'est  là  que  la  tradition  place  le  passage  des  Hér 
breux.  Qn  y  trouve  les  sources  d'Ayoun-Mousa  (sources 
de  Moyse). 


823 


fut  célébré  par  Moyse  dans  un  hymne,  conservé 
dans  l'Exode,  (ch.  XV  )■.  Après  avoir  franchi  Ma- 
rah  (puits  Kowara  de  Burckhardt),  Élirn,  lieu 
riche  en  palmiers  (Wadi  Gharandel),  le  désert 
de  Sin  (Wadi  Mocaleb),  où  ils  recueillirent  pour 
la  première  fois  la  manne  qui  devait  les  nourrir 
pendant  quarante  ans ,  ils  se  dirigèrent  vers  le 
mont  Sinaï.  Là  ils  firent  une  longue  station,  et 
reçurent  leurs  lois  de  Jéhovah  par  l'organe  de 
Moyse.  Pendant  trente-neuf  ans  les  Hébreux,  al- 
lant d'abord  du  nord  au  midi  jusqu'à  Asionga- 
ber,  dans  le  golfe  Glanitique,  puis  du  midi  au 
nord,  parcoururent  en  nomades  le  désert  que  les 
Arabes  appellent  Tyh  Eeni-Israel  (Égarement 
des  enfants  d'Israël).  Ce  long  espace  de  temps 
se  passa  sans  incidents  remarquables,  à  l'excep- 
tion des  combats  avec  les  Amalécites  et  de  plu- 
sieurs tentatives  de  révoltes  (1).  Au  premier 
mois  de  la  quarantième  année  depuis  la  sortie 
d'Egypte ,  ils  se  trouvèrent  à  Kadesch,  dans  le 
désert  de  Pharan,  où  mourut  Miriam,  sœur  de 
Moyse.  De  Kadesch  ils  se  rendirent  au  mont  Hor, 
où  mourut  Aaron.  Enfin,  après  des  rencontres 
sanglantes  avec  les  Amorites ,  les  Moabites  et 
les  Madianites,  ils  atteignirent  les  rives  du  Jour- 
dain. Moyse  fixa  les  limites  de  la  contrée  que 
l'on  devait  conquérir,  rappela  les  points  princi- 
paux de  sa  législation,  exhorta  son  peuple  à  la 
piété,  désigna  Josué  comme  son  successeur,  et  se. 
retira  sur  le  mont  Nébo,où  il  mourut,  à  l'âge  de 
cent  vingt  ans  (2). 

Les  Juifs  donnent  le  nom  de  Thorah  (loi) 
à  ce  que  les  traducteurs  grecs  ont  appelé  le  Peu- 
tateuque  (nevraxeuxo;),  c'est-à-dire  les  Cinq 
livres ,  attribués  à  Moïse ,  qui  sont  :  la  Genèse , 
l'Exode,  le  Lévitique,  les  Nombres  et  le  Deutéro- 
nome.  On  y  trouve  l'histoire  du  peuple  hébreu 
depuis  son  origine  jusqu'à  son  établissement 
dans  le  pays  de  Canaan.  La  législation  de  Moyse 
y  est  en  même  temps  exposée  dans  l'ordre  des 
communications  qu'il  reçut  de  Jéhovah.  La  Ge- 
nèse, premier  livre  de  la  Bible,  commence  par 
la  création  du  monde,  donne  l'histoire  d'Adam 
et  d'Eve,  trace  le  tableau  du  déluge,  énumère 
les  peuples  qui  descendirent  des  trois  fils  de 
Noé,  montre,  à  la  dixième  génération,  Abraham, 
souche  du  peuple  Israélite,  nous  fait  connaître 
le  Dieu  d'Isaac  et  de  Jacob,  et  finit  par  la  mort 
de  Joseph.  V Exode  raconte  la  sortie  d'Egypte, 
«ontient  la  plupart  des  institutions  civiles  et  re- 
ligieuses, et  se  termine  par  la  construction  du 
tabernacle.  Le  Lévitique  est  consacré  aux  règle- 
ments du  culte  et  aux  lois  concernant  le  sacer- 
doce et  les  lévites.  Le  livre  des  Nombres,  ainsi 
nommé  parce  qu'il  renferme  plusieurs  recense- 
ments du  peuple  hébreu,  continue  le  récit  histo- 
rique jusqu'à  l'arrivée  des  Israélites  dans  les 
plaines  de  Jéricho.  Il  renferme  aussi  quelques 
lois  concernant  le  droit  public  el  le  complément 

(1)  V oy.  Sur  la  révolte  de  Korah;  Nombres,  XVI,  10. 
•(2)  Personne,  ajoute  la  Bible,  n'a  connu  le  lieu  de  sa 
sépulture. 


MOYSE  82 

de  celles  de  l'Exode  et  du  Lévitique.  Le  Deut.6  j 
ronome  est  la  récapitulation  dçs  lois,  à  laquell 
sejoint  le  récit  des  derniers  actes  de  Moyse. 

Ces    livres   avaient   toujours  été  considéra . 
commel'œuvre  du  grand  législateur,  lorsque,  il 
a  environ  cent  ans,  il  s'éleva  quelque  doute  su  i 
leur  authenticité  et  leur  antiquité.  En  effet,  dt 
exégètes  allemands  et  anglais  y  ont  signalé,  outi 
le  défaut  d'un  plan  général,  des  répétitions  im 
tiles,  des  contradictions  flagrantes  et  des  anj 
chronismes  manifestes  (1).  Dès  le  début  de  la  Gi  J 
nèse,  on  remarque  deux  relations  différentes  de  i 
création   :  dans  l'une,    Dieu  est  appelé  Elohh 
(  c'est-à-dire/es  Dieux),  et  dans  l'autre,  Jehov 
ou  Jehova  Elohim{1).h\x  chapitre  II  du  livre d< 
Nombres,  il  est  parlé  de  villes  bâties  par  les  tribi  I 
de  Gad  et  de  Ruben.  Or,  comment  Moyse  a-t-il  j 
être  témoin  de  la  construction  de  ces  villes,  pui 
qu'il  est  mort  presque  aussitôt  après  la  conquêted 
pays  qu'il  donna  à  ces  deux  tribus?—  L'Exode  i 
le  Deutéronome  donnent  deux  rédactions  du  D< 
calogue,  qui  présente  des  variantes  notables.  - 
Le  style  du  Pentateuque  n'est  pas  le  même  pai 
tout  :  celui  duDeutéronomeabeaucoupd'analog 
avec  le  style  de  Jérémie.  Nous  passons  sous  s 
Ience  beaucoup  d'autres  difficultés  mises  en  aval 
par  les  critiques  depuis  Richard  Simon  jusqu  i 
de  Wetle  et  Bohlen.  Il  paraît  résulter  de  touti 
ces  recherches  que  le  Pentateuque  n'est  pas  toi 
entier  l'œuvre  de  Moyse  :  il  y  a  des  documen 
dont  l'origine  est  évidemment  postérieure  à  lei  | 
auteur  présumé.  Mais  si  l'ouvrage  manque  d'i  j 
nité  dans  le  plan,  il  y  a  du  moins  unité  dans 
conception.  Ainsi,  la  croyance  au  monothéisme  ■ 
la  guerre  à  l'idolâtrie  y  sont  prêchées  avec  in 
égale  ferveur. 

LePeutateuqueestlecode  desJuifsetnon  celi 
des  chrétiens  ;  voilà  ce  que  les  théologiens,  cath< 
liqueset  protestants,  n'auraient  jamais  dû  oublie 
Le  Dieu  de  Moyse  n'a  rien  de  commun  avec  le  Dit 
de  l'Évangile  :  l'un  est  même  sous  beaucoup  t 
rapports  le  contraire  de  l'autre.  Pour  s'en  coi 
vaincre,  on  n'a  qu'à  comparer  la  Thora  avec 
Loi  du  Christ.  Ainsi,  le  Pentateuque  nous  a] 
prend  que  le  Seigneur,  qui  inspira  Moyse,  état 
le  Dieu  d'Abraham,  le  Dieu  d'Israël  et 
Dieu  de  Jacob.  Les  premières  paroles  de  l'( 
raison  dominicale  nous  font  connaître  le  Dieu  d 
Nouveau  Testament  :  Dieu  c'est  Notre  Père.  I 
Dieu  de  l'Ancien  Testament  ne  voit,  n'aime  i 
ne  protège  que  les  Juifs  (3).  II  ordonne  imp 
toyablement  d'exterminer  les  Amorrhéens,  l( 
Cananéens,  etc.,  dans  le  seul  but  de  donner  1( 


(1)  Voy.  T.  Hartmann,  Recherches  historico-critiqw 
sur  la  formation ,  l'âge  et  le  plan  des  cinq  livres  i 
Moysejen  allemand)  ;  1831,  ln-8°. 

(îj  F~oy.  Astruc,  Conjectures  sur  les  mémoires  orig 
naux  dont  il  paraît  que  Moyse  s'est  servi  pour  compi 
ser  le  livre  de  la  Genèse  ;  Bruxelles,  1753. 

(31  Cependant  cette  protection  toute  spéciale  n'a  guèr 
il  faut  l'avouer,  profité  à  ce  peuple  :  depuis  les  Ass; 
riens  jusqu'aux  Romains,  la  Palestine  est  devenue  la  pro 
de  tous  les  conquérants  ;  et  depuis  longtemps  sur  toul 
la  surface  du  globe  it  n'a  plus  une  terre  à  lui. 


325  MOYSE 

erres  des  vaincus  à  ses  protégés.  «  Quant  au\ 
tilles  qui  vous  seront  données,  vous  ne  laisserez 
a  vie  à  aucun  de  leurs  habitants  :  vous  les  ferez 
ous  passer  au  fil  de  l'épée,  comme  le  Seigneur 
•  otre  Dieu  vous  l'a  commandé.  »  (  Dmter.  XX, 
!6et  suiv.).  Quel  contraste  avec  les  paroles  évan- 
jéliques  du  Dieu  de  miséricorde  !  Le  Dieu  de 
iloysc  a  tous  les  autres  peuples  en  abomination. 
1  les  exclut  de  toutes  les  alliances  qu'il  (ait  avec 
on  peuple  favori  :  il  l'entoure  comme  d'une  es- 
ièce  de  cordon  sanitaire  pour  le  garantir  contre 
i  contact  impur  de  l'étranger.  Combien  ce  Dieu- 
lest  différent  de  celui  qui  veut  que  tous  les  peu- 
les  soient  frères,  et  qu'il  n'y  ait  qu'un  seul  pas- 
eur  et  un  seul  troupeau  !  Le  Dieu  de  Moyse  n'est 
as  même  une  fraction  de  l'Unité  représentée  par 
;  Dieu  du  Christ;  puis  l'un  et  l'autre  ne  sont  pas 
e  même  nature;  carie  premier  est  un  Dieu  ven- 
eur, un  Dieu  de  colère,  qui  frappe  et  extermine 
3S  ennemis,  un  Dieu  cruel,  orgueilleux  et  injuste, 
ui  «  pour  faire  éclater  sa  puissance    »  endurcit 
i  cœur  de  Pharaon  et  inflige  des  maux  affreux 
d'innocents  Égyptiens.  Le  Dieu  du  Christ  est 
»ut  l'opposé  :  l'aimer,  c'est  aimer  son  prochain  ; 
veut  qu'on  pardonne  à  ses  ennemis,  et  se  pro- 
ose  lui-même  comme  un  modèle  à  suivre  en  fai- 
ant  luire  le  soleil  et  pleuvoir  sur  les  bons  comme 
ur  les  méchants.  Son  culte  à  lui  est  dans  la 
ureté  du  cœur  et  dans  la  pratique  de  la  vertu.  Ce 
'est  pas  ainsi  que  le  Dieu  de  Moyse  entend  être 
idoré.  Écoutez-le  :  «  Ordonnez  aux  enfants  d'Is- 
ael  de  mettre  à  part  les  prémices  qu'ils  m'of- 
iront  :  de  l'or,  de  l'argent,  de  l'airain,  de  l'hya- 
nthe,  de  la  pourpre,  etc.;  ils  me  dresseront  un 
«ictuaire,  selon  la  forme  très  exacte  du  tabernacle 
oe  je  vous  montrerai,  »  —  (Suit  une  description 
tinutieuse  de  toutes  les  parties  du  tabernacle, 
ixode,chap.  XXV  et  XXVI).  —  «  Vous  ferez  aussi 
oautel  de  boisde  sitim,  qui  aura  cinq  coudées  de 
>ng  et  autant  de  large,  et  aura  trois  coudées  de 
jaut,  etc.  ;  —  vous  ferez  aussi  une  grille  d'airain 
i  forme  de  retz,  qui  aura  quatre  anneaux  d'ai- 
»in  aux  quatre   coins;  —  vous  ferez  aussi  le 
irvis  du  tabernacle  :  au  côté  du  midi  vous  dres- 
sez des  rideaux  de  fin  lin  ;  chaque  côté  aura 
snt  coudées  de  long,  etc.  ;  —  pour  faire  les 
abits  pontificaux  (lerational,  l'éphod,  le  des- 
ous  de  l'éphod,  la  tunique,  la  mitre  et  la  cein- 
ire),  vous  emploierez  l'or,  l'hyacinthe,  la  pour- 
fe,  l'écarlate  et  le  lin  fin  ;  vous  y  emploierez  l'art 
u  sculpteur  (t),  du  lapidaire,  et  vous  graverez, 
s  noms  des  enfants  d'Israël  ;  vous  ferez  aussi 
bs  boucles  d'or,  et  deux  petites  chaînes  d'un 
très-pur,  dont  les  anneaux  soient  enlacés  les 
ns  dans  les  autres,  que  vous  ferez  entrer  dans 

Ïs  boucles,  etc.  » 
Citons  encore  quelques  exemples  de  ce  dog- 
latisme  symbolique  ,  formaliste ,  inquiet ,  qui 
pntraste  d'une  manière  si  étrange  avec  la  pu- 
pté  calme  des  doctrines  de  Jésus- Christ.  Ainsi , 


820 
le  Dieu  de  Moyse  veut  qu'on  lui  élève  un  autel 
pour  y  sacrifier  des  brebis  et  des  bœufs;  mais 
cet  autel  ne  doit  point  être  bâti  en  pierres  tail- 
lées ;  «  car  il  sera  souillé,  si  vous  y  employez  le 
ciseau  ».  Il  défendit  aussi  aux  Israélites  d'y 
monter  par  degrés,  «  de  peur,  leur  disait-il , 
que  vous  ne  découvriez  votre  nudité  (1)  ».  Que 
de  cérémonies  pour  la  manière  d'arranger  la  tête, 
les  membres,  la  graisse,  etc.  des  victimes  im- 
molées sur  l'autel  (2)  !  Pour  expier  les  péchés 
d'ignorance,  le  grand  prêtre  devait  «  immoler 
un  veau  sans  tache,  tremper  son  doigt  dans  le 
sang  et  en  faire  l'aspersion  sept  fois  en  présence 
du  Seigneur,  devant  le  voile  du  sanctuaire  »  (3). 
Celui  qui  avait  touché  à  une  chose  impure ,  à 
une  bête  rampante,  devait  également  offrir  des 
sacrifices  expiatoires.  Le  bouc  émissaire  était 
sacrifié,  à  la  fête  d'expiation,  après  avoir  été 
chargé  par  le  grand-prêtre  «  de  toutes  les  ini- 
quités d'Israël  (4)  » .  Rien  de  plus  curieux  que 
la  distinction  des  animaux  en  purs  et  en  impurs, 
bien  qu'ils  soient  tous  sortis  de  la  main  du  Dieu 
Créateur.  «  Pourront,  dit  le  législateur,  être 
mangées  toutes  les  bêtes  à  quatre  pieds,  dont  la 
corne  du  pied  est  fendue  et  qui  ruminent».  Le 
lapin  et  le  lièvre  étaient  réputés  impurs  parce 
qu'ils  n'ont  pas  le  sabot  fendu.  Étaient  encore 
impurs  :  le  pourceau,  tout  ce  qui  vit  dans  l'eau 
sans  avoir  ni  écailles  ni  nageoires,  les  oiseaux 
rapaces,  tous  les  reptiles.  «  Prenez  garde,  dit  le 
Seigneur  à  la  fin  de  ses  ordonnances  transmises 
à  Moyse ,  prenez  garde  de  ne  pas  souiller  vos 
âmes,  et  ne  touchez  à  aucune  de  ces  choses,  de 
peur  que  vous  ne  deveniez  impurs;  car  je  suis 
le  Seigneur  votre  Dieu,  »  etc.  (5). 

Que  de  prescriptions  méticuleuses  pour  l'insti- 
tution de  la  fête  de  Pâques  !  l'agneau  pascal  devait 
être  sans  tache  (le  bœuf  Apis  avait  une  tache), 
et  n'avoir  qu'un  an.  Voici  comment  il  étaitordonné 
aux  Hébreux  de  le  manger  :  «  Vous  vous  ceindrez 
les  reins;  vous  aurez  des  souliers  aux  pieds,  et 
un  bâton  à  la  main,  etc.;  vous  mangerez  des 
pains  sans  levain  pendant  sept  jours  :  quiconque 
mangera  du  pain  avec  du  levain  depuis  le  pre- 
mier jour  jusqu'au  septième  périra  du  milieu 
d'Israël.  (6).  » 

La  satisfaction  des  besoins  instinctifs,  inhé- 
rents à  la  propagation  de  l'espèce  et  à  la  conser- 
vation de  l'individu,  besoins  que  l'homme  par- 
tage avec  tous  les  animaux ,  tenait  aussi  fort  à 
cœur  au  Dieu  de  Moyse.  Le  Christ  n'a  jamais 
dit  aux  hommes  :  «  Croissez  et  multipliez-vous  »  ; 
et  il  défendait  à  ses  disciples  de  s'occuper  de 
ce  qu'ils  auraient  à  manger.  Mais  le  Dieu  des 


(1)  Exode,  XXVII  et  XXVIII,  passim. 


(1)  Exode,  XX,  25  et  26. 

(2)  Irvitique,  I-III. 
(3)(bid,     IV,    6. 

(4)  Ibld.,  XVI.  20-22. 

(5)  Ibid.,  XI.  —  n  La  femme  qui  accouche  d'un  enfant 
mâle  est  impure  pendant  sept  jours  et  pendant  deux 
semaines,  si  elle  accouche  d'une  fille  (ibid, XII,  *).,> 
Voy.  les  impuretés  légales,  au  chap.  XV  du  Léviltque. 

(6)  Exode,  XII,  il  et  suiv. 


827 


MOYSE 


Israélites  était  très-sensible  aux  murmures  de 
sort  peuple  affamé  dans  le  désert.  «  Je  vous  en- 
tends, leur  disait-il;  calmez-vous  :  le  soir  vous 
mangerez  de  la  chair  (cailles),  et  le  matin  vous 
serez  rassasiés  de  pain  (manne),  et  vous  saurez 
ainsi  que  je  suis  le  Seigneur  votre  Dieu  (1).  » 
Défense  absolue  de  ramasser  fa  manne  le  jour  du 
sabbat,  qui  devait  être  rigoureusement  sanctifié. 
«  Vous  travaillerez,  est-il  dit ,  durant  six  jours  ; 
«t  le  septième  jour  vous  ne  travaillerez  point, 
afin  que  votre  bœuf  et  votre  âne  se  reposent, 
et  que  le  fils  de  votre  servante  et  l'étranger  aient 
quelque  relâche  (2).  »  L'observance  du  sabbat 
était  tellement  sévère  (comme  le  dimanche  chez 
les  Anglicans)  que  les  Juifs  traitèrent  Jésus  de 
blasphémateur  et  sacrilège  pour  avoir  guéri  ce 
joui-là  des  malades  et  permis  à  ses  disciples 
de  cueillir  des  épis.  Moyse  décréta  la  peine  de 
mort  contre  un  homme  qui  avait  ramassé  du 
bois  le  jour  du  sabbat  (3).  La  loi  contre  la  vio- 
lation du  dimanche  est ,  quoi  qu'en-disent  les 
chrétiens,  une  loi  essentiellement  juive. 

Chaque  fois  que  le  Seigneur  voulait  parler  à 
Moyse ,  il  lui  apparaissait  dans  une  nuée 
sombre.  Le  peuple  devait  alors  se  soumettre  à 
un  cérémonial  particulier  :  trois  jours  avant 
l'apparition  du  Seigneur  sur  le  mont  Sinaï,  tous 
les  Hébreux  devaient  laver  leurs  vêtements  et 
s'abstenir  de  tout  contact  avec  leurs  femmes  ; 
il  leur  était  interdit,  sous  peine  d'être  lapidés, 
d'approcher  de  la  montagne;  les  bêtes  mêmes 
étaient  comprises  dans  cette  interdiction.  «  Le 
troisième  jour  étant  arrivé,  on  commençait  à  en- 
tendre des  tonnerres  et  à  voir  briller  des  éclairs  ; 
une  nuée  très-épaisse  couvrit  la  montagne  ;  la 
trompette  sonna  avec  grand  bruit,  etc.  (4),  ». 
Après  cette  représentation  théâtrale,  qui  con- 
traste si  étrangement  avec  la  simplicité  de  l'É- 
vangile, Moyse  descendit  du  mont  Sinaï  et  com- 
muniqua au  peuple  la  volonté  du  Seigneur. 

Le  Décalogue  est  la  quintessence  de  la  législa- 
tion de  Moyse.  Nous  y  voyons  d'abord  que  le 
même  Dieu  qui,  pour  faire  éclater  sa  puissance, 
avait  frappé  les  Égyptiens  de  maux  affreux, 
«  le  Seigneur,  fort  et  jaloux  (5) ,  »  prononce  des 
peines  terribles  contre  quiconque  transgresse 
ses  préceptes  et  promet  des  récompenses  toutes 
terrestres,  fortune  et  puissance,  à  ceux  qui  les 
suivent.  Ce  sont  ces  préceptes,  dont  se  com- 
pose le  Décalogue,  que  l'Église  catholique  ap- 
pelle, par  un  empruntfait  aux  Israélites,  les  com- 
mandements de  Dieu.  E'st-ce-Ià  aussi  la  doctrine 
du  Christ? Écoutez-le  :  «  Vous  savez  qu'il  a  été 
dit  aux  anciens  :  Tu  ne  tueras  pas,  etc.  Mais, 
moi  je  vous  dis  :  Quiconque  en  veut  à  son  frère 
mérite  déjà  d'être  condamné  (6).  Vous  sa- 
vez qu'il  a  été  dit  aux  anciens  :  Tu  ne  corn- 
ai) Exode,  XVI,  12. 

(2i  Ibid.,  XXIII.  12. 

(S)  Nombre),  X  V,  32-36. 

(4)lbld.,  XIX,  16. 

(B)  Exode,  XX,  5. 

{fi)  Saint  Matthieu,  V,  21,  22,  27,  28,  33,  37,  43,  44. 


mettras  pas  d'adultère.  Mais,  moi  je  vo 
dis  :  Quiconque  convoite  la  femme  du  prochi  ' 
a  déjà   commis  un   adultère   dans  son  coei 
Vous  savez  encore  qu'il  a  été  dit  aux  anciens  | 
Tu  ne  te  parjureras  point,  etc.  Mais,  n| 
je  vous  dis  :  Que  vot  re  discours  soit  :  oui,  01 
non,  non  :  le  surplus  est  de  trop.  Vous  ai 
aussi  entendu  dire  :  Aime  ton  prochain 
haïs  ton  ennemi-  Mais,  moi  je  vous  dis  :  A 
mez  vos  ennemis  ;  faites  du  bien  à  ceux  qui  vc 
haïssent,  priez  pour  ceux  qui  vous  persécuti 
ou  vous  calomnient.  »  —  On  le  voit ,  la  loi 
Moyse  atteint  l'acte;  la  loi  du  Christ  purifie 
pensée.  La  première  est  un  code  pénal,  la  dJ 
nière,  la  vraie  religion  ;  car  c'est  en  redressi- 
nos   penchants ,    en    rectifiant  les   mauvaii 
pensées  qu'on  prévient  les  mauvaises   actioi  j 
La  loi  du  Christ  est  l'idéal  vers  lequel  nous 
vons  tendre;  la  loi  de  Moyse  est  l'épée  suspn 
due  sur  la  tête  du  coupable. 

Les  questions  si  importantes  de  l'immortal 
de  l'âme  et  d'une  autre  vie  sont  à  peine  in 
quées  dans  les  livres  de  Moyse.  Nulle  part 
législateur  hébreu  ne  parle  des  récompenses 
des  châtiments  que  l'homme  peut  recevoir 
delà  du  tombeau.  Il  garde  de  même  un  siler 
absolu  sur  ce  que  devient  après  la  mort  cet 
pritvivifiant  (nephesch  khaïah  ),  que  Jéhov I 
Etohim  souffla  dans  la  poussière  de  terre  (aph' 
adamah)  avec  laquelle  il    forma  le    prem: 
homme  (t).  L'œuvre  capitale  de  Moyse,  c'i 
d'avoir    nettement    formulé    la    doctrine 
l'unité  de  ;Dieu,-  «  créateur  du  ciel  et   de  ;i 
terre,  »  de  l'avoir  imposée  comme  loi  aux  ï  I 
breux,  qui    dans  puis  d'une  circonstance 
montraient    encore    enclins    au    polythéisn 
Mais  tous  les  hommes ,  tous  les  peuples  n 
taient  pas  égaux  devant  ce  Dieu  unique;  ; 
loux  de  l'adoration  de  son  peuple  favori ,  il 
songeait  aux  autres  que  pour  les  traiter  en  « 
nemis.  Et  chez  ce  peuple  de  Dieu  tous  n'étaiei 
pas  égaux  devant  leur  propre  espèce;   car  il; 
avait  des  esclaves  comme  chez  les  Grecs  et 
Romains,  et  ces  esclaves  étaient  soumis  à  de  dum 
lois  (2).  En  somme,  l'immortalité  de  l'âme,  Yé{ 


(1)  Genèse;  II,  7.  II  est  à  remarquer  que  le  mot  il 
phesch,  partout  où  il  se  rencontre  dans  le  l'entateuq 
(  Genèse,  1,20,  24,  30;  IX,  4,  S;  XII,  13;  XXXV,  i 
Exode,  XXI,  23  ;  Lévitique,  XI,  10  ),  signifie  seuleme 
la  force  qui  anime  toute  chair  (Nombres,  XVI,  S 
la  force  vi'.ale,  ou  ce  que  certains  spiritualistes  a 
pellent  âme,  qui  ne  serait  alors  que  l'enveloppe  ou 
corps  de  l'esprit,  comme  le  corps  proprement  dit  i 
l'enveloppe  de  l'âme  ,  commune  aussi  aux  animaux. 
Le  mot  Scheol ,  que  les  traducteurs  ont  rendu  f 
Orcus ,  Hades  ,  In  f erum ,  Enfer,  etc.,  veut  dire  to 
simplement  cavité,  intérieur  de  la  terre;  il  n'iropliq 
aucune  idée  d'un  lieu  réservé  aux  amrs ,  à  en  )ug 
par  les  passages  du  Pentateuque  où  ce  mot  se  trou 
(Genèse,  XXXVII,  35;  Nombres,  XVI,  30;  Deutéf 
nome,  XXXII,  22). 

(21  Exode,  XXI.    Au  verset   12,  il  est  dit  :  «  Si  qï»i 
qu'un  frappe  un    homme  avec  dessein  de  le  tuer,  qn 
soit  puni  de  mort.  »   Mais  cette   loi   n'était  applicat    ' 
qu'aux  hommes  libres.  Car  le  législateur  ajoute   pi    J 
loin  (  versets  20  et  21  )  :  «  Si  un  homme  frappe  son  e  i  > 


|!9 

é  de  tous  les  hommes  devant  Dieu ,  leur  égalité 
mme  frères  devant  leur  propre  espèce,  ces  trois 
aiids  dogmes  de  l'humanité,  qui  forment  l'es- 
nce  môme  du  christianisme,  sont  étrangers  au 
waïsme.  C'est  encore  dan3  la  législation  de 
>yse,  si  formaliste  et  si  exclusive,  que  les  parti- 
isde  la  peine  de  mort  (l)  et  dej'esclavagetroa- 
ot  des  textes  à  citer  :  l'Évangile  ne  se  prête  point 
eurs  doctrines  (2). 

Pour  résumer  ce  parallèle,  qu'il  nous  serait 
■ile  d'étendre,    nous    dirons    que    l'Ancien 

Istament ,  et  particulièrement  le  Pentateuque, 
l'arsenal  où  les  pasteurs  des  chrétiens  sont 
luits  à  cheréher  leurs  armes  quand  ils  s'achar- 

i  it  à  défendre  une  de  ces  causes  qui  sèment 
discorde  et  ne  se  tranchent  que  par  le  glaive. 

pis  alors  pourquoi  ne  se  font-ils  pas  Israélites  ? 
n'ont  rien  de  commun  avec  les  vrais  disciples 
Christ,  ceux  qui  font  appel  aux  mauvais  ins- 
ets de  l'homme.  Enfin,  l'adjonction,  si  malen- 

jitreuse,  de  l'Ancien  Testament  au  Nouveau 

,  seule  pu  autoriser  toutes  les  guerres  de  re- 
on  ;  c'est  dans  le  Pbntateuque ,  et  non  à  la 
iree  de  l'Évangile,  que  les  incrédules  ont  tou- 
frs  puisé  leurs  arguments  les  plus  redoutables, 
rtlà  ce  que  ceux  qui  ont  charge  de  Veiller  aiu 
lut  de  l'Eglise  devraient  toujours  avoir  présent 

leurs  souvenirs.  F.  Hoefer. 

e  PentateiKfiie.  —  Les  commentateurs  de  l'Ancien 
jtament.  —  Les  monographies  sur  Moyse,  citées  par 
OEttinger  dans  sa  Bio-Éiblioyraphie. 

môyse  Ier,  patriarche  d* Arménie,  né  i  Ma- 
«gerd,  vers  400,  mort  en  465,  à  tôvïn.  Pïdmu 
patriarcat,  en  457,  il  se  signala  par  une  ex- 
mne  complaisance  envers  le  roi  de  Perse 
tàuz,  qui  rétablit  dans  toute  l'Arménie  le 
fte  d'Ormouzd,  et  emmena  captifs  un  gr'âud 
[mbre  d 'évoques,  de  prêtres  et  de  diacres  chré- 

jttÔYSÈ  iï  ÉèiïiVAfttEf  si,  patriarche  d'Ar- 
Inie,  né  à  Eghivart  ou  Elivart,  dans  le  canton 
Wkadzodn,  en  510,  mort  eh  594,  à  Tovin. 
bvé  dans  le  palais  dés  patriarches ,  Jl  monta 
Jf  le  trône  de  saint  Grégoire  eh  55 1 .  Moyse  a 
Sache  son  nom  à  la  réforme  du  calendrier  ar- 
friien.  Le  cycle  de  deux  cents  ans,  établi  en 
%•  par  un  prélre,  André ,  sur  les  ordres  de 
rcipereur  Constance  II,  cycle  d'après  lequel 

ive  ou  sa  servante  et  qu'ils  survivent  à  ces  coups  un 
B'delix  jours,  il  r/cn  sert  point  puni,  parte  qu'ils  les 
liiftetës  de  son  argent.  »  Ainsi  l'argent  donnait  le 
l'it  de  frapper  un  malheureux  mortellement,  pourvu 
i!  la  mort  n'arrivât  que  le  surlendemain.  Du  reste, 
^  animaux  mêmes  qui  tuaient  un  homme  étaient  pu- 
ll comme  des  meurtriers  (  verset  28  ). 
I)  L'atroce  loi  du  talion  est  formellement  repoussée  par 
Jas-Christ  en  ces  termes  :  «  Vous  savez  qu  il  a  été  dit  : 
■  Il  contre  œil,  dent  contre  dent;  etc.  i  Ex.,  XXI,  24-95  ). 
«fis.  moi,  »  je  vous  dis  de  ne  pas  rendre  lé  mal  pour  le 
I,  etc.  (  Saint  Matthieu,  V,  28  etsuiv.). 
IÔ  Dans  le  conflit  déplorable  qui  vient  d'éclater  dans 
hion  américaine,  les  défenseurs  de  l'esclavage  ont 
ftglné,  entre  autres,  de  s'appuyer  sur  la  Bible.  Mais 
j* n'est  pas  l'Évangile  qu'ils  citent;  c'est  la  loi  de 
U se  qu'ils  invoquent.  Quelle  dérision  !  IN  devraient  se 
cireoncire,  au    lieu  de  s'appeler    chrétiens. 


MOYSE  830 

l'année  devait  commencer  le  4  avril,  en  même 
temps  que  le  cycle  pascal ,  avait  été  introduit 
en  Arménie.  Mais  en  553,  année  de  l'écoulement 
de  cette  période  de  deux  cents  ans,  les  syzygies 
ne  se  trouvant  plus  en  harmonie  avec  le  com- 
put ,  il  fallut,  après  le  25  mars  ,  placer  immé- 
diatement le  13  avril.  Alors  le  patriarche  Moyse 
convoqua  les  savants  de  son  pays,  sous  la  prési- 
dence de  saint  Athanase,  archimandrite  du  cou- 
vent de  Saint-Baptiste  à  Klag ,  et  y  fit  adopter, 
en  553,  une  nouvelle  période  de  cinq  cents  ans. 
Ce  nouveau  calendrier,  au  bout  de  neuf  ans,  s'é- 
taht  trouvé  encore  défectueux,  Moyse  appela  un 
nouveau  concile  à  Tovin,  pour  faire  une  nouvelle 
réforme.  Il  y  réunit,  en  562,  les  hommes  les 
plus  savants  de  son  époque  :  Addé  de  Cappa- 
doce,  Gigasde  Syrie,  Eulogius,  évêque  arménien 
de  l'Asie  Mineure,  Phinée  de  Judée,  Noël  d'E- 
thiopie, Jean  d'Arabie  et  Serge  de  Macédoine. 
Le  patriarche  y  fit  adopter  pour  la  détermina- 
tion des  pleines  lunes  un  cycle  de  cinq  cent 
trente-deux  ans,  qui  est  encore  aujourd'hui  usité 
chez  les  Arméniens.  Comme  ce  cycle  n'avait  pas 
été  adopté  par  les  Grecs,  qui  conservèrent  celui 
d'André,  corrigé  peu  après  par  saint  Cyrille  d'A- 
lexandrie, les  Arméniens  se  trouvèrent,  déjà  en 
l'an  1000,1e  4  avril  de  sept  jours  en  avance  sur  les 
Grecs,  qui  ne  comptaient  alors  que  le  28  mars. 
Moyse  II  s'est  encore  distingué  par  sa  constante 
opposition  à  l'introduction  en  Arméniedes  décrets 
du  concile  de  Chalcédoine.  Il  eut  à  ce  sujet  de 
violentes  altercations  avec  Kiouriouen  ou  Cyrille, 
archevêque  d'Ibérie  et  de  Colchiiie,  qu'il  poussa 
si  loin  que  Cyrille,  plutôt  que  de  céder,  préféra 
s'empoisonner.  On  attribue  enfin  à  Moyse  la  con- 
version du  roi  de  Perse,  Khosrou  Nouchirvan,  au 
christianisme,  et  on  ajoute  qu'il  secondait  les 
amours  de  ce  roi  avec  la  princesse  chrétienne 
Schirin  (  altération  du  nom  d'Irène  )  pour  l'a- 
mènera cet  acte.  Les  auteurs  perses  et  turcs  ont 
fait  de  cet  amour  le  sujet  deleurs  épopées.  En  s8t 
Moyse  prit  pour  coadjuteur  Verthanès  évêque  de 
Tovin.  En  582  il  fonda  sur  un  territoire  cédé  par 
Khosrou  un  nouvel  évêché  du  côté  du  lac  Aral, 
où  le  prince  Sempad  avait  ramené  du  fond  du 
Turkhestan  un  certain  nombre  de  prisonniers 
arméniens. 

moïse  «i  dathey atsi,  patriarche  d'Ar- 
ménie, né  à  Khodaran,  dans  le  pays  de  Siou- 
nie,  vers  1580,  mort  en  1633,  à  Etchmiadzin. 
Il  était  religieux  du  couvent  de  Dathev,  en  Siou- 
nie,  lorsqu'il  monta  sur  le  trône  patriarcal,  en 
1629.  C'est  sous  lui  qu'eurent  lieu  de  nom- 
breuses émigrations  des  Arméniens  en  Perse,  où 
ils  fondèrent  une  académie  particulière  à  Djoulfa, 
faubourg  d'ispahan,  académie  placée  sous  la  juri- 
diction du  patriarche.  Ch.  R. 

Jean  vi  Catholicos ,  Histoire  d'Arménie.  —  Saint- 
Martin,  Mémoires  historiques  sur  l'Arménie.  —  M.  Ed. 
Dulaurier,  La  Chronologie  arménienne. 

moyse  {Hyacinthe),  général  des  insurgés 
haïtiens-,  neveu  du  fameux  Toussaint-Louverture, 
né  à  Héricourt  (  île  Saint-Domingue  ),  en  1769, 


S31  MOYSE  - 

et  exécuté  au  Port-au-Prince,  en  décembre  1801. 
Il  avait  à  peine  vingt  ans  lorsque  l'insurrection 
des  hommes  de  couleur,  exaspérés  par  les 
cruautés  et  les  outrages  des  blancs,  vint  à  éclater 
dans  la  colonie.  Né  de  parents  nègres,  sa  bonne 
mine,  son  intelligence,  son  courage,  le  firent 
distinguer  par  un  certain  nombre  de  noirs,  qui 
le  prirent  pour  chef.  Le  6  avril  1791,  il  attaqua 
à  La  Croix-des-Bouquets  l'armée  des  blancs 
(sortie  le  22  du  Port-au-Prince),  sous  les  or- 
dres de  Breton  de  La  Villandrie,  chef  de  flibus- 
tiers, et  la  força  à  se  replier  sur  Le  Port-au- 
Prince  (1).  Le  succès  de  Moyse,  quoique  chè- 
rement acheté,  fut  suivi  du  soulèvement  général 
des  esclaves  dans  le  sud  et  l'ouest  de  l'île.  Peu 
de  temps  après,  le  général  Blanchelande,  afin 
d'engager  les  nègres  insurgés  à  revenir  sur  les 
habitations,  accorda  l'affranchissement  à  deux 
cent  quarante-quatre  de  leurs  chefs,  à  con- 
dition qu'ils  serviraient  comme  gens  d'armes 
pendant  cinq  années ,  et  qu'ils  se  chargeraient 
eux-mêmes  de  retenir  les  esclaves  dans  leurs 
devoirs.  Mais  Moyse  refusa  d'accepter  les  con- 
ditions de  cette  espèce  d'amnistie.  Il  joignit  sa 
bande  à  celles  du  chef  suprême  de  l'insurrec- 
tion ,  Jean-François ,  qui  lui  donna  le  comman- 
dement supérieur  du  quartier  du  Dondon,  déjà 
révolté  par  son  curé,  l'abbé  de  La  Haye.  Moyse 
prit  une  part  peu  active  aux  scènes  sanglantes 
qui  désolèrent  Saint-Domingue.  Anglais,  Espa- 
gnols et  colons  insurgés  y  combattaient  contre 
les  Français  et  les  esclaves  affranchis.  L'hôte  de 
la  veille  était  l'ennemi  du  lendemain.  Ce  n'était 
que  massacres,  supplices,  incendies.  Dans  ce 
désordre  Moyse  sentit  cependant  la  nécessité  de 
se  donner  un  vernis  d'éducation  pour  mériter  la 
considération  des  Européens.  Il  apprit  à  lire  et  à 
écrire  au  milieu  des  camps  et  tint  un  Journal  de 
tout  ce  qui'Iui  arrivait.  En  1794,  il  adopta  pour 
chef  son  oncle  Toussaint-Louverture  (  voy.  ce 
nom  ) ,  alors  reconnu  comme  général  de  brigade 
français,  et  le  servit  utilement  dans  ses  opéra- 
tions contre  les  Anglais ,  surtout  dans  les  grands 
bois  de  l'ouest  et  à  l'attaque  des  hauteurs  de  Val- 
lières. 

Après  l'évacuation  des  Anglais  (  décembre 
1798),  Toussaint  renouvela  son  projet  de  prise 
de  possession  de  la  partie  espagnole  de  l'île 
Saint-Domingue.  Après  avoir  fait  ses  préparatifs, 
il  écrivit,  le  7  pluviôse  an  x  (  27  janvier  1801  ), 
au  capitaine  général  espagnol  Joachim  Garruba 
de  lui  remettre  Santo-Domingo.  Sur  le  refus  de 
ce  gouverneur,  l'armée  coloniale  s'avança  forte 
de  dix  mille  hommes,  dont  l'aile  droite ,  dite 
l'armée  du  nord,  était  sous  les  ordres  de  Moyse. 
Celui-ci  battit  les  Espagnols  au  passage  du  Nissa, 

(l)  Dans  cette  affaire  les  blancs  étaient  huit  cents;  ils 
perdirent  environ  cent  hommes,  presque  tous  Indiens. 
Ils  avaient  deux  pièces  d'artillerie.  Les  nègres  étaient 
cieux  mille ,  mais  très-mal  armés  et  sans  munitions. 
Leur  courage,  poussé  jusqu'à  la  frénésie ,  leur  donna 
seulement  l'avantage;  Us  perdirent  plus  de  la  moitié  des 
leurs. 


MOZART 


et,  le  26,  entra  le  premier  dans  Santo-Domin 
Après  cette    expédition,    Moyse    fut    nom) 
inspecteur  général  de  la  culture  du  nord  d'Ha  j 
mais,  trop  doux,  il  ne  réussit  pas  dans  sa  \ 
tion,  et  mécontenta  son  oncle  (1).  D'un  ai 
côté,  le  despotisme  et  les  usurpations  de  Te  j 
sainiwlui  déplaisaient;  il  s'en  expliqua  avec 
de  ménagement  ;  ses  rivaux  devinrent  ses  d  | 
teurs.  Toussaint,  instruit  d'ailleurs  que  Mo) 
avait  des  conférences  secrètes  avec  des  Frani  j 
qui  repassaient  en  Europe ,  et  auxquels  il  pas 
pour  avoir  confié  sa  résolution  de  seconder 
forces  qu'on  devait  envoyer  de  France  à  Sa  i 
Domingue,  le  considéra  comme  l'un  des  inst  i 
teurs  de  la  révolte  des  noirs  du  nord  (21 
cembre  1801  ),  qui  massacrèrent  plus  de  t  ; 
cents  blancs  et  pillèrent  les  faubourg  du  Cap 
le  fit  arrêter  avec  plusieurs  de    ses  préten 
affidés ,  et  condamner  sommairement  .  par 
commission  militaire  instituée  ad  hoc   au  P> 
au-Prince.  Moyse  fut  attaché  à  la  bouche  c 
canon  chargé  et  mis  en  pièces  par  son  explosi 
ses  compagnons  furent  fusillés  au  nombre 
vingt-trois.  A.  de  L. 

Le  général  Lacroix,  Mémoires  pour  servir  à  l'hisi 
de  ta  révolution  de  Saint-Domingue  (  Paris,  181  I 
1820,  2  vol.  in-8°  ),  chap.  ix.  —  Le  colonel  Malenf  l 
Hist.  des  Colonies ,  etc.,  p.  3-74.  —  Dalmas,  Révolu 
de  Saint-Domingue ,  t.  I,  p.  55. 

mozart  (Jean-Chrysoslome-  Wolfgang-A  i 
dée  ) ,  célèbre  compositeur  allemand ,  né  à  S  ! 
bourg,  le  27  janvier  1756,  etmort  à  Vienne,  le  5 
cembre  1791.  Il  n'est  pas  d'exemple,  à  quel] 
époque  que  ce  soit ,  d'une  organisation  musii 
plus  heureuse  que  la  sienne ,  et  qui  se  soit : 
nifestée  avec  plus  de  précocité  et  par  des  sid 
plus  certains.  Mais  avant  de  tracer  l'histori 
des  jeunes  années  de  Mozart ,  il  est  nécess 
de  faire  connaître  la  famille  au  milieu  de  laqu 
il  vit  le  jour,  famille  toute  chrétienne,  résigi 
où  régnaient  l'ordre  et  le  goût  des  belles  chosj 
digne  et  radieux  berceau  où  le  génie  naissant 
grand  artiste  se  développa  sous  l'aile  paterni 
Son  père ,  Léopold  Mozart,  né  à  Augsboi 
en  1719,  était  fils  d'un  relieur  de  livres.  A]* 
avoir  fait  ses  études ,  particulièrement  un  ce 
de  jurisprudence,*  Salzbourg,  il  s'était  vainen 
efforcé  de  se  créer  une  position.  Comme  il  jo 
très- bien  du  violon ,  le  comte  de  Thun  le  pi 
son  service  en  qualité  de  valet  musicien , 
nomination  qui  indique  quelle  était  alors  en  A 
magne  la  condition  des  artistes.  A  partir  di 
moment,  Léopold  Mozart  se  livra  tout  ent« 
l'étude  de  la  musique,  et  obtint,  en  1743,  j 
place  de  premier  violoniste  de  la  chapelle 
prince-archevêque  de  Salzbourg.  Deux  ans  I 
tard,  il  épousa  AnnaBertlina,  femme  aussi  pi« 
qu'elle  était  belle.  Léopold  Mozart  ne  tarda  [ 
par  son  talent  comme  violoniste  et  comme  c< 
positeur,  à  se  faire  une  réputation  qui  lui  v; 

(1)  Une  compagnie  anglaise  offrit  alors  à  Touss 
20,000  piastres  (760,200  fr.  )  par  mois  pour  l'exploita 
des  fermes  administrées,  par  son  neveu. 


MOZART 


834 


l'être  élevé  au  rang  de  second  maître  de  chapelle 
le  la  cour  de  Salzbourg  (1).  Mais  son  plus  beau 
itreàla  reconnaissance  de  la  postérité  est  d'avoir 
;u  deviner  et  diriger  le  génie  de  son  fils.  Rien 
le  plus  intéressant  en  effet  que  les  soins  qu'il 
lonne  à  l'éducation  de  son  enfant;  rien  de  plus 
idmirable  que  cette  tendresse  paternelle,  cette 
ibnégation  personnelle  ,  se  confondant  avec  la 
bi  du  chrétien  et  l'enthousiasme  de  l'artiste. 

Des  sept  enfants  que  Léopold  Mozart  avait 
us  de  son  mariage  avec  Anna  Bertlina,  il  ne  lui 
estait  plus  qu'une  fille ,  Marie-Anne,  qu'on  ap- 
.elait  familièrement  Naennerle,  diminutif 
'Anna,  née  en  1751  (2),  et  le  petit  Wolfgang, 
ui  était  venu  au  monde  quatre  ans  plus  tard. 
Celui-ci  avait  à  peine  trois  ans  lorsque  son  père 
ommença  à  donner  des  leçons  de  clavecin  à 
faennerle.  Dès  ce  moment  toute  l'attention  de 
Volfgang  se  concentra  sur  cet  instrument;  il 
osait  ses  mains  sur  le  clavier,  y  cherchait  des 
accessions  de  tierces ,  et  s'il  venait  à  rencon- 
er  quelque  nouvelle  combinaison,  ses  yeux 
ryonnaient  de  joie.  C'est  ainsi  qu'il  apprit, 
resque  en  jouant ,  les  éléments  de  la  musique 
,  les  principes  du  doigter.  A  quatre  ans  il  exé- 
atait  avec  un  goût  et  une  expression  remar- 
quables de  petites  pièces ,  qui  ne  lui  coûtaient 
u'une  demi-heure  d'étude ,  et  il  composait  déjà 
uelques  petits  morceaux  que  son  père  écrivait 
Dus  sa  dictée.  A  mesure  que  son  talent  se  dé- 
jeloppait ,  le  jeune  Wolfgang  perdait  peu  à  peu 
h  goût  des  jeux  bruyants  de  son  âge.  Doué  d'une 
ifltquise  sensibilité,  il  recherchait  l'affection  de 
lûtes  les  personnes  qui  fréquentaient  la  maison 
laternelle.  «  M'aimez-vous  bien?  »  leur  de- 
mandait-il souvent  avec  une  naïveté  charmante; 

si  l'on  tardait  à  lui  répondre,  ses  yeux  se 
emplissaient  aussitôt  de  larmes.  Il  avait  pour 
Ion  père  un  profond  amour  et  un  grand  respect. 
!  Après  Dieu ,  disait-il ,  c'est  tout  de  suite  papa.  « 
a  piété  en  effet  s'était  manifestée  de  très-bonne 
ieure;  jamais  il  ne  se  couchait  sans  avoir  chanté 
(ne  espèce  de  cantique  dont  il  avait  lui-même 
[imposé  la  musique  et  que  son  père  chantait 
ivec  lui.  Puis ,  après  avoir  embrassé  sa  famille, 


(i)  Léopold  Mozart  a  laissé  en  manuscrit  beaucoup  de 
usique  d'église,  composée  pour  la  chapelle  de  Salz- 
>nrg   On  connaît  de  lui  douze  oratorios.  Il  a  écrit  pour 
théâtre  Sémiranis,  La  Jardinière  supposée  (en  alle- 
mand ),  un  intermède  italien,  à.  deux   personnages,  in- 
tulé  La  Cantatrice  ed  il  Poeta  ,  et  un  divertissement 
»ant  pour  titre  Musikahsche  Sc/itittenfarht  (  l'rome- 
Inde  musicale  |.  Ses  œuvres  de  musique  instrumentale 
■.insistent  en  six  trios  pour  deux  violons  et  liasse,  douze 
ïièces  de  clavecin  ;  des  pièces  d'orgue;   trente  grandes 
|  rénades  pour    plusieurs    Instruments;  des  concertos 
mur  divers  instruments  à  vent,  et  beaucoup  de  sym- 
phonies pour  orchestre.  Il  a  donné  une  méthode  de  vio- 
I  n,  qui  pendant  phis  de  cinquante  ans  a  été  considérée 
l'nime  le  meilleur  ouvrage  en  ce  genre.  Léopold  Mo- 
;  ri  mourut  à  Salzbourg,  le  28  mai  1787. 
M<(î)  Marie-Anne  Mozart  posséda   un  talent  remarquable 
iw  le  piano  ;  mais  elle  fut  bientôt  éclipsée  par  la  rc- 
mmméede  son  frère  Wolfgang.  Elle  se  maria  en  1784,  au 
|pnseiller  Berthold  ,  baron  de  Sonnenbourg,  et   mourut 
Salzbourg,  en  1S30,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans. 


KOUT.   BIOGR.    GENER.    —  T.   XXXVI. 


l'enfant  s'endormait,  paisible  et  souriant,  dou- 
cement bercé  dans  ses  rêves  par  la  voix  des 
anges  dont  les  concerts  préludaient  à  sa  des- 
tinée. 

Le  petit  Wolfgang  à  peine  âgé  de  six  ans 
possédait  déjà  un  merveilleux  talent  d'exécution 
sur  le. clavecin.  Son  génie   précoce,  rayonnant 
de  toutes  parts,  n'attendait  plus  que  le  moment 
favorable  pour  prendre  son  essor.  Son  père,  qui 
depuis  quelijue  temps  avait  cessé  de  donner  des 
leçons  pour  se  vouer  tout  entier  à  l'éducation 
musicale  de  ses    enfants,  se  décida  alors  à  les 
faire  entendre  en  public,  et  entreprit  cette  longue 
série  de  voyages  aventureux  dans  lesquels  on 
voit  toute  une  famille  d'artistes  allant  chercher 
fortune  à  travers  i'Europe.  Au  mois  de  janvier 
1762,  Léopold  Mozart  et  ses  deux  enfants  firent 
un  premier  voyage  à  Munich,  et  revinrent  ensuite 
tout  joyeux  à  Salzbourg,  après  avoir  fait  pen- 
dant trois  semaines  l'admiration  de  la  cour  de 
l'électeur  de  Bavière.  Dans  l'automne  de  la  même 
année,    toute  la   famille  se  rendit  à   Vienne. 
Ce  second   voyage  fut   nn  véritable  triomphe 
pour  le  petit  Wolfgang.  L'évêque  de  Lintz  le 
retient  pendant  quatre  jours  chez  lui.  A  son  pas- 
sage à  Ips ,  il  touche  de  l'orgue  dans  un  couvent 
de  franciscains,  et  laisse  les  révérends  pères 
émerveillés  de  ce  qu'ils  viennent  d'entendre.  Aux 
portes  de  Vienne,  il  adoucit  la  rigueur  des  doua- 
niers en  exécutant  un  menuet  devant  le  receveur, 
auquel  il  fait  ses  invitations  pour  l'avenir.  Dès 
l'arrivée  de  la  famille  Mozart  dans  la  capitale  de 
l'Autriche,  les  deux  enfants,    particulièrement 
Wolfgang ,  fixèrent  sur  eux  l'attention  générale. 
Recherchés  et  fêtés  avec  empressement  par  les 
plus  hauts  personnages,  c'était  à  qui  serait  assez 
heureux  pour  pouvoir  les  posséder  à  sa  table. 
L'empereur  François  Ier  les  fit  appeler  à  sa  ré- 
sidence de  Schoenbrunn  ;  la  veille  il  avait  envoyé 
à  Naennerle  une  magnifique  robe   de   taffetas 
blanc  broché,  ornée  de  toutes  sortes  de  garni- 
tures, et  à  Wolfgang  un  habit  lilas ,  du  drap  le 
plus   fin,  et  une  veste  en  moire  de  couleur, 
réhaussés  d'une  double  bordure  en  or.  Lorsqu'ils 
se  présentèrent,  il  alla  au-devant  d'eux,  et  les 
conduisit  avec  bonté  dans  le  salon  où  se  tenait 
Marie-Thérèse,  entourée  de  sa  belle  et  nombreuse 
famille.  Le  petit  Wolfgang,  que  rien  n'intimide, 
se  laisse  asseoir  sur  les  genoux  de  l'impératrice, 
qui  le  comble  de  caresses.  Peu  d'instants  après, 
il  glisse  et  tombe  sur  le  parquet.  La  jeune  archi- 
duchesse Marie- Antoinette ,  future  et  infortunée 
reine  de  France,  s'empresse  de  venir  à  son  secours 
en  lui  adressant  quelques  douces  paroles.  «  Je 
vous  remercie,  lui  dit  l'enfant ,  je  veux  me  ma- 
rier avec  vous.  »  —  «  Vraiment  ?  Et  pourquoi  avec 
elle  plutôt  qu'avec  une  de  mes  autres  filles ,  lui 
demanda  Marie-Thérèse,  qui  l'avait  entendu.  » — 
«  Par  reconnaissance,  répondit  aussitôt  Wolfang  : 
elle  a  été  bien  bonne  pour  moi ,  tandis  que  ses 
sœurs  me  regardaient  sans  bouger.  »  Un  clra'r- 
mant   sourire  accompagné  d'un  baiser  sur  le 

27 


835 


front  de  l'enfant  fut  la  réponse  de  la  gracieuse 
princesse  à  laquelle  le  compliment  s'adressait. 
Le  virtuose  de  six  ans  exécuta  plusieurs  mor- 
ceaux, et  laissa  l'assemblée  dans  le  ravissement 
d'un  talent  aussi  extraordinaire.  Mais  sa  bonne 
nature  devait  le  préserver  de  l'orgueir  et  de  la 
suffisance  que  les  louanges  et  les  distinctions 
des  grands  auraient  pu  lui  inspirer.  Ainsi ,  il  ne 
jouait  qu'à  contre-cœur  devant  les  personnes 
qu'il  savait  ignorantes  en  fait  de  musique.  Le 
sentiment  intime  de  l'art  prévalait  déjà  en  lui , 
et  ce  n'était  que  lorsqu'il  se  savait  écouté  par 
les  connaisseurs  qu'il  jouait  avec  ardeur  et 
avec  passion.  Un  soir  qu'il  était  à  la  cour  et 
qu'il  allait  se  mettre  au  clavecin,  ne  voyant 
autour  de  lui  que  des  courtisans,  il  s'adressa 
tout 'à  coup  à  l'empereur  :  «  Est-ce  que  M.  Wa- 
gensel,  votre  maître  de  chapelle,  n'est  pas  là? 
Faites-le  donc  venir.  »  Et  lorsque  celui-ci  fut 
arrivé  :  «  Monsieur,  lui  dit-il,  je  joue  un  de  vos 
concertos,  ayez  la  bonté  de  me  tourner  les  feuil- 
lets. ■»  Cette  assurance  en  lui-même  est  un  des 
traits  du  caractère  de  Mozart  en  toutes  les  cir- 
constances de  sa  vie  d'artiste. 

Dans  les  premiers  jours  du  mois  de  janvier 
1763,  la  famille  Mozart  retourna  à  Salzbourg, 
chargée  de  lauriers ,  mais  presque  aussi  pauvre 
qu'auparavant.  Chacun  reprit  ses  travaux  ordi- 
naires. Le  jeune  Wolfgang  avait  rapporté  de 
Vienne  un  petit  violon  dont  on  lui  avait  fait  ca- 
deau, et  sur  lequel  il  s'exerçait  tout  seul  en  s'a- 
musant.  Un  jour,  Wengl,  habile  violoniste  de  la 
chapelle  du  prince ,  étant  venu  avec  un  autre  mu- 
sicien, nommé  Schaohtner,  chez  Léopold  Mo- 
zart pour  y  essayer  l'effet  de  quelques  nouveaux 
trios  qu'il  venait  d'écrire  pour  deux  violons  et 
basse,  Wolgang  voulut  aussi  faire  sa  partie.  Son 
père  s'y  opposa,  prétendant  que  n'ayant  pas  étu- 
dié le  violon  par  principes ,  il  ne  pourrait  les 
suivre.  L'enfant  se  mit  à  pleurer.  «  Eh  bien! 
voyons,  lui  dit  son  père,  mets-toi  à  côté  de 
M.  Schachtneretdouble  la  ceconde partie  aveclui, 
mais  joue  tout  doucement,  car  si  on  t'entend,  je 
te  renvoie.  »  A  peine  eut-on  joué  quelques  mesures 
que  les  trois  artistes  se  regardèrent  avec  éton- 
nement  en  entendant  l'enfant  exécuter  sa  partie 
avec  une  remarquable  précision.  Schachtner 
cessa  de  jouer,  et  le  jeune  Mozart  continua  jus- 
qu'au bout  sans  la  moindre  hésitation.  Ce  fut 
avec  la  même  facilité  qu'il  s'initia  au  mécanisme 
des  autres  instruments  el  qu'il  devina  les  secrets 
de  l'harmonie.  Au  mois  de  juin  1763,  Léopold 
Mozart,  sa  femme  et  ses  deux  enfants,  entre- 
prirent un  long  voyage  à  l'étranger.  Ils  traver- 
sèrent toute  l'Allemagne  et  visitèrent  successi- 
vement Augsbourg,  Mannheim,  Mayence,  Franc- 
fort, Coblentz,  Cologne,  Aix-la-Chapelle.  Par- 
tout le  jeune  Wolfgang,  dont  lé  talent  grandis- 
sait chaque  jour,  excita  l'admiration'  générale 
par  l'habileté  de  son  exécution  et  par  la  fécon- 
dité de  ses  inspirations,  en  improvisant  tour  à 
tour  sur  le  clavecin,  sur  le  violon  et  sur  l'orgue, 


MOZART 

dont  il  faisait  mouvoir  les  pédales  avec  une 
lité  surprenante.  Après  avoir  donné  à  Brux< 
un  concert  auquel  assistait  le  prince  Charles 
famille  Mozart  se  dirigea  sur  Paris ,  où  elle  ar 
le  18  novembre,  avec  des  lettres  derecommai 
tion  pour  le  baron  de  Grimm.  Celui-ci,  commi 
le  voit  dans  sa  Correspondance  littéraire, 
vina  le  génie  de  Wolfgang,  et  usa  de  son  ci 
pour  le  mettre  en  évidence.  Léopold  Mozai 
ses  enfants  fuient  présentés  au  baron  d'Holb; 
au  comte  de  Tessé,  au  duc  de  Chartres, 
comtesse  de  Clermont,  et  reçurent  une  in\ 
tion  pour  se  rendre  à  la  cour  de  Versailles. 
Wolgang  se  fit  entendre  devant  la  famille  ro 
et  recueillit  de  vifs  applaudissements.  Adm 
l'honneur  d'assister  au  grand  couvert  du  rc 
est  placé  à  côté  de  la  reine  Leczinska,  et  lui  r. 
avec  une  familiarité  charmante.  Il  fut  a 
présenté  à  la  marquise  de  Pompadour  ;  mais  1 
gueilleuse  favorite  eut  le  mauvais  goût  de  st 
fuser  à  ses  gracieuses  caresses  :  «  Qui  es 
donc  que  celle-là  qui  ne  veut  pas  m'embras; 
s'écria  l'enfant,  l'impératrice  Marie-Thérèse 
bien  embrassé.  »  Pendant  le  séjour  de  queli 
mois  qu'il  fit,  à  Paris,  le  jeune  virtuose  pi 
deux  œuvres  de  sonates  pour  le  clavecin  ; 
accompagnement  de  violon ,  qu'il  dédia,  le 
mier  à  la  princesse  Victoire,  seconde  fille 
roi ,  l'autre  à  la  comtesse  de  Tessé.  Ces  c 
mantes  productions  d'un  enfant  de  sept  I 
qui  auraient  fait  honneur  aux  artistes  les 
renommés  de  cette  époque,  font  partie  d 
collection  de  ses  œuvres.  Le  10  avril  176 
famille  Mozart  quitta  la  France  pour  allei 
Angleterre.  Wolfgang  ne  produisit  pas  moin 
sensation  à  Londres  qu'à  Paris.  11  touche 
l'orgue  devant  le  roi,  qu'il  étonne  par  la  fac 
prodigieuse  avec  laquelle  il  exécute  à  prerr 
vue  la  musique  de  Haendel  et  de  Bach.  11 
six  sonates  de  clavecin,  qu'il  dédie  à  la  reine,  c 
pose  une  symphonie  à  grand  orchestre  etdt 
des  concerts  où  le  public  se  rend  en  foule.  A 
être  restés  environ  quinze  mois  à  Lond 
Léopold  Mozart  et  sa  famille  s'éloignèren 
cette  ville,  suivis  d'une  renommée  qu'attes 
les  journaux  de  l'époque.  Ils  débarquèrei) 
1er  août  1765  à  Calais,  et  se  rendirent  en  I 
lande  en  traversant  le  nord  de  la  France  et  ( 
Belgique.  Parlout  Wolfgang  joue  de  l'orgue* 
les  cathédrales  et  dans  les  collégiales  qu'il  i 
contre  sur  son  passage.  Arrivés  à  La  Haye 
deux  enfants  se  font  entendre  devant  le  pr 
d'Orange;  mais  peu  de  jours  après  ils  tomi 
dangereusement  malades.  Rien  n'est  plus 
chant  que  les  lettres  que,  dans  son  désesp 
le  bon  Léopold  Mozart  écrivit  alors  à  son.' 
Hagenauer,  propriétaire  de  la  maison  qu'il 
bitait  à  Salzbourg,  en  lui  recommandant 
faire  dire  des  messes,  à  presque  tous  les  saint 
paradis  pour  que  Dieu  rende  la  santé  à  ses  cl 
enfants.  Ses  vœux  furent  exaucés-.  Après  a 
donné  deux  concerts  à  La  Haye,  et  dédié 


!7  MOZART 

uvelles  sonates  de  clavecin  à  la  princesse 
Nassau  -  Weilbourg ,  Wolfgang  avec  sa  fa- 
ille se  rendit  à  Amsterdam,  où  il  composa  des 
mphonies  et  d'autres  morceaux  pour  les  fêtes 
nstallation  du  stathouder,  et  reprit  ensuite  le 
emin  de  l'Allemagne  en  passant  par  Paris , 
jon,  Lyon  et  la  Suisse.  A  la  fin  de  novembre 
66,  après  trois  années  d'absence,  ils  étaient  de 
four  à  Salzbourg.  Wolgang  y  reprit  paisible- 
"nt  ses  études  de  composition  sous  la  direc- 
n  de  son  père.  Prenant  pour  modèles  clas- 
|ues  les  ouvrages  de  Haendel  et  d'Emmanuel 
ch,  il  méditait  en  même  temps  les  œuvres  de 
«rlatti,  de  Léo,  de  Durante  et  des  autres 
dtres  de  l'école  italienne.  C'est  ainsi  qu'en  pé- 
trant  les  mystères  de  la  science  et  en  s'appli- 
ant  à  faire  chanter  les  parties  d'une  manière 
,ile,  élégante  et  naturelle,  il  se  préparait  à  de- 
air  le  suprême  conciliateur  entre  le  génie  pro- 
idémenl.  harmonique  de  l'Allemagne  et  le  gé- 
;  plein  de  charme  mélodique  de  l'Italie. 
Les  études  du  jeune  Wolfgang  furent  inter- 
mpues  par  une  nouvelle  tournée  artistique  que 
topold  Mozart  entreprit  au  mois  de  septembre 
■67.  Toute  la  famille  partit  pour  Vienne.  L'em- 
ceur  François  1er  était  mort  depuis  deux  ans  ; 
n  fils  Joseph  II  lui  avait  succédé.  Wolfgang  fut 
mis  à  se  faire  entendre  devant  ce  prince,  qui, 
»niié  de  la  perfection  de  son  jeu  et  du  mérite 
ses  improvisations ,  chargea  le  virtuose  de 
uze  ans  de  composer  la  musique  d'un  petit 
ëra  bouffe  intitulé  :  Lafinta  Semplice.  Wolf- 
bg  eut  bientôt  terminé  la  partition  de  cette 
èce  ;  mais  il  avait  compté  sans  la  jalousie  que 
rénommée  déjà  européenne  et  le  prodigieux 
iveloppement  de  son  talent  avaient  excitée 
irmi  ses  rivaux,  et,  bien  que  son  œuvre  eût 
Srité  l'approbation  de  Hasse  et  de  Métastase, 
I  finta  Semplice  ne  fut  pas  représentée.  Il 
imposa  aussi  à  la  même  époque  un  petit  opéra 
mique,  traduit  du  français  en  allemand , 
istien  et  Bastienne,  qui  fut  joué  à  la  maison 
campagne  du  fameux  docteur  Mesmer,  ami 
•son  père,  ainsi  qu'une  messe  à  quatre  voix 
orchestre,  dont  il  dirigea  fui -même  l'exécu- 
ta. Après  une  excursion  à  Olmùtz,  où  il  échappa 
une  grave  matadie,  qui  le  priva  de  la  vue  pen- 
tat  neuf  jours ,  Wolfgang  revint  à  Vienne  et  y 
journa  jusqu'au  mois  de  décembre  1768,  oc- 
Ipé  à  écrire  de  la  musique  d'église  et  de  piano 
là  terminer  un  opéra.  De  retour  à  Salzbourg,  il 
'passa  l'année  suivante  à  se  familiariser  avec 
langue  italienne,  et  dans  les  derniers  jours 
1769  il  partit  pour  l'Italie,  accompagné  seu- 
rnent  de  son  père.  Mozart  trouva  dans  ce 
yage  une  compensation  aux  déboires  qu'il 
ait  eu  à  supporter  en  dernier  lieu  à  Vienne.  Il 
isse  par  Vérone ,  par  Mantoue ,  et  arrive  à 
'ilan,.  dont  la  population  l'accueille  avec  enthou- 
»sme.  Il  visite  les  autres  principales  villes  de 
(péninsule,  et  partout  son  talent  d'exécution 
sa  science  excitent  les  mêmes  transports  d'ad- 


838 


miralion.  A  Pologne,  le  savant  P.  Martini  de- 
meure stupéfait  en  le  voyant  donner  la  riposta 
in  rigore  modi  h  chaque  sujet  de  fugue  qu'il  lui 
propose,  et  exécuter  immédiatement  après  la 
fugue  elle-même.  A  Rome,  pendant  la  semaine 
sainte,  il  entend  exécuter  à  la  chapelle  Sixtine 
le  célèbre  Miserere  d'Allegri,  et  deux  auditions 
lui  suffisent  pour  écrire  de  mémoire  ce  morceau 
compliqueront  il  était  défendu  de  communi- 
quer des  copies.  Peu  de  jours  après,  il  fait  en- 
tendre cette  œuvre  dans  une  assemblée.  Le  pape 
Clément  XIV  a  connaissance  du  fait.  Loin  d'en 
vouloir  au  jeune  artiste ,  il  veut  même  qu'on  le  lui 
présente,  et  lui  fait  remettre  ensuite  la  croix  et 
le  brevet  de  chevalier  de  l'Éperon  d'or  (1).  A 
Naples,  en  jouant  une  sonate  au  conservatoire 
delta  Pietà  devant  Jomelli  et  une  foule  im- 
mense ,  il  est  obligé  d'ôter  une  bague  qu'il  por- 
tait à  l'un  de  ses  doigts.,  et  à  laquelle  le  public 
superstitieux  attribuait,  comme  à  un  talisman, 
une  exécution  merveilleuse.  De  retour  à  Milan, 
vers  la  fin  d'octobre  1770,  il  y  compose  son 
premier  opéra,  MitrUlate,  re  di  Ponte,  qui 
est  représenté  le  26  décembre  suivant,  avec  un 
succès  décidé,  et  obtient  vingt-deux  représenta- 
tions consécutives.  Mozart  n'avait  pas  encore 
quinze  ans.  Quelque  temps  auparavant  l'Acadé- 
mie philharmoniquede Bologne  l'avait  admis  au 
nombre  de  ses  membres  sur  une  antienne  à 
quatre  parties  qu'il  avait  écrite  comme  pièce  de 
concours  et  qui  était  digne  des  beaux  jours  de 
Palestrina.  Après  ces  triomphes ,  Mozart  et  son 
père  reprirent  le  chemin  de  leur  patrie.  L'année 
suivante,  ils  retournèrent  en  Italie,  où  Wolfgang 
fit  représenter,  à  Milan,  une  grande  scène  dra- 
matique, Ascanio  in  Alba,  qu'il  avait  été 
chargé  d'écrire  pour  le  mariage  de  l'archiduc 
Ferdinand.  En  entendant  cet  ouvrage,  le  vieux 
compositeur  Hasse,  que  les  Italiens  avaient  sur- 
nommé le  divin  Saxon ,  ne  put  se  contenir,  et 
s'écria  :  «  Cet  enfant  nous  fera  tous  oublier.  » 
Revenu  à  Salzbourg  pour  y  écrire  une  sérénade 
dramatique,  Il  Sognodi  Scipione,  à  l'occasion 
de  l'installation  du  nouvel  archevêque,  Mozart 
retourna  à  Milan  au  mois  d'octobre  1772,  et  y 
composa  un  opéra  sérieux,  Lucio  Scilla,  qui  fut 
accueilli  du  public  avec  la  même  faveur  que  ses 
précédents  ouvrages.  Avant  de  quitter  définiti- 
vement l'Italie,  Léopold  Mozart  et  son  fils  al- 
lèrent passer  le  carnaval  de  1773  à  Venise,  qu'ils 
avaient  déjà  visitée.  De  retour  en  Allemagne, 
ils  firent  encore  deux  excursions,  l'une  à  Vienne, 
l'autre  à  Munich,  où  Wolfgang  composa  Lafinta 
Giardiniera,  opéra  bouffe,  qui  fut  représenté  au 
mois  de  janvier  1775  sur  le  théâtre  de  cette  ville, 
et  y  obtint  un  succès  éclatant.  Au  mois  de  mars 
suivant,  toute  la  famille  Mozart  se  trouvait  de 
nouveau  réunie  à  Salzbourg. 
Mozart  avait  alors  dix-neuf  ans.  En  revenant 

(l)  Moz  irt  ne  porta  cette  croix  que  dans  sa  jeunesse, 
dans  les  villes  impériales  et  dans  son  voyage  à  Paris,  d'a- 
près les  ordres  formels  de  son  père. 

27. 


839 

à  Salzbourg  précédé  d'une  renommée  qui  égalait 
déjà  celle  des  meilleurs  compositeurs,  il  avait 
espéré  que  le  nouvel  archevêque  récompenserait 
ses  brillants  succès  en  lui  accordant  la  place  de 
maître  de  sa  chapelle.  11  attendit  vainement  cette 
place  pendant  trois  années,  qu'il  employa  à  de 
fécondes  études,  s'essayant  dans  tous  les  genres, 
en  composant  des  messes,  des  symphonies,  des 
sonates,  et  des  cantates,  parmi  lesquelles  on  re- 
marquesurtoutcellequia  pourtitre/J  Repastore, 
jqu'il  écrivit  en  1775,  pour  l'archiduc  Maximilien. 
Ses  voyages  lui  avaient  rapporté  plus  de  gloire 
que  d'argent ,  et  les  économies  qu'il  avait  pu 
faire  avaient  été  promptement  absorbées  par  les 
besoins  d'une  famille  composée  du  père,  de  la 
mère,  de  deux  enfants  et  d'une  vieille  granJ'- 
mère.  Léopold  Mozart  ne  recevait  du  prince- 
archevêque  qu'un  traitement  mensuel  de  25  flo- 
rins (53  fr.  50  c,  soit  642  francs  par  an),  et  avait 
été  obligé  de  recommencer  à  donner  des  leçons. 
Pressé  parla  nécessité,  Wolfgang  se  décida  à 
entreprendre  un  second  voyage  en  France,  comp- 
tant sur  la  faveur  qui  "l'y  avait  accueilli  qua- 
torze ans  auparavant,  et  le  23  septembre  1777 
il  quitta  Salzbourg,  accompagné  celle  fois  seule- 
ment de  sa  mère.  Rien  de  plus  touchant  que  les 
adieux  de  ce  père  ouvrant  sa  fenêtre,  après  la  sé- 
paration ,  pour  suivre  encore  au  loin  des  yeux 
sa  femme  bien  aimée,  qu'il  ne  devait  plus  revoir, 
et  donnant  sa  bénédiction  à  son  enfant,  qu'il 
abandonnait  aux  soins  de  la  Providence.  Les 
deux  voyageurs  se  rendent  d'abord  à  Munich.. 
Mozart  est  présenté  à  l'électeur;  il  lui  demande 
d'entrer  à  son  service,  offrant  de  composer 
quatre  opéras  par  an  et  déjouer  tous  les  jours 
dans  les  concerts  de  la  cour,  moyennant  un  mo- 
dique traitement  de  500  florins  (1,050  francs 
environ  ).  Le  prince  répond  à  ceux  qui  s'inté- 
ressent à  l'artiste  :  «  Je  n'ai  rien  à  lui  refuser  ; 
mais  il  est  encore  trop  jeune,  nous  verrons  plus 
tard  ».  A  Augsbourg,  Mozart  est  obligé  de  donner 
un  concert  pour  snbveniraux  frais  deson  voyage. 
11  s'arrête  pendant  quelque  temps  à  Mannheim. 
L'électeur  palatin  l'accueille  avec  distinction, 
mais  ne  peut  lui  donner  aucun  emploi  :  il  n'y 
avait  pas  de  place  vacante  à  sa  cour;  Canne- 
bich  et  l'abbé  Vogler  les  occupaient.  Mozart  se 
dirigea  alors  sur  Paris,  où  il  arriva  le  23  mars 
1778.  Son  premier  soin  est  d'aller  voir  le  ba- 
ron de  Grimm  ;  il  est  présenté  à  Mme  d'Épinay, 
à  Legros,  directeur  du  Concert  spirituel,  à 
Noverre,  maître  des  ballets  de  l'Académie  royale 
de  Musique.  Il  espère  dans  les  promesses  qui 
lui  sont  faites;  mais  bientôt  il  rencontre  par- 
tout les  obstacles  qu'on  oppose  parmi  nous  à 
une  gloire  nouvelle.  Il  attend  vainement  pen- 
dant six  mois  le  livret  d'un  opéra  qu'on  devait 
lui  fournir.  Le  directeur  du  Concert  spirituel 
ne  daigne  pas  même  faire  copier  les  parties  d'une 
symphonie  concertante  que  Mozart  avait,  com- 
posée pour  les  plus  célèbres  instrumentistes,  et 
ne  remploie  qu'à  arranger  la  partie  vocale  du 


MOZART 

Miserere  d'Holzbauer.  Sa  mère  enfin   se  fii 
tait  qu'il  eût  trouvé  une  élève  qui   lui   p 
trois  louis  pour  douze  leçons.  Du  fond  de  s;  I 
traite ,  Leopold    Mozart  entretenait   une  ai 
correspondance  avec  son  fils,  qu'il  suivait  p  ) 
pas  dans  ses  actions  en  le  guidant  de  ses  s 
conseils.  Les  lettres  d  u  fils ,  pleines  de  res 
et  de  tendresse ,  révèlent  la  noble  fierté  de 
caractère  et   la  conscience  qu'il  avait  déji 
sou  génie.  «  Je  suis  compositeur  et  fils  de  m; 
de   chapelle,   écrivait  le  futur  auteur  de 
Juan,  et  je  ne  consentirai  certainement  p, 
enfouir  dans  l'enseignement  le  talent  que  ] 
m'a  si  libéralement  départi  pour  la  composil 
soit  dit  sans  orgueil,  car  je  le  sens  en  moi 
que  jamais.  »  Et  dans  une  autre  lettre  daté 
Paris  :  «  Ah!  s'écriait-il,  si  au  moins  il  y  ; 
ici  quelqu'un  qui  eût  des  oreilles  pour  enta 
et  un  cœur  pour  sentir.  »  Toute  l'attention 
blique  se  concentrait  à  cette  époque  sur  les 
relies  des  gluckistes  et  des  piccinistes.  . 
tout  on  agitait  la  question  de  savoir  si  la 
sique   devait  ou  non  être    l'élément    prédt 
nant  du  drame  lyrique.  Les  écrivains  pren; 
fait  et  cause  pour  ou  contre  dans  des  discuss 
bruyantes  ou  confuses,  dont  le  plus  grand  r 
bre  ne  comprenaient  pas  la  portée,  et  persi 
ne  se  doutait  qu'heureusement  pour  l'aveni 
l'art  il  y  avait  alors  dans  un  coin  de  Pari 
jeune  hommede  vingt-deux  ans  dont  lesœn 
impérissables  allaient  bientôt  trancher  la  q 
tion  en  réconciliant  les  deux  principes  excli; 
Mais   l'àme   profondément  sensible  de  Me 
avait  besoin,  pour  s'épanouir,  d'un  champ 
vaste  que  celui  où  la  peinture  des  passion 
trouvait  circonscrite  dans  le  cercle  de  la  réc 
Musicien  de  l'idéal,  le  grand  artiste  ne  com 
riait  pas  que  les  créations  de  son  génie  fram 
saient  tout  à   coup  un  trop   grand  espace 
être  appréciées  d'une  nation  à  peine  sortie 
voies  du  mauvais  goût  et  encore  indécise  su 
révolution   opérée  par  Gluck  dans  la  mus 
dramatique.    L'Allemagne  elle-même,    quoi 
plus  avancée,  n'était  pas  mûre  pour  tanl 
nouveautés. 

Au  milieu  des  obstacles  qu'il  rencontrai 
toutes  paris,  Mozart  eut  le  malheur  de  perdr 
mère,  qui  expira  dans  ses  bras,  le  3  juillet  1 
après  quelques  jours  de  maladie.  Le  séjou 
Paris  lui  devint  dès  lors  insupportable,  c 
26  septembre  de  la  même  année  il  quitta  < 
ville  après  avoir  refusé  la  place  d'organiste  < 
chapelle  de  Versailles.  Il  passa  par  Lané\ 
s'arrêta  quelques  jours  à  Strasbourg,  où  onl 
un  accueil  plus  honorable  que  fructueux ,  v 
de  nouveau  Mannheim  et  Munich,  et,  vers  le 
lieu  du  mois  de.  janvier  1779,  il  était  de  reto 
Salzbourg.  Fatigué  d'efforts  infructueux, 
vit  contraint  d'accepter  la  place  d'organistt 
la  cour,  que  le  prince-archevêque  consenti!  i 
offrir  avec  500  florins  d'appointements,  et  I 
née  suivante  celle  d'organiste  de  la  cathédi 


MOZART 


842 


circonstance  vint  heureusement  ranimer  le 
•âge  abattu  du  jeune  compositeur  et  témoi- 
que  la  renommée  européenne  dontil  jouis- 
déjà   n'était  encore  que    le  prélude  de   sa 
•e  future.  Au  commencement  du  mois  de  no- 
bre  1780,  Mozart  reçut  de  l'électeur  de  Ba- 
>,  Charles  Théodore,  l'invitation  de  se  remire 
midi  pour  y  écrire  la  musique  d'un  grand  opéra 
iné  au  théâtre  italien  de  la  cour.  Il  partit  aussi- 
ipour  cette  ville.  Après  s'être  entendu  avec 
>é  Varesco,  auteur  du  poëme,  et  avoir  pris 
missance  du  personnel  dramatique  dont  il 
'ait  disposer,  Mozart  se  mit  immédiatement 
euvre,  et  le  29  janvier  suivant,  jour  anni- 
aire  de  la  naissance  de  l'électeur,  Idomeneo, 
i  Creta,  opéra  sérieux  en  trois  actes,  fut  re- 
enté pour  la  première  fois.  Cet  ouvrage  n'était 
moins  qu'une  transformation  complète  de 
Le  caractère  mélodique  ne  rappelait,  comme 
t  observer  M.  Fétis  dans  le  jugement  éclairé 
a  porté   sur  cet  opéra,  ni  la   musique  pu- 
-rnt  italienne,  ni  la  musique  allemande,  for- 
sous   l'influence    de   celle-ci   par  Graun , 
*e  et  Benda,  ni  le  style  français,  ni  la  mo- 
alion  de  ce  style  par  Gluck.  Mozart  tirait 
'de  son  propre  fonds,  et  créait  une  musique 
nouvelle  par  l'expression  et  le  développe- 
:  de  l'idée  mélodique  que  par  la  forme  des 
mpagnements  et  la  richesse  des  combinai- 
i  harmoniques  et  instrumentales.  L'ouver- 
I  l'air  Padre  gerniani,  celui  à' Electre,  au 
siier   acte,  celui    A' Ma,    accompagné    de 
re  instruments  obligés,  le  chœur  Placido  è 
ir,  andiamo,  ceux  de  Picta,  Numi  !  et  Cor- 
w,  fuggiamo ,  tout  révélait  un  génie  puis- 
qui  prend  possession  de  sa  personnalité, 
ioarition  de  V Idomeneo  fut  le  véritable  avéne- 
1  de  Mozart  sur  la  scène  dramatique.  Le  suc- 
lie  cet  opéra  fut  immense.  Le  jour  de  la  pre- 
représentation,  un  vieillard,  caché  au  fond 
loge  obscure,  pleurait  à  chaudes  larmes  : 
lit  Léopold  Mozart  arrivé  la  veille  de  Salz- 
ig,  avec  sa  fille,  et  assistant  enfin  à  la  glo- 
ition  de  son  fils  chéri,  qui  avait  été  son  dis- 
et  qu'une  assemblée  transportée  d'enthou- 
îe  saluait  de  ses  applaudissements.  Mozart 
lit  d'atteindre  sa  vingt-cinquième  année, 
rès  l'éclatant  succès    de  V Idomeneo,  le 
fce-archevêque  de  Salzbourg,  homme  gros- 
et  avare,  qui  jusque  là  avait  méconnu  l'ar- 
extraordinaire  qu'il  avait  l'honneur  de  pos- 
r  à  sa  cour,  se  trouva  flatté  d'avoir  à  son 
ce  le  jeu  ne  compositeur  dont  s'entretenait  une 
ie  de  l'Allemagne,  et  s'en  fit  suivre  dans  un 
ge  qu'il  fit  à  Vienne  au  mois  de  mars  1781. 
'logea  dans  son  hôtel,  mais  voulut  le  con- 
dre  à  manger  à  l'office  avec  la  basse  domes- 
■  de  sa  maison.  Mozart,  à  qui  le  sentiment 
('éi  dignité  d'artiste  n'avait  jamais  failli ,  sup- 
Wi  d'abord  avec  patience  la  tyrannie  du  prélat, 
Wie  lui  permettait  pas  même  de  se  faire  en- 
terre sans  son  autorisation  dans  les  concerts  où 


il  était  souvent  invité.  La  crainte  de  faire  du  tort 
à  son  père  et  de  lui  faire  perdre  la  place  qu'il 
occupait  à  Salzbourg  le  retenait  dans  cette  si- 
tuation. Mais  un  beau  jour,  ne  pouvant  plus  ré- 
sister aux  humiliations  dont  il  était  abreuvé,  il 
rompit  le  joug  et  quitta  pour  toujours  le  service 
de  l'archevêque. 

Nous  voici  arrivés  à  cette  période  de  la  vie  de 
Mozart  où  son  génie  tendre  et  passionné,  fé- 
condé par  l'amour,  qui  en  fait  la  force,  et  triom- 
phant des  luttes  de  Ja  misère  et  de  l'envie,  va 
s'élever  au  plus  haut  degré  du  sublime.  Après 
s'être  séparé  de  l'archevêque ,  Mozart,  libre  dé- 
sormais de  ses  actions  ,  ne  chercha  pas  de  place, 
et  vécut  près  d'une  année  du  faible  produit  de 
son  travail  et  des  leçons  qu'il  donnait.  L'empe- 
reur Joseph  II  n'aimait  que  l'opéra  bouffe  ita- 
lien; la  musique  de  Mozart  était  trop  forte  pour 
ses  oreilles.  Cependant  il  chargea  le  composi- 
teur d'écrire  pour  le  théâtre  de  sa  cour  la  par- 
tition d'un  opéra  allemand  intitulé  :  Die  Ent- 
fûhrung  aus  dem  Sérail  (L'Enlèvement  au  sé- 
rail). Ce  charmant  ouvrage  en  deux  actes,  dont 
le  livret  était  du  poëte  Stephani ,  fut  représenté 
le  12  juillet  1782,  et  obtint  bientôt  un  succès 
populaire.  L'empereur,  en  adressant  au  musi- 
cien des  éloges  sur  son  œuvre ,  ne  put  s'empê- 
cher d'y  mettre  une  certaine  réticence  :  «  Bravo, 
mon  cher  Mozart,  lui-dit-il;  mais  il  y  a  peut- 
être  dans  tout  cela  un  peu  trop  de  notes.  »  — 
«  Juste  autant  qu'il  en  faut,  Sire,  »  répondit 
l'artiste.  Mozart  ne  reçut  de  Joseph  II  que  cin- 
quante ducats  pour  la  composition  de  cet 
opéra. 

Les  circonstances  dans  lesquelles  Mozart,  se 
trouvait  lorsqu'il  écrivit  son  opéra  de  L'Enlè- 
vement au  sérail,  ne  furent  pas  étrangères  sans 
doute  à  l'ardeur  des  sentiments  et  à  l'entrain 
étonnant  qui  régnent  dans  toute  cette  pièce.  De- 
puis longtemps  il  aimait  une  jeune  pianiste. 
Constance  Weber  (I),  dont  il  désirait  faire  la 
compagne  de  sa  vie.  «  Je  vous  supplie  par  tout 
ce  qu'il  y  a  de  saint  au  monde,  écrivait-il  à  son 
père,  de  donner  votre  consentement  à  mon  ma- 
riage   Vous  ne  pouvez  rien  avoir,  et  vous 

n'avez  rien  en  effet  à  me  reprocher,  ce  que  me 
prouvent  vos  lettres;  car  Constance  est  une  brave 
et  honnête  fille,  née  de  bons  parents,  et  je  suis  en 
état  de  lui  procurer  du  pain.  Nous  nous  aimons; 
nous  désirons  être  unis.  Que  reste- t-il  à  objecter  ?  » 
Léopold  Mozart  aurait  bien  eu  des  objections  à 
faire;  mais  c'était  un  homme  d'autrefois.  Il  pen- 
sait que  s'il  n'est  pas  sage  de  marier,  comme  on 
dit,  la  soif  avec  la  faim,  il  n'est  pas  chrétien  de 
vouloir  être  trop  prévoyant,  et  qu'un  artiste 
jeune ,  de  talent  et  d'avenir,  a  raison  d'épouser, 
même  sans  dot,  la  jeune  fille  qu'il  aime,  en  se 
fiant  à  son  travail  et  à  la  Providenee.  Malheu- 
reusement la  mère  de  Constance  s'opposait  à 


(1)  Sœur  cadette  àc  la  cantatrice  Aloïse  Weber,  qui  se 
fît  entendre  plus  tard  à  Paris  sous  le  nuin  de  M11'  Lange. 


843 


MOZART 


cette  union.  Mozart  enleva  sa  fiancée,  et  la  con- 
duisit chez  la  baronne  de  Waldstetten,  où,  lors- 
que toutes  les  difficultés  eurent  été  levées,  la 
noce  eut  lieu,  le  4  août  1782.  Trois  jours  après 
la  cérémonie,  Mozart  écrivait  à  son  père  :  «  Ma 
chère  Constance,  désormais,  grâce  à  Dieu,  ma 
véritable  femme  ,  savait  l'état  de  mes  affaires  et 
tout  ce  que  j'ai  à  attendre  de  vous;  je  lui  en 
avais  parlé  depuis  longtemps.  Mais  son  amitié  et 
son  amour  pour  moi  étaient  tels  qu'elle  n'hésita 
pas  un  instant  à  sacrifier  tout  son  avenir  à  ma 
destinée.  Je  vous  remercie ,  avec  la  plus  vive 
tendresse  qu'un  fils  ait  jamais  éprouvée  pour 
son  père,  de  votre  bienveillant  consentement  et 

de   votre    paternelle    bénédiction Lorsque 

notre  union  fut  prononcée,  ma  femme  et  moi, 
nous  nous  mîmes  à  fondre  en  larmes;  tous, 
même  le  prêtre,  partagèrent  l'émotion  de  nos 
cœurs.  La  fête  de  la  noce  consista  en  un 
souper  princier,  que  nous  donna  la  baronne  de 
Waldstetten,  et  pendant  lequel  on  me  fit  la  sur- 
prise d'une  musique  de  ma  composition  pour 
seize  instruments  à  vent.  —  Maintenant  plus  que 
jamais,  ma  chère  Constance  se  réjouit  de  partir 
pour  Salzbourg ,  et  je  parie  que  vous  serez  heu- 
reux de  mon  bonheur  quand  vous  la  connaîtrez, 
si  d'ailleurs  à  vos  yeux  comme  aux  miens  c'est 
un  bonheur  pour  un  homme  d'avoir  une  femme 
sensée,  honnête,  vertueuse  et  agréable.  » 

Dans  sa  nouvelle  situation,  Mozart  redoubla 
d'énergie.  Occupé  dans -la  matinée  à  donner  des 
leçons ,  presque  toutes  ses  soirées  étaient  prises 
par  les  concerts.  Dévoré  par  une  prodigieuse  ac- 
tivité d'esprit ,  il  trouvait  encore  le  temps  de 
composer  toute  sorte  de  musique,  et  jusqu'à  des 
contredanses  et  des  valses  pour  les  bals  publics. 
C'est  à  partir  de  cette  époque  qu'il  écrivit  ses 
plus  belles  œuvres  instrumentales,  entre  autres 
les  six  quatuors  pour  deux  violons,  alto  et  basse, 
qu'il  dédia  ensuite  à  Haydn,  précédés  d'une 
épître  remplie  d'admiration  et  de  respect  filial 
pour  le  père  de  la  symphonie.  31  travaillait  au 
second  de  ces  quatuors  lorsque  sa  femme  était  en 
couches  de  son  premier  enfant.  11  restait  dans 
la  chambre  de  la  jeune  mère,  et  chaque  foisqu'elle 
se  plaignait  il  courait  à  son  chevet  pour  la  con- 
soler et  l'égayer,  et  regagnait  sa  table  dès  qu'il 
la  voyait  tranquille.  L'heureux  caractère  de  Mo- 
zart, sa  confiance  en  lui-même  lui  faisaient  sur- 
monter toutes  les  difficultés.  Cependant,  le  pro- 
duit de  son  travail  était  loin  de  suffire  aux  be- 
soins de  son  ménage.  11  désirait  ardemment 
pouvoir  conduire  sa  femme  à  Salzbourg  pour  la 
présenter  à  son  vieux  père,  mais  il  avait  été 
obligé,  faute  d'argent,  de  reculer  ce  voyage.  Enfin, 
dans  les  derniers  jours  du  mois  d'août  1783,  il 
se  décida.  Au  moment  de  monter  en  voiture,  il 
fut  arrêté  par  un  créancier,  qui  exigea  impérieu- 
sement le  payement  de  trente  florins  (  60  francs 
environ)  que  l'artiste  lui  devait.  Après  un  séjour 
de  près  de  trois  mois  à  Salzbourg,  Mozart  revint 
à  Vienne.  Ces  trois  mois  n'avaient  pas  été  per- 


dus pour  l'ait,  puisque  pendant  ce  temps  ilavi 
produit  son  Davidde  pénitente,  oratorio  q 
renferme  des  beautés  du  premier  ordre,  et  dei 
duos  pour  violon  et  alto  ,  qu'il  composa  sous 
nom  de  Michel  Haydn ,  frère  du  grand  Hayd 
Michel  Haydn  étant  malade  et  ne  pouvant  rer 
plir  un  engagement  pris  envers  l'archevêque  ■ 
Salzbourg,  au  service  duquel  il  était  attaché, 
trouvait  menacé  d'être  privé  de  son  traitemer 
Mozart  vint  à  son  secours ,  et  sa  bonne  œuv 
fut  un  chef-d'œuvre. 

Plein  de  courage  et  de  foi  dans  l'avenir,  Mozf 
reprit  le  cours  de  ses  travaux.  Les  applaudiss 
ments  qu'il  recueillait  dans  les  concerts  et  su 
tout  l'approbation  des  maîtres  de  l'art  devaie 
le  consoler  des  intrigues  de  ses  rivaux,  qui  che 
chaient  à  amoindrir  sa  gloire.  «  Sur  mon  ho\ 
neur  et  devant  Dieu,  répondait  Haydn  à  Lé 
pold  Mozart,  qui,  étant  venu  à  Vienne  en  178 
demandait  à  ce  grand  musicien  de  lui  dire  av 
sincérité  ce  qu'il  pensait  du  mérite  de  son  fil 
Je  liens  votre  fils  pour  le  premier  descomp 
siteurs  de  nos  jours.  »  L'empereur  Joseph  ] 
qui  aimait  la  personne  de  Mozart  autant  qu'ils 
timait  son  talent,  chargea  le  compositeur  d'écri  ■ 
la  musique  d'un  petit  opéra  comique  en  un  ad 
intitulé  :  Der  Schauspieldireclor  (Le  Directe1 
de  spectacle) ,  qui  fut  joué,  au  mois  de  févri 
1786,  au  palais  de  Schœnbrunn.  Bientôt  apr 
avoir  donné  cette  bluette ,  Mozart  reparut  sur 
scène  lyrique  avec  Le  Xozze-  dï  Figaro ,  opé 
bouffe  en  quatre  actes.  Rien  de  ce  qu'un  av< 
entendu  jusque  alors  ne  pouvait  donner  l'idée 
cette  partition  colossale  par  l'abondance  des  aii 
des  duos,  et  par  la  grandeur  et  le  développemt 
des  morceaux  d'ensemble  de  caractères  difl 
rents.  Le  charme  et  la  nouveauté  des  mélodie 
la  richesse  et  la  variété  des  accompagnement 
tout  concourait  à  la  perfection  de  l'œuvre  c 
allait  faire  époque  dans  la  vie  de  l'artiste  comr 
dans  l'histoire  de  la  musique  dramatique.  U 
cabale  formidable,  montée  par  les  compositet' 
et  les  virtuoses  italiens,  faillit  arrêter  les  rép 
titions  de  l'ouvrage,  et  il  ne  fallut  rien  moi 
qu'un  ordre  de  l'empereur  pour  qu'au  mois 
mai  1786  Le  Nozze  di  Figaro  fussent  représe 
tées  sur  le  théâtre  italien  de  la  cour,  où,  malg 
l'opposition  de  ses  adversaires,  Mozart  obtint  i 
nouveau  triomphe.  Le  succès  de  cette  admirai 
partition  fut  général  en  Allemagne  dès  son  app 
rition.  Au  mois  de  février  1787,  Mozart  se  rem 
à  Prague,  et  y  jouit  en  personne  de  l'entho 
siasme  qu'excitait  son  dernier  ouvrage,  interprt 
sur  le  théâtre  de  cette  ville  par  une  excellai 
troupe  de  virtuoses  italiens,  dirigée  par  un  nomr 
Bondini.  A  son  entrée  dans  la  salle  de  spectac 
le  célèbre  artiste  fut  salué  par  de  bruyantes  a 
clamations,  qui  se  renouvelèrent  chaque  fois  qu 
assista  à  une  représentation.  Ému  d'un  pareil  a 
cueil  et  voulant  témoigner  sa  reconnaissance  ai 
habitants  de  Prague  en  composant  un  opéra  to 
exprès  pour  eux,  il  promit  à  Bondini  de  rêver 


"» 


MOZART 


846 


upe. 

V  son  retour  à  Vienne,  Mozart,  préoccupé  de 
igagement  qu'il  venait  de  contracter,  en  parla 
poêle  italien  Lorenzo  da  Ponte.  Celui-ci  avait 
à  jr»t«*  sur  le  papier  le  plan  d'un  libretto, 
ml  (tour  sujet  Don  Juan  ,  dont  il  avait  puisé 
cléments  dans  Tirso  de  Molina  et  dans  Mq- 

!«;  il  le  montra  à  Mozart,  qui  l'accepta.  Lo- 
zo  da  Ponte  se  mit  aussitôt  à  l'ouvrage  et  à 
sure  qu'il  terminait  une  scène ,  il  la  commu- 
aait  au  compositeur  dont  il  recevait  les  con- 

||  s  avec  beaucoup  de  déférence.  Au  moment  où 
/.art  se  disposait  à  écrire  la  musique  de  Don 
lin ,  il  eut  le  malheur  de  perdre  son  père, 
ppé  dans  la  plus  chère  de  ses  affections,  il  se 
tit  défaillir.  Il  avait  alors  trente  et  un  ans , 

I  léjè  le  pressentiment  de  sa  fin  prochaine  en- 
issait  son  âme.  Une  voix  semblait  lui  dire  : 
âte-toi  d'accomplir  ton  œuvre,  il  est  temps.  » 
«  La  mort ,  quand  on  y  réfléchit ,  écrivait-il 
is  une  de  ses  lettres ,  paraît  être  le  véritable 
de  la  vie.  Je  me  suis  tellement  familiarisé 
c  cette  idée,  qu'elle  n'a  rien  d'effrayant  pour 
i,  et  je  ne  me  couche  pas  sans  penser  que  le 
demain  je  puis  ne  pas  me  réveiller.  »Mais  une 
ice  tristesse  voilait  le  regard  de  l'artiste'  et 
onçait  le  regret  de  quitter  la  vie  dans  la  force 
l'âge  et  du  talent.  Ce  fut  dans  ces  disposi- 
is  d'esprit  que  Mozart,  accompagné  de  sa 
«ne,  partit  pour  Prague,  emportant  le  libretto 
«on  opéra,  dont  il  avait  seulement  esquissé 
lques  morceaux.  Dès  son  arrivée  dans  cette 
le-,  son  ami  Dùsseck  s'empressa  de  lui  offrir 
llogement  dans  sa  maison.  C'est  là  que  Mozart, 
feant  ses  plus  heureuses  inspirations  au  milieu 
heures  paisibles  de  la  nuit,  composa  la 
fsique  de  ce  drame  terrible,  où  tous  les  senti- 
jnts  du  cœur  humain  se  trouvent  exprimés 
I*  une  variété  incessante  qui  fait  succéder  l'i- 
|ge  la  plus  riante  au  tableau  le  plus  sombre; 
chose  inouïe,  le  mois  d'octobre  1787  lui  suffit 
écrire  cette  immense  partition ,  création 
finale  du  genre  de  musique  que  depuis  lors 
a  appelé  romantique.  On  commença  aussitôt 
répétitions  de  l'ouvrage,  qui  fut  représenté 
lis  la  même  année  sous  le  titre  de  II  disso- 
\opunito,  ossia  don  Giovanni.  La  rapidité 
te  laquelle  l'ouverture  fut  écrite  témoigne  de 
prodigieuse  facilité  du  compositeur.  La  veille 
lia  première  représentation,  cette  admirable 
(face  de  son  œuvre  n'était  encore,  dit-on,  que 
us  son  imagination;  rien  n'exislait  sur  le  pa- 
Après  avoir  passé  gaiement  la  soirée  avec 
elques  amis,  Mozart  se  mit  au  travail  à  deux 
ires  du  matin,  ayant  à  ses  côtés  sa  femme, 
lui  avait  préparé  un  grand  verre  de  punch. 
'.  copistes  avaient  été  prévenus,  et  le  lende- 
in  à  sept  heures  du  soir,  un  peu  avant  le  lever 
rideau,  les  feuilles  encore  humides  étaient 
cées  sur  les  pupitres  de  l'orchestre.  Quoiqu'on 
jt  pas  eu  le  temps  de  répéter  ce  morceau,  les 


ver  suivant  et  d'écrire  une  partition  pour  sa  .  musiciens,  dirigés  parStrolibnch.lourhabile chef, 

l'exécutèrent  avec  tant  de  chaleur  et  de  préci- 
sion ,  que  l'auditoire  put  à  peine  contenir  jusqu'à 
la  fin  les  transports  de  son  enthousiasme.  Don 
Juan  eut  un  immense  succès  à  Prague. 

A  son  retour  à  Vienne ,  au  commencement  de 
1788,  Mozart  y  fit  représenter  son  dernier  opéra. 
Mais,  à  l'exception  de  quelques  connaisseurs,  le 
public  viennois  resta  presque  indifférent  devant 
ce  chef-d'œuvre  de  l'art, auquel  il  préférait  alors 
l'opéra  de  Tarare,  de  Salieri.  Trop  de  beautés 
d'un  genre  nouveau  étaient  accumulées  dans  la 
partition  de  Mozart  pour  que  cette  œuvre  im- 
mortelle pût  encore  être  appréciée  à  sa  juste  va- 
leur. L'illustre  auteur  de  Don  Juan ,  qui  eut 
toujours  la  conscience  de  son  génie,  se  consolait 
en  disant  :  «  Don  Juan  a  été  composé  pour  les 
habitants  de  la  ville  de  Prague,  pour  quelques 
amis,  et  surtout  pour  moi.  »  Rien  ne  pouvait 
abattre  son  courage.  L'empereur  Joseph  II  lui 
avait  accordé  le  titre  de  compositeur  de  la  cour 
avec  une  modique  pension  annuelle  de  800  flo- 
rins. Toutes  les  ressources  pécuniaires  de  Mozart 
consistaient  dans  ce  revenu  et  dans  le  faible 
produit  de  ses  travaux.  Comme  son  talent  de 
pianiste  était  universellement  goûté,  il  faisait 
quelques  excursions  artistiques  en  Allemagne  et 
donnait  des  concerts.  Cependant, -malgré  sa  ré- 
putation, il  lui  arriva  de  jouer,  à  Leipsick,  de- 
vant les  banquettes  à  moitié  vides.  A  Vienne,  il 
se  trouvait  souvent  réduit  à  un  état  de  gêne 
extrême.  Pendant  un  voyage  que  Mozart  fit  à 
Berlin,  où  son  élève,  le  prince  Lichnowski,  l'a- 
vait conduit,  le  roi  de  Prusse,  Frédéric-Guil- 
laume, s'efforça  de  le  retenir  à  sa  cour  en  lui 
offrant  un  traitement  de  3,000  écus  (11,250 
francs).  A  cette  proposition  inattendue,  Mozart 
devint  tout  pensif  :  «  Mais,  sire  ,  répondit-il,  il 
me  faudrait  alors  quitter  mon  empereur.  »  —  «  Ré- 
fléchissez, répliqua  le  roi,  non  sans  une  certaine 
émotion  ,  car  if  connaissait  sa  position  précaire, 


réfléchissez ,  je  vous  donne  un  an  pour  vous 
décider.  »  Mozart  revint  à  Vienne  tout  préoccupé 
de  cette  offre.  Ses  amis  lui  conseillèrent  de  l'ac- 
cepter, et  finirent  par  le  déterminer  à  aller  de- 
mander sa  liberté  à  Joseph  II.  «  Comment,  mon 
cher  Mozart,  lui  dit  l'empereur,  vous  voudriez 
m'abandonner!  »  Mozart  demeura  interdit,  et, 
regardant  l'empereur  avec  attendrissement  : 
«  Majesté,  répondit-il,  je  reste  à  votre  service.  » 
Un  pareil  acte  de  dévouement  et  de  désintéres- 
sement méritait  d'être  récompensé;  cependant 
aucune  amélioration  ne  fut  apportée  dans  le  sort 
de  l'artiste. 

Mozart  commençait  à  ressentir  les  premières 
atteintes  d'une  maladie  de  poitrine  compliquée 
d'une  affection  nerveuse  qui  le  jetait  souvent 
dans  des  accès  de  sombre  mélancolie.  Le  travail 
seul  parvenait  à  le  distraire  de  ses  tristes  cen- 
sées. Parmi  les  nombreuses  œuvres  de  musique 
instrumentale  et  vocale  qu'il  produisit  pendant 
les  années  1788  et  1789,  se  trouvent  ses  trois 


817 

dernières  grandes  symphonies.  On  remarque 
aussi  la  nouvelle  instrumentation  du  Messie, 
de  Hsenrîel  ;  le  soin  qu'il  apporta  dans  cet  arran- 
gement et  dans  celui  de  quelques  autres  ouvrages 
du  même  maître  témoigne  de  l'admiration  qu'il 
avait  pour  son  talent. 

Chaque  jour  le  mal  qui  consumait  Mozart 
prenait  un  caractère  plus  alarmant.  On  voyait 
à  l'énergie  fébrile  que  l'artiste  déployait  qu'il 
sentait  approcher  sa  dernière  heure.  La  rapidité 
avec  laquelle  il  écrivait  était  telle  qu'il  semblait 
plutôt  improviser  que  composer,  et  néanmoins 
c'était  toujours  la  même  perfection  de  style,  la 
même  richesse  d'invention.  Souvent  il  arrivait 
à  un  état  d'épuisement  qui  l'obligeait  de  se  jeter 
sur  un  ,lit  de  repos  ;  mais  bientôt  il  reprenait 
son  travail.  Le  grand  musicien  ne  croyait  pas 
avoir  encore  assez  fait  pour  sa  gloire.  C'est  en 
cet  état  qu'il  écrivit,  au  mois  de  janvier  1790, 
son  charmant  opéra  en  deux  actes,  intitulé  Cosi 
fan  tut  le,  qui  eut  à  Vienne  un  brillant  succès. 
L'année  suivante,  à  la  demande  de  Schikaneder, 
directeur  du  théâtre  de  cette  ville,  il  entreprit 
la  composition  d'un  autre  opéra  en  deux  actes, 
Die  Zauberjlôle  (La  Flûte  enchantée),  qui  fut 
terminé  au  mois  de  juillet.  Cet  ouvrage,  remar- 
quable par  la  grâce  et  la  fraîcheur  des  idées  ,  et 
d'un  genre  complètement  différent  de  ceux  que 
Mozart  avait  écrits  jusque  alors,  fut  joué  au  mois 
d'août ,  et  son  apparition  excita  un  tel  enthou- 
siasme que  cent  vingt  représentations  successives 
purent  à  peine  fatiguer  l'attention  du  public. 
Partout  on  chantait  les  motifs  de  cet  opéra.  Ja- 
mais à  Vienne  on  n'avait  eu  d'exemple  d'un 
pareil  succès.  Exténué  par  l'excès  de  travail, 
Mozart  ne  put  assister  qu'aux  dix  premières  re- 
présentations, et  fut  obligé  de  garder  la  chambre. 
Là,  au  moment  où  le  spectacle  devait  commen- 
cer, il  posait  sa  montre  sur  sa  table ,  et  fixant 
tristement  les  yeux  sur  le  cadran,  il  suivait  le 
mouvement  des  aiguilles  pour  savoir  les  mor- 
ceaux qu'on  exécutait.  Un  soir  qu'il  était  plongé 
dans  les  lugubres  pensées  qui  l'assaillaient,  une 
voiture  s'arrêta  à  la  porte  de  sa  maison.  Un  per- 
sonnage inconnu  se  présente  et  demande  à  parler 
à  l'artiste.  On  l'introduit  auprès  de  Mozart. 
«  Monsieur,  dit-il  au  compositeur,  une  personne 
de  distinction  m'envoie  vers  vous....  —  Quel 
est  son  nom  ?  interrompit  Mozart.  —  Elle  désire 
rester  inconnue.  —  Et  que  veut-elle  de  moi  ?  — 
Cette  personne  a  perdu  un  de  ses  plus  chers  amis 
et  elle  voudrait  rendre  hommage  à  sa  mémoire 
en  faisant  célébrer  un  service  annuel  pour  lequel 
elle  vous  prie  de  vouloir  bien  composer  un  Re- 
quiem. »  Au  milieu  des  sombres  idées  qui  le 
dominaient,  Mozart  se  sentait  porté  à  traiter  un 
semblable  sujet;  il  consentit  sur-le-champ  à  la 
demande  qui  lui  était  faite.  «  Dans  combien  de 
temps  croyez-vous  pouvoir  livrer  votre  travail  ? 
reprit  l'inconnu.  —  Dans  un  mois.  —  Et  quelle 
somme  fixez-vous  pour  vos  honoraires?.  —  Cent 
ducats.  —  Les  voici.  »  Et  l'étranger  disparut. 


MOZART  8 

Malgré  les  sollicitations  de  sa  femme ,  Mozart 
mit  aussitôt  à  l'œuvre  avec  une  ardeur  qui  aur. 
bientôt  épuisé  le  reste  de  ses  forces  si  u 
circonstance  ne  fût  venue  le  distraire  de  ce  ti 
vail.  Dans  les  premiers  jours  du  mois  d'août  I7< 
le  compositeur  fut  chargé,  par  l'administrati 
du  théâtre  de  Prague ,  d'écrire  pour  les  fêtes  i 
couronnement  de  l'empereur  Léopold  II,  comi 
roi  de  Bohême ,  la  musique  de  l'opéra  de  M 
tastase ,  intitulé  La  Clemenza  di  Tito.  Moz; 
accepta,  et  partit  pour  Prague.  Le  délai  qui  I 
avait  été  fixé  était  tellement  court  qu'il  fut  obli 
de  réduire  l'ouvrage  en  deux  actes,  de  n'écri 
que  les  principaux  morceaux ,  et  de  confier  à  i 
de  ses  élèves  le  soin  de  faire  les  récitatifs.  Di 
huit  jours  lui  suffirent  pour  terminer  son  trava 
et  le  15  septembre  suivant  La  Clemenza 
Tito  fut  représentée.  —  Malgré  l'incroyable  i 
pidité  avec  laquelle  cette  partition  fut  écrite, 
plupart  des  morceaux  qu'elle  renferme,  ent 
autres  le  finale  du  premier  acte  et  le  trio  du  s 
cond  n'en  sont  pas  moins  encore  des  modèl 
de  grâce  et  de  perfection  de  style. 

Le  voyage  de  Mozart  à  Prague  avait  fait  dive 
sion  à  ses  idées  habituelles ,  et  lorsque  l'artis 
revint  à  Vienne  l'état  de  sa  santé  semblait  s'èt 
amélioré.  Il  reprit  son  Requiem;  mais  à  peii 
s'était-il  remis  à  ce  travail,  que  le  mystériei 
personnage  qui  le  lui  avait  demandé  se  présen 
de  nouveau  :  «  Il  m'a  été  impossible,  lui  à 
Mozart,  d'accomplir  ma  promesse.  —  Je  le  sais 
répartit  l'inconnu.  Mais  combien  de  temps  voi 
faut-il  encore  pour  terminer  votre  œuvre?  - 
Un  mois.  —  Eh  bien,  voici  cent  autres  ducat 
Adieu,  dans  un  mois.  »  La  visite  de  l'étrang 
messager  laissa  Mozart  dans  la  persuasion  qtr 
venait  de  recevoir  du  ciel  l'avertissement  de  s 
fin  prochaine.  «  Non,  disait-il  à  sa  femme,, 
ne  le  sens  que  trop ,  je  n'ai  plus  longtemps 
vivre.  C'est  à  mon  hymne  funèbre  que  je  ta 
vaille.  »  Ces  paroles  brisaient  le  cœur  de  s 
femme,  qui  ne  pouvait  parvenir  à  le  distraire  d 
cette  sombre  pensée.  —  Persuadée  que  l'attec 
tion  continue  de  son  mari  pour  la  composition  d 
son  Requiem  était  la  principale  cause  de  so 
exaltation  maladive,  la  pauvre  Constance  h 
confisqua  sa  partition.  Il  y  eut  en  effet  un  pe 
de  mieux  dans  l'état  de  l'artiste  dès  qu'il  inter 
rompit  l'œuvre  qui  absorbait  tout  son  être.  Le  1 
novembre  il  écrivit,  pour  un  cercle  d'amis,  un 
petite  cantate  ayant  pour  titre  :  La  louange  d 
l'amitié.  Les  applaudissements  prodigués  à  cett 
composition  donnèrent  un  nouvel  élan  à  son  es 
prit.  Il  réclama  à  plusieurs  reprises  la  partilioi 
de  son  Requiem  pour  la  continuer  et  l'achever 
Sa  femme  fut  obligée  de  céder  à  ses  instances 
mais  peu  de  jours  après  Mozart  retomba  dan! 
son  abattement  précédent.  Ses  forces  étaient  corn 
plétement  épuisées,  et  il  fut  contraint  de  prendn 
le  lit,  dont  il  ne  devait  plus  se  relever.  Le  5  dé- 
cembre 1791,  quelques  instants  avant  sa  mort, 
il  se  lit  donner  sa  partition,  qu'il  examina.  C'é- 


<49 


MOZART 


850 


ait  le  dernier  et  douloureux  regard  d'adieu  qu'il 
dressait  à  l'art  qu'il  avait  tant  aimé.  Puis  ser- 
ant  convulsivement  la  main  de  sa  femme,  ses 
eux  humides  se  tournèrent  vers  le  ciel  :  il  avait 
essé  d'exister.  Mozart  n'avait  pas  encore  at- 
aint  sa  trente-sixième  année.  Ainsi  s'éteignit, 
ntre  les  bras  de  sa  femme  (1)  et  de. ses  deux 
nfants  (2),  le  grand  artiste  dont  la  belle  âme  se 
i  diète  tout  entière  dans  ses  œuvres.  Partout  en 
i  ffet  dans  ses  ouvrages  on  retrouve  cette  ardente 
sensibilité  qui  fit  de  Mozart  un  fils  pieux  et 
imdre,  un  frère  plein  de  dévouement,  et  qui  lui 
ispira  l'amour  passionné  pour  celle  dont  il  fit 
:  compagne  de  son  existence.  Sous  l'humble  toit 
i e  la  famille,  sa  confiance  inaltérable  en  la  Pro- 
idence,  son  noble  et  courageux  désintéresse- 
lent  lui  font  rêver  le  bonheur  suprême,  non 
ms  la  fortune  et  les  honneurs ,  mais  dans  une 
e  de  travail  et  d'affection  toute  dévouée  à  l'art 

couronnée  par  la  gloire.  Tous  ses  sentiments 
mt  autant  de  rayons  divins  qui  lui  font  battre 

cœur,  fécondent  sa  pensée,  et  forment  un 
isemble  merveilleux  de  sublimité  et  de  grâce , 
;  simplicité  et  de  magnificence,  de  gaieté  douce 

de  mélancolie,  d'exquise  distinction  et  de  na- 
rel  charmant.  Dans  Mozart  on  aime  et  on  es- 
ne  l'homme  autant  qu'on  admire  l'artiste,  et 

dans  les  derniers  temps  de  sa  vie  il  tomba , 
ir  désespoir,  dans  quelques  écarts  passagers, 
i  ne  saurait  se  montrer  plus  sévère  que  Cons- 
mce,qui  les  lui  pardonna  et  l'aima  toujours  avec 
indresse,  parce  qu'elle  savait  que,  malgré  ces 
*arts ,  elle  était  elle-même  tendrement  aimée. 

Mozart  occupe  une  place  unique  dans  l'histoire 
i  la  musique  par  l'universalité  de  son  génie, 
infant,  il  étonne  par  les  prodiges  de  son  exé- 
|ition.  Homme  mûr,  il  surpasse  tout  ce  qu'a- 
Mt  promis  sa  jeunesse.  Il  excelle  dans  tous  les 
tores,  et  les  produits  de  sa  radieuse  imagina- 
un  font  progresser  l'art  dans  toutes  ses  parties, 
i  Comme  pianiste,  Mozart  fut  le  plus  grand 
irtuose  de  son  temps  en  Allemagne.  Une  lutte 
Rengagea  entre  lui  et  Clementi  lors  du  premier 
Wage  que  celui-ci  fit  à  Vienne,  en  1781.  Dans 
jtte  lutte,  ni  l'un  ni  l'autre  des  deux  artistes 
il/aux  ne  fut  vaincu,  parce  que  tous  deux  bril- 
lent par  des  qualités  différentes.  Si  Clementi 
I  distinguait  par  l'excellence  de  son  doigté ,  par 

précision,  le  goût  et  le  fini  de  son  exécution , 

ij  I)  La  veuve  de  Mozart  se  remaria,  en  1809,  à  Georges- 
icolas  de  Nissen,  conseiller  d'État  du  roi  de  Danemark. 
'  rès  la  mort  de  son  second  mari ,  arrivée  en  1826,  elle 
Mia,  en  1828,  un  gros  volume  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
B/Mozart.  Ce  livre  renferme  toute  la  correspondance  de 
itfamille  de  1  artiste,  des  articles  de  journaux  ,  des  por- 
■Vits,  de  s  morceaux  de  musique  etc.,  et  forme  un  recueil 
p  documents  authentiques  confusément  entassés  par 
•  i  de  Nissen. 

£12)  Des  six  enfants  que  Mozart  avait  eus  de  sa  femme, 
Riu  seuls  survécurent.  L'aîné,  Charles  Mozart,  naquit 
'ienne,  en  1784.  Le  second,  Wolfram-Amédée  Mozart, 
-.(tau  monde  dans  la  même  ville,  le  26  juillet  1791, 
(itre  mois  et  quelques  jour*  avant  la  mort  de  son  père, 
jus  deux  ont  embrassé  la  profession  d'artiste,  et  se  sont 
I  remarquer  par  un  talent  distingué  sur  le  piano. 


Mozart  se  faisait  remarquer  par  la  perfection  de 
son  jeu  ,  l'élégance  et  l'expression  de  son  style. 
Sa  manière,  plus  colorée,  plus  énergique,  donna 
naissance  à  l'école  de  piano  désignée  sous  le 
nom  d'école  de  Vienne,  et  qui  fut  continuée  par 
Beethoven  et  Hummel.  Lorsqu'il  improvisait  sur 
le  piano  ou  sur  l'orgue,  la  profondeur  de  ses 
idées,  l'art  avec  lequel  il  les  développait,  la  ri- 
chesse de  son  harmonie,  tout  aurait  pu  faire  sup- 
poser qu'il  exécutait  un  morceau  soigneusement 
préparé  d'avance. 

Comme  compositeur  de  musique  instrumen- 
tale, son  génie  créateur  se  révèle  jusque  dans 
ses  moindres  productions.  Ses  concertos  de 
piano  firent  bientôt  oublier  tout  ce  qu'on  avait 
écrit  précédemment  pour  cet  instrument.  Ses 
quatuors  des  œuvres  10  et  18,  ses  quintettes  en 
ut  mineur,  en  ré,  en  mi  bémol  et  en  sol  mi- 
neur, sont  des  chefs-d'œuvre  du  genre.  Dans 
ses  symphonies,  Mozart  ne  change  rien  aux  pro- 
portions tracées  par  Haydn,  son  illustre  prédé- 
cesseur. Mais  si  l'œuvre  de  Haydn  présente  la 
savante  et  admirable  peinture  d'une  réalité  pai- 
sible et  bien  ordonnée,  Mozart  donne  à  la  sienne 
un  charme  plus  pénétran*.  Il  domine  par  sa 
passion  entraînante,  et  sa  symphonie  en  sol 
mineur  ouvre  une  voie  nouvelle  dans  laquelle 
Beethoven  devait  ensuite  s'élancer  avec  toute  la 
fougue  et  l'énergie  de  sa  rêveuse  imagination. 

Dans  la  musique  dramatique,  Mozart  n'eut 
point  de.  rival.  Il  prenait  une  très-grande  part  à 
l'ordonnance  générale  des  libretti  sur  lesquels 
il  travaillait.  Selon  son  opinion,  dans  un  opéra, 
la  poésie  devait  être  la  fille  obéissante  de  la  mu- 
sique. Son  esprit  éclairé,  son  exquise  sensibilité 
lui  faisaient  saisir  avec  autant  de  tact  que  de 
sagacité  les  nuances  et  les  vraies  conditions  du 
drame  lyrique.  «  Les  passions  violentes,  dit-il, 
dans  une  de  ses  lettres  à  son  père ,  ne  doivent 
jamais  être  exprimées  jusqu'à  provoquer  le  dé- 
goût. Même  dans  les  situations  les  plus  horri- 
bles, la  musique  ne  doit  jamais  blesser  et  cesser 
d'être  delà  musique.  »  Mozart  avait  étudié  avec 
ferveur  les  œuvres  des  grands  maîtres  et  s'était 
familiarisé  avec  toutes  les  écoles  sans  avoir  de 
prédilection  exclusive  pour  aucune.  Son  génie 
conciliateur  féconde  la  science  harmonique  par 
le  charme  de  la  mélodie.  Si  Gluck,  qui  voulait 
que  la  musique  fût  la  traduction  littérale  de  la 
parole,  lui  apprit  le  langage  élevé  des  passions 
et  lui  inspira  le  goût  des  grandes  péripéties  tra- 
duites par  des  masses  chorales,  Mozart  lui  est 
supérieur  par  la  variété  des  idées,  par  la  sou- 
plesse du  style,  par  le  développement  des  mor- 
ceaux d'ensemble ,  par  la  richesse  de  l'instru- 
mentation. Il  crée  un  art  nouveau  ou  plutôt  il 
transforme  complètement  l'art  qui  l'avait  pré- 
cédé. Dans  cette  transformation  qui  commence 
à  Yldoménée,  Mozart  se  montre  aussi  grand 
poëte  que  grand  musicien.  Ses  opéras  de  YEn? 
lèvement  au  sérail,  des  Noces  de  Figaro,  de 
Don  Juan, de  La  Flûte  enchantée, de  La  Clé- 


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MOZART 


mence  de  Titus  sont  autant  de  chefs-d'œuvre 
de  genres  différents,  qui  semblent  n'appartenir 
au  même  auteur  que  par  la  perfection  qu'on  y 
trouve,  et  sur  lesquels  sont  venus  se  modeler 
tous  les  compositeurs  qui  ont  succédé  à  l'illustre 
maître. 

De  tous  les  compositeurs  allemands  de  son 
temps,  Mozart  est  peut-être  celui  qui  a  le  mieux 
compris  le  but  de  la  musique  d'église  et  qui  a 
donné  à  ses  œuvres  le  véritable  caractère  reli- 
gieux. Si  Haydn  se  fait  de  la  bonté  divine  une 
idée  qui  le  porte  par  dessus  tout  à  la  confiance 
et  lui  inspire  une  piété  tendre  et  gracieuse,  Mo- 
zart se  sent  plus  profondément  ému  de  la  puis- 
sance de  Dieu.  Son  grand  Kyrie,  en  ré,  ses  mes- 
ses nos  2,  4  et  5,  son  Misericordias  Domini, 
à  quatre  voix,  son  Ave  verum  corpus,  à  quatre 
voix,  'ses  hymnes  et  ses  cantates  d'église  sont  des 
productions  qui,  par  la  pureté  du  style  et  par 
l'élévation  de  la  pensée,  rappellent  la  plus  belle 
époque  de  l'école  italienne.  Son  Requiem  (1) 
exprime  en  de  sublimes  accents  la  terreur  du 
chrétien  qui  va  paraître  devant  le  juge  su- 
prême. 

Exploité  par  les  marchands  dé  musique  et  par 
les  directeurs  de  théâtre,  qui  abusèrent  étrange- 
ment de  son  insouciance  pour  ce  qui  était  de  sa 
fortune,  Mozart  ne  laissa  pas  même  de  quoi 
mettre  une  pierre  sur  sa  tombe.  Le  jour  de  son 
enterrement  les  fossoyeurs  s'étaient  pressés,  car 
il  faisait  un  temps  affreux,  et  il  ne  s'agissait  d'ail- 
leurs que  d'une  inhumation  pour  laquelle  on  n'a- 
vait pu  faire  que  les  dépenses  strictement  né- 
cessaires. Les  traces  de  sa  sépulture  disparurent 
bientôt.  Les  reclierches  que  l'on  fit  plus  tard 
pour  les  découvrir  n'amenèrent  aucun  résultat 
certain.  Cependant  l'Allemagne,  dans  sa  tardive 
reconnaissance  pour  l'artiste  qui  avait  fait  la 
gloire  de  son  pays  et  charmé  le  monde  par  la 
•  grandeur  et  la  fécondité  de  son  incomparable 
génie,  voulut  réparer  cet  outrage  du  temps ,  et 
en  1859,  c'est-à-dire  soixante-huit  ans  après  la 
mort  de  Mozart,  un  monument,  consistant  en  un 
socle  surmonté  de  la  statue  de  La  Musique ,  fut 
érigé  à  Vienne,  dans  le  cimetière  et  à  la  place  où 
il  y  a  lieu  de  supposer  que  reposent  les  restes 
mortels  de  l'illustre  auteur  de  Don  Juan. 

La  fécondité  de  Mozart  tient  du  prodige.  On 
ne  peut  se  faire  d'idée  de  tout  ce  qu'il  a  écrit 
depuis  l'âge  de  sept  ans  jusqu'à  sa  mort.  Il  a 
laissé,  tracé  de  sa  main ,  le  catalogue  de  ses 
compositions  depuis  le  9  février  1784  jusqu'au 
15  novembre  1791-  ;  le  détait  en  est  presque  fa- 

(1)  Mozart  avait  laissé  inachevé  son  Requiem,  qui  fut 
terminé  par  Siissmayer,  son  élève-  et  depuis  maître  de 
chapelle  à  Vienne.  Une  vive  polémique  s'engagea  plus 
tard  sur  la  question  de  savoir  quelle  élait  la  part  que  ce 
dernieF  avait  prise  à  l'ouvrage.  Parmi  ceux  qui  intervin- 
rent dans  celte  discussion,  l'abbé  Stadler,  maître  d"e  cha- 
pelle à  Vienne,  est  celui  qui  paraît  avoir  jeté  le  plus  de 
lumière  sur  la  question.  D'après  les  renseignements  qu'il 
a  fournis,  le  travail  de  Mozart  finirait  avec  Te  versel 
Hoslias,  et  le  reste-,  y  compris  la  plus  grande  partie  du 
Lacrymosa,  serait  l'œuvre  de  Siissmaycr. 


buleux.  Cependant,  malgré  tout  ce  que  l'on  con 
naît  de  lui ,  on  retrouve  encore  de  temps  ei 
temps  de  nouveaux  manuscrits.  Nous  nous  bor 
nerons  à  donner  ici  l'indication  sommaire  de 
ouvrages  de  Mozart  d'après  les  renseignemen 
que  fournit  le  supplément  de  la  biographie  de  a 
musicien  publiée  par  sa  famille ,  et  d'après  les 
divers  autres  catalogues  qui  ont  été  faits  de  se 
productions.  Mdsique  d'église  :  trente-six  cor 
positions  religieuses,  renfermant  des  messes,  Tt 
Deum,  litanies,  offertoires,  motets  et  cantates 
d'église.  Un  Stabat  mater  et  le  fameux  Re- 
quiem terminé- par  Sùssmayer.  —  Oratorios 
trois  oratorios  ;  deux  datent  de  la  jeunesse  di 
compositeur  ;  le  troisième,  intitulé  Davidde  pé- 
nitente, pour  trois  voix  et  orchestre,  fut  écrii 
à  Salzbourg,  en  1783;  cette  œuvre,  remarquable 
par  l'expression  mélancolique ,  est  plutôt  uni 
cantate  développée  qu'un  véritable  oratorio.  — 
Opéras  :  musique  pour  une  comédie  latine  inti 
tulée  :  Apollon  et  Hyacinthe,  composée  en  1767 
à  l'âge  de  onze  ans,  pour  l'université  de  Salz 
bourg;  —  Bastienel  Bastienne,  opéra  allemand 
Vienne  (176S);  — La  fin  la  Simplice,  opér; 
bouffe  composé,  à  Vienne,  pour  l'empereur  Jo- 
iephll(1768).  — Milridate,  opéra  sérieux  ita- 
lien, entrais  actes,  représenté  à  Milan  (1770)  ;  • 
Ascanio  in  Alba,  cantate  dramatique,  en  àem 
parties,  à  Milan.  (1771);  —  Il  Sogno  di  Sci- 
pione,  sérénadeécrite  pour  l'installation  de  l'ar- 
chevêque de- Salzbourg  (  1772  );  —  Lucio  Si  lia, 
opéra  sérieux,  à  Milan  (1773);  —  Zaïde,  opéra 
vraisemblablement  écrit,  dans  la  même  année, 
pour  Venise;  —  La  finta  Giardiniera ,  opéra 
bouffe,  à  Munich  (  1774)  —  Il  Re  pastore,  pas- 
torale en  deux  actes,  à  Salzbourg  (  1775)  ;  — 
chœurs  et  entractes  pour  un  drame  intitule 
Thamos  d'Egypte,  pour  quatre  voix  et  orches- 
tre ;  —  ïdomeneo,  re  di  Creta,  opéra  sérieux, 
en  trois  actes,  à  Munich  (1780  )  ;  — •  Dte  Ent/u- 
hurung  aus  dem  Sérail  (L'Enlèvement  au  sé- 
rail), opéra  comique,  en  deux  actes ,  à  Viennei 
(  1782  )  ;  —  trio  et  quatuor  pour  La  Villunella 
rapita,  à  Vienne  (1785)  ;  —  Der  Schauspiel- 
direetor  (Le  Directeur  de  spectacle),  opéra 
comique,. en  un  acte,  à  Vienne  (1786);  —  Le 
Nozze  di  Figaro  (Les  Noces  de  Figaro),  opéra 
bouffe,  en  quatre  actes,  à  Vienne  (1786  ).  Cet 
admirable  chef-d'œuvre,  ridiculement  traduit 
en  français,  fut  représenté  sans  succès  à  Paris, 
sur  le  théâtre  de  la  Nation  (l'Opéra)  en  1793; 
—  //  Dissoluto  punito,  ossia  Don  Giovanni, 
drame  lyrique,  en  deux  actes,  à  Prague  (  1787). 
Ce  ne  fut  qu'en  1811  que  l'opéra  de  Don  Juan 
fit  son  apparition  sur  le  Théâtre-Italien  de  Paris; 
il  ne  pénétra  en  Italie  que  vers  1814;  —  Cosi 
fan  tulle,  opéra  bouffe,  en  deux  actes-,  à  Vienne 
(1790);  —  Die  Zauber  fiole  (La  Flûte  enchan- 
tée), opéra  romantique,  en  deux  actes,  à  Vienne 
(1791).  Quelques  années  plus  tard,  en  1801, 
cet  ouvrage,  indignement  mutilé  par  un  arran- 
geur, fut  représenté  à  l'Opéra  de  Paris ,  sous  le 


(53  MOZART 

iCre  de  Mystères  d'Isis  f  —  La  Clemenza  di 
ilo  (  La  Clémence  de  Titus  )  ;  opéra  sérieux,  en 
I  eux  actes,  à  Prague  (  1791  )  ;  —  quatre  ballets 
lt  pantomimes.  —  Musique  de  chant  :  quatre 
Uiceurs,  à  quatre  voix  et  orchestre;  —  neuf 
antates  do  francs-mâçons,  avec  orchestre;. — 
[uarante-trois  airs,  duos  et  trios  italiens,  avec 
>  u  sans  récitatifs,  et  avec  orchestre  ;  —  seize 
I  anons,  à  trois  et  quatre  voix  ;  —  trente-quatre 
[dansons  allemandes  ;  —  quelques  solfèges  pour 
exercices  de  chant.  Musique  instrumentale, 
Iymphonies,  quintettes,  quatuors,  etc.  :  trente- 
ois  symphonies  pour  l'orchestre  :  on  n'en  con- 
:  ait  qu"e  dix-sept,  mais  on  trouve  les  thèmes  de 
■  uelques  autres  dans  le  catalogue  thématique  de 
ueitkopf  ;  —  quinze  ouvertures  à  grand  or- 
l.  hestre  ;  —  quatorze  divertissements  pour  plu- 
I  ieurs  instruments,  parmi  lesquels  on  trouve  plu- 
teurs  suites  d'harmonie  ;  —  Plaisanterie  musi- 
,  île  pour  deux  violons,  alto,  deux  cors  et  basse; 
li-  huit  quintettes  pour  deux  violons,deux  violes 
N  basse;  —  quintette  pour  harmonica,  flûte, 
il  autbois.altoet  violoncelle  ;  —  vingt-six  quatuors 
;our  deux  violons,  alto  et  basse;  —  un  quatuor 
.  our  hautbois,  violon,  atlo  et  basse,  et  un  quatuor 
ourflûte;  —neuf  trios  pour  deux  violons  et  basse, 
[i  t  un  trio  pour  violon ,  alto  et  violoncelle.  Ce, 
dernier  seul  a  été  publié;  —  cinq  concertos  pour 
[}  ;  violon  ;  un  seul  a  été  gravé  ;  —  six  concertos 
[jour  le  cor;  on  n'en  a  publié  qu'un  seul; — un 
Ijoncerto  pour  le  basson  ;  —  un  concerto  pour  la 
trompette;  —  un  concerto  pour  la  clarinette;  — 
i  lus  de  cent  danses,  menuets  et  valses  pour 
fe orchestre;  —  marches  pour  musique  militaire. 
|-  Musique  de  piano  :  vingt-trois  concertos 
i.  our  le  piano:  on  en  a  publié  vingt  et  un;  — 
ringt-trois  trios  pour  piano ,  violon  et  violon- 
celle ;  —  un  quintette  pour  piano,  hautbois, 
||  larinette,  cor  et  basson  ;  —  trente  et  une  sonates 
l-iour  piano  ;  —  quatre  sonates  pour  piano  à 
|[uatre  mains  ;  —  Fantaisie,  idem  ;  —  Sonate  et 
lugue  pour  deux  pianos  ;  —  Fantaisie  pour  deux 
pianos  ;  —  quatre  rondos  pour  piano  seul  ;  —  une 
dnultitude  de  thèmes  variés  pour  le  piano  à  deux 
$it  à  quatre  mains  ;  —  un  concerto  pour  trois 
irianos  et  orchestre ,  composé  en  1777.  Mo- 
zart a  fait  une  nouvelle  instrumentation  des 
Quatre  ouvrages  suivants  de  Haendel ,  Acis  et 
iGalalhée,  Le  Messie,  La  Fêle  d'Alexandre,  et 
.\La  Sainte-Cécile.  On  a  de  lui  une  Méthode 
'abrégée  de  basse  générale,  ou  fondements  de 
)asse  générale,  dont  l'authenticité  n'est  pas 
ilouteuse,  quoiqu'il  ne  l'ait  pas  composée  pour 
ja  rendre  publique.  Outre  les  ouvrages  que  nous 
menons  de  citer,  Mozart  a  jeté  sur  le  papier  une 
quantité  prodigieuse  d'idées  dans  des  morceaux 
|}u'il  n'a  point  achevés.  La  plupart  de  ces  frag- 
ments, dont  on  trouve  l'indication  détaillée  dans 
i.e  supplément  de  la  biographie  de  Mozart  par  le 
Conseiller  de  Nissen,  ont  été  possédés  par  l'abbé 
litadler,  maître  de  chapelle  à  Vienne.  Parmi  ces 
fragments,   on»  remarque  les   commencements 


MOZIN 


854 


d'une  symphonie  concertante  pour  piano  et  violon 
avec  orchestre  ;  de  trois  rondos  pour  piano  et 
orchestre;  d'un  quintette  pour  piano,  hautbois, 
clarinette,  cor  anglais  et  basson  ;  de  différents 
morceaux  avec  ou  sans  accompagnements ,  so- 
nates, fugues,  préludes,  fantaisies,  etc.  ;  de  plu- 
sieurs symphonies,  ouvertures,  quintettes,  qua- 
tuors, trios  pour  divers  instruments  à  cordes 
et  à  vent;  de  sept  Kyrie,  pour  quatre  voix  et 
orchestre;  d'un  Gloria;  du  psaume  Mémento 
Domine  David,  à  quatre  voix;  d'une  cantate 
allemande  Die  Seele  des  Weltalls,  6  Sonne 
(  Ame  du  monde  ,  ô  Soleil  !  ) ,  pour  deux  ténors 
et  basse ,  avec  chœur  et  orchestre  ;  et  entin  de 
deux  petits  opéras  ,  l'un  italien  ,  et  l'autre  alle- 
mand: Dieudonné  Denne-Baiion. 

Correspondance  littéraire  de  Crimm  et  de  Diderot.  — 
Mozart's  Leben  (Vie  de  Mozart)  par  de  Niemtschek  ; 
Prague,1798.—  Anecdotes  sur  Mozart,  traduilesde  Rrccli- 
litz  p;ir  Cramer;  Paris,  1801.  —  Mozart'i  Geist  ( Esprit 
de 'Mozart);  Erfurt,  1803.  —  Godefroi  Weber,  Ergebnisse 
der  bisherir/en  Forschungen  iXber  die  Echtlieit  des 
Mozartsclien  Bequiem  (  Résultat  des  recherches  faites 
jusqu'à  ce  jour  sur  l'authenticité  du  Requiem  de  Mozart  ); 
Mayetice,  1826.  —  Stadler;  Vertkeidiavnq  der  Eehtheit 
des  Mozartschen  Requiem,  etc.  (Défense  de  V Authenticité 
du  Requiem  de  Mozart,  etc.)  ;  Vienne,  1826.  —  Stadler, 
Nachtrag  dur  Vertheidiqung  der  Eehtheit  des  Mozarts- 
chen Requiem  (Supplément  à  la  Défense  de  V Authenticité 
du'  Requiem  de  Mozart);  Vienne,  1827.  —  Biographie 
W.  A.  Mozart's,  von  Ceorg  Nikoïaus  von  Nissen; 
Leipsick,  1828.  —  Anhang  zu  IVolfgang  Amedeus  Mo- 
zart's Biographie,  Supplément  de  l'ouvrage  précédent; 
Leipzig,  1828.  —  Fétis,  Biographie  universelle  des  Mu- 
siciens. —  Mozart  et  son  Don  Juan,  dans  le  recueil  in- 
titulé Critique  et  littérature  musicales,  par  P.  Scudo; 
Paris,  1850  —  Mozart,  vie  d'un  artiste  chrétien  au 
dix-huitième  siècle,  extraite  de  sa  correspondance  au- 
thentique, traduite  de  l'allemand  par  l'abbé  Goschler; 
Paris,  1857.  —  if.-A,  Mozart,  par  le  docteur  Henri 
Doering,  traduit  de  l'allemand  par  C.  Viel  ;  Paris,  1860. 

mozetto.  *  Yoy.  Moccetto  {  Girolamo). 

mozin  (***),  grammairien  français,  né  à 
Paris,  en  1771 ,  mort  à  Stuttgard,  le  2  mai 
1840.  Entré  dans  les  ordres ,  il  quitta  la 
France  pendant  la  terreur,  et  s'établit  à  Stutt- 
gard, où  il  donna  des  leçons  de  français;  il  en- 
seigna ensuite  pendant  quelques  années  cette 
langue  à  l'école  de  commerce;  vers  la  fin  de  sa 
vie  il  tomba  dans  l'indigence.  Il  a  publié  un 
grand  nombre  d'ouvrages  destinés  à  faciliter  aux 
Allemands  la  connaissance  du  français  et  aux 
Français  celle  de  l'allemand;  nous  citerons  : 
Anecdotes  françaises-allemandes  ;  Stuttgard, 
1827,  quatrième  édition  :  —  Nouvelle  Gram- 
maire allemande;  cinquième  édition  ;  Stuttgard, 
1836,  —  Franzôsische  Sprachlehre  (Gram- 
maire française);  Stuttgard,  1840,  in-8°;  on- 
zième édition;  —  Dictionnaire  complet  des 
Langues  Française  et  Allemande  ;  Stuttgard , 
18tl-18i2  et  1827,  2  vol.  in-4° ;  une  nouvelle 
édition  de  cet  excellent  ouvrage,  revue  et  aug- 
mentée par  Peschier,  parut  à  Stuttgard,  1840- 
1844,  et  1856,  4  vol.  r.,  in-8°;  —  Diction- 
naire de  poche  Allemand -Français  et  Fran- 
çais-Allemand; Stnligârd,  1817,  in-16  ;  SOU' 
vent  réimprimé.  O. 

Conversations-  LexiKon. 


855  MOZIN  — 

*  MOZIN  (  Charles-Louis),  peintre  français, 
né  à  Paris,  en  1806.  Élève  de  Xavier  Leprince, 
il  s'adonna  surtout  à  la  peinture  de  genre  et  de 
marine.  Il  débuta  au  salon  de  1827,  et  obtint  en 
1837  une  médaille  de  lre  classe.  Ses  principaux 
tableaux  sont  :  La  Prise  de  l'Hôtel  de  Ville, 
en  1830  (1831  ) ,  exécuté  avec  M.  Beaume,  et 
acheté  par  le  roi  Louis-Philippe  ;  —  La  Cava- 
lerie française  prenant  la  flotte  batave  gelée 
dans  le  Texel  (  1836), au  Musée  de  Versailles;  — 
Prise  de  Vile  de  Bommel  par  Vannée  fran- 
çaise,en  1794(1837),  à  Versailles;  —  Com- 
bat d'Aldenhoven,  en  1796  (1838),  à  Ver- 
sailles;—  Combat  de  Moucron,en\79b  (1849), 
à  Versailles;  —  Le  Port  de  Honfleur  (1853);  — 
(Port  de  Rouen  (1855)  ;  —  Vue  de  Trouvtlle 
1857).  G.  de  F. 

Annuaire  des  Artistes  français.  —  Livrets  des  expo- 
sitions. 

MOZZI  (  Marc-Antoine),  savant  littérateur 
italien,  né  à  Florence,  le  17  janvier  1678,  mort 
à  Venise,  le  4  avril  1736.  11  étudia  dans  sa  ville 
natale  la  théologie  et  le  droit,  tout  en  s'adonnant 
à  la  poésie  et  à  la  musique ,  qu'il  aimait  avec 
passion.  Son  habileté  sur  la  mandoline  lui  valut 
d'être  souvent  attiré  à  la  cour.  En  1700,  il  reçut 
un  canonicat  dans  sa  ville  natale,  et  il  y  fut 
chargé  deux  ans  après  de  la  chaire  de  littéra- 
ture toscane.  Élu  membre  de  l'Académie  de  la 
Crusca,  il  en  devint  archi  -consul.  Prédicateur 
renommé,  il  prononça  en  1701  devant  la  cour 
l'oraison  funèbre  de  Charles  II,  roi  d'Espagne, 
et  en  1703  devant  le  chapitre  métropolitain  celle 
de  l'archevêque  Léon  Strozzi.  On  a  de  lui  : 
Sonetti  sopra  i  nomi  dati  ad  alcune  dame 
Florentine  dalla  principessa  Violanta  ;  Flo- 
rence, 1 705  ;  —  Istoria  di  S.  Cresci  e  de' 
sanli  martijri  suoi  compagni,  corne  pure 
délia  chiesa  del  medesimo  sunto  posta  in 
Volcava  di  Mugello  ;  Florence,  1710,  in-fol., 
avec  fig.  ;  —  Discorsi  sacri  ;  Florence,  1717  ; 
—  Vita  di  Lorenzo  Bellini,  dans  les  Vite  de- 
gli  Arcadi  ;  —  Orazione  funerale  del  abate 
A.  M.  Salvini,  dans  les  Prose  toscane  de  Sal- 
vini.  O. 

Degli  Vomini  illustri  Toscani,  t.  IV. 

mozzi  (Luigi),  savant  ecclésiastique  italien, 
né  le  26  mai  1746,  à  Bergame,  mort  le  24  juin 
1813,  près  de  Milan.  De  famille  patricienne,  il  fut 
admis  en  1763  chez  les  Jésuites  ;  il  professait 
au  collège  des  Nobles  à  Milan  lorsque  la  société 
dont  il  faisait  partie  fut  dissoute  par  Clément  XIV 
(  1773).  Rentré  à  Bergame,  il  y  fut  chargé 
d'examiner  les  candidats  pour  le  sacerdoce,  et 
devint  chanoine  et  archiprêtre.  Sa  piété  vive  et 
le  zèle  qu'il  déploya  dans  les  controverses  sou- 
levées en  Italie  par  les  jansénistes  lui  firent  une 
grande  réputation  ;  appelé  à  Rome,  il  fut  nommé 
missionnaire  apostolique,  et  membre  de  l'Aca- 
démie des  Arcades.  En  1804  il  rejoignit  ses  con- 
frères dans  le  royaume  de  Naples;  mais  ils  ne 
tardèrent  pas  à  être  de  nouveau  dispersés,  et 


MUCIANUS  856 

Mozzi  se  retira  dans  une  villa  située  aux  envi- 
rons de  Milan,  et  qui  appartenait  au  marquis 
Scotti.  Parmi  les  nombreux  écrits  qu'il  a  laissés, 
nous  citerons  :  Le  Jansénisme  dans  son  beau 
jour,  ou  idée  du  jansénisme;  Venise,  1781, 
2  vol.  in-8°;  —  Histoire  abrégée  du  Schisme 
de  la  nouvelle  Église  d'Vtrecht;  Ferrare, 
1785,  in-8°;  Gand,  1329,  in-8°  ;  —  Les  cin- 
quante Raisons  pour  préférer  l'Église  catho- 
lique; Bassano,  1789,  in  8o,  trad.  de  l'anglais 
du  duc  de  Brunswick  ;  —  Les  Projets  des 
incrédules  pour  la  ruine  de  la  religion,  dé- 
voilés dans  les  œuvres  de  Frédéric,  roi  de 
Prusse;  3e  édit.;  Assise,  1791,  in-8°  ;  —  Abrégé 
historique  et  chronologique  des  plus  impor- 
tants jugements  du  saint-siége  sur  te  baïa- 
nisme ,  le  jansénisme  et  le  quesnellisme  ; 
Foligno,  1792,  2  vol.  in-8°.  P. 

Dizionario  istorico  Bassanese. 

mozzolino.  Voy.  Mazolini. 

muciamjs  (P.  Licinius  Crassus  Dives), 
grand  pontife  et  jurisconsulte  romain,  fils  de 
P.  Mucius  Sceevola,  consul  en  175  avant  J.-C, 
frère  de  P.  Mucius  Scsevola,  consul  en  133, 
mort  en  130  avant  J.-C.  Il  fut  adopté  par  P.  Li- 
cinius Crassus,  et  prit  à  cette  occasion  le  nom 
de  Crassus  avec  l'addition  de  Mucianus,  qui  in- 
diquait s*»  première  gens.  Il  succéda  à  Scipion 
Nasica  dans  la  dignité  de  souverain  pontife,  et 
fut  élu  consul  en  131.  Il  quitta  Rome  cette  année 
même  pour  diriger  la  guerre  contre  Aristonicus, 
qui  se  maintenait  dans  la  possession  du  royaume 
de  Pergame,  légué  aux  Romains  par  Attale  III.  II 
ne  lut  pas  heureux  dans  cette  guerre.  Défait 
par  Aristonicus  au  siège  de  Leucé,  il  se  vit  en- 
veloppé entre  Élée  et  Smyrne  par  la  garde  thrace 
d'Aristonicus.  Pour  éviter  d'être  fait  prisonnier;, 
il  excita  un  de  ces  Thraces  à  le  tuer.  Sa  tête  M. 
portée  à  Aristonicus.  L'historien  Sempronias 
Asellio,  cité  par  Aulu-Gelle,  dit  que  Crassus  pos- 
sédait cinq  choses  qui  sont  les  meilleures  parmi 
les  bonnes;  il  était  très-riche,  noble,  éloquent,  . 
très-versé  dans  le  droit  et  souverain  pontife.  Il 
eut  deux  tilles ,  mariées  l'une  à  C.  Sulpicius 
Galba,  l'autre  à  C.  Sempronius  Gracchus.  Mu- 
cianus était  orateur  et  jurisconsulte,  éminent  à 
ces  deux  titres,  mais  cependant  inférieur  comme 
orateur  à  P.  Sulpicius  Galba.  Y. 

Tlte-Live,  Epitome,  69.  —  Ciccron  (voy.  VOnomasticon 
Tullianum  il'Orelli).  —  Drumann,  Geschichte  Moins,  à 
l'art.  Licinii  Crassi,  n°  21. 

mitciancs  Licinius,  ou  mccien,  général 
romain,  trois  fois  consul  en  52,  70  et  75  après 
J.-C,  vivait  dans  le  premier  siècle  de  l'ère  chré- 
tienne. Tacite  a  résumé  en  quelques  lignesexpres- 
sives  son  caractère,  et  sa  carrière.  «  Homme  éga- 
lement fameux  par  ses  disgrâces  et  par  sa  fa- 
veur, dit-il  :  jeune,  il  avait  cultivé  ambitieuse- 
ment les  grandes  liaisons;  depuis,  ayant  dissipé 
toute  sa  fortune,  sa  situation  devint  critique,  et, 
menacé  de  la  colère  de  Claude,  il  resta  oublié 
dans  un  coin  de  l'Asie,  tout  aussi  près  de  l'exil 


857 


MUCIANUS 


que  depuis  il  le  fut  de  l'empire  ;  associant  les 
qualités  bonnes  et  mauvaises,  la  mollesse  et  l'ac- 
tivité, la  politesse  et  l'arrogance,  trop  d'abandon 
aux  voluptés  dans  les  loisirs,  et  de  grandes  ver- 
tus quand  il  le  fallait.  Sa  vie  publique  était  louée, 
on  blâmait  sa  vie  privée.  Puissant  par  ses  sé- 
ductions sur  ses  inférieurs,  ses  amis,  ses  collè- 
|  gués,  il  aima  mieux  donner  l'empire  que  l'ob- 
i  tenir.  »  On  regrette  de  ne  pas  avoir  plus  de  dé- 
t  tails  sur  ce  personnage  éminent.  Dans  sa  jeu- 
uesse  il  courtisa  assidûment  la  faveur  des  grands, 
|  et  réussit  à  obtenir  le  consulat  sous  le  règne  de 
I  Claude,  en  52  après  J.-C.  Ayant  dissipé  sapro- 
1  priété  et  devenu  un  objet  de  soupçons  pour 
f  Claude,  il  se  retira  en  Asie,  et  il  y  vécut  presque 
j  dans  la  condition  d'un  exilé,  quoiqu'il  portât  le 
|  titre  de  légat .  Le  lieu  de   sa  retraite  était  la 
I  Lycie.  Sous  le  règne  de  Néron,  il  rentra  en  fa- 
veur à  la  cour  impériale.  A  la  mort  de  ce  prince, 
i  en  68,  il  avait  le  commandement  de  la  province 
de  Syrie  avec  quatre  légions,  tandis  que  Vespa- 
sien  était  dans  la  contrée  voisine,  en  Judée  à  la 
tête  de  trois  légions.  Jusque-là  Mucien  et  Ves- 
l  pasien  n'avaient  pas  été  en  bonne  intelligence , 
mais  ils  se  rapprochèrent  dans  la  prévision  de 
Lgraves  événements  politiques.  Le  principal  in- 
termédiaire de  cette  réconciliation  fut  Titus,  que 
Afucren   aimait  "beaucoup.  Les  deux  généraux 
prêtèrent  serment  à  Othon  ;  mais  quand  une  nou- 
velle révolution  militaire  eut  donné  la  pourpre 
«impériale  à  Vitellius,  Mucien  pressa  Vespasien  de 
revendiquer  le  trône  pour  lui-même.  Après  de 
Wongues  hésitations,  Vespasien  y  consentit.  Mu- 
pien  fit  aussitôt  prêter  serment  par  ses  soldats 
au  nouvel  empereur,  et  faisant  ses  préparatifs 
de  campagne  avec  une  grande  rapidité,  il  mar- 
pha  sur  l'Italie.  Malgré  sa  promptitude,  il  fut  de- 
vancé par  Antonius  Primus.  Cet  aventureux  gé- 
néral marcha  audacieusement  sur  Rome,  où  il 
pntra  après  avoir  dispersé  les  forces  de  Vitellius, 
handis  que  Mucien  repoussait  dans  la  vallée  du 
Danube  une  invasion  des  Daces.  Le  premier  acte 
officiel  de  Mucien  fut  une  lettre  au  sénat.  Il  ar- 
riva à  Rome  peu  de  jours  après,  et  prit  en  main 
'autorité  souveraine,  quoique  Domitien  fût  no- 
minalement à  Ja  tête  des  affaires.  11  vivait  en 
kéritable  souverain;  cependant  il  ne  varia  point 
dans  son  dévouement  à  Vespasien.  Lorsque  ce 
irince  débarqua  en  Italie,  Mucien ,  accompagné 
[les  principaux  nobles  romains,  se  rendit  au-de- 
cant  de  lui  jusqu'à  Brindes.  Les  services  qu'il 
livait  rendus  à  Vespasien  étaient  si  grands  et  il 
|  es  faisait  valoir  avec  tant  d'indiscrétion  que 
l'empereur  en  fut  plus  d'une  fois  impatienté; 
jnais,  parpoliliqueou  par  reconnaissance,  il  con- 
inua  de  le  traiter  avec  faveur.  On  ignore  l'é- 
)oque  de  sa  mort;  mais  comme  il  n'est  pas  qùes- 
ion  de  lui  sous  Titus  et  Domitien,  on  suppose  qu'il 
nourut  sous  le  règne  de  Vespasien. 

Mucien  était  non-seulement  un  général  et  un 
tomme  d'État,  mais  un  orateur  et  un  historien". 
les  pouvoirs  oratoires  sont  loués  par  Tacite,  qui 


-  MUDÉE  858 

prétend  qu'il  s'exprimait  éloquemment  même  en 
grec.  Il  fit  une  collection  de  discours  prononcés 
sous  la  période  républicaine,  et  les  divisa  en 
deux  recueils,  l'un  en  onze  livres,  intitulé  Acta, 
l'autre  en  trois  livres,  sous  le  titre  de  EpisLolœ. 
Il  composa  une  histoire  dont  on  ne  connaît  pas 
le  sujet,  mais  qui  traitait  principalement  de 
l'Orient.  y. 

Tacite,  Ilist.,  1,  10,76;  II,  4,  5,76-34;  111,8,46,  53  78- 
IV,  4,  h,  39,  80,  85.  —  Suclonc,  fespasianus,'  6,  13*  — 
Dion  Cassins,  LXV,  8,  9,  22;  I.XV|,  2,  g,  13.  _  j„sèphe 
Bel.  Jud.,\\,  10. 11.  — Pline,  Ilist.  Nat.,  XII,  1;  XXV|||| 
î;  XXXIV,  7.  —  MerWale,  The  llomans  under  the  em- 
pire, t.  VI.  —  Vossius,  De  Hisloricis  Latinis.  —  Wester- 
mann ,  Gesch.  d.  Mmischcn  Beredtiomkeit. 

vu  ci A\rs  ou  mutianus,  surnommé  le 
Scholastique  ( Se holasticus),  traducteur  latin, 
vivait  dans  le  milieu  du  sixième  siècle  de  noire 
ère.  Il  traduisit  en  latin,  à  la  demande  de  Cas- 
siodore,  les  trente-quatre  homélies  de  saint 
Chrysostome  sur  VÉpi tre  aux  Hébreux.  Il  avait 
aussi  fait  précédemment  une  traduction  latine 
du  traité  de  Gaudentius  Sur  la  Musique.  Cas- 
siodore  l'appelle  un  homme  très-savant,  vir  di- 
sertissimus.  La  traduction  des  Homélies  de 
saint  Chrysostome ,  citée  plus  haut,  existe  en- 
core, et  les  divers  éditeurs  de  ce  père  en  ont 
fait  un  grand  éloge;  elle  fut  publiée  pour  la  pre- 
mière fois  à  Cologne,  1530,  in  8°,  et  elle  a  été  in- 
sérée dans  les  éditions  latines  des  Œuvres  de  saint 
Chrysostome.  Dans  les  éditions  gréco-latines,  on  a 
généralement  préféré  la  traduction  d'Hervet.  Y. 
Fabiïcius,  Bibliotheca  Grasca,  vol,  VIII,  p.  558,  559. 

*  mucke  (Henri-Charles-Antoine),  peintre 
allemand,  né  à  Breslau,  en  1 806.  Élève  de  son  père 
pour  le  dessin,  il  entra  dans  l'atelier  de  Konig, 
et  s'adonna  à  la  peinture  d'animaux,  qu'il  aban- 
donna pour  la  peinture  d'histoire.  Devenu,  en 
1825,  élève  deSchadow,  il  le  suivit  àDusseldorf, 
où  cet  artiste  avait  été  appelé  à  diriger  l'Académie 
de  Peinture.  En  1833,  Mùcke  alla  faire  un  séjour 
de  deux  ans  en  Italie.  Ses  tableaux,  remarquables 
par  la  pureté  du  dessin,  la  beauté  du  coloris,  et 
le  grand  style  de  leur  composition,  lui  acquirent 
bientôt  une  brillante  réputation  ;  les  principaux 
sont  :  Ulysse  et  Leucothée  pendant  la  tem- 
pête ;  Eginard  et  Emma;  Bethsabé;  Sainte 
Catherine; Saint  Ambroise  arrêtant  Théodose 
à  la  porte  de.  la  cathédrale  de  Milan;  V  Empe- 
reur Frédéric  Barbe-Rousse  et  sa  fiancée  Gela; 
les  portraits  de  Thorwaldsen  et  des  princes 
Alexandre  et  Georges  de  Prusse.  Mucke  a  dé- 
coré le  château  de  Heltorf  près  de  Dusseldorf  de 
peintures  à  fresque  représentant  les  principaux 
événements  de  la  vie  de  l'empereur  Frédéric 
Barbe-Rousse.  A  l'exposition  universelle  de  1855, 
il  a  fourni  :  L'Ange  montrant  Babylone  à 
saint  Jean.  o. 

Raczynski,  Geschichte  der  neueren  deuischen  Kunst. 
—  l'iïthmann,  Die  Dusseldorfer  .Vcftu/e.  — Nagler,  Kiinst-. 
ter-Lexikon. 

mudée  (Gabriel  tan  der  Mcyden,  connu 
sous  le  nom  de), jurisconsulte  belge,  né  àHrecht, 
près  d'Anvers,  en  1500,  mort  à  Louvain,  le 


859  MUDLE  - 

21  avril  1560.  Envoyé  fort  jeune  dans  cette  der- 
nière ville,  an  collège  du  Lys,  il  vécut  dans  l'in- 
timité d'Érasme,  qui  y  logeait  lorsqu'il  venait  à 
Louvain.  Mudée  obtint  le  grade  de  licencié  en 
droit,  et  devint  précepteur  des  enfants  de  Laurent 
de  Blioul,  membre  du  conseil  privé,  et  greffier  de 
l'ordre  de  la  Toison  d'Or.  Il  se  rendit  avec  ses 
élèves  en  France,  où  il  suivit  les  cours  de  plu- 
sieurs universités,  et  il  eut  alors  l'occasion  de 
plaider  avec  succès  devant  le  parlement  de  Pa- 
ris. De  retour  à  Louvain,  il  fut  nommé  profes- 
seur des  Institutes.  En  1539,  il  fut  reçu  docteur 
en  même  temps  que  l'un  de  ses  élèves,  Jérôme 
de  Blioul,  et  il  obtint  en  1547  la  chaire  primaire 
de  droit,  qu'il  occupa  avec  un  si  grand  éclat  que 
Mathieu  Wesembeck ,  son  élève,  affirme  avoir 
vu  de  son  temps,  à  Louvain ,  plus  de  deux  mille 
étudiants  en  droit  que  le  savoir  et  le  nom  de 
Mudée  y   attiraient.   Cet  habile  professeur  ne 
tarda  pas  à  faire  partie  du  conseil  d'État.  Ce 
fut  lui  qui  introduisit  en  Belgique  la  nouvelle 
méthode  d'enseignement  que  la  France  devait  à 
Alciat,  et  que  Cujas,  Mudée  et  leurs  élèves  dé- 
veloppèrent ensuite,  préparant  de  loin  l'école 
historique  des  Allemands;  aussi  Haubold  nomme- 
t-il  Mudée  solidioris  jurisprudentiœ  per  Bel- 
gium  instauratorem.  Les  ouvrages  de  ce  sa- 
vant belge  ne  furent  publiés  qu'après  sa  mort, 
quelques-uns  par  les  soins  de  l'un  de  sesgendres, 
Jacques  Boelants  d'Anvers.  Ils  ont  pour  titres  : 
In  titulos  alïquot  Dïgestorum  Commentarii, 
qaibus  XVII,  XV 111,  XIX  et  XX  Ubri  Pan- 
dectarum,  et  secundo,  pars  Ubri  guarti  Co- 
dicis  Justïnvani  magna  ex  parte  explican- 
tur;  Louvain,  1563,  in-fol.  ;  Paris,  1574,  in-fol.  ; 
Francfort,  1586,  in-fol.-  —  De  Restitutionibus 
in  integrum;  Francfort,  1586,  in-fol.;  —  De 
Téstamentis  ;  Spire,  1604,  in  4°.  La  bibliothèque 
royale  de   Belgique  conserve  quelques  lettres 
manuscrites  de  Mudée  à  Viglius,  qui  contiennent 
des  renseignements  curieux  sur  l'histoire  fioli- 
tique  et  littéraire-du  seizième  siècle.  Elle  possède 
aussi  une  consultation  manuscrite,  rédigée  par 
Mudée  et  trois  autres  jurisconsultes,  sur  l'inter- 
prétation de  la  Bulle  d'or  Brabanline,  accor- 
dée, en  1349,  par  l'empereur  Charles  IV  au  duc 
de  Brabant.  E.  Rf.gnard. 

Valère  André,  Fastiacademici  studii  I.ovanicnsis.  — 
Paquot,  Mémoires.  —  Haubold,  Inslitutiones Juris  Ro- 
mani litterarix  (Leipzig,  1809,  in  8°),  p.  94.  -  P.  Kré- 
her,  Theatrum  P'irorum  erurt itione clurorum. — J.  Britz, 
Code  de  l'ancien  Droit  betgique.  —  Spinnael,  Gabriel 
Mudée  et  son  école,  2'  édit.  ;  Bruxelles,  1844,  in-8°. 

mudge  (  Thomas ),  mécanicien  anglais,  né 
en  septembre  1715,  à  Exeter,  mort  le  14  no- 
vembre 1794,  dans  le  Surrey.  Il  était  le  fils 
puîné  d'un  pasteur  protestant  (1),  qui  surveilla 

(1)  Ce  pasteur,  nommé  Zachary  Mudge,  fut  chanoine 
d'Exeter  et  desservit  une  paroisse  de  Plymouth  ;  it  est 
connu  par  d'esceilents  Sermons  (1727,  in-8°)et  par  un 
Essayfor  a  new  version  of  the  l'salms.  Il  fut  honoré  de 
l'amitié  de  Johnson,  et  mourut  en  1769,  laissant  quatre 
fils  :  Zachary,  chirurgien  de  marine,  mort  en  1753,  dans 
la  rivière  de  Canton;  Thomas,  l'objet   de  cette  notice; 


MUDGE 


8i 


son  éducation.  Comme  il  montrait  pour  la  rr  1 

canique  des  dispositions  extraordinaires ,  il  I  a 

placé  dès  l'âge  de   quatorze  ans  en  apprenl  u 

sage  chez  Georges  Graham,  le  plus  fameux  Ik  h 

loger  du  temps.  Il  acquit  en  peu  de  temps  u  I 

telle  habileté  qu'il   fut  chargé  des  travaux 

plus  difficiles  et  les  plus  délicats  dans  son  ai  I 

ce  fut  ainsi  qu'il  exécuta  pour  le  compte    I 

l'horloger  Ellicot  une  montre  à  équation  destir 

au  roi  d'Espagne ,  Ferdinand  VI,  qui  était  gra 

amateur  des  ouvrages  de  mécanique.  Ayant  1 I 

pris  que  Mudge  était  le  véritable  auteur  de  •  I 

ingénieux  travail,  ce  prince  le  décida  à  travail  il 

pour  lui  et  le  laissa  entièrement  maître  de  faïi  I 

quel  que  fût  le  prix,  tout  ce  qu'il  jugerait  diu 

d'attention.  Parmi  les  pièces  exécutées  pour] 

cour  d'Espagne,  on  remarque  une  montre  à  éqi 

tion  qui   marquait  le  temps  vrai   et   le  ten 

moyen ,  et  qui  sonnait  et  répétait  l'un  et  l'aut 

ce  qu'on  n'avait  pas   encore  vu  ;  en  outre,  <  \ 

répétait  les  heures,  quarts  et  minutes.  Le  ro 

fit  monter    sous  verre  dans   la  pomme  d'iJ 

canne;  il  ne  manquait  jamais  de  l'emportera1 

lui,  et  de  temps  à  autre  il  s'arrêtait  à  la  proi 

nade  pour  en  observer  le  mécanisme.  Ce  m  I 

veilleux  bijou  ne  lui  coûta  que  480  guinées;  ; 

cette  somme  l'artiste  ne  préleva  qu'un  modir 

bénéfice,  ne  voyant  aucun  motif,  prétendait-i 

ce  qu'un  souverain  payât  plus  cher  qu'un  sim 

particulier.  En  1750,  Mudge  s'associa  avec  ^ 

liam  Dutton,  autre  élève  de  Graham,  et  ouii 

dans  Fleet-Street  un  atelier  d'horlogerie.  U 

rivée  du  comte  de  Brûhl  à  Londres  fut  pour 

une  bonne  fortune  (  1 760)  ;  le  comte,  qui  à  be 

coup  de  qualités  estimables  joignait  une  crmnf 

sance  approfondie  des  arts  mécaniques,  dev> 

son  protecteur  c-t  lui  rendit  de  grands  servie 

Vers  la  même  époque  Mudge  tourna   ses  vi 

vers  la  construction  des  montres  marines; 

1765  il  publia  sur  ce  sujet  :  Thoughts  on 

means  ofijnproving  watches  and  particvla 

those  for  the  use  of  the  sea.  En  177 1  il  quitta 

commerce,  et  se  retira  à  Plymouth,  afin  de  se 

vrer  à  des  éludes  complètes.  Au  bout  de  qi| 

ques  années,  il  avait  achevé  un  chronomètre  q 

confia   successivement,  pour  que  l'épreuve 

décisive,  à  l'astronome  Maskelyne ,  au  baron 

Zach   et  à  l'amiral   Campbell ,  qui   en  fit  usi 

dans  deux  voyages  à   Terre-Neuve.  Le  bun 

des  longitudes  lui  accorda  un  prix  de  500 

sterl.,  et  l'invita  à  faire  une  seconde  mont' 

Mudge   en  fabriqua  deux,  et    des   expérien 

nouvelles  recommencèrent.  D'après  Maskely; 

le  résultat  ne  fut  pas  favorable.  Une  polémic 

s'engagea  entre  Mudge  et  son    contradictei 

elle  dura  jusqu'en  1793,  époque  où  le  parlerm 

cassa  le  jugement  des  astronomes  et  vota  en 

Richard,  qui  eut  un  talent  remarquable  sur  la  harpe 
John,  médecin  distingué,  mort  en  1792.  Ce  dernier 
auteur  d'un  bon  Tnatise  on  the  catarrhovs  Coiu 
en  1777,  il  obtint  de  la  Société  royale  de  Londres 
grande  médaille  d'nrde  Copley  pour  les  perfectionneme 
qi.'il  avait  apportés  au  télescope  à  réflexlou. 


861 


imiDGE 


venrde  Mudge  une  somme  dc2, 500  liv.  (62, 500  fr.) 
à  titre  de  récompense 'nationale.  Outre  l'amélio- 
ration considérable  qu'il  a  apportée  dans  les 
montres  marines,  cet  artiste  a  inventé  un  échap- 
pement pour  les  montres  ordinaires  auquel  son 
nom  est  resté.  Le  roi  Georges  l'avait  en  1777 
choisi  pour  horloger;  plusieurs  fois  il  s'entretint 
avec  lui,  et  il  faisait  le  plus  grand  cas  de  sa  pro- 
bité et  de  ses  talents.  P.  L. 

Universal  Mugazine,  1793.  —  Chalraers,  Général  Bio- 
irupli.  Pictionary .  —  Thomas  Mudge  fils,  A  Description 
■>/  the  timekeeper  invented  by  Th.  iludiju  ;  Londres, 
1799,  in-i",  pi. 

mvogv.  (William),  ingénieur  anglais,  neveu  du 
)récédent,  né  en  1762,  à  Plymoulh,  mort  le  1 7  avril 
821 ,  à  Londres.  Fils  du  docteur  JohnMudge,il  fut 
nvoyé  comme  cadet  à  l'Institut  militaire  de  Wol- 
ivich,et  fit  quelques  campagnes  dans  le  corps  royal 
l'artillerie.  De  retourdans  son  pays,  il  fut,  à  la  re- 
ommandation  deHutton,  attaché  à  la  commission 
hargée  de  lever  le  plan  trigonométrique  de  la  su- 
erficiedelaGrande-Bretagne,eten  1797ileneut 
a  direction  exclusive.  On  doit  à  ses  'travaux  les 
artes,  aussi  belles  que  correctes,  de  plusieurs 
omtés  de  Galles  et  d'Ecosse,  réduites  à  l'échelle 
'un  pouce  par  mille  anglais.  Les  grades  de  co- 
)nel  et  de  major  général  récompensèrent  sa  la- 
borieuse activité.  Membre  de  la  Société  royale 
e  Londres,  depuis  1798,  il  fut  appelé  successi- 
ement  à  faire  partie  du  bureau  des  longitudes, 
es  Sociétés  de  Géologie  et  des  Antiquaires,  et 
es  Académies  des  Sciences  àe  Paris  et  de  Co- 
enhague  comme  correspondant.  L'université 
'Edimbourg  lui  conféra  le  diplôme  honorifique 
e  docteur  es  lois.  11  fut  daus  les  derniers  temps 
le  sa  vie  lieutenant  gouverneur  de  l'institut  de 
Voohvich ,  auquel  il  donna  une  organisation 
ouvelle,  qui  fut  étendue  plus  tard  au  collège  mi- 
taire  d'Addiscombe.  En  1819  Mudge  fit,  avec 
L  Biot,  le  voyage  des  îles  Orcades,  à  l'effet  de 
éterminer  certaines  questions  de  longitude.  On 
de  lui  :  An  Account  ofthe  measurement  of 
n  arc  of  the  meridian ,  extending  from 
jïunnose,  in  théiste  of  Wight,  to  Clifton,  in 
'orkshïre,  dans  les  Philosophical  Trans., 
J803  ;  —  Account  of  the  Survey  from  the 
tmmencement  in  1784  to  the  end  oftheyear 
«09;  Londres,  1799-1811,   3  vol.  in-4°  pi.;  le 

Il  seul  est  de  Mudge,  qui  a  eu  dans  lesautres 
(alby  et  Colby  pour  collaborateurs. 

Un  de  ses  fils,  Richard- Zachary  Mudge, 
jatra  en  1807  au  service,  et  parvint  au  grade  de 
Bntenant-colonel  ;  il  travailla  aussi  au  plan  trigo- 
(ométrique,  et  mourut  le  24  septembre  1854,  à 
eignmouth.  P.  L. 

Cyclnpoedia  of  English Literature  (Biogr.). 

mudie  (Robert),  littérateur  anglais,  né  en 
777,  dans  le  comté  de  Forfer,  mort  en  mai 
342.  Né  de  parents  pauvres,  il  fit  son  éducation 
li-même.  En  1802  il  enseigna  le  gaélique  et  le 
îssin  au  collège  d'inverness;  dans  la  suite  il 
:mplit  d'autres  emplois  du  même  genre.  Il  dé- 
bita, vers  IS1.0,  dans  la  littérature  par  un  roman 


MUELNAERE  862 

inlitulé  Glenfurgus  (3  vol.  in-8°).  S'étant  éta- 
bli à  Londres,  il  fournit  des  articles  à  la  presse 
quotidienne  et  traita  les  sujets  les  plus  variés 
avec  une  facilité  remarquable.  Parmi  ses  nom- 
breux ouvrages,  nous  rappellerons  :  Modem 
Athens,  description  d'Edimbourg;  —  Babylon 
the.great,  4  vol.,  description  de  Londres; —  The 
British  naturalist,  2  vol.  ;  —  The  featheredtri- 
bes  ofthe  British  islands,  2  vol.  ;  —  Conversa- 
tions in  moral  philosophy,  2  vol.  ;  —  The  Elé- 
ments :  the  heavens,  the  earth,  the  air,  the 
sea,  bxol.;  —  Popularmathematics;  —  Man 
in  his  physical  structure,  intellectual  facul- 
ties,  etc.,  4  vol.  ;  —  The  Seasons,  4  vol.  ;  —  His- 
tory  of  Hampshire  and  the  Channel  islands, 
3  vol.  ;  —  Domesticated  animais  ;  — ■  Gleanings 
of  nature;  —  China  and  its  resources.  Tant 
d'assiduité  au  travail  ne  sauva  pas  Mudie  du  sort 
misérable  dans  lequel  tombent  beaucoup  de  gens 
de  lettres;  presque  tous  ses  livres  eurent  du 
succès,  et  cependant  il  mourut  dans  le  dénûment 
à  l'âge  de  soixante-quatre  ans.  K. 

Maunder,  Biographical  Treasury,  6"  édit. 

I muelnaere  (Félix - Amand,  comte  (1) 
de),  homme  politique  belge,  né  à  Pitthem 
(Flandre  occidentale),  le  9  février  1793.  Procu- 
reur du  roi  à  Bruges,  il  fut  élu,  en  1824,  membre 
de  la  seconde  chambre  des  états  généraux ,  où 
il  fit  preuve  de  talent  et  d'indépendance;  mais 
le  ministère  parvint  en  1829  à  empêcher  sa 
réélection.  Après  les  journées  de  septembre  1830, 
il  fut  nommé  gouverneur  de  la  Flandre  occiden- 
dale.  Membre  du  congrès  national,  M.  de  Muel- 
naere  vota  pour  l'élection  du  duc  de  Nemours , 
puis  pour  celle  du  prince  Léopold,  et  fit  partie 
delà  députation  chargée  de  porter  à  Londres,  au 
roi  des  Belges ,  le  décret  d'adoption  du  traité  des 
dix-huit  articles.  Il  fut  presque  aussitôt  appelé 
au  ministère  des  affaires  étrangères,  qu'il  quitta 
en  septembre  1832,  après  avoir  reçu,  le  12 
novembre  1831,  le  titre  de  ministre  d'État.  A 
la  dissolution  du  ministère  Lebeau,  il  fut  de 
nouveau  ministre  des  affaires  étrangères,  de 
1834  à  1837,  et  il  le  fut  encore  du  13  avril 
1841  au  5  août  1843;  il  eut  alors  pour  succes- 
seur le  général  Goblet  d'Alviella,  mais  demeura 
pendant  plusieurs  années  membre  du  conseil 
des  ministres,  sans  portefeuille.  En  1849*  par 
suite  de  la  loi  relative  aux  incompatibilités ,  il 
se  démit  de  ses  fonctions  de  gouverneur,-  et 
l'année  suivante  les  électeurs  du  district  de 
Thielt  l'envoyèrent  à  la  chambre  des  représen- 
tants, dont  il  avait  fait  partie  de  1831  à  1848, 
et  où  il  siège  dans  les  rangs  de  l'opposition  ca- 
tholique. M.  de  Muelnaere  a  attaché  son  nom 
aux  principales  mesures  qui  ont  consolidé  la 
nouvelle  monarchie,  et  il  a  contribué  à  la  con- 
vention faite  avec  la  France,  le  16  juillet  1846. 
E.  Begnard. 
Le  Livre  d'or  de  l'Ordre  de  Léopold  et  de  la  Croix  de 

(1)  Ce  titre  lui  a  été  conféré  par  le  pape,  en  1837. 


863 


MUELNAERE 


Fer,  I,  242.  —  M.  Aug.  Scheler,  Statistique,  personnelle 
des  ministères  et  des  corps  léuislalifs  constitués  en  Bel- 
gigue  depuis  1830,  p   90  et  176. 

MUEVIN  (Jacques),  historien  belge,  né  à 
Tournay,  mort  le  4  juillet  1367,  dans  cette  ville, 
où  depuis  1355  il  était  abbé  du  couvent  de  Saint- 
Martin.  Il  composa  une  chronique  qui  s'étend 
de  l'an  1296  à  celui  1339,  et  qui  a  été  insérée 
dans  le  Corpus  Chronicorum  Flandrix,  édité 
par  M.  de  Smetz,  t.  1T,  p.  455-471.       G.  B. 

De  Srnc-tz,  Corpus,  t.  Il,  p.  451-454. 
MUFFETT.  Voy.  MOUFET. 

mufflixg  (Frédéric- Ferdinand- Charles, 
baron  de),  général,  homme  d'État  et  écrivain 
militaire  allemand,  né  à  Halle,  le  12  juillet  1775, 
mort  en  1851.  Entré  de  bonne  heure  dans 
l'armée  prussienne,  il  fit  la  campagne  de  1806 
en  qualité  de  chef  d'état  -  major  du  duc  de  Saxe- 
Weimar,  qui  lui  donna  trois  ans  après  un  em- 
ploi dans  l'administration  civile  de  son  pays. 
ïl  devint,  en  1813,  général  quartier-mestre  de 
l'armée  de  Silésie,  qu'il  accompagna  jusqu'à  Pa- 
ris, dont  il  fut  nommé  gouverneur.  Placé  en- 
suite comme  chef  d'état-major  auprès  de  l'armée 
du  Rhin,  il  fut  nommé,  en  1815,  plénipotentiaire 
prussien  au  quartier  général  deWellington.  Trois 
ans  après  il  assista  au  congrès  d'Aix-la-Chapelle. 
Devenu^  en  1820,  chef  d'état-major  de  l'armée 
prussienne,  il  fit,  sous  sa  direction,  mesurer  plu- 
sieurs degrés  du  méridien.  Après  avoir,  en  1829, 
contribué  à  la  conclusion  de  la  paix  entre  la  Rus- 
sie et  la  Turquie,  il  fut  nommé,  en  1832,  comman- 
dant du  septième  corps  d'armée;  en  1837  gouver- 
neur de  Berlin ,  et  en  1841  président  du  conseil 
d'État.  On  a  de  lui  :  Operationen  der  preussisch- 
sàchsischen  Armée im  Jahre  1806  (Opérations 
de  l'armée  prusso-saxonne  en  1806);  Weimar, 
1806;  —  Marginalien  zu  den  Grundsàlzen 
der  liôhren  Kriegskunsl  (Remarques  sur  les 
principes  de  l'art  supérieur  de  la  guerre)  ;  Wei- 
mar, 1808  et  1810;  —  Die  preussische  und 
russische  Campagne  vom  Jahr  1813  (La Cam- 
pagne des  Prussiens  et  des  Russes  en  1813); 
Breslau,  18 13, et  Leipzig,  1815;  —  Geschichte 
•des  Feldzuges  der  englisch-  hannôverisch- 
niederlûndischen  Armée  und  der  preussis- 
chen  im  Jahre  1815  (Histoire  de  la  campagne 
faite  en  1815  par  l'armée  anglo-hanovrienne- 
néerlandaise,  et  par  celle  des  Prussiens);  Stutt- 
gard,  1815;  —  Beitràge  zur  Kriegsgeschichte 
der  Jahre  1813  und  1814  (Documents  pour 
servir  à  l'histoire  des  guerres  de  1813  et  de 
1814);  Berlin,  1824,  2  vol.,trad.en  anglais;  — 
Betrachtungen  ùberdie  grossen  Operationen 
und  Schlachten  (  Considérations  sur  les  grandes 
Opérations  militaires  et  sur  les  Batailles);  Ber- 
lin, 1825;  —  Napoléons  Stratégie  im  Jahre 
1813  (La  Stratégie  de  Napoléon  en  1813);  Berlin, 
1827;  —  Aus  meimem  Leben  (Mémoires  de  ma 
vie);  Berlin,  1851  et  1858,  2  vol.  in-8°:     O. 

Conversations  Lexikon. 

*mugue  (Théodore),  littérateur  allemand, 
né  à  Berlin ,  le  8  novembre  1806.  Entré  de  bonne 


1 


-  MUGGLETON  86 
heure  dans  le  commerce ,  il  embrassa  ensui 
l'état  militaire;  il  le  quitta  pour  étudier  à  Be: 
lin  l'histoire  et  la  philosophie,  dans  le  but  f 
se  consacrer  à  l'enseignement  supérieur.  Ma 
les    ouvrages   empreints  d'idées  libérales  qu 
publia  en   1832   sur  la    France  et  l'Angleter 
excitèrent  la  colère   du  gouvernement  de  s< 
pays,  et  il  dut  renoncer  à  l'espoir  d'obtenir  ui 
chaire  de  professeur.  Il  s'adonna  alors  à  la  1 
térature;il  écrivit  aussi  dans  divers  journal 
politiques,  et  devint,  en  raison  de  ses  opinior 
l'objet  de  plusieurs  poursuites  judiciaires.  S 
romans  sont  presque  tous  pleins  d'intérêt; 
style  en  est  facile  et  agréable.  On  a  de  Mùggi 
Bilder  aus  dem  Leben  (  Scènes  de  la  vie)  ;  B< 
lin,  1829;  —  Frankreïch  und  die  letzttn  Box 
bonen  (La  France  et  les  derniers  Bourbons 
Berlin,  1831;  —  England  und  die   Rfot 
(L'Angleterre  et  la  réforme  parlementaire)  ;  Le 
zig,  1831;  —  Der   Chevalier;  Leipzig,    M 
3  vol.  ;  —  Novellen  und  Erzàhlungen  (Ne 
velles  et  Récits  );  Brunswick,   1836,  3  vol.  ; 
Die  Vendeerin  (La  Vendéenne);  Berlin,  18;' 
3  vol.  ;  —  Tànzerinn  und  Grafinn  (Danset 
et  Comtesse);   Leipzig,  1839,   2  vol.;  —  ( 
sammelte   Novellen  (Nouvelles   recueillies 
Leipzig,    1842-1843,  6  vol.,   suivies  des  Ne 
Novellen;    Hanovre,  1845-1847,   6  vol.; 
Skizzen  ans  dem  Norden  (Esquisses  despî 
du    Nord);  Hanovre,   1844,    2   vol.; —  / 
Censurverhàllnisse  in  Preussen  (  La  Censi 
en  Prusse);  Leipzig,    1845;  —  Streifziige 
Schleswig-Holstein  (  Promenades  dans  le  SI 
wig-Holstein)  ;  Francfort,  1847,  3  vol.  ;  —  To 
saint;  Sfuttgard,  1850,  4   vol.;  —  Der  Foi 
von  Sylt  (Le  bailli  de  Sylt);   Berlin,  1851 
1858,  2  vol.;  —  Der  Weihnachts  attend  ( 
Veillée  de  Noël);  Berlin,  1853;  —  Der  Ma 
ratsherr  (Le  Seigneur  du   majorât);  Berl 
1853  ;  —  Die  Erbinn  (L'Héritière)  ;  Berlin,  18 
2  vol.;  —  Nordisches  Belderbuch  (Livre 
Nord );  Francfort,    1857;—   Romane;  Ber 
1857-1858,  8  vol.  contenant  entre  autres  :  Chi 
les   Ier  et  Cromwell;  Pris  et  délivré; 
Points  de  vue  de  la  société;  Adam  et,  M 

—  A/raja  dans  la  Deutsche  Bibliolhek  (Fra 
fort,  1854  )  :  ce  rcman  a  été  traduit  en  fiança 
Paris,  1858. Depuis  1850  M.  Mùgge  publie t 
les  ans  le  keepsake  Vielliebchen.  0. 

Conversations-  l.exikon. 

muogleton  (Ludowicke),  sectaire  anglt 
né  en  1609,  mort  le  14  mars  1697.  C'était 
simple  ouvrier  tailleur.  Il  fut,  avec  John  Ree 
un  de  ses  campagnons,  le  fondateur  d'une  se 
de  chrétiens  connus  sous  le  nom  de  muggle 
nians,  et  qui  prit  naissance  vers  1651  en  i 
gleterre.  Il  prétendit  que  lui  et  son  assc 
'aient  reçu  de  Dieu  une  mission  particulièi 
qu'ils  étaient  les  derniers  et  les  plus  grai 
n'ophètes  du  Christ,  que  saint  Jean  les  ai 
clairement  désignés  dans  Y  Apocalypse  et  qu 
pouvaient  sauver  ou  damner  tous  ceux  qu'il  l«    i^i 

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5  MUGGLETON 

irait.  Ils  mirent  ensemble  au  jour  un  grand 
nbre  de  livres,  un,  entre  autres,  intitulé  :  Di- 
e  lookingglass  of  the  third  Testament  of 
•  Lord  Jésus  Christ,  et  ils  gagnèrent  beau- 
ip  de  disciples.  Les  quakers  surtout,  et  parmi 
i  Georges  Fox  et  William  Penn,  les  combat- 
•nt  avec  ardeur.  En  1676  Muggleton  fut  tra- 
t  en  justice  et  convaincu  de  blaspbème.  Il 
impossible  de  donner  une  idée  complète  des 
■  mges  doctrines  de  cette  secte;  en  voici  les 
ots  principaux  :  Dieu  a  un  corps  comme 
imme;  la  Trinité  n'est  qu'une  variété  de  ses 
ns;  il  est  venu  lui-même  sur  la  terre  et  y 
fubi  la  mort.  A  ces  bizarreries  empruntées 
.  sectes  des  premiers  siècles  de  l'Église,  Mug- 
:on  avait  ajouté  une  théorie  non  moins  sin- 
ière  sur  la  destinée  future,  sur  les  âmes,  sur 
rapports  avec  les  esprits,  etc.  Les  œuvres 
IMuggleton  ont  été  recueillies  en  1756;  mais 
modernes  disciples  en  ont  publié  une  édition 
5  complète  en  1832  (Londres,  3  vol.  in-4°).  K. 
le  Englisfi  Cyclopsedia  (  Biogr.). 
iugnaino.  Voy.  Marinelli  (Giuseppe-An- 
\io). 

kuguet  DE  Nanthou  (  François-Félix- 
icinthe),  homme  politique  français,  né  à 
ançon,  en  1760,  mort  en  1808,  à  Soingprès 
jsy  (Haute- Saône).  Il   fut  d'abord  avocat  du 
jjpui  s  lieutenant  général  du  bailliage  de  Gray. 
Itelligente  énergie  qu'il  montra  en  1788  pour 
|ner  les  troubles  causés  par  la  famine  lui 
it  l'estime  de  ses  concitoyens ,  qui  le  dépu- 
int  aux  états  généraux,  ouverts  le  5  mai  1789, 
»me  représentant  du  tiers  état  par  le  grand 
|iiage  d'Amont.  Il  se  rangea  parmi  les  députés 
voulaient  des  réformes  radicales,  telles  que 
plition  des  privilèges ,  la  juste  répartition  des 
ges  publiques,  l'inviolabilité  de  la  liberté 
onnelle,  etc.  Il   se  fit  remarquer  par  son 
ulion  facile  et  soutenue.  Le  5  octobre,  mécon- 
de  ce  que  Louis  XVI  différait  de  sanction- 
quelques  décrets ,  il  proposa  de  n'accorder 
m  impôt  avant  cette  sanction.  Il  fit,  le  l,r  juil- 
790,  un  rapport  contre  la  cour  des  aides,  et 
ftt  l'annulation  de  la  procédure  concernant 
tendie  des  barrières  en  juillet  1789.  Le  21  oc- 
ie,il  fut  nommé  membre  du  comité  des  re- 
fches.  Il  fut  aussi  le  rapporteur  de  presque 
es  les  affaires  relatives  aux  troubles  des  pro- 
Le  28  février  1791,  il  pressa  vivement 
iemblée  de  porter  une  loi  contre  l'émigration. 
[16  juin  il  présenta  un  rapport  sur  les  troubles 
|iastia  et  accusa  de  Rossi  ,  commandant  mi- 
|'e,  d'avoir  provoqué  ces  troubles  qui  ensuite 
Bnt  été  dirigés  contre  lui.  A  l'époque  de  la 
de  Louis  XVI  et  de  sa  famille  (nuit  du  20 
|1  juin),  il  était  l'un  des  commissaires  char- 
Bde  veiller  au  maintien  de  l'ordre  dans  Paris; 
■tanduite  dans  cette  circonstance  difficile  lui 
•ta  l'éloge  de  tous  les  bons  citoyens.  Le  24  du 
♦jie  mois,  il  fit  décerner  des  récompenses  à 
fcj  ceux  qui  avaient  contribué  à  arrêter  le  roi 

NOUT.   BIOGR.    GÉNÉR.   —  T.    XXXVI. 


—  MUHAUT 


8(56 


à  Varenftes,  et  le  1 3  juillet  il  fit,  au  nom  de  tous  les 
comités  réunis  ,  un  rapport  sur  les  mêmes  évé- 
nements. Il  présentait  l'intervention  du  marquis 
de  Bouille  et  des  autres  chefs  militaires  dans 
cette  affaire  comme  une  conspiration  contre  la 
patrie  et  la  liberté,  et  demandait  leur  mise  en  ac- 
cusation devant  la  haute  cour  nationale  provi- 
soire, séant  à  Orléans.  Quant  à  Louis  XVI,  at- 
tendu son  inviolabilité,  attendu  aussi  que  son 
évasion  n'était  pas  un  délit  prévu  par  la  consti- 
tution, il  concluait  à  ce  qu'il  ne  fût  pas  mis  en 
cause.  L'assemblée  adopta  ces  conclusions.  <Le 
18  août  Muguet  réclama  l'exécution  du  décret 
qu'il  avait  fait  rendre  en  faveur  de  ceux  qui 
avaient  coopéré  à  empêcher  la  fuite  du  roi.  Après 
la  session,  il  se  retira  dans  une  de  ses  propriétés, 
située  à  Soing,  et  s'y  occupa  d'importantes  amé- 
liorations agricoles.  En  1792  il  fut  élu  com- 
mandant de  la  garde  nationale  de  l'arrondisse- 
ment de  Gray.  Arrêté  deux  fois  en  1793,  il  dut 
être  remis  en  liberté,  sa  conduite  ne  laissant  au- 
cune prise  aux  accusations  dont  il  était  l'objet. 
En  1798  il  fut  député  au  Conseil  des  Cinq  Cents  ; 
mais  il  donna  presque  aussitôt  sa  démission.  11 
mourut  maire  de  Soing,  laissant  la  réputation 
d'un  homme  honorable.  H.  L — r. 

Le  Moniteur  universel,  ann.  1789-1798.  —  Biographie 
moderne  (Paris,  1806  ). 

mit  h  a  ut  (Etienne),  industriel  français,  né 
à  Thizy,  en  Beaujolais,  en  1732,  mort  à  Prisse, 
près  Mâcon,  en  17  95.  Dans  ce  pajs,  depuis  long- 
temps le  centre  d'une  fabrication  de  toiles  de  fil  et 
coton ,  il  fut  le  premier  à  substituer  le  coton  au 
fil ,  et  il  créa  pour  ainsi  dire  pour  cette  contrée 
une  source  de  prospérité  et  de  richesse.  Ces 
toiles,  toutes  de  coton,  connues  sous  le  nom  de 
garats,  servirent  d'abord  d'aliment  à  la  fabrique 
d'Oberkampf,de  Jouy,  qui  le  premier  en  France 
essaya  l'impression  sur  étoffe.  Muhaut  fut 
nommé,  en  1772,  receveur  du  grenier  à  sel  de 
Thizy,  emploi  qu'il  occupa  jusqu'à  la  suppres- 
sion de  celui-ci.  Antoine  Muhaut,  le  père  d'É- 
tienne,  avait  acquis  la  maison  de  La  Platière,  de 
la  mère  du  ministre  Roland.  Etienne  Muhaut 
en  céda  la  jouissance  au  président  de  Lamoignon, 
durant  son  exil  à  Thizy,  où  il  fut  relégué,  en  1771, 
par  le  ministre  Maupeou.  J.  B.  M. 

"muhaut  (Etienne),  naturaliste,  petit-fils  dn 
précédent,  naquit  le  2  mars  1797,  dans  la  maison 
de  La  Platière,  située  dans  la  partie  basse  de  la 
ville  de  Thizy  (Rhône).  Au  sortir  de  ses  études, 
commencées  en  1806,  a  Belley,  sous  les  Pères  de 
la  Foi  et  terminées  à  Tournon,  en  1814,  il  écrivit 
ses  Lettres  à  Julie,  ouvrage  destiné  d'abord  à 
rester  inédit ,  mais  qui  vit  le  jour  en  1 830.  En 
1816,  il  épousa  Anne  Julie  de  Ronchinal.  Maire  de 
Saint  Jean-la-Bussière  en  1818,  il  exerça  ces 
fonctions  jusqu'en  1828,  puis  celles  de  juge  de 
paix  jusqu'au  moment  où  il  vint  se  fixer  à  Lyon, 
en  1833.  En  1839  il  fut  attaché  à  la  Bibliothè- 
que publique  de  cette  ville  et  nommé  professeur 
d'histoire  naturelle  au  collège,  en  1843.  Ses  prin- 

28 


86; 


MU  HAUT  —  MUïS 


cipaux  ouvrages  sont  :  Lettres  à  Julie  sur  V  En- 
tomologie;  Paris,  1830,  2  vol.  in-8°  ;  —  Cours 
d'Entomologie  réduit  en  tableaux  synopti- 
ques; Lyon,  1833,  in-8°; —  Cours  de  M  anima- 
logie  réduit  en  tableaux  synoptiques  ;  Lyon, 

1835,  in-8°;  —  Histoire  naturelle  des  Coléop- 
tères de  France;  Paris,  1839  et  suivants,  com- 
prenant les  monographies  des  longicornes,  lamel- 
licornes, palpicornes,  sulcicollcs,  sécu  ri  palpes, 
latigènes ,  barbipalpes,  longipèdes,  latipennes, 
pectinipèdes,  vésicants,  angustipennes,  rostri- 
fères;  — Species  des  coccinellides ;  Paris,  1851, 
un  vol.  grand  in-8°  ;  — Opuscules  eniomologi- 
ques,  contenant  des  mémoires,  des  monographies, 
des  notices  nécrologiques;  Paris,  1832  et  sniv., 
11  cahiers  jusqu'à  ce  jour;  —  Cours  élémen- 
taire d'Histoire  naturelle;  Paris,  1856  et 
suiv.  (ne  comprenant  encore  que  la  zoologie  et 
la  physiologie  ).  J.-B.  Monfalcon. 

Docum.  partie. 

muhlesbruch  (Chrétien-Frédéric) ,  sa- 
vant jurisconsulte  allemand ,  né  à  Rostock,  le 
3  octobre  1785,  mort  à  Gœttingue,  le  17  juillet 
1843.  Il  enseigna  le  droit  depuis  1810  succes- 
sivement à  Rostock,  à  Greifswalde,  à  Kœnigsberg, 
à  Halle,  et  enfin  depuis  1833  à  Gœttingue.  Lors 
du  contlit  qui  s'éleva  en  1837  entre  les  princi- 
paux professeurs  de  l'université  de  cette  ville 
et  le  gouvernement  de  Hanovre ,  il  se  sépara  de 
ses  collègues  et  en  fut  récompensé  par  une  place 
de  conseiller  d'État.  Ses  ouvrages  se  distinguent 
par  une  extrême  clarté,  une  grande  force  de  rai- 
sonnement et  une  connaissance  approfondie  des 
matières  juridiques  qui  y  sont  discutées.  On  a 
de  lui  :  De  Origine  et  vi  Stipulationum  ; 
Mannheim,  1805,  in-4°; —  De  veterum  Roma- 
norum  Gentibus  et  Familiis;  Rostock,  1807, 
in-4°;  —  Lehrbuch  der  Encyclopàdie  und 
Méthodologie  des  positiven  in  Deulschland 
geltenden  Rechts  (  Manuel  de  l'encyclopédie  et 
de  la  méthodologie  du  Droit  positif  en  usage  en 
Allemagne)  ;  Rostock ,  1807,  in-8°  ;  —  De  Jure 
ejus  cui  actionibus  cessit  creditor  ;  Rostock, 
1813,  in-4°  ;  —  Die  Lehre  von  der  Cession  der 
Forderungsrechte  (  La  Doctrine  de  la  Cession 
des  Obligations);  Greifswald,  1817,  in-8";  une 
troisième  édition,  très-augmentée,  parut  en  1836; 
—  Doclrina  Pandectarum  ;  Halle,  1823-1824, 
3  vol.  in-8°;  ibid.,  1838  et  1840;  —  Entwurf 
der  gemeinrecht lichen  und  preussischen  Pro- 
cesses (Esquisse  de  la  Procédure  du  Droit  com- 
mun et  de  celle  suivie  en  Prusse)  ;  Halle,  1827 
et  1840,  in-8°; —  Lehrbuch  des  Pandeklen- 
Rechts  (  Manuel  des  Pandeotes);  Halle,  1835- 

1836,  1837-1838,  1839-1840  et  1844,  3  vol, 
in-8°;  —  Lehrbuch  der  Institutionen  des 
rômischen  Rechts  (Manuel  des  instilutes  du 
droit  romain);  Halle,  1842  et  1847,  in  8°. 
Muhlenbruch  a  aussi  publié,  de  1835  à  1843, 
neuf  volumes  faisant  suite  à  V Explication  des 
Pandectes  commencée  par  Gluck;  on  lui  doit 
encore  une  très-bonne  édition  des  Anliquitales 


.  romanse  d'Heineccius;  Francfort,  1841;  al 
I  que  de  nombreux  articles  dans  VArchiv  fûi\ 
!  vilistische  Praxis  et  dans  ÏAllgemeine  1 1 
I   raturzeitung  de  Halle.  O 

Conversations-  Lexikon. 

biuîs   (Siméon    Marotte   de),    hébraï  I 
français,  né  en  1587,  à  Orléans,  mort  en  1  I 
à  Paris.  On  ignore  la  plupart  des  particula  I 
de  sa  vie;  on  sait  seulement  qu'il  fut  than  1 
et  archidiacre  de  Soissons.  Quatre  ans  apri  I 
mort  de  Cayet,  il  fut  pourvu  de  la  chaire  d  I 
breu  au  Collège  royal  (22  juillet  1614),  et  la  ■  I 
serva  jusqu'à  sa  mort.  D'après  Niceron ,  il  I 
gnait  à   sa  connaissance  de  la  langue  saint  1 
jugement  solide  et  un  grand  discernement  I 
style  pur,  net  et  facile,  et  une  science  fort  i  I 
due  de  l'histoire  sainte  et  du  fond  de  la  relij  I 
Il  eut  de  son  temps  la  réputation  d'un  des  I 
savants  interprètes  de  l'Ecriture.  On  a  de  I 
R.  Davidis  Kimhi  Commentarius  in  m\ 
chiam,  hebr.  et  lut.;  Paris,  1618,  in-4°;  - 
psalmum  XIX  trium  rabbinorum  Comr. 
tarai  hebraici  Qiim  lat.  interpr.  ;  Paris,  1 
in-8°  :  cette  traduction  n'a  pas  été  insérée 
la  collection  des  œuvres  de  Muis;  —  Annok 
nés  in  psalmum  XXXIV,  impr.  dans  les 
titut.  Hebraicx  de  Bellarmin  (1622,  ih-S°] 
Commentarius  litleralis  et  historicus  in 
nés  psalmos  et  selecta    V.   T.  cantica, 
versione  nova  ex  hebrxo;  Paris,  1630 ,  1 
in-fol.  ;  Louvain,  1770, 2  vol.  in-4°  :  lescinqi 
premiers  psaumes  avaient  déjà  paru  en  \&'i 
titre  d'essai.  On  regarde  ce  commentaire  co 
un  des  meilleurs  qui  existent.   «  Parmi  le 
tholiques,  écrivait  Bossuet  à  l'oratorien  I 
duit,  Muis  emporte  le  prix,  à  mon  gré,  sans 
paraison.  »  Presque  tous  les  interprètes 
Bible,  Godeau,  Gassendi,  Voisin  et  d'autres 
dits  se  sont  associés  à  ce  jugement  favor 
Richard  Simon  y  apporta  quelque   restrici 
après  l?avoir  loué  de  s'être  attaché  à  la  leftn 
la  grammaire,  il  ajoute  :  «  On  pourrait  retrar 
de  ce  commentaire  plusieurs  choses  qui  les 
dent  languissant;  en  un  mot  il  n'est  pas  < 
châtié  »  ;  —  Assertio  Veritalis  hebraicee 
versus    Joannis    Morini    exercitationei 
utrumque  Samaritanorum  Pentaleuch 
Paris,  1631,  in-8°.  Muis  prend  ici  la  défend 
texte  hébreu  contre  le  P.  Morin,  qui  le  re, 
en  plusieurs  choses.  Morin  ayant  soutenu  ce 
avait  avancé  dans  ses  Exercitaliones  bib 
(Paris,  1633,  in-4°),de  Muis  revint  à  lach; 
et  publia  une  nouvelle  défense  intitulée  Assi 
Veritatis  hebraicae  aliéna,  Paris,   1634,  ii 
et  accompagnée  d'un  Spécimen  variorun 
crorum,  que  l'on  a  réimpr.  dans  les  Critk 
cri,  t.  VII  ;  ce  spécimen  est  un  recueil  de  ce 
les  rabbins  ont  dit  de  meilleur  sur  les  end 
les  plus  difficiles  du  Pentateuque,  du  livr 
Josué   et  des  premiers   chapitres  du  livre 
Juges;  —  Casligatio  Animadversionum 
rini  in  censurant  Exercitationum  ad  Pe. 


î) 


MUIS  — 


\ichiim;  Paris,  1639,  in-8°;  cette  réponse,  qui 
i  fort  vive,  termina  la  querelle  entre  les  deux 
j  iraïsants.  La  plupart  des  écrits  de  Muis  ont 
1  réunis  après  sa  mort  et  publiés  par  Claude 
juvergne  (Paris,  1650,  in-fol.).  P.  L. 

lolomlè.t,  Gallia  Oricntatis.  —  Dupin,  Bibl.  des  Au- 
Irs  ecclésiast.  —  Richard  Simon,  Hisl.  du  fieux  Tes- 
\ient.  —  Le  Collège  royal  de  France;  Paris,  164*, 
Ko,  _  Niceron,  Mémoires.  XXXII. 

urisis  (Gilles  li),  ou  en  latin  JEgidius  Mu- 
Vus,  historien  belge,  né  en  1275,  à  Rongy, 
[a  Saint-Amand,  mort  vers  1352.  11  entra  en 
t<9  chez  les  bénédictins  de  Tournay;  en  1327 
[levint  prieur,  et  en  1331  abbé  de  son  couvent. 
[a  laissé  divers  ouvrages,  qui  ont  attiré  dans 
I  derniers  temps  l'attention  des  érudits.  Des 
I  raits  d'une  petite  chroniqne  dans  laquelle  il 
rorasse  les  événements  survenus  de  1347  à 
1*2  ont  été  insérés  par  M.  de  Gerlache  dans  les 
[  uveaux  Mémoires  de  l'Académie  de  Bruxel- 
[,  t.  X;  une  autre  chronique  relative  à  la 
rre  du  roi  de  France  avec  le  comte  Guy 
Dampierre  et  le  roi  d'Angleterre  jusqu'à 
*8  a  été  analysée  par  Buchon  dans  son  édition 
"Froissart;  un  long  fragment  en  avait  été  pu- 
•  par  Gœthale  Vercruysse  dans  le  Specta- 
I  6efye;Cambray,  1806.  Un  travail  plus  im- 
ïtant  intitulé  :  Tractatus,  Registraliones , 
tiinaliones  et  quaedam  incidentia,  a  été  pu- 
s  par  M.  de  Smet  dans  le  Corpus  Chronico- 
m  Flandrise,  1837,  in-4°,  t.  Il,  p.  111-293; 
travail  est  à  remarquer  en  ce  que  le  texte  latin 
entrecoupé  de  longs  morceaux  en  vers  fran- 
is;  commençant  à  1296,  il  s'étend  jusqu'à 
17.  Semblable  particularité  se  retrouve  dans 
tChronicon  alterum,  qui  va  de  1298  à  1352 
où  le  latin  domine  encore  davantage;  on  y 
Wve  la  narration  des  événements  survenus  de 
98  à  1352;  ce  texte  a  également  paru  dans  le 
\rpus  que  nous  venons  d'indiquer,  t.  II,  p.  305- 
8.  G.  B. 

fallia  Christiana,  t.  III,  p.  278.  —  Foppens,  Biblio- 
>ea  Belgica,  t.  I,  p.  31.  —  De  Smet,  Corpus  Chro- 
orum,  t.  Il,  p.  95-109.  —  Reirfenberg,  dans  son  édi- 
i  de  la  Chronique  de  Ph.  Mou-kes,  t.  Il,  p.  cccvur. 

ittl'LCASTER  (Richard),  humaniste  anglais, 
(vers  1 535,  à  Carlisle,  mort  le  1 5  avril  1 61  f ,  à 
fimford  (Essex).  Il  fut  étudiant  des  universités 
Cambridge  et  d'Oxford,  et  s'appliqua  avec 
ccès  aux  langues  orientales.  Il  y  avait  à  peine 
iix  ans  qu'il  pratiquait  l'enseignement  lorsque 
i  mérite  le  fit  choisir,  en  1561,  pour  diriger 
sole  des  marchands  tailleurs  de  Londres  (Mer- 
pnt  Taylors'  School),qui  venaitd'être  fondée; 
'organisa,  y  introduisit  une  discipline  sévère, 
jne  la  quitta  qu'en  1596,  après  l'avoir  rendue 
s  plus  florissantes.  Dans  la  même  année,  il 
m vint  principal  de  l'école  de  Saint-Paul ,  à-  la 
je  de  laquelle  il  resta  douze  ans.  En  1608,  il 
retira  à  Stamford,  riche  bénéfice  qu'il  tenait 
s  libéralités  de  la  reine  Elisabeth.  On  a  de  lui  : 
mlwns,  wherein  those  primitive  circum- 
mces  be  examined  which  are  necessarie  for 


MULDRAC  870 

the  training  up  of  children ,  eilher  for  skill 
in  their  bonkorliealUi  in  their  bodie  ;  Londres, 

1581,  1587,  in-4°;  —  The  firsl  part  of  the 
Elementarie,  which  entrceteth  chefely  ofthe 
right  wriling  of  the  English  lung  ;  Londres, 

1582,  in-4°;  la  seconde  partie  n'a  jamais  paru; 
on  y  trouve  une  judicieuse  critique  de  la  langue 
anglaise; —  Calechismus  Paulinus,  in  usum 
scholse  Paulinœ  conscriptus ;  Londres,  1601, 
in-8°,  en  vers  anglais.  K. 

Wllson,  Hist.  of  Mer  chant  Taylors'  School.  —  Fuller. 
IPorlhies  of  Enyland.  —  Gentleman'!  Magazine,  t.  LXX. 

nuri.DER  (Gérard-André),  chimiste  hollan- 
dais, né  en  1802,  àUtrecht,  mort  en  1847.  Après 
avoir  exercé,  depuis  1825,  la  médecine  à  Ams- 
terdam, où  il  enseigna  de  1827  à  1830  la  bota- 
nique et  la  chimie  à  l'école  de  médecine,  il  obtint 
en  1841  la  chaire  de  chimie  à  l'université  de  sa 
ville  natale.  On  a  de  lui  :  Proeve  eener  allge- 
meenen  physiologische  Scheidkunde  (Essai 
de  Chimie  physiologique  générale),  1844-1846, 
2  vol.;  traduit  en  allemand  par  Moleschott  et 
par  Kolbe;  —  De  voeding  in  Nederland  in 
verband  tôt  den  volksgeest  (L'Alimentation 
dans  les  Pays-Bas  par  rapport  à  l'esprit  public)  ; 
Rotterdam,  1847  ;  traduit  en  allemand  par  Mo- 
lescbott;  —  De  voeding  van  den  Neger  in 
Suriname  (  L'Alimentation  des  nègres  de  Suri- 
nam) ;  Rotterdam,  1847;  —  Recherches  chi- 
miques, 1847;  traduit  en  allemand  par  Vôlker. 
Mulder  a  encore  publié:  Bydragen  tôt  denatuur- 
kundigewefenschappen  (Documents  pour  les 
sciences  naturelles);  1826-1832  :  en  commun 
avec  Hall  et  Vrolik  ;  —  Natur-en  scheidkundig 
Archief  (Archives  des  Sciences  naturelles  et  de 
Chimie),  1833-1838;—  Sckeidkundige  onder- 
zoegingen  gedaan  in  het  laboratorium  der 
Utrechtesche  Hoogeschoel  (  Expériences  de 
chimie  faites  dans  le  laboratoire  de  l'université 
d'Utrecht)  ;  1842-1847  ;—  Bulletin  des  Sciences 
physiques  et  naturelles  en  Néerlande  :  en  col- 
laboration avec  Wenckebach  et  Miguel.      O. 

Pierer,  Ergànzungen. 

muldrac  (François- Antoine),  historien 
français,  né  à  Compiègne,  le  23  septembre  1605, 
mort  à  Longpont  en  1667.  Lui-même  nous  ap- 
prend que  son  père  se  nommait  Jean  Muldrac, 
sa  mère  Suzanne  Caron,  et  qu'il  naquit  sur  la 
paroisse  de  Saint-Antoine.  A  seize  ans,  il  fut  ad- 
mis à  l'abbaye  de  Longpont,  de  l'ordre  de  Cî- 
teaux,  près  de  Soissons  ;  en  1621,  il  y  prononça 
ses  vœux.  Chargé,  dans  cette  communauté,  des 
cours  de  philosophie  et  de  théologie,  il  s'ac- 
quitta de  cette  mission  avec  autant  de  zèle  que 
de  capacité.  Nommé,  en  1636,  sous-prieur  de 
l'abbaye,  on  l'éleva,  en  1652,  à  la  dignité  de 
prieur.  Mais  il  ne  garda  pas  longtemps  cette 
charge,  dont  il  se  démit  volontairement ,  pour 
vivre  dans  la  retraite  et  se  consacrer  tout  en- 
tier aux  travaux  littéraires.  Voici  les  titres  de 
ses  ouvrages:  Compendiosiim  Abbatiœ  Longi- 
Pontis  Suessionensis  Chronicon;  Paris,  1652, 

28. 


871 


MULDHA.C  —  MULEY  MAHOMET 


in-12.  Cette  chronique  est  un  recueil  de  chartes, 
concernant  l'abbaye  de  Longpont  de  1131  à 
1648;  —  Le  Valois  royal  amplifié  et  enrichi 
de  plusieurs  pièces  curieuses  extraites  des 
cartulaires  et  archives  des  abbayes,  églises 
et  greffes  du  Valois  et  de  graves  auteurs , 
1662,  in-12.  C'est  l'ouvrage  de  Bergeron  (voy.  ce 
nom)  refondu  et  augmenté;  —  Compendio- 
sum  Diœcesis  Suessionensis  Spéculum,  in 
duas  partes  distinctum,  Ms.,  en  2  vol.  in-fol., 
qui ,  suivant  Carlier,  était  conservé  dans  la  bi- 
bliothèque de  l'abbaye  de  Longpont.  C'est  une 
histoire  abrégée  et  chronologique  du  diocèse  de 
Soissons  depuis  l'an  304  de  J.-C.  jusqu'en 
1661.  La  mort  de  Muldrac  en  empêcha  l'impres- 
sion. On  conservait  aussi  de  lui  un  autre  ma- 
nuscrit, contenant  un  choix  des  plus  beaux  pas- 
sages des  saints  Pères  sur  divers  sujets. 

Maurice  Champion. 
Carlier,  Hist.  du  Duché  de  Falots,   1764,  t.  III,  p.  92. 

muley  el  oatas,  roi  de  Fez,  régna  en 
1535,  et  mourut  en  1550.  Il  succéda  à  son  père, 
Muley  Mohamed,  et  passa  son  règne  à  combattre 
les  envahissements  progressifs  des  fils  du  chérif 
Mahomed  ben  -  Achmed.  Battu  souvent  par 
Muley  Mahomet,  et  deux  fois  prisonnier  de  son 
rival,  il  racheta  sa  liberté  par  l'abandon  d'une 
grande  partie  de  ses  provinces.  Assiégé  enfin 
dans  Fez,  sa  capitale,  après  une  résistance  de 
vingt  et  un  mois ,  Muley  el  Oatas  tomba  entre 
les  mains  du  chérif,  qui  le  déposa  (1545),  épousa 
sa  fille,  et  le  retint  en  captivité  jusqu'en  1550, 
époque  à  laquelle  il  le  fit  mourir  ainsi  que  son 
filsZidan.  En  lui  s'éteignit  la  dynastie  des  Merinis. 

muley  mahomet,  roi  de  Fez  et  de  Maroc, 
assassiné  en  1557.  Il  était  le  troisième  fils  du 
chérif  Mohamed  ben-Achmet;  l'aîné  de  ses 
frères,  Abd  el  Quibir,  fut  tué  dans  une  rencontre 
avec  les  Portugais,  et  l'histoire  du  second  ,  Muley 
Achmet,  se  trouve  liée  à  celle  de  Muley  Mahomet. 
Au  retour  d'un  pèlerinage  à  La  Mecque,  les  deux 
frères  se  rendirent  à  la  cour  de  Mohamed  el  Oatas, 
roi  de  Fez,  qui  confia  à  Muley  Mahomet  l'édu- 
cation de  ses  enfants.  Les  deux  chérifs  gagnè- 
rent la  confiance  de  Mohamed  el  Oafas,  qui  leur 
confia  des  commandements  importants;  ils  en 
profitèrent  pour  se  rendre  indépendants  et  se 
faire  proclamer  rois  (1536),  Achmet  à  Maroc  et 
Mahomet  à  Taroudant  sous  la  suzeraineté  de 
son  frère.  Muley  el  Oatas,  successeur  et  fils  de 
Mohamed  el  Oatas,  entrepritde  les  chasser;  mais 
les  deux  frères  dispersèrent  son  armée  près  de 
Maroc.  Rappelé  dans  ses  Élats  par  la  révolte  de 
son  frère  Muley  Achmet,  Muley  el  Oatas ,  après 
l'avoir  calmée,  revint  l'année  suivante  avec  des 
forces  plus  considérables  ;  mais  il  fut  de  nouveau 
entièrement  défait  par  les  chérifs. 
.  La  bonne  harmonie  qui  régnait  entre  les  deux 
chérifs  cessa  dès  qu'ils  furent  délivrés  de  leur 
ennemi;  Muley  Mahomet,  qui  sous  le  rapport 
de  l'intelligence  se  sentait  supérieur  à  son  frère, 
voulut  se   soustraire  à  sa  suzeraineté.   Muley 


Achmet  marcha  contre  lui,  et  remporta  d'ab  | 
quelques  avanlages;  mais,  dans  une  action  gé  I 
rale.il  fut  battu,  et  tomba  au  pouvoir  de  son  fr< 
ainsi  que  son  second  fils,  Boïza.  Muley  Zid  | 
son  fils  aîné,  se  réfugia  à  Maroc,  d'où  il  env  I 
son  épouse  à  son  oncle  ,  dont  elle  était  la  fi 
Cette  princesse  ménagea  un  accommodeme 
à  la  suite  duquel  Muley  Achmet   recouvra  j 
liberté;  mais   celui-ci,  désavouant   bientôt 
traité  qui  lui  avait  été  imposé,  reprit  les  arm 
la  fortune  favorisa  encore   Mahomet,   qui 
Maroc,  et  relégua  Mouley  Achmet  et  sa  faim 
dans  Tafilet. 

Muley  Mahomet,  maître  du  sud  de  l'empi 
voulant  punir  lé  roi  de  Fez  de    l'accueil  q 
avait  fait  aux  princes  de  Maroc ,  réclama  de 
la  province  du  Tell,  comme  dépendance  du  l 
roc;  il  fit  en  même  temps  assiéger  le  châtiii 
deFixtelapar  son  fils  Abdallah.  Muley  el  Oa* 
rencontra  son  ennemi  sur  les  rives  du   Séb( 
Mahomet  l'attaqua  avec  une  telle   impétuos 
que   les  Fezzans  furent  mis  dans  une  déro 
complète    presque   sans    coup   férir.   Muley 
Oatas,  renversé  de  cheval,  tomba  entre  les  maJ 
du  vainqueur  ainsi  que  son  lils  Muley  Buis 
Muley  Mahomet  ne  relâcha  ses  prisonniers  < 
sur  la  remise  de  Méquinez  et  la  promesse 
lui  livrer  Fez  dès  qu'il  l'exigerait.  Deux  m 
étaient  à  peine  écoulés   que  Muley    Mahor 
paraissait   devant   Fez     et   sommait    Muley 
Oatas  de  lui  ouvrir  sa  capitale.  Muley  el  Oa< 
s'excusa  sur  ce  que  les  habitants,  se  souven; 
de  leurs  concitoyens  égorgés  par  les  ordres 
roi  de  Maroc,  refusaient  de   le  recevoir  ai. 
leurs  murs.  Sur  ces  entrefaites,  Zidau,  fils  a; 
de  Muley  Achmet,  accourut  au  secours  du 
de  Fez  ;  il  livra  à  son  oncle  une  bataille  ach; 
née,  qui  demeura  indécise;  mais  l'argent  rm 
quant  au  jeune  prince,  ses  troupes  sedébandère 
Muley  Mahomet  fit  alors   investir  Fez  qui 
se  rendit  qu'après  deux  ans   de  résistance.  W 
homet  cette  fois  détrôna  Oatas,  et,  pourlégitirm 
en  quelque  sorte  son   usurpation,   épousa  u 
des  filles  du  monarque  fezzan.  Telle   fut  la 
de  la  dynastie  des  Merinis  après  une  dotnin 
tion  de  trois  cent  trente-sept  ans.  fcn  1545  Ml 
ley  Mahomet  envoya  trois  de  ses  fils,  Hara 
Abd  el  Kader   et    Abderhaman    s'emparer 
Tlemcen  et  de  quelques  autres  provinces 
nord,  restées  fidèles  aux  Merinis  ;  Haran  essa> 
même  de  surprendre  Oran  :  il  échoua  dans 
tentative  et  mourut  au  retour  de  cette  expéc 
tion.  Les  Algériens  accoururent  pour  reprend 
Tlemcen;   Abd  el  Kader   et   Abderhaman  ma 
chèrent  à  leur   rencontre;  mais   un    différa 
s'étant  élevé   entre   eux,   Abderhaman    resti- 
avec  ses  troupes,  témoin   impassible  de  la  di 
faite  et  de  la  mort  de  son   frère.    Les  enfan 
d'Abd  el  Kader  vinrent   se   jeter  aux  pieds  < 
leur    aieul,  accusant  Abderhaman  de  la  mo 
de  leur  père.   Mahomet  les  vengea  en  faisai 
empoisonner  Abderhaman.  La  perte  de  se3  tro 


|'3  MULEY  MAHOMET 

irrita  le  caractère  de  Mahomet,  qui  fit  étran- 
^r  dans  leur  prison  le  roi  de  Fez  et  son  fils 
Jan. 

ialah   Réis,  dey  d'Alger,  inquiet  des  progrès 
«  Muley  Mahomet,  et  sollicité  par  Buhaçon,  le 
tilleur  et  le  plus  influent  des  généraux  fezzans, 
i  pli  s'était  réfugié  près  de  lui,    envahit  le 
H  roc  avec  une  puissante  armée.  Muley  Maho- 
|t  essaya  vainement  de  lui  disputer  le  passage 
BSéibou.  Salah  Réis  prit  Fez,  et  s'avança  sur 
l'or..  Muley  Achmet  profita  de  la  défaite  de 
I  frère  pour  rentrer  à  Tafilet  et  former  une 
I  ince  avec  Buhaçon  que  Salah  Réis  venait  de 
le  proclamer  roi  de  Fez.  Mahomet  attendit 
I    Salah,    qui    s'était    séparé   en    mauvaise 
llligence  d'avec  Buhaçon,  fût  retourné  à  Al- 
I;  il  rassembla  alors  deux  armées,  donna  l'une 
In  fils  Abdallah  pour  reprendre  Fez,  tandis  que 
Interne  assiégeait   Tafilet.  Muley  Achmet  fit 
lioumission.  Son  frère  le  fit  emprisonner,  et 
lut  auprès  de  lui  ses  deux  neveux ,  qu'il  fit 
Itrir  qnelque  temps  après.  Mahomet  se  porta 
kitôl  contre  Buhaçon ,  qu'il  défit  et  tua  de- 
|tFez.  Il  entra  ensuite  dans  cette  ville,  et, 
1  se  venger  de  l'inconstance  de   ses  habi-- 
■s,  il  mit  à  mort  les  principaux  d'entre  eux, 
fisqua  leurs   biens  et   frappa  sur  les  autres 
contribution  de  trois  millions  de  livres.  Il 
Isa  à  Fez  son  fils  Abdallah  en  qualité  de  vice- 
,  et  retourna  à  Maroc.  Il  périt  dans  une  ex- 
Stion  entreprise  contre  les  tribus  berbères 
11' Atlas,  assassiné  par  un  émissaire  du  dey 
llger  Hassan.  Muley  Achmet,  son  frère,  fut  aus- 
t  étranglé  dans  sa  prison  ,  par  les  ordres  du 
iverneur  de  Maroc ,   qui    craignait  que  le 
e  ne  le   proclamât  à  la  place  du  fils  aîné 
(Mahomet,  Muley  Abdallah. 
cley  ardallah  ,  empereur  de  Maroc, 
't  en  1574.  Il  succéda,  en  1557,  à  son  père  Mu- 
Mohammed.  Ce  prince  commença  par  régner 
sagesse  et  modération  ;  mais  bientôt-,  pre- 
jt  ombrage  de  l'affection  que  ses  sujets  té- 
gnaient  à  ses  deux  frères  à  qui  il  avait  confié 
gouvernements,  il  les  manda  auprès  de  lui, 
it  trancher  la  tête  à  celui  qui  se  rendit  à  son 
el   ainsi  qu'à  ses  deux  neveux.  Son  autre 
te  Abd  el  Moumen,  qui   commandait  à  Fez, 
Jfuit  auprès  du  dey  d'Alger  Hassan,  fils  du 
bre  Barbe-Rousse,  qui  lui  donna  sa  fille  en 
■iage  et  lui  confia  le  gouvernement  de  Tlem- 
.   Quelque  temps  après,   ce    prince   tomba 
s  les  coups  d'un  assassin   envoyé  par  son 
e.  En  1562  Muley  Abdallah  attaqua    sans 
bès  Mazagran  ;  il  mourut  laissant  pour  suc- 
jseur  Muley  Mahomet,  son  fils    aîné.  Muley 
Sflallah,  d'un  caractère  cruel  et  efféminé,  n'é- 
w  pas  entièrement  dépourvu  de  bonnes  quali- 
té; on  lui  doit  la  construction  de  palais  et  d'é- 
Ices  utiles  ;  il  ajouta  des  collèges  aux  mos- 
|es,  et  fit  construire  le  château  d'Agadir,  pour 
l'ndre  la  ville  de  Sainte-Croix  contre  lesat- 
ifaes  des  Portugais. 


—  MULEY   ACHMET 


874 


muley  mohamed,  surnommé  le  Nègre  (1), 
sultan  de  Maroc,  fils  du  précédent,  mort  le 
4  août  1578.  A  peine  fut-il  sur  le  trône,  qu'il  fit 
périr  deux  de  ses  frères  et  enfermer  le  troisième. 
Cette  cruauté  le  rendit  odieux  à  ses  sujets. 
Muley  Abd  el  Melek  ou  Moluk,  l'un  de  ses  on- 
cles, profita  de  cette  disposition  des  esprits  pour 
le  détrôner.  Muley  Mohamed  se  réfugia  à  Lis- 
bonne, auprès  de  don  Sébastien,  qui  se  préparait 
à  passer  en  Afrique.  Il  engagea  ce  prince  à  exé- 
cuter son  projet ,  l'assurant  qu'à  peine  arrivé, 
un  parti  considérable  se  joindrait  à  son  armée. 
Don  Sébastien  partit  de  Lisbonne,  le  25  juin 
1578,  fit  relâche  à  Lagos  ,  puis  à  Cadix,  dé- 
barqua à  Tanger,  d'où  il  s'avança  vers  Arzille. 
Les  alliés  promis  ne  se  présentant  pas  ,  Mu- 
ley Mohamed  conseilla  au  roi  de  Portugal , 
dont  l'armée  n'était  que  de  quinze  mille  hom- 
mes, de  s'emparer  d'EI-Araiche  (  Larrache  )  et 
de  s'y  retrancher  en  attendant  des  renforts. 
Don  Sébastien  rejeta  ce  conseil,  et  osa  attaquer 
les  quarante  mille  cavaliers  et  les  dix  mille  fan- 
tassins d'Abd  el  Melek  dans  la  plaine  de  Tamista 
(deux  lieues  d'Arzille),  le  4  août  1578.  Les  Portu- 
gais, bientôt  enveloppés  par  des  forces  quadru- 
ples, ne  durent  plus  songer  qu'à  vendre  chère- 
ment leur  vie.  Don  Sébastien  fut  tué,  et  avec 
lui  périt  presque  toute  la  noblesse  portugaise; 
Muley  Mohamed,  qui  combattait  dans  les  rangs 
lusitaniens,  se  noya  au  passage  d'une  rivière,  et 
le  petit  nombre  des  vaincus  échappés  au  massa- 
cre fut  réduit  en  esclavage  ;  ce  fut  un  des  plus 
grands  désastres  qui  affligèrent  le  Portugal.  Abd 
el  Melek  ne  jouit  pas  de  sa  victoire  ;  malade 
avant  la  bataille,  il  se  faisait  porter  en  litière 
pendant  l'action,  et  mourut  avant  la  fin  du 
combat;  c'est  ce  qui  fit  donner  à  cette  jour- 
née le  nom  de  bataille  des  Trois  Rois,  en  rai- 
son des  trois  souverains  qui  y  perdirent  la 
vie  (2). 

muley  achmet,  sultan  de  Maroc,  frère  du 
précédent,  mort  en  1603.  Il  avait  le  plus  con- 
tribué à  la  grande  victoire  de  Tamista;  aussi  fut- 
il  proclamé  sultan  sur  le  champ  de  bataille.  Il 
régnait  fort  paisiblement  lorsqu'en  1594  l'un  de 
ses  parents, Muley  Naur,  soudoyé  par  le  roi  d'Es- 
pagne Philippe  II,  vint  lui  disputer  le  trône; 
Achmet  envoya  contre  ce  prétendant  son  fils 
Muley  Chek ,  qui  le  battit  et  dispersa  son  parti. 
Naur,  blessé  dans  l'action,  dut  renoncer  à 
son  entreprise.  Le  règne  de  Muley  Achmet  est 
regardé  comme  un  des  plus  heureux  pour  le 
Maroc.  Ce  souverain  pacifique  ayant  construit 
plusieurs  monuments  d'utilité  publique,  réparé  les 
routes  et  les  ports,  réprima  certains  abus  dans 
ce  qu'on  appelle  la  magistrature  musulmane,  etc. 
Quelque  temps  avant  sa  mort,  et  pour  assurer  à 
son  fils  Chek  la  succession  au  trône ,  il  exigea 


(1)  Ce  surnom  lui    fut  donné  parce  que  sa  mère  était 
une  esclave  de  couleur  noire. 

(2)  C'est  la  même  que  les  Portugais  désignent  sous  le 
nom  <!•  4lcussi 


875 


MULEY  ACHMET  —  MULEY  ARCHID 


que  ses  frères  et  ses  autres  filslui  prêtassent  ser- 
ment Je  fidélité. 

mcley  sibas  (Zéidan),  sultan  de  Maroc, 
mort  dans  cette  ville,  en  1630.  Il  était  le  plus 
jeune  des  filsdeMuley  Achmet,  et, se  trouvante 
Maroc  lors  de  la  mort  de  son  père  (1603),  il  dut 
à  cette  circonstance  d'être  choisi  pour  lui  suc- 
céder, au  détriment  de  ses  deux,  frères  aînés, 
Muley  Abdallah  et  Muley  Chek  (  Sech  ),  qui  pro- 
testèrent contre  cette  élection  et  prirent  les 
armes  pour  le  détrôner.  Malgré  les  subsides 
fournis  à  Chek  par  Philippe  III ,  qui  re- 
çut en  retour  la  ville  d'El-Arache  ,  Sidan  resta 
maître  de  l'empire.  Les  dernières  années  de  son 
règne  furent  troublées  par  les  excursions  des  Ber- 
bères, qu'il  soumit  enfin.  En  1620,  il  reçut  un 
ambassadeur  de  Hollande,  accompagné  du  pro- 
fesseur de  langue  arabe  Golius.  Sidan  se  montra 
fort  étonné  de  voir  que  Golius  écrivait  très- 
bien  l'arabe,  mais  qu'il  ne  savait  pas  le  parler. 
Sidan  eut  pour  successeur  son  fils  aîné  Muley 
Ab  el  Mélek. 

muley  abd  EL  Mélek,  premier  empereur 
du  Maroc,  fils  aîné  du  précédent,  assassiné  en 
1635.  Il  monta  sur  le  trône  en  1630,  et  fut  le  \ 
premier  qui  dans  ses  relations  avec  les  gouver- 
nements étrangers  prit  le  titre  iYempereur. 
Les  commencements  du  règne  de  ce  prince,  qui 
affecta  des  sentiments  religieux,  furent  assez 
tranquilles;  mais  bientôt  son  caractère  cruel  et 
débauché  le  rendit  si  odieux  à  ses  sujets,  qu'un 
soulèvement  général  éclata,  et  les  habitants  de 
Fez  appelèrent  au  trône  son  frère  Muley  Ach- 
met. Celui-ci,  ayant  manifesté  les  mêmes  pen- 
chants que  son  frère,  fut  bientôt  déposé.  Muley 
Sinan  et  Muley  el  Valid  se  mirent  alors  sur  les 
rangs  ;  mais  Muley  Abd  el  Mélek  les  vainquit  et 
Iesfitenfermer.  Il  fut  assassiné  dans  sa  tente  par  un 
esclave  mécontent  qui,  le  voyant  plongé  dans  l'i- 
vresse, lui  tira  un  coup  de  pistolet.  Son  frère 
Muley  lui  succéda. 

muley  EL  valid,  empereur  de  Maroc, 
frère  du  précédent,  mort  en  1647.  Il  était  en 
prison  lorsque  Abd  el  Melek  futassassiné  (1635) , 
etfuttiré  des  fers  pour  monter  surle  trône.  Le 
règne  de  ce  prince  ne  fut  troublé  que  par  la  ré- 
volte de  son  frère  Muley  Sinan,  qui,  aidé  par  un 
kaid  influent,  tenta  de  lui  enlever  la  couronne. 
Les  deux  rebelles  tombèrent  au  pouvoir  de  l'em- 
pereur, qui  leur  fit  trancher  la  tête.  Ce  fut  sous  le 
règne  de  Muley  el  Valid  que  Sanson  ,  ambas- 
sadeur de  France,  parvint  à  traiter  de  la  rançon 
de  plusieurs  Français  en  captivitédans  le  Maroc. 

muley  achmet  chek  ,  troisième  empe- 
reur du  Maroc, dernier  frèredes  précédents,  mis 
à  mort,  vers  1650.  Il  abandonna  pour  se  livrer  aux 
plaisirs  et  à  ladébauchele  gouvernement  de  ses 
États  à  des  minisires  incapables  et  avides-  Ses 
sujets  se  soulevèrent  ;  ceux  des  montagnes  vinrent 
assiéger  Maroc,  qu'ils  mirent  à  sac.  M  uley  Achmet 
Chek  fut  tué.  Les  insurgés  proclamèrent  à  sa  place 
Crom  el  Hadji,  un  de  leurs  chefs,  qui  mit  fin  à  la 


dynastie  des  chérifs    en  faisant  massacrer  k 
ce  qui  restait  de  cette  famille. 

muley  ali,  empereur  de  Maroc,  fondât* 
de  la  branche  des  Faletti,   famille  actuellemi 
régnante.   11  était  né  à  Jambo,  près  de  Médii 
vers  1610,    et   descendait    du   prophète.    I 
Maures  en  pèlerinage  à  La  Mecque,  frappés, 
ses  éminenles  qualités,  le  déterminèrent  à  sefe 
dans  leur  patrie.  Selon  la  tradition,  depuis  p' 
sieurs   années  une   cruelle   disette  désolait  i 
pays.  Aussitôt  après  l'arrivée  d'Ali   les  saisi  < 
reprirent  leur  cours ,  et  les  récoltes  devinn 
si  abondantes  que  le  peuple  attribua  partout 
changement  à  l'influence  du  pieux  chérif.  D'u 
voix  unanime  on  le  proclama  roi  de  Tafiletst 
le  nom  de  Muley  Chérif  (1).  Il    fut  recon 
successivement  parles  autres  provinces,  à  lUi 
ception  de  Maroc  et  de  ses  environs  qui  setre 
vaient  alors  au  pouvoir  de  l'usurpateur  Crom 
Hadji  et  des  meurtriers  du  précédent  empere1- 
Muley  Achmet  Chek, et  de  sa  famille,  les  d> 
niers  des  Mérinis.  Souscç  prince,  l'empire,  épu 
par  la  disette,  les  divisions  et  les  guerres  civil 
goûta  enfin  la    paix  et  l'abondance;  aussi  fui* 
très-regretté  de  ses  sujets. 

muley  mahomet,  empereur  de  Maroc, 
du  précédent,  mort  en  1664.  Digne  héritier  c 
vertus  de  son  père,  il  eût  maintenu  une   pu 
profonde  dans  ses  États ,  sans  la   rébellion 
son    frère   Archid.    Muley    Mahomet    marc 
contre  lui,  le  défit  et  le   fit  prisonnier;   ni 
Archid  parvint   à  s'évader,   leva  de   nouvel 
troupes ,  et  revint  attaquer  Mahomet.  Les  s 
dats  de  ce  dernier,  séduits  par  les  largesses  d'i 
chid,  abandonnèrent  leur  souverain,  qui,  assi< 
dans  Tafilet,  y  mourut  quelque  temps  après. 

muley  archid,  frère  du  précédent,  e 
pereur  du  Maroc,  né  en  1631,  mort  à  Fez-,, 
27  mars  1672.  Jaloux  de  la  puissance  de  i 
frère  Muley  Mahomet,  auquel  il  demandait  i 
part  dans  l'empire,  il  se  retira  du  côté  d'El  Drji 
et  y  rassembla  des  forces  considérables.  Mal1 
met  marcha  contre  lui,  dispersa  ses  partisan 
et  le  fit  emprisonner.  Archid  parvint  à  s'évai 
à  l'aide  d'un  esclave  nègre  qui  le  servait.  Ren 
à  la  liberté,  sa  première  action  fut  de  poignan 
son  libérateur,  craignant  d'être  trahi  par  lui. 
se  réfugia  ensuite  auprès  d'Ali  Soliman,  qui  co 
mandait  dans  les  montagnes  du  Rif;  il  gagna 
confiance  de  ce  chéik,  qui  lui  confia  l'administi 
tion  de  ses  domaines.  Archid  en  profita  pc 
corrompre  les  soldats  d  Ali  Soliman  et  les  entraîi 
à  la  révolte.  La  lutte  ne  fut  pas  longue  :  l'impi 
dent  Ali,  abandonné  de  la  plus  grande  partie  < 
siens,  tomba  entre  les  mains  de  son  perfide  M 
qui  le  fit  mettre  à  mort.  Archid  marcha  ensu 
contre  Mahomet,  son  frère,  qu'il  battit  dans  de 
rencontres  successives  et  qu'il  obligea  de  se  n 
fermer  dans  sa  capitale,  où  il  mourut  peu  de  tetr 
après.  Muley  Archid,  resté  sans  compétiteur  : 

(l)  Chérir  est  le  litre  de  noblesse  que  portent  les  d 
cendants  du  propbète. 


JJ77  MULEY  ARCHID 

lieux,  ne  tarda  pas  à  agrandir  ses  possessions. 
j  kprès  avoir  soumis  les  montagnards  du  Rif,  il  prit 
:  uceessivement  Traza(7'esa))Fez(lG65),  Arzilla, 
j.alé.  D'autres  villes  et  tribus,  effrayées,  se  sou- 
inirent  sans  combattre.  Le  chéik  Ben-lîouker 
issaya.de  résister;  mais, trahi  et  livré  àArchid^ 
!  fut  décapité.  En  16C7  Archid  marcha  avec 
tiuarante  mille  hommes  sur  Maroc,  qu'occupait 
Muley  Chek,  fils  de  l'usurpateur  Crom  el  Hadji. 
fJhek,  livré  par  les  siens,  fut  traîné  à  la  queue 

'une  mule  dans  les  rues  de  Maroc.  Le  corps 

le  Crom  el  Hadji  n'échappa  même  pas  aux 
Ureurs  du  vainqueur  :  il  fut  déterré  et  brûlé. 

.es  tribus  des  Chabanets,  de  Sous,  du  cap 
| l'Agadir  furent  ensuite  réduites,  décimées  et 
frappées  d'énormes  contributions.  Quelques  ré- 
j  oltes  partielles  furent  étouffées  dans  le  sang.Mu- 
Kf  Archid  étendit  ainsi  son  empire  jusqu'au  dé- 
troit de  Gibraltar,  et  devint  le  souverain  le  plus 
puissant  de  l'Afrique.  Son  règne  ne  fut  plus 
[rouble  que  par  la  révolte  de  ses  neveux,  les. 
t  Is  de  Muley  Mahomet,  qui  se  termina  par  le 
[upplice    des    conspirateurs.    Muley  Méhéres, 

ouverneur  du  Maroc,  et  aussi  neveu  d'Archid, 
fssaya  également    de  se  soustraire  à  l'autorité 

é  son  oncle,  qui  se  contenta  de  lui  ôter  son  gou- 
i  ernement. 

i  Muley  Archid  mourut  dans  sa  quarante- 
deuxième  année;  il  se  cassa  la  tête  contre  un 

rbre  dans  un  divertissement  à  cheval.  Ce 
itrince  fut  un  des  plus  cruels  qui  aient  affligé 
►e  Maroc.  Parmi  ses  nombreux  traits  de 
uarbarie,  nous  citerons  les  suivants,  rapportés 
>ar  Chénier  :  «  Pour  forcer  des  femmes,  dont  il 
livait  fait  périr  les  maris,  à  payer  des  contribu- 
jions  exagérées,  il  fit  placer  leurs  mamelles  entre 
es  bords  de  l'ouverture  d'un  coffre  et  les  com- 
prima de  son  propre  poids.  Une  autre  fois,  un 
le  ses  kaïds  voulant  lui  vanter  la  sûreté  qui  ré- 
gnait sur  les  routes  de  l'empire  lui  dit  avoir 
•encontre  un  sac  de  noix  que  personne  n'avait 
ramassé.  — «Et  comment  sais-tu  qu'il  y  avait  des 
lioix  dans  le  sac?  »  lui  dit  l'empereur.  —  «  Je  l'ai 
«ouchéavec  le  pied  »,  répliqua  le  kaïd.  —  «  Eh, 
bien,  qu'on  lui  coupe  le  pied,  repartit  le  prince, 
oour  punir  sa  curiosité.  » 

mulet  ismael,  empereur  du  Maroc,  frère 
du  précédent, né  en  1646,  mort  le  22  mars  1727. 
!I1  fut  élu  empereur  à  Fez  en  même  temps  que 
ison  frère  Muley  Haran  se  faisait  proclamer  à  Ta- 
Ifilet  et  son  neveu  Muley  Achmetà  Maroc.  Muley 
Ismael  marcha  d'abord  contre  son  neveu  (1673), 
Iqui,  battu  et  blessé  à  la  cuisse,  se  réfugia  auprès 
de  son  oncle  Haran.  Ismael  attaqua  ensuite 
[Gaïland,  l'ancien  kaïd  d'Arzilia,  qui  venait,  avec 
le  secours  des  Algériens,  de  reprendre  son  an- 
cien gouvernement,  dont  il  avait  été  dépossédé  par 
fMuley  Archid.  Le  kaïd  perdit  la  bataille  et  la  vie. 
Ismael  réprima  ensuite  les  révoltes  qui  venaient 
d'éclater  à  Fez,  à  Teza,  à  Alcassar,  dans  la  pro- 
vince de  Héa  et  dans  les  tribus  des  Chabanets 
et  des  Chavoias  (1674);  ces  expéditions  furent 


—  MULEY  ISMAEL  878 

|   suivies   d'exactions    et    d'atrocités  révoltantes 
exercées  sur  les  vaincus.  L'année  suivante  (1675), 
!  Muley  Aclimet  parvint  à  s'emparer  de  Maroc. 
L'empereur  était  en  route  pour  Salé  lorsqu'il  ap- 
j  prit  cet  événement;   il  envoya  aussitôt  le  kaïd 
!  Messaout  Gerari  pour  reprendre  la  ville;  mais, 
.  attiré  dans  une  embuscade,  il  fut  complètement 
i  battu.  Ismael  lui-même  ne  fut  pas  plus  heu- 
'  reux.  Il  dut  traiter  avec  son  neveu,  et  lui  céda 
la  souveraineté  du  Drah.  Malgré  l'amnistie  géné- 
rale proclamée  lors  de  cette  réconciliation ,  Is- 
mael saccagea  Maroc,,  et  infligea  aux  habitants 
les  plus  indignes  traitements.  Il  fit  aussi  traîtreu- 
sement mettre  à  mort   Sidi   Semag,  chéik    du 
Tell,  et  ravagea  cette  contrée.  A   peine  rentré 
dans  sa  capitale,  Ismael    reçut  avis  de  la  ré- 
volte   du  kaïd   Mahomet    El  Hadji  ben  Abdal- 
lah, un  des   fils  de  Ben-Buker,  qui,  soutenu 
par  la  Turquie,  s'avançait  à  la  tête  d'une  armée  de 
soixante  mille  hommes,  et  avait  déjà  soulevé  les 
provinces,  de  Chavoia   et  de  Méquinez.  Muley 
lsmaël  le  joignit,  mit  son  armée  en  déroute,  et 
envoya  dix  mille  têtes  à  Fez  et  à  Maroc  pour  an- 
noncer sa  victoire  et  terrifier  ses  ennemis. 

En  1678,  l'empire  fut  désolé  par  la  peste,  qui 
enleva  plus  d'un  million  d'habitants;  ce  qui  dé- 
termina l'empereur  à  quitter  Méquinez  pour 
établir  son  séjour  dans  l'Atlas;  il  fit  de- 
mander des  contributions  aux  tribus  berbères 
qui  l'habitent.  Celles  dont  le  territoire  of- 
frait un  facile  accès  aux  troupes  marocaines 
s'exécutèrent  ;  mais  celles  qui  étaient  proté- 
gées par  la  nature  du  terrain  refusèrent  l'im- 
pôt. Ismael  envahit  leur  pays.  Cette  expédition 
fut  désastreuse  :  engagé  au  milieu  des  neiges  et 
des  rochers  inaccessibles,  il  perdit  une  partie  de 
son  armée,  et  fut  forcé  de  fuir,  abandonnant  son 
camp  et  ses  rapines.  De  retour  à  Méquinez,  il  se 
vengea  de  son  échec  sur  son  premier  ministre 
Abder-Rhaman  Filili,  qu'il  accusa  de  prévarica- 
tion; il  lui  cassa  le  bras  d'un  coup  de  pistolet, 
et  le  fit  traîner  par  le  camp  cousu  dans  une  peau 
de  bœuf;  tous  les  officiers  sous  ses  ordres  furent 
également  massacrés.  C'est  à  Muley  Ismael  que 
le  Maroc  doit  la  création  de  la  milice  des  noirs  ; 
il  procéda  en  1678  à  la  consécration  sous  le  pa- 
tronage de  Sidi  Boccari  (1)  de  cette  garde  préto- 
rienne qui  lui  fut  toujours  dévouée  ;  mais  avec  le 
temps,  son  pouvoir  et  son  arrogance  s'étant  ac- 
crus, elle  devint  redoutable  à  ses  successeurs,  et 
leur  créa  bien  des  embarras. 

N'ayant  plus  d'ennemis  à  combattre,  Muley 
Ismael  chercha  des  distractions  dans  la  cons- 
truction de  palais  et  de  fortifications,  autant  par 
goût  que  pour  occuper  son  entourage.  «  Quand 
j'ai  des  rats  dans  un  panier,  disait-il,  je  l'agite 
constamment,  sans  quoi  ils  le  perceraient  pour 
s'enfuir.  »  En  1680  il  s'empara  du  fort  Char- 
les, dépendant  de  Tanger;  les  Anglais,  com- 
prenant l'inutilité  de  la  possession  de  cette  place, 

(1)  Un  des  commentateurs  du  Coran. 


879 


MULEY  ISMAEL 


88( 


l'abandonnèrent  après  en  avoir  fait  sauter  les 
fortifications  (1684).  L'année  suivante  l'empe- 
reur enleva  aux  Espagnols  le  fort  de  la  Mamore. 
El-Arraïche  se  rendit  en  1689. 

Ce  fut  à  cette  époque  que  le  chevalier  de 
Château-Renaud,  qui  au  mois  d'avril  1680  était 
venu  mouiller  avec  dix  vaisseaux  devant  Salé , 
se  présenta  de  nouveau  devant  ce  port  avec  une 
escadre  de  quatre  vaisseaux  pour  traiter  avec 
Muley  Ismael  du  rachat  des  esclaves;  l'empe- 
reur, pour  traîner  les  choses  en  longueur,  fit  invi- 
ter Louis  XIV  à  lui  envoyer  une  personne  de 
confiance  pour  conclure  l'affaire,  tandis  qu'il  fai- 
sait partir  deux  ambassadeurs  sur  les  vaisseaux 
du  chevalier  de  Château-Renaud.  Louis  XIV  en- 
voya Sainl-Olon  à  Méquinez  ;  cette  mission  n'a- 
boutit à  rien.  D'après  Saint-Olon,  ce  fut  sur  les 
éloges  qne  ses  ambassadeurs  lui  firent  du  mé- 
rite et  de  la  beauté  de  la  princesse  de  Conti , 
fille  naturelle  de  Louis  XIV,  que  Muley  Ismael 
se  décida  à  la  faire  demander  en  mariage.  Ce 
fait,  passé  sous  silence  parChénier,  est  traité  de 
fable  par  l'auteur  de  Y  Histoire  des  Chéri/s 
en  Afrique  (1). 

En  1694,  Ismael  vintassiéger  Ceutaà  la  têtede 
quarante  mille  hommes  ;  ayant  échoué  dans  sa 
tentative  d'assaut,  il  chargea  le  kaïd  Hamar- 
Hadou,  vice- roi  de  Garbe,  de  l'investir  par  terre  ; 
ce  blocus  dura  jusqu'en  1720,  époque  à  laquelle 
Philippe  V  envoya  le  marquis  de  Lède,  qui  réus- 
sit à  détruire  les  retranchements  des  Maures  et 
à  les  refouler  dans  les  montagnes. 

Au  printemps  de  1697,  Ismael,  à  la  tête  de 
soixante  mille  hommes,attaqua  les  Algériens;  mais 
ceux-ci,  dont  les  forces  n'atteignaient  pas  quinze 
mille  combattants,  lui  firent  essuyer  une  défaite 
complète.  Au  retour  de  cette  expédition,  Ismael 
apprit  la  rébellion  de  son  fils  aîné  Muley  Ma- 
homet; ce  prince,  ayant  attiré  dans  une  embus- 
cade le  gouverneur  de  Maroc,  s'empara  de  la 
ville;  mais  il  dut  fuir  devant  son  frère  Muley 
Zidan,  qui  le  saisit  à  Taroudant  et  l'envoya  à  leur 
père.  Arrivé  en  sa  présence,  Muley  Mahomet 
se  jeta  à  genoux  ,  implorant  son  pardon  ; 
mais  l'empereur,  sourd  à  ses  supplications,  or- 
donnaà  un  boucher  de  lui  couper  le  poignet  droit; 

(1)  Cependant  le  duc  de  Nevers  Dt  à  cette  occasion  une 
pièce  de  vers  qui  a  été  insérée  dans  le  Nouveau   Siècle 
de  Louis  XI?  {  Paris,  1793).  t.  IV,  p.  153.  J.-B.  Rousseau 
composa  sur  le  même  sujet  les  vers  suivants  : 
Votre  beauté,  grande  princesse, 
Porte  les  tr;iits  dont  elle  blesse, 
Jusques  aux  plus  sauvages  lieux; 
L'Afrique  avec  vous  capitule, 
Et  les  conquêtes  de  vos  yeux 
Vont  plus  loin  que  cilles  d'Hercule.  ' 
Périgny  a  également  composé  un  couplet  épigramma- 
tlque  pour  cette  circonstance  : 

Pourquoi  refusez-vous  l'hommage  glorieux 
D'un  roi  qui  vous  ai  tend,  et  qui  vous  croira  belle? 
Puisque  l'Hymen  à  Maroc  vous  appelle, 
Partez;  c'est  peut  être  en  ces  lieux, 
Qu'il  vous  garde  un  aiiiant  fidèle. 

On  doit  donc  supposer  que  le  bruit  qui  courut  de  cette 
union  eut  quelque  fondement. 


celui-ci  ayant  refusé,  «  ne  voulant  pas,  disait-il 
tremper  ses  mains  dans  le  sang  d'un  chérifV,  Is 
maël  trancha  lui-même  la  tête  au  boucher  et  et 
appela  un  autre  qui  coupa  la  main  et  le  pied  droits 
à  son  fils.  «  Eh  bien,  malheureux  !  dit  alors  Is- 
mael, à  présent  connais-tu  ton  père?  »  Il  prit  er 
même  temps  un  fusil  et  tua  le  boucher  qui  avait 
mutilé  son  fils.  Celui-ci,  malgré  ses  souffrances, 
ne  put  s'empêcher  de  faire  observer  l'inconsé- 
quence atroce  d'un  souverain  qui  tue  celui  qui 
exécute  ses  ordres  comme  celui  qui  refuse  dt 
lui  obéir.  On  mit  dans  du  goudron  les  membres 
mutilés  de  l'infortuné  prince  qui  fut  conduit  à 
Méquinez ,  où  il  mourut  au  bout  de  quatorze 
jours.  Son  père  lui  fit  élever  un  superbe  tom 
beau,  qui  conserve  à  la  postérité  le  souvenir  de 
cet  acte  barbare.  Muley  Zidan  s'empara  de  Ta 
roudant ,  où  il  commit  des  excès  atroces.  Se 
voyant  débarrassé  du  frère  son  rival,  et  chargé  du 
commandement  de  l'armée,  il  songea  à  se> 
rendre  indépendant.  L'empereur  chercha  à  le1 
rappeler  auprès  de  lui;  mais  Zidan  s'y  refusa. 
Ismael  gagna  alors  quelques-unes  des  femmes 
de  son  fils ,  qui  pendant  son  sommeil  l'étouf- 
fèrent  entre  deux  matelas  (1721).  La  négresse 
Léla-Zidana,  mère  de  Zidan,  vengea  la  mort  de 
ce  prince  en  faisant  étrangler  les  sept  femmes  qui 
avaient  pris  part  au  meurtre  de  son  fils,  et  en 
forçant  trois  d'entre  elles  à  manger,  avant  de  mou- 
rir, leurs  mamelles  qu'elle  leur  avait  fait  couper. 
Après  la  mort  de  Zidan,  le  gouvernement  des 
provinces  du  sud  échut  à  Abd  el  Mélek,  autre  fils 
d'Ismael.  Il  ne  tarda  pas  à  imiter  ses  frères  et  à 
méconnaître  l'autorité  de  l'empereur.  Muley  Is- 
mael, à  qui  la  vieillesse  ne  permettait  plus  d'en- 
trer en  campagne  pour  contraindre  son  fils  à  la 
soumission,  lui  écrivit  des  lettres  fort  tendres, 
où  il  s'efforçait  de  lui  insinuer  que  son  grand 
âge  ne  lui  permettant  plus  de  conserver  le  pou- 
voir, il  était  tout  disposé  à  le  lui  cédeT;  ces 
promesses  ne  purent  séduire  Abd  el  Mélek,  qui, 
connaissant  bien  son  père,  répondit  dans  les 
termes  les  plus  respectueux,  mais  se  garda  bien 
de  quitter  son  gouvernement.  Ismael  désigna 
alors  pour  son  successeur  son  second  fils  Mu- 
ley Achmet  Déby,  et  mourut  âgé  de  quatre- 
vingt  et  un  ans ,  après  un  règne  de  cinquante- 
quatre  ans.  Ce  prince,  habile  politique,  actif, 
entreprenant,  a  terni  l'éclat  de  son  règne  par  son 
avarice,  sa  mauvaise  foi  et  une  foule  de  cruautés, 
dont  le  détail  serait  effrayant.  Il  eut  un  nombre 
prodigieux  de  femmes, et  sa  postérité  a  été  si  nom- 
breuse qu'on  doute  qu'il  sût  lui-même  le  nombre 
de  ses  enfants;  s'il  faut  en  croire  l'opinion  géné- 
rale ,  les  mâles  dépassaient  huit  cents ,  et  l'on 
voit  encore  dans  le  Tafilet  toute  une  population 
de  chérifs  qui  sont  les  descendants  de  Muley 
Ismael.  Chénier  raconte  que  le  dernier  enfant 
de  ce  souverain  étant  né  dix-huit  mois  après  la 
mort  de  son  père,  les  talebs  décidèrent  que  la 
douleur  de  la  mère  avait  retardé  cette  fois  l'or- 
dre de  la  nature. 


1 


81  MULEY- ACHMKT  DEBY 

Mi'iiiY  ACHMET  DÉBY,  empereur  du  Maroc, 
s  du  précédent,  mort  err  mars  1729.  Choisi  par 
<n  père,  au  préjudice  de  ses  frères  Abd  cl  Mélek 
Abdallah,  ses  atnés,  les  principaux  officiers  de 
impire  et  les  chefs  des  alboccaris  (milice  nè- 
e)  lui  prêtèrent  serment  de  fidélité;  il  lit  dis- 
buer  200,000  ducats  aux  troupes,  et  soumit 
i  provinces  qui  avaient  refusé  de  reconnaître 
In  élection.  Se  voyant  paisible   possesseur  de 
mpire  et  du  trésor  qu'Ismael  avait  laissé  (plus 
cent  millions),  il  négligea  le  gouvernement  de 
s  États  pour  se  livrer  à  son  goût  pour  la  bois-. 
;  Cette  infraction  aux  préceptes  de  Mahomet 
aliéna  l'affection  de  ses  sujets.  Vainement 
réduisit  tous  les  impôts  à  la   perception  du 
ième  des  revenus  ,  les  kaïds,  se  prévalant  de 
faiblesse  de  l'empereur,  continuèrent  leurs  ex- 
igions. Un  soulèvement  général  éclata.  Fez,  Té- 
,  n  et  les  provinces  du  sud  se  déclarèrent  pour 
i  el  Mélek ,  rigide  observateur  des  lois  du  Ko- 
.  Achmet  Déby  marcha  contre  les  révoltés,  et 
ceau  courage  de  sa  milice  noire  les  défit  com- 
tement.Abd  el  Mélek  fut  blessé  trois  fois  dans 
Hion.  Cette  victoire  amena  la  soumission  de  Fez 
es  autres  villes  du  nord.  Mais  Déby  continua 
excès  d'intempérance,  et  le  scandale  devint 
H-,rand  que  l'armée  se  joignit  au  peuple  pour 
lamer  Abd  el  Mélek.  Ce  prince  lit  son  entrée 
équinezle  10  avril  1728, et  se  contenta  d'exi- 
on  frère  à  Tafilet.  Le  nouvel  empereur,  par  sa 
teuretsa  dureté,  indisposa  bientôt  contre  lui 
entourage  et  surtout  les  noirs.  Achmet  Déby 
rappelé;  Abd  el  Mélek,   livré  au  vainqueur, 
étranglé  à  Méquinez  quelques  mois  plus  tard, 
eu   de  jours  après  cette  exécution ,  Muley 
met  Déby  mourut  lui-même,  d'une  hydropisie. 
Uley  aboallah,  frère  du  précédent,  em- 
sur  du  Maroc,  né  en  1694,  mort  à  Fez,  le 
ovembre  1757.  Il  dut  son  élévation  au  trône  à 
uence  que  samèreLélaContta,  négresse  elle- 
me,  sut  acquérir  sur  les  alboccaris,  cette  milice 
Issante  et  avidequi  disposait  alors  de  l'empire, 
un  caractère  cruel  et  bizarre,  Abdallah,  cinq  fois 
Bossédéet  six  fois  réélu,  fut,  pendant  les  douze 

■  nières  années  de  son  règne,  le  jouet  de  l'incons- 
t<  e  de  son  peuple  et  de  l'indiscipline  de  ses 
Bats.  Son  neveu  Muley  Bouffer,  fils  de  Muley 

■  met,  au  préjudice  duquel  il  avait  été  élu, 
la,  aidé  d'un  marabout  vénéré,  de  lui  disputer 

■  îouronne;  Abdallah   le  vainquit,  et   lui  fit 

■  e;  mais,  bravant  les  préjugés  populaires,  il  fit 

■  cher  la  têle  au  marabout,  comme  à  un  im- 
B>eur;«  car,  disait-il,  s'il  est  véritablement 
Mi,  le  sabre  n'aura  aucun  pouvoir  sur  lui  ». 
•1  ensuite  raser  les  fortifications  de  Fez,  dont 
teuabitants  avaient  pris  parti  pour  Bouffer. 
»îs  Berbères  du  Tell  s'étant  révoltés  (1730), 
ftfdtrcha  contre  eux  ;  mais,  ayant  été  défait ,  il 
ffletira  à  Méquinez,  et  se  vengea  de  son  échec 
Mises  propres  sujets,  dont  il  fit  périr  un  grand 
W  bre,  présidant  et  aidant  lui-même  aux  exé- 
<S|>ns.  Aux  reproches  que  sa  mère  lui  adres- 


—  MULEY  ABDALLAH 


882 


sait  sur  sa  cruauté,  il  répondit  :  «  Mes  sujets 
n'ont  d'autre  droit  à  la  vie  que  celui  que  je  leur 
laisse,  et  je  n'ai  pas  de  plus  grand  plaisir  que 
celui  de  les  tuer  moi-même.»  L'année  suivante, 
il  dirigea  contre  les  tribus  révoltées  du  Dahra 
un  corps  de  troupes  commandé  par  un  de  ses 
lieutenants  ;  ce  général,  accablé  par  un  ennemi 
supérieur  en  nombre,  fut  complètement  battu  ; 
quoiqu'il  se  fût  conduit  bravement,  Muley  Abdal- 
lah le  fit  égorger  ainsi  que  tous  les  officiers  et 
soldats  qu'il  avait  ramenés,  leur  reprochant 
d'avoir  manqué  de  courage  et  remplissant  en- 
core à  cette  occasion  l'office  de  bourreau.  A  la 
suite  d'une  expédition  malheureuse  dans  le  sud, 
et  à  cause  de  l'impuissance  où  il  se  trouva  de 
satisfaire  aux  exigences  de  sa  milice  nègre,  il 
fut  dépossédé  par  les  alboccaris,  et  remplacé  par 
son  frère  Muley  Ali  (29  septembre  1734).  Ce 
prince  était  pauvre;  il  ne  put  payer  la  milice 
cupide  qui  l'avait  proclamé  La  mère  d'Abdallah 
Léla  Conéta,  malgré  sa  couleur,  était  fort  vénérée 
des  Maures  (  elle  avait  fait  le  voyage  de  La  Mec- 
que )  ;  elle  saisit  cette  occasion  pour  rétablir  son 
fils  sur  le  trône  :  elle  promit  trente  ducats  à  cha- 
que soldat  qui  l'aiderait  dans  ses  projets,  et 
Muley  Abdallah  fut  rappelé,  en  mai  1736.  Il  ne 
voulut  accepter  le  pouvoir  qu'à  la  condition  que 
les  noirs  lui  livreraient  Sélim  Douquelli,  leur  gé- 
néral, offrant  d'en  payer  la  tête  100,000  ducats. 
Quelque  avides  que  fussent  ces  prétoriens,  ils 
refusèrent  un  pareil  marché  et  élurent  empereur 
un  autre  frère  d'Abdallah,  Muley  Mahomet 
Ouleh  Ariba.  Cependant,  le  parti  d'Abdallah 
ayant  prévalu,  il  fut  proclamé  une  troisième  fois. 
Sélim  Douquelli  s'était  réfugié  dans  un  asile 
sacré  ;  il  parut  couvert  du  drap  du  sanctuaire  où 
il  s'était  retiré,  et  se  prosterna  devant  l'empereur; 
ce  prince  baisa  respectueusement  le  drap  du 
sanctuaire,  puis,  l'arrachant  brusquement,  il 
plongea  sa  lance  dans  le  cœur  de  l'infortuné  gé- 
néral. L'indignation  que  souleva  ce  forfait  et  le 
manque  de  finances  obligèrent  Muley  Abdallah 
de  fuir  de  nouveau,  dans  les  montagnes  (1736); 
il  fut  remplacé  sur  le  trône  d'abord  par  Muley 
Mahomed  Ouled  Ariba  et  ensuite  par  son  frère 
Muley  Zin  Lahabdise,  qui  ne  conserva  le  pou- 
voir que  quelques  jours  (  1738  ).  Abdallah  fut 
proclamé  une  quatrième  fois.  En  1740  il  dut  aban- 
donner encore  le  trône,  qui  fut  donné  à  Muley 
Mustadi ;  les  soldats,  voyant  que  ce  prince 
cherchait  à  se  soustraire  à  leur  influence,  le  dépo- 
sèrent et  rappelèrent  pour  la  cinquième  fois  Ab- 
dallah. Après  une  lutte  samdante,  Mustadi  se  re- 
tira à  Telda.  Muley  Abdallah,  instruit  par  l'expé- 
rience, résolutdedétruire  la  puissance  turbulente 
et  intéressée  dont  il  avait  si  souvent  éprouvé 
l'inconstance  ;  à  cet  effet,  il  envoya  ses  noirs  dans 
le  Tell  sous  prétexte  de  lever  des  contributions 
sur  les  Berbères,  tandis  que,  d'accord  avec  ces 
montagnards,  il  envoyait  des  troupes  composées 
de  Maures  qui,  plaçant  les  alboccaris  entre  deux 
feux ,  en  détruisirent  le  plus  grand  nombre. 


883  MULEY  ABDALLAH 

Affranchi  du  joug  de  cette  milice,  Abdallah 
régna  paisiblement  jusqu'à  sa  mort;  il  passa  les 
dernières  années  de  sa  vie  au  château  d'Arbiba, 
qu'il  avait  fait  construire  près  du  nouveau  Fez. 
Malgré  son  caractère  cruel,  et  quoiqu'il  traitât 
fort  inhumainement  les  esclaves  chrétiens ,  il 
en  facilita  les  rachats  ;  aussi  y  en  eut-il  beaucoup 
sousson  règne.  II affectait,  au  milieu  deses cruau- 
tés, d'observer  une  certaine  justice.  Un  kaïd 
condamné  à  mort  offrait  de  lui  donner  tout 
son  bien,  qui  était  très-considérable,  s'il  voulait 
lui  accorder  la  vie.  «  Ton  bien,  lui  répondit  l'em- 
pereur, est  à  tes  enfants,  qui  ne  sont  point  cou- 
pables ;  mais  comme  tu  l'es,  il  est  juste  que  tu 
périsses.  » 

MCLEY  YÉZID,  empereur  de  Maroc,  petit- 
fils  du  précédent,  né  en  1750,  mort  le  15  fé- 
vrier 1792.  Il  était  fils  de  Sidi  Mohamet.  En 
1779,  il  avait  été  appelé  au  trône  par  la  milice 
noire  et  proclamé  à  Fez  ;  mais  presque  aussitôt  sa 
révolte  fut  comprimée.  Son  père  se  contenta  de 
l'envoyer  faire  le  pèlerinage  de  La  Mecque. 

A  la  nouvelle  de  la  mort  de  son  père  (  1 1  avril 
1790  ),  Muley  Yézid  quitta  l'asile    qu'il  occu- 
pait près  de  Tétouan  depuis  son  retour  de  La 
Mecque,  et  se  fit  proclamer  à  rabat  ;  il  se  rendit 
ensuite  à   Tétouan,  où  il  manda  auprès  de  lui 
tous  les  consuls  européens;  il  ieur  déclara  l'in- 
tention où  il  était  de  ne  conserver  de  relations 
qu'avec  l'Angleterre  et  la  république  de  Raguse  ; 
il  donna  quatre  mois  aux  résidents  des  autres  na- 
tions pour  quitter  ses  États.  Cependant  deux  jours 
après  il  revint  sur  cette  décision,  qui  n'était  qu'un 
moyen  d'extorquer  des  présents  des  négociants 
intéressés  à  la  continuation  de  la  paix.  Se  mode- 
lant sur  son  grand-père,  Muley  Abdallah ,  Yézid 
gouverna  ses  sujets  avec  une  grande  barbarie. 
Les  juifs  principalement  ressentirent  les  effets 
de  sa  haine  et  de  sa  cupidité  ;  il  livra  au  pillage 
de  sa  garde  noire  ceux  de  Tétouan,   Larache  et 
Alcassar;  ceux  des  autres  villes  n'échappèrent 
à   un  pareil  sort   qu'au  moyen  d'une    énorme 
contribution.  Au  mois  de  septembre  1791,  il  dé- 
clara  la  guerre  à  l'Espagne  ,  et  fit  investir  les 
places  que  cette  puissance  possède  sur  les  côtes 
du  Maroc.  Le  voyant  engagé  dans  cette  entre- 
prise, ses  deux  frères  Muley  Abderhaman  et 
Muley  Hischem  s'emparèrent  de  Maroc.  Yézid 
battit  les  rebelles.  Mais, ayant  été  blessé  dans  la 
bataille.il  expira  quelques  jours  après.  Ses  quatre 
frères  Muley  Selamé,  Muley  Soliman,  Muley 
Hischem   et  Muley   Abderrhaman  se  parta- 
gèrent l'empire  après  sa  mort. 

mdlev  soliman  ,  empereur  de  Maroc,  frère 
du  précédent,  mort  le  28  novembre  1822.  Il  rési- 
dait à  Fez,  et  se  préparait  à  remplir  les  fonctions 
de  grand -prêtre,  lorsque  son  frère  Muley  Yézid 
mourut;  aidé  par  les  Schelloks  et  les  Berbères, 
il  marcha  sur  Méquinez,  dont  son  frère  Muley 
Taïbi  s'était  emparé  ;  il  pardonna  à  ce  dernier, 
qui  le  servit  depuis  avec  fidélité.  Il  s'avança 
ensuite  contre  Muley  Hischem,  et  le  fit  prisonnier 


—  MULEY-SOLIMAN 

dans  Maroc.  Tétouan,  où  commandaient  ses  deu 
autres  frères,  ne  résista  pas  davantage;  l'un 
réfugia  en  Egypte  ;  il  exila  l'autre  dans  le  Taf 
let.  Paisible  possesseur  du  trône,  Soliman  s'oi 
cupa  de  l'administration  de  ses  États ,  et  il 
apporta  tant  de  sagesse  et  d'habileté  que  pendai 
un  quart  de  siècle  il  fit  jouir  ses  sujets  d'ur 
tranquillité  peu  ordinaire  dans  un  semblable  pay 
Il  vécut  constamment  en  paix  avec  les  natioi 
amies  de  son  père ,  et  continua  cette  politiqi 
pendant  le  règne  de.  Napoléon  ,  qu'il  envoj 
complimenter  lors  de  son  avènement  au  trôi 
des  Français.  Il  conclut  en  outre  des  traités,  < 
1795  avec  les  États-Unis,  en  1802  avec  Han 
bourg  et  en  1820  avec  la  Sardaigne. 

En  1801,   Muley  Soliman  eut  à  réprimer 

rébellion  de  son  neveu  Muley  Ibrahim,  fils  < 

Muiey  Yézid;  il  le  défit,  et  lui  pardonna,  L 

dernières  années  du  règne  de  Soliman  fure 

malheureuses.  Déjà,  vers  la  fui  de  l'année  180 

la  peste  avait  envahi  le  Maroc;  en  1818,  apr 

une  année  d'affreuse  disette,elle  fit  une  nouvel 

apparition ,  et  pendant  une  année   elle  exer 

ses  ravages  dans  toute  l'étendue  de  l'empir 

les  Schelloks,  les  Berbères  et  autres  monl 

gnards  du  Tell  refusèrent  l'impôt,  et  commire 

quelques  pillages.  Ibrahim,  fils  de  Solima 

fut  battu  par  les  rebelles.  Soliman  marcha  aie 

contreeux.  Sa  présence  aurait  suffi  pour  rétab 

l'ordre,  si  Ibrahim  par  un  acte  d'insigne  bi 

barie  n'eût  provoqué  les  plus  sanglantes  repi 

sailles.  Des  envoyés  des  tribus  voisines  étaie 

venus  solliciter  leur  pardon ,  accompagnés 

vieillards,  de  femmes  et  d'enfants.  Bien  accueil 

par  Soliman,  ils  se  rendirent  ensuite  auprès  d 

brahim ,  qui,  croyant  venger  sa  défaite,  fit  fusil 

tousces  malheureux.  Quatre  enfants  seulemei 

quoique  blessés,  échappèrent  au  massacre,  et  i 

pandirent  cette  affreuse  nouvelle.  Chaque  ch< 

réunit  aussitôt  les  plus  braves  de  sa  tribu; 

vinrent  au  nombre  de  cinq  cents  vers  le  campi 

l'empereur,  qui,  les  voyant  s'avancer  les  artr 

baissées,crut  qu'ils  venaient  faire  leur  soumissio 

mais  dès  que  la  nuit  fut  arrivée  les  montagnai 

attaquèrent  les  soldats  impériaux,  dispersésou 

vrés  à  leur  premier  sommeil.  Ibrahim,  le  prot 

cateur  de  cette  vengeance,  périt  un  des  premie1 

Muley  Soliman  lui-même,  surpris  presque 

par  un  Schellôk  dans  sa  tente  embrasée,  nef 

la  vie  qu'au  sentiment  d'humanité  ou.  d'inté 

qu'éprouva  ce  montagnard  ;  le  Schellock ,  l'< 

veloppant  dans  son  haïk,  dit  à  ses  compagne 

qu'il  emportait  un  frère  blessé  et  le  transpo 

dans  sa  tente,  d'où  il  lui  procura  les  moyens 

gagner  le  sanctuaire  de  Bou-Nasser  et  de  là  iV 

quinez. 

La  rébellion  s'étendit  à  beaucoup  d'autres  p 
vinces,  et  les  révoltés, guidés  par  un  santon  véni 
et  par  le  chéik  Sidi  el  M'hause,  chef  des  Amas 
gués,  vinrent  en  grand  nombre  devant  Méquin 
et  y  assiégèrent  Soliman  pendant  treize  mois.  I 
se  souleva  aussi  :  là  vivait  retiré  Muley  Ibrali 


:u 


m  MULEY-SOLIMAN 

i  a  fils  de  l'empereur  Tézid.  Les  Schelloks  lui 
i)lfrirtviit  la  couronne;  ce  prince  rejeta  d'a- 
jjonl  leurs  propositions,  alléguant  le  serment 
Sju'il  avait  fait  à  son  oncle  de  ne  jamais  conspirer 
contre  lui.  Les  rebelles  proposèrent  alors  à  So- 
,  iman  divers  projets  de  transaction;  mais  celui- 
f,i,  résolu  à  venger  son  fils,  fit  jeter  en  prison 
fine  partie  des  députés  et  mettre  à  mort  tous  tes 
Uutres.  Cependant  la  position  de  l'empereur 
fleveuait  chaque  jour  plus  critique;  les  six 
ttu  sept  mille  hommes  de  milice  noire  qui 
;  omposaient  toute  son  armée  lui  dictaient  des 
!  ois,  et  osèrent  massacrer  sous  ses  yeux  Muley 
;iaï,  son  ministre  favori,  homme  d'une  rare  in- 
f  elligence.  Ce  fut  alors  que  Muley  Ibrahim  se 
iissa  entraîner  à  se  faire  proclamer  sultan  ,  et 
|  int  occuper  avec  une  nombreuse  armée  Alcas- 
(ar,  Larache,  Tanger' et  Tétouan  ;  il  mourut  peu 
[  près  son  arrivée  dans  cette  dernière  ville  (  fé- 
l  rier  1821),  désignant  pour  son  successeur  son 
\  -ère  Muley  Zied.  La  fortune  ne  favorisa  pas 
[e  prince;  attaqué  par  son  oncle,  il  perdit  en 
[eu  de  temps  toutes  ses  provinces,  et  fut  relégué 
[  Tafilet.  Ce  fut  dans  ces  circonstances  que 
f.  Sourdeau,  consul  général  de  France  ù  Tanger, 
rit  frappé  par  un  santon  fanatique  qui  lui  asséna 
n  violent  coup  de  massue.  En  réparation  de 
et  outrage,  le  sullan  écrivit  à  M.  Sourdeau 
ne  lettre  curieuse,  où  il  se  posa  en  appréciateur 
rthodoxe  des  doctrines  chrétiennes.  L'affaire 
l'eut  pas  de  suite.  Soliman  était  alors  si  peu 
naître  dans  son  empire  que  pour  donner  au- 
ience  à  l'ambassadeur  suédois  qu'il  devait 
iencontrer  à  Tanger  il  fut  obligé  de  le  faire  ve- 
nir par  mer  jusqu'à  Mogador,  où,  après  trois 
nois  d'attente,  il  lui  fut  impossible  d'aller  le  re- 
oindre. Muley  Soliman  mourut  sans  avoir  vu 
i  fin  de  ces  troubles.  Religieux,  sobre  et  juste, 
e  prince  fut  un  des  meilleurs  souverains  de 


—  MULGRAVfc 


N.sf) 


A  dynastie  des  Chérifs;  l'acte  le  plus  loua- 
île  de  son  règne  fut  sans  contredit  l'abolition 
le  l'esclavage  dans  ses  États;  il  défendit  aussi 
ï  course  et  la  piraterie.  Enlin,  dans  ses  rap- 
iorts  extérieurs,  il  s'attira  l'estime  des  con- 
fuls  européens.  Muley  Soliman  avait  régné  au 
«réjudice  de  son  frère  Muley  Hischem,  réputé 
ocapable  de  gouverner,  mais  en  conservant  la 
ouveraineté  à  la  descendance  màlede  ce  dernier; 
«  fut  en  conséquence  de  cette  stipulation  qu'il 
lésigna  pour  son  successeur  Abderhaman. 
A.  Crillon. 

Pour  tous  les  Muley  :  l'abbé  Boulet,  Hist.  de  l'Empire 
tes  Chérifs  en  Afrique.  —  Cardonne,  Histoire  de  l'Afri- 
que et  de  l  Espagne,  t  II,  p.  372.  —  Historia  dos  Sobe- 
{■anos  mn/iometanos  que  reinardo  na  Muuritaniu,  trad. 
|ie  l'arabe  par  J  de  Snuza  i  Lisbonne,  1828).  —  Le  P.  D. 
ilnsnol.  Hist.  du  Reçue  de  Muley-lsmael.  —  Saint-Olon, 
l'oumal  manuscrit  —  John  Bnffa.  lie  l'Empire  du  Ma- 
roc, trad.  de  l'anglais  par  Servois  \ Cambrai.  1826,  in-8°), 
[i.  28.  —  Leniprièrc,  A  Tour  f  mm  Gibraltar,  to  Tan- 
\<ier,  Sallee,  Mngrrgor,  elc.  (Londres,  1791,  in-8°).  — 
'^hénler,  llecherches  historiques  sur  les  Maures,  elc, 
|.  111,  p.  668  et  sniv.  —  Saugnicr,  f  ouages  àlacàte  d'.l- 
['rique,  etc.  (Paris,  1792),  p.  112.  —  Grabcrg  de  Hemso, 
ipecc/ii»  di  Maroccû.  —  Thoiuassy,  Relations  de  la 


France  avec  le  Maroc,  p.  )!i3-42i,  —  Charles  Cochelet, 
Itelation  du  naiifrugcrle  l-a  Sophie,  t.  Il,  p.  216.  —  Le 
Moniteur  universel ,  an  vin,  p.  61.  K.  Hoefer,  Maroc, 
dans  VUnivcrs  pittoresque.  |>.;i72-V77. 

Miixi!,vvi;  (Conslanline  -  John  Phipps, 
comte  de),  marin  anglais,  né  le  30  mai  1744, 
mort  le  10  octobre  1794,  à  Liège.  D'une  ancienne 
famille  d'Irlande,  il  entra  fort  jeune  au  service 
de  mer,  et  acquit  rapidement  la  réputation  d'un 
bon  marin.  Il  était  capitaine  de  (régale  depuis 
1765,  lorsqu'en  1768,  aux  élections  générales, 
il  accepta  le  mandat  du  comté  de  Lincoln.  Libé- 
ral éclairé,  il  défendit  avec  autant  de  zèle  que 
de  conscience  les  droits  du  peuple.  En  1773,  la 
Société  royale  de  Londres  ayant  de  nouveau  y 
sur  la  proposition  de  Daines  Bai  rington ,  agité 
la  question  de  la  possibilité  de  découvrir  un  pas- 
sage à  travers  les  mers  polaires,  Phipps  offrit 
immédiatement  ses  services  à  l'amirauté,  qui 
les  agréa.  11  mit  à  la  voile  le  10  juin  1773,  ayant 
sous  ses  ordres  deux  bombardes, 7 fie  Carcass 
et  The  Racehorse,  et  s'avança ,  sans  rencontrer 
de  glaces,  jusqu'à  la  latitude  méridionale  du 
Spitzberg.  Parvenu  au  79°  34  le  5  juillet,  il  fut 
arrêté  par  d'énormes  glaciers  ;  toutes  ses  tenta- 
tives pour  les  traverser  demeurèrent  infruc- 
tueuses :  il  n'alla  pas  plus  loin  que  le  80°.  Le 
30  juillet,  près  des  Sept  Iles,  il  fut  complète- 
ment cerné  par  les  glaces,  qui  s'élevèrent  jusqu'à 
la  hauteur  des  grandes  vergues.  Il  abandonna 
alors  les  bâtiments,  et  chercha  à  se  frayer  un 
chemin  à  coups  de  hache  à  travers  des  blocs 
qui  n'avaient  pas  moins  de  quatre  ou  cinq  mè- 
tres d'épaisseur;  il  se  disposait  à  faire  traîner 
par  l'équipage  les  chaloupes  et  les  canots  jusqu'à 
la  mer  libre,  lorsqu'un  vent  favorable  dispersa 
les  glaces  et  permit  aux  bâtiments  de  se  déga- 
ger. Le  capitaine  Phipps  alla  mouiller  au  Spitz- 
berg, en  repartit  le  26  août  pour  l'Angleterre,  et 
reparut  le  25  septembre  1775  à  l'embouchure 
de  la  Tamise.  Cette  expédition  malheureuse  ser- 
vit à  démontrer  l'impossibilité  de  franchir  les 
glaces  du  pôle.  Après  avoir  repris  en  1775  son 
siège  à  la  chambre  des  communes,  Phipps  devint 
en  1777  membre  de  l'amirauté,  et  commanda  un 
vaisseau  de  ligne  durant  la  guerre  d'Amérique. 
En  1784  il  obtint  la  pairie  avec  le  titre  de  comte. 
Le  mauvais  état  de  sa  santé  le  força  de  renon- 
cer en  1791  aux  affaires  politiques  et  de  se  dé- 
mettre de  ses  divers  emplois.  Aussi  bon  mathé- 
maticien que  navigateur,  lord  Mulgrave  con- 
tribua beaucoup  à  perfectionner  les  constructions 
navales  ;  il  appartenait  à  la  Société  royale  de 
Londres.  11  a  publié  les  détails  de  son  expédi- 
tion sous  le  titre  de  Journal  of  a  Voyage  to- 
wards  the  north  pôle  (Londres,  1774,  in-4°), 
ouvrage  traduit  en  français  et  en  allemand. 

Son  frère  puîné,  Henry-Philipp  Pbipps,  né 
en  1755,  mort  en  1831,  se  consacra  aussi  à  la 
marine,  fit  les  campagnps  de  l'Amérique,  et  sié- 
gea après  la  paix  de  1783  à  la  chambre  des  com- 
munes. Créé  baron  et  pair  en  1792,  il  figura 
dans  le  second  ministère  de  Pitt  (  1804-1806) 


887  MULGRAVE 

d'abord  comme  ministre  des  affaires  étrangères, 
puis  comme  premier  lord  de  l'amirauté.  Il  reprit 
ce  dernier  poste  en  t807,  quand  les  tories  revin- 
rent au  pouvoir.  En  1809  il  organisa  l'expédition 
contre  l'île  de  Walcheren,  dont  l'issue  lui  attira 
les  attaques  les  plus  vives  de  la  part  de  l'oppo- 
sition. En  1812  il  échangea  ses  fonctions  contre 
celles  de  grand-maître  de  l'artillerie,  et  fut  en 
même  temps  créé  comte  de  Normanby  et  vi- 
comte Mulgrave.  Bien  que  quelques  années 
après  il  eût  eu  pour  successeur  dans  la  charge  de 
grand  maître  d'artillerie  le  duc  de  Wellington, 
il  continua  de  siéger  dans  le  cabinet.  Son  fils 
unique  est  le  comte  de  Normanby  (voy.  ce  nom). 

P.  L. 

British.  naval  Biography. 

muliers  (Nicolas  des),  en  latin  Mulie- 
rius,  astronome  flamand,  né  en  1 564,  à  Bruges, 
mort  en  1660,  à  Groningue.  11  était  fils  de  Pierre 
des  Milliers,  ministre  protestant,  que  le  fanatisme 
du  duc  d'Albe  expulsa  de  ses  foyers;  sa  mère, 
n'ayant  pu  se  soustraire  à  temps  aux  persécu- 
tions de  l'inquisition  espagnole,  périt  en  1568,  à 
Ypres,  martyre  de  ses  opinions  religieuses.  Ou- 
tre les  langues  savantes,  il  étudia  à  l'académie 
de  Leyde  la  théologie ,  la  médecine  et  les 
sciences  exactes,  particulièrement  les  mathé- 
matiques et  l'astronomie,  et  fut  reçu  en  1589 
docteur  en  médecine;  il  pratiqua  successivement 
à  Harlingue  et  à  Amsterdam,  et  professa  la  mé- 
decine et  les  mathématiques  à  Leeuwarden,  puis 
à  l'université  de  Groningue,  dont  il  fut  aussi  le 
bibliothécaire.  On  a  de  lui  :  Introduction  à 
l'usage  de  l'astrolabe  (  en  hollandais  )  ;  Har- 
lingue, 1595;  —  Tabulas  Frisicœ  l'unx  solares 
quadruplices  ex  fontibus  Plolemœi,  Alphonsi , 
Copernici  et  Brahei  ;  Alkmaer,  1611,  in-4°; 
Juste  Scaliger  et  Ubbo  Ersenius  l'avaient  engagé 
à  faire  ce  travail  ;  —  1  nstitulionum  astrono- 
micarum  lib.  II,  quibus  continentur  géo- 
graphie principia  et  qasedam  ad  artem  na- 
vigandi  facientia;  Groningue,  1616,  in-4°  ; 
2eédit.,ibid.,1649,in-8°;  —  Copernici  Astrono- 
mia  instaurata,  cum  notis;  Amsterdam,  1617, 
in-4°;  c'est  la  troisième  édit.  de  Copernic, 
augmentée  de  quelques  notes  ;  —  Judseorum 
annus  luni-solaris  et  Turc-Arabum  annus 
mère  lunaris,  uterque  cum  anno  Romanocon- 
nexus;  Groningue,  1630,  infol.;  —  des  Tables 
desinus,  et  un  Trailésur  ta  comète  de  1618, 
en  hollandais.  II  a  aussi  publié  des  Éphémé- 
rides  depuis  1609  jusqu'en  1656,  continuées  à 
cette  dernière  date  par  son  fils,  Pierre  des  Mu- 
liers,  qui  professa  la  botanique  à  Groningue  et 
mourut  en  1647.  K. 

Vita  f'rofess.  Groning.,  p.  61-69  et  113-114.  —  Frcher, 
Theatrum.  —  Biog.  des  hommes  remarquables  de  la 
Flandre  occid.,  II. 

MULINARI.    Voy.  MOLINARI. 

Miller  (Laurent),  historien  allemand,  né 
dans  le  comté  de  la  Marck,  au  commencement 
du  seizième  siècle,  mort  en  Livonie,  en  1598.  Il 
est  connu  pour  avoir  été  chargé,  en  1581,  par 


—  MÙLLER  «88 

le  roi  de  Pologne  de  décider  la  Suède  et  le  Da- 
nemark à  se  coaliser  avec  lui  contre  la  Russie, 
et  pour  avoir  laissé  une  Histoire  de  son  temps, 
qui  a  été  imprimée  à  Francfort,  1595,  1596, 
in-4";  à  Amb'erg,  1595,  in-4°  ;  à  Leipzig,  1606, 
infol.;  elle  a  été  traduite  en  suédois  par  Schro- 
der  (Stockholm,  1629,  in-8°).  L'histoire  de 
Mùller  ne  manque  pas  d'intérêt  ;  l'auteur  y  traite 
des  mœurs  des  nations  qu'il  a  lui-même  visitées. 
Pce  A.  G— N. 
Adelung,  Uebersicht  der  Reisenden  in  Russland  bit 
1700.  -  Recke  et  Napiersky,  Lexikon  der  Provinzen 
Livland,  Esthlund  vnd  Kurland,  III,  833. 

Mùller  (  Hermann  ),  graveur  hollandais, 
né  à  Amsterdam,  travaillait  dans  cette  ville  dans 
la  seconde  moitié  du  seizième  siècle.  Il  était 
aussi  éditeur.  II  a  laissé  une  centaine  d'estam- 
pes gravées  au  burin,  dans  la  manière  de  Golt- 
zius  et  signées  de  divers  monogrammes  assez  : 
compliqués  ;  nous  citerons  celles  qu'il  a  dessi- 
nées lui-même,  enlre  autres  La  Création  (7  pi.)  ; 
La  Chute  et  la  Rédemption,  les  Vierges  sages  \ 
et  les  Vierges  folles,  Les  Évangélistes  (4  pi.  ), 
Le  Jugement  dernier,  et  les  portraits  de  Mau- 
rice de  Nassau  et  d'Alexandre  Farnèse.  On 
a  encore  de  sa  main,  d'après  Martin  van  Heems- 
kerke,  de  nombreux  sujets  tirés  de  l'histoire 
sainte,  l'Histoire  de  Josué  (  12  pi,  ),  Les  Béa- 
titudes (  8  pi.  ) ,  Les  dix  Commandements  j 
(  10  pi.  ),  etc.  p. 

Huber  et  Rosi,   V,  221.   —  Brulliot,   Dict.  des   Mono- 
grammes. —  Nagler,  IX,  564. 

mùller  (Jean),  graveur  hollandais,  né 
vers  1570,  à  Amsterdam.  De  la  même  famille  ! 
que  le  précédent,  il  fut  disciple  et  imitateur  de 
Goltzius,  et  travailla  de  1589  à  1625  dans  sa 
ville  natale.  Il  gravait  vigoureusement  au  burin,  J 
et  avec  une  grande  facilité;  «  mais  sa  manière  i 
est  outrée,  ajoute  Basan,  ce  qui  n'empêche  pas 
que  ses  estampes  ne  soient  recherchées  des  ama- 
teurs.  »  Les  principales  sont  :  Le  Festin  de 
Balthasar,  V Adoration  des  Rois,  Le  Baptême 
de  Jésus,  L'Homme  de  douleur,  le  portrait  <de 
Spranger.  D'après  ce  dernier  peintre,  il  a  exé- 
cuté :  Loth  et  ses  filles,  Minerve  armant  Per- 
sée,  un  Satyre  ôlant  l'épine  du  pied  d'un 
Faune,  Vénus  servie  par  les  Grâces,  L'Apo- 
théose des  arts;  —  d'après  Rubens,  L'archiduc 
Albert  et  l'infante  Isabelle;  —  d'après  Cor- 
neille de  Harlem,  La  Fortune  distribuant  ses 
dons;  —  d'après  Mirreveldt,  Maurice  de  Nas- 
sau, Ambroise  Spinola  et  Jean  Neyen;  — 
quelques  morceaux  d'après  Adrien  de  Vries, 
Pierre  Isaac,  etc.  K. 

Basan,  Dict.  des  Graveurs,  II.  —  Huber  et  Rost,  V, 
22b.  -  Bartsch,  III,  261.— Brulliot,  I  et  II.  —  Ch.  I.e  BIcUlc, 
Munitel  de  l'amateur  d'Estampes. 

mùller  (  André),  orientaliste  allemand,  né 
en  1630,  à  Greiffenhagen,  en  Poméranie,  mort  à 
Stettin,  le  26  novemDre  1694.  Dès  l'âge  de  seize  i 
ans  il  écrivait  facilement  des  vers  en  grec,  en 
latin  et  même  en  hébreu;  après  avoir  fait 
ses  études  à  Rostock,  à   Griefswalde  et  à  Wil- 


889  MUT. 

temberg,  il  fut  nommé  pasteur  à  Kœnigsberg  sur 
la  Warta  et  plus  tard  à  Treptow.  Il  se  rendit 
j  ensuite  à  Londres,  où  il  passa  dix  ans,  occupé 
I  surtout  à  aider  Walton  et  Castell  pour  leur  édi- 
tion polyglotte  de  la  Bible.  Il  y  commença  aussi, 
!  sur  les  conseils  de  Wilkins,  à  s'adonner  à  l'étude 
îde  la  langue  cbinoise.  De  retour  en  Allemagne, 
il  Tut  pendant  quelque  temps  pasteur  à  Berno-w, 
et  devint  en  1667   prévôt  de  l'église  de  Berlin, 
.office  qu'il  résigna  en   1685  pour  se  retirer  à 
,  Slettin.  11  s'y  consacra  pendant  le  reste  de  sa 
'»ie  à  approfondir  les  idiomes  de  l'Orient.  Il  ré- 
digea entre  autres  une  clef  qui  selon  lui  devait 
|  jpprendre  en  peu  de  temps  aux  personnes   les 
.  noins  lettrées  à  lire  les  caractères  chinois  ;  n'ayant 
[bu  trouver  personne  qui  voulût  lui  avancer  les 
t^leux  mille  écus  nécessaires  pour  l'impression 
pie  cet  ouvrage*  il  en  conçut  contre  le  genre 
liiumain  une  profonde  aversion;  dans  un  de  ses 
t  :ccès  d'humeur,  il  jeta  au  feu  tous  ses  manus- 
p!  rits,  consistant  en  deux  cent  cinquante  cabiers, 
I  ù  il  avait  consigné  depuis  de  longues  années 
[(aur  par  jour  ce  qu'il  avait  appfls  sur  l'objet  de 
i .  es  recherches.  Adonné  entièrement  à  l'étude, 
1  détestait  la  société;  son   caractère  bizarre  et 
I.  apricieUX  ne  s'accommodait  guère  que  de  la  so- 
I  tude  ;  son  unique  délassement  était  le  jeu  de 
luilles.  Ses  travaux,  notamment  ceux    sur  la 
I  ingue  chinoise,  ne  sont  plus  à  la  hauteur  de  la 
ïeience;   mais   ils  ont  beaucoup    contribué    à 
Bure  avancer  en  Europe  la  connaissance  des  lan- 
li  ues  orientales.  On  a  de  lui  :  Excerpta  manus- 
Knpti  cujusdam  turcici  quod   de  cognitione 
l^ei  et  hominis  a    quodam   Azizi  vesephseo 
ll'ar/aro  scriptum  est,  cumversione  latina; 
Bologne  en  Brandebourg,  1665,  in-4°;  —  Sym- 
molsi  syriacx,  sive  epistolx  duse,  una  Mosis 
mjardeni,  altéra  Andréa;  Masii-,  cwn  versione 
miitinaet  notis ,  ac   dissertationes   duas    de 
m'pbus  syriacis  ;  Berlin,  1673,  in-4°;  —  Oratio 
mpminica  sinice ;  Berlin,  1676  et  1680,  jn-4°; 
Bitte  version  du  Pater  y  est  comparée  avec  des 
■jaductions  en  cent  autres  langues  ;  —  Unter- 
W\cht  von  der  chinesischen  Schrift (Instaic- 
Hon  sur  l'écriture  chinoise)  ;  Wittemberg,   1681 , 
B-S°  ;  —  Catalog  der  chinesischen  Bûcher 
■  i  der  churjùrstlichen   Brandenburgischen 
Y  \ibltothek  (  Catalogue  des  livres  chinois  de  la 
d   bliothèque  de    l'électeur  de    Brandebourg); 
v.  |ologne,  1683,  in-fol.  ;   traduit   en  latin  (  1684 
1685,  in-fol.)  par  l'auteur,   qui  y   a  joint  la 
;te  des  manuscrits  orientaux  qu'il  possédait  et 
i  prospectus  de  sa  Clavis  sinica  ;  —  Glossa- 
iim  sacrum,  hoc  est  vocum  peregrinarum, 
mUx  in  Vetere  Testamento  occurrunt  expo- 
tio;  Francfort,  1690,  in-8°;  —  Opuscula  non- 
ulla  orientalia  ;  Francfort,  1695,   in-4°;  re- 
feil  de  sept  opuscules,  dont  plusieurs  avaient 
jà  paru  séparément,  et  dont  voici  les  titres  : 
I  Abdallas    Beidawaei   Historia    sinensis, 
rsice  et  latine,    cum  notis  (Berlin,  1677, 
jf4°);  sur  le  véritable  auteur  de  ce  livre  voy. 


LEB  890 

les  Recherches  tartares  d'Abel  de  Rémusat; 
2°  Monumenti  sinici  historia  :  c'est  un  com- 
mentaire sur  la  fameuse  inscription  trouvée  en 
1625  à  Si'an-Fou  ;  3"  f/ebdomas  observatio- 
num  sinicarum  (Berlin,  1674,  in-4°)  ;  4°  Com- 
ment alio  alphabctica  de  Sinarum  magme- 
que  Tarlarix  rébus  ;  6°  Geographicus  imperii 
Sinensis  nomenclalor  ;  6°  lïasilicon  sinense; 
tableau  des  dynasties  cbinoises;  7°  Spécimen 
analyticx  litterarix:  exposé  des  règles  pro- 
posées par  Muller  pour  déchiffrer  et  traduire  tout 
morceau  écrit  en  n'importe  quelle  langue;  — 
Speciminum  sinicorum  decimse  de  decimis; 
1685,  in-fol.  :  ce  recueil,  devenu  rare,  contient 
entre  autres  :  Spécimen  lexici  mandarinici; 
De  eclipsi  passionali  Testimonia  veterum; 

—  Alphabeta  diversaricm  linguarum,  pêne 
septuaginta  tum  et  versiones  Orationis  do- 
minical prope  centum;  Berlin,  1703,  in-4°;  ce 
n'est  à  proprement  dire  qu'une  nouvelle  édition 
de  l'Oralio  dominica  sinice;  l'éditeur  Stark 
a  mis  en  tête  une  Vie  de  Muller.  O. 

Buddaens,  Lexikon,  t.  III.  —  OElrichs,  Beitrâge  zur 
Geschichte  der  Gelehrtheit  in  Pommern.  —  Duhnert, 
Pommersche  Bibliothek,  t.  II.  —  l.ôscher.  Mérita,  Theo- 
loaorum,  —  Sincerus,  JVeue  Nachrichten  von' neuen 
Bùchern. 

muller  (Jean-Sébastien  ),  historien  alle- 
mand, né  en  1634,  mort  en  1708.  Il  fut  archi- 
viste de  la  maison  de  Saxe- Weimar.  On  a  de 
lui  :  Annalen  der  Ernest inischen  und  Alber- 
tinischen  Linie  des  Hauses  Sachsen,  von 
1400  bis  1700  (Annales  des  lignes  Ernestine  et 
Albertine  de  la  maison  de  Saxe,  de  1400  à  1700; 
Weimar,  1700,  in-fol.  O. 

Jôcher,  Mlgem.  Gelefirten-Lexikon. 

muller  (Jean-Joachim) ,  publiciste  alle- 
mand, né  à  Weimar,  en  1665,  mort  en  1731. 
Très-versé  dans  le  droit  public  de  l'Empire, il  oc- 
cupa divers  emplois  à  la  cbancellerie  de  Wei- 
mar, et  succéda  à  son  père  Jean-Sébastien  (voy. 
l'article  préc.)  dans  la  place  de  directeur  des  ar- 
chives. On  a  de  lui  :  Der  Reichstagsslaat  unter 
MaximilianF,von  iàOQ'1508(hdi Diète del'Empire 
sous  Maximilien  Ier,  de  1500  à  1508)  ;  Iéna,  1709^ 
in-4°  ;  —  Des  Duc  de  Marlborough  Leben  (Vie 
du  duc  de  Marlborough  )  ;  Leipzig,  1710,  in-8°; 

—  Reichstags  theatrum  unter  Friedrich  I  von 
1440  bis  1493  (Tableau  de  la  Diète  de  l'Empire 

sous  Frédéric  V,  de  1440  jusqu'à  1493);  Iéna, 
1713,  3  vol.  in-fol.;  —  Reichstags  theatrum 
unter  Maximilian  1,  von  1486-1500  (Tableau 
de  la  Diète  germanique  sous  Maximilien  I",  de 
i486  jusqu'à  1500);  Iéna,  17181719,  2  vol. 
in-fol.  Il  a  aussi  continué  divers  recueils  de 
droit  public,  qui  avaient  été  commencés  par 
Leuchf,  Lundorp  et  Ludolf  (voy.  ces  noms).  O. 
Jôclier,  Allgem.  Gel.-I.exikon. 
muller  (Jean-Henri),  physicien  et  astro- 
nome allemand,  né  à  Wehrda,  faubourg  de  Nu- 
remberg, le  15  janvier  1671,  mort  le  5  mars 
1731.  Après  avoir  étudié  à  Tubingue  et  à  Gies- 
seu,  il  fut  nommé  en  1705  professeur  à  l'JEgi- 


89i  MULLER 

dianum  de  Nuremberg  et  en  même  temps  di- 
recteur de  l'Observatoire,  dont  le  fondateur,  Eim- 
mart,  lui  avait  donné  sa  fille  en  mariage  et  lé- 
gué ses  manuscrits.  En  1709  il  obtint  la  chaire 
de  physique  et  de  mathématiques  à  Altdorf  ;  il  y 
dirigea  un  peu  plus  tard  la  construction  d'un 
observatoire.  On  a  de  lui  :  De  sperandis  ma- 
theseos  incrementis ;  Altdorf,  1710;  —  An 
luna  cingatur  atmosphsera?  ibid.,  1710;  — 
De  extispiciis  veterum,  in  quantum  ad  indo- 
lem  et  (emperiem  regionis  dignoscendam  va- 
leant;  ibid.,  1711  ;  —  De  exhalatione  tam- 
quam  proxima  meteorum  materia;  ibid., 
1712;  —  De  Tuba  stcntorea;  ibid. ,  1713;  — 
De  Speculis  uranicis  celebrioribus  ;  ibid., 
1713;  —  De  Eclipsibus  Solis  annularibus ; 
ibid.,  1716  ;  —  De  Vorticibus  Cartesianis  ante 
Cartesium  ;  ibid.,  1717;  —  Deusuet  ratione 
experimentorum  in  perficienda  historia  na- 
turali  ;  ibid.,  1718;  —  Paradoxorum  geo- 
graphicorum  Semicenturia  ;  ibid.,  1718;  — 
De  Aqua  rerum  principio  ex  mente  Thaletis, 
ibid.,  1718  ;  —  De  Brutorum  Actionibus  me- 
chanice  inexplicabilibus ;ibid.,  1719;  — Col- 
legium  expérimentale;  Nuremberg,  1721, 
in-4°  ;  —  De  Comelis  sublunaribus ,  seu  œreis 
non  prorsum  negandis;  Altdorf,  1722;  — 
Observationes  astronomie^  Altdorfise ,  ab 
anno  1711  usque  ad  1723  habitas  ;  ibid.,  1723, 
2  parties,  in-4°;  —  De  hydrometro;  ibid., 
1723;  —  De  insequali  claritate  lucis  diurnae 
in  terra  et  planetis;  ibid.,  1729:  —  De  scien- 
tiee  cometicec  fatiset progressu ;  ibid.,  1730. 
Il  a  laissé  en  manuscrit  un  recueil  d'obser- 
vations astronomiques,  qui  passa  au  dépôt  des 
cartes  de  la  marine  à  Paris. 

Sa  femme,  Marie-Claire  Miller,  née  en  1676, 
morte  en  1707,  avait  reçu  l'éducation  la  plus 
soignée.  Eimmart,  son  père,  lui  avait  fait  ap- 
prendre le  latin,  le  français,  les  mathématiques 
et  l'astronomie;  elle  maniait  également  bien  le 
pinceau  et  le  burin.  Elle  aida  son  père  et  son 
mari  dans  leurs  observations  astronomiques  ,  et 
grava  à  la  manière  noire  deux  cent  trente-cinq 
phases  de  la  lune  observées  de  1693  à  1698. 
Elle  a  aussi  peint  des  fleurs  et  des  portraits.     O. 

Will,  Nurnbergisches  Glehrten-Lexikon. 

MÛLi.Eit  (Gérard- Frédéric  },  savant  voya- 
geur et  historien  russe,  d'origine  allemande,  né  à 
Hervorden(Westphalie),le  18  octobre  1705,  mort 
à  Moscou,  le  4  octobre  1783.  II  vint  s'établir  en 
Russie  en  1725,  et  consacra  toute  sa  vie  à  l'étude 
de  la  géographie  et  de  l'histoire  de  cet  empire.  11 
fit  partie  en  1733,  avec  Gmelin  et  Delisle  de  La 
Croyère,  de  la  première  exploration  scientifique 
qui  ait  été  faite  en  Sibérie.  Membre  très-actif  de 
l'académie  naissante  de  Saint-Pétersbourg,  il 
fut  successivement  nommé  hisloiiographe  offi- 
ciel, conservateur  des  archives  du  dépaitement 
des  aflaires  étrangères,  inspecteur  de  la  maison 
des  enfants  trouvés  de  Moscou  et  conseiller 
d'État.  Peu  d'érudits  ont  été  plus  féconds  et  plus 


89! 

utiles  à  sa  patrie  adoptive  que  Mûller;  on  peu 
en  juger  par  la  liste  suivante  de  ses  principau: 
ouvrages  :  Sammlung  Russischer  Geschicht 
(  Recueil  pour  l'histoire  de  Russie);  Saint-Pé 
tersbourg,  17321764,  9  vol.  in-8°  ;  il  en  a  et 
fait  à  Offenbach  une  édition  incomplète,  1777 
1780,  5  vol.  in-8°;  —  De  scriptis  tongulici 
in  Siberia  repertïs;  Saint-Pétersbourg,  1747 
in-4°  ;  —  Origines  genlis  et  nominis  Russo 
rum;  ibid.,  1749;  —  une  Histoire  de  Sibérie 
ibid.,  1750;  il  n'en  a  paru  que  la  première  partie 

—  Histoire  des  Voyages  et  découvertes  de 
Russes  ;  Amsterdam,  1766,  2  vol.  in-8°.  Mùlle 
a,  en  oulre,  édité  et  annoté  :  Le  Soudebnik,  o 
Code  de  lois  d'Ivan  IV;  Moscou,  1768;  - 
V Histoire  de  Tatichtef;  ibid.,  1768-1774;  - 
celle  du  prince  Khilkof;  ibid.,  1771;  —  1 
Dictionnaire  géographique  de  Polounin  ;  ibid 
1773;  —  les  Lettres  de  Pierre  le  Grand  a 
comte  Boris  Pétrovitch  Chérémetef;  ibid 
1774;  — et  le  Livre  des  Degrés  ;  ibid.,  1771 
1774.  Il  a  fondé,  en  1755,  le  premier  journ: 
russe  littéraire,  a  rédigé,  de  1728  à  1730,  la  Gt 
zette  allemande  de  Saint-Pétersbourg,  et 
inséré  un  grand  nombre  d'articles  dans  différen 
recueils  scientifiques  :  ceux  qui  se  trouvent  dai 
le  Magasin  des  Amis  des  Sciences  utiles 
Hambourg,  1760-1761  ;  Sur  l'histoire  c 
Pierre  le  Grand  par  Voltaire,  méritent  spi 
cialement  d'être  mentionnés.  pce  A.  ( 

Le  Fils  de  la  Patrie  (  revue  russe),  1821,  t.  XXIII. 
Gretch  ,    lissai  svr  l'histoire  de  la  littérature  russ 

—  N.  Gerebtzof ,  Essai  sur  l'histoire  de  la  civilisatit 
en  Russie. 

muller  (  Jean-Sébastien  ),  peintre  et  grc 
veur  allemand,  né  vers  1720,  à  Nuremberg,  mo 
vers  1780.  Après  avoir  fréquenté  les  ateliers  r_ 
Weigel  et  Tyroff,  il  alla  en  1744  s'établir 
Londres.  Ses  gravures  acquirent  bientôt  l'aj 
probation  méritée  des  connaisseurs.  Il  avait 
talent  d'imiter  parfaitement  la  manière  des  pli 
grands  peintres ,  et  il  vendit  à  des  collectioi 
neurs  experts  de  ses  propres  toiles  comme  ex< 
cutées  par  Murillo  et  autres  artistes  éminentu 
Parmi  ses  planches ,  dont  beaucoup  sont  signet 
Miller,  nous  citerons  :  La  Sainte  Famille,  d'i 
près  Baroni;  La  Continence  de  Scipion,  d'apri 
van  Dyck;  Néron  aux  funérailles  de  lin 
tan icu s,  d'après  Le  Sueur;  V École  flamand\ 
la  Réjouissance  des  Flamands,  et  le  Pass* 
temps  des  Flamands,  d'après  Teniers;  Pai 
sage,  d'après  Cl.  Lorrain;  Paysage  au  ctai 
de  lune,  d'après  van  der  Neer;  les  portraii 
de. John  Wilkes,  de  Pin  fan  te  Isabelle  (d'apri 
Rubens  );  divers  monuments  de  Rome,  d'apri 
Panini;  La  Sainte  Famille  au  repos,  d'apri 
un  de  ses  tableaux,  qu'il  fit  passer  comme  i" 
Murillo;  12  planches  d'après  les  Illustration 
de  Haymann  pour  Le  Paradis  de  Milton  ;  d'au 
très  planches,  dans  les  Marmara  Arundt 
liana;  dans  les  Ruins  of  Psestum;  dans 
Traité  de  la  méthode  antique  de  graver  e 
pitrre  fine  de  Nattier,  etc.  ;  enfin,  Millier 


: 


893 


MULLER 


894 


glttvé  les  magnifiques  planches  de  Vllluslratio 
systemalis  sexuatis  Linnxi;  Londres,  1777, 
in-fol.  O. 

Nacler.  KHnstler-Lexikon.  —  Nirschlng,  Ilandbuch. 
—  Will,  N ilmbertilsrlies  fsxikon.  —  Murr,  dans  le 
Journal  znr  Kunstgescliiclite ,  t.  XI. 

MÙLLER  (  Jean-Martin  ),  savant  allemand  , 
né  en  1722,  à  Werningerode ,  mort  en  1781.  Il 
fut  successivement  recteur  des  écoles  d'Aitem- 
bourg,  d'Otterndorf  et  du  Johanneum  de  Ham- 
bourg. On  a  de  lui  :  Das  getehrle  Hadeln, 
Otterndorf  und  Hamburg  (  Les  Savants  du 
)ays  de  Hadeln ,  d'Otterndori'  et  de  Hambourg  )  ; 
Hambourg,  1754,  in-8°;  —  De  Mercatura  ve- 
'erum  liomanorum ;  ibid.,  1761;  —  De  ve- 
'erum  liomanorum  Studio  rem  scholasticam 
tugendiornandique  ;ibià„  1773;—  DeJErario 
Mercatorum  apud  veteres  Romanos.  O. 
Nûlling,  nia  Mulleri;  Hambourg,  1TS1,  in-fol.  — 
lirti'iiiiuni],  Supplément  à  Jftcher. 

MULLER  (  Frédéric-Adam  ),  numismate  da- 
tois  ,  né  en  1725,  mort  en  1795.  Il  exerça  di- 
ers  emplois  dans  l'administration  de  son  pays, 
t  fut  nomrrîé  en  1784  conseiller  de  conférences. 
1  avait  réuni  une  belle  collection  de  médailles 
lanoises,  achetée  après  sa  mort  pour  la  biblio- 
i-hèque  de  Copenhague  ;  le  catalogue  en  a  été 
publié  par  son  fils,  sous  le  titre  de  Pïnacotheca 

no-Norvegica  aère  incisa;  Copenhague, 
796,  in-4°.  MuHer  a  pris  part  à  la  rédaction 

l'ouvrage  sur  les  graveurs  et  médailleurs  da- 
nois, publié  à  Copenhague,  1791,  in-fol.      O. 

I  Niernp,  Litteratur-lexikon. 

muller  (  Ot  lion-Frédéric  ) ,  naturaliste  da- 
nois, né  à  Copenhague ,  le  11  mars  1730,  mort 
e36  décembre  1784.  Fils  d'un  pauvre  trompette, 
l  reçut  de  la  veuve  du  pasteur  Alstrup  les 
noyens  de  faire  ses  études  de  collège  à  Ribe. 
!ion  talent  musical  lui  procura  ensuite  les  res- 
.ources  nécessaires  pour  suivre  à  l'université 
Ile  sa  ville  natale  des  cours  de  théologie  et  plus 
iard  d'histoire  naturelle;  placé  en  1753  comme 
Précepteur  auprès  du  comte  de  Schulin,  il  fut 
kncouragé  à  continuer  l'étude  des  êtres  de  la 
Nature  par  la  mère  de  son  élève,  qui  le  mit  géné- 
reusement à  même  de  se  livrer  avec  succès  à  ce 
jenre  d'occupation.  Après  avoir  pendant  quatre 
ms  parcouru  avec  le  jeune  comte  l'Allemagne , 
a  Suisse,  l'Italie,  la  France  et  les  Pays-Bas,  il 
le  fixa  en  1767  à  Copenhague  ,  où  il  fut  nommé 
*n  1769  conseiller  de  la  chancellerie  et  deux  ans 
■.près  archiviste  de  la  chambre  des  finances  de 
Norvège.  Son  mariage  avec  la  riche  veuve  d'un 
négociant  lui  permit  de  résigner  ses  fonctions 
[uelque  temps  après  et  de  s'adonner  entière- 
oent  à  ses  recherches  patientes  sur  les  plantes 
t  sur  les  animaux  inférieurs.  L'organisation  de 
es  êtres  extrêmement  curieux  était  déjà  en 
•artie  connue  par  les  travaux  de  Spallanzani  ; 
'•  mais ,  dit  M.  Magdelaine  de  Saint-Agy,  Mùller 
<st  le  premier  qui  les  ait  distribués  en  genres  et 
m  espèces,  qui  les  ait  soumis  à  une  méthode  ana- 
ogue  à  celle  dont  on^'est  servi  pour  classer  les  l 


plantes  et  les  grands  animaux.  Ce  fut  un  travail 
considérable,  mais  très-intéressant; car  il  impor- 
tait beaucoup  de  savoir  quelle  était  l'origine  de  cor, 
êtres;  s'ils  étaient  des  produits  de  la  putréfaction 
ou  d'autres  phénomènes  semblables.  IMuller  n  - 
connut  que,  depuis  la  plus  simple  jusqu'à  la  plus 
composée,  chaque  espèce  était  aussi  fixe  dans  sa 
forme  et  dans  son  développement  que  les  es- 
pèces d'animaux  les  plus  complets.  »  Les  au- 
tres travaux  de  Mûller,  qui  tons  nous  font  re- 
connaître en  lui  un  observateur  très-délicat ,  très- 
assidu,  qui  emploie  avec  art  et  avec  patience 
le  microscope,  ont  beaucoup  contribué  aux  pro- 
grès des  sciences  naturelles.  On  a  de  Miiller  : 
De  Micliaele  archangelo  probabilius  creato 
quant  increato;  Copenhague,  1751;  —  De 
prophelis  Novi  Testamenli;  ibid.,  1753;  — 
Efterretning  og  Erfaring  om  Swampe  i  saër 
om  Rorswampes  velsmagende  Pilse  (  Obser- 
vationssur  les  champignons)  ;  ibid.,  1763,  in-4°  ; 

—  Fauna  insectorum  Friderichsdalina  ;  ibid., 
1764,  in-8°  :  contenant  la  description  d'une  cen- 
taine d'espèces  jusque  alors  inconnues;  —  Flora 
Friderichsdalina  ;  Strasbourg,  1767,  in-8°  ;  im- 
primé dans  les  Nova  Acta  Academix  Naturx 
CuriosorumA.  IV;  —  Von  Wùrmern  ries  sùssen 
und  salzigen  Wassers  (Des  Vers  d'eau  douce 
et  salée);  Copenhague,  1771,  avec  planches;  — 
Pile  Larven  med  dobbelt  Haie  ogdens  Phalxne 
(Sur  la  chenille  à  queue  fourchue  );  ibid., 
1772;  trad.  en  allemand,  Leipzig,  1775;  — 
Vermium  terrestriumet  fluvialium,  sive  ani- 
malium  infusorium,  helminthorum  et  tes- 
taceorumnon  marinorum  succinct  a  Historïa; 
Copenhague,  1773-1774,  2  vol.  in-4°;  —  Zoo- 
logias  Danicx  Prodromus  ;  ibid.,  1776,  in-8°; 

—  Zoologia  danica;  ibid.,  1779-1784,  2  vol. 
in-8°,  avec  deux  volumes  de  planches;  cet  ex- 
cellent ouvrage  fut  réimprimé  in-fol.,  1781-1788; 
deux  autres  fascicules  furent  ajoutés  par  Abild- 
gaardt  et  Ràthké;  —  Reise  lit  Christiansand 
(Voyagea  Christiansand);  ibid.,  1788,  in-8°  ; 

—  Hydrachnx  in  aquis  Danix  palustribus 
détecta;;  Leipzig,  1781,  in-4°;  —  Kleine 
Schriflen  aus  der  Naturgeschichte  (  Opus- 
cules d'histoire  naturelle  )  ;  Dessau ,  1782,  in-8°  ; 

—  Enlomostraca,  seu  insecta  testacea  qux 
in  aquis  Danix  et  Norvegix  reperiuntur  ; 
Copenhague,  1785,  in-4°  ;  —  Animalcula  in- 
fusoria  Jluvialilia  et  marina;  ibid.,  1786, 
in-4°.  Mùller  a  aussi  publié  les  deux  derniers 
volumes  de  la  magnifique  Flora  Danica,  com- 
mencée par  Oeder  ;  il  a  inséré  un  grand  nombre 
de  Mémoires,  dans  les  Kjobenhavenske  Vi- 
denskabersselskabs  Skri/lnr,  dans  les  Stoc- 
kholmske  Velenscaps-Academi  Handlinger, 
dans  les  Beschàf/igungen  der  Bertiner  Ge- 
sellschaft  natur/orschender  Freunde ,  dans 
le  Naturforscher,  dans  le  Magazin  fur  die 
Botanik,  dans  les  Noua  Acta  Academix  na- 
turx  Curiosorum,  etc.  O. 

Hansen,  Taie  til  Erindring  af  O.  Fr.  Miiller;  Go- 


895 


penhague,  1787,  in-8°.  —  Hirsi 
i  up,  JÀtteratur-Lexikon. 

mùller  {Jean- Auguste) ,  savant  allemand, 
né  en  1731,  à  Nossen,  mort  en  1804.  Il  étudia  les 
belles-lettres  et  la  théologie,  occupa  divers  em- 
plois dans  l'enseignement,  et  devint  en  dernier 
lieu  lecteur  de  l'école  de  Meissen.  On  a  de  lui  : 
De  Rerum  maie  a  Smalcaldicis  gestarum 
Causls;  Meissen,  1 760,  in-4°  ;  —  Versuch  einer 
voLlstàndigen  Geschichte  der  chursachsischen 
Fùrsten-und  Landschule  zu  Meissen  (  Essai 
d'une  histoire  complète  du  collège  de  Meissen, 
fondé  par  les  électeurs  de  Saxe  );  Leipzig,  1787- 
1789, 2  vol.  in-8°  ;  —  Animadversiones  in  Pom- 
ponium  Mêlant;  Meissen,  1789-1803,  18  par- 
ties in-4°;  —  Recensus  virorum  pace  belloque 
illuslrium,  qui  olim  Afrana  disciplina  usi 
sunt;  Dresde,  1793-1796,  7  parties  in-4°. 
Millier  a  aussi  donné  une  édition  de  Y  Iliade, 
avec  des  extraits  du  commentaire  d'Eustathe  ; 
Meissen,  1788-1804.  O. 

Rotermund,  Suppl.  à  Jôcher. 
mùller  (  Philippe  -  J acques) ,  philosophe 
français,  né  en  mars  1732,  à  Strasbourg,  où  il 
est  mort,  en  1795.  Il  fut  professeur  de  philoso- 
phie à  l'université  de  cette  ville  (  1782),  chanoine 
de  Saint-Thomas  et  président  de  l'assemblée  des 
pasteurs  (1787).  Il  connaissait  le  grec,  l'hébreu, 
les  antiquités,  les  sciences  exactes;  les  voyages 
qu'il  avait  faits  en  France  et  en  Suisse  avaient 
étendu  ses  connaissances;  mais  il  s'appliqua  plus 
particulièrement  à  la  métaphysique  et  à  la  morale. 
Ses  écrits  les  plus  intéressants  ont  pour  objet 
De  pluralitate  mundorum  (1750,  in-4°),  De 
commercio  animi  et  corporis  (1741),  Adpsy- 
chologiam  Pylhagoricam  (1773),  De  Legibus 
naturee  (  1775),  etc.  K. 

Meusel,  Lexikon,  X. 

muller  (  Christophe- Henri),  savant  litté- 
rateur suisse,  néà  Zurich,  en  1740,  mort  le  22  fé- 
vrier 1807.  Après  avoir  enseigné  pendant  vingt 
et  un  ans  la  philosophie  et  l'histoire  au  collège 
Joachim  à  Berlin ,  il  se  retira  en  1788  dans  sa 
ville  natale  avec  une  pension  du  roi  de  Prusse. 
11  a  eu  le  mérite  de  faire  connaître  un  des  pre- 
miers les  monuments  de  la  littérature  allemande 
du  moyen  âge.  On  lui  doit  les  éditions  des  Niè- 
belungen;  Berlin,  1782,  in-4°;  —  de  V Enéide 
d'Henri  de  Yeldeke;  Berlin,  1783,  in-4°;  —du 
Parcival  de  Wolfram  d'Eschenbach  ;  —  du 
Dieu  Amour,  poème  du  quinzième  siècle  ;  Ber- 
lin, 1784,  in-4°.  Mùller  a  aussi  réuni  un  Recueil 
de  poèmes  allemands  du  douzième,  treizième 
el  quatorzième  siècle  ;  Berlin,  1784-1785,2  vol. 
in-4°.  Enfin  il  a  écrit  :  Dialogen  und  kleine 
Aufsatze  (  Dialogues  et  articles  );  Zurich,  1792, 
2  vol.  in-8°.  O. 

Der  Bior/raph,  l.  VII.  —  La  Prusse  littéraire,  t.  II.  - 
Meusel,  Gelehrtes  Oeutschland. 

muller  (Louis- Chrétien),  ingénieur  alle- 
mand, né  en  1744,  dans  la  marche  de  Pregnilz, 
mort  le  12  juin  1804.  Fils  d'un  ministre  proies 
tant,  il  entra  de  bonne  heure  dans  l'armée  prus- 


MULLER 

Handbuch.  -  Nie-      sienne.  Placé  dans  le  corps  du 


8 


nie  un  p 
avant  la  guerre  de  Sept  Ans ,  il  assista  à  pr 
que  toutes  les  batailles  decetteguerre  ;il  fut  f 
prisonnier  à  Haxen,  et  fut  conduit  à  Inspru 
où  il  resta  trois  ans ,  occupé  à  compléter  i 
connaissances,  déjà  étendues,  en  mathématiqi 
et  à  étudier  la  géognosie  des  Alpes  tyrolienn 
Il  prit  part  en  1778  aux  campagnes  de  II 
hême.  En  1786,  il  fut  nommé  capitaine  ii 
trucleur  du  corps  du  génie  et  professeur 
mathématiques  et  de  dessin  géométrique  à  1' 
cadémie  des  Ingénieurs  à  Potsdam;  en  179' 
il  fut  promu  au  grade  de  major.  On  a  de  lu 
Versuch  ûber  die  Verschanzungskunst  o 
Winlerpostirungen  (Essai  sur  l'art  des  Retra 
chements  dans  les  cantonnemenl  s  d'hiver);  Po 
dam,  1782;  Vienne,  1786  et  Gotha,  1795,  in-! 
avec  planches;  —  Vorschriften  zu  milita, 
schen  Plan-und  Kartenzeichnungen  (Instri 
tion  au  dessin  des  plans  et  des  cartes  militaire! 
Potsdam,  1783,  in-4°;  —  Anweisung  voie  m 
die  Breite  und  Tiefe  der  Flùsse  aus  gemein 
Landcharten  erforschen  kônne  '  (  Instructi 
sur  la  manière  de  reconnaître  sur  des  cartes  i 
dinaires  la  largeur  et  la  profondeur  des  rivières 
Berlin,  1784;  reproduit  dans  le  Calendrier  g 
néalogique  de  Berlin ,  année"  1785;  —  Abr. 
der  drei  schlesischen  Kriege  (  Précis  des  tri 
campagnes  de  Silésie)  ;  Berlin,  1785,  ih-4°  :  < 
ouvrage  parut  dans  la  même  année  en  franc 
sous  le  titre  de  :  Tableau  des  Guerres  de  F 
déric  le  Grand;  deux  nouvelles  éditions  c\ 
textes  allemand  et  français  réunis  furent  | 
btiées  à  Berlin  en  1786  et  en  1788  ;  la  traducti 
française  fut  réimprimée  séparément  ;  Potsdai 
1787;  le  Tableau  de  la  vie  de  Frédéric 
Grand  du  comte  de  Grimoard  n'est  guère  aul 
chose  qu'une  reproduction  du  livre  de  Mùlle  | 
—  N achgelassenemrUtàrische Schriflen  (Œ 
vrés  militaires  posthumes);  Berlin,  1807,2  vJ 
in-4°  ;  recueil  rempli  d'excellents  préceptes  s 
les  campements,  l'art  de  profiter  des  terrain 
et  la  tactique  en  général.  O.   ! 

Der  Biooraph    (Halle,  1802-1810,  t.  IV).  —  Celehr  ! 
Berlin,  t.  II. 

mùller  (  Jean-Gotlvjerth  ) ,  romancier  , 
lemand,  né  à  Hambourg,  le  17  mai  1744,  m< 
à  Itzehoe,  dans  le  Holstein,  le  23  juin  1828.  ( 
l'appelait  communément  Mùller  d'Itzehoe,  où 
était  libraire.  En  1772,  il  renonça  à  la  librairi 
pour  vivre  en  simple  savant  et  jouir  paisibl 
ment  d'une  pension  que  lui  avait  accordée 
roi  de  Danemark.  C'est  un  des  romanciers  ail 
mands  qui,  dans  les  dernières  années  du  dix-liu 
tième  siècle,  ont  eu  le  plus  de  lecteurs.  Parr 
ses  romans,  extrêmement  nombreux,  lès  pli 
considérables  sont  :  Siegfried  von  Lindenbei 
(Sigefroi  de  Lindemberg);  Hambourg,  1779  j 
dernière  édition,  Leipzig,  1829,  3  vol.  ; — &\ 
mische  Romane  aus  den  Papieren  des  brai 
nen  Mannes  (Romans  comiques  tirés  des  pi 
piersde  l'homme  brun);  Gœttingue,  1784-1791 


897  MULLER 

8  vol.  La  plupart  des  romans  de  Mùller  sont 
composés  sur  le  modèle  de  Smollet  et  de  Fiel- 
ding;  les  relations  ordinaires  de  la  vie  y  sont 
néanmoins  décrites  avec  beaucoup  d'esprit  et  de 
vérité,  quoique  avec  un  peu  de  rudesse.  Par- 
fois Mùller  fatigue  par  de  Irop  longues  et  trop 
monotones  digressions  morales,  surtout  dans 
ses  dernfers  ouvrages ,  qui  le  firent,  même  avant 
sa  mort,  tomber  dans  l'oubli.  H.  W. 

Conv.-Lex. 

muller  (  Jean-Godard  de  ),  graveur  alle- 
mand, né  à  Bernhausen  près  Stuttgard,  le  14  mai 
(  1747,  mort  le  14  mars  1830,  à  Sluttgard.  Il  fut 

!  destiné  par  son  père  à  l'étude  de  la  théologie  ; 
tout  en  faisant  ses  humanités  à  Stuttgard  ,  il  sui- 
»  vit  les  cours  de  l'académie  des  beaux-arts.  Il  y 
Ifit  de  si  rapides  progrès  dans  le  dessin ,  que 
lorsqu'il  fut  sur  le  point  de  se  rendre  à  l'univer- 
sité ,  le  duc  de  Wurtemberg,  qui  avait  vu  de  ses 
œuvres,  le  fit  engager  à  se  vouer  entièrement  à 
l'art,  et  lui  accorda  dans  ce  but  une  pension. 
Itfuller,  après  avoir  fréquenté  pendant  quelque 
temps  l'atelier  du  peintre  Guibal,  se  consacra  à 
ia  gravure,  sur  l'avis  de  cet  artiste.  En  1770  il 
<e  rendit  à  Paris  ;  il  eut  le  bonheur  d'y  faire  la 
:onnaissance  du  célèbre  "Wille,  qui  lui  donna  de 
orécieux  conseils.  Reçu  en  1776  membre  de 
''Académie  de  Peinture  de  Paris,  il  fut  en 
iette  année  rappelé  à  Stuttgard  pour  y  fonder 
>ine  école  de  gravure,  qu'il  dirigea  pendant  tout 
ie  reste  de  sa  vie,  et  qui  a  formé  d'excellents 
«rtistes.  Mùller  jouit  bientôt  d'une  réputation 
'européenne;  ce  fut  lui  qui  fut  chargé,  en  1735, 
Je  graver  le  portrait  en  pied  de  Louis  XVI.  Il 
levint  membre  des  académies  de  Berlin  et  de 
Munich.  Encore  aujourd'hui  son  œuvre  est  des 
)lus  estimés.  Parmi  les  trente-trois  planches 
>fu'il  a  gravées,  nous  citerons  :  Bacchus, d'après 
Solzius;  La  Nymphe  Êrigone,  d'après  Jollain; 
'a  Joueuse  de  cistre,  d'après  Wille  fils;  Saint 
férôme;  Alexandre  vainqueur  de  soi-même, 
'l'après  Flinck  ;  Loth  avec  ses  filles ,  d'après 
'îonthorst;  La  tendre  Mère,  d'après  Tischbein; 
a  Bataille  de  Bunker's  Hill,  d'après  Trum- 
|)ull;  la  Vierge  à  la  chaise,  d'après  Raphaël, 
tour  le  Musée  français,  ainsi  que  la  Sainte 
lécile,  d'après  le  Dominiquin  ;  Sainte  Cathe- 
rine, d'après  Léonard  de  Vinci  ;  la  Vierge  avec 
'enfant  Jésus,  d'après  Spada;  les  Portraits 
ie  Louis  Leramberg,  de  L,.  Galloche,  de  Wille, 
}'e  Louise  VigéeLe  Brun,  de  Moses  Mendels- 
ohn,  d'Aug.  Spangenberg,  de  L-ouis  XIV,  de 
chiller,  de  Graff,  de  l'archevêque  Dalberg, 
t'u  comte  Fr.  Léop.  Stolberg.  Mùller  a  aussi 

Ithographié  le  portrait  de  la  reine  Catherine 
e  Wurtemberg.  O. 

\  Kunstblatt  (  année  1880  ).  —  Nagler,  Kùnstler-Lexikon. 
MULLER  (Chrétien-Frédéric  de),  fils  du 
•recèdent,  graveur  allemand,  ne*  à  Stuttgard,  en 
i783,  mort  le  3  mai  1816,  à  Pirna,  près  Dresde. 
I  initié  à  l'art  de  la  gravure  par  son  père,  il  ap- 
Irit  aussi  la  peinture.  En  1802  il  se  rendit  à 


NOUV.    BIOCR.    OENF.R.    —   T.    XXXVI. 


898 
Paris,  où  il  passa  plusieurs  années  ;  nommé  en 
1814  professeur  de  gravure  à  l'académie  de 
Dresde,  il  fut  chargé  de  reproduire  par  le  burin 
la  Madone  Sixline  de  Raphaël,  qui  se  trouve 
dans  la  galerie  de  cette  ville.  Il  s'adonna  à  ce 
travail  avec  une  ardeur  qui  détruisit  sa  santé, 
déjà  très-délicate.  Parmi  ses  gravures  les  plus 
estimées  nous  citerons  :  Job  sur  le  fumier  (  à 
l'eau-forte )  ;  Les  quatre  Saisons,  d'après  Jor- 
Haens;  la  Vénus  d'Arles,  dans  le  Musée  royal; 
La  Jeunesse,  d'après  une  statue  de  Lemasson  ; 
Saint  Jean  commençant  l'Apocalypse,  d'après 
le  Dominiquin;  Adam  et  Eve,  d'après  une 
fresque  de  Raphaël;  la  Madone  Sixtinc  :  les 
premières  épreuves  de  cette  œuvre  parfaite  se 
vendent  au  delà  de  six  cents  francs;  les  Por- 
traits du  roi  Jérôme  de  f^estphalie,  d'après 
Kinson  (rare),  du  prince  héréditaire  de  Wur- 
temberg, d'après  une  peinture  de  Mùller  lui- 
même,  de  Schiller  d'après  le  buste  de  Dannec- 
ker,  de  Hufeland  d'après  Tischbein,  etc.. 
Mùller  a  aussi  laissé  beaucoup  de  dessins  et  d'é- 
tudes. O. 

Goethe,  Kunstund  Alterthum.—  Kunstblatt  (passim). 
—  Nagler,  Kunstler-Lexihon. 

mùller  (Jacques-Léonard,  baron),  géné- 
ral français,  né  le  11  décembre  1749,  à  Thion- 
ville,  mort  le  lsr  octobre  1824.  A  peine  âgé  de 
onze  ans,  il  fut  admis  dans  le  régiment  de  Cour- 
ten  (1760)  ;  il  était  lieutenant  lorsqu'il  sut  par 
son  énergie  réprimer  une  émeute  qui  avait  éclaté 
à  Dijon.  En  1791  il  devint  chevalier  de  Saint- 
Louis  et  capitaine.  Élu  lieutenant-colonel  d'un 
bataillon  de  volontaires  qu'il  avait  formé  (1792), 
il  servit  à  l'armée  du  nord,  fut  promu  colonel 
du  77e  régiment,  le  14  janvier  1793,  et  passa 
dans  les  bureaux  du  ministère  de  la  guerre  pour 
y  diriger  l'artillerie  et  le  génie.  Le  5  mai  1793  il 
fut  nommé  général  de  brigade  et  envoyé  à  l'ar- 
mée des  Pyrénées  occidentales  en  qualité  de 
chef  d'état-major.  Général  de  division  le  2  oc- 
tobre 1793,  il  reçut  en  même  temps  des  repré- 
sentants du  peuple  le  grade  de  général  en  chef, 
dans  lequel  il  fut  confirmé  au  printemps  suivant. 
Mùller  eut  la  gloire  de  former  une  armée  qui 
n'existait  en  quelque  sorte  que  de  nom.  Après 
avoir  vaincu  des  obstacles  presque  insurmon- 
tables, il  occupa,  en  avant  de  Bayonne,  une  posi- 
tion très-forte,  qu'on  appela  depuis  le  camp  des 
sans-culottes,  et  força  les  Espagnols  à  repasser 
la  Bidassoa.  Le  14  thermidor  an  n  (1er  août  1794), 
il  prit  d'assaut  et  à  la  baïonnette  les  redoutes  de 
Saint-Martial  et  d'Irun;  plus  de  deux  mille  pri- 
sonniers, deux  cents  pièces  de  canon,  vingt  mille 
fusils,  des  magasins  bien  approvisionnés  tom- 
bèrent en  son  pouvoir.  Cette  victoire  amena  la 
reddition  de  Fontarabie  et  de  Saint-Sébastien,  et 
contribua  à  faire  poser  les  armes  à  l'Espagne. 
La  Convention  nationale  décréta  que  l'armée  des 
Pyrénées  occidentales  avait  bien  mérité  de  la 
patrie.  Quant  à  Mùller,  il  passa  dans  la  même 
année  à  l'armée  des  Alpes.  Sous  le  Directoire , 

29 


899  MULLER 

il  exerça  les  fonctions  d'inspecteur  général  de 
l'infanterie.  Chargé  de  rassembler  et  d'organiser 
un  corps  de  troupes  sur  le  Rhia  (1799),  il  en  eut 
le  commandement  provisoire,  et  entra  dans  le 
Palatinat  afin  d'attirer  sur  lui  une  partie  des 
forces  autrichiennes  qui  menaçaient  la  Suisse. 
Mais  le  prince  Charles  s'étant  avancé  contre  lui 
avec  quarante-cinq  mille  hommes,  Millier,  qui 
n'avait  pas  les  moyens  de  résister,  fut  forcé 
d'abandonner  le  siège  de  Philipsbourg  et  de  re- 
passer le  Rhin.  Sous  le  consulat  il  commanda  la 
division  militaire  de  Nantes,  et  réprima  un  sou- 
lèvement de  la  Corse.  L'empereur  le  créa  baron 
en  1808,  et  l'employa  à  l'intérieur.  A  la  fin  de 
1814,  il  fut  mis  à  la  retraite.  Son  nom  est  ins- 
crit sur  l'arc  de  triomphe  de  l'Étoile.    P.  L. 

Bioyr.  nouv.  des  Contemp.  —  Victoires  et  Conquêtes. 

mùller  (Frédéric  ),  poète,  peintre  et  gra- 
veur allemand,  né  à  Kreuznach,  en  1750,  mort 
à  Rome,  en  1825.  Après  avoir  fréquenté  quelques 
ateliers  de  peintre,  il  se  rendit  en  1770  à  Mann- 
heim ,  où,  tout  en  continuant  à  se  perfectionner 
dans  son  art,  il  s'adonna  aussi  à  la  poésie.  En 
1778,  il  alla  s'établir  à  Rome,  et  il  y  passa  le 
reste  de  sa  vie.  Il  abandonna  la  peinture  de  pay- 
sage et  de  genre  pour  la  peinture  d'histoire. 
Doué  d'une  imagination  féconde  et  vive,  sai- 
sissant aussi  bien  le  sublime  que  les  choses 
délicates  de  l'esprit  et  du  cœur,  il  aurait  pu  de- 
venir un  artiste  des  plus  distingués,  s'il  ne  s'é- 
tait pas  attaché  à  imiter  exclusivement  la  ma- 
nière de  Michel- Ange.  Il  a  cependant  laissé  plu- 
sieurs toiles  remarquables,  telles  que  :  V Amour 
sous  les  roses,  Jason  ,  Ulysse  devant  Vombre 
d'Ajax,  et  surtout  V Enfer.  Il  a  aussi  gravé  à 
l'eau-forte  un  assez  grand  nombre  de  planches 
estimées,  presque  toutes  d'après  des  sujets  de 
sa  composition ,  paysages ,  groupes  d'animaux , 
scènes  champêtres,  etc.  Mais  il  est  surtout  connu 
comme  auteur  d'un  grand  nombre  de  ravissantes 
idylles,  qui ,  bien  différentes  de  celles  de  Gess- 
ner,  son  contemporain,  sont  des  tableaux  ache- 
vés de  la  nature  la  plus  franche,  prise  sur  le 
fait.  Ses  drames  Niobé,  Faust  et  Geneviève 
sont  d'un  grand  effet  au  théâtre.  Les  Œuvres 
complètes  de  Millier  parurent  à  Heidelberg, 
1811,  et  à  Quedlimbourg,  1825,  3  vol.  in-8°.  O. 

Nagler,  Kûnstler-Lexikon. 

mùller  (Jean  de),  célèbre  historien  alle- 
mand ,  né  à  Schaffhouse,  en  Suisse,  le  3  janvier 
1752,  mort  le  29  mai  1809.  Son  père,  pasteur 
d'une  église  succursale,  était  en  même  temps 
professeur  d'hébreu  à  l'école  latine  de  sa  ville. 
Il  eut  soin  d'initier  son  fils  de  bonne  heure  aux 
études  classiques,  tandis  que  son  aïeul  maternel, 
Jean  Schoop,  prépara  l'enfant  aux  grandes  idées 
que  ce  dernier  a  plus  tard  développées  dans 
ses  travaux  historiques.  L'aïeul  profitait  de  ses 
moments  de  loisir  pour  fouiller  les  vieilles  chro- 
niques de  sa  patrie  ;  il  en  faisait  faire  des  extraits 
à  son  jeune  élève,  pour  le  familiariser  avec  les 
traits  principaux  de  l'histoire  de  sa  ville  natale, 


90( 

et  il  réussit  ainsi  à  lui  inspirer  l'amour  précoc< 
de  ce  genre  d'études.  Jean  Mùller,  après  avoi; 
quitté  l'école  municipale,  entra  dans  le   Colle 
gium  humanitatfs  de  Schaffhouse,  espèce  d'é 
cole  préparatoire  pour  l'université,  et  se  montr; 
toujours  réfractaire  à  la  routine  que  ses  maître 
voulaient  lui  imposer.  11  n'avait  encore  que  neu 
ans  lorsqu'il  composa  un  précis  de  l'histoire  d 
Schaffhouse,  et  à  onze  ans  il  avait  acquis,  pa 
la  lecture  de  X Histoire  universelle  de  Huebnei 
une  connaissance,   peu  commune    à  son  âge 
des  faits  et  des  dates  historiques.  C'est  à  la  mêm 
époque  qu'il  fit  son  premier  essai  de  critiqu 
historique,  une  comparaison  et  discussion  soi 
gncuse  des  systèmes  de  chronologie  de  Pétau 
de  Calvisius  et  d'Usher.  A  la  fin  de  ses  étude 
classiques,  il  fut  destiné  à  la  carrière  ecclésias 
tique,  et  envoyé  à  l'université  de  Gœttingue , 
alors  le  foyer  des  sciences  historiques  en  Aile 
magne,  illustré  par  les  Schlœzer,  Miller,  Heyne  j 
"Walch.  Vi  étudia  sous  Schlœzer  l'histoire  de 
peuples  du  Nord  et  de  l'Orient,  ainsi  que  les  an 
tiquités  romano-germaniques.  Il  renonça  bientt 
à  la  théologie,  en  publiant  la  dissertation  :  Christ 
rege  nihil  esse  ecclesix  metuendum  (  Gœt  j 
tingue,  1771,'in-4°  );  puis  il  revint  à  Schaffhouse  i 
Après  qu'il  eut  terminé  son  tableau  de  la  guerr  ! 
des  Cimbres  (Bellum  Cimbricum  ;  Zurich,  1775  j 
in-8°;  traduit  en  allemand  par  Dippold,  1810)  ; 
il  se  mit  à  rechercher  avec  ardeur  les  sources  ) 
les  chroniques  et  les  documents  relatifs  à  l'his 
toire  de  la  Suisse.  Vers  la  même  époque,  et  dan 
sa  vingtième  année,  il  fut  nommé  professeur  d  I 
langue  grecque  au  collège  de  Schaffhouse,  où  . 
avait  reçu  sa  première  instruction.  Ses  travau 
attirèrent  bientôt  sur  lui  l'attention  des  célébrité  j 
de  la  Suisse,  des  Hal.ler,  Bodmer,  Breitingei 
Fuessli,  Schinz ,  et  lui  procurèrent  l'amitié  d 
Victor  de  Bonstetten.    La  liaison    intime   qu'  i 
forma   avec  ce   dernier  fit  naître   une  célèbr  [ 
correspondance ,  publiée  sous  le  titre  de  Letm 
très  dhin  jeune  Savant  à  son  Ami  (Tubinguti 
1802),  en.  allemand,    et   traduite  en  françaij 
en  1810  (Zurich);  elle  est  ainsi  appréciée  pal 
M.  Guizot  :  «  Mùller  y  développe,  dit-il,  toute 
ses  opinions  sur  l'histoire,  son  but,  ses  moyens  j 
et  sur  l'application  qu'il  se  propose  d'en  faire  l, 
les  historiens  anciens  sont  jugés,  distingués,  api 
préciés  avec  une  profondeur,  un  finesse,  unevél 
rite  dignes  de  celui  qui  en  se  faisant  leur  élèvjj 
se  disposait  à  devenir  leur  rival  ;mais  ce  que  nou  I 
devons  y  remarquer  le  plus  aujourd'hui,  c'est  lu 
tableau  des  dispositions  que  le  jeune  Mùller  ap 
portait  dans  ses  études  sur  l'histoire  de  sa  na  I 
(ion.  »  En  1774,  Mùller  quitta  Schaffhouse  pour  s 
charger  à  Genève  de  l'éducation  des  deux  fin! 
du  conseiller  d'État  Jacques  Tronchin.  Les  tra 
vaux  d'histoire,  et  surtout  la  lecture  de  Plu 
tarque  et   de  Macchiavelli  y  remplissaient  se  j 
loisirs.  A  Genève  il  se  lia  avec  Bonnet,  Franci  I 
Kinloch  (  de  la  Caroline  du  Sud  ),'Fitzhevbert.  1 
y  fit  aussi  la  connaissance  de  Voltaire.  Ce  cercl 


.01 

l'.'iniis, 


MULLER 

après  avoir  duré  près  de  deux  ans 
1775  et  1776),  fut  dissous  par  suite  de  la  ré- 
solution américaine.  Mùller  resta  à  Genève  avec 
(onnet,  et  trouva  un  nouveau  prolecteur  dans 
a  personne  de  l'ancien  procureur  général  Ro- 
icrt  Tronclùn,  frère  aîné  de  Jacques  Tronchin. 
fie  cours  public  qu'il  fit  dans  cette  ville  parut 
ous  le  titre  de  Vingt-quatre  livres  d'histoire 
universelle  (Tubingue,  1811,  3  vol.)-  Il  passa 
été  de  1779  avec  son  ami  Bonstetten,  l'hiver 
liez  Tronchin,  et  acheva  le  premier  volume  de 
on  histoire  de  la  Suisse,  qui  parut  en,  1780,  à 
lome,  avec  la  fausse  indication  de  Boston  (  His- 
oire  des  Suisses,  par  Jean  Mùller.  Livre 
rentier;  Boston,  1780,  in-8°).  Cet  ouvrage 
ut  un  grand  succès,  et  mit  son  auteur  au  pre- 
u'er  rang  des  historiens.  A  cette  époque  Gleim 
li  inspirale  vif  désir  de  voir  de  près  le  grand 
rédéric.  La  rivalité  entre  les  maisons  de  Habs- 
ourg  et  de  Hohenzollern  était  alors  à  son  apo- 
ée.  Frédéric  de  Prusse  opposait  aux  empiéte- 
lents  téméraires  de  Joseph  II  une  résistance 
nergique  et  calculée;  Jean  Mùller  ne  pouvait 
outer  du  parti  qu'il  lui  convenait  de  prendre. 

se  transporta  à  Berlin,  où  parurent,  en  1781, 
îs  Essais  historiques  ;  l'enthousiasme  qu'il  y 
lontra  pour  le  roi  de  Prusse  lui  procura  un 
îfretien  particulier  avec  ce  dernier.  Cependant, 
)n  espoir  d'avoir  une  place  en  Prusse  ne  fut 
oint  réalisé.  Dans  son  voyage  il  fit  la  connais- 
lince  du  général  ministre  d'État  de  Schlieffen, 
ui  lui  fit  offrir  la  chaire  de  statistique  au  Col- 
'gium  Carolinum  de  Cassel.  C'est  là  que  Mùl- 
,r  s'éleva  à  la  hauteur  d'écrivain  politique,  en 
ubliant  les  Voyages  des  Papes  (  Reisen  der 
vsepste,  1782,  sans  lieu  d'impression,  in-8°; 
ouvelle  édition  par  Kloth,  1831,  Aix-la-Cha- 
pelle). Cet  écrit  remarquable  est  une  polémique 
dirigée  contre  les  réformes  de  Joseph  II;  on  y 
oit  un  auteur  protestant  proclamer  la  puissance 
ecclésiastique  comme  protectrice  des  peuples 
lontre  la  tyrannie  de  leurs  princes.  A  Rome  et 
ans  la  partie  catholique  de  l'Allemagne  ce  livre 
eçut  des  louanges  sans  bornes ,  tandis  que  les 
rolestants  allemands  «n  blâmaient  l'auteur. 

Mùller  quitta  la  ville  de  Cassel,  malgré  les 
très  de  conseiller  et  de  sous  -  bibliothécaire 
u'on  lui  avait  conférés;  il  retourna,  en-  1783, 
nez  Robert  Tronchin,  qui  vivait  dans  sa  terre 
e  Délices  près  Genève,  pour  être  plus  à  même 
'achever  l'histoire  de  la  Suisse.  Mais  bientôt,  las 
'être  le  lecteur  et  le  compagnon  d'un  vieillard 
apiïcieux  et  souffrant,  il  vint  s'installer  chez 
onstetten,  dans  la  terre  de  Valeires,  où  il  se  mit 

refondre  le  premier  livre  de  son  grand  ou- 


902 


[rage;  ensuite  il  se  rendit  à  Schaffhouse  et  à 
jteme,  où  il  faisait  des  cours  publics.  Recom' 
|iandé  par  le  célèbre  philologue  Heyne  et  par 
'anatomiste  Sœmmering,  il  obtint,  en  1786,  de 
[électeur  de  Mayence  Frédéric-Charles- Joseph 
aron  d'Erthal  la  place  de  conseiller  aulique  et 
i  e  bibliothécaire  à  l'université    de  Mayence , 


et  l'année  suivante,  après  un  voyagea  Rome, 
il  devint  conseiller  intime.  Bientôt  après,  en 
1786,  il  fit  paraître  la  seconde  édition  du  Ier  vo- 
lume de  son  grand  ouvrage  :  Die  Geschichle 
der  Schweizerischen  Eidgenossen.  Erstes 
Buch  :  Von  dem  Anbau  des  Landes  (His- 
toire de  la  Confédération  Suisse.  Livre  pre- 
mier :  Culture  du  pays);  Leipzig,  1780,  in-8°, 
et  le  deuxième  :  Anderes  Buch;  Von  dem 
Aufbluchen  der  ewigen  Blinde  (De  la  Nais- 
sance des  Fédérations  éternelles)  ;  Leipzig,  1786, 
in-8°.  Puis  on  vit  se  succéder  dès  lors  rapide- 
ment :  Darstellung  des  Fuerstenbundes  (Ta- 
bleau de  la  Ligue  des  Princes),  justification  théo- 
rique de  l'ouvrage  si  connu  du  grand  Frédé- 
ric; Leipzig,  1787,  in-86;  2e  éd.,  1788,  in-8°; 
en  français  par  le  comte  de  Callemberg,  sous  ce 
titre  :  Tableau  de  la  Confédération  Germa- 
nique ;  Berlin,  1789,  in-8°; —  Briefe  ziveier 
Domherren  (Lettres de  deux  Chanoines  )  ;  Franc- 
fort et  Leipzig,  1787;  —  Die  Erwarlungen 
Deustchlands  vom  Fuerslenbunde  (  Ce  que 
l'Allemagne  peut  attendre  de  la  ligue  des  princes)  ; 
Leipzig,  1 788  ;  —  Uber  das  kaiser liche  Empfeh- 
lungs  und  Ausschliessungsrecht  bey  den  Bis- 
chofswahlen  (  Sur  le  Z)roit  des  Empereurs  de 
présenter  aux  électeurs  et  de  refuser  les  évêques 
élus),  faisant  suite  aux  Lettres  de  deux  Cha- 
noines ;  Francfort  et  Leipzig,  1789,  in-S°.  Au  mi- 
lieu de  ces  travaux,  il  trouva  encore  assez  de  loisir 
pour  publier,  en  1788,  la  première  partie  du  3e  livre 
de  son  histoire  de  la  Suisse;  la  seconde  partie 
parut  en  1795.  A  la  suite  d'une  querelle  qu'fl  eut 
avec  son  supérieur,  le  baron  d'Albini,  il  offrit  sa 
démission,  qui  ne  fut  pas  acceptée,  et  l'électeur 
le  nomma  directeur  des  archives.  Bien  qu'il  eût 
attaqué  le  système  de  réformes  de  Joseph  II,  il 
accepta  cependant  à  Vienne  de  Léopold  II  la  place 
de  conseiller  aulique,  et  reçut  les  titres  de  no- 
blesse. A  partir  de  cette  époque  il  modifia  ses 
opinions,  et  publia  Anmerkungen  ùber  die 
Preussische  Erklarung  in  Betreffdes  Baseler 
Friedens  (Remarques  sur  la  Déclaration  de  la 
Prusse  à  l'égard  de  la  paix  de  Bâle)  et  Beleu- 
chtung  des  Basler  Friedens  (  Commentaire 
de  la  paix  de  Bâle);  en  1796,  Die  Gefahren  der 
Zeit  (Les  Dangers  du  temps),  Mantoue;  Aus- 
beule  von  Borgoforle  (  Extraits  de  B.).  Sa  posi- 
tion à  Vienne  ne  fut  bientôt  plus  tenable;  dans 
les  rapports  officiels,  il  était  sans  influence,  et 
l'on  exigeait  sa  conversion  à  l'Église  catholique; 
on  alla  jusqu'à  défendre  l'introduction  en  Au- 
triche et  l'impression  à  l'étranger  de  son  histoire 
de  Suisse,  dont  le  troisième  livre ,  terminé  en 
1795,  traitait  des  défaites  des  Autrichiens  par  la 
confédération  suisse.  Il  quitta  donc  le  service 
autrichien ,  et  accepta  la  place  de  conseiller 
intime  du  roi  de  Prusse ,  qui  le  nomma  membre 
de  l'Académie  de  Berlin  et  historiographe  de  la 
maison  de  Brandebourg.  A  Berlin ,  sa  sphère 
d'activité  était  purement  scientifique.  En  1805, 
il  mit  au  jour  le  quatrième  volume  de  l'histoire 

29. 


903 


MULLER 


î)0 


de  la  Suisse,  et  en  1806  il  fit  paraître  une  nouvelle 
édition  des  trois  premiers  volumes.  Il  inaugura  sa 
charge  d'historiographe  par  un  discours  lu  à  l'A- 
cadémie, le  24  janvier  1805,  Sur  V histoire  de 
Frédéric  le  Grand.  Millier  avait  conçu  le  projet 
d'écrire  la  biographie  de  ce  prince;  mais  à  peine 
eut-il  obtenu  ,  avec  grande  difficulté,  la  permis- 
sion de  consulter  les  archives  de  l'État,  que  les 
événements  politiques  qui  accablèrent  la  Prusse, 
en  1806,  à  la  suite  de  la  bataille  d'iéna,  le  firent 
renoncer  à  son  entreprise.  Parmi  les  travaux 
qu'il  fit  paraître  à  cette  époque,  nous  citerons  : 
Uber  den  Untergang  der  Freiheit  der  alten 
Vôlker  (Sur  la  chute  de  la  liberté  chez  les  peu- 
ples anciens  )  ;  Versuch  uber  die  Zeitrechnung 
der  Vorwelt  (  Essai  sur  la  Chronologie  de  l'an- 
tiquité), et  la  publication  des  œuvres  de  Herder, 
pour  laquelle  il  composa   une  histoire    du  Cid. 

Le  20  novembre  1806,  Napoléon  fit  savoir  à 
l'illustre  historien  qu'il  désirait  avoir  un  entre- 
tien particulier  avec  lui.  C'est  de  ce  jour  que 
date  une  seconde  métamorphose  de  l'écrivain  po- 
litique. Le  prestige  de  la  personne  de  l'empereur, 
qui  savait  si  bien  charmer  l'esprit  de  ceux  qui 
l'approchaient  de  près ,  la  nouveauté  et  la  pro- 
fondeur des  idées  qu'il  étalait,  subjuguèrent  le 
zèle  patriotique  de  l'historien  suisse.  Le  discours 
qu'il  lut  à  l'Académie  de  Berlin,  le  29  janvier 
1807,  De  la  gloire  de  Frédéric,  rendit  sa 
conversion  publique.  Le  séjour  de  Berlin  lui  de- 
vint dès  lors  impossible.  Après  avoir  été  l'ob- 
jet d'attaques  et  de  critiques  très-violentes,  il 
quitta  son  poste,  et  le  roi  de  Wurtemberg,  l'un 
des  princes  de  la  confédération  Rhénane,  lui 
offrit  une  chaire  à  Tubingue.  Mùller  était  en  route 
pour  entrer  dans  cette  nouvelle  charge  lorsqu'il 
fut  appelé  à  Fontainebleau  par  un  courrier  fran- 
çais. Napoléon  lui  destinait  le  portefeuille  de 
ministre  secrétaire  d'État  du  nouveau  royaume 
de  Westphalie,  et  Millier,  après  avoir  pris  pour 
ces  fonctions  élevées  les  instructions  de  Maret, 
duc  de  Bassano ,  partit  pour  Cassel.  Mais  il  ne 
justifia  point  l'opinion  qu'on  avait  eue  de  lui; 
en  janvier  1808,  le  roi  Jérôme  le  révoqua  de 
son  poste,  en  le  nommant  conseiller  d'État  et 
directeur  de  l'instruction  publique.  Des  fatigues 
qui  ruinèrent  sa  santé ,  le  chagrin  que  lui  cau- 
saient des  espérances  déçues ,  aussi  bien  que 
l'état  délabré  de  sa  fortune,  amenèrent  sa  mort, 
le  29  mai  1809.  Son  testament,  où  il  n'oublie 
aucun  de  ses  créanciers  ni  son  serviteur  fidèle, 
est  d'une  simplicité  touchante  ;  nous  en  citons 
un  passage  qui  résume  l'homme  entier  :  «  Mes 
jours,  dit-il,  ont  été  pleins  de  fatigue,  et  le  tra- 
vail a  fait  tout  mon  plaisir.  J'ai  rempli  mes 
charges  avec  désintéressement;  j'ai  fait  du  bien 
à  plusieurs  personnes.  Puissent  les  hommes  ne 
pas  rejeter  ma  dernière  prière  !  » 

Jean  de  Mùller  ne  s'est  jamais  marié.  Parmi 
ses  amis  intimes ,  nous  avons  cité  les  plus  re- 
marquables ;  nous  y  ajoutons  son  digne  frère, 
leprofesseur  Jean-Georges  Mùller,  qui  s'est  aussi 


distingué  comme  écrivain.  Nous  citerons  encor 
parmi  les  personnes  qui  lui  ont  porté  de  l'amiti 
l'archiduc  Jean,  le  prince  Louis  de  Prusse,  qi 
fut  tué  à  Saalfeld,  et  le  roi  Louis  de  Bavièn 
qui,  en  1835,  lui  fit  ériger  un  monument  si 
la  place  où  il  a  été  enterré  à  Cassel.  Parmi  se  < 
ouvrages,  {Histoire  de  la  Suisse,  allant  jusqu 
la  fin  du  quinzième  siècle,  est  un  monument  irr 
périssable.  La  forme  et  le  fond  en  sont  remai  | 
quables.  L'auteur  dit  lui-même  dans  une  letti 
adressée  à  Bonstètten  :  «  Je  mettrai  dans  mo 
style  beaucoup  de  gravité  et  de  simplicité.  »  Ci 
mots    caractérisent   parfaitement    sa    manièi 
d'écrire.  Puissance ,  richesse  et  concision  soi 
les  qualités  dominantes  de  cet  écrivain.  On  1 
à  tort  accusé  d'imitation  ;  il   s'en  défend  lu  | 
même,  en  expliquant  les   singularités  de   se 
style  par  l'habitude  qu'il  avait  de  résumer  en  pc 
de  mots  les    longues   divagations  des  vieilli 
chroniques.  Il  serait  dangereux  de  l'imiter;  ch(< 
nul  autre  lès  perfections  de  la  forme  ne  sauraiei  i 
autant  que  chez  Mùller  effacer   les   taches  c 
langage.  A  une  immense  érudition  Mùller  joii  i 
un  talent  particulier  d'accorder  les  matériaux 
son  plan. 

Les  continuateurs  de  Y  Histoire  de  la  Suis. 
de  Millier  ne  sont  point  arrivés  à  la  hauteur  ( 
leur  modèle.  La  deuxième  partie  du  cinquièn 
volume  est  de  GIutz-Blozheim  (Zurich,  1816),  li 
volumes  sixième  et  septième  de  J.-J.  Hottingi 
(Zurich,  1825-1829);  ces  additions  complète 
l'histoire  du   seizième    siècle.    Une  traductk 
française  de  l'édition  de  1786  a  été  faite  par  L; 
baume  (Lausanne,  1795  et  années  suiv.,  12  vc 
in-8°),  avec  continuation  jusqu'à  nos  jours  p; 
Monnard  et  Vuilîemin;  Paris,  1840-1846,  16  vc 
in-8°.   Son  Histoire  universelle  posthume 
été  traduite  en  français  parHess,  1814-1817, 4  vc 
in-8°;  2e  édit.,  1826;  3e  édit.,  Bruxelles,  184  j 
Les  œuvres  complètes  de  Mùller,  en  27  volumi 
(Stuttgard,  1810-1819  ;nouv.  édit.,  en  40  vol] 
1831-1835  )  ont  été  publiées  par  son  frère  Jeai 
Georges,  et  les  Briefe  an  meinen  aeltestel 
Freund  in  der  Schweiz  (  Lettres  à  mon  ph 
vieil  Ami  en  Suisse;  Zurich,  1812),  furent  m 
au  jour  par  Fuessli.  J.  M. 

Hildnisse  und  Selbstbiographien  Berliner  Gelehrtet 
publié  par  Lo\re;  Berlin,  1806.  —  Histoire  de  la  Jeunes  ï 
de  Jean  Millier,  écrite  par  lui-même,  en*Iatin,  dans    i 
Correspondance  de  Gleim,  Heinse  et  Mùller,  vol.  II.  I 
Rumine! ,  liede  zitr   Gedâchtnissjeier  Joh.  v.  Mulleil 
am    14  juin  1809;    Marburg,  1809,  in-8°.  —  Wachle 
Joh.  v.  Mùller,   Gedâchtnissrede;  Marburg,   1809,  in-8 
et  dans  Ks  Biographische  Juffâtze,  Leipzig,  1835.    I 
Heercn,  Joh.  v.   Millier,  der  Historiker ;  Leipzig,  180 
in-8".  —  Schiitz,  Mcmoria  Joan.   Mulleri  ;  Hall.,  180  I 
ln-4°.  —  Magasin  encyclopédique  ,  octobre  1809.  —  Gui 
zot ,  Mercure  de  France,  17  févr.  1810,  p.  417.  —  Wol 
mann,  Joh.  v.  Millier;  Berlin,  1810,  10-8°.  —  Heyne,  M 
moria.loan.  de  Millier  ;  Gœtting.,  1810,  in-4°.— Windiscl 
mann,  If  as  Joh.   v.  Mùller  wesentlich  war  und  m 
ferner   sein  musse;   Winterth.,  1811,  ln-8".   —    Rfttl  I 
Lobscnrift  au f  Joh.   v.  Millier  ;  Salzb.,  181^,  in-8°;  • 
Sichr-lis.  Joh.  v.  Mùller;  Mitster  fur  studirende  Juin, 
linge;  B.int/.en,  1813,  in-4°.  —  Dœrlng,  Leben  Joh.   <r 
Mùllers;  Zeitz,  1835,  in-12.  —  Moerikhofer,  Sohweizil 
rische  Liteteraturgeschich  ;  Basel,  1861. 


305 

!  MUL.LEK  (Jectn-Valentin),  médecin  alle- 
iiwnd,  né  le  8  avril  1756,  à  Franfort-sur-le- 
klein.  Il  fut  reçu  docteur  à  léna  en  1779,  et 
pratiqua  sa  profession  à  Francfort.  11  est  auteur 
:  l'un  grand  nombre  d'ouvrages ,  parmi  lesquels 
'îous  citerons  :  Praktisches  Handbuch  der 
'  nedicinischen  Galanteriekrti'hkheiten  (Ma- 
'iuel  des  Affections  syphilitiques);  Francfort", 
788,  1802,  in-8°;  —  Handbuch  der  Frauen- 
jmnierkrankheiten  (Manuel  des  Maladies  des 
■emmes);  ibid.,  1788-1795,  4  vol.  in-8°;  — 
Physiologie  ;  ibid.,  1799,  gr.  in-8°  ;  —  Entwurf 
','er  gerichtlichen  Arzneiwissenschaft  (Essai 
[ie  médecine  légale);  ibid.,  1796-1801,  4  vol. 
|  r.  in-8°;  —  Orthodoxie  und  Hétérodoxie, 
aid.,  1798,  2  vol.  in-8°  ;  —  Medicinisches  Re- 
hertorium;  ibid.,  1798,  4  vol.  in-8°.  Il  a  dirigé 
ivec  G.-F.  Hoffmann  un  journal  de  médecine 
i  Frankfurter  Annalen),  qui  a  paru  de  1789  à 
[796.  K. 

Callisen  ,  Medicin.  Schriftstellerlex. 

muller  (Frédéric-Auguste),^oèlea\\emanâ, 
|é  à  Vienne,  en  176",  mort  en  1807.  Il  fit  pen- 
ant  plusieurs  années  des  cours  de  belles- 
>ttres  à  Erlangen,  et  se  retira  ensuite  dans  sa 
Ile  natale.  Il  a  écrit  trois  poèmes  épiques,  qui, 

Igré  quelques  longueurs,  sont  regardés  en  Alle- 
agne  comme  les  meilleures  imitations  de  Wie- 
nd.  Ce  sont  :  Alfonso  ;  Gœttingue,  1790, 
•8";  —  Richard  Lowenherz  (Richard  Cœur 

Lion);  Berlin,  1790  et  1819,  in  8°;  —  Adal- 
krt  der  Wilde  (Adalbert  le  Sauvage)  ;  Leipzig, 
793,  2  vol.  in-8°.  O. 

Der  Biograph,  t.  VU.  —  OEstreichische  national  En- 
ï/clopxdie. 

\  muller  (Pierre-Érasme),  théologien  et 
rudit  danois,  né  à  Copenhague,  le  29  mai  1776, 
kiort  le  16  septembre  1834.  Fils  du  conseiller 
le  conférence  Frédéric- Adam  Mûller,  connu  par 
les  recherches  sur  les  graveurs  danois,  il  étudia 
&s  belles-lettres  et  la  théologie  dans  diverses 
diversités  de  l'Allemagne  ;  après  avoir  visité  la 
?rance  et  l'Angleterre ,  il  obtint,  en  1801,  une 
iliaire  de  théologie  à  Copenhague;  en  1830,  il 
lit  appelé  à  l'évêché  de  Seeland.  On  a  de  lui  : 
ie  Genio,  moribus  et  luxu  xvi  Theodosiani; 
'openhague,  2  parties;  —  De  hierarchia  et 
iudio  vitx  asceticse  in  sacris  et  mysteriis 
ïrsecorum  et  Romanorum  latentibus;  ibid., 
803;  — Antiquarisk  Undersœgelse  over  de 
*ed  Gallehusfundne  Guldhorn  (Recherches 
[rchéologiques  sur  les  cornes  en  or  trouvées 
Gallehus);  ibid.,  1806,  in-4°;  ces  cornes  à 
oire,  découvertes  au  dix-septième  siècle,  sont 
|u  musée,de  Copenhague;  — Kristeligt  Apo- 
ogelik  (Apologie  chrétienne);  ibid.,  1810;  — 
>m  de  islandske  Sprogs  Vigtighed  (  Sur  l'Im- 
ortance  de  la  Langue  Islandaise);  ibid.,  1813; 
-  Veber  den  Vrsprung.  und-  Verfall  der  is- 
àndischen  Historiographie  (  Sur  l'Origine-  et 
i  Décadence  de  l'Historiographie  islandaise); 
Md. ,  1813  ;  —  Sagabibliothek  ;\bià.,  1816-1820, 


MIJLLER  906 

3  vol.  in-8°  ;  un  volume  de  remarques  fut  ajouté 
en  1829,  par  Espolin;  la  première  partie  de  ce 
précieux  recueil;  qui  contient  les  traditions  poé- 
tiques et  historiques  des  pays  Scandinaves,  a,été 
traduite  en  allemand  par  Lachmann  ;  Berlin, 
1816;  —  Krilisk  Undersogelse  af  Danmarks 
ag  Norges  Sagnhistorie  (Recherches  critiques 
sur  les  sagas  historiques  du  Danemark  et  des 
autres'  contrées  du  Nord);  Copenhague,  1823- 
1830,  2  vol".  ;  —  Krilisk  Undersogelse  af  Saxos 
Historié  (  Recherches  critiques  sur  l'histoire  de 
Saxo  Grammaticus);  —  Dansk  synonymisk ; 
ibid-.,  1829,  2  vol.  —  beaucoup  d'articles  et  de 
mémoires  dans  la  Minerva,  les  Scandinaviske 
Litteralurselskabs  Skrifter,  le  Journal  Jor 
udenlansk  Lilleratur,  les  Laerde  Efterret- 
ninger  et  dans  la  Dansk  Litteraturtïdende , 
dont  il  fut  depuis  1805  un  des  principaux  rédac- 
teurs ;  un  de  ces  mémoires,  qui  a  pour  titre  : 
Om  Authentien  af  Snorres  Edda  og  om  Asa- 
lœrens  Aegthed  (  Sur  l'Authenticité  de  l'Edda  de 
Snorro  et  la  doctrine  des  Ases),  a  été  traduit  en 
allemand  par  Sander  ;  Copenhague,  1811.  Au  mo- 
ment de  sa  mort,  Mùller  avait  presque  terminé 
une  édition  critique  de  Saxo  Grammaticus  qui 
parut  en  1839.  O. 


Nyerup,  Allmindeligt  Litteratur  Lexikon.  —  Conter- 
sations-Lexikon. 

mùller  (Adam-Henri),  publiciste  alle- 
mand, né  à  Berlin,  le  30  juin  1779,  mort  à 
Vienne,  le  17  janvier  1829.  Après  avoir  étudié 
la  jurisprudence,  il  voyagea  pendant  plusieurs 
années  en  Suède ,  en  Danemark  et  en  Pologne. 
Il  se  rendit  en  1805  à  Vienne  pour  y  revoir  Fré- 
déric Gentz,  dont  il  avait  fait  la  connaissance 
-à  l'université,  et  qui  le  décida  à  se  convertir  au 
catholicisme.  Pendant  les  années  suivantes,  il  lit 
à  Dresde,  à  Berlin  et  à  Vienne,  des  cours  sur  des 
sujets  philosophiques,  politiques  et  littéraires. 
Envoyé  en  1813  en  Tyrol  comme  commissaire 
du  gouvernement,  il  vint  deux  ans  après  à  Paris 
avec  l'armée  alliée.  En  1816  il  fut  nommé  consul 
général  d'Autriche  en  Saxe;  après  avoir  assisté 
aux  conférences  de  Carlsbad  et  de  Vienne,  i} 
se  fixa  dans  cette  dernière  ville  en  1827,  année 
où  il  fut  nommé  conseiller  aulique.  Parmi  les 
écrivains  qui  ont  combattu  la  révolution  fran- 
çaise, Millier  est  un  de  ceux  qui  ont  montré  le 
plus  d'esprit  et  d'éloquence  ;  il  a  défendu  avec 
un  grand  talent  le  moyen  âge  contre  les  attaques 
des  philosophes  du  dix-huitième  siècle.  Mais  ses 
théories  sur  la  politique  à  suivre  de  nos  jours 
sont  trop  contraires  à  l'esprit  de  notre  temps 
pour  être  applicables  ;  il  est  vrai  que  cela  ne 
prouve  rien  contre  leur  justesse-.  On  a  de  Mùl- 
ler :  Die  Lehre  vont  Gegensatze  (  La  Doc- 
trine de  l'opposition  );  Berlin,  1804  ;  écrit  em- 
preint des.  idées  de  Fichte;  —  Vorlesungen 
ùber  die  deutsche  Wissenschaft  und  Lite- 
ratur  (Cours  sur  la  Science  et  la  Littérature  al- 
lemande); Dresde,  1806-1807;  —  Von  der 
Idée  des  Staates  und  ihren  Verhàltnissen 


907  NULLE  II 

sw  den  populàren  Staatstheorien  (  De  l'idée 
de  l'État  et  de  ses  rapports  avec  les  théories  po- 
litiques populaires);  Dresde,  1809;  —  Die 
Elemente  der  Staatskunst  (Éléments  de  Po- 
litique); Berlin,  1809,  3  vol.;  —  Uber  Kônig 
Friedrich  It  (  Sur  lé  roi  Frédéric  II  )  ;  Berlin, 
1810;  —  Die  Théorie  der  Staatshaushal- 
tung  (  ta  Théorie  de  l'Économie  politique  )  ; 
Vienne,  1812,  2  vol.;  —  Versuch  einer  neuen 
Théorie  des  Geldes  (  Essai  d'une  nouvelle 
Théorie  de  l'Argent  )  ;  Leipzig,  1816;  —  Zwôlf 
Reden  uber  die  Beredtsamkeit  and  dercn 
Verfall  in  Deutschland  (  Douze  Discours  sur 
l'Éloquence  et  sa  décadence  en  Alfemagne  )  ; 
Leipzig,  1817;  —  Von  der  Nothwendigkeil 
einer  theologischen  Grundl'age  der  gesamm- 
ten  Staatswissenschaften  und  der  Slaals- 
wirthschaft  insbesondere  (  De  la  nécessité 
d'une  base  théologique  pour  toutes  les  sciences 
politiques  et  l'économie  politique  en  particulier  )  ;- 
Leipzig,  1819.  Millier  a  aussi  publié  deux 
recueils  périodiques  :  Staatsanzeigen  (  Indi- 
cateur politique);  Leipzig,  1816-1818,  et  le 
Unparteiischer  Literatur-und  Kirchen-cor- 
respondent  (  Correspondant  impartial,  littéraire 
et  ecclésiastique  ).  O. 

Conversations-Lexikon. 

mùller  (François- Hubert),  peintre  et  ar- 
chéologue allemand,  né  à  Bonn,  en  1784,  mort  en 
1835.  Né  sans  fortune,  il  aima  mieux  néanmoins 
se  consacrer  à  la  peinture,  si  peu  encouragée 
alors,  qu'embrasser  une  profession  lucrative. 
Après  avoir  supporté  beaucoup  de  privations,  il 
trouva  enfin  à  la  cour  du  roi  Jérôme  de  West- 
phalie  de  nombreuses  commandes  de  portraits. 
Appelé,  en  1817,  à  Darmstadt  comme  directeur 
de  la  galerie  grand-ducale,  dont  il  publia  un 
excellent  catalogue,  il  fonda  dans  cette  ville  une 
école  de  dessin,  bientôt  très- fréquentée.  Dans 
ses  dernières  années,  il  s'occupa  beaucoup  de 
l'art  du  moyen  âge.  Ses  principales  toiles  sont 
une  Trinité,  dans  l'église  d'Ahrweiler;  Saint 
Paul  et  une  Vierge,  dans  l'é'glise  catholique 
d'Offenbach.  Les  vitraux  du  chœur  de  la  cathé- 
drale de  Mayenee  ont  été  exécutés  d'après  ses 
cartons.  Il  a  publié  :  Erster  Unterricht  im 
Zeichnen  (  Premier  Enseignement  de  Dessin);  , 
Darmstadt,  1830  ;  —  Dasfreie  Zeichnen  nach 
natiirlichen  Gcgmstànden  (L'Art  d'esquisser 
d'après  les  objets  de  la  nature)  ;  ibid.,  1832;  — 
Die  St-Catharinen  Kirche  zu  Oppenheim 
(  L'église  Sainte-Catherine  d'Oppenheim),  in-fol.; 
ouvrage  de  luxe ,  contenant  quarante  planches 
avec  texte,  qui  font  connaître  dans  fous  ses  dé- 
tails ce  magnifique  monument  de  l'art  gothique  ; 
—  Beitràge  zur  deutschen  Kunst-und  Ges- 
chichtskunde  durcn  Kunstdenkmale  (Docu- 
ments pour  servir  à  la  connaissance  de  l'art  en 
Allemagne  et  de  l'histoire  de  ce  pays  au  moyen 
des  monuments);  1832-1835,  2  vol.         O. 

nnéc  1833).  —  Na- 


Neuer  IVekroinrj  /ler  Deutschen 
gler,  lin natter- Lcxi/con. 


mùlleîi  (Guillaume),  poète  lyrique  al 
mand,  né   à  Des>au,  le  7  octobre    1794,  nvJ 
dans  la  même  ville,   le  1er  octobre  1827.  il 
d'un  artisan  opulent,  il  reçut  une  éducation  tr> 
soignée,  mais  affranchie  de  toute  contrainte 
laquelle  il  dut  probablement  la  liberté  d'espril 
dépensée  qui  le  caractérise.  En  1812,  il  étu> éj 
à  Berlin,  sous  le  célèbre  Wolf,  la  philologie 
l'histoire.   En   1813,  il   s'enrôla  comme  vokl 
taire  prussien,  assista  aux  batailles  de  Lutzi  ; 
de  Bautzen,  de  Hainau  et  de  Culm.  Il  suivit  1'  |. 
mée  prussienne  dans  les  Pays-Bas.  En  1817,'| 
fit  un  voyage  en  Italie ,  et  devint  conservât»  j. 
de  la  bibliothèque  ducale  à  Dessan.  Pour  ré  { 
blir  sa  santé,  il  fit,  en  1827,  un  voyage  sur 
bonis    du    Rhin  ;   mais  il   mourut   subitemi 
quelques  jours  après  son  retour.  On  a  de  li 
Rom,  Roemer  und  Roemerinnen  (Rome, 
Romains  et  les  Romaines)  ;  Berlin,  1820,  2  vo  \ 
—  Gcdîchte  aus  de.n  hinterlassenen   Papw 
ren  eines  reisenden  Waldhornisten  (Poésl 
tirées  des  papiers  laissés  par  un  sonneur  de  <  j 
ambulant);  ibid.,  1821-1824;  2e  édit.,  1826; 
Lieder  der  Griechèn  (Chants  des  Grecs);  Dij 
sau  et  Leipzig,  1821-1824,  2  vol.  Dernière  é 
tion,  1844;  il  y  célèbre  avec  enthousiasme  ! 
réveil  d'un  peuple  opprimé,  ses  luttes  et  i 
victoires;  — une  traduction   des   Chants  \\ 
palaires  de  la  Grèce  moderne,  dans  le  Reçu 
de  Fauriel;  Leipzig,  1825,  2  vol.;  —  Xj/mc 
Spaziergaenge  (Promenades  lyriques)  ;  Leipz 
1827.  Dans  le  domaine  de  la  critique  et  de  l'h  I 
toire  littéraire,  outre  un  grand  nombre  d'artic  j 
fournis  à  diverses  revues  et  encyclopédies,  en  I 
autres  à  l'Encyclopédie  d'Ersch  et  de  Grubl 
dont  il  fut  un  des  rédacteurs  en  1826,  Mùller  pi 
duisit  :   Homerische  Vorschule  (École  pré[ 
ratoire  homérique);  Leipzig,  1824;  2e  édit. 
Baumgarten-Crusius,  1836; —  Bibliofhek  dei\ 
scher  Dichter  des  il  Jahrhunderts   (  Bibl 
thèque  des  Poètes  allemands   du  dix-septièij 
siècle);  Leipzig,  1822-1827,  10  vol.  Cet  ouvra 
a  été  continué  par  Fœrster.   Gustave  Schwj 
a   publié   de   Mùller  :   Vermischte  SchriftA 
(  Œuvres  mêlées)  ;  Leipzig,  1830,  5  vol.  ;  et  G  J 
dichte   (Poésies   posthumes);   Leipzig,   183 
2  vol.  ;  nouv.  édit.,  1850.  H.  W. 

Conv.-Lex. 

wiiixER  (Karl-Oltfried) ,  célèbre  arche' 
logue  et  philologue  allemand,  né  le  28  août  179 
à  Brieg,  dans  la  Silésie  prussienne,  mort  à  Castri 
en  Grèce,  le  1er  août  1840.  Fils  d'un    rninist! 
protestant  qui   fut  quelque  temps  prédicate' 
d'une  division  de  l'armée  prussienne,  Mùller  i 
çut  sa  première  éducation  au  gymnase  de  Brie 
et  entra  ensuite  à  l'université  de  Bresiau,  où 
se  consacra  à  l'étude  de  la  philologie.  De  1815 
1817  il  étudia  à  Berlin.  Là  il  eut  pour  professe!  | 
le  célèbre  Bœckh,  qui  dans  son  admirable  éd 
tion  de  Pindare  avait  montré  comment  la  phih 
logie,  l'histoire  et  les  beaux-arts  s'unissent 
se  fécondent  mutuellement.  Le  petit  livre  Si\ 


9  9 


MULLER 


910 


/' // V d' Hgine. {JEginelicorum  Liber), que Multer-, 
publia  .1  l'âge  <ie  vingt  ans,  prouva  qu'il1  avait 
profité  fies  leçons  de  ce  maître  habile.  L'étendue 
et  la  précision  des  recherches',  la  finesse  et  la 
hardiesse  des  vues  caractérisent  ce  premier  tra- 
vail, oui  se  ressent  d'ailleurs  de  la  jeunesse  de 
l'auteur,  et  qui  contient  bien  des  hypothèses  ha- 
sardées. Après  avoir  publié  cette  thèse  qui  pro- 
mettait beaucoup,  Ott.  Millier  fut  nommé  pro- 
fesseur de  langues  anciennes  au  gymnase  de 
Breslau  appelé  le  Magdalenum.  Il  consacra  tous 
les  loisirs  que  lui  laissait  son  enseignement  à 
des  recherches  mythologiques.  Son  but  était  de 
décomposer  la  religion  des  âges  historiques,  d'en 
dégager  par  une  patiente  analyse  les  divers  élé- 
ments et  de  remonter  aux  plus  anciens  et  aux 
plus  simples  ;  il  pensait  que  ces  premiers  élé- 
ments lui  fourniraient  des  données  précieuses 
sur  les  périodes  primitives  que  l'histoire,  réduite 
à  ses  propres  forces,  ne  peut  pas  atteindre.  Le 
grand  ouvrage  qui  contient  les  résultats  de  ses 
profondes  études  est  une  Histoire  des  Tribus  et 
«tes  États  grecs,  dont  le  premier  volume  parut 
à  Breslau,  1820,  sous  le  titre  de  Orchomène  et 
les  Minyens.  L'année  précédente  Mùller,  sur  la 
recommandation  de  Bœckh,  avait  été  appelé  à  l'u- 
niversité de  Gœttingue  pour  y  faire  des  cours 
sur  l'archéologie  et  l'art  grec.  De  son  enseigne- 
ment combiné  avec  celui  de  Dissen,  autre  élève 
«le  Bœckh,  date  uneère  nouvelle  dans  l'université 
de  Gœttingue  ou  plutôt  dans  l'étude  de  l'antiquité 
«n  Allemagne.  L'influence  du  jeune  professeur 
«'étendit  même  sur  toute  l'Europe,  grâce  à  des 
ouvrages,  également  remarquables  par  la  nou- 
veauté des  vues  et  par  l'habileté  de  l'exposition. 
Pour  acquérir  une  connaissance  plus  familière 
•ides  chefs-d'œuvre  de  l'art  antique,  Muller  visita 
4e  musée  de  Dresde  en  1819,  les  musées  de 
■France  et  d'Angleterre  en  1822.  Il  n'oublia  ja- 
mais que  l'art  ancien  n'est  qu'un  des  côtés  de 
■activité  intellectuelle  des  Grecs ,  un  côté  qui 
sert  à  expliquer  les  autres  et  qui  lui-même  a 
^besoin  d'être  expliqué  par  la  mythologie  et  l'his- 
-toire.  Il  comprenait  parfaitement  que  tout  se  tient 
-dans  l'étude  de  l'antiquité.  Pour  montrer  par  un 
grand  exemple  les  rapports  intimes  de  la  religion, 
des  mœurs  et  de  la  politique  chez  les  anciens,  il 
■écrivit  son  livre  des  Doriens,  qui  forme  les  second 
et  troisième  volumes  de  l'Histoire  des  Tribus 
grecques.  Une  idée  systématique ,  vraie  au  fond, 
«nais  un  peu  outrée,  domine  dans  cet  ouvrage; 
«'est  qu'un  peuple  dans  ses  développements  his- 
toriques reste  sous  l'influence  de  ses  origines; 
ou,  en  d'autres  termes,  que  toute  race  a  des  traits 
caractéristiques  qui  reparaissent  à  toutes  les 
•périodes  de  son  histoire  et  qui  en  déterminent 
la  physionomie  définitive.  Cette  théorie  sur  l'in- 
fluence des  races  est  depuis  devenue  populaire, 
et  a  été  fort  exagérée  par  les  imitateurs.  Mùller 
lui-même  l'a  poussée  trop  loin,  et  quelques-unes 
de  ses  vues  ont  été  combattues  ou  rectifiées  par 
M.  Grote.  Pour  fortifier  sa  théorie  par  un  nouvel 


exemple,  if  voulait  ajouter  à  ses  Doriens  une 
histoire  de  \'At  tique;  mais  d'autres  travaux  le 
détournèrent  de  cet  ouvrage.  Il  publia  en  1825 
ses  Prolégomènes  sur  un  système  scientifique 
de.  Mythologie,  dans  lesquels  il  montra  l'in- 
fluence des  diverses  races  ou  tribus  grecques  sur 
la  formation  successive  de  la  mythologie  grecque, 
et  une  dissertation  Stir  l'histoire  primitive  de. 
la  Macédoine.  Ces  productions  furent  suivies 
d'un  grand  ouvrage  sur  les  Étrusques,  où  il  lit 
le  plus  heureux  usage  de  là  philologie  comparée 
pour  interpréler  les  mystérieux  débris  de  la 
langue  étrusque;  d'un  Manuel  d'Archéologie, 
à  la  fois  original  et  élémentaire,  aussi  remar- 
quable par  la  richesse  des  détails  que  par  le  sen- 
timent exquis  de  la  beauté  dans  l'art;  d'une  His- 
toire de  la  Littérature  grecque,  malheureuse- 
ment inachevée ,  qui  mérite  les  mêmes  éloges , 
et  qui  renferme  sous  une  forme  abrégée  les  ré- 
sultats neufs  et  féconds  d'un  savoir  immense 
guidé  par  un  goût  hardi  et  délicat.  A  côté  de  ces 
œuvres  de  premier  ordre,  il  faut  placer  trois 
éditions  exécutées  avec  cet  amour  de  la  perfec- 
tion que  Muller  mettait  à  tout.  Les  Ev.menid.es 
d'Eschyle  avec  une  traduction  allemande  et  un 
commentaire  parurent  en  1833.  Le  représentant 
le  plus  illustre  de  l'école  purement  philologique, 
Hermann,  attaqua  amèrement  cette  édition,  et  s'il 
pronva  que Mùllerne possédait  pasàundegré  su- 
périeur le  talent  de  la  critique  verbale,  il  ne  par- 
vint pas  à  détruire  la  hante  valeur  littéraire  et  ar- 
tistique de  l'édition  des  Euménides;  la  lacune 
qu'il  est  permis  de  remarquer  dans  le  talent  cri- 
tique de  Muller  était  bien  compensée  par  son  sa- 
voir, son  goût  et  surtout  son  sentiment  incompa- 
rable de  la  poésie  et  de  l'art  chez  les  Grecs.  Après 
ies  Euménides  vintuneéditionde  Festus,  dans  la- 
quelle Mùller  débrouilla  lechaosqueles  précédents 
éditeurs  avaient  introduit  ou  laissé  subsisterdans 
ce  grammairien.  L'édition  du  traité  De  Lingua 
Latina  de  Varron,  qui  avait  précédé  le  Festus 
de  quelques  années,  n'est  pas  moins  estimée. 
Depuis  longtemps  O.  Mùller  désirait  visiter 
la  contrée  dont  l'histoire,  la  littérature  et  les 
productions  artistiques  lui  étaient  si  familières; 
il  partit  pour  la  Grèce  en  1839.  Dès  son  arrivée 
il  se  livra  avec  ardeur  aux  explorations  archéo- 
logiques. Ce  noble  zèle  lui  devint  funeste. 
Pendant  les  plus  fortes  chaleurs  de  juillet  1840, 
il  dirigeait  des  fouilles  sur  le  territoire  malsain 
de  l'ancienne  Delphes,  lorsqu'il  fut  atteint  de  la 
fièvre.  Il  expira  à  Castri,  en  Livadie.  Son  corps, 
rapporté  à  Athènes,  fut  enseveli  dans  l'ancienne 
Académie.  Mùller,  dans  sa  trop  courte  carrière, 
s'est  placé  au  premier  rang  des  philologues  et 
des  archéologues  de  son  temps.  Ses  ouvrages  ne 
sont  pas  exempts  de  fautes;  on  y  désirerait 
quelquefois  plus  de  maturité,  et  l'on  y  regrette 
une  tendance  à  généraliser  des  faits  particuliers 
et  à  fonder  des  théories  sur  des  bases  insuffisantes; 
mais,  malgré  ces  défauts,  on  y  admire  une  va- 
riété de  connaissances,  une  finesse  de  jugement, 


911 


MULLER 


91 


une  hardiesse  et  une  pureté  de  goût ,  un  talent 
d'exposition  que  l'on  n'avait  peut-être  jamais 
trouvés  réunis  au  même  degré  chez  aucun  des 
érudits  qui  se  sont  occupés  de  l'antiquité. 

On  a  d'Ottfried  Mûller  :  Mgineticorum  Liber; 
Berlin,  1817,  in-8°; —  Geschichte  hellenischer 
Staminé  und  Stàdte.  Bd.  I.  Orchomenos  und 
die  Minyer  (Histoire  des  Tribus  et  des  États 
helléniques  ;  T.  I  :  Orchomène  et  les  Minyens); 
Breslau,  1820,  in-8°  ;  2e  édit.,  Breslau,  1844,  avec 
une  carte;  —  Minervx  Poliadis  sacra  et  eedem 
in  arce  Athenarum  illustravit  M.;  Gœttingue, 
1820,  in-4°,  avec  3  plane;  —  Gesch.  hel.  St. 
u.  St.  Bd.  Il  et  III,  Die  Dorier  (histoire 
des  Trib.,  etc.,  t.  Il  et  III  :  Les  Doriens);  Bres- 
lau, 1824,  2  vol.  in-8°;  avec  une  carte  de  l'an- 
cien Péloponnèse  ;  2e  édit.,  publiée  par  Schnei- 
dewin,  le  plus  distingué  des  disciples  de  Mùller; 
Breslau,  1844,  2  vol.  in-8°  :  ce  grand  ouvrage, 
le  chef-d'œuvre  de  Millier,  a  été  traduit  en  anglais 
par  MM.  Tuffnell  et  Lewis;  Oxford,  1830, 
2  vol.  in-8°  ;  —  Prolegomena  zu  einer  wis- 
senchaftlichen  Mythologie  (  Prolégomènes  sur 
un  Système  scientifique  de  Mythologie);  Gœt- 
tingue, 1825,  in-8°;  traduit  en  anglais  par  Leitch; 
Londres,  1844,  in-8°;  —  Ueber  die  Wohn- 
sitze ,  die  Abstammung  und  die  altère  Ges- 
chichte des  Makedonischen  Volkes  (Sur  la 
Contrée,  l'origine  et  l'histoire  ancienne  des  Ma- 
cédoniens); Berlin,  1825,  in-8°;  —  De  Phi- 
dias Vita  et  Operibus  Comment.  III;  Gœt- 
tingue, 1827,  in-4°;  —  Handbuch  der  Ar- 
chéologie der  Kunst  (Manuel  d'Archéologie); 
Breslau,  1830,  in-8°;  3e  édition,  avec  des  ad- 
ditions par  M.  Welcker ,  Breslau,  1848,  in-8°; 
—  Carte  de  V ancienne  Hellade,  avec  texte; 
Breslau,  1831,  in-fol.;  —  Commentatio  qua 
Myrinee  Amazonis  quod  in  Museo  Vaticano 
servalur  signum  phidiacum  explicatur; 
Gœttingue,  1832,  in-8°;  —  Eumenides , 
griech.  und  deutsch,  mit  erlaûl.  Abandl. 
ùber  die  aussere  Darstellung  und  ùber  den 
Inhalt  und  die  Composition  dieser  Tragédie 
(  Les  Eumenides ,  grec  et  allemand ,  avec  une 
dissertation  explicative  sur  la  mise  en  scène, 
le  sujet  et  la  composition  de  cette  tragé- 
die); Gœttingue,  1833,  in-4°,  avec  2  supplé- 
ments; Gœttingue,  1834  et  1835,  in-4°;  — 
Grœcorum  de  Lynceis  Fabulx  ;  Gœttingue, 
1837,  in-fol.;  —  Quant  curant  respublica  apud 
Grœcos  et  Romanos  litleris,  doctrinisque 
colendis  et  promovendis  impenderit,  queeri- 
tur ;  Gœttingue,  1837,  in-4°;  —  Antiquitates 
Anliochenx  ;  Gœttingue,  1839,  in-4°;  —  Var- 
ronis  De  Lingua  Latina  qux  supersunt  emen- 
data  et  annotata;  Leipzig,  1833,  in-8°;  — 
Fesli  De  Verborum  significatione  qux  super- 
sunt, cum  Pauli  Epitome,  emendata  et  an- 
notata; Leipzig,  1839,  in-4°  ;  —  History  of 
the  Lilerature  of  ancient  Gra?ce  ;  Londres, 
1840.  Cet  ouvrage  avait  été  demandé  par  la  So- 
ciété pour  la  diffusion  des  connaissances  utiles 


à  Millier,  qui  le  rédigea  en  allemand  ,  mais  n'eu  i  i 
pas  le  temps  de  l'achever;  la  partie  terminée  fu 
traduite  en  anglais  par  MM.  C.Lewis  et  Donald 
son,  et  parut  à  Londres,  1340,  in-8°;  elle  a  et  Ù 
continuée  par  M.  Donaldson  depuis  le  siècl 
d'Alexandre  jusqu'à  la  prise  de  Constantinople 
Londres,  1 859.  L'original  allemand  parut  aprè 
la  mort  de  l'auteur,  par  les  sdms  de  soft  fier 
Ed.  Mùller,  sous  ce  titre  :  Geschichte  de 
griech.  Literalur  bis  aufdas  Zeitalter  Alexan 
ders  (Histoire  de  la  Littérature  grecque  jusqu'ai 
siècle  d'Alexandre  )  ;  Breslau,  1841,  2  vol.  in-8° 
2e  édit.,  1857.  Outre  ces  ouvrages,  O.  Mùlle 
avait  écrit  un  grand  nombre  d'articles  pour  de 
recueils  périodiques;  ces  précieux  travaux  on 
été  rassemblés  sous  le  titre  de  Kleine  deutsch 
Schriften  iiber  Religion,  Kunst,  Sprache  uni 
Literatur,  Leben  und  Geschichte  des  Alter 
thums.  (  Opuscules  allemands  sur  la  religion 
l'art,  le  langage  et  la  littérature,  la  biographi 
et  l'histoire  des  anciens);  Breslau,  1847-1848: 
2  vol.  in-8°.  L.  J. 

Gazette  d'Jugsbourg,  août  et  septembre  1840.  —  Mille 
et   Aubenas,  Revue  de  bibliographie  analytique,  sep  I 
tembre  1840.  —   Neuer  IVekrolog  der  Deutschen  pou  i 
1841.  —  F.  Luette,  Erinnerungen  an  Karl  Ottfried  Mûi 
1er  ;  Geettingue,  1841,  in-8°. 

aiùller  {Jean  ) ,  célèbre  physiologiste  aile  i 
mand,  né  le  14  juillet  1801,  à  Coblentz,  mort  1( 
28  avril  1858,  à  Berlin.  Fils  d'un  pauvre  cordon  I 
nier,  il  allait  être  placé  en  apprentissage  chez  ui  j 
sellier,  lorsque  ses  dispositions  naturelles  attiré  ' 
rent  l'attention  du  directeur  de  l'école  secondain 
de  sa  ville  natale,  Jean  Schultze,  qui  dans  Ici 
suite  eut,  à  plusieurs  reprises,  occasion  de  lu 
rendre  d'importants  services.  Entré  en  1810  l 
l'école  secondaire ,  il  se  fit  remarquer  par  sor 
assiduité  au  Iravail  et  aussi  par  une  certain* 
ferveur  de  catholicisme  qui  imprimait  à  sa  pen- 
sée un  tour  mystique.  Il  avait  perdu  son  père 
de  bonne  heure ,  et  il  se  destinait  à  la  prêtrise 
afin  de  venir  en  aide  à  sa  mère.  On  ignore  pai-i 
quels  motifs  il  se  décida  à  quitter  la  théologie 
pour  la  science.  Après  avoir  servi  pendant  un  an 
dans  une  compagnie  de  pionniers  pour  satis* 
faire  à  la  loi  de  recrutement,  il  se  rendit  à  l'uni- 
versité de  Bonn  (1819),  et  s'y  livra  avec  ardeur 
à  l'étude  de  la  médecine  et  des  sciences  qui  s'y 
rattachent.  Ses  progrès  furent  rapides.  Il  n'était 
pas  resté  étranger  à  l'histoire  naturelle  ;  dès 
le  collège  il  en  avait  fait  son  délassement  favori; 
d'ailleurs  il  avait  lu  Goethe,  et  ce  fut  dans  les 
écrits  du  grand  poète  qu'il  trouva  plus  tard  le 
germe  de  plusieurs  de  ses  travaux  scientifiques. 
Millier  prit  part  en  1820  au  concours  de  l'uni- 
versité de  Bonn,  et  remporta  le  prix  ;  dans  son 
mémoire  publié  en  1823  (De  respiratione  fœ- 
tus ;  Bonn,  in-4°),  il  se  montra  expérimentateur 
aussi  sagace  qu'habile,  et  s'il  ne  résolut  point 
un  des  problèmes  les  plus  ardus  de  la  physio- 
logie ,  il  indiqua  la  marche  à  suivre  pour  ar- 
river à  la  solution  complète.  A  la  fin  de  1822  il 
fut  reçu  docteur;  le  sujet  qu'il  traita  à  cette  ot« 


913 


MULLER 


914 


casion  fut  la  locomotion  animale  (De  Phorono- 
mia  anima  Hum;  Bonn,  in-4").  Dans  cet  écrit, 
comme  <lans  le  précédent ,  on  retrouve  l'adepte 
delà  philosophie  de  la  nature,  le  disciple  fervent 
des  doctrines  de  Schelling  et  d'Oken,  qu'il  ne 
tarda  pas  à  répudier  de  la  manière  la  plus  for- 
melle. Dans  aucun  de  ses  ouvrages  postérieurs 
il  n'a  cité  sa  thèse  de  doctorat,  qui  en  réalité 
n'était  qu'un  jeu  de  l'esprit. 

Appelé  à  Berlin  pour  y  subir  ses  épreuves  pro- 
fessionnelles, Millier  y  séjourna  pendant  une  année 
et  demie,  et  tout  en  suivant  avec  assiduité  les 
leçons  philsophiques  de  Hegel,  il  s'adonnait  à 
!  l'étude  de  l'anatomie  comparée  sous  les  auspices 
!  deRudolphi,  qui  mit  à  la  disposition  du  jeune  doc- 
teur tous  les  moyens  dont  il  pouvait  disposer.  A 
cette  époque  se  rattache  l'insertion  dans  les  Nova 
Acta  Natures  Curiosorum  (t.  Xll)  d'un  travail 
|  incomplet  sur  le  développement  de  certains  in- 
|  sectes  dans  l'œuf.  Lorsque  Mùller  revint  à  Bonn 
L't824),  il  y  ouvrit  en  qualité  de  prlval-docent 
\  un  cours  d'anatomie  et  de  physiologie.  Traçant, 
Jdans  son  discours  d'ouverture,  le  portrait  du 
physiologiste  tel  qu'il  le  concevait,  il  le  montra 
i  la  fois  physicien ,  chimiste  ,  zoologiste ,  méde- 
cin, érudit,  et,  tout  en  s'appuyant  sur  la  base 
ie  l'observation  et  de  l'expérience,  s'élevant  aux 
iplus  hautes  spéculations  métaphysiques.  Il  est 
impossible  de  ne  pas  reconnaître  que  personne 
n'a  mieux  que  lui  réalisé  l'idéal  qu'il  se  propo- 
sait au  début  de  sa  carrière.  Professeur  extraor- 
dinaire en  1826,  il  devint  en  1830  professeur  or- 
idinaire  et  fut  chargé  d'enseigner  l'encyclopédie 
^médicale,  l'anatomie  comparée,  la  physiologie  et 
lia  pathologie  générale.  Dans  l'automne  de  1832 
à\  obtint  la  chaire  d'anatomie  de  Berlin,  vacante 
)ar  la  mort  de  Rudolphi.  Nommé  recteur  de 
'université  en  1847,  il  fut  obligé  de  jouer  le  rôle 
le  modérateur  dans  les  événements  politiques 
[le  l'année  suivante  et  de  servir  d'intermédiaire 
pntre  le  pouvoir  et  les  étudiants,  dont  il  était 
loin  de  partager  les  opinions.  Sa  santé,  déjà 
lébranlée  par  un  labeur  excessif,  s'altéra  sensi- 
blement. En  1855  il  faillit  périr  à  bord  d'un  ba- 
teau à  vapeur  qui  coula  à  fond  dans  la  mer  Bal- 
tique. Cet  événement  porta  le  dernier  coup  à  sa 
nature  si  vive  et  si  impressionnable.  Pour  la 
première  fois,  le  travail  lui  devint  pénible  ;  son 
état  s'aggrava,  et  le  28  avril  1858,  au  matin, 
on  le  trouva  mort  dans  sa  chambre.  La  veille 
il  avait  passé  une  partie  de  la  journée  au  musée 
eoologique  à  étudier  les  animaux  infusoires. 
Comme  professeur,  Mùller  exerça  une  influence 
incontestable  en  Allemagne  ;  parmi  les  savants 
4ui  tiennent  à  honneur  d'avoir  été  ses  élèves , 
aous  rappellerons  MM.  Bischoff,  Henle,  Nasse, 
schwann,  Kœlliker,  Dubois-Raymond ,  Reichert 
et  Virchow. 

Aux  travaux,  de  Mùller  que  nous  avons  déjà 
"apportés  nous  ajouterons  les-  suivants,  dont 
luelques-uns,  par  la  nouveauté  des  aperçus  ou 
•par  l'importance  des  résultats,  tiendront  une 


place  considérable  dans  l'histoire  de  la  science. 
Citons  d'abord  les  deux  traités  Sur  les  Halluci- 
nation de  la  Vue  (Uebcr  die  phantastischen 
Gesichtserscheinungen)  et  Sur  la  Physiologie 
comparée  du  sens  de  la  Vue  (Zur  vergleichen- 
den  Physiologie  der  Gesichtssinnes),  imprimés 
l'un  et  l'autre  en  1826,  à  Bonn.  Mùller,  qui  avait 
été,  comme  Gœthe,  très-sujet  dans  son  enfance 
aux  hallucinations  de  la  vue,  fut  conduit  par 
une  observation  attentive  à  se  convaincre  qne 
ces  phénomènes  ne  sont  pas  des  illusions  des 
sens  excités  par  un  état  morbide,  mais  qu'il  y  a 
réellement  là  des  sensations.  «  Ce  qui  se  passe 
alors,  dit-il,  est  l'inverse  de  ce  qui  a  lieu  pour 
des  phénomènes  de  vision  ayant  trait  à  des  ob- 
jets extérieurs  :  ici  les  parcelles  de  la  rétine 
sont  conçues  les  unes  à  côté  des  autres  dans  an 
état  actif;  là  au  contraire  c'est  une  idée  conçue 
qui  détermine  les  états  de  ces  parcelles  du  nerf 
optique.  L'action  que  l'organe  matériel  de  la  vi- 
sion, qui  a  de  l'étendue  dans  l'espace,  exerce  sur 
l'àme ,  et  d'où  résulte  l'idée  d'un  objet  ayant 
lui-même  de  l'étendue,  n'est  pas  moins  surpre- 
nante que  l'idée  d'un  objet  étendu  sur  l'organe, 
de  sorte  que  les  hallucinations  de  la  vue  ne  sont 
pas  plus  en  droit  que  la  vision  ordinaire  de  nous 
causer  de  l'étonnement.  » 

L'étude  de  ce  phénomène  conduisit  Mùller  à 
une  théorie  générale  de  la  vision,  théorie  reposant 
sur  cette  idée  que  la  lumière  et  que  les  images  co- 
lorées sont  produites  par  l'organe  de  la  vue,  aussi 
bien  dans  la  vision  objective  que  dans  la  vision  sub- 
jective.  Elle  est  nettement  indiquée  dans  la  Phy- 
siologie du  sens  de  la  Vue,  ouvrage  qui  étonne 
par  le  nombre  et  la  variété  de  connaissances  de 
toutes  natures  qu'il  suppose  chez  son  auteur.  Après 
avoir  étudié  en  mathématicien  lés  conditions  de 
la  vue  simple  avec  deux  yeux,  il  décrit,  par  une 
série  de  dissections  fort  bien  faites,  les  diverses 
parties  des  yeux  composés  des  insectes,  dans  les- 
quels il  trouve  les  éléments  d'un  appareil  op- 
tique construit  d'après  de  tout  autres  principes 
que  celui  de  l'homme;  puis  il  s'efforce  de  com- 
battre l'idée  généralement  accréditée  de  l'achro- 
matisme absolu  de  l'œil,  expose  les  variétés  du 
strabisme  et  recherche  les  conditions  anatomiques 
et  physiologiques  du  regard  et  de  ses  diffé- 
rentes expressions.  Cette  étude  l'amena  à  for- 
muler plus  tard  une  théorie  générale  des-  sen- 
sations," fondée  sur  l'activité  des  organes  des 
sens.  Chaque  organe»  et  chacun  des  nerfs  sen- 
soriels qui  est  affecté  à  son  service ,  possède, 
selon  lui,  la  propriété,  lorsqu'il  entre  en  jeu,  de 
déterminer  en  nous  une  sensation  spéciale.  II 
n'existe  aucune  analogie,  comme  on  l'a  cru  long- 
temps, entre  la  sensation  et  la  cause  qui  la  dé- 
termine. Dans  la  sensation  on  ne  connaît  direc- 
tement qu'une  seule  chose,  c'est  l'état  parti- 
culier du  système  nerveux  lorsqu'une  cause 
quelconque  vient  le  mettre  en  action.  Par  con- 
quent  le  son,  la  lumière,  la  chaleur,  du  moins 
lorsqu'on  emploie  ces  mots  dans  leur  acception 


915  MULLER 

vulgaire,  ne  sont  en  réalité  que  des  phénomènes      idées  nouvelles 


9 


physiologiques,  que  les  créations  mêmes  des 
nerfs.  «  Sans  l'oreille  vivante,  dit  Muller,  il  n'y 
a  point  de  son  au  monde,  mais  seulement  des 
vibrations.  Sans  l'œil  vivant,  il  n'y  a  au  monde 
ni  clarté,  ni  couleurs,  ni  obscurité,  mais  seule- 
ment les  oscillations  d'une  matière  impondé- 
rable, la  lumière  ou  l'absence  de  celle-ci.  »  La 
principale  difficulté  que  présente  cette  théorie 
originale,  c'est  de  savoir  comment,  en  réduisant 
la  sensation  à  n'être  plus  qu'une  réaction  du 
système  nerveux  contre  toute  influence  externe, 
on  arrive  à  la  connaissance  des  phénomènes  qui 
se  produisent  en  dehors  de  nous.  C'est  ce  que 
Muller  n'explique  pas  d'une  manière  satisfai- 
sante. Il  est  vrai  que  la  difficulté  appartient 
moins  à  sa  théorie  qu'au  sujet  lui-même,  qui 
restera  peut-être  inexplicable. 

Dans  une  série  de  mémoires  importants,  Mill- 
ier compléta,  par  de  nouvelles  recherches,  ses 
études  anatomiques  et  physiologiques  sur  les 
organes  de  la  vue  et  de  l'ouïe  dans  les  animaux 
inférieurs,  les  crustacés,  les  mollusques,  les 
scorpions  et  les  insectes,  sur  le  système  ner- 
veux chez  ces  derniers  (  Ueber  die  Métamor- 
phose des  Nervensystems  in  der  Thierwelt, 
dans  les  Archives  de  Meckel,  1829),  sur  les  or- 
ganes delà  digestion  (ibid.,  1830),  sur  la  forma- 
tion des  organes  de  la  génération  (  Dnsseldorf , 
1830,  in-4°),  sur  les  glandes  (  De  Glandularum 
secernentium  Structura  penitiori  earumque 
prima  formatione  in  homme  atque  anima- 
libus;  Leipzig,  1830,  in- fol.). On  regarde  ce  der- 
nier travail  comme  l'un  des  ouvrages  anatomi- 
ques les  plus  remarquables  dont  aucune  partie 
de  l'anatomie  comparée  ait  été  l'objet  :  il  abonde 
en  découvertes  de  détail  concernant  la  structure 
de  chaque  glande  en  particulier  dans  chaque 
classe  du  règne  animal,  structure  qui  était  en- 
core presque  entièrement  ignorée;  ce  qu'il  y  a 
de  plus  neuf,  c'est  la  recherche  du  type  anato- 
rnique  d'après  lequel  les  glandes  ont  été  cons- 
truites. La  différence  d'action  des  deux  racines 
des  nerfs  rachidiens  fut  pour  Muller  le  sujet 
d'observations  intéressantes.  Ses  belles  expé- 
riences sur  la  composition  du  sang  (Annales 
de  Poggendorff,  1833)  et  sur  la  lymphe  (  Phi- 
losophical  Transactions,  1833,  et  Mêm.  de 
l'Acad.  de  Berlin,  1839  )  tranchèrent  des  ques- 
tions discutées  depuis  longtemps.. 

L'un  des  principaux  titreside  ce  savant  à  la  ré- 
putation que  ses  travaux  lui  ont  donnée  est  son 
Manuel  de  Physiologie  (Handbnchder  Physio- 
logie des  Menschen;  Coblentz,  1833;  4ine  édit., 
1841-1844,  2  vol.  in- 8";  trad.  en  français  par 
M.Jourdan).  C'est  le  premier  ouvrage  dans  lequel 
il  soit  question  de  physiologie  comparée  Ce  qui  en 
constitue  surtout  le  mérite",  c'est  la  hardiesse  et  la 
sûreté  avec  lesquelles  l'auteur  embrassedans  une 
vue  d'ensemble  tous  les  phénomènes  de  la  vie;  il 
est  peu  de  questions  spéciales  qu'il  n'ait  éclairées 
par  des  observations  nombreuses  ou  par  des 


Pour  lui  comme  pour  Stab 
l'âme  pensante  n'est  qu'une  manifestation  < 
principe  vital  :  il  la  considère  comme  une  for 
simple,  et  cependant  divisible,  qui  existe  à  l'él 
latent  dans  tout  l'organisme ,  possédant  chacu 
des  propriétés  du  principe  vital  et  en  différa 
seulement  en  ce  qu'elle  ne  peut  se  manifest 
que  dans  le  cerveau. 

Les  travaux  de  Muller  sur  l'anatomie  comp 
réeet  la  zoologie  sont  fort  nombreux .  Après  C 
vier  et  Meckel,  il  est  peut-être  le  savant  à  qJ 
l'on  doit  le  plus  de  découvertes  anatomique 
Nous  citerons,  parmi  ses  mémoires,  ceux  quio 
pour  objet  l'organisation  des  cécilies  (Journ 
de  Tiedemann,   1830),  celle  des  myxinoide 
qui  l'occupa  huit  années  (  Mém.  de  l'Acad.  < 
Berlin,  1835  à  1843),  celle  des  poissons  (ibic  i 
1846),  les  organes  extérieurs  de  la  reproductif 
dans  les  vertébrés  (Archives  de  Muller,  183j| 
Mém.  de  VAcad.  de  Berlin,  1836,  1838),  la  f  \ 
mille  des   plagiostomes   (  Systemalische  B  ! 
schreibung  der  Plaqiostomen  ;  Berlin,  183!  ! 
1841,avecM.  Henle),  la  structure  microscopiqi 
des  tumeurs  (Berlin,  1838;  ouvr.  inachevé),! 
encrines  et  les  astéries  (Mém.  de   l'Acad- 
1842,  1845),   les  larves  et  les  métamorphosa 
des  ophiures  et  des  oursins  de  mer  (Berlii 
1848,  in-8°),  le  développement  des  échinoderiw 
(Mém.  de  l'Acad.,  1846,  1853),  la  synapW 
grande  espèce  d'holothurie  (ibid.,  1852),  certaii  j 
animauxfossi!es,lessew<7Zodo??.s(ibid.,  1849),  et 
Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  Muller  o 
oserva  principalement  les  infusoires  de  la  me 
Enfin,  il  a  fourni  des  articles  à  plusieurs  recuei 
scientifiques ,  et  il  a  dirigé ,  après  la  mort  ( 
Meckel,  de  1834  à  1840,  les  Archives  d'An at\ 
mie  et  de  Physiologie,  connues  sous  le  noi  ; 
d'Archives  de  Muller. 

Rodolphe  Virchow,  Johannes  Millier;  Berlin,  1858.  ■ 
Camille  Dareste,  Jean  Millier,  ses  travaux  et  ses  doi 
trines  physiologiques  ;  dans  lalievue  germanique,  fevrie  | 
avril  et  juin  1839  (excellent  travail,  dont  la  notice  .qJ 
précède  est  en  grande  partie  extraite). 

muller  (  William-John) ,  peintre  anglais 
né  en  1812,  à  Bristol,  où  il  est  mort,  le  8  sep 
tembre  1845.  Il  était  fils  d'un  artiste  allemand 
conservateur  du  musée  de  Bristol.  Après  avoi 
fréquenté  l'atelier  de  J.-B.  Pyne,  il  parcouru 
l'Allemagne,  la  Suisse  et  l'Italie,  et  rapporta  d 
ce  voyage  d'admirables  esquisses  d'après  na 
ture.  Le  premier  tableau  qu'il  exposa,  un 
Scène  des  bords  du  Rhin  (  1 836  J,  attira  pei 
l'attention.  En  1838  il  visita  la  Grèce,  passa  ei 
Egypte  et  remonta  jusqu'au  delà  des  cataracte.' 
du  Nil;  en  1843  il  se  joignit  à  l'expédition  di 
sir  Charles  Fellows  en  Lycie.  De  cette  époqui 
datent  ses  meilleures  compositions,  telles  que  les 
vues  d'Athènes  et  de  Memnon  (1840);  m 
Cimetière  à  Smyrne,  un  Groupe  de  zingaris 
musiciens,  Rhodes,  et  des  Marchands  turcs 
(  1845);  elles  sont  remarquables  par  le  ton  poé- 
tique, la  fraîcheur  du  coloris  et  la  vérité  de  l'ex- 
pression. Muller  était  d'un  caractère  mélanco- 


'■  917 
lique  et  sensible;  il  ressentit  si  vivement  l'in- 
différence de  l'accueil  qa'on  lit  à  ses  derniers 
travaux  qu'il  en  tomba  malade;  il  mourut  dans 

■  toute  la  force  de  son  talent,  ayant  trente-trois 
ans  à  peine.  On  cite  encore  de  lui  un  Marché 
aux  esclaves  et  La  Haie  de  Naples  (  1841  )  ; 

■  des  Arabes  cherchant  un  trésor  et  La  Prière 
au  désert  (1843).   Jl  est  aussi  l'autour  d'un 

i  album  intitulé  Pwturesque  sketches  of  the 
âge  of  Francis  /(Londres,  1841in-4°).  Pou  de 
temps  après  sa  mort,  la  vente  de  ses  esquisses  et 

■  de  quelques-unes  de  ses  toiles  a. produit  la  somme 
i|  considérable  de  4,360  liv.  (109,000  fl\):      K. 

The  Enritish  Ctjclopxdia  \Biography\. 

«mïjllew  (Charles-Louis  ),  peintre  fran- 
'.  çais,  né  à  Parisr,  le  27  décembre  1815.  Fils  d'un 
j  peintre  en  miniature,  il  étudia  la  peinture  d'a- 
j  bord  chez  Gro3,  ensuite  chez  M.  Léon  Cogniet. 
•  11  n'avait  que  vingt-deux  ans  lorsqu'il  exposa, 
[  au   Louvre,  son  premier  tableau   ayant   pour 
sujet  Le  Lendemain  de  Noël.  Depuis   lors  il 
a  exécuté  des  tableaux  d'histoire  et  des  por- 
traits qui  ont  paru  aux  divers  salons.  Habile  à 
;  composer  de  grandes  pages,    à  dessiner  ses 
\  figures ,  mais  peu  coloriste,  il  a  reçu  de  nom- 
breuses récompenses.  De   1850  à  1853,   il  fut 
chargé  de  la  direction  artistique  de  la  manufac- 
ture des  Gobelins.  Voici  la  liste  de  ses  princi- 
paux tableaux    :    Martyre  de  saint  Barthé- 
lémy, exposé  au  salon  de  1838;  —  Jean-Sans- 
Terre  assassinant  Arthur,  comte  de  Bretagne, 
salon  de   1839;  —  Jésus  transporté  sur  la 
montagne  par  le  démon,  1840;  —  Épisode  du 
massacre  des  Innocents,  id.;  —  Combat  des 
Centaures  et  des  Lapythes,  1843  ;  —  Entrée  de 
Jésus-Christ  à  Jérusalem  :  ce  tableau,  de  très- 
grande;,  dimension,   exposé  au   salon  de    1844, 
avait  été  commandé  par  le  roi  Louis-Philippe; 
—  Fanny,  salon  de  1845;   —  Le  Sylphe  en- 
dormi, id.  ;  La  Ronde  de  nuit,  1847  ;  —  Lady 
'Macbeth,  1849  ••  ce  tableau  est   au  Luxem- 
bourg ;  —  Appel  des  dernières  victimes  de 
la  terreur  ;  ces  victimes  sont  groupées  autour 
d'André  Chénier;  exposé  au  salon  de  1850,  en- 
suite placé  au  musée  du  Luxembourg,  ce  tableau 
fit  aussi  partie  de  l'exposition  universelle  de  1855  ; 

—  Vive  l'empereur  (  30  mars  1814  )!  Dans 
cette  composition,  objet  de  nombreuses  critiques, 
le  peintre  s'est  inspiré  des  vers  de  Méry  pour 
montrer  : 

«  Tout  un  .fleuve  vivant  de  glorieux  blessés.  » 

—  La  reine  Marie-Antoinette  à  la  Concier- 
gerie ,  salon  de  1857  ;  —  Arrivée  de  la  reine 
d'Angleterre  aupalais  de  Saint-Cloud,  même 
salon;  —  Proscription  des  jeunes  Irlandaises 
catholiques,  salon  de  1859.  M.  Muller  a  ré- 
cemment exécuté  dans  la  salle  des  États  du 
Louvre  les  figures  du  Travail,  de  La  Religion, 
de  La  Constitution,^  La  Guerre,  de  La  Paix, 
de  (harlemagne  et  de  Napoléon  1er.  i\  a  ref,u 
successivement    les   récompenses   suivantes   : 


MULLER  918 

|  médaille  de  3e  classe  en  1838,  de  2e  crasse  en 
I   184G,  de  ire  classe  eu   1848  et  1855;  la  croix 
de  la  Lésion  d'Honneur  en  1849,  et  celle  d'offi- 
cier de  l'ordre  en  1859.  G.  de  F. 
Livrets  des  Expositions.  —  Documents  particuliers 
l  Min. i.iji  (  Wot/gang),  médecin  et  poëlo 
allemand,  né  à  Kmnigswinter,  le  5  mars  1816. 
Muller    joignit  à    son   nom  celui   de   Kœnigs- 
winter  pour  se   distinguer  de    ses   nombreux 
homonymes.    Il  étudia    la  médecine   à    Bonn, 
Berlin  et  Paris,  et  exerça  son  art  à  Dusseldorf 
et  à  Cologne.  En  1848  il  fit  partie  du  parlement 
de  Francfort.  Il  commença  à  faire  de  petites  poé- 
sies dès  ses  premières  années  de  gymnase,  où  il 
eut  pour  protecteur  l'illustre  philosophe  Fichte. 
Il  n'était  encore  que  simple  élève  de  rhétorique, 
quand  VAlmanach  des  Muses  de  Chamisso  pu- 
blia de  ses  articles.  Plus  tard  ,  il  fit  paraître  suc- 
cessivement : — Junge  Lieder (  Jeunes  Chants); 
Dusseldorf,  1841  ;  —  Balladen  und  Romanzen 
(Ballades  et  Romances);  ibid.,   1842;  —  Die 
Rheinfahrt  (  Le  Voyage  sur  le  Rhin  )  ;  Franc- 
fort, 1846;  —  Gedichte  (Poésies),   1847;  — 
Germania ,  ein  Satirisches  Maerchen  (Ger- 
mania,  conte  satirique  );  Francfort ,  1848;  — 
Lorelei;  Cologne,    1851  ;  c'est  une  collection 
des  plus  belles  légendes  du  Rhin  sous  forme  de 
ballades;  —  Die  Maikoeniginn  (  La  Reine  de 
Mai  ),  gracieuse  et  charmante  histoire  de  village; 
Stuttgard ,   1852;    —   Prinz    Minotewie,   ein 
Mitte    sommerabendmaerchen    (  Le    Prince 
Minnewie,  conte  de  soirées  d'été).  Muller  écrivit 
aussi  des  historiettes  en  prose  et  en  vers ,  ainsi 
qne  des  articles  de  critique  littéraire  et  artis- 
tique dans  différents  journaux,  entre  autres  dans 
ta  Chronique  du  Rhin,  dans  YAlbum  des  Ar- 
tistes de  Dusseldorf,  dans  le  Musée  Allemand, 
dams  la  Gazette  universelle ,  dans  la  Gazette 
de  Cologne ,  etc.  En  1853  il  s'occupait  de  deux 
ouvrages,   l'un,   intitulé  Dusseldorfer    Kuen- 
stler  aus  de»  letzen  fuenfundzwanzig  Jah- 
ren  (  Artistes  de  Dusseldorf  des  vingt-cinq  der- 
nières années),  et  l'autre,  lllustrirtes  Rheih- 
Imch  (  Livre  du  Rhin  illustré  ).  Il  a  encore  pu- 
blié,   sous  le    titre  de   Bruederschaflslieder 
(  Chants  de  la  fraternité),  un  recueil  très-sym- 
pathique à  la  France,  et  qui  renferme  quelques 
traductions  bien  réussies  de  Béranger,  entre  au- 
tres celles  du  Vieux  Vagabond  et  de  la  Sainte 
Alliance  des  Peuples.               H.  VVilmes. 

Conv.-Lex.  —  Augsburger  Allg.  Zeitung  du  2  mai 
1857.  —  M.  Nicolas,  dans  la  Revue  française  du  10  fé- 
vrier 1859. 

*  muller  (  Frédéric-Max  ) ,  orientaliste  al- 
lemand, né  le  6  décembre  1823,  à  Dessau.  Fils 
du  poète  Guillaume  Muller  (  voy.  ce  nom  ),  il 
étudia  le  sanscrit  à  Leipzig,  à  Berlin  et  à  Paris. 
En  1846  il  se  reniit  en  Angleterre  pour  y  con- 
sulter les  manuscrits  du  Rigveda  ;  un  an  après 
il  fût  chargé  par  la  Compagnie  des  Indes  de  pu- 
blier cet  ancien  monument  de  la  littérature  in- 
dienne. Depuis  1848  il  habite  Oxford;  membre 


9*9 


MULLER 


honoraire  de  l'université  de  cette  ville,  il  y  fait  des 
cours  d'histoire  littéraire  et  de  grammaire  com- 
parée. On  a  de  lui  :  The  Languages  of  the  seat 
ofwar  in  the  East ;  Londres,  1855,  in-8°  ;  — 
Rigveda  ;  Oxford,  1849-1853,  2  vol.,  et  Leipzig, 
1853,  avec  traduction  allemande  et  notes;  — 
une  traduction  de  V  Hitopadesa  (Leipzig,  1844  ), 
et  du  Megha-dûta  de  Kalidasa  (  Kœnigsberg, 
1847  );  —  History  of  the  Sanscrit  Littérature  ; 
Oxford,  1858,  traduit  en  allemand,  Berlin,  1859 
et  1860.  Son  mémoire  inédit  :  On  the  compa- 
rative Philology  of  the  Indo-European  Lan- 
guages  in  its  bearing  on  the  earty  civilisa- 
tion of  mankind,  a  obtenu  en  1849  le  prix 
Volney.  O. 

Conversations-  Lexihon. 

JMiijLLËR  (  Jean  ) ,  Voy.  Cadovius. 

mullner  (  Amédée  -  Godfroi  -  Adolphe  ) , 
poëte  allemand,  né  le  18  octobre  1774,  à  Lan- 
gendorf,  près  Weissenfels ,  mort  en  ce  dernier 
lieu,  le  11  juin  1829.  Neveu  du  poëte  Burger,  il 
fréquenta  Y  École  des  Princes ,  de  Pforta ,  étudia 
le  droit  à  Leipzig ,  et  embrassa  la  carrière  d'a- 
vocat à  Weissenfels.  Ce  fut  là  qu'il  publia  le  ro- 
man anonyme,  Vin  ces  te  (  Greitz,  1799,  2  vol.). 
Quelques  années  après,  il  se  fit  connaître  par 
des  travaux  de  jurisprudence,  entre  autres  par 
Modestin's  Sechzig  Gedanken  (  Les  soixante 
Pensées  de  Modestin  );  Greiz,  1804.  Il  écrivit 
pour  le  théâtre  de  Weissenfels  des  comédies 
imitées  du  français.  Il  a  aussi  écrit  les  drames  : 
DieSchuld  (Le  Forfait)  ;  Leipzig,  1816;  —  Kœ- 
nig  Yngurd  (  Le  roi  Yngurd  )  ;  ibid.,  1817  ;  — 
Die  Albaneserin  (  L'Albanaise  )  ;  Stutlgard , 
1820;  —  Der  Neunundzwanzigste  Februar 
(  Le  Vingt- neuf  Février);  Leipzig,  1812.  On  re- 
marque dans  les  pièces  de  Mullner  une  grande 
connaissance  des  hommes ,  mais  peu  de  chaleur 
de  sentiment.  De  1820  à  1825,  il  rédigea  la 
partie  littéraire  du  Morgenblatt.  En  1823,  il 
publia  Hécate ,  et  depuis  1825  Mitternachts- 
blatt  {  Feuille  de  Minuit  ).  Mullner  était  un  cri- 
tique sévère ,  et  se  laissa  très-souvent  entraîner 
à  des  personnalités,  qui  sont  loin  de  pouvoir 
être  justifiées.  Il  fut  impliqué  dans  une  foule  de 
procès,  qu'il  sut  du  reste,  pour  la  plupart,  faire 
tourner  à  son  avantage.  Il  fit  un  recueil  de  ses 
Œuvres  mêlées  (  Vermischte  Schriften  )  ;  Stutt- 
gard,  1824-1826;  et  de  ses  Œuvres  drama- 
tiques; Brunswick,  1828,  7  vol.  Dans  son  der- 
nier écrit,  intitulé  Meine  Laemmer  und  ihre 
Hirten  (  Mes  Agneaux  et  leurs  Pasteurs  ) ,  il 
éclata  en  vifs  reproches  contre  ses  éditeurs  (  Wol- 
fenbuttel,  1829).  H.  W. 

Conv.-  Lexihon. 

mullot  ou  mulot  (  François-Valenlin  ), 
député  et  littérateur  français ,  né  le  29  octobre 
1749,  à  Paris,  où  il  est  mort,  le  9  juin  1804.  A 
seize  ans  il  entra  dans  la  congrégation  des  Cha- 
noines réguliers  de  Saint-Victor,  et  y  remplit 
entre  autres  emplois  ceux  de  bibliothécaire,  de 
professeur  en  théologie  et  de  prieur.  11  fut  im- 


MULLOT  9 

pliqué  dans  la  fameuse  affaire  du  collier;  ni 
on  n'eut  toutefois  à  lui  reprocher  autre  chose  q 
d'avoir  accordé,  un  peu  à  la  légère,  sa  confianc 
des  intrigants  de  bas  étage.  Il  embrassa  avec  j< 
la  cause  de  la  révolution.  En  1789  il  fit  par 
de  la  commune  provisoire  de  Paris,  la  prési 
trois  fois  et  fut  maintenu  dans  l'organisati 
définitive  de  cette  assemblée  en  1790,  et  fut  al 
nommé  vice-précédentduconseil  général.  Il  por 
deux  fois  la  parole  au  nom  de  la  municipalité  po 
demander  à  la  Constituante  la  qualité  de  citoye: 
en  faveur  des  juifs  de  Paris  et  pour  présent 
un  travail  sur  les  maisons  de  jeu.  Son  esprit  < 
conciliation  le  fit  choisir  par  le  roi  pour  rempli   ; 
avec  Verninhac-Saint-Maur  et  Lescène  des  Ma  '■ 
sons,  les  fonctions  de  médiateur  entre  les  h; 
bitants  d'Avignon  et  ceux  du  comtat  (  1er  ju 
1791).  Grâce  aux  efforts  des  commissaires,  v. 
traité  de  pacification  intervint  entre  les  partit 
belligérantes.  Après  le  départ  de  ses  collègue 
Mullot  se  retira  à  Courthezon,  afin  de  surveillt 
les  menées  des  agitateurs ,  et  fit  quelques  e> 
cursions  dans  le  comtat  pour  apaiser  des  troi 
blés  à  L'Isle ,  à  Cavaillon  et  à  Sorgues  ;  il  si 
journa  même  quelque  temps  dans  cette  dernièi 
localité  avec  un  fort  détachement  de  troupes 
Lorsque  éclata  larévoltedu  16  octobre  dans  Av 
gnon,  il  fut  réduit  à  en  être  l'impuissant  témoir 
Le  général  Ferrier,  qu'il  requit  de  marcher  su 
la  ville ,  s'y  refusa ,  et  la  municipalité ,  pressé 
vivement  de  faire  cesser  le  carnage ,  lui  répondi 
que  tout  était  tranquille.  S'il  ne  put  préveni 
ni  empêcher  les  massacres  de  la  Glacière,  i 
apporta  heaucoup  d'empressement  à  recueilli 
et  à  consoler  les  parents  et  amis  des  victimes 
et  transmit  leurs  réclamations    au   ministère 
Bientôt  rappelé  sur  sa  demande,  il  vint  prendrr 
place  à  l'Assemblée  législative,  où  il  avait  ét< 
envoyé  par  la  capitale.   Il  n'y  joua  qu'un  rôk 
effacé.  Ainsi,  après  s'être  justifié  pleinement  des 
accusations  qui  lui  étaient  imputées  et  avoir  si 
gnalé  comme  un  des  fauteurs  des  troubles  d'A- 
vignon Rovère,  son  dénonciateur,  il  renouvela 
sa  motion  contre  les  maisons  de  jeu  et  demanda 
la  suppression  du  costume  ecclésiastique.  In- 
carcéré sous  la  terreur,  il  fit  ensuite  partie  de 
la  commission  des  monuments,  devint  commis- 
saire du  directoire  à  Mayence  et  y  enseigna  les 
belles-lettres.  Il  mourut  subitement  dans  le  jardin 
des  Tuileries,  à  l'âge  de  cinquante-cinq  ans. 
Pendant  la  révolution  il  s'était  marié  avec  une 
femme  qui,  dit-on,  était  depuis  longtemps  sa 
maîtresse.  Il  appartenait  à  la  société  des  théo- 
philanthropes, et  à  plusieurs  reprises  il  y  prononça 
des  sermons  pleins  de  vues  honnêtes,  mais  écrits 
d'un  style  lâche  et  incorrect.  On  a  de  lui  :  Es- 
sais de  sermons  prêches  à  V hôtel-  Dieu  par 
M*** ,  docteur  en  théologie  ;  Paris,  1781,  in-12  ; 
—  Requête  d'un  vieil  amateur  de  la  biblio- 
thèque de  Saint-Victor  à  l'évéqiie  d'Autun, 
en  vers;  Paris,  17.,  in-8°;  —  Le  Muséum  de 
Florence,  gravé  par  David,  avec  des  expli- 


921  MULLOT  - 

cations  françaises  ;  Paris ,  1788-1795,6  vol. 
fa-8°;  —  Rêve  d'un  pauvre  moine;  Paris, 
1789;  — Discours  sur  le  serment  civique; 
1790,  in-8°  ;  —  Compte-rendu  à  l'Assemblée 
nationale  comme  commissaire  du  roi  à  Avi- 
gnon ,  avec  supplément  et  correspondance 
officielle;  Paris,  1791,  in-8°;  —  L'Almanach 
ies  Sons-Culottes  ;  Paris,  1794,  in-18;  ouvrage 
lestiné,  dit  l'auteur,  à  rappeler  ceux  qui  pre- 
naient alors  ce  nom  aux  véritables  principes  de 
a  société  ;  —  Réflexions  sur  l'état  actuel  de 
'instruction  publique;  Paris,  179.,  in-8°; — 
La  Sagesse  humaine,  ou  Arlequin  Memnon, 
tomédie  mêlée  de  chants,  en  prose;  Paris, 
796,  in-8°;  —  Joseph,  ou  la  fin  tragique 
te  marne  Angot,  bagatelle  morale;  Paris, 
..  d.,  in-8°,  en  société  avec  Favart  fils;  —  Mé- 
moire sur  l'étal  actuel  de  nos  bibliothèques  ; 
Jaris,  1797,  in-8°;  —  Essai  de  Poésies  légères; 
'«îayence,  1798,  in-8°;  —  Discours  sur  cette 
uestion  :  Quelles  sont  les  cérémonies  à  faire 
mir  les  funérailles  et  le  règlement  à  adopter 
tour  le  lieu  des  sépulture?  Paris ,  1800,in-8°  : 
e  discours  a  partagé  le  prix  proposé  par  l'Ins- 
itut.  On  doit  encore  à  l'abbé  Mullot  la  traduc- 
ion  des  Odes  d'Anacréon,  des  Amours  de 
Daphnis  et  Chloé  de  Lougus  (1782),  des  Fa- 
rtes de  Lockman  (1785),  des  notices  biogra- 
ihiques  dans  le  Nouvel  Almanach  des  Muses 
t.  II  et  III) ,  des  hymnes  et  des  discours  pour 
es  fêtes  républicaines ,  etc.  P.  L. 

Bîogr.  univ.  et  portât,  des  Contemp.  —  Rovère  et  Du- 
rrat,  Dénonciation  d'un  complot  de  l'abbé  Mulot  contre 
e$  patriotes  d'Avignon;  Paris,  1791,  ln-4°.  —  Barjavel, 
tict.  hist.  du  Pattclute. 

*muloch  (  Dinah-Maria  ),  femme  de  let- 
res  anglaise,  née  en  1826,  à  Stoke-sur-Trent , 
ans  le  comté  de  Stafford.  A  l'âge  de  vingt-trois 
tas,  elle  publia,  sous  le  voile  de  l'anonyme,  un 
soman,  The  Ogilvies  (Londres,  1849,  3  vol. 
tt-8°  ) ,  qui  produisit  quelque  sensation.  Sans  se 
sommer  davantage,  elle  donna  depuis  Olive 
1850),  The  Head  qf  family  (1851),  Alice 
-ïearmont  (1851),  The  Agatka's  Husband 
1853),  AviWion  and  other  taies,  Rhoda's 
essons,  Cola  Monti ,  Bread  upon  the  wa- 
"ers,  etc.  K. 

Sien  and  Women  of  the  Time. 
MiTi.READT  (  William  ),  peintre  anglais,  né 
in  1786,  à  Ennis,  en  Irlande.  A  quinze  ans,  il 
réquenta  les  cours  de  l'académie  des  beaux- 
rts,  et  renonça  de  bonne  heure  à  la  peinture 
'histoire  pour  étudîer  les  maîtres  flamands.  Ses 
iremiers  travaux  furent  peuremarqués^l'excep- 
ion  toutefois  de  trois  petites  toiles,  ayant  pour 
"jets  Les  Petits  pécheurs  (1813),  Les  Petits 
agabonds  (1815),  et  La  Pêche  interrompue 
1816).  A  cette  dernière  date,  il  fut  admis  à  l'A- 
adémie ,  et  depuis  sa  popularité  n'a  cessé  de 
;randir.  Il  serait  difficile  de  donner  une  liste 
omplète  des  productions  de  cet  artiste,  qui  oc- 
upe  une  place  à  part  dans  l'école  anglaise,  où. 
n  pourrait  le  ranger  à  côté  de  Wilkie;  qu'il 


MUMM1US 


922 


suffise  de  rappeler  La  Dernière  auberge,  Un 
Beau  temps,  Le  Passage  du  gué,  qui  se 
trouvent  à  la  Galerie  nationale  de  Londres ,  La 
Robe  de  noces,  Le  Sonnet,  Ouvrez  la  bouche 
et  fermez  les  yeux,  Le  Billet  intercepté,  Le 
Bout  de  l'oreille,  Une  Scène  du  Monde,  etc. 

JTJen  of  the  Time. 

I  mulsant  (Martial-Etienne  ) ,  naturaliste 
français,  né  le 2  mars  1797,  àMarnard  (Rhône). 
Professeur  d'histoire  naturelle  au  lycée  de  Lyon, 
il  a  écrit  depuis  1830  plusieurs  ouvrages  rela- 
tifs à  cette  science,  tels  que  :  Lettres  à  Julie 
sur  l'entomologie  (  en  prose  et  envers  ),  sui- 
vies d'une  description  méthodique  de  la  plus 
grande  partie  des  insectes  de  France;  Lyon , 
1830-1831,  2  vol.  in-8*  ,  fig.  ;  on  annonçait  deux 
autres  volumes,  qui  n'ont  pas  paru;  —  Coins 
d'Entomologie  réduit  en  tableaux  synopti- 
ques ;  Lyon,  1833,  in-8°;  —  Histoire  natu- 
relle des  Coléoptères  de  France;  Paris,  1839- 
1846,  4  livr.  in-8°;  —  Species  des  Coléoptères  ; 
Paris,  1850-1851,  gr.  in-80;  —  Opuscules  en- 
tomologiques  ;  Paris,  1852-1855,in-8°;  —Cours 
élémentaire  d'Histoire  naturelle;  Paris,  1856, 
in-8°.  M.  Mulsant  est  employé  à  la  bibliothèque 
publique  de  Lyon,  et  il  a  fait  insérer  différents 
mémoires  dans  le  recueil  de  l'Académie  des 
Sciences  de  cette  ville.  P. 

Llttér.  françaite  contemp. 

MULTISCIU8  (  Arim),  chroniqueur  islandais, 
né  en  1067,  mort  en  1148.  Il  entra  dans  les 
ordres,  et  exerça  le  saint  ministère  dans  divers 
lieux  de  l'Islande.  Il  a  laissé  une  précieuse  Chro- 
nique de  ce  pays,  de  870  jusqu'en  1134,  impri- 
mée à  Skalholt,  1688  et  1716,  in-8";  et  à  Co- 
penhague, 1733,  in-4°.  O. 

Werlanff ,  De  Ario  Multiscio  .  antlquitlimo  Islando- 
rum  historico;  Copenhague,  1808,  ln-8°. 

mummius  (Lucius ),  YAchaïque (Achaicus), 
général  romain,  vivait  vers  le  milieu  du  second 
siècle  avant  J.-C.  Fils  d'un  tribun,  homme  nou- 
veau, il  devint  préteur  en  154.  Il  eut  pour  pro- 
vince l'Espagne  ultérieure ,  où  il  éprouva  d'a- 
bord des  revers  ;  il  rétablit  sa  réputation  par  ses 
victoires  sur  les  Lusitaniens  et  les  Blasto-Phé- 
niciens,  et  triompha  l'année  suivante  des  Lusi- 
taniens. Il  fut  élu  consul  en  146,  et  obtint  la  gloire 
peu  enviable  de  porter  le  dernier  coup  à  la  liberté 
de  la  Grèce.  La  ligue  achéenne,  sous  la  conduite 
de  deux  chefs  violents  et  inhabiles,  les  préteurs 
Critolaùset  Diaeus,  avait  adopté  une  politique  hos- 
tile qui  devait  précipiter  sa  ruine.  Q.  Caecilius 
Metellus  Macedonicus ,  préteur  en  148,  avait 
remporté  plusieurs  victoires  sur  les  Achéens  ; 
mais  par  humanité  et  par  respect  pour  le  grand 
nom  de  la  Grèce ,  il  n'avait  pas  poussé  ses  avan- 
tages jusqu'au  bout.  Sa  politique  modérée  trompa 
les  chefs  achéens,  qui  se  crurent  capables  de 
tenir  tête  aux  Romains  et  rassemblèrent  une 
armée  sur  l'isthme  de  Corinthe.  Cette  tentative 
insensée  n'eut  pas  même  un  commencement  de 
succès.  Le  consul  Mummius  arriva,  renvoya  son 


S3ËI 


MUMMIUS  —  MUMMOLIIS 


924 


prédécesseur  Metellus,  dispersa  les  troupes  de 
la  ligue,  levées  à  la  hâte ,  incapables  de  tenir  tête 
aux  légionnaires  romains,  et  entra  sans  résistance 
dans  Corinthe,  abandonnée  par  la  garnison  grec- 
que et  les  principaux  habitants.  Mummius,  con- 
formément aux  ordres  du  sénat,  fit  de  cette  ville 
un  terrible  exemple.  Corinthe,  livrée  au  pillage 
et  à  l'incendie,  fut  détruite  de  fond  en  comble  et 
les  habitants  vendus  comme  esclaves.  Les  tré- 
sors de  l'art  et  du  luxe,  qui  depuis  des  siècles 
s'accumulaient  dans  cette  ville,  devinrent  la  proie 
de  conquérants  barbares,  incapables  d'en  appré- 
cier la  valeur.  L'historien  Polybe,  à  la  nouvelle 
de  la  chute  de  Corinthe  étant  accouru  d'Afrique, 
pour  adoucir  s'il  était  possible  le  sort  de  ses 
compatriotes,  et  qui  fut  le  témoin  impuissant  de 
leurs  malheurs,  rapporte  avoir  vu  des  soldats 
romains  jouer  aux  dés  sur  le  célèbre  tableau  de 
Bacckus  par  Aristide.  Mummius  vendit  au  roi 
de  Pergame  les  plus  rares  ouvrages  de  peinture, 
sculpture  et  ciselure,  recueillis  dans  le  pillage, 
et  avertit  les  patrons  des  vaisseaux  chargés  de 
les  transporter  à  destination  qu'ils  seraient  tenus 
de  remplacer  par  des  équivalents  les  objets  d'art 
perdus  ou  dégradés  en  route.  Il  croyait  naïve- 
ment que  l'on  refaisait  de  pareils  chefs-d'œuvre 
à  volonté.  Ce  trait  d'ignorance  est  resté  célèbre. 
Mummius  montra  d'ailleurs  plus  de  scrupules 
que  beaucoup  d'autres  généraux  romains  dans 
des  circonstances  analogues  ;  il  respecta  tous  les 
objets  consacrés  à  des  usages  religieux.  Il  ne 
faudrait  point  juger  de  son  administration  par 
l'acte  terrible  auquel  son  nom  est  resté  attaché. 
Chargé  d'organiser  sa  conquête  d'abord  comme 
consul',  puis  comme  proconsul  (146-145),  il 
gagna  l'estime  et  la  confiance  des  provinciaux 
par  son  intégrité  et  sa  justice.  A  son  retour  en 
Italie,  il  obtint  les  honneurs  du  triomphe  en  145. 
Cette  cérémonie  forme  une  époque  dans  l'his- 
toire des  arts  et  de  la  culture  littéraire  à  Rome. 
En  voyant  étalés  devant  eux  les  chefs-d'œuvre 
de  la  Grèce,  les  Romains  commencèrent  à  com- 
prendre et  à  imiter  cette  élégante  civilisation, 
et  avec  la  culture  extérieure  ils  prirent  quelque 
chose  de  l'esprit  hellénique.  Le  vainqueur  ne 
garda  rien  des  dépouilles  de  Corinthe,  etconserva 
dans  sa  demeure  la  sévère  simplicité  des  temps 
anciens.  Mummius  fut  élu  censeur  en  142.  Lui 
et  son  collègue  le  second  Scipion  l'Africain  s'en- 
tendirent mal";  tandis  que  l'aimable  et  élégant 
Scipion  se  montrait  rigide  à  l'excès,  le  rustique 
plébéien  Mummius  faisait  voir  une  mollesse 
singulière.  Aussi  Scipion,  en  sortant  de  charge, 
déclara  t-il  qu'il  aurait  bien  rempli  ses  fonctions 
s'il  avait  eu  un  autre  collègue ,  ou  s'il  n'en  avait 
pas  eu  du  tout.  Comme  orateur  Mummius  ne 
manquait  pas  de  talent,  quoique  son  langage  se 
ressentît  de  la  rudesse  de  ses  mœurs.  Il  mourut 
pauvre,  et  ses  filles  furent  dotées  aux-  frais  de 
l'État. 

Spurius  Mummius,  frère  du  précédent,  fut  son 
légat  pendant  la  guerre  de  Corinthe  (146-145). 


Il  était  l'ami  intime  du  second  Scipion  l'Africain, 
En  politique  il  avait  des  opinions  contraires  à 
celles  de  son  frère,  et  défendait  le  parti  aristocra- 
tique. Il  fut  un  de  ceux  qui  s'opposèrent  à  l'é- 1 
tablissement  des  écoles  de  rhétorique  à  Rome. 
Il  composa  des  épîlres  morales  et  satiriques,  qui 
existaient  encore  du  temps  de  Cicéron.      Y. 

Polybe,  III,  32;  XL,  7,  8.  11.  —  Tile  I.ive,  Epit.,  52.  -  I 
Appicn,  Pun.,  135.  —  Dion   Cassius,  81.  —  Florus,   11, 
16.  -  Eutrope,  IV,  14.  —  Valère  Maxime,  VI,  4;  VII,  5.-1 
Cicéron  ( voy.  Orelli,  Onomasticon  Tullianum).  —  Pline, 
Hist.   nat.,  XXXIV,  2;  XXXV,  4,  10.  —  Uiodore,  XXXI,  ; 
5.  —  Orose,  V,  3.  —  Velleius,  1,12,  13;  II,   128.  —  Tacite, 
Ann-.,  XIV.  21.  —  Pausanias,  VII,  12.  —  Strauon,  VIII.  -  I 
Athénée,  IV,  1.  —  Zonaras,  IX,  20-23. 

MUMMOLïls(£,)mms),Gallo-Romain  de  nais- 
sance, patrice  du  royaume  de  Bourgogne,  tué  j 
en  585.  Après  la  mort  du  patrice  Amatus,  tué  | 
dans  une  bataille  contre  les  Lombards,  Gontran, 
roi  des  Bourguignons,  éleva  Mummolus  au  pa- 
triciat.  Le  nouveau  patrice,  rassemblant  en  572  ; 
l'armée  des  Bourguignons,  surprit  dans  une 
forêt  près  d'Embrun  les  Lombards,  qui  étaient 
rentrés  dans  les  Gaules  ;  il  en  tua  un  grand 
nombre  et  en  envoya  plusieurs  autres  prison- 
niers à  Gontran.  En  576  il  remporta  une  vic- 
toire éclatante  sur  Didier,  comte  de  Toulouse. 
Mais  ses  succès  ne  le  mirent  pas  à  l'abri  des 
persécutions.  Pour  un  motif  inconnu,  il  fut 
forcé  de  s'enfuir  avec  sa  femme  et  ses  enfants , 
et  se  réfugia  dans  Avignon,  dont  les  Austrasiens 
lui  accordèrent  le  gouvernement,  en  581.  Les 
nobles  d'Austrasie  croyaient  trouver  dans  cet 
énergique  général  un  utile  instrument.  En  effet 
E.  Mummolus,  d'accord  avec  Gontran-Bozon, 
trama  un  complot  qui  mettait  en  danger  les 
trônes  de  tous  les  princes  mérovingiens.  On' 
trouvera  des  détails  sur  cette  intrigue  aux  ar- 
ticles Gontran,  Gontran-Bozon,  Gondovald; 
nous  ne  rapporterons  ici  que  ce  qui  est  particu- 
lier à  Mummolus.  Celui-ci  en  584,  de  concert  avec 
Didier,  comte  de  Toulouse  et  l'évêque  Sagittaire, 
fit  venir  près  de  lui  à  Avignon  Gondovald,  que 
Gontran-Bozon  avait  rappelé  de  Constantinople 
depuis  582.  Gondovald,  comme  fils  de  Clotaire, 
réclamait  sa  part  de  l'héritage  paternel.  11  fut 
proclamé  roi  d'Aquitaine  à  Brives  en  Limousin 
(  décembre  584  ) ,  et  avec  un  corps  de  troupes 
conduit  par  Mummolus  il  s'avança  rapidement 
jusqu'à  la  Charente.  Presque  toutes  les  villes 
situées  entre  cette  rivière  et  les  Pyrénées  lui 
ouvrirent  leurs  portes.  Mais  la  réconciliation  de 
Childebert  avec  le  roi  de  Bourgogne  Gontran,  et 
la  défection  deDidier,  comte  de  Toulouse,  mirent 
fin  au  succès  du  prétendant.  Mummolus  et 
Gondovald,  reculant  de  la  Charente  sur  la  Dor- 
dogne,  de  la  Dordogne  sur  la  Garonne,  s'en- 
fermèrent dans  la  cité  de  Comminges  (cité  des 
Comènes  ).  Les  généraux  de  Gontran  en  firent 
le  siège  ;  voyant  qu'ils  ne  réussissaient  pas  par 
la  force,  ils  envoyèrent  des  messagers  à  Mummolus 
et  lui  offrirent  son  pardon  et  cel'ui  de  ses  adhérents 
pourvu  qu'il  abandonnât  Gondovald  .Muûimolus, 
dont  la  femme  et  les"  enfants  étaient  tombés 


m 


MUMMOLUS  —  MUiNCH 


926 


m  pouvoir  de  Gontran  et  qui  craignait  pour  leur 
rie,  ne  résista  pas  aux  promesses  de  pardoir.  Il' 
ivra  aux  Bourguignons  Gondovald,  qui  périt  de 
a  main  môme  de  Gontran-Bozon.  Mummolus 
•eçut  peu  après  la  peine  de  sa  perfidie;  il  fut 
.  ué  par  l'ordre  du  roi  Gontran.  «  Telle  fut,  dit 
il.  Henri  Martin,  la  misérable  fin  d'un  homme 
[|ui  avait  sauvé  la  Bourgogne,  et  qui,  dans  un 
s  iècle  moins  ténébreux.,  eût  compté  peut-être 
ntre  les  grands:  noms  de  l'histoire.  Mais  il  est 
es  temps  où  les  dons  du  génie  avortent  obscu- 
ément  dans  le  chaos  universel.  Les  prodigieuses 
ichesses  que  Mummolus  avait  entassées  dans 
>s  murs  d'Avignon  furent  partagées  entre  les 
ois  Gontran  et  Childébert.  Gontran  donna  pres- 
;  ue  tout  son  lot  aux  pauvres  et  aux  églises.  On 
I  vait  trouvé  dans  Avignon  250  talents  d'argent 
It  plus  de  30  talents  d'or.  On  racontait  que 
:  lummolus  avait  découvert  un  trésor  enfoui 
i  ans  des  temps  inconnus.  » 

|  Grégoire  de  Tours,  1.  III- VU.  — Fauriel ,  Histoire  de 
I  Gaule  méridionale.  —  Sismondi,  Histoire  des  bran- 
lais, t.  I.  —  Henri  Martin  ,  Histoire  de  France ,  t.  II. 
MON  {Thomas),  économiste  anglais,  vivait 
ans  la  première  moitié  du  dix-septième  siècle, 
'était  un  marchand  de  Londres,  qui  acquit  de 
•andes  richesses  en  faisant  le  commerce  avec 
s  peuples  du  Levant.  Son  habileté  ou  sa  pro- 
«té  était  bien  connue,  puisque  Ferdinand  Ier, 
?and-duc  de  Toscane,  lui  prêta  un  jour  40,000 
ouronnes  sans  intérêt  pour  l'aider  dans  une  en- 
eprise  avec  les  Turcs.  IJ  est  auteur  d'un  ou- 
rage  fort  estimé  ,  qui  a  pour  titre  England's. 
'reasure  by/oreign  trade,  or  the  Balance  of 
irforeign  trade  is  the  rnle  of  our  treasure 
Londres,  1664,  in-8°).  Ce  traité  fut  édité  par 
on  fils  et  réimprimé  en  1669,  1698,  1700,  1713, 
755  et  1856.  On  a  quelque  raison  de  lui  attri- 
uier  A  discourse  of  trade  from  England  io 
ke  East  Indies  (Londres,  1621,  in-4°),  signé 
is  initiales  T.  M.  D'après  Mun,  le  moyen  le  plus 
ir  d'enrichir  l'État ,  c'est  de  vendre  plus  que- 
l'acheter  à  l'étranger.  K. 

Ilttacpherson,   Annals  of  Commerce.  —   Mac-Culloch, 
rinciples  of  political  Economy. 

mu. n  a  ri  uegli  aretusi  ( Pellegrino) 
it  Pellegrino  de  Modène ,  peintre  de  l'école 
e  Modène ,  assassiné  en  1523.  Nous  ignorons 
époque  de  sa  naissance,  que  Vasari  et  d'autres 
xent  à  l'an  1509.  Lanzi,  au  contraire,  dit 
u'en  1509,  n'ayant  encore  reçu  que  les  leçons 
e  son  père  Giovanni,  Pellegrino  peignit  à  Mo- 
ène  un  tableau  qui  attestait  un.  véritable  talent, 
e  fut  peu  de  temps  après,  sans  doute,  qu'il  se 
«dit  à  Borne,  où  il  prit  place  parmi  les  élèves 
e  Baphael,  qui  l'employa  aux  peintures  des 
ges  du  Vatican.  En  1520  il  retourna  dans  sa 
litrie,  où  il  ouvrit  une  académie  et  où ,  tant  par 
hi-même  que  par  son  élève  Giulio  Taraschi,  il 
it  une  grande  influence  sur  l'école.  Il  peignit 
ors  pour  les  églises  de  Modène  plusieurs  ta- 
eaux  vantés  par  Vasari  et  Lanzi,  mais  qui  ont 
'  sparu  pour  la  plupart.  De  tous  les  élèves  de 


Baphael ,  il  fut  peut-être  celui  qui  approcha  le 
plus  de  lui  pour  ses  airs  de  tête,  et  par  la  grâce 
des  poses  et  du  mouvement  des  ligures.  Cet  ar- 
tiste eut  une  fin  des  plus  malheureuses.  Un  de 
ses  fils  ayant  tué  un  de  ses  camarades  dans  une 
querelle,  Pellegrino  à  cette  nouvelle  accourt 
pour  le  secourir  et  l'empêcher  de  tomber  dans 
les  mains  de  la  justice;  il  est  rencontré  par  les 
parents  de  la  victime,  qui,  à  défaut  du  meurtrier 
qu'ils  n'ont  pu  atteindre,  tournent  leur  fureur 
contre  lui,  et  le  massacrent.  C'est  à  tort  que  Ti- 
raboschi  donne  pour  fils  à  Pellegrino  Cesare 
Munari ,  qui ,  d'après  la  date  de  sa  mort ,  ne  put 
être  que  son  petit-fils.  E.  B — n. 

Vasari,  Vite.  —  Lancilotto,  Cronaca  Modenese.  — 
Vedrlani,  nie  de'  Piltori  Modenesi.  —  Tiraboschi,  No- 
tizie  deyli  Artefici  Modenesi.  —  Lanzi,  Storia  pittorica. 
—  Orlandi,  Abbeccdarïo.  —  Pistolcsi,  Descrizione  di 
lioma.  —  Sossaj,  Modena  descritta. 

mcnari  degli  aretcsi  (Cesare),  dit 
Cesare  Aretusi ,  petit-fils  du  précédent,  peintre 
de  l'école  de  Modène,  né  dans  cette  ville,  mort 
en  1612,  à  Bologne,  où  il  avait  obtenu  le  droit  de 
bourgeoisie.  Habile  coloriste  et  heureux  imitateur 
du  Corrége,  il  manquait  d'imagination;  aussi 
s'associa-t-il  G.-B.  Fîorini ,  chargé  de  composer 
les  tableaux  et  les  fresques  qu'il  exécutait.  Il  re- 
produisait avec  une  rare  perfection  les  tableaux 
des  grands  maîtres,  et  il  se  rendit  célèbre  par  une 
excellente  copie  des  peintures  du  Corrége  à  Saint- 
Jean  de  Parme.  Il  peignait  j-le  portrait  avec  un 
rare  talent,  et  le  musée  de  Florence  possède  de 
lui  une  belle  tête  de  vieillard  à  barbe  blanche. 

E.  B— n. 

Tiraboschi,.  Notizie  degli  Artefici  Modenesi.  —  Lanzi, 
Storia  pittorica.  —  Gualandi,  Tre  Giorni  in  Bologna. 

MUNATItrS    PLANCUS.    Voy.  PLANCUS. 

mûkch  (Ernest- Hermann -Joseph  de), 
historien  suisse,  né  à  Bheinfelden,  le  25  octobre 
1798,  mort  dans  cette  ville,  le  9  juin  1841.  Après 
avoir  été  greffier  du  tribunal  de  Rheinfelden,  il 
occupa  pendant  deux  ans  une  place  de  profes- 
seur à  l'école  cantonale  d'Aarau ,  et  fut  chargé 
en  1824  d'enseigner  à  Fribourg  eu  Brisgau  les 
sciences  auxiliaires  de  l'histoire.  Nommé  en 
1828  professeur  d'histoire  ecclésiastique  et  de 
droit  canon  à  Liège ,  il  fut  peu  de  temps  après 
appelé  à  La  Haye  comme  bibliothécaire ,  emploi 
qu'il  remplit  depuis  1831  à  Stuttgard.  D'abord 
partisan  de  l'opinion  libérale,  il  défendit  plus  tard 
la  politique  absolutiste;  en  matière  de  religion, 
il  resta  pendant  toute  sa  vie  fidèle  aux  idées  de 
Joseph  II..  Ses  ouvrages  sont  d'une  lecture 
agréable;  mais  ils  manquent  de  critique.  On  a 
de  Miincn  :  Die  Heerzûge  des  christtichen  Eù- 
ropas  wider  die  Osmanen  und  die  Versuche 
der  Griechen  zur  Freiheit  (Les  Expéditions 
des  Chrétiens  contre  les  Osmanlis  et  les  Tenta- 
tives des  Grecs  pour  conquérir  leur  liberté); 
Bâle,  1822-1826,  5  vol.;  —  Die  Schichsale  der 
alten  und  neuen  Cortes  in  Spanien  (  Histoire 
des  Cortès  espagnoles  anciennes  et  modernes); 
Stuttgard,  1824-1827,  2  vol.;  —  Charitas  Pir- 


927 


MUNCH  —  MUNCH-BELLINGHAUSEN 


92S 


kheimerfihre  Sehwestern  und  Nïchten  (Cha- 
rité Piirkheimer,  ses  sœurs  et  ses  nièces  )  ;  Nu- 
remberg, 1826; —  Grunclzilge  der  Geschichte. 
des  Repràsentativ- Systems  in  Portugal  (Prin- 
cipaux traits  de  l'histoire  du  système  représen- 
tatif en  Portugal);  Leipzig,  1827;  —  Kônig 
Enzio  (Le  roi  Enzio);  Ludwigsbourg,  1827; 

—  Franz  von  Sïckingen's  Thuten  (  Les  hauts 
faits  de  François  de  Sickingen  )  ;  Stuttgard,  1 827- 
1829,  3  vol.;  —  Vermischte  historiche  Schrif- 
ten  (Écrits  historiques  mêlés);  Ludwigsbourg, 
1828  ;  —  Geschichte  des  Hauses  und  Landes 
Fùrstenberg  (Histoire  de  la  maison  et  du  pays 
de  Furstenaberg  )  ;  Aix-la-Chapelle,  1829-1832, 
3  vol.;  —  Geschichte  des  Hauses  Nassau- 
Oranien  (  Histoire  de  la  maison  de  Nassau- 
Orange);    Aix-la-Chapelle,  1831-1833,  3   vol.; 

—  Das  Grossherzogthum  Luxemburg  in  sei- 
nen  geschichtlichen  und  staatsrechtlichen 
Beziehungen  (  Le  grand-duché  de  Luxembourg 
étudié  au  point  de  vue  de  l'histoire  et  du  droit 
public);  La  Haye,  1831;  —  Erinnerungen 
an  ausgezeichnete  Frauen  Italiens  (Souvenirs 
de  femmes  distinguées  de  l'Italie);  Aix-la-Cha- 
pelle, 1831  ;  —  Volltstàndige  Sammlung  alté- 
rer und  neuerer  Concordale  (  Recueil  complet 
des  Concordats  anciens  et  modernes  )  ;  Leipzig, 
1831-1833,  2  vol.;  —  Die  Furstinnen  des 
Hauses  Burgund-Œstreich  in  den  Nieder- 
landen  (  Les  princesses  de  la  maison  de  Bour- 
gogne-Autriche qui  ont  habité  les  Pays-Bas); 
Leipzig,  1832,  2  vol.;—  Allgemeine  Geschichte 
der  neuesten  Zeit  (Histoire  générale  des  temps 
modernes);  Leipzig,  1833-1835,  6  vol.;  —  His- 
torisch-biographische  Studien  (  Études  histo- 
riques   et   biographiques  );    Stuttgard,    1836, 

2  vol.;  —  Erinnerungen  und  Studien  eines 
deutschen  Gelehrten  (  Souvenirs  et  Études  d'un 
Savant    allemand  )  ;    Karlsruhe,     1836-1838, 

3  vol.;  autobiographie  de  l'auteur  ;  —  Rômische 
Zuslànde  und  katholische  Kirchen/ragen 
(  État  de  Rome  et  Questions  au  sujet  de  l'Église 
catholique);  Stuttgard,  1838;  —  Paolo  Sarpi 
und  sein  Kamp/mit  dent  Curialismus  und 
Jesuilismus  (Paolo  Sarpi  et  sa  lutte  avec  la 
cour  de  Rome  et  le  jésuitisme);  Stuttgard, 
1839;  —  Denkwûrdigkeiten  zur  politischen 
Kirchen-und  SUtengeschichte  der  drei  letz- 
ten  Jahrhunderte  (Choses  mémorables  de  l'his- 
toire politique,  ecclésiastique  et  morale  des  trois 
derniers  siècles);  Stuttgard,  1839;  —  Denk- 
wûrdigkeiten zur  Geschichte  des  Hauses  Este 
und  Lothringen  im  16  und  17  Jahrhundert 
(  Choses  mémorables  de  l'histoire  de  la  maison 
d'Esté  et  de  Lorraine  aux  seizième  et  dix-sep- 
tième siècles  )  ;  Stuttgard,  1840;  —  Erinne- 
rungen ,  Reisebilder  und  Phantasiegemàlde 
(  Souvenirs,  Tableaux  de  Voyages  et  Fantaisies)  ; 
Stuttgard,  1841-1842,  2  vol.  Munch  a  aussi 
publié  une  édition  des  Œuvres  de  Ulric  de  Hut- 
ten;  Berlin,  1821-1825,  5  vol.;  il  a  traduit  en 
allemand  un  Choix  des  écrits  de  ce  célèbre  pam- 


phlétaire; Leipzig,  1822-1824,  3  vol.  ;  on  lui 
doit  encore  une  édition  des  Epistolœ  obscuro- 
rum  Virorum;  Leipzig,  1827.  O. 

Conversations  -  Lexikon.  —  Neuer  Nekrolog.  der 
Deutschen,  t.  XIX. 

*  munch  (  Pierre-André) ,  historien  et  phi- 
lologue norvégien ,  né  à  Christiania,  le  15  dé- 
cembre 1810.  Fils  du  prévôt  de  la  cathédrale  de 
Christiania,  Edouard  Munch,  il  s'appliqua,  après 
avoir  terminé  ses  études  de  droit ,  à  des  re- 
cherches, fécondes  en  résultats,  sur  les  antiquités 
des  pays  du  Nord.  En  1841  il  fut  nommé  pro- 
fesseur d'histoire  à  l'université  de  sa  ville  natale. 
On  a  de  lui  :  ISordmaendenes  Gtidelsere  (My- 
thologie du  Nord)  ;  Christiania,  1847  ;  —  Gram- 
maire de  l'ancien  norvégien;  ibid.,  1847  et 
1849;  —  Grammaire  du  Langage  des  Runes; 
ibid.,  1848;  —  Grammaire  de  la  Langue  Go- 
thique ;  ibid.,  1848;  — Historisk  geographisk 
Beskrivelse  o'ver  Kongerig  et  Norge  i  Midde- 
lalderen  (Description  historique  et  géographique 
des  royaumes  du  Nord  au  moyen  âge);  ibid., 
1849;  —  Symboles  ad  historiam  antiquiorem 
rerum  norvegicarum  ;  ibid.,  1850;  —  Det 
Norske-Folks  Historié  (  Histoire  des  Peuples 
du  Nord);  ibid.,  1853-1859,  3  vol.  :  les  quatre 
premiers  chapitres  de  cet  excellent  ouvrage  ont 
été  traduits  en  allemand  par  Claussen;  Lubeck, 
1853;  —  beaucoup  de  Mémoires  importants 
dans  des  recueils  danois  et  norvégiens.  Munch 
a  aussi  édité  le  Codex  diplomaticus  monas- 
terii  Sancti-Michaelis  ;  Christiana,  1845;  — 
L'Ancienne  Edda;  Christiana,  1847;  et,  en 
commun  avec  Keyser,  le  Norges  gande  Love  ; 
ibid.,  1846-1849,  3  vol. 

Son  cousin  germain,  André  Munch,  né  en  181 1, 
s'est  fait  connaître  par  ses  poésies  lyriques,  pu- 
bliées en  deux  recueils  ;  Christiania,  1848  et 
1850,  et  dont  le  fond  comme  la  forme  sont  des 
plus  remarquables.  On  a  encore  de  lui  :  Sorg 
og  Trust  (Peine  et  Consolation);  ibid.,  1852;  et 
deux  tragédies ,  qui  ont  été  traduites  en  alle- 
mand, Salomon  de  Caus  et  lord  William 
Russel.  O. 

Conversations-Lexikon. 

*MÛXCH-BELLINGHACSEN(Z?d07iard-/oa- 
chim,  comte  de  ),  homme  d'État  autrichien  ,  né 
à  Vienne,  en  1786.  Entré  de  bonne  heure  dans 
>  l'administration  autrichienne ,  il  devint  maire 
de  Prague;  plus  tard  il  fut  un  des  principaux 
négociateurs  du  traité  sur  la  libre  navigation  sur 
l'Elbe.  Il  sut  peu  à  peu  gagner  la  confiance  du 
prince  de  Metternich,  qui  l'envoya,  en  1823,  à 
Francfort  pour  y  représenter  l'Autriche  auprès 
de  la  Diète  germanique.  Dans  cette  position  il 
exerça  sur  la  vie  politique  de  l'Allemagne  une 
influence  aussi  grande  que  funeste,  par  un  gfand 
nombre  de  mesures  rétrogrades  qu'il  proposa  ou 
qu'il  fit  adopter  par  la  diète.  Nommé  en  1841  mi- 
nistre d'État,  il  se  retira  dans  la  vie  privée  en 
1848. 

Conversations-Lexikon. 


0. 


929 


MUNCH-BELL1NGIIAUSEN  —  MUNCHHAUSEN 


930 


*   MUNCII-BELLINCHACSEN     (Éloi-Fran- 
çois-Joseph,  baron  i>e),  nev^u  du  précédent, 
!  poète  dramatique  allemand,  né  le  2  avril  1806, 
ta  Cracovie.  Après  avoir  terminé  ses  études  de 
i  droit ,  il    entra    dans   l'administration    autri- 
chienne. Sur  les  conseils  de  son  ancien  précep- 
teur Enk  von  der  Burg,  il  commença  en  1834  à 
;  écrire  pour  le  théâtre.  Ses  pièces,  qui  parurent 
d'abord  sous  le  pseudonyme  de    Frédéric  de 
I  Halm,  eurent  en  Allemagne,  pour  la  plupart,  un 
•  grand  retentissement.  Nommé  en  1 840  conseil- 
:  1er  de  régence,  il  abandonna,  cinq  ans  après,  la 
carrière  politique,  où  le  crédit  de  son  oncle  lui 
;  assurait  un  avancement  rapide ,  pour  accepter 
l'emploi  de  conservateur  de  la  bibliothèque  de 
if  Vienne;  depuis  1852  il  est  membre  de  l'Académie 
!  de  cette  ville.  Voici  la  liste  de  ses  pièces ,  qui 
;  sont  presque  toutes  des   tragédies   :  Griseldis, 
i  1835  ;  —  Der  Adept,  1836  ;  —  Camoëns,  1837  ; 
'  —  lmelda  Lambertazzi,  1838  ;  —  Ein  mildes 
I  Urtheil  (Un  Jugement  doux),  1840;  —  Kônig 
l  Wamba  (  Le  roi  Wamba  )  ;  —  Die  Pfleyetochter 
I  (La  Fille  adoptive); — Kônig  undBauer(  Roi  et 
[Paysan),  1841:  imité  de  LopedeVéga;  —  Der 
[  Sohn  der  Wildniss  (  Le  Fils  du  Désert  ),  1842  ; 
[—  Sampiero,  1844;  —  Verbot  und  Befehl 
\  (Défense  et  Ordre),  comédie  ;  —  Maria  de  Mo- 
\  lina,  1847;  —  Eïne  Kôniginn  (Une  Reine); 
; — Der  Fechter  von  Ravenna  (Le  Gladiateur 
'deRavenne),   1857;  une   traduction  française 
en  a  paru  dans  la  Revue  germanique  (année 
1858)  :  cette  pièce  excita  en  Allemagne  un  en- 
thousiasme général,  comme  exprimant  les  aspi- 
rations patriotiques  de  la  nation.  M.  Mùnch- 
Bellinghausen  a  aussi  publié  :  Gedichte  (Poésies); 
Stuttgard,  1850;  et  Vienne,  1857.  Plusieurs  de 
ces  pièces   sont    très-belles;    dans  toutes    la 
forme  ne  laisse  rien  à  désirer.  Les   Œuvres 
littéraires  de  M.  Mùnch-Bellinghausen  ont  été 
réunies  en  6  vol.  in-8°;  Vienne,  1856.  On  a 
encore  de  lui  :  Veber  die  àlteren  Sammlungen 
spanischer  Dramen  (  Sur  les  plus  anciens  re- 
cueils de  drames  espagnols);  Vienne,  1852. 

Jiilian  Schmldt ,  Geschichte  der  deutschen  Literatur 
des  neitnzehnten  Jahrhunderts.  —  Saint-René  Taillan- 
dier, Histoire  de  la  Jeune  Allemagne. 

mûnchhausen  (1),(  Gerlach- Adolphe,  ba- 
ron de  ),  homme  d'État  allemand,  né  le  14  oc- 
tobre 1688,  mort  le  26  novembre  1770.  Après 
avoir  été  pendant  plusieurs  années  conseiller  à 
la  cour  d'appel  de  Celle  et  avoir  ensuite  rempli 
plusieurs  missions  importantes,  il  fut  en  1728 
nommé  membre  du  conseil  de  régence  de  l'élec- 
torat  de  Hanovre.  En  1732,  peu  de  temps  après 
la  fondation  de  l'université  de  Gœttingue ,  il  en 
fut  nommé  curateur,  emploi  qu'il  garda  jusqu'à 
sa  mort  et  dans  lequel  il  se  montra  le  protecteur 
le  plus  éclairé  des  lettres.  Sous  sa  direction  in- 
telligente ,  cet  établissement  acquit  bientôt  une 
très-haute  réputation.  Il  fut  encore  chargé  de 

(t)  Il  était  d'une  très-ancienne  famille,  dont  l'histoire 
a  été  écrite  par  Trêve»-. 

NOLV.   BIOGR.    GÉNÉR.    —   T.    XXXYI. 


plusieurs  négociations  diplomatiques;  en  1765 
il  fut  nommé  premier  ministre;  pendant  son 
administration  le  pays  jouit  d'une  constante 
prospérité.  0. 

Piitter.  Geschichte  der  Vniversitât  Gôttinaen.  —  BOh- 
raer,  Parentale  in  memoriam  Munchhusii  (dans  les 
Opuscula  academica  de  lleyne,  t.  1  f.  —  lleyne.  Orutio 
in  honorera  Munchhusii  (dans  le  t.  11  des  Opuscula).— 
Hirschlng,  Handbuch. 

mûnchhausen  (Otton,  baron  de),  agro- 
nome allemand,  de  la  même  famille,  que  le  pré- 
cédent, né  en  17 16,  mort  en  1774.  Il  est  auteur 
d'un  recueil  intitulé  le  Hausvater  (  Le  Père  de 
famille),  Hanovre,  1765-1773,  6  vol.  in-8°,  et 
qui  a  eu  une  grande  influence  sur  les  progrès  de 
I  l'agriculture  en  Allemagne.  O. 

Hirsching,  Handbuch. 

mûnchhausen  (  Jérôme -Charles  -  Frédé- 
ric, baron  de),  fameux  hâbleur  allemand ,  de  la 
même  famille  que  les  précédents,  né  en  1720,  à 
Bodenwerderdans  le  Hanovre,  mort  en  1797.  De 
1737  à  1739,ilpritpart  comme  officier  de  cavalerie 
aux  campagnes  des  Russes  contre  les  Turcs.  De 
retour  dans  son  pays ,  il  passa  le  reste  de  sa  vie 
à  raconter  ses  aventures  de  guerre,  en  exagé- 
rant d'année  en  année  l'importance  de  son  rôle 
et  ses  hauts  faits.  Ces  fanfaronnades  furent  re- 
cueillies par  L.  Raspe,  savant  littérateur  alle- 
mand; il  les  publia  à  Londres,  en  1735,  sous  le 
titre  de  :  Baron  Munchhausen's  Narrative  of 
his  marvellous  Travels  and  Campaigns  in 
Russia ,  en  y  joignant  plusieurs  aventures  in- 
croyables, extraites  de  divers  ouvrages,  tels  que 
les  Facetix  de  Bebel,  les  Beliciee  academicas  de 
Lange,  etc.  Ce  livre  eut  le  plus  grand  succès,  et 
fut  réimprimé  cinq  fois  en  deux  ans;  Burger  en 
donna  en  1786' une  traduction  allemande,  dont 
la  seconde  édition  contient  de  notables  addi- 
tions ,  dues  en  partie  à  Lichtenberg.  Une  Suite 
aux  aventures  de  Mûnchhausen  fut  publiée  par 
Schnorr;  Stendal,  1794-1800,  3  vol.  Tels  sont  les 
divers  éléments  d'où  s'est  formé  le  livre  amu- 
sant et  populaire  des  Aventures  du  baron  de 
Mûnchhausen.  O. 

Elissen,  Nachrichtûberden  Preiherrn  von  Mûnchhau- 
sen (  en  tête  de  l'édition  des  Aventures,  donnée  à  Berlin, 
1849  ). 

* mûnchhausen  (Alexandre,  baron  de), 
homme  d'État  allemand,  parent  du  précédent,  né 
en  1813.  Entré  en  1836  dans  l'administration 
hanovrienne,  il  fut  élu  en  1841  membre  de  la  pre- 
mière chambre;  en  1847  il  devint  conseiller  de 
cabinet.  En  octobre  1850  il  fut  mis  à  la  têle 
du  ministère;  il  assista  aux  conférences  de 
Dresde ,  où  il  essayait  de  modérer  les  tendan- 
ces ultra-réactionnaires  des  gouvernements  alle- 
mands. Peu  de  temps  après,  il  défendit  avec 
énergie  l'indépendance  de  son  pays  vis-à-vis  de 
la  diète  germanique ,  qui  voulait  faire  révoquer 
une  loi  sur  les  états  provinciaux  votée  par  les 
chambres.  A  la  fin  de  1851,  à  l'avènement  du 
roi  Georges  V,  il  donna  sa  démission,  et  rentra 
dans  la  vie  privée.  O. 

Conversations  -  Lexikon. 

30 


931  MUNCZ  — 

Meniez  (Jean),  mathématicien  allemand ,  né 
à  Blaubeuern,  en  Bavière,  et  mort  en  1503,  à 
Vienne,  où  il  était  chanoine  de  la  cathédrale  de 
Saint-Étienne.  Il  se  livra  à  l'étude  de  l'astrono- 
mie et  de  l'astroïogie  (sciences  à  peu  près  syno- 
nymes à  la  fin  du  quinzième  siècle  ),  et  il  publia 
quelques  ouvrages  qui  paraissent  avoir  été  alors 
bien  accueillis,  mais  qui  sont  aujourd'hui  dans 
l'oubli  le  plus  complet.  En  voici  les  titres  .  Ta- 
bula minutiorum  super  meridiano  Budensi 
Kalendarium  astronomicum  cum  solitis  in- 
dicationibus  (Vienne,  s.  d.,  in-fol.);  —  As- 
trologica  Operatio  (Vienne,  s. d.,  in-4°).  G.  B. 
Denis  ,  Histoire  (  en  allemand  )  de  l'Imprimerie  à 
Vienne,  p.  111,  296,  301. 

mundanella  (  Luigi  ),  médecin  italien,  né  à 
Brescia,  mort  vers  1570.  Il  fut  en  grande  répu- 
tation en  Italie  vers  1540.  Directeur  du   jardin 
des  plantes  de  Padoue,  il  se  distingua  par  se» 
connaissances  en  botanique;  rien  ne  lui  fit  plus 
d'honneur,  selon  Eloi,  que  d'avoir  senti    un  des 
premiers  la  préférence  qu'on  devait  donner  aux 
ouvrages    des  médecins   grecs    sur    ceux  des 
Arabes.  On  a  de  lui  :  Epistolœ  médicinales 
variarum  qusestionum    et    locorum  Galeni 
difficiliorum  expositionem  continentes;  liâle, 
1538,  1543,  1556,  in-4°;  réimpr.  à  Venise  et  à 
Lyon;  —Dialogi  médicinales  X;  Zurich,  1551, 
in-4";  —  Theatrum  Galeni ;Bàle,  1551,  1568, 
in-fol.;  Cologne,   1587,  in-fol.;  c'est  l'ouvrage  le 
plus  estimé  de  l'auteur  ;  —  Epistola  ad  José- 
phum  Valdanium;  Padoue,  1567,   in-8°.      P. 
Éloy,  Dict.  hist.  de  la  Médecine. 
munday  (Anthonij  ),  littérateur  anglais,  né 
en  1553,  mort  le  10  août  1633,  à  Londres.  Il 
passa  une  partie  de  sa  vie  à  l'étranger  ;  il  fit  ses 
études  dans  un  des  collèges  de  Rome,  et  fut  un  de 
ceux  qui  dénoncèrent  en  1582  un  complot  papiste 
contre  la  reine  Elisabeth.  Dès  1579  il  avait  débuté 
dans  la  carrière  des  lettres  par  un  petit  ouvrage 
d'imagination  intitulé  :    The  Mlrror  of  Muta- 
bilité, qui  fut  suivi  d'un  grand  nombre  de  mor- 
ceaux en  vers  ou  en  prose  et  de  quelques  traduc- 
tions. Ces  écrits  n'offrent  plus  d'intérêt  aujour- 
d'hui.  Il  n'en  est  pas  de  même  des  pièces  de 
théâtre  qu'il  adonnées,  au  nombre  d'une  quin- 
zaine; tout  irrégulières  qu'elles  sont,  elles  of- 
frent des  scènes  grotesques,    des  personnages 
bizarres  et  des  peintures  pleines  de  vigueur  et 
d'entrain.  Les  suivantes  ont  été  imprimées  :  The 
Lownfalof  Robert,  earl  of  Huntingdon;  et 
The  Death  of  Robert,  earl  of  Huntingdon 
(1601),   The.   Vidow's   charm  (1607),  et  The 
finsts  part  of  the  Life  ofsir  John  Oldcastle 
(1600);  cette    dernière   en  collaboration   avec 
Drayton ,  Wilson  et  Hathwaye.       P.  L—  y. 
Collier,  Hist.  of  English  drumatic  Poetry. 
*  mundt  (Théodore),  littérateur  allemand, 
néà  Potsdam,  le  19  septembre  1808.  Après  avoir 
étudié  à  Berlin  les  belles-lettres,   il  vécut  pen- 
dant quelques  années  à  Leipzig;  il  y  écrivit  des 
nouvelles  et  des-  articles  de  critique  littéraire , 


; 


MUNDT  93  I 

dont  la  tendance  se  rattachait  aux  doctrines  d 
la  Jeune  Allemagne.  Il  parcourut  ensuite  un 
grande  partie  de  l'Europe;  en  1839,  il  s'établ 
à  Berlin,  et  fut  nommé  plusieurs  années  plu 
tard  professeur  à  l'université  de  cette  ville.  Aj 
pelé  en  1 848  à  la  chaire  de  littérature  général 
à  Bresiau,  il  devint  en  1850  conservateu 
de  la  bibliothèque  de  l'université  de  Berlii 
«  M.  Th.  Mundt,  dit  M.  Saint-René  Taillandiei 
occupe  une  place  considérable  dans  le  mouvt 
ment  de  la  Jeune  Allemagne;  il  est  peut-être  ave 
M.  Wienbarg  le  plus  convaincu  de  tous  ces  écr 
vains.  Armé  d'une  sincérité  véhémente  qu 
M.  Gutzkow  n'a  jamais  connue,  porté  vers  un 
direction  sérieuse  qui  est  interdite  à  M.  Laube, 
a  représenté  plus  d'une  fois  avec  éclat  les  ambi 
tions  de  la  jeunesse.  Il  a  cru,  comme  M.  Wieni 
barg,  à  la  régénération  de  l'Allemagne;  comm> 
lui,  il  a  cherché  ce  qui  manquait  surtout  à  so 
école,  des  principes  nettement  conçus,  des  idée 
à  défendre  et  qui  les  protégeraient  eux-mêmes 
Toutefois  il  y  a  eu  plus  d'ardeur  que  d'originalit 
dans  son  esprit,  et  les  idées,  auxquelles  il  d< 
mandait  une  action  forte  sur  la  société ,  n'étaienl 
il  faut  le  dire,  ni  très-neuves  ni  très--fécondes.  C 
que  M.  Mundt  voulait  surtout,  «'était  de  réha 
biliter,  comme  on  dit,  la  matière,  de  justifier  I, 
chair  et  ses  désirs.  Voilà  un  nouveau  reflet  de 
utopies  qui  tâchaient  de  se  constituer  en  Franc 
vers  la  même  époque,  et  il  est  remarquable  qu 
les  doctrines  saint-simoniennes  soient  encore  c 
qu'il  y  a  eu  de  plus  clair  dans  ces  théories  de  1 
Jeune  Allemagne,  dans  ces  systèmes  si  bruyam 
ment  annoncés  et  dont  personne  n'a  jamais  pi 

découvrir    le    premier    mot L'idée   à   la 

quelle  M.  Mundt  est  le  plus  attaché,  et  qu'oi 
retrouve  dans  tous  ses  écrits ,  n'est  pas  autr 
chose  que  ce  panthéisme  à  la  fois  mystique  e 
sensuel  vers  lequel  les  imaginations  allemande 
se  laissent  si  aisément  entraîner.  »  Les  premier; 
romans  dé  M.  Mundt  ne  sont  plus  lisibles  aui 
jourd'hui  ;  ceux  qu'il  a  écrits  plus  tard  ne  son 
intéressants  que  partiellement.  Mais  il  exceh 
dans  les  portraits  de  personnages  célèbi'es  con 
temporains  et  surfout  dans  les  récits  de  voyage 
«  Quand  il  parcourt  la  France,  l'Italie,  la  Suisse 
dit  encore  M.  Taillandier,  quand  il  jette,  à  l'oc 
casion  des  villes  qu'il  rencontre,  des  réflexion 
vives,  brillantes,  hardies,  on  est  entraîné  pai 
l'avidité  curieuse  de  son  intelligence.  Ses  opi 
nions  ne  sont  pas  toujours  irréprochables  ;  je  ne 
souscrirais  pas  à  tous  les  jugements  qu'il  porte 
je  ne  lui  accorderais  pas  le  coup  d'reil  d'un  pu 
bliciste;  mais  son  ardeur  est  intéressante,  et  ii 
y  a  là  ce  qui  manque  tant  à  M.  Gutzkow  et  à 
M.  Laube,  un  cœur  qui  bat,  une  àme  qui 
cherche.  »  On  a  de  Mundt  :  Madelon;  Leipzig; 
1832;  —  Das  Duett  (Le  Duo);  Berlin  ,  1832; 
—  Der  Basilisk  ;  Leipzig,  1833-;  —  Moderne 
Lebenswirren  (Tourbillons  de  la  vie  moderne); 
Leipzig,  1834;  —  Mndonna;  Leipzig,  1835;  — 
Kunst  der  deutschen  Prosa  (  L'Art  de  la  prose 


►33 


MUNDT  —  MUNK 


934 


.llemande);  Berlin,  1837  et  1843  ;  —  Charakleren 
\tnd  Silualionen  ;  Leipzig,  1837,2  vol.;  —  Spa- 
l;iert/ànge  und  Welt/ahrlen  ( Promenades  et 
oyages);  Altona,  1838-1840,  3  vol.;  —   Vôl- 
'terschau  auf  Reiscn  (Tableaux  de  Voyages); 
,tuttgard,  1840;  —  Thomas  M ùnzer  ;  Altona, 
841  et  ,1843,  3  vol.;  —  Geschichte  der  Lilera- 
ur  der  Gegenivart  (  Histoire  de  la  Littérature 
ontemporaine  )  ;  Berlin,  1842  et  1853;  —  Ge- 
chichle  der  Gesellschaft  (Histoire  de  la   so- 
ciété); Berlin,  1844,  et  Leipzig,  1856;  —  Car- 
nota;   Hanovre,  1844;  —  JEsthetik;  Berlin, 
i845  ;   —    Allgemeine    Lileraturgeschichte 
Histoire  générale  de  la  Littérature);  Berlin, 
i846,  3  vol.;   —  Die    Gbtterwelt    der  alten 
'olker  (La  Mythologie  des  anciens  Peuples); 
ierlin,  1846  et  1554; —  Dramaturgie;  Berlin, 
1847  ;  —  Gesammtlte  Schriften  (Becueil  d'ar- 
icles);  Leipzig,   1847,  2  vol.;   —  Mendoza, 
ierlin,  1847,  2  vol.;  —  Staatsberedtsamkeit 
er  neueren  Vôlker  (L'Éloquence  politique  des 
euples  modernes);  Berlin,  1848; —  Die   Ma- 
adore ;  Leipzig,  1850,2  vol.;  —  Macchiavelli , 
leipzig,  1851  et  1853;  —  Ein  deutscher  Herzog 
Un  Doc  allemand);   Leipzig,    1853;    —    Ge- 
vhichte  der  deutschen  Stànde  (Histoire  des 
lasses  de  la  société  allemande);  Berlin,  1854; 
h-  Der  Kampf  um  du  schwazze  Meer  (La 
jUtte  au  sujet  de  la  possession  de  la  mer  Noire)  ; 
Bfunswick,  1855;  —  Krim  Girai;  Berlin,  1855  ; 
[-  Pariser  Kaiserskizzen  (Esquisses du  Paris 
.impérial);  Berlin,  1857,  2  vol.;  —  Grqf  Mira- 
veau;  Berlin,  1858, 4  vol.;  —  Paris  und  Louis 
Napoléon  (Paris  et  Louis-Napoléon);  Berlin, 
858,  2  vol.;  —  Italiànische  Zustànde  (État 
le  l'Italie);  Berlin,  1859.  Mundt    a  aussi  di- 
igé  plusieurs  recueils    périodiques ,  tels  que 
«s  Dioskuren  (Berlin,  1836-1837);  Der  Frei- 
ïafen  (Le   Port   franc);  Altona,    1838;   Del- 
ohin;  Altona,  1837-1838.  Enfin  il  a  publié  di- 
vers écrits  politiques.  O. 
Convers.-Lexih. 

*  mundt  (  Claire),  connue  aussi  sous  le  nom 
le  Louise  Muhlbach,  romancière  allemande, 
femme  du  précédent,  née  à  Neubrandebourg,  le 
l  janvier  1814.  Fille  du  conseiller  aulique  Mùl- 
ier,  elle  épousa  en  1839  le  littérateur  Mundt. 
Douée  d'une  imagination  féconde  mais  déréglée, 
îlle  a  écrit  un  grand  nombre  de  romans,  rem- 
plis, pour  la  plupart,  de  tableaux  assez  libres  ;  de 
plus,  ils  abondent  en  digressions  politiques,  dic- 
Itées  par  le  radicalisme  le  plus  outré.  Mmc  Mundt 
là  publié  :  Gluck  und.  Geld  (Bonheur  et  Argent)  ; 
Altona,  1842,  2  vol.  ;  —  Justin  ;  Lepzig,  1843; 
[—  Gisela;  Altona,  184*;.—  Eva;  Berlin,  1844, 
j.2  vol.  ;  —  Nach  der  Hoehzeit  (Après  la  noce)  ; 
(Leipzig,  1844,  2  vol.; —  Novellen;  Leipzig, 
1845;  —  Ein  Roman  in  Berlin  (UnBoman  à 
, Berlin  )  ;  Berlin,  1846, 3  vol.  ;  —  Hofgeschichten 
[(Histoires  de  Cour);  Berlin  184?,.  3  vol.;  — 
[Die  Tochter  einer  Kaiserln  (La  Fille  d'une  [m- 
jpératrice)  ;  Berlin,  1848,  2  vol.  ,  —  Aphra  Besn  ; 


Berlin,  1849,  3  vol.;  — Johann  Gotzkowsky ; 
Berlin,  1850,  3  vol.  ;  —  Friedrich  der  Grosse 
und  sein  Hof,  Berlin,  1853,  1857  et  1858, 
3  vol.;  —  Welt  und  Biihr,e  (Le  Monde  et  le 
Théâtre);  Berlin,  1854,  2  vol.;  —  Berlin  und 
Sanssouci;  Berlin,  1854,  4  vol.; —  Hislori- 
sches  Bilderbuch  (Album  historique);  Berlin, 
1855,  2  vol.  ;  —  Kôniginn  Hortense  (La  reine 
Hortense)  ;  Berlin,  1856 et  1857,  2  vol.;  —  His- 
torische  Charakterbilder  (Caractères  histo- 
riques); Berlin,  1857,  2  vol.;  —  Kaiser  Jo- 
seph Il  und  sein  Hof  (L'empereur  Joseph  II 
et  sa  cour);  Berlin,  1857,  12  vol.;  —  Kônig 
Heinrich  VIII  und  sein  Hof  (Le  roi  Henri  VIII 
et  sa  Cour)  ;  Berlin,  1858,  2  vol.;  —  Napoléon 
in  Deutschland  (Napoléon  en  Allemagne)  ;  Ber- 
lin, 1858,  12  vol.  O. 

Conversations-  Lexilton. 

Mungo  paiïr.  Voy.  Park. 

munier  (Etienne),  ingénieur  français,  né 
le  7  décembre  1732,  à  Vesoul,  mort  le  17  sep- 
tembre 1820,  à  Angoulême.  Après  avoir  passé 
trois  ans  à  l'école  des  ponts  et  chaussées  sous  la 
direction  de  Perronet,  il  fut  envoyé  comme  in- 
génieur à  Angoulême,  où  il  resta  jusqu'en  1786. 
Nommé  à  cette  date  ingénieur  en  chef,  il  en 
exerça  les  fonctions  à  Paris,  puis  à  Angoulême. 
En  1809,  il  prit  sa  retraite.  On  a  de  lui  :  Essai 
d'une  Méthode  générale  propre  à  étendre  les 
connaissances  des  voyageurs;  Paris,  1779, 
2  vol.  in-8°;  c'est  un  recueil  d'observations  re- 
latives à  l'histoire,  à  la  répartition  des  impôts, 
au  commerce,  aux  sciences,  aux  arts  et  à  la 
culture  des  terres;  —  Nouvelle  Géographie, 
contenant  un  précis  historique  de  V origine 
des  divers  peuples  ;  Paris,  an  XI  (18Q3),  2  vol. 
m-8°  ;  —  Observations  sur  les  dix-neuj  ar- 
ticles proposés  à  V examen  des  cultivateurs 
par  la  Société  impériale  d' Agriculture  de  la 
Seine;  Angoulême,  1813,  in-4° :  mémoire  auquel 
cette  société  avait  en  1812  décerné  une  médaille 
d'or.  P.  L. 

Mahul,  Annuaire  nécrologique,  1822. 

MUNK  (Han),  navigateur  danois,  né  vers 
1589,  mort  sur  l'océan  Glacial  arctique,  le  3  juin 
1628.11  possédait  la  réputation  d'un  habile  ma- 
rin, lorsque  après  une  expédition  sans  succès  de 
Bobert  Fotherby,  il  fut  chargé  en  1619,  par  le 
roi  de  Danemark,  Christian  IV,  de  faire  des  dé- 
couvertes dans  le  nord  et  surtout  d'y  chercher 
un  passage  au  nord-ouest  pour  arriver  aux 
Indes.  Il  devait  essayer  de  rejoindre  le  Groen- 
land oriental,  en  faisant  le  tour  du  pôle  arc- 
tique. Munk  partit  avec  deux  bâtiments  montés 
par  soixante  quatre  hommes  d'équipage  II  re- 
monta le  détroit  de  Davis,  et  pénétra  dans  la 
baie  d'Hudson.  Cédant  à  une  manie  commune 
à  beaucoup  de  navigateurs ,  il  changea  tous  les 
noms  de  cette  partie  du  globe.  C'est  ainsi  qu'il 
appela  la  baie  de  Baffin  et  les  autres  eaux  qui 
baignent  le  Groenland  mare  Christianeum  et 
débaptisa  toutes  les  îles  reconnues  par  ses  de- 

30. 


935 


MUNK.  — 


vanciers.  Il  hiverna  dans  le  Chesterfield-Inlet(l), 
qu'il  nomma  Havre  d'hiver  de  Munk,  et  recon- 
nut les  terres  environnantes,  auxquelles  il  im- 
posa la  dénomination  de  Nouveau  Danemark. 
Il  avait  fait  construire  des  cabanes  pour  lui  et 
ses  hommes,  et,  le  gibier  abondant,  il  passa  plu- 
sieurs semaines  à  l'abri  de  la  famine.  Mais  tout 
à  coup  le  froid  prit  une  intensité  rare,  même  dans 
ces  parages.  La  bière,  le  vin,  l'eau-de-vie  ge- 
lèrent dans  les  tonneaux,qu'ils  firent  éclater.  Les 
animaux  disparurent,  le  biscuit  et  les  autres 
provisions  s'épuisèrent,  et  pour  comble  de  mal- 
heur, le  scorbut  atteignit  presque  tous  les  com- 
pagnons de  Munk.  Lorsqu'au  printemps  les  oi- 
seaux revinrent,  les  navigateurs  se  trouvaient  si 
affaiblis  qu'aucun  d'eux  ne  put  profiter  des  res- 
sources que  leur  offraient  d'innombrables  troupes 
de  canards  et  de  perdrix  qui  voltigeaient  autour 
d'eux.  Soumis  au  supplice  de  Tantale,  ceux  que 
la  famine  et  la  maladie  avaient  épargnés  mirent 
eux-mêmes  un  terme  à  leurs  souffrances.  Munk, 
testé  seul  dans  sa  hutte,  et  torturé  par  la  faim, 
tenta  un  dernier  effort;  il  se  traîna  jusqu'à  une 
cabane  voisine,  où  il  trouva  deux  de  ses  marins 
qui  luttaient  encore  contre  la  mort.  Ils  s'encou- 
ragèrent mutuellement,  et,  écartant  la  neige ,  ils 
trouvèrent  des  racines,  qu'ils  mangèrent.  Ranimés 
par  ces  débris  de  végétaux,  au  bout  de  quelques 
jours,  ils  purent  prendre  des  oiseaux  et  des 
poissons.  Ils  parvinrent  à  réparer  leur  plus  petit 
bâtiment,  mirent  à  la  voile,  repassèrent  le  dé- 
troit d'Hudson,  et  après  une  traversée  toute 
providentielle,  atterrirent  en  Norvège,  le  25  sep- 
tembre 1620.  Des  soixante-quatre  hommes  que 
Munk  avait  emmenés  avec  lui,  il  n'en  ramena 
que  deux  (2). 

Il  sollicita  aussitôt  le  commandement  d'une 
nouvelle  expédition.  Ses  aventures  avaient  excité 
un  vif  intérêt.  Sa  demande  fut  accueillie  avec 
empressement;  une  souscription  fut  ouverte  et 
dépassa  bientôt  te  chiffre  des  dépenses  néces- 
saires pour  l'entreprise.  Dans  une  dernière  au- 
dience, Christian  IV  lui  recommanda  plus  de 
prudence  que  dans  son  précédent  voyage  et  pa- 
rut l'accuser  de  la  mort  de  ses  compagnons. 
Munk  répliqua  avec  une  telle  vivacité  que  le  rot, 
oubliant  toute  dignité ,  le  frappa  de  sa  canne. 
Cet  outrage  fut  morter  pour  le  marin,  qui  s'em- 
barqua le  cœur  brisé  par  la  honte  et  la  colère.  Il 
mourut  en  mer  peu  de  temps  après,  sani  avoir 
fait  de  nouvelles  découvertes.  Il  a  laissé  la  re- 
lation de  son  premier  voyage  ;  Copenhague , 
1623,  in-4°.   Dans  ses  deux   expéditions  Munk 

(1)  Grand  golfe  de  la  mer  d'nudson.qui  s'avance  à  qua- 
rante kit.  dans  les  terres  septentrionales  de  la  Nouvelle- 
Galles,  du  Nord  (  New  If  aies  ou  TV  est-Main). 

(2)  On  a  accusé  Munk  et  ses  deux  compagnons  de  s'être 
nourris  des  cadavres  de  leurs  camarades  plus  faibles,  du- 
rant la  traversée  qu  Ils  avalent  à  faire  pour  regagner  leur 
pairie,  traversée  qut  paraît  Impossible,  à  trois  hommes 
épuisés,  sur  une  mer  aussi  orageuse,  aussi  difficile  que  l'o- 
céan Arctique.  Rien  n'a  prouvé  pourtant  cette  d'antropo- 
phagie,  rendu  au  surplus  presqu'excus:ible  parla  détresse 
Inouïe  où  se  trouvaient  ces  malheureux. 


MLLNNICH  93 

ne  parait  pas  avoir  dépassé  le  69°  de  lat.  non 

A.  de  L. 

Frédéric  Lacroix,  Régions  circompolaires  dans  L'Cn 
vers  Pittoresque. 

*mcnk  (Salomon),  savant  orientaliste  allt 
mand,  né  en  1802,  à  Glogau.  D'origine  juiv* 
il  étudia  à  -Berlin  et  à  Bonn  la  .philosophie 
les  langues  orientales,  auxquelles  il  s'initia  pk 
amplement  à  Paris,  sous  des  maîtres  tels  qt 
Sacy  et  Chézy.  Nommé,  en  1840,  un  des  conse 
vateurs  des  manuscrits  orientaux  à  la  Biblic 
thèque  impériale  de  Paris,  il  fit  en  cette  ann<  I 
un  voyage  en  Egypte,  d'où  il  rapporta  plusieui 
précieux  manuscrits  arabes.  *La  faiblesse  crois 
santé  de  sa  vue  l'obligea,  en  1852,  de  résigner  ! 
place  à  la  Bibliothèque.  M.  Munk  a  été  élu  en  186 
membre  de  l'Académie  des  Inscriptions  en  rem 
placement  de  Le  Bas.  On  a  de  lui  :  Réflexions  su  \ 
le  Culte  des  anciens  Hébreux  dans  ses  rap 
ports  avec  les  autres  cultes  de  V antiquité 
Paris,  1833;  —  Notice  sur  Eabbi  Saadi 
Gaon;  Paris,  1838  :  reproduit  dans  le  lome  I 
âe\a  Bible  deCahen;  —  Commentaire  de  Rabl 
Tan'  houm  de  Jérusalem  sur  le  livre  de  Hc 
bakkouk,  publié  en  arabe,  avec  traduction 
française  et  notes;  Paris,  1843,  in8°;  — Pa> 
lestine;  Pans,  1848,  dans  la  collection  de  VUm 
vers  pittoresque,  publiée  j>ar  MM.  Fiimin  D: 
dot  ;  —  La  Philosophie  chez  les  Juifs  ;  Paris 
1848,  in-8°  ;  —  Notice  sur  Aboul-  Walid-Mei 
wan;  Paris,  1851  ; —  Mélanges  de  Philosvphi 
juive  et  arabe,  renfermant  des  extraits  de  L 
Source  de  vie  d'Ibn-Gebirol,  traduits  en  fran 
çais,  avec  un  mémoire  sur  la  vie  et  les  écrit 
d'ibn-  Gebirol  et  des  notices  sur  les  principau:. 
philosophes  arabes;  Paris,  1857-1859,  2  par 
ties,in-8°.  Dans  le  Journal  Asiatique,  M.  Muni 
a  publié  entre  autres  :  Notice  sur  Joseph  ben 
Jehouda,  disciple  de  Maïmonide;  —  Mé 
moire  sur  une  inscription  phénicienne  dé 
couverte  à  Marseille;  —  Notice  sur  le  gram' 
mairien  Juda  ben-Djannah,  connu  sous  h 
nom  d'Abouwalid,  et  sur  d'autres  grammairiens 
juifs  antérieurs  au  dixième  siècle.  M.  Munk 
aussi  inséré  beaucoup  d'articles  dans  le  Diction- 
naire des  sciences  philosophiques  et  dam 
le  Dictionnaire,,  de  la  Conversation.  Enfin,  i 
a  fait  paraître-  une  édition  de  la  première  partie 
du  More  néboruhim  de  Maïmonide,  avec  une 
traduction  française  et  des  notes;  Paris,  1856. 
in-8°.  O. 

Conversations-  Lexikon. 

MÏiixiCH  (  Burcavd-Christophe,  comte  de), 
célèbre  général  et  homme  d'État  russe,  d'origine 
allemande,  né  le  20  mai  1683,  à  Neuhundorf  près 
d'Oldembourg,  mort  à  Saint- Pétersbourg,le  16  oc- 
tobre 1767.  If  était  fils  d'Antoine  Gunther  de 
Mùnnich,  gentilhomme  qui,  après  avoir  quitté  k 
servies  danois  avec  lé  grade  de  lieutenant-co- 
lonel, avait  été  nommé  inspecteur  général  des 
digues  des  comtés  d'Oldembourg  et  de  Delmen- 
horst.  Sous  la  direction  de  son  père,  il  étudia  lé 


i)37 


MUNNICH 


938 


alin,  le  français,  le»  .mathématiques  et  l'art 
les  travaux  hydrauliques.  A  l'âge  de  seize  ans-, 
\  l  se  rendit  en  France,  où  il  obtint  une  place 
i| l'ingénieur  dans  l'armée  d'Alsace;  mais  peu  de 
eii)|is  après,  à  la  nouvelle  qu'il  aurait  à  corn- 
us «ttreses  compatriotes,  il  donna  sa  démission, 
.  '-,  ^retourna  dans  son  pays.  Nommé  en  1701  ca- 
îjiitaine  dans  l'armée  de  Hesse  Darmstadt,  il  as- 
[i  ista  l'année  suivante  au  siège  de  Landau.  11 
i  illa  ensuite  trouver  son  père,  qui,  devenu  dans 
k  'intervalle  conseiller  intime  du  prince  d'Ostfrise, 
il)  ui  fit  donner  l'emploi  d'ingénieur  en  chef  de  ce 
if  iays.  En  1706,  entraîné  par  son  gont  pour  la 
Inierre,  il  reprit  du  service,dans  l'armée  du  land- 
!  jrave  de  Hesse ,  qui  allait  rejoindre  en  Italie  le 
»>rince  Eugène.  Il  reçut  le  grade  de  major  de 
J  a  garde  à  pied  ;  après  avoir  pris  part  à  la  ba- 
il aille  de  Castiglione  et  à  la  prise  de  plusieurs  for- 
1  eresses,  il  passa  en  Flandre,  assista  à  la  bataille 
I  l'Oudenarde ,  et  se  trouva  au  siège  des  princi- 
aies  villes  de  ce  pays.  Il  se  distingua  à  Malplaquet 
lit  fut  nommé  lieutenant-colonel.  En  1712  il  fut 
i  )lessé  à  Denain  et  fait,  prisonnier  ;  pendant  sa 
taptivité  il  fit  la  connaissance  de  Fénelon;  il  se 
i)lut;. toujours  à  rappeler  l'accueil  que  lui  avait 
,«éît  fiflustre  prélat.  Rendu  à  la  liberté  en  1713, 
Il  reçut  le  grade  de  colonel.  Pendant  les  années 
suivantes,  il  dirigea  la  construction  des  écluses  de 
Darlshaven  et  du  canal  de  Grabenstein.  En  1716, 
après  la  paix  d'Utrecht,  il  entra  dans  l'armée  d'Au- 
guste II,  électeur  de  Saxe  et  roi  de  Pologne, 
iqui  distingua  bientôt  ses  talents  et  le  nomma 
général  major  et  inspecteur  général  de  l'armée 
olonaise,  et  un  peu  plus  tard  commandant  de 
la  garde,  La  confiance  que  lui  accordait  le  roi 
lui  valut  de  la  part  du  comte  de  Fleming  une 
^suite  de  tracasseries,  qui  le  firent  renoncer  au 
^service  de  Pologne.  Pierre  le  Grand ,  auquel  il 
avait  présenté  un  nouveau  système  de  fortifica- 
<tion§ ,  imaginé  par  lui,  lui  avait  proposé  la  place 
id'ingénieur  général    avec  le  grade  de  lieute- 
nant général.  Sur  cette  promesse,  Miinnich  se 
rrendit,  en  février  1721,  à  Saint-Pétersbourg;  son 
f  extérieur  jeune  et  ses  manières  polies  ne  satis- 
firent pas  le  czar,  qur  aimait  à  trouver  dans  un 
militaire  un  air  rébarbatif.  Voulant  éprouver  les 
connaissances  de  Mùnnich,  Pierre  le  chargea  de' 
'dresser  des  plans  pour  les  fortifications  de  Crons- 
(tadt  et  de  Riga;  bien  qu'il  fût  content  du  tra- 
vail de  Mûnnich,  il  hésitait  encore,  dans  lacrainte 
de  froisser  d'anciens  généraux,   à   lui  donner 
:  l'emploi  qu'il  lui  avait  fait  offrir,  lorsqu'un  in- 
cident secondaire  l'y  décida.  Pierre  désirait  beau- 
coup avoir  le  plan  du  beau  clocher  de  l'église 
Saint-Pierre  de  Riga ,  qui  venait  d'être  consumé 
i  par  le  feu  ;   or  il  se  trouva  qu'il  n'en  existait 
|  qu'un  seul ,  dessiné  par  Miinnich  quelques  jours 
|  avant  l'incendie.  Pierre  le  lui  demanda  et  en  ré- 
compense lui  fit  accorder  la  patente  si  longtemps 
attendue  de  lieutenant  général. 

En  1723  Miinnich  reçut  la  mission  de  conti- 
nuer les  travaux  commencés  par  Pisarew,  le  pro- 


tégé de  Mentzikoff,  pour  unir,  par  le  grand  canal 
de  Ladoga,1a  Wolchowa  à  la  Newa;  sous  sa  di- 
rection énergique  et  intelligente,  cette  œuvre, 
où  Pisarew  avait  apporté  la  plus  grande  négli- 
gence, avança  rapidement,  à  la  grande  satisfac- 
tion du  czar,  qui  dit  à  ce  propos  :  «  Je  n'ai  pas 
encore  eu  à  mon  service  un  étranger  qui,  comme 
Mùnnich,  se  soit  entendu  à  concevoir  de  grandes 
entreprises  et  à  les  exécuter  ».  Après  la  mort 
de  Pierre,  Mùnnich  sut  se  maintenir  en  crédit 
malgré  la  haine  que  lui  avait  vouée  Mentzikoff, 
et  avec  l'aide  des  vingt-cinq  mille  travailleurs 
mis  à  sa  disposition ,  il  poussa  avec  tant  d'ar- 
deur la  confection  du  canal,  que,  le  12  juin  1728, 
la  navigation  put  y  être  ouverte.  En  récompense 
de  ce  service,  il  fut  créé  comte,  et  reçut  de 
Pierre  II  les  gouvernements  de  l'Ingrie,  de  la 
Carélie  et  de  la  Finlande. 

En  1730  à  l'avènement  d'Anna Iwanowna,  Mùn- 
nich entra  tout  à  fait  en  faveur  ;  lui,  Ostermann  et 
Biren  se  partageaient  la  confiance  de  la  czarine, 
qui  le  plaça  à  la  tête  de  l'administration  de  la 
guerre  et  le  nomma  général  feld -maréchal  de  ses 
armées.  Il  apporta  dans  l'organisation  militaire 
des  changements  importants  et  qui  reçurent 
l'approbation  du  prince  Eugène  ;  entre  autres,  il 
fonda  une  académie  pour  former  de  jeunes  offi- 
ciers. En  1732  il  termina  entièrement  le  canal 
dé  Ladoga;  foute  la  cour  assista  à  la  pompeuse 
inauguration  de  cette  œuvre  grandiose.  L'in- 
fluence croissante  que  Mùnnich  exerçait  sur  les 
affaires  donna  de  l'ombrage  à  Ostermann ,  qui 
sut  habilement  le  rendre  suspecta  Biren,  comme 
un  homme  qui  voulait  capter  pour  lui  seul  la 
faveur  de  la  czarine.  En  réunissant  leurs  efforts, 
ces  deux  ministres  parvinrent  à  faire  éloigner 
leur  rival;  en  1734  Mùnnich  fut  chargé  d'aller 
presser  le  siège  de  Dantzig,  ville  qui  s'était  dé- 
clarée pour  Stanislas  Leczinski,  que  la  Russie 
cherchait  à  exclure  du  trône  de  Pologne,  même 
par  les  armes.  Ses  mesures  énergiques  obtinrent 
en  peu  de  temps  la  reddition  de  la  place;  il  pa- 
cifia ensuite  loute  la  Pologne,  et  lui  fit  recou-> 
naître  pour  roi  le  candidat  russe ,  l'électeur  de 
Saxe. 

En  l'automne  1735,  Mùnnich  fut  envoyé  en 
Ukraine  pour  prendre  le  commandement  de  l'ar- 
mée qui  devait  combattre  le  khan  tartare  Kaplan 
Gheraï.  Après  avoir  fait,  avec  son  activité  accou- 
tumée, tous  ses  préparatifs  pour  un  vaste  plan  de 
campagne ,  il  investit,  en  mars  1736,  la  forteresse 
d'Azof,  et  se  mit  ensuite  en  route  avec  l'armée 
principale,  forte  de  cinquante-quatre  mille  hom- 
mes, pour  conquérir  la  Crimée.  L'entreprise 
était  des  plus  difficiles;  il  fallait  traverser  de 
longues  steppes  arides,  et  cela  au  milieu  des 
attaques  incessantes  des  Tartares,  qui  ne  man- 
quaient pas  de  profiter  des  embarras  causés  par 
les  quatre-vingt  mille  chariots,  qui  transpor- 
taient les  provisions  calculées  pour  deux  mois. 
On  arriva  cependant  sans  trop  d'encombre  de- 
vant l'isthme  qui  joint  la  presqu'île  de  Crimée 


939 


MUNNICH 


0^ 


au  continent.  Là  les  Russes  se  trouvèrent  arrêtés 
par  un  profond  fossé,  protégé  par  six  tours 
garnies  d'artillerie  et  par  la  forteresse  de  Pé- 
récop.  Mais  par  une  fausse  attaque,  habilement 
concertée,  Mùnnich  emporta  facilement  le  fossé, 
mit  en  déroute  les  Tartares  consternés  en 
voyant  tomber  si  vite  les  lignes  qu'ils  croyaient 
imprenables,  et  deux  jours  après  (30  mai),  il 
obtint  la  capitulation  de  Pérécop.  Contrairement 
à  l'avis  de  ses  généraux,  qui,  sous  le  prétexte 
qu'on  n'avait  plus  de  vivres  que  pour  huit  jours, 
demandaient  qu'on  s'établît  dans  un  camp  re- 
tranché et  qu'on  fit  ravager  le  pays  par  des 
partisans,  Miinnich  résolut  de  s'avancer  avec  le 
gros  de  l'armée,  qui  se  mit  en  marche  le  5  juin. 
Les  Tartares  profitèrent  des  nombreux  avan- 
tages que  leur  offrait  le  terrain  pour  harceler 
continuellement  les  Russes.  Mùnnich  chargea 
alors  le  général  Hein  d'aller  avec  un  fort  dé- 
tachement surprendre  les  ennemis  dans  leur 
camp  ;  par  suite  de  sa  négligence  ,  Hein  échoua 
dans  sa  mission.  Miinnich ,  d'une  sévérité  in- 
flexible sur  ce  qui  tenait  à  la  discipline,  le  lit 
dégrader  et  le  condamna  à  servir,  sa  vie  durant, 
comme  simple  dragon  dans  la  milice.  Cet  acte 
exaspéra  les  autres  ^généraux  déjà  indisposés 
contre  les  opérations  de  leur  chef  ;  ils  entretinrent 
avec  soin  le  mécontentement  des  soldats  qui 
commençaient  à  éprouver  de  grandes  privations. 
Mùnnich  n'en  persévéra  pas  moins  dans  son 
projet,  et  après  dix  jours  de  fatigues,  il  arriva 
à  Koslow,  principale  place  de  commerce  du 
pays.  Elle  avait  été  abandonnée  par  les  Tar- 
tares; les  Russes  y  firent  un  butin  considérable, 
et  se  virent  de  nouveau  approvisionnés  pour 
longtemps.  Ils  continuèrent  de  marcher  en 
avant,  et  le  27  juin  ils  atteignirent  le  dangereux 
défilé,  situé  devant  Baktschï-Saraï,  la  belle  ré- 
sidence des  Idians.  Le  soir,  Miinnich,  à  la  tète  de 
l'élitedeses  soldats,  pénétra  sans  avoir  étéaperçu 
jusqu'au  camp  des  Tartares  et  les  mit  bientôt  en 
pleine  déroute.  La  ville  fut  pillée  et  ensuite  en- 
tièrement brûlée  ainsi  que  Ak-Metschet,  aujour- 
d'hui Simphéropol.  Malgté  ces  brillants  succès, 
les  troupes  murmuraient  de  nouveau  contre 
leur  chef,  qui  s'apprêtait  à  marcher  sur  Kaffa  ; 
les  chaleurs  excessives  avaient  causé  de  graves 
maladies,  dont  le  tiers  de  l'armée  était  atteint. 
Le  prince  de  Hesse-Hombourg  r  un  des  géné- 
raux les  plus  hostiles  à  Miinnich,  envoya  se- 
crètement à  Bhen  une  lettre  où  il  rendait  le 
feldmaréchal  responsable  des  souffrances  des 
soldats,  qu'il  dépeignait  sous  les  plus  sombres 
couleurs.  La  cour  ne  donna  aucune  suite  à  cette 
dénonciation  ;  mais  Mùnnich  recula  de  lui-même 
devant  la  sourde  colère  de  l'armée,  et  reprit  le 
chemin  de  la  Russie ,  après  avoir  détruit  les  li- 
gnes de  Pérécop.  La  campagne  avait  coûté  trente 
mille  hommes  ;  mais  elle  avait  été  des  plus  glo- 
rieuses. Mùnnich  ,  dont  les  lieutenants  avaient 
pris  A/of  et,  Kinburn ,  fut  récompensé  par  un 
don  de  terres  considérable,  et  fut  chargé  de 


tout  préparer  pour  continuer  la  guerre  à  outranc 
Ne  voulant  pas  affaiblir  son  armée ,  il  fit  rejet 
la  demande  de  l'Autriche,  qui,  étant  aussi  entre 
en  lutte  avec  les  Turcs,   désirait  qu'un  eor| 
auxiliaire  russe   fût    envoyé  en  Hongrie.   I 
6  mai  1737,  il  passa  le  Dnieper  aTec  soixanfc 
dix  mille  hommes,  et  le  10  juillet,  après  avo 
longtemps  trompé  l'ennemi  sur   le  but  de 
marche ,  il  atteignit  la  forte  place  d'Oczakov 
défendue  par  vingt  mille  hommes  et  cent  bouchi 
à  feu.  Par  la  négligence  du  prince  Trnbetzko 
les  Russes  manquaient  de  plusieurs  parties  e 
sentielles  du  maiériel  de  siège,    que  Mûnnic 
avait  ordonné  d'amener  par  le  Dnieper.  Dar 
cette  position  critique,  Mùnnich  ne  désespéi 
pas;  après  avoir  vigoureusement  repoussé  un 
sortie  de  la  garnison,  il  cerna  la  ville, et  la  f 
bombarder  sans  relâche;  ,1e  lendemain  déjà 
tenta  l'assaut.  Quoique  dépourvus  d'échelles 
les  Russes,  animés  par  leur  intrépide  chef,  es 
sayèrent  pendant  deux  heures,  mais  en  vain,  d 
pénétrer  dans  le  chemin  couvert;  à  la  fin  ils  s 
retirèrent   précipitamment    dans    les  redoute 
qu'ils  avaient  occupées  la  veille.  Si  à  ce  momen 
les  Turcs  avaient  profité  du  désordre  de  leur 
ennemis,  ils  auraient  pu  leur  faire  éprouver  un 
cruelle  défaite;  mais  ils  étaient  préoccupés  de 
;  progrès  de  l'incendie  allumé  par  les  bombes.  Ai 
moment  où  Mùnnich,  ayant  rallié  ses  troupes 
les  ramenait  devant  le  fossé ,  un  terrible  fracai 
se  fit  entendre;  le  grand  magasin  de  poudre  ve- 
nait de  sauter  :  plus  de  six  mille  hommes  fu- 
rent ensevelis  sous  les  décombres  ;  une  grandf 
partie  de  la  ville  était  détruite.  Sans  cet  inci- 
dent, qui  amena  immédiatement  la  reddition  d( 
Ta  place,  l'empressement  du   Mùnnich  à  com- 
mencer le  siège ,  avec  de  trop  faibles  moyens, 
aurait  pu  compromettre  toute  la  campagne;  c'est 
au  moins  l'avis  du  général  Manstein ,  qui,  dans 
ses  Mémoires,  donne  sur  la  prise  d'Oezakow  de 
curieux  détails,  qu'il   tenait  de  la   bouche  du 
maréchal    Lœwéndal,   présent  à  cette  affaire 
D'un  autre  côté,  il  faut  dire  qu'en  ordonnant 
cet  assaut,  d'une  témérité  presque  folle  et  auquel 
les  Turcs  ne  pouvaient  s'attendre ,  Mùnnich  se 
mit  à  l'abri  du  jeu  des  mines,  dont  l'ennemi 
avait  remis  l'achèvement  au  lendemain.    Mùn- 
nich  fit    immédiatement   réparer    et    agrandir 
les  fortifications  de  la  ville  ;  il  y  laissa  une  forte 
garnison  sous  le  commandement  de  Stal'feln,  et 
revint  en  Ukraine,  où  il  fut  rejoint  par  Lascy, 
qui,  d'après  ses  ordres,  avait  de  nouveau  dévasté 
la  Crimée. 

Bien  que  sa  mésintelligence  avec  la  cour  de 
Vienne  fût  très-grande,  il  refusa  d'appuyer  les 
propositions  avantageuses  du  divan  pour  une 
paix  séparée.  En  1738  il  s'avança  avec  cinquante- 
cinq  mille  hommes  au  delà  du  Bog,  et  arriva  au 
commencementd'août,  après  unemarche  pénible; 
aux  bords  du  Dniester.  Mais  il  trouva  en  face  de 
lui  l'armée  turque  forlement  retranchée  sur  la 
rive  opposée  du  fleuve;  malgré  toute  3a  bravoure, 


|941 

il  n'osa  pas  tenter  le  passage,  d'autant  moins  que 
son  armée  avait  été  très-fatiguée  par  les  attaques 
incessantes  des  Tartares.  Cependant,  à  l'instiga- 
tion de  l'Autriche,  la  czarine  lui  lit  intimer 
l'ordre  de  traverser  le  Dniester,  et  de  s'emparer 
de  Bemïer  ou  de  Choczim.  Mais  sur  l'avis  una- 
nime de  son  conseil  de  guerre,  que  môme  en 
sacrifiant  la  moitié  de  l'armée  on  ne  pouvait  es- 
pérer un  succès,  il  rentra  en  Ukraine;  il  y  trouva 
i  la  garnison  laissée  par  lui  à  Oczakow,  qui,  après 
avoir  repoussé  victorieusement  une  attaque  for- 

\  midable  des  Turcs,  avait  été  obligée  par  la  peste 
d'évacuer  cette  place.  Ce  ne  fut  que  par  suite 
des  excellentes  dispositions  de  Mùnnich  que  l'é- 

j  pidémie,  qui  avait  suivi  les  Russes,  fut  promp- 
tement  arrêtée. 

Décidé  à  réparer  cette  suite  d'échecs,  Mùnnich 
reprit  l'offensive  l'année  suivante  ;  il  traversa 
avec  soixante-cinq  mille  hommes  une  grande 
partie  de  la  Pologne,  sans  s'inquiéter  de  la  neu- 
tralité de  ce  pays;  le  29  juillet  il  arriva  sur  les 
bords  du  Dniester,  avec  vingt  mille  hommes, 
qui,  débarassés  de  tout  bagage,  avaient  pris  l'a- 
vance sur  le  reste  de  l'armée.  Il  s'établit  immé- 
diatement sur  l'autre  rive,  où  il  fut  rejoint,  le  10 
août,  par  ses  autres  troupes.  Il  s'avança  alors  sur 
la  Moldavie,  résolu  de  venger  l'affront  que  vingt- 
huit  ans  auparavant  les  armes  russes  y  avaient 
subi.  Le  séraskier  Vely-Pacba,  envoyé  à  sa 
rencontre  avec  quatre-vingt  mille  hommes ,  le 
laissa  pénétrer  à  travers  les  dangereux  défilés  de 
Tzernanza,  sans  essayer  même  de  l'arrêter  ;  son 
plan  était  d'attirer  les  Russes  le  plus  avant  pos- 
sible pour  les  détruire  par  la  disette  et  des  escar- 
mouches continuelles.  Cependant,  cédantau  désir 
de  ses  troupes,  il  s'arrêta  près  du  village  deSta- 
wutschane,  prêt  à  accepter  une  bataille  générale. 
Retranché  fortement  sur  une  hauteur,  il  prittoutes 
ses  dispositions  pour  envelopper  de  toutes  parts 
l'armée  ennemie.  Mùnnich  n'hésita  pas  à  venir 
l'attaquer  malgré  sa  formidable  position;  cepen- 
dant il  ne  se  dissimulait  pas  qu'une  défaite  ren- 
drait pleinement  courage  aux  Suédois  et  aux  Po- 
lonais, qui  ne  demandaient  qu'une  occasion  pour 
se  venger  de  l'oppression  moscovite,  et  qu'il 
tenait  en  ses  rnains  le  sort  de  l'empire  russe. 
Aussi  observa-t-il  avec  toute  la  perspicacité  de 
son  coup  d'oeil  perçant,  qui  lui  avait  valu  le  sur- 
nom de  Faucon,  les  avantages  qu'il  pouvait  tirer 
du  terrain  ;  il  remarqua  que  le  côté  gauche  du 
camp  turc  n'avait  pas  été  muni  d'ouvrages,  comme 
étant  défendu  naturellement  par  le  cours  de  la 
Schulanetz  et  par  des  marais  réputés  impratica- 
bles; c'est  par  là  qu'il  s'apprêta  à  aborder  l'ennemi. 
Le  28  août  il  commença,  pour  le  tromper,  une 
fausse  attaque  sur  la  droite;  mais  vers  midi  il 
se  porta  à  la  hâte  avec  toute  son  armée  vers  les 
marais ,  qu'il  fit  combler  à  l'instant  avec  des  ga- 
bions, et  des  madriers;  plus  de  vingt  ponts  furent 
jetés  sur-  la  Schulanetz;  et  les  Russes  attei- 
gnirent le  côlé  non  fortifié  du  camp,  avant  que 
les  Turcs,  déconcertés,  eussent  songé  à  s'y  oppo- 


MUNNICH  942 

ser.  Gagnant  de  plus  en  plus  du  terrain,  il  re- 
poussa, avec  l'aide  de  son  artillerie  supérieure, 
une  attaque  désespérée  de  vingt  mille  janissaires 
accourus  de  l'aile  droite.  Ce  succès  détermina  la 
déroute  des  Turcs,  qui  abandonnèrent  aux  vain- 
queurs un  immense  butin.  Le  lendemain  Mùnnich 
marcha  sur  Choczim,  qui  se  rendit  à  la  première 
sommation.  Il  passa  le  Prutli,  et  fut  Iwentôt  maître 
de  toute  la  Moldavie.  Tout  à  coup  il  se  vit  arrêté 
au  milieu  de  ses  brillants  succès  par  la  paix  hon- 
teuse conclue  par  l'Autriche  avec  la  Porte.  Biren, 
jaloux  des  glorieux  exploits  de  Mùnnich, persuada 
à  la  czarine  que  la  Russie  n'était  pas  en  état  de 
porter  seule  le  poids  de  la  guerre  ;  et  il  fit  ac- 
cepter les  conditions  d'accommodement,  très-dé- 
savantageuses ,  offertes  par  le  Divan.  Les  Russes 
rendirent  presque  toutes  leurs  conquêtes  et  s'en- 
gagèrent à  ne  pas  tenir  de  vaisseaux  sur  la  mer 
Noire  ni  sur  celle  d'Azof.  Si  le  fruit  des  victoires 
éclatantes  de  Mùnnich,  dont  la  gloire  était  de- 
venue européenne ,  dut  paraître  minime,  elles 
n'en  eurent  pas  moins  le  résultat  immense  d'a- 
voir appris  pour  la  première  fois  aux  Russes  à 
mépriser  la  puissance  ottomane,  qu'ils  avaient 
jusqu'alors  tant  redoutée. 

De  retour  à  Saint-Pétersbourg,  Mùnnich  reçut, 
entre  autres  marques  de  la  reconnaissance  d'Anne, 
le  commandement  du  régiment  Préobraschenskoï, 
fameux  par  le  rôle  qu'il  a  joué  dans  les  révolu- 
tions de  palais.  Lorsque,  peu  de  temps  après,  il 
fut  consulté  par  la  czarine  mourante  sur  la  ques- 
tion de  la  régence  pendant  la  minorité  d'Ivan, 
Mùnnich  fut  un  de  ceux  qui  opinèrent  pour  Biren  ; 
il  espérait  que  le  favori,  n'ayant  pas  des  goûts 
militaires,  le  laisserait  maître  de  l'armée;  de 
plus,  il  sentait  que  devant  l'irritation  croissante 
du  parti  national  russe,  les  étrangers,  pour  se 
maintenir  au  pouvoir,  devaient  pour  le  moment 
oublier  leurs  anciens  ressentiments.  Biren  ne  fut 
pas  aussi  clairvoyant  ;  une  fois  investi  de  la  ré- 
gence, il  laissa  entrevoir  qu'il  ne  cherchait  qu'un 
prétexte  pour  écarter  Mùnnich  de  toute  partici- 
pation aux  affaires.  Mùnnich  se  rapprocha  alors 
de  la  princesse  Anne,  mère  du  jeune  Ivan;  il 
se  borna  d'abord  à  aigrir  son  inimitié  contre  Bi- 
ren, qui  l'abreuvait  elle  et  son  mari ,  le  duc  de 
Brunswick,  de  toutes  sortes  d'humiliations.  Le  20 
novembre  (1740)  au  soir,  il  lui  annonça  subite- 
ment qu'il  était  prêt  à  la  débarrasser  de  la  ty- 
rannie du  régent.  D'abord  stupéfaite  d'une  réso- 
lution aussi  soudaine,  elle  l'autorisa  à  agir  en  son 
nom  comme  il  l'entendrait.  Il  alla  passer  la  soirée 
chez  Biren,  et  rentra  se  coucher  à  dix  heures;  à 
deux  heures  du  matin  il  se  releva ,  manda  son 
aide-de-camp  Manstein,  et  s'entendit  avec  lui 
sur  les  mesures  à  prendre  pour  se  saisir  du  ré- 
gent. Il  se  rendit  ensuite  auprès  de  la  prin- 
cesse. Après  qu'elle  eut,  à  sa  demande,  donné 
aux  officiers  de  la  garde  l'ordre  d'arrêter  Biren, 
il  chargea  Manstein  de  s'assurer  de  la  personne 
du  régent,  ce  qui  eut  lieu  sans  difficulté,  parce 
que  le  régiment  Préobraschenskoï,  dont  Mùnnich 


943  MUNNICH 

avait  le  commandement,  était  de  garde  ce  jour- 
là.  Immédiatement  Anne  fut  proclamée  grande- 
duchesse  de  Russie;  le  gouvernement  fut  remis 
entre  ses  mains.  «  Mùnnich,  dit  l'auteur  de  La 
Cour  de,  Russie  il  y  a  cent  ans  (Paris,  1858), 
avait  seul  conçu  et  exécuté  ce  coup  de  main.  Il 
n'avait  point  eu  de  confident  dans  cette  audacieuse 
entreprise,  où  il  risquait  sa  tête  ;  tout  l'honneur 
lui  en  revenait.  Il  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  qu'il 
n'avait  travaillé  que  pour  des  ingrats.  Le  duc 
de  Brunswick,  poussé  par  Ostermann,  qui  était 
jaloux  de  la  toute-puissance  de  Mùnnich  et  ne 
pouvait  s'accoutumer  à  l'idée  d'avoir  un  supé- 
rieur, dont  les  talents  l'effaçaient ,  se  plaignait 
amèrement  de  n'avoir  que  le  vain  titre  de  gé- 
néralissime, d'être  peu  consulté  et  considéré, 
tandis  que  Mùnnich  faisait  tout  et  était  en  réa- 
lité le  véritable  et  l'unique  chef  de  l'armée. 
Finch,  l'ambassadeur  anglais,  écrivait  le  10  fé- 
vrier 1741  :  «  Leprinceadit  qu'il  avait  de  grandes 
obligations  au  feld-maréchal ,  mais  qu'il  ne  s'en 
suivait  pas  qu'il  dût  jouer  le  rôle  de  grand-vizir; 
et,  s'il  continuait  à  n'écouter  que  son  ambition 
désordonnée  et  la  violence  naturelle  de  son  ca- 
ractère, il  pourrait  bien  se  perdre  par  sa  propre 
folie.  »  Quelques  semaines  après,  moins  de  trois 
mois  après  cette  révolution ,  dont  il  avait  été 
l'unique  artisan,  Mùnnich  était  dépouillé  de  sa 
place  de  premier  ministre  et  de  toutes  ses 
charges  militaires  :  il  tombait  dans  le  néant,  lui 
qui  depuis  tant  d'années  avait  été  si  puissant.  » 
Sa  famille  cependant  ne  fut  pas  enveloppée  dans 
sa  disgrâce,  et  on  le  laissa  même  tranquillement 
à  Saint-Pétersbourg.  Si  la  régente  pouvait  se 
croire  dispensée  de  reconnaissance  envers  lui , 
parce  qu'il  avait  renversé  Biren  plutôt  par  am- 
bition que  par  attachement  pour  elle,  elle  com- 
mit néanmoins  une  faute  en  l'écartant  des  af- 
faires ;  avec  sa  vigilance  prévoyante ,  il  aurait 
assurément  empêché  la  princesse  Elisabeth  de 
s'emparer  du  pouvoir,  comme  cela  eut  lieu  peu 
de  temps  après.  Cette  nouvelle  révolution,  qui 
était  le  réveil  de  l'esprit  national  si  longtemps 
comprimé,  mit  fin  au  règne  des  étrangers,  qui 
avaient  apporté  en  Russie  la  civilisation  ;  objet 
de  la  haine  populaire,  ils  furent  les  uns  expulsés, 
les  autres  jetés  en  prison.  Mùnnich  fut  de  ces 
derniers;  après  une  procédure  inique,  il  fut  con- 
damné à  être  écartelé.  Lorsqu'on  le  conduisit 
au  lieu  du  supplice ,  il  montra ,  au  rapport  de 
Finch,  la  contenance  la  plus  ferme  et  la  plus 
insouciante ,  comme  s'il  eût  été  à  la  tête  d'une 
armée.  Depuis  le  commencement  du  procès  on 
ne  l'avait  jamais  vu  témoigner  la  moindre 
crainte  ou  inquiétude.  Lorsqu'il  fut  arrivé  de- 
vant l'échafaud  ,  on  lui  annonça  qu'Elisabeth 
commuait  sa  peine  en  un  exil  perpétuel.  Il  fut 
transporté  à  Pélim  en  Sibérie,  et  il  reçut  pour 
prison  la  maison  qui  avait  été  élevée  sur  ses 
plans ,  dit-on ,  pour  Biren.  Ce  dernier  venait 
d'être  autorisé  à  quitter  Pélim  et  à  aller  résider 
à  Jaroslaw.  Les  traîneaux  des  deux  disgraciés 


94i 

se  rencontrèrent  dans  un  des  faubourgs  de  Ka 
san.  Ils  furent  obligés  de  rester  quelque  temp 
en  présence  au  passage  d'un  pont.  Biren  etMùn 
nich  se  reconnurent ,  et  se  saluèrent  ;  ils  se  se 
parèrent  sans  s'être  dit  un  mot.  Mais  que  de 
réflexions  dut  faire  naître  chez  l'un  et  che: 
l'autre  cette  courte  entrevue.  Mùnnich  reste 
pendant  vingt  ans  en  Sibérie,  au  milieu  des  plui 
grandes  privations,  augmentées  par  l'avidité  de 
l'officier  chargé  de  veiller  à  son  entretien,  et  qui 
gardait  pour  lui  une  partie  de  la  somme,  déjà 
minime,  destinée  à  cet  effet.  Il  avait  été  accom 
pagné  par  sa  femme ,  son  chapelain  Martens  el 
quelques  domestiques  allemands.  Sa  distraction 
était  de  cultiver  un  petit  jardin;  il  s'occupait 
aussi  à  rédiger  plusieurs  projets,  potir  améliorer 
l'administration  de  l'empire  ;  il  les  envoya  au 
sénat.  Les  vaïwodes  des  provinces  voisines,  qui 
en  furent  informés,  commencèrent  à  le  redouter, 
comme  s'il  eût  été  gouverneur  de  Sibérie;  il 
mit  à  profit  cette  terreur  salutaire,  et  en  mena- 
çant ces  employés  de  les  dénoncer  à  la  cour,  il 
parvint  à  prévenir  plus  d'un  abus.  En  1762,  à 
l'événement  de  Pierre  III,  il  fut  rappelé  de  l'exil; 
le  czar  lui  fit  l'accueil  le  plus  bienveillant  et  lui 
rendit  son  grade  de  général  feld-maréchal. 

Mùnnich,reconnaissant,  fittous  ses  efforts  pour 
sauver  ce  malheureux  prince,  lors  de  la  révolte 
générale  qui  éclata  contre  lui  peu  de  terrips  après  ; 
mais  ses  sages  conseils  ne  furent  pas  suivis.  Ce 
ne  fut  qne  lorsque  tout  fut  perdu  que  Mùnnich 
alla  se  présenter  devant  la  nouvelle  souveraine 
Catherine  IL  «  Vous  avez  voulu  combattre 
contre  moi  »,  lui  dit-elle.  —  «  Oui,  madame,  ré- 
pondit-il sans  se  troubler;  pouvais-je  moins 
faire  pour  celui  qui  m'a  délivré  de  ma  capti- 
vité. »  Catherine  eut  assez  de  grandeur  d'àme 
pour  ne  pas  lui  faire  un  crime  de  sa  fidélité  à 
son  devoir;  et  elle  lui  témoigna  constamment 
la  plus  grande  faveur.  Elle  aimait  à  le  consulter 
sur  les  grandes  affaires;  et  il  sut  lui  faire  par- 
tager son  projet  favori  d'enlever  à  la  Turquie  ses 
possessions  en  Europe.  II  dirigea  aussi  avec  une 
ardeur  toute  juvénile  la  construction  d'un  grand 
port  près  de  Revel  ;  mais  il  n'eut  pas  la  joie  d'a- 
chever cette  entreprise,  qui  fut-  abandonnée  peu 
de  temps  après  sa  mort.  Cet  événement  eut  lieu 
avant  qu'il  eût  obtenu  de  Catherine  l'autorisa- 
tion de  se  retirer  dans  son  pays  natal ,  pour  le- 
quel il  avait  gardé  une  grande  affection.  Il  y 
possédait  des  terres  considérables;  dans  sa 
correspondance  avec  la  personne  chargée  de  les 
administrer,  il  s'informait  dur  jardin  où  il  avait 
cultivé  des  roses  et  cueilli  des  groseilles,  et  if 
rappelait  avec  plaisir  les  premières  années  de 
sa  jeunesse.  «  Mùnnich ,  a  dit  Frédéric  le 
Grand,  avait  les  vertus  et  les  vices  des  grands 
capitaines;  habile,  entreprenant,  heureux,  mais 
fier,  superbe,  ambitieux  et  quelquefois  trop  des- 
potique, et  sacrifiant  la  vie  de  ses  soldats  à  sa 
réputation.  Lascy,  Keith,  Lœwendah!  et  d'autres 
habiles  généraux  se  formèrent  à  son  école*.  »  11 


945 


MUNNICH  —  MUNOZ 


946 


I  rachetait  en  partie  ses  défauts  par  sa  bienfai- 
|  sance,  et  par  le  soin  qu'il  prenait  pour  faire  avan- 
cer la  culture  des  sciences  et  des  lettres.  «  Si 
Miinnich  n'est  pas  un  des  enfants  de  l'empire  de 
Russie ,  dit  Catherine  II,  il  en  est  un  des  pères.  » 
Il  a  écrit  une  Ébauche  pour  donner  une  idée 
de  la  forme  du  gouvernement  de  la  Russie; 
Copenhague,  1774,  in-8°.         E.  Grégoire. 

HaJem,  Leben  Mùnnichs  (  dans  Geschichte  und  l'oli- 

jtiltie.   Woltmann  ;  traduit  en  français;  Paris,  1807  ).  — 

| Hempel,  Leben   Mùnnichs  (Brème,  1742).  —  Rusching, 

i  Ueber  Munnich  (dans  son  Magazin,  t.  III  et  XVI).  — 

DOring,  Russland  Helden.  —  Rulbière,  Anecdotes.  — 

Manstcin,  Mémoires.  —  llaimncr,  Histoire  de  l'Empire 

Ottoman. 

munniks  (Jean),  anatomiste  hollandais,  né 
le  16  octobre  1652,  à  Utrecht,  où  il  est  mort,  le 
10  juin  1711.  Fils  d'un  apothicaire,  il  s'adonna 
à  l'étude  de  la  médecine,  fut  reçu  docteur  à 

Utrecht,  et  professa  dans  l'université  de  cette 
ville  l'anatomie,  la  médecine  et  la  botanique. 
On  a  de  lui  :  Tractahis  de  Urinis  earumdem- 
que  inspectione ;  Utrecht,  1674,  1683,  in-12; 
on  a  reproché  à  ce  médecin,  dans  un  libelle  in- 
titulé Uromanticus  castratus,  d'avoir  tiré  la 
matière  de  cette  dissertation  d'un  livre  écrit  en 
français;  —  Chirurgia  ad  praxin  'hodiernam 
adornala;  Utrecht,  1689,in-4°;  Francfort,  1691, 
in-8°;  Amst.,  1715,  in-4°;  trad.  en  hollandais 
■par  Corneille  Havardt  (Utrecht,  1693,  in-4°): 
le  but  de  l'auteur  a  été  de  réduire  la  chirurgie 
en  un  meilleur  ordre  qu'on  n'avait  fait  avant  lui; 
— De  Re  A  nalomica  liber  ;  \Jtrecht,l697 ,  in-12; 
il  y  représente  toute  la  structure  du  corps  hu- 
main, tant  d'après  ses  propres  observations  que 
d'après  celles  des  meilleurs  anatomistes.  Mun- 
iniks  a  encore  publié  des  discours  De  prasstantia 
rei  herborise  (1678),  De  utiliiate  anatomix 
(1680),  De  morte  (1710),  et  il  a  eu  part  au 
grand  ouvrage  d'Henri  van  Rheede,  intitulé  Hor- 
tus  Malabaricus  (1683-1685,  in-fol.).      K. 

Drakenborch ,  Séries  Pro/essorum  Trajectinorum.  — 
Paquot ,  Mémoires,  XVI. 

munniks  (  Winold  ),  médecin  hollandais,  né 
à  Joure,  en  Frise,  le  4  décembre  1744,  mort  le 
8  septembre  1806.  Après  avoir  appris  les  sciences 
naturelles  chez  un  pharmacien,  il  étudia  la  mé- 
!  decine  à  Groningue,  où  il  suivit  les  cours  de 
Camper  et  de  van  Doeveren,  et  à  Leyde,  où  il 
profita  de  l'enseignement  de  van  Royen  et  d'Al- 
binus.  Il  fit  ensuite  un  voyage  en  France  pour 
s'instruire  auprès  des  savants  de  ce  pays.  Reçu 
docteur  en  1769,  il  fut  deux  ans  après  nommé 
lecteur  d'anatomie  à  Leyde,  et  fut  appelé  en  1773 
à  occuper  la  chaire  devenue  vacante  par  la  démis- 
sion de  Camper,  aux  travaux  duquel  il  prit  une 
part  notable.  Il  était  depuis  1780  correspondant 
delà  Société  de  Médecine  de  Paris,  qui  couronna 
son  Mémoire  sur  les  abus  à  réformer  dans 
Véducation  physique  en  France.  On  à  encore 
de  lui  :  De  Lue  Venerea  ejusque  prxcipuis 
auxdiis;  Leyde,  1769,  in-4°.  O. 

.T.  Munniks,  Biographie  de  IF".  Munniks  (Groningue, 
1812,  in-8°  ). 


munoz  (Gilles-Sancho  ni:),  antipape,  né  à 
Péruel,  mort  le  26  décembre  1446.  Il  était  cha- 
noine de  Barcelone,  quelques-uns  disent  de 
Valence,  lorsqu'il  fut  élu,  en  1424,  à  la  papauté 
par  les  cardinaux  de  l'antipape  Benoît  XIII. 
Reconnu  seulement  en  Aragon,  il  se  démit  en 
1429  de  la  tiare,  lorsque  Alfonse  V,  souve- 
rain de  ce  pays,  se  fut  réconcilié  avec  le,  pape 
Martin  V.  Promu  par  ce  dernier  à  l'évêché 
de  Majorque,  il  passa  le  reste  de  sa  vie  dans 
celte  île.  o. 

Raynaldl.  Annales. 

munoz  de  Collantes  (Juan-Miguel  Lopez), 
conquistador  espagnol,  né  à  Burgos,  en  1499, 
mort  dans  la  Nouvelle-Grenade,  en  1542.  Il  ac- 
compagna en  Amérique  don  Garcia  de  Lerma , 
lorsque  ce  familier  de  Charles-Quint  fut  nommé 
gouverneur  de  la  province  de  Santa-Marta  (  Nou- 
velle-Grenade) et  des  contrées  environnantes, 
encore  à  conquérir,  habitées,  pour  la  plupart, 
par  la  population  belliqueuse  des  Tayronas. 
Munoz  aida  son  chef  à  soumettre  Bonda,  déjà 
visité  par  don  Rodrigo  Alvarez  Palomino.  Us 
explorèrent  ensuite  la  vallée  de  Buritica,  où  ils 
ramassèrent  beaucoup  d'or  natif.  Franchissant 
les  montagnes,  ils  prirent  Bezinqua  et  Agua- 
ringua,  deux  grandes  villes,  puis  s'avancèrent 
à  travers  les  vallées  de  Coto  et  de  la  Ramada, 
fertiles  en  métaux  précieux,  jusqu'à  Posigueyca, 
capitale  des  Tayronas  ;  mais  là  ils  furent  atta- 
qués par  les  indigènes  avec  tant  de  furie  qu'ils 
durent  fuir,  abandonnant  leurs  bagages.  Don  de 
Lerma  et  Munoz  furent  au  nombre  des  blessés. 
La  même  année  Munoz  tenta  une  reconnais- 
sance dans  la  vallée  de  Mongay  ;  il  y  fut  très- 
maltraité.  Une  nouvelle  attaque  sur  Posigueyca 
n'eut  pas  plus  de  succès  que  la  première,  et, 
pour  comble-  de  désastres,  les  esclaves  internés 
àSanta-Maria  se  soulevèrent,  incendièrent  la  ville 
et  laissèrent  les  colons  presque  sans  ressources. 
Des  secours  leur  arrivèrent  fort  à  propos  d'Eu- 
rope; ils  rebâtirent  leurs. habitations,  etMuûoz 
fut  une  troisième  fois  envoyé  contre  Posigueyca  ; 
celte  fois  il  prit  la  ville,  mais  il  ne  put  s'y  main- 
tenir. Il  dut  Tévacuer  et  la  brûler.  Sa  retraite 
fut  difficile;  blessé  grièvement,  il  regagna  Santa- 
Marta  avec  grande  peine.  Les  Espagnols  éprou- 
vèrent l'année  suivante  une  nouvelle  défaite  dans 
la  vallée  de  Coto;  ce  qui  n'empêcha  pourtant 
pas  don  Garcia  de  Lerma  de  partager  le  pays 
environnant  entre  ses  principaux  officiers.  Mu- 
noz eut  pour  son  lot  le  district  d'Upar  ou  Eu- 
pari  ;  il  s'y  procura  environ  60,000  castellanos 
d'or,  mais  n'y  trouvant  pas  les  avantages  qu'il 
espérait,  il  résolut  de  tenter  quelque  nouvelle 
entreprise,  et  s'avançant  vers  le  sud-ouest  dans 
le  pays  des  Gorrones,  il  fonda  sur  les  rives  de 
la  Cauca  la  ville  de  Santiago  de  Cali  (1).  Mu- 

(1)  Elle  est  située  par  3°  3V  de  lat.  nord-  et  à  89  l„  de 
Popayan.  Elle  fut  érigée  en  cité  royale  (real  ciudad) 
le  2»  juillet  1559.  Les  anciens  historiens  espagnols  l'ont 
souvent  confondue  avec  Santiago  de  Arma,  [on  liée  éga- 


947  MUNOZ 

no7.  suivit  don  Pasqnal  de  Andagoya  dans  l'expé- 
dition que  (it  ce  capitaine  royal  aux  environs  du 
rio  de  San -Juan  et  sur  les  bords  de  la  mer  du 
Sud.  Il  prit  la  ville  de  Santa-Anna-de-los  Cabal- 
îeros,  et  battit  plusieurs  fois  le  capitaine  révolté, 
Jorge  Robledo  ;  mais  Andagoya  ayant  été,  à  son 
tour,  déclaré  rebelle  à  la  couronne,  Munoz  se 
rallia  à  Padelantado  don  Sébastian  de  lielalcazar, 
pour  lequel  il  conquit  la  province  de  Arma. 
Toujours  avide  de  découvertes,  le  1er  septembre 
1541  il  se  mit  en  route,  comme  capitaine  de 
cavalerie  sous  les  ordres  de  don  Hernan  Perez 
de  Quesada  pour  découvrir  le  fameux  El  Do- 
rado,  soi-disant  situé  à  l'ouest  des  montagnes 
du  nouveau  royaume  de  Grenade.  On  trouvera 
les  détails  de  cette  intéressante  expédition  à  l'ar- 
ticle Quesada;  qu'il  nous  suffise  de  dire  ici 
qu'après  avoir  fait  trois  cents  lieues  dans  des 
pays  déserts  ou  hostiles,  au  bout,  de  seize  mois 
de  fatigues  inouïes,  les  aventuriers  durent  renon- 
cer à  leur  entreprise.  Munoz  s'y  survécut  pas. 

A.  DE  L. 


Don  Lucas  Piedrahita ,  Historia  gênerai  de  las  Con- 
quistas  del  nvevo  reyno  de  Granuda  (  Amberes,  1638, 
in-fol  ),  la  part.,  !ib.  III,  cap.  I  et  n;  lib.  VIII,  cap.  n; 
3ib.  IX,  cap.  ni.  —  Don  .luan  Fierez  de  Ocariz,  Cenea- 
loçiias  del  nuevo  rcyno  de  Cranada  (  Madrid,  1674-1676, 
2  vol.  in-fol.  ),  LIV,  p.  121.  —  Antonio  Herrera,  Historia 
général  de  los  hechos  de  los  Castéllanos  en  las  islas  y 
tierra  -firme,  del  mar  Oceano  (Madrid,  .  1730,  4  vol. 
in-4"),  dec.  IV  à  VU. 

munoz,  nom  de  plusieurs  peintres  espagnols, 
dont  les  plus  connus  sont,  par  ordre  chronolo- 
gique .r 

mcnoz  (  Don  Jérôme  ) ,  portraitiste,  qui 
brillait  à  Madrid  en  1630.  Il  était  chevalier  de 
Santiago.  Palomino  et  Pacheco  font  un  grand 
éloge  des  portraits  qu'il  peignit  :  il  eut  pour  mo- 
dèles Philippe  IV  et  sa  famille.  Toute  la  cour 
castillane  suivit,  naturellement,  l'exempfe  de  son 
souverain,  et  Munoz  travailla  beaucoup.  Ses 
portraits  sont  recommandabfes  par  la  nature  des 
chairs,  la  vivacité  des  yeux,  la  ressemblance  des 
traits.  On  doit  pourtant  reprocher  à  cet  artiste 
une  grande  sécheresse  de  contours,  des  fonds 
noirs,  cherchés  comme  repoussoirs ,  et  une  igno- 
rance complète  de  la  disposition  des  accessoires. 
Ses  toiles ,  rares  dans  les  musées ,  se  trouvent 
encore  dans  les  galeries  des  grandes  familles 
espagnoles. 

munoz  (Sebastiano),  fresquiste  et  peintre 
d'histoire,  né  en  1654,  à  Naval  Carnero,  en  1634, 
mort  accidentellement  à  Madrid ,  le  lundi  saint 
de  1690.  Il  fut  un  des  élèves  les  plus  distingués 
de  Claude  Coello.  Il  se  distingua  surtout  dans 
la  fresque  et  le  décor.  Il  fut  chargé  de  l'ordon- 
nance des  fêtes  qui  eurent  lieu  à  Madrid  lors  du 
mariage  de  Louise  d'Orléans  avec  Charles  II 
(1679).  Il  (it  ensuite  le  voyage  de  Rome,  et  entra 
dans  l'atelier  de  Carlo  Maratto.  Malheureuse- 
ment, à  cette  époque  le  bon  goût  n'existait  déjà 

lement  par  Miguel  Munoz,en  1539,  et  dont  on  volt  encore 
les  ruines  à  cinquante  lieues  nord-est  de  l'opayan,  par 
3°  33'  de  lat.  nord. 


94 
plus  en  Italie  :  l'on  y  préférait  la  fraîcheur  d 
coloris  et  le  drame  dans  le  sujet  à  l'exactitaé» 
du  dessin,  au  grandiose  et  à  la  noblesse  des  pei< 
sonnages.  Munoz  dut  donc  sacrifier  au  penchai 
général,  et  son  talent  y  perdit.  De  retour  en  Ei 
pagne,  il  aida  Coello  à  peindre  les  fresques  d 
Collège  de  la  Manteria,  et  décora  seul  la  cha 
pelle  de  Saint- Thomas  de  Villa-Nova.  Ces  ou 
vrages  le  mirent  en  réputation,  et  il  reçut  de  nom 
breuses  demandes.  11  peignit  au  Palais-Royal  1 
cabinet  de  la  reine,  où  il  représenta  les  Aven 
tunes  d'Angélique  et  de  Mèdor._l\  travail! 
ensuite  à  la  décoration  de  Ja  galerie  des  Cerfs 
Ce  fut  à  cette  époque  qu'il  exécuta  le  portrai 
de  la  reine  Louise  et  ceux  des  principaux  per 
sonnages  de  la  cour.  En  1688,  il  fut  nomm 
peintre  du  rôi.  L'année  suivante  les  Carme 
chaussés  le  chargèrent  de  représenter  les  funé 
railles  de  la  reine  (morte  le  12  février  1689).  Il  fi 
une  superbe  composition  ;  mais  les  religieux  refu 
sèrent  de  la  recevoir,  sous  le  prétexte  que  la  reini 
n'était  pas  ressemblante.  Il  était  difficile  en  ef 


Têt  que  la  ressemblance  fût  exacte,  puisque  l; 
princesse  était  vue  morte  et  en  raccourci.  Munoz 
ne  voulant  pas  perdre  son  œuvre,  imagina  di 
peindre  dans  les  airs  un  groupe  d'anges  portan 
un  admirable  portrait  de  la  reine  vivante.  Les 
Carmes  furent  alors  forcés  de  le  payer.  Munos 
continua  pour  Marie-Anne  deNeubourg,  second* 
femme  du  roi,  les  fresques  tracées  par  Coello.  I 
était  au  comble  de  la  faveur  générale  et  dans 
la  plénitude  de  son  talent  lorsque,  chargé  d( 
restaurer,  dans  l'église  de  Notre-Dame  d'Atocha, 
la  belle  voûte  peinte  par  Francisco  Herrera  h 
jeune,  îl  tomba  de  son  échafaudage  et  se  tua 
sur  place.  Charles  II  lui  fit  faire  des  funérailles 
magnifiques  et  accorda  à  sa  veuve  une  pension 
d<e  25  doublons  (environ  2,134  fr.).Quoique  mort 
jeune  encore  (il  n'avait  que  trente-six  ans), 
Munoz  a  beaucoup  travaillé;  outre  les  ouvrages 
cités,  on  remarque  de  cet  excellent  artiste  :  à 
Madrid,  dans  l'église  Saint- Salvador,  huit  épi- 
sodes de  la  Vie  de  saint  Éloi;  —  au  Musée 
royal,  un  beau  tableau  de  Psyché  et  Cupidon 
et  le  Martyre  de  saint  Sébastien,  chef-d'œuvre 
de  l'auteur  ;  —  dans  l'église  de  Cascaubios ,  le 
Martyre  de  saint  André,  terminé  par  Fran- 
cisco-Tgnazio  Ruiz  de  la  Iglesia.  La  ville  de  Tara- 
gone  possède  aussi  de  très-bons  morceaux,  exé- 
cutés par  Munoz. 

munoz  (Êvarisle),  peintre  d'histoire,  né  à 
Valence,  en  1671,  mort  dans  la  même  ville,  en 
1737.  Élève  de  son  compatriote  Juan  Conchillos 
Falco,  il  montra  fort  jeune  beaucoup  de  dispo- 
sition pour  la  peinture;  mais  sa  vive  imagina- 
tion et  son  amour  des  plaisirs  l'empêchèrent 
d'en  tirer  tout  le  parti  possible.  Il  excellait  dans 
tous  les  exercices  du  corps  et  d'agrément;  la 
danse,  l'escrime,  l'équitation  lui  étaient  fami- 
lières; bon  musicien  et  chanteur  agréable,  il 
faisait  de  plus  passablement  les  vers:  c'en  était 
assez  pour  avoir  la  réputation  d'un  cavalier  ac- 


949 

icompli;  aussi  ses  aventures  galantes  furent-elles 
(nombreuses.  Ses  biographes  en  rapportent,  entre 
autres,  deux  assez  piquantes  En  1709,  revenant 
tde  Mayorque,  où  il  avait  été  décorer  la  chapelle 
de  la  communion  des  Franciscains  de  l'aima,  il 
fit  connaissance  d'une  dame  dont  le  mari  passait 
pour  mort  prisonnier  à  Alger.  La  veuve  était 
jolie  et  vertueuse;  Munoz  l'épousa.  Tout  allait 
bien  ,  lorsque  le  prétendu  défunt  annonça  qu'il 
allait  revenir  prendre  possession  de  sa  femme. 


Munoz  se  hâta  d'abandonner  la  place  a  son 
prédécesseur,qu'il  rencontra  dans  la  suiteetdont, 
quoique  se  piquant  d'être  spadassin,  il  ne  se  fit 
pas  connaître.  La  seconde  anecdote  est  à  peu  près 
la  copie  de  la  précédente.  «  S'étant  marié  en 
secondes  noces,  dit  Quilliet,  avec  une  femme 
qui  se  prétendait  veuve  d'un  soldat  français 
nommé  Callot,  tué  à  Messine,  le  mort,  peu  de 
I  temps  après  le  mariage  de  Munoz,  reparut  sain 
et  sauf.  On  ne  sait  comment  il  sortit  de  cette 
seconde  affaire.  »  Il  est  vraisemblable  que  ce  fut 
comme  de  la  première;  car,  redoutant  peu  de 
tels  précédents,  il  contracta  une  troisième  union, 
que  cette  l'ois  aucun  mari  légitime  ne  vint 
troubler.  Entre  ses  deux  premiers  mariages,  et 
probablement  pour  échapper  à  la  vengeance  d'un 
époux  blessé  de  s'être  vu  trop  tôt  et  trop  publi- 
quement remplacé,  Evariste  Munoz  s'était  fait 
soldat,  mais  à  la  condition  «  que  ses  chefs  le 
laisseraient  exercer  et  cultiver  ses  penchants 
pour  la  peinture  ».  On  n'eut  garde  de  le  contre- 
dire, et  c'est  durant  ce  temps  qu'il  fit  ses  meil- 
leurs tableaux.  Après  son  troisième  hymen,  il 
vint  se  fixer  à  Valence,  et  y  ouvrit  un  cours  d'où 
sortirent  d'excellents  élèves.  Ses  principaux  ou- 
vrages, outre  ceux  exécutés  dans  l'île  de  Mayor- 
que, sont  :  La  Vie  dé  saint  Pierre  de  Nalasco, 
en  huit  tableaux,  qui  ornent  le  couvent  de  La 
Merci  à  Lorca  (Murcie).  Il  fut  aidé  dans  ce  tra- 
vail par  Pedro  Camacho.  Ces  tableaux  sont 
mieux  peints  que  dessinés  ;  —  une  grande  partie 
des  tableaux  de  la  Vie  de  saint  François  pour 
le  couvent  des  Franciscains  de  Carthagène;  — 
à  Lorca,  Baptême  de  saint  François  et  Les 
Stigmates  imprimés  au  même  saint.  Ces  der- 
niers tableaux  sont  signés  :  Mufioz  en  Lorca, 
1696  ;  mais  c'est  seulement  dans  les  églises  de 
Valence  qu'il  faut  juger  du  talent  d'Evariste 
Munoz.  Malgré  la  grande  réputation  dont  il  jouit 
dans  sa  patrie,  réputation  due  d'abord  à  sa  vie 
aventureuse ,  ensuite  à  sa  grande  facilité  d'exé- 
cution ,  il  faut  le  dire,  jamais  Munoz  ne  parvint 
à  être  correct  dans  son  dessin  ni  à  donner  à 
ses  personnages  la  dignité  que  réclame  la  pein- 
ture historique.  A.  de  L. 

P^checo,  El  Arte  de  la  Pintura  ISévIlle,  1649).  —  Pa- 
loinino  Velasco,  El  Museo  de  la  Pintura.  —  Felippe  de 
Gue\arra.  Los  Comentarios  de  la  Pintura  (IMadrid, 
178S).  —  Raphaël  Mengs,  Obras  (Madrid,  1780).  —  Antonio 
Pons,  Viaue  en  Espafla.  —  Cean  Herraudes,  Diccionario 
historico  de  las  Del  las  Artesen  Espafta.  —Quilliet,  DM. 
des  Peintres  espagnols.  —  Mariano  Lopez  Aguado,  El 
real  Museo  (  Madrid,  1835  ). 

munoz  {Jean-Baptiste),  historien  espagnol, 


MUNOZ  950 

né  à  Museros,  près  de  Valence,  en  1745,  mort  en 
1799.  Il  fit  ses  études  a  l'université  de  Valence, 
et  s'occupa  particulièrement  de  philosophie.  Un 
des  premiers  il  tenta  d'introduire  au  sein  du 
péripatétisme  théologique  qui  régnait  encore  en 
Espagne  des  idées  philosophiques  empruntées  à 
la  France.  Ses  dissertations  De  recto  Philoso- 
phiie  recentis  in  theotogia  Usa  ;  Valence,  1767  ; 
—  De  Scriptorum  genlilhim  Leclione  et  pro- 
fanarum  disciplinai  um  studiis  ad  christianse 
pietatis  normam  exigendis  ;  Valence,  1768,  et 
ses  liistitutiones  Philosophiez  ;  Valence,  1768; 
les  préfaces  dont  il  accompagna  son  édition  des 
Œuvres  latines  de  Louis  de  Grenade  sont 
remarquables,  par  l'alliance  de  cet  esprit  philo- 
sophique nouveau  avec  la  théologie  obligatoire 
dans  un  pays  où  l'inquisition  existait  encore. 
Sous  le  gouvernement  éclairé  de  Charles  III,  ses 
livres  lui  valurent  la  place  de  cosmographe  en 
chef  des  Indes  et  celle  d'official  de  la  secrétaire- 
rie  d'État  des  Indes.  En  1779,  Charles  III  lui  fit 
demander  une  histoire  complète  des  découvertes 
et  des  conquêtes  des  Espagnols  en  Amérique. 
Malgré  le  désir  du  roi,  Munoz  rencontra  dans 
l'exécution  de  ce  projet  de  nombreuses  diflicul- 
tés.  Les  membres  de  l'Académie  d'Histoire,  mal 
disposés  pour  une  entreprise  qui  semblait  leur 
revenir  de  droit,  obtinrent  que  l'ouvrage  serait 
soumis  à  leur  examen,  et  en  critiquèrent  la 
première  partie  avec  tant  de  rigueur,  qu'elle  fut 
sur  le  point  de  ne  pas  être  imprimée.  Il  fallut 
que  le  roi  Charles  IV  en  ordonnât  l'impression: 
le  premier  volume,  conduisant  l'histoire  d'Amé- 
rique jusqu'en  1500,  fut  publié  sous  le  titre  de 
Historia  del  Nuevo  Mundo  ;  Madrid,  1793, 
pet.  in-fol.  L'auteur  n'acheva  pas  son  œuvre,  qui 
n'a  pas  été  continuée  après  lui  ;  elle  embrasse 
un  espace  de  temps  trop  restreint  pour  avoir  une- 
grande  importance,  mais  elle  se  recommande 
par  la  philosophie  des  idées  et  la  sévère  simpli- 
cité du  style.  On  a  encore  de  Munoz  un  Eloge 
de  Lebrixa,  dans  les  Mémoires  de  V Académie 
d'Histoire  ,  t.  III.  Z. 

Fiister,  Bibliotheca  Palenciana,  t.  H.  —  Ticknor,  His- 
tory  of  the  Spanish  Literatire,  t.  III. 

MUNOZ  (Thomas),  lieutenant  général  de  la 
marine  espagnole,  né  vers  1745,  mort  à  Madrid, 
le  28  novembre  1823.  «  Cet  officier,  aussi  dis- 
tingué par  ses  talents  que  par  ses  services,  mé- 
rite, dit  Bourgoing,  d'être  compté  parmi  les 
hommes  de  génie  et  les  bienfaiteurs  de  sa  patrie.  >« 
Il  fut  d'abord  employé  dans  les  possessions  amé- 
ricaines. En  1786  il  était  ingénieur  de  la  marine, 
et  s'acquit  beaucoup  de  réputation ,  par  les  tra- 
vaux qu'il  fit  exécuter  pour  arrêter  les  efforts 
de  la  mer  qui  menaçaient  de  détruire  l'île  sur 
laquelle  est  bâtie  la  ville  de  Cadix.  La  violence 
des  coups  de  mer  dans  cette  baie  faisait  con- 
sidérer comme  impossible  d'arrêter  l'impétuosité 
des  vagues.  Grâce  aux  applications  que  Munoz 
sut  tirer  des  sciences  mathématiques  et  physi- 
ques ,  Cadix  se  trouva  en  trois  années  conso- 


951 


MUNOZ  —  MUNSTER 


95 


lidé  au  milieu  de  l'Océan  (1).  Il  exécuta* encore 
à  l'arsenal  de  La  Carraca,  dans  le  même  port, 
des  travaux  d'une  grande  solidité.  Munoz  fut 
chargé  de  la  construction  des  bâtiments  que  le 
gouvernement  espagnol  fit  préparer  pour  une 
expédition  de  circumnavigation,  sous  les  ordres 
de  Malaspina.  Il  leur  donna  une  distribution 
intérieure  propre  à  conserver  la  santé  des  équi- 
pages pendant  une  si  longue  traversée.  Au  re- 
tour de  l'expédition ,  après  avoir  atteint  com- 
plètement le  but  qu'elle  s'était  proposé,  Malas- 
pina rendit  le  compte  le  plus  satisfaisant  de  la 
santé  des  marins  placés  sous  ses  ordres,  et  il 
attribua  cet  heureux  résultat,  du  moins  en 
grande  partie,  à  la  prévoyance  et  aux  bonnes 
constructions  de  Munoz.  Cet  ingénieur  général, 
ayant  embrassé  le  parti  de  Joseph  Bonaparte,  vé- 
cut longtemps  exilé  à  Paris,  et  dans  une  honorable 
pauvreté.  C'est  là  qu'il  composa  un  Traité  de  la 
Fortification,  ouvrage  estimé.  La  révolution  de 
1820  lui  ayant  rouvert  les  portes  de  sa  patrie, 
il  rentra  en  Espagne,  où  il  termina  ses  jours,  à 
l'âge  de  quatre-vingts  ans.  A.  de  L. 

Mahul,  Annuaire  nécrologique,  année  1824.  —  Boiir- 
going ,  Tableau  de  l'Espagne  moderne  (  l'aris ,  1807, 
S  vol.  in-8°,  avec  atlas),  t.  Il,  p.  224;  t.  III,  p.  169,  174, 
386. 

"munoz  (Augustin-F erdinand) ,  duc  de 
Ria.nsa.res,  général  espagnol,  né  le  4  mai  1808, 
à  Tarancon  (province  de  Cuença).  Issu  d'une 
famille  plébéienne  jouissant  d'une  certaine  ai- 
sance ,  il  s'engagea ,  jeune  encore ,  et  fut  incor- 
poré dans  les  gardes-du-corps  du  roi  Ferdi- 
nand VIL  Rien  n'annonçait  pour  lui  une  amé- 
lioration de  fortune,  lorsqu'un  incident  inattendu 
le  conduisit ,  comme  par  enchantement,  au  faîte 
des  grandeurs.  C'était  en  1833  :  Ferdinand  VII 
venait  de  mourir.  Un  jour  que  Munoz  faisait 
partie  de  l'escorte  qui  accompagnait  de  Buen- 
Retiro  à  Madrid  la  jeune  veuve  de  ce  prince,  il 
ramassa  un  mouchoir  brodé,  qu'elle  avait  par 
mégarde  laissé  tomber  sur  la  roule.  La  vivacité 
avec  laquelle  il  accomplit  cette  actionj  pourtant 
si  simple,  sa  taille  élégante,  ses  manières  dis- 
tinguées et  sa  physionomie  aimable  et  douce 
captivèrent  aussitôt  Marie-Christine  de  Bourbon, 
qui  lui  ordonna  de  se  tenir  à  la  portière,  et  s'en- 
tretint quelque  temps  avec  lui.  Telle  est  du 
moins  la  version  la  plus  accréditée.  Ce  qui  est 
plus  certain,  c'est  que  le  28  décembre  de  la  même 
année ,  trois  mois  après  la  mort  du  roi  Ferdi- 
nand ,  sa  veuve  épousait  secrètement  le  beau 
garde  du  corps.  L'élévation  presque  subite  de 
Munoz.  à  la  dignité  de  chambellan  de  la  reine 
régente  d'Espagne  ne  laissa  bientôt  plus  de  doute 
sur  la  main  toute-puissante  qui  se  chargeait  du 
soin  de  sa  fortune.  Le  mystère  est  difficile  à 
garder,  surtout  à  la  cour  ;  cependant  le  peuple 
espagnol  ignora  la  conduite  de  Marie-Christine 
jusqu'au  moment  où,  dans  le  but  de  lui  faire  en- 
lever la  tutelle  de  la  reine  Isabelle,  sa  fille, 

(1)  Cet  ouvrage  coûta  44,000,000  de  piastres. 


Espartero  la  dévoila  aux  cortès.  Le  scanda 
fut  grand  en  Espagne  ;  mais  après  la  chute  d'Ei 
partero  et  la  proclamation  de  la  majorité  d'Is 
belle,  celle-ci,  par  un  décret  royal  du  11  o( 
tobre  1844,  communiqué  aux  cortès,  le  8  avt 
1845,  autorisa  le  mariage  de  sa  mère  avec  do 
Munoz,  qui  fut  créé  duc  de  Riansarès  et  gran 
d'Espagne  de  première  classe.  En  ver  lu  de  c 
décret,  la  bénédiction  nuptiale  avait  été  donné 
publiquementauxdeux  époux  ,1e  13  octobre  1844 
Si  Mufioz  avait  été  ambitieux ,  l'Espagne  aurai 
pu  avoir  un  autre  Godoy  ;  mais  le  duc  de  Rian 
sarès  a  eu  le  bon  esprit  de  toujours  s'effacer,  € 
n'a  jamais  cherché  à  devenir  un  .personnage  po 
li  tique.  II  ne  tenta  même  aucune  démarche  lors 
qu'en  1846,  au  moment  de  la  fameuse  expédi 
tion  du  général  Florès  à  l'Equateur,  on  agita  1; 
question  de  reconstituer  en  monarchie  cette  an 
cienne  colonie  espagnole  et  de  l'en  déclarer  roi 
Grand-croix  de  l'ordre  de  Charles  III  depuis  le  11 
-r  novembre  1844,  ilaétécréé  chevalier  delà  Toisor 
-d'Or   le  21  septembre  1846.  Des  lettres  patentes 
'-du  roi  Louis-Philippe,  entérinées  par  la  coui 
-royale  de  Paris,  le  12  avril  1847,  sans  prestation 
de  serment,  lui  ont  conféré  le  titre  héréditaire  de 
duc  de  Montmorot ,  assis  presque  féodalement 
sur  les  salines  voisines  de  ce  bourg,  situé  près 
de  Lons-le-Saulnier,  et  qui  sont  aujourd'hui  une 
des  propriétés  de  la  reine  douairière  Marie-Chris- 
tine. Il  reçut  aussi  à  cette  époque  le  grand  cordon 
de  la  Légion  d'Honneur.  Par  décret  royal  rendu 
le  23  juillet  1848,   Isabelle  II  lui  a  conféré  le 
grade  de  maréchal  de  camp.  Plusieurs  enfants 
sont  issus  de  son  mariage.  H.  F. 

Guia  de  Forasteros.  —  Documents  particuliers. 
munster  (Sébastien),  hébraïsant  et  mathé- 
maticien allemand,  né  en  1489,  à  Ingelheim, 
mort  de  la  peste,  à  Bâle,  le  23  mai  1 552.  Après 
avoir  terminé  ses  premières  études,  il  se  rendit, 
à  l'âge  de  seize  ans,  à  Tubingue,  où  il  suivit 
les  leçons  de  Stapfer  et  de  Reuchlin.  Dans  le 
but  de  se  consacrer  tout  entier  à  l'étude,  il  en- 
tra dans  l'ordre  des  Cordeliers;  mais  la  lecture 
de  quelques  ouvrages  de  Luther  le  gagna  à  la 
cause  de  la  réforme;  il  quitta  bientôt  son  cou- 
vent. En  1529  il  fut  appelé  à  Bâle,  où  il  ensei- 
gna successivement  l'hébreu  et  la  théologie. 
Munster  joignait  une  modestie  excessive  à  des 
talents  réels.  On  fut  obligé  d'user  d'une  espèce 
de  violence  pour  le  déterminer  à  se  charger  des 
fonctions  de  recteur.  Ses  connaissances  lui  firent 
une  grande  réputation  et  lui  acquirent  l'estime 
des  érudits  de  son  temps ,  quoi  qu'en  dise  J.-j! 
Scaliger.  Pour  rappeler  qu'il  fut  à  la  fois  un 
profond  mathématicien  et  un  savant  hébraïsant, 
on  grava  sur  sa  tombe  ces  mots  :  Germanorum 
Esdras  hic  Straboque  conditur.  On  a  de  lui 
quarante  ouvrages  différents,  dont  on  peut  voir 
le  catalogue  complet  dans  la  notice  qui  lui  a  été 
consacrée  dans  le  Geogr.  liûcherxaal  de  Heger. 
Nous  ne  ferons  mention  ici  que  des  principaux  : 
Biblia  hebraica,  cum  latina  planeque  nova 


953 


MUNSTER  —  MUNTER 


954 


translatione ,  adjeelis  insuper  e  rabbinorum 
commentants  annotationibus  ;  Bâle,  1534  et 
1 1535,  2  vol.  in-fol.  ;  deux  autres  éditions,  une  de 
'  1538,  2  vol.  in-4°,  et  une  de  1546,  2  vol.  in-fol. 
\  La  version  n'est  pas  mauvaise  et  les  notes  sont 
bonnes  au  point  de  vue  grammatical  ;  —  Fuies 
\  Christianorum  sancta,  recta  et  perfecta  at- 
que  indubitata  ;  Bâle,  1537,  in-fol.  On  trouve 
!  à  la  fin  de  ce  volume  une  traduction  hébraïque  , 
'fort  médiocre,  de  l'Évangile  de  saint  Matthieu  ; 
Cinqarbres  fit  réimprimer  cette  traduction  à  Pa- 
[rîs,  1550,  in-8°,  avec  quelques  changements  ;  Du 
'Tillet  en  donna  une  meilleure  édition  en  1555; 
1 —  Calendarium  biblicum  hebraicum,  ex  he- 
br xorum  penetralibus  editum;  Bàle,  1527, 
iin-4°; —  Sphmra  mundi  et  arilhmeticœ,  hebr. 
lat.;  Bâle,  1546,  in-4°.  Les  notes  seules  sont 
de  Munster  ;  la  traduction  latine  est  de  Schree- 
ikenfuchs  ; — Colloquium  cum  Judxo  de  Messia, 
hebr.  lat.;  Bâle,  1539,  in-8°;   —  Higgaïon, 
logica  R.  Simeonis,  latine  versa  et  punctis 
lwocalibus  illustrata  ;  Bâle,  1523, in-8°.  Cette 
logique,  attribuée  par  Munster  à  B.  Siméon,  est 
•de  Maimonide ,  comme  l'a  prouvé  Bich.  Simon , 
dans  les  Lettres  choisies,  tom.  IV,  pag.  40  et 
•suiv.; — Institutiones  Grammaticxin  hebrœam 
ilinguam;  Bâle,  1524,  in- 12;  —  Aruch,     dictio- 
marium  chaldaicum,  non  tam  ad  chatdaicos 
interprètes  quam   rabbinorum  intelligenda 
commentaria  necessarium;  Bâle,  1527,in-4°; 
let  1548,  in-8°;  —  Grammatica  Ebrsca;  Bàle, 
1525,  1544  et  i549,  in-8°;  —  Institutio  élé- 
ment. Grammatica  Hebrsese;B&\e,  1532,  1537, 
1543,  in-8"  ;  —  Hebraicœ  Institutiones,  id  est 
Capitula  Cantici  Etire  Levitse;  Bâle,  1527, 
in-8°;  — Isagoge  in  Linguam  Ebrseam;  Bàle, 

1535,  in  8°;  —  Opus  Grammat.  Ebr.;  Bâle, 
1542,  1556  et  1570,  in-8û  ;  —  Grammatica 
Chaldaica;  Bâle,  1527,  in-4°.  Munster  se  glorifie 
dans  sa  préface,  à  juste  titre,  d'avoir  le  premier 
réduit  la  langue  chaldaïqueen  principes  ;  —  Lexi- 
con  Hebrxo-Chaldaic.  ;Bâle,  1508,  in-8°;  plus, 
autres  édit. ;  —  Dictionarium  trilingue,  in 
quo  latinis  vocabulis,  in  ordinem  alphab.  di- 
gestis,  respondent  grxca  et  hebrgea,unacum 
appendice  de  hebraicis  quibusdam  vocali- 
bus,  tropis  et  modis  loquendi,  qui  rabbinis 
sunt  familiares;  Bâle,  1530,  1535,  1553  et 
1562,  in-fol.;  —  Horologiographia  ;  Bâle,  1531 
et  1535,  in-4°:  traité  de  gnomonique  plus  com- 
plet que  ceux  qui  avaient  été  publiés  aupara- 
vant; —  Organum  Uranicum,  theorice  om- 
nium planelarum  motus,  canones,  etc.  ;  Bàle, 

1536,  iu-fol.,  publié  aussi  en  allem.  Il  y  a  eu 
plusieurs  éditions  de  la  version  latine  aussi  bien 
que  de  l'allemande;  trad.  en  français,  Bâle,  1555, 
in-fol.;  en  italien  x  Bâle,  1558,  in-fol.;  en  an- 
glais, par  Bich.  Eden,  Londres,  in-fol.;  en  bohé- 
mien, par  J.  de  Puchon,  Prague,  1554,  in-fol. 
11  a  servi  de  base  à  Belleforest  pour  sa  cosmo- 
graphie. Les  cartes  qui  accompagnent  le  texte 
it  l'ouvrage  de  Munster  sont  gravées  sur  bois 


et  sont  un  monument  remarquable  de  cette 
partie  de  l'art.  Celle  de  la  Suisse,  qui  est  en  deux 
feuilles ,  est  la  première  carte  de  ce  pays  qui 
ait  été  publiée;  —  Rudimenta  Mathematica, 
in  duos  libros  digesla;  Bâle,  1551,  in-fol. 
Michel  Nicolas. 
Athcnse  Rauricx.  pag.  K.  —  Hnger,  Ceograph.  Bû- 
chersaal,  tora.  l,r,  pag.  79-1*0. —Bolsaard,  Bibliotà.,  avec 
un  portrait  de  Munster,  gravé  sur  cuivre.  On  a  un  autre 
portrait  de  ce  savant,  grave  sur  bols,  en  tête  de  son 
Orf/an.  Uranicum. 

munter  (Balthasar) ,  prédicateur  et  poète 
allemand,  né  à  Lubeck,  le  24  mars  1735,  mort 
à  Copenhague,  le  5  octobre  1793.  En  1760,  il 
fut  nommé  prédicateur  à  Gotha,  et  en  1763  sur- 
intendant à  Tonna.  Dans  la  suite ,  il  fut  appelé 
comme  premier  prédicateur  de  la  commune  al- 
lemande de  Saint-Pierre,  à  Copenhague.  Parmi 
les  nombreux  recueils  de  sermons  qu'il  publia, 
on  distingue  surtout  ses  Conférences  sur  les 
discours  de  Jésus  d'après  les  quatre  Évan- 
gélistes.  Ses  Cantiques  spirituels ,  deux  re- 
cueils publiés  en  1773  et  1774  se  ressentent  un 
peu  de  l'école  de  Gellert  et  de  Cramer.  En 
1772,  il  fut  chargé  d'accompagner  l'infortuné 
comte  de  Struensée  jusqu'à  l'échafaud  et  de  l'y 
préparer  à  la  mort.  Dans  la  même  année,  il 
publia  à  Copenhague  VHisloire  de  la  Conver- 
sion de  ce  comte ,  qui  a  été  traduite  dans  pres- 
que toutes  les  langues  de  l'Europe,  et  qui  le 
rendit  plus  célèbre  que  tous  ses  autres  écrits. 
Il  eut  pour  fille  Frédérique-Sophie-Christiane 
Brun ,  bien  connue  par  ses  écrits.        H.  W. 

Conversations-  Lexik  on. 

munter  (  Frédéric) ,  orientaliste  et  archéo- 
logue allemand ,  fils  du  précédent ,  né  à  Gotha, 
le  14  octobre  1761,  mort  à  Seeland,  le  9  avril 
1830.  Il  séjourna  trois  ans  en  Italie.  Entourage 
par  le  cardinal  Borgia,  il  y  fit  imprimer,  en 
1786,  la  traduction,  en  langue  copte,  du  livre  de 
Daniel ,  et  découvrit  dans  la  bibliothèque  Cor- 
sini  le  livre  contenant  les  statuts  des  templiers, 
qu'il  publia  à  Berlin,  en  1794.  Il  fit  une  relation 
de  son  voyage  dans  l'ouvrage  danois  intitulé  : 
E/lerretninger  om  begge  Sicilierne,  samlede- 
paa  en  Beise  i  disse  Lande;  Copenhague, 
1788  à  1790,  2  vol.,  et  qui,  en  1790,  fut  traduit 
en  allemand  et  dans  plusieurs  autres  langues. 
Professeur  ordinaire  de  théologie  à  l'université 
de  Copenhague  depuis  1790,  il  devint  évêque  de 
Seeland  en  1808.  Parmi  le  grand  nombre  de  ses 
ouvrages ,  nous  citerons  :  Handbuch  der  Dog- 
mengeschich  te  (Manuel  de  l'histoire  des  dogmes) , 
Copenhague,  1801,  2  vol.;  en  allemand,  par 
Evers,  Goettingue,  1802;  —  Geschichte  der 
daenischen  Reformation  (Histoire  de  la  Bé- 
forme danoise)  ;  Copenhague,  1802,  2  vol.  ;  —  Die 
Religion  der  Karthager  (  La  Beligion  des  Car- 
thaginois); Copenhague,  1816  et  1821;  — 
Geschichte  der  Einfuehrung  des  Christen- 
thums  in  Daenemarck  und  Norwegen  (His- 
toire de  l'introduction  du  christianisme  dans  le 
Danemark  et  la  Norvège);  Leipzig,  1823-1832, 


955 


MONTER  —  MUNZER 


956 


3  vol.;  —  enfin,  le  plus  important  de  tous,  Die 
Sinnbilder  und  Kunstvorstellungen  der  al- 
ten  Christen  (Les  Symboles  et  les  Œuvres  d'art 
des  anciens  chrétiens);  Altona,  1825.  Munter 
a  pris  une  part  très- active  à  la  révision  de  la  tra- 
duction ecclésiastique  ordonnée  parle  roi  Frédé- 
ric VI.  H.  W. 
Conv.-Lex. 

munting  {Henri),  médecin  et  botaniste 
hollandais,  né  à  Groningue,,  en  1605,  mort  dans 
la  même  ville,  en  1658.  Il  fit  ses  études  dans  sa 
ville  natale,  où  il  se  fit  recevoir  docteur  en  mé- 
decine. Épris  du  goût  de  la  botanique ,  durant 
huit  années,  il  parcourut  l'Angleterre,  la  France, 
l'Italie,  l'Allemagne,  recherchant  partout  la  con- 
naissance des  plus  célèbres  naturalistes.  Revenu 
dans  sa  patrie,  il  y  créa  un  vaste  jardin,  qu'il 
ornade  plantes  exotiques.  Ce  jardin  attira  bien- 
tôt à  Groningue  des  amateurs  et  des  savants 
de  toutes  les  contrées  de  l'Europe.  Les  états 
récompensèrent  les  efforts  scientifiques  de  Mun- 
ting  en  lui  accordant  (1642)  une  pension  consi- 
dérable et  en  lui  confiant  la  chaire  de  botanique 
et  de  chimie  (1654)  de  Groningue.  On  a  de  lui  : 
Hortus  botanicus  Groningœet  Omlandiae  pro- 
vinciales et  universee  materix  medicse  gazo- 
phylacium  ;  Groningue,  1646,  in-8°.  Munting 
avait  eu  d'Esther  Rennemans ,  fille  du  trésorier 
des  états,  quatorze  enfants,  dont  un  seul  fils  lui 
survécut. 

munting  {Abraham),  botaniste  hollandais, 
fils  du  précédent, né  à  Groningue,  le  19  juin  1626, 
mort  dans  la  même  ville,  le  31  janvier  1683.  11 
fit,  sous  la  direction  de  son  père,  ses  études  à 
Groningue  et  les  perfectionna  dans  les  acadé- 
mies de  Franeker,  d'Utrecht,  de  Leyde.  En 
1649  il  passa  en  France,  et  se  fit  recevoir  doc- 
teur en  médecine  à  Angers.  En  1651 ,  il  rentra 
dans  sa  patrie,  et  succéda  à  son  père  dans  la 
chaire  de  botanique  (1658).  Il  mourut  à  cinquante- 
six  ans,  d'un  catarrhe  suffocant.  On  a  de  Mun- 
ting :  Waare  oeffening  der  planten,  waar  in 
derechte  dart;  nature,  en  verborgene  eigens 
ckappen  der  boomen,  heesteren,  kruiden,  en 
bloemen  door  een  veeljaarige  onderzoekinge, 
zelfsgeronden,  als  meede  op  wal  manière  zy, 
in  onze  Neder-en-Hoog-duitsche  landen  ge- 
zaait  geplant,  bewaart,  ende  doorhet  geheele 
jaar  geregeerl  moeten  zyn,  kenbaar  gemakat 
Worden,etc.  (La  véritable  Culture  des  Plantes, 
où,  d'après  des  recherches  de  plusieurs  années 
et  des  expériences  particulières,  l'on  fait  con- 
naître la  nature  et  les  propriétés  cachées  des  ar- 
bres, arbuscules,  herbes  et  fleurs.  On  y  en- 
seigne aussi  la  manière  de  les  semer,  planter, 
gouverner  et  conserver,  tant  par  rapport  au  cli- 
mat des  Pays-Bas  que  pour  celui  de  l'Allema- 
gne, etc.);  Amsterdam,  1672;  et  Leuvarde, 
1682,  in-4°  :  l'auteur  en  a  publié  un  abrégé 
sous  le  titre  de  :  Groninger  Hof-Almanach, 
getrokken  uyt  de  Oeffening  der  Planten,  etc. 
(Almanach   du  Jardinage)  ;    Groningue,    1687, 


in-12,  avec  quarante  gravures  représentant  les 
plantesles  plus  rares;  —  Aloedarium,sive  Aloes 
mucronato  folio  Americanœ  majoris  (1),  alia- 
rumque  ejusdem  speciei  Historia;  Amster- 
dam, 1680,  in-4°,  avec  fig.  ;  —  De  vero,  anti- 
quorum Herba  britannica  (2),  ejusdemque 
efficacia  contra  stomacaeen,  seu  Sceletyrben, 
Frisiis  et  Batavis  de  Scheurbuyck,  etc.  ;  Ams- 
terdam, 1681  et  1698,  in-4°;  suivant  Munting 
l'Herbe  britannique  servait  autrefois  aux  Fri 
sons  et  aux  peuples  voisins  pour  combattre  avec 
succès  le  scorbut,  fort  commun  alors  dans  leur 
pays  marécageux.  Les  Romains  l'employèrent 
aussi  heureusement.  Munting  le  retrouve  dans 
les  anciens  auteurs  sous  le  nom  de  lapas  sau 
vage  à  longues  feuilles  noires,  ou  é'Hydrolapas 
niger;  —  Nauwkeurige  beschryving  der 
Aardgewassen,  etc.  (  Description  curieuse  des 
plantes,  etc.)  ;  Leyde,  1696,  in-fol.  avec  fig,,  trad. 
en  latin  par  François  Kiggelaer,  sous  le  titre  de  : 
Phytographia  curiosa,  exhibens  arborum,  fru- 
ticum,  herbarum,  et  florum  icônes,  ducentis 
et quadragintaquinque  tabulis  ad  vivum  de- 
lineatis  ;  varias  earum  denominationes  lati- 
nas,  gallicas ,  italicas,  germanicas,  belgi- 
cas,  etc.  L'auteur  donne  le  nom  de  chaque  plante 
dans  les  diverses  langues  les  plus  répandues  :il  en 
fait  une  description  assez  détaillée  et  indique  leur 
usage  industriel  ou  médicinal.  Il  a  joint  à  son 
livre  beaucoup  d'observations  et  d'anecdotes  cu- 
rieuses, mais  dont  l'exactitude  peut  être  mise 
en  doute.  C'est  ainsi  qu'il  prétend  que  l'on  peut 
guérir  toutes  les  plantes  malades  en  versant  des- 
sus du  lait  mêlé  d'une  quantité  égale  d'eau  de 
pluie.  Il  parle  d'un  livre  écrit  sur  des  feuilles  de 
tilleul  et  acheté  8,000  florins  par  l'empereur  Jo- 
seph Ie'  (3),  et  d'oignons  de  la  tulipe  Scmper  Au- 
gustus  payés  en  1647  30,000  florins.  L— z— e. 
J.  Minsing.,  Orat .  funeb.  in  olttum  Abrah.  Muntlngïû 
dans  J.-J.  Mangel,  Bibliot/ieca  Scriptor.  Medicor.,  t.  II, 
pars.  ia,  p.  376-382. 

munzer  {.T/wmas),  père  de  la  secte  des 
anabaptistes,  né  vers  la  fin  du  quinzième  siè- 
cle, à  Stolberg,  dans  le  Harz,  mis^à  mort  vers 
la  fin  de  1525.  11, étudia  probablement  à  Wit- 
temberg,  où  il  fut  reçu  maître  es  arts.  Il  fut  en- 
suite directeur  de  llécole  d'Aschersleben.  Plus 
tard  on  le  voit  chapelain  dans  un  couvent  de 
femmes  à  Halle.  En  1520  il  fut  appelé  à  Zwic- 
kau,  en  qualité  de  premier  prédicateur.  L'année 
suivante,  il  alla  à  Prague,  pour  nou-er  des  re- 
lations avec  les  hussites  et  pour  les  gagner  aux 
idées  qu'il  méditait  déjà  depuis  quelque  temps. 
La  lecture  d'ouvrages  mystiques  avait  exalté 
son  imagination;  il  se  croyait,  avec  tous  les 

(ti  C'est  l'agave  Jmericana. 

(2)  Le  rumex  hydrolapathum  (oseille  ou  patience 
aquatique). 

(3)  Ce  livre  contenait  les  traités  de  Cicéron  ne  ordi- 
nanda  republica,  et  De  inveniendis  orationum  exordiis. 
Le  (ait  que  Munting  cite  ici  n'a  rien  d'extraordinaire; 
nous  possédons  tes  OEuvres  du  marquis  de  fillette 
(Londres,  1786,  in-18),  imprimées  sur  papier  d'êcorcede 
tilleul. 


967 


MUNZER  —  MURAD-KHAN 


958 


vrais  chrétiens,  éclairé  par  une  lumière  intér- 
rieure.  La  réforme,  dont  la  théologie  lui  sem- 
blait animée  d'un  esprit  étroit  et  livrée  à  un. 
nintelligent  littéralisme ,  n'était  à  ses  yeux 
qu'une  demi-mesure.  II  fallait  une  réforme  ra- 
licale  dans  l'Église  et  dans  l'État.  Exagérant 
es  principes  de  la  liberté  chrétienne ,  et  con- 
bndant  l'idéal  celigieux  avec  les  réalités  de  la 
m  pratique,  il  prétendait  que  les  chrétiens 
l'avaient  que  faire  de  la  menace  de  la  loi  ci- 
pile  pour  accomplir  le  bien,  et  il  concluait  de 
à  à  l'inutilité  d'un  gouvernement  politique  et 
l'une  autorité  civile  dans  la  société  chrétienne. 
ses  déclamations  contre  le  baptême  des  enfants, 
ju'il  condamnait  par  cette  raison  que  le  bap- 
ôme  ne  doit  être  conféré  qu'à  des  personnes 
nstruites  dans  les  vérités  chrétiennes  et  vou- 
ant en  faire  profession  avec  connaissance  de 
;ause,  n'auraient  pas  probablement  soulevé 
es  masses  populaires  aussi  facilement  que  ses 
tttaques  contre  les  institutions  sociales  de  son 
emps. 

Sur  la  demande  de  Frédéric  de  Saxe  et  de 
eande  Weimar,  Mûnzer  fut  obligé,  en  1524,  de 
luttter  Allstœdt.  Il  se  rendit  alors  à  Nuremberg, 
mis  à  Schaffhausen ,  et  enfin  à  Mulhausen 
lans  la  Thuringe.  Les  habitants  de  cette  ville 
se  déclarèrent  pour  lui ,  déposèrent  le  conseil 
communal ,  pillèrent  les  couvents  et  les  mai- 
ions  des  riches,  et  proclamèrent  la  communauté 
3es  biens.  En  ce  moment,  un  autre  fanatique, 
nommé  Pféifer,  vint  avec  ses  partisans  se 
^oindre  à  Mùnzer.  Cet  événement  et  le  bruic 
que  quarante  mille  paysans  venaient  de  prendre 
les  armes  dans  la  Franconie  engagèrent  celui- 
ci  à  faire  un  appel  aux  montagnards  et  aux 
paysans  de  la  Thuringe ,  leur  promettant  les 
dépouilles  des  seigneurs.  Après  avoir  laissé 
Pfeifer  comme  gouverneur  à  Mulhausen ,  il  mar- 
cha sur  Frankenhausen.  Il  rompit  les  négocia- 
lions  entamées  par  les  habitants  de  cette  ville 
avec  le  comte  de  Mansfeld ,  et  il  se  prépara  à 
soutenir  le  choc  des  troupes  qu'on  envoyait 
contre  lui.  L'électeur  Jean  le  Constant,  le  duc 
Georges  de  Saxe,  le  landgrave  Philippe  de  Hesse 
«t  le  duc  Henri  de  Brunswick  s'étaient  unis  et 
avaient  envoyé  contre  les  révoltés  quinze  cents 
cavaliers  et  quelques  compagnies  d'infanterie. 
•Mùnzer  avait  sous  ses  ordres  environ  huit  mille 
hommes.  On  en  vint  aux  mains,  le  15  mai  1525. 
Les  révoltés  furent  complètement  battus.  Cinq 
mille  hommes ,  selon  les  uns,  sept  mille;  selon 
d'autres,  restèrent  sur  le  terrain.  Frankenhausen 
fut  pris  et  mis  au  pillage.  Mlinzer,  découragé,  se 
cacha  dans  un  lit,  contrefaisant  le  malade.  Il 
aurait  peut-être  échappé,  sî  un  soldat  n'avait 
pas  trouvé  dans  son  sac  de  voyage,  une  lettre 
du  comte  de  Mansfeld.  Mis  à  la  question,  il  fit 
connaître  ses  complices.  Il  fut  ramené  ensuite  à 
'Mulhausen,  où  l'on  avait  conduit  Pfeifer,qui  avait 
inutilement  essayé  de  se  sauver;  il  fut  décapité 
avec  celui-ci  et  vingt-quatre  autres  révoltés.  On 


dit  que  son  courage  l'abandonna  à  la  vue  de  la 
mort.  Son  supplice  n'arrêta  pas  les  progrès  des 
anabaptistes.  M.  N. 

.Slrobcl  Leben,  Schriften  und  Lehrcn  Thom.  MUnzer'i „• 
Nuremberg,  1785,  in-8°.  —  Scldcmaon,  Th.  MUnzer  ; 
Dresde  et  Leipzig,  1842,  ln-8». 

mura  (  Francesco  de  ),  dit  Franceschiello 
ou  Franceschelto ,  peintre  de  l'école  napoli- 
taine, né  à  Naples,  vivait  dans  la  première 
moitié  du  dix-huitième  siècle.  Sous  la  direction 
de  Solimène,  dont  il  devint  l'élève  le  plus  dis- 
tingué, il  s'adonna  fort  jeune  à  l'étude  de  l'art, 
et  dès  l'âge  de  dix-sept  ans  il  peignit  quelques 
tableaux,  qui  lui  valurent  des  commandes  poul- 
ies églises  et  les  palais  de  Naples.  Vers  1730,  il 
fut  appelé  à  Turin  par  le  roi  de  Sardaigne  pour 
décorer  son  palais  en  concurrence  avec  Claude 
Beaumont.  Les  fresques  les  plus  estimées  qu'il 
y  exécuta  aux  plafonds  ont  pour  sujets  les  Jeux 
Olympiques  et  les  Exploits  d'Achille.  Comblé 
des  faveurs  du  roi,  Mura  revint  dans  sa  patrie, 
où  il  peignait  encore  en  1743.  Naples  lui  doit, 
entre  autres  travaux  importants,  la  voûte  de  l'é- 
glise de  la  Nunziatella,  et  à  Sainte-Claire  la 
Sainte  mettant  les  Sarrasins  en  fuite,  fresque 
de  la  voûte,  et  le  Saint-Sacrement,  tableau  du 
maître  autel.  E.  B — n. 

Dominici,  File  de'  Pittori  Napoletani.  —  Orlandi,  Ab- 
becedario  —  Lanzi,  Storia  pittorica.  —  Ticozzi ,  Di- 
zionario.  —  Galantl,  Napoli  e  suoi  contorni.  —  Ste&ni, 
Torino  e  suoi  intorni. 

murÂd-khan  (  Ali  ),  roi  de  Perse,  de  la 
dynastie  des  Zends,  né  à  Ispahan,  vers  1746, 
mort  en  février  1785,  à  Mourtecha-Koureh. 
Neveu  de  Kérym-Khan,  fondateur  de  cette  dy- 
nastie, il  fut  nommé,  en  1775,  gouverneur  de 
la  Perse  septentrionale  par  son  oncle  Zéky- 
Khan.  qui  avait  usurpé  le  trône  sur  Aboulfé- 
thah-Khan,  fils  de  Kérym.  Après  l'assassinat  de 
Zéky-Khan,  Murâd  livra  les  villes  de  Téhéran  et 
d'Ispahan  à  Aboulféthah,  qui  avait  été  proclamé 
wékil  (  régent }  par  l'armée.  Ce  dernier  ayant 
été  écarté  par  un  nouvel  usurpateur,  en  1780, 
Sadek-Khan,  autre  oncle  de  Murâd,  se  déclara 
contre  le  nouveau  roi.  Après  avoir  abattu  di- 
vers rivaux,  il  s'empara  de  Casvine,  d'Ispahan 
et  de  Chyraz,  en  février  1781.  Devenu  maître 
de  la  Perse  méridionale ,  il  alla  soumettre  en- 
core la  Perse  septentrionale,  où  Aga  Moham- 
med l'ennuque  s'était  créé  une  souveraineté 
indépendante.  Après  avoir  transféré  sa  rési- 
dence à  Ispahan,  et  envoyé  contre  son  rival  le 
jeune  chéick  Wéis-Khan,  son  fils  aîné,  qui 
remporta  quelques  victoires  signalées,  en  1783 
et  en  1784,  Murâd-Khan  entra  lui-même  en 
campagne,  en  juillet  1784.  Mais  Djafar-Khan, 
qui  s'était  révolté  contre  lui,  menaçant  Ispahan, 
le  prince  Zend  dut  revenir  sur  ses  pas,  pour 
défendre  sa  capitale.  Brisé  par  les  fatigues  et  les 
rigueurs  de  l'hiver,  il  succomba  en  route,  à 
dix-huit  lieues  d'Ispahan,  laissant  la  Perse  en 
pleine  conflagration*  qui  ne  cessa  qu'avec  le 
meurtre  des  prétendants  de  toutes  les  dynasties, 


959  MURAD-KHAN 

à  l'exception  de  ceux  de  la  dynastie  Kadjare, 
actuellement  régnante.  Ch.  R. 

Tarikhi-i  Zendi  ou  Histoire  des  Zendis  (  en  manus- 
crit)- —  John  Malcolm,  History  of  Persia.  —  La  Perse 
(dans  l'Univers  pittoresque  ). 

murad-bey,  chef  des  mameluks  en  Egypte, 
né  en   Circassie,  vers  1750,  mort  à  Soanagny, 
près  Talsta,  le   22  avril  1801.  Sa  naissance  est 
inconnue  :  il  fut  probablement  enlevé  dans  quel- 
que razzia   dirigée  par  les  Arabes  contre  sa 
tribu,  et  amené  en  Egypte,  y  fut  vendu  à  Aly- 
bey    el  Kébir,    alors    selahdar  -  agâ   (1)    du 
chéick  el  beled    (2)  Ibrahim-Khahyâ,    et    de- 
puis chéick  el   beled   lui-même    en   1177  de 
l'hégire  (  1763-1764  de  l'ère  chrétienne).  Muràd 
montra   dès  sa  jeunesse  beaucoup  de  courage  et 
des  talents  militaires  peu  ordinaires  parmi  ses 
égaux  ;  aussi  Aly-Bey  lui conféra-t-il  le  beylickdès 
l'année  1767.  Il  resta  d'abord  fidèle  à  son  pro- 
tecteur durant  les  longues  guerres  qu'Aly  eut 
à  soutenir  contre  son  beau-frère,  le  traître  et  in- 
grat Mohammed- Bey  abou-Dahah  ;  mais  il   se 
laissa   gagner  par  Mohammed,  et  le   20   mo- 
harrem  1187  de  l'hégire  (  13  avril  1773),  lors- 
que les  deux   armées  de  Mohammed  et  d'Aly 
étaient  aux  prises  et  que  le  succès  se  déclarait 
pour  le  dernier,  il  passa  à  l'ennemi,  entraînant 
son  collègue  lbrahim-Bey  et  environ  Irois  mille 
cinq  cents  Moghrébins  (Arabes  de  la  Barbarie) 
mercenaires.  Muràd  avait  mis  pour  prix  de  sa 
perfidie  le  harem  et  les  biens  de  son  maître, 
ainsi  que  la  possession  de  sa  femme  chérie,  la 
belle  et  spirituelle  Géorgienne  Sitteh-Néfisseh. 
On  a  expliqué  par  l'amour  la  trahison  de  Muràd; 
quoi  qu'il  en  soit,  l'ambition  n'y  fut  pas  étran- 
gère. Son  maître  mort,  il  devint  bientôt  le  premier 
lieutenant  de  Mohammed-Bey,  et  l'aida  à  s'em- 
parer de  Khân-Younes,  Ghazzah,  Ramleh,  Yaffà, 
Acre  et  de  plusieurs  autres  villes  de  la  Palestine; 
et  lorsqu'une  mort  mystérieuse  vint  frapper  Mo- 
hammed-Bey el  Khâijn  dans  son  camp,  sous  sa 
tente,  et  au  milieu  de  ses  triomphes  (  1775  ),  ce 
fut  Murâd  qui  ramena  au  Kaire  l'armée  égyp- 
tienne. Liant  plus  étroitement  ses  intérêts  à  ceux 
de  l'adroit  lbrahim-Bey,  il  disputa  le  souverain 
pouvoir  à  Ismaïl-Bey,  que  le  divan  du  Kaire  et 
les  principaux  officiers  des  odjâqs  (janissaires) 
avaient  élu  chéick  el  beled  en  remplacement  de 
Mohammed  ;  mais  Ismaïl  le  prévint,  le  chassa 
du   Kaire,  et   le  força   de  se  réfugier   dans  le 
Saïd  ;  Murâd  et  Ibrahim  s'y  créèrent  de  nou- 
velles ressources  ;  ils  en  descendirent  avec  une 
nombreuse   armée.  Ismaïl  fut  vaincu,  et  dut 
chercher  un  asile  à  Constanlinople.  lbrahim- 
Bey  se  fit  alors  reconnaître  chéick  el  beled  et 
Murâd  créa  pour  lui-même    la  dignité  d'émir 
el  hag  (prince  du  pèlerinage).  Leur  conduite 
administrative  fut,  comme  celle  de  la  plupart 
de  leurs  prédécesseurs ,  signalée  par  des  usur- 

(1)  Officier  chargé  d'avoir  soin  des  armes  et  de  porter 
le  sabre  de  son  maître. 
&(*)  Chef  des  beys  d'Egypte. 


-  MURAD-BEY  96o 

pationsetdes  rapines.  Leur  quiétude  fut  un  ins- 
tant troublée  par  une  attaque  subite  d'Ismaïl-Bey  • 
mais  ils  le  battirent  à  Hélouân,dans  la  province 
d'Alieh,  exterminèrent  les  débris  de  ses  par- 
tisans et  le   poursuivirent  jusque  dans  les  ro- 
ches de  Gennadel,  au-dessus   de  l'avant-der- 
nière  cataracte    du   Nil     (  Chellâl  el  Nyl  ). 
Murâd    conduisit    alors   au    milieu    des    plus 
grands  dangers  la  caravane  sacrée  de  La  Mekke. 
Attaqué  plusieurs  fois  par  des  nuées  d'Arabes 
du  désert ,  il  les  repoussa  et  ramena  ses  pè- 
lerins sains  et  saufs.  Cette  campagne  augmenta 
son  renom  et  lui  donna  beaucoup  de  partisans  • 
lbrahim-Bey  prit  souci  de  la  popularité  de  son 
ami,  et  quittant  brusquement  Le  Kaire,  se  retira 
à  Minieh  (haute  Egypte).  Murâd-Bey  s'inquiéta 
fort  de  la  fuite  de  son  collègue,  et  réussit  à  le 
faire  rentrer  au  Kaire  ;  mais  leur  bonne  intelli- 
gence dura  peu,  et  bientôt  ce  fut  le  tour  de  Mu- 
râd de  s'exiler  à  Minieh  ;  il  reprochait  à  Ibra- 
him les  faveurs  dont  il  comblait  cinq  de  ses 
ennemis  personnels,  les  beys  Othmàn  et  Cher- 
qaouy,  Aïoub  el  Soghéir,  Souléiman,  Ibrahim 
el  Soghéir  et  Moustafà  el  Soghéir.  lbrahim-Bey 
essaya   vainement  de  ramener   la   concorde-, 
Murâd  vint  prendre  position  à   Gyzeh  sur  la 
rive  gauche  du  Nil;  le  chéick  el  beled  s'éta- 
blit sur  la  rive  droite,  et  après  avoir  échangé 
durant    dix  -  huit   jours    une   canonnade    qui 
ne   tua   qu'un  homme  et  un  cheval,  Murâd- 
Bey  remonta  à  Minieh.  Dix  mois  plus  tard  il 
fit  la  paix  avec  Ibrahim,  mais  à  la  condition 
expresse  que  les  cinq  beys  ses  ennemis  lui  se- 
raient livrés.  Ceux-ci,  avertis  à  temps  par  Ibra- 
him ,  se  jetèrent  en  armes  dans  la  province  de 
Kélioub.  Murâd  courut  les  attaquer  à  Râs-el- 
Khalyg  (  La  Tête  du  Canal)  ;  mais  il  fut  blessé 
et  repoussé.  Plus  heureux  dans  une  embuscade 
qu'il  tendit  à  ses  adversaires,  il  les  fit  tous  les 
cinq  prisonniers  à  Gesr  el  Assouad  (  La  Digue 
noire),  près  des  Pyramides.  Avec  une  généro- 
sité assez  rare  en  Orient,  et  surtout  parmi  les 
mameluks,  il  se  contenta  d'exiler  les  beys  à 
Mansourah,  à  Fareskour  et  à  Damiette.  En  1783 
ils  se  soulevèrent  de  nouveau  et  furent  encore 
vaincus.  Non-seulement  Murâd  leur  fit  encore 
grâce,   mais  il  les  réintégra  dans  leur  rang  et 
leurs  privilèges.  Il  partagea  alors  paisiblement 
avec  Ibrahim  le  gouvernement  et  les  revenus 
(  khazneh  )  de  l'Egypte.  Le  sultan  Abd  el  Ha- 
mid  s'émut  enfin  de  cet  état  de  choses,  et  envoya 
pour  le  réprimer  le  capitan-pacha  Hassan  à  la 
tête    d'une   nombreuse    armée,  qui   débarqua 
à  Alexandrie   le  23  juin   1786.    Murâd  ayant 
échoué  dans  la  voie  des  accommodements  vint 
présenter  la  bataille  aux  Ottomans  à  Rahmâ- 
nieh.  Dépourvu  d'infanterie  et  d'artillerie,  U  fut 
mis  en  pleine  déroute,  et  se  réfugia  dans  le  Saïd, 
puis  jusqu'au  delà  des  cataractes.  Hassan  réta- 
blit  Ismaïl  dans    ses  anciennes  fonctions  '  de 
chéick  el  beled.  Ce  chef  étant  mort  de  la  peste, 
Murâd  et  Ibrahim  profitèrent  de  cette  calamité 


31  MURAD-BEY 

îbliquepour  rentrer  au  Kaire  (7  aoûti79l).  Leur 
tour  fut  suivi  d'une  horrible  famine,  qu'on  les 
cusa  d'avoir  suscitée  afin  de  se  défaire  à  meil- 
ur  prix  des  grains  accaparés  par  eux  dans  la  haute 
■yptc.  Une  révolte  s'en  suivit,  mais  elle  fut  apai- 
e.  Après  avoir  épuisé  les  ressources  des  popula- 
>ns  égyptiennes,  les  bey  s  attaquèrent  les  juifs  et 
s  commerçants  étrangers.  Leur  pillage  organisé 
:  connaissait  plus  de  bornes  quand  le  1er  juillet 
98  une  armée  française  parut  tout  à  coup  de- 
nt Alexandrie.  Murâd-Bey  habitait,  sur  la  rive 
cidentale  du  Nil,  son  magnifique  palais  de  Gy- 
h,  où  il  s'était  retiré  pour  vivre  à  l'abri  des 
et-apens  de  son  collègue  Ibrahim,  lorsqu'il  reçut 
tte  terrible  nouvelle.  Sûr  du  dévoumentde  tous 
>  mameluks,  dontson  intrépidité  lui  avait  acquis 
ffection,  il  n'hésita  pas  à  engager  la  lutte  (1). 
ssemblantà  la  hâte  ses  forces,  il  harcela  quel- 
es  jours  l'armée  française  avec  un  millier  de 
paliers,  et  le  25  messidoran  vi(t3  juillet  1798), 
ittendit  les  Français  retranché  dans  le  village 
Chébréiss,  qu'appuyait  sur  le  Nil  une  flottille 

dix  à  douze  djermes  (  grandes  barques  ar- 
*es  ).  D'abord  vainqueur  sur  le  fleuve,  il  fut 
ooussé  et  perdit  trois  de  ses  bâtiments  ;  sur 
■re  il  ne  fut  pas  plus  heureux.  Bonaparte, 
inquant  de  cavalerie,  forma  son  armée  en  cinq 
rrés  se  flanquant  les  uns  les  autres  ;  l'artillerie 
ut  aux  angles.  Murâd-Bey  lança  sur  ces  cita- 
Iles,  vivantes  mille  à  douze  cents  cavaliers  intré- 
les  qui,  se  précipitant  à  grands  cris  et  de  tout 
«galop  de  leurs  chevaux,  vinrent  se  heurter  sur 
front  des  carrés,  trouvant  partout  des  baïon- 
ttes  et  un  feu  nourri  ;  ils  tombaient  devant  les 
ogs  français  ou  flottaient  indécis  autour  d'eux, 
uràd,  après  avoir  perdu  trois  cents  de  ses 
is  braves  mameluks  ,  gagna  le  haut  du  Delta, 
se  replia  sur  Le  Kaire.  Là  il  s'établit  sur  la  rive 
kiche  du  Nil,  sa  droite  fortement  appuyée  par 

village  fortifié  d'Embabeh,  que  défendaient 
ènte-sept  bouches  à  feu  et  vingt-quatre  mille 
ilahs  ou  janissaires,  tandis  que  dix  mille  mame- 
îs  et  trois  mille  cavaliers  arabes  s'étendaient 
ns  une  vaste  plaine  située  entre  le  fleuve  et  les 
ramides  de  Gizeh,  les  plus  hautes  de  l'Egypte, 
ktte  bataille,  demeurée  célèbre,  eut  lieu  le  3  ther- 
sdor  an  vi  (21  juillet  1798)  :  les  dispositions  de 
tnaparte  furent  les  mêmes  qu'à  Chébréiss  (2). 
<s  mameluks  déployèrent  dans  leurs  attaques 

même  valeur  indisciplinée;  les  résultats 
cent  les  mêmes.  Rampon,  malgré  une  opiniâtre 
sjstance,  emporta  Embabeh,  et  Murâd,  blessé 

visage ,  prit  la  fuite  vers  la  haute  Egypte,  où 
esaix  le  poursuivit.  Le  bey  avait  perdu  dans 


9G2' 


11)  Cette  dernière  période  de  la  vie  de  Murâd-Bey  se 
|nfondant  avec  la  conquête  de  l'Egypte  par  Napoléon, 
mis  nous  bornerons  à  en  relater  ici  les  principaux  faits. 
h  détail!)  se  trouveront  dans  l'article  consacré  au  grand 
Spitaine. 

fo)  Les  divisions  Desaix  etReygnier  formaient  la  droite 
Ses   le   désert  ;  la  division  Dugua  formait  le  centre  ; 
divisions  Menou  et  Bon  formaient  la  gauche,  le  long 
'Nil. 

NODV.   BIOCR.   CÉNÉR.  —   T.   XXXVI. 


cette  journée  plus  de  trois  mille  (1)  mameluks, 
six  mille  Arabes  ou  fellahs,  quarante  pièces 
d'artillerie  ,  mille  chevaux  superbes  ,  quatre 
cents  chameaux  chargés  de  vivres  et  son  camp, 
où  le  butin  fut  très-considérable.  La  consé- 
quence de  cette  victoire  fut  la  reddition  du 
Kaire,  où  les  Fiançais  entrèrent  le  surlendemain. 
Harcelé  chaque  jour  par  l'infatigable  Desaix, 
Murâd  lui  opposa  la  plus  vive  résistance.  Tou- 
jours battu,  toujours  repoussé,  il  ne  cessait  de 
rassembler  de  nouvelles  forces  avec  lesquelles 
souvent  il  reprenait  l'offensive.  Délogé  de  Beh- 
neseb,  puis  de  Bankich,  le  16  vendémiaire  an  vir 
(7  octobre  17Û8),  le  bey  osa  attendre  Desaix  à 
Sédiman,  et  lui  livra  une  bataille  acharnée.  Au- 
cun des  combats  des  Français  en  Egypte  ne  fut 
aussi  sanglant.  Desaix  ne  comptait  que  trois 
mille  hommes,  qu'il  divisa  en  quatre  carrés. 
Huitmille  fellahs  défendaient  Sédiman,  tandis  que 
quatre  mille  mameluks  chargèrent  l'infanterie 
française  avec  furie  pendant  plusieurs  heures 
de  suite.  Pour  la  première  fois,  un  des  carrés 
français  fut  rompu  et  trois  cents  soldats  furent 
sabrés;  mais  les  autres  tinrent  ferme  et  les 
Égyptiens  durent  fuir  laissant  un  nombre  con- 
sidérable de  morts.  De  part  et  d'autre  on  ne 
fit  pas  de  prisonniers.  Desaix  continua  sa 
marche  pendant  tout  l'hiver,  et  après  une  série 
de  combats  quotidiens  se  rendit  maître  de  la 
haute  Egypte  jusqu'aux  cataractes.  Ces  défaites 
réitérées  ne  découragèrent  pas  Murâd  ;  au  com- 
mencement de  janvier  1799  il  ne  comptait  pa& 
moins  de  cinquante  mille  mameluks,  fellans, 
Nubiens,  Maugrabins,  Arabes  de  toutes  les  tri- 
bus. Il  évita  néanmoins  tout  engagement  sé- 
rieux et  recula  devant  Desaix  l'espace  de  cent 
lieues  en  dix  jours.  Le  22  janvier  il  fit  tout  à  coup- 
volte-face  à  Samnhoud.  La  bataille  qui  s'engagea 
fut  l'exacte  répétition  des  précédentes;  la  conquête 
du  Saïd  en  fut  la  conséquence.  Murâd  recom- 
mença sa  guerre  de  partisans  ;  Desaix  traversa 
le  désert  à  sa  suite,  et  le  chassa  de  Sionl,  de 
Kené,  de  Tintyra  (  l'ancienne  Thèbes  aux  cent 
portes  ),  d'Esneh,  de  Syène  (  dernière  ville  de 
l'Egypte  méridionale  )  ;  le  3  février  il  l'atteignit 
et  le  culbuta  à  Louqsor.  Mais  Murâd  surprit  la 
flottille  française  qui  remontait  le  Nil  et  la 
brûla.  Desaix  prit  une  revanche  à  Bénout,  et  le 
bey,  abandonné  du  plus  grand  nombre  de  ses  par- 
tisans, se  réfugia  chez  les  Barabras,  peuplades  de 
la  basse  Nubie.  Desaix  prit  les  meilleures  me- 
sures pour  lui  fermer  tout  retour  en  Egypte.  Son 
infatigable  adversaire  déjoua  ses  précautions;  et 
dès  le  commencement  de  mai  Murâd  filait  par  la 
rive  gauche  du  Nil,  ralliait  les  beys  Elfi  et  Os- 
man ,  soulevait  les  Arabes  du  désert  de  Bahi- 
red,  et  s'avançait  jusqu'aux  Pyramides  avec 
huit  cents  mameluks  et  quatre  mille  fantassins. 


(11  M.  Thiers  dit  six  cents  mameluks  tués  et  mille- 
noyés  ;  il  estime  la  perte  des  Français  à  une  centaine  de 
morts  ou  blessés.  (Hist.  de  la  Révolution  française, 
cliap.  XL.) 


31 


963 


MURAD-BEY  —  MUR  AIRE 


90 


Battu  par  Davout,  il  se  dirigea  par  la  vallée  du 
Barh-el-Belama  (  Fleuve-sans-eau  ),  vers  le 
golfe  Arabique,  et  campa  près  des  lacs  Nalrons. 
Il  y  fut  attaqué,  le  1 1  juillet,  par  les  généraux 
Destaing  et  Murât.  Le  bey  Osman  et  environ 
le  quart  de  l'armée  égyptienne  périt  dans  le 
combat.  Le  reste  s'enfuit  en  désordre  dans  le 
désert.  Poussé  par  la  famine,  Muràd  recom- 
mença vers  le  milieu  d'octobre  ses  excursions 
dans  la  vallée  du  Nil.  Battu  successivement  à 
El-Gunaïm  et  à  Samnoud,  il  perdit  ses  bagages 
et  de  nombreux  guerriers.  Desaix,  qui  tout  en 
le  combattant  sans  relâche,  admirait  le  courage 
héroïque  et  l'indomptable  persévérance  du  chef 
des  mameluks,  tenta  auprès  de  lui  les  voies  de 
la  négociation,  lui  offrant  un  sort  indépendant 
s'il  voulait  poser  les  armes.  Murâd  rejeta  ces 
propositions,  et  continua  à  guerroyer.  Oubliant 
sa  haine  pour  les  Ottomans,  il  rallia  ses  débris  à 
l'armée  du  grand  vizir  Mustapha  (  16  janvier 
1800  ).  Mais,  blessé  par  l'accueil  qu'il  reçut  de 
ce  haut  fonctionnaire,  il  fit  prévenir  Kleber  qu'il 
avait  l'intention  de  garder  la  neutralité.  En  effet 
il  resta  paisible  spectateur  de  l'importante  ba- 
taille d'Héliopolis  (  20  mars  1800),  qui  rendit 
l'Egypte  aux  Fiançais.  Le  29  mars  il  eut  une 
entrevue  solennelle  à  Gizeh  avec  Kleber,  et  dé- 
clara formellement  se  soumettre  à  la  France. 
Kleber  lui  prodigua  les  marques  d'une  estime 
sincère,  le  reconnut  sultan  français ,  et  lui  céda 
leSaidà  titre  de  feudataire,  moyennant  un  tribut 
annuel.  Muràd  promit,  et  tint  fidèlement  sa  pro- 
messe, que  lui  et  ses  mameluks  combattraient 
avec  l'armée  française.  Kleber  s'engageait  de  son 
côté  à  lui  faciliter  l'occupation  de  l'Egypte  dans 
le  cas  d'évacuation.  Le  bey  expulsa  aussitôt  les 
Turcs  qui  s'étaient  jetés  dans  le  Saïd,  et  y  fit  ré- 
gner l'ordre  le  plus  parfait.  Après  l'assassinat 
de  Kleber  (  14  juin  1800),  Muràd  fit  connaître 
à  Menou  le  plan  de  campagne  des  Anglo-Turcs 
et  lui  offrit  ses  secours.  L'impolitique  Menou 
reçut  fort  mat  ses  avis,  et  refusa  ses  offres. 
Néanmoins  lorsque  l'armée  anglaise  eut  débar- 
qué, le  général  Beiliartf,  forcé  d'évacuer  la  haute 
Egypte,  invita  Muràd  à  y  descendre  avec  ses 
mameluks  ;  le  bey  y  consentit;  mais  une  peste 
effroyable  qui  désolait  cette  province  l'em- 
pêcha d'agir  énergiquementr.  Les  revers  des 
Français  l'affectèrent  vivement.  Sa  santé  s'altéra; 
il  fut  attaqué  par  la  contagion,  et  mourut  après 
trois  jours  de  maladie.  On  prétendit,  mais  sans 
preuves,  qu  il  fut  empoisonné  avec  une  tasse 
de  café  que  lui  aurait  donnée  une  de  ses  maî- 
tresses, gagnée  par  le  grand  vizir.  Les  beys  et 
les  mameluks  le  regrettèrent  sincèrement  et 
l'inhumèrent  solennellement  à  Soanagny  près 
Talsta.  Us  brisèrent  ses  armes  sur  sa  tombe, 
déclarant  qu'aucun  autre  n'était  digne  de  les 
porter.  Ils  reconnurent  ensuite  pour  leur  chef 
Osman-bey  Tambourgi  que  Muràd  avait  désigné 
en  mourant.  «Muràd,  dit  M.  J.-J.  Marcel,  igno- 
rait complètement  l'art  de  la  guerre;  mais  outre 


un  courage  à  toute  épreuve,  la  nature  l'ava 
doué  de  l'esprit  le  plus  prompt,  du  coup  d'œil 
plus  pénétrant.  11  ne  demandait  rien  à  la  rus> 
mais  tout  à  la  force.  Taillé  en  vigueur,  musci 
leux,  doué  de  nerfs  d'acier,  il  tranchait  en  g;,j 
lopant  la -tête d'un  bœuf  d'unseu!  coup  de  sabr 
Sa  physionomie  martiale  participait  de  celle  c 
lion.  11  n'avait  pas  d'égal  sur  le  champ  de  b; 
taille,  et  dans  ses  colères  faisait  trembler  jusqu 
son  astucieux   collègue    Ibrahim-bey   lorsqu 
soupçonnait  de  lui  quelque  perfidie;  Murâd  n'i 
tait  point  un  homme  ordinaire.  Il  avait  l'instin  i 
du  gouvernement  sans  en  connaître  les  ressort  i 
Du  reste,  ne  connaissant  pas  plus  la  dissimul. 
tion  que  la  haine  rancuneuse,  souvent  générer 
et  pardonnant  facilement;  sachant  apprécier 
valeur  et  le  mérite  dans  ses  ennemis  mêmes 
dévoué  à  ses  amis,  fidèle  à  sa  parole,  tantôt  ci 
pide  et  intéressé,  tantôt  libéral   et   prodigue 
mais  orgueilleux,  altier,   irascible,  et  dans 
premier  feu  de  son    irritation  sacrifiant  tou 
même  ses  intérêts,  à  une  vengeance  immédiat» 
si  Ibrahim  était  le  prudent  Ulysse  ou  le  fourl 
Sinon  de  l'Egypte,  MuràdBey  en  était  le  bouilla 
Achille   ou  plutôt  l'Ajax  fougueux  et  indoro| 
table.  »  A.  ne  Lacaze. 

J.-J.  Marcel,  Egypte  moderne ,  dans  l'Univers  pitt 
resque{  Paris,  Firmin  Didot.  1848  ;  Afrique,  t.  VI.  p.  22 
250.  —  Le  général  Gourgaud,  Mémoires  de  Napoléi 
(1823).  —  Le  général  Bertrand,  Campagnes  d'Égyi 
et  de  Syrie  (  1847,  2  vol.  ).  —  BerLhier;  R>  talion  a 
Campagnes  du  général  Bonaparte  en  Egypte  et  en  Syi 
(  1801  ).  —  Les  ducs  de  Rovigo  et  de  Raguse,  les  généra 
Reynier  et  Belliard,  Mémoires.  —  Victoires  et  Co 
quêtes  des  Français.  —  Thiers,  Histoire  de  la  Ilévol 
tion  française,  t.  VIII,  p.  222-248.  —  Le  même,  Hi. 
du  Consulat,  etc.  —  Damus-Hinurd ,  Napoléon,  i 
opinions  et  jugements  sur  les  hommes  et  les  choi 
(1842).—  Le  Bas.  Dict.  Encyclop.  delà  France,  ai 
Egypte,  Pyramides,  etc.  —  Ainédée  Ryme,  Egypte  m 
derne  :  Période  de  la  domination  française,  dans  l'i 
nivers  pittoresque  (. l'arls,  Firmin  Didot,  1848  ). 

MtTRAiRE  (  Le  comte  Honoré),  homme  pi 
litique  et  magistrat  français,  né  à  Draguigna 
le  5  novembre  1750,  mort  à  Paris,  le  22  n. 
vembre  1837.  11  était  un  des  meilleurs  avoca 
de  la  Provence  lorsqu'en  1791  il  fut  nomn 
président  du  district  de  sa  ville  natale,  qui  i 
môme  année  le  députa  à  l'Assemblée  législ; 
tive.  Quoiqu'il  prit  place  au  côté  droit, 
montra  un  remarquable  esprit  d'équité,  et  li 
15  février  et  28  juin  1792  il  insista  pour  qt 
l'état  civil  fût  enlevé  au  clergé.  Il  fil  ensui 
décréter  que  les  jeunes  gens  âgés  de  vingt  et  u 
ans  pourraient  se  marier  sans  le  consentemei 
de  leurs  parents,  et  le  20  juin  fit  adopter  ' 
divorce  (1).  Le  13  juillet  il  proposa  la  suspen 
sion  de  Pétion,  maire  de  Paris,  et  celle  à 
Manuel,  procureur  de  là  commune,  coi nni 
ayant  sinon  provoqué  du  moins  toléré  le  mou 
vement  du  20  juin.  Muraire  fut  nommé  rap 
porteur  de  la  commission  chargée  de  faire  un 
enquête  sur  la  conduite  de  La  Fayette  ;  il  dé  j 


(1)  Le  divorce  ne  devint  loi  d'État  que  le 
vant. 


i  août  su 


HC  MURAIRE 

•lara  que  le  commandant  en  chef  de  la  garde 
lationale  était  resté  dans  la  limite  des  lois  et 
t'avait  point  outre- passé  ses  pouvoirs.  Muraire 
1e  fut  point  réélu  à  la  Convention.  En  sep- 
embre  1795,  le  département  de  la  Seine  le 
lioisit  pour  l'un  de  ses  représentants  au  Conseil 
les  Anciens.  11  se  dessina  parmi  les  réaction- 
laires,  et  devint  l'un  des  principaux  orateurs  du 
lub  de  Clichy.  Il  parla  en  faveur  des  émigrés, 
t  attaqua  souvent  le  Directoire  ;  aussi  fut-il 
ompi'is  dans  les  listes  de  proscription  des 
18-19  fructidor  an  v  (4-5  septembre  1797)  et 
ransporté  à  l'île  d'Oléron.  Amnistié  en  1S00,  le 
i  remier  consul  Bonaparte  le  nomma  commissaire 
Tes  le  tribunal  d'appel ,  puis  juge  au  tribunal 
e  cassation.  Ce  fui  Muraire  qui  au  nom  de  ses 
ollègues,  félicita,  le  4  nivôse,  Bonaparte  d'avoir 
ichappé  à  l'explosion  de  la  macbine  infernale  de 
i  rue  Saint-Nicaise.  Protégé  particulièrement  par 
oseph  Bonaparte,  Muraire  devint  successivement 
llief  du  tribunal  de  cassation  (1801)  conseiller 
'État  (5  mai  1803),  comte  de  l'empire,  et 
rand-oflicierdela  Légion  d'Honneur,  avec  le  titre 
e  président,  puis  de  premier  président  (  1804). 
I  se  livra  vers  4  812  à  quelques  opérations 
nancières  qui  faillirent  amener  sa  disgrâce; 
îais  son  gendre,  M.  Decazes,  obtint  de  l'em- 
ereur,  alors  à  Dresde,  qu'il  ne  serait  donné  au- 
une  suite  aux  accusations  soulevées  contre  le 
magistrat  agioteur.  Muraire  abandonna  facile- 
îent  le  gouvernement  impérial,  et  le  20  avril 
814,  complimenta  Monsieur,  comte  d'Artois 
depuis  Charles  X),  sur  son  entrée  en  Fiance 
omme  lieutenant  général  du  royaume.  Cepen- 
ant,  en  février  1815,  il  tuf  remplacé  par  de 
*è/.e.  Napoléon  le  réintégra  aussitôt  après  son  re- 
gnr  (  20  mars  )  ;  mais  à  la  seconde  rentrée  des 
•ourbons,  Muraire  fut  définitivement  rendu  à 
*  vie  privée.  Il  était  un  des  membres  les  plus 
Hevés  de  Tordre  maçonnique  du  rit  écossais,  et 
laissé  en  cette  qualité  de  nombreux  travaux. 
»n  a  aussi  de  lui  V Éloge  de  Target,  in-8°,  et 
lelui  du  lieutenant  général  baron  Maransin  ; 
l'aris,  26  juin  1828,  in -8°.  H.  L— r. 

Le  Moniteur  universel,  an  1792,  n°»  47,  178.  190,  199, 
r*S,  254  ;  an  IV,  n°s  89,  201,  336  ;  an  V,  n°8  1,  126,  244, 
58,  350.  —  Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvins,  Biogr.  nou- 
velle. 

MURALT  (Jean  de),  médecin  et  naturaliste 
luisse,  né  à  Zurich,  en  1045,  mort  en  1733. 
!)'une  famille  noble  deLocarno  qui,  étant  passée 
u  protestantisme,  avait  émigré  à  Zurich,  il  étu- 
ia  la  médecine  dans  diverses  universités  d'Al- 
emagne,  de  France  et  d'Angleterre.  De  retour  à 
wirich,  il  y  fut  nommé  médecin  de  la  ville;  en 
'691  il  obtint  la  chaire  de  physique  et  de  mathé- 
matiques. On  a  de  lui  :  Schola  mutorum  et  sur- 
'orum  ;  Zurich,  1665  ;  —  Exercitaliones  ana- 
ornicx  ;  Montpellier,  1670;  —  Expérimenta 
matomica  de  humoribus  in  noslro  corpore 
Hrcumfluentibus  ;  Zurich,  1675;  —  Chirur- 
iscJi.'  sdtrif /en  (Œuvres  de  chirurgie;;  Bâte 
691  et  17 1 1 ,  in-S° ;  —  Hippocrates  Helveticus'; 


-  MUR  A  NO  96C 

BaJe,  1092,  in-4°;  et  1710,  in-8°;  —  Syslema 
Physicx  experimentaUs  ;  Zurich,  5  vol.  in-4°; 
ce  livre  contient  un  Catalogue  des  Plantes  de 
la  Suisse,  qui  parut  traduit  en  allemand  par  l'au- 
teur; Zurich,  1717;  — Gesundheilschatz  vnder 
die  ansteckenden  Seucben  (Trésor  de  santé 
contre  les  épidémies)  ;Zurich,  1714;—  Zoologia, 
seu  animalium  contemplatio  physica;  Zu- 
rich, 1709,  in-s°;  — plusieurs  dissertations,  des 
observations  anatomiques,  dans  les  Ephemeri- 
des  nalurxcuriosorum.  o. 

Journal  hist.  delà  République  des  lettres,\.  XVIII.  — 
Eloy,  Dict.  de  Médecine. 

M  un  alt  (Béat-Louis  de),  littérateur  suisse, 
né  à  Berne,  au  commencement  du  dix-huitième 
siècle.  Il  appartenait  à  la  même  famille  que  le 
précédent.  Il  parcourut  la  plupart  des  contrées 
de  l'Europe,  et  écrivit  en  français  des  ouvrages 
assez  superficiels ,  mais  qui  réussirent  beau- 
coup, à  cause  de  leur  singularité.  Nous  citerons 
les  suivants  :  Lettres  sur  les  Anglais  et  les 
Français  et  sur  les  voyages;  Zurich ,  1725, 
in-8°;  1726,  2  vol.  in-12;  les  éditions  subsé- 
quentes (Cologne,  1727,  1728,  et  Zurich, 
1755,  3  vol.  in-8°)  contiennent  de  plus,  sous  le 
titre  d'Apologie,  des  observations  critiques  de 
l'abbé  Desfontaines  et  du  P.  Brumoy  ;  —  L'Ins- 
tinct divin  recommandé  aux  hommes  ;  1727 
in-12;  Zurich,  1753,  in-8°;  Paris,  1790,  in-12; 
—  Le  Système  des  anciens  et  des  modernes 
concilié  par  l'exposition  des  sentiments  diffé- 
rents de  quelques  théologiens  sur  l'état  des 
âmes  séparées  du  corps;  Amsterdam,  1733, 
in-12  :  cette  édition  est  augmentée  d'une  réponse 
au  livre  intitulé  :  Examen  de  l'Origénisme  ;  — 
Lettres  fanatiques;  Londres,  1739,  2  vol. 
in-12;  — Fables;  Berlin,  1753,  in-8";  —His- 
toire de  Frédéric  le  Grand,  roi  de  Prusse; 
1757,  2  vol.  in-12.  II  passe  pour  être  l'auteur 
des  Lettres  sur  la  religion  essentielle  à 
V homme,  distinguée  de  ce  qrii  n'en  est  que 
l'accessoire  (6  vol.  in-s°),  recueil  dont  on  a 
publié  plusieurs  réfutations.  K. 

Ersch,  France  Littéraire  de  1769. 

mcrano  (  Quirico  n\  ),  peintre  de  l'école 
vénitienne,  né  à  Murano,  florissait  vers  1400. 
Un  Christ  avec  Une  dévote,  tableau  qui  faisait 
partie  de  la  galerie  Sasso  à  Venise,  est  signé 
Qniricius  da  Murnno.  Le  musée  de  Venise  pos- 
sèdedelui  une  Madone  avecl'enfant  endormi, 
et  un  Christ  descendu  de  la  croix.  E.  B — n. 
L.mzi,  Stnria  pittorica  —  Ticozzi,  Diiionario.  —  Ac- 
cademia  délie  Belle-Arti  di  fenezia. 

jhurano  (Andréa  t>\  ),  peintre  de  l'école 
vénitienne,  né  à  Murano,  florissait  dans  les  pre- 
mières années  du  quinzième  siècle.  Bien  qu'il 
conservât  encore  l'ancienne  sécheresse  et  ne 
composât  pas  mieux  que  ses  contemporains,  il 
sut  dessiner  plus  correctement  les  visages  et 
les  extrémités,  et  il  posa  ses  figures  mieux  d'a- 
plomb sur  leur  plan.  Il  avait  peint  pour  l'église 
de  Santo-Pietro-martire  de  Murano  deux  ta- 
bleaux aujourd'hui  à  l'Académie  des  Beaux-Arts 

31. 


967 


MURANO  —  MURAT 


9C8 


de  Venise,  un  Saint  Pierre  martyr  et  un  Saint 
Sébastien.  Les  nus  de  cette  dernière  figure  sont 
si  bien  dessinés,  que  Zanetti  la  suppose  copiée 
d'après  quelque  statue  antique.  Ce  fut  Andréa 
qui  introduisit  l'art  dans  la  famille  des  Vivarini, 
qui  jouèrent  un  rôle  si  important  dans  l'école  de 
Murano.  E.  B — n. 

Zanetti,  Delta  Pittura  Veneziana.  —  Verci,  Notizie 
intomo  alla  vita  de'  Pittori,  etc.,  diBassuno.  —  Lanzi, 
Storia  pittorica.  —  Ticozzi,  Dizionario.  —  Accade- 
mia  délie  Belle-Arti  di  Venezia. 

murant  (  Emmanuel  ) ,  peintre  hollandais, 
né  à  Amsterdam,  le  22  décembre  1622,  mort  à 
Leeuvarden,  en  1700.  11  apprit  son  art  du  célèbre 
Philippe  Wouwermans,  et  se  consacra  au  pay- 
sage animé.  Il  voyagea  beaucoup,  et  parcourut  la 
plus  grande  partie  de  l'Europe.  Issu  d'une  famille 
française,  il  s'arrêta  longtemps  à  Paris,  où  il  a 
laissé  quelques  œuvres  ;  quelques  œuvres  seu- 
lement, disons-nous,  car  les  tableaux  de  Murant 
sont  d'un  tel  fini  que  le  nombre  en  est  fort  rare. 
Ils  représentent  tous  des  bourgs,  des  villages, 
des  ruines  ;  «  mais  ce  qui  y  surprend  ,  dit  Des- 
camps, c'est  qu'imitateur  de  van  der  Heyden,  on 
peut  avec  la  loupe  y  compter  les  briques  et  les 
pierres.  Ce  fini  n'est  point  aux  dépens  de  l'ac- 
cord des  couleurs;  les  teintes  différentes,  grises 
et  rougeâtres  ,  placées  avec  art ,  donnent  à  ses 
tableaux  des  tons  chauds  et  pétillants.  Le  temps 
qu'il  mettait  à  faire  un  tableau  en  rend  le  nombre 
petit;  on  n'en  voit  que  chez  les  princes  et  les  ri- 
ches. «  A.  de  L. 

Descamps,  La  Fie  des  Peintres  hollandais,  t.  Il,  p.  107. 

mùrat  (  Henriette  -  Julie  de  Castelnau  , 
comtesse  de),  femme  auteur  française,  née  en 
1670,  à  Brest,  morte  le  24  septembre  1716,  au 
château  de  La  Buzardière  (Maine).  Elle  était  pe- 
tite-fille des  maréchaux  de  Castelnau  et  de  Do- 
gnon,  et  fille  de  Michel  de  Castelnau,  meslre  de 
camp  de.  cavalerie  et  gouverneur  de  Brest,  qui 
mourut  en  1672,  à  Utrecht,  d'une  blessure  qu'il 
avait  reçue  à  l'attaque  d'Ameydon.  Dès  l'âge  de 
seize  ans  elle  épousa  Nicolas ,  comte  de  Murât, 
brigadier  des  armées  du  roi;  on  raconte  qu'elle 
parut  alors  dans  le  costume  des  villageoises  bre- 
tonnes à  la  cour,  où  son  esprit  et  sa  beauté  lui 
méritèrent  les  hommages  des  poètes.  Née  avec 
beaucoup  d'imagination  et  de  vivacité,  mais  avec 
trop  de.  penchant  pour  le  plaisir,  elle  donna 
quelquefois  dans  des  égarements  que  sa  nais- 
sance ne  servit  qu'à  rendre  plus  -  scandaleux. 
Ses  intrigues  la  firent  exiler  à  Loches.  Après  la 
mort  du  roi  elle  fut  rappelée  à  Paris,  sur  la  de- 
mande de  la  marquise  de  Parabère ,  son  amie. 
Elle  a  laissé  des  vers  pleins  de  grâce  et  de  faci- 
lité, et  des  romans  qui  l'ont  placée  au  rang  des 
femmes  célèbres  du  grand  siècle.  Nous  citerons  : 
Mémoires  de  M'ne  la  comtesse  de  M***  avant 
sa  retraite,  pour  servir  de  réponse  aux  Mé- 
moires de  Saint-Évremond;  Paris,  1697  ,  Amst, 
1698,  1711,  2  vol.  in-12  ;  ces  mémoires  sont 
présentés  comme  étant  ceux  de  l'auteur,  mais 


c'est  moins  une  histoire  qu'un  roman  ;  —  Nou-  ! 
veaux  Contes  des  fées  ;  Paris,  1698,  2  vol.  in-12, 
et  dans  le  Cabinet  des  fées;  ces  contes  sonl 
écrits  avec  infiniment  d'esprit  ;  —  Voyage  de 
campagne ,  par  la  comtesse  de  M***  ;  Paris, 
1699,  La  Haye,  1700,  2  vol.  in-12.  «  Ce  roman, 
dit  Lenglet-Dufresnoy,  qui  a  été  faussement  at-  j 
tribué  à  Mme  Durand,  est  écrit  avec  beaucouf 
d'esprit  et  de  goût.  Il  y  a  dans  le  second  volume 
des  scènes,  ou  sortes  de  comédies  proverbes,  qu 
sont  d'une  autre  dame;  »  —  Histoires  sublimei 
et  allégoriques  de  Vannée  1699,  par  la  com- 
tesse D***;  Paris,  1699,  2  vol.  in-12:  attribuées 
quelquefois  à  Mme  d'Aulnoy  ;  —  Histoire  ga-\ 
lante  des  habitants  de  Loches  :  l'idée  est  em- 
pruntée  au  Diable  boiteux,  qui  venait  de  pa- 
raître; —  Les  Lutins  du  château  de  Kernosy. 
nouvelle  historique;  Leyde  (Paris),  1710, 
1717,  2  vol.  in-12:  Gn  cite  ce  roman  comme  ui 
des  meilleurs  de  Mme  de  Murât;  —  des  chanson; 
et  des  pièces  fugitives  répandues  dans  les  re- 
cueils  du  temps.  On  lui  a  faussement  attribut 
un  roman  de  Lesconvel,  intitulé  La  Comtesse  d( 
Chdleaubriant  (1695,  in-12).  P.  L. 

Prudhomme.  liiog.  des  Femmes  célèbres,  —  Lenglet- 
Dufresnoy,  Biblioth.  des  Romans. 

murât  (Joachim),  général  français,  roi  d< 
Napîes  sous  le  nom  de  Joachim- Napoléon,  m 
le  25  mars  1771,  à  La  Bastide-Fortunière  (Lot) 
fusillé  le  13  octobre  1815,  au  Pizzo.  Issu  de  pa 
rents  obscurs,  car  son  père  était  aubergiste,  i  I 
eut  une  enfance  vulgaire  comme  son   berceau: 
mais  sa  physionomie  sociale  se  dessina  tout  d'a- 
bord par  l'impétuosité  brillante  de   son  carac  | 
tère,  par  la  fierté  de  ses  traits,  tout  guerriers, 
et  par  la  mâle  vigueur  d'une  constitution  athlé- 
tique. Sa  famille  s'imposa  pour  lui  les  soins  gé- 
néreux d"une  éducation  libérale,  et  c'est  au  col- 1 
lége  de  Cahors,  où  la  protection  d'une  famill(| 
puissante  lui  avait  fait  obtenir  une  bourse,  qu'i  • 
fournit  la  carrière  des  études  littéraires.  Quel- 
ques velléités  d'entrer  dans  le  sanctuaire,  échauf-'i 
fées  sans  doute  par  des  inspirations  domestiques) 
le  portèrent  à  prendre  l'habit  ecclésiastique ,  ei 
dans  le  dessein  de  s'initier  au  droit  canon,  il  se  i 
rendit  à  Toulouse.  Mais  le  jeune  abbé  Mural 
n'était  pas  fait  pour  un  ministère  de  paix,  son 
élément  devait  être  la  guerre,  et  l'étole  ou  la 
mitre  eussent  été  pour  lui  de  trop  pâles  orne- 
ments. La  froide  étude  des  sciences  théologiques 
ne  put  longtemps  le  captiver,   et  l'amour  des : 
plaisirs  et  le  bruyant  "métier  des  armes  vinrent 
l'enlever  bientôt  aux  débats  trop  paisibles  de 
Scott  et  de  saint  Thomas.  Un  régiment  de  cava-  j 
lerie,  le  12e  de  chasseurs  (régiment  des  Arden- 
nes)   passait  à  Toulouse;  Murât  s'y  enrôla  vo- 
lontairement, et  moins  de  deux  ans  après  il  était 
devenu  maréchal  des  logis.  Renvoyé  de  ce  corps 
pour  avoir  pris  part  à  un  acte  d'insubordination, 
il  fut  obligé  de  revenir  à  la  Bastide,  où  son  père, 
qui  lui  pardonnait  difficilement  d'avoir  jeté  le 
froc  aux  orties,  se  montra  envers  lui  si  sévère, 


909 

•  si  inexorable  que  Joacliim  necherclia  plus  que  l'oc- 
casion de  se  soustraire  aux  reproches  incessants 

lont  sa  conduite  était  l'objet.  Lors  de  la  formation 
ie  la  garde  constitutionnelle  de  Louis  XVI,  corps 
qui  devait  se  composer  d'un  certain  nombre  de  fils 
de  citoyens  actifs  de  chaque  département,  Mural 
sollicita  l'honneur  d'y  entrer,  et  fut  d'abord  re- 
ooussé.  Heureusement  pour  lui,  J.-B.  Cavai- 
mac,  député  du  Lot,  intervint  en  sa  faveur,  et, 
choisi  par  son  département,  il  fut  envoyé  à  Pa- 
ris avec  le  jeune  Bessières ,  depuis   maréchal 

l'empire  et  duc  d'Istrie.  Avant  le  licenciement 
le  celte  garde,  il  passa  dans  le  21e  régiment 
Je  chasseurs  à  cheval,  où  ses  connaissances  spé- 
ciales lui  firent  obtenir  le  grade  de  sous-lieute- 
nant, le  30  mai  1791.  Partisan  enthousiaste  de 

a  révolution,  Murât  présida  un  de  ces  comités 
^puratoires  chargés  de  soumettre  dans  tous  les 
corps  la  conduite  des  chefs  à  un  examen  sévère, 
i  ;t  fut  dénoncé  après  le  9  thermidor  an  n  (  27  juil- 
let 1794)  pour  avoir,  dit-on,  demandé  à  la  so- 
ciété des  Jacobins  de  Paris  l'autorisation  de 
i  changer  la  seconde  lettre  de  son  nom ,  et  de 
prendre  celui  de  Marat,  lorsque  ce  féroce  tribun 
Hait  tombé  sous  le  poignard  de  Charlotte  Cor- 
3ay.  La  protection  du  conventionnel  Cavaignac 
iétourna  l'orage  ;  aussi  Murât  sut-il  plus  tard  se 
nontrer  reconnaissant  envers  le  compatriote  qui 

vait  fait  rayer  son  nom  des  registres  du  comité 
(le  salut  public.  A  cette  époque,  il  avait  déjà  fait 
«on  chemin ,  et  la  bravoure  et  les  talents  qu'il 
avait  déployés  à  l'armée  des  Pyrénées  occiden- 
itales  lui  avaient  valu  un  avancement  rapide.  11 
avait  été  nommé  successivement  aide  de  camp 
jdu  général  d'Hurre,  chef  d'escadron  et  enfin 
;Colonel  de  son  régiment.  Toutefois  il  eut  à  com- 
battre pendant  quelque  temps  les  préventions  et 
la  défiance  du  Directoire,  qui ,  se  rappelant  sa 
iconduite  avant  thermidor,  se  refusa  de  le  recon- 
naître dans  ce  dernier  grade  que  lui  avaient 
conl'éré  les  représentants  du  peuple  en  mission 
eux  armées  et  avait  même  prononcé  déjà  sa  des- 
titution. Après  être  demeuré  quelque  temps  à 
(Paris  sans  emploi,  il  fut  définitivement  réintégré 
à  l'époque  du  13  vendémiaire  an  iv  (  5  octobre 
fl795),  où  Bonaparte,  qui  avait  deviné  en  lui 
jl'homme  de  résolution,  l'avait  expédié ,  dès  six 
[heures  du  matin,  avec  trois  cents  cavaliers,  pour 
Tramener  de  la  plaine  des  Sablons  dans  le  jardin 
[des  Tuileries,  un  parc  de  quarante  bouches  à  feu. 
[.Murât  réussit  complètement  dans  cette  mis- 
[sion.  Tels  furent  les  premiers  rapports  de  ces 
[deux  hommes ,  réservés  à  de  si  hautes  desti- 
tuées. Bonaparte  ayant  été  nommé,  le  26  fé- 
Ivrier  1796,  commandant  en  chef  de  l'armée  d'I- 
Ualie,  s'attacha  Murât,  devenu  chef  de  brigade,  et 
[fit  de  lui  presque  aussitôt  son  aide  de  camp.  Dès  ce 
[moment  Murât  conquit  cette  popularité  militaire 
[.qui  ne  l'abandonna  jamais,  et  son  intrépidité  sur 
l'Ies  champs  de  bataille  de  Dego ,  de  Ceva  et  de 
'Mondovi  eut  un  caractère  qui  semblait  un  reflet 
de  l'ancienne  chevalerie.  Mais  ce  ne  furent  pas 


MURAT  970 

ses  seuls  titres  à  la  confiance  du  général  en  chef. 
Bonaparte,  appréciant  son  intelligence,  l'envoya 
à  Turin  préparer  avec  Salicctti  les  négociations 
du  traité  de  paix  qui,  remettant  à  la  France 
toutes  les  places  fortes  occupées  par  ses  armées, 
réunissait  aussi  la  Savoie,  Nice  et  Tende  au  ter- 
ritoire de  la  république.  En  mai  1796,  il  le 
chargea  d'apporter  au  Directoire  les  drapeaux 
enlevés  aux  Austro-Sardes.  De  retour  à  l'armée 
avec  le  grade  de  général  de  brigade ,  qu'il 
obtint  au  mois  de  pluviôse  an  v  ,  Murât  se 
couvrit  de  gloire  dans  presque  toutes  les  affaires 
qui  signalèrent  la  suite  de  cette  campagne,  no- 
tamment au  siège  de  Mantoue  ,  aux  combats  de 
Roveredo  et  de  Saint-Georges  (4  et  15  septembre), 
où  il  reçut  plusieurs  blessures,  et  ce  fut  lui  qui, 
le  13  mars  1797,  exécuta  avec  sa  cavalerie  le 
fameux  passage  du  Tagliamento,  fait  d'armes 
qui  déconcerta  tous  les  plans  de  l'archiduc  Char- 
les et  força  l'Autriche  à  signer  les  prélimi- 
naires d'un  traité  de  paix. 

Choisi  pour  faire  partie  de  l'expédition  d'E- 
gypte ,  Murât  s'embarqua  avec  Bonaparte,  le 
19  mai  1798,  déploya  la  plus  grande  valeur  à  la 
prise  d'Alexandrie  et  à  la  bataille  des  Pyramides 
(2  et  23  juillet),  et  en  février  1799  reçut  le 
commandement  du  corps  de  cavalerie  qui  se 
dirigea  vers  la  Syrie.  Au  siège  de  Saint-Jean 
d'Acre,  il  sollicita  le  périlleux  honneur  de  monter 
le  premier  à  l'assaut,  et  mit  tant  d'insistance 
dans  sa  demande  que  Bonaparte  dut  finir  par  la 
lui  accorder.  Dans  cet  assaut  meurtrier,  qui  ne 
put  décider  cependant  la  prise  de  la  ville,  Murât, 
que  le  panache  flottant  au-dessus  de  sa  tête  dé- 
signait aux  coups  de  l'ennemi ,  reçut  dans  le 
collet  de  son  habit  une  balle  qui  traversa  sa  cra- 
vate et  lui  effleura  le  cou.  Une  autre  balle  abat- 
tit son  panache  qui  resta  au  pouvoir  des  assiégés 
et  que  le  pacha  réclama  comme  un  glorieux 
trophée.  Après  s'être  emparé  du  poste  de  Zafet, 
il  pénétra  par  la  plaine  d'iacoub  jusqu'au  lac  de 
Génésareth  ;  puis  apprenant  que  les  troupes  qu'il 
avait  laissées  à  Zafet  avaient  été,  contre  son  at- 
tente, attaquées  par  des  forces  supérieures,  il 
revint  sur  ses  pas,  débloqua  le  poste,  chassa  les 
Turcs  du  pont  d'iacoub,  et  prépara  par  ce  succès 
la  victoire  du  Mont-Thabor,  que  Bonaparte  rem- 
porta le  lendemain  (16  avril).  Le  jour  suivant, 
il  s'empara  des  magasins  deTabarieh,  où  l'armée 
trouva  d'immenses  approvisionnements ,  puis 
alla  dissiper  quelques  rassemblements  d'Arabes 
vers  le  lac  Natron.  Bonaparte,  qu'il  rejoignit  aux 
Pyramides  de  Gizeh,  lui  donna  ensuite  l'ordre 
d'occuper  Romanieh  avec  sa  cavalerie.  A  la  ba- 
taille d'AbouUir,  il  eut  le  commandement  de  l'a- 
vant-garde,  et  par  un  mouvement  aussi  habile 
qu'audacieux,  coupa  toute  retraite  à  Mustapha- 
Pacha,  jusqu'à  la  tente  duquel  il  pénétra  après 
s'être  emparé  de  son  camp.  Celui-ci  en  se  défen- 
dant lui  tira  presque  à  bout  portant  un  coup  de 
pistolet,  dont  la  balle  le  blessa  au-dessous  de  la 
mâchoire  inférieure;  mais  Murât  abat  d'un  coup 


971  MURAT 

de  sabre  deux  doigts  de  la  main  droite  de  son 
adversaire,  le  fait  prisonnier  et  l'envoie  au  quar- 
tier général.  «  Le  gain  de  la  bataille  d'Aboukir  est 
dû  principalement  au  général  Murât,  dit  Bona- 
parte dans  sa  dépêche  du  28  juillet  au  Directoire; 
je  vous  demande  pour  lui  le  grade  de  géné- 
ral de  division  ;  sa  brigade  de  cavalerie  a  fait 
l'impossible.  »  Ce  grade  lui  fut  en  effet  accordé 
(octobre  1799).  Du  reste,  sa  réputation  devint 
si  grande  en  Egypte  que  le  célèbre  Murad  Bey 
s'enorgueillissait  de  porter  à  peu  près  le  même 
nom  que  lui. 

Dépositaire  des  projets  ambitieux,  de  Bona- 
parte, qui  le  jugeait  nécessaire  à  leur  exécution, 
Murât  revint  d'Egypte  avec  lui ,  et  le  seconda 
énergiquement  dans  la  journée  du  18  brumaire. 
A  la  tête  de  soixante  grenadiers ,  il  entra  dans  la 
salle  du  Conseil  des  Cinq  Cents,  somma  l'Assem- 
blée de  se  séparer,  et  sur  son  refus  commanda 
une  charge  qui  opéra  la  dispersion  des  représen- 
tants. Pour  reconnaître  ce  service,  Bonaparte  lui 
donna  la  main  d'Annonciade- Caroline,  la  plus 
jeune  de  ses  sœurs  (20  janvier  1800),  et  en 
même  temps  le  fit  commandant  de  la  garde  des 
consuls.  La  guerre  ayant  éclaté  de  nouveau  entre 
la  France  et  l'Autriche,  Murât  prit  le  comman- 
dement de  l'avant-garde  de  l'armée,  qui  allait 
disputer  aux  Impériaux  le  théâtre  de  ses  premiers 
exploits,  pénétra  de  vive  force  dans  Verceil 
(27  mai),  passa  la  Sesia,  s'empara  le  surlende- 
main de  Novare,  franchit  le  Tessin,  et  après  un 
combat  sanglant,  livré  sur  ses  bords,  entra  le 
2  juin  dans  Milan.  Poursuivant  sa  marche  vic- 
torieuse, il  occupa  Plaisance  le  9  du  même  mois, 
et  commanda  la  cavalerie  à  la  bataille  de  Ma- 
rengo,  après  laquelle  Bonaparte  lui  décerna  un 
sabre  d'honneur  pour  rendre  hommage  aux  ta- 
lents qu'il  avait  déployés  dans  cette  journée,  où 
la  cavalerie  donna  la  victoire  à  l'armée  française. 
Après  l'armistice  conclu  le  16  janvier  1801  à 
Trévise ,  entre  le  général  Brune  et  le  général 
Bellegarde,  Murât  fut  investi  du  commandement 
de  l'armée  d'observation  destinée  à  replacer  le 
pape  sur  le  trône  pontifical,  chassa  les  Napolitains 
des  États  de  l'Église,  et  le  6  février  1801  conclut 
à  Foligno,  avec  le  chevalier  Micheroux,  un  ar- 
mistice qui  fut  suivi  d'un  traité  signé  à  Florence, 
le  28  mars  suivant,  entre  la  France  et.  le  roi  des 
Deux-Siciles.  Ce  traité  cédait  l'île  d'Elbe  à  la 
France;  Murât  eut  ordre  d'aller  prendre  posses- 
sion de  cette  île, alors  occupée  par  les  Anglais; 
mais  la  signature  des  préliminaires  de  paix  avec 
l'Angleterre  l'empêcha  de  continuer  le  siège  de 
Porto-Ferrajo  qu'il  avait  entrepris. 

A  son  retour  à  Paris  ,  Murât  fut  nommé  par 
le  premier  consul,  son  beau  frère,  président  du 
collège  électoral  du  Lot  (octobre  1803),  et  ses 
compatriotes,  fiers  de  sa  gloire,  le  choisirent 
pour  député  au  corps  législatif.  Il  ne  joua  au- 
cun rôle  dans  cette  assemblée;  mais  les  élec- 
teurs du  Lot  n'eurent  pas  à   se  plaindre ,   sous 


un  autre  rapport,  de  leur  choix  ;  car  le  crédit  de 


972 
Murât  et  sa  haute  influence  furent  très-utiles  à 
ce  département.  Le  15  janvier  1804,  il  reçut  le 
titre  de  gouverneur  de  Paris,  et  en  cette  qualité, 
par  arrêté  du  20  mars  suivant,  il  créa  la  commis. 
sion  militaire  qui  condamna  le  duc  d'Enghien 
à  être  fusillé.  Cependant  il  sentait  et  peut-être 
plus  vivement  que  Bonaparte  lui-même  com- 
bien il  était  nécessaire  de  signaler  par  des  actes 
de  clémence  l'aurore  du  règne  impérial  ;  car  il 
avait  une  certaine  grandeur  d'âme  et  était  sus- 
ceptible des  plus  nobles  inspirations.  Il  sollicita 
la  grâce  de  Georges  Cadoudal  avec  de  si  vives 
instances  que  le  nouvel  empereur  lui  en  témoi- 
gna son  mécontentement.  Créé  maréchal  de 
l'empire  (  19  mai  1804),  Murât  devint  successi- 
vement prince,  grand -amiral  (1er  février  1805), 
grand -aigle  delà  Légion  d'Honneur  (2  février) 
et  chef  de  la  12e  cohorte.  En  mai  suivant,  il  re- 
çut l'Aigle  noir  de  Prusse,  lui  qui  quatre  an- 
nées auparavant  avait  refusé  les  décorations 
que  lui  offrait  le  roi  dé  Naples.  Mais  les  temps 
étaient  changés  ! 

A  la  reprise  des  hostilités  contre  l'Autriche  en 
1805,  il  dirige  les  opérations  de  la  cavalerie,  et 
porte  les  premiers  coups  à  l'ennemi  qui,  le  8  oc- 
tobre, laisse  entre  ses  mains  son  artillerie,  ses 
drapeaux  et  quatre  mille  prisonniers.  Peu  de 
jours  après,  il  force  le  général  Werneck  à  capi- 
tuler dans  Langenau,  bat  encore  les  Autrichiens 
à  Neresheim  et  à  Lambach,  et  fait  son  entrée  à 
Vienne,  le  1 1  novembre.  Enfin  il  sort  de  cette 
capitale  le  20  du  même  mois  pour  sabrer  à  Hol- 
labrunn  l'arrière-garde  russe,  remporte  une  nou- 
velle victoire  à  Guntersdorf  et  concourt  puis- 
samment au  succès  de  la  bataille  d'Austerlifz 
(  2  décembre). 

Nommé  par  Napoléon  grand-croix  de  l'ordre 
de  la  Couronne  de  Fer  (  20  février  1800  ),  Murât 
reçut  un  trône  de  son  beau-frère,  devenu  maître 
d'un  vaste  territoire.  Le  15  mars  suivant,  il  fut 
créé  grand-duc  de  Berg  et  de  Clèves,  et  à  peine 
eut-il  pris  possession  de  sa  souveraineté,  qu'il 
sut  se  concilier  l'affection  de  ses  sujets  par  une 
administration  douce  et  paternelle  et  par  le  res- 
pect qu'il  montra  pour  les  mœurs  et  pour  les 
usages  des  Allemands.  Forcé  d'opérer  des  change- 
ments dans  le  système  administratif  de  ce  pays,ii 
ne  lesadmit  qu'avec  une  sage  réserve,  n'augmenta 
pas  les  impôts,  n'introduisit  dans  son  duché  ni 
l'enregistrement,  ni  les  droits  réunis,  ni  le  mo- 
nopole du  sel  et  du  tabac ,  et  ne  soumit  qu'à  un 
droit  très-léger  et  uniforme  les  marchandises 
qui  entraient  dans  le  pays  ou  qui  devaient  le 
traverser.  Mais  ce  qu'on  ignore  généralement, 
c'est  que  le  grand-duc  de  Berg  eut  souvent  à 
lutter  contre  l'influence  des  conseils  qui  s'effor- 
çaient de  montrer  à  Napoléon  un  danger  dans 
l'exemple  d'une  administration  paternelle.  L'em- 
pereur voulut  faire  des  remontrances,  parler 
en  maître  à  son  beau-frère  ;  Murât  demeura  in- 
flexible, et  un  jour  même,  à  la  suite  d'une  dis- 
cussion fort  vive,  menaça  de  sa  démission.  De- 


972  MUR 

puis ,  on  le  laissa  gouverner  à  sa  guise  et  selon 
les  inspirations  de  son  cœur. 

Le  ««octobre  1806,1a  Prusse,  l'Angleterre,  la 
Russie  et  la  Suède  se  coalisent  contre  la  France. 
C'est  la  première  de  ces  puissances  qui  com- 
mence les  hostilités,  et  Murât,  toujours  à  l'a- 
vant-garde  de  la  grande  armée  avec  la  cavalerie, 
poursuit  les  Prussiens  jusqu'aux  portes  de  Leip- 
zig, contribue  à  la  victoire  d'Iéna,  force  Er- 
furth  de  capituler,  fait  prisonnière  une  brigade 
commandée  par  le  .prince  de  Holienlohe  ,  et  at- 
taque dans  Lubeck  le  général  Bliicher,  qui  se 
rend  à  lui  avec  ses  troupes  et  un  immense  ma- 
tériel. Cependant  la  Russie  venait  au  secours  de 
la  Prusse  aux  abois  ;  Murât  marche  au-devant 
des  troupes  russes ,  et  entre  dans  Varsovie  le 
28  novembre.  Rien  ne  résistait  à  la  redoutable 
cavalerie  qu'il  commandait ,  et  avec  laquelle  il 
fit  à  Eylau  de  nouveaux  prodiges  de  valeur.  Ce 
fut  à  lui  qu'après. bataille  de  Friedland  le. prince 
Bagration  et  le  général  Beningsen  s'adressèrent 
pour  solliciter  un  armistice,  et  quand  Napoléon 
l'eut  accordé ,  Murat  fut  le  seul  général  français 
qui  accompagna  l'empereur  dans  son  entrevue 
avec  Alexandre  sur  le  Niémen  (  21  juin  1807). 

Après  la  paix  de  Tilsitt,  il  se  disposait  à  se 
rendre  dans  son  grand-duché,  lorsque  Napoléon 
lui  confia  le  commandement  d'une  armée  qu'il 
destinait  secrètement  à  la  conquête  de  l'Espagne, 
mais  sur  les  opérations  de  laquelle-  il  ne  lui 
donna  que  des  instructions  fort  incomplètes. 
Murat,  qui ,  s'il  faut  s'en  rapporter  à.des  mé- 
moires contemporains ,  se  sentait  déjà  à  l'étroit 
dans  sa  souveraineté  et  convoitait  un  royaume 
qui  lui  permettrait  de  marcher  l'égal  des  rois  de 
l'Europe,  s'empara  de  Madrid,  le  25  mars  1808. 
Napoléon,  devinant  ses  velléités  ambitieuses,n'a  p- 
prouva  point  cette  précipitation,  mais  lui  montra 
en  perspective  l'héritage  de  la  maison  de  Bra- 
gance..  Ce  qu'il  avait  prévu  ne  tarda  point  d'ar- 
river. Une  insurrection  terrible  éclata  à  Madrid, 
et  l'existence  de  tous  les  Français  se  trouvant 
menacée ,  Murat ,  à  bout  des  moyens  de  conci- 
liation pour  arrêter  l'effusion  du  sang,  se  vit 
obligé  de  recourir  à  la  force.  La  journée  du  2  mai 
fut  fatale  à  un  grand  nombre  d'Espagnols.  Le 
vieux  roi  Charles  IV  l'investit  alors  de  toute 
l'autorité  royale,  qu'il  conserva  jusqu'au  mo- 
ment où  Joseph  Napoléon ,  déjà  roi  de  Naples , 
fut  appelé  au  trône  d'Espagne  (6.  juin  1808  ). 
Dans  l'intervalle  ,  il  avait  décidé  tous  les  mem- 
bres de  la  famille  royale  à  se  rendre  à  Bayonne 
où  Napoléon  les  attendait,  et  l'on  sait  qu'une  fois 
sur  le  territoire  français  ils  n'en  sortirent  plus. 

Déçu  dans  ses  espérances  sur  la  Péninsule, 
Murat,  à  son  retour  en  France,  eut  avec  son 
heau  -  frère  des  explications  très-vives,  et  Napo- 
léon, pour  mettre  fin  aux  sollicitations  de  sa  sœur, 
consentit  à  lui  donner  la  couronne  de  Naples 
(15  juillet  1808).  Proclamé  le  1er  août  sous  le 
nom  de  Joacliim-Napoléon,  il  alla  le  mois  sui- 
vant prendre  possession  de  ses  nouveaux  États, 


AT  974 

et  vit  malheureusement  des  démonstrations  sé- 
rieuses de  dévouement  dans  les  hommages  qui 
lui  furent  rendus,  sans  songer  que  la  faveur  po- 
pulaire est  changeante  et  que  naguère  encore  on 
les  prodiguait  à  l'ancienne  dynastie.  Un  de  ses 
premiers  soins  fut  de  s'emparer  de  l'Ile  de 
Capri,  que  les  Anglais  avaient  fortifiée  avec  tant 
d'art  qu'ils  la  surnommaient  le  Petil-Gibraltar. 
Sir  Hudson-Lowe ,  qui  depuis  fut  le  geôlier  de 
Napoléon  à  Sainte-Hélène,  ne  put  défendre  ce 
rocher  et  se  vit  contraint  de  capituler.  Ce  succès 
obtenu  en  quelques  jours  donna  au  nouveau  roi 
une  popularité  qu'augmentèrent  les  actes  de  son 
administration.  Il  interdit  toute  arrestation  ar- 
bitraire ,  affermit  les  institutions  françaises  ,  et 
tout  en  établissant  la  conscription  militaire,  en 
adoucit  la  rigueur  par  de  sages  modifications. 
Le  roi  Joseph  n'avait  laissé  qu'une  armée  d'en- 
viron seize  mille  hommes,  sans  discipline, 
aussi  mal  vêtus  que  mal  commandés.  Dans  l'es- 
pace de  six  ans  Murat  la  porta  à  soixante  mille 
hommes  de  belles  troupes.  La  cavalerie,  l'ar- 
tillerie, le  génie  attirèrent  surtout  son  attention 
et  de  grandes  améliorations  furent  apportées 
dans  la  marine,  qui  vit  sortir  deux  vaissvaux  et 
plusieurs  frégates  des  chantiers  de  Cellamare. 
Enfin,  il  opéra  les  mêmes  changements  dans  l'ad- 
ministration civile ,  encouragea  les  savants  et 
les  gens  de  lettres,  favorisa  les  établissements 
utiles  aux  sciences .  Sans  doute ,  l'on  a  reproché 
à  Murat  son  goût  pour  la  parure  et  ta  repré- 
sentation, son  plaisir  à  paraître  enpublic  avec 
l'appareil  d'un  roi  de  théâtre,  coiffé  d'une  toque 
noire  ornée  d'une  longue  plume  blanche  ;  mais 
qu'importent  ces  puérilités?  Heureux  les  peu- 
ples s'ils  n'avaient  que  des  travers  de  ce  genre 
à  reprocher  à  tant  de  rois  d'extraction  légitime. 
Malheureusement,  Murat  joignait  à  d'éminentes 
qualités  une  faiblesse  de  caractère  qui  le  met- 
tait sous  la  dépendance  presque  absolue  de  sa 
femme.  C'était  elle  qui  l'avait  poussé  à  ambi- 
tionner un  trône  ;  ce  fut  elle  qui ,.  dès  qu'il  fut 
monté  sur  celui  de  Naples,  l'excita  à  secouer 
la  tutelle  de  Napoléon.  Une  circonstance  amena 
en  effet  une  rupture  entre  les  deux  beaux-frères. 
Au  mois  de  juin  1809,  une  flotte  anglo-sici- 
lienne s'empara  des  îles  d'Ischia  et  de  Procida, 
et  après  avoir  été  contrainte  de  s'en  retirer, 
tenta  d'opérer  des  soulèvements  à  Naples  et  de 
reprendre  Capri.  Pour  se  venger,  Joachim  ré- 
solut d'attaquer  les  Anglais  en  Sicile,  et  sous  le 
feu  <te  la  flotte  ennemie,  réussit  à  réunir  une 
flottille  assez  nombreuse  pour  y  transporter  ses" 
troupes.  Le  passage  fut  ordonné  ;  mais  une  seule 
division,,  celle  du  général  Cavaignac,  débarqua 
de  l'autre  côté  du  Phare,  et  l'on  peut  être  fondé 
à  croire  que  les  motifs,  encore  ignorés,  qui  em- 
pêchèrent les  autres  divisions  de  la  suivre  ap- 
partiennent à  une  politique  d'un  ordre  supérieur. 
Quoi  qu'il  en  soit,  Joachim  dut  renoncer  à  son 
expédition,  et  en  attribua  l'insuccès  au  mauvais 
vouloir  de  la  cour  des  Tuileries,  à  laquelle  il  ne 


975  MURAT 

dissimula  pas  son  mécontentement,  augmenté  dès 
lors  par  le  ton  de  hauteur  de  Napoléon.  Croyant 
pouvoir  se  passer  de  l'appui  de  la  France,  il 
demanda  l'éloignement  des  troupes  françaises , 
essuya  un  refus,  et  pour  montrer  qu'il  ne  vou- 
lait point  jouer  le  rôle  de  simple  vassal  de  l'em- 
pereur des  Français,  rendit  un  décret  aux  termes 
duquel  tous  les  étrangers  employés  dans  son 
royaume  devaient  se  faire  naturaliser  Napoli- 
tains ou  renoncer  à  leurs  fonctions.  Par  un 
décret  de  18 il  , Napoléon  rappela  à  Joachim 
son  origine  :  «  Considérant,  dit  ce  décret, 
que  !e  royaume  de  Naples  fait  partie  du  grand 
empire,  que  le  prince  qui  règne  dans  ce  pays 
est  sorti  des  rangs  de  l'armée  française ,  qu'il  a 
été  élevé  sur  le  trône  par  les  efforts  et  le  sang 
des  Français,  Napoléon  déclare  que  les  ci- 
toyens français  sont  de  droit  citoyens  du  royaume 
des  Deux-Siciles.  »  Ce  décret  fut  un  coup  de 
foudre  pour  Joachim,  qui,  croyant  se  venger 
de  Napoléon  par  de  puériles  représailles,  af- 
fecta de  ne  plus  porter  la  croix  de  la  Légion 
d'Honneur,  voulut  différer  la  célébration  de  la 
fête  du  roi  de  Rome  et  fit  même  sentir  sa  mau- 
vaise humeur  à  la  reine  Caroline.  Dans  son  dé- 
pit, il  se  retira  dans  son  palais  de  Capo-di-Monte, 
et  y  tomba  malade. 

H  Cependant,  la  guerre  qui  éclata  en  avril  1812 
entre  la  France  et  la  Russie  mit  un  terme  à  ces 
querelles  de  famille.  Napoléon  crut  ne  pouvoir 
se  passer  de  Murât ,  et  joachim  de  son  côté  ne 
put  résister  à  l'invitation  de  l'empereur,  qui , 
n'ayant  point  perdu  son  ascendant  sur  son  es- 
prit ,  l'appelait  de  nouveau  au  commandement 
de  la  cavalerie  de  la  grande  armée.  Au  combat 
d'Ostrowno  (  25  juillet),  il  attaque,  disperse 
l'ennemi  et  lui  fait  perdre  une  partie  de  son  ar- 
tillerie. A  Smolensk  (  17  août  ) ,  il  prend  posi- 
tion sur  le  plateau  à  droite  de  la  ville>  et  y  fait 
établir  une  batterie  de  soixante  pièces  qui  porte 
la  confusion  et  la  mort  dans  les  rangs  des  Russes. 
Lui  et  le  maréchal  Ney  auraient  voulu  que  l'armée 
s'arrêtât  là  et  ne  franchît  point  le  Borysthène; 
mais  Napoléon  avait  décidé  qu'on  irait  à  Moscou 
et  peut-être  plus  loin  encore.  Il  fallut  marcher. 
A  ta  bataille  de  la  Moskowa  (  7  septembre  ) ,  ce 
fut  lui  qui ,  avec  la  division  Morand ,  enleva 
à  neuf  heures  du  matin  la  grande  redoute  russe, 
et  qui ,  par  un  changement  de  front  qu'il  fit 
opérer  à  l'armée,  vers  quatre  heures  de  l'a- 
près-midi ,  procura  le  brillant  succès  qui  mit  fin 
au  carnage,  en  décidant  la  retraite  des  Russes- 
Mais  le  18  octobre,  le  général  Kutusow  lui  fit  es- 
suyer à  Winkowo  une  sanglante  déroute.  Joa- 
chim fut  chargé  du  commandement  de  l'escadron 
sacré  qui  formai  C  la  garde  de  Napoléon  pendant 
ia  désastreuse  retraite ,  et  à  Smorgoni ,  douze 
lieues  est  de  Willika,  l'empereur  lui  remit  en 
partant  pour  la  France  le  commandement  en 
chef  des  débris  de  la  grande  armée  (5  décembre). 
A  peine  Napoléon  se  lut-il  éloigné  que  le  décou- 
ragement s'empara  de  Murât  comme  de  tous  les 


976 

braves  qui  venaient  d  affronter  des  souffrances 
plus  redoutables  que  la  mort,  et  il  commit  la 
faute  inexcusable  d'ahandonner,  par  sa  fuite  pré- 
cipitée, aux  Russes  en  butte  aux  mêmes  besoins 
que  les  Français ,  les  immenses  magasins  ras- 
semblés à  Wilna.  Le  8  janvier  1813,  il  remit  le 
commandement  en  chef  de  ce  qui  avait  été  la 
grande  armée  au  prince  Eugène  Beauharnais, 
et  le  17  du  même  mois  quitta  brusquement 
Posen  pour  retourner  à  Naples. 

Les  causes  de  ce  départ  précipité  ont  été  di- 
versement interprétées.  Si  les  uns  ont  pensé  que 
la  conduite  de  Murât  dans  cette  conjoncture  lui 
fut  dictée  par  la  crainte  de  perdre  un  trône  qui 
semblait  devoir  s'écrouler  avec  le  colosse  de 
l'empire  français,  d'autres  ont  été  jusqu'à  dire 
que  Murât,  qui  aimait  sa  femme  avec  passion , 
avait  senti  sa  jalousie  éveillée  par  quelques 
propos  imprudents  sur  la  reine.  Ce  qui  est  cer- 
tain, c'est  que  dès  son  retour  à  Naples.  il  y 
eut  de  mystérieuses  négociations  entamées  entre 
le  gouvernement  napolitain,  l'Autriche,  et  l'An- 
gleterre ,  maîtresse  de  la  Sicile.  Des  paroles  in- 
discrètes, qui  devaient  inspirer  de  justes  défiances 
sur  son  compte,  lui  étaient  même  échappées ,  et 
il  semblait  n'attendre  qu'une  occasion  plausible 
pour  se  déclarer  contre  l'empereur.  Il  eut  sans 
doute  le  tort  de  ne  point  lier  sa  fortune  à  celle 
de  Napoléon ,  de  ne  pas  faire  alors  cause  com- 
mune avec  lui  et  de  s'isoler  de  la  France;  mais 
son  cœur  fut  toujours  français  et  toujours  inac- 
cessible aux  pensées  de  trahison.  A  l'ouverture 
de  la  campagne  de  1813,  rien  n'annonçait  qu'il 
voulût  y  prendre  part  ;  néanmoins,  les  premiers 
événements  ayant  été  favorables  à  l'empereur, 
il  rejoignit  l'armée  après  les  batailles  de  Lutzen 
et  de  Bautzen,  et  Napoléon  lui  confia  le  com- 
mandement de  l'aile  droite ,  à  celle  de  Dresde. 
Il  se  conduisit  avec  sa  bravoure  accoutumée; 
mais  quatre  jours  après  la  perte  de  la  bataille 
de  Leipzig ,  il  quitta  de  nouveau  l'empereur, 
sous  le  prétexte  d'aller  lever  des  troupes  auxi- 
liaires en  Italie  ,  mais  en  réalité  pour  préparer 
sa  défection  et  se  réunir  aux  ennemis  de  son 
beau-frère,  dont  l'étoile  s'éclipsait  chaque  jour 
davantage.  Cédant  aux  conseils  de  Fouché,  alors 
relégué  en  Italie,  et  surtout  aux  instances  de  la 
reine  Caroline,  il  renoua  ses  négociations  avec 
l'Autriche  et  signa,  les  6  et  11  janvier  1814,  avec 
cette  puissance  et  avec  l'Angleterre  deux  traités 
par  lesquels  il  s'engageait  à  joindre  aux  armées 
alliées  trente  mille  hommes  de  ses  troupes.  On 
lui  garantissait  la  possession  du  royaume  de 
Naples  et  une  augmentation  de  territoire  lui  fut 
promise  par  la  cession  de  deux  provinces  des 
États  pontificaux".  Sur  la  foi  de  ces  traités,  il 
s'empara  de  Bologne,  de  Reggio  et  arriva  sous 
les  murs  de  Plaisance.  De  la  première  de  ces 
villes,  il  avait,  le  30  janvier  1814,  publié  une 
proclamation  commençant  par  ce  paragraphe 
qui  ne  laisse  aucun  doute  sur  ses  intentions  : 
«  Soldats!  aussi   longtemps  que  j'ai  pu  croire 


977 


MURAT 


978 


que  l'empereur  Napoléon  combattait  pour  la 
gloire  et  la  paix  de  la  France,  j'ai  combattu  à 
ses  côtés;  mais  aujourd'hui  il  ne  m'est  plus 
possible  de  conserver  aucune  illusion  :  l'empe- 
reur ne  veut  que  la  guerre.  Je  trahirais  les  in- 
térêts de  mon  ancienne  patrie ,  ceux  de  mes 
États  et  les  vôtres,  si  je  ne  séparais  pas  sur-le- 
champ  mes  armes  des  siennes  pour  les  joindre  à 
celles  des  puissances  alliées ,  dont  les  intentions 
magnanimes  sont  de  rétablir  la  dignité  des  trônes 
et  l'indépendance  des  nations.  »  Le  mouvement 
de  Joachim  força  le  prince  Eugène  de  se  replier 
avec  son  armée  sur  l'Adige ,  pour  ne  plus  agir 
que  sur  la  défensive.  Ce  qui  prouve  du  reste 
combien  il  en  coûtait  à  son  cœur  de  combattre 
les  Français,  c'est  qu'alors  même  il  ne  cessa, 
par  son  inactivité  ,  puis  par  des  manœuvres  ha- 
bilement combinées,  de  contrarier  les  projets 
des  alliés  dans  des  circonstances  décisives.  Les 
succès  inattendus  de  Napoléon  dans  les  plaines 
de  la  Champagne  ne  l 'étonnèrent  pas,  comme 
on  a  voulu  le  faire  croire  ;  mais  l'empereur  lui 
tint  rancune,  et  dans  une  lettre  à  la  reine  sa 
sœur  s'exprima  ainsi  au  sujet  de  Murât  :  «  Votre 
mari  est  très-brave  sur  le  champ  de  bataille; 
mais  il  est  plus  faible  qu'une  femme  ou  qu'un 
moine ,  quand  il  ne  voit  pas  l'ennemi.  Il  n'a  aucun 
courage  moral...  Il  a  eu  peur,  et  il  n'a  pas  hésité 
de  perdre  en  un  instant  ce  qu'il  ne  peut  tenir 
que  par  moi  et  .avec  moi....  » 

Le  2  avril  1814,  le  sénat  prononça  la  dé- 
chéance de  Napoléon,  nomma  un  gouvernement 
proyisoire  et  ne  tarda  pas  à  relever  le  trône 
des  Bourbons.  La  chute  du  trône  impérial  plaça 
le  roi  Joachim  dans  une  position  fort  équivoque. 
Toutes  les  branches  de  la  maison  de  Bourbon 
se  prononcèrent  contre  sa  reconnaissance  ;  un 
soldat  parvenu  pouvait-il  conserver  la  couronne, 
lorsque  le  congrès  des  rois  de  l'Europe  procla- 
mait le  principe  de  la  légitimité  ?  Talleyrand , 
ambassadeur  de  Louis  XVIII  à  Vienne ,  deman- 
dait, dit-on,  au  nom  de  son  maître,  à  l'Autriche  le 
passage  de  quatre-vingt  mille  hommes  pour  aller 
combattre  l'usurpateur  de  Naples,  et  par  repré- 
sailles Joachim  sollicitait  la  même  autorisation 
pour  quatre-vingt  mille  Napolitains  qu'il  desti- 
nait à  marcher  c.ontre  Louis  XVIII.  Ces  démons- 
trations ,  il  faut  bien  le  dire ,  n'avaient  rien  de 
sérieux ,  et  le  congrès  n'eut  pas  laissé  remettre 
en  question  la  paix  de  l'Europe.  Seulement  la 
mésintelligence  entre  les  deux  cours  était  patente 
et  se  manifestait  jusque  dans  les  plus  petites 
choses.  L'almanach  royal  de  France  offrait ,  au 
tableau  des  souverains  étrangers,  à  l'article  Na- 
ples, un  renvoi  à  celui  de  Sicile ,  tandis  que  le 
roi  Joachim,  usant  de  réciprocité,  faisait  im- 
primer à  l'article  France ,  voyez  Ile  d'Elbe. 

Le  roi  de  Naples  apprit  le  5  mars  1815  le  dé- 
part de  l'empereur  de  l'île  d'Elbe  et' son  débar- 
quement en  France.  Dès  qu'il  eut  connaissance 
de  son  entrée  à  Grenoble  et  à  Lyon,  il  lui  ex- 
pédia le  comte  de  Bauffremont,  l'un  de  ses  aides 


de  camp ,  pour  l'assurer  de  sa  coopération  effi- 
cace ,  et  fit  en  même  temps  déclarer  à  la  cour 
de  Rome  «  qu'il  regardait  la  cause  de  Napoléon 
comme  la  sienne  et  que  bientôt  il  prouverait 
qu'il  ne  lui  avait  jamais  été  étranger  ».  Malgré 
le  refus  du  souverain  pontife  de  laisser  passer 
deux  divisions  de  son  armée  à  travers  les  États 
de  l'Église,  le  roi  se  mit  en  marche,  le  16  mar3,  et 
arriva  le  19  à  Ancône.  Avant  de  quitter  Naples, 
il  avait  ordonné  la  création  des  gardes  natio- 
nales ,  nommé  la  reine  régente  et  diminué  les 
impôts  d'un  tiers.  Ce  fut  alors  que  le  cabinet 
autrichien,  calculant  de  quel  poids  le  roi  de  Na- 
ples allait  être  dans  la  balance  de  la  politique, 
parut  se  rappeler  les  promesses  de  1814.  Il  reçut 
aussi  l'avis  des  dispositions  favorables  du  ca- 
binet de  Londres,  qui  avait  envoyé  à  ses  repré- 
sentants au  congrès  de  Vienne  l'ordre  de  con- 
clure un  traité  définitif  avec  lui.  Mais  déjà  il 
n'était  plus  temps  ;  son  armée  avait  franchi  les 
frontières  du  royaume  de  Naples.  Le  30  mars, 
il  commença  les  hostilités  contre  les  Autrichiens, 
publia  le  lendemain,  à  son  quartier  général  de 
Rimini ,  une  proclamation  qui  appelait  les  peu- 
ples d'Italie  à  l'indépendance.  A  la  tête  de  cin- 
quante mille  hommes  environ,  il  se  dirigea  à  la 
fois  sur  Bologne,  Modène,  Reggio,  enleva  les 
positions  autrichiennes  devant  Modène,  où  il 
fit  son  entrée  pendant  que  Florence  était  occupée 
par  une  autre  de  ses  divisions.  Un  grand  en- 
thousiasme se  manifesta  dans  toute  l'Italie ,  au 
bruit  de.  ces  avantages ,  remportés  au  nom  de 
la  liberté ,  et  les  monarques  alliés  s'en  effrayè- 
rent. Un  de  leurs  plénipotentiaires  joignit  Joa- 
chim à  Parme,  el  l'assura  de  sa  conservation  sur 
le  trône,  s'il  voulait  s'unir  à  la  confédération 
européenne  contre  Napoléon  :  «  Il  est  trop  tard, 
répondit-il  ;  l'Italie  veut  être  libre;  elle  le  sera.  » 
Il  entra  ensuite  à  Bologne;  mais  là  les  repré- 
sentations du  commissaire  britannique,  William 
Bentinck,  l'arrêtèrent  dans  sa  marche  victo- 
rieuse. Cet  envoyédemanda  que  les  troupes  napo- 
litaines respectassent  le  territoire  du  roi  de  Sar- 
daigne,  allié,  de  l'Angleterre;  Joachim  y  con- 
sentit, et  cette  condescendance  fut  une  des  causes 
qui  précipitèrent  sa  chute.  Forcé  de  tenter  le 
passage  du  Pô  à  Occhio-Bello ,  il  fut  repoussé 
par  des  forces  considérables ,  et  apprit  bientôt 
que  le  général  Nugent  avait  mis  en  déroute  entre 
Florence  et  Pistoie  deux  de  ses  divisions  com- 
mandées par  les  généraux  Livron  et  Pignatelli. 
Alors  William  Bentinck,  qui  avait  joué  le  rôle 
de  médiateur,  leva  le  masque,  s'annonça  comme 
ennemi  du  roi  de  Naples  et  joignit  ses  forces  à 
celles  des  généraux  autrichiens.  Murât  dut  songer 
à  la  retraite,  et  l'évacuation  de  Florence  ou- 
vrit à  l'ennemi  la  route  de  Rome.  Les  popula- 
tions, ou  indifférentes ,  ou  lassées  des  guerres 
dont  l'Italie  était  depuis  vingt  ans>  le  théâtre, 
n'avaient  point  répondu  à  l'appel  qu'il  leur  avait 
adressé  au  nom  de  leur  indépendance  ;  et  l'armée 
napolitaine,  découragée,  s'affaiblissait  chaque  jour 


979 


MURAT 


980 


ipar  la  désertion.  Le  roi  n'eut  bientôt  autour  de 
lui  que  quelques  Français  restés  fidèles  à  sa  for- 
tune ;  grâce  à  eux,  il  ne  perdit  rien  de  son  énergie, 
et  leur  exemple  et  le  sien  empêchèrent  les  débris 
de  l'armée  de  se  débander.  Le  15  avril,  il  évacua 
Bologne,  et,  se  repliant  par  la  Marche  d'Ancôn?, 
défendit  pendant  trois  jours  le  passage  du  Ronco, 
dont  il  fit  brûler  le  pont.  Poursuivi  par  les 
troupes  austro-anglaises,  il  fut  atteint  le  2mai  près 
de  Tolentino  par  le  général  Bianchi ,  accepta  la 
bataille,  qui  dura  jusqu'au  lendemain,  et  essuya 
une  déroute  complète,  malgré  les  prodiges  de 
valeur  qu'il  fit  et  ses  habiles  dispositions  pour 
réparer  les  fautes  de  ses  lieutenants  et  suppléer 
à  la  faiblesse  de  ses  troupes.  Quelques  autres 
combats  consommèrent  sa  ruine.  Un  armistice, 
qu'il  demanda  le  18,  lui  fut  refusé,  et  le  soir  de 
ce  jour  il  entra  dans  Naples,  à  cheval,  au  galop 
et  escorté  de  quatre  lanciers  seulement.  Toute- 
fois, à  le  voir  traverser  sa  capitale  avec  ce  cos- 
tume théâtral  qu'il  affectionnait,  on  aurait  cru 
difficilement  qu'il  était  vaincu ,  et  qu'il  n'avait 
plus  d'armée.  Une  vive  effervescence  régnait 
dans  la  ville;  Joachim,  s'inspirant  d'un  expé- 
dient trop  souvent  mis  en  œuvre  par  les  rois 
en  pareille  circonstance,  et  qui  leur  réussit  ra- 
rement, fit  le  lendemain  annoncer  officiellement 
et  même  afficher  dans  les  rues  un  projet  de 
constitution  :  c'était  une  ressource  beaucoup  trop 
tardive.  Dans  la.  soirée,  il  se  décida  à  sortir 
de  sa  capitale  pour  gagner  Gaète,  où  la  reine 
avait  envoyé  ses  enfants  et  où  il  espérait  pou- 
voir se  défendre  encore;  mais  un  bâtiment  an- 
glais croisait  à  l'entrée  de  ce  port,  et  il  dut 
aborder  dans  l'île  dlschia.  Le  jour  même,  une 
flotte  anglaise  se  présenta  devant  Naples,  dont  les 
Autrichiens  prenaient  possession  au  nom  du  roi 
Ferdinand  IV,  en  vertu  d'une  capitulation  signée 
à  Casa-Lanza,  et  qui  ne  contenait  aucun  article 
en  faveur  du  roi  déchu.  Dans  la  matinée  du 
21  mai,  Murât  envoya  reconnaître  un  bâtiment 
venant  de  Naples  et  sur  lequel  se  trouvait,  avec 
sa  famille,  le  général  Manhès,  l'un  de  ses  aides 
de  camp.  Il  fut  reçu  sur  ce  navire  qui  faisait 
voile  pour  la  France  avec  son  neveu ,  le  colonel 
Bonafous,  son  secrétaire  et  un  valet  de  chambre. 
Le  25  il  débarqua  à  Cannes ,  et  expédia  aus- 
sitôt un  courrier  à  Napoléon  pour  lui  annoncer 
son  arrivée  et  attendre  ses  ordres.  L'empereur 
ne  lui  répondit  pas,  et  lui  fit  même,  par  l'inter- 
médiaire de  Fouché,  interdire  l'accès  de  Paris. 
C'était  là  une  politique  maladroite  et  méticuleuse. 
Quels  que  fussent  les  torts  de  Joachim  envers 
la  Fiance  et  envers  lui ,  Napoléon  devait  quel- 
ques égards  à  son  beau  frère ,  à  un  prince  malheu- 
reux. Joachim,  tombé  du  trône,  proscrit,  éloigné 
de  sa  femme  et  de  ses  enfants  retenus  prison- 
niers à  Trieste  par  la  politique  anglaise,  au  mé- 
pris d'une  capitulation,  devait  avoir  à  ses  yeux 
les  droits  sacrés  du  malheur,  et  Napoléon,  qui 
un  mois  plus  tard,  dans  une  pareille  inforlune, 
devait  chercher  un  asile  sous  le  pavillon  britan- 


nique, oublia  trop  que  le  roi  de  Naples,  époux 
de  sa  sœur,  avait  rendu  à  la  France  d'éclatants 
services  dans  sa  carrière  militaire  et  pouvait 
alors  lui  en  rendre  encore.  Le  temps  modifia 
l'opinion  de  Napoléon,  qui  sur  le  rocher  de  Sainte- 
Hélène  regretta  de  n'avoir  point  eu  à  ses  côtés 
à  Waterloo  le  plus  déterminé,  le  plus  brave 
des  généraux  de  cavalerie  qu'avait  la  France. 
«  Sa  présence,  disait-il ,  nous  eût  valu  peut-être 
la  victoire;  car  que  nous  fallut-il  dans  certains 
•moments  de  la  journée?  Enfoncer  trois  ou  quatre 
carrés  anglais;  or,  Murât  était  admirable  pour- 
une  pareille  besogne;  il  était  précisément 
l'homme  de  la  chose.  » 

Le  roi  de  Naples  s'était  mis  en  route  pour  al- 
ler habiter  une  maison  de  campagne  aux  envi- 
rons de  Lyon ,  quand  il  apprit  à  Aubagne  le  dé- 
sastre de  "Waterloo  et  le  soulèvement  de  la 
populace  de  Marseille  contre  la  garnison.  Il 
tourna  bride,  et  revint  près  de  Toulon,  dans  la 
maison  où  il  avait  séjourné  quelques  jours  et  où 
sa  vie  ne  fut  bientôt  plus  en  sûreté.  Là,  pour 
son  malheur,  il  reçut  la  visite  de  certains  intri- 
gants qui,  en  flattant  son  esprit  aventureux  et 
confiant  par  la  perspective  d'une  révolution  po- 
pulaire en  sa  faveur  à  Naples,  ne  le  disposèrent 
que  trop  à  céder  aux  illusions  de  son  amour- 
propre  ,  et  peut-être  même ,  alors ,  s'il  eût 
trouvé  un  bâtiment  prêt  à  le  recevoir,  eût-il 
tenté  cette  folle  entreprise  que  ses  serviteurs  les 
plus  dévoués  lui  faisaient  considérer  comme  un 
rêve.  Le  traitement  que  Napoléon ,  déchu  comme 
lui,  recevait  à  bord  du  Bellérophon ,  lui  ayant 
fait  comprendre  la  mesure  de  la  générosité  du 
gouvernement  anglais,  il  se  décida  à  accepter 
l'hospitalité  que  lui  offrit  l'empereur  d'Autriche, 
à  la  seule  condition  d'abdiquer  purement  et  sim- 
plement, et  de  ne  porter  à  l'avenir  que  lé  titre 
de  comte  de  Lipona.  C'était  Fouché  qui  avait 
joué  le  principal  rôle  dans  cette  négociation.. 
Deux  jours  après ,  les  autorités  militaires  de 
Marseille  lui  donnèrent  avis  qu'une  bande  d'as- 
sassins devait  l'enlever  ou  le  tuer  dans  la  nuit 
du  17  au  18  juillet.  Cédant  aux  conseils  de  ses 
officiers,  il  se  retira  secrètement  dans  une  pe- 
tite maison,  sur  la  route  d'Antibes,  à  une  lieue 
et  demie  de  Toulon,  tandis  qu'eux-mêmes  se 
rendirent  à  Toulon  où  Murât  les  rejoignit  peu 
de  jours  après.  Un  bâtiment  marchand  allait 
mettre  à  la  voile  pour  le  Havre ,  et  son  capi- 
taine consentit  à  recevoir  le  roi  proscrit  à  bord, 
mais  à  condition  de  ne  le  prendre  qu'en  mer.  Le 
10  août,  à  quatre  heures  du  matin,  le  navire 
sortit  du  port,  et  donnant  le  signal  convenu, 
attendit  Joachim  jusqu'à  une  heure  de  l'après- 
midi.  Joachim  ne  vint  pas,  et  un  commissaire 
de  police,  parti  de  Toulon,  ordonna  au  bâti- 
ment de  prendre  le  large.  Abandonné  par  un 
valet  de  chambre,  qui  sous  le  prétexte  d'aller 
chercher  du  linge  s'éloigna  en  emportant  tout 
son  argent  et  ne  reparut  plus ,  le  roi  fut  obligé  de 
se  rendre  seul  au  rivage.  Il  voulut  se  faire  con- 


981  MURAT 

duire  au  navire  qui  l'attendait  sous  voiles  au 
large;  mais  les  vents  et  la  violence  des  Ilots  ra- 
menèrent deux  fois  au  boni  la  frêle  embarcation 
dans  laquelle  il  s'était  jeté.  Il  fut  réduit  à  passer 
la  nuit  sans  nourriture,  et  mouillé  par  une  grosse 
pluie  qui  n'avait  cessé  de  tomber  toute  la  jour- 
née. Le  lendemain,  le  vent  se  calma,  mais  le  bâ- 
timent avait  disparu.  Ne  voulant  pas  exposer 
plus  longtemps  les  trois  marins  qui  s'étaient  dé- 
voués pour  le  sauver,  il  les  força  d'accepter 
neuf  pièces  de  vingt  francs ,  et  n'en  réservant 
pour  lui  qu'une  seule,  il  alla  demander  l'hospita- 
lité dans  la  cabane  d'une  pauvre  vieille  femme, 
où  il  ne  trouva  pour  apaiser  sa  faim  qu'un 
morceau  de  pain  noir,  qu'il  voulut  payer  de  sa 
dernière  pièce  d'or.  S'étant  rapproché  de  Tou- 
lon ,  il  fut  rejoint  par  le  colonel  Bonafous,  son 
neveu,  qui  lui  apporta  un  peu  d'argent,  mais  lui 
apprit  que  sa  tête  était  mise  à  prix.  Le  roi  se 
réfugia  de  nouveau  dans  la  montagne,  où ,  en 
proie  à  toutes  les  souffrances  physiques  et  mo- 
rales, il  reçut  Pbospilalité  d'une  autre  pauvre 
femme,  qui  partagea  généreusement  son  pain 
avec  lui.  Enfin,  après  huit  jours  passés  dans  ce 
misérable  asile ,  il  monta  pour  gagner  la  Corse 
sur  une  barque  non  pontée  que  des  amis  dé- 
voués lui  procurèrent.  Une  tempête  violente  l'as<- 
saillit  en  pleine  mer,  et  vingt  fois  il  avait  failli 
être  submergé,  quand  il  fut  reçu  à  bord  de  La 
Balancelle,  sloop  messager  de  Toufon  à  Bastia. 
A  peine  était-il  sur  ce  navire  avec  les  trois  servi- 
teurs qui  l'accompagnaient,  que  la  barque  qu'ils 
avaient  quittée  s'engloutit  sous  leurs  yeux.  Enfin 
après  être,  dans  la  nuit  du  25  août,  débarqué  à 
Bastia  sans  avoir  été  reconnu,  il  se  dirigea  aussi- 
tôt vers  le  bourg  de  Vescovato,  où  l'un  de  ses 
anciens  officiers,  le  général  Franceschetti,  le  reçut 
avec  cordialité. 

Murât  était  sauvé  ;  déjà  l'espoir  d'être  bientôt 
réuni  à  sa  femme  et  à  ses  enfants  adoucissait 
ses  peines;  après  une  vie  si  agitée,  il  entrevoyait 
une  paisible  existence  de  père  de  famille.  Mal- 
heureusement les  plus  sages,  les  plus  prudents 
de  ses  amis  n'étaient  point  à  Vescovato.  La  réac- 
tion loyaliste  avaitamené  en  Corse  environ  deux 
cents  officiers  français ,  au  milieu  desquels  se 
glissèrent,  soudoyés  par  la  cour  de  Naples,  qui 
épiait  toutes  les  démarches  de  l'ancien  roi, 
quelques-uns  de  ces  mêmes  intrigants  qui  en 
Provence  avaient  déjà  fait  miroiter  à  ses  yeux 
le  rêve  d'une  restauration.  A  les  en  croire,  Mu- 
rat  n'avait  qu'à  paraître,  et  la  Calabre  tout  entière 
proclamerait  de  nouveau  son  autorité.  Séduit  par 
ces  chimères ,  il  réunit  toutes  les  ressources 
qui  lui  restaient,  et  eut  bientôt  préparé  une  ex- 
pédition à  Ajaccio.  Elle  était  prête  à  mettre  à  la 
voile,  quand  le  comte  Macirone,  son  aide  de 
camp,  arriva  de  Paris,  lui  apportant  les  passe- 
ports en  vertu  desquels  il  était  autorisé  à  se 
i  rendre  et  à  vivre  dans  les  États  autrichiens.  «  Il 
>est  trop  tard,  s'écria  Joachim,  le  sort  en  est  jeté; 
dans  un  mois  je  serai  à  Naples.  »  Et  le  même 


9S2 


/  jour,  28  septembre,  il  partit  avec  six  barques  de 
transport,  contenant  deux  cent  cinquante 
hommes  des  plus  braves  et  des  plus  résolus. 
Un  marin  obscur,  appelé  Rarbara,  qui  devait  à 
Murât  son  grade  de  capitaine  de  frégate,  fut 
chargé  du  commandement  de  cette  petite  es- 
cadre. Bien  que  quelques  avis  fussent  parvenus 
à  Joachim  sur  le  compte  de  cet  homme,  dont  on 
l'engageait  à  se  défier,  il  croyait  à  son  dévoue- 
ment et  à  son  courage.  Les  vents  dispersèrent 
cette  flottille,  et  le  6  octobre  au  matin ,  quand  on 
se  trouva  en  vue  des  côtes  de  la  Calabre,  il  ne 
restait  plus  qu'une  seule  barque  contenant  qua- 
rante soldats ,  avec  le  bâtiment  monté  par  le 
roi.  Pendant  la  nuit  cette  barque  disparut  aussi, 
et  Joachim,  sentant  la  nécessité  d'une  prompte 
retraite,  fit  jeter  à  la  mer  les  proclamations 
qu'il  avait  fait  imprimer  en  Corse ,  et  ordonna  à 
Barbara  de  mettre  le  cap  sur  Trieste.  Prétex- 
tant alors  de  fortes  avaries ,  le  capitaine,  qui 
avait  promis  à  la  cour  de  Naples  cette  illustre 
victime  et  se  voyait  sur  le  point  de  perdre  le 
prix  du  sang,  la  récompense  de  sou  infâme  trahi- 
sou,  proposa  à  Murât  d'entrer  dans  le  port  du 
Pizzo,  où  quinze  cents  hommes,  disait-il,  la 
plupart  ses  amis,  se  prononceraient  en  faveur  du 
roi.  Après  quelque  hésitation,  Murât,  qui  sem- 
blait courir  lui -même  à  sa  perte ,  sur  les  ins- 
tances de  Barbara  et  malgré  l'avis  de  ses  princi- 
paux officiers,  donna  l'ordre  d'aborder  au  Pizzo  ; 
mais  avant  de  descendre  sur  le  rivage,  il  pres- 
crivit à  Barbara  de  se  tenir  prêt  à  le  recevoir, 
s'il  était  obligé,  avec  sa  suite,  de  se  rembarquer. 
Trente  hommes  environ  l'accompagnèrent  sur  la 
plage  où  quelques  marins  le  reconnurent  et  l'ac- 
cueillirent par  les  cris  de  :  «  Vive  Joachim  !  Vu 
sergent,  qui  commandait  un  poste  de  dix  à  douze 
canonniers  garde-côtes,  se  déclara  prêt  à  le 
suivre  avec  ses  hommes;  mais  à  peine  la  petite 
troupe  avait-elle  pris  la  route  de  Monteleone, 
qu'un  capitaine  de  gendarmerie,  appelé  Capellani, 
fit  feu  sur  elle,  avec  une  bande  de  paysans  qu'il 
avait  réunis.  La  résistance  était  impossible  et 
Murât  avec  ses  compagnons  dut  revenir  au  ri- 
vage pour  se  rembarquer.  Mais  aux  premiers 
coups  de  fusil ,  Barbara  avait  pris  le  large  avec 
la  felouque  qui  devait  attendre  le  roi.  Il  ne  res- 
tait aucun  moyen  de  retraite,  et  la  populace  du 
Pizzo,  réunie  aux  paysans  et  aux  gendarmes, 
se  jeta  sur  eux,  tua  un  des  compagnons  du 
prince  et  en  blessa  sept  autres.  Lui-même 
avec  le  reste  de  sa  troupe  fut  fait  prison- 
nier et  conduit  au  fort.  Une  proclamation  im- 
prudemment conservée  fut  saisie  sur  lui  par 
Capellani,  qui  eut  la  lâcheté  de  le  fouiller  et 
de  lui  enlever  ses  papiers  et  vingt-deux  diamants. 
Le  général  Nunziante,  commandant  supérieur  de 
la  province,  arriva  de  Monteleone  dans  la  nuit 
du  8  au  9,  et  après  avoir  blâmé  vivement  la  con- 
duite de  Capellani,  ordonna  que  Joachim  fût 
traité  avec  tous  les  égards  dus  à  son  rang  et  à 
son  infortune.    Quatre  jours  après,   Nunziante 


983 


lui  annonça  qu'il  avait  ordre  de  réunir  une  com- 
mission militaire  pour  prononcer  sur  le  sort  du  pri- 
sonnier. Ellesecomposadehuit  officiers, qui  pour 
la  plupart  tenaient  du  roi  Joachim  leurs  grades 
et  leurs  décorations ,  et  fut  présidée  par  Joseph 
Fassulo,  adjudant  général.  Murât  était  condamné 
devance,  et  son  arrêt,  prononcé  dans  la  matinée 
du  13,  lui  fut  signifié  à  trois  heures  de  l'après- 
midi.  Résigné  à  son  sort,  il  ne  descendit  point 
jusqu'à  solliciter  la  faveur  d'un  recours  au  mo- 
narque qui  régnait  à  Naples,  et  avant  de  mourir 
demanda  seulement  à  voir  les  généraux  Fran- 
ceschetti  et  Natale  et  son  valet  de  chambre,  Ar- 
mand, qui  lui  avait  donnné  des  preuves  de  la 
plus  incorruptible  fidélité.  On  eut  la  cruauté  de 
lui  refuser  cette  faveur  ;  à  peine  put-il  obtenir  la 
permission  d'écrire  à  la  reine  sa  femme.  Voici 
sa  lettre  :  «  Ma  chère  Caroline,  ma  dernière 
heure  est  sonnée;  encore  quelques  instants, 
f  aurai  cessé  de  vivre  :  tu  n'auras  plus  d'époux 
et  mes  enfants  n'auront  plus  de  père.  Pense  à 
moi  ;  ne  maudis  pas  ma  mémoire  :  Je  meurs 
innocent;  ma  vie  n'a  été  souillée  par  aucune  in- 
justice. Adieu,  mon  Achille,  adieu,  ma  Laetitia, 
adieu,  mon  Lucien,  adieu,  ma  Louise;  montrez- 
vous  toujours  dignes  de  moi.  Je  vous  laisse 
sans  biens,  sans  royaume,  au  milieu  de  mes 
nombreux  ennemis  :  restez  toujours  unis  ;  mon- 
trez-vous supérieurs  à  l'adversité,  et  songez  plus 
à  ce  que  vous  êtes  qu'à  ce  que  vous  avez  été.  Que 
Dieu  vous  bénisse  !  Souvenez-vous  que  la  plus 
vive  douleur  que  j'éprouve  dans  mes  der- 
niers moments  est  de  mourir  loin  de  mes  en- 
fants. Recevez  ma  bénédiction  paternelle,  mes 
larmes  et  mes  tendres  embrassements.  N'ou- 
bliez pas  votre  malheureux  père.  »  Il  coupa 
une  mèche  de  ses  cheveux  et  les  renferma 
dans  la  lettre  qu'il  chargea  le  lieutenant  Fran- 
çois Frojo ,  qui  avait  rempli  les  fonctions  de 
rapporteur,  de  faire  parvenir  à  la  reine.  Cette 
lettre,  dont  M.  Bonafous  avait  gardé  une  copie,  ne 
fut  jamais  remise  à  la  reine,  pas  plus  que  les 
autres  objets  ayant  appartenu  au  roi.  Vingt 
gendarmes  se  trouvaient  réunis  dans  une  des 
cours  intérieures  du  fort;  Murât  y  descendit,  et 
en  passant  devant  eux  il  leur  adressa  un  salut 
militaire.  Un  bandeau  et  une  chaise  lui  furent 
offerts;  mais  il  les  refusa.  <<  J'ai  trop  souvent 
bravé  la  mort  pour  la  craindre  »,  répondit-il  sans 
jactance  à  l'officier  chargé  du  soin  de  faire  exécu- 
ter la  sentence.  Le  portrait  de  ,1a  reine  était  em- 
preint sur  le  cachet  de  sa  montre;  il  le  pressa 
sur  son  cœur,  recommanda  ses  compagnons 
d'infortune,  et  entendit  sans  pâlir  l'ordre  qui  un 
instant  après  retendit  sans  vie  aux  pieds  des 
hommes  dont  il  avait  été  sept  ans  le  souverain , 
et  qui  presque  tous  lui  devaient  leurs  épau- 
lettês.  Son  corps  fut  inhumé  sans  pompe  dans  le 
cimetière  du  Pizzo,  où  aucun  signe  funéraire  ne 
marque  aujourd'hui  la  place  où  il  repose. 

En  1798,  Gérard  peignit  le  portrait  de  Murât 
représenté  en  colonel  de  cavalerie  de  l'armée 


MURAT  9S4 

d'Egypte.  Ce  tableau ,  d'un  grand  intérêt  histo- 
rique et  considéré  comme  une  des  œuvres  les 
plus  remarquable»  de  Gérard ,  a  été  acheté  en 
janvier  1851  par  le  prince- président  de  la  ré- 
publique (1).  H.  FlSQUET  (de  Montpellier). 

P.  Colletta,  Histoire  des  six  derniers  mois  de  la  vie  de 
Joach.-Murat ,  traduit  de  l'italien  par  Léon.  Gallois; 
Paris,  1821,  in-80.  Histoire  du  royaume  de  Naples;  Paris, 
*  vol.  ln-8°.  —  F.  Macirone,  Faits  intéressants  rela- 
tifs à  la  chute  et  à  la  mort  de  Joach.  Murât;  Londres, 
1816;  Gand,  1817,  In- 8°.  —  Franceschettl  (  Dom-Ces.  ), 
Mémoires  pour  les  événements  qui  ont  précédé  la  mort 
de  Joachim  ltr ,  roi  des  Deux-Siciles ,  suivis  de  la  Cor- 
respondance privée  de  ce  général  avec  la  reine,  com- 
tesse de  Lipona  ;  Paris,  1826,  Supplément,  1829,  in-8».  — 
Galvani,  Mémoires  sur  les  événements  gui  ont  précédé 
la  mort  de  Joachim  Napoléon,  roi  des  Deux-Siciles.  — 
Mémorie  su/la  condotta  politîca  e  militart  tenuta  di 
Cioach.  Murât  (Firenze),  1815,  in-8°.  —  Léon.  Gallois, 
Histoire  de  Joachim  Murât;  Paris,  1828,  in-8°.  —  A.  Se- 
rieys,  Vie  publique  et  privée  de  Joachim  Murât;  Pa- 
ris, 1816,  ln-8°.  —  A.  de  Beauchamp,  Catastrophe  de 
Murât,  1813,  in-8°.  —  A.  Bruggemans ,  Leven  en  lot- 
gevallen  van  Joachim  Murât;  Dordrecht,  1816,  in-8°.  — 
Thlers,  Histoire  de  la  Révolution.  —  Histoire  du  Con- 
sulat et  de  l'Empire  —  A.  Rabbe  et  Vieilh  de  Roisjolin, 
Biogr.  univ.  et  port,  des  Contemporains.  —  Fastes  de 
la  Légion  d' Honneur,  1.  —  Moniteur  universel,  an  vin, 
1803,  1813  et  1815.  —  Docum.  particuliers. 

muraï  {Napoléon- Achille,  prince),  fils  aine 
du  roi  Joachim,  né  à  Paris,  le  2 1  janvier  1 80 1 ,  mort 
le  15  avril  1847,  à  Jefferson-County  (Floride).  Sa 
mère,  presque  au  terme  de  sa  grossesse,  se  trou- 
vait dans  la  voiture  de  Joséphine,  lors  de  l'explo- 
sion de  la  machine  infernale ,  rue  Saint-Nicaise, 
et  fut  frappée  d'une  telle  frayeur  qu'on  fut  obligé 
de  la  ramener  aux  Tuileries,  pendant  que  le 


(1)  Murât  [André),  frère  aine  du  roi  Joachim,  né  le  29 
Juillet  1760,  à  La  Bastide,où  il  mourut,  le  15Juin  1841.  Exempt 
d'ambition,  pendant  que  son  frère  gouvernait  le  royaume 
de  Naples,  il  se  borna  à  accepter  le  titre  de  comte,  que 
lui  donna  l'empereur,  en  1810,  le  grand-cordon  de  l'or- 
dre des  Deux-Siciles  (  9  mai  1813  )  et  les  modestes  fonc- 
tions de  maire  de  son  village  ,  qu'il  remplit  jusqu'au  mo- 
ment de  sa  mort,  avec  autant  de  zèle  que  de  probité. 

Son  fils  (  Pierre-Gaétan  ),  né  le  7  août  1798,  à  La  Bas- 
tide, où  il  mourut,  le  25  décembre  1847,  terminait  ses 
études  quand  les  événements  de  la  guerre  enlevèrent 
à  son  oncle  cette  couronne  qu'il  tenta  vainement  de  re- 
conquérir. En  octobre  1830,  les  électeurs  du  Lot  le  choi- 
sirent pour  les  représenter,  et  le  premier  il  aborda  la 
tribune  pour  demander  î'abrogation  de  la  loi  du  12  jan- 
vier 1816,  qui  bannissait  la  famille  de  Napoléon;  mais 
alors  sa  proposition  fut  repoussée  Une  autre  révolution 
élait  nécessaire  pour  briser  cette  loi  d'ostracisme  qui 
rendait  la  France  complice  de  la  haine  des  rois  de  l'Eu- 
rope. Son  mandat  de  député  lui  fut  plusieurs  fois  conti- 
nué. 

Murât  ( Joachim  Joseph- A ndré ,  comte),  fils  de 
Gaétan,  né  le  12  décembre  1828,  a  été  élevé  à  Paris, 
fut  en  1849  nommé  premier  attaché  à  la  mission  de 
M-  Walewski  à  Florence,  et  de  janvier  à  juillet  1852  de- 
meura chargé  d'affaires  par  intérim.  En  1853  il  passa 
avec  le  même  titre  à  Stockholm,  et  est  entré  le  4  février 
1854  au  corps  législatif  comme  député  du  Lot.  Il  accom- 
pagna en  1856  M.  de  Momy  dans  son  ambassade  en 
Russie.  Outre  quelques  proverbes,  dont  un  intitulé,  A 
qui  perd  gagne,  fut  joué  à  Saint-Pétersbourg  en  pré- 
sence de  la  cour  impériale,  Il  a  donné  (in-8°  )  la  rela- 
tion de  la  cérémonie  du  couronnement  de  l'empereur 
Alexandre  H.  Chevalier  de  la  Légion  d'Honneur,  Il  est 
décoré  des  ordres  de  Russie,  de  Toscane  et  de  Suède. 

Un  troisième  frère  du  roi  Murât,  Etienne,  né  à  La  Ras- 
tide,  le  15  avril  1750,  tué  à  Trafalgar,  le  21  octobre  1805, 
fut  père  d'Antoinette,  devenue  princesse  de  Hohenzol- 
lern-Sigmaringen,  en  1808. 

I  e  roi  Murât  eut  aussi  plusieurs  sœurs.  H.  F. 


985 

premier  consul  et  sa  suite  continuaient  leur 
marche  vers  l'Opéra.  La  constitution  de  l'en- 
fant que  madame  Murât  portait  dans  son  sein  se 
ressentit  naturellement  de  cette  catastrophe;  aussi 
fut-il  de  bonne  heure  sujet  à  des  spasmes  dont 
tout  l'art  des  médecins  ne  parvint  pas  à  triompher. 
Il  grandit  à  l'ombre  d'un  trône,  porta  pendant 
le  règne  de  Joachim  le  titre  de  prince  royal  des 
Deux-Siciles,  et  n'avait  pas  encore  quinze  ans 
quand  il  vit  tomber  du  front  de  son  père  la  cou- 
ronne qui  lui  était  destinée.  Ce  fut  au  château 
de  Frohsdorf,  dans  la  haute  Autriche,  où  sa 
mère ,  obligée  de  fuir  avec  sa  .famille ,  l'avait 
conduit  en  1815,  qu'il  apprit  le  dénoûment  du 
drame  qui  avait  terminé  la  vie  aventureuse,  mais 
pleine  de  gloire,  du  roi  son  père.  A  sa  majorité, 
le  prince  s'empressa  de  quitter  l'Europe,  où  la  for- 
tune lui  avait  déjà  fait  connaître  ses  vicissitudes, 
et  résolut  d'aller  s'établir  en  Amérique.  Ce  fut 
inspiré  par  l'amour  de  la  liberté  plus  encore  que 
par  le  regret  du  brillant  avenir  qu'il  avait  perdu, 
qu'il  vint  dans  les  États-Unis.  Il  se  fixa  dans  les 
Florides ,  où  il  acquit  des  terres  et  habita  Was- 
ceissa,  près  de  Tallahassée.  Là  il  ne  dédaigna 
pas  d'accepter  du  gouvernement  de  l'Union  le 
modeste  emploi  de  directeur  des  postes,  et  ce  ne 
fut  pas  une  médiocre  surprise  de  voir  le  fils 
d'un  roi  contribuer  de  sa  fortune  et  de  ses  tra- 
vaux à  la  civilisation  d'un  peuple  libre.  Lors- 
qn'en  1825  le  général  La  Fayette  visita  les 
Etats-Unis,  théâtre  de  ses  premiers  succès, 
Achille  Murât  fit  un  long  voyage  pour  aller  le 
voir,  et  passa  plusieurs  jours  auprès  de  lui.  Par 
son  intermédiaire,  il  épousa,  le  30  juillet  1826, 
Catherine  Dudley,  petite  nièce  de  Washington , 
dont  il  n'a  pas  laissé  d'enfants.  Son  héritier  et 
légataire  universel  fut  le  comte  actuel  J.-  J.-A.- 
Murat,  à  qui  il  légua,  entre  autres  choses,  une  ma- 
gnifique épée  ayant  appartenu  au  roi  son  père.  On 
a  de  lui  :  Lettres  d'un  citoyen  des  États-Unis 
à  un  de  ses  amis  d'Europe;  Paris,  1830,  in-18. 
Les  premières  lettres  de  cette  correspondance 
avaient  été  publiées  en  1828,  dans  la  Revue  tri- 
mestrielle, et  contiennent  les  détails  les  plus  cu- 
rieux et  les  plus  intéressants  sur  les  partis  qui 
divisent  la  république  et  sur  les  nouveaux  États 
de  l'Union;  — Esquisse  morale  et  politique 
des  États-Unis;  Paris,  1832,  in-18;  —  Expo- 
sition des  principes  du  gouvernement  répu- 
blicain ,  tel  qu'il  a  été  perfectionné  en  Amé- 
rique; Paris,  1833,  in-8°;  et  quelques  autres 
brochures.  H.  F. 

Vieilh  de  Boisjolin,  Bioyr.  univ.  et  port,  des  Contemp. 
—  Quérard,  La  France  Littéraire. 

*  murât  (Napoléon- Lucien- Charles,  prince), 
sénateur  français,  né  à  Milan,  le  16  mai  1803. 
Deuxième  fils  de  Joachim ,  il  passa  sa  jeunesse  à 
Naples ,  et  après  la  catastrophe  du  Pizzo ,  en 
1815,  suivit  la  reine  sa  mère  en  Autriche,  où  il 
demeura  jusqu'en  1822. 11  résida  ensuite  à  Ve- 
nise; mais  inquiété  dans  cette  ville  par  une.  po- 
lice soupçonneuse,   if  prit  le  parti  d'aller  re- 


MURAT  986 

joindre  aux  États-Unis  son  oncle  Joseph  Bona- 
parte, ex-roi  d'Espagne,  et  son  frère  Achille.  Le 
navire  qu'il  montait  ayant  fait  naufrage  sur  les 
côtes  d'Espagne  en  1825,  il  y  fut  retenu  prison- 
nier et  éprouva  de  grandes  difficultés  pour  obte- 
nir sa  liberté.  En  1827,  il  épousa  l'héritière  d'un 
des  plus  honorables  noms  d'Amérique,  miss 
Carolina-Georgina  Fraser; 'mais  bientôt  des  re- 
vers de  fortune  vinrent  assaillir  le  jeune  ménage, 
qui,  par  suite  de  diverses  faillites  commerciales, 
fut  réduit  à  une  situation  si  précaire  qu'il  n'eut 
pendant  plusieurs  années  d'autres  ressources 
pour  subsister  que  le  produit  d'un  pensionnat  de 
jeunes  filles,  fondé  et  dirigé  par  madame  Murât. 
Impatient  de  retourner  en  France,  il  y  vint  en 
1839;  mais,  traqué  par  la  police,  il  ne  put  y  sé- 
journer que  peu  de  temps,  et  force  lui  fut  de 
quitter  le  territoire  français.  Un  nouveau  voyage 
dans  la  mère-patrie  fut,  en  1844,  suivi  des  mêmes 
déceptions;  mais  la  révolution  de  1848  lui  en 
ouvrit  définitivement  les  portes,  au  moment  où 
il  venait  d'hériter  des  litres  de  son  frère  aîné.  Il 
se  présenta,  huit  jours  seulement  avant  les  élec- 
tions, aux  suffrages  du  département  du  Lot ,  et 
son  nom  sortit  le  premier  sur  sept  de  l'urne  du 
scrutin.  Au  15  mai  de  cette  année ,  ;1  montra  de- 
vant l'émeute  qu'il  n'avait  point  oublié  les  tradi- 
tions du  courage  paternel ,  et  affronta  no- 
blement les  cris  et  les  menaces  des  envahis- 
seurs de  la  Constituante.  La  ressemblance  qu'il 
offrait  sous  le  rapport  physique  avec  M.  Caus- 
sidière  faillit  ce  jour-là  lui  devenir  fatale.  Il  l'a 
fait  remarquer  lui-même  en  racontant  une  visite 
qu'il  avait  cru  devoir  faire  à  la  préfecture  de 
police.  «  Ma  funeste  ressemblance  avec  M.  Caus- 
sidière,  dit-il,  dans  la  séance  du  15  mai,  a  fait 
qu'on  s'est  précipité  sur  moi ,  et  ce  n'est  que 
quand  j'ai  eu  dit  mon  nom ,  que  les  cris  de  fu- 
reur se  sont  changés  en  ceux  de  :  Vive  le  citoyen 
Murât.  »  Membre  du  comité  des  affaires  étran- 
gères, il  vota  généralement  avec  la  droite, 
excepté  sur  la  question  des  deux  chambres. 
Après  l'élection  du  10  décembre,  il  servit  de 
tout  son  pouvoir  la  politique  du  prince-président. 
En  mars  1849,  la  3e  légion  de  la  garde  natio- 
nale de  Paris  (  banlieue)  le  choisit  pour  colonel, 
et,  peu  après,  les  départements  du  Lot  et  de  la 
Seine  le  réélurent  à  l'Assemblée  législative.  Il 
opta  pour  le  premier.  Le3  octobre,  il  fut  nommé 
ministre  plénipotentiaire  de  France  à  Turin,  et 
le  8  décembre  suivant,  chevalier  de  la  Légion 
d'Honneur.  La  croix  d'officier  lui  fut  remise 
le  17  décembre  1850.  Membre  de  la  commission 
consultative  après  le  coup  d'État  du  2  décembre 
1851,  il  devint  sénateur  le  26  janvier  1852,  et 
membre  de  la  famille  civile  de  l'empereur; 
il  obtint,  le  21  juin  1853,  le  titre  de  prince, 
titre  qui  lui  donne  droit  aux  qualifications  d'Al- 
tesse et  de  Monseigneur.  Dans  ces  derniers 
temps,  en  présence  des  graves  événements  qui 
se  passent  en  Italie,  l'on  a  parlé  beaucoup  des 
prétentions  du  prince  Murât  à  la  couronne  des 


987  MURAT  — 

Deux-Siciles,  où  sa  famille  compte  encore  un 
certain  nombre  de  pariisans;  mais  aucun  fait 
particulier  n'est  venu  donner  à  ces  bruits  quel- 
que autorité,  et  dès  1855,  dans  une  lettre  adressée 
à  son  neveu,  le  marquis  Pepoli,  à  Bologne,  le 
prince  a  décliné  toute  initiative,  voulant  laisser 
aux  Italiens  toute  liberté  d'action,  recommandant 
la  prudence,  et  rappelant  toutefois  un  proverbe 
qui,  pour  être  vieux  n'en  est  pas  moins  vrai  :  No- 
blesse oblige.  De  son  côté,  le  gouvernement 
français  n'a  rien  fait  pour  encourager  de  telles 
prétentions.  —  Le  prince  Murât  à  été  promu 
grand -croix  de  la  Légion  d'Honneur  le  16  juin 
1856.  H.  Fisquet. 

Vapereau,  Dictionn.  des  Contemporains.  —  Itfen  of 
Time;  London,  1856.  in-12.  —  Album,  de  la  semaine,  lé- 
vrler  et  mars  1855.  —  Dictionn.  de  la  Conversation. 

*  murât  (Jean  ),  peintre  français,  né  en 
août  1 807,  à  Felletin  (Creuse).  Élève  de  Regnault, 
de  Blondel  et  d'Hersent,  il  suivit  les  cours  de 
l'École  des  Beaux-Arts  et  obtint  le  premier  grand 
prix  de  peinture  en  1837,  sur  le  sujet  de  Noé 
faisant  tin  sacrifice  à  Dieu  au  sortir  de  V ar- 
che. Il  s'était  déjà  fait  connaître,  aux  salons  de 
1831  à  1835,  par  les  tableaux  suivants  :  Une 
Veuve  au  tombeau  de  son  mari  mort  pour  la 
liberté;  —  Circé;  Eucharis; — Charles  Vil  et 
Agnès  Sorel.  Après  son  séjour  à  Rome,  il  exposa 
Agar  dans  le  désert  (salon  de  1842,  et  expo- 
sition universelle  de  1855);  — Jérémie  (1814)  ; 
—  Numa  écrivant  ses  lois  sous  l'inspiration 
d'Egérie  (1846);  —  Abraham  recevant  les 
trois  anges  (  1849);  —  Le  Christ  préchant 
la  charité  (1853).  Cet  artiste  a  exécuté  dans 
l'église  de  Saint-Séverin,  à  Paris,  Marthe  et 
Marie  aux  pieds  de  Jésus-Christ. 

G.  DE  F. 
Livrets  des  Salons.  —  Renseignements  particuliers. 
MURAT  DE  S1STRIÈRES.    Voy.    DESISTRIÈ- 
RES. 

MlTRATORI-MONETAouMSTLATORI-SCAîf- 

narecchi  (  Teresa),  musicienne  et  peintre 
italienne,  née  à  Bologne,  en  1662,  morte  en 
1708.  Fille  d'un  médecin  nommé  Roberto,  elle 
reçut  une  éducation  soignée,  et  se  livra  avec  un 
égal  succès  à  la  composition  musicale  et  à  la 
peinture.  Bonne  coloriste,  elle  se  forma  une  ma- 
nière pleine  de  grâce  et  d'effet,  et  dans  les  églises 
de  Bologne  ses  tableaux  peuvent  soutenir  la 
comparaison  avec  la  plupart  de  ceux  de  ses 
contemporains.  Avec  l'aide  de  G -G.  del  Sole, 
elle  peignit  pour  l'église  Saint-Etienne  un  Saint 
Dominique  ressuscitant  un  enfant.  Parmi  les 
tableaux  qu'elle  peignit  seule,  un  des  mieux 
réussis  est  La  Vierge  apparaissant  à  saint 
Pierre  martyr,  qu'elle  fit  pour  l'église  Saint- 
Dominique,  qu'on  venait  d'élever  à  Ferrare. 
E  B— n. 
Crcspi,  Felsina  pittrice.  —  Orlandi,  Abbecedario.  — 
Fanzl,  Storia  pittorica.  —  Gualandi,  Trc  Giorni  in  Bo- 
iogna. 

muratori    (  Lodovico- Antonio  ) ,    célèbre 
archéologue  et  historien  italien,  né  à  Vignola, 


MURATORI  988 

près  de  Modène,  le  21  octobre  1672 ,  mort  à  Mo- 
dène, le  21  janvier  1750.  Appartenant  à  une  fa- 
mille peu  fortunée,  il  ne  reçut  qu'une  première 
éducation  fort  incomplète.  On  remarque  comme 
contraste  avec  sa  carrière  d'érudit  que  les  romans 
de  mademoiselle  de  Scudéry  furent  la  principale 
lecture  de  son  enfance.  En  1685  il  fut  mis  au  col- 
lège des  jésuites,  et  répara  le  temps  perdu  jusque 
là.  En  1688  il  prit  l'habit  ecclésiastique,  et  en  1692 
il  soutint  avec  éclat  ses  thèses  pour  le  doctorat. 
Ses  succès  universitaires  le  signalèrent  à  l'atten- 
tion de  quelques  hommes  instruits,  tels  que  Jo- 
seph Orsi  et  Félix   Marsigli.  Sur  leur  recom- 
mandation le  comte  Charles  Borromée  nomma 
en  1695  le  jeune  Muralori  un  des  conservateurs 
(dottori  )  de  la  bibliothèque  Ambrosiennè  à  Mi- 
Jan.  Nulle  place  ne  convenait  mieux  àunérudit  de 
vingt-deux  ans,  plein  d'ardeur  et  infatigable  au 
travail.  A  peine  entré  dans  la  bibliothèque,  il  se 
mit  à  déchiffrer  des  manuscrits  depuis  longtemps 
négligés,  et  il  en  tira  matière  pour  plusieurs  vo- 
lumes d'Anecdota  latines  que  suivirent  à  quel- 
ques années  de  distance   des  Anecdota  grec- 
ques. Cette  publication  le  mit  en  rapport  avec 
quelques-uns  des  érudits  et  des  paléographes  les 
plus  distingués  de  son  temps,  Noris,  Ciampini, 
Manillon,  Bernard  de  Montfaucon,  Papebroche, 
Salvini.  Tout  en  s'appliquant  à  ces  arides  labeurs! 
il  ne  laissait  pas  de  fréquenter  les  académies, 
et  d'y    lire   ses  compositions  littéraires.   Il  se 
trouvait    heureux   de  sa   situation,  lorsque     'e 
duc  de  Modène,   Rinaldo  Ier,  le  rappela   pour 
le  mettre  à  la  tête  des  archives  du  duché  en 
1700.  Muratori  hésitait;  mais  il  céda  lorsque  le 
duc  ajouta  au  titre  d'archiviste  celui  de  biblio- 
thécaire. L'occupation  de  Modène  par  les  Fran- 
çais troubla  à  peine  la  paisible  existence  de  Mu- 
ratori, que  les  conquérants  traitèrent  avec  beau- 
coup d'égards.  Au  retour  du  duc,  l'archiviste 
bibliothécaire  reprit  toutes  ses  habitudes  de  tra- 
vailleur érndit,  et  fit  paraître  une  foule  de  tra- 
vaux très-recommandables,  bien  qu'ils  se  ressen- 
tent de  la  hâte  avec  laquelle  ils  ont  élé  rédigés. 
Nous  ne  raconterons  pas  en  détail  celte  vie  mo- 
notone et  occupée,  qui  n'offre  guère  d'autres  évé- 
nements que  des  publications  érudites  et  des 
honneurs  académiques;  nous  n'en  rapporterons 
que  l'épisode  le  plus  notable.  Les  ennemis  de 
Muratori  l'accusèrent  d'hérésie  et   même  d'a- 
théisme ;  ils  répandirent  le  bruit  que  le  pape 
Benoît  XIV  avait  relevé  dans  ses  écrits  divers 
endroits  dignes  de  censure  et  qu'il  les  avait  si- 
gnalés dans  un  bref  à  l'inquisiteur  d'Espagne. 
Muratori,  qui,  avec  certains  sentiments  d'indé- 
pendance, était  bon  catholique,  et  qui  aimait 
surtout  son  repos,  se  hâta  d'en  référer  au  pape 
dans  une  lettre  pleine  de  soumission  et  de  respect. 
Benoît  XIV  le  rassura,  et  lui  déclara  noblement 
qu'il  n'avait  jajnais  songé  à  troubler  un  savant 
respectable   pour  quelques  erreurs  sur  le  pou- 
voir temporel  des  papes,  lesquelles  erreurs,  ne 
touchant  ni  au  dogme  ni  à  la  discipline,  ne.sau- 


989 


iMURATORI 


raient  être  l'objet  de  censures  ecclésiastiques. 
Cette  lettre  mit  en  repos  l'estimable  antiquaire. 
Des  infirmités  tourmentèrent  ses  derniers  an- 
nées, et  un  peu  avant  sa  mort  il  lut  atteint  d'une 
cécité  complète.  Il  mourut  à  l'âge  de  soixante- 
treize  ans,  laissant  de  nombreux  ouvrages,  qui 
sont,  aujourd'hui  en  partie  oubliés,  mais  dont 
quelques-uns  sont  des  monuments  durables,  qui 
placent  Muratori  à  côté  des  savants  bénédictins 
français  Mabillon,  Montl'aucon,  dom  Bouquet  ; 
on  en  trouvera  la  liste  complète  dans  Tiraboschi, 
Fabroni,Tïpaldo  ;  nous  neciterons  ici  que  les  plus 
importants,  savoir:  Anecdota  qua?  ex  Ambro- 
sianai  bibliothecae  codicibus  nunc  primum 
eruit  ,  notis  et  disquisitionibus  auxit  L.  An. 
Muraiorius ;  Milan,  1697,  1098,  2  vol.  in-4°. 
Ce  recueil  contient  les  quatre  poèmes  de  saint 
Paulin,  évêque  de  Nola,  avec  des  notes  sur  la 
vie  de  ce  saint,  sur  celle  de  ses  amis,  et  sur 
plusieurs  points  de  discipline  ecclésiastique  ;  la 
profession  de  foi  de  Bacchiarius,  auteur  de  la 
fin  du  quatrième  siècle  ;  une  histoire  de  Milan  ; 
quelques  autres  pièces  inédites;  avec  deux 
dissertations,  l'une  sur  le  jeûne  des  quatre- 
temps,  l'autre  sur  la  couronne  defer  qui  servait 
à  couronner  les  rois  d'Italie;  —  Anecdota 
grxca,  quee  ex  manuscriptis  codicibus  nunc 
primum  eruit,  latio  donat,  notis  et  disquisi- 
tionibus auge  t  L.  A.  M.;  Padoue  ,  1709,  1710, 
1713,  3vol.in-4°;  ces  volumes,  où  lvon  désirerait 
plus  de  critique,  contiennent  beaucoup  d'épi* 
grammes  inédites  de  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze,  des  Lettres  de  Firmin,  évêque  de  Césa- 
rée,  de  Julien  l'Apostat,  et  quatre  dissertations 
del'éditeur  ; — Anecdota  lalina;  Padoue,  vol.  III 
et  IV,  \n-b°;  —  Antichila  Estensi;  Modène, 
1717  ,  infol.  ;  —  Rerum  Italicarum  Scriplo- 
res  ab  anno  œrx  christianas  quingentesimo 
ad  millesimumquingentesimum  ;  Milan,  1723- 
38,  27  vol.  in-fol.;  cette  immense  compila- 
tion, sur  laquelle  repose  en  grande  partie  la  ré- 
putation de  Muratori,  n'est  pas  exempte  des  dé- 
fauts reprochés  à  ses  autres  ouvrages  ;  mais 
quoiqu'elle  manque  un  peu  d'ordre  et  de  cri- 
tique, elle  reste  la  source  la  plus  précieuse  pour 
l'histoire  de  l'Italie  au  moyen  âge;  —  Anliqui- 
tates  Italicee  medii  sévi,  sive  disserlationes 
de  moribus  italici  populi,  ab  inclinatione  ro- 
mani imperii  usque  ad  annum  1500;  Milan, 
1738-1742,  6  vol.  in-fol.  ;  ce  recueil  de  chartes, 
de  diplômes  pour  toute  la  période  italienne  du 
moyen  âge,  est  une  sorte  de  complément  de 
l'ouvrage  précédent ,  mais  il  est  moins  estimé  ; 

—  Novus  Thésaurus  veterum  fnscriptionum, 
in  prxcipuis  earumdem  colleclionibus  hac- 
tenus  praetermissarum;  Milan,  1739-1742, 
6  toI.  in-fol.  ;  collection  plus  complète  que  les 
précédentes,  et  qui  offrait  tant  de  difficultés  que 
l'on  doit  savoir  gré  à  Muratori  de  l'avoir  exé- 
cutée quoiqu'il  ait  commis  beaucoup  d'erreurs; 

—  Annali  d'italia,  del  principio  detV  era 
volgare  fino  alV  anno  1500  ;  Venise ,  1744- 


-  MURAZAJS  990 

1749,  12  vol.  în-4o  ;  Lucques,  1762-1/70, 14  vol. 
gr.  iiir-4";  —  Litiugia  roinana  vêtus;  tria 
sacrante» tarin  complecte.us ,  Leonianum  sci~ 
lia'',Gc,lasianumel  anliquum  grcgorianum; 
Venise,  17'»8,  2  vol.  infol.  Les  Œuvres  ita- 
liennes et  latines  de  Muratori  furent  publiées 
à  Arezzo,  1767-1780,  36  t.  in-4°.  Un  volume  de 
Lcltere  inédite  ed  elogj  parut  par  les  soins  de 
l'abbé  Lazzari;  Venise,  1783,  2  vol.  in-8°.  L.  J. 
G.-F.  Muralori,  Vila  del  célèbre  l.udon.-Jiit.  Mura- 
tori; Venise.  1J86,  ln-4°.  —  Schedonl,  Etogio  di  Ludov. 
sint.  Muratori;  Modène,  1818,  in-»°.  —  ISrann,  Ehren- 
rertung  Ludw  'Ant. Muratori' s  dure  h  lienedict  XI  f ,  etc., 
z.ur  Recfttfertlgung  geueti  die  rerdâciitigwigen  des 
Ltittic fier  Journal  historique,  et  littéraire;  Trêves,  1838, 
in-8».  —  Tlraboschl,   liiblioleca  Modenese,  vol.  III  et  VI. 

—  Pabroni.  fitx  Italorum,  t.  X.  —  Tlpaldo,  biogr.  degli 
ltaliani  illustri,  t.  VU. 

mitkatowicz  (  Sefer  ),  voyageur  polonais 
du  dix-septième  siècle.  Chargé  en  1602  par  le 
roi  de  Pologne  Sigismond  III  d'une  mission  en 
Perse,  Muratowiz  en  a  laissé  une  Relation,  qui 
a  été  imprimée  en  1777  et  en  1807  à  Varsovie 
et  insérée  par  Tourguenief  dans  ses  Historica 
Russise  Monimenta ,  II,  50.    Pce  A.  G. — n. 

Adelung,  Uebersicht  der  Reisenden  in  Russland  bis 
1700. 

MDOAZ4IV  (Juan),  président  de  la  répu- 
blique de  Guatemala,  né  à  San-Salvador,  en  1796, 
mort  au  Chili,  en  1852  Ses  parents  étaient  de 
riches  propriétaires  fonciers  :  il  avait  été  destiné 
au  barreau;  mais  il  se  jeta  dans  la  carrière  po- 
litique, et  après  avoir  contribué  à  l'affranchisse- 
ment de  sa  patrie  devint  l'un  des  plus  fermes 
champions  du  parti  libéral,  dont  la  province  de 
San-Salvador  était  le  foyer.  Il  fut,  quoique  bien 
jeune,  élu  député  au  congrès,  et  y  soutint  avec 
éclat  la  politique  du  vice  président  Florès.  Il  com- 
battait les  centralistes  ou  servîtes,  faction 
composée  de  familles  puissantes  qui ,  gratifiées 
sous  la  domination  espagnole  de  privilèges  et  de 
monopoles  exorbitants,  prétendait  conserveries 
usages  ou  plutôt  les  abus  du  système  colonial.,  et, 
parce  qu'elle  trouvait  un  appui  intéressé  dans 
les  prêtres  et  dans  le  fanatisme  des  masses,  s'op- 
posait à  toule  innovation.  Murazan,  impru- 
dent apôtre  d'une  brusque  rénovation,  oublia 
que  l'exercice  de  la  liberté  doit  toujours  être 
mis  en  harmonie  avec  l'intelligence  d'une  nalion. 
Il  se  heurta  contre  les  préjugés,  les  traditions, 
et  dès  la  troisième  session ,  à  la  tête  de  son  parti, 
il  se  retirait  du  congrès  en  protesiant  contre  une 
majorité  stationnaire,  selon  lui  réactionnaire. 
Les  moines  et  les  femmes  de  Quezaltenango 
ayant  massacré  Florès  dans  leur  église  même, 
Murazan  se  mit  à  la  tête  des  libéraux,  et  le 
6  mars  1827  parut  devant  Guatemala.  Il  fut 
battu  par  des  bandes  formidables,  et  les  démo- 
crates furent  écrasés  dans  tout  l'État  de  Gua- 
temala. Murazan  soutint  pendant  deux  ans  une 
guerre  de  guerrilleros,  souvent  heureuse.  En 
1829  il  entrait  triomphalement  dans  Guatema'a. 
En  1831  il  fut  nommé  président  et  réélu  à  l'ex- 
piration de  ses  fonctions.  Durant  huit  années  sa 


991 


MURAZAN  —  MURCHISON 


patrie  jouit  d'une  certaine  prospérité,  malgré  les 
intrigues  du  clergé  et  des  centralistes ,  qui  lui 
suscitèrent  comme  rival  le  fameux,  et  féroce  mu- 
lâtre Carrera.  L'expulsion  des  moines ,  l'éta- 
blissement du  mariage  civil ,  la  confiscation 
des  biens  du  clergé  et  des  impôts,  qui,  pour  être 
nécessaires,  n'en  paraissaient  pas  moins  onéreux, 
excitaient  un  vif  mécontentement  dans  le  pays. 
Le  choiera  se  déclara  en  1837.  Murazan  s'était 
souvent  aidé  du  conseil  de  quelques  Européens  ; 
les  prêtres  persuadèrent  aux  Indiens  que  ces 
étrangers  avaient  empoisonné  l'eau  des  sources 
et  des  rivières  :  des  scènes  terribles  s'en  sui- 
virent, et  le  parti  clérical  triompha  sur  beaucoup 
de  points.  Galvez  avait  succédé  à  Murazan, 
qui  vivait  dans  la  retraite,  mais  bientôt  il  fut 
appelé  au  pouvoir  (février  1838),  et  après  quel- 
ques pourparlers  avec  Carrera  et  son  complice 
Barundia,  il  commença  la  guerre,  et  fut  reçu  dans 
Guatemala  aux  acclamations  générales.  II  se  con- 
duisit avec  une  droiture  et  un  respect  de  la  léga- 
lité qui  lui  concilièrent  l'estime  générale.  Mura- 
zan fut  nommé  dictateur.  Cependant  il  paraissait 
dégoûté  du  gouvernement,  et  s'éloignait  souvent 
pour  jouir  du  repos  à  San-Sâlvador.  Durant  une 
de  ces  absences  Carrera  se  présenta  devant  Gua- 
temala, qui  lui  ouvrit  ses  portes.  Le  18  mars  Mu- 
razan y  rentra;  un  combat  terrible  se  livra  dans 
les  rues;  les  deux  chefs  se  rencontrèrent  dans 
la  mêlée,  et  échangèrent  plusieurs  coups.  Les 
libéraux  furent  vaincus  et  leurs  chefs,  presque 
tous  blessés  et  tombés  au  pouvoir  du  sangui- 
nainaire  vainqueur,  furent  achevés  (Arias,  Perez, 
Marescal,  Padilla,  José  Viera,  etc.).  Marazan  ce- 
pendant s'échappa.  Ralliant  quelques  forces,  il 
battit  encore  le  général  Figors,  et  reprit  San  Sal- 
vador ;  mais  mal  secondé,  il  s'embarqua  à  Zon- 
zanate  pour  le  Chili,  où  il  termina  ses  jours, 
dans  la  vie  privée.  «  Hostile  au  clergé,  on  a  re- 
proché à  Murazan  d'avoir  rançonné  les  classes 
opulentes  de  son  pays  ;  il  ne  le  fit  que  pour 
obéir  aux  nécessités  de  la  guerre  ;  ses  détrac- 
teurs mêmes,  écrit  M.  de  La  Renaudière,  recon- 
naissent qu'il  était  doux,  humain  et  irréprochable 
dans  sa  vie  privée.  »  C'était  l'homme  le  plus  ca- 
pable de  tirer  l'Amérique  centrale  de  l'ornière 
sanglante  dans  laquelle  eHe  se  débat  encore  au- 
jourd'hui. A.  de  Lacaze. 

La  Renaudière  et  Frédéric  Lacroix,  Guatemala ,  dans 
l'Univers  pittoresque;  Firmin  Didot,  1849,  p.  297-308. 

*  mcrchison  (Sir  Roderick-Impey),  géo- 
logue anglais,  ne  le  19  février  1792,  à  Taradale 
(  comté  de  Ross  ),  en  Ecosse.  Il  fit  ses  huma- 
nités à  Durham,  et  passa  deux  ans  au  collège 
militaire  de  Marlow.  Quoique  pourvu  dès  1807 
d'un  brevet  d'officier  d'Infanterie,  il  acheva  son 
éducation  à  l'université  d'Edimbourg,  et  ne  re- 
joignit son  régiment  que  dans  l'hiver  de  )  808. 
Bientôt  après,  il  s'embarqua  pour  la  péninsule 
sous  les  ordres  de  Wellington,  et  assista  aux 
batailles  de  Vimiera  et  de  La  Corogne;  il  fut  en- 
suite attaché  à  l'état-major  du  général  Macken- 


5 


995 

zie,  son  oncle  maternel,  prit  part  au  siège  dt 
Cadix  et  rentra  dans  son  pays  avec  le  grade  de 
capitaine  de  dragons.  En  1815,  il  quitta  te  ser- 
vice, et  se  maria.  Ce  fut  par  les  conseils  de  sir 
Humphrey  Davy  qu'il  entreprit  de  cultiver  les 
sciences  naturelles.  Entre  1822  et  1824,  il  fré- 
quenta les  cours  de  l'Institution  royale,  et  apprit 
la  chimie  sous  la  direction  de  Richard  Philips.  Il 
l'appliqua  de  préférence  à  la  géologie,  et  son 
premier  travail  (  Geological  Sketch  of  the 
north-western  extremity  of  Sus  s  ex)  parut  en 
1825  dans  le  recueil  de  la  Société  Géologique. 
En  1826,  il  entra  dans  la  Société  royale  de 
Londres.  Après  avoir  parcouru  une  partie  de 
l'Ecosse  avec  Sedgwick  (1827) ,  il  visita ,  en 
compagnie  de  Charles  Lyell ,  l'Auvergne ,  la 
Provence  et  le  Piémont  (1828)  ;  ce  voyage  donna 
lieu,  de  la  part  des  deux  savants,  à  trois  mé- 
moires, qu'ils  rédigèrent  ensemble  sur  les  roches 
volcaniques  et  les  excavations  de  la  France  cen- 
trale, sur  les  couches  tertiaires  du  Canlal  et  sur 
celles  des  environs  d'Aix.  Puis  Murchison  tra- 
versa seul  la  chaîne  orientale  des  Alpes,  et  il 
continua  en  1829  et  en  1830  cette  exploration, 
dont  il  publia  les  résultats  avec  Sedgwick.  Ayant 
reporté  son  attention  sur  la  géologie  de  l'Angle- 
terre ,  il  explora,  selon  le  conseil  que  lui  en 
donna  le  célèbre  Buckland,  les  bancs  de  la 
Wye,  entre  Hay  et  Bailth.  Jusque  alors  l'en- 
semble des  couches  d'aspect  si  tourmenté  dans 
le  nord  du  pays  de  Galles  ne  présentait  qu'un 
chaos  scientifique  ;  on  les  considérait  comme  un 
labyrinthe  de  ruines  dont  le  fil  d'induction  était 
perdu. Ce  fut  Murchison  qui  porta  l'ordre  au 
milieu  de  cette  confusion  des  éléments  :  il  éta- 
blit que  cette  masse  de  roches  sédimentaires , 
déchirées  çà  et  là  par  des  couches  d'origine 
ignée,  formait  un  système  unique  auquel  il 
donna  le  nom  de  silurien  (Silurian  System), 
parce  que  les  roches  qui  en  déterminent  le  type 
se  développent  surtout  dans  larégion  occupée  du 
temps  des  Romains  parla  peuplade  des  Silures. 
11  divisa  ces  roches  en  deux  groupes,  les  unes 
ne  contenant  aucune  trace  de  vie,  les  autres 
renfermant  les  plus  anciens  vestiges  d'êtres  or- 
ganisés que  l'œil  humain  ait  pu  découvrir.  Mur- 
chison annonça  dès  1831  le  résultat  de  ses  re- 
cherches, à  la  première  assemblée  de  la  Société 
britannique  pour  l'Avancement  des  Sciences,  et  il 
les  publia  de  1832  à  1835  dans  les  colonnes  des 
Proceedings  of  the  Geological  Society  et  du 
Philosophical  Magazine.  Puis,  reprenant  l'en- 
semble de  ses  vues  et  de  ses  travaux  sur  la  pa- 
léontologie du  pays  de  Galles,  il  les  exposa  dans 
uneformeplus  complète  sous  le  titre  :  The  Silu- 
rian  System,  founded  on  geological  resear- 
ches  in  the  counties  ofSalop,  Hereford,  Rad- 
nor,  etc.,  wilh  description  of  the  coal-fields 
and  overlying  formations;  Londres,  1839, 
gr.  in  8°.  Mettant  à  profit  les  études  extérieures 
d'Austen  et  les  indications  de  Henry  de  La 
Bêche,   il  établit,  de  corfcert  avec  Sedgwick, 


lire. 


is.  il 


Jt  en 


)3 


MURCHISON  —  MURENA 


994 


ie  les  roches  stratifiées  des  comtés  de  Devon 
de  Cornouailles  devaient  être  assimilées  au 
eux.  grès  rouge  d'Ecosse,  et  il  leur  imposa  le 
)m  de  Système  devonien. 
Ce  savant  venait  de  visiter  les  Provinces  Rhé- 
ines,  la  Belgique  et  l'a  Flandre,  lorsqu'il  reçut 
5  l'empereur  Nicolas  l'invitation  d'entreprendre 
îe  exploration  semblable  en  Russie  (1840).  Ac- 
impagné  de  son  ami  Sedgwick  et  d'un  géo- 
gue  français,  M.  de  Verneuil,  il  parcourut  les 
irds  des   fleuves   Wolkoff  et  Siass,   du    lac 
«îega,  s'avança  jusqu'à  Archangel,  et  remonta 
Dwina  jusque  dans  le  gouvernement  de  Yo- 
gda;  après  avoir  franchi  le  Volga,  il  se  rendit 
,r  Moscou  à  Saint-Pétersbourg,  en  examinant 
3  monts  Valdaï,  le  lac  ilmen  et  lès  bancs  des  rr- 
ères  qu'il  rencontrait.  Rappelé  au  printemps 
s-1841,  il  conduisit  à  bonne  (in  cette  difficile 
ilreprise  par  l'exploration  des  monts  Ourals, 
;s  provinces   méridionales  de  l'empire  et  des 
tuillières  situées  entre  le  Dnieper  et  le  Don; 
eut  dans  ce  second  voyage  MM.  de  Verneuil, 
comte  Keyserling  et  le  lieutenant  Kotsharof 
>ur  compagnons.  En  1842,  Murchison  parcou- 
rt;- seul  une  grande  partie  de  l'Allemagne,  la  Po- 
<gne  et  la  chaîne  des  Carpathes,  et,  afin  de 
îndre  plus  complètes  ses  études  sur  la  géo- 
fgie  de  l'Europe   orientale,  il   poussa,  dans 
été  de  1844,  jusque  dans  les  pays  Scandinaves. 
te  long  voyage  terminé,  il  en  consigna  les  im- 
ortants  résultats,  en  société  avec  MM.  de  Ver- 
«uil  et  de  Keyserling,  dans  un  magnifique  ou- 
rage,  intitulé   :  Geology  of  Russia  and  the 
rral  mountains  (Londres,  1845,  2  vol.  in-4°, 
vec  planches  et  cartes),   traduit  en  russe  par 
s  colonel  Osersky(Pétersbourg,  1849),  et  réim- 
rimé  à  Londres  en  1853.  A  cette  publication  se 
attache  un  volumineux  mémoire  qui  avait  paru 
n  1841  sur  la  structure  géologique  des  régions 
u  nord  et  du  centre  de  la  Russie.  Cette  mission 
cientifique  valut  à  Murchison  les  récompenses 
es  plus  flatteuses  :  outre  un  beau  vase  d'aven- 
urine  monté  sur  un  socle  de  porphyre,  il  reçut 
iu  tsar  Nicolas  les  insignes  des  ordres  de  Saint- 
itanislas  et  de  Sainte- Anne  ainsi  que  son  admis- 
tion  à  l'Académie  des  Sciences  de  Pétersbourg; 
e  gouvernement  anglais  lui  accorda  des  lettres 
le  noblesse  (février  1846),  et  la  Société  royale 
le  Londres  lui  décerna  en  18.49  la  grande  médaille 
leCopley.  M.  Murchison  a  présidé  plusieurs  fois 
a  Société  Géologique  et  la  Société  Géographique 
le  Londres ,  et  il  appartient  à  presque  toutes  les 
compagnies  savantes  du  continent,  y  compris 
'Académie  des  Sciences  de  Paris.  Depuis  1855  il 
t  succédé  à  Henry  de  La  Bêche  dans  les  fonctions 
le  directeur  du  muséum  de  géologie  pratique. 

Outre  les  travaux  déjà  mentionnés  de  ce  sa- 
vant, nous  citerons  encore  :  On  the  geological 
Structure  of  the  Alps,  Apennines  and  Carpa- 
thians,  dans  les  Mém.  de  la  Soc.  Géol.,  t.  V, 
trad.  en  italien  par  Savi  et  Meneghini  ;  —  Silu- 
ria  :  the  histor%  of  the  oldest  knovm  rocks 

NOTJT.   BIOGR.   CÉNÉR.   —  T.    XXXVI. 


containing  organic  remains,  tvith  a  brie/ 
sketch  of  the  distribution  of  gold  over  the 
earth;  Londres,  1854,  gr.  in-8°;  il  y  expose 
avec  beaucoup  de  clarté  et  dans  les  plus  grands 
détails  ses  vues  particulières  sur  les  roches  pri- 
mitives, sur  leur  altération  et  sur  les  débris  or- 
ganiques qu'on  y  a  retrouvés  en  abondance,  et  il 
ilémontre,  en  opposition  sur  ce  point  avec  sir 
Ch.  Lyell ,  que  le  système  silurien  s'est  formé 
partout  des  mêmes  éléments,  et  qu'il  a  été  dé- 
couvert identique  à  lui-même  en  Ecosse,  en 
Russie,  en  Bretagne,  dans  l'Himalaya,  au  Cap 
de  Bonne-Espérance,  au  Chili,  sur  quelques 
points  de  l'Océanie,  etc.;  —  Geological  Atlas 
of  Europe;  Edimbourg,  1856,  in-4°,  dressé  avec 
la  collaboration  de  Nicol  et  de  Johnston.  La  liste 
complète  des  mémoires  scientifiques  de  Murchi- 
son est  rapportée  dans  la  Bibliographie  d'A- 
gassiz  et  de  Strickland.  p.  L— y. 

Cyclop.  nf  Enqlish  Literature,  (  biogr.  ).  —  Men  ofthe 
Time. 

mure  (  William),  philologue  anglais,  né  à 
Caldwcll  (  Ecosse  ),  en  1799,  mort  en  avril  1860. 
Il  commença  ses  études  à  l'école  de  Westmins- 
ter, les  continua  à  l'université  d'Edimbourg  et 
les  acheva  à  l'université  de  Bonn.  Il  représenta 
le  comté  de  Renfrew  à  la  chambre  des  com- 
munes de  1846  à  1855.  Il  fut  élu  lord  recteur 
de  l'université  de  Glasgow  en  1855.  Par  sa  con- 
naissance précise  et  variée  de  l'antiquité  grecque, 
Mure  égalait  presque  les  meilleurs  philologues 
de  l'Allemagne,  et  si  l'on  excepte  Ot.  Millier,  il 
les  surpassait  par  le  talent  d'exposition.  Son  prin- 
cipal ouvrage,  intitulé  :  Critical  Account  ofthe 
Language  and  Literature  of  ancient  Greece 
Londres,  1850-1857,  5  vol.  in-8°,  est  un  monu- 
ment auquel  il  n'a  manqué  que  d'être  achevé 
pour  prendre  place  parmi  les  grandes  œuvres  de 
notre  époque.  Cette  Histoire  critique  de  la 
Langue  et  de  la  Littérature  de  l'ancienne 
Grèce  comprend  l'épopée  homérique ,  les  poètes 
lyriques  et  les  historiens  de  la  période  attique. 
On  a  reproché  à  l'auteur  d'avoir  montré  trop  de 
défiance  pour  les  vues  nouvelles  de  l'école  alle- 
mande et  de  s'être  renfermé  trop  strictement 
dans  les  limites  de  la  critique  traditionnelle; 
mais  on  ne  lui  a  contesté  ni  un  savoir  solide  ni 
un  sentiment  élevé  de  la  poésie  grecque.  Outre 
Y  Histoire  de  la  Li'lérature  grecque,  on  a  de 
William  Mure  :  Journal  of  a  Tour  in  Greece; 
Londres,  1838,  in-8°.  L.  J. 

Edinburgh  Review  (1880).  —  The  Critic,  avril  186Û. 

mitrena  ,  nom  d'une  famille  ou  branche  de  la 
gens  Licinia,  originaire  de  Lanuvium  (cività 
Lavigna),  vieille  ville  latine  près  de  la  voie  Ap- 
pienne.  Le  surnom  de  Murena  fut,  dit-on,  donné 
au.  chef  de  cette  famifle  parce  qu'il  aimait  beau- 
coup les  lamproies  {murena)  et  qu'il  bâtissait 
des  viviers  pour  ces  poissons  (Pline,  ffist.  Nat., 
IX,  54  ;  Macrobe,  Saturn.,  II,  il).  On  compte 
dans  l'histoire  romaine  sept  membres  de  cette 
famille.  Les  principaux  sont  : 

32 


«*95 


MURENA 


9 


murena  (Litchis  Ldcinius),  un  des  lieute- 
nants de  Sylla,  mort  vers  80  avant  J.-C.  A  la 
bataille  de  Chéronée,  dans  laquelle  Sylla  défît 
Archelaûs,  un  des  généraux  de  Mithridate,  en  86, 
il  commanda  l'aile  droite,  opposée  à  Taxile.  11 
accompagna  son  général  en  Troade,  et  après  la 
conclusion  de  la  paix  avec  Mithridate,  en  84,  il 
resta  en  Asie  en  qualité  de  propréteur  avec  les 
deux  légions  qui  avaient  abandonné  Fimbria  pour 
Sylla.  Désirant  obtenir  1  honneur  du  triomphe,  il 
chercha  querelle  à  Mithridate,  prit  Comana  dans 
la  Cappadoce  et  pilla  le  riche  temple  de  cette 
ville.  A  Mithridate,  qui  se  plaignait  de  cette  in- 
fraction au  traité ,  il  répondit  qu'il  n'avait  pas 
vu  de  traité,  et  en  effet  il  n'existait  pas  de  con- 
vention écrite  entre  Sylla  et  le  roi  du  Pont.  11 
traversa  ensuite  l'Halys,  ravagea  le  royaume  de 
Mithridate,  et  s'en  retourna  chargé  de  butin  dans 
la  Galatie  et  la  Phrygie.  En  vain  Calidius  lui 
ordonna  de  la  part  du  sénat  de  suspendre  les 
hostilités,  Murena  s'y  refusa  sous  prétexte  que 
Calidius  n'avait  pas  d'instructions  écrites,  et  re- 
commença ses  ravages.  Mithridate  prit  alors  le 
parti  de  résister.  Son  général  Gordius  remporta 
une  victoire  sur  Murena, qui  rentra  en  Phrygie. 
Là,  il  reçut  de  Sylla,  en  81,  l'ordre  formel  de 
cesser  la  guerre  ;  il  retourna  à  Rome,  et  obtint 
un  triomphe  qu'il  n'avait  pas  mérité.  On  croit 
qu'il  mourut  peu  après.  L.  J. 

Appien,  Mithrid.,  64,  6S.  —  Plntarque,  Sulla.  —  Cicé- 
ron,  Pro  Murena,  41. 

murena  (  Lucius  LiciNius  ) ,  général  et 
homme  d'État,  fils  du  précédent,  mort  vers  60 
avant  J.-C.  Il  fit  ses  premières  armes  sous  les 
ordres  de  son  père,  dans  la  guerre  contre  Mi- 
thridate, en  83  avant  J.-C.  Il  servit  encore  dans 
la  troisième  guerre  du  Pont,  et  fut  chargé  par 
Lucullus  du  siège  d'Amisus.  A  la  prise  de  cette 
ville,  en  71,  il  se  fit  remettre  le  grammairien 
Tyrannion,  prisonnier  de  guerre,  le  retint  comme 
esclave  près  de  lui,  et  ne  lui  rendit  la  liberté 
que  beaucoup  plus  tard.  Plutarque  blâme  Mu- 
rena d'une  conduite  si  peu  conforme  aux  senti- 
ments généreux  que  Luculhis  montrait  en  toute 
occasion.  Murena  poursuivit  Tigrane  dans  sa 
retraite  à  travers  l'Arménie,  et  resta  pour  main- 
tenir le  blocus  de  Tigranocerte,  tandis  que  Lu- 
cullus marchait  contre  Tigrane.  Il  retourna  à 
Rome  avant  la  fin  de  la  guerre,  et  fut  un  des  dix 
commissaires  envoyés  de  Rome  pour  l'organisa- 
tion du  pays  conquis.  A  son  retour  il  passa  par 
les  degrés  ordinaires  des  hautes  magistratures, 
fut  questeur,  préteur,  propréteur  dans  la  Gaule 
Cisalpine,  et  se  porta  candidat  pour  le  consulat 
en  63  avant  J.-C.  Il  réussit  dans  sa  candida- 
ture: mais  Servins  Sulpicius,  son  compétiteur 
malheureux,  lui  intenta  un  procès  pour  coirup' 
tion  électorale.  Marais  Porcius  Caton,  Cneius 
Postumius  et  Servius  Sulpicius  le  jeune  sou- 
tinrent l'accusation,  à  laquelle  répondirent  Q.  Hor- 
tensius,  Cicéron,  alors  consul,  et  M.  Licinius 
Crassus.  Le  discours  de  Cicéron  prononcé  en 


novembre  63  existe  encore.  Si  l'orateur  ne  i 
pond  pas  suffisamment  à  la  charge  élevée  conv 
Murena,  il  démontre  que  dans  les  circonstant 
difficiles  où  se  trouvait  la  république,  menac. 
par  Catilina  et  ses  complices,  le  moment  ser. 
mal  choisi  pour  se  priver  des  services  d'un  co 
sul  aussi  vigoureux  que  Murena.  Les  juges  a 
mirent  cette  raison,  et  l'accusé  fut  acquitté.  Mi 
rena  et  son  collègue  Silanus  eurent  dans  l'ext 
cice  de  leur  magistrature  à  calmer  l'agitatii 
excitée  par  Q-.  Metellus  Nepos,  qui  demandait, 
rappel  de  Pompée.  On  ne  sait  si  Murena  obti 
une  province  au  sortir  de  charge,  et  il  n'est  pi 
question  de  lui  à  partir  de  cette  époque.    Y 

Cicéron,  Pro  Murena,  20,  ad  AtUC.  (voy  VOnomb 
ticon  Tultianiim  d'Orelli) .  —  Plutarque,  Lucullus,  Ce 
Minor.  —  Druraann,  Geschicnle  lioms,  vol.  IV. 

MURENA  (A.  Terentius Varro),  probabU 
ment  fils  du  précédent,  mis  à  mort  en  22  ava 
J.-C.  Il  fut  adopté  par  A.  Terentius  Varron,  do 
il  prit  le  nom,  suivant  l'habitude  usitée  en  pan 
cas.  Comme  il  avait  perdu  sa  fortune  dans 
guerre  civile,  C.  Proculeius,  chevalier  romain,! 
donna  une  part  de  la  sienne.  Ce  Proculeius,  si  l'< 
prend  à  la  lettre  les  paroles  d'Horace  (  Ode 
1.  II,.  od.  2),  était  le  frère  de  Murena  ;  mais  < 
ignore  si  la  parenté  était  naturelle  ou  fondée  si 
l'adoption.  Murena  fut  chargé  par  Auguste  d'atti 
quer  les  Salassiens  dans  les  Alpes  en  25  avan 
J.-C.  Il  réduisit  le  peuple  à  l'obéissance,  vend 
la  population  mâle  comme  esclave,  et  distribi 
la  plus  grande  pirtie  du  territoire  entre  les  so 
dats  prétoriens, qui  fondèrent  la  ville  d'August: 
maintenant  Aoste.  Murena  fut  nommé  consi 
substitué  (suffëctus)  pour  l'année  23.  L'annt 
suivante,  étant  entré  dans  la  conspiration  de  Fai 
nius ,  il  fut  condamné  à  mort  et  exécuté  malgi 
l'intervention  de  Terentia,  sa  sœur,  et  de  Pn 
culeius.  La  IIe  ode  du  IIe  livre  d'Horace  e: 
adressée  à  Murena  sous  son  nom  de  famille  L\ 
cinius.  Le  poète,  en  lui  donnant  des  conseils  d 
modération,  le  mettait  indirectement  en  gar* 
contre  l'ambition  qui  le  perdit.  Y 

Dion  Cassius,  LUI,  25;  LV,  3.  —   Drumann,  Geschichl 
Roms,  vol.  IV,  p.  183. 

murena  (Carlo),  architecte  italien,  né  ei 
1713,  mort  en  1764.  Dégoûté  de  l'étude  de 
lettres,  de  la  philosophie  et  du  droit,  à  laquell 
il  s'était  d'abord  adonné,  se  destinant  à  la  car- 
rière du  barreau,  il  se  livra  à  celle  de  l'archi 
tecture,  sous  la  direction  de  Niccolô  Salvi.  L> 
cardinal  Barberini ,  qui  s'était  déclaré  son  pro 
lecteur  et  s'intéressait  à  ses  progrès,  l'envoyï 
se  perfectionner  près  de  VanvitelH,  qui  en  ci 
moment  construisait  le  lazaret  d'Ancône.  L( 
jeune  homme  profita  si  bien  des  enseignements 
du  célèbre  architecte  napolitain,  que  celui-ci,  rap 
pelé  à  Naples  pour  la  construction  du  palais  Ai 
Caserte,  le  laissa  chargé  de  la  direction  des  tra- 
vaux d'Ancône  Cette  entreprise  étant  terminée. 
Murena,  en  1739,  se  rendit  à  Pérouse,  où,  sur  les 
plans  de  Vanvitelli,  il  construisit  l'église  de  l'U- 
niversité, et  donna  lui-même  ceux  du  maître  au- 


997  MURENA 

tel  <le  la  cathédrale  do  S.-Lorcn/o-  et  du  mo- 
îastère  des  Olivétains  de  Monte-Morcino.  A 
rerni,  il  dessina  pour  la  cathédrale  un  riche  et 
ïlégant  tabernacle  ;  à  Folii;no,  il  bâtit  l'église  des 
•eligieuses  de  la  Sainte-Trinité.  De  retour  à 
ironie,  il  lit  pour  l'église  Saint-Antoine  des  Por- 
ugais  la  chapelle  de  la  famille  Sampayo,  com- 
position baroque,  justement  critiquée  parMilizia. 
Jes  reproches  ne  peuvent  être  adressés  à  la  res- 
auration de i'églisede Saint  Augustin.qu'il dirigea 
in  1750,  à  la  vérité  sur  les  indications  de  Vanvi- 
'elli;  cet  édifice  est  sage,  bien  entendu  et  d'un 
K>n  effet;  on  peut  seulement  blâmer  la  hauteur 
•xagérée  des  piédestaux  des  pilastres  corin- 
ihiens.  Parmi  les  autres  ouvrages  de  Murena  à 
iome ,  nous  citerons  encore  le  couvent  des 
Chartreux  près  S.-Lucia-della-Chiavica,  la  cha- 
melle Bagni  à  Saint- Alexis,  et  le  maître  au- 
el  de  Saint-PantaJéon.  Malheureusement  pour 
a  réputation  et  la  fortune  de  Murena,  il  mou- 
ut  à  l'âge  de  cinquante  ans,  lorsqu'il  était  par- 
fenu  à  l'apogée  de  son  talent,  et  qu'il  eût  pu 
mcore  accroître  une  renommée  justifiée  par  la 
ichesse  de  son  imagination,  son  ardeur  au  tra- 
'ail,  et  la  résistance  qu'en  général  il  sut  oppo- 
ser au  mauvais  goût  de  son  époque.    E.  B — n. 

Ticozzi,  Dizionario.  —  Milizia,  Memorie  ûegli  Archi- 
etti  anlichi  e  modérai.  —  Fontenay,  Dict.  des  Artistes. 

mures (Alonzo)  le  Vieux,  peintre  espagnol, 
r*é  en  1695,  mort  en  1761,  à  Badajoz.  Il  n'est 
;onnu  que  par  ses  beaux  ouvrages  qui  ornent  à 
Badajoz,  où  il  semble  né  et  n'en  être  point  sorti, 
es  couvents  de  Saint-Augustin,  de  Saint-Fran- 
•jois,  des  Carmélites  et  des  Observants.  Ce  der- 
îier  cloître  possède  surtout  un  Saint  François 
ie  Paule,  resté  célèbre  dans  la  peinture  espa- 
gnole. Doué  d'une  imagination  féconde,  Mures 
composait  avec  feu,  sans  pourtant  que  son  dès- 
an  en  souffrît.  Il  donnait  à  ses  têtes  de  femmes 
|un  charme  infini;  toutes  avaient  de  l'expression. 
\\\  possédait  en  outre  à  un  haut  degré  l'entente 
Bu  clair-obscur.  Il  laissa  des  fils,  qui  peignirent 
pussi,  mais  n'acquirent  jamais  le  talent  ni  la  ré- 
putation de  leur  père.  A.  de  L. 
Qiiilliel ,  Dictionnaire  des  Peintres  espagnols. 

Mi'RET  (Marc-  Antoine),  humaniste  français, 
laé  à  Muret,  bourg  du  Limousin,  le  12  avril  1526, 
taortà  Rome,  le  4  juin  1585.  On  a  dit  que  pour 
former  son  éducation  il  n'eut  point  de  maîtres, 
ce  qui  a  donné  lieu  à  l'anagramme  :  «■  Marc-An- 
toine Muret,  nature  d  roi  et  m'a  men.  »  Quoi  qu'il 
|en  soit,  il  était  professeur  à  l'âge  de  dix-huit 
lans.  Il  vint  alors  à  Agen  pour  voir  Jules  Scali- 
ger, ainsi  que  nous  l'apprend  Joseph  Scaliger. 
De  là  il  se  rendit  à  Anchf  où  il  commença  à 
expliquer  Cicéron  et  Térence,  dans  le  collège  de 
l'Archevêque.  Il  en  sortit  peu  après  pour  aller  à 
'Villeneuve,  où  il  se  chargea  de  l'éducation  des 
fils  d'un  marchand  fort  riche,  nommé  de  Brévant, 
•et  à  la  même  époque  il  interprétait  les  auteurs 
latins  dans  l'école  publique  de  cetle  ville  Agé  de 
vingt  ans,  il  entreprit  un  second  voyage  à  Agen 


—  MURET 


998 


pour  revoir  Scaliger,  qui  eut  la  consolation  de  le 
revoir,  mais  pendant  un  ou  deux  jours  seulement. 
Scaliger  le  recommanda  aux  magistrats  de  Bor- 
deaux,en  sorte  que  Muret  quittant  Villeneuve  fut 
chargé,  vers  -l'an  1547,  de  professer  les  belles- 
lettres  à  Bordeaux,  au  collège  de,  (iuienne.  Là, 
parmi  ses  élèves,  on  remarquait  le  jeune  Michel 
Montaigne,  qui  se  glorifia  plus  tard  d'avoir  joué 
les  premiers  rôles  dans  les  tragédies  latines  de 
son  professeur.  De  Bordeaux  Mulet  se  rendit  à 
Paris,  et  parut  s'y  fi\er.  11  régenta  la  troisième 
au  collège  du  cardinal  Lemoine  jusqu'en  1552,  et 
ses  cours  furent  si  brillants  qu'Henri  II  et  Ca- 
therine de  Médicis  ne  dédaignèrent  pas  d'y  as- 
sister. En  1552,  il  se  montrait  à  la  fois  théolo- 
gien, jurisconsulte,  philosophe  et  poète.  11  pro- 
nonçait dans  l'église  des  Bernardins  une  oraison 
intitulée  :  De  dignitate  ac  prœstantia  studii 
theologici.  Il  publiait  ses  Juvenilia  (t)  et  don- 
nait sur  la  philosophie  et  les  généralités  du  droit 
civil  des  leçons  qui  attirèrent  une  affluence  pro- 
digieuse d'auditeurs.  Ses  succès  réveillèrent 
l'envie.  On  l'accusa  d'un  vice  qui  révolte  la  na- 
ture, et  il  fut  incarcéré  au  Chàtelet,  où  il  résolut 
de  se  laisser  mourir  de  faim  ;  «  mais  Dieu,  raconte 
Vauprivas,  eut  pitié  de  son  âme,  »  Des  amis  s'em- 
ployèrent, et  obtinrent  son  élargissement.  Ne 
pouvant  désormais  rester  avec  honneur  à  Paris, 
il  se  retira  à  Toulouse,  et  comme  la  persécution 
l'avait  réduit  à  un  état  voisin  de  la  pauvreté,  il 
fut  obligé  pour  vivre  de  donner  des  répétitions 
de  droit.  On  l'accusa  de  nouveau  d'entretenir 
des  liaisons  honteuses  avec  un  jeune  homme 
nommé  L.  Memmius  Frémiot,  et,  sur  l'avis  d'un 
conseiller  au  parlement,  il  prit  la  fuite.  Les  ca- 
pitouls  le  condamnèrent  à  mort  par  contumace. 
«  Cette  année  1554,  porte  le  2°  volume  des 
registres  journaux  de  Toulouse,  Marc-Antoine 
Muret,  Limosin,  qui  a  laissé  ses  doctes  livres  à 
la  postérité  et  du  depuis  à  Rome  orateur  du 
pape,  fut  brûlé  en  effigie  avec  un  Memmius  Fré- 
miot, de  Dijon,  pour  être  huguenot  et  sodomite, 
en  la  place  Saint-Georges  :  par  sentence  des  ca- 
pitaux, confirmée  par  arrêt  (2).  »  Pendant  que 
cette  sentence  était  rendue,  Muret  franchissait 
les  Alpes,  à  l'aide  d'un  déguisement.  Arrivé  dans 
une  ville  de  Lombardie,  il  tomba  majade.  Les 
médecins  qui  furent  appelés  pour  le  soigner,  le 
prenant  pour  un  vagabond,  étranger  à  la  langue 
latine,  dirent  en  sa  présence  :  Faciamus  expe- 
rimenlum  in  anima  vili.  Muret,  selon  plu- 
sieurs auteurs,  aurait  répondu  à  l'un  d'eux  :  Vi- 

(1)  Ces  poésies  sont  dédiées  au  conseiller  Brinon.  Elles 
sont  licencieuses,  et  valurent  des  regrets  à  leur  auteur: 
Juvenilia,  sœpe  rnihi  in  sermone  dicebat.  sibi  non  adeo 
placere,  ut  ea  tunqunm  sua,  non  modo  non  proburet. 
sed  ne  ugnosceret  uuidem  et  cupiebat  Imjusce  tolitnta- 
tis  exstar  êtes  timonium.  Renc\.  Orat.f  m.  M.  -t.  Muret, 

(2)  Il  n'y  a  point  d'apparence  que  cette  sentence  des 
capltouls  ait  été  confirmée  par  arrêt  du  parlement,  car 
avant  été  rendue  par  contumace  et  ordonnant  le  plus 
sévère  des  supplices,  il  ne  peut  y  avoir  eu  appel  a  mi- 
ninia  de  la  part  du  procureur  du  roi.  (Ménage,  l'Anti- 
Baillet.) 

32. 


999  MURET 

lem  animant  appelas  pro  qua  Christus  non  \  Lambin  dédia 
dedignatus  est  mort.  Selon  d'autres,  il  se  serait 
esquivé  sans  répondre.  Venise  le  reçut,  et  il  y  fut 
accueilli  parles  savants.  En  France,  au  contraire, 
sa  mémoire  était  persécutée  et  poursuivie  d'in- 
cessantes railleries. 


Qui  rigirite  flamraas  evaserat  ante  Tolosae 
Muretds  fumos  vendidit  ille  mini, 

écrivait  Joseph  Scaliger,  afin  de  rappeler  le  bû- 
cher de  Toulouse  et  de  se  venger  d'une  plaisan- 
terie assez  innocente  (1).  «Pour  un  penchant 
contre  nature,  disait  encore  Théodore  de  Bèze, 
Muret  a  été  chassé  de  France  et  de  Venise,  et 
pour  le  même  penchant  il  a  été  fait  citoyen  ro- 
main ».  Suivant  d'autres,  il  avait  été  aussi  chassé 
de  Padoue.  «  M'aimes-tu,  demandait  à  Muret 
Denis  Lambin,  professeur  royal  en  langue  grecque, 
tâche  de  m'instruire  promptement  de  toutes  ces 
rumeurs.  Si  elles  sont  fondées,  nous  y  remédie- 
rons; si  elles  ne  le  sont  pas,  je  l'espère  et  je  le 
désire,  nous  serons  délivrés  d'inquiétude  et  de 
crainte.  Nous  nous  réjouirons.  »  Muret  le  ras- 
sura; mais  ce  langage  plein  de  bonté  allait  prendre 
un  caractère  violent  à  la  publication  des  diverses 
leçons  de  Muret.  Lambin  prétendit  que  cet  ou- 
vrage était  paré  de  ses  remarques  manuscrites 
sur  Horace.  De  là  des  lettres  acerbes,  une  que- 
relle dont  retentit  le  monde  savant.  Ils  se  trai- 
tèrent de  plagiaires,  d'ingrats,  d'imposteurs,  et 
l'insulte  suivit  de  près  l'ironie.  On  lit,  an  ch.  xxie, 
liv.  VIII  des  Variée  Lectiones,  que  les  femmes 
savantes  sont  ordinairement  lubriques.  Lambin 
s'empara  de  ce  passage  pour  railler  son  adver- 
saire, -i  Vous  paraissez,  lui  dit-il,  ignorer  com- 
bien les  femmes  savantes  sont  irascibles.  La  fin 
déplorable  d'Orphée  aurait  dû  vous  l'apprendre 
et  vous  ôter  à  jamais  l'envie  d'irriter  un  sexe 
vindicatif.  »  Muret,  blessé  au  vif,  désavoua  ses 
propres  lettres,  et  ne  voulut  plus  avoir  aucun 
commerce  avec  Lambin.  Il  entrait  dans  sa  trente- 
quatrième  année,  lorsqu'à  la  recommandation 
du  cardinal  de  Tournon,  Hippolyte  d'Esté,  cardi- 
nal et  prince  de  Ferrare,  l'appela  à  Rome  pour 
y  grossir  sa  petite  cour  littéraire. 

Muret  allait  trouver  bonheur  et  richesse  au 
palais  des  princes  de  Ferrare,  là  où  le  Tasse 
allait  bientôt  abreuver  sa  vie  d'amertumes. 
Muret  en  effet  eut  tout  à  souhait,  plusieurs 
bibliothèques  à  sa  disposition,  les  précieux  ma- 
nuscrits du  Vatican  et  la  villa  de  son  protec- 
teur. En  1661,  Hippolyte  d'Esté,  l'emmena  en 
France  au  colloque  de  Poissy,  et.  s'il  faut  en 
croire  Muret,  Lambin  aurait  fait  alors  à  Paris 
amende  honorable,  en  présence  de  Turnèbe  et 
de  Dorât;  il  serait  venu,  les  larmes  aux  yeux, 
demander  pardon,  avouer  que  ses  actions  mé- 
ritaient la  potence.  Ce  qui  est  certain,  c  est  que 

(1)  Muret  ayant  composé  des  vers  les  avait  fait  passer 
à  Scaliger  comme  étant  ceux  de  deux  anciens  poêles  co- 
miques, Mtius  et  Trabeas.  Scaliger,  avant  de  connaître 
leur  véritable  auteur,  avait  Inséré  ceux  qui  portaient  le 
nom  de  '.'rabe/is  dans  son  commentaire  sur  Varron  De 
lie  liustica,  i573,édillon  de  Her.ri  Estienne,  p.  212. 


10CG 
son  ancien  ami  le  IVe  livre  de 
ses  commentaires  sur  Lucrèce.  En  1563,  Mure! 
étant  de  retour  à  Piome,  ouvrit  un  cours  d'élo- 
quence et  de  philosophie.  Il  choisit  pour  texte 
de  ses  leçons  publiques  la  morale  d' Anatole,  qu'il 
enseigna  jusqu'en  -1567,  et  la  jeunesse  romains 
«  crut  entendre  la  voix  Wun  autre  Cicéron  ». 
En  1567,  il  enseigna  le  droit  civil,  et  l'appliqua 
des  premiers  à  l'histoire  et  à  la  philosophie.  Le 
pape  Grégoire  XIII,  jurisconsulte  lui-même,  en 
fut  tellement  satisfait  qu'il  lui  décerna  le  titre  de 
citoyen  romain  et  l'appela  le  flambeau  et  la 
colonne  de  l'école  romaine.  Etienne  Battori, 
roi  de  Pologne,  ayant  voulu  s'attirer  Muret  en  lui 
offrant  un  traitement  de  1,500  écus  d'or  et  un 
bénéfice  qui  en  rapportait  500,  Grégoire  XIII 
doubla  les  500  écus  d'or  (1573).  Cette  immense 
libéralité  tint  sans  doute  aussi  à  ce  que  Muret 
était  entré  depuis  deux  ans  dans  les  ordres  re- 
ligieux, où  sa  conduite  fut  des  plus  édifiantes.  Il 
avait  alors  veillé  à  l'éducation  de  l'un  de  ses 
neveux  (1),  perdu  son  Mécène,  célébré  la  bataille 
de  Lépante;  il  ne  lui  restait  plus,  à  la  mort  de 
Grégoire  XIII,  qu'à  exhorter  les  cardinaux  à 
élire  un  pontife  qui  eût  la  piété  de  Pie  V  jointe 
à  la  prudence  de  Grégoire  XIH.  Ce  fut  son  der- 
nier conseil.  Il  mourut  épuisé  par  les  veilles. 
Ses  ouvrages  ont  été  recueillis  et  imprimés  à 
Vérone,  1727-1730,  5  vol.  in-8°;  à  Leyde,  avec 
corrections  et  augmentations,  1789,  4  vol.  in-8°. 
«  On  y  trouve,  dit  Falconet,  beaucoup  de  science, 
de  goût,  de  critique,  une  connaissance  parfaite 
de  la  langue  latine,  mais  peu  de  ce.  génie  et  de 
cet  enthousiasme  qui  font  le  poète,  et'  l'orateur. 
Ils  se  composent  des  diverses  leçons ,  d'hymnes 
sacrées,  des  Juvenlia,  des  discussions  sur  le 
1er  liv.  des  Pandectes,  sur  l'origine  du  droit,  sur 
les  constitutions  des  princes,  sur  les  devoirs  du 
juge,  de  commentaires  sur  Térence;  Horacej  Ca- 
tulle, Tibulle,  Properce,  Tacite*  Aristôte,  Cicé- 
ron, Xénophon,  Salluste,  d'épîtres  et  d'oraisons 
où  se  trouve  l'apologie  de  la  Saint-Barthélemi. 
L'éloge  de  l'horrible  massacre  du  24  août  1572 
est  une  tache  ineffaçable  dans  la  mémoire  de 
Muret.  M.  Acdoin  (de  Limoges). 

Benci,  Orat.  fnn.  Mureti.  —  Erythraeus,  Pinac.,  lj 
imag.  ilhist..  c.  5.  —  Menagiana,  t.  I,  p.  302.—  Ménage 
L' 'Ânti-BàUlct.  —  Montaigne,  lissais,  liv.  I,  Oh.  25.  — 
Seévole  de  Sainte-Marthe,  Éloges.  —  Niceron,  Mémoires. 
t.  27.  —  Juste  Lipsc,  De  Rect.  Pron.  ling.  Lit.,  t.  I, 
p.  393.  —  Et.  Pasquier,  t.  I,  Epig.,  liv.  5  —  Ou  Verdler, 
Prosopographie,  liv.  8.  —  La  Croix  du  Maine,  Bibl.  — 
Baillet,  Jugements  des  Sav.  —  Naudseana,  p.  41  et  ad- 
dit.,  p.  169.  —  Vogt,  Apologia  pro  Mureto.  —  Gou- 
Jet,  Bibl.,  t.  7.  —  I.eyser,  aménités  littéraires,  p.  93. 

—  Verville,  Palais  des  Curieux,  p.  502.  —  Rèze ,   Hist. 
Eccl.,  liv.  IV,  p.  554.  -  J.-A.  de  Thou,  t.  XI,  liv.  I,  p.  25. 

—  Vitrao,  Éloge  de  Muret. 

muret  (Pierre),  littérateur  français,  né  à 
Cannes,  mort  vers  1690.  Il  entra  fort  jeune  dans 
la  congrégation  de  l'Oratoire,  et  vint  étudier  la 
théologie  à  Paris,  où  il  reçut  la  prêtrise.  L'ar» 
chevêque  d'Embrun,  Georges  de  La  Feuillade, 

(1)  Il  composa  pour  ce  neveu  l'Institutio  puerilis. 
François  de  Neufcliatean  en  a  été  l'imitateur. 


1001  MURET  — 

l'admit  dans  tous  ses  secrets,  et  lui  donna  le  pre- 
mier emploi  dans  les  deux  ambassades,  dont  il 
fut'  chargé  à  Venise  et  à  Madrid.  Il  s'attacha  en- 
suite au  maréchal  de  Vivonne,  qui  le  nomma  son 
aumônier.  On  a  de  lui  :  Cérémonies  funèbres 
de  toutes  les  nations;  Paris,  1675,  in- 12 ;  — 
Explication  morale  de  Vépitre  de  saint  Paul 
aux  Romains;  Paris,  1677,  in-80;—  Traité 
des  Festins;  Paris,  1682,  in- 12;  —  Oraison  fu- 
nèbre du  maréchal  de  Vivonne;  Marseille, 
1688,  in-4°.  P.  L. 

Achard,  Dict.  de  la  Provence. 

muret  (  Jean-Louis  ),  économiste  suisse,  né 
ià  Morges,  en  1715,  mort  en  1796.  11  exerça  le 
ministère  du  saint  Évangile  successivement  à 
Orbes,  Granson  etCorsier,  etdevint  enfin  premier 
pasteur  de  Vevey.  Il  improvisait"  avec  tant  de  fa- 
cilité ,  qu'il  continua  un  jour  un  sermon,  com- 
mencé par  un  de  ses  confrères  pris  subitement 
d'une  indisposition,  et  cela  en  suivant  fidèlement 
le  texte  et  le  plan  de  celui  dont  il  venait  de 
prendre  la  place.  Toute  sa  vie  fut  consacrée  à 
éclairer  ses  concitoyens  et  à  les  instruire  des 
meilleurs  moyens  d'augmenter  leur  prospérité. 
Il  a  inséré  plusieurs  Mémoires  dans  le  recueil 
de  la  Société  Économique  de  Berne,  tels  que  : 
Lettre  sur  le  perfectionnement  de  V agricul- 
ture; Mémoire  sur  la  population  du  pays 
de  Vaud ,  etc.  11  avait  aussi  rédigé  des  tables 
pour  un  mode  de  constitution  de  rentes  viagères, 
imaginé  par  lui  ;  elles  lui  valurent  toute  l'appro- 
bation de  Buffon.  Il  avait  recueilli  un  glossaire 
du  patois  vaudois,  qu'il  envoya  à  Court  de  Gé- 
belin.  O. 

Bridel,  Conservateur  suisse,  t.  VI. 

*  muret  (  Théodore- César),  littérateur  fran- 
çais, né  le  24  janvier  1803,  à  Rouen,  où  son  père 
était  négociant.  D'une  famille  protestante  que 
la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  força  de  cher- 
cher un  refuge  en  Suisse,  dans  le  canton  de 
Vaud,  il  alla  faire  ses  humanités  à  Genève,  après 
avoir  achevé  sa  rhétorique  dans  sa  ville  natale. 
Reçu  avocat  à  Paris,  en  1829,  il  abandonna 
aussitôt  la  carrière  du  barreau  pour  celle  des 
lettres  ;  il  y  débuta  par  une  comédie  en  deux 
actes  et  en  vers,  Corneille  à  Rouen,  représentée 
cette  année  même  sur  le  théâtre  des  Arts  de  cette 
ville  à  l'occasion  de  la  fête  du  grand  poëte.  Après 
la  révolution  de  Juillet,  il  se  lança  dans  le  jour- 
nalisme, et  prit  une  part  active  à  la  rédaction  des 
feuilles  et  revues  royalistes.  Gérant  de  La  Mode 
de  1831  à  1832,  il  subit  en  cette  qualité  une 
condamnation  à  la  prison  et  une  autre  en  1845, 
pour  YAlmanachdu  bon  Messager.  De  1833  à 
1848,  il  publia  un  grand  nombre  de  feuilletons 
dansia  Quotidienne  et  V  Union,  puis  collabora, 
pour  la  partie  politique,  à  L'Opinion  publique, 
fondée  par  M.  Nettement,  après  la  révolution  de 
Février.  En  1851 ,  il  fut  chargé  de  la  critique 
dramatique  au  journal  L'Union.  On  a  de  lui  : 
Histoire  de  Paris  ;  Paris,  1837,  1851,  in-12; 
—  Les  grands  Hommes  de  la  France;  Paris, 


MURGER 


1002 


2  vol.  in-8°,  1838;  —  Souvenirs-  de  l'Ouest; 
Paris,  1839,  in-18;  —  Histoire  de  l'Armée  de 
Coudé;  Paris,  1844,2  vol.  in-8"  ;  —  Histoire  des 
guerres  de  l'Ouest;  Paris,  1848,  5  vol.  in-8°;  — 
des  romans  :  Jacques  le  Chouan  (  1833,in-8°); 

—  Le  Chevalier  de  Saint-Pons  (  183'»,  2  vol. 
in-8°);  —  Georgest  ou  un  entremille  (1835, 
in-S°)  ;  —  Barcelone (  1836,  in-8°)  ;  —Mademoi- 
selle de  Montpensier  (1836,  2  vol.  in-8°);  — 
plusieurs  pièces  de  théâtre,entre  autres  :  Les  Droits 
de  la  femme  corn,  en  vers  (Théâtre-Français), 
1837;  —  L'Élève  de  Presbour g  (Opéra-Comique), 
1840,  avec  Vial; —  Le  Docteur  de  Sainl-Brice 
(Porte  Saint-Martin),  drame,  1840  :  avec  MM.  Coi- 
gnard;  —  1841  et  1941,  ou  aujourd'hui  et 
dans  cent  ans,   revue  (Porte-Saint-Martin), 

1841  :  avec  MM.  Coignard;  — Les  Philanthro- 
pes, comédie  en  trois  actes  et  en  vers  (Odéon) , 

1842  :  avec  M.  de  Courcy;  —  Michel,  Cervantes, 
drame,  quatre  actes,  en  vers  (Odéon) ,  1856;  — 
des  brochures  politiques,  telles  que  Vie  populaire 
de  Henri  de  France  (1840,  1846, 1849,  in-18  )  ; 

—  Vies  de  Bonchamps,  de  Cathelineau,  de  La 
Rochej acquelein  ,  de  Charelle,  de  Cadoudal 
(1845  )  ;  —  La  Vérité  aux  ouvriers,  aux  pay- 
sans, aux  soldats,  tirée  à  près  de  600,000  exem- 
plaires lors  des  élections  de  1849;  —  Les  Rava- 
geurs ;  —  La  Démocratie  blanche;  —  His- 
toire de  Henri  Arnaud,  pasteur  et  chej  mi- 
litairedes  Vaudois  du  Piémont  ;  1853, in-18;  — 
Les  Galériens  protestants  ;  1854,  in-18;  —  Pa- 
roles d'un  Protestant;  1855,  in-18  ;—  A  tra- 
vers champs;  Paris,  1858,  2vol.  in-12;  —  un 
grand  nombre  d'articles  dans  différents  recueils, 
entreautres  dans\a  Biographie  générale.  Ch.  M. 

Documents  partie. 

£ murger  (Henry),  littérateur  français,  né 
à  Paris,  en  février  1822,  mort  le  28  janvier  1861. 
Fils  d'un  tailleur  concierge,  il  reçut  une  éduca- 
tion modeste.  A  l'âge  de  quinze  ans ,  il  fut  placé 
comme  petit  clerc  chez  un  notaire.  En  1838, 
M.  de  Jouy,  se  ressouvenant  du  fils  de  son 
tailleur-concierge,  le  plaça  chez  M.  le  comte  de 
Tolstoy,  secrétaire  de  l'ambassade  de  Russie  à 
Paris.  C'est  là  que  lui  vint  le  goût  des  lettres  :  il 
s'essaya  d'abord  dans  la  satire.  En  1843,  il  publia, 
dans  un  journal ,  une  quarantaine  de  vers  d'un 
poème  intitulé  Via  Dolorosa.  Ces  vers  sont  em- 
preints d'une  certaine  tristesse,  d'une  vive  amer- 
tume à  la  vue  des  souffrances  sociales.  C'est  là 
que  commence  la  Vie  de  Bohême,  qu'Henry 
Murger  a  immortalisée  dans  des  tableaux  d'un 
réalisme  saisissant.  Les  premières  Scènes  de  la 
Vie  de  Bohême  parurent  en  1848,  dans  Le  Cor- 
saire, qui  publia  du  même  écrivain  Orbasson  le 
Confiseur.  Il  collabora  ensuite  à  V Événement, 
où  il  donna  Les  Amours  d'Ollivier,  récit  auto- 
biographique; puis,  au  Dix  Décembre,  où  il  pu- 
blia le  Souper  des  funérailles.  En  1851,  il  fit 
représenter  aux  Variétés,  La  Vie  de  Bohême, 
en  collaboration  de  M.  Théodore  Barrière,  pièce 
qui  est  restée  au  répertoire.  En  1852,  le  Théâtre» 


1003 


MURGER  —  MURILLO 


100< 


Français  donna  de  Murger  Le  Bonhomme 
Jadis,  comédie  en  un  acte,  qui  eut  du  succès. 
La  réputation  littéraire  de  Murger  s'est  surtout 
établie  depuis  sa  collaboration  assidue  à  la  Revue 
des  Deux  Mondes,  où  il  publia  successivement, 
en  1851  :  Claude  et  Marianne;  en  1852,  Le 
Dernier  rendez-vous  et  Le  Pays  latin;  en 
1853,  Adeline  Protat  ;  en  1854,  Les  Bu- 
veurs d'eau.  Murger  quitta  alors  la  Revue 
des  Deux  Mondes.  Nous  citerons  encore  de  lui  : 
Scènes  de  la  Vie  de  jeunesse  ;  Le  Dessous  du 
Panier  ;  Ballades  et  Fantaisies  (recueil  com- 
posé de  ses  diverses  pièces  de  L'Artiste  )  ;  Pro- 
pos de  ville  et  Propos  de  théâtre];  Le  Ro- 
man de  toutes  les  femmes  ;  Scènes  de  la  vie 
de  campagne;  Les  Nuits  d'hiver  (poésies). 
Pendant  son  séjour  à  Marlotte,  près  Fontaine- 
bleau, village  qu'il  habita  durant  trois  ans,  il 
composa,  en  1859,  Le  Sabot  rouge,  qui  parut 
en  feuilletons  dans  Le  Moniteur.  Le  1er  janvier 
1860,  Murger  reçut  la  croix  de  la  Légion  d'Hon- 
neur. Une  réimpression  des  œuvres  complètes 
du  romancier  fantaisiste  paraît  chez  Michel  Levy, 
en  volumes  in-18.  A.  Lebailli. 

Jacques  Reynaud,  Portraits  contemporains.  —  M.  de 
Pont-Martin,  Causeries  du  Samedi  —  Gustave  Planche, 
articks  de  critique  littéraire,  année  1853,  dans  la  Revue 
des  Deux  Mondes. 

murhard  (Frédéric-Auguste) ,  publiciste 
allemand,  né  à  Cassel,  le  7  décembre  1778,  mort 
le  29  novembre  1853.  Il  étudia  à  Gœttingue,  et  fit 
de  1799  à  1801  un  voyage  en  Orient.  Sous  le  règne 
du  roi  Jérôme  Bonaparte,  il  fut  chargé  de  la  ré- 
daction du  Moniteur  Westphalien,dev'mt  biblio- 
thécaire au  musée  de  Cassel  et  conseiller  de  pré- 
fecture du  département  de  Fulda.  Après  la  res- 
tauration de  l'électeur  Guillaume  Ier,  il  vint  rési- 
der à  Francfort-sur-le-Mein.  Ce  fut  vers  ce 
temps  qu'il  commença  à  s'occuper  de  sciences  po- 
litiques. On  lui  attribue  notamment  les  brochures 
parues,  sous  le  nom  du  docteur  Schreiber,  dans 
l'affaire  des  acheteurs  des  domaines  de  West- 
phalie.  En  1817,  il  se  chargea  à  Berne  de  la  ré- 
daction d'un  journal  libéral,  intitulé  Journal 
Européen,  mais  qui  fut  bientôt  supprimé.  De- 
puis 1821,  il  continua,  sous  le  titre  d'Annales 
politiques  universelles ,  les  Annales  Euro- 
péennes, commencées  parPosselt.  Murhard  était 
alors  un  des  coryphées  du  parti  libéral,  et 
désigné  comme  l'un  des  membres  actifs  de  l'as- 
sociation dite  des  Anciens.  11  fut  impliqué  dans 
la  fameuse  histoire  des  lettres  comminatoires, 
adressées,  en  1823,  au  prince  électeur.  Arrêté 
à  Hanau,  au  mois  de  février  1 824,  il  fut  enfermé 
à  la  citadelle  de  Cassel,  et  peu  de  temps  après 
remis  en  liberté.  Murhard  fit  ensuite,  avec  son 
frère,  un  grand  nombrede  voyages  en  Allemagne, 
en  Suisse,  en  Italie,  dans  les  Pays-Bas,  en 
France,  en  Danemark  et  en  Suède.  11  publia  entre 
autres  :  Bibliotheca  mathemalica,  oder  Li- 
teralurder  mathemalischen  Wissenschaften  ; 
Leipzig,  1797-1805,  5  vol.  ;  —  Gemaelde  von 
Konstantinopel  (Tableaux  de  Constantinople)  ; 


Penig,  1804  ;  2e  édit.,  Leipzig,  1824,  3  vol.  ;  - 
Constantinople  et  Saint-Pétersbourg,  1805 
1806  ;  en  commun  avec  le  conseiller  d'État  russ< 
Reimers;  —  Tableaux  de  l'Archipel  Grec., 
Berlin,  1807,  2  vol.  ;  —  Grundlage  des  je.lzi- 
gen  Staatsrechts  des  Kurfuerstenthums  Hes 
sen  (  Principes  du  Droit  public  actuel  de  la  Hesst 
électorale);  Cassel,  1834-1835,  2  vol.  Murharo 
a  continué  le  Recueil  des  Traités  de  Martens. 
Son  frère,  Charles  Murhard,  né  à  Cassel  , 
le  23  février  1781,  a  publié  :  La  Westphalit 
sous  Jérôme  Napoléon  ;  —  Ideen  ueber  wich- 
tige  Gegenstaende  aus  dem  Gebiele  dér 
Nalionalcekonomie  und  Staatswirthschaft 
(  Idées  sur  des  sujets  importants  d'économie  na- 
tionale et  d'économie  politique);  Gœttingue, 
1808;  —  Ueber  Geldund  Muenze  (  Sur  l'Argent 
et  la  Monnaie  de  billon)  ;  Cassel  et  Marbourg, 
1809;  —  Théorie  des  Geldes  und  der  Muenze 
(Théorie  de  l'Argent  et  de  la  Monnaie)  ;  Leipzig, 
1817,  —  Théorie  und  Politik  des  Handels 
(Théorie  et  Politique  du  Commerce);  Gœttin- 
gue, 1831.  2  vol.  H.  W. 
Cov.-Lex. 

murillo  (Bartolomé-Esteban  (i),  l'un  des 
plus  célèbres  peintres  espagnols,  baptisé  à  Sé- 
ville  le  lei  janvier  1618  (2),  mort  dans  la  même 
ville  le  3  avril  1682:  Dès  l'enfance  le  jeune  Mu- 
rillo révéla  son  penchant  pour  la  peinture.  Son 
premier  maître  fut  Juan  del  Castillo  (  voy.  ce 
nom),  son  oncle  qui,  élevé  dans  les  traditions 
florentines,  avait  un  coloris  sec  et  dur,  mais  un 
dessin  châtié,  sévère  et  de  nature  à  former  de 
bons  élèves.  Murillo  avait  alors  Alonso  Cano 
et  Pedro  de  Moya  pour  condisciples;  il  ap- 
prit sans  peine  ce  que  Castillo  lui  enseigna,  jus- 
qu'au moment  où  ce  maître  alla  s'établir  à  Cadix 
(  vers  1634  ).  Murillo  se  trouva  alors  sans  guide 
et  incertain  de  sa  voie  ;  il  ne  se  découragea  pour- 
tant pas,  et  peignit  une  pacotille  de  bannières 
et  d'autres  enluminures  sur  tissus  (una  par- 
tida  de  pinturas),  qu'il  vendit  assez  avanta- 
geusement pour  l'exportation  en  Amérique.  Il 
devint  bientôt  le  fabricant  préféré  par  les  né- 
gociants des  foires  de  Séville  et  de  Cadix,  qui 
faisaient  alors  un  grand  commerce  de  ces  sortes 

(1>  «  Les  parents  de  Barthélémy,  dit  Quilllet,  furent  Gas- 
pard Esteban  Murillo  et  Marie  Perez.  Comme  tous  ses  an- 
cêtres se  sont  appelés  Esteban,  on  en  conclut  que  c'est  le 
nom  de  famille  ».  En  effet,  Quilllet ,  dans  son  Diction- 
naire des  Peintres  espagnols,  a  classé  Murillo  à  Esteban. 
L'opinion  de.  Quilliet  n'est  qu  une  présomption  fort  con- 
testable. Elle  n'a  été,  au  surplus,  admise  par  aucun  écri- 
vain artistique.  11  arrive  fort  souvent  qu'un  nom  de 
baptême  se  perpétue  dans  une  famille  sans  devenir  pour 
cela  nom  de  famille.  Par  exemple,  les  aînés  des  Mont- 
morency, s'appelaient  presque  toujours  Anne  ou  Mat- 
thieu ;  leur  nom  de  famille  n'en  fut  pas  modifié. 

(2)  l'alomino,  suivi  par  plusieurs  biographes,  fait  naître 
Murillo  à  Pilas  en  1643.  Cette  erreur  a  été  relevée  par 
Cean  Bermudez,  qui  s'est  procuré  à  SéVille  l'extrait  de 
baptême  de  Murillo  {Bartolome- Esteban)  ;  mats  un  ex- 
trait de  baptême  n'indique  pas  toujours  la  date  de  nais- 
sance. Quilliet  pense  que  «  l'erreur  de  Palomino  peut  pro- 
venir de  ce  que  la  femme  de  Murillo  père  était  de  Pilas, 
et  qu'elle  y  avait  un  peu  de  bien.  » 


1005 


de  pastiches  à  la  détrempe  avec  les  nouvelles 
colonies  espagnoles.  11  acquit  ainsi  une  grande 
facilité  d'exécution  ;  mais  les  nécessités  de  ee 
genre  étaient  peu  propres  à  modilier  son  coloris. 
Jl  serait  probablement  resté  un  confectionneur  - 
d'images  plus  éclatantes  les  unes  que  les  autres 
si,  en  K)4l,  son  ami  Pedro  de  Moya  nefùt  revenu 
à  Séville.  Moya  arrivait  de  Londres,  où  il  avait 
étudié  sous  van  Dyck,  et  dont  il  avait  su  prendre 
la  toucbe  savante,  ferme  et  fondue  tout  en- 
semble. Pour  la  première  fois  le  clair-obscur,  les 
demi-tons  apparaissaient  en  Espagne.  On  com- 
mençait à  y  entrevoir  les  mystères  de  la  palette  : 
ce  fut  «ne  véritable  révolution  artistique.  La 
douceur  du  style  de  Moya  fut  surtout  pour  Mu- 
rillo  une  révélation  :  il  sentit  sur-le-champ 
combien  était  dure  à  l'œil  et  contraire  à  la  na- 
ture l'importance  exagérée  du  contour;  il  com- 
prit que  l'air,  en  enveloppant  les  lignes,  les  es- 
tompe, les  dégrade,  les  laisse  tourner  et  fuir.  Il 
résolut  d'accomplir  de  pareils  miracles  et  d'aller 
les  surprendre  à  leur  source  en  Italie.  Il  fallait  se 
créer  des  ressources  pour  un  voyage  aussi  long 
que  dispendieux  :  Murillo  achète  plusieurs  pièces 
de  toile,  les  divise  en  un  grand  nombre  de  mor- 
ceaux, qu'il  imprime  lui-même  *et  sur  lesquels  il 
exécute  prestement,  et  suivant  sa  fantaisie,  des 
madones ,  des  fleurs ,  des  sujets  mystiques ,  des 
paysages,  ici  des  moines,  là  des  natures  mortes  ; 
puis  il  vend  sa  cargaison  à  un  armateur  pour  les 
Indes.  Muni  de  son  mince  produit,  il  part  sans 
prendre  congé  de  personne,  et  entre  à  Madrid 
en  1643  à  peine  âgé  de  vingt-cinq  ans.  Son  com- 
patriote le  célèbre  peintre  don  Diego  Velasquez 
de  Silva  (voy.  ce  nom),  était  alors  en  grande 
faveur  à  la  cour  du  roi  Philippe  IV  :  l'un  des 
privados  (  familiers  )  de  ce  monarque,  fourrier 
du  palais  et  huissier  de  la  chambre,  il  pouvait 
beaucoup  pour  la  fortune  d'un  jeune  artiste; 
Murillo  courut  le  visiter,  et  lui  découvrit 
ses  projets.  Velasquez  lui  fit  l'accueil  le  plus 
gracieux,  et  lui  fournit  tous  les  moyens  pour 
étudier  sans  quitter  leur  patrie.  A  sa  voix  les 
portes  du  palais  de  Madrid,  celles  de  i'Escu- 
rial ,  de  toutes  les  résidences  royales ,  des  ga- 
leries privées,  des  musées,  des  monastères  s'ou- 
vrirent pour  Murillo,  qui,  entouré  de  tous  les 
chefs-d'œuvre  des  grands  maîtres,  renonça  bien- 
tôt à  un  voyage  devenu  presque  sans  objet.  Du- 
rant trois  années  il  étudia  surtout  le  Titien  et 
l'école  vénitienne,  Rubens  et  la  haute  école  fla- 
mande, tandis  que  Velasquez  l'initiait  à  sa 
prestigieuse  manière,  à  l'amour  du  rendu,  au 
goût  de  la  vérité  et  aux  illusions  de  la  perspec- 
tive aérienne. 

Pendant  son  séjour  à  Madrid,  Murillo  avait 
vécu  des  libéralités  de  son  généreux  compa- 
triote, qui  n'avait  rien  négligé  pour  lui  créer  une 
réputation.  Présenté  à  la  cour,  Murillo  y  avait 
été  fort  bien  reçu  ;  mais  il  n'y  avait  point  place 
à  Madrid  pour  deux  Velasquez.  D'ailleurs  Mu- 
rillo, doux  et  modeste,  n'ambitionnait  que  du 


MURILLO  «006 

travail  et  la  considération  de  ses  concitoyens  : 
il  retourna  donc  à  Séville  (1).  Son  arrivée  n'y 
fit  aucune  sensation;  car  à  peine  s'étalt-on 
aperçu  de  son  brusque  départ.  11  trouva  difficile- 
ment de  l'occupation;  enfin  les  Franciscains  vou- 
lurent bien  lui  confier  la  décoration  du  petit 
cloître  de  leur  couvent  (1646).  Les  tableaux  qu'il 
y  exécuta  étonnèrent  tous  les  artistes  ;  nul  fie 
pouvait  deviner  qui  lui  avait  appris  un  genre 
qui  décelait  un  grand  maître  sans  appartenir 
pourtant  à  aucun  des  maîtres  connus. 

Cette  seconde  manière  de  Murillo  n'était 
plus  seulement  le  style  de  van  Dyck ,  tel  que 
Moya  l'avait  importé  à  Séville  trois  ans  aupa- 
ravant; «  c'était,  dit  M.  Charles  Blanc,  un  mé- 
lange imprévu  de  toutes  les  manières  que  Mu- 
rillo avait  si  profondément  étudiées  quand,  à  Ma- 
drid, à  l'Escnrial ,  au  Cierzo,  il  avait  successi- 
vement copié  des  Rubens,  des  Titien,  des  van 
Dyck,  des  Ribera,  des  Velasquez.  Aucune  origina- 
lité n'était  encore  sarsissable  dans  cette  fusion 
singulière,  où  la  gravité  du  Titien  tempérait  le 
fougueux  éclat  de  Rubens,  où  l'élégante  sou- 
plesse de  van  Dyck  rnitigeait  la  sauvage  accen- 
tuation de  PEspagnolet.  Çà  et  là  ,  malgré  le  mé- 
lange, le  pinceau  de  l'imitateur  trahissait  ce- 
pendant chacun  des  maîtres  qu'il  avait  tour 
à  tour  admirés.  Ainsi  des  anges  apparaissant  à 
Saint  François  en  extase  rappelaient  les  fortes 
oppositions  de  Ribera;  le  superbe  tableau  de 
Sainte  Claire  mourante  (2)  semblait  être  un 
ressouvenir  de  van  Dyck,  tant  il  y  avait  de  res- 
semblance pour  les  airs  de  tête ,  de  fraîcheur 
dans  les  carnations  et  d'adresse  dans  le  dessin 
des  extrémités.  Enfin  le  Saint  Jacques  avec 
les  pauvres  accusait  l'influence  directe  de  Ve- 
lasquez. Au  moment  de  rencontrer  son  génie 
propre  ,  d'avoir  conscience  de  lui-même,  Murillo 
ne  présentait  qu'un  éclectisme  heureux,  et  ce- 
pendant à  travers  les  apparencesde  l'assimilation 
la  grandeur  du  maître  commençait  a  se  faire 
jour.  «  C'es-t  à  cette  seconde  phase  du  talent  de 
Murillo  que  se  rapportent  L'Extatique  à  la 


cuisine  (  galerie  Soult  )  ;  une  Scène  de  brigands 
(même  galerie),  où  se  détache,  sur  un  fond  de 
paysage  vigoureux ,  le  groupe  d'un  moine  arrêté 
par  un  brigand  demi-nu  ,  dont  le  torse  est  exé- 
cuté à  la  façon  de  l'Espagnolet ,  révèle  chez  l'au- 
teur de  véritables  connaissances  en  anatomie  et 
une  grande  entente  du  clair  obscur.  De  la  même 
époque  date  La  Fuite  en  Égyple  (galerie  Soult), 
qui  représente  Jésus  gracieusement  enveloppé 

(1)  11  n'en  sortit  plus  que  deux  fois.  La  première  pour 
faire  une  courte  apparition  à  Madrid,  lors  du  mariage 
d'une  de  ses  sœurs  avec  don  José  de  Vettia ,  ministre 
des  affaires  étrangères;  la-  seconde  pour  aller  peindre  à 
Cadix  le  tableau  qui  lui  coula  la  vie.  C'est  donc  bien  a 
tort  que  Sundrart  et  quelques  écrivains  italiens  ont  avancé 

!   que  Murillo  élait  allé  daus  sa  jeunesse  en  Amérique  et 
I    quà.  son  retour  il  avait   visite  l'Italie.  Ces  faits  appar- 
|   tienni-nt  à  la  vie  de  son  fils  Gaspard- Eslcbaa  Murillo, 
mort  aux  Indes. 

(2)  Ce  tableau  fait  aujourd'hui  partie  de  la  galerie 
I   Aguado,  à  Faris. 


1007 


MURILLO 


1008 


dans  les  bras  de  sa  mère  montée  sur  un  âne; 
saint  Joseph,  tirant  par  la  bride  sa  modeste 
mouture,  se  hâte  de  gagner  un  gîte  à  travers  les 
premières  ombres  du  crépuscule. 

L'immense  talent  et  l'abondance  des  produc- 
tions de  Murillo  établirent  rapidement  sa  répu- 
tation. Il  acquit  en  peu  de  temps  assez  de  for- 
tune pour  marier  l'une  de  ses  sœurs  à  don  Vettia, 
membre  du  grand  conseil  d'Espagne,  et  lui- 
même  épousa,  en  1648,  à  Pilas,  una  persona  de 
conveniencïas ,  dona  Beatrix  de  Cabrera  y  Soto- 
mayor.  C'est  qu'il  possédait  au  plus  haut  degré 
cette  variété  de  genres  qui  devait  faire  de  lui  le 
peintre  le  plus  populaire  de  l'Espagne.  A  la  dif- 
férence de  Velasquez,  qui  reproduisait  volon- 
tiers le  côté  noble  des  hommes  et  des  choses, 
Murillo  en  saisissait  le  côté  vulgaire  avec  tous 
les  contrastes  qu'il  présentait  chez  une  nation  à 
la  fois  fière  et  pauvre,  dissolue  et  religieuse.  Il 
savait  peindre  la  béate  ferveur  du  dévot  aussi 
bien  que  les  haillons  d'un  gueux  superbe  se 
roulant  sur  son  fumier  ou  la  belle  courtisane 
qui  soulève  sa  jalousie  pour  faire  appel  aux  dé- 
sirs des  passants.  Quoique  sincèrement  reli- 
gieux, Murillo,  dans  son  catholicisme,  se  montre 
à  la  fois  pieux  et  mondain.  En  vrai  chrétien  ,  il 
aime  également  toutes  les  créatures  humaines, 
qu'elles  soient  élégantes  ou  contrefaites,  enlai- 
dies par  la  misère  ou  rehaussées  par  le  luxe, 
sales  jusqu'à  la  vermine  ou  parées  comme  des 
reines  et  brillantes  comme  des  séraphins.  Il  a 
été  également  supérieur  dans  les  deux  éléments 
qui  se  disputent  la  vie  humaine  ,  l'idéalisme  et 
la  réalité.  C'est  ainsi  qu'entrouvrant  la  voûte 
azurée,  s'élevant,  par  la  contemplation,  jusqu'aux 
lumineuses  demeures  où  le  croyant  espère  une 
félicité  sans  égale  et  sans  fin,  il  crée  une  reine 
des  deux  ou  quelque  bienheureux  qu'on  dirait 
vêtus  de  lumière.  Des  groupes  d'enfants  radieux 
tourbillonnent  autour  d'eux;  puis  tout  à  coup, 
descendant  dans- la  vie  réelle  la  plus  triviale, 
il  peint  ce  chef-d'œuvre  d'observation ,  de  na- 
turel et  de  clair  obscur  El  Piojoso  (Le  Pouil- 
leux), qu'on  admire  au  musée  du  Louvre  sous 
le  titre,  moins  précis,  de  Un  jeune  Mendiant. 
C'est  un  gamin  à  tête  rase  qui  s'est  retiré  dans 
un  misérable  réduit  pour  se  livrer  à  un  soin 
qu'il  eut  été  audacieux  pour  un  pinceau  vul- 
gaire de  reproduire  avec  tant  de  franchise.  Le 
pauvre  enfant,  pusqu'il  faut  le  dire ,  s'occupe 
tranquillement  à  tuer  ses  poux  au  soleil.  Son  corps 
hâlé  et  rude  est  presqu'à  nu-  sous  des  haillons 
disjoints.  Quelques  fruits  s'échappant  d'un  vieux 
eabas ,  une  cruche  d'eau ,  des  crevettes  à  demi 
rongées,  éparses  sur  la  terre,  sont  les  restes  ou 
les  préparatifs  de  son  frugal  repas  :  un  jeu  d'os- 
selets gît  à  côté.  Eh  bien  t  ces  détails,  repous- 
sants dans  toute  autre  condition,  rendent  ce  ta- 
bleau vraiment  curieux  et  même  agréable  à  voir. 
Car  ce  triste  bouize  est  singulièrement  égayé  par 
un  rayon  de  lumière  qui,  vif,  piquant,  chaud,  fran- 
chit sans  obstacle. la  baie  de  la  masure,  dore  les 


guenilles  du  mendiant,  met  sa  tête  en  relief  et 
fait  ressorlir  sur  sa  figure  penchée,  sinon  la 
santé ,  du  moins  une  apparence  de  force  et  une 
parfaite  insouciance.  Les  chairs  sont  modelées 
avec  soin.  Le  teint  basané  du  vagabond ,  ses 
jambes  terreuses ,  la  plante  de  ses  pieds  calleux, 
dénoncent  assez  ses  habitudes  buissonnières , 
son  horreur  de  la  propreté,  tandis  que  le  jeu, 
disposé  près  de  Jui,  indique  suffisamment  à  quel 
emploi  il  consacre  le  temps  qu'il  refuse  au  moindre 
labeur.  Murillo,  dans  cet  enfant  sans  gêne  et 
sans  souci,  sobre  mais  joueur  et  paresseux,  a 
voulu,  nous  n'en  doutons  pas,  personnifier  le 
peuple  espagnol ,  dont  le  moine  aux  joues  ver- 
meilles, à  la  panse  arrondie  ou  l'hidalgo  au  corps 
sec,  à  la  longue  rapière,  au  pourpoint  usé  ne 
présentaientplus  déjà  que  de  rares  types. 

Vers  1650  s'accomplit  la  troisième  transfor- 
mation du  génie  de  Murillo.  Son  talent,  mûri  par 
l'expérience,  se  dégageant  des  appropriations  faites 
à  ses  modèles,  sur  leurs  traces  oubliées, disparues 
s'éleva  un  artiste  nouveau ,  maître  à  son  tour, 
qui  ayant  son  cachet  propre ,  exempt  désormais 
de  tâtonnements,  de  mélanges  d'emprunts,  pou- 
vait dire  :  «  Je  suis  Esteban  Murillo,  je  suis 
moi!....  »Son  style  se  fixa:  latouchedevintplus 
moelleuse.  Le  clair  obscur  tranché  qu'il  avait 
emprunté  de  Ribera  s'adoucit  sensiblement  dans 
ses  œuvres,  qui  gagnèrent  en  transparence  ce 
qu'elles  perdirent  en  trop  de  force.  Il  conserva 
seulement  de  Velasquez  l'art  de  dégrader  les 
nuances,  «  de  peindre  l'air  ».  Ce  fut  alors  qu'il 
mérita  le  titre  de  prince  des  coloristes  espa- 
gnols. 

Malgré  la  jalousie  de  Juan  de  Valdes  Leal  et 
celle  de  Francisco  Herrera  le  jeune,  Murillo  vit 
arriver  de  toutes  parts  des  commandes  de  tra- 
vaux :  il  y  employa  ses  jours  et  ses  nuits.  Il 
trouva  encore  le  temps  de  fonder  une  école  (de- 
venue plus  tard  l' Académie  de  Séville  ),  où  il 
se  plut  à  enseigner  gratuitement  l'art  qu'il  possé- 
dait si  bien.  Il  ne  laissa  pourtant  que  des  élèves 
assez  médiocres,  si  l'on  en  excepte  son  ami 
don  Pedro  Nunez  de  Villavicencio,  dans  les  bras 
duquel  il  mourut;  Alonso-Miguel  de  Tobar,  qnii 
le  copiait  à  s'y  méprendre  ;  Francisco  Antilonez 
de  Sarabia  ;  et  Francisco  Meneses  Osorio,  qui  le 
mieux  approcha  de  sa  couleur. 

C'est  à  partir  de  1650  que  Murillo  produisit 
ses  meilleurs  morceaux  :  en  1655  il  peignit 
le  Saint  Léandre  et  le  Saint  Isidore  (1), 
vêtus  de  leurs  habits  pontificaux,  qu'on  admire 
dans  la  sacristie  de  la  cathédrale  de  Séville;  — 
en  1656  pour  le  baptistère  de  la  même  église,  le 
célèbre  Saint  Antoine  de  Padoue,  «  ce  chef- 
d'œuvre  sans  imitateur  possible  comme  sans  mo- 
dèle ».  Dans  une  cellule  sombre,  l'enfant  Jésus 
apparaît  tout  à  coup  à  saint  Antoine  au  milieu 

(1)  Suivant  Quilliet  San  Leantlro  est  le  portrait  du  li- 
cencié Alonzo  de  Herrera  et  Santo  lsidoro  celui  du  li- 
cencié Juan  Lopez  de  Talavan,  renommés  alors  dans 
Séville  pour  leur  beauté. 


1009 

d'une  gloire  éblouissante,  et  le  pieux  solitaire  à 
genoux,  éclairé  par  cette  seule  apparition  ,  lève 
les  bras  avec  un  indescriptible  transport  d'a- 
mour vers  le  Dieu  resplendissant  de  lumière  et 
de  beauté  qu'il  veut  serrer  contre  sa  poitrine  ». 
La  tète  du  saint  pourrait  être  plus  noble,  mais 
l'attitude  ne  saurait  être  plus  vraie.  «  Jamais 
la  force  d'une  expression  passionnée  n'alla 
plus  loin  cbez  aucun  peintre  ;  jamais  non  plus 
on  ne  rendit  avec  des  couleurs  et  un  pin- 
ceau des  nuages  plus  transparents ,  des  ligures 
d'une  suavité  plus  séraphique.  On  se  demande 
comment  avec  des  ombres  tempérées  le  peintre 
a  pu  obtenir  un  effet  si  lumineux  et  par  quelle 
infinie  dégradation  de  nuances  il  a  pu  passer 
de  l'intensité  d'un  rayon  de  soleil  à  la  paisible 
obscurité  de  la  cellule  (1).  »  Eu  1665,  il  fit  pour 
l'église  Saiute-Marie-la-Blanche  de  Séville  quatre 
tableaux  qui  ont  paré  le  musée  du  Louvre  sous 
l'empire  et  que  la  Restauration  arestitués.Troisau- 
tresdes  meilleures  toiles  d.e  Murillo  eurent  le  même 
sort  :  ce  sont  Sainte  Elisabeth  de  Hongrie,  et 
en  deux  parties,  L' Emplacement  de  Sainte- 
Marie*Majeure  désigné  au  patrice  Jean  par 
un  espace  couvert  de  neige.  Lors  de  l'occu- 
pation française,  Séville  en  avait  fait  don  au  ma- 
réchal Soult,  qui  en  1814  les  offrit  à  Louis  XVIII  ; 
mais  en  1815  les  alliés  les  réclamèrent,  et  ils  ont 
été  reportés  en  Espagne. 

En  1667  et  1668,  Murillô  dirigea  les  travaux  de 
la  salle  capitulairedela  basilique  de  Séville.  11  y  re- 
toucha ces  hiéroglyphes  qu'avait  composés  Paulo 
de  Cespedes  et  l'embellit  de  neuf  tableaux  etd'une 
coupole  superbe,  représentant  La  Conception. 
De  1670  à  1674  il  acheva,  toujours  pour  sa  ville 
bien  aimée,  les  grands  tableaux  de  l'hospice  de 
La  Charité,  parmi  lesquels  se  trouvent  Sainte  Eli- 
sabeth distribuant  des  dons  aux  pauvres  et 
L'Enfant  prodigue,  chefs-d'œuvre  restés  clas- 
siques dans  l'histoire  de  l'art  (2).  Pour  l'hos- 
pice des  Vénérables,  il  fit  quatre  morceaux  de 
la  plus  grande  beauté  :  une  Conception  (3); 
Saint  Pierre;  L'Enfant  Jésus  donnant  du 
pain  aux  pauvres  et  le  portrait  de  don  de  Neve, 
ami  du  peintre  et  directeur  de  l'hospice  des 
Vénérables  (4).  De  1674  à  1680  ce  maître  infa- 
tigable termina  pour  le  couvent  des  capucins  de 
Séville  les  vingt-trois  tableaux  qui  faisaient  de 
leur  église  l'un  des  plus  beaux  sanctuaires  du 
monde.  «  Ces  pieux  catéchumènes,  dit  Quilliet,  ont 
emporté  aux  Amériques  ces  morceaux  brillants, 
dont  on  ignore  maintenant  la  destinée  ».  Murillo 
fit  encore  beaucoup  d'autres  tableaux  à  Séville 
pour  le  couvent  des  Augustins.  Bien  vieux, 

(1)  M.  Charles  Blanc.  Hist.  des  Peintres., 
(21  11  reçut  78,115  réaux   pour  ces  tableaux  (  environ 
80,000  f r.  ) . 

(3)  «  Cette  Conception  ,  dit  Quilliet,  est  le  témoignage 
le  plus  anthentique  de  son  goût  délicat  et  de  son  intel- 
ligence ,  tant  pour  les  contrastes  que  pour  l'effet.  Peut- 
être  aussi  trouverait-on  peu  de  produits  de  l'école  lom- 
barde qui  approchassent  du  mérite  de  cet  ouvrage.  » 

(4)  L'archi-chancelier  Lebrun  offrit  20,000  fr.  de  ce 
portrait,  sans  pouvoir  l'obtenir. 


MURILLO  1010 

il  alla  peindre  à  Cadix  une  magnifique  Sainte 
Famille  pour  les  ducs  d'El  Pedroso,  un  ad- 
mirable Ecce  homo  pour  le  couvent  des  Capu- 
cins de  cette  ville  et  les  célèbres  Fiançailles  de 
sainte  Catherine  pour  le  grand  autel  du  même 
cloître.  II  laissa  cette  dernière  œuvre  inache- 
vée, par  suite  d'une  chute  de  son  échafaudage. 
Rapporté  grièvement  blessé  à  Séville,  il  y  mou- 
rut, entre  les  bras  de  sa  famille  et  de  ses  élèves. 
Sa  ville  natale  lui  fit  des  obsèques  dignes  de 
son  mérite.  Son  cercueil  fut  porté  dans  l'é- 
glise de.  Santa-Cruz  par  deux  marquis  et  quatre 
chevaliers  de  différents  ordres.  Il  avait  été  fort 
honoré  par  la  noblesse  pendant  sa  vie.  Charles  II 
lui  avait  offert  le  titre  de  son  premier  peintre  ; 
mais  il  le  refusa,  préférant  vivre  loin  de  la  cour, 
dans  une  médiocre  aisance.  Quoique  très-simple 
dans  ses  goûts,  sa  générosité  l'empêcha  d'amasser 
des  richesses;  cependant  un  ministre  des  af- 
faires étrangères,  don  José  de  Vettia,  avait  épousé 
une  de  ses  sœurs  et  ses  enfants  avaient  obtenu 
des  canonicats  et  des  bénéfices.  Son  fils  aîné, 
Gaspard-Esteban  Murillo,  peignait  aussi  avec 
talent.  Entraîné  par  la  passion  des  voyages ,  il 
visita  une  partie  de  l'Europe  et  de  l'Amérique, 
et  mourut,  aux  Indes,  le  2  mai  1709. 

Durant  sa  longue  existence  Murillo  fut  tou- 
jours laborieux  et  d'une  conduite  exemplaire. 
Il  a  mis  son  âme  tout  entière  dans  ses  tableaux. 
En  les  regardant  on  comprend  sa  réponse  à  ce 
prieur  qui  lui  demandait  pourquoi  il  ne  conti- 
nuait pas  un  de  ses  ouvrages  commencés  :  «  J'at- 
tends, répondit  le  peintre,  inspiré,  que  ce  Christ 
vienne  me  parler.  »  Jamais  Murillo  n'entreprit 
une  de  ces  grandes  pages  de  la  Bible  ou  de  l'É- 
vangile sans  s'être  identifié  par  la  prière  ou  par  la 
communion  avec  ce  Dieu  qu'il  allait  peindre.  Ce- 
pendant, de  l'aveu  de  tous  les  critiques,  l'enthou- 
siaste, le  chaste  et  dévot  Murillo,  qui  n'a  jamais, 
croyons-nous,  peint  une  femme  nue  dans  ses 
tableaux,  n'a  su  peindre  une  tète  de  Vierge 
sans  en  faire  une  femme  gracieuse  et  tendre, 
il  est  vrai,  mais  point  divine.  Il  s'en  faut  bien 
que  ses  madones  aient  le  caractère  de  virginité 
que  veut  la  foi.  Leur  belle  chevelure ,  leurs  yeux 
noirs  et  humides  inspirent  d'autres  idées  que  des 
transports  divins.  Ce  ne  sont  souvent  que  des 
jeunes  mères  aux  mains  potelées  chez  qui  le 
passage  de  la  vie  a  laissé  des  méplats  dans  les 
carnations.  En  revancheMurillo  imprime  toujours 
au  fils  de  Marie  un  caractère  surhumain  !  A-t-il 
voulu  par  la  figure  mondaine  de  la  mère  faire 
ressortir  l'origine  céleste  de  l'enfant?  Ce  serait 
s'écarter  du  dogme  de  l'immaculée  conception  ; 
toujours  est-il  que  l'on  doit  dire  avec  M.  Thoré  : 
«  Chez  Raphaël  la  Vierge  est  plus  Vierge  :  chez 
Murillo  l'enfant  Dieu-  est  plus  Dieu.  » 

L'œuvre  de  Murillo  est  considérable.  Il  n'est 
guère  de  musée  européen  qui  n'en  possède  plu- 
sieurs tableaux.  Mais  ses  principaux  ouvrages 
sont  restés  en  Espagne.  C'est  à  Séville  que  l'on 
peut  seulement  l'apprécier.  Là  sont  ses  chefs- 


1011  MUR1LLO 

d'œuvre;  la  cathédrale  de  cette  ville  en  possède 
au  moins  quarante.  A  Madrid  se  trouvent  le  Saint 
Jean-Baptiste  et  Le  bon  Pasteur,  payés  en- 
semble 40,650  livres  (1).  A  Paris,  dans  la  galerie 
espagnole  du  musée  du  Louvre,  le  livret  attribue 
trente-huit  morceaux  au  grand  coloriste  sévillan. 
Outre  que  son  nom  peut  être  contesté  pour  quel- 
ques-uns ,  il  ne  faudrait  pas  mesurer  son  génie 
sur  ces  œuvres.  Néanmoins,  comme  hors  ligne , 
avec  Le  jeune  Mendiant,  dont  nous  avons  parlé, 
il  faut  citer  :  Le  Mystère  de  la  Conception  de  la 
Vierge;  La  Vierge  au  chapelet;  Le  Père 
éternel  et  FEsprit-Saint  contemplant  l'En- 
fant Jésus  ;  Jésus  sur  la  Montagne  des 
Oliviers;  Le  Christ  à  la  colonne;  un  Saint 
en  extase  et  une  belle  guirlande  de  fleurs. 
On  voit  dans  cette  galerie  deux  portraits  de  ce 
peintre,  l'un  exécuté  par  lui-même,  et  où  sont 
très-bien  exprimées  la  puissance  et  la  douceur 
de  son  génie;  l'autre,  qui  le  représente  dans  un 
âge  avancé  ,  lui  donne  une  physionomie  plus  sé- 
vère qu'on  ne  se  le  figure  ordinairement. 
Alfred  de  Lacaze. 
Francisco  Pacheco,  El  Arte  de  la  Pintura  (  Madrid, 
1633).  —  Don  Antonio  Palomino  de  Velasco,  Et  Museo 
pictorico  (Cordova),  1718,  liv.  VI;  El  Mprovechado , 
cap.  il,  p.  62.  —  Don  J.-.A.  Cean  Bernmdes  ,  Biccionario 
historiés  de  Ins  mas  ilustres  Profesores  de  las  Bellas 
Anes  en  Espaila  (  Madrid,  1800).  —  Le  même.  Descrip- 
tion artistica  de  la  catedral  de  Sevïlla  (Séville,  1804-, 
extrêmement  rare,  même  en  Espagne),  p.  70.  — 
J.-l-'.Bourgoing,  Tableau  del'Espagne  moderne  (4e  édit.; 
Paris,  1807,  3  vol.  in-8°),  t.  Ier,  p.  238;  t.  III,  p.  143, 
2i4.  —  Quilliet,  Dictionnaire  des  Peintres  espagnols 
\  Paris,  1816),  art.  Esteban.  —  Thoré,  Études  sur  la  Pein- 
ture espagnole  ;  dans  la  Revue  de  Paris,  ann.  1835.  — 
RosseeuwSaint-Hilaire,  La  Cathédrale  de  Séville;  même 
lievue,  t.  XL1X,  janvier  1838.  -  Charles  Blanc,  His- 
toire des  Peintres ,  liv.  102-103,  école  espagnole,  n°  4. 

x  MimiLLO-BRAVO  (Juan  Bravo-Murillo 

ou  ),  homme  politique  espagnol , né  en  juin  1803, 
à  Fréjoual  de  la  Sierra  (province  de  Badajoz). 
Comme  ses  parents  étaient  pauvres,  il  fut  des- 
tiné à  l'Église,  et  il  étudia  la  théologie  à  Séville 
et  à  Salamanque  ;  dès  qu'il  fut  en  âge  de  raison , 
il  s'appliqua  à  la  jurisprudence,  et  fut  admis  en 
1825  à  faire  partie  du  collège  des  avocats  de  Sé- 
ville. Quelques  procès  politiques,  entre  autres 
celui  du  colonel  Bernardo  Marquez  (1831),  mirent 
en  évidence  ses  talents  oratoires.  Après  la  mort 
de  Ferdinand  VII,  il  accepta  du  ministre  Ga- 
relly  le  poste  de  fiscal  àCaceresen  Estrémadure. 
Dévoué  au  parti  constitutionnel,  il  protesta 
contre  l'arrivée  des  progressistes  au  pouvoir  en 
donnant  sa  démission  (1835),  et  vint  s'établir  à 
Madrid,  où,  de  concert  avec  son  ami  Pacheco, 
il  fonda  le  Boletin  de  Jitrisprudencia  (1836), 
la  première  gazette  judiciaire  qui  ait  paru  en 
Espagne.  Dans  cette  même  année,  il  occupa  pen- 
dant trois  mois  le  secrétariat  du  ministère  de  la 


(11  Antonio  del  Castillo  y  Saaveclra,  peintre  cordouan 
en  grande  répulation,  et  qui  en  était  venu  à  se  persuader 
qu'il  était  le  premier  peintre  de  l'Espagne,  ayant  vu  ces 
clicfs-u  œuvre  en  1667,  s'écria  :  «  Il  me" faut  mourir,  je 
n'ai  que  trop  vécu.  »  En  effet,  il  mourut  peu  après,  de 
cuagrin   et  de  jalousie. 


—  MURIS 


ioiî 


justice.  Rejeté  dans  l'opposition  à  la  suite  de  lu 
révolution  de  la  Granja,  il  créa  un  journal  poli- 
tique, El  Porvenir,  et  s'y  montra,  avec  Donos<  i  I 
Cortès,  Gonzales  Llano  et  Dionisio  Galiano.  ui 
des   plus  violents  adversaires  du  parti  radical 
Après  avoir  siégé  en  1 837  aux  cortès  comme  dé- 
puté de  la  province  de  Séville,  il  s'associa  à  Do- 
noso  Cortès  et  à  Alcala  Galiano  pour  rédiger  Et 
Pilolo,  nouvel  organe  des  monarchistes  consti- 
tutionnels. Ces  derniers  ayant  obtenu  le  dessui 
dans  les  élections  de  1840,  Murillo-Bravo  ren- 
tra à  Ja  chambre  et  s'y  distingua  par  ses  con- 
naissances en  législation  et  en  matières  de  gou- 
vernement.  Après  la  révolution  de   septembre 
1841,  il  fut  décrété  d'arrestation  comme  un  des 
principaux  chefs  du  parti  modéré  ;  mais,  étant 
parvenu  à  s'échapper,  il  gagna  Bayonne  et  resta 
en  France  jusqu'à  la  chute  d'Espartero  (  juillet 
1843).  De  retour  à  Madrid,  il  se  livra  entière- 
ment aux  travaux  de  sa  profession.  En  18^7,  il 
fit  partie  du  ministère  provisoire  du  duc  de  So- 
tomayor.  Depuis  cette  époque  iî  se  rapprocha  de 
Narvaez  qui  lui  confia  successivement  le  porte- 
feuile  du  commerce  et  de  l'instruction  publique 
(novembre   1847)  et  celui  des  finances  (1849). 
«  Vers  la  fin  de  1850,  dit  le  Dictionnaire  des 
Contemporains,  la  division  éclata  de  nouveau 
dans  le  parti  modéré  :  Narvaez  donna  sa  démis- 
sion, et  Murillo-Bravo  resta  à  la  tête   du  gou- 
vernement. La  nouvelle  administration  menaça 
toutes  les  libertés  conquises  au  prix  de  tant  de 
sang  par  la  nation  espagnole,  supprima  le  droit 
de  réunion,  comprima  la  presse  et  voulut  révi- 
ser, dans  le  sens  absolutiste,  la  constitution  mo- 
narchique de  1845.  Mais  au  moment  où  Murillo- 
Bravo  semblait  aller  tout  droit  à  la  dictature,  il 
perdit  l'appui  de  la  reine   et  céda  la   place  au 
général  Larsundi  (1852).  «Forcé  de  s'expatrier 
par  suite  de  la  révolution  de  1864,  il  y  fut  rap- 
pelé par  celle  de  1 856.  P. 

Men  of  tke  time.  —  Convers.-Lexikon.  —  Vapereau, 
Dict.  des  Contemp. 

mûris  (Jean  de)  ,  désigné  aussi  par  quel- 
ques auteurs  sous  le  nom  de  Jean  de  Murs  ou 
de  Meurs,  docteur  de  Sorbonne  et  chanoine  de 
l'église  de  Paris ,  fut  l'un  des  plus  savants  écri- 
vains du  quatorzième  siècle  sur  la  musique.  Les 
biographes  ne  sont  d'accord  ni  sur  le  pays  où  il 
vit  le  jour,  ni  sur  la  date  de  sa  naissance,  ni  sur 
celle  de  sa  mort  Quelques  historiens,  entre 
autres  Hawkins,  prétendent  qu'il  était  né  en  An- 
gleterre. Jean  de  Beldomandis,  commentateur  de 
Jean  de  Mûris,  dit  qu'il  était  de  Paris  ;  mais  on 
trouve  la  preu  ve  qu'il  était  originaire  de  Normandie 
dans  son  traité  des  fractions  dont  le  manuscrit, 
portant  la  date  de  1321,  est  conservé  à  Oxford, 
dans  ie  fonds  de  Digby  de  la  bibliothèque  Borî- 
leyenne.  Cet  ouvrage  a  pour  titre  :  Tractatus 
Canonum  minutiarum  philosophicarum  et 
vulgarium ,  quem  composuit  mag.  Johannes 
de  Mûris,  Normannus  A.  MCCCXXl.  Jean  de 
Mûris ,  dans  le  prologue  de  ce  traité,  fait  con- 


1013 

naître  que  ce  fut  dans  la  même  année  qu'il  écrivit 
sur  l'art  de  la  musique  chantée  et  écrite  ou  figu- 
rée, tant  mesurée  que  plane,  et  sur  toutes  les 
manières  possibles  de  faire  le  contrepoint  ou 
dédiant,  non-seulement  par  notes  réelles,  mais 
aussi  avec  toutes  les  notes  de  passage  et  d'or- 
nement. La  date  de  1321  que  nous  venons  de 
citer  indique  en  outre  que  ce  célèbre  théoricien, 
qui  était  alors  dans  toute  la  maturité  du  savoir, 
devait  être  né  non  pas  au  commencement  du 
quatorzième  siècle ,  comme  quelques-uns  l'ont 
avancé,  mais  dans  les  dernières  années  du  siècle 
précédent.  Une  lettre  qu'il  écrivait  au  pape  Clé- 
ment VI,  qui  de  1342  à  1352  occupa  le  siège  pon- 
tifical, nous  apprend  que  dans  sa  jeunesse  Jean  de 
Mûris  avait  été  intimement  lié  avec  ce  chef  de  l'É- 
glise, qui  avait  été  archevêque  de  Rouen.  Dans 
le  Catalogue  de  la  Bibliothèque  impériale  de 
Paris,  on  lui  adonné  la  qualité  de  chanoine  de 
cette  ville,  probablement  d'après  l'autorité  du 
P.  Mersenne,  qui,  dans  son  Harmonie  univer- 
selle ,  l'appelle  canonicus  et  decanus  ecclesise 
Parisiensis  ;  s'il  peut  exister  quelque  doute  à  cet 
égard,  plusieurs  manuscrits  desouvrages  de  Jean 
de  Mûris  fournissent  la  preuve  qu'il  était  docteur 
et  professeur  de  Sorbonne  dans  Paris.  Quant  à  l'é- 
poque de  sa  mort,  elle  est  inconnue;  mais  il  est 
certain  qu'il  vivait  encore  en  1345,  puisque  ce 
fut  dans  cette  année  qu'il  écrivit  son  ouvrage 
intitulé  Prognosticatio  super  conjunctione  Sa- 
turni ,  Jovis  et  Martis,  dont  il  existe  des  ma- 
nuscrits à  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris  et 
à  celle  d'Oxford. 

Pendant  longtemps  Jean  de  Mûris  a  été  con- 
sidéré comme  l'inventeur  des  signes  qui  servent 
à  déterminer,  sous  le  rapport  de  la  mesure,  la 
valeur  des  notes  de  la  musique.  Nicolas  Vin- 
centino,  vers  1"»55,  répandit  cette  erreur  dans 
son  Antica  Musica  ridotta  alla  moderna  pra- 
tica  ;  vinrent  ensuite  Zarlino,  Berardi,  Gassendi, 
dom  Jumilhac  ,  Brossard  %  et.  plusieurs  autres 
écrivains.  Le  P.  Mersenne  paraît  être  le  premier 
qui ,  dans  une  lettre  à  Doni ,  restée  longtemps 
inconnue  et  que  M.  Fëtis  a  publiée  dans  le 
douzième  volume  de  la  Revue  musicale ,  ait 
élevé  des  doutes  sur  les  inventions  attribuées  à 
Jean  de  Mûris.  J.-J.  Rousseau  ,  dans  son  Dic- 
tionnaire de  Musique ,  a  émis  à  ce  sujet  les 
mêmes  doutes  que  Mersenne.  L'incertitude  de 
ces  deux  auteurs  se  serait  changée  en  conviction 
s'ils  avaient  remarqué  les  passages  du  Spécu- 
lum Musicx  de  Jean  de  Mûris ,  dans  lesquels 
il  est  dit  d'une  manière  expresse  que  Gui  d'A- 
rezzo  inventa  de  nouvelles  notes  et  figures  pour 
le  plain  chant,  et  que  beaucoup  d'autres  auteurs, 
parmi  lesquels  figurent  un  nommé  Aristote  (1) 
et  Francon  de  Cologne,  ont  traité  de  la  musique 
mesurée.  Il  est  donc  évident  que  Jean  de  Mûris 
ne  fit  que  réunir  et  développer  dans  un  ordre 


(1)  Il  ne  s'agit  pas  ici  du  célèbre  fondateur  de  la  philo- 
sophie péripatéticienne,  mais  d'un  écrivain  de  la  fin  du 
douzième  siècle  ou  du  commencement  du  treizième. 


MURIS  1014 

méthodique  les  procédés  employés  par  les  mu- 
siciens de  son  temps. 

De  lous  les  ouvrages  de  Jean  de  Mûris ,  le 
plus  considérable  est  celui  qui  est  intitulé  Spé- 
culum Musicx ,  et  dont  il  existe  detix  manus- 
crits à  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris,  i-ous 
les  n"5  7027  et  7207.  Le  premier  de  ces  manus- 
crits, le  seul  qui  soit  complet,  forme  un  ma- 
gnifique volume  in-fol.,  de  plus  de  600  pages  : 
c'est  une  sorte  d'encyclopédie  de  la  science  mu- 
sicale au  moyen  âge.  Il  est  divisé  en  sept  livres  ; 
le  premier  traite  de  la  musique  en  général,  de 
l'invention  de  ses  diverses  parties  et  de  sa  di- 
vision en  soixante-seize  chapitres  ;  le  second , 
des  intervalles,  en  cent  vingt-trois  chapitres;  le 
troisième,  des  proportions  et  du  rapport  numé- 
rique des  intervalles,  en  cinquante-six  chapitres; 
le  quatrième,  des  consonnances  et  des  disson- 
nances,  en  cinquante  et  un  chapitres;  le  cin- 
quième ,  des  tétracordes  de  la  musique  des  an- 
ciens, de  la  division  du  monocorde  et  de  la 
doctrine  de  Boëce,  en  cinquante-deux  chapitres  ; 
le  sixième  ,  des  modes,  de  la  tonalité  antique, 
du  système  des  hexacordes ,  et  des  nuances , 
en  cent  treize  chapitres  ;  le  septième,  de  la  mu- 
sique figurée,  du  déchant,  et  du  système  de 
mesure,  en  quarante-sept  chapitres.  Ce  dernier 
livre,  que  l'auteur  termine  par  une  comparaison 
de  la  musique  antique  avec  celle  de  son  temps, 
est  remarquable  par  la  précision  et  la  clarté 
avec  laquelle  la  théorie  de  l'harmonie  et  de  la 
musique  mesurée  des  douzième  et  treizième 
siècles  s'y  trouve  expliquée.  Il  est  à  présumer  que, 
comme  le  fait  observer  M.  Fétis ,  le  Spéculum 
Musicae,  où  l'on  retrouve  dans  toutes  ses  par- 
ties la  doctrine  exposée  dans  les  autres  ouvrages 
relatifs  à  la  musique  qui  portent  le  nom  de  Jean 
de  Mûris ,  est  la  réunion  de  ces  ouvrages  revus 
et  corrigés  par  l'auteur.  Dans  sa  collection 
des  écrivains  du  moyen  âge  sur  la  musique, 
l'abbé  Gerbert  a  publié  un  abrégé  du  Spéculum. 
Musicae ,  sous  le  titre  de  Summa  Musicx  ma- 
gislri  Joannis  de  Mûris,  d'après  des  manus- 
crits de  l'abbaye  de  Saint-Biaise ,  de  la  Biblio- 
thèque impériale  de  Paris  et  de  la  bibliothèque 
de  l'université  de  Gand;  il  est  à  croire  jque  cet 
abrégé,  mêlé  de  prose  et  de  vers  techniques,  n'est 
pas  l'oeuvre  de  Jean  de  Mûris ,  mais  un  résumé 
de  sa  doctrine  par  quelque  écrivain  postérieur. 
Quant  au  traité  en  deux  livres  intitulé  De  Mu- 
sica pratica,  au  traité  de  musique  spéculative, 
et  au  traité  De  Discantu ,  on  ne  saurait  con- 
tester l'authenticité  de  ces  ouvrages,  qui  paraissent 
avoir  été  écrits  avant  le  Spéculum  Musicse.  Le 
traité  de  musique  pratique  a  été  composé  en 
1321  ;  il  en  existe  des  manuscrits  dans  les  bi- 
bliothèques de  Vienne,  du  Vatican,  de  Paris,  et  au 
Musée  britannique. Le Traitêde  la Musiquespé' 
culative  est  de  l'année  1323;  c'est  un  excellent 
résumé  du  grand  traité  de  musique  de  Boëce; 
on  le  trouve  en  manuscrit  à  la  Bibliothèque  im- 
périale de  Paris  et  à  celle  de  Vienne  ;  Gerbert 


1015 


MURIS  —  MURNER 


101G 


Ta  publié  d'après  un  manuscrit  de  Berne;  Con-  : 
rad  Noricus,  maître  es  arts  de  l'Académie  de 
Leipzig,  au  commencement  du  seizième  siècle  , 
a  refait  cet  ouvrage  et  l'a  mis  dans  un  nouvel 
ordre.  Le  traité  de  contrepoint,  ou  dédiant,  dont 
il  existe  des  manuscrits  dans  la  plupart  des  bi- 
bliothèques, est  ce  qu'on  a  écrit  de  plus  complet 
sur  celte  matière  jusqu'au  quatorzième  siècle. 
On  trouve  beaucoup  d'autres  ouvrages  manus- 
crits sous  le  nom  de  Jean  de  Mûris  ;  mais  ce  ne 
sont  que  des  extraits  de  ceux  que  nous  venons 
de  citer.  De  ce  nombre  sont,:  Joannis  de  Mûris 
Tractatus  de  Musica  ,  in  epilomen  contrac- 
tas (Bibliot.  imp.  de  Paris,  manus.  n°  7369)  ; 

—  Liber  Proportionum  musicalium  :  au- 
thore  magïstro  Joanne  de  Mûris  (même  bi- 
bliothèque, manus.  nc  7295)  ;  —  De  Numéris 
qui  musica;  retinent  consonantias,  secundum 
Ptolemseum  de  Parisiis ,  publié  par  Gerbert; 

De  proportionibus  (  idem  )  ;  —  Quœstiones 

super  partes  musica:  (  idem  )  ;  —  Ars  Discan- 
tus  (idem) ,  etc.,  etc.  Outre  les  ouvrages  que 
Jean  de  Mûris  a  écrits  sur  la  musique ,  on  a  de 
ce  savant  homme  :  Arithmetica  communis, 
ex  Boethiï  Arithmetica  excerpta;  —  le  canon 
des  Tables  Alphonsines ,  dont  le  manuscrit  se 
trouve  à  la  bibliothèque  Bodleyenne,  à  Oxford  ; 

—  Arithmeticas  spéculative  Libri  duo; 
Mayence,  1538;  —  Quadri  partit  uni  numero- 
rum  (  Biblioth.  imp.  de  Paris,  nos  7190,  7191  ); 

—  Epistola  de  numerorum  Fractionibus 
(idem,  n°  7190);  —  Tractatus  de  mensu- 
randi  ratione  (idem,  n°s  7380,  7381  )  ;  —  Pro- 
gnosticatio  super  conjunctione  Saturni, 
Jouis  et  Martis  (idem,  n°  7378);  —  Epistola 
ad  Clementem  VI  De  generalï  passagio  ultra 
mare  (idem,  n°  7443).  Dieudonné  Denne-Baron. 

Le  P,  Mersenne,  Harmonie  universelle.  —  Dom  JumH- 
hac,  La  Science  et  la  Pratique  du  Plain-Chant.  —  Bros- 
sard,  Dictionnaire  de  Musique.—  Gesner,  bibliothèque 
universelle.   —   Tanner,    Biblioth.   Britannico-Nibern. 

—  Gerbert,  .Scriptores  ecclesiastici  de  Musica.  —  Haw- 
kins,  History  of  the  Science  and  Pratica  of  Music.  — 
Choron  et  Fayolle,  Dictionnaire  historique  des  Musi- 
ciens. —  Fétis,  Biographie  universelle  des  Musiciens. 

—  De  Coussemaker,  Histoire  de  l'Harmonie  au  moyen  âge. 

murmellius  (Jean),  poète  et  humaniste 
flamand-,  né  à  Ruremonde,  mort  le  2  octobre 
1517,  à  Deventer,  dans  un  âge  peu  avancé.  Dès 
sa  première  jeunesse,  il  prit  le  parti  des  armes; 
l'ayant  abandonné  pour  se  donner  à  l'étude ,  il 
apprit  le  grec  et  le  latin  sous  Alexandre  Hegius, 
et  alla  se  faire  recevoir  maître  es  arts  à  Cologne. 
Il  se  procura  les  moyens  de  subsister  en  instrui- 
sant les  autres.  De  1500  à  1511  il  aida  Timann 
dans  les  fonctions  de  recteur  d'une  école  de 
Munster,  récemment  fondée  et  qui  devint  floris- 
sante ;  la  qualité  de  co-recteur  qui  lui  a  été  don- 
née à  ce  sujet  a  fait  croire  à  Valère  André  que 
pendant  tout  ce  temps  il  avait  été  correcteur 
d'imprimerie.  S'étant  brouillé  avec  Timann,  à 
propos  d'un  ouvrage  de  ce  dernier,  Compen- 
dium  Grammatices,  qu'il  avait  qualifié  de  Dis- 
pendium,  Murmellius  se  chargea,  dans  la  môme 


ville,  de  la  conduite  de  l'école  de  Saint-Ludger. 
Trois  ans  plus  tard,  il  fonda  à  Alkroaer  un  nou- 
vel établissement  (1514),  qui  devint  la  proie  des 
flammes.  Appelé  en  1516  à  Deventer  pour  y  pro- 
fesser les  belles-lettres,  il  y  mourut,  d'une  péri- 
pneumonie  dans  l'année  suivante.  Un  de  ses 
élèves,  Callidius  (Corneille  Loos),  dit  qu'il  avait 
un  esprit  né  pour  la  poésie ,  dont  il  faisait  tous 
ses  délices  ;  il  y  a  toutefois  réussi  médiocrement. 
On  a  de  Murmellius  :  Versificatorise  artis  Ru- 
dimenla;  Munster,  s.  d.,  in-4°;ce  traité  a  été 
réimprimé  plusieurs  fois  et  sous  des  titres  diffé- 
rents ;  il  en  existe  un  abrégé  daté  de  Lyon,  1542  ; 

—  Florea  D.  Virginis  serta  ,  variis  versuum 
generibus  composita  ;  Amsterdam,  1481,  in-4°  ; 

—  Didascalici  Lib.  Il ;  Deventer,  s.  d.,  in-4°  ; 

—  Epistolarum  et  carminum  liber;  s.  1.  n.  d., 
in-4°  ;  —  De  Discipulorum  Offrais;  s.  1.  n.  d., 
in-4°;  —  Opuscula  II,  unum  de  verborum 
compositis,  alterum  de  verbis  communibus 
ac  deponentibus  ;  Cologne,  1504,  in-8° ;  ces 
opuscules  sont  en  vers,  avec  des  explications 
en  prose;  —  Elegiarum  moralium  Lib.  IV; 
Munster,  1508,  in-4°;  —  Caroleia,  ad  Caro- 
lum  archiducem  Austrise  ;  Anvers,  1516;  — 
Sententise  seu  Versus  sententiosi  ex  elegïis 
Tibulli  Catulli,  Propertii  et  Ovidii  decerptx; 
Wittemberg,  1533,  in-8°;  —  Pappa  Puerorum, 
seu  adagia  ac  sententiœ  latino-germaniese , 
sub  cerlis  capitibus  digestx;  Cologne,  1548, 
1560,  in-8°  ;  Anvers,  1551,  1571,  in-4°  et  in-12  : 
c'est  une  espèce  de  petit  dictionnaire  latin-fla- 
mand; —  Enchiridion  Nominariorum  ;  Ni- 
mègue,  1553,  in-8°.  On  connaît  peu  exactement 
les  titres  des  ouvrages  de  Murmellius  et  encore 
moins  les  dates  de  leur  publication.  11  a  encore 
donné  ses  soins  à  des  éditions  d'anciens  auteurs, 
qu'il  a  accompagnées  de  notes  et  de  commen- 
taires, souvent  étendus;  entre  autres  Antonii 
Mancinelli  Versilogus  optime  artern  versifi- 
candi  tradens  (vers  1488,  in-4°)  ;  —  Prudentii 
Carmen  In  Romanûm  Martyrem  (Cologne, 
1507,  in-4°);  —  Prudentii  Carmen  De  Mar- 
tyrio  D.  Cassiani  (Cologne,  1508,  in-80  )  ;  — 
Severini  Boethiï  De  Consolatione  Philosophix 
(Cologne,  1516,  in-4°); —  Persïi  Salyrse  (Co- 
logne, 1522,  in-12);  —  Baptistx  Mantuani 
Bucolica  (Anvers,  1540,  in-8°),  etc.  K. 

Valère  André,  Hibl.  Belgica,  542-543.  —  Sweert, 
Athenee  Belgicm ,454.  *-M.  Adam,  Vitx  German.  Philo- 
soph  —  Le  Mire.  Elngia.  —  i.  Revins,  Daventria  illus- 
trata,  138.  —  C.  Loos,  Hlustrium  Germanise  Script.  Ca- 
talogus.  —  rçiceron,  Mémoires,  XXXIV.  —  l'aquot,  Mé- 
moires, XII. 

MURNER  (Thomas),  célèbre  auteur  satirique 
allemand,  né  à  Strasbourg,  le  24  décembre  1475, 
mort  vers  1536,  probablement  à  Heidelberg. 
Entré  de  bonne  heure  dans  l'ordre  des  Francis- 
cains ,  il  fréquenta ,  après  s'être  fait  recevoir 
maître  es  arts  à  Paris ,  les  universités  de  Fri- 
bourg ,  de  Col'ogne,  de  Bostock  ,  de  Prague,  de 
Vienne  et  de  Cracovie  ;  dans  cette  dernière  il 
obtint  le  grade  de  bachelier  en  théologie  ;  il  y  fit 


1017 


MURNER 


1018 


des  cours  sur  une  nouvelle  méthode,  inventée 
par  lui,  d'enseigner  la  logique  au  moyen  de  jeux 
de  cartes.  De  retour  à  Strasbourg,  il  attaqua,  en 
1502,  dans  un  pamphlet  violent,  le  projet  émis 
par  Wimpfeling  de  fonder  un  établissement  d'ins- 
truction indépendant  de  celui  qui  était  alors  di- 
rigé par  les  Franciscains.  Il  s'attira  bientôt  des 
contrariétés  qui  lui  firent  quitter  sa  ville  natale. 
Il  passa  d'abord  à  Francfort,  où  ses  sermons, 
remplis,  selon  le  goût  de  l'époque,  d'expressions 
grotesques  ou  d'une  crudité  excessive,  eurent 
assez  de  succès.  En  1506  l'empereur  Maximi- 
lien  le  couronna  à  Worms  du  laurier  poétique. 
Dans  les  années  suivantes,  Murner  mena  une  vie 
errante,  prêchant  ou  donnant  des  leçons  publiques 
à  Fribourg,  à  Berne,  à  Trêves  et  autres  lieux; 
son  humeur  sarcastique,  à  laquelle  il  donnait 
libre  cours  dans  ses  sermons,  lui  créait  de  nom- 
breux ennemis,  ce  qui  l'obligeait  à  changer  si 
souvent  de  résidence.  Il  se  rendit  aussi  en  Italie, 
et  visita,  entre  autres,  Bologne  et  Venise  ;  il  se 
fixa  ensuite  pour  quelques  années  à  Bâle ,  où  il 
fit  des  cours  de  droit.  C'est  à  cette  époque  qu'il 
publia  ses  plus  célèbres  satires  contre  les  mœurs 
de  son  temps.  Dans  l'intervalle  il  avait  obtenu 
le  titre  dé  docteur  en  théologie.  En  1519  il  re- 
tourna à  Strasbourg  et  reprit  son  enseignement 
à  l'école  de  son  couvent.  L'année  suivante  il 
commença  contre  Luther  et  les  disciples  du  ré- 
formateuruneguerre  acharnée  ;  l'ironie  mordante 
de  ses  pamphlets ,  où  il  stigmatisait  les  prédi- 
cations de  l'hérésiarque,  lui  valut  de  la  part 
des  sectaires  une  haine  qui  devait  partout  le 
poursuivre  (1).  En  1523  il  passa  quelque  temps 
à  la  cour  d'Angleterre,  où  il  avait  élé  appelé  par 
Henri  VIII;  de  retour  à  Strasbourg,  il  voulut 
continuer  sa  lutte  contre  les  luthériens;  mais 
les  imprimeurs  refusèrent  de  publier  ses  écrits , 
poussés  qu'ils  étaient  par  les  magistrats  favo- 
rables à  la  réforme.  Il  établit  alors  une  presse 
dans  sa  propre  maison;  mais  peu  de  temps  après 
les  sectaires  excitèrent  une  émeute  contre  les 
moines ,  et  pillèrent  entièrement  le  domicile  de 
Murner,  qui  fut  obligé  de  prendre  la  fuite  pour 
échapper  aux  plus  mauvais  traitements.  Il  se  re- 
tira à  Lucerne,  où  il  obtint  une  cure  et  une 
chaire  de  professeur.  Défenseur  infatigable  de  la 
foi  catholique,  il  assista  en  1526  au  colloque  de 
Bade  en  Argovie,  et  fustigea  avec  sa  verdeur 
habituelle  l'introduction  de  la  réforme  dans  les 
cantons  de  Berne  et  de  Zurich;  en  1529  les  au- 
torités de  ces  deux  cantons  exigèrent  qu'il  fût 
expulsé  de  Lucerne  ,  et  elles  firent  de  cela  une 
des  conditions  de  la  paix  qu'elles  conclurent 
bientôt  après  avec  leurs  confédérés  catholiques  ; 
elles  poussèrent  le  ressentiment  contre  lui  jusqu'à 
lui  faire  retirer,  en  1530,  la  pension  de  cinquante- 

vi)  Parmi  les  nombreux  pamphlets  lancés  contre  lui 
par  les  adhérents  de  Luther,  et  contre  lesquels  il  pu- 
blia une  Defensinn  und  Déclaration  (  Strasbourg,  1521  !, 
nous  citerons  :  Karsthans,  attribué  a  Hutten;  Murnarus 
Leviathan  ;  Murnarus  qui  et  Sclwenliemelein  Oder 
Schmutzholl,  etc. 


deux  florins,  qu'il  recevait  de  son  ancien  cou- 
vent. On  ne  connaît  rien  de  positif  sur  les  der- 
nières années  de  sa  vie  agitée.  Habile  à  saisir 
les  ridicules  des  hommes  de  tous  les  états  et  à 
les  stigmatiser  avec  une  verve  inépuisable,  Mur- 
ner n'a  pas  su  éviter  le  mauvais  goût  de  soi» 
époque;  il  ne  connaît  ni  mesure  ni  convenance; 
mai3  la  plupart  du  temps  il  emporte  la  pièce. 
«  Celui  qui  veut  connaître  les  mœurs  de  ce 
temps,  dit  Lessing,  celui  qui  désire  étudier  la 
langue  allemande  dans  toute  son  étendue,  qu'il 
lise  avec  attention  les  écrits  de  Murner.  Nulle  part 
ailleurs  il  ne  trouvera  aussi  bien  réunies  toutes 
les  qualités  de  cet  idiome  ;  énergie ,  rudesse , 
grossièreté ,  et  tout  ce  qui  le  rend  propre  à  la 
raillerie  et  à  l'invective.  «  On  a  de  Murner  : 
Tractatus  de  phitonico  Conlractu;  Fribourg 
en  Brisgau,  1499,  in-4°  ;  reproduit  dans  le  t.  H 
du  Malleus  Maleficorum  :  dans  cet  opuscule 
l'auteur  raconte  comment  dans  sa  jeunesse  il  de- 
vint paralytique,  et  recouvra  ensuite  l'usage  de 
ses  membres,  tout  cela  par  le  fait  d'une  sorcière; 

—  Invectiva  contra  astrologos  régi  Maximi- 
liano,  contra  Fœderatos,  quosvulgo  Suitenses 
nuncupamus ,  interitum  prxdicentes ;  Stras- 
bourg, 1499,  in-40;—  Nova  Germania;  ibid., 
1502  :  écrit  contre  la  Germania  de  Wimpfeling; 

—  Logica  memorativa,  chartiludium  logices, 
sive  totius  dialecticas  memoria  ;  Strasbourg, 
1509,  in-4»;  Bruxelles,  1509,  in-4°  :  ces  deux 
éditions,  très-rares,  ont  été  suivies  d'une  troisième, 
Paris,  1629,  in-8°;  le  premier,  Murner  eut  l'idée 
ingénieuse  de  faire  servir  les  jeux  de  cartes  à 
l'enseignement  des  sciences;  il  l'appliqua  la  pre- 
mière fois  lorsqu'il  enseignait  à  Cracovie;  la  ra- 
pidité avec  laquelle  ses  élèves  étaient  mis  au 
courant  des  plus  subtils  détours  de  la  logique 
scolastique  lui  valut  d'abord  d'être  soupçonné  de 
magie;  il  exposa  alors  publiquement  sa  manière 
de  procéder.  Voy.  Merdegen,  Schediasma  de 
Th.  Murneri  Logica  memorativa  (Nuremberg, 
1739)  et  Oberlin,  Programma  (Strasbourg, 
1792);  —De  Augustiniana  Hyeronymiana- 
que  Reformationepoetarum  ;  Strasbourg,  1509, 
in-4°;  —  Arma  patientias  contra  omnes  seculi 
adversarios ;  1511  ;  —  Ludus  studentum  Fri- 
burgensium;  Francfort,  1511;  méthode  pour 
apprendre  la  prosodie  latine  au  moyen  d'une 
espèce  de  jeu  d'échecs  ;  —  Von  eelichs  stands 
nutz  und  beschwerden  (  Des  Avantages  et  des 
Peines  de  l'état  deMariage),  in-4°,  sans  indication 
de  lieu  ni  de  date ,  mais  très-probablement  à 
Strasbourg,  1512;  —  Narren-beschwerung 
(Exorcisme  des  fous);  Strasbourg,  1512,  1518 
et  1 524,  in-4° ,  avec  gravures  sur  bois  ;  G.  Wick- 
ram  en  a  donné  une  édition  en  langage  plus  mo- 
derne ,  Strasbourg,  1556  et  1558,  in-4°;  elle  a 
été  réimprimée  à  Francfort,  1 565,  et  à  Strasbourg, 
1618;  cet  ouvrage,  conçu  sur  le  modèle  de  la 
Nef  des  Fous  de  Séb.  Brandt ,  a  servi  de  texte 
à  Murner  pour  les  sermons  qu'il  prêcha  à  Franc- 
fort; —  Die  Schclmenzunft,  Anzeigung  ailes 


Î0I9 


weitlauficien  mutioills,  Schalhheiten  und  Rù- 
bereyen  in  dieser  Zeit  (La  Corporation  des  Fri- 
pons, ou  dénonciation  de  la  malice  générale, 
des  ruses  et  des  fourberies  de  ce  temps),  1512, 
in-4°,  sans  indicalion  de  lieu  ,  avec  gravures  sur 
bois;  Augsbourg,  1513  et  1514,  in-4°  ;  Stras- 
bourg, 1516  et  1558,  in-4°;  Francfort,  1518, 
1567  et  1618,  in  8°;  une  nouvelle  édition,  avec 
notes  et  glossaire  ',  a  été  publiée  par  Waldau , 
Halle,  1788,  in-8°;  une  traduction  latine  de  cette 
satire  mordante  des  vices  de  l'époque ,  résumé 
de  sermons  prêches  par  Murner  à  Francfort,  a 
été  donnée  par  Flitner,  sous  le  titre  de  Nebulo 
Nebulonum,  Francfort,  1620,  1634,  1644  et 
1663,  in-8°;  une  traduction  en  vers  hollandais 
a  paru  en  1645,  in-12;  —  Eine  andàchtig- 
geistlïche  Badenfahrt  (Voyage  dévot  aux 
Bains);  Strasbourg,  15l4,in-4°  :  suite  d'allégo- 
ries du  plus  mauvais  goût ,  où  tous  les  faits  et 
gestes  d'une  personne  qui  se  baigne  deviennent 
autant  d'actes  de  sanctification;  —  Die  Milite 
von  Schwûndelsheim  (Le  Moulin  de  Foliecourt)  ; 
Strasbourg,  1515,  in-4°,  avec  gravures  sur  bois  : 
autre  satire  des  travers  de  l'époque;  —  Char- 
tiludium  Institutionum  Juris;  Strasbourg, 
1518,  in-4°;  Paris,  1629,  in-8°  :  essai  de  faire 
apprendre  les  Institutes  au  moyen  de  jeux  de 
cartes  ;  ce  livre  rare  et  curieux  a  été  décrit  par 
Riederer  dans  ses  Abhandlungen ;  voy.  aussi 
Freytag,  Analecta,  p.  621  ;  —  Die  Gàuchmalt 
(Le  Pré  des  Fous)  ;Bâle,  1519,  in-4°,  etFrancfort, 
1615,  avec  gravures  sur  bois  :  satire  contre 
la  galanterie;  —  Ein  christliche  und  britder- 
liche  Ermanung  an  den  hochgelerten  doc- 
tor  Luter  (  Exhortation  chrétienne  et  fraternelle 
adressée  au  savant  docteur  Luther);  1520,  in-4°; 
—  Von  doctor  Lûters  Leren  und  Prediqen 
( Des  Doctrines  et  des  Prédications  du  docteur 
Luther);  1520,  in-4° ;  —  Von  dem  Babsten- 
thum  das  ist  von  der  hôchsten  Oberkeyt 
christlichs  Glaubens  wider  doc/or  Luther 
(  De  la  Papauté  ou  de  l'Autorité  suprême  en  ma- 
tière de  foi  chrétienne,  contre  le  docteur  Lu- 
ther); Strasbourg,  1520,  in-4°;  —  An  den  Adel 
tûtscher  Nation  das  sye  den  christ  lichen 
Glauben  beschirmen  wyder  Martinum  Lu- 
ther (Adresse  à  la  Noblesse  allemande,  pour 
qu'elle  défende  la  foi  chrétienne  contre  Martin 
Luther);  Strasbourg,  1520,  in-4°;  —  Ob  der 
Kiinïg  uss  Engelland  ein  Liigner  sey  oder  der 
Luther  (  Lequel  des  deux  est  un  menteur,  ou 
le  roi  d'Angleterre  ou  Luther);  ibid.,  1522, 
în-4°  ;  —  Von  dem  grossen  Lutherïschen  Nar- 
ren  (Ce  grand  fou  de  Luther);  1522,  in-4°; 
Zurich,  1848  :  satire  des  plus  spirituelles,  mais 
où  abonde  le  gros  sel  ;  —  Ain  vew  Lied  von 
dem  Untergang  des  christlichen  Glaubens 
(Nouveau  Cbant  sur  la  décadence  de  la  foi  chré- 
tienne); in-4°,  sans  lieu  ni  date  :  pamphlet 
contre  Stieffel ,  qui  avait  pris  fait  et  cause  pour 
Luther;  —  Dispntacion  von  den  XI L  Orfen 
der  Eidgenossenschaft  von  wegen  der  Einig- 


MURNER  —  MURPHY  1020 

lieit  in  christlichen  Glauben  zu  Baden  1526 
gehalten  (  Dispute  sur  l'unité  en  la  foi  chié- 
lienne  tenue  en  1526  à  Baie,  par  les  "douze  can- 
tons de  la  Confédération  )  ;  Lucerne,  1527,  in-4°; 
—  Der  lutherïschen  Kirchendieb  und  Ketzer 
Kalender  (Almanach  des  Hérétiques  luthériens, 
pilleurs  d'églises);  1527,  in-fol.;  avec  gravures 
sur  bois:  ingénieuse  pièce  satirique,  reproduite, 
1804,  in-8°,  par  les  soins  de  Waldau;  —Das 
unchristlich  Frevel  der  Herrschaft  von  Bern 
wider  die  Heiligeschrifften  (  Attentat  anti- 
chrétien  des  autorités  de  Berne  contre  les  saintes 
Écritures);  Lucerne,  1528,  in  4°  ;  —  DieJGotts- 
heilige  Mess  (La  sainte  Messe  divine)  ;  Lucerne, 
1528.  Murner  a  traduit  le  premier  en  alle- 
mand Y  Enéide  de  Virgile;  Strasbourg,  1515, 
in-fol.,  avec  gravures  sur  bois;  Worms,  1545; 
léna,  1606,  etc.  11  a  aussi  donné  le  premier  une 
version  en  cette  langue  des  Instituas  de  Jus- 
tinien;  Bâle,  1519  et  1520,  in-4°.  E.  G. 

Waldau,  Nachrichten  von  Murners  Leben  (Nurem- 
berg, 1775,  in-S°).  —  Deutsches  Muséum  (années  1779  et 
1780).  —  Flôgel,  Geschichte  der  Komischen  I.iteratur, 
t.  l'IfT.  —  Panzer,  Annulen  der  àtteren  deutschen  Lite- 
ratur.  —  Jôrdens,  Lexikan.  —  Strobel,  Heitràoe  zur 
deutschen  Literatur.  —  Jung,  Beitràge  zur  Geschichte 
der  Reformation  (Strasbourg,  1830).  —  Scheible,  Das 
Kloster.  —  Gervinus,  Geschichte  der  deutschen  Naaonal- 
Literatur. 

mitrphy  (Arthur),  littérateur  anglais,  né 
le  27  décembre  1727,  à  Clooniquin  (Irlande), 
mort  le  18  juin  1805,  à  Knightsbridge.  n'était 
fils  d'un  armateur  de  Dublin,  qui  périt  en  1729  dans 
un  naufrage.  Après  avoir  fait,  de  bonnes  études  au 
collège  anglais  de  Saint-Omer,  il  fut  placé  chez 
un  de  ses  oncles  qui  avait  une  maison  de  ban- 
que à  Cork  (1741).  En  1751  il  suivit  sa  mère  à 
Londres.  Bientôt  il  abandonna  la  carrière  com- 
merciale, pour  laquelle  il  avait  une  répugnance 
naturelle,  et  se  fit  auteur  ou  plutôt  journaliste  ; 
car  il  débuta  par  la  fondation  d'une  feuille  heb- 
domadaire, intitulée  The  Gray's  Inn  Journal  et 
rédigée  sur  le  plan  du  Spectator.  Cette  revue 
critique,  bien  que  superficielle,  lui  procura  des 
amis  et  quelque  réputation  ;  il  la  fit  paraître 
pendant  deux  ans  (21  octobre  1752,  12  octobre 
1754).  Lorsqu'il  fut  obligé  d'en  suspendre  ia  pu- 
blication, il  se  trouvait  à  bout  de  ressources  et 
de  plus  fort  endetté.  Un  fameux  acteur  du 
temps,  Foote,  lui  ayant  conseillé  de  monter  sur 
les  planches,  Murphy  parut  à  Covent-Ganlen, 
dans  le  rôle  d'Othello,  et  joua  ensuite  à  Drury 
Lane;  quoiqu'il  n'eût  obtenu  qu'un  succès  mé- 
diocre, il  se  retira  au  bout  de  l'année  avec  une 
assez  bonne  somme,  qui  lui  permit  de  reprendre 
le  cours  de  ses  travaux  littéraires.  En  même 
temps  qu'il  étudiait  le  droit  à  Liucoln's  lnn,  il 
rédigea  un  journal  politique,  The  Test  (1757), 
pour  appuyer  l'administration  de  Fox,  depuis 
lord  Holland.  Reçu  avocat  en  1762.,  il  com- 
mença de  plaider  ;  mais  il  est  probable  qu'il  écri- 
vit [tins  de  pièces  de  théâtre  que  de  mémoires. 
Un  journal  The  Audi tor,  qu'à  la  même  époque 
il  entreprit  en  faveur  de  lord  Bute,  n'eut  qu'une 


1021  MURPHY 

existence  éphémère.  En  1763  il  alla  grossir  le 
nombre  des  hommes  de  loi  du  circuit  de  Nor- 
folk, et  vendit  sa  charge  en  1788.  Par  l'intermé- 
diaire de  lord  Loughborough,  il  obtint  une  place 
de  commissaire  des  faillites,  puis  une  pension 
de  200  livres,  qu'il  dut  peut-être  moins  à  ses  ta- 
lents qu'à  sa  haine  contre  la  révolution  fran- 
çaise. Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Tke  liées, 
poëme  en  quatre  chants,  imité  du  livre  XIV  du 
■Prxdtum  rusticum  du  P.  Vanière;  —  Beli- 
■sarhw ;  Londres,  1791  ,  in-8«;  trad.  de  Mar- 
montel; —  une  traduction  de  Tacite;  Londres, 
1793,  4  vol.  in-4°,  avec  un  supplément  histo- 
rique et  des  notes;  c'est  tin  travail  peu  estimé  ; 

—  Life  qf  Garrick;  Londres,  1801,  2  vol. 
in-8°;  trad.  en  français.  Il  a  écrit  aussi  une 
vingtaine  de  pièces,  dans  lesquelles  il  a  mis  à 
contribution  les  écrivains  français,  Voltaire,  Cré- 
billon,  De  Belloy,  La  Chaussée,  etc.;  quelques- 
unes  se  sont  soutenues  au  tbéàtre,  par  exemple 
The  Watj  to  Keep  him,  Ail  in  the  wrong, 
Know  yoiir  own  mind,  Three  weeks  after 
marriage,  Désert  island,  comédies.  Murphy  a 
donné  une  édition  des  Œuvres  de  Fielding  et  de 
Johnson,  et  il  a  lui-même  publié  les  siennes  en 
1786  (  7  vol.  in-8°  ).  P.  L— t. 

.Icsse  Foot,  l.ife  of  A.  Murphy  ;  Londres,  Î812,  tn-8". 

-  ■  Baker,  Bioaraphia  Dramatica. 

mitrphy '(James-Cavanah),  antiquaire  an- 
glais, né  en  Irlande,  mort  en  1816.  Les  rensei- 
gnements font  défaut  sur  la  première  partie  de 
"sa  vie.  Il  est  à  présumer  qu'il  avait  fait  une 
élude  approfondie  de  l'architecture  et  des  anti- 
quités. En  1788  il  résidait  à  Dublin,  où  il.  s'était 
lié  d'amitié  avec  William  Conyngbam,  qui  en 
1783  avait  fait  une  excursion  en  Portugal-.  Il 
s'embarqua  pour  ce  dernier  pays  à  la  fin  de  cette 
même  année,  et  à  peine  arrivé  à  Oporto,  il  se 
rendit  au  monastère  de  Batalha,  dont  l'église  est 
un  des  plus  beaux  monuments  du  style  gothi- 
que. Puis  il  visita  Lisbonne  et  les  provinces 
méridionales,  et  revint  à  Londres  en  1790.  Le 
résultat  de  ce  voyage  se  trouve  dans  les  trois 
ouvrages  suivants:  Plans,  Elévations,  Sections 
and  Views  of  the  Church  of  Batalha,  with  the 
history  and  description  by  Luis  de  Sousa, 
with  remarks ,  to  which  is  prefixed  an  in- 
troductory  discourse  on  the  principles  of 
gothic  architecture  /Londres,  1792-1795,  in-fol. 
avec  27  pi.  :  cet  ouvrage,  qui  coûta  1,000  liv., 
fut  entrepris  aux  frais  de  Conyngham;  —  Tra- 
vels  in  Portugal  through  the  provinces  of 
Entre-Douro-e- Minho,  Beira,  Estremadura 
■and  Alemlejo,  con^isting  on  the  manners, 
customs,  trade,  public  buildings,  antiqui- 
ties  of  that  kïngdom ;  Londres,  1795,in-4°, 
pi.  ;  trad.  en  français  par  Lallemant  (  Paris, 
1797,  in-4°  ou  2  vol.  in-8-)  ),  et  en  allemand  par 
Sprengel.  Malgré  les  erreurs  et  les  négligences 
qu'y  a  relevées  Ranque,  dans  ses  Lettres  sur  le 
Portugal,  cet  ouvrage  est  précieux  en  ce  qu'il 
fait  connaître  d'une  manière  agréable  et  souvent 


—  MURR 


\0T2 


instructive  un  pays  que  l'on  avait  jusque  là  re- 
présenté comme  peu  digne  d'attirer  l'attention 
des  artistes  et  des  voy9geurs  ;  —  A  gênerai 
Wiew  of  the  State  of  Portugal,  conlaining  a 
topographical  description  thereof,  together 
with  observations  on  the  animal,  vegelable 
and  minerai  productions  of  its  colonies,  the 
whole  compiled  from  the  best  Porluguese 
writers;  Londres,  1797  ou  1798,  in-4°,  pi.  Au 
printemps  de  1 802  Murphy  arriva  en  Espagne, 
et  y  demeura  pendant  sept  ans ,  résidant  prin- 
cipalement à  Sévilleou  à  Cordoue.  De  retour  en 
Angleterre,  il  consacra  le  reste  de  sa  vie  à  ras- 
sembler ses  matériaux  et  à  en  surveiller  l'im- 
pression. Les  ouvrages  qui  se  rapportent  à  celte 
période  sont  :  The  Arabian  Antiquities  of 
Spain;  Londres,  1813-1815,  gr.  in-fol.,  avec 
97  pi.,  gravées  par  Le  Keux  et  autres  habiles 
artistes;  —  The  History  of  the  Mahometan 
Empire  in  Spain,  conlaining  a  gênerai  his- 
tory of  the  A  rabs  to  their  expulsion  ;  Londres, 
1816,  in-4°  :  ouvrage  plus  soigné  et  plus  exact 
que  les  précédents.  Nous  devons  ajouter  que 
Murphy  a  signé  du  seul  prénom  de  James  ce  qui 
a  trait  à  son  voyage  de  Portugal,  et  du  double 
prénom  James-Cavanah  ses  derniers  ouvrages. 

P.  L_Y. 

Cyclop.  of  English  Literature  (  Biogr.  ). 

murphy  (  Robert  ),  mathématicien  anglais, 
né  en  1806,  à  Mallow  (Irlande),  mort  le 
12  mars  1843,  à  Londres.  Fils  d'un  pauvre  cor- 
donnier, il  manifesta  dès  l'âge  de  treize  ans  des 
dispositions  extraordinaires  pour  les  mathéma- 
tiques; un  instituteur  de  Mallow  se  chargea 
gratuitement  de  faire  son  éducation,  et  en  1825 
il  obtint  une  bourse  à  l'université  de  Cambridge. 
A  cette  époque  il  avait  déjà  publié  différents  ar- 
ticles dans  les  journaux ,  résolu  de  nombreux 
problèmes  qu'on  lui  proposait  et  publié  la  réfu- 
tation d'une  prétendue  méthode  de  faire  un  cube 
double  d'un  cube,  simple.  En  1829  il  devint 
agrégé  (felloiv)  du  collège  de  Caïus.  Bientôt 
après  il  contracta  des  habitudes  de  dissipation-, 
et  donna  par  sa  mauvaise  conduite  un  tel  scan- 
dale qu'il  fut  obligé  de  quitter  l'université  (dé- 
cembre 1832).  Après  avoir  passé  quelques  an- 
nées dans  son  pays,  il  vint  à  Londres  (  1836),  et 
fut  en  1838  nommé  examinateur  des  sciences  à 
l'université  de  Londres.  Malgré  sa  bonne  volonté, 
il  ne  put  venir  à  bout  de  satisfaire  ses  créan- 
ciers, et  il  mourut  dans  la  gêne,  à  l'âge  de  trente- 
sept  ans.  On  a  de  lui  :  Elementary  Princi- 
ples of  the  Theory  of  Electricity  ;  Cambridge, 
1833,  in-8°;  —  A  Treatise  on  the  Theory  of 
algebraical  Equations  ;  Londres,  1839,  in-8»; 
—  des  mémoires  dans  les  Philosophical  Trans- 
actions deCambridgeet  de  Londres.      P.  L — y. 

Cyclop.  of  English  Literature  (  Biogr.). 

mcrr  (Christophe-Théophile) ,  érudit  alle- 
mand, né  à  Nuremberg,  le  6  août  1733,  mort  dans 
cette  ville,  le  8  avril  1811.11  étudia  à  Alldorf  les 
belles  lettres  et  les  sciences,  et  visita  la  Hollande, 


1023  MURR 

l'Angleterre  et  le  Nord  de  l'Italie.  Les  biblio- 
thèques et  les  archives  de  ces  divers  pays  attirèrent 
surtout  son  attention.  De  retour  à  Nuremberg  en 
1 763,  il'y  fut  nommé  directeur  des  douanes.  Fami- 
lier avec  la  plupart  des  langues  de  l'Europe,  il 
entretenait  une  vaste  correspondance  avec  les  sa- 
vants les  plus  distingués  de  son  temps.  En  1807, 
il  fut  nommé  correspondant  de  l'Institut  de 
France.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Corn- 
mentatio  de  Re  Diplomatica  Frederici  Ilim- 
peratoris';  ibid.,  1756,  in-4*;  —  Disquisitio 
diplomatica  de  Comitiis  Friderici  II  impe- 
ratoris  Norimbergx  celebratis ;  Nuremberg, 
1760,  in-4°;  —  Essai  sur  l'histoire  des  tra- 
giques grecs  ;  ibid.,  1760,  in-8°;  —  Nachrich- 
ten  von  verschiedenen  noch  lebenden  gelehr- 
ten  in  England  und  Italien  (  Notices  sur  di- 
vers savants  actuellement  vivants  en  Angleterre 
et  en  Italie  );  Nuremberg,  1770,  in-8";  —  Bi- 
bliothèque portative  de  Peinture,  de  Sculp- 
ture et  de  Gravure;  Francfort,  1770,  2  vol. 
in-8°  ;.  catalogue  raisonné  de  tous  les  ouvrages 
concernant  les  arts  du  dessin  ;  —  Journal  zur 
Kunstgeschicht e  und  zur  allgemeinen  Litte- 
ralur  (  Journal  pour  l'histoire  de  l'Art  et  pour 
la  Littérature);  Nuremberg,  1775-1789,  17  par- 
ties, in-8°  ;  suivi  d'un  Neues  Journal,  Leipzig, 
1798-1800,  3  parties,  in-8o-,  —  Abbildungen 
der  Gemalde  und  Aller thùmer  von  Hercula- 
nuin  (Monuments  et  Antiquités  d'Herculanum  )  ; 
Augsbourg,  1777-1782,  6  vol.  in-fol.,  avec  plan- 
ches ;  un  septième  volume  parut  à  Nuremberg, 
1793 ,  in-fol.;  —  Diplomatische  Geschichle 
des  Ritters  Behaim  (  Histoire  diplomatique  du 
chevalier  Behaim  );  Nuremberg,  1778,  in-8°  ; 
Paris,  1801  et  1802,  in-8°  ;  une  traduction  fran- 
çaise en  a  été  donnée  dans  le  Recueil  de  pièces 
intéressantes  (  Paris,  1787)  ;  —  Memorabïlia 
bibliothecarum  Norimbergensium  et  univer- 
sitatis  Altorfinx;Md.,  1786-1791,  3voI.in  8°; 
—  Geschichte  der  Jesuiten  in  Portugal  unter 
der  Verwaltung  des  Marquis  von  Pombal  (His- 
toire des  Jésuites  en  Portugal  sous  l'administration 
du  marquis  de  Pombal  )  ;  Nuremberg,  1787-1789, 
2  vol.  in-8°  ;  —  Beytràge  zur  Geschichte  des 
dreissigjâhrigen  Krieges  nebst  Urkunden  zur 
Geschichte  Wallensteins  (Documents  pour  ser- 
vir à  l'histoire  de  la  guerre  de  Trente  Ans  et  de 
Wallenstein)  ;  ibid.,  1790,  in-8°  ;  —  Notifia  libri 
rarissimi  geographise  Fr.  Berlinghieri  Floren- 
tini  ;  ibid.,  1790,  in-8»;  —  Specimina  antiquis- 
simas  Scripturx  grxcx  cursivx  ante  Vespa- 


1024 
siani  tempora;  ibid.,  1792,  in-ol.;  suhi  d'une 
Collectio  amplissima  Scrip/orum  de  Klinodiis 
S.  R.  Imperii  Germanici,  de  coronatione  lm- 
peratoris,  atque  de  rege  Romanorum  et  etec- 
toribus;  ibid.,  1793,  in-8°;  —  Catalogus  Epis- 
tolarum  autographarum  personarum  cele- 
brium;  ibid.,  1797  et  1804,  in-8°,  suivi  de  j 
Chirographa  personarum  celebrium;  Wet 
mar,  1804,  5  parties,  in-fol.,  avec  planches; 
—  Vber  den  wahren  Ursprung  der  Rosen 
kreuzer  und  des  Freymaurordens  (  Sur  lé 
véritable -Origine  des  Rose-Croix  et  des  Francs 
Maçons);  Sulzbach,  1803,  in-8°  ;  — Beytragt 
zur  arabischen  Litteratur  (Documents  sur  1« 
Littérature  arabe);  Erlangen,  1803,  in-4°;  -1 
De  papyris  seu  voluminibus  grxcis  Hercu 
lanensibus  Commentatio  ;  Strasbourg,  1804 
in-8°  ;  —  Beytràge  zur  Geschichte  der  al 
testen  Kupferstiche  (  Documents  pour  servir 
l'Histoire  des  plus  anciennes  Gravures  )  ;  Augs 
bourg,  1804,  in-4°;  —  Bibliothèque  glyptc 
graphique  ;  Dresde,  1804,  in-8°  ; —  Adnota 
tiones  ad  bibliothecas  Hallerianas  botani 
cam,  anatomicam,  chirurgicam  et  medicam 
cum  variis  ad  scripta  M.  Serveti  pertinent; 
bus  ;  Erlangen,  1805,  in-4°;  —  Nachricht  iibe 
Giordano  Bruno  und  seine  Schriften  (  No  S 
tice  sur  Giordano  Bruno  et  ses  écrits  );  180J 
in-8°;  —  Literarische  Nachrichten  ûbe 
die  sogenannten  Goldmacher  (  Notices  litK 
raires  sur  les  prétendus  faiseurs  d'or  )  ;  Leipzi 

1805,  in-8°; —  Vber  die  Ermordung  Wa 
tens teins  (Sur  l'Assassinat  de  Wallenstein);  Hall< 

1806,  in-8°;  —  Fersuch  einer  Geschichte  de 
Juden  in  Sina  (  Essai  d'une  histoire  des  Juil 
en  Chine  );  Halle,  1807,  in-8°.  Murr  a  encoi 
écrit  presque  tout  le  texte  de  YHorlus  nitidi 
simus  de  Trew  et  donné  un  grand  nombre  è 
traductions  annotées  de  divers  ouvrages  angla 
et  espagnols.  Parmi  les  ouvrages  qu'il  a  Iaiss< 
en  manuscrit  et  dont  il  publia  lui-même  la  lisl 
en  1805,  nous  citerons  :  Anecdota  Leibnïtziam 
Analecta  Spinoziana;  Notitix  typographie 
una  cum  chartulariorum,  ab  anno  1319  a 
1500.  Le  catalogue  de  sa  belle  bibliothèque 
qu'il  légua  au  docteur  Colmar,  mais  dont  celu 
ci  vendit  une  grande  partie,  pour  acquitter  1< 
dettes  de  Murr,  qui  s'était  ruiné  dans  son  zè 
pour  l'instruction  de  ses  semblables,  a  été  p 
blié  par  J.-Ferd.  Roth.  O. 

Will,  Nûrnbergisches  Gelehrten-Lexikon,  t.  II,  et 
Supplément  de  Nopitsch,  t.  II  et  IV.  —  Meuse!,  Gelelirt 
Deutschland. 


FIN  DU    TRENTE-SIXIEME   VOLUME. 


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